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French Pages 140 [141] Year 2019
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire DEUXIÈME ÉDITION Original English language edition by
Original English language edition by
P. J. Hore
Traduction : Alan Rodney
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“Nuclear Magnetic Resonance”, 2nd Edition, was originally published in English in 2015. This translation is published by arrangement with Oxford University Press. EDP Sciences is solely responsible for this translation from the original work and Oxford University Press shall have no liability for any errors, omissions or inaccuracies or ambiguities in such translation or for any losses caused by reliance thereon. © P. J. Hore 2015. L’auteur a fait valoir ses droits moraux.
Imprimé en France ISBN (papier) : 978-2-7598-2119-8 - ISBN (ebook) : 978-2-7598-2368-0 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2019
Avant-propos de la première édition
La résonance magnétique nucléaire offre une technique flexible et extrêmement puissante pour analyser la structure et la dynamique des molécules. De nos jours, on ne trouve guère de laboratoire de chimie non équipé avec un spectromètre RMN ou qui ne dispense de cours universitaire en chimie au niveau licence n’incluant pas un module sur la RMN. Ce livre offre une introduction claire et concise aux principes physiques de la RMN des liquides et des interactions qui vont générer des spectres RMN. Les six chapitres décrivent et expliquent comment les spins nucléaires interagissent avec un champ magnétique (le décalage chimique) et entre eux (le couplage scalaire ou « spin-spin ») ; ils analysent comment les spectres de RMN sont affectés par des états d’équilibre chimique (les échanges) et le mouvement moléculaire (relaxation) et se terminent par une esquisse des protocoles expérimentaux utilisés pour quelques expériences en RMN à une (ou à deux) dimension(s). Je me suis efforcé de rester simple dans mon exposé des faits : le texte ne comprend donc que l’essentiel des mathématiques et des aspects théoriques nécessaires. Ce qui est important est de bien comprendre les fondements de la technique de la RMN et comment on peut les appliquer à des problèmes intéressants d’un point de vue chimique. Je suis redevable – pour le choix de la forme et le contenu de ce texte qui est relativement court – à ceux-là mêmes qui m’ont enseigné la résonance magnétique, à savoir, Keith McLauchlan, Rob Kaptein et Ray Freeman – surtout Keith et Ray dont j’ai hérité des cours de licence il y a dix ans et sur lesquels mon texte repose. J’ai une dette et une profonde reconnaissance vis-à-vis de ces trois collègues. Je remercie également Jonathan Jones, qui a relu avec soin et perspicacité le manuscrit dans sa totalité et qui m’a fait plusieurs commentaires très pertinents sur presque chacune des pages ; de même mes remerciements vont à Paul Hodgkinson, Mark Wormald et Pete Biggs qui ont su désenchevêtrer, toujours avec le sourire, les problèmes d’ordinateur que j’ai rencontrés (et parfois créés moi-même) en dessinant les figures ; enfin et last but not least, Craig Morton et Mark Wormald, qui m’ont généreusement permis de reproduire leurs très beaux spectres. Oxford, octobre 1994, P. J. Hore
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Avant-propos de la seconde édition Bien que la pratique de la spectroscopie en RMN ait beaucoup évolué ces 20 dernières années, les principes physiques qui sous-tendent la RMN d’états liquides – à la fois objet et objectif de ce petit livre – sont restés, pour l’essentiel, inchangés. En 1995, nous avions déjà une excellente compréhension des déplacements chimiques, des couplages scalaires ou « spin-spin », des échanges chimiques, de la relaxation de spin et des effets produits au niveau des spectres de RMN, et cela était vrai du moins au niveau de la plupart des cours universitaires donnés en licence (ou équivalents). Par conséquent, le contenu de cette seconde édition ne diffère pas énormément de celui de la première. Les ajouts les plus significatifs au texte visent à décrire des techniques expérimentales plus proches de nous, par exemple INEPT, HSQC et la RMN tridimensionnelle. J’ai corrigé quelques erreurs, quelques imprécisions et certaines présentations par trop simplifiées de la première édition, sans – du moins, je l’espère – en introduire de nouvelles. Si jamais vous vous rendez compte d’une anomalie, quelle qu’elle soit, s’il vous plaît, faites-le moi savoir. Rétrospectivement, quelques sections de la première édition ne me semblaient plus satisfaisantes. En particulier, j’ai réarrangé les sections sur l’anisotropie de groupes voisins, sur le couplage fort, les spins équivalents, le couplage dipolaire, sur le modèle vectoriel et sur la RMN à deux dimensions. Les symboles utilisés pour les fréquences de Larmor et les rotations induites par des impulsions radiofréquences sont maintenant conformes aux usages modernes. J’ai également apporté de nombreux petits changements au texte pour le rendre plus facile à suivre, et quelques améliorations « cosmétiques » aux figures. J’ai ajouté dix exercices à la fin de chaque chapitre. Certains sont plutôt simples à résoudre, d’autres sans doute présentent un défi aux lecteurs. Mon espoir est qu’ils vous aident à valider et à approfondir votre compréhension des principes de la RMN. Les réponses aux problèmes sont données à la fin du livre. Chaque chapitre se termine par un bref résumé. J’ai rédigé – coécrit avec Jonathan Jones et Steve Wimperis en 2000 – un autre livre chez Oxford University Press, dans la série Introduction à la chimie, sous le titre, NMR: the Toolkit [boîte à outils], qui va aussi connaître sa seconde édition. Il peut être considéré comme la suite logique de celui-ci, et s’adresse à tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur le fonctionnement opérationnel des séquences de pulsation de RMN et se faire une idée plus précise quant aux mécanismes de la mécanique quantique sous-jacents. Ainsi, les lecteurs qui seraient peutêtre frustrés par une absence de détail et de traitement rigoureux sur
vi
Avant-propos de la seconde édition
ces questions quantiques pourraient trouver The Toolkit plus en phase avec leurs goûts personnels. Je tiens à exprimer ma gratitude à Rod Wasylishen pour le temps passé à identifier, comme il l’a fait, certaines lacunes de la première édition. Je remercie aussi beaucoup Geoffrey Bodenhausen et Gareth Morris qui m’ont gentiment transmis des commentaires détaillés sur le texte de la première édition et de sages suggestions en vue d’y apporter des améliorations. Je remercie également Susannah Worster pour son aide sur le glossaire, Jakub Sowa pour son aide avec Chemdraw®, Christina Redfield pour leurs spectres de 950 MHz du lysozyme et Pete Biggs qui a réussi à redonner vie à des versions sur ordinateur de figures que j’avais dessinées il y a 20 ans mais au moyen d’un logiciel aujourd’hui obsolète. Oxford, octobre 2014, P. J. Hore
vii
Sommaire Couverture I
Avant-propos de la première édition
v
Avant-propos de la seconde édition
vi
Sommaire
ix
1.
1
Introduction
1.1. Introduction 1 1.2. Moment cinétique et magnétisme nucléaire 2 1.3. Spectroscopie RMN 5 1.4. Résumé 9 1.5. Exercices 10
2.
Déplacements chimiques
11
2.1. Introduction 11 2.2. Blindage nucléaire 12 2.3. Origine des déplacements chimiques 18 2.4. Contributions au blindage nucléaire 19 2.5. Résumé 26 2.6. Exercices 26
3.
Couplages scalaires (-J)
29
3.1. Introduction 29 3.2. Effet sur les spectres de RMN 29 3.3. Schémas de multiplet 32 3.4. Exemples 39 3.5. Couplages forts et spins équivalents 42 3.6. Mécanisme de couplage scalaire 45 3.7. Propriétés des couplages scalaires (J) 48 3.8. Couplage dipolaire 51 3.9. Résumé 56 3.10. Exercices 56
4.
Échanges chimiques
59
4.1. Introduction 59 4.2. Échanges symétriques entre deux sites 60
ix
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
4.3. Échanges asymétriques entre deux sites 63 4.4. Exemples 65 4.5. Résumé 73 4.6. Exercices 73
5.
Relaxation de spin
75
5.1. Introduction 75 5.2. Relaxation longitudinale (spin-réseau) 75 5.3. Mouvements rotationnels dans un liquide 77 5.4. La relaxation longitudinale (suite) 79 5.5. L’effet Overhauser nucléaire (NOE) 81 5.6. Relaxation transversale (spin-spin) 85 5.7. Relaxation quadripolaire 87 5.8. Exemples-structures 89 5.9. Exemples – dynamique 92 5.10. Résumé 95 5.11. Exercices 95
6.
Expériences en RMN
97
6.1. Introduction 97 6.2. Principes expérimentaux 97 6.3. Modèle vectoriel 99 6.4. Mesures de temps de relaxation 106 6.5. Séquence INEPT 110 6.6. La RMN bidimensionnelle 113 6.7. RMN tridimensionnelle 119 6.8. Résumé 120 6.9. Exercices 121
x
Annexe A. Dipôles magnétiques
123
Glossaire
125
Bibliographie
127
Réponses aux exercices
129
1
Introduction
1.1. Introduction Je suis redevable à Ray Freeman pour sa comparaison imagée de l’espion. Cette introduction élémentaire à la RMN est quelquefois un peu trop simplifiée. C’est voulu de ma part, car cela permet d’éviter un exposé sur la mécanique quantique des phénomènes de spin dans un champ magnétique. Une description plus détaillée de certains aspects de la dynamique des spins sera donnée dans les chapitres suivants. On peut également se référer à des exposés plus détaillés, par exemple, chez Levitt (2008), Keeler (2010) et Hore, Jones, et Wimperis (2015).
Fréquence MNR
Les molécules sont des objets extrêmement petits, c’est ce qui les rend difficiles à observer directement. On a besoin – pour apprendre leurs structures, leurs mouvements, leurs réactions et interactions – d’espions microscopiques capables de relayer des informations sur leurs hôtes moléculaires sans les perturber de manière significative. Ces « espions », objet de ce livre, sont les noyaux atomiques et ce qui signe le succès de leur mission d’espionnage est leur magnétisme. Le moment magnétique du noyau est extrêmement sensible à l’état environnant et, pourtant, il n’a que peu d’interactions avec lui. Puisque la plupart des éléments possèdent au moins un isotope magnétique naturel, on peut constater que presque toutes les molécules qui viennent à l’esprit ont un, ou plusieurs, « espion(s) » déjà en place, mais qui ont une influence négligeable sur les propriétés moléculaires que l’on souhaite analyser. Un noyau magnétique placé dans un champ magnétique possède un nombre peu élevé de niveaux d’énergie quantifiés. Dans le cas du noyau d’hydrogène, il en existe deux. Pour simplifier, disons que la distinction des deux niveaux se trouve dans l’orientation du moment magnétique nucléaire, alignée soit dans le même sens que celui du champ magnétique, soit dans le sens opposé. L’espacement entre ces deux niveaux d’énergie, ΔE, dépend – et ce n’est pas une surprise – de la valeur du moment magnétique nucléaire et de l’intensité du champ magnétique. On peut mesurer ΔE au moyen d’un rayonnement électromagnétique pour provoquer une transition entre les deux niveaux d’énergie. Cela se produira quand la fréquence de ce rayonnement, nNMR, remplit la condition de résonance, à savoir ΔE = h nNMR, où h est la constante de Planck. Pour l’essentiel, nous venons de donner ici une description de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire. Pour un champ magnétique donné, l’espacement d’énergie ΔE et, par conséquent, la fréquence de résonance sont déterminés pour le choix de nucléide (ou type d’atome) car chacun (1H, 2H, 13C, 14N, 15N, etc.) possède un moment magnétique caractéristique. Mais la technique RMN permet bien plus que la possibilité de distinguer l’hydrogène du deutérium, ou le 13C du 14N. Heureusement pour nous autres chimistes, la fréquence de résonance dépend aussi de l’environnement chimique du noyau dans la molécule que l’on examine, quoiqu’en
CH3 OH
CH2
Fréquence
Fig. 1.1 Le spectre RMN du 1H de l’éthanol en phase liquide, CH3CH2OH, montre les fréquences de résonance distinctes des trois types d’atome d’hydrogène (H), présents dans la molécule. Figure adaptée de J. T. Arnold, S. S. Dharmatti, et M. E. Packard, J. Chem. Phys., 19 (1951) 507). Un spectre à plus haute résolution de l’éthanol est donné à la figure 3.1.
1
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
partie seulement, par un phénomène appelé le déplacement chimique. La figure 1.1, par exemple, montre le spectre RMN de noyaux d’hydrogène dans de l’éthanol en phase liquide, CH3CH2OH. Les trois types d’atome H ont des fréquences de résonance différentes et produisent ainsi trois signaux distincts dans le spectre, que l’on identifie par leurs aires, dans un rapport 3:2:1, ce qui indique le nombre d’atomes d’hydrogène dans chaque molécule : CH3, CH2 et OH. Ce spectre, d’assez mauvaise qualité, il faut le dire, a été enregistré lors de l’utilisation de la technique RMN à ses débuts, mais il suggère, cependant, la manière dont on peut l’appliquer à sonder des molécules au niveau atomique.
1.2. Moment cinétique et magnétisme nucléaire Ayant vu, très brièvement, en quoi consiste la RMN, nous pouvons à présent revenir au début de l’exposé pour rappeler les origines et les propriétés du magnétisme nucléaire. Tableau 1.1 Les nombres quantiques de spin nucléaire (I) pour certains nucléides courants. I
Nucléide
0
12C, 16O
1 2
1H, 13C, 15N, 19F, 29Si, 31P
1
2H, 14N
3 2
11B, 23Na, 35Cl, 37Cl
5 2
17O, 27Al
3
10B
Les vecteurs (dimensions ayant une direction et une magnitude) sont imprimés en italique gras. Ainsi le vecteur du moment cinétique, I, ne doit pas être confondu avec le nombre de spin quantique I.
2
Moment de spin cinétique Un noyau magnétique possède un moment cinétique spécifique, appelé spin, dont la magnitude est quantifiée en unités de (= h / 2π). L’intensité du moment cinétique nucléaire = I ( I + 1) .(1.1) Le nombre quantique de spin, I, d’un noyau donné peut prendre les valeurs suivantes : I = 0, 21 , 1, 32 , 2,…
(1.2)
où I > 72 est plutôt rare. Le tableau 1.1 montre les nombres quantiques de spin pour une sélection de noyaux. Il convient de noter que des isotopes d’un même élément peuvent avoir des nombres quantiques différents et que certains noyaux communs, notamment le 12C et le 16O, ont I = 0, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas de moment cinétique et, par conséquent, ne permettent pas d’obtenir un spectre en RMN. On désigne un noyau caractérisé par un nombre quantique de spin I, par « spin-I ». Les électrons, les neutrons et les protons (les noyaux de 1H)
ont un spin- 21 . Pour se conformer aux usages des applications de la
RMN, le terme « spin » est utilisé comme synonyme de noyaux magnétiques, et « protons » comme synonyme de noyaux d’hydrogène 1H. Le nombre quantique de spin d’un noyau est déterminé largement par le nombre de nucléons non appariés. Par exemple, un isotope tel que le 12C possède le même nombre de protons et de neutrons : chaque proton est apparié avec un spin dit « antiparallèle » ; de même pour les neutrons, ce qui donne un moment cinétique de spin net égal à zéro (I = 0). Un noyau qui comprend un nombre impair de protons et de neutrons (par exemple le 14N, avec sept de chaque type de nucléon), en règle générale,
1. Introduction
a un nombre quantique entier, non nul parce que le nombre de nucléons non appariés est pair et chacun contribue pour une valeur 21 à I. Il est toutefois difficile de prédire combien de protons et combien de neutrons précisément vont être non appariés sauf dans des cas simples tels que celui du 2H (deutérium). Ces idées peuvent être étendues pour englober les noyaux avec un nombre pair de protons ou un nombre impair de neutrons, ou le contraire, et ils ont généralement un nombre quantique en demi-entier en raison du nombre pair de nucléons non appariés. Ces règles plutôt simplistes, non infaillibles, sont regroupées en tableau 1.2. Le moment cinétique de spin peut être considéré comme un vecteur, I, dont l’orientation et la magnitude sont quantifiées. Dans cette représentation vectorielle, I a la longueur l ( l + 1) (Éq. 1.1) et est caractérisée par 2I + 1 projections permises sur un des axes, choisi arbitrairement, indiqué par z. Cela signifie que la projection de I sur l’axe z est quantifiée : Iz = m ,
(1.3)
où m, le nombre quantique magnétique, possède 2I + 1 valeurs entre + I et – I :
m = I, I − 1, I − 2, ... − I.(1.4) Tableau 1.2 Les règles permettant de prédire le nombre quantique de spin (I) à partir du nombre de protons et de neutrons présents dans un noyau. Nombre de protons
Nombre de neutrons
I
pair impair
pair impair
0 1 ou 2 ou 3 ou…
pair
impair
1 2
ou
3 2
ou
5 2
ou…
impair
pair
1 2
ou
3 2
ou
5 2
ou…
z z
+ℏ
+ℏ/2 0 –ℏ/2 –ℏ I=½
Par exemple, le moment cinétique d’un noyau de spin- 21 (ex. 1H, 13C) a deux composants z, Iz = ± 21 , tandis qu’un noyau avec I = 1 en a trois, Iz = 0, ± . Cette quantification spatiale est illustrée dans la figure 1.2. En l’absence de champ magnétique, l’axe de quantification est arbitraire et toutes les orientations 2I + 1 sont équiprobables et possèdent la même énergie.
I =1
Fig. 1.2 La quantification spatiale du moment cinétique des noyaux spin- 21 et spin -1. Les longueurs des vecteurs (Eq. 1.1) sont 3 et 2 , respec2 tivement. Leurs composantes z sont données par les équations 1.3 et 1.4.
Moments magnétiques nucléaires Le moment magnétique d’un noyau est étroitement lié à son spin. Pour être plus précis, le moment magnétique μ (également une valeur vectorielle) est relié à I par :
μ = g I,
(1.5)
La magnitude du moment magnétique, c’est-à-dire la longueur du vecteur μ, est γ I ( I + 1) .
où g est le rapport gyromagnétique du noyau.
3
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
Le tableau 1.3 montre les rapports gyromagnétiques pour quelques noyaux courants utilisés en analyses de RMN. Il faut noter que le moment magnétique d’un noyau n’est pas simplement la somme des différents moments magnétiques des protons et des neutrons non appariés. Tableau 1.3 Rapports gyromagnétiques et fréquences RMN (dans un champ magnétique de 9,4 T) avec une abondance de nucléides sélectionnés. 1H 2H 13C 14N 15N 17O 19F 29Si 31P
γ /107 T−1 s−1
νNMR/MHz
Abondance naturelle/%
26,752 4,107 6,728 1,934 −2,713 −3,628 25,181 −5,319 10,839
400,0 61,4 100,6 28,9 40,5 54,3 376,5 79,6 162,1
99,985 0,015 1,108 99,63 0,37 0,037 100,0 4,70 100,0
En résumé, le moment magnétique d’un noyau est parallèle au moment cinétique du spin ou, parfois, antiparallèle pour des noyaux avec un rapport γ négatif. Dans les deux cas, la magnitude et l’orientation sont quantifiées.
Niveaux d’énergie Le produit scalaire de deux vecteurs a et b est a · b = abcos q, où q est l’angle entre eux et a et b et leurs valeurs absolues. La projection de b sur a a la magnitude bcos q.
En l’absence d’un champ magnétique, les niveaux d’énergie 2I + 1 d’un noyau spin-I auront tous la même énergie. Cette « dégénérescence » disparaît dès qu’on applique un champ magnétique : en physique classique, l’énergie d’un moment magnétique μ dans un champ magnétique B (encore un vecteur) peut être transcrite en termes du produit scalaire des deux vecteurs : E = − μ · B.
(1.6)
En présence d’un fort champ magnétique, l’axe de quantification du spin (z) n’est plus arbitraire mais coïncide avec l’orientation du champ. On en déduit que : E = − μ · B = − mz B, m=–½
Fig. 1.3 Niveaux d’énergie de noyaux d’hydrogène (I = 21 ) et de deutérium (I = 1) dans un champ magnétique B. On notera que gH > gD > 0. Les subdivisions de niveau d’énergie ici ne sont pas à l’échelle. Pour les noyaux avec g 0. La subdivision des niveaux d’énergie pour un noyau dans un atome est notée h nNMR où nNMR est fournie par l’équation. 2.3.
