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English Pages 126 [114] Year 1989
ETUDES SUR LE VOCABULAIRE INTELLECTUEL DU MOYEN AGE
I ACTES DU COLLOQUE TERMINOLOGIE DE LA VIE INTELLECTUELLE AU MOYEN AGE
CIVICIMA COMITE INTERNATIONAL DU VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS ET DE LA COMMUNICATION INTELLECTUELLES AU MOYEN AGE Président
L.M. de Rijk
Secrétaire
Olga Weijers Représentants nationaux
Allemagne Belgique Canada Espagne Etats-Unis Europe de l'Est France Grande Bretagne Italie Pays-Bas Pays scandinaves Portugal
Helmut Walther Jacqueline Hamesse Bernardo Bazan Antonio Garda y Garda Richard Rouse Aleksander Gieysztor Jacques Monfrin John Fletcher Tullio Gregory Robert Feenstra Eva Odelman Isaias da Rosa Pereira
Coordination générale
Olga Weijers Bibliothèque Royale Prins Willem Alexanderhof 5 2595 BE La Haye Pays-Bas
CIVICIMA ETUDES SUR LE VOCABULAIRE INTELLECTUEL DU MOYEN AGE
I
Actes du colloque
Tertninologie de la vie intellectuelle " au tnoyen age Leyde/ La Haye 20-21 septembre 1985 édités par
OLGA WEIJERS
BREPOLS TURNHOUT BELGIQUE 1988
© Brepols 1988 No part of this work may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher.
TABLE DES MATIERES O. Weijers,
Préface
A.G. Weiler,
La systématique de la théologie morale selon Arnold Geilhoven 11
L.M. de Rijk,
De quelques difficultés de nature linguistique dans le vocabulaire de Gilbert de la Poirée 19
]. Monfrin,
Lexiques latin-français du moyen âge
N. Lettinck,
L'intérêt de l'analyse de termes pour l'étude de l'historiographie médiévale 33
O. Weijers,
7
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La spécificité du vocabulaire universitaire du 41
xrne siècle
]. Fletcher,
Sorne problems of collecting terms used in medieval academic life as illustrated by the evidence for certain exercises in the faculty of arts at Oxford in the late middle ages 4 7
E. C. Coppens,
L'interprétation analogique des termes de droit romain en droit canonique médiéval 54
A. Garcia y Garcia, La terminologia en las Facultades Juridicas Ibéricas 65 R. Feenstra,
'Legum doctor', 'legum professor' et 'magister' comme termes pour désigner des juristes au moyen âge 72
J. Hamesse,
'Collatio' et 'reportatio': deux vocables spécifiques de la vie intellectuelle au moyen âge 78
F.P. W. Soetermeer,
La terminologie de la librairie à Bologne aux siècles 88
xnre et xrve
J.P. Gumbert,
Le texte intellectuel, sa forme physique et les termes du métier 96
T. Gregory,
Lessico Intellettuale Europeo: Recherches sur la terminologie intellectuelle du moyen âge 105
Index 109 Liste des abréviations 112 Liste des auteurs 113
PREFACE Réfléchissant, en 1978, au thème de la 'Mediaevistentagung' du Thomas-Institut de l'Université de Cologne, à savoir "Soziale Ordnungen im Selbstverstandnis des Mittelalters", je me suis demandé comment les universitaires du XIIIe siècle parlaient de leurs universités, de leurs collèges, de leurs cours, etc. A l'époque où l'institution de l'université venait de naître, quels pouvaient être les termes qu'employaient les intellectuels pour en parler? En d'autres mots, quel était le vocabulaire technique du groupe social des universitaires par rapport à leur propre monde spécifique et nouveau? J'ai essayé de présenter une première réponse provisoire à l'occasion de cette réunion 1 . Plus tard, j'ai développé ce thème et le résultat de mes recherches est paru en 1987 sous le titre Terminologie des universités au XIIIe siècle 2 • Pendant que je travaillais sur le sujet, celui-ci m'a semblé à la fois assez vaste et trop limité. Le lien avec le vocabulaire technique de l'enseignement pré-universitaire était évident, ainsi que celui avec le monde du livre et des bibliothèques. En fait, le terrain choisi ne constituait qu'une faible partie de la vie intellectuelle et dans de nombreux autres domaines la question du vocabulaire utilisé par les contemporains se posait de la même façon. Au fur et à mesure que mes recherches avançaient, je découvrais que l'emploi moderne des termes médiévaux n'était pas toujours exact, que d'autres mots étaient parfois formés sur la base des langues modernes et présentés ensuite comme des expressions latines originales, et que de toute façon, l'étude des termes dans ce contexte n'avait guère bénéficié de l'attention des chercheurs. Je constatais également que les recherches sémantiques pouvaient constituer une contribution très riche à la compréhension de l'histoire intellectuelle, même si celle-ci semblait déjà largement connue. Il m'a donc paru utile de créer un cadre dans lequel les efforts des chercheurs seraient dirigés vers l'étude de l'expression verbale des idées et des choses de la vie intellectuelle. Pour ce faire, nous avons organisé une table ronde sur le thème Terminologie de la vie intellectuelle au mqyen âge, dont nous présentons ici les actes. Le sujet avait été volontairement fixé de façon très large: nous avons voulu faire un vaste tour d'horizon, nécessairement très rapide, avant de cerner et de délimiter le terrain sur lequel nous estimions que les recherches d'histoire sémantique 1. Terminologie des universités naissantes, dans Miscellanea mediaevalia, XII/1, Berlin/New York 1979, pp. 258-280. 2. Dans la collection du Lessico Intellettuale Europeo, vol. 39, Rome 1987.
8
PREFACE
manquaien t le plus, parce qu'il s'agissait en fait d'un "no man's land", appartenan t à toutes les disciplines à la fois et, par conséquen t, à aucun spécialisme particulier moderne. La table ronde ou 'workshop ', organisée à Leyde les 20 et 21 septembre 1985 par les professeurs R. Feenstra, L.M. de Rijk et moi-même , rassemblai t justement un certain nombre de spécialistes à qui nous avons demandé de parler du vocabulair e médiéval de leurs disciplines. Il ne s'agit pas, bien entendu, de vues générales en la matière, qui est immense, mais de recherches ponctuelle s destinées à indiquer la voie vers des domaines peu étudiés. Pendant la réunion, à laquelle participaie nt cinq chercheurs étrangers qu'une subvention de !'Organisa tion Néerlandaise pour le Développe ment de la Recherche Scientifique (N.W.O.) nous a permis d'inviter, nous avions limité le temps de parole à trente minutes par personne, y compris la discussion. Si les communic ations imprimées ici varient en longueur, c'est dû au fait que certains participan ts ont rédigé leur texte selon ces directives, tandis que d'autres ont préféré retravaille r leur interventio n soit en le résumant, soit en l'élaborant dans les limites imposées. Dans une discussion à la fin de la rencontre 3 , nous avons tenté de délimiter les frontières du terrain qui est commun à toutes les disciplines et qui renferme donc les modalités du travail intellectue l en général. En soulignant l'évidence que le vocabulair e du contenu de chaque discipline, c'est-à-dire le vocabulair e spécifique ment philosophi que, juridique, théologiqu e, etc., constitue autant de domaines de recherche très étendus et en partie déjà étudiés, nous avons estimé que tout ce qui touche au système du travail intellectue l était au contraire un ensemble assez cohérent et en même temps relativeme nt délaissé. Ce terrain comprend d'une part les institution s où tous les intellectue ls étaient formés, à savoir les écoles et les universités , d'autre part, les moyens de communic ation, dont les livres et les bibliothèqu es, mais aussi les outils de travail, les méthodes de recherche, les résultats des études. Nous avons dressé un plan de travail qui ne se veut ni définitif ni exhaustif, mais qui nous sert de point de départ et dont les thèmes
devront être différenciés chronologiquement et géographiquement. Le vo1c1:
3. Cf le rapport du 'workshop' publié dans Studi Medievali, troisième série, XXVII, 1 (1986) pp. 4 75-4 78.
PREFACE
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PROGRAMME DE TRAVAIL 1. Vocabulaire des écoles (institutions, enseignants, élèves, méthodes) - IX-XIe siècles. L'école de type carolingien. - xne siècle (écoles cathédrales) - XIII-XVe siècles (écoles urbaines et studia des mendiants) 2. Vocabulaire des universités (institutions, personnes, méthodes d'enseignement ) - XIIIe siècle (cf. O. Weijers, op.cit.) - XIV-XVe siècles, selon les diversités régionales ou nationales (France, Angleterre, Italie, Empire, Péninsule ibérique) 3. Vocabulaire du livre et de l'écriture - le livre (fabrication, composition, édition, circulation) - autres formes de documents écrits - écriture (matériaux, styles d'écriture, copistes) - le texte et sa tradition (copie, faute, correction) - les bibliothèques et les archives (cadre matériel, classement, catalogues) 4. Vocabulaire des méthodes, instruments et produits du travail intellectuel - alphabétisation, annotation, traduction, information, communication - concordances, tables, glossaires, encyclopédies - traités, commentaires, sommes, compendia, etc. S. Les appellations des disciplines et de leurs étudiants - disciplines et sciences - personnes s'y consacrant (artista, decretista, physicus, etc.)
Les travaux résultant de ce programme seront basés sur le vocabulaire technique de ces sujets. Ils étudieront à la fois les réalités, les concepts et les termes, en combinant la recherche historique et sémantique. Pour réaliser ce projet, nous avons créé un groupe nommé Comité International du Vocabulaire des Institutions et de la Communicatio n Intellectuelles au Moyen Age, sous le sigle CIVICIMA. L'un des objectifs du CIVICIMA est l'organisation de tables rondes, dans différents pays européens, sur des parties de son programme, afin d'attirer l'attention sur le domaine décrit et de provoquer des recherches qui y sont liées. La première table ronde de cette série, outre la réunion constitutive de Leyde, a eu lieu à Paris les 24-26 septembre 1987 sur le thème "Vocabulaire du livre et de l'écriture" 4 . En outre, il nous a semblé utile de créer une collection, dont nous présentons ici le premier volume et qui contiendra aussi bien des ouvrages collectifs et des actes de tables rondes que des monographies. 4. Les actes seront publiés prochainement dans cette série.
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PREFACE
Ces publications auront pour mission d'être pratiques et brèves autant qu'innovatrices et de fournir des instruments de travail aptes à éclairer les bases sémantiques d'un certain nombre de concepts-clés de l'histoire intellectuelle. En ce qui concerne ce premier volume, il faut souligner qu'il n'est pas représentatif pour les travaux que se propose de réaliser le CIVICIMA. Les contributions n'entrent pas toutes dans les limites du terrain fixées ultérieurement. Cependant, ces actes constituant le point de départ du CIVICIMA, nous avons voulu les présenter en tête de la série comme une introduction que nous croyons intéressante et utile. Une première édition ronéotypée a paru par nos propres soins à La Haye en 1986. La présente édition corrigée a été dotée d'un index qui facilitera la consultation rapide. Une bibliographie générale ne nous a pas semblé nécessaire compte tenu de la grande diversité des sujets. Certaines contributions comprennent une bibliographie à part, pour d'autres, la littérature est citée dans les notes. Nous exprimons le voeu que la vie de la collection sera longue et inspirée. Ceci dépendra non seulement de la variété du vocabulaire des intellectuels du moyen âge, mais aussi et surtout de l'intérêt qu'y porteront les intellectuels d'aujourd'hui. La Haye, le 17 octobre 1987 Olga Weijers
A.G. WEILER
LA SYSTEMATIQUE DE LA THEOLOGIE MORALE SELON ARNOLD GEILHOVEN Le canoniste Arnoldus Theoderici de Hollandia de Rotterdam, comme il s'appelle dans un de ses écrits 1, a fait de longues études dans les universités de Bologne, de Padoue, de Vienne et ailleurs. Il a obtenu ses grades à Bologne sous le patronage de son maître Gaspar de Calderini, et y donnait des cours de droit canon vers 1399; il continuait ses études du droit canon à l'Université de Padoue dans les années suivantes (1401-1403), chez Francesco Zabarella; il vivait dans la maison de son maître qui, à la fin de ses études, a payé les frais de sa "graduation". Là, il a fait la connaissance de Pier Paolo Vergerio, qui habitait également comme étudiant dans la maison de Zabarella. Dans la bibliothèque du fameux canoniste il a pris connaissance de l' oeuvre de Francesco Petrarca, mais aussi des membres de la famille, comme Francescuolo, beau-fils de Pétrarque, son fils et sa fille. Du fait de ce séjour d'études, Arnold, pendant sa carrière comme écrivain, citera beaucoup de textes extraits des oeuvres de Pétrarque. Dans les années 1407 et suivantes, nous le trouvons dans le monastère de Groenendaal près de Bruxelles, vivant comme chanoine régulier selon la règle de saint Augustin. Le monastère, fameuse fondation de Jean Ruusbroec, serait incorporé dans le chapitre de Windesheim en 1412. Le nom d'Arnold est cité dans l'obituaire de Groenendaal 2 comme "magister sive dominus Arnoldus Gheyloven de Rotterdamme, clericus et juris canonici doctor. Portavit secum magnam congeriem librorum de jure canonico". Il mourut le 31 août 1442. Parmi les nombreuses œuvres qu'il a composées - qui sont malheureusement pour la plupart perdues ou jusqu'ici pas retrouvées -, il y a deux ouvrages sur lesquels je voudrais tirer l'attention. D'abord son Gnotosolitos ou Miroir de la Conscience (Speculum conscientiae), qui fut le premier 1. Remissorium utriusque iuris (avant octobre 1403). A. RIVIER, Dr. Arnold Gheylhoven, aus Rotterdam, Verfasser eines 'Remissorium juris utriusque' und anderer juristische Schriften, dans Zeitschrift fiir Rechtsgeschichte, 11 (1873), pp. 454-468. Les détails suivants sur la vie d'Arnold sont pris dans ce Remissorium, dont Rivier a donné quelques extraits. Nicholas MANN, Arnold Geilhoven: an early disciple of Petrarch in the Law Countries, dans Journal of the WarbufE and Courtauld Institutes 32 (1969), pp. 73-108. Les œuvres de Geilhoven sont mentionnées, avec les manuscrits, dans un Appendix, pp. 95-100, et aussi dans Petri Trudonensis Catalogus Scriptorum Windeshemensium, éd. W. LOURDAUX et E. PERSOONS, Louvain 1968, pp. 27-31. 2. M. DIJKMANS, Obituaire du Monastère de Groenendael dans la forêt de Soignes, Bruxelles 1940, p. 20. RIVIER, op.cil., p. 465.
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A.G. WEILER
livre à être imprimé par les Frères de la Vie Commune à Bruxelles, en 14 76. La première partie de cet ouvrage a été complétée à Groenendaal en 1423, la deuxième partie en 1424. Depuis que M. Christiaan de Backer, membre de notre équipe de médiévistes à l'Université catholique de Nimègue, a retrouvé dans la Bibliothèque du Grand Séminaire de Liège un manuscrit contenant une version plus courte de ce Gnotosolitos, nous disposons de trois rédactions de ce Speculum, à savoir le Parvum Gnotosolitos (le manuscrit de Liège), le Magnum Gnotosolitos, comme il est représenté par dix manuscrits, dont seulement celui de Cambrai est complet, et la version imprimée, qui donne encore une augmentation considérable des textes. Nous reviendrons plus loin sur la systématique de la composition de ce Gnotosolitos. Le deuxième ouvrage qui peut nous intéresser ici s'appelle Vaticanus; il fut terminé en 1424. Le premier livre est constitué par un Speculum philosophorum et poetarum, le second en est un Vocabularium, qui peut être décrit comme un florilège de matière morale rangé en ordre alphabétique, contenant "auctoritates, flores, sive dicta notabiliora et breviora tam sanctorum patrum philosophorum quam poetarum", sur des sujets comme Abstinentia, Abusio, Accidens, Accidia, Accusare, Acetum, Adeps, Adiutorium, etc. Le Vocabulaire est systématisé de la manière suivante: d'abord les autorités bibliques, ensuite les écrivains canoniques et patristiques, enfin les auteurs en matière de droit, médecine, morale et philosophie, et, finalement, les poètes. Dans ce Vocabulaire, ainsi que dans le Speculum, l'une des sources principales d' Arnold est justement Francesco Petrarca, plus spécifiquement ses œuvres Utriusque Jortunae et Rerum memorandarum liber. Ce n'est d'ailleurs pas en humaniste, mais en moraliste qu' Arnoldus utilise les textes du poète lauréat. Arnold Geilhoven, maître en droit canon et religieux du monastère de Groenendaal, a composé son Gnotosolitos Parvum à la demande de deux professeurs à l'école municipale de Louvain, à savoir les maîtres Henri de Dunghen et Thierry d'Elburg, pour leurs élèves qui voulaient se préparer à la confession. Le désir de se connaître soi-même, ses défauts et ses péchés, est le commencement de la sagesse, et toute science est vaine, si l'on ne connaît pas les choses nécessaires: "timere deum, cavere peccatum, diligere proximum, terrena despicere, amare celestia, reparare bona amissa et custodire bona possessa", dit Arnoldus dans son Prologue. Arnoldus a pleine confiance que les élèves de l'école "en lisant, en transcribant, en étudiant les sentences des saints pères et du droit canon", arriveront à cette connaissance de soi-même. Pour lui, comme pour tous les maîtres des écoles, formés dans l'esprit de la Devotio Moderna, la formation des élèves à une vie intellectuelle est subordonnée à l'éducation à une vie morale. Dans le Magnum Gnotosolitos, dédié aux adultes Gauthier de Bulct, Guillaume de Druempt et Jean
LA SYSTEMATIQUE DE LA THEOLOGIE MORALE
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Danieels, secrétaires, scribes et clercs dans la ville de Bruxelles, la préface met aussi l'accent sur la nécessité de la connaissance de soimême au milieu des affaires séculières et publiques. Toute une série d'autorités : la Bible, les pères de l'Eglise, des auteurs de 1'Antiquité classique comme Horace, Sénèque, Cicéron et tant d'autres, est invoquée pour prouver que toute vie intellectuelle et publique doit être subordonnée à la vie morale; ceci vaut tant pour les jeunes que pour les adultes. Ainsi, tout l'effort intellectuel de composer un livre concentré sur la connaissance de soi est mis en oeuvre pour contribuer à la constitution de la moralité de l'homme intellectuel. C'est l'intellect lui-même qui travaille pour la constitution de l'homme moral. En travaillant ensemble sur "la terminologie de la vie intellectuelle pendant le moyen âge", - thématique de notre 'workshop' - il ne faut pas oublier qu'une bonne partie de la production intellectuelle pendant cette période s'est concentrée sur l'organisation et la systématisation de la doctrine de la morale. Les deux branches de l'enseignement supérieur dans les universités médiévales, à savoir la théologie et le droit canon, ont donné une contribution forte, non seulement à la spéculation, mais à la formation de la vie quotidienne des chrétiens au moyen d'un discours complexe mais cohérent sur la morale 3 . Tout un travail intellectuel de la collection des sources relevantes, de distinction, de classification, de faire des concordances, des tables des matières, d'index, etc., est mis au service d'une morale organisée, pour former de bons chrétiens. Plus la science et la spéculation avancent, plus aussi le souci pour la moralité de la vie humaine trouve son expression dans toute une série de travaux destinés à former l'âme chrétienne. L'intellect se met au service de l'œuvre de l'éducation chrétienne. Une morale très différenciée en est le résultat. A la fin du moyen âge nous pouvons constater chez Arnold Geilhoven comment cette poussée vers une morale rationalisée, différenciée, "juridisée", a donné naissance à une systématique de la morale, qui va influencer profondément l'identité chrétienne des bourgeois des Temps Nouveaux. Geilhoven se trouve plus ou moins à la fin de toute une évolution de la morale systématisée par l'effort de l'intellect. Pour moi, il est clair que, dans un projet qui veut inventariser "la terminologie de la vie intellectuelle", la terminologie intellectuelle de la vie morale ne peut pas être laissée de côté. Pour montrer un peu de quoi il s'agit quand je parle de la systématisation de la pensée morale, je donne le tableau de l'organisation de la matière morale que des intellectuels du moyen âge ont élaboré successivement 3. P. MICHAUD-QUANTI N, Sommes de casuistique et manuels de confession au moyen âge (XIIXVIe siècles), Louvain 1962, pp. 54-55; 64-65.
