L’énergie sous toutes ses formes: Tome 2 : Ses différentes sources 9782759812042

L’énergie baigne notre Monde : sans elle, pas un mouvement, pas une action, pas de vie. Elle est omniprésente dans notre

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French Pages 179 [178] Year 2014

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L’énergie sous toutes ses formes: Tome 2 : Ses différentes sources
 9782759812042

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L’énergie sous toutes ses formes

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L’énergie sous toutes ses formes JO HERMANS Traduit et adapté pour la France par Pierre Manil

Tome 2 Ses différentes sources

17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A

Illustration de couverture : Édition originale : Energy Survival Guide by Jo Hermans, published in 2011 by BetaText and Leiden University Press. © 2011 BetaText.

Mise en pages : Patrick Leleux Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0795-6

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2014

Le rayonnement à

solaire, ça équivaut

combien de barils de pétrole ?

Quelle quantité d’énergie le vent transporte-t-il ?

Faut-il construire de nouveaux

barrages ?

Le nucléaire,

c’est dangereux ?

Pourquoi vouloir stocker de l’énergie ?

7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

À mes petits-fils David et Thomas et à leurs petits amis de la Terre entière, héritiers des succès et des échecs de nos tentatives pour rendre ce Monde durable…

Tome 2 Ses différentes sources

SOMMAIRE

8

Données de référence .................................................................

11

Note du traducteur .....................................................................

15

Préface ......................................................................................

17

Chapitre 8. L’énergie solaire......................................................... A. Le potentiel de l’énergie solaire ............................................... B. Comment capter l’énergie solaire ? ...........................................

19 20 28

Chapitre 9. L’énergie éolienne ...................................................... A. Le potentiel de l’énergie éolienne ............................................ B. L’efficacité des éoliennes ........................................................ C. Parcs éoliens et espace occupé ................................................ D. Contribution, variabilité et coût de l’énergie éolienne .................

61 62 68 70 73

Chapitre 10. L’énergie de l’eau et du sol ....................................... A. L’énergie hydraulique .............................................................. B. L’énergie des vagues ............................................................... C. L’énergie marémotrice ............................................................. D. L’énergie thermique des mers ................................................... E. L’énergie osmotique ................................................................ F. La géothermie........................................................................

81 82 84 90 91 92 94

Chapitre 11. L’énergie nucléaire ................................................... A. Fission ................................................................................. B. Fusion .................................................................................. C. Radioactivité et risques sanitaires ............................................

103 107 126 135

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

SOMMAIRE

D. Production d’électricité : le comparatif .....................................

144

Chapitre 12. Stocker l’énergie ...................................................... A. Pourquoi stocker l’énergie ?..................................................... B. Modes de stockage .................................................................

149 150 152

Épilogue : Comment agir ? ..........................................................

169

E-références ...............................................................................

175

9

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

TABLE DES ENCADRÉS

Combien d’énergie rayonne le Soleil ? ...........................................

22

Le rendement de la photosynthèse ...............................................

30

Comment fonctionne une cellule photovoltaïque ? ..........................

42

La voiture solaire.......................................................................

55

Le Monde entier à l’énergie solaire ?.............................................

56

La puissance du vent..................................................................

64

L’énergie des réactions nucléaires .................................................

107

Les réacteurs à sécurité intrinsèque..............................................

120

Les réacteurs nucléaires de quatrième génération ...........................

123

Les réactions de fusion ...............................................................

131

Unités et doses .........................................................................

143

Batteries et supercondensateurs...................................................

165

Les encadrés désignés par un pictogramme contiennent des petits calculs qui s’appuient sur des notions de physique niveau lycée.

10

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

DONNÉES DE RÉFÉRENCE

FACTEURS DE CONVERSION Dans le domaine de l’énergie, on utilise souvent des unités exotiques. Voici une sélection de facteurs de conversion utiles pour convertir une énergie (en joules, J) ou une puissance (en watts, W). Énergie 1 calorie (cal) = .................................................... 1 kilocalorie (kCal ou parfois juste Cal, ce qui prête à confusion) ................................. 1 kilowattheure (kWh) ........................................ 1 British Thermal Unit1 (BTU) ............................ 1 tonne d’équivalent charbon (tec) .................... 1 tonne d’équivalent pétrole (tep) ...................... 1 million de barils2 ..............................................

= 4,187 J = 4,187 kJ = 3,6 MJ = 1,055 kJ = 29,3 GJ = 41,9 GJ 5,7 PJ ≠

1. Le British Thermal Unit (BTU) est une unité anglo-saxonne d’énergie définie par la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un °F (soit 5/9 °C) la température d’une livre anglaise d’eau (environ 454 g) à la pression atmosphérique. 2. Un baril de pétrole correspond à 42 gallons américains, soit environ 159 litres. Suivant sa masse volumique, une tonne de pétrole brut représente 7 à 9,3 barils, la moyenne mondiale se situant aux alentours de 7,6 barils par tonne.

11

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

1 électronvolt (eV) (utilisé pour les particules nucléaires) .............. = 1,6 × 10–19 J Puissance (énergie par unité de temps) 1 kWh/an (kilowattheure par an) ................... 1 J/an (joule par an) ........................................ 1 mbj (million de barils par jour) ................... 1 BTU/h (British Thermal Units par heure) ... 1 BTU/an (British Thermal Units par an) .......

= 0,114 W = 3,171 × 10–8 W ≈ 6,6 × 1010 W = 0,293 W = 3,345 × 10–5 W

Chaleurs de combustion Glucides et protéines ................................................ 15 MJ/kg Huiles et graisses ....................................................... 40 MJ/kg Pétrole (qualité standard) ........................................ 41,9 MJ/kg Essence ...................................................................... 35 MJ/litre soit ......................................................................... 48 MJ/kg Gaz naturel (à 1 bar, suivant son origine) : valeur haute1 ............................................................ 33-41 MJ/m3 valeur basse1 ............................................................. 30-37 MJ/m3 Hydrogène (0 °C, 1 bar) : valeur haute1 ............................................................ 142 MJ/kg soit ......................................................................... 12,8 MJ/m3 valeur basse1 ............................................................. 120 MJ/kg soit ......................................................................... 10,8 MJ/m3 Charbon (qualité standard) ..................................... 29,3 MJ/kg Bois (sec) .................................................................. 20 MJ/kg Uranium naturel : rendements actuels approchés2 Réacteur à eau légère, cycle à stockage direct ........ 500 GJ/kg Réacteur à eau légère, avec retraitement ................. 670 GJ/kg Surgénérateur ............................................................ 34 000 GJ/kg 1. L’énergie fournie par la condensation de la vapeur d’eau formée au cours de la combustion est prise en compte dans la « valeur haute », pas dans la « valeur basse ». 2. L’énergie de fission de l’uranium 235 seul a pour valeur 80 000 GJ/kg.

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L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

DONNÉES DE RÉFÉRENCE

Pour une estimation rapide : 100 W ≈ un être humain ≈ une bougie ≈ ¼ litre de pétrole/jour

Les préfixes kilo k méga M giga G tera T peta P exa E

103 106 109 1012 1015 1018

(millier) (million) (milliard) (billion1) (billiard) (trillion)

milli micro nano pico femto atto

m µ n p f a

10–3 (millième) 10–6 (millionième) 10–9 (milliardième) 10–12 10–15 10–18

Air et eau Pression atmosphérique moyenne : 1,013 bar (1 bar = 105 pascals). Masse volumique de l’air à 1 bar, 20 °C : 1,2 kg/m3. Chauffer de l’air de 1 °C à la pression atmosphérique nécessite 1,2 kJ/m3, soit 1 kJ/kg. Chauffer de l’eau de 1 °C nécessite 4,2 kJ/litre (donc 4,2 kJ/kg). Évaporer de l’eau nécessite 2,3 MJ/litre (donc 2,3 MJ/kg).

Essence, diesel et émissions de CO2 1 litre d’essence pèse environ 0,75 kg. 1 litre de gasoil pèse environ 0,85 kg. La combustion de 1 kg de pétrole ou d’essence émet 3 kg de CO2. La combustion de 1 m3 de gaz naturel émet 2 kg de CO2.

1. Un billion correspond, en français, à 1 000 milliards, soit 1012. Nous utilisons en effet « l’échelle longue » pour désigner les grands nombres. La confusion avec l’échelle courte, utilisée par les anglo-saxons, est tentante : en anglais, billion désigne notre milliard, tandis que leur trillion correspond à notre billion !

