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German Pages 248 Year 1977
Linguistische Arbeiten
39
Herausgegeben von Herbert E. Brekle, Hans Jürgen Heringer, Christian Rohrer, Heinz Vater und Otmar Werner
Christian Rohrer
Actes du Colloque franco-allemand de Linguistique théorique
Max Niemeyer Verlag Tübingen 1977
CIP-Kurztitelaufnahme der Deutschen Bibliothek Colloque Franco-Allemand de Linguistique Théorique Actes du Colloque Franco-Allemand de Linguistique Théorique / Christian Rohrer. - 1. Aufl. - Tübingen : Niemeyer, 1977. (Linguistische Arbeiten ; 39) ISBN 3-484-10259-4 NE: Rohrer, Christian [Hrsg.]
ISBN 3-484-10359-4 © Max Niemeyer Verlag Tübingen 1977 Alle Rechte vorbehalten. Ohne ausdrückliche Genehmigung des Verlages ist es auch nicht gestattet, dieses Buch oder Teile daraus auf photomechanischem Wege zu vervielfältigen. Printed in Germany
INHALTSVERZEICHNIS
Vorwort
VII
1. SYNTAX Nicolas Huwet: Les "noms de qualité". - Pour une analyse interprétative Jean Claude Milner: A propos des génitifs adncminaux en français
1 67
J. Cl. Chevalier: Note sur les parties du discours: l'infinitif, verbe ou adverbe
109
Lyle Jenkins: Movement Transformations as Interpretive Rules in the Extended Standard Theory
115
2. PHONOLOGIE François Dell: Paramètres syntaxiques et phonologiques qui favorisent l'êpenthèse de schwa en français moderne
141
B. de Cornuli&r: Le remplacement d'e muet par "ê" et la morphologie des enclitiques
155
3. SEMANTIK E. König: Temporal and Non-temporal Uses of 'Noch' and 'Schon' in German C. Rohrer: Double terms and the Bach-Peters paradox F. Guenthner: Quantifications without Variables
181 205 219
Christoph Schwarze: Le lexique dans une graimaire comparée du français et de l'allemand
231
VORWORT
Der vorliegende Band enthält die Akten des zweiten deutsch-französischen Kolloquiums. Das Kolloquium wurde von französischer Seite von N. Ruwet (Université de Paris VIII) organisiert. Für die deutsche Seite war C. Rohrer (Universität Stuttgart) zuständig. Während beim ersten deutsch-französischen Kolloquium die Beschreibung des Französischen im Rahmen der transformationeilen Granmatik die wichtigste Rolle spielte, wurden beim zweiten Kolloquium neueste Entwicklungen in der transformationellen Granmatik und in der logischen Serrantik diskutiert. Die französischen Teilnehmer hielten Referate, die primär transformationeil orientiert waren. Sie wurden dabei unterstützt von einer Reihe von M.I.T. Absolventen. Von deutscher Seite wurden drei Vorträge gehalten, bei denen die kategoriale Granmatik im Zentrum stand. Dazu kamen Beiträge im Rahmen der Montague-Granmatik scwie eine Untersuchung wissenschaftstheoretischer Fragen (Klassifizierung bestehender linguistischer Theorien). Die meisten Vorträge des Kolloquiums werden in diesem Band veröffentlicht. Einige Autoren hatten jedoch schon an anderer Stelle eine Veröffentlichung ihres Beitrags zugesagt, und anderen war es nicht möglich, rechtzeitig ein endgültiges Manuskript einzureichen. Es handelt sich um folgende Themen: L. ftqvist (Universität Stuttgart und Uppsala), Logic of action and analysis of tenses. J.P. Boons (Université de Paris VII), Sous-catégorisation stricte et compléments de lieu - le problème de "charger". R. Carter (Université de Paris VIII), On the relation between syntax and lexical meaning. G. Fauconnier (C.N.R.S), Polarité pragmatique et sémantique. R. Kayne (Université de Paris VIII), Possession inaliénable et générique. H.G. Obenauer (Université de Paris VIII und Uni Stuttgart), A propos du "pronom interrogatif" QUE. H. Schnelle (Universität Bochum), Basic aspects of grammatical form. A. von Stechow (Universität Konstanz), Apposition. Th. Vennemann (Universität München), Categorial grammar and its relevance for word order. 1
Siehe C. Rohrer und N. Ruwet, Actes du colloque franco-allemand de grammaire transformationnelle, Linguistische Arbeiten Bd. 13 und 14, Tübingen, 1974.
VIII Ich möchte der Deutschen Forschungsgemeinschaft recht herzlich danken für die finanzielle Unterstützung des Kolloquiums. Ferner danke ich don Direktor des Institut Français in Stuttgart, Herrn Gilbert Gehring, der uns liebenswürdigerweise die Räume seines Instituts zur Verfügung gestellt hat und durch einen Empfang am ersten Abend für die richtige Einstimmung der Teilnehmer gesorgt hat. Schließlich dürfen die Verdienste von S. Degener und A. Ener bei der materiellen Organisation und Durchführung des Kolloquiums nicht unerwähnt bleiben.
C. Rohrer
LES "NOMS DE QUALITÉ". - POUR UNE A N A L Y S E
INTERPRÉTATIVE
Nicolas Ruwet (Université de Paris VIII - Vincennes)
There is no surer protection against the understanding of anything than taking for granted or otherwise despising the obvious and the surface. The problem inherent in the surface of things, and only in the surface of things, is the heart of things. Leo Strauss, Thoughts on Machiavelli, p. 13. Dans deux études récentes, Jean-Claude Milner (1973, 1975)1 a propose une analyse syntaxique et sémantique des "nans de qualité" en français (en abrégé désormais NQL) . Il s'est, en particulier, attaché à étudier la structure interne des constructions illustrées ci-dessous en (1)-(6), ainsi que les rapports, transformationnels ou autres, qui existeraient entre elles: (1) a. un imbécile de gendarme m'a dressé une contravention b. ce salaud de Pierre a mis du sel dans mon thé (2) a. un gendarme, l'imbécile, m'a dressé une contravention b. Pierre a mis du sel dans mon thé, le salaud (3) a. l'imbécile a cassé le vase b. ce salaud a cambriolé la banque (5) a. 1'imbécile ! b. le salaud! (6) a. imbécile (que je suis)! b. salaud (que tu es)! 1
2
Le texte de 1975 est celui de la thèse d'Etat de Milner, encore inédite, qui reprend et développe, dans sa seconde partie, le chapitre 2 de Milner 1973. Je me suis surtout basé sur la thèse; mais les conclusions essentielles sont les mêmes dans les deux textes. On consultera aussi Milner 1974, qui est repris et développé dans la troisième partie de Milner 1975; Milner 1974 est surtout important pour la discussion de la section 1. Le terme de "nom de qualité", que je reprends à Milner, n'a pour moi qu'une valeur mnémonique, et ne présume aucune analyse. J'introduirai aussi les innovations terminologiques suivantes, elles aussi purement mnémoniques. Pour distinguer les emplois des NQL dans (1), d'une part, et dans (2), d'autre part, je parlerai, dans le premier cas, de NQL "incorporés" (dans un NP), et, dans le second cas, de NQL "détachés" (ou "disloqués"); je parlerai aussi,pour distinguer les constructions de type (1) de celles de type (2), de constructions "incorporées" et "détachées" ("disloquées"). D'autre part, comme Milner, je parlerai d'"énoncé principal" pour désigner ce qui reste d'un énoncé quand on en a retranché le NQL, soit, par exemple, pour (1) a. comme pour (2) a.: un gendarme m'a dressé une contravention.
2 Milner avance une théorie dont on peut résumer les principaux traits dans les propositions suivantes: (A) (i) Les NQL (salaud, imbécile, etc.) se distinguent sêmantiquement des rôtis ordinaires (gendarme, professeur, etc.) en ce qu'ils sont "non-classifiants"; (ii) ils sont marqués dans le lexique d'un trait [+qualitê]. (B) (i) Les constructions de forme Nj de N2 (cf. (1)) sont engendrées telles quelles dans la base; (ii) dans ces constructions, le
(gendarme, Pierre)
est la "tête" du syntagme nominal; (iii) ce /'/g est un /l/'3. (C) Dans ces mêmes constructions, (i) le Nj est un N"; (ii) ce N" est donine par m
noeud syntaxique Qualité; (iii) ce noeud Qualité est lui-même dominé
par le Spec,N '. On a donc la structure suivante^: (7)[
S-"- [ N" [ Spec, N '--- [ Qualité ""]]»"]...]
(D) Les syntagmes nominaux du type illustré par (3) sont en fait du type Nj de N21 corme ceux de (1)^; imbécile, salaud, sont en position de Nj, et la position {¡2 est occupée par un pronom (Pro) ou par un élément non-spécifié (A), qui n'apparaît pas en surface. (E) (i) Il existe une relation transformationnelle entre les phrases de type (1) et celles de type (2) ; cette relation va dans le sens (1) ->• (2) : une règle dite de "dislocation qualitative" (en abrégé DISQUAL) extrait le il. des syntagmes de ^ a forme Nj de N2 pour le placer dans diverses positions de surface ; (iii) DISQUAL 3
4 5
6
Milner se réfère ici à l'analyse interne des syntagmes nominaux proposée par Chomsky 1972. Chomsky utilise la notation "barre"; Milner, pour des raisons de commodité typographique, utilise la notation "prime", et je le suivrai sur ce point. Rappelons que, selon cette analyse, un NP est un N" ; il s'analyse en Spec,N' (correspondant au déterminant) + N'; le N' s'analyse lui-même en un N, suivi éventuellement de compléments. Je ne m'occuperai pas de la manière dont Milner rend compte de la présence de la préposition de dans les constructions incorporées. Le traitement qu'il en donne semble plausible. En fait, Milner maintient que les phrases (3) sont structuralement ambiguës. Elles pourraient aussi avoir une structure dans laquelle imbécile, salaud, sont simplement le nom tête du NP; cette structure correspondrait à un emploi "classifiant" des NQL. Voir plus loin, section 1. Milner distingue deux processus successifs: la règle de DISQUAL proprement dite, et une règle (ou une convention) qui rend compte des diverses positions de surface possibles des NQL détachés. Je ne m'occuperai guère de ce second processus. Pour éviter les confusions possibles entre NQL détachés et apposés, je choisirai autant que possible des exemples où le NQL figure à la fin de la phrase, comme en (2) b. Le NQL détaché apparaît accompagné tantôt du déterminant le, tantôt de ce. Je m'en tiendrai à des exemples en le; les NQL détachés en ce me semblent en effet avoir des propriétés différentes (voir par exemple notes 38, 84, 85) et méritent une étude à part.
3 est soumise à des conditions syntaxiques, qui tiennent (a) à la nature pronominale ou non-pronominale (cf. (D)) du
tête, et (b) à la position sujet
v
ou non-sujet du syntagme Nj de il/g» (i ) il n'existe donc pas de relation transformationnelle entre les phrases de type (1) et de type (4); en particulier, Milner critique et rejette une hypothèse qui dériverait les phrases (1) de celles de type (2), dans lesquelles les NQL seraient considérés ccmme des apposés, dérivés de relatives appositives elles-mêmes assimilables aux phrases de type (4) . (F) Les expressions non-propositionnelles des types (5) et (6) reçoivent un traitement spécial. Leur structure interne n'étant pas celle d'une phrase, et cctrtne elles ne peuvent pas être enchâssées, elles sont engendrées, non sous le noeud S, mais sous le noeud E (pour "Expression"), noeud initial, non-récursif, de la granmaire^, au moyen de la règle E
N" (S) ; il est spécifié que seuls
des ncms marqués [+qualité] peuvent être insérés sous le noeud N" dcminê par E. Il n'y a donc pas de relation transformationnelle entre ces expressions Q
et, par exemple, les constructions (1) ou (2) . Milner a fait un travail de pionnier, apporté beaucoup d'observations et soulevé beaucoup de problèmes intéressants. Je suis toutefois en désaccord avec plusieurs de ses conclusions. Sans être encore en mesure de résoudre tous les problêmes qu'il a posés, je voudrais, sur la base d'une critique des propositions (A)-(F), présenter une analyse qui me paraît plus satisfaisante. En bref, je pense que le rôle de la syntaxe au sens strict du terme est plus limité dans l'analyse des NQL que ne le veut Milner; beaucoup de leurs propriétés relèvent plutôt d'une étude sémantique ou même pragmatique. Cette discussion devrait avoir un certain intérêt méthodologique, éclairer la nature de l'argumentation, et le rôle du formalisme, en granmaire gênérative; elle devrait aussi avoir certaines conséquences concernant le débat sur 1'"autonomie" de la syntaxe (voir Chcmsky, 1972, 1975a). Voici, en résumé, les principaux points d'accord et de désaccord: (A') La distinction entre noms "classifiants" et "non classifiants" ne me paraît pas fondée; elle ne justifie pas le recours à un trait lexical [+qualité]. (B') Sur un point essentiel, je suis en principe d'accord avec Milner: les 7
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Pour l'introduction dans la grammaire de la catégorie "Expression", voir Banfield 1973. Voir aussi Culicover 1972, Shopen 1972, 1973, et Quang Phuc Dong 1969. Milner, (1975, 269) associe au noeud E un principe général d'interprétation: "Dans une structure [gw], où w * S, w ne peut être interprété que comme l'expression d'un affect du sujet d'énonciation désigné par E." Ce bref résumé n'épuise pas toutes les propositions de Milner. D'autres apparaîtront au cours de la discussion.
4 syntagmes "Incorporés" illustrés par (1) sont engendrés tels quels dans la base; par ailleurs, il n'est pas clair qu'il y ait un sens à qualifier le N2 de "tête" du syntagme. (C') (i) Il ne me paraît pas évident que le N j soit un N"; (ii) l'existence d'un noeud syntaxique Qualité est injustifiée; (iii) il n'est pas clair que le Nj soit dominé par Speo,N'. La structure interne des syntagmes incorporés est peut-être donc assez différente de celle donnée en (7); elle est peut-être plus simple. (D') Les syntagmes du type de (3) sont simplement des NP ordinaires; la reconstruction d'un Ng "tête" pronominal ne se justifie pas. (E') Il n'y a pas de relation transformationnelle entre les phrases (1) et (2). la règle de DISQUAL est formellement et empiriquement inadéquate. Bien plus, la grairmaire des phrases ne doit spécifier directorient aucune relation, syntaxique ou interprétative, entre (1) et (2). (F1) J'ai des doutes sérieux sur le bien-fondé de 1'introduction dans la grartmaire du noeud initial E. En revanche, il y a un rapport étroit entre les constructions de type (5) et (6) et celles à NQL détaché (cf. (2)). Enfin, le rapport qui existe entre le NQL détaché et le syntagme nominal auquel il renvoie dans (2) est un rapport anaphorique, qui doit être traité essentiellement de la même manière que le rapport qui existe entre les mânes termes dans un discours; par exemple, le rapport entre Pierre et le salaud dans (2) b. est un cas particulier du rapport entre les mêmes termes dans le discours: Pierre a mis du sel dans mon thé. Le salaud est parti sans s'excuser. Je ne développerai pas également tous ces points. Je parlerai quelque peu (à la section 1) du point (A') , sans épuiser le sujet, que je compte reprendre ailleurs. A la section 2, je passerai rapidement sur les points (B') et (C'), sans arriver à des conclusions fermes; pour être éclaircis, ces problèmes exigent une étude d'ensemble de la structure interne du syntagme nominal, étude qui déborde le cadre de cet article et qui dépasse de loin les problèmes propres aux NQL. Dans les sections suivantes, je m'attacherai plus en détail aux points (D'), (E'), (F'), en m'efforçant de montrer que l'analyse par DISQUAL doit être abandonnée au profit d'une analyse qui traite (1) et (2) séparément, et qui unifie le traitement des constructions détachées, des "expressions", et des discours comportant des NQL anaphoriques. Avant d'entrer dans le vif du sujet, une remarque préliminaire s'impose. On verra que je suis souvent en désaccord avec Milner, non seulement sur les analyses, mais aussi sur les faits: nos jugements d'acceptabilité sont souvent différents. Dans l'ensemble, Milner est très restrictif: il refuse beaucoup de
5 constructions que j'accepte. D'une manière générale, il semble que la grartmaire des NQL soit un des domines où on trouve, à la fois le plus de variations dans les jugements, de sujet â sujet, et le plus de phénomènes d'"acceptabilité floue"; ce n'est peut-être pas très étonnant, étant donné le caractère chargé d'affectivité et de subjectivité de ces constructions. Dans le cas précis (et je ne prétends pas que cette heuristique puisse se généraliser à d'autres problêmes), la meilleure tactique m'a semble devoir être la suivante, du moins en un premier temps: je me suis montré assez libéral, et j'ai travaillé sur un "dialecte" assez "permissif" (le mien, d'ailleurs), quitte â essayer, une fois une analyse proposée, de rendre compte des variantes plus restrictives par des conditions spéciales mais naturelles. De toute façon, je m'efforcerai, dans ma critique, de distinguer deux aspects: (a) à supposer que les faits soient tels que Milner les décrit, ses conclusions ne suivent pas nécessairement; (b) pour une majorité de sujets, les faits sont différents, et exigent une analyse différente. 1. Selon Milner, les NQL sont marqués dans le lexique du trait [+qualité], les ncms ordinaires étant marqueés [-qualité]. A mon avis, il s'agit là d'un emploi abusif d'un certain type de formalisme proposé par Chcmsky (1965). Il faut dire qu'une certaine confusion a régné, dans la pratique des grammairiens génêratifs, quant à l'usage des traits lexicaux, qu'ils soient intrinsèques corme ici, ou contextuels (traits de sélection ou de sous-catégorisation stricte). On peut cependant distinguer deux anplois des traits, dont l'un est légitime, et l'autre beaucoup moins. Dans le premier cas, le recours à un trait est destiné â exprimer une bifurcation arbitraire dans le lexique, c'est-â-dire la division d'une classe de mots en deux sous-classes (ou plus), division qu'il est impossible de ramener â la régularité par d'autres moyens. Un exemple typique est le genre granmatical des ncms en français, qu'il est, dans l'ensemble, impossible de prédire par des règles générales; l'existence dans le lexique d'un trait [±masculin](ou [±fêminin])est justifiée, et des règles de redondance lexicale rendront ccmpte des cas où il est possible de prédire le genre à partir d'autres facteurs (le sexe dans le cas des ncms humains par exemple). Dans le second cas, le recours à ion trait fonctionne canne une abréviation ad ho a pour une règle, par exatple une règle interprétative, ou corme une représentation abrégée, égalaient ad hoc, du contenu sémantique de l'item lexical (ou d'une partie de ce contenu); dans ce cas, une analyse plus poussée (par exemple m e analyse sémantique) devrait permettre de faire l'économie du trait en question.
6 Il ne s'agit pas de nier certaines des différences que Milner observe dans le comportement de diverses sortes de noms en français. La question est de savoir si ces différences doivent être rapportées à une distinction, dans le lexique, entre deux classes tranchées. Pour justifier cette distinction, Milner fait appel à deux ordres de considérations, syntaxiques et sémantiques. Syntaxiquemsnt, les noms marqués [-kjualité] se rencontreraient dans des contextes spéciaux, dont seraient exclus en principe les noms marqués [-qualité]. Ce sont par exemple, outre les contextes signalés en (1), (2), (5), (6), ceux de (8) et de (9) : (8) a. espèce de salaud! b. *espêce de médecin! (9) a. Luc a traité Mathieu de salaud *Luc a traité Mathieu de médecin Inversement, les noms [+qualité] sont exclus de certains contextes dans lesquels sont permis les ncms [-qualité], par exemple, la position N 2 dans les constructions incorporées, cf.: (10) a. *Marc est un imbécile de salaud b. Marc est un imbécile de médecin Sémantiquement, les noms [-qualité] sont des "classifiants", les ncms [+qualité] * * 9 sont "non-classifiants". Les premiers auraient une "référence virtuelle"
propre,
dont les seconds seraient dépourvus. La référence virtuelle propre de professeur, gendarme, etc., définit une classe "dont les membres (sont) reconnaissables à des caractères objectifs catmuns" (Milner, 1975, 368), ce qui permet de déterminer la valeur de vérité des énoncés dans lesquels ils apparaissent (par exenple: Pierre est (un) professeur); d'une manière générale, la substitution 9
Par opposition à la "référence actuelle", la "référence virtuelle" est, selon Milner, "le sens (Sinn) linguistique d'une unité lexicale isolée et non pas la référence (Bedeutung) d'un groupe nominal inséré dans un énoncé" (1975, 418). Cette distinction, adaptée de Frege, est proche de celle faite par Gross 1973 entre lexical reference et discourse reference. Selon Frege, "the sense of an expression is ... that part of its meaning which is relevant to the determination of the truth-value of sentences in which the expression occurs" (Dummett 1973, 89). Aussi, "to know the sense of a predicate is to have a criterion for deciding, for any given object, whether or not the predicate applies to that object" (id., 229). Comme, pour Frege, la référence (actuelle) n'est pas une composante de la signification (meaning), je m'en tiendrai simplement ici, sauf exception, aux termes de "sens" et de "référence". Notons que la notion de "sens", ainsi comprise, est neutre vis-à-vis de la distinction entre contenu sémantique au sens strict et information encyclopédique; sur cette dernière distinction, qui pose beaucoup de problèmes, voir par exemple Sperber 1974.
7 dans un énoncé d'un ncm classifiant à un autre affectera la valeur de vérité de cet énoncé (cf. la substitution de gendarme â professeur dans le contexte Paul est un
). En revanche, "il n'existe pas de classe "idiot", "salaud",
etc., dont les membres sont reconnaissables à des caractères objectifs catmuns; la seule propriété ccnrnune qu'on puisse leur attribuer, c'est qu'on profère à leur égard dans une énonciation singulière l'insulte considérée" (...) "Les idiots, ce sont ceux à qui l'on dit: "tu es idiot" (ou "quel idiot")" (id., ibid.). Des ncms carme idiot, salaud, etc., seraient des "performatifs de l'insulte". Une des conséquences de ces différences est que "pourvu que leur propriété performative soit respectée, les Ncms de Qualité sont substituables: entre idiot, imbêaile, salaud, etc., qui ont le marie effet d'insulte, la différence n'est pas bien grande, et une phrase n'est pas profondément modifiée si on remplace l'un par l'autre ... la notion de synonymie n'est pas clairement définie â leur propos" (id., 371). Cette distinction, à première vue séduisante, soulève toutes sortes de difficultés. Notons d'abord qu'on pourrait contester les jugements d'acceptabilité, concernant (8)-(10) notamment; je n'insiste pas lâ-dessus pour le nonent. En second lieu, Milner insiste lui-même sur le fait que les NQL ont tous, dans certains contextes, des emplois classifiants; ainsi (cf. n. 5), les phrases de (3) seraient ambiguës^0. Ceci pose un problème technique: j'imagine que Milner traiterait cette possibilité au moyen d'une règle de redondance disant que, du noins dans certaines conditions, tout ncm marqué [4qualité] reçoit le trait inverse [-qualité]. Cela même est a priori suspect: les règles de redondance ont en général des exceptions, et le recours â ce formalisme prédirait a priori que certains noms sont marqués exclusivement du trait [+qualité]. Cela pose aussi la question du statut des phrases prédicatives carme celles de (4): sont-elles ambiguës? Salaud, imbécile, y sont-ils marques [+qualitê] ou [-qualité]? Enfin Milner admet que, au moins dans les constructions incorporées, on trouve parfois des "non-classifiants" en position de N j (cf. mon professeur de mari, ce gendarme de Paul, etc.); mais il s'agit là pour lui d'un "changement de catégorie", d'un "calembour syntaxique". Pour moi, la distinction tranchée en classifiants et non-classifiants, 10
Cf. Milner 1975, 180. La phrase l'imbécile m'a téléphoné hier a deux interprétations possibles, que l'on peut distinguer selon qu'on y voit une réponse, soit à la question gui a téléphoné hier? (imbécile est un nom ordinaire), soit à Jean a-t-il téléphoné hier? (imbécile est un NQL, employé anaphoriquement). Cf. aussi Milner 1975, 211. Dans la première interprétation, à mon avis, l'imbécile est plus proche d'un nom propre ou d'un sobriquet que d'un nom commun ordinaire.
8 [+qualitê] et [-qualité], est illusoire. L'illusion tient, dans une large mesure, au fait que, dans les exsnples qu'il discute, Milner se cantonne à des cas extrêmes (ncms de métier ccrrme professeur, gendarme, etc., d'un côté, salaud, idiot, etc., de l'autre). Si on considère un plus grand ncmbre d'exemples, l'opposition tranchée fait place â un continuum. Limitons-nous un instant â la construction incorporée; il existe une multitude de noms qui peuvent figurer, avec toutes sortes de nuances sans doute, dans la position ïï2. Il n'est peut-être pas inutile d'en donner une petite liste, nullement exhaustive: (11) bourreau, tortionnaire, tyran, dictateur, traître, capitaliste, (crypto-)communiste, social-démocrate, réformiste, réactionnaire, révolutionnaire, démagogue, ploutocrate, stalinien, trotskyste, maoïste, fasciste, nazi, affameur (du peuple), exploiteur (du peuple), sans-culotte, aristo(crate)...; gendarme, flic, CRS, ...; soudard, caporal, vieux briscard, colonel, samouraï, cathodique), calotin, hérétique, athée, mécréant, païen, curé, ...; métèque, (sale) Juif, (sale) nègre, Amerloque, Rital, Prussien, Flamand, Belge, Parisien, Bulgare, ...; gamin, galopin, garnement, morveux, vieillard, barbon, assassin, voleur, brigand, bandit, gangster, escroc, filou, voyou, fripon, ...; Harpagon, Don Juan, Don Quichotte, Crésus, Judas, Casanova, ...; snob, bas-bleu, comédien, clown, farceur, plaisantin, joyeux drille, arriviste, mandarin, magouilleur, menteur, vantard, grossier merle, malotru, paysan, bouseux, plouc, péquenot, bourgeois, prolo, prolétaire, ...; emmerdeur, casse-pieds, paresseux, tire-au-flanc, ivrogne, fine bouche, froussard, pleutre, lâcheur, ...; mégère, virago, putain, garce, pouffiasse, maquereau, souteneur, taulier, pédé(raste), sadique, masochiste, fétichiste, enculé, lesbienne, cocu, sainte-nitouche, pucelle, puceau, bâtard, ...; analphabète, intellectuel, académicien, avant-gardiste, lacanien, dadaïste, pataphysicien, scribouillard, barbouilleur, philistin, suiveur, ...; taxinomiste, structuraliste, lexicaliste, guillaumien, ...; empiriste, rationaliste, idéaliste, matérialiste, dialecticien, ...; animal, singe, oie, dinde, poule, veau, vache, cochon, âne, pithécanthrope, macaque, requin, crocodile, chameau, ...; con, couillon, trou-du-cul, ... Inutile de souligner la variété des domaines de l'expérience auxquels se rapportent tous ces ncms. L'important est qu'ils ont tous aussi des onplois prédicatifs, par exemple, dont il serait difficile de dire qu'ils ne sont pas "classifiants"; il n'est en général pas possible de les substituer l'un à l'autre sans modifier la valeur de vérité de l'énoncé - par exemple, les attributs de (12)—(14) ne sont pas interchangeables salva veritate: (12) Hiéron de Syracuse était un tyran (13) Epiménide le Cretois était un menteur (14) Falstaff était un ivrogne Que beaucoup de ces termes soient pris dans m
sens métaphorique ou idiomatique,
que beaucoup aient un contenu affectif intrinsèque, en général dépréciatif, ne change rien à l'affaire. (15) a. n'a pas la même valeur de vérité que (15) b., et la coordination de l'un avec la négation de l'autre en (15) c. donne une phrase non-contradictoire:
9 (15) a. Durand est un âne b. Durand est un requin c. Durand est un âne, pas un requin En revanche, (16) a. a exactement les mânes valeurs de vérité que (16) b., mène s'il a en plus un contenu dêpréciatif intrinsèque; la coordination de l'un avec la négation de l'autre donne une phrase contradictoire: (16) a. Joe est un Amerloque b. Joe est un Américain c. Joe est un Amerloque, pas un Américain Outre leur occurrence dans les constructions incorporées, tous ces ncms peuvent 11 ^ figurer dans la plupart des positions typiques des NQL. Meme dans les constructions les plus chargées d'affectivité, celles dont 1'énonciation a ipso facto valeur d'insulte, ils ne sont pas en général sûbstituables sans entraîner des différences serran tique? nettes. Comparer les exsiples a. et b. ci-dessous: (17) a. Danton a traité Robespierre de tyran b. Danton a traité Robespierre de plaisantin (18) a. tu es une dinde! b. tu es une poule! 1 7
(19) a. b. (20) a. b.
quel menteur! quel voleur! espèce de putain! espèce de virago!
(21) a. ce rationaliste de Noam les dérange avec ses idées innées b. cet empiriste de Noam les dérange avec ses idées innées Même si on s'en tient aux exemples paradigmatiques de NQL selon Milner, il est très clair que la substitution de salaud à imbécile, dans n'importe lequel des contextes considérés, aura des effets très différents. Dans (22), le jugement que porte le sujet d'énonciation sur Jules n'est pas le mène en (22) a. et en (22) b. : 11
12
Ce qui ne veut pas dire qu'ils se comportent toujours de manière uniforme dans toutes ces positions. On discutera plus loin (p. 29) certaines différences de comportement dans les constructions détachées. Dan Sperber (communication personnelle) me signale une curieuse différence de comportement de certains noms (les noms de race au moins) dans les contextes sale ! et espèce de ! Si par exemple, je traite X de sale Juif, j'implique effectivement qu'il est de race juive; si en revanche je lui dis: espèce de Juif! je semble impliquer qu'il n'est pas juif, tout en lui attribuant certains traits tenus, à tort ou à raison, pour typiques des Juifs. Ces faits mériteraient une étude spéciale, mais n'ont pas de portée particulière, me semble-t-il, pour la thèse générale que je soutiens ici. Selon Milner, ce type de constructions exclamatives illustre une autre différence entre NQL et noms ordinaires (voir aussi Milner 1974, 97sv): quel salaud!, quel imbécile!, seraient non-ambigus, tandis que quel médecin!,
10 (22) a. ce salaud de Jules a cassé le vase b. cet imbécile de Jules a cassé le vase Dans une insulte, l'emploi de ces deux termes ne sera pas indifférent: un bon disciple de Machiavel ne sera guère ému si, jugeant ses actes, je le traite de salaud; il risque de l'être plus si je le traite d'imbécile. Sans doute, dans des limites assez étroites, il existe des NQL qui sont pratiquement interchangeables, ainsi idiot/imbéoile/arétin/abruti, etc., salaud/ordure/orapule/oanaille, etc., garnement/galopin/morveux, etc. Cela ne veut d'ailleurs pas dire que le choix d'un terme plutôt que l'autre n'entraîne pas des nuances non négligeables. Mais il s'agit là d'un phénomène très général, qui n'est en rien propre aux noms de "qualité". On le retrouve dans d'autres catégories syntaxiques, dès qu'il s'agit de domaines de l'expérience qui intéressent l'affectivité; cf. les séries étonner/surprendre/stupéfier/ abasourdir/êpoustouf1er3 ennuyer/embêter/emmerder/raser/barber/assommer, manger/ bouffer/bâfrer/s'empiffrer, etc.
quel général !, seraient ambigus, exprimant une appréciation positive ou négative. Milner en conclut à une différence structurale: dans quel salaud, quel modifie directement le nom (quel est dans le Spec,N') et salaud est le nom tête, tandis que, dans quel médecin (cf. quel bon médecin, quel mauvais médecin), quel modifie un adjectif abstrait; quel est alors dans le Spec,A' (dans le "déterminant" du AP). Cette analyse soulève plusieurs problèmes sérieux. Tout d'abord, quel ne modifie jamais un adjectif non-épithête, cf. *quel beau est ce ciel!, *quel ce ciel est beau! L'analyse de Milner fait la prédiction inverse. En second lieu, des expressions comme quel foutu salaud, quel pauvre imbécile, sont possibles, parallèlement à quel bon médecin, quel sacré colonel; de plus (contrairement au jugement de Milner), des expressions telles que quelle saloperie de temps, quel salaud de médecin, me paraissent parfaitement acceptables; dans un cas comme dans l'autre, on ne voit pas bien quelle structure leur attribuer dans le cadre proposé par Milner. Ces difficultés, combinées au principe d'Ockham qui nous enjoint de ne pas multiplier les entités abstraites, sauf nécessité absolue, font soupçonner qu'il n'y a pas de différence structurale entre quel médecin! et quel salaud! Dans les deux cas, quel est dans le Spec,N'. (Notons que les faits signalés semblent plus compatibles avec une structure interne du NP de type (38) b. ou (39) qu'avec la structure (38) a.; voir la section 2). Les différences de nuances dans l'interprétation des expressions exclamatives de ce type sont d'ordre purement sémantique (voire pragmatique) et résultent de l'interaction du sens de quel exclamatif (qui reste à déterminer de manière précise) et du contenu lexical (y compris les implications pragmatiques) du nom. Si quel médecin! tend à être interprété soit comme quel bon médecin! soit comme quel mauvais médecin!, c'est à cause de la neutralité affective du contenu de médecin; si quel salaud! tend à être interprété négativement, c'est à cause du contenu sémantique de salaud. Mais quel salaud! peut sûrement être énoncé avec une nuance admirative, tout comme les expressions de (19), qui représentent des cas intermédiaires.
11 Il faut donc renverser la perspective. Il n'y a pas de sens â introduire dans le lexique une bifurcation arbitraire en termes du trait [¿qualité], bifurcation qui rendrait d'ailleurs très mal compte de la productivité des phénomènes en cause. Tous les noms ont un contenu sémantique propre^, et c'est ce contenu sémantique qui - associé â des conditions pragmatiques et â la connaissance du monde en général - détermine le caractère plus ou moins approprié de leur emploi dans les contextes affectifs ou insultants. Dire qu'un idiot est quelqu'un qu'on traite d'idiot nous entraînerait dans un cercle. Si tu es un idiot, ou tu es un salaud, sont pris pour insultants, c'est à cause du sens â'idiot ou de salaud^^. Bien sûr, les critères qui permettent de déterminer l'appartenance de X â la classe des salauds ou à celle des imbéciles sont différents de ceux qui déterminent l'appartenance de Y à la classe des professeurs ou â celle des ccmnunistes. 13 Ce dont témoigne la pratique des dictionnaires traditionnels. Cf. par exemple DFC : Salaud: pop. Personne déloyale. Imbécile: Se dit d'une personne (ou de sa conduite) totalement dépourvue d'intelligence, de compréhension (souvent terme d'injure). Crapule: Individu sans moralité, capable de commettre n'importe quelle bassesse. Etc. Remarquons que, de toute façon, salaud par exemple comporte au moins les traits sémantiques "humain" et "mâle". 14 "Tu es un imbécile, dit Milner (1975, 367), n'est pas, malgré l'apparence, parallèle à tu es un professeur (...) Cette première phrase, à la différence de la seconde, a, par son énonciation même, des effets pragmatiques nécessaires: c'est une insulte." D'où le rapprochement avec les performatifs. Mais notons, si on pense aux situations (plutôt exceptionnelles) dans lesquelles une phrase comme tu es un professeur serait naturelle, que cette phrase aurait aussi une portée "performative" (quoique pas nécessairement insultante) - par exemple, elle pourrait vouloir dire quelque chose comme: "Je te nomme professeur". La critique que je fait rejoint celles que certains philosophes et linguistes ont adressées à l'usage de la notion de performatif (voir Geach, 1972, et Cornulier, 1975). Contre l'idée que les phrases telles que tu es un salaud n'ont pas de contenu descriptif mais sont seulement des insultes, on pourrait adapter un argument de Geach; des phrases de ce genre peuvent tenir leur place dans des raisonnements valides, cf. le syllogisme: "Je ne donnerai jamais la main de ma fille à un salaud. Tu es un salaud. Donc je ne te donnerai jamais la main de ma fille." (cf. Geach 1972, 268). Par ailleurs, il n'est pas non plus tout à fait exact de dire que traiter quelqu'un de salaud, c'est lui dire: "tu es un salaud". On peut traiter quelqu'un de salaud sans le lui dire en face; cf. "Dans un manuscrit inédit, Denis Hill aurait traité Amin Dada de tyranneau de village" (les journeaux, printemps 1975). Pour Milner, traiter est dans cet usage un verbe délocutif, au sens de Benveniste 1966. Disons en passant que la notion de dérivation délocutive, prise comme le veut Benveniste au sens synchronique, serait à regarder de plus près. Il n'est pas vrai par exemple que saluer signifie "dire: salut!" Outre qu'on peut saluer quelqu'un en lui disant "bonjour!", on peut aussi saluer de la main, d'un geste, d'un signe de tête, d'un coup de chapeau (cf. aussi "le sourd-muet m'a salué"). Qu'on pense, en face de j'ai salué le Président de la République, à l'incongruité de j'ai dit "Salut!" au Président de la République.
12 Pour déterminer la valeur de vérité de Jean est un professeur ou de Paul est communiste, il me suffira, en général, par exemple de jeter un coup d'oeil sur la feuille de paie de Jean ou sur la carte de membre du parti de Paul L'infinie variété des comportements qu'on peut tenir pour caractéristiques d'un salaud ou d'un imbécile exclut toute solution simple de ce genre. Mais Milner, notons-le, se heurte â la mène difficulté, puisqu'il admet des emplois classifiants des NQL. De toute façon, entre professeur et salaud, on a un continuum. Soit par exsnple la proposition Staline était un dictateur. Beaucoup de gens (mais sans doute pas une unanimité) seraient d'accord pour admettre qu'on dispose de critères objectifs permettant d'affirmer la vérité de cette proposition. L'accord serait sans doute plus difficile â établir s'agissant de la proposition Staline était un tyran - mais ira-t-on dire que tyran n'a aucune 16
"référence virtuelle propre" et n'est qu' un "performatif de l'insulte"?
Soit
aussi la proposition Pierre est un ivrogne. Ivrogne a sûrement un sens bien délimité (cf. DFC: "Personne qui a l'habitude de s'enivrer"); pourtant, les "caractères objectifs cannuns" qui délimitent la classe des ivrognes risquent de ne pas être faciles à établir. Tel sujet pourra se sentir justifié d'asserter Pierre est un ivrogne (ou de traiter Pierre d'ivrogne) si le malheureux Pierre a l'habitude de boire un whisky tous les soirs avant le dîner; pour tel autre, la phrase ne sera vraie que si Pierre roule régulièrement sous la table et voit des éléphants roses. Etc. Tout simplement, le sens d'un ncm fait intervenir, de manière souvent inextricable, et à des doses très variées, des critères objectifs et des critères subjectifs, plus précisèrent des jugements de réalité et des jugements de valeur. C'est seulement si on refuse toute réalité aux jugements de valeur (sans parler de la question de savoir s'il n'est pas légitime de parler de jugements de valeur rationnels) et si on s'en tient à une conception extrêmement positiviste de la réalité, que la distinction entre "classifiants" et "non-classifiants" peut avoir un sens. Cette position me paraît intenable, et 15
16
Même dans des cas de ce genre, les critères objectifs peuvent être difficiles à trouver (dans un pays où le parti communiste est clandestin, etc.), et des critères subjectifs interviennent: la "référence virtuelle" de communiste varie si l'on est en U.R.S.S., au Chili, dans l'Amérique de McCarthy, etc.
,
Voir le beau livre de Leo Strauss, De la tyrannie (tr. fr., Paris, Gallimard, 1954) . Soit dit en passant, les travaux de ce grand philosophe politique, scandaleusement méconnu, sont très pertinents pour la discussion des rapports entre jugements de valeur et jugements de réalité (voir Leo Strauss, Droit naturel et histoire, tr. fr., Paris, Pion, 1954). Ils contiennent aussi quelques-unes des meilleures analyses du discours que je connaisse, dont nos spécialistes feraient bien de s'inspirer. Voir Persecution and the Art of Writing, The Free Press of Glencoe, 1952, et Thoughts on Machiavelli, Seattle, Washington Paperbacks, 19692.
13 rendrait impossible la construction d'une sémantique des langues naturelles. Il reste que, quand je porte le jugement Pierre est un salaud, je m'engage; en un sens, je me classe autant que je classe Pierre - tandis que quand j'affirme que Pierre est un professeur, en général je ne m'engage pas à grand chose (mais voir la note 14). De toute façon, ici aussi, dans le degré d'engagement du sujet, on trouverait un continuum (voir la note 15). De toute façon, à supposer qu'on puisse trouver, en termes de critères objectifs, une ligne de démarcation entre "classifiants" et "non-classifiants", elle ne nous aiderait pas à rendre canpte du comportement linguistique des nans. En effet, il existe des nems qui, en vertu du critère de l'objectivité, seraient à ranger dans les "classifiants", et qui se colportent carme salaud (dans le cadre (1) par exemple); inversement, il existe des noms dont le sens comporte un jugement de valeur et qui se colportent plutôt comme professeur. Un exanple du premier cas est Amer loque (cf. (16)). Il est clair que la valeur de vérité de (16) a. peut être déterminée, sans ambiguïté, par des critères objectifs (Joe possède un passeport des USA, par exemple); mais, carme Amerloque a, intrinsèquement, un sens dépréciatif (que n'a pas, en principe, Américain), il peut figurer tout naturellement en position AL dans les constructions incorporées, cf. cet 17 Amerloque de Joe porte des cravates abominables . A l'inverse, considérons 17
Cet exemple indique aussi que la distinction entre propriétés permanentes et propriétés occasionnelles n'est pas pertinente à la distinction entre NQL et noms ordinaires - pas plus d'ailleurs que la distinction entre emplois métaphoriques et non métaphoriques: ce tyran de Hiéron terrorisait Syracuse est aussi approprié que ce tyran de Paul terrorise sa famille. Voir la note 23. Il est curieux que Milner ne fasse pas état d'une construction qu'on pourrait trouver typique des NQL, cf.: (i) Pierre est un imbécile d'avoir raté son train (ii) tu es un salaud d'avoir plagié mon livre Il est clair que ces phrases ont un contenu descriptif, et le complément en de VP donne les raisons de la prédication. A condition d'être modifiés par certains adjectifs (vrai par exemple), les noms les plus neutres peuvent figurer comme prédicats de ces constructions. Comparer (iii) et (iv): (iii) tu es un salaud d'avoir collé cet étudiant (iv) tu est un vrai (un fameux) professeur d'avoir collé cet étudiant Ces phrases ont un parallèle, comme me le signale Richard Kayne, phrases à prédicat verbal comme tu as bien fait de prendre cette où aucun NQL n'est présent. Notons en passant que l'existence de comme (i)-(iv) rend douteuse la dérivation de phrases telles que de (vi), puisqu'on n'a pas (vii):
dans des décision, phrases (v) à partir
(v) Pierre serait sage de faire réserver sa place d'avion (vi) il serait sage de la part de Pierre de faire réserver sa plave d'avion (vii) *il serait un salaud de ta part de coller cet étudiant
14
génie. Les "critères objectifs cannuns" qui permettent de décider si X appartient ou non à la classe des génies semblent bien aussi difficiles à déterminer que ceux qui décident si Y appartient ou non à la classe des salauds. Personnellement, je tiens Fritz Lang pour un des plus grands génies artistiques du siècle, Eisenstein pour un cinéaste de second plan, Antonioni et Bergman pour des minables; mais je n'ai pas encore rencontré beaucoup de gens de mon avis ... Pourtant Milner note, correctement, que, en position N^ dans les constructions incorporées (ou d'ailleurs dans le cadre traiter quelqu'un de
), génie se
comporte plutôt cctime professeur que ccrane salaud ou imbécile; il se charge d'une valeur péjorative ou ironique qui n'est pas normalement présente dans son emploi prédicatif (comparer Einstein est un génie à ce génie d'Einstein). Milner raiarque aussi que, au moins dans les cadres du type (1), il existe toute une classe d'adjectifs (foutu, sacré, fameux, beau, pauvre, etc.) qui peuvent se substituer ou se combiner aux il ^. Il les engendre égalanent sous le noeud Qualité. Cf.: (23) a. un sacré (imbécile de) gendarme m'a dressé une contravention b. ce foutu (salaud de) Pierre a mis du sel dans mon thé Mais, en général, il suffit de la présence d'un de ces adjectifs pour que n1 importe quel nom, fût-il le plus neutre des "classifiants", puisse figurer tout naturellement en position N
cf. ce foutu professeur de Marc, ce sacré
linguiste de Noam, etc. Un cas particulièrement net, non relevé par Milner, est celui de l'adjectif prétendu (ou soi-disant), cf. ce prétendu démocrate de Nixon, ce prétendu médecin de Paul. Ce n'est donc pas le contenu lexical d'un ncm, et encore moins la présence dans son entrée lexicale d'un trait [+qualité], mais bien la lecture sémantique globale de la construction, qui détermine le caractère plus ou moins approprié ou naturel d'une construction incorporée. Nous voici arrivés à un point central. L'interprétation sémantique d'une phrase ou d'une construction est toujours fonction de deux facteurs: (a) la lecture sémantique des items lexicaux présents, et (b) l'interprétation sémantique de la structure syntaxique propre à la construction, interprétation qui prend la forme de règles d'interprétation ou de projection (cf. Katz 1972). Soit les constructions incorporées. En première approximation, et informellement, je dirai que, à toute phrase de forme X[ „ Det ... N. de NAY,
15 peut
18
être associée une règle sémantique qui comprend (a) l'assertion d'une
prédication: "/'/, est un N ", et (b) un jugement de valeur, en général dé19 favorable , lié à cette predication. Cette partie de 1'interpretation semantique est indépendante du contenu lexical propre du nom inséré en position N
D'autre
part, l'insertion lexicale d'un nom en position N ^ est libre. L'interprétation globale de la construction sera fonction de la règle en question et du contenu propre des items en position N^ et N^. Plusieurs cas peuvent alors se présenter. Ou bien le nom inséré en position N ^ implique, en vertu de son contenu lexical propre, un jugement de valeur (salaud, idiot, Amerloque, ivrogne, tyran, etc.): il y a donc compatibilité entre l'interprétation de la structure et celle de l'item lexical, et la phrase sera jugée normale. Ou bien on insère en position Nj une séquence "adjectif (dé)valorisant" + ncm (où le non peut être tout à fait neutre en termes de jugements de valeur); l'amalgame des lectures de l'adjectif et du nom donnera à nouveau une lecture (dé)valorisante au tout (i'1 j), et on se retrouve dans le même cas que précédemment. Ou bien, enfin, c'est un nom neutre, dont le contenu lexical n'implique aucun jugement de valeur (professeur, linguiste) qui est inséré, seul, en position N
En ce cas, il y
a conflit entre la lecture de l'item lexical et celle fournie par la structure. La phrase sera alors peu naturelle. Si elle reçoit cependant une interprétation, ce sera grâce à l'intervention de la connaissance du monde et de processus rhétoriques du genre de ceux décrits par Dan Sperber. Je ne m'étendrai pas sur ce point, et je renvoie le lecteur aux travaux de Sperber (1975; voir aussi Sperber 1974)20. Si, à partir de cette discussion, centrée sur les constructions incorporées 18
Cette restriction tient au fait qu'il existe d'autres constructions de forme Nj de N2 (un kilo de pain, une peau de bébé, cette porte de garage) dont il n'est pas évident qu'elles ont une structure syntaxique différente de celle des constructions à NQL (voir la section 2 et des travaux inédits de R.S. Kayne). Si ces diverses constructions se révèlent avoir la même structure, peut-être très simple, il faudra associer à cette structure plusieurs règles sémantiques différentes. La non-ambiguïté, par exemple, de cette porte de garage (comparer à cette merveille de garage) résultera de l'impossibilité de la prédication "ce garage est une porte".