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A.G. WEILER
et qui est à la base de la systématisation appliquée par Arnold Geilhoven (Table I). Cette systématisation prend son origine dans l'Ancien Testament et dans l' Antiquité, dans la gnostique chrétienne et chez les pères de l'Eglise 4 • Mais c'est surtout chez les pères du Désert, notamment Evagrius de Ponte (mort ca. 400) et Jean Cassien (mort en 435), et ensuite chez Grégoire le Grand (ca. 540-604) que la première systématisation des maux principaux, nommés les sept vices ou péchés capitaux, prend sa forme classique: superbia, ira, invidia, avaritia, acedia, gula et luxuria. Chacun d'eux engendre des filles. Mais les péchés capitaux, tendances fondamentales plutôt que péchés actuels, sont contrariés par les sept vertus, qui depuis le xne siècle sont conçues comme une combinaison des quatre vertus cardinales de Cicéron: Jortitudo, prudentia, temperantia, justifia, et les trois vertus dites théologales du christianisme: .fides, spes et caritas. A cette systématisation en septenaires 5 s'associe toute une série d'autres concepts de la pensée morale. Sous l'influence de la théologie spéculative, à partir de la systématisation de Pierre Lombard et du droit canon, à partir de la systématisation de cette discipline par Gratien, toute une foule de classifications, de séries, de concepts offre un défi pour établir une tabulation supérieure, embrassant ces séries par des règles d'analogie, de parallélisme ou d'association allégorique, dans une matrice complexe, parfois forcée et déséquilibrée. Ces matrices font preuve de l'effort intellectuel qu'on a fait pour maîtriser la complexité de la vie morale de l'homme, une complexité qui est le résultat des changements profonds dans la vie sociale, surtout par l'essor des villes et de la bourgeoisie, et qui n'est pas passée de manière inaperçue chez les universitaires. Le tableau montré en est la preuve. La systématisation la plus proche de celle d' Arnold Geilhoven est celle de la Somme pastorale del' Anglais Simon de Hinton (ca. 1255) 6 , nommée Speculum iuniorum, dont voici le tableau d'organisation (Table II). Inséré dans l'édition des Opera omnia de Jean Gerson, ce traité a longtemps figuré sous le titre de Compendium Theologiae. Il est bien possible qu' Arnold ait connu cette Summa, puisqu'il y a des manuscrits préservés à Bruxelles, à Bruges et à Arras. 4. M.W. BLOOMFIELD, The Seven Deadly Sins. An Introduction Io the History of a Religious Concept, with Special Reference to Medieval English Literature, Michigan 1952, pp. 43-67. 5. Cj HUGUES DE SAINT-VICTOR, De q11inq11e septenis seu septenariis opusculum, P.L., col. 405-514. 6. A. DONDAINE, La Somme de Simon de Hinton, dans Recherches de théologie ancienne et médiévale, 9 (1937), pp. 5-22; 205-218. P.A. WALZ, The 'Exceptions' from the 'Summa' of Simon ojHinton, dans Angelicum, 13 (1936), pp. 283-368. M.W. BLOOMFIELD, B.G. GUYOT, e.a., Incipits of Latin Works on virtues and vices, 1100-1500 A.D., Cambridge Mass. 1979, n°. 0245, pp. 35-36.
LA SYSTEMATIQ UE DE LA THEOLOGIE MORALE
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Je mentionne en passant le Speculum Ecclesiae de saint Edmond de Canterbury (mort en 1240) 7 , et la Formula Conftssionis de Jean Rigaud o.f.m. (mort entre 1309 et 1312) 8 , pour indiquer que, dans d'autres contextes, on trouve aussi ce besoin de systématisati on de la pensée morale pour l'éducation chrétienne du laïc et la formation du confesseur et du pénitent dans leurs échanges d'expérience s humaines et de la discipline ecclésiastique. A l'aide d'une conceptualis ation poussée des données de l'expérience humaine, les intellectuels du moyen âge, professeurs, juristes, canonistes, prêcheurs, confesseurs, ont modelé la vie morale du clergé et des laïcs. Cette morale, devenue intellectualis te, a été un champs privilégié de l'intellect ordinateur qui s'est élaboré pendant le moyen âge et dont les chrétiens ont subi les conséquence s pendant les siècles suivants. Pour finir, quelques mots sur le Vocabularium d' Arnold Geilhoven. Depuis les études de Richard Rouse sur le Manipulus Florum de Thomas d'Irlande (1306) 9 , il est clair que les florilèges qui, depuis le xne siècle, acceptent l'alphabétisa tion comme instrument de la diffusion de l'informatio n, font preuve d'une attitude nouvelle à l'egard du mot écrit. Le travail intellectuel de systématisati on par le rangement alphabétique de la matière est un travail structurant l'informatio n disponible dans toutes sortes de livres, pour aider les prêcheurs, les confesseurs, les étudiants. Geilhoven a bien présenté la systématique de son Vocabularium dans le prologue de cette deuxième partie du Vaticanus. Vous trouverez le texte en annexe. Le Vaticanus contient à peu près 900 thèmes, commençan t par Abstinentia (fol. 100r) et finissant par Zizania (fol. 232v). Pour comparer: le Liber exceptionum (ca. 1230) contient environ 2300 thèmes avec 6000 citations; le Manipulus Florum environ 300 thèmes avec aussi 6000 citations. Dans son article Florilèges spirituels dans le Didionnaire de Spiritualité Ascétique et Mystique 10 , Henri-Marie Rochais mentionne 24 titres d' oeuvres médiévales imprimées qui ont le caractère d'un florilège: "Les florilèges de spiritualité restés inédits sont nombreux. L'inventaire n'en a pas été fait". Il me semble évident que le travail de systématisati on de l'informatio n au moyen de Vocabularia, Florilegia, etc., doit être inclus dans les recherches sur la terminologie et les instruments de la vie intellectuelle pendant le moyen âge. 7. Publié dans Maxima Bibliotheca Patrum, Lyon 1677, t. XXV, pp. 316-327. 8. MICHAUD-QUA NTIN, op.cit., pp. 56-57. 9. Richard H. and Mary A. RousE, Preachers, F/orilegia and Sermons: Studies on the Manipulus Florum of Thomas of Ireland, Toronto 1979. 10. Dictionnaire de Spiritualité Ascétique et Mystique, t. V, Paris 1964, col. 435sqq.
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A.G. WEILER ANNEXE
Venio ad secundam partem 1stms operis in qua ponam auctoritates flores sive dicta notabiliora et breviora tam sanctorum patrum philosophorum quam poetarum quae potui commodo suis invenire et ponere secundum ordinem alphabeti. Et ordinem talem servabo: primo ponam in dictionibus, non tamen in omnibus, auctoritates biblio. Secundo canonum una cum dictis sanctorum doctorum. Tercio auctoritates legum. Quarto medicinalium. Quinto moralium scilicet philosophorum. Sexto poetarum (ut patet in dictione anima). Arnoldus Geilhoven Vaticanus, II Vocabularium.
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LA SYSTEMATIQUE DE LA THEOLOGIE MORALE
Table I
Magnum
Rubr. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 A B
c D E
Arnold Geilhoven, magnum Gnotosolitos/Spec ulum consc. De VII. Peccatis mortalibus De X. Praeceotis De XII. consiliis evangeJicis De V. sensibus exterioribus De svmbolo Fidei (XII Artic.1 De VII. Sacramentis De VIII. Beatitudinibus De VII. donis Soiritus Sancti De XII. fructibus Soiritus Sancti De VII. Operibus misericordiae coroor. De VII. Operibus misericordiae spirit. De III. virtutibus theolorricis De IV. virtutibus cardinalibus De IX. oeccatis alienis De VI. oeccatis in Sniritum S. De IV. oeccatis clamant. in Deum De VII. orecibus orationis D.cae De ooenis inferni De P-audiis coelestibus De VII. verbis Dni in crucem De VII. divisionibus Terrae s•e
Speculum iuniorum Summa
ExpoSpecusitio Formula moralis lum EccleConfesin siae sionis Abdiam EdSimon mund de Hugo Canterde de St. Johan Hinton bury Rigaud Victore
G.
Parv. Gnot
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VII.)
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Expositio in c. VI Opera Euang. di versa S. Math. Alber- De oratione D• tus Magnus Bonav.
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Bibliographie:
Simon de Hinton, Specu!um iuniorum (Compendium Theologiae), dans: Opera Omnia]. Gerson, Anvers 1706, I. 233-318. Edmund de Canterbury, Speculum ecclesiae, dans: Maxima Bibliotheca Patrum, Lyon 1677, t. XXV, 316-327. Jean Rigaud O.F.M., Formula con.fessionis, inédit (cf. Hist. Litt. France 34, 286-91). Hugues de St. Victor, Expositio moralis, P.L. 175, 371-405; id., De quinque septenis, P.L. 175, 405-414. Albert le Grand, Comm. in Ps. 56, 9; Sermo XV de temp.; Expos. in math. VI, 9; Sermo XLIII de temp.; etc. (éd. Borgnet).
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A.G. WEILER
Table II
Recherches de théologie ancienne et médiévale, 9 (1937) Beatitudines
Preparationes
Dona
Petitiones
Vitia naturae
Vitia vol un.
Virtutes
Filii Dei vo- Pacificus cabuntur
Sapientia
Liberanos Stultitia a malo
Luxuria
Prudentia
Deum videbunt
Intellectus
Et ne n. inducas in.t.
Gui a
Temperantia
Mundi corde
Ebetudo
MisericorMisericors diam consequuntur
Consilium Dimitten. Precipita- Avaritia debita n. tio
Iustitia
Saturabuntur
Esuriens iustitiam
Fortitudo
Panem n. quotidianum d.n.h.
Timiditas
Acidia
Fortitudo
Consolabuntur
Lugens
Scientia
Fiat vol. tua
Ignorantia
Invidia
Cari tas
Possidebunt Mitis terram
Pietas
Adveniat r.t.
Duritia
Ira
Fides
Ipsorum est Pauper spir. caelorum ri tu
Timor Dei SanctifiExcellencetur no- tia men tuum
Superbia
Spes
L.M. DE RIJK
DE QUELQUES DIFFICULTES DE NATURE LINGUISTIQUE DANS LE VOCABULAIRE DE GILBERT DE LA POIREE INTRODUCTION
On sait que, comme ceux de l' Antiquité, les philosophes du moyen âge ont fait aussi leur propre vocabulaire technique. Le but de cette courte communication est de mettre en lumière quelques difficultés spéciales du vocabulaire philosophique et théologique de Gilbert de Poitiers, auteur bien connu de la première moitié du xne siècle. D'abord, il faut remarquer que ces difficultés ressortent de l'usage très personnel et très original que fait Gilbert des termes courants de la langue philosophique du xne siècle. Il va de soi que ces difficultés sont délicates une fois de plus pour les philologues, en général pour les non-initiés en ce qui concerne l'histoire de la philosophie, parce que la confusion terminologique se présente déjà dans le domaine philosophique lui-même. Aussi va-t-on commencer par quelques termes connus, c'est-à-dire les termes substantia, subsistentia et subsistens et, dans ce contexte, la différence entre esse et esse aliquid. On va essayer de placer la terminologie dans le contexte des vues philosophiques de Gilbert, en particulier de la doctrine porrétaine sur le statut ontique de la chose concrète.
1. L'EMPLOI DE SUBSTANTIA, SUBSISTENS ET SUBSISTENTIA
Chez Gilbert 1 , le mot substantia est utilisé pour la notion de subsistance comme pour celle de substance; par conséquent, il indique non seulement 1. Les abréviations utilisées sont les suivantes: HAERING = The Commentaries on Boetbius by Gilbert of Poitiers, edited by Nikolaus M. HAERING, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, Studies and Texts 13, Toronto 1966. - Trin. = Gisleberti Pictavensis Episcopi Expositio in Boecii libros de Trinitate, ed. HAERING pp. 53-180. - Heb. = Gisleberti Pictavensis Episcopi Expositio in Boecii librum de bonorum ebdomade, ed. HAERING pp. 183-230. - Eut. = Gisleberti Pictavensis Episcopi Expositio in Boecii librum contra Euticen et Nestorium, ed. HAERING pp. 233-364. - VAN ELSWIJK = Gilbert Porreta. Sa vie, son oeuvre, sa pensée, par H.C. VAN ELSWIJK 0.P., Spicilegium sacrum Lovaniense, Etudes et documents, fasc. 33, Louvain 1966.
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la chose concrète (id quod), mais également toute forme subsistante en vertu de laquelle la chose est un subsistant (subsistens) 2 • Le dernier terme est dit de toute chose qui n'a pas besoin d'un substrat et qui, bien au contraire, sert lui-même de substrat (sujet) à d'autres formes. En fait, Gilbert entend par 'subsistance' chaque mode d'être substantiel d'un être subsistant. Les diverses sortes de subsistance sont autant de modes d'être (voir par exemple 117, 78-83). Ainsi, Gilbert parle de subsistentiae generales, speciales et differentiales. Quant à la structure antique des choses concrètes (Gilbert les nomme nativa), ce sont les subsistances générales et spéciales (dont les dernières enferment les subsistances différentielles; cf. 263, 75-77) qui confèrent aux choses leur esse aliquid: 81, 73-74: ... generales quoque et speciales subsistentias, que subsistentium in qui bus sunt esse dicuntur, eoquod eis ut sint aliquid conferunt. ... les subsistances générales et spéciales, qui sont dites l'être des subsistants dans lesquels elles se trouvent, puisqu'elles y confèrent leurs être-quelque-chose. D'après Gilbert, deux types d'avoir (habere, habitus) se laissent discerner au plan de la structure antique d'une chose concrète, c'est-à-dire l'ipsum esse et l'être-quelque-chose, dans ce sens que, dans l'unité structurelle de la chose concrète, l'unum ou, si vous voulez, id quod est, doit son être aux subsistances (formes substantielles) et son être-quelque-chose à la multitude de leurs 'accidents'. Voici un passage très important: Hebd. 202, 82-95: ... ut hominis spiritus qui (unus et simplex quantum ad hoc quod non ex diversis subsistentibus constat) et multis subsistentiis est et multis earum accidentibus aliquid est; ideoque compositus, nec ipsum quod est. Non enim in eo compositionem attendimus quoniam aliud est quod est, aliud quo est. Nam si, quemadmodum quod est 3 unum tantum est, ita quoque unum simplex tantum esset quo et esset et aliquid esset, nulla ratione compositum esset. !taque quoniam alio est, alio aliquid est: etiamsi
2. La subsistance ultime ou 'espèce' (species ou subsistentia specialis: Trin. 93, 33-34) est dite la Iota substantia d'une chose (où substantia équivaut à subsistentia; cf. Trin. 100, 24; 117, 78; 119, 38; 135, 99) ou bien Iota forma substantie (où substantia = substance = id quod est; cf. Trin. 90, 42-45; 111, 1; 135, 98); voir Trin. 92, 94-98: "quicquid est alicuius esse, aut est tota substantia illius cuius dicitur esse, aut pars eius quod est tota substantia. Et tota quidem substantia species que de eo dicitur, est. Pars vero eius quod est totum esse, genus est aut differentia que speciem ipsam constituit"; cf. Trin. 90, 45-46: "de aliquo homine (se. dicitur) tota forma substantie qua ipse est perfectus homo". 3. Gilbert se sert très souvent de la formule quod est au lieu de id quod est, comme quo est se trouve fréquemment au lieu de id quo est. Cf Trin. 86, 23-24, cité ci-dessous.