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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

La Terre et le Soleil Terre : circonférence = 40 000 km ; diamètre = 12 730 km. Soleil : diamètre = 1,4 millions de km ; diamètre angulaire apparent = 0,5 degré. Distance moyenne Terre-Soleil = 150 millions de km. Masse du Soleil = 2,0 × 1030 kg. Température à la surface du Soleil ≈ 5 500 °C (soit ≈ 5 750 kelvins). Flux d’énergie émis par le Soleil = 3,8 × 1026 watts. Flux d’énergie émis par le Soleil exprimé en perte de masse = 4 × 109 kg par seconde. Le flux d’énergie solaire Juste au-dessus de l’atmosphère (perpendiculairement aux rayons solaires) : 1 350 W/m2. À la surface terrestre (perpendiculairement aux rayons solaires) : 1 000 W/m2. Moyenne jour-nuit annuelle, nord-ouest de l’Europe, sur une surface horizontale : 110 W/m2. (soit 3,5 GJ par an ou 90 litres de pétrole par m2, soit une couche de 9 cm d’épaisseur). Consommation d’énergie (en kW/personne, en continu) Moyenne mondiale .......................................................... 2,4 kW France, Allemagne, Japon ................................................ 5,5 kW États-Unis, Canada .......................................................... 10 kW

14

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

NOTE DU TRADUCTEUR

J’ai rencontré le Professeur Hermans – Jo – à Paris. « Tu me reconnaîtras facilement à mon air désespéré de non-parisien », m’avait-il promis par écrit. Mais, comme pour prouver qu’il n’était pas insensible à nos usages, il avait joint une photo où il présentait fièrement un verre de vin. Pire : c’est lui qui avait choisi le restaurant… Nous avons fait connaissance, pris un verre et évoqué son Energy Survival Guide écrit en anglais pour les Pays-Bas, que je venais d’accepter d’adapter pour la France. Comment en respecter le fond et le ton tout en collant aux attentes du lecteur français ? Comment le faire évoluer (à la marge) pour tenir compte des deux ans écoulés depuis sa parution en 2011, quelques mois après l’accident de Fukujima ? La France n’a pas qu’un rapport particulier au vin. L’énergie y tient une place particulière. La prévalence du nucléaire comme moyen de production d’électricité. Certaines habitudes de consommation qui en découlent – l’exemple du développement du chauffage électrique il y a quelques dizaines d’années. La place de l’industrie automobile et aéronautique. La taille du territoire qui se mesure en « durée TGV » ou celle de nos côtes venteuses et houleuses qui sont une centrale propre en puissance. 15

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

Dans cet ouvrage, au-delà des particularités locales, Jo Hermans aborde avec pédagogie mais sans simplisme les grands sujets de l’énergie : ce qu’elle est, à quoi elle nous sert, comment on la consomme ici et ailleurs, comment on la produit et comment on la produira peutêtre. Car ce guide (c’est ainsi que Jo l’a conçu dans sa version originale) est tourné vers l’avenir. Non parce qu’il prophétise, mais parce qu’il expose sans parti-pris les défis et les choix qui s’offrent à nous. L’ouvrage original a été scindé en deux volumes par l’éditeur français (Comment se transforme-t-elle ? et Ses différentes sources). Ce découpage respecte les deux parties du manuscrit original (Insight et Outlook) elles-mêmes découpées en chapitres, tels que vous les trouverez ici. Le premier volume a abordé la nature de l’énergie, sa place dans nos vies quotidiennes, la façon dont on la consomme et la question du réchauffement climatique. Ce second volume passe en revue les modes de production et de stockage de l’énergie : solaire, éolien, nucléaire, hydraulique… et les défis technologiques qui leurs sont associés. Des pistes de solutions, peut-être ? Les données chiffrées ont été réactualisées et adaptées au cas de la France. Des commentaires sur les particularités nationales ont été ajoutés pour éclairer les débats en cours. Les questions introductives ainsi que certaines notes sont propres à cette version. Autour de la table, avec Jo et sa femme Hanneke, la discussion a progressivement glissé de l’ouvrage à l’énergie, de l’énergie à la société, de la société à la vision que nous avions de ses problèmes. Nous étions d’accord, avec notre génération de différence, pour les trouver bien nombreux. Et pour convenir que face à cette complexité, notre travail de scientifiques consiste modestement à donner un éclairage sur le monde qui nous entoure. Café englouti. L’addition arrive. À nous trois, nous avons mangé 15 millions de joules : nous en avons pour 30 kWh. Pierre Manil Gif-sur-Yvette, septembre 2013 16

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

PRÉFACE

Cet ouvrage est un vrai guide de survie1, pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’adresse à chacun d’entre nous, confrontés à la montée des prix de l’énergie. Le premier tome a tenté d’éclairer le concept d’énergie et le rôle majeur qu’il joue dans notre vie de tous les jours... Un tour d’horizon qui en a dit long sur l’énergie et sur son coût… mais surtout sur ses nombreuses formes et ses transformations. Ensuite, parce qu’il constitue une source d’information fiable pour ceux qui veulent avoir une vision équilibrée de l’avenir énergétique de notre planète. Les chapitres 8 à 12 regroupés dans ce second tome s’efforcent de dessiner des perspectives et de tracer des pistes pour l’énergie du futur. Les solutions alternatives pour l’après-pétrole sont passées en revue ainsi que leur potentiel, leurs avantages et leurs inconvénients. Parler d’énergie sans s’appuyer sur des chiffres n’a pas de sens. Les aspects quantitatifs sont indispensables… et, la plupart du temps, ils facilitent la compréhension. Dans la plupart des cas, une simple estimation assaisonnée d’un soupçon d’arithmétique suffira. 1. Le titre original de l’ouvrage, traduit de l’anglais, est « Energy Survival Guide ».

17

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

Parfois, un outil simple et puissant nous sera nécessaire : le principe de conservation de l’énergie. Les données de référence utiles sont regroupées en début d’ouvrage, sous le titre « Données de référence ». Soucieux de privilégier la vision d’ensemble et la facilité d’utilisation plutôt que la précision à outrance, nous utiliserons souvent des valeurs approchées. Pour ceux qui veulent un aperçu rapide d’un sujet précis, les conclusions données en fin de chapitre (« Ce qu’il faut retenir ») pourront suffire. Ceux qui recherchent une information plus complète sont invités à lire tout le texte. Des encadrés (comme « Compter les flammes », au chapitre 4) permettront aux lecteurs intéressés d’aller plus loin dans le détail. Et, pour ceux à qui un petit calcul ne fait pas peur, les encadrés signalés par un petit professeur (ici à gauche) fourniront davantage de précisions. Ils s’appuient sur des notions de physique niveau lycée. Certains points précis comme la consommation d’énergie des ménages sont plus faciles à expliquer en s’appuyant sur le cas d’un pays particulier. Les Pays-Bas sont souvent cités en exemple : leurs habitudes énergétiques sont généralement représentatives du monde industrialisé. Les données par habitant sont donc similaires à celles que l’on trouverait pour d’autres pays de niveau de vie équivalent, dont la France. Toutefois, chaque fois que nécessaire (comme pour la production d’électricité par exemple), les données et les particularités du cas français seront discutées. J’espère que cet ouvrage aidera ceux qui le souhaitent à faire des choix éclairés dans leur vie quotidienne, et qu’il contribuera à l’avènement d’une politique énergétique responsable pour tous. Jo Hermans Leiden, novembre 2011

18

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

8 L’énergie solaire

Le rayonnement à

solaire, ça équivaut

combien de barils de pétrole ? de briller, le Soleil finira-t-il par s’épuiser ? À force

Comment choisir l’orientation de mon panneau solaire ? Pourrait-on cultiver notre carburant ? Peut-on imaginer des cellules

solaires vivantes ? Le Monde

entier pourrait-il tourner à l’énergie

solaire ?

