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French Pages 441 [440] Year 2014
LA SPECTROSCOPIE DE RÉSONANCE PARAMAGNÉTIQUE ÉLECTRONIQUE Applications
Grenoble Sciences Grenoble Sciences est un centre de conseil, expertise et labellisation de l’enseignement supérieur français. Il expertise les projets scientifiques des auteurs dans une démarche à plusieurs niveaux (référés anonymes, comité de lecture interactif) qui permet la labellisation des meilleurs projets après leur optimisation. Les ouvrages labellisés dans une collection de Grenoble Sciences ou portant la mention « Sélectionné par Grenoble Sciences » (Selected by Grenoble Sciences) correspondent à : ––des projets clairement définis sans contrainte de mode ou de programme, ––des qualités scientifiques et pédagogiques certifiées par le mode de sélection (référés anonymes puis comité de lecture interactif dont les membres sont cités au début de l’ouvrage), ––une qualité de réalisation assurée par le centre technique de Grenoble Sciences. Directeur scientifique de Grenoble Sciences Jean Bornarel, Professeur émérite à l’Université Joseph Fourier, Grenoble 1 Pour mieux connaître Grenoble Sciences : https://grenoble-sciences.ujf-grenoble.fr Pour contacter Grenoble Sciences : Tél : (33) 4 76 51 46 95, e-mail : [email protected]
Livres et pap-ebooks Grenoble Sciences labellise des livres papier (en langue française et en langue anglaise) mais également des ouvrages utilisant d’autres supports. Dans ce contexte, situons le concept de pap-ebook. Celui-ci se compose de deux éléments : ––un livre papier qui demeure l’objet central avec toutes les qualités que l’on connaît au livre papier, ––un site web compagnon qui propose : ››des éléments permettant de combler les lacunes du lecteur qui ne possèderait pas les prérequis nécessaires à une utilisation optimale de l’ouvrage, ››des exercices pour s’entraîner, ››des compléments pour approfondir un thème, trouver des liens sur internet, etc. Le livre du pap-ebook est autosuffisant et certains lecteurs n’utiliseront pas le site web compagnon. D’autres l’utiliseront et ce, chacun à sa manière. Un livre qui fait partie d’un pap-ebook porte en première de couverture un logo caractéristique et le lecteur trouvera la liste de nos sites compagnons à l’adresse internet suivante : https://grenoble-sciences.ujf-grenoble.fr/pap-ebooks Grenoble Sciences bénéficie du soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de la région Rhône-Alpes. Grenoble Sciences est rattaché à l’Université Joseph Fourier de Grenoble. ISBN 978 2 7598 1191 5 © EDP Sciences 2014
LA SPECTROSCOPIE DE RÉSONANCE PARAMAGNÉTIQUE ÉLECTRONIQUE Applications Sous la direction de Patrick Bertrand
17, avenue du Hoggar Parc d’Activité de Courtabœuf - BP 112 91944 Les Ulis Cedex A - France
La spectroscopie de résonnance paramagnétique électronique - Applications Cet ouvrage, labellisé par Grenoble Sciences, est un des titres du secteur Sciences de la Matière de la Collection Grenoble Sciences d’EDP Sciences, qui regroupe des projets originaux et de qualité. Cette collection est dirigée par Jean Bornarel, Professeur émérite à l’Université Joseph Fourier, Grenoble 1.
Comité de lecture de l’ouvrage :
–– Cécile Autret-Lambert, Maître de conférence à l’Université de Tours, Laboratoire GREMAN (Groupe de Recherche en Matériaux, Microélectronique, Acoustique et Nanotechnologies) –– Anne-Laure Barra, Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire des Champs Magnétiques Intenses, Grenoble –– Gérard Chouteau, Professeur retraité de l’Université Joseph Fourier, Grenoble –– Carole Duboc, Directrice de recherche au CNRS, département de Chimie Moléculaire, Grenoble –– Yanling Li, Ingénieur de recherche au CNRS, Institut Parisien de Chimie Moléculaire, Paris –– Maylis Orio, Chargé de recherche au CNRS, Laboratoire de Spectrométrie Infra Rouge et Raman, Lille –– Hervé Vezin, Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire de Spectrométrie Infra Rouge et Raman, Lille Cet ouvrage a été suivi par Laura Capolo pour la partie scientifique et par Anne-Laure Passavant et Sylvie Bordage du centre technique Grenoble Sciences pour sa réalisation pratique, avec la collaboration de Patrick Dessenne pour les figures. L’illustration de couverture est l’œuvre d’Alice Giraud, d’après des éléments fournis par les auteurs et : virus 3D de la rougeole – Michael Taylor 3D © Turbo Squid ; Rigidoporus lignosus - Fichier 1V10 de la Protein Data Bank ; Météore © NASA, Shinsuke Abe & Hajime Yano, ISAS. Autres ouvrages labellisés sur des thèmes proches (chez le même éditeur) : La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique, fondements (P. Bertrand) • Magnétisme : I Fondements, II Matériaux (Sous la dir. d’E. du Trémolet de Lacheisserie) • Physique et Biologie (B. Jacrot) • Spectroscopies infrarouge et Raman (R. Poilblanc & F. Crasnier) • Description de la symétrie (J. Sivardière) • Symétrie et propriétés physiques (J. Sivardière) • Introduction à la mécanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) • Analyse statistique des données expérimentales (K. Protassov) • La Cavitation (J.P. Franc et al.) • Turbulence (M. Lesieur) • Sous les feux du Soleil, vers une météorologie de l’espace (J. Lilensten & J. Bornarel) • Supraconductivité (P. Mangin & R. Kahn) • Physique des diélectriques (D. Gignoux & J.C. Peuzin) • Plasmas collisionnels (M. Moisan & J. Pelletier) • Energie et environnement (B. Durand) • L’énergie de demain (Groupe Energie de la Société Française de Physique sous la dir. de J.L. Bobin, E. Huffer & H. Nifenecker) • Hydrothermalisme (M. Piboule & M. Chenevoy) • Les roches, mémoires du temps (G. Mascle) • Mémento technique à l’usage des biologistes et des biochimistes (A. Marouf & G. Tremblin) • Éléments de Biologie à l’usage d’autres disciplines (P. Tracqui & J. Demongeot) • La biologie des origines à nos jours (P. Vignais) • Naissance et diffusion de la Physique (M. Soutif) • L’air et l’eau (R. Moreau) • En physique pour comprendre (L. Viennot)
et d’autres titres sur le site internet : https://grenoble-sciences.ujf-grenoble.fr
Les auteurs Allard Thierry - directeur de recherche au CNRS ; Institut de Minéralogie, de
Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC) ; Sorbonne Universités, UPMC Université Paris VI, CNRS UMR 7590, IRD UMR 206, MNHN, Paris.
Bahain Jean Jacques - professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, Département de Préhistoire, UMR 7194, CNRS & MNHN, Paris.
Bertrand Patrick - professeur honoraire, Aix-Marseille Université, Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
Balan Etienne - chargé de recherche IRD ; Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC) ; Sorbonne Universités, UPMC Université Paris VI, CNRS UMR 7590, IRD UMR 206, MNHN, Paris.
Belle Valérie - professeur, Aix-Marseille Université, Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
Belorizky Elie - professeur à l’Université Joseph Fourier, Laboratoire Interdisciplinaire de Physique, Université Grenoble Alpes, Grenoble.
Binet Laurent - maître de conférence à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de
Paris, Institut de Recherche de Chimie-ParisTech, UMR 8247 CNRS, ChimieParisTech, Paris.
Calas Georges - professeur à l’Université Pierre & Marie Curie ; Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC) ; Sorbonne Universités, UPMC Université Paris VI, CNRS UMR 7590, IRD UMR 206, MNHN, Paris.
Cantin Jean-Louis - maître de conférence à l’Université Pierre & Marie Curie,
Sorbonne Universités, Institut des NanoSciences de Paris, UMR 7588, CNRS & Université Paris VI, Paris.
Dolo Jean-Michel - ingénieur-chercheur CEA, Institut d’Imagerie Biomédicale, Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives, Orsay.
Dorlet Pierre - chargé de recherche CNRS, Laboratoire Stress Oxydant et Détoxication, UMR 8221, CNRS & CEA/iBiTec-S/SB²SM, Gif-sur-Yvette.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Falguères Christophe - directeur de recherche CNRS, Muséum National d’Histoire Naturelle, Département de Préhistoire, UMR 7194, CNRS & MNHN, Paris.
Fournel André - maître de conférence honoraire à Aix-Marseille Université, Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
Fries Pascal H. - ingénieur-chercheur CEA, Reconnaissance Ionique et Chimie de
Coordination, Chimie Inorganique et Biologique UMR E3, Université Grenoble Alpes, CEA/DSM/INAC/SCIB, Grenoble.
Fritsch Emmanuel - directeur de recherche IRD ; Institut de Minéralogie, de
Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC) ; Sorbonne Universités, UPMC Université Paris VI, CNRS UMR 7590, IRD UMR 206, MNHN, Paris.
Gambarelli Serge - ingénieur-chercheur CEA, Laboratoire de Résonance Magnétique, Service de Chimie Inorganique et Biologique, DSM/ INAC, UMR E3 CEA, FRE 3200 CNRS & Université Joseph Fourier, Grenoble.
Garcia Tristan - ingénieur-chercheur CEA, LIST, Laboratoire National Henri Becquerel, Gif-sur-Yvette.
Gendron François - maître de conférence à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), Sorbonne Universités, Institut des NanoSciences de Paris, UMR 7588, CNRS & Université Paris VI, Paris.
Gourier Didier - professeur à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris,
Institut de Recherche de Chimie-ParisTech, UMR 8247 CNRS, Chimie-ParisTech, Paris.
Grimaldi Stéphane - maître de conférence à Aix-Marseille Université, Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
Hureau Christelle - chargée de recherche CNRS, Laboratoire de Chimie de Coordination, UPR 8241, CNRS, Toulouse.
Lauricella Robert - maître de conférences honoraire et chercheur associé, Aix-
Marseille Université - CNRS, Institut de Chimie Radicalaire UMR 7273, Marseille.
Maurel Vincent - ingénieur-chercheur CEA, Laboratoire de Résonance Magnétique, Service de Chimie Inorganique et Biologique, DSM/INAC, UMR E 3 CEA, FRE 3200 CNRS & Université Joseph Fourier, Grenoble.
Morin Guillaume - directeur de recherche CNRS ; Institut de Minéralogie, de
Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC) ; Sorbonne Universités, UPMC Université Paris VI, CNRS UMR 7590, IRD UMR 206, MNHN, Paris.
Les auteurs
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Pépin-Donat Brigitte - directeur de recherche CNRS, Laboratoire Structures et Propriétés d’Architectures Moléculaires, DSM/INAC/SPrAM, UMR 5819, CNRS, CEA & Université Joseph Fourier, CEA, Grenoble.
Poulenard Jérôme - professeur à l’Université de Savoie, Laboratoire Environne-
ment Dynamique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Trompier François - chercheur à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire,
Service de dosimétrie externe, Laboratoire de dosimétrie des rayonnements ionisants, Fontenay-aux Roses.
Tuccio Béatrice - maître de conférences, Aix-Marseille Université - CNRS, Institut de Chimie Radicalaire UMR 7273, Marseille.
Turek Philippe - professeur à l’Université de Strasbourg, Institut de chimie, UMR 7177, CNRS & Université de Strasbourg, Strasbourg.
Bardeleben Hans Jürgen - directeur de recherche émérite CNRS, Institut des NanoSciences de Paris, UMR 7588, CNRS & Université Paris VI, Paris.
von
Collaborateurs Arnaud Fabien - chargé de recherche CNRS, Laboratoire Environnement Dyna-
mique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Blondel Thibaut 1 - thèse de doctorat de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, UMR Environnement Méditerranéen et Modélisation des Agro-Hydrosystèmes, Laboratoire d’Hydrogéologie d’Avignon, INRA & Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, Avignon.
Delannoy Jean-Jacques - professeur à l’Université de Savoie, Laboratoire Environ-
nement Dynamique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Dorioz Jean-Marcel - directeur de recherche INRA, UMR Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques et Ecosystèmes Limniques, INRA & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Dudal Yves - chargé de recherche INRA, UMR Biogeochimie du Sol et de la Rhizosphère, INRA & Montpellier SupAgro, Montpellier.
1 Poste occupé lors de sa participation à la rédaction de cet ouvrage.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Emblanch Christophe - maître de conférence à l’Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, UMR Environnement Méditerranéen et Modélisation des Agro-Hydrosystèmes, Laboratoire d’Hydrogéologie d’Avignon, INRA & Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, Avignon.
Fanget Bernard - ingénieur de recherche à l’Université de Savoie, Laboratoire
Environnement Dynamique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Giguet-Covex Charline - post-doctorante de l’Université de Savoie, Laboratoire Environnement Dynamique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Lombard Christian - ingénieur CEA, Laboratoire Structures et Propriétés d’Architectures Moléculaires, DSM/INAC/SPRAM, UMR 5819, CNRS, CEA & Université Joseph Fourier, CEA, Grenoble.
Miège Cécile - ingénieur de recherche IRSTEA, Laboratoire de chimie des milieux aquatiques, UR QELY, IRSTEA, Lyon.
Perrette Yves - chargé de recherche CNRS, Laboratoire Environnement Dynamique et Territoires de la Montagne, UMR 5204, CNRS & Université de Savoie, Le Bourget-du-Lac.
Protière Myriam 1 - thèse de doctorat à l’Université Joseph Fourier, Laboratoire Structures et Propriétés d’Architectures Moléculaires, DSM/INAC/SPRAM, UMR 5819, CNRS, CEA & Université Joseph Fourier, Grenoble.
Avant propos Dans un premier volume consacré aux Fondements de la spectroscopie de Résonance Paramagnétique Electronique (RPE) [Bertrand, 2010], nous avons montré comment la forme et l’intensité du spectre sont déterminées par la nature, l’arrangement et le nombre de centres paramagnétiques présents dans l’échantillon. Ces résultats ont été obtenus en utilisant les outils de la mécanique quantique dont le caractère abstrait peut rebuter certains débutants et freiner l’apprentissage de cette technique. Pourtant, force est de reconnaître que la plupart des applications de la RPE ne font pas explicitement appel à ces outils. Il suffit par exemple de mesurer l’amplitude du spectre pour suivre l’évolution de la concentration d’une substance ou de simuler simplement un spectre composite pour analyser un mélange. Il faut se donner un peu plus de mal pour identifier une molécule à partir des paramètres de l’hamiltonien de spin ou pour déterminer l’énergie de niveaux excités à partir de la dépendance en température de l’intensité du signal, mais là encore il n’est pas nécessaire de recourir au formalisme général. Le débutant apprendra plus volontiers et plus facilement la RPE s’il sait qu’on peut l’utiliser à plusieurs niveaux et que l’information cherchée s’obtient souvent sans remonter aux principes fondamentaux. Le but de ce livre est d’illustrer les différents niveaux d’utilisation de la RPE par des exemples d’applications. Le lecteur qui ne possède que des connaissances de base comprendra facilement les niveaux les plus faciles et il abordera progressivement les plus difficiles en s’appuyant sur le contenu du livre sur les fondements [Bertrand, 2010]. Les allersretours entre les deux livres devraient donc améliorer et accélérer l’apprentissage des concepts et des méthodes de la RPE par des étudiants de master 1 de Physique, Chimie physique, Chimie, mais aussi de Biophysique et de Biochimie. Une autre originalité du livre est la diversité des applications qui y sont traitées. Pour bien l’apprécier, il faut se rappeler quel était l’objet des premières études de RPE. Les premières expériences furent effectuées sur des solutions de Mn2+ et de Cu2+, de façon indépendante à Kazan et à Pittsburg [Zavoisky, 1945 ; Cummerow & Halliday, 1946]. Elles précédaient de peu les premières expériences de résonance magnétique nucléaire réalisées à Stanford [Bloch et al., 1946] et Harvard [Purcell et al., 1946]. L’étude par RPE de l’alun de Cr3+ au Clarendon Laboratory d’Oxford [Bagguley & Griffith, 1947] marqua le début d’une série impressionnante de travaux consacrés aux complexes d’ions de transition et de terres rares [Bleaney, 1992]. C’est aussi à Oxford qu’eurent lieu les premières expériences de résonance ferromagnétique sur des films minces de fer, de cobalt et de nickel [Griffith, 1946],
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
dont l’interprétation fut donnée peu après par Kittel [Kittel, 1947 ; Kittel, 1948]. Toutes ces études permirent de mettre au point les dispositifs expérimentaux et d’élaborer les bases théoriques des nouvelles spectroscopies, mais elles n’intéressaient que des physiciens. L’invention de l’hamiltonien de spin marqua une étape décisive dans la banalisation de la RPE [Abragam & Pryce, 1951]. Cet outil remarquable permet en effet à l’expérimentateur d’extraire les paramètres les plus pertinents du spectre et de confier aux théoriciens le soin de les interpréter... Dès lors, les progrès furent rapides. Par exemple, la plupart des concepts nécessaires à l’analyse des spectres de radicaux libres en solution étaient déjà élaborés en 1957. Des spectres de gaz comme NO, NO2, O2 avaient été interprétés correctement dès les années 19501954 et l’étude de radicaux produits par irradiation de matrices solides avait commencé [Fraenkel, 1957]. La RPE s’avérait une technique prometteuse pour tester les modèles de la liaison chimique. En comparaison, les expériences orientées vers la biologie paraissaient bien anecdotiques. Elles concernaient par exemple la détection de radicaux dans les tissus cancéreux, les chloroplastes sous illumination et la fumée de cigarette [Commoner et al., 1954 ; Sogo et al., 1957 ; Lyons et al., 1958] ou encore la détermination de l’orientation du plan de l’hème dans un monocristal de myoglobine [Bennett et al., 1957]. En dépit de ces incursions dans des domaines relevant de la chimie et de la biologie, la RPE était encore essentiellement l’affaire des physiciens au début des années 1960 : la plupart des communications faites lors de la première conférence internationale sur la spectroscopie RPE (Jérusalem, juillet 1962) étaient consacrées aux ions de transition et aux terres rares dans les solides [Low, 1963]. Cinquante ans plus tard, la RPE est certainement une des techniques spectroscopiques dont les applications se sont le plus diversifiées. Elles concernent actuellement des secteurs que les premiers expérimentateurs pouvaient difficilement imaginer, qui relèvent de la physique et de la chimie mais aussi des sciences de la Terre, des sciences humaines, des sciences agronomiques, de l’environnement, de la biologie et de la santé. Cette diversification est favorisée en France par la récente mise en place du réseau « RENARD » du CNRS (Réseau National de RPE Interdisciplinaire, renard.univ-lille1.fr), qui a pour but de faciliter l’accès de l’ensemble de la communauté scientifique aux plateformes techniques munies d’équipements standards et « avancés » (RPE impulsionnelle, RPE à haut champ, ENDOR). L’enregistrement du spectre d’un nouvel échantillon suscite toujours une attente, souvent même un espoir. Son apparition au fil du balayage du champ magnétique est un moment un peu magique, une sorte de réminiscence balzacienne. Balzac était un mystique qui croyait aux phénomènes occultes, en particulier au « magnétisme animal ». Il pensait que chaque corps émet des « spectres » qui transportent une partie de sa substance dans l’espace, que le daguerréotype peut capter (Le Cousin Pons, 1847). Les croyances de Balzac nous laissent une image poétique des spectroscopies magnétiques…
avant-propos
XI
Les sujets traités dans ce livre illustrent bien la diversité des applications actuelles de la RPE. Ils utilisent cette technique à des niveaux très variés et nous les avons présentés par ordre de difficulté croissante. Voici un avant goût de leur contenu : Chapitre 1 - L’irradiation naturelle ou artificielle de certains matériaux solides génère
des centres paramagnétiques, radicaux libres, défauts ou ions, assez stables pour être identifiés et quantifiés par RPE. On peut évaluer la dose d’irradiation à partir de l’intensité du spectre, ce qui ouvre la voie à de nombreuses applications comme la dosimétrie des rayonnements utilisés en radiothérapie ou pour stériliser les aliments, l’évaluation de la dose reçue par des individus durant une exposition chronique ou lors d’accidents radiologiques, ou encore la datation d’échantillons archéologiques. Chapitre 2 - La matière organique naturelle des sols contient des radicaux
semiquinone stables dont la nature dépend de son origine et de son état de maturation. Les proportions relatives de ces radicaux, déduites de la simulation du spectre RPE, constituent une signature qui permet de différencier les sols et même leurs horizons. Elle permet de suivre les transferts de matière organique dans un bassin versant des sols aux systèmes hydrologiques, de ces systèmes à leurs déversoirs et jusqu’aux enregistreurs naturels (sédiments, spéléothèmes). La puissance de cette méthode de traçage est bien illustrée par la détermination de la zone de captage et du temps de résidence de l’eau potable en milieu karstique. Chapitre 3 - De nombreuses réactions chimiques en solution produisent des radicaux
très réactifs dont la courte durée de vie interdit leur étude directe par spectrométrie RPE conventionnelle. On peut les détecter en les faisant réagir avec des molécules pièges choisies de façon à obtenir des adduits radicalaires relativement stables, dont le spectre permet d’identifier sans ambiguïté le radical originel et de remonter au mécanisme de la réaction initiale. Cette méthode est très utilisée pour identifier les radicaux générés par un stress oxydant, mais aussi pour suivre les réactions de polymérisation et les réactions photochimiques. Chapitre 4 - Les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Creutzfeldt-Jacob,
Parkinson, …) se caractérisent par le dépôt d’agrégats protéiques dans le milieu intercellulaire cérébral. Elles débutent par le changement de conformation de peptides ou de protéines partiellement désordonnées qui possèdent une grande affinité pour les ions de transition, en particulier les ions cuivriques. La RPE révèle qu’en présence de ces ions, ces macromolécules flexibles se replient de différentes manières pour assurer la coordination équatoriale à 4 ligands qui stabilise les complexes de Cu(II). Ces ions pourraient jouer un rôle essentiel dans les processus d’agrégation et dans les phénomènes de stress oxydant associés à ces maladies. Chapitre 5 - Les minéraux argileux du groupe de la kaolinite contiennent des
impuretés (ions de transition) et des défauts ponctuels paramagnétiques (radicaux). Leur étude par RPE apporte des informations sur les conditions physico-chimiques
XII
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
dans lesquelles ces minéraux se sont formés. De plus, la mesure de l’intensité du spectre de certains défauts créés par l’irradiation naturelle permet de dater les kaolinites et donc préciser l’échelle de temps des processus d’altération subis par ces minéraux. Ces données sont très utiles pour comprendre les mécanismes de l’évolution chimique des surfaces continentales et pour reconstituer les climats du passé. Chapitre 6 - L’activité catalytique des enzymes d’oxydo-réduction repose sur
l’existence d’un site actif et de centres rédox. Il s’agit de groupes organiques et de complexes d’ions de transition qui peuvent généralement être préparés dans un état paramagnétique. Leur étude par RPE, combinée aux modèles de la chimie théorique, apporte des informations détaillées sur leur structure et leurs propriétés rédox, mais aussi sur le mécanisme catalytique des enzymes. Elle contribue ainsi à l’élaboration de biocatalyseurs ou de catalyseurs synthétiques « bioinspirés » qui se distinguent de leurs homologues industriels par l’absence de métaux rares et la non-toxicité. Chapitre 7 - La matière carbonée la plus ancienne du système solaire, âgée de
4,5 milliards d’années, se trouve piégée dans des météorites. Sur Terre, la matière carbonée d’origine biologique la plus ancienne est fossilisée dans des silex datés de 3,5 milliards d’années. L’étude par RPE d’échantillons de ces matières carbonées primitives livre des informations sur la nature, l’environnement et le mode de formation des radicaux carbonés, des éléments précieux pour élaborer les scénarios de la formation de la matière organique dans le système solaire et de l’apparition de la vie sur Terre. La même méthodologie pourrait être utilisée pour analyser des échantillons prélevés sur Mars. Chapitre 8 - Lorsqu’un radical nitroxyde est greffé sur une protéine en solution, la
forme de son spectre et ses propriétés de relaxation dépendent de ses interactions avec son environnement. On peut utiliser ces « sondes paramagnétiques » pour étudier les transitions structurales des protéines, des phénomènes très importants encore mal connus. En marquant un site judicieusement choisi, on peut par exemple suivre le changement de conformation d’une enzyme produit par son interaction avec ses partenaires physiologiques. On peut également dresser une « carte de mobilité » pour identifier le domaine impliqué dans le repliement d’une « protéine intrinsèquement désordonnée » induit par son interaction avec une autre protéine. Chapitre 9 - La nature (ferro ou antiferromagnétique) et l’intensité de l’interaction
d’échange entre des radicaux nitroxyde connectés par des coupleurs organiques sont déterminées par des règles topologiques que la RPE permet de préciser : le spectre d’une solution diluée de molécules contenant des paires et des triades de radicaux enregistré à température ambiante met en évidence les couplages intramoléculaires, tandis que le spin de l’état fondamental et les paramètres d’échange sont déduits de la dépendance en température de l’intensité totale, utilisée ici comme mesure
avant-propos
XIII
de l’aimantation. Cette approche originale du « magnétisme moléculaire » s’inscrit dans le contexte du développement actuel des nanosciences. Chapitre 10 - Il existe plusieurs méthodes pour enregistrer le spectre des espèces
paramagnétiques transitoires. La résolution temporelle des techniques de « flux bloqué » et de « gel rapide » est de l’ordre de 10–3 s. Les techniques résolues en temps basées sur la génération des espèces in situ, la détection directe et la répétition de l’expérience pour plusieurs valeurs du champ permettent d’atteindre 10–7 s. On les utilise en particulier pour étudier les réactions photochimiques. La forme et l’intensité du spectre des intermédiaires radicalaires sont déterminées par l’effet CIDEP et son analyse permet de distinguer les mécanismes de type « paire de radicaux » et « état triplet ». Chapitre 11 - En Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), on utilise très souvent
comme agents de contraste des complexes de Gd3+ qui accélèrent localement la relaxation des protons de l’eau. Les modèles théoriques élaborés pour décrire quantitativement ce phénomène font intervenir les paramètres qui déterminent la relaxation spin-réseau des complexes. On peut évaluer ces paramètres en simulant une série de spectres RPE enregistrés à différentes fréquences et à différentes températures. Ces études mettent en évidence les facteurs qui déterminent l’efficacité des complexes et permettent d’optimiser leur structure. Chapitre 12 - La résonance ferromagnétique (RFM) utilise le même équipement que
la RPE pour étudier les fortes interactions entre spins qui caractérisent les matériaux cristallins ferromagnétiques. Les paramètres qui décrivent ces interactions très anisotropes sont déduits de la variation de la position de la raie de résonance en fonction de la direction du champ appliqué. Cette technique est illustrée par des expériences réalisées sur plusieurs types de matériaux nanostructurés: films de Fe épitaxiés sur GaAs, couches minces de semi-conducteurs dopés par Mn2+ et ferrofluides. Leurs applications concernent l’enregistrement magnétique, la spintronique, le domaine biomédical. Plusieurs chapitres du livre comportent des compléments dont la lecture n’est pas indispensable pour la compréhension du texte mais qui intéresseront les lecteurs exigeants. Certaines applications font appel à des résultats de techniques qui ne sont pas traitées dans le livre consacré aux fondements [Bertrand, 2010]. Ces techniques sont présentées dans des compléments de chapitre et dans des annexes indépendantes situées en fin d’ouvrage : ›› les compléments 1 et 2 du chapitre 7 décrivent les principes de la détection en quadrature de phase et de l’imagerie par RPE, ›› l’annexe 1 introduit les équations de Bloch et les méthodes impulsionnelles, ›› l’annexe 2 présente la RPE impulsionnelle et décrit les expériences ESEEM, HYSCORE et PELDOR, ›› l’annexe 3 présente la spectroscopie ENDOR en onde continue,
XIV
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
›› l’annexe 4 décrit les propriétés générales des peptides et des protéines, des macromolécules complexes étudiées dans plusieurs chapitres. Des applications importantes de la RPE n’ont pas pu être traitées dans le cadre de ce livre, comme la Polarisation Dynamique Nucléaire (DNP) [Abragam & Goldman, 1976 ; Barnes et al., 2008], les conducteurs moléculaires [Coulon & Clérac, 2004], l’oxymétrie [Ahmad & Kuppusamy, 2010], le magnétisme moléculaire des ions de transition et de terres rares (voir l’introduction du chapitre 9). Ce livre devrait intéresser les personnes concernées par les applications des techniques spectroscopiques et les enseignants y trouveront amplement matière à illustrer leurs cours. Les deux volumes complémentaires consacrés aux Fondements et aux Applications constituent un « traité de RPE » dont la partie technique est enrichie par le chapitre consacré à la RFM et par les annexes et les compléments du présent volume. A notre connaissance, cet ouvrage n’a pas d’équivalent en français ni même en anglais. Il existe en France une longue tradition de recherches dans le domaine du magnétisme. Nous espérons que ces 2 volumes contribueront à entretenir cette tradition en faisant connaître la RPE et en suscitant de nouvelles applications. Anatole Abragam nous a quitté en juin 2011 alors que ce livre était en gestation. Il a joué un rôle majeur dans le développement des spectroscopies magnétiques tant par son œuvre scientifique que par son engagement personnel. Grâce à leur qualité et à leur profondeur d’analyse, les traités qu’il a écrits il y a plus de 40 ans restent des ouvrages de référence et celui consacré à la RPE [Abragam & Bleaney, 1970] a d’ailleurs été traduit en français par un des auteurs de ce livre (E. Belorizky) [Abragam & Bleaney, 1971]. La rigueur d’Anatole Abragam allait de pair avec un inaltérable sens de l’humour dont témoignent les sous-titres des chapitres de son livre sur le magnétisme nucléaire [Abragam, 1961]. On pouvait lire sur la porte de son bureau « Smoking, no hydrogen » et il avait affiché dans son laboratoire cette recommandation essentielle : « avant de mettre définitivement la mécanique quantique au panier, vérifions une dernière fois les fusibles » [Abragam, 2000]. Nous lui dédions cet ouvrage. Patrick Bertrand
avant-propos
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Sommaire Chapitre 1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants........................................................1 Chapitre 2 - Traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants.....27 Chapitre 3 - Détection et caractérisation de radicaux libres après piégeage de spins.........49 Chapitre 4 - Complexation du cuivre par les peptides impliqués dans les maladies neurodégénératives............................................................79 Chapitre 5 - Cristallochimie des minéraux argileux, processus d’altération et évolution des surfaces continentales..........................................................105 Chapitre 6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction............131 Chapitre 7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive.............165 Chapitre 8 - Utilisation de sondes paramagnétiques pour l’étude des transitions structurales au sein des protéines..........................................205 Chapitre 9 - Radicaux organiques et magnétisme moléculaire..........................................231 Chapitre 10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires............................................263 Chapitre 11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique...........................................................................291 Chapitre 12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications...........................................................................325 Annexe 1 - Principes de la résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles ...........................................................................357 Annexe 2 - Introduction à la RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PELDOR....................................................................................365 Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue..................................375 Annexe 4 - Des macromolécules aux fonctions très variées : les protéines.......................387 Index...................................................................................................................................393 Planches couleur...............................................................................................................399 Table des matières............................................................................................................415
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1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants Bahain J.J.a , Dolo J.M.b , Falguères C.a, Garcia T.c, Trompier F.d a
Muséum National d’Histoire Naturelle, Département de Préhistoire, UMR 7194, Paris. b
c
Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), Institut d’Imagerie Biomédicale, Orsay.
Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), Laboratoire National Henri Becquerel, Gif-sur-Yvette. d
Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, Service de dosimétrie externe, Fontenay-aux Roses.
1.1 - Introduction La dosimétrie des rayonnements ionisants a pour but de quantifier l’énergie reçue par un échantillon de matière (matière inerte ou organisme vivant) suite à son interaction avec des rayonnements ionisants (photons, électrons, protons, neutrons, particules a, etc…). L’intérêt de la RPE dans ce domaine est évident et son utilisation a été proposée dès les années 1950. En effet, l’interaction des Rayonnements Ionisants (RI) avec la matière génère des entités paramagnétiques par excitation et ionisation des atomes et par rupture des liaisons entre atomes. Ces entités, radicaux libres, défauts ou ions, peuvent être détectées par spectrométrie RPE conventionnelle lorsque leur durée de vie est suffisamment longue. Le nombre d’espèces paramagnétiques radioinduites étant directement lié à la dose absorbée 1, on peut déterminer celle-ci en mesurant l’intensité du spectre. En dosimétrie par RPE, le nombre de radicaux ou de défauts paramagnétiques radio-induits n’est pas mesuré de manière absolue. On mesure l’amplitude pic à pic App d’une structure du signal et on en déduit la dose absorbée en utilisant une des méthodes suivantes : »» On construit une ou plusieurs courbes d’étalonnage à partir d’échantillons de référence semblables à ceux utilisés pour le dosage. Ces échantillons sont irradiés à 1 La dose est l'énergie absorbée par unité de masse dans un matériau considéré. Elle s’exprime en grays (Gy) avec 1 Gy = 1 J kg–1.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
des doses connues et la mesure de l’amplitude App de leur spectre permet d’établir une courbe reliant App à la dose. Pour construire la courbe d’étalonnage, il faut utiliser une gamme de doses qui couvre l’ensemble des doses à évaluer. Il est en effet hasardeux de procéder par extrapolation car certains matériaux présentent une saturation du signal radio-induit au-delà d’une certaine dose. La nature du rayonnement utilisé pour irradier les échantillons de référence a aussi une grande importance. En effet, pour une dose donnée, la quantité d’espèces radio-induites peut varier beaucoup avec le type de rayonnement (photon, électron, neutron, etc.) et le débit de dose (en Gy s–1). Il est donc préférable que les caractéristiques du faisceau d’étalonnage correspondent autant que possible à celles du champ de rayonnement auquel ont été exposés les échantillons à doser. Il n’est pas toujours facile de disposer d’une source de rayonnement qui possède les caractéristiques voulues et on est parfois obligé d’appliquer des coefficients de correction. On utilise des courbes d’étalonnage avec les matériaux qui présentent une faible variabilité, compatible avec la précision exigée sur la valeur de la dose, comme par exemple l’alanine et l’émail dentaire. »» Lorsque l’échantillon à doser présente une grande variabilité (tissus osseux, minéraux), la notion d’échantillon de référence n’a plus de sens. On utilise alors la méthode des « ajouts dosés » qui consiste à établir la relation entre App et la dose pour l’échantillon étudié. Cet échantillon est irradié à des doses connues, ce qui permet de déterminer son coefficient de sensibilité ∆App /∆dose en tenant compte des effets de matrice. On utilise ce coefficient pour convertir en dose absorbée l’amplitude du signal enregistré avant le processus de post-irradiation. Depuis les premières expériences effectuées sur des matériaux comme les verres ou l’alanine [Combrisson & Uebersfeld, 1954 ; Gordy et al., 1955], la dosimétrie par RPE a été utilisée pour des applications très variées : ›› la datation d’échantillons archéologiques à partir de la dose accumulée par irradiation naturelle, ›› l’estimation de la dose reçue par des individus lors d’une exposition chronique et /ou ancienne, à partir de biopsies d’émail dentaire, ›› l’estimation de la dose reçue lors d’accidents radiologiques récents à partir de biopsies pratiquées sur les victimes, ou de matériaux portés par celles-ci ou provenant de leur environnement direct, ›› l’étalonnage et le contrôle des sources de rayonnement, avec notamment l’utilisation de l’alanine comme standard, ›› l’identification de produits alimentaires irradiés. Ce chapitre n’a pas vocation à être exhaustif, mais à illustrer par quelques exemples la variété des applications de la RPE dans le domaine de la dosimétrie des rayonnements ionisants.
1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants
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1.2 - La datation archéologique 1.2.1 - Principe de la méthode La datation par RPE repose sur la quantification des centres paramagnétiques créés dans un minéral par la radioactivité naturelle. Les minéraux ou biominéraux sont enfouis dans un sédiment qui est généralement caractérisé par un très faible niveau de radioactivité naturelle produite par l’uranium (U), le thorium (Th) et le potassium (K) contenus dans certains grains. Les minéraux absorbent une partie de l’énergie du rayonnement et constituent des dosimètres naturels. La dose totale absorbée par l’échantillon au cours de son histoire, appelée paléodose, exprimée en grays, peut s’écrire : T D (T) = #0 d a (t) dt [1.1]
où da est le débit de dose (ou dose annuelle) en Gy an–1, c’est-à-dire la dose absorbée par l’échantillon durant une année, et T la durée d’exposition en années, c’est-à-dire l’âge de l’échantillon. Lorsque le débit de dose est constant, l’âge de l’échantillon est donné simplement par [1.2] âge = D (T) /d a La spectrométrie RPE sert à estimer la paléodose de l’échantillon, et le débit de dose est calculé à partir des teneurs en éléments radioactifs (U, Th et ses descendants, K) de l’échantillon et du sédiment qui l’entoure. Pour être utilisé en datation, un signal RPE doit répondre à un certain nombre de critères : il doit s’agir d’un signal radiosensible donné par le minéral considéré, son intensité initiale doit être si possible nulle, le signal ne doit pas être parasité par d’autres signaux et il doit être assez stable thermiquement pour permettre des datations à l’échelle géologique. La figure 1.1 montre les spectres RPE donnés par les minéraux les plus couramment utilisés en datation archéologique : carbonates des spéléothèmes (stalagmites) et des coraux, émail dentaire et quartz. La datation par RPE peut être appliquée à une grande variété de supports sur une longue période de temps. Elle permet en particulier d’obtenir des points de repères chronologiques pour le Pléistocène inférieur et le début du Pléistocène moyen, une période comprise entre 2,0 et 0,5 Ma environ (figure 1.2). Son utilisation revêt ainsi une grande importance, notamment dans les régions calcaires d’Europe occidentale. Pour les périodes les plus récentes, elle peut être appliquée conjointement à la méthode des séries de l’uranium (U-Th) sur un même support (émail dentaire, coquille de mollusque, etc.) et comparée aux résultats obtenus par d’autres méthodes comme celles de la luminescence (thermoluminescence, luminescence stimulée optiquement) et du carbone 14. Pour les âges récents, le domaine d’application de la méthode est limité par la sensibilité des échantillons aux radiations.
4
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications P7
P7
D &DUERQDWHV
6SpOpRWKqPH
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E (PDLOGHQWDLUHHWWLVVXVRVVHX[
)DFWHXUJ
&HQWUHDOXPLQLXP
&HQWUHWLWDQH
F 4XDUW]
)DFWHXUJ
Figure 1.1 - Spectres RPE donnés par les carbonates (calcite de grotte, coraux), l’émail dentaire et le quartz dans la région g = 2.
1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants
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(a) Carbonates. Conditions expérimentales : température ambiante, puissance 5 mW, amplitude de modulation 0,1 mT. Les spectres des carbonates présentent trois raies radiosensibles – – – à g = 2,0057 ; 2,0036 ; 2,0007 attribuées respectivement aux radicaux SO2 , SO3 et CO2 associé à une molécule d’eau. (b) Email dentaire et tissu osseux. Conditions expérimentales : température ambiante, puissance 10 mW, amplitude de modulation 0,1 mT. Le signal de l’hydroxyapatite utilisé en datation est axial avec g9 = 2,0018 ; g// = 1,9977. Il résulte de la superposition de plusieurs signaux attribués à des centres carbonatés (voir section 1.3.1). (c) Quartz. Conditions expérimentales : T = 100 K, puissance 5 mW, amplitude de modulation 0,1 mT. Le centre aluminium [AlO4]0 est caractérisé par g = 2,0602 ; 2,0085 ; 2,0019 et une structure hyperfine due au noyau Al (I = 5⁄2). Les centres titane [TiO4]0 sont associés à un cation compensateur (Li+, Na+, H+) et leurs spectres présentent une structure superhyperfine due au spin nucléaire du cation (3⁄2 pour Li+ et Na+, ¹⁄2 pour H+).
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Figure 1.2 - Comparaison des domaines d’applicabilité de la méthode RPE et des principales méthodes de datation utilisées pour la période du Quaternaire, en fonction des différents types d’environnement des sites préhistoriques (voir planches couleur). TIMS = méthode U-Th par spectrométrie de masse à thermo-ionisation ; TF = méthode des traces de fissions ; Ar-Ar /K-Ar = méthodes argon-argon et potassium-argon ; OSL = luminescence stimulée optiquement ; U-Th = méthode des séries de l'uranium.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Pour les âges anciens, le nombre de défauts paramagnétiques disponibles et leur durée de vie si elle est trop courte, sont des facteurs limitants qui varient selon le type de support. Des âges de l'ordre du million d’années ont été obtenus sur émail dentaire et sur quartz alors que les carbonates marins ne semblent pas pouvoir être datés au-delà de quelques centaines de milliers d’années. On trouvera une synthèse des données concernant la datation par RPE dans [Falguères & Bahain, 2002 ; Grün, 2006]. L’application de cette méthode à la datation de minéraux des sols est décrite au chapitre 5 du présent volume.
1.2.2 - Détermination de la dose équivalente (paléodose) On détermine la paléodose par la méthode des ajouts dosés (section 1.1). Plusieurs aliquotes de l’échantillon à dater sont irradiées artificiellement à des doses croissantes de rayonnements bêta ou gamma, et on enregistre leur spectre RPE. La variation de l’intensité du signal en fonction de la dose est la courbe de sensibilité de l’échantillon et son extrapolation à l’intensité zéro donne la paléodose (figure 1.3a). D
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3
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Figure 1.3 - Courbes de sensibilité et calcul de la dose équivalente assimilée à la paléodose (a) émail dentaire fossile ; (b) quartz. La dose due au blanchiment doit être soustraite de la dose totale pour obtenir la dose archéologique. DE = dose équivalente ; Dr = dose résiduelle ; P = paléodose (ou dose archéologique) avec DE = Dr + P. La courbe en traits continus est calculée avec l’équation [1.3].
La courbe de sensibilité est obtenue en irradiant avec un seul type de radiation alors que les échantillons sont soumis dans la nature à un rayonnement complexe qui en comporte plusieurs. Pour cette raison, cette méthode ne fournit pas directement la
1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants
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paléodose, mais ce qu’on appelle la « dose équivalente » DE. La courbe de sensibilité est généralement bien décrite par l’équation :
I = I 3 [1 − e - n (D art + D E) ]
[1.3]
où I est l’intensité du signal RPE d’un échantillon irradié artificiellement à la dose Dart [Gy], I∞ est l’intensité de saturation et n le coefficient de sensibilité [Yokoyama et al., 1985]. D’autres équations sont parfois utilisées [Duval et al., 2009]. En datation archéologique, on utilise souvent les grains de quartz présents dans les terrasses fluviatiles. Avant de se déposer, ces grains ont été « blanchis » par les rayons UV du soleil pendant leur transport par le vent et l’eau. Ce blanchiment génère un signal RPE résiduel qu’il faut soustraire pour dater la terrasse. Pour cela, on réalise au laboratoire une expérience de blanchiment artificiel sur l’aliquote « naturelle » (non-irradiée artificiellement) au moyen de lampes qui reproduisent une partie du spectre solaire (figure 1.3b) [Voinchet et al., 2004].
1.2.3 - Evaluation du débit de dose La dose annuelle, qui résulte de l’ensemble des rayonnements ionisants auxquels est soumis l’échantillon durant une année, varie selon la nature de l’intégrateur de la dose (os, émail dentaire, minéraux, sédiments). Elle dépend de la concentration et de la distribution des éléments radioactifs dans l’échantillon et dans son environnement, et de l’intensité du rayonnement cosmique. Elle peut s’écrire :
d a = kd a + d b + d c + d cos
[1.4]
où da, db, dc et dcos représentent les doses des rayonnements a, b, c et cosmiques reçues par l’échantillon en une année et k est un facteur qui prend en compte la moindre efficacité des rayons a à créer des électrons piégés, dont la valeur varie selon la nature du support. En pratique, il est commode d’exprimer la dose annuelle en fonction de l’origine des rayonnements :
d a = d externe + d interne
[1.5]
La dose due au rayonnement externe à l’échantillon est mesurée soit in situ à l’aide d’un spectromètre gamma portable ou d’un dosimètre à thermoluminescence, soit au laboratoire sur les sédiments correspondants. La dose due à la radioactivité interne est calculée à partir des teneurs des radioéléments que contient l’échantillon, mesurées par spectrométrie gamma au laboratoire. Elle est rarement constante au cours du temps car de nombreux échantillons du quaternaire présentent des déséquilibres radioactifs dont il faut tenir compte.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
La répartition de l’uranium dans les dents est hétérogène en raison des différences de composition chimique des tissus qui les composent (émail, dentine, cément). Les teneurs en uranium peuvent varier de moins d’un ppm dans un émail bien conservé à plus de 100 ppm dans une dentine altérée de la même dent. Dans le cas de la datation d’émail dentaire fossile, les séries de l’uranium permettent de calculer les variations des débits de dose annuelle lorsque les échantillons contiennent une quantité suffisante d’uranium. Cet enrichissement post-mortem est lié à la différence de solubilité entre les différents états de valence de l’uranium [Gascoyne, 1982]. Différents modèles ont été proposés pour décrire ce phénomène, tels le modèle d’incorporation précoce [Bischoff & Rosenbauer, 1981] et le modèle d’incorporation linéaire d’uranium [Ikeya, 1982]. Grün et ses collaborateurs ont proposé de combiner les données U-Th et RPE pour calculer l’âge T des échantillons fossiles, en décrivant l’évolution de la teneur en uranium de l’échantillon au cours du temps par la fonction U(t) suivante [Grün et al., 1988] : U (t) = U 0 (t/T) p + 1 [1.6] U0 est la teneur mesurée et p est le paramètre de diffusion de l’uranium, déterminé simultanément à partir des données RPE et U-Th. La fonction U(t) est représentée sur la figure 1.4 pour quelques valeurs de p.
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8W "8 S" ,QFRUSRUDWLRQ H[SRQHQWLHOOH
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,QFRUSRUDWLRQ WDUGLYH
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S"
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Figure 1.4 - Courbes décrivant l’évolution de l’incorporation de l’uranium calculées avec l’équation [1.6]. [D’après Grün et al., 1988]
1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants
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1.2.4 - Exemples de datations archéologiques et géologiques Le site paléolithique de Visogliano, Italie Parmi les sites d’Europe occidentale, le gisement de Visogliano, situé dans le karst de Trieste en Italie, est considéré par les préhistoriens comme une séquence de référence pour le Pléistocène moyen, période comprise entre 780 000 et 130 000 ans. Ce gisement a livré des restes humains fossiles attribués à Homo heidelbergensis, des outils préhistoriques et des ossements d’animaux [Abbazzi et al., 2000]. Ce site comporte un grand nombre de couches archéologiques successives bien définies permettant d’établir une chronostratigraphie afin de replacer cette séquence dans un contexte plus large au niveau de l’Europe occidentale. Des dents de grands herbivores provenant du dépôt ont été datées par la méthode combinée RPE /U-Th [Falguères et al., 2008]. Les couches les plus anciennes ont des âges compris entre 480 000 et 360 000 ans (figure 1.5). Ces niveaux inférieurs ayant livré la plupart des restes humains, les résultats confèrent un âge minimum de 350 000 ans à l’Homme de Visogliano.
Les formations fluviatiles fossiles de la Creuse, France Lorsque les ossements et les dents sont altérés ou absents d’un site, le quartz est souvent le seul support qui peut être daté par RPE dans un environnement non-volcanique [Falguères & Bahain, 2002]. C’est le cas par exemple dans la vallée de la Creuse qui présente un système de terrasses alluviales dont l’étagement couvre toute la période du Quaternaire, soit les deux derniers millions d’années environ (figure 1.6) [Despriée et al., 2006]. De nombreux échantillons ont été prélevés dans les différentes terrasses et les âges obtenus par RPE ont permis de proposer un cadre chronologique intéressant et solide pour la première fois dans cette région. Plusieurs sites préhistoriques ont été découverts dans les formations fluviatiles de cette vallée. L’un des gisements les plus anciens est celui de Pont-de-Lavaud, un site de plein air installé sur les dépôts d’une berge de rivière. Il est fossilisé dans une très haute terrasse fluviatile située plus de 100 m au-dessus du niveau actuel de la Creuse, qui a été datée d’environ 1 million d’années.
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±
±
±
±
±
±
± ±
P
Figure 1.5 - Profil longitudinal de la fouille du site de Visogliano montrant la succession des niveaux géoarchéologiques principaux, numérotés de 11 à 45. Les âges obtenus par la méthode RPE /U-Th sont exprimés à gauche en ka. 1 : sols d’occupation ; 2 : niveaux de lœss ; 3 : niveaux de lœss altérés ; 4 : limites des unités lithologiques; 5 : principales discontinuités.
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Figure 1.6 - Datation par RPE de différentes terrasses de la vallée de la Creuse, France. Les résultats couvrent pratiquement la totalité de la période du Quaternaire, soit environ 2 millions d’années (voir planches couleur).
1.3 - Dosimétrie rétrospective et dosimétrie d’accident radiologique Dans ce contexte, il s’agit d’estimer a posteriori les doses de Rayonnement Ionisant (RI) reçues par des individus lors de situations accidentelles ou d’expositions chroniques, dues à des expositions externes 2. Dans le cas d’expositions anciennes et /ou chroniques, il s’agit principalement de mettre en regard les doses estimées et les effets observés (cancer et non-cancer, cataracte, fibrose, infarctus, ...) afin de mieux comprendre les effets des RI sur la santé dans le cadre d’études épidémiologiques ou de radiobiologie. Dans le cas d’irradiations accidentelles aigues et récentes, il s’agit d’aider au diagnostic des victimes pour permettre aux équipes soignantes de déterminer la meilleure stratégie thérapeutique ou encore d’identifier les personnes exposées lors d’un accident majeur. La spectroscopie RPE est une des techniques utilisées dans le cadre de la dosimétrie rétrospective. En effet, les circonstances des expositions étant très variées et généralement mal connues, une seule technique ne permet pas toujours d’estimer la dose de façon fiable. Il est donc souvent nécessaire d’avoir recours à une approche multitechnique (cytogénétique, luminescence, simulation numérique) pour déterminer au 2 La source de rayonnement est à l’extérieur de l’organisme, contrairement à l’exposition dite interne induite par l’inhalation ou par l’ingestion de produits radioactifs.
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mieux les doses reçues [Alexander et al., 2007 ; Simon et al., 2007 ; Trompier et al., 2010 ; Ainsbury et al., 2011]. Dans les cas d’irradiation sévère, le dépôt de dose est généralement très hétérogène et l’approche par RPE permet de préciser sa répartition dans l’organisme.
1.3.1 - Exposition chronique et/ou ancienne Lors d’une exposition chronique, les individus sont soumis à des débits de dose assez faible, mais de manière permanente ou quasi permanente pendant des durées relativement longues, de quelques mois à plusieurs dizaines d’années. Il peut s’agir d’exposition au rayonnement naturel dit renforcé dû au radon 3 ou d’exposition liée à une contamination radioactive de l’environnement (sites de Tchernobyl, de Mayak, industrie du radium 4) ou encore de matériaux contaminés utilisés dans la construction de logements, comme ce fût le cas à Taiwan 5. L’évaluation des doses reçues lors d’expositions anciennes permet d’améliorer la connaissance des effets à long terme des RI. Ainsi, tout le système de radioprotection moderne, par exemple la définition des limites réglementaires d’exposition, est basé en grande partie sur les effets observés sur les survivants des explosions de Nagasaki et d’Hiroshima. Les techniques de dosimétrie rétrospective ont notamment permis d’évaluer des doses reçues lors de ces deux explosions. S’il est parfois possible d’évaluer les principaux paramètres de l’exposition et, sur la base de ces données, d’estimer les doses à partir de modèles, il est toujours préférable de valider ces approches en mesurant directement la dose reçue par les personnes exposées ou par des matériaux provenant de leur environnement ou du site de l’accident. La RPE de biopsies d’émail dentaire est une méthode de référence dans ce domaine. Comme les tissus osseux, l’émail dentaire est principalement constitué de cristaux d’hydroxyapatite (Ca)10(PO4)6(OH)2 (96 % en masse), mais il est mieux cristallisé et bien plus pauvre en eau (3 %) et en matière organique (1 %). Il présente de nombreux avantages du point de vue de la mesure de la dose par RPE : ›› le signal induit par irradiation est spécifique de l’interaction avec les RI, ›› certaines composantes du signal radio-induit sont extrêmement stables dans le temps (demi-vie de l’ordre de 107 années), ce qui est une propriété rare, 3 Le radon est un gaz rare issu de la décroissance du thorium 232 et de l’uranium 238, présents naturellement dans la croûte terrestre principalement dans les roches granitiques. Ses isotopes sont radioactifs. 4 Après la découverte du radium par Marie Curie, une industrie destinée à produire du radium à partir de minerais uranifères pour différentes applications s’était développée : peintures luminescentes, cosmétiques, boissons revitalisantes, etc… Certains sites utilisés par cette industrie restent à ce jour contaminés. 5 Des ferrailles contaminées au cobalt 60, élément radioactif, ont été utilisées pour la construction de logements à Taiwan. Elles ont généré une exposition chronique des résidents pendant plusieurs années.
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›› la production d’espèces paramagnétiques est très importante, ce qui permet de détecter des doses relativement faibles. La limite de détection est de l’ordre de 50 mGy pour 100 mg, alors que la dose annuelle reçue par l’émail dans des conditions normales est de l’ordre de quelques mGy, ›› la variation de l’intensité du signal radio-induit avec la dose peut être considérée comme linéaire et la variabilité inter échantillon est relativement faible (écart-type de l’ordre de 10 %), ce qui permet d’utiliser des courbes d’étalonnage préétablies. La majorité des espèces radio-induites sont soit des groupements carbonatés (CO2• –, CO3• –, CO• –, CO3•3 –, etc.), soit des groupements phosphatés (PO4•2 –) ou des dérivés de l’oxygène (O3• –, O• –, etc.). Mais toutes ne sont pas thermiquement stables. Par exemple, le radical CO3• – disparaît à température ambiante quelques semaines après l’irradiation. La figure 1.7 montre le spectre RPE d’un échantillon d’émail dentaire ayant reçu une dose de 500 mGy et sa simulation obtenue en superposant le signal radio-induit au signal « natif » (présent avant irradiation).
VLJQDOUDGLRLQGXLW VLJQDOUpVLGXHO
VLPXODWLRQ VLJQDOQDWLI
VSHFWUHH[SpULPHQWDO
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 1.7 - Spectre bande X d’un échantillon d’émail dentaire irradié à 500 mGy. Température ambiante, puissance micro-onde 2 mW. La simulation montre qu’il résulte de la superposition d’une composante radio-induite et d’une composante « native ». Le « signal résiduel » est la différence entre le spectre expérimental et sa simulation.
De nombreuses études ont été menées pour identifier les différentes composantes du signal radio-induit et les espèces paramagnétiques associées [Fattibene & Callens, 2010]. En bande X, son allure est celle d’un signal axial
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
caractérisé par g// = 2,0018 et g9 = 1,9971, mais il comporte en réalité une composante rhombique dominante et une composante axiale. Il est relativement bien établi aujourd’hui que ces deux composantes sont dues à des radicaux CO2• – localisés dans deux environnements différents [Vanhaelewyn et al., 2002]. Le signal « natif » présent avant irradiation, caractérisé par g = 2,0045 et une largeur pic à pic ΔB = 0,8 mT, est dû à la matière organique présente dans l’émail. Il disparaît quand on élimine cette matière des tissus. Les différentes composantes de ce signal et les espèces paramagnétiques associées n’ont pas encore été clairement identifiées. Les deux méthodes décrites dans la section 1.1 sont utilisées pour estimer la dose reçue par l’émail dentaire. On considère généralement que la méthode des ajouts dosés est plus précise [Wieser et al., 2005]. Cependant, l’information initiale est détruite et la technique est coûteuse en temps de mesure et nécessite d’avoir accès facilement à des dispositifs d’irradiation. L’utilisation d’une courbe d’étalonnage préétablie est mieux adaptée quand il faut étudier un grand nombre d’échantillons. Les avantages et les inconvénients des deux méthodes sont discutés dans [IAEA, 2002] et [Fattibene & Callens, 2010]. Plusieurs effets parasites peuvent introduire un biais lors de la détermination de l’intensité du signal radio-induit et de la dose associée. Par exemple, le fraisage des dents induit un signal dit « mécanique » thermiquement stable, caractérisé par g = 2,002 et DB = 0,8 mT (figure 1.8).
6LJQDOPpFDQLTXH 6LJQDOQDWLI
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 1.8 - Spectre RPE bande Q d’un échantillon de tissus calcifiés stressé mécaniquement. Température ambiante, puissance 1 mW.
Il est dû aux radicaux formés par le stress mécanique qui sont principalement localisés à la surface des échantillons. Ce signal peut être soustrait par simulation du spectre ou supprimé en traitant l’échantillon à l’acide acétique dilué de façon à éli-
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miner de manière uniforme la couche de surface de l’émail. Le rayonnement UV produit des radicaux identiques à ceux des irradiations, qui peuvent induire une surestimation des doses [Romanyukha et al., 1996]. Par précaution, les échantillons provenant des faces avant des canines et des incisives ne sont donc pas utilisés. Dans les territoires contaminés, à l’irradiation externe s’ajoutent les doses liées à l’ingestion ou l’inhalation de particules radioactives. Dans certains cas, les contaminants radioactifs peuvent augmenter significativement la dose déposée dans l’émail dentaire, et la dose estimée dans l’émail n’est plus la dose externe due à l’émission des dépôts radioactifs de l’environnement. C’est le cas du strontium 90, un émetteur bêta dont les propriétés chimiques sont proches de celles du calcium, qui se fixe préférentiellement dans l’émail dentaire ou dans la dentine (partie interne de la dent) lors de la croissance des dents. Il génère des dépôts de dose localisés à cause du faible parcours du rayonnement bêta dans ces tissus. Ces dépôts localisés peuvent induire des doses significatives. De ce fait, l’interprétation des doses mesurées dans l’émail doit se faire avec précaution et elle nécessite bien souvent des mesures et des calculs supplémentaires [Simon et al., 2007]. De telles contaminations ont eu lieu par exemple dans le bassin de la rivière Techa en Russie. La plupart des applications connues de l’émail dentaire concernent des expositions au rayonnement photonique. Dans le cas des victimes d’Hiroshima et de Nagasaki, s’ajoute une composante neutronique [Ikeya, 1993]. Les caractéristiques des signaux radio-induits sont identiques dans les deux cas, mais à dose égale, l’intensité du signal RPE induit par les neutrons ne représente que quelques % de celle du signal induit par les photons [Trompier et al., 2006]. En conclusion, la mesure de la dose par RPE de l’émail dentaire est une technique reconnue pour l’estimation de doses liées à une exposition externe, que celle-ci soit récente ou ancienne, élevée ou faible. Néanmoins, il subsiste un certain nombre de questions ouvertes ou non-résolues (influence des UV, origine des signaux) dont l’étude pourrait permettre d’améliorer à terme les performances de cette méthode. On trouvera une revue très détaillée de la littérature des 30 dernières années sur ce sujet dans [Fattibene & Callens, 2010].
1.3.2 - Dosimétrie d’accident radiologique et situation d’urgence Les accidents radiologiques 6 donnent lieu à des situations très diverses du fait de la variété des rayonnements impliqués (photon, électron, neutron, etc..), de leur énergie (de quelques meV à la centaine de MeV) et des circonstances de l’accident (durée, topologie, nombre de victimes). Ces accidents peuvent se produire dans des instal6 Ne sont évoqués ici que les accidents liés à une exposition externe, les problématiques liées à l’ingestion ou l’inhalation n’étant pas décrites.
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lations industrielles, lors de la manipulation de sources ou de générateurs de particules, dans le milieu nucléaire (par exemple accidents de criticité), lors de la récupération ou du vol de « sources orphelines » 7, de l’usage malveillant de substances radioactives, ou encore en milieu médical, principalement en radiothérapie et radiologie interventionnelle. Ces accidents génèrent parfois des expositions dites sévères, ayant un impact significatif sur la santé des victimes et pouvant conduire parfois à des amputations et même des décès. Il est donc très important d’effectuer le meilleur diagnostic possible pour adapter au mieux le traitement aux victimes d’irradiation. Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre pour estimer les atteintes à l’organisme ou, à défaut, la distribution de la dose dans l’organisme ou dans des organes d’intérêt spécifique comme les centres hématopoïétiques 8 et la peau. En complément de l’analyse des signes cliniques (vomissements, érythèmes, nécrose, aplasie), on utilise des techniques de reconstitution d’accident ou de dosimétrie rétrospective, biologiques ou physiques. Il n’existe pas de méthode « standard » ou une méthode plus valable qu’une autre. Ces techniques sont bien souvent complémentaires et leur mise en œuvre dépend du type d’accident (irradiation localisée ou corps entier), de la nature du rayonnement, du délai après irradiation, de l’accès au site de l’accident et /ou aux patients pour la biodosimétrie sur prélèvements biologiques, et à la connaissance des circonstances et des paramètres de l’accident. L’estimation des doses reçues par RPE a l’avantage de ne pas dépendre de la connaissance des circonstances de l’accident 9, qui est généralement parcellaire et imprécise. Un autre avantage est de pouvoir estimer les doses reçues en plusieurs points de l’organisme des victimes, car la plupart des irradiations sont très hétérogènes ou localisées et produisent des gradients de dose très importants. Dans ce cas, la dose moyenne ramenée au corps entier, estimée par les techniques de cytogénétique sur des prélèvements de sang, n’apporte pas d’information sur les dommages subis localement par l’organisme. Les matériaux éligibles pour ce type d’approche doivent donc présenter un signal RPE exploitable, si possible caractéristique et mesurable plusieurs semaines ou plusieurs mois après l’accident, pour des niveaux de doses minimum de l’ordre de quelques Gy. Il faut savoir que si les doses considérées comme potentiellement mortelles pour une exposition du corps entier sont de l’ordre de 4 à 6 Gy, les doses peuvent atteindre plusieurs milliers de Gy dans de petits volumes lors d’irradiations très hétérogènes ou localisées sans engager le pronostic vital à court terme des victimes [Huet et al., 2007]. De nombreux matériaux sont susceptibles de présenter les 7 Les sources orphelines sont des sources radioactives laissées à l’abandon sans surveillance et parfois sans identification particulière. 8 Moëlle osseuse rouge responsable de la production des cellules sanguines. 9 Contrairement aux techniques de reconstitution d’accident, qu’elles soient expérimentales ou numériques.
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propriétés requises, mais encore faut-il qu’ils soient présents lors de l’irradiation et qu’ils soient récupérés à fin d’analyse. Dans le cas des d’accidents dont les analyses dosimétriques ont été publiées dans la littérature, ce sont principalement les tissus calcifiés, émail dentaire et os, qui ont été utilisés [Trompier et al., 2007 ; Clairand et al., 2006]. Ces matériaux présentent une bonne sensibilité aux RI et un signal RPE stable. Si la sensibilité des tissus osseux est 10 à 20 fois plus faible que celle de l’émail dentaire, elle reste suffisante pour effectuer des mesures. C’est d’autant plus vrai que les biopsies de tissus osseux (généralement de l’ordre de quelques mg) sont habituellement réalisées dans ou à proximité des zones les plus irradiées, où les doses sont élevées. La répartition des tissus osseux dans l’organisme permet de disposer d’échantillons quelle que soit la configuration de l’irradiation et la localisation du dépôt de dose. Le signal dosimétrique donné par les tissus osseux possède les mêmes caractéristiques spectrales que celui de l’émail dentaire. L’os étant un matériau vivant qui se renouvelle complètement tous les 7-8 ans, ce signal diminue dans le temps. Mais une fois l’os extrait, le signal est aussi stable que celui de l’émail dentaire. En dosimétrie d’accident où il est nécessaire de mesurer la dose avec une grande précision, on privilégie la méthode des ajouts dosés à cause de la variabilité importante de la sensibilité des tissus osseux à la dose. Pour limiter le caractère invasif des prélèvements, on peut envisager d’effectuer des mesures in vivo sur les dents ou les tissus osseux affleurants [Swartz et al., 2006 ; Zdravkova et al., 2004] ou utiliser des micro biopsies (1-2 mg) en tirant partie de la plus grande sensibilité de la RPE aux fréquences élevées (bandes K et Q) [Romanuykha et al., 2007 ; Gomez et al., 2011 ; Trompier et al., 2010]. Pour les mesures in vivo, on utilise des antennes de surface et un spectromètre travaillant à basse fréquence (0,3 à 2 GHz), ce qui permet d’étudier des échantillons plus massifs dont la teneur en eau peut être importante sans provoquer d’échauffement des tissus, avec une sensibilité plus faible qu’en bande X. La limite de détection est de l’ordre de 1 à 2 Gy pour les mesures in vivo en bande L sur des molaires ou des prémolaires, alors qu’elle est de l’ordre de 0,5 Gy en bande Q pour 2-3 mg d’émail. Ces deux techniques n’ont pas encore été utilisées dans des cas réels d’accident. Elles semblent prometteuses, mais de nombreux obstacles techniques et méthodologiques doivent encore être franchis. D’autres matériaux présents sur les victimes ou dans leur environnement proche peuvent être utilisés en dosimétrie par RPE. C’est par exemple le cas du sucrose [Nakajima, 1994 ; Hütt et al., 1996 ; Kai et al., 1990 ; Shirashi et al., 2002] et des verres sodo-calciques des montres [Wu et al., 1998]. La figure 1.9 montre les spectres RPE d’échantillons de sucrose et de verre sodo-calcique irradiés, ce dernier étant issu d’un écran à cristaux liquides de téléphone portable [Trompier et al., 2011]. Une étude récente a identifié jusqu’à 6 radicaux radio-induits dans le sucrose [De Cooman et al., 2008]. Dans le cas des verres sodo-calciques, les pho-
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tons produisent un signal généralement attribué à des ions O• –, mais les neutrons, les particules a et les photons à très forte dose (supérieure au kGy) produisent des centres E’ (O / Si :) [Ikeya, 1993]. Les sucres de façon générale et certains additifs alimentaires (sorbitol, acide ascorbique, aspartam…) sont utilisables en dosimétrie par RPE [Hervé et al., 2006]. D’autres matériaux potentiellement utilisables (polymères, coton, laine, cuir, sel de cuisine, ongles, cheveux, etc…) ne l’ont jamais été en pratique, soit parce qu’ils sont peu disponibles, soit en raison de l’instabilité des signaux ou encore parce que la méthodologie associée n’a pas encore été validée. On trouvera une description plus complète dans la référence [Trompier et al. 2009 (a)]. D
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DYDQWLUUDGLDWLRQ DSUqVLUUDGLDWLRQj*\
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Figure 1.9 - Spectres RPE bande X de divers échantillons irradiés (a) Des échantillons de sucrose et des deux monosaccharides dont il est composé ont été irradiés à 100 Gy et leurs spectres ont été enregistrés. (b) Verre sodo-calcique, avant et après irradiation à 100 Gy. Les spectres ont été enregistrés à température ambiante avec une puissance de 2 mW.
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Parmi tous ces matériaux, les ongles sont de loin les plus intéressants, surtout lors d’irradiations des mains ou des pieds, un accident très fréquent. Mais la méthodologie d’estimation des doses n’a pas encore été établie car le signal radio-induit est difficile à séparer du signal induit par un stress mécanique [Trompier et al., 2009 (b)]. En conclusion, la RPE est régulièrement mise à contribution pour estimer les doses reçues à l’occasion d’expositions accidentelles. Les matériaux les plus fréquemment utilisés sont les tissus calcifiés, les sucres et les verres. D’autres matériaux sont régulièrement réétudiés et des efforts particuliers sont faits en direction des matériaux couramment utilisés (verre des écrans à cristaux liquides et polymères des coques, claviers et écrans de téléphones portables), afin de pouvoir utiliser la dosimétrie par RPE comme méthode de tri de population en cas d’accident de grande ampleur.
1.4 - Une méthode de référence pour la dosimétrie : la RPE de l’alanine En métrologie des rayonnements ionisants, plusieurs techniques sont utilisées pour mesurer la dose absorbée : calorimétrie, ionométrie, thermoluminescence, dosimétrie chimique. La dosimétrie par RPE de l’alanine est l’une des techniques de référence.
1.4.1- Description de la méthode L’alanine est un acide aminé de formule H2N–CH(CH3)–COOH. C’est la L–a–alanine à l’état polycristallin qui est utilisée en dosimétrie. Les échantillons sont conditionnés sous forme de poudre, de film ou de pastille (figure 1.10).
Figure 1.10 - Dosimètre à alanine comportant plusieurs pastilles et son conteneur (voir planches couleur).
La radiolyse de l’alanine polycristalline est un processus complexe qui aboutit à la formation de plusieurs radicaux libres stables qui donnent le spectre RPE représenté sur la figure 1.11.
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Figure 1.11 - Spectre RPE bande X obtenu par radiolyse de l’alanine en phase solide (poudre). Puissance : 2 mW, modulation : fréquence 100 kHz, amplitude 0,3 mT.
Il a été simulé en superposant deux composantes majoritaires attribuées aux radicaux H3C–• CH – COOH (55%) et H3C –• C(NH3+) – COO– (35 %) et une composante minoritaire moins bien définie [Hydari et al., 2002 ; Malinen et al., 2003]. Il faut cependant noter que des expériences de piégeage de spin (voir le chapitre 3 du présent ouvrage) des radicaux créés par radiolyse de l’alanine polycristalline n’ont mis en évidence que deux espèces, avec des proportions différentes de celles citées ci-dessus [Raffi et al., 2008]. En dosimétrie, on mesure l’amplitude du pic central du spectre. La relation entre cette amplitude et la dose reçue par l’échantillon dépend de nombreux facteurs que l’on peut classer en deux catégories [Dolo et al., 1998 ; Dolo et al., 2005] : »» La première concerne les paramètres qui ont une influence sur la réaction physicochimique et les conditions environnementales dans laquelle elle se déroule : ›› le débit de dose et la durée d’irradiation, ›› la température et le taux d’hygrométrie, ›› le taux de recombinaison des espèces radicalaires créées. »» La seconde concerne les conditions de l’enregistrement du spectre RPE, c’est-àdire les paramètres d’acquisition proprement dit (puissance, amplitude de modulation, etc.) mais aussi la température et le taux d’hygrométrie dans la cavité et naturellement la masse de l’échantillon. En métrologie de la dose, tous ces paramètres sont définis avec précision. En particulier, les dosimètres doivent être conçus de façon à éviter la mobilité des radicaux et l’absorption d’eau. La maîtrise quantitative du spectre RPE de l’alanine a permis d’en faire une méthode de référence pour la dosimétrie des doses fortes (102 à 105 Gy) [Regulla et al., 1982] mais aussi des doses plus faibles utilisées en radiothérapie (2 à 50 Gy) [Garcia et al., 2009]. Elle permet de mesurer les doses avec une incertitude inférieure à environ 2 %.