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non ex diversis subsistentibus constet, subsistens ipsum concretum atque compositum est. Quoniam ergo omne subsistens tale est, generaliter ait: OMNI COMPOSITO, i.e. omni subsistenti, ALIUD EST ESSE, quo scilicet est, IPSUM vero EST ALIUD alio quodam, quo scilicet aliquid est. ... p. ex. l'esprit humain, qui (quoiqu'il soit un et simple en tant qu'il ne consiste pas de divers subsistants), malgré cela est en vertu d'une multitude de subsistances et est-quelque-chose par une multitude de leurs accidents ; et par conséquent, composite sans être pourtant précisément ce qui est. C'est-à-dire, dans le cas de l'esprit humain on n'entrevoit pas la composition dans une différence entre le quod est et le quo est. En effet: si de la même manière dont ce qui est et son être-quelque-chose n'étaient qu'une unité de nature simple, ce qui est ne serait composite d'aucune façon. Alors: puisque le subsistant est de par un élément et est quelque chose de par l'autre, il est luimême concret et composite, quoiqu'il ne consiste pas de divers subsistants. Attendu que tout subsistant est de telle nature, Boèce dit d'une manière générale: pour tout être composé, (c'est-à-dire ce en vertu de quoi il est) est bien différent de ce qu'il est, en vertu de quelque élément différent, à savoir, l'élément auquel il doit son être-quelque-chose. Ainsi chaque mode d'être est dû à une forme spéciale. Par exemple le corps est corps de par sa corporéité, il est coloré de par sa couleur 4 etc., comme Gilbert nous apprend ailleurs (Trin. 119, 41-44). Ainsi la chose concrète consiste, d'après Gilbert, dans ses formes subsistantes (qui lui confèrent son être) et dans toutes les formes en vertu desquelles la chose est un aliquid. Mais prenons garde, les dernières formes ne sont pas les seuls facteurs à déterminer l'être concret d'une chose dans notre monde. Il reconnaît aussi quelques facteurs qui déterminent l'état actuel d'une chose, sans pourtant appartenir aux formes qui causent son esse aliquid; voir Trin. 136, 12-16; 137, 55-138, 78. La diversité des éléments ne détruit cependant pas l'unité et l'identité de la chose: (ibid. 144, 79-145, 94). Gilbert voit une différence capitale entre les propres éléments constitutifs d'une chose (c'est-à-dire les subsistances responsables de l'être d'une chose) et leurs compagnons, (comites 5 ), qui la rendent un aliquid, d'un côté, et ce que Gilbert entend par les 'circonstances' des derniers, appelées par lui les extrinsecus a.ffixa, de l'autre. Dans le cas des subsistances et leurs compagnons, le facteur unifiant est une vraie 4. Il faut souligner que notre auteur emploie souvent des noms concrets pour désigner des abstracta. Ainsi 'color est souvent pris pour la 'qualité d'être coloré'. S. Pour ce terme, voir Trin. 103, 67; 119, 23.
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ratio essendi, tandis que pour les extrinsecus a.ffixa il n'y a rien d'autre à ce propos que ce qu'il appelle quaedam extrinsecus collatio (126, 45). Voir Trin. 123, 55-125, 27; 126, 41-127, 50; 135, 2-136, 22). Il va sans dire que dans les expositions de Gilbert à ce sujet, ce sont les concepts de 'participation' et d' 'habitus' qui sont d'une importance capitale. On vient d'apprendre du commentaire sur le De hebdomadibus que notre auteur, en ce qui concerne la structure ontique d'une chose concrète, reconnaît deux espèces de participation: premièrement celle selon laquelle la chose participe à l'être simplement dit (afin qu'elle soit) et deuxièmement celle qui la fait prendre part à des formes particulières afin qu'elle obtienne l'être-quelque-chose (voir ci-dessus). Quelques pages plus loin dans le même commentaire Gilbert réduit la double participation au double sens du terme 'nature': (Hebd. 208, 64sqq.), en tant que 'natura' peut désigner (1) ce qu'il appelle la generalissima subsistentia à laquelle la chose doit sa subsistance et (2) ce qu'il appelle les accidentia, par quel terme Gilbert entend toutes les propriétés qui, bienqu'elles ne soient pas l'être de la chose subsistante, forment néanmoins les déterminations naturelles d'une chose concrète (à savoir ses qualités et quantités). 2.
LE TERME D'ACCIDENS CHEZ GILBERT.
Il s'impose de dire quelques mots à propos du rôle que le concept d' accidens joue dans la théorie métaphysique de Gilbert. Ce concept fondamental est lié très étroitement à celui de aliquid. Commençons par le dernier. Ce sont les subsistances spéciales, (les subsistances générales et différentielles incluses), qui, en coopération avec leurs 'compagnons' (les qualités et quantités), confèrent à une chose son esse aliquid en surplus de son esse simpliciter: Trin. 144, 79-81 : ... omne subsistens multorum quibus est (i.e. generis et differentie et accidentis) concretione subsistit. Ac per hoc alio est 6 alioque est aliquid. ... Tout subsistant a la subsistance grâce à h concrétion de la multitude des éléments par lesquels il est (à savoir genre, différence et accident). C'est pour cela qu'il ne doit pas son être au même élément que son être-quelque-chose. Cf Trin. 89, 10-11; 144, 58-62; 69-70. Au commencement de son commentaire sur le De hebdomadibus, Gilbert discute de l'opinion de certains philosophes qui assignent l'esse et l'esse aliquid d'une chose à ce que signifient les trois premières catégories 6. alio est suivant les manuscrits KNov;
HAERING
lit aliquo.
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d'Aristote (substance, qualité, quantité), c'est-à-dire l'être est dû à la première catégorie et l'être-quelque-chose aux deux autres. Au sujet des sept autres catégories aristotéliciennes, lesdits philosophes ne parlent ni d'un esse ni d'un esse aliquid. Voir Hebd. 194, 71-75. Un fait très intéressant est que Gilbert se range du côté des adhérents de cette opinion: Trin. 136, 12-16: Hec ergo sunt (i.e. subsistentie, qualitates, quantitates spatiorum) quibus solis subsistens esse aliquid predicatur: Nam in ... nullo aliorum ... generum predicamentis subsistens est aliquid. Voir aussi Eut. 292, 27-30 et 319, 59-320, 74. Ce que Gilbert entend par accidens resort aussi de ce qu'il dit de la participatio accidentalis. Il prend ce dernier terme pour indiquer la participation des formes non-subsistantes et il distingue à ce propos p. ex. entre esse bonum substantia et esse bonum participatione (voir Hebd. 210, 4-10; 215, 26-30). Quant aux sept catégories aristotéliciennes que Gilbert ne considère que comme extrinsecus 4ftxa, il ne parle jamais de participation, ni même d'une 'participation accidentelle'. En effet, après avoir défini les accidents (.rymbebêkota) Gilbert souligne que leur nombre se limite aux deux catégories de qualitas et quantitas; voir 210, 99-105.
3.
LA STRUCTURE ONTIQUE DE LA CHOSE CONCRETE SELON GILBERT.
Il provient de ce que nous venons de voir que, pour Gilbert, il existe une vraie multiplicité de modes d'être dans une chose concrète. Les premiers sont les formes subsistantes, (ou subsistances: subsistentiae) qui sont celles qui composent l'être substantiel d'une chose, de telle sorte que sa génération et sa corruption dépendent de leur présence ou de leur absence (voir Trin. 149, 8-13). Puis, il existe d'autres modes d'être dans la chose concrète, qui n'appartiennent pas à son être substantiel, à savoir les accidentia (ou Jormae accidenta/es). Bien que les dernières relèvent de la puissance des genres, des différences et de l'espèce d'une chose, elles n'affectent en rien son être substantiel. Elles sont présentes (adsunt) dans les formes subsistantes et, par celles-ci, elles se trouvent dans (insunt) le id quod est 7 . Un troisième groupe consiste dans ces 'propriétés' extrinsèques qui ne sont que rattachées extérieurement (extrinsecus affiguntur) à la chose. Les dernières 'propriétés' (que Gilbert appelle 'status') ne sont jamais appelées formae ni même accidentia par notre auteur. Cela signifie une déviation d'importance de 7. Ibid. 77, 84; voir aussi Trin. 90, 42-50; 120, 45-52 et Eut. 245, 68-70; 261, 1617.
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la doctrine aristotélicien ne des catégories qui semble avoir échappé à l'attention de ceux qui se sont occupés de la théorie de l'être de Gilbert 8 . Tout ce que nous venons de discuter obtient une confirmation claire quand on parle des vues sémantiques de Gilbert en général. Il faut faire un choix.
4.
NOMEN, DENOMINATI O ET CONNEXIO.
On sait que la définition du nomen donnée par Priscien 9 a joué un rôle d'importanc e dans la grammaire comme dans la logique médiévales. Elles se trouve chez Gilbert dans une forme un peu adaptée: "Omne vero nomen diversa significat, substantiam scilicet et qualitatem": chaque nomen a la tâche de signifier deux choses différentes, à savoir la chose concrète comme telle (id quod est) et sa qualité ou propriété essentielle (id quo est); la première est dite la substantia nominis (c'est-àdire la substance désignée par le nom); tandis que la deuxième s'appelle la qualitas nominis (à savoir la nature qui est désignée par le nom). Cette distinction revêt une importance capitale dans la pensée de Gilbert, qui identifie la qualitas avec predicamentum ou predicatum 10 (Trin. 163, 1-6). Il s'agit ici du double niveau dans la signification d'un mot, celui du id quod et celui du id quo, le dernier pouvant présenter, à son tour, plusieurs niveaux différents (générique, spécifique, différentiel ou accidentel). La nature variée de la denominatio qui est un concept-clé dans la sémantique de Gilbert, est d'une importance fondamental e. En effet, chaque type de denominatio se caractérise par la manière spécifique dont elle se rapporte à un aspect ontique spécial d'une chose. Ainsi la dénominatio n est liée très nettement à la composition d'une chose et peut se rapporter à n'importe lequel de ses éléments constitutifs (if. Trin. 90, 42-50). L'analyse sermocinale (à savoir celle en substantia - qualitas nominis) 8. Comme du Père VAN ELSWIJK (op.cit. 150-151) et de Lauge Olaf NIELSEN, Theology and Philosophy in the Tweljth Century, A Study of Gilbert Porreta's Thinking and the Theological Expositions of the Doctrine of the Incarnation during the Period 1130-1180, Leiden 1982, pp. 54-56, qui n'a pas observé que ce n'est que dans un contexte strictement aristotélicien que Gilbert utilise le terme accidentia dans le sens aristotélicien. Quant à lui, il réserve le mot accidens de préférence pour ceux dont on peut dire à juste titre qu'ils accidunt ou adsunt. Voir Trin. 118, 8-11. Il est évident que Gilbert suit les expositions de Boèce dans le De Trinitate (ad /oc.). 9. Inst. gramm. II, 18: "proprium est nominis significare substantiam cum qualitate". 10. Pour predicamentum = predicatum, voir p. ex. Eut. 258, 52 et aussi VAN ELSWIJK, op.cil. 148.
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se trouve en parallèle avec la décomposition bien connue de la chose réelle en quod est et quo est. Il faut considérer d'une manière analogue le parallélisme qui existe entre dénomination (et mode d'appellation ou de désignation) et la structure ontique de la chose concrète, comme celle-ci se montre dans les types divers de conjunctio; voir Trin. 123, 30125, 17. Le concept spécial de dénomination (qui fonctionne dans le domaine d'appellation) semble trouver son pendant dans ce que Gilbert appelle la connexio. En effet, c'est dans tous les cas où il s'agit de notre manière de parler des choses, plutôt que de leur structure ontique comme telle, que notre auteur utilise le terme connexio. La distinction d'importance est ici celle entre dicere per se et dicere per accidens. Alors, il s'agit d'une connexio consequens quand le prédicat (attribut) est dit de son sujet (substrat) d'après les propres formes, et quand, en plus, elles sont indiquées d'une façon explicite par le nom que l'on emploie pour désigner la chose concrète (id quod est). Par exemple, en parlant d'un certain homme dans la rue (disons Jean) on peut dire : "hoc corpus est coloratum" "ce corps est coloré". Il y a ici connexio consequens parce que le prédicat 'coloré' désigne une propriété (couleur) qui provient de la forme subsistante (corporéité désignée par le terme sujet). Mais en disant du même homme: "hoc corpus est rationale" "ce corps est un être rationnel (doué de raison)", il y a connexio accidentalis, parce qu'il n'y a pas une connexion essentielle entre 'être doué de raison' et 'corporéité'; en effet il y a bien des corps qui ne sont pas doués de raison, p. ex. les ânes, les arbres etc. Il faut bien remarquer que Gilbert ne dit pas que la rationalitas ne soit pas une propriété essentielle de l'homme. Ce qu'il veut dire c'est qu'en désignant notre homme Jean dans la rue avec la désignation 'ce corps', il n'y a qu'une connexio accidentalis entre la rationalité et le sujet désigné par la formule 'ce corps'. En concluant on peut dire que: 1. Gilbert a ses propres vues en ce qui concerne le statut ontique des choses; où il distingue différents niveaux, chacun d'eux désigné par un terme spécial. 2. Gilbert a surtout une conception d' accidens qui est bien différente de celle d'Aristote. 3. Les vues sémantiques originales de Gilbert ont influencé elles aussi sa terminologie; chose intéressante, sans doute, pour tous ceux qui s'occupent du latin du moyen âge.
J.
MONFRIN
LEXIQUES LATIN-FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE. Les quelques réflexions et suggestions que je présente devraient permettre d'apporter certaines précisions sur la formation, en relation avec le vocabulaire intellectuel latin, d'un vocabulaire français, plus précisément sur la constitution, sinon la structuration d'un métalangage qui soit commun à un certain nombre de disciplines. Une chose est en effet l'analyse du sens particulier que dans tel ou tel système de pensée un mot peut revêtir en relation avec ce système; une autre est le vocabulaire, relativement peu engagé dans un système de pensée, servant à désigner et à décrire le fonctionnement de la vie intellectuelle. L'observation des phénomènes qui se produisent lorsque l'on passe d'une langue à l'autre peut être instructive. Nous n'avons pas ou très peu de moyens de connaître ce qu'a été l'enseignement des langues vulgaires au moyen âge, ou même si elles étaient enseignées autrement que par l'usage. Quelques petits traités de grammaire ou quelques manuels de conversation ont été conservés, mais dans l'ensemble il n'existe que peu d'indications de ce côté-là 1 . Beaucoup de faits peuvent ressortir de l'étude systématique des traductions. C'est un travail qui n'a en fait jamais été poussé de façon suivie. Un certain nombre de traductions ont été étudiées; le vocabulaire a été en quelque sorte écrêmé, on a relevé quelques mots intéressants, mais il n'y a pas vraiment d'inventaire. Récemment, la publication, faite en collaboration par Mme Hasenohr et M. Bultot, des traductions du Cur deus homo d'Anselme de Canterbury et du De arrha animae d'Hugues de St-Victor a donné l'occasion à G. Hasenohr d'enregistrer tous les termes et toutes les locutions françaises du vocabulaire intellectuel, philosophique et religieux traduisant ou évoquant les notions présentes dans les deux textes, et de les mettre en correspondance avec les mots latins. Un système de renvois signale d'une part les entrées sous lesquelles le terme français considéré peut se retrouver, associé à un autre pour former une unité lexicale, d'autre part les mots employés par le 1. Il s'agit souvent d'ouvrages à l'usage d'étrangers composés en Angleterre ou dans les pays flamands. Voir par ex. O. SôDERGARD, Une manière de parler, dans Neuphil. Mitt., t. 54 (1953) pp. 201-225. Norman DAVIS, J.S. IVY, Ms. Walter J9e 38 and its French Grammar, dans Medium aevum, t. 31 (1962) pp. 110-124. Il existe quelques traités élémentaires en français destinés à faciliter l'apprentissage du latin; cf par ex. Q.I.M. MoK, Un traité médiéval de ryntaxe latine en français, dans Mélanges de linguistique et de littérature offerts à Lein Geschiere..., Amsterdam 1975, pp. 37-53.
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traducteur pour rendre la même notion. Pour la première fois nous avons la mise en parallèle systématique du vocabulaire technique d'un auteur latin et du vocabulaire français d'un traducteur 2 . A côté de ce type d'instruments de travail, nous disposons d'une grande quantité de glossaires, dont on a beaucoup parlé il y a une cinquantaine d'années, mais qu'on a, il me semble, un peu perdus de vue. Il y avait, je suppose, au moyen âge, presque autant de personnes qui faisaient des dictionnaires qu'il y en a de nos jours. L'étude de cette masse de documents a été entreprise par les romanistes depuis très longtemps. Déjà vers les années 1870-1880, la première génération des romanistes, Gaston Paris en particulier, avait songé à publier les plus remarquables des lexiques latin-français. On s'est vite aperçu que le plan proposé à l'époque - constitution, par fusion des listes, d'un 'Trésor' des gloses - n'était pas adéquat. C'est Mario Roques qui, vers les années 1930, a commencé à envisager le problème d'une manière systématique, en prenant en compte la multiplicité des types de lexiques, pour chaque type la multiplicité des copies, dont il s'est très vite aperçu qu'aucune ne ressemblait exactement à l'autre. Et c'est justement dans la différence, souvent, que réside l'intérêt. Il fallait considérer chaque copie comme une individualité. Roques avait essayé de tracer un plan très large; il s'est exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises; je rappelle ici les grandes divisions qu'il avait proposées 3 . a) Gloses rattachées au texte d'ouvrages lexicographiques ou grammaticaux destinés à l'enseignement du latin, comme Adam du PetitPont, Jean de Garlande, la Summa de Brito, etc. ; se superposant à l'explication d'un mot latin par le latin, une glose française qui amorce la constitution d'un vocabulaire grammatical français. 2. Pierre CRAPILLET, Recteur de !'Hôpital du Saint-Esprit de Dijon. Le "Cur Deus homo" d'Anselme de Canterbury et le "De arrha animae" d'Hugues de Saint-Victor traduits pour Philippe le Bon, Louvain 1984 (Univ. Cath. de Louvain, Publications de l'Institut d'Etudes médiévales, 2e série: Textes, études, congrès, 6); Glossaire pp. 369-442. 3. Travaux collectift: Receuil général des lexiques franfais du moyen âge, dans Romania, t. 62 (1936) pp. 248-255. Je signale ici quelques publications récentes: S. SOLENTE, Notice sur un manuscrit contenant des fragments littéraires (Bibl. Nat., nouv. acq. fr. 24398) B.B.C. t. 108 (1949-1950) pp. 126-129 [fol. 14-15v0 , fgt Aalma]; A. EWERT, The Glasgow latinfrench glossary [Hunterian Mus. U.G. 10], dans Medium aevum, t. 25 (1975) pp. 154-163. G. HOLMER, Fragment d'un glossaire latin ancien franfais, dans Vox Romana, t. 23 (1964) pp. 85-103, à rapprocher de A. EWERT, Fourteenth century latin-french nominais (St. John's College Oxfard Ms. n. 178), dans Medium aevum, t. 3 (1934) pp. 13-18; Tony HUNT, The AngloNorman vocabularies in Ms. Oxfard Bodl Libr. 1288, dans Medium aevum, t. 49 (1980) fasc. 1, pp. 5-25 (éd. d'un vocabulaire, avec les variantes d'autres mss.]. Voir en dernier lieu les recherches de Margarete LINDEMANN, Le 'Vocabularius nebrissensis' latin-franfais et les débuts de la lexicographie franfaise, dans Actes du 4e Colloque international sur le Moyen franfais, éd. A. DEES, Amsterdam 1985, pp. 55-86, utiles surtout pour les imprimés de la fin du xve S. et du début du XVIe.