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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

A. LE POTENTIEL DE L’ÉNERGIE SOLAIRE Le Soleil est notre source d’énergie par excellence. C’est lui qui fournit l’énergie qui rend possible la vie sur Terre. Mais ce n’est pas tout : nous lui devons aussi un héritage bien utile, sous la forme de réserves de pétrole, de gaz naturel et de charbon. Quelle quantité d’énergie le Soleil rayonne-t-il exactement ? Le flux solaire est à peine imaginable : 3,8.1026 watts (W). L’encadré « Combien d’énergie rayonne le Soleil ? » (page 22) fournit toutes les données à ceux qui voudraient faire le calcul par eux-mêmes sur un coin de table. Pour prendre conscience de l’immensité de cette valeur, quelques comparaisons à échelle humaine s’imposent : − le flux solaire, exprimé en barils de pétrole équitablement répartis entre tous les humains, fournirait à chacun dix millions de barils1 par seconde ! Nous serions tous riches en un rien de temps… − en termes de masse, d’après la célèbre formule E = mc² d’Einstein, le Soleil perd quatre milliards de kilogrammes chaque seconde ! L’équivalent de la pyramide de Gizeh… Soit plus d’un demikilogramme par être humain et par seconde. Ça peut paraître gigantesque, mais ce n’est qu’une minuscule fraction de sa masse colossale. Notre étoile « pèse » 2.1030 kg : elle n’en perd donc que 0,01 % en un milliard (109) d’années ! Sachant qu’elle brille depuis cinq milliards d’années et qu’il lui en reste à peu près autant à vivre, cette perte de masse est donc loin d’être critique… L’énergie solaire sur Terre Quelles sont les conséquences concrètes de ces données impressionnantes sur notre planète ? Vu la distance Terre-Soleil, la puissance de rayonnement solaire que nous recevons par unité de surface 1. Comme nous l’avons vu dans le 1er tome, un baril de pétrole correspond à environ 159 litres.

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L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

L’ÉNERGIE SOLAIRE

avoisine les 1 350 W/m² (voir l’encadré « Combien d’énergie rayonne le Soleil ? »). On parle d’irradiance, d’irradiation ou d’éclairement énergétique solaire. Une simple loupe permet d’obtenir mille fois plus de puissance par unité de surface, soit plus d’1 MW/m², ce qui suffit pour enflammer du papier. Au passage, la puissance solaire est pratiquement stable dans le temps. Les variations liées aux fluctuations d’activité solaire sont de l’ordre de 0,1 %. Plus précisément : entre 1978 et 2010, l’irradiance a oscillé entre 1 365 et 1 367 W/m² 1. La température terrestre n’en est pas impactée de façon mesurable. Et la physique nous explique pourquoi : le flux de rayonnement est proportionnel à la température à la puissance 4. En sens inverse, la température ne variera que d’un quart de ces 0,1 %, ce qui correspond à peu près à 0,1 degré. L’énergie que notre planète intercepte est égale à la surface de sa section multipliée par ces 1 350 W/m². Le calcul donne 1,75.1017 W, dont 40 % sont réfléchis, avant tout par les nuages. Les 60 % restants sont loin d’être négligeables : ils représentent environ 10 000 fois la consommation énergétique mondiale actuelle ! D’où quelques conclusions intéressantes…

Première conclusion La quantité de chaleur produite par la consommation énergétique humaine est négligeable par rapport au flux solaire. La chaleur produite par les activités humaines n’a donc pas d’influence directe mesurable sur la température terrestre.

Deuxième conclusion Il suffirait de capter une minuscule fraction de l’énergie solaire pour approvisionner en énergie l’humanité toute entière. 1. Source : R. van Dorland, KNMI, 2010.

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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

COMBIEN D’ÉNERGIE RAYONNE LE SOLEIL ? On peut calculer facilement le flux d’énergie émis par le Soleil grâce à quelques souvenirs de physique du lycée. Une fois la loi du rayonnement connue, les seules données dont nous avons besoin sont celles indiquées sur la figure : la température T à la surface du Soleil et son rayon Rs. En effet, la couche externe du Soleil – celle qui émet le rayonnement solaire – se comporte comme un émetteur parfait (comme ce qu’on appelle un corps noir). L’énergie émise peut donc être obtenue facilement grâce à la loi de rayonnement de Stefan-Boltzmann. Elle dit que le flux d’énergie rayonné par un émetteur parfait sur une surface unitaire est égal à σT4, où σ est la constante de Stefan-Boltzmann, qui vaut 5,7.10-8 Wm-2K-4. En multipliant cette expression par la surface du Soleil, on trouve le flux total d’énergie solaire suivant. Il s’agit de la puissance solaire, notée P : P = (4πRs²)σT4. L’application numérique donne une puissance totale rayonnée par le Soleil de 3,8.1026 W. Pour en déduire la valeur du rayonnement solaire sur Terre, il faut connaître la distance d qui nous sépare du Soleil. N’oublions pas que cette distance varie tout au long de l’année, puisque la Terre ne décrit pas un cercle parfait autour de son étoile. Aux alentours du 1er juillet, le Soleil est 3 % plus éloigné de nous qu’au voisinage du 1er janvier. La figure indique la distance moyenne.

9

Soleil

d = 150 × 10 m T = 5 750 K 8 Rs = 6,96.10 m 6 Re = 6,37.10 m

À cette distance d, la puissance totale P calculée ci-dessus est diluée sur une sphère de rayon d dont la surface vaut donc A = 4πd². Cela

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L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

L’ÉNERGIE SOLAIRE

nous donne, par unité de surface (après annulation des 4π) : P/A = σT 4(Rs/d)². L’application numérique donne une irradiance solaire de 1 350 W/m² à travers l’atmosphère terrestre. Pour en déduire le flux total intercepté par la Terre, il suffit de multiplier cette irradiance par la section de la Terre (celle-là même qui crée son ombre). Elle a pour valeur πRe².

Les 1,35 kW/m² évoqués jusqu’ici doivent être légèrement corrigés pour tenir compte de l’absorption du rayonnement solaire par les gaz atmosphériques. Le taux d’absorption – et par conséquent le flux d’énergie solaire atteignant réellement la surface terrestre – dépend de l’angle avec lequel les rayons solaires nous arrivent. À incidence normale (à midi au niveau de l’équateur), environ 20 % sont absorbés. En l’absence de nuages, les 1 kW/m² qui restent atteignent le sol. À plus grande latitude (comme en Europe ou aux États-Unis), cette quantité est à peine plus faible. D’où la règle d’estimation suivante : par beau temps, le soleil au zénith nous fournit 1 kW/m². Quand il est plus bas dans le ciel, par exemple à 60° audessus de l’horizon, l’épaisseur d’atmosphère traversée augmente à peine (pour être précis, l’augmentation est en 1 / sin h, où h est la hauteur angulaire du soleil au-dessus de l’horizon). Dans la plupart des pays, une valeur maximale de 1 kW/m² perpendiculairement aux rayons du soleil est donc une bonne approximation. On peut donc conclure :

Troisième conclusion En l’absence de nuages, quand le soleil et haut dans le ciel, chaque mètre carré reçoit 1 kW, soit l’équivalent d’un chauffage électrique standard. 23

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

Au passage, nous aurions pu estimer assez précisément cette valeur en approchant la main d’une ampoule, jusqu’à ce que la sensation de chaleur corresponde à celle que nous procurerait le soleil. Prenons une ampoule de 100 W qui rayonne dans toutes les directions de sorte qu’à une distance d, sa puissance soit uniformément distribuée sur une sphère de rayon d. En faisant le calcul, nous devrions tomber sur une valeur proche de 1 kW/m². Dose annuelle d’énergie solaire Dans les pays à moyenne latitude comme le Royaume-Uni, les PaysBas, l’Allemagne ou la France, le soleil est bas dans le ciel pendant les mois d’hiver. Même à midi, le trajet des rayons solaires à travers l’atmosphère est bien plus long qu’en été. À une latitude de 50° nord (à Amiens par exemple), il est presque quatre fois plus long en hiver qu’en été. Le flux d’énergie solaire est alors sensiblement réduit. Il perd plus de la moitié de son intensité par rapport à l’été, dans la direction perpendiculaire aux rayons. Et, comme les journées sont bien plus courtes en hiver, la dose journalière totale d’énergie solaire est d’autant plus réduite. Pour de nombreuses applications, c’est la moyenne journalière du flux d’énergie solaire sur une surface horizontale qui compte. Plus précisément, c’est la moyenne du flux net d’énergie – celui qui prend en compte l’influence des nuages. Elle varie beaucoup au fil des saisons. Aux Pays-Bas, par exemple, le flux d’énergie net par mètre carré passe de 20 W/m² en hiver à 200 W/m² en été. La moyenne annuelle y est de 110 W/m², comme le montre la figure 341. La moyenne européenne est de 125 W/m². La France se situe entre les deux, avec une grande variabilité nord-sud comme le montre la figure 33. 1. Des données complètes ainsi que des informations pour orienter les panneaux solaires de façon optimale sont disponibles sur le site Internet du service d’information géographique photovoltaïque (PVGIS) de la Commission européenne : http://re.jrc. ec.europa.eu/pvgis/solres/solreseurope.htm.

