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French Pages 161 [160] Year 2014
L’énergie sous toutes ses formes
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L’énergie sous toutes ses formes JO HERMANS Traduit et adapté pour la France par Pierre Manil
Tome 1 Comment se transforme-t-elle ?
17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A
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Édition originale : Energy Survival Guide by Jo Hermans, published in 2011 by BetaText and Leiden University Press. © 2011 BetaText.
Mise en pages : Patrick Leleux Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0794-9
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2014
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Énergie et progrès sont-ils corrélés ?
L’énergie n’a-t-elle qu’un visage ?
Quel genre de radiateur sommes-nous ?
Pomper la chaleur, ça veut
dire quoi ?
Quels sont nos modes de déplacement
privilégiés ?
Vivre mieux, c’est forcément consommer plus ?
Pourquoi les températures montent ?
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À mes petits-fils David et Thomas et à leurs petits amis de la Terre entière, héritiers des succès et des échecs de nos tentatives pour rendre ce Monde durable…
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Tome 1 Comment se transforme-t-elle ?
SOMMAIRE
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Données de référence ................................................................. Facteurs de conversion ..............................................................
11 11
Note du traducteur .....................................................................
15
Préface ......................................................................................
17
Chapitre 1. Le cas (vraiment) particulier de l’énergie ...................
19
Chapitre 2. De quoi l’énergie est-elle le nom ? .............................
25
Chapitre 3. L’énergie humaine ..................................................... A. Le cœur et le cerveau ........................................................... B. Chaleur humaine ................................................................... C. Travail physique .................................................................... D. Réguler notre température corporelle .......................................
33 34 35 36 38
Chapitre 4. L’énergie à la maison ................................................ A. L’approvisionnement en énergie domestique ............................. B. Chauffage et climatisation ..................................................... C. L’eau chaude ........................................................................ D. Une cuisine presque parfaite .................................................. E. L’électroménager ................................................................... F. Quel appareil consomme le plus ? ............................................ G. Fabriquer des objets ..............................................................
47 48 50 68 70 71 82 83
Chapitre 5. Se déplacer : énergie et transport .............................. A. La voiture ............................................................................ B. Le bus et le train ..................................................................
87 89 98
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C. L’avion ................................................................................ D. Le vélo ...............................................................................
102 107
Chapitre 6. L’énergie en France et dans le Monde ......................... A. Le grand écart ...................................................................... B. Le cas de la France ............................................................... C. En Europe ............................................................................ D. Dans le Monde .....................................................................
113 114 116 120 122
Chapitre 7. CO2 et réchauffement climatique ............................... A. L’effet de serre naturel .......................................................... B. L’effet de serre induit par l’homme ..........................................
131 132 136
E-référence ................................................................................
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… La suite dans le tome 2 : L'énergie sous toutes ses formes, ses différentes sources (à paraître)
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
TABLE DES ENCADRÉS
Énergie, travail, chaleur ..............................................................
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Touiller la soupe ........................................................................
29
Monter les marches ....................................................................
37
On se bouge ! ...........................................................................
39
Le profil de température au contact de la peau ..............................
40
Compter les flammes ..................................................................
51
Le principe d’un échangeur de chaleur ..........................................
58
La chaleur d’une bougie..............................................................
76
Comme sentir la consommation d’énergie ? ....................................
78
Résistance au roulement et résistance de l’air ................................
92
De la résistance au carburant ......................................................
94
Un voyage en Zeppelin ?.............................................................
104
Bilan de rayonnement ................................................................
134
Carburant et émissions ...............................................................
153
Les encadrés désignés par un pictogramme contiennent des petits calculs qui s’appuient sur des notions de physique niveau lycée.
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DONNÉES DE RÉFÉRENCE
FACTEURS DE CONVERSION Dans le domaine de l’énergie, on utilise souvent des unités exotiques. Voici une sélection de facteurs de conversion utiles pour convertir une énergie (en joules, J) ou une puissance (en watts, W). Énergie 1 calorie (cal) = ....................................................... 1 kilocalorie (kCal ou parfois juste Cal, ce qui prête à confusion) .................................... 1 kilowattheure (kWh) ........................................... 1 British Thermal Unit1 (BTU) ............................... 1 tonne d’équivalent charbon (tec) ....................... 1 tonne d’équivalent pétrole (tep) ......................... 1 million de barils2 .................................................. 1 électronvolt (eV) (utilisé pour les particules nucléaires).................
= 4,187 J = 4,187 kJ = 3,6 MJ = 1,055 kJ = 29,3 GJ = 41,9 GJ 5,7 PJ ≠ = 1,6 × 10–19 J
1. Le British Thermal Unit (BTU) est une unité anglo-saxonne d’énergie définie par la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un °F (soit 5/9 °C) la température d’une livre anglaise d’eau (environ 454 g) à la pression atmosphérique. 2. Un baril de pétrole correspond à 42 gallons américains, soit environ 159 litres. Suivant sa masse volumique, une tonne de pétrole brut représente 7 à 9,3 barils, la moyenne mondiale se situant aux alentours de 7,6 barils par tonne.
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
Puissance (énergie par unité de temps) 1 kWh/an (kilowattheure par an) ..................... 1 J/an (joule par an) ........................................... 1 mbj (million de barils par jour) .................... 1 BTU/h (British Thermal Units par heure) ..... 1 BTU/an (British Thermal Units par an) ........
= 0,114 W = 3,171 × 10–8 W ≈ 6,6 × 1010 W = 0,293 W = 3,345 × 10–5 W
Chaleurs de combustion Glucides et protéines ................................................... Huiles et graisses ......................................................... Pétrole (qualité standard) .......................................... Essence ........................................................................ soit ........................................................................... Gaz naturel (à 1 bar, suivant son origine) : valeur haute1 ............................................................... valeur basse1 ............................................................... Hydrogène (0 °C, 1 bar) : valeur haute1 ............................................................... soit ........................................................................... valeur basse1 ............................................................... soit ........................................................................... Charbon (qualité standard) ....................................... Bois (sec) ..................................................................... Uranium naturel : rendements actuels approchés2 Réacteur à eau légère, cycle à stockage direct .......... Réacteur à eau légère, avec retraitement ................... Surgénérateur ..............................................................
15 MJ/kg 40 MJ/kg 41,9 MJ/kg 35 MJ/litre 48 MJ/kg 33-41 MJ/m3 30-37 MJ/m3 142 MJ/kg 12,8 MJ/m3 120 MJ/kg 10,8 MJ/m3 29,3 MJ/kg 20 MJ/kg 500 GJ/kg 670 GJ/kg 34 000 GJ/kg
1. L’énergie fournie par la condensation de la vapeur d’eau formée au cours de la combustion est prise en compte dans la « valeur haute », pas dans la « valeur basse ». 2. L’énergie de fission de l’uranium 235 seul a pour valeur 80 000 GJ/kg.
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DONNÉES DE RÉFÉRENCE
Pour une estimation rapide : 100 W ≈ un être humain ≈ une bougie ≈ ¼ litre de pétrole/jour
Les préfixes kilo k méga M giga G tera T peta P exa E
103 106 109 1012 1015 1018
(millier) (million) (milliard) (billion1) (billiard) (trillion)
milli micro nano pico femto atto
m µ n p f a
10–3 (millième) 10–6 (millionième) 10–9 (milliardième) 10–12 10–15 10–18
Air et eau Pression atmosphérique moyenne : 1,013 bar (1 bar = 105 pascals). Masse volumique de l’air à 1 bar, 20 °C : 1,2 kg/m3. Chauffer de l’air de 1 °C à la pression atmosphérique nécessite 1,2 kJ/m3, soit 1 kJ/kg. Chauffer de l’eau de 1 °C nécessite 4,2 kJ/litre (donc 4,2 kJ/kg). Évaporer de l’eau nécessite 2,3 MJ/litre (donc 2,3 MJ/kg).
Essence, diesel et émissions de CO2 1 litre d’essence pèse environ 0,75 kg. 1 litre de gasoil pèse environ 0,85 kg. La combustion de 1 kg de pétrole ou d’essence émet 3 kg de CO2. La combustion de 1 m3 de gaz naturel émet 2 kg de CO2.
1. Un billion correspond, en français, à 1 000 milliards, soit 1012. Nous utilisons en effet « l’échelle longue » pour désigner les grands nombres. La confusion avec l’échelle courte, utilisée par les anglo-saxons, est tentante : en anglais, billion désigne notre milliard, tandis que leur trillion correspond à notre billion !
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
La Terre et le Soleil Terre : circonférence = 40 000 km ; diamètre = 12 730 km. Soleil : diamètre = 1,4 millions de km ; diamètre angulaire apparent = 0,5 degré. Distance moyenne Terre-Soleil = 150 millions de km. Masse du Soleil = 2,0 × 1030 kg. Température à la surface du Soleil ≈ 5 500 °C (soit ≈ 5 750 kelvins). Flux d’énergie émis par le Soleil = 3,8 × 1026 watts. Flux d’énergie émis par le Soleil exprimé en perte de masse = 4 × 109 kg par seconde. Le flux d’énergie solaire Juste au-dessus de l’atmosphère (perpendiculairement aux rayons solaires) : 1 350 W/m2. À la surface terrestre (perpendiculairement aux rayons solaires) : 1 000 W/m2. Moyenne jour-nuit annuelle, nord-ouest de l’Europe, sur une surface horizontale : 110 W/m2. (soit 3,5 GJ par an ou 90 litres de pétrole par m2, soit une couche de 9 cm d’épaisseur). Consommation d’énergie (en kW/personne, en continu) Moyenne mondiale ............................................................. 2,4 kW France, Allemagne, Japon ................................................... 5,5 kW États-Unis, Canada ............................................................. 10 kW
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NOTE DU TRADUCTEUR
J’ai rencontré le Professeur Hermans – Jo – à Paris. « Tu me reconnaîtras facilement à mon air désespéré de non-parisien », m’avait-il promis par écrit. Mais, comme pour prouver qu’il n’était pas insensible à nos usages, il avait joint une photo où il présentait fièrement un verre de vin. Pire : c’est lui qui avait choisi le restaurant… Nous avons fait connaissance, pris un verre et évoqué son Energy Survival Guide écrit en anglais pour les Pays-Bas, que je venais d’accepter d’adapter pour la France. Comment en respecter le fond et le ton tout en collant aux attentes du lecteur français ? Comment le faire évoluer (à la marge) pour tenir compte des deux ans écoulés depuis sa parution en 2011, quelques mois après l’accident de Fukujima ? La France n’a pas qu’un rapport particulier au vin. L’énergie y tient une place particulière. La prévalence du nucléaire comme moyen de production d’électricité. Certaines habitudes de consommation qui en découlent – l’exemple du développement du chauffage électrique il y a quelques dizaines d’années. La place de l’industrie automobile et aéronautique. La taille du territoire qui se mesure en « durée TGV » ou celle de nos côtes venteuses et houleuses qui sont une centrale propre en puissance. 15
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
Dans cet ouvrage, au-delà des particularités locales, Jo Hermans aborde avec pédagogie mais sans simplisme les grands sujets de l’énergie : ce qu’elle est, à quoi elle nous sert, comment on la consomme ici et ailleurs, comment on la produit et comment on la produira peutêtre. Car ce guide (c’est ainsi que Jo l’a conçu dans sa version originale) est tourné vers l’avenir. Non parce qu’il prophétise, mais parce qu’il expose sans parti-pris les défis et les choix qui s’offrent à nous. L’ouvrage original a été scindé en deux volumes par l’éditeur français (Comment se transforme-t-elle ? et Ses différentes sources). Ce découpage respecte les deux parties du manuscrit original (Insight et Outlook) elles-mêmes découpées en chapitres, tels que vous les trouverez ici. Le premier volume traite de la nature de l’énergie, sa place dans nos vies quotidiennes, la façon dont on la consomme et la question du réchauffement climatique. Le second volume abordera les modes de production et de stockage de l’énergie : solaire, éolien, nucléaire, hydraulique… et les défis technologiques qui leurs sont associés. Des pistes de solutions, peut-être ? Les données chiffrées ont été réactualisées et adaptées au cas de la France. Des commentaires sur les particularités nationales ont été ajoutés pour éclairer les débats en cours. Les questions introductives ainsi que certaines notes sont propres à cette version. Autour de la table, avec Jo et sa femme Hanneke, la discussion a progressivement glissé de l’ouvrage à l’énergie, de l’énergie à la société, de la société à la vision que nous avions de ses problèmes. Nous étions d’accord, avec notre génération de différence, pour les trouver bien nombreux. Et pour convenir que face à cette complexité, notre travail de scientifiques consiste modestement à donner un éclairage sur le monde qui nous entoure. Café englouti. L’addition arrive. À nous trois, nous avons mangé 15 millions de joules : nous en avons pour 30 kWh. Pierre Manil Gif-sur-Yvette, septembre 2013
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PRÉFACE
Cet ouvrage est un vrai guide de survie1, pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’adresse à chacun d’entre nous, confrontés à la montée des prix de l’énergie. Les chapitres 1 à 7 regroupés dans ce premier tome tentent d’éclairer le concept d’énergie et le rôle majeur qu’il joue dans notre vie de tous les jours... Un tour d’horizon qui en dit long sur l’énergie et sur son coût… mais surtout sur ses nombreuses formes et ses transformations. Ensuite, parce qu’il constitue une source d’information fiable pour ceux qui veulent avoir une vision équilibrée de l’avenir énergétique de notre planète. Le deuxième tome s’efforce de dessiner des perspectives et de tracer des pistes pour l’énergie du futur. Les solutions alternatives pour l’après-pétrole sont passées en revue ainsi que leur potentiel, leurs avantages et leurs inconvénients. Parler d’énergie sans s’appuyer sur des chiffres n’a pas de sens. Les aspects quantitatifs sont indispensables… et, la plupart du temps, ils facilitent la compréhension. Dans la plupart des cas, une simple estimation assaisonnée d’un soupçon d’arithmétique suffira. Parfois, un outil simple et puissant nous sera nécessaire : le principe 1. Le titre original de l’ouvrage, traduit de l’anglais, est « Energy Survival Guide ».
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de conservation de l’énergie. Les données de référence utiles sont regroupées en début d’ouvrage, sous le titre « Données de référence ». Soucieux de privilégier la vision d’ensemble et la facilité d’utilisation plutôt que la précision à outrance, nous utiliserons souvent des valeurs approchées. Pour ceux qui veulent un aperçu rapide d’un sujet précis, les conclusions données en fin de chapitre (« Ce qu’il faut retenir ») pourront suffire. Ceux qui recherchent une information plus complète sont invités à lire tout le texte. Des encadrés (comme « Compter les flammes », au chapitre 4) permettront aux lecteurs intéressés d’aller plus loin dans le détail. Et, pour ceux à qui un petit calcul ne fait pas peur, les encadrés signalés par un petit professeur (ici à gauche) fourniront davantage de précisions. Ils s’appuient sur des notions de physique niveau lycée. Certains points précis comme la consommation d’énergie des ménages sont plus faciles à expliquer en s’appuyant sur le cas d’un pays particulier. Les Pays-Bas sont souvent cités en exemple : leurs habitudes énergétiques sont généralement représentatives du monde industrialisé. Les données par habitant sont donc similaires à celles que l’on trouverait pour d’autres pays de niveau de vie équivalent, dont la France. Toutefois, chaque fois que nécessaire (comme pour la production d’électricité par exemple), les données et les particularités du cas français seront discutées. J’espère que cet ouvrage aidera ceux qui le souhaitent à faire des choix éclairés dans leur vie quotidienne, et qu’il contribuera à l’avènement d’une politique énergétique responsable pour tous. Jo Hermans Leiden, novembre 2011
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1 Le cas (vraiment) particulier de l’énergie
Énergie et progrès sont-ils corrélés ? Peut-on produire son
énergie
avec
un vélo ?
L’énergie, ça se recycle ?
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
L
dont nous jouissons dans le monde développé est intimement lié à la disponibilité en énergie. Aucun des appareils auxquels nous sommes habitués – du chauffage central à la chaîne hi-fi, la télévision, le lave-vaisselle, le réfrigérateur, le congélateur, l’ordinateur, le portable, le mobile, le GPS et j’en passe – aucun de ces appareils ne pourrait exister sans le flux permanent et silencieux d’énergie qui parcourt nos maisons, à travers les câbles électriques et les tuyaux de gaz naturel ou de fioul. Dehors, nous avons la possibilité de nous déplacer facilement et efficacement en voiture, en train, en bus, en tram, en métro ou en avion. Fini le temps où il fallait une semaine pour rejoindre les États-Unis à bord de nonchalants navires. La disponibilité en énergie bon marché a rendu nos vies plus agréables et nous épargne bien du temps. Sans cette énergie à moindre coût, ces équipements modernes seraient tout simplement absents de notre quotidien. L’histoire regorge d’exemples qui montrent la corrélation entre énergie et progrès. « L’Âge d’Or » hollandais, au XVIIe siècle, en offre une illustration édifiante. Pourquoi les Pays-Bas – un pays plutôt petit – se sont-ils retrouvés si puissants et prospères ? Sans doute pas seulement parce que les Hollandais étaient plus forts ou plus malins que leurs voisins… Avant tout, cet essor a été permis par un accès facile et bon marché à l’énergie. Le sol hollandais regorgeait de tourbe – un carburant bien plus pratique que le bois. Extraire la tourbe et la transporter en bateau s’est avéré bien plus pratique que de couper du bois et le transporter en charrette, comme cela se faisait alentour. En outre, les Hollandais disposent d’un pays plat et venteux où ils ont pu bâtir des moulins à vent (Figure 1). Ces moulins produisaient l’énergie mécanique nécessaire à la coupe du bois, à la mouture la farine et au pompage de l’eau. Imaginez un peu comment on accomplissait ces tâches sans machines ! La puissance du cheval ou de l’homme était l’unique alternative, et c’est précisément ce que les pays voisins utilisaient. Quant aux chevaux, n’oublions pas qu’il fallait les nourrir : des fermiers supplémentaires
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E NIVEAU DE VIE
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LE CAS (VRAIMENT) PARTICULIER DE L’ÉNERGIE
Figure 1 | L’ « Âge d’Or » hollandais, né de la tourbe et des moulins à vent.
étaient nécessaires pour produire leur nourriture comme celle des travailleurs. On estime que l’utilisation de ces formes d’énergie performantes a permis d’épargner un travail inutile à près de 165 000 personnes. Soit, peu ou prou, la population urbaine totale de la Hollande à cette époque. Ces gens se sont donc retrouvés libres de se consacrer à d’autres activités plus utiles, comme les arts ou les sciences... La disponibilité en énergie a donc été la cause première de cet essor : l’Âge d’Or hollandais est bien « né de la tourbe et des moulins à vent »1. L’ère du charbon a succédé à celle de la tourbe. Puis est venue celle de l’énergie vraiment pratique : pétrole et gaz naturel. Entretemps, la machine à vapeur avait rendu l’énergie mécanique facile à utiliser. 1. Ce fait est bien documenté, et l’utilisation de vieilles archives a permis d’établir des chiffres précis. Voir, par exemple, « De Gouden Eeuw uit turf geboren » (L’Âge d’Or né de la tourbe) par J.W. de Zeeuw, Spiegel Historiael, décembre 1979, pp. 686-692, et « Energiemarkten en energiehandel in Holland in de late Middeleeuwen » (Marchés et commerce de l’énergie à la fin du Moyen-Âge) par C. Cornelisse ; éd. Verloren, 2008.
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
C’est elle qui permettra bientôt la révolution industrielle. L’énergie est devenue de plus en plus commode et de plus en plus abordable. Le monde industrialisé était né… non pas de la tourbe, mais du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Quelques chiffres permettent de mesurer à quel point notre énergie actuelle est bon marché. Prenons notre consommation domestique d’électricité. Dans un pays comme la France, un foyer moyen consomme l’équivalent de plus de 500 watts (W) en continu, en moyenne jour-nuit : l’équivalent de cinq lampes de 100 W allumées sans arrêt. On obtient cette électricité très facilement en se branchant simplement sur une prise murale : c’est ainsi que fonctionnent nos réfrigérateurs, lave-linge, lave-vaisselle, télévisions et chaînes hi-fi… ou que l’on recharge les batteries de nos ordinateurs, de nos téléphones portables et de nos iPad. Quel effort devrionsnous faire pour générer ces 500 W par nous-mêmes, en pédalant sur un vélo d’appartement équipé d’un générateur électrique ? Nous serions incapables de créer suffisamment d’énergie à nous tout seuls. Comme nous le verrons plus loin, il faudrait cinq personnes pédalant sans relâche. Et si nous limitions la journée de travail à huit heures, nous aurions besoin de 15 cyclistes. D’une certaine manière, chaque ménage dispose d’une quinzaine de serviteurs imaginaires employés à nous fournir en électricité… Et pour quel prix ? Moins de trois euros par jour. Une sacrée affaire si l’on pense à ce que coûteraient ces 15 domestiques ! Mais, subitement, au XXIe siècle, nous voici confrontés à la perspective de l’épuisement des carburants fossiles. Sont-ils condamnés à s’épuiser comme n’importe quelle ressource naturelle ? Ne pourrions-nous pas simplement remplacer ou recycler ces carburants ? Certainement pas. L’énergie est intrinsèquement différente des ressources « ordinaires ». Prenons l’exemple du cuivre. Si nous arrivions à cours de cuivre, nous pourrions nous tourner vers d’autres métaux comme l’aluminium, qui serviraient de conducteurs et pourraient remplacer le cuivre des câbles électriques. 22
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LE CAS (VRAIMENT) PARTICULIER DE L’ÉNERGIE
Si nous arrivions à cours d’acier, nous pourrions dans la plupart des cas le remplacer par de nouveaux matériaux synthétiques résistants. Et dès que ce serait nécessaire, nous irions faire un tour à la décharge ou chez le ferrailleur pour recycler nos vieux objets. Après tout, ces matériaux ne disparaissent jamais de la surface de la Terre : ils peuvent donc toujours être récupérés. Malheureusement, ce n’est pas vrai pour les carburants fossiles. Une fois consommés, ils disparaissent. Leur chaleur s’est échappée dans l’espace. Il faudra des millions d’années à la nature pour en reconstituer le stock. La plupart des pénuries peuvent être évitées tant qu’on dispose d’énergie. Que se passerait-il si l’on venait à manquer d’eau douce ? Il suffirait de construire une usine de désalinisation pour transformer l’eau de mer en eau potable. Ou, si les choses tournent mal, nous pourrions envisager de remorquer un iceberg depuis l’Arctique jusqu’à l’Europe ou l’Afrique. Ces scénarios sont réalisables, pourvu que nous ayons suffisamment d’énergie. Mais sans elle, rien n’est possible. C’est ce qui fait du cas de l’énergie un cas vraiment particulier.
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2 De quoi l’énergie est-elle le nom ? L’énergie n’a-t-elle qu’un visage ? Une balle rebondissante, c’est un transformateur ?
Ma plaque de cuisson est-elle aussi efficace que le moteur d’une Twingo ?
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L’ÉNERGIE SOUS TOUTES SES FORMES
L
’ÉNERGIE EST UN CONCEPT DIFFICILE À SAISIR. On la rencontre sous de nombreuses formes : énergie cinétique, énergie potentielle, énergie mécanique, énergie électrique, énergie chimique et chaleur. Toutes ces formes ont le pouvoir de se transformer l’une en l’autre, régies par une loi universelle : le principe de conservation de l’énergie, selon lequel la quantité totale d’énergie se conserve1. Le produit final de ces transformations est pratiquement toujours de la chaleur. Prenons l’exemple d’une balle rebondissante. En l’air, elle possède une énergie potentielle (de nature gravitationnelle). Juste avant d’entrer en contact avec le sol, toute son énergie potentielle s’est vue convertie en énergie cinétique. La balle s’écrase sur le sol comme un ressort, et la plupart de son énergie est convertie en énergie potentielle (qui est alors de nature élastique). Seule une petite portion de cette énergie se transforme en chaleur lors du premier rebond. Mais au final, quand la balle a terminé sa course, toute son énergie a été convertie en chaleur. On retrouve ce phénomène un peu partout. Prenons une chaîne hi-fi, qui tire son énergie d’une prise électrique. Une proportion importante de cette énergie est convertie en chaleur par l’amplificateur, qui chauffe. Au niveau des enceintes, l’énergie qui n’est pas libérée sous forme de son se trouve aussi convertie en chaleur. Et au bout du compte, même la fraction musicale d’énergie atterrit sur les murs, où elle est absorbée et convertie en chaleur. Ici comme pour la balle, toute l’énergie extraite de la prise devient au final de la chaleur. Le processus inverse – convertir la chaleur en une autre forme d’énergie – est moins facile. Dans une machine à vapeur ou un moteur, seule une partie de la chaleur est convertie en énergie mécanique. La chaleur résiduelle est perdue. Il existe une limite supérieure au rendement possible pour ce type de conversion, qui est donnée par une loi physique. Cette limite est entièrement définie par la plage de
1. Plus précisément, le principe de conservation de l’énergie stipule que l’énergie totale d’un système isolé est invariante au cours du temps dans un référentiel inertiel.
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DE QUOI L’ÉNERGIE EST-ELLE LE NOM ?
température du processus. Pour être précis, le rendement maximal possible pour un processus cyclique vaut : 1 – Tinf /Tsup. C’est l’« efficacité de Carnot ». Ici, les températures Tinf et Tsup sont exprimées en kelvins : elles sont mesurées sur l’« échelle de température absolue » qui a pour origine le zéro absolu. Elles valent donc 273 degrés de plus que la température en degrés Celsius. Tinf représente la température la plus basse du cycle (souvent celle de l’eau du circuit de refroidissement) et Tsup la plus haute (celle de la vapeur pour une machine à vapeur). Un rendement élevé suppose un rapport Tinf /Tsup aussi petit que possible. Dans la pratique, pour des raisons de commodité, la température inférieure est souvent la température ambiante (300 K). La température supérieure est limitée par les propriétés de l’équipement utilisé, qui risque de tomber en panne si elle est trop élevée. Cela ne fait donc aucun doute : un moteur thermique a un rendement bien inférieur à 100 %. Il est de l’ordre de 25 %. Maintenant que nous avons fabriqué de l’énergie mécanique, nous pouvons actionner un générateur pour la transformer en énergie électrique avec un rendement bien meilleur, qui peut théoriquement atteindre 100 %. Le processus inverse est possible : la conversion d’énergie électrique en énergie mécanique, avec un moteur électrique. Aucune loi physique n’interdit un rendement de 100 %.
ÉNERGIE, TRAVAIL, CHALEUR Un peu de sport ! Quand on frappe une balle de squash, elle acquiert de l’énergie. À son tour, elle est alors capable de fournir un travail en utilisant cette énergie. Elle peut par exemple casser une vitre, comprimer un ressort ou percuter une deuxième balle. Travail et énergie sont donc interchangeables. Ils ont donc la même unité : le joule (qui rime avec cool) dont le symbole est J. Cette unité s’accorde à merveille avec le système métrique international d’unités, au même titre que le mètre,
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le kilogramme ou la seconde. Plus précisément, une énergie d’un joule correspond à une unité de force (un newton, N) multipliée par une unité de distance (un mètre, m). Autrement dit : 1 J = 1 N m. Au final, le travail comme l’énergie finissent en chaleur : après quelques minutes de jeu, notre balle de squash s’échauffe sensiblement. L’unité de chaleur est donc aussi le joule. La calorie (une unité ancienne et dépassée) correspond à peu près à 4,2 joules. Une kilocalorie (kcal, parfois écrite simplement Calorie) correspond donc à 4,2 kJ. PUISSANCE La vitesse à laquelle on effectue un travail, on consomme de l’énergie ou on produit de la chaleur s’appelle la puissance. On l’exprime en joules par seconde, auxquels on a donné le petit nom de « watts ». Leur symbole est W. Autrement dit : 1 W = 1 J/s. En sens inverse, 1 joule = 1 watt pendant une seconde (un wattseconde). C’est un peu le même principe que l’homme-heure, qui correspond au travail effectué par un être humain en une heure. Ou que le kilowattheure (kWh) que l’on connaît bien puisque c’est l’unité de nos factures d’électricité. On fait le calcul ainsi : la vitesse à laquelle tourne le compteur électrique est proportionnelle au nombre de watts en service chez nous. Prenons un appareil de 1 000 W (un aspirateur, par exemple). En une heure, il consomme 1 000 wattheures, soit 1 kWh. C’est l’unité qui apparaîtra sur notre facture. On peut la convertir en unité d’énergie standard (le joule) en remarquant que 1 kWh correspond à 1 000 W sur une période de 3 600 s, soit 3 600 000 Ws ou 3,6 millions de joules, ou encore 3,6 mégajoules (MJ). Il en va de même pour la chaleur : une allumette, par exemple, a une chaleur de combustion d’environ 2 000 joules. Si elle brûle en 20 secondes, elle consommera 100 J/s et produira donc 100 J/s de chaleur, soit 100 W. On entend parfois parler de « watts par seconde » ou de « kilowatts par heure » comme unités de puissance. Ça n’a évidemment aucun sens, puisque les watts sont déjà définis par unité de temps. Ce serait comme de donner la vitesse d’un bateau en « nœuds par heure » : un nœud correspond déjà à un mile par heure.
