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French Pages 454 [465] Year 2019
ibérée de la tutelle athénienne en 314 avant notre ère, dans les remaniements géopolitiques qui marquent les débuts de la période hellénistique dans le monde égéen, Délos construit peu à peu son indépendance politique et économique. La communauté des Déliens redéfinit au cours des iii e et ii e siècles la place centrale que l’île n’a cessé d’occuper dans les circulations économiques, financières et culturelles de la Méditerranée. Cette étude s’appuie principalement sur les sources épigraphiques comptables, plus de cinq cents comptes et inventaires gravés qui furent exposés dans le sanctuaire d’Apollon, mais aussi sur les sources numismatiques et les vestiges archéologiques du front de mer, pour réenvisager la question de la place de Délos dans l’économie hellénistique. Loin d’être une exception à écarter des séries, la documentation délienne est le révélateur de situations économiques égéennes et témoigne des capacités des communautés grecques à s’adapter au changement dans des époques troublées. Derrière les chiffres gravés sur la pierre apparaissent des communautés humaines et des sociétés dont les activités économiques éclairent d’un jour nouveau l’histoire de cette partie de la Méditerranée.
B IBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES FRANÇAISES D’ATHÈNES ET DE ROME
BEFAR 384
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A T H È N E S
PARASITES DU DIEU
F R A N Ç A I S E
Véronique C HANKOWSKI
reed from Athenian guardianship in 314 BCE, at a time of geopolitical changes which marked the beginnings of the Hellenistic period in the Aegean world, Delos gradually built up its political and economic independence. The Delian community redefined, during the third and second centuries, the central place that the island had constantly occupied in the economic, financial and cultural flows of the Mediterranean. This study is mainly based on epigraphic accounting sources, including more than five hundred accounts and engraved inventories that were visible in the sanctuary of Apollo, but also on numismatic sources and archaeological remains on the seafront, in order to re-consider the question of Delos’ place in the Hellenistic economy. Far from being an exception to be excluded from serialized comparisons, the Delian documentation is indicative of Aegean economic situations and demonstrates the capacities of the Greek communities to adapt to change in troubled times. Behind the figures engraved on the stone appear human communities and societies whose economic activities shed new light on the history of this part of the Mediterranean.
É C O L E
DES ÉCOLES FRANÇAISES D ’ AT H È N E S ET DE ROME
Véronique CHANKOWSKI
PARASITES DU DIEU
BEFAR
Comptables, financiers et commerçants dans la Délos hellénistique
384
Véronique Chankowski est ancien membre de l’École française d’Athènes, dont elle est actuellement la direc trice, et professeur d’histoire grecque à l’Université Lumière-Lyon 2. Ses travaux l’ont conduite à explorer, à travers les sources épigraphiques et numismatiques de Délos et d’autres cités, l’organisation et les pratiques des échanges et du marché aux époques classique et hellénistique. Elle est l’auteur, chez ce même éditeur, de Athènes et Délos à l’époque classique. Recherches sur l’administration du sanctuaire d’Apollon délien (BEFAR 331) et de plusieurs études consacrées à l’histoire économique du monde grec.
Véronique Chankowski is a former member of the École française d’Athènes and is currently its director, and professor of Greek history at the Lumière-Lyon 2 University. Her work explores, through the epigraphic and numismatic sources of Delos and other cities, the organization and practices of trade and the market in the classical and Hellenistic periods. She is the author of Athènes et Délos à l’époque classique. Recherches sur l’administration du sanctuaire d’Apollon délien (BEFAR 331) and of several studies devoted to the economic history of the Greek world.
BIBLIOTHÈQUE
Comptables, financiers et commerçants dans la Délos hellénistique
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Illustration couverture : Tête en bronze de la Palestre de Granit à Délos, Musée archéologique d’Athènes (ministère grec de la Culture et des Sports, Caisse des ressources archéologiques ; photo Ph. Collet / EFA, inv. MN 14612).
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parasites du dieu Comptables, financiers et commerçants dans la Délos hellénistique
É C O L E
F R A N Ç A I S E
D ’ A T H È N E S
Directeur des publications : Alexandre Farnoux Responsable des publications : Bertrand Grandsagne
Parasites du dieu : comptables, financiers et commerçants dans la Délos hellénistique/ Véronique Chankowski. Athènes : École française d’Athènes, 2019 ISBN 978-2-86958-316-0 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome ; 384) 1. Comptables -- Grèce -- Délos (ville ancienne) 2. Commerce -- Grèce-- Délos (Grèce ; île)-- Antiquité 3. Politique monétaire -- Grèce -- 323-146 av. J.-C. (époque hellénistique) 4. Délos (ville ancienne)-- Sanctuaire d’Apollon Bibliothèque de l’École française d’Athènes
Révision des textes : Jacky Kozlowski Fournier Prépresse : EFA, Guillaume Fuchs puis Lina Khanmé (Rome, Italie) Conception graphique de la couverture : EFA, Guillaume Fuchs Impression et reliure : n.v. Peeters s.a. (Herent, Belgique) © École française d’Athènes, 2019 – 6, rue Didotou, GR – 10680 Athènes, www.efa.gr ISBN : 978-2-86958-316-0 Reproduction et traduction, même partielles, interdites sans l’autorisation de l’éditeur pour tous pays, y compris les États-Unis.
bibliothèque
des
écoles
françaises
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’athènes
et
de
rome
FASCICULE TROIS CENT QUATRE-VINGT-QUATRE
Véronique CHANKOWSKI Ancienne membre de l’École française d’Athènes
parasites du dieu Comptables, financiers et commerçants dans la Délos hellénistique
É C O L E
F R A N Ç A I S E
D ’ A T H È N E S
Pour Andrzej, Rébecca et Myriam À la mémoire de mon père
AVERTISSEMENT Sauf mention contraire, les traductions dans cet ouvrage sont de l’auteur.
Οὐκ ἀγνοῶ δὲ καὶ περὶ Δηλίων ἃ Ἀπολλόδωρος ὁ Ἀθηναῖος εἴρηκεν ὅτι μαγείρων καὶ τραπεζοποιῶν παρείχοντο χρείας τοῖς παραγινομένοις πρὸς τὰς ἱερουργίας, καὶ ὅτι ἦν αὐτοῖς ἀπὸ τῶν πράξεων ὀνόματα Μαγίδες καὶ Γογγύλοι, ἐπειδὴ τὰς μάζας, φησὶν Ἀριστοφάνης, ἐν ταῖς θοίναις δι´ ἡμέρας τρίβοντες παρεῖχον ὥσπερ γυναιξὶ γογγύλας μεμαγμένας. Καλοῦνται δὲ καὶ μέχρι νῦν τινες αὐτῶν Χοίρακοι καὶ Ἀμνοὶ καὶ Ἀρτυσίλεωι καὶ Σήσαμοι καὶ Ἀρτυσίτραγοι καὶ Νεωκόροι καὶ Ἰχθυβόλοι, τῶν δὲ γυναικῶν Κυμινάνθαι, κοινῇ δὲ πάντες Ἐλεοδύται διὰ τὸ τοῖς ἐλεοῖς ὑποδύεσθαι διακονοῦντες ἐν ταῖς θοίναις. Ἐλεὸς δ´ ἐστὶν ἡ μαγειρικὴ τράπεζα. Ὅμηρος·
« Αὐτὰρ ἐπεί ῥ´ ὤπτησε καὶ εἰν ἐλεοῖσιν ἔθηκε ». Ὅθεν καὶ Πολυκράτων ὁ Κρίθωνος Ῥηναιεὺς δίκην γραφόμενος οὐ Δηλίους αὐτοὺς ὀνομάζει, ἀλλὰ τὸ κοινὸν τῶν Ἐλεοδυτῶν ἐπῃτιάσατο. Καὶ ὁ τῶν Ἀμφικτυόνων δὲ νόμος κελεύει ὕδωρ παρέχειν ἐλεοδύτας, τοὺς τραπεζοποιοὺς καὶ τοὺς τοιούτους διακόνους σημαίνων. Κρίτων δ´ ὁ κωμῳδιοποιὸς ἐν Φιλοπράγμονι παρασίτους τοῦ θεοῦ καλεῖ τοὺς Δηλίους διὰ τούτων·
« Φοίνικα μεγάλου κύριον βαλλαντίου ναύκληρον ἐν τῷ λιμένι ποιήσας ἄπλουν καὶ † φορμιῶσαι ναῦς ἀναγκάσας δύο, εἰς Δῆλον ἐλθεῖν ἠθέλης´ ἐκ Πειραιῶς, πάντων ἀκούων διότι παρασίτῳ τόπος οὗτος τρία μόνος ἀγαθὰ κεκτῆσθαι δοκεῖ, εὔοψον ἀγοράν, † παντοδαπὸν ὁρμοῦντ´ ὄχλον †, αὐτοὺς παρασίτους τοῦ θεοῦ τοὺς Δηλίους »
Je n’ignore pas ce qu’Apollodoros d’Athènes a dit des Déliens : qu’ils offraient leurs services comme cuisiniers et serveurs à ceux qui assistaient aux cérémonies religieuses et qu’à cause de leurs activités on leur donnait le nom de « Brioches » et de « Roulés », puisque ce sont des galettes, nous dit Aristophane, qu’en trimant toute la journée ils fournissaient dans les banquets comme les boulettes pétries par les femmes. Quelques Déliens portent même encore aujourd’hui les noms de « Cochonnet », « Agneau », « Marinade », « Sésame », « Épices à chèvre », « Sacristain », « Pêcheur » et plusieurs femmes s’appellent « Fleur de cumin ». En général, on les appelle collectivement « les Eléodytes » parce qu’ils se glissent sous les tables quand ils servent dans les banquets. Une table de cuisine est un eleos, comme dans ce vers d’Homère : « mais après l’avoir fait rôtir, et mis sur les tables ». C’est de là que Polycrate, fils de Crithôn, de Rhénée, dans son action en justice, ne les nomme pas Déliens mais il les accuse d’être la communauté des Eléodytes. La loi des Amphictyons ordonne que les éléodytes fournissent l’eau, désignant par ce mot les serveurs et autres serviteurs du même type. Et Criton le Comique, dans son Curieux, appelle les Déliens « parasites du dieu », en ces termes : « Après avoir forcé dans le port un nauclère phénicien maître d’une grande fortune à abandonner son voyage et lui avoir fait affréter deux navires, il voulut passer du Pirée à Délos, parce qu’il avait entendu partout que c’est le seul endroit qui possède trois avantages pour un parasite : un marché bien fourni, une foule d’étrangers et les parasites du dieu que sont les Déliens eux-mêmes ». Athénée, Deipnosophistes IV, 173, a-c
INTRODUCTION
La richesse du sanctuaire d’Apollon délien et des Déliens avait, dès l’Antiquité, suscité bien des jalousies, mais finalement peu d’intérêt des chercheurs. Depuis Les archives de l’Intendance sacrée de Théophile Homolle à la fin du xixe s., bien des épigraphistes ont exploité la documentation délienne comme source secondaire pour analyser la société et les institutions déliennes, l’économie insulaire, l’activité agricole et pastorale des Cyclades, l’artisanat de la construction, tandis que les richesses monétaires d’Apollon restaient elles-mêmes peu explorées. La documentation, certes, apparaît au premier abord austère, même si la lecture des comptes illumine d’une foule de petits détails de vie quotidienne l’alignement des inscriptions. L’enjeu de cette recherche était donc de comprendre l’élaboration et le développement de la prospérité délienne, d’en mesurer les effets sur la croissance visible de l’île d’Apollon au fil des siècles. Pour ce faire, il fallait envisager les sources dans leur continuité, sans s’arrêter aux ruptures politiques et institutionnelles, depuis les actes des fonctionnaires athéniens du ive s. jusqu’à ceux du iie s., en passant par les comptes des hiéropes qui, entre deux dominations athéniennes, constituent l’intermède le plus riche d’informations. Cet ouvrage s’inscrit dans le prolongement de l’étude que j’ai consacrée à l’administration du sanctuaire délien à l’époque classique 1. L’analyse de la construction administrative élaborée par les Athéniens à partir du ve s. m’avait alors permis de comprendre qu’il fallait chercher dans cette première période de domination athénienne les fondements de la prospérité du sanctuaire délien, qui est en même temps à l’origine de la prospérité de l’ensemble de l’économie délienne. Les administrateurs athéniens ont en effet institué un système de gestion rationnelle des avoirs du sanctuaire, qu’il est possible d’examiner en détail grâce à la richesse des informations fournies par les inscriptions comptables. Tout en établissant une organisation administrative, ils se sont aussi forgé un outil financier performant, au service de la puissance athénienne en mer Égée. Il était dès lors intéressant de chercher à comprendre le devenir de ce système administratif après le départ des Athéniens, à partir de l’indépendance de Délos qui, en 314, voit le sanctuaire 1.
Chankowski 2008. Étant donné qu’il n’existe, aux ve et ive s. à Délos, aucune « amphictionie » en charge du sanctuaire, contrairement à Delphes, mais une autorité athénienne qui s’adjoint la collaboration des Déliens, il est souhaitable d’abandonner l’appellation erronée de « période de l’amphictyonie », héritée du corpus de J. Coupry, qui persiste parfois encore pour désigner l’époque classique.
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passer sous l’entière responsabilité de la cité délienne. Comme on pouvait s’y attendre, les Déliens héritent de l’organisation instaurée par les Athéniens et la font en grande partie perdurer, mais ils introduisent aussi un certain nombre de modifications, tant dans la gestion des biens sacrés en elle-même que dans la rédaction des documents administratifs. Entre la fin du ive s. et le milieu du iie s., ils ont cherché à mettre en adéquation l’administration du sanctuaire avec leur nouvelle situation politique, mais tout autant à l’adapter à un monde qui, autour d’eux, changeait. Les actes administratifs de la seconde domination athénienne, à partir de 166, rendent compte à leur tour des évolutions accomplies et je me suis efforcée, autant que la documentation épigraphique et, dans une moindre mesure, archéologique, le permettait, de ne pas limiter cette étude à la seule période de l’Indépendance mais de l’étendre sur le iie s. Les comptes déliens sont en définitive le meilleur livre d’histoire de Délos. Ils peuvent être lus à la fois comme des archives financières qui nous fournissent un état de la fortune sacrée et de son évolution sur trois siècles, entre le ive et le iie s., mais également comme le témoignage de la lente et complexe adaptation d’une société aux évolutions monétaires, financières et économiques que connaissait le monde égéen de l’époque hellénistique. Le sanctuaire apparaît bel et bien comme une ressource exceptionnelle pour la cité de Délos qui en avait la charge. Celleci a pris régulièrement des décisions qui reflètent des enjeux qui la dépassent : elle ne fait que réagir à un contexte politique, social, économique tout en s’efforçant de préserver ses intérêts. De même que, derrière les institutions, peut apparaître la personnalité collective d’une communauté civique 2, derrière les chiffres peuvent surgir des choix et des comportements collectifs ou individuels, qui témoignent des hommes et contribuent à restituer l’attitude de la communauté des Déliens face aux évolutions économiques et politiques du monde qui les entoure. Après la fin de l’Indépendance et avec la remise de l’île par Rome à l’autorité athénienne conjointement à la proclamation de son statut de port franc, la nature de la documentation épigraphique change profondément. La gravure des comptes s’interrompt vers 140, signe sans doute d’une perte d’intérêt pour la dimension patrimoniale que représentait l’exposition de ces monuments au public. Les pratiques de gestion du sanctuaire se poursuivent sans doute, mais nous perdons définitivement cet éclairage sur la société insulaire. Pour autant, l’abondance des dédicaces et quelques décrets permettent de continuer à suivre les évolutions qui s’opèrent en mer Égée. Ainsi l’île de Délos, avec son abondante documentation épigraphique, apparaît non comme une exception à écarter des séries, mais au contraire comme un point d’observation privilégié pour étudier les transformations de l’espace égéen au cours de la période hellénistique, de la reconfiguration des royaumes hellénistiques à l’émergence de nouvelles puissances maritimes jusqu’au développement de l’influence romaine. Ce livre est donc une étude d’histoire économique qui entend, à partir de la riche documentation délienne, apporter un nouvel éclairage pour la compréhension des finances et des marchés antiques, mais aussi des comportements économiques. Dans cette perspective, l’objectif de cet ouvrage est triple : Décrire l’état complet de la fortune sacrée et comprendre son évolution. Depuis l’achèvement de la publication des comptes et inventaires déliens, aucune étude n’a cherché à évaluer l’ensemble de la fortune sacrée, sans doute avant tout en raison de la masse complexe de chiffres à traiter. Certains travaux qui ont abordé rapidement la question de l’évolution de la fortune sacrée sont fondés sur de mauvaises lectures des chiffres ou des
1.
2.
Ainsi que le montre l’ouvrage de Cl. Vial sur la cité délienne de l’Indépendance (Vial 1984).
INTRODUCTION
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interprétations erronées des mouvements de fonds. Cette évaluation s’appuie sur plusieurs révisions de lectures de chiffres, parfois mal lus sur la pierre et mal transcrits dans le corpus. Des photographies des inscriptions, mais aussi des estampages représentant un état plus ancien des pierres, ont permis de palier la dégradation de plusieurs stèles, moins lisibles aujourd’hui qu’elles ne l’étaient lors de la constitution des corpus. C’est en particulier le fonds d’estampages de Théophile Homolle, à l’Académie des inscriptions et belles lettres et provisoirement en dépôt au laboratoire HiSoMA de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée à Lyon, qui a permis de vérifier plusieurs lectures de chiffres. Aussi ce travail se veut-il préparatoire à une étape ultérieure, qui devrait être la réédition, sous forme numérique, des inscriptions administratives déliennes (actes des magistrats athéniens de l’époque classique, comptes des hiéropes de l’Indépendance, actes des fonctionnaires athéniens de la période du port franc), en intégrant l’apport de la documentation photographique mais aussi des fonds d’estampages 3. Plusieurs fonds circulaient entre la caisse sacrée et la caisse publique et il convient d’éclairer ces différents mouvements de fonds pour s’appuyer sur une interprétation exacte des données. Une partie de cette étude concerne aussi la caisse publique de la cité de Délos, non seulement parce qu’elle était abritée elle aussi dans le sanctuaire d’Apollon, mais surtout parce que les Déliens avaient instauré, durant l’Indépendance, un véritable système de caisses communicantes dont témoignent les mouvements de fonds entre la caisse sacrée et la caisse publique ainsi que les bilans comptables des deux caisses établis par les hiéropes au iie s. De cette évaluation chiffrée de la fortune d’Apollon ressort, en même temps, un éclairage sur la conception du sacré du point de vue des finances, qui est de nature à nuancer l’interprétation traditionnelle de la séparation entre le sacré et le public. À Délos comme en d’autres lieux, la complexité des situations financières est frappante et dépasse certaines catégories préconstruites de l’historiographie. omprendre les méthodes de gestion comptable et les stratégies financières qui ont pu pré C sider au développement de la fortune du sanctuaire. À travers l’étude des comptes et des inventaires, il est possible de percevoir l’élaboration d’une véritable organisation comptable qui, au fil des années, se dote de méthodes performantes et adapte ses moyens pour atteindre l’efficacité requise dans la gestion des finances déliennes. L’étude de l’organisation financière délienne révèle aussi des blocages inhérents au système, dont la mise en évidence permet d’ailleurs de situer plus précisément le cas grec dans l’évolution générale des comptabilités et face à la question du développement de la « comptabilité en partie double ». L’analyse des évolutions de ces méthodes comptables, à partir du vocabulaire technique des comptes, conduit en même temps à préciser plusieurs points relatifs aux institutions financières, et dans certains cas à modifier certaines explications avancées précédemment.
2.
À l’étude de la comptabilité délienne s’ajoute l’examen des données monétaires dont on dispose à travers les sources épigraphiques déliennes. Leur mise en relation avec la réalité numismatique telle que l’on peut l’observer grâce aux monnaies de fouille, plus particulièrement pour le monnayage de la cité de Délos, permet de rendre compte de façon plus complète de la situation financière et monétaire du trésor d’Apollon. La chronologie et la métrologie du monnayage civique, que l’on peut établir en croisant le témoignage des monnaies avec celui des inscriptions, permettent de comprendre un certain nombre de formules restées obscures dans les comptes déliens. 3.
Chankowski 2013, p. 952-953. On trouvera dans l’Annexe 1 plusieurs photographies à l’appui de corrections de lecture.
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On voit alors se dessiner avec davantage de précision ce que l’on peut bien appeler la politique monétaire des Déliens, définie à partir de choix qui prenaient en considération la situation monétaire de l’Égée du iiie et du iie s. Les observations que l’on peut formuler à partir des comptes déliens ont également des répercussions sur notre compréhension de certains phénomènes monétaires et trouvent des parallèles et des confirmations dans d’autres documents financiers, à Delphes comme en Béotie. De ce point de vue, Délos n’est pas une exception mais permet, grâce à une documentation particulièrement riche, de mieux saisir les orientations monétaires des cités grecques hellénistiques. Établir un bilan de la situation économique de Délos. Une fois posé le cadre financier, comptable et monétaire, il reste à relier la situation financière du sanctuaire à la situation économique de l’île. Nécessairement centré sur le sanctuaire en raison de l’éclairage des sources, ce bilan devrait bien entendu être complété par des spécialistes d’autres disciplines archéologiques (céramologie et amphorologie tout particulièrement) pour être complet. Mais il importe avant tout de parvenir à une perception plus précise de la situation économique que révèle la documentation du sanctuaire. En effet, si les comptes des hiéropes ont fourni la matière de nombreuses analyses économiques en raison des listes de prix qu’ils contiennent, la nature du marché qui transparaît à travers ces comptes reste un sujet de controverse. Peut-on lire ces prix comme le reflet d’une conjoncture économique et quelle doit être l’échelle de l’interprétation : régionale, égéenne, méditerranéenne ? Que révèle le passage à une situation de port franc sous la double autorité d’Athènes et de Rome ?
3.
Les acquis des deux points précédents permettent d’offrir des bases plus assurées à une synthèse sur l’économie délienne. L’évaluation du trésor délien et des finances civiques qui lui sont liées, l’analyse de la situation monétaire de l’île et des choix financiers opérés par l’administration du sanctuaire, rendent compte d’un potentiel économique qu’il est désormais possible de mettre en relation avec l’organisation du marché délien. Le degré de technicité atteint par les méthodes comptables, le degré d’efficacité des politiques monétaires et financières, peuvent entrer, d’une certaine manière et de façon toujours qualitative plus que quantitative, dans une mesure de la performance de l’économie délienne, de ses capacités à répondre aux difficultés conjoncturelles mais aussi dans une analyse de ses blocages et de ses limites. Cette étude fut d’abord présentée sous la forme d’un mémoire de recherche inédit dans le cadre d’une Habilitation à diriger des recherches de l’École pratique des hautes études soutenue en juin 2011, puis certains points ont été approfondis à travers plusieurs articles. Le présent ouvrage reprend donc, corrige parfois et développe largement la matière de plusieurs de mes précédentes études, dont une partie du contenu est souvent réintégrée dans le présent ouvrage. Sur plusieurs points, des analyses que j’avais publiées antérieurement m’ont paru inabouties et l’écriture de ce livre m’a permis d’aller plus loin dans l’interprétation grâce au travail de synthèse des sources qu’il a nécessité. La bibliographie délienne qui a nourri cette étude est abondante, tant pour la période de l’Indépendance que pour la période du port franc 4. L’origine de ce projet fondé sur l’étude des comptes déliens remonte à l’ouvrage pionnier et fondateur de Théophile Homolle, Les archives de l’Intendance sacrée à Délos, 315-166 av. J.-C. (1887) qui, en exploitant les inscriptions que venaient tout juste de dégager les grandes fouilles de l’île, avait perçu qu’il se trouvait dans les comptes des hiéropes et les actes administratifs la clé de la compréhension de toute une société. 4.
Voir le bilan historiographique présenté dans Chankowski 2013, p. 917-918. Également les ouvrages de Constantakopoulou 2017 et Étienne et alii 2018.
INTRODUCTION
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Mon travail est largement tributaire des études antérieures sur les institutions de Délos indépendante et tout particulièrement de l’ouvrage de Claude Vial, Délos indépendante (1984), qui a efficacement éclairé la spécificité des institutions déliennes dans leur contexte insulaire pour atteindre par-là les caractéristiques et les comportements d’une communauté civique. Mais il adopte un autre point de vue : alors que Claude Vial mettait en évidence une répartition des tâches et des compétences entre les magistrats, je suis partie de l’analyse des fonds monétaires, de leur nature ou de leur destination, pour tenter de comprendre la manière dont les Déliens ont construit leurs relations économiques et financières avec leur environnement. L’ouvrage de Gary Reger, Regionalism and Change in the Economy of Independent Delos (1994), a ré-ouvert la voie aux études sur l’économie délienne tout en contribuant à faire connaître à un lectorat anglophone une bibliographie très largement française. Ce décloisonnement a été fructueux et même si mes conclusions divergent à bien des égards des siennes, mon travail doit beaucoup à son effort de remettre Délos au cœur du débat sur l’économie antique. Léopold Migeotte s’est toujours intéressé au dossier délien, qu’il s’agisse de la question des prêts ou de l’analyse des institutions financières. Dans sa récente synthèse, Les finances des cités grecques (2014), il consacre un chapitre d’une centaine de pages au cas particulier que représente la documentation délienne, en étudiant l’organisation des finances publiques et sacrées de l’île d’Apollon. Son propos est surtout descriptif et présente un état de l’organisation des comptes déliens sur lequel je reviens à plusieurs reprises. En dépit de quelques désaccords que nous avons déjà exprimés, il va de soi que mon travail a largement bénéficié de sa connaissance méticuleuse des institutions financières du monde grec. Les pages qui suivent doivent aussi beaucoup aux échanges construits à la fois par la fré quentation d’un certain nombre d’ouvrages et par les discussions avec leurs auteurs. Que Jean Andreau, Alain Bresson, François de Callataÿ, Raymond Descat, Christophe Feyel, Denis Knoepfler, Patrick Marchetti, Jean-Charles Moretti, Olivier Picard, Denis Rousset mais aussi in memoriam Philippe Gauthier à qui je dois le goût de l’épigraphie grecque, Philippe Bruneau qui veillait sur la « famille délienne », Raymond Bogaert que j’ai eu la chance de connaître et Jacques Tréheux que je n’ai pas connu mais que j’ai beaucoup lu, sans oublier tous ceux qui savent ce que je dois à l’amitié de leurs conversations régulières, trouvent dans cet essai délien l’expression de ma profonde reconnaissance.
CHAPITRE I
LES ARCHIVES DE L’INTENDANCE SACRÉE : MÉTHODES COMPTABLES ET PRATIQUES ADMINISTRATIVES DES HIÉROPES
Les fouilles de Délos ont livré près de cinq cents inscriptions financières qui composent la compta bilité du sanctuaire d’Apollon délien, depuis l’époque classique (55 actes administratifs de l’époque classique, datés entre 434/3 et 333/2) jusqu’à la fin de l’indépendance délienne (364 comptes et inventaires des hiéropes entre 314 et 167) puis au cours de l’époque du port franc (80 actes des administrateurs athéniens entre 167 et les années 140). Les périodes les moins bien représentées dans ce corpus concernent d’une part le dernier tiers du iiie s., pour lequel nous n’avons que des inscriptions très fragmentaires, d’autre part la seconde moitié du iie s. et le début du ier s., au cours de laquelle la gravure et l’exposition publique des comptes s’est manifestement interrompue alors que les pratiques de comptabilité et de gestion des biens sacrés ont dû subsister. Outre les décrets et les dédicaces, l’épigraphie délienne est ainsi massivement constituée de comptes et inventaires qui sont, pour leur plus grande partie, l’œuvre de magistrats déliens, les hiéropes, qui ont fait graver d’année en année leur comptabilité au service des biens sacrés. Chaque acte administratif annuel comportait deux parties, le compte financier du collège de magistrats et l’inventaire des biens sacrés, qui forment un tout dans la conception qu’avaient les Déliens de la fortune sacrée. Pour comprendre la manière dont la société insulaire de l’époque hellénistique a conçu ses modes de relations économiques et financiers avec le sanctuaire d’Apollon, il faut pénétrer dans cette documentation complexe que constituent les comptes et inventaires des hiéropes en analysant leurs méthodes et en se familiarisant avec leurs pratiques. Les Déliens, qui avaient été associés à la gestion des biens sacrés par les Athéniens au cours de l’époque classique, se trouvent en 314 à la tête de responsabilités considérables au nom de la seule cité de Délos. Les magistrats en charge de l’administration des biens sacrés conservent le titre de hiéropes qu’ils avaient porté au cours de la période classique. Le fonctionnement de la magistrature est annuel et collégial 1. Mais au cours de l’Indépendance, du iiie au iie s., les tâches 1.
Vial 1984, p. 216-232.
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PARASITES DU DIEU
des hiéropes se sont considérablement diversifiées et sont devenues plus complexes, parce que la fortune sacrée avait augmenté, parce qu’ils ont eu également à enregistrer les avoirs de la caisse publique de la cité de Délos, mais surtout parce que le monde dans lequel ils évoluaient avait changé. Une des raisons de cette complexité est certainement la multiplication des étalons mo nétaires et la diversification des monnaies que les hiéropes devaient manier pour les encaisses et les paiements 2. Leurs pratiques comptables ont donc évolué au fil des années pour s’adapter à cette complexité, mais cette évolution n’est pas linéaire. La présentation varie d’une stèle à l’autre, si bien que ces documents ne sont pas réductibles à un modèle unique. Cette variété s’explique en partie par la rotation annuelle des magistrats, qui ne laissait à aucun d’entre eux le temps d’instaurer des méthodes dans la longue durée. Elle est due également aux hésitations des Déliens devant la complexité de l’administration sacrée qui, du iiie au iie s., est allée croissante et a suscité de la part des administrateurs et des instances civiques bien des tâtonnements. Le système mis en œuvre au cours de l’Indépendance et héritier des traditions administratives athéniennes relève tout à la fois du fonctionnement institutionnel de la cité, de la mise en œuvre de compétences techniques en matière de comptabilité, et d’une organisation matérielle prévoyant l’hébergement physique de fonds constitués d’argent monnayé et d’offrandes dont la plupart étaient en métal précieux.
L’INSTALLATION D’UNE ADMINISTRATION DÉLIENNE Les origines L’organisation athénienne C’est à partir de la domination athénienne du ve s. que le sanctuaire acquiert sa fortune. La mise en location des terres sacrées et des maisons jointe à l’accroissement du patrimoine foncier et immobilier, la création de taxes sur l’exploitation des ressources et sur l’utilisation d’infrastructures du port sacré, ont permis de constituer les avoirs nécessaires à l’entretien du sanctuaire. La splendeur des fêtes instaurées par Athènes dans le sanctuaire d’Apollon, devenu une vitrine prestigieuse de la politique athénienne, mais aussi les constructions entreprises entre les ve et ive s., exigeaient toutefois davantage de revenus. Les Athéniens ont profité de l’aparchè qui fut un temps versée à Apollon, entre la fondation de la Ligue de Délos et le transfert de son trésor à Athènes, pour constituer un capital productif. Celui-ci, par l’intermédiaire des prêts aux cités, rapportait suffisamment, grâce aux intérêts versés, pour donner aux administrateurs les moyens d’une politique somptueuse qui s’est manifestée par la mise en œuvre de chantiers de construction et l’organisation de fêtes religieuses 3. Au début de l’Indépendance, les Déliens héritent donc d’un capital important, mais aussi de méthodes de gestion instaurées par les Athéniens, qu’ils vont peu à peu reprendre à leur compte.
L’indépendance de Délos Les modalités de départ des Athéniens ne sont pas connues et les derniers documents de l’administration athénienne découverts sur le site remontent aux années 330 4. Pourtant, 2. 3. 4.
Chankowski 1997b. Chankowski 2008a. Une dédicace de garnisaires athéniens à Démétrios de Phalère (IG II2 2971), d’abord datée peu avant 315 et mentionnant sa victoire à la course de chars des Délia, a été repoussée aux années 250 d’après des critères
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l’évolution des rapports de force entre Athènes et ses adversaires ne manquait pas de concerner aussi le sanctuaire délien. Un passage de Diodore de Sicile (XVIII, 4, 2-5) raconte que Cratère, en 326/5, avait reçu d’Alexandre le Grand des instructions sous la forme d’un mémorandum, que les Macédoniens décidèrent de ne pas appliquer après la mort du conquérant car le projet engageait des frais trop importants. Il envisageait, parmi d’autres constructions, l’édification de six temples, chacun d’une dépense de 1 500 talents, dans les grands sanctuaires de Grèce, à Délos, Delphes et Dodone et dans ceux de Macédoine à Dion, Amphipolis et Kyrnos. L’île d’Apollon, dans ce projet, n’était déjà plus le domaine réservé des Athéniens qu’elle avait constitué depuis 478. Le témoignage de Diodore confirme aussi que Délos fait partie, de longue date, d’un réseau de grands sanctuaires que ne désavoue pas le conquérant. La présence d’Alexandre paraît pourtant peu visible dans le sanctuaire. Une dédicace des Déliens à Alexandre fils de Philippe (IG XI 4, 1072) montre toutefois que ces derniers n’avaient pas manqué d’ajouter leur voix aux honneurs accordés par les cités avec des degrés d’enthousiasme variable au conquérant, mais on ignore si cette démarche se fit immédiatement après la proclamation de Suse ou bien plus tard, dans le contexte de l’intervention antigonide et de la Confédération des Nèsiotes. À l’appui de cette dédicace, l’étude architecturale d’une grande base de marbre située sur le côté Ouest de la terrasse du téménos a permis de restituer, devant le Pythion et obstruant le temple d’Apollon construit à l’initiative des Athéniens au ive s., un monument distyle à colonnes ovoïdes d’une hauteur d’une dizaine de mètres. Le parallèle avec les colonnes du propylon du palais de Vergina permet de l’identifier avec un monument macédonien, qui pourrait abriter les statues d’Alexandre et de Philippe 5. La tête d’une statue colossale découverte dans le Dôdékathéon pourrait être celle d’Alexandre le Grand 6, mais F. Coarelli a récemment argumenté en faveur d’un ensemble monumental antigonide, qui ferait du Dôdékathéon un sanctuaire dynastique d’Antigone Monophthalmos et Démétrios Poliorcète, et veut voir dans cette tête celle de Démétrios 7. C’est en réalité la question de l’emprise architecturale et iconographique des Antigonides dans le sanctuaire qui mériterait un réexamen complet. Après le partage de Triparadisos et dans le contexte des premières luttes entre les Diadoques, les proclamations des libertés des cités grecques, d’abord par Antigone dans le manifeste de Tyr puis par Ptolémée « désirant que les Grecs sussent qu’il n’avait pas moins de sollicitude qu’Antigonos au sujet de leur autonomie » (Diodore XIX, 62, 1-2) étaient de nature à intéresser les Déliens qui, au moins pour une partie d’entre eux, avaient déjà tenté au cours du ive s. de rejeter la tutelle athénienne 8. Athènes, sous la domination de Cassandre, se trouvait en difficulté. Elle avait conclu en 317 un traité (Diodore XVIII, 74, 3) qui lui accordait le maintien de ses possessions territoriales dans l’alliance de Cassandre, avec un régime censitaire pro-macédonien dirigé par Démétrios de Phalère. Le sanctuaire délien était-il concerné par les clauses du traité ? Il est probable qu’il l’était, dans la mesure où il était administré comme une véritable extension du territoire attique et que cette domination avait été maintes fois validée, en dernier lieu
5. 6. 7. 8.
paléographiques : Tracy 1995a et Tracy 1995b, p. 41-46 ; Habicht 2006, p. 171-173 (c’est la version française de 2006 qui sera utilisée dans ce livre, plutôt que la version allemande de 1995, car l’édition de 2006 contient les mises à jour les plus récentes). La chronologie du personnage est discutée dans Oetjen 2000. Les Délia mentionnés dans la dédicace doivent alors être ceux de Béotie : Brélaz, Andreiomenou, Ducrey 2007, n. 138. Il faut donc corriger sur ce point Chankowski 2008a, p. 220-221, et Bruneau 1970, p. 81. Herbin 2014. Hypothèse développée par Fr. Queyrel dans Marcadé 1996, p. 84, et Queyrel 2016, p. 148-150. Coarelli 2016, p. 177-202, et le compte rendu de Chankowski 2018c. Chankowski 2008a, p. 249-257.
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par un procès en 343 9. Il est donc peu probable que, même en faisant allégeance à Alexandre le Grand, les Déliens aient pu dès les années 324-323 recouvrer quelque indépendance. En s’appuyant sur l’agitation qui se manifestait dans les îles contre la tutelle athénienne, Antigone encourage et patronne dès 315 la constitution du Koinon des Nèsiotes 10. Il envoie une expédition, sous le commandement de son neveu Dioskouridès, amiral d’une partie de la flotte, avec pour but de garantir la sécurité des alliés et de gagner l’appui des îles qui n’étaient pas encore entrées dans son alliance (Diodore de Sicile, XIX, 62, 9) 11. C’est donc probablement au cours de l’expédition de Dioskouridès que Délos recouvra son indépendance. Tout au long du ive s., les Déliens n’avaient cessé de lutter pour redevenir maîtres de leur sanctuaire, sans manquer pourtant de participer aux opérations financières qu’avaient permis de nombreux liens avec les Athéniens 12. À ce moment de leur libération, sans doute, les Déliens votèrent un décret en l’honneur d’Antigone. On comprend dans les quelques bribes de ce décret très mutilé qu’ils nommèrent Antigone archégète du peuple car il avait restitué aux Déliens liberté et constitution ancestrale démocratique (IG XI 4, 566, l. 12-15) : — —c.10— —πας πολιτευ[— — — — — — — π]ολιτείαι δημοκρατου[μέ][νηι μετὰ] πάσ[η]ς π․․․ειας καὶ — — ἐλευθέρα [τ]ῆι πόλει ὁμ[ο]ν[οο]ῦντε[ς] [κα]ὶ τὸ συμφέρον τῶι τε βασιλεῖ — — — — — — — — — ποιούμ̣ε[νοι] [αὐτὸ]ν? ἀρχηγέτην τοῦ δήμου — — — — — — — — — τὸν βασιλέ[α]
La formule concernant la restitution de la constitution démocratique ancestrale est intéressante. Elle s’inscrit manifestement dans la mouvance d’une série de décrets d’autres cités qui expriment sous cette forme les bienfaits de la libération due aux Antigonides, et correspond bien aussi aux formules employées par Diodore. Ainsi les Milésiens inaugurèrent-ils à partir de 313 une ère nouvelle, précisant que « la cité devint libre et autonome grâce à Antigone et la démocratie lui fut rendue » 13. Mais quels étaient les changements constitutionnels que permit à Délos la libération de la tutelle athénienne ? En Asie mineure, le renversement fréquent des factions oligarchiques justifiait l’insistance sur le retour à la démocratie. La liberté des Déliens était celle de l’intégrité territoriale, dès lors qu’Athènes ne contrôlait plus l’administration du sanctuaire. Mais comme l’a souligné Cl. Vial, la nature démocratique du régime délien n’a pas changé entre le milieu et la fin du ive s. 14. En revanche, le départ de l’administration athénienne a permis aux Déliens de revenir à certains modes de fonctionnement de leurs institutions qui avaient prévalu avant que ne se durcisse l’autorité athénienne au cours du ve s. : c’est en particulier le cas du calendrier délien. On constate en effet qu’à partir des années 410, les archontats athénien et délien dans les actes administratifs sont devenus synchrones, c’est-à-dire qu’Athènes avait obligé la cité de Délos à décaler d’un semestre son calendrier. Normalement l’année commençait à Délos au solstice d’hiver, alors qu’elle commençait au solstice d’été à Athènes. À la fin du ve s., 9. 10.
11. 12. 13. 14.
Chankowski 2008a p. 256-257. Sur la Ligue, qui n’est connue que par quelques inscriptions, voir en particulier Merker 1970 et Constantakopoulou 2017, p. 31-56. L’inscription qui atteste le contrôle antigonide sur la Ligue des Nèsiotes est le décret des Insulaires établissant des Demetrieia en alternance avec des Antigoneia déjà existants (IG XI 4, 1036), daté de peu après 306. Merker 1970, p. 141-142 n. 2 ; Buraselis 1982, p. 41-44, 60-67 ; Billows 1990, p. 220-225. Chankowski 2008a, p. 249-258 et p. 370-376, sur la complexité des liens entretenus par les Déliens avec les Athéniens. Milet I, 3, 123, l. 2-4 : ἡ πόλις ἐλευθέρα καὶ αὐτόνομος ἐγένετο ὑπὸ Ἀντιγόνου καὶ ἡ δημοκρατία ἀπεδόθη. Également Didyma 358, l. 5-6. Vial 1984, p. 91-92.
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puis de nouveau à partir de 377, l’archonte délien entra en fonction en même temps que l’archonte athénien 15. L’abolition de ce calendrier imposé, qui faisait violence aux traditions déliennes, pouvait bien être considéré, en 314, comme l’expression du retour à la constitution ancestrale démocratique. Comme on le verra, d’autres péripéties, comme un probable refuge à Ténos avec le trésor sacré, avaient dû marquer les Déliens dans cette période troublée 16. On sait aussi que les Athéniens n’ont pas manqué, durant ces années, de défendre leurs possessions. D’autres opérations ont eu lieu en mer Égée et dans les Cyclades, opposant les intérêts athéniens et macédoniens au programme de libération antigonide. Au cours de l’année 315/4, une flotte athénienne, sous le commandement de Thymocharès de Sphettos, opère dans les Cyclades et prend Kythnos qui était sous la coupe du pirate Glauketès. Un décret honorifique athénien plus tardif, en l’honneur de son fils Phaidros, rend compte de ses hauts faits (IG II2 682, l. 9-13). Une autre expédition appuyée par Cassandre est organisée contre l’île de Lemnos, devenue possession antigonide en 318, mais elle se solde par un échec devant l’action de Dioskouridès (Diodore, XIX, 68, 3-4) 17. La chronologie de ces différentes opérations est difficile à établir. R. M. Errington date l’expédition de Dioskouridès de l’année 313 18, mais les sources déliennes, comme l’a montré J. Tréheux 19 invitent à en remonter la date à l’automne 314. Aucune source littéraire ne fait toutefois état de la libération de Délos et de l’attitude d’Athènes, mais ce sont les premiers comptes des hiéropes qui permettent de préciser cette datation. Lors de la domination athénienne, les actes administratifs ont toujours été datés par un double archontat : l’archonte athénien et l’archonte délien, manifestation de l’existence de la cité de Délos et de la participation des Déliens comme administrateurs subalternes à la gestion des biens du dieu. Durant une partie du ive s., cette double datation a obligé les Déliens à modifier leur calendrier et à désigner leur archonte en même temps que l’archonte athénien, c’est-à-dire au solstice d’été et non plus au solstice d’hiver comme le voulait leur propre tradition 20. Dès le départ des Athéniens, ils ont remis à l’honneur l’ancien calendrier et sont revenus à une désignation de l’archonte au solstice d’hiver. L’archonte délien au nom partiellement conservé (-èrès) désigné en été 314, encore sous la tutelle athénienne, n’est donc resté en fonction que 6 mois. À l’hiver 313, le premier archonte délien de l’Indépendance dut prendre ses fonctions. Un fragment de compte du tout début de l’Indépendance, dans lequel est mentionné l’ar chonte délien de 315 (IG XI 2, 138, Bb, l. 3-4 : [ἐ]πὶ Φίλωνος ἄρ̣χ̣ο̣ν̣τος) enregistre la remise en adjudication des taxes pour trois mois (l. 16 : εἰς τὴ[ν] τρίμηνο[ν]). Il est plausible que cette inscription se rapporte précisément à la transition entre le régime athénien et le régime délien au moment de la proclamation de l’indépendance, comme l’a montré J. Tréheux : les contrats d’affermage des taxes, conclus à la fin de l’année 315/4 sous l’archonte précédent, Philôn, encore dans le régime athénien, avaient été rendus caducs par la libération de l’île et ont été réadjugés pour les trois mois constituant la période qui devait aller jusqu’au début de l’année délienne dans le calendrier traditionnel, c’est-à-dire jusqu’au solstice d’hiver 313. On peut ainsi placer en Bou phônion 314 selon le calendrier délien (ou Boédromion selon le calendrier athénien), c’est-à-dire approximativement à la fin du mois de septembre, la libération de Délos par Dioskouridès. 15.
Chankowski 2008a, p. 151 et 188. infra p. 15 et chapitre III p. 140. Habicht 2006, p. 81. Errington 1977, p. 496 ; Tréheux 1948, p. 1031 ; Habicht 2006, p. 81 et n. 75. Tréheux 1948, p. 1029-1031, et Tréheux 1976, p. 88 n. 20. Chankowski 2008a, p. 198, 220 et 235-257.
16. Voir 17. 18. 19. 20.
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PARASITES DU DIEU
Nous n’avons pas conservé la stèle athénienne qui dut en principe enregistrer le compte des premiers mois de l’année 314/3, mais le compte IG XI 2, 138 devait constituer une stèle supplé mentaire, gravée à l’initiative délienne et couvrant la gestion du dernier trimestre de l’année 314. Le premier compte de l’Indépendance (IG XI 2, 135 : fig. 11) correspond donc à l’exercice administratif qui débuta à l’hiver 313 (tableau 1). Année 315/4
314
314/3
Solstice
Mois Athènes
Mois Délos
été
1
1
2
2
3
3
4
4
5
5
6
6
7
7
8
8
hiver
été
9
9
10
10
11
11
12
12
1
1
2
2
3
3
4
4
5
5
6
313
hiver
6 1 2 3
Régime Administration athénienne
Archonte délien Philôn
Administration athénienne
-èrès
Libération de Délos ; Réadjudication des fermages pour 4 ans et des taxes pour 3 mois (IG XI 2, 138) Première année du régime délien indépendant (IG XI 2, 135)
Archépolis ou Prostatès ?21
5 6 7
313/2
été
8 9 10 11 12
312
hiver
1
Deuxième année du régime délien indépendant Diaitos
Tableau 1 — Chronologie des événements de la fin de la domination athénienne et du début de l’Indé pendance délienne. 21
La libération due aux Antigonides resta acquise pour les Déliens, même après l’entrée triom phale d’Antigone et Démétrios à Athènes en 307. Diodore rapporte (XX, 46, 4) qu’avec la res titution du régime démocratique à Athènes, Antigone rendit aux Athéniens leurs possessions 21.
Sur cet archonte et sa date, voir la démonstration de Tréheux 1959, p. 103-110 et 199-205. Archépolis pourrait être l’archonte de 313 et Prostatès celui de 311, ou bien l’inverse (Vial 2008, s.v.). La suite de la chronologie des archontes est fournie par les listes et les inscriptions : voir à ce sujet les explications données dans Nouveau Choix, p. 16-18.
LES ARCHIVES DE L’INTENDANCE SACRÉE
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insulaires d’Imbros. Un compte des trésoriers d’Athéna et des Autres Dieux (IG II2 1492, B, l. 133) montre que ce sont les territoires d’Imbros et de Lemnos que les Athéniens recouvrèrent à ce moment-là 22. La décision, qui montrait la capacité d’Athènes à faire valoir ses droits ancestraux, ne put qu’inquiéter les Déliens, qui auraient pu subir le même sort. Ces anciennes clérouquies athéniennes étaient occupées par des garnisons antigonides, ce qui n’était pas le cas de Délos, et étaient liées pour Athènes à la route du blé et à son approvisionnement. Toujours est-il que l’in dépendance de Délos ne fut pas remise en cause en 307, et la diplomatie délienne y fut peut-être pour quelque chose en mettant en œuvre la construction du Dôdékathéon, qui empiétait sur le té ménos de Létô, signe de compromis nécessaires avec l’autorité antigonide 23. Déjà le décret de 314 (IG XI 4, 566, l. 9-10) annonçait l’érection de statues de bronze qui purent y trouver place.
La transmission de la fortune sacrée La récupération des capitaux C’est avec 7 talents, reçus de leurs prédécesseurs en fonction sous l’archontat du délien -èrès, que les hiéropes ont débuté leur exercice 24. Le solde de l’année 313 (IG XI 2, 135, l. 28-30) transmis au collège suivant se monte à 9,6 talents. Cette somme de 7 talents correspond manifestement à l’encaisse laissée par les Athéniens. Au iie s., les inventaires de jarres permettent, grâce aux libellés qui décrivent les sommes qu’elles contiennent, de comprendre un peu mieux la composition de la fortune sacrée. Elle est constituée d’un fonds ancien dont 7 talents portent l’intitulé énigmatique « rapporté de Ténos », qui témoigne sans doute, comme on le verra, des événements qui ont agité la communauté délienne soucieuse de protéger le trésor d’Apollon dans les bouleversements de la fin de la domination athénienne, de la guerre lamiaque et de la libération des îles par les Antigonides. Délos, île sacrée, ne possédait ni rempart ni armée et ses habitants pouvaient légitimement craindre les risques de pillages lors de la traversée de l’Égée par les armées des conquérants de la fin du ive s., au point d’aller chercher refuge dans les îles voisines. Les Déliens du ve s. s’étaient réfugiés à Ténos devant l’avancée de la flotte perse, comme en témoigne Hérodote (VI, 97). De même, leurs descendants avaient très bien pu demander à s’abriter à Ténos et y sauvegarder en dépôt le trésor d’Apollon, en attendant que les décisions antigonides ne viennent clarifier une situation pour le moins confuse. On comprendrait d’autant mieux, dans ce cas, l’emphase du décret délien en l’honneur d’Antigone archégète du peuple (IG XI 4, 566) s’il y avait eu réinstallation des Déliens dans leur île et dans leur rôle de gestionnaires de la fortune sacrée 25. Mais ces 7 talents mentionnés dans le compte de l’année 313 ne sont pas, en réalité, la totalité de la fortune sacrée : des capitaux étaient en circulation sous forme de prêts, pour un minimum de 12,5 talents en permanence afin d’assurer le fonctionnement des Délia de l’époque classique 26. La fortune sacrée en circulation sous forme de prêts en 410/9 s’élevait à 46,3 talents. Vers le milieu du ive s., les cités insulaires ont des créances qui se montent au minimum à 33,3 talents. Les comptes des administrateurs athéniens du ive s. montrent que le fonds total disponible pour les prêts, probablement constitué par les réserves de l’aparchè, 22.
Habicht 2006, p. 87 n. 9. supra p. 11 et n. 7 (Coarelli 2016 et Chankowski 2018c). 24. Voir en Annexe 1 la fiche du compte IG XI 2, 135. 25. Voir pour l’argumentation détaillée infra chapitre III p. 139-140. 26. Chankowski 2008a, p. 311-314 et 352-377. Ces 12,5 talents représentent le capital minimal que le sanctuaire devait mettre en circulation sous forme de prêts pour assurer, grâce au revenu procuré par les intérêts, le financement des Délia pentétériques. 23. Voir
16
PARASITES DU DIEU
ne devait pas dépasser les 50 talents 27. Au ive s., les Athéniens ont sans doute utilisé une partie des réserves accumulées grâce à leur bonne gestion pour la construction d’édifices qui contribuaient à enraciner leur domination en Égée, alors même que le vent commençait à tourner : le Pythion, puis peut-être le Néôrion. Peu avant, en 341/0, l’encaisse se compose de 20 talents environ, tandis qu’au moins 12 autres talents sont mobilisés en prêts aux cités. Des sommes étaient donc restées disponibles, que les Athéniens ont pu choisir d’employer dans les grands travaux de prestige dès la seconde moitié du ive s. 28. Dans la seconde moitié du ive s., des prêts ont continué à circuler et une part importante des capitaux d’Apollon a dû rester mobilisée par les créances consenties pour la plupart à la fin du ve s. ou dans la première moitié du ive s. Malheureusement, aucun compte de l’administration athénienne ne nous est parvenu pour les années qui précèdent la libération de Délos. L’organisation de ce système de crédit était l’une des innovations majeures des Athéniens à Délos et illustrait brillamment la puissance du capital productif à travers l’organisation de fêtes somptueuses et de constructions. Mais après la fin de la domination athénienne, les Déliens ont probablement eu des difficultés à faire rentrer les fonds qui circulaient encore sous forme de prêts, ne disposant pas de la même autorité que les Athéniens envers les cités débitrices. Bien que les sommes prêtées aient sans doute continué à rapporter des intérêts, comme peuvent le laisser penser les actes administratifs athéniens du ive s., le projet délien se voulut bientôt recentré sur les besoins de la communauté civique et n’entendit pas poursuivre à l’identique la politique athénienne de prêts aux cités insulaires. C’est dans ce contexte et au moment de l’installation de la domination lagide en Égée, vers 280, soit vingt-cinq ans après la fin de la domination athénienne, qu’il faut comprendre l’aide apportée aux Déliens par Philoklès, roi de Sidon, dont témoigne un décret honorifique rendu par la cité de Délos (IG XI 4, 559). La procédure concernait le remboursement de créances dues aux Déliens (τῆς ἀποδόσεως Δηλίοις, l. 9). Elle a été réalisée sur ordre du roi Ptolémée ([καθάπερ ὁ βασιλεὺς Π]τολεμαῖος συνέταξεν, l. 7-8), à la suite d’une ambassade des Déliens à Philoklès. Elle impliquait également le nèsiarque lagide Bacchôn, dont le nom est mentionné dans un passage lacunaire du décret (l. 8). Le décret délien remercie Philoklès d’une couronne d’or d’une valeur de 1 000 dr., pour les services rendus dans le recouvrement des sommes dues par les insulaires aux Déliens (καὶ νῦν πρεσβε[ίας ἀ]ποσταλείσης πρὸς αὐτὸν περὶ τῶν χρημάτων ὧν [ὤφει] λον οἱ νησιῶται Δηλίοις πᾶσαν ἐπιμέλειαν ἐποήσατο ὅπως Δήλιοι κομίσωνται τὰ δάνεια, l. 4-7, « et maintenant qu’une ambassade lui a été envoyée au sujet des sommes que doivent les insulaires aux Déliens, il a mis tout son soin à ce que les Déliens recouvrent les créances »). Dans l’inventaire des temples déliens de l’année 279, trois couronnes d’or consacrées par Philoklès sont mentionnées (IG XI 2, 161, B, l. 56, 60, 86) et laissent entendre qu’il fut encore honoré à d’autres reprises à Délos ou dans les îles. Il est également à l’origine d’une fondation d’un capital de 6 000 dr. dans le sanctuaire d’Apollon.
Dettes récentes ou créances de l’époque athénienne ? La nature de ces dettes et l’identité du propriétaire des capitaux ont suscité de nombreuses discussions 29. On considère généralement que les sommes dues par les Nèsiotes auraient été 27.
Chankowski 2008a, p. 319-320. Chankowski 2008a, p. 312. 29. Migeotte 1984, p. 161-166, avec la bibliographie indiquée dans les notes et la discussion sur le sens du terme Dèlioi (en particulier p. 164) ; Reger 1994a, p. 37-39 ; Gabrielsen 2005, p. 152-156 ; Migeotte 2014, p. 622-623. 28.
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des emprunts contractés auprès du trésor délien pour payer les contributions de la Ligue des Nèsiotes à l’époque antigonide. En effet, des contributions, nommées eisphorai dans le décret des Insulaires relatif aux fêtes des Antigoneia et des Démétrieia (IG XI 4, 1036, l. 44) semblent avoir pesé sur les Insulaires dès 307, soit pour financer ces fêtes en dépit des fondations offertes à cet effet par les deux Antigonides dans le sanctuaire délien, soit pour répondre aux levées financières de Démétrios 30. Quelques années plus tard, le décret de Nikouria (IG XII 7, 506, l. 7 = Syll 3 390) vante l’action de Ptolémée Ier qui avait diminué ces contributions en prenant le contrôle des Cyclades et en les libérant des Antigonides. Les Cyclades, certes, ont dû continuer à s’endetter auprès de divers créanciers entre la fin du ive s. et le début du iiie s., comme le suggèrent plusieurs contrats de prêts contractés par les cités d’Amorgos 31. Mais s’il est sûr que les Insulaires payaient des contributions dans le cadre de la domination antigonide, rien ne permet pourtant d’affirmer que le sanctuaire délien avait poursuivi la politique de prêts aux cités développée sous le contrôle athénien à l’époque classique. À supposer même que des capitaux sacrés aient été prêtés par les Déliens entre le début de l’Indépendance et l’éviction des Antigonides des Cyclades dans les années 280, ces sommes n’auraient pas pu être prises sur l’encaisse athénienne, mais nécessairement sur une réserve qui en aurait été séparée et que les hiéropes n’auraient pas porté en compte, puisqu’aucune sortie d’argent de ce genre ne se lit dans la documentation comptable et que l’on observe une parfaite continuité des fonds au début de l’Indépendance d’après les premiers comptes des hiéropes. C’est donc là une hypothèse qui, comme on le verra à travers l’organisation comptable des fonds sacrés, n’est guère plausible 32. La documentation comptable rapporte régulièrement les emprunts de la cité de Délos au sanctuaire mais ne garde trace que de deux emprunts de cités étrangères au début du iiie s. : Péparéthos et Hermionè. La dette de Péparèthos n’est mentionnée qu’une seule fois, en 284, probablement à l’occasion de son remboursement (IG XI 2, 156, A, l. 20) 33. Hermionè paye des intérêts au sanctuaire à intervalles réguliers jusqu’en 278 (IG XI 2, 144, A, l. 18 ; IG XI 2, 162, l. 27). Les 3 000 dr. versées par Hermionè en 278 sont qualifiées d’intérêt annuel (τόκον ἐνιαυτοῦ), ce qui permet de supposer le prêt d’un capital de 5 talents, à une date peut-être plus ancienne : rien n’empêche de considérer que ce prêt aurait été consenti au ive s. dans la mouvance des prêts accordés aux cités insulaires lorsque le sanctuaire était sous contrôle athénien. Aucun document n’atteste son remboursement mais dans les inventaires athéniens du milieu du iie s., une tablette de contrat de prêt établi entre Hermionè et Délos figure parmi les collections d’offrandes du temple d’Apollon (ID 1449, Aab col. II, l 29-31 ; ID 1450, l. 104-105), et pourrait tout à fait se rapporter à la même affaire. Sa présence n’est pas nécessairement l’indice que la dette courait toujours, car un tel document aurait plutôt eu sa place dans les archives si le capital n’avait jamais été restitué 34. Il doit plutôt s’agir d’une consécration à l’occasion du remboursement, qui dut donc intervenir à une date inconnue, après 278. 30.
Sur les exigences fiscales de Démétrios, Wehrli 1968, p. 100. J. Delamarre (Delamarre 1904) affecte au tribut de Démétrios la raison de toutes les dettes des Insulaires à cette période, mais L. Migeotte (Migeotte 1984, p. 165) exprime une opinion plus nuancée. 31. Migeotte 1984, p. 166-194. 32. Voir infra chapitre II. 33. Migeotte 1984, p. 147-148 et 156-157. 34. Pour L. Migeotte (Migeotte 1984, p. 157), il s’agit de plusieurs prêts différents et non d’un seul car l’établis sement de contrats de prêts ne serait pas attesté pour le ive s. Pourtant, la documentation ne permet pas une telle affirmation : voir les objections de Vial 1988, p. 58.
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Le rôle de la fortune privée des Déliens Une autre interprétation a été avancée pour comprendre l’implication des Δήλιοι dans les dettes des Insulaires d’après le décret en l’honneur de Philoklès. Pour J. A. O. Larsen, la mention des Déliens comme créanciers montrerait que les prêts aux cités insulaires ne s’étaient pas interrompus avec le départ des Athéniens, et qu’ils avaient continué par l’intermédiaire des citoyens riches, qui pouvaient emprunter des capitaux au sanctuaire et les placer auprès des insulaires 35. Les prêts consentis sur le trésor sacré à la caisse publique de la cité étaient à court terme et affectés à des destinations précises, comme l’a bien souligné R. Bogaert en réfutant l’argumentation de J. A. O. Larsen 36. Pourtant, la question est rendue complexe par l’existence d’un décret d’une cité inconnue, qui est peut-être Karystos d’Eubée, exposé à Délos, et qu’il faut probablement rattacher au dossier des prêts déliens 37. Ce décret honore le Délien Mnèsalkos qui a aidé les sitônai de cette cité à recouvrer une cargaison de blé qu’ils venaient chercher à Délos et qui avait été saisie par leurs créanciers déliens (IG XI 4, 1049) : [Θεό]δωρος Θεοφάντου εἶπεν· ἐπειδὴ Μν[ή][σα]λκος Τελεσαρχίδου Δήλιος, προξενί[ας αὐ]τῶι ὑπαρχούσης μετὰ τῶν ἀ[δελφῶν π]ατρικῆς, πολλὰς καὶ μεγά5
[λ]ας χρεία[ς π]αρέσχηται τῶι δήμωι ἐμ παντὶ καιρῶι, ἔν [τε] τῆι σπανισιτίαι σῖτογ καταχθέντα ὑπὸ Δηλίω[ν] δὶς οἷς ὤφειλεν ἡ πόλις, [πα]ραιτησάμενος τοὺς ἐν[ε]χυράσαντας, ἀπέσ[τει]λεν τῶι δήμωι, ἀργύριόν [τε] πολλάκις τῆι πό-
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[λει] παρέσχηκεν εἰς ἀναγκαίας [χρ]είας καὶ τοῦτο [ἐκο]μίζετο εἰς ὃ ἦν ὁ δῆμος δυνατὸ[ς] ἀποδοῦναι, [τ]οῖς τε παραγινομένοις τῶμ πολιτῶ[ν ε]ἰς Δῆλον [βοη]θῶγ κατὰ τὸ δίκαιογ καὶ χρείας παρε[χόμ]ενο[ς] [δι]ετέλει ἐφ’ ὅ τι ἄν τις αὐτὸμ παρακαλέσηι· δεδόχθαι
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τῶι δήμωι· τὴμ μὲν προξενίαν ὑπάρχει[ν Μνη][σ]άλκωι καὶ αὐτῶι καὶ τοῖς υἱοῖς καὶ τ[οῖς] ἐκγόνοις καὶ εἶναι αὐτοῖς ἀτ[έλειαν τῶν εἰσα][γ]ομένων καὶ ἐξαγομέ[νων — — — — καὶ] [εἴσπ]λουγ καὶ ἔκ[πλουν — — — καὶ ἐν πολέ]-
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μωι καὶ ἐ[ν εἰρήνηι — — — — — — — — — —].
Théodoros (?) fils de Théophantos a fait la proposition : attendu que Mnèsalkos fils de Télésarchidès, Délien, qui possède à titre héréditaire la proxénie avec ses frères, a rendu de nombreux et éminents services à notre peuple en toute circonstance ; que, lors de la disette de grain, alors 35.
Larsen 1938, p. 337-343 ; Gabrielsen 2005, p. 154. Bogaert 1968, p. 137-138. 37. Le texte est commenté par Migeotte 1984 no 117, p. 345-347, qui cite la bibliographie antérieure. Sur l’identification avec Karystos d’Eubée, voir Bresson 2008, p. 186-188. 36.
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que notre grain avait été par deux fois l’objet de saisie de la part de Déliens auprès desquels notre cité avait une dette, il intercéda auprès de ceux qui avaient pris les gages et put le faire expédier à notre peuple ; que souvent il a avancé de l’argent à notre cité dans des circonstances pressantes et qu’il l’a recouvré au rythme où la cité a été en mesure de le rembourser ; qu’il n’a cessé d’apporter à ceux de nos concitoyens qui se rendaient à Délos une aide en conformité avec ce qui est juste en leur rendant service pour ce que chacun d’entre eux pouvait avoir à lui demander. Plaise au peuple que la proxénie soit accordée à Mnèsalkos, pour lui-même, ses fils et ses descendants, et qu’ils soient exemptés de taxes sur les denrées qu’ils importent et exportent, (…) qu’ils aient le droit d’entrée et de sortie par mer (…) en temps de guerre et en temps de paix 38. La saisie intervenait pour la deuxième fois, si bien que les dettes de la cité devaient être importantes ou répétées. Cette saisie, manifestement effectuée au moment du départ du navire déjà chargé, donc sans doute à l’occasion de la déclaration de sortie de douane, avait pu se faire quelle que soit l’existence de conventions entre Délos et la cité débitrice 39. Il s’agissait d’une prise de gages destinée à faire pression sur la cité débitrice : « L’action de enekhurázein, l’enekhurasía, est une saisie de biens qui ne consiste pas en une appropriation définitive, mais par laquelle on vise à obtenir, de celui à qui on saisit ces biens, une prestation qu’on a le droit d’exiger de lui et qu’il ne veut ou ne peut pas fournir. Elle ne réalise pas le droit qu’on a d’obtenir une prestation déterminée, mais sert à le réaliser » 40. Mnèsalkos lui-même avait prêté à plusieurs reprises de l’argent à cette cité (l. 9-11) et il est possible que, pour lui permettre de disposer du blé saisi par les créanciers à Délos, il ait mis en œuvre une opération financière qui faisait de lui l’intermédiaire des créanciers, en accordant une sorte de prêt-relais à la cité afin de lui permettre de se libérer de sa dette initiale 41. Des opérations de ce genre sont connues grâce à d’autres décrets honorifiques : c’est par exemple ce qui permet à Boulagoras de Samos de devenir l’unique intermédiaire financier de sa cité dans une affaire d’achat de grain, évinçant au passage un autre concitoyen bienfaiteur, commissaire au grain, qui avait initialement consenti une avance sur ses fonds propres 42. Or ce Mnèsalkos fils de Télésarchidès est précisément le proposant du décret en l’honneur de Philoklès de Sidon. Il appartient d’ailleurs à une grande famille d’hommes politiques déliens et a exercé entre autres la fonction de trésorier de la cité en 278 et de prodaneistès de la cité pour un emprunt à la caisse sacrée en 269 43. L’identité du personnage, autant que le parallélisme entre les deux formules (IG XI 4, 559, l. 4-5 : περὶ τῶν χρημάτων ὧν [ὤφει]λον οἱ νησιῶται Δηλίοις ; IG XI 4, 1049, l. 7: ὑπὸ Δηλίω[ν] … οἷς ὤφειλεν ἡ πόλις) invitent à rapprocher les deux documents. À travers le rôle de Mnèsalkos, le décret IG XI 4, 1049 témoigne assurément de la richesse de quelques citoyens de Délos qui étaient capables de financer des opérations de crédit à l’échelle régionale, dès le début du iiie s. Il n’en reste pas moins que l’identité des Δήλιοι envers qui la cité en question était endettée reste problématique et l’on y a généralement vu un groupe de créanciers moins arrangeants que Mnèsalkos, intervenant soit en leur nom propre, soit comme 38. 39. 40. 41. 42. 43.
Trad. d’A. Bresson (Bresson 2008, p. 186) légèrement modifiée. Bravo 1980, p. 818 ; Vélissaropoulos 1980, p. 152, à propos de l’expression κατάγειν : « mettre l’embargo sur un bâtiment, soit pour l’obliger à aborder, soit pour l’empêcher de partir ». Bravo 1980, p. 695. Gabrielsen 2005, p. 154. IG XII 6, 1, 11, l. 40-49. Vial 1984, p. 132-137 et stemma XVI ; Vial 2008, s.v. Mnèsalkos est aussi le proposant d’un décret honorifique pour un Athénien (IG XI 4, 558) et d’un autre décret honorifique fragmentaire (IG XI 4, 560).
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intermédiaires (prodaneistai) pour des emprunts dont les fonds d’origine viendraient en réalité de la caisse sacrée 44. Contrairement à ce qui a été avancé par plusieurs commentateurs, la formule employée dans le décret de proxénie qui honore Mnèsalkos met en avant la dimension collective de la cité délienne : s’il avait été question de certains créanciers déliens en particulier, un déterminant et un partitif auraient dû le préciser dans la formulation des considérants. Au contraire, en employant le mot Δήλιοι, c’est bien à la cité des Déliens, agissant collectivement pour les intérêts conjoints du sanctuaire et de la communauté civique, que pensaient les auteurs du décret de proxénie. Certes, on trouve dans les comptes des hiéropes, à propos des particuliers débiteurs du sanctuaire, la formule οἵδε ὀφείλουσιν τῶι θεῶι, « voici ceux qui doivent au dieu » (par exemple IG XI 2, 287, A, l. 196), et non οἵδε ὀφείλουσιν Δήλιοις, « voici ceux qui doivent aux Déliens », mais la logique comptable des textes ne pouvait autoriser d’autre formule dans ce type de document qui présente l’état détaillé de la fortune sacrée. En revanche, la rédaction des contrats de prêts, comme le montre le cas d’Hermionè déjà évoqué, montre bien que la transaction sur les fonds sacrés est conçue entre la cité débitrice et les Déliens, puisqu’à partir de l’Indépendance seule la cité de Délos est habilitée à prendre des décisions au sujet des biens du dieu : la tablette qui figure dans les inventaires du temple d’Apollon au milieu du iie s. mentionne explicitement τὸ δάνεισμα τὸ Δηλίων ὃ ἔφασαν δανεῖσαι Ἑρμιονεῦσιν, « le prêt que les Déliens disent avoir consenti aux Hermioniens » (ID 1449, Ab col. II, l. 29-31). En soulignant les liens qui les unissaient à leur sanctuaire, les Déliens ne manquaient pas de construire cette identification entre leur cité et le sanctuaire dans leurs expressions officielles. Ainsi, ils ne craignaient pas de s’approprier le mérite du financement de leur vie civique : à la fin du iiie s., la dédicace du Théâtre, gravée sur l’architrave du proskénion, fait par exemple des Déliens les dédicants du monument, entièrement construit aux frais de la caisse sacrée (IG XI 4, 1070 : [Δ]ή̣λιοι τὸ θέ̣[ατρον καὶ — — — — — —]ν κατεσκεύ̣[ασαν — —]). La dédicace de la Salle hypostyle, regravée ultérieurement par les Athéniens, utilisait le même procédé (IG XI 4, 1071) 45. Un sanctuaire grec n’est pas une entité séparée de la cité sur le territoire de laquelle il se trouve, et c’est bien cette forme tout à fait habituelle de relation entre la cité et son sanctuaire que l’on retrouve ici 46. Il est donc bien probable que, dans le décret délien pour Philoklès comme dans le décret de proxénie pour Mnèsalkos, les Δήλιοι représentent la cité de Délos en charge de l’administration des biens sacrés d’Apollon 47.
La politique financière de la cité de Délos Les sommes dont il est question, à la fois dans le décret en l’honneur de Philoklès et dans le décret de proxénie pour Mnèsalkos, pourraient-elles alors correspondre plutôt à des capitaux 44.
Gabrielsen 2005, p. 154. Voir infra sur la question des prodaneistai. Voir également l’hypothèse de restitution de la dédicace de l’Artémision hellénistique dans Moretti 2012, p. 435-436. 46. Sur la signification de la propriété sacrée et la forme juridique de la tutelle exercée par les cités, voir également Rousset 2013, en particulier p. 125-130. Dans le même sens qu’à Délos, par exemple, une inscription de Thespies donne comme intitulé d’un inventaire hιερὰ χρέματα Θεσσπιέων, « les biens sacrés des Thespiens » (P. Roesch, Inscriptions de Thespies 38, l. 2-3, en ligne. URL : http://www.hisoma.mom.fr/productionscientifique/les-inscriptions-de-thespies). 47. Malgré Migeotte 1984, p. 347, n. 6 : « Δήλιοι pourrait désigner le sanctuaire […], mais cette interprétation est peu probable, d’abord parce qu’il serait inhabituel de voir les autorités déliennes procéder à des saisies, ensuite parce que le sanctuaire a mis fin, à partir de 314, à ses prêts extérieurs ». 45.
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prêtés au temps de la domination athénienne de l’époque classique, qui n’auraient pas été remboursés par les cités insulaires ? On voit, avec l’identification du décret de proxénie comme un document de Karystos d’Eubée, que ces prêts seraient restés dans un cercle géographique cycladique et égéen. Les deux prêts des cités d’Hermionè et de Péparéthos qui apparaissent encore au début du iiie s. s’inscriraient alors également dans la continuité des pratiques athéniennes : il faut considérer dans ce cas que le remboursement, ce qui est manifestement le cas de Péparéthos, serait intervenu au début de l’Indépendance. Cette solution paraît la plus probable et rend compte de l’acharnement des Déliens à réorganiser, dans les premières décennies de leur indépendance, l’administration des affaires sacrées. D’autres affaires semblables ont pu traîner très longtemps car les difficultés rencontrées par les Déliens à faire rentrer l’argent sacré ont probablement été multiples. Les inventaires de jarres du début du iie s. font ainsi état de sommes recouvrées antérieurement et venant de Minoa d’Amorgos, selon l’interprétation que j’ai proposée des libellés de ces jarres 48. Cet argent a été rapporté à Délos à une date inconnue et les termes employés suggèrent que ce fut à la suite d’une procédure juridique ou financière. Certes, l’étude de l’évolution des encaisses durant la période de l’Indépendance ne laisse pas apparaître de rentrées importantes et soudaines de capitaux qui pourraient correspondre au retour des fonds prêtés par les Athéniens. J’avais d’abord supposé que l’argent qui aurait pu rentrer dans le sanctuaire grâce à l’action de Philoklès de Sidon n’avait pas été comptabilisé avec l’encaisse sacrée 49 : l’opération serait logique du point de vue comptable dans la mesure où ces capitaux prêtés appartenaient, au départ, à un fonds particulier constitué probablement par l’aparchè qui avait été versée à Apollon lorsque son temple abritait le trésor de la Ligue de Délos au début du ve s. Mais elle est peu probable dans les pratiques financières des Déliens, qui ont pris en main la totalité de la gestion des biens du dieu au bénéfice de leur cité. En réalité, ces sommes ne sont pas forcément rentrées en bloc mais ont pu être recouvrées à des dates diverses et intégrées progressivement dans la caisse sacrée, sans faire apparaître de différence notable avec l’encaisse initiale, étant donné les lacunes de la documentation et les ponctions générées par les emprunts réguliers de la cité de Délos 50. En tout cas, les 7 talents reçus en caisse par les hiéropes en 313 n’étaient pas la totalité de ce qu’avait possédé le dieu dans les décennies précédentes, et des capitaux prêtés étaient encore hors de la caisse sacrée à cette date. Avant d’entrer en relation avec Philoklès, les Déliens avaient peut-être déjà cherché l’appui des Lagides pour redevenir intégralement maîtres des biens d’Apollon, en entretenant des contacts avec des dignitaires de l’administration ptolémaïque, comme ils l’avaient fait auparavant avec les Antigonides. D’autres magistrats lagides sont honorés dans les Cyclades durant les années qui précèdent l’intervention de Philoklès : Thrasyklès, oikonomos des îles, dans une inscription de Ios émanant de la Confédération des Insulaires (IG XII Suppl., 169), et dans une inscription de Délos émanant de la même Confédération (IG XI 4, 1043) ; Zénon, subordonné de Bacchôn, dans une autre inscription de Ios (IG XII 5, 1004) datée de 286/5 51 ; Apollodôros fils d’Apollonios de Cyzique, qui fut sans doute nèsiarque avant 286, dans une inscription de
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Chankowski 2002 ; infra p. 140-142. Chankowski 2008a, p. 328-329 et 337. C’est aussi l’interprétation que retient Migeotte 2014, p. 623. 50. Voir infra p. 137-144 à propos de l’argent de la Minoé. 51. Cette inscription (= OGIS 773) est considérée comme la première attestation du contrôle ptolémaïque dans les Cyclades et sur la Ligue des Insulaires avec l’éviction de Démétrios Poliorcète. 49.
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Délos (IG XI 4, 562) 52. Philoklès lui-même est intervenu à plusieurs reprises pour des affaires financières dans les Cyclades 53 et a peut-être ainsi compensé son intervention en faveur des remboursements de créances déliennes par d’autres aides en faveur des cités insulaires. Le Délien Mnèsalkos, peut-être à son image, agissait aussi de deux côtés : tout en sollicitant l’appui des Lagides pour aider la cité de Délos à recouvrer ses créances, il se plaçait en intermédiaire incontournable et bienveillant, au titre de financier privé, en permettant à une cité insulaire d’acheter son blé grâce à son prêt-relais. C’est là une situation d’imbrication d’intérêts que l’on retrouvera à maintes reprises dans la vie économique et financière délienne. Les Déliens semblent avoir, par tous les moyens, usé de pressions pour obtenir le retour des capitaux prêtés au ive s. : l’aide lagide en était une, la saisie en était une autre. La mise en œuvre d’une comptabilité gravée chaque année leur permettait d’exposer aux yeux de tous la façon dont ils entendaient désormais gérer les biens du sanctuaire dont ils partageaient le territoire. Comme les dédicaces des monuments, ces stèles de comptes et inventaires constituaient, elles aussi et à leur manière, un discours sur les revendications de la cité délienne.
L’autorité de la cité délienne sur les fonds sacrés Une question d’aptitude ? Tout en inscrivant leurs pratiques comptables dans la continuité des méthodes de gestion mises en œuvre par les Athéniens, les administrateurs déliens de la fortune sacrée d’Apollon ont considérablement réduit la circulation des capitaux. En définitive, durant l’Indépendance, la caisse du sanctuaire d’Apollon est principalement une banque et une grande entreprise de construction locales dont le Conseil et l’Assemblée représentent le conseil d’administration. Cette activité de construction s’était déjà amplement manifestée sous l’administration athénienne. L’activité bancaire y trouve aussi ses origines, mais les Déliens la réduisent au périmètre de leur cité, modifiant ainsi profondément la logique de circulation des ressources : les prêts sont uniquement consentis à la cité de Délos et aux particuliers Déliens, à quelques rares exceptions près 54. L’offre de crédit était donc particulièrement favorable à la population et aux activités économiques de l’île dans son ensemble. Ces créances fournissaient en même temps à la caisse sacrée un revenu sous la forme des intérêts versés, qui étaient de 10 % par an sur le capital emprunté 55. Cette situation extrêmement favorable aux Déliens a en même temps suscité de nombreuses interrogations sur leur usage des biens du dieu : ont-il été des administrateurs rigoureux ou de simples profiteurs d’une fortune accumulée au cours des siècles ? Les Déliens disposaient-ils d’une autorité suffisante pour administrer la fortune d’Apollon, là où les Athéniens bénéficiaient de l’appui de leur force militaire ? 52.
Sur ce personnage, voir Bagnall 1976, p. 137-138. Débiteur du sanctuaire délien, il est nommé nèsiarque dans une inscription de Cyzique qui rappelle que les Pariens lui avaient offert une statue honorifique (Froehner 1865, no 97 ; Michel 1900, no 534). Durrbach 1921-1922, p. 29-30 (suivi par Merker 1970, p. 152-153) le considère comme un officier antigonide mais sans tenir compte des attestations alléguées ensuite par Bagnall. 53. Bogaert 1968, p. 138, n. 58. 54. Sur les prêts d’Hermionè et Péparèthos, qui remontent plutôt à la période classique, voir supra p. 17. Seuls deux étrangers apparaissent parmi les particuliers débiteurs d’Apollon au cours du iiie s. Ils sont probablement domiciliés à Délos car leurs garants sont Déliens : Apollodôros de Cyzique (Bogaert 1968, p. 145) et Xénon d’Hermionè (Lacroix 1932, p. 521-522). 55. Sur ce montant de 10 %, Migeotte 1984, p. 153, n. 22, et p. 386-387.