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L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

L’ÉNERGIE SOLAIRE

Figure 33 | Irradiation annuelle moyenne en France sur une surface horizontale (données 2004-2010). Une valeur annuelle de 1 000 kWh/m2 correspond à une puissance instantanée moyenne de 114 W/m2. (Source : GeoModel Solar).

En multipliant ces 125 W/m² par le nombre de secondes que contient une année (qui, tout à fait par hasard, se trouve être presque exactement égal à π × 107 secondes), on trouve une énergie solaire annuelle proche de 4.109 joules par mètre carré. C’est l’équivalent d’environ 100 litres de pétrole par mètre carré, soit une couche de 100 mm ! 25

Irradiance solaire (en watt/m²)

L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

Angle : 0° (horizontale)

200

30° 60° 100 90° (verticale)

0 j

f

m

a

m

j

j

a

s

o

n

d

Mois

Figure 34 | Moyenne journalière du flux d’énergie solaire par mètre carré sur une surface orientée plein sud, en fonction de son inclinaison par rapport à l’horizontale (les nuages sont pris en compte). Ces courbes correspondent au cas des Pays-Bas. Elles montrent que le flux d’énergie sur une surface horizontale est très faible en hiver. Une fenêtre standard reçoit le maximum de rayonnement solaire au printemps et en automne. La moyenne annuelle aux Pays-Bas est de 110 W/m².

D’où la conclusion suivante :

Quatrième conclusion En Europe, si on accumulait pendant toute l’année l’équivalent en pétrole de l’énergie solaire reçue, le niveau de la couche correspondante nous arriverait à la cheville à Noël !

Pour un panneau solaire ou une fenêtre, c’est la quantité d’énergie solaire sur une surface inclinée qui compte. Loin de l’équateur, les variations saisonnières sont importantes. C’est ce que montre la figure 34 ci-dessus dans le cas des Pays-Bas. 26

L'ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES

L’ÉNERGIE SOLAIRE

En moyenne annuelle, on voit que les panneaux solaires inclinés reçoivent plus d’énergie que les panneaux horizontaux, même si les écarts restent faibles. Mais n’oublions pas que dans beaucoup de cas, il vaut mieux maximiser la captation d’énergie en hiver (pour répondre au besoin de chauffage, par exemple). Dans ce cas, il est clairement préférable de placer les panneaux à un angle de 60°. La courbe du bas montre aussi qu’une fenêtre ordinaire verticale est plutôt efficace, surtout au printemps et en automne où elle capte près de 110 W/m² en moyenne journalière. Même en plein hiver, elle reste performante. En effet, même si le soleil est timide, il rayonne quasiment perpendiculairement à sa surface. En été, il est si haut dans le ciel que ses rayons pénètrent à peine à l’intérieur de la maison. Et comme il se lève et se couche légèrement plus au nord qu’en hiver, il éclaire peu les fenêtres orientées plein sud à l’aurore et au crépuscule. N’oublions pas qu’il y a de l’énergie solaire qui nous parvient même par temps couvert. La lumière qui traverse les nuages, c’est de l’énergie. On peut toujours prendre des photos, même si le temps d’exposition est quatre fois plus long qu’en plein soleil… ce qui laisse penser que l’irradiance est quatre fois plus faible. Mais à cause des nuages, ce rayonnement est diffus. Il ne peut donc pas être concentré par des miroirs. Il est en revanche toujours possible de récupérer son énergie grâce à des panneaux solaires ou à la photosynthèse. Bien que son intensité soit moins forte, le rayonnement diffus représente une part significative du rayonnement total : 40 % dans le Sud de la France et même 60 % à Lille par exemple. En plus, il peut être mis à profit par les architectes et les urbanistes en leur offrant plus de flexibilité pour exploiter l’énergie solaire. Grâce à la contribution du rayonnement diffus, le flux annuel total d’énergie solaire dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, la Belgique ou les Pays-Bas varie entre 100 et 150 W/m², ce qui est mieux qu’on aurait pu penser. Au final, c’est à peine deux fois 27

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moins que dans les régions les plus ensoleillées de la planète. C’est ce que montre la figure 35.

120°

60°

60°



120°

180°

60°

60°

100

100

150

100

150

150 250

30°

250 150



150

30°



250 200

200

200

200

250

200

200

30°

150

150

250 300

200

200

200 30°

150 150 100

100 60°

60°

180°

120°

60°



60°

120°

180°

Figure 35 | Moyenne journalière de l’irradiance solaire en différents endroits de la planète, calculée sur une année. La moyenne mondiale est de 160 W/m². Ces valeurs peuvent être exprimées en kWh par an grâce au facteur de conversion suivant : 1 W = 8,76 kWh/an.

B. COMMENT CAPTER L’ÉNERGIE SOLAIRE ? Parmi les nombreuses solutions possibles pour « récolter » l’énergie solaire, commençons par celles que propose la nature. On peut récolter l’énergie… au sens propre du terme ! Arbres, plantes, carburants solaires, algues et bactéries La nature a développé un système efficace. À partir de quelques ingrédients – de l’eau et du dioxyde de carbone atmosphérique – la chlorophylle transforme une partie du rayonnement incident en matière organique, grâce à la photosynthèse. 28

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Ce système a un gros avantage : il inclut le stockage. La récolte peut être utilisée au moment voulu, contrairement aux capteurs solaires ou aux cellules photovoltaïques. Pour cette raison, les produits de la photosynthèse sont aujourd’hui les seuls carburants alternatifs possibles pour le transport. En revanche, leur efficacité est mauvaise. Dans le meilleur des cas, leur rendement théorique n’est que de 3 % (voir l’encadré « Le rendement de la photosynthèse » en pages suivantes). Mais en pratique, on n’atteint cette valeur que sous certains climats favorables, avec des plantes comme la canne à sucre. Le rendement est bien plus faible dans les régions tempérées. Regardons-y d’un peu plus près. ■

Photosynthèse et climat tempéré

Quelle est la situation dans les pays tempérés comme le RoyaumeUni, l’Allemagne, la France ou les Pays-Bas ? Le rendement annuel moyen de la photosynthèse a pour limite maximale 1 %. En pratique, comme nous le verrons plus loin, il est souvent plus proche de 0,5 %. Cette faible valeur s’explique principalement par le climat. Au printemps, les plantes n’ont quasiment pas de feuilles : la plus grande partie du rayonnement solaire est perdue. En automne, la lumière est sous-utilisée pour la même raison. L’hiver n’apporte bien sûr quasiment rien. En résumé : dans nos pays, on ne peut espérer un rendement supérieur à 0,5 %, à moins que la science n’invente de nouveaux tours de passe-passe. À quoi correspond cette valeur en termes d’approvisionnement énergétique ? Imaginons que nous cultivions des plantes, que nous les récoltions et que nous en replantions d’autres en continu, pour disposer d’une source d’énergie durable. Oublions un instant les engrais indispensables pour éviter l’épuisement des sols. Quelle surface nous faudrait-il pour répondre à nos besoins ? Faisons un petit calcul en supposant un rendement (réaliste) de 0,5 % pour la photosynthèse. D’après la consommation totale d’énergie primaire 29

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de la France1 et pour une irradiance solaire moyenne de 125 W/m², on arrive à une surface proche de 550 000 km²… Soit presque exactement la totalité de la France métropolitaine !