19
Ce n'est pas toujours le cas, cf. cette merveille de robe, cet amour d'enfant, etc. Voir la section 3.1. Je ne comprends toujours pas très bien cette prédominance des jugements défavorables, ni pourquoi les NQL à valeur positive (s'appliquant à des humains) ont un comportement assez idiosyncrasique (amour, crème, voir la section 3.1.), ou prennent en position incorporée une nuance dépréciative (cf. ce génie d'Einstein). Je soupçonne que le déterminant (ce) joue ici un rôle. Notons que des syntagmes de forme ce N (ou N peut être un nom propre) peuvent avoir, à côté de leur lecture déictique ou anaphorique, la même lecture dépréciative qu'on trouve dans ce N^ de N^. Cf. Ah! Ce Pierre, il n'en fera jamais d'autres!
20
Selon les cas, le recours à la connaissance du monde et aux processus
16
et prêdicatives, on revient aux autres différences, syntaxiques et sériantiques, qui selon Milner sépareraient les NQL des noms ordinaires, on voit ces différences disparaître, ou faire place à un continuum. Ainsi, je pense qu'il faut rejeter 21
les jugements tranchés d'acceptabilité portés sur les phrases (8)-(10)
. Plus
précisément, les nuances qu'on trouve dans les intuitions relèvent, non de la grammaire, mais de processus rhétoriques. La part de la granmaire dans la description de ces constructions se ramène à ceci: (a) la syntaxe les engendre (telles quelles); (b) la composante sémantique leur donne une lecture, qui sera fonction, notanment, du contenu lexical de espèce et de traiter-, (c) l'insertion d'un non (dans le contexte espèce de
ou traiter NP de
)
est libre. Milner discute d'autres différences entre NQL et noms ordinaires, dont je n'ai pas encore parlé. Je me bornerai ici à en discuter brièvement deux (voir aussi la note 12). (a) Les NQL sont "référentiellement non-autonomes", canne les pronoms (Milner 1975, 229sv, 366sv). C'est ce qui explique leur eitploi anaphorique. Dans (24), l'interprétation naturelle est que Louis et l'imbécile désignent le même individu; dans (25) en revanche, "l'interprétation naturelle fait intervenir deux individus distincts" (Milner 1975, 236): (24) Louis a claqué la porte; l'imbécile était furieux (25) Louis a claqué la porte; le ministre était furieux
Je ne vois pas pourquoi il faudrait accepter ces jugements. (24) et (25) sont en principe également ambigus; l'imbécile comme le ministre peuvent ou non désigner le même individu que Louis. Le principe général gouvernant l'errploi anaphorique des NP définis semble être le suivant: il faut que la référence virtuelle du N' tête de l'antécédent soit un sous-ensemble possible de la référence virtuelle du N' tête du NP anaphorique. Ce principe est neutre
21
rhétoriques peut suivre des détours plus ou moins complexes. Soit, par exemple: (i) ce dictateur de Franco a fini par mourir (ii) ce lexicaliste de Ray nous bombarde d'articles Ni dictateur (cf. Cincinnatus) ni lexicaliste n'impliquent directement un jugement de valeur. Mais, pour que (i) soit compris et accepté, il suffit de faire appel à l'expérience commune de l'humanité, (ii) exige une élaboration spéciale: il faut être au courant des querelles de sérail entre grammairiens gênératifs, etc. En ce qui concerne (10) a., je ne vois pas comment les règles de Milner le bloqueraient, sauf par un moyen ad hoc, puisqu'il admet des emplois non-classifiants de salaud, etc. De toute façon, on a des phrases telles que Staline était un salaud de tyran, Falstaff était un imbécile d'ivrogne.
17 vis-à-vis de la question de savoir si la référence virtuelle est entièrement déterminée par le contenu sémantique au sens strict de l'item lexical, ou si elle fait appel à la connaissance du monde. Si des nans tels que salaud ou imbécile s1 emploient si naturellement conrne amphores, c'est que - en vertu de l'infinie variété des conportements ou des circonstances qui peuvent justifier l'assertion X est un salaud ou Y est un imbécile - leur référence virtuelle est a priori pratiquement coextensive à celle de nctns humains à contenu très général, tels qa'homme, type, individu, etc. De ce point de vue, (24) a à peu près le m&ne statut que (26)
:
(26) Louis a claqué la porte; l'homme était furieux (b) Les NQL auraient un statut spécial dans les contextes de citation (Milner 1975, 369sv). On sait que ces contextes ont généralemant deux interprétations possibles, de re et de dicto. Dans l'interprétation de diato,Milner distingue deux cas, selon que le sujet d'énonciation, reprenant les termes d'autrui, "y donne son accord et les accepte", ou qu'il "refuse pour lui-même toute validité aux termes qu'il cite." Quand un NQL est en cause dans un contexte de citation, seul le premier cas se présenterait: le sujet d'énonciation 22 Abstraction faite du jugement de valeur que comporte (24). Notons que même les pronoms personnels ont, dans une certaine mesure, une référence virtuelle circonscrite. En français, la référence de il (par opposition à elle) est limitée en principe (il y a certaines complications, cf. J'ai rencontré un vrai laideron. Elle portait une minijupe incroyable.) aux êtres, objets, concepts, qui sont désignés par des noms masculins. Le principe énoncé ci-dessus n'épuise pas les conditions auxquelles est soumis l'emploi anaphorique des NP définis (voir entre autres Lakoff 1969). Il est illustré par les exemples suivants: (i) Harald Berger se trouva subitement nez-à-nez avec un tigre. L'animal lui sauta dessus, (ii) ?Harald Berger se trouva subitement nez-à-nez avec un animal. Le tigre lui sauta dessus. Deux autres considérations viennent encore affaiblir la portée de la distinction tracée par Milner. D'une part, comme d'habitude, on retrouve un continuum. Des discours comme (iii) et (iv) sont parfaitement naturels, avec une interprétation anaphorique ou non anaphorique de tyran ou d'ivrogne: (iii) Louis a claqué la porte; l'ivrogne était furieux (iv) Louis a claqué la porte; le tyran était furieux D'autre part, dans (v): (v) Durand m'a charcuté la jambe; ce salaud de médecin n'en fait jamais d'autres, ce salaud de médecin peut certainement être interprété comme anaphorique de Durand. Comme Milner (cf. (D), p. 2 ci-dessus) fait dépendre la possibilité d'emploi anaphorique des NQL de la présence d'un pronom tête (Pro) sousjacent en position N2, et que cette position est occupée en (v) par médecin, on ne voit pas comment il pourrait rendre compte du rapport dans ce cas.
18 est forcé de reprendre le terme à son conpte. MiLner illustre la différence en contrastant (27) et (28): (27) Jean m'a dit que le docteur Paul était arrivé en retard; pourtant Paul n'est pas docteur (28) Jean m'a dit que ce salaud de Paul était arrivé en retard hier; pourtant ce garçon charmant est en général à l'heure (28) serait contradictoire, à la différence de (27)23. Milner en conclut qu'"il est impossible qu'un sujet énonce un Non de Qualité sans y associer l'affect (positif ou négatif) qui le caractérise." A première vue, le contraste est effectivement frappant. Mais notons que le ccrapte-rendu de Milner est purement descriptif; il n'en donne pas d'explication, ces faits ne sont pas prédits par son analyse. D'autre part, les faits semblent être plus complexes. Si on fait varier le déterminant de la construction incorporée, on aboutit, me semble-t-il, à des intuitions assez différentes, cf.: (29) Pierre m'a dit qu'un imbécile de gendarme lui avait dressé une contravention; pourtant, â mon avis, tous les gendarmes sont très intelligents (30) Jules m'a dit que son emmerdeuse de belle-mère venait d'arriver; pourtant je trouve cette vieille dame très charmante Ces deux discours ne me paraissent pas nécessairanent contradictoires. Si mes intuitions sont correctes, cela ferait soupçonner que l'explication des faits concernant (28) est â chercher ailleurs, peut-être dans les propriétés du déterminant ce. Soit la phrase: 23
Milner admet donc implicitement que salaud a, dans les constructions incorporées, un contenu descriptif. Sinon, on ne comprendrait pas que le contraste entre ce salaud de Paul et ce garçon charmant rende (28) contradictoire. D'autre part, si (28) est contradictoire, (i) devrait l'être a fortiori : (i) ce salaud de Paul est arrivé en retard hier; pourtant ce garçon charmant est en général à l'heure Ces faits sont assez difficiles à réconcilier avec une autre remarque de Milner (1975, 234): (ii) et (iii) ne seraient pas contradictoires, imbécile y étant traité, dans sa première occurrence, comme un nonclassifiant, et dans la deuxième comme un classifiant: (ii) cet imbécile de Jean a cassé la tasse, ce qui ne signifie pas qu'il soit un imbécile (iii) Jean, l'imbécile, a cassé la tasse; pourtant il n'est pas un imbécile (ii) n'est guère pertinent, à cause du caractère métalinguistique de sa seconde partie. Ce qui atténue le caractère contradictoire de ces phrases, de toute façon, c'est le fait qu'imbécile, salaud, peuvent désigner (quels qui soient les contextes syntaxiques où ils apparaissent) une propriété permanente ou une propriété occasionnelle de l'individu considéré. Cf. la note 17. Notons que la phrase suivante, en revanche, est franchement contradictoire (Amerloque désigne une propriété permanente): (iv) cet Amerloque de Joe a raté son avion; pourtant il n'est pas américain
19 (31) Pierre m'a dit que ce garçon est arrivé en retard Que ce garçon soit anaphorique ou dêictique, je ne peux évidenment pas faire autrement que de reprendre â mon compte la fonction que lui assigne Pierre. La question doit, à mon avis, attendre qu'on ait mieux élucidé les propriétés de ce (par opposition â Ze)24. 2. Corme je l'ai dit plus haut, je suis d'accord avec Milner sur un point essentiel: les syntagmes nominaux de forme Nj de N2 qui nous occupent sont engendrés tels quels, pour l'essentiel, dans la base. C'est l'absence d'arguments syntaxiques plausibles en faveur d'une quelconque dérivation transformationnelle de ces constructions qui me rallie à ce partit. Mais Milner ne s'en tient pas lâ. Selon lui, ces syntagmes se caractérisent par une structure interne complexe et bien particulière (cf. (C), p. 2 ci-dessus). Or, sur certains points, cette riche structure interne ne me paraît pas justifiée. Sur d'autres, sans pouvoir encore trancher, il me semble qu'on pourrait envisager d'autres possibilités, que Milner ne prend pas en considération.
2.1. Milner pose que le Nj est daniné par un noeud syntaxique Qualité. Quoiqu'il prenne bien soin de préciser que la notion de Qualité est puranent syntaxique (elle "désigne... (une) classe de séquences et non (un) concept interprétatif" (Milner 1975, 295, note), l'introduction d'un tel noeud me paraît a priori suspecte^• son statut semble très différent de celui de catégories syntagmatiques 24
25
26
Voir la note 6, in fine. Richard Kayne me signale un fait anglais sans doute apparenté. Dans la phrase (i): (i) Paul told me that this book is worthless, l'idée de proximité impliquée par l'emploi de this (cp. that) renvoie nécessairement au sujet d'énonciation (me). Etant donné l'existence des expressions de (6) (imbécile que je suis), et celle de (i), (ii) : (i) l'imbécile que je suis a encore oublié d'être à l'heure (ii) Paul n'est pas le comédien qu'était son père, on pourrait essayer de dériver (1)(b) ce salaud de Pierre a mis du sel dans mon thé de (iii) : (iii) le salaud que Pierre est a mis du sel dans mon thé Mais cette analyse se heurte à des difficultés immédiates. Ainsi, je ne vois pas de source plausible pour (1) (a) un imbécile de gendarme m'a dressé une contravention. Aucune des phrases suivantes ne convient: (iv) *un imbécile qu'est un gendarme m'a dressé une contravention (v) *cet imbécile qu'est un gendarme m'a dressé une contravention (vi) *un imbécile qu'est ce gendarme m'a dressé une contravention De toute façon, la belle simplicité qu'autorise le traitement de Milner de la distribution des déterminants (leur choix est entièrement déterminé par le choix de N2) serait perdue. Comme Milner ne donne pas de règles de projection rendant compte de la lecture du NP par l'amalgame de celles du Spec,N' et du N', il est difficile de savoir si selon lui le noeud Qualité jouerait, en tant que tel, un rôle dans les règles d'interprétation.
20 majeures bien justifiées, caime N, NP, V, VP, PP, etc., et évoque la confusion entre notions catégorielles et notions fonctionnelles contre laquelle Chcmsky s'est élevé (cf. Chomsky 1965, 68sv). Il est vrai que Chcmsky lui-même a parfois prêté à cette confusion (cf. le systàne de règles donné dans Chcmsky 1965, 102, où apparaissent des noeuds tels que Place, Time, Manner, Prédicats, Prediaate Nominal, Duration, etc.). Il me semble qu'il serait dans l'esprit de la théorie standard étendue d'éliminer de la syntaxe de telles catégories, les différences dont elles rendent canpte étant prises en charge par la composante sémantique (par exemple, par une theorie des "fonctions thématiques"). Quoi qu'il en soit, il est nécessaire d'examiner les arguments sur lesquels Milner se base pour justifier l'introduction du noeud Qualité. Milner présente trois arguments, (a) L'existence du noeud Qualité est justifiée par celle de la transformation DISQUAL, et est nécessaire â sa formulation, (b) Il existe d'autres éléments (les "adjectifs de qualité", foutu, sacré, etc.) qui "partagent certaines caractéristiques (des NQL) ; il est donc nécessaire de poser un noeud qui subsume les deux catégories" (Milner 1975, 251). (c) "Il existe une classe de ncms inanimés que ne peut précéder aucun (NQL): ce sont les natis non-quantifiables du type blancheur, venue, etc." {id., 182); Milner traite cette restriction en termes de sous-catégorisation stricte: blancheur, venue, etc., seront marqués dans le lexique du trait [-Qualité
].
Le premier argument dépend de la justification de la transformation DISQUAL. J'en reporte donc la discussion aux sections suivantes. Le deuxième argument (qui rappelle celui de Lakoff sur la réduction des verbes et des adjectifs à une catégorie unique) me paraît irrecevable. Selon la mâne logique, de la constatation que, par exemple, NP, AP, PP, peuvent également apparaître à droite de la copule dans les phrases prêdicatives, on serait en droit de les subsumer à m e catégorie "Attribut"; ou encore, du fait que les "pseudo-adjectifs" ont certaines propriétés comnunes avec certains types de syntagmes prépositionnels (cf. élection du président/élection présidentielle), on devrait poser un noeud qui les dcmine les uns et les autres. On retrouve la confusion entre notions catégorielles et notions fonctionnelles signalée plus haut. Reste l'argument relatif aux restrictions de sous-catégorisation stricte. Selon Milner, des phrases ccnme les suivantes sont totalement exclues: (32) *une merveille de blancheur scintille au loin (33) *je prévois son horreur de venue
On peut, tout d'abord, contester les faits. Si (33) me paraît effectivement très douteux, le statut de (32) est moins clair, d'autant plus que la même
21 phrase, sans le NQL, est loin d'être parfaite (lune blancheur scintille au loin). En revanche, une phrase ocnme (34) me semble pratiquement acceptable, tout corme (35) : (34) cette saloperie de blancheur m'éblouit (35) cette foutue blancheur m'éblouit Quoi qu'il en soit, et à supposer même que les faits soient tels que Milner les décrit, il ne suit pas nécessairement qu'il faille les traiter en termes de sous-catégorisation stricte. Milner traite de la même manière 1'impossibilité de *beaucoup de blancheur^, deux mètres de blancheur, etc., en affectant blancheur du trait de sous-catégorisation stricte [-Quantité
]. Mais on
retrouve les mêmes incompatibilités dans d'autres contextes - voir par exemple *cette blancheur mesure deux mètres - où le formalisme de la sous-catégorisation stricte n'est pas utilisable. Des faits de ce genre, ccmme le statut incertain de (32)-(35), font soupçonner que la contrainte en cause n'a rien de syntaxique, et relève de la composante sémantique. Je crois que Milner est victime de la confusion signalée plus haut (p. 5), qui a régné dans la théorie standard concernant le statut des traits lexicaux. Dans la théorie standard, les traits de sous-catégorisation ont deux fonctions, qu'il convient â mon avis de distinguer. J'illustrerai cette question par un exemple. Soit les phrases suivantes: (36) ce film a ennuyêi,,,^} Marie *0 (37) ce film a déplu { } Marie La théorie standard traiterait ces faits en affectant ennuyer des traits de sous-catégorisation stricte [+ [-
NP, +
NP, -
PP], et déplaire des traits
PP]. Outre que cette caractérisation est incorrecte (elle
permettrait d'engendrer des phrases telles que *ce film a déplu sur (dans, par, ...) Marie), elle mélange deux aspects différents. D'une part, que déplaire ou ennuyer exigent tous deux un complément (direct ou indirect) est en dernière analyse une conséquence de leur structure sémantique internes ce sont tous deux des prédicats à deux arguments (à la différence de suggérer par exemple, prédicat à trois arguments). Il y aurait donc redondance à les affecter indépendamment de traits de sous-catégorisation stricte. D'autre part, qu'ennuyer exige un ccnplément non-prépositionnel, et déplaire un complément prépositionnel en a, ne semble pas prédictible par une règle générale^; i e 27 28
On trouve en fait des contextes où cette construction est acceptable, cf. il y a beaucoup (trop) de blancheur dans ce tableau. En anglais, please et displease sont transitifs directs, cf. this movie pleased (*to, *at) Mary.
22 recours à des traits de sous-catégorisation stricte est alors approprié^. Revenons à blancheur, etc. Tout d'abord, quand une restriction de souscatégorisation stricte (au sens restreint que nous venons de donner au terme) est violée, l'effet est en général très net: la phrase est inacceptable (cf. (36)—(37)), sans qu'on puisse attribuer 1'inacceptabilité à des raisons sémantiques ou de performance. Canne on l'a vu, les choses sont beaucoup moins claires dans (32)-(35); dans certaines conditions, ces phrases sont acceptables, avec peut-être parfois des effets
métaphoriques^.
D'autre part, des naas
abstraits ccnme blancheur, d'une part, venue ou arrivée de l'autre (par opposition à des noms concrets ccnme professeur ou robe - cf. cette horreur de robe), appartiennent à des classes sémantiques bien délimitées: la différence entre blancheur et robe n'est visiblement pas du mène ordre que celle qui sépare ennuyer de déplaire. Il me semble donc que c'est d'une analyse sémantique plus poussée de ces classes de nons qu'on devrait attendre une explication des faits de (32)-(35); le formalisme de la sous-catégorisation stricte n'est pas adéquat pour les traiter. On ne peut donc pas tirer argument de la souscatégorisation stricte pour poser un noeud syntaxique Qualité. 2.2. Milner admet également que les Nj, dans les constructions incorporées, sont des N", et qu'ils sont déminés par le Spec,N'. Ici, je serai plus bref, et moins affirmatif, mais il me semble que d'autres structures sont, au moins théoriquement, envisageables. Pour Milner, il ne semble y avoir qu'une alternative: si le Nj n'est pas la tête du syntagme, il doit être dans le Spec,N'. Cela ne me semble pas aller de soi. D'abord, personne n'a jamais vraiment dénontré que Spec,N' est une 29
30
Les catégories impliquées dans la sous-catégorisation stricte sont, apparemment, beaucoup plus souvent des catégories mineures, prépositions, "complementizers", que les catégories majeures NP, PP, S, etc. Que regretter et espérer puissent prendre des objets phrastiques découle sans doute de leur structure sémantique interne; que regretter prenne le "complementizer" de et espérer un "complementizer" zéro relève apparemment de la souscatégorisation stricte. Ceci ne veut pas dire, d'une part, qu'on ne puisse pas parfois prédire certaines régularités dans l'ordre de la sous-catégorisation stricte à partir de la sémantique, ni, d'autre part, que certaines discrépances entre syntaxe et sémantique ne nous forcent parfois à spécifier indépendamment la structure sémantique fonctionnelle et le cadre syntaxique. Cf. mon analyse de verbes comme sembler in Ruwet 1975b (mais voir, ibid., 130, sur le côté encore ad hoc du traitement par sous-catégorisation stricte). Ce qui rappelle les différences signalées par Chomsky 1965, 149, entre les effets qu'entraînent les violations de restrictions de sous-catégorisation stricte, d'une part, et celles des restrictions de sélection, d'autre part. Les restrictions de sélection, me semble-t-il maintenant, relèvent de la composante sémantique.
23
catégorie syntagmatique de plein droit; on pourrait tout aussi bien considérer SpecjN ' comité une abréviation pour une séquence de catégories (analogue à l'abréviation "Complement" utilisée par Chonsky 1972 pour recouvrir l'ensemble des compléments possibles d'un nan ou d'un verbe). Il ne semble pas y avoir de transformation bien établie qui s'applique à la catégorie Spec,N', qui dominerait des noeuds très hétérogènes (articles, ncms de nanbre, certains adjectifs,
etc.)31.
Autrement dit, un syntagme carme ce salaud de Pierre
pourrait avoir la structure (38) (b) plutôt que (38) (a): (38) (a)
I1
salaud
I2
(de) Pierre
(38) (b) Art salaud
(de) Pierre
Enfin, il existe encore au moins une possibilité logique: que le Nj (ou les "adjectifs de qualité") soit dominé par le N', au même titre que le ili^. On aurait alors la structure: (39)
salaud
(de) Pierre
Il existe peut-être une indication, ténue il est vrai, en faveur de la structure (39). On a vu qu'on peut avoir des "adjectifs de qualité" dans la 31
Milner 1975 (première partie) engendre les expressions de "Quantité", et notamment les noms de nombre, sous le Spec,N'. Or, Richard Kayne me signale un fait pertinent à ce propos. En anglais, la phrase (i) n'est naturelle qu'avec un contour intonationnel spécial (marqué par les virgules): (i) these two, and those three, boys went respectively to New York and Chicago Ce fait rappelle ce qu'on trouve dans (ii): (ii) Mary cooked, and John ate, an apple pie Chomsky, dès Syntactic Structures (1957, 35, n. 2), avait vu dans des faits de ce genre l'indice que des séquences comme Mary cooked dans (ii) - et, par la même logique, these two, dans (i) - ne forment pas un constituant unique. Ces faits ont été en général traités au moyen de la règle de "Right-Node Raising" (voir par exemple Vergnaud 1974) .
24
même position que le N^. Or, les adjectifs antéposés ont souvent tendance à constituer, avec le ncm tête, des unités lexicales assez étroites, plus ou moins idiosyncrasiques et figées (cf. jolie fille, jeune homme, grand dadais, triste sire, pauvre type, sombre brute, brave type, etc.). C'est ce à quoi on pourrait s'attendre s'ils étaient dcminês par une même catégorie, en l'occurrence N'. Notons que, si (38) (b) ou (39) se révélaient préférables à (38) (a), la notion de "tête de syntagme ncminal" ne serait plus clairement définie. Richard Kayne, qui a attiré mon attention sur ce point, travaille pour le nouent à une comparaison entre les constructions à NQL incorporé et celles du type une peau de bébé, un sourire d'enfant, etc., où, à première vue, on serait tenté de voir dans le Nj le non "tête". Il semble que ces constructions ont beaucoup plus de points ccrrtnuns avec les constructions incorporées qu'on ne s'y attendrait à première vue. Il est possible que cette étude aboutisse à remettre en question la notion de "tête de syntagme", et que la structure de l'une et l'autre constructions soit identique, et très simple (voir les notes 12 et 18). Le choix entre les structures (38) (a), (38) (b), (39), dépend aussi en partie de la catégorie qu'on attribue au Nj. Milner se demande s'il s'agit d'un simple N, ou d'un N". Il ne se pose pas la question de savoir s'il ne s'agirait pas d'un N'. Il tranche en faveur de N", pour deux raisons: les Nj peuvent être modifiés par des adjectifs (cf. (23)), dont il admet sans discussion qu'ils sont dans le Spea,N', et il existe des cas de récursion des Nj (cf. cet imbécile de salaud de tyran de Staline, oette vacherie d'ordure de camelote de saloperie de voiture). Il reconnaît toutefois que ces N" ont des propriétés particulières, qu'il essaie d'expliquer par leur absence de référence autonome (conception dont nous avons vu, et dont nous verrons encore, qu'elle pose des difficultés sérieuses): ils n'ont pas de déterminant propre (cf. *mon ce salaud de frère, *cet un imbécile de gendarme), et ils n'admettent pas certains modifieurs, par exemple les relatives. Ces faits s'expliqueraient si les N2
sont des N'. Rien sans doute n'empêcherait de les tenir pour des
N' si les adjectifs antéposés étaient dominés par N' (cf. ce pauvre imbécile de Pierre, et aussi cette garce de jolie femme). En l'absence d'arguments décisifs, toutefois, je ne pousserai pas la discussion plus loin. (Pour une étude pertinente, quoique discutable, sur cette question, voir Ronat 1975). 3. Pour rendre uuiipte du rapport entre les phrases de type (1) (incorporées) et celles de type (2) (détachées), reproduites ici en (40) et (41):
25 (40) a. un imbécile de gendarme m'a dressé une contravention b. ce salaud de Pierre a mis du sel dans mon thé (41) a. un gendarme, l'imbécile, m'a dressé une contravention b. Pierre a mis du sel dans mon thé, le salaud
Milner pose, non pas une, mais deux transformations de "Dislocation Qualitative", qu'il formule conte suit (1975, 281-282): - Dislocation qualitative stricte: [s
e
"
2
[N-
1 2
X
[Qualité ""]
3
Y
]
V
" -
4
Substituer 4 à 2
w
]
5
Condition: e (l'élément neutre) est dans
Facultatif
la
troisième dimension
- Dislocation qualitative étendue: r e - X - V - ï T „ Z r N"1 W r . Prol] OL Ls |_N" L Qualité J LN" JJ J 1 2
3
Substituer 4 à 2 Facultatif
4
5
Condition: e est dans la troisiàne dimension
Ultérieurement, une convention générale insérerait en diverses positions de surface les NQL placés en troisiàne dimension par DISQUAL (voir la note 6, et la section 5). Ce dédoublement, dont Milner admet qu'il n'est pas très heureux, serait justifié par la considération suivante: dans les constructions détachées (cf. (41)), si le NP coréférentiel du NQL détaché est un proncm, il n'est soumis à aucune contrainte syntaxique spéciale. Au contraire, si ce NP est lexicalement "plein", il ne peut être qu'un sujet. C'est ainsi que, à côté de (41), nous avons (42); mais (43) contraste avec (44)32: (42) a. l'imbécile, il m'a dressé une contravention b. il a mis du sel dans mon thé, le salaud (43) a. b. c. d.
*tu *tu *tu *la
(44) a. b. c. d.
tu tu tu la
connais Jean, l'imbécile risques de blesser Jean, l'imbécile vas te promener avec Jean, l'imbécile tasse a été cassée par Jean, l'imbécile le connais, l'imbécile risques de le blesser, l'imbécile vas te promener avec lui, l'imbécile tasse a été cassée par lui, l'imbécile
Dans le même sens, des phrases caime celles de (45) ne seraient pas ambiguës, 32
Les constructions incorporées correspondant à cf. tu connais cet imbécile de Jean, etc.
(43) sont grammaticales,
26
le NQL détaché se rapportant chaque fois au sujet. En revanche, celles de (46) seraient "structuralement ambiguës" (cf. Milner, 1973, 122-123, 1975, 221-222): (45) a. le gendarme a giflé Jean, l'imbécile b. mon fils s'est battu avec Jean, l'imbécile c. mon fils a été battu par Jean, l'imbécile (46) a. le gendarme l'a giflé, l'imbécile b. mon fils s'est battu avec lui, l'imbécile c. mon fils a été battu par lui, l'imbécile
C'est pour ces raisons que Milner est forcé de dédoubler sa transformation: la première règle extrait un NQL d'un NP sujet, dont la tête est pronaninale ou non, et la seconde rend ccmpte des autres cas. Admettons pour 1'instant la réalité des faits (mais voir la section 3.5). Une première observation s'impose: une telle granulaire n'explique pas les faits - elle a tout au plus ce que Chcmsky appelle 1'"adéquation observationnelle". Les raisons des différences de comportement entre NP sujets et non-sujets restent mystérieuses. Deuxiàne observation: telles qu'elles sont formulées, les deux règles font intervenir des parenthêtisations étiquetées, ce qui revient à y faire jouer un rôle aux relations granmaticales. De plus, elles utilisent toutes deux des symboles catégoriels (7" dans la première, 7 et Pro dans la seconde) pour "définir le contexte du changement structural induit par la transformation" (Chcmsky, 1975c, 10). Si on prend au sérieux les propositions récentes de Chcmsky (1973, 1975a/b/c) relatives aux contraintes sur les transformations, ce résultat n'est pas désirable. On pourrait sans doute refonnuler les deux règles en éliminant les parenthêtisation, et les réduire à une seule en éliminant les symboles catégoriels du contexte. Mais on aurait alors un problème de "surgénération", qui ne pourrait être réglé que par l'intervention de contraintes syntaxiques et/ou de règles interprétatives opérant en surface. La question se poserait alors de savoir si on ne peut pas se contenter de ces règles de surface, éliminant du coup la nécessité des deux transformations. Troisième observation: selon Milner, ces deux règles sont cycliques (et ordonnées extrinsèquement par rapport â d'autres règles cycliques). La question se pose alors de savoir si elles ne violent pas le principe d'Bronds (1976) sur la conservation des structures-^. De plus, le changenent structural opéré 33
Milner semble avoir hésité à ce sujet. D'une part il admet (cf. section 3.5.) que DISQUAL est cyclique et s'applique dans certaines subordonnées; d'autre part (1973, 106-107, 1975, 205) il suggère de faire appel à la contrainte d'Emonds pour rendre compte de certaines restrictions (à mon avis très douteuses) sur l'occurrence des constructions détachées dans certains types de subordonnées déclaratives.
27
consiste à "envoyer" un élément dans la "troisième dimension". L'idée de faire jouer un rôle à la troisiàne dimension est dans l'air pour le mcment^, et elle pourrait se révéler nécessaire. Mais, à ma connaissance, les propositions qui ont été faites jusqu'à présent relativsnent au rôle de la troisiàne dimension se distinguent sur un point essentiel de celles de Milner. Chez Vergnaud 1974 par exertple, certains éléments sont engendrés, en base, en troisième dimension, et sont ultérieursnent "linéarisés". Les règles» de Milner font l'opération inverse. Si le recours à la troisiàne dimension se révélait empiriquement justifié, il serait évidenment nécessaire de soumettre ce mécanisme puissant à des contraintes sévères. Une contrainte qui vient naturellement à l'esprit serait précisément de limiter les opérations possibles â la linéarisation; le type de changement structural proposé par Milner serait ainsi exclu en principe. Ces observations ne sont pas décisives, dans la mesure où elles font intervenir des considérations encore souvent très spéculatives sur la forme des graitmaires. Elles sont cependant suffisamnent gênantes pour qu'on soumette à un examen serré les raisons anpiriques qui ont amené Milner à postuler l'existence de ces deux t r a n s f o r m a t i o n s ^ . on peut aller plus loin: existe-t-il, en fin de compte, de bonnes raisons de poser un rapport transformationnel quelconque entre les constructions incorporées et les constructions disloquées? Or, les raisons qu'invoque Milner sont assez faibles. Considérant les couples formés par les phrases (1) et (2), "il est clair, dit-il (1975, 197-198, qui reprend 1973, 99-100), qu'il serait possible d'en construire une infinité, en combinant aux diverses unités lexicales, tous les ncms entrant dans la liste des noms qualitatifs. Il est clair aussi que chacun de ces couples est constitué de la manière suivante: (a) il y a relation de paraphrase sémantique: le sens est strictement le mane, jusque dans les détails de la nuance subjective; (b) les éléments lexicaux qui constituent l'énoncé sont strictement les mânes et l'on peut passer d'ione phrase du couple à l'autre par une opération de chaîne parfaitement définissable... Rn d'autres termes, on a entre (ces phrases) la relation d'équivalence qu'on associe classiquement aux parentés transformationnelles..." 34
Elle remonte à une suggestion faite par C h o m s k y d a n s un c o u r s récent au MIT. Vergnaud 1974 u t i l i s e la n o t i o n de t r o i s i è m e d i m e n s i o n p o u r rendre c o m p t e de c e r t a i n e s p r o p r i é t é s des r e l a t i v e s n o n - r e s t r i c t i v e s (qu'il engendre, en t r o i s i è m e d i m e n s i o n , par la règle NP —> S), et Kayne, dans ses c o u r s à V i n c e n n e s en 1974-1975, a suggéré que le r e c o u r s à la t r o i s i è m e d i m e n s i o n p e r m e t t r a i t p e u t - ê t r e de r é s o u d r e c e r t a i n s a u t r e s p r o b l è m e s (la syntaxe de l'un ... l'autre p a r e x e m p l e ) . Voir la section 5.
35
En g é n é r a l , je p a r l e r a i simplement d é s o r m a i s d e D I S Q U A L , quand il n'est p a s n é c e s s a i r e d e d i s t i n g u e r ses deux v a r i a n t e s .
28 Ces raisons convaincraient peut-être un harrissien ou un sêmanticien gênératif, mais, pour peu qu'on croie à la théorie standard étendue (dont Milner lui-même se réclame explicitement), elles sont loin de suffire. La relation de paraphrase sémantique entre deux constructions n'est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour les dériver transformationnellement d'une source ccntnune (voir Chansky 1957, ch. 9, et 1972, passim, et Jackendoff 1972, passim). On va d'ailleurs voir qu'elle n'est pas toujours respectée dans le cas qui nous occupe. Quant âa la régularité de la relation, et â la possibilité de construire une infinité de couples de type (1)-(2), elles ne suffisent pas non plus. La littérature générative abonde en exemples de règles interprétatives très générales, qui présentent ces p r o p r i é t é s 3 6 . Pour justifier une transformation, est-il besoin de le rappeler, des arguments strictement syntaxiques, très spécifiques, sont nécessaires^^. Milner n'en présente pas. En vérité, quand on y regarde de près, DISQUAL pose des problànes anpiriques sérieux. Mène du point de vue de la pure adéquation observationnelle, elle est mise en échec sur un certain ncribre de points. Je vais maintenant passer en revue ces problànes. Dans les sections 3.1. et 3.2., je montrerai que la correspondance entre constructions incorporées et détachées n'est pas toujours régulière; il existe des classes de NQL qui peuvent figurer naturellement en position incorporée mais qui sont exclus en position détachée (section 3.1), et, inversement, certains types de constructions détachées sont possibles qui n'ont pas d'équivalent incorporé naturel (section 3.2). A la section 3.3, je discuterai certaines régularités syntaxiques (distributionnelles) que l'analyse par DISQUAL échoue â caractériser. En 3.4, je montrerai qu'il n'est pas vrai, en général, qu'un rapport de paraphrase sémantique soit maintenu entre constructions incorporées et détachées. En 3.5, je reprendrai la question de la contrainte sur les "non-sujets", et montrerai qu'elle doit être interprétée d'une tout autre manière, en termes non syntaxiques. A la section 4, je présenterai ma propre hypothèse, qui résout, je crois, la plupart de ces problèmes. La dernière section, 5, sera consacrée à quelques problànes qui restent en suspens. 3.1. Tout d'abord, il existe des couples où, si la construction â NQL incorporé est correcte, la construction à NQL détaché est inacceptable, à des degrés divers, en fonction de la nature lexicale ou sémantique du NQL. 36 37
Cf. par exemple Chomsky 1973, 1975b, Higgins 1973, Milsark 1974. Pour des arguments de ce genre en français, voir par exemple Kayne, 1975, et Ruwet, 1972, ch. 2 et 3.
29 3.1.1. Milner note que, si les nans modifiés par des NQL, incorporés ou détachés, sont le plus souvent animés (voir la liste (11)), il existe cependant des cas de NQL modifiant des inanimés, en position incorporée, cf.: (47) a. b. c. d.
cette cette cette cette
merveille de robe te va à ravir horreur de maquillage te défigure complètement saloperie de voiture ne veut pas démarrer camelote de gros rouge m'a rendu malade
Or, les constructions détachées correspondantes sont en général beaucoup moins acceptables38f c f. : (48) a. b. c. d.
*cette robe te va à ravir, *ce maquillage te défigure ?cette voiture ne veut pas ?? ce gros rouge m'a rendu
la merveille complètement, l'horreur démarrer, la saloperie malade, la camelote
3.1.2. la plupart des NQL sont péjoratifs, mais Milner en relève quelques-uns qui sont laudatifs. Cf. déjà (47) a., ainsi que (49). Or ceux-ci, à nouveau, se prêtent très mal à la construction détachée^, cf. (50): (49) a. cet amour d'enfant a été sage toute la journée b. cette crème de garçon va nous servir un bon demi (50) a. ?*cet enfant a été sage toute la journée, l'amour b. *ce garçon va nous servir un bon demi, la crème 3.1.3. D'une manière générale, si on se reporte à la liste (11) on constate toutes sortes de différences subtiles entre les divers NQL en position détachée. Ainsi, (51) a. et b., (52) a. et b., sont également naturels; mais (53) a. est plus acceptable que (53) b., et (54) a. l'est plus que (54) b.: (51) a. ce tyran de Staline terrorisait la Russie b. ce dictateur de Staline terrorisait la Russie 38
39
De même les jurons qui, comme le note Milner, peuvent figurer en position Ni, sont tout à fait impossibles en position détachée. Cf. ce nom de Dieu de voiture ne veut pas démarrer, en face de *cette voiture ne veut pas démarrer, le nom de Dieu. Il y a vraisemblablement ici des différences d'acceptabilité, non seulement selon le choix du Nj et du (cf. (48)), mais aussi de sujet à sujet. Notons que, apparemment, certaines de ces phrases s'améliorent si on substitue ce à le en position détachée: comparer (48) b. à ?ce maquillage te défigure complètement, cette horreur. Cette observation semble valoir aussi pour certains des cas discutés en 3.1.2. (cp. (50) a. à ?mon fils a été sage toute la journée, cet amour) et en 3.1.3. (cp. (53) b. à Staline terrorisait la Russie, ce dictateur). II faut dire, avec Milner, que amour, crème, ont des propriétés assez idiosyncrasiques (comme d'ailleurs diable dans ce diable d'homme - cp. à (84) ci-dessous - et drôle (voir la section 4)). La construction incorporée ne semble vraiment productive que si le Ni a une valeur négative.
30 (52) a. ce cinglé de Max vient encore de piquer une crise b. ce névrosé de Max vient encore de piquer une crise (53) a. Staline terrorisait la Russie, le tyran b. ?Staline terrorisait la Russie, le dictateur (54) a. Max vient encore de piquer une crise, le cinglé b. ?Max vient encore de piquer une crise, le névrosé La différence entre (55) et (56) est encore plus sensible et, dans (58) , génie semble perdre beaucoup de la connotation ironique qu'il avait dans (57), d'où la bizarrerie de la phrase: (55) (56) (57) (58)
ce linguiste de Chomsky nous en a mis plein la vue ??Chomsky nous en a mis plein la vue, le linguiste ce génie d'Antonioni vient encore d'accoucher d'un navet ?Antonioni vient encore d'accoucher d'un navet, le génie
Il faudrait donc soumettre DISQUAL à plusieurs conditions ad hoc, bloquant son application aux NQL inanimés, aux NQL laudatifs, et à m e bonne partie des autres^®. Dans le cas de 3.1.3, on pourrait peut-être, à première vue, trouver un argument en faveur du trait [+qualitê]; ce qui distingue tyran de dictateur, cinglé de névrosé, etc., pourrait-on dire, c'est que l'interprétation péjorative fait directemsnt partie de la lecture de tyran et de cinglé, tandis qu'elle n'est associée à dictateur et à névrosé qu'indirectement, sur la base de connaissances relevant de l'encyclopédie. Seuls les premiers recevraient dans le lexique le trait [+qualitê], et on incorporerait ce trait dans la formulation de DISQUAL. Outre son caractère ad hoc, cette démarche pose plusieurs problèmes: (a) quel est alors le statut de (51) b., (52) b., qui pour moi sont parfaitement acceptables? (b) Cette solution, qui exclurait complètement les exemples (53) b., (54) b., (56), (58), rend mal compte du caractère assez subtil de la différence entre constructions incorporées et détachées, et des nuances qu'on y rencontre (canparer (56) à (58); (c) Enfin, il suffit en général, dans (53) b., etc., de modifier le nom détaché par un "adjectif de qualité" pour que la construction devienne acceptable; le recours à un trait classificatoire est donc inadéquat, cf.: (59) (60) (61) (62)
Staline terrorisait la Russie, l'infâme dictateur Max vient encore de piquer une crise, le pauvre névrosé Chomsky nous en a mis plein la vue, le sacré linguiste Antonioni vient encore d'accoucher d'un navet, le prétendu génie
En première approximation, on pourrait décrire la différence entre constructions 40
Cela pourrait se faire, soit en incorporant des conditions à la règle de DISQUAL, soit en recourant à des traits de règle [-DISQUAL] sur les noms (merveille, amour, etc.). Comme on l'admet généralement, ces solutions ne sont pas souhaitables.
31 incorporées et constructions détachées de la manière suivante. Dans le premier cas, c'est la règle d'interprétation associée à la construction incorporée qui impose le caractère affectif; il suffit alors qu'un non incorporé puisse être associé, fût-ce d'une manière très indirecte, à un jugement de valeur pour que la construction soit naturelle. Dans le second cas au contraire, tout se passe ccume si le syntagme détaché devait être canpris, de manière très irtmêdiate, comme ayant un contenu négatif. 3.2. Dans les exemples de 3.1, DISQUAL aurait dérivé d'une construction incorporée acceptable une construction détachée plias ou moins inacceptable. Il existe aussi des couples de phrases qui posent le problème inverse: à une construction détachée acceptable ne correspond aucune source incorporée plausible. 3.2.1. Pour moi, les phrases suivantes sont acceptables^: (63) la police nous a passés à tabac, les salauds (64) le public parisien a sifflé ma musique, les philistins (65) la météo avait annoncé du beau temps, les idiots, et il pleut à verse
Cortme sources possibles, (66)-(68) sont exclus. (69)-(71) sont des phrases grammaticales, mais la police, le publia, la mêtêo, n'y ont pas le statut d'un N' tête, nais celui d'un PP adncminal (caime l'indique entre autres la présence de l'article): (66) (67) (68) (69) (70) (71)
*ces salauds de police nous ont passés à tabac *ces philistins de public ont sifflé ma musique *ces idiots de météo avaient annoncé du beau temps... ces salauds de la police nous ont passés à tabac ces philistins du public ont sifflé ma musique ces idiots de la mêtêo avaient annoncé du beau temps...
En reprenant la suggestion de Milner sur la structure profonde de phrases canne celles de (3) (voir p. 2), on pourrait admettre cctrme sources (72)-(74), où de la poliae etc. sont des carpléments adnominaux du proncm tête de syntagme; ces structures seraient sous-jacentes à (69)-(71), qui seraient ainsi à rapprocher de (75)-(77): 41
Pour moi, mais apparemment pas pour tous les sujets, elles le restent même si le NQL détaché est adjacent au sujet, cf.: (i) le public parisien, les philistins, a sifflé ma musique Jean-Claude Milner me dit que, pour lui, les constructions de (62)-(64), sont inacceptables, tout comme (i). Je suggère plus loin (section 4) une manière de traiter ces variations de sujet à sujet. (Les mêmes remarques valent pour les faits discutés à la note 42).
