Latin tardif, français ancien: Continuités et ruptures 9783110551716, 9783110489637

Even though a rich written tradition documents the evolution from Latin to French, the crucial transition from Late Lati

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Table of contents :
Table des matières
Introduction : le passage du latin tardif à l’ancien français à travers l’étude d’un corpus bilingue outillé
I. Perspectives générales
Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque : pour une historicisation et une modélisation innovantes (Bréviaire)
La traduction des Dialogues Grégoire lo pape, XIIe siècle : essai d’étude systématique
La Vita Benedicti de Grégoire le Grand confrontée aux oeuvres narratives de l’Antiquité classique : une étude quantitative de la distribution des parties du discours
II. Nom et syntagme nominal : flexion casuelle, déterminants et pronoms
La contribution des marques casuelles à l’interprétation des propositions dans trois extraits de textes latins tardifs et médiévaux
“How useful is case morphology?”: from Latin to French
Increase of pronominal subjects in Old French: evidence for a starting-point in Late Latin
The restructuring of the demonstrative paradigm in the transition from Latin to French
III. Le verbe et l’expression du temps et de l’aspect
Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif
IV. La négation
The expression of clause negation: from Latin to Early French
V. Les propositions principales et indépendantes
L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand : une comparaison de l’original latin avec sa traduction en ancien français
VI. Les propositions complexes
Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes dans un corpus italo-gaulois d’hagiographie médiolatine
La subordination dans la Chronique de Frédégaire : les propositions non régies
Index (français)
Index (English)
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Latin tardif, français ancien: Continuités et ruptures
 9783110551716, 9783110489637

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Latin tardif, français ancien : continuités et ruptures

Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie

Herausgegeben von Claudia Polzin-Haumann und Wolfgang Schweickard

Band 420

Latin tardif, français ancien : continuités et ruptures Édité par Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance

ISBN 978-3-11-048963-7 e-ISBN (PDF) 978-3-11-055171-6 e-ISBN (EPUB) 978-3-11-055000-9 Library of Congress Control Number: 2018936203 Bibliographic information published by the Deutsche Nationalbibliothek The Deutsche Nationalbibliothek lists this publication in the Deutsche Nationalbibliografie; detailed bibliographic data are available on the Internet at http://dnb.dnb.de. © 2018 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston Typesetting: Meta Systems Publishing & Printservices GmbH, Wustermark Printing and binding: CPI books GmbH, Leck www.degruyter.com

Table des matières Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance Introduction : le passage du latin tardif à l’ancien français à travers l’étude 1 d’un corpus bilingue outillé

I. Perspectives générales Michel Banniard Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque : 21 pour une historicisation et une modélisation innovantes (Bréviaire) Claude Buridant La traduction des Dialogues Grégoire lo pape, XIIe siècle : essai d’étude systématique 35 Dominique Longrée et Caroline Philippart de Foy La Vita Benedicti de Grégoire le Grand confrontée aux œuvres narratives de l’Antiquité classique : une étude quantitative de la distribution des parties du discours 73

II. Nom et syntagme nominal : flexion casuelle, déterminants et pronoms Harm Pinkster La contribution des marques casuelles à l’interprétation des propositions dans trois extraits de textes latins tardifs et médiévaux 97 Lene Schøsler “How useful is case morphology?”: from Latin to French

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Sophie Prévost Increase of pronominal subjects in Old French: evidence for a starting-point in Late Latin 171

VI

Table des matières

Anne Carlier and Céline Guillot-Barbance The restructuring of the demonstrative paradigm in the transition from Latin 201 to French

III. Le verbe et l’expression du temps et de l’aspect Gerd V. M. Haverling Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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IV. La négation Maj-Britt Mosegaard Hansen The expression of clause negation: from Latin to Early French

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V. Les propositions principales et indépendantes Olga Spevak L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand : une 301 comparaison de l’original latin avec sa traduction en ancien français

VI. Les propositions complexes Colette Bodelot Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes dans 323 un corpus italo-gaulois d’hagiographie médiolatine Bernard Combettes La subordination dans la Chronique de Frédégaire : les propositions non 373 régies Index (français)

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Index (English)

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Anne Carlier (Université de Lille, CNRS-UMR 8163 STL) Céline Guillot-Barbance (ENS Lyon, CNRS-UMR 5317 IHRIM)

Introduction : le passage du latin tardif à l’ancien français à travers l’étude d’un corpus bilingue outillé 1 Problématique et objet Les historiens des langues romanes en général et du français en particulier bénéficient du privilège de disposer d’une base empirique large : il existe une tradition écrite riche et sans discontinuité de plus de deux millénaires. Et pourtant, cette documentation n’est pas sans faille. En particulier, le processus de filiation du latin au français recèle encore des énigmes. Cette période charnière est pourtant cruciale pour comprendre les spécificités du français, non seulement par rapport au latin, mais également par rapport aux autres langues romanes (Carlier/De Mulder/Lamiroy 2012). L’étude de cette filiation se heurte en effet au problème qu’il existe un écart important entre la langue des premiers textes en langue vernaculaire et celle des textes en latin tardif. Cet écart ne s’explique pas par une distance dans le temps, parce que, comme l’a montré Banniard (1992 ; 2005), latin tardif et langue vernaculaire coexistent dans le même espace communicatif et évoluent d’une situation de continuum langagier – où le dosage des traits conservateurs latins et des traits innovants romans varie selon les registres (par ex. sermo altus, stylus simplex) – vers une situation de discontinuum, au moment où l’ancien français devient identifiable comme système langagier. Les textes de la latinité tardive entre le 7 e et le 12 e siècle sont donc caractérisés par une importante variation dia-systémique et reflètent un état de langue en pleine mutation, quoique celle-ci soit parfois difficile à cerner et à mesurer à cause de « la ténacité et la rigidité du moule orthographique, grammatical et stylistique classique ou classicisant » (Herman 2006, 186). On profite aujourd’hui des apports très importants de la sociolinguistique historique (voir les nombreux travaux de Banniard et son article ici-même, de Wright, etc.), pour mieux comprendre non seulement le dia-système dans sa globalité, mais aussi ses réalisations effectives en fonction de situations de communication différentes et de la place qu’occupent certains textes ou types de textes spécifiques dans ce vaste ensemble. Les travaux de sociolinguistique historique ont notamment montré le statut très particulier des textes hagiographiques, des vies de saints au sens large, et leur intérêt pour l’étude de la https://doi.org/10.1515/9783110551716-001

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transition du latin aux langues romanes dans le contexte de la communication verticale entre litterati et illiterati (Banniard 1992). Ces travaux ont par ailleurs permis de dégager les principales étapes de cette transition et repéré les traits linguistiques conservateurs ou novateurs qui permettent de les caractériser. S’appuyant sur ces acquis, le présent recueil entend renouveler l’analyse des changements qui s’opèrent dans la latinité tardive en Gaule et au cours du passage du latin au français dans le domaine de la morphosyntaxe, et cela grâce à l’exploration d’un corpus inédit bilingue : celui-ci permet, d’une part, l’analyse contrastive de textes latins et français de genre comparable, et, d’autre part, met en regard plusieurs textes de latin mérovingien et carolingien avec leur traduction en ancien français. Ce corpus bilingue a permis aux chercheurs de travailler en parallèle sur les deux langues ou états de langues, afin de chercher les zones de continuité et de rupture. Conformément aux perspectives de la sociolinguistique diachronique dans le domaine latino-roman, ces textes traduits sont principalement des textes hagiographiques, rédigés pour être lus devant un public de non-lettrés. La recherche a été réalisée dans le cadre d’un projet collaboratif réunissant les spécialistes du latin tardif et les historiens du français s’intéressant au très ancien français et combine ainsi les compétences et approches théoriques de ces deux communautés scientifiques.

2 Présentation du corpus et des outils de recherche Le corpus exploité dans le cadre de cette recherche est de taille relativement réduite, mais il présente la particularité rare de permettre l’analyse contrastive de textes écrits en latin tardif et en très ancien français. La sélection du corpus, son organisation, son encodage et son mode d’exploitation ont été pensés dans la perspective des recherches comparatives et diachroniques qui sont présentées dans ce volume.

2.1 Définition du corpus 2.1.1 Principes de sélection du corpus La sélection des textes du corpus répond à trois objectifs principaux. Un premier objectif est d’identifier les témoins linguistiques les plus pertinents pour l’étude des deux états de langue visés. On a souligné plus haut

Introduction

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l’intérêt particulier des textes hagiographiques (vies de saints et passions) pour la latinité tardive. Dans le domaine roman et français, les nombreux travaux de Koch (notamment 1993) et Koch/Oesterreicher (2001 et 2011) ont également mis en avant les apports de ce genre textuel pour une approche pragmatique et discursive de la variation langagière. Longtemps destinés à une forme d’oralisation à l’adresse d’un public non lettré, les textes hagiographiques français se caractérisent par une proximité communicative bien supérieure à celle de genres plus formels, comme les traités scientifiques, les chroniques historiques, les romans courtois etc. (Koch 1993). Les traductions françaises d’œuvres latines ont également été privilégiées, la comparaison des versions latines et françaises du même texte rendant possible l’analyse fine et détaillée des correspondances entre les deux langues. Malgré certaines limites bien connues (le caractère parfois un peu artificiel de la langue de traduction, l’influence de la langue source sur la langue cible et les calques), ces traductions offrent un matériau particulièrement riche et utile pour les études contrastives. Le second objectif du corpus est de rassembler des textes latins et français qui soient comparables. Le genre hagiographique étant ininterrompu pendant la majeure partie du Moyen Âge et passant d’une langue à l’autre, une analyse longitudinale de ce type de textes est matériellement possible. Le corpus comporte ainsi un grand nombre de vies de saints, dont seules certaines existent sous une forme latine et française (traductions). Pour les autres textes, les métadonnées qui les décrivent permettent de se faire une idée assez précise de leurs caractéristiques externes et des apports et limites de leur comparaison. Enfin, le corpus tient compte de l’existant. Il vise à mettre en relation des ressources linguistiques déjà disponibles, à les rendre compatibles et à les agréger dans un outil de recherche unique. Un partenariat entre les laboratoires LASLA (Université de Liège) et ICAR (CNRS/ENS de Lyon) a permis de rassembler une collection de textes latins et français, de regrouper et d’équiper ces textes en vue de leur intégration dans la plateforme TXM, déjà utilisée par une vaste communauté de chercheurs en sciences humaines et sociales.1 Le portail mis en ligne par l’intermédiaire de cette plateforme (http://txm.bfmcorpus.org) a permis à tous les contributeurs d’exploiter le corpus.2

1 Cette plateforme est développée depuis 2007 à l’ENS de Lyon : http://textometrie.ens-lyon.fr. 2 Pour des raisons juridiques, le corpus latin n’est pas accessible aux chercheurs externes à la publication. Un programme de recherche associant les universités de Regensburg et Lille et l’ENS de Lyon (projet PaLaFra financé par l’ANR et la DFG, http://palafra.org) permettra de créer prochainement un corpus latino-français du même type, ouvert et diffusé sous licence libre.

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2.1.2 Description des textes 2.1.2.1 Textes latins La partie latine du corpus se compose pour l’essentiel de textes hagiographiques composés entre la fin du 4 e siècle et la seconde moitié du 13 e siècle, en Gaule et en Italie. Il s’agit de vies de saints et de passions de martyrs, pour la plupart anonymes et datées de manière incertaine. Ces textes sont identifiés par le numéro qui leur est attribué dans la Bibliotheca Hagiographica Latina (BHL) des Bollandistes.3 Le corpus compte deux œuvres majeures, l’une de Gaule et l’autre d’Italie, datées celles-là, qui ont eu un immense succès et qui ont servi de modèle à toute la littérature hagiographique : la Vita Martini écrite par Sulpice Sévère en 396 et la Vita Benedicti composée par Grégoire le Grand entre 593 et 594. Le groupe gaulois compte neuf autres textes : cinq passions de martyrs, toutes anonymes, dont la plus ancienne est sans doute la Passio Saturnini (BHL 7497), qui remonte au 5ème siècle ; et quatre vies de saints, rédigées entre la fin du 9 e et le milieu du 12 e siècle. Deux de celles-ci sont signées : la Vita Walberti écrite par Adson de Montier-en-Der au 10 e siècle et la Vita Petri Venerabili rédigée par Raoul de Cluny aux alentours de 1160. Le groupe italien se compose de quatorze passions de martyrs, anonymes et rédigées probablement entre le 5 e et le 9 e siècle, et de trois abbreuiationes, plus tardives, issues de la Legenda aurea de Jacques de Voragine (13 e siècle). La plus ancienne des passions italiennes du corpus est la célèbre Passio Caeciliae (BHL 1495), récemment attribuée par C. Lanéry (2010) à Arnobe le Jeune, qui l’aurait composée entre 440 et 450. Deux autres œuvres, la Chronique de Frédégaire et l’Itinéraire d’Egérie complètent le corpus latin. Souvent cités et exploités dans les travaux portant sur la latinité tardive, ces deux textes apportent des ressources linguistiques d’époques et de genres distincts. 2.1.2.2 Textes français Les 126 textes de la Base de français médiéval dans sa version de 2014 (http:// txm.bfm-corpus.org) ont été mis à la disposition des auteurs. Librement accessible en ligne et diffusé sous licence libre, ce corpus est constitué d’un ensemble important de textes médiévaux de types et de genres très variés (9 e –

3 Bibliotheca Hagiographica Latina, 2 t., Bruxelles, Société des Bollandistes, 1898–1899 (reprint en un volume, 1992) ; Novum Supplementum, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1986 (Subsidia Hagiographica, 70).

Introduction

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fin du 15 e siècle, près de 3 550 000 occurrences-mots), et il est particulièrement riche pour les débuts du français.4 La plateforme TXM, qui permet son interrogation, rend possible la création de sous-corpus. Cette fonctionnalité permet d’extraire de la base une sélection de textes regroupés en fonction d’un ou de plusieurs critères choisi(s) et de restreindre les requêtes à ce sous-ensemble. Le critère du genre textuel, par exemple, peut être utilisé pour limiter les recherches aux textes hagiographiques français et comparer les résultats à ceux du corpus hagiographique latin. On sélectionne ainsi un sous-ensemble de quatorze textes français, parmi lesquels quelques-uns des plus anciens (Séquence de sainte Eulalie, Vie de saint Léger, Passion de Clermont, etc.). Cette fonctionnalité de la plateforme exploite les métadonnées textuelles qui sont définies pour chaque texte. Elle permet de sélectionner dans un sous-ensemble particulier les textes qu’on souhaite étudier en parallèle et comparer.

2.1.2.3 Textes traduits Pour être utiles à la comparaison, les traductions françaises doivent suivre la version latine d’assez près pour qu’une correspondance des formes soit possible. Les traductions littérales étant relativement rares, aux origines du français particulièrement, les possibilités de choix sont limitées pour cette période. Il faut également que, parmi toutes les versions d’une même œuvre ayant circulé, la version latine ayant servi de base à la traduction française soit bien identifiée. Il faut enfin que les versions latines et françaises soient éditées et qu’un alignement minimal entre elles soit réalisé (par unités de petite taille, les paragraphes par exemple ou, à défaut, par page de texte). Deux textes hagiographiques latins traduits en français ont été intégrés au corpus : la Vie de saint Eustache et la Vie de saint Benoît (livre 2 des Dialogues du pape Grégoire). Trois autres textes de genres différents s’y sont ajoutés : la traduction française des Synonyma de lamentatione animae peccatricis d’Isidore de Séville (connue sous le titre français du Dialogue de l’âme), le De inventione de Cicéron et la Rhetorica ad Herennium, traduits tous deux par Jean d’Antioche à la fin du 13 e siècle. Ces deux dernières œuvres peuvent servir de textes de contrôle, en offrant deux témoins du latin classique et une traduction française fidèle mais moins imprégnée du modèle latin que toutes les autres.5

4 Le projet ANR Corpus représentatif des premiers textes français (http://corptef.ens-lyon.fr) a permis d’ajouter des textes très anciens à la base. 5 Le texte de Jean d’Antioche nous a été transmis par W. Van Hoecke, auteur de l’édition moderne. Nous l’en remercions très chaleureusement.

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2.2 Organisation du corpus La création d’un système de métadonnées cohérent et partagé pour les deux langues permet une description unifiée des textes latins et français. Ces métadonnées harmonisées favorisent l’étude de la variation intertextuelle et l’analyse des résultats à partir d’un ensemble de paramètres communs : date de composition supposée du texte, date du manuscrit choisi comme manuscrit de base pour l’édition, titre du texte (vie, passion, etc.), forme (vers vs prose), origine géographique, auteur du texte. Comme indiqué plus haut, les métadonnées textuelles visent également à donner la possibilité aux chercheurs de créer des sous-corpus en fonction de critères particuliers (textes mérovingiens, textes carolingiens, textes anglo-normands, textes hagiographiques français, etc.). Pour faciliter les modalités d’interrogation dans les deux langues, le corpus a été divisé en quatre sous-parties interrogeables séparément : – Textes latins (y compris les textes traduits) – Textes français (y compris les textes traduits) – Textes traduits interrogeables par la version latine (avec affichage aligné de la version française) – Textes traduits interrogeables par la version française (avec affichage aligné de la version latine)

2.3 Codage et annotation du corpus Pour permettre une interrogation commune et être intégrés à la plateforme TXM, les textes latins et français ont tous été encodés sous un format unique. Le format XML-TEI P5 mis en place par la BFM a été adopté et les textes latins du LASLA ont été convertis par l’équipe de l’ENS de Lyon. Les textes ont également été annotés par les deux équipes. Le LASLA a, depuis sa fondation en 1961, conçu et mis au point une méthode de lemmatisation et d’analyse semi-automatique du latin et du grec, et dans le même temps constitué une vaste banque de données d’œuvres latines et grecques principalement classiques, mais qui s’étend aussi pour le latin à des textes du MoyenÂge, de la Renaissance et même du 17 e siècle.6 L’annotation du LASLA consiste en une analyse morphologique complète de chaque mot et en certaines informations syntaxiques, le tout systématiquement vérifié par un philologue (Evrard 1962 ; Evrard/Bodson 1966 ; Denooz 1978).

6 Voir sur le site du LASLA : http://www.cipl.ulg.ac.be/Lasla.

Introduction

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La structure traditionnelle des fichiers du LASLA est la suivante : Le lemme, tel qu’il figure dans le dictionnaire choisi comme ouvrage de référence, à savoir le Lexicon totius latinitatis de Forcellini ; 2. Un indice permettant de distinguer différents lemmes homographes ou de marquer les noms propres et les adjectifs qui en dérivent ; 3. La forme telle qu’elle apparaît dans le texte ; 4. La référence conforme aux règles de l’ars citandi ; 5. L’analyse morphologique complète sous la forme d’un code alphanumérique, c’est-à-dire pour un substantif : la déclinaison, le cas et le nombre ; pour un verbe : la conjugaison, la voix, le mode, le temps, la personne et le nombre ; etc. 6. Pour les verbes, des indications syntaxiques : les propositions principales sont distinguées des subordonnées, lesquelles sont codées par type de subordonnants. 1.

Les textes hagiographiques mérovingiens et carolingiens du corpus ont été annotés par C. Kinapenne, pour le projet Mediolatinitas (Philippart de Foy 2001 et 2003 ; Goullet/Philippart de Foy 2014 sur la difficulté d’étiqueter des textes non-normés), et revus par C. Philippart de Foy, lors de sa thèse de doctorat, afin d’harmoniser les annotations avec celles de son corpus de traductions du grec, notamment en fonction des adaptations apportées à la méthode de lemmatisation et d’analyse classique en vue de prendre en considération les particularités linguistiques du latin médiéval, telles que le relâchement dans l’emploi des déclinaisons et des conjugaisons, l’emploi de plus en plus fréquent d’adjectifs substantivés, etc. (Philippart de Foy 2012). Tous les textes français de la Base de français médiéval bénéficient également d’un enrichissement linguistique automatique (segmentation lexicale, tokenisation, balisage des phrases graphiques, étiquetage morphosyntaxique à l’aide du jeu Cattex 2009 spécialisé pour le français médiéval). Une partie de ces textes a en outre fait l’objet d’une révision manuelle des étiquettes morphosyntaxiques.7 Ces textes présentent un double étiquetage, automatique et manuel après correction par des médiévistes.

7 La liste des étiquettes et leurs règles d’utilisation sont documentées en ligne : http:// bfm.ens-lyon.fr/article.php3?id_article=176. Tous les textes médiévaux cités dans les articles le sont d’après les sigles du Dictionnaire de l’ancien français (DEAF) et de sa bibliographie. Ces sigles sont accessibles en ligne (http://www.deaf-page.de/index.php) et servent de référence pour le Moyen Âge français.

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2.4 Outil d’interrogation du corpus Le corpus latino-français a été exploité par l’intermédiaire d’une plateforme (TXM) offrant un panel d’outils d’interrogation et d’analyse qualitative et quantitative riche et reconnu : vocabulaire, index de formes, concordances, cooccurrences, etc. Cet outil permet des recherches portant sur la forme des unités linguistiques mais aussi sur leurs propriétés linguistiques (étiquettes morphosyntaxiques et lemmes). Elle offre également des possibilités de lecture étendues, ce qui a permis l’affichage simultané d’extraits de textes latins et français alignés pour les textes traduits. Deux sessions de formation organisées à l’ENS de Lyon et la documentation disponible sur le portail de la Base de français médiéval (tutoriel présentant une session de travail et exemples de requêtes adaptés) ont permis aux chercheurs de se familiariser avec les ressources mis à disposition pour cette publication. Dans ses différentes composantes, le corpus latino-français créé pour cette recherche a été inégalement exploité. Les textes latins traduits en français ont été les plus utilisés et la Vie de saint Benoît a été étudiée par la quasi-totalité des participants. D’autres textes (la Chronique de Frédégaire, le Dialogue de l’âme) ont fait l’objet de quelques études. D’autres n’ont été exploités que par une seule personne. Malgré ces quelques disparités, le corpus bilingue donne à l’ensemble des études présentées dans ce volume une réelle homogénéité.

3 Les contributions En ouverture du recueil, la contribution de Michel Banniard établit la perspective diachronique dynamique qui sert de cadre à l’analyse du continuum conduisant du latin au roman. Son approche étant celle de la sociolinguistique historique, il met en avant le critère de la communication verticale pour évaluer le degré de variation dia-systémique et d’adéquation de la langue écrite (latine ou latinisée) à la langue parlée naturelle (ou maternelle). S’appuyant sur une bonne connaissance des textes produits dans cette période, il propose une typologie de la variation dia-stratique, source du changement diachronique, en montrant qu’à partir des 7 e et 8 e siècles une discontinuité s’installe, les différentes strates ne pouvant plus être considérées comme ressortissant au latin. Il propose ensuite un modèle de périodisation du changement en phases, assorti d’une description des principaux traits morphologiques qui les caractérisent.

Introduction

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Étant un des plus grands spécialistes de la traduction en français médiéval, Claude Buridant se consacre à l’étude des techniques de traduction à travers l’analyse comparée des Dialogues du pape Grégoire, dans sa version-source latine et dans sa traduction française du 12 e siècle. À travers une étude du lexique et de la morphosyntaxe, il offre une vue détaillée du texte et établit une mise en relation très précise des deux langues. Sur plusieurs points, l’analyse du texte latin confirme les observations faites par d’autres contributeurs : fréquence des relatifs de liaison (cf. Longrée et Philippart de Foy à propos du même texte), fréquence des propositions subordonnées temporelles en cum P antéposés et des participiales (cf. Combettes à propos du Frédégaire), fréquence de la proposition infinitive (cf. Bodelot sur un corpus de vies de saints qui comprend une partie des Dialogues mais aussi beaucoup d’autres textes), fréquence de la préfixation verbale (cf. Haverling sur le temps et l’aspect verbal). Concernant la version française, Claude Buridant montre que la traduction est le résultat d’un compromis, entre transposition savante du textesource, adaptation dans les tournures devenues usuelles en vernaculaire (dans sa variété wallonne) et créations originales exploitant les ressources proprement françaises (en particulier dans la morphologie lexicale). Contre toute attente, l’étude démontre que le texte français contient déjà en germe les traits caractéristiques des grandes traductions de la fin du Moyen Âge. L’article de Dominique Longrée et Caroline Philippart de Foy porte en partie sur le même texte, la Vie latine de saint Benoît, qui constitue le 2 e livre des Dialogues du pape Grégoire, mais complète l’analyse qualitative menée par Claude Buridant par une étude quantitative à grande échelle. En s’appuyant sur l’étiquetage morphosyntaxique et la lemmatisation développée par le LASLA (Université de Liège) et sur le logiciel d’analyse Hyperbase, les auteurs analysent la distribution des catégories morphosyntaxiques dans la Vie latine par contraste avec un vaste corpus d’œuvres latines classiques. Leur recherche montre que la Vie du 6 e siècle se démarque assez peu de certaines œuvres classiques, mais se rapproche bien plus d’un autre texte hagiographique, la Vie de saint Martin, également intégrée au corpus d’étude. Ainsi se dégage la spécificité de la Vie de saint Benoît par rapport aux autres textes sur le plan morphosyntaxique : surreprésentation des verbes et sous-représentation des noms et des adjectifs, traits que ce texte partage avec certaines œuvres classiques comme César ou Quinte-Curce, fréquence élevée des relatifs de liaison, des pronoms déterminants démonstratifs, possessifs, interrogatifs, indéfinis et de l’anaphorique idem, traits qu’il a en commun avec la Vie de Saint Martin, fréquence des prépositions et des subordonnants et relative rareté des conjonctions de coordination. Le traitement statistique appliqué sur un vaste corpus partitionné entre latin classique et latin tardif permet aux auteurs d’avancer

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Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance

plusieurs hypothèses, qui se trouvent confirmées par d’autres articles du recueil. Les chapitres suivants abordent différents points de syntaxe ou morphosyntaxe, soit en latin tardif, soit en ancien français, soit sur les deux langues. La première section est consacrée au domaine nominal. Les deux premiers articles soulèvent la question de la fonctionnalité de la flexion casuelle dans le marquage de la fonction syntaxique des arguments et des adjoints. L’étude de Harm Pinkster, qui aborde la question pour le latin tardif, compare sous cet angle trois textes de genres textuels différents, à savoir un extrait du prologue du premier livre des Dialogi de Grégoire le Grand (écrit en 593), qui est un document ‘ego’, le début du deuxième livre contenant la Vie de saint Benoît, de type narratif, et enfin un extrait des Synonyma de lamentatione animae peccatricis d’Isidore de Séville (ca. 610), qui est un soliloque de l’âme. Montrant que ces textes diffèrent en complexité syntaxique à travers une comparaison de la proportion des principales et subordonnées, il soulève la question du rapport entre la complexité syntaxique et l’importance de la flexion casuelle. Pour mesurer l’importance de la flexion casuelle dans l’identification de la fonction syntaxique des constituants nominaux, il dégage trois types de paramètres pouvant également contribuer à l’identification de la fonction syntaxique : la structure argumentale du verbe ou de la construction verbale, la nature des arguments et les paramètres discursifs. Son analyse met en évidence que, quel que soit le degré de complexité syntaxique du texte, la flexion casuelle n’est que très exceptionnellement l’unique facteur identifiant la fonction syntaxique, mais qu’elle est largement redondante avec les autres paramètres mentionnés. D’une manière parallèle et selon la même méthodologie, Lene Schøsler examine les traductions en ancien français des textes latins analysés par Pinkster. Se limitant à l’examen de la fonctionnalité du marquage (bi)casuel pour l’identification de la fonction syntaxique des arguments, elle aboutit également à la conclusion que la flexion casuelle n’est qu’un facteur parmi d’autres et n’a pas de statut privilégié par rapport aux autres paramètres contribuant à l’identification de la fonction syntaxique. Elle réalise une étude statistique lui permettant de dégager l’importance relative des différents paramètres et les corrélations entre eux. Son étude lui permet d’aborder plusieurs questions importantes : (i) quelle était l’(in)utilité du marquage casuel en ancien français ; (ii) pourquoi la flexion casuelle a-t-elle survécu et pourquoi se maintient-elle plus longtemps pour les articles que pour les noms et adjectifs ; (iii) qu’est-ce qui permet d’expliquer son déclin en moyen français ; (iv) quel est le rôle de la flexion casuelle en français moderne. La contribution d’Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance est consacrée aux démonstratifs et s’attache à déceler, dans les textes en latin tardif, com-

Introduction

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ment se prépare le passage du système ternaire (hic/iste/ille) vers un système binaire (cist/cil), évolution par laquelle le français s’éloigne des autres langues romanes. À l’encontre d’une hypothèse communément admise, elles montrent que cette simplification du système des démonstratifs n’est pas due à la disparition – pour des raisons phonétiques – du démonstratif hic, mais doit être expliquée en termes pragma-sémantiques : elles mettent en avant la fragilité du terme médian comme moteur de la restructuration du système des démonstratifs en latin tardif. Elles s’appuient ensuite sur une analyse des conditions d’emploi de iste dans les différents textes et sur le scénario développé par Diewald (2002) et Heine (2002) pour conceptualiser finement l’interdépendance entre contexte d’emploi et changement diachronique à l’œuvre dans le processus de grammaticalisation, et dégagent ainsi les différentes étapes de l’expansion de iste : iste, démonstratif de la 2 e personne, entre d’abord en concurrence avec hic, démonstratif de la 1re personne, dans les configurations où il n’y pas d’opposition entre locuteur et allocutaire (atypical contexts) ; ce n’est que dans une seconde phase qu’il empiète sur le terrain de hic quand il s’agit d’inclure un référent dans la sphère personnelle du locuteur, face à iste qui l’en exclut (bridging contexts). Il n’a toutefois pas atteint l’étape de la conventionnalisation, mais reste en compétition avec hic tout en ayant une plus grande force pragmatique que celui-ci. Suit un chapitre sur l’émergence du pronom sujet : ce pronom, au départ à valeur emphatique, perdra progressivement cette valeur d’emphase dans l’évolution du latin au français, ce qui conduit à une augmentation de sa fréquence, voire à la contrainte du sujet exprimé, propriété qui isole le français au sein des langues romanes. Sophie Prévost montre que les premiers indices de cette évolution remontent déjà au latin tardif, du moins pour ce qui est du pronom de la 1re personne ego. Examinant d’abord en latin la dissymétrie entre 1re et 2 e personnes d’une part et 3 e personne d’autre part, liée au fait que le paradigme des pronoms sujets en latin ne comporte pas de pronom de la 3 e personne, l’auteure offre ensuite un aperçu des conditions d’emploi des pronoms en ancien français, où le paradigme des pronoms personnels se complète par l’adjonction des pronoms de la 3 e personne et où se profile une dissymétrie quant à la fréquence d’emploi d’après la personne verbale – l’expression du pronom de la 1re personne étant plus précoce que celle de la 3 e personne – et d’après l’opposition entre principale et subordonnée. Elle s’attèle ensuite à l’investigation des origines de cette évolution à travers un corpus bilingue latin tardif / ancien français, en étudiant successivement le pronom ego et ses traductions en ancien français, ainsi que le pronom démonstratif ille et ses traductions par un démonstratif ou un pronom en ancien français. Une deuxième section est consacrée au syntagme verbal et concerne plus particulièrement les changements en cours dans le système du temps et de

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Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance

l’aspect tels qu’on peut les observer en latin tardif. Quant au parfait, qui en latin classique montre encore des traces de la confusion récente entre aoriste et parfait proprement dit, Gerd Haverling montre comment celui-ci devient en latin tardif un temps du passé plus cohérent, notamment à cause de la perte du « perfectum praesens », comme dans novi ‘je sais’. Pour ce qui est de l’aspect lexical, l’auteure montre comment le système caractéristique du latin classique, mobilisant des préfixes et suffixes pour marquer le « viewpoint » se brouille : des suffixes à valeur aspectuelle (par ex. -ē à valeur stative versus -sc- à valeur processive) perdent leur motivation, ce qui conduit à une baisse de leur fréquence d’emploi. Il en est de même de certains préfixes à valeur aspectuelle, tels con- et per- exprimant l’aspect télique. D’autres suffixes et préfixes prennent la relève, par ex. le suffixe -a et les préfixes in- et admarquent l’aspect progressif. Mais ces évolutions dans l’aspect lexical conduisent surtout à l’expression de l’aspect par le biais de la grammaire : elles vont de pair avec un changement du rapport entre les temps du passé et avec le développement des articles et en particulier du partitif. Haverling souligne l’importance de la prise en compte des registres : quoique tous les textes de la latinité tardive subissent l’impact de la tradition littéraire, les innovations sont surtout observables dans les textes les moins littéraires alors qu’elles sont presque absentes ou attestées seulement d’une manière détournée (notamment par le mécanisme de l’hypercorrection) dans les textes à visée littéraire. C’est dire que l’évolution est sans doute bien plus avancée à l’oral. Une troisième section est consacrée à la négation et aborde successivement la négation propositionnelle et la négation associée à un quantifieur indéfini. En s’appuyant sur la théorie de la marque et la distinction établie par Givón entre différents types de marquage – textuel, formel et cognitif –, Maj-Britt Hansen-Mosegaard offre une analyse des conditions d’emploi des différents types de négation propositionnelle, à savoir la négation non marquée ne, la négation héritée du latin non, et la négation renforcée ne … pas/mie/point/ goutte/guère. Elle montre qu’à part ne … guère, l’emploi des différentes négations marquées est conditionné par le statut discursif de la proposition niée. Concernant la négation ne accompagnée d’un quantifieur indéfini, l’auteure montre que le très ancien français, est, comme le latin familier, une langue de concordance négative, où la cooccurrence de la négation et d’un quantifieur négatif ou de plusieurs quantifieurs négatifs résulte en une simple interprétation négative et que cet état de langue s’oppose ainsi au latin classique, langue dite à double négation, où la cooccurrence de deux éléments négatifs donne lieu à une interprétation positive. Elle s’attarde enfin sur l’évolution des indéfinis à polarité négative en montrant comment l’évolution des indéfinis négatifs en français met en cause le modèle d’évolution unidirectionnel proposé par Haspelmath (1997).

Introduction

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La quatrième section porte sur la syntaxe de la proposition simple. Concernant l’ordre des constituants en latin tardif, un débat oppose ceux qui soutiennent la variabilité syntaxique et ceux qui mettent en avant une évolution vers un figement. L’étude d’Olga Spevak contribue à ce débat à partir d’une étude empirique mettant en regard un texte en latin tardif, la Vita sancti Benedicti de Grégoire le Grand (540–604), qui constitue le livre 2 de ses Dialogi, et sa traduction en ancien français, Li Dialoge Gregoire lo Pape, du 12 e siècle. Elle étudie dans ces deux textes l’ordre du sujet et de l’objet par rapport au verbe, ses contraintes de présence et son mode d’expression, nominal ou pronominal, en relevant en particulier les cas où le traducteur s’éloigne du modèle latin et en cherchant à en rendre compte. Elle montre que la syntaxe du texte latin reste proche de la norme classique (prédominance de (S)OV) et se présente comme non configurationnelle (ordre libre des constituants, anaphore zéro tant pour le sujet que pour l’objet, constituants nominaux disjoints), alors qu’en ancien français l’ordre (S)VO devient dominant et l’évolution vers une syntaxe plus configurationnelle est patente (ordre plus contraint des constituants, recul des anaphores zéro et apparition des pronoms préverbaux à fonction de sujet et objet, disparition des constituants discontinus). La dernière section est consacrée à la syntaxe de la subordination dans les textes de la latinité tardive et aborde successivement les subordonnées à statut argumental et les subordonnées circonstancielles. Concernant les subordonnées à statut argumental, le chapitre réalisé par Colette Bodelot nous renseigne sur le déclin de la proposition infinitive et son remplacement en français par la subordination explicite après les verbes de parole et d’opinion. Son étude porte plus spécifiquement sur les propositions infinitives et complétives introduites par le verbe dico dans les vies et passions latines du corpus. Elle complète son analyse antérieure de la Chronique de Frédégaire et montre que la proposition infinitive reste la construction la plus fréquente dans les textes, en Gaule comme en Italie. Les complétives en quod, quia, ut et quomodo sont moins répandues qu’on ne l’affirme parfois et elles sont plus contraintes (toujours postposées au verbe dico). L’analyse des propositions interrogatives indirectes confirme les tendances conservatrices observées dans le corpus (se manifestant notamment à travers le maintien du mode subjonctif). Mais le système des subordonnants en devenir est déjà présent. Par ailleurs, la fréquence de la construction paratactique du discours direct semble indiquer que les textes du corpus relèvent d’un registre peu formel. Bernard Combettes se concentre sur les subordonnées circonstancielles dans un texte historique du 6 e siècle, à savoir le quatrième livre de la Chronique de Frédégaire. Il s’intéresse particulièrement aux subordonnées temporelles, finales et causales et au degré d’autonomie syntaxique qui distingue l’en-

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Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance

semble de ces subordonnées périphériques. Il montre qu’un continuum caractérise leur intégration syntaxique et précise la valeur discursive qui en découle. Les cum P antéposées, à valeur essentiellement temporelle, sont à l’une des extrémités du spectre (intégration quasi nulle) et jouent souvent le rôle de cadratifs dont la portée dépasse la proposition (principale) qui les suit. Les subordonnées finales sont à l’autre extrême. Les nombreuses recherches menées par Bernard Combettes sur la syntaxe de l’ancien français lui permettent de mettre en évidence une tendance forte de la Chronique latine qui, malgré des évolutions et adaptations évidentes, perdurera longtemps dans les textes narratifs français. Les références bibliographiques se trouvent à la fin de chaque contribution individuelle. Les contributions étant soit en anglais soit en français, les conventions typographiques sont celles en usage pour la langue de la contribution auxquelles elles se rapportent. Remerciements: Nous remercions Caroline Philippart de Foy, pour sa participation à la rédaction de cette présentation et nous lui adressons nos plus vifs remerciements, de même qu’au LASLA (Université de Liège), pour les textes latins mis à la disposition des contributeurs à cette publication. Nos remerciements s’adressent aussi à Jasper Vangaever, qui nous a apporté son aide pour la mise en forme du manuscrit, et à Alexei Lavrentiev et Serge Heiden pour la préparation du corpus et de la plateforme TXM.

BHL7497T

BHL5252BT BHL5610T BHL6040T BHL6787T BHL6849T BHL6947T

BHL4518BT BHL5129T

Anonyme Grégoire le Grand Anonyme Anonyme Anonyme

Anonyme Anonyme Anonyme

auteur

Anonyme Anonyme (probablement un moine de l’abbaye de Lobbes) Passio Marcelli et Apulei Anonyme Vita Martini Sulpice Sévère Passio Nazarii et Celsi Anonyme Vita Petri Venerabilis Raoul de Cluny Passio Pimenii Anonyme Passio Processi et Anonyme Martiniani Passio Saturnini Anonyme (probablement un moine toulousain)

Passio Agathae Passio Agnetis Passio Ansani et Maximae Passio Benedictae Vita Benedicti Passio Caeciliae Passio Columbae Passio Getulii, Cerealis et soc. Passio Iuliae Vita Madelbertae

BHL0133T BHL0156T BHL0515T

BHL1087T BHL1102T BHL1495T BHL1896T BHL3524T

titre

identifiant

Textes latins

Corpus

e

  881

10 e siècle

5 e siècle

 1192  1388

 2667 10916  6223  1848  1224

 2179  2669  1633

mots

 1486  6660  1756  4503  1265  1061

10 e siècle

2e m 9 e s 9 e siècle

10 e siècle 12 e siècle (le plus ancien)

Date du manuscrit

6 e siècle ? Avant 397 6 e 7 e siècle ? +/- 1160 6 e siècle ? Début du 6 e siècle

10 e siècle Probablement début du 10 e siècle

9 e siècle 6 e siècle (vers 593–594) ancien, antérieur au 8 e s. 9 e siècle ou avant 6 e–8 e siècle ?

Probablement avant le 7 siècle avant le 7 e s., peut-être au 5 e s.? certainement antérieur au 12 e s.

Date de composition

Introduction

15

Passio Symphorosae Passio Victoris et Coronae Passio Vincentii

Passio Viti Passio Viti Passio Viti

Vita Walberti

Vita Waldedrudis

BHL7971T BHL8559T

BHL8621T

BHL8711T BHL8712T BHL8713DT

BHL8775T

BHL8776T

Adson de Montier-en-Der Anonyme (probablement un moine de l’abbaye de Lobbes)

Anonyme (probablement un moine toulousain) Anonyme Anonyme Anonyme

Anonyme Anonyme

auteur

 3134

Seconde moitié du 9 e siècle

9 e siècle

 3819

 3613  2392  2428

 1158

  599  2121

mots

10 e siècle

9e s 2e m 9 e s Première moitié du 9 e siècle

10 e siècle

6 e siècle ? antérieur à 10 e siècle Seconde moitié du 6 e siècle (région d’Agen) entre 6 e et 9 e s entre 6 e et 9 e s entre 6 e et 9 e s

Date du manuscrit

Date de composition

Textes français et textes bilingues (textes latins traduits en français) Les textes et leurs métadonnées sont accessibles sur le portail de la Base de français médiéval : http://txm.bfm-corpus.org.

titre

identifiant

16 Anne Carlier et Céline Guillot-Barbance

Références

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Références Banniard, Michel, Viva voce. Communication écrite et communication orale du IV e au IX e siècle en Occident latin, Paris, Collection des Études Augustiniennes, 1992. Banniard, Michel, Migrations et mutations en latin parlé : faux dualisme et vraies discontinuités en Gaule (V e–X e siècle), in : Jacquart, Danielle/James-Raoul, Danièle/ Soutet, Olivier (edd.), Par les mots et par les textes. Mélanges de langue, de littérature et d’histoire des sciences médiévales offerts à C. Thomasset, Paris, PUPS, 2005, 21–36. Carlier, Anne/Lamiroy, Béatrice/De Mulder, Walter, On the Pace of Grammaticalization in Romance, Folia Linguistica 46:2 (2012), 287–466. Denooz, Joseph, L’ordinateur et le latin. Techniques et méthodes, Revue de l’organisation internationale pour l’étude des langues anciennes par ordinateur 4 (1978), 1–36. Évrard, Étienne/Bodson, Arthur, Le programme d’analyse automatique du latin, Revue de l’organisation internationale pour l’étude des langues anciennes par ordinateur 2 (1966), 17–46. Évrard, Étienne, Le laboratoire d’analyse statistique des langues anciennes de l’université de Liège, Mouvement scientifique en Belgique 9 (1962), 163–169. Goullet, Monique/Philippart de Foy, Caroline, Mesurer les distances entre des textes précarolingiens linguistiquement non-normés : le cas de la Passion de sainte Marine, Les Études Classiques 82 (2014), 183–196. Haspelmath, Martin, Indefinite pronouns, Oxford, Oxford University Press, 1997. Herman, József, La transition du latin aux langues romanes. Quelques problèmes de la recherche, in : Herman, József (ed.), Du latin aux langues romanes II. Nouvelles études de linguistique historique, Tübingen, Niemeyer, 2006, 183–194. Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf, Gesprochene Sprache in der Romania : Französisch, Italienisch, Spanisch, Tübingen, Niemeyer, 22011. Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf, Gesprochene Sprache und geschriebene Sprache. Langage parlé et langage écrit, in : Holtus, Günter/Metzeltin, Michael/Schmitt, Christian (edd.), Lexikon der romanistischen Linguistik (LRL), Tübingen, Niemeyer, 2001, 584–627. Koch, Peter, Pour une typologie conceptionnelle et médiale des plus anciens documents / monuments des langues romanes, in : Selig, Maria/Frank, Barbara/Hartmann, Jörg (edd.), Le passage à l’écrit des langues romanes, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1993, 39–81. Lanéry, Cécile, Les Passions latines composées en Italie, in : Philippart de Foy, Guy (ed.), Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, Turnhout, Brepols, 2010, 15–369. Philippart de Foy, Caroline, La philologie latine aux prises avec les textes hagiographiques, Litterae Hagiologicae 7–8 (2001), 15–31. Philippart de Foy, Caroline, Mediolatinitas : légendes hagiographiques et statistique linguistique, Hagiographica 10 (2003), 37–77. Philippart de Foy, Caroline, Lemmatiser un corpus de textes hagiographiques : enjeux et modalités pratiques, in : Biville, Frédérique/Lhommé, Marie-Karine/Vallat, Daniel (edd.), Latin vulgaire – Latin tardif IX. Actes du IX e colloque international sur le latin vulgaire et tardif (Lyon, 2–6 septembre 2009), Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée-Jean Pouilloux, 2012, 481–490.

I. Perspectives générales

Michel Banniard (Université de Toulouse 2, Ecole Pratique des Hautes Etudes)

Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque : pour une historicisation et une modélisation innovantes (Bréviaire) 1 La diachronie latin – roman au 21 e siècle : nouveaux principes L’ambition d’écrire aujourd’hui une histoire en continu de la transformation du latin en roman en général et en ancien français en particulier n’est pas démesurée au 21 e siècle, à la condition de réviser en profondeur les modèles traditionnels de la philologie romane (issus des travaux pionniers du 19 e siècle), que ceux-ci soient affirmés explicitement ou présents implicitement à la faveur de routines diverses, le tout relevant en fait souvent autant de structures mentales héritées que de règles scientifiques. Les principes innovants s’organisent sur cinq thèmes majeurs. 1) Caractères historiques de la période (5 e–8 e siècles). Les historiens d’aujourd’hui, au terme d’un long travail sur ces siècles de mutation (fin de l’empire romain et époque mérovingienne), ont constamment réévalué l’importance de la literacy (Schriftlichkeit, usage de l’écrit) pour cette civilisation dont il a même pu être affirmé à juste titre qu’elle était « bureaucratique ». En conséquence, le modèle innovant entérine le fait que la société mérovingienne a continué de vivre, comme au temps de l’Empire, dans un réseau d’interactions langagières où la maîtrise de l’écrit prenait une place, sans doute réduite par rapport aux 4 e–5 e siècles, mais encore très significative. 2) Théorie et pratique de la linguistique diachronique. La linguistique comme discipline scientifique s’est enrichie de nombreuses catégories qui peuvent parfois lui faire perdre de vue que la première fonction de la parole est de communiquer. Même si ce dernier verbe peut à son tour se manipuler de bien des façons, jusqu’au paradoxe, il n’est ni raisonnable, ni scientifique de travailler sur un espace et un temps langagier sans s’interroger sur la manière dont fonctionnait précisément la communication. Tous les travaux traditionnels de la philologie romane ont en général soit éludé cette question (pourtant cruciale), soit l’ont affrontée en lui déniant sa pertinence https://doi.org/10.1515/9783110551716-003

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Michel Banniard

de différentes façons. Le but de cette mise à l’arrière-plan de la fonction communicative de la langue a été constamment le même : décrire la parole de ces siècles à partir de reconstructions rétrospectives qui donnaient aux philologues un pouvoir quasi divin de création. 3) Problématisation des rapports entre écriture et parole. C’est peu dire que la question du rapport entre langue écrite et langue parlée a fait couler des fleuves de théories, jusqu’à imaginer une dichotomisation complète de l’une par rapport à l’autre. Pour les siècles qui nous concernent, l’invention de ce dualisme convenait parfaitement aux philologues romanistes traditionnels, puisqu’il laissait le champ libre à leur imaginaire, même appuyé sur des reconstructions prétendues rigoureuses. Le modèle innovant refuse ce dualisme, considère l’unité de la langue où la parole est le code primaire et où l’écriture intervient comme un code secondaire corrélé. Au lieu de reculer (parfois avec une solennité péremptoire) devant l’inconnaissable d’une opposition supposée radicale, il s’agit de rechercher (avec une humilité tenace qui accorde crédit aux témoignages laissés par les acteurs de l’époque) l’analysable d’une corrélation fluctuante. 4) « L’instinct du langage » contre les prototypes culturels. De manière plus masquée encore, la linguistique diachronique romane a hérité de prototypes culturels qui perturbent une approche respectueuse de la réalité langagière. En effet, pour expliquer la « dégradation » du latin en roman, elle a entériné comme modèles linguistiques le produit de préjugés culturels propres au 19 e siècle. En premier lieu, le dogme qu’une langue spontanée parlée par une communauté illettrée est hors normes, voire n’a pas de grammaire, réduisant de ce fait l’accès au statut de langue de plein droit à celles qui sont contrôlées par des élites et des institutions. La confusion ente norme langagière et norme culturelle a été constante et a conduit les savants à exclure que la masse de la population de l’Empire ait pu parler latin sans y ajouter aussitôt « vulgaire », et elle a impliqué que toute évolution de la langue parlée était le résultat d’une débâcle culturelle, une « perte », « dégénérescence », voire un « chaos ». Les travaux de la dialectologie romane, les enquêtes linguistiques menées auprès de peuples « sans écriture », ou bien auprès de communautés urbaines marginales, ont clairement invalidé ces préjugés. La nouvelle linguistique diachronique considère que tous les locuteurs ont été latinophones et que l’évolution diachronique de leur parole provient de processus internes à l’évolution de toute langue, qu’il convient d’établir en dehors de toute pathogénèse. 5) Comparaison typologique et critères linguistiques. Si la lecture des premiers vers de l’Enéïde et du Saint Léger manifeste la différence entre les deux

Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque

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langues, ce contraste ne saurait suffire à légitimer une topologie contrastive totale. En effet, d’une part, même les textes écrits en latin classique (en abandonnant évidemment le canon étrange du « bon latin ») présentent des fluctuations qui sont autant de prototypes des tournures du latin tardif, voire de l’ancien français, et d’autre part, des tournures, voire des énoncés complets de certains textes de l’ancien français classique (surtout dans les œuvres les plus anciennes), offrent la mémoire transséculaire de tournures « latines ». Il y a lieu de se déprendre d’une analyse contrastive impressionniste entre le « latin » et le « roman ». On comprendra essentiellement à ce propos la représentation graphique de la langue, qui peut masquer les continuités, aussi bien que surdéterminer les discontinuités. La comparaison doit porter sur toutes les catégories (morphologie, syntaxe, lexique, idiomatismes, phrasé), en traversant les frontières graphiques.

2 Le paramètre principal et ses conséquences sur le rapport écrit/oral 2.1 L’efficacité de la communication verticale en Gaule du Nord La définition de la communication verticale a été répétée dans toute la bibliographie donnée infra ainsi que tous les justificatifs sur la chronologie répétée ici. On se bornera à rappeler que dans ce cas-ci, il s’agit de la communication orale en latin tardif adressée par les membres de l’élite culturelle à la masse des illettrés, dont il a été possible de reconstituer l’efficacité à travers le temps. – 5 e siècle : fonctionnement direct optimal La communication latinophone fonctionne en fait sur ses deux axes principaux : horizontale (depuis le 3 e siècle, la latinisation est achevée) et verticale (depuis le 4 e siècle avec l’extension de la prédication chrétienne) ; on se comprend et on se fait comprendre d’un bout à l’autre de l’Empire en latin, quelles que soient les variations dia- en jeu. – 6 e siècle : fonctionnement régulier sans perturbations majeures – 7 e siècle : fonctionnement par compromis accrus avec débuts de brouillage – 8 e siècle : fonctionnement flottant avec brouillage grandissant – 9 e siècle : le brouillage l’emporte sur la communication La communication verticale latinophone a donc une histoire, ce qui rend son utilisation fiable : son inflexion au fil des siècles et sa débâcle finale consti-

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Michel Banniard

tuent les repères essentiels pour établir la chronologie linguistique qui a conduit le latin parlé tardif à devenir le protofrançais. Il est impossible que du 5 e au 7 e siècle une communauté de locuteurs ne parlant que leur langue spontanée aient pu comprendre l’enseignement chrétien (complexe, contraignant et contrôlé) s’il y avait eu une différence de type entre leur propre langue et celle des évêques, prêtres, etc. Cela impose la conclusion d’une évolution tardive de cette langue commune vers le type roman.

2.2 Les conséquences sur le rapport écrit/oral Puisque tous les monuments qui nous sont parvenus sont écrits en latin (sermons ; vies de saints, formulaires, lois, inscriptions, …), on doit admettre que le rapport écrit/oral a lui aussi une histoire, qui peut se résumer à grands traits par le tableau suivant : Le terme d’adéquation fait référence à l’adéquation globale de la langue écrite (latine/ latinisée) à la langue parlée naturelle (vivante/ maternelle) ; celui de tension à l’effort requis, soit pour convertir la parole naturelle en un texte écrit, soit pour convertir un texte écrit en parole naturelle. Cela inclut donc tous les critères, et non seulement le critère phonétique, trop exclusivement retenu en général pour « juger » les documents. La terminologie adoptée est bien entendu relativiste, dans la mesure où elle ne correspond pas à un décompte strict (sera-t-il possible un jour d’indexer et quantifier ce genre de phénomènes ?). Le terme « protofrançais » est réservé au 8 e siècle, période où la communication verticale s’étiole, où la langue parlée se restructure en type roman, mais où la langue écrite demeure latine ou latiniforme. Ensuite, la dis-

Tab. 1: Les rapports changeants entre écrit et oral : les différentes étapes. Langue

Situation linguistique

Adéquation

Tension

Latin parlé d’époque classique Latin parlé tardif 1 ou « impérial » (3 e–5 e s.)

Monolinguisme Monolinguisme complexe Monolinguisme très complexe

Elevée Moyenne

Faible Accrue

Faible

Forte

Latin parlé tardif 2 ou « mérovingien en Gaule, « wisigothique en Espagne, « lombard » Italie (6 e–7 e s.) Protofrançais (8 e s.) Ancien français classique (9 e–13 e s.)

Bilinguisme Minimale masqué Bilinguisme assumé Elevée

Maximale Faible

Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque

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tance écrit/oral retourne à la situation du Latin parlé de l’époque classique avec l’apparition de la scripta d’oïl.

3 Structures diastratiques : du continuum au discontinu 3.1 Le continuum diastratique en latinophonie classique La division du latin en « littéraire » et « vulgaire » relève d’un dualisme linguistique commode mais irréel. On se reportera à d’autres publications (citées infra) pour les détails de ses fluctuations, au moins d’après des grilles théoriques empruntées à la dialectologie et à la sociolinguistique synchroniques. On se borne ici à proposer un échelonnage diastratique qui calque les modèles synchroniques et qui tient compte évidemment des savoirs de la philologie classique. En outre, – Cette présentation ne suit pas le modèle {immédiat//distance}, ces distinctions traversant tous les niveaux ainsi que les deux formes écrit-oral. – Le modèle binaire « fergusonien » opposant « High variety/Low variety » n’est pas non plus retenu, car elle rétroprojette sur le latin un dualisme qui n’est certainement pas établi à cette date et dont l’apparition est précisément à établir (au lieu de le prendre comme une donnée initiale). – Les 6 niveaux proposés sont évidemment redénombrables et renommables, à condition ni de retomber dans le dualisme, ni de diluer le donné langagier dans une poussière de rubriques. 1. Acrolecte : Latin parlé d’apparat : celui des grands discours (ars dicendi ‘art de plaider’), de la philosophie (conférences, symposiums), de la poésie épique, etc. 2. Métalecte : Latin parlé soutenu : celui des rapports solennels au sénat (rationem reddere ‘rendre des comptes’), des généraux et des proconsuls de retour de mission, etc. en situation ritualisée. 3. Katalecte : Latin parlé contenu : celui par exemple des officiers subalternes, mais aussi celui des régisseurs (uillicus) quand ils s’adressent au propriétaire de manière un peu surveillée ou d’un esclave domestique quand il s’entretient avec son maître de questions personnelles (éducation). Ce niveau de langue correspond au phénomène bien connu de la mimésis. Même un rusticus illettré peut imiter certains traits du latin soutenu. 4. Hypolecte : Latin parlé familier : celui des échanges privés ou semipublics dans les face-à-face non formalisés, mais plus ou moins con-

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Michel Banniard

trôlés. On le rencontre – par séquences – dans les lettres de Cicéron, dans les pièces de Plaute, chez Horace, etc. 5. Basilecte : Latin parlé relâché : celui des surprises, des confits, des accidents, de l’intimité désordonnée, etc. Il n’est pas réservé au uulgus, mais peut très bien apparaître dans la bouche de l’élite, justement en situation hors norme. On le rencontre aléatoirement dans des graffitis, sur des tablettes, ... 6. Paralecte : Latin parlé technique : celui des marins, soldats, cochers de cirque, gladiateurs, artisans qui comporte ses propres boucles informationnelles, ses tics, son lexique, etc. Il ne forme évidemment pas une langue à part, mais s’incruste dans l’ensemble latinophone. Il a été repéré notamment sur des papyri, poteries, etc. On parle de continuum parce que le diasystème du latin parlé de l’époque classique traverse tous ces niveaux, même si ses différents éléments fluctuent en fréquence selon les niveaux (le niveau 1 n’est pas LE latin littéraire ; le niveau 5 n’est pas LE latin vulgaire).

3.2 Discontinuité diastratique du 8 e siècle Tous les monuments écrits du 8 e siècle (y compris la fameuse « Parodie de la loi Salique », mais il y a de nombreux autres textes de ce type) sont latiniformes, cette écriture masquant ou révélant l’oralité naturelle, désormais romanophone. 1. Latin en sermo altus ne comprenant que des séquences brèves de type roman : Vies de saints récrites ; traités de théologie et de controverse doctrinale (Libri carolini) ; poésies soit de forme classique, soit rythmiques. Réservé au premier cercle des grammatici. Ultra-minoritaire. Réalisation orale soignée tentant de restaurer une syllabation complète. 2. Latin en stylus simplex comprenant des séquences de protofrançais masqué : préambules des capitulaires ; corps des lettres dans les correspondances ; traités particuliers d’éducation. Partagé par une élite plus étendue, juristes, chanceliers royaux, certains évêques et abbés. Réalisation orale soutenue, correspondant à une certaine distinctio. 3. Latin à phrasé protofrançais combiné à des séquences plus franchement latines, sorte de lingua mixta : rapports écrits de mission des missi dominici ; capitulaires, notamment le de uillis ; serments.

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Employé massivement par les élites carolingiennes, pratiquant une mimésis limitée des niveaux 1 et 2, sans admettre complètement les niveaux 4 et 5. Réalisation orale polie limitant les compromis avec la phonétique naturelle. 4. Latin à phrasé protofrançais saupoudré de quelques latinismes aléatoires : commandements lors de cérémonies solennelles collectives, rapports oraux de missions sur l’état d’abbayes, de corps d’armée, certains polyptiques, etc. Emploi ouvert à de vastes pans des activités juridico-notariales ; masque mince de grammatica (même si l’orthographe est impeccable). Réalisation orale relâchée en phonétique quotidienne. 5. Protofrançais direct : commandements à l’intérieur du palais adressés aux domestiques, esclaves, etc. Sous le terme protofrançais, on comprendra toutes les variétés dialectales dont les contours sont en voie d’émergence (lorrain, champenois, wallon, ...). Emploi évidemment massif. Coïncidence profonde avec la parole ordinaire relâchée (même si la graphie masque la prononciation). Même règles que pour 4. Ce schéma représentant le diasystème au 8 e siècle répond au schéma du diasystème du latin parlé à l’époque classique. Il demanderait de nombreux commentaires et surtout des illustrations, qui sont données dans les publications référencées. Il répond au triple but : – De montrer que la langue écrite n’est pas par nature ni « de la distance », ni de la « proximité » ; – De souligner que si l’on fait abstraction de la phonie, le roman d’oïl abonde sous forme écrite bien avant 842 (Serments de Strasbourg) ; – De mettre en évidence que la langue écrite de la seconde moitié du 8 e siècle ainsi analysée révèle une discontinuité diastratique, les niveaux 3– 4–5 n’étant plus traversés par le diasystème latin (même tardif). C’est pourquoi le continuum langagier cède la place à un dis-continuum : un dualisme s’installe à cette époque (650–750) et non avant, latin//roman.

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4 Dynamique et étapes du changement langagier 4.1 Modélisation Temps 0, Stade préliminaire Dans la langue affleurent un certain nombre de variables (morphèmes/ blocs énonciatifs) de fréquence très minoritaire par rapport aux formes/ tournures usuelles. Ces variables constituent un gisement épars de briques primordiales, des prototypes disponibles de manière diffuse dans le flux langagier. Leur apparition et leur emploi relèvent de règles complexes, dont certaines peuvent être stylistiques (poésie). Elles sont aux marges du diasystème (leur existence est de type probabiliste).

Temps 1, Stade initial La fréquence des briques primordiales augmente progressivement, au point d’acquérir un statut quantitativement significatif. Elles quittent les marges du diasystème pour descendre vers son cœur et à terme l’élargir. Le procès est chaque fois du type suivant : en parallèle au morphème ou au bloc énonciatif récurrent/ normal dans la langue parlée par la collectivité des locuteurs sont appelés/ forgés/ reconfigurés une forme ou un bloc énonciatif de substitution par 1 ou N locuteurs. Leur effort créateur est provoqué par la recherche de plus d’expressivité, de précision, de clarté, voire d’individuation : ces nouveautés sont marquées (en position langagière forte) par rapport à celles avec lesquelles elles alternent. Précisément, parce qu’elles sont marquées, elles sont des variantes libres (ce qui ne veut pas dire non motivées), qui s’installent et se diffusent dans la langue parlée (transmission en arborescence fractale). Le diasystème latin bouge sans perdre sa cohérence (de probabilistes, ces formes deviennent statistiquement dénombrables).

Temps 2, Stade intermédiaire Cette innovation en voie d’adoption polycentrée quitte l’état de variabilité aléatoire (arbitraire), tend à se généraliser (elle devient une forme à l’échelle de l’ancien Empire) et à se grammaticaliser (à devenir un morphème). L’ancienne et la nouvelle forme entrent en concurrence dans le diasystème (les formes anciennes ne sont pas éliminées d’emblée, comme dans les modèles reconstruits depuis l’aval roman). La forme marquée tend, à proportion de sa progression, à perdre sa force expressive et ipso facto à devenir non marquée. À

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ce stade éclate un polymorphisme intense. Les locuteurs effectuent une succession d’essais, de compromis, de retours en arrière, de progressions brusques, etc. Ce sont les formes anciennes qui à présent migrent vers les marges du diasystème. D’un certain point de vue, le système est devenu hypertrophié et instable.

Temps 3, Stade final Les anciennes briques primordiales occupent désormais toute la surface de la parole. La forme marquée apparue au stade 1 se démarque ; les locuteurs la retiennent comme forme usuelle de leurs énoncés. À mesure que sa fréquence croît dans la chaîne énonciative, sa motivation (et donc sa valeur expressive) diminue. Inversement et proportionnellement, l’ancienne forme non marquée, usuelle au stade 1, se raréfie et occupe peu à peu la place de la forme précédemment marquée. Elle est alors érigée en rareté voire en archaïsme (avec une connotation stylistique) et tend à disparaître. À ce stade, les formes anciennes sont en voie d’expulsion du diasystème (elles ont régressé à un stade probabiliste). C’est alors le moment où, tout le diasystème s’étant de fait inversé, les locuteurs parlent une autre langue.

4.2 Chronologisation Il est évidemment difficile d’attribuer des dates précises à ces quatre stades. D’un point de vue strictement linguistique, c’est même impossible. De ce fait, les seules balises que nous ayons pour accrocher ces stades à une période sont celles des étapes que suit l’histoire de la communication verticale. Le stade final du modèle linguistique correspond vraisemblablement bien aux phases 4/5 de la communication verticale, identifiées dans la section 2.1 On peut donc remonter pour le stade intermediaire du modèle aux phases 3/4. Le stade initial s’intègrera alors aux phases 1/2. Cela donne la périodisation suivante : STADE 0: STADE 1: STADE 2: STADE 3:

Latin Parlé d’époque Classique Latin Parlé Tardif « impérial » Latin Parlé Tardif « mérovingien » Protofrançais

(− 2 e – + 2 e s.) (3 e – 5 e s.) (6 e – 7 e s.) (8 e – 9 e s.)

Chacune des évolutions conduisant à l’inversion d’un des éléments s’inscrit à l’intérieur du diasystème global latin. Ce sont autant de lignes d’isoglosses morphologiques qui se déploient en diachronie. L’achèvement d’une proportion suffisamment élevée de ces inversions aboutit non plus à une inversion

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généralisée du diasystème latin, mais à son déboîtage, comme en un bourrelet d’isoglosses temporels. En fait, à partir du stade 3, le diasystème n’est plus latin, mais protoroman. Les anciennes structures minoritaires d’attente, intégrées aux structures conservées, ont généré une langue nouvelle, tandis que les anciennes structures communes perdurent sous forme de résidus à leur tour aléatoirement répartis. Le tout est généré au prix d’un tri et d’une décantation d’autant plus rapides en phase finale que tout était langagièrement prêt et que le maintien en parallèle de trop nombreuses variables aurait nui à la loi d’économie.

4.3 Strates morphologiques du latin parlé tardif au protofrançais 4.3.1 Structures rémanentes Ce sont les structures qui traversent les siècles du latin au protofrançais, et souvent au-delà. Marqueurs de la morphologie verbale 1. Présent 2. Prétérit 3. Imparfait de l’imperfectum 4. Imparfait du perfectum 5. Subjonctif présent de l’imperfectum 6. Subjonctif imparfait du perfectum 7. Futur du perfectum 8. Marques suffixées de personnes

Latin parlé tardif Protofrançais + + + + + + + + + + + + + {+} + +

4.3.2 Structures innovantes Ces dernières sont les créations dont la généralisation contribue fortement au changement de diasystème. Chaque paradigme est en place à la frontière finale Latin parlé tardif 2 / Protofrançais (8 e siècle). 1. Passif analytique à l’imperfectum 2. Passé analytique (passé dit composé) 3. Nouveau futur du présent en -R4. Nouveau futur de l’imparfait en -R-EI (nouveau conditionnel)

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5. Réfléchis en se/sibi 6. Préfixation des cas obliques (remontée à gauche des marques, prépositions)

4.3.3 Structures métastables Ces structures sont éliminées tardivement (en protofrançais, voire en ancien français classique, 8 e–10 e s.). 1. Imparfait du perfectum (plus-que-parfait) 2. Futur du perfectum (futur II), confondu avec le subjonctif du perfectum 3. Génitifs synthétiques en -oro-

4.3.4 Structures évanescentes Ces structures sont éliminées précocement (dès le latin parlé tardif). 1. Génitifs singuliers en -i et en -is, pluriels en -um 2. Ablatifs/Datifs pluriels en -ibus 3. Neutres pluriels en -a 4. Passifs synthétiques en -ur

4.3.5 Exemples de coupes archéologiques synchroniques Latin tardif parlé 1 (« impérial »), 3e siècle Toutes les formes des structures rémanentes, métastables et évanescentes sont dans le diasystème. Les formes des structures innovantes sont au stade initial. Latin parlé tardif 2, 6 e siècle Les formes des structures rémanentes et métastables sont dans le diasystème ; les formes des structures évanescentes sont aux marges ; les formes des structures innovantes commencent à y prendre place. Protofrançais, 8 e siècle Les formes des structures innovantes, émergées et généralisées, entrent en combinaison avec les formes des structures rémanentes, instaurant ainsi le nouveau diasystème. Les formes de la classe des structures métastables sont refoulées aux marges. Les formes de la classe des structures évanescentes ont disparu.

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La métamorphose de la langue parlée d’un type plutôt latin à un type plutôt roman consiste en un changement de bornage du diasystème initial. Cela signifie qu’une proportion significative des traits qui caractérisent le type de l’ancienne langue (« le latin ancien ») au sens large cesse, en franchissant une frontière diachronique d’isomorphes, de traverser tous les niveaux de langue pour n’être plus réservés qu’aux niveaux 1–2–(3), allant du latin en sermo altus au latin en stylus simplex (cf. § 3.2). Les niveaux (3)–4–5 (correspondant respectivement au latin en stylus simplex, au latin à phrasé protofrançais comportant encore des latinismes occasionnels, et au latin en protofrançais direct (cf. § 3.2)) incluent inversement après le franchissement de cette frontière, une proportion significative de traits neufs qui définissent la langue nouvelle (« le latin moderne »). En définitive, le changement de langue est avant tout une question non pas de qualité, mais de quantité : une large part des traits qui caractériseront la morphologie de ce « latin moderne » étaient déjà disponibles à l’origine, mais aux marges du diasystème. En huit siècles, ces traits sont passés au centre. Cela implique inversement que la nouvelle langue, même structurée de façon neuve, porte en elle de fortes rémanences de l’ancienne. Cette migration s’est produite de façon discontinue, en accélération constante jusqu’à une installation finale en mode exponentiel, selon le modèle des systèmes dynamiques non linéaires. Enfin, le changement de type concerne essentiellement le système nominal ; ce changement de type est avant tout un changement de topologie.

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Claude Buridant (Université de Strasbourg)

La traduction des Dialogues Grégoire lo pape, XII e siècle : essai d’étude systématique 1 Préliminaires Dans le cadre de ce recueil, consacré au passage du latin tardif à l’ancien français, la présente étude propose une analyse approfondie des techniques de traduction telles qu’on peut les dégager à partir des Dialoge (DialGregF)1 et sa première traduction médiévale.2 Elle prend appui sur un vaste relevé systématique du vocabulaire et de la syntaxe du texte traduit comparé à l’original latin, qui a été réalisé à partir de la base CORPTEF pour les livres I et II et complété par mes propres ressources pour les livres III et IV. Cette analyse vise à mettre en lumière la remarquable richesse de ce texte et tout son intérêt original pour l’histoire du français et de la traduction. Elle permettra d’évaluer à quel point la comparaison entre une œuvre rédigée en latin et sa version traduite en ancien français constitue une approche heuristique fructueuse pour l’étude du changement linguistique.

2 Prémices philologiques 2.1 Rappel La notice 264 du Répertoire de Transmedie, volume 2, tome I donne une présentation succincte de DialGregF, soit pour l’essentiel : Traduction très proche de l’original latin divisée comme lui en quatre livres subdivisés en différents récits, faite entre la première moitié du XII e siècle et le début du XIII e siècle. La langue du traducteur est le wallon et ce dernier semble originaire de Liège ou de la région liégeoise. Il est possible que le traducteur soit le même que celui des autres textes contenus dans ce même manuscrit (soit un Sermo de Sapientia qui démarque en partie l’Elucidarium d’Honorius Augustodunensis, mais aussi d’autres oeuvres de saint Grégoire, les Moralia in Job fragmenta et un fragment d’homélie du même saint Grégoire (II, XXXXVIII, 16), proche d’un passage des Dialogues (IV, 38). A. Henry estime en outre que

1 Tous les textes médiévaux cités dans l’article le sont d’après les sigles du Dictionnaire étymologique de l’ancien français (DEAF) et de sa bibliographie. Ces sigles sont accessibles en ligne (http://www.deaf-page.de/index.php) et servent de référence pour le Moyen Âge français. 2 Le présent chapitre n’offre qu’un aperçu, l’étude complète et ses matériaux étant accessibles sur la Toile (http://buridantesque.fr/wp-content/uploads/dialoge-Gregoire-in-extenso.pdf). https://doi.org/10.1515/9783110551716-004

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l’auteur de ce manuscrit est le même que le traducteur des Sermones in Cantica de saint Bernard contenu dans le manuscrit de Nantes, Dobrée 5.Ms. : Paris BnF, fr. 24764, ancien ND 210 bis, f. 58r–173v, fin XIIe s. – début XIIIe siècle.

Pour le texte latin, Foerster reprend l’édition établie par les bénédictins de Saint-Maur en 1705, œuvre de dom Denys de Sainte-Marthe, reposant sur une vingtaine de manuscrits, en renonçant à l’établissement, au demeurant difficile, vu la complexité de la tradition manuscrite, de l’original suivi par le traducteur. L’édition retenue par Foerster, donnée en correspondance en-dessous de la traduction française, est sans doute suffisante pour évaluer la traduction; c’est elle qui est retenue dans le corpus CORPTEF, réduit à la Vie de saint Benoît, et c’est à elle que je me réfère dans mon étude, donnant les références de l’édition latin/français, même si elle n’offre pas toujours les meilleures leçons, par comparaison avec l’édition récente établie par le bénédictin Adalbert de Vogüé, moine de la Pierre-qui-Vire (Vogüé 1978–1980).3 L’étude des Dialogues dans son ensemble est à présent largement facilitée par la consultation du Thesaurus Gregorii Magni élaboré par le Cetedoc, sous la direction de Paul Tombeur, qui présente l’Enumeratio formarum des formes contenues dans toutes les œuvres de Grégoire : forme, fréquence dans tout le corpus grégorien, attestation chiffrée dans chacune des œuvres, et le recours à la base de la Library of Latin Texts, Series A, en édition électronique chez Brepols (Moralia in Job : n° 1708, Dialogorum Libri IV : n° 1713 et Regula Pastoralis : n° 1712 dans la Clavis Patrum Latinorum).

2.2 Premières études philologiques Au tournant du 20 e siècle, plusieurs analyses ont dégagé les caractéristiques philologiques, i. e. les traits spécifiques de la scripta, de la phonétique et de la morphologie du texte vernaculaire. M. Wilmotte examine d’abord la copie du ms. et les traits dialectaux, essentiellement phonétiques, repérables chez le

3 Ainsi dans l’intervention de Pierre citée infra, où il demande un surcroît d’explication à Grégoire : hoc planius exponi postulo (Foerster, 60, 7), auquel répond je demande ce estre espons plus engueilment, engueilment (ibid., 60, 10–11) étant relevé par T.-L. 3, s. v. igal. La leçon plenius, de l’éd. A. de Vogüé est préférable : « plus pleinement, de manière plus approfondie ». Cette édition est particulièrement intéressante, non seulement par le texte latin, mais aussi par la traduction française donnée en regard, qui permet une comparaison fort instructive entre l’original latin, la traduction en ancien français et la traduction en français moderne, à l’exemple de ce qui a été pratiqué par W. van Hoecke et ses émules à propos de la Rhétorique à Herennius attribuée à Cicéron, les trois états et étapes du texte étant mis à profit pour des études de syntaxe et de morphologie évolutives du plus grand intérêt.

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scribe dans les 50 premières pages des Dialogues, pour conclure, à la suite d’un tableau récapitulatif : De ces constatations, il ressort nettement que le dialecte du ms. 24674 est wallon, qu’il est nord-wallon, à l’exclusion de Huy (traitement de -ellu, de o ouvert et de au) et probablement de l’Est liégeois (-yare > ir) ; il ne reste donc que Liège et son territoire à prendre en considération ; là s’élevaient de nombreux monastères où un clerc a fort bien pu composer nos traductions [i. e. des Dialoge et autres pièces du ms.] (Wilmotte 1900a).

La même année paraît l’étude de Leo Wiese (1900) : la traduction, comme les textes composant le manuscrit, s’inscrivent pour lui dans un ensemble plus vaste de traductions de textes religieux, théologiques ou hagiographiques, paraissant composés dans le diocèse de Liège, dont JuïseF, PoèmeMoralC, où saint Grégoire tient une place de choix. C’est à ces textes, entre autres, qu’il consacre cette étude pour dégager les caractéristiques wallonnes de leur langue, en s’appuyant sur les éditions disponibles à son époque. L’étude de L. Wiese obéit à un schéma classique, reproduit pour chaque texte : Lautlehre, Formenlehre, assorti de quelques remarques de syntaxe et lexicologie, les Dialoge occupant une bonne moitié de l’ouvrage. Pour minutieuse qu’elle soit, dans l’analyse de ce texte, elle est parfois sommaire, incomplète ou imprécise. La rubrique syntaxe est des plus pauvres, caractérisant la traduction comme wortgetreue, de manière dépréciative. Dans la rubrique Einige Eigentümlichkeiten des Textes (89, § 149), il engrange sans méthode claire quelques caractéristiques du texte. Un simple relevé embryonnaire, donc, dialectal et morphologique, sans ligne directrice. Dans la rubrique Lexicographie, enfin, L. Wiese fait aussi un simple relevé de mots rares ou non encore attestés dans la lexicographie de son époque, soit essentiellement chez Gdf, que l’on peut retrouver, avec additifs et commentaires, sur le site Buridantesque. C’est en référant à son article cité supra, non encore publié à la date de parution de celui de L. Wiese, que M. Wilmotte fait un compte rendu critique de ce dernier (Wilmotte 1900b). Les principaux reproches adressés à L. Wiese portent sur le manque de références aux patois, sur lesquels lui-même s’appuie dans son analyse, permettant de confirmer la provenance liégeoise des versions (sic) du ms. 24764, et sur le recours aux sources, beaucoup trop imprécis. Il souligne par ailleurs la maigreur des remarques de L. Wiese sur le vocabulaire, et il ajoute pour sa part une petite liste de mots. Signalés par L. Wiese ou par M. Wilmotte, tous ces mots ont été depuis largement consignés dans les grands ouvrages lexicographiques qui jalonnent l’histoire du lexique français, TLF, FEW, DEAF en ligne, DMF. Ici encore, on trouvera dans la version longue du site Buridantesque les remarques additionnelles annexées à ces mots, à partir de ces ouvrages lexicographiques.

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Au total, les études philologiques de L. Wiese et M. Wilmotte résumées dans ce bref rappel, apparaissent comme pionnières et fondatrices dans l’étude de l’ancien wallon. Elles ont alimenté les introductions et les apparats critiques des éditions de textes wallons qui ont paru ensuite, soit PoèmeMorB, [nouvelle édition du Poème Moral, PoèmeMorC étant la seule édition que connaissait L. Wiese à son époque]. Elles font aussi partie des sources majeures exploitées par L. Remacle dans La segmentation dialectale de la Belgique romane au Moyen Âge, premier chapitre de RemAWall, concluant que « le dialecte wallon est nettement et définitivement individualisé dès 1200 ou dès le début du 13 e siècle » (RemAWall, 93). C’est au PoèmeMorB et à RemAWall que se réfère enfin E. Rankke dans JuïseR, en faisant un relevé soigneux de la langue du copiste. Cependant, ces premières approches peuvent, bien sûr, être affinées et complétées, à la lumière des progrès accomplis depuis leur parution. Ainsi, dans l’étude de L. Wiese et ses compléments, pourraient être distinguées les particularités de l’aire wallonne liégeoise, tant sur le plan formel que lexical : – sur le plan formel, des graphies spécifiques à cette aire, enregistrées, aussi, dans le texte témoin de la troisième partie de la Grammaire de l’Ancien Français de Schwan-Behrens (Texte XVI, Liège 1279), et la présence de formes comme huige, enheleteit ; on pourrait y ajouter une forme comme holpiz (< vulpes) (40, 22 ; 41, 1). Et surtout les formes répertoriées par RemAWall., référant aux DialGregF en mettant à profit l’étude de L. Wiese. – sur le plan lexical, la présence de lexèmes circonscrits à l’aire wallonne, plus spécialement liégeoise, tels que les a enregistrés le FEW, comme aier/ ahier, certains même ne figurant que dans DialGregF, soit ces quelques mots dont la version longue donne de cet article les références lexicographiques détaillées comme manoir : 67. 16, 23 ; 68. 1 « poignée, manche d’outil » – aguesse 103. 24 : l’entendue aguece des oez : intentam oculorum aciem. Et des lexèmes répandus dans une aire plus large, tel fluet traduisant fluvius (246, 1, 7, 10, 10 ; 249, 1, 4) / flumen (247, 4) → fluet (246, 1, 9, 13 ; 247, 5 ; 249, 3, 6) – chalre alternant avec chalor, cas de concurrence intéressante entre forme dialectale et forme de large diffusion aréale : calor (60, 12–13 ; 210, 15) / ardor (232, 9) ; 297, 8 → chalre (60, 16–17 ; 210, 17 ; 232, 13 ; 297, 10) / calor (60, 13 ; 251, 4) → chalor (60, 13 ; 251, 5) [FEW, 2, 102b, s. v. calorare. ablt. awallon. apik. chaurre. Cf. cependant G. Paris Rom. XIX, 30, calŏre nach frigŏre]. Comme l’illustrent les deux philologues à travers leurs relevés et leurs commentaires – cf. les formes dites « contradictoires » chez M. Wilmotte –, et ce

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dernier exemple, entre autres, la scripta des DialGregF comme celle des autres témoins wallons, est le lieu d’« une Sprachmischung dont le résultat est un diasystème », comme l’a décrit si justement C. Segre dans un exposé faisant autorité, soit un système naissant d’un compromis entre deux systèmes en contact (Segre 1976). C’est dire que le copiste médiéval se trouve, sur le plan linguistique, à un carrefour, au croisement des axes diachronique et diatopique, où jouent les concurrences. Dans DialGregF : concurrence entre graphies traditionnelles et graphies novatrices, en l’occurrence entre et et par exemple, la protonique étant effacée dans certains mots et conservée dans d’autres de la même catégorie : fendures 178, 18, mais vesture 158, 9 / vesteüre 264, 2 ; conutes 155, 8 / receute 224, 3 – concurrence entre graphies régionalessources ou graphies régionales étendues et graphies régionales-cibles, entre et dans falir, falent, defaloit / defailhement, defailhanz, voilet < vigilat / voilhet, le mouillement traduisant l’influence du dialecte central (Wilmotte 1900a, 53). Mais à ce niveau même joue aussi la Sprachmischung entre formes populaires et formes savantes, transférées du latin, à l’exemple de la suffixation héritée de -alis dans corporal presence 10.11 (corporali praesentia) et corporalment 10.12 (corporaliter) à côté de corporeilment (899, 4), spiritueile (89, 4), spisitueilment (89, 5), ou encore prophetal et apostolaz (82, 25 li prophetaz sentence) : prophetica apostolicaque sententia (82, 18–19) et l’immense majorité des dérivés en -eil. La scripta devient alors indissociable des problèmes de la traduction proprement dite, en rapport avec le texte-source, qui ont été à peine effleurés par ces premiers philologues. Sous l’étiquette lapidaire de sklavische Wiedergabe des lateinischen Textes que lui donne L. Wiese, et que reprend W. Foerster, elle est même jugée peu digne d’intérêt, alors que ce type de traduction, au plus près du texte-source, permet précisément une étude très systématique des ressources exploitées par la langue-cible dans ses transpositions. C’est donc, en quelque sorte, à une réhabilitation de cette traduction que je consacre cette analyse, affinant ma première approche et en reprenant les étapes.

3 Le texte latin des Dialogues La première étape de l’étude consiste à dégager les caractéristiques du texte latin écrit par Grégoire, conditionnant largement sa transposition, dans ses trois dimensions, qui devraient être prises en compte dans toute étude de traduction, soit :

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architecture : comment est composé le texte et dans quel but ? facture : comment est fabriqué le texte et sur quels modèles ? texture : dans quel latin est-il composé, dans quel style ?

les trois éléments étant étroitement imbriqués. Sous des formes diverses, ces trois questions ont fait l’objet de nombreuses mises au point, rassemblées dans une perspective critique par M. Banniard dans le chapitre III de Viva voce, traitant en particulier de la visée communicative des Dialogues, dans le cadre de la « pastorale en Italie lombarde ». Les principales conclusions de M. Banniard sont capitales pour apprécier l’écriture de Grégoire dans ses Dialogues, éclairée et mise en perspective depuis par les travaux de S. Boesch Gajano, dont la somme est rassemblée dans son ouvrage capital, Grégoire le Grand, Hagiographe, « Les Dialogues », faisant de Grégoire un théoricien et un praticien de la sainteté (Boesch Gajano 2008).

3.1 Architecture/architexture Les Dialogues de Grégoire ressortissent de la pastorale des fidèles, problème majeur de l’Église autour de 600. Ils sont destinés à l’édification, dans une mission kérygmatique (transmission de la parole sacrée) au cœur de la religion (Banniard 1992, 132). La volonté de Grégoire est de s’adresser à la fois aux clercs et aux pauperes/humiles, deux catégories bien présentes à son esprit, comme dans les Homélies (ibid., 165), son œuvre étant adaptée à la personnalité des individus. C’est en lettres d’or qu’il faudrait rappeler les principes fondamentaux de sa pastorale, énoncés dans la Préface du livre III de sa Regula pastoralis à l’adresse des évêques : Pro qualitate igitur audientium formari debet sermo doctorum, ut et ad sua singulis congruat, et tamen a communis aedificationis arte numquam recedat ‘Le langage des docteurs doit se conformer à la nature de leurs auditeurs de façon à s’adapter à chacun pour ses besoins à lui et cependant ne jamais renoncer à l’art d’édifier une communauté’ (Traduction P. Riché, Riché 1995, 49).

Les Dialogues, que d’aucuns « ont jugés ‹populaires› et peu dignes d’un lettré » constituent en quelque sorte une application pratique de ce principe de congruence communicative de la pastorale grégorienne à travers leurs quatre livres, le premier et le troisième consacrés à des notices brèves de saints italiens, le second à la vie de Benoît de Nursie, le quatrième à une méditation sur la mort et l’au-delà (Riché 1995, 55).

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3.2 Facture Les Dialogues, dans les livres I et II en particulier, sont une association des enseignements et des développements moraux et théologiques et des excerpta de vies de saints, qui sont autant d’exempla, largement exploités dans la littérature populaire (Banniard 1992, 117), se rattachant donc au grand courant de la littérature hagiographique, car ad amorem patriae celestis plus exempla quam praedicamenta succendunt (Prol., 7, 13–14) → plus ensprendent li exemple al amor del celeste païs ke li preechement (Prol. 7, 17–18). L’un des mérites de Grégoire, dans son enseignement, sous toutes ses formes, est ainsi d’avoir « mis la vie chrétienne en formules claires, pleines, portatives », clés du succès dont il a joui au Moyen Âge (Batiffol 1928, 112, cité par PoèmeMorB, CLXXIII). Les enseignements moraux et théologiques sont développés particulièrement dans les dialogues proprement dits, entre Grégoire et son interlocuteur, le diacre Pierre, en qui A. de Vogüé voit le sous-diacre du même nom, ancien détenteur de l’église romaine à Ravenne, et devenu diacre dans l’entourage du pape, ami de Grégoire de longue date et jouissant de toute sa confiance (Édition, I, Introduction, 44–45). Jouant un peu le rôle de Monsieur Loyal du cirque et des confidents du théâtre classique – l’on peut songer aussi au Glaucon des dialogues platoniciens –, il présente des objections, demande des explications : ses questions provoquent des exposés doctrinaux, ses objections les font avancer. Ainsi, dans la Vie de saint Benoît, à propos de la Loi de Moïse : Iam quidem prolati testimonii mihi aliquantulum intellectus interlucet, sed tamen hoc plenius exponi postulo (60, 6–7). C’est à la faveur de ces échanges que sont développés par Grégoire les enseignements qui se dégagent des exempla, qu’offrent en particulier les vies de saints illustrant le « surnaturel familier » (Batiffol 1928, 74), dont la narratio est souvent précédée de l’expositio, selon le modèle de l’Écriture sainte, ainsi que le dit Pierre lui-même dans le Prologue : In expositione quippe qualiter invenienda atque tenenda sit virtus agnoscitur, in narratione vero signorum cognoscimus inventa et retenta qualiter declaratur (Cf. Boesch Gajano 1980, 626). Les développements théologiques sont souvent marqués par un jeu d’opposition manichéiste entre le monde de la vertu et celui du mal, où joue la terminologie des contraires : patientia vs. impatientia (206, 8–9), interioria tenebra vs. interna lux (206, 13–14), justitia vs. injustitia (260, 13–14) → justise vs. injustise (260, 17, 18). Il en va de même dans les récits de miracles, dont Grégoire dégage la senefiance, car ils font signe par eux-mêmes. Ces miracles sont retracés selon des schémas narratifs modèles.

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3.3 Texture Le style des Dialogues est le stilus humilis, entendu, comme le souligne M. Banniard, comme un style de compromis conforme aux exigences de la pastorale (Banniard 1992, 177). Ce style a pour caractéristique d’être intelligible à tout le public des auditeurs sans renoncer à une expression correcte : Grégoire ne crée pas une œuvre aristocratique et élitiste ; le public visé est au moins aussi étendu que celui des Homélies sur l’Evangile. Mais il n’est pas dépourvu d’un minimum d’apprêt littéraire. Grégoire s’est, de fait, trouvé dans l’obligation de satisfaire à deux nécessités distinctes : respecter, quelle qu’en soit la qualité, la forme des témoignages, afin d’en authentifier la réalité (respect de la fides) ; maintenir une qualité littéraire suffisante pour garantir la dignité de l’histoire (decorum). C’est donc un style de la juste mesure, le sermo simplex de la communication orale (Banniard 1992, 171), qui est une langue de compromis, iuxta uniuscuiusque qualitatem, apte à une lecture à haute voix devant un public populaire de fidèles (Banniard 1986, 483). Au total, « l’écriture de Grégoire, sous une forme spécialement adaptée, mais toujours latine et littéraire, assure la médiation entre le savoir à donner et le public à instruire » (Banniard 1986, 484). C’est avec ces données en tête qu’on peut dégager quelques caractéristiques importantes du style des Dialogues, inspirées des analyses de S. Boesch Gajano (Boesch Gajano 2008), des remarques de M. Banniard et de celles d’A. de Vogüé dans sa copieuse Introduction (Vogüé 1978, I, ch. III en particulier), et de quelques études partielles, comme celles d’A. Vitale Brovarone (1974 et 1975).

3.4 Moralités et récit Pour reprendre l’apport éclairant de S. Boesch Gajano (Boesch Gajano 2008, III, « Narratio et expositio »), une frontière relative est à tracer entre : – l’expositio théologique et doctrinale, à portée didactique, souvent illustrée de citations scripturaires, qui servent de caution et d’appui à l’argumentation, comme le souligne Pierre à l’occasion : In objectione meae quaestiunculae patuit causa rationis (83, 2) → En l’objection de ma question est aoverte cause de raison (83, 4–5), ce que A. de Vogüé traduit par : Par l’objection de ma petite difficulté, votre raisonnement a tout éclairci (191). Correspondent à ces passages didactiques, dans la bouche de Pierre, les termes expositio (105, 11) → espositions (105, 13), exponere (60, 7 ; 254, 6) → espondre (60, 11 ; 254, 8). Grégoire y révéle la senefiance des miracles, dans une sorte de maieutique appelant son disciple à perscrutare rei gestae

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ordinem (88, 15), son enseignement étant exprimé par docere ; le récit des miracles est le support de l’édification, comme le souligne Pierre : Magna sunt valde quae narras et ad multorum aedificationem profutura (69, 3–4) → Mult grandes sont les choses cui tu racontes, et si aideront a la edification des pluisors (69, 4–5). la narratio, retraçant les miracles de saint Benoît. Pierre demande ainsi à Grégoire de revenir à la narrationis ordo (105, 13) → l’ordene de la narration (105, 15), après les commentaires : Sed quaeso ut de vita tanti patris ad narrationis ordinem redeas (64, 12–13) → Mais ge te proi ke repaires al ordene de la narration (64, 16). Ces passages narratifs développent des exempla, théâtres de miracles dans la vie quotidienne.

Un riche jeu de connecteurs balise ces deux modes du récit dans le texte latin : – Soit les connecteurs « logiques » marquant des relations diverses, qui appuientassez souvent la reprise d’un protagoniste, comme autem / vero / ergo ; ce sont des connecteurs « faibles », en ce sens qu’ils ne constituent que des balises élémentaires de la progression de la diégèse : Benedictus autem [...] sese cum lacrimis in orationem dedit (56, 11) → Mais Benoiz [...] et a larmes soi donnat en orison (56, 11). Mox autem* nutricem suam blande consolatus, ei sanum capisterium reddidit [...] (56, 14, Moxque) → Et manes confortat sa norrice dulcement, se li rendit sain lo tamis […] (56, 16–17). À cette progression se rattache aussi tunc, associé éventuellement à etiam, quoque, ponctuant les étapes, que balisent le plus souvent les procès des protagonistes : Tunc quoque bonae spei suas soboles, Euticius Maurum, Tertullus vero patricius Placidum tradidit (64, 19, 25–65, 1) → Dunkes alsiment de bone sperance lur esclates [...] (64, 24–65,1). À la différence, cum + imparfait ou plus-que-parfait du subjonctif, dit aussi cum historicum, marque un circonstant déclenchant une réaction, un repère ou cadre temporel du procès principal. Un excellent exemple se trouve en II, III, où trois cum se succèdent dans cette fonction : Cumque in eodem monasterio regularis vitae custodiam teneret suscepti fratres insane saevientes semet ipsos prius accusare coeperunt [...] (61, 3–6) → Et quant en cel monstier astoit tenue la garde de reguleir vie, […] li receut frere derveiement forsenant soi meismes commancierent anzois accuseir (61, 6–10). Cum balise ainsi une chaîne d’actions et de réactions. Ce type de séquence est en concurrence avec l’ablatif absolu : Recedente igitur tentatione vir Dei quasi spinis erutis exculta terra de virtutum segete feracius fructus dedit (60, 16–17) → Gieres quant s’en fu aleie la temptations, li hom de deu alsi com spines fors getteies de la enhaneie terre, del bleif des vertuz donat fruit plus portablement (60, 22–24). On verra que la sé-

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quence en quant […] (si) principale s’est considérablement développée dans la transposition. Mais surtout le très riche éventail des relatifs, dont D. Longrée et C. Philipart de Foy mettent en relief la fréquence remarquable, en particulier en début de phrase, dans leur comparaison à un corpus de latin classique : ils constituent souvent la trame continue, assurant le passage d’un protagoniste ou d’un objet à un autre dans une séquence. Ainsi dans le chapitre II, II, De capisterii fracti reparatione : capisterium → quod super mensam incaute […] fractum est → Quod mox rediens nutrix illius ut ita invenit [...] Benedictus autem [...] qui ab oratione surgens surgens ita iuxta se vas sanum repperit → capisterium reddidit, quod fractum tulerat → Quae res in eodem loco a cunctis est agnita → quod annis multis illic ante omnium oculos fuit (56, 8–21) : balises que reproduit la traduction dans l’emploi du relatif composé le quel, souligné par la ponctuation retenue par Foerster, sans que l’on sache pourtant si elle correspond aux témoins de la tradition manuscrite. On distinguera sur ce point, deux types de relatifs : le relatif que l’on peut qualifier d’ « interne », qui introduit une véritable subordination dépendant d’une proposition principale, dans cet exemple : praedicta nutrix illius ad purgandum triticum a vicinis mulieribus praestari sibi capisterium petiit, quod super mensam incaute derelictum casu accidente fractum est, sic ut in duabus partibus inveniretur divisum (56, 7–10) ; le relatif que l’on peut qualifier d’ « externe », en décrochement par rapport à une proposition antécédente, ouvrant une phrase en équivalence d’un démonstratif, comme l’a souligné fort justement la Grammaire de Port-Royal en en faisant une particularité du latin (Grammaire de Port Royal, 315), les traits distinctifs de ce genre de relatif, pour le latin comme pour le français, ayant été bien rassemblés par P. Kunstmann, qui parle judicieusement de ses « effets de rallonge ou de relance » (Kunstmann 1997, 518). Une des caractéristiques de ce type de relatif est surtout de reprendre en anaphore le référent antérieur en en faisant le thème d’un nouveau procès, à la suite de la phrase précédente : Quod mox rediens nutrix illius ut ita invenit, vehentissime flere coepit [...] (56, 10–11). Comme ici, la phrase engagée par le relatif comporte souvent une proposition subordonnée insérée ou son équivalence : Quod mox rediens – Quo dum fugiens pergeret (57, 6). C’est aussi souvent une temporelle de perception entraînant une réaction : Quem mox ut orbatus rusticus aspexit, clamare coepit [...] (99, 7) – Quod ut mox Dei famulus audivit, valde contristatus est dicens [...] (99, 11). On constate d’autre part que le relatif est souvent disjoint de son antécédent, et parfois à bonne distance, en particulier quand il réfère aux interlocuteurs après un discours direct, comme dans cet exemple : Cumque die alia ad eum pro necessitate aquae praedicti fratres redissent, dixit [...] Qui euntes rupem montis quam Benedictus prae-

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dixerat iam sudentem invenerunt (66, 18–67, 4) : Qui renvoie aux fratres auquel s’adresse le discours. Ce type de relatif est aussi volontiers accompagné de videlicet ou scilicet, qui souligne l’identité du référent comme le ferait ipse : Quae illic videlicet aquarum abundantia in extenso prius lacu colligitur (57, 4) – Qui videlicet Romanus non longe in monasterio sub Adeodati patris regula degebat (57, 11–12). Le pronom relatif, amorçant « le décrochage typique de la relative explicative », est alors « un élément à simple valeur de renvoi, capable d’ouvrir une phrase nouvelle », comme le soulignent R. Martin et M. Wilmet à propos de son équivalent lequel en moyen français, qui sera examiné infra dans la traduction (Martin/Wilmet 1980, § 449). Les phrases alors amorcées ne sont pas à proprement parler des relatives subordonnées, mais des propositions indépendantes engagées par un relatif anaphorique ayant valeur de démonstratif. À ce large éventail de connecteurs faibles et de jalons balisant le récit s’opposent des connecteurs qu’on peut appeler « forts », soulignant des relations logiques appuyées, marquées par des correspondants spécifiques dans la traduction, soit nam (en seule position initiale), itaque et igitur. – Nam, rendu systématiquement par quar : Quadam vero die dum solus esset, tentator affuit. Nam nigra parvaque avis quae a vulgo merula nominatur, circa eius faciem volitare coepit (59, 6–7) → Mais par un jor quant il astoit souz, si fut presenz li tempteires. Quar uns noirs oiseaz et petit ki del pople est apeleiz merle, comenzat a voleir entor sa face (59, 7–8) : est donnée ici l’interprétation symbolique du corbeau. – De même pour quippe, à valeur explicative, en seconde position : Aetatem quippe moribus transiens nulli voluntati animum dedit [...] (55, 2) → Quar il trespassanz son eage par coustumes, ne donat son corage a nul delit [...] (55, 2) : explicitation du thème bien connu, ouvrant la vie de saint Benoît, du puer senex. – De même ergo, itaque et igitur, rendus par gieres dans la traduction, enregistré par T.-L. 4, dont une majorité d’exemples empruntés aux Dialogues : Electi ergo cum adhuc in tentatione sunt, subesse eos ac servire necesse est [...] (60, 10) → Gieres li ellit cant il encor sont en la temptation, si lur est mestiers desoz estre et servir [...] (60, 13–15). Il est remarquable que ces connecteurs logiques forts, et des satellites du même type, se concentrent particulièrement dans les passages didactiques où Grégoire prodigue et développe son enseignement en réponse aux questions de Pierre, en débouchant sur des leçons générales sous forme de maximes et de références aux saintes Ecritures. On retiendra deux des passages les plus marquants sur ce point, signalés dans la version longue.

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Ces passages, entre autres, ne sont pas sans rapports avec les Moralia in Job de Grégoire, dont les fragments de traduction, édités par W. Foerster à la suite des Dialogues, sont sans doute du même auteur : les gloses explicatives greffées sur le livre de Job sont aussi marquées par un argumentaire serré farci de connecteurs « forts ». La traduction, dans un cas comme dans l’autre, transpose ce large éventail de connecteurs, comme en témoignent les quelques exemples sélectionnés. Bien sûr, à côté de la palette de conjonctions enrôlées dans les connecteurs, Grégoire emploie aussi quia, à côté de sa valeur explicative, comme introducteur de complétive, en concurrence de l’infinitif, derrière les verbes de perception au sens large, selon une pratique largement répandue en latin médiéval. Parmi les passages les plus significatifs, on retiendra celui-ci, où quia est employé avec sa double valeur : Scio quia pascha est, quia videre te merui. Longe quippe ab hominibus positus, quia die eodem paschalis solemnitas esset ignorabat (58, 12–14) ; quia, dans la seconde complétive, permet l’emploi du subjonctif marquant la pesée critique de ignorare, ce qu’aplanit cependant la traduction → Ge sai ke paske est, car ge deservi toi veoir. Quar il mis lonz des hommes ne savoit que en cel meisme jor astoit la pascale sollempniteiz (58, 15– 17). Il s’agira de voir si cette concurrence se reflète dans la traduction. Cela dit, que ce soit dans l’expositio ou dans la narratio, un type de phrase revient souvent chez Grégoire : la phrase fortement étagée dans une progression faite d’éléments subordonnés où l’ablatif absolu et les participes jouent un rôle majeur par rapport à un noyau superordonné représenté par le verbe final, illustrant l’ordre circulaire du latin. Ainsi dans cet exemple : Despectis itaque litteratum studiis, relicta domo rebusque patris soli Deo placere desirans, sanctae conversationis habitum quaesivit (55, 8–10) → Gieres despitiez les estuides des lettres, laissie la maison et les choses de son pere, al soul deu desiranz plaisir, quist l’abit de sainte conversation (55, 11–13) → Il abandonna l’étude des lettres, laissa la maison et les biens de son père. Désireux de plaire à Dieu seul, il se mit en quête de l’habit pour mener une sainte vie (V, 127). On voit, sur ces deux exemples, l’éclatement paratactique que fait subir à la phrase originale la traduction moderne, au regard de la traduction médiévale, dont on examinera ci-dessous les différents modes de transposition.

3.5 Le vocabulaire de Grégoire le Grand dans les Dialogues : théologie, realia et spécificité médiévales Sans prétendre dégager un lexique exhaustif des Dialogues en latin, l’on peut dégager quelques éléments qui le caractérisent, en distinguant les champs lexicaux majeurs où il se déploie.

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Dans les moralités en particulier, mais aussi dans le récit, mettant en scène des moines, au premier chef Benoît, Grégoire emploie un riche vocabulaire ressortant du religieux, ce que D. Norberg désigne par le « christianisme lexicologique » (Norberg 1968), important des termes venus du grec ou reprenant des termes du latin classique chargés d’un nouveau contenu, présentant une modification sémantique due à l’idéologie. La version longue en propose un classement inspiré du tableau de G. Matoré à l’appui de son étude de vocabulaire sur la religion médiévale (Matoré 1985, 65), en signalant à l’occasion leur enregistrement dans le Mediae Latinitatis Lexicon minus de J. F. Niemeyer, et quand il y a lieu leurs équivalents dans les traductions françaises médiévale et la traduction contemporaine dans l’éd. de Vogüé. Des lexèmes du latin médiéval prennent, dans le domaine religieux, et dans la vaste littérature hagiographique, dont les Dialogues, une importance particulière, comme conversatio « conduite, manière de vivre » (N) et son verbe conversare (N) : eximia conversatio désigne ainsi la conduite sublime d’Honorat, servant d’exemple à toute la contrée : vita illius circumquaque exempla eximiae conversationis (9, 7) → exemples de mult halte conversation (9, 9). Lui correspond le verbe conversare (106, 5), traduit par demorer (106, 5). Dans ce vaste champ, des termes ont pris un sens singulier (cf. anonna, melotis, psiathium, responsum, commentés dans la version longue). Les exempla de saint Benoît se déroulent aussi dans la vie quotidienne du 6 e siècle, et ici aussi le vocabulaire engrange des termes qui se sont développés en latin médiéval, tels vicus, spatharius ou autres termes désignant des realia divers, dont trois termes qui glosent des termes du registre littéraire « neutre » du sermo humilis par leurs correspondants dans la langue parlée quotidienne : psiathium, merula et flasco, que peut gloser a vulgo vocatur « comme on dit usuellement » et non pas « comme on dit vulgairement » (Banniard 1992, 118, note 47). Autant d’indices du « réalisme » de Grégoire et de sa confluence, en entendant par là sa « moyenneté » de style, intégrant aussi les traits du latin médiéval et du latin classique. Les traits médiévaux du vocabulaire peuvent s’observer aussi dans le développement de l’emploi de foras, associé au verbe trahere, qui fonctionne à la manière d’un verbe support : foras [trahere] (65, 16, 18) → [traire] fors (65, 18, 21), doublant le préfixe dans l’exemple suivant : egrediebatur foras (65, 7) → eissit fors (65, 7–8). Ou encore [exire] foras (90, 9) → [aler] fors (90, 11), construction singulière, mais qui se multipliera dans la traduction, comme on le verra, en concurrence de préfixes dont on pourra mesurer en quelque sorte l’efficience. Notable peut être aussi la tendance à l’emploi des dérivés verbaux qui peuvent correspondre à un sens spécifique en latin médiéval, comme agno-

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scere « apprendre, être informé de quelque chose », courant dans les Dialogues, au regard de cognoscere (55, 12 ; 56, 17, etc.). Ou pertractare « méditer, réfléchir » : idque pro sua solius persecutione fieri pertractans (N) (70, 17–18) → et parpensanz ceste chose estre faite por la sue soule persecution (70, 24–25) → comprenant que cette persécution ne visait que lui seul (V, 165) ; perpendere « comprendre par réflexion » (N) (76, 8–9). Plus généralement la préfixation, verbale en particulier, est bien représentée dans le latin de Grégoire avec : cumdans concurrere (64, 18), etc. ; de- dans demigrare (72, 7) ; e(x)- dans educere (62, 19 ; 69, 3), etc. ; in- dans inardescere (70, 11 ; 208, 2), etc. ; inter- dans interjacere (206, 2) ; ob- dans obambulare (78, 12) – obsequentes (78, 14) ; perdans percurrere (60, 14) etc. ; prae- dans praedicere (61, 3 ; 75, 15); pro- dans projicere (74, 6) ; sub- dans subesse (60, 10) – subrigere (72, 11) ; trans- dans transire (79, 8 ; 246, 10 ; 249, 3 ; 265, 9). Des préfixes peuvent ainsi se greffer sur des verbes de sens sémantique large, à la limite de verbes supports, comme ponere, super- / post- s’opposant dans le passage suivant : Cum vero post annos multos omnes priores illius de hac luce migrassent, et minores suos sibimet superponi in sacris ordinibus cerneret, verba Dei quasi ex longo tempore oblitus postposuit (80, 17– 81, 1) → Mais quant aprés pluisors ans tot li prious de celui furent aleit de ceste lumiere, et quant il veoit ses menors estre mis dessoure soi es sainz ordenes, il mist en arier les paroles del homme deu, alsi com del long tens oblieiz [...] (80, 22–81, 1) → Mais au bout de plusieurs années, quand il vit que tous les anciens étaient morts et que ses cadets le devançaient dans les ordres sacrés, il négligea les paroles de l’homme de Dieu, comme oubliées en raison du long temps écoulé [...] (V, II, 187) : s’observe, dans la traduction moderne, la déperdition de l’opposition formelle marquée par la préfixation latine originale. La préfixation adjectivale / adverbiale en in- / im- / il- est aussi largement représentée : illicitus (61, 4, 8) – illicite (59, 19) ; immobilis (73, 15 ; 155, 19) – immobiliter (71, 3), etc. Il s’agira de savoir ce que deviennent ces affixations et leur exploitation stylistique dans la traduction. Au total, le stylus humilis de Grégoire dans les Dialogues, et particulièrement dans la Vie de saint Benoît, pourrait être marqué par la confluence : confluence entre la latinité classique et la latinité médiévale, que ce soit dans la facture des phrases, fortement hiérarchisées, mais concaténées aussi par un riche jeu de connecteurs logiques et temporels offrant des créneaux analytiques, ou dans le vocabulaire, riche de tout l’apport du religieux et des évolutions sémantiques renouvelant le lexique. Ce stilus humilis n’est pas exempt de raffinement rhétorique, dans l’emploi de figures de rhétorique comme le paromion et la commutatio. Mais aussi d’une certaine lourdeur, relevant du style juridique, qu’A. De Vogüé qualifie de « style de notaire », avec l’abus des renvois redondants, dont les déictiques idem, ipse, les praedictus, quem praedixi,

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quem praefatus sum, cujus superius memoriam feci, etc. des mentions de ce genre pouvant se cumuler dans une même phrase (A. de Vogüé, Dialogues, I, Introduction, 81–82). Comment tout cela est-il transposé dans la première traduction médiévale des DialGregF ?