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En pratique, les valeurs sont un peu plus basses : un moteur ou un générateur presque parfait n’est pas économiquement rentable. Et puis, il y a toujours un peu de frottement. Un moteur bas de gamme est en général bien moins efficace, comme le montre la chaleur qu’il libère. On peut attendre des rendements de 90 %. Ceci dit, la conversion entre énergie électrique et énergie mécanique et possible dans les deux sens avec des rendements pouvant atteindre 99 %. C’est le cas, par exemple, du moteur électrique utilisé dans le véhicule solaire « Nuna » qui a remporté quatre fois d’affilée le défi solaire mondial (World Solar Challenge) en Australie en 2001, 2003, 2005 et 2007. C’est le cas aussi de son successeur japonais « Tokaï », vainqueur en 2009 et 2011. TOUILLER LA SOUPE Ce qui suit en surprendra plus d’un... Prenons une bonne marmite de soupe, de pot-au-feu, de waterzooï ou de n’importe quelle recette qui demande d’être mélangée avec vigueur. Où part notre énergie musculaire ? D’après la loi de conservation de l’énergie, elle aboutit forcément quelque part. Quand on fait le tour de la question, on voit qu’il n’y a qu’une possibilité : toute cette énergie sert à chauffer la nourriture. Et pourtant, on voit à peine la température monter ! On sent intuitivement qu'il faut beaucoup plus d'énergie pour cuire les aliments que pour les mettre en mouvement. Pourtant, nombreux sont ceux qui croient qu’une lampe ou qu’un petit moteur électrique (un ventilateur, un rasoir électrique…) consomment plus qu'un chauffage. La loi de conservation de l’énergie les contredit : ce n’est pas le mouvement ou la lumière qui nous indique ce qui consomme de l’énergie, c’est avant tout la chaleur. Il faut se baser sur elle pour estimer notre consommation d’énergie.
Le tableau 1 récapitule le rendement atteint par plusieurs processus de conversion. Le rendement R se définit comme le rapport entre l’énergie sous sa forme utile et l’énergie totale utilisée au cours du 29
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Tableau 1 | Mécanismes de conversion d’énergie : quelques ordres de grandeur de rendements
Mécanisme de conversion
Rendement R (%)
Énergie mécanique ↔ Électricité Générateur, dynamo Moteur électrique
80-99 80-99
Chaleur → Énergie mécanique : R < 1 – Tinf /Tsup Turbine à vapeur Moteur diesel Moteur à essence Moteur Stirling
40-60 30-35 20-25 30
Chaleur → Électricité : R < (1 – Tinf /Tsup) × Rméca→él Turbine gaz-vapeur (cycle combiné)1 Centrale électrique Courant tiré de la prise Énergie mécanique → Chaleur Par frottement Pompe à chaleur2 Chaleur → Chaleur Cuisinière à gaz Plaque électrique, plaque à induction : 35 % × 70 % = Chauffage central (au gaz, valeur haute) Rayonnement solaire → Chaleur (capteurs solaires) Rayonnement solaire → Électricité Cellules photovoltaïques du commerce Cellules multicouches de laboratoire
~ 58 maximum 40 en moyenne 35 100 300-500 50 25 95 20-70 12-17 43 maximum
Rayonnement solaire → Biomasse (photosynthèse)
0,2-5
Nourriture → Énergie mécanique (muscles)
20-25
1. Il s’agit d’une turbine à gaz actionnée directement par la combustion de gaz naturel. La vapeur produite en sortie par les gaz chauds entraîne une turbine à vapeur. 2. Le cas de la pompe à chaleur est très particulier : voir paragraphe « Les sources de chaleur », chapitre 4.
processus de conversion. Dans le cas des centrales électriques, on fait l’hypothèse que la chaleur libérée dans le système de refroidissement reste inutilisée. Pour les appareils électriques (comme une plaque de 30
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cuisson), le rendement de la centrale électrique a été intégré, estimé à 35 %. C’est une valeur raisonnable qui prend en compte les centrales à charbon, au gaz naturel, au pétrole et à l’uranium. Ce facteur ne doit bien sûr pas être utilisé quand l’énergie est générée en direct, comme pour une éolienne ou un panneau solaire. Dans le cas de la conversion d’énergie solaire en biomasse, c’est la moyenne annuelle qui est prise en compte, ce qui revient à étaler la récolte sur l’année entière. Le rendement du processus de photosynthèse dépend de nombreuses variables, que nous passerons en revue dans le 2e tome.
Ce qu’il faut retenir sur la nat u r e d e l’ én er gie ✓ On trouve l’énergie sous de nombreuses formes, parmi lesquelles travail et chaleur. Son unité de mesure habituelle est le joule (J). ✓ Les différentes formes d’énergie peuvent être converties l’une en l’autre. La loi qui gouverne ces processus est la loi de conservation de l’énergie. Elle stipule que la quantité totale d’énergie reste constante au cours de ces transformations. ✓ Le produit final d’une série de conversions est presque toujours de la chaleur. ✓ L’énergie n’est jamais consommée à proprement parler. Elle est seulement convertie. ✓ Dans le système international d’unités, la conversion d’énergie par unité de temps s’exprime en watts (W). 1 W = 1 J/s. Elle correspond à une puissance. ✓ Un kilowattheure (kWh) est une unité bien pratique pour mesurer l’énergie. Elle correspond à une heure (3 600 secondes) de conversion d’énergie, à une puissance de 1 kW (soit 1 000 W). L’unité officielle de mesure du temps étant la seconde, on a donc : 1 kWh = 3,6 MJ.
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3 L’énergie humaine
Quel genre de radiateur sommes-nous ? Qui est le plus gourmand : mon cœur ou mon
cerveau ?
Combien de chevaux dans le moteur humain ? Comment le corps fait-il pour maintenir sa température
?
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T
ECHNIQUEMENT PARLANT, les hommes sont des moteurs. À ceci
près qu’il est impossible de les arrêter. Même au repos, nous consommons de l’énergie. Nous « tournons au ralenti », en quelque sorte, et nous devons consommer en permanence un petit peu d’énergie pour maintenir le système en marche. Notre cœur, par exemple, consomme en continu quelques watts pour faire circuler le sang dans nos veines.
A. LE CŒUR ET LE CERVEAU On peut s’amuser à estimer plus précisément l’énergie qu’il faut à notre cœur pour faire circuler notre sang. Chaque battement de cœur propulse un volume de sang d’environ 120 mL. La différence de pression sanguine est de l’ordre de 6 kPa (les médecins parlent plutôt de 50 mm de mercure, puisque pour des raisons historiques, ils utilisent toujours cette ancienne unité). Le produit de ces deux nombres nous donne l’énergie d’un battement de cœur : environ 0,7 J. La fréquence cardiaque étant légèrement supérieure à un battement par seconde, on trouve une puissance mécanique de 0,8 W. Supposons que le rendement des muscles du cœur soit de l’ordre de 25 % : la puissance totale consommée par notre cœur pour fonctionner est de l’ordre de 3 W. Soit à peu près 3 % de notre consommation totale d’énergie au repos, comme nous le verrons. Et notre cerveau ? Estimer sa consommation énergétique n’est pas chose facile, mais elle a pu être mesurée en laboratoire... Et on s’est rendu compte qu’il consomme plus d’énergie que n’importe quel autre organe humain : jusqu’à 20 % de la consommation totale ! D’après le journal Scientific American1, une étude publiée dans la revue de l’Académie des Sciences américaine indique que deux tiers du budget énergétique du cerveau permettent aux neurones d’envoyer
1. Numéro du 28 avril 2008.
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et de recevoir des signaux. Le dernier tiers est utilisé pour la « maintenance », c’est-à-dire l’entretien des cellules. Revenons au corps dans sa globalité. Pendant un effort physique, notre consommation énergétique augmente. Notre efficacité a ses limites : une partie de l’énergie est convertie en chaleur. Intéressonsnous séparément à ces deux formes d’énergie : chaleur et travail.
B. CHALEUR HUMAINE Quel genre de radiateur sommes-nous ? Pour s’en faire une idée, on peut comptabiliser notre ration quotidienne de nourriture. À l’âge adulte, pour une activité physique normale, nous consommons environ 10 000 kilojoules par jour (soit 2 à 3 000 kilocalories, si on utilise cette ancienne unité). Si notre métabolisme fonctionne bien et que notre poids ne varie pas, toute cette nourriture finit par être convertie en chaleur. Et cela tout au long de la journée, soit pendant 24 × 3 600 secondes. Cela signifie que nous produisons un peu plus de 100 J de chaleur par seconde, soit 100 W. Athlètes de haut niveau et grands sportifs à part, nous arrivons donc à la conclusion suivante :
Un être humain est un radiateur de 100 W. Ainsi, 1 000 personnes réunies dans une salle de spectacle fournissent la puissance d’un chauffage de 100 kW. Il va sans dire que le système d’air conditionné doit tenir compte de cet apport massif de chaleur. En plein effort physique, cette valeur de 100 W augmente bien entendu. Nous le verrons en détail plus loin. Amusons-nous à regarder la consommation énergétique d’un adulte sous différentes facettes. On peut l’exprimer en consommation équivalente de pétrole ou d’essence, par exemple. L’énergie de combustion de ces carburants est de 40 000 kJ par kg1 : en termes 1. Voir « Données de référence » en début d’ouvrage.
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d’énergie, un quart de kilogramme nous permettrait donc de vivre une journée entière. Si le pétrole était savoureux et digeste, un verre par jour suffirait donc à nous nourrir. C’est ce que consomme en deux minutes une voiture lancée à 120 km/h sur autoroute. Vu sous cet angle, le corps humain est une machine plutôt efficace. Revenons à un régime normal. De tous les aliments que nous mangeons (glucides, protéines et graisses), les graisses ont la plus grande énergie de combustion. Et comme elles ne sont, à la louche, rien d’autre qu’une sorte de pétrole épais, leur énergie de combustion est sensiblement identique. Cela signifie que nous pourrions vivre avec l’énergie de ¼ kg de graisse par jour. À l’inverse, si nous cessions de manger, nous brûlerions ¼ kg de graisse par jour pour produire notre énergie. Les produits amincissants miracles qui nous font croire que l’on peut perdre plus ne sont donc pas crédibles – a fortiori si on continue à s’alimenter normalement.
C. TRAVAIL PHYSIQUE Combien de watts de puissance mécanique un être humain peutil développer ? Bien évidemment, le « moteur humain » n’a rien à voir avec celui d’une voiture. On s’en rend vite compte quand on essaie de pousser une voiture ! On peut donc s’attendre à une puissance humaine nettement plus faible que celle d’un moteur automobile – typiquement 50 kW pour une voiture moyenne. Mais quelle est sa valeur : 10 W, 100 W, ou 1 kW (la puissance d’un aspirateur) ? C’est étonnamment facile à estimer, quand analyse quelques exercices simples et réguliers comme gravir quelques marches ou faire du vélo. Dans les deux cas, nous utilisons les mêmes muscles et le mouvement de nos jambes est similaire. Le cas des marches est plus simple à calculer, puisque l’effort consiste essentiellement à augmenter notre énergie potentielle dans le champ gravitationnel terrestre. Tout ce que nous avons besoin de connaître, c’est notre poids, la 36
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hauteur des marches et la vitesse de montée. Prenons une marche par seconde, ce qui est raisonnable pour une montée un peu longue. Si cette valeur vous semble basse, pensez à un trek en montagne : une marche par seconde correspond à un dénivelé vertical de 500 mètres par heure, ce qui est déjà un effort louable. Quand on fait le calcul pour un individu de 70 kg, on trouve environ 100 W (voir encadré). Nous arrivons donc à la conclusion suivante :
Un être humain en effort continu est un moteur de 100 W. C’est la même valeur que la production de chaleur que nous avons estimée pour un individu au repos. Mais nous parlons ici d’énergie purement mécanique. L’énergie totale utilisée par le corps est bien supérieure, car le rendement de nos muscles est loin de valoir 100 %. En plein effort, bien plus de 100 W sont libérés en chaleur (voir le prochain paragraphe).
MONTER LES MARCHES L’énergie potentielle que l’on acquiert en gravissant un dénivelé h dans le champ de gravité terrestre est égale à m g h, où m est notre masse et g (≈ 10 m/s²) l’accélération de la gravité (m g représente notre poids en newtons). Imaginons-nous au Festival de Cannes et gravissons le tapis rouge. Supposons que les célèbres marches soient hautes de 15 cm et que nous pesions 70 kg : le travail à accomplir par marche pour atteindre le Palais des Festivals est : m g h = 70 kg x 10 m/s² x 0,15 m = 105 J. Si on monte à une vitesse d’une marche par seconde, la puissance est alors : P = 105 J/s, soit 105 W. La puissance mécanique d’un individu fournissant un travail est donc typiquement de l’ordre de 100 watts. Qu’il soit célèbre ou non !
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Ces 100 W ne sont pas grand-chose. On s’en rend vite compte quand on essaie de fabriquer de l’énergie en pédalant sur un vélo équipé d’un générateur. Pas la peine de s’inquiéter du rendement de la conversion de l’énergie mécanique en énergie électrique : son rendement peut être élevé, de l’ordre de 90 % (voir tableau 1). Pour simplifier, prenons un rendement de 100 %. En passant 10 heures à pédaler, nous aurons seulement produit 100 W × 10 h = 1 000 Wh ou 1 kWh d’énergie… L’équivalent de ce que nous pouvons acheter pour moins de 0,2 € en nous branchant au secteur1 ! Même si l’électricité peut paraître chère, s’épuiser sur un vélo d’appartement pour la produire n’est pas une alternative sérieuse.
D. RÉGULER NOTRE TEMPÉRATURE CORPORELLE En plein effort physique, quand nous courrons après un train ou que nous traversons la ville à vélo par exemple, nous ne produisons pas seulement de l’énergie mécanique, mais aussi beaucoup de chaleur. Nos muscles sont incapables de convertir les nutriments en énergie mécanique avec un rendement de 100 %. Comme le moteur d’une voiture, nous transformons la plupart de l’énergie en chaleur. Le rendement réel de nos muscles dépend du type de travail fourni. Il est bien moins efficace, par exemple, de soulever des objets lourds que de monter des marches ou de pédaler. Ces deux dernières activités ont des rendements de l’ordre de 25 %, ce qui veut dire que 75 % (trois fois la valeur utile) sont libérés en chaleur. Alors, comment faisons-nous pour maintenir notre corps à une température constante et confortable ? Nous pourrions changer constamment de vêtements. Ce qui, en plus d’être peu pratique, ne marcherait que
1. Pour la petite histoire, la prison de Santa Rita do Sapucaí au Brésil, propose à ses détenus de réduire leur peine d’une journée en échange de trois jours passés à pédaler sur des vélos électriques reliés à des batteries qui alimentent quelques lampadaires !
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quand la température de l’air serait inférieure à celle de notre corps, soit 37°. Pour maintenir constante notre température corporelle, nous devons ajuster en permanence la chaleur produite avec la chaleur libérée. Dès que nous nous mettons en action, nous produisons plus de chaleur : nous devons donc en évacuer plus. Il existe trois mécanismes pour évacuer la chaleur et refroidir le corps : la conduction thermique avec l’air ambiant, le rayonnement et l’évaporation. Mentionner ici le rayonnement peut sembler saugrenu : on ne voit jamais personne briller en plein effort ! Malgré tout, ce mécanisme est presque aussi important que la conduction, même s’il reste invisible
ON SE BOUGE ! En plus d’être sympa, le sport est un bon moyen pour soigner sa ligne. Mais peut-on quantifier l’effet d’un peu d’exercice sur notre poids ? Pour répondre simplement à cette question, prenons le cas d’une randonnée ou d’une balade à vélo, toutes deux comparables en termes d’activité musculaire. Que se passe-t-il quand on monte un escalier ? Gravir un étage demande à peu près 2,5 kJ d’énergie mécanique (voir l’encadré « Monter les marches »). Le rendement musculaire étant de 25 %, il faut au total quatre fois plus d’énergie, soit 10 kJ. C’est à peu près 0,1 % de notre ration quotidienne. Pour franchir un col à 1 000 m d’altitude – soit à peu près 300 étages – il faudra donc 3 000 kJ, soit 30 % de notre ration quotidienne : l’équivalent d’un repas supplémentaire. Et en termes de poids ? Comme on vient de le voir, un exercice à 3 000 kJ revient à sauter un repas. Connaissant l’énergie de combustion des lipides, nous savons que 3 000 kJ correspondent à la combustion de 75 g de graisse. En répétant l’exercice tous les jours pendant deux semaines sans manger plus que d’habitude, on perdra au final environ 1 kg. Ceux qui croient en avoir perdu plus n’ont sans doute simplement pas bu assez !
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car il a lieu dans une bande du spectre électromagnétique invisible à nos yeux. La longueur d’onde en jeu est de l’ordre de 10 micromètres (soit 0,01 mm), tandis que nos yeux ne peuvent détecter que les longueurs d’onde comprises entre 0,4 et 0,8 micromètres.
LE PROFIL DE TEMPÉRATURE AU CONTACT DE LA PEAU À la maison, dans une pièce de vie ordinaire, la température est quasiment homogène même quand il fait froid dehors. C’est parce que l’air à la possibilité de circuler librement pour homogénéiser les différences de température. L’air se met en mouvement de lui-même dès qu’une différence de température apparaît : l’air chaud monte, circule le long du plafond jusqu’à l’autre bout de la pièce où il remplace l’air frais. On parle de « convection libre ». Ce mécanisme rend la température de la pièce relativement homogène par brassage. Mais regardons-y de plus près. La convection ne permet pas à l’air de traverser les murs ou les fenêtres, ni notre peau. L’air peut seulement s’écouler parallèlement à une surface imperméable, et il ne peut transporter la chaleur au travers de cette surface. Il se comporte donc comme une couche d’air au repos. Cela fait apparaître un saut de température au contact de notre peau. C’est ce que montre la figure ci-contre. Pourquoi un tel saut ? La raison se cache dans la mauvaise conductivité thermique de l’air comparée à celle de la peau (ou à celle du verre ou du béton, d’ailleurs). Il est bien plus difficile de maintenir une différence de température dans la peau que dans l’air. Pour plus de précision, on peut utiliser l’équivalent de la loi d’Ohm des électriciens (ΔV = I R où ΔV est la différence de potentiel, I le courant électrique et R la résistance). Dans notre cas, elle devient : ΔT = J Rth : la différence de température est égale au flux de chaleur J multiplié par la résistance thermique Rth. Ainsi, si le flux de chaleur est identique dans les deux milieux, la différence de température
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Peau
Air (mauvais conducteur thermique)
Température
(bon conducteur thermique)
d Distance Figure 2 | Profil de température à l’interface entre notre peau à gauche (bon conducteur thermique), et l’air à droite (mauvais conducteur). Au-delà d’une certaine distance d, la température est homogénéisée par convection.
sur la couche de plus grande résistance thermique (l’air) est plus grande que sur une couche d’égale épaisseur dans un matériau plus conducteur (la peau). La pente abrupte du profil de température dans l’air n’est valable que là où l’air circule parallèlement à la peau (d sur la figure). En pratique, cette zone mesure 3 mm quand l’air est au repos. Elle rétrécit s’il y a du vent. Dans ce cas, le gradient de température augmente encore et le flux thermique par conduction également. Nous avons donc plus froid, malgré une température extérieure constante. Bien sûr, il est possible d’agrandir artificiellement cette couche en mettant un bon pull. On retrouve ce type de profil de température dans de nombreux cas, par exemple contre une vitre (voir figure 6).
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Et le vent ? Ne contribue-t-il pas à nous rafraîchir ? On pourrait être tenté de voir son effet comme un mécanisme à part entière. En fait, la seule chose que le vent fait, c’est d’amener l’air frais plus près de notre corps. Cet air ne peut traverser notre peau, qui n’est pas perméable. Il peut seulement circuler le long d’elle. En termes de transport de chaleur, c’est comme s’il existait une couche d’air immobile en contact avec notre corps (voir encadré « Le profil de température au contact de la peau »). Au bout du compte, c’est donc le phénomène de conduction qui prend le dessus dans les derniers millimètres. Quand il fait froid et que le vent souffle, on se refroidit bien plus vite que par temps calme. On parle parfois de « température ressentie ». C’est une donnée importante pour les cyclistes, les marins et les skieurs. Mais pas pour le système de chauffage d’une voiture garée sur un parking en plein hiver, qui mesure simplement la température réelle de l’air. Quelle est la nuance, alors ? Physiquement, il n’y a aucune différence de température suivant qu’il y ait ou non du vent. L’explication vient du fait que le corps humain est une source de chaleur, qui maintient sa température autour de 37 °C, généralement au-dessus de la température ambiante. Notre corps perd donc de la chaleur. La perte est assez faible en l’absence de vent, puisque nous sommes enveloppés de cette couche d’air isolante que nous venons d’évoquer et qui joue un peu le rôle d’un pull. Cette couche d’air limite les pertes de chaleur au niveau de la peau. Mais le vent vient la décoller pour la remplacer par de l’air frais. En termes scientifiques, le gradient de température au voisinage de notre peau augmente : les pertes thermiques sont plus importantes. La peau se refroidit, comme si la température était plus fraîche en l’absence de vent. La « température ressentie » est donc la température qui entraînerait la même perte de chaleur en l’absence de vent que ne le fait la température réelle dans les conditions de vent données. Imaginons qu’il fasse 0 °C et que le vent souffle à 25 km/h : on dirait qu’il fait – 11 °C. À 50 km/h, on ressentirait – 17 °C ! Bien sûr, on retrouve le même phénomène 42
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Taux de production d’énergie et de chaleur (en watts)
en l’absence de vent si on se déplace à vélo (ou en ski) à une vitesse donnée. Mais attention : ces valeurs dépendent de paramètres comme le type de vêtements portés. Les valeurs données habituellement correspondent à un homme habillé en soldat. La raison en est simple : c’était, historiquement, un cas de figure important… Pour conclure, au voisinage de notre peau – ou de tout autre solide – le phénomène de convection est négligeable : conduction et rayonnement sont les deux seuls vrais mécanismes de transfert de chaleur. Nous expliquerons plus en détail les mécanismes de conduction, de convection et de rayonnement au chapitre 4. Arrêtons-nous un instant pour réfléchir. Tout ce que nous venons de décrire ne nous explique pas comment ces mécanismes servent à réguler notre température. La conduction et le rayonnement sont complètement conditionnés par la différence de température entre
Chaleur évacuée par évaporation
Chaleur évacuée par rayonnement + conduction
Taux de travail musculaire (en watts)
Figure 3 | Taux indicatifs de production d’énergie, de production de chaleur et de chaleur évacuée par un adulte en plein effort. Comme le rayonnement et la conduction sont à peu près constants, c’est l’évaporation qui est notre planche de salut.
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notre corps et le monde extérieur. Ils sont gouvernés par les lois de la physique : notre corps n’a pas la possibilité de les ajuster. Heureusement, il y a aussi l’évaporation… que notre organisme est capable d’influencer en régulant automatiquement la quantité de sueur produite. Pour comprendre le phénomène, imaginons-nous au début d’un exercice. Une ballade à vélo, par exemple. La figure 3 indique l’évolution de plusieurs formes l’énergie et de chaleur. La puissance musculaire est donnée par l’axe horizontal. La production totale d’énergie et la chaleur produite par seconde se retrouvent sur l’axe vertical (sur une échelle adaptée). En l’absence de travail, elles valent toutes les deux 100 W. Dès que l’effort commence, la production totale d’énergie augmente à peu près quatre fois comme le travail effectué. Ce qui s’explique par le rendement musculaire que nous avons fixé ici à 25 %. La chaleur produite correspond à l’énergie totale produite moins le travail effectué. La chaleur évacuée se divise ici en deux composantes. La surface du bas représente la chaleur évacuée par conduction et rayonnement. Ce transport de chaleur est pratiquement constant, notre température corporelle restant stable à 37 °C. Il augmente très légèrement en début d’exercice, quand l’intensification du flux sanguin fait monter légèrement la température de la peau. Elle ne dépasse toutefois jamais la température intérieure de notre corps, soit 37 °C. L’évaporation est donc notre planche de salut. Elle joule le rôle clé dans le mécanisme (plutôt subtil) de thermorégulation, qui permet de maintenir notre température. Elle est particulièrement efficace, l’évaporation de l’eau étant très gourmande en énergie. Pensez à votre bouilloire, posée dans la cuisine. S’il faut, mettons, 5 minutes pour que l’eau atteigne son point d’ébullition, il lui faudra sans doute 20 à 30 minutes pour s’évaporer complètement. Pourtant, tout au long de ce processus, l’apport de chaleur reste quasiment constant. Il faut à peu près cinq fois plus de chaleur pour faire évaporer une certaine quantité d’eau que pour l’amener à 100 °C ! 44
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L’ÉNERGIE HUMAINE
Chez les chiens, la thermorégulation pose un vrai problème. Leur pelage gêne l’évaporation, et seule une respiration accélérée leur permet d’éliminer la chaleur. Les chiens halètent donc pour se rafraîchir. Ceux qui aimer nager dans une eau bien chaude peuvent en prendre dans la graine. Dans ce cas, plus d’évaporation. Quand l’eau dépasse les 37 °C, la conduction et le rayonnement sont également inefficaces. Seule la petite partie du corps qui dépasse de l’eau est capable d’assurer le refroidissement. C’est la raison pour laquelle il n’est pas conseillé de tenter de battre le record du monde de nage longue distance dans ces conditions : le corps risque la surchauffe.
Ce qu’il faut retenir sur l ’én er gie h u main e ✓ Le contenu énergétique de notre ration quotidienne de nourriture correspond à peu près à un verre de pétrole (¼ litre) par jour ! ✓ Un adulte est un radiateur d’une puissance de 100 watts, soit 100 joules par seconde. ✓ En plein exercice, nous produisons en continu l’équivalent du travail d’un moteur de 100 watts… et une chaleur supplémentaire d’environ 300 watts. ✓ L’évaporation est le mécanisme clé pour maintenir notre température corporelle. ✓ L’évaporation de l’eau est un processus étonnamment gourmand en énergie. Il faut environ cinq fois plus de chaleur pour évaporer une certaine quantité d’eau que pour l’amener à son point d’ébullition.
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4 L’énergie à la maison
Pomper la chaleur, ça veut dire quoi ? Pourquoi les bancs du sauna sont-ils toujours en bois ?
Vaut-il mieux utiliser une bouilloire, une casserole ou un four solaire pour préparer le thé ?
La douche est-elle vraiment plus écolo que le bain ? Quel appareil ménager est le plus énergivore ?
Gagnerait-on à s’éclairer à la bougie ? Pourquoi les ampoules à incandescence sont-elles si peu efficaces ?
Combien d’énergie pour fabriquer un kg de chaource
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A. L’APPROVISIONNEMENT EN ÉNERGIE DOMESTIQUE L’utilisation domestique d’énergie varie énormément d’un endroit de la planète à un autre. Quantitativement bien sûr, mais aussi par la nature de l’énergie utilisée. Dans les zones rurales des pays en développement, par exemple, le bois est souvent la principale voire la seule source d’énergie. La cuisine se fait au feu de bois et le chauffage est souvent inutile du fait du climat. La consommation électrique est basse et principalement destinée à l’éclairage. À l’opposé, l’électricité est la forme d’énergie domestique dominante dans les pays industrialisés, où elle alimente tout l’électroménager. À cette consommation électrique élevée s’ajoute celle d’énergie pour le transport (voir chapitre suivant) et la régulation thermique des habitations et des bureaux. Avec, ici aussi, de grandes disparités autour de la planète. Si la plupart des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord dépensent beaucoup d’énergie pour se chauffer, de nombreux pays en développement ont avant tout besoin de climatisation. Nous reviendrons sur ce point au paragraphe « Froid et climatisation ». Pour mieux comprendre la consommation résidentielle d’énergie dans nos pays industrialisés, regardons d’abord la situation aux PaysBas, qui a des points communs avec celle de la France. Dans la plupart des foyers, l’énergie est consommée sous forme de gaz naturel et d’électricité. Le graphe suivant montre comment la répartition entre ces sources a évolué entre 1980 et 2006 aux Pays-Bas. Notons que le nombre moyen de personnes par foyer a légèrement diminué sur cette période, aux Pays-Bas comme en France1. Avant d’analyser successivement la consommation hollandaise de gaz naturel et d’électricité, deux remarques s’imposent. – En 1980, le nombre de m3 de gaz naturel consommés par un foyer hollandais moyen était – complètement par hasard 1. D’après l’INSEE, le nombre moyen de personnes par ménage est passé en France de 2,9 en 1975 à 2,3 en 2005.
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4000
4000
Électricité 3000
2000
Cuisine
Eau chaude
2000
Chauffage 1000
1000
0 1980
Électricité (en kWh)
Gaz naturel (en m 3 )
3000
0 1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
Figure 4 | Consommation annuelle de gaz naturel (surfaces grisées, échelle de gauche) et d’électricité (courbe noire, échelle de droite) pour un foyer hollandais moyen, 19802006 (www.energie.nl).
puisque les échelles sont indépendantes – égal au nombre de kilowattheures (kWh) d’électricité : environ 3 000. Depuis, la consommation d’électricité est montée à 3 500 kWh par an (soit 10 kWh par jour). En revanche, la consommation de gaz naturel a fondu de moitié sur cette même période, atteignant 1 600 m3 (soit 5 m3 par jour). Cette évolution croisée est moins marquée dans le cas de la France, qui a vu progressivement diminuer la proportion de chauffage électrique après avoir massivement investit dans cette technologie dans les années 1970, comme nous le verrons plus loin. – Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le gaz naturel reste la principale source d’énergie aux Pays-Bas, malgré une consommation en très large baisse. Pour s’en convaincre, il faut comparer les deux formes d’énergie sous un angle équivalent. Convertir un m3 de gaz naturel en électricité donne environ 4 kWh (pour un rendement de 40 %, en supposant 49
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que la chaleur produite au cours de la conversion est totalement perdue, ce qui est vrai en l’absence de cogénération). Alors, ces 1 600 m3 de gaz naturel correspondent à 6 400 kWh, soit à peu près deux fois la consommation électrique. Regardons d’un peu plus près ce qui se cache derrière cette consommation de gaz naturel. Nous avons vu qu’elle a diminué entre 1980 et 2006. La part consacrée au chauffage a baissé spectaculairement grâce à une meilleure isolation des bâtiments et aux dispositifs à haute performance énergétique. En France également, on constate depuis 2000 une légère baisse de la consommation d’énergie pour le chauffage, attribuable à la meilleure qualité énergétique des habitations. À l’inverse, la part (plus petite) utilisée pour chauffer l’eau a légèrement augmenté en France comme aux PaysBas, tandis que celle (encore plus petite) consacrée à la cuisine est restée quasiment stable. On remarque en passant que chauffer l’eau demande toujours beaucoup d’énergie : en moyenne un quart de la consommation totale de gaz naturel. Ce n’est pas étonnant si l’on se souvient de ce qui a été dit plus haut sur la loi de conservation de l’énergie. L’encadré « Compter les flammes » ci-dessous donne une méthode simple pour estimer l’énergie engloutie par un robinet d’eau chaude.