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Les listes de particuliers débiteurs enregistrés dans les comptes des hiéropes permettent de constater bon nombre de défaillances, pour des emprunts qui courent parfois sur plusieurs générations. Ces listes, jointes aux emprunts incessants de la cité de Délos dans la caisse sacrée, ont accrédité l’interprétation selon laquelle les administrateurs déliens auraient fait preuve de beaucoup plus de négligence que les administrateurs athéniens 56. En effet, à l’époque classique, les actes des amphictyons montrent que l’administration athénienne n’a pas hésité à procéder à des saisies lorsqu’un débiteur était dans l’incapacité de s’acquitter de sa dette 57. Le dossier du crédit à Délos a été étudié à plusieurs reprises, tout particulièrement par R. Bogaert, par Cl. Vial et par L. Migeotte qui en ont rassemblé les données 58. Je ne reprends donc ici que certains points de l’interprétation.
L’emprunt public L’Assemblée délienne étant souveraine sur la politique financière, il lui revenait de décider à la fois des emprunts et remboursements de la cité dans le cadre de la diataxis et des prêts consentis sur les fonds sacrés au bénéfice de cette même cité, en donnant ordre aux hiéropes, par décret, de procéder aux versements. Le Conseil était l’exécuteur des décisions de l’Assemblée. Il était présent, par l’intermédiaire des prytanes, lors des prélèvements dans la caisse sacrée. Les prêts de la caisse sacrée à la caisse publique étaient donc des avances de trésorerie, qui n’étaient pourtant pas exemptes du paiement d’intérêts comme tous les autres prêts dès lors qu’ils étaient d’une durée supérieure à une année. Mais les remboursements se faisaient à un rythme rapide, le plus souvent d’une année sur l’autre. Par conséquent, le système n’apportait pas à la caisse sacrée le bénéfice d’intérêts réguliers 59. Les changements opérés au début de l’Indépendance dans la politique bancaire du sanctuaire délien, par opposition au système instauré par les Athéniens qui, par le produit des intérêts, associait le prêt aux cités insulaires et le financement des fêtes, étaient donc au profit de la seule communauté civique délienne. On souscrira à la conclusion de L. Migeotte : « Plutôt que de faire fructifier une partie de l’argent sacré, l’intention des Déliens fut simplement, selon toute apparence, de mettre à la disposition de la cité une source commode de crédit sans nuire à la fortune du dieu » 60. Les emprunts faisaient l’objet d’un contrat déposé chez un particulier, citoyen délien, dont on ignore la fonction particulière (par exemple ID 290, l. 131 : συγγραφὴ παρὰ Πιστεῖ Ξένωνος). Dans ce contrat, plusieurs institutions intervenaient, comme en témoignent les libellés des prêts enregistrés dans les comptes des hiéropes : à la cité étaient associés des prodaneistai, dont le nombre augmente manifestement en fonction de l’importance de la somme que la cité emprunte, affectés de garants. Les garants (ἐγγυηταί) sont nommés à partir de 269 ἀνάδοχοι (IG XI 2, 203, A, l. 73-74). À partir de l’année 250 (IG XI 2, 287, A, l. 122-125), les prodaneistai sont des membres du Conseil, avec les trésoriers (à partir de 246 : ID 290, l. 129131) et le secrétaire de la cité (à partir de 218 : ID 354, l. 10-12). Mais cette situation n’efface 56.
Voir en particulier le jugement de Bogaert 1968, p. 141. Chankowski 2008a, p. 283. 58. Bogaert 1968, p. 126-168 ; Vial 1984, p. 357-384, et Nouveau Choix, p. 258-262 ; Migeotte 1984, p. 141165, 345-346 ; Migeotte 2013 ; Migeotte 2014, p. 615-633. Voir également les très utiles tableaux de concordances des dettes établis par Schulhof 1908, p. 460. 59. Vial 1984, p. 100-101, 105-106 et 144-146 ; sur la responsabilité des prytanes, voir les nuances apportées dans Vial 1997, p. 337-343. 60. Migeotte 2013, p. 320. 57.
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pas totalement le rôle des prodaneistai agissant à titre individuel, comme le montrent certaines attestations postérieures à 250 61. En revanche, les mentions des anadochoi disparaissent des contrats à partir de 250, sans doute parce que l’introduction des bouleutes et en particulier des prytanes dans le dispositif suffisait à assurer les garanties à l’emprunt. Le rôle des prodaneistai a été vivement débattu. Le verbe prodaneizein est employé dans de nombreuses inscriptions et sources littéraires en dehors de Délos, pour signifier le fait de consentir une avance, ce qui revient à assumer la responsabilité en lieu et place du débiteur, le plus souvent parce que ce débiteur est une entité civique ou une divinité 62. Dans une étude consacrée au rôle des prodaneistai, V. Gabrielsen note que le terme
προδανειστής doit pourtant signifier « celui qui prête à l’avance », « celui qui fait l’avance du
prêt », et non comme le laissent entendre les commentateurs des inscriptions déliennes « celui qui emprunte au nom de la cité » 63. Il en déduit, en reliant cette observation à l’existence de prêts consentis par des Déliens à d’autres cités (en particulier à travers le témoignage du décret IG XI 4, 1049 64) que les prodaneistai étaient l’un des maillons d’une chaîne de crédit « sanctuary of Apollo – prodaneistai – city of Delos – foreign cities » : les prodaneistai auraient reçu l’argent du sanctuaire pour le prêter à d’autres cités par l’intermédiaire de la cité de Délos, puis ils se seraient chargés d’effectuer sur leurs fonds propres le remboursement au cours de l’année, attendant de recevoir de la part des cités débitrices le remboursement de la somme. Les prodaneistai déliens se seraient donc chargés de convertir des prêts de court terme en prêts à long terme en prenant à leur charge les risques financiers. Des cités étrangères auraient pu ainsi continuer à bénéficier grâce à leur intermédiaire d’une offre de crédit équivalente à celle de l’époque classique 65.
L’interprétation de V. Gabrielsen est juste sur le fait que les prodaneistai déliens assument le risque financier sur leurs fonds propres, au point que la présence de garants ne paraît plus toujours nécessaire dans les prêts consentis à la caisse publique. Il convient effectivement d’interpréter le mot dans le sens du lexique : le προδανειστής pourra être celui qui « prête à la place de » et s’il intervient comme intermédiaire dans l’opération de prêt, c’est pour prendre la place du dieu et non celle de la cité. Il joue le rôle de pivot ou d’interface : le cas échéant, le προδανειστής remboursera le sanctuaire sur ses fonds propres, devenant de la sorte le créancier de la cité à la place du dieu Apollon. S’il s’agit bien d’une chaîne de crédit, c’est parce que l’existence d’une personne morale responsable sur ses fonds propres est requise dans le contrat de prêt : les libellés des prêts disent explicitement que les sommes sont prêtées « à la cité ainsi qu’au Conseil et au trésorier untel agissant en qualité de prodaneistai » (par exemple ID 290, l. 129-131 : ἐδα[νείσαμεν] [δὲ τῆι] πόλε[ι κ]αὶ προδανεισταῖς βολῆι καὶ ταμίαι Τιμοκλεῖ), ce qui définit en même temps leur obligation juridique de remboursement. Il revenait à la cité en tant que collectivité d’arranger, dans ses instances, les modalités concrètes de ces remboursements : versement par les trésoriers sur les ressources propres de la cité, ou bien remboursement par une avance faite par les bouleutes-prodaneistai. Rien pourtant n’invite à y voir autre chose qu’une garantie contre le risque financier : il n’y a pas lieu de faire d’une mesure de protection, destinée à s’appliquer en cas de dysfonctionnement, 61.
Bogaert 1968, p. 134-136 ; Vial 1984, p. 110 et 120 (sur le rôle du secrétaire de la cité, qui n’est pas un employé contrairement au secrétaire des hiéropes, et joue un rôle financier important). 62. Voir le répertoire des emplois constitué dans Migeotte 1980a. 63. Bogaert 1968 p. 134-135 : « Les προδανεισταί étaient des citoyens qui signaient le contrat et qui s’engageaient comme s’ils empruntaient eux-mêmes. Ils répondaient donc de la cité envers le temple » ; Vial 1984, p. 110-113. 64. Voir supra p. 18-20. 65. Gabrielsen 2005, p. 151-156.
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un système de crédit généralisé et étendu aux cités insulaires 66. Les comptes signalent de façon explicite qu’un bon nombre des emprunts contractés par la cité auprès de la caisse sacrée étaient remboursés sur les revenus civiques, ce qui signifie que les prodaneistai ne sont pas intervenus dans ces cas. R. Bogaert a raison de souligner le caractère limité des risques encourus par les prodaneistai : il s’agissait plus d’une question de délai que d’une question de ressources 67. Surtout, les libellés sont explicites sur les destinations des emprunts publics et ne laissent apparaître aucun système de crédit aux cités autres que Délos.
Les prêts aux particuliers Toujours avec un taux d’intérêts à 10 %, la cité a autorisé le prêt de capitaux de la caisse sacrée à des particuliers déliens ou résidents 68. Nous connaissons cette activité de prêts à travers quatre types de listes établies dans les registres des hiéropes : les listes d’intérêts versés, au chapitre des recettes de la caisse sacrée ; les listes d’intérêts arriérés, qui enregistrent les débiteurs défaillants ; les listes de prêts consentis, au chapitre des sorties ; les listes de prêts remboursés, au chapitre des entrées. Dans tous les cas, ces listes distinguent toujours l’argent du sanctuaire de l’argent des fondations. La durée des prêts s’est considérablement allongée par rapport à la situation de l’administration athénienne d’époque classique. Alors que les prêts aux particuliers étaient limités à une durée de cinq ans sous l’administration athénienne, les hiéropes déliens ont laissé courir des emprunts sur plusieurs générations, si bien qu’il ne semble pas que les contrats aient prescrit de durée aux prêts. Lorsque certains capitaux sont remboursés, les retards d’intérêts se sont parfois accumulés : par exemple, un certain Callimos fils d’Aristodèmos rembourse en 250 un prêt de 100 dr. qui remonte probablement à son père avant 262 (IG XI 2, 287, A, l. 16 ; 223, A, l. 62), et ajoute 101 dr. et 4 ob. pour les intérêts dus 69. Une attention particulière était en revanche portée à la fourniture de garanties et de cautions, comme pour le paiement des fermages et loyers : les emprunteurs devaient fournir une garantie réelle en hypothèque, qu’il s’agisse de leur bien propre ou de celui d’un proche, et s’assurer le soutien de deux garants. La saisie apparaît explicitement dans un compte des hiéropes. En 274, on lit dans un article très mutilé du compte qui fait partie des ultimes informations ajoutées sur la tranche droite de la stèle : ἐν[ηνο]χ̣ό̣των δὲ ἡ[μῶν] τὸν λόγον πρὸς τὴ[ν βουλ]ὴν παρεγένετο [αὐτὸς] πρὸ̣ τῆς ἀγωγ[ῆς τοῦ ἐγγύ]ου μη․․․, « alors que nous avions apporté le compte au Conseil, untel s’est présenté avant la saisie du garant » (IG XI 2, 199, D, l. 52-56). Rien n’assure que l’affaire se rapporte exclusivement à un prêt : il peut tout aussi bien s’agir du versement d’un fermage ou d’un loyer, pour lequel un fermier et son garant défaillants auraient évité de justesse la saisie. Dès lors, ce sont les versements d’intérêts que l’administration délienne avait privilégiés en laissant courir les prêts sur de nombreuses années. En calculant le montant probable des sommes non remboursées par les particuliers, R. Bogaert estimait que la caisse sacrée perdait en moyenne 20 % des prêts consentis aux particuliers : « Si nous établissons les moyennes annuelles du nombre de prêts et de remboursements, nous obtenons les quotients 6,66 et 6,78, ce qui voudrait dire à première vue qu’à la longue tous les prêts ont été récupérés. Mais à y voir de plus près, on constate qu’il n’en est rien, car la somme moyenne prêtée est de 320 drachmes 66. Voir
infra chapitre V sur l’économie et les possibilités de crédit à Délos. 67. Bogaert 1968, p. 136, mais sur le paiement des intérêts, voir les remarques de Cl. Vial dans Nouveau Choix, p. 258-262. 68. Seuls deux étrangers apparaissent parmi les particuliers débiteurs d’Apollon au cours du iiie s. : Apollodôros de Cyzique (Bogaert 1968, p. 145) et Xénon d’Hermionè (Lacroix 1932, p. 521-522). 69. Bogaert 1968, p. 145.
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par contrat, le remboursement n’est que de 255 drachmes par paiement. Donc beaucoup de versements ne constituent que des paiements partiels et les pertes pour le temple s’élèvent à 65 drachmes par prêt ou 20 % » 70. Cette conclusion doit être compensée par le calcul des sommes obtenues par le versement des intérêts sur le très long terme : or ceux-ci sont souvent versés aussi bien par les débiteurs euxmêmes que par leurs garants ou leurs héritiers, même avec retard, constituant une compensation en capital sur le long terme. Surtout, les retards ne semblent pas avoir constitué un obstacle aux investissements mis en œuvre dans les travaux de construction, ni à l’instauration des emprunts pour la sitônia de la cité : la politique de gestion des fonds dépendait largement des besoins de la cité et ceux-ci ont été comblés par la fortune sacrée 71. Ainsi, les difficultés rencontrées par les Déliens, dans les bouleversements géo-politiques de la fin du ive s., pour recouvrer à la fois l’autorité sur leur territoire et la possession des biens de leur dieu, reflètent bien le décalage entre la puissance militaire de l’Athènes classique et la faiblesse intrinsèque de la communauté « sacrée » des Déliens. Mais la définition des procédures, pour l’emprunt comme pour les adjudications de travaux, témoigne de la rigueur avec laquelle l’administration délienne a conçu ses responsabilités à l’égard de la gestion des biens du sanctuaire.
LA GESTION DE L’ESPACE DANS L’ORGANISATION DU TRÉSOR D’APOLLON Les hiéropes déliens en fonction, chaque année, consacraient une grande partie de leur temps de charge, avec l’aide de leur secrétaire, à la mise en œuvre de la comptabilité annuelle, préparée par des bilans intermédiaires mensuels. Le maniement des fonds publics et sacrés engageait aussi des questions d’espace. Les offrandes étaient entreposées dans les différents temples et oikoi dont disposait le sanctuaire, et leur accroissement a parfois nécessité des déménagements et des réorganisations au cours des siècles 72. La fortune monnayée, rangée dans des jarres, exigeait également des équipements spécifiques au fur et à mesure qu’elle augmentait. À plusieurs reprises dans la première moitié du iiie s., les hiéropes achètent « des jarres pour l’argent », στάμνοι ὥστε τῶι ἀργυρίωι 73. Les opérations comptables complexes que menaient les hiéropes nécessitaient aussi le recours à des instruments comptables comme l’abaque, dont ils devaient disposer 74. Enfin, la validation de leurs comptes par les instances de la cité les autorisait à clore leur exercice par la gravure et l’érection d’une stèle de compte dans le sanctuaire.
Les lieux de conservation de l’argent La fonction de dépôt assurée par les sanctuaires du monde grec est bien connue et témoigne largement de la sécurité ressentie et effective que les téménè et leurs temples clos étaient en mesure d’assurer pour tous types de fonds et de réserves précieuses, qu’il s’agisse de biens des particuliers ou de trésors appartenant aux dieux, ou encore des caisses publiques des cités qui les confiaient à la garde de leur divinité tutélaire 75. 70.
Bogaert 1968, p. 144. infra chapitre V p. 240-241. Ces aménagements sont l’un des sujets majeurs de la thèse de J. Tréheux (Tréheux 1959). IG XI 2, 161, A, l. 89 ; IG XI 2, 224, A, l. 26 ; IG XI 2, 287, A, l. 43 et l. 76. Schärlig 2001 ; Faraguna 2008. Bogaert 1968, p. 281-288. Voir également les représentations de prêtres et prêtresses avec comme attribut la clé du trésor du temple : von den Hoff 2008 ; Conelly 2007.
71. Voir 72. 73. 74. 75.
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Le sanctuaire délien ne semble pas avoir hébergé de dépôts appartenant à des particuliers, mais il est possible que la documentation épigraphique manque à ce sujet 76. Il a en revanche conservé la caisse sacrée et la caisse publique. Cette conservation avait nécessité la mise en œuvre d’un dispositif de stockage et d’aménagements imposants, qu’il convient de restituer dans toute sa complexité et son encombrement.
L’Artémision et le temple d’Apollon Le lieu de conservation de l’argent de la caisse sacrée indiqué dans les inscriptions du iiie s. est toujours l’Artémision archaïque. C’est dans l’Artémision (ἐν Ἀρτεμισίωι) que, comme le disent les intitulés des comptes, se trouvent les fonds transmis par les collèges de hiéropes à leurs successeurs chaque année en fin d’exercice. Mais entre 206 et 179, un changement s’opère et c’est le temple d’Apollon qui accueille aussi bien la caisse sacrée que la caisse publique. L’intitulé du compte de l’année 179 en témoigne (ID 442, A, l. 2 : τόδε παρελάβομεν ἀργύριον ἐν τῶι ναῶι τοῦ Ἀπόλλωνος ἐν τεῖ κιβωτῶι τεῖ ἱερᾶι / l. 75 : ἐν τῆι δημοσίαι κιβωτῶι) tandis que dans le compte de 206, c’est encore l’Artémision qui est nommé (ID 368, l. 22 : τοῦτο παρέδομεν ἐν Ἀρτεμισίωι) 77. C’est donc entre ces deux dates que le déplacement des caisses a été effectué. Mais ce n’est pas le seul changement de lieu qu’ait connu le trésor d’Apollon au cours de son histoire. Le choix de l’Artémision pour héberger le trésor sacré n’était pas anodin de la part des Déliens. Il date probablement du début de l’Indépendance, car la première attestation certaine, dans les comptes, de la présence du trésor sacré dans l’Artémision se trouve en 297 (IG XI 2, 150, A, l. 12 : [ἐξεί]λομεν ἐκ τοῦ Ἀρτεμισίου). Durant l’époque classique, au contraire, l’Artémision était le temple principal pour le rangement des offrandes (l’inventaire ID 104 montre par exemple que la collection principale se trouve dans le temple d’Artémis). L’Artémision était en même temps utilisé par les Déliens pour entreposer des archives de la cité. Un décret fragmentaire de la cité de Délos, daté du ive s., autorise l’exposition d’une stèle d’Éphèse dans le sanctuaire d’Artémis et demande qu’une copie soit déposée dans le temple d’Artémis (ID 73 : δοῦναι αὐτοῖς στῆσαι τὴν στήλην ἐν τῶι Ἀρτεμισίωι καὶ ἀντίγραφα ἐς τὸν νεὼν τῆς Ἀρτέμιδος). L’implication des Déliens dans certains aspects de la gestion du sanctuaire les conduisait probablement à conserver aussi des sommes dans l’Artémision, mais il est douteux que toute la fortune sacrée y ait été placée. L’acte des amphictyons ID 93 (= ADC 5), daté de 410/9, mentionne dans le protocole de réception que l’argent a été reçu ἐν τ[ῶι ἱερ]ῶι καὶ τῶι Ἀρτεμισίωι et qu’il est transmis à la fois par les amphictyons du collège précédent et par les néocores déliens 78. L’argent sacré, sous la responsabilité des administrateurs athéniens, était probablement conservé principalement dans le temple d’Apollon qui, à cette période, pouvait être le Pôrinos Naos (GD 11) — plus commodément que le Temple des Athéniens (GD 12) dont l’aménagement de la cella pour les sept statues s’y prêtait moins — puisque le Grand Temple (GD 13) était encore inachevé et dépourvu de couverture. La participation des Déliens à l’administration sacrée durant la période classique, dans une position subalterne par rapport aux amphictyons, concernait principalement la gestion des offrandes, abritées dans l’Artémision pour la plupart d’entre elles, avec la responsabilité 76.
Les sources oratoires attiques témoignent par ailleurs de cas où des particuliers conservent une partie de leur fortune chez eux : Lysias, Contre Diogiton, 5, et Contre Éatosthène, 11. 77. Vial 1984, p. 225. 78. Chankowski 2008a, p. 154-162.
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de certaines sommes pour des dépenses décidées par l’administration athénienne, tandis que les Athéniens avaient la haute main sur les finances du sanctuaire 79. L’Artémision apparaît dans les actes de l’époque classique comme le domaine des Déliens, tant pour l’administra tion civique que pour leurs responsabilités subalternes dans le domaine de l’administration sacrée. Durant l’Indépendance, le nouveau temple d’Apollon servit à héberger de nombreuses offrandes. Les travaux d’achèvement de l’élévation et de la toiture qui, au début de l’Indépendance, avaient complété l’œuvre entreprise dans les premières années de la Ligue de Délos, avaient probablement pris fin au début du iiie s. 80. Il put recevoir des offrandes au moins à partir des années 280 (IG XI 2, 161, l. 66-102). Le temple d’Artémis abritait toujours une collection d’offrandes précieuses que les hiéropes continuèrent à inventorier à la suite de celle du temple d’Apollon (voir par exemple en 178, ID 443, B, l. 104). L’Artémision, que les Déliens utilisaient pour leurs propres archives et dans lequel ils inventoriaient aussi les collections du dieu au cours de la période classique, avait eu leur pré férence pour entreposer l’argent sacré lorsque fut proclamée leur indépendance, sans doute avant tout en raison de la mise en œuvre des travaux d’achèvement du temple d’Apollon, mais aussi parce que le Pôrinos Naos et le Temple des Athéniens symbolisaient la domination précédente. Le domaine d’Artémis était, plus que celui d’Apollon, un espace familier à la cité délienne 81. Quant à la caisse publique de la cité de Délos, puisqu’elle n’apparaît véritablement dans la documentation épigraphique qu’au moment où les hiéropes, à partir de 192, en prennent en charge l’inventaire, nous ignorons si elle avait été abritée également dans l’Artémision. Les revenus de la cité de Délos existaient déjà à l’époque classique, et seul l’Artémision, étant donné l’inachèvement du temple d’Apollon (GD 13) aux ve et ive s., était probablement en mesure d’assurer aux fonds de la cité la sécurité nécessaire 82. Toutefois, l’examen des mouvements de fonds entre la caisse sacrée et la caisse publique montre, comme on le verra, que la cité de Délos a, jusqu’au dernier tiers du iiie s. au moins, versé une grande partie de ses excédents de revenus dans la caisse sacrée : ce n’est que dans les années 230 que l’on voit apparaître dans les comptes des hiéropes les premières mentions de la caisse publique 83. Le reste des revenus civiques, s’il n’était pas utilisé dans les dépenses courantes, finissait par revenir aussi à la caisse sacrée au titre des remboursements de prêts. Il est donc possible que le recours aux banques ait longtemps suffi à la cité pour assurer l’essentiel de ses mouvements de fonds sur ses recettes et dépenses annuelles. La question du stockage de l’argent se posait beaucoup moins pour la caisse publique que pour la caisse sacrée. 79.
Chankowski 2008a, p. 162. 80. Voir GD 13, p. 185 ; Vallois 1944, p. 26 ; Courby 1931, p. 230. 81. Voir aussi à ce sujet Moretti 2012, p. 437. 82. Le rôle du Prytanée comme lieu d’hébergement de certains fonds monétaires, en particulier des capitaux de fondation, a été envisagé à cause de la dénomination d’un fonds regroupant plusieurs capitaux de fondation sous la dénomination d’histiatikon ou hestiatikon : F. Durrbach, commentaire à ID 320 p. 93, pense que cette dénomination est synonyme du fonds prytanikon ; contra Bogaert 1968, p. 157, qui considère que les capitaux de fondation circulaient : « il était peu indiqué de les appeler d’après un édifice où ils n’ont pas ou pour très peu de temps seulement été conservés ». Sur le Prytanée, voir Étienne 1997 : la salle E, qui est peutêtre l’archeion, se prêtait au logement des archives, mais aucun dispositif ne se laisse percevoir pour l’argent. Il est vrai que l’édifice a connu de nombreux remaniements. Voir infra chapitre III p. 116-117 à propos du fonds prytanikon, et p. 132-133 à propos des capitaux de fondation et de l’appellation d’histiatikon ou hestiatikon qui est sans rapport avec le Prytanée. 83. Voir chapitre III p. 158.
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Le déplacement des fonds L’Artémision qui héberge les jarres d’argent monnayé au iiie s. est, à cette date, le temple archaïque dont l’origine pourrait remonter au viie s. 84. Le portique coudé qui borde l’Artémision au Nord et à l’Est n’a été construit que dans la deuxième moitié du iie s., lors de la seconde domination athénienne. L’Artémision archaïque ou Artémision E 85 disposait d’une cella de grandes dimensions (8,60 × 9,60 m). Le temple ne comportait pas d’opisthodome et c’est donc dans la cella que les jarres devaient être entreposées. Au début du iie s., les Déliens entreprennent, aux frais de la caisse sacrée, la construction d’un nouveau temple (Artémision D) qui remplace l’ancien : un prélèvement dans une jarre εἰς τὴν κατασκευὴν τοῦ ναοῦ τῆς Ἀρτέμιδος témoigne, en 179, du financement des travaux (ID 442, A, l. 65-68). Ces travaux expliquent que les jarres contenant le trésor public et le trésor sacré aient été, à une date qu’il faut situer entre 206 et 179, déménagées dans le temple d’Apollon. L’observation architecturale permet d’éclairer la manière dont les Déliens ont procédé dans l’organisation des travaux de construction du nouveau temple d’Artémis : « durant la première phase de travaux du nouvel édifice, on a détruit le prodomos du temple archaïque, mais conservé intacte sa cella avec ses offrandes (…). Il s’agissait de protéger un objet ou une construction qui ne pouvait être déplacé » 86. Mais aucun des objets inventoriés par les administrateurs athéniens ou déliens ne s’apparente à une relique qui aurait nécessité la préservation de la cella au cours des travaux, comme l’envisage J.-Ch. Moretti 87. En revanche, l’installation des caisses publique et sacrée, en plus des offrandes précieuses et des archives de la cité, avait dû occasionner des travaux d’aménagement importants pour organiser le rangement des jarres dans les caisses et les sécuriser. L’absence de conservation du pavement de tous les temples déliens ne permet malheureusement pas d’avoir d’indices sur de possibles aménagements pour l’hébergement des jarres, dans ce que les comptes nomment la kibôtos : ces caisses, l’une publique et l’autre sacrée, étaient-elles à même le pavement ou bien enterrées ? Faut-il restituer un dispositif semblable à celui qu’a révélé l’Asclépieion de Cos ? 88 C’est en tout cas un dispositif massif et encombrant qui se trouvait dans le temple pour héberger ces jarres. Il n’allait donc pas de soi de déplacer le trésor de la cité et le trésor d’Apollon dans un autre édifice qui ne disposait pas au départ des aménagements adéquats. Le compte complet de l’année 179 (ID 442, A) permet en effet de constater que le trésor comporte 44 jarres dans la caisse sacrée et 37 jarres dans la caisse publique, soit 81 jarres en tout. La liste complète des jarres, que les comptes permettent d’établir, contient près de 200 entrées, mais certaines avaient été vidées dans les dix dernières années de l’Indépendance et remplacées par de nouvelles. En raison du caractère fragmentaire des derniers comptes de l’Indépendance, il est difficile d’évaluer la quantité exacte de jarres qui constituaient les deux trésors, mais en dix ans, le stock avait dû augmenter, si bien qu’une bonne centaine de jarres devaient s’y trouver. Dans les inventaires de la seconde domination athénienne, les administrateurs ont numéroté au moins 80 jarres dans le temple d’Apollon : la liste est incomplète car tous ces inventaires sont fragmentaires et les listes de 84.
Voir le dernier bilan sur ce monument par J.-Ch. Moretti (Moretti 2012). GD 46, p. 207-209 ; Vallois 1966, p. 47-49. 86. Moretti 2012, p. 430 et 434. 87. Moretti 2012, p. 430-435. 88. Voir infra p. 34. 85. Voir
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jarres des administrateurs athéniens ne comportent pas le numéraire attique qui a dû être mis de côté. On ne sait pas non plus ce qu’il était advenu des jarres de la caisse publique mais il est probable que l’inventaire des administrateurs athéniens ait inclus les deux caisses 89. C’était là un stock qui nécessitait certainement des aménagements particuliers dans le temple pour en permettre le stockage tout en conservant leur accessibilité. Outre les enjeux de sécurité lors du déménagement, les opérations de manutention des jarres étaient compliquées : on ignore si toutes les jarres avaient la même taille et si leur fabrication avait été calibrée, mais toutes ne devaient pas avoir le même poids, car certaines contenaient seulement quelques dizaines ou centaines de drachmes et d’autres plus d’un ou plus de deux talents en argent monnayé. Leurs poids étaient donc extrêmement variables mais atteignaient déjà les 30 kg pour une jarre de 6 000 dr. qu’il était difficile de déplacer sans casse et sans risque pour l’intégrité de la fortune. Les Déliens ont donc pu décider de maintenir aussi longtemps que possible les structures de la cella afin de ne pas devoir modifier l’organisation des caisses. Après l’achèvement des travaux de l’Artémision, l’espace est réorganisé dans la cella, puisque le déménagement du trésor a libéré beaucoup d’espace. Les inventaires des administrateurs athéniens après 167 montrent qu’avec l’achèvement des travaux, d’autres collections, comme les offrandes du Sarapieion et celles du sanctuaire d’Eileithyeia, avaient rejoint l’Artémision (ID 1403, Ba I et Bb II, l. 40-97 ; ID 1421 Bb II, l. 23). De ce fait, il faut sans doute revoir la chronologie du début des travaux, que l’on situe habituellement en 179 en raison de l’apparition du prélèvement dans une jarre pour les travaux de l’Artémision, et placer leur commencement à une date plus haute. La dépense de 179 (ID 442, A, l. 68), seule mention de ces travaux que l’on ne trouve plus cités par la suite dans les comptes, pourrait n’être en réalité que l’une des dernières du chantier, qui put démarrer beaucoup plus tôt, au moins dès le début du iie s. En effet, ce déménagement des caisses s’accompagne d’une transformation profonde de l’organisation des comptes des hiéropes : au début du iie s., les comptes commencent à présenter à la fois l’inventaire de la caisse sacrée et celui de la caisse publique, sous la forme d’une énumération de jarres, qui développe le protocole de réception de l’encaisse. Nous en avons un premier témoignage dans le compte de l’année 192 (ID 399, A). Chacune des jarres est numérotée et décrite par son contenu, le plus souvent inventorié et certifié au préalable par des banques par lesquelles les sommes ont transité. On peut donc penser que le transfert des jarres de la caisse sacrée depuis l’Artémision dans le temple d’Apollon fut l’occasion d’un inventaire intégral des jarres, en raison de la complexité de l’opération. Les Déliens ont pu saisir cette occasion pour instaurer de nouveaux principes pour la gravure des comptes, selon lesquels l’inventaire intégral des jarres devait être repris chaque année, comme c’était déjà le cas pour les offrandes. Dès lors, s’il paraît logique de relier cette nouvelle pratique à la nécessité de procéder à un inventaire lors du déplacement des fonds, l’installation des deux caisses dans le temple d’Apollon pourrait dater de l’année 192. Le formulaire du compte de cette année ne fournit malheureusement aucun indice de localisation de l’argent de l’une et l’autre caisse. Mais c’est au cours de cet exercice que les hiéropes signalent l’absence des prytanes à un moment de la transmission, si bien qu’ils n’ont pas pu déposer certaines jarres dans la caisse et ont été obligés de les transmettre « en dehors » (ID 399, A, l. 30-32 : ἄλλοι στάμνοι οὐκ ἐτέθησ[αν εἰς] τὴν 89.
Sur les inventaires de jarres athéniens, voir infra p. 99-101 et chapitre IV p. 182-184.
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κιβωτὸν διὰ τὸ μὴ παραγενέσθαι τοὺς πρυτάνεις μήτε ἀνοῖξαι τὴν [κι]βωτὸν ἐπανγειλάντων [ἡμῶν, vac. [οὓς] καὶ παρεδώκαμεν ἔξω). Cet incident inhabituel et unique pourrait s’expliquer
par les circonstances particulières du déménagement des jarres et de leur inventaire, qui auraient perturbé le calendrier usuel des pratiques de transmission.
Dans ce même compte de l’année 192, les hiéropes signalent qu’ils ont procédé à un réajustement comptable : ils ont prélevé dans un fonds de la caisse publique contenant 4 751 dr., pour mettre la somme dans une autre jarre, « l’argent qui manquait au total de tout l’argent à la fois public et sacré » (ID 399 A, l. 40-41 : τὸ δι[α]φώνησαν ἀργύριον ἀπὸ παντὸς τοῦ ἀργυρίου τοῦ τ[ε] ἱεροῦ καὶ τοῦ δημοσίου). Sur plusieurs décennies, l’inventaire des espèces composant l’encaisse pouvait aboutir à des résultats légèrement divergents en raison des conversions monétaires, révélant un décalage entre le total réel en caisse et le total comptabilisé dans les archives. Une telle opération suppose un bilan complet du contenu des jarres, que le déménagement dans le temple d’Apollon a pu rendre indispensable. C’est là un indice supplémentaire pour situer en 192 ce transfert.
La question des effigies monétaires L’importance de l’Artémision dans l’organisation financière et administrative des Déliens, tant pour le trésor sacré que pour les affaires de la cité, exprime largement la situation politique du sanctuaire depuis l’époque archaïque : alors que le dieu Apollon est l’objet de toutes les attentions des puissances environnantes et des thalassocraties, la cité de Délos trouve chez Artémis un conservatoire de ses enjeux civiques. Pourtant, les Déliens entretenaient ainsi une situation inhabituelle dans le monde grec : le temple de la divinité tutélaire, dont l’effigie se trouve sur les monnaies de la cité, est généralement le lieu d’hébergement du trésor. Le dépôt du trésor sacré dans l’Artémision n’a pourtant pas empêché les Déliens d’oublier Artémis sur les effigies de leurs monnaies. Les premières émissions monétaires de la cité de Délos ne portent en effet que l’emblème d’Apollon et ce n’est qu’au iie s., alors que le trésor a été déplacé dans le temple d’Apollon, que la déesse apparaît finalement sur certains petits modules de bronze, qui portent au droit la tête d’Apollon et au revers celle d’Artémis, et sur la série du monnayage au palmier. Cette pratique, peu habituelle dans le monde grec, s’explique pourtant bien sur le plan des institutions financières. Le domaine d’Apollon en était arrivé à inclure l’ensemble des sanctuaires de l’île sur le plan financier. Le trésor d’Apollon centralisait les ressources monétaires des « autres dieux » et les redistribuait ensuite lorsque des travaux étaient nécessaires sur les bâtiments, dans une pratique qui doit sans doute son origine à la réflexion menée à Athènes au ve s., à l’époque des décrets de Callias sur la trésorerie des « autres dieux » de l’Attique 90. Porter sur les monnaies de Délos l’effigie d’Apollon ne faisait qu’exprimer cette réalité. Artémis, qui hébergeait le trésor du dieu, était une divinité secondaire dans cet ensemble. De plus, si l’achèvement de la construction du temple d’Apollon par les Déliens s’était bel et bien accompagné du projet de réinstallation de la caisse sacrée dans l’édifice consacré au dieu, il apparaît alors que pour les Déliens, le dépôt dans l’Artémision, bien qu’il se soit prolongé pendant un siècle, n’avait été au fond conçu que comme un hébergement provisoire. Dès leurs premières émissions monétaires à l’effigie d’Apollon, les Déliens avaient réaffirmé à la fois leur réappropriation de tout ce qui concernait le dieu et la continuité de la propriété sacrée, même si le trésor d’Apollon ne se trouvait pas encore dans son temple. 90.
Voir chapitre II p. 106.
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Les modes de stockage Nous savons très peu de choses sur la façon matérielle d’entreposer les dépôts monétaires et les offrandes dans le monde grec. Le vocabulaire des inscriptions de Délos, toujours précis, apporte des indices sur la conservation matérielle des objets dans les temples et les trésors : rangement sur des étagères, dans des coffres, suspension de certains objets au mur, entretien ou refonte d’objets détériorés 91. La situation des réserves monétaires a été beaucoup moins étudiée 92. Là encore, les comptes et inventaires déliens fournissent des précisions sur la situation matérielle de conservation de l’argent sacré et l’on peut considérer avec vraisemblance que la situation des dépôts était identique dans bien des sanctuaires grecs. Les pièces de monnaies étaient toutes rangées dans des jarres (στάμνοι) qui comportaient un libellé inscrit sur le vase, indiquant le montant du contenu ainsi que l’origine des fonds. Régulièrement dans la première moitié du iiie s., les hiéropes achètent « des jarres pour l’argent » (στάμνοι ὥστε τῶι ἀργυρίωι) 93. Par la suite, ils ont probablement recyclé d’anciennes jarres vidées de leur contenu monétaire pour y stocker de nouvelles encaisses. Ces jarres, qui sont une bonne centaine à la fin de l’Indépendance, étaient elles-mêmes placées dans des coffres car les inventaires de monnaies réalisés par les administrateurs athéniens après 167 les mentionnent : καὶ ἀργυρίου τοῦ ὑπάρχοντος ἐν ταῖς κ[ι]βωτοῖς· (ID 1429, B, col. II, l. 33 et ID 1449, Ba, col. I, l. 24). Rien ne permet de préciser ce qui distinguait la caisse sacrée de la caisse publique. Mais on peut déduire des inventaires des Déliens puis des Athéniens que ces jarres étaient empilées, les plus anciennes au fond et les plus récentes au-dessus et plus accessibles. En effet, l’ordre dans lequel les administrateurs athéniens ont procédé à leur inventaire le montre, partant des plus récentes qui étaient les plus accessibles, alors que les hiéropes établissaient chaque année un catalogue chronologique des jarres, inscrivant en premier les plus anciennes. Il est d’ailleurs probable que pour les fonds immobiles, ils procédaient en recopiant d’une année sur l’autre des inventaires précédents, comme pour les offrandes précieuses 94. Le poids de chacune de ces jarres était variable en fonction du montant qu’elles contenaient 95. On ignore si leur taille était calibrée pour les besoins du rangement. À l’intérieur de ces jarres, les monnaies pouvaient être groupées par séries, dans des sacs en cuir : l’un des dépôts mentionne une somme « dans le sac en peau » (ἐν τῶι κυνούχωι) 96. Ces modes d’installation suggèrent que les contenants étaient présents dans les coffres mais qu’une partie de l’argent circulait entre les magistrats et les banquiers en charge des opérations comptables dans des sacs, et non directement dans les jarres. Dans les inventaires de jarres des hiéropes figure toujours, pour chaque somme déposée, un intitulé qui l’iden tifie. Pour le fonds ancien, constitué de jarres dont l’argent ne circule plus, il s’agit d’une inscription sur la jarre elle-même (par exemple ID 442, A, l. 5 : ἄλλον στάμνον ἐπιγραφὴν ἔχοντα· τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου 𐅆Χ, « une autre jarre, portant l’inscription : somme rapportée 91.
Prêtre 1999. Voir l’étude de Kaminski 1991 qui étudie principalement les dispositifs de troncs à offrandes, bien différents des caisses. 93. IG XI 2, 161, A, l. 89 ; IG XI 2, 224, A, l. 26 ; IG XI 2, 287, A, l. 43 et l. 76. 94. Voir infra chapitre IV p. 183. 95. Voir Annexe 2 pour le détail de l’inventaire des jarres de la caisse sacrée et de la caisse publique. 96. Le transport de l’argent dans des sacs était un usage habituel mais le terme κυνοῦχος est rare et ne se trouve employé que dans un papyrus de Zénon, au revers d’un compte monétaire dans lequel il est question de change entre or et argent (ἔμβλημα ἐκ τοῦ κινούχου, P.Cair.Zen I, 59022). Sur les modes de transport de l’argent, Callataÿ 2006b, qui omet toutefois de citer ce terme. Voir infra chapitre III p. 138. 92.
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de Ténos, 6 000 dr. ») 97. Pour les dépôts en circulation, les hiéropes transcrivent un libellé plus long car ils indiquent toujours sur la jarre le nom de la banque d’où provient le dépôt (par exemple ID 442, A, l. 18-19 : ἄλλον στάμνον ἐπιγραφ[ὴ]ν ἔχοντα· ἀπὸ τῆς Νυμφοδώρου καὶ Ἡρακλείδου, ἐπὶ Ἀπατουρίου Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν ἱεροποιοὶ Πραξιμένης κα[ὶ] Τε[λ] εσαρχίδης, ἐν ὧι λοιπὸν ΗΔ𐅂𐅂𐅂𐅂𐅦𐅀//, « une autre jarre portant l’inscription : en provenance de la banque de Nymphodôros et Hérakleidès, sous l’archontat d’Apatourios au mois de Posi déôn, dépôt des hiéropes Praximénès et Télésarchidès, dans lequel il reste 114 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. »). Ces inscriptions, parfois longues, sont portées par les hiéropes au moment où ils installent une nouvelle jarre dans la caisse. La somme qu’elle contient est ensuite dépensée au fur et à mesure des besoins, comme le signalent les retraits opérés par les hiéropes sur ordre des instances de la cité. Par exemple dans le compte de 179 (ID 442, l. 59-63) : Μηνὸς Γαλαξιῶνος εἰκάδι προείλομεν ἀπὸ στάμνου οὗ ἐπιγραφή· ἀπὸ τῆς Νυμφοδώρου καὶ Ἡρακλείδου, ἐπὶ Φωκαιέως Ἀρησιῶνος, ἔθεσαν ἱεροποιοὶ οἱ ἐπ’ ἄρχοντος Ἀπατουρίου Πραξιμένης καὶ Τελεσαρχίδης οὗ ἀναφέρετ ἐν τῇ στήλῃ τὸ περιὸν 𐅂ΧΧΧΧΗΗΗΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙ· ἀπὸ τούτ[ο]υ ἀφείλομεν εἰς τὸν στέφανον τῶι βασιλεῖ Φιλίππωι ΧΗΗΗ𐅄· λοιπὸν ἔνεστιν 𐅂ΧΧ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙ· ἀπὸ τούτου μηνὸς Θαργηλιῶνος πέμπτῃ ἱσταμένου προείλομεν εἰς τὰ ἔργα 𐅂ΧΧ· λοιπὸν ἔνεστιν 𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙ. μηνὸς Βουφονιῶνος τρίτῃ ἀπιόντος τοῦτο ἐξείλομεν τὸ περιὸν ἐν τῶι στάμνωι εἰς τὰ ἔργα τὰς 𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙ.
Au mois de Galaxion, le 20, nous avons retiré d’une jarre contenant l’inscription : « de la banque de Nymphodôros et Hérakleidès, sous l’archontat de Phôkaieus, mois Arèsion, dépôt des hiéropes Praximénès et Télésarchidès de l’archontat d’Apatourios, le périon qui est mentionné sur la stèle 4 349 dr. 2 ob. ». De cette somme nous avons retiré pour la couronne offerte au roi Philippe 1 350 dr. Reliquat dans la jarre : 2 999 dr. 2 ob. De cette somme, au mois de Thargèliôn, le 5, nous avons retiré pour les travaux : 2 000 dr. Reliquat dans la jarre : 999 dr. 2 ob. Au mois de Bouphoniôn, le 3, nous avons retiré les 999 dr. 2 ob. de reliquat de la jarre pour les travaux. Ainsi, la jarre reste identifiée par le libellé de son dépôt initial, et en particulier par le nom de la banque d’où provient la somme, puisque cette indication permettait de la rattacher au registre des banquiers 98. Les jarres vidées de leur contenu devaient être réutilisées par les hiéropes, et leurs libellés effacés, pour l’entrée de nouvelles encaisses. Dans les inventaires de la seconde domination athénienne, les mêmes jarres ont été inventoriées, mais les Athéniens n’ont pas repris les libellés des hiéropes. Ils se sont contentés de numéroter de A à ZZZZ, soit de 1 à 78, toutes ces jarres, désormais remplies de monnaies exclues de la circulation et qui figurent dans l’inventaire de l’acte au même titre que les offrandes, et non plus dans sa partie comptable 99. Toutefois, les inventaires des Athéniens mentionnent dans le temple d’Apollon, vers 140, un vase égaré qui n’a pas été rangé avec les stamnoi mais se rapporte néanmoins à la gestion délienne ou à la transition entre l’administration délienne et l’administration athénienne en 167 : il s’agit d’un plus petit vase, un prochôidion, contenant le versement d’intérêts et portant une inscription décrivant les différents lots qui composent son 97.
Sur le fonds ancien, voir infra chapitre III et tableau 29, p. 137-138. infra p. 61-65. 99. Voir infra chapitre IV p. 182 sur la composition du trésor en numéraire et sur les inventaires de jarres des Athéniens. 98. Voir
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contenu (ID 1428, col. II, l. 22-26, à compléter par ID 1450, A, l. 191-192) 100. La caisse sacrée pouvait peut-être avoir comporté, au temps des hiéropes, des vases de tailles diverses. Sur l’Acropole d’Athènes, on sait de même par les inscriptions comptables qu’il y avait des cassettes de bronze avec plusieurs compartiments (θέκες) 101, des coffres (ἐν κιβωτίωι) 102, des sacs en cuir scellés (ἐν τῶι φασκωλίωι) 103. Une inscription athénienne du ve s., l’un des deux décrets de Callias, mentionne les serrures des portes de l’Opisthodome et leurs clés scellées, confiées à la garde des trésoriers des temples (IG I3 52, l. 15-18). Le bas-relief d’un décret relatif au tribut athénien (IG I3 68 inv. EM 6595) représente des sacs et des hydries remplis d’argent monnayé. Ces modes de stockage étaient courants et des pratiques identiques ont pu être analysées en Afghanistan pour la trésorerie d’Aï-Khanoum à l’époque hellénistique 104. D’autres sanctuaires avaient des coffres encastrés dans le sol même de la cella, comme le thésauros de l’Asclépieion de Cos, identifié avec une fosse dallée dans l’angle sud-ouest de la cella, profonde de presque 1 m, longue de 2,15 m et large de 1,53 m (fig. 1). Elle était recouverte d’une lourde plaque de marbre qu’on ne pouvait soulever qu’à l’aide de poulies ou d’une grue 105. Peut-être est-ce ce dispositif qu’il faut imaginer dans la cella de l’Artémision délien.
Fig. 1 — Le dispositif du thésauros de l’Asklépieion de Cos (reproduction de Herzog 1932, p. 36, fig. 25 et 26). 100. 101. 102. 103. 104. 105.
Sur cette tansition, voir infra chapitre II p. 99-101. IG I3 387, l. 16. IG II2 1388, l. 73-75. IG II2 1445, l. 22. Rapin 1983, p. 351-359. Herzog 1932, p. 36.
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Ces modes de fermeture et de protection des trésors expliquent qu’à Délos comme ailleurs, la caisse sacrée ne pouvait être ouverte à tout moment par les hiéropes. Il en allait de même pour les trésoriers qui avaient la charge de la caisse publique. Les clés étaient sous la responsabilité des prytanes et les caisses n’étaient ouvertes qu’en présence des représentants de la cité 106. Les hiéropes utilisaient les services de banques en cours d’année, et c’est par leurs officines que transitaient les fonds maniés dans l’année, avant de rejoindre la caisse du sanctuaire 107. Les comptes des hiéropes mentionnent également des troncs (θησαυροί), dans lesquels les fidèles déposaient leurs offrandes 108, et des coffres (ταμιεῖα) qui permettaient aux prêtres et aux prêtresses des « autres dieux » de Délos d’entreposer les offrandes et les objets précieux qui, au moins de façon temporaire, étaient déposés dans les temples 109. Les comptes nous font ainsi connaître le tamieion du Thesmophorion (IG XI 2, 144, A, 43) et le tamieion de la prêtresse d’Artémis (IG XI 2, 147, A, 7).
La part de la comptabilité Si le trésor monnayé du dieu ainsi que ses offrandes occupaient l’espace des trésors et des temples, le travail de comptabilité réalisé par les collèges de hiéropes année après année occupait quant à lui une part non négligeable de l’espace du sanctuaire, puisque chaque stèle de compte annuelle était gravée et exposée, une fois validées les opérations de l’exercice comptable. Les stèles de comptes et inventaires qui ont été conservées intactes ou presque intactes ont des dimensions très importantes : – IG XI 2, 161 : 1,61 m × 0,77 m × 0,10 m – IG XI 2, 287 : 2,18 m × 1,12 m × 0,13 m – ID 442 : 1,94 m × 1,025 m × 0,105 m Mais les reconstitutions architecturales n’ont guère accordé d’attention à ces monuments certainement très encombrants dans l’espace sacré, bordant probablement, au minimum, les faces latérales des temples et des trésors. Un passage, entre le Temple des Athéniens et le Temple d’Apollon, indique l’emplacement de certaines de ces stèles 110 (fig. 2). Il est bordé de bases en marbre et en granit (fig. 3), permettant d’encastrer deux formats différents de stèles côte à côte, une disposition qui pourrait bien correspondre à l’association de la stèle principale et de la stèle complémentaire que l’on constate à partir du iie s. dans les actes des hiéropes, et qui assure la destination de cet espace comme lieu d’exposition des comptes et inventaires. Toutefois, ce passage n’a pas pu suffire à accueillir les quelque 150 stèles qui ont dû être produites au cours de l’Indépendance délienne. Plusieurs stèles de comptes ont été retrouvées en remploi dans le sanctuaire, et une enquête sur la localisation des trouvailles permet de faire apparaître une majorité de pierres à l’arrière des monuments administratifs, à l’est, vers le mur de péribole et le mur de Triarius, dont la construction a évidemment attiré les pierres disponibles. Faut-il imaginer un recyclage des stèles au cours de l’Indépendance, avec l’élimination des plus anciennes ? Lorsque des stèles de comptes ont été remployées pour y graver un autre texte, il est 106.
Vial 1984, p. 145, 210-211, 225, et Vial 1997 sur le rôle des prytanes. Sur les banques, voir infra chapitre IV p. 228-234. 108. Voir infra chapitre III p. 107. 109. Sur le rôle centralisateur de la caisse d’Apollon, voir infra chapitre II p. 106. 110. Courby 1931 mentionne brièvement ce passage entre les temples, p. 1 : « Le Grand Temple, situé un peu à l’écart des deux autres, était séparé du temple voisin par un passage, qui mesurait 5 mètres avant qu’il fût rogné, sur les deux bords, par deux rangées de stèles, dont on voit encore quelques supports ». Également p. 107 et pl. II. 107.
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Fig. 2 — Vue du passage entre le Grand Temple et le Temple des Athéniens (cl. EFA/Ch. Gaston).
Fig. 3 — Bases pour l’encastrement des stèles de comptes (cl. de l’auteur).
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possible de calculer approximativement leur durée de validité. Ainsi, la loi Gabinia-Calpurnia (ID 1511) qui date de l’année 58 a été gravée à l’arrière d’une stèle de compte des hiéropes qui date du début du iie s. (ID 380), et était donc devenue obsolète dans le deuxième quart du ier s., soit un siècle après la première gravure 111. Dans un autre cas, une inscription commémorative datée entre 112/3 et 120/1 apr. J.-C. (ID 2535) a été gravée au revers du compte des hiéropes de 313 (IG XI 2, 155), soit trois siècles plus tard. Est-ce à dire que le compte de 313 était resté visible jusqu’à son remploi ? Force est de constater que la gestion matérielle des pierres inscrites mériterait de faire l’objet de recherches plus approfondies. Afin d’exposer chaque année la stèle de compte et d’inventaire des biens d’Apollon, les administrateurs du sanctuaire ont chargé le trésor sacré d’une dépense importante : les comptes eux-mêmes en donnent le détail (tableau 2) 112. Les comptes s’allongent au cours de la période de l’Indépendance, au point d’occuper aussi une stèle complémentaire au iie s., mais on peut considérer que la dépense moyenne pour gravure de la stèle atteignait environ 200 dr. par an, 113 114
a. 279 (161, A, l. 118-119) a. 274 (199, C, l. 71-77) a. 250 (287, A, l. 197) a. 200 (372, A, l. 114-115) a. 179 (442, A, l. 203) a. 174 (440 + 456, B, l. 60-61) a. 172 ou 170 (459, l. 60)
Deinoménès grave la stèle de comptes au tarif de 300 lettres pour 1 dr. et reçoit 100 dr.113 Le graveur de la stèle de comptes reçoit 1 dr. pour 300 lettres gravées. Il a gravé au total 38 000 lettres et reçoit 126 dr. et 4 ob. Neugénès/Néogénès grave la stèle pour 120 dr. Celui qui a gravé le compte, les transmissions d’offrandes sacrées et les loyers des domaines sacrés reçoit 250 dr. Celui qui a gravé les stèles reçoit 200 dr. Celui qui a gravé 2 stèles reçoit 260 dr. 370 dr. (?)
Évolution des dépenses : a. 250 : IG XI 2, 287, A, l. 122 et 197-198 :
Vers 250 : ID 290, l. 118 et l. 136-137 :
a. 200 : ID 372, A, l. 114-116 :
a. 174 : ID 440, A + 456, B114, l. 59-61 :
-fabrication de la stèle et de son socle : 23 dr. -gravure de la stèle : 120 dr. -deltos : 3 dr. -écriture du deltos : 4 dr. -transport : 5 dr. -plomb et bois : 7 dr. 4 ob. ½ ¼ -scellement : 1
-fabrication de la stèle : 35 dr. - fabrication de la base : 6 dr. -transport : 3 dr. -gravure : 180 dr. -transport au sanctuaire et scellement: 5 dr. -plomb : 6 dr. -bois : 1,5 dr. -deltos : 10 dr. -écriture du deltos : ? [4]
-fabrication de deux stèles : 70 dr. -fabrication des bases : ? [25] dr. -transport et travail : 25 dr. -gravure : 250 dr. -plomb : 12 dr. -deltos : 10 dr. -écriture : 15 dr. -peteuron : 1,8 dr. -écriture : 10 + dr.
-fabrication de deux stèles : 80 dr. -bases : 25 dr. -transport et travail : 30 dr. -gravure : 260 dr. -plomb : 9 dr. -deltos : 15 dr. -écriture : 25 dr.
TOTAL :
163 dr. TOTAL :
250 dr. TOTAL :
419 dr. TOTAL :
444 dr.
Tableau 2 — Les dépenses de gravure d’après les comptes des hiéropes. 111.
La pierre a été trouvée en remploi dans un monastère myconiate. Cf. les lemmes de F. Durrbach et de P. Roussel at ID 380 et ID 1511. 112. Chankowski 2013, p. 923-925. L’activité de gravure est répertoriée dans le catalogue des artisans établi par Feyel 2006, p. 377-379 avec les tableaux 9 et 10. Les montants retenus ici sont uniquement ceux pour lesquels les hiéropes ont précisé qu’il s’agissait de la stèle de comptes. 113. Abréviations utilisées : dr. (drachme) ; ob. (obole) ; ch. (chalque). 114. Voir pour ce raccord Chankowski 1998.
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auxquelles il faut ajouter une centaine de drachmes pour la fourniture de la pierre, son trans port, son scellement au plomb. Si l’on retient une dépense moyenne de 300 dr. par an, il faut considérer que le sanctuaire, pour les 147 années de l’Indépendance, a dépensé au moins 44 100 dr., soit plus de 7 talents pour faire graver les comptes des hiéropes. C’est peu en comparaison de ce que coûtait, à l’époque athénienne, la fête des Délia pour laquelle le trésor déboursait cinq ou six talents tous les quatre ans 115, mais c’est pourtant un chiffre imposant par comparaison avec le prix de la construction architecturale 116, d’autant plus qu’il ne s’agit là que de la période de l’indépendance, alors que les deux périodes athéniennes ont également produit en grand nombre de tels monuments comptables. La dépense était donc importante, d’autant plus que la longueur du texte à graver augmentait d’année en année. Les hiéropes en étaient probablement conscients, eux qui avaient essayé de limiter la dépense en plafonnant les paiements accordés aux artisans graveurs, si bien que ces derniers ont resserré le texte en diminuant les interlignes 117. Le coût de cette comptabilité et la visibilité qui lui était donnée dans l’espace public invitent à penser qu’au-delà du caractère monumental et votif de l’objet se trouve une dimension comptable dont les administrateurs avaient pleinement conscience.
LES MÉTHODES COMPTABLES DES HIÉROPES Les tâches des hiéropes étaient multiples au cours de l’année car, outre la tenue de la comptabilité, ils s’occupaient de l’organisation des fêtes en achetant le matériel nécessaire, ils suivaient les chantiers de construction et d’entretien des bâtiments depuis l’adjudication en passant par l’approvisionnement du chantier et la mise en paiement, ils procédaient aux locations des terres et des maisons appartenant au sanctuaire ainsi qu’aux prêts à intérêts, et ils devaient également faire l’inventaire des offrandes précieuses en veillant à leur entretien 118. Globalement, ils devaient rendre compte d’un état annuel de la fortune sacrée, qui était en partie foncière et immobilière, en partie métallique thésaurisée et en partie monétarisée. En envisageant la manière dont les hiéropes ont organisé la rédaction de leurs comptes, en considérant le vocabulaire qu’ils emploient et la pertinence technique des termes qu’ils adoptent pour décrire les mouvements de fonds, en essayant de dégager la logique de leur organisation comptable, il est possible de percevoir plus clairement l’évolution de leurs tâches et de leurs compétences 119. Nous nous arrêterons essentiellement à l’analyse des documents les plus complets en essayant de percevoir l’évolution des méthodes comptables des hiéropes sur l’ensemble de la période de l’indépendance.
La hiérarchie des archives La stèle de compte correspond au bilan annuel du collège des hiéropes, tel qu’il a été validé par les instances de contrôle financier de la cité 120. Mais sa rédaction s’appuie sur une série de 115. 116. 117. 118. 119. 120.
Chankowski 2008a, p. 119-120. À partir des comptes de construction d’Épidaure, A. Burford estime par exemple à 10 talents éginétiques le coût des Propylées du sanctuaire d’Asclépios (The Greek Temple Builders at Epidauros, Liverpool [1969], p. 81-83). Feyel 2006, p. 378-379. Vial 1984, p. 216-231, sur les tâches des hiéropes. Cette étude reprend et complète Chankowski 2008b et Chankowski 2013. Nous savons peu de choses sur les modalités de contrôle et de reddition des comptes à Délos. Voir Vial 1984, p. 102 et 158-161, sur les tâches des logistes ; Fröhlich 2004, p. 80 et 270-271, sur l’affichage des comptes
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documents et de registres, dont nous n’avons connaissance que par la mention des supports d’écriture achetés par les hiéropes et signalés à ce titre au chapitre des dépenses annuelles. Ces supports mentionnés dans les comptes ont généralement été considérés comme la simple trace d’étapes préalables à la rédaction finale du compte : dans les débats sur les pratiques d’archivage et leur développement dans les sociétés grecques, les chercheurs invitent souvent à distinguer l’écriture provisoire, du texte définitif, lui-même compris comme un abrégé de plusieurs documents 121. L’étude des termes utilisés par les hiéropes révèle toutefois une hiérarchie complexe entre ces différents supports, qui conduit aussi à reprendre la question de l’organisation de leur archivage.
Le deltos, copie de la stèle Parmi les dépenses liées à la fabrication de la stèle de comptes, on constate que les hiéropes font non seulement graver la stèle de compte et d’inventaire, qui est ensuite érigée dans le sanctuaire, mais qu’ils la font recopier sur un tableau (δέλτος) fabriqué spécialement à cette intention. Certains comptes précisent qu’il est en bois de cyprès 122. La formule employée par les hiéropes ne laisse pas de doutes sur l’ordre des opérations, car cet achat figure toujours quelques lignes après les dépenses pour la stèle de compte : le δέλτος n’est pas un brouillon préparatoire, mais une copie faite à partir du texte tel qu’il est gravé sur la stèle. Les hiéropes disent explicitement qu’ils font graver sur le δέλτος les informations qui proviennent de la stèle (IG XI 2, 287, A, l. 197 : τῶι εἰς τὴν δέλτον γράψαντι τὰ ἐκ τῆς στήλης 𐅂𐅂𐅂𐅂) avant de faire ériger celle-ci dans le sanctuaire. Cette opération de copie jointe à l’achat du support en bois a un coût élevé, entre 10 et 15 dr. Lors de la copie à laquelle les hiéropes de Délos font procéder, il est intéressant de constater que c’est la stèle de compte, c’est-à-dire le texte du compte annuel déjà gravé sur la pierre, qui fait autorité pour établir la copie sur le tableau de bois (δέλτος). À Délos lors de la période de domination athénienne au ive s., un fragment de compte du secrétaire des naopes montre que la stèle de compte est un document légal qui sert de référence dans un contexte judiciaire : l’argument développé devant les juges par le secrétaire des naopes s’appuie sur ce qui est écrit sur la stèle 123. Comme le codex accepti et expensi du paterfamilias et le codex rationum des banquiers romains 124, c’est le compte qui pouvait donc être produit devant la justice. D’autres procédures de l’Indépendance attribuent à la stèle gravée cette valeur de référence : les dettes versées sont citées en référence à la stèle sur laquelle le payeur avait été inscrit auparavant comme débiteur (ID 290, l. 11-12 ; 316, l. 19 ; 356 bis, A, l. 34 ; 371 A, l. 37) ; le solde du compte annuel, transmis ultérieurement par les hiéropes de l’année précédente, est désigné avec la référence à la
121.
122. 123. 124.
mensuels qui témoigne de l’existence d’un contrôle périodique et sur la question de savoir si le Conseil contrôlait, plutôt que les logistes, les comptes des magistrats en cours d’année. L’un et l’autre considèrent que l’affichage mensuel portait sur l’ensemble de la comptabilité. De même Migeotte 2008a, p. 62-63. Migeotte 2008a, p. 62 : « Les hiéropes affichaient tous les mois à l’agora l’état des fonds sacrés sur des tablettes ou des placards nommés péteura, deltoi ou leukômata » ; p. 73 : « cette étape pouvait être l’occasion de mettre les informations en ordre en vue de la synthèse finale » ; Davies 2003 ; Faraguna 2013b, p. 167 ; Epstein 2013, p. 132. Pour un résumé des débats sur l’archivage antique, voir Boffo 1995 et Sickinger 1999, p. 64-72. Une première analyse des supports d’écriture se trouve chez Wilhelm 1909, p. 239-257, reprenant pour Délos la description donnée par Homolle 1887, p. 13. Posner 1972 reprend également l’analyse des supports d’écriture. δέλτου κυπαρισσίνης : ID 372, A, l. 116 ; ID 440, A, l. 47. L. 48 : [γ]ράφουσιν ἔχοντας εἰς τὴν στ[ήλην] : Chankowski 2001 (SEG LI, 1001). Ce texte aurait dû être mentionné par Harris 2013 à propos de l’archivage des documents judiciaires. Andreau 1996.
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stèle sur laquelle il est mentionné (ἔθεσαν ἱεροποιοὶ οἱ ἐπ’ ἄρχοντος Ἀπατουρίου Πραξιμένης καὶ Τελεσαρχίδης οὗ ἀναφέρεται ἐν τῇ στήλῃ τὸ περιὸν, ID 442, A, l. 60). Dans le vocabulaire des hiéropes, « la stèle » désigne parfois tout simplement le compte lui-même, en tant qu’il a été validé et exposé à la lecture de tous (τὸ λοιπὸν τοῦ περιόντος ἐκ τῆς στήλης, ID 442, A, l. 35) 125. La copie du texte du compte sur le deltos était faite à des fins d’archivage, sur un support de bonne qualité, et l’on peut supposer qu’elle était déposée en un lieu officiel où elle pouvait être aisément consultée : il s’agissait peut-être des archives publiques dont le Conseil était responsable 126.
Les leukômata pour les comptes mensuels En plus du δέλτος copié à partir de la stèle de compte, les actes des hiéropes mentionnent d’autres supports. Il est bien connu qu’ils établissaient sur des tablettes blanchies des comptes mensuels affichés sur l’agora : en 279, ils achètent « une tablette blanchie (leukôma) pour l’affichage des comptes mensuels sur l’agora » (IG XI 2, 161 A, 89 : τοῖς κατὰ μῆνα λόγοις ἐκτιθεμένοις εἰς τὴν ἀγορὰν λεύκωμα). Cette mention dans les comptes a souvent été invoquée dans les discussions sur les archives des cités grecques à l’appui de l’idée selon laquelle la stèle gravée serait le produit d’une sélection. Pourtant, si ces tablettes blanchies ont servi aux hiéropes dans l’élaboration de la stèle de compte annuelle, leur comptabilité ne se réduisaient pas à la simple addition des dix ou onze mois d’exercice. Le terme κατὰ μῆνα employé pour désigner les comptes mensuels fait référence à un chapitre bien précis de leur comptabilité, qui est celui des dépenses courantes. Dans la rédaction de leurs actes administratifs, les hiéropes ont régulièrement distingué les dépenses mensuelles (τάδε ἀνήλωται εἰς τὰ κατὰ μῆνα), qui consistent en achats réguliers de fournitures auprès de fournisseurs du marché, d’autres dépenses pour lesquelles le paiement était soumis à la décision de l’Assemblée (τάδε ἀνήλωται κατὰ νόμους καὶ ψηφίσματα) 127. Dans le compte de l’année 246, qui comporte régulièrement des totaux intermédiaires, ils ont indiqué le total de ces dépenses mensuelles (l. 105 : κεφαλὴ τοῦ κατὰ μῆνα 𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙΙ‧ καὶ τάδε ἄ[λ]λα ἀνάλωτα[ι·), témoignant ainsi qu’il s’agissait bien d’un chapitre autonome. Contrairement aux dépenses pour travaux, effectuées à la suite d’adjudications et de contrats, qui devaient recevoir l’approbation de l’Assemblée, les dépenses mensuelles étaient réalisées sur un fonds de roulement qui était sous la responsabilité des hiéropes 128. On peut donc émettre
125.
Sur cette pratique, courante dans l’administration athénienne d’époque classique, voir Kahrstedt 1938. 126. Vial 1984, p. 111. Il reste toutefois difficile de déterminer quel était le lieu de dépôt : cf. Vial 1984, p. 102103 et n. 38, à propos de l’erreur d’interprétation de J. H. Kent et de E. Ziebarth qui ont considéré que le lieu de dépôt était la caisse sacrée, suivant une interprétation d’A. Wilhelm (Wilhelm 1935). Dans le texte de la Hiéra Syngraphè de Délos, un passage restitué par A. Wilhelm (d’après un passage d’un décret attique du dème d’Halai, du ive s. [IG II2 1174, l. 4-7], publié et restitué par Wilhelm lui-même) aurait mentionné, selon ce savant, l’obligation faite aux hiéropes de déposer leurs comptes mensuels dans un coffre réservé aux documents et conservé par le Conseil (ID 503, l. 29-30). Mais Cl. Vial a montré qu’il s’agit dans ce passage d’argent et non d’archives : voir infra p. 50. Sur d’autres mentions de dépôt des comptes mensuels dans un coffre, voir Fröhlich 2004, p. 269-270. À Délos, plusieurs sources épigraphiques signalent des copies déposées dans un temple (ID 73 : un texte d’Éphèse est exposé dans le sanctuaire d’Apollon avec une copie déposée dans le temple d’Artémis ; IG IX 4, 1029 : fin d’un décret prévoyant l’exposition d’une loi dans le sanctuaire d’Apollon et la conservation de sa copie dans le temple d’Aphrodite ; ID 365, l. 23-24 : conservation des copies des contrats et cautions dans le sanctuaire). 127. IG XI 2, 269, ab, l. 14 ; 290, l. 105 ; ID 442, A, l. 180 ; 456, B, l. 4 ; 459, l. 43 ; SEG XXXV, 882, A, l. 2. 128. Vial 1984, p. 144-145. Voir infra p. 47 à propos du fonds de roulement.
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l’hypothèse que c’était l’utilisation de ce fonds de roulement, et elle seule, qui était contrôlée en cours d’année, probablement par les logistes, et donnait lieu à l’affichage des comptes mensuels. Les autres dépenses donnaient lieu à des contrats d’adjudication pour lesquels les hiéropes étaient obligés de faire intervenir l’Assemblée : pour ces dépenses, le contrôle était donc déjà effectif. Cette hypothèse est confortée par l’existence d’autres supports d’écriture, distincts des λευκώματα, pour les dépenses par adjudications et contrats : les πέτευρα.
Les peteura pour les opérations contractuelles Le terme πέτευρον désigne une planche 129, probablement de bois moins noble que celle de cyprès qui est désignée par le terme δέλτος. Elle était blanchie, comme en témoigne un paiement à un artisan (IG XI 2, 205, bc, l. 22). Πέτευρα et δέλτος figurent tous deux dans les achats des hiéropes au iie s. : l’un ne remplace donc pas l’autre. En revanche, πέτευρον est employé plus fréquemment que λεύκωμα au iie s., alors que les deux supports semblent de nature proche. Dans leur précision, les hiéropes ont souvent consigné la destination des πέτευρα ou des λευκώματα : pour le compte (τῶι λόγωι), pour les cautions (ταῖς διεγγυήσεσιν ou εἰς διεγγυήσεις), pour les contrats (ταῖς συγγραφαῖς), pour les transmissions d’offrandes (τεῖ παραδόσει) 130. Ils établissaient donc des listes correspondant aux partenaires des affaires financières du dieu : les garants dans les opérations de prêt et d’affermage, les preneurs d’adjudications pour les travaux et les fournitures de matériaux. Nous avons ainsi l’assurance que les πέτευρα représentent autre chose que des brouillons de compte. Il s’agit bel et bien de registres sur lesquels étaient conservées des listes et qui, de plus, comportaient des informations qui étaient exploitées dans la rédaction du compte annuel 131. Les comptes des hiéropes eux-mêmes signalent que des contrats individuels étaient conservés chez des tiers, tous citoyens déliens et dépositaires de contrats en tant que magistrats, témoins, garants ou simples particuliers 132. Un inventaire dû aux administrateurs athéniens du sanctuaire, au milieu du iie s., enregistre dans le temple d’Apollon « une petite tablette double, blanchie, sur laquelle il y a le prêt des Déliens qu’ils ont, disent-ils, accordé aux gens d’Hermionè et leur contrat envers les gens d’Hermionè » pour une opération qui remonte peut-être à un prêt du ive s. 133. En plus de ces documents particuliers, dont la conservation était manifestement traitée au cas par cas, les administrateurs du sanctuaire tenaient des registres de noms par catégories (cautions, contrats) sur les peteura. C’est donc à tort que ces différents supports (leukômata, peteura) ont été considérés comme des éléments intermédiaires à l’élaboration du compte ou des brouillons : ils constituent autant de registres autonomes, dont la tenue se faisait séparément. 129.
130. 131.
132. 133.
Lorsqu’il désigne un support d’écriture, le mot est essentiellement employé dans les inscriptions de Délos. On en trouve seulement deux autres attestations en ce sens, à Érythrée et à Oropos : IErythrai 10, l. 11 ; IG VII 235, l. 42 (V. Petrakos, Oropos, 277). Par exemple IG XI 2, 287, A, l. 42 et l. 71 ; ID 316, l. 70 ; ID 338, A, l. 19 et l. 54 ; ID 372, A, l. 75, 103 et 116 ; ID 442, A, l. 200 et l. 204. Le lieu de conservation de ces registres ou de leurs copies est désigné comme étant « le sanctuaire » dans un compte de dépenses de construction de la Salle hypostyle en 208 (ID 365, l. 23-24 : τάδε ἀνήλωται, τοῦ δήμου ψηφισαμένου καὶ τοῦ ἀρχιτέκτονος Γόργου [ἀ]πο[δ]εξα[μέν]ου τὰ ἔργα καὶ κελεύοντος, κατὰ [τὰ]ς συγγραφὰς καὶ τὰς διεγγυήσεις, ὧν τὰ ἀντίγραφά ἐστιν ἐν ἱερῶι). Vial 1988. ID 1449, Aab, II, l. 29-31 (= ID 1450, A, l. 104-105) : γραμματείδιον δίπτυχον λελευκωμένον ἐν ὧι ἔστιν τὸ [δάνεισμα] τὸ Δηλίων ὃ ἔφασαν δανεῖσαι Ἑρμιονεῦσιν καὶ ἡ συγγραφὴ ἡ κατὰ Ἑρμιονέων [γεγραμ]μένη· Sur ce prêt, voir Migeotte 1984, p. 157, qui considère que les prêts du ive s. n’ont pas fait l’objet d’un contrat écrit, et les objections de Vial 1988, p. 58.
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Les feuilles de papyrus : le brouillon du compte Les comptes montrent que les hiéropes achetaient également et de manière régulière des feuilles de papyrus (χάρτη) : c’est peut-être ce support qui leur servait à l’élaboration intermédiaire d’informations consignées ensuite sur la stèle ou de brouillon de compte, car elles sont toujours achetées en fin d’exercice 134. Les comptes des hiéropes témoignent à maintes reprises que les collèges successifs pratiquaient couramment les quatre opérations, mais l’usage du système acrophonique dans les comptabilités rendait nécessaire le recours à des supports intermédiaires (abaque et jetons de calcul) puisqu’il n’était pas possible, dans le système acrophonique, de poser directement sur le papyrus un calcul écrit comme nous le réalisons avec nos chiffres indo-arabes 135. Il leur fallait donc aussi reporter sur une feuille de calcul les différents résultats obtenus avant de procéder au bilan. C’est probablement ce qui explique l’usage du papyrus, support périssable qui ne pouvait se prévaloir, à Délos, des mêmes capacités de conservation que les tablettes de bois archivées.
La stèle de compte : une synthèse à partir de plusieurs registres d’archives Les hiéropes, lorsqu’ils élaboraient le texte final de la stèle dans le cadre de leur reddition de comptes, faisaient donc la synthèse de ces différents registres (fig. 4) : comptes mensuels sur les leukômata, registres des prêts, des contrats, des transmissions d’offrandes sur les peteura. Contrairement à ce qui a souvent été dit, les registres n’avaient pas pour seul but de servir de documents préparatoires au compte : ils enregistraient des catégories d’informations qui entraient dans le processus de gestion des biens du dieu et constituaient des archives. Mais
Fig. 4 — Organisation des différents registres et documents contribuant à l’élaboration de la stèle de compte annuelle. 134. 135.
L’étude de Glotz 1929 rassemble les références tirées des comptes des hiéropes. Voir à ce sujet Schärlig 2001 et Chankowski, Minaud 2014.
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comme tels, ils permettaient également d’élaborer et de recouper l’information comptable aboutissant au compte annuel gravé. Le registre des comptes mensuels (τοῖς κατὰ μῆνα λόγοις ἐκτιθεμένοις εἰς τὴν ἀγορὰν λεύκωμα) permettait de rendre compte de l’emploi du fonds de roulement pour toutes les dépenses que les administrateurs étaient habilités à réaliser sans intervention du Conseil et de l’Assemblée. Le registre des cautions (πέτευρα ταῖς διεγγυήσεσιν) permettait d’inventorier les sommes dues en prêts, fermages et adjudications. Le registre des contrats (πέτευρα ταῖς συγγραφαῖς) rendait compte des dépenses décidées par décret et par intervention de l’Assemblée. Le registre des transmissions d’offrandes (πέτευρα τεῖ παραδόσει) entrait aussi dans l’évaluation comptable de la fortune du dieu : s’il est vrai qu’une partie des offrandes était constituée d’objets hétéroclites, la majeure partie des collections d’objets métalliques était évaluée en poids d’argent et constituaient une thésaurisation en métal précieux, or et argent. Les hiéropes y ajoutaient des comptes de stocks de matériaux de construction (tuiles, bois) en période de travaux sur des bâtiments de l’île. Les administrateurs avaient également recours à des registres extérieurs : les comptes du iie s., qui comprennent l’inventaire des jarres de monnaies contenues dans la caisse sacrée, constituant l’ensemble de la fortune monnayée du dieu, nous apprennent que la plupart des sommes en circulation transitaient par des banques. C’était également le cas de la caisse publique dont les hiéropes, au iie s., établissent l’inventaire des jarres. L’argent de la cité et l’argent d’Apollon ne faisaient que transiter par ces banques et restaient hébergés à demeure dans le temple de la divinité. Néanmoins, comme à Cos où une inscription témoigne de l’existence d’un compte en banque ouvert au nom de la déesse Aphrodite 136, le dieu Apollon et la cité de Délos possédaient des comptes ouverts dans les différentes banques qui travaillaient avec le sanctuaire 137. Celles-ci jouaient un rôle d’intermédiaire pour un certain nombre de paiements et de transferts de fonds, ainsi que pour les opérations de conversion comptable permettant d’arriver à un total en étalon attique, seul étalon de compte des hiéropes, à partir des numéraires de provenances variées qui composaient l’encaisse sacrée et que les hiéropes utilisaient pour leurs paiements 138. Chacune de ces jarres portait un libellé, systématiquement repris par les hiéropes dans leurs inventaires des jarres, comme moyen d’identification et de « traçabilité » de chaque lot de monnaie. Ce libellé contenait des informations qui devaient également figurer sur un registre bancaire : le nom de la banque par laquelle avait transité le lot de monnaies, la date de l’encaissement (année et mois), le nom du collège qui avait déposé la somme dans la caisse sacrée, la nature de la somme encaissée, et le montant en étalon attique. Dans ces jarres, les hiéropes faisaient des retraits, en choisissant probablement en fonction du numéraire varié qu’elles contenaient et qui devait être en adéquation avec le paiement qu’ils allaient effectuer 139. Le texte des hiéropes, sur la stèle, apporte des informations qui complètent le suivi de chacune des jarres en indiquant le montant de leurs retraits et le reliquat éventuel dans la jarre, après son passage par la banque. Ainsi par exemple dans le compte ID 442 (A, l. 68-71) : Μηνὸς Ποσιδεῶνος ἐξείλομεν ἀπὸ στάμνου οὗ ἐπιγραφή· ἀπὸ τῆς Νυμφοδώρου καὶ Ἡρακλείδου, ἐπὶ Δημάρου Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν ἱεροποιοὶ οἱ ἐπ’ ἄρχοντος Τελεσαρχίδου Εὐβοεὺς καὶ Παρμενίων τὸ πραχθὲν ἐνηροσίων, ἐνοικίων, τελῶν, τόκων 𐅂𐅆Χ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙ𐅁𐅀//· ἀπὸ τούτου ἀφείλομεν μηνὸς Ποσιδεῶνος ἱεροποιοὶ Πολύξενος, Ἀμφοτερός, Φίλιππος, Σίληνος εἰς τὰ ἔργα 𐅂ΧΗΔΔ[ΙΙΙΙ]· λοιπὸν ἔνεστιν 𐅆𐅅ΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅁𐅀//. 136.
Parker, Obbink 2000, no 1, l. 16-24. 137. Bogaert 1968, p. 170-175. 138. Chankowski 2014a et infra p. 228, sur les pratiques monétaires. 139. Chankowski 2011a, p. 382-384.