12
| g | B0 (1 − s), (2.3) 2p
c’est-à-dire que la fréquence de résonance d’un noyau est un peu plus petite que celle d’un noyau sans aucun électron (Fig. 2.3). On observe des effets similaires pour les noyaux dans des molécules, si ce n’est que le mouvement des électrons est plus complexe que dans le cas des atomes, de ce fait les champs induits peuvent renforcer ou s’opposer au champ externe. Néanmoins, on dira toujours qu’il s’agit de blindage nucléaire. La valeur et le signe de la constante de blindage dans l’équation 2.3 sont déterminés par la structure électronique de la molécule qui se trouve dans le voisinage du noyau examiné. La fréquence de résonance d’un noyau caractérise ainsi son environnement.
Fréquence de Larmor Comme il est mentionné à la fin du chapitre 1, le signal dans une expérience RMN résulte du mouvement de la magnétisation de l’échantillon placé dans le puissant champ magnétique du spectromètre. Pour illustrer cet état, prenons une collection de spins nucléaires identiques, non interagissant, placés dans un champ magnétique B. Le vecteur de magnétisation M (la somme des vecteurs de moments magnétiques des spins individuels) se déplace comme le montre la figure 2.4. Il effectue une précession autour de B, maintenant un angle constant par rapport à B et transfère une projection constante sur B. Ce mouvement, semblable au phénomène observé avec l’axe d’une toupie ou d’un
2. Déplacements chimiques
gyroscope, porte le nom de précession de Larmor. La fréquence spécifique de ce mouvement appelée fréquence de Larmor, est donnée par n0 =
B
g B0 (1 − s). (2.4) 2p
n0 est négative pour les noyaux ayant g > 0, par exemple 1H et 13C, et positive pour ceux avec g 0) et par conséquent une fréquence de Larmor négative (n0 0). Par convention, on trace les spectres de RMN avec les valeurs de d qui augmentent de droite à gauche. Ainsi, les noyaux plus fortement blindés (s plus grande, d plus petite) apparaissent vers la droite du spectre (Fig. 2.5). Avec un exemple simple, la figure 2.6 montre le spectre à 400 MHz d’un mélange de composés auquel une faible quantité de TMS a été ajoutée. Chacune des cinq molécules possède un groupe de protons identiques, ce qui produit un seul et unique déplacement chimique. Il est à noter que l’échelle de ces déplacements chimiques couvre environ 10 ppm, ce qui est habituel pour les noyaux de 1H. Les déplacements chimiques peuvent être reconvertis en fréquences en utilisant l’équation 2.6. Par exemple, le pic dû à l’acétone dans la figure 2.6 montre une valeur de 2,00 ppm pour d ce qui donne :
ν0,acetone − ν0,TMS = ( δ 106 ) ν0,TMS
= (2,0 × 10−6 ) × (400 MHz) = 800 (400 Hz).(2.8)
Avec un spectromètre calibré à 100 MHz, le déplacement chimique pour l’acétone sera encore de 2,0 ppm, mais la fréquence de Larmor, relative à l’additif TMS est réduite, proportionnellement, à 200 Hz.
Exemples Comme nous le verrons par la suite, il y a tant de facteurs en jeu quand il s’agit de déterminer et de mesurer un déplacement chimique, qu’il s’avère souvent difficile de faire le lien entre les Me2 SO C6 H6
Me2CO MeCN TMS
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1
δ ( H) / ppm
Fig. 2.6 Spectre à 400 MHz du 1H pour un mélange de benzène, diméthyle sulphoxyde, acétone, acétonitrile et tétraméthylsilane (TMS).
14
2. Déplacements chimiques
résultats quantitatifs obtenus de l’expérience et la structure moléculaire recherchée. Cependant, on peut déduire des informations utiles des spectres de RMN, simplement en notant le nombre des résonances présentes et leur intensité relative, comme le montrent les exemples ci-après. Le pentachlorure de phosphore, dans une solution de CS2, montre une résonance pour le noyau 31P (Fig. 2.7), comme on pouvait s’y attendre étant donné sa structure bipyramide trigonale, en phase gazeuse. Dans son état solide, cependant, le Cl5PPCl5 montre deux pics d’intensité égale pour le noyau 31P, ce qui révèle clairement que le changement de phase (de gazeuse à solide) s’accompagne d’un changement de structure moléculaire (il s’agit en fait d’une réaction de – + « disproportionation » ou dismutation (2PCI5 → PCI6 + PCI4 ). Le spectre RMN du noyau 17O pour la molécule Co4(CO)12 dans du chloroforme à basse température (Fig. 2.8) montre quatre lignes d’intensité égale, ce qui est conforme à ce que l’on attend d’une structure interne pontée (appelée symétrie C3v ) contenant quatre types de carbonyle distincts. Ce spectre élimine clairement une structure non pontée (Ir4(CO)12 (dite symétrie Td), pour laquelle tous les 12 carbonyles se trouvent dans des environnements identiques. Le spectre fournit aussi un argument puissant contre la structure D2d qui avait été un moment proposée pour la molécule Co4(CO)12 dans laquelle il n’y a que trois environnements distincts de carbonyle : l’un ponté, les deux autres terminaux.
O C C 3v
450
400
350
O C
O C
O C
M C
O CO
M
M M C O
0 –100 –200 –300 δ (31P) / ppm
Fig. 2.7 Les spectres 31P du pentachlorure de phosphore à l’état solide et dans une solution de CS2. Le premier était obtenu par la technique dite de l’angle magique pour retirer l’élargissement de lignes dû, entre autres, aux interactions dipolaires (Sect. 3.8 et l’Annexe A) entre noyaux dans le solide. Le déplacement de référence est une solution aqueuse à 85 % d’acide ortho-phosphorique (Adapté de E. R. Andrew, Phil. Trans. R. Soc. A, 299 (1981) 505.)
C O
O C
O C
D 2d
OC
C O
100
C O
M
OC
Solide
O C
CO
M
C O
C O
PCl6–
M
M
δ ( O) / ppm
Td
O C
O C
17
Solution PCl+ 4
O C
M O C
500
O C
PCl5
CO C O
C O
OC
CO
OC
C M
M C O
O
C O
C O CO
M C O
C O
Fig. 2.8 Le spectre 17O du Co4(CO)12 dans du chloroforme à −25 °C est conforme à la structure C3v, mais pas aux formes Td ou D2d.
Les figures 2.7-2.9 et plusieurs autres dans les chapitres qui suivent montrent des spectres MNR dessinés par ordinateur pour ressembler aux spectres originaux, expérimentaux (les références sont, pour la plupart, portées dans les légendes). On reconnaîtra de vrais spectres, par exemple figures 2.6, 2.10 et 2.11, car ils intègrent du bruit.
15
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire C 9 H12
3
C60
1
1
145
140 135 δ ( C) / ppm
130
13
Le spectre 13C du
Fig. 2.10 C60. (Adapté de R. Taylor, J. P. Hare, A. K. Abdul-Sada et H. W. Kroto, J. Chem. Soc. Chem. Commun. (1990) 1423.)
Si / Al
1,19 4 3 2 1
1,35
1,67 2 1 3
–80
0
2,61
–90 –100 –110 δ(
29
Si) / ppm
Fig. 2.11 Spectres de 29Si de zéolites synthétiques avec du « spinning » à l’angle magique. La résonance des atomes de Si liés à des tétraèdres n AlO4 et (4 − n) SiO4 étiquetés n = 0 − 4. Les rapports Si/ Al sont comme indiqués ici. (Figure adaptée de J. Klinowski, S. Ramdas, J. M. Thomas, C. A. Fyfe et J. S. Hartman, J. Chem. Soc. Faraday Trans. II, 78 (1982) 1025.)
16
6
C10 H14
7
6
5
4
1
δ ( H) / ppm
3
2
7
6
5
4
3
2
1
δ ( H) / ppm
1H
Fig. 2.9 Spectres des composés aux formules moléculaires C9H12 et C10H14 avec les intensités relatives des pics, obtenus par intégration.
On peut, à l’occasion, déduire une information structurelle seulement à partir des intensités relatives des lignes spectrales de RMN. Par exemple, les seules structures possibles pour les composés C9H12 et C10H14 avec le spectre pour le noyau 1H et qui apparaissent dans la figure 2.9 sont le 1,3,5-triméthylbenzène et le 1,2,4,5-tétraméthylbenzène, respectivement. Une illustration plutôt saisissante d’utilisation de déplacements chimiques est donnée par le spectre RMN du noyau 13C dans le spectre du fullerène C60 (Fig. 2.10). L’observation d’une seule ligne de spectre RMN pour cette molécule remarquable fournit une preuve directe de sa structure éminemment symétrique comme les segments cousus d’un ballon de football dans laquelle tous les 60 atomes ont des environnements identiques. Les zéolites sont des aluminosilicates construites à partir des tétraèdres de SiO4 et de AlO4 qui ont des coins en commun. Chaque silicate et chaque groupe d’aluminate sont liés, par des pontages d’oxygène, à quatre tétraèdres, créant ainsi des structures-cadres avec des cavités et des canaux, ce qui lui confère d’intéressantes propriétés catalytiques. On dénombre jusqu’à cinq déplacements chimiques distincts dans le spectre RMN du noyau 29Si dans des zéolites en poudre (Fig. 2.11) qui correspondent aux atomes de Si liés aux n tétraèdres d’AlO4 et aux (4 − n)SiO4 où n = 0 − 4. Chaque atome d’Al déplace la résonance d’environ +5 ppm. Les intensités relatives des cinq pics donnent le rapport Si/Al et peuvent servir pour tester différentes structures modélisées avec différents schémas d’agencements des atomes de SI/Al. On peut donner une interprétation empirique aux déplacements chimiques en se servant des données fournies par des composés avec des structures déjà connues. La figure 2.12, par exemple, montre des gammes de déplacements chimiques du noyau 1H pour un assortiment de groupes organiques, fonctionnels, des règles pour prédire des effets de substitution (cf. par exemple Friebolin (2011), Günther (2013) et Williams et Fleming (2007)). De telles tables peuvent s’avérer extrêmement utiles pour établir des relations entre les déplacements observés et les structures moléculaires associées. Toutefois, au fur et à mesure que les protocoles de RMN deviennent plus sophistiqués (Chap. 6),
2. Déplacements chimiques
ArOH ROH –CHO
RNH2 aromatique
acétylénique
oléfinique CHn – O
CHn – N
CH2
CHn –CO
CH3 C
CH3 –Ar
CH3 –C=C TMS
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
δ ( 1 H) / ppm
Fig. 2.12 Plages de déplacement chimique pour 1H de certains groupes fonctionnels, relatives au composé TMS tétraméthylsilane (d = 0 ppm).
δ=
δHisH+ [HisH+ ] + δHis [His]
[
HisH+
] + [His]
où [HisH+] et [His] sont les niveaux de concentration. Le processus de moyenne est traité au chapitre 4. 1 1 Le point-milieu de la titration s’obσp ∝ − 2.10 Δ R3 tient quand [HisH+] = [His], c’est-à-dire quand le pH est égal au pKa du groupe des imidazoles. La figure 2.13 montre la dépendance au pH du déplacement chimique de H2 d’un des histidines (His b146), sous la forme, soit oxy-, soit désoxy-hémoglobine, la protéine responsable du transport de l’oxygène dans le sang. La valeur de pKa du His b146 est supérieure d’environ 1 unité de pH, en raison de la stabilisation – de la forme HisH+ par le groupe CO2 d’un aspartate voisin (Asp β94). Ces deux groupes sont amenés à être très proches l’un de l’autre, par des changements conformationnels de la protéine qui accompagnent le processus de désoxygénation. L’interaction du b146 avec l’Asp b94 est en partie responsable pour la dépendance au pH de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène (« l’effet Bohr »).
9,0 7,9
δ (1 H) / ppm
ν0 − ν0,ref 2.6 δ = 106 ν0,ref de telles méthodes généralement deviennent moins pertinentes. Une information structurelle plus directe provient souvent des couplages spin-spin et des effets Overhauser (Chap. 5). Finalement, une utilisation quelque peu différente des déplacements chimiques est donnée par la dépendance du spectre du noyau 1H de l’acide aminé histidine (Fig. 2.13). Les fréquences de résoσ − σ 2.7 δ = 106 ref ≈ 106 ( σref − σ ) nance des protons H2 et H4 dans imidazoles suivent 1 − σrefle groupe des sans heurt les modifications de la valeur du pH avec les déplacements chimiques de la forme chargée HisH+, stable dans un milieu liquide acide et ceux de la forme neutre, déprotonée présente avec ν0,acetone − ν0,TMS = ( δ 106 ) ν0,TMS une valeur de pH élevée. Pour n’importe quelle valeur du pH, 2.8le 6 = (observé 2,0 × 10 −est (400MHz (400Hz)des deux ) = 800 ) ×une déplacement chimique moyenne pondérée valeurs extrêmes dHisH+ et dHis :
8,5 oxy désoxy
8,0 6,8 6
H
N
7
pH
8
9
10
* + H H * N N N +H+
R
R +
HisH
His
Fig. 2.13 Déplacement chimique du proton de H2 (marqué par astérisque) de la histidine b146 dans de l’oxy- et désoxyhémoglobine en fonction de la valeur de pH. (Figure adaptée de I. D. Campbell et R. A. Dwek, Biological spectroscopy, Benjamin/ Cummings, Menlo Park, CA, 1984, p. 161).
17
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
2.3. Origine des déplacements chimiques Un champ magnétique peut induire deux types de courant électrique au niveau moléculaire : un courant diamagnétique ou un courant paramagnétique (la magnétisation induite par un champ extérieur dans du matériau diamagnétique s’oppose au champ extérieur tandis que pour un matériau paramagnétique, elle vient l’augmenter). Les courants diamagnétique et paramagnétique sont faibles et orientés en sens opposé, ce qui crée des conditions de blindage et de déblindage nucléaire, respectivement. La constante de blindage peut ainsi s’écrire comme la somme des contributions diamagnétiques et paramagnétiques s = sd + sp(2.9)
y
x
py
∆ px
Fig. 2.14 Circulation de la charge électronique induite par le mélange de fonctions d’onde électronique par un champ magnétique. Ce courant paramagnétique génère un faible champ magnétique local qui déblinde le noyau au centre de la densité électronique.
18
avec sd > 0 et sp JAX > 0. Les diagrammes arborescents au-dessus des spectres montrent comment est produit le schéma des multiplets.
34
3. Couplages scalaires (-J)
Couplage à deux noyaux à spin- 21 équivalents (AX2) Ceci représente un cas spécial d’un système de spin AMX, où JAM = JAX. Comme nous pouvons le voir avec le tableau 3.1 et la figure 3.5(b), les deux lignes centrales du doublet des doublets coïncident, de sorte que le multiplet devient un triplet, centré sur le déplacement chimique de A, avec un espacement des lignes égal à la constante de couplage et avec des intensités relatives, dans le rapport 1:2:1. La ligne centrale du triplet résulte de deux dispositions dégénératives des spins X (↑↓ et ↓↑), où les champs magnétiques locaux créés par les noyaux X s’annulent parfaitement.
Couplage à trois noyaux à spin- 21 équivalents (AX3) Le schéma multiplet de A dans un système de spin AX3 (c’est-à-dire avec trois constantes de couplage AX identiques) est celui d’un quartet, avec quatre lignes (cf. Fig. 3.5(c) et Tab. 3.2). Il y a deux pics, décalés de la position du déplacement chimique par une valeur de ± 32 JAX et deux pics avec une intensité trois fois supérieures, placés à ± 21 JAX. Les lignes intérieures, par exemple, ont une intensité relative de 3 parce qu’il y a trois dispositions dégénérées qui permettent de créer un nombre magnétique quantique total de ± 21 .
Tableau 3.2 Couplage scalaire spin-spin dans un système de spin AX3. m1
m2
m3
+
1 2
+
1 2
+
+
1 2
+
1 2
−1 2
+
1 2
−1 2 +
1 2
−1 2
1 2
−1 2
+
1 2
1 2
+
1 2
+
−1 2
−1 2
1 2
−1 2
+
−1 2
−1 2
−1 2
−1 2
+
∑
i = 1, 2, 3
+3 2
+
J AK mi
JAX
1 2 JAX
− 1 J 2 AX
1 2
−1 2
− 3 J 2 AX
La dernière colonne de la table donne le déplacement de la fréquence de Larmor de A pour 1 chacune des huit configurations des trois spins de X (I = 2 ), étiquetées 1, 2 et 3 (voir Éq. 3.2).
35
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
1 1 1 1 2 1 1 3 3 1 1 4 6 4 1 1 5 10 10 5 1 1 6 15 20 15 6 1
A AX AX2 AX3 AX4 AX5 AX6
−3 −2 −1 0 1 2 3
Fig. 3.6 Le triangle de Pascal donne les coefficients binomiaux dans l’expansion de l’expression algébrique (1 + x)n. Les rangées représentent les intensités relatives des n + 1 lignes dans le multiplet A dans un système AXn (n = 0–6) où X est un noya à spin- 21 . Comme il est indiqué en bas de la figure, les colonnes représentent les positions de ces lignes relatives à celles des déplacements chimiques, mesurées en unités de JAX.
Le mot anglais tumbling (culbutage) décrit bien le mouvement rotationnel, rapide et chaotique d’une molécule dans un liquide. Des collisions avec d’autres molécules engendrent de fréquents changements d’axe et de cadence de rotation.
36
Couplage à n noyaux à spin- 21 équivalents (AXn) À présent, cela devrait être clair pour généraliser les résultats obtenus pour AX, AX2 et AX3. Pour n noyaux X équivalents, la résonance A sera éclatée en n + 1 lignes espacées à intervalles réguliers, avec des intensités relatives obtenues par simple arithmétique combinatoire. L’amplitude de la mème ligne d’un multiplet AXn est tout simplement le nombre de façons par lesquelles les m spins peuvent être ↑ et les spins (n − m)↓, c’est-à-dire n!/m!(n − m)! Autrement dit, les amplitudes sont les coefficients de l’expansion binomiale de (1 + x)n, et c’est équivalent par la (n + 1)ème rangée du triangle de Pascal (cf. Fig. 3.6).