B. CHAUFFAGE ET CLIMATISATION Quand on y réfléchit, ce n’est pas surprenant que le premier consommateur d’énergie du foyer soit le chauffage (au moins dans nos pays). Tous nos appareils électriques réunis – lampes, ordinateurs, télévision, chaîne hi-fi, aspirateur, etc. – ne suffiraient pas pour chauffer à eux seuls notre maison. Et pourtant, toute l’énergie qu’ils consomment finit en chaleur (si on met de côté quelques machines comme le lave-vaisselle et le lave-linge qui relâchent la plupart de leur chaleur dans les égouts, sous forme d’eau chaude). 50
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En clair, pour économiser de l’énergie en Europe, mieux vaut s’attaquer en premier lieu au système de chauffage. Règle numéro un : la chaleur doit être produite efficacement, ce qui suppose d’avoir une source de chaleur performante. Règle numéro deux : la chaleur produite ne doit pas être perdue inutilement, d’où la nécessité d’isoler convenablement les habitations. Penchons-nous sur ces deux points. Les sources de chaleur Même si d’importants progrès ont été faits pour améliorer l’efficacité des systèmes de chauffage au gaz, d’autres solutions plus performantes pourraient s’imposer à l’avenir. Mais, comme le gaz est la technique la plus répandue à ce jour, commençons par nous y intéresser. COMPTER LES FLAMMES Quel est le point commun entre une bougie, une allumette, une bouilloire et une vieille lampe à gaz ? Elles consomment toutes à peu près 100 watts d’énergie… et produisent donc toutes à peu près 100 watts de chaleur. Voilà un point de repère bien pratique : Une petite flamme représente environ 100 watts de puissance. Bien sûr, toutes les flammes ne sont pas identiques, toutes les bougies ne se valent pas. Mais cela donne un critère de comparaison pour estimer la puissance de notre électroménager. Commençons par la gazinière. Quelle est sa puissance ? Chaque bec de gaz contient entre 20 et 30 flammes. La puissance d’un bec doit donc tourner entre 2 et 3 kW. Quelques clics sur Internet et nous trouvons, pour une marque choisie au hasard, presque exactement ces valeurs : 1,75 kW pour un bec moyen, 2,7 kW pour le plus grand et 3,5 kW pour le « Wok burner ». Magnifique ! Les valeurs devraient être similaires pour une plaque électrique (et elles le sont !) puisque le temps de cuisson est comparable.
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Continuons notre exploration avec le robinet d’eau chaude, alimenté par une chaudière électrique ou au gaz. En regardant à l’intérieur d’une chaudière au gaz, on voit qu’elle contient à peu près dix rangées de dix flammes. Cela nous donne 100 flammes à 100 W chacune, donc une puissance de chauffage de 10 kW. Ça peut sembler beaucoup, mais en retournant sur Internet, la première chaudière sur laquelle on tombe affiche une puissance de 9,4 kW. Merci le critère-flamme ! Un chauffe-eau électrique ne pourrait pas fournir une telle puissance en continu : le fusible standard de 16 ampères sauterait immédiatement. Vérifions-le ensemble : on obtient la puissance en multipliant le courant par la tension. On trouve donc 16 A × 230 V = 3,7 kW. C’est bien trop faible pour fournir les 10 kW dont nous avons besoin. Une chaudière électrique est donc, en fait, une bouilloire : pour produire la même quantité d’eau chaude que sa concurrente au gaz, elle emmagasine la chaleur sur la durée. Et même ainsi, la douche chaude n’est pas garantie. Pour remplir rapidement la baignoire (ou prendre une bonne douche), il nous faut quelque chose de plus puissant qu’un chauffe-eau de cuisine. Peut-être 20 à 30 kW. Certains chauffages centraux sont même encore plus puissants, en fonction du logement. En conclusion, un robinet d’eau chaude consomme au minimum 10 kW d’énergie. C’est énorme. On peut faire la comparaison avec l’éclairage. Prenons une ampoule à incandescence traditionnelle de 50 W environ. Il en faudrait 200 pour atteindre la même puissance qu’une chaudière électrique moyenne. Et si on compare avec un éclairage basse consommation (tube fluorescent, ampoule basse consommation ou LED), on arrive à un facteur mille ! En résumé, sur la même durée, un robinet d’eau chaude consomme la même énergie que quelques centaines – voire un millier – de lampes allumées ! On peut aussi souligner que le gaz naturel est un combustible extraordinairement pratique pour les applications domestiques, surtout à forte puissance. Chauffer l’eau avec de l’électricité, par exemple, n’est pas si simple. Sans oublier que la conversion de chaleur en électricité au niveau de la centrale reste peu efficace (voir tableau 1, au chapitre 2).
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Le chauffage au gaz naturel : Les unités modernes de chauffage « à haute performance » sont effectivement très efficaces. Leur rendement élevé est dû, en premier lieu, à un échangeur qui récupère la chaleur des gaz d’échappement. Le principe de l’échangeur de chaleur est expliqué plus loin dans un encadré. Mieux encore : la vapeur d’eau produite peut être condensée pour récupérer de la chaleur. La combinaison de ces fonctions explique un rendement proche de 100 %. La France a la particularité d’avoir misé dans les années 1970 sur le chauffage électrique, à une époque où son parc de centrales nucléaires était en pleine expansion. Huit millions de foyers en sont toujours équipés. Cette technologie est souvent décriée pour ses effets négatifs sur le réseau et sa contribution importante aux pics de consommation hivernaux qui supposent de recourir aux centrales thermiques. À surface identique, un ménage français consomme 40 % de chauffage de plus qu’un ménage hollandais. Les pompes à chaleur : Aussi étrange que cela puisse paraître, il existe un moyen pour obtenir un rendement nettement supérieur à 100 %. Et sans violer le principe de conservation de l’énergie, bien sûr (ce qui est impossible !). Pour y parvenir, il faut déplacer l’énergie plutôt que de la convertir en chaleur. Le terme de « rendement » est alors un peu trompeur. On parle plutôt de de « coefficient de performance » (les anglais parlent de COP, pour coefficient of performance). Le COP correspond au quotient entre la quantité de chaleur déplacée et l’énergie utilisée dans le processus. Le truc, c’est qu’on peut souvent déplacer bien plus d’énergie qu’on en consomme en le faisant. Concrètement, pour comprendre ce qu’est une pompe à chaleur, on peut penser à son réfrigérateur. Son rôle, c’est de déplacer la chaleur depuis l’intérieur (qui est refroidi par évaporation d’un fluide particulier) vers une sorte de grille noire située sur sa face arrière (qui s’échauffe par condensation de ce fluide). Supposons maintenant que nous enlevions la porte du réfrigérateur et que nous le placions contre une fenêtre, à l’envers. La fameuse grille noire chauffe la cuisine tandis que l’intérieur du réfrigérateur 53
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donne sur l’extérieur. L’air extérieur, comparativement chaud, rend l’intérieur du frigo moins froid. En d’autres termes, il fournit de la chaleur au système. Cette chaleur, à son tour, est « pompée » vers l’intérieur de la maison et libérée par la grille noire. L’énergie nécessaire pour alimenter ce cycle est fournie par un petit moteur, généralement électrique. Comme il consomme bien moins d’énergie que la quantité qu’il transporte, il permet un chauffage très efficace : le COP peut facilement s’élever à 3, voire à 5 si le processus est optimisé. En d’autres termes, le moteur permet de déplacer trois à cinq fois plus d’énergie qu’il n’en consomme. Cependant, cette performance dépend de la différence de température entre l’air intérieur et extérieur, c’est-à-dire du différentiel thermique voulu. Plus grand est cet écart, moins le système est efficace. La valeur théorique du COP est : Tsup/ΔT, soit le rapport entre la température la plus élevée du processus (en kelvins) et le différentiel thermique. Un faible écart de température est donc plus favorable. Dans la pratique, cela conduit souvent à chercher une source de chaleur aussi chaude que possible pour faire office de point froid dans le cycle. On peut par exemple récupérer la chaleur d’un grand volume d’eau comme un réservoir souterrain, s’il est assez chaud. C’est l’exemple de la géothermie. Une chose est sûre : les pompes à chaleur ont de l’avenir. La cogénération : Le système idéal consisterait à utiliser de la chaleur qui serait de toute façon perdue sinon. On peut imaginer utiliser la chaleur libérée par une centrale électrique, évacuée généralement par l’eau du circuit de refroidissement pour être déversée dans une rivière. On parle de « cogénération ». Toutefois, pour pouvoir utiliser cette eau pour le chauffage, il faut que sa température soit suffisamment élevée : de l’ordre de 80 °C pour un radiateur traditionnel ou 40 °C pour un chauffage au sol. Le rendement de la production électrique risque alors de diminuer, puisqu’on perturbe la première 54
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étape : chaleur → énergie mécanique (voir le chapitre 2 et le tableau 1 des mécanismes de conversion). Le principe de cogénération est particulièrement utile lorsque la chaleur peut être utilisée tout près de la centrale. Par exemple, dans le cas d’une petite centrale électrique urbaine. La micro-cogénération : C’est un concept de cogénération à petite échelle spécifiquement adapté aux habitations. Ici, le but premier est de fabriquer de la chaleur : l’électricité n’est qu’un produit secondaire. C’est, en quelque sorte, une petite centrale thermique au gaz naturel qui sert à chauffer la maison et qui produit au passage un peu d’électricité. Elle utilise les hautes températures atteintes pendant la combustion du gaz pour produire l’électricité. Une partie de l’énergie est donc convertie en électricité tandis qu’une autre sert au chauffage. Comme l’électricité est une forme d’énergie bien plus utile que la chaleur, cette approche peut permettre d’améliorer le rendement global et de réaliser des économies : une quantité donnée d’énergie est plus chère sous forme électrique que sous forme de chaleur. Le temps d’amortissement de ce genre de systèmes est de l’ordre de cinq ans. Le moteur utilisé pour faire tourner le générateur peut être un « moteur Stirling », peu gourmand en entretien. On trouvera plus de détails sur ce type de moteur dans le 2e tome. Les capteurs solaires : Nous reviendrons sur les capteurs solaires et sur leurs performances dans le 2e tome. Pour le chauffage, ils présentent l’inconvénient de capter principalement la chaleur en été, quand on en a le moins besoin. Il faut donc les associer à un stockage de chaleur sur le long terme, qui demande de grandes unités de stockage. Le chauffage solaire passif : On utilise souvent ce terme pour désigner un chauffage solaire sans composants technologiques. C’est un domaine encore très sous-exploité. Il faut savoir qu’une vitre laisse relativement bien passer l’énergie solaire. Seuls 8 % du rayonnement solaire en incidence normale (c’est-à-dire arrivant perpendiculairement à la surface de la vitre) sont réfléchis par un simple vitrage. Et 55
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environ 15 % pour un double vitrage. Comme l’absorption est relativement faible, une grande partie du rayonnement solaire peut être mise à profit pour chauffer l’intérieur. Froid et climatisation Les systèmes traditionnels de refroidissement et de climatisation fonctionnent sur le principe du frigo, comme la pompe à chaleur décrite plus haut. Ils utilisent en général un fluide qui s’évapore du côté froid du dispositif et se condense du côté chaud. Il y a donc besoin d’une sorte de pompe qui fasse circuler le fluide à travers le système. Les climatiseurs sont généralement très gourmands en électricité. Leur consommation électrique augmente très nettement avec la différence de température souhaitée. Pourquoi ? D’abord, bien sûr, parce qu’il y a plus de chaleur à extraire de la pièce quand le différentiel de température entre intérieur et extérieur est grand. Mais aussi, nous l’avons vu, parce que le rendement d’une pompe à chaleur diminue quand cet écart augmente. Mieux vaut donc maintenir le différentiel thermique aussi petit que possible. Il y a deux façons de le faire. Soit demander au système une température raisonnable (pas trop basse). Soit s’assurer que la partie chaude du dispositif évacue efficacement sa chaleur, en la maintenant propre et accessible à l’air frais. On pourrait aussi la refroidir à l’eau. Comme pour le chauffage, le potentiel de la climatisation passive est encore très sous-exploité. Des stores ou des auvents peuvent empêcher la chaleur solaire de renter, à coût énergétique nul. Nous montrerons clairement dans le paragraphe sur le rayonnement (« Pertes de chaleur et isolation ») qu’il vaut mieux intercepter la chaleur du soleil avant qu’elle n’ait traversé les fenêtres. L’utilisation de surfaces blanches (ou, mieux encore, métalliques) permet de renvoyer astucieusement une grande partie de la chaleur incidente. On garde ainsi les stores au frais, ce qui minimise les émissions vers la vitre. 56
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Échangeurs de chaleur : une énergie gratuite Une autre voie consiste à « recycler » la chaleur une fois qu’elle a été produite. L’idée repose sur les échangeurs de chaleur. Prenons l’exemple de l’évacuation d’eau chaude. Cette eau a beau être sale, elle contient beaucoup de chaleur… qui pourrait être réutilisée pour réchauffer l’arrivée d’eau froide, diminuant l’énergie nécessaire pour la chauffer. Le rendement de cet échange peut approcher 100 % si on utilise le principe du contre-courant. Ce principe est à l’œuvre y compris dans le corps humain, dès qu’un échange efficace est nécessaire comme au niveau des reins. Le principe des échangeurs de chaleur est détaillé dans l’encadré page suivante. N’oublions pas qu’un échangeur de chaleur peut être utilisé de deux manières : soit pour récupérer de la chaleur soit, dans l’autre sens, pour récupérer du froid. Pertes de chaleur et isolation Une fois la chaleur produite, à nous de l’utiliser au mieux pour nous chauffer ! Pas besoin de calculer quelle quantité d’énergie il faudrait pour augmenter la température de notre maison : la seule chose qui compte, c’est de maintenir cette température constante en compensant les pertes thermiques. En d’autres termes, pas besoin de connaître ce que l’on appelle la « capacité thermique » de la maison. Cette grandeur entre en jeu pour déterminer une vitesse de refroidissement ou de montée en température. Elle serait utile pour déterminer la puissance que le système de chauffage devrait fournir au petit matin si la maison était maintenue à une température plus basse pendant la nuit. Mais elle n’est pas nécessaire pour déterminer la consommation totale d’énergie. La clé est dans les pertes de chaleur : ce sont elles qui définissent la quantité d’énergie nécessaire pour maintenir notre habitation au chaud. Pour diminuer ces pertes de chaleur, il faut améliorer l’isolation. Or le transport de chaleur obéit à trois mécanismes clés : convection, conduction et rayonnement, que nous allons analyser plus en détail. 57
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LE PRINCIPE D’UN ÉCHANGEUR DE CHALEUR Nous sommes sous la douche. En nous rinçant, nous réalisons que l’eau qui entre chez nous à 10 °C et nous arrive chauffée à 40 °C… est déversée à l’égout à la même température ou presque. Ne pourrait-on pas chauffer l’eau qui entre avec celle qui sort ? Bonne question. C’est bien sûr possible. En étant ingénieux, on peut même y parvenir avec un rendement proche de 100 % grâce au « principe du contre-courant » (voir la figure 5). On utilise ce principe sans s’en rendre compte avec un chauffage central. L’eau chaude pénètre dans un radiateur par le dessus pour en sortir plus froide par le dessous. À l’inverse, l’air qui doit être chauffé pénètre par le bas (plutôt frais) et ressort au sommet du radiateur. En montant, l’air s’échauffe graduellement pour finir au niveau le plus chaud du radiateur. Quand on y pense, c’est un très bon système. La différence entre un bête échangeur de chaleur et un échangeur à contre-courant est illustrée par la figure. Dans le cas d’une douche, on peut coller les tuyaux d’eau froide et d’eau chaude l’un contre l’autre pour améliorer l’échange thermique. Si les deux flux allaient dans la même direction (s’ils étaient « concourants »), l’eau arrivant aux deux extrémités serait tiède, à la température moyenne des deux flux (figure de gauche). Mais lorsqu’ils s’écoulent à contre-courant,
Chaud
Chaud
Froid
Température
Température
Froid
Position
Position
Figure 5 | Principe d’un échangeur à contre-courant.
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le rendement augmente. La figure de droite le montre : les deux flux échangent alors presque intégralement leurs températures ! Certes, tout n’est pas si simple puisque l’eau sale en sortie pourrait entraîner un dépôt à l’intérieur du tube et diminuer le contact thermique. Mais dans de nombreux cas (dont celui de l’air), ce problème ne se pose pas.
La convection, plus précisément la convection naturelle (ou convection libre), correspond à un déplacement d’air dû à son inhomogénéité de température et donc de densité. Elle a pour effet d’homogénéiser la température d’une pièce, comme nous l’avons vu au chapitre 3 (voir encadré « Le profil de température au contact de la peau »). Cet avantage de la convection a aussi ses revers. Par exemple, c’est elle qui cause les courants d’air le long des fenêtres froides : l’air froid (plus lourd) s’écoule vers le sol où il refroidit nos pieds… On ressent particulièrement cet effet contre un simple vitrage, s’il n’y a pas de radiateur devant. Un autre inconvénient de la convection libre est qu’elle réduit l’épaisseur utile de la lame d’air d’un double vitrage. Seules les fines couches d’air situées contre les surfaces de verre assurent l’isolation. Chacune de ces couches mesure quelques millimètres d’épaisseur. Si la lame d’air est plus large que, disons, un centimètre, le reste de cet espace ne contribue pas à l’isolation : la convection prend le dessus localement et tend à homogénéiser la température. Le schéma à droite de la figure 6 illustre cet effet de la convection. La conduction a lieu même dans un milieu totalement au repos. Elle est causée par l’agitation thermique des atomes (ou des molécules) qui le composent et par celle de ses électrons libres dans le cas d’un conducteur électrique comme le cuivre ou le fer. Ces particules font circuler l’énergie thermique à travers le milieu. La quantité de chaleur qui s’échappe à travers un mur ou une fenêtre est proportionnelle à sa surface. Elle est aussi proportionnelle à la différence de température entre ses deux faces, et inversement proportionnelle 59
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à son épaisseur. (Notons qu’on peut regrouper ces deux dernières variables sous la notion de « gradient de température », qui correspond à la pente du profil de température). Pour finir, les propriétés thermiques du matériau considéré jouent un rôle. On les exprime à l’aide d’un paramètre unique : le coefficient de conductivité thermique, souvent noté λ (la lettre grecque lambda). Pour une géométrie donnée, plus λ est grand, plus la perte thermique par conduction est importante. La valeur de ce coefficient varie considérablement d’un matériau à l’autre. En première approximation, elle est très petite pour les gaz, intermédiaire pour les liquides et relativement élevée pour les solides. Les métaux sont les meilleurs conducteurs thermiques. Et pour cause : leurs électrons libres, qui transportent le courant électrique, transportent aussi la chaleur. Pour s’en convaincre expérimentalement, il suffit de toucher un morceau de métal et un bout de bois placés à température ambiante. Même si leur température est la même, la sensation est différente. Cette impression est due à la plus grande conductivité thermique du morceau de métal : quand on le touche, notre chaleur migre facilement vers le métal et notre doigt se refroidit plus vite qu’au contact du bois. Le même phénomène s’observe dans un sauna, dont la température peut avoisiner les 90 °C. Malgré cela, on peut toucher les bancs en bois et même s’y allonger sans se brûler… S’ils étaient métalliques, nous aurions des ennuis ! Et c’est pour cette raison que même la poignée de la porte du sauna sera toujours en bois. Le tableau 2 donne quelques ordres de grandeur de conductivité thermique, pour une sélection de matériaux. (La quantité de joules par seconde [ou de watts] traversant un matériau est égale à AλΔT/d où A est la surface de la couche, d son épaisseur et ΔT la différence de température entre ses faces). Ce tableau nous apprend plusieurs choses : – L’air et un très mauvais conducteur comparé au verre ou à l’acier par exemple… tant que la convection n’entre pas en jeu ! (voir, à ce sujet, l’encadré « Le profil de température au 60
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contact de la peau », chapitre 3). Pour toutes les applications courantes, l’air est donc le meilleur des isolants (à part le vide et quelques gaz rares). Les excellentes propriétés isolantes des mousses synthétiques viennent, d’ailleurs, de l’air qu’elles contiennent. La mousse a pour seul rôle d’empêcher l’air de circuler, pour empêcher les pertes de chaleur par convection. – Le verre est un bien meilleur conducteur que l’air. Le profil de température à l’interface verre-air est donc semblable à celui de la figure 2. En effet, à cette interface, l’air ne peut s’écouler que parallèlement à la surface. Il y a donc une couche de quelques millimètres d’air quasiment immobile. Et, comme le verre est un bien meilleur conducteur que l’air, la température à travers la vitre est presque homogène. Le saut de température se produit donc seulement dans la fine couche d’air en contact avec le verre.
Tableau 2 | Coefficients de conductivité thermique λ de différents matériaux à température ambiante. Une faible valeur correspond à de faibles pertes thermiques (donc à une bonne isolation). Les valeurs sont données en W m-1 K-1.
Xénon
0,005
Krypton
0,009
Argon
0,016
Air
0,025
Huile
0,1
Bois
0,4
Eau
0,6
Verre
1
Acier
50
Laiton
120
Aluminium
240
Cuivre
400
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On peut conclure de ces observations qu’il est impossible d’améliorer l’isolation en augmentant l’épaisseur du verre. Une très fine couche de verre fonctionne presque aussi bien qu’une couche épaisse, de même que des rideaux tissés suffisamment fin pour que l’air ne puisse les traverser. En définitive, une couche imperméable à l’air suffit pour que la chaleur ne puisse être transportée. Ce sont les couches d’air qui font le travail, en formant la barrière isolante entre le chaud et le froid. Cela explique aussi le profil de température contre une vitre. La figure 6 illustre le cas du simple vitrage (à gauche) : les sauts de température ont lieu dans les deux couches d’air au contact de la vitre. Mais pourquoi n’ont-ils pas la même amplitude ? C’est à cause du vent, qui rend la couche d’air isolante un peu plus fine du côté extérieur de la fenêtre. La température du verre est alors plus proche de celle de l’extérieur : la vitre est plus froide qu’attendu. L’illustration correspond à un vent d’intensité moyenne. Le cas du double vitrage est illustré à droite. On trouve alors quatre couches d’air au lieu de deux, l’isolation est donc à peu près doublée. En fait, le double vitrage présente deux avantages. Non seulement il permet de diviser par deux les pertes de chaleur (et donc la facture de chauffage), mais il améliore aussi le confort. C’est la conséquence du fait que la température de la vitre intérieure soit plus élevée : +8 °C au lieu de – 1,5 °C dans notre exemple. Comme la vitesse d’écoulement de l’air est plus basse et que sa température est plus élevée, le courant d’air frais le long de la fenêtre, souvent inconfortable, est considérablement réduit. En plus, le double vitrage réduit les pertes par rayonnement, ce que l’on ressent à proximité de la fenêtre. Le double vitrage présente donc un double avantage (outre la réduction du bruit) : moins d’énergie perdue et plus de confort. Le rayonnement joue toujours un rôle important. Sa contribution est généralement équivalente à celle de la conduction, comme 62
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nous l’avons vu dans le cas de la régulation thermique du corps humain (chapitre 3, paragraphe C). On peut le vérifier facilement en calculant la conduction thermique à travers une couche d’air de 3 mm et en la comparant avec les pertes par rayonnement pour une même différence de température. Ce deuxième calcul se base sur la loi de rayonnement de Stefan-Boltzmann (voir 2e tome), sachant qu’il faut regarder la différence entre le rayonnement incident et émergent. + 20 °C
- 10 °C
- 1,5 °C
Température
Température
+ 8 °C
- 10 °C
Figure 6 | Profil typique de température contre un simple (ou double) vitrage, pour une température extérieure de – 10 °C et une température intérieure de + 20 °C. Le léger infléchissement au milieu du double vitrage indique l’établissement de turbulences, qui tendent à rendre le profil de température plat.
Le rayonnement a la particularité intéressante d’être émis par toute substance, même à température ambiante. On ne s’en aperçoit pas parce que nos yeux sont insensibles à cette partie du spectre électromagnétique : les infrarouges (IR), dont la longueur d’onde se situe autour de 0,01 mm, soit 20 fois celle de la lumière visible. Et pour cause : la température ambiante (environ 300 K) est à peu près 20 fois plus basse que celle des couches externes du Soleil (environ 6 000 K). La figure 7 illustre ce principe. À cause de la grande différence entre les deux domaines de longueurs d’ondes considérés, on utilise 63
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90 80 70
Le Soleil (à l’échelle 1/106 par rapport à la Terre)
Flux radiatif
60 50 40 30
La Terre
20 10 0 0.1
0.2
0.4 0.6
1
2
4
6
10
20
40
60
100
Longueur d’onde (en µm)
Figure 7 | Le maximum du spectre d’émission du Soleil correspond à une longueur d’onde de 0,5 µm, qui correspond au pic de sensibilité de l’œil humain (voir figure 10). En comparaison, le rayonnement thermique d’objets à température ambiante (300 K) est maximal à 10 µm.
une échelle horizontale logarithmique1. Le pic d’émission du Soleil coïncide parfaitement avec le pic de sensibilité de notre œil, autour de 0,55 µm. On voit que le spectre d’émission du Soleil et celui d’une surface quelconque à température ambiante se chevauchent à peine. Cette différence importante de longueur d’onde a plusieurs conséquences. Non seulement les IR sont invisibles à l’œil humain, mais 1. Une échelle logarithmique permet de représenter l’évolution d’une grandeur basée sur les ordres de grandeur (les puissances de 10). Par exemple, la distance entre 1 et 10 sur une échelle logarithmique est la même que celle entre 10 et 100, ou entre 100 et 1 000. Elle est donc particulièrement adaptée pour représenter les grands nombres ou les grands écarts de valeur.
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leurs propriétés optiques sont radicalement différentes. Un objet parfaitement blanc à nos yeux (c’est-à-dire qui reflète toute la partie visible du spectre lumineux) peut être « noir » dans le domaine des IR lointains (ce qui signifie qu’il absorbe tout le rayonnement IR). En fait, presque toutes les surfaces sont « noires » dans ce domaine. Elles ont un coefficient d’absorption proche de 1, même la neige. Les seules exceptions sont les surfaces métalliques qui peuvent avoir des coefficients d’absorption presque nuls. L’aluminium et le cuivre, par exemple, ont des coefficients d’absorption inférieurs à 0,1. Une surface émet efficacement si elle absorbe efficacement. L’explication se cache dans une équation d’équilibre : en régime permanent, l’énergie qui entre est égale à celle qui sort. Comme la plupart des surfaces sont « noires » dans le domaine des IR lointains, non seulement elles absorbent bien mais aussi elles émettent efficacement. Pour les applications courantes, on peut considérer que toutes les surfaces sont « noires » dans le domaine IR lointain, autour de 10 µm. Encore une fois, les surfaces métalliques font exception : elles émettent aussi mal qu’elles n’absorbent. Ce qui est une bonne raison pour utiliser une théière métallique, par exemple, qui perdra peu de chaleur par rayonnement. On peut tirer profit de la différence entre les propriétés optiques de la lumière visible émise par le Soleil et celles des IR les plus lointains émis par les corps à température ambiante. C’est ce que font les vitres équipées d’un revêtement à sélectivité spectrale. Elles sont conçues de façon à transmettre efficacement les rayons solaires incidents tout en transmettant mal le rayonnement « IR lointain » qui s’échapperait autrement de la pièce. Il suffit en pratique qu’elles reflètent le rayonnement IR. Leurs propriétés optiques précises peuvent varier pour s’adapter à une situation ou à un climat particulier. Sous un climat froid par exemple, on souhaite laisser entrer autant que possible la chaleur solaire. Dans ce cas, le domaine des « IR proches » du spectre incident est le bienvenu, au même titre que la partie visible du spectre. Ce qui n’est pas forcément le cas sous un climat tempéré. 65
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La figure 8 montre un exemple de sélectivité spectrale mis en œuvre sur un vitrage. On voit que ce type de revêtement transmet près de 90 % de la lumière visible et qu’il reflète très efficacement le rayonnement IR lointain, dont les longueurs d’onde se situent autour de 10 µm. Ainsi, la plus grande partie du rayonnement thermique est piégée à l’intérieur des murs et contribue au chauffage.
1.0
Réfléchi Rayonnement thermique (infrarouge lointain)
0.8
0.4
Lumière visible
0.6 Ultraviolet
Fraction transmise ou réfléchie
Transmis
0.2
0.0
0.3
0.5
1
2
5
10
25
Longueur d’onde (en µm) Figure 8 | Propriétés d’une fenêtre à sélectivité thermique. Cette fenêtre transmet la plupart du rayonnement solaire incident tout en gardant 90 % du rayonnement thermique à l’intérieur de la maison.