LE RENDEMENT DE LA PHOTOSYNTHÈSE Au cours de la photosynthèse, l’eau joue le rôle de source d’électrons : hν

2H2O → O2 + 4H+ + 4eet le CO2 atmosphérique celui de source de carbone : hν

CO2 + 4H+ + 4e- → (H2CO) + H20 où hν est l’énergie d’un photon issu du rayonnement solaire (h est la constante de Planck). Malheureusement, une partie de l’énergie est perdue pendant le processus de stockage. La durée de vie de l’énergie lumineuse dans la chlorophylle est très courte, de l’ordre de 10-9 s. Quand cette énergie n’est pas immédiatement évacuée hors de la chlorophylle, elle est réémise par fluorescence et se trouve donc perdue. C’est à prendre ou à laisser, en quelque sorte ! Les deux réactions chimiques impliquées dans la photosynthèse (représentées plus haut) nécessitent huit photons. Elles prennent environ 1 ms, soit six ordres de grandeur de plus que la décroissance de l’énergie lumineuse dans la chlorophylle. Comme la matière organique qui stocke l’énergie est en équilibre chimique avec la chlorophylle, cet équilibre doit être décalé en faveur des réactifs afin d’éviter les pertes par fluorescence. Ce faisant, on sacrifie aussi une partie de l’énergie. En pratique, pour entretenir la réaction de dissociation de l’eau qui a lieu à 1,23 V, il faut un potentiel minimum de 1,8 V. Ce n’est possible que lorsque la chlorophylle absorbe une lumière

1. On parle d’approvisionnement total en énergie primaire (ATEP). En France, il a pour valeur totale instantanée 353 GW, comme indiqué au chapitre 6 du 1er tome.

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de longueur d’onde inférieure à 700 nm. À cause des pertes dues à l’absorption de la lumière par la chlorophylle et aux réactions de stockage, le rendement énergétique théorique maximum de la photosynthèse est de 12 %, soit moitié moins que la limite théorique de la conversion d’énergie solaire en électricité en l’absence de stockage. Les pertes au cours du stockage dépendent de sa durée. L’électricité est la façon la plus efficace d’utiliser l’énergie solaire, puisqu’elle peut être transportée à la vitesse de la lumière sans qu’un stockage ne soit nécessaire. Pour des raisons thermodynamiques, la durée maximale pendant laquelle il est possible de stocker de l’énergie solaire dans un dispositif chimique est de l’ordre de 1022 s. C’est largement suffisant, si on se souvient que le Soleil en a encore pour 1017 à 1018 s à briller. Le rendement de conversion des principales étapes de la photosynthèse est proche de 100 %. Mais il existe des pertes, par exemple en raison d’une concentration de CO2 dans l’air trop faible (même si l’influence de l’homme va dans le bon sens, ce qui est le seul point positif du réchauffement climatique…). Cela fait descendre le rendement énergétique à près de 6 %, dans le cas de feuilles saines et pour une intensité lumineuse faible. Dès qu’il y a beaucoup de lumière, la plupart des plantes saturent : elles ne sont pas capables d’absorber tous les photons disponibles. Le rendement est également limité par les pertes dues à la respiration de la plante. Suivant les cas, elles peuvent avoisiner les 40 %. En résumé, le rendement de la photosynthèse est de l’ordre de 3 % dans les conditions optimales. En pratique, cette valeur peut être atteinte avec des plantes comme la canne à sucre qui ne présentent qu’un faible effet de saturation. Mais la plupart des plantes limitent leur surproduction de biomasse. Leur rendement est alors bien moindre, inférieur à 0,5 %. Il dépend bien entendu du type de plante, du climat, du sol, de l’utilisation d’engrais… Pour finir, rappelons que les méthodes de raffinage et de séparation des biocarburants sont loin d’être optimales. Il reste donc encore de nombreuses marges d’amélioration.

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Première conclusion Pour satisfaire la consommation actuelle d’énergie de la France en cultivant des plantes de façon renouvelable, il faudrait mettre en culture la totalité du pays !

Et encore : nous n’avons pas compté l’énergie nécessaire pour labourer, scier, récolter… ni celle qu’il faut pour convertir cette récolte en carburant solaire (bioéthanol ou biodiesel). Dans le pire des cas, le rendement final peut même être négatif ! Une chose est sûre : il ne dépassera jamais les 0,5 % mentionnés plus haut. Prenons trois exemples concrets : la betterave sucrière (une des cultures à plus fort rendement en climat tempéré), la pomme de terre et le colza (qui a pris une place importante en Europe). En plus de l’alcool qui résulte de la fermentation du sucre (il s’agit d’éthanol), il faut aussi prendre en compte le 1combustible obtenu à partir des feuilles et des autres « déchets » organiques. Nous parlons ici du rendement « net », une fois décomptée l’énergie consommée au cours du processus. Pour la betterave sucrière, on trouve un rendement par hectare (soit 104 m²) de 123 GJ d’éthanol dérivés du sucre, plus 91 GJ de biogaz issus des déchets organiques. Au total, on « récolte » 214 GJ par hectare. Mais, comme l’opération consomme 57 GJ, le rendement net est de 157 GJ/ha. Les valeurs correspondantes pour la betterave, la pomme de terre et le colza sont données ci-contre (tableau 13).

1. Source : H. de Groot, Université de Leiden.

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Tableau 13 | Biocarburants issus de l’agriculture française1.

Rendement annuel net (déchets organiques inclus) en GJ/ha

en litres de pétrole par m²

Betterave

168

0,45

Blé

74

0,20

Colza

57

0,15

Tournesol

44

0,12

Comparons avec la dose annuelle d’énergie solaire qui atteint le sol dans nos régions. Elle correspond, nous l’avons vu, à 100 litres de pétrole par mètre carré. On trouve un rendement net de 0,5 % pour la betterave sucrière, en accord avec les valeurs attendues.

Deuxième conclusion Dans un pays comme le Royaume-Uni, la France ou les Pays-Bas, quand on « cultive » l’énergie solaire pour la convertir en carburant fossile, seuls 0,5 mm sur les 100 mm de couche équivalente de pétrole fournis par le soleil sont exploitables. Les carburants solaires sont attrayants. Ils peuvent contribuer à l’approvisionnement en énergie sous forme de carburants solaires de « seconde génération » (voir paragraphe ci-dessous « Sous le soleil »). Mais d’après nos estimations, il ne faut pas trop en attendre. Par exemple, il n’est pas envisageable de « récolter » suffisamment de carburant dans un jardin pour alimenter une voiture – ce qui nécessiterait environ 1 500 litres par an. Il faudrait cultiver une surface de 5 000 m² pour produire cette quantité de carburant solaire.

1. Source : rapport DIREM/ADEME sur les biocarburants, 2003.

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Sous le soleil

Les perspectives sont plus prometteuses sous les climats les plus ensoleillés, où l’irradiance solaire est plus forte. On y cumule les avantages en récoltant un plus grand pourcentage d’une plus grande quantité initiale d’énergie. La canne à sucre brésilienne est un bon exemple. Dans les pays chauds, nous l’avons dit, le rendement de la photosynthèse peut approcher 3 %. En supposant un rendement net de 2 %, on obtient quatre fois plus d’énergie par unité de surface qu’avec notre betterave. Et comme l’irradiance solaire est deux fois plus élevée, le rendement total net peut être huit fois meilleur. Soit l’équivalent de trois litres de pétrole par mètre carré par an. N’oublions pas que tout ceci n’est possible que dans une zone géographique restreinte. Regardons maintenant l’exemple de l’huile de palme. Dans les zones adaptées (en-dessous de 15 degrés de latitude), la récolte annuelle est de l’ordre de 0,5 litres par m². C’est beaucoup mieux que notre colza mais à peine mieux que la betterave sucrière hollandaise ou belge (voir tableau 13) même si l’irradiance solaire est plus élevée (figure 35). Cette valeur correspond à un rendement moyen de photosynthèse de 0,3 %, ce qui n’est pas énorme. Sans oublier que les plantations de palmiers peuvent nuire à la forêt tropicale, comme on le voit en Asie du Sud-Est. Elles peuvent accélérer le réchauffement climatique lorsqu’elles remplacent la forêt tropicale primaire qui constitue un meilleur réservoir de carbone. N’oublions pas que pour éviter que le CO2 excédentaire finisse dans l’atmosphère, nous avons besoin de réservoirs. ■

Carburant solaire contre nourriture

Les carburants solaires de première génération, comme on les appelle, proviennent de nombreux produits agricoles qui ont aussi une fonction alimentaire. Le biodiesel est produit à partir de colza, d’huile de palme ou d’huile de soja. Le bioéthanol que l’on mélange à l’essence est produit par fermentation à partir de sucre, de maïs ou de blé. Ne risque-t-on pas de mettre en péril la production de nourriture ? 34