Couplage avec des noyaux I > - 21 Si le noyau d’intérêt A possède un nombre de spin quantique supérieur à 21 , sa structure de multiplet peut être prédite exactement de la même manière que celle d’un noyau de spin- 21 . On le voit d’après les équations 3.1 et 3.2 et la démonstration est illustrée par la figure 3.7 pour un noyau spin-1 couplé à un noyau spin- 21 . Par exemple, les spectres + + MNR 14N (I = 1) et 15N (I = 21 ) respectivement pour 14NH4 et 15NH4 sont tous les deux des quintets, avec des intensités relatives dans le rapport 1:4:6:4:1. Les constantes de couplage NH des deux isotopologues ont le rapport 0,713:1, qui est précisément le rapport gyromagnétique des deux isotopes de l’azote (cf. Tab. 1.3). Toutefois, les noyaux qui ont I > 21 possèdent, en plus de leur moment dipôle magnétique, un moment électrique quadripôle qui peut interagir avec les gradients de champs électriques locaux. Pour des molécules qui sont très agitées (voir en marge le terme anglais tumbling) dans une solution, cette interaction peut amener une relaxation efficace du noyau quadripolaire et cela génère des lignes de RMN pouvant être si larges que les schémas multiplets attendus sont partiellement, voire complètement, masqués. Nous reviendrons sur le mécanisme qui soustend cette relaxation dans la section 5.7. Pour les noyaux A (I = 21 ) couples à X (I > 21 ), les principes tels qu’établis pour les noyaux spin- 21 peuvent facilement être étendus. Une particule spin-I possède des niveaux d’énergie qui correspondent à 2I + 1 orientations de son moment magnétique par rapport au champ magnétique B0. Il s’ensuit qu’un noyau couplé à un seul spin X avec le nombre quantique I devrait faire apparaître un multiplet avec 2I + 1 lignes, espacées régulièrement et avec des amplitudes identiques. Par exemple, le spectre du noyau 13C du chloroforme deutéré, 13CDCl3 est un triplet 1:1 :1 créé par les trois états équiprobables du deutéron, m = +1, 0, −1 (Fig. 3.7). Et ici encore, la relaxation quadripolaire peut faire échouer ces prédictions. En effet, la relaxation rapide du noyau quadripolaire peut mener à un « découplage » de A et X, tel qu’aucun éclatement ne soit observé dans le spectre de A. Par exemple, les noyaux de 35Cl et 37Cl (tous deux I = 32 ) ne produisent que rarement des subdivisions
3. Couplages scalaires (-J) (a)
(b) mA −1
mX
(c)
−½ ν 0X + ½
ν0A −½ 0
ν0X +½
ν0A −½
+1
ν0X +½
A
X
Fig. 3.7 Niveaux d’énergie et spectres d’un noyau à spin-1 (A) couplés à un noyau à spin- 21 (X). De gauche à droite, des interactions magnétiques sont introduites dans l’ordre (a) interaction de A avec le champ magnétique B0 ; (b) interaction de X avec B0 ; (c) le couplage scalaire spin-spin J = JAX. Le spectre de A est un doublet car ses quatre transitions permises en RMN dégénèrent par paires. Le spectre de X comprend trois lignes produites par les états m = +1, 0, −1 de A. Pour plus de clarté, les déplacements de niveaux d’énergie ne sont pas à l’échelle. n0A et n0X sont les fréquences de Larmor des deux noyaux en absence de couplage. Les déplacements des niveaux d’énergie sont exprimés en fréquences. La figure est dessinée pour gA > 0, gX > 0 (de sorte que n0A et n0X sont tous les deux négatifs) et JAX 21 , on peut facilement déduire leurs schémas multiplets en appliquant l’approche du diagramme d’arbre déjà évoquée dans la figure 3.5. Par exemple, les protons terminaux du 11B2H6 (diborane) montrent un quartet 1:1:1:1 dû au couplage à la liaison directe 11B (I = 32 ), tandis que les protons placés aux ponts du composé montrent un schéma avec sept lignes et des intensités relatives de 1:2:3:4:3:2:1, qui proviennent des interactions « égales » avec les deux atomes de bore, positionnés symétriquement (Fig. 3.8).
37
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
protons-ponts
H H
H B
B H
H H protons terminaux
300 Hz
500 Hz
Fig. 3.8 Le spectre du 1H des protons terminaux et de pontage dans du diborane, 11B2H6.
Noyaux équivalents
H C H
F F
H
F C
H
C F
Fig. 3.9 CH2F2 (avec ses protons magnétiquement équivalents) et le CH2=CF2 (avec ses protons chimiquement équivalents).
Jusqu’ici, nous avons utilisé le terme « équivalent » pour décrire, quoique vaguement, des noyaux avec des déplacements chimiques identiques, tels qu’ils résultent de la symétrie moléculaire. Mais en réalité, il existe deux sortes d’équivalence – l’équivalence chimique et l’équivalence magnétique. On peut les distinguer au moyen d’un exemple. Prenons, pour illustrer notre propos, les protons de deux composés, le CH2F2 et le CH2=CF2 (cf. Fig. 3.9). Dans le CH2F2, les deux protons ont le même déplacement chimique et chacun a des couplages identiques avec chaque fluorine ; dans ce cas, on dit que les protons sont magnétiquement équivalents. On ne peut dire la même chose du CH2=CF2, où les constantes de couplages cis et trans 1H–19F sont différentes ; dans ce cas, on dit que les protons sont chimiquement équivalents. Pour généraliser, on dira qu’un ensemble de noyaux (a, b, c…) avec des déplacements chimiques identiques sont magnétiquement équivalents s’il n’y a pas d’autres spins dans la molécule en question, ou si, pour tout autre noyau (par exemple z) dans la molécule, les constantes de couplage satisfont la relation Jaz = Jbz = Jcz = …
(3.3)
Comme on pouvait s’y attendre, les spectres RMN des molécules contenant des spins chimiquement équivalents sont un peu plus complexes que pour d’autres composés semblables mais avec des noyaux magnétiquement équivalents. Par exemple, le spectre 1H de la liaison CH2=CF2 possède pas moins de dix lignes. L’analyse de tels spectres n’est pas aisée et nous ne tenterons pas de la faire ici. Les lecteurs intéressés trouveront un excellent exposé dans les publications de Gunther (2013). Pour la suite et fin de la présente section, nous allons nous concentrer sur les spins magnétiquement équivalents. Le spectre 1H du CH2F2 comprend seulement trois lignes : un triplet 1:2:1 avec un éclatement égal à la constante du couplage
38
3. Couplages scalaires (-J)
proton-fluorine JHF (19F a un spin- 21 ). Ce qui est remarquable dans ce spectre n’est pas tant le triplet qui, en fait, est exactement celui auquel on s’attendrait pour un proton seul couplé à deux fluorines identiques, mais c’est l’absence d’éclatements dus au couplage 1H–1H. Bien que les deux protons interagissent (n’étant séparés que par la distance de deux liaisons), leur couplage mutuel ne se manifeste pas par un éclatement des lignes spectrales. Il s’agit là d’une caractéristique du couplage scalaire – les interactions spin-spin au sein d’un groupe de noyaux magnétiquement équivalents ne génèrent pas de subdivisions spectrales de forme multiplet. Peut-être sans nous en rendre compte, nous avons vu plusieurs exemples de ce phénomène : chacune des molécules de la figure 2.6 contient un seul groupe de protons magnétiquement équivalents et chacune génère un singlet RMN. Un autre exemple, plus ésotérique, est la molécule hautement symétrique du dodécahédrane, 12C20H20 (Fig. 3.10) dont le spectre 1H aussi ne forme qu’un seul pic. Nous pouvons à présent mieux comprendre le spectre à haute résolution de l’éthanol vu dans la figure 3.1. Les protons d’éthyle forment un système de spin A3X2 : le triplet est généré parce que chacun des protons CH3 se joint également aux deux autres protons CH2 équivalents, et le quartet provient de l’interaction identique des protons du CH2 avec chacun des protons CH3. Dans le chapitre 4, nous aborderons le phénomène de la rotation rapide interne autour de la liaison C–C qui annule et compense les différences de déplacements chimiques associés aux diverses configurations de la molécule et qui fait que les trois protons méthyl deviennent magnétiquement équivalents entre eux ; de même pour les deux protons méthylènes. L’absence d’éclatement pour le couplage entre le groupe CH2 et le proton d’OH est une tout autre histoire ; il en sera question au chapitre 4. Dans la section 3.5 ci-après, nous verrons pourquoi les noyaux magnétiquement équivalents ne brisent pas les lignes RMN les uns des autres, mais d’ores et déjà nous pouvons illustrer comment des schémas en triplet peuvent servir à déterminer ou à valider les structures supposées de molécules sans connaissances au préalable des déplacements chimiques ou des constantes de couplage en jeu.
δ (1H) = 3,38 ppm
Fig. 3.10 Dodécahédrane, 12C H . Les 20 protons 20 20 sont magnétiquement équivalents.
3.4. Exemples La figure 3.11 montre les spectres RMN très différents d’aspect de l’atome 31P dans trois composés de structure assez proche, à savoir le α-P4S4, le β-P4S4, et le β-P4S5. Cette structure en multiplet est le résultat exclusivement des couplages 31P–31P parce que 32S, le seul isotope de soufre qui existe en relative abondance (99,24 %), a un spin I = 0. Les trois systèmes de spin, A4 (α-P4S4), AMX2 (β-P4S4) et A2X2 (β-P4S5), peuvent facilement être déduits en analysant les spectres, clairement cohérents avec les structures indiquées.
39
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire α P 4S 4 A
X
A
A4 A
X
A
A
JAX
β P 4S 5
JAX
X2
A2
A
250 Hz
JMX
β P4 S 4 JAM
M
X
A
J AM M
X2
A
X JAX
JMX
JAX
Fig. 3.11 Des multiplets de 31P de α-P4S4, β-P4S4, et β-P4S5. Les sphères plus grandes représentent les atomes de phosphore.
C
13
Li
7
6
Li4(13CMe3)4
7
Li4(13CMe3)4
60 Hz
Me3C Li CMe3
Me3 C
Li Li
Li CMe3
Fig. 3.12 Spectre du 13C du 6Li4 (13CMe3)4 et celui du 7Li du 7Li4 (13CMe3)4. Les deux spectres ont été enregistrés au moyen d’une technique de découplage 1H pour éliminer les subdivisions en multiplets créées par le noyau de 1H.
40
La structure tétramérique du tert-butyllithium est révélée par une analyse réalisée à basse température des spectres RMN du 13C et du 7Li (Fig. 3.12). Le spectre du 7Li dans du 7Li13CMe inclut un quar3 tet 1:3:3:1 : chaque atome de lithium interagit avec trois carbones t-butyle et possède un couplage « non résolu » (c’est-à-dire trop faible pour être détecté) avec le 4e atome de carbone du 13C qui se trouve plus éloigné. De même, le spectre pour l’atome 13C dans du 6Li13CMe est un septet, avec des intensités relatives de 1:3:6:7:6:3:1, 3 produit par chacun des quatre 13C spins équivalents avec trois noyaux équivalents de I = 1 6Li. Les deux constantes de couplage J (7Li13C) = 14,3 Hz et J (6Li13C) = 5,4 Hz, plus éloignées, se trouvent dans le même rapport gyromagnétique que les deux isotopes de Li (1,04 × 108 et 3,94 × 107 T−1 s−1, respectivement). Comme nous le verrons dans les analyses présentées au chapitre 4, ces spectres se trouvent modifiés à plus hautes températures en raison du réarrangement rapide des groupes de t-butyle. Un cas légèrement plus complexe est le spectre 1H du 1,3-nitrobromobenzène (cf. Fig. 3.13). Il s’agit d’un système de spin faiblement couplé AMPX avec tous ses six couplages appariés résolus, de sorte que chaque proton produit un doublet de doublets de doublets, c’est-à-dire un spectre avec huit lignes. L’apparence exacte de chaque multiplet est déterminée par les intensités des constantes de couplage et elle est aisément comprise, en prenant en considération le fait que | J ortho | > | J méta | > | J para |. En ce qui concerne les multiplets A et X, la paire de lignes centrales se chevauche fortement et prend l’allure d’une seule ligne à double intensité. On trouvera deux autres illustrations des couplages scalaires au chapitre 6 (Figs 6.18 et 6.19).
3. Couplages scalaires (-J)
X
P
M
NO 2
A
P
X
A 10 Hz
15 Hz
15 Hz
25 Hz
M
Br
Fig. 3.13 Spectre 1H NMR de 1,3-bromonitrobenzène. Les six constantes de couplage sont : JAM = 7,98 Hz ; JAP = 8,28 Hz ; JMP = 0,99 Hz ; JMX = 1,89 Hz, JPX = 2,18 Hz, JAX = 0,34 Hz.
RMN du 13C Le 13C vient en seconde place, juste après 1H, comme noyau intéressant pour des analyses RMN. Il est donc pertinent que nous rappelions brièvement les éclatements en multiplets possibles dans les spectres de 13C. Pour des molécules organiques, les couplages dominants subis par les noyaux de 13C sont avec leurs protons en liaison directe. Les constantes de couplage d’une liaison C–H se trouvent généralement dans la gamme 100-250 Hz et, le plus souvent, ont une intensité plus grande que celles des interactions en liaison double ou liaison triple de C–H. Les multiplets de 13C générés par couplages en liaison simple – un quartet dans le cas d’un carbone méthyle (CH3), un triplet pour un méthylène (CH2), un doublet pour une liaison (CH) dans de la méthine et un singlet pour du carbone quartenaire (C) – donnent de précieuses indications quand on essaie d’attribuer divers pics observés dans un spectre à des atomes de carbone particuliers dans la molécule. Cependant, les spectres RMN du 13C sont ordinairement mesurés avec des protons découplés, pour éliminer les éclatements 13C–1H. Pour ce faire, on irradie l’échantillon à la fréquence 1H (environ quatre fois plus élevée que celle du 13C) tandis qu’on enregistre le spectre pour le 13C. Il en résulte un spectre considérablement simplifié : en l’absence d’hétéronoyaux (19F, 31P, etc.), chaque site non-équivalent de carbone dans la molécule génère un singlet dans le spectre du 13C avec 1H découplé (désigné par 13C{1H}). Non seulement les spectres 13C{1H} sont-ils moins encombrés que ceux avec des couplages proton-carbone, mais ils révèlent aussi une sensibilité plus haute, qui résulte d’un effet Overhauser nucléaire (phénomène de relaxation qui sera décrit plus loin à la Sect. 5.5) et parce que toute l’intensité RMN pour chaque multiplet se trouve concentrée dans une seule ligne spectrale. Enfin, on notera que les couplages homonucléaires (13C–13C) ne sont pas habituellement observés dans les spectres de 13C en raison de l’abondance naturelle réduite de 13C (1,1 %). Si nous prenons l’éthanol comme exemple, il est clair que parmi les molécules qui contiennent du 13C à une position donnée, 1 seul pour 100, environ contient un second atome de 13C. Ainsi, le spectre observé pour du 13CH313CH2OH devrait être environ 100 fois plus faible que pour, soit 12CH313CH2OH ou 13CH312CH2OH. Par conséquent, les éclatements de 13C–13C ne sont
41
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
pas détectés souvent. Bien évidemment, le 12CH312CH2OH, l’isotopologue le plus abondant ne produit pas de spectre 13C du tout. Les lecteurs intéressés trouveront des analyses plus détaillées sur le cas du 13C dans Wehrli et al. (1988), Friebolin (2011) et Günther (2013).
3.5. Couplages forts et spins équivalents Nous avons vu dans les sections 3.2–3.4 que le spectre d’une paire de noyaux spin-1/2 couplés peut contenir soit deux doublets (couplage faible), soit un singlet (équivalence magnétique). Pour mieux comprendre ce qui se passe entre ces deux extrêmes, commençons par examiner la figure 3.14 qui montre des spectres pour une gamme de valeurs de dn = n0A − n0B (la différence entre les fréquences de déplacements chimiques spins A et B). Si on bloque le couplage scalaire J, les deux doublets se rapprochent puisque leurs déplacements chimiques deviennent similaires. Dans le même temps, les composantes intérieures du schéma, avec quatre lignes, montrent des intensités qui augmentent graduellement tandis que les composantes extérieures s’affaiblissent. À la longue, quand dn = 0, les lignes spectrales intérieures se superposent et les lignes extérieures s’estompent et disparaissent.
16 14 12 10 8 δν /J
6 4 2 0
Fig. 3.14 Spectre calculé d’une paire de noyaux spin- 21 pour une valeur fixe de J et une étendue de dn.
Nous désignons les états m = + 21 et m = – 21 pour chaque spin a and b, respectivement, ce qui fait que les quatre états de la paire faiblement couplée deviennent αAαB, αAβB, βAαB, βAβB. Et, comme il a été décrit dans la section 3.2, les quatre transitions permissibles, αAαB ↔ αAβB, αAαB ↔ βAαB, αAβB ↔ βAβB, βAαB ↔ βAβB, possèdent des fréquences distinctes et des intensités identiques, ce qui génère la paire de doublets facilement reconnaissable (Fig. 3.15(a)). Au fur et à mesure que dn diminue, la séparation des deux états centraux
42
3. Couplages scalaires (-J)
devient comparable à la valeur de J et le résultat est qu’ils se mélangent. Donc, au lieu d’avoir du aA bB et du bAaB purs, nous avons des combinaisons linéaires de aA bB and bAaB. Comme conséquence, on observera un changement dans les probabilités et les fréquences de transition. Les lignes spectrales intérieures deviennent davantage « permises », c’està-dire plus intenses tandis que la paire extérieure devient moins permise (c’est-à-dire plus faible), avec un effet plus prononcé, au fur et à mesure que dn/J diminue (Fig. 3.15(b)). Dans la limite dn = 0, les lignes extérieures sont interdites et les lignes intérieures possèdent la même fréquence (Fig. 3.15(c)). Pour être plus concret, nous pouvons résumer les résultats d’un traitement quantique mécanique (cf. Hore, Jones et Wimperis (2015)). Les quatre états yj et leurs énergies respectives Ej sont : 1 J 4
ψ 1 = αA αB
E1 h = + ν +
ψ 2 = cos χ αA βB + sin χ βA αB
1 1 E2 h = + C − J 2 4 1 1 E3 h = − C − J 2 4 1 E4 h = − ν + J 4
ψ 3 = − sin χ αA βB + cos χ βA αB ψ 4 = βA βB 1 2
ν = ( ν0A + ν0B ) , C = J 2 + ( δν) 2 , tan2 χ = (a)
(b)
βA β B
ψ4
β AαB
(3.4)
J
δν
(c)
βA β B
α Aβ B + β AαB
ψ3
2
ψ2
α Aβ B
αA β B – β Aα B 2
α AαB
α AαB
ψ1
δν
J
δν ≈ J
δν
0
Fig. 3.15 Les niveaux d’énergie et les spectres d’une paire de noyaux à spin- 21 , A et B. (a) Couplage faible (δν J), (b) couplage fort (δν ≈ J) et (c) spins équivalents (δν = 0). Les flèches en pointillé sont les transitions interdites. Les flèches pleines : plus elles sont épaisses plus est élevée la probabilité de la transition et plus intense la ligne de MNR correspondante.
Nous allons supposer que dn > 0 et J > 0 afin d’éviter un recours à des modules par exemple | dn | | J |.
43
ψ 2 = cos χ αA βB + sin χ βA αB ψ 3 = − sin χ αA βB + cos χ βA αB La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
ψ 4 = βA βB où
1 1 E2 h = + C − J 2 4 1 1 E3 h = − C − J 2 4 1 E4 h = − ν + J 4
1 2
ν = ( ν0A + ν0B ) , C = J 2 + ( δν) 2 , tan2 χ =
J . δν (3.5)
Comme nous l’avons noté plus haut, y2 and y3 sont des combinaisons linéaires de aAbB et bAaB et ont des énergies dont le niveau dépend de l’intensité du couplage (J/δν), déterminée par l’angle entre c. y1 et y4, lesquelles étant largement séparées l’une de l’autre et de y2 et de y3 sont indépendantes de l’intensité de couplage. Le tableau 3.3 donne les fréquences des quatre lignes, (Ej − Ek)/h, et leurs intensités relatives. Dans la limite du couplage faible (δν J), on voit d’après l’équation 3.5 que C ≈ δν et c ≈ 0 de sorte que les quatre lignes ont toutes la même intensité relative 1 et sont placées aux fréquences prévues : n0A ± 21 J et n0B ± 21 J. Vers l’autre extrême (les spins équivalents), C = J et c = 45° de sorte que les positions des lignes sont n − J, n, n, n + J avec des intensités relatives de 0, 2, 2, 0, respectivement. Ordinairement, on donne aux spectres de la figure 3.15 les noms AX (avec couplage faible), AB (couplage fort) et A2 (spins équivalents). On appelle quelquefois les anomalies d’intensité créées par les couplages forts, « l’effet de toit » (ce que traduisent les lignes hachurées en pente au-dessus du spectre de la Fig. 3.15(b)). Lorsqu’il y a un couplage fort, les doublets continuent de se subdiviser, décalés de la valeur de J mais ils ne sont plus centrés sur les postions des déplacements chimiques. Quand on examine de près l’équation 3.4, on a un meilleur aperçu pour expliquer l’absence de subdivisions de spectres de spins magnétiquement équivalents. On peut classer les quatre états de l’équation 3.4 selon leur symétrie par rapport à l’interversion des étiquettes de A et B. Quand δν = 0, y3 = 2−1/2 (bAaB – aAbB) et est antisymétrique (état du singlet). Dans les mêmes limites, y1 = aAaB, y2 = 2−1/2 (aAbB + bAaB) et y4 = bAbB, sont tous symétriques (états de triplets) et à la différence de y3, ils ne changent pas de signe quand les étiquettes de spins sont interverties. Les trois niveaux d’énergie Tableau 3.3 Les fréquences et les intensités relatives des lignes RMN d’une paire fortement couplée de I = 21 spins. Intensité relativea
Transition
Fréquence
3 ↔ 4
n – 21 C – 21 J
1−
J C
1 ↔ 2
n – 21 C + 21 J
1+
J C
2 ↔ 4
n + 21 C – 21 J
1+
J C
1 ↔ 3
n + 21 C + 21 J
1−
J C
a Quand J > 0, les transitions 3 ↔ 4 et 1 ↔ 3 sont les lignes extérieures (plus faibles) de chaque doublet et 1 ↔ 2 et 2 ↔ 4 sont les lignes intérieures (plus fortes). n et C sont définis par l’équation 3.5.