Un exemple de double vitrage à sélectivité spectrale courant dans le commerce est le verre bas émissif « low-E » (pour low emissivity : faible émissivité) ou HR++ (voir tableau 3). En plus d’un revêtement à faible émissivité sur l’une de ses surfaces, l’espace situé entre ses vitres est rempli d’argon, voire de krypton, deux gaz dont la conductivité thermique est encore plus basse que celle de l’air (voir tableau 2). 66
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Pour caractériser un matériau de construction, on utilise son « coefficient de transfert thermique » noté U (ou k). Il représente directement la perte de chaleur par mètre carré et par degré d’écart thermique. Plus besoin de se pencher sur des détails comme l’épaisseur du matériau. Pour évaluer les pertes thermiques totales, il suffit de multiplier ce coefficient par la surface et la différence thermique souhaitée. Le tableau 3 en donne les ordres de grandeur pour quelques cas courants. La dernière colonne traduit ces pertes thermiques en consommation annuelle équivalente de gaz naturel par mètre carré et par degré d’écart thermique. Elle est donnée pour un climat tempéré et n’a pas de sens physique universel. Il est parfois pratique d’utiliser la notion de résistance thermique : c’est l’inverse du coefficient U. De la même manière que les résistances données par la loi d’Ohm pour les courants électriques, les résistances thermiques s’additionnent tout bêtement pour une série d’éléments de construction placés côte-à-côte. Tableau 3 | Pertes thermiques d’une fenêtre ou d’un mur, en watts par m² et par degré de différence de température (c’est ce qu’on appelle le « coefficient de transfert thermique », noté U ou k). L’isolation évoquée ici sert simplement à empêcher la convection en créant une couche d’air immobile. La colonne de droite indique l’ordre de grandeur des pertes thermiques, en m3 de gaz naturel par m² et par an, sous un climat tempéré (comme celui de Londres ou de Paris).
U (en W/m² K)
Pertes thermiques (en m3 de gaz naturel/m²·an)
Simple vitrage
6
60
Double vitrage
3
30
Vitrage à haut rendement (« HR++ »)
1,2
12
Mur creux, avec 5 cm d’air
2
20
Mur creux, avec 5 cm d’isolation
0,6
6
Mur creux, avec 10 cm d’isolation
0,35
3,5
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C. L’EAU CHAUDE Nous l’avons vu au chapitre 2 : chauffer quelque chose est souvent plus gourmand en énergie qu’on ne le pense. Et c’est particulièrement vrai si ce quelque chose est de l’eau. Il faut presque deux fois plus de chaleur pour chauffer un volume d’eau donné plutôt qu’un autre liquide ou métal. Mais alors, quelle est la source d’énergie la plus efficace pour chauffer l’eau : l’électricité, le gaz naturel ou l’énergie solaire ? L’électricité est bien pratique. Mais un chauffe-eau électrique s’avère cher et peu efficace. Certes, comme le rendement du transfert thermique dans la chaudière est proche de 100 %, presque toute l’électricité servira au chauffage. Mais la plupart de notre électricité est produite dans des centrales au charbon, au pétrole, au gaz naturel ou à l’uranium. Et dans tous les cas, moins de la moitié de la chaleur produite est convertie en électricité (voir chapitre 2), la plupart étant perdue en chaleur. Ce n’est donc pas l’option la plus sobre, sauf si la chaleur résiduelle est réutilisée. Brûler le gaz chez soi plutôt qu’à la centrale semble donc être une meilleure alternative : toute la chaleur libérée par la combustion serait alors mise à profit. Une chaudière à gaz fait mieux qu'une chaudière électrique, et pour moins cher. Même si le transfert de chaleur y est un peu moins bon, elle reste gagnante. Un chauffe-eau est souvent intégré au chauffage central, ce qui ne remet pas en cause ses performances. Les capteurs solaires peuvent contribuer à chauffer l’eau. Il y a besoin d’eau chaude toute l’année : ils peuvent donc être utilisés l’été, quand le soleil fournit un maximum d’énergie. Contrairement au chauffage, pas besoin de stockage sur le long terme. En général, un réservoir d’eau chaude de 100 litres associé à une surface de capteurs solaires de 3 à 5 m² suffit. Une plus petite surface ne satisferait pas la demande moyenne en eau chaude. Une surface plus grande produirait en excès, surtout l’été. Définir la surface optimale est donc toujours une histoire de compromis, en fonction du contexte et de la géographie. 68
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Sous un climat tempéré (comme dans la plus grande partie de l’Europe de l’Ouest), ce n’est pas une solution adéquate. Un système d’appoint, par exemple au gaz, est nécessaire pour les jours nuageux. Un chauffe-eau solaire doit donc contenir deux éléments : un capteur solaire et un réservoir d’eau chaude. Dans les pays tempérés, un chauffage externe doit y être ajouté pour les périodes les moins ensoleillées. Nous reviendrons sur l’énergie solaire dans le 2e tome. Nous l’avons dit, la quantité d’énergie nécessaire pour chauffer l’eau est souvent sous-estimée. Nous avons montré dans l’encadré « Compter les flammes » (dans le paragraphe « Les sources de chaleur ») qu’un robinet d’eau chaude consomme au moins 10 kW de puissance. S’il est ouvert 1 % de la journée (soit un quart d’heure par jour), cela revient en moyenne à au moins 100 W. Si le chauffage est électrique, on peut comparer directement cette valeur à la consommation électrique totale du foyer. Ces 100 W représentent environ un quart de la consommation d’un foyer européen moyen. Mieux vaut éviter de faire trop souvent la vaisselle à l’eau chaude ! Le robinet d’eau chaude restera longtemps le plus gros consommateur d’électricité de la maison… Cela veut-il dire qu’il vaut mieux prendre une bonne douche qu’un bon bain ? Peut-être, mais la réponse dépend évidemment de la quantité d’eau utilisée. Pour l’estimer, on peut comparer le temps de remplissage de la baignoire à la durée d’une douche, sans oublier que la douche consomme en général moins d’eau par seconde que le robinet de la baignoire. En revanche, lorsqu’il fait froid, l’énergie du bain peut être récupérée si on laisse l’eau refroidir avant d’enlever le bouchon. La chaleur de l’eau contribue ainsi à chauffer la maison plutôt que les égouts, ce qui n’est pas vrai pour une douche.
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D. UNE CUISINE PRESQUE PARFAITE La même question se pose en cuisine : doit-on privilégier l’électricité ou le gaz naturel pour se faire cuire un œuf ? Pour chauffer l’eau, la réponse est le gaz, nous l’avons vu. C’est moins évident dans le cas de la cuisine, car il faut tenir compte du rendement de l’action du bec de gaz sur la poêle ou la casserole. Ce rendement est bien plus bas que dans le cas précédent. Mais si on veille à ce que la flamme ne s’étende pas au-delà de la surface de la poêle, on peut facilement atteindre des rendements supérieurs à 50 %. En comparaison, l’électricité du réseau représente à peine 35 % de l’énergie primaire utilisée pour la produire au niveau de la centrale thermique. Ainsi, même si le transfert de chaleur entre une plaque électrique et une poêle est bon (disons 70 %), le processus dans son ensemble est moins efficace que la cuisson au gaz naturel. Cette conclusion reste valable pour d’autres modes de cuisson électriques comme les plaques à induction. Leur rendement sera toujours limité par la première étape : la production de l’électricité. Le cas du four à micro-ondes est particulier. Même s’il présente le même inconvénient que les autres systèmes de cuisson électriques, il a un sacré atout : il ne chauffe que ce qui nous intéresse, la nourriture. C’est pourquoi, pour réchauffer de petites quantités de nourriture qui ne nécessitent pas un grand plat, le micro-onde peut être le meilleur choix. En plus d’être pratique, il est relativement sobre énergétiquement. La cuisson solaire est une solution « verte » particulièrement adaptée aux pays en développement ensoleillés. Cela dit, n’oublions pas que le rayonnement solaire correspond à 1 kW par m², alors qu’il faut généralement plusieurs kW pour cuisiner. Il faut donc disposer d’une surface réfléchissante de l’ordre d’un m² ou plus, concentrer les rayons solaires sur la zone à chauffer et s’efforcer de minimiser les pertes thermiques. On peut régler facilement ce dernier point grâce à du film transparent qui agira comme le vitrage d’une serre. Comme nous l’avons expliqué, un film fin isolera presque aussi bien que du verre, tout en minimisant les pertes de chaleur par évaporation. 70
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On peut utiliser un réflecteur parabolique qui focalise en un seul point les rayons parallèles du soleil. Comme la surface à chauffer est relativement grande, la précision de la courbure du réflecteur n’est pas critique. On peut donc aller un cran plus loin et se contenter d’assembler des surfaces incurvées et recouvertes de papier aluminium pour maximiser la réflexion. Ce montage, bien plus simple à réaliser, sera sans doute aussi efficace. La photo ci-dessous (figure 9) en donne un exemple.
Figure 9 | Cuisson solaire utilisant un réflecteur simple et une casserole noire dans un sac plastique. (Source : Stichting Solar Cooking Nederland, www.solarcooking.nl).
E. L’ÉLECTROMÉNAGER Revenons au foyer hollandais moyen du graphique de la figure 4. Sa consommation annuelle d’électricité est de 3 500 kWh. Comme une année contient 365 × 24 = 8 760 heures, cette valeur correspond à une puissance de 0,4 kW, soit 400 watts en continu. 71
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En France, un ménage moyen consomme près de 4 700 kWh d'électricité par an, soit 40 % de plus1. Cette valeur élevée s’explique par le faible prix de l’énergie en France comparée à ses voisins européens. L’électricité française est 50 % moins chère qu’aux Pays-Bas ; le gaz y est 30 % moins cher. Ces 4 700 kWh correspondent à une puissance de 0,54 kW, soit 540 watts en continu. La consommation moyenne d’électricité en France correspond donc à plus de cinq lampes de 100 W allumées en permanence. Dans un foyer équipé de lampes à incandescence ordinaires, c’est à peu près ce que consomme l’éclairage quand il est allumé, ce qui n’est le cas que 20 % du temps. L’éclairage n’est donc pas la première source de consommation électrique des ménages. On trouve bien sûr beaucoup d’autres appareils électriques comme le lave-linge, le lave-vaisselle, le sèche-linge, l’aspirateur, la télévision, le réfrigérateur, le congélateur ou la chaîne hi-fi. La France fait partie des pays européens ayant une consommation par logement élevée pour l’électroménager (plus de 2 500 kWh en 2008). Elle est supérieure dans les pays scandinaves (3 500 kWh) mais inférieure en Allemagne (2 000 kWh). D’après le ministère de l’Écologie, les politiques européennes ont permis d’améliorer l’efficacité énergétique de ces appareils de 12 % en France entre 1990 et 2008. Cette progression s’est avérée plus forte en Allemagne et aux Pays-Bas (+ 30 %), pour une moyenne européenne de + 25 %. L’éclairage ne représente que 20 % de la consommation d’énergie pour un ménage équipé de lampes à incandescence. Bien moins s’il utilise des ampoules fluorescentes « basse consommation » ou des lampes à diodes électroluminescentes (DEL en abrégé, LED depuis l’anglais). On observe une baisse des consommations dans la moitié des pays européens grâce à la pénétration de ces lampes basse consommation, même si la France reste moins équipée que l’Allemagne par
1. Avec un coût du kilowattheure de 13 centimes d’euros en France, cela correspond à une facture moyenne d’électricité de plus de 600 euros par an (hors frais fixes).
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exemple. Nous comparerons les différentes sources de lumière dans le paragraphe « L’éclairage » et le tableau 4. Les principaux coupables Quels appareils ménagers sont les plus énergivores ? La loi de conservation de l’énergie peut nous aider à identifier les coupables. L’énergie étant presque toujours convertie en chaleur, cherchons les appareils qui en produisent beaucoup. Voyons aussi ceux qui fonctionnent en permanence, comme le réfrigérateur – une catégorie souvent sous-estimée. Après enquête, les principaux consommateurs d’électricité d’une habitation moyenne sont les suivants, avec leur consommation annuelle approximative en kWh : – l’eau chaude électrique : jusque 2 000 kWh ; – le lave-linge et le lave-vaisselle : 500 kWh chacun (parce qu’ils produisent de l’eau chaude) ; – le sèche-linge : 500 kWh (il produit de l’air chaud !) ; – le réfrigérateur/congélateur : 500 kWh (il est toujours allumé !) ; – l’éclairage : 100 à 500 kWh, suivant son type. On voit que le sèche-linge consomme beaucoup d’énergie. Il doit fournir la chaleur nécessaire à l’évaporation de l’eau, particulièrement élevée (voir chapitre 3, paragraphe C). En revanche, l’essorage, qui élimine la plus grande partie de l’eau des vêtements, ne coûte presque rien. Il est donc rentable d’utiliser une vitesse rapide pendant le cycle d’essorage de la machine à laver. Une excellente alternative au sèchelinge est de pendre les vêtements sur un fil à linge en plein air, laissant le vent et le soleil travailler gratuitement. L’électricité domestique présente un aspect intéressant. Aiguillés par la loi de conservation de l’énergie, nous savons qu’au bout d’une journée, toute l’électricité consommée est convertie en chaleur. Ce qui veut dire que tous les appareils contribuent à chauffer notre intérieur (à l’exception bien sûr de ceux qui rejettent l’eau chaude aux égouts, comme le lave-linge ou le lave-vaisselle). C’est 73
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une bonne nouvelle pour ceux qui vivent sous un climat tempéré (mais une mauvaise nouvelle là où l’air conditionné est nécessaire). L’éclairage Même si l’éclairage ne représente qu’une petite portion de la consommation électrique d’un foyer, on peut facilement en améliorer le rendement d’un facteur 5 ou plus en remplaçant les lampes à incandescence par des tubes fluorescents et des ampoules basse consommation (basés sur le principe de la décharge d’un gaz) ou par des diodes électroluminescentes (DEL ou LED). Le rendement de ces sources de lumière est exceptionnellement élevé, particulièrement si on les compare aux bougies… ■
Les bougies
Les bougies c’est sympa, aucun doute là-dessus. Elles apportent une touche d’intimité et de romantisme à un dîner en tête à tête. À l’origine, c’étaient des sources de lumière astucieuses, bien plus pratiques que les lampes à huile… et sans électricité. Parfois, on entend même dire qu’elles sont une source de lumière très efficace énergétiquement. Peut-on le vérifier ? Combien d’énergie une bougie consomme-t-elle vraiment ? La réponse est : plus qu’on ne le croit. Pour s’en faire une idée, regardons la chaleur qu’elle produit : elle est considérable ! Une estimation éclairée (c’est le cas de le dire) nous permet de penser qu’elle produit à peu près autant de chaleur qu’une ampoule de 100 watts. Ce qui est énorme ! Mais nul besoin d’estimation : nous pouvons facilement mesurer la consommation d’énergie de la bougie en mesurant la quantité de cire brûlée en une heure. Connaissant sa chaleur de combustion, on trouve que la chaleur produite est d’environ 100 joules par seconde (voir l’encadré ci-dessous « La chaleur d’une bougie »). Ce qui correspond bien à 100 W, alors que la lumière produite par une bougie 74
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est très largement plus faible que celle d’une ampoule à incandescence de 100 W – sans parler d’une série d’ampoules basse consommation dont la puissance cumulée serait de 100 W. Le nombre de « watts » mesure l’énergie utilisée par seconde, pas la quantité de lumière produite. Prenons un chauffage électrique. Même s’il consomme 1 000 W, ça n’en fait pas pour autant une bonne source de lumière. Il rayonne principalement dans les infrarouges, invisibles à nos yeux. Lorsqu’on parle lumière, on pense au rayonnement que nos yeux peuvent détecter grâce aux photorécepteurs de la rétine (les cônes et les bâtonnets). Ce type de rayonnement visible ne se mesure pas en watts, mais en « lumens ». Le rendement d’une source de lumière est donné par la quantité de lumière produite par unité d’énergie utilisée. Il peut donc s’exprimer en lumens par watt. Quand on regarde une bougie sous cet angle, on constate que ses performances sont relativement faibles. Elle produit 0,15 lumen par watt (lm/W). Une lampe à incandescence traditionnelle produit 12 lm/W, soit 80 fois plus. Une ampoule basse consommation ou une diode électroluminescente font encore mieux : à 60 lm/W, elles sont 400 fois plus efficaces qu’une bougie ! Mais il y a un piège. L’électricité est généralement produite à partir de chaleur dans une centrale dont le rendement est faible. L’électricité issue de nos prises murales représente seulement près d’un tiers de l’énergie totale que notre fournisseur consomme pour la produire, nous l’avons vu. Mais même en prenant ce facteur en compte, les lampes électriques restent bien plus efficaces que les bougies. Pour conclure, les bougies peuvent égayer notre chez-nous en créant une ambiance romantique ; elles peuvent même contribuer à le chauffer un peu. Mais si on a vraiment besoin de lumière, mieux vaut les apporter à la centrale électrique la plus proche et les jeter dans le fourneau, puis rentrer à la maison pour utiliser l’électricité produite en allumant une ampoule basse consommation ! 75
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LA CHALEUR D’UNE BOUGIE Pour connaître la quantité de cire consumée par une bougie, il suffit de la peser avant et après une heure de combustion, par exemple. Évidemment, toutes les bougies ne se valent pas. Mais une bougie moyenne perd huit grammes par heure. La chaleur de combustion de la cire de bougie est de 48 kJ par gramme. Ces huit grammes représentent donc environ 380 kJ de chaleur, produite en une heure. Ce qui nous donne 380 000 J / 3 600 s, soit à peu près 100 W. C’est semblable à un être humain au repos : 100 W pendant un jour (soit 24 × 3 600 secondes) donnent 8 640 kJ. C’est l’équivalent d’une ration quotidienne normale de nourriture pour un adulte.
Pourquoi les ampoules à incandescence sont-elles si peu efficaces ? Sur le coup, le saut technologique entre bougie et lampe à incandescence a été spectaculaire. Plus besoin de gratouiller des allumettes, plus de cire chaude qui coule sur les meubles, plus de risque d’incendie… et bien plus de lumière. Pour autant, notre bonne vieille ampoule n’est pas si formidable que cela. Elle consomme beaucoup d’énergie pour produire au final assez peu de lumière. Pourquoi cela ? Le rendement d’une ampoule dépend de la part du rayonnement émis qui est captée par nos yeux. On doit donc comparer le spectre d’émission de l’ampoule avec la courbe de sensibilité de l’œil. L’essentiel est invisible pour les yeux. C’est ce qu’indique la figure 10. La courbe de gauche montre que notre œil est sensible uniquement aux longueurs d’onde comprises entre 400 et 700 nanomètres : celles des couleurs de l’arc-en-ciel (un nanomètre correspond à un millionième de mètre). Le pic de la courbe se trouve autour de 500 nm, dans le domaine jaune-vert du spectre. C’est donc là que notre œil est le plus sensible. La courbe de droite représente le spectre émis par le filament d’une ampoule. Son pic se situe autour de 1 000 nm. Les deux courbes ne coïncident pas. La plus grande
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partie de la lumière est émise en dehors de la zone de sensibilité de nos yeux, et reste donc invisible. Une ampoule à incandescence ayant ce type de spectre d’émission est donc par nature inefficace.
Sensibilité de l’œil
Spectre d’émission d’une ampoule à incandescence habituelle
300
400
500
600
700
800
900
1000
1500
Longueur d’onde (en nanomètres)
Figure 10 | Sensibilité de l’œil (à gauche) et spectre d’émission d’une ampoule à incandescence (à droite). Le fait que la zone de superposition soit petite indique que ce type d’éclairage est peu efficace.
Peut-on faire mieux ? Une solution intuitive serait de chauffer le filament au-delà des 2 700 °C habituels, pour décaler son émission vers la gauche. À température élevée, en effet, on émet plus de rayonnement et la couleur de ce rayonnement change. C’est ce qui se passe dans une cheminée : la couleur d’un brandon qui s’échauffe vire du rouge à l’orange, puis au jaune. De même pour une ampoule à intensité variable : quand on actionne le variateur, non seulement on obtient plus de lumière, mais celle-ci devient « plus blanche ». Le spectre présenté à la figure précédente se décale alors vers la gauche, c’est-à-dire vers les plus courtes longueurs d’onde. 77
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COMME SENTIR LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE ? Il est bien sûr possible de mesurer une consommation d’énergie. Dans le cas d’un appareil électrique, on peut simplement lire ce que l’étiquette raconte. Ou regarder la puissance consommée inscrite dans le mode d’emploi. Mais aucune de ces méthodes n’est nécessaire pour obtenir une estimation raisonnable. La plupart du temps, on peut sentir la consommation d’énergie grâce à la chaleur produite par l’appareil. La loi de conservation de l’énergie nous dit que l’énergie ne se perd pas. Elle finira presque toujours sous forme de chaleur. Ainsi, un aspirateur de 1 000 W est un chauffage de 1 000 W ; une lampe de 60 W est un chauffage de 60 W ; et ainsi de suite... Pour savoir si un lecteur DVD, un mixeur ou un rasoir électrique consomment beaucoup d’énergie, il suffit de poser la main dessus. Les appareils qui restent froids sont de petits consommateurs (sauf s’ils fonctionnent à pleine capacité 24 heures sur 24, puisque de petites quantités d’énergie peuvent se cumuler avec le temps). Les appareils ventilés sont généralement plutôt énergivores. Les systèmes destinés à la production de chaleur – chauffage central, chauffe-eau, lave-linge, lave-vaisselle – sont les vrais gros consommateurs. Le rasoir électrique offre une jolie illustration. Ce n’est clairement pas un gros consommateur. Où finirait l’énergie ? En chaleur : la chaleur électrique (ou « ohmique ») produite dans les fils électriques et le moteur ainsi que chaleur générée par frottement dans la tête de rasage. Mais c’est forcément peu de chose, puisque le rasoir reste relativement froid même après quelques minutes. La quantité de chaleur en jeu est donc clairement inférieure à celle qu’il faudrait pour chauffer assez d’eau pour se raser avec un vieux coupe-chou. Un petit calcul nous montre qu’un rasage électrique consomme autant d’énergie qu’une seconde d’eau chaude. Le rasage manuel ne permet donc pas d’économiser de l’énergie : on en consomme bien plus qu’avec un rasoir électrique (à moins bien sûr d’utiliser de l’eau froide).
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L’idéal serait de pouvoir chauffer deux fois plus le filament – si on exprime la température en kelvins. Le pic se trouverait alors à la moitié de sa longueur d’onde actuelle, correspondant exactement au pic de sensibilité de l’œil humain. Il faudrait atteindre pour cela une température de 5 700 °C environ, soit à peu près celle de la surface du Soleil. On voit que le maximum du rayonnement solaire correspond au pic de sensibilité de l’œil, ce qui n’est bien sûr pas une coïncidence. Malheureusement, en augmentant la température du filament au-dessus des 2 700 °C habituels, on se rapproche de son point de fusion : ~ 3 400 °C pour le tungstène. On réduit alors considérablement la durée de vie de l’ampoule. Remplir l’ampoule d’un gaz halogène peut aider un peu. On peut alors augmenter légèrement la température et augmenter son rendement d’environ 20 %. Mais le point de fusion du tungstène reste la borne maximale. L’utilisation d’autres métaux n’est pas la solution, leur température de fusion étant encore plus basse. Les ampoules à incandescence ne sont donc pas le meilleur moyen de produire de la lumière. En plus, leur lumière est loin d’être parfaitement blanche. On s’en aperçoit quand on prend des photos (ou des films) sous ce type de lumière sans jouer sur les réglages pour compenser. Comme le montre le graphique de la figure 10, leur émission dans le domaine orange-rouge est deux à trois fois plus forte que dans le bleu, ce qui donne une lumière chaude. Cela explique que l’on discerne moins bien les objets bleus sous lumière artificielle, ce dont chacun a pu faire l’expérience un jour en essayant des vêtements. Il faut parfois sortir à l’extérieur pour s’assurer que la chemise est bleue et pas noire. Les lampes fluorescentes, les ampoules basse consommation et les LED ■
Un éclairage basé sur le principe du filament incandescent et rayonnant ne peut pas être efficace, comme la figure 10 vient de nous le montrer. Il faut trouver quelque chose dont le fonctionnement se 79
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rapproche de celui du soleil. À sa surface, la température du gaz est telle que les molécules et les atomes se retrouvent facilement dans un état « excité » par les collisions à haute énergie. En revenant à leur état « fondamental », ils perdent leur excédent d’énergie principalement sous forme de lumière visible : notre lumière solaire. Les meilleures sources de lumière s’inspirent de ce principe en combinant un choix approprié de matériaux avec une électronique de pointe. On peut citer l’exemple du tube fluorescent et de sa version miniature : l’ampoule basse consommation. Ils sont capables de réaliser le processus de création de lumière décrit ci-dessus grâce à un mélange gaz-vapeur adapté, combiné à un revêtement fluorescent sur l’intérieur du tube. C’est également ce que font les diodes électroluminescentes dernier cri (DEL ou LED) dans un semi-conducteur massif. Dans tous ces cas, l’énergie consommée est convertie directement en rayonnement et n’est pas perdue à chauffer le filament comme pour l’ampoule à incandescence. Ces sources de lumière modernes produisent plus de lumière pour une consommation d’énergie donnée, c’est-à-dire plus de lumens par watt (lm/W).
Tableau 4 | Efficacité (en lumens par watt) et durée de vie de différentes sources de lumière. On voit les faibles performances des bougies de nos ancêtres.
Ampoule halogène
Lampe fluorescente « à économie d’énergie »
LED
Tube fluorescent
10-12
14
50-60
50-100
100
1 000
4 000
> 5 0001
50 000
10 000
Bougie
Ampoule à incandescence
Efficacité (lm/W)
0,15
Durée de vie (h)
10
1. Dépend largement du nombre d’allumages.
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Mais sont-elles les meilleures sur tous les plans ? Elles sont plus efficaces que les ampoules à incandescence traditionnelles. Elles durent plus longtemps parce qu’elles n’ont pas de filament chaud qui s’évapore lentement mais surement (on le voit à l’obscurcissement progressif du verre de l’ampoule). Le tableau 4 le montre. Ces chiffres illustrent la performance des LED. En fonction de leur couleur, leur rendement peut être comparable à celui des tubes luminescents. Elles présentent aussi l’intérêt d’être capables de produire une lumière monochromatique : rouge, bleue ou verte. C’est particulièrement utile quand une couleur précise est nécessaire, comme pour les feux arrière d’une voiture ou les feux tricolores. Bien sûr, il est plus efficace de produire directement la couleur désirée plutôt que de produire tout le spectre et d’en filtrer une grande partie. Pour produire de la lumière blanche avec des LED, il suffit de combiner les trois couleurs. Mais on peut aussi passer par une étape intermédiaire : la lumière de la LED éclaire dans un premier temps une couche fluorescente qui émet à son tour de la lumière « blanche ». Ce processus est très proche de celui en œuvre dans les tubes fluorescents. En outre, les LED offrent des possibilités jusqu’alors inimaginables avec les anciennes ampoules. Par exemple, il existe des LED capables de produire n’importe quelle couleur à la demande. Une combinaison adaptée de LED rouges, vertes et bleues peut donner n’importe quelle teinte du spectre en contrôlant séparément le courant dans chaque LED. Si la couleur de la lumière n’a pas d’importance, le rendement d’une source peut être extrêmement élevé. L’éclairage urbain à basse consommation, à base de lampes à sodium, atteint 200 lm/W. À comparer aux minuscules 0,15 lm/W de nos anciennes bougies. Si nous voulions remplacer une lampe à sodium de 100 W par des bougies pour illuminer nos routes, il nous faudrait 1 300 bougies (ça mettrait une sacrée pagaille le long de l’autoroute !). Quel est le rendement maximum qu’une source de lumière puisse atteindre ? Cela supposerait que toute la lumière soit émise au niveau 81
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du pic de la courbe de sensibilité de l’œil (550 nm, voir figure 10). Dans ce cas, nous atteindrions 680 lm/W. Il ne resterait alors pas grand-chose du spectre de couleur, puisque seule de la lumière jaunevert serait émise.
F. QUEL APPAREIL CONSOMME LE PLUS ? Une comparaison honnête entre différents appareils énergivores doit se baser sur leur consommation d’« énergie primaire », c’està-dire sur la quantité de carburant nécessaire pour les alimenter. Le rendement de conversion des centrales électriques (qui sont pour la plupart alimentées par une source de carburant quelconque) ou le rendement d’un moteur de voiture (essence ou diesel) doivent aussi être pris en compte. Le tableau 5 compare approximativement la consommation de plusieurs appareils électriques. Il indique leur puissance en watts et leur consommation d’énergie en litres de pétrole, d’essence ou de m3 de gaz naturel par heure – ces derniers étant assez comparables. Ces valeurs sont arrondies et supposent un fonctionnement continu à la puissance donnée. Le rendement de conversion est également pris en compte. Ainsi, la puissance consommée par une voiture (watts) vaut cinq fois la puissance mécanique du moteur, le rendement d’un moteur étant de 20 % en moyenne. Le tableau 5 suscite plusieurs conclusions intéressantes. On s’aperçoit que l’énergie consommée en une journée par un vieux bec de gaz ou une bougie suffirait à alimenter la télévision pour une soirée entière ou à prendre une douche de dix minutes. L’énergie consommée en un jour par un appareil de 100 W permettrait de rouler dix kilomètres en voiture. On découvre aussi qu’un avion rempli consomme 20 fois plus de carburant par passager et par heure qu’une voiture pleine. Mais comme l’avion parcourt à peu près dix fois plus de distance sur la même période, il consomme seulement le double 82
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Tableau 5 | Consommation d’énergie primaire
Puissance (en watts)
Consommation d’énergie (en m3 de gaz naturel ou en litres de pétrole par heure)
Horloge électrique (3 W)
10
0,001
Rasoir électrique (10 W)
30
0,003
Bougie, lampe à gaz, être humain adulte
100
0,01
Lampe, ordinateur portable (100 W)
300
0,03
PC, télévision (200 W)
600
0,06
Gazinière moyenne
2 000
0,2
Aspirateur (1 000 W)
3 000
0,3
Chauffe-eau de cuisine
10 000
1
Chauffage central moyen, douche
20 000
2
Voiture (100 km/h, 16 kW)
80 000
8
Voiture pleine, par personne
20 000
2
400 000
40
Avion plein, par passager
de carburant par kilomètre et par personne. Ainsi, deux personnes sur la route des vacances consomment à peu près autant de carburant chacune que les passagers d’un avion charter bondé.