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]. MONFRIN
b) Nous avons ensuite le résultat alphabétisé de travaux de ce type, c'est-à-dire la mise en série alphabétique grossière - je reviendrai toutà-l'heure sur le concept alphabétique au moyen âge - , de gloses. Ces listes ont pu être copiées indépendamment des textes autour desquels elles avaient été sécrétées. C'est une vieille pratique: déjà le glossaire de Reichenau fonctionnait de cette manière. Roques cite en particulier le manuscrit latin 13191 de la Bibliothèque Nationale, qui contient des gloses concernant un De doctrina puerorum dont on retrouve le texte dans le ms. de Tours 852, du XIIIe siècle. Il y a eu séparation du texte et de la glose; le recueil de gloses existe matériellement, indépendamment du texte. c) La plus grosse série est constituée par les lexiques alphabétiques, qui peuvent être soit généraux, c'est-à-dire envisager d'ensemble le vocabulaire, soit sélectifs dans leur principe, prenant d'un côté par exemple les noms, de l'autre côté les verbes. Certains sont bilingues latin-français, domaine qui m'intéresse ici aujourd'hui, mais il existe exactement le même type d'ouvrages dans d'autres langues vulgaires. d) Enfin, il y a quelques lexiques méthodiques qui découpent un secteur dans le vocabulaire et qui l'explicitent. Roques avait entrepris, parce que c'était là où la matière était la plus abondante et peut-être la moins connue, un corpus des lexiques alphabétiques latin-français. Le premier volume a paru en 1936 4 • Il contient cinq lexiques qui se rattachent plus au moins à un type commun, mais qui sont malgré tout si différents les uns des autres qu'il n'est pas possible de les éditer en accrochant des variantes à un texte de base. Le glossaire est relativement bref, puisque le premier état contient à peu près 2. 700 mots, d'autres versions qui suivent sont soit partielles, soit abrégées, soit développées (env. 9.500 mots). Ce premier paquet de lexiques est désigné sous le nom de Abavus, qui est le premier mot de la série; on a depuis longtemps l'habitude de procéder ainsi pour identifier les lexiques. Ce qui va être la base de la lexicographie latine-française de la seconde partie du moyen âge (il n'y a vraiment de production qu'à partir du début du XIVe siècle), est un lexique qui a pour base le Catholicon de Jean de Gênes et qu'on appelle Aalma; il est beaucoup plus étendu que le premier, puisqu'il arrive à un total de presque 14.000 mots. Roques a donné en 1938 5 la reproduction du manuscrit 4. Recueil général des lexiques français du Moyen âge (XIIe - xve siècles). I. Lexiques alphabétiques, t. premier, Paris 1936 [Bibliothèque de !'Ecole des Hautes Etudes, fasc. 264]. S. Recueil général ... I. Lexiques alphabétiques, t. II, Paris 1938 [Bibliothèque de !'Ecole des Hautes Etudes, fasc. 269]. Voir les réflexions très intéressantes de Robert-Léon WAGNER, Les vocabulaires français. Définitions. Les dictionnaires, Paris 1967, pp. 99-106.
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13032 de la Bibliothèque Nationale, qui offre un état du texte. Autour de ce manuscrit, nous trouvons une dizaine d'autres du même type qui vaudraient la peine d'être publiés en complément à l'Aalma comme les diverses rédactions de l' Abavus ont été publiées dans le tome 1 du Recueil général. On a un petit peu oublié l'énorme masse de travail qui reste à faire; c'est ce sur quoi je voudrais appeler l'attention aujourd'hui. Ces copies de l' Aalma sont toutes différentes; leur édition, au moins partielle, permettrait de constater un certain nombre de changements , d'additions, de suppressions, de traductions divergentes, le mouvement en quelque sorte du vocabulaire. Deux manuscrits (l'un est le ms. H 110 de Montpellier, l'autre est à Stockholm), nous ont conservé un autre glossaire dépendant lui aussi de Jean de Gênes. Malheureuse ment, aucun de ces glossaires n'est muni d'un prologue ou d'une préface ou d'un nom d'auteur. Il semble que ce travail n'ait jamais été revendiqué par celui qui l'avait fait. Ce glossaire comprend 50 à 60% de mots qui ne sont pas dans l' Aalma. La plupart proviennent du Catholicon; d'autres ont été empruntés à des sources qui n'ont pas été identifiées. Je crois qu'on peut faire un rapprochem ent entre ce lexique [on est embarassé pour lui donner un nom, parce que le début manque aussi bien dans le manuscrit de Montpellier que dans celui de Stockholm] et le Catholicon anglais de 1483, qui a été publié dans la série de la Ear!J English Text Society. Mais il y a des changements tout-à-fait intéressants du point de vue du vocabulaire, qui montrent d'une part une analyse plus fine, de l'autre côté une technicité plus forte, les publics visés n'étant peut-être pas les mêmes. AALMA ablatiuus, tiua, tiuum, ablatif [ mque] [ mque]
MONTPEL LIER ablatiuus, ablatif, case et ablatiuus, ua, uum, celui qui oste abligurigo. gis Jolie largesse on degastemen abolla. le ... , abulla. le, vesteure de senateur aomez de pierres precieuses
Le glossaire de Montpellier dégage aussi, ce que ne faisaient pas les autres, les préfixes, par exemple un article abs-, ce qui permet de mettre au clair un procédé de composition . Il procède à des renvois: "aborior, riris ... vide in orior". Il sera nécessaire de publier ce texte, dont je possède la copie. Un autre exemple, qui, lui, va être étudié par M. Brian Merrilees de l'Université de Toronto, est le dictionnaire de Firmin Le Ver. Cet
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]. MONFRIN
auteur a eu l'attention de nous donner dans une préface son nom et sa condition (prieur des Chartreux de Saint-Honoré-les-Abbeville). Il nous dit que son travail, terminé en 1440, a été composé avec des extraits du Catholicon, d'Hugucio, de Papias et de Brito. Nous voyons là l'affirmation, la reconnaissance implicite d'une méthode: un lexicographe médiéval ne fait jamais de dépouillement. Il compile des listes préexistantes, au moins dans ce type de travail. Le dictionnaire de Firmin Le Ver a été imprimé dès 1486 et il a eu une postérité assez large 6 . Il est intéressant de voir que Le Ver ne donne pas toujours la traduction française: il donne notamment des définitions du mot Theatrum, mais la notion de théâtre n'avait pas été assimilée, il n'y a aucune référence aux représentations médiévales: "THEATRUM, tri (penultima corripitur): I. Spectaculum ubicumque fiat, seu locus in quo omnis populus aspiciat ludos, scilicet locus in civitatibus ubi exercentur joca et ludi; Id. ubi decollabantur rei. Id. Plache commune ou on fait les jeux ou quarrefour. THEATRUM, tri, etiam dicitur Prostibulum, sive lupanar, quo post ludos exactos meretrices ibi prostituerentur. Id. Bordel, unde THEATRALIS, is, trale, ad Theatrum pertinens, id. de quarrefour ou de bordel." Les mêmes réflexions valent pour 'comédie' et pour 'tragédie'. L'analyse systématique nous apportera beaucoup, non seulement sur la matérialité du vocabulaire, mais sur la manière dont il est ressenti. Je passerai rapidement sur d'autres formes, dont le glossaire du ms. latin 4120, un texte résumé, d'un type qui paraît original. Je citerai aussi le très luxueux manuscrit (Vienne, Nazional-Bibliothek, Ambras 495, Gentilotti Phil. 11G) d'une grosse écriture qui paraît remonter aux alentours de 1410, avec de grands majuscules ornées 7 . Il s'agit d'un glossaire qui semble avoir été fait non plus pour l'étude, mais pour le voyage, car il se termine par un modèle de conversation pour un envoyé royal français. L'essentiel est constitué par un choix de mots de catégories diverses: substantifs, adjectifs, pronoms, adverbes mêlés d'un très petit nombre de verbes, liste de noms de nombres cardinaux jusqu'à mile mile, plus quelques ordinaux et multiplicatifs, ainsi qu'une liste de verbes. M. Roques a remarqué que ce livre avait été pensé en français et composé pour servir de guide à un grand personnage à qui le français était moins familier que le latin, peut-être un flamand; il ne dépend pas d'un glossaire alphabétique. 6. Le dictionnaire de Le Ver a été signalé par Ambroise FIRMIN-DIDOT, Observations sur !orthographe ou orthographie française, Paris 1866, pp. 100-106; il est conservé dans Bibl. Nat., n. acq. fr. 1120. 7. M. ROQUES, Un modèle de conversation pour la réception d'un envqyé rqyal au xve siècle, dans Festschrift für Prof Ernst Tappolet, Base! 1935, pp. 261-266.
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LEXIQUES LATIN-FRANÇAI S
On constate des efforts tout à fait curieux autour des textes. Le Brito de Montpellier, ms. H 236 présente un système très curieux: il comporte des gloses en français, introduites dans le texte en complément de l'explication latine, ce qui n'est pas rare. A ces gloses ont été ajoutées dans les marges d'autres gloses françaises assez nombreuses. Un système complexe de renvois permet de se repérer dans ce matériel lexical. Les pages sont divisées d'abord en deux par un chiffre, à l'intérieur de ces deux sections par des lettres repères a b c d; ce système de renvois a permis de faire l'index de toutes les gloses en ordre alphabétique, c'està-dire des renvois à la fois aux gloses internes du texte et aux gloses marginales. Nous avons donc la superposition de trois instruments de travail. Je voudrais enfin mentionner un travail conçu dans un autre état d'esprit, d'un type peu répandu à ma connaissance au moyen âge: un lexique uniquement français, qui est thématique, c'est-à-dire qui essaie, autour d'une notion, de balayer tout le champ notionnel; il s'agit d'une liste d'adjectifs qualificatifs, tous relatifs aux vertus et qualités ou aux vices et défauts de la nature humaine. Les adjectifs sont regroupés : sont rassemblés tout ou partie des qualificatifs susceptibles d'être mis en relation avec les diverses branches traditionnelles des vices (ou des vertus) et leurs multiples ramifications: ourgueilleux, ingrat, despiteux, inreverent, desobeissant, mespriseurs, descognoissant (§ 21) ; oultrecuidé, arrogant, presumptueux, singulier, despandeur par exces (§ 22) 8 . Les glossaires français-latin sont très rares. L'un d'entre eux est conservé dans le ms. latin 7684, qui a été très souvent utilisé par Carpentier dans son supplément au Du Cange et qui pourra être prochainement publié. Il mérite une étude plus longue, car il fait bien apparaître tous les problèmes d'une mise en ordre alphabétique. On a l'impression que c'est un travail d'inversion exécuté à partir d'un lexique latin-français. Mais l'auteur du glossaire n'a pas réussi à casser dans tous les cas l'ordre alphabétique de son modèle: il a laissé en ordre latin des séries de mots ; ailleurs il a conservé en lemme les doublets qui traduisaient un mot latin ; ailleurs encore il laisse une seconde traduction française après le latin et reprend ensuite l'inversion suivant l'ordre alphabétique français: Bon bonus. a. um et comparatur melior, optimus. Bien bene adverbium et comparatur melius, optime. Bonté, doulceur, bonitas. tis humanité. f. Bonifico. cas. atum fere bon a. Buef, bos, bovis c. 8. G. HASENOHR, Note sur un lexique technique monolingue de la fin du Romania, t. 105 (1984) pp. 114-129.
xve
siècle, dans
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J.
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Bovinus a. um. de buef ad bovem pertinens. Bouvier bossequus. qui, m. Bouverie bostar- staris. estable a buefs, n. Bourjon de vigne botro. onis, dicitur a hotus Botus, tri, raisin ou grape ou le pepin. Bouarium. rii, le lieu ou l'on vent les buefs. Bouchier bovicida de Braies brace. carum, plural. Bracatus. a. um qui a braies o. A certains endroits nous avons des flottements, la forme latine citée en seconde position prévalant dans le classement, sur la forme française: abominablement abominabiliter avorté abortus. ta. tum. Abortuus idem o. acourter abbrevio. as. atum n. aurone herba abrotanum. i. On sent une tension entre deux systèmes qui n'arrivent pas à se distinguer l'un de l'autre. L'analyse très détaillée de chacune de ces difficultés pourrait permettre à la fois d'enrichir notre connaissance du vocabulaire français et de comprendre l'attitude que peut avoir au XIVe et au XVe siècle un homme qui essaie d'inventorier les mots et d'en analyser le sens. Je n'ai pu qu'esquisser les grandes lignes d'une recherche en cours, et montrer, par quelques exemples, l'ampleur de la tâche à accomplir. Cette recherche devrait permettre, à terme, de constituer des ensembles, par champ notionnel, de mots latins avec les traductions françaises qui en ont été proposées aux XIIIe, XIVe et XVe siècles. On pourrait dégager ce qui, dans ces 'synonymies', est traditionnel et ce qui relève d'une innovation. La constitution même des listes de lemmes latins proposés par les glossaires est instructive, ne serait-ce que par le mélange de mots usuels et de mots savants ou même forgés, qui n'ont d'existence que dans la tradition lexicographique 9 •
9. Voir un exemple d'utilisation d'un glossaire pour l'étude de la formation des noms: G. MERK, La vitalité des suffixes nominaux du latin au français, dans Revue de ling. rom., t. 34 (1970) pp. 194-223 (utilise Abavus).
N. LETTINCK
L'INTERET DE L'ANALYSE DE TERMES POUR L'ETUDE DE L'HISTORIOGRAPHIE MEDIEVALE. 1.
LES TENDANCES ACTUELLES
DE LA RECHERCHE DE L'HISTORIOGRAPHIE MEDIEVALE.
Pendant les dernières décennies se sont effectués des changements importants quant à la recherche de l'historiographie médiévale. Au XIXe et au début du XXe siècle dominait une attitude très sceptique à l'égard des chroniques universelles, des annales et des Vies de saints, parce qu'on supposait que ces écrits ne contenaient guère de faits sûrs et nouveaux. Car les événements les plus importants du moyen âge étaient déjà connus après l'étude minutieuse des chartes et des autres documents juridiques. Ce point de vue s'explique d'un coup d'oeil en parcourant les sources éditées par le MGH au XIXe siècle. Des oeuvres historiques médiévales on s'est borné le plus souvent à éditer le prologue, l'épilogue et la partie où l'auteur décrit son propre temps. Au vu de ces éditions, il est exclu de prendre connaissance de la structure totale du texte, sans parler de l'intention et de la prestation littéraire de l'auteur. C'est un fait bien connu que cette attitude positiviste a été critiquée sévèrement, surtout en Allemagne par ]. Sporl et H. Grundmann. Ces spécialistes de l'historiographie ont étudié l'histoire médiévale du point de vue de ce qu'on appelle la 'Geistesgeschichte', afin de déterminer "Die Eigenart mittelalterlicher Geschichtsanschauung" (Grundmann). La recherche était orientée plus vers le contenu intentionnel du texte que vers son contenu factuel. Autrement dit: dans le texte on ne recherchait pas en premier lieu la réalité objective, mais la conception de la vérité de l'auteur. L'évolution la plus récente dans ce champs de recherche a été stimulée par le groupe des Annales, par l'intérêt qu'il porte aux idées et aux sentiments collectifs dans leur contexte social. Précisant le cadre de ces recherches, je préfère parler d'histoire sociale des idées, parce que je voudrais éviter la notion ambiguë d'histoire des mentalités. Les principes des Annales sont appliqués avec profit dans des recherches historiques d'une grande diversité, mais à l'égard de l'historiographie médiévale les résultats sont relativement pauvres. Ce n'est pas étonnant, car les tenants de cette orientation de recherche ont formulé des exigences innombrables, entre autres : - la recherche ne vise pas seulement les idées individuelles, mais aussi les idées et les sentiments collectifs d'un groupe précis ;
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N. LETTINCK
- l'étude ne se limite pas aux opinions clairement énoncées, mais prend aussi en considération les idées et les sentiments vécus sur une longue durée, et ce dans leur contexte social. A propos de l'étude des textes historiographiq ues, cela implique qu'on ne peut plus se satisfaire de l'analyse du texte seul. Une approche unidimensionne lle ne suffit plus. Il nous faut tenir compte, dans la mesure du possible, des questions suivantes: - le choix du genre littéraire et les conséquences de ce choix pour les modes d'expression de l'auteur; - la structure narrative, par exemple: l'emploi des 'topoi'; - milieu social et culturel de l'auteur; - le public visé ; la fonction du texte; - la notion spécifique de la vérité chez les historiographes médiévaux, si différente de la nôtre.
2.
L'EVOLUTION DE L'ANALYSE HISTORIQUE DES TERMES ('BEGRIFFSGESC HICHTE').
Dans le cadre précis de ce colloque, je me limiterai à l'un des aspects de cette nouvelle approche de l'historiographi e médiévale, qui concerne la méthode de recherche, à savoir: l'analyse des termes. Quelques publications scientifiques récentes ont bien montré que l'analyse des termes nous fournit une méthode particulière pour découvrir "l'outillage mental" des collectivités dans leur contexte historique. Georges Duby, par exemple, a montré dans des publications diverses de quelle façon la valeur des notions, telles que Jeodum, miles et ordo, a changé au cours du temps. Par l'étude des mutations de la signification de ces termes clefs, il a réussi à enregistrer des changements au niveau idéologique. Ces changements idéologiques ont été provoqués par des changements dans la structure socio-économiq ue. A ce propos, il préfère parler de "l'interférence entre l'imaginaire et le réel, le rêvé et le vécu". Outre Duby, on doit mentionner les études historiographiq ues de Bernard Guenée (voir Références). Ce n'est pas exclusivement en France que l'on a pratiqué l'analyse de termes, mais aussi en Allemagne, où je constate ces derniers temps un intérêt croissant pour la 'Begriffsgeschichte'. Il me suffit pour ce moment de mentionner les publications de Reinhart Koselleck et sa collaboration au grand lexicon: Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland (Stuttgart, 1972-.... ).
L'HISTORIOGRAPHIE MEDIEVALE
3.
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ANALYSE HISTORIQUE DES TERMES
DANS L'ETUDE DE L'HISTORIOGRAPHIE MEDIEVALE. EXEMPLES ET PERSPECTIVES.