44
3. Couplages scalaires (-J)
des triplets sont espacés à intervalles identiques (cf. Fig. 3.15(c)) et on peut attribuer ce résultat à l’existence supposée d’un noyau composite (I = 1). Sous cet angle, le spectre produit par deux spins équivalents est, tout simplement, celui d’un noyau spin-1, c’est-àdire une ligne simple placée à l’endroit de la valeur du déplacement chimique. Formulé autrement, les deux transitions qui impliquent des niveaux d’énergie des triplets, y1 ↔ y2 ↔ y4, sont permises et dégénèrent, tandis que les transitions singlet-triplet y1 ↔ y3 ↔ y4, qui ont des fréquences ± J de part et d’autre de la position du déplacement chimique, sont totalement interdites et ont une intensité zéro (Fig. 3.15(c)). Comme on pouvait s’y attendre, les effets des couplages forts peuvent s’avérer bien plus compliqués quand on a affaire à plus de deux spins. Les schémas de multiplets que nous avons vus à la section 3.3 peuvent être si déformés qu’ils en deviennent difficiles à reconnaître ; les changements des probabilités de transition mènent à l’apparition de transitions qui seraient autrement interdites, au point que, sans une analyse détaillée, on ne peut plus identifier les déplacements chimiques ou les constantes de couplage. De tels problèmes peuvent se résoudre du moins partiellement, avec des spectromètres à haute résolution, Et parce que les constantes de couplage sont indépendantes de B0 et que δν est proportionnel à B0 (cf. Éq. 2.3), il s’ensuit qu’un système de spin fortement couplé devient un système faiblement couplé dans un champ magnétique plus intense. Une paire de protons, par exemple, avec J = 6 Hz et une différence de déplacement chimique de 0,2 ppm va générer un notable « effet de toit » sur un spectromètre calibré à 60 MHz mais pas à 600 MHz (J/dn = 0,05).
Pour un traitement plus approfondi des effets de forts couplages dans des systèmes de spin plus grands, cf. Bovey (1988) et Günther (2013).
3.6. Mécanisme de couplage scalaire Jusqu’ici, nous n’avons rien dit à propos de l’origine du couplage spinspin, à part quelques affirmations vagues comme quoi les noyaux seraient à la source de champs magnétiques locaux qui affecteraient les niveaux d’énergie d’autres noyaux. L’interaction la plus évidente entre deux spins voisins serait leur couplage dipolaire (cf. Annexe A). De presque la même manière que quand deux barres magnétiques interagissent, des paires de noyaux voisins « sentent » l’orientation l’une de l’autre au moyen de leur champ magnétique dipolaire. Toutefois – et nous y reviendrons en section 3.8 – cette interaction anisotrope tend, en moyenne, à zéro pour des molécules agitées rapidement et isotropiquement dans une solution et ne peut donc être tenue pour responsable de l’apparition des multiplets que nous avons vus et commentés plus haut (cf. Sect. 3.3). La source principale du couplage scalaire des molécules est une interaction indirecte où interviennent les électrons de valence.
45
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
Interaction de contact
Le calcul, par des moyennes, des interactions dipolaires dues au culbutage moléculaire sera réexaminé aux sections 3.8 et 5.6.
Prenons, pour commencer, le cas d’un spin d’électron qui interagit avec un spin nucléaire. L’électron possède un spin- 21 et un rapport gyromagnétique 660 fois plus élevé que celui d’un proton. Des électrons non appariés génèrent des interactions magnétiques dipolaires plus fortes avec les noyaux voisins, mais dans la mesure où cette interaction est totalement anisotrope, elles tendent vers zéro en moyenne pour des molécules agitées dans une solution. Cela se produit en effet, sauf pour des distances de séparation électronnoyau du même ordre que le rayon du noyau en question (∼10−14 m) et où on ne peut plus considérer les particules comme des points dipôles. Ce descriptif de l’approximation d’un point dipôle peut être visualisé en imaginant le noyau sous la forme d’une boucle de courant circulaire, de rayon ∼10−14 m. Étant loin du centre de la boucle, le champ généré a en effet une dépendance 3 cos2 q− 1 (cf. Sect. 3.8 ci-après), mais à l’intérieur de la boucle, les lignes qui identifient le flux magnétique sont presque parallèles avec peu de variation angulaire (cf. par exemple Fig. 2.24). En réalité, pour de très petites distances de séparation, l’interaction dipolaire d’un électron et d’un noyau est remplacée par un couplage isotrope, connu sous le nom d’interaction de couplage Fermi. L’intensité de ce couplage est proportionnelle au produit scalaire des deux moments magnétiques de l’interaction contact ∝ – ge gn I · S,
n
e
interaction de contact
n
e
Fig. 3.16 Les niveaux d’énergie d’un électron, e, et d’un noyau à spin- 21 , n ( gn > 0), avec une interaction de contact Fermi. La configuration antiparallèle des spins est stabilisée, relative à la situation si elle était parallèle.
46
(3.6)
où I et S désignent les vecteurs du mouvement angulaire, respectivement, du spin du noyau et de l’électron. Et puisque l’électron a un rapport gyromagnétique négatif ( ge 0 est stabilisé si les spins d’électron et nucléaires sont antiparallèles (I · S 0) (cf. Fig. 3.16). L’intensité de l’interaction est également proportionnelle à la probabilité de trouver l’électron tout près du noyau (R = 0) et prend alors la valeur nulle, à moins que la fonction d’onde électronique ne possède quelque caractéristique d’électrons de la rangée s (les fonctions d’onde (p, d, f, etc.) ont zéro intensité quand R = 0). Pour résumer, l’interaction isotrope permet à un spin d’électron de « sentir » l’état d’un spin nucléaire à proximité et qui, dans un sens, passe outre l’effet qui nivelle l’orientation dû à l’agitation rapide des molécules dans une solution. Pour les atomes et les molécules paramagnétiques (c’est-à-dire ceux qui ont un ou plus électron non apparié), l’interaction de contact produit des subdivisions hyperfines des lignes qui apparaissent dans des spectres électroniques et des résonances de spin électroniques. Et elle ouvre la voie – ce qui est plus important dans notre contexte analytique – vers des couplages spin-spin (ou scalaires) entre des paires de noyaux.
3. Couplages scalaires (-J)
Couplage indirect entre noyaux À première vue, il paraît invraisemblable que l’interaction de contact puisse server de base pour expliquer le mécanisme général du couplage scalaire des noyaux. La plupart des molécules ont des couches d’électrons fermées sans électrons non appariés et, par conséquent, on peut imaginer qu’il n’y a pas non plus d’interaction de contact. Pour mieux saisir comment un couplage scalaire se produit, nous prendrons l’exemple de la plus simple des molécules diamagnétiques, H2. Si on laisse de côté les constantes de normalisation, on peut écrire la fonction d’onde électronique comme suit y0 = f0 (aabb − baab ).(3.7) y0 comprend deux parties : d’une part, la fonction d’onde spatiale f0 (l’orbitale moléculaire) et, d’autre part, la fonction de spin de l’électron. Les deux spins d’électron a et b, sont appariés (c’est-à-dire forment un état singlet) en une orbitale de liaison formée à partir des deux orbitales 1s (cf. Fig. 3.17(a)). Comme précédemment, les termes a et b sont des raccourcis pour m = + 21 et m = – 21 , respectivement. Dès lors, il devient évident, d’après la forme de y0 et l’interprétation Born de la fonction d’onde, que les distributions spatiales des états a et b des deux électrons sont identiques, soit | f0 |2. L’interaction de contact mélange l’état fondamental du singlet avec les états excités de triplet de la molécule. En termes bruts, ce mélange est dû au fait que le couplage noyau-électron puisse intervertir le spin d’un des électrons, ainsi convertissant les singlets (spins antiparallèles) en triplets (spins parallèles), tout en intervertissant simultanément le spin nucléaire dans le sens contraire afin de conserver le moment angulaire. Le mélange singlet → triplet doit s’accompagner d’excitation électronique, parce que le principe de Pauli interdit à deux électrons à spin parallèle de se trouver sur la même orbitale. Dans le cas du H2, l’état excité de triplet le plus bas peut être atteint si l’un des deux électrons de l’orbitale de liaison est « promu » depuis une orbitale anti-liaison (comme on peut le voir, Fig. 3.17(b)). La fonction d’onde de cet état excité est donnée par
(a)
(b)
φ0
φ1
Fig. 3.17 Représentations des orbitales moléculaires de liaison (f0) et d’antiliaison (f1) pour du H2 (voir Eq. 3.7 et 3.8).
Cette description de l’origine du couplage scalaire est une version simplifiée de celle exposée dans Carrington et McLachlan (1967).
| φ 0 + φ 1|2
| φ 0 – φ 1|2
y1 = f1(aa bb + baab),(3.8) qui a une partie de spin symétrique (pour simplifier, nous laissons de côté les deux autres fonctions de spin triplet aaab and ba bb) et une partie spatiale antisymétrique f1, différent de f0 en raison de la contribution non liante. Le fait de mélanger les états singlet et triplet au moyen de l’interaction de contact oblige la fonction d’onde moléculaire à adopter la forme d’une combinaison linéaire de y0 et y1 (laissant de côté, comme précédemment, les constantes de normalisation). y = y0 + ly1 = (f0 + l f1) aa bb – (f0 – lf1) baab,(3.9) où l est une petite constante déterminée par l’intensité de l’interaction de contact et l’énergie de l’état excite y1 au-dessus de celle de l’état fondamental y0. Et puisque f0 et f1 ont des formes différentes
Fig. 3.18 Les orbitales moléculaires de spins-polarisés de H2 produites par les interactions de contact Fermi. Les esquisses donnent la probabilité de trouver un électron dans son état de spin a (| f0 + lf1|2) et dans son état b (| f0 − lf1|2). Le degré de polarisation du spin est ici grossièrement exagéré.
47
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
α a βb βA
βB
α a βb βA
αB
Fig. 3.19 Le couplage scalaire 1H–1H J-dans du H2. Les spins nucléaires, A et B, apparaissent comme des cercles et des flèches noir. Les spins d’électrons, a et b, sont les flèches grises. En bas de la figure, on voit la configuration basse énergie où les spins nucléaires sont antiparallèles. En haut de la figure on boit la configuration haute énergie avec les spins parallèles.
(cf. Fig. 3.17), la probabilité de trouver un électron a avec spin aa à une position donnée de la molécule (~| f0 + l f1 | 2) est différente de la probabilité correspondante pour ba (~| f0 – l f1 | 2). La fonction d’onde électronique a vu son spin polarisé (cf. Fig. 3.18). Dorénavant, il devient facile de voir comment une interaction entre deux protons peut se produire (Fig. 3.19). Si le proton A a un spin b, la polarisation de spin va générer un léger excédent de spins d’électrons a et un léger déficit des spins d’électrons b dans son voisinage. (on doit garder à l’esprit que l’interaction de contact stabilise les spins antiparallèles des électrons et des protons). Il y a une augmentation progressive des spins d’électron b et une diminution des spins d’électrons a dans le voisinage de l’autre noyau. Si B a un spin a, il sera stabilisé par l’excédent local b de spins d’électrons en raison de l’interaction de ce contact (Fig. 3.18). À l’inverse, si le proton B a un spin b, il sera déstabilisé. De cette manière, l’un des noyaux détecte le spin de l’autre au moyen des électrons de valence. Si le spin du proton A est inversé, la situation elle-même l’est aussi et il s’ensuit une petite accumulation a de spins d’électrons autour du proton B, lequel, par conséquent, se trouve stabilisé dès lors qu’il a un spin b. De semblables arguments peuvent servir pour rationaliser l’existence d’interactions de couplage dans des molécules plus grandes. Généralement, l’intensité de ce couplage diminue fortement quand le nombre de liaisons en jeu augmente. À vrai dire, le mécanisme qui sous-tend le couplage scalaire est plus complexe que ne le suggère le modèle simpliste présenté ci-dessus. Et, comme pour les déplacements chimiques (cf. Sect. 2.4), il est à présent possible de calculer ces couplages scalaires, avec un degré assez élevé de fiabilité pour de nombreux cas d’espèce, en appliquant la méthodologie de la chimie ab initio (par exemple Bonhomme et al. (2012)). Dans les paragraphes qui suivent, nous allons examiner quelques exemples de couplages scalaires qui ont un rapport simple et qualitatif avec la structure moléculaire et électronique.
3.7. Propriétés des couplages scalaires (J) Les explications très simplifiées utilisées dans la section précédente donnent une première approche du mécanisme qui sous-tend le couplage scalaire et indiquent les propriétés générales. L’intensité de cette interaction dépend de manière critique du caractère-s des fonctions de l’état fondamental et des états électroniques excités, et ce à différentes positions du noyau. Le couplage n’est pas affecté par l’intensité du champ magnétique externe, ce qui contraste avec les différences des fréquences de résonance dues aux déplacements chimiques. Les couplages scalaires sont ainsi indépendants de la fréquence d’utilisation du spectromètre et ne sont pas modifiés par l’agitation rapide des molécules.
48
3. Couplages scalaires (-J)
Couplages à une et à deux liaisons L’interprétation des intensités des constantes de couplage scalaire, dans la plupart des cas, est encore plus problématique que pour les déplacements chimiques, et c’est un sujet que nous n’aborderons pas ici. Cependant, nous allons résumer et commenter, ne serait-ce que brièvement, quelques constantes de couplage représentatives (cf. Figs 3.20, 3.21, 3.23 et 3.26). 1 Les couplages scalaires carbone-proton à une liaison ( JCH) se trouvent généralement dans la gamme de 100-250 Hz, et sont sensibles au caractère-s de l’orbitale de l’atome carbone dans la liaison C–H, ce qui dénote le rôle très important joué par l’interaction de contact. Les hydrocarbures éthane, éthylène et acétylène ont, respectivement, une hybridation sp3, sp2 et sp, et se conforment à la formule empirique : 1
JCH / Hz ≈ 5 x %(s),
(3.10)
où %(s) représente le pourcentage de caractère-s de la liaison C–H, et qui vaut respectivement 25, 33 et 50 (Fig. 3.20). On trouve des effets d’hybridation similaires pour des anneaux sous contrainte cyclique (Fig. 3.20) : plus l’anneau est petit, plus grand sera le caractère-p des liaisons C–C dans cet anneau et, par conséquent, plus le caractère-s des orbitales de carbone – celles qui forment les liaisons C–H – sera large. La figure 3.20 donne aussi quelques exemples qui mettent en évidence l’effet des substituants. Les couplages (dits « géminés »), proton-proton à deux liaisons varient sur une gamme étendue (allant approximativement de – 20 à +40 Hz) avec des effets de substituants conséquents ; 2 les groupes CH2 hybridisés au sp2 ont des valeurs de JHH plus petites que celle des groupes méthyles (Fig. 3.21). H 3C
CH3
125
CH4
125
CH3Cl
147
H 2C
CH2
157
CH3 OH
141
CH2Cl 2
177
HC
CH
250
CH3 CN
136
CHCl 3
208
X H Ph Cl CN
H 2C CHX + 2,3 + 1,3 –1,3 + 0,9
CH3 X –12,4 –14,5 –10,8 –16,9
H 123
128
136
161
Fig. 3.21 Constantes de couplage pour une liaison double 1H–1H (en Hz).
205
Fig. 3.20 Constantes de couplage pour une liaison 13C–1H (en Hz).
Couplages à trois liaisons Les couplages scalaires les plus utiles sont probablement ceux qui impliquent des noyaux séparés d’une distance de trois liaisons, par 3 exemple JHH dans un fragment de H−C−C−H. Sur le plan expérimental et théorique, ces constantes de couplage varient selon l’angle de dièdre entre les deux plans H−C−C (q, cf. Fig. 3.22) selon la formule dite de « Karplus » : 3
J ≈ A + B cos q + C cos2 q.
(3.11)
49
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
3J
HH / Hz
H
θ H
14 12 10 8 6 4 2 0
90 θ / degrés
180
Fig. 3.22 Dépendance caractérisée d’une constante de liaison triple H–C–C–H sur l’angle de dièdre q.
Bien qu’il soit impossible de calculer les valeurs approximatives pour A, B et C (y compris les effets de substituants et d’autres), il s’avère être plus satisfaisant de les traiter comme des coefficients qu’il faut déterminer de façon empirique, en se servant de composés ayant une structure connue, des modèles conformationnellement rigides. Les valeurs types ici sont A = 2 Hz, B = –1 Hz, C = 10 Hz, ce qui donne une valeur de l’angle q du type montré en figure 3.22 (une courbe dite « Karplus »). Les valeurs des trois paramètres dépendent des substituants qui se trouvent sur les atomes de carbone. L’utilité des couplages à trois liaisons se retrouve principalement 3 dans l’analyse conformationnelle : les valeurs de JHH pour les protons d’anneau des cyclohexanes dépendent de la nature des protons, axiaux ou équatoriaux ; et les couplages trans 1H–1H au travers d’une liaison C=C sont plus larges, par un facteur de deux, que les couplages cis (cf. Fig. 3.23). H
ax
H C
C
H
eq X
CH3CH2
X
eq
X
cis
trans
H
11,5
19,0
8,0
Ph
10,7
17,5
7,6
ax –ax
11,8
180 °
Cl
7,4
14,8
7,2
ax –eq
3,9
60 °
11,8
17,9
7,6
eq –eq
3,9
60 °
ax
CN
θ
Fig. 3.23 Constantes de couplage pour une triple liaison 1H –1H (en Hz).
O H
C N
Hα
Cα
C
N H
R
O O H R
Il existe des applications très prometteuses de la formule de Karplus pour les études de structures protéiniques. Par exemple, les couplages entre les protons de l’amide (NH) et Ca dans une chaîne de polypeptides nous donnent des informations relatives à la conformation de l’épine dorsale protéinique (Fig. 3.24). En particulier, les deux éléments majeurs des structures secondaires des protéines – les hélices-a et les feuillets b –, ont des angles dièdres : ∼120° et ∼180°, respective3 ment pour la liaison H–N–Ca–H. Ainsi des valeurs de JHH plus petites que 6 Hz indiquent souvent la présence d’une l’hélice-a, tandis que
C N Cα C N
Fig. 3.24 Segment de l’épine dorsale d’une chaîne de polypeptides, avec l’angle de dièdre H–N–Ca–H. R est la chaîne latérale des résidus d’aminoacides entre crochets dans la partie inférieure de la figure.
50
β1 –
1
H H
H
H
β2
–
NH 3
R
H
R
+
O 2C
α
α
α
Hα O H
O 2C
2
β1
β2
+
–
R +
O 2C
NH 3 H β2
H H
3
NH 3
H β1
Fig. 3.25 Les trois conformations étagées d’un aminoacide, avec une projection avec Ca devant et Cb derrière.