G. FABRIQUER DES OBJETS Il est assez facile d’estimer la quantité d’énergie utilisée quand on roule en voiture ou qu’on regarde la télévision. Mais ça ne suffit pas. Il manque un chiffre dans le bilan de notre consommation énergétique : l’énergie utilisée pour produire ces objets. Combien d’énergie faut-il, par exemple, pour fabriquer une voiture, une télévision, un rasoir électrique ou un kg de fromage ? La question n’est pas simple. Que faut-il prendre en compte exactement ? Faut-il comptabiliser 83
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l’essence utilisée par les ouvriers pour venir au travail ? (Peut-être auraient-ils utilisé leur voiture malgré tout, pour aller à la plage par exemple ?). Faut-il décompter l’énergie économisée ou récupérée quand on recycle ou qu’on jette le produit ? Une nouvelle science est en train d’émerger pour étudier cette dimension de la consommation d’énergie : l’analyse du cycle de vie. Le principe d’écoconception « du berceau au berceau » (Cradle to cradle pour les anglophones) est un exemple d’initiative destinée à consommer aussi peu d’énergie et de matériaux que possible à chaque étape du cycle de vie d’un produit, en visant zéro pollution et 100 % de recyclage. Pour faire simple, le recyclage d’un produit manufacturé doit permettre de produire à nouveau le même produit, moyennant uniquement un ajout d’énergie renouvelable. Tableau 6 | Combien d’énergie pour produire…
en MJ 1 kg d’acier (à partir de minerai)1
15
0,4
140
3,5
7
0,2
1 kg de
papier3
20
0,5
1 kg de
verre3
12
0,3
3
0,08
1,3
0,03
0,7
0,02
1 kg d’aluminium (à partir de
minerai)2
1 kg d’aluminium (recyclé)2
1 kg de blé, à la ferme3 1 kg de graines de soja, à la
ferme3
1 kg de pommes-de-terre, à la 1 kg de
ferme3
fromage3
34
1 kg de mouton pour l’abattage, à la ferme3 1
voiture3
Les grands appareils électriques, par 1. 2. 3. 4.
84
en litres de pétrole
7,1 82 000
kg4
20
0,85 0,18 2 000 0,5
Corus NL (2008) : l’énergie primaire totale, charbon inclus, est de 15,6 MJ/kg. US Department of Energy (www.eia.doe.gov). Base de données Ecoinvent (www.ecoinvent.ch). Règle d’estimation usuelle.
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Les valeurs données dans le tableau 6 donnent quelques ordres de grandeur de consommation d’énergie. Mais ces chiffres doivent être pris avec précaution, nous l’avons montré : la plupart de ces valeurs a tendance à décroître au fil du temps tandis que les rendements s’améliorent. Les données fournies par Ecoinvent utilisent des valeurs « du berceau à la porte » qui correspondent à l’énergie utilisée en partant des matériaux bruts et jusqu’à ce que le produit quitte l’usine ou la ferme. On peut souligner l’importance de recycler l’aluminium : son extraction et sa production nécessitent près de 20 fois plus d’énergie que son recyclage.
Ce qu’il faut retenir sur l ’én er gie à la mais on ✓ Sous un climat tempéré, le chauffage est souvent le premier poste de consommation d’énergie d’une habitation. L’isolation et les fenêtres énergétiquement performantes sont donc essentielles. De simples rideaux peuvent faire la différence. ✓ Quand le chauffage est allumé, si la différence moyenne de température entre l’intérieur et l’extérieur est de dix degrés Celsius (comme c’est le cas en moyenne en France), baisser le thermostat d’un degré diminue le coût du chauffage d’1/10, soit 10 %. ✓ Il faut beaucoup d’énergie pour chauffer l’eau. Un robinet d’eau chaude allumé consomme autant d’énergie que quelques centaines (voire un millier) de lampes allumées pendant la même durée. Mieux vaut donc utiliser la douche, le lave-linge et le lave-vaisselle avec discernement. ✓ Un foyer typique d’Europe de l’Ouest consomme 400 W d’électricité en moyenne journalière annuelle. Un foyer français moyen en consomme plus : environ 540 W. ✓ Les appareils qui ne chauffent pas quand ils fonctionnent ne consomment pas tant d’énergie que ça. La chaleur émise nous permet de juger si un appareil est plus ou moins énergivore. 85
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✓ Le chauffe-eau électrique est presque toujours le premier consommateur d’électricité. ✓ Le lave-linge, le lave-vaisselle, le sèche-linge, le réfrigérateur et le congélateur consomment chacun autant que tout l’éclairage d’une maison moyenne. ✓ Il est favorable de placer le réfrigérateur dans un endroit plutôt frais et de ne pas le régler sur une température plus froide que nécessaire. ✓ Tous les appareils électriques, lampes incluses, finissent par libérer l’électricité qu’ils consomment sous forme chaleur dans l’habitation (à l’exception de ceux qui rejettent leur chaleur à l’extérieur, comme le lave-linge ou le lave-vaisselle).
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5 Se déplacer : énergie et transport
Quels sont nos modes de déplacement
privilégiés ?
Y a-t-il encore de la marge pour améliorer l’efficacité de nos voitures ?
La 2 CV est-elle bien profilée ? Une voiture hybride, comment ça
marche ?
Le véhicule électrique, c’est vraiment efficace ? Bus ou voiture : qui consomme le plus ? L’avion pollue-t-il plus que le TGV ? Quelle quantité de graisse perd-on en pédalant
? 87
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L
sont un poste important de notre facture énergétique. Et ce n’est pas seulement parce que l’essence est très taxée : dans les pays développés, la voiture familiale est souvent le premier consommateur d’énergie d’un foyer. Prenons l’exemple d’une famille qui parcourrait en moyenne 20 000 km par an. Elle consommerait à peu près 1 400 litres d’essence. En termes d’énergie, c’est quasiment l’équivalent des 1 600 m3 de gaz naturel brûlés chaque année par un foyer hollandais moyen. En France, la part des transports dans la consommation énergétique finale s’élève à 32 %, bien au-dessus de celle de l’industrie (21 %). Cette part est similaire à celle de la consommation résidentielle (30 %), toutes énergies confondues1. Quels sont nos modes de déplacement privilégiés ? Dans la plupart des pays développés, un citoyen moyen utilise en premier lieu sa voiture. En France, par exemple, une personne lambda parcourt en moyenne 42 km par jour, voyages inclus. Les déplacements quotidiens locaux représentent 25 km par jour, dont 16 km parcourus en voiture, 2 km en transports en commun, 700 m à vélo et 5,6 km à pied2. L’utilisation du vélo est bien plus répandue aux Pays-Bas, où il totalise 2,5 km sur les 32 km quotidiens moyens (contre 25 km en voiture et 3,6 km en transports en commun3). Bien entendu, le comportement varie beaucoup entre milieu urbain et rural. Dans les pays en plein développement comme la Chine, l’usage de la voiture reste encore modéré mais les ventes explosent. Penchons-nous donc d’abord sur les voitures. Quelles sont leurs performances énergétiques ? Peut-on les améliorer ? Si oui, comment ? ES DÉPLACEMENTS
1. Source : ministère de l’Écologie, SOeS, 2012. 2. Données SOeS, Insee, Inrets, enquête nationale transports 2008. 3. Données Statistics Netherlands, 2007
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A. LA VOITURE Dans beaucoup de pays, la plupart des routes sont plates. Il y a peu de montées et de descentes et s’il y en a, elles se compensent largement. Que se passe-t-il sur une route plate ? Premièrement, il faut fournir de l’énergie pour accélérer. L’énergie nécessaire pour atteindre une vitesse donnée est proportionnelle à la masse de la voiture (qu’on appelle parfois improprement son poids) et à sa vitesse au carré (c’est ½mv², pour être précis). Ainsi, il faut quatre fois plus d’énergie pour atteindre 100 km/h que pour atteindre 50 km/h. Pensez-y quand vous verrez le feu passer à l’orange au loin ! En prenant garde, mieux vaut parfois éviter de freiner pour avoir à accélérer ensuite. L’anticipation est le maître mot ! Quelle quantité de carburant consomme-t-on à chaque arrêt ? Quand on fait les calculs à la louche, on trouve qu’accélérer de 0 à 100 km/h demande autant de carburant que de parcourir 1 km sur autoroute. Ou que 15 km en train ! Un train est en effet comparativement lourd mais relativement économe une fois en marche. Retenons donc qu’un train peut être rentable énergétiquement, pourvu qu’il ne s’arrête pas trop souvent (à moins que l’énergie de freinage puisse être récupérée). C’est sur autoroute que l’on consomme la plus grande quantité d’essence (ou de diesel, ou de quoi que ce soit d’autre). Dans ce cas, qu’est-ce qui détermine la consommation d’énergie ? Lancée à vitesse constante, une voiture doit combattre une certaine résistance. Le rôle du moteur est alors de fournir à la voiture exactement la force qu’il faut pour vaincre cette résistance. C’est donc précisément cette résistance qui détermine la consommation de carburant, comme nous le verrons plus loin. Mais quels phénomènes se cachent derrière cette résistance ? Au moins deux, que nous allons expliquer l’un après l’autre. La résistance au roulement Les roulements à bille ne jouent pas un grand rôle dans la résistance au roulement d’une voiture. Cette résistance est presque entièrement causée par la déformation des pneus sur la route. Cela peut 89
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sembler bizarre : le caoutchouc n’est-il pas élastique ? Ne reprend-il pas parfaitement sa forme après avoir été comprimé ? Bien sûr que si, mais ce mécanisme de compression et d’expansion consomme de l’énergie. La force nécessaire pour comprimer la gomme est plus grande que la « force de rappel » exercée par le pneu quand il se remet forme (voir l’encadré « Résistance au roulement et résistance de l’air »). La différence entre les deux – l’énergie nette – finit en chaleur. On sent bien à quel point les pneus chauffent après un voyage sur autoroute ! La résistance qui en résulte – la résistance au roulement, ou le frottement de roulement – est proportionnelle au poids de la voiture. Il s’agit, dans la pratique, d’un pourcentage fixe de ce poids qui dépend du type de pneus et de leur pression. Ce pourcentage est le « coefficient de résistance au roulement », noté Cr. Quelle est la valeur de Cr ? Autour de 1 ou plutôt de 0,1 ? Des valeurs aussi élevées sont impossibles, nous allons voir pourquoi. Supposons que notre voiture soit garée sur une pente et que l’on enlève le frein à main. À partir de quelle pente la voiture va-t-elle se mettre à rouler ? On constate qu’une pente de l’ordre de 1 % suffit. Quelle est la force correspondante ? Le poids de la voiture pointe dans la direction verticale. Seule sa composante parallèle à la route nous importe ici. Elle vaut à peine 1 % du poids du véhicule, mais elle suffit à mettre la voiture en mouvement. Si elle suffit pour dépasser la résistance au roulement de la voiture, c’est donc que la valeur de Cr doit être de l’ordre de 0,01. C’est ce que l’on trouve en pratique, si la pression des pneus est correcte. Très logiquement, Cr augmente quand la pression des pneus diminue, puisque tout le processus repose sur de la déformation des pneus. En pratique, la résistance au roulement augmente d’environ 5 % quand la pression baisse de 10 %1. La valeur de Cr varie d’un pneu à l’autre, mais aussi en fonction de la surface de la route. C’est le béton qui donne les meilleurs résultats. 1. Tires and Passenger Vehicle Fuel Economy, National Research Council of the National Academies, Washington, DC, 2006.
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Il ne s’écrase pas du tout et présente donc une résistance plus faible que celle du bitume, un peu plus mou. Pour une voiture moyenne, Cr vaut habituellement autour de 0,010. Mais avec des pneus récents, on peut espérer descendre jusqu’à 0,009. Des valeurs de 0,006 semblent accessibles dans le futur. L’essentiel est de se souvenir que pour toutes les applications usuelles, la résistance au roulement est indépendante de la vitesse. La résistance de l’air La résistance de l’air, qu’on appelle aussi la traînée, ne se comporte pas de la même manière. Elle augmente avec le carré de la vitesse et se trouve donc quadruplée quand on roule deux fois plus vite. On peut le tester facilement : quand on passe la main par la fenêtre de la voiture à 100 km/h, on ressent une force beaucoup plus grande qu’à 50 km/h. Pour être précis, elle est quatre fois plus grande. D’autre part, la résistance de l’air est proportionnelle à la densité de l’air. Elle augmente donc avec la pression atmosphérique. En plein été, la résistance de l’air est donc plus petite qu’en hiver pour une pression atmosphérique donnée. C’est logique si on se souvient que l’air chaud se dilate, donc se « dilue ». De la même manière, l’air est plus léger à haute altitude et la traînée subie par les voitures est donc réduite. Idem pour les vélos et pour les patineurs de vitesse : battre un record du monde est plus simple à haute altitude, si on fait abstraction de l’essoufflement dû à un air plus pauvre en oxygène. Un autre facteur dont dépend la traînée est la taille du véhicule... ou, plus précisément, sa surface frontale. Les voitures basses et étroites offrent une résistance à l’air plus faible que les voitures hautes et larges. Pour finir, la résistance de l’air est proportionnelle au coefficient de trainée Cd qui dépend de l’aérodynamisme de la voiture. Alors que Cd peut valoir 1 pour des objets grossiers pas profilés du tout, il peut descendre jusqu’à 0,25 pour les véhicules les plus récents. D’après Wikipédia, une bonne vieille 2 CV présente un Cd de 0,51 tandis qu’il 91
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vaut 0,34 pour une Peugeot 106 plus récente, 0,28 pour une Citroën C4 ou 0,25 pour une Peugeot 508. Pour des véhicules expérimentaux comme Nuna, dont nous avons déjà parlé (et qui est loin d’être une voiture familiale, comme le montre la figure 11), Cd descend à 0,07. Soit pratiquement la plus petite valeur possible, qui vaut à peu près 0,05 pour une géométrie idéale.
RÉSISTANCE AU ROULEMENT ET RÉSISTANCE DE L’AIR La résistance au roulement Fr s’écrit Fr = Cr × m g, où Cr est le coefficient de résistance au roulement, m la masse et g l’accélération de la pesanteur. Cette résistance est principalement due au fait que la force nécessaire pour comprimer la gomme des pneus est plus grande que celle qu’il libère en tentant de revenir à sa forme initiale (en termes de physique, l’intégrale F·dS sur un contour fermé n’est pas égale à zéro). L’énergie « perdue » dans le processus est libérée sous forme de chaleur. La résistance de l’air (ou « traînée ») Fd est proportionnelle au carré de la vitesse v. La loi de Bernoulli (p + ½ ρ v² = constante, où p est la pression et ρ la masse volumique de l’air) nous dit que la pression contre une plaque plane, où la vitesse de l’air est nulle relativement à la surface, vaut ½ ρ v². La force exercée sur cette plaque vaut donc A × ½ ρ v², où A et la surface de la plaque. Cependant, beaucoup d’objets sont plus ou moins profilés, ce qui réduit cette force de résistance. Le « coefficient de traînée » Cd rend compte de ce degré d’aérodynamisme. La résistance de l’air sur un objet de surface frontale A devient donc Fd = Cd × A × ½ ρ v². La valeur de Cd se trouve autour de 0,25 pour une voiture récente. La valeur limite pour un véhicule parfaitement profilé, qui correspond en gros à la forme d’un poisson ou d’une goutte, est de 0,05. Même si la valeur de Cd n’est pas vraiment indépendante de la vitesse, on peut la considérer comme une constante dans le domaine de vitesses considéré.
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Voiture familiale Résistance totale
Ré
Résistance (en newtons)
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Résistance au roulement
Vitesse (en km/h) Figure 11 | La résistance ressentie par une voiture augmente énormément à grande vitesse, à cause de l’augmentation rapide de la résistance de l’air ou traînée (courbe de droite). C’est ce qui explique l’augmentation de la consommation à grande vitesse. La figure correspond à une voiture de 1 000 kg, un coefficient de résistance au roulement Cr de 0,01, un coefficient de traînée Cd de 0,4 et une surface frontale de 2 m².
Pourquoi la résistance au roulement et celle de l’air sont-elles si importantes ? Parce qu’elles ont une influence directe sur la consommation de carburant. À elles deux, elles définissent la résistance totale que la voiture doit vaincre pour avancer sur une route horizontale. Cette résistance correspond à la force que le moteur doit fournir en continu pour maintenir la vitesse constante. Ce qui est intéressant, c’est que cette force est équivalente au travail effectué – donc à l’énergie utilisée – par unité de distance. On peut en déduire directement la consommation d’énergie de la voiture (voir l’encadré ci-dessous « De la résistance au carburant »). 93
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Pour évaluer séparément l’influence des deux types de résistance sur la consommation de carburant, il faut connaître leur importance relative. La figure 11 correspond au cas d’une voiture de taille moyenne. On s’aperçoit qu’à basse vitesse (en-dessous de 50 km/h), la résistance au roulement domine. Dans ce cas, il vaut clairement mieux avoir une voiture légère (qui consommera moins d’énergie pendant les nombreux cycles d’arrêt-redémarrage). Les choses ne sont pas les mêmes sur autoroute. Ici, la résistance de l’air prédomine. On préférera une
DE LA RÉSISTANCE AU CARBURANT La courbe de la figure 11 montre comment la résistance au roulement et la traînée se comportent quand la vitesse augmente, pour une voiture relativement légère et peu profilée. Les équations de ces résistances sont données dans l’encadré « Résistance au roulement et résistance de l’air » ci-dessus. Les valeurs numériques utilisées pour cette figure sont : masse m = 1 000 kg ; coefficient de résistance au roulement Cr = 0,01 ; coefficient de traînée Cd = 0,4 ; surface frontale A = 2 m². Dans le cas de cette voiture, on remarque que les deux résistances sont égales à 50 km/h. Dans le cas d’une voiture plus lourde et/ou mieux profilée, les deux courbes se croiseront pour une vitesse plus grande. Dans le cas d’un cycliste, ce serait autour de 15 km/h. L’axe vertical est gradué en unités de force : les newtons. On comprend facilement que c’est une mesure directe de la consommation d’énergie. Sachant que Travail = Force x Distance, on en déduit que Force = Travail / Distance, c’est-à-dire 1 N = 1 J/m. Ainsi à 100 km/h, on trouve sur le graphe 500 newtons pour cette voiture, soit 500 joules par mètre ou 500 kilojoules par kilomètre. Mais il s’agit d’énergie mécanique. Avec un rendement de 20 % pour le moteur, cela donne une consommation totale d’énergie de 2 500 kJ/km. Comme le pétrole et l’essence ont une valeur de combustion de 40 000 kJ par kg, cela correspond à 6,3 kg aux 100 km, soit une consommation de sept litres aux 100 km.
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Nombre de km par litre
30 25 20 15 10 5 0 40
50
60 70 Vitesse (en km/h)
80
90
Figure 12 | Efficacité énergétique en fonction du nombre de kilomètres parcourus et de la vitesse (de 40 à 90 km/h) en cinquième vitesse (Toyota Yaris, d’après Herbert Blankesteijn).
voiture basse et étroite, à faible surface frontale. L’aérodynamisme est alors essentiel. Conduire fenêtre ouverte ou transporter des bagages sur le toit peut donc augmenter considérablement la consommation de carburant. Pour finir, rappelons que comme la résistance de l’air augmente avec le carré de la vitesse, conduire vite augmente sensiblement la consommation. Heureusement, les choses ne sont pas aussi mauvaises que ne le suggère la pente raide de la courbe. Le rendement du moteur augmente à haute vitesse, puisqu’il doit travailler plus (le rendement est nul quand le moteur est au ralenti !). Cet effet compense partiellement l’augmentation abrupte de la résistance de l’air. Mais tout bien considéré, conduire vite reste inefficace. Limiter la vitesse est donc au final une bonne idée en termes de consommation d’énergie. La figure 12 montre expérimentalement que la consommation de carburant dépend beaucoup de la vitesse. Quand on ralentit (en supposant qu’on reste en cinquième), on atteint un rendement de 29 km/l d’essence, à comparer aux 20 km/l mesurés à 90 km/h. 95
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Évidemment, ces résultats varient d’une voiture à une autre. Mais la tendance reste la même : limiter sa vitesse, ça paye ! Surtout si on s’arrange pour faire tourner le moteur dans sa zone de fonctionnement optimale. Dans notre exemple, nous sommes restés en cinquième vitesse tout au long de l’essai, même à 40 km/h. ■
La voiture hybride
Il peut paraître bizarre d’utiliser deux moteurs pour augmenter le rendement d’une voiture – un moteur thermique ordinaire et un moteur électrique. C’est pourtant ce qui se passe dans un véhicule hybride. L’énergie provient exclusivement d’essence ou de diesel : tout ce que fait la technologie hybride, c’est d’utiliser cette énergie plus efficacement que dans une voiture ordinaire. Comment ça marche ? Le secret réside dans le moteur électrique – combiné à une batterie assez grande – qui améliore nettement l’efficacité de la conduite en ville. En cycle urbain, les phases d’arrêt-redémarrage sont fréquentes. Aux feux rouges, le moteur électrique s’arrête purement et simplement au lieu de tourner au ralenti comme celui d’une voiture ordinaire. En plus, il est capable de récupérer l’énergie de freinage et de la convertir en électricité qui sert à recharger la batterie. Dans une voiture ordinaire, cette énergie serait perdue sous forme de chaleur au niveau des freins. La voiture hybride rend donc la conduite en ville bien plus efficace. Ce n’est pas étonnant si on se souvient que la résistance de l’air est petite à basse vitesse. Tout ce qu’on demande au moteur électrique, c’est de vaincre la résistance au roulement. La résistance totale est donc limitée et la conduite s’avère efficace énergétiquement. Sur autoroute, cet avantage disparaît. Et comme la batterie n’a qu’une autonomie relativement faible, la voiture doit se remettre à l’essence ou au diesel comme une voiture « normale ». Sur longue distance, une voiture « normale » profilée de la même manière serait donc tout aussi efficace. 96
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Comme le moteur électrique et le moteur thermique peuvent être utilisés ensemble pendant une courte durée – pour gravir une côte ou dépasser une voiture par exemple – on peut se contenter d’un moteur thermique plus petit que s’il était seul. Cela améliore encore un peu le rendement du moteur, puisqu’il augmente quand le moteur « travaille plus dur ». Pour conclure, l’avantage d’un véhicule hybride en ville est évident. C’est donc potentiellement une bonne solution pour un taxi. Non seulement le coût de la course est réduit, mais la pollution de l’air en ville diminue. ■
La voiture hybride rechargeable et la voiture tout-électrique
Le véhicule hybride dont nous venons de parler tire toujours son énergie d’un carburant fossile. Il est possible d’aller plus loin et de rouler vraiment à l’électricité. Ce n’est cependant pas encore une solution adaptée pour les trajets longue distance, puisque les performances des batteries actuelles ne permettent pas d’embarquer assez d’énergie (voir 2e tome). Une option intermédiaire est la voiture hybride rechargeable (« plugin hybrid » en anglais). Cette technologie permet de rouler directement à partir de l’électricité d’une simple prise électrique. Et une fois les batteries vides, il reste possible de parcourir une distance raisonnable en passant à l’essence. La recharge électrique peut se faire au moment choisi, par exemple la nuit quand la consommation électrique est basse (donc l’électricité bon marché). Ou bien, si on utilise de l’énergie solaire, les batteries peuvent être rechargées en milieu de journée quand le soleil est au zénith. La voiture tout-électrique n’est aujourd’hui envisageable que pour les courtes distances. Son autonomie (typiquement 150 km) suffit à la plupart des trajets domicile-bureau. Si la technologie des batteries progresse, on peut penser que les voitures électriques finiront par parcourir des distances comparables à celles couvertes par les voitures thermiques actuelles. 97
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Évidemment, une question se pose : la voiture électrique est-elle plus efficace énergétiquement que la voiture traditionnelle au carburant fossile ? Pour le savoir, nous devons comparer le rendement d’un moteur thermique à combustion (20 % en moyenne) avec celui de la production d’électricité. Pour une centrale électrique au pétrole ou au gaz naturel, un rendement net de 35 % paraît raisonnable. La voiture électrique l’emporterait donc, à condition que les pertes dues à la recharge de la batterie et au fonctionnement du moteur électrique soient petites. Avantages supplémentaires : le poids plus faible du moteur électrique comparé au moteur thermique et les meilleures performances des véhicules électriques dans le trafic urbain, puisqu’ils ne consomment rien à l’arrêt. Ceci dit, les pertes pendant les cycles de charge et de décharge peuvent largement contrebalancer ces avantages. Les véhicules électriques peuvent aussi être alimentés par des piles à combustible, ce qui est explicité dans le 2e tome.
B. LE BUS ET LE TRAIN Les bus et les voitures utilisent des pneus en gomme. Leurs coefficients de résistance au roulement sont donc similaires, mais la valeur nette de cette résistance au roulement est bien plus élevée dans le cas du bus, à cause de son poids. Pour faire une comparaison équitable, le meilleur critère est la résistance au roulement par siège. On constate que les voitures et les bus sont assez comparables sur ce plan (voir tableau 7). En d’autres termes, s’ils sont pleins, une voiture et un bus ont presque la même consommation d’énergie par siège à basse vitesse. Les choses changent à grande vitesse, quand la résistance de l’air (la traînée) prédomine. Certes, le bus a une surface frontale plus grande et moins profilée que la plupart des voitures, mais c’est compensé par le grand nombre de passagers qu’il transporte. Au final, la traînée par passager d’un bus est plus petite de moitié que celle d’une voiture. 98
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À grande vitesse, le bus bat donc la voiture d’un facteur 2, comme le montre le tableau 7. Le bus : quelques chiffres Un bus typique de 50 passagers consomme environ un litre de diesel tous les 3,5 km. Cela représente 175 passagers-kilomètres par litre (le nombre de passagers-kilomètres est le nombre de passagers multiplié par le nombre de kilomètres parcourus). En comparaison, une voiture diesel standard avec quatre personnes à bord roulant à la vitesse maximale du bus attendrait sans doute 80 passagers-kilomètres par litre. En d’autres termes, la voiture est moitié moins performante qu’un bus sur longue distance. Les trains sont très semblables aux bus du point de vue de la résistance totale de l’air. Mais ils transportent bien plus de passagers. Le train prend donc largement l’avantage en termes de résistance de l’air par passager (voir tableau 7). Il bat le bus d’un facteur 5 et la voiture d’un facteur 10 sur ce plan. Tableau 7 | Valeur approximative des grandeurs qui définissent la consommation d’une voiture, d’un bus ou d’un train. Les valeurs de résistance au roulement et de traînée sont calculées par passager. Elles permettent donc une comparaison directe, pour un même taux de remplissage (voir aussi le tableau 8).
Masse par siège (en kg)
Cr
Voiture
300
0,01
Bus
300
0,01
Train (à deux étages)
600
0,0015
Résistance au roulement comparée à une voiture
Surface frontale par siège (en m²)
Cd
Résistance de l’air comparée à une voiture
0,5
0,4
1
0,15
0,7
0,5
0,35
0,025
0,8
0,1
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Les valeurs de résistance au roulement sont aussi bien différentes. Les trains ont des roues métalliques et ils circulent sur des rails en acier. Leur coefficient de résistance au roulement est bien plus petit. Mais sans doute pas aussi petit que ce que l’on pourrait attendre vu la rigidité de l’acier. Le contact entre roue et rail est imparfait, ce qui engendre un frottement supplémentaire. Cela peut provenir aussi d’un mauvais entretien des voies. Les valeurs raisonnables de Cr vont de 0,0015 à 0,0020 pour un train. Ces valeurs restent bien inférieures à celle d’un pneu en caoutchouc sur une route. Mais cet avantage est en partie compensé par le poids important du train, même si sa résistance au roulement par passager reste près de trois fois inférieure à celle d’un bus ou d’une voiture (voir tableau 7). Les trains sont donc particulièrement compétitifs là où la résistance de l’air est plus grande que la résistance au roulement. Elles sont identiques pour des vitesses aux alentours de 70 à 100 km/h pour un train, suivant son type. Pour mémoire, dans le cas d’une voiture, cet équilibre a lieu à plus basse vitesse, vers 50 à 70 km/h en fonction du modèle. Nous n’avons pas encore pris en compte le freinage et l’accélération. Les trains sont assez lourds : leur accélération coûte donc cher. Comme ils sont relativement efficaces en vitesse de croisière, les trains peuvent parcourir une longue distance avec la même quantité d’énergie que celle qu’il leur a fallu pour atteindre cette vitesse. Si on fait le calcul pour un train à deux niveaux comprenant quatre voitures comme celui du tableau, on trouve une distance de 15 km. Pour une voiture, ce serait à peine 1 km. Les trains sont donc particulièrement adaptés aux longues distances. Plus ils s’arrêtent et moins ils sont efficaces, à moins que l’énergie de freinage ne soit récupérée (ce qui se fait de plus en plus). En hiver, les trains doivent être chauffés comme les voitures. Mais, à l’inverse des voitures thermiques, ils n’ont pas de chaleur perdue qui pourrait être recyclée. À la place, ils ont besoin d’un chauffage électrique, ce qui peut réduire substantiellement leur rendement énergétique. 100
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Le train : quelques chiffres Un train à deux niveau comprenant quatre voitures (372 sièges au total pour 254 tonnes) a une efficacité énergétique de 158 passagerskilomètres par litre d’essence, une fois convertie en électricité. On suppose ici un train totalement rempli et une moyenne de 14 km entre chaque arrêt. C’est à peu près trois fois mieux qu’une voiture pleine, avec 56 passagers-km/litre, si l’on considère quatre passagers et une consommation moyenne de 14 km par litre. L’intérêt des trains augmente quand la distance entre arrêts augmente. Avec des escales tous les 50 km, l’efficacité énergétique passe à 260 passagers-km par litre. Ici aussi, on suppose l’énergie de freinage totalement perdue. Le TGV (Train à Grande Vitesse), les trains à grande vitesse de manière générale et le MagLev (à lévitation magnétique) circulent tous à très grande vitesse et traversent l’air à pression ambiante. Ils sont donc condamnés à être inefficaces énergétiquement. Et pour cause : comme pour les voitures, la résistance de l’air augmente avec le carré de la vitesse. Rouler deux fois plus vite demande donc quatre fois plus d’énergie. La résistance au roulement devient négligeable à partir de vitesses autour de 300 km/h. Les trains à lévitation magnétique (qui ne présentent aucune résistance au roulement) n’apportent donc presque aucune amélioration en termes d’efficacité énergétique. Ainsi, on ne peut pas s’attendre à ce que le transport ferroviaire à grande vitesse soit particulièrement efficace. Un TGV circulant plus de deux fois plus vite qu’un train grande ligne normal devrait utiliser près de quatre fois plus d’énergie, malgré son excellent aérodynamisme. Le TGV : quelques chiffres En pratique, un TGV consomme à peu près cinq fois plus d’énergie qu’un train grande ligne ordinaire. Bien évidemment, un TGV fonctionne avec de l’électricité et pas du carburant fossile. Toutefois, 101
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pour faciliter les comparaisons, on peut convertir cette électricité en une quantité équivalente d’essence consommée. Un TGV transporte 50 passagers-kilomètres par litre. Cela confirme nos estimations précédentes : en gros, il fait quatre fois moins bien qu’un train grande ligne ordinaire. Mais en pratique, le taux d’occupation élevé des TGV peut permettre d’améliorer leur efficacité. Nous reviendrons sur ces comparaisons en fin de chapitre.