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Au mois de Posidéon, nous avons retiré de la jarre portant l’inscription « de la banque de Nymphodôros et Hérakleidès sous Démarès, mois de Posidéon, les hiéropes de l’archontat de Télésarchidès Euboeus et Parménion ont déposé le produit des fermages, loyers, taxes et intérêts 6 998 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 2 ch. ». De cela nous, les hiéropes Polyxénos, Amphotéros, Philippos, Silènos, avons retiré, au mois de Posidéon, pour les travaux, 1 120 dr. 4 ob. Reliquat : 5 878 dr. ½ ob. ¼ ob. 2 ch. En ce sens, les comptes des hiéropes peuvent être considérés comme un « grand livre » de comptables, qui s’appuie sur un ensemble d’archives à partir desquelles il constitue une information globale et complète. La comptabilité des hiéropes procédait de catégories de documents différentes et bien déterminées, dont l’utilisation pour la fabrication du compte final était hiérarchisée : nous le percevons seulement à travers les supports de qualités différentes qui figurent dans leurs achats. Le compte n’est donc pas le produit d’une simple logique narrative 140 comme l’étaient les « livres de raison » des ménages. Certains savants l’ont caractérisé comme « un extrait sélectif de procès-verbaux de récolement », soulignant par là qu’il ne mentionnait pas l’intégralité de tous les documents archivés auquel les rédacteurs avaient eu recours 141. Mais cette interprétation, on le voit, ne rend pas exactement justice à la réalité des pratiques comptables des hiéropes. Plus exactement, la stèle de compte est une synthèse exhaustive des mouvements de fonds et des sommes maniées par les administrateurs, sous la forme d’un grand livre qui rassemble les informations contenues dans diverses séries d’archives. Cette constatation est importante car elle permet de déceler, derrière la masse des lettres minuscules et des chiffres resserrés, la construction d’une logique comptable. Cette observation sur les supports qui mènent aux archives comptables de Délos permet également de faire progresser une question qui se pose dans d’autres contextes pour les comptabilités antiques. Dans son étude sur les banquiers grecs, R. Bogaert constatait qu’aucune source ne permet d’affirmer l’existence de registres disposés compte par compte, en plus du registre des activités journalières que les banquiers tenaient, mais supposait tout de même l’existence d’un tel « grand livre » de comptabilité 142. D’autres études, celles de J. Andreau sur les financiers romains et plus récemment l’étude de G. Minaud sur les pratiques comptables du monde romain, ont montré l’existence de niveaux hiérarchisés de documents au sein des archives comptables privées dans le monde romain 143. Dans le Fayoum égyptien à l’époque romaine, les archives du domaine d’Appianus, étudiées par D. Rathbone, révèlent l’existence de documents comptables hiérarchisés : des comptes mensuels tenus par fractions de domaines, des comptes pour chaque ouvrier agricole dans chaque fraction du domaine, des comptes secondaires que les administrateurs tenaient pour leurs propres besoins et gardaient par devers eux, et des comptes transmis à l’administration centrale 144. Les Déliens, on le voit, s’inscrivent dans une longue tradition de pratiques comptables qui, pour une part, remonte à l’influence athénienne de la période classique. Pourtant, la situation comptable dont témoignent les documents produits par les hiéropes au début du iie s. n’est pas celle du début de l’Indépendance. Ce n’est que progressivement que 140.
De Sainte-Croix 1956. Tréheux 1959, p. 126-127, 239, 274-275 ; Vial 1988, p. 60 ; Migeotte 2008a, p. 59-76. 142. Bogaert, 1968, p. 378-380. 143. Andreau 1996 présente une utile synthèse des connaissances et mentionne les divergences d’interprétation ; également Andreau 1994 ; Minaud 2005. 144. Rathbone 1991. 141.
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le vocabulaire des hiéropes se spécialise, acquiert une cohérence technique et rend compte de la maîtrise des notions comptables. Aussi convient-il de ne pas considérer ce corpus comme un bloc immuable, mais au contraire d’analyser les évolutions méthodologiques qui ont conduit les Déliens à élaborer un système de comptabilité performant, par le bénéfice des expériences accumulées.
De pratiques de caissiers aux logiques de comptables Partant de techniques d’encaissement simples et cumulatives, les hiéropes sont peu à peu passés à des méthodes de comptables, en fonction d’une logique qui cherche à totaliser les avoirs pour mieux planifier la gestion des ressources. Les premiers comptes témoignent d’une logique narrative dans la description des opérations réalisées par la caisse sacrée et ce n’est que progressivement que le vocabulaire et les pratiques acquièrent une plus grande technicité et une plus grande rigueur.
La formulation des balances de compte Un des éléments importants de la technicité comptable est constitué par les balances de compte. En principe, la balance de compte comptabilise le total des entrées (fonds reçus en caisse dans la transmission et recettes de l’année), puis le total des sorties (dépenses de l’année et reliquat transmis au collège suivant) qui doit lui être égal pour assurer une transmission correcte des fonds aux successeurs. Elle est indissociable de la mention des bénéfices de l’année, dont le montant est constitué par l’excédent entre les recettes et les dépenses. Comme telle, la balance de compte vise d’abord à montrer qu’aucune somme n’est sortie du circuit de transmission des fonds sacrés en passant d’un collège à un autre. Elle permet aussi de mettre en évidence d’éventuels bénéfices ou à tout le moins de montrer qu’il n’y a pas de déficit. Dans les premières décennies de l’Indépendance délienne, la plupart des comptes reprennent le modèle de rédaction des amphictyons athéniens et organisent ainsi les rubriques : – total des sommes reçues et des sommes perçues au cours de l’exercice (IG XI 2, 135, l. 28-30 : κεφάλαιον οὗ παρελάβομεν σὺν ὧι αὐτοὶ εἰσεπράξαμεν) ; – total des dépenses de l’exercice (IG XI 2, 148, l. 72 : σύμπαν κεφάλαιον ἀναλώματος ou IG XI 2, 155, b, l. 6 : κεφάλαιον ἐξόδου) ; – montant du reliquat transmis (IG XI 2, 148, l. 76 : τὸ λοιπὸν ἀργύριον παρέδομεν). Les premiers comptes ne comportent donc pas de balance qui vérifierait l’équilibre entre les entrées et les sorties mais se contentent de rapporter les opérations les unes à la suite des autres et de calculer la différence entre les sommes perçues et les sommes dépensées. La transmission au collège suivant consiste donc essentiellement dans l’indication du reliquat dans l’Artémision, le loipon ou solde, entendu comme la quantité de fonds disponibles dans le temple. Ainsi rédigé, le bilan ne permet pas d’analyser les bénéfices annuels des exercices. Le terme technique exodos qui désignera plus tard les sorties dans la formulation de la balance, est employé sans précision. Il apparaît en 287 (IG XI 2, 155, b, l. 6) et encore en 246 (ID 290, l. 141) mais signifie alors simplement les dépenses ou l’ensemble des dépenses. Le κεφάλαιον ἐξόδου est l’exact équivalent du σύμπαν κεφάλαιον ἀναλώματος ou « total complet des dépenses » employé plus fréquemment (par exemple dans le compte de 279 : IG XI 2, 161, A, l. 122-127), et non le total des sommes sorties de l’exercice (dépenses de l’année et transmission du reliquat) comme cela devrait être le cas dans une véritable balance de compte.
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Mais les hiéropes étaient manifestement conscients de l’ambiguïté générée dans leur bilan comptable par les fluctuations d’encaisse, lorsque des prêts consentis à la cité venaient subitement diminuer les avoirs inscrits pour réapparaître un ou deux ans plus tard. Aussi ont-ils parfois précisé, comme en 281 (IG XI 2, 159, A, l. 68-69) que le total de la dépense s’entend avec les sommes prêtées à la cité : σύμπαγ κεφάλαιον ἀναλώματος σὺν ὧι ἡ πόλις ὀφείλει. La formulation est maladroite puisque le terme analôma ne convient pas à l’ensemble des sorties qui comportent non seulement des dépenses mais aussi des transferts de fonds sous forme de prêts. Mais elle désigne ici, de fait, le total des sommes qui sont sorties de la caisse sacrée au cours de l’année d’exercice, en lieu et place du terme exodos qui n’aura que plus tard cette acception. Le premier compte qui comporte une véritable balance des entrées et des sorties est celui de l’année 250 (IG XI 2, 287, A, l. 199-200), dans lequel la balance est exprimée par la formule κεφαλὴ εἰσόδου σὺν ὧι παρελάβομεν (…) κεφαλὴ ἐξόδου σὺν ὧι παρέδομεν, « total des entrées, avec ce que nous avons reçu (i.e. l’encaisse plus les bénéfices de l’année) ; total des sorties avec ce que nous avons transmis (i.e. les dépenses avec le solde bénéficiaire transmis aux successeurs) ». Il y a là une véritable rupture méthodologique car dans ce cas, la balance de compte ne vise pas à enregistrer uniquement la transmission des sommes au collège suivant, mais bien les mouvements de fonds opérés au cours de l’exercice. Elle exprime l’équilibre de la gestion annuelle puisque le total des entrées égale le total des sorties. Le bénéfice de l’année est ensuite indiqué séparément. Mais le plus souvent, au cours du iiie s., seul le protocole d’encaisse note les entrées avec une formule du type [κεφάλα]ιον [σύμ]παν οὗ ἐ[λάβ]ομεν παρὰ τῶν ἱεροποιῶν καὶ τοῦ ἐφ’ ἡμῶν εἰσελθόντος, « total de ce que nous avons reçu des hiéropes (précédents) et de ce que nous avons encaissé » (ainsi dans IG XI 2, 155, b, l. 4-5 ; de même IG XI 2, 161 A, l. 123-127 ; IG XI 2, 199, l. 19), alors que la balance des sorties n’est pas calculée : seul importe le chiffre de la transmission aux successeurs. En raison des rentrées tardives de certaines sommes dans la caisse, l’encaisse finit par se confondre avec l’inventaire des entrées ou recettes de l’année, si bien qu’un bilan général des entrées s’avère nécessaire. Ainsi, en 250 (IG XI 2, 287, A, l. 1-17), l’encaisse est reçue sur 10 mois entre Lènaion et Apatourion, tandis que les recettes de l’année comportent aussi des entrées constituées par des sommes provenant d’exercices précédents. Les hiéropes ont parfois jugé nécessaire d’exprimer une différence entre les sommes « reçues dans l’Artémision » (IG XI 2, 203, A, l. 5 ; ID 316, l. 2 : τάδε παρελάβομεν ἐν Ἀρτεμισίωι) — c’est-à-dire transmises par leurs successeurs dans l’encaisse thésaurisée qui se trouvait dans les jarres entreposées dans le temple — et les sommes en circulation, qui leur sont remises par les trésoriers de la cité lorsqu’il s’agit de remboursements de prêts, ou par les hiéropes des collèges précédents, souvent en provenance des banques. En effet, comme l’a montré Cl. Vial, la passation des fonds d’un collège à l’autre était rendue complexe par les délais de transmission et il faut distinguer deux formes de transmission 145 : – la transmission des jarres enfermées dans le temple, qui contiennent des sommes thésaurisées. Cette opération respecte un protocole qui prévoit la présence du Conseil et des prytanes, de l’archonte, du secrétaire de la cité et du secrétaire des hiéropes ; – des transmissions devant l’Assemblée du peuple pour des sommes encaissées par les hiéropes ou reçues des banques après la fin de leur exercice annuel. En raison de délais de paiement, il arrivait que ces transmissions se fissent plus de deux ans après leur sortie de charge. Ainsi, dans le compte de l’année 250, les hiéropes ont distingué les fonds qui leur ont été transmis par leurs prédécesseurs immédiats et les encaisses perçues au cours de l’année au titre 145.
Vial 1984, p. 225-226.
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de transmissions (IG XI 2, 287, A, l. 1-7). Au moment de la transmission (l. 134-135), ils ont de même distingué des transmissions faites directement à leurs successeurs et des transmissions réalisées par l’intermédiaire des banques (διὰ τραπέζης). Si le compte de l’année 250 présente une certaine capacité à tirer un bilan, comportant en finale une véritable balance de compte, son protocole d’entrée mêle l’encaisse et les recettes annuelles, car la logique d’enregistrement n’est pas thématique mais chronologique. Dans les comptes postérieurs, une forme plus synthétique apparaît mais au détriment d’une véritable balance de compte. La mention du λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι se trouve encore dans le compte de 231 (ID 316, l. 9). Elle désigne les sommes qui ont été déposées dans le temple. Cette formulation est plus synthétique car elle apparaît dans les premières lignes du compte et constitue, après les mentions du total de l’encaisse et du total des retraits pour les dépenses, une sorte de bilan intermédiaire : – l. 1-4 : τάδε π[αρελάβομεν ἐν Ἀρτεμισίωι], « voici ce que nous avons reçu dans l’Artémision » ; – l. 4-6 : καὶ ἐπὶ τῆ̣ς̣ [ἡμετέρας ἀρχῆς? κατέθεσαν], « et voici les sommes qui ont été déposées sous notre exercice » ; – l. 6-8 : ἐκ δὲ τούτου ἐξείλομεν, « de cela nous avons retranché » ; – l. 8 : λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι … [τ]οῦτ[ο π]αρέδομεν [ἐν] Ἀρτεμισίωι, « reliquat dans l’Artémision » … « nous avons transmis cela dans l’Artémision ». Les hiéropes de l’année 231, ici, ont procédé dès les premières lignes du compte à la synthèse en indiquant d’emblée le montant du solde. Mais ce solde est partiel car les dépenses courantes n’ont pas été inclues dans ce bilan intermédiaire. Il a donc été établi au moment où, peu après le début de leur exercice, les hiéropes avaient connaissance des sommes qui allaient, par décision de l’Assemblée, être retirées en prévision des travaux. La formule employée ne permet pas, comme telle, la clôture du compte annuel : cette notion n’apparaît véritablement qu’avec la formulation d’une égalité entre le total des entrées et le total des sorties. Ce n’est finalement qu’à partir des dernières années du iiie s. (ID 365, qui date de 208) que des balances viennent régulièrement clore le compte annuel. Dès les premiers comptes, on voit donc les administrateurs hésiter entre une logique comptable purement narrative et linéaire, et une perspective plus ordonnée, plus synthétique. Le vocabulaire lui-même met du temps à se spécialiser. Les hiéropes travaillent dans une logique de caissiers, enregistrant les mouvements de fonds de la caisse sacrée comme autant d’opérations qui s’enchaînent chronologiquement, puis établissant des totaux. Cette logique narrative est manifestement un obstacle à la tenue d’une comptabilité complexe. Il semble que les difficultés de gestion aient peu à peu fait comprendre aux hiéropes l’intérêt de définir des postes budgétaires à l’intérieur de la caisse sacrée, ou tout du moins de partager les avoirs du dieu en différentes masses. La difficulté principale venait des emprunts opérés par la caisse publique sur les fonds sacrés, alors que les travaux dans le sanctuaire obligeaient en même temps à puiser abondamment dans la caisse sacrée. Les prêts à la cité de Délos étaient de très courte durée, souvent remboursés dans l’année même, car dans ce cas il n’y avait pas d’intérêts à payer. Nous voyons donc les hiéropes commencer à distinguer, dans leur rédaction, les fonds reçus et déposés dans l’Artémision, qui constituent le trésor monétaire du dieu et servent pour les prêts et les grosses dépenses, et les fonds courants qu’ils utilisent au cours de l’exercice. Cette évolution de leur réflexion transparaît dans la manière dont ils ont traité le problème du solde de l’exercice.
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La gestion du solde d’exercice Dès 279 (IG XI 2, 161, A), le compte met en évidence les distinctions établies par les hiéropes entre différentes catégories de dépenses : – les dépenses pour les travaux, qui consistent en contrats d’adjudication pour lesquels les fonds sont engagés sur décision de l’Assemblée du peuple (l. 44-45) : τάδε ἔργα ἐξεδώκαμεγ κ̣ατὰ ψηφίσματα τοῦ δήμου μετὰ τοῦ ἀρχιτέκτονος καὶ τῶν ἐπιμελητῶν οὓς εἵλετο ὁ δῆμος καὶ κατὰ συγγραφάς, « voici les travaux que nous avons commandités selon des décrets du peuple
avec l’architecte et les responsables désignés par le peuple et selon les contrats » ; – les dépenses pour travaux que les hiéropes peuvent engager en leur nom propre (l. 77-78) : καὶ τάδε τῶμ πρὸ ἡμῶν ἔργων ἐγδεδομένων ἐδώκαμεν ἀρχιτέκτονος καὶ ἐπιμελητῶγ κελευόντων·, « et voici les travaux que nous avons commandités en notre nom sur recommandation de l’architecte et des épimélètes » ; – les dépenses courantes, consistant en salaires des employés du sanctuaire et fournitures diverses, qu’ils ont le pouvoir de payer (l. 82) : καὶ τάδε ἄλλα ἐδώκαμεν·, « et voici ce que nous avons versé ». Le principe organisateur est ici celui de la responsabilité des hiéropes dans l’engagement des fonds : en suivant les décisions de l’Assemblée, en leur nom propre sur recommandation des spécialistes mais sans avoir besoin de recourir à la validation du peuple, en paiement direct. Mais dans les comptes suivants, le classement des dépenses dépend plutôt des fonds utilisés. En effet, en 250 (IG XI 2, 287, A), les hiéropes ont distingué, selon une répartition des chapitres de dépenses qui subsistera par la suite de façon définitive : – les dépenses mensuelles, qui comprennent aussi les dépenses de fournitures qui étaient mentionnées dans les dépenses courantes en 279 (l. 41), – les salaires des employés du sanctuaire (l. 85), – les dépenses pour travaux, sans distinguer cette fois les dépenses réalisées sur ordre de l’Assemblée des dépenses engagées par eux-mêmes (l. 89). À partir des années 230, ces trois catégories de dépenses sont toujours distinguées mais le compte les présente différemment. Le compte de l’année 231 fait suivre immédiatement le bilan d’encaisse du total des retraits pour le salaire des aulètes et pour les travaux (ID 316, l. 6-8). En 218, le compte est construit selon les mêmes principes : après avoir énuméré l’encaisse reçue dans l’Artémision (ID 354, l. 1-6), les hiéropes indiquent le total des retraits auxquels ils ont procédé en présence des instances de la cité, pour le salaire des aulètes, pour les prêts à la cité et pour les travaux. Dès lors, ils sont en mesure de calculer le solde restant dans l’Artémision (l. 16 : λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι). Ils prennent ainsi l’habitude de construire leur bilan d’exercice en distinguant un premier bilan intermédiaire. Ces distinctions correspondaient à la façon dont les différentes sommes engagées étaient maniées. En effet, la caisse n’était pas accessible en permanence aux hiéropes : les prytanes en avaient la clé et elle ne pouvait être ouverte qu’en présence des instances de la cité. Les paiements et les dépôts devaient donc se faire à certains moments de l’année seulement, tandis que les hiéropes utilisaient les services des banques au cours de l’année pour déposer les recettes qu’ils percevaient et pour procéder aux paiements utiles 146. Puisque les contrats de travaux étaient adjugés devant l’Assemblée du peuple 147, les hiéropes en fonction connaissaient le montant 146. 147.
Vial 1984, p. 145 ; Bogaert 1968, p. 172-174. Vial 1984, p. 144.
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des sommes qui allait leur être consacré et pouvaient établir assez tôt dans l’année le total des retraits. Il en allait de même des prêts au trésor public, dont la décision appartenait à la cité : dans l’ensemble, ceux-ci étaient connus assez tôt dans l’année, lors des décisions de répartition des revenus, à l’exception de certains d’entre eux qui, gravés sur la tranche, ont dû être décidés plus tardivement. Les autres dépenses, qui concernent les frais de fonctionnement du sanctuaire, relèvent d’une autre ressource : ce sont les entrées de l’année qui permettent de les régler. Les taxes du sanctuaire, adjugées à la fin de l’année précédente, devaient probablement être payées par le fermier au début de l’exercice des hiéropes : le processus de l’affermage ne facilitait pas seulement l’organisation de la perception de la taxe mais il assurait aussi une rentrée d’argent immédiate. Les fermages pouvaient quant à eux être versés à différents moments de l’année selon que les terres étaient céréalières, viticoles ou qu’elles servaient au bétail 148. Comme l’avait noté J. Tréheux, ces recettes encaissées en cours d’année constituaient un fonds de roulement grossi des bénéfices des exercices précédents 149. C’est précisément ce fonds de roulement, ou plus exactement ce qu’il en reste une fois réglées les dépenses annuelles, que les hiéropes nomment le perion de l’exercice, dit aussi « perion de la stèle » (par exemple ID 444, A, l. 54 : τὸ̣ δ̣ὲ περιὸν ἀργύριον […] τοῦ ἐκ τῆς στήλης) et dont les inventaires de jarres fournissent maints exemples 150. Le perion est donc exactement le solde du fonds de roulement annuel. Il fournit, de fait, une indication comptable sur les bénéfices annuels une fois déduites les dépenses courantes. Comme tel, il peut alors entrer dans la composition de la balance de compte, dont il constitue le troisième terme, pour désigner le produit de l’exercice annuel. Il est intéressant de constater qu’avec une grande cohérence d’un exercice à l’autre, les hiéropes n’ont jamais confondu perion et loipon 151. Le loipon est manifestement un terme arithmétique qui désigne un reliquat. Le perion est un terme comptable et institutionnel qui désigne le produit du compte annuel. Il peut donc y avoir un loipon du perion dans les jarres, c’est-à-dire un reliquat du produit de l’exercice annuel après utilisation. La formule est d’ailleurs employée telle quelle dans un passage fragmentaire d’un compte du iie s. (ID 458, l. 5 : περιόν, ἐν ὧι λοιπ[ὸν]) et on la retrouve sous une forme détaillée dans le compte de l’année 200 (ID 372, A, l. 191-192), lorsque les hiéropes indiquent dans le bilan du compte : [καὶ τόδ]ε λοιπὸν παρέδομεν ἱεροποιοῖς […] ἐνηροσίων, ἐνοικίων, [ἐγκυκλίω]ν ὃ ἐπράξαμεν, « et voici le reliquat que nous avons transmis aux hiéropes sur les fermages, les loyers et les taxes, perçus par nous ». Il s’agit du reliquat des recettes périodiques du sanctuaire (fermages, loyers et taxes) et le fait que les hiéropes n’enregistrent qu’un reliquat de ces recettes montre bien qu’elles ont été utilisées en cours d’année. Lorsque les hiéropes, à partir du iie s., gravent les inventaires de jarres, leur méthode n’a pas changé de ce point de vue depuis les années 230 : ils indiquent à la fin de l’inventaire le reliquat (loipon) de la caisse après les retraits qu’ils ont effectués en présence des instances de la cité pour les dépenses prévues dans l’année, puis ils énumèrent les nouvelles jarres qui sont entrées au cours de leur exercice, provenant de remboursements de la cité, de subventions ou de transmissions parvenues tardivement. C’est seulement après l’inventaire de la caisse sacrée et de la caisse publique qu’ils font graver le compte courant des recettes régulières et des dépenses mensuelles de l’exercice, terminant par le bénéfice produit dans l’année (perion). 148.
Tréheux 1944-1945, p. 284-289. Tréheux 1991, p. 350. 150. Annexe 2 : tableau des jarres de la caisse sacrée. 151. On suggèrera de ce fait de restaurer plutôt περιὸν que λοιπὸν dans ID 461, Ab, l. 55. 149.
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Certaines dépenses obligeaient parfois les hiéropes à compléter les retraits qu’ils avaient effectués dans la caisse sacrée par des recettes perçues en cours d’année : lorsque des travaux nécessitaient une rallonge budgétaire, un nouveau prélèvement pouvait certes avoir lieu dans la caisse sacrée mais les hiéropes devaient parfois avoir la latitude de compléter avec les bénéfices de l’année le règlement d’une prestation 152. Dans le compte de l’année 208 (ID 365, l. 5455), les hiéropes indiquent qu’ils ont payé les dépenses des travaux à partir de deux sources : d’une part d’un dépôt qui se trouvait dans l’Artémision et leur avait été transmis par leurs prédécesseurs (ἐξ Ἀρτεμισίου ἐξείλομεν παρούσης βουλῆς καὶ γραμματέων ὃ παρέ-δοσαν Πόλυβος καὶ Ἑβδομίσκος), d’autre part du λοιπὸν ἀπὸ τῆς προσόδου, c’est-à-dire du reliquat de l’exercice. Il est clair, là encore, que l’encaisse et le compte courant formaient pour les hiéropes deux ensembles bien distincts.
La césure des années 230-220 C’est donc dans les années 230-220 qu’apparaît un véritable changement de méthode comptable. La différence de rédaction qui est visible au iie s. avec l’apparition des inventaires de jarres n’est, de ce point de vue, pas une rupture en termes de méthodes de comptabilité puisqu’à cette date, même avec l’adjonction des inventaires de jarres, le compte suit les mêmes principes que ceux mis en œuvre à partir des années 230-220. Comme l’a bien vu L. Migeotte, ce changement des années 230-220 est une véritable césure dans les méthodes comptables des hiéropes et manifeste une étape importante dans leur organisation financière 153. On peut aller plus loin et se demander pourquoi cette distinction apparaît seulement dans le dernier quart du iiie s. La pratique qui consistait à séparer l’encaisse et les recettes régulières s’imposait dans l’exercice régulier de gestion, mais n’était-elle pas en contradiction avec certains principes que les Déliens avaient édictés au début de l’Indépendance ? L’un de ces textes a été partiellement préservé (ID 503) et constitue une loi-cadre sur les procédures de location des domaines du dieu Apollon. Désignée sous le nom de hiéra syngraphè, elle fut adoptée en 301 ou 300 154. Or une clause de cette hiéra syngraphè, expliquée par Cl. Vial qui a fait justice à une mauvaise interprétation qu’en avait donnée A. Wilhelm 155, prévoit une situation inverse à celle que l’on observe dans les comptes des hiéropes à partir des années 230. Cette clause (ID 503, l. 29-30) stipulait que la totalité du produit des fermages devait être versé dans la caisse sacrée : εἰσφέρειν δὲ τοὺς ἱεροποιοὺς [τὰς λοι]π[ὰς] πάντων τὰς τοῦ μηνὸς ἐν τοῖς ἱεροῖς τεμένεσιν εἰς [τὴ]ν κ[ιβω]τὸν [τὸ μίσ]θωμα ἅπαν τὸ γινόμενον τῶι θεῶι κατὰ τὴν συγγραφήν.
que les hiéropes versent dans la caisse les produits mensuels des domaines sacrés, à savoir la totalité du loyer échu au dieu conformément au contrat. La construction de la phrase est obscure car le déchiffrement initial (dont F. Durrbach signale, dans l’édition du corpus de 1929, qu’il n’a pu être amélioré sur cette stèle fragmentaire 152.
Voir par exemple le cas du contrat d’Ophélion : ID 290, A, l. 240-244 ; Chankowski 2018b. 153. Migeotte 2008a, p. 69-70, et Migeotte 2014, p. 593-594. Mais sa conclusion est inexacte en ce qui concerne le bilan fourni par les hiéropes car celui-ci intègre a posteriori le solde du fonds courant. La séparation entre les deux parties n’est donc pas totale : voir infra p. 52. 154. Tréheux 1944-1945, p. 284-295. 155. Vial 1984, p. 102-103.
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et très abîmée) ne donne pas de sens satisfaisant pour [τὰς λοι]π[ὰς] πάντων τὰς τοῦ μηνὸς et la restitution paraît douteuse 156. La clause, qui vient après la description des différentes catégories d’exploitation agricole auxquelles sont liés des calendriers de versement des fermages 157, concerne manifestement les modalités de versement des fermages par les hiéropes dans la caisse sacrée : il leur est enjoint de déposer la totalité du revenu, probablement afin de préserver une réserve alimentée par une ressource régulière, comme c’est le cas de maintes clauses financières des décrets grecs. Mais l’injonction est bien de verser l’argent εἰς [τὴ]ν κ[ιβω]τὸν, dans la caisse, et non pas simplement de l’affecter à un certain fonds. Dans une stricte interprétation comptable, ce n’est donc pas ce que font les hiéropes à partir des années 230-220 puisqu’ils utilisent les recettes périodiques pour les dépenses courantes et ne versent en fin d’exercice que le reliquat, et non la totalité. Peut-être faut-il voir dans cette divergence de règles administratives l’illustration de la lente et progressive adaptation des Déliens aux lourdes exigences que leur imposait la gestion de la caisse sacrée. Ils ont probablement dû adapter, au fil des années, certaines réglementations qui, adoptées au début de l’Indépendance, s’étaient trouvées peu à peu inadéquates à la réalité des pratiques comptables. La Hiéra Syngraphè, dont J. Tréheux a montré qu’elle remontait à un modèle antérieur de l’époque athénienne classique 158, précédait largement ces évolutions et peut-être avait-il fallu modifier cette clause de la loi, bien que nous n’en ayons pas conservé la trace, pour permettre aux hiéropes de gérer la fortune sacrée selon les nouveaux principes que nous voyons en vigueur dans le dernier quart du iiie s. On voit aussi que la notion de « caisse sacrée », entendue d’abord, au début de l’Indépendance et dans la continuité des pratiques athéniennes de l’époque classique, comme le lieu de conservation de la totalité de la fortune monnayée du dieu, tend progressivement à se limiter aux avoirs thésaurisés, tandis qu’une autre notion comptable lui est adjointe, celle d’« exercice » construit sur un fonds de roulement ou compte courant, que les hiéropes expriment à travers la notion de « perion de la stèle » et manient avec l’aide des banques. Hormis les inscriptions de Cos qui le suggèrent aussi, peu de documents démontrent avec autant de clarté l’impact du développement des officines bancaires face à la tradition de thésaurisation dans les temples 159. Les comptes des hiéropes permettent de constater que c’est dans les années 230-220 que ce développement commence à avoir un impact sur les modes de gestion. La séparation de l’encaisse et du fonds courant n’empêchait pas les hiéropes de conserver une vision synthétique de l’ensemble. On mesure ainsi les progrès accomplis dans leurs conceptions de la comptabilité. Le compte de 231 (ID 316) était encore construit dans une logique narrative : le λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι était considéré comme un bilan intermédiaire consistant en une transmission partielle, après les retraits correspondant aux dépenses prévues pour l’année mais sans tenir compte encore des dépenses mensuelles et des recettes périodiques qui viendraient en cours d’année. Il n’en va plus de même pour le compte de 218 et pour les suivants. En effet, si l’on 156.
Pernin 2014, no 64 p. 179-182, donne une relecture plus fragmentaire du texte : εἰσφέρειν δὲ τοὺς ἱεροποιοὺς […….]Π[..] πάντων τὰς τοῦ μηνὸς ἐν τοῖς ἱεροῖς τεμένεσιν εἰς [..]ΝΚ[…]ΤOΝ [τὸ μίσ]θωμα ἅπαν τὸ γινόμενον τῶι θεῶι κατὰ τὴν συγγραφήν·, « que les hiéropes reversent … de toutes les ( ?) du mois, dans les domaines » et rattache le second membre de la phrase à ce qui suit (« quant au loyer qui revient tout entier au dieu conformément à la syngraphè, si les preneurs ne le versent pas dans les délais fixés »), ce qui est douteux étant donné la place de la particule δὲ à la l. 30. 157. Tréheux 1991b. 158. Tréheux 1944-1945, p. 293-295. 159. Voir infra p. 228 à propos du rôle des banques.
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refait leurs calculs en suivant la logique que les hiéropes ont appliquée, on constate qu’à la différence du compte de 231, le compte de 218 (ID 354) n’est plus du tout conçu dans une logique narrative. Lorsque les hiéropes indiquent (l. 16) le montant du λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι, une fois effectués les retraits pour les prêts, les travaux et le salaire des aulètes, ils ont déjà inclus dans l’encaisse qu’ils disent transmettre à leurs successeurs le montant du περιόν, c’est-à-dire le solde du compte courant une fois réalisées les dépenses mensuelles et les recettes périodiques. L’opération peut être posée ainsi dans le compte ID 354 : – total des encaisses (l. 1-8) : 85 719 dr. – total des retraits (l. 9-16) : 65 445 dr. – solde que l’on peut calculer (non indiqué par les hiéropes) : 20 274 dr. – solde transmis (l. 16 : λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι ·Μ̣ Μ̣ ΧΧΧ𐅅ΗΗΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂𐅁𐅀//. τοῦτο παρέδομεν ἐν Ἀρτεμισίωι) : 23 739 dr. De ce total de 23 739 dr., il ressort, logiquement, que les hiéropes ont inclus le perion de leur exercice, qui se montait à 3 465 dr., soit la différence entre le solde que nous avons calculé entre les encaisses et les retraits et le solde que les hiéropes disent avoir transmis. Le chiffre est plausible : en 200 (ID 372, A, l. 190), le περιόν indiqué par les hiéropes se montait à 3 895 dr. Dès lors, la suite logique de cette conception de la transmission était la formulation d’une balance de compte. Il n’est donc pas étonnant que le compte de l’année 209 (ID 362), qui inclut de la même façon le perion dans le λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι, c’est-à-dire le bénéfice du compte courant dans l’ensemble de la transmission, contienne en finale la formulation d’une véritable balance de compte. En 179 (ID 442), on constate que perdure le même procédé, à une époque où les hiéropes maîtrisent parfaitement la notion de balance comptable. La balance totale que l’on peut calculer à partir des chiffres indiqués, pour les deux caisses, se monte à 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. Or le chiffre de cette balance est partiellement conservé à la l. 255 du compte : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου — — — — 𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//. κεφαλὴ πάσης ἐξόδου — — —]𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//. vac.
Il se termine par 𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//, soit 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. Le montant de la balance devait dépasser les 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. totalisées par les entrées et sorties de chacune des deux caisses : on peut donc au minimum restituer comme montant de la balance globale, à la l. 255, le chiffre de 186 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. Or, pour passer de 177 723 dr. (montant calculé) à 186 415 dr. (montant restitué), il faut constater que les hiéropes ont dû ajouter le montant du perion, pour 8 692 dr. Ainsi, les hiéropes additionnaient à la balance globale le montant du perion, sans reprendre le détail du compte courant dans leur total des entrées et des sorties. Cette méthode avait une raison : elle leur évitait de compter deux fois des entrées et des sorties qui, au moins pour le chapitre des prêts et des travaux, pouvaient apparaître à la fois dans le compte courant et dans l’inventaire des mouvements de fonds de la caisse sacrée. Ainsi, le chapitre des versements pour les travaux (ID 442, B, l. 217-253) répond aux retraits mentionnés dans l’inventaire de jarres (A, l. 55-73). Au chapitre des prêts aux particuliers, un stamnos déposé en Arésion (l. 39-40) est retiré pour un nouveau prêt (l. 74) qui est lui-même mentionné dans le compte courant (l. 213). Dès lors que seul le solde du compte courant figurait dans la colonne des entrées pour l’établissement de la balance comptable, le total restait juste.
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Grâce à cette technique de bonne gestion, les administrateurs ont été en mesure de faire face à l’augmentation des dépenses de la caisse sacrée au cours du iie s. : augmentation des emprunts de la cité à la caisse sacrée, continuité des travaux, hausses des dépenses de service dues à l’embauche de personnel et à l’alourdissement de la bureaucratie 160. Ces pratiques de comptables trouvent leur aboutissement dans les derniers comptes de l’Indépendance, qui contiennent des inventaires de jarres (à partir de l’année 192, ID 399). À partir de ce moment, les hiéropes sont responsables également de la caisse publique, qui est traitée dans leurs comptes, bien qu’elle reste sous la responsabilité des trésoriers de la cité pour la gestion courante. Les comptes des hiéropes se présentent alors comme les inventaires des jarres de la caisse sacrée et de la caisse publique, suivis d’un compte des opérations de l’année. Ces jarres renfermaient du numéraire dont le contenu avait été certifié par des banques : celles-ci avaient probablement procédé aux opérations de conversion en étalon attique qui s’imposaient lorsque les paiements se faisaient au moyen de monnaies diverses 161. Les hiéropes distinguent alors les fonds immobilisés dans l’Artémision, c’est-à-dire les jarres auxquelles ils ne touchent pas 162, les jarres dans lesquelles ils prélèvent des sommes votées pour des dépenses précises, et le fonds de roulement qui leur permet d’assurer les dépenses courantes.
Caisse sacrée et caisse publique : de la séparation à la synthèse comptable Une véritable synthèse entre les deux caisses La logique comptable qui préside à la rédaction de ces comptes et se caractérise par un effort de synthèse des opérations est à l’œuvre depuis les années 230-220. Une nouvelle transformation apparaît dans la rédaction des comptes en 192, avec deux modifications majeures de la forme du texte : d’une part, l’introduction d’un inventaire des jarres de la caisse sacrée, d’autre part l’apparition de la caisse publique dont les hiéropes gravent également l’inventaire des jarres dans leur compte, à la suite de celui de la caisse sacrée. Le premier compte conservé qui comporte un inventaire de jarres est celui de l’année 192 (ID 399), mais les hiéropes pratiquaient bien avant ce mode de conservation dans les jarres. Ils pratiquaient aussi ce mode d’enregistrement des encaisses : les sommes entraient par « paquets » dans la caisse sacrée au fur et à mesure des transmissions. La logique de classement de l’argent d’Apollon sous forme de jarres ne date donc certainement pas de la rédaction des inventaires au iie s. Comme on l’a vu, l’introduction des inventaires de jarres dans la gravure des stèles de comptes pourrait correspondre à un premier inventaire qui dût être réalisé au moment du déplacement des fonds de l’Artémision dans le temple d’Apollon au début du iie s. Mais ces jarres existaient bien avant comme équipement de l’organisation du trésor et avaient permis progressivement aux hiéropes, avec l’aide des banquiers, d’isoler différentes catégories de monnaies pour faciliter leurs paiements 163. Du point de vue des pratiques comptables, le véritable changement qui apparaît en 192 ne concerne donc pas tant l’apparition des inventaires de jarres que l’apparition du compte de la caisse publique avec les dépenses opérées par la cité, témoignage unique dans le monde grec. Il convient donc de réexaminer la nature de cette rupture rédactionnelle. 160.
Chankowski 1998, p. 234-236. Bogaert 1968, p. 175. Sur l’unité de compte dans la comptabilité des hiéropes, Tréheux 1992b. Voir infra chapitre IV à propos des usages monétaires et Chankowski 2014a. 162. Sur ce point, Chankowski 2002 et infra chapitre III p. 133-147. 163. Voir supra p. 32 sur la conservation de l’argent. 161.
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Le fait que les Déliens choisissent de graver l’inventaire intégral de l’encaisse publique et sacrée chaque année à partir du iie s. correspond en partie à la situation matérielle des trésors : entre 206 et 179, le trésor sacré et le trésor public, tous deux conservés dans des séries de jarres, sont passés de l’Artémision au temple d’Apollon, car l’Artémision entre à cette période dans une phase de travaux 164. Ce n’est toutefois pas la seule explication. Mais la comptabilité du dernier tiers du iiie s. est difficile à analyser car nous n’avons que des stèles très fragmentaires, alors que nous avons conservé de grandes stèles intactes pour la première moitié du iiie s. et la première moitié du iie s. Néanmoins, certains indices permettent de montrer que la rupture de 192 n’en est pas véritablement une et que la coexistence des deux caisses apparaît dès les années 230. En effet, une mention de la caisse publique se trouve dès 231 dans l’encaisse du compte ID 316, l. 4-5 : καὶ ἐπὶ τῆ̣ς̣ [ἡμετέρας ἀρχῆς? κατέθεσαν — nom du trésorier — ἐπ’ ἄρ]χοντος Φιλοξένου καὶ οἱ κλ[η]ρονόμοι τοῦ ταμίου Λυσοῦ εἰς τὴν [δη]μοσίαν [κιβω]τ[ὸν ·ΜΧΧΧ?] ΗΗΗΔ̣ Δ𐅃̣ΙΙΙ[/· -]
Et sous notre exercice, untel (trésorier) ainsi que les héritiers du trésorier Lysès ont déposé dans la caisse publique 13 325 dr. 3 ob. 1 ch. Considérant que la caisse publique ne pouvait pas apparaître dans le texte de l’encaisse avant les inventaires de jarres de l’année 192, Cl. Vial a proposé de restituer εἰς τὴν [ἀπόδοσιν τῶι θεῶι], formule qui trouve effectivement de nombreux parallèles dans les comptes 165. La lecture par F. Durrbach des lettres ΜΟΣΙΑΝ est pourtant assurée et conforte sa restitution, εἰς τὴν [δη]μοσίαν [κιβω]τ[ὸν]. Or les hiéropes, dans ce passage, additionnent le total de l’encaisse reçue dans l’Artémision (l. 4 : 72 397 dr. 4 ob. 1 t.) et la somme déposée pour la caisse publique (l. 5 : 13 325 dr. 3 ob. 1 ch.) ainsi qu’une autre somme (l. 6 : 460 dr. 1 ob. 1 ch.). Le total qu’ils indiquent (l. 6 : κεφαλή) est de 86 183 dr., 2 ob., 1 t. et 2 ch. Non seulement le chiffre est juste, mais les subdivisions finales (2 ob., 1 t., 2 ch.) sont également exactes, ce qui est bien la preuve que l’encaisse sacrée et le dépôt de la caisse publique ont été additionnés. De cet ensemble, les hiéropes retirent ensuite (ἐκ δὲ τούτου ἐξείλομεν, l. 6-8) le salaire des aulètes et les sommes affectées aux travaux (tableau 3). Encaisse reçue dans l’Artémision (l. 4)
72 397 dr., 4 ob., 1 t.
Somme déposée dans la caisse publique (l. 5)
13 325 dr., 3 ob., 1 ch.
Autre somme (l. 6)
460 dr., 1 ob., 1 ch.
Total (l. 6)
86 183 dr., 2 ob., 1 t., 2 ch.
Retraits (l. 6-8)
Salaire des aulètes
3 470 dr.
Travaux
3 160+ dr.
Total des retraits de l’exercice (l. 8)
[6 630+ dr.]
Solde dans l’Artémision (l. 9)
79 500+ dr. … 3 ob. ½ ob.
Tableau 3 — Bilan comptable de l’année 231 (ID 316).
164. 165.
Moretti 2012 et supra p. 26-35 sur la conservation de l’argent. Vial 1984, p. 171.
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Dans le compte de l’année suivante, en 230 (ID 317), un chiffre intrigue à la l. 35. Il s’agit d’un M surmonté d’un ∆, comme en présentent les balances des derniers comptes de l’Indépendance qui totalisent le montant de la caisse publique et le montant de la caisse sacrée 166. Cette combinaison de signes acrophoniques permet d’écrire le chiffre 100 000 (fig. 17 et 20). F. Durrbach a lu sur la pierre (ID 317, l. 35) : Δ -ΜΜΜ ½ -
Le montant est considérable : 120 000 dr., soit 20 talents. Il ne peut s’agir du total de la caisse sacrée, dont il est possible de reconstituer l’évolution grâce aux comptes, année après année, et qui ne pouvait pas comptabiliser plus de 73 000 dr. d’encaisse à cette date 167. Il s’agit alors très probablement de l’addition des fonds sacrés et des fonds publics pour constituer une balance de compte semblable à celle qu’écrivent les hiéropes au iie s. Ainsi, dès les années 230, les hiéropes ont très probablement associé les deux caisses du point de vue comptable dans les bilans et les balances de compte. Cette même association des deux caisses réapparaît au iie s. à travers les balances de comptes. Là encore, ce sont les années 230220 qui constituent une période de césure dans les méthodes comptables. Les comptes de la période qui s’étend entre 230 et 200 nous sont parvenus sous une forme très fragmentaire qui nous empêche de comparer la comptabilité de cette période avec celle des grandes stèles des années 279, 250 ou 179. Mais on voit que dès les années 230, certes les sommes déposées au titre de la caisse publique sont clairement identifiées par les hiéropes comme étant différentes des fonds sacrés, mais les hiéropes les associent du point de vue comptable dans les bilans et les balances de compte. Il n’y avait donc qu’un pas à faire pour parvenir à l’inventaire de jarres des deux caisses, qu’ils font graver à partir de 192. En principe, la balance comptabilise le total des entrées, puis le total des sorties qui doit lui être égal pour assurer une transmission correcte des fonds aux successeurs. Elle est indissociable de la mention des bénéfices de l’année, dont le montant est constitué par l’excédent entre les recettes et les dépenses. Or, un examen attentif de ces balances des comptes du iie s., stèle après stèle, lorsqu’elles sont conservées, permet de constater que les hiéropes font l’addition de la caisse sacrée et de la caisse publique dans la balance de chaque compte. Tout en restant, comme le veut la règle dans le monde grec, des biens distincts et matériellement séparés, les deux caisses, publique et sacrée, sont bel et bien gérées ensemble et forment, d’un point de vue mathématique comme d’un point de vue comptable, un tout. L’opération est juste, au chalque prêt, et permet de vérifier qu’il y a bien eu addition des deux caisses : le compte de 179 (ID 442), qui est presque complet, se prête à la démonstration (tableau 4). La balance totale des deux caisses, si l’on additionne les montants conservés pour la caisse sacrée (A, l. 37-74) et pour la caisse publique (A, l. 99-140), se monte en principe à 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. Or le chiffre de cette balance est partiellement conservé à la l. 255 du compte : elle se terminait par 𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//, soit 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. Le fait que les petites dénominations concordent parfaitement dans l’addition est déjà significatif de l’association des deux caisses. Pour se terminer par 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch., le montant de la balance devait dépasser les 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. totalisées par les balances des deux caisses : on peut donc au minimum restituer comme montant de 166. 167.
Chankowski 2008a, p. 334, à propos de ID 444, A l. 56. Infra chapitre II p. 71.
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PARASITES DU DIEU
la balance globale, à la l. 255, le chiffre de 186 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. La différence de 8 692 dr. doit correspondre au perion du compte courant, que les hiéropes intègrent dans la balance 168. Ce chiffre de 8 692 dr. est dans l’ordre de grandeur du montant que l’on obtient en calculant, sur la base des données conservées dans le compte, la différence entre les recettes et les dépenses (8 542 dr.). Étant donné que certains chiffres ont disparu dans des lacunes du texte complémentaire qui était gravé sur la tranche (face C de la stèle), une marge de 150 dr. paraît plausible dans notre calcul. Calcul des avoirs de la caisse sacrée à partir des totaux indiqués dans le compte Encaisse (l. 37)
60 929 dr. 4 ob. ½ ¼ 1 ch.
Entrées de l’année (l. 53)
14 623 dr. 1 ob. ¼
Total des recettes (l. 54-55)
75 553 dr. 1 ch. + 3 733 dr. 2 ob.
Retraits de l’année (l. 74)
11 553 dr. 1 ob. [+1]
Solde transmis (l. 74)
63 999 dr. 4 ob. 1 ch. + 3 733 dr. 2 ob.
Calcul des avoirs de la caisse publique à partir des totaux indiqués dans le compte Encaisse (l. 99)
28 371 dr. 3 ob. ¼
Total des entrées de l’année (l. 121)
70 066 dr. ¼ 1 ch.
Total de la caisse publique (l. 122)
98 437 dr. 3 ob. ½ 1 ch.
Retraits de l’année (l. 139)
59 150 dr. ½ ob.
Solde transmis (l. 140)
39 287 dr. 3 ob. 1 ch.
Balance des deux caisses
177 723 drachmes, 5 oboles, ½ obole, 2 chalques
+ perion 8 692 drachmes (que l’on peut calculer à partir du compte courant) = [18]6 415 drachmes, 5 oboles, ½ obole, 2 chalques (partiellement conservée, l. 255). Tableau 4 — Bilan comptable de l’année 179 (ID 442).
Un passage du compte de 192 apporte une preuve supplémentaire de l’association des deux caisses : les hiéropes signalent qu’ils ont prélevé dans un fonds de la caisse publique affecté au grammateion, pour le mettre dans une autre jarre, l’argent qui manquait au total des deux caisses, publique et sacrée, et créait des inexactitudes dans le compte : ID 399 A, l. 40-41 : ἀπὸ τούτου ἀφείλομεν εἰς ἄλλο σταμνίον τὸ δι[α]φώνησαν ἀργύριον ἀπὸ παντὸς τοῦ ἀργυρίου τοῦ τ[ε] ἱεροῦ καὶ τοῦ δημοσίου
de ce fonds, nous avons retiré, pour le mettre dans une autre petite jarre, l’argent qui manquait au total de tout l’argent à la fois public et sacré. Cette « diaphonie » financière n’est autre que ce que les praticiens des comptabilités publiques nomment un réajustement comptable. C’est donc un terme technique de comptabilité qui dési gne les sommes qui manquaient dans la réalité par rapport au total que les hiéropes obtenaient 168. Voir
supra p. 49.
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en faisant les calculs des mouvements de fonds concernant les deux caisses 169. Ce genre de différence entre le comptage du numéraire et les opérations de calcul de comptabilité n’est pas surprenant : les hiéropes faisaient leurs calculs en étalon attique à partir des chiffres que les banquiers inscrivaient sur les jarres après avoir procédé aux conversions, mais dans la réalité ils maniaient des étalons variés. Un bilan intégral des deux caisses pouvait donc révéler de légères divergences entre l’encaisse réelle et les calculs des registres. Puisqu’ils disent avoir établi une compensation pour l’ensemble de l’argent manié, tant pour la caisse sacrée que pour la caisse publique (ἀπὸ παντὸς τοῦ ἀργυρίου τοῦ τ[ε] ἱεροῦ καὶ τοῦ δημοσίου), leur comptabilité était bel et bien conçue globalement pour les deux caisses 170.
Un nécessaire progrès dans les méthodes comptables Les hiéropes étaient manifestement conscients des difficultés générées par la complexité crois sante du maniement des fonds ainsi que des erreurs de calcul qui auraient pu en résulter dans l’évaluation des sommes. Les problèmes d’imbrication des fonds étaient récurrents et les mou vements de fonds entre la caisse publique et la caisse sacrée étaient nombreux. Les prêts de la caisse sacrée à la caisse publique en étaient la première cause. Certains fonds de la caisse pu blique étaient simplement affectés à la caisse sacrée au titre du remboursement des emprunts et de subventions. D’autres fonds publics ne faisaient que transiter par la caisse sacrée, comme le salaire des aulètes, déposé en fin d’année et transmis par les hiéropes au cours de l’année sui vante. D’autres sommes encore étaient des reliquats qui aboutissaient dans la caisse sacrée parce que la cité considérait le trésor d’Apollon comme une réserve et un lieu de thésaurisation 171. La façon dont les hiéropes ont considéré la somme réservée au salaire des aulètes est caractéristique. Elle venait du trésor public et ne faisait que transiter par la caisse sacrée. En 217 (ID 355, l. 6), les hiéropes indiquent le solde des fonds de l’Artémision après retraits en identifiant bien cette somme, qui n’appartient pas statutairement à la caisse sacrée : [λοιπὸν ἐν Ἀρτ]εμισίωι σὺν τῶι τῶν αὐλητῶν [μισθῶι], « reliquat dans l’Artémision incluant le salaire des aulètes ». Ils font de même en 208 avec un autre dépôt de la caisse publique destiné à la sitônia, en le qualifiant de dépôt, thesis (ἀπὸ τῆς θ̣έσεως, ID 365, l. 13) : tout en étant bien conscients qu’il s’agissait d’un dépôt, les hiéropes ont traité ce fonds, comme celui du salaire des aulètes, dans le total de l’Artémision et dans la balance du compte de la caisse sacrée. Cette imbrication des fonds sacrés et des fonds publics était donc clairement perçue par les Déliens, qui avaient dû aboutir à la conclusion qu’il serait plus efficace de les unir en une seule comptabilité. Mais le fait d’établir l’inventaire intégral des jarres de la caisse sacrée et de la caisse publique posait un autre problème comptable que les hiéropes avaient manifestement résolu dans l’élaboration de leur comptabilité. Puisque de nombreux mouvements de fonds avaient lieu en cours d’année entre la caisse sacrée et la caisse publique, il était aisé aux hiéropes de procéder à l’enregistrement des opérations à la fois dans la caisse sacrée et dans la caisse publique. Mais ils risquaient, dans les balances de compte, d’additionner deux fois des entrées et des sorties identiques qui pouvaient apparaître à la fois dans le compte courant et dans l’inventaire des mouvements de fonds tirés des jarres. C’est tout particulièrement le cas pour les prêts et les travaux. Ainsi, dans le compte de l’année 179, le chapitre des versements pour les travaux 169.
Chankowski 2008b, p. 85-87 ; Chankowski 2014a, p. 543. Migeotte 2014, p. 656, continue à refuser l’idée d’une addition des deux caisses, que le texte des comptes prouve pourtant de manière explicite et avérée. 171. Voir infra chapitre III p. 174. 170.
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(ID 442, B, l. 217-253) répond aux retraits mentionnés dans l’inventaire de jarres (A, l. 5573). Au chapitre des prêts aux particuliers, un stamnos déposé en Arésion (A, l. 39-40) est retiré pour un nouveau prêt (l. 74) qui est lui-même mentionné dans le compte courant (l. 213). Comme on l’a vu, pour éviter de fausser les balances de comptes, les hiéropes ont, dès les années 230, non seulement séparé le compte courant de l’inventaire des jarres, mais aussi intégré dans la balance de compte uniquement le solde du compte courant, avec la dénomination récurrente de περιόν 172. Dès lors que seul le solde du compte courant figurait dans la colonne des entrées pour l’établissement de la balance comptable, le total restait juste. Ils ont eu la même attention à l’égard des capitaux de fondation, qui ne font pas partie des fonds qu’ils inventorient, mais dont le produit des intérêts recevait aussi un traitement particulier : puisque le produit des intérêts aboutissait à la fabrication d’une phiale, ou à une recapitalisation le cas échéant, il convenait de ne pas l’inclure dans la balance de compte pour ne pas compter deux fois ce revenu, une première fois sous forme de monnaie et une deuxième fois sous forme d’offrande. C’est déjà ce que montre le compte de 250 (IG XI 2, 287) dans lequel les intérêts des capitaux de fondation ne sont pas comptabilisés dans la balance. La stèle de compte faisait ainsi la synthèse de la situation de plusieurs comptes : le compte courant de la caisse sacrée mais aussi, communiquant avec celui-ci, l’état des avoirs de la caisse sacrée. Les hiéropes y ajoutaient des comptes de stocks : offrandes métalliques, mais aussi matériaux de construction (tuiles, bois) en période de travaux sur des bâtiments de l’île. Ils faisaient aussi l’état des avoirs de la caisse publique en isolant de celle-ci le compte de la sitônia qui, au iie s., constituait un fonds d’achat public à triple rotation annuelle 173.
L’invention d’un système comptable Les deux caisses, l’argent public et l’argent sacré, étaient conçues comme un tout mathématique dans la comptabilité des hiéropes. Cette situation, aboutissement de la fusion des intérêts entre la cité et son sanctuaire, n’était finalement que la conséquence logique des nombreux mouvements de fonds qui existaient entre les deux caisses dès le début de l’Indépendance. La cité contractait régulièrement des prêts envers la caisse sacrée, qu’elle remboursait dans l’année même, utilisant la caisse du sanctuaire pour des avances de fonds 174. En retour, certains fonds de la caisse publique étaient régulièrement affectés à la caisse sacrée au titre du remboursement des emprunts contractés par la cité : c’est le cas des taxes portuaires et commerciales sur toute la période considérée, du fonds appelé prytanikon et des recettes des assemblées et des euthynai dans la première moitié du iiie s., des loyers de l’agora au iie s. La cité accordait également à la caisse sacrée plusieurs subventions pour les fêtes : pour les Apollonia, les Dionysia et les Thesmophories, c’est près de 4 000 dr. qui étaient, chaque année, affectées à la caisse sacrée. Les Déliens accumulaient aussi dans la caisse du dieu, en votant cette affectation dans l’Assemblée, des reliquats et des fonds de nature diverse : c’est le cas du chorégikon et des fonds dénommés ὅρων et τραπεζῶν qui ont souvent été versés dans la caisse sacrée. D’autres fonds publics ne faisaient que transiter par la caisse sacrée, comme le salaire des aulètes, déposé en fin d’année et transmis par les hiéropes au cours de l’année suivante. D’autres sommes encore étaient des reliquats qui aboutissaient dans la caisse sacrée parce que la cité considérait le trésor d’Apollon comme une réserve et un lieu de thésaurisation : c’est le cas du « reliquat des technites » (τὸ περιγενόμενον ἀπὸ τῶν τεχνιτῶν), régulièrement déposé dans la caisse sacrée par les trésoriers de 172. Voir
supra p. 49. Fantasia 1989, en particulier p. 50-52. Infra chapitre III à propos du détail des dépenses de la caisse publique. 174. Bogaert 1968, p. 131-153 ; Migeotte 1984, p. 156. 173.
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la cité. En revanche, la caisse sacrée finançait des travaux sur des bâtiments qui ne concernaient pas le téménos : le Théâtre, le pentekostologion, le portique coudé de l’agora, l’Ekklésiastérion. L’état souvent fragmentaire des comptes ne permet pas de se rendre compte précisément du rapport de proportion entre les versements réguliers de la caisse publique pour les fêtes et l’apport de la caisse sacrée pour les constructions publiques, mais l’imbrication des financements dans tous les aspects de la vie délienne était bien réel 175. Cet enchevêtrement complexe était le résultat de décisions des instances de la cité, qui s’étaient accumulées par strates depuis le début de l’Indépendance et avaient produit cet édifice financier. Que les deux caisses soient conçues comme un tout mathématique, dans la nouvelle comptabilité des hiéropes à partir des années 230-220, n’est que la conséquence logique de l’habitude prise par la cité d’emprunter régulièrement à la caisse sacrée des avances de trésoreries, remboursées le plus souvent dans l’année même sur les recettes publiques. Pour faire passer les fonds d’une caisse à l’autre, on avait besoin des prytanes qui ouvraient les coffres, des banquiers qui vérifiaient et convertissaient les sommes en étalon attique le cas échéant, mais il fallait surtout une instance capable d’avoir une vision d’ensemble des avoirs de l’une et de l’autre caisse et d’opérer une synthèse. La synthèse entre les avoirs de la caisse sacrée et les avoirs de la caisse publique apportait une cohérence à l’ensemble du système et rationnalisait leur comptabilité. Les sommes pour les salaires des aulètes ou les fonds de la sitônia n’ont plus besoin d’être inscrits en dépôt dans le compte du dieu mais peuvent l’être directement dans le compte de la cité. Est-ce la totalité des fonds de la caisse publique que les hiéropes inventoriaient ? Étant donné que les recettes périodiques transitaient par les banques et servaient à payer les dépenses de l’année en cours, on voit mal quelles auraient été, en plus de celles-ci, les ressources publiques qui n’auraient pas été mentionnées par les hiéropes. Contrairement à ce qu’ils font pour la caisse sacrée pour laquelle ils jouent véritablement le rôle de trésoriers, ils n’établissent pas l’intégralité du compte public : la gestion du compte courant appartient toujours aux trésoriers de la cité, qui enregistraient la perception des recettes périodiques (taxes de la cité, loyers de l’agora) et leur affectation, à la suite des décisions de l’Assemblée, pour les différentes dépenses de l’année (fonds de roulement des assemblées, fonds affectés aux différents magistrats de la cité). Ces derniers ne manquaient d’ailleurs pas de travail puisque les années 230-220 voient l’instauration du second trésorier pour venir en aide à celui qui officiait d’abord seul 176. Mais même sans en donner le détail, les hiéropes inventorient certainement la totalité des fonds de la caisse publique : l’encaisse d’une part, le bénéfice du compte courant d’autre part au moment où celui-ci revient dans l’encaisse. À partir du moment où ils font l’inventaire du dépôt de la caisse publique à côté de celui de la caisse sacrée, les hiéropes sont les seuls magistrats déliens à disposer d’une vision d’ensemble des avoirs publics et sacrés. Ils mettaient cette synthèse à la disposition de l’Assemblée et du Conseil pour les décisions budgétaires qui revenaient à ces instances. Sans que cette modification n’ait entraîné, du point de vue institutionnel, une nouvelle répartition des rôles entre les hiéropes et les trésoriers, les hiéropes deviennent, à cette date, du point de vue comptable, les véritables trésoriers de Délos 177. 175. Voir
infra chapitre III p. 173-178 pour le détail de l’organisation de ces différents fonds. Vial 1984, p. 210 et 278. Le développement des politiques d’achat de grain public n’est sans doute pas étrangère à cette modification : voir infra chapitre III p. 163-168. 177. L. Migeotte s’est opposé à plusieurs reprises à cette idée d’une unité de la caisse sacrée et de la caisse publique (voir en dernier lieu Migeotte 2014, p. 595 et n. 23), mais force est de constater que les documents comptables déliens confirment cette interprétation, que je maintiens ici. Cf. Chankowski 2008b, p. 86. 176.
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C’est probablement non pas au début du iie s., mais dès les années 230-220 qu’il faut placer cette évolution, comme en témoignent les nombreux indices que nous avons rassemblés.
L’évolution des compétences Les fonctions des hiéropes ont donc considérablement évolué au cours de l’Indépendance, comme le reflète aussi l’évolution matérielle de la présentation de leur comptabilité sur un siècle et demi. Conjointement à leurs tâches d’organisateurs de la gestion des biens sacrés, ils sont progressivement passés de registres de caissiers enregistrant l’accumulation des avoirs à des actes de gestion relevant de pratiques comptables et requérant des capacités archivistiques. Les méthodes des banquiers, bien présents à Délos et dans les affaires du sanctuaire au moins dès le milieu du iiie s., ont certainement contribué à professionnaliser la gestion des hiéropes : ces transferts de compétences entre la sphère des financiers privés et celle des affaires publiques peuvent d’ailleurs être observés dans d’autres contextes 178. La présence de banquiers et de negotiatores italiens à Délos avait dû contribuer à intensifier les échanges de pratiques et de méthodes comptables avec la sphère des financiers professionnels. De ce point de vue, la césure comptable des années 230-220 s’explique d’autant mieux avec, à cette date, le début de la présence des financiers italiens à Délos. Le travail de synthèse comptable accompli par les hiéropes du iie s. se rapproche de la forme du codex accepti et expensi tenu par tout paterfamilias et dont G. Minaud a montré qu’il n’était ni un livre de caisse ni un livre de raison, mais un document de synthèse comptable ayant valeur juridique 179. Il n’est pas non plus sans affinités avec le codex rationum tenu par les banquiers dans le monde romain, bien que la date d’apparition de ce type de registre chez les banquiers professionnels soumis à l’editio rationum devant la justice reste controversée 180. Mais les hiéropes déliens qui se succédaient chaque année en collèges chargés de l’administration des biens sacrés bénéficiaient aussi de l’expérience acquise lors des travaux du Conseil de la cité : la rotation des charges dans la petite communauté des Déliens y amenait des citoyens dont certains étaient de futurs hiéropes, d’autres d’anciens magistrats plus expérimentés en maniement comptable. En tant que bouleutes, ils exerçaient des fonctions financières : pendant toute la période de l’Indépendance, le Conseil a assisté à la transmission de l’encaisse sacrée d’un collège de hiéropes à un autre. La présence des prytanes était indispensable pour les inventaires, les dépôts et les prélèvements dans la caisse sacrée comme dans la caisse publique. Le Conseil recevait également l’encaissement des recettes, pour la caisse publique et, dans une moindre mesure, pour la caisse sacrée 181. Une certaine forme de mémoire administrative, mais certainement aussi de réflexion sur les méthodes comptables, devait y trouver place. 178.
Le cas de Silènos, banquier et hiérope à Délos, en est un exemple : Chankowski 2008b, p. 88-89. De telles interférences semblent beaucoup moindres dans le monde romain entre le domaine des finances publiques et l’activité des financiers, en dépit des rapports d’affaires existant entre les financiers des diverses catégories : Andreau 2001, p. 112-124. 179. Minaud 2005, p. 119-150. 180. Au cours de l’époque républicaine selon Petrucci 1991, p. 21-14 et 87 ; dans le courant du iie s. selon Andreau 1987, p. 615-631 ; Andreau 1994, p. 5 et n. 12. 181. Vial 1984, p. 105-110, souligne l’importance des fonctions financières du Conseil et son rôle actif dans la gestion des affaires de la cité et du dieu : « Délos n’avait, certes, ni forces armées à entretenir, ni expéditions à organiser, ni magistrats innombrables à tenir en main, mais elle avait des caisses à gérer, du blé, du marbre et du bois à acheter, des capitaux à placer, des terres et des maisons à exploiter, des bâtiments à construire et à réparer, de la vaisselle précieuse à conserver. Elle menait à bien cette tâche lourde et complexe grâce à un petit nombre de magistrats et grâce à un Conseil qui les contrôlait, tout en accomplissant lui-même une partie du travail » (p. 127).
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Une « comptabilité en partie double » ? L’introduction de la caisse publique dans la comptabilité des hiéropes témoigne d’une profonde innovation dans la conception de la gestion des finances publiques et sacrées. En effet, les prêts consentis à la cité sur les fonds sacrés sont bien différents des autres prêts que les hiéropes proposent aux particuliers, par exemple sur les capitaux des fondations : dans ce dernier cas, l’apport des intérêts est essentiel à la rentabilité du système. Au contraire, les prêts à la caisse pu blique font de la caisse sacrée un poste budgétaire créditeur pour la cité 182. La synthèse entre les deux caisses qui s’opère alors dans la comptabilité des hiéropes permet d’intégrer véritablement des notions de crédit et de débit dans la comptabilité. Formellement, la cité s’endette auprès du sanctuaire en hypothéquant les revenus de l’année, mais du point de vue comptable, ces mou vements de fonds forment un tout. L’association des deux caisses montre non seulement que les Déliens ont voulu faciliter la gestion des hiéropes, mais aussi et surtout que ces administrateurs étaient tout à fait en mesure de tenir des raisonnements comptables complexes, que le caractère foisonnant de leurs archives ne laisse pas soupçonner de prime abord.
La conscience des enjeux de la « double entrée » Dans la mesure où les hiéropes peuvent juxtaposer l’inventaire de la caisse sacrée et l’inventaire de la caisse publique, ils sont en mesure d’inscrire les mouvements de fonds entre les deux caisses au débit de l’une et au crédit de l’autre. Toutefois, les comptes ne donnent pas une vision tout à fait claire de ce procédé car les recettes de l’année transitaient par les banques : ainsi, un remboursement de la cité à la caisse sacrée, versé par les trésoriers de l’année, peut provenir de recettes conservées dans une banque et n’apparaîtra pas en débit dans l’inventaire des jarres du trésor public. Les hiéropes devaient pourtant harmoniser les deux inventaires puisque la balance de comptes totalisait les mouvements de fonds de l’un et de l’autre. C’est probablement ce qu’indique le dédoublement du total des fonds de la caisse publique dans le compte de 192 (ID 399, l. 68-69). Le compte s’ordonne ainsi 183 (tableau 5) : Caisse sacrée Total de l’encaisse
inconnu 8 567 dr. +
Caisse publique l. 54 l. 55-57
40 368 dr. 3 ob. ½ ob.
Retraits
l. 9-15
Total après retraits
l. 16
39 005 dr. 3 ob. ½ ob. ¼ ob. 2 ch.
l. 58
38 578 dr. 3 ob. ½ ob.
Entrées de l’année
l. 35
43 389 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch. (dont remboursements : au moins 28 975)
l. 68
17 670 dr.
Total dans la caisse
l. 35
82 383 dr. 2 ob. ½ ob. ¼ ob.183
l. 68
56 248 dr. 3 ob. ½ ob.
l. 69
28 643 dr. 3 ob. ¼ ob. 1 ch.
l. 73 (sitônikon)
1 790 dr.
8 236 dr. 4 ob. ¼ ob. 2 ch.
Tableau 5 — Bilan comptable de l’année 192 (ID 399). 182.
Sur le peu de scrupules des Déliens à utiliser la fortune du sanctuaire à l’avantage de leur cité, voir déjà Bogaert 1968, p. 292-293 ; Vial 1984, p. 373-383. 183. Le total exact est de 82 395 dr. 2 ob. ½ ob. et 3 ch. = ¼ ob.
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PARASITES DU DIEU
Les hiéropes ont indiqué un premier total de la caisse publique (κεφαλὴ τοῦ δημοσίου, l. 68) de 56 248 dr. 3 ob. ½ ob. qui correspond effectivement à l’addition du total de l’encaisse après retraits et du total des entrées de l’année. Puis, après deux lignes rasurées, ils ont indiqué un deuxième total (κεφαλὴ τοῦ ἀργ[υρ]ίου τοῦ δ[ημοσίου], l. 69), de 28 643 dr. 3 ob. ¼ ob. 1 ch. La restitution de F. Durrbach, τοῦ δ[ημοσίου], était motivée par la conviction que cette ligne se rapportait tout entière au sitônikon. Mais comme nous l’avons vu, le compte du sitônikon est séparé de celui de la caisse publique, bien que le fonds fasse partie de la caisse de la cité. Pourtant, la formule κεφαλὴ τοῦ ἀργ[υρ]ίου τοῦ δ- invite en effet à restituer δ[ημοσίου] car on ne la trouve dans les comptes que pour un total de caisse. Pourquoi les hiéropes ont-ils inscrit un second total pour la caisse publique, inférieur de 27 605 dr. au premier ? Ils ont certainement vu que des opérations qu’ils avaient enregistrées dans la caisse sacrée, puis dans la caisse publique, allaient créer des doublons qui étaient de nature à fausser l’évaluation du total et le calcul de la balance du compte. En effet, les entrées de la caisse sacrée contiennent cette année-là de nombreux remboursements d’emprunts de la part de la cité. Or le seul retrait mentionné par les hiéropes dans la caisse publique concerne le salaire des aulètes (l. 54-57). Parmi les 38 578 dr. 3 ob. ½ ob. reçues dans l’encaisse du trésor public ou parmi les 17 670 dr. reçues dans l’année, il doit y avoir des sommes qui ont été consacrées au remboursement d’emprunts au trésor sacré. Les chiffres concordent à peu près car les entrées de la caisse sacrée comptent au moins 28 975 dr. de remboursements de prêts alors que la différence entre le premier et le second total de la caisse publique est de 27 605 dr. Ces 27 605 dr. doivent donc être le total soustrait à la caisse publique, dont les hiéropes viennent d’écrire l’inventaire, après les remboursements au trésor sacré. Or si certains remboursements ont été remis aux hiéropes par les trésoriers sur des fonds provenant directement de banques, ils n’ont pas pu être enregistrés par les hiéropes dans l’inventaire de la caisse publique. Ils n’apparaissent donc que dans la rubrique des remboursements de prêts au trésor sacré. Cela explique la différence entre le total des remboursements et le total effectivement soustrait à la caisse publique. Les provenances des jarres corroborent également cette hypothèse. Dans l’inventaire des remboursements à la caisse sacrée, les étiquettes des jarres mentionnent deux banques : celle de Timôn et celle de Hellen et Mantineus. Dans l’inventaire des jarres de la caisse publique, ce sont ces deux banques qui apparaissent aussi sur les étiquettes des jarres. Mais les libellés des jarres, décrivant leur affectation, devaient changer entre le dépôt dans la caisse publique et le remboursement au trésor public. C’était précisément le travail des trésoriers et des banquiers. Ces modifications nous empêchent, la plupart du temps, de reconstituer avec précision le trajet des jarres d’une caisse à l’autre. Toutefois les hiéropes étaient conscients des risques de doublons d’une caisse à l’autre et leurs comptes sont justes. Ainsi, les jarres nos 128 et 129 de la caisse publique, provenant de la banque de Timôn, qui contiennent respectivement 6 000 dr. d’un fonds affecté au grammateion et 6 000 dr. d’un fonds affecté pour les héritiers de Sôsimachos, portent un libellé qui correspond à leur première affectation. Si les trésoriers les ont, sur ordre de l’Assemblée, versées au trésor sacré en les remettant aux hiéropes, elles pourraient constituer la jarre no 21 de la caisse sacrée, elle aussi en provenance de la banque de Timôn, dont le libellé sur l’étiquette indique comme nouvelle affectation le remboursement des prêts que le dieu avait consentis à la cité 184. La banque n’avait probablement pas besoin d’intervenir de nouveau dans cette transmission, mais le fait d’indiquer que les sommes provenaient de la banque de Timôn signalait que le montant initial, avec d’éventuelles opérations de conversion, avait été validé par cette banque. 184.
Pour la numérotation des jarres, voir le tableau présenté dans Annexe 2.
LES ARCHIVES DE L’INTENDANCE SACRÉE
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Le compte de l’année 179 (ID 442) montre également que la balance comptable prenait en considération les mouvements d’un fonds comme le sitônikon qui, d’un montant de 18 560 dr., revenait trois fois dans l’année à l’intérieur de la caisse publique. Dans le compte de la caisse publique, les hiéropes ont inscrit autant de débits et de crédits que de fois où le fonds a circulé. Mais la balance du compte ainsi que le solde transmis, qui inclut en finale le fonds de la sitônia reconstitué à la fin de l’année par les ventes, sont justes et, comme il se doit, n’additionnent pas les rotations du fonds 185.
Des acteurs multiples Les hiéropes n’étaient pas les seuls acteurs de ce système comptable, même s’ils étaient ceux qui, en définitive, rédigeaient la synthèse. Ce système comptable comportait des ramifications qui allaient au-delà de ce que donne à lire la stèle de compte. Il était composé de plusieurs éléments distincts mais communicants : – les comptes bancaires dont disposaient le sanctuaire et la cité dans différents établissements extérieurs (les « comptes en banque ») ; – les comptes de dépôt de la caisse publique et de la caisse sacrée dans le temple (les « comptes en temple ») ; – les comptes des clients (les entrepreneurs pour les travaux, les marchands de blé, les fournisseurs de matériaux), auprès desquels la cité et le sanctuaire avaient des « comptes de marchandises », et qui disposaient peut-être aussi, pour eux-mêmes, de comptes chez des banquiers locaux, au moins afin de profiter des opportunités de change. Lorsque la caisse publique remboursait un emprunt à la caisse sacrée, une banque débitait le compte en banque de la cité de recettes perçues et créditait son « compte en temple » de la somme nécessaire (ce que les hiéropes enregistrent dans la rubrique des entrées de la caisse publique reçues des trésoriers en provenance des banques), puis les trésoriers débitaient le « compte en temple » de la cité de la somme nécessaire (ce que les hiéropes notent en soustrayant ce montant au total des avoirs de la caisse publique) et les hiéropes la portaient au crédit du « compte en temple » du dieu (ce que les hiéropes enregistrent dans la rubrique des entrées de l’année pour la caisse sacrée). Lorsque le sanctuaire prêtait de l’argent à la cité pour la sitônia au iiie s., les hiéropes débitaient le « compte en temple » du dieu et les trésoriers créditaient le « compte en temple » de la caisse publique. Ils débitaient ensuite le « compte de marchandise » de la cité au profit du marchand et créditaient ensuite le compte en banque de la cité lorsqu’ils déposaient le montant de l’argent correspondant au grain vendu. Le compte en banque de la cité était ensuite débité pour créditer le « compte en banque » puis le « compte en temple » du dieu au titre du remboursement (tableau 6). Ce système ordonné et cohérent, qui procède d’une comptabilité rationnelle, présente de nombreuses affinités avec les principes de la comptabilité en partie double théorisée par le mathématicien franciscain Luca Pacioli au xve s., en ce sens qu’il opère une synthèse entre les différents mouvements de fonds 186. L’appellation désigne à la fois la nécessité d’utiliser deux registres (un livre des entrées et des sorties qui constitue un journal de caisse et un livre des créditeurs et débiteurs qui enregistre les correspondants de l’entreprise) et le fait que tout 185. 186.
Fantasia 1989. Sur la « comptabilité à double entrée » ou « comptabilité en partie double », de Roover 1956, p. 118-123 ; Minaud 2005, p. 32-44.
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PARASITES DU DIEU
mouvement provoque toujours deux écritures, l’une en crédit, l’autre en débit correspondant 187. Les conséquences d’une opération sont alors perceptibles à tous les niveaux et enregistrées, si bien qu’il était possible de procéder à des contrôles d’écriture, mais aussi de mesurer l’évolution des avoirs et les conséquences des choix financiers. Cité
Remboursement
Compte en banque
Compte en temple
‒
+
Sitônia
Sanctuaire Compte de marchandises
Compte en banque
Compte en temple
‒
+
+
‒
Compte de marchandises
‒
+ ‒
+
+
Tableau 6 — Organisation des mouvements de fonds entre les caisses.
Cette méthode prenait tout son sens dans le cas de firmes qui associaient des activités différentes tout en ayant besoin de comptabiliser le total des mouvements de fonds des différents acteurs de cet ensemble. Il s’agit de parvenir ainsi à une perception globale du système financier avec lequel fonctionne l’entreprise, en montrant comment et dans quelles proportions l’argent sort des caisses pour entrer sur le marché des transactions. Les différences entre la situation délienne et le système des marchands florentins et génois résident finalement dans le rôle des banques : à Délos, les avoirs ne font que transiter par elles alors que le véritable lieu de dépôt de l’argent, pour le sanctuaire comme pour la cité, est le temple. En effet, à aucun moment, dans les archives des hiéropes, la monnaie n’est scripturaire. Il s’agit toujours d’espèces sonnantes et trébuchantes, dûment évaluées et comptées par l’abaque. Ces conclusions rejoignent celles de G. Minaud qui, dans une étude sur la comptabilité romaine, montre qu’il n’y a pas lieu de considérer que la rationalité comptable apparaisse seulement à la Renaissance avec les travaux de Luca Pacioli et les pratiques des marchands florentins et génois 188. Les outils mis en œuvre par les Déliens, comme ceux qu’avaient établis certains Romains, permettaient d’établir précisément l’état d’un patrimoine. La richesse créée se trouvait ainsi convertie en unités de compte et sa traduction comptable permettait en même temps une analyse de la gestion. Même si les Déliens n’ont pas gravé, en plus de leurs comptes annuels, de véritables comptes de résultat (c’est-à-dire une analyse comptable des différentes étapes de production de la richesse dans l’exploitation), l’éclairage donné à leurs comptes le permettait : ils pouvaient évaluer la production de l’exercice et la comparer à l’utilisation des stocks, ils pouvaient déterminer la part d’autofinancement et celle des subventions et les mettre en rapport avec les charges, ou encore évaluer une dépense par une analyse des coûts moyens et une connaissance des coûts de revient. Aussi l’organisation de la matière comptable par les hiéropes répondait-elle à une forme de rationalité économique, avec une exigence définie dans un temps et un espace donnés. 187.
L. Pacioli, Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni e Proportionalita, Venise, 1494, IX, 11, 36 : « Tutte le partite che se mettono al libro hano a essere doppie, cioè se tu fai uno criditore al si fare uno debitore ». 188. Minaud 2005 ; Rathbone 1991 à propos des archives du domaine d’Appianus, et le commentaire de Andreau, Maucourant 1999, ainsi que le dossier consacré à la rationalité économique dans Topoi 12-13 (2005) avec les articles de A. Tchernia, D. Rathbone, G. Minaud, J.-M. Carrié, J. Andreau, J. Lautman.
LES ARCHIVES DE L’INTENDANCE SACRÉE
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CONCLUSION : LES USAGES DE LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES La mise en évidence de la complexité des procédures comptables, peu à peu élaborées et maîtrisées par les Déliens, invite à remettre en cause les interprétations des stèles de compte qui mettent trop exclusivement l’accent sur la nature symbolique de la gravure. En effet, l’apparence matérielle des comptes et inventaires a suscité, chez plusieurs commentateurs, une interprétation qui insiste davantage sur le caractère symbolique de la gravure que sur la valeur des informations qui y sont présentées : la stèle gravée est la manifestation, dans un espace public, de la probité des administrateurs de biens sacrés 189. L’aspect matériel des comptes ne doit pas, assurément, être dissocié de l’analyse de son conte nu. Toutes les faces de la stèle sont exploitées pour la gravure du texte, y compris la tranche, qui, bien souvent, a été gravée elle aussi, faute de place suffisante sur les deux faces principales. Au cours du iie s., l’allongement du texte des comptes conduit même à la fabrication de stèles addi tionnelles. L’écriture, en petites lettres serrées qui exploitent toute la surface de la pierre, rend la lecture très difficile. Dans la partie relevant du compte comme dans celle relevant de l’inventaire, la répétition d’un texte à l’autre est patente, puisque la liste de l’ensemble des biens monnayés et des collections d’offrandes est reprise chaque année, augmentée des nouvelles offrandes et des nouveaux bénéfices. Il arrive parfois que des informations n’aient pas été reportées sur la pierre, qu’il s’agisse d’un chiffre ou d’un nom pour lesquels le graveur a laissé un espace vide, suscitant chez plusieurs épigraphistes déliens la conviction que ces stèles n’avaient été relues par personne avant l’arrivée des éditeurs du corpus. Bien plus, ces stèles occupaient un espace considérable, véritables monuments épigraphiques qui suscitent des interrogations sur la rationalité d’une telle exposition de blocs de lettres et de chiffres, dont la faible valeur esthétique semble contredire la recherche de splendeur dont témoigne l’alignement des temples et des trésors. Cette dimension symbolique, qui n’est certes pas absente de l’action qui consiste à ériger entre les temples et les trésors de tels monuments gravés, n’est toutefois pas au centre du processus, comme le montre un examen attentif de la procédure qui aboutit à la fabrication puis à l’érection de la stèle de compte annuelle. Ces stèles gravées avaient-elles une utilité immédiate pour la communauté des Déliens ? Force est de constater que les hiéropes ont imposé à leurs graveurs une mise en forme particulière pour les passages qu’ils souhaitaient mettre en évidence. Sur le fragment de compte Γ766γ, la balance de compte est gravée dans une taille de lettres supérieure au reste du texte qui rendait visible à tout public l’information sur le montant de la fortune du dieu et sur son accroissement (fig. 20). Il n’est pas exclu que des chiffres aient été rehaussés de vermillon, comme le révèle, en Attique, l’inscription financière du dème de Rhamnonte (IG I3 248) : F. Durrbach signale des rehauts rouges pour les signes numériques dans le compte de 179, encore visibles sur la face B 190. Les nombreuses rasurae que l’on repère sur les stèles gravées portent souvent sur des chiffres et sur des noms, que les hiéropes ont pris soin de faire corriger après la première gravure. 189.