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1.4.2 - Recherche et développement en radiothérapie La recherche en dosimétrie par RPE de l’alanine se focalise depuis plusieurs années sur l’augmentation de la sensibilité de la méthode dans la gamme des doses utilisées en radiothérapie (2-50 Gy). Plusieurs axes de développement sont en cours dans les laboratoires de métrologie en particulier au niveau de l’amélioration du détecteur, des paramètres d’acquisition et de l’exploitation des spectres RPE [Garcia et al., 2009]. Environ 200 000 patients en France et 1 million en Europe sont traités chaque année par radiothérapie, toutes techniques confondues. Les nouveaux appareils apparus depuis quelques années font intervenir plusieurs faisceaux de petites dimensions dont l’orientation varie au cours d’une même séance de traitement. C’est le cas par exemple des appareils de type tomothérapie, Cyberknife®, arctherapie et GammaKnife. Ces conditions d’irradiation étant très différentes de celles définies dans les protocoles de référence de radiothérapie, il faut procéder à des raccordements métrologiques spécifiques. Les dosimètres à alanine peuvent rendre de grands services dans ce domaine grâce à leur petite taille et à leurs particularités (mesures non-destructives, dosimètre intégrateur indépendant du débit et de l’énergie) qui leur confèrent une grande souplesse d’utilisation. Ils permettent ainsi d’étalonner ces faisceaux ou de vérifier les doses délivrées en irradiant les dosimètres dans les mêmes conditions que lors du traitement des patients. Dans le cas de l’utilisation de photons, les conditions de référence pour étalonner un accélérateur sont un champ d’irradiation de 10 × 10 cm2, le dosimètre étant placé dans une cuve d’eau de dimensions 30 × 30 × 30 cm3 à 10 cm de profondeur et à une distance de 1 m de la source de rayonnement. Dans une séance de tomothérapie, la source de rayonnement se déplace autour du patient dans un anneau. Ce dernier a un rayon de 85 cm pour une surface de champ maximale de 40 × 5 cm2. On ne peut donc pas utiliser le protocole de référence. Pour étalonner une telle source de rayonnement par RPE de l’alanine, on commence par irradier une série de dosimètres dans les conditions de référence avec un faisceau dont le débit de dose est connu. Cette première étape permet d’établir une courbe d’étalonnage qui donne l’intensité du signal RPE en fonction de la dose. Dans la gamme des doses utilisées en radiothérapie, cette courbe est linéaire (figure 1.12). Les dosimètres disposés sur l’appareil de tomothérapie sont ensuite irradiés et analysés par RPE, et la dose reçue est déduite de la courbe de référence en appliquant des corrections liées à la géométrie du dispositif d’irradiation. Dans le cas présent, il faut surtout prendre en compte la taille du champ, la distance source-détecteur, la profondeur dans l’eau. Pour la taille du champ, des calculs par simulation sont nécessaires. Pour la distance source-détecteur et la profondeur dans l’eau, la correction
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6LJQDO53(>XD@
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se fait simplement en utilisant respectivement la variation en 1 /d 2 et la valeur des coefficients d’absorption [Perichon et al., 2011].
'RVHDEVRUEpHGDQVO HDX>*\@
'RVHDEVRUEpHGDQVO HDX>N*\@ Figure 1.12 - Exemples de courbes d’étalonnage de l’alanine dans différentes gammes de doses.
La radiothérapie par faisceau d’électrons est utilisée pour traiter les tumeurs peu profondes. On peut ici aussi utiliser la dosimétrie par RPE de l’alanine, à condition de construire la courbe d’étalonnage avec un faisceau d’électrons. En effet, pour une même dose d’irradiation dans l’eau, le signal RPE produit par un faisceau d’électrons est un peu plus faible que celui produit par un faisceau de photons. La courbe d’étalonnage est linéaire dans la gamme d’énergie 8-22 MeV utilisée en radiothérapie. La protonthérapie est utilisée pour traiter des tumeurs situées à proximité d’organes très sensibles, notamment au niveau de la tête. En effet, les faisceaux de protons permettent de détruire les cellules cancéreuses à une profondeur du corps bien déterminée, sans nuire aux cellules saines situées dans les zones adjacentes. La dosimétrie par RPE de l’alanine peut ici aussi être utilisée, mais peu de publications ont été consacrées à ce sujet.
1.4.3 - La stérilisation par irradiation La dosimétrie par RPE de l’alanine est une techniques de référence en matière d’irradiation industrielle [ISO /ASTM 51607, 2004]. On utilise la stérilisation par irradiation pour améliorer la qualité hygiénique et augmenter la durée de conservation de différents produits touchant à l’alimentation et à la santé [IAEA, 1999]. Ce procédé à faible apport thermique fournit une stérilisation de meilleure qualité que les tech-
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niques traditionnelles dont certaines se sont d’ailleurs révélées dangereuses pour le public, telle la fumigation par l’oxyde d’éthylène. Il est utilisé dans de nombreux secteurs d’activité, en association avec des contrôles réglementaires : ›› la médecine : stérilisation de matériels à usage unique (seringues, cathéters, prothèses) ou d’aliments pour les malades immunodéprimés ou encore de produits sanguins, ›› la pharmacie : stérilisation de certains médicaments innovants issus des biotechnologies et /ou thermosensibles, en particulier à base d’acides aminés, ›› l’agroalimentaire : désinfection des denrées liées aux manipulations humaines (exemple : viandes mécaniquement séparées) ou désinsectisation des substances naturellement infectées (exemple : épices). Dans tous ces secteurs, les autorisations réglementaires prévoient des niveaux de doses caractéristiques, produit par produit, visant à garantir l’obtention d’un degré de stérilité variant du niveau maximal (stérilité au sens médical du terme) à une simple « hygiénisation ». Ces doses étant de l’ordre de quelques dizaines de grays à plusieurs kilograys, la dosimétrie par RPE de l’alanine est particulièrement bien adaptée à ces mesures.
1.5 - La détection de produits alimentaires irradiés La qualité des produits alimentaires irradiés est garantie par l’obligation d’assurer une traçabilité des doses reçues et par l’obligation d’étiquetage. Le terme retenu pour l’utilisation de ce procédé est l’ionisation et en Europe un logo doit être apposé sur tout produit ionisé, même si seule une partie des ingrédients a été ionisée (figure 1.13).
Figure 1.13 - Logo devant figurer sur tout produit alimentaire ionisé.
Dans ce contexte, la législation a poursuivi deux objectifs. Une norme autorise le traitement des denrées alimentaires par ionisation avec pour chaque produit autorisé l’indication des doses de traitement. Une autre norme autorise les produits ionisés et la circulation de ces denrées, soumise à une obligation d’étiquetage pour l’information du consommateur. Ces obligations réglementaires ont été accompagnées de
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méthodes de contrôle afin de lutter contre les fraudes [Raffi, 2003]. Le premier objectif est la détection des aliments irradiés avec une approche uniquement qualitative, puis une approche quantitative qui vise à évaluer si les doses délivrées ont été conformes aux prescriptions. Plusieurs normes européennes ont permis de définir les protocoles à employer pour divers types de produits. La RPE a été reconnue comme adaptée à ces exigences et elle est utilisée à cette fin pour : ›› les os de viande et les arêtes de poisson, par la mesure des radicaux de l’hydroxyapatite, ›› les fraises, pistaches et paprika, par la mesure du signal caractéristique issu de la cellulose, ›› les fruits secs (figues, papayes, raisins), par la mesure du signal des radicaux semiquinones issus des sucres cristallisés. Ces protocoles possèdent une fiabilité qui permet de garantir la preuve dans le respect des conditions d’application de façon simple et rapide. Leur extension à d’autres produits est fréquente mais uniquement à titre de routine pour détecter un comportement insolite du produit.
1.6 - Conclusion La mesure des doses de rayonnements ionisants absorbées dans la matière basée sur la quantification par RPE des espèces paramagnétiques produites est utilisée dans des domaines très variés : datation archéologique, étude des effets des rayonnements sur l’organisme, gestion des accidents radiologiques, métrologie de la dose, détection de produits alimentaires irradiés. Cette diversité d’applications est due à la sensibilité de la RPE, à la grande variété des signaux exploitables et à la facilité de mesurer leur amplitude. La spectrométrie RPE de l’alanine permet en particulier d’estimer des doses dans une gamme très étendue, allant de quelques dizaines de mGy au MGy, elle est non-destructive et peut s’appliquer à un large éventail de matériaux. Elle offre donc de grandes possibilités en dosimétrie et les récents développements techniques de l’instrumentation devraient permettre d’élargir son utilisation dans ce domaine.
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2 - Traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants Pépin-Donat B. a, Poulenard J. e, Blondel T. c, Lombard C. a, Protière M. a, Dudal Y. d, Perrette Y. e, Fanget B. e, Miège C. f, Delannoy J.-J. e, Dorioz J.-M. b, Emblanch C. c, Arnaud F. e, Giguet-Covex C. e a b
UMR SPrAM (CEA-CNRS-UJF), INAC, CEA-Grenoble, Grenoble. UMR CARRTEL, (Université de Savoie-INRA), Le Bourget-du-Lac. c UMR EMMAH, Laboratoire d’Hydrogéologie d’Avignon (INRA-Université d’Avignon), Avignon. d UMR BSR (INRA-SupAgro), Montpellier. e UMR EDYTEM (CNRS-Université de Savoie), Le Bourget-du-Lac. f UR QELY (IRSTEA), Cemagref, Lyon.
2.1 - Introduction Les déchets organiques des plantes et des animaux se transforment au cours du temps selon deux grands types de réactions, la minéralisation et l’humification. Ces processus conduisent à des effets antagonistes : production de gaz à effet de serre pour le premier [Lugo & Brown, 1993 ; Raich & Potter, 1995], synthèse de systèmes organiques complexes [Kelleher & Simpson, 2006] permettant le stockage de carbone sur terre pour le second [Lal & Bruce,1999]. Les systèmes organiques complexes résultant de l’humification constituent ce qui est couramment appelé la Matière Organique Naturelle (MON) des sols qui sont les sources de la MON terrestre. La MON possède une structure extrêmement complexe, constituée de molécules et de macromolécules très variées plus ou moins aromatiques assemblées en architectures supramoléculaires. Pour encore ajouter à la complexité, les propriétés structurales de la MON dépendent de nombreux paramètres tels, entre autres, la nature des déchets dont elle est issue, les composés minéraux composant la roche sur laquelle elle subit sa décomposition (facteurs lithologiques), les conditions climatiques, les conditions de pH du milieu dans lequel elle se trouve, les conditions liées à l’activité humaine, son degré d’enfouissement. En d’autres termes, non seulement la
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
structure des MONs est d’une complexité extrême mais en plus elle varie en fonction de son lieu de prélèvement en surface ou en profondeur. En pratique, on peut considérer qu’il y a autant de structures de matière organique que d’échantillons prélevés ! Il est pourtant crucial de caractériser les flux et la réactivité de la matière organique naturelle. Elle constitue en effet le plus grand réservoir de carbone sur terre, avec une masse estimée à 1500 109 tonnes [Batjes, 1996]. Elle joue un rôle majeur dans le cycle des nutriments au sein des écosystèmes terrestres et entre les écosystèmes terrestre et aquatique du fait de sa solubilité partielle. Elle peut interagir avec de nombreuses substances toxiques organiques et minérales [Jerzykiewicz, 2004]. Sa structure supramoléculaire liée à son caractère amphiphile peut expliquer certaines dégradations critiques des sols [Poulenard et al., 2004 ; Szajdak et al., 2003]. Pour gérer les écosystèmes, il est donc nécessaire de mieux connaître la dynamique et la réactivité de la MON et la façon dont elles dépendent du climat, de la couverture végétale, des régimes hydrodynamiques, de la lithologie et des activités humaines. En toute rigueur, il conviendrait d’aborder l’étude des MONs à différentes échelles d’espace, depuis celle des molécules jusqu’à celle de la Terre. Cependant, l’échelle des bassins versants étant à la fois celle de la vie et de la gestion humaine, nous avons choisi de travailler à cette échelle intermédiaire. La structure des MONs étant d’une complexité et d’une variabilité extrêmes, il est absolument impossible de la déterminer de façon précise et, de ce fait, l’étude de leurs propriétés réactionnelles et de leurs flux doit se faire sans se référer à leurs structures, ce qui est impossible avec des méthodes classiques. Un moyen d’aborder l’étude des MONs est d’utiliser des méthodes dites de « traçage ». Ces méthodes ne s’attachent pas à une détermination exacte des structures des systèmes organiques étudiés mais à l’identification, via une empreinte liée à un traceur, des grands types de sous-structures présentes dans le système global. Ces traceurs doivent être omniprésents, stables dans le temps et l’espace, permettre de différencier des sous-structures relativement proches (en d’autres termes, être discriminants) et être faciles à détecter. Les marqueurs utilisés actuellement ne présentent pas cette combinaison de caractéristiques. On peut les classer en deux grandes catégories: les marqueurs de type « analytique » (atomes ou molécules) très discriminants mais dont le suivi est impossible à mettre en œuvre sur de grandes échelles d’espace et de temps [Peters, 1993 ; Simoneit, 2002 ; Jacob et al., 2008 ; Blyth et al., 2008] et les marqueurs de type spectroscopiques (IR, UV-Vis., fluorescence 3D) qui sont faciles à suivre sur de grandes échelles d’espace mais sont peu discriminants [Stedmon et al., 2003 ; Sierra et al., 2005]. Les méthodes de traçage existantes ne permettent donc pas d’aborder l’étude de la structure, de la réactivité et de la dynamique des MONs à grandes échelles d’espace et de temps. Le traçage par RPE repose sur l’utilisation de nouveaux traceurs, les radicaux libres de type semiquinone. Ces radicaux sont générés et piégés au sein des structures
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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aromatiques de la MON pendant le processus d’humification. Ce processus consiste essentiellement en l’oxydation de la lignine suivie d’une perte des groupes aliphatiques et carboxyliques conduisant à des unités polyphénoliques. Celles-ci sont elles mêmes oxydées pour donner des unités quinoniques en passant par des intermédiaires semiquinones. Ces radicaux libres semiquinones sont omniprésents, stables et facilement détectables par RPE. Ils ont été très utilisés depuis les années 1960 pour caractériser le degré d’humification des MONs [Steelink & Tollin, 1967 ; Senesi, 1990 ; Nickel-Pépin-Donat et al.,1990 ; Yabuta et al., 2005 ; Saab & Martin-Neto, 2008]. Schnitzer avait suggéré leur utilisation comme traceur dès 1972 [Schnitzer & Khan, 1972] mais cette idée n’avait jamais été reprise ni mise en œuvre. Dans ce chapitre, nous montrons d’abord que le spectre RPE des radicaux semiquinones permet de différencier les MONs de sols très voisins et même de différents niveaux d’un même sol. Nous montrons ensuite que le traçage de ces radicaux par RPE permet de suivre les transferts de MONs depuis les sols d’un bassin versant jusqu’à son système hydrologique, au sein de ce système jusqu’à son déversoir, et même jusqu’à leurs enregistreurs naturels comme les sédiments et les spéléothèmes (stalagmites). Nous avons testé l’efficacité de cette méthode sur trois bassins versants bien différenciés et nous avons comparé les résultats à ceux donnés par des études indépendantes basées sur d’autres techniques. Les résultats montrent que cette méthode de traçage présente de grandes potentialités comme outil de choix pour l’aide à la gestion de bassins versants. De nombreuses applications peuvent être envisagées dès maintenant, et nous montrons à type d’exemple comment elle peut aider à déterminer la zone de captage et le temps de résidence d’eau potable en milieu karstique.
2.2 - Transformation et transferts de la matière organique naturelle Il existe sur Terre différentes formes de matière organique naturelle que l’on peut classer en fonction de leur âge : ›› la MON récente, présente dans les sols et les eaux naturelles, dont l’âge varie entre 1 an et quelques milliers d’années, ›› la MON des enregistreurs naturels comme les sédiments, la tourbe, les stalagmites, les glaces, dont l’âge est de l’ordre de plusieurs centaines d’années à plusieurs centaines de milliers d’années, ›› la MON fossile des charbons et des pétroles, âgée de quelques centaines de milliers d’années à plusieurs milliards d’années, ›› la MON extraterrestre que l’on trouve dans les météorites.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Nous nous intéressons dans ce chapitre aux deux premières catégories. La RPE fournit également des informations sur les propriétés structurales et réactionnelles des MON fossiles [Nickel-Pépin-Donat et al., 1990 ; Pépin-Donat & Brunel, 1994] et sur la matière organique extraterrestre. Le chapitre 7 de ce livre décrit l’apport de la RPE à l’étude de la matière carbonée primitive, terrestre et extra terrestre, dans le contexte de la recherche des origines de la vie. La variété des précurseurs des MONs, qui dépend du type de végétation et de la présence d’activités agricoles et pastorales, est à l’origine de la diversité des écosystèmes (figure 2.1a). L’incorporation progressive de ces précurseurs dans les sols et leur interaction avec les produits de l’altération des roches conduisent à la formation de couches de MONs plus ou moins parallèles à la surface, que l’on appelle les horizons des sols. On peut considérer que chaque horizon présente une certaine homogénéité au niveau de ses propriétés chimiques et physiques (densité, pH, conduction ionique, couleur, …) et de l’état de transformation de ses MONs (figure 2.1b). Les MONs peuvent être mobilisées par les flux hydriques circulant dans les bassins versants, sous forme particulaire (seules ou dans des cortèges organo-minéraux), sous forme colloïdale, ou sous forme dissoute. Les MONs issues de différentes sources (différents précurseurs, différents horizons) circulent dans les bassins versants et se mélangent (figure 2.1c). Dans certaines conditions, il arrive que les MONs s’accumulent dans des « archives sédimentaires » datables (sédiments de lacs, stalagmites) (figure 2.1d). Compte tenu de la complexité de sa structure et de sa réactivité, il semble a priori extrêmement difficile de reconstituer les transferts de la matière organique naturelle. Nous allons voir que le traçage par RPE contribue efficacement à lever ce verrou et apporte des informations sur un certain nombre de processus fondamentaux : ›› la dynamique de transformation des MONs dans les sols, qui a des conséquences importantes sur les mécanismes de stockage du carbone organique, ›› la dynamique de transfert dans les eaux. Ceci permettrait par exemple de déterminer l’origine de MONs dont la présence peut altérer la qualité de l’eau, ›› la formation des paléo-environnements et des paléo-écosystèmes, en révélant l’origine des MONs archivées dans des sédiments et /ou des stalagmites.
Figure 2.1 - (a) : diversité des précurseurs des MONs (b) : incorporation et transformation des précurseurs des MONs : horizons d’un sol (c) : circulation des MONs des sols aux eaux (d) : archivage des MONs dans les enregistreurs naturels : sédiments, tourbe, glace, stalagmite (représenté ici) (voir planches couleur).
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2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
2.3 - Signature RPE de la matière organique naturelle Le spectre RPE d’un échantillon de MON enregistré à température ambiante résulte de la superposition des signaux de ses radicaux semiquinones. Il dépend de la nature, de l’organisation et de la dynamique des entités aromatiques présentes dans des structures organiques complexes. Lorsque l’échantillon ne contient qu’un seul type de ces structures, son spectre ne comporte qu’une seule raie qui peut être caractérisée par 4 paramètres : sa position définie par le facteur g, sa forme définie par le pourcentage de lorentzienne (% L) d’une combinaison linéaire de lorentzienne et de gaussienne, sa largeur pic à pic DBpp exprimée en mT, et sa concentration [I] en nombre de spins par unité de masse de carbone organique. Le facteur giso des radicaux semiquinones est compris entre 2,0028 et 2,0055 [Riffaldi & Schnitzer, 1972 ; BaranČíkovÁ et al., 1997 ; Yabuta et al., 2005] et sa valeur est sensible à la structure chimique dans laquelle l’électron est délocalisé. Par exemple, les facteurs giso des radicaux qui possèdent une densité de spin notable sur des atomes d’oxygène, d’azote ou de soufre sont plus élevés que ceux des radicaux où la densité de spin est essentiellement délocalisée sur des atomes de carbone [Bertrand, 2010, section 4.2.2]. La forme de la raie, sa largeur et la concentration en spins sont également sensibles à l’environnement de l’électron non-apparié mais d’une façon qui n’est pas simple. Des expériences supplémentaires, telles que celles décrites au chapitre 7 pour la matière carbonée primitive, seraient nécessaires pour obtenir des informations détaillées sur la structure et la dynamique des structures organiques. Mais pour les besoins de l’application décrite dans ce chapitre, on peut considérer que le jeu de paramètres (g, % L, DBpp, [I]) constitue une signature caractéristique de la nature et de la dynamique de la matière organique complexe dans laquelle sont piégés les électrons. Nous avons constaté que les raies RPE de tous les échantillons de MON prélevés dans cette étude sont de forme lorentzienne. Le paramètre (% L) ne sera donc pas utilisé dans ce chapitre. Lorsque l’échantillon contient plusieurs types de matière organique complexe, le spectre est la superposition des composantes qui correspondent aux différents types. On détermine facilement les paramètres qui les caractérisent en simulant le spectre expérimental par une somme de composantes « pures ». La détermination du nombre absolu de spins [Ii] correspondant à chaque composante est possible, mais elle ne se justifie que lorsque la quantification des masses des différents types de MONs est utile. Ce n’est pas le cas dans l’étude méthodologique que nous présentons ici, et nous n’utiliserons donc pas ce paramètre. Par contre, les intensités relatives des différentes composantes du spectre, très faciles à déterminer, sont très importantes dans le contexte de cette étude pour visualiser simplement les variations de composition de la MON au cours de sa transformation et de son transfert. Nous verrons qu’il est commode d’utiliser un « code-barre » dans lequel chaque composante est
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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représentée par une barre colorée dont la hauteur est proportionnelle à son intensité relative.
2.4 - Zones d’études et protocole utilisé 2.4.1 - Description des bassins versants étudiés Nous avons situé sur la figure 2.2 les trois bassins versants sur lesquels nous avons testé la méthode de traçage par RPE, ainsi que le bassin de Fontaine de Vaucluse qui a fait l’objet d’une application particulière de cette méthode. »» L’étude du bassin versant (a) de la rivière Mercube a pour objectif de tester le traçage des MONs depuis les sols (sources des MONs) jusqu’aux eaux superficielles, au sein du réseau hydrique et finalement jusqu’au déversoir du bassin. Cette petite rivière draine un bassin de 302 ha et se jette dans le lac Léman à proximité d’Yvoire en Haute-Savoie. Le bassin possède des pentes douces. Une partie du bassin est caractérisée par la présence de sols argileux et d’une nappe perchée où l’eau stagne en surface pendant l’hiver. Cette zone, difficilement utilisable en agriculture est occupée par une forêt (123 ha). Le reste du bassin est composé d’un sol limoneux d’un mètre d’épaisseur, bien drainé. Ces sols sont utilisés pour la production de blé et de maïs (120 ha) et en prairies (50 ha). »» Les sites (b) de Coulmes /Choranche (Isère) et (c) d’Anterne (Haute-Savoie) ont été étudiés pour tester la persistance des signatures de RPE et leur pertinence pour le traçage des MONs depuis les sols jusqu’aux eaux, et des eaux aux enregistreurs naturels (spéléothèmes et sédiments de lac) (figures 2.1c et 2.1d). Le site de Coulmes /Choranche correspond à un système karstique du Massif du Vercors. Le plateau des Coulmes, dont l’altitude est comprise entre 800 et 1 400 m, est recouvert d’un gradient de végétation allant d’une forêt basse de chênes et de buis à une forêt de montagne d’épicéas et de sapins. L’ensemble se développe sur des roches de calcaire dur. Les sols dominants sont caractérisés par l’accumulation de matières organiques sur les calcaires durs affleurants. Des sols bruns forestiers se développent dans les dolines où des argiles se sont accumulées. Les grottes de Choranche réceptionnent les rivières souterraines karstiques en provenance de ce plateau. Le site d’Anterne, dans la Réserve Naturelle de Sixt (Haute-Savoie), correspond à un petit bassin versant subalpin (2,5 km2) qui alimente un lac situé à 2 063 m d’altitude. Ce bassin est actuellement couvert par une pelouse alpine de graminées qui se développe essentiellement sur des sols bruns. Cependant, sur les pentes très fortes, on trouve des sols peu évolués sur les schistes et les terres noires. Quelques zones tourbeuses sont présentes autour du lac.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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Figure 2.2 - Localisation des différents bassins ou sites étudiés : (a) bassin « Mercube » ; (b) bassin des Coulmes /Choranche ; (c) bassin d’Anterne ; (d) bassin de Fontaine de Vaucluse. La localisation du Laboratoire Souterrain à Bas Bruit (LSBB) où les prélèvements ont eu lieu est indiquée.
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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»» La Fontaine de Vaucluse est l’une des plus importantes sources karstiques européennes, avec un débit moyen de 23 m3 s–1. Elle est le principal exutoire d’une formation calcaire de 1500 m d’épaisseur qui s’étend sur 1 115 km2. Nous avons étudié le site de Rustrel qui appartient à sa zone de captage. Il est situé en environnement karstique méditerranéen et son étude a pour but de tester le traçage par RPE des MONs du sol aux eaux souterraines et de montrer son application à la détermination de la zone de captage et du temps de résidence de l’eau potable en milieu karstique. Le site de prélèvement est représenté sur la figure 2.6. Le Laboratoire Souterrain à Bas Bruit (LSBB) de Rustrel-Pays d’Apt offre un accès privilégié à plusieurs écoulements permanents de la « zone non-saturée » (milieu où tous les vides du karst ne sont pas remplis d’eau) de l’hydrosystème de Fontaine de Vaucluse. Il est composé de galeries souterraines qui recoupent de façon aléatoire le réseau karstique. Pour cette étude, un écoulement permanent situé 440 m sous la surface (figure 2.6a) a été suivi entre décembre 2006 et décembre 2007. Dans cette zone, il n’existe en surface que deux grands types de sources de matière organique [Emblanch et al., 1998] : le sol de pente recouvert d’une végétation arbustive dispersée (S1a) et herbacée (S1b), et le sol qui se développe sur le plateau (S2) qui est recouvert par une forêt de chênes verts.
2.4.2 - Préparation des échantillons Les échantillons de sols de l’ensemble des zones étudiées ont été prélevés en fonction de la prospection pédologique effectuée sur les quatre bassins. Leur préparation se limite à un broyage et un tamisage à 2 mm. Les sédiments du bassin d’Anterne proviennent de pièges à sédiments installés dans les rivières et au fond du lac à 13 m de profondeur. Des sédiments ont aussi été extraits d’une carotte de sédiments lacustres. Nous présentons ici les résultats concernant des sédiments prélevés à 28-29 cm de profondeur de carottage, qui datent de l’année 1950 environ. Dans la grotte de Choranche, un échantillon du « plancher stalagmitique » sub-actuel (croissance postérieure à 1950) a été prélevé dans la rivière souterraine. Il s’agit d’une formation carbonatée similaire aux stalagmites mais constituée d’une nappe qui s’est formée à la surface du sol de la grotte. Des extraits aqueux des sols du plateau karstique des Coulmes ont été préparés en laboratoire en utilisant un rapport sol /solution de 1 /10 et une agitation orbitale à 300 tours /minute pendant 4 heures. Ils ont été filtrés à 0,2 nm. Des eaux de rivières ont été collectées dans le bassin versant du Mercube pendant une période d’étiage hivernal, dans les sous bassins versant forestier et agricole. Des prélèvements ont également été effectués au niveau du déversoir dans le lac Léman.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Un échantillonnage mensuel de l’écoulement souterrain de la galerie du LSBB a été réalisé au cours du cycle hydrologique 2006-2007. Tous les échantillons d’eau naturelle ont été soumis à une évaporation douce à 40 °C jusqu’à l'obtention d’un résidu sec (environ 50 L filtrés à 0,45 nm).
2.4.3 - Enregistrement et simulation des spectres de RPE Les échantillons solides (quelques milligrammes) ont été placés dans des tubes en quartz de 3 mm de diamètre. Les solutions aqueuses ont été injectées dans des tubes en quartz capillaires de 0,2 mm de diamètre. Les spectres RPE ont été enregistrés à température ambiante sur un spectromètre bande X Bruker EMX, avec une puissance non-saturante de 20 mW. Le champ magnétique et la fréquence de l’onde hyperfréquence ont été mesurés de façon indépendante pour déterminer le facteur g avec une précision de ± 0,0002. Le nombre de composantes présentes dans le spectre et les paramètres qui les caractérisent (g, ΔBpp, [I], voir la section 2.3) ont été déterminés en simulant la partie du spectre qui correspond aux radicaux de type semiquinone grâce à un programme que nous avons spécialement développé. On détermine ensuite les codes-barres en attribuant à chaque composante une hauteur proportionnelle à son intensité relative.
2.5 - Evaluation de la méthode de traçage par RPE Nous décrivons dans cette section les études qui ont démontré les potentialités de la méthode de traçage par RPE. Pour mieux apprécier leur domaine d’application, elles ont été réalisées sur 3 bassins versant très différents.
2.5.1 - Les signatures RPE permettent de distinguer différents types de sols et les horizons d’un même sol Les spectres RPE des échantillons de sols prélevés dans les zones agricoles et forestières du bassin versant Mercube sont représentés sur la figure 2.3. Les figures 2.3a et 2.3b montrent respectivement les spectres de l’horizon Bw du sol agricole et de l’horizon O du sol forestier enregistrés sur environ 60 mT. La figure 2.3c focalise sur la région g ~ 2 du spectre qui correspond aux radicaux semiquinone de l’horizon Bw et montre sa simulation. La figure 2.3d montre l’évolution du spectre des MONs du sol forestier en fonction de la profondeur. On constate que l’intensité d’une raie large a spécifique de l’horizon de surface décroît quand la profondeur augmente alors que plusieurs raies plus étroites b et c apparaissent. De même, pour le sol agricole, l’intensité de la raie large f spécifique de l’horizon Ap (figure 2.4a) diminue beaucoup pour l’horizon Bw alors qu’une raie plus étroite z apparaît (figure 2.3c).
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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Figure 2.3 - Spectres bande X de : (a) l’horizon Bw du sol agricole (les étoiles indiquent les raies attribuées aux ions Mn2+) ; (b) l’horizon O du sol forestier, enregistrés sur 60 mT ; les régions g ~ 2 caractéristiques des MONs sont détaillées en (c) pour l’horizon Bw du sol agricole et en (d) pour les horizons O, A et Bg du sol forestier. Les spectres expérimentaux (cercles), leur simulation et les codes-barres associés (tirets noirs) et leurs différentes composantes sont représentés. Les paramètres de simulation sont indiqués dans le tableau 2.1 (voir planches couleur). Etant donné la valeur de leur facteur g, certains signaux apparaissant lors de la simulation ne sont pas attribuables à la MON. Ils ne sont donc pas répertoriés.
Ce rétrécissement des raies lorsqu’on s’éloigne de la surface du sol est attribué à une maturation de la MON [BaranČíkovÁ et al., 1997], en accord avec les données de la littérature concernant l’évolution des MONs dans les sols [Schulten & Schnitzer, 1997 ; Schulten & Leinweber, 2000 ; Leenheer, 2007]. Les paramètres utilisés pour simuler les spectres et les codes barres associés sont rassemblés dans le tableau 2.1.
38
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications Tableau 2.1 - Paramètres de simulation et codes barre des sols et eaux du bassin versant Mercube (voir planches couleur).
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La capacité des signatures RPE à distinguer différents types de sols et les horizons d’un même sol sera confirmée par les études réalisées sur les trois autres sites. Elle nous permet d’aborder l’étude détaillée des transferts de MONs au sein de bassins versants.
2.5.2 - Les signatures RPE permettent de suivre les transferts des MONS de différentes origines aux réseaux hydrographiques L’analyse des spectres de la figure 2.4 démontre la capacité du traçage par RPE à suivre le transfert des MONs des sols au réseau hydrographique jusqu’au déversoir du bassin versant Mercube. La figure 2.4a montre les spectres des horizons de type A des
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
39
sols des sous bassins agricole et forestier, et la figure 2.4b ceux des résidus secs d’eau collectée dans ces deux sous bassins et au niveau du déversoir dans le lac Léman. D
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Figure 2.4 - Spectres RPE enregistrés dans la région g ~ 2 caractéristique des MONs (a) horizons Ap du sol agricole et A du sol forestier ; (b) résidus secs d’eaux prélevées dans les sous bassins agricoles et forestiers et au niveau du déversoir dans le lac Léman. Les spectres expérimentaux (cercles), leur simulation et les codes-barres associés (tirets noirs) et leurs différentes composantes sont représentés. Les paramètres de simulation sont indiqués dans le tableau 2.1 (voir planches couleur). Etant donnée la valeur de leur facteur g, certains signaux apparaissant lors de la simulation ne sont pas attribuables à la MON. Ils ne sont donc pas répertoriés.
Leur comparaison conduit aux conclusions suivantes : ›› les spectres des échantillons d’eau collectés dans les sous bassins forestiers et agricoles présentent certaines raies détectées dans les sols correspondants : les raies f et z caractéristiques du sol agricole se retrouvent dans le spectre des eaux « agricoles » et les raies a et b caractéristiques du sol forestier se retrouvent dans celui des eaux « forestières ». On retrouve aussi ces quatre raies au niveau du déversoir dans le lac Léman, ›› la raie c caractéristique du sol forestier est absente dans l’eau « forestière » : on dit qu’elle n’est pas aqua disponible, ›› inversement, on observe sur le spectre des eaux du sous bassin forestier et du déversoir une raie d qui n’est détectée dans aucun des sols échantillonnés. Ceci reflète soit un échantillonnage non-exhaustif des sols, soit la présence d’une source de MON autochtone dans les eaux, soit la transformation d’un type de MON du sol durant son transfert. La présence de raies caractéristiques des sources de MON propres aux sous bassins forestier et agricole dans le spectre des eaux collectées au déversoir est cohérent avec les résultats d’études indépendantes [Jordan-Meille et al., 1998 ; Jordan-Meille & Dorioz, 2004]. Elle révèle la puissance de la méthode de traçage par RPE pour
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
aborder de façon simple et efficace l’étude des transferts des grands types de MONs présentes dans un bassin versant.
2.5.3 - Les signatures RPE permettent de tracer les transferts de MONs des sols aux enregistreurs naturels Les études menées sur les sites du lac d’Anterne et de Coulmes /Choranche ont confirmé la capacité des signatures RPE à distinguer différents types de sols, ce qui a permis d’élucider l’origine des MONs présentes dans les enregistreurs naturels, sédiments et spéléothèmes. Bassin d’Anterne. Nous avons tracé les MONs depuis les sols jusqu’aux sédiments
de rivière et de lac. La figure 2.5a montre des exemples de spectres et leurs simulations, et l’ensemble des résultats est présenté dans le tableau 2.2. Les principales conclusions sont les suivantes : »» Une raie très fine v est détectée pour tous les échantillons, qu’ils aient été prélevés dans les sols ou dans les sédiments de rivière et de lac. Elle révèle la présence d’une MON de haute maturation [Senesi & Steelink, 1989] qui provient probablement de la matière organique mature piégée dans les roches sédimentaires. D
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Figure 2.5 - Spectres expérimentaux (cercles), simulations (tirets noirs) et différentes composantes pour (a) bassin d’Anterne : sol nu, sols bruns des pelouses alpines et sédiments de surface du lac d’Anterne ; (b) sol brun forestier du plateau des Coulmes, son extrait aqueux, plancher stalagmitique de la grotte de Choranche. Les paramètres de simulation et les code-barres associés sont indiqués dans le tableau 2.2 (voir planches couleur).
»» Dans le cas des sédiments de rivière, on observe en plus de la raie v une raie o plus large. On ne trouve cette raie que dans le spectre des sols peu évolués (lithosols), à nu ou sous une végétation éparse, qui s’érodent facilement. La présence de MON provenant de ces sols dans les sédiments de rivière n’est donc pas surprenante.
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
41
Tableau 2.2 - Paramètres de simulation et codes barre des eaux et sédiments des bassins versant Anterne et Choranche
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
»» Dans le cas des échantillons prélevés dans les pièges à sédiments posés au fond du lac ou dans des carottes de sédiments lacustres, la raie o est remplacée par une autre raie l. On trouve cette raie dans le spectre des sols bruns hydromorphes, c'est-à-dire saturés en eau pendant une période de l’année, qui sont abondants sur les berges des rivières. Des phénomènes de sapement de berges et d’érosion régressive de ces formations sont effectivement observés dans le bassin. Le traçage par RPE révèle donc que les MONs des sédiments de rivière et du lac proviennent de sols différents : les sols nus peu évolués pour les sédiments de rivière, les sols plus évolués des berges des cours d’eau pour les sédiments du lac. Les sédiments issus des sols nus semblent s’accumuler dans les deltas, ce qui explique qu’ils contribuent peu aux apports de sédiments au centre du lac. Ce résultat est en accord avec la conclusion d’une étude récente basée sur la géochimie (minérale et organique) des sols actuels et des sédiments de lacs de la période holocène (12 000 dernières années) [Giguet-Covex et al., 2011]. Bassin karstique de Choranche. Le spectre donné par l’échantillon prélevé dans
le plancher stalagmitique de la grotte de Choranche est constitué d’une unique raie R (figure 2.5b). On retrouve la même signature dans le spectre des sols forestiers du plateau des Coulmes qui la recouvre, ainsi que dans celui de l’extrait à l’eau préparé en laboratoire. Par contre, cette raie est complètement absente du spectre des sols organiques développés sur calcaire et de leurs extraits à l’eau. Ces résultats démontrent que la principale source des MONs du plancher stalagmitique est un sol brun. Sans anticiper sur l’importance de ces résultats pour la compréhension du fonctionnement des bassins versants dont l’étude sera publiée ultérieurement, nous pouvons déjà constater que la RPE permet de suivre la MON des sols aux sédiments et des sols aux spéléothèmes, via son transfert par les eaux. Ceci démontre la potentialité du traçage par RPE pour tracer les MONs dans les paléo-environnements.
2.6 - Exemple d’application du traçage par RPE : détermination du bassin d’alimentation et du temps de résidence des eaux en milieu karstique Le but de cette étude était d’utiliser le traçage par RPE pour déterminer la zone d’alimentation et le temps de résidence de l’eau potable provenant du site karstique de Fontaine de Vaucluse, et de comparer les résultats à ceux donnés par d’autres méthodes beaucoup plus lourdes à mettre en œuvre. Figure 2.6 - (a) Localisation du Laboratoire LSBB et son réseau de failles ; (b) comparaison des spectres RPE de l’écoulement d’eau (trait plein) et du sol S1 (pointillés) ; (c) comparaison avec le spectre du sol S2 (pointillés). Les figures suivantes montrent les variations mensuelles de plusieurs quantités entre décembre 2006 et décembre 2007 ; (d) hauteur de pluie ; (e) intensité de la raie ~ du sol S1 ; (f) l’intensité de la raie ~ de l’eau ; (g) indices de fluorescence du sol S1 (en noir) et de l’écoulement d’eau (en gris clair). Les paramètres de simulation et les code-barres correspondants sont indiqués dans le tableau 2.3 (voir planches couleur). [D’après Blondel et al., 2010]
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Comme nous l’avons précisé dans la section 2.4.1, nous avons collecté entre décembre 2006 et décembre 2007 des échantillons des deux types de sols S1 et S2 qui existent sur ce site et de l’eau qui s’écoule à 440 m sous terre dans le laboratoire LSBB. Le spectre RPE donné par un échantillon d’eau est comparé à ceux des sols S1 et S2 sur les figures 2.6b et 2.6c. Les paramètres de simulation et les codes barres associés sont présentés dans le tableau 2.3. L’analyse de l’ensemble des résultats conduit aux conclusions suivantes : »» Le spectre RPE de l’eau est très semblable à celui du sol S1 (les spectres des sols S1a et S1b sont identiques) et très différent de celui du sol S2. De façon plus précise, la simulation montre que le spectre de l’eau ne comporte qu’une raie ~ due à la MON, que celui de S1 comporte la raie ~ et une autre raie r alors que le spectre de S2 ne comporte que la raie r. On en déduit que le lithosol 1 appartient au bassin d’alimentation de l’écoulement étudié. Ce résultat est tout à fait cohérent avec la structure du réseau de failles en surface (figure 2.6a). Tableau 2.3 - Paramètres de simulation et codes barre des sols et eaux de Fontaine de Vaucluse
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»» L’absence de la raie r dans le spectre de l’eau montre qu’elle provient d’un type de MON dont le potentiel de transfert dans l’eau est très faible voire nul, ce qui peut s’expliquer par le fait que cette MON est très peu soluble, ou qu’elle est fortement sorbée ou biodégradée. »» Au cours de l’année 2007, l’intensité de la raie ~ du spectre du sol S1 passe par un maximum très net au mois d’avril (figure 2.6e). Ce pic de MON est dû aux fortes précipitations qui ont eu lieu ce mois ci (figure 2.6d), mais il ne se manifeste dans l’écoulement d’eau souterrain qu’à l’occasion des fortes infiltrations de décembre
2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
45
2007, soit 8 mois plus tard (figure 2.6f). Ceci nous permet de proposer un temps de transit de l’eau au sein du système karstique de l’ordre de huit mois, en parfait accord avec les résultats d’une étude de fluorescence représentés sur la figure 2.6g [Blondel et al., 2010]. Il faut noter que l’hypothèse d’une infiltration instantanée des eaux météoritiques vers l’exutoire en décembre 2007 n’est pas cohérente avec la présence de magnésium en concentration assez élevée (4,14 mg L–1) et de carbone organique total en concentration très faible (0,8 mg L–1) dans l’écoulement de décembre 2007 [Batiot et al., 2003].
2.7 - Conclusion Nous avons décrit dans ce chapitre les premières études de traçage par RPE de la matière organique naturelle réalisées à l’échelle de bassins versants. La représentation des intensités relatives des différentes composantes du spectre par un « code barre » facilite le suivi des différents types de MON, depuis les sols des bassins versants jusqu’aux enregistreurs naturels comme les sédiments et les spéléothèmes. Cette méthode de traçage permet d’aborder l’étude de la dynamique et de la réactivité des MONs à cette échelle. Nous avons vu qu’elle s’applique également aux paléoenvironnements. Cette méthode originale permet aussi d’obtenir des informations sur l’impact des matières organiques terrestres sur les écosystèmes lacustres. Pour toutes ces raisons, on peut considérer qu’elle fournit un outil précieux, bien adapté à la gestion des bassins versants. Par ailleurs, la confrontation des variations des signatures RPE sous l’effet de diverses contraintes (chimiques, rayonnement UV, c…) avec celles obtenues par d’autres techniques pourrait permettre de développer une banque de signatures RPE de MONs associées à leurs principales caractéristiques de structures et de réactivité. On pourrait aussi envisager des études de RPE plus sophistiquées (ENDOR, RPE impulsionnelle) pour obtenir des informations plus détaillées sur la structure des radicaux présents dans les différents types de MON, mais ceci enlèverait à cette méthode la simplicité et la rapidité qui en font son intérêt et qui permettent de l’appliquer à de grandes échelles d’espace et de temps.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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2 - traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants
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3 - Détection et caractérisation de radicaux libres après piégeage de spins Lauricella R. & Tuccio B. Aix-Marseille Université–CNRS, UMR 7273 : Institut de Chimie Radicalaire, Equipe Spectrométries Appliquées à la Chimie Structurale, Campus St Jérôme, Marseille.
3.1 - Introduction La capacité de la RPE à détecter de faibles concentrations d’espèces paramagnétiques et la sensibilité du spectre à leur environnement et à leur mobilité, en font une technique de choix pour l’étude des radicaux libres en solution. Mais dans la situation fréquente où ces espèces ont une durée de vie très courte, leur concentration n’est pas suffisante pour permettre leur détection et /ou elle varie trop vite pour que leur spectre puisse être enregistré sur un spectromètre conventionnel. Deux types de méthodes peuvent être utilisées pour détecter les espèces paramagnétiques à très courte durée de vie : ›› les techniques de RPE résolues en temps permettent d’obtenir le spectre et de suivre son évolution au cours du temps. Elles font appel à des dispositifs particuliers et /ou à des spectromètres spécialement conçus pour accélérer l’acquisition du spectre. Ces techniques sont décrites au chapitre 10 de ce livre, ›› une méthode indirecte permet de détecter et d’identifier les radicaux libres avec un spectromètre RPE conventionnel. C’est la méthode du piégeage de spin aussi appelée spin trapping, qui fait l’objet de ce chapitre. Bien que deux expériences de ce type aient été décrites auparavant [Mackor et al., 1966 ; Iwamura & Inamoto, 1967], c’est la description quasi-simultanée de la méthode par les équipes de Janzen et de Lagercrantz en 1968 qui a véritablement marqué la naissance du spin trapping [Janzen & Blackburn, 1968 ; Lagercrantz & Forshult, 1968]. Cette méthode a connu depuis un essor remarquable, avec de multiples applications en biologie, biochimie, polymérisation, électrochimie, chimie sous irradiation et plus généralement dans tous les domaines de la chimie en solution qui impliquent des intermédiaires radicalaires. Des articles de revue anciens donnent
50
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
une vue assez générale de ces applications [Evans, 1979 ; Janzen, 1971 et 1980 ; Perkins, 1980]. La méthode du spin trapping consiste à faire réagir un radical fugace R• avec une molécule-piège diamagnétique P, de façon à créer un adduit de spin paramagnétique (PR)• dont la durée de vie est suffisante pour permettre son accumulation dans le milieu et sa détection par RPE (figure 3.1). L’analyse du spectre RPE de l’adduit (PR)• permet d’obtenir des informations sur l’espèce R•. Dans les cas favorables, R• peut être identifié à partir des caractéristiques du spectre de l’adduit (valeurs de giso, constantes de couplage hyperfin). Mais il arrive fréquemment que des adduits formés par piégeage de radicaux différents donnent des spectres très semblables, voire identiques. Dans ce cas, on doit considérer que la méthode permet d’identifier un type de radical plutôt que la nature exacte de l’espèce piégée. 5pDFWLRQGHSLpJHDJH 53ĺ35
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Figure 3.1 - Schéma général d’une expérience de piégeage de radicaux suivie d’une détection par RPE.
Cette méthode a donc ses limites et elle peut être à l’origine d’artefacts susceptibles d’induire des interprétations erronées. Malgré cela, du fait de sa simplicité de mise en œuvre et de son emploi possible dans toutes sortes de milieux, le spin trapping a conduit depuis quatre décennies à des avancées majeures dans différents domaines relevant de la biochimie et de la chimie radicalaire. Le but de ce chapitre est de décrire les principales caractéristiques de la méthode et les résultats que l’on peut en attendre. D’un point de vue pratique, plusieurs questions se posent au moment de réaliser une expérience de spin trapping : ›› Le piège est-il stable dans le milieu considéré ? Risque-t-il de donner lieu à des réactions autres que le piégeage du radical visé ? ›› Quelles précautions faut-il prendre lors de la préparation de l’échantillon et de l’enregistrement du spectre ? ›› Le piégeage sera-t-il assez rapide et quelle sera la stabilité de l’adduit ? ›› Des données RPE susceptibles d’identifier l’adduit de spin ont-elles été publiées ? ›› Comment faut-il interpréter le spectre RPE et quelles informations peut-on en déduire ? En apportant des éléments de réponse à ces questions, nous espérons guider ceux qui, sans être spécialistes, auraient à réaliser une expérience de piégeage de spin, et plus généralement aider chacun à mieux comprendre cette méthode et la façon dont elle est utilisée dans la littérature.
3 - Détection et caractérisation de radicaux libres après piégeage de spins
51
3.2 - Mise en œuvre de l’expérience 3.2.1 - Choix du piège Les pièges habituellement utilisés sont soit des composés nitroso soit des aldonitrones, et l’addition d’un radical R• sur ces molécules conduit à la formation d’un radical aminoxyle, ou nitroxyde 1 dont le spectre RPE est enregistré (figure 3.2). D
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Figure 5.2 - Spectre RPE bande X (9,42 GHz) d’un échantillon de kaolinite naturelle. Le spectre présente des signaux caractéristiques d’ions Fe3+ structuraux substitués aux ions Al3+, de défauts électroniques induits par irradiation (centres A, voir la section 5.4), ainsi qu’un signal large (partie surlignée) centré à g ≈ 2 dû à des phases ferrifères concentrées superparamagnétiques (voir la section 5.3.2). Le spectre a été enregistré sur un spectromètre ESP 300E à température ambiante. Puissance : 40 mW, modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 0,5 mT.
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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5.3.1 - Interprétation des signaux RPE des centres Fe3+ Préparation des échantillons Les échantillons naturels sont soumis à un tri granulométrique permettant d’éliminer la fraction sableuse, principalement constituée de quartz et, pour certains, à un traitement chimique (citrate-bicarbonate-dithionite) destiné à dissoudre sélectivement les oxydes de fer associés à la kaolinite [Mehra & Jackson, 1960]. Après étuvage, un volume constant d’échantillon est placé dans un tube de silice (Suprasil) et son poids (environ 40 mg) déterminé par double pesée pour les analyses en bande X. Pour la bande Q, le volume d’échantillon est bien plus faible et la quantité n’est pas déterminée précisément.
Modèle de simulation des spectres L’application de la RPE à l’étude des minéraux finement divisés des sols a nécessité le développement d’un code de calcul permettant de simuler efficacement les spectres des échantillons polycristallins. Le code ZFSFIT (Zéro-Field Splitting FITting) écrit par G. Morin et D. Bonnin [Morin & Bonnin, 1999] permet de calculer les spectres à partir d’un hamiltonien de spin (spin S ≤ 5⁄²) comportant des termes d’éclatement en champ nul du deuxième ordre (paramètres D, E) et du quatrième ordre, et éventuellement des termes d’interaction hyperfine (noyaux de spin I ≤ 7⁄²). Les bases théoriques et la méthode de calcul sont décrites en détail dans [Morin & Bonnin, 1999]. Ce code présente de nombreux avantages par rapport aux algorithmes plus anciens [Gaite et al., 1993 ; Chachaty & Soulié, 1995 ; Wang & Hanson, 1995] : »» La diagonalisation numérique de l’hamiltonien de spin, déjà utilisée par [Gaite et al., 1993 ; Wang & Hanson, 1995], permet de traiter les cas où le calcul des perturbations n’est pas applicable parce que les termes Zeeman et d’éclatement en champ nul sont comparables, une situation fréquente dans le cas des centres métalliques [Bertrand, 2010, section 9.5]. De plus, cette méthode permet de prendre en compte les termes d’éclatement en champ nul du quatrième ordre qui sont très sensibles à la symétrie locale du champ de ligands. Les interactions hyperfines sont traitées par un calcul de perturbation au second ordre lorsque cette approximation est valable. Dans le cas contraire, elles sont traitées par diagonalisation complète. »» Les temps de calculs sont réduits à quelques secondes ou minutes grâce à une partition triangulaire de la sphère d’intégration, inspirée de la méthode très efficace mise au point pour la simulation des spectres RMN [Aldermann et al., 1986]. »» Une autre originalité du code ZFSFIT réside dans le traitement de la largeur de raie : l’élargissement inhomogène dû aux fluctuations de géométrie du centre paramagnétique dans le matériau polycristallin est simulé en introduisant une distri-
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
bution des paramètres de l’hamiltonien de spin [Bertrand, 2010, section 9.5.3]. En effet, les travaux menés sur l’incorporation de Fe3+ et Cr3+ en substitution de Al3+ dans différents minéraux ont montré qu’il est indispensable d’inclure dans le calcul une distribution des paramètres d’éclatement en champ nul pour simuler correctement les spectres RPE de minéraux naturels, qui présentent généralement des défauts structuraux ponctuels ou étendus [Morin & Bonnin, 1999 ; Balan et al., 1999, 2000, 2002]. Le code ZFSFIT a été utilisé avec succès pour identifier les sites de substitution de Fe3+ dans les (oxy)hydroxydes d’aluminium tels que la gibbsite, a-Al(OH)3 et la boehmite, c-AlOOH [Morin & Bonnin, 1999]. Ici, il permet d’analyser les processus d’incorporation de Fe3+ dans les minéraux du groupe de la kaolinite ainsi que certains défauts d’irradiation dans les phyllosilicates [Sorieul et al., 2005].
Les signaux de type Fe(II) : une caractéristique des échantillons bien ordonnés La simulation des spectres bande X et bande Q d’échantillons de kaolinite et de dickite de qualité cristalline exceptionnelle a permis de déterminer les paramètres d’éclatement en champ nul des sites responsables des signaux Fe(II)A et Fe(II)B (notés Fe(D)A et Fe(D)B pour la dickite). Nous avons représenté sur la figure 5.3 des exemples de spectres de kaolinite et leurs simulations, et nous avons indiqué dans le tableau 5.1 les paramètres d’éclatement en champ nul déduits de l’ensemble des simulations [Balan et al., 1999]. La simulation des spectres à plusieurs fréquences et à plusieurs températures a permis de déterminer ces paramètres avec une grande précision. Il faut noter que la prise en compte des paramètres d’éclatement en champ nul du quatrième ordre a amélioré la caractérisation des sites faite dans un travail antérieur [Gaite et al., 1993]. Les différences entre les paramètres obtenus pour la kaolinite et la dickite sont dues à la relaxation de la structure interne du feuillet liée à la différence du type d’empilement (section 5.2). L’étude d’échantillons de nacrite ferrifère complèterait l’analyse des relations entre le type d’empilement et la relaxation du feuillet dioctaédrique. Malheureusement, les échantillons de nacrite analysés jusqu’à présent ne présentent pas de signaux attribuables à des centres Fe3+.
Figure 5.3 - Spectres RPE bandes X (a) et Q (b) d’un échantillon exceptionnellement bien cristallisé de kaolinite de Decazeville. Les spectres ont été enregistrés sur un spectromètre ESP 300E (a) Puissance : 40 mW, modulation: fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 0,5 mT. (b) Puissance : 40 mW, modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 1 mT. Les simulations permettent d’identifier les structures dues aux signaux Fe(II)A et Fe(II)B. La dépendance en température du spectre témoigne de sa sensibilité aux faibles variations structurales.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
La sensibilité du spectre RPE au type d’empilement a également été mise en évidence dans le cas des ions Cr3+. Ces ions sont moins fréquents que Fe3+, mais ils ont été observés en substitution des ions Al3+ des sites octaédriques dans des échantillons de kaolinite et de dickite provenant de dépôts hydrothermaux [Balan et al., 2002]. Tableau 5.1 - Paramètres d’éclatement en champ nul des sites Fe3+ dans les minéraux du groupe de la kaolinite, déduits de la simulation numérique des signaux de type Fe(II). On a supposé g = 2,00 dans les simulations. Minéral
Température
kaolinite
293 K 120 K
dickite
Signal
D [cm–1]
E [cm–1]
Fe(II)A
0,3312
0,0666
Fe(II)B
0,3171
0,0661
Fe(II)A
0,3468
0,0721
Fe(II)B
0,3360
0,0753
4K
Fe(II)A
0,3594
0,0739
Fe(II)B
0,3450
0,0768
293 K
Fe(D)A
0,3252
0,0851
Fe(D)B
0,3654
0,0993
Fe(D)A
0,3438
0,0901
Fe(D)B
0,3837
0,1031
120 K
Spectre RPE d’échantillons désordonnés : origine du spectre de type Fe(I) Lorsque des cations d’éléments de transition sont en insertion dans des structures très désordonnées, leur spectre RPE ne peut pas être simulé avec un jeu unique de paramètres d’éclatement en champ nul : il faut utiliser une distribution large, éventuellement multimodale, de ces paramètres [Kliava, 1986]. Une méthode d’inversion sous contrainte permet de déduire cette distribution du spectre expérimental, à partir d’une discrétisation des paramètres d’éclatement en champ nul du deuxième ordre [Balan et al., 1999] : les spectres correspondant aux noeuds d’une grille de paramètres d’éclatement en champ nul sont calculés avec le code ZFSFIT et le spectre du matériau désordonné est obtenu en effectuant une somme pondérée de ces spectres. Les facteurs de pondération correspondent à la distribution cherchée. L’inversion simultanée des données expérimentales acquises en bandes X et Q permet de déterminer cette distribution. Pour certains échantillons de kaolinites désordonnées, la distribution des paramètres d’éclatement en champ nul est multi-modale (figure 5.4). Un des modes correspond sensiblement aux paramètres caractéristiques des sites octaédriques de la kaolinite ordonnée (signaux Fe(II)) et les deux autres aux paramètres des sites octaédriques de la dickite (signaux Fe(D)A et Fe(D)B) (voir le tableau 5.1). Dans ces échantillons, il existe donc très probablement des empilements locaux de type dickite, comme le suggèrent également des expériences de spectroscopie infrarouge et de diffraction
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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des rayons X [Balan et al., 2002, 2011]. Mais d’autres échantillons de kaolinite désordonnée, notamment ceux issus des sols latéritiques du Cameroun, ne présentent pas cette distribution multi-modale [Balan et al., 2011], ce qui montre que plusieurs types de désordre sont possibles dans les minéraux du groupe de la kaolinite. Les relations entre ces types de désordre et les conditions de croissance des cristallites restent cependant à préciser.
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Figure 5.4 - Spectre RPE bande X (pointillés) d’un échantillon de kaolinite désordonnée prélevé au sommet d’un profil latéritique dans la région de Manaus (Brésil) (échantillon B4 de la figure 5.7). Les conditions expérimentales sont celles de la figure 5.2. Le spectre est dominé par un signal de type Fe(I). L’encart montre la distribution des paramètres (D, E) déduite de la simulation (trait plein). Les niveaux de gris reflètent la valeur des facteurs de pondération (voir texte). La distribution comporte trois modes centrés sur des valeurs proches de celles qui caractérisent les signaux Fe(II) de la kaolinite et Fe(D)A, Fe(D)B de la dickite (tableau 5.1), qui sont repérées par des ronds blancs. Le faible décalage est probablement lié au fait que les paramètres d’éclatement en champ nul du quatrième ordre n’ont pas été pris en compte dans la simulation. Les droites représentées sur l’encart montrent que le décalage s’effectue à rhombicité (m = E /D) constante.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
5.3.2 - Détermination de la concentration absolue en fer structural Pour interpréter le spectre RPE des ions Fe3+ en substitution dans les kaolinites, nous avons implicitement supposé que celui-ci reflète fidèlement l’ordre cristallin des échantillons. Ceci n’est vrai que si ces ions sont en concentration suffisante et s’ils sont répartis de façon homogène au sein des cristallites. C’est une première raison pour déterminer la concentration des ions Fe3+ responsables du spectre RPE. Une autre raison est que la comparaison de cette concentration à celle du fer total contenu dans l’échantillon fournit des informations sur les conditions physico-chimiques du milieu de croissance des kaolinites [Muller et al., 1995]. Pour déterminer la concentration des ions Fe3+, la méthode la plus simple consiste à comparer l’intensité du spectre expérimental à celle donnée par une kaolinite de référence dont la concentration en Fe3+ est connue (pour les mesures d’intensité, voir Bertrand, 2010, complément 4 du chapitre 9). Malheureusement, tous les échantillons de kaolinites ferrifères naturelles ou synthétiques contiennent des phases ferrifères concentrées, mises en évidence par spectroscopie optique en réflectance diffuse [Malengreau et al., 1994] ou par leur signal de résonance super-paramagnétique [Bonnin et al., 1982]. En revanche, l’incorporation à haute température et en faibles concentrations de Fe3+ dans le corindon a-Al2O3 se fait de façon homogène et génère un système où les ions Fe3+ sont dilués [De Biasi & Rodrigues, 1983]. Un échantillon de corindon dopé en ions Fe3+ peut donc être utilisé comme standard car l’intensité de son spectre RPE est proportionnelle à la concentration mesurée par analyse chimique. Les spectres RPE des centres Fe3+ sont différents dans la kaolinite et dans le corindon, mais les paramètres de l’hamiltonien de spin sont connus dans les deux cas. L’étalonnage est donc effectué en calculant les spectres RPE donnés par une même quantité d’ions Fe3+ dans la kaolinite et dans le standard. Les concentrations en ions Fe3+ mesurées de cette manière dans des échantillons de provenances diverses (France, Angleterre, Cameroun, Brésil) varient entre quelques centaines de ppm et environ 3 000 ppm pour les kaolinites du bassin amazonien [Balan et al., 2000]. Cette information permet de préciser comment le fer se répartit entre les ions Fe3+ dilués dans la structure de la kaolinite et d’autres formes de fer non-quantifiables par RPE et résistantes au traitement chimique de dissolution sélective [Mehra & Jackson, 1960]. Ces autres formes sont des ions Fe2+ en substitution ou, plus fréquemment, des ions Fe3+ en situation plus regroupée : agrégats d’ions Fe3+ substitués au sein du feuillet dioctaédrique de la kaolinite [Schroeder & Pruett, 1996] ou nano-phases superparamagnétiques d’oxydes ou d’oxyhydroxydes de fer [Malengreau et al., 1994]. La résonance magnétique ne permet pas de faire la distinction entre ces phases, qui produisent toutes deux un signal large vers g = 2 en bande X (figure 5.2) (voir Bertrand, 2010, section 7.4 pour le spectre RPE des agrégats, et le chapitre 12 du présent ouvrage pour la RFM des particules superparamagnétiques).
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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La concentration totale en fer mesurée par analyse chimique varie entre 2 000 et 8 000 ppm selon l’origine des kaolinites. La comparaison avec les concentrations mesurées par RPE révèle que dans les échantillons étudiés, le Fe3+ structural dilué représente moins de la moitié du fer total, ce qui montre que le fer forme préférentiellement des phases concentrées lors de la croissance de la kaolinite. Il n’y a apparemment pas de corrélation entre la concentration en Fe3+ structural dilué et le caractère désordonné des échantillons [Balan et al., 2000]. La RPE a permis d’étudier d’autres éléments de transition présents dans les minéraux du groupe de la kaolinite, comme le vanadium, le chrome et le manganèse. Dans le cas du manganèse et du vanadium, l’identification d’espèces spécifiques (Mn2+ et VO2+) atteste des conditions d’oxydo-réduction particulières qui prévalaient lors de la croissance des kaolinites [Muller et al., 1993, 1995 ; Allard et al., 1997].
5.4 - Les défauts paramagnétiques produits par irradiation Les premiers défauts paramagnétiques dus à l’irradiation naturelle des kaolinites ont été identifiés dans les années 1970 [Angel et al., 1974]. On en connait maintenant trois types. Il s’agit de trous électroniques localisés sur des atomes d’oxygène, qui se différencient par leur environnement atomique, l’orientation de l’orbitale occupée par l’électron non-apparié, et leur stabilité thermique. On distingue ainsi le centre A, le centre A’ et le centre B [Clozel et al., 1994] (figure 5.5).
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&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 5.5 - Simulation du spectre bande X des défauts d’irradiation d’une kaolinite de la région de Manaus montrant la prédominance du signal dû aux centres A. Puissance : 40 mW, modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 0,3 mT.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Le centre A est généralement le plus abondant et c’est lui qui est utilisé pour les applications géologiques car il est stable aux échelles de temps impliquées. Son temps de demi-vie est en effet de l’ordre de 1012 ans à température ambiante [Clozel et al., 1994]. On peut le modéliser comme un trou électronique qui compense le déséquilibre de charge qui apparaît lorsqu’un ion divalent comme Mg2+ se substitue à Al3+. L’électron célibataire de l’oxygène est localisé dans l’orbitale r d’une liaison Si–Oapical. Le centre A est produit essentiellement par les rayonnements ionisants a, b, c. Son signal RPE a été utilisé dans plusieurs études relevant des Sciences de la Terre : ›› l’enregistrement d’une radioactivité passée dans des nodules ferrugineux issus de profils latéritiques [Muller & Calas, 1989], ›› la mise en évidence de migrations anciennes de radioéléments [Muller et al., 1990, 1992 ; Ildefonse et al., 1990, 1991] et leur quantification [Allard & Muller, 1998 ; Allard et al., 2007]. Nous verrons à la section 5.5.3 que le signal du centre A peut aussi être utilisé pour dater les kaolinites des sols et des sédiments en milieu tropical [Balan et al., 2005]. Signalons que la dickite, un polymorphe de la kaolinite (section 5.2), contient des défauts similaires [Allard et al., 2003]. Les effets de l’irradiation sont maintenant connus pour différentes argiles [Allard & Calas, 2009] et la découverte récente de défauts d’irradiation dans des argiles comme la smectite, l’illite et la sudoïte permettra d’étudier de nouveaux environnements géologiques [Sorieul et al., 2005; Morichon et al., 2008, 2010 (a) (b)].
5.5 - Application de la RPE de la kaolinite à l’étude des processus d’altération en climat tropical 5.5.1 - Altération et formation des sols tropicaux Les sols tropicaux couvrent plus du tiers de la surface des continents émergés et près de la moitié de l’écoulement global d’eau continentale filtre à travers ces sols avant de rejoindre l’océan [Tardy, 1993 ; Tardy & Roquin 1998]. Ces sols sont issus de l’altération géochimique de la croûte continentale, qui consiste en la dissolution des minéraux primaires et la formation de minéraux moins solubles qui s’accumulent au sein des sols. Ces minéraux, formés à la surface de la Terre, sont essentiellement des minéraux argileux et des oxydes ou hydroxydes de fer et d’aluminium. Par exemple, la dissolution en conditions acides d’un feldspath commun, l’orthose, peut conduire à la formation de kaolinite et à l’exportation des ions et molécules solubles (dans ce cas potassium et acide orthosilicilique) vers l’hydrosphère : 2 (Si3AlO8K)solide + 9 H2O + 2H+ E (Si2Al2O5(OH)4)solide + 2 (K+)aq + 4 (H4SiO4)aq [5.1]
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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Les conditions d’altération tropicale associent une température moyenne élevée, un fort volume de précipitations et un fort taux de production biologique. Ces facteurs accélèrent la dissolution des minéraux, et les sols tropicaux peuvent être comptés parmi les milieux les plus altérés de la surface terrestre. Leur histoire peut s’étendre sur plusieurs millions d’années. Elle intègre d’une part l’évolution temporelle des conditions physico-chimiques liée aux variations climatiques et à l’évolution du relief et des paysages [Muller & Calas, 1989 ; Girard et al., 2000 ; Braun et al., 2005] mais fait aussi intervenir les couplages entre réactions chimiques et transport des réactifs [Nahon & Merino, 1996]. Il en résulte une complexité structurale et texturale qu’il est nécessaire de décrypter afin d’élucider le rôle de chaque mécanisme. Dans les profils de sols latéritiques, les minéraux argileux et les oxydes de fer présentent souvent des variations significatives de taille, de composition chimique et d’ordre structural de la base vers le sommet du profil, indiquant la dissolution des populations anciennes et la cristallisation des plus récentes. A chaque niveau, des minéraux hérités des populations anciennes et des minéraux néoformés sont donc susceptibles d’être observés dans des proportions qui dépendent des vitesses de dissolution et de cristallisation. En fonction des hypothèses faites sur ces vitesses, différents scénarios d’évolution des systèmes peuvent être proposés : »» Si on suppose que la dissolution et la recristallisation sont rapides, la fraction de minéraux hérités est faible. Dans ce cas, les caractéristiques cristallochimiques et isotopiques observées sont censées refléter les conditions physico-chimiques qui prévalent actuellement dans les environnements étudiés. L’hétérogénéité des populations minérales est attribuée à des fluctuations spatiales ou temporelles de ces conditions physico-chimiques, liées par exemple à la coexistence de microenvironnements distincts ou à des fluctuations saisonnières de pluviométrie [e.g. Giral-Kacmarcik et al., 1998]. »» Inversement, si les transformations minérales sont lentes, la fraction de minéraux hérités est élevée et les minéraux des sols sont susceptibles de préserver une mémoire des conditions d'altération anciennes, voire la trace des paléoclimats continentaux [Girard et al., 2000]. La préservation d’un message ancien au sein de profils latéritiques est attestée par des oxydes de manganèse issus de cuirasses latéritiques d’Afrique de l’Ouest et du Brésil qui ont été datés à plus de 40 Ma [Henocque et al., 1998]. Les résultats d’expériences magnétostratigraphiques réalisées sur des profils de Guyane [Théveniaut & Freyssinet, 1999] fournissent également des âges anciens. Cependant d’autres approches, comme les datations utilisant l’ouverture des chaines de désintégration de l’uranium et du thorium [Mathieu et al., 1995 ; Dequincey et al., 1999 ; Chabaux et al., 2003 (a) (b)] et les isotopes radioactifs produits par les rayonnements cosmiques tels que 10Be [Brown et al., 1994], indiquent des fonctionnements plus récents, avec des âges inférieurs à 2 Ma, voire 0,3 Ma dans certaines datations.
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Cette vision morcelée de l’histoire des profils latéritiques s’explique également par le fait qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de méthode générale permettant la datation des générations successives des minéraux néoformés à la faveur des différents processus d’altération. L’interprétation donnée aux observations réalisées sur les horizons meubles des sols est encore plus délicate. En effet, la petite taille des minéraux observés et les circulations de fluides sont compatibles avec une évolution rapide de ces minéraux. Dans ce contexte, l’étude par RPE des kaolinites va permettre d’une part d’en distinguer plusieurs populations en utilisant les signaux des centres Fe3+ pour sonder l’ordre local de leur structure, et d’autre part d’estimer leur âge en quantifiant le signal lié aux défauts paramagnétiques induits par la radioactivité naturelle.
5.5.2 - Traçage des générations de kaolinite dans les sols tropicaux par RPE de Fe3+ Des kaolinites ont été échantillonnées verticalement le long d’une section de sol latéritique du centre du bassin amazonien, dans la région de Manaus (figure 5.6), et leurs spectres RPE ont été enregistrés en bande X (figure 5.7). On retrouve les structures spectrales caractéristiques des signaux Fe(II) typiques des kaolinites bien ordonnées (figure 5.3a), et Fe(I) typiques des kaolinites désordonnées (figure 5.4). Les proportions relatives des 2 signaux varient le long du profil, dans un sens qui indique une augmentation du désordre cristallin de la base vers le sommet. Cet accroissement du désordre est corrélé à une diminution de la taille des particules, mesurée par tri granulométrique [Fritsch et al., 2002].
Figure 5.6 - Section verticale exposant les différents horizons d’un sol latéritique de la région de Manaus. Les échantillons ont été prélevés aux sept niveaux indiqués par les cercles. Les structures observées sur la coupe (décoloration, ligne indurée riche en oxydes de fer) correspondent à des remobilisations plus récentes du fer à la faveur de fluctuations de conditions d’oxydo-réduction qui n’ont pas affecté les kaolinites (voir planches couleur).