C. L’AVION La consommation de carburant d’un avion par passager-kilomètre dépend de nombreuses variables. L’avion est-il rempli ? De quel modèle s’agit-il ? Les sièges sont-ils plus ou moins rapprochés ? L’avion transporte-t-il du fret en plus des passagers ? S’agit-il d’un vol long-courrier ? La réponse à la dernière question est intéressante. Bien sûr, les vols courts ne sont pas très efficaces en raison des grandes quantités de carburant consommées pour décoller et atterrir. Les longs courriers devraient donc être plus efficaces. Mais attention : les très longs vols nécessitent de lourdes charges de carburant supplémentaire. Ainsi, les vols au-delà de 5 000 km deviennent moins efficaces, puisqu’ils transportent moins de passager à cause du carburant supplémentaire. On peut faire l’estimation en considérant qu’un avion en croisière consomme presque 10 cm3 de carburant par seconde et par siège. Pour un vol de 5 000 km qui dure six heures, cela donne une consommation de carburant de 6 × 3 600 × 0,01 litres par passager. Ce qui fait 216 litres, soit l’équivalent du poids de deux passagers ! Pour estimer la consommation de carburant, reprenons cette valeur de 10 cm3 de carburant consommés par passager et par seconde. Elle est assez précise pour de nombreux modèles d’avions des années 1980, même si elle a un peu diminué depuis avec l’amélioration de leurs performances. Cela reste une règle d’approximation facile à retenir. On calcule qu’une heure de vol demande 36 litres de kérosène 102
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par passager. Comme on parcourt presque 1 000 km en une heure, la consommation se situe donc autour de 3,6 litres pour 100 km, soit 28 km par litre et par passager. C’est l’équivalent d’une voiture consommant 14 km par litre avec deux occupants. Ainsi, l’avion est à peu près aussi efficace qu’une voiture à moitié pleine (par km et par passager). Les avions et les voitures s’améliorant les uns comme les autres avec le temps, cette approximation devrait rester valable de nombreuses années. Cependant, certains facteurs compliquent les choses. Le fret, par exemple. Beaucoup d’avions transportent bien plus de fret que les simples bagages des passagers. Leur efficacité totale est donc difficile à évaluer avec précision (voir plus loin les données expérimentales pour les avions). Le fait que les avions soient relativement efficaces peut surprendre, sachant que la résistance de l’air augmente drastiquement avec la vitesse. Quelle est l’explication ? D’une part, n’oublions pas que l’altitude de croisière des avions est de 10 km, voire plus. La densité de l’air y est quatre fois plus basse qu’au niveau de la mer. D’autre part, l’aérodynamisme des avions est excellent. Enfin et surtout, leur poids mort est relativement faible. Si l’on compare la masse totale des passagers, bagages et fret compris, on trouve un rapport d’environ 1 à 10. C’est un ratio particulièrement favorable comparé à celui d’un navire de croisière par exemple (voir tableau 8). L’avion : quelques chiffres Un vol long-courrier de 9 000 km effectué par un Boeing 777-200 transportant 260 passagers et 12 000 kg de fret consomme environ 68 000 kg ou 85 000 litres de kérosène. Soit 28 passagers-kilomètre par litre, ce qui est cohérent avec les chiffres cités plus haut. Mais il faut aussi prendre en compte le fret. Supposons que les 12 000 kg de fret équivalent à 120 passagers plus leurs bagages : nous nous retrouvons avec 380 personnes à bord. Ce qui nous amène à 40 passagers-km parcourus par litre. 103
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UN VOYAGE EN ZEPPELIN ? Le dirigeable, aussi appelé « Zeppelin » (en référence au comte allemand Ferdinand Graf von Zeppelin, son inventeur) peut se maintenir dans les airs sans consommer la moindre énergie. Difficile de faire plus efficace ! Serait-ce la solution idéale pour un transport énergétiquement sobre ? Peut-être, tant que le Zeppelin reste stationnaire. Il peut alors servir de grue pour hisser des charges et les transporter sur de petites distances. Mais ce n’est plus pareil quand il se met à bouger. Le dirigeable battrait-il l’avion sur un voyage transatlantique, en termes de consommation d’énergie ? Faisons un petit calcul rapide. La résistance de l’air suffit. Elle augmente avec la vitesse au carré. On peut difficilement descendre sous les 100 km/h (rien qu’avec les vents dominants !). À cette vitesse, la résistance de l’air est gigantesque pour un objet aussi grand. Comme le dirigeable n’aurait pas assez de portance à haute altitude où la pression est plus basse, on doit prendre en compte la densité de l’air près du niveau de la mer. Prenons les dimensions du Hindenburg : le dirigeable qui a défrayé la chronique en essayant de se poser dans le New Jersey, aux États-Unis, en 1937. Il transportait 100 passagers et mesurait 41 mètres de diamètre. Soit une surface frontale de 13 m² par passager. On est bien au-dessus de celle d’une voiture, dont la surface frontale par passager est seulement de 0,5 m². Même en tenant compte de sa résistance au roulement (relativement petite) et de l’aérodynamisme du dirigeable, la voiture reste à peu près dix fois plus efficace. Pour vérifier ce calcul, reprenons les données techniques du Hindenburg. Il avait une vitesse de pointe de 135 km/h et des moteurs d’une puissance totale de 3 560 kW. On trouve au final qu’une voiture battrait ce dirigeable d’un facteur 8. Comparé à un avion, maintenant, le dirigeable a deux inconvénients. D’abord, son volume est énorme, d’où une grande résistance de l’air. En plus, la densité de l’air à son altitude est quatre fois plus grande qu’à l’altitude de croisière d’un avion. La conclusion s’impose : il n’y a pas d’avenir pour le dirigeable (à moins qu’on ait vraiment envie de prendre son temps !).
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Quel moyen de transport privilégier ? Comment se positionnent les différents moyens de transport, en termes de consommation d’énergie ? Le tableau 8 donne quelques ordres de grandeurs. La faible performance des navires de croisière est frappante, vu leur faible vitesse. Elle s’explique en partie par le fait qu’ils progressent dans l’eau, dont la densité est trois ordres de grandeur plus grande que celle de l’air au niveau de la mer. Mais avant tout, le poids mort par passager d’un navire – ou d’un paquebot – est énorme. Contrairement aux autres moyens de transport, ces bateaux sont conçus pour
Tableau 8 | Efficacité énergétique en nombre de passager-kilomètre par litre de carburant, pour un taux de remplissage de 100 % sur longue distance. Pour les véhicules électriques, on suppose que l’électricité est produite dans une centrale au pétrole. Dans le cas du vélo, c’est l’équivalent énergétique en litres de pétrole de la nourriture qui est indiqué.
Nombre de passagers
Vitesse (en km/h)
Efficacité énergétique (en passagerskm/litre)
Vélo
1
20
500
Vélo électrique
1
20
400
Train
250
130
250
Bus
50
100
170
4
100
60
TGV
377
300
50
Avion
400
900
301
2 000
50
4
Voiture
Navire de croisière
1. Les avions récents comme l’A380 peuvent atteindre 35 (source : Singapore Airlines, 2008).
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passer beaucoup de temps en mer. Ils intègrent des restaurants, des commerces, des salles de bal, voire même des piscines et tout ce qui va avec. En fait, ces bateaux sont de vrais villages flottants. Prenons un exemple relativement moderne : le Queen Elisabeth 2. Il mesure 345 mètres de long, pèse 70 000 tonnes et transporte 1 900 passagers. Avec leurs bagages, les passagers totalisent 200 tonnes… soit seulement 0,3 % du poids total du navire ! À comparer aux 10 % que totalisent les passagers dans un avion. Attention toutefois à ne pas généraliser les mauvaises performances des navires de croisière aux bateaux en général. La charge transportée par un navire cargo ou par un pétrolier est souvent très grande comparée à leur poids propre. Leur efficacité énergétique peut donc être très bonne. Énergie et CO2 Prenons pour exemple un trajet Paris-Avignon effectué par une personne seule en TGV, en avion ou en voiture. L’éco-comparateur de la SNCF (ecocomparateur.voyages-sncf.com) nous apprend que ce voyage entraînerait l’émission de 20 kg de CO2 en TGV contre 182 kg en avion et 303 kg en voiture. On constate un facteur deux entre voiture et avion, ce qui semble raisonnable : si la voiture transportait deux personnes au lieu d’une, les deux options se vaudraient en termes d’émissions, comme l’indique le tableau 8. Le TGV est le grand gagnant, avec seulement 20 kg de CO2 émis. Mais il y a un truc : le TGV français consomme une électricité principalement produite à partir d’énergie nucléaire. D’où les faibles valeurs observées. Prenons un deuxième exemple. Pour un voyage Paris-Rome, le site ecopassenger.com nous donne les consommations de carburant primaire par passager suivantes : 40 litres pour le train (dont le TGV sur une partie du parcours, avec un taux de remplissage moyen), 73 litres pour une voiture transportant en moyenne une personne et demie et 68 litres pour l’avion (avec ici aussi un 106
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taux de remplissage moyen). Ces écarts semblent raisonnables. En termes d’émissions de CO2, on trouve des valeurs assez similaires au Paris-Avignon : 40 kg pour le train, 145 kg pour l’avion et 156 kg pour la voiture. On voit bien qu’il faut toujours interpréter ces chiffres avec précaution : deux trains peuvent avoir des consommations d’énergie différentes et a fortiori des émissions de CO2 différentes en fonction du mode de production de l’électricité.
D. LE VÉLO En inventant le vélocipède1, l’homme est parvenu à améliorer d’un facteur quatre l’efficacité du transport. Marcher est déjà bien plus efficace que de voler – et que de nombreux autres moyens de transport, y compris dans le monde animal. Mais le vélo est le grand gagnant quand on regarde la quantité d’énergie dépensée par kilogramme de masse transportée et par unité de distance. C’est ce que montre la figure 13. Pourquoi quelques coups de pédale sont-ils tellement plus efficaces que quelques pas ? Pour commencer, le centre de gravité du cycliste reste fixe : quand une jambe monte, l’autre descend. Ce n’est pas le cas quand on marche : notre centre de gravité se déplace à chaque pas de près de trois centimètres vers le haut et le bas, ce qui consomme évidemment de l’énergie. La marche est un processus mécanique complexe qui implique de nombreux muscles. C’est ce qui la rend au final bien moins efficace le vélo.
1. « Vélocipède » est le nom français donné par Karl Drais à sa Draisienne, un appareil de locomotion formé d’un siège sur deux ou trois roues que l’on faisait avancer en se propulsant avec les pieds sur le sol avant l’invention des pédales. Le diminutif « vélo » est utilisé dans le langage courant pour désigner la bicyclette.
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Drosophile
Consommation d’énergie (en kJ/km · kg)
Mouche Abeille
Rat
Souris Sauterelle Colibri
Lapin Hélicoptère
Perroquet
Avion de chasse
Chien Mouton
Goéland
Vache Pigeon
Voiture
Humain
Cheval
Avion de ligne
Saumon Cycliste
Masse (en kg)
Figure 13 | Consommation d’énergie par kilomètre et par kilogramme transporté en fonction de la masse de l’objet (données de S. S. Wilson, « Bicycle Technology », Scientific American, mars 1973, p. 90).
Combien d’énergie consomme-t-on à vélo ? C’est assez simple à calculer. La puissance nécessaire est comparable à celle qu’il faut pour gravir un escalier, que nous avons déjà estimée à 100 W (voir l’encadré « Monter les marches », chapitre 3). Imaginons maintenant que l’on pédale pendant 24 heures sans s’arrêter. Nous avons vu que les 100 W d’énergie mécanique développés en pédalant correspondent à une énergie consommée de 400 W pour un rendement musculaire de 25 %. Nous avons aussi vu que consommer en continu 108
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400 W d’énergie revient à brûler un litre de pétrole par jour (voir chapitre 3, paragraphe A). Ainsi, si nous pédalions toute une journée, nous consommerions l’équivalent d’un litre de pétrole. Pendant cette ballade de 24 heures, nous couvririons sans doute une distance de 24 × 20 km, soit environ 500 km. Conclusion : un cycliste consomme à peu près « un litre aux 500 km » ! C’est extrêmement efficace. Mais il y a un hic. On ne pédale pas au pétrole ou à l’essence, mais au pain, au lait, à la viande et au fromage. Toute cette nourriture a demandé bien plus d’énergie pour être produite et acheminée que son contenu énergétique propre. Prenons l’exemple du lait. Les vaches doivent être nourries et traites (électriquement) ; leur lait doit être refroidi, transporté, chauffé pour être pasteurisé, refroidi à nouveau, re-transporté... Tout cela mis bout-àbout, il faut peut-être un demi-litre de pétrole pour qu’un litre de lait atterrisse sur la table de la cuisine. Et c’est la même chose pour à peu près n’importe quelle denrée. Ainsi, même si le vélo est très agréable et très sain, une petite mobylette est sans doute préférable si l’objectif est d’économiser l’énergie. Quelles forces un cycliste doit-il vaincre ? Dans des pays comme le Danemark, les Pays-Bas ou la Belgique, pédaler est plutôt facile. Ce sont de plats pays : pas besoin de lutter contre la gravité. S’il est en bon état, le vélo lui-même offre très peu de résistance mécanique. Les roulements à bille entraînent une perte de l’ordre de 1 %, une chaîne bien huilée environ 1,5 %, le dérailleur 5 % tout au plus. En vitesse de croisière, les forces qu’il faut réellement compenser sont la résistance au roulement et la résistance de l’air, comme pour une voiture (voir paragraphe « La résistance de l’air »). Mais à vélo, les chiffres sont bien sûr un peu différents. Le coefficient de résistance au roulement Cr est très semblable à celui que nous avons vu pour les voitures. Il dépend aussi de la pression des pneus. Avec des pneus standard, les valeurs typiques sont de 109
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l’ordre de Cr = 0,006 à 0,010. Pour les vélos de course, on descend typiquement à 0,003. Le coefficient de résistance de l’air ou de traînée Cd dépend de l’aérodynamisme. À vélo, il varie beaucoup d’un cas à l’autre. Si le cycliste se tient assis bien droit, Cd sera proche de 1. S’il se courbe vers l’avant, Cd sera proche de 0,88 (et comme la surface frontale est également réduite, on gagne deux fois). Mais pour un vélo couché profilé en cigare comme le VPH (Véhicule à Propulsion Humaine, traduction approximative de HPV, Human Powered Vehicle en anglais), il peut descendre à 0,1. La figure 14 indique l’évolution de ces deux formes de résistance pour un vélo de ville ordinaire. On constate que la résistance au roulement prédomine jusque 15 km/h environ. À plus grande vitesse, la résistance de l’air prend l’avantage. L’aérodynamisme est donc essentiel pour atteindre une vitesse élevée : battre un record, c’est donc d’abord réduire la résistance de l’air. Les VPH peuvent dépasser les 100 km/h, ce dont un cycliste ordinaire n’oserait même rêver… La figure cache un autre point important que nous avons déjà relevé pour les voitures (voir paragraphe « La résistance de l’air »). La résistance totale – autrement dit la force – est une mesure directe de la consommation d’énergie par kilomètre. Quand la figure indique une force de 20 newtons, c’est l’équivalent de 20 joules par mètre, soit 20 kJ par km. La force totale augmente avec la vitesse, de même que la consommation d’énergie par kilomètre. Pédaler vite consomme donc non seulement plus d’énergie par heure (ce qui est évident puisque l’effort nécessaire est plus important), mais aussi par kilomètre. Ainsi, si on veut s’entraîner à vélo sur une distance donnée, rouler vite est effectivement plus pertinent que de rouler lentement. Quelle est la consommation d’énergie dans le cas du graphe ? Le calcul est facile. À 20 km/h, la résistance totale est d’environ 16 newtons pour un vélo de ville ordinaire (Cr = 0,006 ; m = 90 kg ; Cd = 1,1 ; A = 0,50 m²). La quantité utile d’énergie est donc de 16 kJ/km. Pour un 110
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SE DÉPLACER : ÉNERGIE ET TRANSPORT
r ’ai
Ré s
ist
an
ce
de l
Résistance (en newtons)
Ré
sis t
an
ce tot a
le
Vélo de ville standard
Résistance au roulement
Vitesse (en km/h)
Figure 14 | La résistance d’une bicyclette standard est dominée par la résistance de l’air (ou traînée, courbe de droite) à partir de 15 km/h environ.
rendement musculaire de 25 %, cela correspond à une consommation totale de 64 kJ/km. Comme le contenu énergétique d’un litre de pétrole ou d’essence est de 40 MJ/kg, le cycliste consomme donc 1,6 gramme par kilomètre. Notre estimation à la louche de tout à l’heure – 1 litre tous les 500 km soit 2 grammes par km – était donc plutôt juste. Mais alors, quelle quantité de graisse perd-on en pédalant si on ne mange pas plus que d’ordinaire ? Reprenons le cas précédent. Sachant que le contenu énergétique du pétrole et de la graisse sont proches, on peut estimer que nous brûlons deux grammes de graisse par kilomètre (sans compter le poids de l’eau perdue temporairement en transpirant). Pour perdre un kilogramme à vélo, il faudrait donc parcourir près de 500 km… 111
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Ce qu’il faut retenir sur l’énergie et le t r an s p or t ✓ Dans un pays comme la France, la quantité d’énergie utilisée pour le transport est similaire à la consommation d’énergie résidentielle. ✓ La consommation de carburant d’une voiture est déterminée avant tout par son poids en ville et par sa surface frontale et son aérodynamisme sur autoroute. Conduire vite est inefficace énergétiquement. ✓ Les véhicules hybrides sont relativement efficaces, mais ils sont surtout utiles en ville. ✓ Les véhicules électriques sont un peu plus efficaces que les voitures essence ou diesel. Cependant, le coût et les performances des batteries limitent encore leur utilisation à des distances plutôt courtes : typiquement, les trajets domicile-bureau en milieu urbain. ✓ Pour les trajets longs, un bus plein est trois fois plus efficace qu’une voiture. Mais en ville, lorsque de nombreux arrêts s’imposent, bus et voitures sont relativement comparables. ✓ Pour les trajets longs, un train plein est quatre fois plus efficace qu’un bus en consommation d’énergie par passager. Cet avantage disparaît rapidement si les arrêts sont fréquents, à moins de récupérer l’énergie de freinage. ✓ Les trains à grande vitesse comme les TGV sont bien moins efficaces que les trains grandes lignes standards à cause de l’importance de la traînée à grande vitesse. Leur efficacité est à peu près égale à celle d’une voiture. ✓ Par siège, un avion plein consomme environ autant d’énergie par kilomètre qu’une voiture transportant deux personnes. ✓ Le ballon dirigeable n’est efficace que s’il navigue à très basse vitesse. ✓ Le vélo bat tous les autres moyens de transport : il permet de parcourir près de 500 km par litre si le contenu énergétique contenu dans l’alimentation du cycliste est traduit en consommation d’essence (sans compter l’énergie nécessaire à la production de cette nourriture).
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6 L’énergie en France et dans le Monde
Vivre mieux, c’est forcément consommer plus ?
Pourrait-on faire pousser notre énergie ? D’où provient notre énergie
?
Pétrole : combien d’années avant la panne
sèche ?
Quelle consommation d’énergie en 2050 ?
113
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A. LE GRAND ÉCART La consommation d’énergie varie énormément d’un bout à l’autre de la planète… et c’est tout aussi vrai pour l’électricité que pour la consommation énergétique totale. Le tableau suivant fournit quelques exemples. La consommation d’énergie par habitant y est exprimée en kilowatts sur une base continue – ce qui est plus simple à visualiser que l’une des nombreuses unités exotiques souvent utilisées, comme les tonnes d’équivalent pétrole par habitant par an… La troisième colonne du tableau montre un facteur proche de 50 entre les consommations extrêmes… voire plus quand on regarde l’électricité (quatrième colonne). Tableau 9 | Consommation d’énergie et produit intérieur brut par habitant dans plusieurs pays en 2008. L’approvisionnement total en énergie primaire (ATEP) et la consommation d’électricité par habitant sont donnés en kW. (Source : Agence Internationale de l’Énergie, www.iea.org)
Population (en millions) États-Unis
ATEP/ habitant (en kW)
Cons. électr/ habitant (en kW)
PIB (× 103 US$)
304,5
10,0
1,430
38,6
Pays-Bas
16,4
6,5
0,760
27,3
France
64,1
5,5
0,772
23,6
Monde
6 687,9
2,4
0,287
6,1
Chine
1 325,6
2,1
0,245
2,0
Inde
1 140,0
0,72
0,060
0,72
160,0
0,23
0,023
0,46
Bangladesh
La dernière colonne donne le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant, qui peut servir d’indicateur de niveau de vie. La consommation énergétique lui est évidemment corrélée, mais la correspondance n’est pas absolue comme le montre la figure 15. Certains pays 114
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dont le PIB est similaire peuvent avoir des consommations énergétiques significativement différentes. C’est le cas du Japon et des États-Unis, dont les PIB par habitant sont presque égaux alors que le Japon consomme moitié moins d’énergie par habitant. À l’opposé, l’Arabie Saoudite a un PIB relativement bas mais une consommation d’énergie élevée. La Russie consomme plus d’énergie par habitant que le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la France, alors que son PIB est huit fois inférieur. La figure nous apprend aussi qu’un grand nombre de pays industrialisés comme le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Russie consomment 2,5 à 3 fois plus d’énergie par habitant que la moyenne mondiale (il y a même un facteur 5 pour les États-Unis et le Canada). On comprend que la consommation énergétique mondiale serait multipliée instantanément par près de trois si chaque personne sur Terre avait accès au même confort énergétique que nous.
États-Unis
40.000
Japon
PIB par habitant (US$)
Suède Royaume-Uni
30.000
Canada
Allemagne Pays-Bas Italie
20.000
Australie
France
Espagne a
Arabie Saoudite
Argentine
10.000
Brésil Égypte
0 0
Inde
Chine
2
Moyenne mondiale
Russie
Afrique du Sud
4
6
8
10
Consommation instantanée d’énergie par habitant (kW)
Figure 15 | Produit intérieur brut et consommation d’énergie par habitant pour différents pays. De nombreux pays en développement (non représentés) se trouvent dans le coin inférieur gauche, entre l’Égypte et l’Inde. (Source : Statistiques clés sur l’énergie dans le monde, 2008, Agence Internationale de l’Énergie).
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B. LE CAS DE LA FRANCE Le cas particulier de la France illustre bien la consommation énergétique des pays industrialisés. La consommation d’énergie en France correspond à environ 5,5 kW par habitant en continu. Exprimé en pétrole, cela correspond à 13 litres par jour. Soit plus de 50 fois l’énergie contenue dans notre ration quotidienne de nourriture, estimée plus haut à un quart de litre de pétrole. Conclusion immédiate : il est absurde de compter sur l’agriculture pour subvenir substantiellement aux besoins énergétiques mondiaux. Les « carburants solaires de première génération », comme on les appelle (ceux qui sont issus du maïs, du blé, du colza, de la betterave ou de la canne à sucre) ne peuvent contribuer que modestement à la consommation énergétique actuelle des pays développés. Nous reviendrons sur les carburants solaires dans le 2e tome. L’approvisionnement en énergie D’où provient toute cette énergie ? Les sources d’énergie de la France sont représentées sur le diagramme suivant pour l’année 20121 : Énergies renouvelables thermiques et déchets : 6 % Hydraulique : 5 % Nucléaire 36 %
IE
%
RG
E
Figure 16 | Sources d’énergie de la France pour l’année 2012.
ÉN
CHARBON 4%
Éolien : 1,5 % Solaire : 0,5 % Autre : 1 %
0 FO S SI L ES 5
GAZ 15 %
PÉTROLE 31 %
Même si la proportion d’énergie nucléaire dans la production d’électricité est très élevée en France (76 %), la part des carburants 1. Source : ministère de l’Écologie, SOeS, Bilan énergétique de la France pour 2012.
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fossiles reste importante quand on regarde le bilan des approvisionnements en énergie : gaz naturel, pétrole et charbon totalisent 50 % de notre besoin en tonnes d’équivalent pétrole. Contrairement à d’autres pays développés comme les Pays-Bas, nous utilisons en revanche peu de carburants fossiles pour produire notre électricité. Le bilan énergétique d’un pays est quelque chose de complexe. Il faut prendre en compte les importations et les exportations ; les réserves qui augmentent ou qui diminuent ; le fait que le pétrole peut être raffiné puis exporté sous une autre forme ; tenir compte des variations climatiques qui influencent la consommation... Sans oublier que l’électricité peut aussi bien être produite par de grosses centrales connectées au réseau que par de petites unités locales, et ainsi de suite... Analyser la consommation d’énergie est donc rarement univoque. La consommation totale d’énergie Comment l’énergie est-elle utilisée ? Et par qui ? La réponse dépend de ce que l’on veut précisément savoir. Prenons une centrale électrique thermique traditionnelle dont la plupart de l’énergie est perdue sous forme de chaleur. Doit-on considérer que cette chaleur est consommée par la centrale, ou par ses clients ? Et si on la réutilisait pour chauffer les logements ? Le pétrole utilisé comme matière première par l’industrie chimique pour produire du plastique est un autre exemple : doit-on intégrer tous ces facteurs dans notre comptabilité énergétique ? Est-ce tout simplement possible ? Agriculture Voyons d’abord où est Services 3% et autres utilisée l’énergie. Voici la Transports 15 % ventilation approximative 32 % pour la France en 2012 : Industrie Figure 17 | Utilisation de l’énergie par secteur d’activité en France en 2012.
20 % 30 %
Logements
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La figure 18 montre l’évolution de ces débouchés au cours des 30 dernières années en France. Outre une diminution marquée de la part de la sidérurgie, on constate une augmentation sensible de celle des transports et de la consommation résidentielle et tertiaire. On peut aussi se demander dans quel but est utilisée l’énergie. En France, la plus grande partie (et de loin) sert à chauffer les habitations et les bureaux : près de 45 %. On retrouve cette tendance dans beaucoup de pays au climat tempéré. L’isolation des habitations et des bureaux doit donc être le premier axe stratégique pour augmenter la performance énergétique. Nous l’avons discuté en détail au chapitre 4. Après le chauffage, la production d’électricité représente un quart de la consommation totale d’énergie. Regardons-la de plus près. Mtep 70
60
50
Sidérurgie Industrie Résidentiel Tertiaire
40
Agriculture
30
Transports 20
10
11 20
08 20
05 20
02 20
99 19
96 19
93 19
19 90
87 19
84 19
19 81
0
Figure 18 | Consommation finale d’énergie par secteur en France durant les dernières décennies (Source : Wikipédia).
L’électricité La capacité de production électrique de la France avoisinait en 2012 les 130 000 MWe (l’indice « e » pour « électricité » est utilisé ici pour éviter toute confusion entre l’électricité vraiment produite et l’énergie totale utilisée pour sa production). La consommation 118
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moyenne d’électricité était de l’ordre de 60 000 MWe : à peine plus de la moitié de la capacité de production. Soit la puissance totale de 60 grandes centrales électriques tournant en continu et produisant 1 000 MWe chacune. La consommation moyenne d’électricité par habitant était de 950 We en continu. Pour ce qui est de la consommation résidentielle, nous avions calculé une valeur de 550 We par foyer, soit 240 We par personne. Cela signifie qu’environ un quart de la production électrique est utilisé chez les particuliers et trois quarts le sont ailleurs. Les chemins de fer consomment 1,5 % de l’électricité totale. L’éclairage des routes et des lieux publics représente également près de 1,5 %. Quelles sources d’énergie primaire utilise-t-on pour produire cette électricité ? Notre bouquet de carburants, le « mix énergétique » électrique, a significativement évolué ces dernières décennies. La figure suivante décrit cette évolution entre 1980 et 2012 en France. On voit que depuis le milieu des années 1980, la première source
TWh 600 500
400
300
autres EnR Solaire Éolien
200
Hydro 100
Thermique fossile Nucléaire 12 20
10 20
08 20
06 20
04 20
02 20
00 20
98 19
96 19
84 19
82 19
19
80
0
Figure 19 | Mix énergétique utilisé en France pour la production d‘électricité durant les dernières décennies. On constate que l’énergie nucléaire prédomine nettement depuis une trentaine d’années. (Source : Wikipédia.)