4 La première traduction médiévale Comment la traduction médiévale de DialGregF rend-elle les caractéristiques majeures du texte latin ? L’appréciation de Foerster lui-même, moins négative que celle de L. Wiese, rappelée supra, est stimulante, mais trop générale : « Die durchaus wörtliche und daher oft dunkle Uebersetzung der Dialogen lässt eine eingehende und fruchtbare Beschäftigung des lateinischen Original zu. » (Introduction, X). Estimée « servile », pour reprendre le sklavish de L. Wiese, elle est autre chose cependant qu’une sorte de glose continue sans autonomie syntaxique, comme celle des premiers Psautiers anglo-normands :4 quels que soient sa destination et son public, elle peut se lire en toute indépendance de son modèle, par des clercs lettrés en particulier. À la limite, il n’y a pas, au Moyen Âge, de traduction « servile », et cette notion serait à évacuer : toute traduction a un but orientée vers un public et son degré de mimétisme ou de calque est fonction de ce but. L’appréciation de L. Wiese, relayée par W. Foerster, mérite d’être largement nuancée et affinée par un examen systématique appréciant le degré d’imprégnation de la langue-source et le degré d’innovation de la langue cible, qu’il s’agisse de la syntaxe ou du vocabulaire, en ne se limitant pas au pur égrenage des néologismes de forme ou de sens dans ce domaine.

4.1 Le vocabulaire et ses composantes Dans bien des cas, comme on l’a déjà souligné à la suite des premiers « découvreurs », la traduction de DialGregF apparaît, dans le domaine lexical, comme une œuvre pionnière : nombre de ses lexèmes, ayant une large diffusion dans l’histoire du français, y sont employés pour la première fois, ou sont au nombre des toutes premières attestations, comme l’enregistre le FEW, sous DG ou les dates ca. 1190/12. jh.

4 Sur la typologie des traductions médiévales et l’éventail de leurs modèles, je me permets de renvoyer à Buridant (1983 et 2011).

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Le vocabulaire montre sans doute une forte imprégnation du latin, qui pourrait se manifester à différents niveaux, à commencer par le plus régional : l’absence de e- prosthétique devant le groupe s + occlusive peut renforcer la parenté avec le latin, ou plus largement, dans la persistance de consonnes dans les mots savants, comme dans le maintien de b, s obscur, 51,7, substance, 201. 25. Cf. aussi abstinence (8, 12 ; 136, 1 ; 216, 11) : abstinence (8, 10 ; 136, 1 ; 216, 8) non relevé par T-L cependant dans DialGregF. La traduction est aussi très latinisante dans le traitement des noms propres, qui peuvent être maintenus sous leur livrée latine, avec leur déclinaison : – noms propres de personnes : Marcus et Lucas (7, 19) → Marcus et Lucas (7, 25), etc. – noms propres de lieu : in eo loco qui Fundis dicitur (9, 6) → en icel liu ki est diz Fundiz (9, 7) / praepositus eiusdem Fundensis monasterii (10, 21) → provoz de cele meisme abie Fundense (10, 21) (sans doute Fondi, en Campanie, cf. éd. V, 20, note 3) J’ai tenté de dresser ailleurs les options qui peuvent se présenter à un traducteur dans la transposition de l’onomastique latine (Buridant 2013). Plus largement, ici comme ailleurs, ainsi qu’on l’a souvent souligné, la traduction est un révélateur, au sens quasi-photographique du terme : sous la pression de la traduction, elle révèle les possibilités créatrices de la languecible, dans des transferts ponctuels ou des néologismes viables selon des modèles de formation, en même temps que ses points de résistance aux innovations, ses équivalences bien établies dans son lexique, dont la traduction confirme l’usage courant, jugé suffisamment adéquat en l’occurrence. C’est ce que confirment constamment les relevés systématiques opérés dans le vocabulaire de la présente traduction, dont on ne donnera ici qu’une sélection d’exemples parmi les plus représentatifs, bien des cas pouvant donner lieu à de petites monographies situant les mots dans leur histoire, illustrés par quelques remarques ou développements embryonnaires. L’ensemble du vocabulaire abstrait et intellectuel, et le vocabulaire religieux en particulier, est volontiers transposé sous forme de mots savants, sans évolution phonétique, se pressant surtout dans les développements doctrinaux et théologiques, comme au chapitre XXXIV du Livre III, traitant des différentes Manieres de la compunction = Quot sunt compunctionis genera (174–176). Ainsi de l’énorme ensemble des dérivés en -tio/-tionem donnant souvent lieu aux transferts savants en -tion, néologiques, mais joue aussi souvent la concurrence d’équivalents populaires et parfois des transpositions originales, illustrées par quelques exemples, extraits de la liste complète de la version longue :

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absolutio (268, 7 ; 271, 16) → absolution (268, 10 ; 272, 2) – habitatio (140, 18 ; 143, 10 ; 224, 15) → (h)abitation (140, 21 ; 143, 13 ; 224, 20), s’intégrant dans une riche famille / manandie – admonitio (77, 10 ; 83, 6 ; 95, 16 ; 244, 4) → ammonition (95, 16) / somunte (77, 13 ; 83, 7 ; 244, 5) – admiratio (17, 1) → ammiration (17, 1) – adulatio (21, 11) → adulation 21, 14) – allegatio (202, 19 ; 203, 5 ; 203, 17) → affermation (203, 7) / affermance (202, 24) / confermance (203, 22). Il est remarquable que coexistent à l’occasion des mots de facture savante et leurs dérivés populaires, comme oblation (90, 8, 18) et obleie (90, 16), à quelques lignes de distance. Ou encore ocasion (6, 1 ; 17, 25 ; 162, 20) / ochison (8, 1), pour occasio (6, 1). Aussi dans le cas de intention (44, 4) / entente (136, 3) ; obedience (74, 10) – inobedient (95, 16) / nient obeissant (95, 5), dans une formation analytique dont il sera question ci-dessous. Une périphrase rend occasionnellement un lexème latin en -atio préfixé : praenotatio (7, 2) → lo soul devant escrisement des noms (7, 2–3). L’important stock de mots savants en -tion, se prolonge dans une postérité plus ou moins longue, s’effaçant parfois devant des concurrents dans leur sens premier, à l’exemple de conversation, promis à un destin limité au sens de « genre de vie, conduite, vie en société », comme le prouve le copieux article du DMF sous cette vedette, mais progressivement éliminé en ce sens. On peut y ajouter animadversio (216, 15) → animadversion (216, 18) – jussio (178, 7) → comant (178, 8) – ostensio (13, 6 ; 51, 17 ; 245, 3 ; 257, 4) → demo(n)strance (13, 7 ; 51, 17 ; 245, 5 ; 257, 3), entre autres exemples dans la version longue. La morphologie dérivationnelle5 est particulièrement productive, dans la traduction, par les possibilités de transposition qu’elle offre, comme le prouvent ces quelques exemples de suffixation, sélectionnés dans la liste complète de la version longue, sans négliger même les formes jugées aberrantes par L. Wiese : amertonde (amaritudinem) dans le Sermo de Sapientia 294. 20 (TL, I, 348, s. v. amertume), est ainsi enregistré par le FEW XXIV, 391a s. v. amaritudo « tristesse » (ca. 1190). Dans quelle mesure peut-on parler de « formes corrompues »? À côté de amaritudo (274, 13, 19) → amertume (274, 16–17, 23). À côté de la dérivation en -tion est largement répandue aussi la dérivation nominale en -ment : alimenta (85, 10 ; 94, 8) → norrissement (85, 13; 94, 8) – incendium (59, 20) → esprendement (59, 20) / ensprendement (60, 2), etc. Des formations savantes et populaires peuvent être ici en concurrence, comme dans relatio/narratio → racontement (7, 16 ; 28, 25 ; 80, 5 ; 151, 2 ; 126, 2 ; 158,

5 Sur la morphologie dérivationnelle dans l’ancienne langue française, cf. Buridant/Rainer (2015b).

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4 / narratio → narration (49, 9 ; 64, 16 ; 175, 16 ; 210, 8) – ordinatio (156, 16 ; 207, 14 ; 208, 2) → ordination (156, 20) / ordenement (207, 17 ; 208, 2). De même la dérivation nominale en -(i)té, sous la forme -(i)teit/-eteit, avec différentes possibilités de formation : adversitas (188, 6) → adversiteit (188, 8) / adversa (219, 15) → les contraires choses (219, 18–19) – aequalitas (240, 5) → engueileteit (240, 6) – gravitas (159, 5 ; 216, 8 ; 217, 14 ; 265, 8 ; 269, 8) → maürteit (159, 6 ; 216, 10 ; 217, 19) / graviteit (265, 10 ; 269, 9) – multiteit (41, 17 ; 72, 17 ; 145, 14 ; 163, 16) : multitudo (TL, VI, 432) ; la multiteit des entour servanz (78, 16) : obsequentum frequentia (78, 14) / multitudine (39, 14 ; 84, 19–20 ; 145, 7 ; 163, 7 ; 165, 8 ; 188, 1 ; 215, 4, 6) / mutitudene (166, 8) : multitudo (TL, VI, 433), où s’observe la concurrence de la forme calque du latin à côté de la forme multiteit (41, 17 ; 187, 19–20), qui semble limitée aux Dialogues. On relève la formation originale entrechangjableteiz (94, 4) : varietas (94, 4) (seul exemple dans TL, III, 148). Et la forme bieneurteit (225, 1, 2 ; 231, 18 ; 243, 2, 7) pour beatitudine, dont les premières attestations sont précisément dans DialGregF, comme dans SBernAn2F (Cf. TL, I, 969, s. v. bieneürté et FEW, XXV, 894b et 897– 899b s. v augurium « félicité des élus »). Remarquable est aussi la série des substantifs en -ment qui alignent sur un même patron dérivationnel les mots latins correspondants, offrant une alternative pour certains dérivés en -(a)tio : comparatio (7, 20) → comparement (7, 4, 20), concio (197, 3) → derainement (197, 5) et famille, etc. Et autres cas, où la désinence -mentum du latin peut favoriser, évidemment, le transfert : alimentum (125, 19) → norrissement (125, 24) – amplexus (210, 14) → embracement (210, 16) – augmentum (5, 14 ; 6, 14 ; 231, 2) → aoisement (5, 11 ; 6, 20 ; 231, 2), etc. La série des cris d’animaux est particulièrement révélatrice de la productivité de ce type de dérivés : les ruissemenz des leons, les balissemenz des bestes, les recanissemenz des aines, les siflemenz des serpens (118, 1), alignant sur un même suffixe les différents lexèmes du latin : rugitus leonum, balatus pecorum, ruditus asinorum, sibilos serpentium (117, 19 – 118, 1). La désinence -ance confirme la productivité mise en relief par A. François (François 1950) pouvant être, employée, ici encore, dans des alternances concurrentielles. À commencer par le transfert de quelques substantifs en -tio : – aestimatio (51, 19 ; 159, 7 ; 231, 7 ; 253, 7 ; 258, 7 ; 259, 2) → aesmance (51, 19 ; 159, 8 ; 231, 9 ; 253, 9 ; 258, 8 ; 259, 3), etc. Mais aussi augurium (266, 11) → divinance (266, 14) – benevolentia (281, 10) → benivolence (281, 13) [TL I, 922, s. v. benivolence. FEW I, 325, s. v. benevolus. DEAF élect. Benivolence SBernCantG, VignayOisivG...], etc. – Le relevé autorise à rectifier principatum (52, 1) → prinzame (52, 1) – seul exemple de TL avec point d’interrogation – en prinsance. Plus limitée est la dérivation en -ure parmi les suffixes s’offrant au traducteur : claustra (165, 9) → closures (165, 11) [TL II, 503, s. v. closure. FEW 2, 754b,

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s. v. closura, Afr. mfr. closure « cloison, séparation »] – vestis (142, 16 ; 150, 17) / vestitus (248, 14) / stola (209, 15 ; 217, 8 ; 258, 1 ; 264, 1) → vesture/vesteure (142, 16 ; 150, 20 ; 209, 17, 18 ; 217, 10 ; 226, 19 ; 248, 20 ; 258, 1 ; 264, 2) en concurrence de vestiment. Dans les substantifs d’agent, à côté de la forme savante en -(a)tor, comme dans auteor – creator (163, 15 ; 175, 18 ; 194, 11) → creator (163, 19 ; 175, 22) avec creatura (163, 15) → creature (163, 19) / creere (194, 14) – executor (24, 21) → executor (23, 25), la forme populaire en -iere/-eor est la plus répandue, comme dans creere : accusator (152, 10) → accuseires (152, 13), adjutor (65, 2) → aidieres (65, 2), etc. Cf. aussi antecessor (277, 10) → devantalor (277, 13) : transposition par équivalence populaire, [Cf. TL, II, 1856, s. v. devantaleor et Gdf. Idem. FEW 24, 8b, s. v. abante. Zuss. devantalor « prédécesseur »]. Le suffixe féminin -esse apparaît dans presbytera* (207, 17) → prestresse – condiscipulum (214, 2) → compangesse disciple (214, 3, 21). On relève à l’occasion la formation en -age pour désigner une fonction, un état : discipulatus du latin médiéval (N« état de disciple » (10, 21) → discipulage (10, 17), seul exemple dans TL, II, 1605, s. v. *descipulage. On peut repérer aussi une petite série de dérivés en -ise : credulitas (194, 15–16 ; 232, 18) → creandise (194, 20 ; 232, 23) [TL II, 1020, s. v. creandise, deux seuls ex. de DialGregF, absent Gdf. et FEW, etc. Le seul exemple de diminutif en -on est: igniculus (208, 7) → fouzon (208, 9) [Gdf. 4, 118b s. v. fouzon, hapax. FEW absent]. Seul exemple de diminutif en -ette : caligula (12, 10) → chalcette (12, 11) V, II, « chaussure ». Dans les adjectifs, la dérivation en -able peut avoir la valeur active : conscius (161, 9) → consachable (161, 10) – fallax (243, 12 ; 260, 15) → decivable (243, 15 ; 260, 21), etc. La désinence -ible est épisodique : placidus (220, 5) → plaisible (220, 6) – tacitus (135, 1) → taisieble (135, 1) Le suffixe savant -al < alis (cf. supra) se greffe sur prestre dans prestral : sacerdotale (130, 11) → prestral (130, 14) [TL X, 1823–24 s. v. prestral et prestrage, tous deux dans DialGregF, FEW 385a, s. v. presbyter, ex. unique chez Golein. DMF, s. v. prêtral, in Foulechat et Golein. Sacerdotal < sacerdos FEW, 11, 34a, n’apparaît que vers 1325. Prestral et prestrage forment ainsi le noyau d’une famille]. Cf. aussi apostolical pour apostolicus, prophetal pour prophete et meschinal sur meschine pour puellaris, etc. Il peut alterner, comme on l’a vu, avec la former -eil, dialectalement marquée, comme dans nocturnus (169, 7, 9 ; 211, 3 ; 226, 15 ; 264, 12 ; 265, 6, 9, 20) → nuitreneil / nuiterneil (169, 8, 11 ; 211, 3 ; 226, 18 ; 264, 13 ; 265, 6, 11, 24) [TL VI, 906, s. v. nuitreneil, 2 ex. de DialGregF, FEW 7, 163b, s . v. noturnus Afr. nuiternel adj. « de nuit »]. Le suffixe homographe eil < -elis se trouve dans fidelis (210, 7 ; 233, 12 ; 256, 3 ; 277, 8 ; 279, 17) → feeil (210, 7 ; 233, 15 ; 256, 3 ; 277, 11 ; 279, 21) [FEW 3, 502b, s. v. fidelis Afr. mfr. Feeil 12.–15. jh.].

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La dérivation adverbiale en -ment est très productive, répondant le plus souvent aux adverbes neutres en -e ou -iter du latin : abundanter (86, 11) / ubertine (35, 8) → plantivousement (86, 13 ; 35, 10) – quoque (169, 5) → alsiment (5. 20 ; 17, 13 ; 169, 6 et passim). La traduction observe la distinction entre mente au sens plein et son avatar adverbial : devota mente (96, 13–14) → par devote pense (96, 15) – vero mente (82, 12) → par pense (82, 16) / devote (82, 8) → devotement (82, 10). Au regard de cet ensemble en -ment, aequanimiter (274, 4) → par engueil corage (274, 6) – frequenter (141, 6) → sovent (141, 6) – reverenter (218, 2 ; 267, 3) → par reverence/quant il a reverence (218, 2 ; 267, 4). Témoigne de la vitalité d’un lexème sa capacité à s’inscrire dans un réseau de dérivés, une famille plus ou moins étoffée pouvant former une constellation dérivationnelle dans laquelle il s’inscrit, répondant ou non à une même base latine, comme peuvent l’illustrer quelques exemples significatifs : aoire (206, 9) : augere – aoisement (206, 13) : augmentum – brisier : frangere – brisure : fractura (47, 11) et mari naufragium (52, 4) → brisure de neif (52, 6) – comant : (130, 8 ; 142, 5 ; 145, 19 ; 185, 21 ; 226, 3) : praeceptus (130, 6 ; 142, 4 ; 185, 21 ; 226, 2) / jussum (145, 15) – comandeir (142, 4 ; 217, 22) : praecipere (142, 4) / jubere (217, 16) – maisterie / maistrie (10, 2 ; 36, 13 ; 60, 5) / magisteire (9, 25 ; 133, 19) : magisterium : cas intéressant où coexistent la forme latinisante et la forme populaire. La polysémie de travailhier répond aux correspondants latins marquant soit le tourment et la souffrance, soit l’activité utile. Mais aussi operari (248, 11, 12 ; 257, 1) → ovreir (248, 16, 18 ; 257, 1) / laborare (248, 14) → laboreir (248, 19). Parmi les exemples les plus remarquables, on retiendra celui des correspondants français du champ sémantique de l’habitation en latin, autour de habitare et sa famille, manere, et incola, illustrée par le schéma suivant (voir Fig. 1) . À la diversité des lexèmes latins, dont les nuances de sens ne sont pas nécessairement évidentes, peut répondre aussi un lexème ou des lexèmes de même base, témoignant certainement de leur ancrage dans le lexique courant. Ainsi de la base courante guast- dans guasteir, deguasteir pour vastare/depopulari/consumere, ou de la base courante straindre dans straindre, constraindre, destraindre pour urgere/cogere/compellere, etc. Le lexique de la traduction se signale aussi par des compositions originales transposant des lexèmes latins par des composés adaptés : favor (57, 2 ; 184, 9) → bienvoloirs (57, 3 ; 184, 10), senzfege et senzfegerie pour perfidus ou haeresis (détails dans la version longue). Le superlatif est aussi le lieu de concurrences entre dérivations synthétiques ancrées sur le latin, et formes analytiques « externées » avec adverbe tres ou moult : altissimus (118, 9) → altisme (118, 7), constantissimus (169, 3) → tresconstable (169, 3) – gravissima (209, 5) → moult grieve (209, 5), etc.

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Fig. 1: Le champ sémantique de l’habitation, du latin à l’ancien français.

La préfixation verbale – et parfois nominale – est un lieu très intéressant des options de la traduction : le choix est alors possible en français, entre la transposition préfixale ou l’équivalence externée par une particule adverbiale, processus analytique qui deviendra courant dans l’évolution ; c’est l’occasion d’observer l’exploitation opérée dans la traduction d’un « créneau analytique » du latin à travers l’emploi de foras passé au statut d’adverbe (cf. supra), et à l’inverse la productivité de certains préfixes au regard des particules. La particule fors est certainement emblématique du transfert à une particule externée de la préfixation étendue à partir du latin.6 Le passage suivant peut l’illustrer, qui mérite d’être cité en entier : Cumque in eadem ecclesia missarum solemnia celebrarentur, atque ex more diaconus clamaret : Si quis non communicat, det locum : nutrix earum quae pro oblationem Domino offerre consueverat, eas de sepulcris suis progredi et exire de ecclesia videbat. Quod dum saepius cerneret, quia ad vocem diaconi clamantis exibant foras, atque intra ecclesiam permanere non poterant, ad memoriam reduxit quae vir Dei illis adhuc viventibus mandavit. Eas quippe se communione privare dixerat, nisi mores suos et verba corrigerent [...] Quae dum oblatio pro eis fuisset immolata, et a diacono juxta morem clamatum est, ut non communicantes ab ecclesia exirent, illae exire ab ecclesia ulterius visae non sunt (90, 5–16) → Et quant om celebroit les sollempniteiz des messes en cele meisme glise, et li diakenes crioit solunc sa constume : Se alcuns ne soi acomenget, il doinst liu; la norrice de celes ki por eles avoit aconstumeit offrir oblation al sanior, ele les veoit eissir fors de lur fosses et aleir fors de la glise. La queile chose cant ele sovent veoit, k’eles a la voiz

6 Pour un aperçu de la polyvalence fonctionnele de fors en ancien français, cf. Buridant (2000, 341–342, § 439).

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del diakene criant aloient fors et k’eles ne porent pas parmanoir devenz la glise, dunkes li repairat a memoire queiles choses lur avoit mandeit li hom de Deu, cant eles encor vivoient. Quar il avoit dit ke il lur tolroit la communion se eles n’amendassent lur constumes et lur paroles [...] La queile oblations cant por eles fu sacrifie et cant solunc la constume fut crieit del diakene, ke cil ki n’acomengent mie iroient fors de la glise, dunkes ne furent pas iceles veues mais aleir fors de la glise (90, 5–20).

L’original présente pour les cinq occurrences du procès « sortir » : progredi, exire seul et exire foras, soit deux préfixés seuls et le préfixé renforcé par foras adverbial. La traduction emploie systématiquement fors, soit avec eissir, renforcé, soit avec le verbe aller, de sémantisme large, muni alors de son vecteur spatial : d’un seul exemple du latin, l’on est passé à un emploi systématique. Le passage est très instructif, avec l’extension de fors, soulignant un mouvement de sortie ou orientant un verbe « incolore », sans doute sur le modèle de foras. Fors + verbe est ainsi une particule majeure dans la traduction, pour exire, et pour toutes sortes de procès marquant une sortie. Le relevé des occurrences de eissir montre ainsi que le verbe est flanqué de fors dans 50 % des cas par rapport aux correspondants latins exire, egredi, digredi, procedere, la particule pouvant être présente dans le latin de Grégoire (cf. supra). L’on relève de très nombreuses transpositions adverbiales ou prépositionnelles de verbes préfixés du latin, comme : repellere → [boteir] arriere (21, 15 ; 73, 20) / reboteir (121, 13), etc. À la variation préfixale sur une même base répond en français un jeu de particules adverbiales ou prépositionnelles qui l’externalisent en orientant le procès dans l’espace : sus/jus – arier/avant/devant – encontre – desoure/desoz. Cf. antecedere (50, 12) / anteire (214, 2) → aler devant (50, 16 ; 214, 2), etc. À préf. + ponere, ou ponere simple, verbe de sémantisme très large, répond ainsi le verbe metre + particules : sibi superponere (80, 18– 19) → metre dessoure soi – sibimet superponi (80, 18–19) → estre mis desoure soi (80, 28), etc. Un verbe de large sémantisme comme geteir est flanqué des particules fors ou jus en correspondance des préfixés latins sur des bases de même sens, comme jus dans projicere (11, 5 ; 85,7 ; 92, 2 ) / abjicere (70, 9 ; 210, 18) / evertere (75, 2) / ejicere (233, 1) → getteir jus (11, 6 ; 85, 7 ; 91, 19 ; 92, 2 / 70, 14 ; 210, 21 / 75, 2) / 233, 1–2), etc. Fors dans erumpere (9, 11 ; 163, 18 ; 180, 14 ; 208, 7) → rumpre fors (9, 11 ; 163, 22 ; 180, 17–18 ; 208, 8) – projicere foras (91, 15), etc. L’emploi des particules est d’autant plus intéressant qu’il répond, dans bien des cas, à un verbe préfixé qui n’aura que plus tard un correspondant synthétique dans la langue, sous l’effet de la latinisation. Parmi les cas exemplaires, on relève celui de geteir fors très largement polysémique, pour exhalare (245, 20) → geteir fors (246, 2), exhaler n’apparaissant qu’à partir du 14 e siècle, (FEW, III, 293b, s. v. exhalare). Les préverbes ont leurs particules attitrées : ab- marquant la disjonction : jus : abscindere (67, 11) → tailher jus (67, 12) – circum- marquant l’encerclement :

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environ : circumstare (51, 2 ) → [e]steir environ dans steu[ue]nt environ (51, 2) – ad- marquant l’adjonction: adjungere (73, 8) → joindre aprés (73, 10) – conmarquant l’association : ensemble : colligare (253, 17) → loier ensemble (253, 21). À l’équivalence par ensemble s’oppose le maintien de con-, quand le préfixe latin marque l’intensif, comme dans conqueri (101, 14) → soi [...] complaindre (101, 18), ou quand il est fait corps avec une base dans un sémantisme transcendant son sens premier, comme dans conjicere « conjecturer » (104, 14) → congeteir (104, 14) : la traduction joue ici, comme ailleurs, un rôle de révélateur – ex- marquant l’éjection : eiicere (143, 10) → defors getier (143, 12) – praemarquant la précession : praecedere dans praecedentes (7, 15 ; 208, 17) → [les] devant alanz (7, 20 ; 208, 22) / praevenire (20, 11) → devancier (20, 13–14). Dans un même passage se pressent praedicere, praevidere et praescire, rendus tous trois par des équivalents avec devant : devant dire, devant veoir, devant sçavoir (226, 9, 11 → 226, 10–16). Mais aussi, marquant la supériorité : monasterio praeesse (55, 14) → estre dessoure le mostier (55, 17). Remarquable est la concurrence entre pre- et devant dans la traduction de predestinare – predestination : predestinare (33, 8, 10) → predestineir (33, 11) – predestinatio (32, 19) → predestination (32, 26 – 33, 1) vs. predestinare (32, 14, 15) → devant destineir (32, 18, 20) ; predestinatio (32, 16 ; 33, 9) → la devant destination (32, 21 ; 33, 13), le tout alternant dans le même passage – se- marquant la disjonction : seponere (219, 10) → metre d’une part (219, 11) – sub- marquant l’infériorité : subesse (60, 10) → desoz estre (60, 14), ou la succession : subsequi (216, 11) → sivre aprés (216, 14) – pro- : prosalire (14, 13) → sailhir jus (14, 15) – ob- et ses variantes : eius profectibus obviare (69, 12) → encontre aller a ses esploiz (69, 16) – occurrere (116, 9 ; 188, 11) → encontre corre (116, 10) / contrecurre (188, 15) – super- : superponere (230, 14) → metre dessore (230, 16). Dans le même ordre d’idée s’observent des transpositions analytiques « glossairistiques » en cil qui pour des préfixés latins n’ayant pas de correspondants français : ces équivalents sont effectivement des procédés ex-plicatifs répandus dans les glossaires. Ainsi de conviator (N « compagnon de voyage ») cil qui voie faisoit avec lui (77, 2) → cil qui aloit avoc lo religious home (77, 9–10). Il est remarquable qu’à l’opposé, la préfixation latine ou ses équivalents est bien préservée dans l’expression des phases du procès, de l’ingressif au perfectif : – ingressivité en a- : ingression factitive : compescere (69, 12 ; 79, 8 ; 260, 12) → apaisentier (69, 12; 79, 9 ; 260, 15), etc. – perfectivité en par-/per- : peragere (117, 1 ; 132, 16) – perfacere (117, 1 ; 122, 13 ; 272, 11) / peragere (179, 3 ; 276, 18) → parfaire (117, 1 ; 122, 13 ; 132, 19 ; 179, 4 ; 272, 17 ; 276, 20), etc. – Par- préfixe également des adjectifs : perspicuas (57, 4) → parveables (57, 6) – pervigilis (101, 19) → parveilhable (102, 1).

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La préfixation est bien installée également dans l’emploi du préfixe de-/des-, objet d’une analyse globale par Robert Martin (Martin 2006), en correspondance formelle ou non avec le latin : – l’intensité : deridere (9, 3) → degaber (9, 4) – deprecare (103, 14 ; 232, 14) → deproier (103, 17 ; 232, 18), etc. – le renforcement de la séparation : relinquere (6, 15 ; 168, 9 ; 251, 19) → deguerpir (6, 20 ; 168, 10 ; 251, 21). La préfixation en sor- issu de super-, marquant l’orientation vers le haut et le dépassement d’une limite, est largement productive : excrescere/crescere (35, 9; 151, 8 ; 216, 9 ; 217, 2) → sorcroistre (35, 11 ; 151, 10 ; 216, 9 ; 217, 3), etc. Le préfixe inter-, exprimant le parcours d’un procès entre deux bornes réelles ou virtuelles, soit en aller et retour (mutualité et réciprocité), soit en intermittence avec le sens secondaire de procès non-entièrement accompli, peut se transposer d’un verbe latin. Ainsi de interesse (34, 1 ; 162, 21) → enterestre (34, 2 ; 162, 23), etc. Ou en équivalence de praeter dans praetermittere (275, 16) → entrelaissier (275, 18–19). Mais entre- est déjà suffisamment autonome pour engendrer des équivalents français répondant au latin. Ainsi dans interjacere (206, 2) → entregesir (206, 1) Le préfixe tres-, marquant le franchissement d’une limite ou le passage d’une limite à une autre, répond aux différents verbes préfixés du latin de même sens : transducere (111, 15) → tresmeneir (111, 11) → tresmeneir (111, 15) – transferre (174, 13) → tresporteir (174, 16), etc. Sor lui fait concurrence dans transcendere (201, 10) → sormonter (201, 14). La préfixation nominale latine en in- négatif et ses variantes est un haut lieu de résistance du français comme l’a souligné en particulier É. ThornéHammar (Thorné-Hammar 1942). La traduction la rend par nient, négation polyvalente : illicitus (61, 4, 8 ; 161, 7 ; 207, 17 ; 250, 4) → nient loisable (61, 8, 12 ; 161, 8 ; 207, 22 : les choses ki ne loisent mie ; 250, 5), illicite apparaissant depuis 1359 d’après le DEAF – illicite (59, 19) → nient loisablement (60, 1), etc. La formation en non peut lui faire concurrence : invisibiliter (189, 6 ; 201, 17) → non veablement (189, 7 ; 201, 22). Et aussi des- : immoderatus (254, 18) → desmesureit (254, 23). On relève aussi d’autres équivalents, comme immensus (222, 10) → desmesurei (222, 17) – infelix animus (Prol., I, 5, 11) → uns maleurous corages (Prol. I, 5, 15), etc. Dans les adverbes : immortaliter (279, 14) → nient morteilment (279, 14) mais aussi les équivalents avec senz : incessanter (228, 9 ; 278, 8), etc. Cette préfixation est aussi parfois rendue par une circonlocution en cil ki : indociles (64, 10) → ceaz ki ne porent pas estre apris (64, 12) → incorrigibles (V, 149). Particulièrement intéressant est l’emploi de nient comprendable pour incomprehensibilis 81, 24–25 ; 82, 15 ; 83, 1. Le premier exemple est une citation

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du Psaume 118, 13 qui se retrouve dans le Pseudo-Turpin avec la même formation : O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei ! Quam incomprehensibilia sunt judicia ejus et invertigabiles viae ejus ! (81, 19 – 82, 1) → O haltece des richeces de sapience et de la science de Deu ! Ke nient comprendable sont sei jugement, et nient entrechanjables ses voies ! La traduction use ainsi de l’outil commode qu’est alors la négation factotum polyvalente nient, forme forte de ne, dont le spectre d’emploi est très large : – équivalent de in-, dans la transposition des dérivés négatifs du latin ; – équivalent de non devant adverbe : non longe → nient lonz (57, 14 ; 61, 1) ; – équivalent de non / minime devant les formes verbales du mode quasinominal : suis illorumque fratrum moribus convenire non posse praedixit (61, 2–3) → si devant dist nient pooir covenir az siens et az constumes de cez freres (61, 4–5) Mal adverbial peut aussi transposer la préfixation en in- : inconveniens (81, 9) → malcovenable chose (81, 11) – accidente (68, 6) → malvoisousement (68, 7). Il est employé dans des formations françaises originales, sur des bases étoffées de dérivés, comme malaisibleteiz (73, 21) : difficultas (73, 18). Ou dans cet exemple où cohabitent un équivalent français et une transposition latinisante : diffidentem inobedientemque fratrem (95, 13) → lo malfiant et lo inobedient frere (95, 16). Tranchent sur ces formations analytiques quelques cas de préfixation en in- maintenues du latin, intactes ou phonétiquement transposées, comme dans incomparabiliter (149, 18) → incomparablement (149, 23) / nient comparablement (149, 23). Dans un même passage voisinent les deux formations : incirconscriptum atque invisibilem (201, 11) → incirconscrit et non veable (201, 15). Non sans concurrence parfois, comme dans obedience (9, 24 ; 47, 16 ; 68, 21 ; 71, 18 ; 74, 10 ; 214, 5 ; 246, 23) = obedientia (9, 19 ; 214, 3 ; 246, 22) / inobedience (94, 22 et passim) – inobedient (95, 16) / nient obeissant (95, 5). La traduction, très serrée, n’emploie que très rarement le binôme synonymique comme instrument d’explicitation et de déploiement sémantique : Quorum vero mens in Deo fixa est (108, 2) → Mais cil cui pense en Deu est ferme et affichie (108, 2–3), où il s’agit peut-être de souligner la fermeté de la foi en Dieu. Il peut correspondre à un doublet de l’original : incolummem atque ut prius valentem (75, 10) → halegre et vaillant com anzois (75, 14–15), mais incolumes (77, 9) → haliegre (77, 12).7 7 Dans le domaine du vocabulaire, en dehors des œuvres traduites de Grégoire le Grand en wallon, un autre texte offre des similitudes avec les Dialogues, par la concurrence des décalques savants et des équivalents vulgaires, les SermCarP, collection de sermons de carême en français de facture populaire (Cf. la version longue).

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Dans le domaine du vocabulaire encore, on constate que la substantivation de l’infinitif est bien assurée pour traduire deux activités fondamentales de la vie humaine que sont manger et boire, et suffisamment substantivés pour admettre le pluriel. Soit : cibum, 58, 11, 17 ; 75, 13, en particulier dans cibum sumere → mangier, 58, 14, 21 ; 75, 13 : prendre mangier / cibum (corporis) 59, 3 ; 76, 6 → les mangiers (del cors), 59, 4 ; 76, 6 ; alimenta vitae (59, 4) → les mangiers de vie (59, 5) – potum (mortis), (61, 16) → le boire (de la mort) (61, 16) ; potiones (76, 6) → (les) boires (76, 10) (Cf. Buridant 2008).

4.2 La morphosyntaxe 4.2.1 Les démonstratifs : aperçu sommaire L’emploi des démonstratifs, objet d’une mise au point d’Anne Carlier et de Céline Guillot-Barbance dans ce même volume, dans une large perspective historique partant du latin et s’appuyant sur la théorie de la sphère personnelle, est marqué par une distribution systématique des formes en cist et en cil. Formes en cist : – Les formes en cist répondent au démonstratif hic du latin, référant à un item englobant le référent dans la sphère personnelle du locuteur : spiritum huius mundi (81, 14) → l’espir de cest mont (81, 18), i. e. le monde dans lequel nous nous trouvons, ce monde-ci en opposition à l’au-delà. Haec carnis (corruptibilis) (90, 24 ; 91, 1) → ceste char (corrumpable) (90, 24 – 91, 1) : cette chair qui est celle de notre humanité. – Les formes en cist répondent au démonstratif hic du latin, référant à un item immédiatement intégré à la sphère personnelle du locuteur dans le discours, à son hic et nunc : Huius ego omnia gesta non didici, sed pauca quae narro, quattuor discipulis illius referentibus agnovi (55, 11–12) → Ge n’ai pas apris toz les faiz de cestui, mais poi de choses cui ge raconterai conois racontanz quatre disciples de celui [...] (55, 14–16). Exemple remarquable où l’on observe bien l’opposition entre cist rapporté à la sphère personnelle du narrateur, et celui hors de sa sphère, rapporté aux disciples. En reprise encore, référant à un item présent dans la situation immédiate d’énonciation : Tunc servo Dei cum gravi maerore indicatum est, qui manu sua protinus oblationem dedit dicens : Ite et hanc oblationem pro eis offerri Domino facite [...] (90, 12–13) → Li queiz manes de sa main donat une obleie faites por eles disanz : Aleiz, et ceste obleie faites por eles offrir al sanior [...] (90, 15–17).

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Elles répondent aussi à iste quand il y a une opposition distributive entre iste et ille : Ille itaque qui porcos pavit [...] iste vero quem angelus soluit (63, 4–6) → Icil ki paut les pors … mais iciz cui li angeles desloiat [...] (63, 7–9) – haec et alios (64, 3) → icez et les altres (64, 3).

Formes en cil : – Les formes en cil répondent aux démonstratifs latins is et ille. Ce sont les formes courantes du récit n’impliquant pas la sphère personnelle du locuteur, à l’opposé de cist. Dans les balises temporelles et spatiales, non sans lourdeur avec les formes renforcées idem de is (cf. supra) : in eodem loco, in eodem monasterio, die eodem, eodem tempore, ex illo tempore, in eadem solitudine rendus dans les formes renforcées ou non → en icel liu, en cel mostier, cel meisme jor, en icel meisme tens, des icel tens, en cele meisme solteit [...] / in illa solitudine → en cele solteit. S’oppose à usque haec Lamgobardorum tempora (56, 21 sq.) → joskes a ces tens des Lumbars (56, 22) : l’époque des Lombards dans laquelle vit le narrateur Grégoire. – Elles sont employées comme antécédents de la relative en répondant à la corrélation is qui → cil ki ou équivalents : eum quem quasi in ingressu mundi posuerat, retaxit pedem (55, 6–7) → retraist cel piet qu’il aveit mis a l’entrei del mont (55, 9–10). – En dehors de ces cas, cil répond normalement à ille : quatuor discipulis illius (55, 11–12) – la cele de celui (55, 20) – la norrice de celui (56, 56, 7) – quatre disciples de celui (55, 16) – la cele de celui (55, 20) – la norrice de celui (56, 10). Le système ternaire du latin est ainsi réduit à un système binaire où se distribuent ses fonctions entre deux séries opposées quant à la sphère personnelle.8

4.2.2 Régime dit absolu et construction prépositionnelle Le domaine de la morpho-syntaxe est aussi le lieu d’observer la concurrence entre des constructions calquées du latin et des constructions analytiques en équivalence. Les deux types de constructions se font ainsi concurrence dans la traduction du complément génitif de personne latin, avec ou sans préposition. Soit le relevé statistique opéré dans le livre II : 8 Cette théorie, comme celle de la distance, ne permet cependant pas d’expliquer tous les cas d’emploi des deux séries articles ou pronoms dans l’usage effectif de l’ancien français, bien des variantes de manuscrits, dans les mêmes contextes, offrant des formes alternantes. C’est un point qui mériterait d’être examiné.

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Complément non-prépositionnel

Complément prépositionnel

hom deu : 16 occurrences (57, 12, 21; 59, 13; 66, 3; 73, 7; 75, 10; 80, 21; 81, 3; 83, 13, 15; 85, 3, 14, 18; 88, 6; 99, 8; 101, 17; 102, 13; 103, 15. (h)omme deu : 12 occurrences 65, 11; 71, 7; 74, 4; 78, 21; 79, 2; 80, 24; 84, 6, 13; 86, 1; 88, 6; 89, 23; 93, 5–6.

hom de deu : 19 occurrences 58, 15 ; 60, 21; 61, 22–23; 65, 9; 67, 10; 68, 9; 70, 5; 71, 11, 24; 72, 19; 79, 4, 18; 89, 24; 92, 10; 98, 4; 99, 18; 100, 16; 105, 18, 20. homme de deu : 2 occurrences 58, 10 ; 78, 9–10.

serf deu : 3 occurrences 88, 1 ; 90, 15.

hom del sanior : 11 occurrences 67, 21 ; 71, 20 ; 74, 10, 22 ; 79, 22 ; 84, 9 ; 88, 2 ; 94,13; 95, 3; 98, 16 ; 104, 14. serf de deu : 2 occurrences 88, 1 ; 90, 15. serjant de deu : 10 occurrences 59, 1 ; 65, 21 ; 66, 14 ; 84, 23 ; 86, 18 ; 95, 14–15 ; 97,4, 15 ; 99, 12, 17.

Sous-total : 31 occ.

Sous-total : 44 occ.

pere Deudoneit : 1 occ., 57, 15. les freres lo moine : 1 occ., 95, 4 anceles deu : 1 occ., 85, 7 oratoire saint Johan : 1 occ., 72, 21 ensenge Jove : 1 occ., 72, 2 la entree lo roy Totyle : 1 occ., 79, 20 del miracle Scolastike : 1 occ., 100, 9

la maison de cele femme : 1 occ., 76, 8 l’osteil de la femme : 1 occ., 76, 9 la voiz de Johan : 1 occ., 102, 8.

Total général : 38 occ.

Total général : 47 occ.

Dans le noyau constitué par la relation d’appartenance majeure désignant Benoît comme le serviteur de Dieu, sous les vocables (home/homme – serf/serjant), la construction prépositionnelle l’emporte assez nettement, et c’est elle qui constitue la majeure partie des occurrences, l’absence de correspondants empêchant une comparaison terme à terme dans les autres cas.

4.2.3 Constructions verbales Dans la syntaxe verbale, on relève la construction transitive de quelques verbes de mouvement répondant à celle des verbes latins correspondants, ingredior et invadere, qui semble circonscrite aux Dialoge : ascendere domum → monteir la maison – ostium egredi (230, 6) → eissir l’uiz de ceste maison (230, 7). De même invadere : Qui statim de homine exuit, porcum quem jussus fuerat invasit (154,

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10–11) → Li queiz (le diable) eissit del homme, si entrat lo porc cui li fut comandeit (154, 14–15). Des exemples d’entrer transitif sont enregistrés par T-L, III, 679, s. v. entrer, où la construction transitive exprime l’idée de ‘pénétrer dans un lieu avec force’, ‘faire irruption dans’, comme elle émergera encore en moyen français, enregistrée par le DMF, ce qui n’est pas le cas dans les Dialogues.9

4.2.4 Syntaxe phrastique 4.2.4.1 Les connecteurs Dans le domaine de la syntaxe phrastique, la traduction transcrit la panoplie des connecteurs balisant les séquences phrastiques par un riche appareil d’équivalents, dont certains semblent limités aux Dialogues. – Soit les connecteurs « faibles » logiques marquant des relations diverses, qui appuient assez souvent la reprise d’un protagoniste, comme autem, vero, connecteurs « faibles » constituant des balises élémentaires de la diégèse (cf. supra), rendus dans la traduction par mais, et. À cette progression se rattache aussi tunc, associé éventuellement à etiam, quoque, ponctuant les étapes, que balisent le plus souvent les procès des protagonistes, rendu dans la traduction par dunkes. À la différence, le cum historicum + imparfait ou plus-que parfait du subjonctif, de haute fréquence, on l’a vu, est rendu quasi systématiquement par (Et) quant. On pourrait s’attendre à ce que le subjonctif soit largement maintenu, dans cette traduction très latinisante, s’ajoutant aux quelques rares latinismes de l’ancien français, qui se multiplieront ultérieurement.10 Il est en fait exceptionnel, dans quelques cas tranchant sur la diégèse des procès verbaux courants (cernere, dicere, venire, etc.), qui demanderaient un commentaire spécifique. Ce type de séquence, on l’a relevé, est en concurrence avec l’ablatif absolu, dans des phrases qui peuvent être très hiérarchisées.

9 La morpho-syntaxe des DialGregF offre aussi un emploi massif remarquable des pronoms personnels régimes devant le verbe conjugué, qui peut être mis en rapport avec l’emploi parallèle de la forme tonique de la négation des verbes comme pooir, savoir : je toi commandai (16, 7) – Filz, tu moi fais dolant (23, 10–11) – soi getat jus a ses piez (77, 20). Ce phénomène, brièvement noté par L. Wiese et apparemment ignoré des grammaires, se retrouve dans un ensemble de textes en ancien wallon, comme JuïseR, PoèmeMorB, SermCarP, SjulianeF entre autres, auxquels il semble circonscrit. A partir d’un relevé systématique dans cet ensemble, j’en donnerai ailleurs une étude précise alimentant la révision de la Grammaire nouvelle de l’ancien français. 10 Cf. P. Ménard (1988, 152 § 156, Remarque 1) et P. Imbs (1956, 145–146).

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Appartiennent à ce type de connecteurs les relatifs disjoints du latin, commenté supra. Est examiné ici leur équivalent dans la traduction, à partir d’un relevé systématique des pronoms et adjectifs relatifs portant sur un échantillon représentatif de La vie de saint Benoît, p. 56–72. Ce relevé permet les conclusions suivantes : La traduction transpose le relatif disjoint du latin par le relatif composé lequel, sous les formes du pronom li queiz / lo queil, ou de l’adjectif dans la reprise anaphorique étoffée li queiz moines, la queile chose. Ainsi dans cet exemple, transposant le videlicet ou scilicet latin par loist a savoir : Quod mox rediens nutrix illius ut ita invenit, vehentissime flere coepit (56, 10) → Lo queil manes quant trovat repairanz la norrice de celui, si comenzat durement a ploreir (56, 9–11). Elle le transpose exceptionnellement par ki : Qui liberiori genere ex Provincia Nursiae exortus, Romae liberalibus litterarum studiis traditus fuerat (55, 4) → Ki fut neiz de franche lingie de la contreie Nursie [...] (55, 6) – Après le discours direct : Qui protinus surrexit (58, 6) → Ki soi levat enhelement (58, 8). Mais li queil peut aussi transcrire le relatif subordonnant d’une relative explicative rattachée à une principale rectrice : praedicta nutrix illius ad purgandum triticum a vicinis mulieribus praestari sibi capisterium petiit, quod super mensam incaute derelictum casu accidente fractum est [...] (56, 7–9) → Li queiz tamis laissiez sor la table malvoisousement par avenant aventure brisat [...] (56, 7). C’est dire qu’au total le relatif composé le quel a un large éventail d’emplois, allant de la transposition du relatif disjoint du latin, amorce d’une proposition « thématique » engageant une nouvelle phrase, où il est l’équivalent d’un pronom, à la transposition du simple relatif subordonnant d’une principale. Le premier emploi n’est sans doute pas inconnu du très ancien français, comme le relève P. Kunstmann dans les psautiers de Cambridge et d’Oxford (Kunstmann 1997, 520). Après s’être répandu dans la langue des clercs, il foisonnera, trois siècles plus tard dans la langue des doctes, souligne-t-il encore, et se retrouvera surtout dans les traductions latinisantes du moyen français (Cf. Marchello-Nizia 1979, 163–164 ; Martin/Wilmet 1980, §§ 199, 2 et 454). Et S. Sandqvist relève précisément son emploi, en adjectif relatif, dans la traduction en rimes léonines des Dyalogue saint Gregoire du 14 e siècle (DialGregEvrS, 112). – Soit les connecteurs « forts », concentrés surtout dans les passages didactiques où Grégoire prodigue et développe son enseignement en réponse aux questions de Pierre, en débouchant sur des leçons générales sous forme de maximes et de références aux Saintes Écritures : Nam est rendu systématiquement par quar/car, ainsi que quippe. Les connecteurs ergo, itaque et igitur sont rendus systématiquement par gieres (< de ea re), enregistré par TL, IV, 313–314, s. v. gieres, dont une majorité d’exemples empruntés aux Dialogues.

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4.2.4.2 La syntaxe phrastique et le traitement de l’hypotaxe latine De nombreuses phrases sont entièrement calquées sur l’hypotaxe latine en maintenant l’ablatif absolu ou les participes circonstants, que ce soit dans la narration ou le développement moral interprétatif, dont on ne donnera que quelques exemples, parmi les plus représentatifs : Cumque illud ipsi prius submissis cervicibus adorarent, eos quoque quos ceperant hoc adorare pariter compellebant (163, 11–12) → Et quant il meisme de promiers abaissiez lur hatereaz aorassent lo chief, dunkes destraindoient cealz alsiment cui il avoient pris ensemble aoreir lo chief (163, 13–16) – Despectis itaque litterarum studiis, relicta domo rebusque patris, soli Deo placere desirans sanctae conversationis habitum quaesivit (55, 8–11) → Gieres despitiez les estuides des letres, laissie la maison et les choses de son pere, al soul deu desiranz plaisir, quist l’abit de sainte conversation (55, 10–12). Les participes présents offrent le même étagement hypotaxique en dépendance d’un noyau principal : Sed Benedictus plus appetens mala mundi perpeti quam laudes, et pro Deo laboribus fatigari quam vitae huius favoribus extolli, nutricem suam occulte fugiens, deserti loci secessum petit, cui Sublacus vocabulum est, qui ab Romana urbe xl. fere milibus distans, frigidas atque perspicuas emanat aquas (56, 21–57, 4) → Mais Benoiz plus desiranz soffrir les maz del mont ke les los, por Deu estre lasseiz de travalz que par les bienvoloirs de ceste vie estre sorleveiz, il fuianz sa norrice repunsement, requist un secreit d’un desert liu a cui est non Sublacus, li queiz lius estanz pres vint leues del borc de Romme gettet fors froides aigues et parveables (57, 1–6). Certaines séquences phrastiques sont entièrement calquées sur le latin : Sed ex eadem rupe in longissimo fune ligatum Romanus deponere panem consuerat (57, 15–16) → Mais Romains de cele meisme roche en une longe corde loiet lo pain soloit metre (57, 19–20). La traduction des ablatifs absolus et participes présents / passés en proposition participiale détachée offre une alternative intéressante : ils peuvent être transposés tels quels, comme circonstants subordonnés ou transposés en propositions temporelles, s’intégrant alors dans des séquences en quant, qui est déjà le mode de transposition le plus courant dans les traductions du moyen français examinées par Anders Bengtsson, en dehors des traductions calques comme celles de Jean de Vignay, jeune traducteur dans sa traduction de l’Epitoma rei militaris (Bengtsson 2006). Le premier cas correspond souvent à une geste, une attitude expressive figée qui peut être exemplaire, à une époque où la « raison des gestes » et sa symbolique est primordiale comme extériorisation de l’âme. J.-C. Schmitt relève ainsi, parmi les mentions de prières les mains jointes, celle de sainte Scholastique, la sœur de saint Benoît, rapportée dans les Dialogues : « Voulant pro-

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longer après la tombée de la nuit l’entretien spirituel qu’elle a eu toute la journée avec son frère, la sainte femme trouve le moyen de contraindre celuici à demeurer à ses côtés dans une prière à Dieu rapportée dans une séquence de gestes symboliques, qui déclenchent une tempête : Sanctimonialis quippe (éd. de Vogüé : autem) femina, cum verba fratris negantis audisset, insertas digitis manus super mensam posuit, et caput in manibus omnipotentem Dominum rogatura declinavit. Cumque de mensa levaret caput, tanta coruscationis et tonitrui virtus, tantaque inundatio pluviae erupit, ut neque venerabilis Benedictus, neque fratres qui cum eo aderant, extra loci limen quo consederant, pedem movere potuissent (101, 3–8) » (Schmitt 1990, 295). Sans doute cette action estelle rapportée dans une séquence de temporelles + principale que le français transpose dans un balisage en quant [...] dunkes [...] si – Quant [...] dunkes [...] Mais plus loin elle est représentée caput in manibus declinans (101, 8) → son chief abaissant entre ses mains (101, 11–12) et répandant des larmes, dans une attitude d’orante. Ailleurs une très longue phrase truffée de participes présents, fixe l’attitude du saint en prière, comme en médaillon, que vient illuminer une vision : Cumque vir dei Benedictus quiescentibus adhuc fratribus instans vigiliis nocturnae orationis tempora praevenisset, ad fenestram stans et omnipotem Deum deprecans, [subito] intempesta noctis hora respiciens, vidit fusam lucem desuper, cunctas noctis tenebras effugasse, tantoque splendore clarescere, ut diem vinceret lux illa quae inter tenebras radiasset (103, 12–17) → Et quant li hom deu Benoiz, encore reposanz les freres, estanz es vigiles de la nuitreneile orison ot devanciet les tens, il estanz a la fenestre et deproianz lo tot poissant sanior, il regardanz en l’oure de la nuit nient temprive, il vit l’espandue lumiere de dessore avoir eschaciet totes les tenebres de la nuit, et resclarcir de si grant clarteit, ke cele lumiere ki luisoit entre les tenebres vencoit lo jor (103, 15–21). Il est intéressant de constater que ces gestes ou attitudes, exprimés par l’ablatif absolu ou ses équivalents, sont encore maintenus par des équivalents dans la traduction du 12 e siècle en dialecte lorrain du Dialogus anime conquerentis et rationis consolantis : Ego autem, humiliato vultu, deposita facie, sileo, taceo, incepto persisto silentio → Mais je, encliné lo chief, humilié lo viare, dimise la façon, mi tace et permagne en l’encomencé silence (DialAmeB, V, 13–14). Le maintien des propositions participiales ne se limite pas à ce cas, et l’on peut en citer bien d’autres exemples de maintien de participe passé ou participe présent qualifiant le sujet d’une principale, qui peut être distant de son verbe, comme pronom personnel ou relatif entre autres. – Participe passé → participe passé : Longe quippe ab hominibus positus, quia die eodem paschalis solemnitas esset ignorabat (58, 13–14) → Quar il mis lonz des hommes ne savoit que en cel meisme jor astoit la pascale sollempniteiz (58, 15–17). Cum subito superna gratia

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respectus ad semet ipsum reversus est [...] (59, 14) → Quant il sodeinement regardeiz de la sovraine grasce retornat a soi meisme [...] (59, 17–18). – Participe présent → participe présent : Aetatem quippe moribus transiens nulli voluntati animum dedit (55, 2–3) → Quar il trespassanz son eage par constumes, ne donat son corage a nul delit (55, 34). Sed cognoscentes Dei famulum, eorum multi ad pietatis gratiam a bestiali mente mutati sunt (58, 20–59, 2) → Mais il conissant lo serjant de deu, li pluisor d’eaz furent mueit a la grasce de pieteit de la bestial pense (58, 24–59, 2). L’autre voie possible, donc, est de résoudre les participes ablatifs absolus, et plus largement les participiales en propositions temporelles, et de renforcer ainsi la part des séquences en concaténation, déjà nombreuses dans l’original, comme dans cette phrase, offrant un bon exemple d’étalement paratactique : Benedictus autem religiosus et pius puer cum nutricem suam flere conspiceret, eius dolori compassus, ablatis secum utrisque fracti capisterii partibus, sese cum lacrimis in orationem dedit [...] (56, 11–14) → Mais Benoiz li religious enfes et pius, quant il veoit sa norrice ploreir, il eut compassion de sa dolor, si prist avec soi ambedous les parties del brisiet tamis, et a larmes soi donat en orison [...] (56, 11–14). Les deux possibilités pouvent se trouver en concurrence dans des passages similaires : Die igitur alia expleta oratione vir Dei oratorium egressus, stantem foris monachum repperit (66, 1–2) → Gieres par un altre jor quant l’orisons astoit fineie, li hom deu eissit fors del oratoire, si trovat lo moine stant defors (66, 2–3), phrase égrenant les participes en procès séquentiels – Et oratione completa tres petras in loco eodem pro signo posuit (66, 16–17) → Et parfineie l’orison, en cel meisme liu mist trois pieres por ensenge (66, 19–20). La transformation des participes absolus en propositions temporelles ne fait que s’ajouter au fort contingent des propositions temporelles d’aspect achevé ou de perception traduites de l’original, générant des patrons de phrase en quant [...] si / dunkes qui vont devenir le « pain quotidien » de la prose narrative des chroniques et des romans médiévaux, comme on l’a maintes fois relevé, et en particulier J. Rychner (1970). Ici comme ailleurs, la traduction exploite volontiers une séquence phrastique dont elle ne fait qu’étendre le domaine. Qu’en est-il des propositions infinitives du latin, et en particulier des propositions infinitives dépendant de verbes régissant autres que ceux qui relèvent de la perception, matrices des propositions infinitives dites savantes si répandues en moyen français, comme l’a relevé C. Brucker (Brucker 1977 et Brucker/Demarolle 2010) ? Ce type de proposition est courante dans le texte latin (voir l’article de C. Bodelot ici-même), avec les verbes régisseurs de déclaration comme dicere / respondere, non sans concurrence parfois avec la com-

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plétive en quia / quod : Ad utraque haec tibi superius sub brevitate respondi, dicens quod sancti viri in quantum cum Domino unum sunt, sensum Domini non ignorant (82, 6–7), naturellement rendue par : Encontre cez dous choses ai a toi ci dessoure desoz brieteit respondut disanz ke li saint homme en combien il un sont avoc lo sanior, si sevent il lo sens del sanior (82, 7–10). Les propositions infinitives de type savant sont le plus souvent traduites par une proposition infinitive correspondante : Num quidnam Paulum mortem dicimus tenuisse [...] (64, 6–7) → Disons nos dunkes Paulum avoir cremut la mort (64, 6–7), exemple intéressant préservant le nom propre sous sa forme accusative en latin, etc. Soit enfin l’exemple d’une très longue phrase infinitive interrogative : Quis enim fidelium habere dubium possit, in ipsa immolationis hora ad sacerdotis vocem caelis aperiri, in illo Jesu Christi mysterio angelorum choros adesse, summis ima sociari, terrena caelestibus jungi, unumque ex visibilibus atque invisibilibus fieri ? (279, 18–280, 4) → Quar li queiz des feoz puet avoir en dotance en meisme l’oure del sacrefice a la voiz del preste estre overz les ciez, en cel mysteire de Jhesu Crist les rengies des angeles estre presenz, les basses choses estre accompangies as sovraines, les terrienes choses as celestes estre jointes, une chose voirement estre faite des choses veables et non veables ? (279, 23 – 280, 5) Des propositions infinitives savantes ou non sont cependant occasionnellement transposées en complétives conjonctionnelles : Illi autem se nescire professi sunt (106, 18) → Et icil dissent ke il ne savoient (106, 22).

5 Conclusion sur la traduction wallonne des DialGregF Si le texte latin original, dans son stilus humilis de pastorale, reflète les avancées de la latinité médiévale, la traduction française est aussi une traduction de confluent, la Sprachmischung de la scripta se retrouvant à tous les étages : la version française est au confluent de la latinité ouverte et de la francisation créatrice, au carrefour de tensions où joue la concurrence entre le décalque savant et l’adaptation faisant appel aux ressources du vulgaire, la notion de sklavische Übersetzung devant être largement nuancée. Elle est d’abord largement latinisante, imprégnée par l’original latin dans tous les domaines et à tous les niveaux, et à bien des égards elle a des traits qui pourraient facilement la ranger parmi les traductions de la « renaissance latinisante » du moyen français : – importance du vocabulaire de facture savante : elle est le lieu d’un enrichissement considérable du lexique français, touchant le domaine religieux et intellectuel, marqué par de très nombreuses créations enregis-

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trées, pour la plupart, par Tobler-Lommatsch et mentionnées dans le FEW à la date de 1170 (1190 pour les Moralia in Job), sous des formes savantes en particulier ; emploi du relatif composé lequel amorçant une (pseudo-)relative explicative, maintien de l’hypotaxe latine préservant l’ablatif absolu et les participiales, proposition infinitive de type savant, autant de traits qui se développent en moyen français.

Cependant, dans une symbiose et un éclectisme remarquables, elle est aussi le lieu d’une francisation et d’une transposition originale, exploitant ce que l’on pourrait appeler les émergences ou ouvertures analytiques de la langue source, avec ses zones d’innovation et de résistance : – dans le domaine du vocabulaire, par des équivalents témoignant de la vitalité de la dérivation française, du riche système de particules adverbiales séparées concurrençant la préfixation latine, par la transposition par un nient polyvalent des composés nominaux en in- du latin ; la traduction est le lieu d’un très riche vocabulaire sous la pression du latin, facteur d’invention et d’innovation, dans le domaine de la morphologie dérivationnelle en particulier, par transfert ou par équivalence ; – dans le domaine de la morpho-syntaxe, par la concurrence du système prépositionnel du complément de nom au regard du régime dit absolu, par la binarité bien installée du système des démonstratifs du français ; – dans le domaine de la syntaxe phrastique, par le maintien des propositions infinitives de type savant et de l’hypotaxe latine étagée en ablatifs absolus et participes, le système des connecteurs répondant au latin, mais aussi par la fréquence des patrons de phrase en temporelle / principale, qui tend à s’étendre, et plus généralement par la résolution linéaire de l’ordre des mots circulaire du latin. La traduction peut alors être considérée comme un premier modèle, hautement élaboré, des grandes tendances de la prose française, déjà bien en place au 12 e siècle. Une question reste entière : comment des traducteurs, latinistes diglossiques, parviennent-ils à une telle maîtrise de leur technique et de leur pratique ?

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Dominique Longrée (LASLA, Université de Liège et Université Saint-Louis Bruxelles) Caroline Philippart de Foy (LASLA, Université de Liège)

La Vita Benedicti de Grégoire le Grand confrontée aux œuvres narratives de l’Antiquité classique : une étude quantitative de la distribution des parties du discours Dans ce volume, plusieurs articles sont consacrés à la Vie de Saint Benoît et à la comparaison de la Vie française avec la Vie latine. Pour notre part, nous nous proposons de comparer la langue de la Vie latine composée par Grégoire le Grand, à la fin du 6 e siècle, à celles des œuvres narratives latines de l’Antiquité classique, et ce, d’une manière qui n’a encore jamais été envisagée, à savoir par le biais de l’analyse quantitative. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les banques de données textuelles et les outils développés par le Laboratoire d’Analyse Statistique des Langues Anciennes (LASLA) de l’Université de Liège.

1 Une banque de textes latins lemmatisés et analysés morphosyntaxiquement Depuis sa création en 1961, le LASLA a constitué une vaste banque de données de textes latins classiques entièrement lemmatisés et analysés morphosyntaxiquement. La technique de lemmatisation et d’analyse du LASLA a été décrite à plusieurs reprises (Évrard 1962 ; Évrard/Bodson 1966 ; Denooz 1978). Nous nous limiterons donc à indiquer ici succinctement la nature des informations contenues dans les fichiers. La structure traditionnelle de ceux-ci est la suivante : 1. le lemme, tel qu’il figure dans le dictionnaire choisi comme ouvrage de référence, à savoir le Lexicon totius latinitatis de Forcellini (éd. de Corradini, Padoue, 1864) ; 2. un indice permettant de distinguer différents lemmes homographes ou de marquer les noms propres et les adjectifs qui en dérivent ; https://doi.org/10.1515/9783110551716-005

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3. la forme telle qu’elle apparaît dans le texte ; 4. la référence conforme aux règles de l’ars citandi ; 5. l’analyse morphologique complète sous un format alphanumérique, c’està-dire pour un substantif, la déclinaison, le cas et le nombre, et pour un verbe, la conjugaison, la voix, le mode, le temps, la personne et le nombre, etc. ; 6. pour les verbes, des indications syntaxiques ; les propositions principales sont distinguées des subordonnées, lesquelles sont codées par type de subordonnants ; en regard de chaque verbe subordonné, un code indique son type de subordination ou le type de subordonnant qui l’introduit (par exemple AG pour la proposition infinitive, BN pour la proposition introduite par la conjonction cum ou LN pour la relative introduite par qui). Voici un exemple tiré du 1er livre de la Guerre des Gaules : 1. Lemme SVM OMNINO ITER DVO QVI ITER DOMVS EXEO POSSVM

2. 3. Forme 1 erant omnino itinera duo 1 quibus itineribus domo 1 exire 1 possent

4. Référence CE0060001001001 CE0060001002002 CE0060001003003 CE0060001004004 CE0060001005005 CE0060001006006 CE0060001007007 CE0060001008008 CE0060001009009

5. Morpho. 6. Synt. 56L12 & 60000 13J00 31J00 5 46O32 1 13O00 12F00 56071 56L32 – LN

Dans cet extrait, l’analyse 13J pour itinera signifie que ce mot est un substantif (1) de la 3 e déclinaison (3) au nominatif pluriel (J). La forme verbale erant est analysée 56L12, ce qui signifie verbe (5) de la conjugaison anomale à la voix active (6), 3 e personne du pluriel (L), indicatif (1) imparfait (2). Le signe & signifie que erant est un verbe de proposition principale ; le signe – signifie que la forme possent (56L32 : verbe, conjugaison anomale à la voix active, 3 e personne du pluriel, subjonctif imparfait) est un verbe subordonné ; le code LN indique qu’il est subordonné par un pronom relatif qui. La base classique du LASLA comprend actuellement plus de 2 millions de mots. Parmi les œuvres déjà lemmatisées et annotées, on trouve l’ensemble du corpus historique latin, à l’exception de Tite-Live, dont seule la première décade a pour l’instant pu être traitée. Depuis 2001, suite au projet Mediolatinitas (C. Philippart de Foy 2001 et 2003), le LASLA a élargi sa banque de données textuelles latines aux textes hagiographiques médiolatins. C’est dans le cadre

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de ce projet, mené à l’Université de Namur avec la collaboration du LASLA, que la Vita Benedicti ainsi que 33 autres Vies et Passions ont été lemmatisées selon les principes décrits ci-dessus. L’objectif du projet était de définir une méthode d’expertise générale pour l’hagiographie, en étudiant un corpus de textes au moyen de l’analyse quantitative, afin de les caractériser sur le plan lexical et syntaxique, voire les dater et les localiser sur base de critères linguistiques, en identifiant si possible des styles, des pratiques ou des particularités d’écriture. Le corpus échantillon était composé de Vies de saints et de Passions de martyrs latines rédigées en Gaule et en Italie entre la fin du 4 e siècle et la seconde moitié du 13 e siècle, anonymes pour la plupart. La Vita Benedicti de Grégoire le Grand et la Vita Martini de Sulpice Sévère ont été intégrées au corpus parce que ce sont deux œuvres majeures qui ont servi de modèles et de sources d’inspiration à toute la littérature hagiographique.1

2 Une perspective contrastive Jusqu’à présent la Vie lemmatisée de Benoît n’a été utilisée que dans le cadre de recherches hagiologiques et principalement comme texte de référence ou de comparaison auquel confronter d’autres textes en vue de leur caractérisation linguistique. Elle n’a jamais été comparée aux œuvres de la base classique du LASLA. Pourtant, bien que postérieure de plusieurs siècles et rédigée dans un latin qui a évolué depuis l’Antiquité, cette Vie a des qualités linguistiques et littéraires qui dépassent largement celles de la plupart des autres textes du corpus hagiographique lemmatisé. La Vita Benedicti est la principale source qui nous soit parvenue sur saint Benoît de Nursie, figure majeure du monachisme occidental. Elle occupe tout le livre II des Dialogues de Grégoire le Grand, dont le titre complet est Dialogi de vita et miraculis patrum italicorum. Cette œuvre, qui compte en tout quatre livres et met en scène une conversation entre Grégoire et un jeune disciple prénommé Pierre, est constituée d’historiettes et de récits de miracles édifiants. Le contenu et le style des Dialogues dénotent du reste de l’œuvre du pontife, qui témoigne généralement d’une haute méditation morale et spirituelle. Ce caractère extraordinaire a d’ailleurs amené certains chercheurs, tel Clark dans les années 1980 (Clark 1987), à douter de la paternité grégorienne – une hypothèse en contradiction avec ce qu’écrit A. de Vogüé dans son édition (1978) et

1 À propos de l’œuvre de Grégoire, voir e. a. Boesch Gajano (2004) et Degl’Innocenti et al. (2007).

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vivement rejetée par P. Meyvaert (1988 et 2004). La question du public visé par Grégoire, en même temps que celle de la nature populaire ou littéraire de son œuvre, a également fait l’objet de polémiques (Banniard 1992, 105–179). Dans son introduction, A. de Vogüé souligne le caractère littéraire et la dimension savante de l’œuvre. Dans cet article, nous ne nous engageons pas à reprendre ce débat, qui échoit à de plus grands spécialistes de l’œuvre de Grégoire le Grand et qui doit bénéficier des travaux récents de la sociolinguistique. Nous ne proposons pas plus une étude approfondie de la langue de la Vita Benedicti, mais plutôt une contribution originale à son étude, qui, nous l’espérons, pourra servir aux chercheurs concernés par le sujet. Il s’agira de comparer cette Vie à une sélection de textes narratifs classiques et de mesurer, au moyen de différents tests statistiques, la distance entre l’œuvre de Grégoire et celles des auteurs classiques, de voir comment elle se situe par rapport à celles-ci, quels sont les textes avec lesquels elle montre le plus d’affinités ou au contraire le plus d’oppositions. Nous limiterons notre recherche à l’aspect morphosyntaxique pour deux raisons : d’abord, parce que la Vie de Benoît présente évidemment une part importante de vocabulaire spécifique, relative au christianisme et à la littérature hagiographique (cela ne signifie pas que pareille analyse est inutile, mais qu’elle nous mènerait trop loin) ; ensuite, parce que, pour caractériser une œuvre, la morphosyntaxe, plus difficile à cerner, est en général moins souvent envisagée que le vocabulaire, alors qu’elle est tout autant porteuse de sens et que, grâce à l’étiquetage morphosyntaxique du LASLA, elle se soumet parfaitement à l’analyse quantitative. Nous consacrerons donc cet article à l’examen des codes grammaticaux et des parties du discours. L’analyse de leur distribution à travers le corpus permettra de caractériser l’œuvre grégorienne par rapport aux œuvres classiques, de voir si elle s’en distingue ou s’en rapproche et sur quels points.

3 Un corpus de comparaison et un outil d’analyse statistique Même si la Vita Benedicti est présentée comme un dialogue entre deux interlocuteurs, il s’agit bien d’une œuvre narrative. La narration est entièrement faite par Grégoire. Les interventions de Pierre sont limitées et consistent à poser des questions, à admirer les récits, à présenter des objections ou à demander des explications (de Vogüé 1978, 79). C’est pour cette raison que nous avons choisi de la comparer au corpus narratif classique qui, au moment de l’étude, était

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déjà outillé pour une exploitation statistique. Ce corpus contient : les fragments des Origines de Caton, l’ensemble du corpus Césarien et des œuvres de Salluste, Quinte-Curce et Tacite, ainsi que l’Apocolocyntose de Sénèque. Nous y avons ajouté la Vita Martini écrite par Sulpice Sévère en 396, soit deux siècles auparavant, car elle a servi de source littéraire et spirituelle à Grégoire.2 Parallèlement à la constitution de bases de données textuelles, le LASLA a collaboré avec l’UMR 7320 « Base, Corpus, Langage » CNRS – Université de Nice Sophia Antipolis, pour développer de nouvelles techniques d’exploitation statistique desdites bases. Avec le concours de S. Mellet et de membres du LASLA, É. Brunet a ainsi développé pour les fichiers du LASLA une version spécifique de son logiciel Hyperbase, permettant leur exploitation, à la fois sur le plan documentaire et au niveau statistique. La distance entre les textes, leur proximité ou leur éloignement, en d’autres termes leur ressemblance ou leur dissemblance, a pu ainsi être ici mesurée au moyen de différents outils proposés par ce logiciel Hyperbase-Latin (sur les calculs de distances intertextuelles, voir J.-P. Barthélémy et al. 2003 et Brunet 2003).

4 La distribution de l’ensemble des codes grammaticaux Une première analyse propose de mesurer de manière générale la distance grammaticale entre les textes en prenant en compte la distribution et la répartition de tous les codes grammaticaux à travers le corpus. Cette analyse, basée sur le calcul binomial de C. Muller ajusté par l’algorithme de D. Labbé (Labbé/ Monière 2000), présente l’avantage de tenir compte de la distribution des fréquences et pas seulement de la présence ou de l’absence d’un code grammatical : par conséquent, elle donne une meilleure appréciation de la distance intertextuelle, puisqu’elle examine la surface totale des textes. Le tableau de distribution obtenu a été traité par le procédé de l’Analyse factorielle des correspondances (AFC) et les résultats de cette AFC sont représentés par le graphique qui suit (Figure 1a).3

2 Dialogues, III, 16. 3 Pour les principes de lecture de ce graphique, on se réfèrera notamment à Évrard/Mellet (1998, 140–144) et à Brunet/Mellet (manuel, 31–35).

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Fig. 1a: Distribution des codes grammaticaux selon leur fréquence dans 44 textes.4 (Analyse Factorielle des Correspondances – Axes 1 et 2).

Dans cette analyse, les deux premiers facteurs cumulés rendent compte de 89 % de l’information contenue dans le tableau de distribution et donnent une répartition très claire des textes. Le premier facteur, représenté par l’axe horizontal, exploite la plus grande part des données (66 %). Il oppose l’œuvre de César, à droite, à celle de Tacite, à gauche. Chaque séquence alphanumérique

4 Les abréviations utilisée ici sont les suivantes : Origines_Cat pour les fragments des Origines de Caton; 1_Gaules à 8_Gaules pour les 8 livres de la Guerre des Gaules; 1_Civile à 3_Civile pour les 3 livres de la Guerre Civile; Afrique, Espagne et Alexandrie respectivement pour les livres de la Guerre d’Afrique, de la Guerre d’Espagne et de la Guerre d’Alexandrie; Catilina pour la Conjuration de Catilina, Jugurtha pour la Guerre de Jugurtha et Fragm_Sal pour les fragments des Histoires de Salluste; 1_QuintC à 8_QuintC pour les livres 3 à 10 de l’Histoire d’Alexandre le Grand de Quinte-Curce (seul ces livres ont été conservés); en ce qui concerne les œuvres de Tacite, Agricola pour la Vie d’Agricola, 1_Historiae à 4_Historiae pour les 5 livres conservés des Histoires (le fragment du livre 5 étant regroupé avec le livres 4), 1_Annales à 5_Annales pour les 6 premiers livres conservés des Annales (le fragment du livre 5 étant regroupé avec le livre 6) et 6_Annales à 10_Annales pour les livres 11 à 16 (le livre 11, fragmentaire, est regroupé avec le livre 12); Apocolocynto pour l’Apocolocyntose de Sénèque.

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du LASLA est ici considérée individuellement, dans toute sa granularité5 : pour des raisons de lisibilité, il est donc impossible de fournir une représentation graphique à la fois des codes et des textes, ni d’analyser la distribution de chaque code individuellement, mais l’opposition entre César et Tacite peut s’expliquer assez globalement par l’évolution du style historique à l’époque classique, chacun des deux auteurs représentant une des extrémités de cette évolution (dans la suite de cet article, d’autres analyses nous permettront de préciser la nature de cette évolution). Le deuxième facteur, qui exploite encore 23 % des données et qui est représenté par l’axe vertical, souligne surtout la particularité de l’œuvre de Quinte-Curce, qu’il situe tout en bas de son axe, à l’opposé des textes de César et de Tacite, qui se trouvent au-dessus de l’axe horizontal. L’Apolocyntose de Sénèque tend vers les textes de Quinte-Curce, tandis que la Guerre de Jugurtha et la Conjuration de Catilina de Salluste occupent une position centrale. Quant à la Vie de Benoît, on constate que celleci présente une grande proximité avec la Vie de Martin, mais aussi une proximité non moindre avec l’Apocolocyntose et importante avec l’œuvre de QuinteCurce. On constate ainsi que ces deux Vies, bien que d’une époque et d’un genre différents, ne se différencient pas d’une manière radicale des œuvres narratives classiques sur cette figure. La différence ne se marque clairement que lorsque l’on construit une représentation à partir des 2 e et 3 e axes (Figure 1b). Les deux Vies ne restent proches que de l’Apocolocyntose (les trois textes ont en commun de n’avoir que très peu de poids sur l’axe 1, mais un poids important sur l’axe 2 et surtout sur l’axe 3).

5 Cela signifie que les substantifs de la première déclinaison employés au nominatif singulier sont distingués des substantifs de la première déclinaison employés au nominatif pluriel, les indicatifs présents actifs des verbes de la troisième conjugaison employés à la première personne du singulier sont distingués des indicatifs présents actifs des verbes de la troisième conjugaison employés à la deuxième personne du singulier ou à la première du pluriel, et ainsi de suite.

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Fig. 1b: Distribution des codes grammaticaux selon leur fréquence dans 44 textes. (Analyse Factorielle des Correspondances – Axes 2 et 3).

5 La distribution des parties du discours Du fait que, dans cette analyse, la distance grammaticale a été mesurée d’après la distribution de tous les codes grammaticaux et de l’analyse complète de chaque forme, il est difficile de savoir, – on l’a dit –, quel paramètre contribue à rapprocher ou à éloigner la Vie de Benoît des autres textes. Pour ce faire, on peut décomposer les analyses morphologiques du LASLA pour n’en retenir à chaque fois qu’un paramètre précis (partie du discours, temps, modes, voix, personnes, cas, etc.). Dans le cadre du présent ouvrage, nous limiterons l’étude aux seules parties du discours. L’AFC de la distance mesurée entre les textes en fonction de la distribution desdites parties du discours6 fournit la figure 2. La réduction du nombre des codes permet de représenter cette fois sur le même graphique les proximités et distances de distribution entre les textes et entre les parties du discours. Les

6 Pour ce calcul, les vocables sont regroupés d’après leur catégorie : tous les substantifs sont regroupés et considérés comme équivalents, sans distinction de forme ni de sens, et il en va de même pour les autres catégories.

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Fig. 2: Distribution des parties du discours (21 catégories) dans 44 textes. Analyse factorielle des Correspondances (Axes 1 et 2).

principes de lecture du graphique ne permettent normalement pas d’interpréter directement une proximité ou une opposition entre un point représentant une ligne du tableau (ici une partie du discours donnée) et un point représentant une colonne (ici un texte) : il faut toujours considérer une ligne par rapport à l’ensemble des colonnes ou vice-versa. Toutefois, dans la pratique, cela reviendra bien à identifier des proximités entre lignes et colonnes. Sur ce graphique, on relève, sur le premier axe, l’opposition déjà soulignée précédemment entre César, à gauche, et Tacite, à droite : le premier favorise un style plus verbal, avec une utilisation plus abondante des pronoms, des prépositions et des numéraux ; le second privilégie les substantifs, adjectifs et conjonctions de coordination. Les œuvres de Salluste, de Quinte-Curce et l’Apocolocyntose occupent sur ce point une position intermédiaire, mais se différencient en revanche sur l’axe 2, notamment par l’emploi de parties du discours caractéristiques de discours en style direct : interjections, pronoms interrogatifs, pronoms personnels. Les Vies de Benoît et de Martin apparaissent dans le même quadrant, dans la partie gauche du graphique, c’est-à-dire du côté de César, mais sous l’axe horizontal, dans une relative proximité par rapport à Salluste, Quinte-Curce et l’Apocolocyntose. La position des deux Vies et leur proximité sur le graphique s’expliquent en effet par des emplois plus ou

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Fig. 3: Distribution des parties du discours selon leur fréquence : Analyse arborée.

moins communs qui soit les rapprochent de César (surplus en pronoms, verbes et prépositions), mais aussi de Salluste, Quinte-Curce et l’Apolocyntose (notamment dans l’emploi des pronoms interrogatifs et personnels), soit les distinguent de Tacite (déficits en substantifs, adjectifs, conjonctions de coordination et numéraux). La Vie de Benoît s’écarte toutefois sensiblement de la Vie de Martin ainsi que de tous les autres textes, présentant donc plus d’originalité dans l’emploi des parties du discours.7 La proximité entre les deux Vies peut être confirmée par une méthode d’analyse qui permet de prendre en compte simultanément tous les facteurs

7 Les deux Vies ont un poids assez important sur les deux premiers axes. Sur l’axe 3, ces deux textes n’ont quasiment plus aucun poids.

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Fig. 4 : Distribution des substantifs.

conditionnant la distribution à travers les lignes et les colonnes, à savoir la méthode de l’analyse arborée de X. Luong (Luong 1994 et Barthélémy/Luong 1998). Cette méthode permet de représenter sous forme d’un arbre, avec des branches, des rameaux et des nœuds, soit les distances entre les lignes (ici les parties du discours), soit les distances entre les colonnes (ici les textes). C’est évidemment cette deuxième représentation qui retiendra notre attention. Dans la figure 3, deux critères permettent essentiellement d’évaluer la distance entre les textes : d’une part, la distance est proportionnelle à la longueur cumulée des branches, c’est-à-dire des segments qui unissent un texte à l’autre (la distance à vol d’oiseau n’a aucune importance) ; d’autre part, la structure de l’arbre et la numérotation des nœuds fait apparaître l’ordre et la force des regroupements des différents éléments. Les premiers regroupements révèlent les textes présentant les plus grandes proximités. Or, le nœud qui unit la Vie de Benoît à celle de Martin est le deuxième nœud à s’être formé, juste après celui qui unit les livres 1 et 3 de la Guerre civile. La connexion qui unit ces deux textes est donc une des plus fortes dans le corpus, même si la longueur des branches indique que ceux-ci présentent néanmoins des différences notables. Il n’en reste pas moins qu’il existe des différences entre les deux textes. Celles-ci peuvent être mises en évidence par des représentations sous forme d’histogrammes. Les histogrammes permettent d’illustrer, au moyen de bâtonnets, la distribution de chacune des catégories grammaticales à travers l’en-

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Fig. 5: Distribution comparée des substantifs et verbes.

semble du corpus. Partant de l’hypothèse d’une répartition homogène calculée en fonction de la longueur des textes, on évalue la significativité des écarts entre les effectifs réels et les effectifs théoriques par le calcul de l’écart réduit (pour une explication du calcul de l’écart réduit, voir Évrard/Mellet 1998, 128– 130). Sur les graphiques, les textes sont répartis de part et d’autre d’une ligne médiane, qui représente la valeur zéro de l’écart réduit. Les surplus sont représentés par les bâtonnets qui se trouvent au-dessus de la ligne et les déficits par les bâtonnets qui sont en dessous. Les lignes pointillées symbolisent le seuil au-delà duquel l’écart est significatif (en surplus ou en déficit) et en deçà duquel il ne l’est pas. Un surplus/déficit significatif d’une catégorie dans un texte donné signifie que ce texte l’utilise plus/moins, proportionnellement à sa taille, que ce que laisserait attendre une distribution homogène au sein du corpus. Sur les histogrammes, la Vie de Benoît est représentée par le dernier bâton, juste après celui de la Vie de Martin. La courbe de distribution des substantifs (figure 4) met en évidence l’originalité des œuvres de Tacite dans le corpus narratif. Tous ses livres sont caractérisés par un surplus significatif, qui les distingue nettement des autres textes marqués par un déficit. Le déficit de la Vie de Benoît est proportionnellement le plus important dans le corpus, juste après celui de la Vie de Martin. L’emploi des substantifs peut être mis en rapport avec celui des verbes (figure 5). La comparaison de leur courbe de distribution montre d’ailleurs un

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Fig. 6 : Distribution comparée des substantifs et démonstratifs.

taux de corrélation inverse très significatif (à −0,742). Sur cet histogramme, pour chaque texte, le premier bâtonnet représente les substantifs et le second, les verbes. Il y a donc pour chaque texte deux bâtonnets. L’emploi des verbes apparaît souvent opposé à celui des substantifs, mais avec des valeurs plus faibles. La Vie de Benoît ne présente qu’un léger surplus, qui ne peut contrebalancer à lui seul l’immense déficit en substantifs. La comparaison avec la distribution des adjectifs-pronoms démonstratifs (figure 6, où ils sont représentés, pour chaque texte, par les seconds bâtonnets) montre un taux de corrélation inverse également très significatif (−0,826). La Vie de Benoît présente d’ailleurs le suremploi en démonstratifs le plus significatif du corpus. La distribution de ces trois premières catégories grammaticales contribue essentiellement à opposer l’œuvre de Grégoire à celle de Tacite, tout en la rapprochant de celles de César, Salluste, Quinte-Curce et de l’Apocolocyntose. La distribution des adjectifs-pronoms personnels (figure 7) et celle des adjectifs-pronoms interrogatifs (figure 8) confirment la proximité avec l’Apocolocyntose, Salluste et Quinte-Curce, mais elles marquent, pour leur part, une opposition plus ou moins forte avec César. En ce qui concerne la catégorie des adjectifs-pronoms, la Vie de Benoît est encore caractérisée par un surplus très important en relatifs (figure 9), qui participe aussi à la distinguer de l’œuvre de Tacite et, dans une moindre mesure, de celle de Salluste.

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Fig. 7 : Distribution des adjectifs-pronoms personnels.

Fig. 8 : Distribution des adjectifs-pronoms interrogatifs.

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Fig. 9 : Distribution des adjectifs-pronoms relatifs.

Fig. 10: Distribution des adjectifs.

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Fig. 11 : Distribution des adverbes.

Le déficit significativement élevé en adjectifs dans la Vie de Benoît (figure 10) la rapproche un peu plus des textes césariens que de ceux de Quinte-Curce, mais continue à l’opposer à ceux de Tacite et de Salluste. Sur ce point, la Vie de Benoît se distingue aussi de la Vie de Martin, caractérisée par un léger surplus en adjectifs. La distribution des adverbes (figure 11) est un peu plus nuancée. On observe un surplus dans la Vie de Benoît, un surplus plus grand encore dans la Vie de Martin, ainsi que dans tous les textes de Quinte-Curce et de Salluste. La catégorie adverbiale se trouve par contre, à quelques exceptions près, déficitaire chez César et chez Tacite. La courbe de distribution des prépositions à travers le corpus (figure 12) montre une ressemblance entre la Vie de Benoît et les textes de César, alors que cette catégorie se trouve proportionnellement en déficit dans tous les autres textes du corpus. La distribution des conjonctions de coordination (figure 13) contribue aussi à distinguer la Vie de Benoît, en même temps que celle de Martin, des textes de Tacite. Elle montre aussi leur proximité avec les textes de Quinte-Curce et la plupart de ceux de César sur ce point. En revanche, la courbe de distribution des conjonctions de subordination (figure 14) met en évidence leur emploi significativement élevé dans la Vie de Benoît et dans celle de Martin. Cela les rapproche de la plupart des textes de César mais pas de ceux de Quinte-Curce, presque tous caractérisés par un déficit. Les textes de Tacite sont, quant à eux, partagés : déficit dans la Vie d’Agricola et dans les Histoires, surplus dans presque toutes les Annales.

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Fig. 12: Distribution des prépositions.

Fig. 13: Distribution des conjonctions de coordination.

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Fig. 14: Distribution des conjonctions de subordination.

Fig. 15 : Distribution des parties du discours dans la Vie de Benoît.

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La représentation en histogrammes permet aussi de dresser le profil des colonnes, à savoir des textes. On peut ainsi dresser le profil de la Vie de Benoît en fonction de la distribution des catégories grammaticales à travers le corpus (figure 15). La comparaison de cet histogramme avec celui qui donne le profil de la Vie de Martin (figure 16) souligne l’importance de leurs ressemblances et met en évidence leurs différences ponctuelles, notamment dans l’emploi de l’adjectif et de l’adverbe. L’extrait qui suit, tiré du début de la Vie de Benoît, illustre assez bien les caractéristiques qui viennent d’être énoncées au sujet de la distribution des parties du discours. Benoît, encore très jeune, vient d’abandonner l’étude des lettres pour gagner le désert, suivi seulement de sa nourrice. À Effide, celle-ci emprunte un tamis pour nettoyer du blé, mais elle le laisse malencontreusement tomber et il se fend en deux parties :8 Benedictus autem religiosus et pius puer, cum nutricem suam flere conspiceret, eius dolori conpassus, ablatis secum utrisque fracti capisterii partibus, sese cum lacrimis in orationem dedit. Qui ab oratione surgens, ita iuxta se uas sanum repperit, ut in eo fracturae inueniri uestigia nulla potuissent. Mox autem nutricem suam blande consolatus, ei sanum capisterium reddidit, quod fractum tulerat. Quae res in loco eodem a cunctis est agnita, atque in tanta admiratione habita, ut hoc ipsum capisterium eius loci incolae in ecclesiae ingressu suspenderent, quatenus et praesentes et secuturi omnes agnoscerent, Benedictus puer conuersationis gratiam a quanta perfectione coepisset. Quod annis multis illic ante oculos omnium fuit, et usque ad haec Langobardorum tempora super fores ecclesiae pependit. ‘Alors Benoît, qui était un garçon pieux et bon, quand il vit sa nourrice tout en pleurs, ramassa les deux morceaux du tamis et se mit à prier avec des larmes. Lorsqu’il se releva de sa prière, il trouva près de lui l’instrument intact : impossible de distinguer une trace de cassure. Alors il consola gentiment sa nourrice, en lui rendant à l’état neuf le tamis qu’il avait pris en morceaux. Tout le monde le sut. Ce fut un tel cri d’admiration que les habitants suspendirent ce tamis au porche de l’église. Ainsi ils pourraient voir, eux et tous leurs descendants, la grâce de Dieu dans la vie religieuse de Benoît, cet enfant : quelle perfection dès le debut ! Pendant longtemps, tout le monde put voir là ce tamis, et il resta appendu au-dessus de la porte de l’église jusqu’à ces temps de l’invasion lombarde.’

Ce passage relativement court est constitué d’une suite d’énoncés. Les verbes se succèdent, conjugués au mode personnel et impersonnel, placés plus souvent dans des liens de dépendance (soit introduits par un subordonnant conjonctionnel ou pronominal, soit en proposition participiale) que de coordination. La liaison entre les phrases est réalisée trois fois sur quatre au moyen d’un relatif dit de liaison plutôt que par une particule ou une conjonction de

8 Dialogues, II, 1, 2 (texte établi par A. de Vogüé et traduit par P. Antin).

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Fig. 16 : Distribution des parties du discours dans la Vie de Martin.

coordination. Les adjectifs-pronoms se rencontrent en grand nombre : possessifs (suus), personnels (se), démonstratifs (is, idem, tantus, hic, ipse), indéfinis (uterque, nullus, omnis), relatifs (qui en emploi subordonnant ou anaphorique) et interrogatifs (quantus). La catégorie prépositionnelle est également bien présente dans cet extrait. Par contre, conformément à ce qui a été observé pour ce texte sur les histogrammes, les adjectifs apparaissent peu nombreux : deux au début pour qualifier Benoît (religiosus et pius), deux occurrences de sanum pour insister sur le miracle, cunctis en emploi substantivé et, à la fin de l’extrait, multis avec annis pour souligner la reconnaissance du miracle dans le temps.

6 Un bilan et quelques perspectives Une analyse quantitative de la distribution des parties du discours permet de mieux cerner les particularités de la Vie de Benoît, tant par rapport aux textes classiques que par rapport à la Vie de Martin. Comparée aux autres textes narratifs, la Vie de Benoît est, – on l’a vu –, caractérisée par un déficit important en substantifs, contrebalancé en partie par un surplus en verbes. Le surplus en adjectifs-pronoms démonstratifs contri-

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bue certainement aussi à contrebalancer ce déficit, mais un retour au texte est nécessaire pour distinguer les emplois purement pronominaux des emplois adjectivaux (les deux étant regroupés sous un même code au LASLA). À ce propos, une étude statistique de l’emploi des démonstratifs et déictiques dans le corpus hagiographique a révélé un emploi très significatif du pronom idem dans la Vie de Benoît (Fialon et al. à par. ; Joffre et al. à par.). Tout comme la Vie de Martin, la Vie de Benoît présente aussi un surplus important en conjonctions de subordination, en même temps qu’un déficit en conjonctions de coordination. Ce surplus a déjà été constaté quand l’œuvre de Grégoire a été comparée aux autres textes hagiographiques du corpus lemmatisé du LASLA (Philippart de Foy 2003, 68–70). Il est confirmé ici alors que le texte est comparé aux textes narratifs de l’Antiquité. L’emploi abondant du relatif est un autre trait caractéristique du texte. Il s’explique en partie par le recours fréquent du relatif en position initiale, dans sa fonction de liaison. D’une manière globale et d’un point de vue quantitatif, les deux Vies s’écartent moins nettement des autres textes narratifs qu’on n’aurait pu l’imaginer a priori. Les différences notables que l’on relève à la simple lecture des textes reposent donc largement sur d’autres paramètres qui restent à explorer, comme par exemple l’emploi des cas ou des temps verbaux. De telles études pourront s’appuyer sur ces mêmes moyens mis en œuvre ici pour l’étude de la distribution des catégories grammaticales, mais, comme on vient de le voir, le retour au texte s’imposera lui aussi. Au-delà des différences de distribution, les spécificités de la langue de textes tels que les Vies de Benoît et de Martin reposent en effet autant, sinon plus, sur la nature et les particularités mêmes des emplois des éléments grammaticaux que sur les seules variations dans la distribution de ces derniers.

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II. Nom et syntagme nominal : flexion casuelle, déterminants et pronoms

Harm Pinkster (Université d’Amsterdam)

La contribution des marques casuelles à l’interprétation des propositions dans trois extraits de textes latins tardifs et médiévaux Un des changements les plus remarquables lors du passage du latin aux langues romanes est la perte du marquage casuel dans pratiquement toutes les catégories nominales (à des rythmes et degrés différents dans les différentes langues romanes). Le contraste est frappant avec les marquages du genre grammatical et du nombre, qui restent plus au moins intacts dans les langues romanes. Ce changement affectant le marquage casuel se dérobe largement à nos yeux. Cette contribution cherche à découvrir, dans quelques textes tardifs et médiévaux, dans quelle mesure le fonctionnement du marquage casuel change entre le latin classique (Pinkster 2015) et le latin tardif. La conclusion, qui peut sembler surprenante, est que dans les grandes lignes les textes étudiés montrent que le marquage casuel fonctionne de la même manière qu’en latin classique.1

1 Quelques remarques sur les textes utilisés Les trois textes utilisés pour cette étude appartiennent à des genres textuels différents. Le premier texte, extrait du prologue du premier livre des Dialogi de Grégoire le Grand (écrit en 593) est un document ego. Le deuxième texte, qui correspond au début du deuxième livre sur Saint Benoît, est de type narratif. Le troisième extrait vient du premier livre de Synonyma de lamentatione animae peccatricis d’Isidore de Séville (ca. 610) ; ce texte est un soliloque de l’âme.2 Puisque le genre textuel détermine dans une certaine mesure la complexité des propositions et des phrases, on peut s’attendre aussi, dans les textes étudiés, à une diversité dans la distribution des cas. Les extraits de Grégoire se laissent comparer sans grande difficulté avec des textes du même genre dans la période classique. L’extrait d’Isidore, en revanche, est comme genre textuel sans équivalent dans la période classique. 1 Je remercie Olga Spevak pour ses suggestions quant au contenu et ses corrections de mon texte barbaro-française. Je remercie aussi les lecteurs pour leur remarques pertinentes. 2 On trouve les textes dans l’annexe 1. https://doi.org/10.1515/9783110551716-007

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Harm Pinkster

2 Les types de propositions dans les trois textes Dans un premier temps, je vais examiner la complexité des textes du corpus, à savoir la proportion entre les propositions principales et subordonnées et la typologie des subordonnées. En effet, on s’attendrait à une corrélation entre l’importance du marquage casuel et la complexité des propositions. Par la suite, dans la section 3, je vais étudier l’apport du marquage casuel dans les constructions relevées pour savoir dans quelle mesure l’information véhiculée par le cas est décisive pour interpréter le rôle d’un constituant dans sa proposition. Parmi les subordonnées, une distinction a été faite entre les subordonnées qui fonctionnent comme des arguments (constituants obligatoires par rapport au verbe), (a–c), et celles qui ont une autre fonction (d–g). a) les subordonnées déclaratives ou impératives fonctionnant comme sujet ou objet, qui se présentent sous deux formes différentes : (1) (subordonnée comportant un verbe conjugué) et (2) (Accusatif et Infinitif) ; b) les subordonnées interrogatives fonctionnant comme sujet ou objet, exemplifiées par (3) ; c) les subordonnées relatives autonomes fonctionnant comme sujet ou objet, comme dans (4) ; d) les subordonnées relatives adnominales fonctionnant comme épithète, illustrées par (5) ; e) les subordonnées comportant un verbe conjugué fonctionnant comme satellites (temporelles, causales, etc.), telles que (6) ; f) les ablatifs absolus fonctionnant comme satellites, comme (7) ; g) les prédications secondaires, qui ont un statut spécial et dont on trouve un exemple dans (8). (1) (animus meus [...] meminit [...]) quod nulla nisi caelestia cogitare consueverat. (Greg. M. Dial. I, prol. l. 19) ‘(mon esprit [...] se rappelle [...]) qu’il n’avait en tête habituellement que les choses célestes.’ (2) cogimur solvere etiam [quod nos] certum est [non debere] (sc. solvere) (Greg. M. Dial. I, prol. l. 2) ‘nous sommes obligés de payer un tribut que nous ne leur devons certainement pas’ (3) animus meus […] meminit qualis aliquando in monasterio fuit. (Greg. M. Dial. I, prol. l. 17) ‘mon esprit [...] se rappelle comment c’était jadis au monastère.’

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La contribution des marques casuelles

(4) Quisquis ergo ille es, libenter id perlege (III, Isid. Synonym. I.4) ‘Alors, qui que tu sois, lis ces mots volontiers’ (5) ei sanum capisterium reddidit quod fractum tulerat. (Greg. M. Dial. II.1, l. 18) ‘et lui rendit à l’état neuf le tamis qu’il avait pris en morceaux.’ (6) Ibi itaque cum afflictus valde et diu tacitus sederem, dilectissimus filius meus Petrus diaconus adfuit ‘Comme je restais là assis, très affligé, dans un long silence, voici que se présenta mon fils bien aimé le diacre Pierre’ (Greg. M. Dial. I, prol. l. 8) (7) ablatis secum utrisque fracti capisterii partibus sese cum lacrimis in orationem dedit. (Greg. M. Dial. II.1, l. 12) ‘après avoir ramassé les deux morceaux du tamis, il se mit à prier en larmes.’ (8) animus meus occupationis suae pulsatus vulnere meminit […] (Greg. M. Dial. I, prol. l. 16) ‘mon esprit, lanciné par mes occupations, se rappelle [...]’

Tab. 1: Fréquence des types de propositions dans les trois extraits. principales

I

II

20

15

subordonnées total

(a1) décl/ impér

(a2) AcI

(b) interr

(c) auton rel

(d) adnom rel

(e) satell

(f ) AA

(g) PS

58+2&

 6

4

5

 3

17

16

 1

 6

%

10

7

9

 5

30

28

 1

10

46+3&



4

1



11

14

 6

10

9

2

24

30

13

22

% III

95

Total 130

19+1&

 5

 3

 8

 2

 1

%

26

16

42

11

 5

123+6&

Légende : (1) décl/impér: subordonnées comportant un verbe conjugué avec illocution déclarative ou impérative ; AcI : accusatif et infinitif ; interr : subordonnées interrogatives ; auton rel : relatives autonomes ; adnom rel : relatives adnominales ; satell : subordonnées satellites comportant un verbe conjugué ; AA : ablatifs absolus ; PS : prédications secondaires ; (2) & : propositions coordonnées.

100

Harm Pinkster

Le tableau 1 montre la fréquence de ces types de propositions dans les trois extraits. Tandis que les propositions dans les extraits I et II présentent plus ou moins la même proportion de principales et de subordonnées, l’extrait III est entièrement différent, avec très peu de subordonnées. Les propositions se suivent, pratiquement sans marquage des relations sémantiques qu’elles peuvent entretenir entre elles. Pour I et II, on relève une différence importante dans les proportions entre les subordonnées à fonction d’argument (colonnes a–c) et les autres subordonnées, d’une part, et parmi les autres subordonnées, une fréquence élevée des ablatifs absolus et des prédications secondaires dans l’extrait II, d’autre part. Ce dernier extrait présente ainsi clairement les traits d’un texte narratif. La manière dont j’ai analysé les textes peut être vérifiée dans l’annexe 1.

3 L’information casuelle L’objectif de cette étude est de déterminer si et dans quelle mesure l’information casuelle est l’information unique et décisive pour une interprétation correcte du rôle des constituants nominaux. Pour le latin, il convient de distinguer les niveaux auxquels les constituants avec un marquage casuel fonctionnent, c’est-à-dire, s’il s’agit, au niveau de la phrase, d’un argument du verbe ou d’un satellite ou bien, au niveau d’un syntagme nominal, d’une épithète ou d’un constituant similaire. De plus, on laissera de côté les cas employés dans les syntagmes prépositionnels. Bien que ces syntagmes puissent être utilisés à tous les niveaux indiqués, ils sont exclus de la fonction de premier argument.