C’est l’une des thèses défendues par de Sainte-Croix 1956 et souvent reprise depuis. Voir en dernier lieu, à propos des comptes financiers du Parthénon et d’Éleusis, cette même interprétation chez Epstein 2013 (« The Parthenon inscriptions as we have them are hardly a convenient tool for democratic accountability », p. 132) et Faraguna 2013b (« it was conceived as an anathèma, a dedication to Athena », p. 166-167). L’idée d’une dimension symbolique de la gravure à Délos apparaît surtout à propos des inventaires d’offrandes : Linders 1988 ; Vial 1984, p. 222, citant Tréheux 1959, p. 268-275, à propos de la gravure des inventaires d’offrandes : « Selon lui, l’érection de la stèle et la publication de l’inventaire avaient une valeur principalement symbolique et étaient une manifestation de la piété des hiéropes et de la cité au nom de laquelle ils agissaient ». Également Tréheux 1988. 190. F. Durrbach, ad ID 442, p. 129.
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Parallèlement à la stèle, le deltos qui reprenait les mêmes informations pouvait être utilisé à des fins d’information. En dépit de la rotation des collèges, les hiéropes disposaient d’une information archivée sur les prix payés par leurs prédécesseurs. De façon caractéristique, ils ont parfois omis, dans les comptes, d’indiquer le montant total payé pour tel achat (c’est par exemple fréquemment le cas pour les achats de poix) mais ils ont généralement inscrit le prix unitaire. Les lignes 67-68 du compte de 279 (IG XI 2, 161, A) sont emblématiques de cette pratique, ici dans le cas d’un achat de clous. Le total payé n’est pas mentionné mais la mention du prix unitaire de la mine de clous figure dans une rasura, comme si cette indication avait été jugée assez importante pour remplacer sur la stèle l’indication du total payé : ἥλων πα[ρὰ] Δεξίου εἰς τὰς πυλίδας μναῖ πέντε· ἡ μνᾶ 𐅂Ι𐅁·. Les hiéropes font de même pour les contrats de fourniture de différents matériaux, en in diquant des prix au détail, alors qu’il aurait suffi, d’un point de vue comptable, d’indiquer le coût total imputé à la caisse sacrée 191. Au début du iie s., la forme de rédaction des comptes mensuels est réorganisée et fait apparaître plus clairement les prix mensuels d’achats récurrents, tels l’huile, le bois de chauffage, la poix, les porcelets destinés aux sacrifices 192. Les instances civiques, par l’intermédiaire des comptes des hiéropes avaient donc une connaissance des prix moyens et des cours, en même temps que des fournisseurs, qui leur permettait de faire auto rité dans les transactions. Sans fonctionner à proprement parler comme des mercuriales, les comptes des hiéropes produisaient un effet qui n’en était pas très éloigné 193. L’information qui y était rassemblée pouvait être employée à des fins de « gouvernance », pour employer un vocabulaire très contemporain, à tout le moins être utilisée par les hiéropes et les membres du Conseil lorsqu’ils avaient à prendre une décision financière. Elle permettait d’une part aux administrateurs de gérer les deux caisses comme un budget élaboré à partir de l’évolution de comptes distincts et non simplement comme des flux de trésorerie ; elle donnait d’autre part, de collège en collège, des indications à court et moyen terme sur l’évolution des coûts et des fournisseurs de matériaux dont le besoin était récurrent dans l’île. La construction comptable à laquelle étaient parvenus les Déliens reflète également une situation juridique et institutionnelle qui paraît, au premier abord, inhabituelle dans le monde grec. L’association de la caisse publique et de la caisse sacrée va à l’encontre de la tripartition reconnue usuellement dans les sociétés anciennes entre le public, le privé et le sacré. L’analyse de la composition de la caisse sacrée et de la caisse publique, au chapitre suivant, l’illustrera encore davantage.
191.
Voir par exemple la liste établie par Feyel 2006, p. 487-489. Il considère que ces mentions témoigneraient de rabais consentis par les artisans, ce qui paraît peu probable, car en contradiction avec l’objectif poursuivi par les hiéropes en mentionnant les prix à l’unité. En revanche, c’est le procédé de vente qui explique probablement le raisonnement des hiéropes : la plupart des produits étaient achetés par des ventes aux enchères et les hiéropes devaient se donner ainsi les moyens de mener la négociation entre le prix de détail et le prix de gros, en indiquant l’équivalent du prix unitaire obtenu dans une vente (Chankowski 2012, p. 31-52). 192. Chankowski 2008b, p. 91. Voir également infra p. 263. 193. Grenier 1987 au sujet des mercuriales et de leur usage dans l’organisation de la demande.
CHAPITRE II
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
Les récits mythologiques mettaient en évidence l’étonnant contraste entre une île sans ressources naturelles et la richesse dont elle jouissait (Hymne homérique à Apollon, v. 51-61 ; Callimaque, Hymne à Délos, v. 260-263). Cette richesse était toute relative par rapport à d’autres « grandes fortunes » de la période classique et de la période hellénistique, mais les récits mythiques consacraient par là une réaction qui devait être commune à bien des pèlerins et observateurs de la vie délienne : le constat d’un paradoxe pour une toute petite île devenue exceptionnellement riche. Les Déliens vivaient dans l’aisance au regard de leurs faibles ressources naturelles, et cette richesse était imputée au sanctuaire d’Apollon. Dans le registre péjoratif, le qualificatif de « parasites du dieu » donné par Criton le Comique aux Déliens exprime l’autre face d’une même réalité 1.
LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORTUNE MONNAYÉE DU SANCTUAIRE C’est à partir des fonds laissés en caisse par les administrateurs athéniens que les Déliens ont poursuivi le développement de la fortune sacrée. J’ai eu déjà l’occasion d’aborder cette question dans mon étude sur Athènes et Délos à l’époque classique à propos du problème de l’aparchè, qui m’a amenée à m’interroger sur la continuité des fonds, à la recherche d’une éventuelle résurgence des capitaux de l’aparchè après le départ des Athéniens 2. Je reprends ici la question des encaisses du trésor sacré dans une autre perspective, celle de la gestion par les Déliens des avoirs du sanctuaire et, partant, de la capacité de financement du trésor 3. 1. 2. 3.
Athénée, IV, 173, b-c : παράσιτοι τοῦ θεοῦ. Chankowski 2008a, p. 324-337. Les fiches épigraphiques en annexe (Annexe 1) présentent une version analytique de la comptabilité délienne, traduisant sous la forme de tableaux comptables les données qui figurent sur les stèles. Je corrige à cette occasion, dans les tableaux qui suivent, quelques erreurs de chiffres qui avaient subsisté dans Chankowski 2008a. Elles sont toutefois sans conséquences sur le raisonnement qui y était présenté, qui démontrait l’accroissement régulier de la fortune d’Apollon.
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PARASITES DU DIEU
Il convient, pour obtenir une vision aussi complète que possible des avoirs du sanctuaire, de prendre en considération non pas les encaisses de début d’exercice, qui peuvent varier de façon aléatoire selon l’ampleur des prêts consentis momentanément à la cité 4, mais de reconstituer les balances de comptes, qui nous permettent de percevoir le volume global des mouvements de fonds dans la caisse sacrée et, le cas échéant, de restituer l’un des termes manquants pour aboutir à une vision plus précise de la composition du compte. En effet, comme on le verra, d’importantes sommes mobilisées en prêts viennent compliquer l’évaluation globale de la fortune d’Apollon d’année en année. En additionnant l’encaisse reçue et les entrées de l’année, ou en déduisant ce chiffre de la seconde partie de la balance qui concerne les sorties, nous pouvons obtenir de l’évolution des fonds une vision plus exacte que par la comparaison des seules encaisses : les balances de compte, qu’elles soient formulées comme telles par les hiéropes ou restituées par nous à partir des chiffres existant, permettent de comparer avec plus d’exactitude la masse monétaire brassée par les administrateurs. C’est au moins le cas pour la documentation du iiie s., avant que les principes d’inventaire de la caisse sacrée et de la caisse publique par les hiéropes à partir du début du iie s. ne compliquent le processus. La transcription de la balance de compte est une pratique comptable inégalement suivie par les hiéropes, comme nous avons eu l’occasion de l’étudier dans le chapitre précédent consacré aux pratiques comptables. Les balances sont restituées ici systématiquement selon un principe unique, à partir des indications disponibles dans les comptes : les balances doivent totaliser, d’un côté l’ensemble des entrées (encaisse + recettes de l’année), de l’autre l’ensemble des sorties (dépenses de l’année + solde transmis au collège suivant). L’étude qui suit s’appuie sur les fiches épigraphiques données en annexe, qui présentent les comptes tels qu’ils ont été rédigés par les hiéropes, ainsi que sur des tableaux de synthèse qui montrent l’évolution des fonds maniés par les hiéropes en reconstituant les mouvements de fonds, et auxquels on se reportera (Annexe 1 et tableaux 7 à 10 du présent chapitre). En effet, il est nécessaire, pour obtenir un résultat aussi proche que possible de la réalité des avoirs déliens, et en raison des nombreuses lacunes de la documentation, de travailler à la fois sur les chiffres transmis par les fragments des comptes (transcrits en annexe dans les fiches épigraphiques) et sur des reconstitutions (présentées dans les tableaux) à partir des données récurrentes dont nous pouvons disposer pour extrapoler lorsque les chiffres manquent.
L’accroissement régulier des fonds La fortune d’Apollon s’est accrue de façon régulière au cours de l’Indépendance, à partir des 7 talents trouvés en caisse en 313 (fig. 5 et tableau 7). En 250, elle atteint 12,5 talents, puis 14,8 talents en 218 et 15,5 talents en 179 5. Cet accroissement était créé par les bénéfices des recettes, que n’entamait pas complètement l’activité de construction. On constate aisément la continuité des fonds entre 313 et 217. À trois reprises lorsque l’on dispose de comptes consécutifs, entre 279 et 278, entre 269 et 268 et entre 218 et 217, le montant transmis, qui correspond au solde réel de l’exercice après déduction des dépenses, se retrouve dans l’encaisse de l’exercice suivant : les bénéfices réalisés sont transmis régulièrement et directement, en totalité, aux hiéropes qui ont la responsabilité de la caisse sacrée. Certains fonds 4. 5.
C’est à mon sens l’erreur de méthode des raisonnements de Migeotte 2014, p. 649-653. Les hiéropes ont abandonné la comptabilité en talents, héritée de l’administration athénienne, peu après le début de l’Indépendance, dans les premières années du iiie s. Cf. Chankowski 2002, p. 42-43, et Nouveau Choix, p. 18-20. Je continue néanmoins à utiliser ici des sommes converties en talents pour faciliter la perception des ordres de grandeur.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
69
transitaient par des banques, mais celles-ci ne faisaient qu’assurer des opérations comptables 6. Toutefois l’encaisse pouvait être reçue en plusieurs fois car les hiéropes percevaient encore des sommes après la clôture de leur exercice : en effet, les procédures d’encaissement par le collège précédent pouvaient être longues et se prolonger sur une voire plusieurs années 7. Évolution des balances dedcomptes Evolu&on des balances e comptes 16
14
12
10
8
Talents
6
4
2
0
313
301
298
287
282
281
279
278
269
250
246
231
230
218
209
208
vers 200
200
192
179
Fig. 5 — Évolution des balances de comptes.
Le tableau 7 reprend les données présentées et expliquées dans les fiches épigraphiques (Annexe 1). Plusieurs chiffres ont été déduits d’une analyse de chacun des comptes : on se reportera donc aux explications fournies en annexe. Les chiffres s’entendent en drachmes. Pour faciliter les estimations, il n’a pas été tenu compte des subdivisions de la drachme dans ces totaux, alors que les données présentées en annexe les incluent. Lorsque le montant de la balance est conservé explicitement dans le compte, il est indiqué en gras. Les équivalents en talents sont donnés entre parenthèses dans la colonne des balances pour faciliter la perception des montants et les comparaisons, mais le talent n’est plus mentionné comme unité de compte monétaire à partir du iiie s. dans les comptes des hiéropes. date
référence (IG XI 2)
encaisse
recettes
dépenses
solde
balance
313
135
[42 358]
17 513 (intérêts, fermages, taxe sur la pourpre, kopros)
1 678
58 183
59 861 (9,9 T)
Peu avant 301
144
55 074
21 685 (+) (dont fermages et autres recettes)
6. Voir 7.
[76 759 +] (12,7 T)
infra p. 175-177 ; Chankowski 2008b et 2014a ; Bogaert 1968, p. 126-165, sur ces banques. Vial 1984, p. 225-227.
70
PARASITES DU DIEU
date
référence (IG XI 2)
encaisse
recettes
dépenses
solde
balance
298
148
46 900
[30 100]
21 270 (dont prêts : 17 000)
55 730
[77 000] (12,8 T)
287
155
12 361
45 360
57 722 (9,6 T)
282
158
70 291
281
159
? (dont remboursement de prêt : 18 879)
279
161
19 348
[34 814] dont remboursement de prêt : 18 278
278
162
41 442 (dont réserve : 24 630)
37 275
276
163
269
203
13 346
268
204
27 194
259
2248
250
287
48 984
[26 023] (dont remboursements : 10 545)
22 736 (dont prêts : 6 750)
[52 170,8]
74 907,59 (12,5 T)
date
référence (ID)
encaisse
recettes
dépenses
solde
balance
246
290
17 631 +[44 590]
16 401 +
16 404
60 993
[77 397] (12,8 T)
231
316
72 397
[13 783]
6 630 (soit travaux 3 160 + subvention pour les aulètes 3 470)
79 550
86 18010 (14,3 T)
8.
57 724 [12 148]
82 204 (dont prêts: 24 975)
[82 439] (13,7 T)
81 287,5 (dont prêts)
5 220
[86 507, 5] (14,4 T)
12 720
41 442 (dont réserve : 24 630)
54 162 (9 T) [+ hors caisse : prêts] [78 717] (13,1 T)
83 835 (dont réserve : 35 000) 44 000 (+) (dont créances)
[30 152]
[27 194]
[57 346] (9,5 T)
31 310
Le compte 224 est la stèle de l’année 258 mais contient la mention du solde de l’année précédente (perion). Annexe 1 à propos de ce chiffre et d’une probable erreur de gravure. 10. Ce bilan établi par les hiéropes de 231 ne tient pas compte des recettes et dépenses de l’année : un perion a dû être enregistré ultérieurement. 9. Voir
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
71
11 12 13
date
référence (ID)
encaisse
230
317
218
354
74 679
217
355
23 739
209
362 + 364
208
recettes
dépenses
solde
balance 72 600 + (12,1 T)
[12 505] (dont remboursement de prêt : 7 331)
65 445 (dont prêts à la cité 61 634,5)
23 739
[89 184] (14,8 T)
10 313 +11
[2 350 +]
? Dont sitônia : 13 014
27 488
[40 502 +] (6,7 T +)
365
[27 488]
[19 512]
[36 680]
10 320
47 000 (7,8 T)
206
368
27 500 +
200
372
Dont loipon 4 895
44 989,3 (7,4 T)
vers 200
376
192
399
39 005 après retraits
54 277 (dont remboursements de prêts par la cité : 28 975 au minimum)
179
442
60 929
32 186,6 (dont remboursements de prêts : 2 350 et χαλκοῦ : 3 733)
177
444
173
455 + Γ 766γ
48 992 (8,1 T) [93 282 +]12 (15,5 T +)
18 681,6 (dont prêts : 3 200)
6 190
74 434,6
[93 116,2] (15,5 T)
63 962
70 000 +
Tableau 7 — Estimation de l’évolution des avoirs dans la caisse sacrée.
Les sommes mobilisées en prêts Une partie des fonds appartenant au dieu était régulièrement mobilisée en prêts, tant à la cité de Délos qu’aux particuliers, Déliens ou résidant à Délos. La plupart des prêts à la cité étaient remboursés dans l’année et n’étaient donc que des avances de trésorerie13 : ainsi, plusieurs jarres entrées au cours de l’année 179 et répertoriées dans l’inventaire du compte ID 442 A enregistrent des dépôts effectués par les trésoriers de l’année, parfois aussi par ceux de l’année 11.
Les comptes de ces années sont très fragmentaires. Le compte ID 364, A, l. 22, mentionne une autre transmission aux hiéropes de 208, dont le chiffre n’est pas conservé. 12. À partir de 192, les comptes qui inventorient la caisse publique et la caisse sacrée sont construits sans tenir compte des recettes périodiques, qui constituent un fonds de roulement dont les hiéropes déduisent les dépenses courantes. Ils ajoutent seulement le solde (perion) de ce compte périodique au total de la balance. 13. Vial 1984, p. 140 ; Bogaert 1968, p. 131-153 et 159. Migeotte 2014, p. 624-626.
72
PARASITES DU DIEU
précédente, conformément à la diataxis votée par l’Assemblée, qui affectait des revenus publics au remboursement des emprunts. Ces prêts à la cité apparaissent donc régulièrement dans la comptabilité des hiéropes. D’autres prêts, consentis à des particuliers, sont plus difficiles à évaluer car ils étaient accordés de façon illimitée et pouvaient courir sur plusieurs générations 14. Les chiffres des encaisses sont donc en deçà de la réalité dans l’enregistrement des avoirs du dieu, puisqu’une partie des sommes mobilisées en prêts n’apparaît pas dans le compte annuel. Il faudrait, à partir des intérêts enregistrés et des arriérés impayés inventoriés par les hiéropes, calculer le montant des capitaux en circulation hors de la caisse sacrée. Pour l’année 279, R. Bogaert calcule d’après les intérêts versés (638 dr.) et les arrérages (326 dr.) qu’au moins 9 647 dr. étaient placées chez des particuliers 15. S’y ajoute un prêt de 5 talents à la cité d’Hermionè, dont les intérêts étaient encore payés en 278. En 282, le sanctuaire avait consenti un emprunt de 24 975 dr. à la cité, qui en a remboursé 18 879 en 281 (IG XI 2, 158, B, l. 3245). Ce sont donc au moins 50 743 dr. (soit 7,6 talents) qui sont hors de la caisse et invisibles dans la balance du compte en 279 16. En 218, 1 548 dr. furent payées au titre des intérêts d’emprunt par des particuliers, qui indiquent qu’au moins 2,5 talents étaient mobilisés en prêts tandis que d’autres intérêts encore sont inscrits, en 219, dans la rubrique des impayés 17. Il est toutefois difficile de calculer ces sommes avec régularité au cours de la période, étant donné les lacunes de la documentation : nous n’avons pas toujours trace du moment des rembour sements de prêts et il est également impossible d’évaluer avec exactitude à partir des versements d’intérêts les sommes prêtées aux particuliers puisque les paiements ne sont pas réguliers 18. Ces sommes mobilisées en prêts suffisent en tout cas à expliquer les variations d’ampleur des encaisses, au gré des remboursements ou des nouveaux emprunts. Comme on vient de le voir, alors que la balance de l’année 279 se monte d’après le compte à 9 talents, le montant total des avoirs doit être augmenté au moins des 9 647 dr. empruntées par des particuliers et des 6 096 dr. du prêt encore en cours auprès de la cité de Délos : la caisse sacrée totaliserait donc au moins 11,6 talents. Avec le prêt à la cité d’Hermionè, qui est encore en cours, elle atteint 17,4 talents. De plus, en 281, alors que la cité délienne avait remboursé une partie de la dette contractée en 282, d’autres prêts ont dû lui être consentis car le bilan du compte enregistre un montant total des dépenses incluant les prêts (IG XI 2, 159, A, l. 68-69 : σύμπαγ κεφάλαιον ἀναλώματος σὺν ὧι ἡ πόλις ὀφείλ[ει]) qui se monte à 81 287 dr. 3 ob. ¾ ob. 1 ch. Or cette formule ne se trouve que lorsque le prêt a eu lieu dans l’année et doit figurer dans le total des sorties 19. Un compte complet, comme celui de l’année 279 (IG XI 2, 161), permet d’établir plus facilement des ordres de grandeur. En se fondant sur le chiffre des dépenses pour les travaux et 14.
Vial 1988, p. 55 et n. 26. Bogaert 1968, p. 158. 16. Les calculs présentés par Larsen 1938, p. 339, reposent sur une mauvaise compréhension de la structure du compte. 17. Je me sépare ici des calculs de Bogaert 1968, p. 159, qui considère qu’il faut doubler le montant indiqué dans le compte de 219 parce qu’il n’a qu’un seul hiérope pour auteur : il s’agit certes d’un exercice incomplet mais rien ne nous permet de connaître la répartition des tâches cette année-là. Il est même peu probable que chacun des hiéropes du collège ait perçu une partie des intérêts. 18. Migeotte 2013, p. 320, considère d’après le premier compte, IG XI 2, 135, l. 16-22, que 44 080 dr. sont en circulation (soit 7,3 talents) auprès de particuliers au début de l’Indépendance. Mais l’importance des versements d’intérêts invite plutôt à penser qu’il s’agit d’arriérés recouvrés par les hiéropes au début de l’administration délienne. Voir supra chapitre I sur la ténacité des Déliens à faire rentrer les fonds dus à Apollon par les cités. 19. Voir infra chapitre I p. 46 sur les méthodes comptables. 15.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
73
le fonctionnement de l’année 279, qui n’atteignent pas 13 000 dr., on devine que les retraits pour emprunts ont pu, de nouveau, être très importants, si bien que le solde transmis n’est que de 5 220 dr. en 281 (l. 69-70) 20. D’autres emprunts à la caisse sacrée ont été effectués par la suite et produisent des effets semblables. Par exemple, en 218, la cité de Délos a emprunté 10,2 talents à la caisse sacrée, qu’elle rembourse progressivement dans les années qui suivent (on sait par exemple qu’au moins 6,7 talents sont remboursés en 192). Aussi, en 192 et en 179, la balance compte encore plus de 15 talents. Ces gros emprunts expliquent à eux seuls une période de baisse des avoirs, entre 218 et 192, bien visible dans le graphique présenté plus loin. Le retour de ces sommes dans la caisse sacrée, autour de 192, explique la remontée du niveau des avoirs 21. On le voit, ce sont, pour la cité de Délos, des avances de trésorerie qui n’impactent pas fondamentalement l’état de la fortune du dieu sur le long terme.
L’apport des recettes régulières Les recettes régulières du sanctuaire fournissaient un revenu suffisant pour assumer les dépenses courantes. Les comptes du iie s. montrent qu’une fois déduites les dépenses courantes, elles laissaient encore, à cette époque, un bénéfice annuel d’environ 4 000 dr. qui venait grossir l’encaisse d’année en année. Sur trente ans, entre 200 et 169, le bénéfice total pouvait être de 20 talents, ce qui permettait au sanctuaire d’atteindre un équilibre budgétaire satisfaisant, en dépit des prêts de longue durée et des investissements lourds que représentaient les travaux (tableau 8). Les excédents produits par certains capitaux productifs étaient également versés dans la caisse sacrée et venaient grossir le capital initial 22. Les montants ci-dessous indiquent les sommes conservées sous le libellé de perion de la stèle dans les inventaires de jarres. Le reliquat de l’année était transmis en plusieurs fois si bien que les chiffres indiqués ici doivent être considérés comme des minima, sauf lorsque le compte indique un total. Ainsi pour l’année 179, le compte ID 442 permet de calculer le perion qui se monte à 8 692 dr. alors qu’une jarre contenant seulement 571 dr. est enregistrée dans un inventaire ultérieur (461, Aa, l. 10-11). Lorsqu’il est explicitement inscrit sur la stèle sous le libellé de perion, le chiffre est indiqué ci-dessous en gras. 250 (287) [3 187] 218 (354) 23 [3 465,5] 200 (372, A, l. 190-193) 194 (399, A, l. 28-29)
3 895 dr.
726 dr.
181 (442, A, l. 31-32 ; 49-50 ; 461, Aa, l. 39)
1 741 dr. (70 + 1 600 + 71)
182 (442, A, l. 34-37)
5 561 dr. (449 + 763 + 4 349)
180 (442, A, l. 41 ; 461, Aa, l. 18)
1 807 dr. (240 + 1 567)
179 (442, A ; 461, Aa, l. 10-11)
[8 692 dr.]
177 (444, A, l. 54) 6 190 dr. 20.
Sur le lien possible avec les frappes monétaires de la cité durant ces années, voir infra p. 200. 21. Aussi n’est-il pas nécessaire de faire intervenir, comme je le faisais dans Chankowski 2008a, p. 336-337, l’apparition de fonds anciens qui n’auraient été comptabilisés qu’à partir des inventaires de jarres. 22. Voir infra chapitre III p. 175. 23. Il est possible de restituer le montant du perion grâce à la balance de compte, auquel il a manifestement été ajouté, comme c’est le cas pour le compte de 179 : voir infra p. 362.
74
PARASITES DU DIEU
176 ou 175 (455, Ab, l. 14)
6 200 dr.
174 (455, Aa, l. 15 ; Ab, l. 15)
4 850 dr. (1 800 + 3 050)
173 (461, Aa, l. 45-46 ; 68)
172 (461, Aa, l. 47 ; 56 ; 75)
2 888 dr. (2 168 + 720) 4 482 dr. (300 + 582 + 3 600)
169 (461, Ab, l. 55)
5 376 dr.
Moyenne sur tous les montants conservés
3 974,18 dr.
Moyenne sur tous les montants
4 218,60 dr.
Tableau 8 — Reliquats de comptes.
Les travaux Les travaux de construction constituaient en revanche, par leur ampleur, un poste budgétaire susceptible d’entamer les réserves du dieu. Il est souvent impossible de calculer le coût total d’un monument, en dépit de la richesse de la documentation délienne 24. La construction du Théâtre fut financée par la caisse du sanctuaire sur décision de l’Assemblée délienne. Les hiéropes ont donc enregistré des adjudications pour des travaux qui s’étalèrent sur près de soixante-dix ans entre la fin du ive s. et le milieu du iiie s., atteignant un montant total conservé de 13 300 dr., soit 2,2 talents. Ce chiffre est certainement en dessous de la réalité en raison des lacunes de la documentation 25. J.-Ch. Moretti et Ph. Fraisse notent à juste titre que le véritable coût du Théâtre paraît impossible à estimer 26. A. Burford, quant à elle, a évalué le coût du théâtre d’Épidaure à 10 talents 27. Chr. Feyel a relevé l’évolution des montants consacrés par le sanctuaire aux travaux entre 304 et 246 28 : il apparaît qu’à partir des années 280, les hiéropes leur ont consacré régulièrement des sommes de 2 ou 3 talents par an aux travaux. Jusqu’au milieu du iiie s., ils ont au minimum dépensé entre 11 et 12 talents en travaux de construction et d’entretien. Ce chiffre étant fondé sur les sommes conservées, il faut probablement le réévaluer à la hausse. Entre les années 230 et la fin de l’Indépendance, les hiéropes ont pu dépenser jusqu’à 2 talents par an, mais souvent moins (tableau 9). Si l’on admet une dépense moyenne de 1,18 talent par an, correspondant à la moyenne des sommes conservées pour les dépenses de travaux sur toute la période de l’Indépendance, le sanctuaire aurait pu dépenser en entretien et constructions, entre les années 280 et les années 170, un total de 130 talents (soit 780 000 dr.). Mais l’activité de construction n’a pas été égale sur toute la période. Les gros chantiers de construction de l’Asklépieion, du Kynthion, du temple d’Apollon et du Théâtre appartiennent à la première moitié du iiie s. Les comptes de la seconde moitié du iiie s. sont beaucoup plus mutilés mais ils ne semblent pas comporter des travaux de même ampleur. C’est à la fin du iiie s. que reprennent, à partir de 208, de gros 24.
25. 26. 27. 28.
Voir à ce propos les conclusions de V. Mathé, dans une thèse intitulée « Le prix de la construction en Grèce aux ive et iiie siècles avant J.-C. Étude sur les chantiers financés par les sanctuaires de Delphes, d’Épidaure et de Délos », soutenue à Lyon le 27 novembre 2010 sous la direction de J.-Ch. Moretti. Voir les tableaux présentés par Fraisse, Moretti 2007, p. 203-206, qui montrent également les lacunes de l’information arithmétique. Fraisse, Moretti 2007, p. 235 ; Moretti 2010. Burford 1969, p. 83. Feyel 2006, tableau 34 et graphique 54, p. 481.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
75
(sont considérés ici les comptes où le chapitre des dépenses pour travaux est relativement complet) 304 (IG XI 2, 144)
5 586 dr.
302 (IG XI 2,145)
2 337 dr.
296 (IG XI 2, 154)
517 dr.
282 (IG XI 2,158)
2 164 dr.
279 (IG XI 2, 161)
11 730 dr.
276 (IG XI 2,163)
4 978 dr.
274 (IG XI 2,199)
17 070 dr.
269 (IG XI 2, 203)
9 505 dr.
250 (IG XI 2, 287)
13 289 dr.
246 (IG XI 2, 290)
12 690 dr.
231 (ID 316)
3 160 dr.
218 (ID 354)
341 dr.
208 (ID 365)
8 830 dr.
207 (ID 366)
12 095 dr.
200 (ID 372)
824 dr.
vers 200 (ID 402)
495 dr.
179 (ID 442)
9 703 dr.
169 (ID 461)
12 688 dr.
TOTAL
128 002 dr.
soit 21,33 talents pour dix-huit années soit en moyenne 1,18 talent par an Tableau 9 — Dépenses pour travaux.
travaux pour l’édification de la Salle hypostyle, mais aussi à l’Artémision où les travaux de construction du temple D sont attestés en 179, probablement dans une phase d’achèvement 29. En cherchant à obtenir une évaluation des dépenses engagées par le sanctuaire, on peut donc avec plus de vraisemblance comptabiliser environ quatre-vingts ans de travaux importants sur la totalité de la période. En conservant la moyenne de 1,18 talent dépensé par an, le sanctuaire aurait engagé sur quatre-vingts ans 94,4 talents dans la construction (soit 566 400 dr.). Or, même si les hiéropes ont régulièrement puisé dans les réserves du sanctuaire pour financer les travaux, cette dépense a pu être compensée graduellement par les bénéfices réalisés sur les recettes : nous avons calculé qu’entre 200 et 169, où ces bénéfices sont attestés, ils ont pu rapporter au sanctuaire une vingtaine de talents. Si l’on étend ce calcul sur la totalité de la période, soit cent quarante-cinq ans, on obtient un bénéfice total de 96,6 talents (soit 580 000 dr.) qui couvre l’investissement en travaux. Ces chiffres sont issus de calculs fondés sur des moyennes et des probabilités : ils n’ont bien entendu d’autre but que de fournir un ordre de grandeur et ne doivent en aucun cas 29. Voir
supra chapitre I p. 29.
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être considérés comme une réalité budgétaire. Ils ne sont toutefois pas absurdes au regard de l’activité architecturale développée au cours de l’Indépendance et en tenant compte des possibilités d’accroissement de la fortune sacrée par le produit des bénéfices. Nous ne souscrirons toutefois pas à la conclusion de Chr. Feyel, selon laquelle l’activité de construction du sanctuaire aurait été limitée par les emprunts qu’imposait la cité à la caisse sacrée et qui auraient empêché le sanctuaire d’investir davantage dans l’activité de construction 30. La réalité qui ressort de l’étude des comptes est différente : le sanctuaire exploitait jusqu’aux limites de leurs capacités de production les artisans disponibles autour de Délos 31, si bien que c’est plutôt la part occupée par les dépenses de travaux qui, à un rythme annuel, pouvait éventuellement freiner les possibilités d’emprunts de la cité à la caisse sacrée. Surtout, la logique de caisses instaurée par les Athéniens semble bien avoir prévalu comme méthode d’administration financière chez les Déliens de l’Indépendance, si bien que les recettes annuelles du sanctuaire servaient de fonds pour les travaux 32. Cela explique aussi que, au iie s., des recettes suffisamment importantes aient permis à la caisse sacrée d’assumer des travaux sur des bâtiments publics, certainement pour la seule raison que des fonds étaient disponibles 33. Au total, les réserves du sanctuaire n’ont pas dû être gravement entamées par l’activité de construction, qui pouvait rester fondée sur le roulement des bénéfices réalisés. On comprend donc que les balances de comptes, tout au long de la période considérée, manifestent une relative stabilité des avoirs du dieu, aux alentours de 13 ou 14 talents.
La question des gonflements d’encaisse à la fin de l’Indépendance L’évolution des fonds entre la période classique et la fin du iiie s. peut se comprendre simplement par l’accroissement des bénéfices du sanctuaire et l’évolution des besoins financiers de la cité (tableau 10). La situation est plus complexe au iie s., car les comptes des hiéropes, à partir de 192, enregistrent à la fois les fonds de la caisse sacrée et ceux de la caisse publique 34. Semblant aller de pair avec cette nouvelle pratique, les encaisses des dernières années de l’Indépendance apparaissent considérablement plus élevées dans la caisse sacrée qu’elles ne l’étaient au iiie s. R. Étienne avait proposé de voir dans les gonflements d’encaisse de la fin de l’Indépendance la réapparition d’une partie du trésor de l’époque classique, qui aurait été conservé dans des banques depuis le départ des Athéniens et auraient même pu être prêté, par cet intermédiaire, à d’autres cités étrangères que les seules Péparéthos et Hermionè qui apparaissent dans la documentation : « en fait une grande partie de la fortune du dieu nous échappe et on ne connaît qu’incidemment le volume réel des capitaux gérés par les Déliens. Ainsi J. Tréheux a pu montrer qu’en 173 av. J.-C., la balance des entrées et des sorties s’enflait brusquement pour atteindre 348 304 dr. 5 ob., alors qu’en 192 l’encaisse s’élevait à 120 961 dr. 5 ob. et en 179 à 107 020 dr. C’est près de 46 talents dont ne tiennent pas compte les bilans gravés annuellement […] Quelle que soit la destination de ces capitaux, il est clair que la majeure partie des fonds à 30.
Feyel 2006, p. 481. Cette conclusion est reprise par Migeotte 2014, p. 641-642 : « La lenteur des constructions s’explique avant tout par la nécessité d’en étaler le financement ». 31. Voir infra chapitre V p. 243. 32. Sur ce principe de l’administration athénienne à Délos, Chankowski 2008a, p. 319-322 ; Chankowski 2005, p. 76. 33. Voir infra chapitre III p. 173-178. 34. Voir également la chronologie des inscriptions présentée en Annexe 7.
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la disposition du sanctuaire ne faisait pas l’objet d’un bilan gravé sur pierre : ce que l’on grave sur pierre est un extrait des archives et la nature de cet extrait peut varier selon le temps » 35. Pourtant, cette hypothèse repose sur une erreur de calcul de J. Tréheux, qui avait lui-même repris des chiffres donnés par A. Giovannini à partir d’une lecture trop hâtive des comptes. En réalité, les comptes des hiéropes nous font connaître l’intégralité de la fortune sacrée, l’accroissement des avoirs du dieu s’inscrit dans une parfaite continuité et il n’y a pas lieu de supposer l’arrivée soudaine de sommes supplémentaires 36. Il nous faut donc envisager l’un après l’autre les comptes relativement complets de cette période pour analyser les avoirs conservés dans le sanctuaire. À partir du moment où les hiéropes font graver à la fois le compte de la caisse sacrée et celui de la caisse publique, leurs balances de compte associent les totaux de chacune des deux caisses : ce procédé est d’une parfaite logique comptable puisqu’ils ont eu à manier des fonds provenant de l’un comme de l’autre trésor. Le phénomène est particulièrement visible dans le compte de l’année 179, le seul qui soit complet pour cette période. La balance du compte est conservée de façon incomplète mais la fin du montant est lisible sur la pierre et les subdivisions de la drachme indiquées par les hiéropes permettent de comprendre quels montants ont été additionnés. Seule une addition du chiffre de la balance de la caisse sacrée et du chiffre de la balance de la caisse publique permettent d’obtenir ces subdivisions 37.
Année 192 En 192 (ID 399, A), les avoirs de la caisse sacrée atteignent 82 395 dr. avec le solde et les entrées. Cette somme ne représente pas, dans la balance, la totalité des entrées puisque l’on ignore le montant du capital qui constituait l’encaisse de départ. Si l’on tient compte également, comme dans le tableau d’analyse du compte (Annexe 1), du total approximatif des recettes périodiques, qui sont conservées de façon incomplète sur la stèle, on atteint un total des entrées (encaisse + entrées de l’année) de plus de 93 280 dr. Le total des avoirs de la caisse publique, avec le dèmosion et le sitônikon, se monte à 36 880 dr. à la fin de l’année 192. La balance du compte de la caisse publique peut être calculée à partir des entrées (encaisse + entrées de l’année + total du sitônikon) : elle s’élève à 113 275 dr. Aux fonds publics s’ajoute en effet le fonds d’achat de grain, le sitônikon (l. 69), apparu en 209, qui est pour lors séparé de la caisse publique appelée par les hiéropes dèmosion mais y sera inclus en 179 38. À la fin de l’année 192, les hiéropes ont donc transmis à leurs successeurs les 82 395 dr. de la caisse sacrée et les 36 880 dr. de la caisse publique, soit 119 275 dr. Mais cette somme ne représente pas encore le montant total de la balance. D’autres informations sont perdues car le compte n’est pas conservé entièrement, et la partie que nous possédons donne pour la caisse sacrée un bilan intermédiaire, comme les hiéropes ont l’habitude de le faire, en indiquant les retraits d’argent auxquels ils ont procédé immédiatement sur les sommes reçues en caisse, en fonction des dépenses décidées par des lois ou des décrets. La suite du compte devait encore indiquer les dépenses mensuelles, réalisées en partie avec les bénéfices de l’année en cours. 35.
Étienne 1990, p. 111. Chankowski 2008a, p. 317-341. 37. Voir infra chapitre I p. 56 à propos du compte ID 442 (a. 179). 38. Cf. Vial 1984, p. 211 et n. 85. Ce passage est compris différemment par Sosin 2003, mais voir mes remarques dans Bull. 2004, 373 et infra p. 164. 36.
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Il faudrait donc, tout d’abord, ajouter au total le montant des bénéfices annuels du compte courant, désigné par les hiéropes sous le terme de perion, soit en moyenne 4 000 dr. 39. Enfin, il faudrait y inclure, d’une part, le montant de la caisse sacrée à l’entrée en charge, qui a disparu, et non pas, comme nous l’avons fait par défaut, le solde. Celle-ci pouvait être importante : on sait qu’en 179, les hiéropes reçoivent comme encaisse de départ dans la transmission un montant total de 60 930 dr. (A, l. 37). La balance de compte de la caisse sacrée pour l’année 192, comptabilisant comme entrées les encaisses et les fonds reçus dans l’année, et comme sorties les sommes dépensées et les fonds transmis, pouvait donc dépasser les 100 000 dr., ce qui signifie que la balance globale des deux caisses dépassait les 200 000 dr.
Année 179 En 179 (ID 442), la balance totale des deux caisses se monte donc à : – caisse sacrée : 79 286 dr. 2 ob. 1 ch. – caisse publique : 98 437 dr. 3 ob. ½ ob. 1 ch. – soit au total 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. Or le chiffre de cette balance est partiellement conservé à la l. 255 du compte : elle se terminait par 𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//, soit … 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. Plusieurs informations peuvent être tirées de ce chiffre lacunaire. Il paraît clair, tout d’abord, que les hiéropes ont additionné dans cette balance la somme de 3 733 dr. et 2 ob. de bronze transmise par les trésoriers dans la caisse sacrée, comme en témoignent les petites dénominations qui correspondent parfaitement, dans le chiffre de la l. 255, au total que l’on obtient en additionnant la balance de la caisse publique avec celle de la caisse sacrée en incluant la somme en bronze. Mais pour se terminer par … 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch., le montant de la balance devait dépasser les 177 723 dr. 5 ob. ½ ob. et 2 ch. totalisées par les balances des deux caisses : on peut donc au minimum restituer comme montant de la balance globale, à la l. 255, le chiffre de 186 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch. La différence de 8 692 dr. doit correspondre au perion du compte. Ce chiffre de 8 692 dr. est dans l’ordre de grandeur du montant que l’on obtient en calculant, sur la base des données conservées dans le compte, la différence entre les recettes et les dépenses (8 542 dr.). Étant donné que certains chiffres ont disparu dans des lacunes sur la tranche (C), une marge de 150 dr. paraît plausible. En effet les hiéropes, au moins à la fin de l’Indépendance, additionnaient à la balance globale le montant du perion, sans reprendre le détail du compte courant. Ils avaient d’autant plus de facilités à le faire que les recettes périodiques du sanctuaire servaient de fonds de roulement pour le règlement d’un certain nombre de dépenses courantes. Mais cette méthode avait surtout une raison comptable : elle leur évitait de compter deux fois des entrées et des sorties qui, au moins pour les chapitres des prêts, pouvaient apparaître à la fois dans le compte courant et dans l’inventaire des mouvements de fonds de la caisse sacrée 40. Le total des fonds maniés dans la caisse sacrée était même plus important puisqu’en additionnant les recettes et les dépenses, et non seulement le bénéfice des revenus annuels, on 39.
Sur le fait que les hiéropes ajoutaient directement le perion à la balance du compte, voir infra p. 52. Sur les montants conservés des bénéfices annuels, voir ci-dessus tableau 8. 40. Voir infra chapitre I p. 52.
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atteint une balance de 93 116 dr. pour la caisse sacrée, soit une balance totale des deux caisses qui peut se monter à 191 553 dr. Le reste de l’écart avec la balance de l’année 192 peut s’expliquer par les mouvements de fonds. Des remboursements d’emprunts, des investissements dans le fonds de la sitônia également, font varier les encaisses. La caisse publique comportait en effet un fonds élastique : le sitônikon. Il était reconstitué régulièrement : comme l’a montré U. Fantasia, le compte de la sitônia en 179 permet de déceler l’existence d’un fonds de 18 560 dr. qui, par trois fois, sort de la caisse publique pour l’achat de grain par les sitônai puis y revient lorsqu’il est reconstitué grâce au produit des ventes du grain 41. Toutefois, en comptabilité, le total des entrées et des sorties de ce fonds aboutit nécessairement à un débit et à un crédit de 55 680 dr. En définitive, c’est le montant de 18 560 dr. qui doit apparaître dans le solde. Le fait qu’un même fonds puisse être inscrit successivement en débit puis en crédit a aussi des conséquences importantes pour notre compréhension des méthodes comptables des hiéropes, puisque c’est bien la preuve qu’elles s’approchaient des principes d’une comptabilité en partie double 42.
Année 177 Partant d’une balance de 200 000 dr. environ en 192, les comptes inscrivent pour l’année 168 (ID 465, Ac l. 21-22) une balance de 350 000 dr. Il est plus difficile, pour les dernières années de l’Indépendance, de suivre le développement de la fortune sacrée et de la caisse publique car au-delà de l’année 179, nous n’avons plus conservé que des fragments d’inventaires des jarres du temple. L’accumulation des bénéfices trouve nécessairement une traduction dans la balance finale. Sur la base des chiffres conservés, nous avons évalué que le bénéfice annuel de la caisse sacrée était d’en moyenne 4 000 dr. minimum (les chiffres conservés pour la fin de l’Indépendance étant généralement plus élevés), ce qui fournit au trésor du dieu, pour vingt-cinq ans entre 192 et 167, un apport d’au moins 100 000 dr. La balance de compte de la caisse sacrée et de la caisse publique, à la fin de l’Indépendance, pouvait donc facilement avoisiner les 300 000 dr. Mais il nous est plus difficile de connaître, faute de sources détaillées, les bénéfices éventuels de la caisse publique. Cette estimation globale est confirmée par un passage de l’inscription ID 444, qui comporte la balance de l’année 177. Cette balance, telle que l’a éditée F. Durrbach, est curieuse. L’éditeur la présente sous cette forme (ID 444, A l. 56) : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου ΜΜΜΜΜ]ΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι. κεφαλὴ πάσης ἐξόδου ΜΜΜΜΜΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι.
On ne comprend pas pourquoi les hiéropes auraient écrit 6 fois le signe M pour 60 000 alors qu’ils utilisent ailleurs un signe unique, 𐅇, pour 50 000. En fait, la pierre montre clairement que les deux premiers M sont surmontés d’un Δ : cette combinaison se trouve aussi sur le fragment Γ766γ publié par J. Tréheux, pour exprimer la somme de 100 000 43. Ailleurs 41.
Fantasia 1989, p. 51-52 ; Sosin 2003, p. 76 et les tableaux présentés p. 72-74. infra chapitre I p. 61-64. 43. Chankowski 2008a, pl. IV. Cf. Tréheux 1985a : ce fragment mettait en lumière l’emploi du signe Δ surmontant le M pour écrire 100 000, ce qui peut expliquer qu’il n’ait pas été aperçu par F. Durrbach dans le compte ID 444. Pourtant, l’éditeur du corpus avait lu, dans le compte de l’année 230 (ID 317, l. 35), la même combinaison de chiffres : voir infra chapitre I p. 55. 42. Voir
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(ID 465, Ac l. 21-22), la somme est écrite en toutes lettres : μυριάδες. Il faut donc corriger la balance de l’année 177 (ID 444, A l. 56) et écrire : ΔΔ [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου ΜΜΜΜΜ]ΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι. κεφαλὴ πάσης ΔΔ ἐξόδου ΜΜΜΜΜΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι.
La balance de l’année 177 atteignait donc un montant de 243 933 dr. 1 ob., et non de 63 933,1 dr. comme le laissait entendre l’édition du corpus. Nous avons là la preuve de l’accroissement régulier des fonds depuis 192.
Année 168 L’augmentation de la balance de compte entre 177 et 173 est plus surprenante puisque les montants s’accroissent de plus de 104 000 dr. en l’espace de quatre ans. En même temps, comme nous l’avons vu, la balance de compte de la caisse sacrée et de la caisse publique, à la fin de l’Indépendance, pouvait facilement avoisiner les 300 000 dr. grâce à l’accumulation des bénéfices. Dans Athènes et Délos classique, j’avais expliqué le passage à une balance de 350 000 dr. par l’apport dans la caisse sacrée, avant 169, de plus de 50 000 dr. grâce à une frappe monétaire. J’avais alors interprété cet apport comme une aparchè versée au trésor sacré 44. En effet, parmi les jarres de la caisse sacrée reçues à leur entrée en charge, les hiéropes de 169 mentionnent une jarre contenant une somme en provenance de la banque de Philôn, déposée par des commissaires « élus pour s’occuper de la frappe de la monnaie » 45 : ID 461, Aa l. 75-76 : ἄλλον, ἐν ὧι ἐνεῖσαν {Χ̣ Χ̣ ?} 𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂, ἀπὸ τῆς Φίλωνος — [— — — — — — δημό?]σι̣ο̣ν [ἄν]δρες ο[ἱ] αἱρεθέντες ἐπὶ τὴν κοπὴν τοῦ νομίσματος.
La somme a été lue par F. Durrbach {Χ̣ Χ̣ ?} 𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂 et l’éditeur propose de supprimer les deux premières lettres qui, ainsi lues, sont effectivement incompatibles avec les autres chiffres. Mais la pierre, marquée d’un éclat à cet endroit, ne présente pas de trace de rasura comme c’est le cas lors d’erreurs de gravure de chiffres. En réalité, on distingue nettement sur la pierre non pas deux Χ mais les restes d’un Π précédant le signe 𐅆, trace probable de la combinaison 𐅇 pour 50 000. Logiquement, il faudrait donc lire la somme de 𐅇̣𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂, soit 55 978 dr. ou 9,3 talents d’argent46. Toutefois, ce montant n’est pas sans poser un problème technique car, généralement, les jarres ne semblent pas avoir la capacité de recueillir plus d’un talent d’argent monnayé. Le poids d’une telle jarre, par rapport à celles qui sont chargées d’un talent d’argent et pèsent déjà 26 kg, est une autre difficulté. Mais la cité de Délos a effectivement frappé monnaie dans les années qui précèdent 169, et déposé cet argent dans la caisse sacrée. Cette émission monétaire est celle des monnaies dites « au palmier », la dernière en date : des drachmes et hémidrachmes présentant au droit la tête 44.
Chankowski 2008a, p. 334. Sur cette commission extraordinaire, cf. Vial 1984, p. 245. 46. Chankowski 2008a, p. 334 et pl. V. 45.
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d’Apollon et au revers un palmier surmonté d’un cygne, que les administrateurs athéniens, après 166, ont nommé phoinikophores 47. L’événement a eu lieu entre 179 et 169, puisque la jarre en question était déjà dans l’Artémision à l’arrivée des hiéropes de 169 et que l’inventaire complet de 179 ne la mentionne pas. La jarre est l’avant-dernière de la liste des jarres qui constituent l’encaisse, juste avant l’énumération des jarres entrées au cours de l’exercice de l’année 169 (l. 79-84). Elle est mentionnée juste après celle qui contient le perion de l’année 172, mais l’ordre chronologique n’est pas toujours très strictement respecté par les hiéropes dans leurs enregistrements dans la mesure où certains dépôts, en particulier pour le perion, tardent par rapport à d’autres. Nous avons en tout cas un indice pour situer ce versement plutôt vers 169 que vers 179, et probablement aux alentours de 172. Or dès 173, la balance, connue par le fragment Γ766γ, avoisine déjà les 350 000 dr. Mais le compte fragmentaire ID 455 assure que l’encaisse reçue dans la caisse sacrée ne dépassait pas les 70 000 dr. (Ab, l. 19). La jarre de nouvelle monnaie délienne se serait donc ajoutée à cette encaisse, entre l’année 173 et l’année 170. Toute la question est de savoir si ces 55 978 dr. correspondent au remplacement d’anciennes drachmes dans la caisse sacrée ou si elles constituent un apport extérieur. Contrairement à ce que j’ai considéré dans Athènes et Délos classique, il me paraît plus plausible que les Déliens aient cherché à remplacer les drachmes citharéphores par des phoinikophores : l’étude des pratiques monétaires montre qu’ils ont probablement, lors de leur première émission monétaire en 279, profité de l’opportunité de remboursements au dieu pour introduire dans la caisse sacrée le nouveau monnayage local 48. C’est peut-être aussi ce qui se passe lors de la frappe des phoinikophores : l’encaisse d’environ 70 000 dr. seulement, en 173 (ID 455, Ab, l. 19), montre que le trésor est vidé d’une partie de ses avoirs. L’apport des 55 978 dr. pourrait, comme en 279, correspondre à la restitution de retraits. Il n’y aurait pas, dans ce cas, d’apports supplémentaires sous la forme d’aparchè. Or ces 55 978 dr. correspondent précisément à une frappe de 80 000 dr. déliennes, au nouveau poids des monnaies phoinikophores 49. La proportion de monnaie délienne dans la caisse sacrée serait donc importante, beaucoup plus en tout cas que ne le laissent supposer les 11 189 dr. phoinikophores inventoriées par les Athéniens en 153/2 (ID 1432, Bb, I et Ba, II). Ces 9,3 talents d’argent ne constituent pas la totalité des avoirs du dieu. Il faut y ajouter l’ancienne encaisse, qui est composée de dix jarres d’un total de 8 talents, auxquelles les hiéropes ne touchent pas au iie s. 50. Ces dix jarres sont encore inventoriées dans les derniers comptes de l’Indépendance de façon identique (ainsi ID 461, Aa, l. 1-9). Dans l’inventaire des jarres de l’année 169 se trouvent aussi au minimum 34 800 dr. (5,8 talents) qui composent le reste de l’encaisse, en plus des nouvelles frappes monétaires. Le total du trésor du dieu était donc en 169 d’au moins 23,6 talents (141 600 dr.) avant les retraits opérés dans l’année, qui ne sont pas conservés sur la stèle. C’est donc sur la base de ces quelque 141 600 dr. d’encaisse dans la caisse sacrée qu’il faut essayer de reconstituer le montant approximatif de la balance, sans autre possibilité que de rechercher un ordre de grandeur. Sont encore entrées dans la caisse sacrée les dépôts de l’année, qui peuvent consister non seulement en remboursements de prêts, en dépôts des bénéfices 47. Voir
infra chapitre IV p. 201-202. Ibid. p. 199-201. 49. Ibid. p. 216. 50. Voir infra chapitre III p. 146. 48.
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des années antérieures mais aussi en versements de divers reliquats en provenance de la caisse publique, qui pouvaient atteindre 5 000 dr. 51. En 179, sans compter les sommes remboursées par la cité au titre de ses créances, la caisse sacrée reçoit au minimum 11 200 dr. 52. À cette somme venait s’ajouter le perion de la stèle. À côté d’environ 160 000 dr. au moins qui peuvent être constituées par les mouvements de fonds de la caisse sacrée, il reste à justifier la présence de près de 190 000 dr. qui doivent représenter les fonds de la caisse publique, pour atteindre une balance de 350 000 dr. La caisse publique, en 192, présente une balance d’un peu moins de 120 000 dr. En l’espace de vingt ans, la caisse de la cité a-t-elle pu accumuler un bénéfice important ? Le compte de l’année 178 (ID 443, l. 38) montre qu’au moins 60 000 dr. ont été déposées en cours d’année dans la caisse publique. Les mouvements de fonds de la caisse publique sont donc un des facteurs d’explication de ce gonflement des encaisses. Ils sont en grande partie dus à la circulation de l’argent de la sitônia dont les 18 560 dr. sortent et rentrent par trois fois dans la caisse publique. Si la balance d’environ 250 000 dr. en 177 s’explique bien par l’accroissement régulier des fonds, nous avons pourtant beaucoup moins de possibilités d’expliquer avec précision, sur la base de chiffres conservés dans les comptes, celle de 350 000 dr. qui apparaît dès 173 car nous n’avons pratiquement plus d’informations, à cette date, sur le compte de la caisse publique : seule l’encaisse du trésor sacré est conservée dans le compte de 169, qui s’interrompt avant les entrées de l’année. Date
Référence
Caisse sacrée
Caisse publique
Montant total
192
ID 399, A, l. 16, 35, 54, 58, 68-73
82 395 dr. [93 282 dr. +]
113 275 dr.
195 670 dr. + [206 557 dr. +]
179
ID 442, A, l. 54-55, 74-75, 99, 121-122, 139-140, 255
87 978 dr.53 [93 116 dr.]
98 437 dr.
186 415 dr. [191 553 dr.]
177
ID 444, A, l. 56 corrigé
243 933,1 dr.
173
Γ766γ
348 304,8 dr.
168
ID 465, Ac, l. 21-22
350 000 dr.
54
Tableau 10 — Les balances de compte de la fin de l’Indépendance (caisse sacrée et caisse publique). 53 54
Cette analyse nous conduit en tout cas à une double conclusion 55. D’une part, il est inutile de faire intervenir d’autres explications que l’accroissement régulier des fonds pour comprendre le montant des balances de compte de la fin de l’Indépendance. D’autre part, les comptes des hiéropes enregistrent bel et bien la totalité de la fortune sacrée et détaillent tous les mouvements de fonds.
Bilan des avoirs Nous avons, dans les analyses qui précèdent, étudié les mouvements de fonds à partir des balances de compte, seul élément permettant de percevoir de façon complète l’évolution des avoirs du dieu. Il est possible, sur cette base, d’évaluer le montant de la fortune sacrée. Par un 51. Voir
infra chapitre III p. 173. Annexe 2. 53. Encaisse + entrées avec les 3 733 dr. de monnaie de bronze + perion de l’année = dépenses + solde + perion. 54. Tréheux 1985a, p. 490. 55. Chankowski 2008a, p. 335. 52. Voir
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
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équilibre entre ses recettes et ses dépenses – ces dernières étant essentiellement constituées par les travaux qui créent des ponctions définitives dans le trésor –, la caisse sacrée maintient le niveau de ses avoirs entre 13 et 15 talents sur l’ensemble de la période. Cette somme lui permet en particulier d’assurer les prêts nécessaires à la cité. À la fin de l’Indépendance, les avoirs monnayés atteignent au moins 23,6 talents, comme le compte de l’année 169 (ID 461) permet de l’établir. Cet accroissement s’explique probablement par deux raisons : le ralentissement de l’activité de construction, d’une part, après les grands travaux entrepris à la fin du iiie s. pour la construction de la Salle hypostyle et peu avant 179 pour l’Artémision, et les effets positifs de la répartition des avoirs entre la caisse publique et la caisse sacrée, d’autre part, qui permet à la cité de développer dans le compte public, avec la sitônia, un système efficace et autonome de financement des achats de grain public, probablement bénéficiaire. La caisse publique, quant à elle, avait vu rapidement s’accroître ses bénéfices. Son solde paraît stable de 192 à 179, entre 37 000 et 40 000 dr., soit un peu plus de 6 talents qui doivent constituer la réserve de capitaux que la cité possède en propre. Si la balance du compte public peut se monter à 190 000 dr. à la fin de l’Indépendance 56, il faut réduire les 54 000 dr. constituées par les mouvements de fonds de la sitônia aux quelque 18 000 dr. du capital investi, soit un total des avoirs d’environ 150 000 dr. (25 talents). Mais dans ce total figurent des fonds appartenant à la caisse sacrée et que le trésor public a reçus en prêts, si bien qu’il est presque impossible d’estimer avec fiabilité les avoirs de la cité. Il est en tout cas raisonnable de retenir la somme de 6 talents qui, constituant un solde récurrent, représente les réserves monétaires de la cité. Apollon, grâce à ses gestionnaires, était à la tête d’une fortune bien administrée mais qui reste néanmoins modeste. Il faut aussi y ajouter une fortune en métal précieux thésaurisé qu’il est possible d’évaluer en grande partie.
LES OFFRANDES PRÉCIEUSES L’intérêt des administrateurs pour l’inventaire des offrandes procède clairement d’une volonté d’évaluation des avoirs du sanctuaire. Sous l’Indépendance plus particulièrement, il est clair que les hiéropes s’attachent à inventorier les trésors dont les objets en métal précieux peuvent être évalués en poids d’argent. Ils laissent de côté d’autres trésors qui ne contiennent pas d’offrandes en métal précieux, comme le montre par comparaison l’audit athénien réalisé après la reprise de l’île par Athènes en 167 : on y voit apparaître l’inventaire d’édifices que les hiéropes ne mentionnaient pas 57. L’évaluation chiffrée des offrandes déliennes n’a, curieusement, jamais été entreprise par les spécialistes des inventaires. J. Tréheux a surtout étudié les mouvements des collections et la logique de rédaction des inventaires. R. Hamilton s’est attaché à suivre la mention de chaque objet en particulier sans aboutir à une vision globale du trésor. Cl. Prêtre s’est quant à elle intéressée à certaines catégories d’objets ou à l’organisation matérielle des collections dans les édifices. Ces inventaires d’offrandes en métal précieux comportent pourtant une quantité d’informations essentielles sur les équivalences métalliques et monétaires, qui mériteraient d’être davantage exploitées (tableaux 11 à 21). Les offrandes en métal précieux sont toutes pesées, mais seules les offrandes en argent peuvent donner lieu à une équivalence monétaire immédiate par rapport à l’étalon monétaire d’argent « entier » (ὁλοσχερές) qui est en vigueur à Délos comme en Attique. Les offrandes en 56. Voir 57.
supra p. 82. Hamilton 2000, p. 8-11.
84
PARASITES DU DIEU
or sont pesées pour leur poids d’argent, ce qui permet aux administrateurs, en cas de nécessité, de calculer leur valeur marchande en fonction du ratio or-argent à une date donnée, puisque ce ratio évolue dans le temps 58. Leur façon de procéder est donc parfaitement logique et rationnelle dans une perspective d’évaluation monétaire des avoirs. Certains objets composites présentaient une inscription, établie au moment de la fabrication de l’objet, qui indiquait le poids d’argent présent dans l’offrande : ainsi, même lorsqu’une nouvelle pesée était impossible car il aurait fallu démonter l’objet votif, l’indication de valeur subsistait. L’un des inventaires de l’époque de la seconde domination athénienne, vers 150, donne ainsi la description d’une table en bois recouverte entièrement d’argent qui se trouvait dans le temple d’Apollon et « dont le poids selon l’inscription est de 4 440 dr. » (τράπεζα[ν ξυλ]ίνην περιηργυρωμ[ένην ἐντελῆ ἧ]ς ὁλκὴ κατὰ τὴν ἐ[πιγραφ]ὴν ΧΧΧΧ𐅅Η[ΗΗΗΔΔΔΔ?] —, ID 1429, B, I, l. 34-35). C’était donc également l’intention du donateur que de manifester la valeur monétaire de son investissement pour la divinité.
Le trésor classique Le trésor d’offrandes de la période classique peut être évalué grâce à l’inventaire de l’année 364/3, établi sous l’autorité des fonctionnaires athéniens (ID 104). Les objets précieux se répartissent entre l’Artémision, le Temple des Athéniens et le Pôrinos Naos (appelé dans l’inventaire « Temple des Déliens »). L’inventaire commence par le catalogue des phiales de l’Artémision, rangées par étagères ou rhymoi comptant respectivement 140, 138, 135 et 136 phiales, soit au total 549 vases (l. 19), et un cinquième rhymos pesant 7 950 dr. L’objectif est bel et bien de voir s’accroître la collection car les administrateurs signalent (l. 10-11) que le quatrième rhymos n’est pas complet : il lui manque 264 dr. pour atteindre les 2 talents 59. À ces 9,2 talents (55 686 dr.) correspondant aux quatre rhymoi viennent s’ajouter plusieurs vases en or et en argent, soit un poids total de 13,7 talents d’argent (tableau 11). L’inventaire énumère également des objets composites en bronze plaqué d’argent ou d’or (pour un poids total d’argent de 3 644 dr.). Le temple abrite encore une collection de bijoux, ainsi que diverses monnaies (l. 59-106). Il faut également compter parmi les trésors importants la fameuse offrande de la Géranos, en argent, pour un poids de 4 808 dr. (l. 76-77 ; l. 84), ainsi qu’un ensemble en argent fixé aux colonnes et au linteau d’un poids de 11 240 dr. (l. 84-86). D’autres petits objets encore, en argent, atteignent un poids total de 153 dr. (l. 94-97).
argent
58. 59.
Nombre de vases 1 rhymos (140 phiales) 2e rhymos (138 phiales) 3e rhymos (136 phiales) 4e rhymos (140 phiales) 5e rhymos (divers vases, l. 13-18) 1 (cratère) er
Poids en drachmes 12 000 12 000 12 000 11 736 7 950 9 600
Lewis 1968 ; Marchetti 1987. Cette façon de compter les avoirs correspond à une pratique comptable connue ailleurs : voir la démonstration de P. Marchetti pour Delphes (Marchetti 1987). Ici, on comprend aisément que la formulation est liée au processus de la pesée des offrandes par rapport à un poids de référence de 2 talents par série.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
pros argurion argent60
argent
or
argent or
argent
or
argent
Nombre de vases 16 1 1 1 1 3 12 1 1 2 1 4 1 4 1 11 1 6 7 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 6 1 15 1 Divers Divers Divers 1 1 1 Total
85
Poids en drachmes 953 145 80 99 113 240 280 43 33 63 146 1 075,5 96 234 48 985 55,5 1 190,4 983,6 100 195 697,4 685 836 1 193 820,4 1 232,4 703 660 700 89 1 122 111,5 158 315 220,4 335 136 23 82 481 dr. (13,7 T)
60
Tableau 11 — Catalogue des vases en or et argent pur conservés dans l’Artémision en 364/3 (ID 104, l. 7-106). 60.
Les offrandes énumérées aux l. 20-27 sont probablement en argent car les poids donnent des chiffres ronds, contrairement aux offrandes en or. Elles sont classées dans la catégorie pros argurion car leurs poids ne sont pas standardisés, contrairement aux vases qui composent les rhymoi.
86
PARASITES DU DIEU
Le poids total en argent des offrandes précieuses de l’Artémision s’élève donc à 17 talents (102 326 dr.). Le Temple des Athéniens abrite quant à lui la série des couronnes d’or offertes à Apollon lors des Délia pentétériques, soit un poids d’argent d’environ 2 000 dr., les chiffres n’étant pas tous conservés (l. 107-123). D’autres couronnes d’or, en plus d’une série d’objets en bronze, sont rangées dans le Pôrinos Naos avec un poids total de 339 dr. Or Temple des Déliens (Pôrinos)
Argent
339 dr.
Artémision
7 957,6 dr.
Temple des Athéniens
90 725 dr.
± 2 000 dr.
Total
± 10 297 dr. (1,7 T)
90 725 dr. (15,1 T)
Tableau 12 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples déliens au ive s.
Au total, la fortune thésaurisée en offrandes précieuses d’or et d’argent se monte, à l’époque classique, à 16,8 talents en poids d’argent, dont 15,1 talents d’argent pur (90 725 dr.) et 1,7 talent (10 297 dr.) d’or en poids d’argent (tableau 12).
Le trésor de la fin de l’Indépendance L’augmentation de la masse des offrandes thésaurisées, en deux siècles, est considérable. En 179, l’inventaire est complet et permet d’établir la répartition suivante (tableaux 13 à 16). Dans le temple d’Apollon, un premier lot d’offrandes majoritairement en or, pesé par les hiéropes, s’élève à 1 556 dr. en poids d’argent. S’y ajoutent 15 séries (rhymoi) de 904 phiales au total, pour un poids de plus de 14 talents d’argent (86 371 dr.). La collection comporte également des phiales d’argent sur plinthe, qui sont simplement comptées, au nombre de 85, et d’autres objets d’or et d’argent (l. 30-40). Rhymos
Nombre de phiales
1
38
2
63
3
17
4
64
Talents
Mines
Drachmes
Total en drachmes
37
50
3 750
170
6 170
1 16 1
1 600 40
6 040
5
62
1
40
6 040
6
62
1
20
6 020
7
62
1
20
6 020
8
63
1
9
63
1
30
6 030
10
63
1
30
6 030
6 000
11
63
1
30
6 030
12
63
1
60
6 060
13
63
1
20
6 020
14
62
1
20
6 020
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
87
Rhymos
Nombre de phiales
Talents
Mines
Drachmes
Total en drachmes
15
67
1
5
50
6 550
13
691
1 991
71
1 271
86 371 dr. = 14,4 T
Suppl.
29
Total
904
13
Tableau 13 — Catalogue des phiales d’argent dans le temple d’Apollon (ID 442, B, l. 20-29). Nombre de vases
Drachmes
Nombre de vases
Drachmes
27
1 870
1
100
3
217
1
100
4
400
1
100
2
200
16
1 600
2
200
4
400
16
1 600
2
200
4
400
2
200
1
100
1
100
1
100
16
1 600
2
200
4
400
16
1600
2
200
4
400
16
1 600
16
1 600
4
400
4
400
1
139
2
200
1
143
16
1600
1
139
4
400
1
140
2
200
1
136
2
200
1
135
2
100
1
136
1
60
1
198,5
1
60
1
196,5
1
60
1
192
1
60
1
196
1
60
1
190,5
1
60
1
685
2
200
1
679
16
1 600
1
100
4
400
16
1 600
1
400
4
400
1
100
16
1 600
16
1 600
4
400
4
400
2
200
1
100
16
1 600
88
PARASITES DU DIEU
Nombre de vases
Drachmes
Nombre de vases
1
100
1
89
20
2 000
1
100
1
100
2
200
2
200
4
400
1
100
1
87
2
200
1
720
4
400
20
2 000
1
100
16
1 600
20
2 000
4
400
2
200
2
200
1
55
2
3 200
1
50
20
2 000
1
40
16
1 600
1
50
16
1 600
2
200
4
400
20
2 000
2
200
1
100
4
400
2
200
16
1 600
1
100
Total pour 558 vases 79 090 dr. = 13,18 T
16
1 600
1
100
- argent 75 684,5 dr. (12,6 T) - or
Drachmes
3 405,5 dr.
Tableau 14 — Catalogue de divers vases en argent dans le temple d’Apollon (ID 442, B, l. 40-155) (les italiques correspondent aux objets en or).
D’autres phiales sont encore dénombrées à gauche de l’entrée : elles proviennent en majorité de transmissions faites par des trésoriers de la cité ou par le Conseil (l. 52-78 et 84-86). D’autres sont des offrandes de particuliers (l. 78-84), d’où leurs poids plus hétérogènes. Dans cette série, ce sont presque 13,2 talents d’argent qui sont encore comptabilisés. À cet ensemble s’ajoutent 12 couronnes d’or honorifiques, la plupart d’une valeur de 100 dr. chacune (l. 85-86 ; 90 ; 99-105 ; 107 ; 130), donnant un poids total de 1 055 dr. d’argent. Durant les années précédentes, des hommes désignés pour la fonte des offrandes endommagées ont reçu des fragments de métal précieux (essentiellement l’or des couronnes mais également de l’argent) destinés à la refonte (l. 25-26 ; 119-120 ; 123-125) 61. Les hiéropes inventorient des séries de lingots (chymata) dont le poids est donné en chrysoi avec des subdivisions en drachmes. Ils correspondent à ce qui a été obtenu par la refonte des objets endommagés. L’inventaire totalise des entrées d’un poids de 775 chrysoi et de 399,4 dr. d’argent (l. 118-125). Les chrysoi correspondent à des statères didrachmes, comme le montre par exemple le poids de couronnes d’or offertes par la reine Stratonikè, exprimé en statères d’or 62. On peut donc évaluer à un poids de 1 949,4 dr. d’argent attique cette série d’offrandes. Les hiéropes signalent également divers fragments d’or pesant au total 320 dr. d’argent (l. 134 ; 136 ; 138 ; 150 ; 154). 61.
Sur la procédure de désignation de ces commissions, Vial 1984, p. 186 et n. 137. chrysoi dans IG XI 2, 287, B, l. 67-68, ou 63 dr. dans ID 442, B, l. 5-6.
62. 31
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
89
L’ensemble des trésors en métal précieux entreposés dans le temple d’Apollon représente donc un poids total de 28,39 talents d’argent (170 340 dr.). Bien entendu, nous ne tenons compte ici que des objets en or et en argent qui, pour les hiéropes, entrent dans une comptabilité monétaire. D’autres objets précieux sont entreposés dans l’oikos des Andriens (l. 155-177), dans le Temple des Athéniens (l. 177-178), dans le Pôrinos Naos (l. 178-179) et dans l’Artémision (l. 179-216). Tous ne sont pas pesés car ils sont parfois faits de matériaux composites. D’autres objets sont pesés au talent et à la mine, comme un stock d’ivoire conservé dans l’oikos des Andriens (l. 165-166). Ce bâtiment contient également du bronze et du fer sous diverses formes. Dans l’Artémision, une série de vases et d’objets en or est comptabilisée par les hiéropes en poids d’argent pour un total de 7 186 dr. (l. 181-200). Ils inventorient également par rhymoi des séries de vases en argent pour plus de 13 talents (l. 204-211). S’y ajoutent 56 phiales sur des plinthes, qui ne sont pas pesées, et 21 autres phiales pesant 1 433 dr. L’ensemble des offrandes en or et en argent de l’Artémision pesées par les hiéropes représente un poids total de 14,6 talents d’argent (88 169 dr.). Rhymos 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Suppl. Total
Nombre de vases 60 65 81 73 69 72 62 68 69 62 ? 56 ? 21 758 +
Talents 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ?
Mines
Drachmes
75 14
50 33
Total en drachmes 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 6 000 7 550 1 433 80 983 dr. = 13,5 T
Tableau 15 — Catalogue des vases en argent de l’Artémision (ID 442, B, l. 179-216).
L’inventaire de l’année 179 permet d’obtenir un total d’offrandes en or et en argent comptabilisées par les hiéropes en poids d’argent. Il se monte à 43 talents (258 509 dr.). Si l’on ne prend en compte que les offrandes en argent, essentiellement des phiales, qui représentent la transformation directe de drachmes d’argent en objets en argent, on obtient une masse thésaurisée de 40,5 talents d’argent. Le trésor a donc plus que doublé en deux siècles grâce aux offrandes et à la thésaurisation. Quant au poids de l’or, il atteint à la fin de l’Indépendance dans cet inventaire 2,5 talents (15 472 dr.). Sa valeur marchande en drachmes d’argent pouvait aisément être calculée par les hiéropes sur la base de son poids et en fonction du ratio or-argent. Les collections dans ce métal ont augmenté dans de moindres proportions par rapport au trésor de l’époque classique, où le sanctuaire totalisait le poids d’1,7 talent d’argent en offrandes en or. Mais il faut noter que
90
PARASITES DU DIEU
plusieurs couronnes d’or n’ont pas été pesées, en raison de leur fragilité. Les poids enregistrés pour les objets d’or le sont bien souvent lorsque l’objet comporte déjà une étiquette donnant l’information (ID 442, B, l. 78-83 : ἐπιγραφὴ ἡ αὐτή, ὁλ.). Or Temple d’Apollon
8 286 dr.
Artémision
7 186 dr. (1,19 T.)
Total
15 472 dr. (2,57 T)
Argent 162 055 dr. (27 T) 80 983 dr. (13,5 T) 243 038 dr. (40,5 T)
Tableau 16 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 179.
Il nous faut encore nous demander, comme nous l’avons fait pour la fortune monnayée du dieu, si cet accroissement des avoirs thésaurisés s’est effectué de manière linéaire au cours de l’Indépendance. L’inventaire des offrandes précieuses a été accompagné, entre la fin du ive s. et le milieu du iie s., de plusieurs déplacements de collections, à la faveur du changement de statut de certains bâtiments et de constructions nouvelles, comme l’achèvement du Grand Temple. Ces différents épisodes ont rendu plus complexe l’inventaire des offrandes et explique bien souvent les écarts que l’on peut observer d’un inventaire à un autre.
Les variations de la collection Alors que la collection des offrandes précieuses conservées dans l’Artémision, dans le Temple des Athéniens et dans le Pôrinos Naos comptait 15,1 talents d’argent pur (90 725 dr.) et 1,7 talent (10 297 dr.) d’or en poids d’argent peu avant le milieu du ive s., les premiers inventaires de l’Indépendance rendent compte d’une situation différente. Les méthodes de catalogage des Déliens ne sont pas non plus tout à fait identiques à celles des Athéniens.
Le trésor du début de l’Indépendance Dans un chapitre de sa thèse inédite, J. Tréheux a publié un fragment d’inventaire stoichédon du début de l’Indépendance (Γ765) et a montré qu’il composait, avec deux autres stèles distinctes (IG XI 2, 149 et 150), l’inventaire de l’année 297 qui était probablement le premier inventaire gravé après 314, renouant avec la tradition initiée par les amphictyons athéniens 63. Quatre collections sont inventoriées : celles du Pôrinos Naos, du Temple des Athéniens, du Néokorion et de l’Hiéropoion. L’inventaire de l’Artémision ne figure pas sur la pierre. Le récolement des collections était donc une activité suffisamment longue et prenante pour que les hiéropes n’aient pas été en mesure, au moins dans les premières années de l’Indépendance, de faire graver chaque année l’intégralité des inventaires. Non seulement ils se sont limités aux offrandes en métal précieux, dont la valeur monétaire pouvait être quantifiée, contrairement à leurs successeurs athéniens qui cherchèrent à être exhaustifs après 167, mais ils ont également morcelé la tâche. À partir de 279 (IG XI 2, 161 B), l’organisation des inventaires trouve un schéma qui perdurera, avec en tête le catalogue des objets de l’Artémision. L’inventaire complet de l’année 279 permet donc de comparer l’état des collections avec celui qui est connu pour l’époque classique (tableaux 17-18). 63.
Tréheux 1959, chapitre I : Inventaire inédit du temple d’Apollon, p. 11-32. En 302, les hiéropes ont simplement établi une liste des offrandes nouvelles qu’ils ont transmises à leurs successeurs (IG XI 2, 145, l. 46-82).
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
91
Dans l’Artémision, les hiéropes enregistrent des séries de phiales d’argent (rhymoi) pesant chacune 3,5 talents. Ils complètent l’inventaire, en comptant toujours des rhymoi, par des vases divers et des éléments en argent de diverses offrandes, dont la Géranos (l. 7-8). S’y ajoute une collection de vases, bijoux et couronnes en or pour un poids total d’argent de 10 601 dr. Ce sont au total 16,5 talents d’argent qui sont pesés dans l’Artémision, dont 14,7 talents d’argent pur (88 610 dr.).
Rhymos 1 Rhymos 2 Rhymos 3 Rhymos 4 Rhymos 5 Rhymos 6 Rhymos 7 Rhymos 8 Rhymos 9 Rhymos 10 Rhymos 11 Rhymos 12 Rhymos 13 Cratère en argent Divers vases en argent Monnayages or, argent, bronze Diverses offrandes en or 14 phiales en or (l. 27-31) Autres vases en or Autres objets en or (bijoux, couronnes) Total
Nombre de vases 104 103 104 102 104 121 110 89 67 Divers éléments 88 12
Talents 1,5 1,5 1,5 1,5 1,5 1,5 1 1 1
Mines
Drachmes
10 22
1
2 30 24 9 572 2 839 513
Total en drachmes 9 000 9 000 9 000 9 000 9 000 9 000 6 000 7 000 6 000 2 200 6 200 3 000 2 400 9 572 2 839 10 601
685 2 393 3 047 3 963 99 211 (16,5 T)
Tableau 17 — Les collections de l’Artémision en 279 (IG XI 2, 161, B, l. 3-65).
Les hiéropes inventorient ensuite les offrandes conservées dans le temple d’Apollon. On y trouve 25 phiales qui ne sont pas pesées car elles semblent le plus souvent être bimétalliques. Les hiéropes pèsent en revanche la trière d’argent offerte par Séleucos (l. 78-79) pour 1 554 dr. D’autres offrandes en argent ainsi que diverses monnaies pèsent 660 dr. Les offrandes en or, essentiellement des couronnes, atteignent quant à elles un poids d’argent de 4 619 dr. (l. 81-97). Dans le Temple des Athéniens se trouve la collection des couronnes d’or offertes à Apollon lors des Délia. Elles totalisent un poids d’argent de 2031 dr. Le temple abrite également une collection de vases votifs en argent datant de la période classique, pesant 2 677 dr. (l. 107). L’inventaire se poursuit avec le catalogage des objets de l’Eileithyiaion (dont 163 dr. en argent pur) et de la Chalkothèque qui contient essentiellement des bronzes.