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pour la production électrique est l’énergie nucléaire. Nous reviendrons plus en détail sur cette forme d’énergie dans le 2e tome. De ce fait, la part des combustibles fossiles reste faible par rapport à nos voisins. La place de l’hydroélectricité est importante et relativement stable. L’éolien et le solaire on fait leur apparition dans les années 2000 ; leur contribution totale restait mineure en 2012 (autour de 4 % seulement), mais elle est en forte croissance. Parmi les plus petits contributeurs, on trouve les « autres énergies renouvelables » : usines de traitement des ordures, biomasse, géothermie, biogaz... Cogénération Nous l’avons dit, plus de 50 % de l’énergie consommée dans une centrale thermique est dissipée sous forme de chaleur. La faute à cette loi physique qui limite le rendement du processus de conversion (voir chapitre 2). Cette chaleur est généralement évacuée par une tour de refroidissement ou libérée dans une rivière. Mais on pourrait l’utiliser pour du chauffage, ce qui augmenterait le rendement global du processus. Les petites unités de production électrique décentralisées sont de bons candidats pour cette technologie. Elles combinent production d’électricité et de chaleur, d’où le terme de « cogénération » (ou CHP, pour « Combined Heat and Power » en anglais). Si la chaleur est prise en compte dans le calcul, le rendement total de la cogénération peut avoisiner 100 %. Aux Pays-Bas, près de la moitié de l’électricité est produite de cette manière. En France, en revanche, la structure de notre parc de production électrique est peu adaptée au développement de la cogénération.
C. EN EUROPE La consommation énergétique totale de l’Europe des 27 était de 72,5 × 1018 J en 2009, soit 1 729 Mtep1. La ventilation entre les dif1. Source : Agence internationale de l’énergie : www.iea.org
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férentes sources d’énergie primaire est illustrée par le diagramme suivant. On constate plusieurs choses : – la plus grande partie de loin (près de 80 %) reste issue des carburants fossiles ; – la part de l’énergie nucléaire s’élève à 14 % (n’oublions pas que la chaleur libérée est incluse dans ce chiffre) ; – les énergies renouvelables représentent 9 %. Notons que le nucléaire et l’hydraulique sont utilisés exclusivement pour produire de l’électricité. En pourcentage de la consommation électrique, leur contribution relative serait donc bien plus
Hydroélectricité Géothermie/Solaire/Éolien Incinération et Biomasse
Nucléaire Pétrole Charbon Gaz
Figure 20 | Sources d’énergie primaire en Europe en 2009 (Source : Agence Internationale de l’Énergie, www.iea.org). La part du nucléaire inclut ici la chaleur rejetée.
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grande. En effet, la production électrique en Europe ne représente qu’un tiers de la consommation totale d’énergie. Si on ne regarde que la production électrique, l’hydroélectricité représente 10,6 % et l’énergie nucléaire 27,8 %. C’est une source d’erreur fréquente, les gens confondant parfois énergie et électricité. Nous y reviendrons en détail en évoquant la situation dans le Monde.
D. DANS LE MONDE Consommation totale d’énergie La consommation énergétique mondiale était de 533 × 1018 J en 2010, soit 12 717 Mtep1. Pour une population de 6,8 milliards d’habitants, cela correspond à 78 GJ par personne et par an. Nous l’avons vu au paragraphe B, un Européen moyen en consomme 2,5 fois plus. Pour un Américain moyen, c’est près de 4 fois plus. À l’échelle du Monde également, la plus grande partie (soit 80 %) provient des carburants fossiles. La figure 21 montre l’évolution de la contribution de chaque source d’énergie au cours des deux derniers siècles. Électricité La consommation électrique mondiale était de 21,4 × 106 GWh en 2010. Elle était principalement dérivée du charbon (41 %), du gaz naturel (22 %), des centrales hydrauliques (16 %) et nucléaires (13 %)1. Quelle proportion de la consommation énergétique totale cela faitil ? La réponse dépend du point de vue. Si on convertit simplement les kilowattheures en joules, on trouve 77 × 1018 J : l’électricité ne représente que 15 % de la consommation totale d’énergie dans le Monde. Mais c’est une vision simpliste. La plupart de l’énergie est produite
1. Source : Agence internationale de l’énergie
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120 Éolien, géothermie, solaire 100
0.4
Énergie nucléaire Hydroélectricité
80
60
0.3
Gaz naturel Pétrole 0.2
Charbon 40
Biomasse 0.1
20
0 1800
0 1850
1900
1950
2000
Consommation mondiale d’énergie (en 1021 joules/an)
Consommation mondiale d’énergie (en 1012 kWh/an)
L’ÉNERGIE EN FRANCE ET DANS LE MONDE
Année
Figure 21 | Consommation mondiale d’énergie par source. Sur les dernières décennies, on remarque que 80 % environ proviennent des carburants fossiles. Les contributions de l’énergie nucléaire et de l’hydroélectricité se valent.
par des centrales thermiques qui brûlent des carburants fossiles ou de l’uranium. Si toute l’électricité provenait de carburants fossiles, la production électrique représenterait presque 35 % de leur consommation totale. Et pour cause : le rendement moyen de conversion (du carburant primaire à la prise électrique) vaut seulement environ un tiers. Les deux tiers restants correspondent à la chaleur résiduelle parfois réutilisée pour le chauffage domestique (c’est la cogénération), mais souvent perdue dans une rivière ou une tour de refroidissement. Les choses commencent à se corser. Mais ce n’est pas tout : une partie de l’électricité provient des centrales hydroélectriques (16 % en 2010). Dans ce cas, plus de chaleur perdue. Mais pour produire la même quantité d’électricité à partir de carburants fossiles, il faudrait consommer trois fois plus d’énergie environ. On peut donc choisir de multiplier par trois la quantité d’hydroélectricité pour pouvoir comparer sa part dans la consommation énergétique mondiale. 123
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La façon de calculer la consommation d’énergie peut sacrément brouiller les pistes. Prenons le cas de l’énergie nucléaire. En gros, nucléaire et hydraulique produisent chacun la même quantité d’électricité (respectivement 13 et 16 % en 2010). En supposant que l’électricité corresponde à un tiers de la consommation mondiale d’énergie primaire, ils représentent donc chacun près de 5 % de la consommation mondiale d’énergie. Mais si la chaleur perdue dans les centrales nucléaires est prise en compte (même inutilisée), l’énergie nucléaire devient proportionnellement trois fois plus importante que l’hydroélectricité. L’Agence Internationale de l’Énergie, par exemple, établit ses chiffres de production électrique dans les centrales thermiques en se basant sur le contenu énergétique de l’électricité. L’hydroélectricité, l’éolien et les autres formes de production non thermiques d’électricité sont comptabilisées telles quelles. Pour l’énergie nucléaire en revanche, l’équivalent en énergie primaire est calculé à partir de la production brute d’électricité pour un rendement de conversion de 33 %, ce qui revient à multiplier le contenu énergétique de l’électricité nucléaire par trois. Au final, retenons simplement que tous ces chiffres doivent être utilisés avec une grande prudence… y compris ceux que vous trouverez dans ce livre ! Les réserves de carburants fossiles Dans combien de temps les réserves de carburants fossiles serontelles totalement épuisées, en supposant que la consommation mondiale d’énergie reste à son niveau actuel et que les contraintes climatiques ne nous empêchent pas d’utiliser les réserves jusqu’au bout ? Le tableau 10 donne la production annuelle de pétrole, de gaz naturel et de charbon dans la même unité (le joule) pour faciliter la comparaison. La deuxième colonne tient compte des « réserves prouvées » estimées. Même s’il n’existe pas de définition unique et universelle des « réserves prouvées », en voici une description courante : il s’agit 124
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des « quantités dont les données géologiques et technologiques indiquent avec une certitude raisonnable qu’elles pourront dans le futur être extraites de réservoirs connus, sous les conditions économiques et opératoires existantes »1. Bien sûr, les « réserves prouvées » ne constituent qu’une partie des réserves dites « probables » et une part encore plus petite des réserves « possibles ». À leur tour, ces dernières ne représentent qu’une partie des carburants fossiles créés par la photosynthèse et transformés par la suite en pétrole, en charbon ou en gaz naturel par un éventail de mécanismes complexes de fossilisation. Le tableau 10 montre que les réserves de pétrole et de gaz naturel sont comparables. Mais comme on consomme plus rapidement le pétrole que le gaz, il sera épuisé plus tôt. Ces chiffres indiquent que le pétrole et le gaz s’épuiseraient dans un demi-siècle. En comparaison, le charbon aurait près de deux siècles devant lui. Notons qu’il faut probablement ajouter à ces réserves les grands stocks de gaz de schiste. Il s’agit de gaz étroitement piégé dans le schiste à des profondeurs de 1,5 à 5 km et composé principalement de méthane. La technologie d’exploitation de ces gaz est encore en développement. Elle repose en général sur la fracturation hydraulique (l’« hydrofracking »), sensée augmenter la perméabilité de la roche. Des forages horizontaux sont souvent nécessaires, dans lesquels on injecte un mélange d’eau, de sable et de composés chimiques sous haute pression pour créer des fissures dans le schiste. Le sable a pour rôle de garantir une porosité suffisante une fois ces fissures formées. Le gaz s’écoule alors vers le haut du puits, emmené par le fluide. Cette technologie « non conventionnelle » d’exploitation gazière demande de forer bien plus de puits que les techniques d’exploitation gazière conventionnelles. Elle présente d’autres inconvénients : le besoin de purifier de grandes quantités d’eau après usage et le risque de petits tremblements de terre. Sans oublier celui de relâcher par erreur dans 1. Voir www.bp.com, en anglais
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l’atmosphère de grandes quantités de gaz à effet de serre. Une contamination des nappes phréatiques semble en revanche peu probable, les couches de schiste étant bien plus profondes1. On peut s’attendre à découvrir des réserves de gaz de schiste en abondance de par le Monde, sur tous les continents. On ne sait toujours pas si elles seront exploitables à grande échelle d’un point de vue économique, ni quelles sont les possibles conséquences environnementales. Mais le gaz de schiste pourrait être une vraie révolution pour l’industrie gazière. Il a déjà rendu les États-Unis largement indépendants des importations. En France, l’utilisation de la fracturation hydraulique est interdite depuis 2011, empêchant de fait l’exploitation des gaz de schiste. Sur la scène politique, le débat fait rage : les experts de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et techniques ont préconisé mi-2013 d'étudier les ressources en gaz du sous-sol français, pour étudier des solutions de forage alternatives.
Tableau 10 | Estimation des « réserves prouvées » (R) et de la production annuelle (P) (respectivement en 1021 joules et en 1021 joules/an) en 2009. Le ratio R/P donne directement le nombre d’années de stock au niveau de consommation actuel. (Source : BP Statistical Review of World Energy, juin 2010, www.bp.com)
R (en 1021 J)
P (en 1021 J/an)
Pétrole
7,6
0,166
146
Gaz naturel1
7,1
0,113
163
Charbon
24,2
0,143
170
TOTAL
38,9
0,422
192 (= 38,9 / 0,422)
R/P (en années)
1. Ne comprend pas le gaz de schiste (voir plus haut).
1. On trouvera plus de détails dans le rapport de Matt Ridley : « Le choc du gaz de schiste » (The Shale Gas Shock, référence GWPF 2, 2011).
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N’oublions pas que les carburants fossiles – en particulier le pétrole et le gaz – sont aussi une matière première indispensable pour l’industrie chimique. Il n’est pas si simple de leur trouver des alternatives, même si des matériaux plastiques issus de biomatériaux sont en cours de développement. En utilisant le sucre comme composé intermédiaire, on peut par exemple synthétiser du xylène à partir duquel on fabrique un matériau plastique dont les propriétés sont identiques à celles du plastique PET. On peut ainsi produire des bouteilles à base de « PET bio », comme l’a prouvé une équipe d’ingénieurs de l’université du Massachusetts à Amherst et de l’université du Delaware, aux ÉtatsUnis. Carol Lin, de l’université de Hong Kong, a montré en 2012 qu’il est possible de produire des bioplastiques à partir de déchets alimentaires. Cela dit, ces expériences sont menées à petite échelle alors que la production mondiale actuelle de matériaux plastiques est gigantesque. On apprend beaucoup en regardant la consommation énergétique sous un angle géologique. Pour faire simple, les carburants fossiles se forment comme produits de la photosynthèse sur de longues périodes de temps, de l’ordre de quelques centaines de millions d’années sans doute. Pour autant, quand on fait le calcul en considérant le flux d’énergie solaire, la fraction de la Terre recouverte par les plantes et les algues et le rendement de la photosynthèse, on trouve une quantité totale de carburants fossiles qui ne correspond qu’à environ un siècle de photosynthèse. Vu le laps de temps évoqué plus haut, on peut en conclure que seule une minuscule fraction de la « récolte » (de l’ordre du millionième) s’est fossilisée au cours du temps. Pendant de nombreux siècles, la population mondiale a survécu sans consommer de carburants fossiles – jusqu’aux années 1800 et le début de la révolution industrielle. Il est frappant de constater que l’humanité est actuellement en train de consommer en quelques centaines d’années la totalité d’un stock de carburants qu’il a fallu plusieurs centaines de millions d’années pour constituer. Si on peut s’exprimer ainsi, notre vitesse de consommation est d’un million contre un ! 127
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L’évolution historique est schématisée par la figure 22. Elle montre la consommation de carburants fossiles sur une période allant de 1000 à 2500 après J.-C. Les données jusque 2005 s’appuient sur des faits. Pour la suite, une extrapolation a été faite jusqu’en 2050 où le niveau est estimé en multipliant la consommation énergétique actuelle d’un citoyen européen moyen par la population mondiale totale attendue en 2050 (c’est-à-dire neuf milliards d’habitants). Cela revient à dire que la consommation de carburants fossiles d’un Européen moyen serait restée stable, que l’Américain et le Canadien moyens l’auraient réduite de moitié, et que celle des pays en développement aurait augmenté jusqu’au niveau européen actuel. Ce scénario ne paraît pas déraisonnable. On trouve une augmentation d’un facteur 2,5 à 3 de la consommation par personne (voir paragraphe A) qu’il convient de multiplier par un facteur 1,4 correspondant à l’augmentation attendue de la
Consommation mondiale d’énergie fossile (en 1021 joules/an)
1.6 1.4
Consommation de 9 milliards d’habitants au niveau de consommation hollandais actuel
1.2 1.0 Stock estimé : 100 x 1021 J
0.8 0.6 0.4
Consommation 2005
0.2 0 1000
Fondation Début de la de l’Université révolution de Leiden industrielle
1500
2000
2500
Année
Figure 22 | Modèle super-simplifié de l’ère des carburants fossiles.
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population mondiale. Au total, cela conduirait à une croissance de la consommation mondiale d’un facteur 3,5 au moins par rapport à 2005. Une fois ce niveau atteint, supposons que la consommation énergétique mondiale se stabilise. Autorisons-nous un brin d’optimisme quant aux réserves totales de carburants fossiles en supposant qu’elles soient trois fois plus grandes que ce que le tableau 10 ne suggère (ce qui nous amène à 100 × 1021 J). Supposons aussi qu’aucune contrainte climatique majeure ne nous empêche de les épuiser entièrement. Le graphique que nous obtiendrions alors est celui de la figure 22. Nous arriverions à bout de toutes nos réserves avant la fin du siècle. Et ce pour des hypothèses plutôt optimistes quant aux réserves disponibles. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une prédiction éclairée. L’avenir sera certainement différent. Mais on voit bien que nous vivons une époque extraordinaire : l’ère des carburants fossiles, qui restera une période très courte dans l’histoire de l’humanité. Souvenons-nous que la civilisation a précédé l’ère des carburants fossiles de plusieurs millénaires. Certaines universités européennes ont même été fondées plusieurs siècles avant qu’on ne commence à les exploiter. L’ère des carburants fossiles ne durera pas plus de quelques siècles. Moins de 0,1 % de la durée pendant laquelle les êtres humains ont habité jusqu’ici la planète ! La figure nous dit aussi qu’il vaudrait mieux que l’humanité entière ne se mette pas à imiter le mode de vie énergivore du monde développé. Du point de vue de l’éthique, notre niveau actuel de consommation d’énergie doit être remis en question.
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Ce qu’il faut retenir sur l’énergie en F r an c e et dans le M on d e ✓ La consommation d’énergie par habitant varie d’un facteur 50 d’un pays à un autre. ✓ Dans les pays d’Europe de l’Ouest comme l’Allemagne, la France, la Belgique ou les Pays-Bas, la consommation d’énergie par habitant représente à peu près l’équivalent de 13 à 15 litres de pétrole par jour… ✓ … soit 50 à 60 fois le contenu énergétique de notre ration quotidienne de nourriture. ✓ Si chaque personne sur Terre consommait autant d’énergie qu’un européen moyen, la consommation mondiale d’énergie bondirait immédiatement d’un facteur 2,5 à 3. ✓ En 2050, si chaque citoyen de Monde atteint le niveau actuel de consommation de carburants d’un européen, la consommation totale mondiale augmentera d’un facteur 3,5 et nous épuiserions alors les réserves de carburants fossiles avant la fin du siècle. ✓ En Europe et partout sur Terre, la consommation d’énergie est principalement issue des carburants fossiles (à 80 %). ✓ Les réserves mondiales de carburants fossiles, constituées sur plusieurs centaines de millions d’années, auront été entièrement consommées en quelques centaines d’années. ✓ Le pétrole et le gaz naturel sont des matières premières indispensables à l’industrie chimique. ✓ Le gaz de schiste pourrait être à l’origine d’une petite révolution… dont l’impact reste incertain.
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7 CO2 et réchauffement climatique Pourquoi les températures montent ? L’effet de serre, c’est naturel ou artificiel
?
Peut-on capturer le CO2 ?
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I
entre consommation d’énergie et climat. Ce lien est dû à l’« effet de serre » dont nous avons tous entendu parler. Mais certains ignorent qu’un « effet de serre naturel » a toujours existé, bien avant que l’humanité ne se mette à recracher de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Penchons-nous d’abord sur cet « effet de serre naturel ». L EXISTE UN LIEN ÉTROIT
A. L’EFFET DE SERRE NATUREL La planète Terre est une sorte de vaisseau spatial en orbite autour du Soleil. L’espace est constitué de vide, de sorte que les transferts de chaleur ne se font que par rayonnement. La température terrestre est donc totalement déterminée par un bilan de rayonnement. La planète est chauffée par le Soleil (la seule étoile avoisinante) ; elle atteint un état d’équilibre où la chaleur totale absorbée et égale à la chaleur émise. En entrée, il y a donc le rayonnement solaire incident. On peut facilement le calculer avec un peu de physique élémentaire (voir l’encadré ci-dessous « Bilan de rayonnement »). Cependant, la Terre n’en
Terre
Rayonnement solaire
Rayonnement infrarouge
Figure 23 | Représentation schématique du bilan de rayonnement sur Terre, qui détermine sa température.
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absorbe qu’une fraction. L’autre partie est réfléchie et ne contribue pas au bilan énergétique. Cette part est déterminée par un coefficient de réflexion qu’on appelle l’« albédo » (du latin « blancheur »). Elle est relativement bien connue et a pu être mesurée grâce aux données satellitaires. Le reste est absorbé et correspond au flux net de chaleur incidente. En sortie, il y a la chaleur rayonnée en sens inverse de la Terre vers l’espace. Il s’agit d’un rayonnement « infrarouge lointain », comme décrit au chapitre 4 (voir la figure 7). Sa longueur d’onde est de l’ordre de 10 µm soit environ 20 fois celle de la lumière visible. Presque toutes les surfaces sont « noires » à cette longueur d’onde, ce qui veut dire qu’elles rayonnent la chaleur avec un rendement de 100 %, exactement comme un corps noir… Notre calcul s’en trouve un peu simplifié. Ce bilan de rayonnement élémentaire nous donne une température terrestre moyenne de 255 K, soit – 18 °C (voir l’encadré « Bilan de rayonnement » ci-dessous). C’est beaucoup plus bas que la température moyenne réelle, qui est de 288 K (+ 15 °C). Nous avons une erreur de 33 degrés ! Cette différence de température est due à l’atmosphère. Le rayonnement incident n’est pas le seul à être boqué par elle. Le rayonnement émis dans l’infrarouge lointain est aussi largement absorbé. Cette absorption est principalement due à quelques molécules à trois atomes ou plus comme l’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et quelques autres. Elles peuvent absorber ce rayonnement parce que leur énergie de vibration et de rotation est dans la gamme d’absorption des IR lointains. Les molécules diatomiques comme le diazote (N2) en sont incapables. Notons que chaque molécule absorbante possède son propre spectre d’absorption et qu’elle absorbe donc une partie spécifique du spectre. La figure 24 fournit quelques exemples de spectres d’absorption.
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BILAN DE RAYONNEMENT L’intensité du rayonnement solaire quand il pénètre dans l’atmosphère est de 1 350 W/m², comme nous le verrons dans le 2e tome. Notons S cette intensité (ou plus précisément cette densité de flux d’énergie). C’est la « constante solaire ». La Terre, de rayon R, intercepte un flux d’énergie (ou une puissance) P = π R² × S. Il n’est pas intégralement absorbé par notre planète, puisqu’une partie est réfléchie par les nuages, la glace et la neige et même par toute la surface terrestre. On écrit r cette fraction réfléchie : l’« albédo ». La fraction absorbée vaut donc 1 – r. Pas besoin d’introduire ce type de coefficient pour le rayonnement que la Terre émet parce que, dans le domaine IR des émissions en question, le coefficient d’émission est très proche de 1, même pour la neige. La quantité de rayonnement émise est définie par la loi de Stefan-Boltzmann : un m² de surface à la température T émet un flux d’énergie σ T4, où σ = 5,7 × 10-8 W m-2 K-4 est la constante de Stefan-Boltzmann. Dans notre cas, l’émission a lieu sur toute la surface de la Terre, soit 4πR². Ce qui nous donne l’équation suivante : πR² × S (1 – r) = 4πR² × σ T4. Avec r = 0,30 on trouve T = 255 K, soit – 18 °C.
La situation est donc comparable à celle d’une serre qui laisse entrer la lumière solaire tandis que le rayonnement thermique venant de l’intérieur est largement absorbé par le verre. Dans le cas de la Terre, quelques gaz polyatomiques jouent le rôle du verre… D’où le nom d’« effet de serre ». Comment se fait-il que la Terre se réchauffe ? Les gaz qui absorbent un rayonnement en sont aussi émetteurs, exactement comme les parois en verre d’une serre. L’émission a lieu dans toutes les directions, de sorte que la moitié du rayonnement part vers le haut dans l’espace et que l’autre moitié se dirige vers le bas et réchauffe la Terre. 134
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Ultraviolet
Infrarouge proche
Infrarouge
Infrarouge lointain
Microondes
100 80
Total
60 40 20 0 100
Absorption (en %)
O2 +O 3 50 0 100
CO 2
50 0 100
H 2O
50 0 0.1
1
10
100
Longueur d’onde (en µm)
Figure 24 | Spectre d’absorption de quelques gaz à effet de serre. On peut remarquer que cette absorption se fait principalement dans le domaine infrarouge, et que le pic d’émission de la Terre correspond à 10 micromètres, comme le montre la figure 7.
Bien sûr, le vrai bilan de température de la Terre est plus complexe que ce modèle simplifié. L’atmosphère n’est pas une simple couche fine comme le verre d’une serre. Non seulement la surface de la Terre est réchauffée, mais également la troposphère (les dix premiers kilomètres de notre atmosphère). À l’inverse, la haute atmosphère se refroidit à cause d’un bilan net de rayonnement négatif. En définitive, l’« effet de serre naturel » rend la Terre 33 degrés plus chaude qu’elle ne le serait autrement. « Heureusement !», pourrait-on ajouter, sans quoi nous serions tous congelés !
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B. L’EFFET DE SERRE INDUIT PAR L’HOMME Les faits De nos jours, l’« effet de serre naturel » est amplifié par l’activité humaine à cause de l’émission de gaz à effet de serre supplémentaires dans l’atmosphère. Comme nous le verrons en détail plus loin, la principale source est le dioxyde de carbone (CO2) même si d’autres gaz comme le méthane (CH4) ou le gaz hilarant (protoxyde d’azote, N2O) jouent aussi un rôle. Il convient d’ajouter l’eau (H2O) à cette liste, pourvu que la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère augmente avec l’activité humaine (ce qui est très probable). Le méthane (CH4) contribue pour environ 15 % à l’effet de serre. Il est principalement émis par le bétail (sous forme de flatulences), le fumier et les fuites dans les pipelines de gaz naturel. Il a 20 fois plus d’effet par molécule que le CO2. Heureusement, il disparaît assez vite de l’atmosphère, s’oxydant en une dizaine d’années. En d’autres termes, il « brûle » en présence d’oxygène, pour produire du CO2 et de l’eau qui sont bien moins nocifs. Le gaz hilarant (N2O) y contribue pour environ 8 %. Il provient surtout du fumier et de l’engrais. C’est un gaz à effet de serre très puissant, 300 fois plus par molécule que le CO2. Sa durée de vie dans l’atmosphère est d’environ 100 ans. Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal responsable du problème actuel puisqu’il y contribue à hauteur de 70 %. Ce chiffre s’explique en partie par la déforestation, mais avant tout par la combustion des carburants fossiles. D’une certaine manière, le CO2 est plus ou moins en train de retourner à ses origines : il y a des millions d’années, avant que les plantes et les algues n’existent, l’atmosphère contenait bien plus de CO2 (et moins d’O2) qu’aujourd’hui. Quand les plantes sont apparues, une partie du CO2 s’est vue capturée par photosynthèse pour être convertie en bois ou autres substances organiques. Puis, sur de très longues périodes de temps (des millions d’années), cette matière organique s’est parfois vue convertie 136
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en carburant fossile. Au cours du processus, la plupart du CO2 de l’atmosphère a été littéralement capturée sous terre. Ce qui veut aussi dire que le processus inverse – rejeter tout ce CO2 dans l’atmosphère en brûlant tout le carburant fossile – augmentera spectaculairement le taux de CO2 atmosphérique (voir le diagramme sur les réservoirs de carbone, figure 27). Le CO2 est donc le premier responsable du réchauffement climatique. L’augmentation de sa concentration est mesurée méticuleusement depuis 1958 à Mauna Loa (Hawaï). Ces résultats sont présentés à la figure 25 où l’accent a été mis sur les 50 dernières années. Plusieurs autres stations autour du Monde (Pôle Sud, Australie, Nouvelle Zélande, Alaska, etc.) aboutissent globalement aux mêmes résultats, même si leur période de mesure est plus courte.
Concentration de CO2 (en ppm)
360
360
340
320
320 1960
1970
1980
1990
2000
280
1200
1400
1600
1800
2000
Année
Figure 25 | Concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en fonction du temps, en parties par million. Les données antérieures à 1958 ont été mesurées sur des bulles d’air piégées dans la glace issue de plusieurs carottages en Antarctique. À partir de 1958, des mesures directes ont été prises à Mauna Loa, à Hawaï (voir l’encart). Les variations saisonnières y sont visibles, ce qui donne une idée de la précision expérimentale.
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Température en Antarctique Concentration de CO2 dans l’air Concentration de méthane dans l’air
250
200
5
700 0 600
500
-5
400
Température comparée à aujourd’hui (en °C)
300
Concentration de méthane (en ppb)
Concentration de CO2 (en ppm)
800
-10 300 400
300
200
100
0
Temps (en millénaires)
Figure 26 | Regard sur le passé : variations relatives de température en Antarctique par rapport à aujourd’hui (courbe gris foncé, échelle de droite) ; concentration de CO2 (en parties par million, courbe gris clair, échelle de gauche) et concentration de CH4 (en parties par milliard, courbe noire, échelle de gauche) sur les 420 000 dernières années. (Source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC).
Les données de Mauna Loa ont la particularité géniale de montrer aussi les variations saisonnières. Au printemps, les plantes en croissance fixent beaucoup de CO2 alors qu’à l’automne, la plupart de ce CO2 est libéré par les feuilles et les plantes mortes. (On peut d’ailleurs se demander pourquoi les deux hémisphères ne se compensent pas vu leurs saisons inversées. La réponse est que l’hémisphère nord contient plus de terres émergées). Sans l’influence humaine, cette courbe oscillerait autour d’une ligne horizontale. Mais en réalité, le taux de CO2 a énormément grimpé en un siècle, passant de 280 à plus de 380 parties par million (ppm). Notre planète a-t-elle déjà connu de telles concentrations depuis l’apparition de l’homme ? Apparemment non. Des mesures réalisées en Antarctique sur des carottes de glace à plus de 3 600 m de 138
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profondeur (près de la « station Vostok ») montrent que la concentration de CO2 n’a quasiment jamais dépassé les 300 ppm au cours de 420 000 dernières années (voir figure 26). D’autres mesures remontant à 650 000 ans donnent des résultats similaires. La situation actuelle semble donc unique. Que peut-on en déduire ? Il faut s’appuyer sur des chiffres pour bien comprendre. Quand on parle de CO2, on s’intéresse en fait au carbone que contient ce CO2. Pour évaluer la situation, il faut donc identifier les réservoirs et les flux de carbone. C’est ce que permet la figure suivante. Elle indique les quantités de carbone présentes dans les principaux réservoirs, en gigatonnes (1012 kg). Les flux de carbone sont représentés par des flèches, en gigatonnes par an. Ces valeurs ne sont pas connues avec une grande précision, mise à part la quantité de carbone dans l’atmosphère que l’on détermine
Atmosphère 800
100
Plantes (photosynthèse) Plantes 110 (métabolisme) Animaux
55
55 Couche d’échanges 900
Biosphère 800
35
Terre Tourbe
Océan Grandes profondeurs 35.000
1500
5
500
Terres Réserves fossiles 5000
5
Figure 27 | Réservoirs de carbone (sous forme de rectangles sans échelle, en 1012 kg) et flux de carbone (sous forme de flèches, en 1012 kg/an) impliqués dans le réchauffement climatique.