3.1 L’information casuelle des arguments Le rôle des arguments est univoque dans les propositions avec un verbe monovalent, comme den (9). Le fait que l’argument dilectissimus ... diaconus est formellement marqué par le nominatif est pratiquement redondant pour son interprétation correcte. Par contre, dans une proposition avec un verbe bivalent, comportant deux arguments de la même catégorie, telle (10), le marquage des cas semble être essentiel, sauf s’il y a une information d’un autre type qui contribue à une interprétation correcte des relations sémantiques entre le verbe et ses arguments. (9) dilectissimus filius meus Petrus diaconus adfuit (Greg. M. Dial. II, prol. l. 9) ‘voici que se présenta mon fils bien-aimé, le diacre Pierre’

La contribution des marques casuelles

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(10) nutrix quae hunc arctius amabat sola secuta est. (Greg. M. Dial. II.1, l. 2) ‘seule la nourrice, qui l’aimait tendrement, le suivit.’ Adoptant la même démarche que Lene Schøsler (dans ce volume), j’ai identifié des paramètres pertinents pour l’interprétation correcte du rôle des arguments dans leur propositions, en distinguant trois types : ceux qui sont associés aux verbes et formes verbales, ceux qui ont trait à la nature de l’argument ou sa forme et enfin les facteurs de nature discursive. Les facteurs qui ont été pris en considération sont les suivants : (i) Les paramètres liés aux formes verbales a) Le verbe est monovalent (y compris l’emploi absolu des bivalents), au passif, copule, ou forme un verbe support en combinaison avec un nom ou un syntagme nominal : dans ces cas il y a seulement un argument (explicite ou implicite). Un exemple est fourni dans (6), repris ci-dessous. b) Le verbe conjugué est à la première ou à la deuxième personne (que ce soit au singulier ou au pluriel). L’identité du premier argument est claire et, pour les verbes bivalents, le rôle de l’autre constituant lié au verbe est de ce fait clair lui aussi. Témoin l’exemple (11) ci-dessous. À noter que les facteurs (a) et (b) ne sont pas mutuellement exclusifs. En outre, pour la troisième personne, il y a une différence nette entre le singulier et le pluriel en fonction de l’accord avec le premier argument (voir le paramètre (e)). c) Pour les formes périphrastiques du perfectum, par ex. laudatus est ‘il a été loué’, la forme verbale montre par l’accord en genre l’identité du premier argument. d) Mutatis mutandis, l’accord en genre (c) s’applique aussi aux prédications secondaires. Il en est ainsi dans l’exemple (8), avec un participe. D’autres constituants qui présentent l’accord peuvent également contribuer à une interprétation correcte de la phrase, comme ipse et totus dans l’exemple (12). (6) Ibi itaque cum afflictus valde et diu tacitus sederem, dilectissimus filius meus Petrus diaconus adfuit (Greg. M. Dial. I, prol. l. 8) ‘Comme je restais là assis, très affligé, dans un long silence, voici que se présenta mon fils bien-aimé le diacre Pierre’ (11) vix iam portum videre valeo quem reliqui (Greg. M. Dial. I, prol. l. 37) ‘c’est à peine si je peux voir à présent le port que j’ai quitté’ (12) ne […] ipse quoque postmodum in inmane praecipitium totus iret. (Greg. M. Dial. II.1, l. 2) ‘pour ne pas [...] par la suite tomber lui-même tout entier dans un gouffre sans fond.’

102

Harm Pinkster

(ii) Les paramètres ayant trait aux arguments e) La confusion du rôle sémantique des arguments avec le marquage casuel est exclue si les deux arguments sont de nombre différent (voir le paramètre (b)). En témoigne l’exemple (13). f) La confusion du rôle des arguments avec le marquage casuel est également souvent exclue si un des arguments réfère à une entité animée, l’autre à une entité inanimée, comme l’illustre l’exemple (14). g) Un cas spécial de (f) se produit lorsqu’un des arguments est une subordonnée ou un discours direct. Voir l’exemple (1), repris ci-dessous. h) Le pronom réfléchi ne peut pas être le premier argument. Si le deuxième argument est un pronom personnel de la première ou deuxième personne, on obtient la situation inverse de (b), comme le montre l’exemple (15). (13) et cuncta quae infligere dolorem consueverant … (Greg. M. Dial. I, prol. l. 6) ‘et tout ce qui m’inflige habituellement de la douleur’ (14) Honorato etiam, qui nunc adhuc cellae eius in qua prius conversatus fuerat praeest. (Greg. M. Dial. II, prol., l. 21) ‘aussi Honorat, qui actuellement encore gouverne la cellule où il avait débuté.’ (1) (animus meus [...] meminit [...]) quod nulla nisi caelestia cogitare consueverat. (Greg. M. Dial. I, prol. l. 19) ‘(mon esprit [...] se rappelle [...]) qu’il n’avait en tête habituellement que les choses célestes.’ (15) ubi omne quod de mea mihi occupatione displicebat se patenter ostenderet … (Greg. M. Dial. I, prol. l. 4) ‘où tout le déplaisir de nos occupations se montrerait à moi sans déguisement’ (iii) Les paramètres discursifs i) Il y a, en latin, une règle discursive qui veut que s’il n’y a pas changement de topique, le constituant en question ne soit pas exprimé. Ainsi l’illustre l’exemple (16). Cette règle est également valable, mais d’une manière moins systématique, pour le deuxième argument. j) La structure parallèle de propositions consécutives est au premier abord un choix subjectif de l’auteur qui appartient au domaine stylistique, mais elle peut contribuer à une interprétation correcte de la proposition. Ainsi, dans l’exemple (17), accusatores et iudices, formelle-

La contribution des marques casuelles

103

ment ambigus, sont interprétés comme deuxièmes arguments sans difficulté. (16) (sc. animus meus) Cumque se pro condescensione multorum ad exteriora Ø sparserit, etiam cum interiora Ø appetit, ad haec procul dubio minor Ø redit. (Greg. M. Dial. I) ‘(mon esprit) Quand il s’est dispersé au dehors par condescendance pour la multitude, même quand il recherche les biens intérieurs, il revient à eux sans nul doute bien diminué.’ (17) Non tamen quiescunt (sc. mes ennemis) adversum me mala configere, non quiescunt falsa testimonia preparare, non desinunt accusatores obicere, judices non sinunt conscribere. (III Isid. Synon. 1.10) ‘Cependant, ils ne cessent de m’accabler de maux, ils ne cessent de préparer de faux témoignages, ils continuent à m’opposer des accusateurs, ils continuent à désigner des juges.’ Les paramètres (a–j) ne sont pas mutuellement exclusifs. En réalité, en moyenne, dans chaque proposition, le nombre de paramètres à l’œuvre pour l’identification du rôle des arguments s’élève à 1.5. L’application de ces paramètres aux trois extraits donne le résultat suivant (tableau 2). Pour le détail de l’analyse, le lecteur consultera l’annexe 2. La première observation qui s’impose est qu’il y a des différences entre les extraits quant à la proportion entre les paramètres applicables et le nombre des propositions : pour I, on trouve 145 cas sur 80 propositions3 (soit 1.8 cas par proposition) ; pour II, 102 sur 64 (soit 1.6 par proposition) ; pour III, la proportion est plus élevée : 245 sur 115 (soit 2.15 par proposition). Si on laisse de côté les paramètres discursifs, ces proportions sont de 1.4, de 1.5, et de 1.7 respectivement. On observe que les différents paramètres n’ont pas la même importance dans les trois extraits. Pour l’extrait II, les paramètres pas, mon, et cop, paramètres liés à la valence, et aussi l’accord (des prédications secondaires), la différence entre entités animées et inanimées et la continuité de topique sont plus importants que pour les autres extraits. Par contre, sont moins importants les paramètres de la personne verbale (pratiquement pas des premières et deuxièmes personnes) et ceux de la distinction en nombre (singulier ou pluriel) des arguments.

3 80 propositions : ce chiffre correspond à l’addition de la colonne “principales” et celle de “subordonnées total” au tableau 1. De même pour les lignes II et III.

104

Harm Pinkster

Tab. 2: Fréquence des paramètres discriminatifs dans les trois extraits. paramètres formes verbales

I

II

III

paramètres arguments

paramètres total discursifs

pas

mon

cop

vs

1/2

acc

dn

da

sub

r/p

CT

par

abs

16

10

 8



31

 6

10

13

14

10

22

 5

%

11

 7

 5.5

22

 4

 6

 9

10

 7

15

 3.5

abs

14

13

 3

 3

19(3)

 2

21

 5

 3

18



102(3)

%

14

13

 3

 3

19

 2

22

 5

 3

18

abs

23

16

10(2)

45

19

30

26

 4

22

 7

43

245(2)

%

10

 7

 4

19

 8

13

10

 2

 9

 2

18





145

Légende : pas : forme verbale passive ; mon : verbe monovalent ; cop : copule ; vs :verbe support ; 1/2 : première ou deuxième personne ; acc : accord ; dn : différence de nombre ; da : différence animé/inanimé ; sub : proposition subordonnée ; r/p pronom réfléchi ou personnel ; CT : continuité de topique ; par : structures parallèles.

Les propositions pour lesquelles les paramètres utilisés sont entièrement absents sont très peu fréquentes. Dans I, je compte zéro cas (sur un total de 123 arguments explicites ou implicites), dans II, je relève un seul cas (sur un total de 102 arguments explicites ou implicites) et, dans III, il y a deux cas (sur un total de 208 arguments explicites ou implicites). En d’autres mots, c’est seulement dans 1 % des 259 propositions dans les trois extraits, qu’aucun paramètre pour faciliter l’interprétation du rôle des arguments n’est présent, ce qui revient à 3 sur 435 arguments poly-interprétables dans nos extraits. À titre d’illustration, je cite les exemples (18–20). En (18), animus meus doit être inféré du contexte précédent parce que la relative autonome ne peut pas fonctionner comme le sujet de videat. C’est par la règle de continuité de topique que animus meus est interprété comme le premier argument de tenebat. En (19), du point de vue grammatical, qui et ei peuvent changer de place ; sans marquage casuel, ce serait seulement par la connaissance du monde qu’on interpréterait qui comme le premier argument. Quant au troisième extrait, on a déjà cité l’exemple (10). L’autre exemple est (20), où seul le contexte (la série des injustices précédentes) conduit à interpréter premia et dona comme le premier argument. Le texte parle de la corruption. (18) fitque ut post neque per memoriam (sc. animus meus) videat quod prius per actionem tenebat. (Greg. M. Dial. I, Prol. 41) ‘et il arrive ainsi qu’on ne voie même plus par la mémoire ce qu’on tenait jadis en acte.’

La contribution des marques casuelles

105

(19) Constantino scilicet reverentissimo valde viro qui ei (sc. Benedicto) in monasterii regimine successit. (Greg. M. Dial. II. Prol. l. 17) ‘(je le tiens de) Constantin, un homme très respectable qui lui succéda à la tête de monastère.’ (20) Premia et dona legibus vires tulerunt. (III Isid. Synon. 1.8) ‘Les compensations et les dons enlèvent les forces aux lois’ En conclusion, la contribution du marquage casuel à une interprétation correcte des arguments dans ces textes est presque nulle.

3.2 L’information casuelle des satellites et des épithètes Outre les constituants nominaux (non-prépositionnels) qui sont requis en tant qu’arguments du verbe, les propositions peuvent aussi contenir des satellites et/ou des épithètes, qui augmentent la complexité de la proposition. Dans cette section, je me poserai la question de savoir si et dans quelle mesure l’information casuelle est décisive pour une interprétation correcte des constituants nominaux ayant une fonction de satellite ou d’épithète. Pour répondre à cette question, je me suis demandé pour chaque satellite et chaque épithète si ce constituant pourrait, du point de vue sémantique, jouer un autre rôle dans sa proposition, par exemple si, au lieu d’être interprété comme épithète, il pourrait fonctionner comme un argument ou un satellite. Évidemment, si un tel constituant pourrait prendre la place d’un argument, on doit aussi trouver une autre interprétation pour l’argument dont il prendrait la place. Je laisserai, pour l’instant, cette question de côté, de même que celle des six ablatifs absolus de mon corpus. Pour les constituants non argumentaux qui pourraient fonctionner d’une autre manière dans leur proposition, j’utilise le terme ‘convertible’ dans le tableau 3. On remarquera que dans l’extrait I (80 propositions) on a 51 (7 + 22 + 22) constituants non-argumentaux ; dans l’extrait II, on a, sur 64 propositions, 60 (7 + 25 + 28) constituants non-argumentaux ; et dans l’extrait III, on a, sur 115 propositions, 61 (15 + 27 + 19) constituants non-argumentaux. L’extrait narratif II présente donc la plus grande complexité en raison du nombre élevé de constituants non-argumentaux. En même temps, l’extrait II a un bas degré de convertibilité. La forme par excellence pour les satellites nominaux est le syntagme prépositionnel.4 À titre d’illustration, je cite quelques cas convertibles en (21–24). 4 Parmi ces syntagmes prépositionnels, il y en a quelques-uns qu’on peut considérer comme des arguments (avec des verbes de position ou de mouvement). Il y a un seul syntagme prépo-

106

Harm Pinkster

Tab. 3: Nombre de satellites et d’épithètes qui pourraient théoriquement être interprétés comme arguments dans leurs propositions. Extrait nombre de propositions

nombre d’arguments

nombre de satellites

dont convertibles

nombre d’épithètes (au génitif )

dont convertibles

nombre de syntagmes prépositionnels

I II III

 80  64 115

125 102 208

 7  7 15

 3  0  0

22 25 27

 8  2  4

22 28 19

total

259

435

29

 3

74

14

69

(21) animus meus [...] meminit [...] quod etiam retentus corpore ipsa iam carnis claustra contemplatione transibat. satellite de moyen > épithète ? (Greg. M. Dial. I, Prol. l. 20) ‘mon esprit ... se rappelle ... que, même retenu dans le corps, il passait par contemplation les frontières de la chair.’ (22) (sc. animus) et post tam pulchram quietis suae speciem terreni actus pulvere foedatur. épithète > satellite de cause ? (Greg. M. Dial. I, Prol. 26) ‘(mon esprit) et après toute la beauté de son repos, il est sali par la poussière de l’action terrestre.’ (23) iam nec portum quietis quem reliquimus videmus. épithète > argument 2 (quietem portūs) ? (Greg. M. Dial. I) ‘nous ne voyons même plus à présent le port de repos que nous avons quitté.’ (24) Fuit vir vitae venerabilis gratia Benedictus et nomine … épithète > argument 1 + épithète (viri vita venerabilis … Benedicti) (Greg. M. Dial. II, Prol. l. 1) ‘Il y eut un homme de vie vénérable, Benoît par la grâce et par le nom’ Même pas 20 % des épithètes et 10 % des satellites non prépositionnels pourraient jouer un autre rôle dans leurs propositions si on ne disposait pas de l’information casuelle. Pour une évaluation correcte de l’importance de ce 10 % des satellites, on doit prendre en considération le fait que le marquage par excellence des satellites se fait par des prépositions. Dans nos extraits, les syn-

sitionnel au lieu d’un génitif en latin classique, probablement pour éviter deux génitifs successifs : si quid de scientia eius adtingeret (Extrait II).

La contribution des marques casuelles

107

tagmes prépositionnels constituent plus que le double du nombre des constituants satellites non-prépositionnels. Cette proportion est plus prononcée que dans le corpus utilisé par Pinkster (2015, 1181–1182), mais elle va dans le même sens.

4 Conclusions Si on considère l’ensemble des constituants nominaux non-prépositionnels (538 tokens), on voit que pour une vingtaine d’entre eux,5 soit 4 %, les paramètres explicités ci-dessus ne sont pas mobilisés pour l’identification de leur fonction et le marquage casuel est essentiel pour une interprétation correcte de leur rôle dans leur proposition. Les constituants concernés sont surtout ceux qui fonctionnent comme des épithètes au niveau du syntagme nominal. Ce faible pourcentage n’est pas étonnant au regard du latin classique (voir Pinkster 2015, 1207–1209). Ainsi se confirme l’hypothèse que l’information véhiculée par le marquage casuel est largement redondante, et que la catégorie du cas s’oppose sur ce point à la catégorie du nombre et du genre, en dépit du fait que les marques du cas et celles du genre et du nombre sont toujours associées dans la morphologie flexionnelle des noms, des adjectifs et des formes nominales du verbe. Dans l’histoire des langues romanes, seules les catégories du nombre et du genre, qui fournissent des indications d’ordre sémantique, ont survécu. Ce ne sont alors pas les cas mais la valence des verbes et la signification des noms qui constituent la base fondamentale pour l’interprétation des fonctions des constituants nominaux d’une proposition. L’information casuelle ne fait que s’y superposer. La complexité des textes en termes du nombre et de la typologie de propositions ne semble pas jouer un rôle non plus.

Corpus Textes I et II : Grégoire le Grand, Dialogues, vol. 2, livres I–III, texte, critique et notes par Adalbert de Vogüé, traduction par Paul Antin, Paris, Éditions du Cerf, 1979. Texte III : Synonyma sive De lamentatione animae peccatricis libri II, cura et studio Jacques Elfassi, Turnhout, Brepols, 2009.

5 538 tokens : ce chiffre correspond à l’addition du nombre d’arguments, de satellites et d’épithètes dans le tableau 3. Les 20 constituants convertibles sont 3 arguments (§ 3.1 vers la fin), 3 satellites et 14 épithètes dans le tableau 3.

108

Harm Pinkster

Références Pinkster, Harm, The Oxford Latin Syntax, vol. 1, Oxford, Oxford University Press, 2015. Schøsler, Lene, How useful is case morphology ?, dans ce volume.

Annexes La première annexe montre comment j’ai traité les propositions illustrées dans § 2 et comment j’ai distribué les constituants nominaux non-prépositionnels dans les catégories d’arguments, de satellites et de fonctions apparentées. Dans l’annexe 2, les paramètres associés aux verbes, aux arguments et de nature discursive sont appliquées aux propositions des trois textes.

Annexe 1 Légende : gras : arguments ; Ø : arguments implicites ; souligné : épithètes ; italiques : satellites (au sens large) ; + : continuation d’une proposition coordonnée I 1. 1.a 1.b 1.c 1.d 1. 1.e 1.f 1.e 1.e+ 1.g 1.h 1.e+

Quadam die nimiis quorundam saecularium tumultibus Ø depressus , quibus in suis negotiis plerumque Ø cogimur solvere etiam [quod nos] certum est [non debere] , [quod nos non debere (sc. solvere)] secretum locum Ø petii amicum moeroris , ubi omne quod de mea mihi occupatione displicebat , se patenter ostenderet , et cuncta quae infligere dolorem consueuerant , Ø congesta ante oculos licenter venirent .

2. 2.a 2. 2.b

Ibi itaque cum afflictus valde et diu tacitus Ø sederem , dilectissimus filius meus Petrus diaconus adfuit , mihi a primaevo iuventutis flore amicitiis familiariter Ø obstrictus , atque ad sacri verbi indagationem socius .

3. 3.a 3.b 3.

Qui gravi excoqui cordis languore me Ø intuens , ait :

4. 4.a

Num quidnam novi tibi aliquid accidit , quod plus te solito maeror tenet ?

La contribution des marques casuelles

109

5.

Cui Ø inquam :

6. 6.a 6.

Maeror , Petre , quem quotidie Ø patior , et semper mihi per usum vetus est , et semper per augmentum novus .

7. 7.a 7. 7.b 7.c 7.d 7.e 7.d 7.f 7.g 7.h 7.g 7.i 7.j 7.i

Infelix quippe animus meus occupationis suae Ø pulsatus vulnere , meminit qualis aliquando in monasterio Ø fuit ; quomodo ei labentia cuncta subter erant ; quantum rebus omnibus quae volvuntur Ø eminebat ; quod nulla nisi caelestia Ø cogitare consueverat ; quod etiam Ø retentus corpore , ipsa iam carnis claustra contemplatione Ø transibat ; quod mortem quoque , quae paene cunctis poena est , videlicet ut ingressum vitae et laboris sui praemium Ø amabat .

8. 8+

At nunc ?est? occasione curae pastoralis saecularium hominum negotia Ø patitur , et post tam pulchram quietis suae speciem , terreni actus pulvere Ø foedatur .

9.a 9.b 9.

Cumque se pro condescensione multorum ad exteriora Ø sparserit , etiam cum interiora Ø appetit , ad haec procul dubio minor Ø redit .

10. 10.a

Ø Perpendo itaque quid Ø tolero ,

11. 11.a

Ø perpendo quod Ø amisi .

12.a 12.b 12. 12.c

Dumque Ø intueor illud quod Ø perdidi , fit hoc gravius quod Ø porto .

13.

Ecce etenim nunc magni maris fluctibus Ø quatior ,

13+

atque in navi mentis tempestatis validae procellis Ø illidor .

14.a 14.b 14.

Et cum prioris vitae Ø recolo , quasi post tergum ductis oculis viso litore . suspiro .

15.a 15.b

Quodque adhuc gravius est , dum immensis fluctibus Ø turbatus Ø feror ,

15. 15.c

uix iam portum videre Ø valeo quem Ø reliqui ,

110

Harm Pinkster

15.d 15.e 15.f 15.g 15.h 15.i 15.e+ 15.j 15.e+

quia et ita sunt casus mentis , ut prius quidem Ø perdat bonum quod Ø tenet , si tamen [se perdidisse Ø] Ø meminerit :

16. 16.a 16.b

fitque ut post neque per memoriam Ø videat , quod prius per actionem Ø tenebat .

17. 17.a 17.b 17.c 17.b 17.d 17.b

Unde hoc agitur quod Ø praemisi , quia cum Ø navigamus longius , iam nec portum quietis quem Ø reliquimus Ø videmus .

18. 18.a 18.b 18.a

Nonnunquam uero in augmentum mei doloris adiungitur , quod quorumdam vita qui praesens saeculum tota mente reliquerunt , mihi ad memoriam revocatur .

19.a 19.b

Quorum dum culmen Ø aspicio , quantum ipse in infimis Ø iaceam

19.

Ø agnosco ;

20. 20.a 20.b 20.a

quorum plurimi conditori suo in secretiori vita placuerunt , qui ne per humanos actus a nouitate mentis veterascerent , [eos] omnipotens Deus [huius mundi laboribus] noluit [occupari] .

II 1. 1.a

Fuit vir vitae venerabilis gratia Benedictus et nomine ab ipso pueritiae suae tempore cor Ø gerens senile .

2.a 2. 2+ 2.b 2.c 2+

Aetatem quippe moribus Ø transiens nulli animum voluptati Ø dedit sed dum in hac terra adhuc Ø esset quo temporaliter libere Ø uti potuisset Ø despexit iam quasi aridum mundum cum flore .

3. 3.a 3.

Qui liberiori genere ex provincia Nursiae Ø exortus Romae liberalibus litterarum studiis traditus fuerat .

cumque longius Ø recesserit , etiam boni ipsius quod Ø perdiderat Ø obliviscatur ;

La contribution des marques casuelles

4.a 4.b 4. 4.c 4. 4.d 4.e 4.d

Sed cum in eis [multos ire per abrupta vitiorum] Ø cerneret eum quem quasi in ingressum mundi Ø posuerat Ø retraxit pedem ne si quid de scientia eius Ø adtingeret ipse quoque postmodum in inmane praecipitium totus Ø iret .

5.a 5.b 5.c 5.

Despectis itaque litterarum studiis relicta domo rebus +que patris soli deo placere Ø desiderans sanctae conversationis habitum Ø quaesiuit .

6.

Ø Recessit igitur scienter Ø nescius et sapienter Ø indoctus .

7. 7+ 7+.a 7+.b 7+. 7+b 7+c 7+b+ 7+d. 7+b+ 7+e 7+b+ 7+f. 7+g 7+f

Huius ego omnia gesta non didici sed pauca quae Ø narro quatuor discipulis illius referentibus Ø agnoui Constantino scilicet reverentissimo valde viro qui ei in monasterii regimine successit Valentiniano quoque qui multis annis Lateranensi monasterio praefuit Simplicio qui congregationem illius post eum tertius rexit Honorato etiam qui nunc adhuc cellae eius in qua prius conversatus Ø fuerat praeest.

8.a 8.b 8.a 8. 8.c 8.

Hic itaque cum iam relictis litterarum studiis petere deserta decrevisset nutrix quae hunc arctius amabat sola secuta est .

9.a 9.b 9.c 9.a+ 9. 9.d 9.e 9.f 9.e 9.g 9.h

Cumque ad locum Ø venissent qui Effide dicitur multisque honestioribus viris caritate se illic detinentibus in beati Petri ecclesia Ø demorarentur praedicta nutrix illius ad purgandum triticum a vicinis mulieribus [praestari sibi capisterium] petiit quod super mensam incaute Ø derelictum casu accidente fractum est sic ut in duabus partibus Ø inveniretur divisum.

111

112

Harm Pinkster

10.a 10. 10.b 10.c 10.b

Quod mox ut Ø rediens nutrix illius invenit vehementissime Ø flere coepit quia [vas] quod praestitum Ø acceperat [fractum] Ø videbat.

11. 11.b

Benedictus autem religiosus et pius puer cum [nutricem suam flere] Ø conspiceret

11.c

eius dolori Ø conpassus

11.d 11.

ablatis secum utrisque fracti capisterii partibus sese cum lacrimis in orationem Ø dedit .

12. 12.a 12. 12.b

Qui ab oratione Ø surgens ita iuxta se vas sanum repperit ut in eo fracturae inveniri vestigia nulla potuissent .

13.a 13 13.b

Mox autem nutricem suam blande Ø consolatus ei sanum capisterium Ø reddidit quod fractum tulerat .

14. 14.a 14.b 14.c

Quae res in loco eodem a cunctis est agnita atque in tanta admiratione habita ut hoc ipsum capisterium eius loci incolae in ecclesiae ingressu suspenderent quatenus et praesentes et secuturi omnes agnoscerent Benedictus puer conversationis gratiam a quanta perfectione coepisset .

15. 15+

Quod annis multis illic ante oculos omnium fuit et usque ad haec Langobardorum tempora super fores ecclesiae Ø pependit.

III 1. 1.a 1.b 1.c

Venit nuper ad manus meas quedam scedula Ciceronis quam Sinonimam Ø dicunt , cujus formula persuasit animo quoddam lamentum michi vel miseris condere , mutatus profectus non ejus operis eloquium , sed meum votum . [strange]

2.a 2. 2+ 2.b 2+

Quisquis ergo ille es , libenter id Ø perlege , et dum adversitatibus mundi Ø tangeris , te ipsum censorio judicio Ø discute ;

3. 3.a 3.b 3.a

et statim Ø agnosces quia quascunque afflictiones Ø pateris in hoc seculo , retributione tibi justissima Ø inferantur .

4.

Duorum autem persone hic inducuntur deflentis Hominis et ammonentis Rationis . INCIPIT DIALOGUS BEATI AMBROSII ANIME CONQUERENTIS ET RATIONIS CONSOLANTIS . Homo .

La contribution des marques casuelles

5. 5+. 5+.

Anima mea in angustiis est , spiritus meus estuat , cor meum fluctuat .

6. 6+

Angustia animi possidet me , angustia animi affligit me .

7. 7+ 7+ 7+ 7+ 7+

Ø Circumdatus sum enim malis , Ø circumseptus erumpnis , Ø circumclusus adversis , Ø obsitus miseriis , Ø opertus infelicitate , Ø opressus angustiis .

8. 8+. 9. 9+. 9+.

Non Ø reperio uspiam tanti mali perfugium , tanti doloris non Ø invenio argumentum . Evadendi calamitatis inditionem non Ø comprehendo , minuendi doloris argumenta non Ø colligo , effugiendi funeris vestigium non Ø invenio .

10. 10+. 10+.a 10+

Ubique me infelicitas mea persequitur ; domi forisque me calamitas mea non deserit ; ubicumque Ø fugero mala mea me insecuntur .

11.a 11 11+

Ubicumque Ø convertero me , malorum meorum me onera comitantur , velut umbram corporis sic mala mea fugere non Ø possum .

113

Ego ille homo ignoti nominis , homo obscure opinionis , homo infimi generis , ‘ Ø cognitus per me tantum , Ø cognitus tantum michi , nulli unquam male Ø feci , 12+ nulli Ø calumniatus sum , 12+ nulli adversus Ø exstiti , 12+ nulli molestiam Ø intuli , 12+ nulli inquietus Ø fui , 12+ s ine ulla querela apud omnes Ø vixi :

12.

13. 13+

vitam meam delere omnes nituntur ; omnes contra me frendent atque insaniunt .

14. 14+. 14+. 14+.

Conserta manu in me pericula Ø ingerunt , ad exitium me Ø pertrahunt , ad periculum me Ø adducunt , ad discrimen Ø vocant me .

15. 15+. 15+. 15+.

Ad salutem nullus michi protectionem prebet , nullus defensionem adhibet , nullus adminiculum subtribuit , nullus malis meis succurrit :

16.

Ø desertus sum abs omnibus .

114

Harm Pinkster

17.a 17.

Quicumque me aspiciunt , aut Ø fugiunt aut fortasse me persecuntur ;

18.

intuentur me quasi infelicem .

19.

Nescio quem Ø locuntur michi dolum verbis pacificis , ocultam malitiam blandis sermonibus .

20. 20+

Aliud ore Ø promunt , aliud corde Ø volutant ;

21.

opere Ø destruunt

21.a

quod sermone Ø promittunt .

22. 22+. 22+ 22+ 22+ 22+a

Sub pietatis habitu animo venenato Ø incedunt , malitias Ø velant fuco bonitatis , calliditatem simplicitate Ø occultant , amicitiam dolo Ø simulant , Ø ostendunt vultu quod in corde non Ø gestant .

23. 23+. 23+.

Cui Ø credas ? Cui fidem Ø adhibeas ? Quem fidei proximum Ø sentias ?

24.

Nullus habere fidem novit .

25.

Ubi jam Ø fides ?

26. 26+. 26+.

Perit fides , ablata est fides , nusquam tuta fides .

27.a 27.a+ 27.a+ 27.a+ 27.a+

Si legitimum nichil est , si veritas judicii nulla est , si equitas abicitur , si jus non creditur , si justicia cunctis negatur :

27.

pereunt leges , avaricia judicante ;

28.

cupitatis amore jura nichil valent ;

29.

premia et dona legibus vires tulerunt .

30. 30+

Ubique pecunia vincit , ubique judicium venale est .

31.

Nullus legibus metus , nullus judicii timor est :

32.

impunita manet male vivendi licentia .

33. 33+

Nemo peccantibus contradicit , nec scelus ulciscitur quisquam ;

34.

omne crimen inultum manet .

La contribution des marques casuelles

35. 35+

Iniqui salvi fiunt , innocentes pereunt .

36. 36+

Boni indigent , improbi habundant .

37. 37+

Scelerati potentes sunt , justi egent .

37. 37+

Iniqui honorantur , justi decipiuntur .

38. 38+

Iniqui letantur , justi in merore et luctu sunt .

39.a 39. 39+ 39+ 39+

Nulla re inpediente , nulla causa , nulla criminatione , nulla crimen malicia michi Ø obitiunt , crimen michi Ø imponunt , criminis nodos contra me Ø nectunt , criminis et suspectionis locum in me Ø convertunt .

40.

In crimen periculumque me Ø deducunt ,

41. 41.a

Ø obiciunt michi crimen cujus non Ø habeo conscientiam .

42. 42+ 42+ 42+

Nichil exploratum est , nichil patefactum est , nichil investigatum est , nichil repertum est :

43. 43+ 43+

non tamen Ø quiescunt adversum me mala configere , non Ø quiescunt falsa testimonia preparare , non Ø desinunt accusatores obicere ,

44.

judices non Ø sinunt conscribere :

45.

testium falsa sententia ad necem innocens Ø ducor .

115

116

Harm Pinkster

Annexe 2 Dans cette annexe on peut vérifier l’application des paramètres aux textes. Les propositions régissantes sont en italiques. Légende : pas : forme verbale passive ; mon : verbe monovalent ; cop : verbe copulatif ; 1/2 : forme verbale de première ou deuxième personne ; acc : accord ; dn : différence de nombre entre les arguments concernés ; da : différence animé/inanimé ; sub : le constituant est une subordonnée ; r/p : pronom réflexif/personnel ; TC : continuité de topique ; par : structuration parallèle des propositions adjacentes. I

pas

1.a

pas

mon

cop

1/2

acc

dn

da

sub

r/p

rel.

cop

sub

rel.

1.d

TC

1.

par

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1p

1.e

sub

1.f 1.g

1p pas mon

2.a

mon

2.

mon

2.b

pas

3.a

pas

rp

rel.

pp

rel. aut.

dn

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acc

1.e+

PS rel.

1p

temp.

acc 1p

3.b

pp

PS

pp

AcI

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3.

PS da

4.

2p

4.a

2p

5.

1p

da

6.a

1p

da

6.

7.

type de subordonnée PS

1p

1.c

7.a

par

acc

1.b

1.h

TC

DD

da

pp pp

rel.

DD rel.

cop pas

acc

PS da

sub

La contribution des marques casuelles

I

pas

mon

cop

7.b

cop

7.c

cop

1/2

acc

da

sub

r/p

TC

par

TC dn

7.d 7.e

dn

pp

dn

117

type de subordonnée interr.

TC

par

interr.

TC

par

interr.

pas

rel.

7.f

dn

TC

par

argument

7.g

dn

TC

par

argument

7.h

pas

acc

PS

7.i

TC

7.j

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TC da

9.a

rp

9.b

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9.

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8. 8+

par

mon

TC

&

TC

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TC

temp.

TC

10.

1p

10.a

1p

11.

1p

11.a

1p

interr.

12.a

1p

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12.b

1p

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12.

cop

12.c

sub interr. sub

sub 1p

rel. aut.

13.

pas

1p

13+

pas

1p

&

1p

temp.

14.a 14.b pas 14. 15.a

AA mon

1p cop

rel.

15.b pas

1p

15.

1p

temp.

118

I

Harm Pinkster

pas

mon

cop

15.c

1/2

acc

dn

da

sub

r/p

TC

par

1p

15.d

type de subordonnée rel.

cop

causale

15.e

da

TC

consécutive

15.f

da

TC

rel.

TC

cond.

TC

AcI

TC

temp.

15.g

dn

sub

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rp

15.i

mon

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da

TC

rel.

15.e+

da

TC

&

TC

argument

TC

rel. aut.

16.

mon

sub

16.a

da

sub

16.b 17.

pas

17.a

1p

rel.

1p

temp.

17.d

1p

rel.

17.b

1p

17.c

mon

18.

pas

18.a

pas

TC

causale

sub 1p

pp

18.b

argument

dn

19.a

1p

19.b

mon

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temp.

1p

19.

argument

1p

sub

20.

dn

20.b

mon

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20.a

da

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pas

20/ 80

16

finale

sub

rel. AcI

10

8

33

6

10

13

14

10

22

6

La contribution des marques casuelles

II

pas

mon

1.

cop

sv

1/2

acc

dn

da

sub

r/p

TC

par

type de subordonnée

cop

1.a

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PS

2.a

acc

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TC

2.b

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TC

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da

TC

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da

TC

&

3.a 3.

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PS

pas

4.a

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da

TC

4.

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AA

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AA

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acc

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6.

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mon

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1

7.a

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7.b

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1

da

7.c

AA TC

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7.d

da

7.e 7.g

mon

7.f 8.b

119

tertius

rel.

acc

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rel.

rel. AA

120

II

Harm Pinkster

pas

mon

cop

sv

1/2

acc

8.a

dn

da

dn

da

sub

r/p

TC TC

par

type de subordonnée temp.

8.c 8.

mon

9.a

mon

9.b

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pas

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AA

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9.d

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PS temp.

mon pas

TC acc

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11.a

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causale

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AcI

11.b

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11.c

sub

TC

acc

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AA

11.

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10.

11.d

PS TC

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10.c

sub

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12. 12.b

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consécutive acc

TC

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da

13.b

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PS

TC rel.

La contribution des marques casuelles

II

pas

mon

cop

sv

1/2

acc

14.a

dn

da

dn

da

14.b

sub

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TC

par

121

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sub

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15.+

III

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1/2

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mon

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2. 2.b

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2p

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5.+

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da

pp

6.+

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pp

7.

pas

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1p

acc acc

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pp par

122

Harm Pinkster

III

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sv

1/2

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7.+

pas

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pas

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7.+

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7.+

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8.+

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9.

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1p

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13.+

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pp

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1p

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14.+

1p

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14.+

1p

dn

pp

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14.+

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par

15.

1p

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La contribution des marques casuelles

III

pas

mon

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1/2

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15.+

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pp

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1p

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15.+

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20.

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22.+

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22.+a

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da

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2p

23.+

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23.+

2p

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sub rel. aut.

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24.

da

25.

[cop]

26. 26.+

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acc

17.a

22.

TC

123

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26.+

[cop]

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cop

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27.a+

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conditionnelle

27.a+ pas

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27.a+ pas

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124

III

Harm Pinkster

pas

mon

cop

sv

1/2

acc

dn

da

sub

r/p

TC

27.a+ pas 27.

mon

27.b

mon

28.

mon

par

type de subordonnée

par

conditionnelle

AA

29. 30.

mon

30.+

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31.

cop

32.

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par

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33. 33.+

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acc

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35.+

mon

36.

mon

36.+

mon

37.

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37.+

pas

38.

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38.+

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par

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39.+

1p

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39.+ 39.+

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41. 1p

par

TC

par

TC

par

pp

dn

41.a

TC

TC da

42.

pas

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par

La contribution des marques casuelles

III

pas

mon

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1/2

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dn

da

sub

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TC

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par

42.+

pas

acc

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43.

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43.+

da

TC

par

43.+

da

TC

par

44. 45.

type de subordonnée

TC pas 23

1p 16

10(2)

45

19

30

26

4

22

7

43

125

235

Lene Schøsler (University of Copenhagen)

“How useful is case morphology?”: from Latin to French 1 Introduction: Declension from Latin to Modern French, the problems Traditional accounts of case systems assume that morphological case is needed to mark NPs in order for the speakers to identify their syntactic function (see e.g. Blake 1994, 1–2; Marchello-Nizia 1999, 82; Chaurand 1999, 44 ff.; Combettes 2003, 171). Foulet (1967, 37) highlights the importance of declension stating that: “la distinction qu’il [= le vieux français] fait, dans la forme, entre le sujet et le régime est fondamentale,1 … elle est la base sur laquelle repose toute l’économie de la langue.” Accordingly, if changes in case systems occur, they are considered to be linked to a fundamental reorganisation of the grammatical structure of that language. However, a quite different view of declension has been presented, most clearly by Detges (2008), who stresses the fact that morphological case is unnecessary for successful communication in a study with the provocative title How useful is case morphology?. His approach is highly relevant, but he studies the function of the case system in isolation, without taking into account other properties of the grammatical system. Moreover, this approach is unable to address three important questions that should be examined in any study on declension loss, questions to which I will return in this paper: 1. What was the function of the case system? 2. If unnecessary, why was declension preserved for so many centuries? 3. Why was declension abandoned at that particular time? 2 My line of thinking differs from other studies on several points; in particular, it takes into consideration the role of the case system with respect to other parts of the grammar. For Latin, a comparable view is presented by Pinkster

1 Italics in the original. 2 Traditional research on declension has rarely addressed these questions. I refer to Schøsler (2013) for a thorough discussion of these and related questions, which will be summarised in the following two sections. https://doi.org/10.1515/9783110551716-008

128

Lene Schøsler

(1990, 1993, 2015). Therefore, let us now consider in detail declension in Latin and the Romance languages.3

2 From Latin to Romance The Classical Latin declension system was relatively reduced in comparison to the Indo-European declension system and several oppositions no longer existed in some of the paradigms (e.g. the opposition between the dative and the ablative). In spite of the merger of specific case oppositions, serious case confusion is not found in the texts before the end of the 2 nd century (see e.g. MeyerLübke 1894/1972 and Herman 1998, 2000 for detailed presentations of the process of abandoning the Latin declension system). From the 4 th and 5 th century onwards, the declension system tends to reduce to a two- or three-case system that differs to some extent between regions. Between the 6 th and the 9 th centuries, declension in the noun phrase (excepting personal pronouns) is in the process of disappearing in most regions, but is preserved in Romanian, Rhaeto-Romance and Gallo-Romance dialects. Alongside the disintegration of the Latin case system, all the ancestors of the modern Romance languages gradually adopted a continuous noun phrase, which is a prerequisite for the existence of grammatically (rather than pragmatically) motivated word order rules. During the gradual disintegration of the nominal case system in Late Latin, important changes took place. According to the traditional account of the development of Latin into the Romance languages, case was replaced by prepositions and by word order rules, the latter being especially relevant for French. In previous studies I have shown the traditional positions to be incorrect, in part because of chronological inconsistencies. As I see it, traditional accounts of these changes have, wrongly, linked two synchronic analyses in an allegedly causal relation. Let me consider, as an illustration, declension and word order. An analysis of the initial system would run as follows: the main function of the Latin declension system is to identify the syntactic function and the referents of arguments. An analysis of the subsequent system would be: word order is used to identify the arguments in, e.g., modern French. The alleged causal link is that the loss of the first caused the appearance of the second.

3 I am highly indebted to Tom Rainsford for his thorough and relevant comments on a previous version of this paper.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

129

Yet fixed word order is found only several centuries after the disappearance of the declension system in French. The traditional account sketched above is therefore factually incorrect, but needs to be discussed further before it can be totally rejected. The underlying assumption is that important functions in grammar, such as the marking of arguments and indications for the identification of referents, depend upon fragile markers that may deteriorate and vanish, leaving behind a defective grammar in search of new markers. I believe that it is more plausible that important functions are marked by several connected grammatical subsystems, and that these may gain or lose importance during the history of a language. My claim is that grammatical subsystems are organised in such a way that various features function together, and that they are best understood as connected grammaticalised devices for the marking and identification of arguments. This claim is better for at least the following three reasons: 1) it is a more general explanation, since these devices exist in all Romance languages and their relative importance depends on language-specific conditions that should be studied for each language and for each stage of these languages; 2) it is non-ad hoc and yet survives falsification that traditional arguments do not, and 3) it fits the facts rather better. Now, let us consider the role of declension in Latin, according to Pinkster, before turning to Old French (OF). Pinkster (1990, 60) puts forward the hypothesis that in Latin: “the content of the sentence is determined on the basis of the lexical meaning(s) of the predicate and the arguments occurring with it”. He gives the following example: is illius laudare infit formam virginis (‘he begins to praise the beauty of that girl’, Plautus, Rud: 51), remarking that: “after all, forma virginis is unable to laudare a person.” This implies that valency restrictions are relevant for the interpretation of a sentence. Examining his corpus, Pinkster finds (1990, 62): “...that the marking of the syntactic and semantic function by means of a case is necessary in less than 5–10 % of instances.” Thus, he concludes that the declension system has a considerably less important function than is normally assumed and that the lexical meanings of predicates and noun phrases should be considered instead (1990, 65). However, in Latin, case undoubtedly contributed to the identification of arguments, without being absolutely necessary, and functioned as markers on nouns pointing to their function as arguments in the sentence. Pinkster is probably right when he suggests that it is not the main function of the nominal morphology to identify arguments. In my dissertation from

130

Lene Schøsler

1984, I arrived at a similar conclusion concerning the role of the declension system in OF and I will return to this point in the following. What then, is the function of the Latin declension system? In a study from 2008, I propose that an important function of the Latin declension system is to mark the constituents of a noun phrase by means of concord, as Latin is a non-configurational language (the term proposed in Andersen (2008) for this function is “phraseinternal indexing”). So, if declension was more or less “superfluous”, as Pinkster thinks and as the statistical data from Latin and OF seem to confirm, we still do not have any answer to the questions posed at the beginning of this paper, which were: what was the role of case in OF as compared to other parts of grammar and why was declension maintained for several centuries? In most studies on OF declension, these questions have barely been raised and have certainly not been answered satisfactorily.

3 Declension in Old French – was it “superfluous”? Following Pinkster’s line of reasoning, but without referring to him, Detges (2008) asks the provocative question: “how useful is case morphology?” His answer is that inflectional case-marking on full nouns is not necessary for successful communication. Detges’ paper discusses the loss of the OF case system within the theory of Preferred Argument structure proposed by Du Bois (2003) for spoken communication, but accepted by Detges as valid for his OF corpus. According to this theory, general preference laws exist, which are relevant for the analysis of OF, especially (1–4) adapted here from Detges: (1) One Lexical Argument Constraint: “Avoid more than one lexical argument per clause”, i.e. avoid more than one core argument realised as an NP containing a full lexical noun. (2) Non-Lexical A Constraint: “Avoid lexical A’s”, i.e. avoid first arguments of two-place predicates (= A) realised as lexical NPs. (3) One New Argument Constraint: “Avoid more than one new argument per clause”, i.e. avoid more than one argument per clause containing new information.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

131

(4) Given A Constraint: “Avoid new A’s”, i.e. avoid first arguments of two-place predicate that convey new information, they should be thematic, not rhematic. According to these preference laws, either the subject or the object, but not both, would normally take the form of a lexical NP. Let us now consider the possible combinations of the core arguments subject and object. Detges refers to a comparable study by Hupka (1982) who examined 100 sentences in the works of Chrétien de Troyes (12 th century) containing the verb saluer (‘to greet’). The combination and form of the two core arguments in these sentences are shown in Table 1. Given that pronouns are case-inflected throughout the history of French, only two combinations are potentially ambiguous: SØ–ON and SN–ON. It is in these combinations, which total 20 % of all tokens, that case may provide the key to identifying the functions of the arguments. It is noteworthy that this analysis relies on valency restrictions and on argument constituents. However, three observations should be made here: 1. Lexical constraints, like the one quoted by Pinkster above (Pinkster 1990, 60), or formal constraints, e.g. the difference of number between subject and object, may also contribute to understanding the syntactic function of the arguments. 2. The OF declension system does not always provide the key, firstly because few feminine nouns have distinct case forms, and secondly because the declension system is unstable in a number of dialects and many forms do not follow the general rules, i.e. that the subject and the subject predicate

Tab. 1: Combinations of the core arguments subject and object, adapted from Detges (2008); 100 sentences in the works of Chrétien de Troyes (12 th century). Combination and form

Pattern in English

Number of tokens

SØ–OP SP–OP SØ–ON SP–ON SN–OP SN–ON patterns with extraposition of O

Ø greets him he greets him Ø greets the man he greets the man the knight greets him the knight greets the man Ø / the knight greets him, the man

40  9 12  1 15  8  2

SØ = null subject, SN = lexical subject, SP = pronominal subject; ON = lexical object, OP = pronominal object

132

3.

Lene Schøsler

take the nominative form, whereas complements take the accusative4 form. For the morphology of nouns from Latin to Modern French, see Tables 2– 6 below. It is interesting to observe that the eight tokens of SN–ON in Hupka’s study (the knight greets the man) contradict the first two of Du Bois’ principles mentioned above. So, Du Bois’ principles are not respected in the OF literary text studied by Hupka.

In my 1984 study on a corpus of 1494 sentences (i.e. considerably larger than that of Hupka) from the 12 th-century OF chanson de geste, Le Charroi de Nîmes, the relative importance of no less than 17 factors – including nominal case for the identification of the function of arguments – was investigated. I found that, with only one exception, case always appears alongside other factors that are already sufficient to indicate the function of the arguments. From this perspec-

Tab. 2: Latin > OF, parasyllabic masculine nouns and adjectives. Case

Singular

Plural

nominative accusative

murus > (li) murs muru(m) > (le) mur

muri > (li) mur muros > (les) murs

Tab. 3: Latin > OF, parasyllabic feminine nouns and adjectives. Case

Singular

Plural

nominative accusative

rosa > (la) rose rosa(m) > (la) rose

rosae → *rosas > (les) roses rosas > (les) roses

Tab. 4: Latin > OF, imparasyllabic masculine nouns (mainly referring to persons). Case

Singular

Plural

nominative accusative

latro > (li) lerre latrone(m) > (le) larron

latrones → *latroni > (li) larron latrones > (les) larrons

4 Throughout my paper I will use the term accusative referring not only to Latin accusative forms, but also to OF oblique forms, which originate mainly, but not only, from Latin accusative forms.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

133

Tab. 5: Modern French, masculine nouns and adjectives.

no case distinction

Singular

Plural

le mur

les murs

Tab. 6: Modern French, feminine nouns and adjectives.

no case distinction

Singular

Plural

la rose

les roses

tive, case is hardly ever necessary in the minimalistic sense mentioned above, since lexical and grammatical factors present in the sentences indicate the function of the argument. However, this state of affairs does not imply that case is completely without function. Thus, OF evidence suggests that successful communication employs a number of indices working together to mark the function of the arguments. My 1984 study investigated 17 factors that play a role in argument marking, including lexical constraints, type and form of constituents, pronominal declension (which is stable throughout the history of French), the use of determiners, contextual factors and word order. In short, my research hypothesis is that a language – in this case OF – offers its users many concurrent clues to identify arguments and their referents, both in the lexicon and in the grammar. This approach is fundamentally different from one that calculates the possibility of communication with a minimum of grammar, as Detges does. My present research leads me to supplement and to refine the set of 17 factors, including among others the role of constructions for marking and identifying arguments.

4 The design of new corpus investigations on bilingual corpora The goal of the present investigation is threefold: firstly, to enrich the set of concurrent argument-marking factors used in my previous studies; secondly to relate these factors to recent research in this field (especially with those studies discussed in the preceding section); and thirdly, to apply the enriched set of factors to a bilingual corpus, in order to test the validity of hypotheses on other texts and other periods.

134

Lene Schøsler

The bilingual corpus comprises selected passages from the Latin original and the French translation of two religious texts: 1) the Vita Benedicti, a didactic dialogue in prose composed in Latin in the 6 th century in Italy, and its French translation, Li Dialoge Gregoire lo Pape, composed by the end of the 12 th century in the Walloon dialect and preserved in a ms. from the start of the 13 th century. 2) Saint Isidore’s Dialogue de l’âme, a didactic dialogue in prose composed in Latin in Spain around 600, the French translation composed by 1200 in the dialect of Lorraine and preserved in a ms. from ca. 1200. The corpus has been designed and tagged by researchers and partners associated with the collective project.5 As explained above, the set of factors is intended to verify my hypothesis that the identification of the function of arguments and of their referents is made by means of a number of factors working together. These factors are of different types. First and foremost there are a number of lexical factors related to valency and a number of factors related to the constituency of arguments. These factors are presented and illustrated below (Tables 8a–c). They correspond to the ones used in my 1984 study, and are labelled A to C. The numbered sentences to be quoted below stem from the bilingual corpus found in Appendix. To my original set of factors I have added a number of further factors inspired by the studies by Detges, Du Bois and Hupka, introduced in the previous section. These factors are labelled D, see Table 8d. Finally, I have recorded some additional information relating to the syntax and the pragmatic function of the sentences in the database, i.e. main clauses and subordinate clauses; see Table 8e, with the intention of exploring new correlations. All relevant data (factors plus syntactic and pragmatic information) have been stored in a database developed by Alexey Lavrentev (CNRS–UMR IHRIM / ENS–Lyon). All information has been coded on the finite verbs of the sentences (the verb is highlighted in red bold characters), which reflects our analysis that a clause is a syntactic organisation around a finite verb. The bilingual corpus is divided into parallel sentences (see Appendix). Each clause is numbered, subordinate clauses are provided with a letter, as is illustrated in Table 7, which contains the first sentence of the first book of the Dialogue Gregoire lo Pape. Please observe that the numbering of the sentences 5 The Latin edition of the Vita Benedicti seems to be a modern critical one. The edition of Saint Isidore, on the other hand, does not seem to meet the same standards. Apparently it reproduces the old, normalised edition by Migne (Patrologia Latinae). I have verified the quality of the tagging of the OF translations, which is far from satisfactory at the present state. All errors have been corrected manually.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

135

in my paper always refers to the Appendix, and should not be misinterpreted as a numbering of examples. In the database, the main clause, possibly accompanied by subordinate clauses, is coded as seen in Figure 1. Features are defined below. Unless otherwise indicated, the illustrations of the following tables are from the beginning of the first book of Li Dialoge Gregoire lo Pape. The A group: If the verb is monovalent, passive (i.e. the auxiliary être + past participle), or governs a dative, a prepositional object or a subject comple-

Tab. 7: The first sentence of the first book of the Dialogue Gregoire lo Pape. Ici comencet li promerains liures des dialoges saint Gregoire 1. En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, 1a. az queiz en lur negosces a la foiz sumes destraint solre meismes ce 1b. ke certe chose est nos nient deuoir, 1. ge requis un secreit liu 1c. ki est amis a dolor, 1d. u tot ce [1e. ] aouertement soi demosterroit, 1e. ke de la moie occupation desplaisoit a moi,

1. start of main clause 1a. first subordinate c 1b. second subordinate c 1. continuation of main c 1c. third subordinate c 1d. fourth subordinate c 1e. fifth subordinate c

Figure 1: The coding interface of the database, designed by Alexey Lavrentev.

136

Lene Schøsler

ment, there is no confusion possible between the subject argument (labelled Argument 1 or Arg1) and any another argument. Consequently, A is an extremely efficient group of factors for disambiguation of arguments. This group is illustrated in table 8a below by means of corpus examples. If the verb does not belong to the types indicated above, the checkbox non is ticked. In spite of the fact that the A group is sufficient to indicate the subject argument, other factors linked to valency and to the constituency of arguments may provide additional clues to the identification of arguments (see Table 8b below for the definition and illustration of these factors). Moreover, transitive verbs, i.e. plurivalent verbs with a direct object (labelled Second Argument or Arg2), need such clues for the identification of their two arguments which should not be confused by the listener/reader. The factors B1, 2, 3, 4, 5, and 76 are sufficient, and exclude confusion between arguments. The same holds for

Tab. 8a: Valency factors (group A). A

monovalent verbs, passive forms (i.e. the auxiliary être + past participle), governing a dative, a prepositional object or a subject complement: 2. 3. 1e. 16a. 1c. 5.

et totes les choses assembleies loisablement uenroient deuant mes oez. dunkes fut auoc moi mes tres ameiz filz Pieres li diakenes ke de la moie occupation desplaisoit a moi (the verb governs a prepositional object and a dative, which is highly infrequent, but also found in 16a). Et quant moi souient de ma promiere uie, alsi com meneiz mes oez derriere mon dos ueue la riue; ki est amis a dolor, Auint dunkes a toi alcune chose de chose nouele?

NB 1:

I have counted the main verb, not the auxiliary, confer the following sentence (8.), from the second book of Grégoire, counted not as an example of avoir, but of apprendre:

8.

Ge n’ai pas apris toz les faiz de cestui, mais poi de choses

NB 2 : I distinguish être + subject complement, see the following example: Dialogue de l’Âme Prologue 4a. quiunqes tu es, and monovalent être having the meaning of exister, see Dialogue de l’Âme Prologue 8 : Dous persones sunt in cès escrit, li Hom ingemischans et la Raisons

6 Pronouns, which are generally case-sensitive, and thus valuable clues for identification of the case role of an argument, may occasionally take an ambiguous form with respect to case. Such cases are therefore not included in B5. An example is the following: the form ke in the subject function in example 1e. (u tot ce) ke de la moie occupation desplaisoit a moi. Pronouns having the nominal declension type, e.g. aucun, quelqu’un, lequel, are included in C5, not in B5.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

137

the factor B9, which is in accordance with the line of thinking expressed by Detges and Hupka. Indeed, only sentences with a transitive verb in the 3 rd person, sg. or pl., and with Arg1 and Arg2 of the same type and the same number, are potentially ambiguous with respect to the identification of the function of each argument. These correspond to the two ambiguous types of Hupka reproduced by Detges, i.e. the type: the knight greets the man (or: the

Tab. 8b: Factors related to valency and to the syntactic type of arguments, factors B1–9. B

plurivalent verbs, monovalent verbs and passive forms B1

Arg2 = subordinate clause

Grégoire, livre 1, 8. Quar mes maleurous corages hurteiz par la plaie de sa occupation, ramenbret, 8a. queiz il fut iadis el monstier;

B2

Arg2 = direct discourse

6. 7.

A cui ge dis: Li dolors, Pierres, [...] est a moi uiez et toz tens par aoisement noueaz

B3

Arg2 = infinitive or present participle clause

8e.

ke il auoit aconstumeit nule chose penseir se celestienes non;

B4

Arg2 = reflexive pronoun

1d.

u tot ce [...] aouertement soi demosterroit,

B5

Arg2 = personal, relative or interrogative pronoun

5a.

ke dolors toi tient

B6

Arg2 obligatory expression in sentences with a null subject

Grégoire, livre 2 3a. quant il encor astoit en ceste terre, 3. si despitat ia alsi com sec lo mont auoc sa flor, 3a. dont il poist el tens useir franchement. Saint Gregoire: Del tamis brisiet et refermeit. 8. Et manes confortat sa norrice dulcement, se li rendit sain lo tamis Dialogue de l’Âme. Prologue 4. leis et 5. parleis volentirs icès ; (= lis et relis ceci; two coordinated imperative forms with one Arg2)

B7

Arg1 personal, relative or interrogative pronoun

1.

1. En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, ...1. ge requis un secreit liu

B8

lexical restrictions

1.

ge requis un secreit liu

B9

unambiguous combination of number and person

7a.

cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage.

138

Lene Schøsler

knights greet the men). This implies that verbs in the 1st, 2 nd, 4 th or 5 th person are inherently unambiguous, because the verb form clearly denotes the Arg1. Similarly, sentences with a difference of number between Arg1 and Arg2 are unequivocal, e.g. the knights greet the man, the knight greets the men. Finally, factors B6 and B8 are less reliable, implying that they may not be sufficient to disambiguate arguments. Indeed, direct objects (factor B6) are normally expressed in OF, but sometimes they are not, for example in coordination, as shown in the following example from the corpus Grégoire, livre 1, where the second subordinate clause (5b) contains the verb without arguments: 5a. ke dolors toi tient 5b. plus ke soloit ? As for the factor B8, an author may on purpose choose to reverse the expected roles of the agent and the patient. In a famous passage from Cligès (Chrétien de Troyes), predators are chased by their natural prey, against all expectations. The line Et le lyon chace li cers (highlighted below by me) in particular is easily, but wrongly, interpreted as a case of SVO instead of the correct interpretation OVS: “A ce me sanble que je voie Les chiens foïr devant le lievre, Et la turtre chacier le bievre, L’aignel le lou, li colons l’aigle, ... Et si fuit li faucons por l’ane, Et li gripons por le heiron, Et li luz por le veiron, Et le lyon chace li cers, Si vont les choses a envers.ˮ (vv. 3803–3812)

Factors included in group C (see Table 8c) are not related to valency or restriction on the syntactic type of arguments, and are thus more heterogeneous than those of A and B. At best, they indicate one of the several possible interpretations of a sentence. This is particularly evident with case (factor C5) and word order (factor C3). Declension is virtually absent with feminine nouns and adjectives in most texts, but generally present in texts from the northern and eastern parts of France, which is the case of Saint Grégoire and Dialogue de l’âme. Depending on the dialect, masculine forms are often defective.7 Similarly, word

7 See the tables above and examples of case confusion from Isidore: Dialogue de l’âme II,1. li fais de mé mas me porsevent; li fais instead of li fait; mé mas instead of mes mals.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

139

Tab. 8c: Morphological and contextual factors C1–7. C

plurivalent verbs C1

coordination with unambiguous sentence

Gregoire, livre 1 5. Auint dunkes a toi alcune chose de chose nouele, 5a. ke dolors toi tient 5b. plus ke [dolors] soloit ? Grégoire, livre 2 3a. quant il encor astoit en ceste terre, 3. si despitat ia alsi com sec lo mont auoc sa flor, 3b. dont il poist el tens useir franchement.

C2

anaphoric or cataphoric repetition of an argument by means of a pronoun

no clear example found in the text 8

C3

word order

5.

C4

possessive article with homonexe reference9

Grégoire, livre 2 : 2. Quar il trespassanz son eage par constumes, ne donat son corage a nul delit

C5

nominal declension

5a. ke dolors toi tient Grégoire, livre 1, 8. Quar mes maleurous corages hurteiz par la plaie de sa occupation, ramenbret,

Auint dunkes a toi alcune chose de chose nouele ? VS

Grégoire, livre 2, 6. Gieres despitiez les estuides des lettres, laissie la maison et les choses de son peire, al soul deu desiranz plaisir, quist l’abit de sainte conuersation. Dialogue de l’Âme. III, C7 et C5 erroneous : 20. divirpit suiz de toz, instead of the expected form divirpiz C6

C7

fixed expressions and support verb constructions

concord of Arg1 or Arg2 with the past participle

Saint Gregoire : Del tamis brisiet et refermeit. 4. Il eut compassion de sa dolor Dialogue de l’Âme. IV, 2. A cu ajoste tu fai ? 10.

et apres si bele forme de son repos par la purriere del terrien fait est il laidoiez.

Dialogue de l’Âme. III, C7 and C5 erroneous: 20. divirpit suiz de toz, instead of divirpiz

8 One might argue that 1. En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, ...1. ge requis un secreit liu is an exemplification of C2. However, this example is not convincing, and has not been included in the statistics as example of C2. It is the only one found in the text. It has been coded as a case of B7, see above. 9 The term homonexe implies that the referent of the form is found in the same sentence (= nexus).

140

Lene Schøsler

Tab. 8d: Frequency of noun phrases with Arg1 and/or Arg2 function. D

factors suggested by Detges (2008) on the frequency of noun phrases (NPs) per number of sentences D1

number of NPs ; NB le quel etc. counts as an NP, e.g. Del tamis brisiet et refermeit. 3.–3a. Lo queil manes quant trouat repairanz la norrice de celui, si comenzat mult durement a ploreir ; see also 7., same text : Li queis … trouat lo uaissel deleiz soi ensi sain

D2

number of Arg1 NPs in intransitive or passive sentences 1b. ke certe chose est nos nient deuoir (Gregoire, livre 1), NB We find examples of subject predicates with two NPs, both Arg1 and the subject predicate (in a passive construction), see Saint Isidore, Dialogue de l’âme Prologue : 1a. li ques est diz Sinonimes

D3

number of Arg1 NPs in transitive sentences 5a. ke dolors toi tient Del tamis brisiet et refermeit. 3.–3a. Lo queil manes quant trouat repairanz la norrice de celui, si comenzat mult durement a ploreir ; see again 7, same text : Li queis … trouat lo uaissel deleiz soi ensi sain ; same text : 10a : ke li maneor de cel liu pendirent cel meisme tamis en l’entreie de la glise, two NPs Arg1 and Arg2 ; ibid. 10e. de com grande perfection Benoiz li enfes ot comencie la grasce de conuersation. 2.

D4

Dialogue de l’Âme. Prologue la forme del qel amonesta a mon corage a fare une plainte e mo ou e toz chaitis. NP = Arg3

number of Arg2 NPs, prepositional object (including dative object) NPs, and subject predicate NPs 8g. ke il alsiment la mort [...] ameuet 1e. (u tot ce) ke de la moie occupation desplaisoit a moi, Second livre du pape Grégoire, 4a. Ki fut neiz de franche lingie de la contreie Nursie, 4. et a Romme fut doneiz a liberaz estuides de lettres de son pere et de sa mere. (Passive + Arg3) Saint Gregoire : Del tamis brisiet et refermeit. 1. Sa norrice ci deuant dite proiat les uoisines femmes (two caseless NPs Arg1 + Arg3) 1a. ke l’om li prestast un tamis a purgier frument. 3.–3a Lo queil manes quant trouat repairanz la norrice de celui, si comenzat mult durement a ploreir, 10e. de com grande perfection Benoiz li enfes ot comencie la grasce de conuersation. Dialogue de l’Âme. Prologue 2. la forme del qel amonesta a mon corage a fare une plainte e mo ou e toz chaitis. GN = Arg3 (Arg2 is an infinite clause, B3) 3. Je en ell o pais changiéz dis ne mies del sens d’icel ovre, mais del mien. Prepositional object. Dialogue de l’âme III : 4. unques homme ma ne fis, Arg3 Arg2 V

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

141

order is rather free until the end of the Middle French period. OF being a prodrop V2 language, word order may suggest, but hardly ever guarantee the correct interpretation of arguments.10 Finally, the database records a number of additional distinctions relating to the nature of the sentence (number of main and subordinate clauses), voice (active and passive verbs), discourse type (narrative or direct discourse), and pragmatic function (± interrogative), see Table 8e. Tab. 8e: Additional distinctions. number of main clauses 1. En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, ... ge requis un secreit liu number of subordinate clauses 7a. cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage. number of active verbs 7a. cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage. number of passive verbs 1a. az queiz en lur negosces a la foiz sumes destraint solre meismes ce Narrative 1.

En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, ... ge requis un secreit liu

direct discourse 7a. cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage. Dialogue de l’Âme. Prologue 4.−4a.−5. O tu, hom, quiunqes tu es, leis et parleis volentirs icès declarative sentence 7a. cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage. interrogative sentence 5. Auint dunkes a toi alcune chose de chose nouele ?

10 Word-order and V2 in Old French are highly popular topics of discussion. See e.g. Schøsler (1984, Chapters 5–6), Marchello-Nizia (1995), Vance (1997), and, in a different framework, Mathieu (2013), with references.

142

Lene Schøsler

5 The results of the corpus investigations on bilingual corpora: Old French The coding of the OF version11 of the selected passages provides 225 sentences, i.e. main clauses and subordinate clauses, identified as a syntactic organisation around a finite verb. The groups of factors were first investigated independently, i.e. A, B, C, D and the additional distinctions, in order to evaluate the impact of each factor. The following sections present each of these clusters. Subsequently, these factors are combined in different ways.

5.1 Result of the study of A factors The study of group A factors, which are directly linked to valency, provides the results shown in Table 9 and Chart 1. They show that in 45 % of sentences, the nature of the verb (intransitive, governing a subject predicate, the dative, or a prepositional object, or a transitive verb in the passive form) is such that the subject or the subject referent can be identified without confusion. However, in 55 % of sentences, such confusion is possible, since the verb is transitive. In other words, valency is sufficient for the understanding of approximately half of the sentences. In all other cases, other factors must apply. In Schøsler (1984) and later studies on this topic, group A factors were labelled factors linked to valency. However, it is not the verb alone which provides useful clues to understanding the structure of sentences. Instead, it is

Tab. 9: Distribution of A-group factors, tokens and percentages. Verb type

Tokens

%

monovalent transitive passive governing a subject predicate governing a dative governing a prepositional object

 40 124  21  28   4   8

 18  55   9  12   2   4

total

225

100

11 For the study of declension in the Latin version, see Harm Pinkster’s contribution in this volume.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

143

Chart 1: Representation of the distribution of group A factors.

the construction which is unambiguous: monovalent or single-argument constructions, passive constructions, prepositional or dative constructions are by their nature unequivocal, so they should be labelled constructional factors. The distinction between valency and construction is emphasised by Nørgård-Sørensen et al. (2011) and reflects the distinction between lexicon and grammar. In other words, it is not just the lexicon, but the grammatical construction, that permits the correct interpretation of 45 % of the sentences in my corpus. Recall that individual lexical restrictions are labelled B8.

5.2 Result of the study of B factors The study of group B factors (see Table 8b), which are linked to lexical valency and to the constituency of valency-bound elements, provides the results shown in Chart 2. These factors are either present or absent in a given clause. Recall that – with the exception of factors B6 and B8, which are less reliable – these factors provide unambiguous clues for the identification and reference of the valency-bound elements. However, apart from factors B7, B8, and B9, these factors are not very frequent. In other words, although in general reliable, these factors are not sufficiently frequent in order to serve as the main factor for the identification of arguments. Moreover, B factors often co-occur, which was not the case for group A, where the different verb types are mutually exclusive. This necessitates that other factors must apply besides the B factors.

144

Lene Schøsler

Chart 2: Distribution of group B factors, tokens and percentages.

5.3 Result of the study of C factors The study of group C factors (see Table 8c), which relate to the wider syntax of the clause, provides the results shown in Chart 3, Table 10 and Chart 4. Here again, tokens of these factors are signalled by “present”, whereas the absence of these factors is signalled by “absent”. Recall that these factors do not provide very reliable clues for identifying the function and the reference of the valency-bound elements, with the possible exception of the factor C5 (the declension system). Recall that declension mainly occurs with masculine nouns, and is not found in all dialects. Chart 3 shows that coordination with an unambiguous sentence (= C1) and nominal declension (= C5) are fairly frequent in contrast with other factors, especially C2, which is not present in this corpus.12 In other words, these factors are not sufficiently frequent or sufficiently reliable to serve as the principal factor in the identification of arguments. Here again, these factors often work together. Table 10 and Chart 4 illustrate the different values of factor C3: word order types, tokens and percentages. It appears from these tables firstly that all word order patterns are realized and secondly that they are not evenly distributed.

12 See, however, a problematic example mentioned in note 8, but not integrated into the database.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

145

Chart 3: Distribution of factors C1, 2, 4, 5, 6, 7, tokens and percentages.

Tab. 10: Distribution of word order patterns (factor C3), with percentages. word order

tokens

percentages

OSV OV OVS SOV SV SVO VO VOS VS VSO V

 20  11   6  19  56  39  31   2  13   5  23

  9   5   3   8  25  17  14   1   6   2  10

total

225

100

Indeed, the orders SV and SVO are by far the most frequent. However, taken in isolation, certain less frequent word orders are distributed in such a way that they might create confusion as to the correct interpretation of arguments. This holds not only for the following word order pairs: OSV/ SOV, VOS/ VSO, VO/VS, but also for the relatively frequent pattern V, i.e. verb with no expressed arguments. In addition, the OV pattern might be confused with the more frequent SV order. In other words, although the subject argument (Arg1) is most

146

Lene Schøsler

Chart 4: Relative frequency of Word order patterns (factor C3), with percentages.

often preposed to the finite verb, no fewer than 91 cases (OV, OVS, VO, VOS, VS, VSO, V), i.e. 40 % either have no Arg1, or do not have an Arg1 before the verb. This means that word order is not a reliable clue for the identification of arguments.

5.4 Result of the study of D factors The study of group D factors (see Table 8d) is intended to verify the hypotheses put forward by Hupka and Detges, who apply Du Bois’ approach to OF. The central idea here is that in order to assure transparency of meaning in a sentence, multiple NPs are avoided.13 Table 11 shows the distribution of NPs in the passages studied; Chart 5 illustrates the distribution with percentages. They show that 43 % of the sentences have no NPs, 50 % have one NP, and 7 % have two NPs. However, contrary to the predictions of the hypotheses by Hupka, Detges and Du Bois, NPs are not especially frequent in sentences with intransitive, passive or dative-governing verbs, i.e. in inherently unambiguous contexts (see column D2, Table 11). In these contexts we find 42 NPs, only 19 %. In transitive contexts (see column D3 and D4, Table 11), contrary to expectations, we find

13 It is not made clear by the proponents of this line of thinking, however, whether this avoidance is conscious, i.e. speaker driven, or due to some structural constraints of language.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

147

Chart 5: Distribution of NPs (= GN): one, two or zero NPs.

Tab. 11: The distribution of NPs and percentages. Number of NPs per sentence andper function

D1 number of NPs

D2 Arg1 NPs in intrans./ passive sent.

D3 Arg1 NPs in transitive sentences

D4 Arg2 NPs / prepos. objects

0 1 2

 96 =  43 % 113 =  50 %  16 =   7 %

183 =  81 %  41 =  18 %   1 =   0 %

 19 =  87 %  30 =  13 %   0 =   0 %

155 =  69 %  69 =  31 %   1 =   0 %

total

225 = 100 %

225 = 100 %

225 = 100 %

225 = 100 %

30 and 70 tokens, respectively. Thus, my results cannot be taken as a confirmation of the line of thinking that NPs are avoided in inherently ambiguous contexts.

5.5 Result of the study of additional distinctions The study of additional distinctions (see Table 8e) is fourfold and concerns clause type, voice, textual genre, and illocutionary function. These will be briefly discussed below. They will be integrated into the investigation of multiple factors together.

148 –

Lene Schøsler

Clause type: of 225 clauses, 140 (62 %) are main clauses, 85 (38 %) are subordinate clauses, see Chart 6

Chart 6: Clause type.



Voice: of 225 verbs, 205 (91 %) are in the active form, and 20 (9 %) in the passive form, see Chart 7

Chart 7: Distribution of active/passive forms.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French



149

Text type: of 225 sentences, 61 (27 %) are found in the narrative, 164 (73 %) are found in (fictional) direct discourse, see Chart 8

Chart 8: Distribution of forms according to text type, narrative/direct discourse.



Illocutionary function: of 225 sentences, 5 (2 %) are interrogative, 220 (98 %) are not interrogative, see Chart 9

Chart 9: Distribution of forms according to illocutionary function.

150

Lene Schøsler

5.6 Correlation between factors The questions concerning the relationship between factors were examined by querying and correlate the data in the database in Microsoft Excel and TXM. This part of the study was carried out in close collaboration with Alexey Lavrentev, and uses the statistical tools built into TXM.14 The five questions below have been investigated, excluding factor C3 (word order) in the first three questions. For these three questions, we used the pivot table functionality built in Microsoft Excel to check the cross frequency of various factors. For the fourth and the fifth question, we used the specificity analysis functionality provided by TXM implementing the model proposed by P. Lafon (1980). 1. Does nominal declension (= C5) have a special status compared to group A, B and C factors? In other words, is case “useful”15 to a larger degree than other factors? Or is case marking often/always correlated with other factors? Does it ever appear alone? 2. Which factors (A, B, C) are most effective in terms of reliability and frequency? 3. Which factors, if any, of groups A, B, C appear in isolation, and which always co-occur with other factors? 4. Concerning word order: what is the correlation between word order and the type of clause, main/subordinate clause? 5. Concerning word order: what is the correlation between word order and text type / narrative/direct discourse? The first question focuses on the key issue raised in the title of this paper, and concerns the status of declension in the noun phrase (C5). The role of declension is compared to that of group B and C factors (with the exclusion of C3) in contexts where group A factors do not apply (i.e. in transitive verbs). The result is that C5 has no special status. Indeed, C5 never appears in isolation, and argument marking is always signalled by at least one other factor. In four cases it appears with C1 only, but in most cases, it co-occurs extensively with other factors. Co-occurrence with B6, B8, and B9 is frequent but not spectacularly so, and in fact we observe quite an even distribution of concurrent factors. This result is in accordance with my 1984 study, which was based on an original, not translated, French text of a quite different text type. The result also points

14 Presentation on TXM and information on the statistical method employed here is found in Heiden (2010) and Heiden et al. (2010). 15 ”Useful” in the sense signalled by the title of this paper.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

151

to the conclusion that as far as case-marking is concerned, no influence of the Latin originals on the French translations can be observed. The second question, concerning the reliability and the frequency of the individual factors was investigated using TXM, which ranks the factor(s) by frequency. Factors of group A, or put in more technical terms, the constructions, are the most important factors measured in terms of reliability (see also question 3) and in frequency, because monovalent, predicative, and passive constructions are unique factors for the identification of arguments in 27 of 225 clauses, i.e. in 12 % of the data. No other factors have comparable force of identification in isolation. The third question, concerning the effectiveness of the factors, has also been investigated using TXM. As said above, group A factors relating to unambiguous constructions are the only factors which appear in isolation. Others factors always appear together and no particular co-occurrence seems to be favoured. In a single instance, I have encoded that none of the factors are present, a coding which is open to debate. In this example, the complex NP li loir et les dones combines a masculine nominative plural and a caseless feminine plural. For this reason, I have coded it as “minus C5”, although the NP li loir is indeed found in the appropriate case according to the traditional declension rules. The feminine form is underspecified for case, but it was not possible to encode the combination of a “correct” and an underspecified NP, which we find in the Dialogue de l’âme IV, sentence 11 quoted below: 11.

li loir16 et les dones portent forces as lois (Latin: 11: premia et dona legibus vires tulerunt.)

The first three questions exclude the factor C3 (word order), whereas the two last questions include this factor. The fourth question concerns the possible relationship between word order and clause type. The most notable result is that the word order OSV is particular with respect to its frequency in subordinate clauses (20 tokens) and its infrequency in main clauses (no tokens). OSV is especially frequent in relative clauses having a relative pronoun in the function of Arg2; typical examples are the following from the Dialogue Gregoire, sentences 12a. and 12b.:

16 LOIR2, subst. masc. [T-L : loir2 ; GD : loir ; *FEW V, 438a : lucrum] “Gain, profit” www. atilf.fr/dmf.

152 12.

Lene Schøsler

Gieres ge parzoi

12a. ce ke ie soffre, 12.

ge parzoi

12b. ce ke ie ai perdut. Less notable, although significant, is the distribution of OV and VO word orders (i.e. without an expressed subject), which are more frequent in main clauses than in subordinate clauses. All other word orders have no significant score. I have tried to draw further conclusions by grouping frequencies, i.e. all OV±S, vs all VO±S, and all SV±O, vs. all VS±O, without significant results. However, the conclusion confirms the results presented above, based on word order alone: word order is not a reliable clue for the identification of arguments. The fifth question concerns the possible relationship between word order and text type – narrative – direct discourse. Here again, the results of the comparison are inconclusive. With the exception of SVO being slightly more frequent in narrative than in direct discourse, the main result is that no significant difference can be seen between the two text types concerning this particular factor. There are minor cases of correlation between factors, which cannot be properly investigated due to the limited size of my corpus. However, two associations suggest future lines of investigation: – word order (C3) and illocutionary function – voice and C7 (concord of Arg1 or Arg 2 with the past participle) I have found only 5 interrogative clauses. In accordance with my expectations, word order (C3) and questions are correlated. Indeed, all 5 clauses show inversion, 3 OVS, 1 VSO, and 1 VS. The number of passive clauses is rather low, only 9 % of all sentences, which limits our ability to study correlations between factors. However, one correlation is (unsurprisingly) frequent, that between voice and concord with Arg1 (C7). Other correlations that may be of interest have not yet been thoroughly investigated. These relate specifically to nominal arguments, the underlying question being whether the co-occurrence of factors is more frequent with NPs than with other argument constituents, and whether the frequency of NPs depends on clause type and text type. So far, this limited corpus investigation has not shown any correlation on these points, which include: – NP (factors D) and other factors with the exception of C3 – NP (factors D) and word order (C3)

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

– –

153

NP (factors D) and clause type NP (factors D) and text type

However, the idea that the presence of an NP, and more particularly that the presence of more than one NP requires a number of concurrent factors to reinforce the argument marking is confirmed in the few sentences containing more than one NP, which all show multiple factors. In total, I have found eight sentences with two NPs. As my texts in general preserve declension, the factor C5 (= case) is present in six of these examples. In addition, there are four instances of factor B9 (= difference of number and/or person between arguments), two of the factor B8 (lexical restrictions), one of the factor B3 (= Arg2 infinitive or subordinate clause), and four instances of the less reliable factor C1 (= coordination with unequivocal sentence). Finally, word order suggests the identification of arguments, as we have seven cases of SVO, and one case of SV. The idea that co-occurrence of factors is required when one or more NPs are present needs further exploration on a larger corpus. The role of word order in sentences with two NPs also needs further investigation.

5.7 Is there influence from the Latin original on the French translation concerning case? Since my paper focuses on the status of declension for the interpretation of arguments and referents of arguments, I have not yet discussed the possible specificity of the declension system in the translations. One might think that a translator, mastering the Latin declension system, would not make any errors of case declension in this translation into OF. However, we know that knowledge of Latin case is not simply mapped onto French, as the following passage quoted from the Prologue of La Vie d’Edouard le Confesseur, a 12 th-century Anglo-Norman translation of the Latin original (verses 1–10), in which the translating nun excuses her deficient understanding of traditional declension rules in Anglo-Norman: Si joe l’ordre des cases ne gart / Ne ne juigne part a sa part / Certes n’en dei estre reprise / Ke nel puis faire en nule guise. / Qu’en latin est nominatif / Ço frai romanz acusatif. / Un faus franceis sai d’Angleterre / Ke ne l’alai ailurs quere. / Mais vus ku ailurs apris l’avez / La u mestier iert, l’amandez .17 17 Passage quoted from Schøsler (1984, 171). Free translation into English: If I do not respect the cases, and do not put together what should go together, I should not be blamed, because I cannot do better. What is in the nominative in Latin, I will make it accusative in French. I know a bad French from England, because I never learnt it elsewhere. But you who have learnt it elsewhere, please repair [my grammar], whenever necessary.

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Consequently, translators from Latin into OF may or may not respect case rules, probably in accordance with the OF dialect that they were using. With respect to the passages examined in the present study, I have found no case confusion in Li Dialoge Gregoire lo Pape. It is worth recalling that this text is written in the Walloon dialect, which is known to be fairly conservative with respect to declension. By way of contrast, I have found three cases of confusion in the Dialogue de l’âme, written in the dialect of Lorraine, which is normally considered to be even more conservative than Walloon. These examples are discussed below. Dialogue de l’âme, section II: The Latin original has: 14. ubicumque fugero 14. mala mea me insecuntur. The French copyist translates: 13. ou que je fui 13. mé mal me porsoeve. In sentence 14, the subject of Latin original takes the form of a plural neuter, mala mea, whereas the French translation is supposed to be a singular form, since the verb porsoeve is in the singular, but the subject takes a hybrid form, mé might be a plural accusative without its expected final -s, and certainly not a nominative form, whereas mal is either a singular accusative or a nominative plural form according to the paradigms found in Tables 2–4. It might be the case that the Latin original has induced the translator into error, with a misinterpretation of the neuter plural as a feminine singular form. In section III of the same text, line 1, we find the form mé mas (quoted below), which is undoubtedly a (correct) plural form, again without its final -s, which is, however, often found, because -s is unpronounced before a consonant. Dialogue de l’âme, section III : 1a. Ubicumque convertero me, 1. malorum meorum me onera comitantur, Here the French translator chooses the expected nominative plural form of the definite article, li, but the unexpected plural form of the noun, fais, instead of fait. There can be no influence here from the Latin original.

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

155

1a. Ou que je me torne, 1. li fais de mé mas me porsevent; Dialogue de l’âme, section IV : The Latin original presents a parallel construction: 12. Ubique pecunia vincit, 13. ubique judicium venale est. The French translation is differently organised, in a chiastic opposition between richace and jugement (VS–SV): 12. partot vaint richace, 13. et jugement est venaus The translator translates the neuter judicium with the accusative singular form jugement, instead of the expected nominative singular form jugemenz. This unexpected choice might have been influenced by the form of the Latin original. To conclude, with respect to the rules of declension, there seems to be little influence from Latin. However not surprisingly, some confusion appears with respect to the status of the neuter. In contrast, calques from Latin syntax are found in the internal structure of the NP, especially absolute constructions with participles, as shown by the following two examples from the second book of Li Dialoge Gregoire lo Pape. In both sentences, the Latin absolute ablatives are directly transferred: (Latin sentence 7) Despectis … studiis, relicta domo rebusque patris, (Latin sentence 10) quatuor discipulis illius referentibus. But this type of influence, which is well known, is studied in another chapter of this volume. 6. Gieres despitiez les estuides des lettres, laissie la maison et les choses de son peire, al soul deu desiranz plaisir, quist l’abit de sainte conuersation. 7. Despectis itaque litterarum studiis relicta domo rebusque patris soli deo placere desiderans sanctae conuersationis habitum quaesiuit. 9. conois racontanz quatre disciples de celui, 10a. quae narro quatuor discipulis illius referentibus

6 Conclusions 6.1 Results of the study of the Old French corpus The question asked in the present paper concerning the “usefulness” of case morphology from Latin to French has been explored firstly from a theoretical

156

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point of view and secondly by means of an empirical investigation of passages from the translation corpus of the project Latin tardif, français ancien : continuités et ruptures. The result of the inquiry into various theoretical approaches to the function of case was that traditional accounts of case should be abandoned. Indeed, the idea that declension exists to identify the syntactic function and the referents of arguments does not hold. Instead, we should retain approaches which claim that morphological declension is only one of a number of clues used to interpret the argument structure of a sentence. Following Pinkster, Hupka, Detges, and my own previous studies, a number of argument-marking factors were presented, in order to demonstrate that there are indeed a large number of concurrent factors, including pronominal morphology, agreement, word order, lexical constraints, valency-related factors, etc. The result of the empirical investigation confirmed the idea that these factors function together in order to identify the arguments and their referent. In particular, I have found that in 45 % of the sentences, the nature of the verb (intransitive, governing a subject predicate, a preposition or the dative, or a transitive verb in the passive form) is such that no confusion with respect to the identification of the subject or the subject referent is possible. I have put forward the argument that in these cases, it is the whole construction that is inherently unambiguous. This implies that it is not just the lexical verbs but the grammar which is decisive for the interpretation of the argument structure of a sentence. Nevertheless, other factors (groups B and C) are also widely present in these contexts. This fact is a confirmation of the idea that the system is cumulative, meaning that factors co-occur and concur. In 55 % of the sentences, a misidentification of arguments is in principle possible, since the construction is transitive. In these cases, other factors must apply, i.e. from groups B and C. I have studied correlations between the factors, the main question being whether nominal declension has a special status compared to other factors. The result of this investigation was negative: case is by no means a special factor, measured in terms of reliability and frequency. This should be seen in contrast to the importance of the factor “construction” (group A factors). Interestingly, these results are in accordance with my 1984 study based on a quite different text type, a (untranslated) French epic poem (chanson de geste), the Charroi de Nîmes. Additionally, I investigated 17 Old French texts or fragments of texts. My 1984 study provided much less detailed evidence, especially regarding the co-occurrence of factors, and it did not take into account any additional information (text type, illocutionary force, etc.). Since the corpus of my 1984 study differs in text type, period, and dialect from the corpus used in the

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

157

present investigation, it is legitimate to claim that the results are valid for OF in general. In other words, OF evidence suggests that successful communication employed a number of concurrent argument-marking factors to indicate the function of the arguments. Additionally, it seems that there was little influence from the Latin original on the OF translation.

6.2 Comparison with Harm Pinkster’s investigation of the Latin originals Let us now briefly take into consideration the results obtained by Harm Pinkster who studies the Latin original in a separate chapter. There are important differences and similarities between the two investigations. Firstly, Harm Pinkster investigates both arguments, satellites and adjective phrases (APs), whereas I investigate arguments only. This is a major difference due to the different structure of the two languages. In OF, the confusion between arguments and APs was more or less excluded, whereas it is could occur in the case of satellites and (mainly) non-subject arguments. However, the use of prepositions was rather frequent in OF, thus eliminating most ambiguities between arguments and satellites. Consequently, I have not found it relevant to investigate the role of case with non-arguments. Secondly, and most importantly here, Harm Pinkster’s findings concerning the marking of arguments entirely corroborate my own. According to Pinkster, the case marking of arguments is almost “superfluous”; instead, different factors co-occur in order to ensure the correct interpretation of arguments. These factors correspond to those of my groups A, B, and C. It is also noteworthy that Pinkster finds very few occurrences in which these factors are not present.

6.3 (Un)usefulness of case morphology, its survival and decay: some answers Let us now return to the questions about the OF declension system posed at the start of this paper, repeated here for convenience: 1. What was the function of the case system? 2. If unnecessary, why was declension preserved for so many centuries? 3. Why was declension abandoned at that particular time? In Schøsler (1984; 2013) I have discussed these questions in detail, and here I will just sum up the results, which are corroborated by my study of the bilingual corpus and by my investigation of the Charroi de Nîmes.

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Lene Schøsler

Tab. 12: Intermediate OF case paradigm after the disappearance of final -s in parisyllabic masculine nouns. Case

Singular

Plural

nominative accusative

li mu:r lə mur

lə mur le: mu:r

1.

The function of the case system was to contribute to the marking and identification of arguments, in combination with a number of other factors. Consequently, and as stated in the introduction, case should not be considered in isolation, but it should be studied in a way that reveals its interaction with other factors. 2. and 3. Evidence shows that declension rules (see Tables 2–4) were no longer entirely respected in western dialects even before the first OF texts, but still partly preserved in writings from the 12 th century. On the other hand, north-eastern dialects preserve declension even after 1300. My 1984 study presents in detail how the abandoning of the declension system began in nouns and adjectives, the system of which was based on the alternation of final -s. This consonant tended to disappear at different pace in the different dialects. Loss of case in articles was found much later. I have proposed that an intermediate case system based on more robust case distinctions in articles seems to have functioned for some time. This system was based on the form of the article, probably in combination with a vowel-length difference in the noun due to compensatory lengthening of the preceding vowel once final -s was lost (see Table 12). However, this intermediate system had at least two disadvantages: first, articles were by no means obligatory, implying that the clear oppositions of Table 12 were not always realised in speech. Second, final -s started weakening before consonants, but was retained at the pause or before a vowel. This implies that the paradigm was indeed less transparent than it appears in Table 12, and would have violated the principle of one form one function. In Schøsler (1984) I presented the hypothesis that the OF declension system was preserved as long as it contributed to the identification of the function of arguments. However, due to the increasing loss of transparency of the intermediate OF paradigm (Table 12, above), case no longer functioned as a valid indicator, and the intermediate paradigm was lost. Recall that the OF paradigms display the oppositions of case and number based on the alternation of one

“How useful is case morphology?”: from Latin to French

159

feature: -s or vowel lengthening after the disappearance of final -s. When the case markers became less reliable, reorganisations took place in favour of the retention of the morphological distinction of number. It should be observed that the different factors presented in this paper, and which work together in order to assure the identification of the function of arguments, preserve this function in Modern French, with two exceptions: case (C5) and the obligatory expression of Arg2 in sentences with a null subject (B6).18 Moreover, word order (factor C3) has increased its importance after the Middle French period. In other words, changes in grammatical subsystems for marking and identifying arguments and their referents can be described as major shifts in argument marking, or in Henning Andersen’s terms (Andersen 2008), as shifts in caserole indexing, since these markers point to specific case-roles.19 In terms of case-role indexing, the Romance languages preserve, increase and innovate compared to Latin: 1. They preserve the marking and identification of arguments and referents by means of the lexicon, but also partially by means of case, since case never completely disappears as an argument marker in Romance languages and is still present in all languages, especially in the pronominal system; a number of grammatical and contextual factors such as the ones presented above probably existed already in classical Latin, according to Pinkster; 2. They increase the use of specialised constructions and they increase the marking and identification of arguments by grammaticalising and extending the use of prepositions; 3. They innovate by introducing cross-reference and by introducing word order rules. In Modern French, these changes entail that argument marking is unambiguous, because word order in itself is a reliable case-role marker, and the remaining group A and B factors listed above are still highly reliable.

18 This change has been investigated in detail in Nørgård Sørensen et al. (2011). 19 The term case-role is used for argument marking and for sub-specification of certain arguments, such as patient, recipient, experiencer, etc.

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Appendix The bilingual corpus studied in this paper is found on-line (http://txm.bfmcorpus.org/bfm). It comprises selected passages from the Latin original and the French translation of two religious texts: 1) the Vita Benedicti, a didactic dialogue in prose composed in Latin in the 6th century in Italy, and its French translation, Li Dialoge Gregoire lo Pape, composed by the end of the 12th century in the Walloon dialect and preserved in a ms. from the start of the 13th century. 2) Saint Isidore’s Dialogue de l’âme, a didactic dialogue in prose composed in Latin in Spain around 600, the French translation composed by 1200 in the dialect of Lorraine and preserved in a ms. from ca. 1200. The corpus has been designed and tagged by researchers and partners associated with the collective project. The Appendix contains the bilingual corpus used by Lene Schøsler and Harm Pinkster. The bilingual corpus is divided into parallel sentences, however, with some difficulties of correspondences, due to the often rather complex organisation of the Latin original. Each clause is numbered, subordinate clauses are provided with a letter, as illustrated in Table 7 of my paper, which contains the first sentence of the first book of the Dialogue Gregoire lo Pape.

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Lene Schøsler

Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2, Ici comencet li promerains liures des dialoges saint Gregoire. 1. En un ior ge depresseiz de mult grandes noises des alquanz seculeirs, 1a. az queiz en lur negosces a la foiz sumes destraint solre meismes ce 1b. ke certe chose est nos nient deuoir, 1. ge requis un secreit liu 1c. ki est amis a dolor, 1d. u tot ce [1e] aouertement soi demosterroit, 1e. ke de la moie occupation desplaisoit a moi,

Vita Benedicti

1. Quadam die nimiis quorundam saecularium tumultibus depressus , ... 1a. quibus in suis negotiis plerumque cogimur soluere 1b.etiam quod nos certum est non debere , 1. secretum locum petii amicum moeroris , 1c. ubi omne ....se patenter ostenderet 1d. quod de mea mihi occupatione displicebat , 1e. et cuncta ... congesta ante oculos licenter uenirent 1 f. quae infligere dolorem consueuerant,

2. et totes les choses assembleies loisablement uenroient deuant mes oez. 2a. ki soloient en moi mettre lo dolor 3. dunkes fut auoc moi mes tres ameiz filz Pieres li diakenes 3a. Gieres ... cant ge mult affliz et longement tanz seoi ilokes, 3b. ki des la promiere flor de iuuente a moi est astrainz en amistiez, et mes compains a enquerre la sainte parole.

2. Ibi itaque ... dilectissimus filius meus Petrus diaconus adfuit , 2a. cum afflictus ualde et diu tacitus sederem , mihi a primaeuo iuuentutis flore amicitiis familiariter obstrictus , atque ad sacri uerbi indagationem socius .

4. Li queiz moi esgardanz estre dequit de grief dolor del cuer dist :

3. Qui graui excoqui cordis languore me intuens , ait :

5. Auint dunkes a toi alcune chose de chose nouele, 5a. ke dolors toi tient 5b. plus ke [dolors] soloit ?

4. Num quidnam noui tibi aliquid accidit , 4a. quod plus te solito maeror tenet ?

6. A cui ge dis :

5. Cui inquam :

7. Li dolors, Pierres, ... est a moi uiez et toz tens par aoisement noueaz 7a, cui ie soffre cascun ior, et toz tens par usage.

6. Maeror , Petre , et semper mihi per usum uetus est et semper per augmentum nouus 6a. quem quotidie patior ,

8. Quar mes maleurous corages hurteiz par la plaie de sa occupation, ramenbret, 8a. queiz il fut iadis el monstier ;

7. Infelix quippe animus meus occupationis suae pulsatus uulnere , meminit 7a. qualis aliquando in monasterio fuit ;

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Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2,

Vita Benedicti

8b. coment astoient dessoz lui totes choses louerianz ; 8c. en combien il apparoit dessoure totes choses 8d. ki soi tornent ; 8e. ke il auoit aconstumeit nule chose penseir se celestienes non ; 8 f. ke il encor retenuz en cors, ia meismes les enclostres de la char trespassoit par contemplation ; 8g. ke il alsiment la mort ... ameuet 8h. ki anaises a trestoz est poine alsi com entreie (=e ntrée) de uie et lowier (= loyer) de son trauailh.

7b. quomodo ei labentia cuncta subter erant ; 7c. quantum rebus omnibus eminebat ; 7d. quae uoluuntur

9. Mai sor por l’occasion de la cure pastorale soffret il les negosces des hommes seculeirs, 10. et apres si bele forme de son repos par la purriere del terrien fait est il laidoiez. 11a. Et quant il soi por lo condescendement des pluisors az deforienes choses espart, 11b. meismes cant il desiret les deuentrienes, 11. a iceles senz dotance repairet il menres. 12. Gieres ge parzoi 12a. ce ke ie soffre, 12. ge parzoi [verbe répété]

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7e. quod nulla nisi caelestia cogitare consueuerat ; 7 f. quod etiam retentus corpore , ipsa iam carnis claustra contemplatione ; quod mortem quoque …., uidelicet ut ingressum uitae et laboris sui praemium amabat 7g. quae paene cunctis poena est .

8. At nunc est occasione 9. curae pastoralis saecularum hominum negotia patitur , 10. et post tam pulchram quietis suae speciem , terreni actus puluere foedatur .

11a. Cumque se pro condescensione multorum ad exteriora sparserit , 11b. etiam cum interiora appetit , 11. ad haec procul dubio minor redit . 12. Perpendo itaque 12a. quid tolero , 12. perpendo [verbe répété] 12b. quod amisi . 13a. Dumque intueor illud 13b. quod perdidi , 13. fit hoc grauius 13c. quod porto . 14. Ecce etenim nunc magni maris fluctibus quatior , 15. atque in naui mentis tempestatis ualidae procellis illidor .

12b. ce ke ie ai perdut. 13a. Et quant ie esgarde cele chose 13b. cui ge ai perdue, 13. si deuient ceste plus greualz 13c. cui ie porte. 14. Elleuos certes or sui horteiz des fluez de la grande meir, 15. et en la neif de ma pense par les turbilhons d’une forte tempeste sui deboteiz. 16a. Et cum prioris uitae recolo , 16a. Et quant moi souient de ma promiere uie, alsi com meneiz mes oez derriere mon dos ueue la riue 16. sospire. 16. quasi post tergum ductis oculis uiso 17a. Et ke encor plus gries chose est, litore suspiro .

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Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2,

Vita Benedicti

17b. quant ge turbleiz des granz fluez sui porteiz, 17. auisonkes pois ge ia ueoir lo port 17c. cui ie ai laissiet ; 18. car et ensi sont les auentures de la pense, 18a. k’ele certes anzois perdet la bone chose 18b. cui ele tient, 19. nekedent si souient soi auoir perdut. 20a. Et quant plus lonz s’en est aleie, 20. si obliet encor del meisme bien 20b. cui ele at perdut ; 21. et auient chose 21a. k’ele nes par ramenbrance uoit en apres 21b. ce k’ele tenoit anzois par fait. 22. De ce est fait 22a. ce ke ie ci deuant ai mis : 23. car

17. Quodque adhuc grauius est , 17a. dum immensis fluctibus turbatus feror , 18. uix iam portum uidere ualeo 18a. quem reliqui , 18b. quia et ita sunt casus mentis , 18c. ut prius quidem perdat bonum 18d. quod tenet , 18e. si tamen se perdidisse meminerit :

19a. cumque longius recesserit , 19. etiam boni ipsius 19b. quod perdiderat 19. obliuiscatur ; 20. fitque 20a. ut post neque per memoriam uideat , 20b. quod prius per actionem tenebat . 21. Vnde hoc agitur 21a. quod praemisi , 21b. quia 23a. cant nos nauions plus lonz, 21c. cum nauigamus longius , 23. ia ne ueons nos pas lo port de repos 21d. iam nec portum quietis … uidemus . 23b. cui nos laissiet avons. 21e. quem reliquimus 24. Et a la foie a l’aoisement de mon dolor ce 22. Nonnunquam uero in augmentum mei est aioint, doloris adiungitur , 24a. ke la uie des alcanz 22a. quod quorumdam uita 24b. ki lo present secle de tote lur pense 22b. qui praesens saeculum tota mente deguerpirent, reliquerunt , 24a. a memoire a moi est rapeleie. 22a. mihi ad memoriam reuocatur . 25. La haltesce des queiz 23a. Quorum dum culmen aspicio , 25a. cant ie regarde, 23b. quantum ipse in infimis iaceam 25. si conois 23. agnosco ; 25b. com bien ge meismes gis en tres 24a. quorum plurimi conditori suo in basses choses. secretiori uita placuerunt , 26. Des queiz li pluisor en plus secreie uie plaurent a lur faiteor, 27. li queil par ke il par les humains faiz ne 24b. qui ne per humanos actus a nouitate uieziroient de la nouelerie de lur pense, mentis ueterascerent , 28. si ne uolt li tot poissanz deus iceaz estre 24. eos omnipotens Deus huius mundi occupeiz des traualz de cest mont. laboribus noluit occupari .

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Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2, Ici comencet li secuns liures. 1. Il fut uns hom d’onorable uie, de grasce Benoiz et par nom, 1a. ki portat cuer de uielhar des lo tens de sa enfance. 2. Quar il trespassanz son eage par constumes, ne donat son corage a nul delit ; 3. mais 3a. quant il encor astoit en ceste terre,

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Vita Benedicti 1. Fuit uir uitae uenerabilis gratia Benedictus et nomine ab ipso pueritiae suae tempore cor gerens senile. 2. Aetatem quippe moribus transiens nulli animum uoluptati dedit

3. sed 3a. dum in hac terra adhuc esset 3b. quo temporaliter libere uti potuisset 3. si despitat ia alsi com sec lo mont auoc sa 3. despexit iam quasi aridum mundum cum flor, flore . 3b. dont il poist el tens useir franchement. 4a. Ki fut neiz de franche lingie de la 4. Qui liberiori genere ex prouincia Nursiae contreie Nursie, exortus Romae liberalibus litterarum studiis 4. et a Romme fut doneiz a liberaz estuides traditus fuerat . de lettres de son pere et de sa mere. 5. Mais 5. Sed 5a. cant il en iceaz ueoit les pluisors aleir 5a. cum in eis multos ire per abrupta parmei les fosses des uisces, uitiorum cerneret eum 5b. quem quasi in ingressum mundi posuerat 5. si retrast cel piet 5. retraxit pedem ne 5b. cui il auoit mis alsi com en l’entreie del mont, 5c. par ke il meismes en apres, 5d. se alcune chose auenist de sa science, 6a. si quid de scientia eius adtingeret 5c. n’alaist trestoz en un grant 6. ipse quoque postmodum in inmane trebuchement. praecipitium totus iret . 6. Gieres despitiez les estuides des lettres, 7. Despectis itaque litterarum studiis relicta laissie la maison et les choses de son peire, domo rebus que patris soli deo placere al soul deu desiranz plaisir, quist l’abit de desiderans sanctae conuersationis habitum sainte conuersation. quaesiuit . 7. Dunkes s’en alat sachanment nient 8. Recessit igitur scienter nescius et sachanz, et sagement nient apris. sapienter indoctus . 8. Ge n’ai pas apris toz les faiz de cestui, 9. Huius ego omnia gesta non didici mais poi de choses 10. sed pauca 8a. cui ge raconterai 10a. quae narro quatuor discipulis illius referentibus 9. conois racontanz quatre disciples de celui, 10. agnoui 10. loist a sauoir Constantin lo mult 10a Constantino scilicet reuerentissimo tresredotable homme, ualde uiro 10a. ki uint apres lui el gouernement del 10b. qui ei in monasterii regimine successit monstier, Valentinien alsiment 10c. Valentiniano quoque qui multis annis 10b. ki par pluisors ans fut dessoure lo Lateranensi monasterio praefuit monstier Lateranense, et Simplice

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Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2,

Vita Benedicti

10c. ki gouernat sa congregation tiers apres lui, Honoreit alsiment 10d. ki encor est dessoure la cele de celui,

10d. Simplicio qui congregationem illius post eum tertius rexit 10e. Honorato etiam qui nunc adhuc cellae eius 10 f. in qua prius conuersatus fuerat 10e. praeest . 1a. Hic itaque cum iam relictis litterarum studiis petere deserta decreuisset 1. nutrix 1b. quae hunc arctius amabat 1. sola secuta est . 2a. Cum que ad locum uenissent 2b. qui Effide dicitur 2c. multisque honestioribus uiris caritate se illic detinentibus in beati Petri ecclesia demorarentur 2. praedicta nutrix illius ad purgandum triticum a uicinis mulieribus praestari sibi capisterium petiit 2d. quod super mensam incaute derelictum casu accidente fractum est

10e. en cui il conuersat promiers.-

Del tamis brisiet et refermeit. 1. Sa norrice ci deuant dite proiat les uoisines femmes

1a. ke l’om li prestast un tamis a purgier frument. 2. Li queiz tamis laissiez sor la table maluoisousement par auenant auenture brisat, 2a. si ke il astoit troueiz partiz en dous parties. 3. Lo queil manes 3a. quant trouat repairanz la norrice de celui, 3. si comenzat mult durement a ploreir, 3b. car lo uaissel 3c. cui ele presteit auoit pris 3b. ueoit ele brisiet. 4. Mais Benoiz li religious enfes et pius, 4a. quant il ueoit sa norrice ploreir, 4. il eut compassion de sa dolor, 5. si prist auoc soi ambedous les parties del brisiet tamis, 6. et a larmes soi donat en orison. 7. Li queiz soi sus leuanz de l’orison trouat lo uaissel deleiz soi ensi sain, 7a. ke nules traces de la brisure ne porent pas en lui estre troueies. 8. Et manes confortat sa norrice dulcement, 9. se li rendit sain lo tamis, 9a. cui il brisiet auoit pris. 10. La queile chose fut conue de trestoz en icel liu, et haute en si grande merueilhe,

2e. sic que ut in duabus partibus inueniretur diuisum . 3a. Quod mox ut rediens nutrix illius inuenit 3. uehementissime flere coepit 3b. quia uas 3c. quod praestitum acceperat 3b. fractum uidebat . 4. Benedictus autem religiosus et pius puer 4a. cum nutricem suam flere conspiceret 4. eius dolori conpassus ablatis se cum utrisque fracti capisterii partibus sese cum lacrimis in orationem dedit . 5. Qui ab oratione surgens ita iuxta se uas sanum repperit 5a. ut in eo fracturae inueniri uestigia nulla potuissent . 6. Mox autem nutricem suam blande consolatus ei sanum capisterium reddidit 6a. quod fractum tulerat . 7. Quae res in loco eodem a cunctis est agnita

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Li Dialoge Gregoire lo Pape 1–2, 10a. ke li maneor de cel liu pendirent cel meisme tamis en l’entreie de la glise, 10b. par ke cil 10c. ki astoient present et cil 10d. ki deuoient uenir trestot 10b. conistroient, 10e. de com grande perfection Benoiz li enfes ot comencie la grasce de conuersation. 11. Li queiz tamis fut illoc par pluisors ans deuant les oez de toz.

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Vita Benedicti 8. atque in tanta admiratione habita [est] 8a. ut hoc ipsum capisterium eius loci incolae in ecclesiae ingressu suspenderent

8b. quatenus et praesentes et secuturi omnes agnoscerent 8c. Benedictus puer conuersationis gratiam a quanta perfectione coepisset . 9. Quod annis multis illic ante oculos omnium fuit et 10. usque ad haec Langobardorum tempora super fores ecclesiae pependit .