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Figure 5.7 - Spectres RPE bande X du Fe3+ structural (Fe(I) et Fe(II)) des sept échantillons de kaolinite prélevés sur le profil de la figure 5.6. Les profondeurs de prélèvement sont indiquées en cm à droite des spectres. Les spectres expérimentaux sont représentés sous forme de points. Les simulations obtenues par combinaison linéaire des spectres de référence A1 et B4, dus respectivement à des échantillons ordonné et désordonné, sont représentées en pointillés. Les conditions expérimentales sont les mêmes que pour la figure 5.2.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Une analyse plus quantitative montre que les spectres résultent de la combinaison linéaire de deux spectres de référence (figures 5.7 et 5.8) : ›› le premier, A1, est celui d’une kaolinite bien ordonnée typique du sédiment. Il est très proche du spectre de la figure 5.3a, ›› l’autre, B4, est dû à une kaolinite très désordonnée, représentative des horizons supérieurs des sols latéritiques de la région de Manaus. C’est le spectre déjà représenté sur la figure 5.4.
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Figure 5.8 - Spectre RPE de l’échantillon prélevé à 910 cm de profondeur (points noirs) et simulation (trait continu noir) obtenue par combinaison linéaire des composantes A1 (tirets noirs) et B4 (trait continu gris).
Nous avons vu dans la section 5.3.1 que le spectre de l’échantillon désordonné présente une forte composante de type « dickite » (voir l’encart de la figure 5.4) qui traduit l’existence d’une proportion élevée de défauts d’empilement. Cette interprétation est cohérente avec le fait que le spectre infrarouge de cet échantillon présente de grandes similitudes avec celui de la dickite dans la gamme de fréquences caractéristique des modes d’élongation des groupes OH (voir figure 5.1) [Balan et al., 2002, 2011]. Les spectres des échantillons prélevés sur le profil montrent qu’ils contiennent un mélange de deux types de kaolinites, l’un ordonné provenant des niveaux sédimentaires, l’autre désordonné typique du sol. Leurs proportions relatives, déduites de la simulation des spectres RPE, sont en très bon accord avec celles déterminées par spectroscopie infrarouge (figure 5.9).
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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La persistance de kaolinite ordonnée dans les niveaux supérieurs du profil suggère que la vitesse de transformation des kaolinites par dissolution /recristallisation est relativement lente, impliquant la présence de populations de kaolinite anciennes au sein des profils latéritiques [Balan et al., 2007]. De plus, la transformation des kaolinites ordonnées en kaolinites désordonnées semble être indépendante d’autres transformations minéralogiques observées dans le même profil latéritique. C’est le cas de la transformation des oxydes de fer qui a été étudiée par spectroscopie Mössbauer, par diffraction des rayons X et par spectroscopie UV-visible en réflectance diffuse [Fritsch et al., 2005]. L’hématite (Fe2O3) et la goethite (FeOOH) observées à la base du profil laissent progressivement la place à la goethite alumineuse (Fe0,67Al0,33OOH) vers le sommet, par une réaction de dissolution et de re-précipitation. Cette transformation, limitée à la partie supérieure des profils d’altération, se superpose à celle des kaolinites sans la modifier. Elle est postérieure à la mise en place des populations de kaolinites désordonnées. La dissolution /recristallisation plus récente d’oxydes de fer peut également aboutir lors de la migration verticale de Fe et Al à l’individualisation de poches décolorées d’échelle métrique à hectométrique, délimitées à leur base par de fins niveaux enrichis en oxydes de fer (figure 5.6) [Fritsch et al., 2002].
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Figure 5.9 - Traçage de la transformation des kaolinites le long du profil de la figure 5.6 par spectroscopies RPE (carrés blancs) et infrarouge (carrés noirs), et de la transformation des oxydes de fer par spectroscopie Mössbauer (ronds gris). La simulation des spectres permet de quantifier le remplacement de populations de minéraux anciennes par de plus récentes. Les résultats montrent que les évolutions des kaolinites et des oxydes de fer ne sont pas synchrones.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
5.5.3 - Datation par RPE des kaolinites des sols latéritiques La RPE peut aussi être utilisée pour estimer l’âge des kaolinites. Cette approche s’inspire de travaux antérieurs dans lesquels des défauts produits par irradiation dans les minéraux du groupe de la kaolinite avaient été utilisés pour analyser les transferts de radionucléides au sein des environnements géologiques [Allard & Muller, 1998 ; Allard et al., 2007]. Son principe est le même que celui de la datation archéologique décrit en détail à la section 1.2 du chapitre 1. Nous nous contentons de préciser les éléments spécifiques à la datation de kaolinites provenant de trois sites de la région de Manaus [Balan et al., 2005].
Détermination de la paléodose La dose d’irradiation enregistrée par les kaolinites jusqu’à l’instant présent (paléodose) a été déterminée en mesurant par RPE la concentration des défauts d’irradiation, qui sont majoritairement des centres A (figure 5.5). La courbe de sensibilité, qui relie cette concentration à la dose d’irradiation reçue, a été obtenue en effectuant des expériences d’irradiation artificielle. Nous avons utilisé des ions He+ de 1,5 MeV produits par l’accélérateur ARAMIS du CSNSM de l’Université Paris-Sud, dont les caractéristiques sont décrites dans [Bernas et al., 1992]. Deux échantillons représentatifs des kaolinites ordonnées et désordonnées ont été soumis à une large gamme de doses d’irradiation (figure 5.10).
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Figure 5.10 - Courbes de sensibilité obtenues en irradiant deux échantillons représentatifs des kaolinites de la région de Manaus avec des ions He+ de 1,5 MeV. L’ordonnée représente l’intensité du signal du centre A en unités arbitraires. Les flèches indiquent les paléodoses.
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
123
Il faut noter que ces doses sont beaucoup plus grandes que celles utilisées pour les carbonates ou les phosphates, qui sont de l’ordre du kGy (figure 1.3 du chapitre 1) [Ikeya, 1993] : il est comparativement plus difficile de créer des défauts d’irradiation dans la kaolinite que dans ces minéraux. Les résultats sont bien décrits par l’équation suivante, identique à l’équation [1.3] du chapitre 1 [Grün, 1991 ; Allard et al., 1994] :
I = I 0 [1 − e -n (D + P)]
[5.2]
I est l’intensité du signal RPE, qui est proportionnelle à la concentration des défauts d’irradiation, I0 est l’intensité à saturation. D est la dose appliquée en grays (1 Gy = 1 J kg– 1), P est la paléodose, et m le coefficient d'efficacité qui dépend du minéral et du rayonnement. Les valeurs de m déduites de ces études (7,8 × 10– 4 kGy– 1 pour l’échantillon ordonné et 3,7 × 10– 4 kGy–1 pour l’échantillon désordonné) ont été utilisées pour extrapoler la paléodose des autres échantillons à partir de l’intensité du signal de leurs défauts. Les paléodoses ainsi obtenues varient entre 100 et 1000 kGy (figure 5.12).
Détermination du débit de dose Pour les défauts stables comme le centre A, la paléodose est l’intégrale temporelle du débit de dose depuis la formation des kaolinites (équation [1.1] du chapitre 1). Pour convertir en âge la paléodose déterminée par RPE, il faut donc connaître le débit de la dose enregistrée par les kaolinites et ses éventuelles variations au cours du temps. L’effet des rayons cosmiques est considéré comme négligeable du fait de la profondeur à laquelle ont été prélevés les échantillons. On peut calculer la dose annuelle actuelle à partir de la concentration des éléments radioactifs, qui sont essentiellement U et Th dans les échantillons étudiés. Le rayonnement alpha, dont la profondeur de pénétration dans la matière est de l’ordre de 10 nm, est connu pour son efficacité à créer des défauts d'irradiation. Pour préciser sa contribution au débit de dose, il faut donc analyser la répartition spatiale des radioéléments dans les échantillons du sol : »» La répartition spatiale de l’uranium a été déterminée à l’échelle du nm sur des lames minces en utilisant la cartographie des traces de fission induites (figure 5.11). Ces cartes révèlent que l’uranium est concentré dans des grains de zircon et qu’il est aussi présent, dans une moindre mesure, dans les oxydes de titane et de fer. Etant donné sa faible profondeur de pénétration, il est vraisemblable que le rayonnement alpha issu des chaînes de désintégration de l’uranium contribue peu à la dose enregistrée par les kaolinites, et sa contribution a donc été négligée dans l’évaluation du débit de dose. »» La répartition spatiale du thorium n’a pas pu être analysée directement faute d'une méthode d'imagerie adaptée. L’analyse de séries de grains de zircons isolés [Balan et al., 2001] indique que le thorium n’est pas majoritairement présent au sein de ces grains, et qu’il est probablement dilué au sein de la matrice argileuse. La dose
124
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de rayonnement alpha correspondante a donc été prise en compte dans le calcul du débit de dose. Une difficulté importante dans la datation des sols est liée à la géochimie ouverte de ces milieux qui est susceptible de faire varier le débit de dose. Dans le cas de la datation par RPE, ce caractère se traduit essentiellement par le lessivage éventuel de l’uranium, élément mobile car soluble en conditions oxydantes. Dans les formations de la région de Manaus, la concentration de l’uranium au sein de zircons faiblement endommagés par auto-irradiation (faible degré d’amorphisation) a limité la migration de cet élément, comme l’atteste le rapport globalement constant entre les concentrations en uranium et en thorium, ce dernier étant un élément géochimiquement peu mobile du fait de sa très faible solubilité. Ces observations suggèrent que le débit de dose a peu varié au cours du temps. Il a donc été considéré comme constant et égal à la dose annuelle actuelle calculée.
Figure 5.11 - Image obtenue par microscopie électronique à balayage en électrons rétrodiffusés (à gauche) et carte correspondante des traces de fission induites de l’uranium (à droite). Noter la distribution hétérogène de l’uranium qui est essentiellement concentré au sein d’un grain de zircon (en bas à droite) et de deux grains plus volumineux d’oxydes de titane (en haut).
L’âge des kaolinites Si on représente sur un graphique chaque échantillon de kaolinite par un point ayant pour abscisse le débit de dose et pour ordonnée la paléodose, l’âge de l’échantillon
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
125
est donné par la pente de la droite joignant ce point à l’origine (figure 5.12). Les points représentant les kaolinites des horizons sédimentaires sont pratiquement alignés, ce qui suggère qu’elles ont un âge semblable, un peu supérieur à 25 Ma. Ceci confirme que ces kaolinites se sont formées au sein du sédiment par altération d’un matériau initial déposé vers la fin du Crétacé. Bien que plus récentes, les kaolinites des sols ont tout de même un âge de l’ordre de 6 à 10 Ma. Ce résultat tend à réfuter un modèle de dissolution /recristallisation rapide qui les maintiendrait en équilibre avec les conditions actuelles du milieu (section 5.5.1). 0D
3DOpRGRVH>N*\@
0D
'pELWGHGRVH>P*\ND@
Figure 5.12 - Détermination de l’âge des échantillons de kaolinite. Les cercles représentent des échantillons des horizons sédimentaires et les carrés des échantillons de sol. Quand le débit de dose est constant, les courbes isochrones sont des droites passant par l’origine. Bien que plus récentes que les kaolinites du sédiment, la concentration significative en défauts d’irradiation des kaolinites du sol témoigne de leur ancienneté.
La relative résistance de la kaolinite aux processus de dissolution /précipitation à la surface de la Terre est compatible avec le caractère ancien de la transformation des kaolinites ordonnées en kaolinites désordonnées observée verticalement dans les profils de sols. La kaolinite est donc susceptible de fournir, au travers de sa composition en isotopes stables de l’oxygène et de l’hydrogène, des informations paléoclimatiques. En revanche, une contribution importante des kaolinites à un échange rapide de la silice entre le sol et le couvert végétal [e.g. Lucas et al., 1993, 1996] devient discutable et le rôle d’autres phases porteuses de silice (e.g. silice biologique) mériterait d’être précisé. Il faut remarquer que le site de Manaus sur lequel a été réalisée cette étude est exceptionnel dans la mesure où les migrations des radioé-
126
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
léments y sont très limitées. L’application de cette méthode à des profils développés sur des roches endogènes présentant plusieurs minéraux porteurs de l’uranium, comme la titanite (CaTiSiO5) ou la monazite (LaPO4), et du potassium, comme les micas, est donc probablement beaucoup plus délicate. Par ailleurs, la variation du débit de dose, la présence d’eau dans le système et la distribution spatiale des radionucléides, peuvent entraîner des incertitudes importantes sur l’âge des kaolinites. Elles pourraient être minimisées par l’étude d’échantillons provenant d’environnements susceptibles d’être datés indépendamment.
5.6 - Conclusion En dépit de l’hétérogénéité et de la variabilité des échantillons naturels, leur étude par des techniques spectroscopiques sensibles à l’environnement local des atomes et des défauts, telles que la RPE, révèle des régularités insoupçonnées présentes à l’échelle atomique. C’est ainsi qu’il est possible d’obtenir par RPE des informations quantitatives sur l’ordre structural des minéraux, sur leurs concentrations en défauts et impuretés en traces, du fait de la sensibilité unique de cette technique. La RPE peut donc apporter des informations très originales, à la fois sur les milieux de formation et les modifications des conditions environnementales. L’utilisation de la RPE pour suivre les modifications des environnements actuels sous l’effet de pollutions chimiques ou radiologiques constitue un domaine qui est largement sous utilisé (voir cependant l’application décrite au chapitre 2). La datation par RPE des minéraux des sols constitue un autre défi de grande envergure et représente une possibilité unique de quantifier l’évolution passée des surfaces continentales, domaine fondamental pour suivre les modifications des climats passés.
5 - Cristallochimie des minéraux argileux
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction Bertrand P. Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
6.1 - Introduction 6.1.1 - Les enzymes d’oxydo-réduction et leurs centres paramagnétiques Les cellules des êtres vivants sont le siège de très nombreuses réactions chimiques caractérisées par DrG < 0, qui devraient donc se produire spontanément. Si c’était le cas, ces cellules seraient de simples réacteurs chimiques et les processus complexes de la vie n’auraient pas lieu. En réalité, ces réactions chimiques sont bloquées à température ambiante pour des raisons cinétiques et elles sont catalysées de façon spécifique par des protéines aux propriétés remarquables, les enzymes (voir l’annexe 4 pour une présentation générales des protéines). Les interactions entre les enzymes et les réactifs modifient radicalement le profil de la variation d’énergie libre de la réaction (figure 6.1) : ›› en absence d’enzyme, la formation de l’état de transition à partir des réactifs nécessite une énergie élevée (la barrière énergétique est grande) et la réaction est très lente (figure 6.1a), ›› en présence d’enzyme, la réaction a lieu en plusieurs étapes caractérisées par des barrières de faible énergie, ce qui augmente considérablement sa vitesse (figure 6.1b). En général, l’enzyme accélère aussi la réaction inverse. Au cours de la réaction, l’enzyme éventuellement complexée aux réactifs ou aux produits passe par des formes transitoires appelées « intermédiaires réactionnels » dont l’enchaînement constitue le cycle catalytique. L’efficacité de l’enzyme dépend des vitesses de passage d’un intermédiaire à l’autre et donc de la concentration des réactifs qui intervient dans les étapes bimoléculaires.
132
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications (a)
G
R P CR1 (b)
G R+E P+E
CR2 Figure 6.1 - Profil de la variation d’énergie libre pour : (a) une réaction non-catalysée et (b) une réaction catalysée par une enzyme E. R représente les réactifs, P les produits de la réaction. La coordonnée de la réaction CR n’est pas la même dans les deux cas. Les maxima correspondent à des états de transition, les minima à des intermédiaires réactionnels.
La vitesse initiale V de la réaction, qui est proportionnelle à la concentration de l’enzyme, est par définition son « activité ». Elle est maximale quand la concentration des réactifs est saturante, c’est-à-dire assez grande pour que la vitesse de la réaction n’en dépende pas. Dans ces conditions, l’activité s’écrit
Vmax = k cat [E]
[E] est la concentration de l’enzyme. La constante catalytique kcat est le nombre maximum de cycles par seconde par molécule d’enzyme. Les valeurs de kcat sont couramment de l’ordre de 102 à 104 s–1. Les enzymes sont parfois purifiées sous une forme inactive et doivent être réactivées par un traitement chimique approprié, parfois une simple réduction. Pour savoir si une enzyme est active, on la met en présence de ses réactifs. Si la réaction démarre rapidement, l’enzyme est dans une forme active qui est généralement un intermédiaire du cycle catalytique. Dans les cellules des êtres vivants, de nombreuses réactions consistent à échanger des électrons :
S red + A ox " S ox + A red
[6.1]
où Sred et Aox sont respectivement un substrat et un accepteur d’électron. Ces réactions sont catalysées par des enzymes d’oxydo-réduction, qui contiennent (figure 6.2) : ›› un site actif où a lieu l’activation du substrat Sred, qui génère des électrons et très souvent des protons. Le substrat accède souvent au site actif par un « canal »,
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
133
›› une chaîne de centres rédox, qui assure un transfert d’électron rapide vers l’accepteur, ›› éventuellement, une chaîne de groupes protonables pour transférer les protons vers le solvant. $R[
6UHG 6LWH DFWLI
&HQWUHVUpGR[ H
6R[
+
H
$UHG
Figure 6.2 - Représentation schématique d’une enzyme d’oxydo-réduction. Les flèches représentent des étapes de la réaction [6.1] qui ont lieu spontanément sous l’effet de la force motrice (DrG < 0), avec des vitesses élevées grâce aux faibles barrières énergétiques. La RPE apporte des informations sur le site actif et les centres rédox, et sur les différentes étapes du cycle catalytique.
On réalise l’importance de cette classe d’enzymes quand on sait qu’environ 30 % des protéines présentes dans les êtres vivants sont des enzymes d’oxydo-réduction. Certaines agissent en solution, d’autres sont insérées dans des membranes. On trouve ces dernières dans les systèmes bioénergétiques qui convertissent l’énergie chimique (systèmes respiratoires) ou lumineuse (systèmes photosynthétiques) en une forme utilisable par les êtres vivants. Les sites actifs et les centres rédox des enzymes d’oxydo-réduction sont soit des groupes organiques (flavines, chlorophylles, quinones) liés à la protéine par des liaisons faibles ou covalentes, soit des ions de transition qui forment des complexes mono ou polynucléaires avec des ligands O, S ou N fournis par des acides aminés de la protéine, et on parle alors de « métalloenzymes ». Ces cations proviennent d’éléments abondants dans la croûte terrestre, de la première (V, Mn, Fe, Co, Ni, Cu), deuxième (Mo) ou troisième (W) série de transition. Ces centres sont soumis aux contraintes exercées par la protéine et ils adoptent généralement une géométrie très déformée. La fonction du site actif et des centres rédox leur imposant de changer facilement d’état d’oxydation, on peut souvent préparer l’enzyme dans un état où ils sont paramagnétiques, ce qui explique le rôle privilégié que jouent la RPE et les autres spectroscopies magnétiques dans l’étude de cette classe d’enzymes.
6.1.2 - Les enzymes d’oxydo-réduction et la spectroscopie RPE Les premières expériences de RPE sur des enzymes d’oxydo-réduction ont débuté à la fin des années 1950, à une époque où l’on savait très peu de chose sur leur structure et où toutes les informations étaient les bienvenues. Elles consistaient à
134
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
enregistrer à température ambiante le spectre d’un tube RPE rempli de fragments de membrane ou d’une solution d’enzymes partiellement purifiées. Des signaux de radicaux et de centres métalliques furent observés, mais la faible sensibilité et le manque de reproductibilité ne permirent pas de les interpréter. Des progrès décisifs furent accomplis lorsque les techniques de purification et de concentration (valeurs typiques 10 nM à 1 mM) furent améliorées et les spectres furent enregistrés aux températures cryogéniques. Les spectroscopistes découvrirent alors une grande variété de formes spectrales qui différaient notablement de celles données par les composés chimiques de symétrie élevée. Leur interprétation structurale se heurtait à plusieurs difficultés. Sur le plan expérimental, les spectres de solutions gelées enregistrés en bande X ou Q étaient mal résolus à cause du phénomène d’élargissement par g-strain [Bertrand, 2010, section 9.5.3]. Sur le plan théorique, les paramètres de l’hamiltonien de spin déduits de la simulation des spectres étaient difficiles à analyser avec les modèles de type « champ de ligands », peu adaptés aux centres de basse symétrie. Des résultats intéressants furent néanmoins obtenus, en particulier dans le cas des centres à fer pour lesquels la spectroscopie Mössbauer apporte des informations complémentaires. Les centres métalliques polynucléaires sont très fréquents dans les enzymes d’oxydo-réduction et les modèles de couplage furent très utiles pour analyser leurs spectres RPE [Bertrand, 2010, section 7.4]. Depuis les années 1980, les structures tridimensionnelles de nombreuses enzymes d’oxydo-réduction ont été déterminées et les études spectroscopiques se sont orientées vers la compréhension de leur mécanisme réactionnel, c’est-à-dire la détermination et la caractérisation des étapes du cycle catalytique. Elles bénéficient des techniques de mutagénèse dirigée qui permettent de modifier les acides aminés qui lient le site actif et les centres rédox (voir l’annexe 4). Le domaine des informations accessibles par RPE s’est considérablement élargi depuis le développement des techniques à haute résolution, RPE impulsionnelle et ENDOR (voir les annexes 2 et 3 en fin d’ouvrage). L’avènement de la RPE à haut champ, qui permet de déterminer avec précision les valeurs de g des radicaux et de les identifier sans ambiguïté, a aussi ouvert de nouvelles perspectives. Les données fournies par ces techniques peuvent être interprétées de façon détaillée grâce aux nouveaux modèles de la chimie quantique et au progrès des outils de calcul numérique. En particulier, les couplages hyperfins mesurés par les techniques à haute résolution peuvent être confrontés à la distribution de la densité de spin calculée à partir de ces modèles. Dans ce qui suit, nous illustrons différents aspects des applications de la RPE aux enzymes d’oxydo-réduction par des études effectuées sur des enzymes solubles, les laccases et les hydrogénases à Ni–Fe, et sur un complexe bioénergétique membranaire, le photosystème II.
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
135
6.2 - Les laccases : des enzymes pour l’oxydation des substrats de haut potentiel Les laccases sont des enzymes de masse molaire 50 à 100 kDa environ, qui catalysent l’oxydation par le dioxygène de substrats organiques comme les phénols, les polyphénols et les amines aromatiques, selon des réactions du type : 4 phénol + O 2 " 4 phénoxyle + 2H 2 O
[6.2]
On les trouve dans les plantes supérieures et les champignons, mais aussi chez les insectes et certaines bactéries. Leur nom vient des laques préparées à partir de la sève d’arbres du genre Rhus, qui sont utilisées depuis longtemps pour la confection du mobilier en Asie orientale. On s’est aperçu à la fin du xixème siècle que le traitement de ces laques était facilité par des « ferments » extraits des mêmes arbres, qui ont été appelés « laccases » par le chimiste français Gabriel Bertrand [Bertrand, 1895]. Les champignons utilisent les laccases pour dégrader la lignine, un polymère complexe beaucoup trop volumineux pour interagir directement avec l’enzyme. Dans ce cas, l’oxydation du substrat a lieu par l’intermédiaire de médiateurs naturels (figure 6.3). 2+
6UHG 7 ODFFDVH 7 7
D 6R[ 6UHG
+2 2+
0R[ 7 ODFFDVH 7 7
E 6R[
0UHG
+2
Figure 6.3 - Réaction d’oxydation d’un substrat par le dioxygène catalysée par une laccase. (a) sans médiateur ; (b) avec un médiateur M. T1, T2, T3 sont les centres à Cu de la laccase.
La possibilité d’utiliser des médiateurs artificiels élargit considérablement l’éventail des substrats susceptibles d’être oxydés par les laccases et ouvre la voie à des applications très diverses qui ont fait l’objet de nombreux brevets: blanchiment de la pâte à papier et des textiles, amélioration de la qualité des aliments, bioremédiation des sols et des eaux, synthèse de polymères, développement de biosenseurs et de piles à combustibles, etc… [Kunammeni et al., 2008].
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
6.2.1 - Un casse tête pour spectroscopistes : la structure des centres à cuivre T1 et T2 L’analyse du contenu en atomes métalliques montre que chaque molécule de laccase contient 4 atomes de cuivre et la spectrométrie RPE a révélé très tôt comment ils sont organisés dans l’enzyme. Il a été montré dés la fin des années 1960 que le spectre RPE d’une solution gelée de laccases oxydées du champignon Polyporus versicolor contient deux composantes dont l’intensité correspond à un centre par molécule : l’une T1 caractérisée par g// = 2,190, g^ = 2,042, |A//| = 270 MHz, |A9| = 29 MHz, l’autre T2, caractérisée par g// = 2,262, g9 = 2,036, |A//| = 530 MHz, |A9| = 85 MHz [Malström et al., 1968]. Toutes les laccases donnent ce type de spectre à l’état oxydé. Nous avons représenté par exemple sur la figure 6.4 celui de la laccase de Thielavia arenaria, un champignon qui appartient au même embranchement que les levures (champignons unicellulaires), les morilles et les truffes. D
E
F
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 6.4 - Spectre RPE bande X d’une solution gelée de la laccase de Thielavia arenaria. (a) spectre enregistré à 15 K. Micro-ondes: fréquence 9,434 GHz, puissance 1 mW. Modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 1mT. La simulation en pointillé est la somme des composantes T1 et T2 de même intensité représentées en (b) et (c). Elles sont calculées en supposant que les matrices g˜ et à ont les mêmes axes principaux, avec des raies gaussiennes de largeur à mi-hauteur v. T1 : g// = 2,204 ; g9 = 2,040 ; A// = 270 MHz ; A9 = 30 MHz ; v// = 140 MHz ; s9 = 135 MHz. T2 : g// = 2,260 ; g9 = 2,040; A// = 510 MHz ; A9 = 105 MHz ; v// = 300 MHz ; v9 = 220 MHz.
Pour expliquer le « silence RPE » des deux autres ions Cu2+, il a été proposé qu’ils sont couplés par une forte interaction d’échange antiferromagnétique conduisant à un état fondamental de spin S = 0 (centre de type T3) [Fee et al., 1969 ; Malkin & Malmström, 1970]. Le bien fondé de cette hypothèse a été confirmé par la suite et
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la classification des centres T1, T2, T3 basée sur la RPE a été appliquée à tous les centres à cuivre des protéines. L’interprétation du spectre RPE en termes structuraux s’est avérée beaucoup plus délicate. La composante T2 ressemblant beaucoup au spectre des complexes Cu2+ de géométrie plan carré [Bertrand, 2010, figure 4.11], elle a été attribuée à un centre ayant cette structure. Les efforts se sont donc concentrés sur les centres T1 dont les propriétés spectroscopiques sont très atypiques. Leurs constantes hyperfines (A//, A9) sont en effet anormalement faibles et ils possèdent une bande d’absorption intense vers 600 nm inhabituelle pour un centre Cu2+, qui est responsable de la couleur bleue de l’enzyme [Malström et al., 1968]. Ces propriétés sont semblables à celles du centre Cu2+ de certaines protéines dites « bleues » comme l’azurine de la bactérie Pseudomonas aeruginosa (g// = 2,257, g9 = 2,055, |A//| = 180 MHz) [Broman et al., 1963] et la plastocyanine de la plante Chenopodium album (g// = 2,226, g9 = 2,053, |A//| = 190 MHz, |A9| = < 50 MHz) [Blumberg & Peisach, 1966]. La structure cristallographique de ces protéines a montré que l’ion Cu2+ est coordonné par une méthionine, une cystéine et 2 histidines (voir annexe 4 de cet ouvrage) selon une géométrie tétraédrique déformée, avec deux liaisons Cu–N(His) normales, une liaison Cu–S(Cys) assez courte et une liaison Cu–S(Met) anormalement longue (figure 6.5a) [Adman et al., 1978 ; Colman et al., 1978 ; Guss & Freeman, 1983]. (a)
(b)
S-Met 2,90
2,13
Cys-S
Cu 2,10
2,04
N-His
N-His
Cys-S
2,18
2,20
Cu 2,20
N-His N-His
Figure 6.5 - Structure des centres Cu2+ mononucléaires des protéines (a) dans une protéine bleue, la plastocyanine [d’après Guss et al., 1983] (b) dans la laccase de Rigidoporus lignosus [d’après Garavaglia et al., 2004]. Les longueurs de liaison sont en angström.
Cette géométrie est imposée par la protéine car elle n’est pratiquement pas modifiée quand l’ion Cu2+ est réduit en Cu+ ou même supprimé [Guss et al., 1986 ; Garret et al., 1984]. Plusieurs structures cristallographiques de laccases ont été résolues depuis une dizaine d’années. Elles montrent que la géométrie du centre T1 diffère sensiblement de celle des centres des protéines bleues : elle est plane, de type trigonale déformée avec un ligand S(Cys) et 2 ligands N(His) (figures 6.5b et 6.6) [Ducros et al., 1998 ; Piontek et al., 2002 ; Hakulinen et al., 2002 ; Garavaglia et al., 2004]. Les propriétés spectroscopiques des centres Cu2+ des protéines ont pu être interprétées à la lumière de leurs structures, et quelques indications sont données au complément 1. Les structures cristallographiques ont aussi révélé que le centre T2, dont le spectre
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RPE était considéré comme « normal », possède en réalité une géométrie trigonale déformée avec deux ligands N(His) et un ligand aqueux (figure 6.6). Quand au centre dinucléaire T3, il est constitué de deux atomes (Cua, Cub) pontés par un ligand hydroxo, chacun étant de plus coordonné par 3 azotes N(His) (figure 6.6). 2
&XD 7 1
7
2 6
1
&XE
Figure 6.6 - Organisation des centres à cuivre dans la laccase de Rigidoporus lignosus. O2 et O3 sont des oxygènes de ligands H2O ou OH–. Le ligand O3, qui ponte les ions (Cua, Cub) du centre T3 dans les laccases oxydées, n’est ici lié qu’à Cua, ce qui suggère que l’enzyme est partiellement réduite. Le centre T1 reçoit les électrons du substrat et les transmet au site actif (T2, T3) où a lieu la réduction du dioxygène. [Fichier 1V10 de la Protein Data Bank]
Le cas des centres T1 et T2 des laccases illustre bien les difficultés posées par l’interprétation structurale du spectre RPE des centres de basse symétrie des protéines. Les caractéristiques spectrales inhabituelles des centres T1 reflètent la géométrie particulière qui leur est imposée par la protéine, et elles n’ont pu être interprétées qu’après que cette géométrie a été connue (complément 1). Inversement, le spectre du centre T2 qui est semblable à ceux des complexes de Cu2+ de géométrie plan carré, masque en réalité une structure très différente. La situation n'est pas la même quand les ions Cu2+ forment des complexes avec des peptides ou les domaines désordonnés de certaines protéines. Dans ce cas, la flexibilité de la chaîne polypeptidique permet d’assurer la coordination équatoriale à 4 ligands qui stabilise le complexe (voir le chapitre 4).
6.2.2 - Un intermédiaire réactionnel dans la réduction du dioxygène : un complexe trinucléaire de Cu2+ Les caractéristiques spectrales que nous avons décrites sont celles des laccases purifiées à l’air. Ces enzymes sont inactives, mais on peut les activer en les réduisant à l’ascorbate. Si on injecte le substrat O2 dans une solution de laccases activées, le cycle catalytique démarre et les techniques de flux bloqué et de gel rapide (voir la section 10.2 du chapitre 10) permettent de piéger un intermédiaire réactionnel dans lequel les 4 ions cuivre sont dans l’état Cu2+. Cette forme de l’enzyme donne un spectre RPE où on retrouve la composante de T1 mais pas celle de T2. A très basse température (T < 20 K) et à forte puissance, on observe aussi le signal d’un centre de spin S = ½, avec gx = 1,65 ; gy = 1,86 ; gz = 2,15 [Lee et al., 2002]. Ce signal est carac-
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térisé par une forte dépendance en température du temps de relaxation spin-réseau T1 due à un processus Orbach impliquant un niveau excité d’énergie D ≈ 140 cm– 1 [Bertrand, 2010, section 5.4.1]. L’ensemble de ces résultats suggère fortement que, dans cette forme de l’enzyme, les 3 ions Cu2+ du site actif sont couplés par de fortes interactions d’échange antiferromagnétiques. D’autres techniques spectroscopiques ont montré que les 3 ions Cu2+ constituent effectivement un complexe trinucléaire où ils sont pontés par un n3-oxo issu du substrat, un résultat qui a permis de modéliser le cycle catalytique des laccases [Yoon et al., 2005 ; Solomon et al., 2008]. On trouvera une présentation de l’état actuel de nos connaissances sur le mécanisme des laccases dans [Augustine et al., 2010].
6.2.3 - L’étape d’oxydation des substrats phénoliques ou des médiateurs Nous nous sommes intéressés jusqu’ici au centre T1 et au site (T2, T3) de réduction du dioxygène. Les transferts d’électrons de T1 vers (T2, T3) et la réduction du dioxygène sont des processus rapides, et c’est l’étape d’oxydation des substrats phénoliques (ou des médiateurs, figure 6.3) par le centre T1 qui limite l’activité des laccases. C’est donc cette étape que l’on cherche à optimiser en vue d’applications industrielles, en élaborant des systèmes laccase-médiateur performants, peu coûteux et non-toxiques (ceci concerne les médiateurs). La spectroscopie RPE a aussi été utilisée dans ce contexte, par exemple pour identifier les radicaux produits par l’oxydation de différents médiateurs [Brogioni et al., 2008] ou pour dénombrer les radicaux phénoxyle produits par la réaction [6.2] lors du blanchiment de la pâte à papier [Suurnäkki et al., 2010].
6.3 - Les hydrogénases : des enzymes pour l’oxydation et la production du dihydrogène Les hydrogénases catalysent l’oxydation de H2 par divers accepteurs d’électrons :
H 2 + 2A ox " 2H + + 2A red
[6.3]
Le cycle catalytique comporte nécessairement les étapes suivantes : diffusion de H2 jusqu’au site actif, activation de H2 au site actif, transfert d’électrons vers Aox, transfert de protons vers le solvant. Des expériences ont montré que l’activation de H2 au site actif a lieu par rupture hétérolytique : H2 " H- + H+ [6.4] Les hydrogénases sont apparues très tôt au cours de l’évolution biologique. On les trouve actuellement dans des bactéries qui utilisent H2 comme substrat ou qui produisent H2 pour éliminer un excès d’électrons. Leurs propriétés catalytiques sont très étudiées dans la perspective d’applications biotechnologiques. En effet, la
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réaction [6.3] est une des demi réactions de la pile à combustible O2 /H2, et le couplage de la réaction inverse à un système photosynthétique qui réduirait Aox permettrait de produire du dihydrogène à partir d’énergie solaire (voir la figure 6.15b). Cependant, l’utilisation industrielle des hydrogénases se heurte à leur inactivation par l’oxygène de l’air, un phénomène complexe qui fait actuellement l’objet de nombreux travaux. Il existe deux classes d’hydrogénases qui diffèrent par la nature du site actif : les hydrogénases à Ni–Fe et les hydrogénases à Fe–Fe. Nous ne nous intéressons ici qu’aux premières. L’étude par RPE des hydrogénases à Fe–Fe est décrite dans la revue [Lubitz et al., 2007]. Dans les hydrogénases comme dans la plupart des enzymes d’oxydo-réduction, le site actif n’est pas de même nature que les centres rédox et tous les centres rédox ne sont pas identiques. De plus, certains centres sont paramagnétiques à l’état oxydé, d’autres à l’état réduit. Pour détecter les signaux RPE de tous les centres paramagnétiques de l’enzyme, il faut donc effectuer un titrage potentiométrique suivi par RPE : on réalise une série d’équilibres rédox en ajoutant de petites quantités d’un oxydant ou d’un réducteur à une solution d’enzyme, et on mesure le potentiel d’une électrode de platine plongée dans la solution par rapport à une électrode de référence. En analysant les spectres donnés par des échantillons prélevés à chaque équilibre, on peut suivre la variation de concentration des centres paramagnétiques sur une large plage de potentiel et en déduire leur potentiel rédox grâce à l’équation de Nernst. Cette méthode a été appliquée aux hydrogénases à Ni–Fe dés les années 1980. Combinée à des expériences de substitution isotopique, elle a apporté des informations précieuses sur le site actif et sur le nombre et la nature des centres rédox bien avant que leur structure cristallographique fût connue. La résolution de cette structure [Volbeda et al., 1995] a suscité de nouvelles expériences de RPE qui ont amélioré notre compréhension du mécanisme catalytique de l’enzyme. Nous présentons ces études dans deux sections, l’une consacrée au site actif, l’autre à la chaîne de transfert d’électron.
6.3.1 - Le site actif des hydrogénases à Ni–Fe Les signaux Ni–A et Ni–B Le spectre bande X d’une solution gelée d’une hydrogénase purifiée à l’air comporte deux composantes caractéristiques de centres de spin ½ (figure 6.7a). L’intensité totale du spectre correspond à 0,6 centre paramagnétique par molécule d’enzyme. La plupart des hydrogénases à Ni–Fe purifiées à l’air donnent ce type de spectre, mais les proportions relatives des deux composantes dépendent de la nature de l’enzyme et de son mode de purification. L’analyse du contenu en atomes métalliques indique que chaque molécule contient un atome de nickel. Parmi les isotopes naturels du nickel, seul 61Ni (I = ³⁄², abondance 1,1 %) possède un noyau paramagnétique. Si on enrichit le milieu de culture des bactéries en isotope 61Ni, on observe sur les deux
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composantes du spectre une structure hyperfine due à un noyau de spin ³⁄² qui prouve que l’atome de nickel est impliqué dans ces signaux [Albracht et al., 1982 ; Moura et al., 1982]. Ceux-ci ont donc été attribués à deux états dits Ni–A et Ni–B d’un centre à nickel qui se forment quand l’enzyme est purifiée en présence de dioxygène. Un des ligands du nickel est probablement un groupe oxygéné. En effet, lorsque l’enzyme préalablement réduite par H2 est réoxydée par du dioxygène enrichi en 17 O (I = 5⁄²), on observe un élargissement des composantes Ni–A et Ni–B [van der Zwaan et al., 1990].
D
E
F
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 6.7 - Spectres bande X donnés par différents états du site actif de l’hydrogénase de la bactérie Desulfovibrio desulfuricans. (a) Après purification à l’air. Température 100 K. Fréquence micro-ondes 9,406 GHz. La simulation en pointillés est obtenue en ajoutant les composantes : Ni–A (34 %) g = 2,315 ; 2,233 ; 2,008 et Ni–B (66 %) g = 2,338 ; 2,158 ; 2,006. (b) Signal Ni–C. Température 70 K. Fréquence micro-ondes 9,407 GHz. (c) Signal Ni–L. Température 70 K. Fréquence micro-ondes 9,420 GHz. Pour tous les spectres : puissance 10 mW, modulation : fréquence 100 kHz, amplitude 1mT.
Dans les états Ni–A et Ni–B, l’enzyme est inactive mais elle peut être réactivée par réduction chimique ou par incubation sous H2. L’étude détaillée des processus d’inactivation et de réactivation suivis par RPE a conduit aux conclusions suivantes [Fernandez et al., 1985, 1986] :
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
›› la formation de l’état Ni–A semble nécessiter la présence d’oxygène. Dans cet état, la réactivation est très lente (plusieurs heures), ›› l’état Ni–B peut être produit par certains oxydants en absence d’oxygène. Dans cet état, l’enzyme est réactivée rapidement (quelques dizaines de secondes). La structure cristallographique d’une hydrogénase [Volbeda et al., 1995] a montré que le site actif est un centre dinucléaire Ni–Fe (figure 6.8). Cette hydrogénase avait été purifiée à l’air et une poudre polycristalline donnait un spectre RPE semblable à celui de la figure 6.7. Le nickel, coordonné à 5 ligands selon une géométrie très distordue, est ponté à un atome de fer par les thiolates de deux cystéines et un ligand L que la résolution de la structure ne permet pas d’identifier. Le fer reste dans l’état Fe2+ (S = 0) dans toutes les formes de l’enzyme, ce qui explique qu’il n’ait pas été détecté par RPE [Dole et al., 1997 ; Huyett et al., 1997]. &\V 6
&\V 6 &2 )H &1
1L
/ &1
&\V 6
= 6 &\V
Figure 6.8 - Représentation schématique du site actif des hydrogénases à Ni–Fe. La nature du ligand pontant L dépend de l’état du site actif. La numérotation des cystéines (voir annexe 4) est celle de l’enzyme de la bactérie D. fructosovorans, celle de D. vulgaris est indiquée entre parenthèses.
L’expérience réalisée avec l’isotope 17O mentionnée ci-dessus indique que dans les états Ni–A et Ni–B, L est une espèce oxygénée, vraisemblablement H2O ou OH–. Ceci explique pourquoi l’enzyme est inactive dans ces états, car nous verrons que cette position est utilisée lors du cycle catalytique. On a cherché à préciser la structure électronique du centre nickel dans les états Ni–A et Ni–B. Le premier point concerne l’état de valence du nickel, qui est a priori Ni3+ (3d7) en situation de spin faible ou Ni+ (3d 9). Les valeurs de g des signaux Ni–A et Ni–B ont été analysées avec un modèle de champs des ligands adapté à une géométrie idéalisée du centre nickel, de type pyramide à base carrée, où la base est définie par le ligand L et 3 soufres de cystéine et l’axe Z est indiqué sur la figure 6.8. D’après ce modèle, l’orbitale occupée par l’électron non-apparié est d z 2 pour Ni3+ et d x 2 - y 2 pour Ni+, l’axe Z correspondant à la plus petite valeur principale (g ≈ 2,01) dans le premier cas, à la plus grande (g ≈ 2,30) dans le second [Lubitz et al., 2007]. L’étude par RPE d’un monocristal de l’enzyme de la bactérie Desul-
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fovibrio vulgaris a montré que l’axe magnétique qui correspond à g = 2,01 est très proche de la direction Z de la figure 6.8 dans les états Ni–A et Ni–B, un argument fort en faveur de Ni3+ [Trofanchuk et al., 2000]. Des données sur la distribution de la densité de spin dans l’état Ni–B ont été obtenues par spectroscopie ENDOR. Des expériences d’ENDOR de 61Ni (I = ½) ont permis d’évaluer la population de spin du Ni3+ à 0,44 [Flores et al., 2008] et des expériences d’ENDOR du proton effectuées sur un monocristal ont mis en évidence deux protons non-échangeables fortement couplés, et un proton échangeable faiblement couplé sur le ligand L. Ce ligand a donc été identifié à OH– [van Gastel et al., 2006]. Des calculs de type DFT basés sur la géométrie réelle du site actif reproduisent assez bien les directions des axes principaux des matrices g˜ , un peu moins bien les valeurs principales [Stadler et al., 2002 ; Stein & Lubitz, 2004 ; van Gastel et al., 2006]. Ils donnent une population de spin de 0,5 pour l’orbitale d z 2 du Ni, et une population de 0,34 sur le soufre pontant de la cystéine 549 (numérotation D. vulgaris), qui conduit à identifier les deux protons non-échangeables fortement couplés détectés par ENDOR aux protons en b de cette cystéine (voir la figure A4.1 de l’annexe 4). La population de spin calculée pour le ligand pontant OH – est faible, mais suffisante pour expliquer l’élargissement du signal Ni–B dû à l’interaction avec 17O et l’interaction avec le proton échangeable observée par ENDOR. Ces belles études de RPE n’expliquent pas la différence entre les états Ni–A et Ni–B. De nouvelles approches basées sur la modification de certains acides aminés et utilisant d’autres techniques comme l’électrochimie directe, se développent actuellement pour mieux comprendre les processus d’activation /inactivation des hydrogénases à Ni–Fe [Lamle et al., 2004 ; Abou Hamdan et al., 2013].
Les signaux Ni–C et Ni–L Une série d’expériences de RPE a permis d’identifier les sites de fixation des ions H–et H+ lors de la rupture hétérolytique de H2 (réaction [6.4]). Quand une hydrogénase à Ni–Fe purifiée à l’air est incubée sous hydrogène, les signaux Ni–A et Ni–B disparaissent et sont remplacés par un nouveau signal caractérisé par g = 2,01 ; 2,16 ; 2,19 (figure 6.7b). Ce signal, qui s’élargit quand l’enzyme est enrichie en 61Ni [Cammack et al., 1987], a été nommé Ni–C et il caractérise une forme active du site actif. La structure du site actif dans l’état Ni–C est semblable à celle de l’état oxydé (figure 6.8), mais aucune densité électronique n’apparaît à l’emplacement du ligand pontant L [Higuchi et al., 1999 ; Garcin et al., 1999]. La disparition du ligand oxygéné est confirmée par des expériences d’ENDOR de 17O [Carepo et al., 2002]. Par contre, des expériences d’ENDOR des protons et de spectroscopie HYSCORE montrent que le site L est occupé par un proton échangeable fortement couplé, qui a été attribué à un hydrure H – pontant les ions Ni3+ et Fe2+ [Fan et al., 1991 ; Whitehead et al., 1993 ; Foerster et al., 2005]. Ces expériences, qui expliquent le
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rôle joué par l’ion Fe2+ dans la catalyse, montrent que le signal Ni–C caractérise l’état du site actif qui résulte de la rupture hétérolytique de H2 (équation [6.4]). Il restait à déterminer le site de fixation de l’ion H+. Nous allons voir qu’il a été découvert un peu par hasard en étudiant une propriété remarquable du signal Ni–C, sa photosensibilité. Si on éclaire à basse température (T < 100 K) une solution d’enzymes dans l’état Ni–C, le signal Ni–C disparaît progressivement et il est remplacé par un signal dit Ni–L caractérisé par g = 2,01 ; 2,16 ; 2,19 (figure 6.7c). Ce phénomène est réversible, car le signal Ni–L se reconvertit spontanément en Ni–C quand la température dépasse environ 130 K. La cinétique de reconversion présente un effet isotopique (D versus H) marqué [Burlat, 2004] qui suggère que ce sont des transferts de H – et /ou H + déclenchés par la lumière qui sont responsables de la transformation Ni–C en Ni–L. Le transfert de H – est confirmé par des expériences d’ENDOR et de HYSCORE qui démontrent que l’ion hydrure n’est plus lié au nickel dans l’état Ni–L [Whitehead et al., 1993 ; Brecht et al., 2003]. Un autre résultat montre que l’éclairement déclenche aussi un transfert de proton. En effet, lorsque l’état rédox de l’enzyme est tel que le site actif est dans l’état Ni–C, les interactions magnétique avec un centre fer-soufre voisin produisent à basse température un spectre dit « Ni–C éclaté» (section 6.3.2 et figure 6.10b). Sa simulation montre que la composante d’échange des interactions qui est importante dans l’état Ni–C, disparaît dans l’état Ni–L [Dole et al., 1996]. D’après la structure cristallographique, le « chemin d’échange » qui connecte les deux centres paramagnétique débute par une liaison hydrogène entre le soufre de la cystéine 543 et le résidu Glu25 (figure 6.9).
)H6 &\V )H
1L &\V
*OX
Figure 6.9 - Les centres métalliques de l’hydrogénase de D. fructosovorans. Le zoom montre la liaison hydrogène entre le soufre de Cys 543 et l’oxygène de Glu 25 qui débute le chemin d’échange entre le centre Ni et le centre 4Fe–4S « proximal » visible sur la figure. Cette liaison est rompue dans l’état Ni–L. [Fichier 1YQW de la Protein Data Bank]
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La rupture de ce chemin dans l’état Ni–L s’explique si l’éclairement conduit à la déprotonation de cette cystéine. Bien que cette étude ait été réalisée à température cryogénique, elle suggère fortement que la cystéine 543 pourrait fixer un proton à température ambiante lors de la rupture hétérolytique de H2. Pour tester cette hypothèse, on a cherché à savoir si le résidu Glu25 est impliqué dans le transfert des protons générés par la réaction [6.4] vers le solvant. En effet, dans les protéines, les protons sont transférés le long de chaînes de groupes protonables (molécules d’eau, groupes carboxyliques d’acides glutamiques et aspartiques) séparés par de courtes distances, souvent connectés par des liaisons hydrogène [Bertrand, 2014]. En étudiant les effets du remplacement du résidu Glu25 par d’autres acides aminés sur l’activité de l’enzyme, on a montré qu’il constitue le premier maillon de la chaîne de transfert de protons, ce qui confirme le rôle de relais de la cystéine 543 [Dementin et al., 2004].
6.3.2 - La chaîne de transfert d’électrons Dans les enzymes d’oxydo-réduction, les transferts d’électrons sont souvent assurés par une chaîne de centres fer-soufre. Ces centres et leurs propriétés magnétiques sont présentés brièvement au complément 2. Dans cette section, nous montrons d’abord comment la RPE a permis de déterminer la composition de la chaîne de transfert d’électron des hydrogénases à Ni–Fe et ses propriétés rédox, puis nous examinons le fonctionnement de cette chaîne.
Titrage potentiométrique des centres fer-soufre d’une hydrogénase à Ni–Fe Toutes les hydrogénases à Ni–Fe possèdent le même site actif, mais le nombre et la nature des centres fer-soufre de la chaîne de transfert d’électron varient selon les enzymes. Dans ce qui suit, nous décrivons les spectres observés lors du titrage d’enzymes de masse molaire 90 kDa environ, comme celles des bactéries D. fructosovorans et D. gigas. A haut potentiel, on observe à très basse température un spectre faiblement anisotrope centré à g = 2,02, typique d’un centre [3Fe–4S]1+, dont l’intensité correspond à un centre par molécule (figure 6.10a). Quand on augmente la température, ce spectre s’élargit et disparaît vers 40 K sous l’effet de la relaxation spin-réseau [Bertrand, 2010, section 5.4]. Si on ajoute un réducteur comme le dithionite de sodium, le potentiel d’électrode diminue, l’amplitude du spectre décroît et un signal dissymétrique dû au centre [3Fe–4S]0 de spin S = 2 apparaît à très bas champ. Les choses se compliquent à très bas potentiel. En effet, les électrons fournis par le réducteur sont alors utilisés par l’enzyme pour réduire les protons du solvant aqueux en H2 (réaction inverse de la réaction [6.3]), ce qui déplace l’équilibre vers celui du couple H2 /H+ dans les conditions de l’expérience.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
D
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
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&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 6.10 - Spectres bande X observés lors du titrage d’une hydrogénase à Ni–Fe. (a) Spectre du centre [3Fe–4S]1+. Température 15 K. Micro-ondes : fréquence 9,406 GHz, puissance 0,4 mW. Modulation: amplitude 0,5 mT. Le spectre (Ni–A, Ni–B) du site actif (figure 6.7a) est complètement saturé dans ces conditions. (b) Spectre « Ni–C éclaté ». Température 6 K. Micro-ondes : fréquence 9,4069 GHz ; puissance 10 mW. Modulation : amplitude 1 mT. Pour visualiser les éclatements de raies, nous avons reproduit le spectre Ni–C de la figure 6.7b. Les structures observées à l’extérieur de la plage 300-345 mT sont dues aux centres fer-soufre.
Pour continuer le titrage, il faut contrôler cet équilibre en imposant la pression partielle de H2 [Cammack et al., 1987]. Les échantillons préparés dans ces conditions à bas potentiel donnent des spectres qui dépendent beaucoup de la température : »» A très basse température (T ≤ 10 K), on observe le spectre « Ni–C éclaté » dû aux interactions entre le centre Ni–C (S = ½) et les centres fer-soufre, auquel se
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superpose un signal large et peu structuré dû aux centres [3Fe–4S]0 (S = 2) et [4Fe– 4S]1+ (S = ½) (figure 6.10b). La simulation du spectre « Ni–C éclaté » en bandes X, Q et S montre que le centre Ni–C interagit avec un seul centre [4Fe–4S]1+, qui est donc le centre le plus proche du site actif [Guigliarelli et al., 1995]. »» Aux températures supérieures à 30 K environ, le temps de relaxation spin-réseau T1 des centres fer-soufre devient assez court pour que leurs spectres s’élargissent et disparaissent, et les effets de l’interaction avec le centre [4Fe–4S]1+ sont moyennés à zéro [Bertrand, 2010, section 7.5.2]. On observe alors le signal Ni–C représenté en gris sur la figure 6.10b. Les variations d’intensité de tous ces signaux avec le potentiel d’électrode sont bien décrites par des équations de Nernst à 1 électron, ce qui permet de déterminer leur potentiel rédox. On trouve en particulier que le potentiel du centre 3Fe–4S est nettement plus positif que celui des centres 4Fe–4S, par exemple + 65 mV contre – 340 mV dans l’enzyme de D. fructosovorans [Rousset et al., 1998].
La chaîne de transfert d’électron est-elle efficace ? Une information inattendue apportée par la structure cristallographique concerne l’arrangement des centres dans la chaîne de transfert d’électron [Volbeda et al., 1995] (figure 6.9). Ces centres sont séparés de 12 Å environ, une distance favorable à un transfert rapide [Bertrand, 1991], mais ils sont rangés dans l’ordre
[Fe Ni] [4Fe–4S]prox [3Fe–4S]med [4Fe–4S]dist
Le centre le plus proche du site actif est un centre 4Fe–4S, comme l’avait montré l’étude du spectre « Ni–C éclaté » mentionnée ci-dessus, mais la position du centre 3Fe–4S a créé la surprise. En effet, la présence d’un centre médian de haut potentiel entre les deux centres 4Fe–4S de bas potentiel semblait a priori peu favorable à un transfert d’électron rapide le long de la chaîne. Pour tester ce point, le centre 3Fe–4S a été converti en un centre 4Fe–4S dans l’hydrogénase de D. desulfuricans. Il suffit pour cela de remplacer un résidu proline bien placé en une cystéine qui fournit le quatrième site de fixation d’un centre 4Fe–4S. Le titrage potentiométrique suivi par RPE de l’enzyme ainsi modifiée montre que la conversion du centre 3Fe–4S en un centre 4Fe–4S abaisse le potentiel du centre médian de 300 mV environ. Malgré cela, l’activité de l’enzyme est peu affectée [Rousset et al., 1998]. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, la présence d’un centre 3Fe–4S de haut potentiel au milieu de la chaîne de transfert d’électron ne nuit pas à l’efficacité de l’enzyme. Ces expériences apportent de nouveaux éléments d’information sur les facteurs qui déterminent l’efficacité des chaînes de transferts d’électrons dans les enzymes d’oxydoréduction [Dementin et al., 2011].
148
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
6.4 - Le photosystème II : un complexe enzymatique piloté par l’énergie solaire Dans les organismes photosynthétiques, des systèmes membranaires « d’antennes » collectent les photons et les transfèrent vers des « centres réactionnels » où a lieu une séparation de charge très rapide (figure 6.11) : KȞ &HQWUHVDFFHSWHXUV
&HQWUHVGRQQHXUV 3 3
3
H
H
3
H
H
3
3
Figure 6.11 - Séparation de charge dans un centre réactionnel - Le pigment P absorbe un photon et passe dans un état excité P*. - P* transfère rapidement un électron vers une chaîne de centres accepteurs et passe dans l’état P+. - P+ est réduit par une chaîne de centres donneurs d’électrons et reprend son état initial P.
L’absorption d’un photon génère un équivalent réducteur au bout de la chaîne d’accepteurs et un équivalent oxydant au début de la chaîne de donneurs. Dans les chloroplastes des plantes et des algues vertes et dans les cyanobactéries, la séparation de
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
149
charge sert à produire de l’ATP et à réduire le NADP+ en NADPH avec des électrons extraits de l’eau afin de synthétiser des sucres. Ce système photosynthétique « oxygénique » joue un rôle essentiel sur Terre, puisqu’il est responsable de la synthèse de la biomasse, de la fixation de CO2 et de la production du dioxygène que nous respirons. Son étude en fonction de la fréquence du rayonnement montre qu’il comporte trois complexes membranaires qui fonctionnent en série [Hill & Bendall, 1960] : 1- Le photosystème II où une première séparation de charge conduit à l’oxydation de l’eau par des plastoquinones : 2 H 2 O + 2 PQ
4 ho
O 2 + 2 PQH 2
[6.5]
2- Un complexe cytochromique dit b6 f qui reçoit les électrons des plastoquinols et les transfère à une protéine soluble qui contient un centre de haut potentiel. 3- Le photosystème I où une deuxième séparation de charge sert à transférer les électrons du centre de haut potentiel de la protéine soluble vers le centre 2Fe–2S de bas potentiel d’une autre protéine soluble, la ferrédoxine. C’est cette ferrédoxine qui fournit les électrons nécessaires à la formation du NADPH utilisé dans la synthèse des sucres. Ajoutons quelques précisions sur le photosystème II qui fait l’objet de cette section (figure 6.12). Tous les éléments nécessaires à son fonctionnement sont liés à 2 polypeptides homologues D1 et D2. Le pigment est une chlorophylle liée au polypeptide D1, notée ChlD1. L’absorption d’un photon par ce pigment conduit en quelques picosecondes à l’état (P680+, Phe–), où P680+ est un dimère de chlorophylles très oxydant caractérisé par E°’(P680+ /P680) = +1,26 V et Phe– une phéophytine très réductrice caractérisée par E°’(Ph /Ph–) ≈ – 0,500 V [Rappaport & Diner, 2008]. KȞ
6LWH DFWLI
H
("P9
+2
'RQQHXUV
2+
3
$FFHSWHXUV &K,'
3KH
H
("P9
34
34+
Figure 6.12 - Fonctionnement du photosystème II. La séparation de charge créée par l’énergie lumineuse fait circuler les électrons dans le sens inverse de celui imposé par les potentiels.
La séparation de charge se propage par transferts d’électrons, jusqu’à générer un équivalent oxydant au site actif et un équivalent réducteur sur une plastoquinone (figure 6.12). L’absorption de 4 photons permet donc d’oxyder 2 molécules H2O et
150
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de réduire 2 plastoquinones (réaction [6.5]). La possibilité d’utiliser l’eau comme source d’électrons grâce à l’énergie solaire ouvre de vastes perspectives qui ont motivé et motivent encore des recherches très actives sur le fonctionnement de ce système. Nous présentons dans cette section les expériences de RPE qui ont permis d’identifier les centres donneurs et le site actif du photosystème II.
6.4.1 - L’énigmatique signal 2 On a découvert il y a bien longtemps que l’éclairement continu des chloroplastes des plantes produit un spectre RPE comportant deux composantes radicalaires. La première (signal 1) est centrée en g = 2,0025 et n’a pas de structure hyperfine apparente, la seconde (signal 2) est centrée en g = 2,0045 et possède une structure hyperfine mal résolue [Commoner et al., 1957]. Plusieurs expériences effectuées dans les années 1960 ont permis d’attribuer le signal 1 au radical P700+ créé par la photo-oxydation du photosystème I, mais l’identification du ou des centres responsables du signal 2 s’est avérée beaucoup plus problématique.
Du signal 2 aux centres TyrZ et TyrD Le signal 2 provient de centres situés sur le versant donneur d’électrons du photosystème II [Babcock & Sauer, 1973]. Il doit donc apparaître de façon transitoire quand ces centres sont photo-oxydés et disparaître rapidement quand ils sont réduits par le site actif (figure 6.12). Or, quand on envoie un flash lumineux sur une préparation de chloroplastes, le signal 2 apparaît très vite mais une partie seulement disparaît rapidement, l’autre restant stable pendant des heures à l’obscurité. Pour comprendre ce phénomène, il a fallu suivre l’évolution du spectre pendant le régime transitoire. Deux méthodes ont été utilisées : ›› ralentir la cinétique en inhibant partiellement le site actif, ce qui permet de suivre l’évolution de l’ensemble du spectre avec un spectromètre RPE conventionnel [Babcock & Sauer, 1975]. ›› réduire le temps de réponse du spectromètre à 100 ns environ, ce qui permet de suivre l’évolution de l’amplitude en un point du spectre, et reconstituer sa forme en répétant l’expérience pour plusieurs valeurs du champ magnétique [Blankenship et al., 1975]. On trouvera des détails sur cette méthode de RPE résolue en temps au chapitre 10, en particulier à la section 10.3.2. Dans les deux cas, on constate que la composante du spectre qui disparaît rapidement, appelée signal 2f (fast), et celle qui disparaît très lentement, appelée signal 2s (slow), n’ont pas exactement la même forme et que leur intensité correspond à un centre par PSII. Les signaux 2f et 2s proviennent donc de deux centres donneurs de même nature qui ont été notés Z+ et D+. Le centre Z qui est réduit rapidement par le
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
151
site actif est le donneur physiologique, alors que D ne joue qu’un rôle secondaire. On peut mesurer le potentiel rédox du couple (D+, D) par titrage potentiométrique. Connaissant la constante d’équilibre entre D+ Z et D Z+, on en déduit que le potentiel du couple (Z+, Z) est de l’ordre de 1 V, une valeur compatible avec un rôle de relais rédox du centre Z entre le site actif et P680 (figure 6.12) [Boussac & Etienne, 1984]. Il a fallu attendre les années 1987 et 1988, soit 30 ans après la première observation du signal 2, pour que l’identité des centres Z et D soit enfin révélée par des expériences de mutagénèse dirigée (voir l’annexe 4) effectuées sur le photosystème II de cyanobactéries. On a d’abord observé que la deutération des tyrosines de l’enzyme produit un net rétrécissement du signal 2s, ce qui montre que D+ est très probablement un radical tyrosinyle [Barry & Babcock, 1987]. La tyrosine 160 du polypeptide D2 semblait être un bon candidat. Son remplacement par une phénylalanine entraîne la disparition du signal 2s ce qui prouve que cette tyrosine est bien le centre D. La tyrosine 161 du polypeptide D1, homologue de la tyrosine 160 du polypeptide D2, a été identifiée à Z [Debus et al., 1988 ; Vermaas et al., 1988]. Les centres Z et D ont été notés par la suite TyrZ et TyrD.
Les études ultérieures La nature très particulière des centres TyrZ et TyrD suggère que leur rôle ne se limite pas à celui de centre rédox. On a donc étudié la structure électronique des radicaux TyrD• et TyrZ• et leur arrangement dans la membrane. »» Des expériences d’ENDOR et d’ESEEM des protons ont été réalisées pour déterminer la distribution de la densité de spin. Cela ne pose pas de problème particulier pour TyrD• qui est stable [Hoganson & Babcock, 1992 ; Rigby et al., 1994 ; Warnke et al., 1994 ; Dole et al., 1997]. Mais pour travailler sur le signal de TyrZ•, il faut faire disparaître celui de TyrD en la remplaçant par une phénylalanine, et inhiber le site actif pour pouvoir générer TyrZ• en éclairant de façon continue et en gelant l’échantillon. Ces expériences montrent que la distribution de la densité de spin est pratiquement la même pour les deux radicaux et qu’elle est semblable à celle d’autres radicaux tyrosinyle [Tommos et al., 1995]. »» L’orientation de TyrD dans la membrane a été déterminée par des expériences de RPE réalisées sur des fragments de membranes déposés sur un support de Mylar. Une première étude effectuée en bande X suggérait que le plan du radical était quasi perpendiculaire à la membrane [Rutherford, 1985]. La RPE à haut champ a permis d’obtenir des informations plus précises. Les valeurs principales de la matrice g˜ du radical TyrD• ont d’abord été déterminées avec précision en simulant le spectre d’une solution gelée enregistré à 190 et 285 GHz (voir la figure 9.6 dansBertrand, 2010). Elles ont été utilisées pour reproduire les variations du spectre de fragments membranaires enregistré à 285 GHz quand on fait varier l’orientation du support par rapport au champ B. Les données indiquent que TyrD fait un angle
152
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de 64° avec la membrane [Dorlet et al., 2000]. L’étude par RPE de monocristaux a donné le même résultat [Hofbauer et al., 2001]. »» Certains auteurs ayant suggéré que le rôle de TyrZ pouvait être de recevoir les atomes d’hydrogène (protons + électrons) produits par l’oxydation de l’eau (figure 6.12) [Tommos et al., 1995], on a cherché à évaluer la distance entre TyrZ et le site actif. On peut préparer le site actif dans un état inactif mais paramagnétique dans lequel son interaction magnétique avec le radical TyrZ• produit des éclatements de raies [Boussac et al., 1989]. Plusieurs études du spectre d’interaction basées sur l’approximation dipôle ponctuel [Bertrand, 2010, section 7.3] ont été publiées, dont la plus convaincante a consisté à simuler avec le même jeu de paramètres les spectres enregistrés à des fréquences comprises entre 9,4 GHz et 285 GHz [Dorlet et al., 1999]. Ces études ont conduit à des distances comprises entre 6 et 9 Å, trop grandes pour un transfert direct d’atome d’hydrogène [Peloquin & Britt, 2001]. Les premières structures cristallographiques du photosystème II ont confirmé que la distance entre les 4 atomes Mn du site actif (voir section suivante) et l’oxygène phénolique de TyrZ est grande, environ 8 Å [Ferreira et al., 2004 ; Loll et al., 2005]. Mais une structure à haute résolution a révélé récemment que le site actif est en réalité un complexe Mn4CaO5 dans lequel l’ion calcium est coordonné à 2 molécules H2O qui forment des liaisons hydrogène avec l’oxygène phénolique de TyrZ, un arrangement favorable à des transferts rapides de protons ou d’atomes d’hydrogène entre le site actif et TyrZ [Umena et al., 2011]. Depuis une cinquantaine d’années, les progrès dans l’interprétation du signal 2 ont suivi de près ceux de la spectroscopie RPE : amélioration de la sensibilité des spectromètres, développement des spectroscopies à haute résolution (ENDOR, RPE impulsionnelle, RPE à haut champ), mise au point de techniques résolues dans le temps. On peut s’étonner rétrospectivement qu’il ait fallu si longtemps pour identifier les centres responsables du signal 2, mais il faut reconnaître que l’idée qu’un acide aminé puisse jouer un rôle rédox dans une enzyme n’était pas dans l’air du temps, même s’il existait un précédent avec la ribonucléotide réductase [Reichard & Ehrenberg, 1983]. L’existence de TyrD a compliqué au début l’interprétation du signal 2, mais la stabilité du radical TyrD• a permis par la suite de l’identifier et d’identifier TyrZ• par la même occasion. Il est d’ailleurs piquant de constater qu’on ne connaît toujours pas le rôle de TyrD dans ce système.
6.4.2 - Les mystères du centre de dégagement de l’oxygène Dans le photosystème II, les équivalents oxydants produits par la séparation de charge sont utilisés pour extraire des électrons de l’eau au site actif, que l’on appelle aussi le centre de dégagement de l’oxygène (figure 6.12). Puisque l’absorption d’un photon par le pigment ChlD1 crée un équivalent oxydant, l’oxydation de deux molécules H2O en une molécule O2 nécessite l’absorption de 4 photons (équation [6.5]).
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
153
Depuis les belles expériences de Pierre Joliot et de ses collaborateurs [Joliot et al., 1969] et leur interprétation par Kok [Kok et al., 1970], on sait qu’une séquence d’impulsions lumineuses fait parcourir au site actif un cycle d’états d’oxydation qui ont été notés S1 à S4, l’indice indiquant le nombre d’équivalents oxydants accumulés. Le passage spontané de S4 à S0 entraîne la synthèse d’une molécule O2 (figure 6.13). La plupart de ces états d’oxydation sont paramagnétiques et la RPE a joué et joue encore un rôle essentiel dans leur caractérisation. $FFHSWHXUV
H
&K,'
&K,'
3 2+
&K,'
7\U=
3
6 7\U= +2
KȞ
6
6
6
6
Figure 6.13 - Cycle des états d’oxydation du site actif du photosystème II. La séparation de charge du coté donneur d’électron produite par l’absorption d’un photon par le pigment ChlD1, est détaillée pour la transition S0 " S1. La même séquence se reproduit pour les 3 transitions suivantes. La transition S4 " S0 est spontanée et entraîne l’oxydation de 2 molécules H2O en une molécule O2.
Le complexe Mn4 D’après ce qui précède, le site actif du photosystème II est capable non seulement d’activer les molécules H2O, mais aussi de stocker 4 équivalents oxydants en cédant un électron à chaque séparation de charge. A priori, seuls des complexes polynucléaires d’ion de transition peuvent posséder de telles propriétés. On sait depuis longtemps que ce photosystème contient 4 atomes de manganèse indispensables à son fonctionnement. Le manganèse s’est d’abord manifesté en RPE sous la forme d’ions Mn2+ dans des photosystèmes II dont le site actif était inhibé [Blankenship & Sauer, 1974]. Mais il a fallu attendre plusieurs années avant d’observer le spectre d’un état fonctionnel du site actif, en envoyant des impulsions lumineuses très brèves
154
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
(25 ns) sur l’échantillon, en le gelant rapidement et en enregistrant son spectre RPE à très basse température [Dismukes & Siderer, 1981]. Ce spectre, composé d’un motif d’au moins 19 raies hyperfines séparées de 8 à 9 mT centré en g ≈ 2, a été qualifié de multiline en anglais qui est devenu « multiligne » en français (figure 6.14). Si on part d’un échantillon « adapté à l’obscurité » où le site actif est dans l’état S1, l’intensité du spectre passe par un maximum après une ou cinq impulsions lumineuses, ce qui montre qu’il est dû à l’état S2 (figure 6.13). Sa forme est typique des complexes polynucléaires de spin S = ½ dans lesquels l’électron non-apparié interagit avec plusieurs noyaux 55Mn (I = 5⁄²) [Bertrand, 2010, section 7.4.3].
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 6.14 - Spectre bande X « multiligne » du site actif du photosystème II dans l’état S2. Température : 9 K. Micro-ondes : fréquence 9,421 GHz, puissance 20 mW. Modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 2,5 mT. La simulation en pointillé est obtenue comme indiqué dans le texte et dans [Charlot et al., 2005].
Puisque le site actif contient 4 atomes de manganèse, ce spectre peut provenir d’un complexe tétranucléaire ou résulter de la superposition des spectres donnés par deux complexes dinucléaires ou par un complexe trinucléaire et un complexe mononucléaire. Une simulation simplifiée suffit pour trancher entre ces différentes possibilités. Le spectre d’un complexe comportant N sites Mn fortement couplés est décrit par l’hamiltonien de spin [Bertrand, 2010, section 7.4] :
Ht S = 1
N
2
u n .I n = b B.gu .S + / S.A n=1
u n est liée à la matrice « locale » au n du site n par La matrice hyperfine A
[6.6]
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
u n = K n au n A Les Kn sont les « coefficients de projection » qui vérifient
155
[6.7]
N
/ K n = 1
[6.8] n=1 En utilisant des matrices gu et au n isotropes avec des valeurs semblables à celles observées habituellement dans les complexes de manganèse, on montre qu’il est impossible de reproduire les structures de la figure 6.14 en superposant les spectres de deux complexes dinucléaires ou d’un complexe trinucléaire et d’un complexe mononucléaire. Par contre, on obtient de bonnes simulations avec différents jeux de paramètres si on suppose que le spectre est dû à un seul complexe tétranucléaire que nous noterons désormais Mn4 [Bonvoisin et al., 1992 ; Hasegawa et al., 1999 ; Peloquin & Britt, 2001 ; Carrell et al., 2002].