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PARASITES DU DIEU
Au total, en 279, la collection des offrandes sacrées compte 15,6 talents d’argent pur (93 664 dr.) et 2,8 talents (17 251 dr.) d’or en poids d’argent. Il est donc intéressant de constater que, par rapport à l’inventaire établi un siècle plus tard en 179, la masse des offrandes en or a davantage progressé au début de l’Indépendance que la masse des offrandes en argent. Mais on remarque également que la fortune en or a même légèrement diminué en un siècle, passant de 2,8 talents en 279 à 2,6 talents en 179. Les objets en or étaient plus fragiles, car la collection était assez largement constituée de couronnes. L’usure des couronnes d’or explique probablement cette perte, et justifie la décision d’en transformer une partie en lingots, mais il est possible aussi qu’une partie du lot ait été utilisé ou ait servi à la rémunération de l’artisan qui a travaillé à la fonte. Une autre partie de la collection consistait en monnaies, dont on ignore quelle fut la destination. Temple d’Apollon Artémision Temple des Athéniens Autres édifices Total
Or 4 619 dr. 10 601 dr. 2 031 dr. 17 251 dr. (2,8 T)
Argent 2 214 dr. 88 610 dr. 2 677 dr. 163 dr. 93 664 dr. (15,6 T)
Tableau 18 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 279.
Le trésor du milieu du iiie s. L’inventaire de l’année 250 (IG XI 2, 287, B) fournit un autre point de comparaison (tableau 19). Il commence par les collections de l’Artémision (l. 2-32) : on y trouve des couronnes, des vases en or, des bijoux, des monnaies d’or pour un poids d’argent de 3 101 dr. Sont également comptabilisées 5 154 dr. de monnaies d’argent de diverses provenances, qui ont été pesées, ainsi qu’une phiale en argent de 120 dr. Il y avait au total dans l’Artémision, en poids d’argent, 8 375 dr. Dans le temple d’Apollon, 59 phiales sont enregistrées (l. 45) 64, sans indication de poids. S’ajoutent à cette collection divers éléments de vaisselle en or et en argent, pour lesquels le poids est rarement indiqué. Il semble que les hiéropes, cette année-là, ont privilégié les indications de pesée pour les objets en or, sans doute parce que le poids figurait déjà avec l’objet et qu’il n’y avait qu’à le recopier 65. On compte ainsi un poids de l’or qui s’élève à 3 461 dr. d’argent. S’y ajoutent quelques vases en argent pesés pour 600 dr. (l. 72-74). Dans le Temple des Athéniens, les couronnes d’or pèsent au total 2 099 dr. d’argent. Dans le Pôrinos Naos, 13 phiales d’argent sont comptabilisées sans indication de poids. Dans l’oikos des Andriens, des objets en or sont pesés pour 45 dr. d’argent. D’autres vases en argent ne sont pas pesés. Les hiéropes ont ensuite établi un catalogue des phiales d’argent (l. 91-129), qui sont au nombre de 143 66. Seules sont pesées les entrées de l’année (l. 127-129) : chaque phiale pèse 64.
Mais un peu plus loin dans l’inventaire des phiales les hiéropes signalent 61 phiales dans le temple d’Apollon (l. 92). 65. Cf. l. 83 à propos des couronnes du Temple des Athéniens, reçues et transmises sans pesée. 66. Dont 61 dans le temple d’Apollon (voir n. 64 supra).
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
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100 dr. d’argent. Les administrateurs font ensuite l’inventaire des vases offerts par Stésiléôs en précisant qu’« ils ont été pesés dans la plus petite des deux balances de l’agoranomion, en argent attique de bon poids » (l. 143), c’est-à-dire en référence à l’étalon attique de la monnaie oloschérès, pour un poids total de 5 329 dr. 67. S’y ajoutent deux vases entrés dans l’année pour 91 dr. (l. 144). Étant donné l’absence d’indication de poids pour la plupart des offrandes en argent, il est difficile d’exploiter cet inventaire de la même manière que les précédents. Toutefois, si l’on restitue une moyenne de 100 dr. pour les phiales d’argent comptabilisées par les hiéropes, on obtient la répartition suivante : Or
Argent
Temple d’Apollon
3 461 dr.
[6 100] + 600 = 6 700 dr.
Artémision
3 101 dr.
5 274 dr.
Temple des Athéniens
2 099 dr.
Pôrinos Naos Autres édifices Total
[1 300] dr. 45 dr.
[8 200] + 5 420 = 13 620 dr.
8 706 dr. (1,4 T)
26 894 dr. (4,4 T)
Tableau 19 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 250.
Pour l’année 250, le total des offrandes évaluées par les hiéropes se monte donc à un poids en argent de 35 600 dr., soit à peine 6 talents attiques. La valeur de l’ensemble est bien inférieure à celle qui est inventoriée auparavant et c’est manifestement la façon de procéder des administrateurs qui est en cause. Parmi les inventaires postérieurs, aucun n’est complet au point de permettre la comparaison, mais on constate, à la lecture de l’inventaire de l’année 240 (ID 298), que perdure la même habitude consistant à indiquer le poids des offrandes en or plutôt que celui des offrandes en argent. Les phiales sont simplement comptées. Elles sont au nombre de 229 dans le temple d’Apollon avec les entrées de l’année (l. 56-96). Les vases de Stésiléôs sont pesés pour un total de 6 291 dr. (l. 107). S’y ajoutent 67 autres vases dans l’oikos des Andriens (l. 114) et 13 phiales dans le Pôrinos Naos (l. 122). On retrouve également dans cet inventaire la collection des phiales de l’Artémision rangées en rhymoi (l. 161-178). Le poids total des offrandes en or, à partir des chiffres conservés dans cet inventaire qui compte tout de même plusieurs lacunes, se monte à plus d’un talent (6 083 dr.). Pour les offrandes en argent, on ne peut donc que constater l’accroissement des collections, essentiellement par la thésaurisation issue du produit des capitaux de fondation 68. Les offrandes en or, malgré l’accroissement régulier de la collection assuré par l’entrée de couronnes d’or honorifiques, n’augmentent pas dans les mêmes proportions, loin s’en faut. Les couronnes d’or sont aussi des objets plus fragiles, soumis à la dégradation, comme en témoigne la confection de lingots d’or à partir des fragments rassemblés par les hiéropes, dans le premier quart du iie s. Cette transformation explique en partie que le montant total de l’or conservé dans le sanctuaire soit même légèrement en baisse en 179 par rapport au chiffre enregistré un siècle auparavant. Mais il est étonnant que la collection reste dans des proportions identiques entre 67.
Traduction et chiffres erronés dans Nouveau Choix, p. 138. infra p. 127-129 sur les capitaux de fondation.
68. Voir
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PARASITES DU DIEU
le iiie s. et le iie s. Nous n’avons pas trace d’utilisation d’or votif qui serait retiré au trésor pour répondre à des dépenses : pour les frais relatifs aux statues, par exemple, le sanctuaire achète de l’or 69. Il est même peu probable que les hiéropes aient fait passer dans le circuit monétaire des pièces d’or versées au trésor à titre d’offrande, car les deux parties du trésor (la part monétaire en circulation et la part thésaurisée) étaient clairement distinguées par les administrateurs. Force est donc de constater que l’or est devenu, entre le milieu du iiie s. et le début du iie s., une denrée rare et peu employée dans les offrandes votives à Délos, alors que l’essentiel de la collection d’offrandes en or a été constitué entre la seconde moitié de l’époque classique et le début du iiie s. (tableau 20). Il faut probablement voir dans cette situation le reflet de la déthésaurisation des trésors perses, dont nous voyons, pour l’usage de l’or, une traduction directe dans les pratiques votives à Délos 70.
Or Argent
a. 364
a. 279
a. 179
1,7 T
2,8 T
2,6 T
15, 1 T
15,6 T
40,5 T
Tableau 20 — Évolution de la répartition des offrandes en or et en argent dans le trésor d’Apollon (en talents).
LA FORTUNE D’APOLLON, UN POUVOIR FINANCIER ? Associés à la gestion au ive s., les Déliens avaient appris des Athéniens un certain nombre de principes comptables et financiers, qu’ils ont appliqués tout en pratiquant une administration proprement délienne. En ce sens, les comptes sont aussi le reflet de la situation extérieure. Le sanctuaire, directement impliqué dans l’activité économique égéenne par les constructions, les commandes, les achats qu’il entreprenait, subissait les conséquences des dominations poli tiques, des expéditions militaires qui sillonnaient la mer Égée en occasionnant des blocages d’approvisionnement et des fluctuations de prix, était soumis à la conjoncture. Derrière ces façades monumentales que constituent les comptes, qui semblent témoigner de pratiques administratives immuables, on perçoit donc le petit vent de l’Histoire et la façon dont les Déliens ont tenté, au fil des siècles, de s’adapter à un monde en perpétuel changement. Or la fortune d’Apollon a été maintenue dans des proportions stables au fil des siècles, dans la mesure où l’accroissement des bénéfices venait globalement compenser les ponctions réalisées pour les travaux. La gestion de la fortune sacrée a pourtant posé aux Déliens plusieurs problèmes : des problèmes techniques car il leur a fallu acquérir et perfectionner un certain nombre de méthodes et de pratiques d’administration et de gestion, en fonction de l’évolution des enjeux ; mais aussi des problèmes d’autorité pour assurer le retour des capitaux prêtés aux particuliers et, dans une moindre mesure, aux cités. 69. 70.
Chankowski 2014b, p. 43. Voir les estimations quantitatives données par Callataÿ 1989.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
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La répartition des avoirs Au total, la fortune monnayée gérée par les hiéropes à la fin de l’Indépendance n’a pas dépassé une cinquantaine de talents, caisse sacrée et caisse publique réunies. Les inventaires de jarres de la caisse sacrée montrent que la fortune du dieu a atteint 23,6 talents en 169 tandis que les fonds maniés dans la caisse publique peuvent se monter à 25 talents, bien qu’il soit difficile de faire la part des fonds qui auraient pu être prêtés sur le trésor sacré. La part représentée par les offrandes thésaurisées est beaucoup plus importante. Pour la seule caisse sacrée, la répartition des avoirs à la fin de l’Indépendance est à peu près d’un tiers d’argent monnayé (15 à 20 talents) pour deux tiers d’offrandes thésaurisées (40 talents). L’inventaire des phiales en argent montre d’ailleurs que ce type de récolement entre dans une logique de comptabilité : à la fin de l’Indépendance 40,5 talents d’argent pur s’ajoutaient aux 23,6 talents d’argent monnayé dans la caisse sacrée. La totalité des avoirs du dieu, en argent, en comptant les monnaies de la caisse sacrée et les offrandes, dépassait donc les 60 talents à la fin de l’Indépen dance (tableau 21). Argent iv s. 279 179 169 e
monnaies ± 10 T 14 T 15,5 T 23,6 T
Or offrandes 15,1 T 15,6 T 40,5 T ?
1,7 T 2,8 T 2,6 T ?
Tableau 21 — Répartition de la fortune sacrée en argent monnayé, offrandes en argent, offrandes en or.
On peut ainsi mesurer, d’une certaine manière, le champ d’action économique du sanctuaire et le comparer, autant que les inégalités de la documentation peuvent le permettre, au rayonnement économique de particuliers fortunés. La fortune dont dispose Apollon au cours de l’Indépendance le place au niveau de quelques financiers et entrepreneurs connus par les sources. Ainsi, le père de Démosthène avait laissé à sa mort une fortune de 14 talents (XXVII Contre Aphobos I, 4) mais des banquiers du milieu athénien connus au ive s. disposaient de beaucoup plus d’argent. La fortune de Pasion a été évaluée plusieurs fois avec des résultats divers (entre 40 et 74 talents) 71. Un passage de Démosthène (XXXVI Pour Phormion, 5-6) nous apprend qu’il possédait vers la fin de sa vie 39 talents de créances, auxquels s’ajoutaient d’autres biens. Le patrimoine financier d’Apollon délien pouvait donc rivaliser avec celui de quelques hommes d’affaires fortunés du ive s. : cette comparaison permettra également de mieux saisir les spécificités et l’intérêt de la politique financière développée à Délos. La fortune sacrée se place néanmoins bien loin des possibilités financières des rois hellénistiques : Callias de Sphettos, en 270/269, reçoit pour la cité d’Athènes en une fois, de la part de Ptolémée II, 50 talents d’argent et 20 000 médimnes de blé 72.
Apollon délien et les autres dieux Dans quelle mesure peut-on évaluer la composition d’autres fortunes sacrées ? Il convient tout d’abord de souligner que nous sommes, en la matière, dépendants de choix de gravure qui sont 71. 72.
Bogaert 1968, p. 388-389. Shear 1978 (l. 50-55) ; Bull. 1981, 230.
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eux-mêmes parfois le résultat de bouleversements du rythme administratif. Ainsi, nous devons au pillage du sanctuaire de Delphes et à l’amende phocidienne de disposer de la comptabilité gravée des versements et de leur usage, et l’on pourrait multiplier les exemples. Dans plusieurs cas, c’est à l’occasion d’une construction que des stèles de comptes ont été érigées : ainsi à Épidaure pour le programme d’embellissement du sanctuaire entre 370 et 250 environ, comprenant, entre autres, le temple d’Asclépios et la Tholos. Les sanctuaires ont des pratiques diverses de gravure. Le sanctuaire d’Apollon à Didymes a conservé des listes d’offrandes qui enregistrent les objets précieux consacrés année après année, sans reprise régulière de l’état des collections. Il s’agit donc de listes de ce que le vocabulaire athénien des inventaires appelle les épéteia, mais même si elles étaient tenues régulièrement par les administrateurs sur d’autres supports, elles n’étaient pas gravées annuellement : l’observation des mains et des repentirs de gravure a permis de constater que plusieurs listes annuelles avaient été gravées ensemble, au même moment 73. Ce choix de gravure nous empêche donc d’évaluer la fortune globale en offrandes thésaurisées. Inversement, les administrateurs des sanctuaires attiques et du sanctuaire d’Apollon à Délos ont conservé pendant plusieurs siècles l’habitude de faire graver chaque année, en se fondant sur des documents tenus à jour chaque mois sur des supports périssables, une ou plusieurs stèles enregistrant le compte des recettes et dépenses de la caisse sacrée ainsi que l’inventaire complet des offrandes disposées dans les temples et les trésors, accru régulièrement des nouvelles entrées 74. La pratique épigraphique de gravure des comptes pouvant être indépendante de la tenue régulière d’archives sur des supports périssables, cette disparité de la documentation nous empêche parfois d’aller très loin dans une évaluation quantitative des fortunes sacrées. On est parfois en mesure d’évaluer le coût de la construction des monuments et de s’interroger alors sur la capacité de financement des caisses sacrées. À Épidaure, le programme de constructions étalé sur un siècle s’est élevé à un total estimé à 240 à 290 talents 75. Mais on ignore comment a été organisé le financement de ces constructions : quel fut le rôle de la cité, quelle fut la part de la caisse sacrée, dans quelle mesure a-t-il fallu recourir à des souscriptions, comme le firent par exemple les naopes de Delphes pour la reconstruction du temple d’Apollon au ive s. Ces chiffres restent faibles en comparaison d’autres coûts de constructions : entre 460 et 500 talents pour le Parthénon 76, environ 300 talents pour l’ancien temple d’Apollon à Delphes (celui du vie s.) selon Hérodote (II, 180). C’est encore peu en comparaison des 400 talents de revenus annuels que Thucydide (II, 13, 3) annonce pour la Ligue de Délos. Quelques indications chiffrées nous permettent d’évaluer au moins une partie des fortunes sacrées 77. Diodore de Sicile (XVI, 56, 6), à propos du sanctuaire d’Apollon à Delphes, chiffre à 10 000 talents le montant de la fortune volée par les Phocidiens pour payer leurs mercenaires. Cette évaluation peut comporter des ressources monétaires de la caisse sacrée (produit de loyers, des taxes, d’amendes encaissées, etc.) mais pour sa plus grande partie, il doit s’agir d’offrandes précieuses, qui durent être fondues au fur et à mesure des besoins 78. Par comparaison, le sanctuaire d’Apollon délien apparaît beaucoup moins riche. On n’atteint pas les 100 talents à Délos à la fin de la période documentée, ce qui n’a pas empêché le sanctuaire d’avoir une activité de construction particulièrement développée. En tout état de 73. 74. 75. 76. 77. 78.
Debord 1982, p. 419, n. 22 ; Marcellesi 2004, p. 5. Sur l’existence de ces pratiques de catalogage à Delphes, Picard 2005, p. 56-58. Burford 1969, p. 81-85. Stanier 1953. Callataÿ 2006a, p. 49. Bousquet 1988, p. 160.
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cause, les sources, en dehors de Délos, ne permettent pas de percevoir un patrimoine dans la durée : elles renseignent sur des capacités de financement ou une accumulation d’avoirs à un instant particulier, rendant quasiment impossible la comparaison.
Thésaurisation et circulation D’un tel bilan ressort aussi l’impression que les offrandes thésaurisées composent une grande partie de la fortune sacrée. Mais il faut se garder d’en tirer des conclusions hâtives : la documentation épigraphique et littéraire a tendance à privilégier ces listes immuables et à attirer l’attention sur ces objets prestigieux. D’après les passages de Diodore de Sicile qui se réfèrent au pillage de Delphes (XVI, 28, 2 ; 30, 1 ; 37, 2 ; 56, 5), on sait que les offrandes précieuses en or représentaient au moins 4 000 talents en équivalent argent. Les 6 000 talents restants devaient composer la fortune en argent du sanctuaire, mais une grande partie n’était sans doute pas monnayée. D’ailleurs, les témoignages littéraires qui pourraient venir combler les manques de l’information épigraphique s’intéressent surtout aux offrandes précieuses à l’occasion de récits de pillages. Le même Diodore (XXXVIII/XXXIX, 7, 1), ainsi que Dion Cassius (CCC) et Plutarque (Vie de Sylla, 12, 6-9) parlent du pillage par Sylla des trésors de Delphes, Épidaure et Olympie en 86/5, sans apporter de précisions chiffrées mais en insistant sur le fait que ces sanctuaires étaient remplis d’or et d’argent qui fournirent à Sylla une grande quantité de richesses 79. L’encaisse métallique et son évolution faisaient certainement l’objet d’enregistrements systématiques mais ne donnaient généralement pas lieu à une gravure systématique des comptes, en dehors des opérations de construction, sauf à Délos où nous avons la chance de pouvoir suivre dans le détail et de façon assez complète l’évolution de l’encaisse monnayée. À Délos comme dans d’autres sanctuaires sans doute, une partie de la comptabilité, à l’époque hellénistique, était d’ailleurs réalisée avec l’aide de banques : c’est là que se trouvait le détail des écritures 80. Surtout, la distinction entre offrandes métalliques et encaisse monnayée n’est pas toujours pertinente lorsque l’on parle de circulation des richesses : il y a des trésors monétaires thésaurisés qui sont plus immobiles que des offrandes en métal précieux, parfois refondues et monnayées. Ainsi, les inventaires de jarres de Délos dans le premier tiers du iie s. montrent qu’il existe des quantités de monnaies qui sont immobilisées dans la caisse sacrée 81. De même, en reprenant l’administration du sanctuaire en 166, les administrateurs athéniens ont écarté de l’encaisse les monnaies qui n’étaient pas d’étalon attique et en ont dressé l’inventaire 82. Ailleurs, des sanctuaires hébergeaient des sommes improductives constituées des dépôts des particuliers dans le temple 83. Le vocabulaire employé dans les textes littéraires montre en revanche que les offrandes sont évaluées dans une perspective monétaire : c’est le rôle que joue la pesée dans l’estimation des résultats que l’on pourrait obtenir à la frappe 84. Ainsi, Plutarque raconte comment Sylla envoya à Delphes le Phocidien Kaphis en lui ordonnant de peser ce qu’il emporterait (Vie de Sylla, 12, 4 : σταθμῶι παραλαβεῖν, « avec une transmission par inventaire des poids »). De la même façon, les administrateurs réguliers s’attachaient à peser les offrandes 79. 80. 81. 82. 83. 84.
Callataÿ 2006a, p. 49-50 ; Chankowski 2011b. Pour Cos, voir les remarques à ce sujet de Parker, Obbink 2000 et 2001. Pour Délos, cf. Chankowski 2008b. Infra chapitre III p. 146 : 8,5 talents au total ; Chankowski 2002. Tréheux 1991. Bogaert 1968, p. 281-288. Mais Fr. de Callataÿ (Callataÿ 2006a) souligne à juste titre, p. 38 et 49, qu’il ne faut pas systématiquement interpréter le verbe κατακόπτω dans le sens d’une frappe monétaire à partir d’offrandes qui auraient été fondues.
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précieuses valorisables dans le but de parvenir à une estimation de la valeur de la fortune sacrée, tant pour l’encaisse que pour les objets 85. C’est le cas à Didymes où, quelle que soit l’issue du débat sur les modes de pesée (avec des monnaies ou avec des poids), il ressort des listes d’offrandes que les administrateurs ont voulu parvenir à une estimation de la valeur des objets conservés dans le sanctuaire, en poids d’argent : la pesée est faite au moment de la consécration de l’offrande ou peu après et le poids des offrandes est exprimé dans un étalon monétaire en usage à Milet 86. La thésaurisation concerne deux circuits différents. D’une part, les trésors des dieux accapa rent un capital chez les particuliers qui leur consacrent des objets en métal précieux. D’autre part, ils mobilisent une partie des bénéfices en liquidités issus des capitaux sacrés, lorsqu’une phiale d’argent ou une couronne d’or est consacrée sur le produit d’un revenu du dieu. Cette pratique est courante dans le cas de capitaux de fondation prêtés à intérêt et dont une partie du produit aboutit à la confection de phiales de métal précieux, parallèlement à des dépenses de sacrifices et de banquets 87. Elle est également répandue dans d’autres contextes. À l’époque hellénistique, les inventaires de Didymes montrent que la cité de Milet a parfois choisi de transformer le surplus de certaines recettes en coupes d’argent, signalées comme telles dans les listes d’offrandes 88. Il existe donc dans les sanctuaires une encaisse en circulation, souvent difficile à percevoir, et un trésor pour lequel on tend, dans des pratiques de thésaurisation, à une évaluation monétaire, qu’il se compose d’argent monnayé ou de métal précieux. On perçoit dans la composition de la fortune sacrée une conception du capital que l’on aurait sans doute tort de classer trop exclusivement du côté improductif, car cette fortune est évaluée globalement, aussi bien les liquidités que les offrandes : en principe, elle peut à tout moment être récupérée dans les circuits de redistribution des biens. La thésaurisation apparaît bel et bien comme une épargne monétarisable. Mais la part en circulation effective est moindre que la part thésaurisée et cette part en circulation peut elle-même aboutir à une nouvelle thésaurisation des bénéfices. Les pratiques d’inventaires destinées à permettre une estimation monétaire des fortunes sacrées rendent donc compte en même temps de la proportion assez faible de métaux précieux (or et argent) monnayés à l’époque hellénistique 89. L’évaluation de la fortune délienne et de son possible impact économique est donc à penser avant tout en termes de rythmes d’investissement : en mobilisant jusqu’aux limites des capacités de production de son environnement, en permettant à la cité de Délos de profiter d’emprunts réguliers sous la forme d’ouvertures de crédit pour répondre à des besoins eux-mêmes limités à une faible population et sans dépenses militaires massives à assumer, les Déliens s’étaient fixés des objectifs somme toute limités, là où les Athéniens de l’époque classique avaient davantage exploité l’argent du sanctuaire à l’appui de leur politique impérialiste. Si la thésaurisation est importante dans le sanctuaire délien, ce n’est pas par défaut de gestion : les méthodes comptables 85.
Comme l’exprime par exemple la traditionnelle formule des inventaires athéniens et déliens (cf. ID 104, l. 2-3) :
τάδε παρέδοσαν σταθμῶι καὶ ἀριθμῶι, « voici ce qui a été transmis pesé [ie. pour les offrandes métalliques
permettant une équivalence en argent] et compté [ie. pour les ex-voto divers] ». Marcellesi 2004, p. 5-25 et plus particulièrement p. 12-13 ; Bresson 2000, p. 213-219. Voir également Debord 1982, p. 218, sur le rôle financier des inventaires d’offrandes précieuses de Didymes pour l’évaluation des richesses de l’État. 87. Par exemple Vial 1984, p. 213-214. 88. Par exemple Didyma 433 (a. 270/269), l. 16-17. 89. Callataÿ 2006a, p. 65 : « Si la part monnayée paraît congrue, c’est que l’or et l’argent sont surtout conservés sous forme de lingots ou de vaisselle et de bijoux » ; Chankowski 2011b. 86.
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mises en œuvre par les hiéropes témoignent de progrès notables dans la construction d’une comptabilité complexe. Mais l’absence de projets d’envergure autres que les constructions, la diplomatie et les besoins de la cité laissait place à une thésaurisation qui prend la forme d’une épargne.
CONCLUSION : LE DEVENIR DU TRÉSOR DÉLIEN SOUS LA SECONDE DOMINATION ATHÉNIENNE À la fois composé d’offrandes précieuses et d’argent monnayé, le trésor du sanctuaire d’Apollon est un capital qui fructifie au fil des siècles en dépit des ruptures administratives et politiques. Le trésor de la Ligue de Délos qui, parallèlement à celui d’Apollon, fut abrité un temps dans le Pôrinos Naos à partir de 478, avant que les Athéniens ne décident de le transférer à Athènes probablement en 454, n’est qu’un élément transitoire au regard de la permanence des collections sacrées. Alors que Délos aurait pu perdre de son attractivité en cessant d’être le lieu de rassemblement de la Ligue, la domination athénienne qui s’était maintenue sur le sanctuaire permit la mise en œuvre d’une administration financière capable de rendre le patrimoine d’Apollon productif. C’est ce dont héritent les Déliens en 314 et qu’ils perpétuent pendant plus d’un siècle et demi. En 167/6, par la volonté de Rome et dans le contexte des remaniements territoriaux qui suivent la victoire définitive des armées romaines sur la monarchie antigonide, les Déliens sont bannis de leur territoire et l’île est remise aux Athéniens tout en devenant un port franc 90. La menace s’était fait sentir pour les Déliens dès le début du iie s., car les Athéniens n’avaient cessé d’exprimer auprès des Romains leur convoitise sur leurs anciennes possessions 91. La diplomatie délienne, qui avait pourtant décerné des couronnes honorifiques au Peuple Romain et au Sénat dans les années précédentes (ID 465 c, l. 20), comme elle l’avait fait de longue date pour les Antigonides pour affirmer la neutralité de l’île sacrée, avait donc été impuissante à maintenir la communauté civique qu’elle défendait. La décision du Sénat romain obligeait les Déliens à quitter l’île en leur laissant le droit d’emporter leurs biens meubles. La plupart des Déliens émigrèrent en Achaïe où ils reçurent l’accueil de la Confédération achéenne qui leur octroya la citoyenneté dans plusieurs de ses villes, d’où ils n’eurent de cesse de revendiquer leurs droits auprès de l’autorité romaine 92. D’autres familles s’installèrent à Rhénée où les monuments funéraires montrent leur présence et peut-être aussi le retour de certains Déliens vers la fin du iie s. 93. Quelques familles déliennes n’ont manifestement pas quitté l’île : ainsi, Echénikè, bien connue dans les inscriptions de l’Indépendance, est nommée dans une liste de prêts du sanctuaire en 161/0 (ID 1408, A, col. I, l. 38-40) avec le statut privilégié d’étrangère domiciliée (οἰκοῦσα ἐν Δήλωι) 94. Un Délien au moins, Timothéos, devint citoyen athénien du dème de Paiania et exerça la fonction d’épimélète de l’emporion en 146/5 (ID 1507, l. 17) : il est connu comme débiteur et garant durant l’Indépendance, en 175 (ID 449, B, l. 22-25). Sous la domination athénienne, il continua ses 90.
Polybe, XXX, 20. Voir infra chapitre V p. 293-297.
91. Voir infra chapitre IV p. 217 ; Perrin-Saminadayar 1994 ; Habicht 2006, p. 273-274 et 217, sur le problème
des interpolations de Valérius Antias dans le texte de Polybe. Également Roussel 1916, p. 2-7, sur cette question. 92. Polybe, XXXII, 7 ; Habicht 2006, p. 273-274. 93. Couilloud 1974, p. 66-67 et 128 no 182 ; Baslez 1976. 94. Baslez 1976, p. 345-346. Mais Echénikè n’obtient pas un nouveau prêt : elle rembourse le capital et les intérêts d’un emprunt qui datait de la période de l’Indépendance. Cette délienne ne doit pas être confondue avec Echénikè fille de Stèsiléôs, donatrice du sanctuaire (Vial 2008, s.v.).
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PARASITES DU DIEU
activités personnelles car on le voit également garant d’emprunt et emprunteur auprès de la caisse sacrée 95. Pendant une vingtaine d’année, les inscriptions de Délos mentionnent les clérouques athéniens installés à Délos en remplacement de la population délienne, ἡ βουλὴ καὶ ὁ δῆμος ὁ Ἀθηναίων τῶν ἐν Δήλωι κατοικούντων. La proportion d’étrangers résidents à Délos est aussi très forte, comme le montrent les locations des propriétés d’Apollon 96. Le retour des Athéniens comme maîtres à la fois du sanctuaire et de l’ensemble de l’île se manifeste, dans l’administration du sanctuaire, par l’affirmation d’un retour à l’ordre ancien : les dénominations des propriétés sacrées, par exemple, en témoignent 97. Ils ont également entrepris de numéroter méthodiquement les jarres du trésor monnayé ainsi que les séries de phiales 98. Après plus d’un siècle d’absence, les administrateurs athéniens, reprenant possession de leurs responsabilités, entendent manifestement réaffirmer une continuité avec leurs méthodes du ive s., développées par ailleurs dans d’autres sanctuaires de l’Attique 99. Leurs inventaires prennent la forme d’un audit des biens d’Apollon, réalisé sur ordre de l’Aréopage, comme en témoigne un passage de l’acte ID 1403 (Bb, col. I, l. 23-29) qui est l’un des premiers textes consécutifs à la remise de l’île aux Athéniens. Le texte se rapporte à des offrandes rangées dans un opisthodome, peut-être celui de la Chalkothèque ou bien du Temple d’Apollon : ταῦτα οὐ παρεστήσα[μ]εν οὕτως, ἀλλ’ ὡς ὑπογεγραμμέναι εἰσὶν αἱ στάσεις διὰ τὸ τοὺς ἐξ Ἀρέου π[άγο]υ ἄνδρας ἀποσταλέντας κατὰ τὸ ψήφισμα ὃ Θεαίνετος Αἰγι[λ]ιεὺς ἔγραψεν ἐλθό[ντας] εἰς Δῆλον ἐξετάσαι τὰ ἐν τοῖς ἱεροῖς κατὰ τὴμ Μικίωνος [π]αράδοσιν καὶ στησάν[των] α[ὐ]τῶν ὡς αὐτοῖς προσετέτακτο τὸ πρότερον μηκέτι δυνηθῆ[ναι] ἡμᾶς εὑρεῖν [τ]ὴν [παρ]ά̣σ{․}τασιν? τῶν ἐν τῶι ὀπισθοδόμωι χαλκωμάτων.
Nous n’avons pas replacé ces objets ainsi, mais dans l’ordre où ils sont inscrits parce que les hommes de l’Aréopage, envoyés à Délos conformément au décret écrit par Théainétos d’Aigilia pour inventorier les biens des sanctuaires selon la transmission de Mikion, ayant rangé les offrandes comme il le leur avait été prescrit la première fois, nous n’avons plus pu retrouver l’ordre des offrandes en bronze de l’opisthodome. Cette commission d’Aréopagites conduite par l’Athénien Mikion fut chargée de procéder à la transmission des offrandes des mains de l’administration délienne en 167 100. Cette première opération d’inventaire, qui dut s’accompagner de la pesée des offrandes, avait manifestement occasionné des déplacements dans les collections, dont les administrateurs de l’inventaire ID 1403 entendent se dédouaner. C’est peut-être ce premier inventaire qui fut érigé sur l’Agora d’Athènes, car quatre fragments y ont été retrouvés et montrent une correspondance non seulement avec les inventaires de collections de la seconde domination athénienne mais aussi avec l’inventaire délien de l’année 179 (ID 442, B, l. 5-12) 101. 95.
Baslez 1976, p. 359-360, et Vial 2008, s.v. Roussel 1916, p. 149-156 et 160. 97. Chankowski 2008a, p. 341. 98. Voir infra chapitre IV p. 182-183. 99. Pour l’Asklépieion par exemple, voir l’étude de S. Aleshire (Aleshire 1989). 100. Habicht 2006, p. 273. L’administration athénienne commence au cours de l’année 167/6, comme le montre la liste des gymnasiarques nommés dans l’île : Charneux, Tréheux 1997, p. 153-172. 101. Meritt 1944, p. 254-257, no 11. 96.
LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS
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Avec l’argent des caisses du sanctuaire, les Athéniens ont mené une opération de reclassement, en mettant de côté les monnaies athéniennes 102. Puisqu’ils n’ont pas utilisé cette encaisse, c’est avec les revenus générés sous leur exercice qu’ils ont assumé les dépenses de fonctionnement. Ils ont été attentifs au retour de prêts consentis par les hiéropes déliens, puisqu’ils reçoivent, en 161/0, le capital et les intérêts de prêts qui avaient été consentis par les hiéropes de 168 et de 167 (ID 461, Ab, l. 51 ; ID 1408, A, col. II, l. 38-39) 103. L’un de ces remboursements provient d’Hermôn fils de Solon, personnalité importante de la Délos indépendante puisqu’il était ami du roi Massinissa dont il avait obtenu un don de grain en faveur de la cité de Délos et qu’il avait remercié par une statue dans le sanctuaire 104. C’est donc certainement avec l’appui politique et institutionnel des instances de leur cité que les administrateurs athéniens étaient parvenus à faire rentrer ces fonds, et l’on peut penser que le litige auquel fait allusion Polybe (XXXII, 7), qui opposa pour un arbitrage à Rome des Déliens d’Achaïe à la cité d’Athènes, en 159/8, n’est pas étranger à ces affaires. Les Déliens obtinrent d’ailleurs gain de cause 105. De manière caractéristique, dans les actes athéniens, l’inventaire occupe la plus grande place et ordonne la logique de l’acte 106. La part dévolue à la gestion occupe moins de place, même si les locations de domaines et maisons ainsi que les prêts à intérêts se poursuivent 107. Les dépenses n’y occupent pas la place que leur accordaient les comptes des hiéropes : les actes athéniens ne sont plus la gravure d’une comptabilité comme le faisaient les Déliens, mais l’enregistrement de la conservation des biens des sanctuaires de l’île. Leur interruption, vers 140, alors que l’activité religieuse se poursuit, est manifestement le signe d’un désintérêt progressif pour la gravure de ces documents et pour la perspective patrimoniale qu’ils représentent. En effet, la perspective adoptée par les administrateurs athéniens exprime aussi la position de la caisse du sanctuaire d’Apollon à partir de 167/6 : elle n’est plus le cœur de l’activité économique et financière de l’île, car celle-ci est désormais menée par les financiers, importateurs, entrepositaires et banquiers qui font des affaires dans le port franc. La banque publique de Délos instituée avec le retour des Athéniens prend probablement de son côté des activités qui avaient été dévolues aux gestionnaires déliens des fonds du sanctuaire 108. Les pratiques comptables s’y poursuivent et s’y perfectionnent sans nul doute, mais faute de gravure des documents, nous n’avons plus accès à ces archives.
102. Voir
infra chapitre IV p. 183. Il n’y a pas de raison, comme le suppose Roussel 1916, p. 128-129, que la fonction de hiérope ait perduré sous la domination athénienne : l’acte athénien recopie simplement les éléments principaux du contrat de prêt en mentionnant les noms des hiéropes déliens qui en avaient eu la responsabilité. 104. ID 442, A, l. 102-105, et 443, Ab, l. 10 ; ID 1115, 3. 105. Habicht 2006, p. 274, et Walbank 1979, p. 525-526. 106. Voir infra chapitre IV p. 182-183 à propos de l’inventaire de l’encaisse ancienne. 107. Sur les modalités de la gestion athénienne des fermages, des loyers et des prêts, voir Roussel 1916, p. 126-179. 108. Sur les banques, voir infra chapitre IV p. 230-233. 103.
CHAPITRE III
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
Pour mieux saisir la nature des avoirs du sanctuaire et la façon dont ils ont pu fructifier, il est nécessaire maintenant d’envisager le détail des différents postes budgétaires renseignés par les comptes. Cette question nous conduit aussi à nous interroger sur l’origine des revenus qui entrent dans la caisse sacrée. Si plusieurs d’entre eux proviennent de la mise en valeur de l’espace sacré, d’autres doivent être attribués, en définitive, aux fonds publics, et transitent pour diverses raisons par la caisse sacrée. Il convient donc, dans un premier temps, à partir de l’enregistrement des encaisses par les hiéropes, de faire le tri entre les revenus qui appartiennent en propre au trésor d’Apollon et ceux qui lui sont versés en provenance du trésor public. Parmi les informations données par les comptes des hiéropes, certaines indiquent des revenus réguliers, des prosodoi dont la source ( poros) peut être clairement identifiée : les fermages et loyers constituent des revenus propres de la caisse sacrée issus des domaines et des bâtiments dont Apollon est propriétaire, les taxes sont perçues selon le même principe de la propriété sacrée sur le territoire de l’île. D’autres revenus sont nommés d’après le nom du capital qui les produit ou de la destination budgétaire à laquelle ils sont affectés ( phiale, chorégikon, prytanikon). Ce sont en réalité des fonds qui appartiennent à la cité et qui sont versés, tout ou partie, dans la caisse sacrée. Nous connaissons leur dénomination mais nous ignorons leur source, c’est-à-dire le poros qui produit ce prosodos. Sont d’abord décrits ici les revenus et fonds présents dans la caisse sacrée et lui appartenant en propre, mais comme on le verra, les points de convergences sont nombreux avec la composition du trésor public, auquel on se reportera également.
LES REVENUS MONNAYÉS DU SANCTUAIRE Ressources propres Les recettes, qui fournissent un apport stable d’environ 2 talents par an, sont les revenus réguliers du sanctuaire : fermages, loyers, taxes, intérêts des prêts aux particuliers, qui suffisent
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PARASITES DU DIEU
à son entretien régulier (tableau 22). Ces recettes sont présentes dès le ive s. sous la domination d’Athènes : c’est l’administration athénienne qui a largement contribué à créer ces ressources, jetant les bases de la fortune du sanctuaire 1. Pour l’Indépendance, les analyses qui ont été menées sur l’évolution des prix des fermages et des loyers fournissent l’ensemble des données disponibles 2. Notons tout d’abord qu’il convient, en analysant ces recettes, de bien considérer les chiffres indiqués dans les comptes. En ce sens, l’enregistrement des encaisses, comme le fait Chr. Feyel 3, n’est ici d’aucun secours : il donne au contraire une perception faussée des revenus du sanctuaire en ne distinguant pas, dans la colonne des recettes, ce qui provient des revenus réguliers du sanctuaire des sommes remboursées au titre des emprunts consentis à la cité par le sanctuaire. Le revenu des intérêts fournit quant à lui des chiffres très variables car ils comprennent souvent des arriérés. Si l’on cherche à évaluer les capacités de financement du sanctuaire, il est donc préférable de tenir compte avant tout des recettes périodiques que constituent les fermages, les loyers, les taxes, le produit des troncs et des ventes. Fermages Loyers Taxes Troncs Ventes Total
282 10 947 483,5 187 22 11 639,5
279 11 930 933,2 272 148,6 656,5 13 940,3
250 10 416 912,6 695 82,6 114,5 12 220,7
246 11 096,5 1 752,6 662,5 973,8 14 485,4
192 6 496 1 526 527 9,5 10,5 8 569
179 6 980 1 721,8 362 45,6 184 9 293,4
Tableau 22 — Évolution des recettes périodiques (en drachmes).
Les éléments qui composent ce poste budgétaire sont toutefois susceptibles d’évolutions puisqu’il s’agit de recettes affermées aux enchères. Aussi bien pour les taxes que pour les fermages et les loyers, le prix atteint lors de l’adjudication reflète en principe, dans le processus des enchères, les gains qu’il est possible de réaliser mais aussi la concurrence entre les acheteurs potentiels 4. Les comptes des hiéropes conservés préservent l’enregistrement régulier des fermages ainsi que des nouvelles adjudications tous les dix ans avec une certaine régularité, à l’exception de la période 240-220. G. Reger a étudié les variations des fermages durant la période de l’Indépendance pour les vingt téménè que possédait Apollon 5. Dans l’interprétation de l’évolution du prix des fermages, tout dépend des regroupements opérés dans la comparaison entre les établissements. Ainsi, J. H. Kent, en voulant montrer que le déclin des prix du vin dans la seconde moitié du iiie s. avait affecté les fermages des domaines liés à cette production, classait les terrains en fonction de la présence ou non de vignes, mais comme le montre G. Reger, la distinction des productions n’est pas aisée à partir des inventaires des hiéropes, qui signalent surtout l’équipement immobilier de ces domaines (étables, lieux de stockage, 1. 2. 3. 4.
5.
Chankowski 2008a, p. 279-342. Reger 1994a, p. 189-248 et 309-350 ; Kent 1948 ; Hennig 1985 ; Molinier 1914. Feyel 2006, p. 482 et tableau 35. La dénomination ἐγ[κύκλια] τέλη exprime probablement le fait que ces taxes étaient affermées aux enchères dans les kukloi : Chankowski 2007, p. 311-313, et Moretti, Fincker, Chankowski 2012, p. 239. Contra Migeotte 2001, p. 31-32, pour qui la dénomination désigne le caractère périodique du revenu. Reger 1994a p. 189-247. Également Kent 1948, p. 303-304, avec les corrections proposées par Tréheux et Brunet (cf. les références bibliographiques citées par Reger 1994a, p. 190, n. 3).
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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infrastructures artisanales) 6. Nous nous intéresserons, dans un autre chapitre consacré à la situation économique délienne, aux explications possibles de l’évolution des prix, en lien avec la conjoncture monétaire. Constatons pour lors quels en sont les mouvements, afin de mieux mesurer le budget du sanctuaire. On note, d’une manière générale, une baisse régulière du produit des domaines lors de l’affermage, entre le début du iiie s. et les années 170 7 et plus particulièrement, pour une partie des domaines (dont G. Reger suppose qu’ils produisaient des céréales car l’évolution des prix est la même que pour l’alphita), avec une chute brutale entre les années 250 et les années 220 (sans que l’on connaisse le détail de l’évolution entre ces deux pôles 8). Il faut également noter une forte baisse au début de la période analysée, en 290 exactement. Pour les loyers des maisons sacrées, pour lesquels la documentation est moins complète, la courbe reconstituée par G. Reger présente une tendance générale à la hausse avec des périodes de chute, en particulier dans les années 220, et en 197, et une forte hausse au milieu du iiie s. 9. L’évolution du produit des taxes est plus difficile à analyser car les hiéropes ne mentionnent pas toujours cette recette de la même manière 10. Elle semble présenter d’abord une tendance à la hausse dans la première moitié du iiie s., puis une tendance à la baisse à partir du milieu du iiie s. (tableau 22). Quant au produit des intérêts des prêts versés par les particuliers, il constitue un revenu aléatoire car irrégulier dans ses versements 11. Il faut donc conclure que les recettes régulières du sanctuaire ont plutôt eu tendance à diminuer au cours de l’Indépendance. Dans le compte complet de l’année 179 (ID 442 A), le total des recettes annuelles atteint 9 294 dr., soit seulement 1,5 talent, alors qu’il atteignait un peu plus de 2 talents au iiie s. En dépit de cette tendance à la baisse, les revenus réguliers suffisaient à assumer les dépenses courantes, comme cela était le cas à l’époque de la domination athénienne au ive s. Au iie s., la formulation des hiéropes a évolué et ils mentionnent principalement le reliquat (perion) qui subsiste sur ces recettes de l’année, une fois traitées les dépenses courantes 12. Ce reliquat se monte généralement à près de 4 000 dr. ou plus et suffit à démontrer la capacité du sanctuaire à subvenir à ses dépenses régulières. En moyenne, le « perion de la stèle », comme les hiéropes nomment le solde du compte courant, pouvait financer les travaux de l’année suivante pour lesquels les hiéropes procèdent à des retraits dans l’encaisse qu’ils reçoivent de leurs prédécesseurs. La caisse sacrée a même assumé, au iie s., des dépenses sur des bâtiments publics, probablement parce que des fonds étaient disponibles à cet effet 13.
Autres recettes Revente Le sanctuaire accroissait ses profits par une exploitation maximale de ses biens, revendant le bois et les pierres des édifices en ruines, faisant commerce de l’engrais tiré de la fiente des 6.
Reger 1994a, p. 193. Voir le tableau de Reger 1994a, p. 195 et le graphique p. 196. 8. Reger 1994a, p. 198-199. 9. Reger 1994a, p. 243. 10. J’ai analysé l’apparition de ces taxes et leurs dénominations dans Chankowski 2008a, p. 295-307. 11. Vial 1984, p. 367. 12. Voir supra chapitre II p. 73-74 à propos du montant moyen du perion. 13. Supra chapitre II p. 74-76. 7.
106
PARASITES DU DIEU
tourterelles et de la peau des animaux sacrifiés ainsi que des amphores vides (voir par exemple ID 442, A, l. 155-159). Il en retire annuellement quelques dizaines de drachmes. La revente constituait bel et bien une catégorie de recettes que les hiéropes avaient constituée dans leurs usages comptables, si bien que l’on trouve parfois la mention globale de ces recettes sous le libellé καὶ ἀποπ̣[ρ]α̣θ̣[έντων?] (ID 371, A, l. 5). La vente des peaux est assez bien éclairée par les comptes. Ainsi, l’encaisse des comptes de 279 (IG XI 2, 161, D, l. 1-12) et de 179 (ID 442, A, l. 158-159) consigne comme recette complémentaire la vente des peaux de victimes sacrifiées à Asklépios, pour 21 et 56 dr. La responsabilité de la vente des peaux revenait aux prêtres, qui en remettaient le produit aux hiéropes. En 269, les hiéropes mentionnent la vente de la peau du « bœuf des Apollonia » (IG XI 2, 203, A, l. 64). De même lors des Posidéia, la vente de la peau du bœuf sacrifié constituait une recette supplémentaire dans le budget de la fête 14. Ces recettes supplémentaires augmentaient le montant du budget alloué pour ces fêtes, qui était fixe, comme on le verra. Mais une partie au moins des recettes provenant de la vente des peaux arrivait dans le trésor sous une forme déjà thésaurisée. Ainsi, on trouve dans les inventaires une catégorie de vases σκάφια ἀσκληπιακά, qui devait représenter la consécration d’une partie des recettes du sanctuaire d’Asklépios (ID 320, B, 56 ; 442, B, l. 43-48). Ph. Bruneau suppose qu’il s’agissait du produit de la vente des peaux et de la viande des bêtes sacrifiées 15. En effet, les inventaires de la seconde domination athénienne mentionnent, dans l’Asklépieion, quatre phiales offertes ἀπὸ τῶ[ν γ]ερῶν (ID 1416, A, II, l. 7-8) et ἀπὸ τῶν δερμάτων (ID 1417, B, I, l. 113, 115-116, 124). Il faut toutefois se garder, comme le souligne à juste titre Ph. Bruneau, de confondre ces deux catégories de vases : les quatre phiales étaient consacrées à Asklépios, alors que les skaphia avaient été régulièrement offerts à Apollon par les prêtres de l’Asklépieion. Ces offrandes en métal précieux témoignent en tout cas de l’existence de recettes extérieures au sanctuaire, provenant des « autres dieux » de Délos qui versaient manifestement au trésor d’Apollon une contribution sur leurs recettes propres. Le fait est intéressant, alors que dans le monde grec, de nombreux règlements de prêtrises témoignent au contraire de l’importance que revêt la vente des peaux au bénéfice du prêtre, parmi les revenus qu’il peut tirer de sa charge. Seul le prêtre d’Asklépios semble verser directement à la caisse sacrée le produit de la vente des peaux au cours de l’Indépendance. D’autres animaux étaient pourtant sacrifiés à d’autres dieux qu’Apollon à Délos mais les menues recettes que pouvait en tirer le personnel cultuel devaient plus probablement être accumulées pour être consacrées peut-être sous forme de phiales à Apollon, comme on le voit dans le cas des revenus de l’Asklépieion. En général, le partage du produit de la vente des peaux faisait l’objet de règles strictes, comme en témoignent ailleurs les règlements de prêtrises qui, lors de la vente de la charge, prévoient avec précision quels seront les bénéfices de l’acheteur. La caisse sacrée d’Apollon tendait ainsi à centraliser les ressources monétaires des divinités de Délos. En effet, puisque l’ensemble des sanctuaires de l’île était à la charge de la caisse sacrée d’Apollon, il lui revenait aussi de percevoir les recettes qui en provenaient. Les innovations athéniennes de l’époque classique, et en particulier l’organisation initiée en Attique par les décrets de Callias pour les finances des sanctuaires, n’étaient probablement pas étrangères à cette pratique 16. 14.
Références dans Bruneau 1970, p. 264. Bruneau 1970, p. 364-365. 16. Chankowski 2008a, p. 127-148. 15.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Les recettes que tire le sanctuaire de la vente des peaux ne doivent pas être confondues avec celles de la commission des boônai, qui relèvent, comme on le verra, de la caisse publique. Outre les peaux des animaux sacrifiées, les hiéropes vendaient également au marché des animaux vivants qui avaient été consacrés par les fidèles. Il ne s’agissait pas d’animaux destinés aux sacrifices, mais bien de consécrations au dieu, au titre d’une aparchè, d’une dîme ou d’une contribution sur des revenus personnels 17. Les inventaires en apportent la preuve, car il arrive aux hiéropes de mentionner qu’ils ont consacré un vase « à la place de » (ἀντὶ τοῦ) tel animal offert au dieu 18. Cl. Vial a considéré qu’il s’agissait d’objets en forme d’animaux que les fidèles avaient consacrés et que les hiéropes faisaient transformer en phiales, pour des raisons de commodité 19. En réalité, il s’agit de la vente d’animaux bien réels, qui avaient été consacrés à Apollon et n’étaient pas destinés à être sacrifiés. Le sanctuaire ne pouvait conserver ces animaux puisqu’il n’avait pas vocation à l’élevage, si bien que le produit de leur vente au marché aboutissait à la consécration d’une offrande en métal précieux correspondant au montant de l’argent obtenu dans la transaction. Le phénomène est intéressant à la fois du point de vue des pratiques rituelles à l’égard du sanctuaire et du point de vue des choix économiques : que ce soit par la volonté de préserver une tradition ou par le fait de leur situation économique, certains fidèles préféraient offrir un don en nature en laissant aux hiéropes le soin de le monétariser plutôt que d’avoir eux-mêmes recours au marché. Les hiéropes utilisaient également le marché pour revendre des matériaux usagés, mis au rebut ou pouvant être réutilisés : tuiles excédentaires ou anciennes (IG XI 2, 144, A, l. 21; provenant des oikoi : IG XI 2, 287, A, l. 22-23 ; du Pythion : ID 290, A, l. 103), pièces de bois provenant du Poulydamas (IG XI 2, 159, A, l. 49), de l’Inôpos (ID 354, A, l. 18-19), du Kynthion (ID 442, A, l. 157) ou de l’Hérakleion (ID 442, A, l. 158), pierres du péribole du sanctuaire (ID 442, A, l. 159), bois provenant de la taille de figuiers sauvages (ID 353, A, l. 37-38). Ces matériaux avaient été mis de côté à l’occasion de travaux dans le sanctuaire et il importait à la fois de s’en débarrasser pour faire place nette et de tirer profit de ce qui pouvait encore avoir de la valeur. Ce recours au marché est donc d’un grand intérêt pour l’analyse des choix économiques 20.
Troncs Le produit des troncs (ἐκ θησαυρῶν) est une autre des recettes centralisées par le trésor d’Apollon. Les comptes en nomment cinq : le tronc du sanctuaire d’Apollon, le tronc de l’Asklépieion, le tronc de l’Aphrodision, le tronc de l’Artémision-en-l’île et, à partir du iie s., le tronc du Sarapieion 21. Ces troncs étaient ouverts annuellement par des employés du sanctuaire, généralement au début de l’année, en Lénaion, de façon à assurer une recette complémentaire dans l’encaisse en début d’exercice 22. Le produit de ces troncs à offrandes est très variable. Celui d’Apollon, qui atteint parfois une centaine de drachmes, rapporte toujours plus que les autres, dans lesquels on ne trouve généralement que quelques drachmes 23. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23.
Comme le souligne Chr. Chandezon à propos d’autres sanctuaires, « il y a une différence entre les dons de bêtes destinés à former ou accroître les troupeaux sacrés et les dons de victimes » (Chandezon 2003, p. 292). a. 258 (IG XI 2, 224, B, l. 27) ; a. 250 (IG XI 2, 287, B, l. 90) ; a. 240 (ID 298, A, l. 108-112). Vial 2008, s.v. Aristomachos. Infra chapitre V p. 264-265. Sur le décor de ces troncs, voir Bruneau 1970, p. 365. À une exception près, concernant la fête des Posidéia : cf. Bruneau 1970, p. 92-93. Voir les données rassemblées par Bruneau 1970, dans le tableau p. 366-367.
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PARASITES DU DIEU
Là encore, on constate pour toutes les divinités que cette recette aboutit dans le trésor d’Apollon alors que le dieu n’est pas le seul bénéficiaire de ces offrandes. Il ne semble pas que ces lots de menue monnaie aient fait l’objet d’une transformation en vase métallique : elles devaient entrer directement dans l’encaisse des hiéropes, d’autant plus qu’elles étaient a priori constituées de monnaies en usage. Dans le compte de 250 (IG XI 2, 287, A, l. 200), les hiéropes enregistrent, outre le produit des troncs déjà récolté en Lènaion (82 dr. 4 ob. ¼ ob. 1 ch. l. 4-5), une somme totale constituée sous leur exercice dans les thesauroi. L’éditeur du corpus a inscrit 5 040 dr., 4 oboles et une demi-obole, une somme d’un montant inhabituel. C’est une erreur de lecture (𐅆 pour 𐅄) et le montant de l’année s’élève en réalité à 90 dr., 4 oboles et une demi-obole, un chiffre qui reste dans les mêmes proportions que le produit de l’année précédente.
Amendes Plusieurs entrées figurent dans la caisse sacrée au titre des amendes imposées par les logistes aux hiéropes dans le cadre des redditions de comptes. Dans un cas, l’amende a été versée par les bouleutes au profit de la caisse sacrée (ID 399 A, l. 120-121) 24. Les hiéropes donnent le détail de ces recettes dans les premières années de l’Indépendance (IG XI 2, 147, B, l. 2-4 ; 162, A, l. 41), puis à partir de 274, enregistrent le total de la somme sous la rubrique ἐξ εὐθυνῶν (IG XI 2, 199, A, l. 18 ; 269 cA, l. 3 et eB, l. 2 ; ID 354, l. 18) 25. La recette était de 860 dr. en 274 (IG XI 2, 199, A, l. 18) mais c’est là le total le plus élevé pour ce revenu par nature irrégulier, qui ne constitue qu’une entrée de quelques drachmes ou dizaines de drachmes dans la caisse sacrée de manière épisodique.
SUBVENTIONS ET FONDS AFFECTÉS Plusieurs entrées dans la caisse sacrée étaient des sommes fixes destinées à financer une dépense particulière. Elles prennent la forme de subventions versées par le trésor public dans la caisse sacrée. La caisse sacrée contenait également des fonds clairement identifiés, qui étaient versés régulièrement par la cité, probablement sur des recettes qui relevaient du trésor public. La caisse sacrée en venait ainsi à recevoir des reliquats du budget de la caisse publique et à constituer une réserve.
La phiale L’énigmatique « produit de la phiale » (ἐκ φιάλης) est une recette régulière, perçue mensuel lement, comme le montrent certains comptes qui en fournissent le détail (IG XI 2, 203, A, l. 31-32 ; IG XI 2, 205, Ba, l. 16-18 ; IG XI 2, 224, A, l. 10 ; IG XI 2, 287, A, l. 18-24 ; ID 290, l. 4-7). Le compte de l’année 250 montre bien que ce revenu est enregistré dans le chapitre des recettes du sanctuaire avec un décompte mensuel (IG XI 2, 287, A, l. 18-23). Le revenu n’est pas identique chaque mois et se monte généralement à une drachme et quelques oboles, parfois 2 ou 3 dr. Les comptes du iie s. en donnent généralement le produit pour l’année (ID 316, l. 12 : τὸ ἐκ [φ]ιάλης εἰς τὸν ἐνιαυτὸν ; ID 442, A, l. 156, etc.), qui atteint une trentaine de drachmes au maximum.
24. 25.
Vial 1984, p. 115 et n. 119. Vial 1984, p. 157-158 ; Fröhlich 2004, p. 386 et 417-418.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Pour Th. Homolle, cette mention désignerait une redevance payée par ceux qui offraient des sacrifices, pour l’utilisation du matériel de cérémonie 26. Cette interprétation a été admise depuis. En réalité, il faut croiser ces mentions de recettes « de la phiale » avec une procédure attestée à six reprises dans les comptes des hiéropes entre 190 et 169. Les hiéropes signalent avoir perçu les revenus des domaines de Mykonos et les avoir remis aux prytanes « pour les dépenses mensuelles et les dépenses de la phiale », puis avoir remis le reliquat à l’épistate : τὰ δὲ ἐνηρόσια Θαλέου καὶ Δωρίου καὶ Χερσονήσου πράξαντες [ἐδ]ώκαμεν τοῖς πρυτάνεσιν εἰς τὰ κατὰ μῆνα καὶ τῆ̣ς φιάλη̣ς· τὸ δὲ λοιπὸν ἔδομεν τῶι ἐ[πι]στάτει 27. Les revenus des loyers de Mykonos étaient toujours remis au Conseil et aux épistates par les hiéropes, comme en témoignent d’autres mentions dans les comptes de la fin du iiie s. 28. On apprend donc par ce passage que le revenu du fermage était affecté aux dépenses mensuelles et aux dépenses « de la phiale », qui doivent être ici des dépenses de la caisse publique de Délos. Dans les comptes des hiéropes, la mention du revenu « de la phiale » figure dans la catégorie des dépenses réalisées par décret du peuple. Un autre passage des comptes des hiéropes indique en effet la destination du revenu « de la phiale » dans les dépenses du sanctuaire : il contribuait à financer le nettoyage régulier et la purification du sanctuaire (IG XI 2, 161, A, l. 116-117 : πρὸς τὸ ἐκ φιάλης εἰσελθὸγ κατὰ μῆνα ὥστε τὸ ἱερὸγ καθαίρεσθαι προσαναλώσαμεν δραχμὰς ·Δ𐅂𐅂𐅂𐅂Ι𐅁·, « en ce qui concerne le revenu mensuel de la phiale pour la purification du sanctuaire
nous avons dépensé en totalité 14 dr. 1 ob. ½ ob. »).
« La phiale » est donc une formule métonymique qui désigne plus largement les frais de nettoyage et de purification, aussi bien pour le sanctuaire que pour la cité, dans le vocabulaire des Déliens. Ces frais étaient assumés par un service public dans la cité délienne. Ainsi, les prytanes, qui géraient nécessairement des dépenses à un rythme mensuel, reversaient régulièrement au sanctuaire, sous une forme mensuelle, un revenu que le Conseil recevait des hiéropes en une fois. Les hiéropes percevaient le fermage des domaines de Mykonos en même temps que les autres loyers mais le produit, qui se monte à plus de 600 dr., était réparti par les soins du Conseil et sans doute divisé entre plusieurs destinations. Les dépenses de nettoyage du sanctuaire telles qu’elles sont mentionnées dans les comptes montrent qu’elles consistaient au moins en deux sortes de frais : l’achat d’un porcelet pour purifier chaque mois le sanctuaire et l’enlèvement des ordures pour lequel un ouvrier est rémunéré ([τ]ὸν χοῦν ἐξενέγκαντι ou τὸν χοῦν ἐκκαθάραντι). Ces deux dépenses mensuelles excédaient assurément les quelques oboles qui provenaient chaque mois « de la phiale » et les hiéropes devaient ajouter quelques drachmes à ce poste de dépenses dans leur exercice budgétaire. Ce revenu modeste qui venait de la cité était donc le reliquat du produit des fermages de Mykonos, une fois déduites les sommes qui étaient attribuées aux dépenses κατὰ μῆνα de la cité. C’est ce qui permet d’expliquer que le revenu ne soit pas tout à fait identique chaque mois. Un surplus pouvait même parfois parvenir dans la caisse du sanctuaire : un passage mutilé d’un inventaire de jarres de cette période mentionne d’ailleurs un « reliquat de la phiale » (περιόντος ἐκ τῆς φ[ιάλης], ID 455, Ab, l. 6). Ce procédé n’est pas réservé à cette seule recette. Il arrivait fréquemment, en effet, que la caisse publique verse à la caisse sacrée des reliquats non employés et les lui affecte comme à une sorte de réserve. 26.
Homolle 1890, p. 460 ; Migeotte 2014, p. 604. ID 440, A, l. 56-57. Cf. 401, l. 25-26 ; 403, l. 55-56 ; 442, A, l. 24 ; 449, A, l. 4-7 ; 461, Ab, l. 30. 28. ID 369, A, l. 44 ; 366, A, l. 101-102 ; 346, A, l. 13. Les épistates en question sont, selon Cl. Vial, les épistates des fêtes, car aucun épistate des prytanes n’est nommé dans les inscriptions déliennes (Vial 1984, p. 125-126). 27.
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PARASITES DU DIEU
La rubrique ἐκ φιάλης est donc une dénomination qui fait partie de l’organisation du budget de la cité : elle correspond à la répartition d’un revenu affecté à la caisse publique pour des opérations de nettoyage et purification relevant des dépenses mensuelles de la cité. Les hiéropes le citent sous cette forme parce que le sanctuaire en perçoit les reliquats mensuels, qui sont utilisés pour le nettoyage du sanctuaire, conformément à la destination générale de ce poste de dépenses. La préposition ἐκ dit d’ailleurs clairement qu’il s’agit d’une ligne budgétaire extérieure dans laquelle on puise. Au contraire, d’autres fonds directement et entièrement affectés par la cité au sanctuaire sont nommés par leur destination dans la caisse sacrée, avec l’emploi de la préposition εἰς.
Subventions pour les fêtes et les concours La caisse de la cité participait à l’organisation des fêtes déliennes en versant au sanctuaire des contributions. Toutefois, la question est plus complexe qu’un simple versement de subventions. Si les chercheurs ont parfois considéré de manière uniforme les versements de la cité, l’examen des comptes révèle une complexité beaucoup plus grande du montage financier entre la caisse du sanctuaire et celle de la cité 29.
Les prix des concours gymniques des Apollonia Pour l’organisation du concours gymnique des Apollonia, la caisse sacrée recevait une subvention de la part de la cité, exprimée par la formule εἰς ἆθλα. Elle était destinée à financer l’achat des prix et l’entraînement des équipes de lampadédromes, ainsi que la préparation du stade par des ouvriers et la fourniture d’huile 30. D’un montant de 100 dr. au iiie s. et au début du iie s., elle est réduite à 50 dr. à partir des années 180 (ID 440, a. 174) 31. La somme allouée par la cité était insuffisante pour l’ensemble des dépenses et le sanctuaire affecte d’autres recettes, comme le produit de la vente de la peau du bœuf sacrifié, pour compléter ce budget, qui s’élève généralement à plus de 160 dr. (IG XI 2, 203, A, l. 36 ; l. 64 ; IG XI 2, 274, l. 24 32).
Le salaire des aulètes pour les Apollonia La cité réservait, en fin d’année, la somme de 3 470 dr. destinée au salaire des aulètes. Au iiie s., la somme était déposée dans la caisse sacrée. Les hiéropes en fonction l’année suivante recevaient ce dépôt dans l’encaisse et le remettaient aux nouveaux trésoriers au moment du paiement. Au iie s., les 3 470 dr. sont versées dans la caisse publique par les trésoriers et cette entrée est enregistrée par les hiéropes. La somme servait à rémunérer les deux musiciens chargés d’accompagner, lors des Apollonia, les deux chœurs de garçons 33. 29.
30. 31. 32. 33.
Migeotte 2014, p. 611 et n. 98, considère à tort que les quatre fêtes des Apollonia, Thesmophoria, Eileithyaia et Posidéa seraient subventionnées par la cité, sur un modèle identique, suivant Bruneau 1970, p. 66-67, 216219, 260-264. Bruneau 1970, p. 66-67. Cf. IG XI 2, 203, A, l. 64: εἰς ἆθλα καὶ τοὺς λαμπαδιστὰς ἐλάβομεν παρὰ ταμίου δραχμὰς ⁝Η⁝. Tréheux 1952, p. 588, n. 5, suggère à juste titre de restituer 50 dr. plutôt que 100 dr. dans le compte ID 449. Il en va de même pour ID 442. Cf. Bruneau 1970, p. 66. IG XI 2, 203, A, l. 64 : εἰς ἆθλα καὶ τοὺς λαμπαδιστὰς ἐλάβομεν παρὰ ταμίου δραχμὰς ⁚Η⁚ καὶ ἡμεῖς ἔδομεν ἐκ τῆς βύρσης τοῦ βοὸς τοῦ εἰς τὰ Ἀπολλώνια, τιμὴ ⁚ΔΔΙΙ· καὶ ἀπὸ τούτου ἐλαίου παρὰ Π․․ Fraisse, Moretti 2007, p. 218, sur la répartition de cette somme. L’acte de l’archonte de 168, connu par un fragment découvert lors des fouilles du Prytanée en 1987 (Prêtre 2000) indique le nom des aulètes
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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La somme comprenait en réalité, non seulement le salaire (μισθὸς) mais aussi les indemnités de nourriture (σιτηρέσιον) et les frais de réception (ξένια), les frais de chœurs (χορηγήματα) et le prix aux vainqueurs (νικητήριον) 34. La somme était fixe et la dépense pouvait parfois laisser un reliquat (ID 399, A, l. 42-43), ce qui montre que le paiement des salaires des artistes devait s’adapter au montant concédé. Il n’y a donc pas lieu d’en tirer des conclusions sur l’évolution ou l’absence d’évolution des salaires de ces aulètes 35. Les comptes du début du iie s. montrent clairement, grâce aux inventaires de jarres des deux caisses, que la somme appartient à la caisse publique : elle est déposée auprès des hiéropes dans la caisse publique en fin d’année pour être remise aux trésoriers de l’année suivante (ID 399, A, l. 41-43, 54-57 et 59-61 ; ID 442, A, l. 85-86, 112-113, 127-128). Au iiie s., les trésoriers déposent dans la caisse sacrée la somme de 3 470 dr. qui est reversée l’année suivante par les hiéropes aux trésoriers. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une subvention : l’argent est comptabilisé dans les entrées du sanctuaire mais il ne fait que transiter par la caisse sacrée, qui joue le rôle de lieu de dépôt pour une réserve budgétaire. La formulation des hiéropes, lors de la balance du compte, le prouve car ils mettent à part cette somme (a. 217, ID 355, l. 6-7 : λοιπὸν ἐν Ἀρτ] εμισίωι σὺν τῶι τῶν αὐλητῶν [μισθῶι]). Il s’agit donc de la réserver en début d’année, pour une dépense récurrente qui doit être assurée dans le cadre de la fête. Cette somme ne doit pas être confondue avec le paiement du salaire de la flûtiste qui intervient dans le chœur des Déliades : celui-ci est à la charge du sanctuaire 36. Quant aux chœurs de paides qui se produisaient lors des Apollonia, ils étaient financés par des chorèges. Le financement des Apollonia apparaît ainsi véritablement composite, constitué de fonds sacrés, publics et privés.
Les frais de prestation des technites lors des Dionysia D’autres sommes, décrites comme destinées aux technites, apparaissent dans les inventaires de jarres de la caisse sacrée 37. Ces frais de représentation des technites, qu’il faut peut-être associer à des sommes versées « pour le théâtre », étaient remis aux hiéropes par les trésoriers pour le paiement des artistes lors des Dionysia 38. Les sommes allouées aux technites ne se confondent pas avec les 3 740 dr. réservées pour le salaire des aulètes, puisque les sommes coexistent dans les inventaires de jarres. Dans le cas des technites, il s’agit probablement d’une dépense qui se rattache cette fois à l’organisation des Dionysia, qui comportaient trois épreuves : le chœur de garçons, la comédie et la tragédie 39. Les chorèges des Dionysia supportaient la plus grande partie de la dépense mais la cité de Délos y
34. 35. 36. 37. 38.
39.
recrutés : [κ]αὶ ἐμισθώθησαν αὐληταί, l. 3-4. Mais contrairement à ce que pense l’éditrice de cette inscription, la formule ne révèle aucun changement de procédure puisque les frais relèvent du trésor public. ID 362, A, l. 1-2 : [μισθ]ὸς τοῖς αὐ[λ]ηταῖς καὶ ξένια καὶ σιτηρέσιον ; ID 442, A, l. 128 : τοῖς αὐληταῖς ΧΧΧ καὶ τὸ σιτηρέσιον καὶ τὰ χορηγήματα καὶ τὸ νικητήριον ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ. Le salaire de l’aulète du chœur des Déliades, payé par les hiéropes, est au contraire sujet à des variations. Voir Bruneau 1970, p. 37 ; Sifakis 1967, p. 38 ; Fraisse, Moretti 2007, p. 218. Bruneau 1970, p. 37 et 69. Traduction erronée par « artisans » dans Nouveau Choix, reprise par Migeotte 2005, p. 31. Ces technites ne sont pas pris en compte par Le Guen 2001, car les comptes ne précisent jamais qui ils étaient, mais le corpus des décrets honorifiques témoigne de la présence de technites dionysiaques à Délos, en dehors du fait que le sanctuaire était un lieu d’exposition de stèles honorifiques qui ne concernaient pas que la cité de Délos : voir par exemple IG XI 4, 1060 (décret des technites de l’Isthme et de Némée pour le fils de Télésôn, Délien = Le Guen 2001, TE 19). Moretti, Fraisse 2007, p. 225.
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engageait donc aussi des fonds 40. Le sanctuaire devait quant à lui contribuer à l’achat de fournitures (par exemple des torches pour le chœur, vers 265, ID 219, A, l. 16 : ὅτε οἱ τεχνῖται ἐπεδείξαντο δαῖδες τῶι χορῶι —). Comme pour les Apollonia, le financement de la fête est composite. La somme, mentionnée dans la caisse sacrée sous la forme d’un reliquat ( perion ou perigeno menon) est reçue des trésoriers de la cité (ID 442, A, l. 13, 21, 52-53 ; 453, A, l. 12 et 17 ; 455, Aa, l. 9 ; 461, Aa, l. 28-31, 40, 53, 65-66, 72). Il s’agit de fonds affectés précisément aux xenia des technites (ID 442, A, l. 17-18 ; 453, A, l. 15 ; 455, Aa, l. 13 ; 461, Aa, l. 36-37). Une autre jarre précise que les fonds affectés aux technites sont « pour le théâtre » (461, Aa, l. 65-66). Peut-être faut-il associer à ces dépenses pour les technites une jarre dont le contenu était destiné au théâtre (ID 461, Aa, l. 48 : ἀπὸ τοῦ εἰς τὸ θέατρον, « sur le fonds destiné au théâtre »). L’une des jarres associe quant à elle un « perion des technites » avec un fonds provenant du chorégikon (461, Aa, l. 30-31). Ce sont en fait les reliquats de ce budget qui sont régulièrement versés dans la caisse sacrée (ainsi en 184, 182, 181, 179, 178, 173 et 170) mais le reliquat a été une fois, en 180, remis dans la caisse publique (jarre no 151). Cette somme pour les technites faisait partie des fonds « affectés » (διάτακτα) : son versement dans la caisse sacrée était décidé au moment de la répartition des revenus publics, ce qui explique sans doute qu’une fois les dépenses réalisées, le reliquat, qui peut compter plusieurs centaines de drachmes (par exemple jarre no 72), reste généralement dans la caisse sacrée conformément à la destination initiale de la somme. Au contraire, la somme déposée dans la caisse sacrée pour les aulètes (dont il a été question ci-dessus) ne fait qu’y transiter : elle constitue une réserve déposée en début d’année, si bien que le reliquat éventuel revenait dans la caisse publique après l’accomplissement de la dépense (jarre no 121). Le fonds dont est issu cette somme pour les technites appartient donc lui-même à la caisse publique, et pourrait par exemple provenir d’un revenu dont elle avait la charge, peut-être le revenu d’une fondation. Alors que la somme réservée pour le salaire des aulètes des Apollonia est versée tout au long de l’Indépendance, on ne trouve des mentions de la subvention pour les technites qu’à partir du iie s., ce qui laisse penser que le fonds était récent. Il convient de ne pas confondre ces sommes, manifestement destinées aux représentations théâtrales, avec des dépenses que les hiéropes ont maintenues pendant quelques années pour l’entretien de trois, puis deux artisans (τεχνίται), employés à temps plein par le sanctuaire entre 282 et 280. Les hiéropes avaient alors consacré une somme à leurs frais de nourriture et à l’achat de blé 41.
Thesmophoria, Posidéia et Eileithyaia : des fêtes subventionnées ? Le procédé de la subvention s’applique également à la fête des Thesmophoria, dont les dépenses étaient couvertes en partie par une somme allouée par la cité et pour le reste par le trésor d’Apollon. La somme allouée par la cité n’était que de 50 dr. alors que les dépenses financées par la caisse sacrée s’élevaient généralement à près de 80 dr. 42. La question de l’existence d’une subvention se pose en revanche pour la fête des Posidéia, qui donne lieu à une dépense de 600 dr. détaillée dans un mémoire que rédigent les hiéropes. Th. Homolle et F. Durrbach considéraient qu’il s’agissait d’une subvention de la cité parce que, 40.
Voir aussi infra p. 113-116 à propos du chorégikon. Feyel 2006, p. 404. C’est sans doute ce parallèle qui a suscité l’erreur de traduction (« artisans » au lieu de « technites ») du Nouveau Choix reprise aussi par Migeotte 2005, p. 31 : voir supra n. 37. 42. Bruneau 1970, p. 290.
41.
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dans un compte du milieu du iiie s. (IG XI 2, 274, l. 17), les hiéropes distinguent la dépense de 600 dr. pour les Posidéia et une dépense complémentaire effectuée par le sanctuaire pour la même fête 43 : [— — — — — — κ]αὶ εἰς τὰ Ποσίδεια ·𐅅Η· καὶ ἡμεῖς ὑπεραναλ[ώ] σαμεν ΗΔΔΔΔ𐅃𐅂ΙΙΙΙ — — — — — — — — — — — . Toutefois, les hiéropes ne déclarent jamais avoir reçu de subvention de la part des trésoriers de la cité pour les Posidéia 44 et aucune entrée ne figure à ce titre dans les inventaires de jarres du iie s. alors que c’est le cas pour les autres fêtes subventionnées. Les mémoires détaillés des hiéropes, au iie s., font suivre la liste des dépenses de la liste des recettes pouvant les solder : outre les 600 dr. qualifiées de « somme réservée » (par exemple ID 445, l. 11 : ἔχομεν δὲ τὸ ἀποτεταγμένον 𐅂𐅅Η), ils ont recours aux revenus de la taxe des demi-oboles, de la vente de peaux, de la revente des amphores vides. La dépense totale couverte par ces recettes se monte ainsi à 668 dr. en 178 (ID 445, l. 1-12), à 653 dr. en 174 (ID 440, l. 60-68) et à 657,5 dr. en 170 (ID 464, l. 11-12) 45. Le terme ἀποτεταγμένον a incité L. Migeotte à considérer que la somme de 600 dr. devait provenir d’une subvention de la cité, puisque c’est ainsi qu’est formulée le plus souvent la répartition des fonds publics 46. Mais s’il y a bien eu répartition, rien ne permet de penser qu’il s’agisse d’une somme provenant de la caisse publique. Il s’agit plutôt, comme pour les Eileithyaia dont les dépenses sont traitées par les hiéropes avec celles des Posidéia, d’une somme réservée (τὸ ἀποτεταγμένον) dans le budget du sanctuaire à cet effet. La dépense reposait bien entièrement sur la caisse sacrée, mais il est probable qu’elle était financée à hauteur de 600 dr. par un revenu fixe (le prêt d’un talent à 10 % d’intérêt annuel ?), ce qui expliquerait que le montant ne varie pas. Comme pour Asklépios, on devine ici des ressources propres des « autres dieux de Délos », qui apportaient leur contribution à la caisse sacrée d’Apollon 47. La dépense des Eileithyaia était également fixe. Les hiéropes en tenaient, comme pour les Posidéia, un mémoire détaillé 48. Dans les comptes plus anciens (IG XI 2, 146 ; 161 ; 287), la dépense s’élève à 46 dr. puis 25 dr. À partir de 200, elle est fixée à 40 dr. avec la formule ἀπὸ τῶν ΔΔΔΔ qui indique que les frais étaient assumés par une ressource fixe. Pourtant, dans les comptes ID 440 et 445, qui sont intégralement conservés, la dépense totale s’élève à plus de 51 dr. 1 ob. (avec quelques lacunes) et à 58 dr. 4 ob. Ph. Bruneau notait à juste titre que les hiéropes ne signalent pas, dans ce cas, alors qu’ils le font pour les Posidéia, avoir eu recours à d’autres revenus pour compléter la dépense. Nous verrons plus loin qu’une explication monétaire peut rendre compte de cette question de comptabilité 49 : la subvention est comptabilisée selon l’étalon d’Alexandre tandis que le compte détaillé des dépenses de cette fête est établi en monnaie délienne.
Chorégikon Le chorégikon est mentionné dès les premières décennies de l’Indépendance dans les comptes des hiéropes. Au iiie s., l’argent du chorégikon relevait du Conseil de la cité, qui remettait aux hiéropes des sommes provenant d’un fonds ainsi dénommé. Au iie s., il est administré par les 43.
Homolle 1890, p. 460-461 ; Durrbach 1905, p. 528. Bruneau 1970, p. 264. 45. Voir également la même formule, mais les montants ne sont pas conservés, dans ID 452, l. 13. 46. Migeotte 2005, p. 32, n. 26, et Migeotte 2014, p. 611. Voir également ci-dessous à propos de la diataxis dans le chapitre sur le trésor public. 47. Voir supra p. 106 à propos du sanctuaire d’Asklépios. 48. ID 401 ; 406 ; 440 ; 442 ; 445 ; 452 ; 461 ; 464. Cf. Bruneau 1970, p. 219. 49. Voir infra p. 203-204. 44.