Saint Isidore’s Dialogue de l’âme. Prologus I 1. Ad mes mains est venuz novelement uns luvres, 1a. li ques est diz Sinonimes ; 2. la forme del qel amonesta a mon corage a fare une plainte e mo ou e toz chaitis. 3. Je en ell o pais changiéz dis ne mies del sens d’icel ovre, mais del mien. 4. O tu, hom, 4a. quiunqes tu es, 4. leis et 5. parleis volentirs icès ; 6. et 6a. dentrementres laes adversitez del munde te tochent, 6. enquir toi meïmes par esgardét jugement, 7. si saverés 7a. qui tu sofres içales par trédroit wardon. 8. Dous persones sunt in cès escrit, li Hom ingemischans et la Raisons 8a. qui l’simont. Incipit dialogus beati ambrosii anime conquerentis et rationis consolantis. Homo.

PROLOGUS 1. Venit nuper ad manus meas quedam scedula Ciceronis 1a. quam Sinonimam dicunt , 1b. cujus formula persuasit animo quoddam lamentum michi vel miseris condere , mutatus profectus non ejus operis eloquium , sed meum votum . 2a. Quisquis ergo ille es , 2. libenter id perlege , 3. et 3a. dum adversitatibus mundi tangeris , 3. te ipsum censorio judicio discute ; 4. et statim agnosces 4a. quia 4b. quascunque afflictiones pateris in hoc seculo , 4a. retributione tibi justissima inferantur . 5. Duorum autem persone hic inducuntur deflentis Hominis et ammonentis Rationis . INCIPIT DIALOGUS BEATI AMBROSII ANIME CONQUERENTIS ET RATIONIS CONSOLANTIS .

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Saint Isidore’s Dialogue de l’âme. II 1. M’anime est en anguise, 2. et mes espiriz est chauféz, 3. et mes curs est periliz. 4. L’anguse de mon corage me possis, 5. et l’anguse de mon corage me tormente. 6. Evironéz soui de mais, asiiéz de miseres, enclos d’aversitéz, avironez de chaitivetéz, coverz de malaürtéz, apressé d’angusses. 7. En nul lo n’atroiz di si gran mal refugii, ni de si grant dolor provoance. 8. Nem pues avoir demunstrement d’eschaper misere, 9. nen ai provance d’amenrir ma dolor, 10. nen atroiz trace de fuir la mort. 11. Par tot me porsè malaürtéz, 12. ma misere ni mi deverpist ; 13a. ou que je fui 13. mé mal me porsoeve.

III 1a. Ou que je me torne, 1. li fais de mé mas me porsevent ; 2. ne pois fuir mes mais neskes l’umbre de mon cors. 3. Ju suis homo de mesconuiz non, d’oscure cognoseance, de base esclate, par moi et a moi tam solement cognuiz ; 4. unques homme ma ne fis, 5. et nulu unques ne detrais, 6. unques a homo contrare ne fui, 7. nullu moleste n’ai fait, 8. a nulu n’ai esté passibles, 9. chis toz hommes ai viscu sen complente : 10. trestu s’enforcent destrure ma vie, 11. et fremissent et forsenne encontre moi. 12. Par asenblée main portent encontre moi les perilz, 13. et si trahent a mon torment ; 14. si me monent 15. et m’apelent a perilsce. 16. Nus ne me defent a salut, 17. nuns nen ajoste defendement,

1. Homo . Anima mea in angustiis est , 2. spiritus meus estuat , 3. cor meum fluctuat . 4. Angustia animi possidet me , 5. angustia animi affligit me . 6. Circumdatus sum enim malis , circumseptus erumpnis , circumclusus adversis , obsitus miseriis , opertus infelicitate , opressus angustiis . 7. Non reperio uspiam tanti mali perfugium , 8. tanti doloris non invenio argumentum . 9. Evadendi calamitatis inditionem non comprehendo , 10. minuendi doloris argumenta non colligo , 11. effugiendi funeris vestigium non invenio . 12. Ubique me infelicitas mea persequitur ; 13. domi forisque me calamitas mea non deserit ; 14a.ubicumque fugero 14. mala mea me insecuntur .

1a. Ubicumque convertero me , 1. malorum meorum me onera comitantur , 2. velut umbram corporis sic mala mea fugere non possum . 3. Ego ille homo ignoti nominis , homo obscure opinionis , homo infimi generis , cognitus per me tantum , cognitus tantum michi , nulli unquam male feci , 4. nulli calumniatus sum , 5. nulli adversus exstiti , 6. nulli molestiam intuli , 7. nulli inquietus fui , 8. sine ulla querela apud omnes vixi : 9. vitam meam delere omnes nituntur ; 10. omnes contra me frendent 11. atque insaniunt . 12. Conserta manu in me pericula ingerunt , 13. ad exitium me pertrahunt , 14. ad periculum me adducunt , 15. ad discrimen vocant me . 16. Ad salutem nullus michi protectionem prebet ,

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Saint Isidore’s Dialogue de l’âme. 18. nuns ni mi donent deffendeme avee, 19. nuns ne secort a mes mas ; 20. divirpit suiz de toz. 21. Qui unques me vait, 22. ou me fuit 23. ou par aventure me porseut. 24. Il m’esgardent tuit cumme chatif, 25. et parolent a moit ni sa qel boisie par pasibles paroles, 26. par soés paroles aornent lor reponue malice. 27. Altre chose matent fors par boche, 28. et altre porpensent en curs ; 29a. cel qu’il prometent par diz, 29. destruent par ovre. 30. Si vunt par vinimé corage desoz l’abit di pieté, 31. et cuvrent lor malice par la color de bonté. 32. Vosotét reponent par simplicitét, 33. amisté fignent par bosie, 34. et demonstrent par viare 35. qu’il ne funt pas en cuir.

17. nullus defensionem adhibet , 18. nullus adminiculum subtribuit , 19. nullus malis meis succurrit : 20. desertus sum abs omnibus . 21a. Quicumque me aspiciunt , 21. aut fugiunt 22. aut fortasse me persecuntur ; 23. intuentur me quasi infelicem . 24. Nescio quem locuntur michi dolum verbis pacificis , ocultam malitiam blandis sermonibus . 25. Aliud ore promunt , 26. aliud corde volutant ; 27. opere destruunt 27a. quod sermone promittunt . 28. Sub pietatis habitu animo venenato incedunt , 29. malitias velant fuco bonitatis , 30. calliditatem simplicitate occultant , 31. amicitiam dolo simulant , 32. ostendunt vultu 32a. quod in corde non gestant .

IV 1. A cu croes tu ? 1. Cui credas ? 2. A cu ajoste tu fai ? 2, Cui fidem adhibeas ? 3. Quel visin sentes tu de fai ? 3. Quem fidei proximum sentias ? 4. Nuns ne set avoir foit. 4. Nullus habere fidem novit . 5. Ou est foit ? 5. Ubi jam fides [est]? 6. peri est, 6. Perit fides , 7. tollue est ; 7. ablata est fides , 8. et nului nen est seüre foit. 8. nusquam tuta fides [est]. 9a. Si loauté est nianz 9a. Si legitimum nichil est , 9b. et nulle vertéz de jugement nun est, 9b. si veritas judicii nulla est , 9c. si droiture est disjetée 9c. si equitas abicitur , 9d. et non est trovée, 9d. si jus non creditur , 9e. si justice est deneie a toz : 9e. si justicia cunctis negatur : 9. les lois perissent, jujant l’avarice ; 9. pereunt leges , avaricia judicante ; 10. drotures ne valent niant par amor de 10. cupitatis amore jura nichil valent ; cuvise ; 11. premia et dona legibus vires tulerunt . 11. li loir et les dones portent forces as lois ; 12. Ubique pecunia vincit , 12. partot vaint richace, 13. ubique judicium venale est . 13. et jugement est venaus. 14. Nullus legibus metus [est], 14. Nulle paor n’est a lois, 15. nullus judicii timor est :

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Lene Schøsler

Saint Isidore’s Dialogue de l’âme. 15. nulle paors n’est de jugement : 16. sen pone est li congiéz de mal vivre. 17. Nus ne contradist as pechanz, 18. nus ne vange felonie ; 19. toz blasmes maint. 20. Li felon sunt salf, 21. li innocent perissent. 22. Li bon unt disate, 23. li prochié abundent, 24. et li escumenié sunt possant. 25. Li felun sunt lié et onoré, 26. li juste sunt deceü et dolanté et em plor. 27. Sen cause et sen crime contrajetent 28. et amatent a moi blasme, 29. lient encontra moi lor noz, 30. atornent en moi leu de suspiciun. 31. En blasme et en peril me moinent, 32. amatent a moi lou blasmes 32a. ke je ne sai del quel. 33. Nule chose n’est esquise, 34. nule aut[re] vertet nen est chachie nen atrové[e] : 35. nekedant ne reposent findre, 36. mais contra me aparrelier fas tesmonege ; 37. ne cesent de contrajetir li acusor, 38. ne finent de dampner li envioz et la fause des tesmonz : 39. et je innocenz suy menéz a mort.

16. impunita manet male vivendi licentia . 17. Nemo peccantibus contradicit , 18. nec scelus ulciscitur quisquam ; 19. omne crimen inultum manet . 20. Iniqui salvi fiunt , 21. innocentes pereunt . 22. Boni indigent , 23. improbi habundant . 24. Scelerati potentes sunt , 25. justi egent . 26. Iniqui honorantur , 27. justi decipiuntur . 28. Iniqui letantur , 29. justi in merore et luctu sunt . 30. Nulla re inpediente , nulla causa , nulla criminatione , nulla crimen malicia michi obitiunt , 31. crimen michi imponunt , 32. criminis nodos contra me nectunt , 33. criminis et suspectionis locum in me convertunt . 34. In crimen periculumque me deducunt , 35. obiciunt michi crimen 35a. cujus non habeo conscientiam . 36. Nichil exploratum est , 37. nichil patefactum est , 38. nichil investigatum est , 39. nichil repertum est : 40. non tamen quiescunt adversum me mala configere , 41. non quiescunt falsa testimonia preparare , 42. non desinunt accusatores obicere , 43. judices non sinunt conscribere : 44. testium falsa sententia ad necem innocens ducor .

Sophie Prévost (CNRS / ENS / Université Paris Sorbonne Nouvelle / PSL Research University / USPC)

Increase of pronominal subjects in Old French: evidence for a starting-point in Late Latin 1 Introduction In Modern French, the expression of the subject is mandatory, except in a few cases (including direct coordination between verbs). This situation strongly distinguishes French from the other Romance languages, and also from Latin. This results from a major evolution which French has gone through, as is evidenced by Old French, a state of language during which null subjects were far more frequent than they are in Modern French. Studies have generally been focused on the decrease of null subjects, and on the simultaneous increase of pronominal subjects (personal pronouns) from Old French onwards. Less attention has been paid to the transition between Latin and Old French. However, some clues of this evolution may be traced as far back as Latin, and explain some disparities in the development of pronominal subjects in Old French. In this study, I will try to analyse the growing use of personal pronouns in Old French, considering Latin as a starting point, and relying for this on several corpora, among which a bilingual Latin–Old French corpus. I will first survey some specificities of Latin, namely the conditions under which 1st and 2 nd person pronouns were expressed, as well as how Latin made up for the absence of 3 rd person pronouns. I will then provide an overview of the situation in Old French, a time at which the paradigm of personal pronouns was completed, and highlight the skewing in the distribution of overt pronouns according to the verbal person. I will thereafter turn back to Latin to search for some early signs of this evolution. Finally, relying on a bilingual Latin–Old French corpus, I will address the issue of the translation of Latin personal pronouns in Old French, as well as that of Latin ille, a demonstrative pronoun from which the Old French 3 rd personal pronoun il originates.

https://doi.org/10.1515/9783110551716-009

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2 The expression of pronominal subjects from Latin to French The subject of a sentence can be instantiated by different expressions, the choice of which largely depends on the degree of accessibility of its referent, and various accessibility hierarchies have thus been proposed (Givón 1983; Ariel 1988). It is widely agreed that in French, as in many other languages, when the referent has low accessibility (or might even be inactive or unidentifiable), the speakers/writers use a nominal expression, whereas the use of a personal pronoun (Pp) or of a null subject (abbreviated as S0) signals a cognitively active referent. The other referential expressions (lexical anaphor, demonstrative pronoun, etc.) are situated at some point along the scale between these two extremities. In languages in which Pp and S0 are both used, the former are considered to signal a lower degree of cognitive activation and/or serve to emphasize an active referent. Owing to their proximity on accessibility hierarchies, it seems reasonable to consider that null subjects are close to (unexpressed) personal pronouns (this is evidenced in Old French by the existence of minimal pairs with or without a pronominal subject).1 It is therefore in relation to pronominal subjects2 that I will study non-expression of the subject. For Latin, I will however also take into account other pronominal expressions, since the paradigm of personal pronouns does not include 3 rd person sg. and pl. forms. In Modern French, the subject has to be expressed. Only in certain contexts of coordination or juxtaposition may it be omitted, under specific conditions: the null subject must refer to the same entity as the one immediately preceding, and the temporal orientation of the two processes or states must be identical. Moreover, the distance between the verbs cannot be very great, although it is difficult to define an objective number of words for this interval. It follows that the conditions which allow null subjects are both syntactic and cognitive. (1)

a. Paul quitta le restaurant, marcha quelques pas, et s’arrêta au premier croisement. ‘Paul left the restaurant, walked a few steps, and stopped at the first cross-road.’

1 There are pragmatic differences between null subjects and pronominal subjects, but this point is beyond the scope of this article. 2 By default “pronominal subject” refers to personal pronouns. If a reference is made to other pronominal forms (demonstratives, etc.), this will be specified.

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b. Paul quitta le restaurant, marcha quelques pas. *Puis s’arrêta au premier croisement. ‘Paul left the restaurant and walked a few steps. *Then stopped at the first cross-road.’ Furthermore, the subject usually occupies a preverbal position, especially when it is a personal pronoun. We find a postverbal Pp only if the sentence begins with some epistemic or argumentative adverbial phrase (may be, with no doubt, etc.). These adverbials have a common property: they trigger a balance of the predication, and thus they make the utterance not fully assertive (cf. Guimier 1997). These characteristics set Modern French apart from other Romance languages (except Romanche and some dialects of Northern Italy). Romance languages are indeed “null subject” languages: the explicit mention of a pronominal subject generally points to a thematic change or a contrast, as in (2): (2)

it.: vacci pure, io rimango qui ‘go, if you want, I’ll stay here’

Moreover inverted pronominal subjects are far more frequent and less restricted in Romance languages than in modern French, though they always signal an emphasis and/or a contrast:3 (3)

esp.: Lo hago yo ‘I’ll do it’

Modern French is very different from other Romance languages as regards the syntax of pronominal subjects, but it also differs largely on that point from Old French. Pronominal subjects have indeed undergone a major evolution in French, regarding both expression and position. As a result, French has moved a long way from its Latin origins as well as from other Romance languages, to which it was much closer in the past. Before considering the analysis of Latin and Old French data, I will give a brief account of this evolution.

3 Romanche is an exception: inversion is considered to be “grammatical” in this language, since it is obligatory when the verb is preceded by certain elements (complement, subordinate clause, gerund, participle): rom.: Oz sun jeu a casa ‘today am I at home’

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2.1 The expression of pronominal subjects in Latin Latin is a null subject language: pronominal subjects do not have to be expressed provided that the referent is cognitively accessible (from the context, namely the text or the discourse situation). Moreover, the morphological paradigm of personal pronouns is incomplete since pronouns only exist for the 1st and 2nd persons (singular and plural): ego, tu, nos, vos. There is actually no true 3 rd person pronoun, although it is often considered that certain uses of anaphoric is and of demonstrative ille may be similar to the use of a personal pronoun. I will return to this point below. Owing to this basic asymmetry, and also because the modalities of referential attribution are drastically different for the 1st and 2 nd persons on one hand, and for the 3 rd person on the other hand, I will discuss the two cases separately.

2.1.1 First and second person (singular and plural) pronouns First and second person sg. and pl. pronouns are closely linked to the context (i.e. the situation of discourse), which means that their referent is a priori readily and permanently accessible. It is commonly assumed that, in Classical Latin, pronominal subjects appeared only in order to reinforce expressivity, emphasis or contrast (cf. among others Ernout/Thomas 1953, 143; Touratier 1994, 23; Spevak 2010, 92; Pinkster 1987). Each verbal form contains in itself a subject: lego means ‘I read [...]’. As a result, in the right use of the language, the first and second persons pronouns are expressed only in order to reinforce affectivity or insistence, or to mark an opposition, etc.: Pl, Mer.761; Egone istuc dixi tibi? ‘I told you this?’ And in this case it is placed rather at the beginning. (Ernout/Thomas 1953, 143).4

Pinkster distinguishes more specifically two functions associated with the expression of pronominal subjects. The first one is a topical function, which matches a change of topic, or a need to clarify a referent (for instance when one person addresses another); the second one is a focal function, which occurs in

4 My own translation of: “Toute forme verbale contient en elle-même un sujet: lego signifie à lui seul ‘je lis’ [...] Aussi le pronom personnel à la 1ère ou à la 2 e personne n’est-il exprimé dans la bonne langue que pour des raisons d’affectivité ou d’insistance, pour marquer une opposition, etc.: Pl, Mer.761; egone istuc dixi tibi ? ‘Moi, je t’ai dit cela?’ et dans ce cas il se place plutôt en tête”. (Ernout/Thomas 1953, 143).

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contexts of contrast and emphasis. In the latter contexts, ego often occurs with opinion or judgement verbs. Pinkster (1987) notes that: “we do not find such a correlation with tu, which is used more frequently with verbs of action”. Pinkster though admits that it is often difficult to draw a clear distinction between the two functions, since a change of topic may also be interpreted as a form of contrast. The frequent use in spoken Latin of pronominal subjects has been pointed out by many linguists (cf. Touratier 1983, 23, among others). We may account for this by the fact that spoken language in general favours expressivity. Väänänen thus writes: “Spoken language tended on the contrary to encourage wider use of the personal pronoun owing to the wish to be expressive”. Then he adds: “Afterwards the personal pronoun is expressed with no specific nuance” (Väänänen 1981, 123).5 Ernout/Thomas (1953, 143) also analyse the presence of pronouns in certain locutions as a mechanical use, that is with no trace of emphasis or contrast. A weakened and devalued use of pronominal subjects thus developed, they argue, constituting a step towards the automatic use of pronouns. However, as Pinkster (1987, 370) observes, at the same time referring to Harris (1978): “the assumed development, however, is mainly a French phenomenon and not typical for the Romance languages as a whole (Harris 1978, 111 vv.): consequently it is not really a solid justification of unemphatic use of the pronouns”.

It therefore seems legitimate not to date too early the qualitatively weakened and quantitatively growing use6 of pronominal subjects.

2.1.2 Third person (singular and plural) Latin had no 3 rd person pronouns. It is generally agreed that anaphoric is to a great extent, and demonstrative ille to a lesser extent, had a function close to that of personal pronouns. However the relation between the two Latin paradigms is complex and has changed over time.

5 My own translation of: “la langue parlée au contraire tendait à généraliser l’emploi du pronom personnel sujet par le désir d’expressivité […]. Par la suite, le pronom sujet est exprimé sans aucune nuance particulière; sa place tend à se fixer devant le verbe” (Väänänen 1981, 123). 6 The causal relation between quantitative increase and qualitative weakening may have applied in both directions.

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In Classical Latin, is was a purely endophoric element: strictly speaking, it was not a demonstrative form, contrary to hic, iste, and ille. More exactly, hic and ille were deictic forms, but they could also function as anaphoric elements, whereas iste was a pure deictic form (André/Fruyt 2012). Moreover is was a narrow scope anaphoric, unlike ille, whose scope could be much wider. Another difference lies in the fact that is could be used as a mere anaphor (through the sentence or between sentences), and also in correlative constructions (is ... qui, or qui … is), in which it could take on a cataphoric value. In this paper I will focus on its anaphoric uses. When a subject co-referred with a well-established topic, generally it was not taken up. Zero anaphora is the preferred means of continuation (45 %) in the case of identical subjects. (Spevak 2010, 98).

However is could appear in contexts of referential continuity, but in this case it was used in order to topicalize the referent. Hic could perform such a function as well, but in addition it could be contrastive and take on a focal value. As for ille, it endorsed different values in Classical Latin: it was used as a deictic, or, more often, it served to signal a change in topic (this function clearly opposes it to is), and thus it was endowed with a more or less strong contrastive value. I will not discuss here the case of iste, which is a mere deictic. This distribution of forms and functions has undergone several changes, leading to the gradual disappearance of is. Is seems to have lost some of its uses as early as in Classical Latin. On the one hand it became far less frequent as an adjective, and on the other hand only some of its pronominal forms were attested. Moreover it was almost always positioned next to the word it determined (noun or verb). André/Fruyt (2012) analyse this situation as the sign of a loss of autonomy. Is was gradually replaced par ille, and sometimes by hic. At first ille took its place in adjectival uses (this is a case of suppletism), and then replaced is as a pronoun, in cases where is still worked: at this point ille has become a narrow-scope anaphoric (André/Fruyt 2012). Much of the literature agrees with this development, but there is no consensual position concerning the dating of the replacement of is by hic, and above all by ille. According to André/Fruyt, Cicero still used ille with its genuine values, but the following generation used it as a narrow-scope anaphoric, even though we may find some variable uses. According to Adams (1977, cited by Pinkster 1987), drawing on an analysis of Terentianus, is was seemingly replaced by ille in spoken language as early as the end of the 1st century. However, Pinkster points out that the far more frequent occurrences of ille (versus is) may be accounted for by its various

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functions (as a deictic and as a marker of change of topic, two functions which is was unable to assume). According to Pinkster, ille has not replaced is, and its high frequency should not be interpreted as a behaviour departing from Classical Latin uses: “ille is used there precisely where it ought to be used in Classical Latin” (Pinkster 1987, 377). Banniard (1995) shares the same point of view and asserts a late replacement of is by ille. According to him, ille lost its marked value only between the 3 rd and 5 th centuries, and was then transformed into a weak demonstrative (in parallel with the emergence of the strong construction ecce + ille). It was also at this time that is faded from spoken language. The emergence of il, ele, and eles, stemming from ille/illi, illa and illae, is considered to have taken place in proto-French.

2.2 Expression of pronominal subjects in Old French 2.2.1 Completion of the paradigm of personal pronouns Old French displays a major innovation compared to Latin: the paradigm of personal subjects is henceforth completed, the forms il (singular and plural), ele and eles having joined the 1st and 2 nd persons (je, tu, nos, vos). We find some attestations of these new forms in the early French texts: (4)

Elle nont eskoltet les mals conselliers (Séquence de Sainte Eulalie, ca 881, v. 3) ‘She does not listen to bad advisers’

(5)

Li tres vindrent a sanct Lethgier, / jus se giterent a sos piez; / de lor pechietz que aurent faiz, / il lor absols et perdonat. (Vie de Saint Legier, ca 1100, v. 223–226) ‘the three came to Saint Leger / they threw themselves at his feet; / from the sins they had made, / he absolved and forgave them’

Moreover, from that time, there exists a distinct paradigm of demonstratives (cil / cist, stemming from ecce + ille / ecce + iste): (6) Ewruïns / cil biens qu’el fist, cil li pesat; (Vie de Saint Legier, ca 1100, v. 218–219) ‘And Ewruïns, this good that she did, this one grieved him’ which suggests that 3 rd person pronouns are henceforth deprived of the original value of ille.

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2.2.2 Expression of Pps in Old French: a quick overview of their general evolution On a syntactic level, Old French has inherited a great deal from Latin: word order remains fairly free from a grammatical point of view (as far as syntactic functions are concerned), and it is largely governed by a functional / informational principle (be it conceived in terms of “topic-comment” (aboutness) or “theme-rheme” (notion of communicative dynamism): the elements of the sentence are organized from the least to the most informative (cf. Venneman 1976 and Combettes 1988). This relative grammatical freedom is however restricted by the strong, albeit not absolute, the verb-second (V2) constraint: the verb must occupy the second position. This is a feature which sharply breaks with Latin, a language in which the verb tended to occupy the final position. Another main feature of Old French lies in the optionality of subject expression, which results in Old French generally being considered as a (partially) null subject language. The persistence of the free ordering of clause constituents is traditionally accounted for by the maintaining of a bi-casual declension (tri-casual for some pronouns), while the possibility not to express subjects is supposed to result from the existence of a rich verbal morphology, as in Latin. The loss of this morphological richness, as well as the decline of the nominal declension (the pronominal declension was maintained, though simplified) would have brought about a growing expression of subjects and their fixation in preverbal position. However, the relationship between these different phenomena is probably more complex. A chronological convergence between the decline of the morphological richness and the fixation of overt subjects in preverbal position indeed took place during the medieval period, but this does not imply that a strict causal relationship has operated. As for the expression of subjects, which is our main concern here, the relation between the erosion of verbal endings and the rise of overt pronominal subjects has been questioned because of an apparent temporal lag between the two changes, although, not unsurprisingly, assumptions about the chronological sequence of changes may differ radically: some authors argue for the primacy of the decline of null subjects (among others: Buridant 2000; Schøsler 2002, and also, much earlier, Franzén 1939 and Herman 1954), others for the primacy of the loss of verbal agreement (Roberts 1993). The debate is beyond the scope of this article (cf. Simonenko/Crabbé/Prévost (to appear) for a discussion). Let us simply assume in the present article that, though undisputed, the influence of the phonetic factor is not considered to be the first and most important one: I subscribe to Buridant’s claim (2000) that phonetic erosion played the role of a “catalyst”.

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Beside the phonetic and morphological factor, the verb-second (V2) constraint has been put forward to account for the non-expression of the subject, and for the loss of it, in very different and variously dated approaches (Foulet 1930; Skårup 1975; Adams 1987; Vance 1997; Buridant 2000, among others). Null subjects would amount in most cases to postverbal pronominal subjects: they would be postposed because another element occupies the first position of the clause, and would thus be “omitted”.7 The decline of V2 would have brought about the decrease of null subjects (Adams 1987). However, this explanation is not completely satisfying, inasmuch as the verb-second constraint, though undoubtedly strong, yet was not absolute in Old French. Many texts display exceptions to this tendency, with verbs standing in 1st position and/or in 3 rd position: (7)

“Veez m’espee, ki est e bone e lunge: / A Durendal jo la metrai encuntre” (Roland., v. 926) Indirect obj. subject verb ‘“Against Durandal I will wave it”’

Neither the phonetic nor the syntactic explanations seem to be able to fully account for the decline of null subjects in Medieval French. A complementary explanation will be provided below (cf. 2.2.3). Whatever the respective influence of these different factors, the fact remains that the evolution of the syntax of the subject took place in a more general evolution towards a fixation of word order, which reflects the transition from an informational organization to a grammatical organization (cf. Vennemann 1976 and Combettes 1988 for an extensive discussion). Old French constitutes an intermediate stage in the evolution of the syntax of subjects, starting from prevailing non-expression in Classical Latin towards nearly obligatory expression in Modern French. How we appraise the expression frequencies largely depends on the point of reference which is adopted. If we choose Latin, we may consider that subject expression is frequent as early as the 12 th century, especially if it is compared with the preceding century. On the contrary, if we analyse the frequencies of pronominal subjects from the point of view of Modern French, expression seems to be still rather low. Table 1

7 This is an over-simplified account of the “syntactic explanation”, which leaves aside the principle of “Verb-to Complementizer” movement which is defended by the proponents of generative grammar, and also overlooks the discourse-related aspects of this approach: Vance (1997), for instance, includes a more extensive discussion of the expression/non-expression of pronominal subjects in terms of discourse-linking of the initial constituent.

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presents the frequency of expressed Pps in texts ranging from the 9 th to the mid. 13 th century:8, 9 Tab. 1: Frequency of expressed pronominal subjects. Texts10, 11

Main declarative (Pp / Pp +S0)

Subordinate (Pp / Pp +S0)

Total (Pp / Pp +S0)

Serments de Strasbourg (842) Séquence de Sainte Eulalie (881) Passion (ca 1000) Vie de Saint Legier (ca 1000) Vie de Saint Alexis (ca 1050) *Chanson de Roland (1100) Lapidaire en prose (mid. 12 th) *Eneas (1155) *Beroul, Tristan (late 12 th) *Li Quatre livres des reis (ca 1170) *Ch. de Troies, Yvain (1180) *Clari, Conqueste Constantinop. (1205) *Aucassin et Nicolete (late 12 th/ earl. 13 th) *Renart, Guil. de Dole (ca 1228) *Queste del Saint Graal (1225) Lettre de Sarrasin (1249)12

67 % (2/3) 27 % (4/15) 15 % (41/270) 14 % (19/135) 13 % (50/392) 14 % (70/488) 49 % (138/281) 12 % (60/492) 18 % (87/475) 11 % (44/397) 20 % (79/388) 24 % (75/318)

75 % (3/4) 43 % (3/7) 27 % (18/66) 31 % (20/64) 42 % (58/138) 41 % (48/117) 74 % (75/102) 47 % (83/177) 53 % (91/173) 48 % (62/130) 64 % (179/280) 92 % (214/232)

71 % (5/7) 32 % (7/22) 18 % (59/336) 20 % (39/199) 20 % (108/530) 19 % (118/605) 56 % (213/383) 21 % (143/669) 27 % (178/648) 20 % (106/527) 39 % (258/668) 53 % (289/550)

35 % (174/499)

82 % (171/208)

49 % (345/707)

33 % (132/394) 43 % (144/335) 33 % (24/72)

74 % (163/219) 93 % (264/285) 82 % (32/39)

48 % (295/613) 66 % (408/620) 50 % (56/111)

8 Only pronominal subjects (Pp) are taken into account. The relative frequency of expressed Pp is thus calculated out of the total “Verb with Pp+ Verb with S0”. Raw numbers are given in brackets. If we consider all types of subjects, expression frequencies are substantially higher: for instance, in La vie de Saint Alexis, the global frequency of overt subjects (from the sum of “verb with an overt subject + verb with S0”) is 41 % in main clauses and 52 % in subordinate clauses; in Chanson de Roland frequencies are respectively 51 % and 67 %; in Queste del Saint Graal they amount to 61 % and 97 %. 9 For additional and/or later data, see Prévost (2012; 2015 and in preparation). The results presented in Tables 1 and 2 (below) proceed from a collaboration with Christiane MarchelloNizia for the Grande grammaire historique du français (in preparation). 10 In texts preceded by an asterisk, counts are given on samples of 1000 finite verbs. The other texts were fully analysed. 11 Texts in roman are in prose, texts in italics are in verse. Aucassin et Nicolete is a mix of verse and prose. 12 This text contains about 2500 words, and it is slightly later than Queste del Saint Graal. As a letter, it has the advantage of being different from most contemporary texts that have come to us, even if it is not a written “familiar” text (and should not be considered “immediate communicative” in Koch/Oesterreicher’s classification (2001).

Increase of pronominal subjects in Old French

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Two points are worth emphasizing. First, from the earliest texts on, and during the whole period of Old French, the expression of Pp is far higher in subordinate clauses than in main declarative clauses. This is a long-established observation (see among others: Foulet 1930; Franzen 1939, and more recently Adams 1987 and Hirschbühler 1989 and 1990). I will not discuss the explanations which have been put forward to account for this fact, among which the fact that subordinates are not “Verb second” structures, as it is claimed in the framework of generative grammar (Adams 1987; Vance 1997). Secondly, there is a rise in expression from the 13 th century onwards.13 It is especially striking in subordinate clauses, which, from 1200 on, increase their advance over main declarative clauses. Moreover, the table below confirms that prose is more advanced than verse. This is evidenced by the comparison between 13 th century texts: Dole, in verse, displays less overt pronouns than Queste del Saint Graal, in prose. At the same time, sections in prose in Aucassin exhibit more overt subjects than sections in verse. Similarly, the Lapidaire en prose has a very high proportion of overt pronouns in comparison to mid-12 th c. texts in verse. However, the precocity of prose is a criterion to handle carefully as far as texts prior to the 13 th c. are concerned, because of the extreme scarcity of texts in prose. Moreover, most of them are translations from Latin, probably influenced by the Latin syntax, as is evidenced by Quatre Livres des Reis, which exhibits lower frequencies of pronominal subjects than contemporary texts in verse.14 Though on the rise, overt pronominal subjects remain in minority until the early 13 th, especially in main declaratives. It is commonly agreed that, in Classical Latin, the expression of pronominal subjects had a special function: insistence, emphasis or contrast (see 2.2.1 above). It seems that it was no longer systematically the case in Old French, although it is difficult to make a direct comparison between Latin and Old French, since Latin, strictly speaking, had no 3 rd person pronouns, unlike French. Throughout the Old French period, 3 rd pers. sing/pl. overt expression occurs only in a minority of cases, most often when there is some difficulty in identifying the referent: overt pronouns generally signal a thematic discontinu-

13 This is a general tendency: at this time some texts still display low Pp’s expression frequencies. 14 The domain probably plays a major part as well, but it meets the same difficulty, that is the rarity of non literary texts before the 13 th c., and the fact that they are written in prose. In the case of Lapidaire, it is difficult to disentangle form and domain as the most influential factor.

182

Sophie Prévost

ity, such as a change in referents (ex. 7), or a change in temporality, or a contrast (ex. 8) (Buridant 2000, 431): (7) Et quant il fut coronés, li baron requisent leur paiement; et il dist qu’il paieroit molt volentiers chou qu’il porroit, et paia adonques bien .c.m. mars. (Clari, La Conqueste de Constantinople, 1205, p. 56) ‘And when he was crowned, barons asked for their payment; and he said that he would pay willingly what he would be able to pay, and indeed he paid c.m. mars.’ (8) Amors ne me fet mie droit, / quant ge me plain et il s’en rit; (Eneas, 1155, v. 8699) ‘Love is unfair to me, when I complain and it laughs at it’ However, this distribution of overt and null subjects is not systematic: null subjects are found in contexts of discontinuity, albeit rarely, while overt pronominal subjects appear in contexts of continuity, especially when a temporal subordinate clause precedes the main declarative clause: (9) Et quant il ot ce fet la dame resgarda le lit, et dist […], et quant ele fu la venue ele dist as charpentiers: … (Queste, 1230, fol. 213b) ‘And when he had done this, the lady looked at the bed and said [...], and when she had been arrived there, she said to the carpenters’ Although thematic continuity and referential saliency constitute a major explanatory factor, they cannot account for all cases of alternation between expression and non-expression: some of them remain puzzling and make it difficult to bring to light a perfectly coherent “system”. If we now consider 1st person pronouns, especially singular (and also 2 nd person pronouns), thematic continuity and saliency actually turn out to be irrelevant factors. These pronouns signal referents which are necessarily and permanently active owing to their direct involvement in the discourse situation. There is indeed no overuse of the pronoun when the predicate is not coordinated or juxtaposed, or stands at the beginning of a series of predicates: (10) Rollant saisit e sun cors e ses armes / E dist un mot: “Vencut est li niés Carles! / Iceste espee porterai en Arabe.” / En cel tireres li quens s’aperçut alques. (Roland, 1100, v. 2282) ‘Rollant grabbed his horn and his sword, and said “[...]. I will carry this sword into Arabia”’

Increase of pronominal subjects in Old French

183

2.2.3 A differentiated increase according to the verbal person Although overt 1st person pronouns are not strictly necessary from a communicative point of view, they turn out to be more frequently expressed than 3 rd person pronouns. This is another decisive point: if we distinguish between the verbal persons, there appear to be quite significant differences between expression frequencies, at least in main declarative clauses. Table 2 presents detailed expression frequencies of 1st pers. sing and 3 rd pers. sing and plural pronouns in main declarative clauses in a few texts:15 owing to the rarity of 1st pers. pl. and 2 nd pers. sing and pl. pronouns, they have not been taken into account in the following table.16 In all texts of this period, except for Saint Alexis, the frequency of 1st pers. sing. pronouns is substantially higher than the frequency of 3 rd pers. sing./ pl. pronouns. These results imply that, very early on, “I” (and in some texts interlocution pronouns in general), are expressed far more often than “he/she/ they”. However, it should be noted that the difference does not hold true in Tab. 2: Frequency of expressed Pps according to the persons (1st pers. sing. and 3 rd pers. sing/pl.) in main declarative clauses. Texts17

1st pers. sing

3 rd pers. sing and pl.

Passion (ca 1000) StAlexis (ca 1050) *Roland (1100) *Eneas1 (1155) *BeroulTristan (late 12 th) *TroyesYvain (1180) *ClariConstantinople (1205) *Aucassin (late 12 th/earl. 13 th) *Renart, G. de Dole (1228) *Queste Saint Graal (1225) LettreSarrasin (1249)

35 % (8/23) 17 % (15/89) 34 % (45/132) 24 % (13/54) 41 % (47/115) 48 % (38/80) 81 % (13/16) 71 % (77/108) 57 % (46/80) 83 % (65/78) 100 % (2/2)

16 % (42/264) 24 % (82/339) 16 % (58/361) 22 % (112/509) 25 % (90/355) 39 % (176/450) 44 % (163/371) 37 % (152/408) 52 % (194/376) 60 % (233/387) 46 % (36/78)

15 I only took into account texts displaying a reasonable amount of 1st person pronouns. The calculation of the relative frequency of the expression of Pp is the same as in Table 1: for each person the frequency of Pp is calculated out of the total “Verb with Pp+ Verb with S0”. Raw numbers are given in brackets. 16 Let us simply say that the frequencies of overt pronouns are in general closer to the frequencies of overt 1st person sing. pronouns than to those of overt 3 rd person pronouns. 17 In texts preceded by an asterisk, counts are given on samples of 1000 finite verbs. The other texts were fully analysed.

184

Sophie Prévost

subordinate clauses: in most of them, 1st pers. sing. and 3 rd pers. sing/pl. pronouns are even surprisingly close (and high, see Table 1) when it comes to their frequency of expression. These data bear out the idea that a turning point occurred in the early 13 th century: the expression of 1st pers. sing. pronouns became prevalent in all types of clauses, and almost absolute in subordinate clauses. They also support the hypothesis (in line with the idea of a decline in morphological richness) that the increasing expression of pronominal subjects results from expressiveness. Pronouns may have been used to emphasize the subject, an idea which is in line with the claims concerning the expression of the subject in Latin. This hypothesis presents some variants when applied to Old French. According to Moignet (1973), the expression of the subject denoted some emphasis in very Old French, but this effect would have faded from the 13 th century onwards. He considers that, beginning at this point in time, nonexpression became rarer, at least in prose texts. Yet, if we take into account only the main declarative clauses, non-expression still appears to be quite frequent, at least for 3 rd pers. sing/pl. (see figures in Tables 1 and 2). Note that Moignet’s assessment applies only if we take Latin as a benchmark. Detges (2003) also argues that emphasis may account for the increasing use of pronominal subjects. He suggests that expression may have become more frequent for purposes of discursive strategy, in contexts of speaking and defending one’s position, and therefore involving the 1st person. In my texts, such contexts generally correspond to direct speech. The increasing use of pronominal subjects in such contexts would have resulted in rhetoric devaluation, which led to a widespread – and thus weakening – use of the pronouns. The change may thus have begun with the 1st person, and then spread to the other persons. Foulet observes the increased presence of pronominal subjects in dramatic texts, which give great prominence to direct speech. Considering that these texts are supposed to be closer to spoken language, he concludes that “People used more personal pronouns when they spoke than when they wrote” (Foulet 1930, 32718).19 Emphasis, focus and expressiveness are notions which are difficult to deal with, since they often appear somewhat vague, at least when they pertain to semantic and pragmatic levels. Moreover they probably take on different de-

18 My own translation of: “en parlant on employait plus de pronoms personnels qu’en écrivant”. 19 This idea is supported by the comparison in several texts of overt 3 rd person pronouns in narrative and in direct speech (Prévost, in preparation).

Increase of pronominal subjects in Old French

185

grees of significance, depending on the verbal persons (1st person / 3 rd person) and on the periods (very Old French / 12 th–13 th centuries). Development from 1st person pronouns or development from contexts of direct speech: each of these hypotheses is compatible with the other, and they are partly linked, in principle and in practice, to account for the increase of personal pronouns. I would suggest that the development of pronominal subjects can be accounted for in the following way. In Classical Latin, the expression of pronominal subjects, and especially of 1st pers. sing., was linked with emphasis, whose effects progressively receded. This was responsible for – or may be also a consequence of – a generalization of the expression of Pps. The dating of the last process (generalization) remains a matter of debate: it could be Late Latin, or proto-French, the last option being borne out by the absence of generalized pronominal subjects in other Romance languages. Early Old French has inherited this situation: 1st pers. sing. pronouns are already frequently expressed, and their expression then increases fairly quickly, even in main declarative clauses. 3 rd pers. sing/pl. pronouns went through a similar process but it took place later and slower. There may be at least two factors able to account for the chronological gap and for the different speed of the processes. The first one is strictly factual: 1st person pronouns already existed in Latin (as well as 1st pers. pl. and 2 nd pers. sing./pl. ones), which was not the case for 3 rd pers. sing/pl. pronouns. The 1st pers. sing. is therefore a few centuries ahead. Furthermore, there is no denying that 1st pers. sing., referring to the speaker, constitutes a privileged place for subjectivity and expressiveness, and thus easily lends itself to emphasis and focus. Both factors seem likely to account for the advance of the use of 1st pers. sing. pronoun from early Old French onwards. The rhetorical devaluation mechanism can be compared to that of desemantization which is characteristic of the process of grammaticalization. Moreover it has been shown that the latter is often preceded by a strengthening of subjectification (Traugott, 1995; Marchello-Nizia 2006), to which the expression of pronominal subjects (at least for the 1st pers. sing.) could be assimilated. The existence of a corpus of translations from Classical and Late Latin texts into Old French constitutes a valuable opportunity to compare the expression of pronominal subjects in Latin and in Old French. Various questions could be investigated, some of which I have concentrated on. First, after determining the frequency of overt 1st person sing. pronouns and how it evolved from Classical to Late Latin, I will focus on how Latin personal pronouns are rendered in French translations: Are they always expressed? When they are expressed, do they have a reinforced form? Do they stand in preverbal or postverbal position? In the first case, are they next to the verb, or separated from it? Since

186

Sophie Prévost

pronominal subjects signalled some insistence or emphasis in Latin, we may expect these effects to be rendered in French. The translations are dated from the 12 th and 13 th centuries, a time at which the use of 1st pers. sing. pronouns had become prevalent, and is thus unmarked: emphasis or focus may therefore be expressed by specific devices. Secondly I will shift my attention to ille, and on how the translators have rendered the Latin demonstrative in French. In this study I will leave aside is, hic and iste.

3 Methodology I present below the bilingual corpus from which I have collected the data.20 For Latin texts, De Inventione by Cicero and Rhetorica ad Herennium, dating from 1st century BC, come from the Base de Français Médiéval (http://bfm. ens-lyon.fr). The four Late Latin texts come from the LASLA (www.cipl.ulg. ac.be/Lasla). The French translations come from the Base de Français Médiéval. They were written between the late 12 th and the late 13 th century.

Tab. 3: Corpus of Latin texts. Author

Title

Date

Form

Cicéro

De Inventione

1st c. BC.

Anonymous

Rhetorica ad Herennium

Saint Isidore Dialogus

Provenance

Nbr of tokens*

prose treatise

Rome

39 453

1 c. BC.

prose treatise

Rome

37 470

6 th c.

prose dialogue

Spain

 9 120

st

th

Genre

Gregory the Great

Dialogus

6 c. (ca. 593–594)

prose dialogue

Gaule

12 220

Gregory the Great

Vita Benedicti

6 th c. (ca. 593–594)

prose hagiographic

Italy

11 621

Anonymous

Passio Sancti Eustachii

10 th c.

prose hagiographic

Gaule

 5 384

*

Tokens include words and punctuation signs.

20 The alignment of the Latin texts and of their French translations was done by Alexei Lavrentiev (UMR 5317 IHRIM, ENS de Lyon), and integrated to the software TXM (http://textometrie.ens-lyon.fr).

Increase of pronominal subjects in Old French

187

Tab. 4: Corpus of the French translations of the Latin texts. acronym BFM

Author

Title

Date

Form

Domain

Genre

Dialect

DialGreg1

Anonymous

Li dialoge Gregoire lo Pape

late 12 th c.

Prose

didactic

dialogue

wallon

DialGreg2

Anonymous

Li dialoge Gregoire lo Pape

late 12 th c.

Prose

didactic

dialogue

wallon

DialAme

Anonymous

Dialogue de l’âme

ca. 1200

Prose

didactic

dialogue

lorrain

SEustPr1

Anonymous

Vie de Saint Eustache

1st half 13 th s.

Prose

religious hagiographic

undefined

JAntInv

Jean d’Antioche

De l’invention

1282

Prose

didactic

treatise

undefined

JAntRect

Jean d’Antioche

Rectorique

1282

Prose

didactic

treatise

undefined

Tab. 5: Latin texts and their translations. Latin text G. le Grand, Dialogus, G. le Grand, Vita Benedicti St Isidore, Dialogus Passio Sancti Eustachi Cicero, De inventione Rhetorica ad Herennium

Date th

6 c.. 6 th c. 6th c. 10th c.. 1st c. BC 1st c. BC

Translation

Date

Li dialoge Gregoire lo Pape(1) Li dialoge Gregoire lo Pape (2) Dialogue de l’âme Vie de Saint Eustache Jean d’Antioche, De l’invention Jean d’Antioche, Rectorique

late 12 th c. late 12 th c. ca. 1200 1st half 13 th c. 1282 1282

It should be noticed that the translations of both Classical Latin texts are rather late (late 13 th c.), whereas that of the latest text (Passio Sancti Eustachii, 10 th c.) is quite early (early 13 th century). I will try to determine whether these different temporal lags affect the choices made by the translators: are they sensitive to the datation of the text they translate? Does their own linguistic practice have an influence on the translation? We could expect two contradictory tendencies: on the one hand, the earlier the Latin text, the less they will (tend to) use pronouns, on the other hand, the later they write, the more they will (tend to) use pronouns.

188

Sophie Prévost

My investigations (restricted to finite verbs) have focused on 1st person sing. ego, and on the nominative forms of the demonstrative ILLE.21

4 Analysis of the data 4.1 From Classical Latin to Late Latin: ego on the rise The number of ego collected in the 6 Latin texts amounts to 82 occurrences. It should be noticed, for comparison, that we find 626 occurrences of the 1st pers. sing. pronoun in the French texts of the corpus:22 JE is thus 7.6 times more frequent than EGO. The same mode of calculation was used as for Medieval texts (see table 2): for each text, the frequency of ego was calculated out the total of 1st person sing. verbs (with and without an overt ego). Table 6 presents the results for the 6 Latin texts. The data below support the hypothesis of a substantial increase in the expression of ego from Classical to Late Latin, though it is not yet systematic, as appears from the low frequency of ego in the Dialogus by Saint Isidore. However, the examination of all morpho-syntactically tagged texts from the Late Latin corpus of LASLA (24 texts, 72,070 words), reveals 827 first-person verbs and 130 occurrences of ego: the frequency of expression of ego is therefore of 15.8 %, a number which is very close to its frequency in the two texts by Gregory the Great and in Passio Sancti Eustachi. We may therefore consider Dialogus by Saint Isidore as not typical of Late Latin practice as regards the expression of ego.

Tab. 6: Frequency of ego. Text Cicero, De inventione Rhetorica ad Herennium Saint Isidore, Dialogus G. le Grand, Dialogus, G. le Grand, Vita Benedicti Passio Sancti Eustachi

Date st

 1 c. BC  1st c. BC  6 th c.  6 th c.  6 th c. 10 th c.

Frequency of ego  6.9 % (4/58)  9 % (15/165)  3.9 % (9/233) 14 % (21/150) 14.4 % (14/97) 22 % (17/78)

21 I use capital letters to refer to the different forms of the paradigm: ille, illa, illi and illae. 22 The query caught all the possible forms, including contracted forms such as: jol, gel, ges, jol, jous, etc.

Increase of pronominal subjects in Old French

189

Out of the 80 occurrences of ego, 8 are in interrogative clauses, 10 in subordinate clauses and 62 in main declarative clauses. Ego in interrogative clauses: 8 occurrences 5 occurrences of ego are to be found in Rhetorica ad Herrenium (1st c. BC) and in Vita Benedicti (6 th c.): (11) Quid ego, quae deinde efficiat, narem? (Rhet. Her. IV, 64, 1) Que vos yrai je contant longuement des faiz de cest home? (JAntRect) ‘What will I be telling you long about this man’s actions?’ In 3 out of 5 cases, the Latin pronoun precedes the interrogative word: such a position signals a contrastive or at least a topical function, and ego is therefore not to be analysed as a detached pronoun. The translation reproduces this construction, which in French tends to be interpreted as a detached construction with a null subject: (12) Moxque portam idem pater ut ingressus est coepit ex eius ore quasi satisfaciens ipse qui hanc arripuerat diabolus clamare dicens: Ego quid feci? ego quid feci? (Greg. M. Dial. 1, 4) Et manes ke cil peres entrat la porte del monstier, si comenzat il meismes li diables ki celei auoit prise parmei la boche de celei alsi com asseiz faisanz crieir disanz: Ge ke fis? ge ke fis? (DialGreg1) ‘I, what did I do? I, what did I do?’23

Ego in subordinate clauses: 10 occurrences Most occurrences of ego in subordinate clauses are translated in French by a preverbal pronoun, which is adjacent to the verb: (13) post Aspasia: “quoniam uterque vestrum,” inquit, “id mihi solum non respondit, quod ego solum audire volueram, egomet dicam, quid uterque cogitet” (Cic. Inv. I, 52) Puis dist Aspasia: “Por ce que nul de vos ne me respondi soulement ce que je voloie soulement oyr, je meismes dirai ce que l’un et l’autre pence” (JAntInv).

23 For reasons of space, l do not systematically translate the whole Latin extract.

190

Sophie Prévost

‘Then Aspasia said: “because neither of you answered to me what I only wanted to hear, I myself will say what the one and the other think.”’ However, in 2 cases the personal pronoun is separated from the verb: (14) quis est hic cui ego manducanti adsisto lucernam teneo seruitium inpendo (Greg. M. Dial. 224, 85) Ki est iciz a cui maniant ge deuant estois, ge tien la luiserne, ge li done seruise? (DialGreg2) ‘The one who is here before whom I stood while he was eating, I hold the light, I am his servant’ Ego in declarative clauses: 62 occurrences In 8 cases the translator has chosen to postpose the pronoun to the verb, whatever its position in Latin. This is a rare position for pronominal subjects in Old French, from the oldest texts onward (see Prévost 2015). Though this case appears more often with an initial constituent containing a demonstrative, as is the case in the two following examples, it remains a marked construction, which enables contrastive effects: (15) “si vos me istuc eo tempore fecisse dicitis, ego autem eo ipso tempore trans mare fui,” (Cic. Inv. I, 45) “Se vos dites que je ai ceste chose faite en celui tens: en cel tens fui je outre mer”. (JAntInv) ‘“If you say that I did this thing at this time: at this time was I overseas”’ (16) Ille vero profusus lacrimis dicebat: “Non sum ego”. (Passio Sancti Eustachi, 23) Il ploroit e disoit em plorant: “Ce ne sui je mie”. (SEustPr1) ‘He cried and said while crying: “this I am not”’ But this is not always the case: (17) “Ecce ego dixi tibi signa, et tu cognoscens indica mihi, per virtutem Salvatoris, te adjuro” (Passio Sancti Eustachii, 31) “Or t’ai je dit bones enseignes […]” (SEustPr1) ‘“Now have I told you signs”’

24 Greg. M. Dial. 2 = Vita Benedicti.

Increase of pronominal subjects in Old French

191

It should be noticed that half of the 8 Verb–Subject sequences are in the translation of Passio Sancti Eustachi (and they represent 24 % of the 17 occurrences of ego in the main declarative clauses of this text). The Latin text is late, which explains the relatively high frequency of ego if compared to the other texts, and its translation (first half of the 13 th century) stands in the middle of our short diachrony of translations. It is difficult to account for the choices made by the translator. Although the source text dates from a time when the use of the pronoun ego had become more frequent and therefore less marked than previously, the translator has sometimes opted for Verb–Pp sequences, which are marked in Old French. Most often the translators have adopted a Pp–Verb order (54 occurrences), whatever the date of the Latin text and of its translation. (18) ille respondit: “Ite cum bono, ego caballo opus non habeo” (Greg. M. Dial. 1, 2) icil respondit: Aleiz en bien, ge n’ai pas mestier de cheual (DialGreg1) ‘This one answered: “Go with good, I do not need any horse”’ (19) Scelere meo multe anime perierunt, exemplis meis et vite mee multi subversi sunt: ego multis causa malorum fui (Saint Isidore Dial., 298) Mentes anmes sunt peries par ma falonie, et maint sunt pervers fait par enxample de ma vie: je fui a me[n]z causa des mais … (DialAme) ‘Many souls have perished because of my felony, and many have been perverted by the example of my life: I was the cause of evil for many.’ They have sometimes opted for a construction which is less marked in French than in Latin, as in the following example: (20) “Ego sum qui solem diei creavi et lunam cum stellis ad lumen noctis ornavi. Ego sum qui tempora et dies et annos constitui. Ego sum qui hominem formavi de terra, qui propter salutem humani generis in terris apparui in carne, qui crucifixus sum et sepultus et tercia die resurrexi.” (Passio Sancti Eustachi, 4) “je fis le jor, je fis la nuit; je fis clarté, je fis teniebres; je fis l’aube crevant e le soleill raiant; je fis la lune por la nuit enluminer e les esteiles por le ciel atorner; je establi le tens e les anz, e les jorz e les mois. Je sui cil qui forma home de terre. Je fui crucefiez e enseveliz e resuscitai au tierz jor de mort a vie.” (SEustPr1) ‘“I am the one who created the sun of the day, I am the one who adorned the light of the night with the stars; I am the one who established the time, the days and the years. I am the one who made man from the earth,

192

Sophie Prévost

who appeared in the flesh, for the salvation of the human race on earth, who was crucified and buried and revived the third day of my death”’ In most cases, the pronoun is adjacent to the verb, but we find 12 examples in which the pronoun is separated from the verb, a construction that sometimes makes it possible to respect and follow the linearity of the Latin text, as in (21): (21) Omnes hic uiuunt, solus ego in domo hac uiuere non possum (Greg. M. Dial. 1, 9) Tuit uiuent ici, ge souz en ceste maison ne puis pas uiure. (DialGreg1) ‘They all live here. Only I in this house can not live’ Mention should also be made of an occurrence with a change of pronoun, singular ego being replaced by plural nos, and the whole construction changed accordingly: (22) “Per deum christianorum, ut audio, frater tuus sum ego, quoniam et qui me edocaverunt hoc mihi dicebant”. (Passio Sancti Eustachi, 29) “Par le deu as crestiens, ce m’est avis que nos somes frere, car cil qui m’ont norri m’ont, maintes foiz reprochié qu’il m’escostrent a un leu”. (SEustPr1) ‘By the God of Christians, as far as I know, I am your brother ‘ In conclusion, but for a few exceptions, when ego is expressed in the Latin text, it is always translated by the French 1st person pronoun, and the translators have only rarely used constructions which attempt to render the markedness of the Latin expressed pronouns. I did not observe any noticeable difference according to the date either of the Latin texts (except for a substantial lower frequency in Classical Latin texts) or of the French translations. These are concentrated over a relatively short diachrony, the beginning of which (late 12 th–early 13 th century) corresponds to a fairly sharp increase in the expression of the pronominal subject, especially 1st person pronoun.

4.2 Translation of the demonstrative pronoun ILLE in French texts The corpus includes 128 occurrences of ILLE that are relevant, in that they are in the nominative case and can be interpreted as pronouns (versus determiners

Increase of pronominal subjects in Old French

193

Tab. 7: Translation of ille, illa, illi, illae by a demonstrative or a personal pronoun.

Translated by: Demonstrative Personal pronoun

Ille

Illa

Illi

Illae

52 25

12 10

20  6

3 0

or adjectives). These occurrences are distributed as follows: 77 occurrences of ille, 22 of illa, 26 of illi and 3 of illae. ILLE is either translated by a demonstrative (87 occurrences) or by a personal pronoun (41 occurrences). Table 7 presents the data for each of the forms: The rarity of the occurrences of illae effectively prevents any interpretation of their translation. For the three other forms, it can be noticed that the masculine forms lend themselves better to a translation by a demonstrative (ratio 1 to 3 and 1 to 2), whereas the occurrences of illa are translated almost equally by a demonstrative or by a personal pronoun. However, given the low number of occurrences of illa and illi, I consider it is best not to draw conclusions beyond this small corpus. Two factors seem likely to influence the choice of the translation. The first one is the date of the Latin text: in Classical Latin, ILLE could be assimilated to a real demonstrative, even though it was already employed to replace is in some of its uses (adjectival ones in general). On the contrary, in Late Latin, it had probably lost its original meaning and was moving towards the status of a personal pronoun. We may assume that the medieval translators were aware of this evolution. Secondly, the date of the translation may have had an influence on the way ILLE is expressed in French: a translator of the late 12 th century and a translator of the late 13 th century probably did not use personal pronouns in the same way, and this is likely to have influenced the way they have translated ILLE. Table 8 presents an overview of the translations of ILLE (by a demonstrative or a personal pronoun) for each text. A comparison of the dates of the Latin texts and of their translations with the frequencies of personal pronouns or demonstratives does not prove to be really conclusive. The late 13 th century and late 12 th century translations of the two texts of classical Latin and of the two texts of Gregory the Great (6 th C) display a very similar configuration. Demonstratives are obviously preferred, since they are used between 2 and 4 more times than personal pronouns. On the contrary,

194

Sophie Prévost

Tab. 8: Translation of ILLE: respective frequencies of demonstratives and of Pps. Latin text

Date st

Translation

Date

Demonst.

Pp

Cicero, De inventione

 1 c. BC

Jean d’Antioche De l’invention

1282

27

13

Rhetorica ad Herennium

 1st c. BC

Jean d’Antioche Rectorique

1282

21

 8

G. the Great, Dialogus,

 6 th c.

Saint Gregoire Dialoge Gregoire lo Pape (1)

Late 12 th

17

 6

G. the Great, Vita Benedicti

 6 th c.

Saint Gregoire Late 12 th Li dialoge Gregoire lo Pape (2)

16

 4

St Isidore, Dialogus

 6 th c.

Saint Isidore Dialogue de l’âme

ca. 1200

 1

 2

Passio Sancti Eustachi

10 th c.

Anonyme Vie de Saint Eustache

early 13 th

 5

 8

the late 12 th century translations of Dialogus by Saint Isidore and of Passio Sancti Eustachi display a majority of personal pronouns. Yet the rarity of the occurrences of ILLE, especially in Dialogus, does not allow us to draw solid conclusions from these data, though we may hypothesise that the translator of Passio Sancti Eustachi was aware that the use of ILLE in the 10 th century was largely akin to the use of a personal pronoun, hence his choice of the latter.

4.2.1 Translation of ILLE by a demonstrative Below are some occurrences of the translation of ILLE by a demonstrative: (23) nec, si ille peccasset, hunc oportuisse peccare; deinde, si ille deliquerit, separatim illum sicut hunc accusari oportere et non cum huius defensione coniungi illius accusationem (Cicero, Inv., 2, 88) ne, si cil pecha, covenoit il cesti pechier. Aprés dira que, si cil avoit pechié dessevreement et par soi, le covenoit il accuzer ausi come cestui, (JAntInv) ‘if one committed a fault, this does not allow the other one to commit one; if the latter is guilty, he must be tried separately, like the other one, and the charge of the one should not be mixed with the defense of the other one.’

Increase of pronominal subjects in Old French

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(24) Quia enim iuxta Iohannis uocem deus caritas est iusto ualde iudicio illa plus potuit quae amplius amauit (Greg. M. Dial. 2, 102) par mult droit iugement cele pout plus ki plus amat Pirres. (DialGreg2) ‘By a perfectly right judgement, she who loves most can the most’ (25) quaeso te ne ista nocte me deseras ut usque mane aliquid de caelestis uitae gaudiis loquamur. cui ille respondit quid est quod loqueris soror (Greg. M. Dial. 2, 101) A cui respondit icil: Ke est ce, suer, ke tu paroles? (DialGreg2) ‘To which this one replied: what is it, sister, that you say’ (26) “Domine meus, crucifixum dominum vidisti, quem christiani colunt. Ille enim est deus solus verus qui per talia signa vocat ad se credentes”. (Passio Sancti Eustachi, 6) “Beau sire dolz, veistes vos le crucefié que li crestien servent e aorent. Cil est soverains e verais Dex, n’il n’est Dex fors lui qui en tel maniere ravoie les desvoiez e les mescreanz fet croire la droite creance”. (SEustPr1). ‘Beautiful and sweet lord, you have seen the Crucified whom Christians worship. He is the only true god, who, by such signs, calls the believers to him’ Except in a few cases, in the French translation, demonstratives always stand in preverbal position. In all cases but one, we find the CIL paradigm. The only occurrence of CIST is in a passage where the Latin author plays on the alternation of the different Latin demonstratives, the effect of which is rendered in the French translation: (27) Nam istic in balineis accessit ad hunc; postea dicit: “Hic tuus servus me pulsavit”. Postea dicit hic illi: “Considerabo”. Post ille convicium fecit et magis magisque praesente multis clamavit (Rhet. Her. IV, 16, 1) Quar celui entra ileuques as bains; puis aprés, cestui dist a celui: “Ton serf me bouta”. Puis celui a cestui: “Je regarderai”. Puis cesti le laidi et cria plus et plus en la presence de mout de gens. (JAntRect) ‘Because this one came here in the baths; then after, this one said to that one: “Your servant struck me.” Then the latter to the former: “I will see”. Then the former mistreated him and shouted more and more in the presence of many people.’ There are 23 occurrences of the prefixed form ICIL in the translations. This form is very frequent in the translations of both texts of Gregory the Great, but the use of this strong form does not seem to correspond to any specific semantic effect (it is also frequently found in place of is).

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Sophie Prévost

(28) Cumque eum locutione blanda uir Dei temperare uoluisset, coepit ille cum iurgio respondere dicens (Greg. M. Dial. 1, 9) Et quant li hom deu par suaiue parole lo uoloit assuagier, dunkes comenzat icil a tenzon a respondre disanz …. (DialGreg1) ‘and when the man of God wanted to calm him with soft words, he began to answer by quarreling’ The contexts in which ILLE is translated by a demonstrative are varied, although we notice frequent cases of thematic discontinuity or more or less strong contrasts (as in 23, 25–2825).

4.2.2 Translation of ILLE by a personal pronoun Here are some examples: (29) Orestes si accusetur matricidii, nisi hoc dicat “iure feci; illa enim patrem meum occiderat” (Cicero, Inv. 1, 18) “Je le fis par droit, quar ele avoit ocis mon père”. (JAntInv) ‘“I did it by law because she had killed my father.”’ (30) Scio autem ego quod ille habuit signum aliquod cicatricis in vertice sua ex ictu belli. (Passio Sancti Eustachi, 23) Je sai bien qu’il a un seing en la teste d’un coup qu’il ot en une bataille (SEustPr1) ‘I know he has a seal in the head due to a blow he received in battle’ (31) quam prudentiam appellarit, ineptam et garrulam et odiosam scientiam esse dicemus; quam ille modestiam dicet esse, eam nos inertiam et dissolutam neglegentiam esse dicemus; quam ille fortitudinem nominarit, eam nos gladiatoriam et inconsideratam appellabimus temeritatem (Rhetorica ad Herennium, III, 6, 1) Et ce qu’il apele prudence, si dirons que ce est descovenable science, plaine de janglerie et de hayne. Et ce qu’il apele temprance, si est mauvaise peresse et negligence. Et ce qu’il apele force, si est mehlive folie ou foleance et desporveue. (JAntRect)

25 In (24) the translation by a demonstrative pronoun may result from the restrictive relative clause. Though the “ele qui” structure remains possible at that time, it is far less frequent than “cele qui”.

Increase of pronominal subjects in Old French

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‘And what he calls prudence, we will say that it is inappropriate science, filled with gossip and hate. And what he calls temperance is bad laziness and neglect. And what he calls force is thoughtless temerity’ It can be noticed that in the Latin version of (31), the first verb (appellarit) appears with no overt subject, unlike the two next verbs, though the three of them stand in parallel. However, the translator has chosen to express a pronominal subject in the three cases. Moreover, there is a contrast between ille and nos in the Latin text, which is not rendered as such in the translation, but is conveyed by the adverb si, expressing a contrastive value. In a few cases the translator has adopted a Verb–Pp order, which does not seem to result from the presence of ILLE: in (32) below, the same Verb–Pp construction (met il, cuide il) stands for the Latin structure with and without ILLE. (32) Hermagoras digressionem deinde, tum postremam conclusionem ponit. in hac autem digressione ille putat oportere quandam inferri orationem a causa atque a iudicatione ipsa remotam … (Cicero, Inv. 1, 97) Hermagoras si met un deveement ou departement de la cause, puis tandis met il la darraine conclusion. En ce departiment cuide il qu’il coviegne amener un araisonement a conclusion, qui sera esloignié et enosté de cele meisme cause et de la judicacion,… (JAntInv) ‘Hermagoras then makes a digression and finally a conclusion. In this digression he thinks it appropriate to put forward a reasoning which is remote from the case and the point to be judged.’ Table 7 above reveals the high frequency with which illa is translated by a personal pronoun. However the figures have to be set into context: 7 out the 12 occurrences of illa translated by a personal pronoun are in De Inventione and in Rhetorica ad Herennium, and all of them refer to Clytemnestre, Agamemnon’s wife and Oreste’s mother: (33) Cum usus fuerit Orestes ratione hoc pacto: “Iure occidi: illa enim patrem meum occiderat” (Rhetorica ad Herennium,1, 26, 1) “Je l’ai par droit ocize, quar ele avoit ocis mon père” (JAntRect) ‘“I killed her by law because she had killed my father.”’ We find that, generally, when the translator has opted for a personal pronoun, thematic discontinuity and contrastive effects are lower. However, it is difficult to draw a hard and fast line, since the notions of contrast and of (dis)continuity are scalar ones, and should be understood along a continuum.

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5 Conclusion In the preceding pages, I have first considered the use of pronominal subjects in Latin, and more specifically ego, whose emphatic values (contrast, insistence, expressivity) have been largely acknowledged, as well as their decreasing frequency alongside the growing use of the pronouns. The precise dating of this evolution remains open to debate, even if the specificity of French, compared to the other Romance languages, suggests that the change took place rather late. It is more widely agreed that the replacement of is by ille took place only between the 3 rd and 5 th century, the resulting weakening of the latter having probably contributed to its evolution into the French personal pronoun il. Next, the examination of Old French data has highlighted, unsurprisingly, a growing expression of personal pronouns at the expense of null subjects, with a turning point occurring in the early 13 th century, a time at which overt pronominal subjects became prevalent in all types of clauses. However a close examination of the data has disclosed a sharp difference in the frequencies of overt 1st and 3 rd person pronouns, in favour of je, which can be accounted for by pragmatic factors, as well as by the former existence of 1st person pronouns in Latin. The comparison of Classical and Late Latin texts has supported the hypothesis that the use of 1st person pronouns (ego) started to rise as soon as Late Latin. Finally, the existence of a bilingual Latin–Old French corpus has allowed us to scrutinize how Latin personal pronouns and demonstrative ille were rendered in Old French, the assumption being that both the dates of the Latin texts and of their translations might have an influence on the translator’s choices. However, we did not observe any overwhelming tendency to use constructions which would express in French the markedness of the Latin overt pronouns. Concerning the translation of ILLE, by a demonstrative or by a personal pronoun, it turned out to be difficult to identify clear tendencies associated with the respective datations of the texts, even though the date of the Latin texts seem to be more relevant than the date of their translation. In both cases, further investigations are necessary, in several directions: first in considering the possible growing use of other Latin pronouns (tu, nos, vos) in Late Latin, as well as the cases of translations of Latin null subjects by French overt pronouns, and second in considering the translations of other Latin forms, such as is, hic and iste. It would also be worthwhile to pay more attention to the “external” characteristics of the texts, such as domain, genre and register.

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Anne Carlier (University of Lille, CNRS–UMR 8163 STL) Céline Guillot-Barbance (ENS Lyon, CNRS–UMR 5317 IHRM)

The restructuring of the demonstrative paradigm in the transition from Latin to French 1 Introduction: research questions Two major changes transformed the paradigm of demonstratives during the history of French. During the transition from Late Latin to early Old French, a binary system came to replace the ternary system of Classical Latin. Between the 12 th and 17 th century, the paradigm of demonstratives underwent a second mutation consisting in a specialization of the morphosyntactic categorization, yielding a formal distinction between pronouns and determiners. By this double evolution, the French system of demonstratives moved away from the system of other Romance languages, such as Italian and the Iberio-Romance languages. As to the first mutation, the changes in the system of demonstratives concern both the morpho-phonemic level and the sematico-pragmatic level. The present research focuses primarily on the latter and therefore seeks to clarify the semantic changes that reorganize the system of demonstratives between Classical Latin and Old French. The semantic evolution we are interested in consists, as we have seen, in the transformation of the particularly complex and multi-form system of Latin to a more restricted system in Old French. Latin has three demonstrative pronoun-determiners, hic, iste and ille, which are associated to the 1st, 2 nd and 3 rd person respectively, and, additionnally, a deictically neutral demonstrative pronoun determiner, is, reserved for endophoric use. Moreover, the identity markers idem and ipse can also have an anaphoric role (see Table 1, below). Old French has only two demonstrative pronoun-determiners: cist, from ecceiste, and cil, from ecce-ille. Studies focusing on the evolution of demonstratives sometimes adopt a ‘teleological’ approach: starting from the endpoint of the evolution, that is, the system as it is attested in the first vernacular texts, they reconstruct the intermediate stage. Given this perspective, one would expect in Late Latin a rise in the frequency of the two items that had descendants in French, i.e. ille and iste, as well as a higher frequency of the presentative marker ecce before the demonstrative. One would also expect both demonstratives that have dishttps://doi.org/10.1515/9783110551716-010

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Anne Carlier and Céline Guillot-Barbance

appeared in all the Romance languages, i.e. hic and is, to become increasingly rare. We will show that the empirical data of our corpus do not corroborate these predictions. This observation is not entirely new, but it will be supported by statistical data and by explanatory hypotheses (§ 2). We first propose a morpho-phonemic analysis of the evolution of the frequency of the different demonstratives. We then link these changes in frequency to the semantic and pragmatic evolution of the demonstratives in Late Latin on the basis of a detailed study of several texts from a corpus (§ 3). We identify the main contexts in which the changes occur before the disappearance of the pronoun-determiner hic. The analysis of the semantic and pragmatic evolution of the demonstratives must account for two major changes: (i) the pronoun-determiner hic, referring to the personal sphere of the speaker, disappears completely in French and is replaced by the pronoun-determiner previously associated with the hearer (iste > cist); and (ii) the semantic value previously linked to the pronoun-demonstrative iste, evoking the personal sphere of the hearer, is reallocated to the pronoun-demonstrative ille, from which derives the Old French distal demonstrative (ille > cil), as is illustrated in Figure 1 below. We will focus our attention primarily on hic and iste, whose distribution seems to play a key role in the transition from the ternary system to the binary system of French, and only secondarily on ille. We will temporarily exclude is, idem and ipse from our investigation in order to limit the first phase of our research to the joint study of the three demonstratives characterized by a person-oriented deixis in Latin, namely, hic, iste and ille. The analysis of a corpus of Late Latin texts will also enable us to report on the state of the available documentation. Historical and diachronic studies continue to face the problem of ancient sources and what they tell us about the spoken and written language during the Late Latin period. Thanks largely to the considerable research carried out by M. Banniard (see his article in this volume), it is now widely acknowledged that the period from the 3 rd to the 9 th century is characterized by large-scale diasystematic variation and by discrepancies that ultimately disrupt communication totally. We also know that competing linguistic varieties were spread over a wide, uninterrupted spectrum until a new Romance language became clearly distinguishable and gave rise

Fig. 1: The demonstrative system in Classical Latin and in Old French.

The restructuring of the demonstrative paradigm from Latin to French

203

to French. Among all the interwoven levels of variation (diatopic, diastratic and diaphasic), it is the diastratic variations and structures that have been studied the most. Analysis of “vertical communication”, i.e. the capacity of the illiterate population to understand the Latin language represented in written texts and its oral usage by the eruditi, has thus contributed to highlighting the ever-growing gap between the Latin of the literate elite and the spoken vernacular of the illiterate. The extant written documents available for study reflect the complexity of this linguistic reality. They, too, reflect a continuum and combine, in varying proportions, conservative forms and structures and innovative ones: works written for a literate public perpetuate the older usage, whereas texts which can be assumed to have been produced for (and understood by) a broader audience have characteristics of later stages. This diastratic variation is superimposed on the diachronic variation:1 a given older text may present a more advanced evolutionary stage of language than another later text. For this reason, the analysis of demonstratives in the various texts of the corpus will be presented not according to the chronological order of composition of the works but, rather, according to the distance separating their conditions of use from Classical Latin. It will emerge that the gap between the supposed date of composition of the texts and the evolutionary stage of the demonstrative paradigm is particularly important in the sources from that period.

2 Evolution of relative frequencies, from Classical Latin to Late Latin 2.1 Statistical data Table 1 compares, in terms of frequency, the different markers of anaphoric relations – demonstratives and identity markers – in Late Latin with respect to Classical Latin. The Late Latin corpus consists mainly of hagiographic texts and spans a period extending from the end of the 6 th century to the 10 th century. It contains a total of 81,945 words. The corpus of Classical Latin is made up of two rhetorical treatises dating from the 1st century BCE, namely, Cicero’s De Inventione and an anonymous treatise entitled Rhetorica ad Herennium. The

1 Our corpus, though limited, includes texts of various regions of the Romance speaking area (Gaul, Italy, Spain). Hence, it is possible that there is also a diatopic variation, which is however difficult to assess.

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Anne Carlier and Céline Guillot-Barbance

Tab. 1: Relative frequency of different anaphoric markers, demonstratives and identity markers, in a corpus of Classical Latin and in a corpus of Late Latin. Identity Markers*

Demonstratives st

Classical Latin Late Latin

nd

p.

3

rd

1 p.

2

p.

neuter

hic

iste

ille

is

ipse

idem

29 % 19 %

3% 3%

 9 % 18 %

46 % 43 %

 8 % 10 %

5% 7%

Total number of tokens

3814 1727

* As to ipse, the label of identity marker is not entirely convenient, because of its pragmatic value ‘even X’ (inclusive meaning with respect to a contextual set) or ‘X himself’ (exclusive meaning, ‘no one else’) (cf. Bertocchi 2000, who uses the label “intensifier”).

latter corpus alternates theoretical presentations and narrative anecdotes including dialogues and contains 76,925 words. Although the two corpora are not perfectly comparable with respect to genre-type, they nonetheless tell us about the changing frequencies of use of demonstratives. Given that the hagiographic texts are among the least formal of the Late Latin texts, they can be assumed to provide information on the ongoing changes.2 Contrary to iste and ille, hic and is (as well as the compound form i(s)dem) have disappeared in Old French and have no reflexes in any other Romance languages. Hence, one would expect this trend to be already underway in the evolution from Classical Latin to Late Latin. The figures in Table 1 do not confirm these trends: although the 1st-person demonstrative hic, which disappears in the transition from Latin to the Romance languages, does decline between Classical Latin and Late Latin, it nonetheless remains frequent. The 2 nd-person demonstrative iste, which gives rise to the demonstrative cist, was already rare in Classical Latin and its relative frequency does not increase compared to other demonstratives in Late Latin. As for the 3 rd-person demonstrative ille, its frequency increases but remains below what one might expect in view of its subsequent redeployment in different grammatical categories in Old French: the demonstrative cil, the definite article li, the 3 rd-person personal pronoun in its various case-inflected forms and the possessive pronoun-determiner leur.

2 Genre is an important parameter that can influence the proportion of demonstratives. For instance, theater texts contain less occurrences of the neuter demonstrative is, which is an endophoric expression and rarely used for exophora, and of the identity markers idem and ipse, and more tokens of the 1st-person deictic demonstrative. Surprisingly, however, the 2 nd-person deictic demonstrative is not more frequent. Witness the relative frequency of the demonstratives in Plautus’ comedies: hic 40 %, iste 3 %, ille 2 %, is 30 %, ipse 4 %, idem 2 %.

The restructuring of the demonstrative paradigm from Latin to French

205

Tab. 2: Relative frequency of the different inflected forms of is. Class. Latin

Late Latin

is    5    2 iis    5    0 ii    2    0 id   24    1 ................................................................................................ ea   16    1 eae    1    0 eum    7   18 eos    4    6 eam    6    6 eas    2    1 eius   10   26 eorum    5    9 earum    1    1 ei    3   10 eo   11   10 eis    0    5 Total number

1522

1322

The deictically neuter demonstrative is, which also disappears in the transition from Late Latin to the Romance languages, maintains its frequency from Classical Latin to Late Latin, although its conditions of use evolve: it is less frequently used as a determiner than as a pronoun (André/Fruyt 2012), and the nominative forms as well as all forms with an initial i- cease to be used, as is shown in Table 2 above. Finally, ipse and idem rise in frequency and thus partially replace the demonstrative in their role in anaphoric recovery. In particular, ipse reaches a high frequency in some texts, such as Egeria’s Travels (25 % with respect to all demonstrative and identity markers) or the Chronicle of Fredegar, and especially in the Continuationes of the Chronicle (18 % for the entire work).

2.2 Phonological and morphological factors at work in Late Latin and in the transition from Latin to the Romance languages As we have already mentioned, the corpus does not predict the disappearance, in the various Romance languages, of those demonstratives that were still common in Late Latin. Given their relative frequency, why does hic disappear in

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Anne Carlier and Céline Guillot-Barbance

favor of iste? Furthermore, what is the cause of the disappearance of is and idem? The reasons seem to be phonological and morphological. As noted by M. Fruyt (2010b, 28), the survival of hic is compromised by a phonological factor: since the h is silent, several forms of hic are homophonous with forms of is. In Guillot/Carlier (2015), we argued that there was a second, morphological factor: as shown for example in the nominative forms in (1), hic, is and idem do not separate the lexical morpheme from the inflection, but are characterized by a fusion between the lexical morpheme and the inflectional morpheme. Conversely, the demonstrative and identity markers that have reflexes in the Romance languages, iste, ille and ipse, present an invariable lexical morpheme to which an inflectional suffix is added. They thus have greater iconicity or greater syntagmatic isomorphism. They therefore involve a simpler, more unambiguous pairing of form and meaning and thus require a lower cognitive cost for encoding and decoding (Croft 2002, 87 ff.).3 (1) hic, haec, hoc; hi, hae, haec ist-e, ist-a, ist-ud (var. in Late Latin: -um); ist-i, ist-ae, ist-a ill-e, ill-a, ill-ud (var. in Late Latin: -um); ill-i, ill-ae, ill-a is, ea, id; ii, eae, ea ips-e, ips-a, ips-ud (var. in Late Latin: -um); ips-i, ips-ae, ips-a idem, eadem, idem; iidem, eaedem, eadem This factor also seems to be at work in Late Latin: if we assume that language favors lexemes whose lexical morpheme remains invariable across the different inflected forms, this may also explain why, among the different forms of is, those with an initial i- become less common (see Table 2, above) whereas those with an initial e- persist. Since the reasons for the disappearance of hic are phonological and morphological, it is reasonable to conclude that this disappearance is not in itself a consequence of the shift from the ternary system of Latin to the binary system of Old French. Nor is it the cause: other Romance languages that also lost the demonstrative hic rebuilt nevertheless a ternary system of demonstratives. A case in point is Spanish: este (< Latin iste); ese (< Latin ipse); aquello (< Latin ecce-ille).

3 Especially in verb morphology, variation of the lexical morpheme (and even suppletism) is however tolerated for highly frequent verbs, such as auxiliaries.

The restructuring of the demonstrative paradigm from Latin to French

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2.3 A semantic-pragmatic factor: the fragility of the median term as a driving force behind the restructuring of the demonstrative system in Late Latin 2.3.1 Personal spheres related to speaker, hearer and interlocutionary act Recent research in both Latin linguistics and French diachronic linguistics has already identified several points of seemless transition and radical change in the semantic evolution of the demonstratives from Latin to French. The notion of the personal sphere of the speaker, brought to bear on French by C. Marchello-Nizia (2003 and 2005), and extended, for Latin, by the addition of the personal sphere of the hearer in the work of M. Fruyt (2010a and 2011), now gives us the means to conceptualize how demonstratives function in Classical Latin and Old French and allows us to reconstruct the transition which takes place in Late Latin. The transition from Latin to French can be analyzed semantically as the transformation of a system organized around the speaker and the hearer to a system that is exclusively speaker-oriented. In addition to the personal spheres of the speaker and the hearer, it is helpful to appeal to a third notion, which we will call the interlocutionary sphere, where the spheres of the speaker and the hearer merge. The notion of personal sphere must be understood at a fairly abstract, general level. It covers the space defined by the speaker as relating to his or her own person (personal sphere of the speaker) or to that of the hearer (personal sphere of the hearer). By selecting a certain demonstrative within the paradigm, the speaker makes the choice to include the discourse referent in either of these spaces or, conversely, to exclude it from them. The two spheres are defined dynamically in discourse and evolve according to the communicative strategy of the speaker. They provide only very indirect information about the spatial position of the referent (a referent near the speaker will be a good ‘candidate’ for inclusion in the personal sphere, but may nonetheless be excluded from it in a given context). The personal spheres generally include the inalienable possession (body parts) and alienable possession of the two interlocutors, but can more broadly encompass any referent related to them or relevant to them.

2.3.2 The ternary system of Classical Latin In Classical Latin, the demonstratives hic and iste are dedicated, respectively, to the expression of the personal sphere of the speaker (with hic) and the hearer (with iste). The demonstrative ille enables the speaker to exclude the referent

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Figure 2: The deictic center corresponds to the interlocutionary sphere.

Fig. 3: The deictic center corresponds to the speaker’s sphere.

from these two spheres. The analysis of deictic systems shows that in reality the two personal spheres are not perfectly symmetrical. The work of Fruyt (2010a and 2011)4 and De Carvalho (1991) for Latin and Diessel’s (1999, 40– 41) typological perspective distinguish two ways of conceptualizing the deictic center in a person-oriented system, represented in Figure 2 and Figure 3 above: – On the one hand, this deictic center may include the sphere common to both speaker and hearer and thus exclude the sphere outside the interlocutionary context. Latin expresses this distinction via the forms hic versus ille. – On the other hand, the deictic center can be made up of the speaker’s own sphere and be kept apart from that of the hearer. Latin expresses this opposition via hic versus iste. Ille is in this case also the term for marking exclusion from the sphere outside of interlocutionary context. The ternary system therefore corresponds to two subsystems, the first being binary, and the second ternary. The ternary system shown in Figure 3 is used in specific, marked discourse configurations: dialogue situations where the speaker wishes to explicitly dissociate his or her personal sphere (using hic) from that of the hearer (by means of iste). In most discourse situations, whether or not they are dialogical, such a distinction does not arise and the two areas are merged in the same interlocutionary sphere. Hic is used in this case, especially for referring to the coordinates (time and space) of the context of utterance shared by speaker and hearer. Hence, in the ternary system, which is

4 Cf. also Laury (1997) for Finnish and Jungbluth (2005) for Ibero-Romance languages.

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person-oriented, the three demonstratives do not have the same status, and the demonstrative associated with the second person is inherently more fragile, as reflected in its low frequency even in Classical Latin (see Table 1).

2.3.3 The binary system in Old French As for French demonstratives, the only remaining opposition relates to the personal sphere of the speaker. For the phonological and morphological reasons mentioned above, the 2 nd-person Latin demonstrative iste is conserved as cist, while the 1st-person demonstrative hic disappears in the transition from Latin to French. This thus explains why cist can be used to include the referent in the sphere of the speaker, while cil can be used to exclude it. Several studies of C. Marchello-Nizia on Early Old French have revealed that, in spite of the shift from the ternary system to the binary system, the dual system shown in Figures 2 and 3 is maintained.

Fig. 2bis: The deictic center corresponds to the interlocutionary sphere.

Fig. 3bis: The deictic center corresponds to the speaker’s sphere.

Indeed, the exclusion of the referent from the personal sphere of the speaker may, in specific discourse configurations, result in its inclusion in the sphere of the hearer. This is what happens, for example, when the demonstrative marks a relationship of possession between the referent and the hearer. The following two utterances illustrate the relationship of possession established between the referent and the speaker with cist and between the referent and the hearer with cil:

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(2) “Biax amis, fet Perceval, je te pri […] que tu cel cheval me prestes tant que je aie ateint un chevalier qui ci s’en vet”. (Queste del saint Graal, p. 88) ‘Dear friend, said Perceval, I ask you to lend me this(/your) horse for the time it takes me to catch a knight who has just fled.’ (3) Deus, dist Guillelmes, com vos dei graciier. De cest cheval que j’ai ci guaaignié ! » (Couronnement de Louis, v. 1147) ‘God, said William, how much gratitude I owe you for this horse that I have won here!’

2.3.4 From the ternary system to the binary system in Late Latin The process of replacing hic by iste, which leads to the binary system of Old French, is already underway in Late Latin. It would, however, be inaccurate to view this development as a simple extension of iste at the expense of hic. The hypothesis that we recently proposed (Guillot/Carlier 2015) takes into account the subsystems that we have mentioned above. It assumes that the confusion between iste and hic occurs more easily and/or more quickly in the discourse configurations where the speaker and hearer spheres are inherently indistinct (Figure 2). Iste, which is not used in this subsystem in Classical Latin, is introduced and its use extended, at the expense of hic, for referents included in the common interlocutionary sphere without affecting the meaning of ille. The old meanings of hic and iste, however, are maintained for a longer time whenever it is useful to separate the two spheres (see Figure 3). The extension of iste as a marker of inclusion in the personal sphere of the speaker will ultimately result in its inability to mark inclusion in the sphere of the hearer. Ille will in such cases assume this role. The result of this complex situation is a certain heterogeneity in the meanings associated to iste in Late Latin. Moreover, these meanings vary not only according to the discourse configuration, but also according to text types. In the sociolinguistic context outlined above, it is understandable that iste tends to retain its initial meaning of including the referent in the sphere of the speaker in the Latin of learned speakers, and that it relates more easily to the common sphere of speaker and hearer in texts written in a more ‘advanced’ Latin. This heterogeneity in the meanings of iste is superimposed on the semantic heterogeneity of hic as early as the classical period, since hic could also evoke either the personal sphere of the speaker (when contrasted with that of the hearer), or the common sphere of interlocution (in the absence of opposition with the hearer’s sphere). The heterogeneity of hic and iste may also help to

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explain why their frequency does not evolve dramatically in Late Latin. In proportions that vary according to the type of text, iste and hic indeed retain their meaning and frequencies of use of earlier stages of Latin (low for iste, relatively high for hic).

3 Analysis of the semantic value of the demonstratives in the different texts of the corpus It is obviously necessary to consider the three personal demonstratives hic, iste, ille in Latin jointly and to include in the analysis how the demonstrative ille, primitively used to exclude with respect to the interlocutionary sphere, becomes the demonstrative of the personal sphere of the hearer. That said, the evolution that appears crucial to understanding the overall reorganization concerns iste in relation to hic. We thus focus our analysis on the semantic value of these two demonstratives and on their conditions of use. We will see that the changing distribution of these two demonstratives contributes to identify the steps by which the system gradually switches from a ternary system to a binary system and that the stage of evolution of the demonstrative paradigm allows us to discriminate clearly between the texts in the corpus. We will also examine utterances in which two different demonstratives are used simultaneously, which will enable us to study more specifically the situations where contrast is marked either by the opposition hic versus ille, or by the opposition iste versus ille. Our study made use of a corpus composed of four religious texts from different genres and eras: the Passion of Saint Cecilia (Passio Caeciliae, recently dated to the mid 5 th century, formerly considered to be a pre-8 th-century text), the Life of St. Benedict (Vita Benedicti, late 6 th century), the Dialogues of the Soul (Synonyma) by Isidore of Seville (7 th century) and the Passion or Life of St. Eustace (Passio sancti Eustachii, 10 th century). The two Passions are respectively the oldest and the most recent text in the corpus, if we retain the new datation of Passio Caeciliae. They should be composed in a simple style and low register, compared to saints’ lives (though we know that the distinction between Lives and Passions is not always very clear). The analysis will be presented text by text and by type of discourse configuration. Two discourse configurations will be thus be distinguished: i) contexts in which the personal spheres of the speaker and the hearer are separate; and ii) contexts in which this distinction is irrelevant.

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3.1 Overall maintenance of the statu quo: the Dialogue of the Soul by St. Isidore (7 th c.) 3.1.1 Discourse configuration 1: the personal sphere of the hearer in contrast with the personal sphere of the speaker In the Dialogue of the Soul, iste largely retains the meaning it had in Classical Latin: it enables the speaker to relate a referent to the personal sphere of the addressee. It is used to refer to people, material objects or qualities associated with him. Thus, the following example evokes the hearer’s sins, his ennui, etc.: (4) Extenuate sunt cause peccatorum tuorum; non ex aliquo casu, non ex quolibet aventu fortuito, iste langor proprie culpe est, ista egritudo proprie iniquitatis est. (Dial., p. 288) ‘The causes of your sins are diminished; this languor is not due to some accident, nor to some fortuitous event but is your own fault, this affliction comes from your own immorality.’ This meaning is particularly salient in the case of discourse deixis, evoking the words that have just been spoken by the hearer: (5) Verum dicis; narras michi quod oportunum est; informas me quod magis michi expediat. Ego scio, noui, didici istud. (Dial., p. 292) ‘You speak the truth; you tell me what is right; you instruct me in that which helps me more. I know, I have come to know it, I have learnt it.’ Also in accordance with its meaning in Classical Latin, the demonstrative hic relates the referent to the personal sphere of the speaker, as shown in the following example, where the demonstrative refers to the life of the speaker. (6) munda me, antequam ab hac uita egrediar; solue, priusquam moriar, peccatorum meorum uincula! (Dial., p. 302) ‘cleanse me, before I quit this life; release me, before I die, from the chains of my sins’ The use of hic is also observed in discourse deixis, summarizing the words of the speaker. (7) de pietate Dei spero, de bonitate Dei non dubito, habito jam in spe, erexi me ad spem pietatis, dedi michi spem uite in penitentia. Si igitur Deus

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respexerit, si in auxilium michi accesserit, si ad implendum quod cupio adjuuauerit: hoc facere decreui, hoc decreui, hoc statui, defixum hoc in animo meo non potest exradicari. (Dial., p. 294) ‘I trust in God’s love and respect, I have no doubt of God’s goodness, I already live in hope, I have raised myself to the hope of piety, I have given myself the hope of life in penitence. Therefore, if God considered me, if he came to help me and if he supported me in accomplishing what I wish, I have decided that this should be done, I have taken this decision, I have made this resolution. This decision, being deeply rooted in my soul, cannot be revoked.’

3.1.2 Discourse configuration 2: the personal sphere of the hearer and the personal sphere of the speaker are included in a common sphere of interlocution In order to evoke the binary opposition between inclusion and exclusion from the interlocutionary sphere, the Dialogue of the Soul primarily uses, as in Classical Latin, the contrast between hic and ille. The following example, which involves adverbs, is clear in this regard: hic evokes the worldly universe, which is the common sphere of the speaker and the hearer, whereas ille evokes the celestial universe: (8) Qui enim hic castigatur, illic liberatur (Dial., p. 285–286) ‘He who is punished here will be freed in heaven’ Hic is used specifically in exophoric use to refer to the time and the location of the utterance or to the time-space frame shared by the speaker and the addressee (in hoc seculo, hac nocte); iste does not occur in this use. Yet even in this conservative text, the contrast iste versus ille is already used to include or exclude the referent with respect to the sphere of interlocution: in the utterance in (9), iste evokes the torment of this world, whereas ille evokes eternal punishment. (9) Si times, illas penas time: si enim iste temporales sunt, ille uero sine fine. In ista pena moriendo, tormenta recedunt; in illa moriendo, eternus dolor succedit […]. (Dial., p. 284) ‘If you are afraid, fear the sufferings above: for while those here below are temporary, those in heaven are on the contrary endless. If you die in suffering here below, the torments end. If you die in suffering above, eternal pain will ensue.’

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The border between hic and iste is obviously blurry. Both demonstratives are used to recover a nominal referent without an obvious link being established with either the speaker or the hearer. In the utterance in (10), ista takes up the nominal referent continentia although it is not possible to establish a privileged relationship with the hearer. It seems more correct to say that the demonstrative can place the referent at the center of the discourse, thus including it in the common sphere of interlocution: (10) continentia hominem Deo proximum reddit: ubi ista manserit, et Deus permanet. (Dial., p. 306) ‘continence brings man close to God: where it resides, God remains present’ This blurring of the distinction is also observed in the case of discourse deixis. In the following example, both demonstratives occur one after the other to refer to propositional contents mentioned earlier in the text, but it would be artificial to establish any semantic distinction between the two. (11) Quis hoc dubitat? quis istud negat? (Dial., p. 288) ‘Who doubts this? Who denies this?’ In sum, the distinction we have established between the discourse configuration where the personal spheres of the speaker and the hearer are separate and those where the two spheres are combined in the sphere of interlocution is relevant to account for the evolution of iste since Classical Latin. Indeed, the opposition in Classical Latin between hic and iste serving to separate the two spheres is still present in the Dialogue of the Soul: iste is used to refer to the attributes of the hearer or to his words, whereas hic establishes a connection with the personal sphere of the speaker. In contexts where the distinction between the personal spheres of the speaker and the hearer is irrelevant, iste takes on a new role with respect to Classical Latin: hic maintains its monopoly when it comes to referring deictically to the time-space frame of the utterance (in hoc seculo, hac nocte), but iste is already used occasionally in competition with hic and without any clear semantic difference in order to take up a nominal referent or proposition by linking it to the common sphere of interlocution. However, the fact that there are very few occurrences of these two demonstratives in the text invites us to consider the interpretation of their distribution with caution.

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3.2 The Life of St. Benedict by Pope Gregory (late 6 th c.): iste as a marker of the sphere of interlocution 3.2.1 Discourse configuration 1: the personal sphere of the hearer in contrast with the personal sphere of the speaker The second book of Dialogues by St. Gregory, which tells the story of the life of Saint Benedict, contains some examples of iste that seem to correspond to its earlier meaning. Witness the following example: ista is used as a discourse deictic and refers to what the hearer has said: (12) Quibus ipse ait: “Quare, fratres, quare ista dicitis?” (Greg. M., Saint Benedict, p. 88) ‘He said to them: “Why, my brothers, why do you say these things?”’ But iste is rarely a discourse deictic in the text (4 occurrences) and, as we will see in Section 3.2.2, it may, more broadly speaking, refer to propositions that do not correspond strictly to the words of the hearer, thus moving away from the meaning it had in Classical Latin. Similarly, when used to refer to an entity in the immediate situation, iste no longer entirely fulfills its role of associating that entity to the personal sphere of the hearer. The following example shows that hic and iste can alternate to refer to the same individual without a change in speaker. (13) Quis est hic, cui ego manducanti assisto, lucernam teneo, seruitium impendo? Quis sum ego, ut isti inseruiam? (Greg. M., Saint Benedict, p. 85) ‘Who is this man, that I should assist him during his meal, that I should give him light, lamp in hand, that I should render him a thousand services? And who am I to serve him like a slave?’ Compared to St. Isidore’s Dialogue of the Soul, iste as used in the Life of St. Benedict seems to have lost its primary role, which was to separate the sphere of the hearer from that of the speaker, referring rather to the common sphere of interlocution.

3.2.2 Discourse configuration 2: the personal sphere of the hearer and the personal sphere of the speaker are included in a common sphere of interlocution As for discourse configurations where the distinction between the personal sphere of the speaker and that of the hearer is irrelevant, the Life of St. Benedict

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shows that iste gradually extends its area of use and encroaches further on the area which was previously reserved for hic. This is especially the case when it refers to the time-space frame common to speaker and hearer: although hic still firmly maintains its majority position, (14) Quod uir dei per nuntium celerrime fratribus indicauit dicens: “fratres caute uos agite quia ad uos hac hora malignus spiritus uenit”. (Greg. M., Saint Benedict, p. 74) ‘The servant of God straightway made this known to the brothers, through an emissary charged with saying to them: “My brothers, take care, since the evil spirit is coming to visit you at this very instant”.’ (15) De quo Iohannes dicit: “erat lux uera quae inluminat omnem hominem uenientem in hunc mundum […].” (Greg. M., Saint Benedict, p. 71) ‘The one of whom John said: “He was the true light that enlightens every man coming into this world”.’ iste is also used with this role: (16) Quaeso te, ne ista nocte me deseras, ut usque mane aliquid de caelestis uitae gaudiis loquamur. (Greg. M., Saint Benedict, p. 100) ‘I beseech you not to leave me this night, so that we may talk until morning of the bliss of celestial life.’ The demonstrative hic also continues to designate a nominal referent present in the context of the utterance which is the common sphere shared by both speech participants.5 (17) Quibus ipse ait: “haec est uia qua dilectus domino caelum Benedictus ascendit […]”. (Greg. M., Saint Benedict, p. 106) ‘He said to them: “This is the path by which Benedict, God’s well-beloved, ascended to heaven”.’ (18) in nomine Iesu Christi domini tolle hunc panem et tali eum in loco proice ubi a nullo hominum possit inueniri. (Greg. M., Saint Benedict, p. 70) ‘In the name of Jesus Christ our Lord, take this bread and cast it into a place so remote, that no man will ever find it.’

5 In these two examples, based on ritual formulas of the New Testament, it is not excluded that there is some effect of the source text.

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However, the demonstrative iste is also attested with this use. Witness the examples (19) and (20), where iste designates a person present in the context of utterance. The presence of other linguistic clues generally allows the establishment of a link between the referent and the person of the hearer (i.c. the 2 ndperson of the perception verb aspicitis; the presentative ecce, which draws the hearer’s attention to the referent):6 (19) Tunc eidem patri monasterii Pompeiano nomine et Mauro Dei famulo secreto dixit: “Numquid non aspicitis quis est qui istum monachum foras trahit?” (Greg. M., Saint Benedict, p. 65) ‘So he said secretly to the abbot of the monastery, whose name was Pompeianus, and to Maurus, God’s servant: “Do you not see who it is that pulls this monk outside?”’ (20) Eidem autem subsequenti et saeuienti Zallae rusticus dixit: “Ecce iste est, de quo dixeram, Benedictus pater”. (Greg. M., Saint Benedict, p. 97) ‘Now, the peasant said to the wild Zalla, who was following in his footsteps: “Here is the one of whom I spoke to you; it is the Abbot Benedict”.’ But it is possible that there is some confusion created between the link that connects the referent to the addressee and the link that connects the referent to the global context of utterance shared by the speaker and the addressee. In the Life of St. Gregory, as in most texts in the corpus, the demonstrative iste is sometimes also used as a discourse deictic. In this particular context, this demonstrative seems to have evolved semantically with respect to Classical Latin. The cases where iste takes up the addressee’s words are scarce (see example 12), and in this case, as elsewhere, the demonstrative seems rather to be associated with the common sphere of interlocution: (21) Coepit uero inter ista uir Dei etiam prophetiae spiritu pollere (Greg. M., Saint Benedict, p. 75) ‘In the midst of these miracles, the sainted man seemed gifted with the spirit of prophecy.’ Hic also occurs naturally in the same situation; it is impossible to determine what distinguishes it from iste:

6 Noteworthy, this is the only occurrence of the presentative marker ecce before a demonstrative in our corpus.

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(22) Uir autem uenerabilis Benedictus hoc non suis meritis sed oboedientiae illius deputare coepit. (Greg. M., Saint Benedict, p. 68) ‘However the venerable Benedict did not attribute this prodigious event to his merits, but to the obedience of Maurus.’ Two new anaphoric uses clearly show that iste is now used in contexts that in Classical Latin were reserved for hic. One of these contexts is the correlated use of two demonstratives to refer anaphorically to two referents. In Classical Latin, only hic and ille were used in correlation: hic referred to the last referent named, while ille referred to the first referent named, more distant in the text. St. Gregory’s text contains two uses of hic and ille in correlation, shown in (23) and (24) below; in these exophoric or situational uses, hic and ille again are used to create an opposition between referents belonging to the earthly world and those who belong to the afterlife. (23) Numquid hos atque illos cibos non accepistis? (Greg. M., Saint Benedict, p. 76) ‘Didn’t you accept such and such foods?’ (24) Mirum ualde quod dicis, quamuis uenerabilem et sanctissimum uirum, adhuc tamen in hac carne corruptibili degentem, potuisse animas soluere, in illo iam inuisibili iudicio constitutas. (Greg. M., Saint Benedict, p. 23) ‘You tell me something very wondrous, and, despite the great holiness of the venerable Benedict, I am amazed that, still being clothed with mortal flesh, he was able to deliver souls already subjected to the invisible judgment of God.’ In the case of endophoric or textual uses, however, when there is a contrast between two referents in terms of the latter and the former, only the pair iste/ ille is used (a total of 5 occurrences). (25) Tabitham mortuam orando suscitauit: Ananiam uero et Saphiram mentientes, morti increpando tradidit. [...] Constat ergo quia aliquando haec ex potestate aliquando uero exhibent ex postulatione dum et istis uitam increpando abstulit et illi reddidit orando. (Greg. M., Saint Benedict, p. 97) ‘By his prayer (the prayer of St. Peter) he brought Tabitha back to life, by his reprimand he caused Ananias and Saphira to fall dead, in punishment of their lie. It is thus proven that these miracles are sometimes the effect

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of (divine) power and sometimes of prayer, given that life is taken from the latter by a reproach and returned to the former by a prayer.’ (26) [the previous context evokes the prodigal son and the venerable hermit of Sublac, in that order] Ille itaque qui porcos pauit, uagatione mentis et inmunditia sub semetipso cecidit, iste uero quem angelus soluit eiusque mentem in extasi rapuit, extra se quidem, sed super semetipsum fuit. (Greg. M., Saint Benedict, p. 63) ‘He who kept the swine fell below himself by the dissipation of his spirit and the excess of his debauchery. The one whom the angel delivered, and whose spirit he carried into ecstasy, was indeed taken out of himself, but rose above himself.’ Secondly, iste replaces hic as a linguistic device of fore-grounding. In Classical Latin, hic is used to refer to a protagonist that the speaker wants to put at the center of attention or who is already at the center of attention, in contrast to the distance-neutral is, which expresses anaphora without emphasis. (Menge 2000, § 70). (27) Dionysius, seruus meus […], aufugit. Is est in prouincia tua. (Cicero, Fam. 13, 77, 3) ‘Dionysius, my slave, has fled. He is in your province.’ (28) O tempora, o mores! Senatus haec intellegit, consul uidet; hic tamen uiuit. Viuit. (Cicero, First Catil. 1,2) ‘O time, o morals! All these conspiracies, the Senate knows of them, the consul sees them, and that one (= Catalina) still lives! He lives.’ In the second book of the Dialogues by Pope Gregory the Great, it is iste which is used to mention and highlight the protagonist. Since this book recounts the story of the life of Saint Benedict, the saint is the central character mentioned and re-mentioned throughout the text, and iste is recurrently used to refer anaphorically to St. Benedict. (29) Vt perpendo, uir iste spiritu iustorum omnium plenus fuit (Greg. M., Saint Benedict, p. 71) ‘This man, from what I see, was filled with the spirit of all the righteous.’ The role of iste as a device for foregrounding the protagonist also appears in the following example: an opposition is established between the man of God, on the one hand, and the cleric possessed by the Devil, on the other hand:

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(30) Iste uir diuinitatis, ut uideo, etiam secreta penetrauit, qui perspexit hunc clericum idcirco diabolo traditum, ne ad sacrum ordinem accedere auderet. (Greg. M., Saint Benedict, p. 81) ‘This man of God, from what I see, penetrated the very secrets of Heaven, as he perceived so clearly that this cleric had been delivered to the demon, in order not to have the courage to present himself to the holy orders.’ The demonstrative hic (hunc clericum) serves simply to establish an anaphoric link with a previously mentioned referent, whereas iste (iste uir diuinitatis) places the referent in the foreground and grant it a particular discourse status. Presumably, this pragmatic function of iste could be explained by the fact that, while acquiring its new semantic value of inclusion in the sphere of interlocution it has not entirely lost its meaning of 2nd-person demonstrative. The use of iste could be explained by a desire on the part of the speaker to attract the attention or the benevolence of the addressee concerning the protagonist whose life he is chronicling. Compared to Classical Latin, where hic was used for highlighting a referent (and where is was used to express neutral anaphora; cf. e.g. (27) and (28)) (Menge 2000, § 70), the text by St. Gregory shows that the demonstrative iste can now be used to express such emphatic reference via the mechanism of pragmatic strengthening (cf. Hopper/Traugott 2006). Iste is thus extended to a new context of use, that of anaphora, and this extension brings out a new meaning: the once exclusive link between iste and the hearer weakens and the demonstrative evokes the sphere of interlocution. This change first leads to a blurring of the distinction with hic, whose role in Classical Latin was to include a referent within the sphere of interlocution. At the same time, the choice between hic and iste is not free. The expansion of iste towards anaphoric contexts is correlated with a weakening of the pragmatic force of hic, which progressively becomes an anaphoric expression without emphasis. In sum, the Life of St. Benedict by St. Gregory shows us a system of demonstratives in a more advanced stage of evolution than in the Dialogue of the Soul by St. Isidore. In the preceding sections, we have mainly highlighted developments affecting iste. On the one hand, the link with the sphere of the hearer is weakened; as a consequence, iste acts less commonly as a demonstrative separating the sphere of the hearer from that of the speaker (§ 3.2.1). On the other hand, iste expands its uses as a marker of inclusion in the common sphere of interlocution (§ 3.2.2): it can be used to make reference to time and location of the utterance ((16) ista nocte) or to denote referential entities as being present in the immediate situation (19/20). Furthermore, it also develops

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as an anaphoric marker for a proposition (discourse deixis) or of a nominal element already mentioned. In the latter use, it is found either alone or in correlation with ille, to take up the last-named entity of a pair. In these different contexts, hic is also used and is even globally more common. It is however not possible in all cases to specify what exactly differentiates the two demonstratives (e.g. hac/ista nocte). Overall, two differences nevertheless seem to emerge between hic and iste. When they serve to evoke the sphere of interlocution, iste is pragmatically stronger than hic and thus more emphatic. Second, contrary to hic, iste is not used to delimit the personal sphere of the speaker; rather, it is confined to the common sphere of interlocution.