Plus haut j'ai affirmé que l'étude de l'historiographie médiévale dans la perspective de "l'histoire sociale des idées", doit s'intéresser à la notion de la vérité qui y est sousjacente. A ce propos, on tirera profit d'une recherche systématique de la notion veritas, telle qu'elle est utilisée maintes fois dans les prologues et les épilogues. Parmi d'autres, Bède le Vénérable invoque dans le prologue de son Historia Ecclesiastica "les principes de l'historiographie vraie". Afin de découvrir quelle notion de vérité était dominante à cette époque et dans ce milieu social, on peut prendre la notion veritas comme un mot clef. L'analyse du contexte de ce mot chez Bède et d'autres lettrés contemporains nous permet de révéler leurs présuppositions. Il s'agit donc, dans ce projet de recherche, d'un groupe d'auteurs du haut moyen âge. Il est connu que composer un écrit historiographique au moyen âge n'était pas une profession, mais une activité pratiquée en milieu monastique ou clérical. Les historiens médiévaux étaient en même temps théologien, canoniste, liturgiste, musicien, hagiographe, computiste. Il me semble important d'étudier la relation précise entre la tendance de l'historiographie à se professionnaliser au cours du bas moyen âge et les modifications de la conception de la veritas. Prenons quelques exemples d'analyses de termes, empruntés pour la plupart à ma thèse de doctorat (1983) sur "la vision de l'histoire et le temps vécu chez quelques historiographes de la première moitié du XIIe siècle". Dans la littérature scientifique à ce sujet, on affirme généralement que les hommes du moyen âge avaient un respect sacré pour la tradition: l'ancienneté, mais qu'ils se méfiaient de tous les changements historiques dans le présent: la nouveauté. Le plus souvent on explique cette attitude mentale en se référant à la conception chrétienne eschatologique de l'histoire. Grâce à cette conception finaliste, les hommes du moyen âge interprétaient en principe leur époque comme la dernière phase de l'histoire salvique, la fin du monde étant imminente. Cette vision du monde, qui selon plusieurs historiens modernes, était foncièrement pessimiste, était exprimée à l'aide de modèles de périodisation et de techniques exégétiques (dont je ne peux pas parler ici pour le moment). Ma question principale était: comment cette conception de l'histoire salvique a-t-elle influencé concrètement l'historiographie? Comment s'expliquer, par exemple, qu'un esprit original comme Bonaventure a dit explicitement qu'il ne voulait pas s'attacher à des idées neuves, mais qu'il n'était qu'un pauvre et petit compilateur? (Voir Texte 1)
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Dans mon étude, j'ai analysé l'emploi des concepts de temporalité, tels que modemus, novus, anliquus et velus chez quatre historiograp hes qui appartenaien t à la tendance conservatric e du monachisme bénédictin: Hugues de Fleury, Guibert de Nogent, Orderic Vital et Guillaume de Malmesbury. La littérature courante donne l'impression que pour ces auteurs les mots tels que modemus et novus auraient eu principalem ent une résonance négative, tandis que des mots comme anliquus et velus auraient eu un sens surtout positif. Toutefois, une lecture attentive d'oeuvres historiques nous a fait conclure que cette présentation des choses est trop simpliste: le jugement porté par ces quatre historiens sur leur époque ne découlait pas uniquement de la conception du monde historico-th éologique, qui était cependant leur 'idéologie' commune. L'objectif qu'ils se proposaient dans leurs écrits, ainsi que les circonstance s personnelles , sociales et locales, dictaient également leur attitude. Il n'y a aucune raison de parler d'une attitude préconçue à l'égard de 'l'ancienneté ' ou de 'la nouveauté' chez les bénédictins. Quelques exemples: Guillaume de Malmesbury et Orderic Vital ont été tous les deux témoins de l'évolution rapide d'un nouvel ordre monastique, celui de Cîteaux. Tous les deux ont décrit l'histoire de cette congrégation . Guillaume de Malmesbury, approuvant la fondation de ce nouvel ordre, n'emploie à ce propos qu'une seule fois le terme novus, sans connotation négative. Orderic Vital, jugeant cette fondation inutile, se sert cinq fois du terme novus, avec connotation négative. Cette différence d'opinions provient peut-être du fait que l'Anglais Guillaume était fier que le deuxième abbé de Cîteaux (Etienne Harding) était un compatriote. Les ouvrages historiques de Guibert de Nogent nous montrent bien qu'il est également possible que le jugement sur les événements contemporai ns soit influencé par le but précis des écrits. Dans ses Mémoires, souvent discutés, il glorifie tour à tour la grande antiquité de son abbaye, de fondation relativement récente - il n'était que le troisième abbé. Pour garantir la propriété et les moyens de subsistance de sa communauté , il insiste plusieurs fois sur les antiquitales ou les veluslales de son abbaye. Dans ses Gesla Dei per Francos néanmoins, ces termes temporels prennent un sens négatif. Le but de ce traité était de glorifier la toute nouveauté de la première croisade. Selon Guibert, quoique le monde touche à sa fin, Dieu a opéré une chose entièrement nouvelle, c'est-à-dire: organiser une expédition des Francs contre les païens qui ont occupé Jérusalem. (Voir Texte 2) Il n'y néglige aucune occasion d'exalter son époque pour avoir organisé cette entreprise nouvelle qui créa même un nouveau type d'homme (homo novus). Les adjectifs novus et modemus prennent dans ce contexte toujours un sens positif. Les historiens du moyen âge dont j'ai parlé ici, ont employé dans
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leurs écrits ces concepts de temporalité pour exprimer des intentions spécifiques. Ces intentions ne nous sont révélées que par l'étude du contenu objectif de ces termes latins, et ensuite et surtout de leur valeur subjective. Il convient donc de décoder attentivement une langue savante, qui limitait aussi les Jitterati dans leur mode d'expression. J'ajouterai un exemple qui n'est pas emprunté à ma thèse. Il s'agit du Vita Heinrici II, composé par Adelbold, évêque d'Utrecht (10021024). Dans le prologue, l'auteur exprime son opinion sur la relation entre 'l'ancienneté' et 'la nouveauté' dans un grand discours plein d'antithèses. A mon avis, c'est un plaidoyer vigoureux pour la nouveauté, tandis qu'en même temps l'auteur essaie de convaincre les admirateurs de l'ancienneté qu'ils ont tort. (Voir Texte 3) Il dit explicitement: la nouveauté a la priorité, afin quel' ancienneté lui succède. Ce raisonnement s'explique si nous tenons compte du fait que depuis le temps de saint Louis aucune Vita royale ou impériale n'a été composée en vue d'un procès en canonisation (Henri II n'a été canonisé qu'en 1146). En outre, c'est un fait extraordinaire que cette Vita ait été écrite du vivant du roi honoré. Une confrontation entre cette dernière et la Chronique de Thietmar de Merseburg révèle combien était idolâtre l'admiration d' Adelbold. Pour justifier le caractère exceptionnel pour son temps de sa biographie, l'auteur a consciemment accentué dans sa plaidoirie les aspects positifs de la novitas.
4.
CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS
POUR LES RECHERCHES FUTURES.
J'espère avoir montré l'importance des études terminologiques pour l'historiographie médiévale. Bien que je ne renonce pas à l'analyse quantitative des textes, je préfère, en vertu de mes recherches, l'analyse qualitative. Mon étude s'était limitée au début du XIIe siècle et au milieu bénédictin traditionnel: reste la tâche d'élargir ce champs de recherche à des milieux et des périodes différents. Ainsi l'analyse des termes peut nous permettre d'enregistrer les transformations mentales. Ensuite, j'ai indiqué les possibilités d'une analyse du mot clef veritas dans son contexte historique. Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le mot à connotation évangélique paupertas (la connexion entre les notions de pauvreté spirituelle et de pauvreté matérielle au x1e et xne siècles) et sur le mot civitas (la connexion entre la notion augustinienne et le sens vécu par les citadins du bas moyen âge). Le langage se définit comme un système de signes pour reproduire la réalité, mais il comporte aussi - comme les œuvres d'art, les gestes, le vêtement - un message précis. En analysant dans l'historiographie
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N. LETTINCK
médiévale certains mots-clefs, nous sommes mieux à même de déchiffrer quel message les historiens voulaient transmettre à leurs contemporains et à nous-mêmes.
LITTERATURE G. DUBY
Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme (Paris 1978). A. GRANSDEN Historical writing in England c. 550 to c. 1307 (Ithaca/ New York 1974). B. GUENEE L'historien par les mots, dans: Le métier d'historien au mqyen âge; études sur l'historiographie médiévale, éd. B. GUENEE (Paris 1977) 1-17. B. GUENEE Histoire, mémoires, écriture. Contribution à une étude des lieux communs, dans: Comptes rendus. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Paris 1983) 441-456. B. GUENEE Histoire et Culture historique dans l'Occident médiéval (Paris 1980). A.]. GUREVICH Medieval culture and mentaliry according to the new French historiography, dans: Arch. Europ. Social. 24 (1983) 167195. B. LACROIX L'historien au mqyen âge (Conférence Albert le Grand 1966; Montréal/Paris 1971 ). N. LETTINCK Comment les historiens de la première moitié du XIIe siècle jugeaient-ils leur temps? dans: journal des Savants (éd. par l'Institut de France, 1985). N. LETTINCK Geschiedbeschouwing en beleving van de eigen tijd in de eerste helft van de 12e eeuw (diss. VU Amsterdam; Amsterdam 1983). F. NIEHOFF Ordo et artes. Wirklichkeiten und Imaginationen im Hohen Mittelalter, dans : Omamenta Ecclesiae. Kunst und Künstler der Romantik. Katalog zur Ausstellung des SchnütgenMuseums in der Josef-Haubrich -Kunsthalle I (Koln 1985) 33-48. R.D. RAY Medieval historiography through the twelfth century: problems and progress ef research, dans: Viator 5 (1974) 33-59. F.J. SCHMALE Funktion und Formen mittelalterlicher Geschichtsschreiber. Eine Einfiihrung (W issenschaftliche Buchgesellscha ft Darmstadt, 1985).
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H.K. SCHULZE Mediiivistik und Begrijfsgeschichte, dans: Festgabe für Helmut Beumann zum 65. Geburtstag, éd. K. U. JASCHKE / R. ]. SPôRL
WENSKUS (Sigmaringen 1977) 388-405. Das Alte und das Neue im Mittelalter. Studien zum Problem mittelalterlichen Fortschrittsbewustseins, dans: HJ 50 (1930) 297-341; 498-524.
TEXTES Texte 1 Bonaventura, Praelocutio ad II lib. Sententiarum: "Non enim intendo novas opiniones adversare sed communes et approbatas retexere. Nec quisquam aestimet quod novi scripti velim esse fabricator; hoc enim sentio et fateor quod sum pauper et tenuis compilator." (Cité par ]. Sporl, Alte, 308) Texte 2 Guibert de Nogent, Gesta Dei per Francos (éd. Thurot, 123) "Quorumdam mortalium vitiose aliquotiens, sed non semper, moribus constat inolitum, ut modernorum facta vituperent, praeterita saecula sustollant. Et quidem laudanda fuit veterum modestiae contemperata felicitas, et retractatione consilii moderata vivacitas: sed nemini discreto, qualicumque virtuti nostrae saecularis eorum fuit ullo modo anteferenda prosperitas. Etsi enim in antiquis virtus defaecata praeminuit, tamen in nobis, in quos licet saeculorum finis devenerit, dos naturae nequaquam prorsus extabuit. Praedicantur merito pro hominum novitate priscis acta temporibus: sed multo justius efferri cligna sunt, quae mundo prolabente in senium peraguntur utiliter a rudibus." Texte 3 Adelbold d'Utrecht, Vita Heinrici II imperatoris (H. van Rij, éd. dans: Nederlandse Historische Bronnen, éd. par Ned. Hist. Genootsch. III (Amsterdam 1983) 46. "Scimus insuper et saepissime audivimus, quod in omnibus scriptis antiquitas delitiose veneratur, novitas fastidiose repudiatur. Sed quae recipiuntur ut antiqua, nisi primitus essent nova, nunc non essent antiqua. Quare praecedit novitas, ut sequatur antiquitas. Stultum est ergo quod praecedit spernere et quod sequitur, quodque a praecedenti habet, ut sit, recipere. Raro enim a si tien te ri vus queritur, dum fons habetur. Dicimus haec, non ut abiciatur antiquitas, sed ut recipiatur novitas. In omnibus quippe scripturis, si est veritas et utilitas, aeque valet novitas et antiquitas."
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Cf Guillaume de Malmesbury, Vita Wulstani (éd. R.R. Darlington, London
1928) 2-3. "Et veterum quidem gestis pro antiquitatis assurgunt reverentia, sed alacriori capiuntur dulcedine, si alicuius sancti qui nuperime fuerit, vita producatur in medium, in qua sicut e speculo conspicentur, ut ita dictum sit vivum religionis simulachrum. Accedat enim iocunde relationi novitas ; ne aliquis desperet a se per Dei gratiam fieri posse quod audit ab alio de proximo facto fuisse."
OLGA WEIJERS
LA SPECIFICITE DU VOCABULAIRE UNIVERSITAIRE DU XIIIe SIECLE. Mon intérêt pour le vocabulaire des universités médiévales date de 1978, lorsque j'ai présenté une communication à Cologne, à l'occasion de la 'Medievistentag ung', sous le titre de Terminologie des universités naissantes 1 • Depuis, j'ai élargi et approfondi mes premières recherches, en dépouillant notamment les sources universitaires en ce qui concerne le XIIIe siècle. L'étude qui en résulte paraîtra ultérieurement 2 . Comme c'est en fait la conclusion de ce travail que je vous présente ici, j'en expliquerai rapidement le dessein et la nature. Il ne s'agit pas d'un dictionnaire qui traite un par un les termes en question dans l'ordre alphabétique. Les concepts universitaires y sont analysés, groupés dans des chapitres thématiques, ayant trait par exemple aux assemblées (congregatio, cetus, convocatio, conventus, consilium), à la production et au commerce des livres (stationarius, librarius,peciarius, exemplator), aux vacances (cessare, resumere, vacatio, crastina, terminus). L'ouvrage comprend trois sections principales concernant les institutions, les personnes (enseignants, étudiants et personnel) et les méthodes d'enseignement (y compris les examens et les cérémonies). Les chapitres se laissent également diviser en trois parties. D'abord, je résume ce que l'on sait des concepts (et des réalités) en question dans le cadre universitaire, en me basant principalement sur la littérature moderne à ce sujet. Deuxièmement , je cite les premières attestations des termes que j'ai trouvées dans les sources universitaires ou d'autres passages qui peuvent illustrer leur emploi dans ce contexte. Finalement, et c'est la partie essentielle, j'essaie d'expliquer de quelle façon et dans quelle mesure l'histoire sémantique des termes est à l'origine de leur adoption par les universités, autrement dit quelle partie de leur héritage (s'il y en avait un) les rendait aptes à être utilisés comme des termes techniques universitaires. Avant d'en venir au thème principal de cette communication , à savoir la spécificité du vocabulaire universitaire, je dois d'abord préciser le contenu de ce que j'appelle le vocabulaire ou la terminologie des universités. Je ne désigne pas par cette expression l'ensemble des termes 1. Dans Soziale Ordnungen im Selbstverstiindnis des Mittelalters, Miscellanea Mediaevalia 12/1 (1979) pp. 258-80. 2. Elle a paru à Rome en 1987 (Lessico Int. Europeo 39).