3. Couplages scalaires (-J)
des couplages dépassant les 7 Hz, environ, sont le fait de feuillets b de la protéine. L’interprétation des couplages à trois liaisons pour des molécules conformationnellement mobiles est un peu différente. Nous prenons, pour illustrer ce point, le couplage entre le proton-a et deux protons-b dans un acide aminé (Fig. 3.25). Trois conformations étagées, ou isomères rotationnels, s’inter-convertissent rapidement, de sorte que les 3 deux valeurs observées pour Jab sont de moyennes pondérées, selon les populations des trois minima d’énergie donnés par : Jab = P1 Jg + P2 Jg + P3 Jt 1
Jab = P1 Jg + P2 Jt + P3 Jg(3.12) 2
où P1 + P2 + P3 = 1. Jt et Jg sont des constantes de couplage à trois liaisons : trans (q = 180°) et gauche (q = ± 60°) ; et on ne tiendra pas compte ici des effets de substituants sur Jt et Jg pour des raisons de simplification. Les populations relatives des isomères de rotation (les rotamères) peuvent ainsi être déterminées à condition que Jt et Jg soient disponibles comme mesures faites avec des composés « modèles » ou par calcul seulement.
Couplages à longue portée Les constantes de couplage proton-proton sont généralement très petites ( 0 pour éviter d’avoir recours à | δn |.
Dans l’immédiat, nous examinons un exemple simple sur un échange symétrique sur deux sites A B, avec des constantes de taux à l’aller comme au retour identiques. La figure 4.2 montre un ensemble de spectres calculés pour une gamme de constantes de taux de rotation, et k. n0a et n0b sont les fréquences de Larmor quand k = 0. Dans le cas d’un échange chimique très lent, on voit deux pics d’égale intensité à n0a et n0b. Au fur et à mesure que k augmente, ces deux lignes d’abord s’élargissent puis se décalent l’une vers l’autre et s’élargissent encore jusqu’à ce qu’elles se confondent en une seule ligne, large et avec un plateau supérieur. Cela se passe ainsi quand k a une intensité voisine de la différence des fréquences de résonance, δn = n0a − n0b pour les deux sites qui échangent. Si la cadence de rotation dans le taux d’échange augmente encore, il se produit une résonance bien marquée à la fréquence moyenne, 21 (n0a + n0b ). Ainsi, si l’échange est suffisamment rapide, la différence entre les fréquences de résonance des deux sites s’estompe et devient nulle. D’un point de vue expérimental, de tels échanges peuvent être observés en augmentant la température des échantillons. Plusieurs questions viennent immédiatement à l’esprit. Pourquoi les deux lignes spectrales s’élargissent-elles pendant un échange lent ? Pourquoi forment-elles une seule ligne quand l’échange accélère plutôt que de continuer à s’élargir au fur et à mesure que k augmente ? Et pourquoi le rapport k/δn détermine-t-il si les deux environnements sont moyennés ou pas ? Les sections qui suivent vont essayer d’y apporter des réponses.
Échange lent L’échange lent représente un régime où les résonances séparées sont élargies mais on les trouve toujours aux fréquences n0a et n0b (cf. Fig. 4.2). Avec cette restriction, l’augmentation de la largeur des lignes spectrales (en Hz) telle qu’elle résulte de l’échange chimique est donnée simplement par k 1 , (4.2) 4.2 Δν = = π πτ c’est-à-dire que plus l’échange est rapide, plus large sera la ligne (Δn est défini dans la Fig. 4.3). L’origine de cet effet s’appelle élargissement de 2 2 durée deπ (vie aussi car il y a une vague relation avec le δν)ou π ( δν)d’incertitude τ, 4.3 Δν = = 2k 2 d’Heisenberg. L’énergie que représente un état principe d’incertitude
60 kmerge =
πδν
= 2,2 δν.
4.4
4. Échanges chimiques 50 Hz ν0b
ν0a
10 –1 lent 1 10 102 k / s –1
ν0a + ν0b 2
103 10
4
rapide 10
5
Fig. 4.2 Des spectres calculés pour une paire de noyaux qui échangent entre deux sites avec des populations identiques (échange symétrique entre deux sites). Les spectres ici sont pour une gamme de valeurs de la constante de taux d’échange k. La différence de fréquences entre les deux sites, δn, est de 50 Hz. La largeur des lignes, en absence d’échange, est de 1 Hz.
avec une durée de vie finie ne peut être spécifiée avec précision. Plus la durée de vie d’un état est courte, plus grande sera l’imprécision d’une mesure du niveau d’énergie et, comme il est indiqué dans la figure 4.4, les transitions entre de tels niveaux d’énergie « flous » donnent lieu à un élargissement des lignes spectrales. C’est d’ailleurs pour cette raison que les spectres électroniques ont des largeurs de ligne naturellement plus larges que les spectres rotationnels ou vibrationnels (avec émission spontanée plus rapide), et que les spectres en microondes s’élargissent sous haute pression (désactivation collisionnelle plus rapide des états excités). Nous verrons d’autres facteurs qui contribuent à l’élargissement de lignes spectrales dans le chapitre 5.
H 2 H 2
∆ν
Fig. 4.3 Δn est défini comme la pleine largeur de la ligne du spectre, mesurée à une moitié de sa hauteur. Dans ce chapitre, Δn se réfère à l’épaississement de la ligne produit par les processus d’échange, c’est-àdire la largeur totale des lignes spectrales moins la valeur quand il n’y pas d’échange. (a)
(b)
Échange rapide L’autre extrémité du spectre, là où les deux lignes se sont confondues pour k former 1 , une seule ligne élargie, positionnée à la fréquence 4.2 Δν = = de Larmor s’appelle la plage d’« échange rapide ». À cette π moyenne, πτ limite, la largeur de ligne supplémentaire due à l’échange chimique est donnée par : Δν =
π ( δν) 2 2k
=
π ( δν) 2 τ , 4.3 (4.3) 2
où, comme précédemment δn = n0a − n0b mais où, en contraste avec ce qui se produit lors d’un échange lent, où les lignes spectrales s’élargissement en raison des sauts de site, on observera que la ligne unique πδν et à mesure que la constante de taux de rotation s’amincit 4.4 kmerge = au fur = 2,2 δν. 2
Fig. 4.4 Une représentation schématique du « floutage » des niveaux d’énergie et l’épaississement des lignes spectrales dus aux échanges chimiques lents. Le taux d’échange et plus rapide en (b) qu’en (a).
61 k
1
k
1
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
augmente, ce qui dénote un processus moyenné plus efficace des deux environnements. Cela signifie que l’échange rapide fait que les spins subissent l’effet effectif d’un champ local, l’intensité duquel étant la moyenne des champs locaux aux deux sites en train d’échanger. Pour pouvoir détecter des signaux séparés venant des deux sites, ceux-ci doivent avoir acquis une différence de phase notable, disons de 180° ; toutefois, cela prend du temps 21 (δn)–1 (Fig. 4.5(a)). Maintenant, si l’échange a lieu pendant cette période, l’augmentation de la différence de phase est interrompue. Quand les spins échangent leurs fréquences, le δn change de signe et la différence de phase commence à décroître. Quand les spins reviennent à leurs fréquences d’origine, leur différence de phase augmente à nouveau. Donc, comme on le voit en figure 4.5(b), la différence de phase révèle une « balade » aléatoire avec de fréquents renversements. Dans le régime d’échange rapide, la différence de phase à la fin de période est bien inférieure à 180° de sorte que, effectivement, les deux signaux ont des fréquences très proches l’une de l’autre. En d’autres termes, l’échange rapide a pour résultat d’annuler complètement la différence de fréquence δn, à condition que les sauts de site aient lieu plus rapidement que l’augmentation de la différence de phase. La résonance que l’on observe à l’extrémité de l’échange rapide du spectre apparaît à la fréquence moyenne de 1 (n + n ) (parce que chaque spin passe, en moyenne, 50 % de son 0b 2 0a temps dans chaque site. (a)
ν0a
ν0a
ν0b
ν0b ½(δν ) – 1
différence de phase
(b)
180° pas d’échange
90° échange rapide
0° temps
Fig. 4.5 (a) Cumul d’une différence de phases entre deux spins avec les fréquences de Larmor n0a et n0b ; (b) dépendance temporelle de la différence de phase en l’absence d’échanges, et sous des conditions d’échanges rapides.
62
Δν =
k
π
=
1 ,
4.2
πτ
4. Échanges chimiques
Échange intermédiaire
π ( δν) π ( δν) τ , 4.3 intermédiaire se situe entre Δν = son nom = l’indique, Comme l’échange 2k 2 l’échange rapide et l’échange lent. La condition pour que les deux résonances viennent à former une seule ligne élargie, c’est-à-dire le point où le creux entre deux pics vient tout juste à disparaître est donnée par 2
kmerge =
πδν 2
2
4.4 = 2,2 δν. (4.4)
Quand k > kmerge, on s’attendra à voir une seule ligne apparaître à la fréquence de résonance moyenne ; lorsque k 0. La dépendance des fréquences de Larmor sur les déplacements chimiques est également d’une importance minimale en ce qui concerne la relaxation de spin. Nous nous proposons d’utiliser généralement et partout w0 = | g | B0.
∆ neq
∆ n(t)
0
0 T 1
t
Fig. 5.1 La différence (Δn(t)) dans m = ± 21 populations d’un ensemble de noyaux à spin-1/2 en fonction du temps, après avoir placé l’échantillon dans un champ magnétique (cf. Éq. 5.1). Quand t = T1 la population a augmenté à 63 % de sa valeur (Δneq) à l’équilibre thermique.
75
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
de problème puisque les valeurs typiques pour T1 pour des noyaux de spin- 21 en phase liquide dépassent rarement quelques secondes. Comme nous allons le voir à la section 6.4, il y a des façons bien plus efficaces pour mesurer les valeurs de T1 que de laisser tomber l’échantillon dans le champ de l’aimant et d’essayer de voir apparaître les signaux de RMN. On peut s’attendre à voir un comportement similaire chaque fois que l’on génère une population de spins non équilibrée. L’équation 5.1 fournit une solution particulière pour l’équation de déplacement général. dDn 1 = − (Dn − Dneq ) .(5.2) dt T1 La raison pour laquelle le phénomène de relaxation restore la différence de population à l’équilibre Δneq, est, fondamentalement, que le taux de transition de spin vers le bas (b → a) est supérieur au taux de transition vers le haut (a → b) par un facteur exp ( w0 /kBT).
Origine de la relaxation longitudinale Les mécanismes qui sous-tendent la relaxation qui sont importants pour d’autres formes de spectroscopie s’avèrent généralement inopérants pour la RMN. Le taux d’émission spontanée (la fluorescence), par exemple, suit le cube de la fréquence de transition et est d’une lenteur qui la rend négligeable aux fréquences utilisées en RMN. Les spins nucléaires interagissent si faiblement et avec le « reste du monde » qu’ils se trouvent totalement découplés des mouvements des molécules qui les abritent. Quand une molécule effectue une rotation, ses spins nucléaires restent alignés avec le sens du champ magnétique, plutôt que de se réorienter avec l’axe de la molécule : par analogie, le spin se comporte comme un compas marin qui indique le nord, quels que soient les mouvements de roulis, de tangage et de lacet du navire. Le mécanisme qui sous-tend la relaxation des spins nucléaires – et cela n’est pas surprenant – réside dans les interactions magnétiques. Comme nous l’avons abordé dans la section 3.8 – et le reverrons dans l’annexe A – le couplage dipolaire entre deux noyaux dépend à la fois de leur séparation r et de q, l’angle entre le vecteur internucléaire et l’orientation du champ magnétique. Bien que ce couplage purement anisotrope, normalement, ne génère pas des subdivisions dans les spectres MNR en phase liquide, l’interaction instantanée est loin d’être négligeable. Quand les molécules se déplacent, quand elles effectuent des rotations sur elles-mêmes et vibrent dans une phase liquide, les valeurs de r et q varient de façon compliquée, et du coup, l’interaction fluctue rapidement. Ainsi, le couplage dipolaire, modulé comme il l’est par les mouvements moléculaires, fait que les spins nucléaires ressentent les effets des champs magnétiques locaux qui dépendent du temps, lesquels, s’ils renferment une composante à la fréquence de Larmor, peuvent induire des transitions sans rayonnement qui forcent les spins à revenir à l’équilibre. La plupart des autres mécanismes de
76
5. Relaxation de spin
relaxation de spin ont pour l’essentiel la même origine : une interaction magnétique intramoléculaire (ou moins souvent intermoléculaire) ou une interaction électrique quadripolaire pour les noyaux I > 21 , rendue dépendante du temps en raison des mouvements moléculaires aléatoires. Mais avant d’explorer davantage le phénomène de la relaxation longitudinale, nous devons regarder de plus près le mouvement rotationnel des molécules placées dans un liquide.
5.3. Mouvements rotationnels dans un liquide Pour les gaz, du moins à de basses pressions, le parcours libre moyen est grand et les molécules peuvent culbuter de nombreuses fois avant de subir une collision qui modifie leur état de rotation. Dans des liquides, les collisions se produisent bien plus fréquemment, de sorte que les molécules sont constamment « chahutées » de toute part et chaque choc tend à accélérer (ou à décélérer) le mouvement rotationnel, déviant l’axe de rotation. Comme nous l’avons vu précédemment, les Anglo-Saxons appellent ce mouvement tumbling (culbutage, comme une roulade au sol en gymnastique) plutôt que rotation, car cela reflète bien sa nature chaotique. Prenons le cas d’une molécule simple, le CH4 (méthane) et imaginons l’atome de carbone placé au centre d’une sphère dont le rayon est égal à la longueur de la liaison C–H. Quand la molécule de méthane entre en collision avec ses voisins dans une phase liquide, chacun des quatre atomes d’hydrogène entreprend un mouvement aléatoire sur la surface de la sphère. La figure 5.2 montre une telle trajectoire en zigzag pour l’un des atomes H, initialement en position « pôle Nord » de la molécule. Chaque molécule de CH4 entreprend un mouvement aléatoire différent, en fonction des collisions avec d’autres molécules. Nous pouvons visualiser la situation en traçant et en notant, pour un grand nombre de telles trajectoires, la position atteinte par l’atome H un certain temps après s’être mis en mouvement depuis le pôle Nord (Fig. 5.3). Après un court moment (a), les molécules de CH4 se répartissent un peu sur la sphère, mais restent cependant agglutinées autour de leurs positions de départ. Un peu plus tard (b), le déplacement moyen a augmenté, et quelques-unes atteignent l’équateur. Encore plus tard, il y a un nombre substantiel d’atomes H arrivés dans « l’hémisphère sud », mais un excédent subsiste encore dans les latitudes nordiques (c). Ce serait seulement au terme d’une très, très longue attente que nous verrions enfin une distribution aléatoire des orientations moléculaires autour de la sphère. Nous pouvons définir un temps caractéristique pour ce genre de mouvement, le temps de corrélation rotationnel tc. Ce temps, tc , en gros, est le temps nécessaire pour que la moyenne quadratique de
Fig. 5.2 Balade aléatoire d’une molécule soumise à une diffusion avec mouvements rotationnels dans un liquide.
77
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
la déflection des molécules soit environ de 1 radian (≈ 57°). Pour des temps bien inférieurs à tc , la grande majorité des molécules sont encore proches de leur position originale et quand t tc , les orientations sont devenues totalement aléatoires et toute « mémoire » de leur position originale est effacée et perdue. Typiquement, pour de petites molécules dans des solvants non visqueux à température ambiante, les valeurs de tc sont de l’ordre de 100 ps. Le renseignement important des figures 5.2 et 5.3 est qu’elles permettent de voir, qualitativement, à quoi devrait ressembler le spectre de fréquence de ce mouvement aléatoire. Puisque tc est le temps moyen pour que la molécule culbute de 1 radian, t –1 c est approximativement la fréquence quadratique rotationnelle (en rad s−1). De plus, la figure 5.3 montre que les fréquences inférieures à t –1 c sont tout à fait probables, parce qu’elles correspondent à des rotations de moins d’un radian pendant un temps tc , tandis que des fréquences au-dessus de t –1 c ce qui correspond à des rotations supérieures à un radian, sont beaucoup moins probables. (a)
(b)
0,25 τc
6
τ c = 4/ω 0 τ c = 1/ω 0 τ c = 0,25/ω 0
2 0 0,1
τc
4τc
Fig. 5.3 Les positions représentatives de molécules soumises à une diffusion rotationnelle dans un liquide, à des temps différents, après un départ du « pôle Nord » : (a) t = 41 tc ; (b) t = tc ; (c) t = 4 tc , où tc est le temps de corrélation rotationnel.
ω 0 J(ω) 8
4
(c)
1 10 ω /ω 0
Fig. 5.4 La function de densité spectrale J (w), mise à l’échelle de la fréquence de Larmor w0, dessinée pour 3 valeurs du temps de corrélation rotationnel. L’axe horizonal est à l’échelle logarithmique. Comme tc est réduit, J (w) s’étend à des fréquences plus élevées et est généralement plus plat.
En bref, le spectre de fréquences d’une interaction intramoléculaire, modulé par le tumbling ou culbutage moléculaire, devrait ressembler à l’une des courbes de la figure 5.4. On donne à cette fonction le symbole J (w), appelé densité spectrale ; w est la fréquence angulaire (en rad s−1). On peut considérer J (w) comme proportionnel à la probabilité de trouver une composante du mouvement aléatoire à la fréquence w. De plus petites molécules ou des solvants moins visqueux, ou des températures plus élevées, devaient tous donner des temps de corrélation plus courts (avec, en moyenne, un culbutage plus rapide) d’où une densité spectrale qui s’étend jusqu’à des fréquences plus hautes, comme on peut le voir dans la figure 5.4. Ces courbes ont été tracées en se servant de la forme la plus courante de J (w) : J (ω ) =
2τc (5.3) 5.3 1 + ω2τ c2
ce qui est approprié dès lors que la « mémoire » de la molécule quant à son orientation antérieure décroît de manière exponentielle. 5.7 W2AX ∝ J (2ω0 ) et W0AX ∝ J (0)
78 λ RAX
π 2
(3cos2 θ − 1) sin θ d θ,
5.10
5. Relaxation de spin
5.4. La relaxation longitudinale (suite)
relaxation lente n 10
Bien que l’interaction dipolaire soit la source la plus courante du phénomène de relaxation, elle n’est pas la plus simple. Deux spins à couplage dipolaires ressentent des champs magnétiques corrélés et dépendant du temps (ayant les mêmes valeurs de r et de q dans les Éqs 3.15 et 3.16) et vont relaxer de manière concertée. Cela offre une source de quelques effets intéressants et utiles en matière de relaxation (cf. Sect. 5.5), mais en réalité elle n’ajoute qu’un degré de complications à ce stade. Aussi, et pour garder un niveau de simplicité à notre exposé, nous allons dans les paragraphes suivants évoquer un mécanisme « idéal » où les spins sont relaxés indépendamment par des champs locaux aléatoires (Slichter, 1990). Il s’agit là d’une approximation qui s’adresse à la relaxation de spin en général, mais demande, toutefois, plusieurs ajustements relativement mineurs, avant de pouvoir fournir des prédictions quantitatives pour certains mécanismes de relaxation particuliers. La relaxation longitudinale est due à des champs locaux fluctuants qui incitent les noyaux à entreprendre des transitions sans rayonnement entre leurs niveaux d’énergie de spin. La constante de déplacement, ici T1−1, dépend2de τ c la probabilité que les champs locaux aient une compo5.3 J ( ω) = sante qui 1oscille + ω2τ 2cà la fréquence de Larmor, w0. En d’autres termes, T1−1 est proportionnel à la densité spectrale à la fréquence Larmor, J(w0). Le taux de relaxation prédit est de : 1 2 5.4 J ( ω0 ) ,(5.4) = γ 2 Bloc T1 2
où ∙ B loc ∙ est la moyenne quadratique des valeurs des champs locaux fluctuants et g est le rapport gyromagnétique du spin dont il est quesμ0 2 2 locaux τ c forts génèrent une relaxation 1 Sans surprise, 2 tion. les champs 5.5 γ 2A γ 2X 6plus = (2π RAX ) τc = 4π r T1 plus rapide, toutes choses étant égales par ailleurs. Nous disposons à présent de l’information nécessaire à la prédiction de comment le taux de relaxation longitudinale varie avec le temps de corréi − i0 . lation (Fig. 5.5). 5.6Pour des molécules qui culbutent rapidement η = rotationnel avec w0tic0 1 (la partie gauche de la Fig. 5.5), J(w0) ≈ 2tc et T1 ∝ 1/ tc, de sorte que la relaxation devient plus rapide au fur et à mesure que tc augmente (par exemple en faisant baisser la température). À l’inverse, AX desWmolécules ont w0t5.7 ∝ J (2ωqui et W2AX lentement ∝ J (0) 2 0 ) culbutent c 1 (la partie droite de la Fig. 5.5), J(w0) ≈ 2/w02tc et T1 ∝ tc, de sorte que la relaxation ralentit au fur et à mesure que tc augmente. Comme tc varie, T1 passe par un minimumγ (avec le taux de relaxation maximum), quand tc = 1/w0 comme , 5.8 la différentielle de l’équation 5.3. = 21 leXvoir on ηpeut en calculant γA Afin de déterminer si une molécule donnée tombe à gauche ou à droite du minimum de T1 (Fig. 5.5), il faut clairement connaître la valeur de tc.1 Une règle approximative (Sanders et Hunter, 1993) veut que pour = Δν, dans de 5.9 desπmolécules l’eau à température ambiante, la valeur de tc T2 en picosecondes est approximativement égale à la masse moléculaire relative Mr.