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trésoriers de la cité, qui effectuent régulièrement des dépôts dans la caisse sacrée sur ce fonds, en 180, 179, 175, 172 et 171. Ces dépôts ont d’ailleurs la particularité d’être des multiples de 81, détail sur lequel nous reviendrons à propos des monnaies déliennes car il semble indiquer que le fonds était constitué de monnaie locale (tableau 23) 50. Cl. Vial considère qu’il s’agit d’un fonds de la caisse sacrée, confié au iie s. à la gestion des trésoriers, ce qui ne paraît pas exact 51 : il était manifestement dès l’origine sous la responsabilité de la cité, qui effectuait des versements réguliers dans la caisse sacrée, probablement grâce à une recette produite par ce fonds. Le capital en lui-même ne semble pas avoir été sous la garde des hiéropes. Les inventaires de jarres ont gardé la trace d’une opération comptable qui a concerné l’argent du chorégikon à une date inconnue. Une commission composée de deux Déliens, Apollodôros fils de Mantithéos et Philoklès fils de Philoklès, a été chargée de séparer l’argent du chorégikon de l’argent sacré, conformément à un décret du peuple qui les avait élus (ID 442, A, l. 8-10 : ἄλλον στάμνον ἐπιγραφὴν ἔχοντα· μηνὸς Ποσιδεῶνος τόδε ἐχώρισαν ἀργύριον τοῦ χορηγικοῦ ἀπὸ τοῦ ἱεροῦ ἀργυρίου Ἀπολλόδωρος Μαντιθέου, Φιλοκλῆς Φιλοκλέους αἱρεθέντες ὑπὸ τοῦ δήμου κατὰ τὸ ψήφισμα, ἐν ὧι ἐπεγέγραπτο λοιπὸν ἔνει 𐅃ΙΙΙ𐅀). La formule employée par les
hiéropes, qui recopient le libellé de la jarre sur laquelle le fonds était identifié, est très précise : les commissaires ont « séparé de l’argent sacré cet argent-ci provenant du fonds chorégikon » (τόδε ἐχώρισαν ἀργύριον τοῦ χορηγικοῦ ἀπὸ τοῦ ἱεροῦ ἀργυρίου). Elle signifie bien que cet argent déposé dans la caisse sacrée n’est constitué que de versements provenant d’un fonds, le chorégikon, lui-même conservé ailleurs. Ce sont les sommes issues de ces versements qu’il a fallu trier, probablement en ayant recours aux archives antérieures, pour les séparer du reste du numéraire. Les commissaires élus par le peuple portent des noms fréquents à Délos mais il est possible de préciser un peu la période à laquelle a pu avoir lieu l’opération. Apollodôros fils de Mantithéos est en effet l’un des trésoriers de l’année 206 tandis qu’un Philoklès est trésorier en 218 52. La jarre du chorégikon est mentionnée, dans l’inventaire de 179, juste après la série des jarres les plus anciennes qui composent le cœur de la fortune monnayée d’Apollon. À la suite des sommes du chorégikon sont enregistrées des jarres en provenance des banques dont la première est datée par les trésoriers de 184 (l. 11). Il ne peut donc s’agir d’une opération très récente par rapport à la gravure de l’inventaire de 179. La somme conservée dans la jarre a d’ailleurs déjà été dépensée depuis l’opération de séparation des fonds puisqu’il ne reste dedans que 5 dr. 3 ob. et un tétartèmorion (l. 10). La jarre suivante est elle aussi composée d’argent provenant du chorégikon. Il s’agit d’un versement effectué par Phôkaieus fils d’Apollodôros et Diadèlos fils de Diadèlos (ID 442, A, l. 10). Phôkaieus est le nom d’un chorège en 186, petit-fils d’un hiérope du même nom en fonction en 241. Aussi Cl. Vial a-t-elle supposé qu’ils avaient formé une seconde commission élue, pour la gestion du chorégikon 53. Il est possible que leur travail s’inscrive dans la continuité de la première commission et qu’ils aient continué à apurer les comptes du fonds chorégikon, cette fois dans les archives de la caisse publique, pour verser finalement, à l’issue de cet examen, une somme dans la caisse sacrée. La somme qu’ils ont déposée, 162 dr. 1 ob. ¼ 2 ch., est d’ailleurs pour la première fois un multiple de 81, comme le seront ultérieurement d’autres 50.
Voir chapitre IV p. 205. Vial 1984, p. 108, 207-208, 211, 245-246. Sifakis 1967, p. 34-35 ; Wilson 2000, p. 293 ; contra Migeotte 2014, p. 612-613, y voit un fonds public ; Reger 1994a, p. 256, classe le chorégikon parmi les taxes publiques. 52. Vial 2008, s.v. 53. Vial 1984, p. 246. 51.
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dépôts effectués par des trésoriers. La même somme contenue dans cette jarre est encore mentionnée dans les inventaires postérieurs (455, Aa, l. 8). Les autres versements sont des sommes fixes, provenant d’une recette qui pourrait être issue d’un capital productif, par exemple placé en prêt et rapportant des intérêts. Comme nous le verrons plus loin à propos des usages monétaires, ces sommes récurrentes de 162 dr. 1 ob. ¼ 2 ch. ou de 81 dr. ½ ob. 2 ch., avec la présence de subdivisions, pourraient correspondre à la conversion en argent attique d’une somme monnayée initialement en drachmes déliennes : 81,1 dr. attiques peuvent correspondre à 120 dr. déliennes citharéphores 54. Pour un revenu annuel de 120 dr., il faudrait alors supposer un fonds de 1 200 dr. Il importait donc aux Déliens, et ce probablement pour des raisons liées aux espèces moné taires présentes dans les caisses, de pouvoir identifier séparément les sommes versées au titre du chorégikon pour pouvoir refaire l’historique de la comptabilité de ce fonds. Cette opération de clarification menée par deux commissions successives dut avoir lieu, d’après les dates d’activité des magistrats qui sont intervenus et les dates d’entrée des différentes jarres inventoriées, entre les années 220 et les années 190. Elle correspond aussi à un moment où la cité de Délos développe ses propres fonds publics et souhaite en avoir une visibilié. Le capital appartient manifestement à la cité de Délos qui, comme pour d’autres recettes transmises aux hiéropes (horôn, trapezôn, prytanikon), effectue des versements dans la caisse sacrée. Ainsi, en 279, des sommes sont même versées par deux fois au titre du chorégikon, le premier en même temps que des remboursements de prêts pour lesquels la cité affecte des recettes périodiques et le second parmi diverses subventions (IG XI 2, 161, A, l. 27 et l. 39). a. 280 (161, A, l. 39)
1 482 dr. 3 ob.
a. 279 (161, A, l. 27)
2 056 dr. 4 ob.
a. 273 (199, A, l. 16)
?
a. 258 (224, A, l. 9) a.
? (442, A, l. 10 = 455, Aa, l. 8)
a.
? (442, A, l. 10 = 455, Aa, l. 8)
50 dr.
Reliquat 5 dr. 3 ob. ¼ ob.
162 dr. 1 ob. ¼ ob. 2 ch. = 2 × 81
a. 180 (442, A, l. 33 = 455, Aa, l. 20 = 461, Aa, l. 69 )
486 dr. 4 ob.
= 6 × 81
a. 179 (442, A, l. 46 = 453, A, l. 24 = 461, Aa, l. 70)
486 dr. 4 ob.
= 6 × 81
55
a. 175 (461, Aa, l. 44)
81 dr. 2 ob. ½ ob. 2 ch. = 1 × 81
a. 172 (461, Aa, l. 43)
162 dr. 1 ob. ¼ ob. 2 ch. = 2 × 81
a.
? (460, t, l. 14)
a. 171 (461, Aa, l. 46)
75 dr.
81 dr. ½ ob. 2 ch.
= 1 × 81
Tableau 23 — Dépôts dans la caisse sacrée au titre du chorégikon. 55
Quelle était la destination des sommes reçues dans la caisse sacrée ? Sa dénomination semble indiquer qu’il servait au financement de fêtes faisant intervenir des chœurs dirigés par des chorèges. Dans une jarre de l’un des inventaires de la fin de l’Indépendance, on trouve ensemble une somme du chorégikon et un reliquat d’une somme affectée aux technites (τὸ περιὸν ἀπὸ 54. 55.
Infra chapitre IV p. 204 sur le rapport de conversion avec la drachme attique. Avec la correction suggérée par Vial 1984, n. 299 p. 245 : 𐅂 Η et non 𐅅, correction que confirme la relecture de la pierre.
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τῶ]ν τεχνιτῶν καὶ τὸ χορηγικὸν, ID 461, Aa, l. 31). Les actes des archontes montrent que
l’archonte désignait, pour chacune des épreuves musicales et théâtrales des Apollonia et des Dionysia, qui comportaient des chœurs, quatre chorèges parmi les citoyens, soit probablement un par tribu 56. De plus, pour les épreuves de comédie et de tragédie, deux chorèges métèques concouraient entre eux 57. Dans un passage fragmentaire d’un inventaire de jarres, le fonds est nommé τὸ χορηγικὸν τῶν τραγωιδῶν (ID 453, A, l. 28), ce qui laisse penser qu’il pourrait ne concerner que les seules Dionysia. L’argent du chorégikon pouvait donc servir à assumer des dépenses supplémentaires entraînées par l’organisation des concours artistiques des Apollonia et des Dionysia. Un passage d’un compte des archontes concernant les Dionysia montre par exemple que le paiement des salaires de ceux qui confectionnaient les costumes n’incombait pas aux chorèges (καὶ τῶν ἱματίων τοὺς μισθοὺς οὐ κατεθέ̣μ̣η̣ν̣ τῶν εἰς τὰ Διονύσια, IG XI 2, 110, l. 17-18 : a. 268) 58.
Mais il n’est pas certain non plus que les versements effectués régulièrement dans la caisse sacrée aient été directement affectés à une dépense : lorsque c’est le cas, comme pour la subvention des Apollonia, les hiéropes précisent qu’ils ont reçu des trésoriers de la cité une somme pour telle destination. Dans le cas du chorégikon, l’argent versé provient plutôt d’un partage de bénéfices avec la cité. Il existe une source de revenu — un poros selon le vocabulaire de Xénophon — qui produit un revenu ( prosodos) dont une partie au moins est affectée à la caisse sacrée. Du point de vue financier, ces versements sont davantage à rapprocher des sommes provenant des droits de place (horôn et trapezôn) que des subventions pour les fêtes. La dénomination de ce fonds a incité les chercheurs à l’associer au financement des représentations théâtrales, mais il s’agit plutôt d’une appellation ancienne, qui ne préjuge pas, dans la répartition budgétaire des Déliens, d’une destination spécifique. Le nom de ce fonds pourrait en revanche rendre compte de son origine (un capital fondé par un chorège ? un fonds public généré par des bénéfices liés aux représentations ?) mais le détail nous échappe faute de sources.
Prytanikon Le prytanikon constitue un fonds encore plus énigmatique. Les comptes montrent que les hiéropes ont reçu 500 et 200 dr. en deux versements distincts en 250 (IG XI 2, 287, A, l. 1314). En 258 figurait peut-être un versement similaire, dans un passage mutilé (IG XI 2, 224, l. 9), mais le mot est entièrement restitué à l’exception du π initial. Le terme n’apparaît plus dans les comptes des hiéropes au-delà du milieu du iiie s. F. Durrbach considérait que le terme était synonyme de l’appellation histiatikon, employée plus tard par les hiéropes pour désigner l’ensemble des capitaux de fondation 59. Pour F. Durrbach, la référence à l’Hestia du Prytanée, dans lequel les capitaux auraient été déposés, expliquerait que le terme histiatikon prenne la suite du prytanikon. R. Bogaert s’est opposé à cette interprétation : le Prytanée n’était certainement pas le lieu permanent de dépôt de ces capitaux, qui devaient être placés pour rapporter 60. La façon dont ces sommes sont mentionnées dans le compte de 250, avec l’emploi de l’accusatif (καὶ παρ’ Αὐτοσθένους τοῦ Ἐμμενίδου πρυτανικὸν 𐅅· καὶ παρὰ Διοκλέους τοῦ 56.
Vial 1984, p. 41 et 207. Bruneau 1970, p. 319-321. 58. Voir aussi Fraisse, Moretti 2007, p. 225. 59. Commentaire à ID 320, p. 93. 60. Bogaert 1968, p. 157. Bruneau 1970, p. 442, suit Durrbach sans connaître les objections de Bogaert. Voir infra sur les capitaux de fondation et la signification de l’histiatikon. 57.
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Ἀρισταγόρου πρυτανικὸν ΗΗ.) laisse penser qu’il s’agit d’une somme ainsi dénommée, que
reçoit le trésor sacré, et non d’un fonds qui produit un revenu, ce que le grec exprimerait plutôt par l’usage du génitif. L’argent « prytanique » semble plutôt être un reliquat versé dans la caisse sacrée où il a été affecté, peut-être sur la base d’un budget alloué à l’archonte. Le trésor public avait par exemple à prendre en charge les sacrifices du Prytanée, que les hiéropes ne mentionnent jamais 61. Les versements ponctuels effectués en 250 pouvaient donc représenter une somme non employée dans les dépenses du Prytanée. À la fin de l’Indépendance, en 169 (ID 461, Aa, l. 77), un versement, dont le montant n’est pas conservé, est effectué dans la caisse sacrée en remboursement d’un prêt consenti à la cité pour le financement de couronnes honorifiques. L’argent versé pour ce remboursement est dénommé « argent du Prytanée » (εἰ[ς ἀ]λ[ε]ξανδρείου λόγον, τὸ το[ῦ πρ]υτανείου εἰς τὴν ἀπόδοσιν τῶν στεφάνων) et consiste en monnaie non attique, sans doute délienne, puisque le compte précise que le montant est donné εἰς ἀλεξανδρείου λόγον. Dans le même inventaire, une autre jarre, en provenance d’une banque et avec un montant également converti en argent d’Alexandre, porte le même libellé : εἰς ἀλεξανδρείου λόγον ἀπὸ τοῦ πρυτανείου (ID 461, Aa, l. 49). Dans les deux cas, les hiéropes indiquent simplement la provenance de l’argent et il pourrait s’agir, en 250 comme en 169, de sommes destinées à rembourser le trésor sacré d’un des prêts consentis au trésor public, à partir de fonds affectés initialement aux dépenses du Prytanée.
Horoi et trapezai Les trésoriers de la cité avaient la charge de percevoir deux redevances (horôn et trapezôn) dont on constate que le produit est versé tantôt dans la caisse publique, tantôt dans la caisse sacrée (tableau 24) 62. Les mentions de ces deux redevances apparaissent dès 250. Le montant de la redevance des horoi est invariablement de 40 dr. et celle des trapezai de 200 dr. 63 D’après leur dénomination, elles portaient sur l’occupation de l’espace public lors des marchés, tant par les banquiers qui installaient leurs tables sous les portiques que par les marchands qui s’installaient sur les emplacements que leur assignaient les agoranomes 64. Il s’agit donc de droits de place. La redevance trapezôn est d’ailleurs explicitement mentionnée comme celle « des banques du portique » (τῶν τραπεζῶν ἀπὸ τῆς στοᾶς) dans les comptes de 179 et de 173 (ID 442, A, l. 28 et l. 78 = ID 455, Aa, l. 18) 65. Sans doute faut-il y voir une prolongation des tentatives athéniennes de l’époque classique pour accroître les revenus du sanctuaire à partir des installations se trouvant sur son territoire 66. De la même façon, la cité de Délos cherchait à tirer profit du développement des activités marchandes en percevant des droits de place sur les commerçants et les banquiers. La particularité de ces sommes est d’être forfaitaires, car leur montant n’évolue pas. Pour Cl. Vial, il ne s’agit donc pas de taxes affermées ni de perception auprès d’individus, mais de redevances dues collectivement par des banquiers et des commerçants 67. Toutefois, 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67.
Vial 1984, p. 210. Vial 1984, p. 211-212, n. 87. À l’exception d’une jarre qui ne contient que 110 dr. pour la redevance trapezôn (versée dans la caisse sacrée en 177) : ID 461 Aa, l. 27-28. Pour le mot horoi, voir Platon, Lois, 849 e (ὅρους θῶνται τῶν ὠνίων), où il a le sens de délimitation pour les emplacements de marché. Voir les remarques de Vial 1984, p. 212, n. 87, qui conteste à juste titre l’hypothèse de Bogaert d’une redevance liée à la gestion des avoirs du sanctuaire. Chankowski 2008a, p. 279-307 ; Chankowski 2007, p. 303-304. Vial 1984, p. 212.
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on ne connaît pas d’exemple de taxes forfaitaires dans le monde grec 68. Dans le cas de ces deux taxes, elles auraient d’ailleurs supposé une organisation collective des commerçants et banquiers concernés, dont nous n’avons pas trace. Le mode de perception de ces taxes offre plus certainement la solution : elles devaient être affermées pour une somme fixe qui, seule, entrait dans les caisses. Les bénéfices ou les pertes relevaient de la responsabilité du fermier. Cet affermage devait être le fait de la cité puisque c’est elle qui effectue les versements de ces deux recettes, par l’intermédiaire des trésoriers. Il est donc normal que nous n’ayons pas trace de cet affermage dans les comptes des hiéropes.
250 (287, A, l. 10-11) 219 (354, l. 6-7) 192 (399, A, l. 69) 188 (442, A, l. 76-77 = 448, A, l. 22) ? (448, A, l. 24) 187 (442, A, l. 84-85) 184 (442, A, l. 15-16 = 453, A, l. 13-14 = 461, Aa, l. 42) 181 (442, A, l. 22-23 = 453, A, l. 19 = 461, Aa, l. 50 ; 442, A, l. 78 = 448, A, l. 23) 180 (442, A, l. 28 ; 461, Aa, l. 70-71) 179 (442, A, l. 45) 177 (461, Aa, l. 36) 176 (461, Aa, l. 30) 175 (461, Aa, l. 42-44) 172 (461, Aa, l. 62)
Caisse sacrée Horôn Trapezôn × × × ×
Caisse publique Horôn Trapezôn
× × × × × × × × × ×
× × × × ×
× × × [×]69 ×
Tableau 24 — Versements horôn et trapezôn.
R. Bogaert pensait que les deux caisses recevaient chaque année la moitié de la somme perçue 70, mais nous ne connaissons pas d’année où les deux caisses à la fois auraient perçu ces redevances. La caisse sacrée semble avoir encaissé chaque année les deux redevances mais nos informations sont plus maigres pour la caisse publique et n’existent qu’à partir des inventaires de jarres du iie s. Dans un cas, en 181, l’une des deux redevances est encaissée par le sanctuaire et l’autre par la cité. Il semble donc qu’était instauré un partage de recettes dont les principes, il est vrai, nous échappent. Plutôt qu’un partage par moitié de l’ensemble de la recette, il paraît plus proba ble que les Déliens aient, à certaines époques, modifié l’attribution de ces revenus. En effet, l’observation des méthodes comptables mises en œuvre dans l’administration du sanctuaire montre à quel point les évolutions ont été nombreuses, et il faut certainement se garder, en matière d’administration financière, de considérer le témoignage des comptes de façon 68.
Chankowski 2007, p. 316. Une taxe forfaitaire et progressive en fonction du tonnage des navires est peut-être attestée pour l’ellimenion du Sounion (SEG X, Add. 1, p. 156) mais le forfait est individuel et non collectif comme dans le cas délien. 69. Proposition de restitution pour la jarre no 85 (voir Annexe 2). 70. Bogaert 1968, p. 184-185, d’où l’erreur de Migeotte 2014, p. 662, qui considère que le montant aurait doublé à partir de 192. Étant donné que nous disposons à plusieurs reprises de totaux exacts pour le détail des encaisses, cette hypothèse n’est pas possible.
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monolithique. Jusqu’en 192, ces recettes semblent aller à la caisse sacrée. Elles ont été affectées à la caisse publique entre 192 et 188. Bien entendu, les dates indiquées étant celles des attestations de versement, elles ne correspondent pas nécessairement aux dates exactes des modifications intervenues dans l’affectation du revenu. À partir de 187, les comptes semblent indiquer qu’un partage a été opéré entre les deux revenus, celui des horoi allant à la caisse sacrée et celui des trapezai à la caisse publique, sur le modèle de la situation que l’on observe en 181. À partir de 180, les deux recettes sont manifestement de nouveau attribuées à la caisse sacrée. Quant à l’attestation de versement dans la caisse publique, qui figure dans l’inventaire de jarres ID 448, nous ignorons à quelle année exactement elle se rapporte. Là encore, il s’agit donc d’un revenu appartenant à la caisse publique, dont la cité décide de verser tout ou partie dans la caisse sacrée, sans destination particulière mais à titre de réserve.
LES CAPITAUX DES FONDATIONS À Délos, contrairement à d’autres cités, on ne dispose d’aucun acte de fondation, mais la comptabilité des hiéropes a conservé l’enregistrement des mouvements de fonds à partir de capitaux qui avaient été consacrés au dieu, tant par des particuliers Déliens que par des personnalités importantes de la vie politique et militaire égéenne (tableau 25). Ces capitaux prêtés à intérêts, rapportaient un revenu annuel destiné à assurer des sacrifices et des banquets ainsi qu’une consécration dans le sanctuaire 71. Dans un cas, en 250, un sacrifice exceptionnel est enregistré dans la comptabilité des hiéropes sous la forme d’une dépense de 2 dr. pour un ὁρκωμόσιον ὑπὲρ τῶν περιστερῶν (IG XI 2, 287, A, l. 67) : il correspond probablement à la prestation de serment qui a conclu l’établissement de la fondation d’Echénikè en l’honneur d’Aphrodite et Apollon cette année-là 72. Ces capitaux ne figurent pas dans l’inventaire des jarres de la caisse sacrée reçues par les hiéropes de collège en collège, mais les hiéropes les mentionnent à l’occasion de mouvements de fonds. En effet, le principe de leur fonctionnement est de circuler sans cesse sous forme de prêts pour rapporter des intérêts qui permettent de financer les fêtes de fondation et la consécration des phiales dans le trésor sacré 73. Les capitaux offerts par les donateurs étaient sous la responsabilité du Conseil, qui les déléguait aux hiéropes pour organiser le prêt à intérêts, du moins pour certains de ces fonds car tous n’apparaissent pas au chapitre des prêts organisés par les hiéropes. Les hiéropes percevaient le produit des intérêts et le remettaient aux épistates pour l’organisation des fêtes de fondation. Ils recevaient enfin dans les collections les phiales consacrées avec les bénéfices, lorsque celles-ci entraient dans les collections d’Apollon 74. Certains capitaux restaient probablement sous la responsabilité des trésoriers de la cité, qui faisaient le même travail que les hiéropes puisque des phiales sur le produit des intérêts entrent, elles-aussi, dans les collections du sanctuaire. Les capitaux consacrés par des étrangers étaient généralement destinés à Apollon. Mais Antigone Gonatas avait consacré un capital en l’honneur du dieu Pan, honoré également à 71.
Sur les fondations déliennes, les études principales sont celles de Schulhof 1908, p. 101-132 ; Ziebarth 1917 ; Tréheux 1944-45, p. 271-278, et Tréheux 1959, chapitre VI « Les vases de l’Aphrodision de Stésiléôs » ; Bogaert 1968, p. 153-161 ; Bruneau 1970, p. 342-343 et 515-583 ; Vial 1984, p. 104-105, 205-207, 213-214, 380-381 ; Migeotte 2014, p. 629-631. 72. Bruneau 1970, p. 343-344. 73. C’est pourquoi le débat sur l’éventuelle localisation des fonds dans le Prytanée n’a guère de sens : voir supra p. 116. 74. Une grande partie des phiales est transmise aux hiéropes par les trésoriers de la cité, qui devaient exercer à ce titre un contrôle financier : Vial 1984, p. 214. Voir infra sur le rôle des trésoriers.
120
PARASITES DU DIEU
Pella. Toutes les fondations n’étaient pas initialement destinées au dieu principal de Délos. Des capitaux offerts par des Déliens dont les fondations portent le nom avaient été consacrés à Aphrodite : Stésileia et Echénikeia, offerts par la famille de Stésiléôs en l’honneur de l’Aphrodite pour laquelle elle avait également construit un sanctuaire ; d’autres à l’Hestia du Prytanée (Mikytheia, Philônideia, Gorgieia), peut-être en l’honneur de l’indépendance retrouvée de la cité délienne. Le sanctuaire d’Apollon s’était rapidement trouvé en situation de centraliser à la fois les offrandes précieuses et les avoirs en numéraire, comme nous l’avons constaté à d’autres reprises. L’archonte avait la responsabilité d’enregistrer les consécrations faites à Hestia Prytaneia dans le Prytanée. Il s’agissait, outre les offrandes de particuliers, des vases de trois des fondations : les Mikytheia, les Philônideia et les Gorgieia. Lorsque les étagères du Prytanée se sont trouvées trop remplies, la collection a été transférée dans le temple d’Apollon 75. De la même façon, les vases des Stèsileia sont passés de l’Aphrodision de Stésiléôs à divers édifices (l’oikos des Andriens, le temple d’Apollon, le Prytanée), comme l’a montré J. Tréheux à partir de l’étude des inventaires 76.
Les donateurs On compte en tout 29 fondations. Toutes n’avaient pas été répertoriées dans l’étude pionnière de E. Ziebarth sur cette question, mais les commentateurs ont continué à considérer que le chiffre donné par Ziebarth de 24 fondations était valable. Il est donc nécessaire de reprendre certains aspects de l’étude de cette institution 77. L’une des fondations considérée par E. Ziebarth, celle des trittyes déliennes, n’en est pas véritablement une. La trittye des Mapsichidai d’une part, les trittyes des Thyestadai et des Okyneidai d’autre part, avaient décidé de consacrer annuellement à Apollon les bénéfices qu’elles tiraient des sacrifices et des offrandes, sous la forme d’une phiale. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une fondation avec constitution d’un capital productif 78, bien que les phiales soient cataloguées avec celles des fondations (cf. ID 366, l. 55-57) et pèsent probablement le même poids standardisé de 100 dr. La fondation de Nicias n’est attestée que par Plutarque (Vie de Nicias, 3, 7) et ne trouve pas de manifestation dans les comptes des hiéropes. L’Athénien Nicias aurait acheté un terrain de 10 000 dr., qu’il consacra à Apollon délien et dont le revenu devait servir à accomplir des sacrifices et des banquets 79. Toutefois, une inscription datant de la seconde domination athénienne, postérieure à 156/5 (ID 1421, Bcd, l. 4-10), mentionne des phiales dédiées sur les revenus consacrés par Nicias, Ptolémée et Philétairos de Pergame. P. Roussel, suivi par Ph. Bruneau, considère qu’il s’agit bien de phiales issues de la fondation de Nicias de même que des vases offerts grâce aux revenus des fondations lagide et attalide 80. Pourtant, ces phiales ne sont pas très nombreuses : trois dans un inventaire un peu plus tardif (ID 1439Abc, l. 58-60), bien qu’un autre chiffre figure également dans la lacune de ID 1421, Bcd, l. 3. Il n’est pas certain 75.
Sur les transmissions faites par les derniers archontes de l’Indépendance, Prêtre 2000. Tréheux 1959, chapitre VI : « Les vases de l’Aphrodision de Stésiléôs » et p. 522-525, à propos de la collection du Prytanée. 77. Je n’ai pas eu la possibilité de consulter la thèse de J. Sosin, Perpetual Endowments in the Hellenistic World: A Case-Study in Economic Rationalism, PhD diss., Duke University (2000). 78. Vial 1984, p. 28. 79. Rien ne permet toutefois d’affirmer, comme le fait Ziebarth 1917, p. 426, qu’il s’agisse du terrain appelé dans les comptes Nikou chôrou. 80. Roussel 1916, p. 175 ; Bruneau 1970, p. 525. 76.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
121
que, dans l’inventaire ID 1421, les phiales en question soient les nouvelles entrées de l’année. La réactivation du souvenir de Nicias et de sa célèbre théorie pouvait en tout cas participer de l’œuvre idéologique d’Athènes lors de sa reprise en main de l’île d’Apollon au milieu du iie s. : les Athéniens ont peut-être, comme les Déliens en leur temps, donné à certains objets un arrière-plan historique en les identifiant dans l’inventaire avec des figures bien connues 81. Parmi ces 29 fondations, plusieurs sont des fondations royales ou auliques. Certaines dynasties ont fait don au sanctuaire de plusieurs fondations : c’est par exemple le cas des Ptolémées, pour lesquels on dénombre sous le même nom de Ptolémaieia trois fêtes de fondation, comme en témoigne le nombre de phiales consacré annuellement sous ce nom. Certains inventaires (par exemple ID 313, a, l. 57-61) distinguent en effet clairement trois groupes de phiales, qui doivent correspondre à trois fondations différentes, puisque l’inventaire de l’année 207 enregistre plusieurs phiales des Ptolémaieia la même année (ID 366, A, l. 72-73) 82. Un phénomène semblable se retrouve chez les Antigonides : l’inventaire de l’année 207 (ID 366, A, l. 53-86) comptabilise pour les seules Antigoneia 26 phiales alors que l’enregistrement ne remonte pas au-delà de l’année 224. On attendrait donc au maximum 18 phiales dans cet intervalle. Les trois Ptolémaieia dans cet inventaire totalisent 32 phiales pour cet intervalle de dix-huit ans : même à considérer que certaines phiales des Antigoneia auraient été consacrées avec un retard qui aurait conduit à les faire entrer dans cet inventaire, le nombre de phiales va contre la tendance générale qui montre plutôt que les inventaires comptabilisent un peu moins de phiales que d’années de célébrations. Ph. Bruneau, pour résoudre ce problème, a supposé que le terme d’Antigoneia avait pu s’appliquer parfois aux Sôtéria, aux Paneia et aux Stratonikeia fondées par le même souverain, ce qui permet alors d’obtenir un compte global satisfaisant pour l’ensemble des phiales de ces fondations 83. D’autres fondations sont des donations de particuliers, citoyens déliens : ainsi Stésiléôs, ancien archonte, et sa fille Echénikè, Xénokleidès, Mikythos, Nèsiadès, Gorgias, Philonis, Donax. Certaines de ces fondations sont mieux connues par le détail des prêts du capital et de la perception des intérêts, que les hiéropes ont enregistré de manière développée. Le montant du capital peut être reconstitué, lorsqu’il n’est pas indiqué dans les comptes, grâce au montant des intérêts versés annuellement, qui doivent correspondre aux 10 % que rapportait le placement des capitaux 84. La plupart de ces fondations ont été constituées dans les débuts de l’Indépendance et plus largement dans la première moitié du iiie s., ce qui témoigne de la diffusion de cette institution au début de l’époque hellénistique, probablement grâce à l’afflux de monnaie créé par la déthésaurisation des trésors perses, dont on observe une fois de plus les effets à Délos. Ces fondations montrent aussi la confiance accordée à la cité de Délos par de nombreuses autorités politiques pour la gestion des fonds. À l’exception des Eudemeia, dont la fondation n’était pas encore créée, des Mikytheia, des Xénokleideia et de la fondation de Nicias, toutes les fêtes de fondation connues durant l’Indépendance sont mentionnées dans le compte de l’année 207 (ID 366, A, l. 53-86 et 131134 ; B, l. 1-7), soit à l’occasion de l’inventaire des phiales de la collection, soit à l’occasion du catalogue des entrées de l’année, soit à l’occasion de transmissions faites par les hiéropes aux épistates des fêtes. 81.
Voir les exemples analysés par Prêtre 2004. Bruneau 1970, p. 518-525. 83. Bruneau 1970, p. 562-563. 84. Sur l’origine de ce montant de 10 %, Migeotte 1984, p. 153, n. 22. 82.
122
PARASITES DU DIEU
85 86 87 88 89 90 91 92
Fondateur
Nom de la fête de fondation
1 Nicias
Date de fondation
Dernier quart du ve s. (Plutarque, Vie de Nicias, 3)
Capital
Terrain d’une valeur de 10 000 dr.
Fonctionnement annuel
Revenu du fermage destiné à des sacrifices propitiatoires avec banquet public85
2 Mikythos
Mikytheia
Avant 30886. 246 (IG XI 2, 128, l. 25-29, 32, 39 et 60-62)
3 Stésiléôs
Stésileia
302 (IG XI 2, 287, B, l. 129)
1 500 dr. (ID 366, A, l. 131-134)88
Sacrifice et consécration d’un vase dédié à Apollon et Aphrodite
4 Philoklès de Sidon
Philokleia
Vers 280 ? (IG XI 2, 287, A, l. 57)
6 000 dr. (ID 399, A, l. 124)
Pas de consécration de vases
5 Ptolémée II en l’honneur de Ptolémée Ier Sôter 6 Ptolémée II 7 Ptolémée III Évergète
Ptolémaieia89 1) 279
8 Le nèsiarque Hermias en l’honneur d’Arsinoé Philadelphe
Philadelpheia 268 (IG 287, B, l. 112-119)91
3 300 dr. (ID 366, A, l. 131)
Fête en l’honneur d’Apollon, Artémis, Létô, Arsinoé Philadelphe. Consécration de phiales de 100 dr. (directement par les hiéropes)
9 Philétairos ou Eumène Ier
Philétaireia
Capital de 4 000 dr. (ID 366, A, 131132)
Fête en l’honneur de la triade apollinienne. Phiales enregistrées jusqu’en 202 mais continuité après 16692
85.
?
?
Fête en l’honneur de Délos (ID 442, B, 172-173)87. Consécration de vases à Hestia Prytaneia
Consécration de phiales jusqu’en 207 et continuité après 16690
2) 249 3) 246
Avant 263 (IG XI 2, 224, B, l. 20-21)
Une inscription de la seconde domination athénienne mentionne des phiales consacrées, peu après 156/5, sur les revenus de plusieurs fondations dont celle de Nicias (ID 1421, Bcd, 4-10). 86. Dans l’inscription chorégique de l’année de Sôsistratos (200), la collection des vases des Mikythia compte 45 éléments, ce qui ferait remonter la fondation à l’année 246. Cf. Schulhof 1908, p. 125, suivi par Ziebarth 1917, p. 427. Mais Tréheux 1944-45, p. 271-283, a montré qu’il fallait en remonter considérablement la création, en reconstituant la série des vases consacrés par cette fondation. 87. Bruneau 1970, p. 448-449. 88. Dans ID 366, A, 131-134, les hiéropes remettent à l’épistate des Stésileia une somme de 150 dr. pour la fête. Il est probable que ce versement englobait à la fois les frais du sacrifice et de la confection du vase. Bruneau 1970, p. 342, pense à tort que le montant du fonds n’est pas connu. 89. La fondation n’est connue que par la consécration de trois séries de phiales. D’après Bruneau 1970, p. 518525, il s’agirait de trois fondations distinctes. 90. Selon Bruneau 1970, p. 525, l’interruption de l’enregistrement de dépenses pour la fête et d’entrées des phiales ne signifie pas que la fondation a cessé de fonctionner car une inscription de la seconde domination athénienne mentionne des phiales consacrées, peu après 156/5, sur les revenus des fondations du roi Ptolémée (ID 1421, Bcd, 4-10). 91. La collection montre que 18 phiales ont été dédiées entre 267 et 250. 92. Une inscription de la seconde domination athénienne mentionne des phiales consacrées, peu après 156/5, sur les revenus de plusieurs fondations dont celle de Philétairos (ID 1421, Bcd, 4-10).
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
Fondateur
Nom de la fête de fondation
Date de fondation
Avant 257 (IG XI 2, 226, A, l. 8)
123
Capital
10 Nèsiadès
Nèsiadeia
11 Antigone Gonatas
Antigoneia93 253 (IG XI 2, 287, B, l. 124-126)
12 Antigone Gonatas
Stratonikeia 253 (IG XI 2, 287, B, l. 124-125)
13 Echénikè
Echénikeia
14 Xénokleidès
Xenokleideia Peu après 250 (IG XI 2, 288, l. 8)
15 Cité de Chersonèsos
Chersonèsia
Entre 250 et 220 (ID 353, B, l. 4445 ; ID 328, l. 10)
16 Antigone Gonatas
Sôtèria
245 (ID 298, A, l. 85)
17 Antigone Gonatas
Paneia
245 (ID 298, A, l. 87)
18 Philonis
Philonideia
Vers 240 (IG XI 2, l. 128)
19 Démétrios II
Démétrieia
238 (ID 313, i, l. 23)
20 Gorgias
Gorgieia
230 (ID 320, B, l. 79, 85)
6 730 dr. (ID 320, A, 79 et 95)
Consécration de vases à Hestia Prytaneia
21 Eutychos de Chios
Eutycheia
Vers 230 (IG XI 4, 691 ; ID 320, B, l. 58)
3 500 dr. (ID 366, A, 134)
Consécration de phiales de 100 dr. (directement par les hiéropes)
250 (IG XI 2, 287, A, l. 122-123)
22 Sopatros
Vers 230 (ID 320, B, l. 63)
23 Nikolaos d’Etolie Nikolaieia
Avant 224 (ID 366, A, l. 85)
93.
3 863 dr. (IG XI 2, 287, A, l. 193-195) puis 3 500 dr. (ID 366, A, l. 134)
Fonctionnement annuel
?
Pas de consécration de phiales
Consécration de phiales de 100 dr. à Apollon, Artémis et Létô Fête en l’honneur de Stratonikè, fille de Démétrios Poliorcète, sœur de Gonatas94
Capital de 3 000 dr. prêté avec hypothèque sur les revenus publics. (IG XI 2, 287, A, l. 123 ; ID 366, A, l. 134)
Sacrifice à Apollon et à Aphrodite. Pas de consécration de vases
?
Pas de consécration de vases
4 000 dr. (ID 366, A, l. 134)
Pas de consécration de vases. Continuité des prêts après 166 (ID 1408, A, col. II, l. 36)
? Fête en l’honneur de Pan, dieu de Pella 8 700 dr. (ID 366, A, 134) ?
?
Consécration de vases à Hestia Prytaneia Plus aucune mention après 207
Consécration de phiales de 100 dr. Consécration de phiales
Fête qu’il convient de distinguer de la fête fédérale des Insulaires en l’honneur d’Antigone le Borgne (Bruneau 1970, p. 564-567 et 559). 94. Bruneau 1970, p. 561-562, sur l’éventuelle attribution de cette fête aux Séleucides par E. Bikerman.
124
PARASITES DU DIEU
Fondateur
Nom de la fête de fondation
Date de fondation
Capital
Fonctionnement annuel
24 Ptolémée IV Philopatôr en l’honneur de Ptolémée III Évergète ? ou un ministre en l’honneur de Ptolémée III ?
Theuergésia95 Entre 224 et 209
?
Consécration de phiales
25 Attale Ier
Attaleia
Avant 216 (ID 366, A, l. 63)
?
Plus aucune mention après 207
26 Philippe V
Philippeia
Avant 216 (ID 366, A, l. 62)96
?
Plus aucune mention après 207
27 Donax
Donakeia
Avant 214 (ID 363, l. 10 ; 366, l. 59)
?
Consécration de phiales
28 Pataikos
Pataikeia
Avant 214 (ID 366, A, l. 60)
29 Eudémos
Eudemeia
Avant 200 (ID 371, B, l. 51)
Consécration de phiales de 100 dr. ?
Tableau 25 — Les fondations déliennes 97. 93 94 95 96
Inventaire des phiales du temple d’Apollon
Phiales entrées durant l’année 207
Antigoneia
Antigoneia
Attaleia
Attaleia
Avance des hiéropes aux épistates pour les fêtes
Chersonèsia (400 dr.) Démétrieia
Démétrieia
Donakeia Echénikeia (300 dr.) Eutycheia
Eutycheia
Eutycheia (350 dr.) Gorgieia (673 dr.) Nèsiadeia (350 dr.)
Nikolaieia Paneia Pataikeia Philadelpheia (Hermiou)
Philadelpheia
Philetaireia Philippeia
95.
Philadelpheia (330 dr.) Philetaireia (400 dr.)
Philippeia
Bruneau 1970, p. 528. Cette fondation avait été assimilée à tort avec les Ptolémaieia (Ziebarth 1917, p. 429). 96. Bruneau 1970, p. 564, sur les incertitudes de la date de fondation. 97. L’ordre adopté est chronologique. L’année indiquée comme date de fondation est antérieure d’un an à la première consécration, comme il se doit dans le placement des capitaux. Les fondations indiquées en grisé sont celles de l’histiatikon (voir plus loin).
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
Inventaire des phiales du temple d’Apollon
125
Phiales entrées durant l’année 207
Avance des hiéropes aux épistates pour les fêtes Philokleia (600 dr.) Philonideia (870 dr.)
Ptolémaieia 1 2 3
Ptolémaieia
Sôpatreia
Sôpatreia
Sôtèria Stèsileia (150 dr.) Stratonikeia Theuergésia
Theuergésia
Tableau 26 — Les fondations d’après ID 366, A (année 207). Année
98.
Si supérieur à 1.
Nom de la fondation (nombre de phiales entrées98)
224
Démétrieia Nikolaieia
221
Antigoneia Démétrieia Eutycheia Paneia
218
Démétrieia
217
Paneia Ptolémaieia
216
Antigoneia Attaleia Démétrieia Donakeia Hermiou Nikolaieia Paneia Pataikeia Philetaireia Philippeia Ptolémaieia Sôpatreia Stratonikeia Theuergésia
(3)
Antigoneia Démétrieia Nikolaieia Pataikeia Philetaireia Ptolémaieia Sôpatreia Stratonikeia
(2)
215
98
(4)
(2)
126
PARASITES DU DIEU
Année 214-211 (4 archontes)
210
209
208
207
Nom de la fondation (nombre de phiales entrées98) Antigoneia Attaleia Démétrieia Donakeia Eutycheia Hermiou Nikolaieia Paneia Pataikeia Philadelpheia Philetaireia Philippeia Ptolémaieia Sôpatreia Stratonikeia Theuergésia
(8) (2) (3) (2) (2) (2) (2) (3) (3) (2) (4) (11) (3) (2) (2)
Antigoneia Attaleia Démétrieia Hermiou Philetaireia Ptolémaia Stratonikeia
(3)
Antigoneia Attaleia Demetrieia Nikolaieia Paneia Philippeia Ptolémaieia Sôpatreia Sôtèria
(2)
Antigoneia Attaleia Démétrieia Donakeia Nikolaieia Pataikeia Philetaireia Philippeia Ptolémaieia Stratonikeia
(4) (2)
Antigoneia Attaleia Démétrieia Paneia Philippeia Ptolemaieia Sôpatreia Theuergésia
3
(2)
(2) (4) (2)
(4)
4
Tableau 27 — Phiales inventoriées dans les collections en 207 (ID 366, A, l. 5386) (les offrandes des Mapsychidai, Thyestadai et Okyneidai ne sont pas comptabilisées dans le tableau).
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
127
Rendement des dix-neuf fondations : Ptolémaieia
(32) 99
Antigoneia Démétrieia Paneia Attaleia Nikolaieia Philippeia Pataikeia Philetaireia Stratonikeia Donakeia Hermiou Sôpatreia Theuergésia
(26) (12) (9) (8) (7) (8) (6) (6) (6) (4) (4) (4) (4)
Eutycheia Sôtèria Philadelpheia
(3) (2) (1)
La gestion des capitaux Ces capitaux de fondation semblent avoir été soigneusement gérés. L’inventaire complet de l’année 179 permet d’établir la liste des transmissions faites par les trésoriers aux hiéropes (ID 442, B) : on constate qu’à partir de l’année 203, 20 vases ont été transmis chaque année dans le trésor. Les vases confectionnés sur le produit des prêts des capitaux de fondation étaient remis aux hiéropes par les trésoriers de la cité, qui les recevaient eux-mêmes de l’épistate responsable de chacune des fêtes de fondation (tableaux 26 et 27). La date d’entrée des vases est assurée non seulement par la mention des trésoriers, mais aussi par celle du Conseil de l’année de la confection du vase, puisque le Conseil était fidéi-commissaire de la fondation et officiellement responsable du bon fonctionnement des mouvements de capitaux 100. Deux autres fondations, les Eutycheia et les Philadelpheia, consacrent des vases directement par l’intermédiaire des hiéropes. Dès le début du iie s., les hiéropes ont cessé de mentionner dans le détail l’entrée des phiales. Ils se sont contentés de signaler les entrées en deux groupes de phiales, l’un comprenant 16 phiales et l’autre en comprenant 4. Parallèlement, les phiales ont vu leur poids se standardiser, probablement dans ces mêmes années, à la fin du iiie s. Cette normalisation s’était probablement faite à des fins comptables 101. 99.
Ces entrées correspondent à trois fondations du même nom. Vial 1984, p. 105 ; Bruneau 1970, p. 563. 101. Voir infra p. 131. 100.
128
PARASITES DU DIEU
En raison des changements de formulation, les fondations concernées par la transmission annuelle des 20 phiales ne sont pas nommées explicitement, mais il est possible de le deviner. Il ne s’agissait pas des Eutycheia ni des Philadelphia, dont les phiales étaient transmises séparément, ni des fondations du Prytanée (Gorgieia, Philonideai, Mikytheia) dont les phiales entraient annuellement entre les mains de l’archonte, puis étaient transférées par lots dans le trésor d’Apollon. Il ne s’agit pas non plus des Stèsileia, dont les vases sont enregistrés à part. Quant aux Echénikeia et aux Nèsiadeia, elles ne produisaient pas de vases annuels. Enfin, nous ignorons ce qu’il était advenu sous l’Indépendance de la fondation de Nicias. Hormis cette dernière, si l’on exclut les huit fondations dont nous connaissons par ailleurs le produit (Eutycheia, Philadelpheia, Gorgieia, Philonideia, Mikytheia, Stèsileia) ou dont la continuité est attestée par ailleurs (Echénikeia, Nèsiadeia), on obtient aisément la liste des vingt fondations restantes. Puisqu’il est possible de constater, au moins à partir de 203 en raison de la qualité de l’enre gistrement auquel ont procédé les hiéropes en 179, que des vases entrent chaque année dans le trésor, il est certain que les fondations ont été correctement entretenues par le placement des capitaux et que toutes ont rapporté de l’argent comme il se devait. Les inscriptions de débiteurs défaillants pour le paiement d’intérêts dus sur les capitaux de fondation sont rares. On en trouve en tout cinq attestations dans l’ensemble du corpus : a. 250 - IG XI 2, 287, A, l. 195 : καὶ οἵδε ὀφείλουσι καὶ οἱ ἔγγυοι αὐτῶν (225 dr.) après 250 - IG 288, l. 8-9 : [οἵδε τόκους ὀφείλουσιν] τοῦ ἀργυρίου οὗ ἀνέ[θηκεν Νησιάδης] — (150 dr.) [οἵδε τόκον ὀφείλουσι]ν τοῦ ἀργυρίου οὗ ἀνέθηκεν Ξενοκλείδης· — peu après 248 - ID 291d, l. 29-30 : — [καὶ οἵδε ὀφείλουσι αὐτοὶ καὶ ἔγγυοι· — ] ID 444, A, l. 53-54 et ID 449, B, l. 12-13 : εἰς τὸ περιὸν τοῦ νη]σιαδείου ἀργυρίου ἐγγράφομεν ὀφείλοντ[ας …]
Les capitaux prêtés étaient garantis sur les revenus publics mais, concrètement, c’est le sanctuaire qui assumait les risques, en faisant même l’avance de l’argent nécessaire aux sacrifices pour que ceux-ci puissent être accomplis dans les temps 102. Ces avances ne sont pas dues, comme on l’a parfois cru, à des versements d’intérêts irréguliers mais à la nécessité d’avances de trésorerie en raison du calendrier, qui ne devait pas toujours faire coïncider les échéances des intérêts des prêts avec la date de célébration des fêtes : ainsi les Stèsileia et les Echénikeia étaient célébrées en Hékatombaion et donnent toutes les deux lieux au versement d’avances aux épistates par les hiéropes (ID 366, A, l. 131-134). Est-il possible qu’à Délos, le capital des fondations ait couru des risques à cause de débiteurs insolvables ? La question se pose pour le fonds nèsiadeion, dont le capital initial semble être de 3 890 dr., d’après les sommes empruntées et les intérêts perçus, en 250 (IG XI, 2, 287, A, l. 193-195), alors que la fondation ne rapporte que 350 dr. en 207 (ID 366, A, l. 134). Le fonds aurait-il pu être réduit à 3 500 dr. entre 250 et 207 ? Pour R. Bogaert 103, la différence 102.
Voir par exemple ID 440, A, l. 58-59 ; 449, A, l. 7-9 ; 461, Ab, l. 29 : « à titre d’avance, nous avons remis aux épistates élus, pour les sacrifices, l’argent aux moments convenables afin que soient accomplis les sacrifices aux dieux » (trad. Bruneau 1970, p. 343). 103. Bogaert 1968, p. 152, n. 120.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
129
vient du fait qu’un prêt de 390 dr., accordé à Acridion fils d’Elpinikos, n’a jamais été récupéré par les hiéropes. Pour E. Ziebarth, les hiéropes auraient constitué une réserve désignée sous le terme de περιὸν τοῦ νησιαδείου, interprétation qui, comme on le verra plus loin, n’est pas recevable. Peut-il y avoir eu une diminution des fonds ? La différence pourrait aussi être due à une question monétaire : si le capital était constitué de monnaie délienne, les 3 890 dr. initiales correspondraient exactement à 5 000 dr. déliennes à 3,30 g mais la valeur du capital par rapport à la drachme attique a pu diminuer en un siècle, au fur et à mesure des remboursements, en raison des diminutions de poids de la drachme délienne 104. En dépit de quelques arriérés d’intérêts, on constate que la collection des vases de fondation est bien entretenue, si bien que les capitaux ont été protégés contre les éventuelles défaillances des débiteurs 105. Il y avait là, pour les particuliers, une offre de crédit considérable que les hiéropes avaient intérêt, comme on le voit ailleurs, à protéger : les dix fondations dont leurs comptes donnent le détail offrent à elles seules 44 230 dr. de crédit, soit 7,37 talents, c’està-dire une somme qui augmentait considérablement la capacité de prêt du trésor d’Apollon. En même temps, l’existence des fondations pour les prêts aux particuliers permettait de laisser libres pour les besoins de la cité les fonds propres du sanctuaire. Si les hiéropes ont aussi prêté de l’argent du dieu aux particuliers, c’est plus probablement parce que ces sommes s’étaient trouvées disponibles : on peut donc penser que l’offre de crédit, à Délos, comblait totalement la demande. Une seule fois, en 250, les hiéropes ont utilisé le capital consacré par Echénikè pour le prêter entièrement à la cité (IG XI 2, 287, A, l. 122-123). En dehors de Délos, plusieurs documents attestent de mesures de protection en faveur des capitaux de fondation. Ainsi, en 86/5, la loi d’Éphèse sur l’abolition des dettes (IEphesos, Ia, 8 = Syll 3 742) exclut des mesures adoptées les emprunts contractés avec hypothèque sur les capitaux de fondation des associations religieuses (l. 36-41). À Ios, dans les dernières années du ive s., ce sont, d’une manière générale, les débiteurs du sanctuaire qui ne pourront bénéficier de l’abolition des dettes (IG XII Suppl., 168, l. 12-13 : πλὴν τῶν τὰ ἱερὰ̣ [ὀ]φ̣[ε]ιλόν[των). À Amorgos, à la fin du iie s., le règlement de la fondation de Critolaos (IG XII 7, 515, l. 17-19) se réfère aux clauses qui régissent les prêts des fonds sacrés et mentionne les peines de recouvrement qui seraient opérées par les logistes si les intérêts n’étaient pas versés dans les délais impartis 106.
L’histiatikon argurion La composition du fonds À partir de 230, les hiéropes ont regroupé neuf fondations sous une catégorie commune appelée histiatikon argurion : l’eutycheion, l’échénikeion, le chersonèsion, le philonideion, le philokleion, le philetaireion, le nèsiadeion, le gorgieion, le xénokleideion 107. Les comptes font clairement apparaître la distinction entre les prêts consentis sur ces capitaux et les prêts consentis sur les fonds propres du sanctuaire, bien que tous soient considérés comme « sacrés » puisque sous la garde d’Apollon. L’un des comptes (ID 396, A) établit nettement la distinction entre τοῦ ἱεροῦ ἀργυρίου (l. 40) et τοῦ ἱεροῦ τοῦ ἱ̣στιατικοῦ (l. 29) 108. 104. 105. 106. 107. 108.
5 000 dr. déliennes à 3,30 g font 3 893 dr. attiques à 4,36 g mais 5 000 dr. déliennes à 3 g n’en font plus que 3 488. Voir infra p. 204. Pace Migeotte 2014, p. 626-633, qui considère que les hiéropes ont parfois fait preuve de négligence tandis que les Athéniens « n’ont pas imité la complaisance des hiéropes ». Voir les exemples rassemblés dans Chankowski 2005. Fonds grisé dans le tableau 26. Mais également plus tôt : IG XI 2, 287, A, l. 195-196, en 250, distingue les débiteurs des fondations et les débiteurs du dieu.
130
PARASITES DU DIEU
L’histiatikon regroupe des capitaux anciens comme des capitaux issus de fondations plus récentes (tableau 28). Cet argent était régulièrement prêté et l’enregistrement des intérêts est consigné par les hiéropes dans un mémoire séparé. Pourtant, des fonds qui ne semblent pas faire partie de l’histiatikon sont toujours entretenus et continuent à produire des bénéfices puisque la fondation donne lieu à la consécration de nouveaux vases qui apparaissent dans les inventaires. C’est le cas du stèsileion, qui fait aussi partie des fonds prêtés par les hiéropes : en 203, des intérêts sont enregistrés au titre de cette fondation (ID 370, l. 43). Mais il n’apparaît pas dans les listes conservées pour l’histiatikon 109. Année
Référence
Capitaux nommés
231
ID 316, l. 33
229
ID 320, A, l. 77-79 ; 83-95
Xénokleideiou, Philetaireiou, Nèsiadeiou (?), Gorgieion
219
ID 353, A, l. 45
Chersonèsia
209
ID 362, B, l. 20
Xenokleideion
208
ID 365, l. 5
εἰς τὰς θυσίας ἀπὸ τῶν τόκων τῶν ἑστιατικῶν
Vers 200
ID 382, l. 9
Après 250 ID 328, l. 10
Chersonèsia
200
ID 372, A, l. 71-72 ; 132-138
Echénikeion
194
ID 396, A, l. 26 et 29-40
Eutycheion
192
ID 399, A, l. 122-129
Nèsiadeion, Philokleion, Philonideion, Eutycheion
175
ID 449, A, l. 27-47
Philonideion, Philokleion, Xenokleideion, Eutycheion, Chersonèsion, Philetaireion, Nèsiadeion
Tableau 28 — Les fonds de l’histiatikon.
Nous ignorons le destin des autres capitaux de fondation. Le compte de 219 (ID 366, A, l. 131-134) donne, par la transmission des fonds aux épistates, les intérêts annuels des neuf fondations de l’histiatikon et du stèsileion, qui constituaient toutes les dix un capital de 44 230 dr., soit 7,37 talents. Force est donc de constater que le Conseil avait délégué les hiéropes pour la gestion des neuf fondations de l’histiatikon et du stèsileion, pour lesquels ils consignent les prêts de capitaux par tranches et le détail des intérêts entrés, tandis que la responsabilité de placer les fonds des autres fondations était partagée. Les trésoriers de la cité devaient jouer un rôle important dans l’organisation des prêts. C’est sans doute la raison pour laquelle ils interviennent aussi dans la transmission de 20 des 22 vases de fondation qui entraient chaque année dans le trésor. Les 2 vases qui entrent dans les collections directement par l’intermédiaire des hiéropes appartiennent à des fondations de l’histiatikon, les Eutycheia et les Philadelphia. La responsabilité des hiéropes s’est probablement élargie dans ce domaine aussi, comme ce fut le cas pour d’autres tâches 110. Les hiéropes enregistraient dans la caisse sacrée les remboursements de prêts, parfois partiels, que faisaient les débiteurs avant de prêter à nouveau ces sommes (par exemple ID 396, 109.
Bogaert 1968, p. 160 et n. 151, suivant Ziebarth 1917, p. 437-439, pense que le stèsileion appartenait à l’histiatikon et que son absence est l’effet des lacunes de la documentation, ce qui n’est pas exact. C’est probablement cette confusion qui explique l’erreur de Migeotte 2014, p. 630, sur le nombre des fondations déliennes (il en compte 30). 110. Vial 1984, p. 214, note que l’intervention des trésoriers dans cette procédure est étrange et qu’elle servait probablement à dédouaner les hiéropes. Mais le partage des tâches entre trésoriers et hiéropes est plus complexe qu’une simple question de dédouanement.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
131
A, l. 29-36). Mais ces fonds de l’histiatikon ne séjournaient pas longtemps dans la caisse sacrée puisqu’ils devaient circuler en permanence afin de produire un bénéfice par les intérêts des prêts. Les capitaux étaient prêtés par tranches, mais il arrivait que les hiéropes associent plusieurs sommes provenant de fonds différents pour les prêter à un même individu, ce qui montre probablement que les fonds étaient conservés dans des jarres différentes, mais aussi que les hiéropes cherchaient véritablement à répondre à la demande en crédit tout en assurant le maximum de rentrées possibles aux capitaux. Les comptes de la fin de l’Indépendance font parfois état de reliquats appartenant à ces fonds et désignés par le terme τὸ περιὸν τοῦ (nom du capital de fondation) 111. R. Bogaert a considéré qu’il devait s’agir de portions du capital qui n’avaient pas pu être prêtées et étaient entreposées dans les jarres de la caisse sacrée en attendant de trouver preneur 112. Cette interprétation ne s’accorde pas avec le texte des inscriptions : les mentions de perion d’un capital de fondation ne se trouvent pas dans les inventaires de jarres (ce qui aurait dû être le cas d’un reliquat non employé) mais dans le compte courant et accompagnées de mentions de débiteurs défaillants. Plus probablement, il s’agissait de sommes constituées à partir des revenus des fondations et qui n’avaient pas été employées pour les dépenses de la fête : c’est précisément la signification du mot perion, que les hiéropes emploient aussi pour désigner le solde bénéficiaire du compte courant, une fois réglées les dépenses régulières 113. En effet, on constate, à la lumière des inventaires de la fin de l’Indépendance, une norma lisation du poids des phiales issues des capitaux de fondation, probablement à des fins comptables. Les Mikytheia avaient par exemple produit, dans la seconde moitié du iiie s., des vases de poids inégal, comme en témoigne l’inscription chorégique de Sôsistratos, archonte en 200 (IG XI 2, 128, l. 25-29, 32, 39 et 60-62) : un vase pèse 97 dr., deux autres 100 dr., d’autres entre 115 et 118 dr. L’inventaire distingue même deux tailles de phiales (ἄλλα μικκύθεια μικρὰ, l. 38-39). La régularisation a pu se produire dans les dernières années du iiie s. car les deux dernières entrées des Mikytheia pèsent 100 dr. On observe la même chose pour les Gorgia (l. 31-32) : elles pèsent 93 dr., puis 99 dr. dans la collection puis la dernière entrée pèse 100 dr. Les vases des Philonideia pèsent également tantôt 93 dr., tantôt 123 dr. (l. 29-31), puis 100 dr. à partir de l’année 200 (l. 57-58). Dans l’inventaire de l’année 179 (ID 442, B, l. 54-155), qui catalogue des séries de vases de fondation entrés à partir de 203, l’unité est toujours de 100 dr. Cette normalisation du poids des phiales rompait avec une logique qui consistait à thésauriser tout le bénéfice du revenu, une fois payées les dépenses de la fête. Dès lors, une somme pouvait subsister, après la confection d’une phiale de 100 dr. Ce sont probablement ces sommes que les hiéropes enregistrent sous le terme de perion de fondation. Les capitaux, quant à eux, semblent avoir facilement trouvé preneur. Ces reliquats des bénéfices pouvaient être de nouveau prêtés, si bien que l’on assiste là à une recapitalisation du produit des intérêts : en 177, le perion du nèsiadeion est prêté et 70 dr. d’intérêts sont dus (ID 444, A, l. 52-53 ; 449, B, l. 12). Les intérêts des prêts consentis sur ces capitaux faisaient entrer dans la caisse sacrée quelque 4 400 dr., que les hiéropes répartissaient entre les épistates chargés d’exécuter les dispositions de la fondation, c’est-à-dire d’accomplir les sacrifices, les banquets et la consécration d’un vase votif. La seule véritable entrée pour le trésor sacré était donc constituée par les 22 vases en argent consacrés chaque année sur les revenus du capital, soit une thésaurisation annuelle 111.
ID 317, l. 30 ; 444, A, l. 52 ; 449, B, l. 12. Bogaert 1968, p. 152. 113. Voir infra p. 49. 112.
132
PARASITES DU DIEU
d’en moyenne 2 160 dr. pour les seuls vases des fondations 114. Ceux-ci n’entraient pas tous au même moment de l’année dans le trésor : les trésoriers transmettaient d’abord aux hiéropes une série de 16 vases, puis une deuxième série de 4 vases (voir par exemple ID 442, B, l. 54-59). S’y ajoutaient les 2 phiales des Eutycheia et des Philadelpheia consacrées directement par les hiéropes, ainsi que les consécrations des trittyes qui, sans être véritablement issues de capitaux de fondation, n’en faisaient pas moins entrer chaque année 2 phiales de 100 dr. chacune dans le trésor, sur le produit des sacrifices et des offrandes.
Un fonds de monnaies spécifiques Il reste à expliquer à la fois le nom d’hestiatikon ou histiatikon donné à cet ensemble de capitaux de fondation et les raisons pour lesquels ils ont été séparés des autres. L’explication habituellement donnée à la dénomination est que les revenus des capitaux étaient destinés à financer des banquets publics 115. L’adjectif, qui serait forgé sur ἑστιατώρ, trouve un écho dans le règlement de fondation d’Hégésarètè pour les Mètroia de Minoa d’Amorgos, du iie s., qui prévoit que l’on dépense en organisation de banquet (καθιστιάτωσαν) le reliquat d’un intérêt 116. L’organisation de banquets publics apparaît en effet comme la caractéristique majeure de la caricature des Déliens dans la littérature, à en croire le témoignage d’Athénée qui les présente affairés autour des tables après les sacrifices 117. Pourtant, l’appellation de « capitaux à banquets » ne fait pas particulièrement sens dans l’organisation des fonds retenue par les administrateurs. Parmi les capitaux rassemblés dans ce fonds, on retrouve seulement deux des trois fondations destinées originellement à l’Hestia du Prytanée, les Mikytheia n’en faisant pas partie. Le lien avec Hestia n’est pas pertinent pour une bonne partie des fondations de ce groupe, dont les capitaux avaient été consacrés à Apollon. Quant au lien avec les banquets publics, il s’appliquait aussi à des fondations qui n’entraient pas dans ce fonds et auraient pu tout autant prétendre à cette dénomination. On ne comprend pas non plus pourquoi un capital de fondation au moins, le stèsileion, dont la fête comportait aussi un sacrifice et un banquet, aurait été exclu de cette catégorie tout en étant administré par les hiéropes. Surtout, l’organisation de sacrifices et de banquets publics sur le produit des fonds consacrés faisait certes partie des rituels prévus dans les règlements de ces fondations, mais leur destination première était le prêt à intérêts. De manière caractéristique, P. Roussel notait que « les fondations qui correspondent à des fêtes instituées par les souverains n’apparaissent jamais parmi celles dont le capital constituait une partie de l’ἱστιατικόν » 118 : cette situation s’expliquerait bien si la composition en numéraire distinguait ce fonds des autres, par exemple si les capitaux offerts par les rois étaient constitués d’alexandres et les fondations de l’histiatikon d’autres monnaies. Les hiéropes avaient organisé les capitaux en fonction des espèces monétaires qui les composaient, en bonne logique comptable 119. Une partie de l’encaisse n’étant plus en monnaie d’étalon attique à la fin du iiie s., comme on le verra, il est possible qu’ils aient voulu isoler 114.
Les hiéropes mentionnent deux fois les fondations dans leurs évaluations des avoirs, le revenu (dans le compte) et la phiale produite (dans l’inventaire), mais le compte de l’année 250 montre bien que le produit des intérêts du nèsiadeion ne faisait pas partie de la balance du compte : voir supra chapitre I p. 38. 115. LSJ, s.v. ἑστιατικόν, suivi par tous les autres commentateurs. Voir également les objections de R. Bogaert à la suggestion de F. Durrbach qui proposait d’y voir des capitaux déposés dans le Prytanée, sanctuaire d’Hestia, dans Bogaert 1968, p. 157. 116. Syll 3 1047 (IG XII 7, 237, l. 25 rattaché à IG XII 7, 245). 117. Voir infra p. 299. 118. Roussel 1916, p. 174. 119. Chankowski 1997b.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
133
certains numéraires dans les opérations de prêts, en les dénommant ainsi. Le terme n’apparaît pas avant 230, date de création de l’ensemble ainsi dénommé. L’appellation d’histiatikon ou d’hestiatikon n’est évidemment pas sans rappeler la catégorie de l’argent histiaïkon ou hestiaïkon qui figure dans les inventaires athéniens. Ce monnayage d’Histiée, dont les inventaires de la seconde domination athénienne révèlent l’ampleur de la présence dans la caisse du sanctuaire d’Apollon, avait fini par faire partie intégrante de la circulation monétaire délienne à la fin de l’Indépendance, comme on le verra au chapitre suivant 120. Phonétiquement, l’alternance ε/ι est courante pour désigner la cité d’Histiée. Dans les sources antiques, la dénomination d’Histiée varie entre Ἱστιαία (Hérodote, VIII, 66, 1; IG XII 5, 594, l. 2) et Ἑστιαία (Thucydide, VII, 57, 2 ; pseudo-Skylax 58 ; IG I3 41, l. 89) 121. Dans les usages des hiéropes, cette variation se trouve à la fois pour la désignation du groupe des capitaux de fondation et pour désigner ce qui est explicitement une monnaie d’Histiée : ainsi, un inventaire de monnaies vers 190 mentionne une somme d’argent en étalon d’Histiée (ID 407, l. 21) sous la forme ἑ[σ]τιαϊκοῦ ΔΔΙΙΙΙ alors que la même somme est écrite ἱστιαϊκοῦ dans l’inventaire de 179 (ID 442, B, l. 215). Si l’alternance initiale ε/ι s’explique bien, il paraît pourtant difficile de voir dans l’adjectif histiatikon un ktétique dans la mesure où il n’existe pas d’attestation d’ethnique *histiateus sous forme adjectivée. Mais les capitaux « histiatiques » avaient eux-mêmes de fortes chances d’être « histiaiiques » étant donné la composition du numéraire dans la caisse de la fin de l’Indépendance. Le total de l’argent d’Histiée comptabilisé par les Athéniens dans l’encaisse du sanctuaire se monte précisément à 44 924 dr. et 5 ob., soit presque 7,5 talents 122. C’est tout juste un peu plus que les 44 230 dr., soit 7,37 talents, qui constituent le total des capitaux de fondation regroupés par les hiéropes sous le terme ἱστιατικόν. Le terme histiatikon/hestiatikon n’apparaît qu’en 230 avec la dénomination du fonds en question dans les comptes des hiéropes. À cette date, aucun compte ni inventaire ne men tionne encore le monnayage d’Histiée. Ce n’est que dans des inventaires du début du iie s. qu’apparaissent pour la première fois, pour désigner des pièces de monnaie en numéraire d’Histiée, le terme ἱστιαιικά (ID 380, l. 100) et ἑστιαικοῦ (ID 407, l. 21). Ce sont ensuite les inventaires athéniens postérieurs à 167 qui emploient le terme ἱστιαιικόν pour désigner le numéraire histiéen. Comme pour l’argent « de Minoè » 123, peut-être ne faut-il pas exclure que les Déliens aient formé, pour dénommer le fonds de capitaux de fondation, un adjectif à leur manière, sans se préoccuper de la confusion générée par la proximité phonétique des deux termes 124. La logique qui a présidé à ce rassemblement de fonds semble bien, en tout cas, être davantage fondée sur un classement du numéraire que sur une utilisation fonctionnelle.
LES JARRES Les administrateurs du trésor sacré, tout en accumulant des collections d’objets en métal précieux par thésaurisation, ont toujours distingué une encaisse en numéraire. Mais une partie de celle-ci était aussi immobile que les phiales thésaurisées, car elle était composée de fonds anciens que les hiéropes ont progressivement cessé d’utiliser au cours de l’Indépendance. 120.
Voir chapitre IV p. 185-186 sur les politiques monétaires. Hansen 2004, p. 656. 122. Voir chapitre IV p. 191. 123. Voir infra p. 141. 124. Par ailleurs, dans l’onomastique eubéenne, le patronyme Histiatôr est connu dans un catalogue militaire érétrien de la fin du ive s. (Διονύσιος Ἱστιάτορος : IG XII 9, 249, l. 442). 121.
134
PARASITES DU DIEU
Les inventaires de jarres que les hiéropes font graver à partir du iie s. permettent aisément de s’en rendre compte. Ils enregistrent l’ensemble des dépôts de l’Artémision, pour la caisse sacrée d’une part, pour la caisse publique d’autre part. Pour le détail de ces inventaires, on se reportera aux tableaux présentés en annexe (Annexe 2 - Composition de la caisse sacrée et de la caisse publique d’après les inventaires de jarres).
Composition de la caisse sacrée d’après les inventaires de jarres L’argent qui était manié par les hiéropes passait de manière transitoire par les banques qui en assuraient le compte des dénominations en différents numéraires, mais il était in fine rassemblé dans des jarres, nommées dans les comptes stamnoi, qui portent chacune une étiquette décrivant leur contenu. Les comptes du iie s. nous font connaître, à partir de l’année 192, la composition de l’encaisse sacrée en stamnoi. L’usage des stamnoi ne débute pas au iie s. : les comptes montrent que même sans en avoir gravé l’inventaire, les hiéropes conservaient de cette façon l’argent du dieu, comme proba blement avant eux les amphictyons athéniens de l’époque classique 125. Dès le iiie s., les comptes enregistrent l’achat de « stamnoi pour l’argent » (IG XI 2, 163 A, l. 58 [a. 276] ; 224, A, 26 [a. 258] et 287 A, 43 et 76 [a. 250]). Dans une inscription postérieure à 248 (ID 291, d, l. 1720), les hiéropes précisent dans leur bilan d’encaisse ([κεφάλαιον οὗ παρελάβ]ομεν ἀργυρίου ἐν τ[ῶ]ι ἱερῶ[ι]) qu’une partie de la somme se trouve dans des jarres ([ἐ]ν στάμνοις [δραχμ]αὶ), dont ils établissaient la liste dans la partie mutilée du fragment. Aussi l’ordre des jarres tel qu’il est donné par les hiéropes dans leurs inventaires suitil globalement l’ordre chronologique de l’entrée des sommes dans la caisse du sanctuaire. Bien que les hiéropes aient manifestement procédé à certaines périodes à des reclassements, regroupant des fonds en fonction de leur composition en numéraire, ils n’ont pas modifié l’historique général de l’inventaire : le fonds ancien reste nommé en premier et distinct des jarres en circulation, dont l’ordre d’apparition est respecté dans la rédaction (tableau 30). L’ensemble, pour la caisse publique et la caisse sacrée, totalise 187 lots : 119 jarres pour la caisse sacrée et 68 pour la caisse publique, auxquelles doivent s’ajouter les nombreuses jarres qui étaient mentionnées dans des passages lacunaires et dont nous n’avons pu tenir compte. Comme pour les inventaires d’offrandes, il est possible de retrouver, d’une stèle à l’autre, la mention des mêmes jarres et de se faire une idée du rythme d’utilisation de l’argent qu’elles contenaient. Mais ces jarres n’ont pas toutes coexisté. Certaines ont été entièrement utilisées, vidées de leur contenu et remplies par d’autres fonds nouveaux ; d’autres ont été partiellement vidées et leurs reliquats ont parfois été regroupés avec d’autres pour former une nouvelle jarre ; de nouvelles encaisses sont venues augmenter le trésor. Le compte complet de l’année 179 (ID 442, A) comporte ainsi 44 jarres dans la caisse sacrée et 37 jarres dans la caisse publique, soit 81 jarres en tout. Cet ensemble de jarres est donc mouvant et en perpétuelle évolution, tant par le mouvement des entrées et des sorties de caisse que par les logiques de classement des fonds adoptées par les hiéropes, qui évoluent elles-mêmes au fur et à mesure des nécessités de gestion et des changements de contexte monétaire dans le monde égéen.
Le fonds ancien L’encaisse comporte une première série de 10 jarres qui constituent le fonds ancien du sanc tuaire. À la suite de cet inventaire des premières jarres vient, dans l’inscription ID 442 qui est 125.
Sur les lieux et modes de stockage de l’argent, voir infra p. 32-35.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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la plus complète de la série, la mention de l’argent du chorégikon : le fonds est connu à partir de 280, mais cette première jarre du chorégikon est probablement plus récente car elle a été constituée lors d’une opération de séparation de ce fonds d’avec l’argent sacré, que l’on peut dater, comme on l’a vu, entre les années 220 et les années 190 126. On a donc là un possible terminus ante quem pour la constitution des 10 premières jarres 127. Parmi toutes les jarres de la caisse sacrée, ces 10 premières jarres ne connaissent aucune modification, ni dans leur ordre d’énumération ni dans leur contenu, durant l’administration des hiéropes de la fin de l’Indépendance. Contrairement au reste de la fortune sacrée, pour laquelle les inscriptions (ou « étiquettes ») des jarres indiquent qu’il s’agit de reliquats provenant des comptes courants de l’Indépendance (bénéfices annuels, sommes destinées à des emprunts et n’ayant pas trouvé preneurs, remboursements de prêts) dans lesquels les hiéropes puisent pour financer des dépenses, les 10 premières jarres ont des libellés différents et leur contenu n’est pas utilisé. Ces 10 jarres constituent donc une fortune thésaurisée, probablement parce que ces fonds étaient constitués de monnaies anciennes qui n’avaient plus cours et dont l’administration délienne ne pouvait plus faire usage : il était plus pratique de mettre de côté cet argent. Nous disposons donc, avec ces 10 premières jarres, d’une information sur les capitaux du sanctuaire qui doivent correspondre à des ressources monétaires en usage aux ive s. et iiie s. (tableau 29). Sur 7 stèles de la fin de l’Indépendance est conservée la mention — parfois incomplète — de cette série de 10 jarres : ID 408 (vers 190), l. 1-8 ; ID 405 (a. 188), l. 2-6 ; ID 442 (a. 179), A, l. 3-9 ; ID 455 (a. 173), Aa, l. 3-7 ; ID 453 (a. 174), A, l. 4-9 ; ID 461 (a. 169), Aa, l. 2-8 ; ID 470 (fragment non daté) 128. Les 10 jarres sont réparties comme suit 129 : Jarres nos 1 à 6 6 jarres contenant chacune un talent et portant chacune sur l’étiquette de provenance la mention : τὸ ἀπαχθὲν ἐκ Τήνου (ID 408, l. 3-5 ; 405, l. 3-4 ; 455, l. 3-4 ; 453, l. 4-6 ; 461, l. 2-5) ; ou τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου (ID 442, l. 3-5 ; 470, l. 3).
Jarre no 7 Une jarre contenant 5 805 dr., 5 ob., une ½ ob. et 1 t. (ID 455, l. 5) et portant sur l’étiquette de provenance la mention : τὸ ἀνε[νε]χθὲν ἐκ Τήνου (ID 405, l. 5) ; ou τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου (ID 442, l. 4-5) ; ou τὸ ἀπαχθὲν ἐκ [Τήνου (ID 453, l. 6 ; 461, l. 4-5).
126. Voir supra p. 114. Les noms indiqués sur les inscriptions des jarres ne sont d’aucun secours car il s’agit de noms
très fréquents à Délos : cf. Vial 2008. 127. Migeotte 2014, p. 654, a tort de considérer que ces jarres n’apparaissent qu’entre 192 et 179 : l’inventaire des jarres de l’année 192 (ID 399) n’est pas complet et il manque justement le début de l’encaisse. 128. Chankowski 2002. 129. La numérotation que j’adopte ici suit l’ordre des inventaires, mais les jarres ne portent pas de numéro dans les inscriptions ; seule l’inscription ID 405 place en première position la jarre no 10.
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PARASITES DU DIEU
Jarre no 8 Une jarre d’un talent dont il ne reste que 3 402 dr. (ou 3 403 dr. selon ID 453, l. 6-7) et 3 ob., ½ ob., 1 t. et 1 ch., portant sur l’étiquette de provenance la mention : τὸ ἐν τεῖ Μινώει φανὲν (ID 442, l. 5 ; 455, l. 5 ; 453, l. 6-7 ; 461, l. 5) ; ou [τὸ λοιπὸν τ]οῦ ἐν τεῖ Μινόει φαν[έντος] (ID 408, l. 6) 130.
Jarre no 9 Une jarre rassemblant 6 sommes de provenances diverses, contenant au total 1 026 dr., 1 ob. et ½ ob. (ou 1 ch. selon ID 453, l. 7). Malgré les lacunes, l’existence de toutes ces sommes dans la jarre dès 188 est attestée par le total donné dans l’un des inventaires (ID 405, l. 6). Les sommes conservées dans cette jarre portent les libellés suivants : 1) τὸ ἀνενεχθὲν ἐκ τῆς Μινόης : 272 dr. (ID 442, l. 6 ; 453, l. 7 ; 461, l. 7, sans chiffre de détail). 2) τὸ ἀπ[ε]λθὸν πρῶτον ἐκ Τήνου ἐν τῶι κυνούχωι : 330 dr. (ID 442, l. 6 ; 453, l. 7 131 ; 461, l. 7, sans πρῶτον et sans chiffre de détail) ; ou [τὸ ἀπελθ]ὸν πρώτιστον ἐκ Τή[νου] — (ID 408, l. 7) 132 ; ou ἐν τῶι] κ̣υν̣[ούχωι? κα?]ὶ πρώτιστον ἐκ Τήν[ου] (ID 455, l. 6). 3) τὸ [ἐ]ν τῇ Μινόῃ ὕστερον φανὲν : 230 dr., 4 ob. (ID 442, l. 8 ; 455, l. 6 133 ; 461, l. 7 sans chiffre de détail) ou 230 dr., 3 ob. et ½ ob. (ID 453, l. 8). 4) τὸ ἀνήνεγκεν Πάχης : 56 dr. (ID 442, l. 8 ; 453, l. 8 ; 455, l. 6 ; 461, l. 7-8 sans chiffre de détail). 5) καὶ τὸ παρὰ Πολυξένου, Πάχητος, Πολυβούλου : 135 dr., 3 ob., ½ ob. (ID 442, l. 9 ; 453, l. 8 ; 455, l. 6-7 ; 461, l. 8 ; 470, l. 5) ou 138 dr. et 2 ch. (ID 405, l. 6). 6) Λευκίου : 2 dr. (ID 405, l. 6 ; 442, l. 9 ; 455, l. 7 ; 461, l. 8 sans chiffre de détail) ou 1 dr., ½ ob. et 1 ch. (ID 453, l. 9). ou [παρ]ὰ Λευκίνου (ID 408, l. 8).
130.
Je propose de restituer [τὸ λοιπὸν], « le reliquat », avant [τ]οῦ ἐν τεῖ Μινόει φαν[έντος] pour expliquer l’emploi du génitif. 131. Le texte du corpus donne [τὸ ἀπαχθὲν], restitution qui n’est pas justifiée puisque l’on trouve partout ailleurs pour le libellé de cette somme τὸ ἀπελθὸν. 132. Correction de Tréheux 1985b, à laquelle on peut ajouter la restitution τὸ ἀπ[ε]λθὸν. Le corpus donne ον Πρῶτις τὸν ἐκ Τή[νου]. 133. Avec oubli d’une obole dans la restitution donnée dans le corpus.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Jarre no 10 Jarre recomposée à partir du contenu de 10 jarres, portant l’inscription ἐξ στάμνων δέκα et contenant 2 375 dr., 5 ob., ½ ob. et 1 t. (ID 405, l. 2 ; 442, l. 9 ; 453, l. 9 ; 455, l. 7 ; 461, l. 8). 1 2 3 4 5 6 7 8 9
10
Ténos Ténos Ténos Ténos Ténos Ténos Ténos Minoé Minoé Ténos émissaires Reliquat de 10 stamnoi
1 talent 1 talent 1 talent 1 talent 1 talent 1 talent 5 805,9 dr. 1 talent (reste 3 402 dr.) 502,6 dr. 330 dr. 193,5 = 1 026,1 dr. 2 375,9 dr.
Tableau 29 — Les jarres du fonds ancien.
L’encaisse initiale avait donc contenu, non pas 10 jarres mais, d’une part 8 jarres d’environ un talent chacune (jarres 1 à 8), d’autre part 10 jarres dont les reliquats sont rassemblés au iie s. en une seule jarre (jarre no 10). C’est probablement aussi le cas de la jarre no 9 qui regroupe des sommes de provenances diverses. La logique qui avait présidé à l’organisation de cette répartition semble être d’abord chronologique : les 18 jarres (ou plus) ont été utilisées autrefois jusqu’à se réduire à 10 au début du iie s. mais elles ne sont plus ouvertes désormais. Les variantes de libellé dans la rédaction des hiéropes semblent indiquer que le texte des inscriptions qui les accompagnaient était devenu fragmentaire, si bien que les hiéropes ont dû développer les indications qu’ils pouvaient lire. En témoignent par exemple les variations dans la copie des noms de la neuvième jarre 134. Ces libellés ne comportent toutefois pas de formes particulièrement anciennes : la graphie τεῖ pour τῆι se trouve tout au long de l’Indépendance dans les comptes des hiéropes (par exemple encore à la fin de l’Indépendance, ID 465, c, l. 18: τεῖ βουλεῖ). Le montant total rassemblé dans ces dix jarres s’élève au iie s. à plus de 8 talents (48 610 dr.) : il s’agit bien d’une part considérable de l’encaisse sacrée. Dans l’encaisse de 169 (ID 461, Aa), ce fonds ancien constitue un tiers de la fortune monnayée du dieu.