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que l'on trouve dans les statuts et autres documents officiels de cette institution. D'un point de vue purement linguistique, il serait certainement intéressant d'étudier la langue de ces sources de façon exhaustive. Mon but est différent: je veux étudier les termes techniques en rapport avec les concepts et les réalités auxquels ils renvoient. D'autre part, ce vocabulaire technique dépend évidemment de la documentation, qui n'a pas la prétention d'être complète. L'espace européen semble conserver, au XIIIe siècle, suffisamment de cohérence pour permettre une vue d'ensemble. Je me suis donc imposé des limites chronologiques, mais non géographiques. Cependant, j'ai dû faire un choix parmi les universités, notamment en ce qui concerne l'Italie, où nombre de petites universités ont été fondées sans jamais atteindre plus qu'une existence locale et ephémère. Voici la liste des universités que j'ai retenues: pour l'Italie, Bologne, Padoue et Naples; pour la péninsule ibérique, Salamanque, Valladolid et Lisbonne-Coïmbre; pour la France, Paris, Montpellier, Toulouse et Orléans; pour l'Angleterre, Oxford et Cambridge. Ensuite, ma documentation est incomplète du fait que je me suis servie essentiellement des sources éditées. Dans la plupart des cas, on dispose de collections importantes de documents universitaires (le cartulaire de l'université de Paris, les vieux statuts de l'université d'Oxford, etc.) et d'autres textes ont été édités séparément ou en appendice à des études historiques. Le dépouillement systématique des archives et des manuscrits n'aurait pas sensiblement modifié, je crois, la constitution du vocabulaire technique. Enfin, je dois me justifier pour avoir délibérément exclu un certain nombre de termes. D'une part, on cherchera en vain les mots se rapportant aux diverses disciplines. Outre le fait que les universités n'avaient pas le monopole de l'enseignement de cette matière, il aurait été impossible de les incorporer dans une seule étude. D'autre part, certains termes qui sont importants dans le contexte historique des universités, dont statutum, privilegium, sigillum, sont en fait communs à toutes les corporations et ne peuvent être considérés comme spécifiquement universitaires. J'ai également écarté l'aspect vestimentaire, qui constitue un sujet à part et qui mérite d'être étudié en rapport avec l'histoire de l'art. Finalement, des mots cités dans la littérature moderne comme termes techniques ne le sont pas toujours: suspendium, par exemple, ne signifie pas, comme on l'a dit, la suspension des cours pour cause de grève, mais la pendaison de certains clercs, ce qui a provoqué effectivement une grève de l'université d'Oxford. Après ces mises en garde concernant la nature de ma documentation, on peut aborder la question suivante: en quoi ce vocabulaire est-il
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spécifique, c'est-à-dire en quoi diffère-t-il de celui du monde scolaire antérieur (et sans doute contemporain)? Constatons d'abord que le vocabulaire universitaire du XIIIe siècle contient peu de mots véritablement nouveaux. On peut citer à cet égard studium generale comme unité terminologique , questionista, vesperie. Souvent, ils ont été formés, au sein de l'université, sur la base d'autres termes universitaires qui existaient déjà dans ce contexte, notamment doctoratus et doctorare (de doctor), bursarius (de bursa), peciarius (de pecia), conventare (de conventus), etc. La plupart des termes a été empruntée à d'autres contextes et adaptée à l'utilisation par les universités, ce qui impliquait parfois une légère modification d'emploi, parfois une véritable mutation sémantique. Pour des raisons mentionnées plus haut, je ne suis évidemment pas en mesure d'établir des statistiques pour illustrer les différents terrains d'origine des termes, mais j'essaierai d'en dégager les grandes lignes. Dans l'ensemble, trois domaines d'emprunt se profilent clairement: l'enseignement, le droit public et l'Eglise. Cependant, leur influence relative varie selon les différentes sections de mon étude, qui représentent des aspects très variés de la vie universitaire. Regardons un peu plus en détail. Dans la première partie, concernant les institutions, nombre de termes ont été empruntés à l'administration des villes et des corporations (dont universitas, societas, confratria, consilium, collegium dans le sens de collège des docteurs). Quelques-uns viennent du vocabulaire de l'Eglise (collegium dans le sens de maison d'étudiants, convocatio, peut-être congregatio). Plusieurs autres étaient en usage dans ces deux domaines à la fois (notamment consortium, communitas et communio, bursa, matricula, rotulus). Certains mots viennent directement du monde scolaire (studium, licentia docendi, facultas, cathedra). Restent évidemment des termes pour lesquels on ne peut déterminer un contexte particulier et qui appartenaient simplement au fonds commun de la langue latine à l'époque (par exemple natio, hospitium, salarium). Il n'y a pas ici une nette prépondérance de l'un des domaines d'emprunt mentionnés, sans doute parce qu'il s'agit de concepts de nature diverse, les institutions immatérielles (universitas, licentia, facultas, etc.) jouxtant les réalités concrètes (cista, cathedra, etc.). Les termes désignant les personnes associées à l'université doivent être divisés en quatre groupes. Les noms des professeurs sont tous originaires de l'enseignement pré-universitair e (magister, doctor, prefessor, dominus legum, lector). Par contre, ceux des étudiants sont d'origine variée. Scolaris et socius étaient déjà en usage dans le monde scolaire, mais studens en tant que substantif n'est probablement pas antérieur aux universités. Dérivé du verbe studere, ce terme appartient, me semble-t-il, à un contexte intellectuel plus large. La même chose vaut pour sophista, un
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mot ancien, mais qui a pris un tout autre sens dans le cadre de l'université d'Oxford, à savoir celui qui 'répond' dans les disputes sur les sophismata. Questionista, également un mot oxfordien, a été formé au sein de l'université sur la base du terme questio 3 . Baccalarius a été emprunté au vocabulaire des classes sociales. La plupart des appellations données aux administrateurs et aux employés des universités viennent du vocabulaire des corporations et des villes ou des administrations régionales et nationales. Je cite comme exemple: rector, procurator, consiliarius, statutarius, .ryndicus, notarius. D'autre part, l'Eglise a fourni cancellarius, bien sûr, puis scrutator, hebdomadarius. Pour d'autres termes, dont decanus et nuntius, on ne peut citer un contexte particulier, tant ils sont communs aux différentes branches de la vie médiévale. Quelques-uns viennent directement du système judiciaire (commissarius, iustitiarius) ou en ont peut-être subi l'influence (bedellus, apparitor), d'autres encore ont été empruntés au monde financier (receptor, campsor). Ceux qui concernent la reproduction des livres forment un sujet à part, étroitement lié à la vie universitaire et largement tributaire d'elle 4 . Le vocabulaire du monde scolaire ne joue aucun rôle dans cette section, ce qui est assez compréhensible : entre l'organisation scolaire et celle des universités, il y a une rupture totale. Les résidants et les dirigeants des collèges doivent généralement leur nom au vocabulaire ecclésiastique (beneficiatus, provisor, custos, bursarius, prior). C'est naturel, car ces institutions s'inspiraient fortement des communautés religieuses. La troisième partie, ayant trait à l'enseignement dispensé par les universités, contient, bien entendu, plusieurs termes qui faisaient déjà partie du vocabulaire des écoles. C'est le cas notamment d'audire (auditor, auditio) et de regere 5 • Cependant, la plupart des mots que j'ai groupés sous le titre "les cours et les vacances", n'ont pas d'origine spécifique. Ainsi,punctum, ordinarius et extraordinarius, resumere, vacare (vacatio), terminus, faisaient partie du vocabulaire commun avant d'acquérir un emploi spécial dans le cadre universitaire. L'influence du vocabulaire scolaire est plus nette en ce qui concerne les méthodes de l'enseignement: lectio et legere, questio, disputatio, opponere, et les autres termes des disputes étaient en usage dans les écoles pré3. Ces termes montrent évidemment une analogie avec les appellations des spécialistes ou étudiants des diverses disciplines, comme artista, decretista, etc., dont je ne traiterai pas ici. 4. Ainsi, l'emploi du mot pecia dans le sens dont il s'agit est peut-être originaire du milieu parisien pendant la première moitié du XIIIe siècle. Peciarius et exemplator sont des formations nouvelles. Stationarius, emprunté sans doute au milieu des marchands, semble s'être imposé d'abord au sein de l'université de Bologne. 5. L'emploi absolu est nouveau, mais il vient de l'expression studium ou scolas regere, en usage avant la naissance des universités.
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universitaires. Certains termes viennent du domaine de l'Eglise (.predicatio, sermo, collatio) ou de l'enseignement des ordres religieux (biblice). D'autres, appartenant auparavant au fonds commun de la langue, ont été adaptés à des emplois très spécifiques, notamment cursorius (-rie), quodlibet, reportare (-atio), repetere (-titio). Cette dernière tendance est prépondérante dans la dernière section, celle des examens et des grades, qui montre relativement peu d'influence des vocabulaires techniques. Les termes licentiare et examinare sont originaires des écoles, presentare et au/a du domaine de l'Eglise, deponere de celui de la juridiction, mais pour le reste, on est en présence de termes courants et peu spécifiques avant leur incorporation dans le vocabulaire universitaire. C'est le cas notamment de gradus, promovere, incipere (-ptio), principium, vesperie, resumere (-ptio ). De plus, on assiste ici à des emprunts internes, car certains termes étaient déjà employés dans le contexte universitaire dans un autre sens. Ainsi, conventus dans le sens d'examen public vient de l'emploi du même mot dans le sens d'assemblée, déterminatio comme examen dans la faculté des arts est directement dérivé de l'emploi concernant les disputes. On peut en déduire d'une part que la mise en place du système des examens s'est effectuée après la formation du vocabulaire initial des universités, d'autre part, qu'il s'agit d'une création presque ex nihilo, nécessitée par l'ampleur du mouvement universitaire et le nombre des étudiants et beaucoup moins préparée par la tradition scolaire que les méthodes de l'enseignement. Essayons de résumer. Sur le terrain des institutions et de l'administration universitaires, on constate une nette influence du droit public, qui avait trouvé son essor et laissé son empreinte sur la gestion des villes et des corporations au cours du xne siècle, et un rôle moins prononcé qu'on aurait pu le croire joué par l'Eglise, qui a, par contre, déterminé le vocabulaire des collèges. Il faut en outre citer le milieu de la juridiction et le monde des sciences et du travail intellectuel 6 . En ce qui concerne le vocabulaire scolaire, il est certes présent dans le domaine des institutions, prépondérant dans les dénominations des professeurs et des étudiants et important dans les méthodes de l'enseignement. D'autre part, il n'a joué aucun rôle par rapport à l'administration des universités et son influence sur la terminologie de l'enseignement universitaire en général est, somme toute, relativement limitée. Cet enseignement a beaucoup évolué et s'est servi de méthodes nouvelles. En témoignent des termes comme cursorie, quodlibet, reportatio, repetitio. De plus, comme on vient de le voir, la terminologie des
6. Pour practica(re), sophista, et les termes de la dialectique qu'on ne peut considérer comme purement scolaires.
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examens et des cérémonies n'a été que très partiellement préparée par la tradition. Par conséquent, je crois pouvoir répondre à la question que je m'étais posée sur la spécificité du vocabulaire universitaire par rapport à celui du monde scolaire antérieur, en disant que ce caractère spécifique existe premièrement dans le domaine de l'organisation et de l'administration, non seulement beaucoup plus complexes, mais aussi fondamentalement différentes de celles des écoles, et, deuxièmement, sur le terrain de l'enseignement, où les méthodes ont évolué assez vite et où un système d'examens beaucoup plus élaboré a dû être créé du fait du développement rapide de l'institution. Au cours du XIIIe siècle, l'essentiel du vocabulaire universitaire s'est constitué. Pourtant, il sera intéressant de suivre l'évolution de cette terminologie à l'époque où les universités changent de caractère, notamment du fait qu'à partir du XIVe siècle, les grands collèges se chargent d'une partie importante de l'enseignement. L'éclosion de nouveaux centres, non seulement dans les régions mentionnées, mais aussi dans les pays germaniques et l'Europe de l'est, nécessite alors une division géographique de l'espace européen pour approfondir les recherches. On aimerait savoir dans quelle mesure les universités allemandes ont enrichi ou modifié la terminologie de l'institution. Il serait intéressant aussi de pouvoir suivre l'emploi de certains termes qui commencent à se répandre au XIIIe siècle, pendant les siècles ultérieurs. Il faudra recourir à l'informatique pour étudier, par exemple pour une ou deux universités, les créations nouvelles et les modifications de l'emploi des termes universitaires. Ce sera peut-être l'une des facettes d'un projet qu'on arrêtera, je l'espère, ici même.
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SOME PROBLEMS OF COLLEC TING TERMS USED IN MEDIEV AL ACADEMIC LIFE AS ILLUSTRATED BY THE EVIDEN CE FOR CERTAIN EXERCISES IN THE FACULTY OF ARTS AT OXFORD IN THE LATER MIDDLE AGES. This essay will not attempt a complete definition of terms used in Oxford academic exercises at the close of the middle ages. Rather, it will use such evidence as does, at the moment, survive to illustrate some aspects of the problems that confront scholars working in this field. The material here examined will indicate two major difficulties that handicap this work. Firstly, it will emphasise the problem of discoverin g terms used in Oxford at this date which have not occurred in the statutory material that has usually been carefully investigated by scholars. Secondly, the problems that arise when technical terms are used at Oxford in a different manner than they are used in Scotland or on the continent must be considered. Such a discussion should alert all those working on the history of late medieval universities to the problems that occur when the practice of one university in one part of Europe is compared to that of another. At a preliminar y stage of this investigati on, it may also indicate that the organisatio nal structure of English universities as well as the terms they employed, was very different to that typical of most continenta l and Scottish universities. The university of Oxford, closely associated with its sister university of Cambridge throughou t the late medieval period, retained, in contrast to the practice of contempor ary continenta l universities, the traditional full arts course of seven years for the mastership. This programm e, especially for the lower arts degree, was associated with a concern for the study of logic and accompani ed by the organisatio n of a complicate d programm e of academic exercises. Sorne aspects of the problems of the terminolog y used in these exercises will be the subject of this brief investigation. The students' exercises for the lower degree 1 took place in the 1. These exercises are discussed and further compared with those of continental arts universities in my unpublished D. Phil. thesis The Teaching and Study of Arts at Oxford c.1400 - c.1520 in the Bodleian Library, Oxford.
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'Parvisus' 2 . Our first difficulty is that we have no knowledge of where or what the 'Parvisus' was ! The Latin word appears to indicate that this meeting place was the porch of a church or a cloister nearby. There is, however, no evidence to associate this term with either a porch or a cloister in late medieval Oxford. Practical considerations indicate that it would be difficult to gather the B.A. degree students in any such porch or cloister; certainly at a later date, under Elizabeth 1, these disputations were held in the public schools 3 . We have here a problem concerning the terminology used for these exercises. Does the name of the disputations in Parviso refer to the place where such exercises were held, or does it refer to the character of these disputations as being of lesser importance than later exercises - in parvis disputationibus - or is the term 'Parvis' - porch - simply used metaphorically to indicate the junior scholar's entry on his proper course as an arts student. The scattered evidence, at the present time, gives us no certain answer to this question. Closely associated with the 'Parvisus' is the exercise known as the creacio generalis. Again, we have no direct evidence in the statutes to determine what this exercise was. The problem is worsened by the fact that the university register of the fifteenth century from 14481463, the only surviving such register of the middle ages, does not even mention the creacio generalis, whereas the registers of the early sixteenth century, which commence in 1505, have frequent reference to this exercise which is noted by most supplicants for the B.A. degree. Clearly, the junior arts student was expected to dispute in some way in the 'Parvisus' to obtain the status which in bath the statutes at Oxford and Cambridge is named as generalis sophista 4 . Exactly how this status was achieved is nowhere fully recorded. Also we have, in incidental references in the early sixteenth century, mention of a particular form of the creacio generalis: an exercise described as creacio unius specialis in generalem 5 • Recently discovered material in the archives of Merton College perhaps suggests that reference to this exercise might indicate the participation in or performance of a first exercise by a junior student in the 'Parvisus' 6 • There seems no evidence to show
2. See, for example, the statute of 1409, noting that applicants for determination should have had spent some time "Parvisum interim frequentantes, et se ibidem disputando, arguendo, et respondendo doctrinaliter exercentes". S. GIBSON, Statuta Antiqua Universitatis Oxoniensis, Oxford 1931, p. 200. 3. Statuta Antiqua, p. 435. 4. Ibid., p. 580. Documents re/ating to the Universiry and Co//eges of Cambridge, London 1852, I, 382. 5. Oxford, University Archives, Register G, ff. 25, 26. 6. J.M. FLETCHER and C.A. UPTON, The cost of undergraduate study at Oxford in the
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that either the term 'Parvisus' or the various versions of the words associated with the creacio genera/is exercise were known in Scotland or on the continent at this date. Equal mystery surrounds the exercise known at Oxford as 'the variation' - variatio. No mention of the variation is made in the statutes, but it was apparently a common exercise well known to students, since there are frequent references to it in the surviving registers of both the fifteenth and the early sixteenth century. The fellows of Merton College were expected to perform variations regularly and the college register often gives the exact title of such exercises ; on 22 November 1511 master Walker varied pro forma sua in these three subjects : "an materia celi sit eiusdem rationis cum materia istorum inferiorum; an materia sit prescindibilis ab omni forma; an materia sit principium individuationis" 7 • Fortunately there survives in the library of Lambeth Palace, London 8 , a manuscript which includes a forma variationis and from this it is possible to describe the character of this particular exercise. From the references in the university registers it would appear that the variation was usually associated, at least in the minds of the university legislators, with students for the lower degree in arts and with the 'Parvisus'. Here an unexpected source can help us to estimate more accurately the role of the variation in the medieval curriculum. On 22 June 1636 the university of Oxford formally approved the publication of the code of statutes under which the university was to be governed until the nineteenth century and which was soon to be known as the Laudian Statutes after the Chancellor who was largely responsible for its introduction. When discussing the exercises associated with the 'Parvisus', the statutes note that these had once been known as 'variations' - "quas ... alio nomine Variationes olim dictas fuisse constat'' 9 . To discover the character and role of the variation, therefore, it is necessary to go beyond the contemporary statutes, which are of no assistance here, and to examine other medieval and much later evidence. It is not unexpected to have also to note that, although the variation appears occasionally in surviving material from Cambridge, it does not seem to be known in the universities of Scotland or on the continent. How obscure are the details of even the most important actions of the faculty of arts and the terminology used to describe them at Oxford fifteenth century: the evidence of the Merlon College, 'Founder's Kin; in History of Education, 14 (1985), p. 12. 7. H.E. SALTER, Registrum Annalium Collegii Mertonensis 1483-1521, Oxford (0.H.S.), 1923, pp. 418-19. 8. London, Lambeth Palace MS. 221 f. 273. 9. The earliest form of the Laudian Statutes was printed in 1634.
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is well illustrated by the procedure for admission to the lower degree. Nowhere in the statutes do we obtain a full description of the activities associated with the award of this degree; we are compelled to attempt to reconstruct the ceremony from scattered and isolated references. One important aspect of the procedure has, in the opinion of the present writer, been misunderstood by earlier scholars whose views have been accepted too uncritically by later historians. There are several references in the statutes to the status of the questionist - questionista, a student who obtained this position by responding to a formai question - de questione ... respondisse. On the basis of such references, the editor of the early statutes of the university, Strickland Gibson, in 19 31 surmised that a semi-degree had been evolved at Oxford. This, he argued, was obtained by those students who responded to bachelors disputing formally in their determination exercises. Such questionists, it was alleged, had to take oaths, pay fees and register in a similar manner to those students who obtained the more usual academic degrees 10• Such an authoritative statement made in the introduction to the standard edition of the university statutes carried great weight and has not been challenged by those using this edition. I have, however, attempted to show that these terms have been misunderstood by Strickland Gibson and those following his interpretation, arguing that the term 'responsion to the question', as used in the references quoted by Strickland Gibson, records, in fact, a part of the ceremony associated with admission to the B.A. degree 11 • As part of the requirements expected of the undergraduate before he was admitted to the lower degree, it would appear that he was expected to make such a responsion, was then known as a 'questionist' and so was obliged to the university in the usual ways before completing his admission procedure. Of course, students during determination did respond to the determining bachelors in Lent, but such a 'responsion' is not the same as a 'responsion to the question'. The implications of a failure on the part of Strickland Gibson to understand in 1931 the different terminology used for these very different exercises has seriously limited, until recently, our understanding of the development of the Oxford arts curriculum. Exercises for the master's degree at Oxford were not so complex and do not present such terminological difficulties. Even here, however, there are some unusual and sometimes puzzling uses of terms. Bachelors were expected to determine usually in the Lent following their admission to the B.A. degree; this became almost a requirement as the university 10. Statu/a Antiqua, lxxxix, n. 7. 11. The arguments for this interpretation are developed in my unpublished thesis.
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adopted the custom of inserting in graces granted to applicants for the lower degree in the early sixteenth century a clause demanding their determination after admission. Determinatio at Oxford, and at Cambridge also, was probably derived from the well established practice of the university of Paris 12 , but, at the close of the middle ages, the ceremony seemed to have considerable differences from that bearing the same name in most universities in Scotland and on the continent. In England the term 'determination' was applied to the whole series of exercises over which the recently admitted bachelor presided in Lent, but at Freiburg, for example, the earliest Latin statutes speak of these lenten disputations as being held in "quadragesima proxima post diem determinacionis" 13 . Clearly, the term 'determination' is here associated with some activity accompanying the award of the lower degree. At St. Andrews, it is clear from the published Acta of the faculty of arts that determination could take place earlier than in Lent, for on 3 November 1456 a master refers to students intending to determine on the next day - "in crastinum determinandoru m" 14. Again, the use of this term 'determination' in different countries and at different periods must be carefully investigated before its true meaning in the particular circumstance can be ascertained. Associated with determination at Oxford and Cambridge is the puzzling reference to a type of exercise known as 'determination for others' - determinatio pro aliis. The published statutes at Oxford provide detailed regulations governing this procedure and appear to indicate that such determiners are those who have completed extra academic work and who, therefore, are to be allowed to 'determine for others' 15 . Such an interpretation itself raises a number of problems ; it seems hardly satisfactory that a student should be allowed to disregard the performance of a series of important academic exercises simply because another student has elected to attend extra lectures. The surviving university registers at Oxford do not give much help in the explanation of this terminology except to suggest that on certain occasions the university apparently allowed a richer student to pay the determination expenses of his poorer co-determiners so that their progress was encouraged and his reputation enhanced. This practice of allowing 'determination for others' may be derived from the equally mysterious 12. Briefly discussed in H. RASHDALL, The Universities of Europe in the Middle Ages, ed. F.M. PowrcKE and A.B. EMDEN, Oxford 1936, 1, 450-52. 13. H. OTT and J.M. FLETCHER, The Medieval Statutes of the Faculry of Arts of the Universiry of Freiburg im Breisgau, Notre Dame 1964, p. 45. 14. A.I. DUNLOP, Acta Facultatis Artium UniversitatisSanctiandree 1413-1588, Edinburgh/ London 1964, p. 116. 15. Statuta Antiqua, p. 26.