32 (72) ces salauds [^.Pro tpp de
la
P°lice]]->-
d
(73) ces philistins [^Pro [ p p u public]]... (74) ces idiots [ .Pro [ de la météo]]... N
PP
(75) ces salauds de membres de la police... (76) ces philistins de membres du public... (77) ces idiots d'annonceurs de la météo... Mais la question se pose alors de savoir ce qu'il advient du Pro tête de syntagme, après application de DISQUAL. Pour Milner (1975, 257sv), dans les cas du type (3) (repris en (78) b.), on a la situation suivante. La structure de base est (78) a.; si DISQUAL ne s'applique pas, (de) Pro est effacé, donnant (78) b.; si DISQUAL s'applique, le PRO est épelê sous la fonte d'un pronom personnel ordinaire, ce qui donne (78) c.: (78) a. [„„ce salaud T.(de) Pro]] a cambriolé la banque N
N
b. ce salaud a cambriolé la banque c. il a cambriolé la banque, le salaud Etant donné cette dérivation, on s'attendrait à ce que la structure de surface correspondant à (72) soit quelque chose carme (79), et non (63): (79) ceux de la police nous ont passés à tabac, les salauds Pour engendrer (63), il faudrait peser une nouvelle règle ad hoc effaçant le pronom (ceux) (plus une autre règle ad hoc effaçant de)42. 3.2.2. Considérons maintenant les phrases suivantes: (80) quelqu'un a cassé la tasse, l'idiot (81) *un idiot de quelqu'un a cassé la tasse (82) un idiot a cassé la tasse 42
Jean-Claude Milner m'a lui-même, au cours d'une conversation, suggéré un autre argument du même type (quoi qu'il ne soit pas d'accord sur les faits). Pour lui comme pour moi, (i) est tout à fait impossible; pour moi (mais non pour lui) en revanche, (ii) et (iii) sont acceptables: (i) *ce salaud de sentinelle a déserté son poste (ii) la sentinelle a déserté son poste, le salaud (iii) la sentinelle, le salaud, a déserté son poste De même qu'un NP détaché pluriel peut renvoyer à un NP collectif singulier dans (62)-(64), alors que la construction incorporée correspondante est impossible, de même un NQL détaché est pour moi indifférent au genre grammatical du NP auquel il renvoie. En revanche les contraintes d'accord sont plus strictes dans la construction incorporée, sauf si le NQL a un genre intrinsèque (cf. cette crapule de colonel). La possibilité de cette salope de sentinelle a déserté son poste n'est pas pertinente; cette phrase a une nuance métaphorique, qu'on retrouve dans la sentinelle a déserté son poste, la salope, et qui est absente de (ii)-(iii).
33 Pour Milner (1975, 262), (80) serait engendré par DISQUAL. Carme (81) est agraimatical, il suggère d'attribuer à (80) la même source que (82), soit (83): (83) [ N n u n idiot [^,(de)A]] a cassé la tasse,
où A représente un nom non-spêcifiê (cf. Chomsky 1964). (82) serait obtenu par un effacement de A parallèle à celui qui affecte Pro en (78) a. Après DISQUAL, A serait êpelê sous la forme de quelqu'un, donnant (80). (Plus exactement sans doute, quelqu'un serait l'êpel d'un NP déminant exhaustivement A) Mais d'autres phrases posent un problème voisin, dont il n'est pas évident qu'on puisse le résoudre de la même façon, cf. le paradigme: (84) a. b. c. d.
??un idiot de type a cassé la tasse ??ce salaud d'individu me file depuis trois jours ??un ivrogne d'homme vient de rouler sous la table ??cet imbécile d'homme n'a rien compris à rien
(85) a. b. c. d.
un type a cassé la tasse, l'idiot cet individu me file depuis trois jours, le salaud un homme vient de rouler sous la table, l'ivrogne cet homme n'a rien compris à rien, l'imbécile
Les phrases de (84) sont pour le moins étranges (la distinction défini/indéfini n'y est pour rien); celles de (85) sont naturelles. Pour rendre compte des faits, il faudrait, soit (a) invoquer un mécanisme (interprétatif par exemple) tout à fait différent de celui proposé par Milner pour traiter (80)-(82), soit (b) admettre que type, individu ou homme peuvent, au même titre que quelqu'un ou il, être des épels possibles de A ou de Pro, ce dont personne ne voudrait, je suppose, soit (c) admettre une règle qui effacerait homme, type, individu, dans le contexte /Nj
(règle analogue donc à celle qui efface Pro ou A);
mais on violerait alors le principe de "récupérabilité des effacements" (cf. Chcmsky 1964, 41, 1965, 179sv). En effet, (78) b. pourrait alors dériver aussi bien de (78) a. que de ce salaud d'homme a cambriolé la banque 43
Je néglige certains problèmes techniques que pose cette solution. Quelqu'un ne peut pas être simplement l'êpel de A , puisque quelqu'un est animé (cf. quelque chose); A devrait donc être porteur du trait [ianimê], au moins. D'autre part, quelle est la différence de statut entre Pro et A? On a souvent noté (par exemple Shopen 1973) qu'il y a des différences de sens entre des phrases où quelqu'un est présent et les phrases elliptiques correspondantes (cf. Pierre a été tué par quelqu'un en face de Pierre a été tué). Enfin, quelle serait la dérivation d'expressions comme quelqu'un d'autre? Doit-on dériver quelqu'un d'autre a cassé la tasse, l'idiot, de un autre idiot a cassé la tasse, qui n'a pas le même sens? Cf. 1'agrammaticalité de *un idiot d'autre a cassé la tasse.
44
On pourrait aussi essayer de rendre DISQUAL obligatoire si le N tête est type, individu, homme au sens non-marqué, etc. Outre son caractère ad hoc, cette solution obligerait à mentionner le N tête dans la formulation de DISQUAL, compliquant encore la règle.
34 Les faits sont en réalité encore plus complexes. Ainsi, la différence d'acceptabilité entre (84) c.-d. et (85) c.-d. ne vaut que quand homme est pris en un sens "non-marqué", quand le contexte ne met pas en valeur l'opposition entre les honmes et les fermes, ou entre les haïmes et d'autres espèces vivantes. (84) d. est acceptable si on l'imagine émis par Dieu, un Martien, ou un animal. Et (86) serait tout naturel dans la bouche d'une adepte du MLF: (86) ces salauds d'hommes veulent nous forcer à laver éternellement la vaisselle Le point central est que le problème ne concerne que les constructions incorporées. Les constructions détachées sont toujours naturelles, que l'interprétation de homme, etc. soit "marquée" ou non. 3.2.3. Milner (1975, 279) note que DISQUAL ne s'applique aux éléments dominés par Qualité que s'il s'agit de noms (de N" pour lui). DISQUAL ne s'applique pas aux adjectifs, on n'a pas, en face de (87) a., (87) b.: (87) a. ce fichu médecin m'a charcuté la jambe b. *ce médecin m'a charcuté la jambe, (le) fichu Milner remarque toutefois que pauvre et malheureux constituent des exceptions à cette généralisation, cf.: (88) a. ce pauvre Gaspard s'est cassé la jambe b. Gaspard s'est cassé la jambe, le pauvre Si on dérive (88) b. par DISQUAL, ce fait reste un mystère. Il est clair 44
Des noms tels que personne, gens, qui ne présentent pas de différence entre un emploi marqué et un emploi non-marqué, fournissent des contrastes peutêtre encore plus clairs que ceux du texte entre constructions incorporées et détachées, cf.: (i) a. ?*ces salauds de gens ont lapidé Etienne b. ces gens ont lapidé Etienne, les salauds (ii) a. ?*cette ordure de personne a bu tout mon vin b. cette personne a bu tout mon vin, l'ordure Ce diable d'homme, ce drôle de type, sont possibles, mais, en position détachée, le diable, le drôle, sont bizarres, ou ont un sens différent, cf. ce drôle de garçon a cassé la tasse vs ce garçon a cassé la tasse, le drôle. Cf. la note 39. Notons que drôle a, en position incorporée, des propriétés adjectivales, cf.: j'ai rencontré de drôles de gens dans ma vie, vs *j'ai rencontré de salauds de flics dans ma carrière. Richard Kayne me signale des faits anglais apparentés à ceux discutés dans le texte: professor (iii) John is too much of a i ™ a n r to do a thing like that *guy l *person J (oú man ne peut avoir que le sens du grec aner). Voir aussi Pierre est {avocat, homme (= aner), *type, *individu].
35 que, dans la construction incorporée, pauvre (ou malheureux) est un adjectif et non pas un nom; (89) est totalement e x c l u t (89) *ce pauvre de Gaspard s'est cassé la jambe
Si en revanche il n'existe pas de relation transformationnelle entre les constructions incorporées et détachées, la possibilité de (88) b. devient plus compréhensible. Il existe en effet d'autres cas d'emplois nominaux de pauvre et de malheureux3 cf.: (90) a. ce capitaliste n'a que du mépris pour les pauvres b. Jean s'est cassé la jambe. Le pauvre en a pour trois mois d'hôpital. c. les malheureux sont seuls au monde d. La femme de Pierre l'a quitté. Le malheureux est inconsolable.
Plus généralement, le simple fait que DISQUAL ne s'applique pas aux adjectifs de qualité rend la règle suspecte. Elle serait en effet simplifiée si, au lieu de mentionner, en son terme 4 (voir p. 25) ,
' o n a vu le
problème théorique que cela pose), elle mentionnait simplement Qualité. Cette analyse fait au fond la prédiction que la graitmaire du français serait plus simple si DISQUAL s'appliquait également aux noms et aux adjectifs. On devrait s'attendre par exemple à l'existence de dialectes du français où des phrases telles que (87) b. sont naturelles. Cette prédiction fait violence à l'intuition que la position détachée est simplement une position normale de NP, et que les "adjectifs de qualité" sont limités exclusivement â la position d'épithète antéposée. 3.3. Passons maintenant â des arguments purement distributionnels. Ils sont très simples, et suffiraient, à mon avis, à faire rejeter l'idée d'une relation transformationnelle (en général) entre les constructions incorporées et les constructions détachées. 3.3.1. Milner (1975, 282, note) remarque qu'il existe des phrases telles que: (91) cet imbécile de médecin m'a charcuté la jambe, le salaud
"Si on doit les dériver par dislocation, dit-il, la source en sera, sans qu'on puisse vraiment décider: ce salaud d'imbécile de médecin, etc. ou cet imbécile de salaud de médecin, etc. Cette incertitude en elle-même est curieuse; de 45
Pauvre de moi, pauvres de nous, sont idiomatiques, et ne se rencontrent que sous forme d 1 "expressions" indépendantes, cf. *ces pauvres de nous se sont (nous sommes) bien fait avoir.
36 plus, dans les deux cas, la transformation violerait le principe du A sur A (souligné par moi, N. R.). Mais en fait, la phrase citée paraît plutôt marginale; elle implique dirait-on un changement de construction en cours d'énoncé, c'est-à-dire un phénomène de performance. On peut donc penser que la granmaire n'a pas à l'engendrer directsnent." Le noins qu'on puisse dire, c'est que la performance a bon dos. Pour moi, (91) n'a rien de marginal, et constitue au contraire un sérieux contre-exemple à une analyse par DISQUAL des constructions détachées. Des phrases de ce genre me paraissent naturelles et courantes. On peut penser que c'est la tendance de Milner à s'en tenir à des exemples extrêmes de "classifiants" et de "nonclassifiants" qui l'a amené à les négliger. Tout d'abord, les phrases suivantes sont parfaitement acceptables: (92) ce s a c r é P i e r r e a f a i t u n e n o u v e l l e c o n q u ê t e , le v e i n a r d (93) c e f o u t u m é d e c i n m ' a c h a r c u t é la j a m b e , le s a l a u d (94) c e p a u v r e M a x a e n c o r e c o m m i s u n e g a f f e , l ' i m b é c i l e
Si on veut les dériver par DISQUAL, les seules sources possibles seraient, par exemple pour (92): (95) ce s a c r é v e i n a r d d e P i e r r e a f a i t u n e n o u v e l l e c o n q u ê t e (96) ??ce v e i n a r d d e sacré P i e r r e a f a i t u n e n o u v e l l e c o n q u ê t e
Si on dérive (92) de (95), il faudra de toute façon modifier les règles de Milner, soit en admettant que saaré veinard n'est pas un constituant, soit en se permettant d'extraire, non plus un N", mais un N ou un N' (violant la contrainte, proposée par Schwartz je crois, selon laquelle la tête d'un constituant ne peut pas en être extraite). Si on prend pour source (96) (sans parler de son caractère douteux), il faudra encore modifier les règles, et admettre (cf. la section 2) que les adjectifs antéposés peuvent faire partie d'un N' (en l'occurrence le Ng). D'autres exemples, ne mettant en jeu que des noms, sont faciles à trouver, ainsi: (97) (98) (99) (100)
ce t y r a n d e S t a l i n e t e r r o r i s a i t la R u s s i e , le s a l a u d ce s n o b de P a u l m ' a i g n o r é t o u t e l a s o i r é e , l ' i d i o t ce g o i n f r e d e J u l e s s ' e s t e m p i f f r é t o u t e l a j o u r n é e , le c e t A m e r l o q u e d e J o e a r a t é son a v i o n , l ' i m b é c i l e
cochon
Un cas particuliêrarent instructif est fourni par la phrase suivante: (101) ce p r é t e n d u i m b é c i l e d e Luc n o u s a b i e n r o u l é s , le
salaud
Non seulement, dériver cette phrase à partir de (102) ou de (103) poserait tous les problèmes signalés, (102) ce p r é t e n d u i m b é c i l e d e s a l a u d d e Luc n o u s a b i e n r o u l é s (103) ce p r é t e n d u s a l a u d d ' i m b é c i l e d e Luc n o u s a b i e n r o u l é s .
37 mais il y a, entre (101) et (102)-(103) (sans parler de l'acceptabilité incertaine de celles-ci), une différence sémantique nette. Dans (101), je rapporte, sans le reprendre à mon corrpte, un juganent attribué à d'autres: "Luc est un imbécile", et je porte un autre jugement, qui annule le pranier: "Luc est un salaud". Dans (102) et (103), je rapporte seulement deux jugements attribués à d'autres: "Luc est un salaud; Luc est un imbécile" (ou encore le jugement: "Luc est un imbécile de salaud")46. 3.3.2. Milner, on l'a vu, analyse aussi les "Expressions" du type de (5) ou (6), reprises ici en (104), (105): (104) a. L'imbécile! b. Le salaud! (105) a. Imbécile (que je suis)! b. Salaud (que tu es)!
Dans la forme canne dans l'interprétation, les expressions de (104) sont identiques aux syntagmes détachés de (2). Celles de (105) sont bien sûr très différentes. Je ne m'occuperai pas de l'analyse interne qu'en propose Milner, mais je rappelle qu'il engendre (104) ccrrme (105), tout à fait indépendairment des constructions incorporées ou disloquées, directement sous le noeud initial E. Les syntagmes du type l'imbécile, etc. auraient donc deux origines distinctes, l'une basique (sous E), l'autre transformationelle (par DISÇUAL)47. Ce résultat est en lui-même suspect. Il devient très gênant quand on s'aperçoit que les constructions du type de (105) ont exactement les mânes distributions que celles de (104): elles se rencontrent, non seulement caime "Expressions" indépendantes, mais aussi insérées dans des phrases, dans les mêmes positions où les constructions détachées sont permises. Que l'on carpare (106) à (107)
46
47 48
Si DISQUAL permettait d'extraire le NQL en laissant un adjectif derrière, les exemples (b) du paradigme suivant poseraient des problèmes variés: (i) a. cette sombre brute de caporal m'a humilié b. ce sombre caporal m'a humilié, la brute (ii) a. ce pauvre type de Jules nous les casse b. *ce pauvre Jules nous les casse, le type (iii) a. ce beau salaud de capitaine a séduit ma fille b. ce beau capitaine a séduit ma fille, le salaud Sans compter leur traitement comme NP ordinaires. Voir la note 5. D'autres "Expressions" peuvent se rencontrer dans les mêmes contextes, cf. Pierre, quel idiot! a cassé la tasse; Pierre, tu parles d'un idiot, a cassé la tasse; Pierre, pauvre idiot, a cassé la tasse. Voir la section 4.
38 (106) a. b. c. d. e.
Jean croyait alors, l'imbécile, que la terre est plate la salope, elle m'a trompé Marc s'imaginait que tu lui étais fidèle, le pauvre fou Luc comptait sur Mathieu qui, le salaud, l'a laissé tomber c'est Paul qui a mangé, le goinfre, le canard que je me réservais
(107) a. b. c. d. e.
je croyais alors, imbécile que j'étais, que la terre est plate salope que tu es, tu m'as trompé je m'imaginais que tu m'étais fidèle, pauvre fou que j'étais Luc comptait sur moi qui, salaud que je suis, l'ai laissé tomber c'est toi qui as mangé, goinfre que tu es, le canard que je me réservais
On ne voit pas bien cannent DISQUAL pourrait engendrer les constructions de (107) (voir la note 25). Une granmaire qui incorpore DISÇUAL échoue donc à rendre ccmpte d'une généralisation importante et évidente: les syntagmes du type de l'imbécile et de imbécile que je suis ont les mêmes distributions; leur occurrence dans les "Expressions" et dans des positions internes à des phrases doivent être traitées par le mène mécanisme. 3.4. Nous avons déjà pu, â plusieurs reprises, soupçonner que le rapport de paraphrase sérrantique entre constructions incorporées et détachées était loin d'être parfait. Mais d'autres types de faits viennent s'ajouter, qui témoignent de différences sémantiques systématiques. 3.4.1. Dans les constructions incorporées, il y a en général - si le A/g est un nom ccmnun pluriel - un élément d'ambiguïté. Soit la phrase: (108) ces salauds de SS ont commis toutes sortes d'atrocités
Le sujet peut avoir une interprétation générique (il s'agit des SS en général) ou non-générique (il s'agit d'un sous-ensemble des SS, par exemple du régiment qui a détruit Oradour en 1944). Si on applique DISQUAL à (108) , on obtient soit (109) soit (110) : (109) les SS ont commis toutes sortes d'atrocités, les salauds (110) ces SS ont commis toutes sortes d'atrocités, les salauds
(109) sera en général interprété de façon générique, (110) de façon non-générique. On dériverait donc d'une source ccmnune des structurés de surface différentes, ayant chacune une interprétation propre, distincte de celle de l'autre. Si on adnet les principes de la théorie standard étendue, ces faits ne sont pas en principe incompatibles avec une dérivation transformationnelle de (109), (110), à condition que l'on admette des règles d'interprétation en surface. Mais, à partir du marient où ces règles sont nécessaires, on peut
39
envisager de se passer complètement de la dérivation transformationelle, si elle n'est pas justifiée par ailleurs^. 3.4.2. Considérons maintenant les phrases de (111), en face de celles de (112): (111) a. b. c. d. e. f. g.
même ce tyran de Staline avait ses moments de magnanimité ce menteur de Gino est aussi un dangereux gangster cette fois, ce menteur d'Epiménide a dit la vérité ce froussard de Falstaff s'est pour une fois montré courageux cet emmerdeur de Paul est pourtant parfois amusant cet ivrogne de Jules, curieusement, n'a rien bu de toute la soirée en mourant, ce pingre de Gustave a légué tout son argent aux pauvres
(112) a. b. c. d. e. f. g.
même Staline avait ses moments de magnanimité, le tyran Gino est aussi un dangereux gangster, le menteur cette fois, Epimênide a dit la vérité, le menteur Falstaff s'est pour une fois montré courageux, le froussard Paul est pourtant parfois amusant, 1'emmerdeur Jules, curieusement, n'a rien bu de toute la soirée, l'ivrogne en mourant, Gustave a légué tout son argent aux pauvres, le pingre
Les phrases de (111) sont toutes naturelles et aisément interprétables. Celles de (112) sont pour le moins très différentes. Certaines sont simplanent contradictoires, telles (112) c., (112) d. D'autres ont une interprétation sonantique nonnale, mais différente de celle de la phrase correspondante de (111). Ainsi, (111) b., dans son interprétation la plus naturelle, contient deux jugements: "Gino est un menteur, et, de plus, Gino est un dangereux gangster"50; (112) b. est sémantiquement plus complexe: (i) elle contient le jugement que Gino est un dangereux gangster, et implique (présuppose) que Gino a aussi une autre qualité qui n'est pas précisée; (ii) elle contient le jugement que Gino est un menteur, et laisse entendre que ce jugement est motivé par le fait que Gino aurait dissimulé, ou nié, qu'il fût un dangereux gangster. Enfin, certaines des phrases de (112), contradictoires à première vue, cessent de l'être pourvu qu'on fasse intervenir des considérations spéciales, ou qu'on imagine des contextes particuliers. Ainsi, (112) a., étrange â praniêre vue - que quelqu'un ait des moments de magnanimité ne paraît pas fournir une raison de le traiter de tyran - cesse de l'être si on admet qu'avoir des moments de magnanimité peut être une forme particulièrement raffinée de torture morale, typique d'un 49
50
On pourrait aussi imaginer de recourir à une distinction arbitraire dans la base, au moyen du trait [¿générique], et à des règles d'épel en surface, différentes selon les contextes. Comme d'habitude, ce n'est pas les solutions ad hoc qui manquent. Je ne m'avance pas sur la question de savoir si le premier jugement est présupposé ou impliqué. Pour une critique pertinente de l'usage de la notion de présupposition, voir Wilson 1975.
40 tyran, et dont on trouverait aisement des exemples dans 1'histoire. Quant a (112) g., il serait peut-être plus ou moins acceptable si on l'imagine proféré par l'héritier présomptif de Gustave, déçu à la lecture de son testament (on pourrait d'ailleurs toujours dire que, sous le coup de l'émotion sans doute, l'héritier déçu emploie pingre d'un manière inappropriée: salaud, imbécile, ingrat, traître, seraient plus adéquats). Aucune gymnastique mentale de cet ordre n'est requise pour comprendre (111) a. ou (111) g. Ces faits, évidoiment, rendent encore plus improbable l'idée que les NQL sont "non-classifiants", n'ont pas de contenu descriptif propre. Encore une fois, dans le cadre de la théorie standard étendue, ces faits ne feraient pas obstacle à une dérivation transformationnelle de (112) et (111) à partir d'une base cctimune. Mais la remarque faite à la fin de 3.4.1. reste valable. On peut comprendre ces faits de la manière suivante. Ccnme flilner, dans des termes un peu différents, l'a bien vu (1973, 109sv, 1975, 208sv), dans les constructions détachées, le NQL sert à exprimer un jugement de valeur, jugement qui est motivé en principe par l'assertion émise dans la partie principale de l'énoncé^. La situation est différente dans les constructions incorporées: le jugement de valeur fait partie intégrante de l'énoncé^, et les motivations de ce jugement peuvent être cherchées ailleurs: dans le contexte antérieur du discours, ou dans ce que le sujet d'énonciation sait par avance de l'individu sur qui il porte le jugement. Par exemple, toute son expérience antérieure lui a appris que Staline se œrnportait habituellement canme un tyran, Gustave ccnme un avare, et qu'Epimênide ment en général ccrme un arracheur de dents. Ce qui oblitère la différence, c'est que, dans des énoncés plus simples, envisagés hors contexte (cf. (1)—(2)), l'énoncé principal (voir note 2) suffit souvent à lui seul à motiver le jugement de valeur. Si mettre du sel dans mon thé est un acte suffisant à mes yeux (et à celui de mon interlocuteur) pour que je traite son auteur de salaud, il n'est pas besoin de cherchez plus loin, dans le contexte ou l'expérience antérieure, pour que 11énonciation de (1) b. (ou de (2) b.) semble justifiée^. 3.5. Revenons â un point qui occupe une place importante dans l'analyse de 51 Comme le note Milner, c'est une des différences sémantiques fondamentales entre les constructions détachées et les apposés. 52 Autrement dit, dans (111) a. tyran est dans le domaine (scope) de même, dans (111) b. menteur est dans le domaine de aussi, dans (111) c. menteur est dans le domaine de cette fois, etc. Dans les phrases correspondantes de (112), tyran est en dehors du domaine de même, etc. 53 Cette analyse n'est encore qu'approximative. Voir la section 3.5.4.
41 Milner, la contrainte sur les "non-sujets" et les différences de comportement entre NP lexicalement pleins et NP prononinaux dans les constructions détachées (cf. ci-dessus, p. 24; aussi Milner, 1973, 97, 122sv, 1975, 196, 221sv, 283sv). Carme il s'agit, en apparence, d'une contrainte purement syntaxique, il convient d'en examiner de près le bien-fondé. En effet si, carme je le pense, les constructions détachées doivent être engendrées indépendanment des constructions incorporées, et si le rapport entre le syntagme détaché et le NP auquel il se rapporte doivent être traités en termes purement interprétatifs (il s'agit d'un rapport anaphorique), l'existence de cette contrainte pourrait poser un problème^. Rappelons que cette contrainte pose à Milner des problèmes syntaxiques. Carme on l'a vu p. 25, il est obligé de dédoubler DISQUAL. De plus, il est amené à ordonner DISQUAL par rapport à d'autres transformations. Il note que les phrases (b) du paradigme suivant présentent une exception apparente à la contrainte; les NQL détachés s'y rapportent en effet à un objet, non à un sujet: (113) a. *j'ai vu Jean, l'imbécile b. j'ai vu Jean courir après son train, l'imbécile (114) a. *j'ai entendu Landru, la canaille b. j'ai entendu Landru pérorer, la canaille (115) a. *on a dû écouter Jean pendant une heure, le nigaud b. on a dû écouter Jean parler pendant une heure, le nigaud Aussi, Milner propose d'analyser ces phrases de la façon suivante. La structure profonde de (113) b., par exemple, serait (116)-^. DISQUAL s'appliquerait au 54 Milner (par exemple 1973, 124sv, spécialement 137-140) rapproche la contrainte en question de celles auxquelles sont soumises les règles qui déplacent les quantificateurs ("tous-à-droite" et "tous-à-gauche", dans la terminologie de Kayne 1975, ch. 1). Mais comme Kayne (ibid. p. 6, note 9) le fait observer, la contrainte sur les quantificateurs ne doit pas simplement être formulée en termes de pronoms vs non-pronoms, cf. l'exemple qu'il cite: il va tous leur tirer dessus vs *il s'est tous présenté à eux. Comparer à (120) (i) ci-dessous. Il est intéressant, comme me le fait remarquer Kayne, que certains quantificateurs, qui apparaissent dans une position "détachée" (séparés en général du reste de l'énoncé par des pauses) et qui ne peuvent pas être dérivés transformationnellement de la même manière que Kayne dérive tous dans ses positions extérieures au NP, se comportent apparemment plutôt comme les NQL détachés, cf. (i) vs (ii): (i) a. ce film a, pour la plupart, embêté mes amis b. j'ai, pour la plupart, dit du bien d'elles (ii) a. *ce film a tous embêté mes amis b. *j'ai toutes dit du bien d'elles 55 Milner ne parle pas de phrases telles que j'ai vu courir Jean après son train, l'imbécile. Je présume qu'il les dériverait de la même structure profonde, (116). Voir Kayne 1975. Il ne parle pas non plus de phrases telles que voilà Paul, le salaud, où Paul ressemble plus à un objet qu'à un sujet (cf. le voilà). Ces phrases me paraissent l'une et l'autre acceptables.
42 premier cycle, donnant (117), et ensuite, une règle de "montée" placerait Jean en position objet de voir^.
La contrainte sur les non-sujets serait
ainsi préservée: (116) [S j'ai vu [s cet imbécile de Jean courir après son train]] 1 2 (117) [S j'ai vu [s Jean courir après son train, l'imbécile]] 1 2 La syntaxe de ces verbes de perception n'est pas encore très bien comprise. La meilleure analyse à ce jour, celle de Kayne 1975, est différente de celle que propose Milner. Pour Kayne, si une structure profonde de type NP V S (cf. (116)) est adéquate pour des phrases carme j'ai vu courir Jean, elle ne l'est pas pour j'ai vu Jean courir, qu'il dérive de j'ai vu Jean^
JPro^
courir] par EQUI. La structure profonde de (113) b. serait alors (118): (118) j'ai vu Jean [g c e t imbécile de Pro courir après son train] On pourrait penser à appliquer, carme ci-dessus, DISQUAL au pranier cycle, donc avant EQUI. Mais cette solution se heurte à 1'impossibilité, selon Milner (1975, 292), d'avoir DISQUAL dans des constructions typiquement caractérisées par l'application d'EQUI^, cf.: (119) *j'ai conseillé à Jean de se taire, l'idiot Les constructions (113) b.-(115) b. représentent donc bien, dans l'état présent des connaissances, un contre-exemple à la contrainte sur les rQ non-sujets30. 3.5.1. J'ai tacitement admis, jusqu'à présent, les jugements d'acceptabilité 56
57
58
Sur le caractère cyclique de DISQUAL, voir la note 33. Milner ne mentionne pas non plus des phrases telles que je croyais Jean malade, 1'imbécile, qu'on a souvent proposé, précisément, de dériver par une règle de montée du sujet en position objet (cf. entre autres Ruwet 1972, 1975b). Je ne sais pas quel statut d'acceptabilité il leur accorderait. Milner (1975, 293) explique l'impossibilité de (119) en ordonnant EQUI avant DISQUAL. Mais, si DISQUAL est cyclique, cet ordre est impossible, et rien ne pourra empêcher DISQUAL de s'appliquer au premier cycle. Ou bien il faudra dédoubler EQUI, ce qui n'est pas inconcevable (cf. Kayne 1975, Chomsky 1975c). Dans la ligne des modifications proposées récemment par Chomsky (1975c) à la théorie transformationnelle, Quicoli 1975 a proposé une nouvelle analyse des constructions en question, où il en revient à une structure de base unique, NP V S. Cette analyse serait, toutes choses égales, compatible avec le traitement de Milner. Toutefois, elle se heurte à toutes sortes de difficultés, et ne tient pas compte d'un certain nombre d'observations de Kayne 1975. Il est trop tôt pour juger si elle se révélera correcte.
43 de Milner. Mais il me semble qu'on pourrait les contester. Tout d'abord, si on se reporte aux exemples qu'il donne (cf. (43)-(46), p. 25 ci-dessus), la différence entre les cas pronominaux et non-proncminaux me paraît nettement moins tranchée qu'il ne le veut"^. Ensuite, il existe au moins deux classes de phrases où, pour moi, un NQL détaché peut parfaitanent se rapporter à un syntagme non-sujet. Le pranier cas est celui de phrases dont le verbe principal est un "verbe psychologique", c'est-â-dire un verbe dont l'objet, direct ou indirect, a la fonction thsnatique de "lieu psychologique" (ou expevienoev) (cf. Ruwet 1972, ch. 5). Ainsi, je trouve les phrases suivantes parfaitement acceptables^: (120) a. b. c. d. e. f. g. h. i.
ça amusait les SS de torturer les femmes, les salauds ce merveilleux film a ennuyé Max, l'imbécile ces contes de bonne femme impressionnent Luc, le nigaud tes révélations auraient déplu au ministre, le tyranneau il aurait semblé à Jules, le froussard, que la police le faisait suivre ce rouge à lèvres sur ma chemise a convaincu ma femme de mon infidélité, le chameau la lecture de Marx a inspiré à ce peintre, le pauvre barbouilleur, quelques chefs d'oeuvre du réalisme socialiste la vue de ces amateurs a suggéré à Mozart, le farceur, de composer la Plaisanterie Musicale il est venu à Paul l'idée que sa femme était folle, l'idiot
Dans le second cas, le HP auquel se rapporte le NQL détaché fait partie d'une 61 construction, elle-même le plus souvent détachée en tête de phrase , et dont 59
Je dois dire que je ne vois guère de différence entre (43) c. et (44) c., ni entre (43) d. et (44) d. J'aurais même tendance à trouver (43) d. meilleur que (44) d. Ce dernier exemple n'est sans doute pas pertinent, les pronoms personnels n'étant guère naturels en position d'agent dans les phrases passives (sauf dans des contextes contrastifs). Quant à la différence d'acceptabilité entre (43) a.-b. et (44) a.-b., elle ne justifie sûrement pas un pur et simple astérisque pour les seconds. 60 Je dois dire que j'ai rencontré quelques sujets qui n'acceptaient pas des phrases du type de (120) a. Mais l'un au moins de ces sujets n'aimait pas non plus les SS aimaient torturer les femmes, les salauds ce qui semble indiquer que, pour lui, les conditions d'acceptabilité de la construction détachée n'ont rien à voir avec la notion de sujet. J'y reviendrai (cf. la note 72). J'ajoute que les phrases de (120) sont encore plus naturelles si on les introduit par on raconte que. . . , il parait que..., etc. (ou si on y insère les incises correspondantes). Le conditionnel (cf. (120) d.-e.) les rend aussi encore plus naturelles. En ce qui concerne (120) e., rappelons que les phrases dont le verbe principal est sembler ne sont vraiment tout à fait naturelles que si l'objet indirect est un pronom, de préférence à la première personne. Ces nuances sont sans doute à rattacher au caractère spécialement subjectif de verbes comme sembler (voir Postal 1970, 114sv). 61 Les faits sont plus clairs quand la construction en question se trouve détachée en tête de phrase, mais ce n'est pas nécessaire. Cf. toutes les femmes sont des putains pour Alfred, le goujat, ou cet avorton est le plus bel homme du monde aux yeux de Julie, la gourde.
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la forme peut varier beaucoup. Le NP y est, tantôt complément d'une préfi? ^ position, tantôt amplement adneminal, tantôt objet d'un verbe subordonné , cf.: (121) a. pour Alfred, le goujat, toutes les femmes sont des putains b. d'après Arthur, l'ignorant, Tokyo est la capitale du Pérou c. dans l'esprit de Karl, le mécréant, la religion est l'opium du peuple d. aux yeux de Lulie, la gourde, cet avorton est le plus bel homme du monde e. à en croire cette vieille dame, la pauvre idiote, le centre de la terre est constitué de crème fraîche f. si on écoutait Adolphe, le monstre, il faudrait massacrer tous les Juifs
Le NQL détaché exprime un jugement de valeur, qui est motivé en principe par la proposition exprimée dans l'énoncé principal. Mais, pour que ce jugsnent de valeur paraisse naturel, il faut que l'on ait des raisons de penser que l'être (animé) dont est prêdiquê le NQL "est pour quelque chose", "a une certaine responsabilité", dans l'état de choses exprimé par l'énoncé principal. C'est cette condition - et non une contrainte syntaxique sur les non-sujets - qui permet d'expliquer les faits. (i) Qu'il n'y ait pas de contrainte spéciale sur les constructions incorporées découle du fait (voir p. 40) que le jugement de valeur émis dans celles-ci peut être indépendant de l'assertion faite par l'énoncé principal. (ii) Que les constructions détachées soient très généralement possibles quand le N2L se rapporte à un sujet découle d'abord de l'association privilégiée de la position de sujet profond avec la fonction thématique d'agent (voir Ruwet 1972): dans Pierre a mis du sel dans mon thé, "Pierre" est bien évidartment l'agent responsable de l'action. Ceci ne suffit pas (voir ci-dessous, 3.5.5., et les notes 72, 79). Mais on sait que même les sujets dérivés (ceux des phrases passives, ou des phrases dérivées par "Montée de l'objet" (ToughMovement), par exotple) peuvent se voir assovier une interprétation sémantique qui fait intervenir une certaine notion d'intentionnalité (voir, entre autres, Jackendoff 1972, 1975). 62
Aussi bien dans les phrases de type (120) que dans celles de type (121) , on peut trouver, dans les mêmes positions que les NQL, des "Expressions" (cf. ci-dessus, 3.3.2.). Voir pas exemple: (i) alors ça t'amuse, salaud que tu es, de torturer les femmes! (ii) il m'avait semblé, froussard que j'étais, que la police me faisait suivre (iii) à t'en croire, pauvre idiote que tu es, le centre de la terre serait donc constitué de crème fraîche? (iv) à cette époque, toutes les femmes étaient pour moi, goujat que j'étais, des putains de bas étage Ce fait n'est évidemment pas pertinent pour la discussion qui nous occupe maintenant, la contrainte sur les non-sujets, selon Milner, ne valant pas pour les pronoms. Mais il renforce le parallélisme entre la distribution des NQL détachés et celle de ces "Expressions".
45 (iii) Si des phrases ccmrve (113) a., (43) b., reprises ici, sont relativement peu naturelles, (122) ?j 1 ai vu Jean, l'imbécile (123) ?tu risques de blesser Jean,
l'imbécile,
c'est qu'il est difficile à première vue de tenir Jean pour responsable du fait qu'il a été l'objet d'une perception, ou le patient involontaire d'une action physique. En revanche, dans (113) b., quelle que soit son analyse syntaxique, Jean est bien, selon l'interprétation de l'énoncé principal, l'auteur d'une action, qu'on peut ou non trouver idiote. (iv) Dans toutes les phrases de (121), l'énoncé principal (y inclus les syntagmes détachés pour Alfred, d'après Arthur3 etc.) attribue à un individu donné un avis, une opinion, une croyance: il est compréhensible qu'on puisse le juger sur cet avis, cette opinion, cette croyance. (v) Dans les phrases de (120), 1'énoncé principal exprime que quelque chose (représenté syntaxiquement par le sujet®"*) a suscité®'' chez m
individu une
émotion (cf. (120) a.-d.), une croyance (cf. (120) e.-f., i) , ou une activité (cf. (120) g.-h.). L'individu en question peut apparaître ccmme étant pour quelque chose dans cette émotion, cette croyance, cette a c t i v i t é ^ . 3.5.2. Bien évidemment, la notion de "responsabilité" qui est en jeu ici "être pour quelque chose dans un certain état de choses" - reste assez vague. Elle inclut les notions de responsabilité, d'intentionnalité, d'acte volontaire, traditionnellement associées â la notion d'agent, mais elle les déborde visiblement. Je n'essaierai pas de la définir plus avant. C'est une tâche, me semble-t-il, qui dépasse la compétence du linguiste, et qui relève plutôt de celle du philosophe, du moraliste, voire du juriste ou de l'esthéticien. Je m'en tiendrai à la constatation (banale) que, dès qu'il s'agit de morale, d'esthétique, de politique, etc., nous nous sentons constanment justifiés à porter des jugements de valeur sur les gens, dans la mesure où ils sont le siège de certains processus (psychologiques, physiologiques) ou les détenteurs de certaines 63 64 65
Dans (120) e., par la complétive que S, qui n'est pas un sujet. Voir Ruwet 1975b. Voir aussi, justement: ce spectacle a suscité chez Pierre (provogué chez/ en Pierre), l'idiot, un rire inextinguible/une violente colère. Un tenant de la sémantique générative pourrait essayer de sauver la contrainte sur les non-sujets en soutenant que, à un certain stade de la dérivation, les objets de (120) et les divers compléments de (121) (Alfred, Arthur, Karl, etc.) sont effectivement en position sujet. Pour les difficultés suscitées par des propositions de ce genre, voir Ruwet 1972, ch. 5, et 1975b.
46 propriétés (beauté ou laideur, par exemple), dont ils ne doivent pas nécessairement être tenus pour responsables au sens strict du terme. On peut cependant tenter de trouver des confirmations indirectes à l'idée que c'est bien cette notion, aussi mal délimitée qu'elle soit, plutôt qu'une contrainte syntaxique sur les non-sujets, qui est à l'origine du caractère plus ou moins naturel des constructions à NQL détaché. Une contre-épreuve consisterait â trouver des constructions où le NQL se rapporte â un sujet, mais où le résultat n'est pas très naturel. De telles constructions ne sont pas faciles à trouver, pour les raisons indiquées en 3.5.2. (ii), et les données ne sont de toute façon pas très claires. On trouve cependant quelques indications qui tendent â confirmer mon hypothèse. (i) Nous avons vu (cf. section 3.1.1.) que les constructions détachées sont beaucoup moins acceptables quand le NP auquel se rapporte le NQL est inanimé. Comme les êtres inanimés ne sont pas censés être doués d'une âme ou d'une conscience, cette contrainte, inexpliquée par DISQUAL, s'accorde assez bien avec notre hypothèse. On peut même voir une confirmation indirecte de celle-ci dans le fait qu'apparemment les constructions détachées deviennent meilleures si le NP désigne le genre d'inanimés qui sont souvent assimilés aux humains (voitures, ordinateurs, etc.), cf. (48) c. et (124): (124) ?notre IBM vient encore de tomber en panne, la camelote (ii) Si le prédicat désigne une propriété physique permanente du sujet, les constructions détachées sont souvent assez bizarres, et exigent des conditions contextuelles spéciales pour être admises. Comparer (126) à (127)^: (125) PHomère était aveugle de naissance, le salaud (126) ?Pierre mesure lm75, le snob (127) Paul pèse cent trente kilos, le cochon. (S'il avait suivi un régime plus strict, il n'en serait pas là.) (iii) Si la position sujet n'est pas "référentielle" (au sens de Higgins 1973), il devrait être difficile d'y rapporter un NQL détaché. Un cas qui vient à l'esprit est celui des phrases copulatives dites "spécificationnelles". Dans les phrases copulatives "prédicationnelles" - comme (125), ou encore Max est mon ami, Luc est médecin, Pierre est un salaud - le sujet réfère â un individu
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L'argument n'est convaincant que si les constructions incorporées correspondantes sont naturelles, p.ex. ce snob de Pierre mesure lm75. Elles me semblent effectivement meilleures. D'autre part, si (cf. (128)) ces salauds de trois mousquetaires étaient Athos, Porthos et Aramis est assez bizarre (mais voir la note 69), c'est qu'un NP incluant un NQL incorporé semble devoir être référentiel.
47 ou à un ensemble d'individus, et l'attribut en prédique une propriété, ou le range dans une classe. Dans les phrases "spécificationnelles", ni l'attribut ni le sujet ne sont à proprement parler référentiels^. Le rapport du sujet à l'attribut est plutôt celui d'une variable à une valeur de cette variable, ou celui d'une liste aux marbres de cette liste (cf. mon meilleur ami est Mathieu, le propre de l'homme est le rire, les trois mousquetaires étaient Athos, Porthos et Ammir,)^.
Mes intuitions ne sont pas très claires®^, mais il me
semble que dans (128) -(129), les exemples (a) sont moins bons que les exemples (b): (128) a. ?les trois mousquetaires, les salauds, étaient Athos, Porthos et Aramis b. les trois mousquetaires, les salauds, ont exécuté Milady illégalement (129) a. ?1'amant de Donna Anna, le salaud, est Don Juan b. Don Juan, le salaud, est l'amant de Donna Anna (iv) D'après Milner, les phrases qui, cantie (119), ont subi EQUI sous le contrôle d'un non-sujet sont inacceptables. On s'attendrait donc, dans le cadre de son hypothèse, à ce que les phrases apparentées où EQUI ne s'est pas appliqué admettent le NQL détaché dans la subordonnée. Comparons (130) à (131): (130) j'ai ordonné à Luc de casser la tasse, l'imbécile (131) j'ai ordonné que Luc casse la tasse, l'imbécile Encore une fois, mes intuitions ne sont pas très claires, mais la différence d'acceptabilité entre (130) et (131) - pour autant qu'elle soit perceptible 67
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Un indice du caractère non-référentiel du sujet dans les phrases spécificationnelles est fourni par l'impossibilité d'avoir le pronom il comme anaphore de ce sujet, cf. *mon meilleur ami est Pierre, mais Jean croyait qu'il était Paul (OK: ...que c'était Paul) en face de Pierre est mon meilleur ami, mais Jean croyait qu'il était mon pire ennemi. Voir Higgins 1973, et aussi Ruwet 1975a, où je montre que les phrases spécificationnelles (mon meilleur ami est Pierre) ne peuvent pas être dérivées transformationnellement des phrases prêdicationnelles correspondantes (Pierre est mon meilleur ami). Ce qui complique les choses, c'est que les phrases copulatives sont en général très ambiguës (voir les références citées à la note 68). Une phrase comme l'amant de Donna Anna est Don Juan admet potentiellement, outre une lecture spécificationnelle, une lecture d'"identité". Dans Trotsky (n') est (autre que) Bronstein, le sujet et l'attribut sont tous deux référentiels, et on pose l'identité des référents de deux NP dont les référents étaient d'abord présumés distincts. L'amant de Donna Anna est Don Juan peut, dans un contexte approprié, être interprété de cette manière. Cf. L'amant de Donna Anna (c'est-à-dire l'homme que tu as vu sortir de chez elle hier au petit matin) (n') est (autre que) Don Juan (le Monsieur qu'on vient de te présenter sous ce nom). Dans cette interprétation, (129) a. est sans doute possible.