3.3 The Life of St. Eustace (10 th c.) and the Passion of Saint Cecilia (5 th c. or before the 8 th c.): iste as a marker of the sphere of the speaker? In these two saints’ lives written for a less educated public, iste does no longer have its former classical meaning and loses its privileged relationship with the hearer. The confusion between hic and iste is already in an advanced stage : hic and iste can both relate to the sphere of the speaker or to the sphere of interlocution, in contrast to ille, which presents referents as external either to the sphere of the speaker or to the sphere of interlocution. But another opposition emerges: the two paradigms tend to become more specialized with respect to the pragmatic contexts in which they occur. We will discuss both texts concurrently, while noting differences in the relative frequency of the demonstratives. The Passion of Saint Cecilia is noteworthy by the fact that the gap between the frequency of hic (78 occurrences) and that of iste (44 occurrences) is much smaller than in all the other texts. Moreover, iste attains a frequency comparable to ille (43 occurrences). The deviation from the classical norm is thus considerable.

3.3.1 Discourse configuration 1: the personal sphere of the speaker in contrast with the personal sphere of the hearer Some examples can be cited as reminiscent of the distribution of hic and iste in Classical Latin. Hic can thus be interpreted in the following two examples as creating a link between the referent present in the immediate situation and the person of the speaker:

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(31) In hac ergo specie sicut nunc me uides, ueni in terram saluare genus humanum. (Saint Eustace, p. 6) ‘In this appearance as you see me now, I came to earth to save the human race.’ (32) ad hoc triduanas mihi poposci inducias ut et istos tuae beatitudini traderem quos nutriui et hanc domum meam ecclesiae nomine consecrarem. (Passio Caeciliae 1, p. 31, 16) ‘I have asked the Lord for three days, in order to hand over those I took care of to his beatitude and in order to consecrate my house as a Church’ In (33), hic is used as a discourse deictic, taking up the words of the speaker: (33) Et his dictis ascendit super lapidem qui erat iuxta pedes eius et dicit omnibus: “creditis haec quae dixi”. (Passio Caeciliae 1, p. 26, 22) ‘And with these words, he climbed on a stone that was beside his feet and he said to all: “do you believe what I have said?”’ Also in accordance with the classical norm, iste is used in contexts where it can mark an association with the sphere of the hearer. In the following example, iste refers to a place where the hearer is about to go: (34) ut ingressus fueris istum cubiculum uidebis angelum sanctum (Passio Caeciliae 1, p. 5, 20) ‘as soon as you enter this room, you will see the holy angel’ These uses correspond to what one would expect to see in Classical Latin, although a transformation has occurred here: hic is infrequent in exophoric use, to refer to an entity present in the immediate situation and which is connected with the speaker. In most cases, iste has this role. The following example, where the demonstrative iste in combination with the 1st-person possessive enables the speaker to draw attention to his injury, provides a clear illustration: (35) Ille autem clamabat dicens populo: “Ciues Romani, uidete, ne uos a ueritate ista mea plaga reuocet”. (Passio Caeciliae 1, p. 21, 7) ‘But he exclaimed to the people: “Citizens of Rome, look so my wound may not lead you away from the truth”.’ It is particularly in direct speech that iste replaces hic to evoke a referent present in the immediate situation (10 of the 12 occurrences of iste in the Life

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of St. Eustace have this use). We suggest two mutually compatible explanations for this. First, the demonstrative iste appropriates a new context, at the expense of hic; given that linguistically innovative forms are generally held to occur first at the oral level, it can be assumed that this extension to a new context occurs first in direct speech, representing the spoken language, and that this trend should be especially clear in those written texts intended to be read aloud to an audience of non-literate hearers. Second, the demonstrative iste, given its greater emphatic force, is particularly well-suited to bring to the forefront a referent present in the situation. Furthermore, in many cases, it is not clear whether the referent present in the immediate situation has an exclusive relationship with either the speaker or the hearer; the distinction between the two spheres is blurred. Witness the example (36) : the speaker, who is God himself, uses animal istud ‘this animal’ in order to designate himself, which suggests a link with the sphere of the speaker. But at the same time, iste is used to draw the attention of the hearer, an aspect that is highlighted by ecce ‘look’ and pro tui gratia ‘for love of you’. (36) Ecce pro tui gratia ueni in animal istud ut appaream tibi. (Saint Eustace, p. 5) ‘Look, for love of you, I came in this animal, so that you might see me.’ Another example can be found in (37): ista visio designates the personal vision of the speaker, who in this case is referring to himself (ait intra se); iste could therefore be analyzed as associated exclusively with the personal sphere of the speaker. And yet the fact that this example is found within a soliloquy blurs the boundary between the spheres of the speaker and the hearer, as the speaker and the hearer are one and the same person. (37) ait intra se: “Quae est ista uisio que appartuit mihi?” (Saint Eustace, p. 6) ‘He said to himself: “What is this vision that has appeared to me?”’ Like its descendant cist in early Old French (cf. examples (2) and (3) in § 2.3 above), iste in these Late Latin texts has the capacity to include the referent in the personal sphere of the speaker. Given that in early Old French, cil was used to include a referent in the sphere of the addressee by separating this sphere from that of the speaker, the question arises as to whether in the Life of St. Eustace and the Passion of Saint Cecilia, ille was already used in this way. The following two examples could have this interpretation: in examples (38) and (39), ille refers to referents associated with the hearer: his wife and children in the former case, and her lover in the latter case. These are not exophoric uses,

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where reference is being made to referents present in the immediate situation, but rather endophoric uses, where the demonstrative establishes an anaphoric link with a nominal expression in the preceding context. (38) Et respondit Placidus: “Domine, si jubes ut renunciem ista conjugi meae et filiis meis ut et ipsi credant in te.” Dixit ad eum Dominus: “Renuncia illis et accipientes signum baptismi mundamini a pollucione idolorum, et ueni huc et rursus tibi apparebo et demonstrabo tibi salutaria misteria”. (Saint Eustace, p. 8) ‘And Placidus replied: “Lord, if thou orderest me to do so, I will relate these things to my wife and to my children so that they also may believe in thee”. The Lord said to him: “Tell them you have been cleansed of the impurity of idols by accepting the sign of baptism, and come here and I will appear to you again and I will show you the mysteries of salvation”.’ (39) Tunc Valerianus nutu dei timore correptus ait: “si uis ut uere credam sermonibus tuis, ostende mihi ipsum angelum et si probauero quod uere angelus dei sit faciam quae hortaris. Si autem uirum alterum diligis et te et illum gladio feriam”. (Passio Caeciliae 1, p. 5, 4) ‘Than, Valerius, struck by the fear of God, said: “if you wish me to truly believe your words, let me see this angel and if I recognise him as an angel of God, I will comply with your request. But if you love another man, I will destroy both him and you with my sword”.’

3.3.2 Discourse configuration 2: the personal sphere of the hearer and the personal sphere of the speaker are included in a common sphere of interlocution The first context we consider here is the exophoric use. In line with what has already been observed in the Life of St. Benedict, iste, given its increased pragmatic force, outperforms hic when it comes to foregrounding in direct speech a referent in the immediate situation that is part of the common sphere of interlocution. (40) Quomodo similis est iste homo illi quem querimus! (Saint Eustace, p. 26) ‘How similar this man is to the one we are seeking!’ In the endophoric uses, hic and iste compete with both the other demonstratives (ille, is) and the identity markers; given their deictic properties, they both achieve a kind of emphasis. But iste is pragmatically stronger and can therefore

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be preferred to hic and even more so to ille when the referent is a major protagonist. It is thus not surprising to find, in the first pages of the Life of St. Eustace, an example of iste, which refers to the character of Placidas, a good and just man, who once converted will become St. Eustace. Presumably, the demonstrative contributes to highlight the person who will become the key figure of the story that will follow: (41) sed secundum quod scriptum est, quod in omni gente, qui operatur justitiam, acceptus est ei, peruenit ad istum benigna misericordia et eum tali uoluit saluari modo […]. (Saint Eustace, p. 3) ‘but according to the Scriptures, as in all nations, the one who practices justice, is pleasant to him, he declared himself to him by his benevolent mercy and he wanted to save him as follows [...].’ In order to refer deictically to the time and location of the context of utterance, shared by speaker and hearer, hic and iste alternate. The same lexemes referring to time and space combine with both hic and iste within the same text. (42) ueni ergo hac nocte (Saint Eustace, p. 9) ‘so come this night’ (43) Ista nocte (Passio Caeciliae 1, p. 23, 1) ‘this night’ (44) In hoc mundo (Passio Caeciliae 1, p. 14, 8) ‘in this world’ (45) Dicit ei Caecilia: “et hoc quod in isto mundo uiuitur uita est”. (Passio Caeciliae 1, p. 11, 18) ‘Cecilia said to him: “and this is why our life is lived in this world”.’ Particularly striking in these two saints’ lives is the recurrent use of ista vita, referring to earthly life in contrast with illa vita or altera vita referring to heavenly life. (46) in ista enim uita paruo tempore uiuitur, in illa autem uiuitur in aeternum (Passio Caecilia 1, p. 13, 19) ‘in this earthly life, we live but a short time, in heaven we live eternally’ Although hic is maintained to refer to the time and place of interlocution, iste, given its greater pragmatic force, is better suited to express emphasis. Witness

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the example (47), where ista patria is, from the speaker’s point of view, not an arbitrary country, but can only refer to a land of exile. (47) perdidit me propter quod dominus nauis barbarus esset qui me tenuit in ista patria. (Saint Eustace, p. 35) ‘he caused my perdition because the master of the vessel was a barbarian who kept me in this country’ Finally, hic and iste also alternate in the case of discourse deixis, when evoking the words that have just been spoken by either the speaker or the hearer. Hic is not limited to the recovery of the words of the speaker (48); it can also refer to a proposition made by the hearer or to an event that is not part of direct discourse (49). (48) audiuit uocem de celo sibi dicentem: “Confide, Eustachi, in praesenti enim tempore remeabis ad tuum priorem statum et accipies uxorem tuam et filios. In resurrectione enim majora uidebis eternorum bonorum delectationem repperies et nomen tuum magnificabitur in generationes generationum”. Haec audiens, Eustachius terrore perculsus est, sed ibat. (Saint Eustace, p. 24) ‘he heard a voice from heaven that said to him: “be of good faith, Eustace, for you will return in this world to your previous position and you will be reunited with your wife and your sons. At the resurrection you will see more important things, you will find the pleasure of eternal blessings and your name will be magnified from generation to generation”. Hearing these words, Eustace was struck with terror, but he went forth.’ (49) Leo rapiens filium ejus conseruabat inlesum per prouidentiam Dei. Uidentes autem pastores puerum portare a leone uiuum, insecuti sunt eum cum canibus. Per dispensationem uero Dei rugiens leo projecit incolomem infantem et recessit. Alterum uero infantem qui raptus fuerat a lupo per diuinam prouidentiam saluatus est et ipse a lupo. Uidentes autem quidam aratoribus, insequentes lupum liberauerunt puerum inlesum. Utrique ergo siue pastores siue aratores de uno erant uico, et accipientes pueros educauerunt apud se. Haec uero Eustachius nesciebat. (Saint Eustace, p. 18) ‘The lion that had caught his son was keeping him without injuring him, by God’s providence. When the shepherds saw that the lion was carrying a living child, they followed it with dogs. By God’s intervention, the lion, roaring, cast forth the child unharmed and went away. The other child that had been stolen by a wolf was, by God’s providence, saved by the

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same wolf. Farmers who saw the child and followed the wolf, delivered the child unharmed. The shepherds and the farmers were from the same district and those who took in the children brought them up in their homes. But Eustace was not aware of these things.’ Generally speaking, a proposition is not a prominent referent. It is therefore not surprising that iste, although attested, is much less frequent in the case of discourse deixis. We did not find any examples of iste referring to a proposition in the Life of St. Eustace (compared to 25 occurrences of hic). An example from the Passion of Saint Cecilia is shown in (50): (50) Tiburtius dixit: “non intellego qua intentione ista prosequeris”. (Passio Caeciliae 1,p. 9, 25) ‘Tiburtius said: “I do not understand your intention in pursuing these things”.’

4 Conclusions and theoretical perspective In the evolution from Latin to French, the system of demonstratives is restructured: the ternary system of Latin (hic, site, ille) is reduced to a binary system (cist, cil). As we have shown, this process is not causally related to the disappearance of hic. The disappearance of hic – which can be observed in all the Romance languages, including those that maintain a ternary system – appears to have occurred for phonological and morphological reasons. From a systemic perspective, the restructuring seems, on the contrary, related to semantic and pragmatic factors: the demonstrative associated with the personal sphere of the hearer, represented in Classical Latin by iste, is intrinsically fragile.7 The present study has provided a detailed analysis of the contexts in which the progressive restructuring of the demonstrative system occurs in a corpus of Late Latin; it emphasizes the correlation with a change in contexts of use for the demonstratives in general, and for iste in particular. This research confirms the hypothesis put forward in Guillot and Carlier (2015), namely, that the extension of iste at the expense of hic occurs successively in two discourse

7 This fragility is reflected in the very low frequency of the 2 nd person demonstrative (cf. Table 1), even in theater texts, where the opposition between the personal sphere of the speaker and that of the hearer is often relevant. This suggests that the demonstrative system of Classical Latin and even of Early Latin is no longer fully ternary (Bodelot, p. c).

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configurations: iste first competes with hic when used to include a referent in the sphere of interlocution, in opposition to ille, which excludes it from this sphere; it is only during a second phase that it competes with hic when this demonstrative is used to include a referent in the personal sphere of the speaker, conceived as opposed to the personal sphere of the hearer. This, in turn, alters the contexts in which ille is used, as this demonstrative is no longer reserved for the zone outside the interlocutionary event, but can occasionally involve a referent in the sphere of the hearer. This account of the change affecting iste must not neglect the fact that hic is generally maintained in the four texts of our corpus and that its frequency is even higher than that of iste. Furthermore, it is important to recall that the Late Latin texts are characterized by an internal systemic change and combine, in varying proportions, conservative and innovative forms and structures; in order to characterize the change of the demonstrative paradigm, it is necessary to take into account not only the chronological dimension, but also register. Indeed, the less formal works of the corpus, the two saints’ lives, are those where the frequencies change and where the most advanced uses can be found. The possible dating of the Passion of Saint Cecilia at around 450, which would make it at once the oldest yet the most ‘modern’ text of the corpus, shows how important it is to consider diastratic variation in the texts of Late Latin, rather than conceiving of the evolutionary stages in purely chronological terms. Subject to this reservation, and on the basis of our corpus analysis, it is possible to characterize the change affecting iste by making use of the scenario developed by Diewald (2002) and Heine (2002) in order to conceptualize the interdependence between contexts of use and diachronic change at work in the process of grammaticalization. The following steps can be distinguished: – In the first step, iste is introduced in untypical contexts (Diewald, 2002, 106). Since in Classical Latin it was the demonstrative used to include the referent in the sphere of the hearer, iste is typically used in discourse configurations where the distinction between speaker and hearer is relevant (cf. above, Figure 3), but it relates in fact already to the wider sphere of interlocution. In Late Latin, iste comes to be used in contexts corresponding to a discourse configuration no longer setting apart the speaker and the hearer (cf. above, Figure 2). This expansion to untypical contexts, already attested in the Dialogue of the Soul by St. Isidore and firmly established in the Life of St. Benedict by St. Gregory, leads to a weakening of the link with the hearer. Note that this expansion is progressive: references to the spatiotemporal frame of the utterance (e.g. hac nocte ‘tonight’) seem to resist the extension of iste in the Dialogue of the Soul by St. Isidore; this is no longer the case in the Life of St. Benedict by St. Gregory.

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In the second stage, iste comes to be used in critical contexts (Diewald, 2002, 109) or bridging contexts (Heine 2002, 84). These are ambiguous contexts that allow both interpretations, the new interpretation being the one that associates the referent to the personal sphere of the speaker. In an example like (36), from the Life of St. Eustace, iste is used to associate a referent to the personal sphere of the speaker, but the context simultaneously includes elements linking it more with the sphere of the hearer (ecce ‘look’ and 2 nd-person pronouns or possessives). (36) « Ecce pro tui gratia ueni in animal istud ut appaream tibi. » (Saint Eustace, p. 5) “Look, for love of you, I came in this animal, so that you might see me.”



In the final stage, iste is introduced into isolating contexts (Diewald 2002, 104) or switch contexts (Heine 2002, 85), which favor the new interpretation by excluding the possibility of the earlier reading. This is how its combination with the 1st-person possessive in example (35), taken from the Passion of Saint Cecilia, is to be interpreted. (35) Ille autem clamabat dicens populo: « Ciues Romani, uidete, ne uos a ueritate ista mea plaga reuocet. » (Passio Caeciliae 1, p. 21, 7) ‘But he exclaimed to the people: “Citizens of Rome, look so my wound may not lead you away from the truth”.’



The presence of such examples does not mean that hic was ousted from this use. As we have already mentioned, hic overall remains more common than iste in the four texts of the corpus, although the gap is the narrowest in the Passion of Saint Cecilia. The last stage is conventionalization (Heine 2002, 85), where the innovative use of iste no longer requires the support of contextual clues. At this stage, iste is straightforwardly used with its new meaning consisting to include a referent into the personal sphere of the speaker.

This last step does not seem to have been reached in the texts used in this study. On the contrary, in this state of the language, where iste appropriates new contexts of use without replacing hic, a new contrast emerges: the new form iste, serving to evoke the sphere of interlocution or the personal sphere of the speaker, is associated with greater pragmatic force, as opposed to hic, which becomes the device to express anaphoric reference without emphasis.

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The new uses of iste are thus first attested in contexts representing the spoken language and they serve to highlight the importance of the referent. Witness the example (30), where the contrast between iste and hic distinguishes between the protagonist and a secondary character: (30) Iste uir diuinitatis, ut uideo, etiam secreta penetrauit, qui perspexit hunc clericum idcirco diabolo traditum, ne ad sacrum ordinem accedere auderet. (Greg. M., Saint Benedict, p. 81) ‘This man of God, from what I see, penetrated the very secrets of Heaven, as he perceived so clearly that this cleric had been delivered to the demon, in order not to have the courage to present himself to the holy orders.’ Acknowledgements: We would like to express our warmest thanks to Chad Langford, who expertly translated this chapter.

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III. Le verbe et l’expression du temps et de l’aspect

Gerd V. M. Haverling (Uppsala Universitet)

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif 1 Introduction L’expression du temps et de l’aspect lexical et grammatical en latin se reconfigure fondamentalement entre le latin préclassique et la période romane. Dans les textes les plus anciens en latin nous rencontrons encore plusieurs traces de l’ancien système indo-européen et de la confusion relativement récente du parfait et de l’aoriste de la langue d’origine ; mais dans les textes de la période tardive de l’Antiquité nous trouvons plusieurs nouvelles expressions périphrastiques tant pour le futur que pour le parfait proprement dit et le rapport entre les temps du passé et la façon d’indiquer l’aspect verbal et les situations dans le passé se modifie. Le latin préclassique et classique offre un marquage riche et nuancé au moyen de préfixes, infixes et suffixes. Dans la période tardive de l’Antiquité, ce système de l’aspect lexical marqué par des affixes verbaux change fondamentalement, beaucoup de verbes acquièrent une nouvelle fonction sémantique et beaucoup de nouveaux verbes sont créés pour remplacer ceux qui n’expriment plus le même sens qu’auparavant. Quelques-uns de ces changements sont attestés dans tous les textes de la période tardive, mais ils se manifestent sous des formes différentes d’après les registres : quoique l’influence de la tradition littéraire soit plus ou moins présente dans tous les textes écrits en latin, c’est dans les textes moins littéraires que nous trouvons le plus souvent les expressions nouvelles, alors que cellesci sont presque absentes et présentes seulement de façon indirecte (par exemple à travers un emploi hypercorrect des formes anciennes) dans les textes caractérisés par un style littéraire plus élevé. Comme l’influence de la tradition littéraire se fait sentir aussi dans les textes moins littéraires, il est important de ne pas étudier uniquement les expressions et tournures attestées dans les textes, mais aussi celles qui ne sont plus attestées dans certains textes. Dans cet article je vais d’abord décrire le rapport entre le lexique verbal et l’expression du temps et de l’aspect grammatical en latin classique (2.1–2.2) ; ensuite j’aborderai les changements que nous trouvons en latin tardif et le rapport entre les changements dans le lexique verbal et l’expression du temps et de l’aspect grammatical (3.1–3.2).

https://doi.org/10.1515/9783110551716-012

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Gerd V. M. Haverling

2 Le système en latin classique 2.1 Sur l’expression du temps et de l’aspect grammatical La catégorie du temps se définit à l’aide des notions de temps absolu (passé, présent, futur), de temps absolu-relatif (avant le passé et avant le futur) et de temps relatif (antérieur, simultané, et postérieur), tandis que la catégorie de l’aspect grammatical, ce que l’on appelle aspect ou viewpoint en anglais et Aspekt en allemand et qu’on trouve en français par exemple dans l’opposition entre l’imparfait et le passé simple, se définit comme l’opposition entre un aperçu global (perfectif) et une représentation ouverte (imperfective) d’une situation.1 Si l’on compare les systèmes verbaux du grec et du latin des périodes classiques, on voit que le système grec est plus complexe que celui du latin. Une différence importante consiste en ce qu’en grec nous avons encore l’opposition entre le parfait et l’aoriste, tandis que celle-ci a été perdue en latin. Le latin n’a pas seulement perdu plusieurs catégories que nous trouvons encore en grec ancien : l’imparfait latin est une formation nouvelle et le latin a aussi créé des formes synthétiques pour exprimer le futur simple et le futur antérieur.2 Il y a un rapport étroit entre certains changements lexicaux en latin tardif et certains des changements dans l’emploi des temps du passé. Le parfait en latin classique correspond soit au parfait soit à l’aoriste du grec classique. Il correspond à l’aoriste quand il est accompagné d’un circonstanciel de temps qui réfère au passé, tel le neuf décembre (1a ; = aor. gr. ἀφικόμην), et il correspond au parfait quand il est accompagné d’un circonstanciel de temps qui réfère au présent, comme maintenant (1b ; = parf. gr. ἀφῖγμαι) et exprime ce que l’on appelle current relevance en anglais et que je traduis par actualité présente : (1)

a. Romam autem ueni a. d. V Id. Dec. (Cic. Fam. 11.5.1) ‘je suis venu à Rome le 9 décembre’ b. nunc perueni Chalcidem (Plaut. Merc. 939) ‘maintenant je suis venu à Chalcis’

1 Voir par ex. Comrie (1978, 16–40 ; 1985, 2–18, 122–130), Klein (1994, 18–26, 27–30, 99–119, 120–141), Smith (1997, 61–95, 97–121, 126–128) ; cf. Haverling (2010, 277–278). 2 Sur le développement du système verbal du proto-indo-européen au latin voir par ex. Leumann (1977, §§ 390–452), Sihler (1995, §§ 474–490, 498, 522–531, 537), Meiser (1998, §§ 119–150) et Baldi (2002, 361–409).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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Le parfait latin indique normalement une action ou une situation qui a eu lieu dans le passé, mais il y a quelques exceptions. Le latin classique présente, par exemple, quelques verbes comme odi ‘je déteste’ (2a) et memini ‘je me rappelle’ (2b) que nous trouvons seulement dans le perfectum : c’est ce que l’on appelle le perfectum praesens. Du verbe noscere nous avons le parfait noui, qui a tantôt le sens ‘je connais’ (3a) tantôt le sens ‘j’ai connu’ (3b) :3 (2)

a. Odi et amo (Catull. 85.1) ‘je déteste et j’aime’ b. [...] memini et scio (Plaut. Curc. 384) ‘je me souviens et je sais’

(3)

a. Non me nouisti ? […] / Tuom parasitum non nouisti ? (Plaut. Men. 504– 50 ‘Tu ne me connais pas ? Tu ne connais pas ton parasite ?’ b. Noui cum Calcha simul : / eodem die illum uidi quo te […] (Plaut. Men. 748–749) ‘j’ai fait sa connaissance quand j’ai fait la connaissance de Chalcas : je l’ai vu le même jour que je t’ai vu’

Selon la description traditionnelle du rapport entre les temps du passé en latin, le parfait nous donne un aperçu global d’une situation et la met au premier plan du récit, tandis que l’imparfait, en saisissant le procès en devenir pour le mettre à l’arrière-plan, en propose une représentation ouverte. En latin classique, c’est l’imparfait seul qui indique la progressivité, par exemple dans egrediebatur domo ‘il était sur le point de laisser la maison’ (4a), tandis que le parfait nous dit seulement qu’une situation ou action a eu lieu (4b).4 De ce point de vue, le système du latin ressemble aux systèmes des autres langues où il y a une opposition entre l’aspect perfectif et l’aspect imperfectif. Nous avons des oppositions de ce genre entre l’aoriste et l’imparfait en grec, entre la perfectivité et l’imperfectivité dans certaines langues slaves et entre la périphrase progressive et le passato remoto en italien par exemple :5 (4) a. egrediebatur (impf.) domo [...] (Plin. Epist. 6.16.8) ‘il était sur le point de quitter la maison’

3 Voir par ex. Kühner/Stegmann (1955, § 33) et Hofmann/Szantyr (1965, § 178) ; cf. Haverling (2010, 343–344) et Pinkster (2015, 442–444, 448). 4 Voir Mellet (1988, 97–100), Haverling (2010, 405–406, 438–440) et Pinkster (2015, 547–549). 5 Voir Mellet (1988, 97–100), Haverling (2010, 438–441) et Pinkster (2015, 416–422) ; cf. par ex. Comrie (1978, 39–40).

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Gerd V. M. Haverling

b. senatu egressus est (pf.) (Tac. Ann. 16.21.1) ‘il quitta le sénat’ Le latin classique emploie cependant parfois le parfait dans certains cas où plusieurs autres langues emploient l’imparfait. Ce caractère spécifique des valeurs des temps du passé en latin est particulièrement évident dans les descriptions des états permanents du passé, où le latin classique se sert d’habitude du parfait, tandis que le grec comme beaucoup d’autres langues et par exemples le français et l’italien modernes emploient l’imparfait. L’identité d’un parent de quelqu’un est un état permanent (5a–b) : dans ce cas le parfait nous donne un aperçu global de la situation. Nous trouvons l’imparfait seulement dans les cas où la situation ainsi décrite est mise à l’arrière-plan :6 (5)

a. Pater eius Neocles generosus fuit (Nep. Them. 1.2) ‘Son père Néoclès était de grande famille’ b. Modo C. Caesar Sex. Papinium, cui pater erat (impf.) consularis, [...] flagellis cecidit [...] (Sen. dial. 5.18.3) ‘récemment C. César a fouetté Sextus Papinius, dont le père avait été consul’

Le parfait nous donne donc un aperçu global d’une situation et la met au premier plan du récit, tandis que l’imparfait, en saisissant le procès en devenir pour le mettre à l’arrière-plan, en propose une représentation ouverte. Dans l’imparfait les expressions indiquant les actions téliques décrivent quelquefois des situations ou actions qui n’arrivent jamais à leur terme (6a) : il y a dans ce cas une sorte de contradiction entre la télicité et l’aspect imperfectif de l’expression. Ce phénomène est particulièrement fréquent avec des négations, où il indique impossibilité (6b) ou refus (6c) : (6)

a. ueniebatis in Africam [...] prohibiti estis in prouincia uestra pedem ponere (Cic. Lig. 24) ‘vous étiez sur le point d’arriver en Afrique, mais vous avez été empêché d’y mettre pied’

6 Voir Haverling (2010, 455–466) ; plusieurs langues préfèrent l’imparfait dans cette fonction ; en grec cf. Plutarch. Them. 1.1 πατρὸς γὰρ ἦν Νεοκλέους οὐ τῶν ἄγαν ἐπιφανῶν Ἀθήνησι et Hom. Od. 17.208 ἀμφὶ δ’ ἄρ̉ αἰγείρων ὑδατοτρεφέων ἦν ἄλσος ; sur l’italien cf. Squartini (1995, 119 ; cf. « La casa si trovava in campagna » ; cf. aussi Smith (1997, 69–70, 84–86) et Johanson (2000, 80–81).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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b. phialam uitream, quae non frangebatur (Petron. 51.1) ‘une coupe de verre qui ne pouvait pas se rompre’ c. aurum et purpuram data et oblata ultro non accipiebant (Liv. 34.4.10) ‘ils refusaient de recevoir l’or et la pourpre que l’on leur offrait’ Il y a des langues dans lesquelles on peut employer cet effet pour exprimer la différence entre la tentative de faire quelque chose et la réussite à le faire, par exemple entre ‘essayer de persuader quelqu’un’ et ‘persuader quelqu’un’ : ce que l’on a appelé quelquefois la conativité. C’est par exemple le cas en grec classique. Le latin emploie dans ce cas l’opposition lexicale entre un verbe sans préfixe, suadēre ‘essayer de persuader’, et le verbe avec le préfixe, persuadēre ‘persuader’ (ex. 11). La différence entre les aspects lexicaux non dynamique et dynamique est souvent exprimée par des verbes différents, comme par exemple tacēre ‘se taire, être silencieux’, qui est non dynamique, et conticescere ‘se taire, cesser de parler’, qui est dynamique (tableau 1). En latin classique, la différence entre un état dans le passé et l’entrée dans un état nouveau est normalement exprimée par l’opposition entre tacuit ‘il se taisait’ et conticuit ‘il se tut’ (tableau 4) ; et le parfait d’un verbe non dynamique ou atélique nous donne un aperçu global de la situation dans le passé (7a), tandis que l’imparfait nous donne une description à l’arrière-plan (7b) ou indique la pluri-occasionnalité (7c) (Haverling 2010, 462–463, 477–479) : (7)

a. quo modo autem iis [...] et de re dicentibus et ut referretur postulantibus Clodius tacuit ? (Cic. Att. 3.15.6) ‘comment Clodius a-t-il pu se taire quand on parlait de la chose et demandait qu’on la discute ?’ b. qui tum quamquam ob alias causas tacebant, tamen [...] tacendo loqui [...] uidebantur (Cic. Sest. 40) ‘qui à ce moment-là se taisaient pour d’autres raisons, mais qui toutefois semblaient parler en se taisant’ c. in conuiuiis loquebantur, sed in tormentis tacebant (Sen. Epist. 47.4) ‘ils parlaient pendant les festins, mais ils se taisaient quand on les interrogeait sous la torture’

La distinction entre un état et l’entrée dans un état est en latin classique aussi exprimée par des verbes différents, tels que filium habui ‘j’avais un fils’ (8a) et filium genui ‘j’ai eu un fils’ (8c). En grec, l’opposition entre l’aperçu global d’une situation et l’ingressivité peut être exprimée par l’opposition entre l’im-

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Gerd V. M. Haverling

parfait et l’aoriste du verbe ἔχειν ‘avoir’.7 En latin, l’imparfait dans (8b) place la description de la situation à l’arrière-plan : (8) a. duos, ut scitis, habuit filios Philippus (Liv. 41.23.10) ‘Philippe avait, comme vous le savez, deux fils’ b. Carthaginienses [...] ad Galam […] legatos mittunt. Filium Gala Masinissam habebat (impf.) septem decem annos natum (Liv. 24.48.13) ‘Les Carthaginois envoient des ambassadeurs à Gala. Gala avait un fils, Massinissa, qui avait dix-sept ans’ c. uxore ibi ducta duos filios genuit (Liv. 1.34.2) ‘quand il s’était marié là, il engendra deux fils’ Avec les changements dans l’expression de l’aspect lexical il y a aussi des changements dans l’emploi des temps du passé (3.2).

2.2 Sur l’expression de l’aspect lexical La catégorie de l’aspect lexical se définit à l’aide des oppositions sémantiques entre non dynamique et dynamique, atélique et télique et non durative et durative.8 En latin préclassique et classique nous trouvons le suffixe non dynamique -ē- dans par exemple calēre ‘être chaud’ et senēre ‘être vieux’. L’emploi des verbes de ce genre est fréquent dans les langues actives, qui n’emploient pas ou très peu des adjectifs : le proto-indo-européen le plus ancien semble avoir eu une structure d’actance du type actif-statif, dans lequel le sujet est indiqué par des formes différentes suivant si la phrase est actif ou passif, tandis que les langues attestées ont une structure d’actance de type nominatif-accusatif, où il y a une opposition entre sujet (nominatif) et objet (accusatif). Il y a plusieurs indications d’une structure différente dans la langue la plus ancienne, par exemple la circonstance qu’il n’y a pas un verbe commun du proto-indoeuropéen qui a le sens de ‘avoir’, mais aussi l’emploi de verbes comme calēre ‘être chaud’ et senēre ‘être vieux’ en latin. Le latin préclassique et classique ont déjà une structure accusative et nous trouvons donc les verbes non dyna-

7 Cf. Plato Protag. 321d τὴν μὲν οὖν περὶ τὸν βίον σοφίαν ἄνθρωπος ταύτῃ ἔσχεν (aor. = eut), τὴν δὲ πολιτικὴν οὐκ εἶχεν (impf. = avait)· ἦν γὰρ παρὰ τῷ Διί. 8 Voir par ex. Vendler (1957 ; 1967, 97–121), Comrie (1978, 41–51), Klein (1994, 30–35, 72–98), Smith (1997, 17–37, 39–59) ; cf. Haverling (2010, 277).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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Tab. 1: Infectum – les affixes et l’aspect lexical en latin classique. -dyn./état

+dyn., -télique/activité

+dyn, +télique (+/-inst.)

caleo ‘je suis chaud’

calesco ‘je me réchauffe’

concalesco ‘je deviens chaud’

taceo ‘je me tais, je suis silencieux’



conticesco ‘je deviens silencieux, je cesse de parler’

dormio ‘je dors’



condormisco ‘je m’endors’ obdormisco ‘je m’endors’

sedeo ‘je suis assis’

sido ‘je m’abaisse (graduellement)’

consido ‘je m’assieds’

cubo ‘je suis couché’



accumbo ‘je me couche’

miques et les expressions avec des adjectifs dans presque la même fonction sémantique (9a–b) :9 (9)

a. aqua calet (Plaut. Bacch. 105) – calidum hoc est (Plaut. Most. 610) ‘l’eau est chaude’ – ‘cela est chaud’ b. senet (par ex. Pacuv. trag. 305) – tam senex est ut … (Sen. Epist. 12.6) ‘il est vieux’ – ‘il est tellement vieux que’

Le latin classique présente des paires opposant un verbe non dynamique – quelquefois avec le suffixe en ē- – qui s’oppose à un verbe dynamique pourvu d’un affixe dynamique, tel que le suffixe -sc-, la réduplication ou l’infixe nasal (tableau 1). Quand ces verbes à suffixe dynamique sont sans préfixe, ils expriment une action dynamique et atélique et quand ils ont des préfixes, par exemple con-, ils expriment une action télique et quelquefois même instantanée (à savoir non durative). De ce fait, certains verbes ne peuvent être suffixés qu’à condition d’être aussi préfixés. Le suffixe -sc- est dynamique et attesté dans un certain nombre de formations verbales anciennes, mais il se combine aussi avec des verbes non dynamiques comme calēre ‘être chaud’, et qui sont parfois formés à partir d’adjectifs, comme senēre ‘être vieux’ (tableau 2). On le trouve par ailleurs dans quelques verbes qui correspondent à des verbes transitifs et causatifs en -ē(par ex. augēre ‘augmenter’) et -ā- (par ex. inueterāre ‘laisser ou faire vieillir

9 Sur la structure du proto-indo-européen le plus ancien, voir W. P. Lehmann (2002, 29, 36, 79–81) ; cf. par ex. Beekes (1995, 220–222), Baldi (2002, 87–88, 358–360) et Clackson (2007, 176–180) ; ainsi que Haverling (2010, 288–292).

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Tab. 2: Le suffixe -sc- en latin classique. Formation

-sc-

racine

crescere ‘croître’ noscere ‘essayer d’identifier ou de connaître’ obliuisci ‘oublier’

verbe non dyn en -ē-

calescere ‘s’échauffer’ senescere ‘vieillir’

verbe trans. en -ēverbe trans. en -ā-

augescere ‘grandir’ inueterascere ‘devenir ancien, s’enraciner’

verbe intrans. en -āverbe intrans. en -ĭverbe intrans. en -ī-

labascere ‘(être en train de) chanceler, vaciller’ concupiscere ‘être pris par désir de qqch’ obdormiscere ‘s’endormir’

adjectif – siccus ‘sec’ nom – anus ‘vieille femme’

siccescere ‘se sécher’ anescere ‘vieillir’ (d’une femme)

ou s’enraciner’) ; ainsi que dans des verbes formés à partir de verbes intransitifs en -ā- (par ex. labāre ‘chanceler, vaciller’), en -ĭ- (par ex. cupere ‘souhaiter, désirer’) et en -ī- (par ex. dormīre ‘dormir’). On relève enfin des verbes formés à partir d’adjectifs comme siccus ‘sec’ et de noms comme anus ‘vieille femme’. Parfois la forme passive du verbe causatif et le verbe intransitif en -sc- ont presque la même valeur. La fonction sémantique des verbes à suffixe en -scsans préfixe est atélique et ils indiquent un changement graduel et parfois même progressif.10 Le latin classique dispose aussi de suffixes qui indiquent par ex. la plurioccasionnalité ou l’itérativité, comme par exemple uentito ‘je viens souvent’ (10a) (Leumann (1977 § 412 B) ; mais la valeur pluri-occasionnelle n’est pas toujours claire et en latin préclassique un verbe comme occepto ‘je commence’ (formé à partir de occipio) semble avoir une fonction progressive (10b) (Viti 2015, 172) : (10) a. ad comitia eorum uentitauit (Nep. Att. 4.4) ‘il se rendait regulièrement aux rencontres de leur assemblée générale’ b. nunc homo insanire occeptat (Plaut. Men. 931) ‘en ce moment cet homme commence à perdre la tête’

10 Pour une déscription plus détaillée cf. Haverling (2000, 137–209, 223–225 ; 2010, 292–294, 297–302) ; ainsi que Pinkster (2015, 380–381).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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Tab. 3: Le préfixe indique la télicité. +dyn, -télique

+dyn, +télique

calescere ‘s’echauffer graduellement’

concalescere ‘devenir chaud’

senescere ‘vieillir’

consenescere ‘s’épuiser’

ēsse ou edere ‘manger, manger de qqch’

comedere ‘manger, consommer ou dévorer qqch’

bibere ‘boire, boire de qqch’

ebibere ‘boire jusqu’à épuisement’

suadēre ‘essayer de persuader quelqu’un’

persuadēre ‘persuader quelqu’un’

En latin classique il y a aussi des préfixes – ou préverbes – qui indiquent la télicité (tableau 3). En latin classique, nous avons donc suadēre au sens de ‘conseiller, essayer de persuader’ (11a–b) et persuadēre au sens de ‘persuader’ (11c). Le verbe sans préfixe présente une opposition aspectuelle entre l’imparfait (11a), qui met la situation à l’arrière-plan, et le parfait (11b), qui en donne un aperçu global (cf. ex. 4–6) : (11)

a. suadebat asino fugere (Phaedr. 1.15.6)

‘il engageait l’âne à fuir’ b. Mater quod suasit sua/ adulescens mulier fecit (Ter. Hec. 660–661) ‘la jeune femme a fait ce que sa mère lui a conseillé’ c. ille persuasit populo ut ea pecunia classis centum nauium aedificaretur (Nep. Them. 2.2) ‘il persuada le peuple de faire construire une flotte de cent navires avec cet argent’ Un système comparable existe pour le perfectum. C’est souvent le préfixe qui indique la différence entre un état dans le passé et le changement qui aboutit à cet état (tableau 4). Dans la poésie, cependant, les formes sans préfixe indiquent quelquefois un changement d’état. Dans la langue poétique, nous trouvons donc parfois le parfait sans préfixe dans la fonction dynamique, par ex. caluere et au lieu d’incaluēre au sens de ‘ils se sont échauffés’ (Ov. Met. 2.171) et rubuerunt au lieu d’irrubuerunt au sens de ‘ils se sont teintés de rouge’ (Ov. Met. 11.19) ; et parfois le présent sans préfixe indique la télicité, par exemple sidunt au lieu de considunt au sens de ‘ils se posent’ (Verg. Aen. 6.203). Il y a aussi des formations à préfixe mais sans suffixe qui remplacent des verbes en -sc- telles que ascīre ‘faire venir à soi,

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Gerd V. M. Haverling

Tab. 4: Perfectum – verbes préfixés et non préfixés en latin classique. -dyn./état

+dyn, changement d’état (poét.)

+dyn, changement d’état (pros.)

calui ‘j’ai été / j’étais chaud’

calui ‘je fus / je suis devenu chaud’

concalui ‘je fus / je suis devenu chaud’

tacui ‘je me suis tu / je me taisais’



conticui ‘je me tus / j’ai cessé de parler’

dormiui ‘j’ai dormi / je dormais’



condormiui ‘je me suis endormi’

sedi ‘j’ai été / j’étais assis’

sedi ‘je me suis assis’

considi ‘je me suis assis’

Tab. 5: -sc- et les préfixes in- et ex-. +dyn., -télique

+dyn., +télique, initio-transf.

+dyn, +télique, fini-transf. (+/-inst.)

aresco ‘je me sèche, suis inaresco ‘je commence à me en train de devenir sec’ sécher, je deviens assez sec’

exaresco ‘je deviens totalement sec’

rubesco ‘je rougis, suis en train de devenir rouge’

irrubesco ‘je commence à rougir, deviens assez rouge’

erubesco ‘je deviens totalement rouge (dans le visage à cause des émotions d’embarras ou de honte)’

albesco ‘je blanchis, suis en train de devenir blanc’

inalbesco ‘je commence à blanchir, deviens assez blanc’

exalbesco ‘je deviens totalement blanc (dans le visage à cause des émotions de peur)’

s’adjoindre’ (= asciscere ; Verg. Aen. 12.38) et conticēre ‘se taire, cesser de parler’ (= conticescere ; Calp. ecl. 4.98).11 Cependant, beaucoup de familles dérivationnelles présentent une alternance entre plusieurs préfixes. Ce qui constitue la différence entre ex- et in-, c’est qu’ex- nous dit que le processus est conduit jusqu’à son terme, tandis que in- nous dit que le processus commence sans préciser jusqu’à quel point il se poursuit (tableau 5). Un rapport semblable existe entre les préfixes ad- et con-. Le préfixe conindique que l’action télique est complète sans envisager ni le début, ni la fin

11 Pour une déscription plus détaillée cf. Haverling (2010, 297–304) ainsi que Haverling (2000, 207 s., 209–241, 252 ss., 327 ss., 265–266, 275, 327 ss., 457–458).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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Tab. 6: -sc- et les préfixes ad- et con-. +dyn., -télique

+dyn., +télique, initio-transf.

+dyn, +télique, fini-transf. (+/-inst.)

nosco ‘j’essaie d’identifier ou de connaître, j’étudie’

agnosco ‘je connais ou identifie graduellement, je reconnais’

cognosco ‘je prends connaissance de, j’identifie’

[suesco ‘je m’habitue à’ – poét.]

adsuesco ‘je m’habitue graduellement, de plus en plus’

consuesco ‘je m’habitue à’

edo ‘je mange de’

adedo ‘je ronge’

comedo ‘je mange, dévore’

du changement, tandis que le préfixe ad- indique que l’action télique envisage le début de l’action et surtout le caractère graduel de celle-ci. La différence entre agnosco et cognosco consiste en ce que cognosco décrit l’acquisition de connaissances sans souligner ni le début ni la fin de ce processus, tandis que agnosco décrit l’acquisition de connaissances comme un processus graduel (tableau 6). Nous avons une opposition semblable entre adsuesco et consuesco. Le verbe sans préfixe, nosco, indique dans ce cas l’essai d’acquérir la connaissance de quelque chose plutôt que l’acquisition en elle-même. Le verbe suesco n’est trouvé qu’à une époque relativement tardive, chez Tacite vers 100 apr. J.-C., et avec une valeur poétique et au sens des verbes avec préfixes :12 Nous trouvons cette opposition entre afficere ‘commencer à faire, faire jusqu’à tel point’ et conficere ‘faire intégralement, achever’ (12), mais aussi entre agnosco ‘je connais ou identifie graduellement, je reconnais’ et cognosco ‘je prends connaissance de, j’identifie’ (13a–b) :13 (12) bellum adfectum uidemus et, uere ut dicam, paene confectum (Cic. Prov. 19) ‘nous voyons une guerre déjà avancée et presque achevée’ (13) a. et cum humanitatem et facilitatem agnoscimus tuam, tum admiramur istam scientiam et copiam (Cic. De orat. 2.362) ‘nous reconnaissons là soit ta complaisance et ton amabilité ordinaires soit ton étonnant savoir et ton abondance de développement’ 12 Pour une déscription plus détaillée cf. Haverling (2010, 311–312, 314–316) ainsi que Haverling (2000, 277–278, 296–297). Sur le rapport entre les préfixes voir aussi par ex. GarcíaHernández (1980 ; 1989 ; 1994) et Brachet (2000). 13 Pour une analyse plus détaillée cf. Haverling (1996).

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Tab. 7: Les fonctions sémantiques de con-. fonction

verbe avec con-

en relation avec

complétive 1 finitransformative

comedo ‘je mange, vide le plat, consomme’ conficio ‘j’accomplis, perfectionne’ concalesco ‘je deviens chaud’

adedo ‘je croque, grignote’

consuesco ‘je m’habitue’

afficio ‘j’agis sur, j’influence’ incalesco ‘je commence à me réchauffer ; je me réchauffe assez, un peu’ insuesco ‘je commence à m’habituer’ adsuesco ‘je m’habitue graduellement’

complétive 2 initiotransformative

conticesco ‘je deviens silencieux, je cesse de parler’ conspicio ‘j’aperçois, avise’

intensive

commoror ‘je reste, je reste encore’ condormio ‘je dors profondément, j’ai le sommeil lourd’



congredior ‘je me rapproche, je me réunis (avec)’

digredior ‘je vais dans une autre direction, je pars de’

spatiale

– adspicio ‘j’observe avec les yeux, je regarde’ –

b. ut simul Africani quoque humanitatem et aequitatem cognoscatis (Cic. Verr. II 2.86) ‘afin que vous connaissiez en même temps l’humanité et l’équité de l’Africain’ Le même préfixe a cependant souvent plusieurs fonctions sémantiques et conet ex- sont aussi employés pour indiquer des relations spatiales, comme conuenire ‘venir ensemble, se rassembler’ et exire ‘sortir de, aller hors de’ ; et conet per-, qui indiquent la télicité dans comedere ‘manger, consommer’ et persuadere ‘persuader’, expriment l’intensité dans commori ‘rester encore’ et pernegare ‘nier absolument’. C’est donc un système assez compliqué dans lequel un seul et même préfixe peut avoir plusieurs valeurs et plusieurs préfixes peuvent avoir la même valeur ; con-, par exemple, a au moins quatre fonctions sémantiques distinctes (tableau 7). Nous le trouvons avec une valeur complétive, où il marque aussi bien le début que la fin, ainsi qu’avec une valeur « intensive » et avec une valeur spatiale qui est liée à la préposition cum ‘avec’ (Haverling 2010, 317–321).

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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Plusieurs préfixes peuvent pourtant aussi avoir la même – ou presque la même – fonction sémantique. Le préfixe con- indique souvent la télicité, tandis que re- indique souvent la répétition, comme par exemple dans recognoscere ‘acquérir ou prendre connaissance de quelque chose de nouveau’ (cf. ex. 31a). Les préfixes con- et re- semblent cependant avoir la même – ou presque la même – fonction dans les verbes cognoscere ‘prendre connaissance de’ (par ex. Plaut. Men. 429) et resciscere ‘venir à savoir’ (par ex. Plaut. Asin. 743). Le fait que deux expressions aient la même fonction sémantique est une des conditions qui induisent un changement dans la langue (Hopper/Traugott 2003, 102–103, 116–118 ; Aitchison 2001, 176–178 ; Traugott/Dasher 2002, 11–16).

3 Les changements en latin tardif 3.1 L’aspect lexical En latin préclassique et classique nous trouvons le suffixe non dynamique -ēpar exemple dans calēre ‘être chaud’ et senēre ‘être vieux’ (ex. 9). En latin tardif, ce suffixe est en train de disparaître et au lieu des verbes non dynamiques de ce genre, nous rencontrons toujours plus souvent les expressions avec des adjectifs, par ex. senex est au sens de ‘il est vieux’ (14a–b) ; et au lieu du verbe frigēre ‘être froid’, qui apparaît dans la traduction d’un aphorisme hippocratique du 1er s. apr. J.-C (15b), nous rencontrons l’adjectif frigidus et esse ‘être froid’ dans une traduction du 5 e ou 6 e s. (15c) (Haverling 2007, 166– 167) : (14) a. filium enim non habet et uir eius senex est (Vulg. IV Reg. 4.14) ‘elle n’a pas de fils et son mari est vieux’ b. erat enim iam senex (Greg. Tur. Vit. patr. 4) ‘car il était déjà vieux’ (15) a. Ἐν τοῖσι μὴ διαλείπουσι πυρετοῖσιν, ἤ τὰ μὲν ἔξω ψυχρὰ ᾖ, τὰ δὲ ἔνδον καίηται, καὶ δίψαν ἔχῃ, θανάσιμον (Hippocr. aphor. 4.48) ‘Dans les fièvres qui n’ont pas d’intermission, si l’extérieur est froid, l’intérieur est brûlant, et s’il y a de la soif, le cas est mortel’ b. … aut cui, febre non quiescente, exterior pars friget, interior sic calet, ut etiam sitim faciat (Cels. 2.6) c. Iam non deficientibus autem febribus, si quidem foris frigidi sint, intus autem ardeant et sitim habeant, mortale (Aphor. 4.48)

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Si l’on compare le nombre de verbes de cette catégorie (verbes non dynamique en -ē- qui ont des correspondants en -sc- en latin classique) (cf. Haverling (2000, 409–422) qu’on trouve chez Grégoire de Tours (env. 534–594), dans Frédégaire (une œuvre écrite par plusieurs personnes, qui consiste en chron. = la Chronique allant jusqu’en 641 et chron. cont. = la continuation de ce texte allant jusqu’en 768) et dans le Liber historiae Francorum (une chronique du 8 e s. relatant les événements jusqu’au début de la dynastie ensuite appelée carolingienne), on peut noter qu’ils sont plus fréquents chez Grégoire que chez Frédégaire et dans le Liber historia Francorum.14 Les verbes à suffixe non dynamique -ē- deviennent donc moins fréquents en latin tardif et dans le latin des premiers siècles du Moyen Age.15 Le suffixe -sc- est dynamique et atélique en latin classique (tableaux 1 et 3). Dans le latin tardif du 4 e siècle, le suffixe -sc- reste fréquent mais il perd souvent sa fonction dynamique et nous trouvons par exemple le verbe lippescere au sens de lippīre ‘avoir les yeux chassieux’ (16a). En latin classique le verbe lateo a le sens de ‘être caché, se cacher’ et le verbe delitesco le sens de ‘se cacher, se retirer dans un lieu secret’, mais dans un texte du 4 e siècle nous rencontrons le participe delitescentes au sens non dynamique de latentes ‘se cachant’ (16b). Nous le trouvons à cette période aussi dans des verbes nouveaux formés à partir de verbes qui ont déjà une fonction dynamique et où la valeur du suffixe est peu claire, comme par exemple fulgescere de fulgere ‘éclairer, faire des éclairs’ (16c). Dans les langues romanes le suffixe est encore présent dans quelques formes de certains verbes (cf. it. finire – finisco et fr. finir – finissais) :16 (16) a. Lia lippescit … (Hier. in Soph. 3.19 l. 581) ‘Lia a les yeux chassieux’ b. mensibus quinque delitescentes (Amm. 27.12.11) ‘se cachant pendant cinq mois’ 14 Greg. Tur. 32 (albeo, ardeo, areo, caleo, candeo, clareo, doleo, ferueo, floreo, haereo, horreo, langueo, lateo, liqueo, luceo, marceo, niteo, rigeo, palleo, pateo, paueo, sileo, taceo, sordeo, splendeo, stupeo, tepeo, timeo, tumeo, ualeo, uigeo, uireo) ; Fredeg. 11 (ardeo, areo, ferueo (cit. Greg. Tur.), lateo, liqueo, pateo, paueo, sileo, timeo, tumeo, ualeo) ; LhF rec. A 3 (timeo, tumeo, ualeo). Le verbe ferueo chez Frédégaire se trouve dans une citation de Grégoire de Tours. – Il faut noter que le texte de Grégoire de Tours est beaucoup plus long que le texte de Frédégaire et le Liber historiae Francorum. Les verbes de cette catégorie semblent, cependant, être très rares aussi dans le Formulae du début du Moyen âge. 15 Voir Haverling (2010, 321–322) ; cf. Väänänen (1981, § 314) et C. Lehmann (1995) ; chez Stotz (2000, § 109.1) nous ne trouvons qu’un verbe de ce genre dans le latin mediéval (blauere ‘être bleu’). 16 Voir Haverling (2000, par ex. 205 ss. ; 2010, 322–324) ; cf. Väänänen (1981, § 316).

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c. aucta luminibus solis [...] fulgescis (Firm. Math. 1.10.14) ‘tu brilles avec l’aide de la lumière du soleil’ À cause de ce changement, le nombre des verbes en -sc- qui sont employés par les auteurs des derniers siècles diminue. Les verbes en -sc- formés à partir d’autres verbes ou d’adjectifs sont encore en assez grand nombre chez Grégoire de Tours, mais très rares chez Frédégaire et dans le Liber historiae Francorum.17 Il faut cependant aussi étudier l’emploi de ces verbes dans les textes. Parmi les verbes en ē- qui indiquent par exemple la couleur ou la luminosité ou des qualités physiques telles que la sécheresse ou l’humidité ou la température (une catégorie que nous trouvons chez Grégoire de Tours et très peu chez les autres), nous trouvons surtout les participes présents (17a–b, 18a). Alors que nous ne trouvons que le participe présent de tepēre ‘être tiède’ (18a), nous avons plusieurs exemples dans lesquels tepescere semble avoir le sens ‘être tiède’ plutôt que ‘tiédir’ (18b) : (17) a. nudae atque arentes siluae (Greg. Tur. Hist. 2.9 : cf. Fredeg. Chron. 3.4 nudi atque arentes) ‘les bois dénudés et arides’ b. coniugem calentem balneo interfecit (Greg. Tur. Hist. 1.36) ‘il assassina sa femme dans un bain chaud’ (18) a. in balneo tepenti ablutus est (Greg. Tur. Glor. mart. 95) ‘il s’est lavé dans un bain chaud’ b. ideo manus nostrae sunt inualidae, ensis tepiscit nec clepius nos, ut erat solitus, nos defendit ac protegit (Greg. Tur. Hist. 8.30) ‘c’est pourquoi nos mains sont impuissantes, notre épée est émoussée et notre bouclier ne nous défend ni ne nous protège comme il en avait l’habitude’

17 Voir Haverling (2000, 402–427). — Greg. Tur. 45 (albesco ; exardesco, inardesco ; aresco ; incalesco ; incandesco ; concupisco ; claresco ; efferuesco ; floresco ; refrigesco ; frondesco ; ingemisco ; lucesco, illucesco ; madesco ; marcesco ; mitesco ; obmutesco ; nitesco ; innotesco ; patesco, perpatesco ; pauesco ; computresco ; rubesco, erubesco ; senesco, consenesco ; adscisco ; stupesco, obstupesco ; tabesco ; tepesco ; pertimesco ; contremisco ; tumesco, intumesco ; turgesco ; inualesco, conualesco ; euanesco ; reuilesco ; uiresco, reuiresco) ; Fredeg. 8 ([ingemisco] ; ingrauesco ; lucesco ; senesco, consenesco ; adscisco, descisco ; [tepesco]) ; LhF rec. A 3 (illucesco). Les verbes ingemisco et tepesco chez Frédégaire se trouvent dans des citations de Grégoire de Tours. — Les verbes de cette catégorie sont très rares aussi dans les Formulae du début du Moyen Âge : par exemple dans les Formulae Senonenses nous trouvons innotescere et dans les Formulae Turonenses nous trouvons pertimescere.

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Il y a aussi des oppositions sémantiques nouvelles entre les verbes. En latin classique cupere a le sens de ‘désirer’ et concupiscere le sens de ‘être pris par désir de qqch’ (tableau 1), mais chez Grégoire de Tours l’opposition sémantique est un peu différente, à savoir entre d’un côté ‘souhaiter, désirer’ (19a) et de l’autre ‘convoiter’ (19b) et ‘désirer sexuellement’ (19c) : (19) a. multi iam tunc ex Galleis habere Francos dominos summo desiderio cupiebant (Greg. Tur. Hist. 2.35) ‘déjà alors beaucoup dans les Gaules souhaitaient d’un ardent désir avoir les Francs comme maîtres’ b. Cur alter concupiscit alienum ? (Greg. Tur. Hist. 5 praef.) ‘Pourquoi l’autre convoite-t-il le bien d’autrui ?’ c. uxorem uicini sui concupiscens (Greg. Tur. Hist. 8.19) ‘en convoitant l’épouse de son voisin’ Il y a en latin classique aussi des suffixes qui indiquent la pluri-occasionnalité ou l’itérativité, comme par ex. -itāre dans uentito ‘je viens souvent’ (ex. 10a). En latin tardif, ces suffixes perdent leur fonction sémantique et ces verbes remplacent parfois les verbes sans suffixes dans des textes moins littéraires. Ce changement est aussi lié aux changements phonétiques : quand la différence entre la voyelle longue dans iacēre ‘être étendu, couché’ et la voyelle brève dans iacĕre ‘jeter’ a été perdue (Väänänen 1981, §§ 43–45) Marcellus Empiricus (originaire de la Gaule, 5 e s.), a choisi d’employer le verbe simple au sens non dynamique et intransitif et le verbe iactare au sens transitif de ‘jeter’ (20a–b) ; il emploie aussi le verbe tostare au lieu de torrēre au sens de ‘dessécher’ (par ex. Marcell. med. 22.23). Un autre verbe nouveau de ce genre est pistare ‘piler, broyer’ (cf. ital. pestare) trouvé dans la Mulomedicina Chironis (21 ; vers 400) et formé sur pinsare. Ces verbes remplacent souvent les verbes sans suffixes dans les langues romanes (par ex. fr. chanter et dompter < lat. cantare et domitare qui sont des formes itératives de canere et domare) (Hofmann/Szantyr (1965, § 166a) et Leumann (1977, § 412.B) : (20) a. iacere autem debet in alio latere (Marcell. Med. 9.72) ‘il doit être étendu de l’autre côté’ b. qui … cum tussi sanguinem iactant (Marcell. Med. 16.94) ‘qui crachent du sang’ (21) haec pistato … quam tenuissimo (Chiron 9.863) ‘il faut écraser cela jusqu’à ce qu’il soit très fin’

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Chez Grégoire de Tours et Frédégaire il y a une opposition sémantique entre d’un côté latēre ‘être caché, secret’ (22a–b) et latitāre ‘se cacher (de qqn)’ (22c). Grégoire emploie normalement le verbe iactāre au sens de ‘jeter’ (23a) et iacēre au sens de ‘être couché’ (23b), mais dans un cas il emploie le verbe iacĕre au sens de ‘jeter’ (23c) : (22) a. nulli enim latet, quod (Greg. Tur. Hist. 8.13 ; cf. Fredeg. Chron. 2.62 tibi latere non potest) ‘nul n’ignore que = il n’est caché pour personne que’ b. haec sub terra latebant (Greg. Tur. Hist. 5.19) ‘ces choses étaient cachés sous terre’ c. dum […] latitaret (Greg. Tur. hist. 5.18 ; cf. Fredeg. Chron. 4.78 locis tutissemis [...] latetarint) ‘lorsqu’il se cachait’ (23) a. iactauit se [...] in terram (Greg. Tur. Mart. 1.21) ‘il s’est jeté à terre’ b. iacebat paralyticus unus in grabato (Greg. Tur. Mart. 3.40) ‘un paralytique était étendu sur un grabat’ c. ego eum (sc. anulum) in igne iaceo [= iacio], tu candentem college (Greg. Tur. Glor. conf. 14) ‘je jette la bague dans le feu ; ramasse-la quand elle est incandescente’ Le latin classique dispose de préfixes qui indiquent la télicité ou le changement d’un état à un autre (tableau 1). En latin tardif, par contre, beaucoup de préfixes perdent la fonction d’indiquer la télicité et nous rencontrons dès lors souvent comedo au sens de ‘manger de quelque chose’ (24a) ou avec un adverbe indiquant la quantité tel que multum ‘beaucoup’ (24b).18 L’opposition entre procès télique et procès atélique correspond en français dans ce cas à l’opposition entre une expression avec un article défini ou indéfini (panem comedo ‘je mange le pain / un pain’) et avec l’article partitif (panem edo ‘je mange du pain’). En latin tardif nous ne trouvons pas encore par ex. *panem unum comedo ou *panem illum comedo, ce qui montre, à mon avis, que la mise en place d’un système d’articles grammaticalisés n’a pas encore eu lieu en latin mais se réalise seulement dans les langues romanes. En latin tardif nous trouvons, néanmoins, quelquefois des expressions partitives – surtout dans les textes traduits du grec ou écrits en latin par des Grecs (25a–b), mais vers la fin de la période

18 Voir Haverling (2007, 166) ; cf. aussi Hippocr. aphor. 5.61 comm. ad implete manducant.

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nous les trouvons aussi chez par ex. Grégoire de Tours (25c). Il y a donc un rapport entre aspect lexical et détermination :19 (24) a. (Deus) praecepitque ei dicens : ex omni ligno paradisi comede. de ligno autem scientiae boni et mali ne comedas. in quocumque enim die comederis ex eo morte morieris (Vulg. Gen. 2.16–17) ‘Dieu donna cette ordre à l’homme : ‹ Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras ›’ b. consueuit comedere multum (Hippocr. Aphor. 1.15 comm.) ‘il a eu l’habitude de manger beaucoup’ (25) a. de uino eius biberunt gentes (Vulg. Ier. 51.8) ‘les nations ont bu de son vin’ b. quis plantat uineam et fructum eius non edit quis pascit gregem et de lacte gregis non manducat (Vulg. I Cor. 9.7 ; cf. NT I Cor. 9.7 τίς φυτεύει ἀμπελῶνα καὶ τὸν καρπὸν αὐτοῦ οὐκ ἐσθίει ; ἢ τίς ποιμαίνει ποίμνην καὶ ἐκ τoῦ γάλακτος τῆς ποίμνης οὐκ ἐσθίει ;) ‘Qui est-ce qui plante une vigne et n’en mange pas le fruit ? Qui est-ce qui fait paître un troupeau, et ne se nourrit pas du lait du troupeau ?’ c. ut de sepulchri puluere bibit [...] firmatus est (Greg. Tur. Mart. 3.52) ‘quand il a bu de la poussière de la tombe, il s’est repris’ Cette confusion entre les fonctions sémantiques de plusieurs verbes appartenant à la même famille dérivationnelle est un phénomène fréquent. Quelquefois nous rencontrons le suffixe -sc- dans des verbes nouveaux sans préfixes, comme par ex. mutescere ou tacescere au lieu des formes normales obmutescere ‘devenir muet’ et conticescere ‘se taire, cesser de parler’ (26a–b). Les grammairiens tardifs nous informent qu’ils ne connaissaient plus la différence entre par exemple conticescere ‘se taire, cesser de parler’ et tacere ‘se taire, être silencieux’ (27a) et que c’est la forme conticēre, très rare et d’origine poétique, qui est la forme d’infectum qui correspond au parfait conticui et non la forme normale conticescere (27b). De la même manière un grammairien du 7 e s. indique tacesco comme l’infectum correspondant à tacui (26b) (Haverling (2000, 166, 207, 266–267 ; 2010, 328–330, 332) :

19 Voir par ex. Croft (1990, 177), Abraham (1997) et Philippi (1997) ; cf. Haverling (2000, 207, 262 ; 2010, 331–334).

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(26) a. cum [...]. lingua mutescat (Lact. Inst. 7.12.28 ; vers 300) ‘quand la langue devient muette’ b. ut tacesco, tacui (Virg. Gramm. epist. 3.9) ‘comme taceso, tacui’ (27) a. conticescere est tacere (Mar. Victorin. Defin. p. 37 l. 3) ‘conticescere a le même sens que tacere’ b. Conticuere … quae pars orationis est ? … conticeo, contices (Prisc. Gramm. III p. 469 l. 22–25) ‘Conticuere … c’est de quelle conjugaison ? … conticeo, contices’ La valeur du préfixe est devenue peu claire aussi dans le perfectum et en latin tardif nous trouvons souvent par exemple tacui au sens de ‘je me suis tu, j’ai cessé de parler’ (28a–b ; cf. tableau 4) ; et quelquefois nous rencontrons un emploi hypercorrect de conticui dans le sens non dynamique ‘je me suis tu, je me taisais, je n’ai rien dit’, par exemple déjà vers 200 chez Ulpien mais aussi vers 390 chez Symmaque (29a–b) (Haverling (2000, 224–225, 238 ; 2010, 327– 330 ; 2014, 862–863) : (28) a. postquam tacuerunt (Vulg. Act. 15.13) ‘lorsqu’ils eurent cessé de parler’ b. Et cum tacuisset (Aug. Ord. 1.6.16) ‘et quand il avait cessé de parler’ (29) a. qui tam diu conticuerunt (Ulp. Dig. 48.19.6) ‘qui se sont tus pendant aussi longtemps’ b. hucusque conticui (Symm. Epist. 5.89.1) ‘je me suis tu jusqu’à maintenant’ Il y a un rapport entre ce changement et le changement dans l’emploi de l’imparfait en latin tardif (ex. 49). En latin classique, certains radicaux verbaux sont compatibles avec plusieurs préfixes (tableaux 5 et 6). Nous trouvons donc une opposition entre agnosco ‘je connais ou identifie graduellement’ et cognosco ‘je prends connaissance de, j’identifie’ (tableau 6 et ex. 13). En latin tardif, la distinction sémantique entre des verbes appartenant à la même famille dérivationnelle s’estompe très souvent. Dans la Vulgate nous rencontrons les verbes cognosco et agnosco dans le sens de noui ‘je connais’ (30a) et employés pour traduire le verbe γινώσκω dans le grec (30b). En latin tardif le perfectum praesens noui est donc en train d’être remplacé par cognosco au sens de ‘je connais’ (cf. ex. 3a et 32–35) :

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(30) a. Ego sum pastor bonus : et cognosco meas, et cognoscunt me meae. / Sicut nouit me Pater, et ego agnosco Patrem ; et animam meam pono pro ouibus (Vulg. Ioh. 10.14–15) ‘Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et elles me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis’ b. Ἐγώ εἰμι ὁ ποιμὴν ὁ καλὸς καὶ γινώσκω τὰ ἐμὰ καὶ γινώσκουσί με τὰ ἐμὰ, καθὼς γινώσκει με ὁ πατὴρ κἀγὼ γινώσκω τὸν πατέρα, καὶ τὴν ψυχήν μου τίθημι ὑπὲρ τῶν προβάτων (NT Ioh. 10.14–15) Quand les mots anciens n’ont plus la même fonction sémantique qu’auparavant, la langue a donc besoin d’autres moyens pour exprimer ce qui était autrefois indiqué par les suffixes ou préfixes qui ont perdu leur sens. Un tel moyen est l’introduction des expressions partitives (par ex. 25) et plus tard aussi des articles. Un autre est la création de distinctions nouvelles entre les verbes d’une famille verbale. En latin classique recognosco a toujours le sens d’‘acquérir ou prendre connaissance de quelque chose de nouveau’ (31a), mais en latin tardif nous rencontrons ce verbe dans le sens de ‘identifier, reconnaître (en voyant quelqu’un)’, là où le latin classique avait préféré les verbes agnosco et cognosco (31b ; ex. 13). Dans certains textes tardifs nous trouvons l’opposition entre cognoscere au sens non dynamique ‘connaître’ (30a) et recognoscere au sens dynamique de ‘reconnaître’ (Haverling (2000, 283 ; 2010, 337 s.) : (31) a. ea quae scit mecum recognoscere (Cic. Verr. I 15) ‘réviser avec moi ce qu’il sait déjà’ b. dum illam [...]. recognoscimus (Tert. Idol. 2.5) ‘quand nous la reconnaissons’ Du verbe noscere nous avons le parfait noui, qui a tantôt le sens de ‘je connais’ tantôt le sens de ‘j’ai connu’ (ex. 3). Chez Grégoire de Tours nous rencontrons encore le parfait noui au sens de ‘je connais, je sais’ (32a–c) et cognoscere au sens de ‘apprendre’ (33a–b) mais parfois aussi au sens de ‘connaître, savoir’ (33c). Chez Frédégaire et dans le Liber historiae Francorum nous ne trouvons noui au sens de ‘je connais, je sais’ que dans la citation d’un passage de Grégoire (34a–b ; cf. 32c) et nous trouvons cognoscere soit au sens d’‘apprendre’ (35a–b) soit au sens de ‘connaître, savoir’ (35c) :20

20 Il y a, cependant, deux exemples de nouisse dans par ex. les Formulae Andecauenses (cap. 20 p. 11, cap. 23 p. 11).

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(32) a. neque te noui, unde sis (Greg. Tur. Hist. 4.46) ‘je ne te connais pas et je ne sais pas d’où tu sors’ b. nosti quod sit rex Chilpericus pius (Greg. Tur. Hist. 5.18) ‘tu sais que le roi Chilpéric est pieux’ c. noui [...] utilitatem tuam [...] ideoque ueni, ut habitem tecum (Greg. Tur. Hist. 2.12) ‘je connais ton mérite et c’est pourquoi je suis venu pour habiter avec toi’ (33) a. Quod illa cum cognosceret, scandalizabatur in eum (Greg. Tur. Hist. 2.22) ‘Quand elle l’apprenait, elle se fâchait contre lui’ b. cum cognouissent quae acta fuerant (Greg. Tur. Hist. 5.30) ‘quand ils avaient appris ce qui s’était passé’ c. depositionem uero eius tertio Idus Nouembris esse cognoscas (Greg. Tur. Hist. 2.14) ‘sache que le jour de sa mort est le 11 novembre’ (34) a. noui [...] utilitatem tuam [...] (Fredeg. Chron. 3.12) ‘je connais ton mérite’ b. noui utilitatem [...] tuam (LhF rec. A 7) ‘je connais ton mérite’ (35) a. cum haec cognouisset Chilpericus (Fredeg. Chron. 3.71) ‘lorsque Chilpéric avait appris cela’ b. illi ueri cum cognouissent quod [...] (LhF rec. A 33) ‘mais quand ils avaient appris que’ c. cognuscemus haec ex lege et prophetis (Fredeg. Chron. 1.5) ‘nous savons cela de la loi et des prophètes’ Aussi les autres formes du perfectum praesens, telles que odi ‘je deteste’ et memini ‘je me rappelle’, sont en train de disparaître en latin tardif (ex. 43–46). Parfois un suffixe est remplacé par un autre. En latin tardif parlé, les verbes formés du suffixe transitif et causatif en -ā-, comme inueterāre ‘laisser vieillir’ (tableau 2), commencent à être employés au sens intransitif : c’est ce qui semble indiquer l’emploi de ces verbes surtout dans les textes moins littéraires de l’époque tardive. Ainsi, au lieu de inueterascere ‘vieillir’ et durescere ‘s’endurcir’ nous rencontrons inueterare (36a) et indurare (36b) dans la Vulgate (vers 400). Le préfixe ad- n’est pas moins productif que in- en latin tardif et nous le trouvons parfois dans la même fonction que in- : en latin classique,

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nous avons le verbe uesperascit ‘le soir est en train de tomber graduellement’ (37a) et en latin tardif nous trouvons le verbe aduesperat dans ce sens (37b) :21 (36) a. opera manuum eorum inueterabunt (Vulg. Is. 65.22) ‘les œuvres de leurs mains seront consolidées’ b. uespere decidat, induret, et arescat (Vulg. Psalm. 89.6, “iuxta LXX”) ‘le soir il tombe, s’endurcit et se sèche’ (37) a. uesperascente caelo … Thebas peruenire (Nep. Pel. 2.5, 1er s. av. J.-C.) ‘arriver au crépuscule à Thèbes’ b. die aduesperante (Cassian. conl. 3.2.1, vers 400) ‘au crépuscule du soir’ L’emploi de incrassare au sens intransitif de ‘engraisser’ semble cependant représenter un niveau de style plutôt bas et au lieu de cela nous trouvons le verbe transitif à la voix passive dans les textes plus élégants (à savoir incrassari). Il y a aussi plusieurs problèmes dans la transmission des textes de ce point de vue : quelquefois un manuscrit nous donne le verbe intransitif et un autre manuscrit du même texte nous donne le verbe transitif à la voix passive (cf. par ex. Hippocr. Aphor. 5.44 incrassent/incrassentur) (Haverling 2008, 169–172). Quelquefois aussi les copistes du Moyen Âge n’ont pas compris les verbes nouveaux de la fin de l’Antiquité : ainsi, au lieu d’addentire ‘faire ses dents’ dans Hippocr. Aphor. 3.25, nous trouvons plusieurs propositions étranges dans les manuscrits, telles que ad dentes uenire (Haverling 2008, 173–174). Ad- et in- remplacent non seulement le suffixe en -sc- mais aussi les autres préfixes : dans le sens de ‘s’endormir’ le latin classique a les verbes condormisco et obdormisco (tableau 1). Mais en latin tardif nous rencontrons la formation nouvelle indormisco et même indormio au sens de ‘s’endormir’ (38a–b) ; et nous trouvons aussi les verbes addormisco et addormio ‘s’endormir’ (39a–c) (Haverling 2000, 284, 304, 310 ; 2010, 339 s.). Nous pouvons comparer addormisco et addormio et indormisco et indormio aux addormentarsi et s’endormir en italien et en français, où la forme réfléchie sert aussi à indiquer le changement d’état :

21 Voir Haverling (2000, 282–285, 312–315 ; 2010, 338–340) ; cf. aussi par ex. Feltenius (1977) et Crocco Galèas/Iacobini (1993). En latin tardif nous trouvons plusieurs nouveaux verbes formés avec ad- comme par exemple addentire ‘faire ses dents’ (Hippocr. Aphor. comm. 3.25 ; = dentire) et adrorare ‘couvrir de rosée’ (Garg. Mart. Pom. 2.5, Cassian. inst. 5.2, Marcell. 34.71 ; = rorare) : voir Haverling (2007, 173–174) et Adams (2007, 292).

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(38) a. tanto torpore indormiscent, ut … (Aug. Epist. 1.2) ‘ils s’endormiront tellement bien, que …’ b. ut armus indormiat (Veg. Mulom. 2.111.2) ‘que l’épaule s’endorme’ (39) a. mulier … addormiscens (Oribas. Eup. 1.13 p. 419) ‘une femme qui s’endort’ b. rursum addormiunt (Cael. Aur. Acut. 1.11.83) ‘ils s’endorment de nouveau’ c. antequam addormias (Marcell. Med. 16.18) ‘avant que tu t’endormes’ Au lieu d’obdormiscere, nous trouvons depuis le 1 e siècle apr. J.-C. aussi quelques exemples du verbe obdormīre au sens de ‘s’endormir’ (40a) (Haverling 2000, 322, 426) ; vers la fin du 6 e s., c’est le verbe employé par Grégoire de Tours (40b). C’est le verbe aussi qui apparaît dans la Mulomedicina Chironis (40c) : (40) a. uitare enim, ne supinus obdormiat (Cels. 4.28.2) ‘éviter qu’il ne s’endorme couché sur le dos’ b. custodes [...] obdormiunt (Greg. Tur. Hist. 4.12) ‘les gardiens s’endorment’ c. usque donec obdormiat (Chiron 9.838) ‘jusqu’à ce qu’il s’endorme’ En latin tardif, les préfixes ad- et in- sont donc encore très productifs. Nous trouvons ces préfixes soit dans des formations nouvelles avec le suffixe en -sc-, soit dans des formations nouvelles avec le suffixe intransitif -are, c’est à dire les verbes parasynthétiques des langues romanes qui remplacent peu à peu les formations en -sc-. Les verbes en -sc- en latin correspondent souvent à des verbes réfléchis dans les langues romanes ; nous pouvons par exemple comparer le verbe calescere du latin au verbe s’échauffer du français et au riscaldarsi de l’italien ; en grec ancien aussi, nous avons un déponent, ou plutôt une forme du medium, dans ce cas (θερμαίνομαι). Au verbe proficiscor en latin correspondent les expressions andarsene en italien et s’en aller en français ; dans les textes tardifs nous trouvons parfois uadere se ou sibi (41a–b) et se sedere (41c) et se siccare (41d). Il y a donc un rapport étroit entre la catégorie de l’aspect lexical et celle de la voix :22 22 Voir Löfstedt (1911, 140–143, 167–168 ; 1933, 387–396), Svennung (1935, 462), Hofmann/ Szantyr (1965, § 164) et Stotz (1998, § 76) ; cf. Haverling (2010, 326–327). Sur ce phénomène dans les langues du monde, cf. aussi par ex. Johanson (2000, 62–63, 67).

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(41) a. Recipit se episcopus et uadent se unusquisque ad ospitium suum (Itin. Eger. 25.7) ‘l’évêque se retire et chacun s’en va à son logis’ b. uade tibi, fatue (Sort. Sangall. 7.1) ‘va-t-en, fou!’ c. dicit eis ’ite nunc unusquisuqe ad domumcellas uestras, sedete uobis et modico’ (Itin. Eger. 36.5) ‘il leur adresse ces mots : ‹ Allez maintenant un moment chacun dans vos demeures, reposez-vous un peu ›’ d. cum se coeperit siccare (Pallad. 1.9.2 ; = siccescere) ‘quand il a commencé à se sécher’ L’emploi nouveau de la forme réfléchie comme se uadere, cependant, est rare dans les textes tardifs. Dans la continuation de Frédégaire nous trouvons se euadere au lieu de euadere au sens de ‘s’échapper’ (42b). Nous pouvons comparer cet emploi à l’emploi de l’accusatif avec l’infinitif chez Grégoire de Tours (42a) : (42) a. At ille, cum se euadere non posse uideret (Greg. Tur. Hist. 4.4) ‘mais celui-là, voyant qu’il ne pouvait s’évader’ b. Hec cernens Aistulfus rex Langobardorum, quod nullatenus se euadere potuisset, pacem [...] petens (Fredeg. Chron. cont. 37 ; cf. ibid. 38 spem se euadendi) ‘Quand Aistulfus, le roi des Lombards, a compris qu’il ne pouvait pas s’échapper, il demanda la paix’ À cause des changements dans l’aspect lexical, il y a en latin tardif plusieurs verbes qui ont perdu leur fonction sémantique et qui sont en voie de disparition. Ces verbes sont rares dans les textes moins littéraires, mais ils sont encore fréquents chez les auteurs littéraires qui parfois les emploient d’une façon hypercorrecte (cf. delitescentes au lieu de latentes dans 16a et conticui au lieu de tacui dans 29). Ces changements n’ont donc pas été tout-à-fait compris même par les auteurs les plus instruits à l’époque tardive. On peut aussi noter des différences notables entre les textes tardifs dans l’emploi des verbes qui sont selon toute apparence en train de disparaître dans la langue parlée, tels que emorior ‘mourir, s’éteindre’, ebibo ‘boire jusqu’à épuisement’, conticesco ‘cesser de parler’ et delitesco ‘se cacher, se retirer dans un lieu secret’. Les auteurs et les textes dans le tableau 8 sont de la fin du 4 e siècle (Ambr., Aug., Amm., Hist. Aug., Itin. Eger., Sulp. Sev.), du 6 e siècle (Boeth., Cassiod., Caes. Arel.,

259

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

Tab. 8: Quelques verbes avec préfixe vide en latin tardif.

Ambr. Aug. Hier. Amm. Hist. Aug. Itin. Eger. Sulp. Sev. Boeth. Cassiod. Caes. Arel. Greg. Tur. Greg. M., Hist. Apoll. Fredeg. LhF

emorior

emortuus

ebibo

conticesco

conticui

delitesco

delitui

 3 17  6  –  –  –  –  –  –  –

 6 24 12  –  1  –  –  –  3  –

4 7 7 – – – 1 – 6 –

13 11 13  1  –  –  –  2  6  –

 5  3 21  5  –  –  2  2  2  –

 7 13  4  7  –  –  –  –  –  –

– – – 1 – – – – – –

 –  6  –

 –  4  –

– 8 –

 – 18  –

 –  5  –

 –  1  –

– – –

 –  –

 –  –

– –

 –  –

 –  –

 –  –

– –

Greg. Tur., Hist. Apoll. rec. A), et des 7 e et 8 e siècles (Fredeg., Liber historiae Francorum rec. A = LhF).23 Les textes dans lesquels l’emploi de ces verbes ne se trouve plus ne sont pas tous vulgaires : il y a des différences notables entre par exemple l’Itinerarium d’Égérie et l’Histoire Auguste. Il y a, cependant, plusieurs niveaux de style littéraires – il y a un niveau très haut et proche du latin classique (par ex. Greg. M. vers 600 apr. J.-C.) et il y a un niveau moyen, dans lequel on évite certains des changements en latin tardif mais dans lequel on n’emploie plus quelquesunes des expressions classiques qui sont particulièrement étranges du point de vue du latin tardif parlé (ce qui est à mon avis le cas de Grégoire de Tours) (Haverling 2008 ; 2011, 275 ; 2014, 867–869).

3.2 Sur le rapport entre l’aspect lexical et l’aspect grammatical Le latin classique présente quelques verbes comme odi ‘je déteste’ et memini ‘je me rappelle’ que nous trouvons seulement dans le perfectum (ex. 2). En 23 Voir Haverling (2014, 861 s.). Des verbes énumerés dans le tableau 8, seul un se trouve dans les Formulae du début du Moyen Âge : dans les Formulae Visigothicae nous trouvons un exemple de conticesco (ibid., cap. 40 p. 594).

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latin tardif ces verbes sont en train de disparaître. Nous trouvons encore les verbes odisse ‘haïr’ et meminisse ‘se souvenir’ dans les textes littéraires (43a, 44a), mais ils sont en train de disparaître et d’être remplacés par les verbes nouveaux odīre et meminēre (43b, 44b) : (43) a. [...] et odisti te [...] (Aug. In psalm. 140.2) ‘et tu te détestes’ b. [...] ‘Odis te’ [...] (Aug. Discipl. 5) ‘tu te détestes’ (44) a. et memini hoc [...] (Aug. Conf. 1.8) ‘et je me rappelle cela’ b. [...] aeui, quod periit, meminens (Auson. Prof. Burdig. 1.39) ‘en se rappellant le temps perdu’ Nous ne trouvons que peu de traces du perfectum praesens chez Grégoire de Tours. Nous trouvons par exemple normalement le verbe odīre au lieu de odisse ‘haïr’ et nous ne trouvons ce dernier que dans une citation de la Vulgate (45a) ; au lieu de meminisse, il emploie meminēre (souvent dans la forme meminire) au sens de ‘se souvenir de qqch.’ (46a) ; et ce sont les verbes que nous rencontrons aussi chez Frédégaire (46b) et dans le Liber historiae Francorum (45b) : (45) a. si odientibus nos e contrario commodum benedictionis impertiamus, dicente Domino Iesu Christo ‹ … benefacite his qui oderunt uos … › (Greg. Tur. Vit. patr. 14 ; cf. Vulg. Matth. 5.44) ‘si nous au contraire nous accordons le bien de notre bénédiction à ceux qui nous haïssent, car le Seigneur Jésus Christ a dit ‹ faites du bien à ceux qui vous haïssent ›’ b. odientes me (LhF rec. A 17) ‘qui me haïssent’ (46) a. oportet te meminere (Greg. Tur. Hist. 5.43) ‘il faut que tu te souviennes’ b. meam meminens promissionem (Fredeg. Chron. 2.62) ‘en me souvenant de ma promesse’ Il y a aussi une tendance à employer cognosco au sens de noui ‘je connais’ (ex. 32–35). En latin tardif l’imparfait nous donne parfois l’aperçu global d’une situation, ce qui était la fonction du parfait en latin classique (ex. 4–5). Le parfait et l’imparfait semblent alors souvent remplir la même fonction, mais quelque-

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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fois le latin plus littéraire, par exemple la Vulgate (47a), semble préférer le parfait là où le latin moins littéraire, par exemple la Vetus Latina (47b), choisit l’imparfait :24 (47) a. Domine, ecce mna tua quam habui repositam in sudario. Timui enim te quia homo austeris es (Vulg. Luc. 19.20–21) ‘voilà monsieur ta mna que j’ai placée dans un mouchoir, car j’avais peur parce que tu es un homme sévère’ b. Domine, ecce mna tua quam habebam repositam in sudario, quoniam timebam te, homo es enim austeris (Vet. Lat. Luc. cod. 5 19.20–21) En grec classique, on peut exprimer la différence entre ‘essayer de persuader quelqu’un’ et ‘persuader quelqu’un’ à l’aide de l’opposition entre l’imparfait et l’aoriste. Le latin emploie dans ce cas l’opposition lexicale entre un verbe sans préfixe, suadēre ‘essayer de persuader’, et le verbe avec le préfixe, persuadēre ‘persuader’ (ex. 11). Dans la Vulgate, par contre, nous trouvons parfois suadere au sens de ‘persuader’ et inversement, nous trouvons quelquefois aussi persuadere au lieu de suadere au sens de ‘conseiller’ (48a–b). L’imparfait du verbe persuadeo est très rare en latin avant 200 apr. J.-C. ; il n’y a que deux exemples et aucun d’entre eux n’exprime la conativité ; ils se trouvent dans des descriptions très particulières de situations à l’arrière-plan du récit (Liv. 33.32.3, Ps. Quint. Decl. 10.14). Quand l’opposition entre suadeo et persuadeo disparaît en latin tardif, l’imparfait de persuadeo devient très fréquent et indique quelquefois aussi la valeur conative (48c) :25 (48) a. cum ei suadere non possemus (Vulg. Act. 21.14) ‘quand nous n’étions pas capables de le persuader’ b. noluit [...] ultra [...] reditum persuadere (Vulg. Ruth 1.18) ‘elle ne voulait plus essayer de la persuader de retourner’ c. Rhodogune, filia Darii, post mortem uiri nutricem, quae illi secundas nuptias persuadebat, occidit (Hier. Adv. Iovin. 1.45 fin.) ‘Rhodogune, la fille de Darius, a tué sa nourrice qui après la mort de son mari essayait de la persuader de se remarier’

24 Voir Haverling (2010, 486–487). En ancien français nous trouvons parfois le passé simple dans cette fonction (cf. Alexis 15 Eufemien – si out [PS] a num li pedre ‘Eufemien – c’était le nom de son père’) : cf. Fleischman (1990, 42–43). 25 Voir Haverling (2001, 360–363 ; 2010, 467–470, 477) ainsi que Hofmann/Szantyr (1965, § 168d), Mellet (1988, 288–292) et Rijksbaron (2006, 16–17).

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Il y a donc un rapport entre ce changement dans le système de l’aspect lexical et ceux qui concernent l’aspect grammatical. Quand le parfait commence à indiquer l’ingressivité (ex. 28), l’imparfait remplace graduellement le parfait dans la fonction de donner un aperçu global d’une situation dans le passé : chez les auteurs tardifs nous trouvons souvent l’imparfait, par ex. tacebam ‘je me taisais’ (49a–b), indiquant une action ou situation durative dans le passé, que les écrivains classiques avaient exprimée à l’aide du parfait (ex. 7a). Chez Grégoire de Tours nous trouvons une opposition entre silebant ‘ils restaient silencieux’ (50a) et siluit ‘il se tut = est devenu silencieux’ (50b) (Haverling 2001, 362–367 ; 2010, 462–466, 477–480 ; Pinkster 2015, 422–423): (49) a. et exsurgens summus sacerdos in medium interrogauit Iesum dicens : ‹ Non respondes quicquam ad ea quae tibi obiciuntur ab his ? › Ille autem tacebat et nihil respondit (Vulg. Marc. 14.60–61) ‘alors le souverain sacrificateur, se levant au milieu de l’assemblée, interrogea Jésus, et dit : ‹ Ne réponds-tu rien ? De quoi est-ce que ces gens t’accusent ? › Jésus garda le silence, et ne répondit rien.’ b. nam quaero, ex te, quaeso [...] iustusne sit Deus ? – Tacebat ille, nimis [...] admirans et horrens subito condiscipuli [...] sermonem (Aug. Ord. 1.7.19) ‘car je te demande, si Dieu est juste ?’ – Alors il se taisait tout à coup étonné et effrayé par ce qu’avait dit son camarade’ (50) a. Haec me dicente, silebant omnes (Greg. Tur. Hist. 5.18) ‘quand j’avais dit cela, tous restaient silencieux’ b. Ad haec ille frendens siluit (Greg. Tur. Hist. 5.44) ‘Là-dessus il se tut en grinçant des dents’ Cette distinction entre un état et l’entrée dans un état est en latin classique aussi exprimée par des verbes différents, tels que filium habui ‘j’avais un fils’ et filium genui ‘j’ai eu un fils’ (ex. 8). En latin tardif, cependant, nous trouvons quelques exemples de la forme filium habuit employée au sens de ‘il eut un fils’ (51a, 51c) et filium habebat ‘il avait un fils’ (51b) (Haverling (2010, 465– 466, 479–480) : (51) a. ex Chrothilde regina habuit filium primogenitum (Greg. Tur. Hist. 2.29) – cf. de qua Gundobadum filium suscepit (Greg. Tur. Hist. 4.25) ‘il eut un fils premier-né de la reine Chrotilde’ – cf. ‘il eut d’elle un fils, Gondebaud’

Sur les changements dans le lexique verbal en latin tardif

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b. paruolum filium habebat (Greg. Tur. Hist. 3.27) ‘il avait un fils tout jeune’ c. Centenarius Abraham habuit de Sarra filium (Fredeg. Chron. 2.2) ‘quand il avait cent ans, Abraham eut un fils de Sarra’ Dans ce cas, le latin classique se sert de l’opposition lexicale pour indiquer l’ingressivité exprimée par l’aspect lexical dans plusieurs autres langues, par ex. par l’aoriste en grec. Quand cette opposition lexicale n’existe plus en latin tardif, le parfait des verbes non dynamiques commence à indiquer l’ingressivité et l’imparfait commence à remplacer le parfait en indiquant un aperçu global d’une situation dans le passé.

4 Discussion et conclusion En latin tardif nous trouvons donc plusieurs exemples de phénomènes qui ont été importants pour la formation des mots dans les langues romanes. Le parfait devient en latin tardif un temps du passé plus cohérent qu’en latin classique et les traces du système aspectuel ancien tel que par ex. le perfectum praesens disparaissent (ex. 2–3, 32–35 et 43–46). Là où le latin classique a un verbe non dynamique tel que par ex. calēre ‘être chaud’, nous trouvons toujours plus souvent une expression avec adjectif (ex. 9 et 14–15). Dans le système de l’aspect lexical il y a des changements profonds, qui apportent un lexique différent dans les langues romanes et qui ont aussi des rapports avec les changements qui affectent le système de l’aspect grammatical. Là où le latin classique a des verbes comme senesco et consenesco et inueterasco, le latin tardif et vulgaire a inueterare et l’italien moderne invecchiare (ex. 36) ; et là où le latin classique a condormisco et obdormisco, le latin tardif a aussi indormisco et addormisco (ex. 38–39), correspondant à des verbes réfléchis en français (s’endormir) et en italien (addormentarsi). Il y a aussi un rapport entre les changements dans l’aspect lexical et d’autres changements en latin tardif, comme par ex. dans le rapport entre les temps du passé (ex. 48– 51) et le développement des articles dans les langues romanes (ex. 24–25). Dans les textes les plus littéraires de la période tardive nous trouvons encore plusieurs mots qui ne semblent plus être employés dans la langue parlée de l’époque (tableau 8). Les verbes qui sont en train de disparaître deviennent rares dans les textes moins littéraires et dans les textes littéraires ils sont parfois employés de façon différente, à savoir de façon hypercorrecte ou dans une fonction sémantique différente (ex. 16b, 29 et 48a). Quelquefois il y a aussi une variation entre une expression nouvelle (par ex. incrassare au sens intransitif

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de ‘engraisser’) et une expression plus ancienne représentant un niveau de style plus élevé (par exemple la forme passive incrassari) dans les manuscrits du même texte. Dans les textes des dernièrs siècles de l’Antiquité et du début du Moyen Âge, nous observons donc les traces des changements en cours, mais l’état de la langue parlée à l’époque est au moins partiellement caché à cause de l’influence de la tradition littéraire même dans les textes moins littéraires de la période tardive.

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IV. La négation

Maj-Britt Mosegaard Hansen (University of Manchester)

The expression of clause negation: from Latin to Early French 1 Introduction This paper will look at the evolution of clause negation from Latin to the earliest stages of French, with a principal focus on the latter. While the main part of the chapter centers on forms of standard clause negation (cf. Payne 1985, 198), i.e. the most basic and productive type of clause negation, which is used in declarative main clauses and which does not involve quantifiers, some consideration (principally in sect. 5.1.2.5 below) will be given to negative clauses containing quantifiers. Constituent negation (cf. Klima 1964), on the other hand, will not be discussed. The French data analyzed have been sourced from the Base de Français Médiéval (BFM2013), and includes a choice of sixteen langue d’oïl texts (totalling 337,536 words) composed on the Continent before 1230. Five texts were composed around or prior to 1100, nine in the course of the 12 th c., and two in or after 1200. Three of the texts are translations of earlier works originally written in Latin. Together they represent the range of genres and dialects included in the BFM2013 for this period.1 All the texts in the data base belong to relatively formal domains, being legal, literary, religious, or historiographic in nature. It is thus an open question how closely the apparent functions and relative frequencies of forms of negation instantiated in these texts can be assumed to reflect those that might

1 The chosen texts are listed below, followed by an indication of whether they are prose (p) or verse (v) texts, or translated from Latin (t), the abbreviated title used in examples cited in the main text of this paper, and by their (approximate) date of composition. The title marked by * has been removed from the BFM data base, presumably for copyright reasons, after this study was carried out: Serments de Strasbourg (p, Strasb, 842), Séquence de Sainte Eulalie (v, Eulali, after 881), Sermon sur Jonas (p, Jonas, 938/952), *Vie de Saint Alexis (v, Alexis, c. 1050), Chanson de Roland (v, Roland, c. 1100), Gormont et Isembert (v, Gormont, c. 1130), Le couronnement de Louis (v, Louis, c. 1130), Li vers del Juise (v, Juise, 1125–1150), Enéas 1+2 (v, eneas1/2, c. 1155), Chrétien de Troyes, Erec et Enide (v, ErecKu, c. 1170), Benoît de Sainte Maure, Chronique des Ducs de Normandie (p, BenDuc1b, c. 1174), Li dialoge Grégoire lo Pape (p, t, DialGreg1, end 12 th c.), Vie de Saint Benoît (p, t, DialGreg2, end 12 th c.), Dialogue de l’âme de Saint Isidore (p, t, DialAme, c. 1200), La queste del Saint Graal (p, Qgraal_cm, 1225/1230). https://doi.org/10.1515/9783110551716-014

270

Maj-Britt Mosegaard Hansen

have been found in a corpus of Early French colloquial speech, did such a corpus exist. Moreover, ten of the texts are in verse, while only six are prose texts. It is worth keeping in mind that in the composition of the former considerations of meter and rhyme will evidently have played a role. On the other hand, Old French verse texts were meant to be recited orally rather than read, and more generally speaking, Fleischman (1990, 21) argues that “from the standpoint of its grammar and discourse structure, Old French is very much a spoken language”. The structure of this chapter is as follows: Sect. 2 introduces some central theoretical notions. In Sect. 3, a brief account is given of negation marking and its evolution in Latin. Sect. 4 moves on to unmarked clause negation in Old French. Sect. 5 discusses marked forms of negation in that language, and Sect. 6 is a conclusion.

2 Negation, markedness, and cyclical developments The expression of standard clause negation in French is usually cited as an example of the cross-linguistic phenomenon known as the Jespersen Cycle (Jespersen 1917, 4; Dahl 1979, 88), whereby an original negative marker is reinforced by an additional marker, which subsequently becomes reanalysed as the principal exponent of negation. The original marker, having thus been made redundant, may eventually disappear, and the new marker may move into its syntactic slot. While French has evidently not completed this cycle (and indeed, may never do so, for reasons discussed in Hansen 2013, 66 f.), it can be illustrated as in Table 1 below if we take into account certain dialects and French-based creoles. In French, postverbal pas originates in the polarity-neutral noun pas ‘step’ (< Latin passu(m)), which underwent grammaticalization as a negative marker in Old French. The data considered in the present paper represent only Stages 1–2 of the Jespersen Cycle, but cf. Hansen (2009; 2013) for discussion of the evolution of standard clause negation from Stage 2 onwards. The key question with respect to the initial stages of the Jespersen Cycle is why reinforcing markers are introduced in the first place. Sect. 5.1 below will argue (contra Jespersen’s (1917, 4) original hypothesis) that this was not principally due to the phonetic weakening of the preverbal marker from non to ne, but that it happened rather for discourse-pragmatic reasons. As all but the very earliest Old French texts feature variation in the expression of standard clause negation, the discussion of standard clause negation

The expression of clause negation: from Latin to Early French

271

Tab. 1: The Jespersen Cycle. 1.

je ne dis ‘I do not say’

The negator is preverbal

2.

je ne dis (pas)

The preverbal negator is optionally complemented by a postverbal element

3.

je ne dis pas

The postverbal element grammaticalizes as part of a discontinuous negator embracing the verb

4.

je (ne) dis pas

The original preverbal negator becomes optional

5. [Colloquial Québécois]*

je dis pas

The negator is postverbal

6. [Lousiana French Creole]

mo pa di

The previously postverbal negator migrates to preverbal position

* This is not meant to suggest that the construction with only a postverbal negator is not common in colloquial French as spoken in France. On the contrary, the latter is clearly at Stage 4, and ne-deletion is frequently observed. Relatively recent studies (Ashby 2001, Hansen/Malderez 2004) show, however, that ne-retention remains at 10–20 % in spontaneous speech in France, whereas it amounted to a mere 1.5 % in Québécois already in the 1970s (Sankoff/Vincent 1977).

in sects. 4–5 will make use of the concept of markedness. Where two different expressions can express similar meanings in a language, the case may often be made that one of them is “unmarked” with respect to the other, which is then the “marked” form. As pointed out by Haspelmath (2006), the notion of markedness is used with a wide range of meanings in the literature, and is not always clearly defined. It is therefore important to point out that the model used in the present paper is that of Givón (1990, 945). This author defines three types of markedness in language: textual, structural, and cognitive. Textual markedness has to do with the token frequency of different items across text types, the more frequently used expression being the unmarked one.2 Structural markedness has to do with form, marked expressions being larger and/or more formally complex than unmarked ones. Finally, cognitive markedness has to do with semantic/pragmatic function, such that the marked item will cover only a subset of the possible uses of its unmarked counterpart: for instance, the English noun bitch is marked with

2 I emphasize that it is frequency across text types that is at stake. Clearly, an otherwise marked item may be the statistically preferred one in certain genres.

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Tab. 2: A possible quantifier cycle. Stage 1.

Je ne dis (rien) ‘I do not say a thing’

A polarity-neutral bare NP optionally accompanies preverbal ne to make the scope of the negation explicit

Stage 2.

Je ne dis rien ‘I don’t say anything’

ne + Negative Polarity Item

Stage 3.

Je (ne) dis rien ‘I don’t say anything/ I say nothing’

N-word optionally accompanied by preverbal ne

Stage 4. [Future French?]

Je dis rien ‘I say nothing’

Negative quantifier

respect to the noun dog, such that, depending on the context, referents of the latter may be either male or female, whereas bitch can only refer to a female dog. While the three may go together, such that an expression may be marked or unmarked on all three parameters, they are in principle independent of one another. In modern French (corresponding to Stage 4 in Table 1) clause negation does not have to take the form of standard negation, as defined in sect. 1 above, i.e. using (ne) … pas. It may also be expressed by one of a small group of quantifiers (so-called n-words, cf. Laka Muzarga 1990) including personne, rien, aucun, nul, jamais, plus, and nulle part, with or without preverbal ne, as in (1): (1) Il (n’)y avait personne dans la salle. ‘There was no-one in the room.’ In this type of case, which we will refer to as quantifier negation, the proposition as a whole is negated through the quantification of one of its constituents as zero. Most of the Modern French n-words have originally polarity-neutral etymons: thus, for instance, the superficial formal identity between the n-word personne (‘no-one/anyone’) and the noun personne (‘person’ < Latin persona ‘mask/character’) is due to layering (Hopper 1991), the former originating from the latter. Similarly, the n-word rien originates in the now largely defunct Old French noun riens (< Latin re(m) ‘thing’). When looking at the evolution of these two n-words in particular, it is tempting to see the development of quantifier negation in French as having

The expression of clause negation: from Latin to Early French

273

been subject to a type of cyclic development not unlike the Jespersen Cycle, represented in Table 2.3 I will argue in sect. 5.1.2.5 below, however, that while Table 2 does provide an accurate account of the evolution of personne and rien, there is increasing evidence against a generalized quantifier cycle being operative in French.

3 Negation in Latin: a brief overview The preverbal negative adverb non was the standard marker of clause negation in Latin, as illustrated in (2), although the markers ne (presumably inherited from Proto-Indo-European) and haud were also used in certain restricted kinds of context (cf. Fruyt 2011, 716 ff.): (2) Non poteram Cn Pompeium, praestantissima virtute virum, timidum suspicari;… (Cicero, Pro T. Annio Milone 24,66, 1st c. BC)4 ‘I could not suspect Gnaeus Pompeius, a man of the most outstanding valor, of being timid’ For pragmatic purposes, non could be reinforced by minimizers of various types, such as the noun mica in (3), which denotes a minimal quantity of bread. In some cases, e.g. gutta (‘drop’), these nouns were fully conventionalized minimizers, which could be used with semantically non-harmonious expressions, as in (4) (from Fruyt 2011, 839): (3) quinque dies aquam in os suum non coniecit, non micam panis (Petronius, Satyricon, 1st c. AD) ‘for five days he didn’t put water in his mouth, not a crumb of bread’ (4) quoi neque paratast gutta certi consilii (Plautus, Pseud. 397, 3 rd–2 nd c. BC) ‘you have prepared no definite plan whatsoever’ (lit.: ‘… not a drop of a definite plan …’) Non is generally taken to be a univerbation of ne and the minimizer oinom ‘one’, lit. ‘not one’ (e.g. Fruyt 2011, 709). Etymologically, it is thus itself the

3 The notion of a diachronic cycle involving indefinites was, to my knowledge, first introduced by Ladusaw (1993). 4 Where nothing else is indicated, Latin examples are sourced from the electronic Perseus data base.