Etat de valence et organisation des ions Mn dans le complexe L’étape suivante consiste à simuler le spectre en utilisant l’hamiltonien de spin [6.6] avec 4 sites Mn et des matrices gu et au n anisotropes. Si on suppose pour simplifier que les axes principaux de toutes les matrices sont parallèles, une bonne simulation est obtenue avec une matrice gu quasi isotrope (gx = 1,988, gy = 1,985, gz = 1,975), u 1, A u 3, A u 4 faiblement anisotropes avec des valeurs trois matrices hyperfines A u 2 plus anisotrope avec de |Aiso| égales à 330, 245 et 190 MHz, et une matrice A |A2iso| ≈ 260 MHz (figure 6.14) [Charlot et al., 2005]. Le caractère quasi isotrope de la matrice gu et l’anisotropie modérée des matrices hyperfines justifient l’hypothèse faite sur les axes principaux. La pertinence de cette simulation est confirmée par le fait que les valeurs de g sont pratiquement identiques à celles (1,988, 1,981, 1,965) mesurées sur un spectre enregistré à 94 MHz [Matsuoka et al., 2006] et que les valeurs de |Aiso| sont proches de celles (298, 238, 190 et 238 MHz) déterminées par des expériences d’ENDOR de 55Mn [Peloquin et al., 2000]. La matrice hyperfine des sites Mn3+ étant généralement plus anisotrope que celle des sites Mn4+, ces résultats indiquent que dans l’état S2, le complexe Mn4 comporte 3 ions Mn4+ de spin S = ³⁄² (sites 1, 3, 4) et un ion Mn3+ de spin S = 2 (site 2). Les coefficients de projection Kn qui figurent dans l’équation [6.7] représentent les populations de spin des différents sites Mn, qui sont déterminées par l’état de valence des ions Mn et les valeurs relatives des paramètres d’échange [Bertrand, 2010, section 7.4 et annexe 5]. On déduit leurs valeurs de l’équation [6.7], en utilisant les constantes hyperfines (An)iso fournies par la simulation et des constantes hyperfines locales (an)iso de sites Mn3+ et Mn4+ présents dans des complexes inorganiques ou au site actif d’enzymes. Le jeu aiso(Mn3+) = –192 MHz et aiso(Mn4+) = –237 MHz obtenu pour le site actif de la catalase de Thermus thermophylus [Zheng et al., 1994] conduit à des valeurs de Kn qui vérifient bien l’équation [6.8]. Ces valeurs corres-
156
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
pondent à un schéma de couplage dans lequel l’un des ions Mn d’une triade Mn3 interagit avec un quatrième Mn [Charlot et al., 2005]. Ce schéma est parfaitement cohérent avec la structure cristallographique à haute résolution du photosystème II obtenue récemment [Umena et al., 2011]. Celle ci montre en effet que le site actif est un complexe Mn4CaO5 constitué d’une structure cubane Mn3CaO4 pontée à un quatrième Mn, et les valeurs des distances Mn–O et Mn–Mn indiquent que le quatrième Mn interagit essentiellement avec un seul Mn de la triade Mn3. Des études complémentaires ont permis de localiser l’ion Mn3+ du complexe. Une étude basée sur la simulation simultanée des spectres RPE bandes X et Q et du spectre ENDOR bande Q du 55Mn, la substitution de Ca2+ par Sr2+ et la modélisation par DFT, montre que l’ion Mn3+ est l’un des deux ions Mn du cubane Mn3CaO4 qui n’interagissent pas fortement avec le quatrième Mn [Cox et al., 2011]. Les autres états d’oxydation du site actif ont aussi été caractérisés par RPE. On trouvera des détails sur l’ensemble de ces études dans [Haddy, 2007 ; Boussac et al., 2009].
6.5 - Conclusion L’époque des pionniers qui tentaient de déterminer la structure du site actif et des centres rédox des enzymes d’oxydo-réduction à partir des spectres de RPE en onde continue est révolue depuis longtemps. Les spectroscopistes disposent désormais d’une batterie de techniques à haute résolution et d’outils de modélisation performants pour étudier en détail le mécanisme catalytique de ces enzymes. Les exemples que nous avons traités illustrent bien la complémentarité des études cristallographiques et spectroscopiques : ›› les premières fournissent des informations irremplaçables sur l’architecture des centres et leur organisation dans la protéine, mais elles décrivent souvent une structure moyenne d’états mal définis, ›› les secondes permettent de caractériser des états bien définis de l’enzyme et en particulier des intermédiaires du cycle catalytique grâce aux méthodes résolues dans le temps. La spectroscopie RPE joue un rôle essentiel pour caractériser les radicaux et les centres métalliques, mais elle ne détecte pas les cations métalliques non-paramagnétiques qui peuvent jouent un rôle très important, comme l’ion Fe2+ (S = 0) du site actif des hydrogénases à Ni–Fe et l’ion Ca2+ du site actif du photosystème II. Nous terminons ce chapitre par quelques mots sur la motivation des recherches actuelles sur le mécanisme des enzymes d’oxydo-réduction. L’évolution biologique a sélectionné des enzymes très efficaces, bâties à partir d’éléments abondants dans la croûte terrestre. La connaissance de leur mécanisme catalytique permet de mieux comprendre comment fonctionnent les êtres vivants, mais elle est aussi nécessaire pour élaborer une nouvelle génération de catalyseurs. Certaines enzymes d’oxydo-
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
157
réduction catalysent en effet des processus très importants à l’échelle industrielle. Nous avons par exemple représenté sur la figure 6.15a une pile à combustible O2 /H2 qui utilise des laccases et des hydrogénases comme catalyseurs et sur la figure 6.15b un montage qui permettrait de produire du dihydrogène à partir d’eau et de lumière. 2+
+ /DFFDVH
D +2
H
H
+\GURJpQDVH +
Ɓ
2+
+ 3KRWRV\VWqPH,, 3KRWRV\VWqPH,
E
+2
H
+\GURJpQDVH +
Figure 6.15 - Le jeu de construction des enzymes d’oxydo-réduction : (a) pile à combustible O2 /H2 ; (b) production de dihydrogène à partir d’eau et de lumière.
Il ne s’agit pas de vues de l’esprit, puisqu’un montage semblable à celui de la figure 6.15a a déjà fonctionné en laboratoire [Vincent et al., 2005]. On a aussi produit du dihydrogène à partir d’énergie lumineuse en utilisant le photosystème I et une hydrogénase, mais avec une électrode d’or comme source d’électrons [Krassen et al., 2009]. De tels montages n’ont pas nécessairement d’avenir à l’échelle industrielle. Mais on peut s’inspirer du mécanisme catalytique de ces enzymes pour élaborer des catalyseurs très différents des catalyseurs traditionnels qui sont généralement peu spécifiques donc potentiellement toxiques, et qui utilisent des métaux rares donc coûteux.
Remerciements Ce chapitre a bénéficié des relectures attentives et des suggestions de Geneviève Blondin (iRTSV /LCBM, CEA Grenoble), Alain Boussac (CNRS-LBMP, CEA Saclay) et Christophe Léger (BIP CNRS Université Aix-Marseille, Marseille). Les simulations des spectres sont dues à Emilien Etienne.
158
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Complément 1 Interprétation des propriétés RPE des centres à cuivre mononucléaires des protéines On peut interpréter les propriétés spectroscopiques particulières des centres Cu2+ des protéines bleues à la lumière de leur structure et des données obtenues par spectroscopie d’absorption des rayons X. Celles-ci montrent en effet que la liaison Cu–S(Cys) est très covalente, en accord avec les calculs de type SCF-Xa-SW qui indiquent que la densité de spin se répartit également entre les orbitales 3d x 2 - y 2 de Cu2+ et 3pr de S(Cys) [Solomon & Lowery, 1993]. Cette forte covalence explique la grande intensité de la bande d’absorption à 600 nm, qui est une transition par transfert de charge S(Cys)r " Cu 3d x 2 - y 2 Elle explique aussi la faible valeur des constantes hyperfines. Celles-ci s’écrivent en effet de façon générale :
spin A = A s + A dip + A orb dip
Les deux premiers termes, dus respectivement à la polarisation de cœur et aux interactions dipolaires de spin, sont négatifs pour la composante A// et ils déterminent son signe. Le troisième terme, dû aux interactions dipolaires orbitales via l’interaction spin-orbite, est positif [Bertrand, 2010, annexe 2]. La covalence de la liaison Cu–S(Cys) diminue la densité de spin sur l’ion Cu2+ et par conséquent les quantités |As| et | A spin dip |, ce qui diminue |A| [Solomon & Lowery, 1993]. Une étude DFT plus récente donne une explication assez différente : la structure particulière du centre à cuivre des protéines bleues (figure 6.5a) favoriserait les effets de l’interaction spinorbite, ce qui augmenterait le terme A orb dip [Remenyi et al., 2007]. Si on considère maintenant le centre T1 des laccases, l’absence du ligand axial S(Met) (figure 6.5b) augmente un peu la covalence de la liaison S–Cys, mais elle augmente aussi l’énergie des transitions d " d, ce qui atténue les effets de l’interaction spin-orbite. Il en résulte que g//, g9 et la contribution A orb dip diminuent et que la valeur absolue |A| de la constante hyperfine augmente [Palmer et al., 1999].
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
159
Complément 2 Les centres fer-soufre et leurs propriétés RPE Les centres fer-soufre sont des complexes polynucléaires présents dans de nombreuses enzymes et protéines rédox, qui ont été mis en évidence par RPE dès 1960 [Beinert & Sands, 1960]. Ils comportent un nombre variable d’atomes de fer pontés par des sulfures, et chaque fer est généralement coordonné à la protéine par les atomes de soufre de résidus cystéines.
)H6
)H6
)H6
Figure 6.16 - Structure des centres fer-soufre. Les atomes Fe sont en gris, les atomes S en blanc.
Ces centres possèdent deux états rédox correspondant aux états de valence des ions fer indiqués dans le tableau 6.1. Tableau 6.1 - Valence formelle des ions fer et spin S de l’état fondamental des différents états rédox des centres fer-soufre. Par convention, on indique la charge du centre en ne considérant que les ions fer et les sulfures.
Etat oxydé
Etat réduit
2Fe–2S
3Fe–4S
4Fe–4S a
[2Fe–2S]2+
[3Fe–4S]1+
[4Fe–4S]2+
2Fe3+
3Fe3+
2Fe3+, 2Fe2+
S=0
S=½
S=0
Fe3+, Fe2+
2Fe3+, Fe2+
Fe3+, 3Fe2+
S=½
S=2
S = ½, ³⁄²
[2Fe–2S]1+
[3Fe–4S]0
[4Fe–4S]1+
a
Certaines protéines rédox des systèmes photosynthétiques bactériens contiennent des centres [4Fe–4S]3+,2+ qui sont paramagnétiques à l’état oxydé (3Fe3+, Fe2+) avec S = ½. Leur spectre RPE est caractérisé par 3 valeurs de g légèrement supérieures à 2.
Pour chaque état rédox, nous avons précisé le spin S de l’état fondamental qui résulte des effets combinés des interactions d’échange antiferromagnétiques et du phénomène de délocalisation de la valence [Guigliarelli & Bertrand, 1999]. Les centres [2Fe–2S]1+ et [4Fe–4S]1+ de spin ½ possèdent deux valeurs de g légèrement inférieures à 2 et une valeur légèrement supérieure à 2. Certains centres [4Fe–4S]1+ ont
160
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
un état fondamental de spin S = ³⁄². Leur spectre RPE très anisotrope, caractérisé par des g effectifs dont la valeur maximale est proche de g ≈ 5 [Bertrand, 2010, figure 6.12], est beaucoup plus difficile à détecter que celui des centres de spin ½ [Lanciano et al., 2007]. Les centres [3Fe–4S]1+ dans lesquels les trois ions fer sont ferriques donnent un spectre quasi isotrope centré vers g ≈ 2,01. Dans l’état réduit [3Fe–4S]0 de spin S = 2, on observe souvent à très bas champ une raie large dont la détection est facilitée par l’utilisation d’une cavité double mode [Bertrand, 2010, section 6.7]. La structure « cubane » des centres 4Fe–4S est particulièrement stable. Dans certaines protéines, ces centres ont d’ailleurs d’autres rôles que celui de centre rédox [Guigliarelli & Bertrand, 1999 ; Beinert, 2000], et des arguments d’ordre génétique [Eck & Dayhoff, 1966] et biochimiques [Martin & Russell, 2007] indiquent qu’ils sont apparus très tôt au cours de l’évolution : la nature « joue aux cubanes » depuis longtemps…
6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction
161
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7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive Gourier D. & Binet L. Institut de Recherche de Chimie-ParisTech, CNRS UMR 8247, Chimie-ParisTech, Paris.
7.1 - Introduction Où, quand et comment est apparue la vie sur Terre ? Reste-t-il des traces de cette vie primitive dans les roches sédimentaires les plus anciennes ? Sous quelles formes ? Autant de questions qui interpellent de nombreuses disciplines allant des sciences de la Terre (géologie, géochimie, géophysique, paléontologie…) à la physique, la chimie et aux sciences de la vie. L’exobiologie est la science interdisciplinaire qui a pour domaine d’étude l’émergence de la vie sur Terre il y a 3 à 4 milliards d’années [Ga], et la possibilité de vie extraterrestre passée ou présente sur d’autres planètes, Mars étant la plus favorable et la plus accessible. On peut distinguer très grossièrement deux approches distinctes et complémentaires pour essayer de comprendre l’origine de la vie : une approche expérimentale d’une part, avec pour objectif la détermination des mécanismes physiques, chimiques et biologiques responsables de l’apparition des premiers systèmes moléculaires que l’on peut qualifier de vivants ; une approche de terrain analytique d’autre part, qui consiste à identifier des traces figurées (fossiles) ou physico-chimiques (biomarqueurs) dans les plus anciens matériaux, en particulier des roches sédimentaires, susceptibles de les avoir conservées. C’est cette deuxième approche qui est l’objet de ce chapitre, qui montre que la RPE peut être utilisée pour sonder les traces de la Matière Carbonée (MC) fossilisée dans les plus anciens matériaux terrestres connus (des silex vieux de 2 à 3,5 Ga) et celle qui est présente dans les plus anciens matériaux du système solaire (des météorites carbonées) formés il y a 4,5 Ga, peu de temps avant la formation de la Terre. Dans cette introduction, nous effectuons une remontée dans le temps à la recherche des origines de la MC primitive.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
7.1.1 - La matière carbonée primitive terrestre Lorsque des êtres vivants se développent puis meurent dans une mer ou un lac, leurs restes sont progressivement ensevelis dans les sédiments. Une fois l’eau disparue par retrait, émersion ou formation d’une chaîne de montagne, ces sédiments deviennent progressivement des roches sédimentaires compactes comme des argiles, des calcaires ou des grès, qui peuvent conserver des traces biologiques, minérales ou organiques de ces organismes. Ces fossiles sont très fréquents dans les roches sédimentaires plus jeunes que 540 millions d’années [Ma], âge à partir duquel abondent les animaux à coquilles et à squelettes (Phanérozoïque, voir figure 7.1). 7(55(
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Figure 7.1 - Diagramme simplifié montrant les grandes phases géologiques de la Terre et de Mars (voir planches couleur). La vie est apparue sur Terre à l’Archéen, entre ~ – 3,9 Ga et – 3,5 Ga (premières bactéries fossiles). Les roches terrestres d’âge supérieur à 3,5 Ga sont fortement métamorphisées ou ont disparu en raison de la tectonique des plaques. Les conditions sur Mars ont été propices à l’apparition de la vie pendant le Noachien, période dont il reste de nombreuses formations géologiques dans les hauts plateaux de l’hémisphère sud.
Cependant, pour les périodes les plus anciennes pour lesquelles existent encore des roches datées (Archéen, figure 7.1), les traces de vie passée sont beaucoup plus difficiles à déterminer car d’une part la vie la plus primitive était uniquement bactérienne, et d’autre part les roches sédimentaires les plus anciennes susceptibles de contenir des traces fossiles, vieilles de 3,8 à 3,5 Ga environ, sont rares et souvent fortement modifiées sous l’action de la pression et de la température (métamorphisme). Les traces de vie ont généralement disparu sauf dans de très rares sites d’Afrique du sud et du nord-ouest de l’Australie essentiellement, où l’on trouve des formations
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
167
géologiques contenant des roches siliceuses peu métamorphisées qui conservent des microstructures carbonées attribuées à des restes fossilisés de bactéries primitives. Ces roches sont des silex (cherts en anglais), formés presque exclusivement de silice microcristalline. C’est là que se situe le débat. Ces traces sont-elles d’origine biologique ou proviennent-elles de réactions abiotiques telles que la réaction de FisherTropsch ou la décomposition de carbonates ? Dans le premier cas, sont-elles des restes biologiques contemporains de la sédimentation au fond des mers, c’est-à-dire de vrais fossiles de bactéries primitives, ou sont-elles dues à des contaminations ultérieures intervenues des centaines de millions, voire milliards d’années après la sédimentation, par des fluides enrichis en matière organique ou par des bactéries vivant dans les roches ? Ces bactéries endolithiques laissent en effet des traces carbonées similaires à celles des bactéries primitives contemporaines du dépôt sédimentaire [Westall & Folk, 2003 ; Brocks et al., 2003].
7.1.2 - Le carbone avant la formation de la Terre En remontant encore plus loin dans le temps, les météorites carbonées sont les restes de corps planétaires de quelques dizaines de km de diamètre formés au tout début de l’histoire du système solaire (– 4,56 Ga), mais qui ont ensuite été fragmentés avant de pouvoir évoluer comme Mercure, Venus, la Terre et Mars. Leur caractère très primitif se retrouve dans leur composition chimique. En effet, à part les éléments volatils comme H et He qui se sont échappés, la composition en éléments chimiques des météorites carbonées est exactement celle du soleil [Lodders, 2003]. Elles contiennent environ 3 % de carbone, majoritairement sous forme d’une Matière Carbonée (MC) hydrogénée assez semblable chimiquement aux charbons terrestres excepté un important enrichissement en deutérium [Robert & Epstein, 1982]. Bien qu’extraterrestre, cette MC polymérisée amorphe présente un intérêt exobiologique car elle emprisonne de nombreuses molécules d’intérêt biologique telles que des acides aminés, des acides carboxyliques, des purines et des pyrimidines, des sucres, pour n’en citer que quelques unes [Botta & Bada, 2002 ; Ehrenfreund et al., 2006]. Or la Terre a été intensément bombardée par des comètes, des poussières et des météorites durant une période située entre – 4,5 et environ – 3,9 Ga (figure 7.2). Des estimations ont montré que la quantité de matière carbonée et de molécules organiques ayant ensemencé la Terre durant cette période pourrait être supérieure à la biomasse actuelle [Chyba & Sagan, 1992 ; Maurette et al., 2006]. Il y a donc une forte probabilité pour que des apports organiques extraterrestres aient contribué à l’émergence de la vie sur Terre [Ehrenfreund et al., 2006 ; Pizzarello, 2007]. Une connaissance approfondie de cette MC du système solaire primitif peut donc nous apporter des informations sur l’origine de la vie sur Terre. D’autres planètes du système solaire ont également subi de tels bombardements. Parmi elles,
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Mars a connu des conditions similaires à celles de la Terre (atmosphère, présence d’eau, bombardement cométaire et météoritique, etc…) durant son premier milliard d’années d’existence. Mais Mars étant plus petite que la Terre s’est refroidie beaucoup plus vite, ce qui a eu plusieurs conséquences. La perte de son champ magnétique consécutive à la solidification de son noyau métallique a entrainé la perte de l’atmosphère par l’action du vent solaire, d’où une disparition de l’effet de serre qui maintenait des conditions propices à l’existence d’eau liquide et au développement de la vie. D’autre part, Mars n’a probablement pas connu la tectonique des plaques qui a recyclé et fait disparaître les roches terrestres les plus anciennes. L’étude de roches sédimentaires très anciennes (antérieures à 3,5 Ga), abondantes et très bien préservées sur Mars, mais absentes ou très métamorphisées sur Terre, peut donc nous apporter des informations précieuses sur nos origines les plus lointaines.
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ÆJH>*D@ Figure 7.2 - Estimation du flux annuel de carbone délivré sur Terre par les impacts de comètes, poussières et météorites. [Adapté de Chyba & Sagan, 1992]
7.1.3 - Le carbone avant le système solaire L’univers est âgé tout au plus de 13,7 Ga. Tous les éléments chimiques qui composent notre système solaire, né il y a 4,56 Ga, ont été synthétisés pendant ce long intervalle de 9 Ga. Dans les premières minutes qui ont suivi le Big Bang, une première nucléosynthèse a formé l’hydrogène (H) et l’hélium (He), ainsi que des traces d’autres éléments comme D, T, Li et Be. En raison du refroidissement rapide et
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
169
de la baisse de densité, aucun autre élément n’a pu se synthétiser dans l’univers en expansion rapide. Les autres éléments se sont formés dans le cœur des étoiles, qui se forment et meurent continuellement au sein des galaxies. Ainsi le carbone, élément de base des molécules organiques et de la vie, est produit par la réaction 3 4He " 12C. Ces processus ont lieu dans le cœur d’étoiles plus grandes que 0,5 masse solaire. Les éléments plus lourds (jusqu’à 56Fe) sont produits dans le cœur d’étoiles plus massives. L’étoile en fin de vie finit par exploser, produisant alors les éléments plus lourds que 56Fe. Au total, pour une abondance de 100 en hydrogène, l’univers contient seulement 10 He et 0,083 C. Les autres éléments sont encore moins abondants. Le deutérium est un cas particulier car il a été produit en faible quantité pendant le Big Bang et il est consommé depuis lors dans les étoiles. Tous les éléments chimiques dispersés dans l’espace interstellaire se trouvent à nouveau incorporés dans des molécules ou des poussières de taille micronique qui forment ensuite de nouvelles étoiles et leurs systèmes planétaires. C’est ainsi que s’est formé le système solaire il y a 4,56 Ga. Les grands nuages interstellaires, véritables nurseries d’étoiles, contiennent une grande variété de molécules et macromolécules carbonées comme les hydrocarbones polyaromatiques hydrogénés (PAH), des chaînes carbonées, des diamants, du carbone amorphe hydrogéné ou non, et des systèmes carbonés complexes de type kérogène. Les PAH sont parmi les molécules organiques les plus abondantes dans l’espace [Ehrenfreund et al., 2000]. Bien que l’abondance en deutérium de l’univers soit très faible (D /H ~ 3 × 10– 5) et en décroissance continue, les interactions ions-molécules à très basse température se traduisent par une augmentation du rapport D /H des molécules interstellaires, qui peut atteindre des valeurs aussi élevées que ~ 0,01, voire beaucoup plus [Millar et al., 2000 ; Roberts et al., 2003]. Nous verrons que cet enrichissement en deutérium, véritable marqueur de la chimie de basse température du milieu interstellaire, se retrouve de manière complexe et partielle dans la matière carbonée des météorites.
7.1.4 - Que peut apporter la RPE du carbone en exobiologie ? La structure de la MC primitive, qu’elle soit terrestre ou extraterrestre, peut être étudiée par des méthodes d’analyse chimique. Celles-ci comprennent une étape de déminéralisation par attaque acide, suivie par exemple de pyrolyse de la MC extraite, séparation puis analyse des fragments par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse. Ces techniques dégradatives permettent d’identifier toutes les briques de base de la matière carbonée, mais pas de remonter à sa structure. Moins invasives sont les techniques spectroscopiques, qui permettent de sonder in situ ou après déminéralisation préalable, la structure locale de la MC. En particulier, la spectroscopie Raman du carbone primitif a fait l’objet de nombreux travaux car elle présente un bon compromis entre sensibilité, résolution spectrale et résolution spatiale en imagerie Raman. Elle pourrait faire partie du panel d’instruments
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
analytiques miniaturisés placés sur des robots lors des explorations Martiennes destinées à rechercher des traces de vie bactérienne fossile ou actuelle [Marshall et al., 2010]. Cette spectroscopie ne permet cependant pas de discriminer clairement les MC d’origine biologique et abiotique. La RMN est également bien adaptée à l’étude de la MC primitive, car elle permet de détecter avec une grande résolution la résonance de noyaux tels que 1H et 13C et d’aborder les différents types de liaisons chimiques auxquels participent ces éléments [Gardinier et al., 2000]. La RMN soufre cependant d’une faible sensibilité, qui nécessite de travailler sur des quantités importantes de MC pure, après déminéralisation. De plus, la qualité des signaux RMN peut être fortement altérée par la présence de défauts paramagnétiques qui abondent dans la MC primitive terrestre. Pour les applications en exobiologie, la RPE est tout à fait complémentaire des spectroscopies Raman et RMN en raison d’un bon compromis entre sensibilité et résolution, et d’une grande facilité d’utilisation (pas de préparation d’échantillons). Ce chapitre a pour objectif de montrer le potentiel de la RPE du carbone appliquée à l’exobiologie et à la cosmochimie, en focalisant plus particulièrement sur la RPE en onde continue. Bien que le spectre de la matière carbonée primitive se réduise à une simple raie non-structurée, l’étude détaillée de sa forme, de la dépendance en température de son intensité et de ses caractéristiques de relaxation fournissent des informations très importantes. Nous verrons que des informations supplémentaires peuvent être obtenues en explorant la structure hyperfine non-résolue avec les spectroscopies ESEEM et HYSCORE de la RPE impulsionnelle (voir l’annexe 2 du livre), et en faisant appel à l’imagerie par RPE. La partie 7.2 est consacrée à l’étude de la matière carbonée extraterrestre la plus ancienne du système solaire, qui est piégée dans des météorites appelées chondrites carbonées. La partie 7.3 décrit la caractérisation de la matière carbonée terrestre la plus ancienne, qui est contemporaine ou légèrement postérieure à l’apparition de la vie sur Terre. Nous concluons dans la partie 7.4 sur la possibilité d’utiliser la RPE dans le cadre de la recherche de traces de vie passées sur Mars. Une part importante des études décrites concerne nos propres travaux. Ceci reflète simplement le fait que très peu d’équipes utilisent toutes les potentialités de la RPE dans ce domaine.
7.2 - La matière carbonée primitive du système solaire : où et comment est-elle née ? 7.2.1 - Structure de la matière carbonée des météorites De nombreuses études ont été menées à travers le monde depuis les années 70 pour élucider la structure de la MC des météorites carbonées. En combinant les méthodes
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chimiques basées sur la dégradation chimique ou thermique, les spectroscopies RMN, FTIR, XANES et la microscopie électronique [Gardinier et al., 2000 ; Cody & Alexander, 2005 ; Ehrenfreund et al., 1992 ; Derenne et al., 2005, Derenne & Robert, 2010], il est désormais possible de se faire une idée de la structure moyenne de cette MC très primitive. Cette structure est représentée sur la figure 7.3b dans le cas de la météorite de Murchison [Derenne & Robert, 2010]. Elle peut être décrite comme constituée de petites entités aromatiques reliées entre elles par des chaînes aliphatiques courtes et très branchées. Assez riche en hydrogène (~ 70 %), cette MC contient également des hétéroéléments comme l’oxygène (~ 20 %), l’azote (~ 3 %) et le soufre (~ 2 %). Elle correspond donc à une MC peu mature qui n’a pas subi d’évolution thermique notable. Elle se caractérise par un enrichissement important en deutérium par rapport à la MC du système solaire en formation pour laquelle le rapport D /H est de ~ 3 × 10– 5 [Robert & Epstein, 1982]. Tout récemment, des expériences de NanoSIMS (Nano Secondary Ion Mass Spectrometry) ont révélé l’existence de fortes hétérogénéités de concentrations sous forme de hot spots de taille micronique fortement enrichis en deutérium, qui témoignent de la complexité de l’histoire de cette MC [Busemann et al., 2006 ; Remusat et al., 2009]. Par exemple, dans le cas de la MC de la météorite d’Orgueil dont nous parlerons plus loin, le rapport D /H moyen est de l’ordre de 3 × 10–4, alors que les hot spots sont 10 à 20 fois plus riches [Remusat et al., 2010]. Cet enrichissement reste cependant beaucoup plus faible que celui mesuré pour certaines molécules carbonées présentes dans l’espace interstellaire (D /H ~ 0,06 à 0,2) [Geiss & Gloecker, 1998 ; Robert, 2002]. La MC météoritique porte donc la trace d’une influence interstellaire, mais laquelle, et à quelle étape de son histoire cette trace a t-elle été acquise ?
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Figure 7.3 - (a) Photographie d’un fragment de la météorite d’Orgueil qui pesait à l’origine 14 kg. Il contient jusqu’à 3 % de carbone. (b) Structure moyenne de la matière carbonée de la météorite de Murchison (voir planches couleur). [(b) Pizzarello S. (2007) Chemistry & Biodiversity 4 : 680-693 © 2007 Verlag Helvetica Chimica Acta AG, Zürich]
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
7.2.2 - RPE de la matière carbonée météoritique Nous avons étudié la matière carbonée de trois météorites carbonées célèbres tombées à Orgueil (Tarn-et-Garonne, 14 mai 1964) (figure 7.3a), Murchison (Victoria, Australie, 28 septembre 1969) et Tagish Lake (Colombie Britannique, Canada, 18 janvier 2000). La MC est extraite de la matrice minérale par un traitement à base de HF/HCl [Durand & Nicaise, 1980]. Les spectres RPE de la MC de ces trois météorites sont identiques et constitués d’une raie lorentzienne étroite (0,4 – 0,5 mT) centrée à g = 2,0031 (figure 7.4) [Binet et al., 2002, 2004 (a)]. Cette raie est portée par un signal large de résonance ferromagnétique (RFM, voir le chapitre 12) dû à des résidus minéraux (chromite, magnétite, spinelle, …) [Binet et al., 2002]. La forme lorentzienne observée quelle que soit la fréquence (de 4 GHz à 285 GHz) [Binet & Gourier, 2006] pourrait laisser penser que la raie est homogène, c’est-à-dire sans structure sous-jacente [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 5]. Cependant la présence d’échos de spins en RPE impulsionnelle (voir l’annexe 2) montre que cette raie est inhomogène et que sa largeur, bien que faible, est due à des interactions hyperfines non-résolues avec les noyaux hydrogène présents dans la MC [Gourier et al., 2008]. On pourrait craindre qu’une simple raie non-structurée à g ≈ 2,00 n’apporte que peu d’informations. En fait, nous allons voir que l’étude détaillée de ses caractéristiques, en particulier la dépendance en température de son intensité et ses propriétés de relaxation, associée à l’analyse de la structure hyperfine non-résolue par RPE impulsionnelle, apporte des informations de tout premier plan sur l’histoire de la matière organique la plus primitive du système solaire.
Facteur g et intensité du signal On peut d’abord comparer le spectre RPE de la MC météoritique avec celui de charbons terrestres de composition chimique voisine. C’est le cas des charbons de type III qui proviennent de la décomposition des restes végétaux de forêts continentales. Des échantillons de trois charbons de référence âgés de 14 Ma (notés A1 et A2) et de 320 Ma (noté A3) ont été étudiés. Ils sont donc très jeunes par rapport à la MC des météorites âgée de 4,5 Ga. La déviation du facteur g de la MC météoritique par rapport à 2,0023, qui est due à la présence d’oxygène au sein de la MC [Bertrand, 2010, section 4.2.2], est semblable à celle des charbons terrestres ayant des rapports O /C similaires. La maturation des charbons terrestres entraînant à la fois une perte d’oxygène et une perte d’hydrogène, les variations du facteur g et du rapport H/C sont corrélées, comme le montre la figure 7.5 pour les charbons de type I, II et III.
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&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 7.4 - Spectre RPE bande X de la matière carbonée de fragments (~ 4 mg) des météorites d’Orgueil et de Murchison, enregistré à température ambiante. Fréquence : 9,514 GHz, puissance : 30 mW. Les raies principales enregistrées à 0,2 mW sont bien simulées par des lorentziennes (inserts). [Adapté de Binet et al. (2002) Geochimica & Cosmochimica Acta 68 : 4177-4186, Heterogeneous distribution of paramagnetic radicals in insoluble organic matter from the Orgueil and Murchison meteorites © 2002, avec la permission d’Elsevier]
L’évolution des charbons des moins matures (les plus jeunes) aux plus matures (les plus anciens) se traduit par une perte d’oxygène (diminution de g) et d’hydrogène (diminution de H /C). Le facteur g de la MC météoritique possède des caractéristiques typiques de charbons de type III jeunes et peu matures, ce qui montre que cette MC n’a pas subi d’évolution sous l’influence de la température et de la pression depuis sa formation il y a 4,5 Ga.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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Figure 7.5 - Facteur g en fonction du rapport H /C pour les échantillons de charbon A1, A2 et A3 et la MC des météorites d’Orgueil, de Murchison et de Tagish Lake. Les courbes en tirets montrent les variations pour les charbons de type I, II et III. Les flèches correspondent à une remontée dans le temps. [Adapté de Binet et al. (2002) Geochimica & Cosmochimica Acta 68 : 4177-4186, Heterogeneous distribution of paramagnetic radicals in insoluble organic matter from the Orgueil and Murchison meteorites © 2002, Elsevier]
Une première différence entre la MC météoritique et les charbons terrestres concerne la concentration en entités paramagnétiques exprimée en spins /gramme. La maturation du charbon entraînant une perte d’oxygène et d’hydrogène mais aussi une augmentation du nombre de centres paramagnétiques, le rapport O /C et la concentration en spins sont corrélés comme le montre la figure 7.6. Par contre, la concentration en spins de la MC météoritique apparaît très élevée compte tenu de sa teneur en oxygène. Ceci indique que les entités porteuses de l’oxygène en excès dans la MC météoritique sont éloignées spatialement (> 10 nm) des entités radicalaires porteuses des spins. Cependant, nous allons voir qu’une différence plus importante entre la MC primitive du système solaire et ses homologues terrestres réside dans la dépendance en température de l’intensité du spectre RPE.
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Figure 7.6 - Concentrations en spins, mesurées à température ambiante, des charbons A1, A2, A3 (cercles noirs et blancs) et de la MC des météorites (barres verticales) en fonction du rapport oxygène sur carbone. La courbe et la zone grisée représentent les valeurs obtenues pour les kérogènes de type III du bassin de Douala (Cameroun). Les flèches indiquent l’évolution des kérogènes durant la catagénèse qui aboutit aux pétroles, les concentrations en spins des météorites sont les concentrations locales évaluées comme indiqué dans la légende de la figure 7.8. [Adapté de Binet et al. (2002)
Geochimica & Cosmochimica Acta 68 : 4177-4186, Heterogeneous distribution of paramagnetic radicals in insoluble organic matter from the Orgueil and Murchison meteorites © 2002, Elsevier]
Les diradicaux singulets : des marqueurs extraterrestres ? L’intensité I du spectre d’espèces paramagnétiques de spin S = ½ diluées dans une matrice diamagnétique est proportionnelle à N /T où N est le nombre de centres et T la température, et le produit I(T)T est donc constant [Bertrand, 2010, chapitre 5]. C’est ce qu’on attend pour la MC, qu’elle soit d’origine terrestre ou extraterrestre, en raison de sa faible concentration en spin. La figure 7.7 montre la dépendance en température du produit I(T)T normalisé à 1 à T = 100 K pour 4 échantillons de météorites (Orgueil, Murchison et deux échantillons de Tagish Lake notés TL1 et TL2), le charbon A3 et deux échantillons de silex contenant de la MC fossile d’origine bactérienne âgée de 1,9 Ga (Gunflint) et 3,5 Ga (Warrawoona).
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Figure 7.7 - Dépendance en température du produit IT normalisé à 1 à T =100 K pour 4 échantillons de météorites (Orgueil, Murchison, TL1, TL2), du charbon A3 et deux silex renfermant des fossiles bactériens (Gunflint 1,9 Ga, et Warrawoona 3,5 Ga). Les courbes en trait plein ont été calculées avec l’équation [7.1] et les paramètres du tableau 7.1. [Adapté de Binet et al. (2004) (a) Meteoritics & Planetary Science 39 :1649-1654 © 2004, Meteoritical Society]
On constate que le produit IT est constant pour la MC terrestre, mais qu’il augmente au delà de 130 K dans le cas de la MC météoritique. Nous avons attribué ce phénomène à la présence de deux types d’entités paramagnétiques dans la MC météoritique : ›› des centres de spin S = ½ (nombre Nmono) semblables à ceux de la MC terrestre, responsables de la constance du produit IT à basse température, ›› des entités diradicaires d’état fondamental S = 0 (diradicaux singulets, nombre Ndi), qui possèdent un état excité S = 1 peuplé aux températures supérieures à 130 K environ. Ce modèle conduit à l’expression suivante du produit IT [Binet et al., 2004 (b)] (figure 7.7) : 8 1 [7.1] I (T) T \ N mono + 3 N di 1 + e –Dv/k B e DE/k B T où DE est l’écart singulet-triplet, Dv est la différence d’entropie entre les deux états et kB la constante de Boltzmann. Le facteur 8⁄3 est le rapport des produits S(S +1) pour S = 1 et S = ½ [Bertrand, 2010, section 6.4.2]. La dépendance en température du produit IT est bien reproduite par l’équation [7.1] pour les quatre échantillons de
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MC météoritique, avec les paramètres du tableau 7.1. Les diradicaux singulets des trois météorites ont des caractéristiques très semblables, seules changent les proportions relatives des radicaux et des diradicaux. Tableau 7. 1 - Ecart singulet-triplet DE, différence d’entropies Dv entre le singulet fondamental et le triplet, et proportion des diradicaux singulets dans la MC de trois météorites. DE [cm–1]
Dv [cm–1 K–1]
Ndi / (Nmono + Ndi)
Orgueil
815 ± 24
4,2 ± 0,1
40 ± 1 %
Murchison
838 ± 32
4,3 ± 0,1
24 ± 1 %
Tagish Lake
944 ± 24
4,8 ± 0,1
42 ± 1 %
D’après ce modèle, la MC des météorites contiendrait entre 20 et 40 % d’une entité paramagnétique spécifique qui peut ainsi être considérée comme une « signature extraterrestre ». Cependant, la dépendance en température observée sur la figure 7.7 pourrait être reproduite par d’autres modèles que celui qui conduit à l’équation [7.1]. L’existence d’une raie unique, étroite et symétrique ne plaide d’ailleurs pas en faveur d’un spin S = 1. Pour montrer la pertinence de ce modèle, il faut déterminer directement la valeur du spin S de l’état excité. On utilise pour cela la probabilité des transitions RPE qui est proportionnelle à [S (S + 1) − M S (M S + 1)] [Bertrand, 2010, section 6.4.2]. Cette quantité vaut 1 pour une transition M S =− 1 2 * M S = 1 2 (S = 1 2) et 2 pour des transitions M S =− 1 * M S = 0 et M S = 0 * M S = 1 (S = 1) . On peut déterminer la probabilité de transition par une expérience de RPE impulsionnelle dans laquelle une impulsion micro-onde résonnante fait osciller le système entre les états de spin MS et MS +1. Le carré de la fréquence de ces oscillations (dite de Rabi, ou de nutation) est proportionnel à la probabilité de transition. On observe expérimentalement deux fréquences dont le rapport vaut 2 , ce qui démontre de façon définitive la présence de radicaux et de diradicaux dans la MC météoritique alors que seuls des radicaux sont présents dans la MC terrestre [Delpoux et al., 2011]. D’autres expériences de RPE impulsionnelle (mesure de distance entre spins par des excitations à deux quanta) ont confirmé cette interprétation et ont montré que les deux électrons non-appariés sont séparés de 2 nm dans les diradicaux [Gourier et al., en préparation]. Cette grande distance explique pourquoi les termes d’éclatement en champ nul dus aux interactions dipolaires magnétiques ne produisent pas d’effet sur le spectre. L’existence de diradicaux singulets est donc confirmée, mais quelle est leur structure et pourquoi n’existent-ils pas (ou sont-ils très peu abondants) dans la MC terrestre ? Des calculs récents sur la structure électronique de petits feuillets de grosses entités polyaromatiques (nanographènes) montrent que pour des tailles inférieures à environ 5 × 5 cycles, les entités polyaromatiques sont diamagnétiques [Wang et al., 2010]. Au-delà de cette taille, un feuillet polyaromatique devient un diradical singulet (S = 0) avec un écart singulet-triplet qui diminue quand la taille augmente. Les deux électrons à spins antiparallèles (état fondamental S = 0) ou parallèles (état
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
excité S = 1) sont localisés sur les bords en zigzag du feuillet aromatique [Enoki & Takai, 2009]. Ainsi la MC des météorites contiendrait de tels feuillets aromatiques très bien définis de taille suffisamment grande pour être des diradicaux, mais suffisamment petite pour ne pas se comporter comme deux monoradicaux isolés. Leurs propriétés magnétiques seraient alors clairement observables en raison du confinement quantique, ces feuillets aromatiques étant noyés dans une matrice carbonée diamagnétique et bien séparés les uns des autres [Gourier et al., en préparation]. Dans la MC primitive terrestre constituée d’entités aromatiques de plus grande taille et très désordonnées, cet effet de diradicaux singulets disparait et on n’observe que des états de spin S = ½ isolés (voir la section 7.3).
La relaxation : évidence d’hétérogénéités de distribution des entités radicalaires Les radicaux et diradicaux sont-ils distribués de manière homogène au sein de la MC ou montrent-ils des hétérogénéités de distribution, conséquence d’une histoire complexe ? Une information partielle sur ce point provient de la valeur du produit T1T2 déduit d’expériences de saturation continue, où T1 est le temps de relaxation spinréseau et T2 le temps de relaxation spin-spin [Bertrand, 2010, chapitre 5]. Le temps T2 étant déterminé par les interactions entre les centres paramagnétiques, on s’attend à ce que sa valeur diminue quand la concentration moyenne augmente si les centres paramagnétiques sont répartis uniformément dans l’échantillon [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 5]. C’est bien ce qu’on observe pour les charbons A1, A2, A3 et d’autres charbons [Thomann et al., 1988] sur la figure 7.8, où nous avons représenté la valeur du produit T1T2 mesurée à température ambiante en fonction de la concentration moyenne évaluée par double intégration de la raie RPE et comparaison à un échantillon de référence [Bertrand, 2010, complément 4 du chapitre 9]. Par contre le produit T1T2 apparaît anormalement faible pour les MC des météorites d’Orgueil, Murchison et Tagish Lake eu égard à leur concentration moyenne. Si on considère que la composition chimique de la MC météoritique est très proche de celle des charbons, il n’y a aucune raison pour qu’elle présente des caractéristiques différentes en relaxation. Les données de la figure 7.8 suggèrent plutôt qu’il existe dans la MC des météorites des concentrations locales de l’ordre de 4 × 1019 spins g– 1, plus élevées que la concentration moyenne de l’ordre de 0,2 à 2 × 1019 spins g– 1. Cette interprétation a été confirmée par l’étude des intensités relatives du signal ENDOR du proton et du signal RPE (facteur d’augmentation ENDOR) en fonction de la concentration moyenne en radicaux. Ces deux expériences mettent en évidence de fortes hétérogénéités dans la distribution des radicaux et des diradicaux dans la MC météoritique [Binet et al., 2004a, 2004b]. Or, nous avons signalé dans la section 7.2.1 que des hétérogénéités de taille micronique (hot-spots) ont été récemment observées dans l’enrichissement en deutérium de la MC des météorites [Busemann et al., 2006].
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Figure 7.8 - Valeur du produit T1T2 mesurée à température ambiante en fonction de la concentration moyenne en spins pour les échantillons de charbons A1, A2, A3 (cercles noirs), d’autres charbons (triangles) [Thomann et al., 1988] et pour la MC des météorites d’Orgueil, de Murchison et de Tagish Lake (carrés noirs). Les pointillés montrent comment on peut évaluer les concentrations locales dans les météorites à partir du produit T1T2. Ce sont ces concentrations locales qui ont été utilisées à la figure 7.6. [Adapté de Binet L. et al. (2004) (a) Meteoritics & Planetary Science 39 : 1649-1654 © 2004, Meteoritical Society]
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Figure 7.9 - Image NanoSIMS du rapport D /H de la matière carbonée de la météorite d’Orgueil. Les flèches noires indiquent des hot spots riches en deutérium, les flèches blanches des régions pauvres en deutérium (voir planches couleur).
[Remusat et al. (2009) The Astrophysical Journal 698 : 2087-2092 © 2009. The American Astronomical Society]
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Un exemple de tels hot spots à deutérium est montré sur la figure 7.9 qui représente la distribution du rapport D /H de la MC de la météorite d’Orgueil donnée par la spectroscopie NanoSIMS [Remusat et al., 2009]. Les hétérogénéités de l’enrichissement en deutérium sont clairement visibles. On peut donc se demander s’il existe un lien entre ces hots spots à deutérium et les hétérogéneités de distribution des radicaux et des diradicaux.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Où est fixé le deutérium ? La largeur de la raie RPE (0,4 - 0,5 mT) (figure 7.4) est due aux interactions hyperfines non-résolues avec les noyaux hydrogène (1H et 2H) et, dans une moindre mesure, avec les noyaux 13C. Pour identifier ces noyaux et évaluer leurs couplages, il faut faire appel à la spectroscopie ENDOR (voir l’annexe 3) et aux expériences ESEEM et HYSCORE de la RPE impulsionnelle (voir l’annexe 2). La figure 7.10 montre le spectre ESEEM à 4 impulsions de la MC de la météorite d’Orgueil. +Ȟ,
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+Ȟ, IJ"QV
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)UpTXHQFH>0+]@ Figure 7.10 - Spectre ESEEM à 4 impulsions de la MC de la météorite d’Orgueil enregistré à 10 K pour deux valeurs du temps x séparant les deux premières impulsions micro-ondes. [© Delpoux, Vezin & Gourier]
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Les interactions hyperfines étant plus faibles que hoI, où oI est la fréquence de Larmor des noyaux couplés, on s’attend à observer des pics à oI et 2oI (sections 1.2 et 2 de l’annexe 2). C’est bien ce qu’on observe pour les protons (oI = 14,66 MHz) dans la partie haute fréquence du spectre. La partie basse fréquence comporte un pic intense à la fréquence oI = 2,25 MHz du deutérium à côté de celui à la fréquence oI = 3,69 MHz du 13C, qui montre que les radicaux sont fortement enrichis en deutérium. Cette partie basse fréquence a été étudiée en détail par spectroscopie HYSCORE (figure 7.11). Deux informations importantes ont été obtenues [Gourier et al., 2008] : ›› la simulation du spectre du deutérium montre que l’interaction hyperfine est essentiellement isotrope, ce qui indique que le deutérium occupe très majoritairement une position benzylique, c’est-à-dire qu’il est fixé sur un carbone aliphatique lié à un carbone aromatique, ›› la comparaison avec un spectre de référence (biphenyl mélangé avec 1 % de biphényl deutéré) montre que le rapport D /H est égal à 1,5 % pour les radicaux de la MC [Gourier et al., 2008].
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Figure 7.11 - Partie basse fréquence du spectre HYSCORE de la MC de la météorite d’Orgueil enregistré à 10 K. [Gourier D. et al. (2008) Geochimica & Cosmochimica Acta 72 : 1914-1923, Extreme deuterium enrichment of organic radicals in the Orgueil meteorite: Revisiting the interstellar interpretation? © 2008, avec la permission d’Elsevier]
L’analyse quantitative des résultats montre que les radicaux sont extrêmement enrichis en deutérium, et que leur distribution hétérogène dans la MC est responsable des hot-spots à deutérium observés par NanoSIMS (figure 7.9) [Remusat et al., 2009].
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7.2.3 - Bilan : l’histoire complexe de la matière organique protosolaire La combinaison de nombreuses techniques a montré que la MC météoritique est globalement enrichie en deutérium (spectrométrie de masse isotopique), que cet enrichissement se concentre sur des hot-spots de taille micronique (NanoSIMS), qui eux-mêmes contiennent des entités aromatiques radicalaires et diradicalaires constituant les porteurs quasi-exclusifs du deutérium (RPE), le deutérium étant localisé essentiellement sur un seul type de liaison C–H, particulièrement labile (HYSCORE). Une telle hétérogénéité multi-échelle, allant de l’échelle macroscopique à celle de la liaison chimique, implique que la MC des météorites provient de l’accrétion d’un mélange de particules de MC riches et pauvres en deutérium. La figure 7.12 propose un schéma simplifié des processus ayant pu se dérouler il y a 4,5 Ga dans le système solaire en formation. 6\QWKqVHHWSRO\PpULVDWLRQ GHVPROpFXOHVVXUOHVJODFHV HWOHVSRXVVLqUHV $URPDWLVDWLRQ GHVPROpFXOHV
(QULFKLVVHPHQWLVRWRSLTXH GDQVOHVUpJLRQVIURLGHV HWLRQLVpHV
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Figure 7.12 - Schéma du système solaire en formation. Dans la nébuleuse, le flux de gaz et de poussières entrant sous l’effet de la gravitation est compensé par le mouvement en sens inverse dû à la turbulence au centre du disque où se formeront les planètes. La localisation probable des processus qui ont influencé la formation et l’évolution de la MC dans le disque est indiquée. Les étapes de formation des météorites dans le disque sont aussi repérées. Une unité astronomique correspond environ à 150 millions de kilomètres (distance Terre-Soleil). [Adapté de Remusat et al. (2010) The Astrophysical Journal 713 :1048-1058]
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Celui-ci se caractérise par un afflux de gaz et de poussières attirés par gravitation vers le jeune soleil, où la température augmente. Cet afflux est compensé par la turbulence qui renvoie des particules vers la périphérie de la nébuleuse proto-solaire où la température décroit. Comme le rapport D /H est d’autant plus grand que la température est basse (D /H ≈ 1,5 % correspond à T ≈ 35 K) [Bigeleisen & Mayer, 1947], un enrichissement important en deutérium n’a pu se produire qu’à la périphérie de la nébuleuse ou dans le milieu interstellaire lui-même. La MC des météorites proviendrait ainsi du mélange de particules de MC synthétisées au sein de la nébuleuse proto-solaire et dispersées par turbulence. Celles qui atteignent la périphérie froide sont soumises à des irradiations et à des gaz ionisés riches en deutérium, où l’échange peut s’effectuer sur les entités aromatiques radicalaires présentant les hydrogènes les plus labiles (hydrogènes benzyliques). C’est le mélange final de ces particules enrichies en deutérium avec les particules restées à l’intérieur de la nébuleuse (donc pauvres en deutérium) qui aboutit à cette MC présentant des hot-spots très enrichis en deutérium [Remusat et al., 2010]. Le tout se condense avec des minéraux pour former les corps parents des météorites, qui sont à leur tour rapidement détruits par des collisions pour donner les météorites carbonées qui tombent encore de temps en temps sur Terre.
7.3 - La matière carbonée primitive terrestre : à la recherche de biomarqueurs des origines de la vie Les roches sont des matériaux composites complexes pouvant contenir une grande variété d’espèces paramagnétiques. Même les silex, qui sont formés presque exclusivement de silice microcristalline, donnent des signaux RPE d’ions de transition tels que Mn2+, Fe3+, de défauts ponctuels tels que des lacunes d’oxygène (centres E’), de centres aluminium (ions O– liés à des ions Al3+ en site silicium, voir la figure 1.1c du chapitre 1) et d’inclusions magnétiques (signal de résonance superparamagnétique ou de résonance ferromagnétique, voir le chapitre 12) auxquels peuvent se superposer des signaux de radicaux organiques ou de matière carbonée [Skrzypczak et al., 2008]. La figure 7.13 montre par exemple le spectre RPE d’un petit fragment de silex provenant de la formation Dresser (groupe de Warrawoona, Australie) âgé de 3,46 Ga. Les silex de ce groupe contiennent des microstructures carbonées qui ont très tôt été attribuées à des bactéries fossiles [Schopf et al., 2002]. Après des débats acharnés sur l’origine biologique ou non de ces microstructures [Brasier et al., 2002, 2005 ; Pasteris & Wopenka, 2002 ; Kazmierczak & Kremer, 2002 ; GarciaRuiz et al.., 2003], il semble à peu près certain que cette matière carbonée soit bien d’origine biologique. La figure 7.13 montre comment on peut identifier les différents centres paramagnétiques donnant des signaux vers g = 2 en effectuant des « zooms » successifs, tout en jouant sur la température, la puissance micro-onde et même le
184
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
mode de détection en phase ou en quadrature de phase avec la modulation (voir le complément 1 de ce chapitre). Le spectre de la MC est facilement observé à température ambiante, mais le pic g// du signal des centres E’ de la silice s’y superpose (figure 7.13d). Ces centres possédant des temps de relaxation T1 et T2 très longs, on peut saturer leur signal avec une forte puissance micro-onde et l’enregistrer de façon sélective grâce à une détection en quadrature de phase avec la modulation (figure 7.13e) [Skrzypczak et al., 2008]. Le signal de la MC est obtenu par différence. E 3"P:7".
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[D'après Skrzypczak-Bonduelle A. et al. (2008) Appl. Magn. Reson. 33 : 371-397], EPR of Radicals in Primitive Organic Matter: A Tool for the Search of Biosignatures of the Most Ancient Traces of Life, Fig. 1 © 2008 Springer - Verlag, avec la permission de Springer Science-Business Media]
Figure 7.13 - Spectre RPE d’un fragment de silex de Warrawoona (3,5 Ga) enregistré à différentes températures et puissances micro-ondes, sur des plages de champ décroissantes de (a) à (e), de façon à faire apparaître le signal de la MC. Les spectres (a) à (d) sont enregistrés en phase avec la modulation. Le spectre (e) est enregistré en quadrature de phase avec la modulation.
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
185
7.3.1 - La forme de raie : un outil pour dater la matière carbonée terrestre On peut donc facilement déterminer à température ambiante le spectre RPE de la MC enfouie dans une roche. Comme celui de la MC des météorites (figure 7.4), il ne comporte qu’une raie non-structurée. La figure 7.14 montre les spectres donnés par les charbons A1 et A3 définis plus haut et par des silex d’âge compris entre 45 Ma et 3,5 Ga. Les valeurs de g et les largeurs pic à pic DBpp de ces signaux et de ceux donnés par d’autres échantillons de MC terrestre sont rassemblées dans le tableau 7.2. D
E
F
P7
P7
P7
&KDUERQ$ G
&ODUQR
&KDUERQ$
H
P7
I
P7
*XQIOLQW
P7
:\ORR
J
)RUWHVFXH K
P7
:DUUDZRRQD
P7
%DUEHUWRQ
Figure 7.14 - Comparaison des spectres RPE des centres paramagnétiques de la matière carbonée de silex et de charbons avec des raies gaussiennes (pointillés) et lorentziennes (tirets). Les âges des échantillons vont en croissant et leurs numéros correspondent à ceux du tableau 7.2. [D’après Skrzypczak-Bonduelle A. et al. (2008) Appl.
Magn. Reson. 33 : 371-397], EPR of Radicals in Primitive Organic Matter: A Tool for the Search of Biosignatures of the Most Ancient Traces of Life, Fig. 3 © 2008 Springer - Verlag, avec la permission de Springer Science-Business Media]
186
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications Tableau 7.2 - Paramètres caractérisant la raie RPE de la matière carbonée des charbons A1, A2, A3 et de silex de différentes origines. Le facteur de forme algébrique R10 mesure l’écart de la forme de raie par rapport à une lorentzienne (voir le texte). [D’après Skrzypczak-Bonduelle A. et al. (2008) Appl. Magn. Reson. 33 : 371-397]
Echantillon
Provenance
Age [Ma]
Facteur g
DBpp [mT]
Facteur R10
1
Lost Chicken Creek a
2,9
2,002(7)
0,60
nd
A1 ; A2
Mahakam delta b
14
2,003(2)
0,62 ; 0,67
4,84 ; 5,06
2
Clarno c
45
2,004
0,72
1,74
A3
Solway Basin d
320
2,002(9)
0,42
0,63
e
4
Dengying
655-658
2,003(2)
0,40
nd
5
Daongyu f
1430-1770
2,003(2)
0,22
nd
1880
2,003(4)
0,23
0,09 ; – 0,75
1850-2200
2,00(3)
0,005 ; 0,034
nd ; – 0,19
2200-2340
2,003(3)
0,008
nd
2750
2,002(7)
0,04
– 2,2
g
6 ; 7
Gunflint
8 ; 9
Wyloo h i
10
Transvaal
11
Fortescue j k
12 ; 13
Warrawoona
3460
2,003(3)
0,12
– 2,43 ; – 1,98
14 ; 15
Barberton l
~ 3400
2,003(2)
0,20 ; 0,30
nd ; – 2,16
3420-2450
2,003(1)
0,33
nd
16
m
Zwartoppie
a
Alaska, USA ; b Indonésie ; c John Day Basin, Oregon, USA ; d Royaume Uni ; e-f Chine ; g Schreiber Beach, Ontario, Canada ; h Duck Creek, Dolomite Wyloo group, Australie ; i Supergroupe du Transvaal, Afrique du sud ; j Formation Jeerinah, Australie ; k Formation Dresser, groupe de Warrawoona, Australie ; l upper Onverwacht, Afrique du sud ; m groupe Onverwacht, Afrique du sud. nd : non-déterminé
On constate que la valeur de g ne varie pratiquement pas. Bien que la largeur DBpp diminue globalement quand l’âge augmente, on observe un net élargissement du spectre pour la MC la plus ancienne. La largeur de raie n’est donc pas un bon indicateur d’âge. Par contre, la forme de raie en est un comme le montre la figure 7.14 où les raies sont comparées à des gaussiennes et à des lorentziennes. Lorsque la MC est « jeune », en gros d’âge inférieur à ~ 100 millions d’années, la forme est intermédiaire entre celles d’une lorentzienne et d’une gaussienne et elle tend vers une lorentzienne quand l’âge atteint le milliard d’années. Quand l’âge augmente jusqu’à 3,5 milliards d’années, la raie prend la forme d’une lorentzienne dont les ailes sont étirées. On interprète généralement ces lorentziennes étirées comme la superposition de plusieurs lorentziennes d’intensités et de largeurs (proportionnelles à 1 /T2) différentes. La grande reproductibilité de nos observations sur des roches d’âges et
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
187
de provenances différents suggère plutôt que cet étirement est lié à un phénomène physique particulier qui se produit quand la MC vieillit à des échelles de temps dépassant le milliard d’années. Le cas de la MC météoritique a montré qu’une raie étroite de forme lorentzienne (vraie ou étirée) n’est pas forcément due à un phénomène de rétrécissement par échange comme on l’entend habituellement, car celui-ci conduirait à une raie homogène. Le fait que les raies de la MC terrestre donnent un écho de spin en RPE impulsionnelle (voir l’annexe 2 en fin d’ouvrage) montre qu’elles sont inhomogènes, l’inhomogénéité étant due à des interactions hyperfines non-résolues avec des noyaux hydrogènes [Skrzypczak et al., 2008].
Définition d’un paramètre de forme de raie En raison de la variation continue de la forme de raie entre gaussienne et lorentzienne étirée, il faut définir un paramètre qui reflète la forme de la raie sans que l’on ait besoin de la simuler. Il est commode d’utiliser une représentation dans laquelle une dérivée de lorentzienne devient une droite. La dérivée L(B) d’une raie lorentzienne normalisée a pour expression [Bertrand, 2010, section 9.4.1] :
L (B) =−
16 3r 3 DB 3pp
B − B res 2
(B − B res) 2 =1 + 43 G DB 2pp
[7.2]
où B res = ho/gb est le champ magnétique au centre de la raie et ΔBpp la largeur pic à pic. Si on pose 1 a pp b 2 b 2 o [7.3] x=c ;y=e DB pp m DB pp a où a pp =
2 3 est l’amplitude pic à pic de L(B) et les variables a et b sont définies rDB 2pp
sur l’encart de la figure 7.15c, l’équation [7.2] devient : 4 9 8 (1 + 3 x) Dans la transformation définie par les équations [7.3], une lorentzienne devient une droite, une gaussienne devient une courbe à forte concavité positive et les lorentziennes étirées deviennent des courbes à concavité négative. La figure 7.15 montre les transformées obtenues en numérisant les raies RPE des silex de Clarno (45 Ma), de Gunflint (1,9 Ga) et de Warrawoona (3,5 Ga). On voit clairement que la forme de la raie évolue avec l’âge, d’une gaussienne-lorentzienne (Clarno) à une quasi-lorentzienne (Gunflint) puis à une lorentzienne étirée (Warrawoona).
y=
188
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
D
*DXVVLHQQH /RUHQW]LHQQH
'LSRODLUH'
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E
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'LSRODLUH'
F
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/RUHQW]LHQQH
D
DSS
E
'LSRODLUH'
5
'LSRODLUH'
*DXVVLHQQH
Eǻ%SS
[D'après SkrzypczakBonduelle A. et al. (2008) Appl. Magn. Reson. 33 : 371-397], EPR of Radicals in Primitive Organic Matter: A Tool for the Search of Biosignatures of the Most Ancient Traces of Life, Fig. 6 © 2008 Springer - Verlag, avec la permission de Springer Science-Business Media]
Figure 7.15 - Analyse de la forme des raies RPE de la matière carbonée dans une représentation où la dérivée d’une raie lorentzienne est une droite. La gaussienne et les lorentziennes étirées (Dipolaire 2D et Dipolaire 1D) sont également représentées. Les raies expérimentales sont celles des silex (a) de Clarno (45 Ma), (b) de Gunflint (1,9 Ga) et (c) de Warrawoona (3,5 Ga). Les structures apparentes en (a) sont dues à l’existence d’autres signaux RPE de radicaux organiques. La figure (c) montre la surface algébrique utilisée pour définir le facteur R10 et l’encart définit les variables a et b utilisées dans l’équation [7.3].
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
189
Origine de l’étirement de la raie lorentzienne Les interactions dipolaires magnétiques entre des centres paramagnétiques fixes conduisent à une raie inhomogène lorentzienne lorsque ces centres sont dilués dans un système à 3 dimensions. Lorsqu’ils sont distribués dans un système de dimension inférieure à 3, la raie n’est plus lorentzienne. On peut déterminer sa forme en calculant la transformée de Fourier du signal de précession libre S(t) qui décrit la décroissance temporelle de l’aimantation transverse (voir l’annexe 1 en fin d’ouvrage), dont l’expression générale est la suivante [Fel’dman & Lacelle, 1996] :
S (t) = S (0) e [- (t/T2)
D/3]
[7.4]
où D = 1, 2, 3 est la dimensionnalité de la distribution spatiale des spins. Lorsque les spins sont dilués de manière isotrope dans l’espace (D = 3), la transformée de Fourier de S(t) est une lorentzienne. Lorsque les spins sont distribués dans un plan (D = 2) ou le long d’une courbe (D = 1), il n’existe pas d’expression analytique de la transformée de Fourier de S(t), mais on peut la calculer numériquement puis réaliser la transformation définie par les équations [7.3]. On obtient alors les courbes à concavité négative notées « Dipolaire 2D » et « Dipolaire 1D » sur la figure 7.15 [Skrypczak et al., 2008]. On constate que la raie de la MC la plus ancienne a une forme correspondant à 1 < D < 2 (figure 7.15c). On peut quantifier la variation de dimensionalité de la distribution spatiale des spins en utilisant la surface algébrique comprise entre la droite qui correspond à une lorentzienne et la courbe expérimentale [Skrypczak et al., 2008]. La figure 7.15c montre un exemple de mesure limitée à l’abscisse (b /ΔBpp)2 = 10. Le facteur de forme R10 ainsi défini vaut 0 pour une lorentzienne, il est positif pour une gaussienne et négatif pour une lorentzienne étirée. Sa valeur a été calculée pour de nombreux échantillons et elle est indiquée dans la dernière colonne du tableau 7.2. Contrairement à la largeur de raie ΔBpp, le paramètre R10 s’avère être un bon indicateur de l’âge de la matière carbonée. La figure 7.16a montre son évolution en fonction de l’âge pour des silex carbonés et des charbons. Le fait que la lorentzienne s’étire (D descend de 3 à 2 puis s’approche de 1) lorsque l’âge augmente peut être interprété comme le résultat d’un ordre croissant au sein de la MC lorsque celle-ci vieillit. Lorsque la MC est jeune (c’est-à-dire d’âge inférieur à ~ 1 Ga !) le carbone est désordonné, les entités aromatiques porteuses des spins sont de petite taille et distribuées de manière isotrope au sein de la MC (D = 3). Tant que la MC contient suffisamment d’hydrogène (âge ≤ 500 Ma), les interactions hyperfines non résolues donnent une raie RPE de forme gaussienne-lorentzienne (profil de Voigt, R10 > 0). Lorsque l’élargissement dû aux interactions hyperfines devient inférieur à l’élargissement dipolaire entre spins électroniques à cause du départ important d’hydrogène (âge ~ 1 à 2 Ga), la raie devient lorentzienne (D = 3, R10 = 0). Lorsque l’âge augmente encore, les entités aromatiques grandissent et leurs défauts paramagnétiques ont tendance à se distribuer au sein de plans graphènes (D = 2, R10 = – 1,7)
190
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
puis à se concentrer à leur périphérie (D = 1, R10 = – 2,9) lorsque ces graphènes deviennent de plus en plus ordonnés.
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7HPSpUDWXUHGHWUDLWHPHQWWKHUPLTXH>&@
Figure 7.16 - (a) Variations du facteur de forme R10 en fonction de l’âge pour une série de silex et de charbons. (b) Variation de R10 en fonction de la température du traitements thermique isochrone pour les silex de Clarno (triangles gris), de Rhynie (cercles blancs) et Gunflint (carrés blancs). L’abscisse logarithmique du haut, identique à l’abscisse de la figure (a), et les symboles noirs montrent la corrélation avec l’âge des silex anciens. La droite représente la relation entre R10 et l’âge de la matière carbonée équation [7.5].
[D'après Skrzypczak-Bonduelle A. et al. (2008) Appl. Magn. Reson. 33 : 371-397], EPR of Radicals in Primitive Organic Matter: A Tool for the Search of Biosignatures of the Most Ancient Traces of Life, Fig. 7 © 2008 Springer - Verlag, avec la permission de Springer Science-Business Media ]
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
191
Les réactions chimiques que nous venons de décrire étant thermiquement activées, on peut simuler l’effet du vieillissement en procédant à des traitements thermiques isochrones (15 minutes par étape) par sauts de 50°C, et en enregistrant les spectres RPE à température ambiante entre chaque saut de température. Les symboles blancs de la figure 7.16b montrent les résultats obtenus pour les silex de Clarno (– 45 Ma) et de Rhynie (– 396 Ma) (les spectres RPE initiaux de ces silex sont représentés respectivement sur les figures 7.14b et 7.17a). La comparaison des figures 7.16b et 7.16a montre qu’après un traitement à 750°C, la forme de raie de ces deux échantillons est exactement celle de la MC des échantillons 13 et 15 de la figure 7.16a, qui est âgée de 3,5 Ga. Il est donc possible de corréler le temps (à basse température) et la température (à temps court) en utilisant les paramètres R10 mesurés à température ambiante et après traitement à 750°C. Cette corrélation est faite sur la figure 7.16b, où nous avons reporté les paramètres R10 des charbons et des silex naturels non-traités (symboles noirs) et ceux des silex de Clarno (triangles gris) et de Rhynie (cercles blancs) traités thermiquement. La pertinence de cette corrélation temps-température est confirmée par les résultats du traitement thermique isochrone du silex de Gunflint âgé de 1,9 Ga (carrés blancs de la figure 7.16b). Tant que la température de traitement thermique est inférieure à « l’âge équivalent » de ~ 2 Ga, le facteur R10 n’est pas modifié. Dès que l’âge équivalent de ~ 2 Ga est atteint (vers 650°C), le facteur R10 décroit et suit la même variation que celle des autres silex. Il s’agit donc bien d’une méthode de datation relative de la MC par rapport à la roche hôte. Le facteur de forme R10 peut ainsi être relié à l’âge réel tgeol de la MC par la relation suivante [Skrzypczak et al., 2008] :
R 10 .− 5, 32 (! 0, 36) log (t geol) + 48, 9 (! 0, 9)
[7.5]
qui est valable entre 600 Ma et 3,5 Ga environ (droite en traits gras sur la figure 7.16b). Cette méthode devrait permettre de déterminer aisément si la MC provient de bactéries fossilisées dans des sédiments anciens ou si elle provient d’une contamination ultérieure par des infiltrations carbonées ou par des bactéries endolithiques. Supposons par exemple qu’une contamination massive ait eu lieu environ 2 Ga après la formation d’un silex âgé de 3,5 Ga. En traitant thermiquement ce silex, on verrait le facteur R10 rester constant jusqu’à un âge équivalent de ~ 1,5 Ga (environ 600°C), puis suivre la courbe normale après cet âge équivalent (T > 600°C).
7.3.2 - Imagerie RPE de la matière carbonée La MC fossile qui contient les centres responsables des spectres RPE est distribuée de manière hétérogène au sein de la roche. L’imagerie RPE permet d’avoir accès à cette distribution. D’une manière générale, les techniques d’imagerie sont très utiles lorsqu’on analyse un objet hétérogène. Selon leur pouvoir de résolution et leur sensibilité, elles peuvent mettre en évidence des structures spatiales invisibles à l’œil
192
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
nu (parce que l’objet est opaque ou que ces structures sont très petites) et lorsque ces techniques sont dotées de sélectivité chimique, elles permettent également de cartographier la distribution spatiale d’espèces particulières. Les images recueillies sont souvent riches d’informations et sont complémentaires des analyses purement spectroscopiques qui permettent d’accéder seulement aux caractéristiques physicochimiques des espèces détectées. Dans le cas des roches, les microscopies optiques, Raman ou électroniques sont couramment utilisées pour visualiser et identifier aussi bien les différentes phases minérales que les phases carbonées. Ces techniques combinent généralement une bonne résolution spatiale (du micromètre au nanomètre selon la technique), une bonne sensibilité et une bonne sélectivité chimique. Cependant, en raison de la faible profondeur de pénétration des rayonnements optiques et des faisceaux électroniques utilisés, ces techniques ne permettent d’analyser que de la couche superficielle des échantillons. Il est alors nécessaire de réaliser de nombreuses sections en lames minces si on veut effectuer une étude en profondeur. De plus, dans le cas spécifique de l’imagerie de la matière carbonée, les faisceaux lasers ou électroniques ont l’inconvénient majeur de déposer assez d’énergie pour entrainer une modification chimique et structurale in situ du carbone lors de l’analyse. L’imagerie par RPE (IRPE), qui permet de visualiser la distribution spatiale des spins électroniques, ne présente pas ces inconvénients. En effet, le rayonnement micro-onde utilisé interagit très peu avec la matière (à l’exception des matériaux conducteurs ou fortement magnétiques) et pénètre donc en profondeur dans les échantillons, sur plusieurs millimètres voire centimètres. L’IRPE permet donc une analyse dans la masse d’objets centimétriques sans qu’il soit nécessaire d’effectuer une préparation particulière. Pour la même raison, les faibles énergies déposées en RPE n’induisent pas de modifications physico-chimiques des échantillons. L’IRPE possède cependant une résolution limitée (submillimétrique) comparée à l’imagerie Raman (quelques microns). Son principe est décrit dans le complément 2 de ce chapitre.