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me semble beaucoup moins nette que ne le prédirait l'hypothèse de Milner. En dehors de tout contexte, ces phrases me semblent toutes deux un peu bizarres^0. Cette bizarrerie peut se comprendre si on admet qu'il est difficile d'imputer à quelqu'un la responsabilité d'un acte qu'on lui a ordonné de camiettre, et que, de plus, il n'a peut-être pas accompli; ni (130) ni (131), en effet, n1 impliquent que Luc a cassé, ou cassera nécessairanent, la tasse. 3.5.3. Dans les exemples discutés jusqu'ici, le choix des personnes et des genres, la répartition des NP animés et inanimés, garantissaient l'absence d'ambiguïté: le NQL détaché ne pouvait jarais se rapporter qu'à un seul NP. ÇXie se passe-t-il quand on considère des phrases où interviennent plusieurs NP animés à la troisiàne personne (cf. (45)-(46)). Soit (132) (cp. (120) a.): (132) Marc amuse les enfants
On admet généralement que les phrases de ce type sont ambiguës; le sujet hurain admet une interprétation agentive (qui apparaît dans (133)) ou non-agentive (qui prédomine dans (134)): (133) Marc a délibérément amusé les enfants en leur racontant des histoires (134) Marc amuse les enfants par son bégaiement
Considérons maintenant (135)-(136): (135) Marc amuse les enfants, l'idiot (136) Marc amuse les enfants, les idiots
Il me semble que ces deux phrases sont également acceptables. Tout au plus (136) me paraît-il plus naturel dans l'interprétation non-agentive de Mavc, mais je ne jurerais pas que (136) soit exclu même dans l'interprétation agentive"^. Une phrase telle que (137): (137) Marc amuse Mathieu, 70
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l'idiot,
Pour que le parallélisme soit parfait, il faudrait pouvoir comparer (130) â j'ai ordonné à Luc qu'il casse la tasse, l'imbécile, qui n'est pas très acceptable pour d'autres raisons (il semble qu'EQUI soit obligatoire). Mais comparer (i) et (ii) , entre lesquels je ne vois guère de différence: (i) j'ai exigé de Luc, l'imbécile, qu'il casse mon service de porcelaines chinoises (ii) j'ai exigé de Luc qu'il casse, l'imbécile, mon service de porcelaines chinoises A la limite, je préférerais (i), la qualification l'imbécile y semblant plus facile à rapporter à des conditions contextuelles (voir 3.5.5.) que dans (ii). Comparer (i) p a r sa dégaine maladroite, Marc a amusé les enfants, les idiots à (ii) en leur racontant des histoires, Marc a délibérément amusé les enfants, les idiots.
49 serait donc ambiguë, 1'idiot se rapportant soit à Ma.ro, soit à Mathieu, avec, dans ce dernier cas, m e préférence pour l'interprétation non-agentive de Marc. Les faits ne sont sans doute pas très clairs. Mais ils pourraient suggérer une hypothèse intéressante, qui contribuerait peut-être à éclairer les variations d'acceptabilité de ces types de phrases selon les sujets (voir la note 60). L'interprétation des NQL détachés serait, partiellement, déterminée par la "hiérarchie des fonctions thématiques" de Jackendoff (cf. Jackendoff 1972; aussi Ruwet 1972, ch. 5): m
NQL détaché serait d'autant plus naturel 72 que le NP auquel il se rapporte est situé plus haut dans la hiérarchie . Une phrase carme (45) a., reprise ici en (138): (138) le gendarme a giflé Jean, l'imbécile,
serait potentiellement ambiguë, mais la lecture préférée serait celle où l'imbécile se rapporte à le gendarme, ce dernier NP étant un agent, alors que Jean est un thème ou une cible (voir la note 73). 3.5.4. Je ne poursuivrai pas dans cette voie, cependant, en partie parce que les fonctions thématiques ne sont sans doute que des abréviations plus ou moins catmodes pour des représentations sémantiques plus complexes, en partie parce que d'autres considérations encore entrent en ligne de canpte. J'ai admis jusqu'à présent (voir p. 40) que, dans les constructions détachées, le jugement dont est porteur le NQL trouve sa motivation dans l'assertion émise dans l'énoncé principal. C'est une simplification. En effet, considérons d'abord des phrases telles que: (139) a. je voudrais bien me taper cette fille, la garce b. malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à me taper cette fille, la garce (140) a. demain je rencontrerai Paul, l'animal b. pendant huit jours, j'ai en vain essayé de rencontrer Paul, l'animal
En termes de fonctions thématiques, cette fille dans (139), Paul dans (140), sont des "thèmes"^. n
s se
situent donc tout en bas de la hiérarchie thêma-
72
La hiérarchie est: "agent" > "lieu", "source", "cible" > "thème". Certains sujets pourraient n'accepter les NQL détachés que s'ils se rapportent à un agent, d'autres (comme moi) les admettraient se rapportant à un lieu, etc. Un problême est posé par les phrases passives (cf. (43) d.). Mais, d'une part, (43) d. me paraît pratiquement acceptable (cf. la note 59), et, d'autre part, on sait qu'il existe des restrictions, encore souvent mystérieuses, sur les agents des phrases passives. Je laisse cette question pour des recherches ultérieures.
73
Ou peut-être des "cibles". Ils sont de toute façon plus bas dans la hiérarchie thématique que les sujets, qui sont des agents.
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tique. Pourtant les exemples (b) me paraissent plus naturels que les exemples (a) correspondants. C'est que (139) b. et (140) b. ont certaines implications^, manquant à (139) a.-(140) a., mais qui ne font pas partie de leur représentation sémantique au sens strict du terme. Si, dans (139) b., j'ai échoué dans mes tentatives de séduction, on peut penser que "cette fille" y est pour quelque chose, elle a résisté, elle ne s'y est pas laissé prendre. Si, dans (140) b., je n'ai pas réussi à rencontrer Paul, on peut présumer qu'il y a mis de la mauvaise volonté. "Cette fille" et "Paul" peuvent donc être tenus pour indirectement responsables de l'état de choses exprimé par l'énoncé principal, même si cette responsabilité n'y reçoit pas d'expression explicite. En réalité, dès qu'on construit ou qu'on imagine un contexte approprié (voir déjà (127)), bien des phrases à NQL détaché, que Milner donne catme agrammaticales, et qui paraissent effectivement peu naturelles en dehors de tout contexte, deviennent acceptables. Revenons aux exemples (113)—(115). Les exemples (a) étaient pour Milner inacceptables, les exanples (b) acceptables. Mais considérons les petits discours suivants: (141) Je viens de voir Jean, le salaud. Il était en train de battre sa vieille mère. (142) Voilà huit jours que je n'ai plus vu Paul, l'animal. Il me doit toujours 1.000 francs. (143) Entends-tu ce pianiste, le maladroit? Il est en train de Massacrer la Pathétique. (144) Regarde-moi Thaïes, l'imbécile. Il va tomber dans le puits.
Dans ces phrases, le contexte vient compléter l'énoncé principal, et fournit la motivation du jugement porté par le NQL^^. La combinaison des deux phrases joue le même rôle que la phrase complexe dans (113) b.-(115) b. On peut d'ailleurs imaginer des exemples plus complexes, qui font intervenir des implications plus ou moins indirectes, ainsi: (145) Le scandale de la Villette vient d'éclater au grand C'est bien fait pour ce député, le salaud.
jour.
C'est ce rôle du contexte qui explique, en définitive, pourquoi les pronoms échappent, selon Milner, à la contrainte sur les non-sujets (voir les exerrples (44), (46); mais voir aussi la note 59). Un pronom renvoie par définition à 74 75
II s'agit d'"implicatures conversationnelles", au sens de Grice 1975. Je ne vois pas de différence nette d'acceptabilité entre, par exemple, (141) et (i) : (i) Je viens de voir Jean. Il était en train de battre sa vieille mère, le salaud. Pour Milner, (141) devrait être exclu, et (i) permis. (Milner m'a effectivement confirmé qu'il n'admet pas (141) et accepte (i) . Pour un traitement de ces divergences, voir la section 4.)
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un antécédent, présent explicitement dans le contexte de la phrase ou du discours, ou implicite dans la situation. le pronom, en se rapportant â son antécédent, évoque en même temps chez le locuteur et l'auditeur l'état de choses auquel participe l'antécédent - état de choses qui peut fournir les motivations du jugement apporté par le NQL. (146), (147), illustrent cette situation d'une manière particulièrement claire: (146) A: "Sais-tu que Jean est en train de battre sa femme?" B: "Oui, je le vois, le salaud." (147) A: "As-tu entendu parler de ces types qui terrorisent les banlieues le soir?" B: "Oui, je les connais, les voyous."
3.5.5. Je dirai donc que, en général, un NQL détaché peut se rapporter à n'importe quel syntagme nominal animé, et que ce sont des considérations sémantiques et pragmatiques qui rendent compte du caractère plus ou moins naturel des constructions résultantes^®. Il reste cependant des problèmes, dont le plus évident peut-être est celui que posent les phrases qui ont subi 1'"extraposition d'indéfini". Je suis plutôt d'accord avec Milner (1975, 283-284) pour trouver (149) moins bon que (148) (quoique je n'irais pas jusqu'à lui accorder l'astérisque): (148) deux promoteurs ont été condamnés, les c a n a i l l e s 7 7 (149) ?il a été condamné deux promoteurs, les canailles
Milner résout le problême en ordonnant DISQUAL après la règle d'extraposition. Cette solution n'est guère satisfaisante, d'autant plus qu'il existe des cas de phrases à extraposition où les NQL sont beaucoup plus acceptables. Il en est ainsi de (150), (151), où le NP extraposé est défini (cf. Ruwet 1975b): (150) il n'est resté que Jean, l'imbécile (151) il est venu Jean, l'imbécile, et puis Marie, la cruche^ 76
77 78
Cette analyse implique qu'il devrait être possible d'avoir, dans la même phrase, deux ou plusieurs NQL se rapportant à des NP ayant des fonctions syntaxiques différentes. Cela ne me paraît pas impossible, cf.: (i) Pierre, le farceur, a convaincu Marie, l'idiote, que la terre est plate (ii) mon mari, le salaud, m'a trompée avec Marie, la garce (iii) l'ordure, il l'a séduite, la gourde (148) fournit un bon exemple du rôle des "implicatures conversationnelles" (cf. note 74): la condamnation des promoteurs suggère qu'ils étaient coupables de quelque action répréhensible. Rappelons que ces phrases (comme celles de la note (76)) sont en principe ambiguës, 1 'imbécile et la cruche pouvant tous deux être interprêtés comme des apposés à Jean et à Marie, respectivement. Mais (150), (151), me semblent acceptables même si les deux NP sont interprêtés comme des NQL détachés, ce que les différences d'intonation entre NQL et apposés devraient rendre clair. Soit dit en passant, j'ai laissé complètement de côté les faits d'intonation, qui devraient entrer en ligne de compte dans un traitement exhaustif du problême.
52 De même, (153) ne me paraît guère moins bon que (152): (152) un seul soldat est resté à son poste, l'idiot (153) il est resté un seul soldat à son poste, l'idiot Je soupçonne que la solution du problème posé par (149) dépend d'un traitaient d1ensemble de la sémantique des phrases à extraposition, dont on sait qu'elle est assez différente de celle des phrases correspondantes sans extraposition. Peut-être le problème en question doit-il être, canne me le suggère Richard Kayne, rapproché de celui que posent les restrictions sur l'occurrence, dans les phrases à extraposition, de certains adverbiaux, cf.: (154) a. plusieurs femmes sont arrivées en hurlant b. *il est arrivé plusieurs femmes en hurlant (155) a. trois accusés ont été condamnés sans savoir pourquoi b. *il a été condamné trois accusés sans savoir pourquoi En l'absence d'études approfondies de la question en français, je n'en dirai pas plus pour le nonent^. 4. Il est temps de rassembler nos conclusions. Les deux principales sont qu'il n'y a pas de différence syntaxique essentielle entre "classifiants" et "non-classifiants" (je n'y reviendrai plus) et que les constructions incorporées et détachées doivent être engendrées séparément, essentiellement dans leur forme de surface. En ce qui concerne les phrases ccrnportant une construction détachée, je propose de les engendrer carme une séquence d'"Expressions" distinctes®0. 79
Les problêmes posés par les phrases passives (voir la note 72) et par les couples de phrases tels que: (i) ?il est difficile de contenter Pierre, l'emmerdeur (ii) Pierre est difficile à contenter, l'emmerdeur relèvent sans doute aussi d'une analyse sémantique de surface (pour le cas de (i)-(ii) , voir Jackendoff 1975). Un traitement d'ensemble de la sémantique des phrases à "extraposition d'indéfini" devrait s'inspirer des études de Milsark 1974 et Jenkins 1975 sur les phrases anglaises dites "existentielles" (there is a cat on the mat, there were several demonstrators arrested by the police). Malgré les divergences d'analyses, les démarches de Milsark et de Jenkins (comme aussi celle de Higgins 1973) me paraissent fournir une démonstration plus convaincante de la thèse de l'autonomie de la syntaxe que celle de Milner, celui-ci traitant dans la syntaxe, comme je me suis efforcé de le montrer, des faits qui relèvent de la sémantique, de la pragmatique, ou de la rhétorique - au prix de beaucoup de complications et d'une multiplication d'entités abstraites mal justifiées (par exemple les adjectifs abstraits signalés à la note 12, ou les "têtes" pronominales ou non-spécifiées, cf. section 3.2.2. notamment). Sur l'autonomie de la syntaxe, voir Chomsky 1975a/b/c.
80
Mais voir ci-dessous, section 5.
53
Ainsi, (106) a. et (107) a. - repris ici en (156) a., (157) a. - seront engendrées sous la forme (156) b., (157) b. (où # représente une frontière de phrase ou d'"Expression")^: (156) a. Jean croyait alors, l'imbécile, que la terre est plate b. ftjean croyait alors que la terre est plateft #l'imbécile# (157) a. je croyais alors, imbécile que j'étais, que la terre est plate b. #je croyais alors que la terre est plateft ttimbêcile que j'étais#
Le seul processus qui intervienne donc ensuite dans la dérivation des constructions détachées est la convention, d'application tardive, qui insère la seconde "Expression" en diverses places possibles dans la première. Cette convention était aussi nécessaire dans l'analyse de Milner (voir ci-dessus, p. 25, et ci-dessous, section 5). Dans mon hypothèse, elle s'applique facultativement. Si elle ne s'applique pas, on obtient les "discours" suivants: (158) Jean croyait alors que la terre est plate. L'imbécile! (159) Je croyais alors que la terre est plate. Imbécile que j'étais!
D'une manière générale, cette solution revient à dire que les rapports entre un NQL détaché et le NP auquel il se rapporte sont essentiellement les mânes que les rapports qui lient, dans deux phrases successives d'un discours, un QJ
NP défini anaphorique et son antécédent . En d'autres termes, je soutiens que le rapport entre Jean et l'imbécile dans (156) a. est essentiellement le mène, non seulement que le rapport entre les deux mêmes termes dans (158), mais aussi que celui qu'on trouve dans (160) (où il est indifférent, en principe, que les deux phrases soient dites par un même locuteur, ou par deux interlocuteurs différents dans une conversation): (160) Jean croyait alors que la terre est plate. L'imbécile n'avait jamais entendu parler de Copernic.
Nous avons déjà vu (cf. la note 48) que les types d'"Expressions" susceptibles d'être insérées dans une phrase ne se limitaient pas à celles de type (5) ou (6) (voir p. 1). On peut aller plus loin, et affirmer qu'en principe n'importe quelle "Expression" ou phrase peut être insérée parenthêtiquanent dans une autre, pourvu qu'une condition générale de coréférence soit remplie entre un 81 82
Je rappelle que je ne m'occupe pas ici de la structure interne de imbécile que je suis. Telle quelle, cette formulation est sans doute trop forte. Il semble plutôt que tous les types de rapport entre NQL et NP qui sont possibles dans une phrase à construction détachée sont également possibles entre deux phrases d'un discours, mais la réciproque n'est sans doute pas vraie. Voir ci-dessous, note 86.
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antécédent dans la pronière et un élément anaphorique dans la seconde. L'antécédent peut être lui-même identique à la première phrase tout entière, cf.: (161) a. Mathieu n'a rien compris à la démonstration. Du moins je le crois, b. Mathieu, du moins je le crois, n'a rien compris à la démonstration.
(Pour une étude plus détaillée de ces phéncmènes, voir Cornulier 1973; voir aussi Emonds 1974.) Notons que la seconde phrase de (160) peut être ainsi insérée parenthétiquement dans la première: (162) Jean (l'imbécile n'avait jamais entendu parler de Copernic) croyait alors que la terre est plate.
Dans 11ensemble, les conditions qui limitent les possibilités d'insertion ne me semblent pas devoir relever de la grammaire au sens strict, mais dépendent de phéncmènes stylistiques ou de performance (faits de longueur, etc.). Cette solution règle la plupart des problèmes qui faisaient difficulté pour l'analyse par DISÇXJAL, et elle fait des prédictions supplémentaires - à savoir que les divers phéncmènes qui caractérisent les constructions détachées, par opposition aux constructions incorporées, se retrouvent dans les "Expressions" isolées, ainsi que dans les discours. (i) Elle traite de manière unifiée le parallélisme dans la distribution des expressions canne l'imbécile et imbécile que j'étais (voir section 3.3.2.). (ii) Elle prédit la cooccurrence dans une même phrase de NQL incorporés et détachés (cf. 3.3.1.). Cette cooccurrence est une simple conséquence de la possibilité d'avoir, par exemple à côté de (100), aussi bien (163) a. que (163) b.: (163) a. A: "Cet Amerloque de Joe a raté son avion." B: "L'imbécile!" b. Cet Amerloque de Joe a raté son avion. L'imbécile devra passer la nuit chez moi.
Cette hypothèse permet évidemment aussi d'engendrer des phrases telles que (164) (qui serait exclue dans l'analyse de Milner): (164) ?ce salaud de Jean a cambriolé la banque, le salaud
Mais, outre que de telles phrases se rencontrent sans doute dans la performance, leur inacceptabilité relative semble simplement tenir à la redondance due à la répétition de salaud. On retrouve, je crois, les mânes intuitions dans: (165) a. A: "Ce salaud de Jean a cambriolé la banque." B: "Le salaud!" (?) b. ?Ce salaud de Jean a cambriolé la banque. Le salaud ne s'en tirera pas à si bon compte.
55 Ces faits sont un cas particulier d'un phénomène plus vaste, gui est illustré, par exonple, par: (166) ?ce salaud de Jean est un salaud (167) ?mon curé est un curé (168) ?je viens de rencontrer mon cousin et mon cousin On ne voit pas bien quel mécanisme granmatical pourrait exclure ces phrases. Il faut dire, me semble-t-il, que leur incongruité ne relève pas de la grammaire, en tout cas pas de la granmaire des phrases au sens strict du terme. Notre hypothèse prédit aussi: (iii) que les phrases du type de (80) ou (85) (voir 3.2.2.) soient acceptables. (85) a. - repris en (169) - est parallèle à (170): (169) un type a cassé la tasse, l'idiot (170) Un type a cassé la tasse. L'idiot a bafouillé des excuses (iv) que pauvre ou malheureux soient possibles dans les NQL détachés (cf. 3.2.3.). (171) est parallèle à (172) et (173): (171) Jean s'est cassé la jambe, le malheureux
(172) A: "Jean s'est cassé la jambe." B: "Ah! Le malheureux!" (173) Jean s'est cassé la jambe. Le malheureux en a pour trois mois d'hôpital. Cela signifie simplement que pauvre et malheureux devront figurer dans le lexique, à la fois corme ncms, et carme adjectifs antéposés. Mais cette double appartenance catégorielle est un phénomène très courant. (v) Que des NQL pluriels soient possibles en position détachée, se rapportant à des NP singuliers collectifs (cf. 3.2.1.). (64), repris en (174), est parallèle à (175) et (176): (174) le public parisien a sifflé ma musique, les philistins (175) Le public parisien a sifflé ma musique. Les philistins n'y ont rien compris. (176) (dialogue entre Luciano Berio et Pierre Boulez) L.B.: "Le public parisien a sifflé ma musique." P.B.: "Ah! Les philistins!" Même rerarque pour les discrépances en genre grairmatical entre l'antécédent et le NQL (voir note 42), cf.: (177) La sentinelle a déserté son poste, le salaud (178) La sentinelle a déserté son poste. Le salaud sera passé par les armes. (179) Le sergent: "La sentinelle a déserté son poste." Le capitaine: "Merde! Le salaud!" 83
(175) est en principe ambigu. Les philistins peut ne pas être coréférentiel de le public parisien. La différence entre (174) et (175) est prédite par la condition de coréférence signalée plus haut.
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On a vu que tous les sujets n'acceptaient pas (174) ou (177), tout en acceptant (175)-(176), (178)—(179). Certains aussi, tout en acceptant par exanple (174), trouvent (180) moins naturel: (180) le public parisien, les philistins, a sifflé ma musique
Ces divergences me semblent pouvoir être traitées par des conditions de surface spéciales, n'opérant pas pour tous les sujets (et n'opérant pas exactement de la mène manière pour certains sujets). Ces conditions, qu'on peut considérer came des filtres, tiendraient ccmpte essentiellement de la distance, en surface, entre l'antécédent et le NQL. Elles me semblent relever de la composante stylistique plutôt que de la granmaire à proprement parler (les sujets qui sont sensibles à ces différences semblent se caractériser, en général, par un usage très châtié). Cette solution permet aussi de faire un pas dans la ccmpréhension des restrictions lexicales et sémantiques discutées en 3.1. Ainsi (vi) les NQL inanimés plus ou moins inacceptables en position détachée le sont également ccrtne expressions isolées, et en emploi anaphorique dans un discours, cf. : (181) a. ?*Je vois que tu as acheté une nouvelle robe. La merveille te va à ravir. b. A: "Tu vois la nouvelle robe que je viens d'acheter?" B: "Ah! La merveille!" 84 (?*) (182) a. ?J'en ai assez de cette voiture. La saloperie ne veut jamais démarrer. b. A: "Notre voiture vient encore de tomber en panne." B: "La saloperie!"
(vii) Les NQL crème, amour, possibles en position incorporée et très peu acceptables, voire exclus, en position détachée, s1 arploient difficilement en discours ou dans des "Expressions" isolées, cf.: (183) a. ?*Notre fils est adorable. L'amour a été sage toute la journée, b. A: "Notre fils a été sage toute la journée." B: "L'amour!" (?*) (184) a. *Adressons-nous à ce garçon. La crème va nous soigner aux petits oignons. b. A: "Ce garçon est d'une célérité remarquable." B: "La crème!" (*) 85
84
Les exemples de (181) deviennent, comme ceux de 3.1., plus acceptables si on y substitue ce à le (cette merveille...). Dans (181) b., quelle merveille serait évidemment parfait. 85 Peut-être (cf. la note 84) ces exemples sont-ils également améliorés si on remplace le par ce. Mais ici j'en suis moins sûr.
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De même (voir la. note 44) , drôle,possible en position incorporée et détachée, mais avec des sens différents, a en discours et dans les "Expressions", le même sens qu'en position détachée: (185) a. ce drôle de bonhomme a cassé la tasse b. ce bonhomme a cassé la tasse, le drôle c. Ce bonhomme a cassé la tasse. Le drôle est parti sans même s'excuser. d. A: "Ce bonhomme a cassé la tasse." B: "Le drôle!"
(viii) Nous avons vu qu'un grand ncmbre de ncms, sans contenu affectif propre, mais naturels en position incorporée, étaient plus ou moins bizarres en position détachée. En emploi anaphorique dans un discours, ou carme "Expressions", ces noms, ou bien gardent la même bizarrerie, ou bien restent affectivement neutres86. Ccrrparer (186) à (55), (56); comparer aussi (187) à (61): C186) a. Chomsky a fait une conférence à Vincennes. Le linguiste nous en a mis plein la vue. b. Nicolas: "Chomsky nous a fait une conférence." Richie: "Ah! Le linguiste!" (??) (187) a. Chomsky a fait une conférence à Vincennes. Le sacré linguiste nous en a mis plein la vue. b. Nicolas: "Chomsky nous a fait une conférence." Richie: "Ah! Le sacré linguiste!"
Enfin, les diverses différences sémantiques notées entre constructions incorporées et détachées ne posent plus de problème particulier. Elles sont exactement ce que prédit notre hypothèse (voir 3.4.) . (ix) En emploi de discours, comte "Expression", ou en position détachée, un NP peut renvoyer aussi bien à un NP générique qu'à m
NP non-générique.
L'interprétation d'un NP carme générique ou non-générique est totalement indépendante de cette possibilité. Quant à l'ambiguïté, en termes de généricitê, des NP incorporés, elle tient à la présence normalement obligatoire du déterminant ce dans ces constructions, dès lors qu'elles sont définies8^. (x) Les différences de sens relevées entre (111) et (112) sont une conséquence inmêdiate de notre analyse. L'interprétation des NQL incorporés fait partie intégrante de l'interprétation de la phrase, ils sont donc dans le dcmaine d'élânents carme même, aussi, pour une fois, etc. (Cf. la note 52) . Les NQL 86
87
C'est là une des différences entre discours et constructions détachées: dans un discours, un NP "non-affectif" peut renvoyer anaphoriquement à un antécédent (cf. (186) a.). Dans une construction détachée, comme on l'a vu, c'est plus difficile. Les "Expressions" isolées (cf. (186) b.-(187) se comportent comme les NQL en position détachée. Cf. Milner, 1975. Je fais abstraction de tours comme mon salaud de cousin, qui ne sont pas pertinents ici.
58 détachés étant engendrés en dehors de la phrase, il est naturel qu'ils soient en dehors du domaine de oes élánents88. Notons que (188) a la même bizarrerie que (112) c.: (188) Socrate: "Cette fois, Epimênide a dit la vérité." Glaucon: "Le menteur!"
Quant à ce qui concerne les constructions incorporées, je n'ajouterai pas grand chose à ce qui a déjà été dit. Etant donné les incertitudes qui subsistent quant â la structure exacte de ces constructions (étant admis qu'elles sont engendrées telles quelles en base), je ne vois pas grand sens pour le marient â essayer de formuler, de manière plus précise que je ne l'ai fait, la règle d'interprétation qui est associée â ces structures. Les phrases du type de (3) seront engendrées telles quelles, sans forme abstraite tête {Pro ou A). Cela supprime d'ailleurs un problàne qui se posait peut-être à Milner: on a en effet aussi bien l'imbécile a cassé le vase que cet imbécile a cassé le vase, alors que, en face de cet imbécile de colonel a cassé le vase, on n'a pas, normalement, *l'imbécile de colonel a cassé le vase. Il n'est pas clair que l'analyse de Milner permette de traiter cette différence de manière naturelle. Pour nous, la double possibilité d'avoir l'imbécile.../cet imbécile... tient au fait que les sujets de ces phrases sont simplement des syntagmes nominaux simples ordinaires, parallèles à le colonel.../ce colonel... Les restrictions sur le déterminant dans l'autre cas seraient une propriété des constructions incorporées de forme N
de N^.
Il subsiste un problàne, celui posé par les phrases de (84). Je ne vois pas d'autre solution (étant donné la possibilité de (86), etc.) que de les engendrer. Une explication de leur bizarrerie serait à chercher dans la redondance qu'elles manifestent, le contenu sémantique de homme, type, etc. (au sens non-marqué) étant proprement inclus dans celui de salaud, imbécile, etc. (Contraster de ce point de vue les phrases de (84) â, par exemple, ce sacré individu me file depuis trois ¿ours, qui est acceptable). Je vois là une
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Dans (112), le NQL est partout en fin de phrase. On pourrait se demander si la généralisation tient toujours quand il se trouve placé en d'autres positions. Soit: (i) Gino est aussi, le menteur, un dangereux gangster (ii) cette fois Epimênide, le menteur, a dit la vérité (i) a toujours la même interprétation que (112) b.; quant à (ii), il me semble ambigu: ou bien le menteur est un NQL détaché, et la phrase, comme (112) c., est sentie comme contradictoire, ou bien le menteur est un apposé sur Epimênide et sert à l'identifier (cf. Epimênide, le menteur bien connu, ...). La généralisation semble donc se maintenir. (La différence entre les deux lectures devrait être rendue sensible par les différences d'intonation.)
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indication de plus en faveur de l'idée que les NQL ont bien une "référence virtuelle" propre, qu'ils ne sont pas "non-classifiants". 5. J'ai admis que les phrases à constructions détachées étaient engendrées came des séquences d'"Expressions", soit ...#E##E#... Cette solution laisse subsister plusieurs problèmes, que je discuterai brièvement. 5.1. On pourrait envisager, au lieu d'engendrer ces phrases sous la forme d'une séquence de deux expressions indépendantes, de recourir à la troisième dimension®®. L'énoncé principal serait engendré au moyen de la règle habituelle
S > ...NP VP ..., et la construction détachée serait engendrée en troisième dimension, par une règle telle que S > fP®. (156) a. serait alors en base de la forme (189): (189)
S
(où le pointillé symbolise la troisième dimension). la question est de savoir si cette solution est autre chose qu'une variante rotationnelle de la première^. il est prématuré, me semble-t-il, d'essayer de comparer les deux solutions, tant qu'on n'en sait pas plus sur la troisième dimension. Pourtant, il est possible d'imaginer que les deux analyses feraient des prédictions anpiriques différentes. Tout d'abord, si les emplois de NP anaphoriques en position détachée ne représentent qu'un sous-ensanble des emplois de NP anaphoriques en discours (voir notes 82, 86), on pourrait envisager de rendre ccmpte de ces différences en termes de conditions spéciales sur les NP introduits en troisième dimension. Le problème est que les "Expressions" isolées sont en ce point de vue plus proches des "Expressions" détachées (voir la note 86). En second lieu, une structure en troisième dimension peut en principe être daninée par des noeuds différents: dans (189), E est dominé par S; chez Vergnaud 1974, les relatives non-restrictives sont dcminêes par NP. On pourrait imaginer 89 90 91
Cf. note 34. Mais voir ci-dessous, les réserves faites sur le recours à la catégorie E. Vergnaud (1974) fait la même remarque, à propos de son analyse des relatives non-restrictives.
60 que la convention de linéarisation (équivalent dans cette perspective de la convention qui insère la seconde "Expression" dans la première dans (156)-(157)) soit soumise à la condition suivante: "Si un noeud A est engendré sous un noeud B en troisième dimension par la règle B
> A, A ne peut être linéarisé qu'à
l'intérieur de la séquence dominée par B." C'est cette condition que Vergnaud admet implicitement pour expliquer que les relatives non-restrictives ne puissent pas être extraposées®^. Une structure carme (189), où E est engendré sous le noeud S, ne nous apprend rien de ce point de vue, mais des phrases telles que celles de (121) pourraient être pertinentes (voir p. 44). Tout dépend du statut de phrases telles que: {190) ?pour Alfred, toutes les femmes sont des putains, le goujat (191) ??aux yeux de Julie, cet avorton, la gourde, est le plus bel homme du monde (192) *si on écoutait Adolphe, il faudrait, le monstre, massacrer tous les Juifs
Ccnnie on le voit, aucune de ces phrases n'est très bonne, et (192) semble franchement exclu. Si le goujatj etc., étaient engendrés en troisième dimension, non sous le noeud S principal, mais sous le noeud PP (dans (190)-(191)) ou sous le noeud S inférieur (dans (192)) , la condition qu'on vient de proposer prédirait que ces phrases sont agranmaticales. Mais elles ne sont pas également inacceptables, et on pourrait sans doute imaginer d'autres manières de traiter les faits (des stratégies de perception, par exemple). Je laisserai donc la question en suspens. 5.2. Je n'ai pas été très explicite sur la nature de la convention qui détermine dans quelles positions de surface les "Expressions" détachées peuvent être insérées. Cette question est liée à la précédente. Milner (1975, 279sv) la discute brièvement. Il rejette, à juste titre, la convention de "transportabilitê" de Keyser 1968®^, et suggère qu'il s'agit d'une règle de réajustement, qui insère le NQL à la limite de deux constituants majeurs quelconques. Je n'ai pas grand chose à ajouter, sinon qu'il s'agit sans doute d'une règle très tardive, peut-être postérieure aux règles de réajustanent phonologiques. Il est possible qu'elle doive être formulée, non pas en termes de limites entre
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A supposer qu'elles ne puissent vraiment pas l'être, (i) ne me semble pas beaucoup plus mauvais que (ii): (i) Napoléon vient de mourir, qui avait failli conquérir le monde (ii) un homme est entré qui portait une cravate verte La règle proposée par Emonds pour traiter les parenthétiques est également inadéquate, du moins pour le français (cf. Emonds 1974).
61 constituants majeurs, mais de limites entre mots phonologiques. Des faits tels que ceux illustrés par (193)—(195) pourraient être pertinents à ce sujet, mais j'en resterai là: (193) Pierre nous a tous, l'imbécile, très mal compris hier (194) ?Pierre nous a, l'imbécile, tous très mal compris hier (195) *Pierre nous a tous très mal, l'imbécile, compris hier
5.3. J'ai jusqu'ici utilise, corme Milner, la catégorie E ("Expression"). Mais le recours à cette catégorie, et surtout l'idée d'en faire le noeud initial de la grarrrraire, me semblent devoir susciter des réserves. Il m'est impossible de traiter à fond la question dans le cadre de cet article, mais je voudrais au moins donner quelques indications. Il est bien vrai que Quang Phuc Dong 1969, Shopen 1972, et Culicover 1972 ont donné des arguments assez sérieux contre une dérivation transformationnelle d'expressions telles que (196)-(198) à partir de structures profondes canoniques (correspondant à des phrases): (196) fuck you! (197) into the dungeon with him! (198) one more can of beer and I'm leaving
et on pourrait sans doute construire des arguments voisins pour des expressions françaises comparables. Milner (1975, 266) signale des exemples camie (199)-(202) : (199) (200) (201) (202)
une bière de plus et je pars tout de suite amusant, ce petit jeu! la barbe avec cette histoire! merde à Vauban!
Mais le système de règles que Milner, à la suite de Banfield (1973, 201-202), propose pour engendrer les "Expressions" pose des problêmes assez graves. En effet, ce système est purement descriptif et taxinomique. L'expansion de E selon Banfield est, syntaxiquement, un fourre-tout. Ce système n'est, pour le moment, contraint par rien, et est carpatible avec les règles syntagmatiques les plus extravagantes. Si on pousse la logique du système jusqu'au bout, on risque d'en revenir à une pure granmaire de listes, et à vider la notion de graitmaire générative, et celle de structure profonde, de tout contenu. Par exemple, si (200) est engendré tel quel dans la base, il devrait en être de mâne de (203)-(206) : (203) (204) (205) (206)
tous des fous, ces Romains! tous foutus, les moteurs! pas facile à lire, ce sacré Lacan! alors, Luc, toujours persécuté par ta belle-mère?
62
Cela veut dire qu'il faudrait renoncer aux règles de transformation ("Tous-àdroite", "Montée de l'objet", "Placement de négation", "Passif") qui ont été proposées pour traiter les phrases apparentées à (203)-(204), soit: (207) (208) (209) (210)
ces Romains sont tous des fous les moteurs sont tous foutus ce sacré Lacan n'est pas facile à lire Luc est toujours persécuté par sa belle-mère
Il n'est pas inconcevable que ces règles soient inadéquates, mais il faut bien voir que cette démarche nous amènerait à une conception de la structure profonde beaucoup moins abstraite encore que celle qu'admettent des lexicalistes bon teint (cf. Chomsky, 1973, 1975a/b/c, Jackendoff 1972, Bnonds 1976, etc.). Shopen (1972) est conscient du problème et est amené, par exemple, à remettre en cause l'existence de la transformation passive, ainsi que celle de montée du sujet en position sujet94. D'autre part, le principe d'interprétation général (cf. note 7) que Milner, modifiant une proposition de Banfield 1973, associe au noeud E, d'une part ne prédit rien sur la syntaxe de /•', et d'autre part n'est pas assez général, puisqu'il exclut les cas où E domine exhaustivement ;>'. Or il est bien évident qu'il existe des phrases, ayant une structure propositionnelle, qui "expriment un affect du sujet d'énonciation désigné par /•/" - voir par exemple (4) , (28) , etc. Enfin, il est également évident que, même si les moyens transformationnels classiques échouent à en rendre ccmpte, il existe des régularités structurales à l'intérieur de E, et des relations entre les différents types de /V et les différents types de structures dominées par S. Par exemple, (196) ressemble à un VP, (197) ressemble à un fragment de VP (cf. I wcnt into tin- dtmgcon wit'n him), (202) aussi (cf. Louvois a ut n'est cependant pas résolu; en effet, si l'on y prend bien garde, la contrainte du sujet spécifié devrait empêcher aussi bien le déplacement du génitif Possessif postposé: autrement dit, on ne devrait avoir sur ce dernier ni interrogatif de qui, ni relatif dont, ni déplacement de en, ni antéposition de génitif, et cela en aucune circonstance, puisque, quel que soit le contexte, t sera toujours présent, en position de blocage. Il va de soi que tout cela est contraire aux données. Pour remédier à ce défaut de la théorie des traces, on pourrait songer à compléter la condition (42) par l'additif (42'): (42') une catégorie contrôlée par Y n'est pas un sujet
spécifié
Carme on voit cet additif est symétrique de celui qui exclut des sujets spécifiés les catégories contrôlées par X. Il est de plus assez naturel, si on le rapporte à la logique de la notion de trace. Cette dernière a en fait pour but de permettre de "récupérer" les relations sémantiques au travers des déplacements structuraux. En l'occasion, elle permet grâce au principe sémantique du "contrôle", de conserver pour l'interprétation à un terme déplacé sa nature originelle de sujet. Mais la contrainte du sujet spécifié, par définition, ne s'applique pas aux mouvanents
90 du sujet lui-même; on peut donc comprendre que n'y soit pas soumis un élément qui à certains égards est encore un sujet: c'est ce que traduit l'additif (42')34. Dans ces conditions, la théorie des traces n'offre plus de difficultés et prédit correctement l'ensemble des données. Supposons-la admise; canne le note ici-même L. Jenkins, elle a une propriété supplémentaire: elle modifie sensiblement la plupart des problànes d'ordre et leur ôte souvent leur caractère crucial. Considérons de ce point de vue le cas présent: l'ordre AntépositionPostposition a été jugé nécessaire pour obtenir les blocages enregistrés en (38); il y suffit en effet, mais il n'est pas seul possible si les traces existent. Soit l'ordre inverse, Postposition-Antéposition; la première laisse une trace t; selon toute vraisanblance, la seconde consiste à substituer un élément - disons Pro - à t (la préservation des structures ne laisse pas en fait d'autre voie). La question se pose alors ainsi: t peut-il être ainsi effacé par un élément de type nominal? On songe ici â une suggestion avancée par Chcmsky à la suite de Goldsmith (cf. Chomsky, 1975): une trace t, ayant pour fonction de préserver le caractère récupérable des relations sémantiques, ne peut être elle-même effacée que si ce caractère est préservé. Ainsi dans le passif, la trace du sujet profond peut être remplacée et effacée par le complément d'objet antéposé dans la mesure même où la préposition par, introduisant le sujet profond postposé, permet de "récupérer" l'interprétation. Mais il n'en va pas de même ici: la préposition de, qui introduit le Possessif postposê, n'a par elle-mâne aucun contenu et n'est certainement pas réservée â cet élément; substituer â la trace t ùn élément ncminal d'origine nonpossessif, c'est supprimer toute possibilité de récupération3^. De ce fait, on pourrait considérer que toute antéposition sera bloquée, qu'elle précède ou qu'elle suive la Postposition, dès que (Spec, N') contient un N": autrement dit les deux transformations considérées peuvent tout aussi bien n'être pas ordonnées l'une par rapport à l'autre: le tableau (38) est obtenu tantôt à cause de N" lui-même, tantôt à cause de sa trace. 34
35
II reste que jusqu'à présent, aucune donnée en-dehors des groupes nominaux n'est venue l'appuyer. On pourrait songer à examiner de ce point de vue le Mouvement des clitiques dans les tours du type je l'ai vu faire à Jean, mais le fonctionnement de la contrainte du sujet spécifié y est très obscur, comme le montre Rouveret (1975). Cela n'exclut pas que t disparaisse, effacé par un élément non-nominal, qui ne crée aucune ambiguité. On peut donc admettre que t soit épelé par la morphologie comme un article par exemple Cf. infra. La position théorique implicitement admise ici est loin d'être triviale; elle revient à supposer que les transformations ne peuvent pas créer d 1 ambiguité.
91
Si l'on considère la transformation de Postposition, elle rappelle évidenment une des règles du Passif, narmément la Postposition de l'Agent. Sans doute, une différence majeure subsiste: la Postposition de l'Agent suppose que l'élément postposé (le sujet profond) soit introduit par par; celle du Possessif exclut par et n'admet que de. Mais à la réflexion, il n'y a pas là d'obstacle insurmontable. Dans les deux Postpositions, est concernée la notion de sujet; c'est là de toute évidence une notion structurale: il suffit pour qu'elle soit pertinente qu'un N" occupe une certaine position dans N" ou S ^ . Mais d'autre part, le sujet d'une catégorie appelle certaines interprétations, dont il est tgrips de préciser quelque peu les règles. Tout dépend sanble-t-il du caractère plus ou moins verbal de la catégorie lexicale Z, avec laquelle le sujet est en relation de sélection. Si cette catégorie Z, est [+V] (soit un verbe [+ V, - N] soit une nominalisation [+ V, + N]) le sujet est interprété carme l'agent du processus dénoté par Z; si Z est [- V], alors le sujet est interprété ccmme un terme dans une relation asymétrique, elle-même interprétée suivant les cas ccrrme tout/partie, possédé/possesseur, parenté etc.^ La formule générale de la Postposition devient alors: (68) [ X, N", C, Y, Pr, A, Z]2 al 2 3 4 5 6 7 remplace
6
C=V si a = S, N si a = N"
Pour que la règle soit applicable, il faut que les relations sémantiques soient respectées; autrement dit la nature de la préposition dans le Groupe prépositionnel doit être telle que l'interprétation du sujet soit compatible avec elle. Par est donc possible pour le sujet d'une catégorie [+ V], mais pas
36
37
Nommément la position la plus "élevée" au sens de Chomsky 1971. Tout ce développement soulève de nombreux problêmes non-résolus; notamment, s'il se révélait que seuls N" et S sont cycliques à l'exclusion de A", comme certains indices le donnent à penser, il apparaîtrait que seules les catégories ayant un sujet sont cycliques et réciproquement. Cela simplifirait grandement la définition structurale de la notion de "sujet". Cette présentation a deux conséquences: 1°) pour les noms [- V], le sujet n'est pas Agent et réciproquement, le terme Agent, s'il est possible, n'est pas sujet, mais complément, (c'est le point d'opposition principal qui me sépare de Ruwet, 1972). Cela implique que tous les noms [- V] n'admettent pas un terme Agent - ce qui est vrai. 2°) Pour un terme sujet, l'interprétation agentive et possessive sont en distribution complémentaire; de ce fait, une même forme pourra être considérée comme plus ou moins verbale suivant la nature interprétative de son sujet; parallèlement une "vraie" nominalisation (à sens exclusivement verbal) exclut toute relation de type possessif. Cette seconde conséquence est également vérifiée.
92 -3Q
pour le sujet d'une catégorie [- V]
; canne la nature sémantique de ce dernier
est fort variable, aucune préposition spéciale ne peut lui être dévolue et seule apparaît la préposition "vide" de. Dans cette présentation, il n'y a plus qu'une seule postposition, diversement spécifiée suivant la nature catégorielle des éléments concernés et l'interprétation qu'ils appellent. Il a été fait usage une fois encore du principe général de "récupération" des relations sémantiques, qui se révèle utile en-dehors de la stricte théorie des traces et qu'on propose ainsi carme une propriété universelle des langues naturelles, indépendante des grammaires particulières. Si l'on admet (68) , la règle est cannune au système du ncni et à celui de la phrase; néanmoins elle exige d'être complétée en français en ce qui concerne le nom: il se trouve qu'en français, on n'a jamais en surface de structure comportant un N" de statut plein en position de déterminant. A première vue, il suffirait pour satisfaire aux observations de rendre la Postposition obligatoire; mais cela n'est guère possible pour (68): la règle en elle-même peut bien être obligatoire, mais dépend en tout état de cause de la présence d'un groupe préposition + A dont on ne voit pas comment rendre l'apparition obligatoire dans N". Autrsnent dit, Pr + A peut toujours manquer, auquel cas (68) évidemnent ne peut jouer. Il faut donc admettre une contrainte de surface marquant comme incorrecte toute structure à N" déterminant. Cette contrainte est évidemnent propre au français et au systàne nominal, à la différence de (68). Cela correspond aux données elles-mêmes: alors que le fonctionnement du passif, tel que le décrit (68) se rencontre dans plusieurs langues, et dans une même langue, en deux points divers, 1'impossibilité que note la contrainte de surface est particulière et ne se déduit d'aucune manière d'une propriété générale; il est donc justifié que deux dispositifs disjoints soient mis en oeuvre dans la granmaire et il n'y a là malgré l'apparence aucune redondance. La transformation d'Antéposition, quant à elle, fait songer à l'autre partie du passif: le déplacement du complément d'objet en position de sujet (cf. Chomsky, 1968). Une fois encore des différences sautent aux yeux: 38
Par étant de plus la seule préposition ayant le sens agent, elle est seule possible en (68) quand il s'agit d'un sujet agent, à moins bien sûr que le groupe prépositionnel contienne la préposition vide de, par définition compatible avec toutes les interprétations. Ainsi s'explique que dans certains cas, l'Agent du passif soit en de, non sans effets d'interprétation. Peut-être faudrait-il étendre ce raisonnement à la préposition à qui, comme on sait, apparaît dans les tours factitifs comme une "variante" de par. Mais toutes ces données sont obscures.