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result of a cyclic development of the kind described by the Jespersen Cycle. The source form being a reconstructed one, we are, however, not in a position to say anything about what may have triggered the cycle in this case, nor about the nature of the variation that presumably characterized its initial stages. In addition, Latin had an inventory of quantifying indefinites, both polarity-neutral and negative, which could appear in negative clauses with nominal or adverbials functions. The negative indefinites nemo (‘nobody’), nullus (‘no(ne)’), nihil (‘nothing’), and numquam (‘never’) would negate a clause on their own, cf. (5) below, while polarity-neutral items such as ullus (‘some’), quis (‘somebody’), or umquam (‘ever’), or the NPI quisquam (‘anybody’) could be used with similar meaning when in conjunction with the standard negator, as in (6) (cf. Bertocchi et al. 2010): (5) … ut intelligatis nihil esse homini tam timendum quam invidiam … (Cicero, Pro A. Cluentio 3, 7, 1st c. BC) ‘that you understand that there is nothing so much to be feared by a man as envy’ (6) Non fuit illud igitur iudicium iudice simile, iudices, non fuit, in quo non modus ullus est adhibitur … (Cicero, Pro A. Cluentio 35, 96, 1st c. BC) ‘that court of justice was thus not like a court of justice, o judges, it was not, for in it there is not any moderation preserved’ In the manner of non, all of the negative indefinites mentioned above are the diachronic results of univerbation of the old Indo-European negative marker ne with another element. Thus, we have the following etymologies: nemo < ne+homo ‘man’, nullus < ne+ullus, nihil < ne+hilum ‘tiny thing’, and numquam < ne+umquam (Fruyt 2011, 710 ff.). The evolution of the Latin negative quantifiers is thus not unlike that of Modern French n-words such as personne and rien (briefly mentioned in sect. 2 above), both being descended from originally polarity-neutral items that were frequently used in negative clauses. A salient difference, however, is that, as shown above, the Latin negative indefinites invariably incorporate the standard clause negator, whereas most of the Modern French n-words do not. In its use of negative indefinites, Classical Latin is generally acknowledged to have been a so-called “double negation” (DN) language (similarly to Modern Standard English, for instance), i.e. one in which two negative markers occurring within one and the same clause will cancel one another out, resulting in a positive interpretation (e.g. Willis et al. 2013, 30). Generally speaking, word order would determine the relative scope of the markers, cf. (7)–(8) (Molinelli 1988, 14):

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(7) Nemo non videt (M. Cicero Lae 99, 1st c. BC – from Molinelli 1988, 13) ‘No-one does not see’ (→ “Everyone sees”, i.e. ~∃~ or ∀~~) (8) Non nemo videt ‘It is not the case that nobody sees’ (→ ‘Somebody sees’, i.e. ~~∃ or ~∀~) There is, however, evidence that these observations were only true of the literary language. Indeed, outside the literary register of the Classical period, socalled negative concord (NC) constructions, i.e. structures where two or more negative markers occurring within one and the same clause give rise to a single-negation interpretation (e.g. Willis et al. 2013, 30), are attested since the pre-Classical period, cf. (9): (9) Lapideo sunt corde multi quos non miseret neminis (Ennius, Scen. 139, 3 rd– 2 nd c. BC – from Molinelli 1988, 34) ‘Stony of heart are many who do not pity anyone’ While NC initially seems to have characterized the speech of the common people in particular, observations by grammarians and other commentators who condemned it suggest that by the 5 th c. AD, its usage was widespread (Molinelli 1988, 33–40). Indeed, even highly literate Classical writers such as Cicero occasionally use NC, cf. (10) below. (10) debebat Epicrates nummum nullum nemimi (Cicero In Ver. II, 11, 60, 1st c. BC – from Molinelli 1988, 35) ‘Epicrates owed no money to anybody’ Notice that NC registers of Latin accepted not just combinations of two or more negative indefinites, as in (10), but also co-occurrence of the standard clause negator non with one or more negative indefinites, as in (9). While Modern Standard French is likewise an NC language, combinations of the standard negative marker pas with n-words are excluded (or if used, result in a DN interpretation), cf. (11)–(12):5

5 Indeed, it appears that combinations of the two are generally avoided across languages (Haspelmath 1997, 203f.), possibly, as Haspelmath suggests, because indefinites in negative clauses and minimizers like pas, mie etc. have largely similar extreme-scalar reinforcing functions. In addition, Willis et al. (2013, 42) point out that minimizers like pas etc. are typically reanalyzed direct objects, which would account for their initial syntactic incompatibility with indefinite direct objects.

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(11) Il (ne)6 devait rien à personne. ‘He owed nothing to anybody.’ (12) Il (n’)a (*pas) pitié de personne.’ Ungrammatical with the intended NC interpretation ‘He doesn’t pity anyone.’ Possible with a metalinguistic DN interpretation ‘He doesn’t pity noone’ > ‘He pities someone’. We shall now proceed to consider the situation in pre-13 th c. French, first discussing unmarked forms, and subsequently the various marked forms of clause negation.

4 Unmarked clause negation in Early French In Old French several different forms of basic clause negation were in competition. From a perspective of pure textual markedness, one of these forms was at any given time the uncontroversially unmarked one, i.e. one particular form was the most frequent one, while any competitors were marked in this sense, i.e. less frequent. In this section, I will be concerned with the former, while sect. 5 looks at the latter.

4.1 Non As might be expected, use of simple preverbal non, inherited from Latin, appears to have been the standard form of clause negation in very old French. Thus, the two earliest texts in the data base, Les Serments de Strasbourg and La séquence de Sainte Eulalie (both composed in the 9 th c.), use this marker exclusively, without any obvious constraints on the types of verb that it can co-occur with, cf. (13): (13) La domnizelle celle koze non contredist (Eulali, v. 23) ‘The maiden did not contradict this’

6 I consider ne-deletion in colloquial speech to be part of Standard French, in as much as it has been shown to not only occur in the production of speakers of all ages and from all social classes, but to actually be considerably more frequent than ne-retention in this register (e.g. Ashby 2001, Hansen/Malderez 2004). The term Standard French is used here to distinguish the relevant variety from certain non-standard varieties where pas and the n-words may cooccur within the same clause.

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These texts also contain what appears to be NC constructions involving non and forms of the indefinite nul, as in (14)–(15) below. However, my use of the hedge “appears to be” reflects the fact that the status of Old French nul is different from that of its Latin ancestor nullus (cf. Sect. 5.1.2.5 below). (14) … in nulla aiudha contra Lodhuuuig nun li iu er (Strasb) ‘of no help against Louis will I (not) be’ (15) Niule cose non la pouret omque pleier (Eulali, v. 9) ‘Nothing could (not) ever make her give in’ It must be noted that both these early texts are very short (115 and 188 words, respectively), so any conclusions regarding marked and unmarked forms at this stage can only be tentative. The third oldest text in the data base, the mid10 th c. Sermon sur Jonas, already contains several instances of the phonetically weakened ne (cf. (16)), while non is found only in the passages written in Latin: (16) Et jo ne dolreie de tanta milia hominum si perdut erent dixit. (Jonas, p. 44) ‘And I should not mourn so many thousands of people if they were lost he said’ Indeed, from the 10 th c. onwards, all the texts in the data base prefer to use forms of ne rather than non for basic clause negation. Non continues to be found, but as a both textually and cognitively marked form, discussed in sect. 5.1.1 below.

4.2 Ne Compared to non, from the tenth century onwards, there can be no doubt that ne is the unmarked form of clause negation in terms of textual frequency alone: a search for variants of this marker in the data base yielded a total of 7,117 tokens with negative adverbial value.7 By comparison, only 25 post-9 th c. tokens of non as a finite clause negator were found.

7 The variants searched for were the following: ne, n’, nen, nel, and nes. The latter two forms, and sometimes nen as well, fuse ne with a pronominal clitic, while n’ and nen are used before a vowel. All these forms, except n’ , have uses where they do not function as negative adverbials. Such uses were eliminated from the data.

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Similarly, in terms of textual frequency alone, preverbal ne appearing on its own appears to be unmarked in comparison to various forms of discontinuous negation, i.e. forms that involve ne reinforced by one of the items pas, mie, point, goutte and guère: in the data base, the latter number 1,350 tokens in total, or 19 % of the total number of clauses negated by ne. That said, performing an automatic search for co-occurrences of ne with various indefinite zero-quantifiers was not possible due to the very large variety of such indefinites used in negative clauses in Medieval French, and it was not deemed feasible for the purposes of this paper to examine all of the nemarked clauses manually. This means that the total number of clauses in the corpus where the scope of ne includes an indefinite zero-quantifier is unknown. While discontinuous negation does occasionally co-occur with indefinites in Old French, these two forms of negation are on the whole in complementary distribution. In principle, thus, it might be the case that a majority of the 5,767 clauses which do not contain a reinforcing element instead contain an indefinite which at least arguably contributes to the negative marking of those clauses (cf. sect. 5.1.2.5 below for justification). In order to support the notion that ne appearing on its own was indeed the textually unmarked form of clause negation at this stage of the language, a random sample of 300 ne-marked clauses was therefore examined manually, yielding a total of 88 co-occurrences of ne with an indefinite within the same clause (29.3 %). Assuming this pattern is generalizable to the corpus as a whole, we can conclude that between the 10 th and the early 13 th c., simple preverbal ne was used to negate finite clauses in roughly half of all cases, while in the remaining half ne was used in combination with either one of the reinforcing elements listed or with a quantifying indefinite. If we then subtract 30 % from the total number of ne-marked clauses, on the assumption that these clauses are likely to include an indefinite, we are left with a total of 4982 clauses of which 27 % (1350) include a reinforcing element. On that basis, I consider it highly plausible that at least 2/3 of all instances of “standard” (i.e. quantifier-less, cf. sect. 1 above) clause negation in this early stage of French would have been marked by preverbal ne alone, and that in frequency terms, the unmarked status of the simple ne can thus be confidently asserted. In structural terms, the simple ne is evidently also unmarked: compared to non, it is phonologically reduced, while in addition being morphosyntactically simpler compared to forms of clause negation which include either a reinforcing element like pas or an indefinite. From the perspective of cognitive markedness, there does not seem to have been any finite-clause contexts where simple preverbal ne could not substitute

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for non or for any of the discontinuous forms of clause negation, which means that, compared to the latter, ne may at this stage have been unmarked at the cognitive level as well. Sect. 5 below will argue that the appearance of alternative forms was indeed governed by specific pragmatic constraints, and that these forms were therefore marked also in the cognitive sense. On the basis of data from four Old/Middle French texts, Hansen (2009) shows that, as we move into Middle French, where bipartite negation gradually becomes generalized, the simple preverbal ne becomes increasingly specialized for certain syntactic and semantic contexts, which are highly reminiscent of those in which the form can still occur in formal registers of Modern French. As for negation involving indefinites, to the extent that it negates the proposition as a whole by focusing on the non-existence of one specific essential element of it (be it an argument or a temporal or spatial adjunct), it is semantically marked in as much as propositions negated in this way are typically more informative, in the sense of excluding more possible worlds, than closely related propositions negated through “standard” clause negation. Compare, for example, the Modern French examples in (17) and (18): (17) Pierre (n’)aime pas Marie. ‘Pierre does not like/love Marie.’ (Compatible with a range of worlds in which is true that Pierre likes/loves Françoise/Jeanne/Jacqueline/…) (18) Pierre (n’)aime personne. ‘Pierre likes/loves no-one.’ (Incompatible with all worlds in which any utterance of the form ‘Pierre likes/loves N’, where N refers to a human being, is true.)

5 Marked clause negation in texts composed after ca. 900 5.1 Standard clause negation and discourse status Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009) argue that reinforcement of the negative marker ne by pas or mie in Medieval French was subject to a discourse-functional constraint, whereby clauses negated by ne-pas/mie had to express what these authors call “discourse-old” propositions. Clauses negated by ne alone, on the other hand, were free to express any type of propositions, whether discourse-new or discourse-old. In terms of the model of markedness

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used in the present paper, ne-pas/mie were thus cognitively marked forms of negation in Old French, while the simple preverbal ne was cognitively unmarked.8 The discourse status of propositions is defined following Birner (2006), in terms of inferential links to prior discourse. According to Birner, inferential links in discourse may work in either a forwards or a backwards manner. A forwards, or “elaborating”, inference is automatically invited by a given trigger, where such triggers include explicit prior mention of the inferable concept or proposition. In Birner’s model, forwards inferences are therefore both discourse-old and hearer-old. This is illustrated in (19) below, where the notion of a wedding can be assumed to be triggered automatically upon mention of the word bride:

8 In recent work, Schøsler & Völker (2014) claim to falsify the model of Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009) by adducing an example where different manuscripts show variation between ne-mie and simple preverbal ne, stating that “variation between the zero form and reinforcement should be excluded, because discourse-new and discourse-old will be the same in all manuscripts” (Schøsler/Völker 2014, 143). It should, however, be clear that on a proper understanding of what is meant by saying that ne-mie/pas are cognitively marked, while ne is unmarked in this sense, variation is in fact expected in discourse-old environments (as pointed out in Hansen 2009, 244), and thus in no way undermines the hypothesis. The lone example adduced by Schøsler & Völker (2014, 131), reproduced in (i) below, does not include sufficient context for readers to be in a position to assess the discourse status of the proposition directly. That said, one cannot help but notice that version D is substantially different from the other three. This in itself suggests that discourse-old and discourse-new may, in fact, not be the same in all manuscripts, contra Schøsler & Völker’s claim. Moreover, in at least one edited version of the text (the 12 th c. Charroi de Nîmes, www.russianplanet.ru/ filolog/epos/roland/frenchepos/garin/nimes04.htm), the preceding context is as in (ii) below. Assuming version C of the manuscript to be similar, the mie-marked of Otrant’s utterance can be read as directly denying the underlined imperative, making it a discourse-old proposition by the criteria set out in Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009): (i) A1–A4 Et di(s)t Otran: “De ce ne sai que die” (‘And Otrant said, “Of this I know not what to say”) B1–B2 Et dist Otran(s): “De ce ne sai que dire” (idem) C Et dist Otran: “Iche ne sai je mie” (‘And Otrant said, “This I do not know”) D Et dist Otran: “Grant folie me dites” (‘And Otrant said, “Great madness do you speak”) (ii) Ce dit Guillelmes a la chiere hardie :/« Otran, fel rois, Damedex te maldie !/Se tu creoies le filz sainte Marie,/Saches de voir, t’ame sera garie ; /Et se nel fes, ce te jur et afie, /De cele teste n’en porteras tu mie, /Tot por Mahon, qui ne valt une alie ! » (emphasis added) ‘This said brave-faced William,/ “Otrant, traitorous king, may God curse you!/ If you believed in the son of holy Mary,/ Know that, in truth, your soul will be healed;/ and if you do not, this I swear to you and promise,/You will not keep your head despite Mohammed, who is not worth a penny!”’

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(19) Sally was the most beautiful bride! Her wedding was certainly the high point of the summer. A backwards, or “bridging”, inference, on the other hand, is not automatically triggered upon mention of a given concept or state of affairs, but is a connection which is made retrospectively in order to establish discourse coherence. Backwards inferences are thus discourse-old (to the extent that they are based on prior discourse), but hearer-new (to the extent that they must be generated actively). This is exemplified in (20), where hearers will tend to infer that the band in question must have been playing at the wedding, even though weddings manifestly do not have to involve live music: (20) I so enjoyed that wedding. The band was fantastic! Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009) analyze a total of 243 clauses negated by ne-pas/mie in a corpus consisting of four Medieval French texts, and show that they all express propositions that are discourse-old in Birner’s (2006) sense. Specifically, the contexts in which ne-pas/mie are found are of four different types: 1. The negated utterance expresses a direct denial or rejection of part of the preceding text, as illustrated in (21): (21) Fols est li reis ki vos laissat as porz. […] “Ultre, culvert ! Carles n’est mie fol, …” (Roland, vv. 1193, 1207) ‘Mad is the king who left you in these passes. […] “Out of my sight, villain! Charles is not mad, …”’ 2. The negated utterance is a repetition or a paraphrase of part of the preceding text, as in (22): (22) segur soiez, ne dotez pas (Eneas1, v. 611) ‘be certain, do not doubt’ 3. The negated utterance expresses or denies a (pragmatic) presupposition of part of the preceding text, as in (23), where the act of calling upon someone pragmatically presupposes that that someone is in a position to help the individual calling upon them: (19) Lasse, por koi l’apeles ? de sorcurs n’avras mie ! (Juise, v.77) ‘Wretch, why do you call upon him/her? You won’t get any help!’ 4. The negated utterance expresses or denies an inference warranted by the preceding text, as in (24), where the fact that someone’s shield and armour

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have been badly damaged in battle standardly suggests that the person may also have suffered bodily harm: (24) sil fiert sur sun escu bendé/ k’il la li ad freit e quassé,/ le hauberc rumpu et desafré;/ mes nen a pas sun cors dampné (Gormont, v. 125) ‘thus he strikes on his banded shield so that he cracked and broke it, fractured and tarnished his hauberk, but did not harm his body’ Sect. 5.1.2.1 of this paper will adduce further empirical support for this hypothesis. In addition, the subsequent sects. 5.1.1–5.1.2.4 will show that discourse pragmatics is similarly relevant to the use of other marked forms of basic clause negation in Old French besides ne-pas/mie, viz. post-9 th c. non, ne-point, ne-goutte, and ne-guère. That this should be so need not surprise us, in as much as the existence of discourse-pragmatic constraints on marked forms of clause negation is increasingly attested in a number of modern Romance vernaculars, such as Italian (Visconti 2009), Catalan (Espinal 1993), Brazilian Portuguese (Schwegler 1988; Schwenter 2006), and arguably also Swiss French (Fonseca Greber 2007). Moreover, Wallage (2013) shows that Hansen’s (2009) and Hansen & Visconti’s (2009) model can account for the similar variation between preverbal ne and bipartite ne-not in Medieval English.9

5.1.1 Non As noted in sect. 4.2, instances of non scoping a finite verb are rare in the post-9 th c. data, a total of only 25 such examples having been found. In these examples, the verb is normally one of small subset consisting of être (‘be’), avoir (‘have’), and faire (‘do’), cf. (25) (Reid 1939, 306f; Foulet 1965, 235f.): (25) Sire, por coi m’avez traïe ? – Ge non ai, voir, la moie amie. (Eneas1, v. 1750) ‘My Lord, why have you betrayed me? – I have not, in truth, my friend.’ Attested examples are normally elliptical clauses such as the one in (25), where the lexical verb and/or one or more complements must be recovered from the

9 Wallage’s (2013) data do not, however, appear to support the assumption that the eventual generalization of bipartite negation in Middle English can be explained in the way Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009) propose to explain its generalization in Middle French.

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preceding context. There is usually no overt subject, but when there is, non is typically fronted and followed by verb-subject inversion, as in (26): 10 (26) Ja Dé ne place qu’il m’amor ait ! Non avra il. (Eneas2, v.8489) ‘Never may it please God that he have my love! He will not have it.’ The use of non as a finite clause negator is highly pragmatically constrained from the 10 th c. onwards. As Reid (1939, 306) puts it, [t]he construction […] is used (i) to contradict a preceding affirmative enunciation, or (ii) to extend the application of, or (iii) to confirm a preceding negative enunciation, made (or more rarely implied) either by the speaker or by another person.

In other words, as pointed out by Larrivée (2011), non in finite clauses is marked for use in contexts where the underlying proposition can be assumed to be very recently activated in the mind of the hearer, in the sense defined by Dryer (1996). The activation of a given proposition requires that proposition to be explicitly represented in the hearer’s mind, but it is independent of whether its truth is also endorsed by him. 11 In terms of the framework set out in sect.

10 Although the data base is too small to allow firm conclusions to be drawn, it is likely that both the normal word order pattern, whereby non is fronted, while the overt subject – if any – is inverted, and the exception in (25) can be attributed to information-structural factors, such that non normally appears as a contrastive focus. In (25), however, the subject arguably constitutes an additional contrastive focus, the wider context of the example, given in (i) below, being one where Dido has indeed been betrayed, in as much as Aeneas is about to leave her, but where the Gods, and not he, are ultimately responsible for that betrayal: (i) Bien sui seüre de morir,/quant ge vos voi de moi partir./Sire, por coi m’avez traïe ?/- Ge non ai, voir, la moie amie./- Mesfis vos ge onques de rien ?/- Moi n’avez vos fait el que bien./- Destruis ge Troie ?- Nenil, Greus./- Fu ce par moi ?- Mes par les deus./- Ai ge vos vostre pere ocis ?/- Nenil, dame, gel vos plevis./- Sire, por coi me fuiez donc ?/- Ce n’est par moi.- Et par cui donc ?/- C’est par les deus, quil m’ont mandé,/qui ont sorti et destiné,/ an Lonbardie an doi aler,/iluec doi Troie restorer. (Eneas1, p. 54) ‘I am quite certain to die/ when I see you leaving me./ My Lord, why have you betrayed me?/ -I have not, in truth, my friend./ – Did I ever do you any wrong?/ – Towards me you have done nothing but good./ – Did I destroy Troy?/ – No, the Greeks did./ – Was it at my behest?/ – At that of the Gods, rather./ – Did I kill your father?/ – No Lady, I assure you./ – My Lord, then why do you flee me?/ – It is not my choice. – And whose is it then?/ – It is that of the Gods, who have commanded me,/who have drawn lots and destined/ that I must go to Lombardy/ and must restore Troy there.’ 11 As a matter of convention, I use the feminine pronoun for speakers and the masculine pronoun for hearers, except if authentic examples are discussed where the actual role distribution would make that choice appear odd.

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5.1 above, such contexts can be described as both discourse-old and hearerold. Ex. (25) above is a textbook example: the utterance produced by the first speaker activates the proposition “the addressee of the present utterance has betrayed the speaker of the present utterance at some point prior to the moment of speech”. This proposition is not asserted, but presupposed by the WHinterrogative format of the utterance. The second speaker’s response, which is marked by non, explicitly denies the truth of that presupposition.12 A few exceptions to this pattern can be found in the three texts (all composed around or shortly before 1200) that have been translated from Latin originals, and where isolated instances of non occur in pragmatically unmarked contexts with the present tense of savoir (‘know’) and pouvoir (‘be able to’), and with passive forms of trouver (‘find’) and pourpenser (‘reflect upon’), with être as the auxiliary, cf. (27)–(28): (27) car ge lasseiz de la uoie hui cest ior non puis pas eissir. (DialGreg1, p. 23) ‘for I, being tired from my journey, cannot go out today.’ (28) si droiture est disjetée et non est trovée… (DialAme, p. 277) ‘if righteousness is thrown away and is not found…’ These examples presumably reflect an archaic usage, probably facilitated by analogy: as for (27) and its equivalents, Reid (1939, 307) notes that non as a marked form of clause negation is very occasionally used with modal verbs, “for which faire is not felt to be a satisfactory substitute”. In the case of the two passives, the use of non may have been triggered by the presence of the auxiliary. In addition, influence from Latin may of course be a factor. It must be noted, however, that in two cases, the Latin original does not actually use non, but rather a different, and in one case only implicitly negative, expression (viz. ignoro ‘I don’t know’ > ge non sai, DialGreg1, p. 7). Together with the fact that, in two other cases ((27) above being one), these translations employ non

12 Although Godard & Marandin (2006, 192) predict that denials should occur only in root clauses, non may, as already observed by Larrivée (2011, 1990), also be found in subordinate clauses such as (ii) below. The rationale for Godard & Marandin’s prediction being that only root clauses are supposed to have speech act value, it is, however, of interest that in my data non is found only in subordinate clauses governed by a speech act verb: (ii) …te requist ele que por amende de ce que tu li avoies si meffet devenisses ses hons, et tu deïs que non feroies… (Qgraal_cm, p. 103) ‘…she requested of you that to make up for the harm that you had done to her you should become her vassal, and you said that you would not…’

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in conjunction with postverbal pas (a use also noted by Reid 1939, 309), this suggests that while non as a productive marker of basic clause negation may have been archaic by the 12 th c., its use was not yet perceived as distinctly odd by native speakers. Overall, then, the behavior of non in post-9 th c. texts seems to provide incontrovertible evidence that discourse status could be criterial in the choice between alternative forms of clause negation in Medieval French.

5.1.2 Reinforced clause negation Those forms of marked standard clause negation that see preverbal ne reinforced by a (usually) postverbal marker of nominal origin are, as shown in sect. 4.2 above, considerably more frequent in the data overall than the use of non. There are, however, significant discrepancies in the frequency of occurrence of different postverbal markers, pas being by far the most frequent item used followed by mie, and much further behind, point and goutte.

5.1.2.1 Ne-pas and ne-mie The data contain 723 tokens of pas and 515 tokens of mie used as negative reinforcers, or in two cases, NPIs. An example of the latter is reproduced in (29) below: (29) Tut seie fel, se jo mie l’otrei! (Roland, v. 3897) ‘May I be a complete traitor if I consent to that at all!’ Ne-mie is overwhelmingly favored over ne-pas (by 44 instances to 4) in La chanson de Roland (ca. 1100). In the remaining texts, the two forms are either roughly equally frequent (as is the case in Gormont et Isembart and Le couronnement de Louis (both from ca. 1130), or ne-pas is favored. The latter is the only reinforced form used in the early Vie de Saint Alexis (ca. 1050), where it is, however, represented by only a single occurrence. Nine tokens of mie (1.7 %) and 20 tokens of pas (2.8 %) occur preverbally, as exemplified in (30) below. The remaining tokens are postverbal. It is worth noting that preposing in my data base is found only in verse texts, where it may be attributable principally to considerations of rhyme. (30) qui bien aime, pas ne repose ; (Eneas2, v. 9954) ‘he who is much in love does not rest;’

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Five tokens of mie (1 %) and one of pas (0.1 %) occur in partitive constructions where they govern a prepositional phrase headed by de, as in (31). All the partitive mie-examples are found in verse texts where the extra syllable provided by the preposition may have been wanted principally for metric reasons. (31) De ma fille n’avra il mie, (Eneas1, v. 3376) ‘He’ll not have my daughter’ (lit.: ‘Of my daughter he’ll not have a bit’) These observations suggest that pas and mie are quite highly grammaticalized already in this early stage of French: their syntactic position is largely fixed and decategorialization from noun to adverb has all but been completed. Moreover, the fact that pas and mie sometimes co-occur with NPIs, as in (32)–(33) below, makes it clear that they are not themselves NPIs, but an integral part of the negation: (32) Trestuz les altres ne pris jo mie un guant. (Roland, v. 3189) ‘All the others I don’t consider to be worth a glove.’ (33) Tuit vos Franceis ne valent pas meaille. (Louis, v. 2433) ‘All your Frenchmen are not worth a penny.’ Very sporadically examples are found in which ne-pas or ne-mie enter into what may be an NC relation with a quantifier (cf. (34) below). As already noted, however, the polarity status of the quantifiers used in negative clauses is unclear at this diachronic stage (cf. sect. 5.1.2.5 below for further discussion). The total number of such instances is five in the case of ne-pas, and four in the case of ne-mie. The data base also includes two examples of pas combining with the old preverbal form non rather than ne (cf. ex. (27) in sect. 5.1.1 above). (34) Bien fu gardez et bien serviz, car ne fu pas faite a enviz rien nule qui lui fust mestiers, mais lieemant et volantiers (ErecKu, vv. 5173–5176) ‘He was well kept and well served, for no thing that he needed was (lit. ‘was not’) done unwillingly, but gladly and willingly.’ As already discussed in sect. 5.1 above, Hansen (2009) and Hansen & Visconti (2009) showed that, as far as the pragmatic status of ne-mie/pas is concerned, both markers systematically occurred in discourse-old contexts in La chanson de Roland and Le coronemenz de Looïs. According to the analysis of those authors, a sample consisting of the first fifty tokens of mie and pas, respectively,

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found in La queste del Saint Graal (ca. 1225–1230) showed the same pattern.13 For the purposes of the present paper, pragmatic analysis was in addition carried out on all the examples of ne-pas/mie (487 in total) in La Vie de Saint Alexis, Gormont et Isambart, Li ver del juïse (ca. 1125–1150), Eneas 1 & 2 (ca. 1155), Erec et Enide (ca. 1170), and Chroniques des Ducs de Normandie (ca. 1174). The analysis revealed that, of the 487 clauses in question, 9 (1.8 %) went against Hansen’s (2009) and Hansen & Visconti’s (2009) hypothesis, in as much as they expressed propositions that were clearly discourse-new. A further 45 clauses (9.2 %) expressed propositions whose discourse status was unclear, in the sense that they could not be classified as discourse-old on the basis of the immediately preceding text. It is possible, however, that such a classification might, in at least some cases, be warranted by consideration of longer stretches of text. Conversely, 433 clauses (89 %) supported the hypothesis, the propositions expressed being classifiable as discourse-old. On this basis, it seems that the hypothesis according to which the use of ne-pas/mie in Old French was subject to discourse-functional constraints, can be upheld. Those examples that clearly or apparently went against the hypothesis may be accounted for by two factors: One is the fact that, as mentioned above, most of the texts in the data base are verse texts, where the addition of pas/mie may in some cases have provided the extra syllable needed to complete a verse or constitute a rhyme. The other factor is the gradual obligatorification of pas which we know took place in the course of medieval French, and which seems to presuppose a gradual loosening of the original pragmatic constraint on these markers.14 In any case, at the stage of French considered in this paper, change in the expression of standard clause negation is incipient, and wherever a change is in progress, variation is to be expected, in this as in other domains of language usage. 5.1.2.2 Ne-point The earliest attestation of negative point in the data is in Le coronemenz Looïs (1130), and the marker is found in only four texts in total. Moreover, only 39

13 The same was true of the early 14 th c. hagiography La vie de Saint Louis, by Sire Jean de Joinville. That text falls outside the time period considered in the present study, however. 14 Cf., however, Wallage’s (2013) analysis of the competition between ne and ne-not in Middle English for the view that pragmatic “unmarking” was not a factor in the generalization of ne-not in that language. Wallage’s analysis fails, however, to explain how ne-not could become generalized to discourse-new contexts without the pragmatic constraints on its use being relaxed.

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finite clauses containing point in negative polarity contexts are attested in the data base. The use of point in bipartite negation is thus a later development than the use of mie/pas, and it is clearly disfavored by comparison to the latter two. One of the host contexts is a weak negative (or affective) polarity context, in which the marker functions as an NPI rather than a negative marker: (35) mes au porter hors fet dongier ;/car qui point en volsist porter/ne s’an seüst ja mes raler, (ErecKu, vv. 5700–5702) ‘but taking it out poses difficulty; for whoever would take any of it away would never be able to leave,’ In a further two instances point occurs in NC constructions with adverbial nwords, either mes (‘any/no longer’), as in (36), or onques (‘(n)ever’):15 (36) Maboagrins sui apelez,/mes ne sui mes point coneüz, an leu ou j’aie esté veüz, par remanbrance de cest non, (ErecKu, vv. 6082–6085) ‘Maboagrin is my name, but I’m no longer known at all, in any place that I’ve been seen, by recollection of that name,’ The remaining 36 tokens express “standard” clause negation. There are no examples of point as a minimizer occurring in polarity-neutral contexts. Together these data suggest that it was very rapidly grammaticalized as a marker of negation. Point does, however, appear to be somewhat less grammaticalized than pas/mie at this stage, in as much as 22 of the 39 tokens (56 %) are found in partitive constructions either with a prepositional phrase introduced by de (‘of’), the pronominal adverb en (‘thereof’), or the relative pronoun dont (‘of which/whose’) as in (37)–(38) below. In such cases, point functions syntactically as a direct object noun rather than as a negative adverb. Other examples like (39), however, show the marker co-occurring with a direct object noun, which it does not govern syntactically. Thus, point appears at this stage to have an intermediate part-of-speech status, not having achieved quite the same degree of decategorialization as pas/mie. (37) Al menacier n’a point de hardement. (Louis, v. 866) ‘In threatening there is no courage [lit. not a bit of courage].’

15 For in-depth studies of these n-words, cf. Hansen (2012; 2014).

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(38) et quant il veoit qu’il n’en pooit point avoir si s’en retornoit la donc il ert venuz, (QGraal, p. 150) ‘and when he saw that he couldn’t have it (lit.: any of it) he went back where he came from,’ (39) La vostre gent ne puet il point amer. (Louis, v. 830) ‘Your people he cannot love.’ Pragmatically, all of the 39 tokens found in negative contexts occur in propositions that are discourse-old. While ne-point thus resembles ne-pas/mie in that respect, it seems to distinguish itself from the latter markers by being favored with predicates that admit of degrees, although this is far from being an absolute constraint. Thus, 20 of the tokens of ne-point, incl. those in (35) and (37)–(39) co-occur with this type of predicate, while a further three co-occur with predicates that, on at least one plausible interpretation, can be seen as admitting degrees, such as that in (36), where point could be interpreted as indicating the number of people (namely zero) to whom the speaker is now known by the name Maboagrin. Together these uses account for 59 % of the examples. In comparison, a random sample of 50 clauses negated by ne-pas and 50 clauses negated by ne-mie yielded a total of 27 clauses with predicates that could plausibly be understood as admitting of degrees. 15 of the clauses negated with ne-mie (30 %), and 12 (24 %) of those negated with ne-pas were of this type. These contrasting patterns might explain why later Renaissance commentators described ne-point as being specialized for what they termed “quantitative” negation, whereas nepas was seen by them as preferentially expressing “qualitative” negation (Catalani 2001, 163).

5.1.2.3 Ne-goutte My data base contains only eight tokens of ne-goutte. This negative marker is even more recent than ne-point, being first attested in the data in the mid-12 th c. romance, Enéas (1155), and is found in only two additional texts. Moreover, its distribution is highly restricted at this stage, all the tokens negating forms of the verb voir (‘see’) used in its basic perceptual sense: (40) La suors lor troble les ialz / et li sans qui avoec degote, / si que par po ne voient gote, (ErecKu, v. 5932–4) ‘Sweat clouds their eyes / and (so does) the blood that runs down with it, / such that they almost can’t see,’

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While the expression is attested in combination with other verbs (mainly, but not exclusively, verbs of perception and cognition) in Old French more generally (cf. Price 1990, 204f.), ne voir goutte is generally recognized as being by far the most frequent collocation. None of the host clauses in my data base contain any complements, and except for six examples of ne-goutte negating the verbs aimer (‘love’), all the Old French examples cited by Price (1990, 205) similarly have either zero-complements or partitive complements. These observations suggest that, rather than having been grammaticalized as an actual negative adverb, goutte may at this early stage of the language have been perceived by many speakers as a minimizing noun, analogously to Latin gutta in the use illustrated by example (4) in sect. 3 above. Pragmatically, ne-goutte appears similar to the other bipartite forms discussed above, in as much as all the examples in the data base are found in contexts where the proposition is discourse-old. Thus, in (40) above, for instance, the fact that the subjects’ eyes are clouded by sweat and blood makes it highly inferable that they will be unable to see very well.

5.1.2.4 An intermediate type of negation: ne-guère The data base contains a total of 65 tokens of the bipartite marker ne-guère. Guère is assumed to have its etymological origin in the Frankish *waigaro (‘much’, cf. Le trésor de la langue française informatisée). In Modern French, guère can fulfil both adverbial and nominal functions in the clause, and my data show that this was also the case in Old French. In (41) below, guère is thus used adverbially, as a degree marker, in a clause which also contains a direct object noun (cure ‘concern’), while in (42), it functions as the direct object of the verb voir (‘see’): (41) De sa vie n’ot gaires cure, (Eneas1, v. 961) ‘For his life he didn’t care much,’ (42) Ne puis ne fu chevaliers qui gueres en veïst se ce ne fu ausi come en sonjant. (Qgraal_cm, p. 134) ‘Nor afterwards was there ever a knight who saw anything much of them unless it was as if in a dream.’ The status of guère was and is thus intermediate between that of negative reinforcers like pas, mie, point, and goutte, and that of indefinites like nul, rien, personne etc. In my data, guère occurs exclusively in negative polarity environments, but as (42) shows, that includes a weak (or ‘affective’) negative-polarity context in one instance. Notice, however, that the relative clause in which guè-

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re appears in this example is governed by a negated main clause, together with which it forms a cleft sentence. This may suggest that, like the former items, but possibly unlike goutte, guère swiftly grammaticalized as a marker of negation. The data base contains four possible instances of NC constructions, i.e. contexts where guère co-occurs with one or more indefinites, as in (43): (43) nule autre rien ne panse gaire, (Eneas1, v. 1575) ‘she hardly thinks of any other thing,’ Like pas, mie, and point, adverbial guère very occasionally precedes the preverbal negative marker ne in the linear structure of the clause, as seen in (44) below. (44) bien sot que Eneas ventroit et que gaires ne demorroit que il avroit la cite prise : (Eneas2, v. 9646) ‘he knew well that Aeneas would win and that it wouldn’t be long before he’d have taken the city:’ The use of guère does not appear to be constrained to discourse-old contexts in my data. However, this marked form of negation is pragmatically constrained in a different way, namely by functioning as a downtoner, which mitigates rather than strengthens the force of the negation, thereby weakening the speaker’s commitment to the negative state-of-affairs.

5.1.2.5 Ne + indefinite quantifier If, as shown in sect. 3 above, NC was already common in Late Latin, it is hardly surprising that it appears to be similarly attested in all the early Romance vernaculars, incl. French. As already suggested several times, however, the Early French data are not as clear as they might seem at first blush. For the expression of quantifier negation, Modern Standard French has at its disposal a closed set of n-words which differ from one another in respect of a small set of syntactic and semantic features (i.e. whether they function as arguments, determiners, or adverbials, and whether they refer to human beings or inanimate entities, space or time), viz. personne (‘nobody/anybody’), rien (‘nothing/anything’), aucun (‘no(ne)/any’ < Latin aliquis unus, lit. ‘some one’), nul (‘no(ne)/any’), nulle part (‘nowhere/anywhere’ < Latin nulla parte ‘nowhere’), jamais (‘(n)ever’ < Latin iam magis, lit. ‘from now on more’), and plus (‘no/any more/longer’ < Latin plus ‘more’).

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In Old French, however, this closed functional paradigm did not yet exist. Instead, several forms with very different origins were in a number of cases in competition for very similar functional slots. Thus, personne competed with (among others) ame (‘soul’) and homme (‘man’), rien with nient (< Latin ne gentem ‘not people’) and chose (‘thing’), jamais with onques (< Latin umquam ‘ever’), and plus with mais (< Latin magis ‘more’). Moreover, whereas the n-word status of the Modern French quantifiers is not in doubt, it is unclear whether their Old French equivalents are polarity neutral, NPIs, or inherently negative items (n-words or negative quantifiers). As a consequence, it is also unclear when French can be said to have become the NC language it is today. As mentioned in sect. 2 above, it seems pretty clear that the Modern French n-words personne, rien, and aucun have gone through the cyclical development illustrated in Table 2, starting out as polarity-neutral, and subsequently becoming grammaticalized, first as NPIs and then as n-words (e.g. Déprez/Martineau 2004). It has traditionally been assumed that this sort of development characterized the n-word paradigm as a whole, with the exception of nul, which as mentioned above is the direct descendant of a Latin negative indefinite. Furthermore, it has been claimed (Haspelmath 1997, 230 ff.) that the evolutionary cline from positive > negative polarity sensitive > negative is unidirectional as far as indefinites are concerned. Recent work has shown, however, that, rather than developing as a group, individual French n-words have experienced different diachronic trajectories starting at different times, and for different reasons. Thus, Déprez & Martineau (2004) convincingly argue that changes elsewhere in the nominal system are ultimately responsible the grammaticalization of personne, rien, and aucun. For obvious reasons, however, that explanation cannot work for adverbial n-words like jamais and plus. Buridant (2000, 614) and Ingham (2011, 445) note that Old French nul is found in weak negative-polarity contexts such as conditionals, cf (45) below (from Buridant 2000, 614), where the inherently negative Latin nullus would have been excluded. In other words, between Latin and Old French, nul evolved from a negative indefinite into an NPI, which is counter to Haspelmath’s (1997, 230 ff.) hypothesis, but between Old French and Modern French, it has moved back in the opposite direction, behaving very clearly as an nword in the modern language. (45) Se tu sez nul deduit fere/ Par quoi tu puisses a gent plere (Rose, 2177– 2178) ‘If you know how to engage in any pleasant pursuit by which you can please people’

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Labelle & Espinal (2014) show that a number of now defunct Old French indefinites such as nient and nesun (‘no one’ < neis un ‘not even one’) could similarly be used in weak negative-polarity contexts despite the fact that they morphologically incorporate the negative marker ne. It is for these reasons that it cannot be stated with certainty that exx. (14), (15), (34) and (43) above do indeed represent NC structures: The first two contain the negative marker non alongside nul, but the latter’s status as either a negative indefinite, and NPI or an n-word is indeterminate. The last two examples mentioned contain nul alongside rien, whose status as a polarity-neutral item, an NPI or an n-word is similarly indeterminate at this stage of development. Hansen (2012; 2014) adduces evidence to suggest that the temporal(-aspectual) adverbial markers jamais and mais/plus were initially grammaticalized with negative meaning in Medieval French, and only subsequently developed NPI uses, most of which disappeared again in the case of plus,16 whereas Modern French jamais has retained them in more formal registers at least. Assuming this is a correct account, then examples like (36) above, where mais cooccurs with point support the assumption that Old French was an NC language of the same type as colloquial Latin (cf. ex. (9) in Sect. 3 above). Based on these various types of evidence, there can be little doubt that the evolution of French negative indefinites falsify Haspelmath’s (1997) strong unidirectionality hypothesis. We therefore need to consider two alternative hypotheses which have been formulated, by Hoeksema (1998, 104) and Jäger (2010), respectively. The former is a weaker version of the unidirectionality hypothesis, according to which items can move into, but not out of, the negativepolarity domain. Hoeksema’s (1998) hypothesis makes no claims about possible directions of movement inside that domain, however. It thus allows for the movement from weak to strong negative-polarity sensitivity instantiated by items like rien and personne, as well as for the movement from strong to weak negative-polarity sensitivity which seems to characterize items like nul, nient, jamais, and plus. According to Jäger’s (2010) “random walk” hypothesis, on the other hand, there is no directionality whatsoever to the diachronic evolution of indefinites, which can move freely in and out of the negative-polarity domain. In so far as the data adduced in this paper have yielded no examples of negative indefinites, n-words or NPIs becoming polarity-neutral, the evolution of negative expressions in French appears to be compatible with Hoeksema’s account, but fails to support the “random walk” hypothesis. Jäger (2010, 50)

16 Ne … mais, of course, did not survive beyond Middle French.

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does adduce examples of items that have moved out of the negative polarity domain, but while a handful of these appear to be uncontested (viz. German jemand ‘someone/anyone’ and immer ‘always’, Dutch ooit ‘once’, and English anymore in some dialects), Willis (2011, 308) proposes an alternative account of the Slavonic nekto-series, as well as of a few other purported instances. It thus remains a matter for further research whether incontrovertible examples of “backwards” developments are sufficiently numerous to support the assumption that indefinites develop in a genuinely random manner, or whether there is at least a strong statistical tendency for them to move towards the affective/negative, rather than the neutral/positive, end of the spectrum.

6 Conclusion In this paper, I have traced the evolution of the most common forms of clause negation, my focus being predominantly on so-called standard clause negation, which does not involve quantifiers. I have argued that Givón’s (1990, 945) theory of markedness is useful in accounting for the variation that we find among different markers of standard clause negation in Early French. More specifically, I have shown that the marked forms of standard clause negation in that language were all subject to discourse-pragmatic constraints on their use, constraints which in all cases except ne-guère can be described using Birner’s (2006) classification of the discourse status of propositions. With respect to quantifier negation, I have suggested that Early French may have been an NC language of the same type as colloquial Latin, i.e. one that allows combinations not only of several quantifiers, but also of the standard clause negator + one or more quantifiers to yield only a single-negation reading. More (ideally carefully quantified) research is needed to support that assumption, however. I have also shown that the evolution of French polarity indefinites fails to support the strong unidirectionality hypothesis put forward in Haspelmath (1997, 230 ff.), while being compatible with the weaker hypothesis formulated in Hoeksema (1998, 104). Although other languages offer limited evidence against even that weaker hypothesis, there does not at present appear to be sufficient grounds for assuming, along with Jäger (2010), that the diachronic evolution of indefinites is essentially random, however. Instead, Hoeksema’s hypothesis might be upheld if reformulated as a strong statistical tendency rather than an absolute rule. Acknowledgements: I would like to thank the two anonymous referees (one of whom – Johan van der Auwera – has subsequently chosen to reveal his identi-

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ty) for their comments and suggestions, and my former colleague Daron Burrows (Oxford) for helpful discussion of some of my examples. Needless to say, none of them can be held responsible for any remaining errors in the presentation. I would also like to thank the volume editors, Anne Carlier and Céline Guillot-Barbance, for their time and efforts on this project.

Data bases Base de français médiéval: http://bfm.ens-lyon.fr/ Perseus Digital Library: http://www.perseus.tufts.edu/hopper/ Trésor de la langue française informatisée: http://atilf.atilf.fr/

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V. Les propositions principales et indépendantes

Olga Spevak (Université de Toulouse 2)

L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand : une comparaison de l’original latin avec sa traduction en ancien français 1 Introduction 1.1 Status quaestionis Si la question de l’ordre des mots en latin tardif fait l’objet de discussions interminables où les opinions sont partagés – les uns soutiennent la variabilité de l’ordre à l’époque tardive (Pinkster 1991; Spevak 2005), les autres mettent en avant des symptômes de son figement (Salvi 2004) –, les faits sont plus nets pour ce qui est de l’ancien français.1 On sait que l’ancien français présente l’ordre SVO ou, plus précisément, le verbe à la deuxième place dans la phrase (XV), qu’il y a une tendance à exprimer le sujet pronominal au lieu de laisser inexprimé un sujet connu, et que les pronoms personnels sont clitiques (cf. Harris 1978, 20 ; Salvi 2004, 11 sqq. ; Marchello-Nizia 1995, parmi d’autres).2 L’objectif de cette contribution3 n’est pas de revenir sur les faits connus. Au contraire, je me propose de mettre en lumière de nouvelles données : de comparer un texte de l’époque tardive, la Vita sancti Benedicti de Grégoire le Grand (540–604), qui constitue le livre 2 de ses Dialogi, avec sa traduction en ancien français, Li Dialoge Gregoire lo Pape, du 12 e siècle, afin de décrire des adaptations auxquelles le traducteur a procédé. En outre, j’essaierai de montrer l’importance d’une analyse détaillée et complexe pour une évaluation de

1 Il convient de préciser que l’ordre des mots en latin tardif est évoqué surtout à propos d’un changement typologique présumé de SOV en SVO ; sur cette question, on consultera en particulier B. Bauer (2009) ; cf. également Salvi (2004, 90). Cependant, la notion de l’« ordre de base » en latin pose des difficultés méthodologiques, comme l’a montré H. Pinkster (1991). En outre, on a fini par admettre le fait que « les critères permettant de déterminer l’ordre de base – définis par Greenberg et élaborés par ses successeurs – ne sont pas applicables aux langues à l’ordre variable » (J. J. Song 2011, 255). 2 Cf. récemment aussi Carlier/Combettes (2015, 18 sq.) sur l’ordre V2 et TVO (c’est-à-dire, avec le premier constituant topical ou « thématique »). 3 Ce texte a été présenté lors de la journée d’étude Latin tardif, français ancien : continuités et ruptures, 25–26 avril 2013 à Lyon. Je remercie les participants pour leurs remarques et suggestions. https://doi.org/10.1515/9783110551716-016

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Olga Spevak

l’ordre des mots en latin tardif. En effet, les débats sur le changement typologique du latin SOV → SVO sont fondées sur des relevés statistiques bruts de la place de ces trois constituants sans prendre en considération d’autres phénomènes, en particulier la nature nominale ou pronominale du sujet et de l’objet, la possibilité de l’ellipse de l’objet (ou anaphore zéro) et la disjonction du syntagme nominal. On rencontre parfois des observations qui cherchent à combiner ces propriétés : « decrease of disjunction is parallel to increase of VO » (Bauer 2009, 291), sans pour autant adopter une méthodologie rigoureuse. A. Ledgeway (2012, 71 ; cf. Luraghi 2010) a décrit, récemment, la différence entre le latin et les langues romanes en termes de « configurationalité » : le latin présente l’ordre des mots variable, la disjonction, l’anaphore zéro, un système casuel riche et l’accord grammatical riche et il est, de ce fait, qualifié de langue « non-configurationnelle », à la différence de la construction des langues romanes. Quelle est alors la situation en latin tardif ? Présente-t-il des indices de la configurationalité ?

1.2 La méthode Cette étude repose sur un relevé des places occupées par le sujet, l’objet et le verbe dans les propositions syntaxiquement non dépendantes (phrases simples et propositions principales), c’est-à-dire, la place du verbe et de ses arguments (constituants obligatoires) qui constituent la phrase déclarative « prototypique ». Ces propositions peuvent constituer des phrases simples ou faire partie d’une phrase complexe. En outre, j’ai pris en considération les phrases sans le sujet exprimé afin d’examiner la place de l’objet par rapport au verbe. Pour les sujets et les objets, une distinction a été établie entre les constituants nominaux et pronominaux.

1.3 L’objectif L’objectif de cette étude est de déterminer : – la place occupée par le verbe et ses arguments chez Grégoire le Grand ; – la place occupée par le verbe et ses arguments dans la traduction ; – les différences entre ces deux textes ; – le degré de respect du traducteur par rapport à l’original et, inversement, les écarts par rapport à l’original ; – la nature et la motivation de ces « écarts ». La présente étude se concentre sur le côté formel des phrases et non pas sur des aspects pragmatiques.

L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand

303

1.4 Abréviations Dans le présent article, j’utiliserai des abréviations. Outre S(ujet), V(erbe), O(bjet), je me servirai de SP et OP pour marquer un sujet ou un objet pronominal ; (S) entre parenthèses signifie que le sujet est exprimé dans une phrase précédente, appartenant à un participe ou à une subordonnée ; (OP) marque un objet pronominal exprimé dans une phrase précédente ; X tient lieu d’un constituant précédant le verbe ; & signale la coordination par et, -que ou atque (ac).

1.5 La Vie de Saint Benoît La Vie de Saint Benoît est un texte narratif constitué d’une série d’épisodes qui se rattachent à la vie et aux faits du saint. Écrite dans un style élégant, elle a été destinée – comme d’ailleurs l’ensemble des Dialogues – essentiellement au bas clergé mais le texte visait toute espèce de public (Banniard 1992, 126) ;4 par leur clarté et leur simplicité, ils sont devenus une œuvre très populaire, aussi parmi le « peuple ordinaire ». Sans doute, la traduction s’adressait, elle aussi, à un large public et le traducteur veillait à ce que son texte soit accessible et intelligible sans difficultés. Il faut préciser aussi que la traduction est fidèle sans être servile ; le traducteur veille à ne s’écarter ni du sens, ni du style de l’original. Pour la construction des phrases, l’auteur semble renouer avec la « rédaction à la manière classique » en ce sens qu’il construit des périodes, ouvertes par une proposition participiale ou conjonctive (temporelle, par exemple), suivie des propositions principales, souvent coordonnées. Il utilise, d’une manière plus qu’abondante (contrairement à l’usage classique), le relatif de liaison qui se rencontre dans presqu’une phrase sur deux.

2 Les données chiffrées 2.1 Le verbe et ses arguments La place occupée par le sujet, l’objet et le verbe chez Grégoire et dans la traduction est indiquée au tableau 1. 4 Sur la question des destinataires des Dialogues, voir M. Banniard (1992, 115 sq). L’éditeur des Dialogues, A. de Vogüé (1978, I : 36 sqq.) est trop restrictif sur le public (Banniard 1992, 120).

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Tab. 1: Place des sujets, des objets et des verbes chez Grégoire le Grand et dans la traduction. Grégoire

Traducteur

Différence (trad. par rapport à Grég.)

VO SVO OV SOV OSV OVS VSO

 27   5 110  31  15   2   0

 14 %   3 %  58 %  16 %   8 %   1 %   0 %

 63  65  24  12   9   9  11

 32 %  34 %  12 %   6 %   5 %   5 %   6 %

+ 18 % + 31 % – 46 % – 10 %  – 3 %  + 4 %  + 6 %

Total

190

100 %

193

100 %

x

Nous pouvons y observer que Grégoire utilise le plus souvent l’ordre OV (58 %) et, avec sujet exprimé, SOV (16 %) ; tandis que SVO est assez rare (3 %), VO se rencontre parfois (14 %). Le traducteur, en revanche, a majoritairement recours à SVO (34 %) et, sans sujet exprimé, à VO (32 %). Les ordres avec objet préverbal – OV et SOV – se rencontrent dans la traduction mais dans une mesure restreinte (12 % et 6 %). En outre, nous pouvons observer un emploi croissant des ordres OVS et VSO dans la traduction par rapport à l’original.

2.2 Les arguments pronominaux D’une manière générale, Grégoire a 72 % de phrases transitives sans sujet exprimé ; le traducteur n’en a que 44 %. On peut en déduire que le traducteur cherche, d’une mesure significative, à rendre le sujet explicite. En même temps, il convient d’évaluer le nombre d’arguments pronominaux. Le tableau 2 résume les résultats pour les sujets. Tandis que chez Grégoire, les sujets pronominaux représentent 19 % de tous les sujets exprimés, leur nombre constitue 67 % dans la traduction. L’ordre SVO est particulièrement concerné par cette tendance mais les autres ordres sont, eux aussi, à prendre en considération. Une question similaire se pose aussi à propos des objets pronominaux. Les données sont indiquées au tableau 3. Dans ce cas, les données chiffrées pour le total sont presque les mêmes : il n’y a qu’une différence d’un pour cent de plus d’objets pronominaux dans la traduction par rapport à l’original latin. Cependant, à la différence de l’original, la distribution des objets pronominaux dans la traduction est en corrélation évidente avec l’antéposition de l’objet par rapport au verbe : les objets postnominaux (VO, SVO, VSO) n’y sont jamais pronominaux.

L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand

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Tab. 2: Les sujets pronominaux. Grégoire

Traducteur

SVO SOV OSV OVS VSO

 0 / 5  9 / 31  1 / 15  0 / 2  0 / 0

 0 % 29 %  6 %  0 %  0 %

Total

10 / 53

19 /100 %

46 / 65  7 / 12  5 / 9  6 / 9  7 / 11 71 / 106

Différence (trad. par rapport à Grég.) 71 % 58 % 56 % 67 % 64 %

+ 71 % + 29 % + 50 % + 67 % + 64 %

67 /100 %

+ 48 %

Légende : dans la traduction, pour SVO, il y a 46 sujets pronominaux sur un total de 65 sujets, soit 71 % ; par rapport à Grégoire, où il n’y a aucun sujet pronominal sur 5 SVO, il y a une différence de +71 %. Les lignes les plus significatives sont en gras.

Tab. 3: Les objets pronominaux. Grégoire

Traducteur

VO SVO OV SOV OSV OVS VSO

3 / 27 0/5 17 / 110 4 / 31 8 / 15 0/2 0/0

11 % 0% 15 % 13 % 53 % 0% 0%

Total

32 / 190

17 /100 %

0 / 63 0 / 65 13 / 24 11 / 12 5/9 6/9 0 / 11 35 / 193

Différence (trad. par rapport à Grég.) 0% 0% 54 % 92 % 56 % 67 % 0%

– 11 % 0% + 39 % + 79 % + 3% + 67 % 0%

18 /100 %

+ 1%

3 Une analyse comparée entre l’ordre des mots dans l’original et dans la traduction en ancien français 3.1 Conserver VO ? Oui, mais exprimer le sujet Grégoire le Grand n’utilise pas très souvent VO ; on rencontre cette disposition dans des constructions parallèles avec OV (c’est-à-dire VO & OV, voir l’exemple (4)), dans le cas d’objets plus amplement développés (2)–(3), dans celui de la disjonction (3) et dans d’autres situations telles que la mise en avant ou

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« focalisation » du verbe en tête de phrase (1).5 Cependant, dans ce dernier cas, le traducteur fait précéder le verbe par et ensi. À cinq reprises seulement, le traducteur garde VO de l’original avec un objet exprimé par un nom (1). Il convient de mentionner le fait que cette catégorie inclut deux occurrences du verbe à la première personne où le traducteur peut avoir intentionnellement conservé l’ordre de la citation biblique en tant que texte doté d’une autorité sacrée (2). En outre, le sujet n’y est pas exprimé : la forme verbale nunzai y est suffisamment explicite et la première personne découle aussi de l’expression mes. À treize reprises, le traducteur cherche à exprimer le sujet,6 notamment par un pronom (11 occurrences sur 13), voir l’exemple (3). J’ai inclus dans cette catégorie les cas où le sujet pronominal n’est pas exprimé directement dans la proposition mais figure dans la phrase complexe dont la proposition en question fait partie (4). Si une telle configuration (S)VO se rencontre dans le texte original, tout particulièrement avec un relatif de liaison, le traducteur la garde (4 occ.), de même que SVO de l’original (3 occ.). Les procédés de traduction, marqués par →, peuvent être représentés ainsi : VO → VO → SVO →

VO SVO, (S)VO SVO

(1) Vicit itaque peccatum, quia mutauit incendium. (Greg. M. Dial. 2.2, l. 20) Et ensi uenkit lo pechiet, car il muat l’ensprendement. ‘Il vainquit le péché parce qu’il changea d’incendie.’7 (2) In labiis meis pronuntiaui omnia iudicia oris tui. (2.16, l. 50 = Ps 118, 13) En mes leures fors nunzai toz les iugemenz de ta boche. ‘De mes lèvres j’ai prononcé tous les jugements de ta bouche.’ (3) Nam scripsit monachorum regulam discretione praecipuam, sermone luculentam. (2.36, l. 6) Quar il escrist la riugle des moines ualhant par discretion, clere par sermon. ‘En effet, il écrivit une Règle des moines remarquable par sa discrétion, dans un langage clair.’

5 Une telle stratégie est appelée « verum focus », voir O. Spevak (2010, 46). 6 Sur la tendance manifeste à commencer la proposition par un terme de rappel accentué en ancien français, voir J. Herman (1990, en particulier, 286–288). 7 Les traductions concernent le texte latin et ont été puisées dans l’édition d’A. de Vogüé (1979). Elles ont été parfois modifiées.

L’ordre des mots dans la Vie de Saint Benoît de Grégoire le Grand

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(4) Cum quadam die submitti panem conspiceret, iactauit lapidem et tintinabulum fregit. (2.1, l. 53) Quant il en un ior uit metre lo pain, si gettat une piere et brisat la clokete. ‘Un beau jour, voyant le pain qui descendait, il lança une pierre et il brisa la clochette.’ Cependant, il convient de signaler trois occurrences de « répétition » du sujet : le sujet nominal se rencontre dans une proposition précédente et il est repris, par un pronom, dans la proposition qui suit.8 Ce modèle, (S)SPVO, traduit SVO avec un sujet nominal qui se lit dans l’original. SVO →

(S) SPVO

(5) Monachus uero, qui cellarium tenebat, audiuit quidem iubentis uerba, sed inplere distulit. (2.28, l. 9) Et li moines ki tenoit le celier, il oit uoirement les paroles del comandant, mais il les respitat aemplir. ‘Le moine, qui tenait le cellier, entendit bien l’ordre, mais il différa de l’exécuter.’

3.2 Que devient OV ? OV est l’ordre le plus fréquemment employé par Grégoire, on l’a vu (tableau 1). Cependant, il est relativement rare que le traducteur conserve OV avec un objet nominal. J’ai noté deux types de situations dans lesquels cela se produit. D’abord, dans des phrases simples, il y a trois occurrences (l’exemple (6) contient une double occurrence) d’OV, deux à la deuxième personne du singulier – à noter l’ellipse du nom au second membre de la phrase –, l’autre, à la troisième personne. (6) Multa mala facis, multa fecisti. (2.15, l. 6) Pluisors malz fais, pluisors malz as fait. ‘Vous faites bien du mal, vous en avez fait beaucoup.’

8 Sur la « reprise du sujet », qui va de pair avec la « périphérie gauche », voir P. Skårup (1975) et Ch. Marchello-Nizia (1997).

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Olga Spevak

(7) Tunc collectis fratribus inoboedientem monachum de infidelitate sua et superbia coram omnibus increpauit. (2.28, l. 23) Dunkes assembleiz les freres lo moine nient obeissant chosat de sa mescreandise et de son orguelh deuant trestoz. ‘Puis, en présence de la communauté, il reprit le moine désobéissant et devant tous lui reprocha son manque de foi et son orgueil.’ Ensuite, OV se rencontre dans des phrases complexes, ouvertes par SVO, où OV est coordonné par et ou sed – et et mais dans la traduction – (5 occ., dont une à la première personne du singulier). À trois reprises, le sujet et l’objet présentent un nombre grammatical différent, par exemple en (8) où le sujet est au pluriel et l’objet au singulier. Cependant, un tel ordre peut se rencontrer aussi avec le même nombre. (8) Currentes autem fratres draconem minime uiderunt, sed trementem atque palpitantem monachum ad monasterium reduxerunt. (2.25, l. 12) Et li frere corant ne uirent pas lo dragon, mais lo moine tremblant et palpiant remenerent al monstier. ‘Les frères accoururent mais ils ne virent point le dragon ; alors ils remmenèrent au monastère le moine tremblant et palpitant.’ Le traducteur rend OV de l’original par VO (10 occ.), surtout à l’intérieur d’une phrase complexe (9) ; l’emploi d’un sujet pronominal dans une proposition précédente (11 occ.) représente l’alternative de cette configuration (10). Lorsque la proposition latine comportant OV se rencontre en tête d’une phrase complexe, elle est rendue par SPVO avec un sujet pronominal (11) (14 occ.), une fois, par SVO nominal. OV



VO, (SP)VO, SPVO, SVO

(9) tantoque igne serui dei animum in specie illius accendit, ut ... (2.2, l. 8) et de si grand fou ensprist lo corage del serf deu en la bealteit de celei, ke ... ‘celui-ci alluma un tel feu dans l’esprit du serviteur de Dieu à la vue de cette beauté que ...’ (10) Nutricem suam occulte fugiens, deserti loci secessum petiit, cui Sublacus uocabulum est ... (2.1, l. 27) Il fuianz sa norrice repunsement, requist un secreit d’un desert liu a cui est nons Sublacus ... ‘Il se déroba secrètement à sa nourrice, il gagna un endroit désert, qui s’appelle Sublacus ... ’

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(11) Eius quippe monasterium frequentabat, ut, quia ... (2.35, l. 4) Quar il hanteuet son monstier, ke par tant ... ‘Il fréquentait le monastère, pour que ...’

3.3 Et SOV ? L’ordre SOV de l’original n’est traduit par le même modèle que deux fois : une occurrence est avec un objet nominal, l’autre, avec un objet pronominal (omnes rendu par toz « tous »). L’ordre en (12) peut se justifier, d’une part, par un souci de garder le parallèle entre prophetiae spiritus et prophetarum mentes, d’autre part, par le fait que le verbe est nié. (12) Prophetiae spiritus, Petre, prophetarum mentes non semper inradiat, quia ... (2.21, l. 21) Pirres, li spirs de prophetie les penses des prophetes toz tens n’enluminet mie, car ... ‘Pierre, l’esprit de prophétie n’éclaire pas toujours les pensées des prophètes, car ...’ L’ordre SOV latin devient alors régulièrement SVO (13) (10 occ.) ; j’ai aussi inclus dans cette catégorie cinq cas où le sujet est exprimé dans une proposition précédente ((S)OV → (S)VO). La même substitution se constate avec des sujets pronominaux (14) (8 occ.) : il s’agit surtout du relatif de liaison qui, rendu par li queiz ou ki ; ille, traduit par icil, apparaît moins souvent. Le sujet pronominal peut être exprimé dans une proposition précédente (15) (7 occ.). SOV SPOV (S)OV (SP)OV

→ → → →

SVO SPVO (S)VO (SP)VO

(13) Benedictus extensa manu signum crucis edidit et ... (2.3, l. 23) Benoiz par estendue main donat l’ensenge de la croiz et ... ‘Benoît étendit la main pour tracer un signe de croix et ...’ (14) Qui statim ferramentum Gotho reddidit, dicens : ... (2.6, l. 19) Li queiz manes rendit lo ferement al Gothe disanz : ... ‘Là-dessus, Benoît rendit son outil au Goth en disant : ...’

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(15) Qui haec audientes uehementer admirati ad praedictum praedium sunt reuersi et cuncta habitacula, sicut ex reuelatione didicerant, construxerunt. (2.22, l. 31) Li queil oant cez choses mult soi meruilhierent et il soi retornerent al deuant dit aluet, et si fisent totes les habitations alsi com il auoient apris parmi la reuelation. ‘À ces paroles, ils furent stupéfaits ; ils revinrent à la propriété dont nous avons parlé, et ils construisirent toutes les habitations selon les instructions qu’elles avaient reçues en songe.’ En outre, on rencontre des sujets « répétés », comme en (16) où le sujet est repris par le relatif de liaison et repris par il (6 occ.). La reprise par il d’un sujet nominal mérite, elle aussi, d’être cité (17). (16) Qui mox uenit, orationem faciens benedictionem dedit et ... (2.9, l. 10) Ki manes ke il uint il faisanz l’orison donat la benizon et ... la pierre fut leueie de tante enheleteit ... ‘Il arriva rapidement, pria, donna une bénédiction, et ...’ (17) Vir autem domini, quem facta absentia latere non poterant, unum (scil. uasculum) cum gratiarum actione suscepit et ... (2.18, l. 6) Mais li hom del sanior cui li fait nient present ne porent pas atapir, il receut l’un a faisement de grasces mais ... ‘L’homme de Dieu, à qui les actions accomplies à distance ne pouvaient échapper, reçut l’un (de deux petits vases) avec des remerciements et ...’ L’ordre SVO sert aussi à rendre des configurations avec un objet nominal préverbal : OSV (2 occ.) et OVS (1 occ.) latins. (18) sed minando diceret, tantas uires sermo illius habebat, ac si ... (2.23, l. 4) mais en manazant sa parole auoit si grandes forces, alsi ... ‘mais (sur le ton) de la menace, sa parole avait tant d’efficacité qu’il ...’

3.4 OSV, OVS et VSO français Grégoire le Grand, on l’a vu (tableau 1), emploie exceptionnellement OVS (2 occ.) et jamais VSO ; chez le traducteur, on relève neuf occurrences d’OVS et onze de VSO. La question se pose alors de savoir dans quelles situations il adopte ces ordres.

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Avec un objet nominal latin, le traducteur garde l’ordre OSV original une seule fois (19).9 Cependant, il est vraisemblable qu’il l’a fait intentionnellement, conscient du contraste établi entre les sujets Theoprobus et nos, plus amplement développé par une proposition relative. On notera l’ellipse de l’objet latin avec le verbe cernimus et sa pronominalisation (la) en ancien français, phénomène sur lequel on reviendra. (19) Cuius uocem tunc Theoprobus audiuit, nos autem cernimus, qui... scimus. (2.17, l. 14) Cui uoiz dunkes oit Theoprobus, mais nos la ueons, ki or sauons ... ‘Cette annonce qu’entendit Théopropus, nous la voyons réalisée, puisque nous savons ...’ En revanche, avec un objet pronominal latin – exprimé par le relatif de liaison (3 occ.) ou le relatif introduisant une proposition relative (1 occ.) –, le traducteur garde le même ordre OSV. (20) Quos ille protinus percontatus est, dicens : ... (2.12, l. 9) Les queilz il demandat enhelement disanz : ... ‘Aussitôt celui-ci demanda : ...’ Ailleurs, OSV sert à rendre OV (4 occ.) avec l’explicitation du sujet. À trois reprises, l’objet est représenté par un relatif de liaison latin, une fois, par un objet nominal dans une construction complexe. (21) Quos etiam protinus misit, ut eius corpus ad monasterium deferente ... (2.34, l. 9) Les queiz alsiment il enuoiat enhelement par ke il lo cors de celei portaissent al monstier ... ‘De plus, il les envoya aussitôt pour ramener son corps au monastère ...’ L’ordre OVS est étroitement lié à la question des sujets pronominaux en français et, de surcroît, à celle des objets pronominaux. OVS est choisi par le traducteur pour rendre OV (4 occ.), OSV (4 occ.) et OVS (1 occ.). Dans le cas d’OV latin, un sujet pronominal de la troisième personne (il) ou de la deuxième personne (tu) est inséré dans la traduction. L’objet en latin peut être pronominal (haec, hunc, alterum, (ea) quae + proposition relative et qui relatif de liai-

9 Cet ordre est rare en ancien français (Moignet 1988, 361).

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son). Il convient de signaler que le traducteur ne conserve pas une relative qui fonctionne comme complément d’objet : il remplace le pronom cataphorique ea par les choses (22). De même, il préfère un objet nominal à valeur générique : « les choses » à un objet pronominal à valeur résomptive. L’exemple (23), complexe, illustre bien ce phénomène ; on y notera en outre la reprise de l’objet nominal les iugemenz par les pronoms ceaz qui contribue à former une construction parallèle avec le segment qui suit. (22) Nam ea quae ipse non loqueris, nostris procul dubio cognitionibus abscondis. (2.16, l. 73) Car les choses cui tu ne paroles mie, senz dotance celes repuns tu a nostres conissances. ‘Car ce que tu n’as pas énoncé toi-même, tu le caches sans nul doute à nos intelligences.’ (23) Haec et norunt et pronuntiant. Iudicia igitur quae deus tacet, nesciunt ; quae deus loquitur, sciunt. (2.16, l. 64) Cez choses et conoissent il et fors annuncent. Gieres les iugemenz cui deus taist, ceaz ne seuent il mie ; ceaz cui deus parolet, ceaz seuent. ‘Ils connaissent ces choses et ils prononcent. Les jugements que Dieu tait, ils les ignorent ; ceux que Dieu énonce, ils les savent.’ Par VSO – ou, plus précisément XVSO, car le verbe vient après un adverbe et figure à la deuxième place (Moignet 1988, 351) –, le traducteur rend l’ordre OV (4 occ.) en employant un sujet pronominal de la troisième personne (il et ele) et une fois ge placés après le verbe (24). Le même ordre, (S)VSPO avec un sujet pronominal, traduit SOV (2 occ.) latin avec un sujet nominal en explicitant le sujet à l’aide d’un pronom personnel postverbal (25). Il y a en outre une occurrence de VSO qui rend SOV avec le sujet exprimé par un pronom relatif. (24) Vix in oratione uerba conpleuerat et regrediente anima ... (2.32, l. 28) A poines auoit il parfineies les paroles en l’orison, et repairant l’anrme ... ‘Sa prière était à peine achevée que l’âme rentra ...’ (25) Sanctimonialis autem femina, cum uerba fratris negantis audisset, insertas digitis manus super mensam posuit et ... (2.33, l. 22) Mais la sainte femme none quant ele oit les paroles de son frere denoiant, dunkes mist ele sor la table ses mains entretissues des doiz et ... ‘La religieuse, à ce refus de son frère, posa sur la table ses mains, les doigts entrelacés, et ...’

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VSO sert au traducteur aussi à rendre OSV (2 occ.) ; le sujet nominal est placé après le verbe sans une reprise pronominale (26). En latin, dans les deux cas, les sujets sont connus du contexte ; c’est l’objet (aereum idolum) qui représente l’information nouvelle. (26) Quam (= terram) dum fodiendo altius penetrarent, aereum illic idolum fratres inuenerunt. Quo ... (2.10, l. 2) La queile quant en foant tresperzarent plus parfont, dunkes trouerent iloc li frere un ydle d’arain. Li queiz ... ‘En creusant assez profond, les frères trouvèrent une idole de bronze. Ils la ...’

3.5 Les objets pronominaux Les objets pronominaux ne sont jamais postverbaux dans le texte en ancien français. Le traducteur rend alors par SOV avec le sujet et l’objet pronominaux les ordres VO et OV avec l’objet exprimé par un pronom personnel (5 occ.). VO / OV



SOV

(27) Ecce te rogaui. (2.33, l. 40) Elleuos ge te proiai. ‘Voilà ! Je t’ai prié.’ (28) Excommunico uos. (2.23, l. 21) Ge uos escomenge. ‘Je vous excommunie.’ Une fois, SOV est choisi pour OSV latin : (29) iamque eum longius unda trahit. (2.7, l. 7) ia li unde lo trait lonz. ‘et le courant l’entraîne au loin.’ OV latin avec un objet pronominal est rendu par OV français (11 occ.). Les pronoms suivants sont employés : eum traduit par lo (5 occ.), eas par les, illos par iceas, se par soi, paucos par un poi et omnes par toz. À plusieurs reprises, on rencontre le modèle indiqué en (30) avec eum, coordonné par -que, occupant la première place dans sa proposition ; le verbe, lui, est en fin de phrase. La contigüité du pronom et du verbe n’est pas requise en latin, à la différence

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de l’ancien français où il doit – dans ce contexte – le précéder. Les pronoms personnels y sont nettement clitiques (Ménard 1994, 65). OV



OV

(30) Ego uenio eumque per memetipsum emendo. (2.4, l. 11) Ge uieng et par moi meismes l’amenderai. ‘J’arrive et je me charge de le corriger.’ Pour rendre OV latin, le traducteur a parfois recours à la reprise pronominale de l’objet (4 occ.) qui, entre autres, lui permet de garder l’ordre OV. Elle concerne trois objets nominaux, repris par les démonstratifs celui, ceas, celes, et un objet pronominal, lo queil, repris par lo. L’exemple (31) montrant une telle reprise de l’objet, concerne plus particulièrement le cas de disjonction (quem panem), sur laquelle je reviendrai. La reprise pronominale s’accompagne de l’expression du sujet postverbal – voir les exemples (22) et (23). (31) et quem sibi ad manducandum subripere poterat, diebus certis Benedicto panem ferebat. (2.1, l. 44) lo pain cui il a soi pout sostraire a mangier, celui portoit Benoit par certains iors. ‘et ce qu’il pouvait soustraire à ses rations de pain, à jours fixes il le portait à Benoît.’

4 Ce que le traducteur évite Le traducteur évite certains phénomènes du latin, parmi eux : l’ellipse de l’objet, la disjonction et les propositions relatives autonomes. Quelles solutions apporte-t-il ?

4.1 L’ellipse de l’objet Selon toute vraisemblance, le français du traducteur ne permet pas l’ellipse de l’objet ; Grégoire, lui, y a recours (7 occ.). Pour la question de l’ellipse de l’objet, évoquée surtout à propos de la non-configurationalité du latin (Luraghi 2006, 237–242, reprise par Ledgeway 2012, 72–74), il importe d’établir une différence entre les antécédents nominaux et pronominaux des objets qui sont éli-

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dés. Dans le premier cas, lorsqu’un objet nominal est élidé dans la proposition suivante (ONV & Ø V), il s’agit de ne pas pronominaliser un argument. Dans l’autre cas, lorsqu’un objet pronominal est élidé (OPV & Ø V), il s’agit de ne pas répéter un pronom. À quatre reprises, Grégoire ne pronominalise pas un objet nominal – soit parce qu’il est connu du contexte tel manubrium en (32), soit parce qu’il fonctionne comme un topique, c’est-à-dire l’entité sur laquelle la phrase fournit une information, tel cuius uocem (33). J’ai relevé trois occurrences d’un tel topique partagé par les phrases qui ne sont pas coordonnées par et ou un autre coordonnant additif. Ces exemples montrent le fait que l’ellipse de l’objet ne se limite pas à des propositions coordonnées de type OV & V, comme le postule S. Luraghi (2006, 245–248). L’autre cas de l’ellipse est celui de l’objet pronominal : conformément à l’usage du latin classique, Grégoire a recours à l’ellipse de type eum V & Ø V (34), en d’autres termes, il ne répète pas un objet pronominal *eum V & eum V. Le traducteur, en revanche, pronominalise le second objet, quel que soit le type de l’antécédent – nominal ou pronominal –, en se servant de lo, la, les ou de sel avec un si / se de liaison (= se / si le, voir Ménard 1994, 273). (32) tulit de manu Gothi manubrium et misit in lacum. (2.6, l. 16) et il prist de la main del Gothe lo manoir, sel mist el bruec. ‘et prit le manche que tenait le Goth, et le plongea dans le lac.’ (33) Cuius uocem tunc Theoprobus audiuit, nos autem cernimus, qui ... (2.17, l. 14) Cui uoiz dunkes oit Theoprobus, mais nos la ueons, ki ... ‘Cette annonce qu’entendit Théoprobus, nous la voyons réalisée, puisque ...’ (34) (= seniorem monachum) In quo statim ingressus est eumque in terram proiecit et uehementissime uexauit. (2.30, l. 7) El queil il entrat manes, si lo gettat ius en terre et mult forment lo trauilhat. ‘Il entra en lui sur-le-champ, le jetta par terre et le tourmenta très violemment.’ L’exemple (35) mérite d’être cité : le traducteur y rend une proposition avec l’objet pronominal exprimé dans la proposition précédente (quem) par une proposition complète en évitant l’ellipse ; la séquence lo leuat va de pair avec l’expression pronominale du sujet il, renvoyant au corbeau.

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(35) Quem (= panem) diu demoratus quandoque coruus momordit, leuauit et recessit. (2.8, l. 34) Lo queil longement atarianz a la pardefin morst li corbeaz, il lo leuat, et si s’en alat. ‘Après avoir fait bien des difficultés, enfin le corbeau mordit le pain, l’enleva et disparut.’

4.2 La disjonction du syntagme nominal Le traducteur ne cherche pas à imiter la disjonction du syntagme nominal fonctionnant comme l’objet (10 occ.). On peut en relever deux types. D’une part, la séparation de l’adjectif ou du complément au génitif de son nom régissant par le verbe (36). C’est un procédé bien connu pour marquer les fins de phrases – l’hyperbate verbale (5 occ.), étudiée par J. Adams (1971). Le traducteur veille à la contiguïté de tels syntagmes.10 (36) Qui (= locus) a Romana urbe quadraginta fere millibus distans, frigidas atque perspicuas emanat aquas. (2.1, l. 27) Li queiz lius estanz pres uint leues del borc de Romme gettet fors froides aigues et parueables. ‘Il est à quelque 40 milles de Rome ; de là sortent des eaux fraîches et limpides.’ (37) Qui cum ei cibum afferrent corporis, ab eius ore in suo pectore alimenta referebant uitae. (2.1, l. 87) Et quant il porterent a lui les mangiers del cors, si reporterent en lur piz do sa boche les mangiers de uie. ‘On lui apportait des vivres pour son corps, et de ses entretiens chacun rapportait en son cœur des aliments de vie.’ D’autre part, Grégoire insère parfois des propositions relatives dans l’antécédent complexe selon le modèle (eum) quem ... pedem. Le traducteur élimine soigneusement de telles constructions en les rendant par VO (38), sauf s’il utilise la reprise pronominale de l’objet : lo pain cui... celui, cité en (31). En outre, il veille à maintenir la contiguïté de l’antécédent et la proposition relative ; ils ne sont jamais séparés l’un de l’autre dans la traduction (39).

10 Cependant, la disjonction du syntagme nominal se rencontre dans d’autres textes, voir H. Pinkster (2005) et F. Jensen (1990, 543 ; 1994, 367).

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(38) In cuius obsequio tres, qui sibi prae caeteris adhaerere consueuerant, comites misit, scilicet ... (2.14, l. 10) En cui porsiwance il enuoiat trois contes ki a soi soloient aherdre deuant toz les altres, loist a sauoir ... ‘Puisqu’il lui fallait un état-major, il lui adjoignit trois comtes, ses inséparables, ...’ (39) Quandam namque aliquando feminam uiderat, quam malignus spiritus ante eius mentis oculos reduxit ... (2.2, l. 8) Quar il auoit ueut iadiz une femme, cui li malignes espirs remenat deuant ses oez ... ‘Quelque temps auparavant, il avait vu une femme, que l’esprit mauvais lui remit sous les yeux de l’âme ...’

4.3 Les relatives autonomes Le traducteur utilise, à six reprises, un objet générique (totes) les choses pour remplacer un pronom cataphorique introduisant une relative autonome (Pinkster 2015, appelée aussi « nominale », voir Lavency 1998) fonctionnant comme objet : ea quae, cuncta quae ou, si le cataphorique fait défaut, il insère l’antécédent (totes) les choses (40). De cette façon-ci, un objet nominal se substitue à un objet pronominal latin. Cependant, à deux reprises, il rend hoc quod par ce ke (41). (40) Vir dei per ordinem quae fuerant gesta narrauit. (2.35, l. 34) Li hom deu par ordene racontat les choses ki astoient auenues. ‘L’homme de Dieu lui raconta tout au long ce qui vient de se passer.’ (41) Sed mox ei uir sanctus hoc quod in uia egerat inproperauit. (2.13, l. 28) Mais manes li reprouat li sainz hom ce ke il auoit fait en la uoie. ‘Mais aussitôt le saint lui reprocha ce qu’il avait fait sur le chemin.’

5 Conclusion La comparaison du texte latin avec sa traduction en ancien français montre deux situations différentes : Latin : Grégoire écrit en latin et cherche à imiter le style classique de rédaction en utilisant OV et SOV dans 74 % des cas. Il ne semble pas être soumis à des contraintes de l’ordre de mots lui imposant la place du sujet, de l’objet ou

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du verbe. Son texte ne montre pas de symptômes perceptibles de la pronominalisation, ni du sujet, ni de l’objet. La contiguïté des éléments régissant – régi n’est pas requise non plus : Grégoire se sert librement de la disjonction. En outre, il met en œuvre l’ellipse de l’objet, en particulier, dans le cas de coordination de deux verbes qui partagent le même objet. Le latin de Grégoire ne présente pas d’indices de la « configurationalité ». Ancien français : le traducteur a recours en revanche à VO et SVO (66 %) ; il adapte l’ordre des mots de l’original à sa langue. Si, dans certains cas, il conserve l’ordre de l’original, il a souvent recours à des substitutions qui consistent, typiquement, à placer l’objet nominal après le verbe. Dans le cas des objets pronominaux, le traducteur adopte le plus souvent l’ordre OV ou SOV. Les objets pronominaux sont contigus au verbe. Ni la disjonction, ni l’ellipse de l’objet ne sont employées. Le fait que le traducteur place le verbe à la deuxième position et qu’il manifeste une tendance à pronominaliser les sujets a pour conséquence les ordres OVS et VSO qui n’apparaissent pratiquement pas chez Grégoire. En somme, Grégoire le Grand écrit en latin, dans un latin un peu étrange, certes, mais sa langue est bien le latin avec ses propriétés typiques : variabilité de l’ordre des mots, disjonction, anaphore zéro. La comparaison du texte avec la traduction en ancien français permet de bien saisir leurs propriétés respectives. Le traducteur, fidèle, a vu la nécessité d’adapter son texte et les adaptations auxquelles il a procédé concernent précisément les domaines que l’on évoque souvent à propos d’un changement typologique survenu en latin tardif. Les données fournies par la Vita Sancti Benedicti, qui visait un public général et qui a été composée pour être comprise sans difficulté, sont loin de supporter de telles hypothèses.

Corpus Grégoire le Grand, Dialogues, vol. 2, Livres I–III ; texte, critique et notes par Adalbert de Vogüé, traduction par Paul Antin, Paris, Éditions du Cerf, 1979. Li dialoge Gregoire lo Pape, Les dialogues du pape Grégoire : traduits en français du XII e siècle, accompagnés du texte latin, publ. par Wendelin Foerster, Halle a. S. / Paris, Lippert / H. Champion, 1876.

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VI. Les propositions complexes

Colette Bodelot (Université Clermont Auvergne, Laboratoire de Recherche sur le Langage)

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes dans un corpus italo-gaulois d’hagiographie médiolatine 1 Introduction L’expansion de la subordination explicite au détriment de la proposition infinitive à la suite d’un uerbum declarandi ou sentiendi passe pour un trait caractéristique de la syntaxe du latin tardif qui a été analysé dans différentes études portant sur des corpus variés.1 Dans une étude récente (Bodelot 2014), portant sur la subordination complétive dans la Chronique originale de Frédégaire, un texte historique rédigé en latin mérovingien au 7 e s. en Gaule, nous avons eu l’occasion de discuter et de nuancer l’hypothèse d’un emploi sans cesse croissant de la proposition conjonctionnelle (notamment en quod) aux dépens de l’A.c.I. (Accusatiuus cum Infinitiuo) en synchronie tardive. Le fait est que l’A.c.I. – qui y compte non moins de 130 occurrences – a étendu chez Frédégaire son domaine d’emploi après les verbes d’effort, d’ordre ou de permission et qu’après les uerba declarandi et sentiendi, quod p est avec 12 occurrences sûres – dont une seule à la suite d’un uerbum declarandi (IV, 71) – très peu représenté, un rival plus redoutable de l’A.c.I. que quod p étant ut, Ø, (ut) ne, (ut) non + subjonctif avec valeur déclarative. Pour ce qui est des complétives interrogatives, nous avons pu constater que, dans la Chronique en question, le mode usuel dans l’interrogation indirecte est encore le subjonctif. Si l’indicatif y est employé, il n’admet guère de justification pragmatique2 ni ne peut être expliqué par l’absence d’un potentiel

1 Pour un passage en revue rapide des principales études – notamment celles de J. Herman (1989), de M. Bolkestein (1989), de P. Cuzzolin (1994b), et, dans une plus large mesure, celle de L. Wirth-Pölchau (1977) – qui se sont intéressées à cette concurrence d’emplois, retracée occasionnellement jusqu’à Plaute, voir E. Karlsen (2001, 16–24). Parmi les études publiées depuis le début de ce millénaire, contentons-nous de citer celles qui sont particulièrement développées : celle de G. Serbat (2003), qui est consacrée, dans une perspective à la fois diachronique et synchronique, à la description et à l’explication des emplois de quod complétif du latin préclassique au latin tardif, ainsi que celle, plus récente, de P. Greco (2012), qui traite de la subordination complétive dans les chroniques latines de l’Italie centro-méridionale du Xe au XIIe s. 2 Voir à ce propos L. Stephens (1985 [1986]) ; C. Bodelot (1987, 93–98 ; 1999 ; 2003, 297–314). https://doi.org/10.1515/9783110551716-018

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de doute.3 Pour les termes interrogatifs, on observe, outre la confusion occasionnelle entre relatif et interrogatif,4 que cur ne s’emploie chez Frédégaire que dans le sillage de verbes impliquant une interrogation associée à un état d’âme, ce qui a pu favoriser le passage de cur particule interrogative à cur conjonction causale.5 Si, sporadiquement employé pour introduire une interrogation indirecte totale, y est toujours suivi du subjonctif. Pour voir si les tendances observées chez Frédégaire se vérifient, à une échelle plus large, dans un corpus d’hagiographie italienne et gauloise s’échelonnant du 4 e au 12 e s.,6 nous nous attacherons à analyser ici, plus particulièrement, les complétives assertives introduites par le verbe dico, à la suite duquel la concurrence entre propositions conjonctionnelles et A.c.I. est censée être devenue très âpre au fil des siècles.7 Pour les interrogatives indirectes, nous nous limiterons à des observations ponctuelles concernant la syntaxe modale et certains termes interrogatifs, dont l’emploi particulier semble caractéristique de la latinité tardive et peut jeter de la lumière sur leur devenir ultérieur en roman.

2 Les déclaratives indirectes 2.1 Les propositions conjonctionnelles 2.1.1 quod p Quod introduit dans le sillage de dico beaucoup moins souvent une complétive déclarative que quia (5 occurrences de quod contre 12 de quia possibles).8 3 Sur cette explication, voir D. Wanner (1990, 266). 4 Sur la fusion formelle entre pronoms relatifs et interrogatifs, probablement due à la proximité sentie entre les deux types de propositions que relatif et interrogatif sont censés introduire respectivement, voir V. Väänänen (31981, 125). 5 Pour plus de détails sur cet emploi, voir J. Herman (1957, 369–371) et J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 541). 6 Étude basée sur le corpus hagiographique médiolatin du LASLA ; pour plus de détails, concernant la provenance, la date de rédaction (souvent incertaine) et la taille des textes considérés, voir l’introduction générale à ce volume (2.1.2. Description des textes) ainsi que le tableau reproduit à la fin de la présente étude. Pour d’autres études récentes sur corpus hagiographique, voir par ex. C. Philippart de Foy (2008 ; 2015), S. Fialon (2012 ; 2014). 7 Voir par ex., dans le sillage de dico, la répartition de l’A.c.I. et de quod p dans les Revelaciones de sainte Brigitte de Suède au XIVe s. (Karlsen 2001, 66–67). 8 Sur l’emploi de dico quia relevant éventuellement du style mimétique de la bible, voir P. Stotz (1998, 398).

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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Tab. 1: Types de complétives.

antéposé postposé Total

A.c.I.

quia p

quod p

ut p

17 (27 %) 46 (73 %) 63 (100 %)

 1 (8,3 %) 11 (91,7 %) 12 (100 %)

0 (0 %) 5 (100 %) 5 (100 %)

0 (0 %) 1 (100 %) 1 (100 %)

Quatre des cinq occurrences de quod ont été repérées dans des textes rédigés en Italie à partir du 6 e s., l’unique exemple attesté en Gaule est beaucoup plus tardif : il se rencontre chez Raoul de Cluny dans la Vita Petri Venerabilis, et ne date que du 12 e s.9 Loin d’être libre, l’emploi de quod dans ce contexte semble être fortement conditionné. Pour ce qui est de l’ordre des mots, quod p est toujours postposé au verbe introducteur dico. Dans 4 cas sur 5, quod p a une structure complexe dans la mesure où une autre proposition subordonnée y est imbriquée : (1) Ad utraque haec tibi superius sub breuitate respondi dicens quod sancti uiri in quantum cum domino sunt sensum domini non ignorant. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 16, 57) Encontre cez dous choses ai a toi ci dessoure desoz brieteit respondut disanz, ke li saint homme en combien il un sont auoc lo sanior, si seuent il lo sens del sanior.10 ‘Sur ces deux points, je t’ai répondu plus haut en quelques mots disant que les saints, dans la mesure où ils sont en communion avec le Seigneur, n’ignorent pas les pensées du Seigneur.’ (2) At illi cum eum penes supra memoratum fluuium orantem repperissent dixerunt quod imperator illum ad se accersiri propter quandam necessitatem iussisset. (Passio Viti 1, 11, 6, BHL 8712T) ‘Mais comme ils l’avaient trouvé en train de prier près du fleuve mentionné plus haut, ils lui dirent que l’empereur avait ordonné de le faire venir chez lui pour un besoin impérieux.’

9 Voir le dernier tableau en annexe. 10 Pour le texte de Grégoire le Grand, nous tirons parti du corpus bilingue et reproduisons, pour les exemples cités dans le corps du texte, la traduction disponible en ancien français dans la BFM. Nous commentons cette traduction lorsque la comparaison avec la version latine paraît être utile à notre propos. Les traductions en français moderne sont élaborées par nos soins.

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ou y est rattachée en remorque : (3) Dicit eis Caecilia ite ergo et dicite infelici Almachio quod ego inducias petam ut non urgeat passionem meam. (Passio Caeciliae 1, 26, 25) ‘Cécile leur dit : « Allez donc dire au malheureux Almachius que je demande une trêve qui relâche son empressement à me faire subir la passion ».’ (4) At ille miserabiliter dixit eis quod cuiusdam equi nigri calcibus conculcabatur ita quod nullo modo faciem suam ab eo posset abscondere. (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 10, 8) ‘Mais il leur dit sur un ton pitoyable qu’il était foulé sous les talons d’un cheval noir de sorte qu’il ne pouvait d’aucune manière lui dérober son visage.’ Dans un seul cas, à savoir : (5) Altitudine magna absconde nos in terram propter Neronem et ne dixeris amicis tuis quod apud te absconderis nos. (Passio Nazarii et Celsi 1, 7, 3) ‘Cache-nous dans un lieu bien haut pour nous dérober à Néron et ne dis pas à tes amis que tu nous tiens cachés chez toi.’ la construction est plus simple du fait de l’absence d’une subordonnée de second degré. En revanche, la régissante est rendue plus complexe par la coordination de deux noyaux prédicatifs : absconde [...] et ne dixeris. Parfois il y a double complexité et au niveau de la régissante et au niveau de la subordonnée, comme en (2) et (3). Dico n’est contigu à quod que dans deux cas, à savoir (1) et (2). Dans les autres cas, il en est séparé par le COI / COS désignant le destinataire de la déclaration. À deux reprises, il y a coréférence à la 2 e (ex. 5) ou à la 3 e personne (ex. 4) entre le sujet de la régissante et celui de la complétive en quod, les agents étant toutefois en (4) distincts du fait de la voix passive du verbe subordonné. Pour ce qui est de la syntaxe modale, on trouve après quod, de façon sûre, deux fois l’indicatif, deux fois le subjonctif. L’indicatif présent dans l’exemple (1) pourrait s’expliquer par le caractère de vérité générale que revêt l’assertion véhiculée par quod p.11 Dans l’exemple (2), le subjonctif plus-que-parfait est le

11 Pour une explication de l’indicatif dans cet énoncé en rapport avec l’oratio recta, voir infra § 2.1.2.

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mode oblique normalement attendu dans un discours rapporté introduit par un verbe à la 3 e personne d’un temps du passé. Pour les mêmes raisons, on attendrait aussi le subjonctif en (4). L’indicatif peut s’y expliquer pragmatiquement par l’aspect de réel que le sujet modal de dixit a voulu conférer au fait rapporté. Cette perception du réel contraste avec celle que présente l’exemple (5), où le subjonctif absconderis semble motivé, à la suite de l’injonction négative ne dixeris, par le souci du locuteur de soustraire à la connaissance d’autrui le contenu de quod p. En (3) enfin, petam est ambigu : il peut exprimer le futur à l’indicatif ou marquer au subjonctif présent un rapport de simultanéité, voire de postériorité. L’interprétation comme indicatif futur semble toutefois ici, en concordance du présent, la plus plausible12 à la suite de l’injonction positive [...] et dicite infelici Almachio.

2.1.2 quia p Quia p déclaratif est presque 2,5 fois plus fréquent que quod p. Le verbe dico qui l’introduit peut, comme avec quod p, être accompagné d’un complément au datif précisant le destinataire.13 Ce qui distingue quia p de quod p, c’est qu’il s’emploie plus librement en dehors de structures complexes et n’est pas exclu de la position initiale. D’un emploi moins contraint, il semble mieux convenir à la langue spontanée qu’à la langue écrite.14 Cela dit, le seul exemple du corpus qui offre une complétive en quia précédant le prédicat recteur, ne le cède en rien en complexité aux énoncés comportant quod p : (6) Quamuis hoc Honoratus eius discipulus cuius mihi relatione conpertum est nequaquam ex ore illius audisse se perhibet sed quia hoc dixerit dictum sibi a fratribus fuisse testatur. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 15, 32) Ia soit ce ke ceste chose Honoreiz ses disciples par cui racontement ge l’ai parceue, la dist soi nient auoir oit de sa boche, mais ke il dist ceste chose il tesmonget ke ce li fut dit des freres. ‘Cependant son disciple Honorât, de qui je tiens l’information, rapporte qu’il n’a pas du tout entendu cette prophétie de sa propre bouche, mais

12 Cette interprétation est aussi celle retenue par le LASLA. 13 Quatre exemples dans le corpus : (6), (13), (14) et (15), soit 1/3 des cas contre 2/3 avec quod. 14 D’où son emploi fréquent, selon P. Greco (2008, 378), dans le discours direct.

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qu’il ait dit cela, ce sont ses frères, selon son témoignage, qui le lui ont assuré.’ La complétive en quia y a probablement été préférée à une proposition infinitive antéposée, de statut thématique, pour la raison qu’elle constitue le sujet d’un verbe au passif, dictum fuisse, qui fait lui-même partie d’un A.c.I. Aussi le mode oblique du subjonctif y est-il employé. La situation des onze exemples comportant une complétive en quia postposée est différente : la structure de l’énoncé y est en général plus directe et transparente. Seulement trois des verbes dépendant de quia figurent au subjonctif. Ces subjonctifs sont confinés dans deux textes rédigés en Italie, à une date assez haute, probablement au 6 e s. ;15 employés en concordance du passé au subjonctif imparfait pour exprimer un rapport de simultanéité et appartenant au moins dans deux cas à des passages narratifs, ils peuvent s’expliquer par les règles de l’oratio obliqua : (7) Et dum ab omnibus amaretur ipse de se dicebat quia de imperio fuerat procreatus et quia amaretur ab omnibus senatoribus dum elegans uidebatur et prudens. (Passio Pimenii 1, 1, 13) ‘Et alors qu’il était aimé de tous, il disait de lui-même qu’il était de descendance impériale et qu’il était aimé par tous les sénateurs, passant pour un homme distingué et réfléchi.’ (8) Quare in me facere ista uoluistis. Numquid non prius dixi quia uestris ac meis moribus non conueniret. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 3, 34) por coi uolsistes uos en moi faire teiz choses ? Nel dis ge dunkes de promiers, ke ne conuenroit pas a mes constumes et az uostres ? ‘Pourquoi avez-vous voulu m’infliger ce traitement ? Ne vous ai-je donc pas dit auparavant que cela ne pouvait pas convenir à votre genre de vie ni au mien ?’ (9) Cui cum dictum esset quia isdem pater cum fratribus in agro moraretur protinus ante monasterii ianuam corpus extincti filii proiecit et dolore turbatus ad inueniendum uenerabilem patrem sese concitus in cursum dedit. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 32, 5) A cui cant fut dit, ke cil meismes peres demoreuet el champ auoc les freres, enhelement gettat ius deuant l’uiz del monstier lo cors de son mort filh, et il turbleiz de dolor tost soi donat en curs por troueir l’onorable pere. 15 Sur la prépondérance générale de l’indicatif après quia introduisant une complétive avec les uerba sentiendi et dicendi, voir par ex. J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 577) et P. Stotz (1998, 401–402).

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‘Et comme on lui avait dit que ce même père s’affairait dans le champ avec ses frères, il jeta immédiatement devant la porte du monastère le cadavre de son fils et, égaré de douleur, se mit à courir rapidement à la rencontre du vénérable père’. En (7), la seconde proposition en quia + subjonctif imparfait est coordonnée à une première comportant un indicatif plus-que-parfait. À la différence modale est donc associée une différence temporelle. L’indicatif plus-que-parfait est employé pour un fait présenté comme objectivement avéré, le subjonctif imparfait pour un sentiment qui ne peut être appréhendé que de façon subjective. Une nuance subjective peut aussi affleurer en (8) pour l’estimation de non-convenance. Dans les autres exemples à l’indicatif, une lecture de quia p comme assertive indirecte n’est, dans la plupart des cas, possible qu’au prix d’une infraction à la concordance des temps, la simultanéité par rapport à un temps du passé étant marquée par un indicatif présent au lieu d’un imparfait, l’antériorité par un indicatif parfait au lieu d’un plus-que-parfait : (10) Almachius dixit et ego quare non aduerto quo ordine ista prosequaris. Tiburtius dixit quia animalis homo non percipit quae sunt spiritus dei. (Passio Caeciliae 1, 17, 35) ‘Almachius dit : « Et pourquoi est-ce que moi, je ne me rends pas compte de quelle façon tu parviens à cette constatation ? » Tiburtius dit que l’être humain vivant ne perçoit pas ce qui relève de l’esprit de Dieu.’ (11) Ecce est Petre quod dixi quia hii qui omnipotenti deo familiarius seruiunt aliquando mira facere etiam ex potestate possunt. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 31, 42) Voi, ici est, Pirres, ce ke ge dis, ke cil ki seruent al tot poissant deu amiablement, ke il puent a la fie faire merueilhes meismes par poesteit. ‘Voilà bien, Pierre, ce que j’ai dit, à savoir que ceux qui servent avec un dévouement particulier le Dieu tout-puissant peuvent parfois faire des miracles par leur propre pouvoir.’ (12) Sed hoc quod dictum est quia ante oculos ipsius quasi sub uno solis radio collectus omnis mundus adductus est sicut numquam expertus sum ita nec conicere scio quoniam quo ordine fieri potest ut mundus omnis ab homine uno uideatur. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 35, 45) Mais ce ke dit est, ke deuant ses oez fut ameneiz toz li monz, alsi com dessuz un rai del soloilh colhiz, alsi com gel unkes n’esprouai, ensi nel sai ge congeteir, par queil ordene puet estre fait, ke toz li monz soit ueuz d’un homme.

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‘Mais pour ce qui a été dit que devant ses yeux fut amené le monde entier comme ramassé sous un seul rayon de soleil, si je n’en ai jamais fait l’expérience, je ne puis non plus le conjecturer, car comment se pourraitil que le monde entier soit vu par un seul homme ?’ (13) Sanctus Vitus respondit semel tibi dixi quia Christum filium dii adoro. (Passio Viti 1, 4, 3, BHL 8712T) ‘Saint Vitus répondit : « Je t’ai déjà dit une fois que j’adore le Christ, fils de Dieu ».’ (14) At ille nonne inquit iam semel dixi tibi quia Christum filium dei adoro iratusque Valerianus adprehendere ministris iussit infantem. (Passio Viti 1, 4, 4, BHL 8713DT) ‘Mais lui de dire : « Ne t’ai-je pas déjà dit une fois que j’adore le Christ, fils de Dieu ? » ; fâché, Valérien ordonna alors à ses agents de s’emparer de l’enfant.’ Dans (10) et (11), on pourrait certes justifier l’indicatif présent par le caractère gnomique de l’assertion véhiculée par quia p, dans (12), l’indicatif parfait, par l’aspect résultatif d’un accompli au présent que peut impliquer le parfait passif du verbe recteur dictum est. De plus, on pourrait considérer comme des facteurs favorisant l’emploi de quia p au détriment de l’A.c.I. dans (11) et (12) la relation cataphorique qui s’instaure de la régissante à la subordonnée complétive,16 jointe en (12) à la voix passive du verbe introducteur ; dans (10), on pourrait enfin mettre en avant la nature ambiguë de quia, qui, à la suite de quare interrogatif, peut encore être compris comme une conjonction causale (« parce que ») introduisant une proposition circonstancielle. On y a affaire à un de ces contextes « critiques » (Diewald 2002, 109–114) qui ont dû médiatiser le passage de quia « parce que » à quia « que ». Ainsi, on peut y admettre, sans différence appréciable du sens global de l’énoncé, une lecture de quia p comme complément essentiel de dixit ou comme complément périphérique d’une proposition implicite du type de : Tiburtius dixit : « quia [...] ». Toutefois, une autre interprétation possible est de voir dans les propositions en quia citées dans (10) à (14) et aussi dans la proposition en quod citée en (1) des instances de discours direct, les coordonnées déictiques, y inclus les temps verbaux de quia ou quod p, se définissant par rapport au hic et nunc

16 Si la diaphore passe normalement pour un facteur favorisant l’emploi de quod p (Cuzzolin 1994a, 208 ; Bodelot 2000, 73–83), elle a pu jouer aussi un rôle important dans le passage de quod relatif à quod complétif (Mayen 1889, 5–12, 28–29 ; Serbat 2003, 741).