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La hausse importante du prix des denrées à partir de 2005 n’est pas étrangère à la conversion de champs fertiles pour produire des carburants solaires plutôt que de la nourriture. Il y a aussi des phénomènes de réaction en chaîne. L’exemple qui suit nous vient des États-Unis1. Autour de 2008, près de 20 % de la production américaine de maïs ont été consacrés au bioéthanol, entraînant une flambée des prix. Pour mieux gagner leur vie, de nombreux producteurs de soja se sont alors tournés vers le maïs, plus rentable. Les réserves de soja ont diminué, entraînant une augmentation de son prix sur le marché mondial. Les agriculteurs brésiliens se sont mis à en produire plus, sur des terrains jusqu’alors utilisés comme pâtures. Pour dégager de nouveaux pâturages, les éleveurs ont dû couper des arbres de la forêt amazonienne et des savanes du Cerrado, relâchant du carbone dans l’atmosphère. Au final, des surfaces de forêt tropicale brésilienne ont été détruites par la production de maïs destinée aux carburants solaires aux États-Unis. Les émissions de CO2 ont donc augmenté et d’assez grandes quantités de protoxyde d’azote (N2O) ont été émises par la fertilisation des nouveaux pâturages. Il y a quand même un peu d’espoir : dans de nombreux pays, on pourrait améliorer considérablement le rendement des cultures en adaptant le choix des plantations et les méthodes agricoles. C’est ce qui s’est passé dans de nombreux pays d’Europe. Ainsi, si les rendements augmentent plus vite que la demande de nourriture (ce qui semble peu probable), ces carburants solaires de première génération auront peutêtre un avenir. Reste la question éthique : est-il acceptable de « mettre la nourriture des pauvres dans le réservoir des riches » ? Et au-delà du problème de pénurie, l’intensification de la culture de biocarburants soulève un autre dilemme intéressant : devrons-nous un jour choisir entre boire un petit verre à l’apéro et rouler 300 mètres de plus ? Les carburants solaires de deuxième génération constituent une moindre menace pour la production alimentaire. Ils sont issus de la 1. M. Grunwald, Time, 14 avril 2008

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paille, de l’herbe et des autres déchets agricoles transformés en carburant par l’action de levures et d’enzymes ou par différents procédés thermochimiques. La recherche sur le sujet est en plein essor. Ces procédés devraient être opérationnels à l’échelle industrielle autour de 2020. Bien sûr, on pourrait simplement se contenter de brûler ces matières organiques, pourvu qu’elles soient bien sèches (autrement, un pourcentage important de leur chaleur de combustion serait perdu pour évaporer l’eau). Ce principe est déjà en œuvre à grande échelle dans certaines centrales électriques. Mais dans l’immédiat, on n’attend pas une contribution significative des carburants solaires de deuxième génération. La faute à un rendement de la photosynthèse trop bas à ce jour, nous l’avons dit. Le tableau 13 donne une idée du rendement agricole net sous un climat tempéré. Pourquoi ne pas mettre à profit les sols infertiles, inadaptés à la production de nourriture ? On peut penser aux arbres ou aux étendues herbeuses par exemple. C’est potentiellement une bonne idée. Mais n’oublions pas qu’en principe, les systèmes naturels sont fermés. Les substances nutritives restent sur place : pas besoin d’engrais. Dès qu’on commence à récolter, le sol s’épuise et le rendement diminue. Des expériences menées par David Tilman ont ainsi tenté de faire pousser des graminées sur des sols très difficiles du Minnesota, aux États-Unis, pour en faire des carburants solaires. Ces graminées n’entrent pas en compétition avec la production alimentaire et ne nécessitent ni pesticides ni engrais. C’est une bonne solution sur le papier, mais elle est moins miraculeuse en pratique. La récolte a fourni l’équivalent de 0,2 litres de pétrole par mètre carré, soit un rendement de 0,1 %. Elle était brûlée sur place au lieu d’être emportée : les nutriments étaient donc recyclés comme si on utilisait de l’engrais1. Cette expérience ne rend pas 1. Voir : David Tilman, Science, 8 décembre 2006, et Michael Russelle, Science, 15 juin 2007.

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compte du comportement sur le long terme du sol si on transformait la récolte en carburant solaire loin des plantations. En attendant, il existe un bon candidat pour produire du carburant solaire dans les régions tropicales : la plante jatropha. Elle pousse sur des sols secs et infertiles et ne concurrence donc pas la production alimentaire. Elle est toxique et impropre à la consommation humaine. Ses graines sont composées à 45 % d’huile, ce qui est idéal pour produire du carburant. Son rendement est de 0,1 litre par mètre carré par an, ce qui est comparable au colza de nos régions. Un meilleur rendement est possible, mais seulement en apportant de l’eau ou de l’engrais. Les rendements élevés dont on entend parfois parler sont donc incompatibles avec un sol sec et infertile. Malgré tout, la production de jatropha à petite échelle peut être envisagée pour répondre à la demande d’énergie des pays en développement. Elle ne répondra par contre jamais aux énormes besoins énergétiques des pays riches. ■

Nouveaux développements : algues et bactéries

Le problème de la photosynthèse, nous l’avons vu, c’est son faible rendement : seule une petite partie du flux d’énergie solaire est exploitée. Les cellules photovoltaïques, dont les modèles grand public récents atteignent 10 % (et atteindront probablement un jour 40 %, voir paragraphe « Les autres types de cellules solaires » page 45) sont bien plus efficaces. Et elles ne concurrencent pas la production alimentaire. Pourrait-on augmenter le rendement de la photosynthèse jusqu’au niveau de celui des cellules photovoltaïques ? Il faudrait abandonner la piste de la végétation ordinaire et compter sur une rupture technologique. Des expériences sur des microorganismes comme les micro-algues et les cyanobactéries sont actuellement en cours. Avec au moins deux développements intéressants : − la conversion du CO2 en glucides. Certaines algues bien connues sont capables de convertir de l’eau plus du CO2 en oxygène et en glucose (ou en un autre glucide). On est donc déjà 37

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capables d’obtenir un carburant solaire exploitable. Mais les micro-algues offrent un rendement de conversion bien meilleur atteignant 5 %, sans aucune optimisation génétique. Elles sont aussi capables de produire de grandes quantités de triglycérides : le point de départ pour la production de biodiesel ; − la conversion de l’eau en hydrogène. Certaines algues vertes et certaines cyanobactéries peuvent produire directement de l’hydrogène à partir d’eau et de lumière solaire. On parle de « production photobiologique d’hydrogène ». Ce mécanisme de conversion a l’avantage d’être direct, à l’inverse des méthodes actuelles qui passent par un composé organique solide intermédiaire. Des rendements de 2 % ont déjà pu être atteints. Les améliorations futures s’appuieront sur l’ingénierie génétique et sur le développement de systèmes artificiels adaptés. Des valeurs de 7 à 10 % ne sont sans doute pas inaccessibles à l’avenir, pour un niveau d’irradiance solaire de l’ordre de 250 W/m². Si la science et la technologie progressent suffisamment, ces « feuilles artificielles » pourraient être en mesure de produire une part non négligeable de nos carburants liquides d’ici à 2050. Au bout du compte, le rendement de cette bioénergie de « troisième génération » pourrait atteindre 42 %1. Des expériences à petite échelle sont déjà en cours en laboratoire. Avant d’être exploitables pour la production d’énergie, elles devront être menées à grande échelle en dehors des terres cultivables – par exemple sur l’eau. Ces systèmes pourraient être « fabriqués » par la nature elle-même. Et quand on pense à la vitesse à laquelle les algues se développent pendant l’été, on peut espérer que ces mécanismes naturels soient rapides. Mais une fois encore, ne nous attendons pas à des miracles : il faudra beaucoup d’efforts avant que ce type de système ne devienne réalité. 1. Source : H. de Groot, Université de Leiden et R. Rabbinge, Wageningen UR.