93 - dans le passif verbal, seul l'objet direct est déplacé, à l'exclusion des compléments prépositionnels; dans 11Antêposition nominale, ce sont des compléments prépositionnels qui sont affectés, et parmi eux l'Objet n'a aucun privilège; - dans le passif verbal, toutes les formes nominales, proncms et noms, sont déplacées; dans 1'Antêposition nominale, seuls les proncms paraissent en cause. La première différence se réduit aisànent: car à proprement parler, l'élément antéposé dans (Spec, N 1 ) ne saurait être le groupe prépositionnel tout entier, à moins d'admettre que la base génère une structure (Spec, N')
GPr,
ce que rien n'indique. Dans le cadre de la préservation des structures, c'est N" qui est antéposé, laissant en arrière une préposition sans régime (ou introduisant une trace). On peut admettre que dans ces conditions intervient une règle d'effacsnent, de type morphologique; cet effacement, étant nonrécupérable, ne peut concerner qu1une préposition non-spécifiée, à savoir de. Par ne pourrait être ainsi effacé et une convention de surface, propre au français, éliminerait toute structure prépositionnelle sans régime (sauf exceptions du type SUT
dessus,
ou du type avec). Cela revient à réserver 1'antêposition aux groupes en de, tant Agent qu'Objet. Carme de toute manière, le groupe nominal n'admet pas, à la différence du groupe verbal, de N" suivant directement l'élément principal de la catégorie cyclique (en l'occurrence N), la règle pourra être formulée simplement, la variable précédant N" contenant nécessairement une préposition si C = N: 69 - [ W, e, X, C, Y, N", z] al 2 3 4 5 6 7
6 remplace 2
C = V si L = S, N si a = N"
e note l'absence de segment. J'admettrai ici qu'il s'agit d'une absence de segment phonologique et que e, phonologiquanent nul, peut correspondre soit à l'absence pure et simple de tout élanent, soit à la présence d'une trace. Si C = V, e est nécessairarvent une trace, car dans ce cas, la catégorie sujet étant obligatoire, elle ne peut être absence que par déplacement (en l'occurrence, par Postposition). Si C = N, le sujet n'est pas obligatoire, mais possible; e peut donc être une trace, mais dans ce cas, on l'a vu, du moins pour les ncms [-V] 1'antêposition est bloquée par l'exigence de
"récupérabilité" des relations sémantiques39. Dès lors, pour que (69) s'applique x by Mary
(8) John
at which point the selectional restrictions imposed by the verbs are fully determined. The interpretive rules, then, which in these cases link pairs of the form (NP, PRO) are in effect rules of bound anaphora, such as Reciprocal Interpretation, which links pairs of the form (NP, each other), as in (10), to give (11) 1
2 3
This paper is a revised version of an unpublished paper entitled Trace Theory and Syntactic Ordering. The author is indebted for comments and criticism to N. Chomsky, R. Kayne, H. van Riemsdijk, E. Williams, and J. R. Vergnaud. That iWi-movement might be considered an interpretive rule is mentioned in Chomsky (1973); for more general discussion of the idea of considering transformational rules as interpretive rules, see Chomsky (1975b). This is the PRO in Chomsky (1973) . See also the similar use of A in Jackendoff (1972).
116 (10) The men saw each other. (11) The men saw each other .
x
x
Let us turn new to a brief sketch of the argument leading to our decision to treat NP-movement rules as a special case of bound anaphora rules (with null anaphors). In 1. we will present arguments that the elatent trace (t) postulated in trace theory is the element PRO; i. e., t = PRO. Assuming this, we argue in 2. by the Anapom Relation that it is an accident in a theory with movement transformations incorporating trace theory that PRO has two sources — it is base-generated and also transforirationally introduced by movement rules. To overccme this defect, it is proposed in 3. that the expressive pewer of the theory of transformations be reduced by eliminating (NP)-movement transformations (possibly all movement transformations) from the extended standard theory. A number of possible consequences of the material under discussion, all logically independent of one another, are pointed out: a) For the "core rules" (see Chcmsky, 1975b) of the syntax, wn-movanent and cases of NP-movanent, it follows, given trace theory, or the alternative interpretive theory we propose, that there is (for these rules) no motivation for either 1) extrinsic rule ordering or 2) the principle of the syntactic cycle. b) (NP) -movement rules mast be purely interpretive (see above), traces thereby becoming superfluous, or rather replaced by base-generated PRDs. c) NP-movement (as in Passive) may perhaps be best considered as simply a subcase of the same rule as w^-movement. 1. In this section we will give a brief presentation of trace theory (Chcmsky 1975 a/b) and will argue that trace (t) is the element PRO. This result will then be used to argue for the elimination of (NP) -movement transformations (and thus the introduction of traces by such transformations). Trace theory has had two principal lines of motivation: a) to account for the functioning of certain syntactic and semantic rules and b) a metatheoretic line of motivation; viz., to reduce the expressive power of the theory by eliminating non-attested classes of rules frcm the theory. As for a), it has been suggested, for example, that trace theory can account for the fact that (1) has two interpretations; viz., (1A) and (1B), but the contracted form in (2) has only the interpretation in (1A)
117
(1) Teddy is the man I want to succeed. (IA) I want to succeed Teddy. (IB) I want Teddy to succeed. (2)
Teddy is the man I wanna succeed.
As for b) it has been suggested that trace theory can explain why many languages have raising rules as in (3), but none have lowering rules as in (4) (3) John seems [
T
(4)
I
to win]
seems [John to win]
The explanation for such facts as illustrated in (1)-(4) is along the following lines. Let us assume that every movement transformation (in particular, all NP-movement transformations) leave an element behind called "trace" and designated with a t. Assume furthermore that we give "trace" the following interpretation: trace is to be interpreted just like a bound pronoun (i. e., a pronoun whose antecedent must be in the same sentence and whose distribution is therefore subject to the conditions on sentence granmar - such as the Specified Subject Condition) - viz., such pronouns as underlined in (5) (6) (7) (8)
The men saw each other. John washed himself. John lost his way. John tried [PRO to go].
In contrast the underlined pronouns in John lost his book and John thinks he_ is ill are "free" pronouns with possible antecedents outside the sentence (and are not subject to the conditions governing sentence gramnar). If it is true that trace is a bound pronoun, then we would expect it to have the relevant semantic and syntactic properties of each other, himself, his (way), and PRO; it is, of course, phonetically null, like PRO. Thus we would expect t to be excluded frcm occurring in any structures frcm which the bound pronouns are excluded. And, since the bound pronouns are terminal elements like John or eat, and can thus block the application of transformations and be moved around by transformations, we expect trace to act like a terminal element and to block the application of transformations and be moved around by transfornations in similar circumstances. As we will see all of these expectations are fulfilled. Turning to the exclusion of bound anaphora (and trace) frcm certain structures first, consider the fact illustrated in (3) and (4), that there are raising, but not lowering transformations. Assuming now trace theory, (3) and (4) (were the latter to exist) would result in the structures
118 (9) John seems [t to win]
-e
i
(10) t seems [John to win]
But now notice, given t is a bound pronoun like PRO, that the reason that (10) is excluded can be seen to follow fran the fact that PRO is similarly excluded in such configurations as (12) (11) John tried PRO to go. (12) *PR0 tried John to go.
That is, we have EQCJI interpretation of embedded subjects, but not of matrix subjects. The impossibility of the transformation in (10) is seen then to follow fran an independently motivated restriction on bound anaphora. A similar explanation can be offered for the fact that NP-Preposing is obligatory in sentences, but not in NPs (see Fiengo, 1974) (13) the destruction of the city by the enemy (14) t destroyed the city by the enemy.
In (14) the moved NP the enemy has left a trace behind in subject position. This configuration is ruled out, however, if we again assume that trace has the properties of a bound pronoun, since, in fact, bound pronouns are excluded frcm this context as in *eaoh other were seen by the men. However, in (13) the position of trace has been erased by the insertion of the article the and the structure is well-formed. We now turn to the predicted property of trace that, since it is a terminal element like other bound pronouns, it should in principle be able to block the application of transformations and also be moveable by transformation. Considering again the facts concerning the contraction of want to, observe that contraction of want to is blocked if some terminal elerent intervenes between want and to 4 (15) The men want to (wanna) win. (16) The men want each other to win. *The men wanna each other win.
We would expect then that if a trace were to appear between want and to, it would likewise block the contraction of want to, since it too is a terminal element by hypothesis. That this prediction is confirmed can be seen in (17) Who do you want t to (*wanna) win the election?
4
Chomsky (1975b) argues that the embedded subject in (15) is a reflexive pronoun (themselves) which is deleted before elision, hence permitting contraction of want and to.
119
Observe now that each other, again by virtue of being a terminal element (like John) may be moved about by transformation (18) The men want Teach other to be examined by the doctor]. t zr~
Here the deep object eaoh other has been moved into the embedded subject position by Passive. Similarly, in (19) the bound pronoun PRO, the deep object, has been moved into subject position by Passive, where it is interpreted as being identical to the matrix subject. (19) John intended [PRO to be examined
by the doctor]
t zzr Or illustrating the same point as in (19) in another construction, we have NP-Preposing in (20) from the deep structure (21), with PRO replacing it (20) John tried [PRO to appear to be more intelligent than he really is]5 (21) John tried [it to appear PRO to be more intelligent
t
i
than he really is]
We now present evidence that t, like PRO, must also be moved by transformation in order to account for some facts involving the interaction of u/z-movement with NP-Preposing. Consider (22) Who seems to be nice? (23) *Who does it seem to be nice?®
Let us consider how we can exclude (23) . Observe that no obvious surface structure restriction of who-V-it... sequences will suffice since we have (24) Who will (it) be easy to please?
with an acceptable who-V-it sequence. Since seem is a raising verb, who must be the embedded subject in deep structure (25) COMP it seems [COMP who to be nice]
with subsequent raising of who to the position of it (and into the initial CCMP position). The problem is to guarantee that who erases the it before moving into the matrix OQMP, otherwise we will generate the unwanted (23). We will 5 6
Such sentences as (20), with an epistemic verb (like seem) embedded below a verb of volition (like try), are marginal for some speakers; but the general point that PRO can move is established by example (19). Note a similar contrast between who is believed to be in the garden and *who is it believed to be in the garden.
120 now argue that this is automatically guaranteed under trace theory, since no matter how who in (25) moves, it will leave a trace behind, which, being a terminal element, like John or who, can be moved by NP-movement and thence erase it (26) COMP^Wh°''
it seems
tC0MP t to
be
nice]
We will furthermore show that we get the right result under trace theory no matter what ordering we have between A) w^-movement and B) NP-movement—A before B, B before A, or unordered. Furthermore, the correct result obtains whether we use a cyclic or linear principle (Kimball, 1972) of syntactic ordering. We new show that alternative solutions without trace theory are more ccmplex. Returning to the deep structure in (25) and assuming that wft-irovement does not apply on the first cycle, we observe that on the second cycle NP-novsnent must apply before u^-movement to yield first (27) COMP who seems [COMP to be nice]
and then (28)
COMP
[who] seems [COMP to be nice]
to give the desired (22). If we had applied u/z-movement first, moving the embedded subject into the matrix CCMP, there would no longer be any subject to be raised and we get (29)
COMP
[who] it seems [COMP to be nice]
yielding the ill-formed (30) *Who does it seem to be nice?
However, notice that even this ordering will not always give us the correct results. For suppose we apply w/i-movement on the first cycle, moving who into COMP position (31) COMP it seems [ C Q M p [ w h o ] to be nice]
Now on the second cycle note that NP-movement, which is ordered before whmovemsnt, can't neve who to the position of it because of an independently motivated ODMP-to-OOMP condition.
Thus here again we generate the i n -
formed (23). 7
It is argued in Chomsky (1973) that there must be a condition preventing movement from a COMP position to another position not in COMP to rule out such
sentences
as
*what
was asked
by
John
to
read.
121 Notice now that all these difficulties are automatically resolved by trace theory. For under this theory, on the first cycle, by (optional) «^-movement we get either (32) or (33) (where in the latter case t is bound by who) (32) COMP it seems [COMP who to be nice] (33) COMP it seems [
[who,] t, to be nice]
COMP
1
1
Consider new (33). On the second cycle NP-movement can't apply to who because of the 03MP-to-COMP Condition. But «¿¡-movement can move who into the matrix OOMP, yielding g (34) .. [who.] it seems [COMP[t, ] ti to be nice] COMP 1 1 Although NP-moverrent couldn't apply to who, it can apply to the trace in subject position, since it is a terminal element in the terminal string of (33). It will then move t^ to the position of it yielding (35)
[who,] t. seems [COMP t, to be nice] COMP
1 1
1
which underlies the well-formed (22). Turning now to (32), on the second cycle, applying NP-movement before ¡^-movement yields us the correct result autarratically. If, however, we apply «^-movement first we get ) majorité, film(,>) danois, apport ('> )-les-moi, text(o) subversif, deux volt(^) oinq, on fix(^) la date, l'Egypt(-j) proteste. Dans RES: 236, nous avons proposé de rendre compte du oonportement de schwa
- dans de tels cas en postulant l'existence d'une règle
d'épenthèse qui insère facultativement un schwa derrière un groupe de deux consonnes lorsque ce groupe précède une ou plusieurs frontières de mot 2 elles-memes suivies d'une consonne : EPEN : (FAC)
0 -*-;>/ CC
C
EPEN est une règle "variable" au sens de Labov (1972). Dans la volumineuse littérature consacrée au schwa français, trois facteurs sont mentionnés ccume ayant une influence sur la fréquence avec laquelle apparaissent dans la parole les schwas qui relèvent de la règle EPEN: 1) la rapidité du débit et le style de diction: schwa épenthétique apparaît d'autant plus fréquemnent que l'élocution est lente ou soignée. 2) le contexte accentuel: schwa apparaît beaucoup plus fréquemment lorsque la syllabe suivante est accentuée; il apparaît par exemple plus fréquemment dans 3
mets ta vest(») neuve que dans mets ta vest(^) marron . 1
2
3
Pour une étude générale du schwa français dans le cadre de la phonologie gênérative, cf. Dell (1973), qui sera désormais désigné par le sigle RES, et Vergnaud (1975). On fait la liaison entre deux mots lorsqu'ils sont séparés par une seule frontière #, mais pas lorsqu'ils sont séparés par deux, cf. Selkirk (1972, 1974) et RES: 41-44. cf. Léon (1966), Dauses (1973, 49-52), RES: 225-226, 251.
142
3) la nature des consonnes environnantes. En cette matière, les choses sont claires sur un seul point: l'êpenthèse est obligatoire derrière un groupe obstruante plus liquide dont la liquide est maintenue, *le centr' du cercle, *une cibi' mobile. Pour le reste, coirne il s'agit de variations trop fines pour être accessibles à l'intuition des sujets parlants, les seules données dont nous pourrions tirer des renseignements sont les statistiques de Dauses (1973, 42-48), qui portent sur les jugements d'acceptabilité de cent-vingt locuteurs environ. Malheureusement ces données sont difficilement interprétables en ce qui concerne le point qui nous occupe présentement. On peut peut-être y discerner tout au plus une tendance des groupes dont la première consonne est r à favoriser l'êpenthèse moins que les autres, tendance qui avait déjà été pressentie par Delattre (1951) . Nous verrons que l'existence d'une telle tendance apparaît nettement dans les résultats de notre test. Nous nous proposons de montrer que l'êtroitesse du lien syntaxique qui unit les deux rrots exerce également ime influence sur la fréquence d'apparition de schwa épenthêtique dans la parole, et que toutes choses égales par ailleurs, schwa épenthêtique apparaît d'autant plus fréquemment que la relation syntaxique entre les deux mots est plus étroite. Pour établir que certaines variations sont dues uniquement à des facteurs syntaxiques il faut pouvoir contrôler rigoureusement les autres facteurs de variation. Nous avons examine pour ce faire la fréquence avec laquelle les locuteurs prononçaient un schwa épenthêtique dans des paires de phrases carme les suivantes: (1) a. Le nouveau barraquement préfabriqué a l'air d'un ênorm(•>) wagon à bestiaux. (1) b. L'Assistance Publique donne chaque mois cent francs aux infirmio) veillés par Marie. (2) a. Le patron s'est vengé du percepteur en lui servant une infect (o) verveine-chicorée. (2) b. Il faut se servir d'un filet en tulle pour attrapper les insect(3) visibles à l'oeil nu. Comparons par exemple (1) a. et (1) b. Le schwa épenthêtique qui nous intéresse apparaît dans l'une et l'autre phrase dans le même contexte consonantique /rm
v/, ce qui élimine la possibilité que des différences éventuelles
dans la fréquence d'apparition de schwa en ce point soient dues à l'influence des consonnes environnantes. Le contexte accentuel est d'autre part le même dans l'un et l'autre cas. En effet, le groupe /rm
v/ se trouve à cinq
143 syllabes de la fin de la phrase tarit dans le syntagme énorme wagon à bestiaux que dans le syntagme infirmes veillés par Marie, et ces deux syntagmes ont la même structure de constituants [A [B CI), les constituants internes ayant le mène nombre de syllabes dans l'un et l'autre cas: deux syllabes pour A, abstraction faite du schwa êpenthêtique éventuel ( ë n o r m i n f i r m ' ) , deux syllabes pour B {wagon, veillés), et trois syllabes pour C (à bestiaux, par Marie). Bref, si l'on représente par s' la syllabe recevant l'accent principal du syntagme, par s'' celle qui reçoit l'accent secondaire, par s''' celle qui reçoit l'accent tertiaire, et par s les syllabes inaccentuées, le schàne accentuel normal des deux syntagmes est identique, soit (3): (3) s —
s'1 —
s —
s' ' ' —
s —
s —
s'
la seule différence entre les deux syntagmes qui soit pertinente du point de vue qui nous occupe concerne l'étroitesse de la relation qui unit le constituant A au constituant BC^. Dans les représentations phonologiques, une seule frontière # apparaît entre énorme et wagon, canne c'est la règle chaque fois qu'un adjectif précède inmédiatement le nom qu'il détermine, tandis que deux frontières # apparaissent entre infirmes et veillés, canne c'est la règle chaque fois qu'un adjectif suit le non qu'il détermine^. Les mânes considérations valent mutatis mutandis pour les phrases (2) a. et (2) b. que seules distinguent le nombre de frontières # présentes au point d'épenthèse: [infeat ( ;••) # [vervein'-chicorée]] mais [inseot (r>) ## [visibl' à l'oeil nu]] . Si donc nous trouvons que l'épenthèse a lieu plias souvent dans (1) a. que dans (1) b. et dans (2) a. que dans (2) b., nous pouvons attribuer ces différences à l'opposition entre # et ##. Si d'autre part nous trouvons que l'épenthèse a lieu plus souvent dans (2) a. que dans (1) a. et dans (2) b. que dans (1) b., nous pouvons attribuer ces différences à l'opposition entre les groupes 4
5
6
Nous supposons que la nature des voyelles et celle des consonnes qui ne sont pas immédiatement adjacentes au point où l'épenthèse a lieu n'exercent aucune influence sur la fréquence d'apparition de schwa êpenthêtique, ou une influence négligeable par comparaison avec les autres facteurs. cf. note 2. On fait la liaison dans un # petit # aveugle, "un aveugle de petite taille", mais pas dans un # petit ## aveugle, "un petit (d'animal) qui est aveugle". Petit est un adjectif et aveugle un nom dans le premier cas; dans le second cas petit est un nom, et aveugle un adjectif. Aucun sujet n'a jamais prononcé [viziblaza], avec l'épenthèse et la liaison requises dans une diction soignée entre visibles et à, de sorte que dans le test visibles compte toujours pour deux syllabes, comme verveine.
144
consonantiques finaux A t / et /rm/, puisque le schème accentuel et la consonne initiale du mot suivant (/v/) restent constants. Pour observer la façon dont interagissent les paramètres qui nous intéressent, l'idéal aurait été d'examiner des échantillons de parole recueillis dans des conditions où l'interaction entre l'observateur et l'observé est minimale, carme par exemple des interviews radiophoniques d'une certaine longueur faites â domicile. Mais si on songe que rien qu'en multipliant le nombre des consonnes possibles en début de mot par celui des groupes de deux consonnes possibles en fin de mot on obtient déjà quelque huit cent quatre-vingt possibilités, d'où environ mille sept cent soixante (le double) lorsqu'on fait intervenir l'opposition entre jointures faibles (tt) et jointures fortes (##), nombre qui ne tient même pas compte des différents contextes accentuels possibles, on voit que pour avoir quelques chances de trouver au sein d'un corpus "spontané" un nombre suffisant de paires minimales ccnme (1)a. - (1) b., (2)a. - (2) b., il faut que ce corpus soit de taille gigantesque. Nous avons donc procédé autrement, en soumettant onze sujets à un test dont nous allons maintenant décrire le principe. Ce test nous a permis de comparer la fréquence de l'épenthèse dans divers contextes de la forme générale V C
cl
C. O
(#)# C V où la consonne initiale C du second mot reste conC
C
stante (la fricative /v/), et où le groupe final CaC^ du premier mot prend successivement les neuf valeur /sk, kt, lk, st, rd, rt, rb, rm, rz/. Dans ce test, chacune de ces neuf combinaisons^ apparaît dans trois contextes syntaxiques différents: - A#N; à la jointure d'un adjectif et du groupe ncminal qu'il détermine (ênorME%Wagon â bestiaux). - NttftA; à la jointure d'un ncm et du groupe adjectival qui le détermine (infirMEs%%Veillês par Marie). -
à la jointure du sujet et du prédicat (le salaire des gendarMEs$% Va encore augmenter).
o Nous avons donc examiné en tout vingt-six combinaisons différentes . Chacun des onze sujets interviewés l'a été individuellement. Le test lui était présenté corme destiné à l'étude des variations interindividuelles dans la syntaxe des questions et des réponses. Les indications quant à la tâche à 7 8
Sauf /lk/, qui n'est pas représentée dans le contexte A#N. Neuf (groupes de consonnes) multiplié par trois (contextes syntaxiques), soit vingt-sept, dont il faut retrancher un pour la combinaison manquante /lk#v/, cf. note précédente.
145
acconplir ont été données oralement, à partir de phrases autres que celles contenues dans le test, et dactylographiées sur une feuille à part. Les phrases présentées aux sujets contenaient toutes une expression soulignée. La tâche assignée pour chaque phrase était la suivante: 1) en prendre connaissance en la lisant une première fois, des yeux ou à voix basse; 2) la lire une seconde fois à voix haute; 3) la transformer en une phrase interrogative en remplaçant l'expression soulignée par le mot ou le syntagme interrogatif approprié; 4) former la réponse affirmative correspondant à la question précédente, la phrase réponse devant nécessairement être une phrase "clivée", c'est-àdire une phrase conmençant par c'est.. .que, c'est.. .qui, etc. Voici trois exemples pour fixer les idées. Les deux premiers font partie de ceux que nous avons proposés aux sujets pour leur faire comprendre ce que nous attendions d'eux. Le troisième est tiré du test proprement dit. Dans chaque cas, (i) est la phrase de départ proposée aux sujets, (ii) et (iii) sont des réponses possibles correspondant aux sous-tâches 3) et 4) ci-dessus: (4) i. Annie ira voir son frère à l'hôpital demain matin. ii. Quand est-ce-qu'Annie ira voir son frère à l'hôpital? iii. C'est demain matin qu'Annie ira voir son frère à l'hôpital. (5) i. Annie ira voir son frère à l'hôpital demain matin. ii. Qui est-ce qu'Annie ira voir à l'hôpital demain matin? iii. C'est son frère qu'Annie ira voir à l'hôpital demain matin. (6) i.
Le nouveau barraquement préfabriqué a l'air d'un énorme wagon à bestiaux. ii. Qu'est-ce qui a l'air d'un énorme wagon à bestiaux? iii. C'est le nouveau barraquement préfabriqué qui a l'air d'un énorme wagon à bestiaux.
Cette méthode nous a permis d'obtenir pour un même sujet trois prononciations successives d'un même syntagme correspondant à un groupe de consonnes et à un contexte syntaxique donnés (la combinaison /rmttv/ dans le cas de (6)). En demandant au sujet de lire d'abord la phrase mentalement ou à voix basse, nous voulions nous assurer qu'il en aurait déjà appréhertiê globalement la structure au nouent où il entreprendrait de la relire à haute voix, et obtenir Q ainsi une lecture à haute voix aussi naturelle que possible . En lui demandant 9
Lorsqu'on lit à voix haute une phrase qu'on rencontre pour la première fois, en effectue en fait deux tâches distinctes: 1) on la comprend, ce qui implique en particulier qu'on fait des hypothèses sur sa structure de constituants, 2) on la prononce. Or les propriétés accentuelles et intonationnelles en un point dépendent souvent de la structure globale de la phrase, et comme beaucoup de gens lisent "au fur et à mesure" (l'oeil
146
de former ensuite une question et une réponse "clivée" correspondante, nous obtenions qu'il répète le syntagme contenant le groupe de consonnes qui nous intéressait (énorme wagon à bestiaux dans l'exemple (6)) tout en détournant son attention vers une autre partie de la phrase. On notera que toutes les phrases du test où l'épenthèse étudiée apparaît â la jointure A#N ou N##A sont conçues de telle manière que le syntagme en question reste en fin de phrase dans la forme interrogative et la forme clivée, et conserve ainsi un schême accentuel invariant d'une répétition à l'autre. Il va sans dire que les explications contenues dans le présent paragraphe n'ont pas été données aux sujets, qui ne devaient pas se douter que le test portait sur un point de prononciation. Nous avons averti les sujets que le test ne portait en aucune façon sur leur capacité de s'exprimer "correctement", et nous leur avons dsnandé de s'en tenir, autant que leur situation d'interviewés et la présence d'un nagnétophone le leur permettraient, aux phrases qui leur viendraient naturellement, sans se soucier des normes du beau langage. En particulier, nous leur avons fait remarquer qu'à côté de quand est-ce que Marie ira voir son frère? il existait d'autres variantes, par exemple quand Annie ira-t-elle voir son frère?, quand Annie ira voir son frère?, Annie ira voir son frère quand?, et qu'elles étaient toutes équivalentes du point de vue du test. Nous avons enfin vérifié qu'ils avaient bien saisi la nature et l'ordre des tâches à effectuer en leur demandant de s'essayer à titre d'exercice sur quatre phrases non contenues dans le test. Puis nous satines passés au test proprement dit. Les réponses ont été enregistrées de façon ininterrompue sur un petit magnétophone à cassettes, et dépouillées ensuite â tête reposée^0. 9
anticipe peu sur la voix), il en résulte à la première lecture des achoppements et des distortions accentuelles et intonationnelles. Pour des raisons du même ordre, les feuilles des tests ont été dactylographiées parallèlement au plus grand côté, afin que toutes les phrases puissent tenir sur une seule ligne et que les sujets n'aient pas à "aller à la ligne" en lisant. 10 Les onze sujets interrogés sont tous nés au nord de la Loire, et ont tous résidé de façon ininterrompue dans la région parisienne au cours des dix dernières années. Mis à part un lycéen de quatorze ans, les autres (deux hommes et huit femmes) sont tous des cadres supérieurs ou des universitaires dont l'âge varie entre vingt-cinq et quarante ans. Il n'y a aucun linguiste parmi eux. A l'occasion de sondages préliminaires effectués pour un autre test, nous avions cru remarquer que le comportement des femmes était moins affecté par le caractère artificiel de la situation d'interview que celui des hommes, d'où une tendance moindre à soigner leur diction. C'est pourquoi nos sujets sont en majorité des femmes.
147
Les matériaux utilisés consistent en une liste de trente-deux phrases dactylographiées les unes au dessous des autres sur deux feuilles. Les deux premières et les deux dernières phrases de la liste, quoiqu'indistinguables des autres pour le sujet, étaient des postiches; les deux premières pour donner aux sujets le temps de surmonter un peu la tension qui se manifeste toujours lorsqu'on met un magnétophone en marche, les deux dernières, pour le cas où certains sujets bâcleraient en fin de liste. Restent donc vingt-huit phrases, qui apparaissaient dans l'ordre suivant (tiré au sort): VIb, le, VlIIb, Ilb, Vc, IVb, Villa, Vlla, Va, Ib\ IVc, IXa, Vie, H a , Vllb, Ile, IIIc, Ib, IVa, Vb, VIIIc, Illb, Via, IXb, la, IXc, la', VIIc. I
a Le déplacement des zones de basse pression devrait causer une brusque variation de température. b En Sicile les charrettes sont ornées d'une fresque vernissée à l'huile de lin. c Les jeunes filles romanesques vont chercher l'aventure au Népal.
I a' Jacques s'est fait attaquer avant-hier par un gigantesque vautour des Cévennes. b' L'antiquaire a vendu aux enchères plusieurs masques vernis au pinceau. II a Le patron s'est vengé du percepteur en lui servant une infecte verveinechicorée . b II faut se servir d'un filet en tulle pour attraper les insectes visibles à l'oeil nu. c Les diplômes d'architecte valent de l'or en Espagne cette année. Illb Avec du papier cristal on arrive à fabriquer des calques vingt fois plus épais. c Les prochains catafalques vont pouvoir transiter par Milan. IV a Le directeur du supermarché veut qu'on le prenne pour un modeste vendeur ambulant. b Depuis lundi les crevettes coûtent moins cher que les langoustes vendues au détail. c La plupart des artistes voudraient bien pouvoir peindre aux Tuileries. V
a Le voyageur lui a donné â porter deux lourdes valises de voyage, b Dans le hangar on a retrouvé des cordes volées au marché. c Les maris des fermes sourdes voteront tous cette fois-ci pour Giscard.
VI a II est écrit dans le journal que la mairie organisera une courte veillée funéraire. b II faut s'adresser à la préfecture pour se faire délivrer une carte valable un mois. c Les croissants et les tartes valent souvent un prix fou chez Dupont.
148 VII
a Paul s'est cotisé avec Jean pour vous offrir cette superbe vareuse de rrarin. b Le fleuriste doit venir lundi livrer une grosse gerbe violette et blanche, c Les faiseurs de proverbes voudraient bien imiter les poètes.
VIII a Le nouveau barraquement préfabriqué
a l'air d'un énorme wagon à bestiaux,
b L'Assistance Publique donne chaque mois aent francs aux infirmes veillés par Marie, c Le salaire des gendarmes va encore augmenter de cent francs. IX
a Les spécialistes ont mis vingt ans à s'apercevoir que le glacier avait creusé une large vallée d'écoulement, b Le cuisinier-chef
ne veut pas entendre parler d'asperges vendues sous
plastique. c Les trois quarts des concierges vérifient la chaudière tous les soirs. Avant d'examiner les résultats que nous avons obtenus, un mot encore en ce qui concerne les raisons qui nous ont fait choisir les neuf groupes /sk, kt, lk, st, rd, rt, rb, rm, rz/ parmi la cinquantaine de groupes de deux consonnes possibles en fin de mot. Ces raisons tiennent au fait que les adjectifs qui peuvent apparaître devant le nom qu'ils déterminent sont très minoritaires en français. En consultant un dictionnaire inverse, nous n'avons par exemple trouvé aucun adjectif terminé par /ps/ et susceptible d'apparaître en position prénominale. Il était donc impossible de construire une phrase où apparaisse un syntagme de la forme /XpsttvY/. Pour d'autres groupes de consonnes, les adjectifs susceptibles d'apparaître devant un nom ont tous un cachet littéraire. Il est par exemple probable que l'épenthèse est beaucoup plus fréquente dans un morne vestibule que dans un énorme vestibule; ceci n'est pas dû à la différence entre /rn/ et /rm/, mais au fait que morne vestibule ne peut s 1 employer que dans un discours dont le style très soutenu réclamera de toutes façons des épenthèses beaucoup plus fréquentes. Nous n'avons donc pris en considération que des groupes de consonnes pour lesquels il existait un adjectif qui nous semblât susceptible d'apparaître en position prénaninale dans la conversation courante sans donner 1 1 impression d'un style recherché. Il n'est pas possible de contrôler rigoureusement ce paramètre stylistique, et on pourra toujours nous objecter que la différence dans la fréquence de l'épenthèse, par exemple dans énorme wagon à bestiaux et infirmes veillés par Marie, n'est pas due à une différence syntaxique, mais à ce que la première expression a un caractère plus livresque que la seconde. Quant à nous, nos intuitions d'usager natif ne nous suggèrent rien de tel. Nous ne pouvons que laisser au lecteur de juger pour lui-même de ce point en consultant ses propres intuitions
149
à propos de chacune des paires (a, b) dans la liste de prases donné ci-dessus. Les résultats que nous avons obtenus sont donnés dans le tableau ci-dessous: (V)
(A#N) a
(N##A) b
(S##P) c
(sk) I
26/33
20/33
4/26
(sk) I'
28/33
20/33
X
(kt) II
26/33
20/33
4/33
(lk) III
X
11/33
5/33
(st) IV
26/33
6/33
2/32
(rd) V
10/33
7/33
0/30
(rt) VI
14/33
1/33
0/33
(rb) VII
10/33
4/33
0/33
(rm) VIII
10/33
8/33
0/31
(rz) IX
11/33
0/33
0/33
Chaque case de ce tableau correspond à une phrase du test; le dénominateur de la fraction représente le nombre total de productions observées, et le numérateur le ncmbre de celles où un schwa épenthêtique est apparu. Ainsi la case située â l'intersection de la deuxième colonne et de la troisième ligne contient les résultats obtenus pour le phrase Ilb. Trente-trois productions en tout ont été observées (trois pour chacun des onze sujets), et vingt d'entre elles contenaient un schwa épenthêtique, les treize autres n'en contenant pas. Le dénominateur est inférieur à 33 dans certaines cases de la colonne (c) car il est arrivé que certaines phrases interrogatives ou clivées fournies par les sujets ne puissent pas être prises en considération. Par exemple, pour la phrase IVc, un des sujets a donné la phrase interrogative Où voudraient bien pouvoir peindre la plupart des artistes7, où du fait de l'inversion du groupe sujet, artistes se trouve en fin de phrase et ne permet pas l'êpenthêse. La numérotation des phrases de la liste donnée plus haut a été conçue de telle façon que le numéro de toutes les phrases contenant un groupe de consonnes donné commence par le même chiffre rcmain, et que le numéro de toutes celles contenant un contexte syntaxique donné finisse par la même lettre minuscule. Ainsi dans toutes les phrases de la ligne V du tableau l'êpenthêse a lieu derrière un groupe /rd/, et dans toutes celles de la colonne (b) elle a lieu entre un non et un adjectif. Afin de ramener tous les résultats du tableau (7) à une base de comparaison 11 ccninune, nous fusionnons les lignes I et I' en une seule , et nous exprimons toutes les fractions en pour cent. On obtient alors le tableau (8): 11 On obtient alors, de gauche à droite: 54/66, 40/66, 4/26.
150 (8) sk
AttN
S##P
81
60
15
kt
78
60
12
lk
X
33
15
st
78
18
6
rd
30
21
0
rt
42
3
0
rb
30
12
0
rm
30
24
0
rz
33
0
0
Les nembres contenus dans ce tableau s'interprètent de la façon suivante; la première ligne signifie par exemple qu'étant donné donné une suite de deux mots dont le premier est terminé par /sk/ et le second canmsnce par /v/, l'épenthêse a lieu dans 81% des cas si le premier mot est un adjectif épithête préposé au second, elle a lieu dans 60% des cas si le premier mot est un nom et que le second est un adjectif épithête qui le détermine, et elle a lieu dans 15% des cas si les deux mots se trouvent de part et d'autre de la coupe syntaxique qui sépare le sujet du prédicat. En lisant ce tableau de haut en bas, nous voyons que quel que soit le contexte syntaxique considéré, certains groupes de consonnes favorisent moins l'épenthêse que d'autres. En nous en tenant à l'essentiel, les groupes dont la première consonne est un /r/ favorisent moins l'épenthêse que les autres. Cette constatation doit être rapprochée d'une autre qui concerne l'effacement de schwa en syllabe initiale de not: schwa ne peut en général être effacé dans le contexte VC#1 C
, sauf toutefois dans certains cas où la consonne finale du 12
mot précédent est /r/, cf. *Jaoques s'verra, mais sa mère s'verra . On peut se demander si les propriétés de l'entourage consonantique qui influent sur la variabilité de la règle d'épenthêse sont particulières à cette règle. Peutêtre qu'en étudiant systématiquement la variabilité des autres règles qui régissent le comportement de schwa, règles qui sont, elles, d'effacement, on découvrirait qu'en ce qui concerne l'influence du groupe de consonnes précédant immédiatement schwa, ce sont toujours les mêmes facteurs qui favorisent la présence de schwa au niveau phonétique, quelle que soit la règle considérée. D'autres recherches seront nécessaires pour trancher sur ce point. Si raintenant on lit le tableau de gauche à droite, on voit que quel que soit le groupe de consonnes considéré, le contexte A#N favorise plus l'épen12 cf. Delattre (1951, 24), Morin (1974).
151
thèse que le contexte NttttA, qui à son tour la favorise plus que le contexte SMP. Il ne fait pas de doute que la différence entre les fréquences d'apparition de schwa êpenthêtique dans les contextes A$N et Nvn |A doit etre mise sur le conpte de facteurs purement syntaxiques, c'est la conception même du test qui nous le garantit. Par contre il n'en va pas forcément de même en ce qui concerne la différence que l'on constate entre les contextes Nttî'A et SrittP, car il est possible que cette différence doive être attribuée totaleient ou en partie à l'influence de facteurs accentuels. Expliquonsnous. Les suu_!s facteurs accentuels dont l'influence sur l'épenthèse dans un contexte /XCC #1 CY/ soit mentionné dans la littérature concernent la présence d'un accent sur la première voyelle de Y. Il nous paraît quant à nous probable que le schême accentuel de X joue aussi un rôle important dans la variabilité de la règle d'épenthèse, et sur la foi d'observations éparses nous nous aventurerons à avancer l'hypothèse suivante: (9) Toutes choses égales par ailleurs, l'épenthèse est d'autant moins fréquente que le degré de proéminenece accentuelle de la syllabe qui précède est plus important.
Si cette hypothèse se trouvait vérifiée, elle pourrait peut-être permettre d'attribuer la différence entre les contextes N##A et SttttP à des facteurs purement accentuels. En effet, dans toutes les phrases (c) de notre test, c'est la dernière syllabe du groupe sujet qui a le plus haut degré de proéminence 13 accentuelle (après la dernière syllabe de la phrase) L'hypothèse (9) fait des prédictions carme les suivantes. Considérez les phrases (10) et (11), qui ont même nombre de syllabes (abstraction faite des possibilités d'épenthèse), et où les conditions de la règle d'épenthèse sont remplies en deux points (après les quatrième et sixième syllabe): (10) Elle met la list(s) d'artist(a)s dans sa poche. (11) Remplis
la pist(a) d'artist (s) s d'avant-garde.
Ces phrases admettent entre autres les prononciations suivantes, où l'épenthèse n'a lieu qu'en un seul point: (10) a. Eli' met la list-e d'artist' dans sa poch'. (10) b. Eli' met la list' d'artist-a dans sa poch 1 . (11) a. Remplis (11) b. Remplis 13
la pist-a d'artist' la pist' d'artist-a
d'avant-gard 1 . d'avant-gard'.
La différence entre les contextes A#N et S$#P a été pressentie par Milner (1973, 172). Considérant l'alternance entre schwa et zéro comme due à une règle d'effacement, celui-ci affirme que schwa "ne peut tomber" dans une triste nouvelle, alors qu'il tombe dans la piste nous plaît. Disons plutôt, en nous plaçant de son point de vue, que schwa tombe moins souvent dans le premier cas que dans le second.
152
Du fait de la structure syntaxique, dans (10) la deuxième syllabe d'artistes porte un accent plus itarqué que le rot liste, tandis que dans (11) elle porte m
accent moins narquê que le mot piste. L'hypothèse (9) prédit donc que la
phrase (10) a. plus de chances d'être prononcée canne (10) a. que camie (10) b., tandis que la phrase (11) a plus de chances de l'être cctime (11) b. que canne (11) a. Nous n'avons pas testé systématiquement ces prédictions, mais si nous examinons nos propres intuitions d'usager natif, la prononciation (10) a. nous paraît plus naturelle que (10) b., et la prononciation (11) b plus naturelle que (11) a. La règle EPEN est une règle de sandhi facultative qui peut insérer un schwa entre deux nots adjacents X et Y quel que soit le rapport syntaxique entre ces deux mots. Nous pensons avoir établi qu'elle opère plus frêquenment dans les séquences X#Y que dans les séquences X##Y. Ce résultat n'a rien d'étonnant lorsqu'on le rapproche d'un trait général des règles de sandhi obligatoires. Les langues du monde abondent en cas de règles de sandhi obligatoires qui n'affectent deux mots adjacents qu'à condition que ces deux 14 mots soient dans un rapport syntaxique suffisanment étroit , alors qu'à supposer même qu'il existe des cas de règles de sandhi obligatoires qui ne peuvent opérer que dans des séquences de nots séparés par une coupe syntaxique forte, ces cas sont assurément beaucoup plus rares.
14 Les règles da de sandhi tonal des dialectes chinois sont par exemple toutes de ce type. En français, le est sujet à élision dans va 1'attendre mais pas dans fais-le attendre, cf. RES: 252.
TRAVAUX CITES
Dauses, A., 1973: Etudes sur L'e instable dans le français familier, Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, Band 135, Tübingen, Niemeyer. Delattre, P,, 1951: Le jeu de l'e instable intérieur en français, The French Review XXIV-4: 341-351, repris dans P. Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, 17-27, La Haye, 1966, Mouton. Dell, F., 1973: Les règles et les sons; introduction à la phonologie génêrative, Paris: Hermann. Labov, W., 1972: Sociolinguistic Patterns, Philadelphie: University of Pennsylvania Press. Léon, P., 1966: Apparition, maintien et chute du "e" caduc, La Linguistique 2:
111-122.
Milner, J.-C., 1973: Arguments linguistiques, Paris: Marne. Morin, Y.-C., 1974: Règles phonologiques à domaine indéterminé: chute de schwa en français, Cahiers de linguistique de l'université du Québec no 4: 69-88. Selkirk, E. O., 1972: The Phrase Phonology of French and English, Ph. D. Diss., Massachusetts Institute of Technology, inédit. 1974: French liaison and the X notation, Linguistic Inquiry V-4: 573-590. Vergnaud, J.-R., 1975: Problêmes formels de phonologie génêrative. Rapport de recherches n° 4 du Laboratoire d'Automatique Documentaire et Linguistique, Universités de Paris-VII et de Paris-Vincennes.
LE REMPLACEMENT D'e MUET PAR "ê" ET LA MORPHOLOGIE DES ENCLITIQUES*
B. de Cornulier
Le propos de cette étude est d'illustrer le fonctionnement synchronique de l'analogie dans la phonologie du français, d'abord à propos de l'alternance qu'on observe entre e muet et /e/ dans "jeter"/z.te/, "je jetteVz.zet./ et "jetè-je"/z.tez./, puis par ce biais à propos de la forme des pronoms enclitiques coircre "moi"/irwa/ ou "le"/lô/ dans "donne-noi" ou "rends-le". Auparavant, je discuterai la formulation que François Dell propose de l'alternance d'e muet avec /e/ dans le cadre d'une étude transformationniste de l'e muet. I. Discussion de l'analyse de Dell (1973). Dell (1973, p. 202) propose la règle d'Ajustement de Schva suivante: S
(1) a. b. n->- e
1
/
1
C
C a [-seg]
qui dérive par (1) a., à partir de /z.l/ (attesté dans "geler"), la forme /zel/ pour "gel"; par (1) b., à partir de /kas.t+z/ (cf. "cacheter"), la forme /kaset+z/ pour "cachets"; et par (1) c., à partir des formes /ap.l+./ et /ap.l+.ra/ (cf. "appeler"), les formes (apel+./ pour "appelle" et /apel+.ra/ pour "appellera". Cette règle ne s'applique pas à un /./ précédant une limite de mot ou de morphème. Pour s'en tenir au mot, elle ne dérive donc pas, à partir de /z.t.=z./, la forme /z.t£=z./, qu'il faut pourtant produire pour "jetê-je"; à la place, elle produit la forme incorrecte /zet.=z./. Pour accomoder les
* 1
Je remercie pour leurs remarques Claire Blanche-Benveniste et François Dell. Cette règle indique qu'une voyelle sous-jacente aux e muets, réalisés ou non, est changée en /e/ lorsqu'elle est suivie d'un Cj (groupe d'au moins une consonne) lui-même suivi ou d'un # (frontière de mot), ou d'une consonne (C), ou d'un e muet suivi d'une frontière de morphème ou de mot (notée
2
Dans cette étude /a/ note indifféremment l'a antérieur de "patte" et l'a postérieur de "pas", parfois distingué par la graphie /a/;/./ note l'e instable ou "muet"; les frontières sont notées facultativement.
[- seg]). La ligature devant Ci note l'absence de frontière.