λRAX
π 2
0
(3cos2 θ − 1) sin θ d θ,
5.10
T1 / s 1 relaxation n rapide 0,1 –12
–10
–8
10 10 10 culbutage τ c / s culbutage lent rapide
Fig. 5.5 La dépendance du temps de relaxation longitudinale T1 sur le temps de corrélation rotationnel tc. Cf. équations 5.3 et 5.4 quand w0/2p = 400 MHz. Les deux axes sont à l’échelle logarithmique. Les régions en haut de la figure correspondent à un culbutage soit lent, soit rapide, et aussi à la relaxation rapide et lente. La valeur de g2 ∙ B2loc ∙ utilisée (4,5 x 109 rad2 s−2) est à peu près appropriée au couplage dipolaire des deux protons distants de 2 Å. Le minimum T1 a lieu quand tc = 1/w0 ≈ 400 ps. Avec un spectromètre plus efficace, ce minimum interviendra pour une valeur de tc plus faible.
79
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
Par exemple, si Mr = 100, tc ≈ 100 ps ; si Mr = 10 000, tc ≈ 10 ns. Avec un spectromètre calibré à 400 MHz, le maximum du taux de relaxation a lieu quand tc ≈ 1/w0 ≈ 400 ps, de sorte que la plupart des molécules ayant une valeur de Mr de quelques centaines (ou moins) devaient se situer à gauche du minimum T1, tandis que celles ayant une masse moléculaire de 1 000 et plus se situent à droite. On peut s’attendre à ce que les molécules aient des temps de corrélation plus longs quand elles se trouvent dans des solvants liquides et à des températures plus basses. On peut voir à présent pourquoi le mouvement rotationnel est important dans la plupart des mécanismes de relaxation de spin. Les vibrations sont généralement bien trop rapides pour être une composante significative vis-à-vis les fréquences de RMN (w0), qui sont relativement basses. La modulation d’interactions dipolaires intermoléculaire par des mouvements de translation est également plutôt inefficace car les couplages en général ont une intensité plus faible (en raison de la distance moyenne plus grande entre spins) que dans le cas intramoléculaire. La rotation, en revanche, a lieu à presque la même fréquence et module les interactions intramoléculaires ; elle tend donc à être le mouvement dominant en ce qui concerne le phénomène de relaxation des spins. L’Annexe A et en particulier son équation A.1 nous indiquent que 1/2 le champ dipolaire (∼ ∙B2loc∙ ) dépend de r –3 de sorte que le taux de relaxation longitudinale d’une paire de spins avec couplage dipolaire devrait être proportionnel à r –6. Les temps de relaxation longitudinale sont ainsi des sensibles pour les séparations internucléaires et 2τfonctions c 5.3 J ( ω) = 2 2 donc pour1 +déterminer les structures moléculaires. ω τc Les prédictions que permet cette approche « approximative » mais commode sont confirmées par un traitement théorique plus détaillé qui1nous2 livre l’expression suivante pour la relaxation longitudinale de 2 5.4 J ( ω0 ) , = γ Bloc deux noyaux avec couplage dipolaire, A et X avec différents rapports T1 gyromagnétiques, dans ce que les mathématiciens appellent la limite extrême de rétrécissement, w0 tc 1 : 2
μ τ 1 2 5.5 = (2π RAX ) τc = 0 2 γ 2A γ 2X 6c (5.5) 4π r T1 où tc vient de la densité spectrale (Éqs 5.3 et 5.4) et RAX la constante de couplage dipolaire (Éq. 3.15). Les valeurs types de T1 pour des protons i − i0 .dans la gamme 0,1–10 s (voir aussi Fig. 5.5). La relaxation se η trouvent 5.6 = i0 de spin nucléaire est lente, et ce pour deux raisons. Primo, les champs magnétiques locaux sont généralement plutôt de faible intensité et secundo interagissent avec les spins nucléaires, même quand w0 tc = 1, AX la densité à la W fréquence W2AX ∝ spectrale J (2ω0 ) et ∝ J (0)Larmor est faible. 5.7 Cette dépendance 2 de T1−1 sur les rapports gyromagnétiques signifie – toutes choses étant égales par ailleurs – que les noyaux du 13C devaient se relaxer plus lentement que γ les protons. 5.8points, sous forme de questions à cet exposé η = 21 X , deux derniers Ajoutons γA sur la relaxation longitudinale. Premièrement, pourquoi les transitions, induites par les champs locaux dépendants du temps, font que les spins1 retournent à un état d’équilibre ? Deuxièmement, quand les spins 5.9 = Δν, πT2
80 π 2
2
5. Relaxation de spin
relaxent, ils libèrent ou absorbent de l’énergie. Alors cette énergie, d’où vient-elle et où va-t-elle ensuite ? La relaxation longitudinale assure le couplage (mais très faiblement) au mouvement des molécules qui les transportent et fournissent un chemin pour l’échange d’énergie entre le système des spins et ses environs. En d’autres termes, la relaxation longitudinale fait que les spins entrent en contact thermique avec le réseau et cela les aide à revenir vers un état d’équilibre par rapport au monde aux alentours. Comme cela a été dit à la section 5.2, cela restore les populations en équilibre parce que le taux de relaxation de spins vers le bas (b → a) est plus rapide que celui vers le haut (a → b), et ce par un facteur de exp (DE/ kBT), où DE = w0. L’énergie absorbée (ou libérée) au cours de la relaxation de spin est transférée depuis (ou vers) les mouvements moléculaires, ce qui crée un léger refroidissement (ou échauffement) du réseau. Et, puisque les énergies de spin sont de niveau minuscule comparé à ceux des énergies rotationnelles, vibrationnelles et translationnelles des molécules qui baignent dans une solution liquide, les spins nucléaires se relaxent avec un très petit changement de température (non mesurable) de l’échantillon, comme si, par analogie, on jetait un petit objet brûlant dans un grand lac – bien entendu, la hausse de température générale de l’eau du lac serait infime. Quelques illustrations, quelques applications du phénomène de relaxation longitudinale sont présentées aux sections 5.8 et 5.9 ; mais avant cela, nous allons examiner un autre phénomène de relaxation important dû au mécanisme de relaxation dipolaire.
X
A
(a)
(b)
(c) (d)
Fig. 5.6 Des spectres schématiques de la figure montrent plusieurs effets Overhauser possibles. (a) Un spectre classique de deux noyaux voisins A et X ; (b)–(d) des spectres produits par une résonance X : le signal RMN de A devient soit plus fort (b), soit plus faible (c) ou interverti (d), en fonction du taux de culbutage moléculaire.
5.5. L’effet Overhauser nucléaire (NOE) Considérons une molécule qui renferme deux protons non équivalents, A et X, sans couplage scalaire et telle que le spectre 1H consiste en un singlet positionné à la valeur de chacun des déplacements chimiques. Supposons maintenant, tout en enregistrant le spectre de l’échantillon, que les spins-X soient saturés (c’est-à-dire que leurs populations a et b sont égalisées) par l’application d’un fort champ radioélectrique délivré à la fréquence de résonance de X. Ceci a pour effet d’annuler le signal RMN de X mais peut également modifier l’intensité de la résonance de A si les deux spins ont une interaction dipolaire non négligeable. Comme on le voit schématiquement dans la figure 5.6, le pic A peut se renforcer, s’affaiblir, voire s’inverser. Ce phénomène remarquable porte le nom de effet Overhauser nucléaire (avec comme acronyme en anglais NOE). Et, comme nous allons le découvrir, cet effet donne des informations quant aux séparations internucléaires bien plus directement que le phénomène de relaxation longitudinale. Pour comprendre l’origine du NOE, il faut prendre en compte les chemins de relaxation longitudinale possibles pour une paire de protons avec couplage dipolaire. La figure 5.7 montre les quatre niveaux d’énergie : aAaX, aAbX, bAaX, bAbX. Pour éviter de surcharger l’écriture ici, nous allons désormais faire l’économie des marques d’indice de A
81
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
comme de X. Si on ignore la différence de déplacement chimique et si nous appliquons l’expression w0 kBT, les populations relatives des quatre états en équilibre sont :
βA βX
X
W1
βAαX
A
W1
AX
W2
αA β X
AX
W0 A
X
W1
W1
αAαX
Fig. 5.7 Les niveaux d’énergie pour une paire homonucléaire des noyaux A et X, à spin- 21 , qui montrent les six voies de relaxation possibles.
En fait, le NOE sur A augmente alors que X est saturé.
82
n ( aa ) = 1 + 2 D ; n ( ab ) = n ( ba ) = 1 ; n ( bb ) = 1 – 2 D où D = 21 w0 /kBT. Les différences de population sont de 2D pour toutes les quatre transitions RMN permises (DmA = ± 1 ou DmX = ± 1). Parmi les six chemins de relaxation « ouverts » aux deux spins couples, quatre correspondent à une seule inversion de spin, c’est-àdire que aA ↔ bA ou aX ↔ bX, et ne sont rien d’autre que les processus de relaxation longitudinale que nous venons d’analyser. Leurs constantes de taux sont notées W1A et W1X, où l’indice employé indique que leur nombre magnétique quantique change de ± 1, et l’exposant sert à identifier le spin qui entreprend une relaxation. Les deux autres chemins de relaxation sont des processus croisés, où A et X relaxent ensemble, c’est-à-dire aa ↔ bb (avec les spins qui s’inversent dans le même sens avec la constante de taux W2AX) et ab ↔ ba (A et X s’inversant en sens contraire), avec la constante de taux W0AX). La relaxation croisée a lieu, en raison des mouvements chaotiques des molécules et combinée à l’interaction dipolaire mutuelle, conduit à une corrélation des champs locaux fluctuants ressentis par A et X : (3cos2 q − 1)/r3 qui ont la même valeur instantanée pour les deux spins en question. Il en résulte que les noyaux peuvent effectuer des inversions de spin simultanées. Les processus W0AX et W2AX représentent simplement des chemins qui permettent aux populations de retourner vers un état d’équilibre. Il est à noter que la relaxation de spin n’implique ni émission ni absorption du rayonnement électromagnétique, et n’est donc pas soumise à la règle de sélection habituelle Dm = ± 1. À présent, pour voir comment le NOE s’installe, nous imaginons l’application d’un champ de radiofréquences au spin X, d’une intensité suffisante pour saturer les deux transitions X (aa ↔ ab et ba ↔ bb) c’est-à-dire pour égaliser les populations de aa et ab, et de ba et bb (Fig. 5.8(a) et (b)). Nous allons supposer, pour simplifier l’exposé, que cela peut être fait sans affecter les différences de population au travers des transitions A (aa ↔ ba et ab ↔ bb) qui sont toujours de 2Δ. Maintenant, nous éteignons le champ de radiofréquences et prenons pour acquis que tous les chemins de relaxation, sauf W2AX sont insignifiants (ce qui relève de la fiction, irréaliste mais commode). Ce chemin de relaxation transfère des populations entre aa et bb et, finalement, restore le niveau des populations à l’équilibre, soit 1 + 2Δ et 1 − 2Δ respectivement (Fig. 5.8(c)). Les différences de population au travers des transitions A sont à présent de 3Δ : cela signifie que l’intensité du pic A a augmenté (de 50 %). La relaxation croisée a transféré la magnétisation depuis le spin X saturé vers son partenaire de couplage dipolaire, A. À l’inverse, si après avoir saturé X, le processus W0AX reste dominant, les populations de ab et de ba sont restaurées à leurs valeurs d’équilibre (toutes deux : unité) ce qui donne une différence de population
5. Relaxation de spin (c) 3∆
β AβX
(a)
(b) saturate X
2∆
2∆
3∆ 0
2∆
2∆
0
AX W2
αA β X
β AαX 2∆
2∆
AX
W0
(d)
αAαX
J ( ω) =
2τ c 1 + ω2τ 2c
∆
5.3
∆
Fig. 5.8 Les populations d’état de spin pour une paire homonucléaire de noyaux A et X voisins à spin- 21 . Les cercles pleins/ouverts indiquent un excès/déficit de population de D = 21 w0 / kBT. Les flèches entre les niveaux d’énergie sont2 étiquetées avec les différences de population appropriées. (a) En équilibre thermique ; (b) effet 1 5.4 J ( ω0 ) , = γ 2 Bloc de Tsaturation des deux transitions de spin X sans que cela affecte A. (c) et (d), l’effet respectivement de relaxa1 tion rapide aa ↔ bb, et croisée ab ↔ ba sur les populations qui figurent dans (b). (c) et (d) ont été dessinés avec la supposition que W2AX et W0AX soient les seuls processus de relaxation opératoire.
de 1seulement Δ2 au travers c’est-à-dire une réduction μ 2des transitions A, τ 5.5 = (2π RAX ) τc = 0 2 γ 2A γ 2X 6c (50 %) d’intensité de la résonance de A (Fig. 5.8(d)). T1 4π r Le NOE peut être quantifié par un paramètre h, défini en termes de l’intensité RMN perturbée du spin A (i) et par son intensité normale (i0) :
η=
i − i0 . 5.6 (5.6) i0
Notre règle approximative (voir plus haut) suggère − 21 ≤ h ≤ + 21 . Un traitement plus rigoureux démontre que le maximum homonucléaire AX ∝ 2ω0 ) et W2AX 5.7le minimum est de –1. ) 2 aussi que deW NOE estJ (effectivement de∝+ J1(,0mais 2
En fait, ni W2AX ni W0AX ne domine les autres chemins de relaxation et h tombe toujours entre ces deux valeurs extrêmes. Par conséquent, on γh a le même signe que W2AX – W0AX. voit que 5.8 η = 21 X , γ Mais, posons-nous la question : qu’est ce qui détermine l’intensité et A le signe de W2AX – W0AX ? Nous avons vu à la section 5.4 que le taux de relaxation longitudinale est proportionnel à la densité spectrale à la fré2τc 5.3 J1 ( ω ) =de Larmor 2 2 w (parce que les niveaux d’énergie a et b sont sépaquence + 1 ω τ 0 c 5.9 = Δν, π T rés par 2 w0). Et puisque aa et bb sont séparés de 2 w0, et ab et ba sont vraiment presque dégénérés, nous pouvons nous attendre à ce que (5.7) 5.7 W2AX ∝π 2J (2ω0 ) et W0AX ∝ J (0). λRAX (3cos 2 θ − 1) sin θ d θ, 5.10 0 Considérons d’abord une molécule qui culbute lentement avec w0tc 1. Comme on le voit dans la figure 5.9(a), J (0) J (2w0 ) tel que π 2 AX W2AX – W et2h 21 , cependant, il y a un mécanisme supplémentaire de relaxation, souvent dominant. Abordons à présent ce point.
10
T1
1 0,1
T2
0,01 rapide 10–12 10 –10 10–8 Culbutage Culbutage rapide τ c / s lent
Fig. 5.11 La dépendance de T1 et T2 sur le temps de corrélation rotationnel tc, des équations 5.4 et 5.11, quand w0 / 2p = 400 MHz. Les deux axes sont logarithmiques. Les régions de la figure qui correspondent à un culbutage rapide ou lent, et à une relaxation rapide ou lente sont indiquées. La valeur de g2 ∙B2loc∙ utilisée (4,5 x 109 rad2 s−2) est à peu près appropriée pour le couplage dipolaire de deux protons distants de 2 Å.
B0
B0
B0
B0
– +
–
+
–
– haute énergie
basse énergie
Fig. 5.12 Un noyau quadripolaire dont la distribution non uniforme de charges est représentée par un ellipsoïde allongé, dans un champ électrique de deux charges négatives, est montré encadré. Au fur et à mesure que la molécule tourne, l’axe de son spin reste aligné avec celui du champ B0 et l’énergie du noyau est modulée comme on le voit ici.
87
champ électrique
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
a b
Ea Eb distance
Fig. 5.13 L’interaction d’un quadripôle électrique, vu comme deux dipôles dos à dos à peine séparés, avec un champ électrique uniforme. L’interaction nette est proportionnelle à la différence des deux champs électriques subie par les deux dipôles (Ea − Eb), laquelle différence est déterminée par le gradient du champ électrique à la position du quadripôle.
88
Dans le cas de symétries plus basses cependant les noyaux sont sous l’effet de gradients de champs électriques non nuls dont la valeur dépend de l’orientation de la molécule dans le champ magnétique du spectromètre de RMN. Par exemple, nous pouvons prendre une molécule avec deux régions de charges négatives à une distance déterminée d’un noyau quadripolaire (Fig. 5.12). Ces charges exhibent une interaction électrostatique avec le noyau non sphérique quand la molécule est orientée dans un sens tel, qu’elles se trouvent plus proches des pôles que de l’équateur. Cette interaction, tout comme le couplage dipolaire magnétique, crée des subdivisions des lignes spectrales pour les monocristaux et des lignes élargies pour les poudres et les solides désordonnés ou amorphes. Les interactions quadripolaires génèrent aussi de la relaxation de spin quand les molécules culbutent et les modulent. De nombreux noyaux I > 21 dans des environnements à symétrie basse exhibent des interactions quadripolaires fortes et, par conséquent, une relaxation de spin très efficace. L’évidence la plus parlante ici est donnée par les lignes élargies (T2 petit) que l’observe généralement pour des noyaux tels que 14N, 17O, 35Cl, 37Cl. Par exemple, la résonance du 14N dans la molécule pyramidale NMe3 a une largueur de presque 100 Hz tandis que les 14NMe4+, 15NMe3, et 15NM4+ montrent des largeurs de ligne pour l’azote inférieures à 1 Hz (le 14NMe4+ est tétraèdre et ne possède pas de gradient de champ électrique à la position de l’azote et le 15N a I = 21 et donc un moment n quadripolaire). L’élargissement spectral quadripolaire réduit énormément la résolution spectrale et explique la relative impopularité des noyaux I > 21 pour des analyses RMN en phase liquide. Une autre conséquence importante de la relaxation quadripolaire est la perte de structures multiples pour des spins qui ont un couplage scalaire avec des noyaux quadripolaires. Dès lors qu’il y a une relaxation longitudinale efficace, par exemple, un noyau I = 1, cela le force à se retourner rapidement entre ses trois possibles états de spin (m = ± 1, 0, −1), de sorte qu’un spin couplé (à la fréquence de Larmor n0, et avec la constante de couplage J) a une fréquence de résonance qui alterne rapidement entre n0 + J, n0 et n0 − J. Si cela se produit à un taux qui est rapide par rapport à la différence de fréquence, c’est-àdire J et 2J, alors on ne devrait voir qu’une seule ligne à la fréquence moyenne n0, au lieu d’un triplet 1:1:1 (revoir la discussion sur les effets des échanges chimiques exposée au Chap. 4). Cela équivaut (et presque à l’identique) à l’effondrement du phénomène de subdivision spectrale multiplet dû aux échanges intermoléculaires rapides de protons (Fig. 4.12). La figure 3.13 donne quelques exemples de molécules où les noyaux quadripolaires ne génèrent pas de subdivisions en multiplets (14N, 79Br, et 81Br), et de même la figure 4.10 (99Ru et 101Ru).