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habitat Paris of permitting 'subdetermination' 16. However, apart from the evidence of the Oxford registers to show that such 'determination for others' as allowed by the statutes did take place, we can give no further explanation of the meaning of this term. The most important exercises in which bachelors working for the M.A. degree took part were the normal - ordinary - disputations held by the masters. These at Oxford followed the traditional pattern, where the teacher usually opened the debate, acting as the opponent, and the pupil replied to his argument, acting as the respondent. Also at Oxford we find mention of other participants in these exercises: the 'replicator' and the 'arguer' - replicator et arguens. References to the replication occur in both the statutes and the surviving registers of the university. Of more importance, however, is the preservation of examples of named replications in manuscript material of the late medieval period 17. From such evidence it would appear that the replicator was a senior member of the university who spoke at the end of a disputation, summarised the arguments and perhaps said a few congratulatory words to those taking part. Unfortunately, other evidence at Oxford indicates that this may be an over-simple solution to the problem. We find from the surviving registers that bachelors performed replications in the ordinary disputations, whereas our previous conclusion would allocate this task to an experienced master ! A better understanding of the use of this term can only be obtained when full, comparative evidence is available, for the word is also used in many continental universities and not only in the faculty of arts. References to those arguing - arguentes - in the ordinary disputations have been interpreted in different ways. The late Dr. Weisheipl was of the opinion that the word arguendo was used at Oxford as synonymous with the term opponendo 18 . However, there is evidence to suggest that those arguentes had a different role. Both at Oxford and in continental universities we find mention of participants in these exercises whose duty it is to present a number of pertinent arguments. Again, a proper understanding of this term as used at Oxford can only corne when the scattered references to the arguentes are gathered and analysed. Finally, in this brief survey, we may examine the use and survival of a term used at Oxford long after its original meaning had ceased to be relevant. Bachelors disputing amongst themselves met originally at the house of the Augustinians and their exercises were, accordingly, 16. The few references are discussed in G.C. BOYCE, The English-German Nation in of Paris during the Middle Ages, Bruges 1927, pp. 96-100. 17. See, for example, Oxford, Magdalen College Ms. Lat. 38, f. 46. 18. J.A. WEISHEIPL, Barly Fourteenth Century Physics of the Merlon 'Schoo!, Bodleian Library, D.Phil. thesis.
the University
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known as the disputationes apud Augustinenses. At the Reformation, the friary was dissolved and the buildings passed through several hands until nothing of the original structure remained. The bachelors, forced to move their exercises, transferred them to the university church of St. Mary, and for a time their disputations were known as Mariane disputationes. However, academic conservatism was not easily defeated and, by the close of the sixteenth century, the original name was again in use. We have, therefore, the strange situation of a term regularly utilised at Oxford in post-medieval times when the original structure that had given rise to its use had ceased to be frequented by the scholars of the faculty of arts. It must be emphasised that this summary does not daim to give a full description of all the terms used in even the Oxford faculty of arts alone or discuss the problems arising from an attempt to interpret their proper meaning. Sufficient has been said, however, to illustrate some of the difficulties that will accompany such an investigation. Many of the words used to describe the daily life of the faculty and its students do not even exist in the formal statutes of the university, but must be recovered from incidental material that survives haphazardly and not always in the most obvious places and collections. Also the changing uses of words at different times must be considered: the quodlibetical exercises of Elizabethan Oxford have nothing in common with those of the medieval university, although writers producing popular, general accounts have assumed that the use of the same word indicates that the disputations described are the same 19 . Even more confusing is the use of the same word by different universities to mean different things. Scholars during the past few decades have been alerting their readers to the dangerous assumptions that medieval universities preserved a common structure and curriculum. The more detailed investigation especially of those universities founded during the fourteenth and fifteenth centuries has shown how some reacted to different situations by radically adapting the traditional forms of Paris and Balogna to their own special circumstances. Although many preserved the terminology of the older universities, they frequently used these words in a different manner to describe their own different practice. A full examination of the varied use of terms throughout the medieval European universities will help to indicate how far individual institutions had departed from the practice of the great archetypal universities of the twelfth century. 19. See, for example, the summary in J. London 1967, pp. 38-39.
LAWSON,
Medieval Education and the Reformation,
E.C.C. COPPENS
L'INTERPRE TATION ANALOGIQU E DES TERMES DE DROIT ROMAIN EN DROIT CANONIQU E MEDIEVAL. Le droit savant médiéval se caractérise par une référence fondamentale à la notion d'équité, qui, dans les écrits des glossateurs, coïncide avec la raison 1 . Suivant les convictions des juristes médiévaux, cette raison devait être recherchée en vue du bien commun, c'est-à-dire en référence à la situation concrète dans laquelle doit opérer la loi. Les glossateurs - et les juristes médiévaux en général - étaient conscients de ce qu'on devait comprendre la loi d'un côté dans sa valeur permanente et immuable et de l'autre côté dans sa valeur actuelle ou relative. Cela veut dire que, pour eux, du côté de la permanence, interpréter la loi signifiait étudier la loi en tenant compte des intentions du législateur: "scire leges non est verba scire, set vim et potestatem earum memoriter tenere" 2 . Non seulement on devait chercher la comprehensio legis, mais aussi l'efficacité de la loi, dépassant sa situation historique. Donc, du côté de l'actualisation, interpréter signifiait aussi donner aux mots de la loi un contenu nouveau, le plus apte à rendre la loi effective dans une nouvelle situation concrète. Ce champ de tension entre le caractère daté de la loi et son application nécessaire les contraignit à recourir à l'interprétation extensive et même à l'analogie 3 . En fait, la méthode d'interprétation des glossateurs et des décrétistes partait d'un principe plus général, notamment le conseil du juriste Julien, qu'il faut procedere ad similia, que l'on trouve dans le Digeste 1.3.12 4 • Peut-être recouraient-ils aussi à une définition reprise à Cicéron: In paribus causis, paria iura 5 . Au moyen âge, on reprenait ce principe, tout en élargissant sa portée: d'une simple règle pratique, destinée à trancher des cas de droit concrets, ils la réformaient en principe de systématisation juridique 6 , applicable autant au droit écrit 1. Ph. GoDDING, L'interprétation de la 'loi' dans le droit savant médiéval et dans le droit des Pqys-Bas méridionaux, dans M. VAN DE KERCKHOVE (éd.), L'interprétation en droit, Bruxelles 1978, p. 44 7. 2. Animal est substantia (glose sur le Décret de Gratien), ad C.1 q.1 c.64 ad v. putemus. Cf Dig. 1, 3, 17. 3. GODDING, op. cil., p. 451. 4. Cf A. STEINWENTER, Prolegomena zu einer Geschichte der Analogie, dans Festschrift Fritz Schu/z, Weimar 1951, tome 2, p. 349; E. BUND, Untersuchungen zur Methode julians, Koln /Graz 1965, pp. 97sqq. 5. Cité par GODDING, op. cit., p. 446. 6. STEINWENTER, op. cil., p. 34 7.
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qu'au droit coutumier. Le jurisconsulte Azo, au début du XIIIe siècle, écrivait: "sic in iure non scripto procedemus de similibus ad similia, sicut in iure scripto, et quod ita sit, in iure scripto legitur, ff. De legibus et senatusconsultis. Non possunt" (Dig. 1.3.12) 7 . Ce principe de similitude a donc été redécouvert par les glossateurs, il a été approfondi par les commentateurs et dès lors il a pénétré dans l'usus modernus. J'ai dit principe de similitude, parce que le terme d'analogie juridique n'était connu ni dans l'antiquité, ni au moyen âge 8 . Mais ceci nous mène trop loin. Retournons au début du XIIIe siècle, le temps d' Azo. Je me propose d'esquisser l'interprétation analogique du droit romain en droit canonique en mettant en lumière un commentaire sur le Décret de Gratien, appellé d'après son incipit Animal est substantia. Mon discours sera tripartite: d'abord je veux justifier le choix du temps et du texte; après, nous allons faire une tentative de définition de l'analogie et finalement je donnerai quelques exemples du raisonnement analogique de notre auteur. Pourquoi ai-je choisi le premier quart du XIIIe siècle? D'abord parce que le dernier quart du XIIe et le premier quart du XIIIe siècle étaient d'une fécondité presque incomparable en histoire du droit médiéval. Il est admis qu'encore beaucoup devait éclore, mais les premières germes témoignaient déjà d'une vitalité remarquable. C'est ainsi que, un siècle après, les commentateurs, de même que les décrétalistes de ce temps, redécouvraient à un degré considérable les idées de leurs prédécesseurs au tournant du XIIe et du XIIIe siècles, souvent même sans mentionner leurs sources, un fait qui a été signalé entre autres par B. Tierney 9 et par P. Legendre 10 • Il s'offre un autre avantage, plus significatif encore: au commencement du XIIIe siècle, non seulement les doctrines romanistes et décrétistes connaissaient un épanouissement jusqu'alors inconnu, mais de plus la distance entre les deux branches du droit savant se réduisit substantiellement. Cette réduction, on peut la constater surtout et presque exclusivement dans la doctrine canonique. Celle-ci fit un effort pour maîtriser la terminologie technique du droit romain et en même temps elle s'efforçait de coürdonner les canons et les lois, tout en défendant - on n'en doute pas - la prééminence des règles de droit canonique. Il va sans conteste que cette conquête du droit romain était en réalité 7. Azo, Lectura super Codicem (éd. Paris 1577 - Turin 1966), p. 670. 8. STEINWENTER, op. cit., p. 348. 9. B. TIERNEY, Ockham, the Conciliar Theory, and the Canonists, Philadelphia 1971, p. 4: "that most fruitful era of canonistic speculation, the years around the turn of the twelfth and thirteenth centuries." 10. P. LEGENDRE, Le droit romain, modèle et langage. De la signification del' Vtrumque ius', dans Etudes d'histoire du droit canonique, dédiées à Gabriel le Bras, Paris 1965, tome 2, p. 926.
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une reconquête technique, l'église ayant toujours vécu sous l'influence du droit romain, soit-ce un droit mitigé par l'idéologie salutaire du christianisme 11 . Au XIIe siècle, le droit romain regagnait du terrain à l'intérieur du droit canonique à la fois comme source supplétive et comme source interprétative de ce dernier. Legendre a même remarqué que même la plupart des formules d'opposition au droit de Justinien avaient des fondements romains. Qu'en revanche on ne trouve que peu de références au droit canonique dans les oeuvres des romanistes ne peut pas nous étonner, car c'était surtout en liaison avec le droit canonique que les lois romaines étaient mises en pratiques, le droit romain classique étant devenu presque exclusivement théorique par la désintégration de l'empire romain. Pourtant, on doit se méfier des apparences 12. Il y a assez d'indications pour ce que les romanistes prêtaient attention au droit canonique. D'ailleurs, on se demande avec raison· si la division entre romanistes et canonistes d'autrefois était bien si nette qu'on ne le croît aujourd'hui. Un des meilleurs exemples de l'attitude positive des canonistes de ladite période envers le droit romain se présente dans l'apparat Animal est substantia, une oeuvre anonyme écrite entre 1206 et 1210. C'est un commentaire sur le Décret apparemment de l'école parisienne et dont l'auteur avait probablement étudié le droit romain, peut-être à Paris, mais plus vraisemblablem ent à Montpellier ou même à Bologne. L'intérêt spécifique de !'Animal réside dans le fait que l'auteur - dans sa qualité de canoniste - a fait une tentative consciente de redécouvrir tout le Corpus iuris civilis. A maints endroits il indique lui-même que c'est là un de ses propos exprès: "sic concorda leges decretalibus" ou: "durum est dicere contra canones et leges" 13 . Le droit romain n'y est pas seulement une source supplétive et interprétative du droit canonique, mais bien plus: c'est une branche du droit savant qui devrait être harmonisée avec l'autre branche afin d'obtenir une nouvelle synthèse romano-canoni que. Ce caractère romain a déjà été signalé par Von Schulte, Kuttner, De Groot, Landau et Weigand. St. Kuttner a caractérisé cet apparat comme la summa in Decretum la plus large de tendance romaniste (ad scholam Romanisticam) 14 à Paris. Le résultat est frappant: au moins 40% des allégations ont trait au Corps de droit romain, fait d'autant plus remarquable quand on le situe en contraste avec la mesure 11. LEGENDRE, op. cit., passim; C.G. FÜRST, Ecclesia vivit lege Romana?, dans ZRG, KA, tome 92 (1975), pp. 17-36; H.E. PEINE, Vom Fortleben des rô"mischen Rechts in der Kirche, dans ZRG, KA, tome 42 (1956), pp. 1-24. 12. LEGENDRE, op. cit., p. 125. 13. Animal est substantia, ad C.3 q.1 c.3 ad v. quacumque conditione. 14. S. KuTTNER, Les débuts de l'école canoniste française, dans Studia et documenta historiae et iuris, tome 4 (1938), p. 197.
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papale interdisant l'enseignement du droit romain à Paris, un peu plus tard, en 1219. En ce qui concerne la méthode, l'Animal n'échappe pas aux approches classiques, qui ont été esquissées par Legendre 15 , c'est-à-dire qu'on y découvre quatre modes d'emprunts: 1. Le vocabulaire romain est emprunté avec un souci sournois du sens précis des mots. 2. Cet emprunt ne va pas sans réception des définitions techniques, des maximes et des règles de droit. 3. Parfois il donne une citation littérale d'un texte légal pour résoudre une question posée. 4. Mais le plus souvent il réfère sans citation à la fois aux sources canoniques qu'au Corpus civil. Ces quatre points laissent supposer plus qu'ils ne disent, puisqu'on doit surpasser l'aspect formel des citations pour arriver au cœur de la méthode d'argumentation . Autrement dit, il ne suffit pas de remarquer que l'auteur connaissait la règle de la similitude que nous avons déjà signalée chez son contemporain Azo et dont il - l'auteur de !'Animal - fait mention avec la référence correcte au Digeste. La question principale est de savoir de quelle façon il applique cette similitude et s'il se met en peine de réfléchir sur l'art de l'argumentation et sur le cadre méthodologiqu e de l'harmonisation des deux branches du droit savant. La réponse à cette seconde question est courte et fort simple: non, il ne se soucie peu ou pas de la méthodologie. D'ailleurs, la méthode scolastique ne veut pas mettre en lumière les lois du raisonnement juridique, elle cherche seulement - par la controverse, par la question, par la dissensio - d'éclaircir les normes de droit, d'en restreindre ou élargir la portée, bref de résoudre des problèmes de droit concrets 16. Donc, il faut se garder de restituer aux glossateurs une logique qui n'était pas la leur ou de concevoir la réception comme un processus sciemment systématique. Cela n'empêche pas que le maniement du droit romain par l'auteur de l' Animal suivait un raisonnement plus ou moins logique. Dès lors, il doit être possible de tracer les lignes de son argumentation, surtout en ce qui concerne la règle de la similitude. Partant de l'idée, exprimée par M. Godding, que les glossateurs étaient contraints de recourir à l'analogie, je me propose de chercher des exemples d'interprétation de textes romains qui annonçaient un 15. P. LEGENDRE, La pénétration du droit romain dans le droit canonique classique de Gratien à Innocent W (1140-1254), Paris 1964, pp. 75sqq. 16. A. KAUFMANN, Die 'ipsa res iusta; Gedanken zµ einer hermeneutischen Rechtsontologie, dans id., Beitriige zµr juristischen Hermeneutik, sowie weitere rechtsphilosophische Abhandlungen, Koln / Berlin 1984, p. 56.
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progrès dans la pensée juridique et qui aidaient l'intégration des deux droits savants. Alors, je veux réduire la règle de la similitude à celle de l'analogie stricte, tout en éliminant quelques procédés qui n'ajoutaient pas beaucoup à la systématisation du droit canonique. Ces procédés sont: 1. la métaphore, 2. le simple parallellisme de termes, et 3. l' extensio legis. 1. La métaphore. Perelman a remarqué que "le style scientifique a bien rarement recours aux métaphores" mais que, s'attaquant à un nouveau domaine de recherches, le savant n'hésite pas à se laisser guider par ces sortes d' "analogies" 17 • A mon avis la métaphore peut être perspicace et élucider la compréhen~ion de certaines réalités, elle n'y ajoute pourtant rien, de sorte que nulle conclusion légitime ne peut en ressortir, surtout pas dans le domaine du droit. Par exemple, qu'estce-qu'on dit lorsqu'on compare un mauvais prélat à un conduit d'égout puant? Ou encore, peut-on permettre une église de traverser l'espace en la comparant à un pigeon? Et enfin, posons que l'homme qui se marie soit un boeuf ou un âne. Parfois on a l'impression que cela est vrai. Néanmoins, même dans ces cas on ne doit jamais accepter qu'une épouse ait le droit d'atteler son mari ou de le battre. Nous reviendrons tout-à-l'heure à cet exemple. Il ne reste qu'une simple constatation, à savoir qu'afin que la métaphore soit fructueuse, il doit y avoir autre chose qui étaie telle ou telle conclusion. La métaphore en soi ne suffit pas. 2. Le simple parallellisme des termes se distingue de la métaphore par ses rapports à la réalité. Deux termes parallèles peuvent avoir en commun certaines qualités, ce qui fait qu'ils sont les mêmes secundum quid, mais que du reste, dans leur essence, ils restent différents. En dépit de la définition de Boyer 18 , ces sortes de termes ne sont pas analogues, mais seulement parallèles, analogie étant réservée à une similitude de rapports et pas simplement à une similitude de termes 19 • Il est bien vrai que - le cas échéant - le parallellisme peut servir de base à un raisonnement analogique, mais il reste aussi vrai que la découverte d'une chaîne de caractéristiques communes ne résulte pas nécessairement dans une nouvelle assertion ou - pour les juristes dans une nouvelle règle. De ce point de vue, le parallellisme des termes ne se distingue pas de la métaphore. Par exemple: il est possible de poser que la déposition d'un clerc équivaut à la décapitation d'un laïc. Seulement, je crains qu'un laïc aimerait faire une comparaison moins dangereuse. En fait, une telle comparaison apprend plus des différences 17. C. PERELMAN, Analogie et métaphore en science, poésie et philosophie, dans Revue Internationale de Philosophie, tome 23 (1969), p. 4. 18. C. BOYER, Cursus philosophiae, s. l (Cité du Vatican), 1962, tome 1, p. 316. 19. PERELMAN, op. cit., p. 4.