156 -
3
V
faits à la règle (1), il faudrait donc proposer
une règle d'ajustement
supprimant la frontière de mot ou morphème devant olitique sujet. Après cet ajustement, à partir de /z.t.z./ on obtiendrait correctement la forme de "jetè-je" traitée ccmre un seul mot. Mais ce faisant on présumerait, sans témoignage direct, qu'à l'égard du remplaçaient par /E/ le verbe, dans "jetè-je", n'est pas traité comte un rot (alors qu'il l'est visiblanent dans "jette-t-il" /zet.til/ (et non *"jete-t-il" /z.t.til/)). L'analyse proposée ci-dessous dispense d'un tel ajustement. Inversement, par excès de puissance, la règle (1) transforme â tort "jusques aux cieux"/züsk.z#o/ en "jusquès aux 4 cieux"/züskez#o/, "Rennes ainsi"/ren. z#èsi/ en "Rennes ainsi"/rEnez#ësi/ . Seule la frontière morphémique, dont la ligature
C^" dans la règle (1) inplique l'absence,5 évite de transformer
à tort "belles amies"/b£l.+z#ami/ en "bellès amies"/bele+z#ami/. Cet excès de la règle (1) apparaît avec plus d'évidence dans l'extension que Dell (1973, p. 210) en propose pour renplacer de la même manière /e/ par /E/ dans les miares contextes; en effet par cette extension, on transforme à tort "chez Alfred"/sez#alfrEd/ en /s£Z#alfrEd/ . D'où la nécessité, encore une fois, de 3
Dell (p. 252) semble admettre l'idée qu'une règle de rajustement supprime "toute frontière de mot entre le verbe et les clitiques sujet qui lui sont postposés". Cette idée me semble difficilement compatible avec l'intuition qu'il y a liaison dans "vient-elle" aussi bien que dans "prends-en", la liaison devant lier des mots distincts. Cependant, dans le formalisme proposé par Dell, on peut ordonner le rajustement en question après la règle de troncation qui décrit les liaisons. 4 Cf. l'alexandrin "Rennes ainsi qu'à moi lui donna la naissance" dans L'Illusion I, 2 (Corneille, t.I, p.625). Mallarmé s'amuse a traiter la consonne finale de "James" comme une consonne de liaison dans le décasyllabe "Que James est en parfaite santé" (Envois divers, XJCXIII, p. 156). 5 Cette restriction (notée par la ligature) sert essentiellement, me semble-t-il, à résoudre le cas des consonnes de liaison. Elle peut être également motivée par un contraste comme celui de "re+structurer"/"destruction": l'e du préfixe "re" dans le premier mot est protégé du remplacement par la frontière qui le suit (cf. Dell, p. 211, note 33). Cependant le traitement d'e masculin à l'égard de l'entrave n'est pas réductible à celui d'e féminin (cf. II-F) . 6 Difficulté notée par Dell p. 209, note 28. Je laisserai de côté, dans cette étude, l'éventuel remplacement de /e/ par /E/, qui semble en partie distinct du remplacement de /./. D'une part, on observe que /e/ final de mot peut être entravé, comme dans "Le pépé 11'a vu" et "la mémé s^ sape", où gémination et économie d'e aboutissent à fermer la dernière syllabe de "pépé" ou "mêmé" (les prononciations /pepe/ et /meme/ sont alors impossibles); et l'omission du remplacement par /E/ aboutit à des agrammaticalités bien différentes: la prononciation /penetr/ pour "pénètre" (cf. "pénétrer") est simplement mauvaise alors que /apal/ ou /api/ pour "appelle" est inconcevable. Certains locuteurs assurent prononcer /sâtez./ pour "chanté-je" (mais c'est peut-être un orthographisme, puisqu'on écrit aussi "chanté-je"; la distinction de /e/ et de /E/ par les accents aigu et grave est relativement récente; cf. Grevisse, § 78, p. 49). Il me semble donc qu'une règle
157 proposer une règle''' d'ajustement déplaçant la frontière en cas de liaison, et changeant par exenple /ren.z#èsi/ en /ren.ttzësi/, /bel.z#ami/ en /bel.#zami/, /sez#alfred/ en settzalfred/. Mais cette règle d'ajustement poserait plus de
g
problèmes qu'elle n'en résoudrait. Ainsi, 1) l'accent distinctif de Marouzeau devrait produire le même effet dans ses deux emplois, dans "il est TAmusant, pas MArrant"; or il tend à faire éviter l'enchaînement du /t/ de "est" sur l'initiale de "amusant", soit par solution de continuité ccume dans /ilet^Ar.iuzâ/ (avec coup de glotte /">/)» soit par absence même du /t/ comme dans /ileAmuzà/, alors que Q l'accentuation de la syllabe /MA/ dans /paMArâ/ ne ^ pose aucun problème ; 2) l'accent expressif de Marouzeau, initial ou déplaçable en seconde syllabe si la première syllabe caimence par une voyelle (cf. "terrible" /Teribl/, "affreux"/aFHO/), est indépendant de la jonction: alors qu'on refuse /iledeGOlas/ pour "il est dégueulasse", on accepte /iletePUvatabl/ ou /lePUvàtablamdencz/
pour "il est épouvantable" ou "l'épouvantable hcnme des
neiges"; corme l'accent distinctif, l'accent expressif
de Marouzeau suppose11 donc que la jonction n'altère pas l'identité formelle des mots; 3) une paisse est possible et naturelle entre les mots dans "bons ... garçons"/bo-garsô/; 6
de remplacement de /e/ par /E/, analogue à un grand nombre de règles d'ouverture en syllabe fermée ou "en syllabe fermable", doit être indépendamment posée; et que compte tenu de l'existence d'une telle règle, on pourrait parler non plus de remplacement de /./ par /E/, comme ici, mais plutôt de remplacement d'e muet par e moyen, cette dernière notion neutralisant l'opposition entre /e/ et /E/ (cf., historiquement, la notion d'e mitoyen chez De La Touche, cité par Brunot, tome IV, Première Partie, p. 198). 7 Une telle règle est proposée par Dell (1970, p. 68) sous le nom de "Liais"; suivant cette règle, "lorsque dans une séquence de mots Mj = M2 le premier est terminé par une consonne, et que le second commence par une voyelle, la consonne finale de Mj passe à l'initiale de M2". 8 La syllabe accentuée est écrite en capitales. Cf. en particulier Marouzeau (1969, pp.60-61). Marouzeau oppose un accent distinctif, de nature intellectuelle, à un accent expressif, de nature affective. Ces accents sont déterminés à un niveau assez superficiel puisqu'en particulier ils dépendent de l'opposition entre synérèse et diérèse; ainsi "piété" a son deuxième phonème accentué en diérèse dans /Plete/ et son troisième phonème accentué en synérèse darjs /PYEte/. 9 Simple tendance, car on peut aussi entendre, dans le même sens, /ileT^mûzàpaMAra/; je note par le soulignement l'absence d'arrêt de la voix entre les phonèmes soulignés, émis continûment. 10 On verra, plus loin, que l'accent expressif de Marouzeau est sensible à l'opposition entre e féminin et e masculin: on accepte, pour "harcelé", l'accentuation /arSSle/, mais non */aNari/ pour "ânerie"; ceci confirme le caractère superficiel de cet accent. 11 Je prends ici "pause" au sens le plus général de "solution de continuité dans la chaîne parlée" et la note par un tiret (donc opposé au soulignement, cf. note 9). En ce sens un coup de glotte, qu'il précède ou suive une voyelle ou une consonne, peut n'être qu'un des moyens de réaliser une pause surtout à débit rapide, et c'est à tort qu'un signe comme /'/ peut suggérer qu'il s'agit là d'une sorte de phonème. Lorsqu'un élément non-syllabique est suivi sans pause d'un élément syllabique comme dans "l'habit" /¿abi/, il se syllabe forcément avec lui quelque soit le contexte antérieur ("enchaînement").
158
elle est encore possible, mais moins naturelle (ou ressemblant plus à un 12
accident de diction) dans "bon...zamis"/b5-zami/, "en...nlnde"/a-nèd/
;
4) si un coup de glotte démarcatif est à la rigueur possible après variante de jonction comme dans "cet...idiot"(set? idyo/, "cet.. .émousseirent"/srt°emusmà/ (Malêcot 1975), conme on vient de le voir ci-dessus, cette solution de continuité est tout â fait impossible dans "un grand t.. .intide''/ègràt^imid/, "des c.. .onneries"/dek°onri/^; ainsi rrême sur le simple plan de la continuité phonétique, il apparaît que la consonne de jonction n'appartient pas purement et simplement au mot qu'elle précède. Enfin l'ajustement de liaison ne refléterait qu'inexactement la fonction essentielle de la jonction en général: la cohérence phonétique de mots ^ distincts, mais syntaxiquement cohérents, dans une syllabe mitoyenne de jonction. Dans l'analyse proposée ici, c'est précisément par cette fonction qu'on expliquera le maintien de l'e muet dans "jusques aux cieux" ou "belles amies", en formulant la règle de remplacement par /e/ d'une manière appropriée. Dans le cadre de la description transfonrationniste où elle s'insère, la règle (1) a une autre caractéristique dont on s'écartera ici: elle est sensible à la présence de "phonèmes abstraits" n'ayant pas de représentation phonétique. Ainsi la faire opérer, comte on l'a vu â propos de (1) b., pour tirer (kaset+z/ de /kas.t+z/ alors que le mot "cachets" se prononce (hors liaison) /kase/, c'est la supposer sensible à une consonne, le /t/, qui ne sonne en aucun cas. Il est vrai qu'on peut se demander ^ cannent dans un vers où on ferait "toutes les liaisons", on prononcerait la suite "caquet éhonté": il me 12 Cette coupure à gauche de la syllabe de jonction est sensible à la présence d'un e féminin. Ainsi les locuteurs qui peuvent utiliser l'e dans /belszami/ pour "belles amies", et disent devant pause /sôbel-/ et non /sobelo/ pour "sont belles ...", disent sans doute moins facilement /bel--zami/, où le rendement de l'e serait faible. D'autre part, moins la liaison est syntaxiquement justifiée et plus cette coupure est choquante; ainsi le vers octosyllabe "Qu'ils sont pâles, a-t-on dit" (Dêroulêde, "Chanson", p. 112) ne peut se prononcer /kilsôpalo-zatôdi/; ni l'alexandrin "Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur" (Hugo, Contemplations, "Mes deux filles", p. 7), belo-zetutodô2wayôz3-zodusœr/. 13 Cette coupure démarcative rompant la syllabe de jonction est sensible à la présence d'un e féminin: alors qu'on accepte ou tolère /nuvel-èvite/ pour "nouvel ...invité", /zwayôz-ami/ pour "joyeux ... ami", la coupure /2wayôzez-ami/ pour "joyeuses ... amies" est intolérable. 14 Plus exactement la jonction unit un mot à un syntagme qui le suit (lequel syntagme commence forcément par un mot); ainsi dans "S'il pleut, sors", l'élision unit la conjonction /s/ non pas au pronom /il/, avec lequel elle n'a aucun rapport syntaxique, mais à la proposition /ilplô/ qu'elle introduit globalement; il en va de même dans "1'immense voûte", "j'en parlerai", etc. C'est ce dont la règle de troncation rend naturellement compte chez Dell comme chez Schane. 15 Suivant une suggestion orale de Dell.
159 semble clair que la prononciation /kakoteôte/ est absolument exclue: le /e/ du mot "caquet" est en quelque sorte chose acquise et indépendante du statut de la consonne qui suit (ici consonne de jonction)
on renoncera donc à
intégrer à la description phonologique du français telles régularités morphologiques qui reflètent plutôt un acquis historique; il y a en effet lieu de croire que la règle de remplacement d'e muet par /e/ a, toutes transpositions nécessaires faites, plusieurs siècles d'existence en français et que par suite elle peut avoir des effets que la stricte phonologie synchronique n'explique pas. II. Propriétés phonétiques d'e féminin 17 A) Définition provisoire d'e féminin
phonétique: supposons, pour la canmoditê
de l'exposé, qu'il existe en français un accent "syntagmatique" frappant la dernière voyelle pleine des mots qui contiennent une voyelle pleine (non e muet) et des "groupes accentuels" (ou "mots phonologiques") constitués par un mot servant d'appui et les mats clitiques qui lui sont associés ("je le dis", "de la journée", "ce chien-là"). Alors on peut définir e féminin carme un e muet post-accentuel. Ainsi dans le mot "fenêtre" le premier e est masculin parce qu'il précède l'accent et le second, féminin parce qu'il le suit. Dans le groupe accentuel "le dis-je", le premier e est rasculin et le second, féminin. Dans la suite "elle, elle vient", la seconde occurence de "elle" est clitique et le groupe "elle vient" est un groupe accentuel; l'e qui s'y trouve postaccentuel relativement au pronom /el./ pourrait être considéré comme antérieur à l'accent relativement au groupe entier /el.vyè/; on le considérera ici comme féminin, entendant que pour qu'un e soit féminin, il suffit qu'il soit post-
18
accentuel au sein de la plus petite unité accentuelle à laquelle il appartient Nous admettrons par oonmoditê que dans certains cas un constituant de mot peut être une unité accentuelle, et que c'est en particulier le cas devant les suffixes "ment", "rie", ou de futur qu'on a dans "calmement", "laiterie", "parlera"; l'e muet qui les précède dans ces exenples est alors féminin, étant post-accentuel au sein du radical. Pour juger si un e est féminin, il faut donc d'abord s'assurer si c'est un 16 Cf. "caqueter" avec e muet. De même s'il faut reconnaître un e muet sousjacent en finale d'infinitif dans "aller" analysé en /al+o+r/, on notera la prononciation /alerapari/, et non */alarapari/ pour "aller à Paris", en vers, et /fetil/, et non V f . t i l / pour "fait-il". 17 On appelle parfois "e féminin" l'e muet en général (ainsi F. Brunot, tome IV, Première partie, p. 190sv.), peut-être d'après le rôle d'e muet dans la morphologie des adjectifs féminins. 18 II est vrai que supposant un accent dans "elle" en position clitique, on renonce à définir les clitiques comme simplement sans accent.
.
160
véritable e muet. Ainsi l'e serait féminin dans "vois-le" si c'était un e muet; mais il ne vérifie pas les propriétés caractéristiques de l'e muet, étant obligatoirement réalisé indépendaimvent des besoins de la syllabation et recevant l'accent du groupe came n'importe quelle voyelle pleine (on 19
reviendra, d'ailleurs, sur son statut morphologique). B) Statut rythmique d'e féminin: un /o/ réalisant un e féminin ne peut précéder une coupe rythmique; ainsi le vers dodécasyllabe "Plus qu'un peupie, plus qu'un astre, plus que les îles" ne peut se lire ooirme un vers ternaire de rythme ( 4 = 4 = 4 ) ; de mène il ne peut précéder une coupe métrique (césure ou fin de vers): ainsi l'e de "îles", s'il est réalisé dans le vers cité, est tenu pour "surnuméraire" (le vers compte dou2e, et non treize syllabes métriques), et on n'admet pas de césure classique dans "Je viens dans son tempie + supplier l'Etemel". Au contraire l'e féminin peut suivre une coupe rythmique, ccmte dans "Plus que les peupies, plus que l'astre, plus que l'île" (Hugo) ou "Contre le narbre vainement de Baudelaire" (Mallarmé). Par ces propriétés l'e féminin se distingue nettement, dans la versification ou la chanson, de l'e muet masculin. C) Accent syntagmatique et e féminin: on aurait pu définir l'e muet corme féminin pour une unité possédant une voyelle pleine lorsqu'il est la dernière voyelle de cette unité; et d'autre part poser que l'accent syntagmatique, tendant à avoir une position terminale, frappe la voyelle pleine la plus proche de la fin de l'unité accentuelle s'il s'en trouve une. Sous cette définition, il apparaîtrait que c'est une propriété de l'e féminin que de ne pas pouvoir recevoir l'accent syntagmatique, et cette observation se rangerait naturellement avec celle qui suit. D) Accent expressif et e féminin: alors que l'accent expressif de Marouzeau peut frapper un e muet corme dans "petit"/Pati/, "gredin"/ /GRadè/, "requin" 19 Pour nombre de linguistes se réclamant de "la prononciation réelle", il paraît évident, au vu des plus simples exemples, que l'e féminin dont on parle ici n'existe tout simplement pas. Ainsi pour le Dictionnaire du Français Contemporain de Dubois, "cet", "cette" et "sept" ont une prononciation unique et identique /set/. Dans le Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel de A Martinet et H. Walter, le même résultat est supposé garanti par une enquête faite auprès de dix-sept informateurs: pour ses auteurs l'e féminin n'a cours qu'en "diction poétique" (p. 24). Cependant l'existence phonologique de l'e muet en général et féminin en particulier est abondamment illustrée par d'assez nombreuses études précises dont celle de Dell (en particulier pp. 177sv.). Dans mon usage s'opposent clairement "quelle hache" et "quel H" (dans "quel H muet" où l'adjectif "muet" garantit le genre masculin) , la première expression seule acceptant la réalisation /keloaS/ (cf. Dell p. 186). Plus généralement, mais toujours sur le plan de la simple observation directe, on sait que la scansion d'insistance permet même, dans le Nord de la France, d'utiliser l'e muet S un faible degré de rendement, permettant d'opposer par exemple "cette rue" /se-te-ru/./ à "sept rues" qui n'admet pas la même scansion. Si l'e féminin n'existait pas, encore faudrait-il noter son "absence" lorsqu'elle donne lieu à l'alternance avec /e/.
161
/Rokè/, il ne peut pas remonter sur l'e terminal quand la première syllabe commence par une voyelle dans "une honte", "âne", qu'il faut accentuer /ûnô3tc/, /An./ et non »/unooTS/, */aN3/. De même, alors qu'il peut remonter sur la seconde syllabe dans "êchevelê"/e2avsle/, où l'e est muet, il ne peut le faire dans "ânerie"/An.ri/ (et non */aN3ri/) où l'e est féminin. L'e féminin semble donc ne pas pouvoir recevoir l'accent expressif; compte tenu de ce qui précède on peut le soupçonner de ne pas pouvoir recevoir l'accent en général. E) Non-sêparabilitê d'e féminin: une syllabe féminine (c.à d. ayant pour voyelle un e féminin) ne peut pas, par définition, initier un groupe accentuel; or une telle syllabe ne peut pas être séparée par une pause de la syllabe qui la précède (non-séparabilité à gauche). Ainsi une pause est encore moins acceptable dans "dis-
je tristement" /di-zotristamà/ ou "dis- ...j(e)
aussitôt" /di-zosito/ que dans "dis-
lui" /di-lwi/ ou
"dis-...le"/di-lô/; c'est d'autre part une règle en bonne typographie, que de ne pas séparer à l'alinéa une suite carme *"chai-/ses", alors mène qu'on accepte la coupure "mai-/son"; enfin cette contrainte se manifeste dans la métrique classique, où -ile interdit qu'un vers admette une césure du type: "Oui, je viens dans son tan + pie prier l'éternel" (en dépit de ce que cette coupe se prêterait bien à un rythme (6=6), et de ce que le débordement de la syllabe féminine sur la coupe ne produit aucun effet sensible d'enjambement). F) Contrainte de non-fermeture des syllabes féminines: en général, une syllabe féminine ne peut pas être fermée; d'où 1'inacceptabilité, dans le bon usage, de *"il mange
loup"/imàzsllu/, *"arrière-n^veu" /aryersnvô/, *"cette petite"
/setoptit/, *"faire
con"/feralko/, où l'économie de l'e muet qui suit est
impossible parce qu'elle aboutirait à entraver un e féminin; de mène 1'inacceptabilité de la forme pronominale géminée /11/ dans *"Pierre 11'a vu" /pycrallavii/, *"Elle ll'a vu" /elallavu/, contrastant avec l'acceptabilité de "Guy ll'a vu"/gillavu/, "E(lle) ll'a vu"Allavu/ e t "je ll'ai vu"/z3llevu/ (où le pronom géminé suit un e muet), découle de ce que la gémination aboutit forcément à entraver la voyelle qui précède; de même on observe que le coup de glotte démarcatif évoqué au § I, tolérable après variante de jonction dans "cet
idiot" /sefidyo/, "ces.. .émoussements" /sez^emusmà/, est absolu-
ment inacceptable dans "belles
idiotes" /belaz^idyot/, et l'est tout aussi
bien, malgré la faveur de la syntaxe, dans un vers corne "Belles et toutes deux joyeuses, ô douceur", où la prononciation /zwayôzaz^odusœr/ est exclue. Il y a lieu de croire, suivant l'idée de Martinon, que dans les dialectes où
162 on accepte apparemment l'entrave d'e féminin cortme dans /ferolkô/ pour "faire le con" ou /pràdaltrc/ pour "prendre le train", le /s/ apparent ne réalise pas le droit d'e de "faire" ou de "prendre", mais est un e êpenthêtique initial, parfois attesté après pause comte dans /-alk?)/, /-oltrè/ pour "le con", "le
20
train"
; ces exenples ne mettent donc pas en question la contrainte de
non-fermeture. Echappent vraiment à cette contrainte, par contre, des exenples comme /irâtrelswar/ pour "il rentre
soir", /âtrotnir/ pour "entre-t^nir", "Cléo-
pâtre 11'ennuie" /kleopatrallànwi/, "le bagne 11'attire" /labanyallatir/, 21 22 pour autant qu'on les accepte . Suivant une idee de Martinon , on peut dire que l'e féminin y accepte l'entrave dans la mesure où il est "soutenu" par le groupe consonantique qui le précède, à savoir /tr/, ou /ny/ dans ces exenples. Dans les termes de l'analyse que j'ai proposée dans "Le droit d'e", ceci revient à dire que la réalisation d'un e féminin doit aider à syllaber la consonne qui l'appuie, donc l'unité à laquelle il appartient, et que, du moment que cette fonction est effectuée, rien n 1 empêche qu'accessoirement il ne serve 23 ^24 d'appui à un groupe consonantique ultérieur : un e soutenu est un e justifié La contrainte de non-fermeture et ses exceptions expriment simplement le besoin général de justification de l'usage du droit d'e. 20 Martinon, p. 176, note 1, cite comme populaires les prononciations "car ej'dis", "bec ed gaz" et même en tête de phrase "ej'dis pas"; voir aussi p. 168, note 1. On notera que dans la prononciation "prendel train" pour "prendre le train", l'absence du /r/ final de "prendre" semble confirmer l'absence de l'e féminin qui le soutiendrait, s'il est vrai que l'e final préserve la consonne qui le précède. 21 Dans un usage où on refuserait l'e êpenthêtique évoqué en note précédente, naturellement. Damourette et Pichon, tome VI, pp. 306-307, citent en particulier des exemples contenant les suites "oncle ll'a' et 'je ll'ai". 22 Martinon, p. 172: dans "s1entre-r^garder", "l'e est soutenu par le groupe tr"; je suppose ici la prononciation [ny] pour "gn". 23 Si l'analyse proposée ici est juste, dans un parler où le rendement d'e peut être faible et où on admet par exemple /vatEl=>-/ pour "va-t-elle" et où la gémination du pronom /l/ a cours, la gémination doit tendre à être plausible dans "elle ll'a vu". 24 Dans la mesure où des mots où expressions sont syntaxiquement liés, ils tendent à être syllabes d'un bloc, comme une unité. C'est sous l'effet de cette pression de coarticulation que l'e féminin est (syntaxiquement) pleinement justifie dans "elle hue", "une honte", et pas du tout justifié (syntaxiquement) dans "Proteste-t-elle? Hue-t-elle?" ou "Il n'en a bu qu'une. Honte à lui" (dans un parler où "huer" et "honte" ont la propriété de séparation syllabique et où- on ne réalise pas l'e de "elle" devant pause). La pression de coarticulation ne dépend pas seulement de la cohérence syntaxique et peut être augmentée par la rapidité du débit, ou systématiquement à l'intérieur du vers, etc. Sur le maintien d'e féminin et son conditionnement syntaxique, cf. l'étude de Dell dans le présent volume.
163 Il est clair qu'e muet masculin peut être entravé carme dans "je 11'ai vu" /zollevii/, "genevois" /zanvwa/ ou "resem^ler"/rosamle/. Il est vrai qu'en général, il semble que l'entrave d'e msculin soit toujours évitable; ainsi dans les exemples cités, il suffit d'éviter la variante géminée ou d'utiliser la droit d'e suivant coitme dans /zolevii/, /zonavwa/ ou /rssamele/ pour éviter l'entrave d'e msculin. Au vu de ces possibilités, on pourrait suggérer la contrainte suivante (en termes assez vagues): l'entrave d'e masculin est toujours évitable (e masculin peut toujours ne pas être en syllabe fermée). Mais cette contrainte n'exprimerait pas, coitme celle de non-fermeture, une simple observation directe; et d'autre part, il serait délicat de la définir assez exactement pour qu'elle rende compte de la possibilité qu'existent des mots 25 conme "re-structurer", voire "re-pneuifier" G) Remarque: on s'en tient ici, autant que possible, à une conception "superficielle", phonétique, de la syllabe et à des faits synchroniques. On rencontrerait vite, autrenent, des foules d'exceptions. Ainsi la contrainte de non-fermeture d'e féminin non-justifié ne s'applique à aucun de ces phonèmes "abstraits" qu'une règle d'"effacement" empêche de sonner; par exemple si "pâles zozos" /palazozo/ dérivait de /palazttzozoz/, l'e féminin s'y trouverait en syllabe fermée (à supposer une syllabation sous-jacente). Dans la mesure où la règle de renplacement de /./ par /e/ peut apparaître coitme une conséquence de la contrainte de non-fermeture (dans la formulation qu'on en donnera), ceci tend à confirmer 1'idée que la règle est insensible à ce qu'on appelle les "phonèmes abstraits", s'ils existent. III. Renplacement d'e féminin entravable dans le mot 26 A) Définition d'e féminin phonologique
: /./ est féminin pour une suite de
phonèmes s'il n'est séparé de la fin de cette suite par aucun phonème voyelle (vraie voyelle). Exemples: dans les suites /z./, /z.l/, /lùn./, /rap.l/, l'e muet est féminin parce qu'il n'est séparé de la fin de la suite que par une consonne ou rien; dans /z.n.v./ les trois e sont féminins parce que la seule "voyelle" qui éventuellement sépare les deux premiers de la fin est /./; dans /z.nev./ le dernier /./ est féminin, mais le premier, séparé de la fin 25 Sur le maintien d'e muet dans "restructurer" voir la note 5 ici, et Dell, p. 211, note 33. Selon Dell, c'est la présence d'une frontière de morphème, exclue par la ligature dans sa règle, qui évite l'application de (1) b. dans ce cas. 26 Tel qu'il est défini ici, l'e féminin (phonologiquement) n'est pas une simple transposition de l'e féminin phonétique, défini plu? haut, sur le plan phonologique; cependant tous les e féminins phonétiques réalisent des e féminins phonologiques. Je n'ai d'ailleurs esquissé une vague définition d'"e féminin phonétique" qu'afin de faire ressortir quelques faits touchant la syllabation d'e muet en certaines positions.
164 par /e/, est masculin. Une voyelle pleine est masculine. Englobant e muet sous la notion de voyelle au sens large, on peut donc aussi bien poser qu'une voyelle (au sens large) est masculine pour une suite si et seulement si c'est une voyelle pleine ou si elle précède une voyelle rasculine. Contrairsnent â la définition posée dans II-A), cette définition conduit à considérer les e muets de /z./ ou /z.n.v./ comme féminins. Supposons que le mot "Genève" /2.nev./ soit dérivé d'une suite /z.n.v./ par substitution d'un /e/ au second /./; avant cette substitution, il y a donc trois e féminins; après, il n'y en a qu'un, le second ayant disparu et le premier étant devenu masculin puisqu'il précède la voyelle pleine /e/. L'e devenu masculin a les propriétés de l'e masculin phonétique et peut, en particulier, recevoir l'accent distinctif de Marouzeau ("Genève, pas Lausanne!" /fonevpaDOzan/). B) Définition de "voyelle entravable": une voyelle (au sens large) est entravable dans une suite si cette suite admet une réalisation contenant une syllabe dans laquelle une réalisation syllabique de cette voyelle est suivie d'une 27 réalisation non-syllabique d'une consonne de cette suite . Ainsi dans le mot "âne", /an./, à lui suposer les deux réalisations /ana/ et /an/, le /./ n'est pas entravable puisqu'en aucun cas il ne peut être suivi d'une consonne du même not (étant terminal); dans la pronière réalisation, à supposer la syllabation /a|na/, le /a/ n'est pas entravé par le mot, le /n/ s'enchaînant â la réalisation d'e; mais il l'est dans la seconde, par exenple devant pause (/an|-/); par définition le /a/ de "âne"/an./ est entravable (pour ce irot) . Pour les mêmes raisons, le /e/ et le /./ terminal de "Genève"/z.nev./ sont respectivement entravable et non-entravable (pour ce mot); le pronier /./ne peut se réaliser que dans la suite /zanev./, où il ne pourrait être entravé que si l'insertion d'une pause ou rupture après le /n/ conme dans /zon-cv./ était acceptable, ce qui n'est pas le cas; il n'est donc pas entravable pour ce mot. C) Contrainte de non-entravàbilité des voyelles féminines: un mot français ne contient pas de voyelle féminine entravable. Cette contrainte, pour autant qu'elle soit assez précisément formulée ici, paraît absolue et on peut à peine 27 Ceci revient à dire qu'une voyelle est entravable pour une suite si elle peut appartenir à une syllabe fermée dont elle est l'élément syllabique et dont l'élément suivant appartient à la suite. On peut encore dire qu'elle peut appartenir à une syllabe fermée de la suite, ou, par raccourci un peu inexact, qu'elle est en "syllabe fermable". On sait que traditionnellement on appelle "entravée" une voyelle qui se trouve en syllabe fermée. Le rôle du concept de syllabe fermée est traditionnellement reconnu dans l'alternance d'e muet avec /e/, et je ne propose ici qu'un affinement de cette intuition.
165
lui inaginer des exceptions. Même un nem d'anprunt ou de lessive ne salirait avoir une forme du genre de /twal.t/ et admettant, indêpendanment du contexte, les formes /twalat/ et /twalt/ ccmme variantes selon l'usage ou l'économie du droit d'e. Il apparaît d'abord que la contrainte de non-entravabilitê empêche en français l'existence de mots terminés par une suite /.C^/, canme celui qu'on vient de citer, ou /z.l/, qui serait pourtant très bon pour "gel" /zel/ en face de "geler" /2.1e/. En effet, devant pause par exemple, l'e muet féminin terminal serait entravé s'il était réalisé. Par suite, sont également exclus du français les nots se terminant par une suite /.C^./, où l'économie du seœnd /./ nous ramènerait au cas précédent. Et ainsi de suite: les deux premiers /./ d'un mot de forme /z.n.v./ seraient féminins et entravables. Il suit qu'un e féminin est forcément terminal dans un mot, puisqu'on a supposé par définition qu'un e suivi d'une vraie voyelle n'était pas féminin, et que, ccnme on le sait par ailleurs, un /./ est toujours précédé d'une consonne (un mot ne peut se terminer par la suite /../). L'effet inmêdiat de la contrainte de non-entravabilitê est que des deux dernières voyelles d'un rrot, l'une au noins doit être une voyelle pleine. A s'en tenir â ces remarques on pourrait conclure que les mots du type "jusques", "Rennes" ou "belles" dans "jusques aux deux" /zûskazosyô/, "Rennes ainsi" /renazësi/ ou "belles amies" /belszami/, font exception â la contrainte, le /./ féminin y apparaissant suivi d'une consonne. Il n'en est rien, si on tient oonpte de ce que dans toutes ces exceptions apparentes la consonne problématique est une consonne de jonction; ccnme telle, elle n'est censée apparaître qu'au contact inmêdiat d'un mot jonctif auquel elle s'enchaîne syllabiquement, dans une syllabe mitoyenne. La voyelle qui la précède n'est donc pas entravable dans le mot. On doit donc nuancer les remarques précédentes, en précisant qu'un mot français ne peut se terminer par une suite /.C1/ ou /.C1./ que si /C1/ est une consonne de jonction (ceci exclut, 28 en fait, les finales /.C^./). Il semble que, toutes transpositions faites, on puisse dire que la contrainte de non-entravabilitê soit à l'oeuvre en français depuis plusieurs siècles. Diverses sortes d'ajustement ont contribué à y satisfaire (par exemple la chute de voyelle dans "angele" > "angle" > "ange"). L'un qui fonctionne 28 Une variante de jonction se termine toujours par une (semi)consonne sans droit d'e; c'est le cas en particulier pour /z/, /l/, /t/, dans "j'ai", "je l'ai", "je t'ai".
166 encore d'une nanière systématique et synchronique est la règle de replacement qui suit. D) Remplacement de /./ féminin entravable par /e/ dans le mot: le dernier /./ féminin entravable d'un mot est remplacé par /e/. On peut donc supposer une forme sous-jacente /z.n.v./, contenant deux /./ féminins entravables, qui devient /z.nev./ par replacement du second; une fois ce replacement opéré, le premier /./ devenant masculin, la contrainte de non-entravabilité est respectée, et la forme produite n'est plus sujette à la règle de remplacement: le mot "genêve" est bien formé. De même on peut supposer la forme /z.l/ sous-jacente au mot "gel", la règle de rgnplacsnent produisant la forme /zel/. Les consonnes de liaison, dans "jusques", "Rennes", "belles", ne donnent pas lieu â renplacement parce qu'elles n'entraînent pas 1'entravabilité du /./ qui les précède. Pour savoir exactement quand le remplacement opère, on doit donc non seulement connaître la forme phonologique du mot, mais savoir si cette forme est jonctive ou non. La règle de remplacement rend directement compte des alternances du type "Genêve" / "genevois" (/z.nev./, /z.n.vwa/), "geler" / "gèle" / "gel" (/2.1e/, /zel./, /zel/), "chandelle" / "chandelier" (/sâdel./, /sad.lye/), "faites", "faire", "fesons", "fesable", "fera".29 IV Remplacement d'e féminin entravable dans le mot phonologique A) Contrainte de non-entravabilité dans le mot phonologique: un not phonologique (au sens II-A) ne contient pas de voyelle féminine et entravable pour lui-même. On a déjà noté qu'un pronom ccrrrne "je", masculin pour le mot phonologique 29 Hors des formes du type "ferai", "ferais", on sait que 11"orthographe" étend le remplacement par /e/ dans "faisons", "faisant", "faisable" même là où le bon usage oral ne l'a pas reçu. Par ailleurs, on notera que la contrainte de non-entravabilité affecte même des e justifiés, et qu'ainsi on ne saurait concevoir une forme /putr.l./ pour "poutrelle", ni /tabl.t./ pour "tablette", malgré le témoignage de /tabl.tye/ "tabletier", dérivé de "tablette"; suivant le même principe, le remplacement doit opérer dans "contrè-je" (et non *"contre-je") et "pénêtrè-je" (et non ^"pénètre-je"); cf. § IV-B. Sur ce point, toutes transpositions faites, la contrainte phonologique de non-entravabilité est donc plus puissante que la contrainte phonétique de non-entrave d'e féminin. On pourrait également estimer que l'e féminin qu'il faut supposer pour expliquer "créê-je" (si on accepte cette forme) n'est pas entravable, puisqu'il n'est tout simplement pas réalisable, le droit d'e étant radicalement inutilisable (s'il existe) après voyelle,- quoiqu'il en soit la présente analyse ne suffit pas à expliquer cette forme (cf. note 38).
167 3o en position proclitique
("je le dis") était féminin en position enclitique
("le dis-je"); en cette position il est, en particulier, sujet à la contrainte de non-fermature des syllabes phonétiquement féminines, qui exclut la prononciation /dizalprsrnye/ pour "dis-je "fais-le
premier". La possibilité de prononcer
lundi" en économisant l'e qui suit l'enclitique est due à ce que
celui-ci contient une vraie voyelle, et non un e muet (cf. II-A). De plus, on constate qu'un rrot phonologique ne contient pas de voyelle féminine entravable. Il y aurait évidenirent exception à cette contrainte si dans "donne-le", le pronom enclitique présentait un e muet; mais justement en cette position, il contient la voyelle /ô/. Pour se rendre compte qu'il y a vraiment lieu de supposer l'existence d'une contrainte de non-entravabilité dans le mot phonologique, il faut se représenter l'ensemble des situations qui pourraient la violer. 31Celles-ci se résument pratiquement aux cas où un clitique de forme /C^./ se construit en enclise; ccnme les déterminants de nom (article "le", démonstratif "ce", etc.), les prépositions (canne "de"), sont toujours antéposés, il ne reste que les 32 clitiques para-verbaux au ncmbre desquels on peut compter "que"/k./, "ne"/n./, "se"/s./, "je"/£./, "me"/m./, "te"/t./, "le"/l./, "ce"/s./. Pour des raisons qui sont peut-être essentiellement syntaxiques, "que", "ne" et "se" ne se construisent qu'en proclise, et n'ont aucun répondant en enclise. Restent ccnme 30 Le mot de "proclitique", dû à Hermann, fait pendant au vieux mot "enclitique" désignant un clitique postposé. Si en grec ancien le concept d'enclise couvre des faits phonologiques précis sur le plan de l'accentuation, il est plus difficile à cerner sur ce plan en français, faute qu'on puisse y définir un accent du même type d'une manière sérieuse. 31 C'est-à-dire constitué exclusivement par un groupe d'au moins une consonne, dont la dernière consonne a un droit d'e. Il n'y a en fait qu'une seule consonne dans tous ces cas (forme /C./). Les clitiques de forme phonologique du type (Ci/ sans droit d'e sont forcément des variantes jonctives se syllabifiant avec la (semi)voyelle qui suit: ils ne sauraient entraver une voyelle précédente. Enfin la gémination, qui est vraisemblablement un procédé de liaison régressive, ne se produit pas en enclise. 32 A savoir le "que" neutre sans antécédent qu'on a dans "que fait-il", "que n'est-il venu", "je ne sais que dire", et dont le statut clitique rend compte de 1'inacceptabilité de "que Pierre fait-il?"; ce clitique est satellisé par le juron "diable" ou sa variante "diantre" dans "que diable" et "que diantre". Sur une mise en question du statut clitique de "que" dans ces emplois, cf. l'étude d'Obenauer dans le présent recueil. Dans "sur ce" /siirsô/, "de moi", etc. et non pas /surs./ ou "de me" /d.m./ (ou /dcm./), on n'est guère fondé à considérer "ce" ou "moi" comme clitiques. Cependant les prononciations du type de /purs./ ("pour ce") en ancien français (cf. encore "parce que") peuvent révéler un état de langue où le complément de la préposition n'était pas indépendamment accentué; cette situation, si elle s'était maintenue, entraînerait les inconvénients qu'on examine ici.
168
véritables candidats à l'enclise les proncms composant la liste (2): (2) Clitiques "je",
para-verbaux
"ce",
"me",
de forme "te",
/C./
sujets
à
post-position:
"le"
En effet les pronoms sujets "je" et "ce" admettent l'inversion du clitique sujet dans "suis-je", "aurais-je", "est-ce", "serait-ce"; les trois autres sont post-posables, en principe, dans la construction impêrative sans "ne" ccaxme dans "dis-Z-e", "dis-Ze-lui pas", "donne-m'en", "va-t'en", etc. Il est vrai que dans ces derniers exemples, ce n'est pas à une forme /C^./ qu'on a véritablement affaire: le contraste de jonction (ici par forme d'êlision) suppose une forme /m/ ou /t/ sans droit d'e; une telle forme ne saurait menacer d'entraver la voyelle précédente, puisqu'elle se réduit à une consonne de jonction. Nous pouvons maintenant constater les effets de la contrainte de non-entravabilité d'e féminin dans le irot phonologique: elle se trouve tournée de trois manières, et ... respectée d'une. Elle est tournée, 1) par remplacement par /e/ dans 1'assez littéraire "donne-je" /doncz./, substituable à la forme •"donne-je" /don.z./ qui présenterait un /./ féminin entravable; 2) par stabilisation de l'e muet ou "instable" (remplacement par /ô/) dans "donne-le" /don.lô/, substituible â la forme * /don.l./ contenant un /./ féminin entravable; 3) par suppléance de formes à voyelle pleine dans "donne-moi" /don.mwa/, "donne-toi" /don.twa/, substituables aux formes * "donne-me" / don.m./, * "donne-te" /don.t./, pour la même raison. Elle est respectée par simple exclusion des formes fautives dans le cas de "ce", puisqu'on évite purement et simplement les formes du type de * "furent-ce" /für.s./, qu'on attendrait pourtant en face de "ce furent", "étaient-ce", "fut-ce", "seront-ce", du moins dans un style littéraire; peut-être est-ce la même contrainte qui empêche (dans le mène style) l'incise * "me semble-ce" d'exister à côté de "ce me semble" et "ne senible-t-il".33 33 Pour Grevisse (§ 809, note 1, p. 754), "l'emploi du pluriel produirait des consonances désagréables" dans "furent-ce, eussent-ce été, c'eussent été", d'où en ces cas l'accord au singulier. Historiquement, l'hypothèse du remplacement par /e/ d'un e féminin entravable par "ce" enclitique objet direct permet, pour le vers décasyllabe 889 de la "Ballade pour prier Notre Dame" (Le Testament Villon, I, p. 79), d'accepter comme métriquement correcte la version de Marot "Preservez moy, que point ie ne face ce" (où l'usage moderne du tiret et de l'accent grave donnerait "que point ie ne facê-ce", et même la version de l'édition Levet avec l'hémistiche "que je ne face ce" (interprété "que je ne facê-ce") et le texte de l'Arsenal ("que n'acomplisse ce"), si on admet d'y reconnaître une scansion lyrique (avec e féminin numéraire). A ce propos on notera que si 1'inacceptabilité de l'inversion dans "furent-ce" paraît aujourd'hui une lacune à expliquer synchroniquement, il n'est pas exclu que la contrainte de non-entravabilité n'ait joué historiquement un rôle bien plus vaste jusque dans la syntaxe des clitiques du type de "ce" sujet ou (autrefois) objet.
169 B) Remplacement de /./ féminin entravable par /E/ dans le mot phonologique: le dernier /./ féminin entravable d'un mot phonologique est remplacé par /E/."^ On verra plus bas les raisons du maigre rendement de cette règle, qui n'est utilisée, oorrroe on vient de le voir, que pour l'inversion de "je", puisqu'on refuse * "donnê-le" /donel./, * "donnè-me" /d:?nem./, * "donnê-te" /donet./ et * "furênt-ce" /fiires./. Elle est exactement analogue au remplacement de /./ par /E/ dans le not; pour la hiérarchiser avec celui-ci considérons la suite sous-jacente "jete-je" /z.t.#£./ avant qu'aucun replacement n'ait opéré; le rerrplaceirent par /E/ dans le mot en déduit la suite /zct.#z./, qui présente encore un /./ féminin entravable dans le mot phonologique; le remplacement par /E/ dans le mot phonologique en déduit à son tour la suite /zeteftz./, qui n'est pas correcte. Dans l'ordre inverse, le remplacement par /e/ dans le mot phonologique produit la suite /z.t£#z./, qui ne présente plus, d'emblée, aucun /./ féminin entravable dans le mot, et représente bien la suite attestée "jetê-je". Inversement dans la suite "je jete" /z.#z.t./, le même ordre produit d'emblée la forme /z.ttzet./ qui correspond bien â la fonte attendue "je jette". Le remplacement par /E/ s'applique donc au mot phonologique d'abord, au mot ensuite. Plus généralement, il semble qu'il s'applique par priorité de la droite vers la gauche, ce qui revient, en l'occurrence, à dire qu'il s'applique d'abord aux unités supérieures. Cette hiérarchisation réduit au minimum le nombre des opérations, canine on l'a vu dans le cas de 'jetê-je" (elle vaut également pour les morphèmes, dans la mesure où ils y sont sujets). C) Causes du faible rendement du remplacement par /E/ dans le mot phonologique: on peut d'abord observer ceci: tout clitique conserve sa forme normale en enclise, sauf si elle est du type /C^./ et si de plus il peut se canbiner avec d'autres enclitiques; en ce cas il y a suppléance. Se postposent donc sans changement "tu", "il(s)", "elle(s)", "nous", "vous", "on", "la", "lui", "leur", "y", "en"35, et les variantes de jonction "1' "/!/, "m"' /m/ et "t'"/t/ (on notera cependant que la gémination ne se fait pas en enclise: *"emnenez-ll'en" /âm.nellà/). Parmi les clitiques qui menacent la contrainte de non-entravabilité, le groupe (je, ce), qui ne présente pas de suppléance en enclise, résiste inégalement â la règle de remplacement; en effet les formes du type "jetè-je", ou "affirme-je", si elles font littéraire, voire un peu ridicule (elles sont l'ornement constant du style parodique), s'emploient tout de même; tandis que 34 Cf. note 29 au sujet d'e "soutenu" au sens de Martinon. 35 Y compris leur éventuelle variante de jonction, telle que /vuz/ pour "vous" /vu/. On pourrait aussi mentionner le clitique (ou la suite de clitiques?) "l'on" qui ne s'inverse pas.
170 les formes "furênt-ce" /fürerts. / ou "fussènt-ce" /füse#s./, qui présentent d'ailleurs un problème d'orthographe (notation du son /e/ devant lettre nasale), sont peut-être concevables, mais sont inacceptables en tout style. Cette différence dans la résistance au remplacement s'explique; passé simple et accord pluriel, voire construction rare ("fussent-ce des héros, ils pourraient dormir"; "furent-ce des héros?"; "oui, me semble-ce") se cumulent, dans le cas de "ce" enclitique, avec la difficulté déjà ressentie dans "donne-je"; or ces constructions semblent à peu près les seules qui puissent proposer un "ce" fauteur d'entravabilité. On peut donc supposer qu'en soi, la résistance au remplacement est à peu près égale pour "je" et pour "ce". Soit maintenant les séquences suivantes formées par simple postposition d'un clitique sous sa forme ordinaire, avec en regard les formes qui résulteraient de l'opération aveugle de la règle de remplacement par /e/, puis les formes attestées: Forme sous-jacente hypothétique (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (H) (12) (13) (14)
donne donne-le donne-le-me donne-le-lui paie-le-leur faites-le faites-le-lui faites-le-me seme seme-le seme-le-me seme-le-lui
don don don don pey f .t f .t f .t s. m s .m s .m s .m
Forme résultante par remplacement
Forme observée
=
1 1 1 1 1 1 1
: -: • .
m. lwi lœr lwi m.