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du locuteur originel. Y verra-t-on simplement l’indice d’une perméabilité des frontières entre discours direct et discours indirect 17 ou ira-t-on jusqu’à y considérer quia et quod 18 comme des introducteurs de discours direct ? Ce cas de figure s’inscrirait dans le cadre très riche et prolifique des assertives directes attestées en grand nombre à la suite du verbe dicere dans le corpus. L’affectation de quia et quod à l’introduction d’une citation ou d’un discours direct en latin tardif à partir de l’Itala est signalée par différents grammairiens.19 On y voit normalement une influence du ὅτι recitatiuum grec (Stotz 1998, 403). Une étude récente de ὅτι introduisant le discours direct dans le Nouveau Testament (Viellard 2013) rejette l’hypothèse d’un hébraïsme ou d’une simple marque de niveau de langue familier. L’emploi de ὅτι répondrait à un parti pris du locuteur primaire, qui, par ce biais, essaie de focaliser et de solenniser les propos rapportés : ὅτι correspondrait à une marque de vérité du discours, que Luther, dans sa traduction de la Bible, a souvent transposée par all. « doch ». Cette interprétation pragmatique peut convenir dans notre corpus au caractère assertif fort dont sont normalement dotées les instances de discours en question.20 Comme en (13) et (14), on a encore affaire en (15) à une fervente profession de foi qui paraît être directement rapportée ou citée : (15) Beatus namque martyr coepit meditari infra semet ipsum dicens uadam et dicam imperatoribus quia christianus sum et pro illius nomine mori desidero. (Passio Ansani et Maximae 1, 3, 11) ‘Et de fait le bienheureux martyr se mit à réfléchir en son for intérieur et dit : « J’irai dire aux empereurs que je suis chrétien et que je désire mourir en son nom ».’ Que le locuteur actuel coïncide de préférence avec le locuteur originel représente un autre indice défavorable à l’interprétation des paroles rapportées comme véritable discours indirect (Greco 2015). Comme cet emploi survit en roman, une évolution en partie propre au latin n’est pas exclue.21 Dans le cor-

17 Sur le glissement du discours indirect vers le discours direct et vice-versa, voir P. Greco (2012, 69–70) et C. Bodelot (2014, 189 ; 2017a). 18 Voir l’exemple cité en (1). 19 Voir par ex. les développements chez J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 578) et P. Stotz (1998, 403–405). 20 On pourra parler dans ce cas d’une « pragmaticalisation » de ὅτι, dans la mesure où une unité lexicale / grammaticale développe un emploi « où elle ne joue pas un rôle sur le plan référentiel, mais bien sur le plan conversationnel » (Dostie 2004, 27). Aussi sa portée n’est-elle pas intraphrastique : elle appartient à la macro-syntaxe du discours (ibid., 30, 44). 21 Voir J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 578–579), avec références bibliographiques.

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pus hagiographique, les occurrences de quod/quia se prêtant à une telle lecture sont confinées dans les textes rédigés en Italie.22 On y reconnaît en général un trait mimétique du latin chrétien (Stotz 1998, 404). Notons que, dans les trois exemples tirés de la Vita Benedicti de Grégoire, (1), (11) et (12), quod/quia latin est maintenu en ancien français et transposé par « ke ». Si l’on admet cet emploi de quia dit recitatiuum dans les exemples suscités, il ne reste finalement qu’un seul emploi qui mérite d’être commenté : (16) Caecilia respondit dixisti principes tuos uiuificandi et mortificandi tibi copiam tribuisse cum solam mortificandi scias tibi traditam potestatem uitam enim uiuentibus tollere potes mortuis uitam dare non potes dic ergo quia imperatores tui mortis ministrum te esse uoluerunt. (Passio Caeciliae 1, 30, 15) ‘Cécile répondit : « Tu as dit que tes maîtres t’avaient accordé la faculté de faire vivre et de faire mourir alors que tu sais que seul le pouvoir de faire mourir t’a été attribué ; tu peux en effet enlever la vie aux vivants, tu ne peux pas donner la vie aux morts. Dis donc que tes empereurs ont voulu que tu sois le serviteur de la mort ».’ Le possessif tui, qui est coréférentiel avec le sujet modal de dic, exclut toute possibilité d’interpréter quia p comme une instance de discours direct. Le recours à la subordination explicite semble ici motivé par la modalité impérative du verbe introducteur,23 qui, imposant une lecture fortement assertive du contenu de p, passe en général pour un facteur défavorable au maintien de l’A.c.I. Cette valeur déclarative forte est ici corroborée par l’emploi de l’indicatif uoluerunt,24 qui exprime le haut degré de vérité conféré par Caecilia au contenu de la complétive.

22 Nous faisons ici abstraction de Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,7,22 : Raptus enim fuerat ad iudicium et ei insistebat turba daemonum eum fortiter accusantium et dicentium quia haec fecit et merito debet nobiscum reputari, où quia est, à notre sens, à l’intérieur d’une instance de discours direct, susceptible d’une lecture causale, si l’on interprète le dernier et comme l’équivalent de etiam : « Il avait été traîné devant le tribunal et là une foule de démons se mettait à ses trousses l’accusant avec véhémence et disant : ‘Parce qu’il a fait cela, il doit aussi à juste titre être mis en examen en notre présence.’ » 23 Voir aussi P. Greco (2008, 376). 24 Voir supra notre explication contrastive du subjonctif employé dans quod p à la suite de ne dixeris dans (5). Dans le cadre de l’A.c.I., une telle opposition significative des modes verbaux serait évidemment impossible.

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On n’a repéré dans le corpus, dans le sillage de dicere, aucun exemple d’une déclarative introduite par quoniam. Mais quoniam p complétif est attesté avec d’autres verbes introducteurs.25

2.1.3 ut p Le corpus offre, dans le contexte de dico, un exemple d’une subordonnée en ut + subjonctif susceptible d’une interprétation déclarative : (17) Hoc audito Affricanus pater eius cum tristitia dixit ei fili Nazari in omni dignitate mea contendo ut uiuas mihi annis multis et deum colas meo more et excites mihi semen de uxore quam dabo tibi cum coronis et choris cum gaudio totius Romae et tu dicis mihi ut discas baptismum Petri propter quod occisus est. (Passio Nazarii et Celsi 1, 1, 23) ‘Après avoir entendu cela, son père Africanus lui dit avec tristesse : « Mon fils, Nazaire, c’est pour moi un point d’honneur de t’engager à vivre près de moi de longues années, à vénérer Dieu selon ma coutume et à me créer une descendance avec une femme que je te donnerai sans lésiner sur couronnes et danses, au milieu d’une grande allégresse pour la Rome tout entière, et toi, tu me dis que tu te prépares au baptême de Pierre, qui a provoqué sa mort ».’ Cette interprétation s’oppose de façon significative à la lecture jussive, courante, qu’admet dico ut p en : (18) Tunc dicebant sanctae Agathae personae quae ibi erant inclusae ut abiret. (Passio Agathae 1, 10, 7) ‘Alors les personnes qui y étaient enfermées disaient à sainte Agathe de partir.’ (19) Quos uir dei deferri iussit et adflicto petitori tribuit dicens ut duodecim redderet et unum in expensis propriis haberet. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 17, 16)

25 Voir par ex. Passio Caeciliae 1,30,1 : infelix ignoras quoniam mortificandi et uiuificandi mihi ab inuictissimis principibus potestas est data. « ‘malheureuse, tu ignores que le pouvoir de faire mourir et de faire vivre m’a été donné par nos maîtres qui n’ont encore absolument jamais été vaincus.’ » ; Passio Viti 1,16,9 (BHL 8711T) : […] tibi promitto quoniam saluus eris. « […] je te promets que tu seras sain et sauf. »

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Les queiz li hom deu ke hom li portast comandat, et il les donat al afflit proior disanz, ke il rendist les doze et l’un auroit en ses propres despenses. ‘L’homme de Dieu ordonna de les (scil. les écus d’or) lui apporter et les donna au débiteur désespéré lui disant d’en rendre douze et d’en garder un pour couvrir ses propres dépenses.’ C’est donc ici le contexte qui oriente ut p vers une force illocutoire assertive ou jussive. L’emploi assertif de ut p dans le sillage d’un verbe de déclaration se trouve attesté dans d’autres textes tardifs.26 Que cet usage se rencontre dans notre corpus dans la Passio Nazarii et Celsi est peut-être à mettre en relation avec l’absence totale d’A.c.I. intervenant dans ce texte en séquence avec dico.27 Par rapport à quod / quia, notamment suivi de l’indicatif mais aussi du subjonctif, ut + subjonctif peut être l’indice d’une assertivité réduite dans la mesure où le locuteur actuel désapprouve le contenu des propos rapportés du locuteur originel et s’en distancie.28 Au départ, la substitution de ut p à une infinitive déclarative a pu être déclenchée par la limite flottante qui existe dans certaines situations entre la force illocutoire véhiculée par l’A.c.I. et celle véhiculée par ut + subjonctif. Ainsi, en latin classique, avec dico le sens injonctif a pu être exprimé par ut + subjonctif ou par une infinitive comportant un verbe modal du type de debere. D’où probablement l’impression que ut p et l’A.c.I. étaient interchangeables dans de nombreux contextes, y inclus des contextes simplement assertifs.29 À notre sens, une autre source de confusion interne au latin a encore pu être constituée par l’emploi très fréquent de ut comme adverbe de manière introduisant une interrogation indirecte (Bodelot 1990, 16–17, 29, 38–39, 44). Vt, se vidant de son sens de manière (« comment »),30 a pu, par grammaticalisation, passer du statut d’adverbe interrogatif à celui de conjonction assertive,

26 Pour des exemples, voir par ex. J. Herman (1963, 46). 27 À ce propos, voir aussi infra. P. Stotz (1998, 399) considère l’emploi de ut p à la place de l’A.c.I. comme un hyperurbanisme, contrastant avec l’emploi populaire de quod / quia. 28 Sur l’incidence possible, en latin mérovingien, du degré de commitment du locuteur actuel et / ou originel sur le choix de quod / quia ou ut p en dépendance d’un uerbum dicendi ou sentiendi, voir P. Greco (2014). 29 Pour cette explication et d’autres hypothèses concernant l’origine de l’emploi déclaratif de ut p, voir J. Herman (1963, 46–47) et R. Sornicola (2014, 362–366). 30 Dans le corpus, ut est encore attesté avec ce sens interrogatif chez Sulpice Sévère, dans l’exemple (59).

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sans hypothéquer davantage la vérité de la prédication subordonnée qu’il ne le fait dans une interrogative dépendant d’un uerbum dicendi.31

2.2 Les propositions infinitives Pour ce qui est des déclaratives indirectes à l’A.c.I., on relève d’emblée une différence notable, d’ordre syntagmatique, par rapport aux déclaratives conjonctionnelles. Sur 54 séquences à l’infinitif, 17, donc presque ⅓, sont placées dans la chaîne avant le verbe dicere, qui figure toujours à la voix active et n’est jamais accompagné d’un datif exprimant le destinataire. On parlera dans la suite d’A.c.I. antéposé au cas où la proposition infinitive précède en bloc la proposition régissante comme en (20) ou – cas plus fréquent – est imbriquée dans la régissante comme en (21), mais toujours de façon que le verbe dico suit immédiatement l’A.c.I., normalement le verbe à l’infinitif : (20) [Praesentia nihil esse] dicebat (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 3, 11) ‘Il disait que les biens présents ne valaient rien’ (21) clara uoce [christianum me esse] dixi (Passio Marcelli et Apuleii 1, 7, 9) ‘j’ai dit haut et fort que j’étais chrétien’ Cette position frontale avant le verbe recteur semble être tellement exclusive de la proposition infinitive qu’il n’y a pas lieu de rechercher des facteurs morphologiques ou syntaxiques favorables à sa non-concurrence avec quod p ou quia p. Souvent ce sont des facteurs pragmatiques, tel le statut thématique de la déclarative indirecte, qui impliquent en latin son avancée dans la phrase, et partant sa mise en forme infinitive. À preuve l’extrait suivant de Grégoire, où le fait d’ « être avec soi » constitue le topos du passage : (22) Nam quotiens per cogitationis motum nimiae extra nos ducimur et nos sumus et nobiscum non sumus quia nosmet ipsos minime uidentes per alia uagamur. An illum secum fuisse dicimus qui in longinquam regio-

31 Que la même ambiguïté existe dans certains contextes pour quomodo ou qualiter, qui peuvent aussi s’interpréter comme adverbes interrogatifs ou conjonctions introduisant une assertive, on le verra au § 3.2.1. Si nous avons choisi de ne pas traiter ces exemples sous la présente rubrique des déclaratives indirectes, c’est que, synchroniquement, on peut dans ce cas encore hésiter entre l’interprétation interrogative et l’interprétation assertive.

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nem abiit portionem quam acceperat consumpsit uni in ea ciuium adhaesit porcos pauit quos et manducare siliquas uideret et esuriret. Qui tamen cum postmodum coepit cogitare bona quae perdidit scriptum de illo est in se reuersus dixit quanti mercenarii in domo patris mei abundant panibus si igitur secum fuit unde ad se rediit. Hunc ergo uenerabilem uirum secum habitasse dixerim quia in sua semper custodia circumspectus ante oculos conditoris se semper aspiciens se semper examinans extra se mentis suae oculum non deuulgauit. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 3, 48– 63) Quar quantes fies par lo mouement de la pense trop sumes meneit defors nos meismes, et nos sumes et auoc nos ne sumes nos mie, quar nient ueant nos meismes, par altres choses uaions. Disons nos dunkes celui auoir esteit auoc soi, ki s’en alat en une lointaine contreie, ki deguastat la parzon cui il auoit prise, ki aerst en cele contreie a un des citains, ki paut les pors les queiz il uerroit mangier les leguns et si auroit fain ? Li queiz nekedent quant il en apres comenzat a penseir les biens cui il perdit, si est escrit de lui : Il retorneiz en soi dist : « Quant lowiz en la maison de mon pere sont raemplit de pains ! » Gieres se il astoit auoc soi, dont repairat il a soi ? Por ice ai ge dit cest honorable baron auoir meis auoc soi, car il toz tens porueuz en sa garde, deuant les oez de son faiteor toz tens soi regardanz, toz tens soi porpensanz, defors soi ne depuliat mie l’oelh de sa pense. ‘Car chaque fois que sous l’impulsion d’une pensée excessive nous sommes jetés en dehors de nous, tout en étant nous, nous ne sommes pas avec nous parce que, ne nous voyant nullement nous-mêmes, nous nous projetons sur d’autres objets. Ou disons-nous qu’a été avec lui celui qui est parti dans une contrée lointaine, a dévoré la portion qu’il avait reçue, s’est attaché dans cette contrée à un citoyen, a fait paître ses pourceaux qu’il voyait manger des légumes tandis que lui-même avait faim. Mais quand plus tard il pensa aux biens qu’il avait perdus, revenu à lui, il dit, comme on le lit dans la Sainte Écriture : « Que de mercenaires vivent dans la maison de mon père qui ont du pain en abondance ! » Donc s’il a été avec lui, d’où est-il revenu à lui ? Je dirais alors que ce vénérable anachorète a demeuré avec lui parce que, veillant toujours sur lui-même dans sa cellule, se considérant toujours et s’examinant toujours sous le regard de son Créateur, il ne divulgua jamais ce que percevait sa pensée.’ On remarque que, dans la transposition en français ancien aussi bien que moderne, le verbe « dire » précède à deux reprises la complétive déclarative ; en

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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ancien français, sur le modèle du latin, il engendre, dans l’un et l’autre cas, encore une proposition infinitive. Ailleurs, c’est pour des raisons de focalisation qu’une infinitive occupe en latin la position initiale de la phrase. Ainsi encore, chez Grégoire, dans l’exemple (23), où, par souci de contraste, le contenu de la première infinitive est, du fait de son antéposition, davantage mis en exergue que celui de la seconde, postposée à dicebat. Non aléatoire, l’emplacement distinct des deux infinitives est au service d’un style contrôlé ; il doit ici refléter l’humble modestie de Maur : (23) Reuersus ad patrem rem gestam retulit. Vir autem uenerabilis Benedictus hoc non suis meritis sed oboedientiae illius deputare coepit. At contra Maurus pro solo eius imperio factum dicebat seque conscium in illa uirtute non esse quam nesciens fecisset. Sed in hac humilitatis mutuae amica contentione accessit arbiter puer qui ereptus est. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 7, 20–26) Il soi retornat a son pere, si racontat la chose ki faite astoit. Et li honorables hom Benoiz comenzat ceste chose a raconteir nient a ses desertes, mais a l’obedience de celui. Mais la encontre Mors disoit ce estre fait por soul lo sien comant, et soi nient estre sachable en icele uertut cui il eust faite nient sachanz. Mais en ceste amiable tenzon d’entrechaniable humiliteit nient li enfes iugieres ki fut deliureiz. ‘Revenu auprès du père, il lui rapporta l’exploit. Mais le vénérable Benoît se mit à l’imputer non à ses propres mérites mais à l’obéissance de son interlocuteur. Maur, par contre, disait que cela n’avait été accompli qu’en vertu de son commandement et qu’il n’était pas responsable de ce miracle qu’il avait fait sans le savoir. Mais au milieu de ce concours amical d’une humilité réciproque, l’enfant arraché aux flots survint comme arbitre.’ En français, le verbe de parole précède les deux complétives ; les propositions infinitives sont en ancien français à nouveau calquées sur le latin, y compris le sujet de l’infinitive « soi », qui transpose le réfléchi indirect du latin se. On a dans ce cas affaire en ancien français à une subordination complétive savante, caractéristique de la langue vernaculaire précoce de traduction. Grégoire est le seul auteur du corpus à offrir plus d’infinitives (6 contre 4) antéposées que postposées à dicere. Ces séquences à l’infinitif sont – nous l’avons vu – dans le corpus dans ⅔ de leurs emplois (37 sur 54, soit 68,5 %)32 32 Nous comptons ici en « séquences ». Si l’on compte séparément toutes les infinitives, même celles coordonnées et dépendant d’un seul et même verbe introducteur, ce chiffre s’élève à 73 % (46 unités sur 63) ; comparer le tableau 1, qui fait état d’ « unités », avec le tableau en annexe, qui opère un double compte en « séquences » et en « unités ».

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postposées au verbe recteur. Cette représentation prépondérante dans une position que pourraient aussi occuper des propositions conjonctionnelles explique, en partie au moins, la fréquence très faible de ces dernières dans le corpus. Parmi les rares facteurs morphosyntaxiques défavorables à l’emploi d’une infinitive postposée, on peut citer la voix passive du verbe dicere, qui engendre plutôt une déclarative conjonctionnelle.33 Un seul exemple de ce type a été repéré dans le corpus ; l’A.c.I. y est maintenu à la suite d’un adjectif verbal employé à la forme passive : (24) Hylas dixit quantum ad rem spectat dicendum est potius esse supplicium quod confiteris fore mysterium. (Passio Viti 1, 2, 11, BHL 8711T) ‘Hylas dit : « En ce qui concerne cette affaire, il faut dire qu’est plutôt un supplice ce qui, selon tes révélations, serait un mystère ».’ Ici, la présence d’une relative en quod a dû dissuader l’auteur d’employer à peu de distance une complétive en quod/quia. De plus, il existe sur le plan stylistique un parallélisme entre les deux infinitives esse supplicium et fore mysterium, le dernier A.c.I. ne pouvant d’ailleurs guère commuter avec une conjonctionnelle en raison du pronom relatif à l’accusatif quod qui introduit l’un de ses deux constituants. Aussi est-ce dans le contexte d’une relative que l’infinitive est particulièrement bien représentée.34 Si le verbe dico, engendrant à sa suite une séquence infinitive, ne se présente, d’une façon générale, que dans 37,8 % des cas (14 cas sur 37)35 sous forme indépendante, le cadre préféré dans lequel il intervient en construction subordonnée est la relative (tableau 2). Si avec un pronom relatif sujet du seul verbe dicere, l’A.c.I. pourrait commuter en (25) avec une conjonctionnelle en quod ou quia :

33 Voir les exemples de Grégoire cités en (6), (9) et (12). 34 On pourrait d’ailleurs faire la même remarque au sujet du français de la fin du moyen français et du français préclassique, ce qui montre que les latinismes syntaxiques étaient bien acceptés par le système du français. 35 Si l’on inclut dans le compte des verbes dicere subordonnés aussi les participes, il ne reste en effet sur les 37 occurrences de dico que 14 emplois indépendants ; les 23 emplois subordonnés de dicere se répartissent comme suit : 7 emplois participiaux, 16 emplois en proposition subordonnée, dont 9 en subordonnée relative et 7 dans une circonstancielle (4 en ut final ou consécutif ; 2 en cum ; 1 en ac si).

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Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

Tab. 2: Niveau d’enchâssement de la séquence complétive. A.c.I.

quia p

quod p

ut p

niveau

antéposé

postposé

antéposé

postposé

postposé

postposé

1er 2e 3e

13 (76,5 %)  4 (23,5 %)  0 (0 %)

14 (37,8 %) 0 (0 %) 17 (46 %)* 1 (100 %)  6 (16,2 %)** 0 (0 %)

 7 (70 %)  3 (30 %)  0 (0 %)

4 (80 %) 1 (20 %)*** 0 (0 %)

1 (100 %) 0 (0 %) 0 (0 %)

Total

17 (100 %)

37 (100 %)

10 (100 %)

5 (100 %)

1 (100 %)

1 (100 %)

*

Six de ces séquences à l’A.c.I. dépendent de dicere figurant au participe présent et considéré pour cette raison comme subordonné. ** Une de ces séquences à l’A.c.I. dépend de dicere figurant au participe présent et considéré pour cette raison comme subordonné. *** Cette séquence quod p dépend de dicere figurant au participe présent et considéré pour cette raison comme subordonné.

(25) nec postea eum aliquis uidit nec inuentus est aliquis qui diceret hunc se scire. (Passio Agathae 1, 13, 6) ‘et plus tard personne ne le vit et il ne se trouva personne pour dire qu’il le connaissait.’ une telle commutation n’est guère concevable lorsque le pronom relatif est partie prenante dans la construction infinitive. Suite à la « montée » obligatoire du thème en qu- relatif ou interrogatif,36 le pronom relatif est forcément extraposé, l’ordre des mots normal étant alors ’pronom relatif + dicere antéposé à l’infinitif’37 : (26) si habes inquit aliquam de deo tuo quem dicis te colere fiduciam (* quem dicis quod/quia colis) (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 13, 3) ‘si tu as, dit-il, quelque confiance en ton Dieu que tu prétends vénérer’

36 Sur le wh-movement, voir par ex. N. Chomsky (1977, 71–132). 37 Dans deux cas seulement, on a la séquence suivante : qu- interrogatif ou relatif + infinitif (éventuellement sous-entendu s’il doit revêtir la forme de esse) + dicere (postposé) ; voir Grégoire, Vita Benedicti 2,38,13 : Quidnam esse dicimus quod plerumque in ipsis quoque patrociniis martyrum sic esse sentimus ut non […] ; « Que dire donc de la raison pour laquelle / du fait que, la plupart du temps lorsque nous implorons la protection des martyrs, nous nous rendons compte qu’il arrive que ne […] pas […] ? » ; Adson de Montier-en-Der, Vita Walberti 2,7,24 : Inter que uicum quoque quem superius Nant uocatum diximus […] « Et au milieu du village dont nous avons dit plus haut qu’il s’appelait Nant […] ».

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(27) Quomodo uultis ut ego eos timeam a quibus ut audio dicitis me timeri ? (? a quibus [...] dicitis quod/quia timeor) (Passio Saturnini 1, 7, 6) ‘Comment voulez-vous que je craigne ceux dont vous dites, à ce que j’entends, qu’ils me craignent ?’ En français usuel, pareille imbrication donne normalement lieu à une désynthétisation constructionnelle, que rend possible l’emploi d’une subordonnée déclarative explicite :38 (26’) ‘ton Dieu dont tu dis que tu le vénères’ (27’) ?‘ceux par qui / dont vous dites [...] que je suis craint 39 > ceux dont vous dites [...] qu’ils me craignent’ Mais ce qui frappe surtout dans le corpus, c’est que l’infinitive se rencontre aussi dans des contextes syntaxiques qui passent en général pour peu propices à son maintien, à savoir des énoncés longs et complexes qui peuvent donner

Tab. 3: Constitution de la structure subordonnée. A.c.I.

quia p

quod p

ut p

postposé

postposé

antéposé

postposé

antéposé

postposé

complétive non co-/ superordonnée à d’autres p

 8 (47 %)

13 (28,3 %)

1 (100 %)

 7 (63,6 %) 1 (20 %)

0 (0 %)

complétive co-/superordonnée à d’autres p

 9 (53 %)

33 (71,7 %)

0 (0 %)

 4 (36,4 %) 4 (80 %)

1 (100 %)

Total

17 (100 %)

46 (100 %)

1 (100 %)

11 (100 %)

1 (100 %)

5 (100 %)

38 Il faut peut-être mettre à part certaines constructions simples, où le relatif représente par ex. l’agent d’une infinitive avec verbe intransitif ; dans ce cas, l’extraction semble beaucoup plus acceptable, et le français a connu la possibilité de tours comme : « X, qu’on dit être venu ». 39 Même avec une subordonnée déclarative explicite en français, il semble difficile de maintenir la construction avec verbe conjugué au passif « que je suis craint » pour reproduire l’infinitive passive du latin me timeri.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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lieu à des structures opaques (Calboli 1987, 25 sqq.). Ainsi, le tableau 3 montre que, sur les 46 propositions infinitives postposées intégralement ou partiellement à 37 verbes dicere, seulement 13 (28,3 %) interviennent en structure simple, non coordonnées à une ou plusieurs autres infinitives ou sans qu’il y ait une subordonnée de second degré qui soit imbriquée dans l’infinitive ou y soit attachée en remorque. Sur ce point, l’A.c.I. postposé ne le cède qu’à quod p, qui n’intervient que dans 20 % (1 cas sur 5) en structure simple. Les énoncés complexes sont plus fréquents avec un A.c.I. postposé qu’avec un A.c.I. antéposé puisque, dans ce dernier cas, à peu près la moitié des exemples (8 sur 17) présentent une structure simple et transparente. On ne trouve d’ailleurs jamais en position frontale une suite de propositions infinitives coordonnées, alors que ce cas de figure se présente une dizaine de fois en cas de postposition.40 De plus, la proposition infinitive postposée est susceptible de descendre plus bas dans la structure hiérarchique de la phrase que les autres complétives. Elle est la seule à constituer – et cela à six reprises – une subordonnée de troisième degré.41 Pour l’A.c.I. postposé, citons à titre d’illustration quelques exemples particulièrement complexes :42 (28) Tunc quidam extitit ex parasitis eius qui diceret hanc christianam esse ab infantia et magicis artibus ita occupatam ut Christum dicat sponsum suum. (Deux infinitives coordonnées interviennent à un second niveau d’enchâssement ; la seconde prend en remorque une circonstancielle consécutive) (Passio Agnetis 1, 6, 10) ‘Alors l’un de ses parasites se présenta pour dire qu’elle était chrétienne depuis son enfance et tellement adonnée aux pratiques magiques qu’elle affirmait que le Christ était son fiancé.’

40 Voir par ex. Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,16,8–11 : Dicebat enim rusticus serpentem corpus suum intrasse et hac occasione se assidue torqueri et per singula momenta proximum morti fieri. « Le campagnard disait en effet qu’un serpent avait envahi son corps, que de ce fait il était continuellement mis à l’épreuve et que par moments il frôlait la mort. » Cela explique qu’on ait inventorié pour 37 verbes dicere introducteurs 46 A.c.I. postposés (répartis en 37 « séquences » infinitives). 41 Voir le tableau 2. 42 Voir aussi l’exemple (24) commenté supra, où le sujet de l’infinitive dépendant de dicendum est est constitué d’une relative imbriquée dans une autre infinitive, ainsi que les exemples (26) et (27) avec relative imbriquée, où la proposition infinitive constitue une subordonnée de troisième degré.

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(29) certe unum deum dicitis esse in caelis credendum. (Deux infinitives, imbriquées l’une dans l’autre, interviennent à deux niveaux hiérarchiques différents) (Passio Caeciliae 1, 12, 9) ‘vous dites avec conviction qu’il faut croire qu’un seul dieu est aux cieux.’ (30) Qua ille uoce confusus obstipuit et refugit dicens hoc suae non esse uirtutis senem errare iudicio non esse se dignum per quem dominus signum uirtutis ostenderet. (Trois infinitives, intervenant à un second niveau d’enchâssement, sont juxtaposées ; la dernière intègre une relative) (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 16, 5) ‘Confondu par ces paroles, il resta interdit et recula en disant qu’il n’avait pas ce pouvoir, que le vieillard se trompait et qu’il n’était pas digne que le Seigneur se serve de lui pour donner une preuve de son pouvoir.’ (31) Numquidnam Paulum mortem dicimus timuisse quam se ipse pro Iesu amore testatur appetere. (Une première infinitive comporte un COD intégrant une relative qui engendre elle-même une infinitive dont le COD est constitué du relatif)43 (Grégoire, Vita Benedicti 2, 3, 102) Disons nos dunkes Paulum auoir cremut la mort, cui il meismes tesmonget por l’amor de Ihesu soi desireir ? ‘Disons-nous donc que Paul a redouté la mort à laquelle il prétend luimême aspirer par amour de Jésus ?’ Que l’A.c.I. soit antéposé ou postposé, il intervient le plus souvent en concordance du passé, de préférence pour exprimer un rapport de simultanéité : Tab. 4: Concordance des temps dans les propositions infinitives. Sphère temporelle

Rapport des temps*

A.c.I. antéposé

A.c.I. postposé

au au au au au au

simultanéité antériorité postériorité simultanéité antériorité postériorité

 2 (11,8 %)  2 (11,8 %)  1 (5,9 %)  7 (41,1 %)  5 (29,4 %)  0 (0 %)

12 (26,1 %)  1 (2,2 %)  0 (0 %) 24 (52,2 %)  9 (19,5 %)  0 (0 %)

17 (100 %)

46 (100 %)

présent présent présent passé passé passé

Total * Selon les marques formelles.

43 Comme en (23), les infinitives de l’ancien français sont calquées sur le latin, tout comme « soi », qui reproduit le réfléchi indirect se du latin.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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Un trait significatif de dico précédant l’A.c.I. est qu’il figure dans 59,5 % des cas (22 séquences sur 37) à la 3 e personne, dans une faible proportion (13,5 %, c.-à-d. 5 séquences sur 37) à la 1ère personne. Cette faible représentation de la 1ère personne contraste avec ce qu’on constate pour l’A.c.I. antéposé et surtout pour quia p postposé, où le verbe dicere figure respectivement dans 35,3 % (6 séquences sur 17) et 50 % (5 séquences sur 10) à la 1ère personne :

Tab. 5: Référence personnelle du verbe recteur dicere.

avec A.c.I. antéposé(s) avec A.c.I. postposé(s) avec quia p antéposé(s) avec quia p postposé(s) avec quod p postposé(s) avec ut p postposé(s)

V 1ère pers.

V 2 e pers.

V 3 e pers.

Total

6 (35,3 %) 5 (13,5 %) 0 (0 %) 5 (50 %) 1 (20 %) 0 (0 %)

  2 (11,8 %)  10 (27 %)   0 (0 %)   1 (10 %)   2 (40 %)   1 (100 %)

 9 (52,9 %) 22 (59,5 %)  1 (100 %)  4 (40 %)  2 (40 %)  0 (0 %)

17 (100 %) 37 (100 %)  1 (100 %) 10 (100 %)  5 (100 %)  1 (100 %)

La référence plus fréquente du verbe dicere à la 1ère personne peut dans le cas de quia p s’expliquer par la forte assertivité de la construction et son affinité avec l’oratio recta, dans le cas de l’infinitive antéposée, par sa vertu souvent focalisante. Dans le cas de l’A.c.I. (ou au moins de l’infinitif) postposé, le verbe dico, figurant de préférence à la 3 e personne et/ou à un temps du passé et engendrant dans la majorité des cas une structure complexe, semble en revanche être l’indice d’une écriture plus réfléchie convenant davantage au style narratif. Mais cela dit, en Italie et en Gaule, tous les textes qui présentent, dans le sillage de dico, l’A.c.I. en antéposition, le présentent aussi en postposition : ainsi pour l’Italie, la Passio Caeciliae, la Passio Marcelli et Apuleii et la Vita Benedicti, et pour la Gaule, la Vita Martini, la Vita Walberti et la Vita Petri Venerabilis. Sept textes offrent uniquement des occurrences en postposition : en Italie, la Passio Agnetis, la Passio Agathae, la Passio Symphorosae et la Passio Viti (BHL 8711T), en Gaule, la Passio Saturnini, la Passio Benedictae et la Passio Iuliae. Donc du 5 e au 8 e ou 9 e s. en Italie, du 4 e au 12 e s. en Gaule, l’A.c.I. reste bien vivant. Les trois seuls textes du corpus à éviter, du moins dans l’entourage de dico, l’A.c.I. au profit de quod p et de quia p sont respectivement la Passio Nazarii et Celsi et les Passio Pimenii et Passio Ansani et Maximae, trois textes écrits en Italie probablement du 6 e au 8 e ou 9 e s. ; la Passio Nazarii et Celsi offre même, on l’a vu, en l’absence de l’A.c.I., un exemple plausible de dico + ut p assertif. Donc, sur ce point, on voit en Italie un clivage se

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manifester entre les Vitae et les Passiones, les dernières attestant normalement un niveau de langue plus bas que les Vitae. En Gaule, la situation est différente dans la mesure où la subordination explicite est pour ainsi dire inexistante en ce qui concerne les déclaratives. Alors qu’en Italie, un tiers des séquences de déclaratives subordonnées (16 sur 48) se présentent sous forme d’une conjonctionnelle, ce type de subordination ne compte qu’une seule occurrence en Gaule (4,35 % des séquences, soit 1 sur 23). De plus, cette occurrence de quod p postposé a été repérée dans la Vita Petri Venerabilis,44 un texte très tardif du 12 e s. Que l’A.c.I. ne soit pas seulement employé fréquemment mais aussi correctement est prouvé par le nombre très faible d’entorses à la norme classique.45 D’une façon générale, l’usage des réfléchis y répond à la norme. Le sujet à l’accusatif est normalement correctement exprimé, même en cas de coréférence avec le sujet de dico, y compris à la 3 e personne, où l’on emploie couramment – en l’occurrence 15 fois – le réfléchi indirect se.46 Me, te, se sujets d’une infinitive coréférentiels de l’agent de dicere, sont ainsi correctement exprimés en (21), (23) et (26).47 Le pourcentage de coréférence entre le sujet du verbe à l’infinitif et celui du verbe dicere est d’ailleurs à peu près égal en cas d’antéposition (35 % = 6 cas)48 et de postposition de l’A.c.I. (32 % = 15 cas),49 en l’occurrence environ un tiers de part et d’autre. L’emploi de l’infinitif périphrastique est rare mais non inexistant pour l’expression de la postériorité, comme le montre :

44 Pour ces données statistiques, voir le tableau en annexe, à la fin de l’étude. 45 Sur ce point, les propositions infinitives dépendant de dico dans le corpus hagiographique se distinguent très nettement de celles étudiées chez Frédégaire (Bodelot, 2014). 46 D’autres formes plus rares de réfléchis indirects sont le pronom sibi (Passio Agnetis 1,6,6) et les possessifs suae (Sulpice Sévère, Vita Martini 1,16,5) et suum (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,16,9). 47 En cas d’antéposition de l’A.c.I, on trouve un seul exemple, à savoir Passio Marcelli et Apulei 1,8,30 : Marcellus … sacrilegio pollui se dixit […] Littéralement : « ? Marcellus (se) dit être sali d’un sacrilège […] », où la coalescence de se + dixit peut suggérer une évanescence du statut propositionnel (desentialization) de l’infinitive, suite au passage de se dans la régissante et à sa réinterprétation comme un réfléchi direct (Fruyt 2015, 25–28). 48 Voir pour la 1ère personne : Passio Marcelli et Apuleii 1,7,9 ; Sulpice Sévère, Vita Martini 1,27,7 ; pour la 3e personne : Passio Marcelli et Apuleii 1,8,30 ; 1,24,2 ; Grégoire, Vita Benedicti 2,23,36 ; 2,38,32. 49 Voir pour la 1ère personne : Passio Marcelli et Apuleii 1,8,23 ; pour la 2e personne : Passio Caeciliae 1,20,10 ; Sulpice Sévère, Vita Martini 1,13,3 ; Passio Iuliae 1,7,2 ; pour la 3e personne : Passio Agnetis 1,6,7 ; Passio Agathae 1,13,6 ; Passio Marcelli et Apuleii 1,10,5 ; Grégoire, Vita Benedicti 2,7,23 ; 2,8,31 ; Sulpice Sévère, Vita Martini 1,14,5 ; 1,16,5 ; 1,17,5 ; 1,20,2 ; Passio Benedictae 1,6,3 ; Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,16,10.

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(32) Cum enim constet quia Paraclitus spiritus ex patre semper procedat et filio cur se filius recessurum dicit ut ille ueniat qui a filio numquam recedit. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 38, 32) Quar cant certe chose est, ke li espirs conforteres toz tens eist del pere et del filh, puor coi dist li filz soi en uoies aleir, par ke cil uenget ki unkes ne soi depart del filh ?50 ‘Car comme il est établi que le Paraclet procède tout le temps du père et du fils, pourquoi le fils dit-il qu’il va s’éloigner pour que vienne celui qui ne s’éloigne jamais du fils ?’ Dans un cas, l’infinitif présent sans auxiliaire modal est employé à la place d’une périphrase en -urum à l’intérieur d’un système hypothétique : (33) Eas quippe se communione priuare dixerat nisi mores suos et uerba corrigerent. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 23, 36) Quar il auoit dit ke il lur tolroit la communion, se eles n’amendassent lur constumes et lur paroles. ‘De fait il avait dit qu’il les priverait de la communion si elles ne réformaient pas leur conduite et leur façon de s’exprimer.’ Notons que c’est le seul exemple dans lequel le traducteur ait renoncé à la subordination implicite savante en ancien français : le remplacement de l’A.c.I. par une proposition conjonctionnelle a permis de varier et de nuancer davantage l’expression des modes et des temps en rendant possible, en l’occurrence, l’emploi d’un conditionnel à la place du subjonctif, qui, avec sa valeur non marquée, pouvait passer pour la forme « normale » dans le système hypothétique de l’ancien français. En latin, d’une façon générale, des incorrections concernant la syntaxe temporelle ou modale se manifestent plutôt dans les subordonnées dépendant de l’infinitive qu’au niveau de l’infinitive même ; il s’agit le plus souvent de manquements aux règles du discours indirect en concordance du passé : (34) Sancta Agatha respondit dixisti deos tuos esse quos uera diuinitas demonstrat 51 (Passio Agathae 1, 5, 7) ‘Sainte Agathe répondit : « Tu as dit que tes dieux sont ceux qu’on reconnaît à leur vraie divinité ».’

50 En ancien français, la postériorité n’est pas exprimée ; « soi » calque une fois de plus le réfléchi indirect se, sujet de l’A.c.I. latin. 51 Voir, par ex., aussi (28).

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(35) Quamuis hoc Honoratus eius discipulus cuius mihi relatione conpertum est nequaquam ex ore illius audisse se perhibet sed quia hoc dixerit dictum sibi a fratribus fuisse testatur.52 (Grégoire, Vita Benedicti 2, 15, 32) ‘Cependant son disciple Honorât, de qui je tiens l’information, rapporte qu’il n’a pas du tout entendu cette prophétie de sa propre bouche, mais qu’il ait dit cela, ce sont ses frères, selon son témoignage, qui le lui ont assuré.’ En définitive, il semble donc qu’en ce qui concerne les complétives déclaratives de premier degré, dépendant directement du verbe dicere, les infractions à la concordance des temps affectent davantage la subordination explicite53 qu’implicite.

3 Les interrogatives indirectes Comme pour les déclaratives indirectes, certaines tendances relevées dans les interrogatives indirectes chez Frédégaire54 se manifestent, à différents degrés, aussi dans les textes hagiographiques ; certaines sont absentes, d’autres s’y ajoutent, variations qui sont souvent fonction du style, du lieu et de l’époque de rédaction du texte en question.

3.1 Les interrogatives indirectes totales / disjonctives 3.1.1 Représentation de –ne, nonne, num Les particules interrogatives -ne, nonne, num (et ses composés numquid, numquidnam) ne sont attestées dans le corpus hagiographique qu’en question directe. Ce qui frappe, c’est que num et ses équivalents composés, qui sont avec 23 occurrences les introducteurs de loin les plus fréquents de l’interrogation totale autonome dans le corpus, sont une marque exclusive des textes rédigés en Italie, num étant d’ailleurs avec une seule occurrence55 largement déficitaire 52 Cet exemple de Grégoire atteste à la suite de quia un subjonctif parfait (dixerit) qui dépend d’un infinitif parfait passif (dictum fuisse). 53 Pour quia p, on se rappellera ce qui a été dit par ex., à propos des exemples (10) à (14), des entorses à la concordance des temps si l’on opte pour une interprétation de l’assertive comme indirecte et non comme directe. 54 Voir l’introduction au § 1. 55 Passio Victoris et Coronae 1,641,49.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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Tab. 6: Termes introducteurs de l’interrogation indirecte totale. -ne nonne num utrumne an si

 0  0  0  1  6 20

Total

27

par rapport à ses composés.56 –Ne et nonne, quoique d’une façon générale très peu employés,57 sont sporadiquement attestés en Gaule et en Italie. La supplantation de –ne par numquid est un phénomène qui s’observe en latin postclassique à partir de Sénèque (Bodelot 1990, 31). La particule -ne a toutefois été repérée en subordonnée interrogative, accolée à utrum, pour introduire une interrogation totale simple : (36) Sed quia ab infirmis potest mentibus dubitari utrumne ad exaudiendum ibi praesentes sint ubi constat quia in suis corporibus non sint (Grégoire, Vita Benedicti 2, 38, 22) Mais par tant ke des enfermes penses puet estre doteit, se il la sont present per oir, u certe chose est ke il en lur cors ne sont mie ; ‘Mais parce que les esprits faibles peuvent se demander s’ils sont présents pour les exaucer là où l’on sait qu’ils ne sont pas présents corporellement’

3.1.2 Emplois et valeur de an An est la seule particule à intervenir presque autant de fois en interrogation indirecte qu’en interrogation directe, si n’introduisant, lui, que des interrogations indirectes. Conformément à l’usage classique, an fonctionne d’abord dans le corpus hagiographique comme marqueur du second membre d’une interrogation dis-

56 Ceux-ci sont surtout bien représentés chez Grégoire, qui connaît numquid et numquidnam, et dans la Passio Caeciliae et la Passio Viti, qui ne connaissent que numquid, ce dernier étant en plus attesté une seule fois dans la Passio Ansani et Maximae 1,5,12. 57 La particule -ne est attestée deux fois dans l’interrogation directe en Gaule, une fois dans l’interrogation indirecte en Italie, accolé à utrum (ex. 36) ; nonne est attesté quatre fois dans l’interrogation directe, dont deux fois en Italie et deux fois en Gaule.

348

Colette Bodelot

jonctive. Il n’y est jamais accompagné de utrum introduisant l’alternative. Dans deux interrogations difficilement identifiables comme directes ou indirectes, le premier membre est introduit par numquidnam ou reste sans marque : (37) Dic quaeso te numquidnam credendum est huic dei famulo semper prophetiae spiritum adesse potuisse an per interualla temporum eius mentem prophetiae spiritus inplebat. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 21, 19) Di ge te proi, doit l’om dunkes croire l’espir de prophetie a cest seriant de deu toz tens pooir estre present, u par entreuaz des tens sa pense emplissoit li espirs de prophetie ? ‘Dis-moi, je t’en prie, s’il faut donc croire que l’esprit de prophétie pouvait être présent constamment auprès de ce serviteur de Dieu ou si c’était seulement par intervalles que l’esprit de prophétie éclairait sa pensée.’ (38) Velim nosse haec tanta miracula uirtute semper orationis impetrabat an aliquando etiam solo uoluntatis exhibebat nutu. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 30, 16) Ge uoldroi conoistre, se il cez si grandes miracles prist toz tens par la uertut de l’orison, u se il les faisoit a la fie meismes par lo soul comant de sa uolenteit.58 ‘Je voudrais savoir si ces miracles tellement prodigieux, il les perpétrait toujours par la force de l’oraison ou s’il les effectuait parfois même par le seul acte de sa volonté.’ Dans deux autres interrogatives disjonctives, le premier volet est marqué par si : (39) Licinius dixit si desideras uiuere an mori dicito mihi. (Passio Getulii, Cerealis et soc. 1, 32, 1) ‘Licinius dit : « Dis-moi si tu désires vivre ou mourir ».’ (40) Et post triduum uenerunt milites uidere si mortuus esset an adhuc uiueret. (Passio Victoris et Coronae 1, 643, 27) ‘Et trois jours plus tard les soldats vinrent voir s’il était mort ou s’il vivait encore.’

58 On aura remarqué qu’en (37), l’interrogative est transposée en ancien français sous forme directe, en (38), sous forme indirecte.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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Tab. 7: Termes introducteurs de l’interrogation indirecte disjonctive.59 x [...] an numquidnam [...] an si [...] an

1? 1? 2

Total

2 + 2?

Comme introducteur d’une interrogation indirecte simple, non disjonctive, an est dans l’usage classique presque exclusivement confiné aux tours nescio an, haud scio an, incertum est an et dubito an.60 Ces tours équivalent, par leur sens global, à des affirmations atténuées : « je ne sais pas si ne pas ; peut-être que » ; an, qui a un sens dubitatif fondamentalement neutre, n’y est plus interprétable séparément (Bodelot 1987, 77–80 ; 2003, 255–258). Or, dans le corpus hagiographique, an est employé librement dans des interrogatives indirectes simples dépendant de verbes aussi variés que exploro, quaero, percunctor, sciscitor, uideo, fateor, dont la postposition occasionnelle exclut l’hypothèse d’un figement lexical. Dans ces énoncés, an empiète61 sur l’emploi classique de –ne et de num et peut, à toutes les périodes considérées, aussi bien en Gaule qu’en Italie, être simplement transposé par « si » : (41) Cui dum protinus mandatum de monasterio fuisset ut ueniret ipse sicut perfidae mentis fuit an uir domini prophetiae spiritum haberet explorare conatus est. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 14, 6) A cui cant enhelement fut mandeit del monstier ke il uenist, il alsi com il astoit de senzfoge pense soi efforzat d’espier, se li hom del sanior auoit l’espir de prophetie. ‘Comme il avait immédiatement reçu ordre du monastère de venir, mécréant comme il était, il entreprit de vérifier si l’homme du Seigneur avait effectivement l’esprit de prophétie.’

59 Le point d’interrogation marque les interrogatives qui pourraient se prêter aussi à une interprétation comme question directe. 60 Voir par ex. A. Ernout & F. Thomas (21953, 316). 61 Cet empiétement a amené les linguistes qui plaidaient primitivement pour un sens adversatif-négatif de an à y voir l’indice d’une évolution secondaire (voir par ex. R. Kühner & C. Stegmann 21914, II, 2, 523 ; A. Ernout & F. Thomas 21953, 317). Autrement dit, an aurait dès le latin postclassique commencé à perdre sa valeur originelle de « si ne pas », qu’il n’a probablement jamais possédée. Sur l’évolution peu plausible de an à partir de atne, voir G. Serbat (1981, 3).

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(42) Respondit christianum se esse. Quaerebat etiam ab eo an timeret. Tum uero constantissime profitebatur numquam se tam fuisse securum (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 5, 5) ‘Il répondit qu’il était chrétien. Il lui demandait aussi s’il avait peur. Il déclarait alors très fermement qu’il n’avait jamais été aussi serein.’ Sur le modèle des deux derniers passages cités, le subjonctif est de règle dans la subordonnée interrogative en concordance du passé ; le prédicat recteur est dans ce cas plus souvent postposé qu’antéposé (rapport 4 à 2). Dans un cas, on a un énoncé complexe avec un enchâssement à plusieurs niveaux : an introduit une subordonnée de second degré imbriquée dans une volitive en ut de premier degré : (43) imperat ut an uerus esset hic nuntius fateretur. (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 18, 1) ‘il lui ordonna de lui dire si cette nouvelle était vraie.’ Assorti d’une concordance des temps classique, puisqu’à la suite du présent historique (imperat) celle-ci peut se faire, selon la norme, aussi bien d’après le sens que d’après la forme,62 pareil enchâssement témoigne d’un niveau de langue soutenu ; la correction grammaticale peut en même temps s’expliquer par la date de rédaction assez haute, en l’occurrence le 4 e s., de la Vita en question. Avec un verbe recteur figurant à un temps du présent, le subjonctif est attesté dans un seul exemple, à savoir : (44) tradamus inquit bestiis corpora illorum et uideamus an ueniat Christus illos liberare. (Passio Viti 1, 14, 2, BHL 8713DT) ‘Livrons, dit-il, leurs corps aux bêtes sauvages et voyons si le Christ vient / viendra les délivrer.’ Dans les exemples présentant un indicatif en concordance du présent, on a dans tous les cas affaire à des interrogations disjonctives. Il s’agit d’abord des exemples (37) et (38), où, au vu du contexte, les interrogatives pourraient aussi se prêter à une interprétation directe, puis de l’exemple (39), qui, du fait de son introduction par si, semble être le seul exemple sûr d’une interrogation

62 Sur la double consecutio temporum possible, d’après la forme ou d’après le sens, avec un présent historique ou dit de narration, voir par ex. A. Ernout & F. Thomas (21953, 408–409), Ch. Touratier (1994, 608–609).

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

351

indirecte présentant dans le contexte de an un indicatif, et cela uniquement en concordance du présent.63 Or cet indicatif est à verser, comme on le verra, sur le compte de si plutôt que de an.

3.1.3 Répartition de l’indicatif et du subjonctif après si Le corpus hagiographique présente une palette nettement plus vaste et bigarrée d’emplois de si interrogatif que la Chronique originale de Frédégaire. Si l’on inclut les deux emplois de si en interrogation disjonctive attestés en (39) et (40), on compte 22 occurrences,64 dont 15 sont suivies d’un subjonctif, 7 d’un indicatif. Si avec indicatif est confiné à quatre textes, tous rédigés en Italie probablement du début du 6 e s. à l’orée du 8 e, en l’occurrence, la Passio Agathae, la Vita Benedicti de Grégoire, la Passio Getulii, Cerealis et soc. (ex. 39), la Passio Viti : (45) Quintianus dixit nunc uidebo si Christus tuus curabit te. (Passio Agathae 1,12,1) ‘Quintien dit : « À présent je verrai si ton Christ prendra soin de toi ».’ (46) Sed quaeso respondeas si deserere fratres debuit quos semel suscepit. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 3, 84) Mais ge te proi ke tu respondes, se il deut laissier les freres, les queiz il prist une fie.65 ‘Mais je te prie de me répondre s’il devait abandonner des frères qu’il avait adoptés une fois.’ (47) Nunc quia uideo te obstinata mente in tua uelle permanere sententia correptione interrogabo si te a coepto conamine potero reuocare.66 (Passio Viti 1, 4, 3, BHL 8711T)

63 Voir en effet, à titre de comparaison, le subjonctif attesté en concordance du passé dans l’interrogation indirecte double marquée par si…an en (40). 64 Parmi les verbes introducteurs de ces subordonnées en si, le plus fréquent est uideo ; sont ensuite bien représentés les uerba interrogandi et inuestigandi, comme interrogo, quaero, inquiro, requiro, sciscito, exploro, mais aussi les uerba declarandi, comme dico, respondeo, indico, innotesco au sens de « faire connaître », tous employés dans un contexte qui ne laisse subsister aucun doute sur l’orientation interrogative de si p. 65 Voir aussi Grégoire, Vita Benedicti 2,32,38 : Sed quaeso te indices si sancti uiri omnia quae uolunt possunt et cuncta inpetrant quae desiderant obtinere. « Mais je te prie de m’indiquer si les saints peuvent tout ce qu’ils veulent et s’ils obtiennent tout ce dont ils désirent disposer. » 66 Voir aussi Passio Viti 1,15,4 (= BHL 8711T) ; 1,15,3 (= BHL 8712T), tous les deux cités en (55).

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‘À présent que je vois que tu veux à tout prix persister dans ton opinion, je vais voir par le châtiment si je pourrai te faire renoncer à ton dessein et entreprise.’ L’indicatif ne se rencontre qu’en concordance du présent :67 ce contexte est le plus accessible à la syntaxe modale de l’interrogation directe. Abstraction faite de l’interrogative double attestée en (39), si p est toujours postposé. Le verbe subordonné qui figure à l’indicatif présent, futur ou parfait est 5 fois sur 7 (71,43 %) un verbe modal exprimant l’idée de « pouvoir, devoir ou vouloir/désirer ».68 Le subjonctif, deux fois plus fréquent après si interrogatif que l’indicatif, se rencontre dans ⅔ de ses emplois (10 sur 15) en concordance du passé : (48) Cumque post paululum si id quod iusserat datum esset inquireret [...] (Grégoire, Vita Benedicti 2, 28, 12) Et quant il apres un petit demandoit, se ce fust doneit ke il comandat [...] ‘Et comme un peu plus tard il lui demandait s’il avait bien donné ce qu’on lui avait commandé de donner [...]’ (49) Quae sciscitata a matre si carnali se uellet sociare coniugio ac paternas percipere traditiones more solito illa cum lacrimis prae gaudio matri cogenti responsum diuinitus attulit dicens [...] (Vita Madelbertae 2, 4, 4) ‘Interrogée par la mère si elle voulait se lier par une union charnelle et suivre les enseignements de ses pères selon la pratique habituelle, elle donna, pleurant de joie, à la mère qui l’y poussait une réponse inspirée par Dieu en disant [...]’ (50) Explorabat etiam si confessus fuisset si esset absque poena si communionem suscepisset.69 (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 15, 15) ‘Il s’informait aussi s’il s’était confessé, s’il avait eu l’absolution, s’il avait reçu la communion.’ dans ⅓ de ses emplois (5 sur 15) en concordance du présent :

67 Cette particularité peut s’expliquer par le fait qu’après un verbe au passé, notamment s’il figure à la 3e personne, le subjonctif de l’interrogation indirecte est assez proche d’un subjonctif de style indirect. Voir à ce propos C. Bodelot (2003, 325), qui renvoie à J.-L. Moralejo (1996). 68 Le verbe subordonné à l’indicatif n’est pas modal dans Passio Agathae 1,12,1 (= ex. 45) ; Passio Viti 1,15,3 (= BHL 8712T) (= le 2nd ex. cité en 55). 69 Voir aussi Grégoire, Vita Benedicti 2,21,25 ; Passio Victoris et Coronae 1,643,27, cité en (40) ; Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,9,7 ; 2,10,18 ; 2,15,24.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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(51) Quaeso te post haec ad quae loca uir sanctus migrauerit uel si aliquas in eis uirtutes ostenderit innotesce. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 8, 89) Ge te proi ke tu faces conoistre apres cez choses, a queiz lius s’en alat li sainz hom, u se il demostrat en iceaz alcunes uertuz. ‘Je t’en prie, apprends-moi à la suite de ce récit en quels lieux ce saint homme s’est retiré et s’il y a fait des miracles.’ (52) Volo inquit uidere si deus tuus eruat te de manibus meis.70 (Passio Viti 1, 15, 3, BHL 8713DT) ‘Je veux voir, dit-il, si ton Dieu t’arrache/arrachera de mes mains.’ (53) Sed si uultis ut adorem deos uestros inquiramus quorum sint isti ipsi imagines et uideamus si his merito honorem exhibere debeamus. (Passio Ansani et Maximae 1, 8, 19) ‘Mais si vous voulez que j’adore vos dieux, faisons une enquête sur ceux dont nous voyons les portraits ici et voyons s’ils méritent vraiment que nous les vénérions.’ Tout comme si p à l’indicatif, si p au subjonctif est dans la grande majorité des cas (13 sur 15 = 86,67 %) postposé.71 À l’opposé de ce qu’on a constaté pour les verbes subordonnés à l’indicatif, les verbes au subjonctif ne sont des auxiliaires modaux que dans 4 cas sur 1572 (26,67 %). Autre différence significative : alors qu’un seul des verbes subordonnés à l’indicatif 73 exprimait un rapport d’antériorité, ce rapport est exprimé dans la moitié des cas (874 sur 15) au subjonctif. On en conclura que l’emploi de l’indicatif en interrogation indirecte introduite par si est nettement plus contraint que celui du subjonctif : il est confiné dans les textes hagiographiques rédigés en Italie,75 n’est attesté qu’en concor-

70 Voir aussi Passio Viti 1,14,2 (= BHL 8711T) ; 1,14,1 (= BHL 8712T), tous les deux cités en (54). 71 Si p est antéposé en (48) et (51). 72 Il s’agit de Grégoire, Vita Benedicti 2,21,25 ; Passio Viti 1,14,2 (BHL 8711T) (= ex. 54) ; Passio Ansani et Maximae 1,8,19 (= ex. 53) ; Vita Madelbertae 2,4,4 (= ex. 49). 73 Il s’agit du modal debuit en (46). 74 Il s’agit de Grégoire, Vita Benedicti 2,8,89 (= ex. 51) ; 2,28,12 (= ex. 48) ; Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,9,7 ; 2,10,18 ; 2,15,15 (bis) (= ex. 50) ; 2,15,24 ; Passio Victoris et Coronae 1,643,27 (= ex. 40). 75 On rapprochera ce point de ce que nous avons dit plus haut de l’attestation quasi exclusive des déclaratives conjonctionnelles en Italie. Donc il semble que l’hagiographie italienne soit, d’une façon générale, plus accessible aux vulgarismes morphosyntaxiques que l’hagiographie gauloise.

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dance du présent et n’est guère employé pour exprimer un rapport temporel d’antériorité ; de plus, le verbe à l’indicatif est dans la grande majorité des cas un auxiliaire modal. Si + subjonctif se rencontre au contraire aussi bien dans l’hagiographie gauloise qu’italienne ; même s’il se rencontre de préférence dans un contexte du passé, il n’est pas incompatible avec une concordance au présent ; le verbe au subjonctif peut exprimer un rapport temporel de simultanéité, d’antériorité ou de postériorité, même si ce dernier n’est jamais signifié par une forme périphrastique en -urus mais par le subjonctif présent ou imparfait, surtout d’un verbe modal. Mais ici encore il faut être prudent et ne pas ériger en règles de simples tendances. À quel point la distribution des modes et l’expression de la postériorité sont soumises à fluctuation ressort notamment de deux énoncés de la Passio Viti, qui ont été transmis sous deux formes différentes : (54) Tunc Diocletianus furore succensus iussit arenarium praeparari dicens bestiis ferocissimis tradam eos ut uideam si Christus eorum possit liberare eos de manibus meis. (Passio Viti 1, 14, 2, BHL 8711T) ‘Alors Dioclétien furieux ordonna de préparer l’arène et dit : « Je les livrerai aux bêtes sauvages pour voir si leur Christ peut/pourra les délivrer de mes mains ».’ Vs.

Turbatus imperator dixit ad bestias tradam animas eorum et uidebo si Christus liberet eos de manibus meis. (Passio Viti 1, 14, 1, BHL 8712T) ‘Bouleversé, l’empereur dit : « Je livrerai leurs vies aux bêtes sauvages et je verrai si le Christ les délivre/délivrera de mes mains ».’

(55) Tunc prae nimio furore se ipsum non capiens imperator iussit ministris parare clibanum et in eo resolui plumbum et resinam et picem. Feceruntque ministri sicut eis praeceperat imperator et deposuerunt in eum beatum athletam Christi Vitum. Dum deponeretur dixit imperator ecce modo uideo si deus tuus poterit liberare te de manibus meis. (Passio Viti 1, 15, 4, BHL 8711T) ‘Alors ne se contenant plus, en proie comme il était à une terrible crise de rage, l’empereur ordonna à ses serviteurs de préparer le four et d’y dissoudre du plomb, de la résine et de la poix. Les serviteurs exécutèrent les ordres de l’empereur et y déposèrent le bienheureux athlète Vitus. Alors qu’on l’y déposait, l’empereur dit : « Voilà que je vais vite voir si ton Dieu pourra te délivrer de mes mains ».’ Vs.

Tunc imperator furore repletus iussit ministris clibanum preparare et solui plumbum et resinam et picem. Et fecerunt ministri sicut preceperat

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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eis. Diocletianus dixit ecce modo uidebo si deus tuus liberat te de his poenis. (Passio Viti 1, 15, 3, BHL 8712T) ‘Alors l’empereur dans un accès de rage ordonna à ses serviteurs de préparer le four, d’y dissoudre du plomb, de la résine et de la poix. Les serviteurs exécutèrent les ordres de l’empereur. Dioclétien dit : « Voilà que je verrai vite si ton Dieu te délivre/délivrera de ces supplices ».’ Que l’on recoure à un verbe simple ou à un verbe modifié par un auxiliaire, subjonctif présent et indicatif présent ou futur simple semblent avoir été en Italie, dans la seconde moitié du 1er millénaire, autant de candidats possibles à l’expression de la postériorité en concordance du présent dans l’interrogation indirecte introduite par si. En conclusion, on retiendra que les textes hagiographiques semblent confirmer ce que nous avons eu l’occasion de constater à propos d’autres textes postclassiques ou tardifs (Bodelot 1999, 219–220), à savoir que si crée plus que n’importe quel autre interrogatif un contexte favorable à l’emploi de l’indicatif. C’est que par l’histoire de son emploi,76 en l’occurrence sa filiation de si hypothétique, il était, même sans subjonctif, facilement reconnaissable comme subordonnant. Attesté avec des verbes recteurs exprimant ou non une attitude de doute chez le sujet modal ou le locuteur, cet emploi de l’indicatif après si a dû jouer un rôle important dans l’extension progressive de ce mode en subordonnée interrogative lors du passage du latin aux langues romanes (Bodelot 2003, 324–325 ; 2013, 372).

3.2 Les interrogatives indirectes partielles Pour ce qui est de l’expression de la cause et de la manière dans l’interrogation indirecte, on relève certaines différences notables par rapport à la Chronique originale de Frédégaire.

76 Sur le développement de si interrogatif à partir de si conditionnel ou hypothétique, lui aussi subordonnant, voir C. Bodelot (2003, 258–263 ; 2013), avec références bibliographiques.

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3.2.1 L’expression de la manière Tab. 8: Termes introducteurs de l’interrogation indirecte de manière.77 quo ordine quemadmodum ut qualiter quomodo

 2  1  1  8 + 2? 14 + 2?

Total

26 + 4?

Quemadmodum78 et quo ordine sont communs aux deux corpus. Tandis que les deux adverbes interrogatifs sont suivis dans l’interrogation indirecte chez Frédégaire tantôt de l’indicatif tantôt du subjonctif, quemadmodum est suivi dans le corpus hagiographique, dans le seul exemple sûr d’interrogation indirecte où il soit attesté,79 d’un subjonctif de valeur délibérative, quo ordine étant suivi, lui, une fois du subjonctif, une fois de l’indicatif : (56) Tunc praecepit eum praeses teneri et retrudi in carcerem donec uotiuos dies transactos excogitaret quemammodum eum perderet. (Passio Marcelli et Apuleii 1,6,12) ‘Alors le gouverneur le fit arrêter et emprisonner jusqu’à ce que, les jours de vœux terminés, il eût une idée comment il pouvait le perdre.’ (57) Almachius dixit et ego quare non aduerto quo ordine ista prosequaris. (Passio Caeciliae 1, 17, 34) ‘Almachius dit : « Et pourquoi est-ce que moi, je ne me rends pas compte de quelle façon tu parviens à cette constatation ? »’ (58) Doceri uelim quo fieri ordine potuit ut longe iret responsum dormientibus diceret quod ipsi per uisionem audirent et recognoscerent. (Grégoire, Vita Benedicti 2, 22, 34) Ge uoldroie ke l’om moi enseniast, par queil ordene ce pout estre fait, ke il iroit lonz, ke il az dormanz diroit respeus, ke cil l’oroient par uision et reconistroient ?

77 Le point d’interrogation marque les emplois des termes qui pourraient aussi se prêter à une interprétation conjonctionnelle au sens de « que ». 78 En l’occurrence, graphié quemammodum ; voir l’ex. (56). 79 Dans Passio Victoris et Coronae 1,642,23, l’interrogative en quemadmodum à l’indicatif peut à la suite de Dic mihi être interprétée comme directe.

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

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‘Je voudrais qu’on m’apprenne de quelle façon il a pu se faire qu’il s’en allât au loin, transmît à des personnes endormies une consigne qu’ils pouvaient entendre et reconnaître clairement en songe.’ Outre le fait qu’en (58), à la suite de Doceri uelim, il n’est pas impossible de voir dans l’interrogative une question directe, l’indicatif pourrait aussi y être calqué sur le tour quo ordine fieri potest ut, attesté ailleurs chez Grégoire.80 Alors que quo pacto est absent du corpus hagiographique, on y repère comme autres adverbes de manière introduisant une interrogation indirecte ut, qualiter et quomodo, qui font défaut chez Frédégaire. Vt, qui était rare et désuet dans l’interrogation directe mais usuel dans l’interrogation indirecte du latin préclassique au latin postclassique (Bodelot 1990, 16–17, 29, 38–39, 44), est attesté une seule fois dans le texte le plus ancien du corpus, correctement suivi du subjonctif : (59) Igitur sancti Martini uitam scribere exordiar ut se uel ante episcopatum uel in episcopatu gesserit (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 1, 7) ‘Je commencerai donc à écrire la vie de saint Martin, < et à dire > comment il s’est comporté avant ou pendant son épiscopat’ Qualiter, d’un emploi rare en latin classique mais courant en latin tardif (Hofmann-Szantyr 21972, 459), est, dans le corpus, confiné à l’emploi subordonnant.81 Dans l’emploi interrogatif, il est avec 10 occurrences le concurrent le plus puissant de quomodo, qui compte 16 occurrences, dont 7 dans un seul et même énoncé chez Raoul de Cluny : (60) In primis dicit quam deuote eum susceperit quomodo infirmatus quomodo confessus sit quomodo id quod sibi uerecundiam inferebat reticuit quomodo raptus quomodo accusatus quomodo excusatus quomodo superueniens mater misericordiae eum de manibus malignorum eripuit uitae reddidit et ut peccatum quod tacuerat confiteretur admonuit. (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 7, 63–66)

80 Voir supra l’exemple (12). Pour ce qui est de l’ancien français, on remarque que quoniam n’y est pas traduit ; comme l’intonation de cet énoncé nous échappe suite à une ponctuation incertaine, il est difficile de savoir si la proposition qui suit doit être directement rattachée à « congeteir » ou non. Autrement dit, la proposition interrogative « par queil ordene puet estre fait … » semble pouvoir être interprétée dans la transposition en ancien français aussi bien comme directe que comme indirecte. 81 Comme relatif, interrogatif et peut-être conjonctif ; voir Passio Viti 1,6,4 (BHL 8711T), où il introduit une comparative de manière.

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‘Il dit avant tout avec quel dévouement il le recueillit, comment il fut malade, comment il confessa ses péchés, comment il garda le silence sur celui qui lui inspirait de la honte, comment il fut traîné en justice, comment il fut inculpé, comment il fut disculpé, comment la mère miséricordieuse, venant à son secours, l’arracha aux mains des malins, le rendit à la vie et lui conseilla de confesser le péché qu’il avait tu.’ Un seul texte, à savoir la Passio Pimenii, présente l’un et l’autre terme : (61) Tu uero qui Romanae sedis illustris es ac semper diis seruisti a quibus ego humilis exaltatus sum quomodo seductus es ignoro. (Passio Pimenii 1, 3, 28) ‘Quant à toi qui es d’illustre origine romaine et as toujours servi les dieux, qui, humble comme j’étais, m’ont élevé en dignité, j’ignore comment tu as été détourné du droit chemin.’ (62) non absurdum credimus si qualiter omnipotens deus post transitum beati Pigmenii presbiteri et martiris uindictam in crudeli et impio Iuliano sit operatus uel qualiter faciente domino prout in gestis inuenimus crudelissimus regnum cum uita perdidit breuiter fideliterque notitiae fidelium enarremus. (Passio Pimenii 1, 6, 2–4) ‘il ne nous paraît pas déplacé de transmettre brièvement et honnêtement à la connaissance des fidèles de quelle façon le Dieu tout-puissant, après le trépas du bienheureux prêtre et martyr Pigmène, a châtié le cruel et impie Julien et de quelle façon, à l’instigation du Seigneur, d’après ce que nous avons lu dans ses actes, ce personnage très cruel a perdu la souveraineté royale en même temps que la vie.’ Par ailleurs, quomodo semble avoir été répandu plus largement et plus tôt en hagiographie italienne que gauloise, où il n’est attesté que chez Raoul de Cluny au 12 e s. Tout comme quomodo, qualiter est présent dans le corpus italien dès le 6 e s. ; en Gaule, qualiter est attesté dans des textes du 9 e s. si bien qu’on a l’impression qu’il y a été relayé ultérieurement par quomodo.82 Qualiter n’est suivi de l’indicatif (perdidit) que dans l’exemple (62) de la Passio Pimenii ; il est en dépendance d’un même verbe recteur (enarremus) coordonné à une autre interrogation indirecte en qualiter, qui figure, elle, au subjonctif (sit operatus) sans qu’il soit possible de détecter une différence de

82 Un deuxième énoncé présentant une interrogation indirecte introduite par qualiter (coordonné à qua de causa), à savoir Passio Pimenii 1,2,19, fait l’économie du verbe subordonné ; voir l’ex. (71), cité infra.

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sens entre les deux modes. La même Passio Pimenii présente encore l’indicatif en (61), dans une interrogative en quomodo. Or avec un verbe recteur comme ignoro, qui exprime sans ambages l’absence de savoir, on aurait pu s’attendre à l’emploi du subjonctif. On y verra les indices d’un emploi peu conséquent des modes, qui s’inscrit dans une syntaxe de subordination relâchée. Une alternance des modes s’est observée ensuite avec quomodo dans l’exemple (60). La fluctuation semble ici s’expliquer par la longueur et la complexité de l’énoncé, l’indicatif relayant le subjonctif au fur et à mesure qu’on s’éloigne du verbe recteur dicit. Dans d’autres interrogatives subordonnées plus brèves et de structure transparente, Raoul emploie à la suite de quomodo le subjonctif.83 Un exemple d’interprétation plus délicate parce qu’attestant l’indicatif en concordance du passé est : (63) Audiens haec Anolinus qui eum iam ex urbe Mediolanensi expulerat quod haec faceret beatus Nazarius repletus indignatione dixit militibus suis quomodo effugit manus Neronis homo iste. (Passio Nazarii et Celsi 1, 6, 5) ‘À cette nouvelle, Anulinus, qui l’avait déjà chassé de la ville de Milan, se scandalisant de la conduite du bienheureux Nazaire, raconta à ses soldats comment cet homme s’était échappé des mains de Néron.’ Puisqu’ailleurs dans le même texte on trouve employé après quomodo introduisant une84 interrogation indirecte le subjonctif même pour un auxiliaire modal au présent,85 on peut se demander si l’on n’a pas affaire ici à un quomodo grammaticalisé qui, à la suite d’un uerbum dicendi, s’est vidé de son sens percontatif de manière,86 et est passé du statut d’adverbe à celui de conjonction87 de subordination, introduisant au sens de « que » une complétive assertive.

83 Voir Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2,2,2 ; 2,2,37 ; 2,4,15 ; 2,15,13. 84 Voir Passio Nazarii et Celsi 1,1,17 : Ipse mihi ostendat quae sunt iusta et uiam suam quomodo oporteat me ingredi et egredi coram ipso. « Que lui-même me montre ce qui est juste et de quelle façon il faut que j’emprunte son chemin et le quitte sous son regard. » 85 Sur l’emploi de quomodo et aussi de qualiter (cf. infra) dans des contextes ambigus admettant l’une ou l’autre interprétation, voir aussi P. Stotz (1998, 400–401). 86 Selon J. Herman (1957, 375), quomodo conjonctionnel est justement issu de quomodo employé dans des interrogations indirectes qui ne dépendent pas de verbes exprimant par euxmêmes une idée d’interrogation. Tout en concédant que cet usage a pu se développer sans influence étrangère, J. Pirson (1908, 71) constate que cet emploi s’est trouvé d’abord chez des écrivains qui s’inspiraient d’ouvrages grecs. G. Mayen (1889, 43–45) considère, d’une façon plus radicale, cet usage comme un pur grécisme. Voir, à ce propos, notre étude de quomodo chez Lucifer de Cagliari (Bodelot 2012). 87 Sur l’emploi de quomodo au sens de « que » suivi de l’indicatif à la suite de audio chez sainte Brigitte de Suède, voir E. Karlsen (2001, 39).

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Le même usage conjonctionnel de quomodo, cette fois suivi du subjonctif, est peut-être attesté un demi-millénaire plus tard en Gaule chez Raoul de Cluny, à condition que l’on donne à mirari le sens de « s’étonner (que) » et non de « se demander avec étonnement (comment) » : (64) Quod reges terrae audientes mirati sunt quomodo monachum suum in sede positum relinqueret et extraneum exaltaret (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 4, 15) ‘À cette nouvelle, les rois du monde se demandèrent avec étonnement comment il pouvait laisser son moine assis sur son siège et élever en dignité un étranger’ Il est possible qu’un processus analogue de grammaticalisation soit à l’œuvre avec qualiter, suivi du subjonctif, dans : (65) Et iratus ualde citius cucurrit nuntiauit haec Adriano qualiter Cerialis uicarius factum se esse christianum fateretur. (Passio Getulii, Cerealis et soc. 1, 111, 1) ‘Emporté par la colère, il courut vite annoncer à Hadrien de quelle façon le vicaire Cerealis proclamait être devenu chrétien.’ (66) Denique studebat multopere minister daemonis et totius fomes criminis qualiter ipsius pretiosae uirginis animam ad caeli palatium properantem ad inferni claustra mitteret et Christi sanguine redemptam denuo daemonicae iugo seruitus inclinaret. (Passio Benedictae 1, 9, 8) ‘Enfin le serviteur du démon, qui avait suscité toute l’accusation, s’appliquait vaillamment à renvoyer dans l’enceinte de l’enfer l’âme de cette excellente jeune fille qui se hâtait de rejoindre le palais du ciel et, alors qu’elle avait été rachetée par le sang du Christ, à la faire tomber de nouveau sous le joug de l’esclavage du démon.’ Dans (65), qualiter pourrait, en dépendance de nuntiauit, commuter sans différence de sens notable avec quod ou une proposition infinitive, dans (66),88 en dépendance de studebat, avec ut introduisant une complétive volitive.

88 Sur qualiter évoluant tout comme quomodo vers le sens de quod, quia et quoniam, voir J. Pirson (1908, 71). Sur la valeur factuelle faible de qualiter conjonctionnel s’employant au Xe s. dans le Chronicon Salernitanum à la suite d’un uerbum sentiendi, voir P. Greco (2012, 60–61).

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De tous ces marqueurs de manière, c’est quomodo qui a le mieux résisté en roman,89 qualiter n’ayant pas été en aval aussi prospère que qualis. Suite au processus de grammaticalisation amorcé en latin, les dérivés romans de quomodo continuent à introduire des complétives assertives après les verbes de déclaration et de perception, notamment dans le vieil espagnol et le vieux portugais.90

3.2.2 L’expression de la cause À l’instar de l’expression de la manière, les interrogations indirectes portant sur la cause sont dans le corpus hagiographique pourvus de marqueurs variés. Tab. 9: Termes introducteurs de l’interrogation indirecte de cause. cur qua de causa quare

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Total

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L’emploi indirect de cur n’est pas le même que chez Frédégaire puisqu’à côté d’énoncés du type de : (67) Testabantur etiam aliqui ex fratribus audisse se daemonem proteruis Martinum uocibus increpantem cur intra monasterium aliquos ex fratribus qui olim baptismum diuersis erroribus perdidissent conuersos postea recepisset (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 22, 3) ‘Certains des frères attestaient même qu’ils avaient entendu le démon blâmer impudemment Martin parce qu’il avait / d’avoir recueilli dans le monastère, après leur conversion, quelques frères qui avaient perdu la grâce du baptême suite à divers égarements’

89 Voir dans DHELL notre contribution sur quomodo (Bodelot, 2015), notamment le § 7 sur la filiation du lexème dans les langues romanes (avec indications bibliographiques). Pour une étude du fr. « comme » et « comment » s’inscrivant dans une perspective diachronique large, voir V. Wielemans (2005). 90 Voir à ce propos encore J. Herman (1957, 375–376), avec des exemples illustrant dans les deux langues l’équivalence entre como et que.

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(68) Ille ei iram domini et praesentes plagas cur sancto non crederet comminari. (Sulpice Sévère, Vita Martini 1, 23, 4) ‘Il le menaçait de la colère du Seigneur et de coups immédiats parce qu’il ne croyait pas un saint.’ où il exprime la cause à la suite d’un verbe signifiant blâme ou menace, ces textes offrent aussi une interrogation indirecte introduite par cur purement percontatif : (69) Dic tamen antequam ad tormenta uenias cur deorum sancta contemnas. (Passio Agathae 1, 4, 21) ‘Dis-moi cependant avant que tu subisses la torture pourquoi tu méprises les lois de nos dieux.’ La même valeur percontative est véhiculée dans le corpus par le composé qua de causa. Ne comptant que deux occurrences, il n’est pourtant pas propre à une époque ou à une région : il est attesté une fois, au 12 e s., chez Raoul de Cluny en Gaule, une autre fois beaucoup plus tôt, peut-être au 6 e s., dans la Passio Pimenii en Italie, en coordination avec qualiter, sans verbe subordonné exprimé : (70) Tunc fratres ad eum concurrentes quaerebant ab eo qua de causa sic clamaret. (Raoul de Cluny, Vita Petri Venerabilis 2, 10, 7) ‘Alors accourant vers lui, les frères lui demandaient pourquoi il criait de la sorte.’ (71) Pygmenius Persidam et beatus Donatus Aritium Tusciae oppidum petiit. Qualiter autem quaue de causa notitiae fidelium in sequentibus fideliter commendare curemus. (Passio Pimenii 1, 2, 19) ‘Pigmène gagna la Perse et le bienheureux Donat la ville d’Aritium en Etrurie. Or de quelle façon et pour quelle raison < ils prenaient cette direction>, empressons-nous, dans ce qui suit, de le transmettre avec honnêteté à la connaissance des fidèles.’ Avec 23 occurrences, le composé quare, accompagné ou non de non, est dans le corpus hagiographique l’interrogatif de cause de loin le plus fréquent en question directe, que ce soit en question informative ou rhétorique. Il n’est en revanche affecté qu’une seule fois à l’introduction d’une subordonnée, en Italie peut-être dès le 5 e s. : (72) et ista attendentes miror quare non erubescimus militum Christi uictorias silentio tegere et non ad laudem imperatoris caelestis qualiter pug-

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nauerint contra hostes et uicerint scedulis saltem uilibus tradere et ad incitandos animos bellatorum diligentius explicare. (Passio Caeciliae 1, 17, 34) ‘et je me demande avec étonnement pourquoi, en voyant cela, nous n’avons pas honte / je m’étonne [...] que [...] nous n’ayons pas honte / je suis frappé d’étonnement parce que [...] nous n’avons pas honte de taire les victoires des soldats du Christ, de ne pas transmettre, à la gloire du céleste souverain, ne fût-ce que sur des feuillets de peu de valeur, de quelle façon ils ont victorieusement combattu contre les ennemis et de ne pas le développer avec plus de zèle pour stimuler le courage des guerriers.’ Bien que cet exemple ne réponde pas de tous les points de vue au schéma phrastique traditionnel (verbe exprimant un sentiment négatif ou verbe de punition ou de vengeance + interrogation indirecte) dont on dérive normalement le cur ou le quare causal,91 il a pu contribuer de deux façons distinctes mais complémentaires à cette même filiation. Ou bien quare, dont l’interprétation comme adverbe interrogatif (au sens de « pourquoi ») reste ici possible, a été perçu, dans le sillage de miror transitif, comme l’équivalent de quod et de quia92 complétifs (au sens de « que ») ; puis, par analogie avec quod et quia, suite à un glissement imperceptible du contenu du sentiment à son motif, quare a pu être compris lui-même comme une conjonction de cause (au sens de « parce que ») après un verbe de sentiment qui ne requérait pas forcément de second actant. Ou deuxième filiation, plus immédiate, possible : dans un même contexte originellement interrogatif, quare a pu être interprété directement, sans le moindre détour par quod ou quia complétifs, comme une conjonction causale à la suite de miror, perçu comme intransitif, au sens de « être frappé d’étonnement (parce que) ». Quoi qu’il en soit, à supposer que la réanalyse d’une même structure en contexte « critique » ait pu conduire, par paliers, de l’emploi de quare comme adverbe interrogatif indirect à son emploi comme conjonction de subordina-

91 J. Herman (1957) parle d’une « ressemblance indéniable » entre les deux évolutions, celle de cur et de quare, tout en concédant que « le problème paraît être […] plus compliqué » pour quare (ibid., 372), parce que « quare étant non seulement plus populaire que cur, mais ayant aussi, d’emblée, des emplois plus variés, des glissements occasionnels ont pu se produire dans la parole vers le sens de conjonction causale […] » (ibid., 373). 92 Pour le rapprochement avec quod et quia, voir J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 541), qui citent à ce propos un exemple comparable avec miror chez Mart. 4,39,10 : argentum tamen inter omne miror quare non habeas […] purum.

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tion causale, on peut rendre compte de différents degrés d’hypotaxe, dont « car » continue à témoigner à l’intérieur du français, et cela jusqu’à l’époque moderne, où son statut supposé de coordonnant est souvent loin d’être clair.93

4 Conclusion Pour les complétives assertives, on retiendra que l’A.c.I. reste dans le corpus la construction la plus répandue aussi bien en Gaule qu’en Italie. L’infinitive résiste donc bien – plus qu’on ne l’affirme parfois – à la concurrence des subordonnées introduites par quod, quia, ut et, dans une moindre mesure, quomodo. Même si le latin produit en Italie semble à maint égard plus novateur et ouvert aux constructions vernaculaires que le latin gaulois, le maintien d’une concordance des temps somme toute classique confirme le caractère généralement conservateur de ce corpus hagiographique. De plus, en cas de postposition au verbe dicere, l’emploi de l’A.c.I. est, à la différence de celui des complétives conjonctionnelles – susceptibles de le concurrencer en cette position –, beaucoup plus libre et pour ainsi dire exempt de contraintes.94 Vu l’écrasante prépondérance et la liberté d’emploi de la subordination implicite, il ne semble donc guère possible de parler, pour l’assertion indirecte, d’une réelle rivalité exercée par la subordination explicite. Si concurrence et rivalité il y a, elle provient de la parataxe. On voit en effet très souvent une instance de discours direct se substituer à une complétive assertive attendue – ou au moins tout aussi acceptable – à la suite du verbe dicere. La même remarque peut se faire en ce qui concerne les interrogatives indirectes, où le remplacement du mode subjonctif par l’indicatif dans les véritables subordonnées ne se fait que lentement et surtout dans les cas où le subordonnant offre une compensation formelle au marquage par le mode. Certains traits de la syntaxe modale ne se laissent ici encore expliquer que par référence à la question directe, si bien qu’on hésite, en concordance du présent, parfois entre l’une et l’autre interprétation. Or la préférence pour le discours direct a moins à faire, comme on le sait, avec l’état de la langue qu’avec le niveau de la langue : en l’occurrence, un niveau de langue populaire et relâché, qui, pour obéir à la loi du moindre effort, tend à bannir le complexe

93 Pour plus de correspondances entre l’interrogatif de cause et la conjonction de coordination causale dans d’autres langues, voir J. B. Hofmann & A. Szantyr (21972, 542). 94 Pour une étude préliminaire sur la même question avec un bilan faisant une distinction entre variations diachroniques, diatopiques et diaphasiques, voir C. Bodelot (2017b).

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au profit du simple. Cette particularité langagière relève, d’après M. Banniard (2001, 21) du « diasystème du latin parlé », et s’inscrit dans le « continuum latinophone » (Banniard 2012, 61). Dans une optique d’évolution de la langue latine vers la langue française, c’est l’apparition progressive de traits rares et innovants dans un système de constructions usuelles, massivement majoritaires, qui mérite tout particulièrement de retenir notre attention. Ainsi, on constate l’apparition lente, à côté des propositions infinitives, de complétives assertives introduites par diverses conjonctions, à savoir quod, quia, ut et, plus rarement, quomodo, ainsi que l’affectation particulière de certains adverbes (de manière et de cause) ou particules à l’introduction des complétives interrogatives. En s’employant dans des contextes « critiques », qui admettent sans différence de sens appréciable deux lectures concurrentes, telle conjonction introductrice de subordonnée circonstancielle sera, par le processus de grammaticalisation, habilitée à introduire des complétives au sens du subordonnant universel « que » en français ou that en anglais ; tel subordonnant de sens hypothétique, déjà couramment affecté en latin tardif à l’introduction d’une interrogation indirecte totale, sera appelé à perdurer sous les deux formes se ou si comme introducteur exclusif du même type d’interrogative en français ou d’autres langues romanes ; enfin plusieurs thèmes en qu-, comme quare ou quomodo, passeront – entre autres – par leur emploi en complétive interrogative de leur statut d’adverbe à celui de conjonction de subordination, voire de coordination ou d’élément grammatical d’une polyvalence foisonnante en roman. Ainsi, par un déplacement des « bornes » du champ de fluctuation (Banniard 2012, 73–74), des structures marquées en latinophonie moyenne deviennent non marquées en romanophonie, et cela, normalement, suite à une inversion des rapports de fréquence (structures minoritaires > structures majoritaires et vice-versa) d’un système à l’autre. Remerciements: Je remercie vivement Sabine FIALON pour la relecture de la traduction des exemples cités dans cette étude.

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Colette Bodelot

Philippart de Foy, Caroline, Salsa au LASLA : lemmatisation et exploitation statistique de la Passio sanctae Salsae, in : Fialon, Sabine/Meyers, Jean (edd.), La « Passio sanctae Salsae » (BHL 7467). Recherches sur une passion tardive d’Afrique du Nord, Bordeaux, Ausonius, 2015, 165–189. Pirson, Jules, « Quomodo » en latin vulgaire, in : Reuschel, Karl/Gruber, Karl (edd.), Philologische und volkskundliche Arbeiten Karl Vollmöller zum 16. Oktober 1908 (réédité), Erlangen, Junge, 1908, 61–74. Serbat, Guy, « An » a-t-il jamais un sens négatif ?, Vita Latina 82 (1981), 2–5. Serbat, Guy, Les complétives en « quod », in : Bodelot, Colette (ed.), Grammaire fondamentale du latin, vol. 10 : Les propositions complétives en latin, Louvain/Paris/ Dudley (MA), Peeters, 2003, 528–753. Sornicola, Rosanna, La costruzione « DICO UT » con valore evidenziale. Tra sviluppi stutturali interni al latino ed influenze esterne, in : Molinelli, Piera/Cuzzolin, Pierluigi/Fedriani, Chiara (edd.), Latin vulgaire – Latin tardif X, Bergamo, Bergamo University Press, 2014, 343–369. Stephens, Laurence, Indirect Questions in Old Latin : Syntactic and Pragmatic Factors Conditioning Modal Shift, Illinois Classical Studies, 10:2 (1985), 195–214. Stotz, Peter, Handbuch zur lateinischen Sprache des Mittelalters, vol. 4 : Formenlehre, Syntax und Stilistik, München, Beck, 1998. Touratier, Christian, Syntaxe latine, Louvain-la-Neuve, Peeters, 1994. Väänänen, Veikko, Introduction au latin vulgaire, Paris, Klincksieck, 31981. Viellard, Delphine, Ότι dans le « Nouveau Testament », introducteur du discours direct : un subordonnant ?, in : Bodelot, Colette/Gruet-Skrabalova, Hana/Trouilleux, François (edd.), Morphologie, syntaxe et sémantique des subordonnants, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2013, 183–190. Wanner, Dieter, Le subjonctif de subordination en latin vulgaire : questions indirectes et adverbiales temporelles, in : Calboli, Gualtiero (ed.), Latin vulgaire – Latin tardif II, Tübingen, Niemeyer, 1990, 249–280. Wielemans, Valérie, L’évolution de « comme » et « comment » : le témoignage des grammaires et des dictionnaires de l’époque, clac 22 (2005), 1–34 (http://www.ucm.es/ info/circulo/no22/wieleman.htm). Wirth-Pölchau, Lore, « AcI » und « quod » -Satz im lateinischen Sprachgebrauch mittelalterlicher und humanistischer Autoren, thèse de doctorat inédite, FriedrichAlexander-Universität Erlangen-Nürnberg, 1977.

Passio Agathae

Passio Processi et Martiniani

Passio Caeciliae

Passio Marcelli et Apuleii

Passio Pimenii

Italie

Italie

Italie

Italie

Italie

2 1,35 ‰

1 486

1 265

550/6e s.?

550/6e s.?

3+1 2,02 ‰ + 0,67 ‰

4 0,64 ‰

5 2,29 ‰

1+1 0,79 ‰ + 0,79 ‰

2 0,32 ‰

antéposé postposé

antéposé postposé 3 + 2** 1,12 ‰ + 0,75 ‰***

quia p ****

A.c.I.

2 0,32 ‰

1 061

2 179

2 669

Nombre de mots

550/ancien, 6 223 antérieur au 8e s. et peut-être vers 450

517/début du 6e s.

500/ probablement avant le 7e s.

450/avant le 7 peut-être au 5e s.

Passio Agnetis

Italie

e

Date de composition*

Région Titre

Répartition des différents types de complétives dans le corpus hagiographique

Annexe

1 0,16 ‰

postposé

quod p

ut p

1+1 0,79 ‰ + 0,79 ‰

5+1 3,37 ‰ + 0,67 ‰

9 1,44 ‰

5 2,29 ‰

3+2 1,12 ‰ + 0,75 ‰

Total

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

369

e

Date de composition*

Vita Benedicti

Passio Nazarii et Celsi

Passio Getulii, Cerealis et soc.

Passio Victoris et Coronae

Passio Viti (BHL 8711T)

Passio Viti (BHL 8712T)

Passio Viti (BHL 8713DT)

Italie

Italie

Italie

Italie

Italie

Italie

3 613

2 392

2 428

700/entre 6e et 9e s.

700/entre 6e et 9e s.

700/entre 6e et 9e s.

1 224

650/6e-8e s.

2 121

1 756

600/6e-7e s.

700/avant le 10e s.

10 916

599

Nombre de mots

593–594

Passio 550/6 s.? Symphorosae

Italie

Italie

Région Titre

6 0,55 ‰

2 0,55 ‰

4+2 0,37 ‰ + 0,18 %

1 0,09 ‰

1 0,41 ‰

1 0,42 ‰

4 0,37 ‰

antéposé postposé

antéposé postposé 1 1,67 ‰

quia p ****

A.c.I.

1 0,41 ‰

1 0,57 ‰

1 0,09 ‰

postposé

quod p

16 + 2 1,41 ‰ + 0,18 ‰

1 1,67 ‰

Total

2 0,82 ‰

1 0,42 ‰

2 0,55 ‰

1 2 0,57 ‰ 1,14 ‰

ut p

370 Colette Bodelot

Vita 875/2e moitié Waldedrudis du 9e s.

Vita 917/ Madelbertae probablement début 10e s.

Gaule

Gaule

1 388

3 134

2 667

850/9e s.

Passio Benedictae

Gaule

1 848

800/9e s. (ou avant)

Passio Columbae

Gaule

1 158

Passio Vincentii

Gaule

575/2e moitié du 6e s.

Passio Saturnini

Gaule

881

Vita Martini

Gaule

41 565

450/5e s.

Sous-total

Italie

1 633

6 660

750/ certainement antérieur au 12e s.

Passio Ansani et Maximae

Italie

Nombre de mots

350/avant 397

Date de composition*

Région Titre

4 0,6 ‰

10 0,24 ‰

1 0,37 ‰

1 1,13 ‰

7+2 1,05 ‰ + 0,30 ‰

22 + 5 0,53 ‰ + 0,12 ‰

1 0,02 ‰

antéposé postposé

antéposé postposé

10 + 1 0,24 ‰ + 0,02 ‰

1 0,61 ‰

quia p ****

A.c.I.

4 0,1 ‰

postposé

quod p

1 0,61 ‰

Total

1 0,37

1 1,13 ‰

11 + 2 1,65 ‰ + 0,30 ‰

1 48 + 6 0,02 ‰ 1,15 ‰ + 0,14 ‰

ut p

Les subordonnées complétives déclaratives et interrogatives indirectes

371

Vita Petri Venerabilis

Sous-total

Gaule

Gaule

68 815

27 250

17 0,25 ‰

7 0,26 ‰

2 0,44 ‰

1 0,26 ‰

37 + 9 0,54 ‰ + 0,13 ‰

15 + 4 0,55 ‰ + 0,15 ‰

4+2 0,89 ‰ + 0,44 ‰

1 0,26 ‰

1 0,01 ‰

0

10 + 1 0,15 ‰ + 0,01 ‰

0

antéposé postposé

antéposé postposé 1 0,84 ‰

quia p ****

A.c.I.

5 0,07 ‰

1 0,04 ‰

1 0,22 ‰

postposé

quod p

23 + 4 0,85 ‰ + 0,15 ‰

7+2 1,55 ‰ + 0,44 ‰

2 0,52 ‰

1 0,84 ‰

Total

1 71 + 10 0,01 ‰ 1,03 ‰ + 0,14 ‰

0

ut p

La première date est une date fixe, qui est une construction artificielle qui apparaît dans le tableau des textes latins sur le portail TXM et qui permet de ranger les textes dans l’ordre chronologique ; la seconde date est une date libre, qui rend compte de ce qu’on sait du moment de rédaction du texte mais qui est souvent imprécise. ** Le deuxième chiffre correspond aux déclaratives complétives qui, dans une même séquence, sont coordonnées à une première complétive de type identique. *** Les chiffres exprimés en ‰ représentent la fréquence textuelle relative, qu’on obtient en divisant le nombre des occurrences par le nombre des mots de l’ouvrage et en multipliant ce résultat par 1000. **** Les chiffres donnés sous cette rubrique doivent être relativisés au vu des remarques faites au § 2.1.2.

*

Gaule& Total Italie

3 819

950/10e s.

Vita Walberti

Gaule 4 503

1 192

950/10e s.

Passio Iuliae

Gaule

± 1160

Nombre de mots

Date de composition*

Région Titre

372 Colette Bodelot

Bernard Combettes (Université de Lorraine)

La subordination dans la Chronique de Frédégaire : les propositions non régies 1 Introduction Une des principales caractéristiques du changement qui conduit du système linguistique latin au système du français réside dans la structuration de l’énoncé qui va de pair avec la disparition du marquage casuel. Le passage d’une organisation syntaxique « plate » à une hiérarchisation plus marquée des constituants concerne l’ensemble des syntagmes ; ce mouvement est déjà relativement bien étudié – pour le français, entre autres – en ce qui concerne les syntagmes majeurs, la constitution du SV et celle du SN, par exemple. L’évolution des faits de subordination doit être replacée dans cette problématique générale, la question de la hiérarchisation se posant également pour la phrase complexe, pour les « liaisons de prédications ». Même si le changement se produit assez lentement en français, plus lentement sans doute que celui qui affecte la phrase simple, on peut constater dès l’ancien français l’amorce d’une intégration progressive de certaines « subordonnées » dont le statut était, d’une façon générale, nettement périphérique. Il semble donc pertinent d’observer comment se présente dans des textes de latin tardif le système de la subordination et d’essayer de déterminer si certaines tendances sont déjà perceptibles, si certaines constructions annoncent le système roman et si d’autres, au contraire, se sont trouvées plus ou moins abandonnées. Adoptant une approche monographique, nous n’appuierons notre étude que sur un seul texte, le récit des événements qui se sont déroulés durant les règnes mérovingiens de 584 à 642, œuvre narrative en prose, que l’on a pris l’habitude de dénommer « Chronique de Frédégaire », datée de la deuxième moitié du 7 e siècle (cf. Devillers/Meyers 2001). On peut considérer qu’il y a là un bon exemple du latin de cette période qui précède la « renaissance » carolingienne. Il serait par exemple intéressant de comparer le système linguistique que ce texte permet de reconstituer avec celui dont témoignent les Passions de la même époque, qui ont été étudiées par M. Van Acker (2007). Dans la mesure où les propositions régies, conjonctives ou infinitives, les corrélatives et les subordonnées relatives se caractérisent par un fonctionnement particulier, par des propriétés syntaxiques spécifiques dues à leur nature et à leur mode de construction (cf. Bodelot 2014), nous limiterons notre étude aux subordonnées, ordinairement identifiées comme des « circonstancielles », qui, au-delà de différences relativement nombreuses, présentent la caractérishttps://doi.org/10.1515/9783110551716-019

374

Bernard Combettes

tique commune de ne pas être régies, de ne pas être placées sous la dépendance d’un autre constituant, qu’elles soient caractérisées par un marqueur spécifique – conjonction ou locution conjonctive – ou qu’elles ne le soient pas, ce qui est le cas des propositions au participe. Ces propositions jouissent d’un statut périphérique par rapport au noyau de l’énoncé, ce qui se traduit dans la plupart des cas, entre autres caractéristiques, par une certaine liberté de position. Il n’en reste pas moins que ce statut est loin d’être homogène et de nombreux travaux ont montré qu’une opposition telle que celle que l’on établit entre la parataxe et l’hypotaxe devait être pensée comme une organisation en continuum et non comme une dichotomie nettement tranchée. Nous rappellerons donc rapidement les cadres d’analyse qui nous ont semblé pertinents et utiles pour une analyse de la subordination circonstancielle ; considérés aujourd’hui comme classiques, ces classements des divers niveaux d’intégration d’une proposition, s’ils ne reposent pas sur les mêmes postulats théoriques, se rejoignent toutefois sur de nombreux points. Pour établir une hiérarchie des divers degrés de subordination, Lehmann (1988) prend ainsi en compte plusieurs variables (point d’incidence de la subordonnée, présence d’un morphème subordonnant, perte des caractéristiques phrastiques, etc.), dont chacune se réalise sous la forme d’un continuum, la combinaison de ces diverses échelles permettant de situer la relation qui unit deux propositions entre les deux extrêmes que sont la situation de parataxe et celle de l’hypotaxe la plus marquée, c’est-à-dire celle de l’enchâssement. Un tel type de continuum doit être complété par le classement que proposent, dans un cadre fonctionnel, des auteurs comme Van Valin/LaPolla (1997). Alors que Lehmann prend essentiellement en compte des critères syntaxiques, Van Valin et LaPolla, mettant en œuvre le principe d’iconicité, établissent un parallèle entre l’échelle des constructions et celle des propriétés relevant du contenu : une dépendance forte au niveau syntaxique va ainsi de pair avec un lien sémantique étroit entre les prédicats concernés, alors qu’une situation proche de la parataxe s’accompagnera d’une plus grande autonomie sémantique des propositions. L’indépendance des événements auxquels font référence les propositions acquiert donc une importance particulière, le contenu véhiculé par ces dernières pouvant en effet renvoyer à différentes caractéristiques d’un même état de chose, ou aux circonstances, au sens large, qui l’accompagnent. Sont ainsi mises en parallèle deux gradations : celle qui concerne les aspects sémantiques, la plus ou moins grande relation entre les contenus des propositions, et celle qui rend compte de l’intégration de la proposition dans la hiérarchisation de la structure phrastique. Le continuum qui mène des cas d’hypotaxe les plus nets aux cas de parataxe pourrait être, en ce qui concerne les subordonnées qui nous intéressent ici, de la forme suivante :

La subordination dans la Chronique de Frédégaire

375

– but – hypothèse – temporalité : – simultanéité – séquentialité : – antériorité – succession immédiate (du type dès que…) – succession avec intervalle (un moment après que …) – états de chose non ordonnés (sans relation logique ni relation temporelle) (Van Valin/LaPolla 1997, 476 sq.) Par rapport à l’étude que nous allons présenter, l’important est de constater que les temporelles occupent l’extrémité d’une telle échelle, représentant les cas les moins nets, si l’on peut dire, de subordination, à la limite de l’organisation paratactique et que cette famille de propositions est elle-même subdivisée en catégories particulières en fonction du sémantisme, alors que les finales, les causales et les consécutives apparaissent comme davantage intégrées et plus apte à une portée intraprédicative. Ce sont ces propositions que nous allons analyser, sans prendre en compte toutefois le cas des hypothétiques, qui constituent un sous-système particulier, la spécificité du lien qui unit la protase à l’apodose incitant à les mettre plutôt en relation avec les propositions topicalisées. Si l’étude de la phrase complexe trouve sa justification première dans l’analyse de la hiérarchisation et des niveaux de dépendance des diverses propositions mises en relation, elle ne peut manquer toutefois de s’intéresser également à l’interaction qui s’opère entre le système syntaxique et le domaine discursif. Les subordonnées circonstancielles, pour la plupart d’entre elles, jouent en effet un rôle important dans la structuration textuelle, qu’il s’agisse par exemple des temporelles dans la conduite du récit ou des causales dans la gestion du commentaire ou de l’argumentation. Il est souvent difficile de séparer les propriétés formelles des fonctions discursives au codage desquelles elles participent, et nous tenterons, dans notre étude, de prendre en compte ces deux aspects principaux du fonctionnement de la subordination. L’étude de l’énoncé complexe implique ainsi la prise en compte de plusieurs aspects, plus ou moins liés : nature des morphèmes de subordination, analyse syntaxique, avec en particulier, la prise en compte de la portée de la prédication seconde, niveau qui peut difficilement être dissocié du rôle discursif de la proposition, surtout lorsqu’il s’agit des subordonnées périphériques, et qui est d’ailleurs peu intégré dans les échelles que nous venons d’évoquer. Dans la présentation qui va suivre, nous séparerons les propositions intro-

376

Bernard Combettes

duites par un marqueur, conjonction ou locution conjonctive, de loin les mieux représentées quantitativement, des subordonnées sans marqueur, en l’occurrence les participiales.

2 Les subordonnées conjonctives Prenant en considération le sémantisme du marqueur qui introduit la proposition subordonnée, nous commencerons notre étude par les conjonctions et les locutions conjonctives qui renvoient au domaine temporel, en réservant toutefois une place particulière aux formes qui peuvent traduire d’autres relations que les relations d’ordre purement chronologique, en particulier des relations logiques.

2.1 cum, cumque, dum Nous nous attacherons donc abord aux propositions temporelles, importantes dans ce type de texte narratif. À l’intérieur de cet ensemble, il convient toutefois de distinguer, en prenant en compte le type de morphème subordonnant, les formes qui peuvent renvoyer à d’autres relations que celle de la temporalité et celles, plus spécifiques, qui sont réservées à l’expression de la chronologie. C’est en effet une tendance générale que l’évolution, qu’on peut considérer comme un cas de grammaticalisation, qui consiste à doter les marques temporelles de valeurs « logiques », telles que la cause ou l’opposition, par exemple. Dans le système que nous observons, trois formes sont concernées par cet élargissement de la valeur temporelle, cum, sa variante cumque, et dum, les autres conjonctions et locutions conjonctives ne semblant pas subir ce type de changement mettant en jeu l’opération de métaphore.