L’argent de Ténos et de la Minoé 135 Des termes techniques Les termes employés dans les libellés sont récurrents : τὸ ἀνενεχθέν, τὸ ἀπελθόν, τὸ ἀπαχθέν, qui sont synonymes, et τὸ φανέν, qu’il reste à expliquer. Les trois premiers termes appartiennent 134.
La variante Leukinos pour Leukios peut par exemple s’inspirer du nom de l’archonte de 201, Leukinos, que les hiéropes avaient peut-être encore en mémoire. 135. Ce qui suit reprend, avec des compléments, l’argumentation développée dans Chankowski 2002.
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PARASITES DU DIEU
au vocabulaire financier des hiéropes 136. L’emploi indifférencié, dans ces listes, des verbes ἀπέρχομαι, ἀπάγω et ἀναφέρω suggère que tous trois désignent l’opération de ramener des fonds vers leur caisse d’origine, comme l’a montré J. Tréheux de façon convaincante en contestant les interprétations antérieures sur ces termes 137. Le verbe ἀπάγειν est celui qu’emploient les hiéropes pour désigner les intérêts dus par des débiteurs étrangers, dont l’argent est apporté à Délos par un émissaire, convoyeur des fonds : ainsi l’intérêt annuel de la cité d’Hermionè, l’une des rares à bénéficier encore de prêts du sanctuaire au iiie s., apporté par un dénommé Mnèsikleidès (ἐξ Ἑρμιόνος τόκον ἐνιαυτοῦ δραχμὰς ·ΧΧΧ· ἃς ἀπήγαγεν Μνησικλε[ίδης, IG XI 2, 162 [a. 278], A, l. 27). Ces sommes appartenaient donc originellement à Apollon et ont été ramenées dans la caisse sacrée, qu’elles avaient quittée pour des raisons qui ne sont pas précisées. L’une de ces sommes a été rapportée de Ténos « dans le sac en peau » (ἐν τῶι κυνούχωι) qui avait donc été conservé jusqu’à l’époque des inventaires puisqu’il est nommé avec l’article défini. Le transport d’argent dans des sacs était d’un usage habituel et montre que l’on a bien affaire ici à de l’argent convoyé 138. Le terme τὸ φανέν est resté jusqu’à présent en dehors de ces analyses de vocabulaire, et l’on s’en tient d’ordinaire à l’interprétation selon laquelle cet argent serait simplement « apparu », probablement lors d’un curage de la fontaine Minoé, ou dans les substructions de l’édifice lors de travaux qui auraient révélé un trésor caché, puisque les fonds en question portent le libellé ἐκ τῆς Μινόης. En réalité, trois mentions dans les jarres concernent les fonds « de la Minoé » : il s’agit d’argent φανὲν [ἐ]ν τῇ Μινόῃ (jarre no 8 : 6 000 dr. dont il reste 3 402,5 dr.), d’argent ἀνενεχθὲν ἐκ τῆς Μινόης (jarre no 9-1 : 272 dr.) et d’argent [ἐ]ν τῇ Μινόῃ ὕστερον φανὲν (jarre no 9-3 : 230,5 dr.). L’hypothèse du curage de la fontaine a obligé les commentateurs à comprendre que ces sommes furent retirées « partie en période de basses eaux (τὸ φανὲν), partie au cours d’un curage consécutif à la première découverte (τὸ ἀνενεχθὲν) » 139. L’explication n’est guère convaincante, tout d’abord au regard de l’ampleur des sommes ainsi réunies, alors que l’ensemble des troncs de l’île ne rapporte qu’une centaine de drachmes par an. Il est, de plus, inconséquent, dès lors que l’on comprend ailleurs τὸ ἀνενεχθέν et ses synonymes comme des termes financiers, de ne pas faire de même à propos de l’argent de « la Minoé », qui est qualifié tantôt de φανέν et tantôt de ἀνενεχθέν. Dès lors, τὸ φανέν a toutes chances de relever lui aussi du vocabulaire des finances et des mouvements de fonds 140. Des adjectifs dérivés de φαίνω sont en effet employés dans les inscriptions et les textes littéraires pour désigner le statut ou la situation particulière de certains biens. Ainsi, l’adjectif ἐμφανής désigne, dans des décrets d’asylie étoliens, des biens qui ont été dérobés, mais peuvent être saisis par confiscation afin de les restituer à leur propriétaire : ils sont donc encore « visibles », par opposition aux ἀφανέα, qui sont des biens « invisibles », que le voleur a pu 136.
Voir par exemple ID 461, Bb, l. 47-48 : καὶ τὸ ἀπενεχθὲν τοῦ ἀπολομένου χρυσίου. Tréheux 1985b. 138. Voir supra n. 96. 139. Vallois 1944, p. 193, n. 4. Il est suivi avec réserves par Tréheux 1985b, p. 26-27. F. Durrbach écartait l’hypothèse de pièces jetées dans la fontaine par les fidèles et supposait qu’un trésor avait été découvert dans les substructions de la fontaine lors des réparations mentionnées dans le compte de 179 (commentaire à ID 442). Mais cette somme appartient déjà à la caisse sacrée en 188 (ID 405, et ID 408 vers 190). 140. Compris comme un terme du vocabulaire financier, cet usage du participe aoriste neutre est sans parallèle dans les comptes des hiéropes. La seule « apparition » qui, dans ces documents, fasse usage de l’intransitif ἐφάνην est celle de sarments de vigne « apparus dans la fontaine » proche d’une bergerie (IG XI 2, 153, l. 8-9 : κλήματα σταφύλης ξ[․․․․] ὅτ’ ἐ[ν τ]ῆι κρηνῖδι ἐφάνη). Bien qu’il soit aussi question d’une fontaine, il est fort improbable que cet épisode doive être rapproché de l’argent φανέν « de la Minoé ». Il s’agit bien plutôt ici de la résurgence d’une plantation dans une fontaine mal entretenue. 137.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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revendre et faire disparaître 141. Dans la juridiction athénienne, la fortune « visible » (φανερὰ οὐσία), que des documents officiels permettent de rattacher à son propriétaire, est opposée à la fortune « invisible » (ἀφανής), dont l’existence est dissimulée par son propriétaire 142. Dans le vocabulaire des orateurs attiques, c’est en particulier l’argent prêté par l’intermédiaire d’un banquier ou mis en dépôt dans une banque qui permet à son propriétaire de le rendre « invisible », c’est-à-dire ignoré dans les évaluations de fortune 143. L’argent d’Apollon délien a donc été rendu visible (φανέν), dans des circonstances qui nous échappent. Le procédé s’est produit à deux reprises puisqu’une autre somme est signalée comme τὸ [ἐ]ν τῇ Μινόῃ ὕστερον φανὲν (jarre no 9). La distinction établie dans la comptabilité des hiéropes entre l’argent « rapporté » et l’argent « apparu » pourrait donc souligner que, contrairement aux sommes acheminées à Délos par des émissaires ou convoyeurs (τὸ ἀνενεχθὲν, τὸ ἀπελθὸν, τὸ ἀνήνεγκεν), le retour de certains fonds dans la caisse sacrée avait nécessité des opérations plus complexes : sans doute a-t-il fallu en retrouver la trace, et prouver qu’Apollon en était le propriétaire, probablement par le biais d’une procédure judiciaire.
L’argent de Ténos Les sommes des premières jarres proviennent assurément de la récupération de capitaux. J. Tréheux considérait que cet « argent de Ténos » devait provenir d’une banque de cette cité, puisque les hiéropes ont l’habitude, au moins à la fin de l’Indépendance, d’utiliser les services de banquiers téniotes pour leurs transferts de fonds, comme en témoigne la suite des inventaires de jarres 144. Ce n’est pas exactement ce qu’indiquent les libellés de ces jarres, qui mentionnent la cité de Ténos d’une manière générale alors que, dans le cas de sommes ayant transité par des banques, les libellés portent systématiquement le nom du banquier qui en a certifié le contenu en procédant aux éventuelles conversions monétaires. De plus, les dépôts bancaires des hiéropes étaient de courte durée et relevaient de facilités comptables plus que de dépôts véritables 145. Enfin, pourquoi avoir convoyé l’argent à Ténos alors que les officines des banquiers, qu’ils fussent d’origine délienne, ou téniote, ou étrangère, étaient installées à Délos ? Ce n’est qu’au début du ier s. qu’apparaît à Ténos une activité bancaire privée, dont témoigne le décret honorifique pour L. Auphidius Bassus et sa famille (IG XII 5, 860) ainsi que les listes de magistrats qui témoignent de la fonction de trapézite public pour la banque de la cité (IG XII 5, 880-885) 146. Une première hypothèse est de considérer que l’argent en question provient de la cité de Ténos, c’est-à-dire qu’il aurait été remis en différentes phases au sanctuaire délien à la suite d’une procédure de restitution 147. Au début du ive s., la cité de Ténos était débitrice de 21 000 dr., soit 3,5 talents (ID 98, B). Elle a pu avoir par la suite d’autres occasions d’emprunter de l’argent à Apollon Délien, durant la période de contrôle athénien sur le sanctuaire. Les comptes du ive s. montrent qu’elle est encore débitrice en 353/2 (ID 104-8), pour un montant non conservé. Mais le total de l’argent inventorié dans les jarres en provenance de Ténos se monte tout de même à 7 talents. IG IX I2 4c = Syll 3 554 ; IG IX I2 192 = Syll 3 563. Giovannini 1978, p. 54, met en évidence cette opposition, mais c’est de façon tout à fait abusive qu’il écrit que le verbe φαίνειν signifie « recouvrer ». 142. Cf. Gernet 1956 ; Bogaert 1968, p. 349 ; Gabrielsen 1986 ; Cohen 1992, p. 191-207. 143. Cf. les exemples cités par Cohen 1992, p. 201-202. 144. Tréheux 1985b, p. 23. 145. Chankowski 1997b, p. 368, et les références bibliographiques citées en note. 146. Bogaert 1968, p. 192-196 ; Étienne 1990, p. 145-146 et 173. 147. C’est l’hypothèse que j’avais retenue dans Chankowski 2002.
141.
140
PARASITES DU DIEU
De l’argent des prêts, venant de diverses cités insulaires, fut certes réintroduit, sans doute par phases successives, dans la caisse du sanctuaire d’Apollon au cours du iiie s., peut-être avec l’aide des Lagides comme pourraient le laisser supposer les honneurs accordés par les Déliens à Philoklès de Sidon 148. Ces capitaux durent être remboursés alors en monnaie d’étalon d’Alexandre, qui avait toujours cours au début du iie s. : il n’y aurait donc pas eu de raison, pour les hiéropes, d’isoler de tels fonds. Mais s’agissant de capitaux plus anciens, le sanctuaire d’Apollon devait certainement disposer, dans son encaisse, de chouettes attiques de l’époque classique qui n’étaient plus en circulation à l’époque hellénistique, en dépit de leur poids fixe. Les capitaux rentrés au cours du ive s. dans la caisse d’Apollon ne pouvaient guère être constitués d’un autre numéraire, si bien que l’encaisse du sanctuaire comptait forcément des monnaies anciennes, qui ne pouvaient qu’être thésaurisées. C’est d’ailleurs de ce monnayage que l’on trouve probablement une trace ténue dans les actes des administrateurs de la seconde domination athénienne, qui mentionnent à plusieurs reprises dans le temple d’Apollon un lot de « tétradrachmes attiques glaukophores frappées avant le monnayage du stéphanéphore » (ID 1429, B, col. II, l. 22-23 : τέτραχμα ἀττικὰ γλαυκοφόρα τῶν πρότ[ε]ρον κοπέντων τοῦ στεφανηφόρου 𐅃Ι·). Si l’on se souvient que l’encaisse du trésor d’Apollon comportait, au moment de la reprise de l’administration par les Déliens, 7 talents, et que par ailleurs on constate que l’inventaire des jarres suit un ordre chronologique — la jarre qui suit cette série étant celle du chorégikon que l’on peut dater vers 280 — il faut alors faire remonter cette série des 7 talents « de Ténos » aux origines de l’administration délienne en 314. Nous ignorons malheureusement tout, faute d’actes administratifs couvrant ces années, sur la période qui suivit la prise d’Athènes par le pouvoir macédonien et le développement du pouvoir antigonide dans les Cyclades. Est-ce dans ces périodes troublées que Déliens ou Athéniens, ne sachant ce qui pourrait advenir du trésor d’Apollon, auraient cherché à mettre à l’abri les biens sacrés ? Les représailles exercées contre Athènes par le pouvoir macédonien après la guerre lamiaque pouvaient laisser craindre des confiscations, dont le territoire délien aurait légitimement fait partie. À l’époque des guerres médiques, la communauté des Déliens s’était réfugiée à Ténos devant l’avancée de la flotte perse de Datis (Hérodote, VI, 97). Le même phénomène a pu se produire à la fin du ive s., accompagné de la mise en dépôt du trésor dans la cité voisine téniote. Le trésor aurait alors été restitué sous forme d’un dépôt inventorié, et enregistré en provenance de Ténos dans les premières jarres de l’encaisse. Cette situation expliquerait le libellé ἐκ Τήνου dans les inventaires de ces jarres : on aurait là la trace, dans l’encaisse des hiéropes et grâce à ce libellé, de la première encaisse du trésor sacré de l’Indépendance.
L’argent de la Minoé Provenant de « la Minoé », de l’argent avait été lui aussi « rapporté » (ἀνενεχθὲν). Si le terme a bien la même signification financière que pour l’argent de Ténos, cette somme appartenait dès l’origine à la caisse sacrée : il ne peut s’agir de sommes jetées par les fidèles dans une fontaine et ramassées lors du curage du bassin, ou bien découvertes dans les substructions de la fontaine. Le montant le plus élevé en provenance de « la Minoé » est celui de la jarre no 8, qui contenait 1 talent avant qu’une partie n’en soit utilisée, et est désigné comme τὸ ἐν τεῖ Μινώει φανὲν. Une autre somme, conservée avec d’autres dans la jarre no 9, est moins importante (τὸ ἀνενεχθὲν ἐκ τῆς Μινόης, 272 dr.). Une autre somme encore (230,5 dr.), dans la même jarre, est appelée 148. Voir
supra chapitre I p. 22-26, sur les difficultés des Déliens à faire rentrer les capitaux prêtés à l’époque classique par les Athéniens.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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τὸ [ἐ]ν τῆι Μινόηι ὕστερον φανὲν. Dans cette neuvième jarre sont manifestement rassemblées de petites sommes recouvrées par la caisse sacrée à la suite de diverses opérations. L’une d’elles a été rapportée (ἀναφέρειν) par Pachès, de même que Mnèsikleidès avait rapporté (ἀπάγειν) d’Hermionè les intérêts annuels du prêt. D’autres ont été versées par des individus (παρά avec le génitif ), dont le même Pachès, soit à titre privé soit dans le cadre d’une magistrature. Cette jarre concerne donc bien, comme les précédentes, des recouvrements de fonds, assez importants du point de vue administratif pour qu’une somme de 2 dr. reçue de Leukios (ou Leukinos) ait été comptabilisée à part. La formulation rappelle les descriptifs d’encaisse que les hiéropes avaient l’habitude de rédiger dans les comptes du iiie s. L’encaisse du compte de 250, par exemple (IG XI 2, 287), enregistre plusieurs provenances pour les sommes qui la composent parce qu’elles ne sont pas transmises aux hiéropes en une seule fois. Ces fonds semblent, là encore, anciens, et les hiéropes recopient des libellés trouvés sur ou avec les jarres dans lesquelles l’argent est entreposé.
S’il paraît clair que le champ lexical de ces inventaires de jarres exclut qu’il s’agisse d’argent collecté dans la fontaine Minoé, il reste encore à identifier « la Minoé » dont il est question dans ces versements. A. Giovannini avait proposé d’interpréter l’argent de la Minoé comme « l’argent de Minoa d’Amorgos » : le trésor du sanctuaire d’Apollon de Minoa d’Amorgos, emporté par des raids de pirates mais repris de façon providentielle, aurait été mis en dépôt dans le temple d’Apollon Délien 149. Le scénario ne manque pas de suspens, mais reste bien hypothétique. Il est, de plus, fondé sur une interprétation abusive du terme φανέν. Enfin, J. Tréheux a montré depuis de façon convaincante qu’il faut rejeter l’idée d’un dépôt car aucun dépôt étranger n’a jamais été enregistré dans la caisse sacrée de Délos 150. Il ajoute toutefois une objection supplémentaire : « la fontaine Minoé est trop proche de la caisse sacrée et trop souvent mentionnée dans les archives déliennes pour qu’il ne soit pas ici question d’elle », argument qui n’est pas recevable quand on tient compte des pratiques d’archivages, des relectures et des réécritures dont témoigne la comptabilité des hiéropes en maints endroits. En recopiant les inventaires, les administrateurs déliens ont parfois transformé un nom inconnu pour lui donner une forme qui leur était plus familière 151. Il n’est pas impossible que la forme donnée à ce libellé de jarre provienne d’une confusion des hiéropes, recopiant des indications plus d’un siècle après les événements, entre deux réalités exprimées par le même mot : Minoa d’Amorgos et la fontaine Minoé, d’autant plus que, dans les décrets amorgiens, les citoyens de Minoa sont systématiquement désignés par la formule ὁ δῆμος τῶν Μινοητῶν (voir par exemple IG XII 7, 68, 221, 22, etc.) 152. Cette confusion était d’autant plus possible que les hiéropes, lorsqu’ils désignent la fontaine elle-même, écrivent tantôt Μινόη, tantôt Μινώια ou Μινοία 153. 149.
Giovannini 1978, p. 54. Tréheux 1985b, p. 26. Voir toutefois, à propos de l’argent des héritiers de Sôsimachos, infra p. 171 et p. 399. Un dépôt d’un trésorier de la cité de Délos est mentionné sous le terme de θέσις en 208 (ID 365, l. 12-14). 151. J. Tréheux en fournit lui-même des exemples avec le cas d’Ameinondas devenu Épaminondas et celui de Batèsis devenu Datis : Tréheux 1985b, p. 27. 152. Contre mon hypothèse, Ph. Gauthier (Bull. 2003, 397) a invoqué l’inscription de Magnésie du Méandre (I. Magnesia 50, l. 80), gravée en 208/7 et donc contemporaine des inventaires de jarres des hiéropes, dans laquelle la cité de Minoa désigne en réalité les Samiens établis à Minoa et non les Minoètes eux-mêmes. Mais les libellés des jarres ne datent pas du iie s. et les hiéropes ne procèdent manifestement ici qu’à une copie, comme ils le font couramment pour d’autres inventaires. 153. Par exemple ID 144 A, l. 92 ; 444 B, l. 95 (Μινόη) ; ID 219 A, l. 22 ; 324 A, l. 29 (Μινώια) ; ID 287 A, l. 60-61 (Μινοία). 150.
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PARASITES DU DIEU
Ainsi, l’argent des jarres 8 et 9 pourrait bien provenir de la cité de Minoa d’Amorgos, mais il appartenait dès l’origine à Apollon. Il pourrait s’agir de prêts contractés auprès du sanctuaire d’Apollon durant l’époque classique. Le compte ID 98, qui est le plus complet de la série, ne comporte pas de mention des cités d’Amorgos, mais il est loin de regrouper la totalité des cités débitrices, comme en témoignent d’autres documents déliens ou athéniens moins connus 154. La cité de Minoa d’Amorgos possédait un sanctuaire d’Apollon délien qui servait de lieu d’exposition aux décrets honorifiques et témoigne des liens entretenus avec Délos, au moins dès l’époque classique. L’argent sacré aurait été rendu visible (φανέν) à Minoa d’Amorgos, sans doute après avoir été prêté à la cité. Il n’y a guère de raisons de penser qu’il ait pu s’agir d’un prêt non enregistré par les administrateurs du sanctuaire qui auraient voulu le tenir secret : cette hypothèse va à l’encontre de toute la logique comptable élaborée par les hiéropes. L’argent prêté officiellement à la cité de Minoa avait pu être investi ou déposé chez un banquier : c’est probablement cette utilisation qui le rendait pour un temps « invisible ». Une opération financière (restitution, remboursement, etc.) l’a de nouveau rendu « visible » dans la comptabilité de la cité, permettant alors la restitution du capital à Apollon 155. Le procédé s’est reproduit une seconde fois, puisqu’une autre somme est signalée comme τὸ [ἐ]ν τῆι Μινόηι ὕστερον φανὲν (jarre no 9). La procédure de restitution des capitaux s’est donc étendue sur une certaine durée. Au cours de la période classique, les trois cités d’Amorgos apparaissent sous la forme d’un koinon dans la Ligue de Délos et dans la seconde Confédération athénienne. Le monnayage du ive s. porte le nom des Amorgiens et une dédicante, dans les inventaires déliens, est connue sous l’ethnique d’amorgienne plutôt que sous celui de sa cité propre (ID 104, l. 72) 156. Toutefois, le libellé des jarres indique ici non un ethnique mais le lieu où fut résolue une question financière : on ne peut donc en tirer aucun argument de chronologie ni non plus l’avancer contre l’identification de la cité amorgienne avec la Minoa du texte. Ainsi, les premières jarres de la caisse sacrée regrouperaient des fonds anciens, provenant de remboursements de capitaux prêtés à l’époque classique ou d’une encaisse ancienne. Ces fonds avaient été recouvrés par deux procédés financiers : des sommes ont été rapportées de Ténos et de Minoa par des émissaires (τὸ ἀνενεχθέν, τὸ ἀπελθόν, τὸ ἀπαχθέν ἐκ), d’autres (τὸ ἐν τῆι Μινόηι φανέν) avaient été restituées à la suite d’une procédure. D’autres enfin, dans la dixième jarre, étaient le groupement de reliquats de 10 autres jarres de l’encaisse.
L’utilisation de cet argent Les commentateurs se sont étonnés de ce que ces jarres, contrairement aux suivantes, apparaissent toujours intactes dans les inventaires de la fin de l’Indépendance. P. Roussel y voyait un fonds de réserve constitué par la cité de Délos, J. A. O. Larsen un capital laissé inactif par les hiéropes faute d’avoir trouvé un emprunteur 157. Les hiéropes de la fin de l’Indépendance, en effet, n’ont fait aucun prélèvement dans ces jarres. En revanche, des sommes avaient été retranchées avant le iie s., à une époque précédant l’apparition des inventaires de jarres dans la documentation. La jarre no 8 en provenance de Minoa a été utilisée pour moitié entre le retour de l’argent dans la caisse sacrée et le début du iie s. 154.
Chankowski 2008a, p. 365-369. Le procédé semble fréquent dans les milieux de la finance privée à Athènes : cf. les exemples cités par Cohen 1992, p. 202-207. 156. Voir les références rassemblées par Nigdélis 1990, p. 12. 157. Roussel 1916, p. 171-172 ; Larsen 1938, p. 342-343. 155.
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En réalité, les fonds qui apparaissent dans les inventaires de jarres témoignent avant tout des réorganisations opérées par les hiéropes dans l’encaisse du sanctuaire, probablement avec l’aide des banquiers et à une date que plusieurs indices invitent à situer dans les années 230 158. Le compte de 250 fournit un descriptif détaillé de l’encaisse, qui s’apparente à un inventaire de jarres (IG XI 2, 287, A, l. 1-18) 159. Des sommes sont reçues par les hiéropes entre Lénaion et Apatourion, soit sur la quasi-totalité de leur année d’exercice. – recettes provenant des troncs : 83 dr. – encaisse en Lènaion : 6 000 dr. + 8 011 dr. + 3 000 dr. – encaisse en Galaxion : 13 791 dr. – encaisse en Artémision : 3 000 dr. – encaisse en Hécatombaion : 1 000 dr. – encaisse en Apatourion : 9 100 dr. Soit un total d’encaisse de 43 985 dr. Après cette encaisse est arrivé séparément un complément de 5 000 dr. ainsi que des versements sur les recettes publiques, correspondant sans doute à des remboursements de prêts (10 545 dr.). Viennent ensuite les diverses subventions habituelles. Les 8,5 talents de ces jarres « de Ténos » et « de la Minoè » connus dans les inventaires du iie s. peuvent figurer en partie dans cette encaisse qui en compte 7,3 mais ne sont pas répartis de la même façon dans la comptabilité des hiéropes. La raison en est probablement qu’à cette date, les monnayages qui composent l’encaisse sont en usage, tout du moins pour la majeure partie d’entre eux, si bien que les hiéropes n’ont pas encore besoin d’en écarter une partie des fonds en circulation. Au iie s., les administrateurs se sont nécessairement trouvés confrontés à l’obsolescence d’une partie de l’encaisse. Les jarres de la première encaisse devaient être en grande partie constituées de chouettes attiques, auxquelles étaient venues se mêler, en une dizaine d’années avant le début de l’Indépendance, les nouvelles monnaies d’Alexandre. Les 7 talents « de Ténos » immobilisés au début du iie s. pouvaient donc être cette encaisse en partie composée de monnaies anciennes, dont les hiéropes ne pouvaient plus avoir usage dans les transactions du sanctuaire au iie s., qu’il s’agisse des dépenses pour les travaux ou des prêts. Cet argent constitue une réserve thésaurisée et potentiellement transformable en cas de besoin, au même titre que les phiales des collections du sanctuaire. D’autres sommes ont sans doute été restituées par les cités débitrices au cours du iiie s. : c’est probablement dans cette série d’évènements des premières décennies du iiie s. qu’il faut placer le retour des fonds « de la Minoè ». La jarre no 8 qui contenait au départ un talent en provenance de Minoa a elle aussi été utilisée puisqu’il ne reste plus que 3 402 dr. : c’est bien l’indice que ce capital avait dû être remboursé un peu plus tard, sans doute plutôt vers 280 que dès 314, pour être constitué de monnaies — d’Alexandre ou de Ptolémée ? — que les hiéropes ont pu utiliser dans des dépenses. D’autres jarres se sont trouvées constituées par les bénéfices accumulés au cours du iiie s., et leur contenu a progressivement été utilisé dans les travaux et les constructions. La dixième jarre rassemble ainsi le reliquat d’une fortune accumulée dans dix jarres au cours du iiie s., utilisée sans doute en grande partie pour les travaux de construction. Si le reliquat « des dix stamnoi » qui constitue la dernière des jarres de cette série se trouve 158. Voir
supra chapitre I p. 50 sur cette date ; voir également sur ces questions le chapitre III sur les politiques monétaires. 159. Voir le commentaire de cette encaisse supra p. 46-47.
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désormais comptabilisé dans une encaisse immobilisée, c’est sans doute que ces dix jarres étaient composées de monnaies dont une grande partie a été utilisée au cours du iiie s. mais qu’il serait impossible pour les hiéropes d’écouler dans des transactions au début du iie s. Les encaisses du iiie s. permettent de deviner une partie des mouvements de fonds qu’ont connus ces sommes d’argent. Ces 8 talents des dix premières jarres ne sont pas présents en totalité dans l’encaisse reçue par les hiéropes de leurs prédécesseurs athéniens au tout début de l’Indépendance, puisque celle-ci ne dépasse pas les 7 talents. Une partie des sommes (au moins 1,5 talent) contenues dans ces jarres a donc dû entrer dans la caisse sacrée plus tard. Les 7 talents de Ténos (jarres 1 à 7), à supposer qu’ils aient été présents dès l’origine dans l’encaisse, ont eux aussi circulé au cours du iiie s. : en 281, ils ne sont plus dans l’encaisse transmise, qui affiche un solde de 5 220 dr. (IG XI 2, 159). Il semble qu’il en aille de même entre 259 et 250 (IG XI 2, 224 et 287) et entre 218 et 208 (ID 354, 355, 362, 365) puisque le solde affiché ne totalise pas les 7 talents. C’est donc au cours de ces périodes qu’il faut dater des interventions de l’administration délienne sur les capitaux anciens du sanctuaire : y aurait-il eu un retrait des monnaies anciennes pour expertise et pesée par les banques, par exemple ? La gravure des inventaires de jarres, au début du iie s., mais aussi les bouleversements monétaires que connaît Délos dès les années 230, s’accompagnent manifestement d’une réorganisation du stockage de l’argent dans l’Artémision, puis dans le temple d’Apollon, et d’un tri des monnaies. Dans l’inventaire des jarres, les dix stamnoi anciens sont immédiatement suivis par une jarre contenant de l’argent du chorégikon, dont nous avons supposé à partir des subdivisions monétaires indiquées sur la pierre qu’il pouvait s’agir de monnaies déliennes. Or l’argent du chorégi kon a, lui aussi, fait l’objet d’un tri, probablement dans les années 220-190 : une commission avait été nommée à cet effet 160. Il est donc probable qu’entre la fin du iiie s. et le début du iie s., les hiéropes ont commencé, en inventoriant l’encaisse, à classer les monnaies par numéraire, en fonction des étalons auxquels ces monnaies se rattachaient et en fonction de leur utilité pour les paiements. Ils ont conservé pour les mouvements entre les deux caisses les monnaies perçues dans les transactions récentes, qui répondaient bien à leurs besoins en numéraire. Les administrateurs athéniens, après 166, systématisent ce classement en indiquant dans leurs inventaires des listes de jarres contenant des monnaies d’étalon non attique qu’ils écartent de la circulation : histiéennes, rhodiennes, déliennes, euboïques. Ils totalisent ainsi 12,8 talents d’argent 161.
Les autres jarres Les deux jarres du chorégikon (jarres nos 11 et 12) ont, de même, été en usage autrefois (la première ne contient plus qu’un reliquat) mais ne sont plus ouvertes au moment des inventaires de jarres du iie s. : la seconde est reprise sans modification jusqu’en 169. Mais d’autres entrées figurent par la suite au titre du chorégikon, dans l’encaisse en mouvement. Les autres jarres qui composent l’encaisse constituent des avoirs beaucoup plus récents. On passe en effet, aussitôt après les deux jarres du chorégikon, à des fonds déposés dans les premières années du iie s. Les bénéfices acquis au cours du iiie s. ont donc été investis. L’encaisse récente constitue une sorte de fonds de roulement dans laquelle les hiéropes puisent régulièrement. Pour l’année 179, l’encaisse totale est ainsi composée de 8 talents d’argent thésaurisé (jarres nos 1 à 12 : 48 775 dr.), auquel les hiéropes ne touchent pas, et de 4,4 talents (26 778 dr.) d’encaisse utile, elle-même mouvante. Ainsi, les jarres nos 13 à 25 qui figurent dans l’inventaire 160. Voir 161. Voir
supra p. 114-115 à propos du chorégikon. infra p. 184-185 à propos de l’inventaire athénien.
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de 192 (ID 399, A) ne sont plus signalées dans l’inventaire de 179 (ID 442, A). L’argent a donc été utilisé dans l’intervalle, que ce soit pour les prêts à la cité ou pour d’autres dépenses. Les reliquats ont pu aussi passer par d’autres banques et se trouver placés dans d’autres jarres. D’autres entrées ont augmenté les avoirs. Les inventaires de jarres fournissent en même temps un éclairage précieux sur l’affectation des fonds dans l’organisation budgétaire délienne. Certaines de ces sommes concernent des revenus propres du sanctuaire. Au iie s., l’essentiel des dépôts effectués dans la caisse sacrée est exprimé sous la dénomination de perion, qui correspond au solde du compte annuel, une fois prélevées les dépenses courantes (jarres nos 22, 41, 44, 45, 48, 55, 58, 60, 63, 64, 65, 66, 68, 79, 80, 86, 88, 96, 104, 110, 114). Il arrive que la dénomination de ces jarres varie par rapport au terme courant de perion. Ainsi le libellé τοῦ πεσόντος ἀργυρίου (jarres nos 79 et 104) doit correspondre également au solde du compte. Dans d’autres jarres (nos 55 et 58) la même notion est exprimée comme « le produit des fermages, loyers, taxes et intérêts ». Les dépôts des hiéropes de 182 (jarres nos 31 et 43) et des hiéropes de 177 (jarre no 106) ont toute chance d’être également le perion de la stèle ou du moins un des reliquats provenant d’une partie des revenus de l’année. Ce perion peut parfois entrer en plusieurs fois dans la caisse sacrée 162. D’autres sommes concernent les prêts qui étaient consentis sur les fonds sacrés (jarres nos 28, 32, 35, 40, 47, 56, 69, 75, 76, 81, 112, 113). Lorsqu’elles sont remboursées, ces sommes reviennent dans la caisse sacrée, parfois avec le libellé du capital constitué pour le prêt (jarre no 28 : « prêt aux agriculteurs »). Certaines sommes avaient été affectées à des prêts et n’avaient pas trouvé preneur (jarre no 35 : « sommes non empruntées par les propriétaires à Rhénée »). Ces deux derniers libellés semblent indiquer que, dans la politique financière du sanctuaire, des sommes avaient été spécialement réservées pour assurer des prêts à une catégorie de population : celle des agriculteurs, mais on ignore s’il s’agissait exclusivement des fermiers des domaines sacrés 163. Les autres dépôts sont des fonds qui proviennent en réalité de la caisse publique et sont affectés à la caisse sacrée pour différentes raisons. Dans le cas des versements intitulés horôn (jarres nos 25, 29, 34, 39, 51, 73, 78, 82, 94, 103, 108), trapezôn (jarres no 38, 53, 71, 85, 100), chorégikon (jarres nos 11, 12, 42, 52, 74, 83, 84, 87, 111), il s’agit d’un partage de revenus avec la caisse sacrée 164. Plusieurs versements correspondent au reliquat de sommes affectées aux dépenses pour les technites 165 (jarres no 27, 30, 33, 57, 72, 74, 107). L’une de ces jarres associe un « reliquat des technites » et le chorégikon (jarre no 74). Un autre libellé (jarre no 107) précise qu’il s’agit des technites « pour le théâtre ». Aussi le fonds « pour le théâtre » (jarre no 89) doit-il peut-être également être rattaché au fonds pour les technites : il pourrait s’agir de dénominations différentes pour une même affectation budgétaire 166. Le reste des fonds versés dans la caisse sacrée l’a été par les trésoriers de la cité et n’est que l’affectation à la caisse sacrée de revenus publics : ces jarres témoignent de transferts de fonds réguliers entre la caisse sacrée et la caisse publique, pour le remboursement des prêts consentis régulièrement à la cité sur les fonds sacrés. Parfois les libellés des jarres ne précisent pas si le versement est la conséquence d’un prêt, que la cité rembourserait en affectant à la caisse sacrée le produit d’une recette publique. Ainsi les jarres no 13 et 24 qui contiennent des 162. Voir
supra chapitre II p. 73-74 à propos du montant moyen du perion annuel. Vial 1984, p. 319, n. 14. 164. Voir supra p. 115-116 et infra p. 160 à propos du financement des technites. 165. Traduit à tort par « artisans » dans Nouveau Choix. 166. Voir supra p. 111-112. 163. Cf.
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« fonds non affectés » remis par les trésoriers ont toute chance d’être des versements effectués en remboursement d’un emprunt. Les jarres nos 14 à 17 contiennent des recettes de la boônia mais seul le libellé de la jarre no 14 précise qu’il s’agit du « remboursement de l’avance pour la boônia ». Le produit des loyers de l’agora (jarres nos 50, 62, 91, 105, 118) sont l’une des recettes publiques affectées au remboursement des prêts, de même que des fonds du Prytanée 167 (jarres nos 90 et 116), mais beaucoup d’autres mentions de remboursements ne précisent pas quels fonds ont été utilisés. Enfin, la caisse sacrée a reçu des fonds importants provenant d’une émission monétaire de la cité de Délos, peu avant 169 (jarre no 115) 168. C’est donc à juste titre que Cl. Vial écrivait que ces inventaires nous apprennent bien plus sur la caisse publique que sur les revenus du sanctuaire, détaillés par ailleurs dans les comptes des hiéropes 169. Nous traiterons de façon plus détaillée de ces versements dans le chapitre suivant, consacré au trésor public. Fonds ancien (ive-iiie s.) Encaisse initiale (« de Ténos » : jarres 1-7) 7 talents
Encaisse recouvrée (« de Minoa » : jarres 8-9) 1,17 talents
Reliquats du iiie s. Reliquats de fonds du iiie s. (« des 10 stamnoi » : jarre 10) 0,3 talents Reliquats du chorégikon (jarres 11-12) 168 dr. Fonds récent (iiie-iie s.) Dépôts divers en circulation (jarres 13-118) ± 8 talents ?
Histiatikon 7,37 talents Tableau 30 — Schéma d’organisation de la caisse sacrée délienne. 167.
Voir aussi le rapprochement avec le prytanikon connu en 250. supra chapitre II p. 81. 169. Vial 1997, p. 343. 168. Voir
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Les entrées thésaurisées La thésaurisation permettait aux Déliens de récupérer dans le trésor d’Apollon, sous forme de métal précieux, une partie de leurs dépenses. C’est tout particulièrement le cas des couronnes d’or qui, au cours de l’Indépendance, sont votées par la cité dans le cadre de la diplomatie délienne 170, sont confectionnées grâce à un emprunt au trésor sacré, remboursé sur les revenus de la cité, puis sont parfois consacrées par leurs bénéficiaires dans le temple d’Apollon. Sur le produit des 22 fondations en activité, qui se montait à plus de 4 400 dr. lorsque les hiéropes le transmettaient aux différents épistates, le trésor récupérait au moins la moitié en vases d’argent, le reste ayant été dépensé en sacrifices, banquets et confection de l’offrande. On constate aussi, à partir de l’étude des vases de fondation, que l’accroissement des collections s’était fait également à la faveur des nécessités du stockage, à partir d’offrandes qui, au départ, n’étaient pas toujours destinées à Apollon mais avaient fini par être entreposées dans ses temples et inventoriées avec l’ensemble du trésor par les hiéropes. Comme pour l’argent monnayé, le trésor d’Apollon finissait par avoir vocation à centraliser la majorité des richesses sacrées. Les phiales pour l’argent et les couronnes pour l’or représentent ainsi les deux modes principaux de thésaurisation des deux métaux. La thésaurisation apparaît donc autant comme une forme de récupération de certaines dépenses que comme l’immobilisation de capitaux qui auraient pu, en circulant, devenir productifs. Le degré d’extension des pratiques bancaires et financières, du point de vue des sanctuaires, est d’ailleurs fonction des besoins de financement de la caisse sacrée. C’est parce qu’ils avaient besoin de financer des fêtes coûteuses que les Athéniens ont consenti des prêts à intérêts aux cités insulaires qui étaient en quelque sorte à leur disposition financièrement pendant la domination athénienne des ve et ive s. 171. Inver sement, c’est sans doute parce qu’il n’y avait pas de dépenses impliquant de faire fructifier immédiatement les revenus sacrés que l’on choisit de thésauriser le produit de certains revenus sous forme de phiales d’argent, dont la valeur reste comptabilisable, comme une épargne. Les inventaires du temple de Didymes, comme ceux des temples de Délos, témoignent largement de cette pratique de thésaurisation qui consistait à recueillir une recette en argent et à la transformer en une phiale du même métal, qui venait s’accumuler avec d’autres dans les trésors sacrés 172. Cette construction financière montre aussi que la cité n’a jamais cherché à aller au-delà des besoins existants 173.
LE TRÉSOR PUBLIC Peut-on évaluer les ressources de la cité de Délos et suivre l’évolution de ses finances comme pour le sanctuaire ? La caisse publique de la cité délienne est beaucoup moins bien connue que celle du dieu, mais beaucoup mieux que celle de la plupart des cités grecques, grâce à la docu mentation comptable du sanctuaire, puisque les mouvements de fonds entre les deux caisses ont laissé des traces dans les archives de l’intendance sacrée. Les fonds de la cité apparaissent dans notre documentation sous trois formes. Tout d’abord, lors de remboursements de prêts consentis par le sanctuaire, les trésoriers de la cité affectaient au sanctuaire certains revenus de la cité (taxes, revenus locatifs), qui figurent alors dans le chapitre des recettes du sanctuaire. Par ailleurs, la cité affectait des fonds à la caisse du sanctuaire, sous la 170.
Baslez, Vial, 1987. Chankowski 2008a, p. 311-342. 172. Sur les dédicaces de phiales, voir en particulier la description de la procédure chez Lewis 1954, p. 48. 173. Chankowski 2011b. 171.
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forme de subventions pour l’organisation de certaines fêtes accompagnées de banquets publics, mais aussi sous la forme de versements divers : ainsi, l’étude de ces subventions dans le cadre de la composition de la caisse sacrée fournit des informations sur ces fonds qui appartiennent en propre à la caisse publique 174. Enfin, à partir du iie s., les hiéropes ont réalisé, à partir des jarres publiques d’argent monnayé qui étaient conservées dans le temple tout comme celles du trésor d’Apollon, un inventaire annuel du trésor de la cité en même temps qu’ils faisaient l’inventaire annuel du trésor sacré, au point d’opérer une synthèse comptable entre les deux caisses, comme nous l’avons vu précédemment 175. En étudiant ces trois séries d’informations, c’est d’abord la quantité de fonds publics transitant par la caisse sacrée qui impressionne, et l’on comprend que le passage à une comptabilité unifiée avait dû s’imposer finalement aux administrateurs (tableau 31). La caisse sacrée reçoit en effet dès le iiie s. un certain nombre de fonds affectés et de subventions de la part du trésor public : c’est le cas de la « phiale », du chorégikon, du prytanikon, des versements horôn et trapezôn, des subventions pour certaines fêtes. Viennent s’y ajouter les versements qui sont explicitement désignés comme des remboursements d’emprunts, effectués par affectation des recettes publiques à la caisse sacrée. Ces versements constituent la majorité des mouvements de fonds connus dans l’ensemble de la caisse sacrée par les inventaires de jarres. On les repère également au iiie s. dans le compte courant établi par les hiéropes. Remboursements de la cité
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Versements de la cité 42 Versements des hiéropes ( perion du compte)
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Remboursements d’intérêts par des particuliers
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Tableau 31 — Nombre de mouvements de fonds dans la caisse sacrée au iie s. (192-167) d’après les inventaires de jarres.
Les revenus de la caisse publique Nous connaissons peu les recettes de la cité de Délos, sauf lorsqu’elles ont servi à rembourser des prêts consentis par la caisse sacrée et qu’elles apparaissent à ce titre dans les comptes des hiéropes. Plusieurs inscriptions du iiie s. en font état. Il s’agit majoritairement de taxes et de revenus locatifs. La cité avait également la responsabilité de la gestion d’un certain nombre de fondations, qui n’étaient pas toutes sous le contrôle des hiéropes : seuls les neuf fonds de l’histiatikon relevaient de leur gestion directe. Les sommes versées à divers titres dans la caisse sacrée permettent de supposer qu’il existait aussi d’autres capitaux productifs, dont le placement devait relever de la responsabilité des trésoriers, et dont le revenu permettait d’affecter des subventions à la caisse sacrée. S’ils étaient constamment mobilisés en prêts, comme le sont les capitaux de fondation, il est normal que l’inventaire des hiéropes n’en donne pas trace. Au iie s., les inventaires de jarres ne nous font plus que très rarement connaître les revenus publics qui servaient à rembourser les prêts consentis par la caisse sacrée, mais il est probable que les recettes locatives et les taxes avaient continué à être affectées à cette destination 176. Les inventaires de jarres du trésor public n’enregistrent pas non plus comme telles les recettes de la cité. 174. Voir
supra p. 119 sur les subventions et fonds affectés. infra chapitre I p. 53-56. 176. Voir infra p. 154 à propos des loyers de l’agora. 175. Voir
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
149
Les libellés des jarres, en effet, ne nous renseignent généralement que sur la destination qui a été décidée par la cité pour ces sommes d’argent 177. Il arrive toutefois que l’on trouve dans la caisse publique des jarres qui portent un libellé descriptif, sans destination : il s’agit des reliquats de fonds qui avaient été affectés à une première destination (jarre no 138 : « ce que le médecin a reçu en moins » ; jarre no 120 : reliquat d’une somme affectée au grammateion ; jarre no 151 : reliquat des sommes affectées aux technites), ou encore de sommes entrées dans la caisse publique à un moment de l’année où il n’était plus possible de prévoir une affectation (jarre no 136 : remboursement d’une dette d’un particulier ; jarres nos 152, 153, 154, 155 : produit de la vente d’un don de blé). Les sommes perçues par la cité au titre des droits de place (horôn et trapezôn), lorsqu’elles ne sont pas versées dans la caisse sacrée, font également l’objet d’un dépôt dans la caisse publique (jarres nos 131, 133, 134, 139). Il convient donc, là encore, d’essayer d’identifier les poroi que peuvent révéler les prosodoi enregistrés dans les comptes des hiéropes. Certains revenus relèvent des ressources propres de la cité de Délos : les taxes commerciales, les droits de place et les revenus locatifs. Qu’elle choisisse régulièrement d’affecter ces revenus à la caisse sacrée ne doit pas pour autant empêcher de les identifier comme des revenus publics. D’autres fonds, connus également par des versements dans la caisse sacrée, relèvent manifestement de capitaux productifs ou de ressources affectées à une destination particulière ( phiale, chorégikon, prytanikon) mais sont aussi des recettes qui, au départ, appartiennent à la caisse publique de la cité de Délos. Enfin, d’autres mouvements de fonds sont connus seulement par la destination des dépenses (« pour les concours », « pour les aulètes »). Ces sommes sont versées sous forme de subventions dans la caisse sacrée mais relèvent, là encore, des finances de la cité 178.
Les taxes Les taxes qui étaient prélevées à Délos au profit du trésor public nous sont connues par les comptes des hiéropes dans la mesure où ce revenu était affecté au remboursement de prêts consentis par le sanctuaire à la cité. Elles ne sont donc pas nommées sous la forme d’un revenu régulier, comme le font au contraire les hiéropes pour la caisse sacrée, mais elles apparaissent de manière ponctuelle. Les comptes n’indiquent pas leur mode de perception mais l’affermage devait être le procédé employé car un revenu supplémentaire s’ajoute parfois à la liste des taxes publiques affectées à la caisse sacré : les épônia, un droit supplémentaire perçu par la cité sur le processus de l’affermage des taxes 179. À deux reprises, la mention de la pentekostè est jointe au versement de ses épônia (IG XI 2, 161, A, l. 26 ; 162, A, l. 30) et nous assure que la taxe était affermée 180. Peut-être faut-il voir dans Kratôn, mentionné en 269, l’un des fermiers de cette 177. Voir
infra à propos de la diataxis. On se reportera donc également au chapitre précédent sur la composition de la caisse sacrée. 179. Chankowski 2007, p. 312-313. 180. C’est par erreur que les pentekostologoi sont considérés comme des magistrats dans Nouveau Choix, p. 76. La question de la nature de la charge de pentekostologoi a fait l’objet d’un débat. Roussel 1916, p. 179, pensait qu’ils étaient des magistrats, sans doute parce qu’il les considérait dans la continuité avec la fonction des futurs épimélètes de l’emporion qui existent à partir de 166. En dehors de Délos, suivant le mode de perception de la taxe, les pentekostologoi pouvaient être des fermiers aussi bien que des magistrats : cf. Habicht 1957, p. 106, à propos du décret de la Confédération acarnanienne au sujet du sanctuaire d’Actiôn et du partage des taxes entre la Confédération et la cité d’Anactorion ; Vial 1984, p. 234. Vélissaropoulos 1980, p. 207211, ne discute pas directement cette question mais semble considérer que les pentekostologoi étaient toujours des fermiers. La notice d’Harpocration, s.v. πεντηκοστή, ne tranche pas entre les deux types de fonction : πεντηκοστὴ μὲν τέλος τι καὶ πεντεκοστολόγοι οἱ τοῦτο τὸ τέλος ἐγλέγοντες, πεντεκοστεύεσθαι δὲ τὸ πράττεσθαι τὴν πεντηκοστὴν, « la pentekostè est une taxe, les pentekostologoi sont ceux qui la perçoivent et pentekosteuesthai désigne le fait de percevoir cette taxe ». 178.
150
PARASITES DU DIEU
taxe 181. Les mentions d’autres taxes qui servent au recouvrement de la créance sont également assorties du nom du fermier d’impôt sur lequel l’argent est recouvré (ὑπέρ untel, IG XI 2, 161, A, l. 26-27). Ces taxes remontent, comme pour celles qui alimentent la caisse sacrée, à la première période de domination athénienne 182. Cette antériorité permet de faire deux remarques au sujet des taxes publiques. D’une part, leur organisation porte la marque de l’influence athénienne : les pentekostologoi, comme à Athènes, étaient des fermiers ; des dékatè, comme à Athènes, étaient prélevées sur la vente d’un certain nombre de produits 183. D’autre part, elles sont caractéristiques des difficultés de développement financier qu’a connues la cité par rapport au sanctuaire qui tendait déjà à exploiter de façon intensive le territoire de l’île, avec légitimité puisque celui-ci était tout entier sacré et consacré à Apollon 184. Les taxes instituées par les Athéniens au profit du sanctuaire, dès le ve et le ive s., résultaient en effet d’une exploitation intensive et maximale du territoire. Elles ne créaient pas de nouvelles activités mais organisaient des revenus à partir de biens et d’installations que le dieu avait en sa possession : le port sacré, les côtes des îles sacrées, les sanctuaires. Les Athéniens ont également accru les revenus en démultipliant les activités. Le procédé est bien visible dans le cas de la taxe sacrée nommée λιμήν, qui frappe l’usage du port sacré. Elle aurait pu s’entendre pour l’utilisation de l’ensemble des installations du port, mais le sanctuaire percevait encore des taxes de chargement et de déchargement (les αἱρεσία) et une taxe sur le cabestan (στροφεῖα) 185. Cette multiplication des taxes, jointe à l’affermage aux enchères, ne pouvait qu’augmenter les gains pour le sanctuaire. Il ne restait donc à la fiscalité publique, pour se développer et créer des ressources pour le trésor de la cité, que le domaine des ventes 186. Sur les espaces commerciaux et plus particulièrement le port sacré, le sanctuaire percevait des taxes d’usage dont la justification était territoriale, en raison du caractère sacré de l’île tout entière. Sur ces mêmes espaces, la cité percevait des taxes sur les transactions, qu’elle dut peut-être elle-même multiplier, avec l’ajout des épônia, pour accroître ses revenus.
La pentekostè La plus importante d’entre elles était la πεντηκοστή, dont les comptes fournissent plusieurs attestations qui ont été au centre d’un débat sur le rôle du commerce de transit à Délos 187. Il n’existe que quatre mentions de cette taxe dans les comptes des hiéropes mais la loi sur la vente du bois et du charbon (ID 509), postérieure à 250, montre qu’elle est en vigueur durant toute l’Indépendance (tableau 32). Elle existe au moins dès le ive s. (ID 98, A, l. 38) comme en témoigne un compte de l’administration athénienne où est enregistré un paiement de la pentekostè pour les bœufs importés de Ténos, qui arrivent à Délos pour les Délia de 375/4. Une autre recette est énigmatique car elle figure dans la rubrique des taxes sacrées et est intitulée : παρὰ Κράτ[ω]νος τοῦ πεντηκοστολογίου pour un montant de 610 dr. (IG XI 2, 203, A, l. 30-31). Cette année-là, en 269, la caisse sacrée finance des réparations à la porte et à la toiture du pentekostologion (l. 54-55), qui doit être le local dans lequel les fermiers de 181. Voir
infra p. 150-151. Chankowski 2008a, p. 305. 183. Chankowski 2007, p. 303-304. 184. Sur l’opposition, à ce sujet, entre l’argumentation des Athéniens et ceux des Déliens, Chankowski 2008a, p. 306-307. 185. Chankowski 2008a, p. 294 et 306 ; Chankowski 2007, p. 303-304. 186. Chankowski 2007, p. 312-313. 187. Voir infra chapitre V p. 280-281. 182.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
151
la taxe la percevaient et procédaient aux écritures appropriées 188. En 296, les hiéropes avaient également inscrit un paiement à un ouvrier pour des travaux au pentekostologion (IG XI 2, 154, A, l. 38) : τοῦ οἰκήματος τοῦ ἐν τῶι πεντηκοστολογίωι τὸ τέγος Παρμένοντι κατασκευάσαντι. La formulation semble indiquer que le pentekostologion était un espace, à tout le moins une cour dans lequel se trouvaient plusieurs bâtiments, ce qui est plausible si l’on tient compte de l’espace que devaient occuper les matériaux saisis à la douane en cas de fraude, qu’il fallait entreposer avant leur vente aux enchères 189. Le versement par Kratôn, en 269, de 610 dr. au bénéfice de la caisse sacrée pourrait donc être une contribution de la cité aux travaux effectués : la somme vient « du pentekostologion », elle n’est pas la pentekostè mais seulement une partie de celle-ci. Il n’était pas illogique de la part des hiéropes de classer ce revenu avec les taxes 190. Année Référence 279 278 250
Texte
IG XI 2, 161, A, l. 25-27 ἐκ τῆς πεντηκοστῆς σὺν τοῖς ἐπωνίοις IG XI 2, 162, A, l. 29-30 [ἐκ τῆς πεντηκοστῆς μετὰ τοῦ] ἐπωνίου IG XI 2, 287, A, l. 9-10 πεντηκοστῆς τῆς ἀστίας
Tableau 32 — Attestations de la pentekostè.
Recette avec les épônia
Recette sans les épônia191
14 910
14 200
18 900192
18 000 5 250
191 192
On mesure avec ce relevé combien nos informations chiffrées au sujet de cette taxe sont minces, d’autant plus que les hiéropes ont perçu une somme provenant de la pentekostè (ἐκ τῆς πεντηκοστῆς) qui n’est pas nécessairement la totalité du revenu : la cité n’en a, peut-être, affecté qu’une partie au remboursement du prêt consenti par la caisse sacrée. Au contraire pour le produit des autres taxes publiques, les comptes n’emploient pas la préposition ἐκ. Quant à la seconde mention, en 278, elle est entièrement restituée à partir de la mention de l’epônion. Il paraît donc totalement abusif de chercher, sur ces bases, à évaluer l’ampleur du commerce de transit à Délos, comme de nombreux chercheurs ont tenté de le faire, en comparant en particulier les revenus douaniers déliens aux chiffres connus par Polybe (XXX, 31, 12) pour le revenu du commerce rhodien 193. La mention de la πεντηκοστὴ ἀστία, en 250, a été diversement comprise 194. Pour Cl. Vial, suivie par R. Descat, il doit s’agir de la partie de la taxe du cinquantième qui concernait les marchandises destinées à la ville (astu), donc à la vente sur l’agora de Délos, ou bien les marchandises produites par la cité et qui en sortaient pour être vendues à l’extérieur 195. La distinction, en réalité, paraît difficile à mettre en œuvre dans l’application de la fiscalité, qui se fonde davantage sur le statut des personnes que sur celui des biens. De plus, l’espace portuaire délien était un ensemble 188. Voir
infra p. 280-281 à propos de la déclaration aux pentekostologoi. Infra p. 276. 190. C’est par erreur que Migeotte 2014, p. 609, n. 88, et Vial 1984, p. 235 et n. 231, considèrent la formule comme l’expression d’une taxe. 191. Selon le principe du 1/20e, qui s’ajoute à la taxe (il s’agit donc de 21 20e et non de 20 19e, contrairement à ce que laisse entendre Reger 1994a, p. 254). 192. Voir la correction de Chankowski, Feyel 1997, p. 120. 193. Larsen 1938, p. 354-355 ; Vélissaropoulos 1980, p. 210 ; Vial 1984, p. 235 et 339-340 ; Reger 1994a, p. 254-257 ; Descat 2001. 194. Voir Reger 1994a, p. 254-257, sur les différentes interprétations. 195. Vial 1984, p. 339-340. 189.
152
PARASITES DU DIEU
continu qui associait l’agora et le port, sans qu’une distinction puisse être nécessairement faite, au niveau du paiement douanier, c’est-à-dire à l’entrée du port, entre les marchandises destinées à l’intérieur et les marchandises destinées au transit : l’alimentation quotidienne des commerces urbains était bien plutôt le fait de revendeurs qui s’approvisionnaient dans l’emporion 196. Un passage des Économiques du pseudo-Aristote (1345 a = I, 6, 7) fournit peut-être l’expli cation logique de cette distinction entre pentekostè et pentekostè astia et permet de proposer un autre raisonnement. Établissant une distinction entre différents types de biens et de personnes, l’auteur oppose les hommes et les femmes, les esclaves et les libres, les xenoi et les astoi. Cette distinction entre xenoi et astoi se retrouve à plusieurs reprises chez d’autres auteurs (Pausanias, I, 28, 6-7 : θύουσι δὲ καὶ ἄλλως ξένοι τε ὁμοίως καὶ ἀστοί ; Philon, IV, 142 : οἱ μὲν ἐκδημοῦντες καὶ ἐνδημοῦντες, ἀστοὶ καὶ ξένοι). Chez Hésychius, ἀστοί est assimilé à πολῖται. Cette manière de désigner les citoyens par opposition aux non-citoyens s’applique parfai tement dans le contexte délien dont la place de commerce voit circuler de très nombreux étrangers, parfois résidents. Comme les xenoi, les astoi devaient être astreints au paiement de taxes s’ils faisaient profession d’importateurs comme les étrangers, sauf lorsque les uns et les autres sont ateleis comme en témoigne la loi sur la vente du bois et du charbon (ID 509, l. 32-45). Si le montant à verser était identique (1/50 e, soit 2 % de la valeur des marchandises), les citoyens devaient, plus souvent que les xenoi, déclarer des biens importés « pour usage personnel », ce qui demandait un examen de la cargaison à part 197. La pentekostè astia à Délos pourrait donc désigner la taxe douanière payée par les citoyens sur les importations lorsque ces biens n’étaient pas en franchise, c’est-à-dire lorsqu’ils n’étaient pas déclarés pour usage personnel. La dénomination ne porterait pas tant sur la destination des marchandises que sur le statut des payeurs, que l’administration délienne pouvait avoir des raisons de séparer des étrangers dans les procédures d’enregistrement. Le chiffre enregistré dans les remboursements au sanctuaire témoigne, à tout le moins, de l’implication des Déliens dans les échanges aux côtés des importateurs étrangers.
Les dékatai Les comptes des hiéropes font également état de plusieurs dékatai (tableau 33) que prélevait la cité et dont elle a parfois affecté le produit au remboursement de ses emprunts à la caisse sacrée : δεκάτη ἰχθύων, δεκάτη ἐνοικίων, δεκάτη σίτου. Il s’agit manifestement de prélèvements sur les ventes et les transactions 198, touchant les loyers, les poissons, le blé mais peut-être aussi d’autres produits puisque nous n’avons pas, par l’intermédiaire des comptes des hiéropes, connaissance de toute la fiscalité civique. Ces taxes devaient être perçues par les agoranomes, qui disposaient de registres et d’un secrétaire 199. Toutes étaient majorées du droit sur les ventes, l’épônion dont il a déjà été question. La dékatè sur les poissons, certainement perçue sur les ventes effectuées sur l’agora, ne doit pas être confondue avec une recette que la caisse sacrée tirait de la vente des poissons du lac, qui était affermée 200. Il est vrai néanmoins que la taxe du sanctuaire indique, comme la taxe publique, le 196.
Voir chapitre V p. 275-279. Sur l’exception des biens déclarés pour usage personnel, voir Chankowski 2012. 198. Chankowski 2007. À propos des poissons, voir aussi Lytle 2007, p. 255 ; Lytle 2013. 199. ID 509, l. 30-31 : ἀναγράψαντες εἰς τὴν σανίδα οὗ καὶ τὰ λοιπὰ γράμματα. Sur les fonctions des agoranomes, Vial p. 232-233, qui n’évoque pas la perception des taxes. Pour une hypothèse sur la localisation de l’agora nomion près de la Salle hypostyle, voir Moretti, Fincker, Chankowski 2012. Sur le produit de ces taxes, voir infra p. 153. 200. IG XI 2, 161, A, l. 36 : τῶν ἰχθύων τῶν ἐν τῆι λίμνηι παρὰ Καλοδίκου ·𐅄Δ· ; IG XI 2, 162, A, l. 41. 197.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
153
gain qu’il était possible d’obtenir à partir de la vente des poissons car la taxe du sanctuaire représente la vente du droit d’exploitation, par la pêche, du lac sacré. Le montant obtenu aux enchères lors de l’affermage correspond donc au profit que le fermier escomptait de la vente des poissons.
L’ hypotropion Il ne faut pas assimiler la δεκάτη ἰχθύων à une autre taxe, l’hypotropion (τοῦ ὑποτροπίου), également mentionnée dans la liste des revenus civiques servant à rembourser le dieu, à deux reprises en 279 et en 278 201. Les montants ne sont pas identiques et la taxe sur la vente des poissons rapporte, en 250, trois fois plus que l’hypotropion. Le sens du mot est obscur et se rapporte, d’après les lexicographes, au vocabulaire de la construction navale. Le mot τρόπις désigne la carène (LSJ, s.v.), qui était fabriquée séparément du reste du bateau (Plutarque, Vie de Démétrios, 43) car elle réclamait un traitement spécifique du bois. Peut-être faut-il considérer ce prélèvement comme une taxe portant sur des activités artisanales liées à la construction navale, dont d’autres inscriptions attestent l’existence à Délos 202. Blé Poissons Loyers Hypotropion Épônia
279 160 dr.203
278 410,5 dr.
600 dr. 530 dr. 61,5 dr.204
535 dr.
273 20 dr.
250 110 dr. 1 850 dr. 1 690 dr. 445 dr.
Tableau 33 — Revenu des taxes publiques.
203 204
Les droits de place Bien que la caisse sacrée finance des travaux au pentekostologion et à l’agora 205, c’est la cité qui percevait les taxes et les droits afférents aux espaces commerciaux. Nous avons déjà analysé le cas des revenus des droits de place et des emplacements dévolus aux banquiers (appelés ὅρων et τραπεζῶν) qui sont allés tantôt dans la caisse publique, tantôt dans la caisse sacrée, ou encore ont parfois été partagés entre les deux caisses 206. Ce revenu appartenait à la cité qui décidait de son affectation. Si la cité a effectué des versements à la caisse sacrée, c’est donc davantage dans la perspective de la constitution d’une réserve, comme on voit les Déliens le faire dans d’autres cas 207, qu’en vertu d’un partage bien établi. Lorsque ces revenus n’étaient pas nécessaires aux besoins de la cité, ils pouvaient manifestement être versés dans la caisse sacrée mais les principes de cette répartition nous échappent très largement. D’autres revenus, provenant des loyers de bâtiments de l’agora, montrent que c’est bien la cité qui avait, comme ailleurs dans le monde grec, la jouissance de ces espaces 208. 201.
C’est pourtant le sens que lui donne LSJ, s.v. : « fishery-rights » ; Nouveau Choix, p. 76. Voir chapitre IV sur l’économie. 203. Chankowski, Feyel 1997, p. 119. 204. F. Durrbach a lu 61,5 dr. ad IG XI 2, 161, A, l. 27, alors qu’on attendrait 64,5 dr. avec des épônia à 5 % (1/20e) mais la somme, réinscrite dans une rasura, est difficile à lire. 205. Voir infra à propos des loyers de l’agora. 206. Voir supra p. 117-118. 207. Voir infra p. 170. 208. Sur les revenus des portiques, voir par exemple le cas du portique offert aux Milésiens par Antiochos, fils de Séleucos Ier (OGIS 213). Plus largement sur l’hypothèque des revenus issus de ces installations, voir les exemples rassemblés par Migeotte 1980b. 202.
154
PARASITES DU DIEU
Les loyers de l’agora Les trésoriers ont versé dans la caisse sacrée, au iie s., des sommes qui portent, dans les inventaires de jarres, le libellé εἰς τὰ ἐνοίκια τῆς ἀγορᾶς (tableau 34). La première attestation se trouve dans un fragment de compte daté de l’année 188 (ID 404, l. 6) et porte la mention : — [τὰ ἐνοίκια? τ]ῆς ἀγορᾶς κατὰ τ—
Sur le modèle d’autres libellés de jarres, on est tenté de restituer τὰ ἐνοίκια τῆς ἀγορᾶς κατὰ τ[ὴν διάταξιν] : le versement par les trésoriers dans la caisse sacrée pouvait, comme d’autres
opérations du même genre, relever de la diataxis 209. Deux autres mentions conservées intégralement comportent la même formule εἰς τὰ ἐνοίκια τῆς ἀγορᾶς mais d’autres versements étaient simplement nommés « loyers de l’agora » ou « de l’agora ». Les revenus attestés vont de 500 à 3 545 dr.
L’un de ces versements est explicitement décrit comme un remboursement de la cité au dieu : celle-ci affecte alors une de ses recettes à la caisse sacrée. Au iiie s., les revenus des taxes perçues par la cité servent au remboursement des créances. Au iie s., ce sont les revenus de l’agora : le changement est assurément significatif. Aussi, l’ensemble de ces attestations peut être considéré comme appartenant à la même catégorie des recettes de la caisse publique, affectée au remboursement des emprunts 210. Pourtant, le libellé de ces sommes n’est pas identique puisque dans au moins deux cas, les jarres portent l’inscription εἰς τὰ ἐνοίκια τῆς ἀγορᾶς, « pour les loyers de l’agora ». C’est probablement pour cette raison que R. Bogaert a considéré à tort que le sanctuaire avait l’usufruit de locaux de l’agora 211. En effet, contrairement à cette formule, lorsque des revenus publics sont affectés à la caisse sacrée au titre d’un remboursement, les hiéropes mentionnent systématiquement la provenance de l’argent au génitif, précédé ou non de la préposition ἐκ (ἐξ ἐκλησιῶν, IG XI 2, 287, A, l. 10). La préposition εἰς indique au contraire la destination du versement (εἰς ἆθλα, IG XI 2, 203, A, l. 64) ou précise la fonction du virement (εἰς ἀπόδοσιν τῶι θεῶι, ID 354, l. 6). On ne voit pas, pourtant, quel sens aurait un versement de la cité « pour les loyers de l’agora » ou « en guise de paiement des loyers de l’agora » alors que le sanctuaire perçoit de façon indépendante le produit de la location de ses oikoi. Il s’agit, plus probablement, d’un raccourci d’expression dans la rédaction du libellé qui se trouve ailleurs sous sa forme complète, « pour le remboursement au dieu, les loyers des bâtiments qui se trouvent sur l’agora » ([εἰς] ἀπόδοσιν τῶι θεῶι τὰ ἐνοίκια τῶν οἰκημάτων τῶν ἐν τῆι ἀγορᾶι, ID 461, Aa, l. 14-15). Ailleurs (ID 442, A, l. 44), la formule est encore plus condensée (ἔθεσαν ταμίαι Μένυλλος καὶ Φωκαιεὺς τῆς ἀγορᾶς). Il s’agit donc bien d’un revenu propre de la cité de Délos, au même titre que les droits de place horoi et trapezai et que les taxes publiques. Année
209.
Référence
Texte
188 ID 404, l. 6
— [τὰ ἐνοίκια? τ]ῆς ἀγορᾶς κατὰ τ—
179 ID 442, A, l. 44
ἔθεσαν ταμίαι Μένυλλος καὶ Φωκαιεὺς τῆς ἀγορᾶς
Montant 1 303 dr. 3 ob. ½ ob. 2 ch.
Sur la diataxis, voir infra p. 168-173. Vallois 1944, p. 65, n. 5 et p. 424 ; Vial 1984, p. 214, n. 99. Au contraire, Migeotte 2014, p. 599, considère sur la base de ces attestations que d’autres loyers de l’agora revenaient de plein droit au dieu. Cette interprétation ne paraît pas justifiée par les sources et il ne semble pas que le sanctuaire ait possédé en propre des bâtiments sur l’agora, en plus de son patrimoine de maisons en location. 211. Bogaert 1968, p. 184 210.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
Année
Référence
155
Texte
[ἔθεσαν ταμία]ι Θεοκυδίδης Ξένων εἰς τὰ ἐνοίκι[α 173 ID 455, Ac, l. 10 = ID 461, Aa, l. 64 ? τῆς ἀγορᾶς]
Montant 500 dr.
171 ID 460, b, l. 50
[τὰ ἐνοίκια?] τῆς ἀγορᾶς
171 ID 460, d1, l. 8
— [εἰς ἀπόδοσι]ν τῶι θεῶι ἐνοίκ[ια] τὰ ἐκ τῆς ἀ[γορᾶς] —
171 ID 461, Aa, l. 14-15
[εἰς] ἀπόδοσιν τῶι θεῶι τὰ ἐνοίκια τῶν οἰκημάτων 3 545 dr. τῶν ἐν τῆι ἀγορᾶι
1 000 dr. -
Avant 169 ID 461, Aa, l. 50
[εἰς τὰ ἐν]οίκια τῆς ἀγορᾶς
3 018 dr. 1 ob.
Avant 169 ID 461, Aa, l. 80
[εἰς] τ̣ὰ ἐνοίκ̣ ια τῆς ἀγορᾶς·
-
168 ID 465, a, l. 29
[ἐνοίκια τῆ]ς̣ ἀγορᾶς
2 708 dr. 4 ob.
Tableau 34 — Les loyers de l’agora.
Du point de vue financier, la caisse sacrée, la cité et l’agora étaient intimement liées, car la caisse sacrée a financé à plusieurs reprises des travaux sur l’agora. Dès le début de l’Indépendance, du bois est acheté pour les ἐπιβλῆτας de l’agora (IG XI 2, 145, l. 21, année 302), qu’il faut sans doute comprendre comme l’équipement de devantures pour les vendeurs. En 269, probablement lors de la construction du Portique Sud qui fut édifié à cette époque 212, le sanctuaire avait prêté à la cité plus de 2 000 dr. « aux épimélètes du portique » (τοῖς ἐ[πι] μεληταῖς τῆς στοᾶς, IG XI 2, 203, l. 11). D’autres travaux sont entrepris au iie s. pour la construction de portiques, dans lesquels il faut probablement reconnaître le Portique coudé des vestiges de l’Agora tétragone (GD 84). Tandis que les constructions sur l’agora sont assumées par la caisse sacrée, la générosité antigonide dote les Déliens de deux autres portiques entre le port et l’agora. Le libellé d’une des jarres entrées dans la caisse sacrée en cours d’année, en 173 (ID 455, Ab, l. 33-36), montre qu’une réserve avait été constituée à cet effet, probablement à partir d’une somme consacrée au dieu 213 : ἀπὸ τοῦ ἀνατεθέντος διαφόρου ὑπὸ Δημητ̣[ρίου — — — — — — — — — — — — — — — — — —]ιο[— — — — — — — — — — — — εἰς τὴν κατασκευὴν τῶν στο]ῶν τῶν ἐν τεῖ ἀγορᾶ[ι κ]ατὰ τὸ ψήφισμα τοῦ [δήμου — — — —
Sur le capital consacré par Démètrios, … pour la construction des portiques sur l’agora conformément au décret du peuple. Une jarre ayant la même destination est encore mentionnée en 171 (ID 460, d, l. 8-10 :
τῶν στοῶν τῶν [ἐν τῆι ἀγορᾶι). Il s’agit bien d’une jarre du trésor sacré, dans laquelle les
hiéropes ont fait des prélèvements cette année-là : la mention figure juste après l’inventaire des jarres entrées en cours d’année dans le trésor sacré. Les travaux se poursuivent encore en 168 car les hiéropes mentionnent, cette fois dans un compte de travaux qui confirme que l’opération est financée par la caisse sacrée, τὰς στοὰς τ[ὰ]ς ἐ[ν τῆι ἀγορᾶι?] (ID 462, B, l. 26). Un décret proposé par Télémnestos honore d’ailleurs, à la même époque, deux épimélètes de la construction (IG XI 4, 768).
212.
Le rapprochement entre ce texte et le Portique Sud de l’agora est dû à Vallois 1944, p. 66-67. Il n’est pas possible d’envisager qu’il s’agisse du Portique coudé (cf. Vial 1984, p. 247, n. 309), édifié au iie s. Pour la description des vestiges de ces portiques, voir GD 84. 213. Sur cet emploi de διάφορον, voir par exemple IG XII 7, 388, l. 7 (Amorgos). La lacune ne permet pas de dire s’il s’agissait ici d’un reliquat de capital consacré par un roi antigonide.
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PARASITES DU DIEU
Revenus de prêts ? Il paraît peu probable que la cité ait elle-même consenti sur ses fonds propres des prêts : la circulation des fonds publics qui apparaît à travers les inventaires de jarres se fait plutôt en flux tendus et rendait difficile l’immobilisation de capitaux. La mention du remboursement de la dette de Kléopatra doit donc être interprétée avec prudence 214. D’après Cl. Vial, Polyboulos était un bouleute qui a encaissé les 300 dr. dues par Kléopatra et les a remises aux trésoriers par l’intermédiaire d’une banque 215. Le Conseil, à Délos, servait en effet d’intermédiaire entre les débiteurs défaillants et les magistrats chargés de gérer le trésor sacré, comme le prouvent des exemples concernant des débiteurs de la caisse sacrée dont la dette est payée par leurs garants. Cl. Vial déduit de cette situation que ce devait être également le cas dans les relations de dettes envers le trésor public. Il est effectivement peu probable qu’il s’agisse, dans le cas de Kléopatra, d’une dette envers le sanctuaire, car l’argent aurait été versé dans la caisse sacrée. Mais la dette de Kléopatra pouvait concerner, envers le trésor public, le paiement d’un contrat d’affermage d’un revenu public ou de location, qui n’avait pas été honoré, plutôt qu’un prêt à proprement parler.
Revenus judiciaires Indépendamment des comptes des hiéropes, la loi sur la vente du bois et du charbon (ID 509) précise le montant d’une amende infligée aux importateurs coupables de délits (l. 14-24). La loi prévoit qu’un tiers de l’amende — fixée ici à 50 dr. — devait revenir au trésor public (dèmosion) et le reste au dénonciateur 216. Sur le modèle que nous avons observé pour la caisse sacrée, les euthynai devaient également produire, lors des redditions de comptes des magistrats en charge des finances de la cité, un revenu issu des amendes 217.
Revenus des fonds et dotations Enfin, une partie des dépenses effectuées par la cité de Délos étaient réalisées sur les revenus de fonds dont nous ne connaissons souvent que la dénomination à la faveur d’un dépôt dans la caisse sacrée. Certains semblent relever directement de la responsabilité du Conseil. Le fonds nommé chorégikon, dont plusieurs versements sont déposés dans la caisse sacrée, pouvait ainsi provenir d’un capital productif 218. D’autres viennent de la caisse sacrée et sont reversés dans la caisse publique pour les besoins des dépenses de la cité : ainsi, le produit « de la phiale » qui apparaît dans la caisse sacrée était en réalité le résultat d’un versement de la caisse sacrée au trésor public, sur le revenu de la loca214.
Jarre no 136, ID 442, A, l. 80-81 : ἀπὸ τῆς Ἕλληνος καὶ Μαντινέως, ἐπὶ Ἀπατουρίου Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν ταμίαι εἰς τὸ ἱερὸν Ὀρθοκλῆς καὶ Πολύξενος τὸ διαγραφὲν παρὰ βουλῆς τῆς ἐπὶ Ἀπατουρίου, ὃ κατέβαλον ἐπὶ τὸ ἀρχεῖον Πολυβούλωι οἱ ἐγγυηταὶ οἱ Κλεοπάτρας Ἀπατούριος, Χοιρύλος, Ἀριστόβουλος ΗΗΗ·(« en provenance de la banque d’Hellen et Mantineus, sous l’archontat d’Apatourios, au mois de Posidéôn, les trésoriers Orthoklès et Polyxénos ont déposé une somme qui leur a été remise sur un ordre écrit donné à la banque par le Conseil en fonction sous Apatourios, somme qui avait été versée à Polyboulos dans son bureau administratif par les garants de Kléopatra, Apatourios, Choirylos et Aristoboulos : 300 dr. »). 215. Vial 1984, p. 109-110. 216. Voir la réédition et la traduction de cette inscription dans Chankowski 2012. 217. Voir supra p. 108. 218. Voir supra p. 113-116.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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tion des domaines de Mykonos, destiné aux dépenses mensuelles et aux dépenses de nettoyage et purification 219. Les capitaux de fondation, dont une partie était sous la responsabilité du Conseil qui devait probablement déléguer pour leur gestion les trésoriers de la cité tandis que les hiéropes étaient en charge de l’autre partie de ces capitaux, produisaient également des bénéfices sous la forme de phiales thésaurisée. Comme on l’a vu, une partie des collections qui se trouvait sous la garde de l’archonte dans le Prytanée a fini par être versée, faute de place, dans la collection d’Apollon 220. La cité de Délos était parfois aussi bénéficiaire de dotations évergétiques. Les donations pour la construction de bâtiments ont été nombreuses au cours de l’Indépendance, de la part des grandes puissances méditerranéennes 221. Si la diplomatie délienne coûtait des sommes importantes à la cité, elle lui rapportait aussi des revenus non négligeables. Deux jarres qui font partie de la caisse publique (nos 141 et 143) comportent des libellés dans lesquels il est question d’une dôréa des Étoliens : « En provenance de la banque de Philôn et Silènos, sous l’archontat de Phôkaieus au mois de Posidéôn, les trésoriers Kaibôn et Mnèsikleidès ont déposé dans le sanctuaire la somme prévue pour les statues / la somme prévue pour le chôma, que la cité a empruntée sur la dôréa donnée par les Étoliens selon le décret du peuple » 222. Ces dépôts ont été réalisés dans la caisse publique par les trésoriers de l’année 180. La raison de ces mouvements de fonds est un emprunt de la cité, dont le libellé mentionne la provenance, qui est inhabituelle : une dôréa reçue des Étoliens (οὗ προεχρήσατο ἡ πόλις τῆς δοθείσης δωρεᾶς τοῖς Αἰτωλοῖς). Il faut ici comprendre le datif τοῖς Αἰτωλοῖς comme un complément d’agent qu’appelle le participe passif δοθείσης 223. Si la diplomatie délienne a parfois eu recours aux dôréai attribuées à des cités avec lesquelles Délos entretenait des relations (une fois avec Mégare et une seconde fois avec une cité inconnue : ID 449 A, l. 23-26 et ID 455, Ab, l. 9), la relation des Déliens avec les Étoliens, à cette date, n’est plus défensive 224. Ce sont plutôt les Étoliens qui rendent hommage au sanctuaire et à la cité de Délos, en attribuant une dôréa — une formule un peu différente dans son mode de fonctionnement des capitaux de fondation reçus des puissances méditerranéennes puisqu’elle ne prévoit pas de célébration annuelle sur le capital — qui était manifestement entrée dans les fonds publics de la cité de Délos. Les Déliens avaient décidé d’emprunter une partie de cette somme pour une autre destination que celle qui était prévue initialement, afin d’avancer les travaux sur le front de mer et de financer des statues. Un décret du peuple avait donc donné 219. Voir
supra p. 108-110. supra p. 120. 221. Bruneau 1970, p. 515-584. 222. ἀπὸ τῆς Φίλωνος καὶ Σιλήνου, ἐπὶ Φωκαιέως Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν ταμίαι Καίβων καὶ Μνησικλείδης εἰς τὸ ἱερὸν τὸ ἀποταγὲν εἰς τὰς εἰκόνας, οὗ προεχρήσατο ἡ πόλις τῆς δοθείσης δωρεᾶς τοῖς Αἰτωλοῖς κατὰ τὸ ψήφισμα τοῦ δήμου (ID 442, A, l. 87-88) ; ἀπὸ τῆς Φίλωνος καὶ Σιλήνου, ἐπὶ Φωκαιέως Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν εἰς τὸ ἱερὸν ταμίαι Μνησικλείδης καὶ Καίβων εἰς τὸ {α} ἀποταγὲν εἰς τὸ χῶμα, οὗ προεχρήσατο ἡ πόλις τῆς δοθείσης δωρεᾶς τοῖς Αἰτωλοῖς κατὰ τὸ ψήφισμα τοῦ δήμου (ID 442, A, l. 89-90). 223. Baslez, Vial 1987, p. 282-283, comprennent que les Étoliens sont les destinataires : « L’argent destiné à “la dôréa qui a été donnée aux Étoliens” a été affecté en 180 à un autre chapitre budgétaire, le fonds réservé pour les travaux d’agrandissement de l’emporion, mais la dôréa avait été réalisée (δοθείσης) ». Cette explication ne rend pas compte de l’emprunt qui est mentionné pour cette opération : voir Migeotte 1984, p. 201 et n. 210, sur l’emploi fréquent de προχράομαι en ce sens dans les comptes des hiéropes. 224. Sur les négociations avec les Étoliens dès 250, voir le décret IG XI 4, 1050. Baslez, Vial 1987, p. 290 : « leurs entreprises de piraterie n’étaient plus à redouter à cette époque, non seulement à cause des garanties statutaires accordées à Délos dès 250, mais aussi de l’écroulement de leur puissance navale ; c’était tout simplement, comme Mégare, un État avec lequel Délos avait de bonnes relations ». 220. Voir
158
PARASITES DU DIEU
l’ordre aux trésoriers de déposer ces deux sommes, d’un montant respectivement de 400 dr. et de 104 dr., dans la caisse publique où elles sont réservées pour les destinations votées. Elles ont d’ailleurs dû être dépensées peu après puisque l’on n’en trouve plus trace dans la caisse publique après 178. Elles devaient donc être destinées à des dépenses précises et déjà évaluées. Les comptes des hiéropes fournissent un autre exemple de don offert à la cité de Délos. Celui du roi de Numidie Massinissa était un don de blé en nature, que les Déliens ont revendu pour créer un revenu. Ce sont plus de mille quintaux de blé qui ont ainsi été écoulés à partir de 180 et dont le revenu est enregistré par les hiéropes dans plusieurs jarres de la caisse publique (jarres nos 152, 153, 154, 155 : ID 442, A, l. 100-106). Les Déliens avaient répondu au don par des honneurs, sans doute en lien avec d’autres opérations diplomatiques, comme en témoignent les statues érigées et les couronnes offertes à cette occasion. Dans la dédicace de l’une des statues (IG XI 4, 1115), érigée par un Délien, Hermôn fils de Solôn, qui est connu dans les comptes de Délos pour avoir organisé avec d’autres commissaires la vente du blé offert par Massinissa, le dédicant se nomme ami du roi 225. Il utilise là manifestement un titre de cour qui témoigne du fonctionnement de la diplomatie délienne : s’appuyant sur des concitoyens influents, les Déliens parvenaient à obtenir de nombreux avantages pour leur cité 226.