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Capteurs solaires et usage passif La meilleure façon d’utiliser l’énergie solaire est aussi la plus simple : elle consiste à mettre à profit directement la chaleur du soleil pour chauffer une habitation ou une piscine extérieure, par exemple. On parle souvent d’utilisation passive de l’énergie solaire. Son rendement est assez élevé. Par exemple : quand le soleil au zénith rayonne sur une piscine, plus de 90 % de son énergie est transmise à l’eau. En incidence normale, seuls 2 % sont réfléchis. Si la piscine est profonde ou que le fond est foncé, la quantité d’énergie reflétée sera négligeable, d’où ce rendement de plus de 90 %. La situation est similaire pour une fenêtre. Quand le soleil est bas, un simple vitrage réfléchit seulement 8 % du rayonnement incident (4 % d’un côté et 4 % de l’autre). C’est à peu près 15 % pour un double vitrage. Si on oublie la petite portion du rayonnement absorbée par le verre, tout ce qui reste parvient à l’intérieur de l’habitation. Presque toute cette énergie contribue au chauffage. Seule une fraction, réfléchie par les objets les plus clairs, ressort par la fenêtre. Le « rendement » du capteur solaire basique que constitue une fenêtre est proche de 80 %. Et cela reste valable même quand le soleil est haut dans le ciel, jusqu’à un angle de 50° environ. Au-delà, le phénomène de réflexion prend de l’importance. Mais sous nos latitudes, ce cas de figure ne se présente que l’été, quand le chauffage n’est pas nécessaire. La figure 34 montre la quantité précise d’énergie que les fenêtres et les serres sont capable de récupérer tout au long de l’année, ainsi que les valeurs d’irradiance pour plusieurs angles d’incidence. Le principe des capteurs solaires thermiques est simple1. Une plaque noire à température ambiante absorbe presque tout le rayonnement 1. En France, le vocabulaire relatif aux panneaux solaires est précisé par une norme qui permet d’éviter toute confusion entre les applications thermiques et photovoltaïques. Pour les applications thermiques, on utilise le terme « capteur solaire ». On parle en revanche de « panneaux » ou de « cellules » solaires photovoltaïques. L’expression « capteur solaire thermique » utilisée ici par souci de clarté relève donc du pléonasme. À éviter également : « collecteur solaire » qui est un anglicisme.

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solaire. Son rendement est donc proche de 100 %. Mais au fur et à mesure qu’elle s’échauffe, les pertes entrent en jeu. Une partie de la chaleur absorbée est réémise ou dissipée par conduction avec l’air ambiant. Le rendement diminue donc quand la température augmente. Un capteur solaire produisant de l’eau très chaude aura donc un moins bon rendement qu’un capteur produisant de l’eau tiède. C’est donc une solution particulièrement adaptée quand on veut obtenir une température relativement basse, comme c’est le cas pour une piscine ou pour le réservoir thermique d’une pompe à chaleur. Dans ces cas-là, le rendement peut facilement atteindre 70 %. Les capteurs destinés aux robinets d’eau chaude ont un rendement inférieur, autour de 40 %. S’il faut fournir l’eau chaude solaire tout au long de l’année, le capteur devra être dimensionné par rapport aux besoins de l’hiver. Il sera donc forcément surdimensionné pour l’été. En région tempérée, un chauffe-eau solaire doté d’un capteur de 4 m² et d’un volume tampon d’environ 150 litres fournirait deux tiers du besoin annuel d’eau chaude d’un foyer. Le reste devrait être produit par un chauffage d’appoint électrique, au fioul ou au gaz naturel. Évidemment, l’équilibre entre ces valeurs résulte toujours d’un compromis économique. Dans le cas du chauffage domestique, l’efficacité est comparable. Mais il y a un problème : le rendement est minimal au moment où on en a le plus besoin, c’est-à-dire en hiver. Comme pour l’eau chaude, une unité d’appoint s’impose, alimentée par exemple au gaz naturel. La figure 36 montre comment un tel système fonctionne en pratique. Pour se chauffer en hiver avec la chaleur récupérée en été par un capteur solaire, il faudrait être capable de stocker cette chaleur pendant plusieurs mois. Ce stockage saisonnier nécessite de nombreux mètres cubes d’eau ou de terre qui seraient chauffés durant l’été et serviraient de réservoir de chaleur en hiver. Dans ce cas, les unités de grande taille sont plus séduisantes que les petites. Et pour cause : l’énergie stockée est proportionnelle au volume (lui-même proportionnel à 40

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la dimension au cube) alors que les pertes thermiques sont proportionnelles à la surface extérieure (proportionnelle à la dimension au carré). En d’autres termes : pour une géométrie donnée (un cube, par exemple), une unité de stockage deux fois plus grande emmagasinera huit fois plus de chaleur mais n’aura que quatre fois plus de pertes. C’est donc une solution particulièrement adaptée à un groupement d’habitations, comme un lotissement. Des systèmes de stockage chimique sont en cours de développement. Ils ne présentent pas de pertes thermiques. Ces « matériaux thermochimiques » se basent sur des réactions chimiques entre deux composés qui sont séparés pendant le stockage mais qui produisent

De m a

7

Capacité de chauffage (en kW)

6

Capteurs solaires

e chauffa le d ge ota t e d n Capteurs solaires

5

Chaleur à fournir Allumage du chauffage

4

Extinction du chauffage

3

Capteurs solaires

2

Chaleur solaire traversant les vitres

1

Production interne de chaleur 0

juillet

a

s

o

n

d

j

f

m

a

m

juin

Mois

Figure 36 | Exemple de bilan annuel de chauffage pour une maison équipée de capteurs solaires thermiques (zone hâchurée). Les deux zones plus foncées représentent respectivement la production interne de chaleur (en bas) et la contribution des vitres (en haut). Comme cette maison ne dispose d’aucun dispositif de stockage sur la durée, la production de chaleur n’est pas suffisante en hiver pour répondre à tous les besoins en chauffage. Il faut donc fournir une quantité de chaleur correspondant à la zone gris pâle, avec un dispositif d’appoint.

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de la chaleur une fois réunis. Ces deux composés peuvent être séparés par l’effet de la chaleur selon le processus inverse, fermant ainsi le cycle. Schématiquement : AB + chaleur ↔ A + B Vu les énormes quantités de chaleur qu’il faudrait stocker d’une saison à l’autre, il n’est pas certain que ces systèmes pourront vraiment être utilisés un jour à grande échelle. Les cellules photovoltaïques ■

Les cellules à base de silicium

Les cellules photovoltaïques (PV) convertissent directement le rayonnement solaire incident en électricité. Le rendement des cellules actuelles (à base de silicium) atteint 25 % en laboratoire et 14 à 20 % pour les modèles commerciaux. Leur principe de fonctionnement est décrit dans l’encadré « Comment fonctionne une cellule solaire ? » ci-contre. Pourquoi ce rendement (c’est-à-dire la fraction convertie du rayonnement solaire) n’est-il pas plus élevé ? D’abord, il est limité par le fait que toutes les couleurs du spectre ne produisent pas aussi efficacement des particules chargées à partir d’atomes neutres. Dans le cas du silicium, on atteint l’efficacité maximale pour un rayonnement dans l’infrarouge proche (soit une longueur d’onde de 1,1 micromètre). La lumière de plus grande longueur d’onde ne joue aucun rôle, l’énergie de ses photons étant insuffisante. La lumière de plus courte longueur d’onde transporte trop d’énergie : l’excédent est perdu sous forme de chaleur. Des pertes ont aussi lieu pendant la recombinaison des charges (voir l’encadré ci-contre). Elles peuvent être diminuées en concentrant la lumière solaire, quand celle-ci est directe. Au final, le rendement maximum possible pour une cellule solaire à simple jonction sous incidence normale est légèrement inférieur à 30 %. En laboratoire, on peut atteindre 25 à un peu plus de 27 % sur de petites surfaces, 42