1 1 m. 1 lwi
don.lem. =
=
f.tel. fet.l.lwi fet.lem. sem. s.mel. sem.lem. sem.1.lwi
don don don pay fet fet fet
10 lömwa lölwi lölcer lö lölwi lömwa
=
sem lö sem lömwa sem lölwi
Il apparaît que si on laissait opérer la règle de remplacement en syllabe fermable dans le mot phonologique"^, dans le cas des pronoms "me", "te" et "le", il s'ensuivrait, en particulier, ceci: la forme du verbe ne serait pas 36 En diverses périodes de l'histoire du français semblent se deviner des tâtonnements dans la solution de 1'entravabilité d'e féminin en enclise. Suivant Brunot qui renvoie aux Décisions de Tallemant (Brunot, tome IV, Première Partie, p. 196, note 2), "prononcer dites-lé, est un fait de corruption dû à la succession de deux e muets"; de plus "nous savons par Bérain qu'on disait dites-le-moi, mais dites-lé. Hindret préférait même cette façon de parler, mais elle fut abandonnée au commencement du 18ême siècle". Citons également Restaut qui écrit (p. 539): "Quand le pronom conjonctif le est mis après l'impératif, il doit toujours se prononcer avec le son foible de l'e muet, comme on le prononceroit, s'il étoit la dernière syllabe de tout autre mot. Ainsi dans dites-le, demandez-le, aimons-le, &c, le se prononce comme à la fin du mot fidèle, & non pas avec le son de l'è ouvert, dites-lès, demandons-lès, aimons-lès, comme on fait assez ordinairement". Pour Dumarsais, qui a l'article "E" de 1'Encyclopédie critique les mêmes prononciations, "l'e prend plutôt alors le son de l'eu faible".
171
prêdictible à partir simplement de sa place dans le paradigme (personne, nombre, temps, mode) et de la position du sujet. Elle dépendrait, en outre, de la connaissance de la chaîne entière des clitiques qui éventuellement le suivent; or un clitique qui n'est pas sujet, mais complément, ne régit pas le verbe, mais au contraire en dépend. La forme des clitiques eux-mêmes dépendrait des mânes facteurs. En un mot le paradigme des clitiques et de leur appui serait bouleversé . L'altération du paradigme par le remplacement, dans le cas de l'enclise des sujets "je" et "ce", est ou serait bien plus légère. En effet un clitique sujet s'inverse toujours seul ("le dis-je", et non "dis-le-je" ou "dis-je-le"), 37
ce qui simplifie considérablement l'opération du remplaceront;
de plus, le
sujet régissant le verbe, la morphologie de celui-ci ne se trouve pas conditionnée par un complément dépendant de lui. La résistance au rsnplacement par /e/ dans le mot phonologique est donc proportionnelle aux variations que celui-ci entraînerait dans , . le .mot38phonologique, c'est-à-dire en fait dans le verbe et les pronoms post-poses. D) Le contraste entre les formes "le" et "moi" et "toi" en enclise: soit le tableau: forme de proclise
forme d'enclise
forme autonome
tu me regardes tu te regardes tu le regardes /l./
regarde-moi regarde-toi regarde-le /1Ö/
tu regardes moi seul tu regardes toi seul tu regardes lui seul
ce tableau illustre le contraste suivant: en enclise, les formes /m./ et /t./ sont remplacées par les formes autonomes syntaxiquement correspondantes /mwa/ et /twa/( tandis que la forme /l./, au lieu d'être ranplacée par une forme autonome telle que /lwi/, voit simplement son e instable se stabiliser (remplacement de /./ par /ô/). Pourquoi ces solutions différentes â la contrainte 37 En effet d'une part l'inversion du sujet clitique n'affecte aucun des autres clitiques (cf. "que ne le lui dit-il pas?"); et d'autre part, à la construction impérative sans "ne", il n'y a pas du tout de sujet. 38 On constate même que le remplacement par /e/ devant "je" s'étend à des formes comme "êcrivê-je", "répondê-je", "voulê-je", "sentê-je", etc. calquées sur le paradigme de la première conjugaison, dans des cas où peut-être on tend à éviter l'inversion de "écris-je", "réponds-je", "veux-je", "sens-je", et où toutefois les formes "j'écrive", "je réponde", "je voule", "je sente", sont absolument inacceptables à l'indicatif. Ce phénomène, qui déborde le cadre de la présente analyse, devrait peut-être être expliqué de la même manière que la forme "créé-je" évoquée en note 29. Ce brouillage paradigmatique, complétant la difficulté originelle de 1'entravabilité causée par "je" enclitique, a pu contribuer à la tendance généralisée dans le langage familier, de ne plus du tout inverser "je".
172
de non-entravabilitê? La raison en est, d'abord, que la suppléance de "le" par "lui" est exclue, la correspondance entre ces proncms n'étant pas univoque; en effet le remplacement par "lui" ferait perdre deux sortes d'oppositions: 1) opposition casuelle; le clitique "le" étant complément direct et le clitique "lui" complément indirect, "le rendre" et "lui rendre" se confondraient dans "rends-lui" devenu ambigu; tandis que l'ambiguïté casuelle de "rends-moi" et "rends-toi" n'est pas introduite par la suppléance, puisqu'elle existe identique dans "me rendre", "te rendre"; 2) oppositions génériques; le clitique "lui" ne s'oppose pas à une forme féminine ("tu lui parles, à elle"), alors que le clitique "le" s'oppose au féminin "la" (d'où: * "tu le regardes, elle") ; la confusion casuelle qu'on vient d'évoquer entraînerait une confusion générique à cet égard; de plus (et plus directement), le pronom autonome "lui" est forcèrent masculin, contrairement au clitique "le" qui au moins admet la valeur neutre; ainsi dans "je le vois", "le" peut représenter une personne aussi bien qu'une proposition ("je le vois, Pierre" et "je le vois, qu'il pleut"); dans "je le vois, lui", la référence à une proposition est exclue par la forme autonome "lui" (d'où le contraste entre "je le sais" et * "je sais ^
rrâne lui")
39
; la suppléance de "le" par "lui" en enclise se ferait donc encore
aux dépens de cette opposition, tandis que les formes "me" et "te" ont en canmun avec les formes autonomes "mai" et "toi" l'absence d'aucune valeur générique. La suppléance de "le" en enclise par "lui" est donc simplement exclue par le fait que ces formes ne se correspondent pas par leurs valeurs casuelles et génériques.^ Le contraste entre les formes "le" d'une part, et "itoi" et "toi" d'autre 41
part, en enclise, révèle donc, dans le dialecte dominant du français,
la pré-
férence pour une solution par suppléance morphologique à défaut de laquelle seulement cette sorte de suppléance phonologique que représente le remplacement par /ô/ est utilisée. On sait que hors des situations d'enclise, le rsnplace39 Par suite avec double détachement, on peut opposer absolument l'acceptable "Pierre, lui, je le vois" à * "Qu'il pleut, lui, je le vois". De même "le" peut neutraliser l'opposition singulier/pluriel dans des phrases comme "Fonctionnaires, nous le sommes", "Qu'il pleut et qu'il neige, on (le + *les) sait déjà". Contrairement à "il" ou "lui" et comparablement à "ça" ou "ce", "le" peut reprendre "cela", "ceci", "ce", une proposition ou une citation (valeur neutre en général). 40 On ne saurait donc admettre l'analyse de Benveniste (pp. 209-210), pour qui "d'après il me le ..., il te le ..., on attendrait *il le le ... (...) On a (...) donc remplacé le, objet indirect de troisième personne, par lui". 41 Dans la mesure où on peut les interpréter, les données de l'Atlas Linguistique de la France semblent suggérer la diversité des solutions possibles au problême de 1'enclise soulevé ici (en particulier voir les cartes 410 ("dis-le-moi") et 411 ("dis-le-lui"). L'une des solutions semble être la non-cliticisation comme dans "dis-le donc à may" noté approximativement /dil dô a may/ (Chémêré, no 467) pour "dis-le-moi".
173
ment par /ô/ a un large rendaient ccnme l'attestent "sur ce", "et ce, pour rien", "ce en quoi", "ce faisant", "le je est haïssable", "un e muet". E) Aspects de la fonction analogique: on a vu qu'à une contrainte phonétique de non-fermeture syllabique semblait correspondre une contrainte phonologique de non-entravabilitê de voyelle, c'est-à-dire, en quelque sorte, une contrainte de "non-fermabilitê" syllabique. La règle de replacement par /E/ porte dans sa formulation mâne une généralisation du concept phonétique de syllabe fermée à celui de voyelle entravable (syllabe "fermable"). Le passage phonologique du fermé au "fermable" ou de l'entravé à l'entravable est de nature analogique. On pourrait fort bien supposer une règle de remplacement de /./ par /E/ en syllabe fermée, conformément à laquelle un mot ccrrme "appel" aurait deux formes variantes /ap.l/ et /apEl/, donc trois réalisations /api/, /apal/ et /apsl/, selon la structure syllabique de la chaîne phonétique; ainsi on admettrait /apEllvrète/ pour "appel lointain", /aplelwanye/, /apolelwanye/ (sans pause) et /apEl-elwanye/ (avec pause) pour "appel éloigné". La régulation analogique contenue dans le concept d'entravable simplifie cette diversité. Le tableau des hypothèses (3) à (15) montre que dans le cas de l'enclise, la régulation de ce syntagme qu'est le mot phonologique s'opère au détriment de la régularité des mots qui le composent, si on en laisse le soin à la règle de remplacement par /e/; on a vu, dans ce cas, le rôle que pouvaient jouer diverses sortes de suppléances; mais il reste à préciser l'extension du dcmaine où elles opèrent. Les formes enclitiques /lô/, /mwa/ et /twa/ n'apparaissent pas simplement là où la présence des formes /l./, /m./ et /t./ rendrait un e muet précédent entravable, cotmie ce serait le cas dans * "donne-le" [/!./, *"donne-me" ou •"donne-te"; elles apparaissent aussi bien après une forme verbale ou pronominale à finale masculine carme dans "rends-le" /ràlô/, "rends-moi" ou "rends-toi" qu'on substitue à *"rends-le" /ràl./, *"rends-me" ou *"rends-te" qui seraient des formes parfaitement acceptables (la dernière, par exemple, hcmophone du ncm "rente"). Leur emploi dépasse mène cette simple extension puisqu'elles apparaissent dans n'importe quelle position intérieure d'enclise, corme dans "rends-moi-la" ou "rends-le-lui" (prononçable /ràlôlwi/ et non /ràllwi/, donc ne présentant pas la forme /!./)
. Ainsi, pour savoir la forme
42 L'ordre des clitiques dans ces suites ne fait pas toujours le consensus des puristes; cependant "rends-moi-la" est, au moins, bien meilleur que les inacceptables *"donne-me-la" ou *"rends-me-les". D'autre part l'extension du remplacement par /ô/ en position interne comme dans "rends-le-leur" n'est pas le fait de tous les locuteurs, certains semblant admettre / r â l l œ r / . Cependant la majorité des locuteurs censés suivre le bon usage me semblent opposer par exemple /bràlle/ pour "branle-les" à / r â l ô l œ r / pour "rends-le-leur".
174
de ces pronoms clitiques, il n'est pas nécessaire de savoir quels autres clitiques les accompagnent, ni en quelle position, ni cannent se termine la forme verbale: il suffit de savoir s'ils sont enclitiques ou non; s'ils le sont, ils prennent de toute manière une forme garantissant la non-entravabilité dans le syntagme. Il s'agit, â ce niveau, d'analogie distributionnelle^. Carme on l'a déjà noté, la présence de formes non autonomes dans "va-t'en", "mène-m'y", "emporte-Z.'en" ne fait pas exception à la généralisation précédente: les formes jonctives /m/, /t/ et /l/ doivent nécessairement contraster sur le plan phonologique avec les formes normales correspondantes /m./, /t./ et /l./. On devine cependant l'ébauche d'une généralisation de la suppléance à ces formes-mânes. Déjà, si des formules courantes du genre de "va-t'en" passent inaperçues, l'emploi de "donne-m'en" est peut-être iroins fréquent dans le parler familier, où "éloigne-t'en" et plus encore "errmène-m'y", "garde-t'en" ou "mets-l"y" sont quasiment exclus; on évite certaines de ces formes même dans le bon usage; dans l'usage plus familier, on peut leur substituer, dans la mesure où elles gênent, les formes de suppléance. Ainsi on risque d'entendre "mets-ie-z-y", "garde-toi-z-en", "errmène-mot-z-y", mais non pas 44 *"va-iot-z-en", rendu superflu par l'acceptabilité parfaite de "va-t'en" Ainsi dans le cas des variantes de jonction, un phénomène d'analogie distributionnelle se devine, à peine ébauché. On pourrait exprimer l'inconvénient des clitiques de formes /C^./ en enclise, en disant qu'ils admettent des réalisations de forme /C^/ (sans usage du droit d'e) qui ne peuvent se syllabifier d'une manière autonome et qui, 43 C'est donc en quelque sorte le "risque" d'être sous l'accent, plutôt que le fait d'y être effectivement, qui suffit à justifier la présence des formes autonomes, dites "toniques" ou "fortes", des enclitiques. Notons à ce sujet que contrairement à une opinion communément admise (cf. par exemple Damourette & Pichon, tome VI, pp. 308-309), qu'on dise "dis-me" /dim./ ou "dis-moi", et /dil./ ou /dilô/ pour "dis-le", cela nempêche nullement le pronom de pouvoir être enclitique dans ces quatre cas, c'est-à-dire de se combiner avec une unité antérieure pour former un tout globalement accentué. De la même manière, on rejettera l'idée qu'historiquement l'apparition de formes autonomes ("toniques") substituées à des formes à e muet en enclise, manifeste la disparition de 1'enclise même (idée acceptée, par exemple, par Martinon, p. 150, note 2 et Rydberg passim); comme nous l'avons vu, c'est le statut d'enclise qui, indirectement, a entraîné dans certains cas le recours à des formes autonomes simplifiant le paradigme, compte tenu de la contrainte de non-entravabilité. 44 Cf. Grevisse, § 505, pp. 442-443: "On évite généralement les constructions m'y, t'y, après un impératif (cf. Vaugelas, Rem., p. 95), et l'on préfère y-moi, y-toi: Mènes-y moi (...) D'ailleurs les constructions mènes-y-moi, confies-y-toi ne sont pas elles-mêmes fort usitées. La plupart du temps on prend une autre tournure: Je vous prie de ...".
175 devant certaines consonnes, doivent forcément se syllabifier â l'aide d'une voyelle précédente: l'entrave de cette voyelle manifeste leur possibilité de dépendance syllabique "à gauche"; le remplacement par des formes à vraie voyelle exclut cette dépendance. Cette formulation permet (non exclusivement, peut-être) de rendre compte de l'absence de gémination en enclise; une consonne géminée étant traversée par une frontière syllabique, son pranier élément doit forcément s'enchaîner syllabiquement à la syllabe qui le précède. La gémination a précisément pour fonction de créer une dépendance syllabique à gauche, en sorte qu'on peut la supposer exclue par la mène contrainte qui fait éviter les clitiques de formes /C^./: m
proncm enclitique doit être
syllabiquement indépendant du contexte gauche.
V
Du bon usage des pataquès
Dans les exemples suivants: (17)
N'en cueille pas N'y va pas Il picole
Cueuilles-en Vas-y Picole-t-il
Cueille-les Va-t'en -
l'orthographe manifeste la présence, devant pronom enclitique jonctif, d'une consonne normalement absente, du moins à 1'impératif, dans la graphie; cette consonne est représentée ccrane une simple consonne de liaison dans le cas de "cueuilles" et "vas", graphies identiques à celles des formes indicatives "tu cueuilles" et "tu vas"; mais en l'absence d'un tel modèle, dans "picole-t-il", "va-t-on", etc. l'orthographe ne simule mène pas une liaison ordinaire et traite la consonne catme êpenthétique. Sur le plan strictement phonologique et synchronique, il ne serait peut-être pas facile de décider dans quels cas exactement on peut parler de consonne de liaison, dans quels cas, de consonne de transition. Il nous suffira d'admettre que certaines au moins de ces consonnes sont épenthétiques, et de constater, en outre, que devant clitique jonctif, soit par liaison ordinaire, soit par épenthèse, il y a toujours
me
consonne en enclise. L'idée (reçue) que les consonnes de transition dans le groupe verbal servent principalement à éviter les hiatus n'est pas soutenable. Elle n'explique pas pourquoi dans le style où "donne-moi-s-en" (avec transition) est possible, *"donne-moi-en" est inacceptable alors que "donne-lui-en" est admis; ni pourquoi, alors que la consonne s'insère entre clitiques dans "donne-moi-z-en" et "donne-lui-z-en", elle ne peut s'insérer dans *"tu lui z-en donnes". Surtout elle n'explique pas pourquoi on insérerait une consonne dans "picole-t-il", "cueuilles-en", chante-t-on", etc., alors qu'en l'absence de cette consonne
176
on aurait les formes sans hiatus *"picole-il", *"chante-on" et *"cueuille-en", qui d'ailleurs, historiquement, sont largement attestées. Supposons donc que ces consonnes n'existent pas, et qu'on doive appliquer la règle de remplacement dans les suites suivantes: (18)
a. b. c. d. e.
Formes sous-jacentes sans transition emmene /âm.n./ emmene-il /âm.n.ftil/ emmene-en /àm.n.ftâ/ emmene-la /âm.n.ftla/ emmene-l'en /âm.n.#l#â/
Formes dérivées par remplacement par G emmène /âmen./ *emmene-il /âm.n.#il/ *emmene-en /âm.n.$â/ emmène-la /àmen.#la/ emmène-l'en /âmen.#lttà/
Au niveau du mot phonologique, la règle opérerait dans (18)a. d'une manière satisfaisante; puis au niveau du mot, elle opérerait dans (18) d. et (18) e. d'une manière aussi satisfaisante; mais dans (18) b. et (18) c., elle n'aurait pas lieu d'opérer: carme les tirets le suggèrent dans la graphie, les pronoms para-verbaux sont plus étroitement liés au verbe en enclise qu'en proclise (c'est un trait de 1'enclise en général; cf. "ce chien-là", et non *"ce-chien là"); en particulier, ils ne sont pas séparables par une pause de la séquence dont ils dépendent; ainsi on peut dire "tu le lui donnes", mais non pas "donne-lelui" /donlô-lwi/. De même dans *"cueuille-en", *"picole-il" ou *"entre-y", l'enclitique étant inséparable du verbe, l'e féminin de celui-ci serait obligatoirement économisé et on exclurait au même titre les formes du type */àtr-i/ avec pause ou celles du type */àtrai/ avec usage d'e. Dans (18) b. et (18) c., le /n/ du verbe amener" n'étant pas censé entraver la voyelle qui le précède est traité carme les consonnes de jonction, et l'e féminin ne peut être remplacé par /e/. L'existence des enclitiques jonctifs a donc virtuellement le mène effet que celle des enclitiques de forme /C^./: elle tend à dérégler l'uniformité du paradigme; mais alors que les clitiques de forme /C^./ le feraient en multipliant les remplacements par /e/, les clitiques jonctifs le feraient en bloquant ce remplacement. De plus, la régularisation est opérée d'une autre manière, les clitiques jonctifs n'ayant ni forme variante, ni un /./ qu'il suffise de stabiliser: c'est l'extension des consonnes épenthétiques, sur le modèle des consonnes de liaison, qui maintient en ce cas 1'uniformité du paradigme. Canne on a pu le remarquer, accessoirement, les consonnes épenthétiques peuvent étendre leur rôle régulateur à la forme des pronans enclitiques. En effet le contraste entre "donne-moi-z-en", acceptable dans un style familier, et *"donne-moi-en" qui ne le semble guère, semble indiquer que la consonne de
177
transition contribue ici à justifier l'absence de la variante de liaison /m/ au lieu de /mwa/ devant l'enclitique jonctif "en". Ainsi s'explique, en regard, l'acceptabilité de "donne-lui-en", où la forme normale "lui" ne contraste pas avec une forme de liaison qui, là, n'existe pas. Dans des formes canne "va-t-on" ou "vas-y", la consonne de transition est inutile, ccmpte non tenu de l'écoronie générale du système. Là encore, on constate la généralisation d'un procédé des cas utiles aux cas analogues; dans le bon usage, le pataquès des fausses liaisons en /z/ et en /t/ est authentifié dans tous les cas où le verbe précède un enclitique jonctif On pourrait dire que la systématisation des liaisons, liaisons factices et pataquès en enclise garantit la simplicité du paradigme verbal en garantissant son indépendance syllabique à l'égard des clitiques qui le suivent: elles empêchent l'enchaînement sporadique de la dernière consonne du verbe sur la chaîne enclitique. Cette systànatisation complète symétriquement le rôle du remplacement par "le" /Io/, "moi" et "toi", et l'interdiction de la gémination, qui évitent l'enchaînement régressif de la chaîne enclitique sur le verbe en particulier.
45 L'inacceptabilité de *"donne-lui-t-en", *"vat-y", *"picole-z-elle" montre qu'il reste un minimum de motivation dans l'origine dêsinentielle du pataquès.
APPENDICE SUR LA SYLLABATION
Cet appendice ne vise qu'à éclairer partiellement quelques-uns des aspects de la syllabation en français qu'on a supposés admis dans cette étude. En effet cette étude, cotime celles sur "Le droit d'e" et sur "H et la syllabation: expressions disjonctives", qui lui sont apparentées, ne vise pas d'emblée â proposer une théorie de la syllabation, mais seulement à illustrer d'une manière largement intuitive le conditionnement syllabique de la phonologie du français. Les "postulats de syllabation" qui suivent ne sont donc guère plus qu'un complément explicatif à l'analyse proposée ici du remplacement par /e/. Ils sont censés concerner la chaîne phonétique ou "superficielle" plutôt que des suites de phonèmes "abstraits", et ceci justifie la place qu'y occupe la notion de pause (arrêt quelconque dans la chaîne). A cet égard cette étude s'écarte de celles où on suppose l'existence d'une syllabation plus ou moins "profonde", éventuellement transformable par des règles capables, par exemple, de déplacer, dans 11 engendraient d'une suite, les limites syllabiques. Dans le cas précis du remplacement par A/, exemplaire à cet égard, la seule motivation d'une syllabation "abstraite" serait fournie par le manque d'attention aux faits de systématisation et d'analogie. POSTULAT I: Toute séquence phonologique admet au moins une interprétation phonétique syllabée selon laquelle elle est une suite de syllabes éventuellement séparées par des pauses et sujettes notamment aux postulats qui suivent. Sinon elle n'est pas acceptable. POSTULAT II : Une syllabe ne contient pas de pause. POSTULAT III: Une réalisation de phonàne appartient à une et une seule syllabe. POSTULAT IV: Une syllabe contient une et une seule voyelle (au sens de: élément syllabique, carme opposé à consonne). POSTULAT V: On admet suivant Delattre une classification (suivant l'aperture) des sons en six classes (1 à 6), qu'on précise sur certains points à l'aide d'indices lettres, dans le sens de l'aperture croissante:
179 S 1 occlusives 2 nasales 3 fricatives
c
0 i
v
p t k b d g m n • 3a fricatives labiales
f v
"3b autres fricatives
S
• 4a liquides
I r
-4b mouillée
h
5 semi-voyelles
y w w
6 voyelles
6a
Z
V Z
V S
i u u
6b
e
6c
a à
o
ô
œ
s e o è o è
On notera par flèche carme dans X Y ou dans Y X que l'élément X appartient à la même syllabe que l'élément Y, ceci supposant l'absence de pause (postulat II). Par simplification on posera les règles suivantes d'enchaînement progressif (groupes "explosifs") ou régressif (groupes "entraveurs"): A. Groupes entraveurs
B. Groupes explosifs
Cl C2 C3a
(i)
Vc
(ii)
V C" C"
(i)
C V
(ii)
C C5 V
(iii)
rCl } C3a
si 1
Consonne ^ {4 , 5}
C4a, C5
Par exemple B (ii) signifie qu'en l'absence de pause, dans une suite (consonne quelconque + semi-voyelle + voyelle), si la première consonne n'est pas h, y, w ou ¡5, elle appartient â la même syllabe que le troisième élément (et par conséquent que le second, les syllabes formant une suite, selon le postulat I). Enfin notant par la barre | une limite de syllabe, et par la réduplication de la variable "x" une géminée quelconque, on posera l'hypothèse de séparation: x Ix
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TEMPORAL AND NON-TEMPORAL
USES OF
'NOCH' A N D
'SCHON'
IN G E R M A N
E. König (Technische Universität Hannover)
O. Noah and sohon in German as well as their counterparts in other languages (e. g. still and already in English, encore and déjà in French) are normally analysed as time adverbs. In addition to these temporal meanings a few other meanings are recognized. Thus noah is said to have an 'additive' meaning and sohon is said to have a 'restrictive' meaning in addition to the temporal meaning.^ However, no attempt is normally made to examine the relationship between these different meanings. Furthermore, if we 'renew connection' with the data it becomes apparent that these distinctions cure not applicable to a large number of cases. The present article is an attempt to give a uniform semantic analysis of as neny cases of noah and sahon as possible within the framework of model-theoretic semantics. In particular, it will be shown that the so-called temporal meaning of nor-h and sahon is only a special case of a more general meaning of these adverbs. It will be shewn taht the use of these elements has to do with man's ability to order and classify entities of various kinds, to rank them along a scale and to distinguish clear cases frcm narginal cases with regard to a certain property. The first section of this article gives a critical suntnary of previous semantic analyses of noah and sahon as well as their counterparts in English and French. After a brief outline of the theoretical framework of our analysis (section 2), we will first of all give an analysis of the so-called temporal meaning of noah and sahon. In subsequent sections this analysis is extended and generalized to cover many other cases. After a discussion of the implicatures associated with the use of noah and sahon a few renarks will be made about the 'additive' meaning of noah. Most of the points that will be 1
It should be mentioned here that we shall only be concerned with the adverb schon and shall exclude the modal particle schon from our analysis. This use of schon can be exemplified by examples like the following: ( i) Wir werden das Geld schon finden. 'Don't worry. We'll find the money.' (ii) Das ist schon wahr, aber ... ('restrictive1 schon) 'That's true enough, but ...' Modal particles do not contribute anything to the propositional content of a sentence but express attitudes of a speaker among other things.
182
rade about noch and schon could have also been made about still and already or encore and déjà. However, still and already as well as encore and déjà are much more restricted in their distribution than their counterparts in German. In many cases noch and sahon cannot be rendered by still and already or encore and déjà even though their meanings are clearly a case of the general meaning described below. Therefore, I have chosen to analyse noch and sahon rather than their counterparts in English or French. 1. Of all the articles on noah and sahon or their counterparts in English or French Shetter's article on noch (Shetter, 1966) is still the most comprehensive and inspiring. This article is remarkable for its attempt to give a general description of noch which accounts for many uses or meanings of this adverb as well as for its numerous insightful observations and examples. In order to give a general description of the meaning of noch Shetter draws a distinction between the following components of meaning expressed by noch and other elements of a sentence with noch: "(1) Something happens or is said to be the case. This element, which in most cases is the verb, reflects the adverbial grammar of noch and will be called manifestation. (2) A point of particular interest in this manifestation is singled out by noch, which can best be called the noch point. (3) The interaction of these two elements actualizes understanding of a continuum or sequence at some point on which the noch point stands. (4) The manifestation is valid with relation to this sequence. (5) There is some point beyond the end of the sequence where the manifestation is not valid, the end point. (6) The manifestation stands at an advanced point along this sequence." (1966:44)
The theoretical framework of Shetter's analysis is, of course, inadequate and thus his analysis rarely reaches that degreee of explicitness where it is possible to falsify his claims. However, in spite of the fact that Shetter's analysis is too vague and lacks explicitness it has provided a valuable starting point for the analysis to follow. As opposed to Shetter (1966) Closs Traugott and Waterhouse (1969) and Morissey (1973) confined themselves to analysing the temporal meaning of already and still, respectively. Closs Traugott and Waterhouse (1969:302) suggest that the adverb already and its 'supplétive' form yet should be generated from a set of semantic features associated with the perfective aspect and that still may be related to the progressive aspect in a similar way. Morissey (1973) questions the latter assumption and tries to shew that still and anymore are more related to the perfective aspect than is normally supposed. A more detailed analysis of already and still in their tenporal use is given by L. R. Horn (1970:321),
183
who draws a distinction between the assertions (A) and the presuppositions (P) associated with the adverbs in question. If S is the sentence with which already or still may combine to form another sentence and t
is the point of
speaking, Horn's analysis can be summarized in the following way: (1) already/yet P: (3t) (t>t and t (S)) A: t (S) ° o (2) still/anymore P: (3t) (t >t and t (S)) A: t (S) ° o A similar analysis is given for noch and schon in German by M. Doherty (1973). Doherty's analysis is also mainly confined to the temporal meanings which may be expressed by these adverbs. However, she also tries to account for the relationship between noch and schon and she includes the 'additive' use of noch into her analysis. Her analysis can be summarized in the following way: (3) noch P: phase^ (S), phase^ (not-S) A: phase2 (S) schon P: phasej (not-S), phase3 (S) A: phase2 (S) If S is a sentence with which noch or schon combines to form another sentence then asserts S for a certain phase2 and presupposes a preceding phase-| during which S holds and a following phase3 during which is true. A sentence of the form also asserts S for a certain phase S2 but presupposes a preceding phase^ during which is true and a following phase^ during which S is true. As is usual in the framework of generative semantics Doherty represents certain logical consequences of a sentence as subtrees of a tree diagram representing the semntic structure of the whole sentence. These semantic representations are then mapped onto surface structures by transformations. Doherty's analysis is more detailed and nore explicit than most of the other analyses suirmarized so far. However, it is inadequate for the following reasons: she only gives a description of the temporal meanings of noch and schon in sentences like (5) and (6) as well as of certain uses of additive noch. (5) Paul ist noch krank. 'Paul is still ill.' (6) Peter ist schon zu Hause. 'Peter is already at home." Other uses of the two adverbs are assumed to be marginal extensions of these meanings and are only mentioned in one footnote (cf. Doherty, 1973:170 n. 7). Thus her analysis cannot account for the meaning of noch and schon in sentences like the following:
184 (7) Carlisle liegt noch in England. 'Carlisle is still in England.' (8) Dumfries liegt schon in Schottland. 'Dumfries is already in Scotland.'
The claims M. Doherty makes with regard to the presuppositions of noch and schon are also inadequate and Horn's analysis (Horn, 1970) is to be preferred in this respect. Her claim that presupposes a succeeding phase^ during which holds is based on exanples like the following, which she regards as deviant: (9)
Paul ist noch alt. 'Paul is still old.'
(10) Paul ist noch groß. 'Paul is still tall.'
The oddness of exanples like these, however, is due to the fact that they assert the continuation of a state which cannot be changed and that they, therefore, give trivial information. That Doherty's claim is wrong is shown by examples like the following: (11) König Konstantin lebt noch im Exil und das wird wohl auch immer so bleiben. 'King Constantine is still living in exile and that is the way it will always be.' (12) A: Does our house still stand. - B: Yes,
The question (12) could be asked by a person inquiring after the fate of his house after an earthquake. It would clearly be counterintuitive to assume that this question arid the answer presuppose that the house in question will be destroyed at seme future time. With regard to the analysis of schon it is Doherty's first claim which is dubious. These two claims, which have just been discarded are connected with Doherty's attempt to explicate the relationship between noch and schon. To this problem and to another basis of these two claims we will return belcw. Müller's recent analysis of déjà and encore in French (Muller, 1975) is similar to Doherty's in so far as it devotes exclusive attention to the tenporal use of these adverbs. Like Doherty, Muller assumes that déjà determines two presuppositions: one relating to a phase preceding the phase determined by the tense of the sentence (Doherty1 s 'phase-| ') and one relating to the 'future1. This second presupposition, hewever, does not fully correspond to Doherty's 'phase3(S)', since 'future' here means future with respect to the phase of the former presupposition. The presupposition of a sentence like (13), for example, can be represented as (14):
185 (13) L'arbre fleurit déjà. (14) Passé [(Neg(11 arbre fleurir)) et on s'attend à (Futur (l'arbre fleurir))] Muller's analysis of encore is parallel to that of déjà. It is assumed the ne ... déjà plus or ne ... enfin plus are the negative forms of encore (cf. p. 27) and that encore also determines a 'presupposition future' in addition to a presupposition relating to the past. Thus a sentence like (15) has the following presuppositions (16): (15) L'arbre fleurit encore/toujours. (16) Passé [(l'arbre fleurir) et on s'attend à (Futur (Neg (l'arbre fleurir)))] Given these assumptions with regard to the presuppositional structure of déjà and encore the assertion of a sentence with one of these elements consists in attaching the state of the process denoted by the sentence to one of the two possibilities mentioned in the presuppositions at a certain point of reference. The meaning of déjà and encore can, thus, be illustrated by the following diagram (where t^ denotes the marient of time determined by the tense of the sentence, AFF is a proposition and Neg its negation): (17) Passé (t ) Neg Neg Aff Aff
Présent (t± -> t Q )
Futur (tn > t D )
Neg Aff Aff Neg
Aff Aff Neg Neg
If AFF stands for l'arbre fleurit then the following sentences correspond to the four rows: (18) a. b. c. d.
L'arbre L'arbre L'arbre L'arbre
ne fleurit pas encore. fleurit déjà. fleurit encore. ne fleurit déjà plus.
Many details of Muller's analysis cannot be understood properly unless one considers his attempt to give a general analysis of déjà and encore which also takes the 'evaluative' meaning of these adverbs into account. It has often been noted (cf. Doherty, 1973:157) that noch and schon in German as well as déjà and encore in French may express an 'evaluative' component, especially, when they are stressed or when they caribine with adverbs of time (e. g. noch vor einem Jahr, schon 1910). In English, this feature of meaning is expressed by the ccnparative construction 'as Adjective as Measure Phrase' (as early as 1910, as little as £ 10). In French, dès and enfin always have this evaluative meaning, déjà, encore and toujours nay have it. Of all the
186
analyses summarized so far Muller's is the only one which attarpts to account for this feature of meaning in a non-ad-hoc way. Since t n , the phase of the 'future presupposition' is only related to to, the phase of the 'past presupposition', as illustrated above (17), t n may be either earlier or later than ti- The sentences listed under (18) correspond to the latter situation (t^ > tjj . Whenever the former situation arises (t^ < tj_) the sentences express an evaluative component. In this case the following sentences correspond to the four rows of the diagram (cf. Muller, 1975:29): (19) a. b. c. d.
L'arbre L'arbre L'arbre L'arbre
ne fleurit toujours pas. fleurit enfin. fleurit toujours. ne fleurit enfin plus.
Finally it should also be mentioned that Muller discusses in great detail the 'iterative' or 'additive' meaning of encore and déjà in examples like the following: (20) a. Le bébé des voisins braille encore (une fois). b. J'ai déjà (souvent, quelquefois) mangé des raviolis.
Muller's basic claim is that the difference in meaning between examples like (20) and our previous examples is due to the fact that encore and déjà modify a quantification in the former case, which may be explicit (une fois, souvent) or implicit. Even though there is no one-to-one correspondence between noch and schon, on the one hand, and encore and déjà on the other, many points put forward against Doherty's analysis are also relevant here. Muller completely neglects the nontenporal use of encore/toujours and déjà despite the fact that he does mention a few examples of this use: (21) a. Ce n'est déjà pas si mal! b. Si encore il était beau!
The following examples, seme of which are translations of the German sentence used in this article, shew that the non-temporal use of encore or déjà is by no means a feature of colloquialisms: (22) a. b. c. d. e.
Kassel, c'est toujours la Hesse. Paul, c'est encore un socialiste. Pierre est déjà radical. C'est encore la méthode qui promet le plus de succès. La proposition de Paul est toujours meilleur que celle de Pierre.
It is also very problematic to regard ne ... déjà plus as the negative form of encore in order to gain a neat parallelism in the presuppositional structure
187 of encore and déjà. Muller's account of the evaluative use of encore and déjà is the most interesting part of his analysis. Since we cannot offer anything better we shall exclude this use of the adverbs in question from our investigation. 2. Our semantic analysis of noch and schon will be carried out within the 2 framework of model-theoretic semantics. Model theory is concerned wi.th the relation between formal languages and structures which satisfy these expressions or, in which these expressions are true. Thus, we have to define a formal language which can be regarded as a reconstruction of a fragment of German. It is a characteristic feature of a model-theoretic approach to semantics that the syntactic and the semntic component of a granmar are built up in a parallel fashion, i. e. the formal language is constructed in such a way that the meaning of a complex expression is determined by the meaning of its parts (Frege principle). For every syntactic category a unique corresponding semantic category has to be defined, and for every syntactic rule that combines phrases of category A and B to produce a phrase of category C, there must be a unique semantic rule that operates on the corresponding semantic interpretations to give a senentic interpretation for the resulting phrase; that interpretation will be of the semantic category corresponding to the syntactic category C. The set of expressions to be interpreted by our semantic component will be specified by a categorial granmar. It is characteristic of categorial grammars that most syntactic categories can be defined in terms of a few categories taken as basic. Normally, only names and sentences are taken as basic and all other syntactic categories are defined in terms of these. Categorial languages, the languages specified by categorial grammars, can be defined in various ways. We shall here follow Cresswell (1973:71f.), who defines categorial languages by the following four conditions on the set 'Syn' of syntactic categories and the set 'E' of well-formed expressions: (
i) Nat c Syn
( ii) If T, aj....a
2
£ Syn then € Syn
It is not possible to give even a brief characterization of model-theoretic semantics in this paper and we shall confine ourselves to a few remarks. Since we shall only introduce a minimum of technical apparatus the article should also be intelligible to readers unfamiliar with formal semantics. Those for whom the sketch of section 2 is not detailled enough may skip this section. Excellent introductory characterizations can be found in Thomason (1974) and Partee (1974).
188 (iii)
F 0 c Ea
( iv)
If a i. ..an £ E a i . . . E 0 t h e n £ E T
respectively
and
-r,
" l - - -11 n '
The first condition says that syntactic categories are specified in terms of natural numbers and are conceived of as indices. Cresswell takes 0 as the category index of sentences and 1 as the category index of names. Names and sentences are basic categories. The second condition shows how derived categories are formed. To give an example, since 0 is the category index of sentences and 1 is that of names the category index of intransitive verbs will be . F a is the set of basic symbols of category a. This set is of course a subset of the set of well-formed expressions of category o (iii). Condition (iv) shows hew expressions of various categories ccmbine to form expressions of a new category. The index of expressions of derived categories always indicates with which categories these expressions combine to produce an expression of another category. Expressions of category , for example, combine with an element of category 1 to produce an expression of category 0. Cresswell has shown that certain aspects of natural languages, especially problems of scope, can be reconstructed by introducing the logical constant X into a categorial language. For the resultant A-categorial languages he introduces the following additional conditions: ( v) Xo E
E
a
(vi) I f eexa and a€E
x
then eE
Xo is the set of all variables of category a. The logical constant A can be used to produce abstracts of various categories. To give an example again, if transitive verbes like love have the category index and Anne has the category index then the formula ^¡x^oves^yAnne» is an abstract of category . The semantic component of a model-theoretic treatment of natural languages has to define, first of all, what kinds of things are to be associated with basic expressions as their semantic values, i. e. it has to define a set D of domains or possible denotations. In addition, a function V has to be defined which assigns a semantic category to every syntactic category as well as a fuction which assigns the appropriate values to complex expressions by retracing the syntactic construction of the expression. The semantic category of a name is normally taken to be an individual or, more generally, a function from possible worlds to the set of all individuals. Propositions are the
189
semantic values of sentences. Propositions are normally analysed as subsets of possible worlds or, alternatively and equivalently, as functions from possible worlds to truth values. Derived syntactic categories such as F have functions as semantic values. In the case of
F
(J
it is
a
^
function
frctn the set of individuals to the set of propositions. As opposed to what is customary in model-theoretic semantics we shall only be concerned with a detailled analysis of noah and vahon and shall assume that the rest of the syntax and semantics of the fragment under analysis is somehow given. This limitation of the scope of the analysis is mainly due to the fact that no analysis is available for many aspects of German or any other natural language which will be touched upon here in order to give a fairly comprehensive analysis for noah and sahon.
Thus, in addition to the technical apparatus
sketched so far, we only have to define the value assignment for expressions with the logical constant A. Where D 0 is the set of possible denotations of elements with the category index a and Xo is the set of variables of category
0
the value assignment of abstracts can be defined in the following
way (cf. Cresswell, 1973:86): (vii) If a is where X £ X a and 3€E then V (a)= u where w is that function from D a into Dx such t h a t T i f a € D 0 then u(a)=V . (6);
Roughly speaking, V ^
(6) differs frcm V^tB) only in one respect: free
occurrences of x in B get the value a instead of v(x). This conpletes our sketch of the technical apparatus. Since we shall always give an informal description in addition to every formalization the main outline of the arguments to follow will also be intelligible to those for whom the preceding sketch was not sufficiently detailed. 3. After this sketch of the theoretical framework we are now ready to give an analysis of the tenporal meaning of no oh and sohon.
Thus, we will first of
all consider examples like the following: (23) Paul ist noch krank. 1 Paul is still ill.' (24) Peter ist schon zu Hause. 'Peter is already at home.'
Syntactically, noah and sohon can be analysed as one-place sentential functors, i. e. as elements which combine with a sentence to form another sentence. In traditional terminology, they are sentence adverbs.^ Horn and Doherty are 3
This claim will be justified below. Here, it may simply be pointed out that noch and schon meet the criteria given in Thomason & Stalnaker (1973:203ff.) for sentence modifiers in so far as these are applicable.
190
right in claiming that noch and schon or still and already differ with regard to the presuppositions they determine. Like many other sentence adverbs noch 1
and schon are
implicative' in the sense of Karttunen (1971), i. e. a sentence
or logically implies S and a sentence or inplies (25) a. Gestern war Paul noch krank. » cistern war Paul krank. b. Heute ist Paul nicht mehr krank. > Heute ist Paul nicht krank.
As far as temporal noch and schon is concerned we can adapt the suggestions rade in Horn (1970) for already and still, which correspond as we saw to those made in Doherty (1973) for noch and schon, if we exclude the claims criticized above. A sentence of the form > presupposes that is true during a time interval (or, during a number of time intervals) which 4 inmediately precedes the interval specified by the tense or a time adverb of 0. A sentence of the form > presupposes that there is a time interval follcwing the interval specified by the tense of a time adverb of during which is true. Thus, in our interpretation structure or systan of domains we have to have a set T of moments of time, which are ordered by the relation Exy]
It can easily be checked that this formula is false in situation (5). Although this formula contains two universal quantifiers it is obvious that it cannot represent (26) b. A formalization of (26) b. must contain the condition that only those boys are taken into consideration that kiss all the girls who love them. This additional condition can be expressed by adding to the formula for (26) a. the implication: 6
This sentence is a bit odd. It sounds better if 'every girl1 is replaced by 'all the girls'. The semantic problem remains the same.
212 (28) Vz [ (Gz
A
Lzx) )
Kxz]
7
The complete logical structure for (26) b. then has the form (29)
(Vx)
(Vy) [ (Bx
A
Gy
A
Kxy
A
Lyx
A
Vz [ (Gz
A
Lzx) 3 Kxz]) 3
Exy]
Let us assume for the time being that the formulas are correct semantic representations of the sentences in question and that analogous formulas can be found for the remaining sentences. But what do these formulas have to do with Keenan's double NP's? How can one relate these formulas in a non adhoc way to sentences of English? For an answer to the first question, let us look back at how Keenan defines his set of ordered pairs. "f(NP, NP') = the set of all pairs of the form (fn, fm) where fn is in f (NPy) andfinis in f (NP'X) ." m n In the sentence under discussion NP and NP' correspond to the formulas (30) a. and (30) b. respectively. (30) a. Boy (x) A Kissed (x,y) = NP (30) b. Girl(y) A Loved(y,x) = NP'
Given this internal structure of NP and NP' it is obvious that the set of ordered pairs (fn, fm) is equivalent to (31) {: Boy(x) A Kissed(x,y) A Girl (y) A Loved(y,x)}
The set {: B(x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x)} represents a relation, which can be abbreviated as 'R'. In the same way as {x: FX} can be abbreviated as F. Of course the verb 'embarrass1 can be represented analogously as {: E(x,y)} or simply as 'E'. If we now want to express the idea that an element of 'R' is also an element of 'E1, we can write 3 (R.E), using Catnap's notation, which is equivalent to (32) 3x 3y (R(x,y) A E(x,y)) If all elements of 'R' are contained in 'E', one writes U(R => E), or equivalently (33) Vx Vy
(R (x,y) => E(x,y) )
Finally one could introduce the notation 1 (R.E) which is equivalent to (34) 3x!3y! (R(x,y)AE(x,y)) to express that there is a unique pair which is a member of 'R' and 'E'. Since 'R' stands for {: B(x) A G(y) A L(y,x) A K(x,y)}, formulas (32) and (33) represent formulas (35) and (36) respectively (35) (36) 7
(3x) (Vx)
(3y) [B(x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x) A E(x,y)] (Vy) [ (B (x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x)) =>E(x,y)]
It can be shown that this formula is equivalent to
213
which are the logical forms for sentence (14) and (20). Thus there is an obvious connection between Keenan's double NP's and our logical forms. Keenan quantifies over pairs. This is obvious frcm his syntax (he introduces only one quantifier) and frcm the semantics (NP, NP1 is interpreted as a single pair). We could follow his procedure more closely by introducing quantifiers for ordered pairs like 1 (the unique pair), E (an arbitrary pair) V (every pair). It is, however, not quite clear whether pair quantifiers yield the correct description for Bach-Peters sentences, because pair quantifiers presuppose that both NP's contain the same quantifier. In other words, one would only get three combinations of quantifiers instead of nine. How can we distinguish the three sentences which differ only in the choice of the second quantifier? (20) Every boy who kissed a girl who loved him embarrassed her. 11 ^ 2 ^) •• " " " the " " " " " (22) " " " " every " " them.