Application à la détection de la matière carbonée dans les roches siliceuses La superposition de plusieurs signaux RPE complique l’application de l’IRPE aux roches. En effet, le principe de l’IRPE suppose que l’échantillon ne contienne qu’une seule espèce paramagnétique, en raison de la méthode de déconvolution par transformée de Fourier qui est généralement utilisée et qui est inopérante lorsque des signaux RPE d’espèces différentes se chevauchent. Cependant, dans un certain nombre de cas on peut arriver à isoler le signal d’intérêt en jouant sur différents paramètres instrumentaux tels que la puissance micro-onde ou la phase de détection. La figure 7.17b montre l’image RPE de la matière carbonée dans un fragment de roche siliceuse (silex) de la formation de Rhynie en Ecosse, daté de 396 Ma [Binet et al., 2008]. Cette roche contient des fossiles de plantes de taille millimétrique, correspondant aux zones sombres sur les photos des faces de l’échantillon. Le spectre
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
193
RPE de l’échantillon brut présente de nombreux signaux de radicaux moléculaires et de défauts de la silice (figure 7.17a, spectre du haut). Le signal des centres paramagnétiques de la MC que l’on cherche à cartographier par IRPE est peu intense et se recouvre avec les autres signaux. Il est donc nécessaire d’effectuer au préalable un traitement thermique de l’échantillon à 495°C pendant 15 minutes de façon à éliminer les signaux autres que la raie de la MC (figure 7.17a, spectre du bas). L’inclinaison de la ligne de base, qui provient d’un signal large de particules ferromagnétiques, peut être éliminée par traitement numérique. La distribution spatiale en 3D des centres paramagnétiques de la MC obtenue par IRPE représentée sur la figure 7.17b, reflète a priori la répartition de cette matière dans l’échantillon. Cette image représente des surfaces d’isoquantités de spins. On observe une assez bonne correspondance entre les formes obtenues par IRPE et celles des fossiles de plantes visibles sur les photographies optiques des faces (zones sombres), ce qui montre que la matière carbonée se concentre dans les fossiles [Binet et al., 2008]. D
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Figure 7.17 - (a) Spectre RPE du silex de Rhynie (396 Ma) montrant une variété de radicaux et de centres paramagnétiques (spectre du haut). Un traitement thermique (voir le texte) permet d’augmenter le niveau de carbonisation et d’obtenir un signal de MC étroit. (b) Les photos des deux faces de l’échantillon sont comparées à l’image RPE de la distribution de la MC dans le silex. Les photos montrent des zones sombres riches en carbone représentant des fossiles, séparées par des zones plus claires pauvres en carbone. Les images optiques ne montrent que les structures apparentes en surface, alors que l’image RPE (b) montre la distribution du carbone dans le corps de l’échantillon (voir planches couleur). [D’après Binet L. et al. (2008) Earth Planet. Sci. Lett. 273 : 359-366, Potential of EPR imaging to detect traces of primitive life in sedimentary rocks © 2008, avec la permission d’Elsevier].
Un autre exemple d’image par RPE de roches siliceuses est donné sur la figure 7.18 pour un silex de la formation de Gunflint au Canada, daté de 1,9 Ga. Dans cet échantillon, la matière carbonée provient de tapis fossilisés de bactéries primitives. La particularité de cet échantillon est d’être totalement opaque et visuellement homogène. Le spectre RPE enregistré à faible puissance micro-onde montre deux signaux qui se recouvrent dans la région g = 2 (figure 7.18a) : celui des centres paramagnétiques
194
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de la MC et celui des centres E’ (lacunes d’oxygène de la silice). Comme indiqué au début de la section 7.3, ce dernier se sature à forte puissance micro-onde, ce qui permet d’isoler le spectre des centres de la matière carbonée qui se sature beaucoup plus difficilement (figure 7.18b). L’image RPE 3D des centres de la matière carbonée, représentée sur la figure 7.18d, montre une répartition inhomogène de cette MC fossile au sein de l’échantillon, qu’il aurait été impossible de visualiser aussi facilement par d’autres techniques d’imagerie. Le spectre RPE des centres E’ de la silice, détecté en utilisant la quadrature de phase par rapport à la modulation (complément 1 de ce chapitre), est représenté sur la figure 7.18c. L’image RPE correspondante (figure 7.18e) reproduit la forme de l’échantillon, ce qui indique que, contrairement à la MC, les centres E’ sont distribuées de manière homogène dans la silice [Binet et al., 2008]. qUHKDUPRQLTXH HQSKDVH 3 P:
D
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Figure 7.18 - Spectres et images RPE du silex de Gunflint (1,9 Ga). (a) et (b) spectres enregistrés en mode normal (1ère harmonique en phase avec la modulation) avec une puissance de (a) 0,02 mW ; (b) 0,2 mW. (c) spectre enregistré en 2ème harmonique en quadrature de phase à 2 mW. Les images de la MC (d) et des centres E’ (e) correspondent aux spectres (b) et (c) (voir planches couleur). [D’après Binet L. et al. (2008) Earth Planet. Sci. Lett. 273 : 359-366, Potential of EPR imaging to detect traces of primitive life in sedimentary rocks © 2008, avec la permission d’Elsevier]
7.3.3 - A la recherche de biosignatures nucléaires La matière carbonée primitive, qu’elle soit d’origine biologique avérée ou abiotique (par exemple la MC météoritique), donne toujours une raie plus ou moins fine dont l’absence de structure est un handicap pour préciser si elle est d’origine biologique ou pas. Comme la différence entre les deux catégories de MC doit se manifester dans les proportions des types de liaisons C–H (aromatiques, benzyliques, aliphatiques), ce sont les interactions hyperfines avec les noyaux 1H et 13C qui doivent refléter ces différences. Comme nous l’avons souligné dans la section 7.2, ces interactions hyperfines non-résolues peuvent être étudiées par spectroscopies ENDOR ou HYS-
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
195
CORE (voir les annexes 2 et 3 de cet ouvrage). Nous présentons à titre d’exemple les spectres HYSCORE donnés par deux silex dont la MC a une origine biologique assurée, et par la MC d’une météorite. La figure 7.19 montre ces spectres représentés en 3 dimensions et en projection sur le plan des fréquences.
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Figure 7.19 - Exemples de spectres HYSCORE à 9 K des silex de Clarno et de Gunflint, et de la MC de la météorite d’Orgueil. Les spectres à droite sont les cartes de contours d’intensités (voir planches couleur). [D’après Gourier D. et al. (2013) Astrobiology 13 : 932-947 © 2013 Mary Ann Liebert, Inc.]
196
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
On voit clairement que les spectres des noyaux 1H, 13C et 29Si de la MC des silex sont différents de ceux de la MC météoritique. Le spectre du 13C est intense dans la MC météoritique, faible dans la MC des silex. Ceci ne signifie pas qu’il y a moins de carbone dans la MC des silex, mais que la structure des entités aromatiques porteuses des spins électroniques est différente dans les deux cas. De même, le spectre des protons a une forme linéaire dans la MC météoritique, alors qu’elle a une forme de « virgules » dans la MC des silex. La forme en virgule témoigne de la présence d’hydrogènes aromatiques abondants (présence d’une composante dipolaire dans l’interaction hyperfine), alors que la forme linéaire révèle la présence d’hydrogènes benzyliques prédominants (interaction hyperfine isotrope dominante), donc d’entités aromatiques très branchées [Gourier et al., 2008]. La structure hyperfine masquée de la raie RPE pourrait donc constituer « l’empreinte digitale » de l’origine de la MC.
7.4 - Perspectives : objectif Mars ? Les expériences décrites dans ce chapitre illustrent bien les potentialités de la RPE pour l’étude de la matière carbonée la plus primitive, et montrent que cette technique est tout à fait adaptée à la recherche des premiers restes carbonées témoins de l’apparition de la vie. Cependant, ce n’est peut-être pas de la Terre que viendra la réponse. On sait maintenant que de l’eau a coulé en abondance sur Mars pendant les premières centaines de millions d’années de son existence. La sonde européenne Mars Express a en effet découvert des argiles en abondance dans les hauts plateaux de l’hémisphère sud de Mars, vieux d’au moins 3,7 Ga, c’est-à-dire plus anciens que les plus anciens silex terrestres renfermant des restes bactériens fossiles [Poulet et al., 2005]. La présence de minéraux hydratés abondants dans ces roches très anciennes, recouvertes par des coulées de laves il y a 3,5 Ga, montre que des mers ont pu recouvrir partiellement Mars avant la perte de son atmosphère et le refroidissement global de la planète [Carter et al., 2010]. Des conditions favorables à la vie ont donc pu exister sur Mars entre – 4 Ga et – 3,7 Ga. Les grands bombardements météoritiques qui ont ensemencé la Terre et Mars avec les mêmes composants carbonés et organiques, ont pu fournir aux deux planètes les mêmes briques de base pour l’émergence de la vie [Maurette et al., 2006]. C’est donc dans les roches sédimentaires les plus anciennes de Mars qu’on pourra peut être trouver un jour les traces de la vie la plus primitive du système solaire, et élucider les conditions et les mécanismes qui ont participé à l’émergence de la vie. La présence de traces fossiles de vie sur Mars à une époque aussi reculée nous aidera à mieux comprendre l’origine de la vie sur Terre, car il n’existe plus sur notre planète de roche sédimentaire datant des 600 premiers millions d’années de son existence. Montrer que de telles traces existent sur Mars, ou qu’elles en sont définitivement absentes, aura des conséquences évidentes sur notre compréhension de cette émergence. Si elles existent, cela veut dire que dans
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
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des conditions initiales similaires, la vie peut émerger sur des planètes différentes. Si de telles traces sont définitivement absentes sur Mars, les différences entre les deux planètes donneront des pistes pour l’identification des conditions particulières nécessaires à l’émergence de la vie [Hoehler & Westall, 2010]. C’est la recherche de biosignatures minérales [Banfield et al., 2001] ou organiques [Marshall et al., 2010], de vie terrestre ancienne (autour de – 3,5 Ga) par différentes techniques d’analyses qui devrait permettre de déterminer les « observables » d’une vie encore plus ancienne susceptible d’être découverte sur Mars. Deux types de missions spatiales sont envisagés pour cet objectif. D’une part une mission de retour d’échantillons Martiens, qui pose des problèmes techniques considérables et dont la date n’est pas encore fixée avec certitude. D’autre part des missions d’exploration par des laboratoires tout-terrain, les rovers. Dans le premier cas, de très sévères conditions de quarantaine devront être respectées pour éviter une contamination croisée (surtout si des bactéries ou organismes apparentés vivent encore sur Mars), mais les échantillons pourront être étudiés par toute une batterie de techniques de laboratoire. Dans le deuxième cas, les instruments doivent pouvoir être miniaturisés à l’extrême et supporter des conditions très dures, comme de très basses températures avec de grandes amplitudes thermiques et une exposition constante à des rayonnements ionisants. Fort des succès des missions Wiking de 1976 et Pathfinder de 1997 qui ont validé les technologies d’atterrissage et de déplacement sur Mars, la mission Mars Exploration Rover (MER) de 2004 a déposé deux rover (Spirit & Opportunity) qui ont découvert des traces géologiques de la présence d’eau sur Mars et d’une atmosphère riche en CO2 dans le passé. La feuille de route de la mission MER était Follow the water, c’est-à-dire montrer que des conditions pouvaient être propices à l’apparition de la vie. Celle de la mission Mars Science Laboratory (MSL), dont le rover Curiosity est arrivé sur Mars en aout 2012, est Follow the carbon, c’est-à-dire rechercher des molécules carbonées qui pourraient être liées à la vie elle-même. Les 70 kg d’appareils scientifiques de ce rover comprennent entre autre un spectromètre laser (ChemCam), un diffractomètre X, un spectromètre de fluorescence X, un microscope, un spectromètre à rayons X et particules a (APXS), un chromatographe, un spectromètre IR, un spectromètre de masse, un détecteur de neutrons et un autre détecteur de particules. Pour la suite, qui dépendra fortement des budgets de la NASA et de l’ESA, la mission Exomars devrait démarrer en 2019 avec un rover franco-américain, l’objectif étant de trouver des traces de vie et de préparer un retour d’échantillons sur Terre. Avec sa sensibilité et sa résolution, la RPE est une technique tout à fait envisageable pour l’étude d’échantillons martiens, que ce soit dans le cadre d’une mission de retour d’échantillons ou, après miniaturisation et adaptation, dans le cadre d’une mission sur Mars. La capacité d’un rayonnement de grande longueur d’onde (microondes et radiofréquences) à pénétrer dans des matériaux isolants et non-magnétiques,
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
la possibilité d’analyser la matière carbonée in situ sans avoir à l’extraire, la diversité des méthodes RPE utilisables, font de ces techniques une voie possible pour la recherche de vie passée sur Mars. Sa capacité à distinguer du carbone météoritique d’un carbone d’origine biologique pourra être précieuse car si des roches sédimentaires martiennes très anciennes ont pu préserver des structures carbonées d’origine biologique, elles ont pu également conserver du carbone extraterrestre qui tombait abondamment à cette époque.
Remerciements La plus grande partie de ce travail a bénéficié du soutien financier du CNES et du CNRS (programme national de planétologie et programme Origine des planètes et de la Vie). Plusieurs des travaux décrits dans ce chapitre ont été effectués en collaboration avec Hervé Vezin (Laboratoire Spectrochimie Infrarouge et Raman, CNRS, Université de Lille 1, Villeneuve d'Ascq), Sylvie Derenne (Biogéochimie et Ecologie des Milieux Continentaux, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Paris) et François Robert (Laboratoire de Minéralogie et Cosmochimie, CNRS, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris).
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
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Complément 1 Principe de la détection en quadrature de phase Pour augmenter le rapport signal sur bruit, les spectres RPE sont habituellement enregistrés en superposant au champ magnétique statique B une modulation B b (t) = 2m cos (2ro m t) , où la fréquence de modulation om est généralement égale à 100 kHz. Le signal arrivant sur le détecteur s’écrit alors B s (t) = f c B (t) + 2m cos (2ro m t) m
où la fonction f décrit la forme du spectre d’absorption et B(t) représente la variation lente du champ « statique » lors de l’acquisition du spectre RPE [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 1]. La fonction f n’étant pas linéaire, le signal s(t) contient en plus du terme cos(2romt) à la fréquence om, des harmoniques en cos(2rnomt), où n est un entier naturel [Bertrand, 2010, section 9.2.2]. A cause des phénomènes de relaxation, le système de spins électroniques ne réagit pas instantanément aux variations de champ magnétique imposées par la modulation. Le signal s(t) contient donc également des termes en sin(2rnomt) qui sont en « quadrature de phase » par rapport à la modulation. Ainsi, le signal arrivant sur le détecteur s’écrit de façon générale s (t) = / 6A n cos (2rno n t) + B n sin (2rno n t)@ 3
n=0
Pour une raie lorentzienne, les amplitudes An et Bn sont données par [Kälin et al., 2003] : An =
Bn =
/ T2 ~ 1 J -k (~22 /2~ m) [J n - k (~ 2 /~ m) + J -n - k2(~22 /~ m)]
+3
k =- 3
1 + ~ 1 J k (~ 2 /~ m) T1 T2 + (X − k~ m) T 2
2 / (X − k~ m) T 2 ~ 1 J2-k2(~ 2 /~ m) [J n - k (~ 2 /~ m) − J2-n -2 k (~ 2 /~ m)]
+3
k =- 3
1 + ~ 1 J k (~ 2 /~ m) T1 T2 + (X − k~ m) T 2
Les quantités Jm(z) sont les fonctions de Bessel de 1ère espèce. On a posé ~2 = cBm /2, ~m = 2rom, ~1 = cB1 /2 où B1 est l’amplitude du champ micro-onde, et X = cB – 2ro où o est la fréquence micro-onde. Lorsque la fréquence de modulation om et l’amplitude de modulation Bm sont petites devant la largeur de raie exprimée respectivement en fréquence et en champ magnétique, l’amplitude A1 de la première harmonique en phase est proportionnelle à la dérivée première du spectre d’absorption. Si le temps de relaxation T2 n’est pas trop long, les termes en quadrature de phase sont généralement négligeables et la détection synchrone fournit le spectre RPE habituel. Cependant, le rapport Bn /An varie comme omT2 et les espèces paramagnétiques dont le temps de relaxation T2 est suffisamment long (typiquement de l’ordre de 10 à 100 ns) peuvent générer des signaux observables en quadrature
200
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de phase. Sur un spectromètre RPE, on peut faire varier la phase de la modulation et sélectionner l’harmonique désirée [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 1 et section 9.2.2]. On peut donc détecter en quadrature de phase la 1ère ou la 2nde harmonique, ce qui permet de détecter de manière sélective les espèces paramagnétiques dont le temps de relaxation est long.
7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive
201
Complément 2 Principe de l’imagerie par RPE
,QWHQVLWpGXFKDPS PDJQpWLTXH%;
Le principe de l’imagerie par RPE (IRPE) consiste à encoder la position d’un centre paramagnétique dans la valeur de son champ de résonance. En spectroscopie RPE conventionnelle, le champ magnétique appliqué B est uniforme et la valeur Bres du champ de résonance ne dépend pas de la position du centre dans l’échantillon. En IRPE, on ajoute à B un champ statique parallèle à sa direction, dont l’intensité varie linéairement en fonction de la position X. Le champ total s’écrit donc B(X) = B + GX où G = dB /dX est le gradient de champ (figure 7.20). Ce gradient de champ est réalisé avec des bobines électromagnétiques spécialement conçues que l’on ajoute à un spectromètre RPE classique. Pour un centre paramagnétique de position X, la condition de résonance s’écrit ho = gbB(X) et la résonance a lieu pour la valeur de B donnée par : ho B (X) = − GX gb Ainsi, lorsque le spectre RPE d’un échantillon est enregistré sous gradient de champ magnétique, le signal d’un centre apparaît à un champ de résonance déterminé par la position qu’il occupe dans l’échantillon (figure 7.17). %; "%
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3RVLWLRQ; 6LOLFH
,QWHQVLWp53( DEVRUEpH
,QFOXVLRQ FDUERQpH
&KDPSPDJQpWLTXH% Figure 7.20 - Schéma de principe de l’imagerie par RPE. L’abscisse des figures du haut et du centre est la position X. Sur la figure du bas, les raies en pointillé représentent les spectres correspondant aux trois tranches de la figure du centre. Le spectre large représente la superposition de toutes les raies.
202
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
L’intensité du signal en B (X) est proportionnelle au nombre de centres ayant pour abscisse X, qui sont localisées dans le plan à la position X, perpendiculaire à la direction du gradient de champ magnétique. La variation de l’intensité RPE du spectre sous gradient reflète la variation du nombre de centres paramagnétiques dans cette direction et constitue donc une image unidimensionnelle (1D). En pratique, il faut tenir compte de la forme intrinsèque du signal RPE de l’espèce paramagnétique (c’est-à-dire celle du signal obtenu en l’absence de gradient de champ magnétique), si bien que le spectre sous gradient est en réalité le produit de convolution de la distribution spatiale de l’espèce et de la forme intrinsèque du signal. Il est donc nécessaire d’effectuer une déconvolution pour restituer l’image 1D. Des images bidimensionnelles (2D) correspondant à la répartition des espèces paramagnétiques projetée sur un plan donné ou tridimensionnelles (3D) donnant une représentation volumique de la répartition de ces espèces, peuvent être obtenues à partir d’une série d’images 1D correspondant à différentes directions du gradient balayant soit un plan pour une image 2D soit l’espace tout entier pour une image 3D. On trouvera des détails sur cette technique et ses applications dans [Blank et al., 2003 ; Subramanian & Krishnan, 2008].
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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8 - Utilisation de sondes paramagnétiques pour l’étude des transitions structurales au sein des protéines Belle V. & Fournel A. Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
8.1 - Introduction Grâce au progrès des techniques de biologie structurale, un grand nombre de structures tridimensionnelles de protéines de fonctions très variées ont été déterminées ces vingt dernières années. Ces structures fournissent des informations très importantes, mais qui sont généralement insuffisantes pour comprendre le fonctionnement de ces macromolécules complexes dont les propriétés dynamiques jouent souvent un rôle essentiel. La flexibilité structurale est en effet au coeur de nombreux processus biologiques comme la catalyse enzymatique, la signalisation et la reconnaissance moléculaire, l’assemblage d’édifices complexes. Parmi les techniques qui ont été développées pour obtenir des informations dans ce domaine, le « marquage de spin » combiné à la spectroscopie RPE, une technique connue sous l’acronyme SDSL-EPR (pour Site-Directed Spin Labeling), est devenu un outil puissant pour étudier les changements structuraux survenant au sein des protéines (voir l’annexe 4 de ce livre pour une description de la structure des protéines). Elle consiste à « greffer » une ou plusieurs sondes paramagnétiques sur des sites bien définis d’une protéine et à analyser leur spectre RPE pour obtenir des informations sur leur environnement. Ces sondes sont généralement des radicaux stables de type nitroxyde qui possèdent un groupe fonctionnel permettant de les fixer sur un résidu cystéine d’une protéine. Même si les premières applications du marquage de spin aux protéines remontent aux années 1960 avec les travaux pionniers de H. McConnell à l’Université de Standford [Stone et al., 1965 ; Griffith & McConnell, 1966], cette technique a connu récemment un regain d’intérêt spectaculaire grâce aux progrès des outils
206
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
de biologie moléculaire qui permettent de remplacer un acide aminé quelconque d’une protéine par une cystéine, ainsi qu’au développement des techniques de RPE impulsionnelle. Etant donné le caractère local des informations apportées par les sondes paramagnétiques, la taille du système biologique étudié n’est pas une limitation et le champ d’application de la SDSL est très vaste. Cette technique est par exemple utilisée pour obtenir des informations structurales sur de gros édifices protéiques membranaires qui ne peuvent pas être étudiés par les techniques conventionnelles, cristallographie par diffraction des rayons X ou RMN à haute résolution. Mais elle est aussi parfaitement adaptée à l’étude des changements structuraux survenant au sein d’une protéine, qu’ils soient induits par un processus physique externe comme l’illumination ou par son interaction avec un partenaire physiologique (protéine, ligand, substrat). C’est ce dernier type d’application, développé en particulier dans le groupe de W.L. Hubbell à l’Université de Califormie et Los Angeles (UCLA) [Altenbach et al., 1989 ; Altenbach et al., 1990], qui fait l’objet de ce chapitre. Après avoir rappelé dans la section 8.2 les propriétés RPE des radicaux nitroxyde, nous présentons dans la section 8.3 les différentes méthodes utilisées pour étudier les changements de conformation par SDSL. Dans les sections 8.4 et 8.5, nous décrivons l’application de ces méthodes à deux protéines très différentes : une enzyme, la lipase pancréatique humaine, et une protéine qui possède un domaine intrinsèquement désordonné, la nucléoprotéine du virus de la rougeole. On trouvera des développements récents sur d’autres applications de la SDSL dans des articles de revue [Fanucci & Cafiso, 2006 ; Klug & Feix, 2008 ; Klare & Steinhoff, 2009].
8.2 - Spectre RPE et mobilité des radicaux nitroxyde La stabilité, la facilité de synthèse, les propriétés chimiques et les caractéristiques RPE des radicaux nitroxyde expliquent leur utilisation dans de nombreuses applications de la RPE. C’est ainsi qu’ils apparaissent dans ce livre au chapitre 3 comme adduits de pièges à radicaux et au chapitre 9 comme « briques » pour élaborer de nouveaux matériaux magnétiques. Nous rappelons brièvement les propriétés qui leur valent d’être utilisés comme sondes dans les macromolécules biologiques. Les radicaux nitroxyde sont des radicaux r dans lesquels l’électron non-apparié est délocalisé à parts à peu près égales sur les atomes d’azote et d’oxygène d’une liaison N–O. Les valeurs principales de la matrice g˜ sont très proches de ge = 2,0023 et on les classe habituellement dans l’ordre gx > gy > gz où {x, y, z} sont les axes principaux représentés sur l’encart de la figure 8.1. L’interaction entre l’électron célibataire et le noyau 14N (I = 1) conduit à une matrice hyperfine A˜ très anisotrope avec Ax ≈ Ay P7@
G
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Figure 9.13 - Structure et spectres RPE d’une série de triradicaux dérivés de nitroxydes. Les simulations 1 en trait gris sont obtenues comme décrit dans le texte. (a) Structure générale. Les autres figures montrent les spectres de (b) diNNpNN (c) diINpIN (d) INNNpNN, en solution 10– 4 M dans un mélange 1:1 de dichlorométhane /xylène à température ambiante. Micro-ondes : fréquence 9,4213 GHz pour (b) et (d) et 9,767 GHz pour (c) , puissance 1 mW. Modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 0,1 mT.
Par exemple, dans un triradical NN en échange fort, il existe 6 noyaux 14N équivalents et la structure hyperfine comporte 13 raies (2nI +1 avec I = 1 et n = 6) séparées de Amono / 3 ~ 7 MHz (figure 9.13b). De même, dans un triradical constitué de deux radicaux NN et un radical IN en échange fort (figure 9.13d) il existe 4 noyaux 14N équivalents (Amono /3 ~ 7,03 MHz) et 2 noyaux 14N inéquivalents (AN1 /3 ~ 8,43 MHz ; AN2 /3 ~ 4,07 MHz) et ainsi de suite pour les autres combinaisons. Des simulations satisfaisantes des spectres RPE des trois triradicaux sont obtenues dans la limite de l’échange fort. Néanmoins, pour simuler le spectre du
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
245
triradical formé exclusivement de radicaux IN (figure 9.13c), il faut considérer un mélange de conformations moléculaires impliquant des découplages complets ou partiels de radicaux (mono-, bi- et tri-radical), comme dans le cas des composés diIN décrits dans la section précédente. Ces observations suggèrent que la barrière de rotation entre les cycles porteurs des radicaux et le phényle est suffisamment basse pour que la conformation moléculaire soit sensible à l’environnement. D’autre part, le couplage d’échange est lui-même sensible à la conformation moléculaire. On s’attend donc à ce que des effets dynamiques soient observés en solution, tels que ceux observés pour les dérivés biradicalaires et triradicalaires comportant des fragments IN. Pour conclure cette section, on peut retenir que l’existence d’une interaction d’échange, même très faible ( J $ A ), entre deux radicaux organiques est aisément détectée sur le spectre RPE d’une solution fluide, dont la structure hyperfine reflète la distribution de la densité de spin sur la molécule. Celle-ci peut traduire un mécanisme d’échange à travers l’espace (intermoléculaire) ou à travers la liaison (intramoléculaire). Un des intérêts majeurs est que le processus étudié se situe à l’échelle moléculaire, et que sa mesure est rendue possible en raison de la grande sensibilité de la RPE.
9.4 - Etude des solutions gelées 9.4.1 - Les informations contenues dans le spectre Comme nous l’avons rappelé dans l’introduction, la forme du spectre d’une solution gelée de molécules portant plusieurs radicaux couplés par des interactions d’échange est essentiellement déterminée par la valeur du spin S et par les termes d’éclatement en champ nul dus aux interactions magnétiques dipolaires électron-électron [Bertrand, 2010, section 6.5]. On peut déduire les valeurs de D et de E à partir des structures du spectre, comme indiqué au chapitre 6 (figures 6.5 et 6.9 pour S = 1, figure 6.6 pour S = ³⁄²) de [Bertrand, 2010] . Quand un triradical est constitué d’un fragment biradicalaire relativement bien séparé d’un fragment monoradicalaire (voir figure 9.16b), les interactions dipolaires entre les deux fragments sont nettement plus faibles que celles qui ont lieu dans le biradical. Dans ces conditions, les paramètres d’éclatement en champ nul du biradical DT (T pour état triplet) et du triradical DQ (Q pour état quartet) sont liés par [Bencini & Gatteschi, 1990] : DT = 3DQ [9.2] Dans la section précédente, nous avons montré que la spectroscopie RPE des solutions fluides peut révéler facilement l’existence d’une interaction d’échange intramoléculaire entre radicaux. Cependant, ni la nature ni l’intensité de l’interaction d’échange n’ont été déterminées. On les détermine habituellement en étudiant la
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
dépendance en température de l’aimantation à l’aide d’un magnétomètre à SQUID. Nous expliquons au complément 1 pourquoi ce type d’expérience n’est pas adapté à l’étude des solutions diluées et nous montrons comment on peut utiliser la dépendance en température de l’intensité intégrée du spectre RPE pour obtenir les informations recherchées.
9.4.2 - Etude de biradicaux : effet de la longueur et de la topologie du connecteur sur le paramètre J Cette étude a été réalisée sur les biradicaux dérivés d’imino nitroxyde de la série linéaire np-IN (n = 2, 3, 5) (figure 9.7) et de la série pmp-INR (R = H, OCH3, NO2) (figure 9.9a) dont l’étude à température ambiante a été décrite à la section 9.3.1. Dans ces biradicaux, les sites porteurs de spins sont séparés par de grandes distances et les interactions dipolaires magnétiques sont très faibles. Il en résulte que les structures due aux termes d’éclatement en champ nul ne sont pas résolues sur les spectres enregistrés à basse température. De même, les transitions à champ moitié, dont l’intensité varie comme le rapport (D /ho)2, ne sont pas observées [Weissman & Kothe, 1975].
Méthodologie utilisée La dépendance en température de l’intensité du spectre RPE a été suivie entre 4 K et 100 K. L’écart singulet-triplet J a été déterminé en modélisant cette dépendance par la relation [Bleaney & Bowers, 1952]: C 3 [9.3] | bi (T) = T ; E 3 + e -J/k B T Dans cette expression, C est une constante qui dépend des unités et kB est la constante de Boltzmann. L’état fondamental est S = 0 pour J < 0 et S = 1 pour J > 0. Nous avons mentionné (section 9.3.1) qu’à basse température le signal de RPE des espèces polyradicalaires dû aux transitions DMS = ± 1 peut se saturer à des puissances relativement basses. Ce phénomène est illustré sur la figure 9.14a par l’exemple du composé 2p-IN. La courbe de saturation à 4 K est typique d’une raie homogène [Bertrand, 2010, sections 5.3.2 et 9.4.1] avec un maximum marqué et une saturation à relativement basse puissance. La saturation entraîne une sous-estimation de l’intensité à basse température qui conduit à sous-estimer le paramètre J dans le cas d’un fondamental triplet, à le surestimer dans le cas d’un fondamental singulet. Les effets de la saturation sur la dépendance en température de l’intensité et son impact sur l’estimation de l’écart singulet-triplet sont illustrés sur la figure 9.14b par le cas du composé pmp-INH. On constate que l’atténuation du signal dû à la saturation conduit non seulement à une surestimation de l’écart singulet-triplet, mais aussi à une dépendance en température non-conforme à l’équation [9.3].
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire D
247
E
H53(7>XD@
$SS>XD@
GE
ò
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3 >: @
7 >.@
Figure 9.14 - (a) Saturation du signal RPE du composé 2p-IN (~10– 4 M, mélange 1:1 dichlorométhane /xylène). La variation de l’amplitude pic à pic en fonction de la racine carrée de la puissance est représentée pour différentes températures : (cercles blancs) T = 4 K ; (carrés gris) T = 14 K ; (losanges blancs) T = 40 K ; (triangles blancs) T = 80 K ; (points noirs) T = 120 K. (b) Dépendance en température de l’intensité du signal RPE (transitions DMS = ± 1) de la molécule pmp-INH (~10– 4 M, mélange 1:1 dichlorométhane /xylène) pour différentes atténuations de la puissance : (cercles blancs) 50 dB ; (carrés gris) 40 dB ; (losanges blancs) 30 dB. Les courbes en trait plein sont calculées avec l’équation [9.2] pour un singulet fondamental avec J /kB = – 4,5 ± 0,2 K pour 50 dB; J /kB = – 15,5 ± 0,9 K pour 40 dB ; J /kB = – 37,0 ± 2,4 K pour 30 dB.
Pour terminer cette section, il faut noter qu’en raison de la facilité des changements de conformations mise en évidence en solution fluide (sections 9.3.1 et 9.3.2), il est probable que plusieurs conformations sont piégées en solution gelée. Dans ces conditions, les valeurs de J mesurées doivent être considérées comme des valeurs moyennes.
Analyse des résultats Deux résultats essentiels ont été obtenus [Wautelet, 1996 ; Wautelet et al., 2001, 2003] : »» Nous avons vu que les composés de la série linéaire np-IN donnent à température ambiante un spectre d’état triplet dans la limite de l’échange fort pour n = 2,3 (figure 9.7c) et que J . A pour n = 5 (figure 9.7a). L’étude du spectre à basse température montre que l’état fondamental est S = 0 et que le couplage d’échange est observé jusqu’à une distance de 4 nm environ, avec J /kB = – 9,7 K pour 2p-IN, – 3,2 K pour 3p-IN, – 0,002 K pour 5p-IN. C’est un résultat remarquable concernant la portée des processus électroniques (conjugaison et polarisation de spin) impliqués dans le mécanisme d’échange intramoléculaire. Cependant, étant donné la quasi planarité des substituants radicalaires avec la chaîne conjuguée, le couplage apparaît relativement faible par comparaison aux valeurs mesurées avec
248
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
d’autres coupleurs (phénylène-vinylidène, phénylène). La variation du paramètre J avec la longueur L du coupleur est bien décrite par la relation : J = J 0 e - b exc L
[9.4]
OPE – 1 avec J0 /kB = – 173 ± 22 K et b OPE exc = 0,19 ± 0,01 Å . Le facteur d’atténuation b exc OPE – 1 est à comparer à b cond = 0,21 ± 0,01 Å obtenu pour la décroissance de la conduc– 1 tance de dérivés OPE similaires [LIU et al., 2008], et à b OPP cond = 0,51 ± 0,01 Å déduit d’une étude semblable 2 effectuée sur des dérivés oligo-para-phénylène (OPP) avec des terminaisons radicalaires nitronyle nitroxyde [Higashiguchi et al., 2010]. Comme dans le cas des dérivés OPP, on constate que le taux d’atténuation de l’interaction d’échange est semblable à celui de la conductance, ce qui indique que les processus impliqués dans la délocalisation de spin d’une part, la délocalisation ou le transfert de charge d’autre part, relèvent de mécanismes connexes, sinon identiques. C’est un résultat important pour l’électronique de spin moléculaire que de pouvoir considérer que spin et charge sont étroitement associés à l’échelle moléculaire. »» Les dérivés de type pmp-INR, qui donnent des spectres d’états triplets à température ambiante (section 9.3.1) ont tous un état fondamental S = 0 (figure 9.15). Ce résultat est contraire à celui que prévoient les règles topologiques énoncées pour des biradicaux substitués en méta d’un phényle (section 9.1.2).
Ȥ53( >XD@
7 >. @
Figure 9.15 - Variation de l’intensité du signal de RPE (transition DMS = ±1) en fonction de l’inverse de la température pour les composés de la série substituée en méta du phényle : (cercles blancs) pmp-INH ; (cercles noirs) pmp-INOC12 ; (losanges blancs) pmp-INNO2 (voir la figure 9.9a pour les structures). Les traits continus représentent les ajustements à l’équation [9.3] avec les valeurs de J /kB indiquées dans le texte. [D’après Wautelet P. et al. (2003) Journal of Organic Chemistry 68 : 8025-8036 © 2003 American Chemical Society]
2 Cette étude [Higashiguchi et al., 2010] revendique à tort d’être la première de ce type, car nous avions effectué et rapporté des travaux similaires au cours de la décennie précédente [Wautelet, 1996 ; Wautelet et al., 2001, 2003].
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
249
Les valeurs de J mesurées sont les suivantes : J /kB = – 4,5 ± 0,2 K (pmp-INH), – 2,6 ± 0,1 K (pmp-INO12C), – 1,3 ± 0,1 K (pmp-INNO2). Le caractère accepteur ou donneur du substituant sur le groupement phényle central semble donc affecter l’écart singulet-triplet. Cependant, la faiblesse des couplages doit rendre prudent quant à l’analyse quantitative de ces résultats. Le résultat indéniable est la « violation » des règles topologiques qui prévoient un état fondamental triplet pour une conformation de type méta-phénylène. Il faut remarquer que d’autres biradicaux construits sur une base méta-phénylène possèdent aussi un état fondamental singulet [Dvolaitzki et al., 1992 ; Kanno et al., 1993 ; Silverman & Dougherty, 1993 ; Yoshioka et al., 1994 ; Fang et al., 1995 ; Fujita et al., 1996 ; Schultz et al., 1997 ; Dei et al., 2004]. Parallèlement à ces études expérimentales, la capacité du fragment méta-phenylène à coupler des entités paramagnétiques et la nature de l’état fondamental qui en résulte ont fait l’objet de travaux théoriques [Barone et al., 2011]. Des calculs effectués sur des composés porteurs de radicaux NN au lieu de IN et élaborés sur un noyau central pyridine au lieu de phényle, ont conclu à l’existence d’un état fondamental S = 1 [Rajadurai et al., 2003]. Outre les effets de la conformation moléculaire, en particulier de l’angle dièdre entre les radicaux substitués en méta et le plan du phényle central, nos résultats posent la question du rôle de la nature du substituant radicalaire, et particulièrement celui de la polarisation de spin entre un radical IN et un radical NN, ainsi que le rôle de l’hétéroatome sur le groupement central, qu’on peut rapprocher du rôle des substituants donneurs ou accepteurs sur le phényle central. En conclusion, on retiendra que la RPE permet de déterminer le signe et l’intensité du couplage d’échange au sein de biradicaux, et ce à l’échelle de la molécule isolée. Concernant la détermination des propriétés magnétiques de molécules isolées, une étude aux objectifs semblables et mettant en jeu diverses techniques expérimentales, incluant la RPE, a été menée sur des biradicaux dérivés de nitronyle nitroxyde connectés par un espaceur de type caroténoïde [Stroh, 2002 ; Ziessel et al., 2004 ; Stroh et al., 2005]. De très forts couplages antiferromagnétiques supérieurs à kBT à température ambiante ont été mis en évidence dans ces systèmes.
9.4.3 - Influence de la nature des substituants radicalaires sur le paramètre J dans les biradicaux et les triradicaux Nous examinons dans cette section l’influence de la nature des substituants radicalaires sur le paramètre J dans les biradicaux (figure 9.9c) et les triradicaux (figure 9.13a) de la série 9c. On trouvera des détails supplémentaires sur ces expériences dans [Catala, 1999 ; Catala et al., 1999, 2001, 2005]. Les entités biradicalaires constituent à l’évidence les briques de base des triradicaux. L’objectif est de déterminer les paramètres J1 au sein du fragment biradicalaire et J2 entre le biradical et le radical terminal des triradicaux (figure 9.16). Les études en solution fluide
250
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
diluée décrites dans les sections 9.3.1 et 9.3.2 ont montré que les radicaux sont en interaction dans la limite de l’échange fort à température ambiante. D
6
E
6 -
-E
-W
5
6
6
Ht éch =− J 1b St 1 .St 2
6
Ht éch =− J 1t St 1 .St 2 − J 2 (St 1 .St 3 + St 2 .St 3)
Figure 9.16 - Définition des paramètres d'échange (a) biradical : J1b ; (b) triradical : J1t et J2. Les hamiltoniens utilisés pour calculer les niveaux d’énergie et la susceptibilité magnétique sont indiqués.
Les spectres basse température du biradical INNN et du triradical INNNpNN sont représentés sur la figure 9.17 (le spectre d’un biradical diNN est représenté sur la figure 6.8 du livre Bertrand, 2010). Une raie à champ moitié est observée pour tous les oligoradicaux étudiés. Aucune raie à tiers-champ (DMS = ± 3) n’a été observée pour les triradicaux, ce qui n’est pas surprenant car le rapport de son intensité à celle des transitions DMS = ± 1 est de l’ordre de (D /ho)4. D
E
'7 Jȕ"P7
'4 Jȕ"P7 P7
P7
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Figure 9.17 - (a) Spectre du biradical INNN (2,5 × 10– 4 M) dans un mélange xylène / CH2Cl2 à T = 10 K ; (b) Spectre du triradical INNNpNN (5 × 10– 4 M) dans un mélange acétone /CH2Cl2 à T = 12 K. Les encarts représentent les raies à champ moitié. Microondes : fréquence 9,39 GHz, puissance : 0,1 mW pour les transitions DMS = ± 1, 20 mW pour les transitions DMS = ± 2. Modulation : fréquence 100 kHz, amplitude pic à pic 0,3 mT.
Les valeurs de DT /gb et de 3DQ /gb mesurées sur les spectres sont indiquées dans le tableau 9.1. La relation [9.2] est bien vérifiée pour le composé ne comportant que des fragments NN, un peu moins bien pour ceux qui comportent un ou plusieurs fragments IN. Pour ces composés, la géométrie du fragment biradicalaire du com-
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
251
posé triradicalaire pourrait différer de celle du biradical seul. Cette observation serait à relier aux effets du « désordre » induit par les différentes positions possibles du groupement NO d’un imino nitroxyde en solution fluide (figure 9.11a). Tableau 9.1 - Paramètres d’éclatement en champ nul évalués pour le fragment biradicalaire et pour des triradicaux (3DQ) et pour le biradical correspondant (DT). Biradical
DT /gb [mT]
Triradical
3DQ /gb [mT]
diNN
10 ± 1
diNNpNN
9,6 ± 1,2
INNN
6,6 ± 0,4
INNNpNN
5,6 ± 0,3
diIN
9,0 ± 0,5
diINpNN
7,4 ± 0,4
diINpIN
7,4 ± 0,4
La dépendance en température de la susceptibilité a été suivie en utilisant différentes quantités mesurées sur le spectre RPE (intensité intégrée du signal DMS = ± 1, intensité intégrée du signal DMS = ± 2, amplitude pic à pic multipliée par le carré de la largeur de raie) de façon à évaluer les intervalles de confiance des résultats obtenus en ajustant les courbes théoriques aux données (figure 9.18).
D
E
H53(7>XD@
H53(7>XD@
7>.@
7>.@
Figure 9.18 - Dépendance en température du produit de la susceptibilité RPE par la température pour (a) le biradical diIN (b) le triradical diNNpNN. La susceptibilité a été suivie en mesurant l’intensité intégrée du signal DMS = ± 1 (losanges blancs), l’intensité intégrée du signal DMS = ± 2 (carrés gris), l’amplitude pic à pic du signal DMS = ± 2 (cercles blancs), la valeur moyenne de l’ensemble des données expérimentales (cercles noirs). Les courbes en trait continu sont calculées avec l’équation [9.3] pour (a) et l’équation [9.5] pour (b) et les paramètres du tableau 9.2. [D’après Catala L. et al. (2001) Chemistry - A European Journal 7 : 2466-2480 © 2001 Wiley-VCH Verlag GmbH, Weinheim, Fed. Rep. of Germany]
Pour décrire la dépendance en température de la susceptibilité des triradicaux, nous avons utilisé le modèle de couplage de type « triangle isocèle » de la figure 9.16. Il conduit à deux doublets (S = ½) et un quartet (S = ³⁄²) dont l’ordre dépend du signe de J1t. La dépendance en température de la susceptibilité magnétique est décrite par [Belorizki, 1993 ; Belorizki & Fries, 1993 ; Fujita et al., 1996] :
252
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
C 1 + e - D 1 /k B T + 10 e - D 2 /k B T | (T) = T ; E 1 + e - D 1 /k B T + 2 e - D 2 /k B T
[9.5]
Dans cette expression, on a posé D 1 = 3J 2 /2 et D 2 = (2J 1t + J 2) /2 (figure 9.16). Les valeurs de J ainsi obtenues sont indiquées dans le tableau 9.2. Tableau 9.2 - Paramètres d’échange (J1t, J2) des triradicaux et (J1b) du biradical correspondant. Solution (10– 3 ~10– 4 M) en mélange 1:1 (xylène /CH2Cl2) pour les biradicaux et (acétone /CH2Cl2) pour les triradicaux. Paramètre d’échange
diNNpNN
INNNpNN
diINpNN
diINpIN
J2 / kB [K]
+ 7 ± 2
+ 7 ± 2
+ 1,0 ± 0,5
+ 0,7 ± 0,1
J1t / kB [K]
+ 23 ± 4
+ 15 ± 1
+ 6,5 ± 4,0
+ 6,5 ± 1,0
diNN
INNN
diIN
+ 23 ± 5*
+ 19 ± 6
+ 7,6 ± 0,2
J1b / kB [K]
* J1b / kB = + 36 ± 10 K dans une matrice polystyrène.
On constate que tous les biradicaux ont un état fondamental de spin S = 1 et que tous les triradicaux ont un état fondamental S = ³⁄², stabilisé par des interactions d’échange ferromagnétiques. Ce résultat est conforme à la prédiction des règles d’alternance de la densité de spin pour la topologie « méta » adoptée. Aux incertitudes expérimentales près, les valeurs de J1t relatives aux fragments biradicalaires sont égales aux valeurs de J1b estimées dans les biradicaux isolés. Les différences de conformation suggérées par les données du tableau 9.1 pour les dérivés comportant un fragment IN ne sont donc pas décelables. La nature du radical substitué a un effet marqué sur l’intensité des couplages d’échange : ›› au sein d’une série biradicalaire, donc pour un méta-phénylène, on constate une diminution très nette de J1b lorsque NN est substitué par IN, dans l’ordre J(diNN) > J(INNN) > J(diIN), ›› au sein de la série triradicalaire, le couplage d’échange (J2) à travers le coupleur phénylène éthynylène (figure 9.16) est plus important lorsqu’il implique des radicaux NN plutôt que IN. La diminution des interactions quand on passe de NN à IN doit être attribuée aux effets de polarisation de spin qui contribuent à la délocalisation du spin sur la molécule, dont on sait qu’ils sont plus importants pour NN que pour IN. Les facteurs qui déterminent la nature de l’état fondamental et l’origine du couplage ont été étudiés par des calculs théoriques effectués sur différentes séries de composés. Certains résultats sont présentés au complément 2.
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
253
9.5 - Conclusion Bien entendu, la spectroscopie de RPE n’est pas l’outil universel pour répondre à l’ensemble des questions posées dans le domaine du magnétisme moléculaire. Par exemple, les mesures d’aimantation par magnétométrie à SQUID sont incontournables quand elles sont réalisables. Avant d’effectuer ces mesures, il est bien sûr nécessaire de s’assurer de la nature physique et chimique des objets étudiés. Cette caractérisation requiert un grand nombre d’outils, même dans sa version élémentaire (microanalyse chimique, spectroscopies optiques UV-visible et infrarouge, RMN, spectrométries de masse, etc.). La structure ou l’organisation de ces objets si elle existe, est déterminée par diffraction des rayons X, microscopie électronique, microscopies en champ proche (AFM, STM). La RPE ne peut intervenir qu’après ces étapes de caractérisation, sous peine de délivrer des signaux non-interprétables. La pertinence et la puissance de la RPE sont dues à la possibilité d’étudier des échantillons très variés (solutions fluides ou gelées, poudres, cristaux) et à sa grande sensibilité qui permet d’approcher le comportement de la molécule isolée via l’étude de solutions diluées. Parmi les registres non-abordés, on peut citer l’utilisation de différentes fréquences d’étude qui permet d’ouvrir des fenêtres sur les différents paysages de l’environnement local d’un centre paramagnétique [Barra et al. 2005 ; Gatteschi et al., 2006]. Enfin, l’accès à la RPE impulsionnelle et à la spectroscopie ENDOR élargit encore l’horizon des grandeurs magnétiques accessibles (voir les annexes 2 et 3 en fin d’ouvrage).
Remerciements Les résultats présentés dans ce chapitre sont le fruit de travaux de thèse menés sous la direction conjointe de chimistes et de physiciens. Je rends hommage à mes anciens compagnons « thésard(e)s » devenus docteurs [Wautelet, 1996 ; Catala, 1999 ; Stroh, 2002] qui ont donné beaucoup de leur temps pour traiter avec intelligence de questions fondamentales assez simples à formuler comme on a pu le lire, en utilisant la spectroscopie de RPE comme sonde principale de leurs créations moléculaires. Je remercie également mes collaborateurs de l’Institut de Chimie de Strasbourg (laboratoire POMAM de l’UMR 7177 Université de Strasbourg-CNRS), pour m’avoir fait bénéficier d’une lecture critique de ce manuscrit : Sylvie Choua, Nathalie Parizel, Jérôme Tribollet et Bertrand Vileno. Une dédicace particulière est faite à Maxime Bernard, ingénieur de recherches au CNRS, moniteur de RPE tous temps et tous chemins, urgentiste aguerri, sans lequel bien moins serait accompli.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Complément 1 Dépendance en température de la susceptibilité de solutions diluées suivie par RPE On effectue habituellement les mesures d’aimantation en fonction de la température (typiquement entre 2 K et 300 K) et éventuellement du champ magnétique à l’aide d’un magnétomètre à SQUID. Mais cet instrument ne se prête pas aisément à la mesure de l’aimantation de solutions diluées de radicaux organiques, pour des raisons techniques et des questions de sensibilité. Sur le plan technique, le risque est important de voir le porte-échantillon se briser dans le cryostat à cause des processus de fusion /solidification du solvant, ce qui impliquerait le démontage et le nettoyage de la chambre de mesure et l’immobilisation subséquente de l’instrument. D’autre part, l’aimantation mesurée comporte une composante paramagnétique et une composante diamagnétique. Pour un composé organique, ces contributions sont du même ordre. Mais à cause du solvant, la composante diamagnétique d’une solution diluée est beaucoup plus grande que la contribution paramagnétique des molécules. Pour éviter ces écueils, l’instrument est souvent utilisé pour déterminer les propriétés magnétiques de poudres polycristallines. Dans les polycristaux, le jeu des empilements moléculaires crée fréquemment des interactions intermoléculaires. Ces interactions, même si elles sont faibles, ne permettent pas de déterminer l’état magnétique de la molécule isolée, car elles se manifestent à basse température où se révèle l’état fondamental des systèmes moléculaires dans lesquels les interactions magnétiques intramoléculaires sont généralement faibles. La RPE permet d’étudier des molécules isolées au sein de solutions suffisamment diluées pour que l’on puisse négliger les interactions intermoléculaires, et l’intensité intégrée du spectre permet de suivre la dépendance en température de l’aimantation produite spécifiquement par les entités paramagnétiques. Les problèmes expérimentaux rencontrés dans ce type d’expérience sont variés. On peut citer : ›› la mesure précise de la température, ›› les problèmes posés par la saturation du signal de RPE à basse température, ›› les erreurs liées à la double intégration du signal, ›› la limitation du domaine de température accessible liée au point de fusion du solvant. En ce qui concerne ce dernier point, on peut si nécessaire diluer la solution dans une matrice polymère et lyophiliser le mélange. Cette méthode permet d’étendre le domaine de température au-delà du point de fusion du solvant. La détermination de la température de l’échantillon est un réel problème lorsqu’on travaille avec un cryostat à flux d’hélium (par exemple du type ESR900 /910 d’Oxford Instruments) pour lequel les gradients de température deviennent importants lorsque la température augmente en raison de la diminution concomitante du flux d’hélium.
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
255
La sonde de température (thermocouple, thermistance, etc.) du système de régulation est placée relativement loin du tube porte échantillon, et des écarts de plusieurs degrés sont fréquents au-delà de 30 K. Nous avons opté au laboratoire pour une mesure séparée avec si possible immersion dans la solution de mesure. Le problème est moindre, sinon négligeable, avec les cryostats pour lesquels le résonateur tout entier est plongé dans le bain d’hélium. Les résistors céramiques (par exemple de type Cernox™ de Lake Shore) installés dans les nouvelles générations de cryostats sont d’utilisation plus aisée que les montages à thermocouples différentiels. L’étude de la susceptibilité déduite du signal de RPE demande quelques précautions pour une estimation fiable des couplages d’échange [Rajca, 1994 ; Berson, 1988 ; Borden, 1994]. Concernant le problème de saturation du signal [Bertrand, 2010, section 5.3], il est fréquent que le signal d’échantillons polyradicalaires impliquant des multiplicités de spin supérieures au doublet se sature facilement à basse température, typiquement en dessous de 20 K. Il en résulte une diminution et parfois une déformation du signal qui peuvent affecter sérieusement la mesure de son intensité intégrée. Il est alors nécessaire d’effectuer les mesures à très faible puissance micro-ondes, ce qui diminue le rapport signal/bruit. Ce problème est partiellement résolu si on utilise le signal à champ moitié correspondant aux transitions « interdites » (DMS = ± 2) [Bertrand, 2010, section 6.5.3]. En effet, ce signal se sature généralement à une puissance plus élevée que le signal « normal » dû à la transition DMS = ± 1. Il est toutefois bien plus faible, et il faut généralement le surmoduler et effectuer des accumulations [Weissman & Kothe, 1975]. Le dernier point concerne les difficultés posées par la double intégration numérique de signaux éventuellement faibles, avec des lignes de base (résonateur à vide) rarement linéaires et indemnes de signaux parasites. Ce problème est généralement résolu en pointant l’amplitude pic à pic des signaux observés, après s’être assuré que leur forme et leur largeur n’évoluent pas avec la température. En effet, l’intensité obtenue par double intégration d’une raie RPE est proportionnelle au produit de l’amplitude pic à pic App par le carré de la largeur DBpp [Bertrand, 2010, section 5.2.1] :
B max
| RPE \ #B
min
; #B
B min
dY 2 db (b − B 0) dbE dB \ A pp DB pp
Si la forme et la largeur de raie sont constantes, ce qui est généralement le cas pour les molécules isolées en solution gelée, App est proportionnelle à l’intensité intégrée. Pour terminer, précisons que plusieurs modes de représentations sont possibles pour mettre en évidence la déviation de la susceptibilité par rapport à la loi de Curie (\ proportionnel à 1 /T), et par conséquent l’existence d’interactions d’échange. Les plus utilisés sont les suivants : ›› l’inverse de la susceptibilité en fonction de la température (représentation « des physiciens »),
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
›› le produit de la susceptibilité par la température en fonction de la température (représentation « des chimistes »), qui révèle un couplage ferromagnétique ou antiferromagnétique selon que la courbure est concave ou convexe par rapport à la constante définie par la loi de Curie, ›› la susceptibilité en fonction de l’inverse de la température. Dans cette représentation, l’absence d’écart par rapport à la loi de Curie signifie soit que l’état fondamental est triplet avec un écart triplet-singulet important, soit que les états singulet et triplet sont quasi dégénérés (figure 9.15) (Rajca, 1994 ; Borden et al., 1994 ; Berson, 1998 ; Matsuda & Iwamura, 1998).
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
257
Complément 2 Apport des calculs d’orbitales moléculaires La description du mécanisme des interactions d’échange intramoléculaire fait généralement appel à la délocalisation du spin électronique sur la molécule considérée. Les concepts sous-jacents ont trait à la polarisation de spin et à la conjugaison, des mécanismes sensibles à la conformation moléculaire (angles dièdres, topologie de substitution ortho /méta /para). Les calculs d’orbitales moléculaires sont donc souvent utiles, parfois incontournables, pour estimer la distribution de la densité de spin et les couplages d’échange, ainsi que les effets de la géométrie moléculaire. Ils ont l’avantage de pouvoir simuler des situations qui seraient difficiles à réaliser expérimentalement et /ou longues à mettre en œuvre sur le plan de la synthèse chimique. Cette démarche est illustrée ici par des exemples de calculs effectués sur les séries d’oligoradicaux étudiés dans ce chapitre. Les résultats sont présentés sans discuter le cadre d’approximation utilisé ni les tests effectués pour valider ces calculs. On trouvera plus de détails dans [Catala, 1999 ; Wautelet et al., 2001 ; Catala et al., 2001, 2005].
Méthodes La géométrie moléculaire, la distribution de la densité de spin, la nature de l’état fondamental et les barrières de rotation dépendant beaucoup de l’angle dièdre entre le groupement phényle et les groupements porteurs des sites radicalaires, la nature de l’état fondamental et l’intensité de l’interaction d’échange ont été déterminés pour l’ensemble des oligoradicaux étudiés. Pour les séries pmp-INR et np-IN, nous avons utilisé des méthodes semi-empiriques (logiciels MOPAC [Stewart, 1990, 1993]) qui permettent, par exemple, d’étendre la longueur du coupleur jusqu’à n = 10 pour la série np-IN [Wautelet et al., 2001]. Dans ce cas, les niveaux d’énergie ont été calculés avec interaction de configurations (CI), c’est-à-dire en prenant en compte la stabilisation de l’état fondamental par les états excités. Pour les séries de biradicaux et triradicaux mixtes, les calculs ont été menés dans l’approximation de la fonctionnelle de la densité (DFT) avec le logiciel GAUSSIAN 98 [Frisch et al., 1998] et les couplages d’échange ont été estimés en utilisant la méthode « de symétrie brisée » [Noodleman, 1981, Noodleman & Davidson, 1986, Noodleman & Case, 1992].
Résultats La figure 9.19a représente l’énergie de la barrière de rotation impliquant l’angle dièdre entre le fragment radicalaire IN et le cycle phényle pour les dérivés pmpINOCH3 et np-IN. Le calcul montre qu’une large plage de géométries moléculaires est accessible à température ambiante (kBT ≈ 0,58 kcal mol– 1 pour T = 300 K) dans
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
un domaine couvrant plus de 100 degrés de rotation. Ce résultat confirme que les paramètres d’échange déduits des mesures d’intensité en solution gelée doivent être considérés comme des valeurs moyennes (partie méthodologie de la section 9.4.2). L’effet des états excités sur la stabilisation de l’état fondamental est très important puisque le spin de l’état fondamental passe de S = 1 à S = 0 quand on augmente la dimension de l’espace utilisé dans le calcul de l’interaction de configuration (figure 9.19b) [Bieber et al., 2003]. Cette dimension est représentée ici par le nombre CI = n pour un espace des configurations {n, n} comprenant les deux orbitales simplement occupées des radicaux (SOMO) ainsi que (n-2) /2 orbitales moléculaires doublement occupées et (n-2) /2 orbitales moléculaires inoccupées. Il est intéressant de noter que ces calculs rendent également compte de la notion de superéchange à longue distance avec une décroissance exponentielle de la valeur de J pour np-IN où n varie de 1 à 10 (équation [9.4]), ainsi que de l’influence de la nature du radical (IN ou NN) sur la valeur de J [Bieber et al., 2003]. 2&+
2& ,1
,1
SPS,12&+
D
&2
,1
S,1
E
- N% >.@
%DUULqUHGHURWDWLRQ>NFDOPRO@
,1
&+
N%7j.
$QJOHGLqGUHLPLQRQLWUR[\GHSKpQ\OH>@
5RWDWLRQDXWRXUGHODOLDLVRQWULSOH>@
Figure 9.19 - Résultats des calculs semi-empiriques. (a) Energie de la barrière de rotation en fonction de l’angle dièdre entre le cycle IN et le cycle phényle pour les composés pmp-INOCH3 (cercles noirs) et 3p-IN (cercles blancs). La valeur de kBT à 300 K est indiquée. (b) Calcul du paramètre d’échange J /kB en fonction de l’angle de rotation autour de la liaison triple du composé pmp-INOCH3 pour différents niveaux d’interaction de configurations repérés par le nombre CI. Un état triplet est stabilisé pour CI = 4 (carrés gris) et CI = 6 (losanges blancs), alors qu’un état singulet est stabilisé pour CI = 8 (cercles noirs). [D'après Bieber et al., 2003]
Pour les séries de biradicaux (figure 9.9c) et de triradicaux mixtes à base de IN et de NN (figure 9.13a), les couplages d’échange ont été calculés dans l’approximation DFT (B3LYP) (tableau 9.3). Les résultats sont en accord qualitatif avec les résultats expérimentaux présentés dans la section 9.4.3 et prédisent en particulier
9 - radicaux organiques et magnétisme moléculaire
259
un état fondamental S = 1 pour tous les biradicaux étudiés. Comme dans le cas des calculs semi-empiriques (figure 9.19b), les valeurs calculées sont plus grandes que les valeurs expérimentales (tableau 9.3). Cependant, les calculs reproduisent bien la hiérarchie des interactions : le remplacement d’un radical NN par un radical IN au sein d’un biradical ou d’un triradical entraîne systématiquement une diminution des interactions (tableau 9.3). Tableau 9.3 - Couplages d’échange calculés avec le code GAUSSIAN pour les composés biradicalaires et triradicalaires mixtes IN /NN. DED-Q est la différence entre les niveaux S = ½ et S = ³⁄² des triradicaux, DES-T la différence entre les niveaux S = 0 et S = 1 des biradicaux correspondants au fragment biradicalaire du triradical. Les valeurs expérimentales (tableau 9.2) sont indiquées entre parenthèses. diNNpNN
INNNpNN
diINpNN
diINpIN
67 (27)
40 (19)
8 (7)
16 (7)
diNN
INNN
diIN
94 (23)
38 (19)
11(8)
DED-Q [K] * DES-T [K] *
* L’état fondamental est S = ³⁄² pour les triradicaux, S = 1 pour les biradicaux.
Le rôle de la polarisation de spin dans le couplage se manifeste par la corrélation entre la valeur de J et la densité de spin calculée sur le carbone noté C2 sur l’encart de la figure 9.20a. L’alternance du signe de la densité de spin le long du coupleur conjugué est également mise en évidence (figure 9.20b).
- N% >.@
5
&
5
E
$QJOHGLqGUHSKpQ\OH,1RX11>@
'HQVLWpGHVSLQVXU&
D
Figure 9.20 - (a) Dépendance de la valeur de J (symboles pleins, échelle de gauche) et de la densité de spin sur le carbone C2 du m-phénylène (symboles vides, échelle de droite) en fonction de l’angle dièdre entre le phényle et le radical IN ou NN, pour les biradicaux diNN (cercles), INNN (carrés) et diIN (triangles). (b) Distribution de la densité de spin sur le triradical diINpNN représentée par les surfaces de densité égale à 0,002 unités atomiques (1 unité atomique de densité électronique vaut environ 6,7 électrons Å– 3). Les valeurs positives sont en blanc, les valeurs négatives en noir. Les calculs DFT ont été effectués avec GAUSSIAN 98. [D’après Catala L. et al. (2001) Chemistry A European Journal 7 : 2466-2480 © 2001 Wiley-VCH Verlag GmbH, Weinheim, Fed. Rep. of Germany]
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires Maurel V. & Gambarelli S. Laboratoire de Résonance Magnétique, DSM/INAC/SCIB/LRM. CEA, Grenoble.
10.1 - Introduction L’acquisition d’un spectre RPE sur un spectromètre classique dure en général de quelques secondes à quelques heures selon la nature du système étudié, sa concentration, et le rapport signal sur bruit recherché. Pour qu’une telle expérience ait un sens, il est bien sûr impératif que l’état de l’échantillon n’évolue pas significativement pendant ce laps de temps. Or, certains centres paramagnétiques comme des radicaux libres en solution, des intermédiaires de réactions chimiques ou photochimiques, des états photoexcités, sur lesquels la RPE peut apporter des informations importantes, ont une durée de vie beaucoup plus courte. Par exemple, la durée de vie de radicaux carbonés en solution à température ambiante est souvent inférieure à la milliseconde alors que des molécules dans un état triplet persistent souvent 100 ms. La méthode du piégeage de spin décrite au chapitre 3 permet de détecter et d’identifier les radicaux libres avec un spectromètre RPE conventionnel. Mais avec des dispositifs particuliers, il est possible de déterminer le spectre de centres paramagnétiques à courte durée de vie et de suivre leur évolution au cours du temps. Déterminer un spectre RPE en fonction du temps revient à acquérir un signal en fonction de deux paramètres : le temps t et le champ magnétique B. On peut obtenir ce signal 2D de deux façons (figure 10.1) : ›› le mode « iso-t » : on enregistre le spectre RPE pour une valeur fixée de t et on reconstitue le signal 2D en répétant l’expérience pour différentes valeurs de t, ›› le mode « iso-B » : on suit l’évolution temporelle du signal RPE pour une valeur fixée de B et on reconstitue le signal 2D en répétant l’expérience pour différentes valeurs de B. Sur le plan expérimental, deux stratégies très différentes sont possibles. Dans la première, décrite dans la section 10.2, on bloque l’évolution du système réactif en le gelant ou en réalisant un état stationnaire, ce qui permet d’enregistrer son spectre RPE
264
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
avec un spectromètre conventionnel. L’autre possibilité consiste à accélérer l’acquisition du spectre RPE. C’est la RPE résolue dans le temps proprement dite, dont le principe est présenté dans la section 10.3. Nous décrivons ensuite des applications de cette technique à des systèmes en solution (section 10.4) et à l’état solide (section 10.5). W % LVR
W
VR
L
% Figure 10.1 - Les 2 méthodes possibles pour acquérir un signal dans le plan (B, t). Une série d’expériences « iso-B » ou une série d’expériences « iso-t ».
10.2 - Les méthodes de gel rapide et de flux Nous décrivons dans cette section deux dispositifs classiques qui permettent de suivre la cinétique de certaines réactions en solution avec un spectromètre RPE conventionnel. Leur résolution temporelle est de l’ordre de 0,1 à 1 milliseconde. D $
K
E %
$
%
K &DYLWp
53(
Figure 10.2 - Principe des méthodes de gel rapide et de flux. (a) Gel rapide. Les réactifs A et B sont mélangés rapidement et réagissent pendant une durée t déterminée par la longueur h et le débit. Le mélange est gelé brusquement et son spectre est enregistré. (b) Méthodes de flux. Le mélange circule dans un tube capillaire qui traverse la cavité RPE. Voir le texte.
10.2.1 - Le gel rapide La technique de gel rapide (freeze quench en anglais) a été élaborée dans les années 1960 pour suivre les cinétiques qui impliquent des molécules biologiques contenant des centres métalliques [Bray, 1961 ; Ballou & Palmer, 1974]. Elle consiste à mélanger rapidement deux réactifs, à les laisser réagir pendant une durée t déterminée, puis à figer l'état du mélange en le gelant. En pratique, deux pistons actionnés par un gaz comprimé projettent simultanément les réactifs dans un mélangeur où un
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
265
écoulement turbulent assure un mélange rapide. Après avoir parcouru une longueur h dans un tube capillaire, le mélange est projeté dans une solution d’isopentane ou sur un bloc métallique, refroidis à l’azote liquide (figure 10.2a). Les particules gelées sont collectées dans un tube RPE et le spectre est enregistré à basse température. Ce spectre donne la composition du mélange au temps t = h /v où v est la vitesse de l’écoulement dans le tube. Le gel rapide est donc une expérience de type « iso-t ». Pour suivre la cinétique de la réaction, il faut répéter l’expérience pour différentes valeurs de t, en faisant varier la longueur h ou le débit. Les temps de mélange et de refroidissement imposent une limite d’environ 0,1 ms à la résolution temporelle. Les applications concernent essentiellement les centres paramagnétiques dont le spectre RPE n’est observable qu’à basse température, pour lesquels les méthodes de flux décrites ci-après ne sont pas utilisables. Cette méthode a été utilisée récemment pour suivre la cinétique de la chaîne de transfert d’électrons d’un complexe protéinique membranaire (voir l’annexe 4) [Verkhovskaya et al., 2008]. Cette chaîne comporte 8 centres fer-soufre séparés de 12 Å environ. Ces centres sont diamagnétiques à l’état oxydé, paramagnétiques à l’état réduit avec S = ½, et leurs spectres ont été déterminés par titrages potentiométriques suivis par RPE 1. On déclenche les transferts d’électrons en mélangeant une solution de complexes et une solution du réducteur physiologique, le NADH. Les signaux représentés sur la figure 10.3 ont été obtenus en optimisant la résolution temporelle. D .P9
E .P9 ȝV ȝV ȝV ȝV ȝV ȝV ȝV
ȝV
J
J
Figure 10.3 - Spectres RPE obtenus dans une expérience de gel ultra rapide réalisée sur le complexe 1 de la bactérie E. coli. Un dispositif expérimental très soigné a permis d’obtenir une résolution temporelle de quelques dizaines de microsecondes. [D'après Verkhovskaya M.L. et al. (2008) PNAS 105 : 3763-3767 © 2008 National Academy of Sciences, USA]
1 Les propriétés RPE des centres fer-soufre sont présentées au complément 2 du chapitre 6 et la section 6.3.2 décrit un exemple de titrage.
266
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Ils résultent de la superposition des spectres des centres qui sont réduits aux instants considérés, et leur simulation a permis de déterminer la cinétique de réduction de chaque centre fer-soufre. Pour simplifier l’interprétation des signaux, les auteurs les ont enregistrés à plusieurs températures et avec plusieurs puissances de façon à exploiter les différences de propriétés de relaxation des centres : à 10 K les spectres de certains centres sont complètement saturés avec une puissance de 10 mW, à 45 K d’autres spectres ne sont pas visibles à cause de l’élargissement par relaxation [Bertrand, 2010, section 5.4.3].
10.2.2 - Les méthodes de flux continu et de flux bloqué Les méthodes de flux ont été élaborées dès les années 1920 pour suivre la cinétique de réactions chimiques [Hartridge & Roughton, 1923]. Elles étaient initialement couplées à la spectrométrie d’absorption UV-visible mais on les utilise actuellement avec des spectroscopies très variées. Les applications en RPE ont débuté dans les années 1960 [Borg, 1964]. Elles permettent d’étudier les espèces paramagnétiques dont le spectre est observable en solution à température ambiante, comme certains radicaux. Les deux réactifs sont mélangés très rapidement et le mélange s’écoule dans un tube capillaire qui traverse une cavité RPE (figure 10.2b). Deux modes de fonctionnement sont possibles :
Le flux continu (« continuous flow » en anglais) On s’arrange pour créer un flux stationnaire dans le tube. La composition du mélange présent dans la cavité ne dépend pas du temps, ce qui permet d’enregistrer son spectre. On retrouve la même situation que dans la méthode de gel rapide (mode « iso-t »): les réactifs restent en contact pendant t = h /v et il faut reproduire l’expérience pour différentes valeurs de t en faisant varier la longueur h ou le débit. Cette méthode possède une bonne résolution temporelle mais l’obtention d’un flux stationnaire nécessite des quantités relativement importantes de réactifs.