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L’ÉNERGIE SOLAIRE

COMMENT FONCTIONNE UNE CELLULE PHOTOVOLTAÏQUE ? Les cellules photovoltaïques les plus courantes sont fabriquées à base de silicium cristallin. Il est semi-conducteur à l’état très pur. En l’absence d’additifs chimiques ou de lumière, ce silicium ne contient qu’un très petit nombre d’électrons libres. Sa résistance électrique est donc élevée. Cependant, quand il absorbe de la lumière solaire (plus précisément, quand il absorbe des photons d’énergie supérieure à 1,1 eV), des électrons libres peuvent être produits. On se retrouve alors avec des électrons négatifs et de « trous » positifs capables de se déplacer. Chaque paire électron-trou représente une énergie potentielle de 1,1 eV (si le photon incident contient plus d’énergie, la différence est perdue sous forme de chaleur). Pour que cette énergie potentielle puisse être utilisée, il faut séparer spatialement l’électron et le trou et les guider jusqu’à un circuit externe pour qu’ils délivrent leur énergie avant d’avoir pu se recombiner. Pour y parvenir, on utilise une couche séparatrice qui abrite un champ électrique. Ce champ laisse passer les électrons mais pas les trous (ou l’inverse, suivant le côté où on se place). Cette couche séparatrice est placée à la frontière entre deux nuances de silicium : du silicium légèrement enrichi en phosphore d’un côté, et en bore de l’autre. Le phosphore est similaire au silicium, mais il possède un électron supplémentaire dans sa couche électronique externe. En remplaçant un atome de silicium par un atome de phosphore, cet électron supplémentaire superflu se trouve alors mobile. Le silicium qui possède cet électron supplémentaire (négatif) est meilleur conducteur que le silicium pur. On dit qu’il est de type N. Pour autant, le matériau reste neutre : la charge négative des électrons mobiles est compensée par la charge positive des atomes fixes de phosphore dont ils sont issus (il s’agit d’« ions », pour être précis). Le bore est similaire au silicium, mais il possède un électron en moins dans sa couche électronique externe. En ajoutant du bore au silicium,

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on forme du silicium de type P où des trous supplémentaires pourront se former suivant le même mécanisme (figure 37). Quand on met en contact ces deux types de silicium, l’interface est traversée en permanence par les électrons libres et les trous, en raison de leur grande différence de concentration de part et d’autre. Ils laissent alors derrière eux la charge fixe portée par les ions phosphore et bore : un champ électrique se met en place, qui devient juste assez intense pour compenser la tendance naturelle des électrons et des trous à traverser l’interface. La structure dans son ensemble reste neutre, puisque la quantité totale de charges positives et négatives reste égale de part et d’autre de la frontière. Lorsque des électrons et des trous supplémentaires sont produits par l’absorption de la lumière solaire incidente (ce qui est possible aussi bien du côté N, du côté P ou au niveau de l’interface), ils sont séparés par le champ électrique. D’où une différence de potentiel entre les deux côtés de la cellule. Si on permet au courant de circuler, la combinaison d’une tension et de ce courant produit une puissance électrique. C’est l’objectif d’une cellule photovoltaïque. Contact électrique supérieur en métal

Silicium de type N

Revêtement antireflet Zone d’interface avec champ électrique

Silicium de type P

Électron Trou Contact électrique inférieur en métal

Figure 37 | Schéma d’une cellule photovoltaïque au silicium. Les zones hâchurées correspondent au silicium, qui présente respectivement un dopage de type N et P. La région à l’interface abrite un champ électrique (voir texte). Il permet de séparer les électrons libres (créés par la lumière) et les trous. Ces électrons sont ensuite transportés jusqu’au circuit externe grâce à des électrodes fixées de part et d’autre de la cellule. Sur la face éclairée (ici en haut), un revêtement antireflet permet d’améliorer l’absorption des photons.

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ce qui revient à dire que ces cellules sont presque parfaites. Les panneaux solaires du commerce ont un rendement maximal de 20 % sur de grandes surfaces. Dans la pratique, les valeurs habituelles vont de 8 à 15 %. ■

Les autres types de cellules solaires

Pour améliorer le rendement, on peut combiner différents matériaux dont la sensibilité à la couleur est différente : la lumière transmise par une couche pourra être absorbée par la suivante. On parle de cellules multi-jonctions. Mais il existe encore d’autres types de cellules photovoltaïques. Pour faire simple, on distingue en tout quatre catégories1 : − les cellules au silicium cristallin (« wafers »), de loin les plus utilisées ; − les cellules à couche mince de silicium (amorphe ou microcristallin) à base de cuivre, indium, gallium et sélénium (CIGS) ou similaires. Les cellules à l’indium, en voie de raréfaction, ne seront sans doute jamais utilisées à grande échelle, contrairement à celles au silicium ; − les cellules multi-jonctions basées sur les semi-conducteurs « III-V » (la famille d’éléments proches de l’arséniure et du gallium) ; − les nouvelles catégories en cours de développement. On peut citer les cellules solaires « organiques » à base de polymères ou celles qui combinent un colorant et un semi-conducteur transparent comme l’oxyde de titane. On parle de cellules à pigment photosensible ou de cellules Grätzel (voir la figure 38). En parallèle, des systèmes « photovoltaïques et thermiques » (PVT) ont également vu le jour. Ils combinent la production d’électricité et de chaleur en transformant en récupérant sous forme thermique la plupart de l’énergie qui n’a pas pu être convertie en électricité. Leur rendement total est donc élevé. 1. Cette liste s’appuie sur le travail de W. Sinke, ECN, Pays-Bas.

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60

Record du monde 2013 : 44,7 %

Rendement (en %)

50 40 30 20

2030

2020

2010

2000

1990

1980

1970

1960

0

1950

10

Année Cellules multi-jonctions couplées à un concentrateur (max) Modules à concentrateurs (valeurs usuelles) Cellules au silicium cristallin (max) Cellules à couches minces de CIGS (max) Cellules à couches minces de CdTe (max) Cellules à couches minces de silicium (max, stable) Modules au silicium cristallin (valeurs usuelles) Modules CIGS (valeurs usuelles) Modules à couches minces de silicium (valeurs usuelles, stable) Modules à couches minces de CdTe (valeurs usuelles) Cellules à pigment photosensible (max) Cellules à base de polymères (max)

Figure 38 | Évolution dans le temps du rendement de différentes cellules photovoltaïques. Les cellules à fort rendement utilisées dans les célèbres véhicules solaires Nuna ou Tokaï – qui ont gagné les dernières éditions du défi solaire mondial en Australie – appartiennent à la catégorie la plus performante : les cellules multi-jonctions couplées à un concentrateur, qui sont aussi utilisées dans les engins spatiaux. Elles présentent des rendements supérieurs à 26 % mais restent trop chères pour être produites à grande échelle. (Source : W. Sinke, ECN).



Rendements

La figure 38 montre l’évolution au fil du temps du rendement des différents types de cellules solaires, avec une projection sur les années à venir. Un rendement record de 44,7 % vient d’être atteint 46

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par une nouvelle structure de cellule solaire à quatre jonctions. Il a été annoncé en septembre 2013 par une équipe de recherche franco-allemande regroupant le CEA1 de Grenoble, une entreprise privée française, le Centre Helmholtz de Berlin et l’Institut allemand Fraunhofer. ■

Débouchés commerciaux

Le temps de « retour sur investissement énergétique » d’un dispositif solaire complet est de trois ans (valeur 2008, sous un climat tempéré). Cela signifie que ce système produit en trois ans la quantité d’énergie consommée pour sa fabrication. C’est un dixième de sa durée de vie attendue (la période de garantie d’un panneau solaire peut aller jusqu’à 25 ans). Le temps de retour sur investissement financier est bien plus long. C’est, à l’heure actuelle, ce qui limite principalement une utilisation à grande échelle. On s’en rend bien compte en regardant le prix de l’énergie solaire, qui va de 0,25 €/kWh dans les pays ensoleillés comme l’Espagne à 0,50 €/kWh dans les pays nordiques comme les Pays-Bas. Ces tarifs devraient néanmoins baisser sur le long terme, sans doute d’un facteur dix. Le tableau 14 ci-après donne quelques valeurs caractéristiques des technologies actuelles, pour un climat tempéré. Le nombre de wattscrête (Wc) considéré correspond à la puissance électrique fournie par un panneau solaire en pleine lumière solaire, soit 1 000 W/m². Pour un climat comme celui de l’Europe, avec une irradiance moyenne de 125 W/m², un watt-crête correspond approximativement à 0,9 kWh par an en termes de rendement moyen (soit 0,10 W en continu, en moyenne journalière).

1. Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

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Tableau 14 | Cellules photovoltaïques : évolution passée et prévision d’évolution de leurs principales caractéristiques1.

1980

2007

2015

2030

long terme

Prix du dispositif complet en €/Wc (hors taxes)

> 30

5

2,5

1

0,5

Coûts de production de l’électricité, en €/kWh (€ de 2006)

>3

0,50

0,25

0,10

0,05

Rendement usuel des modèles disponibles sur le marché, en %

10

3

1,5