5. Relaxation de spin
5.8. Exemples-structures Les applications des effets de relaxation dans des analyses par RMN se rangent, le plus souvent, dans l’une de deux catégories. En gros, les mesures de T1 s’avèrent plus utiles aux études des mouvements, moléculaires et autres, tandis que les NOEs aident aux analyses structurelles. Ceci dit, il y a beaucoup de recoupements. En règle générale, quand on cherche des informations sur la structure et/ou la confirmation d’une molécule, on a besoin d’avoir quelques données (ou du moins des hypothèses) sur ses propriétés dynamiques et vice versa. Par exemple, il est difficile d’utiliser les NOEs pour déterminer les conformations moyennes de quelques molécules très flexibles.
Les carbones quaternaires Les temps de relaxation longitudinale du 13C dans des molécules organiques sont souvent dominés par les interactions dipolaires 13C–1H, les protons les plus proches ayant le plus grand effet en raison de la distance dépendante de r–6 distance (Éq. 5.5). Les carbones quaternaires, qui ne possèdent pas de protons liés directement, se relaxent plus lentement, en règle générale, que les atomes CH et/ou CH2 présents dans la même molécule, au moins en absence de mouvement interne significatif. Par exemple, les quatre formes de carbone quaternaire dans le fluoranthène (Fig. 5.14) se relaxent cinq à huit fois plus lentement que les cinq carbones du groupe méthine. On voit émerger une image semblable pour les NOEs de 13C{1H} dans le fluoranthène (Fig. 5.14). Les améliorations pour les carbones du groupe méthine sont toutes proches de la valeur maximum 1,99 comme on peut s’y attendre dans le cas d’un mécanisme dominé par de la relaxation dipolaire (Éq. 5.8). Les NOEs plus petits, pour ces carbones quaternaires, sont cohérents avec une relaxation dipolaire plus lente et une importance relativement plus grande pour les autres mécanismes qui ne génèrent pas de la relaxation croisée. Les carbones f, g et i sont augmentés par des protons sur les carbones adjacents (d, a et c, respectivement), alors que h doit s’appuyer sur des protons encore plus loin, d’où son petit niveau de NOE.
d e
a b c d e f g h i
a f
b
g h
T1
NOE
2,4 2,4 2,1 2,5 2,2 16,1 15,6 15,1 11,6
1,73 1,98 1,86 1,72 1,86 0,33 0,34 0,15 0,33
c i
méthine
quaternaire
Fig. 5.14 Temps de relaxation longitudinaux du 13C (exprimés en secondes) et du 13C{1H} pour le renforcement de l’effet nucléaire Overhauser dans du fluoranthène. (Donées de C. Yu et G C. Levy, J. Am. Chem. Soc., 106 (1984) 6533.)
Les carbones du CH et du CH2 Dans une molécule rigide, un carbone de méthylène avec des interactions dipolaires vers deux protons liés directement devrait se relaxer deux fois plus vite qu’un carbone de méthine avec son seul proton, toutes choses étant égales par ailleurs. Par exemple, le rapport des temps de relaxation longitudinale du 13CH à 13CH2 dans l’adamantane (Fig. 5.15) est en fait assez proche de 2,0. Le rapport donné de 1,8 s’explique par le nombre variable de protons b (sur des atomes de carbone voisins), dans deux cas : six protons pour les méthines et deux
89
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire 20,5
2s H H H 11,4
1s
Fig. 5.15 Temps de relaxation longitudinaux du 13C (exprimés en secondes) du carbone de CH et de CH2 dans l’adamantane. (Données de K. F. Kuhlmann, D. M. Grant et R. K. Harris, J. Chem. Phys., 52 (1970) 3439.)
pour les méthylènes. La relaxation dipolaire supplémentaire, due aux protons b est ainsi trois fois plus effective pour les atomes du CH, ce qui a pour résultat de les faire relaxer plus rapidement que prévu, si l’on se base simplement sur le nombre de protons a. Un simple calcul avec des longueurs de liaisons et des angles standards montre que le rapport T1 (CH:CH2) devrait diminuer de 2,0 à 1,82 ce qui est quasi identique à la valeur trouvée expérimentalement. Enfin, pour être complet, il faut ajouter que cette relaxation longitudinale n’est pas toujours aussi claire que nous venons de le voir avec l’adamantane. Pour des molécules avec une symétrie moindre, les phénomènes de culbutage anisotrope et des mouvements internes (cf. Sect. 5.9) viennent souvent compliquer la donne. La dépendance de la distance r-6 du mécanisme de relaxation dipolaire constitue une source inestimable d’information sur les structures et la conformation des molécules. Mais le paramètre qui reste (et de loin) le plus utile en matière de relaxation est le NOE qui est sous le contrôle (si les conditions sont appropriées) d’un seul mécanisme de relaxation (dipolaire) et par une seule distance internucléaire. Les temps de relaxation longitudinale sont moins instructifs car déterminés par l’effet des interactions dipolaires sur tous les noyaux proches, et également par l’effet d’autres mécanismes de relaxation.
Information structurelle fournie par les NOEs L’une des difficultés rencontrées fréquemment par les chimistes est de décider si une molécule qui vient d’être synthétisée est le composé que l’on cherche (ou approchant). Dans de nombreux cas, cette structure est connue, à l’exception de quelques détails, petits mais importants comme la stéréochimie de l’échantillon ou la position exacte d’un substitut. Assez souvent, un NOE donnera une réponse rapide et sans ambigüité. La triméthylsilylation du triisopropylsilylindole dans la figure 5.16 donne deux dérivés triméthylsilyl possibles, avec soit 4 soit 7 substituts. On s’attend à ce que les deux isomères montrent quatre doublets et un doublet de doublets dans la région aromatique du spectre Me 3Si
4
7
N
Si(CHMe2 ) 3
N
N Si(CHMe 2 ) 3
Me 3 Si
Si(CHMe 2 ) 3
Fig. 5.16 Deux produits possibles d’un processus de triméthylesilylation du N-triisopropylsilylindole (sur la gauche) qui met en évidence les effets Overhauser nucléaires sur la liaison 1H–1H, résultant d’une saturation des protons méthyles du SiMe3 et du proton méthine de Si(CHMe2)3. (G. Nechvatal et D. A. Widdowson, J. Chem. Soc. Chem. Commun., (1982) 467.)
90
5. Relaxation de spin
de 1H. À moins d’être convaincu par des arguments subtils basés sur des déplacements chimiques, il serait difficile de décider quel composé vient d’être formé. La solution viendra de la mise en œuvre de deux expériences rapides NOE de 1H−1H : une irradiation du singlet de triméthylsilyl qui augmente l’intensité de deux parmi les quatre doublets de 1H tandis que l’irradiation du septet du proton de CH dans le groupe de triisopropylsilyl augmente les deux autres doublets. Ces observations ne sont cohérentes qu’avec le substitut 4. Le dérivé de 7-triméthylsilyl n’aurait montré que l’augmentation d’un seul doublet dans chaque expérience.
Détermination de structures protéiniques Une avancée très marquante des techniques de RMN employées ces dernières années a été la détermination de structures tri-dimensionnelles de protéines dans une solution. Partant d’une séquence d’aminoacides et d’un ensemble de spectres en RMN, il est à présent possible de définir la conformation de protéines renfermant jusqu’à 200 résidus d’aminoacides, avec des masses moléculaires relatives jusqu’environ 25 000. L’astuce consiste à détecter plusieurs centaines de NOEs entre les paires de protons se trouvant à des emplacements connus dans la structure de la molécule. Certains protons vont lier des noyaux dans le même résidu, ou dans des résidus voisins dans la séquence d’aminoacides, mais beaucoup vont relier des protons se trouvant dans des parties très différentes de la molécule. Ces « connectivités » indiquent les limites supérieures des distances entre les protons, entre 2 à 6 Å, selon la taille de la protéine analysée. Même si ces contraintes de distances sont de courte portée comparées aux dimensions hors-tout de la protéine (typiquement plusieurs dizaines d’angströms) et sont plutôt imprécises, s’il y en a suffisamment distribuées au travers de la protéine, elles définissent la structure très correctement (Fig. 5.17). Il faut simplement disposer d’un algorithme numérique sophistiqué pour rechercher les conformations qui satisfassent toutes les contraintes, y compris avec des restrictions sur les angles de torsion des trois couplages scalaires (cf. Sect. 3.7) et des couplages dipolaires résiduels. Toute la procédure exige qu’on ait au préalable attribué une fraction non négligeable du spectre de 1H, c’est-à-dire autant de lignes qu’il est possible d’identifier comme appartenant à des protéines spécifiques de la molécule. L’étape initiale dans ce travail – et qui est considérable – consiste à identifier des lignes RMN qui correspondent à des protons présents dans le même résidu d’aminoacide. Ceci devient possible en dressant la cartographie du réseau des couplages scalaires de chaque résidu, sachant que les protons n’ont de constantes de couplage appréciables que s’ils sont séparés par deux ou trois liaisons chimiques. Par exemple, les alanines (aminoacides, en abrégé Ala) sont facilement
(a) a b
c
d e
f
(b) f b c
a
e
d
Fig. 5.17 Détermination de la structure d’une protéine à partir des effets nucléaires Overhauser (schématisée ici). Les NOEs sont détectés entre des noyaux à différentes positions le long de la chaîne polypeptide (a) qui doivent par conséquent être proches l’une de l’autre. Un algorithme de recherche trouvera des structures qui satisfont toutes ces contraintes de distances (b).
91
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
identifiables parce que l’Ala est le seul aminoacide dont le proton aCH et sa chaîne latérale (un groupe méthyle) forment ensemble un système de spins AX3. L’étape suivante consiste à relier les systèmes individuels de spins d’aminoacides en détectant les NOEs entre les protons qui se trouvent dans les résidus successifs, par exemple entre l’épine dorsale des protons NH amide, qui sont séparés par une distance de 2-5 Å. De cette manière, le spectre peut ainsi être attribué, par séquençage, passant d’un résidu au suivant. La méthode d’attribution du spectre 1H devient plus difficile à mettre en œuvre pour de plus grandes protéines (avec plus 100 aminoacides) car le culbutage ralentit, ce qui entraîne une vitesse de relaxation transversale plus rapide et des lignes spectrales plus élargies. Résoudre des couplages scalaires pour 1H–1H devient donc difficile. Une solution, cependant, consiste à profiter des couplages scalaires hétéronucléaires au moyen des protéines enrichies avec des isotopes 13C et 15N (cf. Sects 6.6 et 6.7, Campbell (2012), et Cavanagh et al. (2007)). Il faut donc mener deux types d’expériences de RMN, afin de déterminer les relations de proximité, soit dans l’espace (couplages scalaires), soit à travers les liaisons (NOEs). Bien que l’on puisse obtenir cette information pour de petites molécules en irradiant chaque résonance tour à tour et en recherchant les changements ailleurs dans le spectre, cela n’est pas possible pour des protéines qui, typiquement, ont de nombreuses lignes spectrales superposées. Dans la pratique, la détermination de la structure protéinique a été rendue possible par le développement de techniques de RMN multidimensionnelles, où les résonances sont réparties, vers une deuxième voire une troisième dimension, ce qui évite l’encombrement des lignes et autorisent le recensement de toutes les connectivités d’un type particulier de protéine en une seule expérience, sans qu’il y ait besoin de recourir à une irradiation sélective de fréquences. Ces techniques seront esquissées aux sections 6.6 et 6.7.
5.9. Exemples – dynamique Comme nous l’avons indiqué à la section 5.8, on ne peut, en règle générale, extraire des informations sur les mouvements moléculaires des données de relaxation que si la structure a été bien définie au préalable. Par conséquent, la plupart des recherches sur la relaxation utilisent des « sondes » ayant une géométrie connue plus un mécanisme de relaxation dominant (souvent dipolaire), par exemple le 13C dans des groupes de CH, 15N dans des groupes de NH, etc.
Rotation interne du groupe méthyle Nous avons pu noter, parmi les exemples cités ci-dessus, que les carbones de CH2 relaxent fréquemment deux fois plus vite, environ, que les carbones de CH. Si on extrapole ici, nous pouvons nous attendre à
92
5. Relaxation de spin
ce qu’un carbone méthyle – « relaxé » par des couplages dipolaires à trois protons liés directement – se relaxerait trois fois plus vite qu’un groupe 13CH au sein de la même molécule. Mais dans les faits, ce n’est que rarement le cas, la raison étant la rotation interne des groupes méthyles, qui est rapide. Par exemple, les carbones méthylés dans du mésitylène (Fig. 5.18(a)) subissent une relaxation dipolaire plus lente que celle des carbones en anneau. Cela peut se comprendre aisément en se rappelant que le mouvement plus rapide, avec rétrécissement à l’extrême, signale une relaxation plus lente. Les carbones en anneau qui ne connaissent pas de mouvement interne doivent s’appuyer sur le culbutage relativement lent de la molécule afin de moduler les interactions dipolaires de la liaison 13C–1H et cela génère une relaxation. Les groupes méthyles, en revanche, tournent sur eux-mêmes plus rapidement que la vitesse de culbutage de la molécule et produisent ainsi un nivellement plus efficace des interactions dipolaires et génèrent, du coup, une relaxation plus lente. Dans l’ortho-xylène (Fig. 5.18(b)), cependant, les 13C T1 des groupes méthyle et méthine sont assez semblables parce que les interactions stériques de méthylés voisins ralentissent les mouvements internes et accélèrent la relaxation méthyle-carbone relativement aux carbones en anneau. Une analyse des données pour ce cas d’ortho-xylène montre que la rotation interne est environ douze fois plus rapide que le phénomène de culbutage général de la molécule et présente une hauteur de barrière d’environ 6 kJ mol−1.
CH
(a)
3
8s
CH 3
CH 3 23 s
CH 3
(b)
12 s CH 3 13 s
12 s
Fig. 5.18 Temps de relaxation longitudinaux du CH et des CH3 carbones dans (a) de la mésitylène et (b) de l’ortho-xylène. La figure ne montre que les contributions dipolaires aux temps de relaxation. (Données de K. F. Kuhlmann et D. M. Grant, J. Chem. Phys., 55 (1971) 2998.)
Rotation anisotrope La figure 5.19 montre les temps de relaxation longitudinale pour les carbones phényles dans du diphényldiacétylène. À partir de la discussion ci-dessus, nous pouvons prévoir que les carbones à leur position 2 (C2) vont se relaxer un peu plus lentement que les carbones C3 et C4 en raison du nombre différent de protons se trouvant à proximité. En réalité, les C2 et C3 présentent des valeurs de T1 très proches, presque cinq fois celle des T1 des C4. L’origine de ce phénomène se trouve dans la rotation anisotrope de cette molécule en forme de bâtonnet ; son culbutage est plus lent que la rotation autour de son axe long. La cause prédominante de la relaxation de C4 est dans les mouvements qui modulent le couplage dipolaire aux protons liés, c’est-à-dire les mouvements qui modifient l’angle entre cette liaison C–H et l’orientation du champ magnétique. Il est clair que la rotation autour de l’axe longitudinal ne joue pas ici et que c’est le culbutage qui mène à la relaxation de C4. Puisque ce mouvement est lent, et que la molécule tombe dans la limite extrême de rétrécissement, la relaxation de C4 s’achève rapidement. En revanche, les vecteurs CH de C2 comme de C3 sont orientés en dehors de l’axe longitudinal, ce qui permet une rotation rapide autour de cet axe qui module le couplage dipolaire de la liaison C–H – la relaxation qui en
5,2 s 1,1 s
5,5 s C C C C
2
3 4
Fig. 5.19 Temps de relaxation longitudinaux du 13C des carbones de l’anneau C2, C3, et C4 dans du diphényldiacétylène. (Données de G. C. Levy, J. D. Cargioli et F. A. L. Anet, J. Am. Chem. Soc., 95 (1973) 1527.)
93
La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
résulte est lente. Le mouvement de culbutage est environ vingt fois plus lent que la rotation autour de l’axe longitudinal. Bien évidemment, ceci est un exemple plutôt extrême de mouvement anisotrope : toutes les molécules ne dévient pas autant de la symétrie sphérique que celle-ci. Cependant, on peut identifier des mouvements anisotropes dans de nombreuses petites molécules.
Chaînes de radicaux alkyles 10
C10 H22
T1 / s
C10 H21 OH
C20 H42 1
2
4
6
8
Nombre de carbones
10
Fig. 5.20 Temps de relaxation longitudinaux du 13C pour des chaînes alkyles du décane, de l’icosane et du décan-1-ol. L’axe vertical ici est à l’échelle logarithmique. (Données de D. Doddrell et A. Allerhand J. Am. Chem. Soc., 93 (1971) 155 et J. R. Lyerla, H. M. McIntyre, et D. A. Torchia, Macromolecules, 7 (1974) 11.) largueur de ligne spectrale
(a)
0
80
(b)
120 160 T/K
200
100 T1 /s
1
0,01 80 120 160 200 T/K
240
Fig. 5.21 Variations de température de (a) la largeur de ligne spectrale du 1H et (b) le temps de relaxation longitudinal du 1H dans du benzène solide (D’après E. R. Andrew et R. G. Eades, Proc. Roy. Soc. A, 218 (1953) 537.)
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On se sert de la relaxation longitudinale du 13C pour étudier les mouvements de molécules hautement flexibles. Par exemple, la figure 5.20 montre les valeurs de T1 pour les carbones dans le composé linéaire décane (C10H22), eicosane (C20H42), et le décan-1-ol (C10H21OH). Ces données sont à prendre dans le sens des mouvements globaux de la molécule, qui ralentissent au fur et à mesure que la masse moléculaire et la viscosité augmentent et des mouvements internes dus à la rotation autour des liaisons C–C. En comparant les deux alcanes, l’eicosane culbute lentement, d’où une valeur faible en général de son T1, avec un mouvement interne relativement rapide, ce qui donne lieu à une forte variation de T1 le long de la chaîne, la relaxation la plus lente intervenant à ses extrémités mobiles. Pour le décane, qui culbute plus rapidement, les deux types de mouvement ont lieu à des vitesses de rotation assez voisines, ce qui confère une importance moindre au mouvement interne et un étalement moins large pour les valeurs de T1. Pour le décanol, les valeurs de T1 sont toutes plus petites en raison de l’augmentation de la viscosité et elles décroissent rapidement en s’approchant du groupe OH, ce qui reflète la limitation des mouvements internes en raison des liaisons d’hydrogène.
Le benzène solide Le spectre du 1H pour le benzène solide en dessous de 90 K montre une seule ligne spectrale, mesurant quelque 40 kHz en largeur, résultant d’un très grand nombre de subdivisions intra- et intermoléculaires fortes mais non résolues. Comme on peut le voir dans la figure 5.21(a), cette ligne devient bien plus nette entre 90 et 120 K, puis reste, pour ainsi dire, « stable » jusqu’au point de fusion quand le culbutage rapide des molécules réduit la largeur de la ligne à moins de 1Hz (ne figure pas ici). Le changement de largeur de ligne spectrale est dû à la réorientation moléculaire autour de l’axe à symétrie 6, ce qui nivelle en partie les interactions dipolaires. Le rétrécissement de la ligne intervient quand la fréquence de rotation de la molécule est proche de la largeur de ligne, soit 40 kHz. Ce mouvement est mis davantage en évidence par le proton T1 du benzène (Fig. 5.21(b)) qui passe par un minimum à 170 K. Il est évident
5. Relaxation de spin
que la fréquence de rotation moyenne est égale à la fréquence de résonance du 1H (dans le cas présent 23,4 MHz à cette température de 170 K) (cf. Fig. 5.5). Un recours à du benzène deutéré permet aux contributions intra- et intermoléculaire de la relaxation d’être séparées et indique une distance intramoléculaire H–H de 2,495 ± 0,018 Å, ce qui coïncide parfaitement avec la structure du benzène déterminé par la cristallographie aux rayons-X. L’énergie d’activation et le facteur pré-exponentiel de la rotation rapide des molécules du benzène sont de 15,5 kJ mol−1 et 9,1 x 1012 s−1.