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précisément à partir de sa concentration et du volume total de l’atmosphère. Regardons les échanges. On voit que les principaux flux de carbone se compensent. Même s’ils varient à la marge d’une année à l’autre, ils s’équilibrent globalement sur la durée. Les cycles naturels ont en effet atteint un état d’équilibre stationnaire sur le long terme. C’est également valable pour les hommes et pour les animaux, puisque tout ce que nous mangeons correspond à une certaine quantité de carbone capturée dans l’air par la photosynthèse, puis relâchée lorsque nous expirons. Cependant, on s’aperçoit qu’un flux supplémentaire, plus petit, vient perturber cet équilibre. C’est le CO2 issu de la combustion des carburants fossiles, qui intensifie l’effet de serre. La valeur de 5 est une moyenne. Si on prenait uniquement les émissions, elle serait plus grande (environ 7). Et si on regardait seulement l’augmentation nette dans l’atmosphère, elle serait plus petite (environ 3,5). C’est dû au fait qu’une moitié environ des émissions est captée par les océans et par la biosphère terrestre. Penchons-nous maintenant sur les réservoirs. L’atmosphère contient à peu près autant de carbone que la biosphère. Pour éviter que le taux de CO2 atmosphérique ne double, il faudrait donc doubler la surface des forêts. On voit aussi que les réserves de carburants fossiles représentent une quantité de carbone bien supérieure à celle de l’atmosphère (on parle ici des réserves géologiques, pas des réserves prouvées). Si nous brûlions tout et si le CO2 était capté à parts égales par les océans et l’atmosphère, cela suffirait à multiplier par quatre le taux de CO2 atmosphérique ! Il y a quand même une bonne nouvelle : l’océan constitue un réservoir gigantesque. Il contient une grande quantité de CO2, en partie sous forme de (bi)carbonates et en partie sous forme de CO2 dissout. Quand on ouvre une bouteille d’eau gazeuse, on libère la pression et des bulles de CO2 s’échappent. Ce mécanisme fonctionne à l’envers dans l’océan : quand la pression partielle de CO2 140
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augmente à la surface des océans, sa concentration dans l’eau augmente aussi, les deux étant en équilibre. C’est ce qui rend possible le stockage océanique du CO2. Nous reparlerons de cette solution au paragraphe « Remèdes possibles ». Cependant, il faut savoir que la plus grande partie du carbone océanique se trouve dans les eaux les plus profondes qui ne se mélangent presque pas avec la fine couche de surface, comme le montrent les flèches représentant les échanges. Conséquences possibles et incertitudes Jusqu’ici, nous nous en sommes tenus aux faits. D’une certaine manière, les conséquences de ces faits ne sont que suppositions… mais l’augmentation spectaculaire du taux de CO2 aura forcément des répercussions. Ce qui se passera vraiment est difficile à prédire. Le climat est un système tridimensionnel très complexe, avec de nombreuses boucles de rétroaction. Il y a pourtant un niveau de consensus raisonnable au sein de la communauté scientifique, comme en attestent les résultats du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC ou IPCC en anglais pour Intergovernmental Panel on Climate Change : www.ipcc.ch). Bien sûr, de nombreuses questions précises restent sans réponses. Les graphes donnés aux pages suivantes donnent quelques résultats clés de ces études. Premièrement, on s’attend à une augmentation des températures en valeur moyenne mondiale. Mais de grandes disparités géographiques sont probables. Ces différences pourraient avoir un effet sur la position des différentes zones climatiques. Il pourrait y avoir moins de précipitations dans les régions les plus fertiles essentielles pour l’agriculture, et plus de pluies dans les régions infertiles. Ce qui mettrait en péril la production mondiale de nourriture.
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Augmentation de la température moyenne mondiale (en °C)
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4.0
A1B
A2 3.0
2.0
B1 1.0
Poursuite du mix énergétique actuel
0.0
-1.0
a Mesures
1900
2000
2100
2200
2300
Année
Figure 28 | Évolution de la température moyenne mondiale pour différents scénarios d’émission de CO 2 , d’après le GIEC. La courbe du haut (A2) fait l’hypothèse d’un approvisionnement en énergie principalement basé sur les carburants fossiles. La courbe du bas (B1) suppose que les énergies renouvelables deviennent prédominantes. Source : GIEC.
Pour autant, il n’y a pas eu d’augmentation notable de la température terrestre moyenne entre 2000 et 2013. Ce sont plutôt des écarts plus fréquents par rapport à la normale, conduisant à des événements météorologiques extrêmes, qui ont été constatés. Les fluctuations naturelles sur le court terme ne facilitent pas les prédictions d’évolution au long cours du climat. L’un des facteurs expliquant ce statu quo des températures moyennes pourrait être le rôle de réservoir de chaleur joué par les océans. D’après le 5e rapport du GIEC1, publié en septembre 2013, les eaux océaniques auraient emmagasiné plus de 90 % de l’énergie accumulée entre 1971 et 2010. 1. Approuvé par les représentants de 110 pays, il dresse une synthèse de quelques 9 000 publications scientifiques sur le climat.
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Avec l’augmentation des températures, le niveau des mers pourrait monter, suite à la fonte des glaces et à la dilatation de l’eau. Les modèles présentés par le GIEC dans son 4e rapport prédisaient une élévation du niveau des mers de 20 à 50 cm d’ici à 2100 par rapport à leur niveau de l’an 2000. C’est ce qu’indique la figure 29. Dans son dernier rapport, le GIEC a revu ses prédictions à la hausse, tablant sur une élévation de 26 à 98 cm d’ici à 2100 suivant le scénario choisi. On voit que les marges d’erreur sont relativement grandes, pour la température comme pour la montée des eaux. Ce n’est pas surprenant vu la complexité du climat et ses nombreuses boucles de rétroaction. La plus connue de ces boucles est l’effet « neige-glace-albédo » : le rayonnement solaire réfléchi par la neige et la glace. Si de grandes quantités de neige et de glace continuent de fondre, elles laisseront place à la terre ou à l’eau, plus sombres. Elles sont bien moins réfléchissantes que la neige ou la glace : alors que le coefficient de réflexion de la neige fraîche est proche de 1, celui de l’eau est bien plus faible (seulement 2 % en incidence normale). Si la neige et la glace fondent, la surface découverte absorbera plus efficacement le rayonnement solaire, entraînant une augmentation des températures et une accélération de la fonte des glaces... Un véritable effet boule de neige, sans mauvais jeu de mots. Un autre mécanisme de rétroaction positif nous vient de la vapeur d’eau. Avec l’augmentation des températures, il y aura plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, d’où une augmentation de l’effet de serre qui, à son tour, produira plus de vapeur, et ainsi de suite… Mais il existe aussi des boucles de rétroaction négatives. Et des processus dont les conséquences sont mal définies. Par exemple : que se passe-t-il quand la quantité de nuages augmente ? D’un côté, ils réfléchissent une partie du rayonnement solaire, ce qui va dans le sens d’un rafraîchissement. De l’autre, ils renvoient plus de rayonnement infrarouge vers la Terre, conduisant à l’effet opposé. Pas facile 143
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50
Montée des eaux (en cm)
40
Passé (estimations)
Prévisions
Observations
30 20 10 0 -10 -20 1800
1850
1900
1950
2000
2050
2100
Année Figure 29 | Augmentation moyenne du niveau des mers, mesurée (1870-2008) et prédite (après 2008). Source : GIEC.
de prévoir quelle tendance l’emportera. Ces boucles de rétroaction expliquent que les incertitudes restent importantes. Devant tant d’incertitude, on pourrait vouloir attendre de voir ce qui se passe avant de décider quoi que ce soit. Mais vu les très grandes échelles de temps en jeu (voir figure 30), cette approche n’est pas raisonnable. Même si nous cessions d’émettre des gaz à effet de serre aujourd’hui (ce qui est bien entendu impossible), il faudrait beaucoup de temps pour que le niveau de CO2 atmosphérique revienne à son niveau d’avant la révolution industrielle. Des siècles, certainement. Le défi est donc sans commune mesure avec celui des pluies acides dans les années 1970. Ce problème avait été plutôt bien résolu en mettant un terme aux émissions (en imposant 144
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des pots catalytiques sur toutes les voitures et en utilisant des carburants fossiles sans sulfures dans les centrales électriques). Une bonne pluie plus tard, tout était réglé. La figure 30 montre le temps qu’il faut pour que les différents mécanismes en jeu atteignent leur point d’équilibre. On voit que tous les processus sont à la traîne par rapport aux émissions de CO2. C’est particulièrement marqué dans le cas de la montée des eaux, qui repose sur deux phénomènes : fonte des glaces et dilatation de l’eau avec la chaleur (elle-même en décalage par rapport au CO2). La fonte des glaces dans l’air est un processus très lent parce qu’elle nécessite beaucoup de chaleur et que l’air est un mauvais conducteur thermique. On le visualise bien quand on observe un tas de neige en fin d’hiver : même un petit bonhomme de neige peut tenir jusqu’au printemps. Entre parenthèses, les masses flottantes de glace n’entraînent aucune élévation du niveau des mers en fondant : le principe d’Archimède dit qu’un morceau de glace qui flotte a le même poids que l’eau
Temps de retour à l’équilibre Montée du niveau des mers due à la fonte des glaces (plusieurs millénaires) Montée du niveau des mers par dilatation (quelques siècles voire millénaires)
Pic d’émission de CO2 (0 à 100 ans)
Stabilisation de la température (plusieurs siècles) Stabilisation du CO2 (100-300 ans) Émissions de CO2
Présen t 100 ans
1000 ans
Figure 30 | Échelles de temps impliquées dans le réchauffement climatique d’après les modèles du GIEC. On suppose ici que les émissions de CO2 commenceront à diminuer dans 50 ans environ. Il faudra cependant plusieurs siècles pour que la température ne se stabilise et peut être un millénaire, voire plus, avant que le niveau des mers ne retrouve son nouvel état d’équilibre.
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qu’il déplace. Une fois fondu, il occupera donc le même volume que l’eau qu’il déplaçait sous forme de glaçon. Pourquoi faut-il tant de temps pour que le CO2 trouve son équilibre ? La réponse se cache dans l’océan – le seul réservoir naturel qui ait vraiment de l’importance. Seule sa couche supérieure intervient pendant les courtes échelles de temps. Les eaux profondes interagissent avec elle selon un processus d’échange extrêmement lent (voir le schéma des réservoirs de carbone, figure 27). Le réchauffement climatique soulève de nombreuses questions compliquées. D’une part, le système climatique est extrêmement complexe et difficile à modéliser. Certains de ses aspects ne sont pas entièrement compris. L’effet précis des aérosols, par exemple – ces petites particules solides ou liquides en suspension dans l’atmosphère. Même les relevés historiques de température ne sont pas toujours fiables, leurs mesures pouvant être perturbées au fil du temps par l’urbanisation croissante ou par les activités humaines. Les résultats des modèles du GIEC doivent donc être utilisés avec prudence, les incertitudes étant assez grandes. La variabilité de l’activité solaire n’est pas une grande source d’incertitude : elle entraîne en général des différences de température de l’ordre de 0,1 °C seulement, comme nous le verrons dans le 2e tome. Mais des fluctuations plus importantes sont possibles en cas d’écart par rapport au cycle solaire habituel de 11 ans. Ce genre de fluctuations, dont l’amplitude est de l’ordre de 0,3 °C sur une période de 400 ans, a probablement causé la « petite ère glacière » de la fin du XVIIe siècle. Les observateurs de l’époque ont alors noté que le Soleil avait très peu de tâches, indicatrices de son activité. Depuis 2010, le nombre de tâches solaires a diminué de la même manière. Il semble que le cycle habituel de 11 ans ait évolué. Cela pourrait avoir un effet inattendu : un rafraîchissement, qui pourrait avoir masqué une partie du réchauffement climatique sur la période 2000-2008. N’oublions pas pour autant que ces fluctuations naturelles ont lieu sur quelques dizaines d’années, tandis que les effets de 146
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l’augmentation du CO2 atmosphérique se traduisent à l’échelle de plusieurs siècles. Les volcans ont seulement un effet temporaire sur la température (un à deux ans). Cet effet n’est pas lié à l’émission de CO2, qui reste négligeable comparée à celle de l’homme. L’effet le plus important (de loin) est l’absorption du rayonnement solaire par les particules de cendre et les différents aérosols. Un réchauffement de 1 °C peut avoir lieu en haute atmosphère (ce qu’on appelle la stratosphère), comme cela a été mesuré après l’éruption du Pinatubo aux Philippines en 1991. À l’inverse, on observe en parallèle un refroidissement temporaire de la basse atmosphère (la troposphère) et de la surface de la Terre, puisque le rayonnement solaire est atténué par l’absorption dans la stratosphère. L’effet de ce refroidissement est faible : typiquement quelques dixièmes de degrés. Il disparaît au bout de quelques années. Les remèdes possibles Après tout ce que nous avons dit, il paraît sage de chercher à limiter autant que possible l’augmentation du CO2 atmosphérique. Premier remède : réduire les émissions en réduisant l’utilisation de carburants fossiles. Ensuite, nous pouvons empêcher le CO2 émis de finir dans l’atmosphère grâce aux méthodes de séquestration, comme le captage et le stockage du carbone (Carbon Capture and Storage, CCS pour les anglophones). Comment capturer le CO2 ? Le plus efficace est de travailler sur les sources grandes et concentrées, souvent appelées « point sources ». Les cibles évidentes sont les centrales électriques, et en particulier celles au charbon qui relâchent de grandes quantités de CO2 par unité d’électricité produite (voir paragraphe « Carburants : quelles émissions ? »). Ce sont aussi les cas les plus attractifs sur le plan économique. Une fois capturé, le CO2 gaz peut être comprimé et transporté dans des pipelines sur des distances de l’ordre de 1 000 km. 147
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Question suivante : où stocker ce CO2 ? Il faut trouver d’autres réservoirs de carbone que l’atmosphère. Ce n’est pas si simple, vu les quantités énormes en jeu. Planter des arbres, par exemple, est une bonne idée. Mais ça ne suffit pas. Nous avons vu que la totalité de la biosphère – ce qui inclut tous les arbres de la Terre – contient à peu près la même quantité de carbone que l’atmosphère. Pour compenser une fraction de l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, la quantité de carbone stockée dans les arbres et les plantes devrait donc augmenter dans la même proportion. Ce plus simple à dire qu’à faire : la tendance est plutôt à la déforestation. En outre, il faut comprendre qu’un écosystème tourne en principe en circuit fermé. La quantité de CO2 capturée aujourd’hui par photosynthèse sera libérée telle quelle demain à la mort de la plante. L’écosystème naturel est donc neutre en CO2, à moins que nous en soustrayions de la biomasse et que nous construisions un nouveau réservoir de carbone. C’est le cas, par exemple, quand on utilise les arbres pour fabriquer des meubles ou des pilotis, comme cela a été fait à Amsterdam. Privilégier la biomasse comme source d’énergie plutôt que les carburants fossiles va aussi dans le bon sens : si on s’assure qu’elle est renouvelée par de nouvelles plantations, on finit avec moins de rejets de CO2 dans l’atmosphère. D’autres possibilités pour dépasser le cycle biologique : – le stockage géologique : mettre le CO2 dans des réservoirs souterrains. Les possibilités restent floues, tant sur le plan technique qu’économique. Combiner stockage et production de pétrole ou de gaz semble attractif sur le plan économique. Le CO2 est injecté dans les puits et utilisé pour extraire le pétrole et le gaz. On parle de séquestration de carbone couplée à la récupération assistée de pétrole ou de gaz ; – le stockage océanique. Cette solution est attirante, vu la taille du réservoir que constituent les océans. Ils contiennent déjà près de 50 fois plus de carbone que l’atmosphère (voir figure 27), 148
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ce qui montre leur énorme capacité. En plus, quoiqu’il arrive, la plupart du dioxyde de carbone en excès dans l’atmosphère finira dans les océans. Mais n’oublions pas que la couche superficielle active est relativement fine : il faut s’intéresser aux eaux profondes. Pour simplifier, il y a deux approches possibles pour stocker du CO2 en eaux profondes. La première consiste à injecter le CO2 à faible profondeur, mettons un kilomètre. Cela peut se faire directement au niveau de la source, une centrale électrique par exemple. Le CO2 gazeux remonte sous forme de bulles et se dissout graduellement dans l’eau. Ce mécanisme est schématisé à gauche de la figure 31. La deuxième solution consiste à relâcher les gaz plus profondément. Par chance, la pression est de 300 bars à une profondeur de 3 km. Sous ces conditions, le CO2 est plus lourd
Plateforme Navire Canalisations fixes
CO2 liquide ou gazeux
Panache montant
3 km Coulée CO2 liquide
Figure 31 | Représentation schématique du stockage océanique de CO2. Au-delà de 3 km de profondeur, le CO2 est plus lourd que l’eau et il coule. (Source : Rapport spécial du GIEC : Capture et Stockage du Dioxyde de Carbone ; www.ipcc.ch).
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que l’eau. Il coule donc, devient fluide et se dissout progressivement. Si le temps le permet et si le fond océanique n’est pas trop profond, un lac de CO2 peut même se former (voir la figure 31). Pour injecter le CO2 à de telles profondeurs, on peut utiliser une plateforme ou un bateau. Les courants océaniques apportent un avantage inattendu. Dans les régions du Nord, les eaux relativement froides de l’Atlantique coulent vers le fond puis dérivent lentement vers le Sud dans les profondeurs océaniques pour ressurgir 100 ou 1 000 ans plus tard. Elles reprennent alors leur voyage vers le Nord. Ce mécanisme naturel pourrait servir de base à un élégant système de transport de CO2 vers les profondeurs océaniques.
Centrale électrique sans CCS
Émis
Centrale électrique avec CCS
Émis
CO2 évité
Capturé
Production de CO2 (en kg/kWh) Figure 32 | Émissions de CO2, en kg de CO2 par kWh d’électricité produite, pour une centrale équipée pour la capture et le stockage du carbone (CCS) (en bas) ou pas (en haut). La réduction nette d’émission correspond à la différence entre les surfaces « Émis ». (Source : Rapport spécial du GIEC : Capture et stockage du dioxyde de carbone ; www.ipcc.ch).
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Il reste bien sûr des inconvénients, comme l’impact sur l’acidité de l’eau des océans (son « pH »). Elle pourrait perturber les écosystèmes et entraîner l’extinction de certaines formes de vie marine. Les conséquences exactes de l’enfouissement de CO2 dans l’océan sont encore inconnues. – L’utilisation de minéraux. On peut mettre à profit la réaction chimique entre le CO2 et les oxydes métalliques présents dans les minéraux naturels de silicate. L’olivine, de formule chimique Mg2SiO4, est un exemple très commun (Mg peut être remplacé par Fe). La réaction qui nous intéresse est : Mg2SiO4 + 2 CO2 → SiO2 + 2 MgCO3. Malheureusement, cette réaction a le mauvais goût d’être lente. Pas sûr que cette méthode soit envisageable à grande échelle. – Le recyclage dans l’industrie chimique. C’est la méthode la plus élégante, mais elle reste totalement insuffisante au vu des de quantités gigantesques en jeu. Aspects économiques Toutes ces solutions pour capturer et stocker le CO2 demandent elles-mêmes une certaine quantité d’énergie. Ça tombe sous le sens : il faut que l’effet net conduise à réduire les émissions de CO2. Quelle est la situation au niveau des centrales électriques équipées en CCS ? D’après les données du GIEC, une centrale couplée à un système de stockage géologique ou océanique de CO2 peut réduire ses émissions nettes de 80 à 90 %, en fonction du type de combustible utilisé. La figure 32 l’illustre schématiquement. Les histogrammes représentent l’émission totale, qui est plus importante pour une centrale équipée en CCS. Mais, comme la plus grande partie est capturée, l’émission nette est bien inférieure pour une centrale équipée. La différence est de 85 %. 151
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Et pour quel prix ? Dans le cas du stockage géologique (éventuellement combiné avec la récupération assistée de pétrole ou de gaz), le GIEC estime le coût entre 0,02 et 0,04 €/kWh. C’est un montant important comparé aux coûts de production de l’électricité, mais il impacterait peu le prix payé par le consommateur. La façon la plus économique, de loin, pour réduire le niveau de CO2 dans l’atmosphère reste de réduire nos émissions. Cela passe forcément par une réduction de la consommation de carburants fossiles. Le lien quantitatif entre ces deux facteurs est donné dans la suite. Carburants : quelles émissions ? Tous les carburants fossiles n’émettent pas la même quantité de CO2 en brûlant. C’est le « C » des hydrocarbures qui produit le dioxyde de carbone : chaque atome de carbone (C) se combine avec l’oxygène de l’air pour donner une molécule de CO2. On peut donc s’attendre à ce que le gaz naturel, principalement composé de méthane CH4, produise moins de CO2 que les longues chaînes d’hydrocarbures CnH2n+2 comme celles du pétrole ou de l’essence, pour lesquelles la valeur de n tourne autour de 10. Le cas le pire reste celui du charbon, presque entièrement composé de carbone. Ces données sont importantes quand on cherche à minimiser les émissions de CO2 pour un niveau de production électrique donné. Le tableau suivant montre que le charbon est le pire candidat du point de vue des émissions, alors que le gaz naturel est le meilleur. Tableau 11 | Nombre de kg de CO2 émis pendant la combustion par gigajoule d’énergie produite
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Charbon
89 kg CO2 / GJ
Pétrole brut
71 kg CO2 / GJ
Gaz naturel
51 kg CO2 / GJ
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Il est parfois utile de connaître la quantité de CO2 émise par unité de poids de carburant consommé. On l’estime facilement en faisant un peu de physique élémentaire (voir l’encadré ci-dessous « Carburant et émissions »). Les cas les plus courants sont donnés dans le tableau ci-dessous.
Tableau 12 | Quantité de CO2 produite pendant la combustion de différents carburants (voir aussi l’encadré ci-dessous « Carburant et émissions »)
1 kg de pétrole ou d’essence produit environ
3 kg de CO2
1 litre d’essence produit environ
2,4 kg de CO2
1 m3 de gaz naturel (à 1 bar et 0 °C) produit environ
1,8 kg de CO2
1 kg de charbon produit environ
2,6 kg de CO2
CARBURANT ET ÉMISSIONS Avec un peu de physique élémentaire, il est vraiment facile d’estimer la quantité de CO2 émise pendant un processus de combustion. Voici comment : Essence et pétrole Ce sont principalement des hydrocarbures de type CnH2n+2 (alcanes). Comme n est de l’ordre de 10, on peut simplifier en représentant 2n+2 par 2n, surtout si on raisonne en masse (souvenons-nous qu’un atome de H est 12 fois plus léger qu’un atome de C). On peut donc se contenter de considérer qu’on brûle du C2H2n. Cela peut se représenter ainsi : H
H
H
H
H
H H
C
C
C
C
C
C
H
H
H
H
H
H H
C
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Pour trouver la masse de CO2 produite, il suffit de regarder ce schéma. Chaque colonne (fondamentalement CH2, de masse 14 en unités élémentaires de masse) donnera un CO2 (de masse 44). La masse de CO2 après combustion sera donc 44/14 fois plus grande que la masse initiale de carburant. Le rapport 44/14 (ou 22/7) ne nous est pas inconnu. C’est, totalement par hasard, l’approximation traditionnelle de π. Cette estimation nous permet donc de dire que chaque kg d’essence produira 3,14 kg de CO2, soit à la louche 3 kg. Pour obtenir la valeur produite par un litre de carburant, rappelons-nous qu’un litre de diesel pèse à peu près 0,85 kg contre environ 0,75 kg pour un litre de pétrole. Cela joue un peu sur les chiffres (voir tableau 12). Gaz naturel Le calcul dans le cas du gaz naturel est assez simple si on considère qu’il s’agit de CH4 pur. Chaque molécule de CH4 produira une molécule de CO2. De même, chaque mètre cube de CH4 produira un mètre cube de CO2, puisque deux volumes identiques de gaz à la même pression et à la même température contiennent le même nombre de molécules. 1 m3 de CH4 aux conditions habituelles de température et de pression contient un nombre de moles égal à 1 000 / 22,4 = 44,6 moles. Chacune d’elles a une masse de 44 grammes. Ce qui donne 44,6 × 44 g = 1,96 kg de CO4 par m3 de CH4. Mais le gaz naturel n’est pas constitué que de CH4. Un gaz naturel ordinaire contient par exemple 14 % d’azote qui ne produit pas de CO2 puisqu’il ne contient pas de carbone. Cela réduit légèrement l’émission à 1,78 kg de CO2 par m3 de gaz naturel ordinaire. Charbon Si le charbon était constitué de carbone pur, chaque atome se combinerait avec deux atomes d’O pour former du CO2. On trouverait une masse totale de 44 en unités élémentaires de masse, pour une masse initiale de carbone de 12. On produirait donc 44/12 soit 3,67 kg de CO2 par kg de charbon. Mais le charbon ne contient pas que du carbone, comme l’indiquent les cendres résiduelles après combustion. La quantité de CO2 produite par kg s’en trouve diminuée. En pratique, un charbon standard produit 2,6 kg de CO2 par kg.
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Ce qu’il faut retenir sur l e C O 2 et l e récha u ffemen t c limat iq u e ✓ La quantité de dioxyde de carbone (CO2) est passée de 280 à plus de 380 parties par millions dans l’atmosphère au cours du siècle dernier. Cette évolution est principalement due à la consommation de carburants fossiles. Une telle augmentation n’avait jamais eu lieu auparavant, au moins depuis 650 000 ans. ✓ La moitié environ du CO2 émis est absorbée par l’écosystème ; l’autre moitié reste dans l’atmosphère pendant des siècles. ✓ Le CO2 est un des gaz polyatomiques qui absorbent le rayonnement infrarouge émis par la Terre. Il peut donc avoir un impact substantiel sur le climat terrestre. Les conséquences précises sont très difficiles à prévoir. Des effets de réchauffement irréguliers et un déplacement des zones climatiques semblent probables. ✓ Les prévisions basées sur les modèles réalisés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, www.ipcc.ch) en 2013 indiquent que la température moyenne mondiale augmentera probablement de plus de 1,5 à 2 degrés au cours du siècle à venir, avec des variations régionales. ✓ Le niveau des mers pourrait augmenter de 26 à 98 cm au cours du siècle à venir. ✓ La variabilité de l’activité solaire entraîne des fluctuations de la température terrestre de l’ordre de 0,1 °C seulement. ✓ Les éruptions volcaniques ont un effet de refroidissement temporaire (sur un à deux ans). Il est principalement dû à l’absorption du rayonnement solaire par les particules de cendre et les aérosols en haute atmosphère. ✓ L’océan est de loin le plus grand réservoir naturel de carbone. Si l’on injectait du CO2 à une profondeur de plus de 3 km, il coulerait automatiquement pour former des sortes de « lacs » temporaires. 155
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L’inconvénient est que les eaux océaniques deviendraient plus acides, avec des conséquences encore inconnues sur la vie marine. ✓ Le stockage terrestre du CO2 est une autre option. Il pourrait être économiquement viable s’il était combiné avec la production de pétrole ou de gaz (on parle de « récupération assistée de pétrole ou de gaz »). ✓ D’après les calculs du GIEC, la capture et le stockage de CO2 au niveau des centrales électriques renchérirait l’électricité de 0,02 à 0,04 €/kWh. ✓ Brûler du charbon pour produire de la chaleur (par exemple dans une centrale électrique thermique) produit 89 kg de CO2 par GJ, contre seulement 51 kg par GJ dans le cas du gaz naturel. ✓ Brûler 1 m3 de gaz naturel produit environ 2 kg de CO2 contre 2,4 kg pour un litre d’essence.
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E-RÉFÉRENCES
Pour la France www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr Données détaillées sur le logement, la construction, les transports, l’énergie, le climat, l’environnement et le développement durable en France (SOeS : Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère du développement durable) www.insee.fr
Base de données statistiques par thèmes, pour la France (Institut national de la statistique et des études économiques)
www.ademe.fr
Données et conseils pratiques sur le développement durable et les économies d’énergie en France (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)
www.cea.fr
Nombreuses informations sur l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives)
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www.manicore.com Articles, données et réflexions sur l'effet de serre et sur la production d'énergie, en France et dans le Monde (Blog de Jean-Marc Jancovici)
À l’international epp.eurostat.ec.europa.eu Statistiques et indicateurs sociaux, économiques et financiers ; indicateurs de développement durable et de changement climatique (Eurostat, Commission Européenne) www.iea.org
Données détaillées et complètes, y compris pays par pays (Agence Internationale de l’Énergie) En anglais
www.energy.gov
Base de données américaine sur l’énergie et l’environnement (US Department Of Energy) En anglais
www.eere.energy.gov Programme américain pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (US Department Of Energy) En anglais www.reuk.co.uk
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Nombreuses informations sur les énergies alternatives au Royaume-Uni (Renewable Energy UK) En anglais
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www.worldenergy.org/publications Données sur le coût de l’énergie et sur les énergies renouvelables, et plus (Conseil Mondial de l’Énergie) En anglais www.bp.com
Données diverses sur l’énergie ; voir par exemple leurs rapports statistiques sur l’énergie dans le monde, avec une section « BP France » en français et des rapports en anglais (groupe BP Energy)
data.worldbank.org/topic/energy-and-mining Données sur l’énergie et l’exploitation minière ; indicateurs ; banque de données, partiellement en français (Banque Mondiale) www.nrg.eu
Informations sur l’énergie nucléaire, le rayonnement, les déchets radioactifs (Nuclear Research and consultancy Group) En anglais
www.iter.org/fr
Tout ce que vous voulez savoir sur la fusion et sur ITER (Projet international ITER)
www.ecn.nl
Données diverses sur l’énergie aux Pays-Bas (Centre de recherche sur l’énergie des PaysBas) En anglais
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re.jrc.ec.europa.eu/pvgis/solres/solreseurope.htm Données complètes sur le rayonnement solaire (Joint Research Center de la Commission Européenne) En anglais
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setis.ec.europa.eu
Système d’information sur les technologies bas carbone-clés (Strategic Energy Technologies Information System, Commission Européenne) En anglais
www.ipcc.ch
Rapports et analyses détaillés sur le changement climatique (GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
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