2.1.1 cum Isolée en début d’énoncé avec une valeur de cadratif temporel, la cum P est d’un emploi très fréquent dans le texte. Du point de vue sémantique, l’association avec des formes de plus-que-parfait entraîne davantage une valeur d’accompli qu’une valeur d’antériorité. Les événements rapportés ont d’ordinaire déjà été mentionnés dans le contexte antérieur et leur rappel ponctue ainsi le déroulement de la narration. Nous ne citerons que deux exemples pour illustrer cette valeur, très présente dans le texte :

La subordination dans la Chronique de Frédégaire

377

(1) Cum anno xxx regni sui in Burgundia et Auster regnum arepuisset, Herpone duci […] in pago Vltraiorano instituit (36) ‘Lorsque, en la trentième année de son règne, il se fut emparé du pouvoir en Bourgogne et en Austrasie, il (= Clotaire II) plaça le duc Herpo dans le district d’Ultraioranum’ (2) Cum iam Hierusolemam propinquassint, Eraglius uedens […], a febre uexatus crudeleter uitam finiuit (55) ‘Lorsque déjà ils s’étaient approchés de Jérusalem, Eraglius, voyant […], mourut cruellement tourmenté par la fièvre’ Comme nous l’avons rappelé plus haut, c’est un phénomène bien connu que, dans la plupart des systèmes linguistiques, les notions temporelles, en particulier lorsqu’elles renvoient à la succession d’états ou d’événements, sont fortement corrélées à des relations logiques. Dans de nombreux cas, la limite entre la valeur temporelle et la valeur causale est difficile à percevoir, le contexte seul permettant de trancher. La proposition initiale joue ainsi un double rôle, celui d’un cadratif temporel, mais également celui d’un cadratif causal : l’enchaînement chronologique se double de l’expression des causes et des effets. Dans les extraits suivants, la proposition initiale renvoie également à un état de choses qui motive le procès contenu dans la deuxième proposition : (3) Cum haec Dagoberto nunciassit, Dagobertus superueter iubet […] (57) ‘Comme il (= Sicharius) eut annoncé cela à Dagobert, Dagobert ordonne avec orgueil […]’ (4) Cum hoc Waiofarius audisset solito more terga uertit. (120) ‘Comme Waiofarius eut appris cela, il fait demi-tour à son habitude’ Dans certains contextes d’ailleurs, cette valeur causale l’emporte nettement sur l’expression de la temporalité, la forme verbale étant alors celle de l’imparfait du subjonctif. Cet emploi se situe ainsi dans la parfaite continuité du cum classique. Il en est ainsi dans : (5) Cum esset artus peruius ille ubi Loa fluuius transmeatur, uix tercia pars exercitus Teuderici transiuerat […] (17) ‘Comme le passage par lequel on passe la Louet était étroit, à peine un tiers de l’armée de Thierry l’avait franchi que […]’ (6) Cum Brunechildis nepotem suum Teudericum integra adsiduetate monerit ut contra Teudebertum mouerit exercitum, dicens […] tandem movetur exercitus (18)

378

Bernard Combettes

‘Comme Brunehaut incitait sans cesse son petit-fils Thierry à lancer son armée contre Théodebert, disant […], enfin l’armée se met en route’ (7) Cum esset litteris nimius aeruditus, astralogus effecetur. (53) ‘Comme il était très compétent dans les lettres, il se fait astrologue’ Le contexte peut même conduire à des valeurs qui se rapprochent de la concession, et on pourra rapprocher cet emploi de celui d’une locution française comme alors que. Il faut noter, dans le premier des deux exemples suivants, la présence de sed qui introduit la proposition principale, ce qui peut être considéré comme un indice de la faible intégration de la cum P : (8) Cum esset nimium argutissimus et strenuus in cunctis sed saeua illi fuit contra personas iniquitas (18) ‘Alors qu’il (= Thierry) était très habile et tenace en toutes choses, (mais) son injustice envers les personnes fut cruelle’ (9) Cum eum undique iam exercitus circumdasset et Teudericum leudis suae tenebat ne illuc adgrederit, misit Vncelenum ut suae iussionis uerbum nunciaret exercitum ut […] (18) ‘Alors que l’armée l’avait encerclé de tous côtés, et que ses leudes retenaient Thierry pour qu’il ne se rende sur place, il envoya Uncelenus pour qu’il annonce son ordre à l’armée’ En ce qui concerne l’organisation de l’énoncé, on signalera la présence d’un schéma relativement fréquent, qui est de règle en latin classique et qui se retrouvera d’ailleurs dans les textes narratifs de l’ancien français, schéma dans lequel la subordonnée circonstancielle est insérée entre le syntagme sujet et le prédicat principal. On peut considérer qu’il y a là insertion d’une prédication seconde, identique, toutes proportions gardées, à celles qui sont réalisées par des relatives ou par des syntagmes adjectivaux en apposition : (10) Ibique Bertoaldus cum nimis citeris precessisset ab exercito Clothariae cum suis interficetur (17) ‘Là Bertoald, comme il s’était trop avancé avec les autres, est tué avec les siens par l’armée de Clothaire’ Il faut en effet noter que, dans cette configuration, la subordonnée en cum a toujours pour sujet le sujet principal, ce qui permet de la distinguer des circonstancielles à valeur cadrative, par exemple. L’extrait suivant présente une pro-

La subordination dans la Chronique de Frédégaire

379

position en cumque, qui ouvre l’énoncé et une proposition en cum, qui caractérise le sujet comme le ferait une relative : (11) Cumque haec in diem festi sancti Martini antestites actum fuisset, Theudericus cum haec conperisset quod […] super fluuio Loa peruenit (17) ‘Quand ceci se fut passé le jour de la fête du Saint évêque Martin, Thierry, quand il eut appris que […] parvint à la rivière Louet’ Cette zone intermédiaire peut par ailleurs contenir plusieurs prédications secondes, comme dans l’exemple suivant, où la proposition introduite par cum est suivie de deux syntagmes au participe, le premier (verens …) à valeur causale, le second (lacrimas prorumpens) à valeur simplement descriptive : (12) Regina Bertetrudis cum haec audisset, uerens ne ueritatem subsisterit lacrimas prorumpens abiit in cobiculum. (37) ‘La reine Bertetrude, quand elle eut appris cela, craignant que ce ne soit la vérité, fondant en larmes, partit dans sa chambre’ Il convient de rappeler ici que les textes d’ancien et de moyen français présentent régulièrement ce type d’organisation, qui peut aussi se réaliser sous la forme d’une rupture syntaxique, le SN initial n’étant pas toujours le sujet du prédicat principal. En prenant comme point de comparaison ce schéma de l’énoncé narratif, on peut légitimement se demander s’il faut interpréter ce tour comme faisant partie d’une « phrase complexe », dans une structuration de dépendance entre les propositions, avec une nette distinction des niveaux de subordination, ou si, au contraire, on est en présence d’une configuration plus proche de la parataxe, le syntagme initial au nominatif étant davantage à considérer comme un topique que comme un sujet syntaxique du verbe principal. On doit cependant signaler que cette analyse, si elle se justifie en ancien français et, plus encore, en moyen français, par le fait que le syntagme initial est un « nominativus pendens » qui ne remplit pas de fonction syntaxique particulière, ne peut être soutenue par une argumentation identique lorsqu’il s’agit du latin, dans la mesure où le topique correspond bien aussi au sujet sémantique du verbe principal. Ceci nous conduit à la question de la portée discursive de ces propositions. Qu’il s’agisse du schéma que nous venons d’observer, ou, plus généralement, des schémas dans lesquels la cum P ouvre l’énoncé, cette proposition initiale apparaît ainsi comme très faiblement intégrée à une structure qui correspondrait à une phrase complexe du type : subordonnée + principale ; elle semble davantage avoir une portée large, qui s’exerce en fait sur des séquences de

380

Bernard Combettes

plusieurs propositions, séquences correspondant à des unités discursives. Plusieurs indices permettent d’aller dans ce sens. La deuxième mention d’un référent nous semble par exemple constituer un phénomène digne d’intérêt. L’articulation subordonnée + principale, dans une hiérarchisation de phrase complexe, correspond à un palier de traitement, particulièrement en ce qui concerne la dénomination des référents, palier où s’impose l’utilisation d’anaphores pronominales. L’ouverture de l’énoncé par une cum P ne rend pas obligatoire, dans l’expression d’une coréférence, la reprise par un anaphorique. Ainsi, dans les deux extraits suivants, les noms propres Protadius et Dagobertus, mentionnés dans la « subordonnée », sont-ils repris dans le contexte de droite, la longueur de ce contexte ne semblant pas déterminante, puisque, dans le deuxième exemple, la nouvelle mention apparaît dans le contexte immédiat : (13) Cum iam Protadius genere Romanus uehementer in palacium ab omnibus ueneraretur et Brunechildis stubre gratiam eum uellit honoribus exaltare, defuncto Wandalmaro duci in pago […] Protadius patricius ordenatur instigatione Brunechilde (16) ‘Comme déjà Protadius, Romain de naissance, était très respecté de tous au palais, et que Brunehilde en remerciement de leur liaison voulait l’élever dans les honneurs, à la mort du duc Waldemar, Protadius est nommé patrice dans le district […] à l’instigation de Brunehilde’ (14) Cum haec Dagoberto nunciassit, Dagobertus superueter iubet […] (57) ‘Quand cela a été annoncé à Dagobert, Dagobert ordonne avec orgueil […]’ Cet exemple peut, toutes proportions gardées, être rapproché de certains énoncés de l’ancien français, qui, sans être fréquents, sont néanmoins bien représentés ; ainsi, dans cet extrait de la Chanson de Roland : (15) Quant veit li reis le vespres decliner, / Sur l’erbe verte descent li reis en un pred, Culchet sei a tere, si priet Damnedeu (Chanson de Roland, v. 2447–2449) ‘Quand le roi voit tomber le soir, sur l’herbe verte le roi descend dans un pré, il se couche à terre et il prie Dieu’ Ce type de redénomination nous semble bien faire apparaître l’autonomie de la proposition initiale, qui sert de cadre à une nouvelle séquence narrative dotée d’une organisation propre. Ce fonctionnement textuel est bien illustré par le passage suivant, dans lequel la séquence narrative est constituée de la

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relation d’une série d’événements successifs (imperator… surgens / Persi vastantes … concremaverunt), l’ensemble se trouvant sous la portée du cadratif cum … fuissent vastate : (16) Cum infestatione Persarum imperium temporebus Maurici et Fogatis imperatorum multae prouinciae fuissent uastate, more solito contra Aeraclio imperator Persarum cum exercitum surgens […] Persi uastantes […] concremauerunt […] (52) ‘Comme de nombreuses provinces avaient été dévastées par l’attaque des Perses contre l’empire à l’époque des empereurs Maurice et Phocas, l’empereur des Perses, comme c’était devenu habituel, se dressant avec son armée contre Heraclius […], les Perses dévastant […] incendièrent […]’ L’autonomie de la cum P fait qu’il est parfois difficile d’établir une relation sémantique précise avec le contexte de droite. Ainsi, dans : (17) Cum leudes suae eiusque nequicie gemerint, haec cernens Peppinus, cum esset cautior cunctis et consiliosus ualde, […] prudenter agebat in cunctis (50) ‘Comme les leudes se plaignaient de sa méchanceté, voyant cela, Pépin, comme il était prudent en tout et de bon conseil, […] agissait prudemment en toutes choses’ alors que la deuxième cum P est clairement dotée d’une portée sémantique à valeur causale sur le prédicat principal (prudenter agebat), il est plus difficile de déterminer la valeur de la proposition qui ouvre l’énoncé, le rôle de la cum P se trouvant assez éloigné de celui que l’on attendrait d’une proposition dépendante. Ici encore, la comparaison avec l’ancien français semble particulièrement éclairante. L’emploi de cum, comparable à certains emplois de quand, se rapproche de celui d’un adverbial, aucun lien de dépendance syntaxique n’étant établi avec le contexte de droite. Dans le passage qui suit, cette utilisation de cum semble entraînée par la position, en début d’énoncé, du circonstant temporel anno XIII, qui a, lui aussi, une portée très large, dans la mesure où il introduit et ponctue une nouvelle séquence textuelle sans avoir une incidence précise sur le prédicat qui le suit : (18) Anno xiii regni Teuderici cum Theudebertus Bilichildem habebat uxorem, quam Brunechildis a neguciatoribus mercauerat : et esset Bilichildis utilis et a cunctis Austransiis uehementer diligeretur (22)

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‘La treizième année du règne de Thierry, comme Théodebert prenait pour épouse Bilichilde, que Brunehaut avait achetée à des marchands, et Bilichilde était dévouée et très aimée de tous les Austrasiens’ La cum P est donc dotée d’un statut périphérique et cette fonction de cadratif est de loin la mieux représentée, car ce n’est que de façon exceptionnelle qu’on rencontre une valeur qui relève du niveau énonciatif, valeur d’ordinaire traduite par dum, et ne renvoie pas au domaine des plans d’organisation du texte comme le faisaient les emplois que nous avons examinés jusqu’à présent. Dans le passage suivant, cum introduit une proposition qui marque la justification du dire, dans la mesure où il s’agit d’expliquer l’emploi du terme de factione ; cet emploi méta-énonciatif, qui dérive, de façon naturelle, de la valeur causale de cum, pourrait être rendu par des formes comme car ou en effet en français : (19) Dum Gundoald a Langobardis nimium dilegeretur, factione Agone regi et Teudelindae, cum ipsum iam zelum tenerint, ubi ad uentrem purgandum in faldaone sedebat saggitta saucius moritur (22) ‘Comme Gondoald était très aimé des Lombards, à la suite des intrigues du roi Agilulf et de Théodelinde, car ils éprouvaient de la jalousie à son égard, alors qu’il était assis sur un siège pour se soulager, il meurt percé par une flèche’

2.1.2 cum et le relatif de liaison La valeur de liaison de cum entre deux énoncés apparaît bien lorsque le subordonnant se combine, en quelque sorte, avec un relatif de liaison. On notera d’abord, comme indice de figement de la construction, la quasi-généralisation de la forme quod, les autres relatifs ne survenant pas dans ce contexte, si l’on excepte la forme quo de (21). Ce qu’il faut relever, c’est la présence, à côté de constructions tout à fait classiques, où le relatif remplit une fonction syntaxique dans le contexte de droite, de tours dans lesquels la forme quod ne joue plus ce rôle grammatical mais devient, dans son association avec cum, un marqueur d’enchaînement textuel. Le premier cas peut être illustré par les exemples suivants, dans lesquels quod est sujet de compertum fuisset et quo complément de lieu de venissent : (20) Quod cum Theuderico conpertum fuisset, fortissime ab eodem dispicetur. (22) ‘Et quand cela eut été rapporté à Thierry, ce fut très bien compris par lui’

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(21) Quo cum uenissent, beatum Columbanum in eclesia posetum (27) ‘Et quand ils furent venus là, [ils trouvent] le bienheureux Colomban installé dans l’église’ alors que, dans les énoncés suivants, l’ensemble quod cum apparaît comme grammaticalisé et ne semble pas ajouter une valeur supplémentaire à celle qu’aurait l’emploi d’un cum simple : (22) Quod cum undique Theudericus ab exercitum Theudeberti circumdaretur, quoactus atque conpulsus Theudericus timore perterritus per pactionis […] (29) ‘Et comme Thierry était entouré de tous côtés par l’armée de Théodebert, contraint et forcé, Thierry, tremblant de peur, accorda par un traité […]’ (23) Quod cum iam uel duodecem ex eis, nullis culpis extantibus, gladio trucedasset, reliqui cernentes […] (44) ‘Et comme déjà douze d’entre eux, n’ayant commis aucune faute, avaient péri par le fer, les autres, voyant […]’ (24) Bertanem […] relinquerit. Quod cum ipsa reliquisset et reuersus est in regnum Burgundiae, Berta continuo ad Chlotharium perrexit (45) ‘[à condition …] qu’il quitte Berthe. Et comme il l’avait quittée et qu’il était revenu dans le royaume de Bourgogne, Berthe alla tout de suite trouver Clotaire’ Le déplacement de saillance, qui est propre au processus de grammaticalisation, met ici en avant la valeur de liaison de quod, qui perd ainsi ses propriétés syntaxiques pour ne conserver que ses caractéristiques discursives. On notera que, dans la mesure où le premier élément de la locution souligne le rattachement au contexte gauche, quod cum introduit une proposition dont le degré d’intégration peut être très faible, comme cela était d’ailleurs le cas, nous venons de le voir, pour les propositions introduites par cum. Un indice de cette faible intégration peut être observé dans l’exemple suivant, avec l’emploi de ibique comme introducteur de la proposition « principale » : (25) Quod cum in suburbano Carnotis, Chramnulfo indecante et transmittente, ora prandiae in quedam uillola uenisset, ibique Ramnulfus et Waldebertus super ipsum inruunt (45) ‘Et comme il était venu, sur l’indication et sous la conduite de Chramnulf, dans les environs de Chartres, dans un petit domaine, au moment du repas, et là, Ramnulf et Waldebert se jettent sur lui’

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Ce type d’enchaînement doit être rapproché des tours de l’ancien français, dans lesquels un « coordonnant », d’ordinaire et ou si, ouvre la proposition principale lorsqu’une circonstancielle est placée en début d’énoncé (cf. Torterat 2000) ; proche de la parataxe, mais caractérisée par la corrélation qui s’établit entre le subordonnant initial et le connecteur, cette disposition, déjà observée pour le latin par J. Haudry (1973), apparaît comme intermédiaire entre la dépendance syntaxique et la juxtaposition, situation que l’on peut considérer comme un cas de « para-hypotaxe », en reprenant la dénomination proposée par Sorrento (1950). Ces constructions que nous venons d’examiner semblent faire de quod cum une simple variante libre de cum, ce qui constitue sans doute une des raisons de l’abandon de la liaison textuelle par un relatif. En ce qui concerne le français, la structuration textuelle par un relatif de liaison ne sera à nouveau mise en œuvre qu’en moyen français, avec le développement des formes de type lequel dans des schémas nettement latinisants.

2.1.3 cumque Variante de cum, la forme cumque exprime un lien plus explicite avec le contexte, lien qui équivaut, toutes proportions gardées, à celui qu’établit l’expression quod cum. La composition de ce subordonnant entraîne quasi obligatoirement sa position en tête d’énoncé. En fait, dans bon nombre de cas, la différence avec cum ne se laisse guère percevoir. Dans un exemple comme : (26) Cumque Gunthramno perlatum fuisset, eo quod frater suos Chilpericus esset interfectus, festinans perrexit Parisius (5) ‘Et quand il eut été annoncé à Gontran que son frère Chilpéric avait été tué, il gagne Paris à la hâte’ la substitution par cum semble tout à fait possible. Au plan sémantique, on remarquera cependant que cumque ne présente pas la variété des valeurs de cum et se trouve limité à des emplois temporels. La valeur causale est évidemment possible, mais se trouve d’ordinaire fortement rattachée à celle d’antériorité, comme dans l’exemple précédent. En fait, dans la majorité des occurrences, la conjonction est réservée à l’expression de la pure temporalité, sans nuances logiques supplémentaires, comme dans : (27) Cumque ab ipso pontifice fuisset baptizatus, agusta Maurici imperatores ea de sancto suscepit lauacro. (8) ‘Et quand elle (= Césara) fut baptisée par l’évêque en personne, l’épouse de l’empereur Maurice la tint sur les fonts baptismaux’

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(28) « Veni sub clepeum meum, de hoc periculo te liberabo. » Cumque ad eum liberandum clepeum aeleuassit, Manaulfus cum conto Bertharium in pectore percuciens, citiri […] circumdantes […] ulneratur graueter.) (78) ‘« Viens sous mon bouclier, je te protégerai de ce danger ». Comme il avait soulevé le bouclier pour le protéger, Manaulf frappant de sa lance Bertharius à la poitrine, les autres […] l’entourant […] il est grièvement blessé’ Comme c’était le cas pour les cum P initiales, la position initiale de la proposition introduite par cumque lui attribue d’ordinaire une portée très large, ce qui a pour résultat qu’elle « domine » les autres éléments subordonnés, en particulier d’autres circonstancielles ; ainsi, dans le passage suivant, qui présente la structure cumque P + SN (Theudericus) + cum + SV (haec conperisset) : (29) Cumque haec in diem festi sancti Martini antestites actum fuisset, Theudericus cum haec conperisset quod […]) (17) ‘Et quand ceci se fut passé le jour de la fête du saint évêque Martin, Thierry, quand il eut appris que […]’ Il en est de même, avec une subordonnée temporelle en priusquam ou une causale en dum, dans : (30) Cumque in congresso certamine debuissent cum exercitum confligere, priusquam priliare cepissent signa dantis exercitus Sigyberti terga uertens, redit ad propriis sedibus. (34) ‘Alors qu’au cœur de la bataille les armées auraient dû s’affronter, avant qu’ait été donné le signal du combat, l’armée de Sigebert fait demi-tour, retourne dans ses foyers’ (31) Cumque priliare cepissint, ut eorum mus est terga uertentes, dum cernerent se esse superandus, […] se latetarint […] (65) ‘Quand ils eurent commencé à combattre, faisant demi-tour comme ils en ont l’habitude, comme ils voyaient qu’ils étaient dominés, ils se cachèrent […]’ On pourrait rapprocher de l’exemple (25), dans lequel quod cum était en quelque sorte corrélé à ibique, l’énoncé suivant, où l’adverbial statim, même s’il n’est pas renforcé par -que, paraît jouer le même rôle d’introducteur de prédicat principal :

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(32) Cumque Taso credens, armam suorum foris urbem relinquens, in Rauennam fuissit ingressus, statem que fuerant preparati super Tasonem inruunt (58) ‘Comme Taso, croyant cela, laissant l’armée des siens hors de la ville, fut entré dans Ravenne, aussitôt, ceux qui avaient été préparés pour cela se jettent sur Taso’ Dans deux occurrences seulement, cumque ne se présente pas en début d’énoncé mais suit un autre constituant : circonstant temporel, dans un exemple où on remarquera à nouveau un emploi de ibique en début de principale : (33) Anno quarto regni Chlodouiae cumque Nantildis regina cum filio suo Chlodouio regi post discessum Aeganem Aurilianes in Burgundiae regnum uenissit, ibique omnes seniores […] ad se uinire precipit (75) ‘La quatrième année du règne de Clovis, lorsque la reine Nanthilde avec son fils Clovis, après le décès d’Aega, fut venue à Orléans dans le royaume de Bourgogne, et là elle ordonna que tous les seigneurs […] viennent à elle’ ou participe présent à valeur narrative (cf. infra), l’ordre des propositions se conformant ici à l’ordre des événements : (34) Inde cum omni exercitu Francorum usque ad castro qui uocatur Toartius ueniens, cumque in giro castra posuisset, ipse castrus mira celeritate captus atque succensus est (112) ‘Alors venant au fort qui est appelé Thouars avec l’armée des Francs, comme il avait placé son camp tout autour, ce fort fut pris avec une étonnante rapidité et fut incendié’ Notons au passage que l’emploi de la cumque P dans un tel contexte peut être considéré comme un indice de l’autonomie de la proposition participiale initiale (cf. infra, § 3).

2.1.4 dum La forme dum, dans sa valeur temporelle, marque le déroulement du procès, ce qui conduit à l’expression de la simultanéité, d’une concomitance plus ou moins précise. Comme c’était le cas pour cum, le déplacement vers des valeurs non temporelles, d’ordre logique, peut également être observé. On notera ce-

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pendant que, dans les Continuations, seule apparaît la valeur temporelle et que les valeurs « causales » ne semblent pas se maintenir, la concurrence d’autres expressions jouant sans doute un rôle dans cette limitation : (35) Post haec Aistulfus rex Langobardorum dum uenationem in quadam silua exerceret, diuino iudicio de equo quo sedebat super quandam arborem proiectus uitam ammisit (108) ‘Après cela, Aistaulf, le roi des Lombards, alors qu’il se livrait à la chasse dans une forêt, projeté de son cheval sur un arbre par le jugement divin, perdit la vie’ (36) regnum Francorum quod ipse tenuerat equali sorte inter predictis filiis suis Carlo et Carlomanno, dum adhuc ipse uiueret, inter eos diuisit (121) ‘il partagea de façon équitable, alors qu’il était encore en vie, le royaume des Francs, que lui-même possédait, entre ses fils susdits, Charles et Carloman’ (37) Dum haec ageretur Waiofarius inito iniquo consilio contra Pippino rege Francorum insidias parat (110) ‘Pendant que cela se passait, Waifre, par une décision contraire au droit, prépare un complot contre Pépin, le roi des Francs’ Notons également que dum entre dans la locution usque dum, dans une seule occurrence toutefois, où usque exprime l’atteinte d’une limite, et où on remarquera l’emploi du parfait de l’indicatif ; cette formation correspond à la tendance à la création d’expressions complexes, la forme quod n’étant pas systématisée dans cette fonction, même si elle y est des plus fréquemment utilisée dans d’autres combinaisons : (38) uniuersas sibi subditas gentes, usque dum ad Parisius ut supra memini peruenit, regebatur (49) ‘il régnait sur tous les peuples qui lui étaient soumis, jusqu’au moment où il est arrivé à Paris, comme je l’ai rappelé ci-dessus’ En ce qui concerne l’expression de relations logiques, la gamme des valeurs de dum apparaît comme assez étendue. Comme c’est le cas pour alors que en français, il s’opère un glissement de la valeur de simultanéité vers celle de parallélisme et, par là, vers celle d’opposition : (39) nihil se menorem a Brunechilde esse censirit sed sepius per legatus Brunechilde dispicirit, dum ab ipsa increpabatur quod ancilla Brunechilde fuisset (23)

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‘elle (= Bilichilde) pensait n’être en rien inférieure à Brunehaut, mais souvent par l’intermédiaire de ses envoyés elle méprisait Brunehaut, alors qu’elle était blâmée par celle-ci d’avoir été la servante de Brunehaut’ L’évolution peut se faire aussi vers le sens de la causalité, dans un emploi très proche de celui de cum : (40) Post haec omnes Gothus, dum Arrianam sectam tenebant, Toletum adhunare precepit et omnes libros Arrianos precepit ut presententur (7) ‘Après cela, il (= Récarède) ordonna que tous les Goths, comme ils adhéraient à l’hérésie arienne, de se réunir à Tolède et que tous les livres ariens soient présentés’ On relèvera d’ailleurs un cas de coordination avec une proposition introduite par cum : (41) Cum aliquid unius uerbi proprietate non habeo quod proferam nisi prestitum ab Altissimo fuerit, et dum quero implere sentenciam, longo ambiatu breuis uiae spatium consummo (1) ‘Comme je ne peux sans l’aide du Très Haut exprimer ce que j’ai à dire par la propriété d’un seul mot, et comme je désire exprimer pleinement ma pensée, je parcours par de longs détours une courte distance’ Dans un exemple comme : (42) Dum Gundoald a Langobardis nimium dilegeretur, factione Agone regi et Teudelindae, cum ipsum iam zelum tenerint, ubi […] sedebat, saggitta saucius moritur (22) ‘Comme Gondoald était très aimé des Lombards, à la suite du complot du roi Agilulf et de Théodelinde, comme ils éprouvaient de la jalousie envers lui, alors qu’il était assis […], il meurt frappé par une flèche’ c’est même un emploi inverse des deux conjonctions que l’on attendrait, la deuxième proposition relevant de la justification, alors que la première renvoie à la simple relation de causalité. Un tel énoncé montre bien que le sémantisme de ces subordonnants est loin d’obéir à des règles strictes et que la situation semble bien être celle d’une variation libre. Alors que la cum P n’a qu’exceptionnellement une portée sur l’énonciation (cf. ex. 19), la relation de causalité, dans le cas de dum, peut s’étendre plus facilement au domaine énonciatif, dans des contextes à valeur explicative ou

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justificative. On remarquera que le français a privilégié la forme puisque, à partir de l’expression de la postériorité et non la locution alors que, expression qui est resté limitée au domaine de l’opposition ; c’est plutôt dans la forme comme qu’il conviendrait de rechercher un équivalent de cette valeur de dum. Les exemples suivants correspondent à cet emploi énonciatif : (43) nimis citeris precessisset ab exercito Clothariae cum suis interficetur, nec uellens exinde euadere, dum senserat se de sui gradus honorem a Protadio degradandum. (17) ‘comme il (= Bertoald) s’était trop avancé devant les autres, il est tué par l’armée de Clotaire, et ne voulant pas se tirer d’affaire, car il avait compris qu’il allait être supplanté par Protadius dans sa haute position’ (44) Cumque priliare cepissint, ut eorum mus est terga uertentes, dum cernerent se esse superandus, in faucis uallium montebus Perenees latebram dantes, […] (65) ‘Quand ils eurent commencé à combattre, faisant demi-tour comme c’était leur habitude, car ils voyaient qu’ils allaient être dominés, cherchant un refuge dans les gorges des Pyrénées […]’ (45) Dum facere non audes, proximum temporis domini nostri pro ea que facetis iungent ad prilio (17) ‘Puisque tu n’oses pas agir, nos seigneurs se combattront bientôt à cause de vos actes’

2.2 Autres expressions temporelles En ce qui concerne la temporalité, les autres marqueurs de subordination relevant du domaine de la temporalité ne sont utilisés, à la différence de cum ou de dum, que pour l’expression de la chronologie et ne renvoient pas à des valeurs logiques. Il faut cependant noter qu’ils sont beaucoup moins fréquents, n’étant représentés, dans la plupart des cas, que par trois ou quatre occurrences. Comme nous l’avons déjà remarqué à propos des marqueurs de subordination, l’expression de l’antériorité et de la postériorité par des morphèmes spécifiques est rarement attestée. Si cum est abondamment utilisé pour traduire l’antériorité, ni postquam ni antequam ne paraissent faire partie du système des subordonnants. On peut toutefois relever deux occurrences de priusquam et deux occurrences de post quod, ce dernier cas constituant une illustration de la tendance à reconstruire des locutions à l’aide de quod

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(46) Cumque in congresso certamine debuissent cum exercitum confligere, priusquam priliare cepissent signa dantis exercitus Sigyberti terga uertens, redit ad propriis sedibus. (34) ‘Alors qu’au cœur de la bataille les armées auraient dû s’affronter, avant qu’ait été donné le signal du combat, l’armée de Sigebert fait demi-tour, retourne dans ses foyers’ (47) Eodem die quo de Latona ad Cabillonno deliberare properabat priusquam lucisceret, balneo ingrediens, Brodulfo […] interficere iussit (48) ‘Le même jour où il quittait rapidement Losne pour aller siéger à Chalon, avant qu’il fasse jour, entrant dans son bain, il ordonna de tuer Brodulf […]’ (48) Quarto anno post quod Childebertus regnum Gunthramni acciperat defunctus est (11) ‘La quatrième année après que Childebert avait reçu le royaume de Gontran, il meurt’ (49) Factum est autem ut, post quod Pippinus rex urbem Aruernam cepit hac regionem illam totam uastauit (112) ‘Mais il arriva que, après que le roi Pépin eut pris la ville d’Auvergne, il dévasta toute cette région’ Malgré le tout petit nombre d’occurrences, on peut remarquer que ces propositions ont une portée vers la droite, même si elles ne sont pas en début absolu d’énoncé. Elles suivent ainsi la tendance générale qui conduit les temporelles à fonctionner, du point de vue discursif, comme des éléments cadratifs, dont la portée peut s’étendre sur plusieurs propositions, comme en (34). En ce qui concerne la simultanéité, on relèvera un petit nombre d’occurrences de quando, dans des contextes où l’alternance avec cum semble possible : (50) Quando Deo conplacuit, Aubedo ligatarius dirictus a Chlodoueo regi causam legationes usque ad Chrotharium regem (59) ‘Quand cela plut à Dieu, le légat Aubedo fut envoyé par le roi Clovis en ambassade auprès du roi Rothari’ (51) custodias quod […] propter gentem Saracenorum ad custodiendum miserat aut ad intrandum aut quando iterum in patria reuertebant capere aut interficere eos potuissent. (113) ‘afin qu’ils puissent prendre ou tuer, soit à leur arrivée soit quand elles retourneraient dans leur pays, les garnisons qu’il avait envoyées pour protéger la ville contre les Sarrasins […]’

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Dans un exemple isolé, le contexte, avec en particulier l’emploi du subjonctif, semble conduire à une interprétation dans laquelle la valeur temporelle itérative se rapproche de la valeur hypothétique, par le passage de lorsque à chaque fois que et à s’il arrive que : (52) Gotorum gens inpaciens est quando super se fortem iogum non habuerit. (69) ‘La nation des Goths est coléreuse quand elle n’a pas sur elle un joug puissant’ Il faut cependant remarquer que quando ne semble pas jouer le rôle textuel qui constitue une des caractéristiques de cum. Le faible nombre d’exemples ne permet guère d’opérer une généralisation, mais on peut constater que, dans les deux derniers énoncés cités, la proposition introduite par quando a une valeur rhématique et une portée nettement intraprédicative, alors que, dans (50), si la subordonnée apparaît en tête d’énoncé, elle n’a pas la fonction d’un cadratif et de lien contextuel que remplit cum + P dans le déroulement de la narration. La concomitance de deux états de choses peut également être marquée par ubi, qui n’apparaît que dans un seul exemple, la proposition ainsi introduite renvoyant à un événement de second plan : (53) ubi ad uentrem purgandum in faldaone sedebat saggitta saucius moritur. (22) ‘alors qu’il était assis sur un siège pour se soulager, il meurt percé par une flèche’ En face de ce très petit nombre d’attestations de subordonnées qui sont en fait concurrencées par les cum P et par les dum P, les propositions qui traduisent la visée d’un repère final apparaissent comme relativement mieux représentées, avec l’emploi de donec et de quelques expressions formées sur usque. La valeur classique de donec (jusqu’à ce que) peut se combiner avec l’expression de l’intensité et, dans un tel contexte, correspondre alors à au point que : (54) aeuentum anno in quo expletum est in ordene debeto referam et scribere non selebo, donec de his et alies optata si permiserit Deus perficiam (69) ‘cet événement je le rapporterai dans l’ordre voulu, à l’année où il s’est produit, et je n’omettrai pas de l’écrire, aussi longtemps que, sur ces choses et sur d’autres, je parviendrai à dire ce que je souhaite, si Dieu le permet’

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(55) gentem inuicem Francorum in sedicionem mittens in scandalum ac derisum, donec odium non modicum inter ipsos creuit usque ad scandalum et ruinam. (81) ‘poussant la nation des Francs à la sédition, en les déshonorant et les tournant en dérision, jusqu’à ce qu’une très forte haine grandisse parmi eux jusqu’à son déshonneur et sa perte’ On relèvera, dans deux exemples, un emploi qui se rapproche de celui d’un simple marqueur d’enchaînement temporel articulant deux séquences narratives ; dans l’exemple suivant, le procès introduit par donec ne marque pas l’interruption ou l’aboutissement du procès exprimé dans la première proposition, mais signale un événement nouveau qui vient interrompre l’état initial : (56) Ebroinus quoque magis atque profusius crudeliter Francos obpremebat, donec tandem aliquando Ermenfredo Franco minas parat, rebus propriis tollere disponit. (83) ‘Ebroin aussi opprimait énormément et très cruellement les Francs, jusqu’à ce qu’enfin il menace le Franc Ermenfred, et qu’il se prépare à lui enlever ses biens’ Il en va de même dans l’extrait suivant : (57) civitatem obsedunt, aciem instruunt, donec insecutus uir belligerator Carlus praedictam urbem adgreditur, muros circumdat, castra ponit (94) ‘ils assiègent la ville, préparent leur armée, jusqu’à ce que le chef de guerre Charles, les suivant, attaque ladite ville, encercle les remparts, installe un camp’ Dans ce type de contexte, le rôle discursif de donec permettrait de rapprocher l’articulation des prédications de ce qui est d’ordinaire caractérisé comme « subordination inverse » (il était … lorsqu’enfin …). Le degré de subordination est ici très faible et le marqueur fonctionne davantage comme un adverbial temporel que comme un véritable indice de dépendance syntaxique. La même relation chronologique est exprimée par des expressions formées sur usque, qui n’apparaît sous sa forme simple que dans un emploi prépositionnel. Sur le modèle d’expressions telles que postquam, priusquam, antequam, etc., tout se passe comme si un « renforcement » par une conjonction « pure » ou par un adverbial s’avérait nécessaire pour que ce morphème soit utilisé comme subordonnant, d’où les locutions usquedum, usquequo, quousque, ou encore quoadusque. La relation établie par ces subordonnées peut être purement chronologique, avec la valeur de jusqu’au moment où :

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(58) uniuersas sibi subditas gentes, usque dum ad Parisius ut supra memini peruenit, regebatur (49) ‘il régnait sur tous les peuples qui lui étaient soumis, jusqu’au moment où il est arrivé à Paris, comme je l’ai rappelé ci-dessus’ mais elles peuvent également, dans des contextes favorables, traduire l’aboutissement à un résultat et se rapprocher ainsi de la consécution, passant de jusqu’à ce que à de telle sorte que. (59) admouerunt […] contra Alamannos sederuntque castra metati super fluuium Danuuii […], usquequo habitatores Alamanni se uictos uidentes obsides donant, iura promittunt (98) ‘ils se mirent en marche contre les Alamans et installèrent leur camp sur le Danube […] jusqu’à ce que les habitants alamans, se voyant vaincus, donnent des otages, promettent de respecter les lois’ (60) uirum Dei […] Vesoncionem oppidum ad exulandum perducit, quoadusque ex eo regali sentencia quod uoluisset decerneret (27) ‘il (= Baudulf) emmène en exil l’homme de Dieu dans la place forte de Besançon, jusqu’à ce qu’il (= le roi) déclare par un avis ce qu’il voulait’ La relation chronologique et logique exprimée dans ces énoncés détermine en quelque sorte la place de la subordonnée en deuxième position, à la suite de la principale. Dans deux exemples isolés, toutefois, la quoadusque P ouvre l’énoncé, mais il faut remarquer que cette proposition renvoie davantage à une valeur temporelle (jusqu’au moment où) qu’à l’expression de la consécution, ce qui lui permet de fonctionner comme thème de phrase : (61) Quoadusque hoc morbum Gotorum Chyntasindus cognouissit perdometum non cessauit quos in suspicionem habebat gladio trucidare. (70) ‘Jusqu’au moment où Chindaswinthe comprit que ce défaut des Goths était vaincu, il ne cessa de faire tuer par l’épée ceux qu’il soupçonnait’ (62) depotatis custodibus, qui quousque ditionis suae regno pelleretur, non eum relinquerent. (28) ‘des gardes (sont) disposés, qui, jusqu’à ce qu’il (= Colomban) soit chassé du domaine royal, ne le quitteraient pas’

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2.3 Les relations autres que temporelles 2.3.1 ut Nous passerons rapidement sur les exemples dans lesquels ut, avec une de ses valeurs classiques, introduit une proposition finale, cette dernière pouvant occuper une place variable dans la structuration de l’énoncé, en zone postverbale ou en zone initiale : (63) eum increpare, quur concubinarum adulteriis misceretur et non pocius legetimi coniugii solamina frueretur, ut regales proles ex honorabilem reginam prodiret (23) ‘(Colomban se mit) à le (= Thierry) blâmer, parce qu’il avait des relations adultères avec des concubines et qu’il ne jouissait pas des bienfaits d’une union légitime, afin que la descendance royale soit issue d’une reine honorable’ (64) Vt Bertoaldus pocius interiret, eum […] fiscum inquerendum dirigunt (16) ‘Afin que Bertoald meure plus facilement, ils l’envoient s’occuper du fisc’ Cette valeur finale n’est pas toujours absente des emplois dans lesquels ut présente son fonctionnement classique d’introducteur de complétive. On peut considérer que s’opère une sorte de superposition qui conduit au maintien de la forme ut dans la sphère de la complémentation tout en la dotant d’un sémantisme circonstanciel. Cette combinaison est surtout favorisée par des contextes de verbes de parole ou de verbes de mouvement. Ainsi, des verbes comme vocare ou loqui dans les passages suivants, (65) Landericus cum exercito Aurilianes circumdans, uocabat Bertoaldum ut exiret ad prilium (16) ‘Landeric encerclant Orléans avec son armée, appelait Bertoald (pour) qu’il sorte se battre’ (66) regina tua Gundebarga, apud Tasonem ducem secrecius tribus diebus locuta est, ut te uenino interficerit (42) ‘ta reine Gondeberge a parlé en secret il y a trois jours avec le duc Taso, afin qu’il te tue par le poison’ ou encore mittere, dirigere, destinare

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(67) statim ille legationem ad Mauricio imperatore misit, ut sanctus Iohannis uenerit Anciocam (8) ‘aussitôt il (= l’empereur perse) envoya une ambassade à l’empereur Maurice, (pour) que saint Jean vienne à Antioche’ (68) domesticus dirigetur, eo quod […], ut ab Ermenrici promissionebus preuentus, usque adgrederit Agustedunum (77) ‘un intendant (= Ermenric) est envoyé, parce que […], pour que, trompé par les promesses d’Ermenric, il (= Willebad) aille jusqu’à Autun’ (69) ad Laudunum nuncios dirigit Aglibertum ac Reolum Remensis urbis episcopum, ut fide promissa in incertum super uacuas capsas sacramenta falsa dederunt. (83) ‘il envoie en ambassade à Laon Aglibert et Reolus, l’évêque de Reims, pour qu’ayant donné leur parole ils prêtent de faux serments sur des reliquaires vides’ (70) Itemque et alius legatarius duodicem ad Gunthramnum et Childebertum destinant, ut patrocinium Francorum et defensionem habentes, duodece milia soledus annis singulis his duobus regibus in tributa implerint (38) ‘De même, ils (= les Lombards) envoient douze autres ambassades auprès de Gontran et de Childebert, (disant) que, ayant la protection des Francs, ils donneraient chaque année douze mille sous d’or comme tribut aux deux rois’ Dans tous ces cas, on peut percevoir comment s’atténue la frontière entre propositions circonstancielles et propositions régies (cf. Bodelot 2014). Une autre valeur de ut est celle qui se trouve d’ordinaire désignée par la dénomination très large de « comparaison ». On retrouve, sous cette rubrique, toute une gamme d’emplois dont le point commun est effectivement de mettre en relation deux réalités, mais cette relation peut aller de la comparaison stricte (X est plus / moins que Y) à l’expression de la causalité, de la même manière que évoluant vers en raison de ; on peut rapprocher ce changement de celui que nous avons évoqué à propos de dum, qui passe de la simultanéité à la causalité. Dans des exemples comme : (71) Saxones, qui uius peticionebus suggerendum uenerant sacramentis, ut eorum mus erat, super arma placata pro uniuersis Saxonebus firmant. (63) ‘Les Saxons, qui étaient venus présenter ces demandes, prêtent serment pour tous les autres Saxons, en frappant sur leurs armes, comme c’était leur coutume’

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(72) iure Francorum sese ut antiquitus mos fuerat subdiderunt (101) ‘ils se soumirent au droit des Francs comme c’était leur vieille habitude’ la valeur de causalité ne se laisse pas tirer du contexte et seule est exprimée la comparaison entre deux états de choses, alors que, dans : (73) Beatus itaque Columbanus, ut erat audax atque animo uegens, talibus obicienti regi respondit […] (26) ‘Donc le bienheureux Colomban, puisqu’il était hardi et d’esprit vif, répondit au roi, qui lui faisait de tels reproches […]’ (74) Quo audito Dagobertus, ut erat cupedus, exercitum in ausilium Sisenandi de totum regnum Burgundiae bannire precepit. (62) ‘Et ayant entendu cela, Dagobert, puisqu’il était cupide, ordonna de réunir une armée de tout le royaume de Bourgogne pour venir en aide à Sisenand’ (75) inter quos et domnus Arnulfus pontifex Mettensis cum reliquis episcopis elegitur et benignissime, ut sua erat sanctitas, inter patrem et filium pro pacis loquebatur concordia. (44) ‘et parmi eux est aussi choisi le seigneur Arnoul, évêque de Metz avec d’autres évêques, et, avec beaucoup de bienveillance, car telle était sa sainteté, il parlait pour la concorde et la paix entre le père et le fils’ la relation de comparaison cède le pas à celle de causalité, qui s’étend d’ailleurs au domaine énonciatif, prenant la valeur d’un commentaire, identique en cela à certains emplois de dum que nous avons pu examiner plus haut. Toutes proportions gardées, la conjonction comme du français présente exactement le même éventail de possibilités. Il n’est pas étonnant que la valeur énonciative prenne la forme d’une sorte de parenthèse venant interrompre le cours du récit et traduisant le point de vue du narrateur : (76) rex Pippinus post paucos dies ut dolus est ad dicendum ultimum diem et uitam simul caruit (121) ‘le roi Pépin, après peu de jours, (car) c’est une douleur de le dire, vécut son dernier jour et perdit la vie’ (77) non subferentes maliciam ferre et oppressione, Chunorum dominatione negantes, ut supra memini, ceperant reuellare. (40) ‘ne supportant plus de subir la méchanceté et l’oppression, refusant la domination des Huns, comme je l’ai rappelé plus haut, ils avaient commencé à se révolter’

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Dans ce dernier emploi, ut se trouve concurrencé par la forme sicut, qui apparaît comme une variante libre : (78) Ipsoque tempore, sicut super scriptum legitur, per loca in regno Francorum proruperunt. (37) ‘Et à la même époque, comme on le lit écrit plus haut, ils envahirent le royaume des Francs en plusieurs endroits’ (79) Charoaldus rex unum centenarium auri, sicut promiserat, partebus Isaciae et emperiae cassauit. (58) ‘Le roi Charoald fit remise, comme il l’avait promis, d’un centenaire d’or à Isaac et à l’empire’ (80) praefatus rex ad K. Mar. omnes Francos, sicut mos Francorum est, Bernaco uilla publica ad se uenire praecepit. (105) ‘ledit roi, aux calendes de mars, ordonna à tous les Francs, comme c’est la coutume des Francs, de venir auprès de lui au domaine royal de Berny’ La ut P est par ailleurs bien représentée comme deuxième terme d’une corrélation traduisant la conséquence, la valeur de comparaison n’étant pas exploitée ici. Nous ne nous attarderons pas sur cette construction, qui donne à la ut P un tout autre statut que celui des circonstancielles. L’association est en particulier fréquente avec la forme ita : (81) et ita Warni trucidati uicti sunt ut parum ex ipsis remansisset. (11) ‘les Warnes furent vaincus, massacrés au point qu’il en resta peu d’entre eux’ Ce qui nous semble pertinent, en revanche, c’est de relever que les deux éléments peuvent se trouver rapprochés, ce qui conduit à la formation d’une locution qui peut apparaître comme en voie de grammaticalisation : (82) castra nec procul inter se exercitus uterque posuissit, ita ut in crastena bellum inirent confligentes (55) ‘les deux armées avaient disposé leur camp non loin l’une de l’autre, afin qu’elles puissent aller au combat dès le lendemain’ (83) et circa muros utraque parte fixit tentoria, ita ut nullus exinde euadere potuisset. (108) ‘et il fit planter les tentes tout autour des remparts, de sorte que nul ne puisse s’échapper’

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D’autres corrélations n’ont pas évolué vers ce type de figement. C’est par exemple le cas pour l’association avec l’intensif tantus, dans des tours également réservés à l’expression de la consécution : (84) Ibique tanta ei fuit utiletas de Chunis facta ut mirum fuisset (40) ‘Et là sa bravoure face aux Huns fut telle que c’était extraordinaire’ (85) tanta stragis a Radulfo cum suis de exercito Sigyberti fiaetur ut mirum fuissit. (74) ‘un tel carnage de l’armée de Sigebert est fait par Radulf et par les siens que c’était extraordinaire’ (86) tante prosperetatis regnum tenuit ut omnes etiam uicinas gentes ad plinitudinem de ipso laudis canerent. (4) ‘il maintint le royaume dans une telle prospérité que l’ensemble même des peuples voisins chantaient pleinement ses louanges’ On notera cependant, dans un exemple isolé, la formation, à partir de tantum, de la locution in tantum ut, qui apparaît comme une variante de tantum … ut, de la même manière que ita ut alternait avec ita … ut : (87) eratque omnium rimore laudabilis, omnium cultu uenerabelis ; in tantum ut Teudericus rex ad eum saepe Lossowio uenerit (23) ‘il (= Colomban) était digne de la réputation que tous lui faisaient, des honneurs que tous lui rendaient, si bien que le roi Thierry venait souvent le rencontrer à Luxeuil’ Cet exemple et les occurrences de ita ut vont dans le même sens, qui illustre la tendance générale à réduire les tours discontinus, les cas de tmèse, au profit de locutions complexes. Une autre association relativement fréquente est celle de ut et de sic, qui ne donne évidemment pas lieu à la formation d’un sicut, dans la mesure où cette formation est déjà réalisée pour traduire la comparaison ; sémantiquement, la différence avec ita ut n’est pas toujours nette, sic ayant une valeur cataphorique et annonçant le contenu de la ut P, ce qui peut entraîner une nuance de conséquence, comme dans : (88) Eo anno aqua caledissima in laco Duninse, […] sic ualidae aebulliuit ut multitudinem pissium coxisset. (12) ‘Cette année-là, l’eau très chaude du lac de Thoune, […] se mit tellement à bouillir qu’une multitude de poissons furent cuits’

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alors que, dans d’autres cas, la corrélation ne prend pas de valeur circonstancielle particulière, mais fonctionne comme simple introducteur de la complétive : (89) dixit : « Sic iobet domnus Theudericus, ut interficiatur Protadius ». (18) ‘il dit : « Ainsi l’ordonne le seigneur Thierry, que Protadius soit tué ».’ (90) dixit : « Sic conuenerat, ut singulare certamen priliandum debuissimus confligere » (53) ‘il dit : »Il avait été ainsi convenu que nous devions nous affronter en combat singulier »’ La forme ut semble bien implantée dans tous ces types de corrélations ; il ne paraît pas y avoir de concurrence avec quam, qui se voit limité à la corrélation tam … quam.

2.3.2 qualiter Attestée par trois occurrences seulement, cette forme constitue un bon exemple du changement de catégorie qui conduit de l’adverbial de manière («de la même manière ») à l’emploi comme connecteur et comme subordonnant (« de façon à ce que », « de manière à ») ; une alternance semble ici possible avec ita ut ou avec ut : (91) Warnarium maiorem domus […] destinauit, gentes que ultra Renum adtraherint qualiter Chlothario potuissent resistere. (33) ‘elle (= Brunehaut) envoie Warnacharius, le maire du palais […], pour attirer les nations d’au-delà du Rhin, de manière à ce qu’ils puissent résister à Clotaire’ (92) ut ei cum exercito auxiliaretur qualiter Sintilianem degradaret ad regnum. (61) ‘pour qu’il vienne à son aide avec une armée, de manière à ce que Suintila perde son trône’ (93) nauale proelium praeparauit qualiter eos ad internitionem persequeretur. (102) ‘il prépara un combat naval, de manière à ce qu’il les poursuive jusqu’à leur extermination’

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2.3.3 ideoque Cette forme peut être considérée comme un adverbial (littéralement : ‘et pour cela’, ‘et pour cette raison’), qui, comme les corrélations en ut, marque la conséquence, d’où sa valeur proche de celle d’un donc du français, avec une portée pouvant s’exercer sur l’énoncé ou sur l’énonciation, sa formation et son sémantisme imposant, si l’on peut dire, la place de la proposition en fin d’énoncé. On peut s’interroger sur la nature grammaticale exacte de cette locution et il est difficile de déterminer si elle a encore un statut d’adverbial ou si elle est grammaticalisée comme conjonction. Il semble bien que, dans la majorité des exemples, elle puisse être interprétée, du moins sémantiquement, comme un subordonnant, au même titre que ita ut : (94) Mundus iam seniscit, ideoque prudenciae agumen in nobis tepiscit, ne quisquam potest huius tempore nec presumit oratoribus precedentes esse consimilis (2) ‘le monde vieillit déjà, si bien que l’acuité du jugement s’émousse en nous et que personne de notre époque ne peut prétendre être semblable aux orateurs qui nous ont précédés’ (95) uidebant enim omnes in eum Dei uirtutem flagrare, ideoque omnes ab eius iniuriis secregabantur ne socii culparum forent (27) ‘tous voyaient en effet briller en lui (=Colomban) la vertu divine, si bien que tous lui épargnaient les mauvais traitements, pour ne pas être coupables de fautes’ (96) alium consilium secrete Flaochatus et Nantildis regina macenauant, quem credetur non fuisse Deo placebelem ideoque non mancepauit effectum. (75) ‘Flaochad et la reine Nanthilde tramaient en secret un autre projet, dont on croit qu’il n’a pas plu à Dieu, si bien qu’il ne fut pas suivi d’effet’ Toutefois, l’exemple suivant, particulièrement intéressant, témoigne du maintien de ideoque comme connecteur, entre deux énoncés, avec la mise en saillance de sa valeur de liaison et l’effacement de son rôle de subordonnant ; la valeur paraît être ici d’ordre métadiscursif, comme le serait l’emploi de donc en français : ‘Martin étant donc entré …’: (97) Martinus ideoque Lauduno Clauato ingressus infra muros ipsius urbes muniuit. (83) ‘Martin donc étant entré à Laon se retrancha derrière les remparts de cette ville’

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2.3.4 eo quod Comme le signale Herman (1963, 47 sq.), cette locution, qui combine l’ablatif du démonstratif is et quod, jouit d’un très grand succès en latin tardif ; elle permet de remplacer des conjonctions simples, comme quod ou quia, cette dernière forme n’étant par exemple représentée que par une occurrence isolée : (98) eamque contra uirum Dei stimulatam superbiae aculeo excitat quia cerneret uiro Dei Theudericum oboedire. Verebatur enim ne […] (24) ‘et il (= le démon) la (= Brunehaut) dresse contre l’homme de Dieu, excitée par l’aiguillon de l’orgueil, parce qu’elle voyait Thierry obéir à l’homme de Dieu. Elle redoutait en effet que […]’ En ce qui concerne eo quod, si la valeur d’ablatif de eo est encore perceptible lorsque la subordonnée est de fonction circonstancielle (litt. ‘par le fait que’), on verra que l’utilisation comme introducteur de complétive témoigne du figement de l’expression et de la démotivation du cas du démonstratif. Lorsque la proposition en eo quod a un statut de périphérique, son incidence peut se limiter au domaine intraprédicatif, comme dans les exemples suivants, où la subordonnée en eo quod traduit la cause du prédicat qui la précède immédiatement (damnarint, interfecerit) : (99) regnum eius auferrint et eum morte damnarint, eo quod tantam de ipso reuerentiam ducebant. (20) ‘ils lui enlèvent son royaume et le condamnent à la mort, parce qu’ils avaient une grande peur de lui’ (100) Post tergum indiculum direxit ut Alboenus cum citeris Warnacharium interfecerit, eo quod se in regno Chlothariae uellet transferre. (33) ‘Après leur départ, elle (= Brunehaut) envoya un message pour qu’Alboin, avec les autres, tue Warnacharius, parce qu’il voulait s’emparer du trône de Clotaire’ La proposition dépendante, identique à un circonstant nominal, se trouve d’ordinaire placée à la suite de la proposition régissante, identique en cela à la proposition introduite par parce que en français, la disposition subordonnée + prédicat principal étant plus rarement utilisée : (101) Ursio et Bertefredus optematis Childeberti regis, eo quod eum tractauerant interficere ipso regi ordenante interfecti sunt. (7)

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‘Ursio et Berthefred, des grands de la cour de Childebert, parce qu’ils avaient comploté de le tuer, furent tués par ordre du roi’ Dans une deuxième série d’emplois, eo quod ne marque plus une relation entre les contenus de deux propositions, mais se caractérise par une portée sur l’acte de parole, sur l’énonciation. Cette justification du dire correspond souvent à une activité de commentaire, à l’expression d’un point de vue, ce que le français rendrait par exemple par des locutions comme étant donné que, vu que : (102) thinsauris quantum potebat secretisseme ad Sidonis suam ciuitatem transferrit, eo quod esset locum tutissimum (36) ‘il fit porter en secret tout ce qu’il pouvait de ses trésors dans sa cité de Sion, car c’était un lieu très sûr’ Cette fonction de commentaire permet à la proposition de fonctionner comme une incidente, ce qui lui accorde une liberté de position assez grande ; on la rencontre en particulier entre le SN sujet et le verbe principal, dans une linéarisation qui correspond à une sorte de routine discursive, l’énoncé étant ouvert par les deux constituants de statut périphérique, le topique sujet et la proposition de commentaire : (103) Gundoberga uero, eo quod esset christiana, in hanc tribulationem benedicebat Deum omnipotentem (59) ‘Gondeberge, comme elle était chrétienne, rendait grâce dans ce malheur à Dieu tout-puissant’ (104) Bertharius eo quod prius illi amicus fuissit dicens : « […] » (78) ‘Bertharius, étant donné qu’il avait été auparavant son ami, disant : « […] »’ (105) Gundeberga regina, eo quod omnes Langobardi eidem fidem cum sacramentis firmauerant, Chrothacharium quidam […] ad se uenire precepit (59) ‘la reine Gondeberge, étant donné que tous les Lombards lui avaient fait serment de fidélité, ordonna à Rothari de venir auprès d’elle’ Le statut des propositions introduites par cette conjonction ne paraît cependant pas très homogène, car on notera également deux occurrences dans lesquelles la subordonnée n’a plus les propriétés d’une circonstancielle périphérique, mais se trouve sous la dépendance d’un verbe de parole comme perferre « rapporter » ou repotare « reprocher » (cf. Bodelot 2014) :

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(106) Cumque Gunthramno perlatum fuisset, eo quod frater suos Chilpericus esset interfectus, festinans perrexit Parisius (5) ‘Quand il eut été rapporté à Gontran que son frère Chilpéric avait été tué, il s’empresse de gagner Paris’ (107) et odium contra ipsam nimium haberit, repotans ei eo quod decem reges Francorum per ipsam interfecti fuissent (35) ‘et il éprouvait une très grande haine contre elle, lui reprochant que dix rois des Francs aient été tués sur son ordre’ Cette possibilité pour eo quod d’introduire une complétive permet de distinguer cette locution des conjonctions comme cum ou comme dum, qui introduisent des propositions au statut nettement périphérique, dont la portée peut être relativement variable, comme nous l’avons vu, mais qui se caractérisent toujours par un très faible degré d’intégration. Ce type de construction doit être mis en parallèle avec deux exemples de cur (quur), qui sont intéressants dans la mesure où ce subordonnant introduit des propositions qui peuvent être interprétées comme des propositions régies, sous la dépendance de verbes de parole, identiques aux exemples de eo quod que nous venons d’évoquer : (108) coepit uir Dei eum increpare,quur concubinarum adulteriis misceretur (23) ‘l’homme de Dieu se mit à le blâmer (du fait) qu’il entretenait des relations adultères avec des concubines’ (109) rex ad uirum Dei Lussouium uenit, conquestusque cum eo cur ab conprouincialibus moribus discisceret (26) ‘le roi vint trouver l’homme de Dieu à Luxeuil, se plaignant à lui qu’il s’écarte des habitudes de sa province’ Nous serions ainsi en présence de deux variantes dont l’une (eo quod) apparaît comme la variante non marquée, alors que l’autre se voit réservée à un type particulier de contexte syntaxique. Il semble ici encore possible de voir dans cette variation une illustration du remplacement des conjonctions simples par des tours périphrastiques.

3 Les constructions au participe Si nous prenons ici en compte certains emplois du participe, c’est que cette forme verbale peut apparaître comme le noyau d’une prédication seconde qui,

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dans la plupart des cas, remplit une fonction circonstancielle, équivalent des subordonnées que nous venons d’examiner ; le contenu des diverses prédications ainsi mises en relation conduit à des effets de sens qui sont d’ordinaire de l’ordre de la causalité ou de la simple temporalité. Les études mettent habituellement l’accent sur la grande fréquence des constructions participiales dans les textes de latin tardif. La Chronique de Frédégaire ne fait pas exception à cette tendance et les formes de participe présent sont d’un emploi constant. Contrairement à ce que l’on pourrait peut-être attendre, les participes en construction détachée, en fonction d’apposition au sujet ou les subordonnées participiales formées sur le modèle de l’ablatif absolu ne sont pas les structures les mieux représentées. On peut certes relever quelques exemples comme : (110) Post haec uir Dei cernens quod nullis costudiis angeretur a nulloquo molestiam ferret – uidebant enim omnes in eum Dei virtutem flagrare […] – ascendit […] (27) ‘Après cela, l’homme de Dieu, voyant qu’il n’était l’objet d’aucune garde et qu’il ne subissait pas de mauvais traitement – en effet tous voyaient en lui la vertu de Dieu […] – monte […]’ dans lequel le syntagme au participe intercalé entre le sujet et le groupe verbal semble fonctionner comme une apposition à valeur causale ; on remarquera cependant l’incise videbant enim …, qui donne, de façon indirecte, en quelque sorte, une certaine autonomie au participe, ce qui permettrait de rapprocher cette occurrence de celles que nous allons examiner plus loin. Il faut également signaler quelques exemples de propositions participiales, qu’il s’agisse de l’ablatif absolu : (111)

postea Ligere transacto Aquitania pergens […] (115) ‘ensuite, la Loire franchie, gagnant l’Aquitaine, […]’

du nominatif absolu : (112)

Egrediens uir Dei regiam aulam, dum limitem transiliret, fragor ex terrorem incussit […] (24) ‘l’homme de Dieu sortant du palais royal, alors qu’il franchissait le seuil, un fracas frappa de terreur […]’

ou de l’accusatif absolu : (113) Locum acceptum dixit ad regem : « … » (42) ‘un lieu ayant été fixé, il dit au roi’

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Ces constructions, très rares, ont pour point commun d’être dotées d’autonomie syntaxique par rapport à la prédication principale. Leurs caractéristiques et leur évolution ont déjà été observées (cf. Arias Abellan 1999 ; Gayno 2012). Leur petit nombre, dans ce texte du moins, nous semble annoncer la situation telle qu’elle va se présenter dans les textes narratifs de l’ancien français. Comme le signale C. Buridant (2000, 325), les propositions participiales se trouvent limitées à un certain nombre de formules et ne sont pas caractérisées par un rendement libre. Sur ce point précis, la Chronique paraît bien refléter la tendance forte qui conduira au déclin des constructions absolues à base participiale. Beaucoup plus fréquent, en revanche, est l’emploi du syntagme participial dans une fonction d’apposition. Un schéma particulièrement fréquent est constitué par l’insertion d’un ou de plusieurs syntagmes au participe entre le sujet et le verbe principal, comme dans l’exemple suivant, que l’on peut considérer comme prototypique : (114) Godinus cernens suae uitae periculum habere, terga uertens cum uxore ad Dagoberto regi perrexit in Auster (44) ‘Godin voyant que sa vie était en danger, faisant demi-tour avec son épouse, se rendit auprès de Dagobert en Austrasie’ Ce qui doit être souligné, dans une telle succession de prédications, c’est que les procès exprimés au participe ne sont que très rarement dans un rapport de simultanéité temporelle avec le prédicat principal. Qu’ils renvoient à une valeur causale, comme cernens dans l’exemple précédent, ou qu’ils fassent référence à un événement du récit sans valeur logique particulière, on constate que ces formes participent au déroulement du premier plan de la narration comme le feraient des verbes conjugués ; dans la plupart des séquences de ce type, la différence avec un temps du récit comme le passé simple, par exemple, ne se laisse guère percevoir. Cet effet de succession chronologique, d’enchaînement d’événements, peut survenir même lorsqu’un seul participe précède le verbe conjugué, comme dans : (115)

Theudericus cum exercitum Ardinnam transiens Tholbeaco peruenit. (31) ‘Thierry, traversant les Ardennes avec son armée, arriva à Tolbiac’

exemple que l’on peut mettre en parallèle avec l’énoncé suivant, qui exprime une relation temporelle identique :

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(116) Sigybertus Renum cum exercito transiens gentes undique de uniuersis regni sui pagus ultra Renum cum ipsum adunati sunt. (73) ‘Sigebert traversant le Rhin avec son armée toutes les nations de son royaume outre-Rhin se joignirent à lui’ et dans lequel le syntagme initial (Sigybertus … transiens) doit être considéré comme une proposition participiale, dans la mesure où le nominatif Sigybertus n’est pas repris comme sujet du prédicat principal (gentes … adunati sunt). Un tel parallélisme conduit à s’interroger sur la fonction syntaxique exacte du nominatif qui ouvre l’énoncé. On peut considérer que sa valeur de topique l’emporte, en quelque sorte, sur son rôle syntaxique ; étant donné l’organisation textuelle qui procède par accumulation des prédications (Greco 2008), mettant sur le même plan prédications secondes au participe et prédications à verbe conjugué, il paraît impossible d’interpréter ce nominatif comme le sujet du verbe principal dont il serait séparé par le groupe participial. Il est sans doute préférable de voir dans ce topique un sujet de la proposition participiale, le choix du sujet principal n’étant pas obligatoirement commandé par une règle de coréférence. Le passage suivant est un bon exemple de cette accumulation des prédications, avec changement de sujet (Sigybertus, Radulfus) : (117)

Sigybertus deinde Buchoniam cum exercito transiens, Toringiam properans, Radulfus haec cernens, castrum lignis monitum in quodam montem super Vnestrude fluuio in Toringia construens, exercitum undique quantum plus potius collegens, cum uxorem et liberis in hunc castrum ad se definsandum stabilibit. (73) ‘Sigebert traversant ensuite la Buchonie avec son armée, se hâtant en Thuringe, Radulf voyant cela, construisant un fort renforcé par une palissade en bois sur une colline sur la rivière Unstrud en Thuringe, réunissant l’armée la plus nombreuse possible, s’établit avec femme et enfants dans ce camp pour se défendre’

On remarquera d’ailleurs que le sujet, s’il a un degré de saillance assez élevé et s’il n’entre pas en concurrence avec un autre référent, peut ne pas être exprimé tout au long de la séquence discursive ; dans le passage suivant, le maintien du thème constant (rex Pippinus) autorise un enchaînement de propositions participiales et de propositions à verbe conjugué (accessit … precepit) sans que soit exprimé le syntagme au nominatif : (118) [… rex Pippinus …] ibique cum Francis et proceribus suis placitum suum campo Madio tenens, postea Ligere transacto Aquitania pergens usque

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ad Lemodicas accessit, totam regionem illam uastans, uillas publicas […] craemare precepit (115) ‘[… le roi Pépin …] et là, avec les Francs et ses grands tenant son plaid au champ de Mai, ensuite la Loire franchie, atteignant l’Aquitaine, il parvint à Limoges, dévastant toute cette région, il ordonna d’incendier tous les domaines publics […]’ L’assimilation de la proposition participiale à une « cellule narrative » autonome, qui, du point de vue sémantique, n’est guère différente des autres propositions, amène, dans quelques cas, à la construction de séquences discursives sans proposition à verbe conjugué. Dans le passage suivant, on remarquera que l’imparfait vocabat du contexte gauche correspond à un second plan (« comme il l’appelait au combat … »), ce qui laisserait normalement attendre une forme de premier plan (respondit) là où est utilisé le participe présent, enchaînement qui fait bien apparaître la valeur discursive de cette forme non conjuguée : (119) Landericus […] uocabat Bertoaldum ut exiret ad prilium. Bertoaldus de muro respondens : « Nos duo singulare certamen, … » (16) ‘Landeric […] appelait Bertoald (pour) qu’il vienne combattre. Bertoald répondant du haut du mur : « Nous deux, rencontrons-nous en combat singulier … »’ L’extrait suivant, ouvert par un ablatif absolu, est constitué de trois participes présents, dont les deux premiers sont en relation de succession chronologique alors que le troisième correspond davantage à un second plan ; ici encore, la saillance forte du thème entraîne la non-expression du sujet : (120) Iterum Ligere transacto totam Aquitaniam pergens usque ad Aginnum ueniens totam regionem illam deuastans. (116) ‘De nouveau, la Loire franchie, gagnant toute l’Aquitaine, venant jusqu’à Agen, dévastant toute cette région’ Nous citerons enfin un passage dans lequel se succèdent deux propositions participiales avec sujet au nominatif (Manaulfus … percuciens … citiri … circumdantes …), le verbe conjugué placé en fin d’énoncé (volneratur) ayant comme sujet le deuxième référent cité (Bertharius) : (121)

Manaulfus cum conto Bertharium in pectore percuciens, citiri qui cum eum uenerant ipsumque circumdantes eo quod Bertharius nimium reliquis precessisset, uolneratur graueter. (78)

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‘Manaulf frappant Bertharius à la poitrine avec sa pique, les autres qui étaient venus avec lui l’entourant, car Bertharius s’était trop avancé devant les autres, il (= Bertharius) est grièvement blessé’ D’une façon générale, les formes participiales se trouvent ainsi utilisées comme centre de syntagmes qui ont un statut nettement périphérique, allant de la prédication seconde à valeur d’apposition, relativement peu intégrée dans la hiérarchisation de l’énoncé, à l’autonomie qui place ces groupes dans une relation de parataxe par rapport au contexte. Les emplois liés sont nettement minoritaires ; un exemple comme : (122) Ille haec audiens ad Gundebergam secrecies ait dicens : « … » (42) ‘Lui entendant cela parle en secret avec Gondeberge disant : « […] »’ dans lequel le participe dicens se combine au verbe conjugué ait dans une sorte de construction à coverbe, apparaît comme exceptionnel. Sur ce point particulier du fonctionnement syntaxique des formes participiales et sur leur rôle discursif, on soulignera toutefois la grande différence qui sépare ce texte de latin tardif et les textes narratifs de l’ancien français. Dans ces derniers en effet la situation, ne serait-ce que du point de vue quantitatif, est quasiment à l’inverse de ce que nous avons pu constater dans la Chronique. Par une sorte de maintien de l’équilibre, s’il y a d’une part diminution notable des constructions absolues et, en même temps – est-ce un phénomène qui dépend de cette diminution ? – disparition des propositions participiales « narratives », on assiste d’autre part au développement, lié au passage à un système analytique, des périphrases, en particulier dans le domaine de l’aspect verbal et de la temporalité. Il faudra attendre le moyen français et, surtout, le français préclassique, pour que se développent à nouveau des valeurs textuelles du participe qui rappelleront, toutes proportions gardées, celles que nous venons de décrire. Il nous paraît possible de tirer de cette étude des conclusions de deux ordres. Si l’on s’en tient au texte de la Chronique, il convient d’essayer de dégager les principaux traits du système de la subordination circonstancielle, tant du point de vue syntaxique qu’en ce qui concerne l’articulation de la syntaxe et de la textualité. Une comparaison peut par ailleurs être établie avec le fonctionnement de faits du même ordre, tels qu’ils apparaissent dans les premiers textes narratifs en prose de l’ancien français, afin de déterminer si certaines caractéristiques du texte latin se maintiennent quatre ou cinq siècles plus tard. Sur le premier point, si l’on se rapporte aux degrés de subordination que nous avons évoqués au début de cette étude, on constatera que les proposi-

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tions temporelles, en particulier celles qui sont introduites par cum, telles qu’elles apparaissent dans la Chronique, occupent bien une place particulière à l’extrémité du continuum, leur statut nettement périphérique s’accompagnant, du point de vue de la linéarisation, d’une position privilégiée en début d’énoncé. Ce fonctionnement attendu au niveau syntaxique l’est également au plan sémantique, l’expression de la successivité étant étroitement corrélée à la zone initiale de l’énoncé. Ceci se laisse assez facilement expliquer par le rôle textuel de ces subordonnées, qui ont en général un rôle de cadre dont la portée peut s’étendre sur un nombre variable de propositions et qui, par ailleurs, peuvent exprimer une relation causale, en faisant référence à un état de choses déclencheur d’autres événements. Ainsi n’est-il guère surprenant que les subordonnées de ce type acquièrent un degré d’autonomie qui leur permette de fonctionner à égalité, en quelque sorte, avec des propositions non régies, du moins en ce qui concerne leur statut discursif, qui se trouve en l’occurrence fortement lié aux propriétés syntaxiques. Comme nous l’avons vu, certains indices, comme la redénomination des SN sujets ou l’absence de lien sémantique clair avec le contexte de droite, témoignent de ce statut particulier. On peut d’ailleurs s’interroger sur le statut de la forme cum, qui semble – comme le quand de l’ancien français – remplir davantage la fonction de lien avec le contexte gauche que celle de véritable subordonnant, marqueur d’hypotaxe ; le faible nombre d’exemples de propositions introduites par des marqueurs plus précis, comme postquam, du moins lorsque la subordonnée est en tête d’énoncé, va dans ce sens : la valeur textuelle de la position initiale l’emporte en quelque sorte sur la fonction syntaxique de subordination. Les autres subordonnées, qu’il s’agisse des autres temporelles ou des propositions de cause et de but, ont un fonctionnement qui se révèle être sémantiquement plus proche de la « manière » que de la temporalité et ne participent pas, à proprement parler, à l’organisation de la narration. Avec un comportement identique à celui d’un circonstant nominal, elles sont intégrées au dynamisme communicatif avec valeur rhématique, comme la quando P, par exemple ; les causales peuvent également remplir une fonction de second plan, de commentaire, ce qui leur donne sans doute une certaine autonomie, atténuée toutefois par le fait que ce rôle s’accompagne souvent d’une systématisation de la séquence : principale + subordonnée. Il faut d’autre part remarquer que la plupart de ces subordonnées, qu’elles soient introduites par ut, cur, ou par eo quod, sont caractérisées par une certaine proximité avec les conjonctives compléments essentiels, ce qui n’est pas le cas de la cum P. On notera enfin, en ce qui concerne les termes introducteurs, que cum se voit spécialisé dans l’expression de la temporalité dans le récit, et que l’extension vers le domaine énonciatif se fait essentiellement par l’intermédiaire de dum.

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En ce qui concerne la comparaison avec le système tel qu’il apparaît dans les textes narratifs de l’ancien français, il faudrait sans doute se garder de voir une continuité, avec maintien ou évolution de certaines structures, depuis les textes latins du type de celui que nous venons d’examiner, jusqu’aux premiers textes narratifs en français. De trop nombreux paramètres entrent en jeu – sur des points pour lesquels la documentation fait défaut – pour qu’il soit possible de déterminer les enchaînements des causes et des effets. Il nous paraît toutefois utile de relever des points de comparaison pertinents, à partir desquels on pourrait envisager – si l’on dispose d’informations complémentaires, en particulier sur les conditions de production des textes – d’établir d’éventuelles influences d’un système sur l’autre. Ainsi, au niveau syntaxique, au-delà des différences de forme, une caractéristique semble-t-elle se maintenir en ce qui concerne le degré d’intégration de la subordonnée dans l’énoncé complexe. Les propriétés syntaxiques, en relation par ailleurs avec des fonctions discursives, permettent d’isoler les propositions temporelles que l’on pourrait appeler « narratives » des autres circonstancielles, moins intégrées et parfois fort proches des constructions incidentes parenthétiques. Une répartition identique est perceptible en ancien français, où les temporelles ont également un fonctionnement différent des causales et des finales par exemple. Dans un domaine différent, celui des « locutions » subordonnantes, qui tendent à se substituer aux conjonctions simples, on notera que le latin oppose, comme cela a souvent été remarqué, un système à corrélation, illustré par tantum … ut, et un système d’expressions qui tendent au figement, comme eo quod. C’est cette distinction qui va se retrouver, dès le plus ancien français, dans l’alternance des tours avec tmèse (avant … que) et des locutions (por ce que). Il faut aussi remarquer, toujours en ce qui concerne les marqueurs, une tendance, commune au latin et au français, à spécialiser certaines conjonctions dans l’expression de valeurs sémantiques et discursives particulières. Les marqueurs du français, en effet, ne correspondent pas terme à terme à ceux du latin : la valeur textuelle dans le déroulement de la narration est réservée à cum et à cumque en latin, du moins lorsque la subordonnée est en tête d’énoncé, tandis que le français, même si on peut relever des exemples de com initial dans les très anciens textes, attribue majoritairement ce rôle à quand, la conjonction quando n’ayant pas de fonction textuelle particulière en latin. De la même façon, le passage de l’expression de la temporalité au marquage de la portée sur l’énonciation s’opérera en latin à l’aide de dum, qui traduit originellement la simultanéité, en français à l’aide de puisque, qui renvoie, par son étymologie, à la successivité. Les caractéristiques sémantiques sont différentes, mais le principe général d’une répartition des formes et d’une spécialisation de certaines d’entre elles seulement se retrouve dans les deux langues. Le domaine discursif, avec le

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marquage de la cohérence textuelle, doit également retenir l’attention. Le statut des temporelles, par exemple, qui marquent le début d’une séquence narrative tout en établissant une liaison avec le contexte antérieur, semble se continuer du latin au français. D’une façon générale, dans les deux langues, les textes mettent en œuvre la progression narrative par accumulation, que nous avons évoquée plus haut, qui consiste à juxtaposer des unités propositionnelles, l’énumération d’éléments successifs l’emportant sur les des relations qui seraient de l’ordre de l’hypotaxe, et cela malgré, pourrait-on dire, la présence de mots « subordonnants ». Certes, dans le texte latin, les constructions au participe sont une des pièces maîtresses de ce type de cohérence par juxtaposition, alors que ce n’est pas le cas dans les textes français, ce rôle étant réservé aux propositions temporelles. Toutefois, ici encore, même si les formes du français sont différentes de celles du latin, le type de cohérence demeure du même ordre.

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Index (français) actance, cf. valence verbale actif, cf. voix active vs passive activation : 172, 283–284 actualité présente : 236 adjoint : 45, 98–100, 105–107, 157, 279 analyse contrastive : 2, 3, 23, 75–76 analytique, cf. synthétique vs analytique anaphore, anaphorique : 175–176, 201, 203– 205, 218–221, 224, 229 endophore, endophorique : 176, 218, 224 ancien français, cf. français aoriste : 235–237, 240, 263 argument : 98, 100–106, 128–159, 303–304 article — défini : 158, 204, 251, 254, 263 — indéfini : 158, 251, 254, 263 — partitif : 158, 251, 254, 263, 286 aspect changement d’état vs état permanent : 238–239, 243–244, 251, 256–257, 262 changement d’état final : 244–246 — initial : 239, 243–246, 262 — duratif vs non duratif : 240–241, 262 — dynamique vs non dynamique : 239– 241, 243, 247–248, 254, 263 — grammatical vs lexical : 259–263 — ingressif, ingressivité : 57, 239–240, 262–263 — itératif, itérativité : 242, 250, 391 perfectum praesens : 237, 253, 255, 260, 263 perfectum (parfait) vs infectum (imparfait) : 237, 241, 243–244, 252–253, 259 — progressif, progressivité : 237, 242 — télique vs atélique : 12, 238–248, 251 atélique, cf. aspect cas nominaux, marquage casuel, déclinaison cas sujet, cas régime, régime absolu : 31, 61–63, 69, 97, 103–104, 127– 128, 154 fonction du marquage casuel : 97, 100– 107, 127, 129, 130–133, 138, 142– 159 https://doi.org/10.1515/9783110551716-020

redondance du marquage casuel : 100– 107, 127, 129, 130–133, 142–159 marquage casuel et complexité du texte : 98 information casuelle véhiculée par les arguments : 100–105 — les épithètes : 105–107 — les adjoints (satellites) : 105– 107 changement d’état initial, — final, — vs état permanent, cf. aspect chronologie, chronologisation, cf. périodisation communication verticale : 1–2, 23–24, 29, 203 complémentation des verbes de parole, cf. proposition, — subordonnée complétive complétive déclarative, cf. proposition, — subordonnée complétive complétive interrogative, cf. proposition, — subordonnée complétive complexité du texte et marques casuelles, cf. cas nominaux, marquage casuel conativité, conatif : 239, 261 concordance des temps, cf. temps (tempus) concordance négative, cf. négation configurationalité, configurationnel : 13, 130, 302, 314, 318 conjonction — de subordination : 64, 88, 90, 93, 355, 357, 359, 365, 376–403, 409, 411 locution conjonctive : 374, 383, 387, 389, 392, 397–398, 400–401, 410 connecteur : 43, 45–46, 63–64, 384, 399, 400 construction : 47, 61–63, 133, 139–140, 142– 143, 151, 155–156, 159, 176–177, 189– 192, 197–198, 271, 275, 277, 283, 286, 288, 291, 305, 311–312, 316, 339–340, 343, 364–365, 373–374, 382, 384, 397, 403–405, 408, 410–411 contexte — atypique : 228 — critique : 229, 330, 363, 365

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Index (français)

— de changement : 229 — de transition : 229 — isolant : 229 continuum diastratique, cf. diastratique conventionalisation : 229, 273 cycle, cycle diachronique : 270–274, 292 déclinaison, cf. cas nominaux deixis, déictique exophore, exophorique : 204, 213, 218, 222–224 — discursive : 212, 214–215, 217, 220– 222, 226–227 — personnelle : 61, 202, 207–230 — spatiale : 61, 207, 213, 225, 228 système ternaire vs binaire : 61, 201– 202, 206–211, 227 démonstratif — distal : 202 déterminant — : 60–61, 85, 92–93, 201–230 pronom — : 60–61, 85, 92–93, 171, 174–177, 192–198, 201–230 dérivation, dérivationnel, cf. morphologie déterminant, détermination : 133, 192–193, 201–202, 204–205, 252, 291 diastratique continuum — : 25–26 discontinuité — : 26–27 discontinu, constituant discontinu : 271, 278–279, 316–317, 398 discontinuité diastratique, cf. diastratique discours direct vs discours indirect : 184– 185, 222–224, 330–332, 364 double négation (DN), cf. négation duratif, cf. aspect dynamique, cf. aspect écrit vs oral, cf. registre, latin écrit vs parlé emphase, emphatique, cf. pragmatique endophore, -ique, cf. anaphore état de langue vs niveau de langue : 25–26, 32, 264, 364–365 exophore, -ique, cf. deixis expression du sujet, cf. sujet expression narrative : 380–381, 386, 392, 407–408, 410–411 expressivité, expressif, cf. pragmatique français protofrançais : 24, 26–27, 29–32

ancien — : 1, 21, 24, 31, 49–69, 130– 133, 142–159, 171–173, 177–186, 192–198, 201–202, 204, 206, 209– 210, 223, 270, 272, 276–294, 301, 305–318, 332, 336–337, 342, 345, 357, 373, 378–381, 384, 405, 408– 410 focus, focal, focalisation, cf. pragmatique fonction cadrative : 376–378, 382, 390–391 genre, cf. type de texte grammaticalisation : 28, 129, 159, 185, 228– 230, 270–271, 286, 288, 290–293, 334, 359–361, 365, 376, 383, 397, 400 hagiographie, hagiographique : 1–4, 47, 75– 76, 93, 204, 323–365 hypercorrection : 235, 253, 258, 263 hypotaxe vs parataxe : 363–364, 374, 384, 411 iconicité : 206, 374 imparfait, cf. aspect infectum, cf. aspect information casuelle des arguments, — des épithètes, — des satellites (adjoints), cf. cas nominaux, marquage casuel ingressivité, ingressif, cf. aspect interrogation, interrogatif — totale : 324, 346–355 — partielle : 355–364 — disjonctive : 346–355 intransitif, cf. transitif iterativité, itératif, cf. aspect latin — carolingien : 27 — classique : 23–27, 29, 47–48, 80–93, 97, 106–107, 128, 159, 174–177, 179, 181, 185, 188–193, 198, 201– 205, 207–210, 212–215, 217–222, 227–228, 235–248, 250–251, 253– 256, 259–260, 262–263, 274–275, 303, 315, 317, 334, 344, 347, 349, 350, 357, 364, 377–378, 382, 391, 394 — littéraire : 25–26, 47, 235, 250, 255, 258, 260–261, 263–264, 275 — mérovingien : 24, 29 — parlé : 21–32, 47, 175–177, 184, 223, 230, 255, 258–259, 263–264, 270, 365

Index (français)

— parlé vs écrit : 22, 24–25, 223, 327 — poétique : 243, 245, 252 — préclassique : 235, 240, 242, 247, 323, 357 — tardif : 1, 3, 23–24, 27, 29, 30–32, 97–107, 128–130, 177, 185, 188– 193, 198, 201–207, 210–211, 223, 227–228, 235–236, 245, 247–264, 291, 301–302, 318, 323–325, 331, 334, 344, 355, 357, 365, 373, 401, 404, 408 latiniforme : 24, 26 latinophonie : 22–23, 25–26, 365 lexique, lexicologie, lexicologique : 37, 46– 50, 59–60, 68–69, 76 locution conjonctive, cf. conjonction marquage — cognitif : 271–272, 277–280 — structurel : 271, 278 — textuel : 271, 276–278 marque casuelle, cf. cas nominaux modalité, modal : 284, 326–327, 329, 332, 334, 345, 352, 354–355, 359, 364 morphologie dérivation, dérivationnel : 39, 47, 50– 54, 59, 69, 244, 252–253 infixe : 235, 241 préfixe, préfixation : 31, 47–48, 51, 56– 59, 69, 196, 235, 239, 241–247, 251–257, 259, 261 préverbe : 56–57, 243 suffixe, suffixation : 30, 39, 51–53, 206, 235, 240–243, 247–248, 250, 252, 254–257 morphosyntaxe, morphosyntaxique : 60–69, 73–93, 201, 278, 338 mot-n, cf. négation négation, négatif concordance négative (NC) : 275–277, 286, 288, 291–294 double négation (DN) : 274–276 mot-n : 272–276, 288, 291–293 polarité négative, terme à polarité négative (NPI) : 272, 274, 285–286, 288, 290, 292–294 niveau de langue, cf. état de langue, registre nombre : 97, 102–104, 107, 131, 137–138, 153, 158–159, 308

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non dynamique, cf. aspect objet : 98, 131, 135–138, 140, 142, 147, 159, 240, 275, 288, 290, 302–304, 308, 311, 313, 314–318 — pronominal : 131, 137, 151, 302–305, 309, 311–318 — lexical (nominal) : 131, 137, 140, 288, 290, 302, 306–307, 309–312, 314– 318 oral vs écrit, cf. registre ordre des constituants : 128–129, 133, 138– 141, 144–146, 150–153, 156, 159, 178– 179, 191, 197, 274, 283, 301–318, 325, 339, 386 ordre des mots, cf. ordre des constituants parataxe, cf. hypotaxe parfait, cf. aspect partitif, cf. article passif, cf. voix active vs passive perfectum, cf. aspect perfectum praesens, cf. aspect périodisation : 24, 29–30 phonologie, phonologique : 205–206, 209, 227, 278 pragmatique : 3, 128, 134, 141, 172, 184, 198, 201–202, 204, 220–221, 224–225, 227, 229, 270–271, 273, 279, 281–284, 286–287, 289–291, 294, 323, 327, 331, 335 contraste, contrastif : 173–176, 181– 182, 189–190, 196–198, 211, 229, 283 emphase, emphatique : 173–175, 181, 184–186, 198, 219–221, 223–225, 229 expressivité, expressif : 28–29, 174– 175, 184, 198 focus, focal, focalisation : 174, 176, 184–186, 283, 305–306, 331, 337, 343 saillance, saillant : 28–29, 173–175, 182, 184–186, 198, 219–221, 223– 225, 229, 383, 400, 406–407 topique, topical, topicalisation : 102– 104, 174–178, 189, 301, 315, 375, 379, 402, 406 prédication seconde : 98–101, 103, 375, 378, 403–411 préfixe, préfixation, cf. morphologie

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Index (français)

progression narrative : 391, 405, 407–408, 410–411 progressivité, progressif, cf. aspect pronom — personnel : 66, 102, 128, 131, 133, 156, 159, 171–198, 204, 277, 301– 302, 304–306, 308–309, 311–318, 380 — démonstratif, cf. démonstratif proposition — infinitive : 46, 67–69, 98–99, 137, 153, 258, 323, 328, 334–346, 360, 364–365, 373 — participiale : 43, 46, 63, 65–67, 69, 91, 98–100, 137, 155, 303, 338– 339, 374, 376, 379, 386, 403–411 — subordonnée, typologie : 98–100, 104, 116–125, 138, 141, 148, 150– 152, 180–184, 189–190, 284, 323– 365, 373–411 — subordonnée circonstancielle : 98– 99, 330, 338, 365, 373–411 — causale : 98–99, 324, 330, 332, 338, 363–364, 375, 377, 379, 381–382, 384–385, 387–388, 395–396, 404–405, 409, 410 — finale : 98–99, 338, 375, 394, 409–410 — temporelle : 43–44, 65–67, 69, 98–99, 182, 303, 345, 354, 375–393, 404–406, 408–411 — subordonnée complétive : 46, 68, 98–100, 102, 137, 323–365, 394, 399, 401, 403 — déclarative : 67–68, 98–99, 323–336, 338, 340, 344, 346, 353, 361, 372 — interrogative : 68, 98–99, 323– 324, 334–335, 346–365 — subordination implicite vs subordination explicite : 323, 332, 344–346, 364 protofrançais, cf. français quantifieur indéfini : 278, 291–294 registre, cf. latin oral vs écrit : 22, 24–25, 223, 327 littéraire, poétique : 1, 25–26, 47, 76, 198, 235, 250, 255, 258–261, 263– 264, 275

restrictions lexicales : 137, 143, 153 roman, langues romanes : 1–3, 21–24, 26– 28, 30, 32, 97, 107, 128–129, 159, 171, 173, 175, 185, 198, 201–206, 208, 227, 235, 248, 250–251, 257, 263, 282, 289, 291, 302, 324, 331, 355, 361, 365, 373 saillance, cf. pragmatique satellite, cf. adjoint sémantique : 47–48, 54–57, 59, 100, 102, 105, 107, 129, 184–185, 195, 201–202, 207, 210–211, 214, 217, 220, 227, 235, 240–242, 246–247, 250–254, 258, 263, 271, 273, 279, 291, 374–376, 379, 381, 384, 388, 394, 398, 400, 407, 409–410 séquence narrative : 380, 381, 392, 405– 407, 411 sociolinguistique : 1–2, 21–27, 76, 210 SOV, SVO, OV, VO, cf. ordre des constituants sphère personnelle : 60–61, 202, 207–215, 221, 223–224, 227–229 statistique, statistiques : 61, 76–77, 80, 82, 92–93, 99–100, 104, 145–146, 150, 180, 183, 188, 203–205, 369–372 statut discursif : 10, 12, 14, 102–104, 116– 125, 174–178, 189, 279–282, 284–287, 289–291, 294, 315, 375, 379, 383–390, 392, 400, 402, 406–410 strates morphologiques : 30 subordination implicite vs subordination explicite, cf. proposition subordonnée causale, — circonstancielle, — complétive, — finale, —temporelle, cf. proposition suffixe, cf. morphologie sujet — nul : 131, 137, 152, 159, 171–185, 189, 197–198, 283, 301–302, 304–306, 311, 407 — pronominal : 131, 171–186, 190, 192, 197–198, 301–309, 311–313, 318 — lexical (nominal) : 131, 302, 307, 312–313 expression du — : 171–185, 283, 301– 302, 304–307, 309–311, 314–315 synthétique vs analytique : 30–31, 48, 51, 54, 55–57, 59, 61, 69, 236, 257, 408 télique, télicité, cf. aspect

Index (français)

temps (tempus), cf. aussi aspect : 235–238, 240, 263, 330, 343, 345, 405 concordance des — : 327–329, 342, 345–346, 350–355, 359, 364 topique, topical, topicalisation, cf. pragmatique traduction, traduit : 3, 5, 8, 35–70, 134, 151, 153–156, 251, 300–318, 331, 337, 345, 357 transitif vs intransitif : 62–63, 137, 140, 142, 146–147, 150, 156, 163, 241–242, 250, 255–257, 263, 304, 340, 363

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type de texte : 1, 3–5, 97, 147, 153, 156, 186– 187, 198, 204, 210–211, 269, 271, 376 voix active vs passive : 30–31, 101, 104, 135–137, 140–143, 146–148, 151–152, 156, 240, 242, 256, 264, 284, 326, 328, 330, 338, 340, 346 valence verbale : 103, 107, 129, 131, 134, 136–138, 142–144, 156 verbe réfléchi : 31, 116, 137, 256–258, 263, 337, 342, 344–345 vocabulaire, cf. lexique

Index (English) actancy, see valency activation : 172, 283–284 active vs passive voice : 30–31, 101, 104, 135–137, 140–143, 146–148, 151–152, 156, 240, 242, 256, 264, 284, 326, 328, 330, 338, 340, 346 adjunct : 45, 98–99, 100, 105–107, 157, 279 adverbial clause, see clause analytic, see synthetic vs analytic anaphora, anaphoric : 175–176, 201, 203– 205, 218–221, 224, 229 endophora, endophoric : 176, 218, 224 aorist : 235–237, 240, 263 argument : 98, 100–106, 128–159, 303–304 article definite — : 158, 204, 251, 254, 263 indefinite — : 158, 251, 254, 263 partitive — : 158, 251, 254, 263, 286 aspect change of state vs permanent state : 238–239, 243–244, 251, 256–257, 262 final change of state: 244–246 initial — : 239, 243, 244–246, 262 durative vs non durative — : 240–241, 262 dynamic vs non dynamic — : 239–241, 243, 247–248, 254, 263 grammatical vs lexical — : 259–263 ingressive —, ingressivity : 57, 239– 240, 262–263 iterative —, iterativity : 242, 250, 391 perfectum praesens : 237, 253, 255, 260, 263 perfectum (perfect) vs infectum (imperfect) : 237, 241, 243–244, 252–253, 259 progressive —, progressivity : 237, 242 telic vs atelic — : 12, 238–248, 251 atelic, see aspect Carolingian Latin, see Latin case marking, case marker, case, nominal case https://doi.org/10.1515/9783110551716-021

case information conveyed by arguments : 100–105 — by attributive adjectives : 105– 107 — by satellites (adjuncts) : 105– 107 case marking and text complexity : 98 nominative case, oblique —, absolute — : 31, 61–63, 69, 97, 103–104, 127– 128, 154 function of — : 97, 100–107, 127, 129, 130–133, 138, 142–159 redundancy of — : 100–107, 127, 129, 130–133, 142–159 causal adverbial clause, see clause change of state, initial —, final —, see aspect chronology, chronologization, see periodization Classical Latin, see Latin clause adverbial subordinate — : 98–99, 330, 338, 365, 373–411 causal — : 98–99, 324, 330, 332, 338, 363–364, 375, 377, 379, 381–382, 384–385, 387–388, 395–396, 404–405, 409–410 temporal — : 43–44, 65–67, 69, 98–99, 182, 303, 345, 354, 375–376,-393, 404–406, 408–411 purpose — : 98–99, 338, 375, 394, 409–410 complement subordinate — : 46, 68, 98–100, 102, 137, 323–365, 394, 399, 401, 403 declarative — : 67–68, 98–99, 323–336, 338, 340, 344, 346, 353, 361, 372 interrogative — : 68, 98–99, 323– 324, 334–335, 346–365 subordinate —, typology of — : 98–100, 104, 116–125, 138, 141, 148, 150– 152, 180–184, 189–190, 284, 323– 365, 373–411

Index (English)

implicit subordination vs. explicit subordination : 323, 332, 344– 346, 364 infinitival — : 46, 67–69, 98–99, 137, 153, 258, 323, 328, 334–346, 360, 364–365, 373 participial — : 43, 46, 63, 65–67, 69, 91, 98–99, 100, 137, 155, 303, 338–339, 374, 376, 379, 386, 403–411 cognitive markedness, see markedness complement clause, see clause conative, conativity : 239, 261 configurationality, configurational : 13, 130, 302, 314, 318 conjunction, conjunctive subordinating — : 64, 88, 90, 93, 355, 357, 359, 365, 376–403, 409, 411 conjunctive phrase : 374, 383, 387, 389, 392, 397–398, 400–401, 410 constituent order : 128–129, 133, 138– 139, 140–141, 144–146, 150–153, 156, 159, 178–179, 191, 197, 274, 283, 301–318, 325, 339, 386 construction : 47, 61–63, 133, 139–140, 142– 143, 151–156, 159, 176–177, 189–192, 197–198, 271, 275, 277, 283, 286, 288, 291, 305, 311–312, 316, 339–340, 343, 364–365, 373–374, 382, 384, 397, 403–405, 408, 410–411 context bridging — : 229 critical — : 229, 330, 363, 365 isolating — : 229 switch — : 229 untypical — : 228 contrastive analysis : 2, 3, 23, 75–76 conventionalization : 229, 273 current relevance : 236 cycle, diachronic cycle : 270–274, 292 declarative complement clauses, see clause declension, cf. case definite article, see article deixis, deictic, deictically exophora, exophoric : 204, 213, 218, 222–224 discourse — : 212, 214–215, 217, 220– 222, 226–227

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distance-oriented — : 61, 207, 213, 225, 228 person-oriented — : 61, 202, 207–230 ternary vs binary system : 61, 201–202, 206–211, 227 demonstrative — determiner : 60–61, 85, 92–93, 201– 230 — pronoun : 60–61, 85, 92–93, 171, 174–177, 192–198, 201–230 distal — : 202 derivation, derivational, see morphology determiner, determination : 133, 192–193, 201–202, 204–205, 252, 291 diastratic — continuum : 25–26 — discontinuity : 26–27 direct vs indirect speech : 184–185, 222– 224, 330–332, 364 discontinuous constituent : 271, 278–279, 316–317, 398 discourse status : 10, 12, 14, 102–104, 116– 125, 174–178, 189, 279–282, 284–287, 289–291, 294, 315, 375, 379, 383, 390, 392, 400, 402, 406–410 discourse deixis, see deixis disjunctive interrogation, see interrogation double negation (DN), see negation durative, see aspect dynamic, see aspect emphasis, emphatic, see pragmatics endophora, endophoric, see anaphora exophoric, see deixis expressiveness, expressive, see pragmatics focus, focal, focalization, see pragmatics framing (function) : 376–378, 382, 390–391 French Proto-French : 24, 26–27, 29, 30–32 Old — : 1, 21, 24, 31, 49–69, 130–133, 142–159, 172–173, 177–186, 192– 198, 201–202, 204, 206, 209–210, 223, 270, 272, 276–294, 301, 305– 318, 332, 336–337, 342, 345, 357, 373, 378–381, 384, 405, 408–410 genre, see text type grammatical aspect, see aspect grammaticalization : 28, 129, 159, 185, 228– 230, 270–271, 286, 288, 290–293, 334, 359–361, 365, 376, 383, 397, 400

420

Index (English)

hagiography, hagiographic : 1–3, 4, 47, 75– 76, 93, 204, 323–365 hypercorrection : 235, 253, 258, 263 hypotaxis vs parataxis : 363–364, 374, 384, 411 iconicity : 206, 374 imperfect (imperfectum), see aspect implicit subordination vs explicit subordination, see clause indefinite article, see article indefinite quantifier : 278, 291–294 indirect speech, see direct vs indirect speech infectum, see aspect infinitival clause, see clause infix, see morphology ingressive, ingressivity, see aspect interrogation, interrogative disjunctive — : 346–355 partial — : 355–364 total : 324, 346–355 interrogative complement clauses, see clause intransitive, see transitive iterative, iterativity, see aspect language stage vs language register : 25– 26, 32, 264, 364–365 Late Latin, see Latin Latin Carolingian — : 27 Classical — : 23–27, 29, 47–48, 80–93, 97, 106–107, 128, 159, 174–177, 179, 181, 185, 188–193, 198, 201– 205, 207–210, 212–215, 217–222, 227–228, 235- 248, 250–251, 253– 256, 259–260, 262–263, 274–275, 303, 315, 317, 334, 344, 347, 349– 350, 357, 364, 377–378, 382, 391, 394 Late — : 1, 3, 23–24, 27, 29, 30–32, 97– 107, 128–130, 177, 185, 188–193, 198, 201–207, 210–211, 223, 227– 228, 235–236, 245, 247–264, 291, 301–302, 318, 323–325, 331, 334, 344, 355, 357, 365, 373, 401, 404, 408 Latinomorph : 24, 26

Latinophone community : 22–23, 25– 26, 365 literary — : 25–26, 47, 235, 250, 255, 258, 260–261, 263–264, 275 Merovingian — : 24, 29 poetical — : 243, 245, 252 Preclassical — : 235, 240, 242, 247, 323, 357 spoken vs written — : 22, 24–25, 223, 327 spoken — : 21–32, 47, 175–177, 184, 223, 230, 255, 258–259, 263–264, 270, 365 lexical aspect, see aspect lexical restrictions : 137, 143, 153 lexicon, lexicology, lexicological : 37, 46–50, 59–60, 68–69, 76 linking words : 43, 45–46, 63–64, 384, 399–400 literary language, literary register, see register, Latin markedness cognitive — : 271–272, 277–280 structural — : 271, 278 textual — : 271, 276–278 Merovingian Latin, see Latin modality, modal : 284, 326–327, 329, 332, 334–345, 352, 354–355, 359, 364 morphological strata : 30 morphology derivation, derivational : 39, 47, 50–54, 59, 69, 244, 252–253 infix : 235, 241 prefix, prefixation : 31, 47–48, 51, 56– 59, 69, 196, 235, 239, 241–247, 251–257, 259, 261 preverb : 56–57, 243 suffix, suffixation : 30, 39, 51–53, 206, 235, 240–243, 247–248, 250, 252, 254–257 morphosyntax, morphosyntactic : 60–69, 73–93, 201, 278, 338 n-word, see negation narrative expression : 380–381, 386, 392, 407–411 narrative progression : 391, 405, 407–408, 410–411

Index (English)

narrative sequence : 380–381, 392, 405– 407, 411 negation, negative double negation (DN) : 274–276 negative concord (NC) : 275–277, 286, 288, 291–294 negative polarity, negative polarity item (NPI) : 272, 274, 285–286, 288, 290, 292–293, 294 n-word : 272–276, 288, 291–293 not dynamic, see aspect null subject, see subject number : 97, 102–104, 107, 131, 137–138, 153, 158–159, 308 object : 98, 131, 135–138, 140, 142, 147, 159, 240, 275, 288, 290, 302–304, 308, 311, 313–318 pronominal — : 131, 137, 151, 302–305, 309, 311–318 lexical (nominal) — : 131, 137, 140, 288, 290, 302, 306–307, 309–312, 314– 318 Old French, see French oral register vs written register, see register, Latin parataxis, see hypotaxis vs parataxis partial interrogation, see interrogation participial clause, see clause partitive, see article passive voice, see active vs passive voice perfect (perfectum), see aspect perfectum praesens, see aspect periodization : 24, 29–30 personal pronoun, see pronoun personal sphere : 60–61, 202, 207–215, 221, 223–224, 227–229 phonology, phonological : 205–206, 209, 227, 278 poetic language, poetic register, see register, Latin pragmatics, pragmatic : 3, 128, 134, 141, 172, 184, 198, 201–202, 204, 220–221, 224–225, 227, 229, 270–271, 273, 279, 281–284, 286–287, 289–291, 294, 323, 327, 331, 335 contrast, contrastive : 173–176, 181– 182, 189–190, 196–198, 211, 229, 283

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emphasis, emphatic : 173–175, 181, 184–186, 198, 219–221, 223–225, 229 expressiveness, expressive : 28–29, 174–175, 184, 198 focus, focal, focalization : 174, 176, 184–186, 283, 305–306, 331, 337, 343 saliency, salient : 28–29, 173–175, 182, 184–186, 198, 219–221, 223–225, 229, 383, 400, 406, 407 topic, topical, topicalization : 102–104, 174–178, 189, 301, 315, 375, 379, 402, 406 prefix, prefixation, see morphology Preclassical Latin, see Latin preverb, see morphology progressive, progressivity, see aspect pronominal object, see object pronominal subject, see subject pronoun personal — : 66, 102, 128, 131, 133, 156, 159, 171–198, 204, 277, 301– 302, 304–306, 308–309, 311–318, 380 demonstrative —, see demonstrative Proto-French, see French purpose adverbial clause, see clause reflexive verbs : 31, 116, 137, 256–258, 263, 337, 342, 344–345 register, see Latin spoken vs written : 22, 24–25, 223, 327 literary, poetic : 1, 25–26, 47, 76, 198, 235, 250, 255, 258–261, 263–264, 275 Romance, Romance languages : 1, 2, 3, 21– 28, 30, 32, 97, 107, 128–129, 159, 171, 173, 175, 185, 198, 201–206, 208, 227, 235, 248, 250–251, 257, 263, 282, 289, 291, 302, 324, 331, 355, 361, 365, 373 saliency, salient, see pragmatics satellite, see adjunct secondary predication : 98–101, 103, 375, 378, 403–411 semantics, semantic : 47–48, 54–57, 59, 100, 102, 105, 107, 129, 184–185, 195, 201–202, 207, 210–211, 214, 217, 220, 227, 235, 240–242, 246–247, 250–254,

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Index (English)

258, 263, 271, 273, 279, 291, 374–376, 379, 381, 384, 388, 394, 398, 400, 407, 409–410 sociolinguistics, sociolinguistic : 1–2, 21–27, 76, 210 SOV, SVO, OV, VO, see constituent order spoken language, spoken register, see register, Latin spoken Latin, see Latin statistics, statistical : 61, 76–77, 80, 82, 92– 93, 99–100, 104, 145–146, 150, 180, 183, 188, 203–205, 369–372 structural markedness, see markedness subject lexical (nominal) — : 131, 302, 307, 312–313 null — : 131, 137, 152, 159, 171–185, 189, 197–198, 283, 301–302, 304–306, 311, 407 pronominal — : 131, 171–186, 190, 192, 197–198, 301–309, 311–313, 318 — expression : 171–185, 283, 301–302, 304–307, 309–311, 314–315 subordinate clause, typology of —, see clause subordinating conjunction, see conjunction suffix, suffixation, see morphology synthetic vs analytic : 30–31, 48, 51, 54–57, 59, 61, 69, 236, 257, 408

telic, see aspect temporal adverbial clause, see clause tense (tempus), see also aspect : 235–238, 240, 263, 330, 343, 345, 405 sequence of tenses — : 327–328, 329, 342, 345–346, 350–355, 359, 364 text complexity and case marking, see case text type : 1, 3–5, 97, 147, 153, 156, 186–187, 198, 204, 210–211, 269, 271, 376 textual markedness, see markedness topic, topical, topicalization, see pragmatics total interrogation, see interrogation transitive vs intransitive : 62–63, 137, 140, 142, 146–147, 150, 156, 163, 241–242, 250, 255–257, 263, 304, 340, 363 translation, translated : 3, 5, 8, 35–70, 134, 151, 153–156, 251, 300–318, 331, 337, 345, 357 valency : 103, 107, 129, 131, 134, 136–138, 142–144, 156 vertical communication : 1–2, 23–24, 29, 203 vocabulary, see lexicon voice, see active vs passive voice word order, see constituent order written language, written register, see register, Latin written Latin, see Latin