Le flux bloqué (« stopped flow » en anglais) La fin du remplissage du volume situé dans la cavité déclenche l’arrêt de l’écoulement. La composition du mélange situé dans la cavité continue à évoluer et on enregistre l’amplitude du spectre RPE en fonction du temps pour une valeur fixée de B (mode « iso-B »). Pour reconstituer l’évolution du spectre RPE en fonction du temps, il faut répéter l’expérience pour un ensemble de valeurs de B. A cause du temps de blocage, la résolution temporelle est moins bonne que dans la méthode du flux continu. Le remplacement des cavités par des résonateurs de très petits volumes (Loop Gap Resonators, Dielectric Resonators) a permis de miniaturiser ces expériences, ce qui
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
267
a amélioré leur résolution temporelle et diminué considérablement les volumes de réactifs nécessaires tant en flux continu [Grigoryants et al., 2000 ; DeWeerd et al., 2001] qu’en flux bloqué [Hubbell et al., 1987 ; Sienkiewicz et al., 1994, 1999 ; Lassman et al., 2005]. Dans toutes ces méthodes, il est essentiel de calibrer le dispositif expérimental à l’aide de réactions bien caractérisées sur le plan cinétique.
10.3 - Comment accélérer l’acquisition d’un spectre RPE ? 10.3.1 - Résolution temporelle théorique d’une expérience de RPE L’enregistrement du spectre d’une espèce paramagnétique de très courte durée de vie impose de sévères contraintes techniques, mais elle complique aussi l’interprétation des signaux observés. L’interaction d’une onde électromagnétique avec un centre paramagnétique génère un régime transitoire qui évolue rapidement vers un état stationnaire [Bertrand, 2010, section 5.3.1]. Lorsqu’on enregistre un spectre RPE en onde continue en balayant le champ magnétique, cet état stationnaire est constamment atteint sauf si on utilise une fréquence de modulation très élevée [Bertrand, 2010, , section 9.2.1]. Mais pour détecter les espèces de très courte durée de vie, il faut observer le signal RPE le plus tôt possible après la création des radicaux, bien souvent pendant le régime transitoire où les raies sont élargies. On peut évaluer l’ordre de grandeur de l’élargissement en utilisant la relation d’incertitude tempsénergie. Si on observe le signal un temps x après la création des radicaux, l’incertitude sur l’énergie de la transition est donnée approximativement par :
DE x ≈ h
[10.1]
Il en résulte un élargissement DB = DE /gb de la raie de résonance. Pour g = 2,00, cette relation donne par exemple DB = 0,36 mT pour x = 100 ns. En réalité, les valeurs des temps de relaxation T1, T2 et de la composante B1 du champ électromagnétique interviennent aussi dans le régime transitoire. Nous montrons au complément 1 comment on peut modéliser ce régime et déterminer l’évolution temporelle de la raie RPE en résolvant numériquement les équations de Bloch.
10.3.2 - La résolution temporelle pratique En pratique, la résolution temporelle des spectromètres conventionnels est souvent limitée par d’autres facteurs que ceux évoqués ci-dessus. Les plus importants sont le temps nécessaire pour introduire l’échantillon dans la cavité et régler le couplage, la vitesse de balayage du champ magnétique et la présence d’une détection synchrone associée à une modulation de champ. Examinons rapidement les contraintes apportées par ces différents facteurs.
268
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
»» L’introduction d’un échantillon et le réglage du couplage de la cavité sont souvent les facteurs limitants dans une expérience de RPE. En effet, il est en général impossible de réaliser ces opérations en moins de quelques secondes. »» A cause de phénomènes inductifs, il est difficile de changer rapidement la valeur du champ magnétique produit par un électroaimant. Même avec des bobines dites de balayage rapide (rapid scan), il est difficile de dépasser des vitesses de balayage de 100 mT s– 1 avec les spectromètres RPE commerciaux. Cela signifie qu’un spectre RPE couvrant une plage de 10 mT ne peut pas être enregistré en moins de 100 ms. »» Pour augmenter le rapport signal sur bruit, la plupart des spectromètres commerciaux utilisent une modulation du champ magnétique associée à une détection synchrone. Un faible champ magnétique sinusoïdal de fréquence comprise entre 100 Hz et 100 kHz est superposé au champ magnétique produit par l’électroaimant. Le signal RPE détecté représente la variation du signal total qui oscille à la même fréquence et en phase avec ce champ variable [Bertrand, 2010,, chapitre 1, complément 3]. Un dispositif appelé « détection synchrone » permet d’extraire de ce signal la dérivée du signal d’absorption [Bertrand, 2010,, section 9.2]. Pour que la détection synchrone fonctionne correctement, il faut observer plusieurs oscillations du signal, ce qui limite d’autant la résolution temporelle. Avec une fréquence de modulation de 100 kHz, il faut par exemple 100 ns pour observer 10 oscillations. Pour augmenter considérablement la résolution temporelle d’un spectromètre, il faut éliminer ces contraintes et développer de nouvelles techniques d’acquisition. *pQpUDWHXU G LPSXOVLRQV+] /DEYLHZ 2VFLOORVFRSH 6LJQDO53(
5HQRXYHOOHPHQW GHO pFKDQWLOORQ eOHFWURDLPDQW
/$6(5
*DXVVPqWUH
(QYRLG RUGUHV/HFWXUHGHGRQQpHV)DLVFHDXODVHU Figure 10.4 - Principe d’une expérience de RPE résolue en temps en onde continue. Les espèces étudiées sont générées in situ par des impulsions laser. Si l’échantillon étudié est liquide, il doit être renouvelé régulièrement au cours de l’expérience. [D’après Maurel V. (2004)]
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
269
Reprenons ces différents points (figure 10.4) : »» Les espèces réactives doivent être générées in situ dans la cavité RPE. Plusieurs méthodes existent mais la plus répandue consiste à envoyer une impulsion de lumière laser visible ou UV sur des molécules photoactives. On peut utiliser des lasers qui délivrent des impulsions de 5 ns avec une puissance assez grande pour générer un nombre suffisant d’espèces paramagnétiques, même si les rendements quantiques sont modestes. »» Il faut enregistrer l’évolution temporelle de l’amplitude du signal RPE à champ constant (expérience iso-B). Pour suivre l’évolution temporelle du spectre, on répète l’expérience pour un ensemble de valeurs du champ magnétique (figure 10.5).
%DFTXLVLWLRQ SUpFpGHQWH
6LJQDO
6LJQDO53(
)ODVK ODVHU
%QRXYHOOH DFTXLVLWLRQ
'pEXWG DFTXLVLWLRQ
7HPSV
7HPSV
(YROXWLRQGXVLJQDOj%FRQVWDQW
5pSpWLWLRQGHO H[SpULHQFH jGLIIpUHQWHVYDOHXUVGH%
6LJQDO53(
%
7HPSV
Figure 10.5 - Acquisition d’un spectre RPE-RT avec un spectromètre en onde continue. Pour chaque valeur du champ, les espèces sont générées in situ dans la cavité et le signal est enregistré en fonction du temps. On reconstruit le spectre en répétant l’expérience pour différentes valeurs de B. [D’après Maurel V. (2004)]
»» On peut utiliser une fréquence de modulation de 100 kHz et la détection synchrone si on se contente d’une résolution de 100 ns. C’est de cette façon que la cinétique de disparition du signal 2 du photosystème II a été enregistré pour la première fois [Blankenship et al., 1975] (section 6.4.1 du chapitre 6). Pour augmenter encore la résolution temporelle, il faut soit augmenter la fréquence de modulation, soit supprimer la modulation et réaliser une détection directe. Pour des raisons technologiques, il est difficile d’utiliser une fréquence de modulation supérieure à 1 MHz qui correspond à une résolution de 10 ns. Si on désire une meilleure résolution, il faut supprimer la modulation et la détection synchrone. Le spectromètre RPE est alors beaucoup moins sensible mais la vitesse d’acquisition n’est limitée que par les constantes de temps des circuits électroniques (quelques ns).
270
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
En générant les espèces paramagnétiques in situ par un laser à impulsions, en suivant la cinétique à champ constant avec une détection directe, on peut atteindre la résolution temporelle théorique évaluée à la section 10.3.1. C’est le domaine de la RPE résolue en temps (RPE-RT) proprement dite. On peut aussi faire des expériences de RPE-RT avec un spectromètre à impulsions en procédant comme indiqué sur la figure 10.6. La RPE impulsionnelle est présentée à l’annexe 2 en fin d’ouvrage.
WG
6LJQDO53(
,PSXOVLRQPLFURRQGH
)ODVK ODVHU
),'
Ȟ
7HPSV
6SHFWUHSRXUXQWGGRQQp
5pSpWLWLRQGHO H[SpULHQFH jGLIIpUHQWVWG
6LJQDO53(
Ȟ
7HPSV
Figure 10.6 - Acquisition d’un spectre RPE-RT avec un spectromètre à impulsions. Pour chaque valeur du temps td après la génération des espèces paramagnétiques, une séquence d’impulsions micro-onde est appliquée et le signal résultant est acquis. Dans le cas le plus simple, on obtient un signal de précession libre (FID) (voir l’annexe 1 du livre) dont la transformée de Fourier fournit le spectre en fonction de la fréquence ou, ce qui est ici équivalent, en fonction du champ (spectre iso-t). [D’après Maurel V. (2004)]
10.4 - RPE résolue en temps de radicaux en solution 10.4.1 - Polarisation des spin électroniques : l’effet CIDEP L’allure des spectres obtenus par RPE-RT dans les premières microsecondes qui suivent la création des radicaux par un processus photochimique (typiquement par un laser à impulsions nanoseconde) est très différente de celle des spectres obtenus dans les expériences de RPE traditionnelles. Qu’ils soient enregistrés par RPE-RT en onde continue ou à impulsions, ces spectres correspondent au signal d’absorption car on n’utilise généralement pas de modulation de champ magnétique ni de détection synchrone à ces échelles de temps. Les positions des raies sont celles déterminées par les
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
271
interactions hyperfines dans les radicaux étudiés, mais leurs intensités ne suivent pas les règles habituelles. Par exemple, les spectres peuvent comporter une alternance de raies en émission et en absorption (figures 10.7 et 10.8) ou uniquement en émission (figure 10.10). L’allure inhabituelle de ces spectres est due au fait que les spins électroniques des radicaux produits photochimiquement ne sont pas à l’équilibre thermique dans les premiers instants qui suivent leur formation. Cet effet est appelé CIDEP pour Chemically Induced Dynamical Electron spin Polarization. Il a été observé pour la première fois sur les signaux RPE d’atomes d’hydrogène générés par une expérience de radiolyse pulsée [Fessenden & Schuler, 1963]. Depuis, l’effet CIDEP a surtout été étudié en photochimie et il a fait l’objet de nombreux articles et revues [McLauchlan, 1988, 1989 ; van Willigen et al., 1993 ; Turro et al., 2000]. Dans cette section, nous définissons la notion de polarisation de spin. Dans les sections suivantes, nous présentons deux exemples d’expériences RPE-RT impliquant des radicaux libres photoinduits et nous décrivons les mécanismes susceptibles de créer un effet CIDEP. Considérons une raie RPE donnée par une assemblée de N radicaux. Son intensité est proportionnelle à la différence des populations Nb et Na des radicaux caractérisés respectivement par MS = – ½ et MS = + ½. A l’équilibre thermique et à la résonance, cette différence est donnée par [Bertrand, 2010, section 1.4.4] : e ho/k B T − 1 e ho/k B T + 1 où o est la fréquence du spectromètre. Pour T = 298 K et o = 9,5 GHz, on obtient par exemple : N 0b − N 0a = 7, 64 # 10 -4 N
N 0b − N 0a = N
Lorsque les radicaux sont soumis à l’effet CIDEP, les populations Nb et Na diffèrent de celles de l’équilibre thermique et l’intensité de la raie RPE est multipliée par un facteur appelé polarisation défini par : Nb − Na P= 0 N b − N 0a Si P est positif, la raie est en absorption (en absorption « augmentée » si P > 1), s’il est négatif elle est en émission. Le facteur P peut être très important, de l’ordre de 100 dans les cas favorables [Muus et al., 1978 ; Forbes, 1997]. La polarisation due à l’effet CIDEP est donc souvent déterminante pour la détection d’un signal RPE-RT à l’échelle de la microseconde. Sans cette amplification du signal, la plupart des radicaux décrits dans la littérature n’auraient pas pu être observés par cette technique. La forme du spectre évolue vers celle qui correspond à l’équilibre thermique avec une cinétique caractérisée par le temps de relaxation spin-réseau T1, qui est typiquement de l’ordre de la microseconde pour des radicaux libres en solution à température ambiante. L’évolution temporelle des signaux RPE résolus en temps qui bénéficient d’un effet CIDEP dépend donc non seulement de la durée de vie des espèces paramagnétiques observées, mais aussi de leur dynamique de spin.
272
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
10.4.2 - Exemples de spectres de radicaux photoinduits en RPE-RT microseconde Photolyse de l’acétone dans l’éthylène glycol La photochimie des cétones en solvant alcool a été étudiée en détails et les intermédiaires radicalaires créés ont été observés de nombreuses fois par RPE-RT [Levstein & van Willigen, 1991]. La figure 10.7 représente le spectre RPE-RT enregistré 1 ns après le flash laser, lors de la photoréduction de l’acétone dans l’éthylène glycol. OH H 3C
•
CH3
A
E OH
OH •
H 328
326
330
334
332
Champ magnétique B [mT]
H 336
H 338
Figure 10.7 - Spectre RPE-RT en onde continue enregistré lors de la photolyse de l’acétone dans l’éthylène glycol (2 mL dans 100 mL) 1 ns après le flash laser. Les traits gris indiquent les raies du radical s1, les traits noirs celles de 1. Les flèches A et E indiquent les raies en absorption et en émission. Puissance laser 20 mJ/flash, fenêtre temporelle d’intégration 50 ns. Fréquence 9,6 GHz, puissance micro-onde 1 mW. [D’après Maurel V. (2004)]
La réaction observée est la suivante : +2
2+
2
KȞ
+2
2+ V
2+
Le spectre présente des signaux en émission à bas champ et en absorption à haut champ, et il a une allure presque parfaitement centrosymétrique. Cette forme est typique d’un mécanisme CIDEP par paires de radicaux, comme nous le verrons dans la section 10.4.3. »» Le radical s1 dérivé de l’éthylène glycol donne deux triplets de doublets. Les couplages hyperfins correspondants sont clairement identifiables, avec aH,CH = 1,74 mT, a2H,CH2 = 0,99 mT et aH,OH = 0,11 mT. Cependant les intensités relatives des raies ne suivent pas le motif (1:1:2:2:1:1:1:1:2:2:1:1) attendu.
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
273
»» Le radical 1 dérivé de l’acétone comporte 6 protons équivalents (2 groupes CH3, a6H,CH3 = 1,99 mT) et un dernier proton plus faiblement couplé (aH,OH = 0,05 mT). Ici encore les intensités relatives des raies ne correspondent pas à celles du triangle de Pascal, à savoir (1:1:6:6:15:15:20:20:15:15:6:6:1:1) [Bertrand, 2010, chapitre 2, complément 2]. De plus le doublet central de 1 est absent car il correspond au centre de symétrie du spectre. L’évolution du spectre en fonction du temps est représentée sur la figure 10.8. w V w
V
w
V
A V E
QV
QV
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 10.8 - Spectres RPE-RT obtenus à différents instants après le flash laser lors de la photolyse de l’acétone dans l’éthylène glycol. Mêmes conditions expérimentales que la figure 10.7. [D’après Maurel V. (2004)]
274
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
On constate que les spectres enregistrés à 200 ns, 500 ns et 1 ns sont de mieux en mieux résolus. En particulier, les couplages dus aux protons des groupes OH ne commencent à être visibles que 500 ns après le flash laser. La relation [10.1] rend compte de l’élargissement observé aux temps très courts. En effet, elle prédit DB ≈ 0,2 mT pour x = 200 ns, ce qui correspond assez bien à ce qu’on observe sur la figure 10.8. Après 19 ns, le spectre n’est plus centrosymétrique et devient davantage polarisé en absorption au fur et à mesure que les populations se rapprochent de celles de l’équilibre thermique. La figure 10.9 montre l’évolution temporelle de 4 raies du spectre. Les raies à 333,61 et 327,61 mT sont dues au radical 1, la raie à 330,70 mT au radical s1. A 333,49 mT les signaux RPE des deux radicaux se superposent.
P7
P7 P7 P7
7HPSVDSUqVO LPSXOVLRQ/$6(5>V@
Figure 10.9 - Evolution temporelle de l’intensité de 4 raies du spectre RPE-RT observée lors de la photolyse de l’acétone dans l’éthylène glycol. [D’après Maurel V. (2004)]
Photolyse de la benzoquinone dans l’éthylène glycol Le second exemple de spectre RPE-RT obtenu avec un montage en détection directe concerne la photoréduction de la benzoquinone en solvant éthylène glycol, qui a déjà été décrite plusieurs fois dans la littérature [Jäger & Norris, 2001]. 2
2
+2
2+
KȞ
2
+2 ±
+2
2+ V ²
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
275
Le spectre représenté sur la figure 10.10 est entièrement polarisé en émission, ce qui traduit un mécanisme CIDEP de type triplet (voir section 10.4.4). Le signal du radical semiquinone 2 domine mais certaines raies du radical s1 sont identifiables. Pour le radical 2, les 2 protons équivalents en ortho du O• et un troisième proton donnent un triplet de doublets avec a2H,Hortho = 0,43 mT et aH,OH = 0,16 mT. Les couplages dus aux protons en méta du O• ne sont pas résolus sur le spectre. Les intensités relatives varient conformément au motif (1:1:2:2:1:1) attendu pour un triplet de doublets. Le fait que les intensités relatives soient conservées est caractéristique d’un effet CIDEP dû à un mécanisme de type triplet. A
E
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 10.10 - Spectre RPE-RT enregistré 5 microsecondes après le flash laser lors de la photolyse de la benzoquinone (6,4 mM) dans l’éthylène glycol. Les six raies principales sont dues au radical semiquinone 2, les massifs de faible intensité marqués d’une flèche sont dus au radical s1. Puissance laser 7 mJ/flash (266 nm), puissance micro-onde 0,2 mW, 16 accumulations par valeur de champ, débit 0,5 mL/min. [D’après Maurel V. (2004)]
L’augmentation d’intensité du signal RPE due à l’effet CIDEP a été mesurée pour ce système [Muus et al., 1978]. Le facteur P est égal à environ – 700, une des valeurs les plus grandes décrites dans la littérature. La figure 10.11a montre un zoom permettant d’apprécier le niveau du bruit expérimental. Le rapport signal sur bruit est d’environ 30 seulement. Sans l’effet CIDEP, le signal RPE-RT serait donc totalement noyé dans le bruit du montage. La figure 10.11b montre la dépendance temporelle de la raie à 330,9 mT.
276
E
6LJQDO53(>XD@
6LJQDO53(>XD@
D
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
7HPSV>V@
Figure 10.11 - Signal RPE-RT enregistré durant la photolyse de la 1,4 benzoquinone dans l’éthylène glycol. (a) spectre obtenu 2,6 ns après le flash ; (b) évolution temporelle de l’amplitude de la raie à 330,9 mT. Puissance laser 10 mJ/flash. Puissance micro-onde 2 mW, 32 accumulations. Concentration 0,02 M en benzoquinone. Le débit (0,5 mL min– 1) assure un renouvellement complet de l’échantillon entre deux flashs. Le seul traitement subi par ces signaux est la soustraction de la ligne de base enregistrée hors résonance (pas de lissage, ni de soustraction du niveau continu). [D’après Maurel V. (2004)]
Les spectres présentés dans cette section montrent que l’effet CIDEP ne change pas la position des raies, mais qu’il modifie les populations des niveaux d’énergie, ce qui fait apparaître des raies en absorption et en émission. Dans les sections suivantes, nous décrivons brièvement les principaux mécanismes susceptibles de produire ces effets.
10.4.3 - Le mécanisme CIDEP par paires de radicaux Le mécanisme par paire de radicaux (Radical Pair Mechanism, RPM) a été proposé pour expliquer la polarisation des spectres RMN de molécules générées par des réactions photochimiques radicalaires [Closs, 1969] (effet CIDNP, pour Chemically Induced Dynamic Nuclear Polarization). Lors d’une réaction photochimique, des molécules dans un état excité précurseur singulet ou triplet peuvent produire des paires de radicaux (A,B). Les niveaux d’énergie et les états de spin de la paire sont déterminés par un hamiltonien Ht PR de la forme [Bertrand, 2010, section 7.4.2] :
Ht PR = Ht Zeeman, A + Ht hyperfin, A + Ht Zeeman, B + Ht hyperfin, B − JS A .S B
»» Juste après leur formation, les radicaux très proches interagissent fortement et le terme d’échange domine Ht PR . Les états de spin possibles sont de la forme {|S, MSH^, où S = SA + SB est le spin total de la paire [Bertrand, 2010, section 7.4] :
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
277
1 ^ a (A) b (B) + b (A) a (B) h 2 1 1, − 1 = b (A) b (B) 0, 0 = ^ a (A) b (B) − b (A) a (B) h 2 La paire reste dans l’état de spin de l’état excité précurseur, |0, 0H ou |1, 0H. »» Lorsque les radicaux s’éloignent, l’interaction d’échange diminue très rapidement, approximativement de façon exponentielle avec la distance. Les termes Zeeman deviennent alors comparables au terme d’échange et les états {|S, MSH^ ne sont plus des états propres du système. L’état de la paire de radicaux évolue vers un mélange des états |0, 0H et |1, 0H et c’est ce mélange qui crée la polarisation. Les modèles de diffusion montrent qu’il faut distinguer deux cas (figure 10.12) : ›› si les radicaux A et B se séparent sans se rencontrer à nouveau, l’interaction d’échange diminue trop vite pour que le mélange des états |0, 0H et |1, 0H produise une polarisation significative, ›› si au contraire les radicaux se rencontrent après avoir commencé à se séparer, J augmente à nouveau et le mélange entre les états |0, 0H et |1, 0H dure assez longtemps pour produire une polarisation significative du signal RPE. Cette rencontre a lieu dans les 30 premières nanosecondes qui suivent la création de la paire [McLauchlan, 1989, 1997]. Dans ce cas on dit que les radicaux forment une paire de type « G-paire » (pour « Geminate pair » en anglais). 1, + 1 = a (A) a (B)
1, 0 =
1RQSRODULVp $ $
&KURPRSKRUH
KȞ
a´ $ RX a´ % % % 1RQSRODULVp
3RODULVp $
$ 0pODQJH % a´HWa´
% 3RODULVp
Figure 10.12 - Création d’une paire de radicaux polarisés (G-paire).
Les états |0, 0H et |1, 0H étant composés d’autant de spins a que b, le mécanisme RPM ne produit pas de polarisation globale pour un radical. Mais le mélange modifie les populations des différents niveaux hyperfins et donc les intensités relatives des raies, en créant autant de polarisation en émission qu’en absorption. Selon la nature de l’état excité précurseur (|0, 0H ou |1, 0H) et le signe du paramètre d’échange J, on obtient un spectre en émission à bas champ et en absorption à haut champ (noté E/A), ou un spectre en absorption à bas champ et en émission à haut champ (noté A/E) (figure 10.13). L’allure générale du spectre donne donc des informations sur le signe de J et sur l’état excité précurseur des radicaux.
278
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications $EVRUSWLRQ
6SHFWUHW\SH$(
$EVRUSWLRQ
6SHFWUHW\SH($
%
ePLVVLRQ -! 3UpFXUVHXU a´
%
ePLVVLRQ
RX
-# 3UpFXUVHXU a´
-# 3UpFXUVHXU a´
RX
-! 3UpFXUVHXU a´
Figure 10.13 - Allure d’un spectre RPE avec effet CIDEP RPM selon le signe du paramètre d’échange et la nature de l’état excité précurseur de la paire de radicaux.
En général, le paramètre J est négatif pour les radicaux organiques neutres et l’allure d’un spectre RPM indique la nature, singulet ou triplet, de l’état excité précurseur. Par exemple dans le cas de la photolyse de l’acétone dans l’éthylène glycol, le spectre de type E/A (figure 10.7) montre que les radicaux sont produits à partir d’un état triplet.
10.4.4 - Le mécanisme CIDEP triplet Le mécanisme triplet (Triplet Mechanism, TM) a été proposé très tôt [Atkins & Evans, 1974 ; Chow et al., 1992]. Il n’intervient que si la molécule chromophore passe par un état excité triplet. Juste après l’absorption d’un photon, la molécule chromophore se trouve nécessairement dans un état excité singulet |S1H. Mais une transition vers un état triplet peut se produire grâce au couplage spin-orbite, un phénomène appelé « croisement inter-système » (Inter-System Crossing, ISC). En absence de champ magnétique, les états du triplet sont les états propres de la matrice d’éclatement en champ nul, qui sont de la forme : 1 ^ (b (A) b (B) − a (A) a (B) h 2 1 Ty = ^ (b (A) b (B) + a (A) a (B) h 2 1 Tz = ^ (b (A) a (B) + a (A) b (B) h 2 où {x, y, z} sont les axes principaux de cette matrice [Bertrand, 2010, section 6.2]. Lorsqu’elle est de symétrie axiale, les états |TxH et |TyH ont la même énergie et sont séparés de l’état |TzH d’une énergie D (figure 10.14a). L’ISC est anisotrope : en Tx =
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
279
absence de champ magnétique, il privilégie les transitions vers un état particulier du triplet. Sur la figure 10.14a, nous avons supposé que cet état est |TzH. (
D
a6´
(
E
a6´
a´ aĮ´
a7[´a7\´ '#
KȞ
a[´
KȞ
a´
a7]´
a6´ 6LQJXOHW
,6&
a6´ 7ULSOHW
6LQJXOHW
,6&
7ULSOHW
aȕ´
aĮ´
aȕ´
5DGLFDX[
Figure 10.14 - Mécanisme CIDEP Triplet. (a) Populations des niveaux d’énergie lors de l’ISC en absence de champ magnétique. On suppose que le terme d’éclatement en champ nul est de symétrie axiale avec D > 0 et que l’ISC privilégie les transitions vers l’état |TzH. L’épaisseur des traits représente l’importance des populations. (b) Populations des niveaux du triplet et des radicaux sous champ magnétique pour la même molécule, orientée avec x parallèle au champ magnétique. Les états {|+H, |–H, |xH} sont les états du triplet en présence du terme d’éclatement en champ nul et du terme Zeeman.
Dans une expérience de RPE-RT, la réaction photochimique a lieu sous champ magnétique. L’anisotropie de l’ISC entraîne alors une polarisation de l’état triplet qui est transmise aux deux radicaux formés (figure 10.14b) [Buckley & McLauchlan, 1985 ; McLauchlan, 1987 ; Turro et al., 2000]. Ce mécanisme produit une polarisation même quand les molécules changent d’orientation au cours du processus, comme c’est le cas en solution. Pour que la polarisation soit observable sur le spectre, il faut que le passage du triplet polarisé aux radicaux soit rapide par rapport au temps de relaxation spin-réseau du triplet T1. Ce temps de relaxation est généralement de l’ordre de 1 à 10 ns. Le mécanisme TM n’est donc efficace que pour des réactions très rapides comme les réactions unimoléculaires de rupture homolytique de liaison ou les réactions bimoléculaires de transfert d’électron ou d’atome d’hydrogène entre des substrats présents en grande concentration, par exemple lorsqu’un des substrats est le solvant. D’après ce qui précède, la polarisation est créée lors de l’ISC par l’intermédiaire du couplage spin-orbite qui ne fait pas intervenir les spins nucléaires. C’est ce qui explique que les intensités relatives des raies hyperfines soient les mêmes que sur un spectre RPE conventionnel (figure 10.10). La différence de population créée par ce mécanisme est 10 à 100 fois supérieure à celle de l’équilibre thermique. On obtient donc des signaux en émission ou en absorption beaucoup plus intenses que ceux qui correspondent à l’équilibre thermique.
280
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
10.4.5 - Superposition des mécanismes RPM et TM. Autres mécanismes Dans de nombreux cas, les mécanismes CIDEP RPM et TM interviennent simultanément sur le spectre des radicaux produits photochimiquement. On observe alors des spectres où les intensités relatives des raies ne respectent pas les règles du triangle de Pascal et dont la polarisation totale n’est pas nulle. C’est par exemple le cas du spectre obtenu par photolyse de l’acétone dans l’isopropanol représenté sur la figure 10.15.
+& +&
&
2+
A
P7
E
% Figure 10.15 - Spectre RPE-RT obtenu par photolyse de l’acétone dans l’isopropanol. L’effet CIDEP résulte de la superposition d’un mécanisme RPM produisant une polarisation de type E/A et d’un mécanisme TM produisant une polarisation totale en absorption [D’après
McLauchlan K.A. (1988) Accounts of Chemical Reasearch 21: 54-59 © 1988 American Chemical Society]
On rencontre fréquemment une variante du mécanisme RPM. Au lieu d’impliquer une paire de radicaux qui vient d’être créee par une réaction photochimique (G-paires), l’effet CIDEP se produit lorsque des radicaux qui ont diffusé librement en solution pendant des temps largement supérieurs aux 30 ns évoquées plus haut forment à nouveau des paires (F-paires pour Free encounter pairs). Les F-paires créent une polarisation du même type que les G-paires, à ceci près que les F-paires observées en RPE-RT sont nécessairement des paires de radicaux dans l’état triplet. En effet, lorsque les radicaux se rencontrent librement et forment une paire dans l’état singulet, ils réagissent pour former une liaison covalente et donc un composé diamagnétique. D’autres mécanismes de polarisation interviennent moins fréquemment. Par exemple, une molécule excitée dans l’état triplet peut transmettre de la polarisa-
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
281
tion à un radical déjà formé. On parle alors de mécanisme RTPM (Radical Triplet Pair Mechanism) [Kobori et al., 1998]. Un autre mécanisme est observé dans le cas des systèmes photochimiques qui comportent des atomes lourds caractérisés par une grande constante de couplage spin-orbite, dans lesquels les radicaux créés sont polarisés par le couplage spin-orbite [Tero-Kubota et al., 2001].
10.5 - RPE résolue en temps d’états excités en phase solide On peut utiliser la RPE résolue en temps pour étudier les intermédiaires paramagnétiques produits par des réactions photochimiques en phase solide. Par exemple, un composé photoactif dans l’état fondamental |S0H passe dans un état excité singulet |S1H par absorption d’un photon, et cet état se désexcite par croisement intersystème (ISC, figure 10.14a) vers un état triplet qui peut être étudié par RPE-RT. Le spectre RPE de ces espèces excitées présente les mêmes caractéristiques que celle des radicaux en solution : leur observation est limitée par leur durée de vie (ici par désexcitation) et un effet CIDEP modifie les intensités relatives des différentes raies (mais pas leur position) pendant une durée de l’ordre du temps de relaxation spin-réseau T1. Ces expériences ont été très utiles pour identifier les espèces photoinduites dans les systèmes photosynthétiques naturels et plus récemment dans les systèmes artificiels à séparation de charges. Les dérivés de la fluorénone fournissent de bons exemples d’états triplets organiques photoinduits. Par absorption d’un photon dans le visible, ces molécules produisent un état excité triplet d’assez longue durée de vie (100 ns) avec un très bon rendement quantique (30 %), que l’on peut étudier facilement par RPE-RT. La forme du spectre résulte des effets combinés du terme d’éclatement en champ nul de l’hamiltonien dû à l’interaction dipolaire électron-électron et du CIDEP. Cet hamiltonien s’écrit [Bertrand, 2010, section 6.3] :
u .S = bB.gu .S + D (St 2z − 2 ) + E (St 2x − St 2y ) Ht = bB.gu .S + S.D 3
Nous supposons pour simplifier que la matrice g˜ est isotrope et que E = 0. A l’équilibre thermique, toutes les transitions donnent des raies en absorption et le spectre RPE de poudre en absorption a la forme caractéristique dite d’un doublet de Pake (figure 10.16a) [Bertrand, 2010, section 6.5.2]. L’effet CIDEP ne change pas la position des raies, mais il modifie les populations des niveaux, ce qui fait apparaître des raies en absorption et en émission (figure 10.16b). Cet effet varie avec l’orientation des molécules dans le champ magnétique, ce qui donne au spectre un aspect caractéristique bien illustré par la figure 10.17 qui montre le spectre donné par l’état excité triplet d’un dérivé de la fluorénone.
282
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications a'a Jȕ
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[\ Figure 10.16 - (a) transitions RPE et allure du spectre d’absorption d’un état triplet axial lorsque les populations sont celles de l’équilibre thermique. L’épaisseur des traits reflète les populations relatives des niveaux d’énergie ; (b) modification des populations et allure du spectre RPE-RT en présence d’un effet CIDEP.
$EVRUSWLRQ53(>XD@
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 10.17 - Spectre RPE-RT d’un état excité triplet d’un dérivé de fluorénone (en gris). Le spectre a été généré par une impulsion laser de 6nJ à 500 nm, d’une durée de 5 ns. Il a été enregistré sur un spectromètre à impulsions avec la séquence r/2 – x – r (impulsion r/2 de 10 ns) à la fréquence 9,72 GHz, à T = 70 K. La simulation (en noir) a été réalisée avec un logiciel développé au laboratoire.
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
283
10.6 - Conclusion Nous avons présenté dans ce chapitre différentes méthodes qui permettent d’enregistrer le spectre RPE des espèces paramagnétiques à courte durée de vie. Nous avons vu que la forme et l’intensité du signal diffèrent dans certains cas de celles observées habituellement. Dans ces conditions, on peut se demander si on peut utiliser la RPE pour étudier quantitativement la cinétique de disparition de ces espèces. Réexaminons les différentes méthodes de ce point de vue. »» La cinétique d’apparition et de disparition d’intermédiaires paramagnétiques produits au cours de réactions bimoléculaires « lentes » peut être suivie par les méthodes de gel rapide (centres métalliques) ou de flux continu (radicaux) avec une résolution de l’ordre de 0,1 à 1 ms. Dans ces méthodes, on enregistre avec un spectromètre conventionnel une série de spectres à différents instants après le début de la réaction (section 10.2). On peut aussi suivre l’évolution temporelle de l’amplitude du spectre à champ fixe d’un échantillon situé dans la cavité, qu’il ait été préparé par la méthode du flux bloqué (section 10.2) ou généré par un flash lumineux (section 10.3.2). Avec une modulation à 100 kHz et une détection synchrone, la résolution temporelle du spectromètre est de l’ordre de 0,1 ms. Pour déterminer l’évolution de l’ensemble du spectre, il faut reproduire l’expérience pour différentes valeurs du champ. »» Pour étudier les cinétiques plus rapides, il faut faire appel à la RPE-RT avec détection directe et enregistrement du signal à champ fixe. Nous avons vu que les spectres des radicaux générés par les réactions photochimiques sont amplifiés par l’effet CIDEP aux temps très courts, inférieurs au temps de relaxation spin-réseau T1. La disparition des radicaux entraîne une diminution de leur durée de vie et donc un élargissement de la raie de résonance si la constante de vitesse k qui caractérise cette disparition est supérieure à 1 /T2. L’étude quantitative de cet élargissement permet donc de déterminer k [Gatlik et al., 1999]. Une méthode plus générale consiste à modéliser complètement l’évolution de la raie de résonance en tenant compte de la décroissance de la concentration des radicaux [Jäger & Norris, 2001]. Cette méthode est décrite au complément 1. Aux temps supérieurs à T1, on retrouve le signal correspondant à l’équilibre thermique, dont l’évolution temporelle peut être suivie dans la mesure où son observation est compatible avec la faible sensibilité de la détection directe.
284
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Complément 1 Résolution numérique des équations de Bloch en régime transitoire En RPE en onde continue, on s’intéresse habituellement au régime stationnaire dans lequel les équations de Bloch peuvent être résolues analytiquement. Mais pour interpréter les expériences de RPE-RT, il faut considérer le régime transitoire qui précède le régime stationnaire. Supposons que l’on enregistre avec un spectromètre en onde continue le signal RPE donné par des radicaux créés à l’instant t = 0. L’onde électromagnétique est caractérisée par sa pulsation ~ et son amplitude B1 constante. On suppose que les radicaux sont stables chimiquement et que l’aimantation qu’ils produisent à l’instant t = 0 est celle Meq uz qui correspond à l’équilibre thermique, uz étant le vecteur unitaire dans la direction z du champ statique B0. L’évolution des composantes de l’aimantation M(t) dans le référentiel tournant (R) = (x’, y’, z’ = z) est déterminée par les équations [14] à [17] de l’annexe 1 du livre :
dM x’ M x’ dt = (~ 0 − ~) M y’ − T2 dM y’ M y’ dt =− (~ 0 − ~) M x’ − T2 + cB 1 M z dM z M eq − M z − cB 1 M y’ T1 dt =
[1]
Nous avons posé c = gb /ħ et ~0 = cB0. T1 et T2 sont les temps de relaxation spinréseau et spin-spin des radicaux. La résolution de ces équations avec la condition initiale M(0) = Meq uz permet de déterminer Mx’(t), My’(t), Mz(t) pour des valeurs données de (~0, ~, T1, T2, B1). La puissance instantanée absorbée au champ microonde de pulsation ~ s’écrit : d P~ (t) =− B 1 . dt M avec B1 = B1 ux’. La dérivée est définie ici dans le référentiel du laboratoire. On l’exprime en fonction des composantes de M dans le référentiel tournant :
dM y’ dM z dM x ’ d m c m u x’ + c M = − ~ M y ’ dt dt dt + ~M x’ u y’ + dt u z
[2]
ux’, uy’, uz sont les vecteurs unitaires du référentiel (R). Seul le premier terme du dM second membre intervient dans l’expression de P~(t). En remplaçant dtx’ par son expression (équations [1]), on obtient : M [3] P~ (t) = ;(2~ − ~ 0) M y’ + T x’ E B 1 2
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
285
»» Examinons d’abord ce que deviennent ces expressions dans le régime stationnaire où l’aimantation est constante dans le référentiel tournant (R). Les premiers membres des équations [1] sont nuls, et la résolution d’un système de 3 équadM tions à 3 inconnues donne les expressions de Mx’, My’, Mz. Le fait que dtx’ = 0 dans l’équation [2] entraîne que la puissance absorbée est constante et égale à P~ = ~B1My’. La résolution du système [1] conduit à : P~ =
c~B 21 M eq (1/T2) (~ − ~ 0) 2 + (1/T2) 2 + c 2 B 21 (T1 /T2)
[4]
La raie est Lorentzienne de largeur à mi-hauteur 2 D~ = T 1 + c 2 B 21 T1 T2 2
[5]
,QWHQVLWpGXVLJQDO53(GpWHFWLRQGLUHFWH
»» Pendant le régime transitoire, on peut résoudre numériquement les équations [1] et utiliser les valeurs de Mx’(t) et My’(t) pour calculer P~(t) (équation [3]) pour les valeurs de ~ proches de la pulsation de résonance ~0. Un exemple est représenté sur la figure 10.18 pour o0 = ~0 /2r = 9,400 GHz, g = 2,00, T1 = 2 ns, T2 = 1 ns, B1 = 0,0036 mT (ce qui correspond à une puissance micro-onde de l’ordre de 10 nW) et o = 9,400 GHz ; 9,401 GHz ; 9,405 GHz. Le signal oscille avec une fréquence d’autant plus grande qu’on s’éloigne de la résonance et s’amortit d’autant plus rapidement qu’on est proche de la résonance.
0+]UpVRQDQFH 0+] 0+]
7HPSVDSUqVODIRUPDWLRQGHVUDGLFDX[>ȝV@ Figure 10.18 - Evolution temporelle du signal RPE pour trois valeurs de la fréquence micro-onde. Le signal représenté est la puissance absorbée par le système de radicaux (équation [3]). Les équations [1] sont résolues numériquement avec une routine Labview basée sur la méthode de Runge et Kuta, avec o0 = 9,400 GHz, T1 = 2 ns, T2 = 1 ns, B1 = 0,0036 mT. [D’après Maurel V. (2004)]
286
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
En effectuant ce calcul pour les fréquences comprises entre 9,390 GHz et 9,410 GHz par pas de 0,05 MHz, on obtient l’évolution temporelle de la raie de résonance représentée sur la figure 10.19. Les oscillations de la figure 10.18 font apparaître des bandes latérales qui ont déjà été observées expérimentalement [Hore et al., 1981]. On constate que les raies calculées très tôt après la formation des radicaux sont très élargies. Pour t = 100 ns, la largeur est égale à 6,1 MHz (0,22 mT), une valeur comparable à celle (0,36 mT) évaluée à partir de la relation [10.1]. Aux temps longs, la raie évolue vers la lorentzienne définie par l’équation [4], avec une largeur à mi hauteur L = D~ /2 r où D~ est donné par l’équation [5]. Avec les valeurs de (T1, T2, B1) utilisées dans le calcul, on a L = 0,42 MHz qui est bien la largeur de la raie observée à t = 4 ns (figure 10.19).
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Figure 10.19 - Evolution temporelle de la raie de résonance dans les premières microsecondes qui suivent la création des radicaux. L’amplitude est calculée comme indiqué dans la légende de la figure 10.18. Elle est représentée en fonction de la fréquence pour différentes valeurs de t. Toutes les raies sont tracées avec la même échelle. La largeur à mi-hauteur du pic central est précisée. [D’après Maurel V. (2004)]
»» Dans ce qui précède, nous avons supposé que les radicaux créés à l’instant t = 0 étaient stables chimiquement. Si leur concentration décroît avec une constante de vitesse k, il faut modifier le système d’équation [1] de la façon suivante [Jäger & Norris, 2001]:
10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
287
dM x’ M x’ dt = (~ 0 − ~) M y’ − T2 dM y’ M y’ dt =− (~ 0 − ~) M x’ − T2 + cB 1 M z − kM y’ dM z M eq − M z − cB 1 M y’ − kM z T1 dt = M eq (t) = M eq (t = 0) e -kt
Lorsque les valeurs de T1 et T2 sont connues, on peut utiliser ces équations pour simuler numériquement l’évolution de la raie de résonance et en déduire la constante de vitesse k [Gatlik et al., 1999].
288
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique Belorizky E. a & Fries P.H. b a
Laboratoire Interdisciplinaire de Physique, Université Grenoble Alpes, Grenoble. b Reconnaissance Ionique et Chimie de Coordination, Chimie Inorganique et Biologique UMR-E3, Université Grenoble Alpes, Grenoble.
11.1 - Introduction Les techniques de diagnostic médical, et plus généralement de recherche préclinique, qui permettent d’observer l’intérieur d’un organisme vivant de manière non-invasive, ont connu un développement fulgurant au cours des dernières décennies. Les plus courantes sont basées sur l’utilisation des rayons X [Ledley et al., 1974], des ultrasons [Correas et al., 2009] ou encore de la résonance magnétique nucléaire des protons de l’eau dans les tissus, c’est-à-dire l’observation de ces noyaux placés dans un champ magnétique extérieur fixe au travers de leur réponse à l’excitation créée par un champ magnétique oscillant [Canet et al., 2002]. Ce phénomène constitue le fondement de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) [Mansfield & Pykett, 1978 ; Merbach & Toth, 2001 ; Callaghan, 2003]. Le pouvoir de résolution submillimétrique de cette méthode est remarquable, mais sa sensibilité est parfois insuffisante pour certains examens. C’est le cas pour détecter de petites anomalies anatomiques comme des tumeurs naissantes ou des espèces moléculaires peu concentrées caractéristiques de pathologies comme celles formant des dépôts graisseux (athérome) dans les artères. On améliore le contraste d’image des tissus ou des anomalies à observer en injectant des espèces paramagnétiques biocompatibles, appelées agents de contraste [Bertini et al., 2001]. Ces agents sont souvent des complexes de l’ion gadolinium Gd3+. Les mécanismes physiques expliquant l’amélioration du contraste sont difficiles à modéliser car ils font intervenir plusieurs phénomènes, comme les mouvements browniens de translation des molécules d’eau et de rotation des complexes et l’évolution aléatoire des états quantiques du spin électronique du Gd3+ responsable de sa relaxation. La RPE des complexes de Gd3+ peut contribuer efficacement à la caractérisation de ces phénomènes.
292
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Dans ce chapitre, nous présentons brièvement le principe de construction des images en IRM, notamment celles basées sur les variations spatiales des valeurs locales des temps de relaxation des protons de l’eau. Nous expliquons le rôle des agents de contraste en soulignant l’intérêt particulier des complexes de Gd3+. Nous analysons ensuite les mécanismes de relaxation des protons de l’eau des tissus et leur classification en fonction des propriétés d’association des molécules d’eau aux complexes en solution. Nous montrons l’influence de la relaxation électronique de Gd3+ sur la performance des agents de contraste et l’apport notable de la RPE pour quantifier cette relaxation. Nous proposons un formalisme théorique pour simuler les spectres RPE et remonter à la relaxation électronique. Nous appliquons ce formalisme à quelques complexes de Gd3+ représentatifs en solution aqueuse et nous évaluons leurs performances comme agents de contraste. Enfin, nous présentons quelques images obtenues avec certains de ces complexes.
11.2 - Méthodes de l’IRM 11.2.1 - Principe Général Comme nous l’avons dit, l’IRM biomédicale est une technique non-invasive basée sur l’observation de la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) des protons des atomes d’hydrogène de l’eau [Canet et al., 2002 ; Abragam, 1961]. En effet, l’eau constituant environ 70 % du corps humain, les protons 1H y sont très abondants et fournissent un bon signal RMN. L’intensité du signal observé dépend de la concentration en eau qui varie assez peu dans les tissus mous, mais surtout des temps de relaxation des spins nucléaires, qui caractérisent la vitesse du retour à l’équilibre des moments magnétiques des protons après excitation. Plus précisément, en appliquant une suite d’impulsions de rayonnement radiofréquence et des gradients de champ magnétique dans les trois directions de l’espace, il est possible de diviser une région de l’organisme en une juxtaposition de volumes élémentaires (voxels) produisant des signaux RMN distincts qui sont fonction de la densité t des protons et des temps de relaxation longitudinale T1 et transverse T2 propres à chaque voxel [Merbach & Toth, 2001 ; Callaghan, 2003]. Le type de mesure effectuée permet de faire ressortir au choix les différences de valeur de t, de T1 ou de T2 entre les différents voxels. Ces différences peuvent être colorées en niveaux de gris, fournissant alors des images dites pondérées en densité de protons, en T1 ou en T2. Par exemple, il est possible d’observer des lésions dans les tissus ou des tumeurs grâce aux différences des temps de relaxation de l’eau entre les zones saine et malade. D’une manière générale, les valeurs de T1 et T2 varient de la façon suivante [Abragam, 1961] : »» T1 est plus court dans les solvants usuels comme l’eau (quelques secondes) que dans les liquides visqueux et les solides (plusieurs minutes ou davantage). En effet,
11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique
293
les mouvements moléculaires rapides et de grande amplitude dans les liquides non-visqueux sont plus favorables aux transitions entre les niveaux Zeeman des protons à l’origine de la relaxation T1 que leurs analogues lents et de faible amplitude dans les solides. »» T2 est plus long dans les solvants usuels que dans les liquides visqueux et les solides car les variations du champ local qui sont à l’origine de la relaxation T2 sont provoquées par des mouvements moléculaires plus rapides et sont donc plus vite moyennées à zéro. C’est le phénomène de rétrécissement des raies par le mouvement. »» T1 est toujours supérieur ou égal à T2. T1 et T2 ont des valeurs similaires dans l’eau pure et les liquides non-visqueux, mais leurs différences peuvent devenir très grandes dans les solides (T1 quelques heures, T2 quelques ms). Dans les tissus biologiques, T1 augmente lorsque le champ B augmente alors que T2 est relativement indépendant du champ [Abragam, 1961 ; Canet et al., 2002]. Ces temps de relaxation dépendent de l’organisation physico-chimique de l’eau dans la région observée de l’organisme. Le radiologue s’appuie sur les variations spatiales des valeurs de T1 ou de T2 pour obtenir des images anatomiques et sur les variations anormales de ces temps pour détecter les lésions et zones pathologiques dans les tissus. Nous avons indiqué dans le tableau 11.1 les valeurs de T1 et T2 de quelques tissus sains in vivo à 37 °C et de l’eau distillée à 20 °C, dans un champ de 1,5 T. Tableau 11.1 - Temps de relaxation des protons de quelques tissus sains in vivo et de l’eau dans un champ de 1,5 tesla. Tissu Tissu adipeux a Muscle Foie
a
a
Cortex b Substance blanche b Eau distillée a
c
T1 [ms] T2 [ms] 282
111
749
43
594
61
1304
93
660
76
2780
1400
[Tadamura et al., 1997], b [Vymazal et al., 1999], c [Kiricuta & Simplaceanu, 1975].
De manière générale, aux champs magnétiques utilisés couramment en IRM (B ≤ 1,5 T), les temps de relaxation des protons des tissus fortement hydratés, et donc peu visqueux, s’allongent avec le pourcentage d’eau car l’eau y est l’espèce la plus mobile [Kiricuta & Simplaceanu, 1975] (voir aussi les sections 11.3.2 et 11.3.3). Schématiquement, lors d’une affection aiguë, la densité de protons et les temps T1, T2 varient dans le même sens pour un tissu donné. En effet, une lésion s’accompagne dans la plupart des cas de phénomènes inflammatoires et oedémateux caractérisés
294
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
par une infiltration d’eau dans le tissu affecté. C’est l’inverse qui se produit dans un tissu cicatriciel. Pour de nombreuses séquences d’IRM judicieusement paramétrées, l’intensité du signal d’un voxel augmente avec le taux de relaxation longitudinale R1 = 1 /T1, mais diminue avec le taux de relaxation transversale R2 = 1 /T2 [Merbach & Toth, 2001 ; Callaghan, 2003].
11.2.2 - Le rôle des agents de contraste en IRM Les agents de contraste considérés ici sont des complexes chimiques qui modifient le signal RMN des voxels où elles sont présentes, en augmentant les taux de relaxation R1 = 1 /T1 et R2 = 1 /T2 des protons de l’eau. Les augmentations sont généralement proportionnelles à la concentration locale des agents relaxants, qui dépend des propriétés des différents tissus. Ainsi, les différences d’accélération de la relaxation des protons reflètent les différences biologiques comme la présence de tumeurs. Plus grandes sont ces différences, meilleure est en général l’amélioration du contraste d’image. Les agents de contraste les plus utilisés sont des complexes ou chélates d’ions métalliques paramagnétiques, c’est-à-dire des édifices formés de molécules organiques (ligands) séquestrant un ou parfois plusieurs de ces ions. Dans une moindre mesure, on se sert aussi de nanoparticules super-paramagnétiques, par exemple de billes d’oxyde de fer composées de plusieurs milliers d’ions magnétiques, dont les moments magnétiques individuels s’alignent dans chaque bille pour lui donner un moment paramagnétique résultant très élevé [Merbach & Toth, 2001]. Nous nous limitons ici aux complexes d’un seul ion métallique portant un moment magnétique élevé, apte à créer dans son voisinage un champ dipolaire fluctuant de grande amplitude qui accélére notablement la relaxation des protons. Les ions appropriés appartiennent soit à la première série des métaux de transition (manganèse, fer), soit à la série des lanthanides (gadolinium, dysprosium), qui possèdent respectivement une sous-couche atomique incomplète 3d et 4f. Les agents actuellement commercialisés utilisent essentiellement l’ion Gd3+ qui fournit la meilleure amélioration de contraste d’image pondérée T1.
11.3 - Effet d’un complexe de Gd3+ sur la relaxation des protons de l’eau 11.3.1 - Généralités Considérons une solution aqueuse de complexes GdL, où Gd est l’ion paramagnétique Gd3+ et L un ligand multidendate. Rappelons que l’ion Gd3+ possède une souscouche à moitié pleine 4f 7 et que son terme fondamental 8S 7⁄² est caractérisé par
11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique
295
un moment orbital total L = 0, un spin total S = 7⁄² et un facteur de Landé g proche de celui de l’électron [Bertrand, 2010, section 8.1.1]. Cet ion possède deux isotopes de spin nucléaire I = ³⁄², mais la structure hyperfine n’intervient pas ici vu la grande largeur des raies RPE [Borel et al., 2006]. Le taux de relaxation longitudinale R1 = 1 /T1 des protons de l’eau de cette solution est la somme de la contribution diamagnétique R1,d obtenue en l’absence de complexes et de la contribution R1,p due aux complexes paramagnétiques :
R 1 = R 1, d + R 1, p
[11.1]
Cette relation s’applique seulement aux solutions diluées comme celles qui se rencontrent en IRM. L’expérience montre et la théorie confirme (sections 11.3.2 et 11.3.3) que R1,p, qui représente l’augmentation du taux de relaxation due aux complexes GdL, est généralement proportionnel à la concentration molaire [GdL]. On définit la relaxivité r1 de ces complexes par la relation
R 1 = R 1,d + r1 6GdL@
[11.2]
c’est-à-dire par la pente de la droite qui donne R1 en fonction de [GdL] exprimée en mM (mmol L–1). La relaxivité s’exprime donc en s–1 mM–1. Nous décrivons dans ce qui suit ses différentes contributions. La relaxation paramagnétique du spin I d’un proton de l’eau est due aux fluctuations de ses interactions dipolaires avec les moments magnétiques des ions Gd3+. Dans l’approximation des dipôles ponctuels où on considère que le moment magnétique de chaque ion Gd3+ est localisé au centre cet ion [Yazyev & Helm, 2008], cette interaction est décrite par l’hamiltonien [Bertrand, 2010, section 7.2.4]: n 2 Ht dip = 4r0 c I c S 6I.S − 3(I.r) (S.r) / r 2@ / r 3 [11.3] où n0 est la perméabilité du vide, cI, cS sont respectivement les rapports gyromagnétiques du proton et de Gd3+, et r est le vecteur joignant l’ion Gd3+ au proton. On distingue généralement deux mécanismes de relaxation dits de sphère interne et de sphère externe. Mécanisme de sphère interne. Comme Ht dip croît en 1 /r3 lorsque la distance r
diminue, les protons des molécules d’eau à proximité immédiate des ions Gd3+ ont un taux de relaxation instantané très grand. Ainsi, les mouvements moléculaires qui entraînent la coordination transitoire des molécules d’eau aux ions métalliques et amènent ainsi les protons de l’eau à proximité immédiate de ces ions jouent un rôle important dans la transmission de l’effet de relaxation paramagnétique à l’ensemble du solvant. Les molécules d’eau liées (coordonnées) au métal forment la première sphère de coordination ou sphère interne IS (Inner-Sphere). Ces molécules d’eau de sphère interne, dont les protons ont un taux de relaxation intrinsèque intramolé-
296
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
culaire R 1m / 1 T1m extrêmement élevé (T1m , quelques ns) s’échangent ensuite avec celles de l’ensemble du solvant de sorte que, tour à tour, toutes les molécules de solvant subissent au contact de Gd3+ l’effet de relaxation paramagnétique de sphère interne intrinsèque. Ce mécanisme global est décrit comme la contribution de sphère interne R IS 1 à R1,p (figure 11.1). + 2 6 , NH[
*G
IJU
/LJDQG
26
,6
Figure 11.1 - Représentation schématique d’un complexe de l’ion Gd3+ (ion noir, ligand gris) auquel est liée une molécule d’eau de sphère interne IS, qui est entouré par les molécules d’eau libres, dites de sphère externe OS, du solvant. kex est la constante de vitesse d’échange des molécules d’eau de sphère interne avec les molécules libres. Elle est liée à leur durée de vie xm par kex = 1/xm (voir le texte). xr est le temps de corrélation rotationnelle du complexe qui intervient en particulier dans l’expression de T1m (équation [11.8]) (voir planches couleur).
Mécanisme de sphère externe. Pendant des temps de l’ordre de la durée de vie xm
d’une molécule d’eau de sphère interne, il n’y a pas d’échange chimique mais les protons des molécules d’eau libres subissent un autre effet de relaxation paramagnétique dû à leur mouvement relatif intermoléculaire de diffusion translationnelle par rapport aux ions Gd3+. Ces mouvements sont dits de sphère externe OS (OuterSphere) et cet effet produit la contribution de sphère externe R OS 1 à R1,p. Nous avons ainsi défini les contributions de sphère interne et externe à R1,p en fonction de la nature intra- et intermoléculaire des fluctuations de l’interaction dipolaire pendant des temps de l’ordre de xm. L’augmentation totale du taux de relaxation des protons due aux complexes GdL s’écrit donc OS R 1, p = R IS [11.4] 1 + R1 et la relaxivité totale est donnée par
OS r1 = r IS 1 + r1
[11.5]
Avec certains complexes, un autre type de fluctuation de l’interaction dipolaire de nature intramoléculaire donne une contribution dite « de seconde sphère ». Cette contribution provient des molécules d’eau proches de l’ion métallique et labiles, qui ne sont pas liées au complexe par coordination directe comme dans le cas du
11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique
297
mécanisme de sphère interne, mais par liaison hydrogène au ligand. La contribution de seconde sphère R 2S 1,p peut être décrite comme la contribution de sphère interne. Cependant, elle est assez souvent négligeable, ou bien ses effets sont (incorrectement) pris en compte dans le terme de sphère externe [Aimé et al., 2005 ; Bonnet et al., 2010]. Les agents de contraste à base de Gd3+ qui sont couramment utilisés en IRM médicale sont connus depuis le milieu des années 1980. Ils donnent des contributions de sphère interne et externe comparables, d’environ 1 à 2 s–1 mM–1 aux champs habituels de 1 à 3 T de l’imagerie [Powell et al. 1996]. Toutefois, les chimistes ont progressivement obtenu des valeurs de relaxivité de sphère interne r IS 1 bien supérieures en synthétisant une nouvelle génération d’agents de contraste élaborés selon les prescriptions de la théorie (sections 11.3.2 et 11.9) [Aimé et al. 2005 ; Caravan, 2009, De Leon-Rodriguez et al. 2009]. En revanche, l’optimisation de la contribution de sphère externe r OS 1 est beaucoup plus difficile à concevoir. Nous allons maintenant analyser les facteurs qui déterminent les deux types principaux de relaxivité et OS donner des expressions théoriques simplifiées de R IS 1 et R 1 .
11.3.2 - Relaxivité de sphère interne des protons La contribution de sphère interne à la relaxation des protons résulte des fluctuations de l’interaction dipolaire intramoléculaire des protons des molécules d’eau coordonnant Gd3+ et de l’échange de ces molécules avec les molécules d’eau de la solution. Il s’agit d’un problème d’échange à deux sites dont le premier, représenté par les molécules d’eau liées à l’ion métallique, est beaucoup moins peuplé que le second représenté par les molécules d’eau libres. Le signal de RMN observé expérimentalement est celui des protons de l’eau libre. Nous montrons au complément 1 que le taux de relaxation de sphère interne est donné par 1 [11.6] R IS 1 = Pm T1m + x m Pm est la fraction molaire des protons liés, xm est la durée de vie d’une molécule d’eau de sphère interne, liée à la constante de vitesse d’échange kex (figure 11.1) par xm = 1 / kex et T1m est le temps de relaxation longitudinale intrinsèque des protons liés en absence d’échange, c’est-à-dire dans la situation où la molécule d’eau resterait indéfiniment coordonnée à Gd3+. La fraction molaire Pm est liée à la concentration molaire en complexes [GdL] et au nombre q de molécules d’eau liées à un ion Gd3+ (nombre d’hydratation) par la relation q 6GdL@ [11.7] 55, 5 3+ Pour les complexes de Gd utilisés comme agents de contraste, xm est typiquement de l’ordre de 10– 7 à 10– 6 s. En général, la contribution principale au taux de
Pm =
298
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
relaxation R 1m / 1 T1m est due à la modulation de l’interaction dipôle-dipôle Ht dip (équation [11.3]) par le mouvement brownien de réorientation du vecteur rGdH de module constant qui joint le centre de l’ion Gd3+ au proton considéré de l’eau liée. En l’absence de relaxation électronique de l’ion paramagnétique, ce taux de relaxation est donné par l’équation simplifiée de Solomon-Bloembergen-Morgan (SBM), valable aux champs suffisamment élevés utilisés en IRM [Merbach & Toth, 2001] :
n 2 2 c2 g2 b2 xr 1 R 1m = T = ` 4r0 j 5 e I 6 o S (S + 1) 1m 1 + ~ 20 x 2r r GdH
[11.8]
où g est le facteur de Landé de l’ion Gd3+ de spin S = 7⁄², b est le magnéton de Bohr (cS ħS = – gbS), ~0 la fréquence angulaire de résonance du proton et xr le temps de corrélation rotationnelle du complexe. Pour un complexe sphérique de rayon a, ce temps est donné approximativement par la formule de diffusion rotationnelle de Stokes 4r a 3 h r [11.9] x r = 3k Tmic B r où T est la température. La microviscosité rotationnelle h mic de la solution [Gierer & Wirtz, 1953] peut différer notablement de la viscosité macroscopique mesurée expérimentalement du fait de la structure granulaire (taille finie) des molécules. Qualitativement, xr représente le temps moyen pour que le complexe effectue une rotation de 1 radian sous l’effet des collisions avec les molécules du solvant. Pour les complexes considérés, xr est de l’ordre de 10– 10 s à température ordinaire mais il atteint 10– 8 s pour les complexes les plus volumineux. L’équation [11.8] montre qu’un premier avantage de l’ion Gd3+ est la valeur élevée S = 7⁄² de son spin électronique qui peut conduire à des valeurs élevées de R1m grâce au facteur S (S + 1). La distance rGdH varie peu d’un complexe à l’autre, elle est de l’ordre de 0,31 ± 0,01 nm [Caravan, 2009]. Pour les valeurs typiques B ≤ 1,5 T, xr = 10– 9 s, l’équation [11.8] donne la valeur très élevée, pratiquement indépendante de B, R1m , 1,5 106 s– 1, soit T1m , 0, 7 ns . Dans un imageur de champ magnétique B donné où la fréquence de résonance ~0 des protons est déterminée, on peut augmenter R IS 1 en optimisant par synthèse chimique trois paramètres (équation [11.6]) : le taux d’échange kex = 1 /xm, le nombre d’hydratation q (équation [11.7]) et le temps de corrélation xr (équation [11.8]).
11.3.3 - La relaxivité de sphère externe des protons Cette contribution provient des fluctuations de l’interaction dipolaire magnétique Ht dip entre le moment magnétique cS ħS de chaque ion Gd3+ compléxé et celui, cI ħI, de chaque proton des molécules d’eau qui sont libres par rapport au complexe, c’està-dire animées d’un mouvement relatif aléatoire de diffusion translationnelle par
11 - Caractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique
299
rapport à ce dernier. Le taux de relaxation correspondant R OS 1 est donné par la théorie de Torrey [Torrey, 1953] et Solomon [Abragam, 1961 ; Solomon, 1955] : R 1OS = C 63j 2 (~ I ) + 7j 2 (~ S)@
[11.10]
N A 6GdL@ 32r n 2 C = 405 ` 4r0 j c 2I g 2 b 2 S (S + 1) [11.11] bD Dans ces expressions, ~I et ~S sont les fréquences angulaires de résonance des spins I et S. Si on note r(r, i, {) le vecteur qui joint le proton à l’ion Gd3+, la densité spectrale j2(~) est la transformée de Fourier en cosinus de la fonction de corrélation dipolaire temporelle g2(t) de la fonction aléatoire r – 3Y20(i, {) où Y20 ( i, { ) / 5 ^4r h ^3 cos 2 i − 1 h 2 est une harmonique sphérique d’ordre 2. Dans l’équation [11.11], NA[GdL] est le nombre de complexes par unité de volume, NA étant le nombre d’Avogadro et [GdL] la concentration d’ions Gd3+ en mM. De plus, b est la distance minimale d’approche entre les moments magnétiques en interaction et D = DI + DS est le coefficient de diffusion relative d’une molécule d’eau et d’un complexe, égal à la somme des coefficients d’auto-diffusion de l’eau DI et de diffusion DS du complexe. L’expression de j2(~) est difficile à calculer pour le mouvement intermoléculaire le plus général qui résulte des mouvements de translation et de rotation de l’eau et du complexe ainsi que des changements de conformation éventuels de ce dernier. Cependant, j2(~) prend une forme analytique simple dans le cas suivant : ›› la molécule d’eau et le complexe sont des sphères dures impénétrables avec des moments magnétiques centrés, ›› la distribution des molécules d’eau libre autour du complexe est uniforme, ce qui est une approximation raisonnable [Ayant et al. 1975 ; Hwang & Freed, 1975]. On obtient dans ce cas : avec
j 2 ( ~ ) = Re
1 + z/4 1 + z + 4z 2 / 9 + z 3 / 9
[11.12]
Re désigne la partie réelle et z = i~x D , xD étant un temps de corrélation translationnelle donné par xD = b2 /D , où b est la somme des rayons moléculaires des deux espèces. En ordre de grandeur, xD est le temps moyen nécessaire à une molécule d’eau pour parcourir la distance b /2. Typiquement, xD est de l’ordre de 10– 10 s à température ordinaire. Les équations [11.10] et [11.11] montrent que R OS 1 est proportionnel à S (S + 1) comme R1m (équation [11.8]), de sorte que le spin élevé S = 7⁄² de Gd3+ favorise aussi des valeurs élevées de R OS 1 . Si on pose u / 2~x D , on peut écrire l’expression [11.12] sous la forme d’une fraction rationnelle d’argument réel
j2 ( ~ ) =
1 + 5u / 8 + u 2 / 8 1 + u + u 2 / 2 + u 3 / 6 + 4u 4 / 81 + u 5 / 81 + u 6 / 648
[11.13]
300
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
La densité spectrale j2(~) est une fonction décroissante de ~ qui varie comme 1 − ^3 8 h 2~x D à basse fréquence (~xD > 1). Il faut noter que la distinction entre mécanismes de sphère interne et externe implique xr, xD 5 %), permettent d’augmenter la concentration en porteurs libres du matériau qui se situe après recuit entre 5 × 1020 cm– 3 et 1 × 1021 cm– 3. Evidemment, avec une telle concentration en trous, largement au-dessus de la transition de Mott, la conductivité des couches est métallique [Mott, 1982]. Elle est de l’ordre de quelques 102 X– 1 cm– 1 et ne varie que très peu entre 300 K et 4 K ; elle présente un minimum à la température de Curie. Les couches plus faiblement dopées (2 %) présentent un état ferromagnétique avec une température de Curie basse, d’environ 50 K. Pour des concentrations de Mn plus élevées, de l’ordre de 5 %, les températures de Curie se situent vers 130 K et pour les plus forts dopages ( > 10 %), elles atteignent 195 K [Chen et al. 2009]. Les résultats obtenus avec des films de GaMnAs épitaxiés sur (100) GaAs ou sur (100) GaInAs [Liu et al., 2003] ont montré que les spectres RFM peuvent être paramétrés par 4 constantes d’anisotropie : K4// et K49 liées à la structure zincblende déformée, et K2// et K29 liées aux contraintes uniaxiales dans le plan et hors du plan. Le facteur g peut également être déterminé [Khazen et al. 2008 (a)]. En raison du couplage entre les ions paramagnétiques et les trous, il n’est pas égal à celui des ions Mn2+ (g = 2,002). Sa valeur varie entre g = 1,95 et g = 2,00. L’analyse des spectres RFM est basée sur l’expression de la densité d’énergie et l’équation de Smit-Beljers. La densité d’énergie s’écrit ici [Liu et al., 2003] : 1 F =− MH 6cos i cos i H + sin i sin i H cos ( z − z H )@ − 2 n 0 M 2 sin 2 i ^3 + cos 4z h r 1 1 − K 2 = cos 2 i − 2 K 4 = cos 4 i − 2 K 4 // sin 4 i − K 2 // sin 2 i sin 2 ` z − 4 j 4
12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
341
En appliquant l’équation [12.5], on obtient les expressions suivantes du champ de résonance : »» Pour une variation de H dans le plan (110) : 2K 4 // 2K 2 // ~ 2 r ` n c j = ;H res cos Dz + M cos 4z eq − M cos (2z eq − 2 )E . 0 2K 2 // 2K 2 = K 4 // r E 2 ;H res cos Dz + 4rM − M + 2M (3 + cos 4z eq + M sin ( z eq − 4 ) »» Pour une variation de H dans le plan (001) ~ 2 `n cj = 0
K 2K 2 = K 4 = K 4 // c 4 = K 4 // m E m M + M − 2M cos 2i eq + M + 2M cos 4ieq . K 2K 4 // 2K 2 // 2K 2K E ;H res cos Di+c − 4rM + 2 = + 4 // m cos 2 i eq +c 4 = + K 4 // m cos 4 i eq − M M M M M − M ;H res cos Di + c − 4rM +
On a posé Dz = zeq – zH et Di = ieq – iH. La valeur de M est obtenue par des mesures d’aimantation et le facteur de Landé g est supposé égal à 2,00. La mesure du champ de résonance du mode uniforme pour les quatre orientations [001], [110], [100], [1-10] du champ appliqué permet alors de déterminer les quatre constantes d’anisotropie.
6LJQDO5)0>XD@
Nous présentons sur la figure 12.6 quelques spectres RFM typiques d’une couche mince de composition Ga0,95Mn0,05As d’une épaisseur de 50 nm épitaxiée sur (100) GaAs.
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>@ >@
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@ Figure 12.6 - Spectres RFM d’un film de Ga0,95Mn0,05As enregistrés en bande X à 4K.
342
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
&RQVWDQWHVG DQLVRWURSLHGHYROXPH>-P @
Les anisotropies magnétiques sont dominées par la constante K29 qui est négative avec une valeur proche de – 5×103 J m– 3 à 70 K (figure 12.7). Ceci indique, en accord avec des résultats obtenus par diffraction des rayons X, que les couches sont sous contrainte compressive dans le plan de croissance. La contrainte fzz est de l’ordre de 0,2 %.
.C . .C .
7HPSpUDWXUH>.@
Figure 12.7 - Variation avec la température des constantes d’anisotropie de volume d’un film de Ga0,95Mn0,05As.
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)DFWHXUJ
7HPSpUDWXUH>.@
&RQFHQWUDWLRQHQWURXV>FP@
Figure 12.8 - Variation de la valeur de g en fonction de la concentration en trous.