5.10. Résumé • Les spins nucléaires atteignent (ou retournent à) un état d’équilibre thermique par le processus appelé relaxation de spin. • La relaxation longitudinale (spin-réseau) force les populations de niveaux d’énergie vers l’équilibre. • La relaxation transversale (spin-spin) génère un élargissement de ligne spectrale en analyses RMN. • Les temps de relaxation longitudinale et transversale s’appellent, respectivement, T1 et T2. • La relaxation de spin est due à une modulation des interactions de spin par des mouvements moléculaires. • Le couplage dipolaire, devenu dépendant du temps par le culbutage moléculaire, est une source courante de relaxation de spin. • Le couplage dipolaire génère aussi de la relaxation croisée qui, à son tour, crée l’effet Overhauser nucléaire (NOE). • Les noyaux quadripolaires se relaxent souvent très rapidement. • T1, T2 et le NOE informent quant à la structure de la molécule analysée et ses mouvements.
5.11. Exercices 1. Une ligne spectrale mesure 0,1 Hz de large. Quelle est la valeur de sa T2 ?
Les réponses aux exercices proposés ici sont données à la fin d’ouvrage.
2. Pendant combien de temps doit-on attendre (en multiples de T1) avant que Δn(t) dans l’équation 5.1 ne relaxe à 99 % de Δneq ? 3. (a) Avec les équations 5.3 et 5.4, estimez le temps de corrélation rotationnel, tc, qui correspond au minimum de 1H T1 avec un spectromètre calibré à 500 MHz. (b) Quel est le minimum 500 MHz 1H T quand g2 ∙B2 ∙ = 4,5 x 109 rad2 s–2 ? loc 1 4. (a) Le T1 du 13C d’un groupe de CH isolé dans une petite molécule (tc = 50 ps) est de 0,931 s. En vous servant de l’équation 5.5, estimez la longueur de la liaison C−H. (b) Est-ce que vous vous
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La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire
attendriez que le T1 du 15N dans un groupe de NH isolé dans la même molécule soit plus long ou plus court que 0,931 s ? 5. Lesquels des protons dans du 1,3-dinitrobenzène ont le temps de relaxation longitudinale (a) le plus court, (b) le plus long ? 6. Lequel de ces composés d’après vous va avoir la largeur de ligne spectrale du 15N la plus large : un de l’azote amidé dans un peptide (tc ≈ 200 ps) ou dans une protéine (tc ≈ 20 ns) ? 7. La valeur du rapport T1/T2 = 10 a été mesurée pour une résonance de 1H avec un spectromètre calibré à 600 MHz. Au moyen des équations 5.3, 5.4, et 5.11 déterminez la valeur de tc. 8. En quoi la figure 5.5 du spectre d’un 1H serait-elle différente avec un spectromètre calibré à 800 MHz ? 9. Démontrez que Wba/Wab doit être égal à exp (DE / kBT) pour que la relaxation longitudinale retourne les spins à un équilibre thermique. Wjk est la constante de vitesse de relaxation pour passer de l’état j à l’état k. 10. L’effet 1H–1H NOE disparaît quand les deux vitesses de relaxation croisée, W2AX et W0AX, sont égales. En vous servant de W2AX / W0AX = 6 J(2w0) / J (0), trouvez la valeur de tc à laquelle l’égalité est atteinte avec un spectromètre calibré à 600 MHz.
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6
Expériences en RMN
6.1. Introduction Dans ce dernier chapitre, on essaiera d’expliquer comment sont menées des expériences avec un équipement de RMN. La spectroscopie moderne fait bien plus que simplement enregistrer un spectre et interpréter les positons, les largeurs et les intensités des lignes spectrales. On peut aussi manipuler les spins afin d’affiner les informations qui apparaissent dans l’affichage du spectre. Par exemple, il existe des expériences conçues pour identifier des paires de noyaux séparés les uns des autres par un petit nombre de liaisons chimiques ou par quelques angströms dans l’espace, ou qui rendent plus visibles des intensités par RMN de noyaux « insensibles », à faible g, en transférant la magnétisation depuis des spins à haut niveau de g. Les lecteurs qui voudraient approfondir ce qu’ils vont trouver dans ce chapitre, sur les précisions opératoires de telles expériences et en même temps acquérir des bases en mécanique quantique pour bien comprendre ce qui se passe, sont invités à consulter Hore, Jones, et Wimperis (2015). Commençons par nous intéresser au « modèle vectoriel ». Bien que ce modèle puise ses origines dans la mécanique quantique du moment de spin angulaire, il présente un net avantage en ce sens qu’il est, pour l’essentiel, non mathématique et se prête assez bien aux illustrations graphiques. Un inconvénient, cependant, est qu’il aide à comprendre seulement les plus simples des expériences en RMN. Dans les sections 6.4 et 6.5, nous nous servirons du modèle vectoriel pour exposer deux techniques d’analyse des temps de relaxation de spin, plus une méthode importante pour l’amélioration de la sensibilité de l’affichage spectral. Mais, tout d’abord, voici un résumé succinct des principes qui sous-tendent la RMN dans la pratique.
6.2. Principes expérimentaux Dans cette Section, nous ne donnons qu’une description très superficielle d’un spectromètre de RMN. Notre intention est de fournir juste assez d’éléments pour rendre le reste du chapitre intelligible. Il existe, par ailleurs, quelques excellents livres de référence qui donnent bien plus de renseignements sur la pratique de la spectroscopie en RMN (par exemple Freeman (1997a, 1997b, 2003), Berger et Braun (2004), Levitt (2008), Claridge (2009) et Keeler (2010)).
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La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire impulsion radiofréquences décroissance libre d’induction temps
FT
spectre
fréquence
Fig. 6.1 Expérience à une seule impulsion avec un spectre obtenu de la décroissance libre d’induction par une transformée de Fourier (TF).
δ
Fig. 6.2 L’élargissement de la ligne spectrale qui résulte de l’inhomogénéité du champ magnétique statique B0. Les signaux représentent cinq régions de l’échantillon soumises à différentes intensités de B0. L’intensité de chaque contribution est proportionnelle au nombre de noyaux dans une région donnée. La ligne en gras représente la « forme » de l’échantillon assimilé comme un ensemble. Dans la réalité, B0 présente une distribution continue de ses intensités (plutôt que discrète) ; idem pour les fréquences de résonance.
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Nous allons nous intéresser à la plus simple des expériences (cf. Fig. 6.1) qui démarre par une courte giclée de rayonnement radiofréquences (rf) que l’on appelle aussi une impulsion qui impacte un échantillon placé dans un fort champ magnétique, B0. L’impulsion excite les spins et produit un signal qui oscille – la décroissance libre d’induction, n qui permet d’afficher le spectre. Comme nous l’avons vu au chapitre 1, le champ B0 est responsable de l’apparition de subdivisions des niveaux d’énergie et de différences de populations, toutes nécessaires à la conduite d’expérience en RMN. Les intensités types des champs sont dans la gamme 2,35-23,5 T, ce qui donne des fréquences de Larmor pour le 1H de | n0 | = 100 –1 000 MHz. Le champ magnétique statique – pour être efficace en RMN – doit être de forte intensité, stable et homogène. Les champs forts présentent plusieurs avantages : (a) une sensibilité plus élevée, car l’intensité du signal RMN augmente avec exactement des niveaux d’énergie, voir l’équation 1.12 et donc avec B0 ; (b) une superposition réduite des multiplets – les différences de fréquences créées par les déplacements chimiques augmentent de manière linéaire avec B0, alors que les couplages scalaires sont indépendants du champ B0 ; (c) des effets de couplage fort moins sévères (Sect. 3.5). Un champ d’une intensité extrêmement uniforme est nécessaire pour avoir la meilleure résolution spectrale. Des variations spatiales d’intensité du champ, si elles sont « ressenties » au niveau de l’échantillon vont mener à une distribution des fréquences de résonances et à un élargissement délétère des lignes (Fig. 6.2). Il est donc nécessaire d’atteindre une homogénéité du champ meilleure que 1 part sur 109 pour pouvoir afficher des lignes de largeur 1 Hz sur un spectromètre à champ fort (par exemple 600 MHz). Enfin le champ ne doit pas dériver de plus de 1 part sur 109 pendant une expérience de RMN, celle-ci pouvant durer entre quelques secondes et quelques jours. Ces spécifications rigoureuses peuvent être satisfaites au moyen de solénoïdes supraconducteurs – des bobines faites d’alliages sans résistance électrique et qui font passer un courant stable dans le temps. Au moment où nous écrivons ce texte, le meilleur aimant en vente aujourd’hui crée un champ de 23,5 T, ce qui correspond à une fréquence de Larmor de 1 000 MHz. Examinons à présent l’impulsion de radiofréquences (Fig. 6.1) et prenons le cas d’une expérience RMN avec des noyaux de spin- 21 , identiques mais non interagissant, avec une fréquence de Larmor w0 = 2pn0 = − g B0(1 − s) (Éq. 2.5). L’échantillon, typiquement ∼1 ml dans un tube de verre cylindrique de diamètre ∼5 mm, est placé au centre de l’aimant, entouré par les bobines émettrices/réceptrices. Le spectromètre envoie une impulsion (mesurée en volts) à la bobine à une fréquence (wrf) proche de w0 qui génère un champ magnétique oscillant B1(t) à la position de l’échantillon. Ce champ de radiofréquences – bien plus faible que B0 (les intensités types ici pour le 1H NMR sont ∼1 mT) – est perpendiculaire à celui-ci et normalement présent pour une durée de
6. Expériences en RMN
∼10 μs. Des expériences plus complexes exigent l’envoi de séquences d’impulsions formées par plusieurs trains d’impulsions radiofréquences dont la durée, l’intensité, les phases, les fréquences et le moment précis de transmission sont contrôlés avec précision par le spectromètre. L’impulsion de radiofréquences crée une magnétisation nucléaire transitoire qui oscille à la fréquence de Larmor des spins et, ordinairement, s’estompe en moins d’une seconde environ. Elle produit une tension alternative dans la bobine qui est détectée par le spectromètre dès lors qu’elle est « mélangée » avec un signal de référence, souvent à la même fréquence que l’impulsion elle-même. Le signal composite qui en résulte est une oscillation amortie, dont la fréquence est Ω = w0 − wrf, que l’on appelle aussi la décroissance libre d’induction qui est alors analysée dans le spectromètre pour afficher le spectre. Ainsi, les données de RMN sont acquises dans le domaine temporel et transformées vers le domaine de fréquence créant, du coup, le spectre recherché.
6.3. Modèle vectoriel La section précédente a soulevé plusieurs questions fondamentales liées à la théorie et la pratique des analyses en RMN. Comment une impulsion monochrome (une seule fréquence) excite-t-elle les spins sans nécessairement être positionnée exactement sur la fréquence de résonance (c’est-à-dire wrf = w0) ? Comment cela mène-t-il à une magnétisation qui oscille à la fréquence de Larmor w0 ? Comment peut-on afficher un spectre à partir de la décroissance libre d’induction ? Quel est l’avantage d’utiliser des champs radiofréquences en impulsion (et non en continu) ? Les réponses à ces questions ainsi que plusieurs approfondissements de notre compréhension d’expérience en RMN plus complexes viendront d’un recours au modèle vectoriel.
Cadre de référence rotationnel La magnétisation totale d’un grand nombre de noyaux de spin- 21 identiques, mais non-interagissant (avec un rapport gyromagnétique de g) peut être visualisée par un vecteur M. Bien que M résulte des moments magnétiques des spins individuels qui se conforment aux lois de la mécanique quantique, son mouvement peut aussi être décrit par la mécanique classique. Dans un champ magnétique statique B, le vecteur de magnétisation M entame un mouvement de précession autour de l’axe d’orientation du champ, tout comme le fait l’axe d’un gyroscope ou d’une toupie dans le champ de la gravité terrestre (Fig. 6.3). La fréquence angulaire du mouvement ainsi créé est donnée par − g B, c’est-à-dire gB/2π cycles par seconde. Plus le champ magnétique est intense, plus le rapport gyromagnétique est grand et plus rapide la précession.
B
M
Fig. 6.3 Le mouvement du vecteur de magnétisation M dans un champ magnétique B·M qui effectue une précession autour de B à une fréquence angulaire de −gB. La longueur du vecteur M et sa projection sur B restent inchangées en l’absence d’une relaxation de spin. La figure montre des noyaux où g > 0 d’où une fréquence de précession négative. Nous supposons que g > 0 pour éviter d’avoir recours à l’écriture | g | partout.
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La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire En réalité, le champ radioélectrique généré par le courant alternatif qui circule dans la bobine oscille le long de l’axe x′ (hypothèse) dans le cadre du laboratoire avec un pic d’intensité 2B1. Si l’on définit x′ et y′ comme des vecteurs le long des axes x′ et y′, le champ polarisé linéairement qui en résulte s’écrit 2B1coswrftx′ = B1(coswrftx′ + sinwrfty′) + B1(coswrftx′ − sinωrfty′), c’est-à-dire la somme de deux champs d’amplitude B1 qui tournent en sens opposés (l’un avance comme les aiguilles d’une montre, l’autre en sens opposé) autour de l’axe z’ dans le plan x′-y′. Seule la composante qui tourne dans le même sens que la précession de Larmor opère un effet significatif sur les spins. On peut ignorer l’autre composante.
Deux champs magnétiques distincts déterminent le mouvement de M lors d’une expérience en RMN : le champ fort et statique, B0, et le champ radiofréquences B1(t), bien moins intense. On suppose que le vecteur statique B0 est orienté parallèlement à l’axe-z′ dans un système de coordonnées (x′, y′, z′) auquel on donne habituellement le nom de cadre de laboratoire (autrement dit, le monde réel). Le champ radiofréquence généré par le courant alternatif qui parcourt la bobine est supposé être « tournant » avec une rotation autour de l’axe-z′ dans le plan x′y′-plane à la fréquence wrf. Le champ total ou effectif Beff(t) présent pendant l’impulsion radiofréquences (la somme vectorielle de B0 and B1(t)), est incliné un peu depuis cet axe z′ et entame une précession à la fréquence wrf (Fig. 6.4(a)). z′ Beff (t)
(a)
(b)
B0
z
Beff
B1 (t)
x′ y′
x
∆B
B1 y
Fig. 6.4 Les champs magnétiques rencontrés lors d’une expérience de RMN (a) dans le cadre du laboratoire et (b) dans le cadre rotationnel.
Quand il n’y a pas de champ radiofréquences, le champ effectif Beff redevient simplement B0. Le vecteur de magnétisation M fait donc une précession autour de l’axe-z′ à la fréquence de Larmor w0 = −gB0 ou w0 = − gB0(1 − s) quand on inclut son déplacement chimique. La situation devient plus compliquée quand le champ radiofréquences est activé car M fait sa précession autour de Beff et celui-ci fait de même autour de l’axe-z′. Toutefois, nous pouvons simplifier la donne en nous imaginant en train de tourner nous-mêmes autour de l’axe-z′ en phase avec B1(t), c’est-à-dire la fréquence wrf. Dans ce cadre rotationnel, avec les coordonnées (x,y,z), B1 est stationnaire et orienté dans le plan xy dans le sens déterminé par la phase du champ radiofréquences. Une autre conséquence de la transformation pour adopter ce cadre rotationnel est que l’intensité du champ magnétique le long de l’axe-z passe de B0 à DB = B0 + wrf/g = − (w0 − wrf)/g.(6.1) Cela s’explique parce que la fréquence de précession de M dans le cadre rotationnel est donnée par W = w0 − wrf.(6.2) Pour illustrer ce point, on notera que quand le champ radiofréquence est activé, la résonance devient (wrf = w0), Ω = 0 avec M stationnaire
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6. Expériences en RMN
dans le cadre rotationnel (quand B1 = 0). Ω et ΔB s’appellent respectivement la fréquence décalée et le champ de compensation. Par « compensation », on désigne la différence entre la fréquence de Larmor et la radiofréquence utilisée. En résumé, M effectue une précession dans le cadre rotationnel autour de la somme vectorielle de deux champs statiques : B1 dans le plan xy et ΔB le long de l’axe-z (Fig. 6.4(b)). Bien que B0 soit toujours plus intense que B1, le champ décalé ΔB peut être moins intense que B1 si wrf et w0 ne diffèrent pas trop et que B1 est suffisamment intense. Comme nous allons le voir par la suite, les expériences en RMN sont conduites le plus souvent avec B1 ΔB. Le concept du cadre rotationnel est tout à fait commode, non seulement parce qu’il élimine le besoin désagréable de réfléchir aux champs dépendants du temps, mais aussi parce que les spectromètres en RMN peuvent détecter les fréquences de décalage (Éq. 6.2) comme nous l’avons mentionné à la fin de la section 6.2. À partir d’ici donc, notre exposé se basera exclusivement sur ce cadre rotationnel.
Équilibre thermique Nous sommes à même maintenant de considérer ce qui se passe pendant l’expérience de la figure 6.1. Avant l’arrivée de l’impulsion, tout se trouve en état d’équilibre thermique. Les spins nucléaires (γ > 0) sont polarisés par le champ B0 de telle manière que les projections de leurs moments magnétiques sur l’axe z ont une probabilité légèrement plus grande d’être positives (avec moins d’énergie) que négatives (avec plus d’énergie). Les composantes des moments magnétiques, pris individuellement, sur les axes x′ et y′, cependant, sont totalement aléatoires parce que B0 n’a ni composante x′ ni y′ capable de créer une polarisation transversale. La magnétisation totale à l’équilibre est M = 21 gDneq, où Δneq est la différence de population prévue par la distribution Boltzmann. On peut affirmer, plus globalement, que Mz(t), la projection de M sur l’axe z à tout moment de l’expérience vaut 21 gDn(t) où Δn(t) est la différence de population instantanée.
Impulsions radiofréquences Quand on active le champ radiofréquences, M commence sa précession autour de Beff (t) dans le cadre rotationnel. Comme il a été dit plus haut, on choisit normalement des valeurs de wrf et B1 telles que B1 ΔB ce qui signifie que le champ effectif est simplement B1. L’impulsion fait que M entame une précession autour de B1 à la fréquence w1 = −gB1 (Fig. 6.5). L’angle de cette rotation de la magnétisation s’appelle l’angle de bascule, b : b = − w1tp = gB1tp(6.3) où tp est la durée de l’impulsion (en secondes) et b est en radians. Les impulsions utilisées le plus fréquemment ont des angles de bascule,
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La spectroscopie à résonance magnétique nucléaire z
z M M
β
y x
y x
Fig. 6.5 Une impulsion radiofréquences force le vecteur de magnétisation M à entamer une précession dans le cadre rotationnel autour d’un axe dans le plan xy. L’angle de rotation b est donné par l’équation 6.3. La phase de l’impulsion telle que dessinée ici est +x, et M tourne vers l’axe y.
b = 21 π (90°) ou b = π (180°). Une impulsion à 90° fait tourner la magnétisation d’équilibre M depuis l’axe z vers le plan xy et fournit le maximum de magnétisation transversale possible. Quand la phase de cette impulsion atteint la valeur de x, la rotation fait que M s’oriente le long de l’axe y (Fig. 6.5). Quand elle atteint la valeur de y, M finit son orientation sur l’axe + x. Une impulsion de 180° fait tourner M depuis l’axe + z vers l’axe – z, quelle que soit la phase de l’impulsion. On atteint différents angles de bascule en choisissant des valeurs appropriées de B1 et tp (Éq. 6.3). Maintenant nous comprenons comment les impulsions radiofréquences, de façon uniforme et simultanée, excitent des noyaux ayant des déplacements chimiques différents, c’est-à-dire différentes fréquences de compensation, Ω. Prenons le cas d’une expérience d’analyse RMN de 1H avec un spectromètre calibré à 400 MHz, sur un échantillon qui contient des protons ayant des déplacements chimiques dans la gamme 0