One possibility vrould be to define three different sets of pairs which could be characterized informally as follows: (37) a. {: a is a boy and kissed b and b is a girl and loved a} (37) b. {: a is a boy and kissed b and b is the unique girl who Loved a} (37) c. {: a is a boy and kissed every b and b is a girl who loved a}
The three relations (37) a.-c. are defined in such a way that the meaning of the quantifiers on 'girl' is already taken care of. The meaning of (37) a.-c. g can be spelled out more formally as: (37) a.' {: B (x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x)} (37) b.' {: B (x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x) A Vz(G(z) A L(z,x)) (37) c.' {: B(x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x) A Vz[(G(z) A L(z,x)
y=z}
=> K(x,z)]}
The combination of these three relations with three pair quantifiers should yield the formulas we need to describe all Bach-Peters sentences. As everyone may check for himself we do indeed get the correct formulas with two exceptions. The first one is the sentence (38) A boy who kissed every girl who loved him embarrassed her.
to which the following formula is assigned: 8
Definitions (b 1 ) and (c') could be simplified somewhat. I wrote them as they are to bring out that (b 1 ) contains a restriction that renders the meaning of the definite article on 'girl' and that (c 1 ) contains a similar condition to capture the meaning of 'every girl'.
214 (39) (3x) (3y) [B(X) A G(y) A K(x,y) A L(y,x)A Vz ((G(z) A L(z,x) =>K(x,z) ) A E (x,y) ]
The correct formula should contain (Vy) instead of (3y). The same problon arises with the sentence (19) The boy who kissed every girl who loved him embarrassed them.
This seems to indicate that there is something wrong with our treatment of the sentences coritaining the NP 1 every girl1. As we noticed already these sentences are odd syntactically. If 'every girl' is replaced by 'all the girls' they sound better. The quantifier 'all the' very often has a group reading, (cf. Bennett). Maybe we should change relation (c') into a relation between individuals and, sets of individuals. I am thinking of something like {: a is a boy and kissed every element of {B} and B is a set of girls each of which loved a.}
This new definition of relation (c') would make it possible to get all nine types of Bach-Peters sentences. Since this new definition has seme evident drawbacks (after all one doesn't kiss sets but individuals). I adopt a slightly different solution. The derivation of Bach-Peters sentences in Montague grammar.
In the following I will use the syntax and sanantics of PTQ. I will add one definition, a set of rules for quantifying double catmon nouns and a rule for substituting double terms, (a) Syntax The new definition is intended to capture the idea underlying Keenan's 'cannon noun phrase in i'. The definition picks out a subset of relative clauses generated by Montague's rule S3. Definition 1: If a £ P ^ and 0 € and 0 contains the free variables he^, hei (a, 0) is a carman noun in i, j (abbreviated as CN ). According J then F,3 . - '1 i,: to this definition figure (6) and (7) represent a CN. . and boy such that he kisses him boy
he
i kisses him ]
Figure (6)
girl such that she loves him.
J
i
girl
*
:isses him.
l
215 a CNj ^ respectively. The rules for quantification operate on such a pair of cotmon nouns to form double terms. I allow all nine combinations of the determiners 'every, the, a'. Therefore there will be nine different semantic operations. S 30. If a€ CN. . and ߣ CN. ., then F ^ . . (a, i,: 30,1,3 ,F
where FF. 30,i,j (a, 3) = (act,aß) P
31,i,j
{the a, every S) 35,i,j ( a ' B) = (every a, a B) F 36,i,j ( a ' B) = F
3) = (aa, every ß)
F
(every a, the B) 37,i,j ( a ' B) =
3) = (the a, aß)
F
(every a, every B) 38,i,j (a ' B) =
3) = (the a, the ß)
and all free occurrences of he^ are proncminalized by a and all free occurrences of he^ are proncminalized by 8. The double terms generated by S 30 serve as input to the rule of substitution S 31. S 31. If (a, B) £ (T. . T. .) and 0 £ t with he. and he. free, then F._q . . (a, B, 0) £t, where F-,- (a, 6, 0) canes frcm substituting a for the first occurrence of he. and B for the first occurrence of he.. All i : other occurrences of he. 1 are proncminalized by a and all other occurrences 9 of hej are proncminalized by B. The tree in figure (8) illustrates hew these new rules operate. At each node of the tree we indicate the index of the syntactic operation which was used in forming the meaningful expression attached to this node. Ws first form two canton nouns in imj and j,i respectively. Then rule F^q ^ j quantifies the two canton nouns and forms a double term. Rule F^g substitutes the double term for the free variables he. and he. i
9
The operation of pronominalization in S 30 and S 31 can be defined more explicitly (cf. S 14 in PTQ). All other occurrences of he. or him. are replaced by {he, she, it} or {him, her, it} respectively, according as the gender of T. . is masc., fem., neuter.
216 A boy such that he kissed her embarrassed a girl such that she loved him
he. embarrassed 1 a boy such that he kissed her
boy
F_ .
3 , 1
he. kissed him. i D Figure
J
F
30
girl such that she loved him. i girl
39
him.
a girl such that she loved him
boy such that he kissed him. 3
F
F^ . 3, ]
he. loved him 1 J
(8)
So far we get only one type of Bach-Peters sentences, namely the type: (10) The boy who kissed her embarrassed the girl who loved him.
To generate also the type (14) A boy who kissed a girl who loved him embarrassed her.
we must modify S 30 and S 31. This modification involves sane technical complications and I prefer to postpone it to sane later publication. (b) Semantics^ 0
What is the correct semantic representation for a double term? Montague represents a single term like 'a man' as 11 (40) P 3x [man (x) A P(x) ]
In plain English 'a man' is interpreted as a set of properties that a man has. One of these properties may be 1to walk'. The sentence 1a man walks' gets the translation (41) P 3x tman(x) A P(x)]
(walk)
This means that 'walk' is in the set of properties P such that Therefore it can be reduced to (42) 3x [man (x) A walk
(x) ]
I want to construct double terms in analogy to single terms. If single terms denote sets of properties, then double terms denote sets of relations. There10 11
Since Bach-Peters sentences do not involve intensional contexts, I use a purely extensional logic. P is a variable of type ,
217
fore I propose the following formula for the double term 'a boy who kissed him., a girl who loved him.': l : 12 (43) ft 3x
3y
t(B(x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x)) A
R(x,y)]
Now one relation that holds between the boy and the girl in question is the relation 1 embarrass '. We can express this by writing (44) R 3x 3y [B (x) A G(y) A K(x,y) A L ( y r x ) A R ( x , y ) ]
(embarrass)
The usual rule of reduction yields the desired result (45) 3x 3y
[B(x) A G(y) A K(x,y) A L(y,x) A
E(x,y)]
After this description of the serrantics of double terms it is more or less obvious hew the translation rules for F^q - F^g will look. Translation rules T 30. If a £ CN. . and 6 £ CN. 1 . and a, 6 translate into a', B1 respectively, !» 3 31 then F
30 i j 'a' translates into R 3x 3y [a1 (x) A B' (y) A R(x,y) ]
F
^ translates into ft 3x 3y [a1 (x) A 6' (y) A Vz(B'(y)y -M- z=y) A R(x,y)]13
F
translates into (y) A VZ(B' (y)* Z> a' (x)*) A R(x,y) ] ft 3x Vy [a' (x) A (a, B) translates into
31 i j 32 i j
F-, 3J,x,y F
34 i j
ft 3v 3y [Vx [ [a* (x) A B1 (y) ] +->- x=v] A R(v,y) ] translates into ft 3v 3y [Vx [[a* (x) A B' (y) A Vz (B* (y)*
z=y) ] ++ x=v] A R(v,y)]
F 3 5 .. j (a, B) translates into ft 3v Vy [Vic T[oc' (x) A B' (y) A Vz (B' (y)* => A' (x)*)] F,, . . (a, B) translates into 3b,1,3
x=v] A R(v,y)]
ft Vx Vy [ (a' (x) A B' (y) ) = R(x,y) ]
F
37 i j
translates into R Vx 3y [[a' (x) A B1 (y) A VZ (B1 (y«-»• z=y) ] A R(x,y)]
F,„ . . (a, B) translates into Ja 1 » '3 A z z R Vx Vy [[a1 (x) A B' (y) A VZ (8' ( y = > a' (x)*)] = R(x,y)] T 31. If (a,B) € (T . T. 1 .) and 0 E t, and a, B, 0 translate into i»3 3 / a1, B1, 0' respectively then F^g ^ j (a, B, 0) translates into (a\ B') (5^0). 12 R is a v a r i a b l e of type . 13 'By' is an a b b r e v i a t i o n for 'replace all o c c u r e n c e s of y in i by z 1 ,
QUANTIFICATION WITHOUT VARIABLES
F. G'.ienthner (Dept. of Linguistics, University of Stuttgart)
1. Introduction. Much of recent work in the area of formal semantics for natural languages can be considered as attempts to provide an explicit definition of a translation relation between a given natural language and (a language of) predicate logic (PL) or sane extension thereof. Such a methodology uses predicate logic as a representing language for every natural language. The main reason for doing this is one of economy. Languages of predicate logic are sanantically extremely powerful, their syntax is extremely simple and unambiguous and above all, an explicit and precise formal semantics is already provided for them. The exact formulation of such translation relations varies of course depending on the particular granrnatical framework used; in general, two kinds of devices are possible: either explicit translation rules (e.g. as in Montague [1974a, 1974b] or transformational rules as in most versions of so-called generative semantics, in Cresswell's theory in Cresswell [1973] or as in Keenan [1972]). Differences exist also in the formulation of the representing language. For instance, in Keenan [1972] a modified natural-language oriented version of a language for predicate logic is employed; in Cresswell, a higher-order typetheoretic syntax is used as the underlying language. All of these however have in canton that they ressort to languages with variables. Most of these approaches also see one of their major merits in the fact that pronouns in natural language bear a certain similarity to variables in logical languages and they relate these two kinds of expressions in a straightforward way just as they treat all cases of quantification and crossreference in natural language as instances of variable-binding operations in the representing language. In view of the tremendous success which these approaches have had in the area of the analysis of quantification and proncmi— realization in natural language (cf. also Geach's important work fleferev.ee and Generality it is probably not altogether obvious why the variable-binding view of these matters should be abandoned or modified. In this paper, I will not discuss in detail the question of the justifiability of the variable-binding approaches or arguments against them (F. Guenthner [1976] for sane discussion.)
220 I would like instead to propose a system which seems to go a long way towards accomodating cases of quantification in natural language without explicit recourse to variables. It is based on the one hand on certain suggestions in Quine [1960] and on recent developments in modal logic. A scmewhat different proposal along the sane lines is also presented in Aqvist/Guenthner [1976]. S. Quantifiers as operators. In PL quantifiers are variable-binding operators; i. e. in a formula like (1) VxA
"V", the universal quantifier, binds all occurences of x to the right of it. v x Equivalently, one could have a quantifier for each variable, e. g. r, y, etc. Then, for instance, is a universal x-quantification of A and all occurences v of x in A are bound by ... Yet in natural languages there is seemingly nothing v occurences of the x's. Consider a sentence like which corresponds to the (2) Every
man
dances
which we can parse as consisting in the concatenation of a quantifier phrase every man and a verb phrase danaes. The quantifier phrase can in turn be analyzed as consisting of a quantifier plus a carmon noun. In PL, (2) is usually rendered as (3) Vx(Mx
Dx)
Not only is there no constituent in PL which corresponds in a perspicuous way to every man, there are also three occurences of variables; there is further no structural difference between the translation of the ccrmnn noun and the translation of the verb. If one wanted to stick to a quantified variable binding analysis of (2) a translation into a sortal language would be superior to (3) in several respects: (4) VmDm Notice also that the camion noun following a quantifier can itself be a ccnplex expression; e. g. in (5) Every
man who dances
with
a woman
with
red hair
is
happy
the expression man who danaes with a woman with red hair has the same syntactic and semantic status as man in (2). A syntactically and semantically revealing translation of English sentences into a forml language should bear this out. Translations into PL do not, however. In the language described belcw there
221
will be constituents which mirror fairly closely the structure of quantifier phrases in English. 2.1
The representing language L. In this section, I will briefly sketch the
syntax of a formal language which will be used belcw to represent a certain fragment of English. In section 3, several extensions of L will be proposed. The basic symbols of L are drawn frcm the following disjoint sets of symbols: 1. Non-logical symbols (i)
the set BIP of
(basic) intransitive predicates {P
(ii)
the set BTP of
(basic) transitive predicates { R 0 » R j >
(iii) the set BSS of
(basic) sortal specifiers
,p,,...}
o 1
•••)
{S^S^,...}
2. Logical symbols (i)
Prefixes: • , O , x
(ii)
one-place connective: -i
(iii) two-place connectives: &, v
3. Parenthesis The well-formed forriiulas of L (wffs) are constructed as follows: 1. Every member of BIP and BTP is an atonic formula 2. Every atomic formula is a wff. 3. If A and B are wffs, then iA, (A&B) , (AvB) are wffs. 4. if s is in BSS, thenQ,0, S]andare sortal prefixes (SP) 5. If A is a wff and B in SP, then BA is a wff 6. If A is a wff, then XA is a wff Garments on the syntax of L will be found at the end of section 2.3. 2.2
Semantics for L. M is a model for L iff M = , where D is a non-
empty set (the danain of discourse) and f an interpretation function which assigns to every basic intransitive predicate and to every basic sortal specifier a subset of D and to every basic transitive predicate a subset of DxD. We define the truth of a wff A with respect to M at an index d,d' as follows (where " (1) (2)
(3)
¿p A" is read: "A is true with respect to M at d,d'"):
f=== Id ,d
A iff dEf(A), if A is in BIP
222 1M J A iff A for every d"€D Id" ,d IdTd"' IM IM A for some d"€f(s) (5) |d,d' Id", d IM IM (6) I tA for every d"€f(s) i I A iff Id", d' XA iff IM fcA (7) 1 ^ 1 (4)
J
J
(8) i n —1 -|A iff it is not the IdTd IM (SSBli£f IM Aand (9) rdTd"' IM „ (10) brT 1 k?'& o r
b
br-
A wff A is true in M at d,d' if
case that |M
B
ct
B
d,d'
ra IM „
A; a wff A is true in M iff
all d,d' GD. A wff A is valid iff A is true in all models M. 2.3
M 7 A for d,d
Some examples. Here are sane English sentences and their "represen-
tations" in L: (1) Someone runs Or (2) Some girl dances
D (3) Every boy dances El D (4) Some girl dances and sings (D&S) (5) Someone doesn't dance OiD (6) Some girl dances and some girl sings (D & S) (7) Everyone loves someone • X OXL (8) Someone loves everyone OX
DXL
In order to be able to use L in a more perspicuous way as a representing language for English, we might propose the following definition: D1 AP = df XPXA, where A is a BTP or a truth-function compound of BTP's, and P a sortal prefix. (7) and (8) above can now be abbreviated as
223 (7') D L
O
(8') O L
•
Notice also that (7) and (8) are often claimed to be amiguous in English (representations in L are of course always unambiguous). Vfe should represent the other readings of these sentences as follows: (7") X O X • L (8") x • x O L
A definition like D2 PA P 1 = df XPXP'A, where A is a BTP or a truthfunctional compound of BTP1s and P, P' sortal prefixes.
would again yield defined expressions looking more like English surface sentences, (cf. below for the use of such definitions). Comments on the syntax. It is obvious that not all wffs of L correspond in a natural way to sentences in English; in fact, L has a very simple structure and ressembles in most respects standard formulations of the languages of nodal logics. It would therefore be quite complicated to relate L to English in a systematic way if we start with L and try to obtain English sentences either via translational or transformational methods. There are however two ways of obtaining such a relation. One consists in specifying an independent syntax for English and translating the sentences of the English fragment into L; the other consists in specifying a subset of the formulas which mirror English in an interesting way. I. e. we should like to specify a subset L_ of ¿J
L which mirrors the syntactic structure of English. Among other things we need to eliminate vacuous prefixing as well as "free" atonic formulas, that is, formulas containing predicates without prefixes. For instance, an intransitive or transitive predicate occurring alone should not correspond to an English sentence, i. Syntax of L£ (i)
Every BIP (BTP) is an intransitive predicate (transitive predicate) (of Le) .
(ii)
If A and B are BIP, then -|A, (A&B) , (AvB) are intransitive predicates (of Le> .
(iii) If A and B are BTP, then nA, (A&B), (AvB) are transitive predicates (of L e ) . (iv)
If A is a TP and B a prefix, then XBXA is an intransitive predicate (of L e ) .
(v)
If A is an intransitive predicate and B a prefix, then BA is a wff (of L e ) .
224 (vi)
If A is a transitive predicate and B a prefix then BA is R-intransitive predicate (of L^).
(vii)
If A is a R-intransitive predicate and B a prefix then XBXA is a wff (of I ) . E (viii) If A and B are wff of L then -|A, (A&B) , (AvB) are wffs (of L ) . E E
ii. English sentences can be related to L in a variety of ways. A very simple r* and perhaps natural one would be based on,, a system of contextual definitions, v( much like the kind of definition Russell used in connection with definite descriptions. Such definitions are sometimes attacked, since their applicability is not uniquely determined as to scope. In the present context and more generally with the respect to a theory of translation based on system of definitions this feature could on the contrary be viewed as a merit. For instance using such a system of definitions we will be able to obtain one and the same English sentence as a realization of two (logically distinct) L„ sentences. Instead EJ
of spelling out the relevant definitions in detail, I will simply give an example of hew a "derivation" of an E-realization might look: (i) Chx OXRo • iR
o
C> (Def. 1)
everyone ^R
O o everyone doesn't R
o
O
everyone doesn't R someone o everyone doesn't love someone (ii) X O X • tR
o • -,R (Def. 2) o everyone -)Rq O
O
everyone -iR someone o everyone doesn't R someone o everyone doesn't love someone
A more systematic discussion of systems of definitions and their use in the theory of translation will be presented elsewhere. 3. Extending L. In this section, I would like to shew how to extend L to include indexical pronouns, proper names, definite descriptions, certain relative clauses and "is". (In what follows the syntactic extensions refer (mainly for reason of simplicity) to extensions of the syntax of L as preh* sented above.) As Montague among others pointed out, quantified noun phrases and proper names are syntactically similar in many respects in English. The complete identification of these two categories - to which Montague seemed
225 inclined - is in our opinion however - misguided.) We do justice to this similarity by treating proper names as a kind of prefixes as well. (In a sense this amounts to semething very similar to the so-called "term-quantifiers" in Aqvist and Guenthner [1975].) We add to the non-logical basic expressions of L a set of Names and we extend the syntactic rules above in such a way as to replace the category sortal prefix everywhere by the categories sortal prefix or name. The semantic rule corresponding to name is simple enough: let f assign to each name an element of D, then NA iff
d,d"
f(N),d'
A (where N is a name)
We should also include names in definition 1. This yields examples of translation like the following: (1) Everyone loves John • XJXL
or
• LJ
(2) John runs JR
For definite descriptions we add the operator {}, which is always to be indexed by sortal specifiers; i.e. {s} is a definite description operator and it is also to be in the category of names. The corresponding semantic rule is then: (3)
d,d"
1{s} J
A iff
| A for the unique object d" in f(s). |d" ,d1
Examples: (4) The boy sings {b}s (5) Every student loves the girl [s] X {g}XL
or [s] L {g}
The semantics of definite descriptions yields the truth value 'false' for a formula if there is no individual in the set f(s) on the one hand, and 'false' as well if f(s) contains more than one member. A truth-value gap treatment of failing descriptions could also have been envisaged here, but for the sake of simplicity we have retained a more Russellian analysis. By (strict) indexioal pronouns, I mean pronouns like those in (6) he runs (7) he hits him
226
Syntactically, such pronouns behave exactly like names and they are therefore added to the list of proper names. Semantically, we want (6) and (7) above to be equivalent with the expressions which consist of the predicate in (6) and (7) above alone. This yields a rather simple semantic clause: M
M
= d,d
he A iff
= = d,d
A
Notice that the representation of he hits him is thus true in M at an index £ f(H). It can thus happen that heXheXH is true with respect to , truth in M and validity we should always require that the indices involved are normal. This additional requirement does not affect sentences not containing indexical pronouns. The "is" of identity and predication are treated alike in the representation given below. = is to be a logical transitive predicate and combines with the syntactic rules as every other transitive predicate. The semantic clause is the following: IM
^ = iff |d,d'
d = d"
Examples: (8) John is a man JX X = or J = (9) Bill is the loser BX {L}X = or B = {L} (10) Bill is Mary
BXMX = or
B =M
Reflexive pronouns stipulate obligatory cross-reference. There is a simple way of transforming an ordinary transitive predicate into an intransitive reflexive predicate. We introduce an operator R which is to caiibine with transitive predicates (basic or compound) yielding an intransitive predicate. The truth condition for R is straightforward: M d,d'
RA iff
|d,d
Exemples : (11) John loves himself JRL (12) Every woman admires herself [w"l RA
227 Here again we might introduce a definition which "eliminates" the R operator in favor of an expression closer to English: D3
A himself = df RA if A is a transitive predicate of a truth-functional compound thereof.
Relative clauses are a little nore complicated. Let us for the sake of simplicity agree with Quine and Montague among others and assume that relative clauses attach to cannon nouns and form complex noun phrases. In L, ccrmon nouns are represented by sovtals.
We thus have to augment the items in the
category accordingly and provide for complex sortals. We do this recursively in the following way: (i)
If A is an intransitive predicate, then who A is a relative clause
(ii)
If A is a R-intransitive predicate, then whom A is a relative clause
(iii) If s is a basic sortal specifier and A a relative clause, then s: A is a sortal specifier (iv)
If s is a sortal specifier, then [s] , , {s}, are sortal prefixes
We write Is: A] and for I s: Al and
respectively. The semantic
classes for phrases involving relative clauses have to specify the "range" of the prefixes indexed by complex sortal specifiers. I.e. just as before the function f determined a set f(s) for each sortal specifier relative to M, I IM we now specify a function Is L where s ranges over all sortal specifiers. (i)
I IM s ,, (the "satisfaction set" of s in M at d,d') is If(s) I d,if d s is a basic sortal specifier or if s is of the ||M I IM I |M form "s': A", s , ., is f(s') A , ,, where A , I |d,d' J ld,d' I |d,d' is the satisfaction set of A defined as follows: A r is {d"£D: t===i A} if A is of the form ' ' IM "who A"', or the set {d'£D: [ , QA'} if A is of the form "whom A 1 ".
(ii)
===== 1[si A iff I .. A for all d" £ s f „ where A d,d — ld",d | |d,d' is any arbitrary formula of L; and similarily for A and {&} A.
Examples : (i)
Every woman who sings dances [w: who S] D
(ii)
A man who dances loves a girl whom John admires X X L
or L
(iii) The man who dances loves the girl who sings {m: who D} X {g: who S} X L or {m: who D} L {g: who S}
228 4. Remarks on Pronouns in L. Linguists and philosophers have traditionally distinguished several types of pronoms: i) indexical pronouns, ii) bound pronouns and iii) pronouns of laziness. The latter two are illustrated in the following sentences: (1) Every man believes that he is mortal (2) When Smith arrived, he was drunk
It is sometimes suggested E.g. by Geach or by Montague) that sentences like the following also involve pronouns of laziness: (3) Every man who owns a donkey is nice to it,
where the pronoun "it" oould be understood as an "abréviation" for "the donkey he owns". All of these sentences pose a number of intricate problems for a theory of pronaninalization; however, we cannot discuss these here for lack of space. Most recently, the view that pronouns should uniformly be represented as variables in the representing languages has been explored in such important works as Montague's, Keenan's or Cresswell's. This is not to say that other techniques are not available. In the language introduced above only indexical pronouns occur. In addition, these pronouns have the same syntactic status - in the representing language as full-fledged noun phrases, i.e. as quantified noun phrases and proper names. No case of real pronaninalization is thus accomodated in L. The effect of pronaninalization could be achieved in at least two ways in a language like L. The first is based on the method of double indexing; this is essentially the equivalent of binding within a theory with operators and indexical expressions. (For one variant of this approach, cf. Âqvist/Guenthner (1976)). The second consists in a more radical departure fron binding theories altogether. On this approach we would distinguish sharply between cases of bound pronouns (e.g. sentence (1) above) within clauses on the hand and trans-clause or trans-sentence proncminalization on the other. This difference is in fact b o m out in very many languages (e.g. Japanese, Yoruba) where the form corresponding to the he depends on whether he is "bound" by the noun phrase in the ratrix sentence (regardless of whether this noun phrase is a proper name or a quantified noun phrase) or whether he refers to a contextually determined individual. In the first case, the form is almost always a reflexive and it corresponds roughly to something like "Every man believes himself to be mortal". This case will indeed be treated as a case of "binding" whereas the latter would be analyzed in a more pragmatic fashion in that we would use both the
229 previous linguistic as well as non-linguistic context in determing the possible referent(s) for pronouns. E.g. even in a simple sentence like (4) John came and he asked for a drink
we would not have recourse to either a binding operation, say roughly sanething like (5) (John:x)(x came and x asked for a drink)
or to a proncminalization transformation; instead, the pronoun he would be a proper syntactic part of (4) from the start and the cross-reference between John and he would be accounted for in terms of the structure of the linguistic environment in conjunction with certain contextual features. (For an approach along these lines see Smaby (1975)). On this account quantification over complex constituents would never be allowed; serious problems arise for instance in Montague Granmar where it is possible to quantify into any sentential structure 0' with a term, e. g. (6)
0 , sentence a, Term
0 1 , sentence
As it stands, such a rule of quantification produces for instance ungrammatical sentences like (7) Every man came and he asked for a drink
Even more complicated problems would arise if other conjunctions, in particular, subordinating conjunctions were introduced in a framework like that of Montague [1974b]. It is not clear how these problems can be solved in Montague Granmar; of course, no other theory has yet cane close to accomodating even a portion of the facts of proncminalization in a systematic way. In our opinion, abandoning the pronouns as variables view is hcwever a step towards a better understanding of hew pronouns and ultimately of how quantification in natural language work.
REFERENCES
Aqvist, 1. & Guenthner F. [1975]: "Representability in QA of Hintikka Intensional Quantifiers and Keenan Term Quantifiers", Theoretical Linguistics, 2, 21-44. [1976]: "Quantification Theory for Natural Language Based on Multi-dimensional Logics with Demonstratives", in F. Guenthner & M. Guenthner-Reutter (eds.) Meaning and Translation: Philosophical and Linguistic Approaches, London, (in press). Cresswell, M.J., [1973]: Logics and Languages, London. Guenthner, F., [1976]: "Pronouns as Indexicals" (forthcoming) Keenan, E., [1972]: "Semantically Based Grammar", Linguistic Inquiry. Montague, R., [1974a]: "Universal Grammar" in R. H. Thomason (ed.), Formal Philosophy, New Haven, Conn. [1974b] "The Proper Treatment of Quantification in Ordinary English" in R.H. Thomason (ed.) op. cit. Quine, W.V.O., [1966] "Variables Explained Away", in Selected Logic Papers, New York. Smaby, R., [1975]: "Pronouns and Ambiguity" (forthcoming)
LE LEXIQUE DANS UNE GRAMMAIRE COMPAREE DU FRANÇAIS ET DE L'ALLEMAND
Christoph Schwarze
(Université de Constance)
O. Intentions
J'ai l'intention de nontrer, dans ce qui suit, cannent peut être organisé un lexique bilingue dans le cadre d'une granmaire generative comparée, en l'occurence du français et de l'allemand. Cette tentative s'insère dans un programme de travail qui nous occupe depuis quelques années et dont l'objet a été jusqu'à présent de préciser l'idée de grammaire comparée générative . Qu'il me soit permis, avant d'entrer dans le traitaient de mon sujet, de situer brièvement la conception que nous avons de la granmaire comparée par rapport aux recherches traditionnelles qui ont pour objet la comparaison synchronique entre certaines langues, et qui ont joué un rôle important notamment en linguistique française et rcmane. On peut distinguer, au sein de ce genre d'analyses, essentiellement deux orientations: la "stylistique comparée", qui, à partir de l'analyse comparée de certaines structures syntaxiques et lexicales, cherche 3 à caractériser globalement les langues qu'elle étudie (Bally, Malblanc, Ullraann ) et la "comparaison de traduction" (M. Wandruszka et ses 4
élèves ), qui, se fondant sur 1'analyse de divergences de structure morphologique, syntaxique ou lexicale se présentant dans les traductions de textes littéraires, vise à examiner et à relativer certaines asscmptions fondamen1
2
3
4
Ce programme a été subventionné par la Deutsche Forschungsgemeinschaft depuis 1971 (cotes Schw 150/1 et Sch 150/4); y ont participé Mlle. Luise F. Pusch et MM. Gian Luigi Borgato et Emilio Manzotti. Pour la motivation originelle et pour une première tentative (désormais dépassée du point de vue de la formalisation) cf.: Christoph Schwarze, Grammatiktheorie und Sprachvergleich, in: Linguistische Berichte 21 (1972) 15-29, et id., Entwurf der Basis für eine Sprachvergleichsgrammatik, in: A.P. ten Cate/P. Jordens (éd.), Linguistische Perspektiven, Referate des VII. Linguistischen Kolloquiums, Nijmegen, 26.-30. September 1972, Tübingen 1973, 252-266. Bally, Ch., Linguistique Générale et linguistique française, 4 e éd. rev. et corr., Berne 1965; Malblanc, A., Stylistique comparée du français et de l'allemand, Paris 21966; St. Ullmann, Précis de sémantique française, Berne 21959. Wandruszka, M., Sprachen, vergleichbar und unvergleichlich, München 1969.
232
taies et très générales sur la nature du langage (le langage ccttrre système structuré, le langage cerane expression d'une vision du monde etc.). Il ne peut pas faire de doute que les travaux effectués dans le cadre de ces deux traditions contiennent de nombreuses observations fondées sur une connaissance profonde et un sens aigu du langage. Ils ont cependant des défauts graves: ils ne posent pas le problême qu'ils traitent en termes clairs et précis et il se fondent exclusivement sur des intuitions incontrôlables. Or, depuis une décennie environ, certains travaux ont été effectués dans le but de renouveler la granmaire comparée et de la mettre, du point de vue méthodologique, à la hauteur de la linguistique contemporaine. Je me rapporte évidenment à la granmaire dite oontrastive, qui cherche à mettre en évidence des différences structurales interlinguales dans un but pédagogique et en appliquant résolument les méthodes d'abord du structuralisme et ensuite de la granmaire generative^. Il fait ajouter à cela d'autres travaux qui, sans viser directement à un but pédagogique, ont cherché â "reconstruire" théoriquement le concept de granmaire comparée. Appartiennent à ce genre de travaux g
7
les conceptions proposées par Pause/von Stechcw et par T. P. Krzeszcwski , de même que les travaux issus du progranme dirigé par l'auteur du présent article. Ces derniers ont eu pour objectif non seulement de développer le concept de granmaire canparée que je vais présenter ci-dessous dans ses grandes lignes irais aussi de le rrettre à profit en donnant l'analyse comparée g détaillée de certains fragments de l'allemand et de l'italien . Ces travaux 5
6
7
8
Pour le français et l'allemand, il n'existe pas de grammaire contrastive de grande envergure, excepté les travaux non publiés du groupe dirigé par M. Zemb. Pause, E./von Stechow, A., Grammaire comparée transformationeile de l'allemand et du français, in: Ch. Rohrer/N. Ruwet (éd.), Actes du Colloque francoallemand de grammaire transformationnelle, II, 213-232, Tübingen 1974. Krzeszowski, T.P., Contrastive Generative Grammar, Theoretical Foundations, Lôdê 1974. Cette conception a pour base des intérêts et des principes assez semblables aux nôtres. Elle se borne cependant à comparer des structures syntaxiques "vides", c'est-à-dire non interprétées par des lexèines. Cela a pour conséquence que les ressemblances et différences structurale.?, postulées ne peuvent pas être contrôlés empiriquement. (Pour les problèmes empiriques de la grammaire comparée, voir Christoph Schwarze, Empirische Probleme des Sprachvergleichs, in: Linguistische Berichte 35 (1975) 10-24, ou la version italienne de cet article, parue sous le titre Problemi empirici di grammatica comparativa dans: Studi italiani di linguistica teorica ed applicata 3(1974) 219-236.). Pour le développement de la conception théorique, voir Pusch, L.F./Schwarze, Ch., Probleme einer Semantiksprache für den Sprachvergleich, in: Folia Linguistica 7 (1975) 275-292 (rédigé en 1973); Manzotti, E., Eine Semantiksprache für eine Sprachvergleichsgrammatik, ms. polycopié, Kiel 1974; id., J casi entro una grammatica della comparazione linguistica, à paraître dans:
233
ont ceci de comiun qu'ils se concentrent sur des phénomènes syntaxiques, les problèmes lexicologiques étant mis entre parenthèses: les lexemes compris dans les fragments traités sont choisis de manière à éviter les rapports lexicaux interlingues "compliqués". Or, estimant que le mcment est venu de passer â une analyse lexicale plus réaliste, je vais proposer dans ce qui suit une mini-grarrcnaire contenant un lexique qui rende ccrnpte de certaines relations lexicales interlingues typiques. 1. Le corpus
Pour illustrer ces relations, je donne le corpus suivant, qui représente en même temps les fragments de l'allemand et du français sur lesquels porte cette mini-grairmaire. (1) (2) (3)
Le vase est sur la table Die Vase ist auf dem Tisch Die Vase steht auf dem Tisch
Les phrases (1) et (2) sont dans un rapport d'équivalence sémantique. Le rapport de traduction se fonde sur cette équivalence. (3) est une traduction courante, mais sémantiquement non équivalente de (1), puisque steht est avec est dans un rapport d'hyponymie. (4) (5) (6)
Paul mèt le vase sur la table Paul tut die Vase auf den Tisch Paul stellt die Vase auf den Tisch
Les relations entre les phrases (4) à (6) sont exactement les mânes qu'entre (1) à (3). (7) (8) (9) 8
Paul ouvre la porte Paul ôffnet die Tûr Paul macht die Tur auf
Atti del 14. congresso di linguistica e filologia romanza, Napoli 1974; Manzotti, E./Pusch, L.F./Schwarze, Ch., Sorten von Prädikaten und Wohlgeformtheitsbedingungen für eine Semantiksprache, in: Zeitschrift für germanistische Linguistik 3 (1975) 15-39. Pour l'analyse comparée de l'italien et de l'allemand, voir: Kieler Projektgruppe, Eine Mehrsprachengrammatik mit semantischer Basis, ms. polycopié, Univ. Konstanz, mars 1976; Borgato, G., Le proposizioni relative in una grammatica contrastiva italiana-tedesca, à paraître dans: Studi italiani di linguistica teorica ed applicata; Manzotti, E., Articoli e nomi di massa: una ricerca contrastiva su italiano e tedesco, à paraître dans: Bollettino del Centro per lo studio all'estero dell'italiano (Trieste); Pusch, L.F., Das gerundio als Ausdruck der Gewichtung: eine kontrastive Untersuchung am Deutschen und Italienischen, dans: Leuvense Bijdragen, Tijdschrift voor germaanse filologie, 62 (1973)33-68.
234
Les phrases (7) à (9) sont sêmantiquement équivalentes. Entre (7) et (8) le rapport de traduction est accompagné d'une iscmorphie syntaxique, alors que (9) n'est isomorphe ni avec (7) ni avec (8) . (10) (11) (12) (13) (14) (15)
La porte est ouverte Die Tür ist geöffnet Die Tür ist auf Die Tür ist offen Die Tür steht auf Die Tür steht offen
Les phrases (10) à (15) sont toutes sêmantiquement équivalentes. Les phrases (10), (11) et (13) sont syntaxiquement isomorphes. (12) et (13) semblent avoir le même verbe que (2), de même pour (14), (15) et (3). Il s'agit cependant d'une identité lexicale apparente, étant donné que le status syntaxique et sémantique de ist et de steht n'est pas le mime dans ces phrases: dans (2) et (3) ces verbes désignent une relation locale, alors que dans (11) à (15) il ne sont que de simples copules. (16) (17) (18) (19) (20)
Paul Paul Paul Paul Paul
prête le vase à Pierre leiht Pierre die Vase emprunte le vase à Pierre leiht die Vase von Pierre leiht sich die Vase von Pierre
Les phrases (16) à (20) sont sêmantiquement équivalentes, si on définit l'équivalence en termes de valeurs de vérité. Elles présentent pourtant une différence de contenu: prêter se distingue de emprunter par le point de vue duquel l'action en question est représentée. Le français exprime cette différence par deux lexèmes distincts, l'allemand le fait en employant un seul lexême dans deux constructions syntaxiques différentes, (17) étant la traduction de (16) et (19) de (18). L'emploi de la construction réfléchie de leihen représentée par (20) constitue une variante purement syntaxique de (19). 2. Analyse sémantique du corpus L'analyse sémantique des phrases du corpus est exprimée dans un langage LsgJnf qui sera introduit par la suite (voir 3.1.-3.3. et 3.5.). +co: x 2 (l1) +co : x, / 3 e 1
SUR (e) A l x, C0.(e, x, ) A 1
n . que lorsque v est une variable d'action R2 P(v P(v±±) ) semi-formule semi-formule classificatrice classificatrice nne R2 < peut être conjointe avec une semiformule de cas que lorsque celle-ci contient v î R3 METT (a) et STELL (a) doivent être conjointes exclusivement avec 00 (a,x) ag a (a,x) a RESULT (e,a) ... P(e), où P est un prédicat de localisation. R4 PRET (a) doit être conjointe exclusivement avec 00 (a,x.) a 00, (a,x.) â^ 1 aonn 1 a 00^ (a,x.) a 00ag ( a ^ ) a C0 obt (a,^) R5 0UVR (a) doit être conjointe exclusivanent avec 00__ (a,x) a 00, (a,x) ag p N.B. Nous postulons des cadres de cas (case frames) fixes. Les phrases passives sans complément d'agent, les phrases ayant on pour sujet et les phrases à verbe transitif dépourvues de complément d'objet peuvent être dérivées de formules contenant des semi-formules de cas correspondant au complément d'agent ou au complément d'objet, si ces formules ne contiennent pas des formules à prédicat d'appartenance à une espèce ou de nom propre ayant des arguments identiques à ceux des prédicats de cas en question. En pareil cas l'argument reste indéterminé. 3.4.
Les formules comprimées
Les formules introduites jusqu'ici sont dans une relation d'équivalence avec des formules plus semblables à celles du calcul des prédicats classique, et que nous appellerons les formules comprimées. Nous établissons la règle suivantes: 3 V p(v) A P*T (V, X.) A. ..A P C (V, X ) s p(x,
1
1
n
n
l e , ... X n e )
238 1
Pour simplifier la notation, nous écrivons, dans la formule comprimée, x au a< 2 ^ lieu de x. , x , au lieu de x_ etc. 1 2 co ^ co, ag 0 Exemple: la formule (1') équivaut à {1 * •) IX, L x 1 2
SUR(Xj, x^ ) A VAS(x ) A TABL(x ) 0 loe 1 2
Lorsque plusieurs prédicats de cas sont valables pour une marte variable individuelle, les indices de cas sont juxtaposés. La formule de (16') équivaut donc à 1 2 3 , , x,, x ) (16' ') ix. l x„ l x PRET (x 1 2 3 ag-donn (S ag-obt A NOM-PAUL(x^) A VAS(x^) A NOM-PIERRE(x ) 3.5.
La formation du préfixe
Le préfixe se compose des opérateurs pragmatiques associés aux variables de la formule. Sans entrer dans les détails, nous retenons uniquement que l'opérateur pdv ne peut porter que sur l'une des variables de son domaine. 4.
Les règles de traduction de L satl en français et en allemand
Les règles qui traduisent les expressions de L s e m en phrases de l'allemand et du français opèrent, pour la plupart, sur les formules comprimées. Le premier pas de la dérivation consiste à transformer l'ordre non linéaire de L
en san ordre linéaire, si bien que tout changement de position ultérieur sera effectué par une règle transformationnelle. Le deuxiàne pas consiste â décider, par une décision casuelle, si la dérivation doit aboutir à une phrase française ou allemande. Ensuite on procède â une série d'insertions lexicales, qui consistent à substituer aux constantes de prédicat à une place des lexànes français ou allemands. Certains prédicats de L g g n n'ont des équivalents que dans l'une des deux langues. (C'est le cas p.e. pour STELL; stellen étant une traduction courante mais non équivalente de mettre.) La dérivation est alors bloquée; pour la pratique de la traduction, voir 5.2. Après les insertions lexicales suit une série de règles transformationnelles, qui s'appliquent selon les informations grairmaticales (genre granmatical, classe morphologique, subjectivation etc.) attachées aux lexèmes.
239
5.
Les lexiques français et allemand
Chaque entrée des lexiques français et allanand contient un symbole de L s e m , le lexème (ou les lexànes) qui doivent lui être substitués, les contextes déterminant d'éventuels choix alternatifs, et des symboles indiquant les propriétés gramnaticales du lexème en question. Puisque nous ne donnons pas les règles de dérivation ultérieure, nous ne faisons qu'ébaucher grossièrement cette partie de l'information. - Les deux lexiques sont ad hoc relativement au corpus. 5.1.
Le lexique Ls€ni"~français
SUR
sur, se place devant les symboles dérivés de l'argument indexé loa (cette façon de parler se rapporte aux formules comprimées)
VAS
vase, nom masculin
TAEL
table, nom féminin
PORT
porte, nctn féminin
OUVERT ouvert, adjectif, insérer est ccrtme copule METT
met, verbe, classe Ille irrég.; le syntagme dérivé de x ^ devient
PRET
prête, verbe, classe 1ère rég., à choisir lorsque pdv porte sur le
sujet, x^ devient complément d'objet direct symbole indexé ag-donn, qui devient sujet, 0 devenant complément d'objet direct et ag-obt complément d'objet indirect introduit par à. emprunte, verbe, cl. 1ère rég., à choisir lorsque pdv porte sur ag-obt, 0 devenant complément d'objet direct et ag-donn devenant complément d'objet indirect introduit par à. (Lorsque la formule ne présente les conditions d'insertion ni pour prête ni pour emprunte, la dérivation se bloque) OUVR
ouvre, verbe, cl. Ille irrég., ag devient sujet, 0 devient complément d'objet direct
NOM-PAUL Paul, nom propre, masculin NOM-PIERRE Pierre, nom propre, masculin 5.2.
Lexique L „-allemand sem ^
SUR
auf, se place devant l'argument indexé loa, régit l'accusatif dans les formules dont la semi-formule classificatrice contient METT ou STELL, autrement auf régit le datif
VAS
Vase, nom féminin, rég.
TABL
Tisch, nom masculin, rég.
240 PORT
Tür, non feminin, rêg.
OUVERT offen, geöffnet, adjectifs, auf, prêfixoide, insérer ist ou steht came copule STEH
steht, verbe, irrêg., tf devient sujet
MEIT
tutj verbe irrêg., ag devient sujet, tf devient complément â l'accusatif
STELL
stellt, verbe, rêg.; les propriétés syntaxiques sont les mânes que pour tut
PRET
leiht, verbe irrêg., à choisir lorsque pdv porte sur ag-donn, qui devient sujet, $ devient complément â l'accusatif, ag-obt devient corplément au datif leiht, leiht sich, verbe irrêg., à choisir lorsque pdv porte sur ag-obt, qui devient sujet, çS devient complément à l'accusatif, ag-donn devient corplément prépositionnel introduit par von (lorsque la formule ne présente aucune des conditions indiquées ici, la dérivation se bloque)
OUVR
öffnet, verbe, rêg., ag devient sujet, rf devient ccmplônent â l'accusatif macht auf, verbe rêg. à prêfixoïde, propriétés syntaxiques canine pour öffnet; auf se déplace à la fin de la phrase
5.3.
Règles d'implication
Pour rendre ccmpte de certaines relations sémantiques inter- et intralinguales entre lexèmes, et pour expliquer certaines traduction courantes mais non équivalentes, nous établissons des règles d'implication entre les prédicats de L
qui correspondent à ces lexèmes. san ^ ^ Nous distinguons entre 11 implication ssnantique, qui se fonde sur le sens
des mots, et 1'implication pragmatique, qui se fonde sur les expériences, les opinions etc. que nous avons de la réalité. Règles d'implication sémantique IS 1 STEH(e)
POS-VERTICAL (e)
IS 2
STELL (a)
IS 3
STELL (a) a CO. (x)
MEIT (a)
0
RESULT (e, a) a
POS-VERTICAL (e) a 00^ (e, x) Règles d'implication pragmatique IP 1 SUR(e) a 00^ (e, x) a VAS(x)
STEH(e) a CO^te, x)
IP 2 MEIT (a) a CO, (a, x) a VAS(x) ->-»• RESULT (e, a) 0 a POS-VERTICAL (e) a CO^te, x) Ces règles rendent ccnpte du fait que (3) est une traduction courante mais non équivalente de (1), de mène pour (4) et (6) .