Une analyse plus fine des variations angulaires des spectres RFM et des mesures à deux fréquences micro-onde mettent en évidence une variation de la valeur de g
12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
343
en fonction de la concentration en trous (figure 12.8) [Khazen et al., 2008 (a)]. Le facteur d’amortissement a a également été déterminé pour différentes orientations du champ et différentes températures (figure 12.9) [Khazen et al., 2008 (b)]. Il est de l’ordre de 0,005 à 20 K et présente une anisotropie. &RHIILFLHQWG DPRUWLVVHPHQWĮ
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7HPSpUDWXUH>.@
Figure 12.9 - Variation du coefficient d’amortissement avec la température pour différentes orientations du champ magnétique appliqué.
12.6 - Les ferrofluides de nanoparticules de maghémite Les ferrofluides sont constitués de particules d’oxydes de fer ferrimagnétique de taille nanométrique, en suspension dans un liquide porteur. Les paramètres physicochimiques de la synthèse et la stabilisation de ces colloïdes permettent un tri en taille ainsi que le contrôle des interactions entre particules. L’intérêt technologique de ces nanostructures magnétiques est considérable, en particulier dans le domaine des applications biomédicales [Lévy et al., 2010]. En effet, les nanoparticules d’oxyde de fer sont capables de pénétrer dans les cellules et les « cellules magnétiques » ainsi marquées sont manipulables par des champs magnétiques, ce qui permet de les diriger vers une cible et de les localiser par Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) [Frasca et al., 2011]. Le marquage magnétique doit toutefois être suffisant pour que la force magnétique appliquée par le champ parvienne à déplacer chaque cellule sans pour autant modifier le fonctionnement cellulaire [Wilhelm et al., 2007]. Les nanoparticules ferrimagnétiques présentent des effets de surface très importants et leur petite taille leur confère un comportement superparamagnétique : en champ nul, au-dessus d’une certaine température inférieure à la température de Curie, les fluctuations thermiques de la direction de l’aimantation à l’intérieur d’une nanoparticule deviennent assez rapides pour que sa valeur moyenne soit nulle et l’ensemble des nanoparticules se comporte comme un système paramagnétique consti-
344
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
tué de moments magnétiques « géants ». La réponse dynamique d’un ferrofluide est déterminée par la dynamique interne du moment magnétique par rapport au réseau cristallin de la particule et par la dynamique externe due au mouvement brownien des particules dans le fluide. Ces deux phénomènes interviennent simultanément et ils possèdent des temps caractéristiques différents : »» Le temps caractéristique de la dynamique interne est celui des fluctuations d’orientation de l’aimantation d’une nanoparticule qui lui permettent de passer d’une direction de facile aimantation à une autre. On l’appelle le « temps de Néel » et sa dépendance en température est celle d’un processus activé :
Ea
x N = x 0 e kB T
x0 est de l’ordre de 10– 9 s [Néel, 1949]. »» Le temps caractéristique de la dynamique externe est le temps de corrélation du mouvement brownien de rotation qui est donné pour une particule sphérique par 3hV x B = k TH B où VH est le volume hydrodynamique de la particule dans le fluide de viscosité h. Lorsque l’énergie d’anisotropie des particules est faible, l’énergie d’activation Ea est petite et on a xB >> xN. L’aimantation de chaque particule peut pratiquement tourner indépendamment de son mouvement dans le fluide. Lorsque l’énergie d’anisotropie des particules est forte, l’énergie d’activation Ea est grande et on a xB P7@
î î
î î F î î î î î î î
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7J
7>.@
Figure 12.11 - Dépendance en température des champs de résonance de l’échantillon 2 (a), (c) échantillon refroidi dans un champ HFC = 1 T avec (a) i = 0°, (c) i = 90° ; (b) échantillon refroidi en absence de champ. La flèche indique la température de solidification du fluide porteur.
La figure 12.12 montre la variation du champ de résonance en fonction de i pour l’échantillon 2, à 3,5 K. Elle est bien décrite par l’équation
H res ( i ) = H res (0) + [H res (90) − H res (0)] sin 2 i
[12.12]
348
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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Figure 12.12 - Variation du champ de résonance en fonction de i pour l’échantillon 2 refroidi sous HFC = 1 T, à 3,5 K. La courbe est calculée avec l’équation [12.12].
Cette équation a la même forme que celle qui donne le champ de résonance lorsque la particule possède une anisotropie uniaxiale [de Biasi & Devesas, 1978] : ~ 3 H res ( i ) = cn − H a (1 − 2 sin 2 i ) 0 où Ha est le champ d’anisotropie des particules. Si les particules étaient toutes parfaitement alignées dans le champ HFC, on aurait donc 3 [12.13] H res (90) − H res (0) = 2 H a En réalité, l’orientation des axes d’anisotropie par rapport au champ n’est pas exactement la même pour toutes les particules de l’échantillon. Cette distribution résulte des effets combinés de l’interaction entre le moment magnétique et le champ HFC, de l’énergie d’anisotropie magnétocristalline qui tend à aligner le moment magnétique selon les axes d’anisotropie (section 12.2.2), et de l’agitation thermique. En modélisant ces différentes contributions, on peut obtenir une expression qui décrit la distribution de l’orientation des axes d’anisotropie dans l’échantillon [Raikher & Stepanov, 1994]. Une façon de prendre en compte simplement cette distribution consiste à remplacer l’équation [12.13] par : 3 [12.14] H res (90) − H res (0) = 2 H a cos 2 i La quantité Gcos2 iH peut être calculée à partir de l’expression d’une fonction de distribution [Gazeau et al., 1998]. La différence Hres(90) – Hres(0) est déduite de l’étude des spectres, et l’équation [12.14] permet d’évaluer Ha. Le calcul montre que le facteur Gcos2 iH diminue rapidement avec la taille des particules [Gazeau et al., 1998], ce qui explique pourquoi la différence Hres(90) – Hres(0) est plus petite
12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
349
pour l’échantillon 6 que pour l’échantillon 2 (figure 12.10). D’ailleurs, les résultats montrent que Ha varie linéairement avec l’inverse du diamètre des particules (figure 12.13a). D
7 .
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E
GPS>QP@
.V>-P@
7>.@
Figure 12.13 - (a) Variation de Ha en fonction du diamètre dmp des particules (double échelle logarithmique). Les valeurs de Ha sont déduites des variations angulaires effectuées à 3,5 K. La pente de la droite vaut – 1. (b) Variation du paramètre KS défini par l’équation [12.15] en fonction de la température pour les échantillons 6 à 2 (carrés blancs) dmp = 4,8 nm ; (points noirs) dmp = 6,5 nm ; (losanges blancs) dmp = 7,7 nm ; (triangles gris) dmp = 9,3 nm ; (triangles noirs) dmp = 10 nm.
350
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Cette variation est typique d’une anisotropie uniaxiale de surface (section 12.4.1). Une interprétation des mesures dans le cadre d’un modèle où les particules ont 2K une anisotropie volumique, donc un champ d’anisotropie H a = M , conduit à une contradiction. En effet, on constate que plus le diamètre des particules diminue plus la constante K mesurée augmente alors qu’elle devrait rester constante si l’anisotropie avait une origine purement volumique. Pour passer d’une anisotropie de volume à une anisotropie de surface, d’une manière simple, il suffit de multiplier la relation précédente par le rapport surface sur volume de la particule. Dans ce cas, le champ d’anisotropie est lié à la constante d’anisotropie de surface KS par [Gazeau, 1997] 12K H a = Md S [12.15] mp On vérifie que la valeur du paramètre KS déduite de cette relation est pratiquement indépendante de dmp (figure 12.13b). On obtient KS ≅ 2,8 × 10– 5 J m– 2 à 3,5 K. Les expériences de RFM démontrent donc de manière non-ambiguë qu’en dépit de leur structure cristallographique cubique, les nanoparticules présentent une anisotropie uniaxiale due essentiellement à des effets de surface. La notion d’anisotropie de surface a été introduite par L. Néel [Néel, 1954]. Son origine est due au fait que les interactions entre les spins des ions situés à la surface des particules diffèrent de celles qui existent à l’intérieur de la particule, un effet qui est particulièrement important dans les nanoparticules. L. Néel a décrit l’anisotropie de surface en lui associant une densité surfacique KSR et un axe local perpendiculaire en tout point à la surface. Cette anisotropie s’annule pour une particule parfaitement sphérique, mais elle devient importante dès que la forme s’écarte d’une sphère. Pour un ellipsoïde de révolution de faible ellipticité e, la constante d’anisotropie KS est reliée à KSR par la relation : 4 K S = 15 e 2 K SR D’après L. Néel, KSR serait de l’ordre de 10– 4 à 10– 3 J m– 2 [Néel, 1954]. Nos résultats confirment cette prédiction. En effet, pour e = 0,4 (ce qui correspond à un écart de 10 % par rapport à une forme sphérique), la valeur KS = 2,8 × 10– 5 J m– 2 mesurée par RFM conduit à KSR = 0,6 × 10–3 J m– 2.
12.6.3 - Mise en évidence d’une composante superparamagnétique Aux températures plus élevées, typiquement entre 200 K et 300 K, la largeur et la position du spectre dépendent beaucoup de la taille des particules (figures 12.14, 12.15) : »» Pour les particules les plus grandes, la raie est très large (DHpp ≅ 60 mT) et le champ de résonance est plus petit que le champ de référence HR = 330 mT. Quand l’échantillon est refroidi dans le champ HFC, le champ de résonance dépend de la direction du champ H par rapport à HFC, comme sur la figure 12.10.
12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
351
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 12.14 - Spectres bande X des échantillons 2 à 6 enregistrés à température ambiante.
352
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
»» Pour les particules les plus petites, la raie est étroite (DHpp ≅ 6 mT) et centrée sur le champ HR. Quand l’échantillon est refroidi dans le champ HFC, le champ de résonance reste égal à HR quelle que soit la direction du champ H. Les particules responsables de cette raie ne sont donc pas affectées d’un champ d’anisotropie. »» Pour les particules de taille intermédiaire, le spectre contient les deux composantes, avec les mêmes caractéristiques que celles décrites ci-dessus. D
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Figure 12.15 - Largeurs pic à pic DHpp des raies de résonances : (a) à température ambiante en fonction du diamètre des particules. (b) en fonction de la température pour l’échantillon 6 (dmp = 4,8 nm). Les carrés noirs et gris correspondent respectivement aux composantes large et étroite.
La composante étroite du spectre pourrait être due à des impuretés paramagnétiques présentes dans le liquide porteur. Pour tester cette hypothèse, nous avons comparé son intensité à celle d’un échantillon « standard » de rubis, un cristal d’alumine
12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
353
dopé avec un nombre connu d’ions Cr3+. Il apparaît que l’intensité de la composante étroite correspond à un nombre de centres supérieur de trois ordres de grandeurs à celui des ions Fe3+ présents dans l’échantillon. On peut donc écarter l’hypothèse d’un signal paramagnétique et attribuer la composante étroite à un état superparamagnétique du système de nanoparticules. Pour interpréter ces résultats, il faut faire appel à un modèle qui décrit les effets de l’anisotropie et des fluctuations thermiques sur la largeur des raies de résonance d’un système de particules monodomaines. Ce modèle repose sur l’équation phénoménologique de Landau-Lifshitz (section 12.2.4) et sur une équation qui décrit la diffusion rotationnelle du moment d’une particule en présence de fluctuations [Brown, 1963 ; Raikher et al., 1974]. Il rend compte de la plupart des observations expérimentales, mais seulement de façon qualitative [Gazeau et al., 1999].
12.7 - Conclusion Le champ d’application de la RFM est aujourd’hui très diversifié. La nature des objets étudiés a beaucoup changé depuis les premiers travaux, comme le montrent les exemples traités dans ce chapitre. La plupart des études se focalisent maintenant sur des films ultraminces, des multicouches ou encore des nano-objets au sein desquels de nouveaux effets magnétiques sont observés. Ces recherches sont souvent motivées par des applications potentielles en électronique de spins. Citons par exemple, le cas des bicouches ultraminces de GaMnAs/Fe dans lesquelles une augmentation importante de la température de Curie de GaMnAs près de l’interface a été observée [Song et al., 2011], ou encore les effets de pompage de spins aux interfaces isolant magnétique/métal (YIG/Au) [Heinrich et al., 2011]. La RFM apporte aussi une contribution importante à la compréhension des propriétés magnétiques des alliages du type Heusler, tels que les films minces de CoMnGe, des matériaux intéressants pour la spintronique [Belmeguenai et al., 2010]. De même, la dynamique de l’aimantation des couches minces de La0,7Sr0,3MnO3, un matériau de la famille des pérovskites de manganèse, peut être appréhendée par la RFM [Belmeguenai et al., 2011]. Très récemment, la RFM détectée électriquement a permis d’explorer l’effet Hall inverse des spins [Ando et al., 2009] et de générer des champs micro-ondes au sein de nano objets uniques via l’interaction spin-orbite [Fang et al., 2011]. Ces études très variées illustrent la pertinence de la RFM dans le domaine des nanosciences.
354
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Annexe 1 Principes de la résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles Belorizky E. & Fries P.H. Nous décrivons les principes généraux de la résonance magnétique sur l’exemple simple de la RMN du proton qui intervient au chapitre 11. On trouvera plus de détails dans [Abragam, 1961 ; Canet et al., 2002]. La transposition à la RPE est directe. Elle est explicitée et utilisée au complément 1 du chapitre 10 pour la RPE en onde continue et à l’annexe 2 du livre pour la RPE impulsionnelle.
1 - La RMN du proton L’interaction d’un champ magnétique B 0 = B 0 k dirigé selon Oz avec un proton de g p bN spin I = ½, de rapport gyromagnétique c I = ' = 2, 68 # 10 8 rad s -1 T -1 et de moment magnétique n = cI ħI, [1] est décrite par l’hamiltonien
ĤZ = – n. B0
[2]
Il apparaît ainsi deux niveaux d’énergie E m =− mc I B 0 , où m = ± ½ est la valeur propre de l’opérateur Îz (figure A1.1). Leur différence est égale à DE = c I B 0 = ~ 0 = ho 0 . ( Ȗ, ƫ% ²²
Ȗ, ƫ% ²²
P,"ò
¨("Ȗ, ƫ%
P,"ò
Figure A1.1 - Niveaux d’énergie d’un proton dans un champ B0.
358
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
On a par exemple o0 = 42,577 MHz pour B0 = 1 T. Le moment magnétique du proton est 657 fois plus petit que celui de l’électron libre. Pour une même valeur du champ magnétique, les séparations Zeeman sont donc de trois ordres de grandeur plus faibles que celles qui interviennent en RPE. A l’équilibre thermodynamique, le rapport entre les populations des deux niveaux s’écrit : N -1 2 DE [3] N 1 2 = e kB T N1 2 Pour B0 = 1 T, on a N = 1 + 6, 87 # 10 -6 à température ambiante (T = 298 K). -1 2 Si on considère un système de N0 protons à l’équilibre, la différence de population s’écrit [Bertrand, 2010, section 1.4.4] : DE DE = N 0 th ( 2k T ) . N 0 2k T [4] B B Dans ces conditions, la valeur moyenne à l’équilibre Meq de l’aimantation Mz des protons dans la direction du champ est donnée par la loi de Curie
N1
2 − N- 1 2
N0 c2 2 M eq = 4k I T B 0 B
[5]
c I DE 2 2k B T , est donc très petit par rapport à son moment intrinsèque n = cI ħ /2. Pour observer la résonance, il faut induire des transitions entre les deux niveaux Zeeman. Ceci peut être réalisé en soumettant les protons à un champ magnétique B1 qui a une direction perpendiculaire à B0, une intensité B1 beaucoup plus faible que B0 et qui tourne à une vitesse angulaire – ~. La résonance a lieu lorsque ~ est voisin de ~0 = cIB0. En pratique, une bobine d’axe Ox alimentée par un courant sinusoïdal de pulsation ~ x crée un champ oscillant B O 1 = 2B 1 cos ~t selon cet axe. Ce champ peut être considéré comme la somme de deux champs qui tournent dans des sens opposés avec des fréquences angulaires ± ~ dans le plan xy, dont seule la composante tournant à la fréquence – ~ est utile. Le moment magnétique moyen d’un proton, qui peut s’écrire
L’interaction avec le champ variable B1 génère des transitions entre les deux niveaux Zeeman, dont la probabilité par unité de temps, qui est la même dans les deux sens, est donnée par la théorie des perturbations dépendant du temps : r w = 2 c 2I B 21 f ( ~ − ~ 0 ) [6] où f (~ – ~0) est une fonction normalisée qui représente la forme de la raie de résonance. La population du niveau inférieur étant légèrement supérieure à celle du niveau supérieur, le système de N0 protons absorbe au champ radiofréquence la puissance Pa = w ^ N 1 2 − N -1 2 h DE
Annexe 1 - Résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles
soit, d’après l’équation [4]
359
^~ 0 h2 Pa , wN 0 2k T B
[7]
2 - Mouvement de l’aimantation macroscopique On obtient l’aimantation M d’un échantillon contenant un grand nombre de protons en additionnant les moments microscopiques ni des différents protons : M = / n i . i
Lorsque cet échantillon est placé dans un champ B0, le mouvement de l’aimantation, qui peut être considéré comme un vecteur classique (voir par exemple le complément FIV dans [Cohen-Tannoudji et al., 1998]), est déterminé par l’équation dM = cI M # B0 dt En projetant sur les trois axes de coordonnées, on obtient le système : Z] dM x ]] = cI M y B0 ]] dt ] dM y [] =− c I M x B 0 [8] ]] dt ]] dM z ] dt = 0 \ Supposons d’abord qu’à t = 0 l’aimantation M(0) ait sa valeur d’équilibre Meqk, où k est le vecteur unitaire selon Oz. Dans ce cas, la solution de ce système ne dépend pas du temps et elle vaut Mx = My = 0, Mz = Meq = cte. Supposons maintenant qu’à t = 0 l’aimantation soit écartée d’un angle a de sa position d’équilibre, avec par exemple :
M x (0) = 0, M y (0) = M eq sin a, M z (0) = M eq cos a
[9]
La solution du système [8] s’écrit alors
M x (t) = M eq sin a sin ~ 0 t M * y (t) = M eq sin a cos ~ 0 t M z (t) = M eq cos a
[10]
avec ~0 = cIB0. L’aimantation M effectue un mouvement de précession autour de Oz à la vitesse angulaire – ~0, c’est-à-dire à la vitesse ~0 dans le sens inverse du sens trigonométrique. Appliquons maintenant le champ radiofréquence B 1Ox = 2B 1 cos ~t créé par une bobine d’axe Ox alimentée par un courant sinusoïdal de pulsation ~ proche de ~0. Des transitions entre les niveaux d’énergie des protons caractérisés par m = ! 1 2 sont x induites par la composante de B O 1 qui tourne à la fréquence – ~ autour de Oz, dont les projections sur les axes (x, y, z) s’écrivent :
360
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
B 1x = B 1 cos ~t, B 1y =− B 1 sin ~t, B 1z = 0
[11]
Pour déterminer le mouvement de l’aimantation, il est commode d’introduire un système de coordonnées R = (x’, y’, z’ = z) qui tourne autour de z avec la vitesse angulaire – ~, suivant ainsi dans sa rotation le champ B1 défini par les relations [11]. Les repères (x’, y’, z) et (x, y, z) sont appelés respectivement référentiel tournant ou en rotation (R) et référentiel du laboratoire (L). Dans le référentiel tournant (R), B1 apparaît comme fixe (figure A1.2). ]" ]¶
%
% 5
[¶
\
ȦW
\¶
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Figure A1.2 - Référentiel (L) = (x, y, z) du laboratoire et référentiel (R) = (x’, y’, z’ = z) tournant autour du champ B0 // z à la vitesse angulaire – ~.
Dans le référentiel (L), le mouvement de M en présence de B0 et B1 est déterminé par l’équation b ddM [12] t lL = c I M # (B 0 + B 1 ) dM Dans le référentiel (R), ce mouvement est déterminé par b dt l qui est reliée à R b dM dt lL par : dM b ddM [13] t l = b dt l + X # M L
R
où X = – ~k est le vecteur de rotation de (R) par rapport à (L). En remplaçant cette expression dans l’équation [12], on obtient :
b ddM t l = c I M # B eff R
[14]
où Beff est le « champ effectif » défini par
X [15] B eff = B 0 + B 1 + c I Le mouvement de l’aimantation est beaucoup plus facile à déterminer dans le référentiel (R) que dans le référentiel (L) car Beff est constant dans (R). Notons que X et B0 sont de sens opposés. Dans le cas particulier où ~ = ~0 = cI B0 (résonance), Beff se réduit à B1 de sorte que dans le référentiel tournant, l’aimantation tourne autour de
Annexe 1 - Résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles
361
B1 avec la vitesse angulaire ~1 = – gI B1. Si B1 est appliqué pendant une durée x, M tourne d’un angle a = ~1x = – cI B1x à partir de sa position d’origine. Par exemple, si l’on choisit x court (quelques ns) tel que ~1x = r /2 ou r, on dit qu’on applique une impulsion radiofréquence (rf) de r /2 ou de r, ou encore de 90° ou 180°. Si l’aimantation a initialement sa valeur d’équilibre M = Meqk, les impulsions de r /2 et r l’amènent respectivement selon l’axe Oy’ et à l’opposé de l’axe Oz’ = Oz du référentiel tournant. Après suppression de B1, M possède en général une composante non-nulle dans le plan xy, Mxy = Meq sin a. Dans le référentiel du laboratoire, cette composante tourne autour de B0 avec la fréquence –~0, ce qui induit un courant dans une bobine détectrice placée près de l’échantillon. C’est souvent la même bobine qui sert pour l’excitation et la détection.
3 - Les phénomènes de relaxation Dans la section précédente nous avons vu qu’une impulsion rf appliquée pendant une courte durée peut amener la direction de l’aimantation M hors de sa direction d’équilibre Oz. Nous avons supposé qu’après la suppression de B1, la rotation de M autour de B0 se poursuit indéfiniment. En réalité, l’aimantation va revenir progressivement à sa valeur d’équilibre selon l’axe z et le signal RMN va disparaître. Ce retour à l’équilibre de l’aimantation est appelé relaxation. Après une impulsion rf, les composantes Mz et Mxy de l’aimantation M qui sont respectivement parallèle et perpendiculaire au champ B0, retournent vers leurs valeurs d’équilibre : M z " M eq où M eq est donné par l’équation [5], et M xy " 0 . Cette relaxation est due aux champs magnétiques fluctuants qui agissent sur les protons. Ces champs magnétiques ont essentiellement pour origine l’interaction dipôle-dipôle entre le moment magnétique du proton et les moments magnétiques des molécules voisines, qu’ils soient d’origine nucléaire ou électronique. Ils peuvent également provenir d’une interaction hyperfine ou d’un effet spin-rotationnel ou encore d’une interaction d’anisotropie de déplacement chimique. Les fluctuations de ces champs magnétiques sont créées par les mouvements aléatoires des molécules environnant les protons étudiés. Le retour à l’équilibre de Mz est dû aux échanges d’énergie entre les niveaux Zeeman des protons. Il est désigné par relaxation spin-réseau ou simplement relaxation T1 dans la mesure où il suit souvent une loi exponentielle caractérisée par une constante de temps T1. Lorsque plusieurs mécanismes de relaxation entrent en jeu, le taux de relaxation nucléaire longitudinale R1 = 1 /T1 est, la plupart du temps, la somme R 1 = / R 1m des différentes contributions R1m. De même, le m
retour à l’équilibre de Mxy est désigné par relaxation spin-spin ou relaxation T2, où T2 est la constante de temps caractérisant ce phénomène. Les évolutions des composantes Mz et Mx’y’ dans (R) sont décrites par les équations de Bloch
362
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
dM z 1 [16] dt =− T1 (M z − M eq) dM x’y’ 1 [17] dt =− T2 M x’y’ Supposons qu’à l’instant où s’achève l’impulsion rf, choisi comme temps initial t = 0, les composantes Mz et Mx’y’ valent Mz (0) et Mx’y’ (0). La résolution des équations de Bloch donne
M z (t) = M eq (1 − e -t/T1) + M z (0) e -t/T1
M x’y’ (t) = M x’y’ (0) e -t/T2
[18] [19]
Considérons les cas particuliers importants des impulsions de 180° et 90° autour de l’axe Ox. »» Juste après une impulsion de 180°, on a Mz (0) = –Meq et My’ (0) = 0. On en déduit M z (t) = M eq ^1 − 2 e -t/T1 h [20] M xy (t) = 0 dans le référentiel tournant et dans celui du laboratoire. Cette expérience permet de mesurer T1. »» Juste après une impulsion de 90°, on a Mz (0) = 0 et My’ (0) = Meq, d’où
)
M z (t) = M eq 61 − e -t/T1@ [21] M y’ (t) = M eq e -t/T2 dans le référentiel tournant et Z] -t/T1 ) ]] M z (t) = M eq (1 − e -t/T2 M ( t ) = M sin ( ~ t e [22] ) [] x eq 0 ]] -t/T2 ] M y (t) = M eq cos (~ 0 t) e \ dans le référentiel du laboratoire. Une bobine réceptrice placée selon Oy reçoit alors un signal de précession libre qui est un courant induit proportionnel à My (t) de la forme A cos (~ 0 t) e -t/T2 , que l’on peut enregistrer. De plus, en utilisant une seconde bobine réceptrice placée selon Ox, on peut construire le signal complexe
)
M y (t) − iM x (t) = M eq e -i~ 0 t e -t/T2 pour t $ 0 Si l’on pose My(t) – iMx(t) = 0 pour t < 0, la partie réelle de la transformée de Foui~t rier en e de ce signal complexe est proportionnelle à T2 [23] F( ~ ) = 1 + ( ~ − ~ 0 ) 2 T 22 C’est la raie d’absorption RMN qui a la forme d’une lorentzienne de largeur à mihauteur D~ = 2rDo = 2 /T2.
Annexe 1 - Résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles
363
En pratique, si le champ B0 présente une certaine inhomogénéité spatiale, les différents spins de l’échantillon sont soumis à des champs légèrement différents en fonction de leur position dans l’entrefer de l’électro-aimant ou à l’intérieur du solénoïde supraconducteur du cryoaimant. Leurs fréquences de résonance sont donc légèrement différentes. Cela contribue à une atténuation plus rapide de l’aimantation transverse et T2 est remplacé par le temps effectif T *2 défini par 1 1 1 [24] = + T )2 T2 T2 (B 0) Nous avons représenté sur la figure A1.3 le retour à l’équilibre de Mz (t) après une impulsion de 180° qui permet de mesurer T1, et sur la figure A1.4 le signal de précession libre après une impulsion de 90°, et sa transformée de Fourier F(~) = F(2ro) qui permet de déterminer T *2 . 0] 0HT
W
7,Q 0HT
Figure A1.3 - Evolution de Mz après une impulsion de 180°.
0HT
) Ȟ
D
0\
E
¨Ȟ" 7 )Ȟ
Ȟ 0HTH W 7
0HTH W 7 0HT
)Ȟ
W
Ȟ
Ȟ
Figure A1.4 - (a) Signal de précession libre et (b) sa transformée de Fourier F(~) = F(2ro) après une impulsion de 90°.
Remarque. Si l’on modifie les équations [14] et [15] pour tenir compte des phéno-
mènes de relaxation, on obtient un système d’équations différentielles qui détermine l’évolution de l’aimantation dans le référentiel tournant (R). Il permet de déterminer le signal d’absorption détecté par un spectromètre à onde continue, en régime sta-
364
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
tionnaire où l’aimantation est constante dans le référentiel (R), mais aussi en régime transitoire (voir le complément 1 du chapitre 10).
Références Abragam A. (1961) Les Principes du Magnétisme Nucléaire, Presses Universitaires de France, Paris. Canet D. et al. (2002) La RMN. Concepts, méthodes et applications, 2e ed., Dunod, Paris. Cohen-Tannoudji C., Diu B. & Laloe F. (1998) Mécanique quantique I, Hermann, Paris.
Annexe 2 Introduction à la RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PELDOR Dorlet P. & Bertrand P.
La RPE impulsionnelle est principalement utilisée pour mesurer les faibles interactions, que ce soit les interactions hyperfines entre un centre paramagnétique et des noyaux éloignés (expériences ESEEM et HYSCORE) ou les interactions dipolaires entre deux centres paramagnétiques séparés par une grande distance (expérience PELDOR). Le principe général est le suivant : lorsque deux systèmes de spin A et B sont faiblement couplés, une très brève excitation de A induit des transitions dans B qui, dans certaines conditions, modulent l’amplitude d’un signal temporel donné par A. L’interprétation rigoureuse de ces expériences repose sur le formalisme de l’opérateur densité. On la trouve dans des monographies [Schweiger & Jeschke, 2001], mais aussi dans des chapitres de thèse bien rédigés [Junk, 2012]. Dans cette annexe, nous nous contentons d’une présentation simplifiée basée sur un modèle classique. L’enregistrement d’un spectre en onde continue a lieu en régime stationnaire [Bertrand, 2010, section 5.3.1], où les moments magnétiques de l’échantillon interagissent en permanence avec la composante magnétique B1(t) du rayonnement micro-onde. En RPE impulsionnelle, les moments magnétiques sont soumis à des séquences d’impulsions micro-ondes très brèves (quelques nanosecondes à quelques dizaines de nanosecondes) qui permettent de les « manipuler ». Entre deux impulsions, ils effectuent un mouvement de précession dans le champ statique B0. Nous décrivons dans cette annexe les séquences des expériences ESEEM, HYSCORE et PELDOR qui sont utilisées dans certains chapitres de ce livre. Nous supposons que le spectre RPE en onde continue de l’échantillon enregistré à la fréquence o se réduit à une unique raie inhomogène symétrique centrée en B0 = 2ro /c0. Cette raie résulte de la superposition de raies homogènes dues à des « paquets de spins » [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 5], chaque paquet p étant caractérisé par son rapport gyromagnétique cp. Dans une expérience de RPE impulsionnelle, l’échantillon
366
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
est placé dans le champ statique B0 et on s’intéresse au mouvement des moments créés par les paquets de spin et à celui de l’aimantation totale M de l’échantillon. Nous utilisons les notations de l’annexe 1 : les mouvements sont décrits soit dans le référentiel du laboratoire (x, y, z), où z est la direction de B0, soit dans le référentiel tournant (x’, y’, z’ = z), où x’ est la direction du champ B1(t) perpendiculaire à B0, qui tourne autour de B0 à la vitesse angulaire ~ = 2ro. Nous nous plaçons à la résonance où ~ = ~0 = c0B0.
1 - L’écho de spin et l’expérience ESEEM 1.1 - L’écho de spin La séquence la plus simple pour générer un écho de spin est la séquence à deux impulsions proposée pour la première fois par Hahn pour les spins nucléaires [Hahn, 1950] (figure A.2.1). ʌ
pFKR
ʌ IJ
IJ
Figure A2.1 - Génération d’un écho de spin par une séquence à 2 impulsions.
Nous supposons que les moments des paquets de spins sont initialement alignés dans leur direction d’équilibre z, créant une aimantation résultante M parallèle à z. »» Une impulsion r /2 (voir la section 2 de l’annexe 1) fait pivoter tous les moments de 90° autour de x’. Ils se retrouvent tous alignés dans la direction – y’ et il en est de même de leur résultante M (figure A2.2a). Après suppression de B1, les moments effectuent un mouvement de précession autour de z dans le plan (x’, y’). Si tous les paquets avaient le même facteur gyromagnétique c0, leurs moments tourneraient en phase à la vitesse ~0, l’aimantation M serait maximale et son mouvement génèrerait un signal de précession libre dans le détecteur (voir la section 3 de l’annexe 1). Dans le cas présent, le moment d’un paquet p tourne à la vitesse ~p = cpB0 qui est plus grande ou plus petite que ~0. Dans le référentiel tournant, ce mouvement est une précession à la vitesse positive ou négative ~p – ~0 : la précession a lieu dans un sens ou dans un autre et l’aimantation M diminue rapidement (figure A2.2b). »» Au temps x, on applique une impulsion r (figure A2.1) qui fait pivoter tous les moments de 180° autour de x’. Les moments continuent leur mouvement de précession à la même vitesse et dans le même sens (figure A2.2c). Il en résulte qu’au bout du temps x, ils se retrouvent alignés dans la direction y’. A cet instant, l’ai-
Annexe 2 - RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PERLDOR
367
mantation M redevient importante et génère dans le détecteur un signal appelé « écho de spin » (figure A2.2d). D
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Figure A2.2 - Mouvement des moments magnétique soumis à la séquence de la figure A2.1 (a) Les moments initialement dirigés selon z sont tous alignés selon – y’ après l’impulsion r /2. (b) Durant la durée x, les moments se déphasent et M diminue. (c) Les moments qui ont tourné de 180° autour de x’ sous l’effet de l’impulsion r, continuent leur précession dans le même sens. (d) Après la durée x, tous les moments sont alignés selon y ’. On observe un écho.
A ces phénomènes se superpose la décroissance de l’aimantation produite par la relaxation transversale, caractérisée par le « temps de mémoire de phase » électronique T em . Elle est due à la relaxation spin-spin (temps caractéristique T e2 , voir la section 3 de l’annexe 1) et à d’autres processus comme la diffusion spectrale et la diffusion instantanée. La génération d’un écho de spin résout le problème du « temps mort » qui retarde l’acquisition du signal après la fin de l’impulsion r / 2, et permet d’obtenir le spectre RPE en enregistrant l’amplitude de l’écho au cours d’un balayage de B0.
1.2 - L’expérience ESEEM à 2 impulsions Si on incrémente la durée x entre les deux impulsions (figure A.2.1) et on enregistre l’amplitude de l’écho en fonction de x, on obtient un signal qui décroît de façon
368
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
exponentielle à cause de la relaxation. Quand l’inhomogénéité de la raie RPE est due à des interactions hyperfines non-résolues, les composantes anisotropes de ces interactions créent une modulation qui se superpose à cette décroissance. En prenant la transformée de Fourier du signal modulé, on obtient le spectre ESEEM (Electron Spin Echo Enveloppe Modulation) où des pics apparaissent aux fréquences de résonance des noyaux couplés [Rowan et al., 1965]. Pour préciser la nature de ce spectre, considérons un noyau de spin I couplé à un centre paramagnétique de spin S. Au premier ordre du calcul des perturbations, son hamiltonien s’écrit : Ht I =− o N Itz + (a iso + TZZ ) StZ ItZ + TZX StZ ItX + TZY StZ ItY + l [3It2Z’ + h (It2X’ − ItY2’)] Les énergies sont exprimées ici en unités de fréquence. oN = gNbNB0 /h est la fréquence de Larmor du noyau, aiso est la constante hyperfine isotrope et les TIJ sont des composantes anisotropes dues aux interactions dipolaires [Bertrand, 2010, annexe 3]. l est la constante quadripolaire du noyau et h le paramètre d’asymétrie. L’axe z est la direction de B0, (X, Y, Z) sont les axes principaux de la matrice hyperfine et (X’, Y’, Z’) ceux de la matrice quadripolaire. Considérons le cas où S = ½ et I = ½. Les termes quadripolaires de l’hamiltonien disparaissent. Lorsque B0 est parallèle à l’axe Z de la matrice hyperfine, l’amplitude du signal est modulée par l’expression suivante : k V2p(x) = 1– 4 [2 – 2cos(2roax) – 2cos(2robx) [1] + cos (2r (oa + ob)x) + cos (2r(oa – ob)x)] Les fréquences oa et ob sont celles des transitions notées oRMN 1 et oRMN 2 sur la figure A3.1 de l’annexe 3. Elles sont données par : a iso + TZZ 2 T 2ZX + T 2ZY m + [2] 2 4 La quantité k, qui détermine l’amplitude de la modulation, est appelée « profondeur de modulation ». Elle est donnée par :
oa , b =
coN !
k=
o 2N (T 2ZX + T 2ZY ) o 2a o 2b
[3]
La transformée de Fourier de l’amplitude du signal modulé comporte des pics aux fréquences oa, ob et aux fréquences de combinaison oa + ob , oa – ob, qui permettent de déterminer oN et d’évaluer les TIJ. Lorsque les couplages hyperfins sont très inférieurs à oN, les équations [1] et [2] montrent que les pics se forment à la fréquence de Larmor oN et à 2oN, qui sont faciles à repérer sur le spectre. Dans ce cas, la position des pics n’apporte pas d’information sur les couplages, mais l’amplitude de la modulation en dépend (équation [3]).
Annexe 2 - RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PERLDOR
369
Il existe des expressions semblables aux équations [1] et [2] pour des valeurs quelconques de S et de I, et pour les cas où plusieurs noyaux sont couplés [Mims, 1972 (a), (b)]. L’analyse de la modulation permet généralement de déterminer la nature et le nombre des noyaux couplés au centre paramagnétique [Dikanov & Tsvetkov, 1992].
1.3 - L’expérience ESEEM à 3 impulsions La principale limitation de l’ESEEM à 2 impulsions est la décroissance rapide de l’amplitude de l’écho (temps caractéristique T em ) qui conduit à un élargissement des pics du spectre. Pour y remédier, on utilise la séquence ESEEM à 3 impulsions qui génère un écho stimulé. ʌ
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Figure A2.3 - Génération d’un écho de spin par une séquence à trois impulsions.
Dans cette expérience, x est fixé et on incrémente la durée T entre la 2ème et la 3ème impulsion. Pour S = ½ et I = ½, l’expression [1] est remplacée par : k V3p ^x, T h = 1 − 4 "61 − cos ^2ro a x h@61 − cos (2ro b (T + x)@ k V3p ^x, T h = 1 − 4 + [1 − cos (2ro b x)] [1 − cos (2ro a (T + x)] . La transformée de Fourier du signal modulé ne comporte que des pics aux fréquences oa et ob. Ces pics disparaissent d’ailleurs pour certaines valeurs de x, c’est ce qu’on appelle « l’effet de suppression de x ». Pour interpréter plus facilement le spectre, on l’enregistre en général pour différentes valeurs de x. Avec la séquence à 3 impulsions, la décroissance de l’amplitude de l’écho est déterminée par le temps de mémoire de phase nucléaire T nm qui est beaucoup plus long que T em et est de l’ordre de T e1 . Les raies du spectre sont plus fines que dans l’expérience à deux impulsions. Les séquences à plus de deux impulsions génèrent des échos multiples. Les échos indésirables sont éliminés par cyclage de phase : on répète la séquence plusieurs fois en faisant varier la phase de certaines impulsions et en sommant les échos obtenus. Lorsque le noyau couplé possède un spin I = 1 (cas de 2H ou 14N par exemple), le spectre ESEEM à 3 impulsions prend une allure particulière quand |aiso| /2 = oN (condition de « compensation exacte »). L’éclatement d’une multiplicité MS ne provient alors que de l’interaction quadripolaire, et on observe sur la partie basse fréquence du spectre trois pics fins dont la position est donnée par :
o0 = 2 lh, o– = l (3 – h), o+ = k (3 + h) = o0 + o–
370
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
La transition « DMI = ± 2 » (double quantum) de l’autre multiplicité donne un pic large à la fréquence : odq ≈ 2 [(oN + |aiso| /2)2 + l2 (3 + h2)]½ ≈ 4oN Dans les complexes où un ion Cu(II) est coordonné à un groupe imidazole en position équatoriale, la compensation exacte se produit en bande X pour le noyau 14N de l’azote distal (figure A2.4).
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Figure A2.4 - Spectre ESEEM à 3 impulsions en bande X d’une protéine où un ion Cu(II) est coordonné au groupe imidazole d’une histidine en position équatoriale. Le pic à o0 se manifeste ici par un épaulement. L’encart représente le schéma des niveaux d’énergie d’un centre de spin S = ½ couplé à un noyau de spin I = 1. Les fréquences nucléaires qui apparaissent sur le spectre ESEEM dans la situation de « compensation exacte » sont indiquées.
Il faut utiliser d’autres techniques pour étudier les autres interactions hyperfines qui existent dans ces complexes : la RPE en onde continue pour les interactions avec les noyaux 63Cu et 65Cu [Bertrand, 2010, section 4.4.3] et la spectroscopie ENDOR pour l’interaction avec le noyau de l’azote proximal, ligand de l’histidine. Des spectres ESEEM sont représentés sur la figure 4.16 de ce livre (complément 1 du chapitre 4). Des logiciels de simulation numérique sont décrits dans [Shane et al., 1998 ; Madi et al., 2002].
Annexe 2 - RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PERLDOR
371
2 - L’expérience ESEEM à 4 impulsions et l’expérience HYSCORE L’ESEEM à quatre impulsions est basée sur une séquence à 3 impulsions avec une impulsion r supplémentaire appliquée entre la deuxième et la troisième impulsion r /2. La dernière impulsion r /2 permet de générer l’écho stimulé. Dans la séquence à 4 impulsions représentée sur la figure A2.5, x est fixé. On obtient le spectre ESEEM en enregistrant l’amplitude de l’écho en fonction de t1 = t2. Pour certaines valeurs de x, cette séquence produit des modulations de grande amplitude qui génèrent des pics bien marqués aux fréquences nucléaires fondamentales et aux fréquences de combinaison. Le spectre est donc semblable à celui donné par la séquence à 2 impulsions, mais la décroissance de l’amplitude de l’écho et la largeur de raie sont déterminées par le temps de relaxation nucléaire T nm . Des spectres obtenus avec cette séquence sont représentés sur la figure 7.10, au chapitre 7 de ce livre. ʌ
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Figure A2.5 - Schéma de l’expérience ESEEM à 4 impulsions.
L’expérience HYSCORE (HYperfine Sublevel CORrElation spectroscopy), mise au point par Höfer et collaborateurs [Höfer et al., 1996], est une expérience d’ESEEM à 4 impulsions dans laquelle les temps t1 et t2 sont incrémentés de façon indépendante. La transformée de Fourier à 2 dimensions du signal modulé donne un spectre dans le plan (o1, o2), dont l’amplitude est représentée par des courbes de niveaux ou des couleurs : »» La diagonale (o1 = o2) est le spectre ESEEM. »» Des pics de corrélation, symétriques par rapport à la diagonale ou l’antidiagonale, apparaissent pour certaines valeurs de (o1, o2). Leur étude quantitative permet de déterminer les composantes isotrope et anisotrope des interactions hyperfines des noyaux couplés. Il existe aussi une version à 6 impulsions qui a l’avantage de s’affranchir des effets de suppression du temps x [Kasumaj & Stoll, 2008]. Les expériences HYSCORE sont très utiles pour analyser les spectres ESEEM complexes, en particulier ceux des systèmes où plusieurs noyaux sont couplés. Des spectres HYSCORE sont représentés sur les figures 4.17 (complément 1 du chapitre 4) et 7.11, 7.19 (chapitre 7) de ce livre.
372
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
3 - L’expérience PELDOR L’expérience PELDOR (Pulsed ELectron electron DOuble Resonance) a pour but de mesurer l’interaction dipolaire entre deux centres paramagnétiques A et B afin de déterminer leur distance r, qui est supposée assez grande pour que l’interaction d’échange soit négligeable. Ces mesures mettent en œuvre la séquence DEER (Double Electron Electron Resonance) à 4 impulsions. Dans la plupart des applications, ces centres (le plus souvent des nitroxydes) sont fixés sur des macromolécules biologiques et l’échantillon est une solution gelée. Considérons d’abord les molécules dans lesquelles l’angle entre l’axe intercentre et le champ B0 a une valeur donnée i, comprise entre 0 et 180°. La séquence DEER repose sur l’excitation sélective des centres A et B (figure A2.6a). L’excitation des centres A à la fréquence oobservable par la séquence r /2 - x1 - r - x1 génère un écho primaire et la séquence x2 - r - x2 génère un écho secondaire. Au temps t après la formation de l’écho primaire, on excite les centres B par une impulsion r à la fréquence opompe. A cause des interactions dipolaires entre A et B, l’amplitude de l’écho secondaire dépend de la valeur de t. La décroissance de cette amplitude en fonction de t est modulée à la pulsation ~dip(r, i) donnée par : n0 b2 gA gB [4] (3 cos 2 i − 1) 4r'r 3 Dans une solution gelée de molécules, l’angle i et donc la pulsation ~dip sont des grandeurs aléatoires. La transformée de Fourier de l’amplitude modulée (figures A2.6b et A2.6c) donne la distribution de ~dip. Quand toutes les directions sont équiprobables, la densité de probabilité de i est p(i) = sini [Bertrand, 2010 ,complément 3 du chapitre 4] et la distribution de ~dip est dominée par la composante ~dip(r, 90°). La densité de ~dip, calculée à la section 7.3.1 du livre [Bertrand, 2010] et représentée sur la figure 6.5 du même livre, est souvent appelée « doublet de Pake ». On peut déduire la distance r de la valeur de ~dip(r, 90°). Lorsque la valeur de r est distribuée dans l’échantillon, la « régularisation de Tikhonov » permet d’évaluer sa distribution (figure A2.6d) [Jeschke et al., 2006].
~ dip (r, i) =
En principe, cette méthode permet de mesurer des distances intercentre comprises entre 1,5 et 8 nm environ. En pratique, la précision de la mesure dépend beaucoup de la nature des centres paramagnétiques et de la concentration de l’échantillon [Pannier et al., 2000 ; Jeschke, 2002].
Annexe 2 - RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PERLDOR D
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Figure A2.6 - Expérience PELDOR réalisée sur une paire de radicaux nitroxydes greffés sur une protéine (voir la section 8.4.3 du chapitre 8). (a) Séquence DEER à 4 impulsions. Les fréquences d’irradiation oobs et opompe sont repérées sur le spectre d’absorption d’une solution gelée de protéines. (b) Décroissance en fonction de t de l’amplitude de l’écho, modulée par l’interaction dipolaire. (c) Distribution de la fréquence f = ~dip /2r obtenue par transformée de Fourier du signal représenté en (b) (doublet de Pake). Les maxima correspondent à i = 90°. (d) Distribution de la distance r obtenue après régularisation de Tikhonov (logiciel DeerAnalysis [Jeschke et al., 2006]). T = 60 K, Do = opompe – oobs = 72,12 MHz, durée des impulsions 16 ns pour r /2 et 32 ns pour r, x1 = 200 ns, x2 = 1200 ns.
Références Bertrand P. (2010) La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique, fondements, EDP Sciences, coll. Grenoble Sciences, Paris. Dikanov S.A. & Tsvetkov Y.D. (1992) Electron Spin Echo Envelope Modulation (ESEEM) Spectroscopy. CRC Press, Boca Raton. Hahn E.L. (1950) Physical Review 80 : 580-594.
374
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Höfer P. et al. (1996) Bruker Report 142 : 15 Jeschke G. (2002) Chem Phys Chem 3 : 927-932. Jeschke G. et al. (2006) Applied Magnetic Resonance 30 : 473-498. Junk M. (2012) Assessing the Functional Structure of Molecular Transporters by EPR Spectroscopy, Springer Verlag, Berlin. Kasumaj B. & Stoll S. (2008) Journal of Magnetic Resonance 190 : 233-247. Madi B.L., Van Doorslaer S. & Schweiger A. (2002) Journal of Magnetic Resonance 154 : 181-191. Mims W.B. (1972) (a) Physical Review B5 : 2409-2419. Mims W.B. (1972) (b) Physical Review B6 : 3543-3545. Pannier M. et al. (2000) Journal of Magnetic Resonance 142 : 331-340. Rowan L.G, Hahn E.L. & Mims W.B. (1965) Physical Review A137 : 61-71. Schweiger A. & Jeschke G. (2001) Principles of Pulse Electron Paramagnetic Resonance. Oxford University Press, New York. Shane J.J., Liesum L.P. & Schweiger A.. (1998) Journal of Magnetic Resonance 134 : 72-75.
Annexe 3 Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue Grimaldi S. Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines, UMR 7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, CNRS & Aix-Marseille Université, Marseille.
1 - Introduction La spectroscopie de double résonance électronique et nucléaire (ENDOR pour Electron Nuclear Double Resonance) est principalement dédiée à l’étude quantitative des interactions magnétiques entre les électrons non-appariés et les noyaux paramagnétiques environnants. Elle s’avère particulièrement utile pour détecter et mesurer les faibles couplages hyperfins difficiles, voire impossibles à étudier par RPE en onde continue. Cette technique a été initialement mise au point par G. Feher pour polariser les noyaux dans des substances paramagnétiques [Feher, 1956 (a), (b)]. En excitant judicieusement des transitions RPE et RMN par un double rayonnement micro-onde et radiofréquence, il a obtenu une polarisation nucléaire de l’ordre de grandeur de la polarisation électronique, qui permet de détecter le signal de RMN via la variation d’intensité des raies de RPE [Feher, 1956 (c)]. Initialement utilisée en physique du solide pour sonder la structure de semi-conducteurs dopés, la technique a étendu son champ d’application vers la chimie après les premières expériences d’ENDOR en solution [Cederquist, 1963 ; Hyde & Maki, 1964], puis vers les systèmes biologiques [Ehrenberg et al., 1968]. Plusieurs développements méthodologiques ont suivi les premières expériences d’ENDOR en onde continue, comme la triple résonance qui permet de mesurer le signe relatif des constantes de couplages hyperfins [Dinse et al., 1974] et l’ENDOR impulsionnelle [Mims, 1965] qui a considérablement élargi le champ d’application de la technique. L’objectif de cette annexe est de présenter le principe de l’ENDOR en onde continue et de préciser les informations que l’on peut en retirer. Pour plus de détails, le lecteur est invité à consulter des ouvrages [Kevan & Kispert, 1976 ; Kurreck et al., 1988 ; Lowe, 1995] ou des revues [Murphy & Farley, 2006 ; Kulik & Lubitz, 2009] traitant des développements méthodologiques et des applications de la spectroscopie ENDOR.
376
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
2 - Spectre ENDOR des radicaux en régime isotrope 2.1 - Position des raies ENDOR Considérons un radical (S = ½) dont l’électron non-apparié interagit avec un noyau de moment magnétique gNbNI avec I = ½, par exemple un proton. Lorsque ce radical est placé dans un champ magnétique B, son hamiltonien de spin s’écrit en régime isotrope [Bertrand, 2010, section 2.3.1] : ĤS = gisobB.S + AisoS.I – gNbNB.I Dans l’approximation du premier ordre du calcul des perturbations, les niveaux d’énergie sont donnés par :
E(MS, MI) = gisobBMS + Aiso MS MI – gNbN BMI
[1]
Il est commode d’exprimer les énergies en unités de fréquence. En divisant les deux membres de l’équation [1] par la constante de Planck h, on obtient : E(MS, MI) /h = oe MS + A’iso MS MI – oN MI
[2]
avec oe = gisobB /h et A’iso = Aiso /h. La quantité oN = gNbNB /h est la fréquence de Larmor du noyau dans le champ B. Dans le cas du proton, on a par exemple oN ≈ 14 MHz pour la valeur typique B = 0,34 T. Les niveaux d’énergie donnés par l’équation [2] sont représentés schématiquement sur la figure A3.1 où nous avons supposé Aiso > 0 et nous avons distingué les situations oN > A’iso /2 et A’iso /2 > oN. D
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Figure A3.1 - Schéma des niveaux d’énergie donnés par l’équation [2]. On a supposé Aiso > 0 et gN > 0, et on a distingué les cas (a) A’iso /2 < oN et (b) A’iso /2 > oN. Les fréquences des deux raies ENDOR sont données par oRMN = oN ± A’iso /2 dans le cas (a) et oRMN = A’iso /2 ± oN dans le cas (b). L’allure des spectres ENDOR est représentée dans les deux cas.
Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue
377
»» Les énergies des transitions RPE, qui vérifient la règle de sélection DMI = 0, DMS = ± 1, ne sont pas modifiées par le terme Zeeman nucléaire. Si oRPE est la fréquence du spectromètre, la position des raies est donnée par [Bertrand, 2010, section 2.3.1] :
Transition RPE 1 (MI = –½) : B1 = hoRPE /gisob + Aiso /2gisob
Transition RPE 2 (MI = ½) : B2 = hoRPE /gisob – Aiso /2gisob [3] »» Les transitions RMN sont déterminées par la règle de sélection ∆MI = ± 1, DMS = 0. La résonance a lieu pour les fréquences : oRMN 1 = |oN – A’iso /2| oRMN 2 = |oN + A’iso /2| Nous verrons dans la section suivante que les transitions RMN font varier l’amplitude du signal RPE. Le spectre ENDOR, qui représente cette variation d’amplitude quand on balaye la fréquence de l’onde radiofréquence, est donc constitué d’un motif de deux raies dont la position et l’éclatement dépendent des valeurs relatives de oN et |A’iso| /2 : a) Si oN > |A’iso| /2, le motif est centré sur la fréquence de Larmor nucléaire oN et son éclatement vaut |A’iso| (figure A3.1a). b) Si |A’iso /2 > oN, le motif est centré sur |A’iso| /2 et son éclatement vaut 2oN (figure A3.1 b). Dans les deux cas, le spectre ENDOR fournit la valeur absolue de la constante hyperfine Aiso et la valeur de oN qui permet d’identifier le noyau couplé. Lorsque ce noyau est un proton, la situation a) est la plus fréquente à cause de la valeur élevée de gN et donc de oN. Pour enregistrer le spectre ENDOR, on superpose le plus souvent au balayage en fréquence une modulation de faible amplitude de la fréquence. Les raies ENDOR ont donc des formes de dérivées, comme en RPE. Examinons maintenant le cas où l’électron non-apparié interagit avec plusieurs noyaux [Bertrand, 2010, section 2.4]. La figure A3.2 montre le schéma des niveaux d’énergie lorsqu’il existe 4 noyaux équivalents de spin I = ½. C’est par exemple le cas du radical anionique p-benzosemiquinone qui contient quatre protons équivalents. En régime isotrope, le spectre RPE comporte 5 raies équidistantes séparées de Aiso /gisob dont les intensités relatives (1:4:6:4:1) sont données par le triangle de Pascal [Bertrand, 2010, chapitre 2, complément 2]. Toutes les transitions RMN associées à une valeur donnée de MS ayant la même fréquence, le spectre ENDOR ne comporte que deux raies en oRMN 1 et oRMN 2 (figure A.3.2).
378
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Figure A3.2 - Niveaux d’énergie d’un centre de spin S = ½ couplé à quatre protons équivalents (I = ½). On a supposé Aiso > 0 et oN > A’iso /2. Les spectres RPE et ENDOR sont représentés.
Dans le cas général où il existe p groupes de ni noyaux couplés équivalents de spin Ii, le nombre total de raies hyperfines du spectre RPE est donné par [Bertrand, 2010, équation 2.12] :
p
N (p, n i, I i) = % (2n i I i + 1) i=1
Par contre, le spectre ENDOR ne comporte que p paires de raies. Dans une expérience d’ENDOR homonucléaire (c’est-à-dire où on ne s’intéresse qu’à un seul type de noyau), la plage couverte par ce spectre est égale à |A’max| où A’max est la constante hyperfine la plus élevée. Pour illustrer ceci, considérons par exemple le radical phenalenyl qui possède un groupe de 3 protons équivalents et un groupe de 6 protons équivalents (figure A3.3). En régime isotrope, le spectre RPE comporte 4 × 7 = 28 raies alors que le spectre ENDOR ne comporte que 2 paires de raies centrées sur la fréquence de Larmor du proton. L’examen du spectre ENDOR donne immédiatement le nombre de groupes de protons équivalents. Le nombre de protons équivalents dans chaque groupe peut être déterminé par des expériences de triple résonance [Murphy & Farley, 2006]. La structure hyperfine du spectre RPE de la figure A3.3 est bien résolue et pourrait être interprétée directement. Mais le spectre RPE de nombreux radicaux comportant un très grand nombre de protons plus ou moins fortement couplés est constitué d’un massif compact de raies hyperfines qu’il est impossible d’analyser. Dans ce cas, il faut nécessairement recourir à la spectroscopie ENDOR.
Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue
379
Pour terminer cette section, précisons que les noyaux de spin I > ½ donnent 2I paires de raies ENDOR en régime isotrope. Dans ce régime, les interactions quadripolaires n’interviennent pas. D 53(
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Figure A3.3 - Spectres RPE et ENDOR du radical phenalenyl obtenus en mode dérivé. Sur le spectre RPE, les nombres représentent les intensités relatives des raies hyperfines des 2 groupes de protons équivalents et la flèche indique le champ auquel le spectre ENDOR a été enregistré.
2.2 - Effet des transitions RMN sur l’amplitude des raies RPE Le phénomène ENDOR Revenons aux 4 niveaux d’énergie de la figure A.3.1. A l’équilibre thermique, leurs populations relatives sont déterminées par la distribution de Boltzmann. Sur cette figure (comme sur la figure A.3.2) les échelles ne sont pas du tout respectées. En effet, la séparation des niveaux repérés par MS = ½ et MS = – ½ est égale à oe alors que leur éclatement est de l’ordre de oN qui est plus petit de 3 ordres de grandeur. Il en résulte que si on note a, b, c, d ces niveaux d’énergie (figure A3.4a), leurs populations vérifient à une très bonne approximation les relations suivantes [Bertrand, 2010, section 1.4.4] : n(a) = n(d) ; n(b) = n(c) n(b) /n(a) = e -ho e /k B T = 1 – hoe /kBT Les populations relatives des 4 niveaux peuvent donc s’écrire comme indiqué sur la figure A3.4a, avec ho f = 2k eT 11 1 B Si on donne au champ magnétique la valeur B2 du champ de résonance de la transition RPE2 (équation [3]), le rayonnement micro-onde induit les transitions a ) b et l’intensité de la raie RPE qui en résulte est proportionnelle à la différence de population
380
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
[Bertrand, 2010, chapitre 5], qui vaut 2f à l’équilibre thermique (figure A3.4a). Si on sature complètement la transition, on obtient n(a) = n(b) (figure A3.4b) et la raie disparaît. Mais elle peut réapparaître partiellement si on fait interagir les moments nucléaires avec une onde radio de forte puissance et de fréquence appropriée. En effet, les transitions de fréquence oRMN 1 entre les niveaux b et c tendent à égaliser leurs populations et donc à rétablir une différence de population entre a et b. Si la puissance de l’onde radiofréquence est suffisante pour saturer la transition RMN, on obtient les populations relatives indiquées sur la figure A3.4c. La différence de population entre les niveaux a et b devient égale à f /2 et la raie RPE retrouve 25 % de son intensité. De même, les transitions de fréquence oRMN 2 entre les niveaux a et d tendent à égaliser leurs populations, ce qui conduit aux populations relatives de la figure A3.4d et la raie RPE retrouve encore 25 % de son intensité initiale. On observe donc un des spectres ENDOR de la figure A3.1, où oN est la fréquence de Larmor qui correspond au champ B2. Le même raisonnement s’applique si le champ magnétique a la valeur B1 du champ de résonance de la transition RPE1 (équation [3]). On obtient le même spectre ENDOR, mais avec la valeur de oN correpsondant à B1. D
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Figure A3.4 - Effet des transitions RMN 1 et RMN 2 sur les populations des niveaux a-d de la figure A3.1a. On suppose que le champ magnétique a la valeur B2 du champ de résonance de la transition RPE 2. Les transitions saturantes sont représentées en traits épais.
En fait, la fraction de signal RPE récupérée grâce aux transitions de RMN dépend beaucoup des temps caractéristiques des multiples processus de relaxation qui permettent au système de revenir à l’équilibre thermique. Ces processus sont dominés par les transitions électroniques, mais ils incluent aussi les transitions nucléaires et les transitions mixtes électroniques/nucléaires. La fraction récupérée dépend aussi de la température et des puissances micro-onde et radiofréquence utilisées. Ceci
Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue
381
explique pourquoi les intensités relatives des raies ENDOR ne reflètent pas nécessairement le nombre de noyaux couplés. En pratique, l’intensité des raies ENDOR ne représente que quelques pour cent de celle des raies RPE.
3 - Spectre ENDOR d’une poudre polycristalline ou d’une solution gelée Le spectre ENDOR des molécules en solution est simple à interpréter mais il ne fournit que la composante isotrope des interactions hyperfines. L’analyse des spectres ENDOR des poudres polycristallines et des solutions gelées est plus complexe, mais elle permet de déterminer les valeurs principales de la matrice Ã, d’en déduire la matrice dipolaire et par conséquent la distance des noyaux couplés [Bertrand, 2010, annexe 3]. Le spectre RPE des poudres polycristallines et des solutions gelées résulte de la superposition des raies données par l’ensemble des centres paramagnétiques de l’échantillon, qui sont orientés de façon aléatoire par rapport au champ B. Cette superposition fait généralement disparaître les éclatements de raies dus aux faibles interactions. C’est d’autant plus vrai que les raies de résonance sont souvent élargies par les phénomènes de type g-strain ou A-strain, [Bertrand, 2010, section 9.5.3]. Les structures dues aux faibles interactions hyperfines sont donc rarement visibles sur le spectre RPE de ce type d’échantillon. Il existe cependant des exceptions, comme par exemple les spectres de certains centres Cu(II) (voir le chapitre 4 de ce livre). Pour comprendre la nature du spectre ENDOR donné par ce type d’échantillon pour une valeur B = Bres du champ magnétique, il faut prendre en compte les phénomènes suivants : »» Les raies RPE des échantillons solides sont souvent inhomogènes, c’est-à-dire qu’elles résultent de la superposition de raies homogènes dues à des « paquets de spins » [Bertrand, 2010, complément 3 du chapitre 5]. Dans l’expérience d’ENDOR, on sature essentiellement le paquet de spin centré en Bres et un peu les paquets adjacents. C’est donc essentiellement ce paquet qui est « désaturé » par les transitions ENDOR. Il en résulte que la largeur des raies ENDOR est du même ordre que celle des raies homogènes des paquets de spins, éventuellement augmentée des effets de A strain. »» Le spectre ENDOR est dû aux centres paramagnétiques dont l’orientation par rapport à B est telle que leur raie de résonance se forme en Bres. En choisissant des valeurs particulières de Bres, on peut sélectionner des sous-ensembles de centres paramagnétiques dont l’orientation par rapport à B est bien définie, ce qui simplifie l’interprétation des spectres.
382
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Illustrons ces différents points par l’exemple d’un centre à molybdène. L’ion Mo5+ ayant pour configuration (4d1), les complexes Mo(V) sont caractérisés par S = ½ et 3 valeurs principales de la matrice g˜ légèrement inférieures à ge [Bertrand, 2010, section 4.2.2]. Nous avons représenté sur la figure A3.5a le spectre RPE bande X du centre Mo(V) de la nitrate réductase de la bactérie Escherichia coli. Environ 25 % des noyaux molybdène sont paramagnétiques avec I = 5⁄² [Bertrand, 2010, tableau 2.2]. Ils donnent une structure hyperfine qui se manifeste par des signaux satellites du massif principal, repérés par des astérisques sur la figure. La simulation numérique donne gx = 1,962 ; gy = 1,981 ; gz = 1,987. Le spectre ENDOR des protons a été enregistré pour les valeurs canoniques Bx, By et Bz correspondantes (figure A3.5b). Il comporte des structures bien résolues (largeur pic à pic de l’ordre de 0,1 MHz) pratiquement symétriques par rapport à la fréquence de Larmor du proton, dont la forme varie avec la valeur du champ de résonance. D 53(
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Figure A3.5 - Spectres RPE et ENDOR du centre Mo(V) de la nitrate réductase A de Escherichia coli. (a) Spectre RPE. Température 50 K, fréquence micro-onde 9,424 GHz, puissance 4 mW, amplitude de la modulation 0,4 mT à 100 kHz. (b) Spectres ENDOR enregistrés pour les champs de résonance correspondant aux 3 valeurs principales de la matrice g ˜ , repérés par des flèches sur la figure A3.5a : A : gz = 1,987, B : gy = 1,981, C : gx = 1,962. Température 25 K, fréquence micro-onde 9,471 GHz, puissance micro-onde 25 mW, puissance radiofréquence ~ 100 W, profondeur de la modulation radiofréquence 100 kHz.
Pour comprendre l’origine de ces structures, supposons qu’un seul proton interagisse avec le centre Mo(V). Nous supposons que cette interaction a lieu à grande distance de sorte que la matrice hyperfine est axiale [Bertrand, 2010, Annexe 3], et que ses axes principaux diffèrent de ceux de la matrice g˜ . Le spectre ENDOR qui résulte de cette interaction a été calculé pour les valeurs Bx, By, Bz du champ (figure A3.6). Considérons par exemple le spectre calculé pour B = Bx. La raie RPE en Bx est due aux centres paramagnétiques dont l’axe magnétique x est parallèle au champ B, qui se déduisent l’un de l’autre par rotation autour de x [Bertrand, 2010, complément 2 du chapitre 4]. La matrice hyperfine étant anisotrope, cette rotation fait varier
Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue
383
les niveaux d’énergie et par conséquent la fréquence des raies ENDOR. Le spectre ENDOR calculé pour B = Bx est donc constitué d’un ensemble de paires de raies dont la superposition donne les structures de la figure A3.6. C’est aussi le cas des spectres calculés pour B = By et B = Bz. %]
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Figure A3.6 - Calcul du spectre ENDOR résultant du couplage du centre Mo(V) avec un seul proton. On suppose que le centre Mo(V) qui donne le spectre RPE de la figure A3.5a interagit avec un seul proton et que la matrice à est axiale avec A9 = 4,7 MHz, A// = 6,6 MHz. L’orientation des axes principaux de cette matrice par rapport aux axes (x, y, z) de la matrice g ˜ est définie par les angles d’Euler (0°, 45°, 0°). Les spectres sont calculés pour les valeurs Bx, By, Bz du champ magnétique qui correspondent à (gx, gy, gz), avec le logiciel Easyspin [Stoll & Schweiger, 2006].
Les centres paramagnétiques qui forment leur raie de résonance en By ont des orientations plus variées que ceux qui forment leurs raies en Bx et en Bz [Bertrand, 2010, complément 2 du chapitre 4]. On s’attend donc à ce que la plage de fréquence couverte par le spectre ENDOR soit plus large pour cette valeur du champ (figure A3.6). Avec l’orientation des axes principaux de la matrice à que nous avons choisie, la séparation des pics externes du spectre calculé pour B = By est égale à 6,6 MHz, qui est la valeur de A//, et celle des pics internes est égale à 4,7 MHz, qui est la valeur de A9. En général, il faut simuler les spectres enregistrés pour une série de valeurs de B pour déterminer les valeurs principales de la matrice à et l’orientation de ses axes principaux par rapport à ceux de la matrice g˜ .
4 - Comparaison avec l’ENDOR impulsionnelle et les autres spectroscopies à haute résolution Les expériences d’ENDOR impulsionnelle sont basées principalement sur les séquences mises au point par W. B. Mims [Mims, 1965] et par E. R. Davies [Davies,
384
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
1974]. Elles consistent à mesurer la variation d’intensité d’un écho de spin électronique généré par des impulsions micro-ondes sélectives (c’est-à-dire n’agissant que sur une seule des transitions telles que oRPE 1 ou oRPE 2 sur la figure A3.1) (ENDOR de Davies), ou non-sélectives (ENDOR de Mims), lorsqu’on fait varier la fréquence d’une impulsion radiofréquence intercalée dans la séquence des impulsions microondes (voir l’annexe 2). Les deux techniques sont complémentaires : l’ENDOR de Davies est bien adaptée à la détection des noyaux fortement couplés alors que l’ENDOR de Mims est surtout utilisée pour étudier les faibles interactions. Les techniques d’ENDOR impulsionnelle sont moins sensibles aux artefacts expérimentaux dus à la double irradiation simultanée utilisée en mode continu. Elles sont aussi plus généralement applicables : un signal peut être détecté lorsque a) le temps de mémoire de phase électronique T em est suffisamment long pour qu’on puisse observer un écho de spin (voir la section 1.1 de l’annexe 2) et b) le temps de relaxation électronique spinréseau T e1 est supérieur ou au moins comparable à la durée de l’impulsion radiofréquence. En solution fluide, les raies RPE sont généralement homogènes et seule la spectroscopie ENDOR en onde continue est utilisable. Par contre, l’ENDOR impulsionnelle est souvent mieux adaptée pour étudier les échantillons en milieu solide. D’autres techniques d’ENDOR impulsionnelle ont été développées [Schweiger & Jeschke, 2001]. Les expériences d’ESEEM (Electron Spin Echo Enveloppe Modulation) et d’ENDOR sont complémentaires car elles fonctionnement de manière optimale dans des situations différentes. La spectroscopie ESEEM est mieux adaptée pour détecter les transitions nucléaires de faible fréquence qui apparaissent en particulier dans la situation de « compensation exacte », dans un régime intermédiaire entre les situations de couplages forts et faibles (section 1.3 de l’annexe 2). Cependant, l’intensité des impulsions micro-onde accessible expérimentalement limite la fenêtre spectrale qui peut être couverte par cette méthode opérant dans le domaine temporel. Un avantage important des expériences d’ENDOR sur les expériences d’ESEEM est que leur sensibilité intrinsèque augmente avec la fréquence micro-onde utilisée. De plus, lorsque l’anisotropie de la matrice g˜ n’est pas résolue sur le spectre RPE bande X (situation fréquente pour les espèces radicalaires), l’enregistrement et l’analyse de spectres ENDOR enregistrés à des fréquences plus élevées que celle de la bande X permet d’étudier l’anisotropie des interactions hyperfines et les éventuelles interactions quadripolaires des noyaux couplés. Enfin, l’utilisation d’une fréquence RPE plus élevée permet de mieux séparer les raies ENDOR données par des noyaux de natures différentes.
Références Abragam A. & Bleaney B. (1971) Résonance Paramagnétique Electronique des Ions de Transition, Presses Universitaires de France, Paris.
Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue
385
Bertrand P. (2010) La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique, fondements, EDP Sciences, coll. Grenoble Sciences, Paris. Cederquist A.L. (1963) Thèse de doctorat, Washington University, St. Louis. Davies E.R. (1974) Physics Letters A 47 : 1-2. Dinse K.P. et al. (1974) Journal of Chemical Physics 61 : 4335-4341. Ehrenberg et al. (1968) Biochimica et Biophysica Acta 167 : 482-484. Feher G. (1956) (a) Physical Review 103 : 500-501. Feher G. (1956) (b) Physical Review 103 : 834-835. Feher G. (1956) (c) Physical Review 103 : 501-503. Hyde J. S. & Maki A.H. (1964) Journal of Chemical Physics 40 : 3117-3118. Kevan L. & Kispert L.D. (1976) Electron Spin Double Resonance Spectroscopy, WileyInterscience, New York. Kulik L. & Lubitz W. (2009) Photosynthesis Research 102 : 391-401. Kurreck H. et al. (1988) Electron Nuclear Double Resonance Spectroscopy of Radicals in Solution. Application to Organic and Biological Chemistry, VCH Publishers, Inc., New York. Lowe D. J. (1995) ENDOR and EPR of Metalloproteins, Springer, Heidelberg. Mims W. B. (1965) Proceeding of the Royal Society London A 283 : 452-457. Murphy D. M. & Farley R.D. (2006) Chemical Society Review 35 : 249-68. Schweiger A. & Jeschke G. (2001) Principles of Pulse Electron Paramagnetic Resonance, Oxford University Press, Oxford. Stoll S. & Schweiger A. (2006) Journal of Magnetic Resonance 178 : 42-55.