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substantielles que des similitudes entre ces deux peines. Un autre exemple se trouve dans l'Animal à la C. 7 q.1 c.41 ad v. provincie: "... loco presidum provincie sunt hodie metropolitani, loco defensorum civitatum sunt episcopi". Ici se reflète seulement une constatation historique, sans plus, c'est-à-dire que les cadres ecclésiastiques avaient succédés aux cadres romains. En outre, il y a un indice supplémentaire de l'infructuosité du parallellisme terminologique , un indice logique: supposons que la pensée scientifique pourrait faire quelque progrès en juxtaposant des mots parallèles. Dans cette hypothèse une conclusion serait plus sûre à raison de ce que les termes auraient plus de caractéristiques communes. Mais alors, comment s'en prendre au mot Deus, qui possède la perfection de toutes les caractéristiques de l'être, de manière analogique? On pourrait alors multiplier à l'infini les analogies entre Dieu et toute la création, ce qui apparemment n'a pas de sens. 3. Le troisième procédé que nous mettons hors concours, c'est l'interprétation extensive de la loi. J'admets qu'il est très difficile de faire une distinction entre l'analogie et l'interprétation extensive 20 . Toutes deux font partie de l'argumentation a simili, et c'est pour cela que la plupart des auteurs rangent l'analogie sous l'extension de la loi. A mon avis, il y a pourtant une différence. Ce qu'ils ont en commun, c'est que, sans argumentation a simili une loi n'est valable que dans un seul cas concret. Si l'on veut faire l'application à d'autres cas, on doit toujours interpréter la loi en lui donnant un contenu plus ou moins variable, soit-ce ressemblant. La raison en est que dans l'ordre ontologique, les mots n'ont jamais une signification absolue. Il est indéniable qu'ils sont toujours déterminés dans le temps et dans l'espace 21 • S'il en est ainsi dans l'ordre ontologique, a fortiori dans l'ordre juridique, où le contenu significatif des mots dépend non seulement de son contexte, mais aussi de la conscience normative des citoyens. Tout le monde comprend, par exemple, qu'un boucher interdit aux chiens l'accès à son magasin. Mais, en droit, qu'est-ce-qu'un chien? Eh bien, c'est le boucher qui fixera les limites du mot dans chaque cas concret. La clientèle à son tour respectera sa mesure en n'entrant jamais avec un chat ou un tigre etc. Donc, la clientèle se réalise qu'il s'agit ici d'un tertium comparationis. Elle sait que le mot 'chien' en réalité indique tout animal carnivore. M. van de Kerckhove, dans sa critique de la doctrine du sens clair, remarque que le langage juridique n'échappe pas à la polysémie du 20. STEINWENTER, op. cit., p. 349. 21. A. KAUFMANN, Wozu Rechtsphilosophie heute ?, dans id., Beitriige zurjuristischen Hermeneutik, sowie weitere rechtsphilosophische Abhandlungen, Koln / Berlin 1984, p. 19.
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langage ordinaire 22. Donc, "la clarté d'un texte n'est pas la règle et elle ne constitue cl' ailleurs pas un idéal accessible" 23 . Lorsqu'on adhère aux convictions de Van de Kerckhove et les prend dans ses conséquences ultimes, chaque interprétation de la loi est une interprétation analogique, ou inversement: chaque analogie n'est qu'une interprétation extensive. Mais alors, quelle est la différence? Elle réside dans la derniére conséquence de cette théorie, à savoir que la relativité, elle aussi, n'est pas absolue. Cela veut dire qu'on ne peut pas donner une extension toujours plus grande au contenu significatif des termes, jusqu'à l'infini, sans atteindre tôt ou tard une signification purement générique, un 'Obersatz', d'où suit une nouvelle règle. Voilà ce qui fait la distinction: la seule interprétation laisse subsister la règle originelle, tout en élargissant le champ d'application de la loi, tandis que l'analogie crée une règle nouvelle, qui d'abord s'attache à la règle ancienne, mais qui bientôt va mener une vie indépendante de son origine. Ici, l'analogie se présente comme un processus dialectique - 'ein heuristisches Denkverfahren' 24 - qui a joué un rôle prépondérant dans la science juridique médiévale. De ce qui précède, il paraît aussi que ce processus n'est pas exclusivement dialectique, mais bien qu'il se justifie théoriquement par l'eadem ratio equitatis 25 . Les logiciens ne sont pas tous cl' accord sur une définition de l'analogie, peut-être parce que le centre de gravité de cette sorte d'argumentation ne se trouve pas dans la logique 26 . Certains d'entre eux ne font d'ailleurs aucun effort pour chercher une définition opérationnelle 27 , d'autres dénient même toute validité aux lois logiques dans l'argumentation juridique 28 . En plus, le problème de la logique juridique est que là, l'argumentation se dirige vers des conclusions normatives - le 'Sallen' - au lieu de conclusions réelles - le 'Sein' - , ce qui aggrave la question de la légitimité ou de la validité du jugement. Le problème d'une définition gravite autour des différentes conceptions du caractère du progrès rationnel analogique. Klug a classifié ces conceptions en trois groupes : 22. M. VAN DE KERCKHOVE, La doctrine du sens clair des textes et la jurisprudence de la Cour de Cassation de Belgique, dans L'interprétation en droit. Approche pluridisciplinaire, Bruxelles 1978 p. 20. 23. Id., ibid., p. 34. 24. BUND, op. cit., p. 100. 25. STEINWENTER, op. cit., p. 350. 26. U. KLUG, Juristische Logik, Berlin 19663, pp. 97 et 117-118; BUND, op. cit., p. 101. 27. l.M. COPI, Introduction to logic, New York/ London 19724, p. 186. 28. Contra, ]. ESSER, Grundsatz und Norm in der richterlichen Fortbildung des Privatrechts, Tübingen 19642 , pp. 234-235.
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Le premier définit l'analogie comme une opération purement mductive. (... ) Le second caractérise l'analogie comme un processus purement déductif. (... ) Ici, vous reconnaissez sans doute la distinction, déjà faite par Coing, entre 'Empiriker' et 'Systematiker'. Enfin, avec Elmar Bund, je me range dans le troisième groupe, qui fait appèl à la logique classique ou aristotélicienne et qui occupe un plan moyen. Le schéma analogique y est mixte: partant d'une induction, on aboutit à une conclusion qui n'est logiquement pas urgente, mais seulement probable. Cette conclusion sert alors de majeur d'un syllogisme, duquel on déduit une conclusion valide. Le degré de réalité ou de légitimité normative y dépend du degré de probabilité du terme majeur. Maintenant on comprend pourquoi le centre de gravité ne se trouve point dans la logique: au départ, il se pose notamment une question épistémologiqu e et à la fin - même en raisonnant validement - on a à faire avec un problème d'axiologie normative. Ce troisième type de raisonnement suppose un système de droit ni ouvert, ni clos, mais qui tend à se fermer et à se structurer, un systéme vivant, qui balance en continuel danger de déséquilibre. En réalité, l'analogie sert dans la plupart des cas à résoudre des problèmes nouveaux et à chercher des solutions qui empruntent leur raison équitable à des règles déjà existantes, mais strictement pas applicables à la situation nouvelle. Alors il y a peu de descriptions qui résument mieux la position qu'occupe le droit canonique au moyen âge: c'était un droit en quête de systématisation et d'hiérarchisatio n de ses propres règles au moyen de, et parfois en opposition à un système de droit voisin, notamment le droit romain. Parmi les exemples que j'ai choisis dans l' Apparat Animal est substantia, je ne peux donner que deux élaborations de ce que je viens de dire 29 . Ils révèlent l'importance du droit ancien pour la systématisation et la légitimation de règles canoniques déjà existantes, mais sans base vraiment 'scientifique'. Premier exemple: D.23 c.5 ad v. qui ordinandus est (il s'agit d'un 29. Les autres exemples d'analogie étaient: Animal est substantia, D.36 c.36 ad v. Si forte //Dig. 31, 1, 8, 3. Animal est substantia, D.84 c.3 ad v. continens //Dig. 44, 7, 44. Animal est substantia, C.1 q.1 c.54ad v. cum creditur //Dig. 44, 7, 3. Animal est substantia, D.21 c.4 ad v. absolvere //Dig. 2, 1, 14; Dig. 4, 8, 51 et Dig. 26, 5, 19. Animal est substantia, C.2 q.1 c.18 ad v. audeat assumere / /Dig. 4, 8, 51. Animal est substantia, C.29 q.1 a.c. lad v. consensum non excludit //Cod. 4, 44, 10. Animal est substantia, C.13 q.2 c.3 ad v. in vita //Dig. 38, 1, 20 et Dig. 38, 1, 13. Animal est substantia, C.12 q.1 c.11ad v. voluntatibus / / Dig. 1, 21, 3.
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eveque élu mais pas encore consacré et de la purgation canonique): " ... Dicunt quod licet non sit episcopus, tamen iam utitur privilegio episcopi, sicut dicitur de decurionibus in quadam lege." La loi dont il s'agit est certainement Cod. 12. 16. 3 in medio: "... His addimus, ut, quum optatam quietem acceperint, et inter uiros illustres senatores coeperint numerari, honore curiae sine aliqua functione laetentur, immunitatisque gaudio plena dignitatis laetitia potiantur, ut dignitatem solam habeant ex senatu." Cet exemple assez simple nous permet de reconstruire le raisonnement analogique: lère position: un décurion obtient la dignité de membre du sénat 2ème position: même sans fonction il a le droit de porter les signes de sa dignité et de faire valoir les prérogatives de sénateur. Première conclusion probable: la dignité, même sans fonction, donne droit à toutes les prérogatives. Vient alors le syllogisme nouveau: Maior: La dignité sans fonction donne toujours droit aux prérogatives. Minor: Un évêque-élu a la dignité, mais sans fonction. Conclusio: Un évêque-élu a le droit de porter les signes de sa dignité et de jouir des prérogatives d'évêque. Ici il y a un progrès dialectique, qui ne fut pourtant pas possible sans la présence d'un sous-entendu, c'est-à-dire: que l'évêque-élu a droit aux privilèges ex eadem ratione aequitatis que le nouveau sénateur romain. Dès lors on constate que les termes 'sénateur' et 'évêque' coïncident dans ce contexte normatif précis. A la base de cette coïncidence figure l'analogie. Second exemple: D.27 p.c. 1 ad v. uotum: " ... Et notandum quod in uoto simplici persona tantum obligatur; et quando emisit tantum uotum simplex, nondum tamen ecclesia ius habet in eo, sed tantum persona illius ecclesie obligata est, ff. De pollicitationibus. l.ii. ... Non tamen ita est, sed debet corpus suum per simplex uotum. Unde si postea contrahat tenet et obligat se mulieri personaliter tantum per matrimonium. Unde quando contraxit duobus, obligatus est personaliter et ecclesie et mulieri. Et ille qui se confert postea mulieri per carnalem copulam, ecclesie per uoti sollempnitatem, tune demum ius habet illa in eo. Simile Cod. De rei uenditione. Quotiens. Ibi dicitur: Si uendo tibi rem meam et non trado tibi, uendo alii et trado, illi cui trado ius habet in re; sed alius potest me conuenire personaliter ad interesse. Eodem modo est hic. Unde ubi tradidit se uxori per carnalem copulam, ipsa habet ius in eo et potest ipsum deducere sicut bovem uel asinum suum." Cod. 3.32.15: "Quotiens duobus in solidum praedium iure distrahitur, manifesti iuris est, eum, cui priori traditum est, in detinendo dominio esse potiorem. Si igitur antecedente tempore te possessionem
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emisse ac pretium exsolvisse apud praesidem provinciae probaveris, obtentu non datorum instrumentorum expelli te possessione non patietur. Erit sane in arbitrio tuo, pretium, quod dedisti, cum usuris recipere, ita tamen, ut perceptorum fructuum ac sumtuum ratio habeatur; quum, et si ex causa donationis utrique dominium rei vindicetis, eum, cui priori possessio soli tradita est, haberi potiorem convenit." Ce second exemple nous reconduit à l'homme qui se marie et devient ainsi un âne. Vous devinez que ce n'est pas là une simple métaphore. En l'occurrence il s'agit d'un homme qui vend à une partie contractante sans livraison et après à une partie avec livraison de la chose. La deuxième partie a un ius in re par la livraison, le vendeur n'étant que personnellemen t obligé envers le premier acheteur. Si donc quelqu'un fait un vœu de chasteté face à l'église et si après il contracte mariage avec une femme, il est personnellemen t obligé envers l'une et l'autre, et la deuxième obligation doit le céder à la première. Mais quand le mariage a été consommé par l'acte conjugal, ex eadem ratione contractus, la femme a le droit de brider son mari à jamais, nonobstant le droit de l'église. Maintenant cette métaphore un peu banale de toute à l'heure - plutôt une réminiscence à la crèche de Noël - est située à un niveau différent, celui de l'analogie. En même temps, cet exemple est une illustration des conceptions contractuelles et vraiment réalistes de l'Eglise envers le mariage, une conception aussi qui met en lumière l'idée d'égalité de l'homme et de la femme, car c'est le mari qui se donne à sa femme et non inversement. En ce qui touche à la terminologie, on doit remarquer que par cette argumentation certains mots vont changer de signification. En droit canonique, les termes contrahere et contractus signifient souvent 'se marier' et le 'mariage'. Conséquemmen t on peut traduire ici 'livraison' par 'acte conjugal'. Il s'agit non seulement d'une traductio mulieris des peuples germaniques, mais plutôt de la livraison volontaire et corporelle d'un époux à l'autre. Enfin, le mot dominium peut avoir la connotation de droit exclusif du mari à la femme, mais au même degré de la femme à son mari. A cause du temps, nous laissons de côté les autres exemples, afin d'arriver à des conclusions. 1. C'est à cause du caractère indécis de la signification des termes juridiques que le raisonnement analogique est possible et - même nécessaire. Ce n'est alors pas la similitude des termes qui crée l'analogie, mais c'est l'analogie des rapports qui crée la similitude des termes. 2. Par le raisonnement analogique, les décrétistes, ou du moins l'auteur anonyme de l'Animal, ont de nouveau ajouré la terminologie juridique romaine, jusqu'à rendre possible une transition terminologique du droit privé au droit public de l'église.
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3. Il n'est plus sujet de controverse qu'on ne peut pas étudier le droit canonique médiéval sans se référer au droit romain. Il y a pourtant encore beaucoup à faire, surtout s'il s'agit de rechercher quelles ont été la (ou les) méthode(s) dialectique(s) et sa terminologie corrélative. 4. Finalement, je reprends une expression de P. Legendre: "le droit romain a été domestiqué par les canonistes médiévaux". Cela veut dire que la terminologie juridique romaine a absorbé un contenu significatif canonique. On se demande alors si la terminologie des glossateurs ne devrait être étudiée en tenant compte de la donnée canonique, même et surtout quand eux, les glossateurs, refusaient de se référer au droit canonique. Peut-être qu'au lieu de la réception du droit romain, on parlera par la suite de l'absorption du droit canonique.
A. GARCÎA Y GARCIA
LA TERMINOLO GÎA EN LAS FACULTADES JURÎDICAS IBERICAS. En anteriores publicaciones me occupé de la historia de las facultades juridicas de la Peninsula Ibérica 1 y traté sobre todo de reconstruir el cuadro de autores y obras juridicas que en la Peninsula se escribieron desde las universidades o al menos por gentes en ellas formadas 2 . También dediqué mi atenci6n a los autores hispanos que enseflaron o escribieron fuera de la Peninsula, en centros universitarios como Bolonia u otras universidades italianas, Montpellier, Toulouse etc. 3 . La mayor parte de las obras escritas por estos autores esta en latin. Pero el mayor interés terminolôgico se encuentra en las obras redactadas en alguna de las lenguas ibéricas (concretamente catalan, portugués, gallego, y sobre todo el castellano que se convirtiô, andando el tiempo, en el idioma actual de 300 millones de hispanoparlante s). El castellano se convierte en tiempos del rey Alfonso X el Sabio (1252-84) en una lengua apta para la expresiôn culta del pensamiento humano, y surgen obras de la mas diversa indole en dicho idioma. Entre ellas destaca el ciclo de obras juridicas como las Siete Partidas, el Fuero Real, el Speculo y el Setenario, escritos en los que se recoge una elevada dosis de derecho comun medieval y en los que se crea toda una terminologia en lengua castellana, que en buena parte permanece todavia en la actualidad. Se hacen incluso traducciones a dicho idioma de obras de derecho romanocanônico medieval, a las que dediqué en tiempo ya lejano un pequeiio articulo 4 . Varias de estas obras castellanas fueron traducidas al portugués 5 , al gallego 6 y al catalan 7 . La discussion de la terminologia que subyace en todas estas obras excede con mucho el espacio de que aqui disponemos. Por ello, la presente comunicaciôn se limita a algunos conceptos académicos, que bastan para comprobar que la terminologia de la vida 1. Ver mis artîculos La canonlstica ibérica medieval posterior al Decreto de Graciano, Repertorio de Historia de las Ciencias Eclesidsticas en Espafia 1 (Salamanca 1967) 397-434, 2 (Salamanca 1971) 183-214 y 5 (Salamanca 1976) 351-402, y mi libro Iglesia, sociedady derecho cap. 3-18 (Bibliotheca Salmanticensis. Estudios 74; Salamanca 1985) 45-338. 2. Ibid. 3. Ibid. 4. Obras de derecho comun en castellano, Anuario de Historia del Derecho Espafiol 41 (1971) 665-86. 5. Ver el cap. 15 de mi iibro citado supra nota 1. 6. Ibid. 7. Ibid.
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intelectual en el medievo no era siempre univoca en las diferentes latitudes, aunque todos usaran unas mismas palabras.
1.
ÜNIVERSIDAD, ESTUDIO, ESCUELAS.
En la historiografia acerca de la Universidad de Salamanca se emiten apreciaciones sobre los conceptos enunciados, que creo no estan respaldadas por la documentaci6n de la época. En este contexto, se