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Annexe 4 Des macromolécules aux fonctions très variées : les protéines Belle V. & Bertrand P.
On sait depuis le milieu du xixe siècle que les protéines sont des constituants essentiels des cellules biologiques, mais l’extrême diversité de leurs structures et de leurs fonctions n’est apparue qu’au cours des travaux réalisés depuis une cinquantaine d’années. La description de la structure de ces macromolécules complexes a pour but de faciliter la lecture des chapitres 4, 6 et 8.
1 - De la séquence à la structure Une protéine est constituée d’une chaîne « polypeptidique » dont les maillons sont des acides aminés que l’on appelle les résidus de la protéine. La séquence ou structure primaire de la protéine, c’est-à-dire la succession des acides aminés qui composent la chaîne, est déterminée par la séquence du gène qui code pour cette protéine. Les plus petites protéines comportent une soixantaine de résidus pour une masse molaire d’environ 6 kDa (1 Da = 1 g mol–1) (exemple : 5,8 kDa pour l’insuline), les plus grandes plusieurs milliers de résidus pour une masse molaire de plusieurs centaines de kDa (ex : 480 kDa pour la myosine). On réserve habituellement le nom de « peptide » aux chaînes courtes, comportant moins d’une cinquantaine de résidus. Chaque maillon de la chaîne est constitué de groupements amide N–H et carbonyle C=O et d’un groupement HCR dont le carbone est dit carbone « alpha » (Ca), où R représente la chaîne latérale d’un acide aminé (figure A4.1). La chaîne polypeptidique débute par un groupement aminé NH3+ lié au Ca du premier acide aminé (extrémité N-terminale) et se termine par un groupement carboxylate COO– lié au Ca du dernier acide aminé (extrémité C-terminale). Par convention, les acides aminés sont numérotés en commençant par l’extrémité N-terminale. Les protéines de tous les êtres vivants sont bâties à partir de 20 acides aminés qui se différencient par la nature de leur chaîne latérale (tableau A4.1). Pour les désigner, on
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
utilise un code à une lettre ou à 3 lettres (première et deuxième colonne du tableau 1). Un peptide de 16 acides aminés est représenté au chapitre 4 (figure 4.13). 1į 8QLWp SHSWLGLTXH &ȕ+ 2 + 1 2
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1 +
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1+ &KDvQHODWpUDOH G XQHKLVWLGLQH + 1
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Figure A4.1 - Enchaînement d’une cystéine et d’une histidine dans une chaîne polypeptidique. L’unité peptidique est plane mais les rotations autour des liaisons Ca–CO et Ca–NH autorisent de très nombreuses géométries de la chaîne. L’enchaînement des motifs –Ca–CO–NH–Ca– constitue le « squelette peptidique » de la protéine.
Les propriétés chimiques et électrostatiques des chaînes latérales sont très variables (dernière colonne du tableau A4.1) et elles déterminent en grande partie la manière dont la chaîne polypeptidique se replie pour former un édifice tridimensionnel plus ou moins compact. Tableau A4.1 - Les 20 acides aminés qui composent les protéines des êtres vivants.Certains, qui possèdent des chaînes latérales ionisables, sont chargés à pH 7. Code 1 lettre Code 3 lettres Acide aminé (résidu) Nature de la chaîne latérale A Ala Alanine apolaire, aliphatique C Cys Cystéine polaire D Asp Acide aspartique acide (-) E Glu Acide glutamique acide (-) F Phe Phénylalanine apolaire, aromatique G Gly Glycine apolaire, aliphatique H His Histidine basique, aromatique I Ile Isoleucine apolaire, aliphatique K Lys Lysine basique (+) L Leu Leucine apolaire, aliphatique M Met Méthionine apolaire N Asn Asparagine polaire P Pro Proline apolaire Q Gln Glutamine polaire R Arg Arginine basique (+) S Ser Sérine polaire T Thr Thréonine polaire V Val Valine apolaire, aliphatique W Trp Tryptophane apolaire, aromatique Y Tyr Tyrosine polaire, aromatique
Annexe 4 - Des macromolécules aux fonctions très variées : les protéines
389
On détermine la séquence des protéines par des méthodes d’analyse biochimique et/ ou par spectrométrie de masse. On peut aussi la déduire de la séquence de l’ADN du gène qui code pour la protéine. Des segments de la chaîne polypeptidique se replient souvent pour former des structures répétitives stabilisées par des liaisons hydrogène entre les groupements C=O et N–H de différents résidus (figure A4.2). Lorsque les résidus qui interagissent sont proches dans la séquence, le squelette peptidique prend la forme d’une hélice a de pas 5,4 Å, les chaînes latérales étant dirigées vers l’extérieur. Dans les feuillets b, des segments situés face à face interagissent via un réseau de liaisons hydrogène et le squelette peptidique adopte une structure étirée. Les hélices a et les feuillets b sont des éléments de structure secondaire. D
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Figure A4.2 - Eléments de structure secondaire et leur représentation schématique ; (a) hélice a ; (b) feuillet b. Les pointillés représentent les liaisons hydrogène entre les groupements C=O et N–H de différents résidus.
L’organisation spatiale de ces éléments et des boucles qui les relient constitue la structure tertiaire de la protéine, dont la cohésion est assurée par de nombreuses interactions non-covalentes impliquant les chaînes latérales et, parfois, le squelette peptidique (figure A4.3). +pOLFHĮ
)HXLOOHWVȕ Figure A4.3 - Structure cristallographique du complexe formé par la lipase pancréatique humaine et la colipase. La structure secondaire comporte des hélices a et des feuillets b.
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Ces interactions sont, par ordre d’énergie croissante : les interactions de van der Waals, les liaisons électrostatiques entre groupes chargés, les liaisons hydrogène, les liaisons hydrophobes entre groupes apolaires. Pour assurer leur fonction, les protéines sont parfois organisées en domaines qui possèdent une certaine individualité. Certaines protéines sont formées par l’association de plusieurs chaînes polypeptidiques dont l’arrangement constitue la structure quaternaire. Dans ce cas, on dit que chaque chaîne polypeptidique constitue une sous-unité de la protéine. On détermine la structure tridimensionnelle des protéines par des expériences de diffraction des rayons X effectuées sur des monocristaux ou de résonance magnétique nucléaire (surtout des noyaux d’azote et d’hydrogène) en solution. Les structures sont collectées dans une banque de données, la Protein Data Bank (PDB) de Brookhaven, et sont accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique. Alors que 7 structures seulement étaient connues en 1971, près de 80 000 le sont actuellement. Les « structures moyennes » des édifices protéiques données par ces techniques sont riches en informations, mais elles sont trompeuses. Aux températures physiologiques, les protéines sont des structures en mouvement dont la dynamique complexe résulte de la combinaison de vibrations et de rotations à des échelles de temps très variables [Mittermaier & Kay, 2006]. Cette dynamique confère à la protéine une certaine flexibilité qui favorise les changements de conformations nécessaires à la fonction de certaines protéines. Cette flexibilité est particulièrement grande dans le cas des petits peptides et des protéines ou domaines de protéines dits « intrinsèquement désordonnés » qui n’ont pas de conformation stable dans les conditions physiologiques. Cette difficulté à se replier est due à leur séquence riche en acides aminés chargés et pauvre en acides aminés hydrophobes. Lorsque la chaîne polypeptidique de ces peptides ou protéines comporte des sites de coordination pour des ions métalliques, elle peut se replier de façon à former des complexes stables avec ces ions. L’étude par RPE de la complexation du cuivre par les peptides et les domaines désordonnés des protéines impliqués dans certaines maladies neurodégénératives est décrite au chapitre 4.
2 - De la structure à la fonction Chaque protéine possède une fonction particulière liée à sa structure. Certaines agissent en solution, d’autres sont insérées dans des membranes. Les protéines sont impliquées dans pratiquement toutes les fonctions cellulaires et quelques exemples suffisent à montrer la diversité de leurs fonctions : Catalyse : la quasi totalité des réactions chimiques qui ont lieu dans les cellules
biologiques sont catalysées par des protéines spécifiques, les enzymes. Ces protéines possèdent un site actif où a lieu l’activation des réactifs (voir le chapitre 6).
Annexe 4 - Des macromolécules aux fonctions très variées : les protéines
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Transport : l’hémoglobine des globules rouges et la myoglobine des cellules mus-
culaires transportent le dioxygène. Ce sont les premières protéines dont la structure cristallographique a été résolue. [Kendrew et al., 1958 ; Perutz et al., 1960, conjointement prix Nobel de chimie 1962]. Certaines protéines sont spécialisées dans le transport et le stockage des ions métalliques. Par exemple, la ferritine des mammifères qui contient 24 sous-unités comportant chacune 175 acides aminés, peut accepter jusqu’à 4500 ions Fe3+, soit environ un ion par acide aminé ! Ce sont aussi des protéines qui assurent le transport des petites molécules à travers les pores des membranes cellulaires. Mouvement : ce sont des protéines contractiles comme l’actine et la myosine qui
sont responsables de la contraction musculaire.
Signalisation cellulaire : les récepteurs hormonaux sont des protéines généralement
insérées dans des membranes. De nombreuses hormones, comme l’insuline et l’hormone de croissance, sont des protéines. Immunologie : les anticorps sécrétés par les plasmocytes sont des protéines. Maintien de structures : certaines protéines comme le collagène et la kératine parti-
cipent au soutien des tissus. Les protéines du cytosquelette jouent un rôle analogue dans les cellules. Les protéines intrinsèquement désordonnées : on considère actuellement que plus
du tiers des protéines des cellules eucaryotes possèdent des domaines désordonnés comportant plus de 30 acides aminés. Leur grande flexibilité leur permet d’interagir avec de multiples partenaires et leur rôle dans de nombreux processus est maintenant reconnu : processus cellulaires (régulation, division cellulaire…), processus de reconnaissance moléculaire, rôle clé dans les maladies neurodégénératives. Ces protéines prennent souvent une conformation bien définie lorsqu’elles interagissent avec leurs partenaires physiologiques.
3 - Apport de la RPE à l’étude des protéines La RPE permet d’obtenir des informations structurales sur les protéines et de mieux comprendre leur fonctionnement à l’échelle moléculaire. On peut classer ses applications en deux catégories : »» Le fonctionnement de nombreuses protéines repose sur la présence de « groupes prosthétiques » liés aux chaînes latérales par des liaisons faibles ou covalentes, qui peuvent souvent être préparés dans un état d’oxydation paramagnétique. Les groupes organiques comme les flavines, les quinones et les chlorophylles, donnent des signaux RPE radicalaires à température ambiante. Les centres métalliques, mononucléaires ou polynucléaires, donnent des spectres très variés qui ne sont
392
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
généralement observables qu’aux températures cryogéniques. On trouve en particulier ce type de cofacteur dans les enzymes d’oxydo-réduction et des exemples d’applications de la RPE à l’étude de la structure et du mécanisme catalytique de ces enzymes sont décrits au chapitre 6. »» Dans d’autres applications, un ou plusieurs radicaux nitroxyde greffés sur des sites bien définis d’une protéine jouent le rôle de sondes paramagnétiques : l’étude détaillée de la forme de leur spectre RPE et de leurs propriétés de relaxation apporte des informations sur l’environnement du site de fixation. Cette méthode permet d’étudier les changements de conformation de certaines protéines produits par l’interaction avec leurs partenaires physiologiques. Deux exemples sont décrits au chapitre 8 : le changement de conformation de la lipase pancréatique humaine (figure A4.3), une enzyme clé de notre système digestif, et le repliement d’un domaine intrinsèquement désordonné de la nucléoprotéine du virus de la rougeole. Toutes ces études bénéficient des possibilités offertes par les techniques de « mutagénèse dirigée », qui permettent de remplacer un acide aminé par un autre en modifiant la séquence du gène codant pour la protéine. Par exemple, le remplacement d’un acide aminé liant le groupe prosthétique d’une protéine par un autre résidu modifie ses propriétés spectroscopiques et affecte le fonctionnement de la protéine. Lorsque ce groupe est paramagnétique, la RPE permet de corréler ses variations structurales aux variations d’activité de la protéine. De même, pour fixer un radical nitroxyde sur une position bien déterminée de la chaîne polypeptidique, on remplace l’acide aminé situé à cette position par une cystéine. Précisons pour terminer que les études de RPE sont généralement effectuées sur des solutions aqueuses de protéines purifiées, dans des tubes capillaires ou des cellules plates à température ambiante, dans des tubes RPE aux températures cryogéniques. La concentration des échantillons est habituellement de l’ordre de 10 à 100 nM.
Références Bertrand P. (2010) La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique, fondements, EDP Sciences, coll. Grenoble Sciences, Paris. Kendrew J.C. et al. (1958) Nature 181 : 662-665. Mittermaier A. & Kay L.E. (2006) Science 312 : 224-228. Perutz M.F. et al. (1960) Nature 185 : 426-422.
Index A
accessibilité . . . . . . . . . . . . . . 211, 213, 218 acide aminé . . . . . . . . . . . . . . . . 19, 81, 134, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152, 167, 210, 388 adduit de spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50, 52 agent de contraste . . . . . . . . . 291, 314, 316 agent relaxant . . . . . . . . . . . . . . . . 211, 213 agrégat protéique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 aimantation . . . . . . . . . . . . . . 237, 246, 254, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284, 319, 327, 333 aimantation à saturation . . . . . . . . . . . . 339 aimantation macroscopique . . . . . . . . . 359 alanine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2, 19 altération des roches . . . . . . . . . . . . . . . 105 anisotropie magnétique de surface . . . . . . . . . . . . . . . . . 337, 350 argile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33, 166
B
bactérie endolithique . . . . . . . . . . . 167, 191 bassin amazonien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 bassin versant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29, 45 Big Bang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
C
carbonate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 6, 167 carbone 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 catalyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205, 390 cellule plate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 centre - A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 - à molybdène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 382 - fer-soufre . . . . . . . . . . . . . 145, 159, 265 - métallique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98, 134 - métallique polynucléaire . . . . . . . . . 134 - réactionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 - rédox . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 chaîne latérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387 chaîne polypeptidique . . . 85, 138, 210, 387
champ - de ligand . . . . . . . . . . . . . . . 88, 134, 142 - démagnétisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327 - effectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332 changement de conformation . . . . . . . . . 85 charbon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29, 172 cinétique de piégeage . . . . . . . . . . . . . . . 71 code-barre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 coefficient de diffusion relative . . . 299, 306 complexe - Cu(II) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81, 137 - de Gd3+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291, 310 - Mn4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 composé nitroso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 concentration en spins . . . . . . . . . . . 32, 174 conjugaison . . . . . . . . . . . . . . 233, 237, 239 constante - d’anisotropie . . . . . . . . . . . . . . . 335, 338 - de couplage hyperfin (cchf) . . . . . 50, 58 - hyperfine . . . . . . 137, 155, 207, 239, 368 - quadripolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368 corail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 corindon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 corps ferromagnétique . . . . . . . . . 232, 327 couche mince monocristalline . . . . . . . . 333 couplage hyperfin . . . . . . 55, 134, 236, 375 couplage spin-orbite . . . . . . . . . . . 158, 233, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278, 302, 327, 328 courbe de saturation . . . . . . . 213, 219, 246 courbe de sensibilité . . . . . . . . . . . 6, 7, 122 cristallochimie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 cyclage de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 cycle catalytique . . . . . . . . . . . . . . 131, 139
D
datation par RPE . . . . . . . . . . . . . . 3, 6, 122 débit de dose . . . . . . . . . . . . . . 2, 7, 20, 123 DEER (Double Electron Electron Resonance) . . . . . . . . . . . . . . . . 215, 372
394
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
défaut d’empilement . . . . . . . . . . . . . . . 107 défaut paramagnétique . . . . . . . 6, 115, 189 dégradation des sols . . . . . . . . . . . . . . . . 28 densité d’énergie . . . . . . . . . . . . . . 328, 329 densité de spin . . . . . . . . . . 32, 60, 134, 151, . . . . . . . . . . . . . . 158, 233, 236, 244, 259 détection - directe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269, 274 - en quadrature de phase . . . . . . . 184, 199 - longitudinale de la RPE (LODEPR) . 300 - synchrone . . . . . . . . . . . . . . . . . 268, 270 deutérium . . . . . . . . . . . . . . . 169, 180, 183 DFT (Density Functional Theory) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143, 158 diagramme de Peisach-Blumberg . . . . . 82 dickite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107, 116 dioxygène triplet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 diradical . . . . . . . . . . . . . . . . . 175, 234, 238 direction de facile aimantation . . . 327, 344 dissolution/recristallisation . . . . . . 121, 125 distance inter-sonde . . . . . . . . . . . . . . . . 215 domaine désordonné . . . . . . . . 81, 138, 206 domaine magnétique . . . . . . . . . . . . . . . 327 dose absorbée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 dose d’irradiation . . . . . . . . . . . . . . . 6, 122 dosimétrie - d’accident radiologique . . . . . . . . 11, 15 - par RPE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2, 18 - rétrospective . . . . . . . . . . . . . . . . . 11, 12 double quantum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370 doublet de Pake . . . . . . . . . . . . . . 281, 372 durée de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . 1, 49, 213, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263, 267, 283, 297
E
écho de spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366, 384 éclatement en champ nul . . . . . . . . . . . . 302 écosystème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28, 45 effet CIDEP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270 effet de suppression de x . . . . . . . . . . . . 369 élargissement inhomogène . . . . . . . . . . 109 électronique moléculaire . . . . . . . . . . . . 233 émail dentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 2, 6, 12 ENDOR (Electron Nucleus Double Resonance) . . . . . . 82, 95, 134, 143, 151, 178, 236, 375 ENDOR homonucléaire . . . . . . . . . . . . 378 ène-réaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 énergie - d’anisotropie magnétocristalline . . . 328
- de champ démagnétisant . . . . . . . . . 328 - solaire . . . . . . . . . . . . . . . . 140, 148, 150 enzyme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131, 390 enzyme d’oxydo-réduction . . . 98, 131, 392 épitaxie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 équation - de Bloch . . . . . . . . . 267, 284, 357, 361 - de Gilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331 - de Schrödinger dépendant du temps . 308 - de Smit-Beljers . . . . . . . . . . . . . . . . 330 - de Solomon-Bloembergen-Morgan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298 - de Landau-Lifshitz . . . . . . . . . . . . . 353 ESEEM (Electron Spin Echo Envelope Modulation) . . . . . 82, 99, 151, 180, 365 espèce radio-induite . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 exobiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
F
facteur d’amortissement . . . . . . . . . . . . 332 facteur de forme . . . . . . . . . . 189, 190, 328 ferrofluide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 ferromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 feuillet b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86, 389 film mince . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 film ultramince . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 flash laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272, 275 fluide porteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 flux bloqué (stopped flow) . . . . . . . 138, 266 flux continu (continuous flow) . . . . . . . 266 fonction de corrélation . . . . . . . . . 299, 308 Fontaine de Vaucluse . . . . . . . . . 34, 35, 42 forme de raie . . . . . . . . . . . . . . 32, 185, 186 forme inactive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 forme mésomère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 formule de Stokes . . . . . . . . . . . . 298, 306 fréquence de combinaison . . . . . . . . . . . 368
G
gaussienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90, 186 gel rapide (freeze quench) . . . . . . . 138, 264 grotte de Choranche . . . . . . . . . . 33, 35, 42 g-strain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134, 381
H
hamiltonien de Heisenberg . . . . . . . . . 233 hélice a . . . . . . . . . . . . . . 85, 211, 222, 389 horizon des sols . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 118 hot spots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171, 179 humification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27, 29
Index hydrogénase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 hydrosystème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 HYSCORE (Hyperfine Sublevel Correlation Sprectroscopy) . . . . . . . 82, 99, 143, 180, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195, 365, 371
I
imagerie par RPE (IRPE) . . . 191, 192, 201 iminonitroxyde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 impulsion - laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268 - micro-onde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365 - r . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361, 362, 366, - r /2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361, 362, 366 indicateur de forme . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 intensité intégrée . . . . . . . . . . 237, 251, 254 intensité relative . 32, 178, 272, 273, 279, 379 interaction - d’échange . . 136, 139, 159, 232, 277, 325 - dipolaire . . . . . . . . . . . . . . 158, 177, 215, . . . . . . . . . 236, 281, 295, 328, 365, 372 - dipôle-dipôle . . . . . . . . . . . 211, 298, 361 - hyperfine . 60, 109, 172, 180, 271, 365, 368 - quadripolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 intermédiaire radicalaire . . . . . . . . . . . . . 49 intermédiaire réactionnel . . . . . . . . . . . 131 ion Fe3+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105, 107 IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291, 316, 343 irradiation naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 ISC (Inter-System Crossing) . . . . . . . . . 278 IST (piégeage de spin inversé) . . . . . . . . 73
K
kaolinite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 kaolinite ordonnée, désordonnée . . . . . 112
L
Laboratoire Souterrain à Bas Bruit (LSBB) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 44 laccase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98, 135 lac d’Anterne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 40 lanthanide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294, 301 largeur de raie . . . . . . . . . . . . 109, 180, 186, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212, 214, 236, 332 liaison hydrogène . . . . . . . . . . . . . 107, 152 ligand équatorial . . . . . . . . . . . . . . . . 81, 95 Lipase Pancréatique Humaine (LPH) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206, 215, 389 liq uide porteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343
395 lorentzienne . . . . . . . . 32, 90, 172, 187, 362 lorentzienne étirée . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 luminescence . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 5, 11
M
maghémite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344 magnétisme moléculaire . . . . . . . . . . . . 232 maladie - d’Alzheimer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 - de Creutzfeldt-Jakob . . . . . . . . . . . 79 - de Parkinson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 - neurodégénérative . . . . . . . . 68, 79, 222 Manaus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 marquage - à l’azote 15N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 - de spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205, 234 - isotopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Mars . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165, 196 matériaux moléculaire . . . . . . . . . . . . . . 231 matière carbonée primitive . . . . . . . . 30, 32 Matière Organique Naturelle (MON) . . 27, 45 matrice - d’éclatement en champ nul . . . . 107, 278 - hyperfine . . . . . . . . . . . 81, 155, 206, 382 maturation de la MON . . . . . . . . . . . . . . 37 mécanisme - de sphère externe (outer sphere) . . . . 296 - de sphère interne (inner sphere) . . . . 295 - réactionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . 63, 134 médiateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 métalloenzyme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 météorite . . . . . . . . . . . . . . . . . 29, 167, 182 méthode - de Monte Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . 309 - des ajouts dosés . . . . . . . . . . . . . 2, 6, 17 - U-Th . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 milieu karstique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 minéral argileux . . . . . . . . . . . . . . 105, 116 minéral néoformé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 mobilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 mode résonnant uniforme . . . . . . . . . . . 329 modulation du champ magnétique 268, 270 monodomaine magnétique . . . . . . . . . . 327 Mössbauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121, 134 mouvement brownien . . . . . . . . . . 291, 344 - de rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . 211, 303 MTSL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 Murchison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 mutagénèse dirigée . . . . . . . . . . . . 134, 210
396
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
N
nacrite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 nanoparticule . . . . . . . . . . . . . 232, 294, 343 nanoscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232, 353 NanoSIMS (Nano Secondary Ion Mass Spectrometry) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 nickel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105, 140 nitrone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 nitronyle nitroxyde . . . . . . . . . . . . . . . . 234 nitroxyde . . . . . . . . . . . . . . . . . 51, 205, 238 NMRD (Nuclear Magnetic Resonance Dispersion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
O
onde de spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331 opérateur densité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365 opérateur tensoriel irréductible . . . . . . . 321 orbitale moléculaire . . . . . . . . . . . . . . . 257 Orgueil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 oscillation de Rabi . . . . . . . . . . . . . . . . 177 OSL (Optically Stimulated Luminescence) . . 5 over-shooted resonance . . . . . . . . . . . . . 83
P
paléoclimat continental . . . . . . . . . . . . . 117 paléodose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 6, 122 paléo-environnement . . . . . . . . . . . . . . . . 45 paquet de spins . . . . . . . . . . . . . . . 365, 381 paramètre d’échange . . . . . . . 155, 248, 249, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250, 252, 258, 278 paramètre de Kosower . . . . . . . . . . . . . . 59 PELDOR (Pulsed Electron Electron Double Resonance) . . . . . . . . . . . . . . . . 365, 372 peptide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80, 138, 387 peptides Ab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 phase ferrifère concentrée . . . . . . . 108, 114 phase super-paramagnétique . . . . . . . . . 114 photosystème II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 pic de corrélation . . . . . . . . . . . . . . . 99, 371 piégeage de spin . . . . . . . . 20, 49, 234, 263 pile à combustible . . . . . . . . . . . . . 140, 157 plan équatorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 plateau des Coulmes . . . . . . . . . . . . . 33, 40 Pléistocène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 9 polarisation de spin . . . . . . . . . 60, 235, 239 Pont-de-Lavaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 population de spin . . . . . . . . . . . . . 143, 155 position équatoriale . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 prion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79, 85
produit alimentaire irradié . . . . . . . . . . . . 23 profondeur de modulation . . . . . . . . . . . 368 protéine . . . . . . . . . . . 80, 98, 131, 205, 387 - bleue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137, 158 - intrinsèquement désordonnée . . 222, 391
Q
quartz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 6, 7, 9
R
radical - alcoxyle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 - carboné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 - H• . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 - hydroxyle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65, 79 - libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1, 19, 28, 49 - •NO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 - peroxyle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 - RS• . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 - semiquinone . . . . . . . . . . . . . . . . . 29, 32 - superoxyde . . . . . . . . . . . . . . . 55, 67, 79 - tyrosinyle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Radical Pair Mechanism (RPM) . . . . . 276 radioactivité naturelle . . . . . . . . . . . . 3, 105 radiobiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 radiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 radiothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16, 21 raie homogène . . . . 172, 187, 246, 365, 381 raie inhomogène . . 172, 189, 219, 365, 381 rayonnement ionisant . . . . . . . . . . . . . . . . 1 réaction photochimique . . . . . . . . . 276, 281 référentiel du laboratoire . . . . 284, 360, 366 référentiel tournant . . . . . . . . 284, 360, 366 régime isotrope . . . . . . . . 58, 208, 236, 376 relation - de Heller-McConnell . . . . . . . . . . . 60 - d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322 - de McConnell . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 - d’incertitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 relaxation - paramagnétique des protons . . . 295, 305 - spin-réseau . . . . . . . . . . . . 145, 303, 361 - spin-spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361, 367 relaxivité de sphère externe . . . . . . . . . 298 relaxivité de sphère interne . . . . . . . . . . 297 repliement induit . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 Réserve Naturelle de Sixt . . . . . . . . . . . . 33 résolution temporelle . . . . . . 265, 266, 267 résonance ferromagnétique (RFM) . . . . 172, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183, 325
Index rivière Mercube . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 RMN du proton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 357 RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) . . . . . . . . . 96, 170, 276, 292, 297, 375, 377 ROS (Reactive Oxygen Species) . . 69, 79, 92 rougeole (virus de la) . . . . . . . . . . . . . . 206 RPE - à haut champ . . . . . . . . . . . . . . . 134, 151 - impulsionnelle . . . . . . . . . . . . 82, 87, 95, . . . . . . . . . . . . . . 134, 177, 211, 357, 365 - résolue en temps (RPE-RT) . 49, 150, 264 RPM (Radical Pair Mechanism) . . . . . . 276 RTPM (Radical Triplet Pair Mechanism) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281 Rustrel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
S
scavenger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 SDSL (Site-directed SPin Labeling) . . . . 205 sédiment . . . . . . . . . . . . 29, 30, 40, 42, 166 semi-conducteur ferromagnétique . . . . 338 signal 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150 signal de précession libre . . . 307, 362, 366 silex . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167, 183 Simulation du spectre RPE . . . 36, 109, 225, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307, 308, 321 simulation numérique . . . . . . . . . . . 62, 309 site actif . . . . . . . . . . . . . 132, 153, 216, 390 site octaédrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 sol - brun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33, 42 - latéritique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 - tropical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 sonde paramagnétique . . . . . . . . . . 205, 392 spectre multiligne . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . . . 169 spéléothème . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 40, 42 spin trapping . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 spintronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 SQUID (Superconducting Quantum Interference Device) . . . . . . . . . . 246, 254, 333 stalagmite . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 29, 30, 35 stérilisation par irradiation . . . . . . . . . . . . 22 stress oxydant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68, 79 structure superhyperfine . . . . . . . 82, 85, 90 superparamagnétique . 183, 233, 294, 343, 350 SVD (décomposition en valeurs singulières) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
397 système - bioénergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 - photosynthétique . . . . . . . . . . . 133, 140 - solaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165, 182
T
Tagish Lake . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 taux de relaxation . . . . . . . . . 213, 294, 295 température de Curie . . . . . . 339, 343, 345 temps de - corrélation rotationnelle . . . . . . . . . . 209, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298, 303, 306 - mélange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 - mémoire de phase . . . . . . . . . . . 367, 384 - relaxation électronique . . . . . . . 300, 304 - relaxation longitudinale . . . . . . . . . . 292 - relaxation spin-réseau . . . . 139, 178, 212, . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271, 279, 284, 384 - relaxation spin-spin . . . . . . . . . 178, 284 - relaxation transversale . . . . . . . . . . . 292 - résidence de l’eau . . . . . . . . . . . . . 29, 35 terme d’éclatement en champ nul . . . . . 109, . . . . . . . . . . . . . . 177, 237, 245, 279, 328 théorie de Redfield . . . . . . . . . . . 304, 307 théorie de Torrey & Solomon . . . . . . . 299 thermoluminescence . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 tissus osseux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 TM (Triplet Mechanism) . . . . . . . . . . . . 278 traçage par RPE . . . . . . . . . . . . . . 28, 33, 45 transfert d’électron . . . . . 64, 133, 139, 145 transfert de proton . . . . . . . . . . . . . 139, 144 transformée de Fourier . . . . 189, 192, 299, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362, 368, 372 triangle de Pascal . . . . . . . . . 62, 273, 280 triple résonance . . . . . . . . . . . . . . . 375, 378 triradical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234, 244 tube capillaire . . . . . . . . . . . . . . 36, 57, 265
V
vallée de la Creuse . . . . . . . . . . . . . . . 9, 11 virus de la rougeole . . . . . . . . . . . . 206, 222 Visogliano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 vitesse d’échange . . . . . . . . . 220, 297, 319 voxel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292 VSM (Vibrating Sample Magnetometer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333
Z
zone de captage . . . . . . . . . . . . . . . . . 29, 35
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Planches couleur
(QYLURQQHPHQWNDUVWLTXH HWFDUERQDWp
(QYLURQQHPHQWYROFDQLTXH "
/LPLWHVG DSSOLFDELOLWp GXUDGLRFDUERQH
"
7,06
26/ VpGLPHQWV
"
/LPLWHVG DSSOLFDELOLWp GHODWKHUPROXPLQHVFHQFH HWGHVVpULHVGHO XUDQLXP
(QYLURQQHPHQWGpWULWLTXH
,QYHUVLRQPDJQpWLTXH %UXQKHV0DWX\DPD
"
"
53( TXDUW]FKDXIIpV
53( TXDUW]EODQFKLV
"
53(87KFRPELQpH GHQWV
>0D@ QXFOpLGHVFRVPRJpQLTXHV
"
"
53(87KFRPELQpH 53(87KFRPELQpH GHQWV GHQWV 7) $U$U .$U
QXFOpLGHVFRVPRJpQLTXHV
QXFOpLGHVFRVPRJpQLTXHV
Figure 1.2 - Comparaison des domaines d’applicabilité de la méthode RPE et des principales méthodes de datation utilisées pour la période du Quaternaire, en fonction des différents types d’environnement des sites préhistoriques. TIMS = méthode U-Th par spectrométrie de masse à thermo-ionisation ; TF = méthode des traces de fissions ; Ar-Ar /K-Ar = méthodes argon-argon et potassium-argon ; OSL = luminescence stimulée optiquement ; U-Th = méthode des séries de l'uranium.
400
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications 3ODWHDXDOOXYLRQVP 7HUUDVVH(P0D 7HUUDVVH'P0D
$OWLWXGHUHODWLYH>P@
7HUUDVVH&PND
7HUUDVVH%PND
7HUUDVVH$P
&UHXVH 6XEVWUDWXP
7HUUDVVHVDOOXYLDOHV
Figure 1.6 - Datation par RPE de différentes terrasses de la vallée de la Creuse, France. Les résultats couvrent pratiquement la totalité de la période du Quaternaire, soit environ 2 millions d’années.
Figure 1.10 - Dosimètre à alanine comportant plusieurs pastilles et son conteneur.
Figure 2.1 - (a) : diversité des précurseurs des MONs (b) : incorporation et transformation des précurseurs des MONs : horizons d’un sol (c) : circulation des MONs des sols aux eaux (d) : archivage des MONs dans les enregistreurs naturels : sédiments, tourbe, glace, stalagmite (représenté ici).
D
'LYHUVLWpGHVpFRV\VWqPHV 'LYHUVLWpGHVSUpFXUVHXUVGHV021V
E
7UDQVIRUPDWLRQGHV021VGDQVOHVVROV ,QFRUSRUDWLRQ GHV021V
/HVRO HWVHVGLIIpUHQWV KRUL]RQV
,QWpUDFWLRQ RUJDQRPLQpUDOH 7UDQVIHUW $OWpUDWLRQ GHVURFKHV
F &LUFXODWLRQGHV021VGDQVOHVEDVVLQVYHUVDQWV
*52
77(
7285
%(
3$/( 2
62/
/$&
63(/(27+(0 6(',0(17/$&
G
$UFKLYDJHGHV021VGDQVGHVVpGLPHQWV ODFXVWUHVHWGHVVWDODJPLWHV
6e',0(176/$&
67$/$*0,7(
&\FOHGHV0DWLqUHV2UJDQLTXHV1DWXUHOOHV GXYLYDQWGDQVOHVpFRV\VWqPHVjO DUFKLYDJHVpGLPHQWDLUH
401
FP
7UDoDJH6RXUFH3XLWVGHV021VSDUOD53(
Planches couleur
402
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į 6ROV HWOHXUVVLJQDWXUHV53(
6LJQDWXUHJOREDOHGXEDVVLQ0(5&8%( /DUJHXU ,QWHQVLWp GHUDLH UHODWLYH ǻ%SS>P7@ >@
+RUL]RQ
5DLH
)DFWHXU JLVR
2
Į
$
Į ȕ Ȗ
%J
ȕ Ȗ
İ
©*OH\LFFDPELVROªIRUHVWLHU Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
©&DPELVROªDJULFROH
$S
ࢥ
%Z
Ș
Ȝ
Į ȕ į
İ
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
ࢥ
'pYHUVRLUGXEDVVLQYHUVDQWJOREDO
Į ȕ
ࢥ
į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
(DX[ HWOHXUVVLJQDWXUHV53( 6RXVEDVVLQYHUVDQWIRUHVWLHU Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į 6RXVEDVVLQYHUVDQWDJULFROH
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Ș İ
ࢥ
4XDQWLILFDWLRQGHV VLJQDWXUHV53( ©FRGHVEDUUHª Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Į ȕ Ȗ İ ࢥ Ș Ȝ į
Tableau 2.1 - Paramètres de simulation et codes barre des sols et eaux du bassin versant Mercube.
Planches couleur
D
403 6XUIDFH
6XUIDFH
3DVG KRUL]RQ2
+RUL]RQ2
+RUL]RQ$S
+RUL]RQ$
+RUL]RQ%Z
+RUL]RQ%J
+RUL]RQV GXVRODJULFROH
+RUL]RQV GXVROIRUHVWLHU
E
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
G
F VSHFWUH H[SpULPHQWDO VRPPHGHV UDLHVGHVLPXODWLRQ
5DLHȖ
+RUL]RQ$ 5DLHȘ
5DLHȜ
5DLHĮ
5DLHĮ
5DLHࢥ
+RUL]RQ2
5DLHȕ +RUL]RQ%J
5DLHİ
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
5DLHȖ
5DLHȕ
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 2.3 - Spectres bande X de : (a) l’horizon Bw du sol agricole (les étoiles indiquent les raies attribuées aux ions Mn2+) ; (b) l’horizon O du sol forestier, enregistrés sur 60 mT ; les régions g ~ 2 caractéristiques des MONs sont détaillées en (c) pour l’horizon Bw du sol agricole et en (d) pour les horizons O, A et Bg du sol forestier. Les spectres expérimentaux (cercles), leur simulation et les codes-barres associés (tirets noirs) et leurs différentes composantes (traits continus en couleur) sont représentés. Les paramètres de simulation sont indiqués dans le tableau 2.1. Etant donné la valeur de leur facteur g, certains signaux apparaissant lors de la simulation ne sont pas attribuables à la MON. Ils ne sont donc pas répertoriés.
404
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
D
5DLHࢥ 5DLHȘ
6RODJULFROH
E
5DLHİ (DX©DJULFROHª 5DLHK 5DLHĮ
5DLHİ 5DLHȕ
6ROIRUHVWLHU
(DXGX 5DLHࢥ GpYHUVRLU 5DLHĮ
(DX ©IRUHVWLqUHª
5DLHȕ
5DLHȖ
5DLHį 5DLHȕ
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
5DLHĮ
5DLHį
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 2.4 - Spectres RPE enregistrés dans la région g ~ 2 caractéristique des MONs (a) horizons Ap du sol agricole et A du sol forestier ; (b) résidus secs d’eaux prélevées dans les sous bassins agricoles et forestiers et au niveau du déversoir dans le lac Léman. Les spectres expérimentaux (cercles), leur simulation et les codes-barres associés (tirets noirs) et leurs différentes composantes (traits continus en couleur) sont représentés. Les paramètres de simulation sont indiqués dans le tableau 2.1 Etant donnée la valeur de leur facteur g, certains signaux apparaissant lors de la simulation ne sont pas attribuables à la MON. Ils ne sont donc pas répertoriés.
Planches couleur
ț ı ij Ȟ
405
6LJQDWXUHJOREDOHGHVSULQFLSDX[W\SHVGH021VGpWHFWpVj$17(51(
6ROVHWOHXUVVLJQDWXUHV53(
5DLH
)DFWHXU JLVR
/DUJHXU ,QWHQVLWp GHUDLH UHODWLYH ǻ%SS>P7@ >@
©$OSLQHJUDVVODQGVROª*OH\LFFDPELVRO ț
ı
ij
ı
Ȟ
ı
ț
ı
ț
ı
Ȟ
ı
ț ı ij Ȟ ©3HDWVROª+LVWRVRO ț ı ij Ȟ ©%DUHVROª5HJRVRO ț ı ij Ȟ 6pGLPHQWVHWOHXUVVLJQDWXUHV53( 6pGLPHQWVGHFDURWWDJH ț ı ij Ȟ 6pGLPHQWVSLpJpVGDQVOHODF ț ı ij Ȟ 6pGLPHQWVSLpJpVGDQVOHFRXUDQW ț ı ij Ȟ
ɎȈ ȌĬ
ț ı ij Ȟ
ț ı ij Ȟ
ț ı ij Ȟ
ț ı ij Ȟ
ț ı ij Ȟ
ț ı ij Ȟ
6LJQDWXUHJOREDOHGHVSULQFLSDX[W\SHVGH021VGpWHFWpVj&+25$1&+(
6ROVHWOHXUVVLJQDWXUHV53( ©*UDVVODQGFDPELVROª ɎȈ ȌĬ (DXH[WUDLWHGX©*UDVVODQGFDPELVROª ɎȈ ȌĬ ©)RUHVWFDPELVROª ɎȈ ȌĬ (DXH[WUDLWHGX©)RUHVWFDPELVROª ɎȈ ȌĬ 3ODQFKHUVWDODJPLWLTXH ɎȈ ȌĬ
4XDQWLILFDWLRQGHV VLJQDWXUHV53( ©FRGHVEDUUHª
/DUJHXU ,QWHQVLWp GHUDLH UHODWLYH )%SS>P7@ >@
5DLH
)DFWHXU JLVR
Ȍ
Ĭ
Ȍ
Ĭ
ĭ
Ȉ
ĭ
Ȉ
Ȉ
4XDQWLILFDWLRQGHV VLJQDWXUHV53( ©FRGHVEDUUHª
ɎȈ ȌĬ
ɎȈ ȌĬ
ɎȈ ȌĬ
ɎȈ ȌĬ
ɎȈ ȌĬ
Tableau 2.2 - Paramètres de simulation et codes barre des eaux et sédiments des bassins versant Anterne et Choranche
406
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
D
E 6RO©QXª
5DLHı
6ROGH SHORXVH$OSLQH
5DLHȞ 5DLHı
6ROIRUHVWLHU
5DLHț 6pGLPHQWVGH VXUIDFHGXODF
5DLHĭ 3ODQFKHU VWDODJPLWLTXH
5DLHı
5DLHț
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
([WUDLWDTXHX[ GXVROIRUHVWLHU
5DLHȈ 5DLHĭ
5DLHȈ
5DLHȈ
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 2.5 - Spectres expérimentaux (cercles), simulations (tirets noirs) et différentes composantes (traits continus en couleur) pour (a) bassin d’Anterne : sol nu, sols bruns des pelouses alpines et sédiments de surface du lac d’Anterne ; (b) sol brun forestier du plateau des Coulmes, son extrait aqueux, plancher stalagmitique de la grotte de Choranche. Les paramètres de simulation et les code-barres associés sont indiqués dans le tableau 2.2.
Figure 2.6 - (a) Localisation du Laboratoire LSBB et son réseau de failles ; (b) comparaison des spectres RPE de l’écoulement d’eau (en bleu) et du sol S1 (en rouge) ; (c) comparaison avec le spectre du sol S2 (en vert). Les figures suivantes montrent les variations mensuelles de plusieurs quantités entre décembre 2006 et décembre 2007 ; (d) hauteur de pluie ; (e) intensité de la raie ~ du sol S1 ; (f) l’intensité de la raie ~ de l’eau ; (g) indices de fluorescence du sol S1 (en rouge) et de l’écoulement d’eau (en bleu). Les paramètres de simulation et les code-barres correspondants sont indiqués dans le tableau 2.3. [D’après Blondel et al., 2010]
Planches couleur
407
D
$
6
* DO
P
LH V GX / 6%
%
%
P
HU
'LUHFWLRQ JOREDOH G pFRXOHPHQW
eFRXOHPHQW *DOHULHGX /6%%
6D
$
6E
%
$YLJQRQ /6%%
/LWKRVROVRO
eFKDQWLOORQVGHVRO
E
F
&KDPSVPDJQpWLTXH%>P7@
G H
I
J
5HQGRVROVRO
3OXLHVHIILFDFHV PHQVXHOOHV >PP@ ,QWHQVLWp53( GHODUDLHȦ >XD@ ,QWHQVLWp53( GHODUDLHȦ >XD@
&KDPSVPDJQpWLTXH%>P7@
6RO
eFRXOHPHQW
QD
PRLV
,QGLFHGHIOX[ GHIOXRUHVFHQFH GXVRO >XD@
,QGLFHGHIOX[ GHIOXRUHVFHQFH GHO pFRXOHPHQW >XD@
408
Ȧ ʌ
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
6LJQDWXUHJOREDOHGHVSULQFLSDX[W\SHVGH021VGH)217$,1('(9$8&/86(
5DLH
)DFWHXU JLVR
6ROD
Ȧ
Ȧ ʌ 6ROE
ʌ
Ȧ
ʌ
ʌ
6ROV HWOHXUVVLJQDWXUHV53(
Ȧ ʌ 6RO Ȧ ʌ
/DUJHXU ,QWHQVLWp GHUDLH UHODWLYH ǻ%SS>P7@ >@
4XDQWLILFDWLRQGHV VLJQDWXUHV53( ©FRGHVEDUUHª
Ȧ ʌ
Ȧ ʌ
Ȧ ʌ
(DXSUpOHYpHYRLUILJ
Ȧ
Ȧ ʌ
Ȧ ʌ
Tableau 2.3 - Paramètres de simulation et codes barre des sols et eaux de Fontaine de Vaucluse
2 7
2 F
7
E
D
Figure 5.1 - Structure de la kaolinite Al2Si2O5(OH)4. La structure résulte d’un empilement de feuillets (2 feuillets sont représentés sur la figure) comportant chacun une couche de silicates tétraédriques et une couche d’octaèdres centrés sur les ions Al3+. Trois groupes OH– non-équivalents issus des octaèdres, orientés sub-parallèlement à la direction c* perpendiculaire aux feuillets, forment des liaisons hydrogène avec les oxygènes des tétraèdres du feuillet adjacent.
Planches couleur
409
Figure 5.6 - Section verticale exposant les différents horizons d’un sol latéritique de la région de Manaus. Les échantillons ont été prélevés aux sept niveaux indiqués par les cercles. Les structures observées sur la coupe (décoloration, ligne indurée riche en oxydes de fer) correspondent à des remobilisations plus récentes du fer à la faveur de fluctuations de conditions d’oxydo-réduction qui n’ont pas affecté les kaolinites.
7(55(
ÆJH>*D@
3UpFDPELHQ +DGpHQ
"
9LHVXU7HUUH
0$56
3KDQpUR]RwTXH
3URWpUR]RwTXH
$UFKpHQ
ÆJH>*D@
1RDFKLHQ $UJLOHV K\GUDGpHV
+HVSHULHQ
$PD]RQLHQ
3DVGHSUpFLSLWDWLRQGHPLQpUDX[K\GUDWpV 3UpFLSLWDWLRQGHVXOIDWHVK\GUDWpV
0HUVHWODFV 9LHVXU0DUV"
3DVGHUpVHDX[IOXYLDWLOHVQLGHODFVSHUPDQHQWV
"
Figure 7.1 - Diagramme simplifié montrant les grandes phases géologiques de la Terre et de Mars. La vie est apparue sur Terre à l’Archéen, entre ~ – 3,9 Ga et – 3,5 Ga (premières bactéries fossiles). Les roches terrestres d’âge supérieur à 3,5 Ga sont fortement métamorphisées ou ont disparu en raison de la tectonique des plaques. Les conditions sur Mars ont été propices à l’apparition de la vie pendant le Noachien, période dont il reste de nombreuses formations géologiques dans les hauts plateaux de l’hémisphère sud.
410
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
2
2 2
1 6 2
&22+ 6
1 2
D
E
Figure 7.3 - (a) Photographie d’un fragment de la météorite d’Orgueil qui pesait à l’origine 14 kg. Il contient jusqu’à 3 % de carbone. (b) Structure moyenne de la matière carbonée de la météorite de Murchison. [(b) Pizzarello S. (2007) Chemistry & Biodiversity 4 : 680-693 © 2007 Verlag Helvetica Chimica Acta AG, Zürich]
w
±
ȝP
Figure 7.9 - Image NanoSIMS du rapport D /H de la matière carbonée de la météorite d’Orgueil. Les flèches noires indiquent des hot spots riches en deutérium, les flèches blanches des régions pauvres en deutérium [Remusat et al. (2009) The Astrophysical Journal 698 : 2087-2092 © 2009. The American Astronomical Society]
Planches couleur
411
D
E
1RQWUDLWp 0DWLqUHFDUERQpHLQVROXEOH
$SUqVWUDLWHPHQWj&
PP
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
Figure 7.17 - (a) Spectre RPE du silex de Rhynie (396 Ma) montrant une variété de radicaux et de centres paramagnétiques (spectre du haut). Un traitement thermique (voir le texte) permet d’augmenter le niveau de carbonisation et d’obtenir un signal de MC étroit. (b) Les photos des deux faces de l’échantillon sont comparées à l’image RPE de la distribution de la MC dans le silex. Les photos montrent des zones sombres riches en carbone représentant des fossiles, séparées par des zones plus claires pauvres en carbone. Les images optiques ne montrent que les structures apparentes en surface, alors que l’image RPE (b) montre la distribution du carbone dans le corps de l’échantillon. [D’après Binet L. et al. (2008) Earth Planet. Sci. Lett. 273 : 359-366, Potential of EPR imaging to detect traces of primitive life in sedimentary rocks © 2008, avec la permission d’Elsevier].
qUHKDUPRQLTXH HQSKDVH 3 P:
D
qUHKDUPRQLTXH HQSKDVH 3 P:
E
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HKDUPRQLTXH HQTXDGUDWXUH GHSKDVH 3 P:
PP
F
&KDPSPDJQpWLTXH%>P7@
G
H
Figure 7.18 - Spectres et images RPE du silex de Gunflint (1,9 Ga). (a) et (b) spectres enregistrés en mode normal (1ère harmonique en phase avec la modulation) avec une puissance de (a) 0,02 mW ; (b) 0,2 mW. (c) spectre enregistré en 2ème harmonique en quadrature de phase à 2 mW. Les images de la MC (d) et des centres E’ (e) correspondent aux spectres (b) et (c). [D’après Binet L. et al. (2008) Earth Planet. Sci. Lett. 273 : 359-366, Potential of EPR imaging to detect traces of primitive life in sedimentary rocks © 2008, avec la permission d’Elsevier]
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
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412
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Figure 7.19 - Exemples de spectres HYSCORE à 9 K des silex de Clarno et de Gunflint, et de la MC de la météorite d’Orgueil. Les spectres à droite sont les cartes de contours d’intensités. [D’après Gourier D. et al. (2013) Astrobiology 13 : 932-947 © 2013 Mary Ann Liebert, Inc.]
Planches couleur 9ROHWRXYHUW
413 9ROHWIHUPp
'
' *
,
9ROHWIHUPp ,
*
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* ' &&
' *
,
D
9ROHWRXYHUW
,
E
Figure 8.8 - Structure du volet montrant l’environnement de l’acide aspartique D249. Deux vues différentes (a) et (b) sont montrées. Le pont disulfure C237-C261 constitue une charnière pour le changement de conformation. Dans la conformation fermée, D249 est sur une hélice exposée au solvant alors que dans la conformation ouverte il est sur une petite boucle coincée entre deux hélices.
;'
Figure 8.12 - Modélisation de la région (488525) de NTAIL complexée à XD. La figure représente les 50 meilleures structures de NTAIL obtenues en ajustant l’espace conformationnel calculé par modélisation moléculaire à celui qui résulte des simulations des spectres RPE. Les modèles de NTAIL sont représentés en dégradé de couleur décrivant la concentration en structures (foncé = forte concentration, clair = faible concentration). XD est représenté en noir. On note une concentration structurale importante au niveau de l’hélice induite (région 485-506) et une forte dispersion structurale de la région en amont (région 507-525) de l’hélice induite (voir planches couleur). [D'après Kavalenka et al, 2010]
414
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
+ 2 6 , 26
NH[
*G
/LJDQG
,6
IJU
Figure 11.1 - Représentation schématique d’un complexe de l’ion Gd3+ (ion violet, ligand rouge) auquel est liée une molécule d’eau de sphère interne IS, qui est entouré par les molécules d’eau libres, dites de sphère externe OS, du solvant. kex est la constante de vitesse d’échange des molécules d’eau de sphère interne avec les molécules libres. Elle est liée à leur durée de vie xm par kex = 1/xm (voir le texte). xr est le temps de corrélation rotationnelle du complexe qui intervient en particulier dans l’expression de T1m (équation [11.8]). 2
2
]
[
1
1
2 \
Figure 11.2 - Le complexe [Gd (H2O)8]3+. Les sommets des carrés parallèles sont occupés par des molécules d’eau.
1
2
2
*G
2 *G
+ 2
1
2
2 Figure 11.4 - Représentation schématique de la structure du complexe [Gd (DOTA)(H2O)]–
Table des matières Les auteurs................................................................................................................. V Avant-propos............................................................................................................. IX Chapitre 1 - La dosimétrie des rayonnements ionisants................................................. 1 1.1 - Introduction...................................................................................................... 1 1.2 - La datation archéologique................................................................................ 3 1.2.1 - Principe de la méthode............................................................................... 3 1.2.2 - Détermination de la dose équivalente (paléodose)..................................... 6 1.2.3 - Evaluation du débit de dose........................................................................ 7 1.2.4 - Exemples de datations archéologiques et géologiques............................... 9 1.3 - Dosimétrie rétrospective et dosimétrie d’accident radiologique ................... 11 1.3.1 - Exposition chronique et/ou ancienne........................................................ 12 1.3.2 - Dosimétrie d’accident radiologique et situation d’urgence...................... 15 1.4 - Une méthode de référence pour la dosimétrie : la RPE de l’alanine.............. 19 1.4.1 - Description de la méthode........................................................................ 19 1.4.2 - Recherche et développement en radiothérapie......................................... 21 1.4.3 - La stérilisation par irradiation.................................................................. 22 1.5 - La détection de produits alimentaires irradiés................................................ 23 1.6 - Conclusion...................................................................................................... 24 Références............................................................................................................... 25 Chapitre 2 - Traçage de la matière organique naturelle à l’échelle de bassins versants.... 27 2.1 - Introduction.................................................................................................... 27 2.2 - Transformation et transferts de la matière organique naturelle...................... 29 2.3 - Signature RPE de la matière organique naturelle........................................... 32 2.4 - Zones d’études et protocole utilisé ................................................................ 33 2.4.1 - Description des bassins versants étudiés.................................................. 33 2.4.2 - Préparation des échantillons..................................................................... 35 2.4.3 - Enregistrement et simulation des spectres de RPE................................... 36 2.5 - Evaluation de la méthode de traçage par RPE................................................ 36 2.5.1 - Les signatures RPE permettent de distinguer différents types de sols et les horizons d’un même sol...................................................... 36 2.5.2 - Les signatures RPE permettent de suivre les transferts des MONS de différentes origines aux réseaux hydrographiques .............................. 38
416
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
2.5.3 - Les signatures RPE permettent de tracer les transferts de MONs des sols aux enregistreurs naturels........................................................... 2.6 - Exemple d’application du traçage par RPE : détermination du bassin d’alimentation et du temps de résidence des eaux en milieu karstique ......... 2.7 - Conclusion ..................................................................................................... Références...............................................................................................................
40 42 45 46
Chapitre 3 - D étection et caractérisation de radicaux libres après piégeage de spins...... 49 3.1 - Introduction.................................................................................................... 49 3.2 - Mise en œuvre de l’expérience....................................................................... 51 3.2.1 - Choix du piège.......................................................................................... 51 3.2.2 - Préparation de l’échantillon...................................................................... 55 3.2.3 - Enregistrement du spectre........................................................................ 57 3.3 - Analyse des spectres RPE............................................................................... 58 3.3.1 - Les informations contenues dans le spectre............................................. 58 3.3.2 - Analyse des spectres d’adduits de spin..................................................... 61 3.4 - Exemples de spectres d’adduits de radicaux classiques................................. 62 3.4.1 - Radicaux carbonés.................................................................................... 62 3.4.2 - Le radical hydroxyle................................................................................. 65 3.4.3 - Le radical superoxyde............................................................................... 67 3.4.4 - Les radicaux alcoxyle et peroxyle............................................................ 69 3.4.5 - Autres radicaux......................................................................................... 70 3.5 - Aspects cinétiques........................................................................................... 71 3.6 - Limites de la méthode et précautions pour éviter les artéfacts....................... 72 3.7 - Conclusion...................................................................................................... 75 Références............................................................................................................... 76 Chapitre 4 - C omplexation du cuivre par les peptides impliqués dans les maladies neurodégénératives...................................................... 79 4.1 - Introduction.................................................................................................... 79 4.2 - Détermination par RPE de la coordination d’un ion Cu(II) par un peptide... 81 4.2.1 - La RPE des complexes de Cu(II)............................................................. 81 4.2.2 - Exemples de spectres RPE de complexes Cu(II)(peptide)....................... 82 4.3 - Coordination de Cu(II) par la protéine du prion............................................. 85 4.3.1 - La protéine du prion................................................................................. 85 4.3.2 - Les sites de fixation de Cu(II) sur le domaine N-terminal de répétition .................................................. 86 4.3.3 - Les sites de fixation de Cu(II) sur le domaine amyloïdogénique............. 87 4.4 - Coordination de Cu(II) par le peptide amyloïde-b......................................... 92 4.4.1 - Le peptide amyloïde-b.............................................................................. 92 4.4.2 - Détermination des sites de fixation de Cu(II) sur le peptide Ab humain.... 93 4.4.3 - Comparaison des peptides Ab humain et du rat....................................... 97
Tables des matières
417
4.5 - Conclusion...................................................................................................... 97 Complément 1 - Analyse des spectres ESEEM et HYSCORE des complexes Cu(II)(Ab16).......................................................................... 99 Expériences effectuées à pH 6,5 ......................................................................... 99 Expériences effectuées à pH 9,0........................................................................ 100 Références............................................................................................................. 102 Chapitre 5 - C ristallochimie des minéraux argileux, processus d’altération et évolution des surfaces continentales................................................... 105 5.1 - Introduction.................................................................................................. 105 5.2 - Les minéraux du groupe de la kaolinite........................................................ 106 5.3 - Les centres Fe3+ des minéraux du groupe de la kaolinite............................. 107 5.3.1 - Interprétation des signaux RPE des centres Fe3+................................... 109 5.3.2 - Détermination de la concentration absolue en fer structural.................. 114 5.4 - Les défauts paramagnétiques produits par irradiation ................................. 115 5.5 - Application de la RPE de la kaolinite à l’étude des processus d’altération en climat tropical....................................................................... 116 5.5.1 - Altération et formation des sols tropicaux.............................................. 116 5.5.2 - Traçage des générations de kaolinite dans les sols tropicaux par RPE de Fe3+...................................................................................... 118 5.5.3 - Datation par RPE des kaolinites des sols latéritiques............................. 122 5.6 - Conclusion.................................................................................................... 126 Références............................................................................................................. 127 Chapitre 6 - Structure et mécanisme catalytique des enzymes d’oxydo-réduction........ 131 6.1 - Introduction.................................................................................................. 131 6.1.1 - Les enzymes d’oxydo-réduction et leurs centres paramagnétiques ...... 131 6.1.2 - Les enzymes d’oxydo-réduction et la spectroscopie RPE...................... 133 6.2 - Les laccases : des enzymes pour l’oxydation des substrats de haut potentiel............................................................................................ 135 6.2.1 - Un casse tête pour spectroscopistes : la structure des centres à cuivre T1 et T2...................................................................................... 136 6.2.2 - Un intermédiaire réactionnel dans la réduction du dioxygène : un complexe trinucléaire de Cu2+........................................................... 138 6.2.3 - L’étape d’oxydation des substrats phénoliques ou des médiateurs........ 139 6.3 - Les hydrogénases : des enzymes pour l’oxydation et la production du dihydrogène .................................................................. 139 6.3.1 - Le site actif des hydrogénases à Ni–Fe.................................................. 140 6.3.2 - La chaîne de transfert d’électrons........................................................... 145 6.4 - Le photosystème II : un complexe enzymatique piloté par l’énergie solaire............................................................................ 148 6.4.1 - L’énigmatique signal 2........................................................................... 150
418
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
6.4.2 - Les mystères du centre de dégagement de l’oxygène............................ 6.5 - Conclusion ................................................................................................... Remerciements...................................................................................................... Complément 1 - Interprétation des propriétés RPE des centres à cuivre mononucléaires des protéines....................................................................... Complément 2 - Les centres fer-soufre et leurs propriétés RPE........................... Références.............................................................................................................
152 156 157 158 159 161
Chapitre 7 - A la recherche des origines de la vie : la matière carbonée primitive......... 165 7.1 - Introduction.................................................................................................. 165 7.1.1 - La matière carbonée primitive terrestre.................................................. 166 7.1.2 - Le carbone avant la formation de la Terre.............................................. 167 7.1.3 - Le carbone avant le système solaire....................................................... 168 7.1.4 - Que peut apporter la RPE du carbone en exobiologie ?......................... 169 7.2 - La matière carbonée primitive du système solaire : où et comment est-elle née ?......................................................................... 170 7.2.1 - Structure de la matière carbonée des météorites.................................... 170 7.2.2 - RPE de la matière carbonée météoritique.............................................. 172 7.2.3 - Bilan : l’histoire complexe de la matière organique protosolaire .......... 182 7.3 - La matière carbonée primitive terrestre : à la recherche de biomarqueurs des origines de la vie......................................................... 183 7.3.1 - La forme de raie : un outil pour dater la matière carbonée terrestre...... 185 7.3.2 - Imagerie RPE de la matière carbonée.................................................... 191 7.3.3 - A la recherche de biosignatures nucléaires............................................. 194 7.4 - Perspectives : objectif Mars ?....................................................................... 196 Remerciements...................................................................................................... 198 Complément 1 - Principe de la détection en quadrature de phase........................ 199 Complément 2 - Principe de l’imagerie par RPE.................................................. 201 Références............................................................................................................. 203 Chapitre 8 - U tilisation de sondes paramagnétiques pour l’étude des transitions structurales au sein des protéines................................... 205 8.1 - Introduction.................................................................................................. 205 8.2 - Spectre RPE et mobilité des radicaux nitroxyde ......................................... 206 8.3 - Etude des transitions structurales par marquage de spin.............................. 209 8.3.1 - Analyse de la mobilité de la sonde ........................................................ 211 8.3.2 - Détermination de l’accessibilité de la sonde.......................................... 213 8.3.3 - Mesure de la distance inter-sonde.......................................................... 215 8.4 - Le processus d’activation de la lipase pancréatique humaine...................... 215 8.4.1 - Attribution des composantes spectrales aux conformations de la LPH... 216 8.4.2 - Etude de l’accessibilité de la sonde ....................................................... 218
Tables des matières
8.4.3 - Evaluation de l’amplitude du changement de conformation.................. 8.5 - Le repliement induit de la nucléoprotéine du virus de la rougeole.............. 8.5.1 - Cartographie des sites d’interaction du complexe (NTAIL-XD).............. 8.5.2 - Analyse conformationnelle du complexe (NTAIL-XD)........................... 8.6 - Conclusion.................................................................................................... Remerciements...................................................................................................... Références.............................................................................................................
419
220 222 223 225 226 227 228
Chapitre 9 - Radicaux organiques et magnétisme moléculaire..................................... 231 9.1 - Introduction.................................................................................................. 231 9.1.1 - Les matériaux moléculaires.................................................................... 231 9.1.2 - Le magnétisme moléculaire.................................................................... 232 9.2 - Molécules et Méthodes d’étude.................................................................... 234 9.2.1 - Les radicaux nitronyle nitroxyde et iminonitroxyde.............................. 234 9.2.2 - Apport de la RPE : Caractérisation des molécules isolées .................... 236 9.3 - Etude de solutions fluides de biradicaux et de triradicaux : mise en évidence de l’échange intramoléculaire.......................................... 238 9.3.1 - Biradicaux............................................................................................... 238 9.3.2 - Triradicaux.............................................................................................. 244 9.4 - Etude des solutions gelées ........................................................................... 245 9.4.1 - Les informations contenues dans le spectre........................................... 245 9.4.2 - Etude de biradicaux : effet de la longueur et de la topologie du connecteur sur le paramètre J............................................................ 246 9.4.3 - Influence de la nature des substituants radicalaires sur le paramètre J dans les biradicaux et les triradicaux........................ 249 9.5 - Conclusion.................................................................................................... 253 Remerciements...................................................................................................... 253 Complément 1 - Dépendance en température de la susceptibilité de solutions diluées suivie par RPE.................................................................................. 254 Complément 2 - Apport des calculs d’orbitales moléculaires.............................. 257 Méthodes ........................................................................................................... 257 Résultats............................................................................................................. 257 Références............................................................................................................. 260 Chapitre 10 - La RPE des espèces magnétiques transitoires....................................... 263 10.1 - Introduction................................................................................................ 263 10.2 - Les méthodes de gel rapide et de flux......................................................... 264 10.2.1 - Le gel rapide ........................................................................................ 264 10.2.2 - Les méthodes de flux continu et de flux bloqué .................................. 266 10.3 - Comment accélérer l’acquisition d’un spectre RPE ?................................ 267 10.3.1 - Résolution temporelle théorique d’une expérience de RPE................. 267 10.3.2 - La résolution temporelle pratique......................................................... 267
420
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
10.4 - RPE résolue en temps de radicaux en solution........................................... 10.4.1 - Polarisation des spin électroniques : l’effet CIDEP............................. 10.4.2 - Exemples de spectres de radicaux photoinduits en RPE-RT microseconde........................................................................................ 10.4.3 - Le mécanisme CIDEP par paires de radicaux...................................... 10.4.4 - Le mécanisme CIDEP triplet................................................................ 10.4.5 - Superposition des mécanismes RPM et TM. Autres mécanismes........ 10.5 - RPE résolue en temps d’états excités en phase solide................................ 10.6 - Conclusion.................................................................................................. Complément 1 - Résolution numérique des équations de Bloch en régime transitoire...................................................................................................... Références.............................................................................................................
270 270 272 276 278 280 281 283 284 288
Chapitre 11 - C aractérisation des agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique.................................................................... 291 11.1 - Introduction................................................................................................. 291 11.2 - Méthodes de l’IRM..................................................................................... 292 11.2.1 - Principe Général................................................................................... 292 11.2.2 - Le rôle des agents de contraste en IRM................................................ 294 11.3 - Effet d’un complexe de Gd3+ sur la relaxation des protons de l’eau.......... 294 11.3.1 - Généralités ........................................................................................... 294 11.3.2 - Relaxivité de sphère interne des protons.............................................. 297 11.3.3 - La relaxivité de sphère externe des protons.......................................... 298 11.3.4 - Influence de la relaxation de spin électronique de l’ion Gd3+.............. 300 11.4 - Modélisation de la relaxation électronique du Gd3+ .................................. 302 11.4.1 - Fluctuations du terme d’éclatement en champ nul............................... 302 11.4.2 - Expression du temps de relaxation électronique T1e du Gd3+.............. 304 11.5 - Evaluation des paramètres qui déterminent la relaxation paramagnétique des protons ....................................................................... 305 11.5.1 - Recensement des paramètres................................................................ 305 11.5.2 - L’apport de la RPE................................................................................ 307 11.6 - Simulation du spectre RPE et de la relaxation longitudinale des complexes de gadolinium............................................................................................. 308 11.6.1 - Théorie générale .................................................................................. 308 11.6.2 - Simulation numérique de la relaxation électronique de Gd3+ par la méthode de Monte Carlo............................................................ 309 11.7 - Exemples de simulations de spectres RPE de complexes de Gd3+............. 310 11.7.1 - Le complexe de Gd3+ hydraté............................................................... 310 11.7.2 - Le complexe GdDOTA ........................................................................ 312 11.7.3 - Le complexe GdACX........................................................................... 313 11.8 - Performances des complexes de Gd3+ comme agents de contraste ........... 314 11.9 - Perspectives................................................................................................ 317
Tables des matières
Complément 1 - Influence de la vitesse d’échange des molécules d’eau de sphère interne sur la relaxivité des protons.............................................. Complément 2 - Eléments de la méthode de simulation du spectre RPE des complexes de Gd3+................................................................................. Expressions des hamiltoniens statique et transitoire d’éclatement en champ nul (ZFS) de Gd3+ dans le référentiel du laboratoire.................. Simulation de la trajectoire aléatoire rotationnelle d’un complexe................... Références.............................................................................................................
421
319 321 321 322 323
Chapitre 12 - La spectroscopie de résonance ferromagnétique : fondements et applications................................................................... 325 12.1 - Introduction................................................................................................ 325 12.2 - Les principes de la RFM............................................................................. 327 12.2.1 - Expression de l’énergie du champ démagnétisant................................ 328 12.2.2 - Expression de l’énergie d’anisotropie magnétocristalline ................... 328 12.2.3 - Expression de la fréquence de résonance............................................. 329 12.2.4 - Phénomènes de dissipation et de relaxation : largeur de la raie de résonance......................................................................................... 331 12.3 - Aspects expérimentaux............................................................................... 332 12.4 - La RFM des couches métalliques ultraminces : films de Fe épitaxiés sur (100) GaAs.......................................................... 333 12.4.1 - Les anisotropies de surface/interface.................................................... 337 12.4.2 - Les mécanismes de relaxation.............................................................. 338 12.5 - Les semi-conducteurs ferromagnétiques III-V : Ga1–xMnxAs/(100)GaAs............................................................................. 338 12.5 - Les contraintes et les anisotropies magnétocristallines.............................. 339 12.5.1 - Les études de RFM............................................................................... 340 12.6 - Les ferrofluides de nanoparticules de maghémite...................................... 343 12.6.1 - Présentation des nanoparticules............................................................ 344 12.6.2 - Etude par RFM de l’anisotropie magnétique des nanoparticules......... 345 12.6.3 - Mise en évidence d’une composante superparamagnétique ................ 350 12.7 - Conclusion ................................................................................................. 353 Références............................................................................................................. 354 Annexe 1 - Principes de la résonance magnétique : équations de Bloch et méthodes impulsionnelles ................................................................... 357 1 - La RMN du proton....................................................................................... 357 2 - Mouvement de l’aimantation macroscopique.............................................. 359 3 - Les phénomènes de relaxation...................................................................... 361 Références............................................................................................................. 364
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La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique - Applications
Annexe 2 - Introduction à la RPE impulsionnelle : les expériences ESEEM, HYSCORE et PELDOR.............................................................................. 365 1 - L’écho de spin et l’expérience ESEEM........................................................ 366 1.1 - L’écho de spin......................................................................................... 366 1.2 - L’expérience ESEEM à 2 impulsions..................................................... 367 1.3 - L’expérience ESEEM à 3 impulsions..................................................... 369 2 - L’expérience ESEEM à 4 impulsions et l’expérience HYSCORE............... 371 3 - L’expérience PELDOR................................................................................. 372 Références............................................................................................................. 373 Annexe 3 - Principe de la spectroscopie ENDOR en onde continue............................. 375 1 - Introduction.................................................................................................. 375 2 - Spectre ENDOR des radicaux en régime isotrope ...................................... 376 2.1 - Position des raies ENDOR..................................................................... 376 2.2 - Effet des transitions RMN sur l’amplitude des raies RPE..................... 379 Le phénomène ENDOR................................................................................ 379 3 - Spectre ENDOR d’une poudre polycristalline ou d’une solution gelée....... 381 4 - Comparaison avec l’ENDOR impulsionnelle et les autres spectroscopies à haute résolution.............................................. 383 Références............................................................................................................. 384 Annexe 4 - Des macromolécules aux fonctions très variées : les protéines.................. 387 1 - De la séquence à la structure........................................................................ 387 2 - De la structure à la fonction.......................................................................... 390 3 - Apport de la RPE à l’étude des protéines..................................................... 391 Références............................................................................................................. 392 Index....................................................................................................................... 393 Planches couleur...................................................................................................... 399