Les dépenses de la caisse publique La caisse publique inventoriée par les hiéropes est en réalité un fonds de roulement qui circule d’une année sur l’autre : contrairement à la caisse sacrée, on n’y voit pas subsister de fonds anciens. C’est probablement parce qu’il n’en existait pas pour la caisse publique : si des jarres avaient contenu des réserves anciennes appartenant au trésor de la cité, elles auraient été conservées dans l’Artémision comme les autres jarres. La possibilité, pour le trésor public, d’accumuler des fonds dans le sanctuaire est donc récente : les jarres inventoriées par les hiéropes sont constituées d’entrées qui ne sont pas antérieures au iie s. Comme pour le trésor d’Apollon, les banques, par lesquelles transitent les revenus publics et sacrés, n’ont servi que d’intermédiaires et n’ont pas conservé de fonds dans la longue durée 227. Mais nous avons déjà vu qu’à de nombreuses reprises, surtout au cours du iiie s., les Déliens n’ont pas hésité à affecter au trésor sacré des sommes excédentaires sur leurs revenus, utilisant en quelque sorte la caisse du dieu comme une réserve, à la fois pour le crédit et pour le débit puisque parallèlement à ces versements, ils ne cessaient d’emprunter au trésor sacré, dans des proportions d’ailleurs infiniment supérieures à ce qu’ils versaient sous forme de subventions, tout en remboursant régulièrement leurs emprunts. L’organisation des fonds de la caisse publique telle qu’elle transparaît à travers les comptes des hiéropes laisse apparaître six grandes destinations : les dépenses de fonctionnement, les dépenses diplomatiques, les fêtes, les services publics, les travaux publics et l’approvisionnement en blé. La cité de Délos, à travers ces dépenses, apparaît bel et bien comme l’organisatrice d’un double budget, celui de la caisse publique et celui de la caisse sacrée, qu’elle orchestre par l’intermédiaire de ses magistrats et auquel elle donne forme dans une répartition des crédits appelée diataxis. 225.
La cité de Délos attribua une couronne d’or à Massinissa (ID 442, A, l. 42-44 et l. 65-67). Sur Hermôn fils de Solôn, Vial 1984, p. 238-239. Sur l’affaire du pseudo-ambassadeur rhodien, qui est en fait un ambassadeur délien nommé Rhodôn, voir Gauthier 1988. 226. Baslez, Vial 1987, p. 291, notent à juste titre qu’en ayant déboursé moins de 1 500 dr. pour la couronne honorifique à Massinissa, les Déliens obtiennent plus 9 900 dr. de revenu dans la caisse du sitônikon grâce à la vente du blé offert par le roi numide. 227. Chankowski 2008b et infra p. 228.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Les dépenses de fonctionnement Les sommes versées par le trésor public dans la caisse sacrée laissent entrevoir l’existence de sommes affectées annuellement au budget de fonctionnement de différentes magistratures et institutions de la cité délienne : le fonds « de la phiale » répondait, sur le revenu des fermages de Mykonos, aux dépenses mensuelles et de purification ou nettoyage ; le fonds appelé prytanikon semble relever d’affectations régulières aux dépenses du Prytanée 228. D’autres nous restent inconnues mais relevant d’autres magistratures, elles devaient figurer dans la diataxis de la cité 229. Une autre mention de somme versée dans la caisse sacrée, en 250, doit également relever d’un budget affecté au fonctionnement : il s’agit d’un revenu nommé ἐξ ἐκκλησιῶν et déposé dans l’encaisse des hiéropes au titre du remboursement d’un emprunt en même temps qu’une série de revenus fiscaux de la cité (IG XI 2, 287, A, l. 10). Comme l’a justement noté Cl. Vial, le chiffre rond de 1 200 dr. provenant « des assemblées », contrairement aux revenus des taxes, montre qu’il ne s’agit pas d’un revenu perçu mais d’une somme qui avait été affectée aux dépenses relatives aux assemblées dans la répartition des revenus civiques 230. Ces dépenses devaient manifestement concerner, en premier lieu, les frais de gravure des décrets honorifiques et les dépenses pour les couronnes. L’existence possible d’un ekklèsiastikon, dont pourrait témoigner l’importance de la somme versée dans la caisse sacrée en 250, qui pourrait encore n’être qu’un reliquat, n’a pas été envisagée par les chercheurs. Cette simple mention invite à se demander si la cité de Délos n’aurait pas choisi, comme d’autres cités prospères du monde grec (Athènes, Iasos, Rhodes), de rétribuer ses citoyens pour leur participation aux assemblées 231.
Les dépenses diplomatiques La cité de Délos consacrait une partie de ses ressources à l’octroi de couronnes honorifiques, aidée en cela par la caisse sacrée qui lui fournissait une réserve permanente de fonds, qu’elle remboursait au fur et à mesure de l’entrée des recettes publiques 232. Dès le début de l’Indépendance, elle a utilisé les possibilités de crédit que lui offrait le sanctuaire pour sa protection : ainsi, en 298, les Déliens avaient fait un emprunt au trésor d’Apollon pour une dépense de sécurité de 5 000 dr. « pour la protection contre les Tyrrhéniens » (IG XI 2, 148, l. 73-74) 233. Ces dépenses nous sont connues par les décrets honorifiques, par les mentions dans les inventaires de couronnes consacrées par les bénéficiaires à Apollon, par les remboursements des emprunts destinés à cet effet dans le trésor du dieu et enfin par les inventaires de jarres de la caisse publique. Dans ces derniers apparaissent des sommes réservées pour la réalisation de 228. Voir
supra p. 108 et p. 116. infra sur la diataxis, p. 168-173. Pour l’époque de la seconde domination athénienne, Migeotte 2014, p. 674, cite l’allocation reçue par le gymnasiarque Pausanias, mais le mécanisme est différent : voir infra n. 266. Vial 1984, p. 142-143, considère qu’il s’agit du remboursement d’une avance faite par le sanctuaire pour ce même poste budgétaire des assemblées : cette interprétation ne s’impose pas car les Déliens ont pu verser un revenu non employé pour un remboursement de prêt d’une autre nature. Migeotte 2014, p. 389-391, fait le point sur les indemnités de participation aux assemblées mais n’envisage pas le cas délien. Vial 1984, p. 142-143, n’envisage que les dépenses honorifiques. Baslez, Vial 1987. Voir à ce sujet Bresson 2007b. Selon Gabrielsen 1997, p. 43, la somme aurait servi à payer les services de la flotte rhodienne. Cette vision est confortée par le texte de Diodore (XX, 81, 3) qui souligne le rôle de Rhodes dans la lutte contre la piraterie au bénéfice des Grecs dès avant 306. Références dans Migeotte 2014, p. 669, n. 295.
229. Voir
230.
231. 232. 233.
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statues ou de couronnes honorifiques. Ces sommes pouvaient séjourner quelques années dans la caisse avant d’être employées : ainsi les 3 000 dr. réunies en 195 « pour la statue du roi Attale et du médecin Philippos » sont toujours dans la caisse publique en 192 (jarre no 119), de même que les 4 000 dr. réunies en 194 « pour les statues d’Attale, Antiochos et Laodice » (jarre no 124). Les sommes réservées pouvaient parfois changer de destination, laissant disponibles quelques centaines de drachmes qui pouvaient être réaffectées ultérieurement à d’autres destinations. Des jarres (nos 163, 173, 175, 176), entrées au cours des années 179 et 178 dans la caisse publique, portent la même mention εἰς τὰς εἰκόνας qui doit constituer un raccourci d’expression pour désigner les sommes qui avaient été initialement prévues pour des honneurs particuliers et n’ont pas encore été dépensées. L’une d’elles (no 175) est même définie comme un reliquat de la somme réservée pour les statues. Les Déliens avaient conservé ces jarres dans la caisse avec leur affectation d’origine, et pouvaient les réutiliser à tout moment sur décision de l’Assemblée.
Les fêtes Comme nous l’avons vu à propos de l’organisation de la caisse sacrée, la cité délienne gratifiait le sanctuaire de subventions destinées à l’organisation de certaines fêtes. Les deux principales fêtes de la cité, les Apollonia et les Dionysia, étaient ainsi largement financées par d’autres fonds que ceux de la caisse sacrée. Les Thesmophoria recevaient aussi une subvention de la cité 234. Outre la subvention pour le salaire des aulètes des Apollonia et pour le financement des prix lors du concours des Apollonia, ainsi que le financement des technites lors des Dionysia, déjà étudiés précédemment à propos de la composition de la caisse sacrée, il vaut la peine de s’arrêter sur le fonctionnement des achats de bœufs pour les sacrifices, dont la dépense relevait manifestement de la caisse publique.
Les bœufs et la boônia L’animal sacrifié lors des Apollonia était un bœuf, dont les hiéropes vendent la peau (IG XI 2, 203, A, l. 64 ; ID 354, l. 63) mais l’achat de l’animal n’était manifestement pas à la charge de la caisse sacrée qui ne fait pas mention de dépenses à cet effet. À une seule occasion, les hiéropes ont dépensé 7 dr. pour l’achat d’une victime sacrifiée aux Apollonia (ID 354, l. 63 : Ἀπολλωνίοις θῦμα τῶι Ἀπόλλωνι · 𐅂𐅂·) mais pour ce prix il ne peut s’agir du bœuf. Ph. Bruneau avait déjà noté que le bœuf des Apollonia devait être « offert par des particuliers ou acheté aux frais d’une autre caisse » 235. En réalité, il faut relier cette absence dans les comptes des hiéropes et la mention des boônai publics qui apparaît dans l’inventaire de jarres de 192 (ID 399, A, l. 11-19). En effet, une commission de boônai était chargée d’acheter en groupe les bœufs de sacrifices (au nombre de huit en 192) et ils l’ont fait cette année-là grâce à un prêt de la caisse sacrée. Mais l’achat se faisait aux frais de la caisse publique et le bœuf des Apollonia doit en faire partie. L’inventaire des jarres de la caisse sacrée de 192 (ID 399, A, l. 7, 12-15, 17-20) fait état de trois commissions de boônai, les deux premières composées de deux membres en 195 et une autre année avant 192, la troisième composée de quatre membres en 192. Ils ont déposé dans la caisse sacrée le montant perçu par la vente des peaux, à l’exception de celle qui était réservée au prêtre d’Asklépios (l. 18 ; l. 19-20). La commission des boônai est manifestement intervenue 234. Voir 235.
infra p. 173 à propos des subventions versées dans la caisse sacrée. Bruneau 1970, p. 65.
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annuellement mais les commentateurs se sont interrogés sur la quasi absence de mention de cette fonction dans les comptes des hiéropes 236. En réalité, la mention des boônai dans les jarres de 192 s’accompagne d’une mention d’un remboursement de prêt que le sanctuaire avait consenti à la cité en lui avançant de l’argent [εἰς τ]ὴν βοωνίαν (l. 13). Il est donc bien probable que les jarres suivantes, qui contiennent des sommes recueillies par les commissions de boônai sur la vente des peaux, soient aussi des recettes publiques versées à la caisse sacrée en remboursement du prêt 237. Ces bœufs avaient été achetés sur des fonds publics, à la manière du grain acheté au prix de gros : les Déliens cherchaient ainsi à diminuer le coût de l’achat des bêtes en réunissant ces commissions. Un autre argument peut être invoqué en faveur de l’intervention des fonds publics dans cette affaire. À deux reprises, en 279 et en 179, parmi les recettes du sanctuaire d’Apollon, figurent des sommes provenant de la vente des peaux d’animaux sacrifiés à Asklépios. Les sommes sont versées dans la caisse sacrée par le prêtre d’Asklépios (IG XI 2, 161, D, l. 1-112 et ID 442, A, l. 158-159). Justement, les boônai du iie s. laissent le bénéfice de la peau du bœuf sacrifiée à Asklépios au prêtre de ce sanctuaire (τοῦ δὲ τυθέντος τῶι Ἀσκληπιῶι ἔλαβε[ν τὴν βύρσαν ὁ ἱερεὺς] Ποσείδικος, ID 399, A, l. 19). Ce partage devait certainement figurer dans les clauses contractuelles de la prêtrise, telles que nous en possédons ailleurs qu’à Délos. Le fait que le prêtre d’Asklépios conserve le bénéfice de la peau du bœuf acheté par les boônai sur les recettes publiques, alors qu’il verse le produit de la peau lorsqu’un animal est acheté sur des fonds sacrés, confirme que les commissions des boônai agissaient pour le compte de la cité avec un financement public : si l’achat des bœufs avait été à la charge de la caisse sacrée, le produit de la vente du bœuf sacrifié à Asklépios aurait été destiné à la caisse sacrée, comme c’est le cas lorsque d’autres animaux sont sacrifiés à Asklépios après avoir été achetés sur des fonds qui n’appartiennent pas aux recettes publiques. Là encore, l’implication de la caisse publique dans le financement des fêtes est manifeste, non seulement celle des Apollonia mais aussi d’autres fêtes et sacrifices, sans doute en l’honneur d’Asklèpios et de Poséidon qui sont les deux autres divinités déliennes auxquelles on sacrifie des bœufs. Si le financement du bœuf des Posidéia revient manifestement à la caisse sacrée 238, il faut supposer que son achat pouvait relever de la commission des boônai qui en offrait un prix intéressant.
Les services publics Ces dépenses nous sont essentiellement connues par la mention d’une jarre contenant le reliquat du salaire d’un médecin public ainsi que le loyer qu’il a versé (jarre no 138). Nous n’en avons donc connaissance que parce que le médecin, en 184, est resté moins longtemps que prévu, si bien que le reliquat de la somme a été reversé dans la caisse, mais cette dépense devait être régulière. Il en résulte que, puisqu’elle ne semble pas avoir donné lieu à une provision qui aurait été visible dans les libellés des jarres de la caisse publique, la dépense devait être assurée directement sur les revenus publics perçus dans l’année et transitant par les banques. Nous avons dans les décrets la preuve que cette dépense n’a pas été exceptionnelle et qu’elle devait relever des charges régulières de la cité. Deux médecins au moins ont été honorés par 236.
Vial 1984, p. 243-244. Contrairement à l’affirmation de Migeotte 2014, p. 604, il n’y a pas de raison de considérer que les boônai auraient eu l’obligation de remettre systématiquement le produit de la vente des peaux dans la caisse sacrée. Il s’agit d’une recette publique, qui peut être affectée de différentes manières. 238. Bruneau 1970, p. 261. 237.
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PARASITES DU DIEU
des honneurs coûteux à Délos : le médecin Philippos, connu par la dépense consignée dans un inventaire de jarre (jarre no 119) et le médecin Xénophon fils de Pythônax de Cos, que nous fait connaître une base de statue (IG XI 4, 1200) 239.
Les travaux publics Les inventaires de jarres nous font connaître l’affectation de sommes à deux chantiers : le chôma et le grammateion. Les travaux du chôma relevaient des infrastructures portuaires et les Déliens, qui avaient fait assumer la construction du Théâtre par la caisse sacrée, probablement en arguant du fait que le monument était lié aux fêtes des Dionysia, n’avaient pas fait de même pour la façade portuaire 240. À partir de 217 apparaissent dans les comptes des hiéropes les premières attestations de travaux réalisés pour l’aménagement du littoral 241. En 192, deux jarres (no 123 et no 130) composent un fonds de 8 206 dr. que l’on ne retrouve plus en 179 : des dépenses de construction ont donc bien été réalisées en l’espace d’une douzaine d’années. En 179, l’ensemble des jarres destinées au chôma ne totalisent plus que 1 411 dr. Ces sommes ont été versées dans la caisse publique pour le chôma, soit au titre de la diataxis (jarre no 167), soit à la suite de décisions ponctuelles de réaffectation des fonds. À l’exception des reliquats de fonds (jarres nos 135, 137 et 164), la plupart des autres versements est constituée de sommes rondes. Une somme de 500 dr. a été par deux fois déposée, en 180 (jarre no 142) et en 179 (jarre no 167). Elles alimentent une réserve dans laquelle sont versés des fonds qu’un changement financier a rendus disponibles (jarre no 143), ce qui laisse penser que la cité avait prévu de consacrer une partie de ses recettes à cette construction, peut-être sans en avoir précisément évalué le coût. Le chôma semble en tout cas avoir constitué pour un temps une des priorités budgétaires des Déliens, mais c’est la générosité de l’épimélète Théophrastos, au début la période de seconde domination athénienne, qui est finalement venue apporter une solution définitive au problème de la façade portuaire. On ignore d’où provenaient les versements affectés au chôma et il ne faut pas exclure qu’un apport ait été fourni par l’évergétisme, comme le fera plus tard Théophrastos 242. Le fonds pour le grammateion semble avoir donné lieu à la constitution de réserves très importantes : en 192, presque 3 talents figurent à ce titre dans la caisse publique (jarre no 120 déposée en 195, jarre no 122 déposée en 194, jarre no 128 déposée en 192). L’un de ces talents a été entamé si bien que le reliquat, d’un montant 4751 dr., 4 ob., ½ et 1 chalque, peut être employé à une autre destination en 192 (jarre no 120). Après 192, les inventaires de jarres, et plus particulièrement celui de 179 qui est complet, ne mentionnent plus de fonds affectés au grammateion : les jarres ont donc été vidées et n’ont pas été remplacées. Le fait qu’un reliquat important puisse être utilisé en 192 laisse penser qu’il n’y avait plus de travaux à faire à cette date au 239.
Sur Philippos et Xénophon de Cos, voir Massar 2005, p. 128-129 et 143-144. Inversement, la cité construit grâce à des emprunts au trésor sacré un portique au iiie s., probablement le Portique Sud de l’Agora tétragone, mais laisse la caisse sacrée financer des travaux pour d’autres portiques au iie s., probablement le Portique coudé. Voir supra p. 155. 241. Le terme de chôma a été diversement analysé par les commentateurs : Ph. Bruneau considère qu’il s’agit, au sens large, d’un remblai amassé au sud du sanctuaire pour étendre le Quartier du théâtre (Bruneau 2006, p. 555-561) ; pour Reger 1988, il s’agit exclusivement d’un môle ou d’un quai alors que c’est le pluriel qui signifie « remblais ». Hellmann 1992, p. 437-439, aboutit quant à elle à la conclusion que le terme désigne un remblai, un terrassement. La découverte d’un monument archaïque sur le front de mer a permis à J.- Ch. Moretti de démontrer que les travaux avaient plus largement concerné, dès le ive s., l’aménagement du port (Moretti 1998). 242. Voir infra p. 288-290. 240.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
163
grammateion. Le dépôt réalisé en 192 (jarre no 128) dut donc être le dernier. La nature de l’édifice pose également problème. Cl. Vial a considéré, en raison des sommes importantes allouées entre 195 et 192, qu’il devait s’agir d’un bâtiment administratif en construction 243, mais les travaux paraissent particulièrement importants et coûteux pour un simple local administratif.
L’approvisionnement en blé Le mécanisme de la sitônia dans le monde grec a fait l’objet de plusieurs travaux de L. Migeotte, tandis que celui de Délos était un peu plus tard analysé par G. Reger et complété par les critiques de J. Sosin 244. Certains aspects restent toutefois à préciser à partir des inventaires de jarres. Les achats de blé ont préoccupé les Déliens bien avant le iie s. : ils ont très tôt utilisé l’opportunité financière que leur offrait la caisse sacrée pour procéder à des achats en gros. Ainsi, en 301, la cité emprunte 1 000 dr. à Apollon (IG XI 2, 146, A, l. 20-21). L’emprunt est garanti sur le blé que la cité vient d’acheter (ἐπ’ ἀ̣ξ̣ίαν τοῦ σίτου οὗ ἡ πόλις ἐπρίατο) et dont la vente ou une partie de la vente assurera le remboursement de l’emprunt. En 250, un emprunt de 10 050 dr. est explicitement destiné à la sitônia (εἰς τὴν σι[τω]νίαν, IG XI 2, 287, A, l. 123-125) avec une garantie sur les revenus publics 245. En 209, la formulation est différente. Les hiéropes mentionnent qu’ils ont transmis aux sitônai la somme de 13 014 dr. qui est déduite du total de l’encaisse conservée dans l’Artémision (ID 362, A, l. 11-12) 246. La formule est différente (ἔδο[με]ν τοῖς σιτώναις) et les hiéropes n’indiquent pas explicitement qu’il s’agit d’un emprunt à la caisse sacrée : il semble plutôt qu’il s’agisse d’une somme déposée dans l’Artémision, qui n’aurait fait que transiter par la caisse sacrée, comme c’est le cas pour le salaire des aulètes. Il est raisonnable de considérer qu’à cette date, les Déliens ont déjà institué un fonds servant à des achats de grain 247. Ce n’est qu’à partir de l’année 192 que la comptabilité des hiéropes fait apparaître l’inventaire distinct des jarres de la caisse sacrée et des jarres de la caisse publique. À cette date, le fonds de la sitônia est lui-même distingué des autres fonds de la caisse publique (τὸ δημόσιον) mais l’inventaire que donnent les hiéropes de l’ensemble des fonds conservés dans l’Artémision montre que le sitônikon fait partie de la catégorie des fonds publics. Le fonds de la sitônia est un fonds du trésor public qui reçoit un traitement particulier dans la comptabilité des hiéropes. Le passage du compte ID 399 qui en fait état a donné lieu à des interprétations divergentes de G. Reger et de J. Sosin, mais aucune des deux ne rend compte de la réalité 248. Ce passage prend place à la fin de l’inventaire des jarres de la caisse publique et avant le début du compte annuel des recettes et des dépenses du sanctuaire (ID 399, A, l. 68-73) : 243.
244. 245. 246. 247. 248.
Vial 1984, p. 141, n. 89. Elle allègue à l’appui de cette interprétation l’unique attestation du terme grammateion dans le sens de « bâtiment public », chez Poseidonios (Athénée, V, 210 f = XII, 527 e-f ), mais il s’agit d’une description ironique des habitudes des Syriens et le terme de grammateion y est pris dans le sens de « salle de banquet » : les Syriens appellent leurs salles de banquet grammateia, ce qu’il faut plutôt comprendre comme le fait qu’ils utilisent leurs grammateia comme salles de banquet. Reger 1993 ; Sosin 2002 ; Fantasia 1989. Reger 1993, p. 318, avec une traduction fautive corrigée par Sosin 2002, p. 65-66. Le chiffre exact qui se lit sur la pierre est 10 050 dr. et non 15 000 dr. : Chankowski, Feyel 1997, p. 123. Reger 1993, p. 318-319, avec une erreur d’interprétation des chiffres et les corrections de Sosin 2002, p. 6668 ; Fantasia 1989, p. 49. Reger 1993, p. 318-319, et malgré les doutes exprimés par Sosin 2002, p. 67-68. Reger 1993, p. 322, et Sosin 2002, p. 68-72. Chankowski dans Bull. 2004, 373.
164
PARASITES DU DIEU
68
… [τ]ὸ πᾶ[ν]· Μ𐅆ΧΧ𐅅Η𐅄ΔΔ. κεφαλὴ τοῦ δημοσίου 𐅇𐅆ΧΗΗΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ[𐅁].
(2 lignes érasées) 69
— — — — — — vac. κεφαλὴ τοῦ ἀργ[υρ]ίου τοῦ δ[ημοσίου] ΜΜ𐅆ΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔΔ̣ 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ𐅀Χ ἀπὸ τοῦ σιτωνι[κοῦ]· παρέ[δο]μεν Μενύ[λ]-
70 [λωι]
καὶ Φωκαεῖ. καὶ τόδε ἄλλο Μ̣ [ενύλλ]ω[ι?] ΙΙ[․․․․․ τοῦ] σ̣ίτου? εἰς τὴν σιτωνίαν ΜΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔΧΧ. καὶ ἐπὶ τῆς
71 [ἡμετ]έρας
ἀρχῆς [ἔ]θ[εσαν] ταμ[ίαι Περίαν]δρος καὶ Εὐξενίδης εἰς τὴν σιτωνίαν ΜΜΗΗΗΔΔΔΔ 𐅂ΙΙΙΙ𐅀. κεφαλὴ τοῦ σ[ι]𐅇𐅆ΗΗΔΔΔ 𐅂ΙΙΙΙ𐅀ΧΧ. ἀπὸ τού[τ]ου ἔδομεν τοῖς σιτώναις Ἡγέαι, Εὐφράνορι, Μενύλλωι ΜΜΜΜ𐅆ΧΧ. λοι[πὸν]
72 [τωνι]κοῦ
σι]τωνικοῦ 𐅆ΧΧΧΗΗΔΔΔ 𐅂̣ ΙΙΙΙ𐅀Χ̣ Χ̣ · καὶ τοῦτο παρέδομεν ἱεροποιοῖς Μενύλλωι καὶ Φωκαεῖ. vac.
73 [τοῦ
Le passage a été mal interprété par G. Reger, qui considère que, en plus d’une encaisse de 34 890 dr. et 2 ch. (l. 70), les hiéropes auraient reçu une somme de 20 346 dr. 4,5 ob. (l. 71) qui devait provenir de la vente du grain acheté précédemment, alors qu’ils ont versé 47 000 dr. aux sitônai (l. 72), soit beaucoup plus que les recettes de l’année : il en conclut alors que le fonds aurait été déficitaire 249. J. Sosin a montré très justement que l’idée d’un fonds déficitaire ne correspondait en aucun cas à l’organisation des comptabilités grecques, mais la reconstruction qu’il propose ne rend pas compte non plus de l’organisation des fonds car il comprend que les 28 643 dr. 3,5 ob. et 1 ch. enregistrées à la l. 69 font partie du calcul de la sitônia 250. En réalité, le compte de la caisse publique s’établit ainsi pour l’ensemble des fonds publics de l’année : – l. 36-54 : recettes de l’année dans la caisse publique. Parmi ces recettes, une jarre contient le reliquat (τὸ περιγενόμενον) de la sitônia, transmis par les hiéropes de l’année 195 aux hiéropes de l’année 192 (l. 52-54) ; – l. 54-57 : retraits ; – l. 57-58 : transmission aux trésoriers du reliquat (λοιπόν) d’un montant de 38 578 dr. 3,5 ob. ; – l. 58-68 : autres dépôts dans la caisse publique, pour un total de 17 670 dr. ; – l. 68 : total de la caisse publique : 56 248 dr. 3,5 ob. Après les deux lignes raturées vient à la l. 69 la mention d’un autre total (28 643 dr. 3 ob. ½ ob. 1 ch.), qui n’a rien à voir avec la sitônia : aucun chiffre ne concorde si l’on additionne ou soustrait ce montant aux autres totaux. Il s’agit vraisemblablement d’une correction apportée par les hiéropes au montant total de la caisse publique, en raison des doublons créés par l’enregistrement conjoint des jarres du trésor du dieu et de celles du trésor de la cité 251. Il faut en tout cas dissocier ce second total, dèmosion, de l’argent du sitônikon et des opérations décrites dans les l. 69 à 73. Les opérations décrites ensuite par les hiéropes à propos de ce fonds du sitônikon ont ellesmêmes suscité une légitime perplexité car les hiéropes n’ont pas pu à la fois transmettre au 249.
Reger 1993, p. 322. Ce qui est aussi la traduction du Nouveau Choix, p. 151. Également Larsen 1938, p. 345 ; Fantasia 1989, p. 52-53. 251. Voir supra p. 52. 250.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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collège suivant 34 890 dr. et remettre aux sitônai 47 000 dr. en associant ce qui était déjà transmis avec un nouveau versement des trésoriers : – transmission au collège suivant (l. 70) : 34 890 dr. 2 ch. ; – recette des trésoriers (l. 71) : 20 346 dr. 4 ob. ¼ ; – total du sitônikon (l. 72) : 55 236 dr. 4 ob. ¼ 2 ch. ; – transmission aux sitônai (l. 72) : 47 000 dr. ; – reliquat du sitônikon transmis au collège suivant (l. 73) : 8 236 dr. 4 ob. ¼ 2 ch. Le texte proposé dans l’édition des ID est probablement fautif, comme l’a bien vu J. Sosin 252, qui propose de restituer à la l. 70 : καὶ τόδε ἄλλο ἀ[̣ργύρι]οͅ [ν] εͅἰ[ͅ σήκει‧ τοῦ] σͅ ίτου εἰς τὴν σιτωνίαν au lieu de καὶ τόδε ἄλλο Μ̣ [ενύλλ]ω[ι?] ΙΙ[․․․․․ τοῦ] σ̣ίτου? εἰς τὴν σιτωνίαν donné dans les ID. L’interprétation d’ensemble est la bonne, si ce n’est qu’il faut placer autrement les césures dans la phrase, en comprenant que le compte commence avec les mots ἀπὸ τοῦ σιτωνι[κοῦ] (l. 69) et écrire par exemple : Ἀπὸ τοῦ σιτωνι[κοῦ]· παρέ[δο]μεν Μενύ[λλωι] καὶ Φωκαεῖ καὶ τόδε ἄλλο, μͅ [ῆνος - - τοῦ] σ̣ίτου εἰς τὴν σιτωνίαν ΜΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔΧΧ.
Compte du sitônikon. Nous avons transmis à Ménullos et Phôkaieus également cette autre somme, au mois de…, provenant de la vente du blé, à destination de la sitônia : 34 890 dr. 2 ch. Reste la difficulté d’une somme transmise par les hiéropes aux sitônai cette même année, qui est l’addition de la recette annuelle de la sitônia telle qu’elle a été versée par les trésoriers et de la somme que les hiéropes disent avoir transmise à leurs successeurs. Il faut probablement comprendre le καὶ τόδε ἄλλο comme l’expression d’une transmission qui s’est faite en deux temps : les hiéropes avaient d’abord calculé qu’ils allaient remettre à leurs successeurs 34 890 dr., qui devaient être le montant restant dans la caisse de la sitônia. Puis ils ont reçu en cours d’année une nouvelle recette et ont reçu l’ordre de transmettre aux sitônai un fonds plus important, ce qui les a obligés à revenir sur leur première transmission. La transmission définitive au collège des hiéropes Ménullos et Phôkaieus, qui clôt le compte annuel, est celle de 8 236 dr. qui est indiquée à la l. 73. Ces décisions n’appartenaient pas aux hiéropes, qui ne faisaient qu’appliquer les directives de l’Assemblée en matière d’organisation budgétaire. Il suffisait donc que l’Assemblée décide de transférer aux sitônai les 34 890 dr. déjà prévues pour la transmission au collège suivant pour que les hiéropes signalent cette complication. On pourra donc traduire ainsi l’ensemble du passage reconstruit (ID 399, A, l. 68-73) : 68
… [τ]ὸ πᾶ[ν]· Μ𐅆ΧΧ𐅅Η𐅄ΔΔ. κεφαλὴ τοῦ δημοσίου 𐅇𐅆ΧΗΗΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ[𐅁].
(2 lignes rasurées) 69
— — — — — — vac. κεφαλὴ τοῦ ἀργ[υρ]ίου τοῦ δ[ημοσίου] ΜΜ𐅆ΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔΔ̣ 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ𐅀Χ. Ἀπὸ τοῦ σιτωνι[κοῦ]· παρέ[δο]μεν Μενύ[λλωι] καὶ Φωκαεῖ καὶ τόδε ἄλλο, μ[ῆνος - - - τοῦ] σ̣ίτου εἰς τὴν σιτωνίαν ΜΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔΧΧ. καὶ ἐπὶ τῆς
71 [ἡμετ]έρας
ἀρχῆς [ἔ]θ[εσαν] ταμ[ίαι Περίαν]δρος καὶ Εὐξενίδης εἰς τὴν σιτωνίαν ΜΜΗΗΗΔΔΔΔ 𐅂ΙΙΙΙ𐅀. κεφαλὴ τοῦ σ[ι]-
252.
Sosin 2002, p. 70.
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PARASITES DU DIEU
𐅇𐅆ΗΗΔΔΔ 𐅂ΙΙΙΙ𐅀ΧΧ. ἀπὸ τού[τ]ου ἔδομεν τοῖς σιτώναις Ἡγέαι, Εὐφράνορι, Μενύλλωι ΜΜΜΜ𐅆ΧΧ. λοι[πὸν]
72 [τωνι]κοῦ
σι]τωνικοῦ 𐅆ΧΧΧΗΗΔΔΔ 𐅂̣ ΙΙΙΙ𐅀Χ̣ Χ̣ · καὶ τοῦτο παρέδομεν ἱεροποιοῖς Μενύλλωι καὶ Φωκαεῖ. vac.
73 [τοῦ
Total [des dépôts de la caisse publique] : 17 670 dr. Total de la caisse publique : 56 248 dr. 3 ob. ½ ob. (vacat) Total de l’argent public : 28 643dr. 3 ob. ½ ob. 1 ch. Compte du sitônikon : nous avons transmis à Ménullos et Phôkaieus [hiéropes du collèges suivant] également cette autre somme, au mois de …, provenant de la vente du blé, à destination de la sitônia : 34 890 dr. 2 ch. Puis sous notre exercice les trésoriers Périandros et Euxénidès ont déposé pour la sitônia : 20 346 dr. 4 ob. ¼. Total du sitônikon : 55 236 dr. 4 ob. ¼ 2 ch. De cette somme, nous avons transmis aux commissaires au blé Hégéas, Euphranôr, Ménullos : 47 000 dr. Reliquat du sitônikon : 8 236 dr. 4 ob. ¼ 2 ch. Le fonds de la sitônia n’apparaît donc nullement déficitaire. Au contraire, il est régulièrement alimenté par les recettes provenant de la vente du grain acheté par ce moyen. Le même compte de l’année 192 enregistre aussi parmi les jarres entrées dans la caisse publique, et non directement au titre de la sitônia, un reliquat du sitônikon datant de l’année 195 (l. 52-54). L’objectif du fonds sitônikon n’était donc pas d’accumuler des capitaux ayant la même provenance pour faire une réserve, mais de constituer chaque année une somme suffisante pour permettre de nouveaux achats de grain. L’essentiel était de reconstituer le capital avec l’argent de la vente, mais les reliquats supplémentaires pouvaient être versés dans la caisse publique. C’est bien la preuve que l’apport des ventes de grain permettait de transmettre aux sitônai des sommes suffisantes pour s’approvisionner sur le marché. De façon éclairante, le règlement d’un fonds d’achat de grain de Coronée prévoit qu’audelà des 7 000 drachmes nécessaires à la reconstitution périodique du capital, les profits iront à la caisse publique de la cité (SEG XLIII, 205, l. 24-29) : κὴ εἰ μέν κά τι πλέον γινούειτη τᾶν ἑπτακατιάων ἀργου[ρ]ίω, καταβαλλόνθω τῦ ταμίη παρχρεῖμα κὴ ἔστω οὗτο τᾶς πόλιος κὴ οὑπαρχέτω ἐν τὰν ϝυκονομίαν· « et si jamais un profit supérieur aux 7 000 dr. d’argent est réalisé, qu’il soit versé immédiatement au trésorier et que cet argent appartienne à la cité et soit disponible dans l’administration » 253. Le même règlement prévoit aussi que tout déficit du fonds (ἔνδια, l. 29) devra être comblé par le trésorier. C’est aussi le déficit (ἔκγδεια) qui est évoqué dans le règlement du fonds d’achat de blé de Samothrace (SEG XXXVI, 788), en prévoyant de verser au fonds tout ce qui restera disponible des revenus encaissés dans l’année (ἐξ ἁπάσης τῆς π[ροσόδου ἥτις ἂν συν]αχθῆι, l. 17) 254. L’essentiel, comme pour les capitaux de fondation, est de préserver le capital productif. Dans le cas de Délos, c’est bien un capital fixe qui est utilisé : comme l’avait déjà observé U. Fantasia en étudiant les mouvements de fonds énumérés dans les inventaires de jarres de l’année 179 (ID 442), ce sont 18 560 dr. qui sont utilisées trois fois dans l’année 255. « The 253.
Migeotte 1993. Tréheux 1986b. 255. Fantasia 1989, p. 51-52. L’erreur consistant à considérer que le montant du fonds délien était de 55 680 dr., soit le total des sommes en circulation, est reprise par Migeotte 1991, p. 31-32 ; Reger 1993, p. 319. 254.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
167
sitônia-fund was a rolling fund capitalized at 18,560 drachmas with a thrice-annual turnover », résume justement J. Sosin 256. Le fait qu’un même fonds puisse être inscrit successivement en débit puis en crédit a évidem ment des conséquences importantes pour notre compréhension des méthodes comptables des hiéropes, puisqu’ainsi leurs méthodes se rapprochaient d’une comptabilité en partie double 257. Pour G. Reger, le fait que certains dépôts effectués dans la caisse publique soient assortis de la mention κατὰ τὴν διάταξιν ou ἐκ τῶν ἀδιατάκτων signifie que des fonds avaient alors été affectés pour combler un déficit 258 : en additionnant les fonds qui portent un tel libellé, il obtient un total qui témoigne d’un déficit de 30 % chaque année. J. Sosin, à juste titre, souligne l’invraisemblance du propos 259. Les versements ἐκ τῶν ἀδιατάκτων sont effectués à la fin de l’année, comme en témoigne l’inventaire détaillé de l’année 179. Ils sont destinés à la caisse publique et rien n’atteste qu’ils aient pu concerner la sitônia, sauf dans un cas où il est possible de reconstituer la totalité des mouvements de fonds. À la fin de l’année 180, les trésoriers ont versé aux hiéropes dans la caisse publique quatre sommes pour la sitônia, d’un montant total de 18 560 dr. (ID 442, A, l. 92-94). Ces jarres ont été remises aux sitônai au début de l’année 179 (au mois Lènaion, le premier de l’année) par les hiéropes (l. 123-126). En Artémision (4e mois), les trésoriers ont reversé la même somme de 18 560 dr. dans la caisse publique (l. 107-109) mais la composition des jarres n’est plus la même. En Thargélion (5e mois), les hiéropes ont de nouveau remis l’argent aux trésoriers (l. 130-132). L’argent revient dans la caisse publique en Métageitnion (8e mois) mais seulement en partie puisque les versements ne sont que de 14 674 dr., 2 ob. ½ ob. et 2 ch (l. 109-112). On devine d’ailleurs ici qu’une partie a probablement été versée à la caisse publique en monnaie locale, ce qui doit expliquer, par la conversion en étalon attique à des fins comptables, la présence de subdivisions de la drachme. En Bouphonion (9e mois), cette somme est remise aux trésoriers (l. 132-135) mais comme il manque 3 886 dr. pour atteindre le montant nécessaire à la reconstitution du capital, des fonds non affectés (ἀδιατάκτων) sont ajoutés au versement que les hiéropes font aux trésoriers. Ils avaient été déposés dans la caisse publique à la fin de l’année précédente (l. 95-97 et l. 136-138). Le total de ces trois jarres fait exactement 3 885 dr. 3 ob. ½ ob. et 2 ch. et les hiéropes indiquent explicitement qu’ils remettent ces jarres aux sitônai, ce qui ne laisse pas de doute sur leur affectation définitive. En Posidéon (12e mois), l’argent rentre dans la caisse publique pour un montant de 18 560 dr. (l. 116-117 et 119). Des fonds non affectés (ἀκατατάκτων) sont également déposés dans la caisse publique, pour un total de 3 874 dr. 3 ob. 1 ch. (l. 120) mais rien n’indique qu’ils soient cette fois destinés à la sitônia 260 : ils sont précisément sans affectation et pourront éventuellement servir à rétablir un équilibre financier dans les années qui suivent. Avec ces 3 885 dr. 3 ob. ½ ob. et 2 ch. venant presque exactement compléter les 14 674 dr., 2 ob. ½ ob. et 2 ch. versées en Métageitnion, nous avons certainement pour l’année 179 l’illustration du principe énoncé par d’autres textes réglementant le fonctionnement des fonds d’achat de blé, à Samothrace, à Coronée ou ailleurs : des recettes civiques viendront renflouer le fonds d’achat en cas de déficit ponctuel. Ce déficit était créé par les difficultés d’approvisionnement et les hausses des prix, qui pouvaient parfois obliger les sitônai à acheter 256.
Sosin 2002, p. 76 et les tableaux présentés p. 72-74. supra chapitre I p. 61-65. 258. Reger 1993, p. 322. 259. Sosin 2002, p. 77-78. 260. Contra Sosin 2002, p. 72, qui les inclut dans les calculs qu’il présente. 257. Voir
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moins de blé alors que la cité devait continuer à le vendre au même tarif, mais les frais de change pouvaient également venir entamer les possibilités d’achat. L’aventure des sitônai qui furent aidés à Délos par le banquier Timôn de Syracuse en témoigne 261. L’apport du trésor public de Délos à ce fonds était probablement épisodique car en 178, bien que le compte, plus fragmentaire, ne nous permette pas de suivre la continuité du mécanisme, nous voyons les hiéropes enregistrer des sommes provenant de la vente du blé, qui forment un total de 7 502 dr. 5 ob. (ID 443, Ab, l. 14-20). Ces sommes, qui composent deux jarres, ne sont pas affectées à la sitônia comme le précisaient les jarres de 179 et l’une d’entre elles est nommée perion. La vente de blé de l’année précédente avait donc dû rapporter un bénéfice suffisant, au total, pour qu’un excédent soit versé dans la caisse publique. Le versement effectué sur les fonds non affectés afin de combler un déficit ponctuel avait donc été largement compensé. Au contraire, d’autres fonds sont enregistrés explicitement « pour la sitônia » dans l’encaisse de 178, pour un montant d’au moins 15 060 dr. et certainement davantage car plusieurs chiffres manquent (ID 443, Ab, l. 29-37). Aussi, si les hiéropes ont choisi de prendre l’argent dans les jarres des fonds non affectés de 180, ce n’est probablement pas le seul fait du hasard, contrairement à ce que supposait J. Sosin. Ils l’ont fait parce que ces jarres contenaient précisément la somme dont ils avaient besoin, et dans le numéraire qui allait être utile aux sitônai. Au total, les recettes de la vente du blé pour l’année 179 avaient dû permettre de maintenir le capital et de faire un bénéfice, mais les sommes issues de ce bénéfice n’étaient simplement pas encore disponibles, car elles passaient d’abord par les banques, au moment où les hiéropes en auraient eu besoin. La sitônia délienne n’était assurément pas un fonds déficitaire.
Les principes d’organisation du trésor public de Délos et la diataxis de la cité Que savons-nous en définitive, grâce aux comptes des hiéropes, sur les finances de cité de Délos ? Si les sources sont minimes pour le iiie s., les inventaires de jarres du iie s. nous donnent une vision plus complète du trésor public. En 179, la caisse sacrée comptait 44 jarres et la caisse publique 37 jarres, si bien que l’espace occupé par les deux caisses dans le temple devait être équivalent. Les balances de compte montrent aussi que le total de chacune des deux caisses était proche, avoisinant les 100 000 dr. Toutefois, les dernières années de l’Indépendance laissent dans l’obscurité l’évolution des avoirs de la caisse publique dont nous ne connaissons pas, audelà de l’année 179, d’inventaire. Les balances de comptes conservées pour les années 173 et 169 se montent à 350 000 dr. et laissent supposer un accroissement des bénéfices, tant pour la caisse sacrée que pour la caisse publique 262.
La répartition des revenus L’organisation des revenus de la cité était régie par une diataxis ou règlement de répartition, connu également dans d’autres cités hellénistiques 263. Le terme n’apparaît qu’à la faveur des inventaires de jarres qui font connaître le libellé de certaines sommes réservées « conformément 261.
Bresson 2001 et Bresson 2014 ; Chankowski 2014a. supra chapitre II p. 82. On se rapportera pour ce qui suit au tableau des jarres donné en Annexe 2. 263. En dernier lieu sur la diataxis délienne, Migeotte 2005 et Migeotte 2014, p. 672-673 ; également Vial 1984, p. 140-142 ; Francotte 1909, p. 133-156 et 213-230. Sur la répartition des fonds publics dans d’autres cités, Robert 1949 (Hellenica VII), p. 177-178 ; Robert 1950 (Hellenica IX), p. 7-18 ; Robert 1964, p. 16-17. Voir également à propos du merismos athénien Faraguna 1992, p. 177-194, et Migeotte 2014, p. 444-449. 262. Voir
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au règlement de répartition », κατὰ τὴν διάταξιν (ID 415, l. 9 ; jarres nos 49, 145, 156, 160, 167, 168). D’autres fonds sont décrits, dans les libellés des jarres, comme des fonds « affectés », διατάχθεντα, à telle ou telle opération (jarres nos 30, 72, 120) : il s’agit dans les deux cas de reliquats et la formule τὸ περιὸν ou τὸ περιγενόμενον ἀπὸ τοῦ διαταχθέντος est bien le signe d’une répartition κατὰ τὴν διάταξιν. D’autres encore sont appelés « réservés » (τὸ ἀποτεταγμένον, τὸ ἀποταγέν) pour telle ou telle destination (jarres nos 128, 129, 141, 143) en vue d’un paiement qui interviendra ultérieurement. Inversement, des sommes sont qualifiées dans les inventaires de jarres de « fonds non affectés », ἀδιάτακτα ou ἀκατάτακτα (jarres nos 13, 24, 148, 149, 150, 169, 170). Il s’agit de soldes créditeurs de fonds qui sont, pour le moment, en réserve dans les caisses du sanctuaire en attendant une affectation. Les inventaires de jarres montrent, pour les années qui sont conservées, que certains de ces fonds entrés « non affectés » dans la caisse publique sont rapidement employés dès l’année suivante (jarres nos 148, 149, 150). D’autres ont probablement servi à rembourser des emprunts de la cité lorsqu’ils ont été versés avec ce libellé dans la caisse sacrée (jarre no 24). L. Migeotte s’est étonné du caractère peu systématique des mentions de la diataxis à Délos, arguant du fait que, pour une même destination, les jarres ne précisent pas toujours si l’affec tation provient ou non d’un règlement de répartition. C’est le cas des sommes affectées à la construction du chôma. Ainsi, en 192, une jarre de la caisse publique (jarre no 123) rassemble différentes sommes affectées dès l’origine à ce fonds et déposées par les trésoriers dans la caisse publique en 195, 194 et 193. L’une de ces sommes est clairement décrite comme un reliquat sur des fonds déjà employés à cette destination (τὸ περιγενόμενον ἀπὸ τοῦ εἰς τὸ χῶμα ἐξαιρεθέντος). D’autres sommes « pour le chôma » ont été déposées puis utilisées durant les années suivantes : le libellé précise parfois que telle jarre εἰς τὸ χῶμα ne contient plus qu’un loipon (jarre no 130 n’apparaissant plus par la suite ; no 135, no 137, no 142, no 143, no 164, no 167). Parmi celles-ci, seule la jarre no 167 porte la mention de la diataxis. Pour L. Migeotte, il convient de distinguer, dans ces versements, ceux qui procèdent d’un règlement de répartition et obéissent à des règles fixes et ceux qui relèvent de décisions ponctuelles de l’Assemblée. La diataxis elle-même ne serait, selon L. Migeotte, qu’une création des Déliens au début du iie s., accompagnant une volonté générale de systématiser l’organisation des finances publiques et sacrées. Mais cette diataxis n’aurait pas touché l’ensemble des recettes publiques : elle viserait seulement à affecter certains revenus à des fonds dont l’alimentation était nécessaire au bon fonctionnement de la vie publique, comme le sitônikon, les fonds pour les travaux publics ou les subventions pour les fêtes. « Autrement dit, tous les dépôts des trésoriers n’avaient pas la même portée et n’étaient pas soumis aux mêmes procédures » 264. Cette interprétation étonne, car l’existence de la diataxis se déduit en réalité de la compta bilité des deux caisses, et elle est manifestement plus ancienne que le iie s., Cl. Vial a montré que, dans le compte de l’année 258 (IG XI 2, 224, A, l. 7), la formule ὃ κατετάξατο ἡ πόλις εἰς ἀπόδοσιν τῶ[ι θεῶι?] correspond à la diataxis, le verbe κατατάσσω étant l’équivalent de διατάσσω 265. En effet, l’existence de la diataxis dès les premières décennies de l’Indépendance se déduit de l’ensemble des mouvements de fonds entre la caisse publique et la caisse 264. 265.
Migeotte 2005, p. 37, et Migeotte 2014, p. 672-674 (citation p. 673). Vial 1984, p. 140 et n. 88, cités par Migeotte 2014, p. 672, n. 305, qui doute de l’argument. Mais voir Robert 1950 (Hellenica IX), p. 15-16, sur ce vocabulaire. Le fait que les fonds non affectés soient nommés, au iie s., tantôt adiatakta et tantôt akatatakta montre bien que l’alternance entre les deux termes est en vigueur tout au long de l’Indépendance.
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PARASITES DU DIEU
sacrée, que signalent les comptes des hiéropes. L’institution de la diataxis relève du pouvoir de l’Assemblée qui détermine la politique financière de la cité. Pour permettre en début d’exercice le versement dans la caisse sacrée des remboursements de prêts consentis sur les fonds sacrée l’année précédente, il fallait nécessairement organiser la destination des dépenses. L’existence d’autres fonds publics que nous venons de passer en revue avaient eux aussi des destinations déterminées (dépenses mensuelles, dépenses de purification, prytanikon, assemblées) qui devaient relever de la même institution de la diataxis 266. Dès le début de l’Indépendance, c’est donc bien un règlement de répartition qui devait préciser à Délos, dès la fin d’année précédente pour le début de l’année en cours, la répartition annuelle des recettes publiques. Des décrets de l’Assemblée, de plus, donnaient les décisions prises par les Déliens au sujet de l’argent d’Apollon, et plus particulièrement en ce qui concernait les emprunts consentis et les dépenses pour les travaux 267. En effet, l’Assemblée est souveraine pour la politique financière des deux caisses, mais les mentions de diataxis ne concernent que les revenus publics. Les décisions concernant l’argent d’Apollon relevaient de décrets spécifiques de cette même Assemblée. Néanmoins, étant donné la quantité de transferts de fonds menés entre la caisse sacrée et la caisse publique et l’ampleur des interactions entre les deux caisses, il est évident que la diataxis de la cité avait une incidence sur les ressources de la caisse sacrée et en déterminait par contrecoup une grande partie du budget annuel. Les descriptions qui figuraient sur les libellés des jarres, que les hiéropes recopient, sont un autre témoignage de la répartition des fonds publics. Lorsque les hiéropes reçoivent dans la caisse sacrée ou dans la caisse publique des sommes transmises par les trésoriers, elles sont rarement anonymes mais portent presque toutes un libellé qui décrit leur affectation. Cette affectation initiale ne préjuge d’ailleurs pas toujours de l’emploi futur de ces sommes. Le libellé de la jarre no 37, dans la caisse sacrée, en témoigne : la somme qui a été versée remplace les remboursements votés précédemment, probablement parce qu’il s’est avéré possible de rembourser le dieu sur une autre recette que celle qui avait été initialement destinée à cet effet ou bien encore parce que les recettes initialement prévues n’étaient finalement plus disponibles (ID 442, A, l. 26-27 : εἰς ἀπόδοσιν τῶι θεῶι εἰς τὰ ὀφειλόμενα δάνεια παρὰ τεῖ πόλει ἀντὶ τῶν ἀποδόσεων ὧν πρότερον ἐψ[η]φίσατο ὁ δῆμος Χ·, « pour le remboursement au dieu des sommes dues par la cité, à la place des remboursements qu’a votés précédemment le peuple »). L’argent public déposé dans le temple peut donc être de deux types : – d es dépôts de réserve, provenant de soldes créditeurs : reliquats de recettes, affectés pour diverses raisons au trésor sacré (remboursements de prêts, partage des revenus, subventions) ou déposés dans la caisse publique au titre de réserve. Dans ce cas, les libellés correspondent à la provenance du fonds, c’est-à-dire à son affectation initiale lorsqu’il s’agit d’un reliquat ; – des dépôts transitoires, pour lesquels la destination est déjà indiquée dans le libellé. C’est par exemple le cas de la sitônia qui constitue un fonds toujours distinct, des sommes réservées pour la construction du chôma, ou encore des 3 470 dr. « pour les aulètes », remises par les trésoriers aux hiéropes en fin d’année, qui sont destinées à être reversées aux trésoriers de l’année suivante par les nouveaux hiéropes en exercice. 266.
Il paraît donc tout à fait abusif de conclure (Migeotte 2014, p. 674) que la diataxis délienne « n’exigeait aucune répartition des sommes à différents magistrats, puisque les trésoriers étaient les seuls à manier les fonds publics ». Quant au cas du gymnasiarque Pausanias lors de la seconde domination athénienne (Migeotte, idem), il relève d’une situation proprement athénienne qui n’est nullement comparable (voir infra p. 99 au sujet de l’administration financière athénienne du iie s.). 267. Sur les pouvoirs financiers de l’Assemblée, Vial 1984, p. 138-146.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Quant aux fonds « non affectés », leur existence ne traduit pas une négligence de l’Assemblée délienne qui aurait laissé de côté une partie de ses recettes. Elle reflète plutôt la richesse des revenus de la cité, qui parvient, grâce aux emprunts qu’elle s’octroie sur les fonds sacrés, à épargner une partie non négligeable de ses recettes : celles-ci finissent par créer un capital de réserve. Le bon fonctionnement du fonds d’approvisionnement en blé n’était sans doute pas étranger non plus à ces bénéfices. Les inventaires de jarres sont loin d’être complets pour la fin de l’Indépendance, mais les jarres contenant des fonds qualifiés de « non affectés » qui n’ont pas connu de réaffectation immédiate, telles qu’elles apparaissent dans les inscriptions, totalisent déjà dans la caisse publique plus d’un talent avant 171 (6 421 dr. : jarres no 169, 170, 190). En d’autres termes, les inventaires de jarres nous éclairent, pour la caisse publique, sur l’ensemble des revenus de la cité à l’exception du compte courant tenus par les trésoriers. Au contraire, les comptes tenus par les hiéropes pour la caisse sacrée donnent non seulement l’inventaire des avoirs dans les jarres, mais aussi le détail du compte courant qu’ils tenaient eux-mêmes 268.
Le dépôt du temple Les mouvements de fonds de la caisse publique sont en eux-mêmes instructifs. Certaines jarres étaient employées rapidement mais d’autres sont restées de longues années dans le temple d’Apollon : ainsi des versements effectués en 188 sont toujours dans la caisse publique en 175 (jarre no 133) et d’autres versements de 179 dans la caisse sacrée sont toujours présents en 169 (jarre no 29). Le trésor public accumule donc des réserves affectées à un poste budgétaire par la diataxis, que viennent grossir des fonds qualifiés de « non affectés », qui n’ont pas encore été répartis lors de la diataxis annuelle mais pourront être utilisés dans les années suivantes. L’existence d’une réserve de revenus publics était nécessaire en particulier au fonctionnement de la sitônia pour combler d’éventuels déficits, alors que les revenus publics de l’année étaient régulièrement affectés au remboursement d’emprunts à la caisse sacrée. Un fonds est particulier : il a été « affecté pour les héritiers de Sôsimachos » (jarre no 129) et est transmis « hors de la caisse ». Il n’appartient donc pas au trésor public. Il pouvait s’agir d’un dépôt privé confié pour un temps au temple. Certains fonds publics, comme le chorégikon, étaient directement affectés à la caisse sacrée, au iiie s. comme au iie s. D’autres, comme le reliquat des technites, étaient le plus souvent affectés à la caisse sacrée mais sont restés une fois au moins dans la caisse publique : les jarres de la caisse sacrée renferment les reliquats des années 183, 182, 181, 179, 178, 173 et de deux années de peu antérieures à 169 (jarres nos 30, 27, 33, 57, 92, 107, 72 et 74) alors que celui de l’année 180 (jarre no 151) se trouve dans la caisse publique. Mais le salaire des aulètes qui, au iiie s., transitait par la caisse sacrée sous la forme d’un dépôt entre deux exercices, n’apparaît plus que dans la caisse publique à partir des inventaires de jarres (nos 121, 127, 140, 162, 174). Il semble donc que le développement de la caisse publique et de son inventaire annuel sous la responsabilité des hiéropes ait permis de modifier certaines pratiques de dépôt qui étaient en vigueur chez les trésoriers au iiie s. Au début de l’Indépendance, les surplus des revenus publics sont généralement versés dans le trésor d’Apollon, signe également de la symbiose entre la cité et son sanctuaire. Dès lors que la caisse publique dispose de réserves, les verser dans la caisse sacrée s’imposait moins. Le fonds de la sitônia, qui apparaît dans le compte de 209 (ID 362, A, l. 11-12) dans la caisse sacrée tout en étant clairement identifié comme relevant de la sitônia, en 268.
Sur cette distinction, voir chapitre I p. 49.
172
PARASITES DU DIEU
est l’illustration, de même que le fonds réservé au salaire des aulètes : à partir du moment où les hiéropes font également l’inventaire de la caisse publique à côté des jarres de la caisse sacrée, il n’est plus nécessaire de déposer dans la caisse sacrée les fonds qui ne font qu’y transiter. Cela signifie-t-il que la cité de Délos n’avait pas, avant le iie s., son dépôt propre dans l’Artémision ? Il est possible que les recettes aient uniquement transité par les banques en cours d’année et qu’aucune réserve, autre que les sommes versées par la cité dans la caisse sacrée, n’ait existé. Nous n’avons guère d’éléments pour trancher mais on aurait tort de considérer les finances de la cité comme monolithiques : elles ont évolué entre le iiie et le iie s., dans leur nature comme dans leur organisation. Au iiie s., les ressources annuelles de la cité étaient essentiellement le produit des taxes portuaires et commerciales. La cité de Délos ne devait pas posséder de terres publiques, puisque l’ensemble de l’île était sacré et que le sanctuaire en avait développé, autant qu’il était possible, les modes d’exploitation. Les seules possibilités de développement des revenus publics étaient donc du côté du commerce et des bénéfices que la cité pouvait tirer de son système monétaire. Le développement des portiques de l’agora et du port, au iie s. surtout, lui assura des revenus locatifs et il est significatif que les revenus qui servent au remboursement des emprunts, au iie s., ne soient plus le produit des taxes, mais celui des loyers. La cité est manifestement parvenue à dégager des marges bénéficiaires, que la sitônia n’a fait sans doute qu’amplifier. L’énumération des revenus civiques que donne l’Économique du pseudo-Aristote (II, 1, 5 = 1345 b) permet de se rendre compte que la cité de Délos ne pouvait guère compter sur d’autres ressources que celles que nous venons de mentionner 269. Sans doute comptait-elle parmi ses propres citoyens des évergètes, à côté de ses bienfaiteurs étrangers. Le décret IG XI 4, 1049 montre que des cités insulaires venaient emprunter des fonds aux particuliers déliens 270. On ignore si leur générosité s’appliquait aussi à leur cité mais Cl. Vial avait noté qu’elle ne se manifestait guère dans l’île 271. Nous ne voyons pas figurer, dans les jarres, les taxes publiques dont témoignent les remboursements de prêts du iiie s., alors qu’elles sont bel et bien toujours en vigueur. C’est donc que ces revenus passaient au cours de l’année par des banques, qui suffisaient à leur assurer un dépôt entre leur perception et leur affectation à de nouvelles dépenses publiques. Le dépôt en banque des recettes périodiques permettait de les affecter aux dépenses de l’année (fonds des assemblées, fonds affectés à divers magistrats publics) ou de rembourser le sanctuaire lorsque les dépenses avaient été effectuées par un emprunt à la caisse sacrée. Un libellé de jarre de la caisse publique (no 136) décrit précisément le trajet de certaines sommes d’argent : ἐπὶ Ἀπατουρίου Ποσιδεῶνος, ἔθεσαν ταμίαι εἰς τὸ ἱερὸν Ὀρθοκλῆς καὶ Πολύξενος τὸ διαγραφὲν παρὰ βουλῆς τῆς ἐπὶ Ἀπατουρίου, ὃ κατέβαλον ἐπὶ τὸ ἀρχεῖον Πολυβούλωι οἱ ἐγγυηταὶ οἱ Κλεοπάτρας Ἀπατούριος, Χοιρύλος, Ἀριστόβουλος ΗΗΗ· , « Sous l’archontat d’Apatourios [a. 182], somme déposée dans le sanctuaire par les trésoriers Orthoklès et Polyxénos [a. 187] selon l’ordre de paiement du Conseil de l’archontat d’Apatourios [a. 182], 269. Τρίτον δὲ τὴν πολιτικήν. Ταύτης δὲ κρατίστη μὲν πρόσοδος ἡ ἀπὸ τῶν ἰδίων ἐν τῇ χώρᾳ γινομένη. Εἶτα ἡ ἀπὸ
τῶν ἐμπορίων καὶ διαγωγῶν. Εἶτα ἡ ἀπὸ τῶν ἐγκυκλίων. « Dans la troisième espèce d’administration, celle de
la cité, les revenus les plus importants sont ceux que l’on tire des produits propres au territoire, ensuite les impôts sur les ports de commerce et les voies de transit, enfin les revenus des taxes affermées ». Voir à ce propos Chankowski 2007. 270. Voir supra p. 13-17. 271. Vial 1984, p. 382-383 : « Délos, certes, n’ignorait pas l’évergétisme mais il était le fait des étrangers et des rois, non des citoyens ».
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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correspondant au montant versé à Polyboulos dans le bureau administratif par les garants de Kléopatra Apatourios, Choirylos et Aristoboulos, 300 dr. » (ID 442, A, l. 80-81). R. Bogaert a expliqué le sens de διαγράφειν, qui signifie dans ce contexte « donner l’ordre écrit à la banque de payer » 272. En 187, Polyboulos, qui est probablement un bouleute 273, a remis la somme à une banque. En 182, le Conseil a donné l’ordre écrit à la banque de verser cette somme dans le trésor public, sous la responsabilité des trésoriers de 187. Elle a été alors transmise aux hiéropes. Étant donné les emprunts réguliers faits à la caisse sacrée et remboursés sur les revenus publics, le trésor de la cité n’avait guère eu l’occasion d’accumuler des réserves monétaires au iiie s. Parallèlement aux versements dans la caisse sacrée (tableau 35), la thésaurisation avait dû accaparer une partie des bénéfices restés disponibles, comme en témoignent les consécrations de phiales mentionnées dans les actes des archontes. Aucun des fonds de la caisse publique inventoriés par les hiéropes à partir de 192 n’est ancien, contrairement aux jarres de la caisse sacrée. C’est donc à la fin du iiie s., peut-être dès les années 230 puisque c’est à cette date que la caisse publique commence à être mentionnée dans les comptes des hiéropes, que les revenus ont commencé à s’accumuler en quantité suffisante pour justifier un changement dans les pratiques administratives, qui se traduit au début du iie s. par le dépôt de la caisse publique dans le temple d’Apollon et l’inventaire des deux caisses confié aux hiéropes 274. Entretien du sanctuaire
Reliquat de la phiale
± 30 dr.
Fêtes
Bœuf des Apollonia
350 dr. ?20
Subvention pour les concours
100 dr. puis 50 dr. à partir des années 180
Salaire des aulètes des Apollonia
Accumulation régulière de fonds publics dans la caisse sacrée
3 470 dr.
Subvention pour les Thesmophoria
50 dr.
Total des versements pour les fêtes
± 4 000 dr.
Chorégikon Reliquat des technites Horôn Trapezôn
Revenus publics affectés au remboursement de prêts et/ou au versement d’intérêts
Taxes portuaires et commerciales Loyers de l’agora Prytanikon Recettes des assemblées et des euthynai
Tableau 35 — Fonds publics versés régulièrement dans la caisse sacrée.
CONCLUSION : PROPRIÉTÉ PUBLIQUE ET PROPRIÉTÉ SACRÉE À DÉLOS Comme le montrait déjà l’analyse des méthodes comptables des hiéropes, l’étude de la composition de la caisse sacrée et de la caisse publique met clairement en évidence une profonde imbrication entre la fortune de la cité et la fortune du dieu (tableau 36). 272.
Bogaert 1968, p. 50-52 et 138. Sur le rôle du Conseil dans l’exécution des débiteurs, voir Vial 1984, p. 109-110. 274. Sur le passage de l’Artémision au temple d’Apollon, voir supra chapitre I p. 27-31. 273.
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PARASITES DU DIEU
CAISSE SACRÉE
CAISSE PUBLIQUE
Ressources propres
Ressources propres
Fermages
Hiéropes : versement du produit des fermages de Mykonos
Loyers
Trésoriers : versements partiels du produit des loyers horoi et trapezai
Taxes
Trésoriers : remboursements de prêts sur le produit des taxes et des loyers et autres recettes
Loyers : horoi, trapezai, agora
Taxes
Dotations (capitaux de fondation)
Dotations (capitaux de fondation, dôreai)
Amendes Intérêts des prêts Revente
Amendes
Capitaux en réserve
Fonds affectés Hiéropes : Prêts Trésoriers :
Trésoriers : Hiéropes : Trésoriers :
Trésoriers : Trésoriers : Trésoriers :
subvention pour les concours des Apollonia fonds réservé pour le salaire des aulètes des Apollonia
Reliquat des technites des Dionysia chorégikon prytanikon produit de la phiale
Tableau 36 — Organisation des ressources et mouvements de fonds entre les deux caisses.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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Les deux grandes fêtes religieuses de l’île, les Apollonia et les Dionysia, bénéficiaient toutes les deux d’un triple financement, provenant de la caisse sacrée, des revenus publics et des revenus privés des chorèges. Les Thesmophoria étaient financées par les deux caisses, publique et sacrée. Sans compter les ressources publiques qui étaient affectées au remboursement des emprunts, un grand nombre de revenus en provenance du trésor de la cité aboutissait dans la caisse sacrée, qu’il s’agisse de reliquats ou de subventions, parce que l’Assemblée votait cette destination par des lois ou des décrets. L’apport des revenus publics était important car chaque année, c’était plus de 4 000 dr. qui passaient de la caisse de la cité dans celle du sanctuaire. Cet apport permettait essentiellement d’assurer la régularité des cérémonies. D’autres versements s’y ajoutaient qui venaient grossir le trésor sacré. En retour, la caisse sacrée finançait des travaux sur des bâtiments qui ne concernaient pas le téménos : le Théâtre, le pentekostologion, le Portique coudé de l’agora, l’Ekklèsiastèrion. L’imbrication des fonds dans tous les aspects de la vie délienne était bien réelle. Cet enchevêtrement était probablement le résultat de décisions des instances de la cité, qui s’étaient accumulées par strates depuis le début de l’Indépendance, rendant l’édifice complexe. Les Déliens, en tout cas, n’avaient pas démérité par rapport à l’organisation des administrateurs athéniens des ve et ive s., permettant par l’appui de leur seule cité la tenue des fêtes religieuses. Cette organisation pose la question de la définition de la propriété publique et de la propriété sacrée dans la cité délienne, qui semble contrevenir à l’ordre structurel propre à la cité grecque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs commentateurs des comptes déliens ont hésité à admettre ce que les chiffres disent pourtant sans ambiguïté mais qui va à l’encontre de théories anciennes et admises de longue date 275. C’est dans les Wiener Studien de 1888 et de 1889 qu’H. Swoboda a, le premier et à la suite des travaux d’A. Boeckh sur l’administration financière d’Athènes (Die Staatshaushaltung der Athener, 1817), mis clairement en évidence la distinction que faisaient les Grecs entre les hiera chrèmata et les dèmosia chrèmata, dans deux longues études intitulées Über griechische Schatzverwaltung et fondées sur l’analyse de nombreuses inscriptions. Il montrait clairement que le fait que les cités, par l’intermédiaire des assemblées et des conseils, soient chargées du contrôle de l’administration des fonds sacrés ne signifiait pas du tout que ces fonds soient devenus la propriété de la cité. Quand bien même les sanctuaires sont sur le territoire civique, les biens des dieux continuent à appartenir aux dieux. D’autres savants, comme M. I. Finley, ont vu dans cette gestion publique des fonds sacrés une appropriation informelle : « The so-called temple funds were deme funds, of course, and the administrative technique, common in Athens and elsewhere, of handling such moneys through the temple had no special significance, legally or otherwise » 276. On peut finalement résumer l’essentiel des débats à cette opposition entre une vision plus institutionnelle des biens qui met en évidence la notion de propriété sacrée distincte de la propriété publique 277, et une vision davantage centrée sur les pratiques qui insiste sur l’absence 275.
Voir par exemple les réactions de Vial 1984, p. 171 ; Migeotte 2014, p. 656. En ce sens, la présentation que je propose des finances déliennes dans cet ouvrage diffère profondément de celle, toute récente, de L. Migeotte dans Migeotte 2014 : sa vision des finances déliennes est beaucoup trop statique, parce qu’il a cherché à inscrire les différentes données issues des comptes dans des catégories pré-construites, sans tenir compte de la réalité des interactions entre la caisse publique et la caisse sacrée, voire en les refusant comme c’est le cas à propos des balances de comptes communes. 276. Finley 1951, p. 95. 277. Voir par exemple l’analyse de T. Linders à propos des trésors des « autres dieux » dans l’Athènes classique (Linders 1975) ou celle plus récente de N. Papazarkadas sur la terre sacrée en Attique (Papazarkadas 2011) : cf. p. 243, à propos de la propriété des terres sacrées : « it simply lay beyond the public sphere ». Voir sur ce point les critiques de Rousset 2013.
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de formalisme des Grecs, pouvant conduire à une confusion entre le public et le sacré. Plus récemment, L. Migeotte a étudié à travers plusieurs articles la gestion des biens sacrés dans les cités grecques en cherchant à éclairer la question de la propriété des biens sacrés. Il note « un flou qui entourait, chez les Grecs, la notion même de propriété. Dans la pratique, celle-ci existait évidemment à différents niveaux, sacré, public et privé. Mais, comme dans beaucoup d’autres domaines, les Grecs agissaient et s’exprimaient à ce propos sans aucun formalisme et sans se référer à de claires notions de droit » 278. En réalité, le fonctionnement institutionnel des affaires financières, mis en lumière par les comptes des hiéropes, montre avant tout la suprématie de la cité à travers le pouvoir qu’exerce l’Assemblée du peuple sur toutes les affaires financières : le démos est souverain pour toute décision concernant les finances publiques comme la caisse sacrée. Le sacré est à proprement parler encastré dans l’armature institutionnelle de la cité, qui a la charge de la gestion des biens du dieu. À l’intérieur de ce domaine civique existent des propriétaires, qu’il s’agisse de particuliers ou de divinités. Apollon est en quelque sorte personne morale au sens où il est propriétaire des biens de son sanctuaire. Il y a bien là un formalisme juridique, qui fait du dieu un propriétaire, mais absent. Cette propriété sacrée définit ainsi une réserve de richesses protégées, qui peuvent être utilisées par la cité gestionnaire mais qui restent partie intégrante du patrimoine de la divinité. C’est pourquoi le trésor sacré constitue, sous la protection du dieu, une réserve dans laquelle peuvent être versés les excédents : une véritable banque en ce sens, avec des opérations de dépôt (en numéraire comme en offrandes de métal précieux), des opérations de crédit, mais aussi des opérations de placement (fonds d’achat de grain, constructions). Parce qu’elle reste distincte de la propriété publique possédée en commun par tous les citoyens, la propriété sacrée peut devenir une réserve de valeur avec laquelle le domaine public interagit. Mais du point de vue financier, la césure entre le public et le sacré ne consiste pas en une séparation entre deux sphères distinctes : le sacré est une partie de la sphère publique de la cité qui assure la gestion de l’ensemble. Loin d’être un empirisme commode, l’association du public et du sacré à Délos dans la gestion des biens relève au contraire d’une relation qui fut formalisée par les Anciens euxmêmes, bien que nous n’en percevions que quelques bribes. Face aux Athéniens de l’époque classique qui revendiquaient le caractère sacré du territoire délien, justifiant ainsi l’expulsion de la cité et de ses habitants au nom de la purification de l’espace, les Déliens ont toujours opposé l’argument du caractère sacré du peuple qu’ils constituaient, légitimant ainsi leur prétention à être les seuls administrateurs de l’île sacrée d’Apollon. Peu avant les guerres médiques, ils avaient d’ailleurs été reconnus par l’amiral perse Datis comme ἄνδρες ἱροί (Hérodote, VI, 97) 279. Le choix des Déliens de construire une comptabilité qui intégrait les deux caisses en un tout ne relevait donc ni de l’abus de biens sociaux, ni du sacrilège. Il éclaire au contraire une conception du sacré qui n’est probablement pas une exception dans le monde grec, même si la situation délienne en est un aboutissement particulièrement manifeste. D’une certaine manière, la situation délienne définit un paradigme commun à toute cité grecque : la cité a la charge de l’administration des sanctuaires qui se trouvent sur son territoire. Elle cherche, à cet effet, à développer des revenus à partir des biens sacrés, qui permettront de contribuer au financement des dépenses nécessaires à l’entretien des bâtiments et au déroulement des fêtes 280. Aussi exerce-t-elle une responsabilité financière et politique sur les biens sacrés qui 278.
Migeotte 2006, p. 234. Également Migeotte 2014, p. 21 et n. 6, p. 23 et n. 12. Chankowski 2008a, p. 144-145. 280. Voir à ce sujet Dignas 2002 ; Chankowski 2011b. 279.
LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS
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justifie leur appartenance à l’ensemble des affaires civiques 281. En ce sens, la notion de « sacred economy » ou d’« économie du sacré » souvent invoquée dans la bibliographie récente est fausse pour le monde grec, car le sacré ne constitue jamais, du point de vue financier et institutionnel, un domaine dont la gestion serait autonome du fonctionnement de la cité : les biens sacrés sont sous la responsabilité de magistrats civiques et de citoyens 282. La question a été plus souvent abordée sous l’angle de la propriété foncière. Dans une récente monographie, N. Papazarkadas a proposé trois critères de définition de la propriété pour la terre sacrée : la définition de droits ou d’interdits de mise en culture, l’utilisation des revenus pour le culte, l’inaliénabilité de la terre sacrée 283. Sortant du contexte athénien et contestant une définition trop rigide du domaine sacré, D. Rousset met au contraire en lumière, à partir de maints exemples, une relation entre la cité et ses sanctuaires qui s’exprime par la propriété conjointe des biens : les biens des dieux constituent dans de nombreux cas une réserve placée sous la responsabilité de la cité, mais il arrive aussi que la propriété elle-même, comme le montre plusieurs exemples de règlements de fondations, soit commune à la cité et au dieu 284. Le dossier délien s’insère parfaitement dans ce débat et permet d’en préciser certains termes. Comme on l’a vu, la caisse sacrée constitue assurément pour les Déliens une réserve, et ce à plusieurs titres. Ils y puisent abondamment par le crédit, tout en préservant par les remboursements les avoirs du dieu, mais ils y versent également leurs surplus. Les biens d’Apollon sont sous l’entière responsabilité des Déliens et plusieurs documents témoignent de l’assimilation créée dans le langage entre « l’argent des Déliens » et les biens sacrés : vu de l’extérieur, le sanctuaire n’est pas dissociable de la cité, il y est encastré, et ce d’autant plus que les Déliens ont connu de nombreux obstacles au cours de la période classique avant de parvenir à ce résultat. Les destinations financières des sommes qui circulent à un rythme rapide et régulier entre la caisse publique et la caisse sacrée ne sont pas définies en fonction d’un périmètre qui serait celui du sanctuaire ou celui des affaires publiques : les dépenses de construction dans la ville sont souvent assumées sur les fonds de la caisse sacrée, tandis que des recettes de la caisse publique contribuent au financement des grandes fêtes déliennes. Les capitaux de fondation étaient gérés tantôt dans la caisse sacrée, tantôt dans le cadre des finances publiques, et le critère de répartition des responsabilités semble avoir été surtout monétaire avec la définition d’un fonds histiatikon. Mais au-delà de ces interactions profondes, on constate également l’émergence sans doute progressive, au cours de la période, d’une catégorie structurée des dèmosia, les biens publics. L’organisation de la propriété publique est très semblable à celle de la propriété sacrée au point 281.
Dans le même sens qu’à Délos, par exemple, une inscription de Thespies donne comme intitulé d’un inventaire ιερὰ χρέματα Θεσσπιέων, « les biens sacrés des Thespiens » (Platon, Feyel 1938, p. 149-166 ; P. Roesch, Inscriptions de Thespies 38, l. 2-3 : http://www.hisoma.mom.fr/production-scientifique/les-inscriptions-dethespies, consulté le 08/03/2019). 282. Voir les remarques de Rousset 2015. Dignas 2002 envisage les répercussions de cette question sur la situation des sanctuaires d’Asie mineure, dont certains sont issus de traditions orientales différentes et connaissent des évolutions institutionnelles au cours de la période hellénistique, comme c’est le cas pour Labraunda sous la responsabilité de la cité de Mylasa. 283. Papazarkadas 2011. 284. Rousset 2013, p. 113-133 (« a common and indivisible ownership », p. 129) ; Rousset 2015. Tout en souscrivant à l’essentiel des conclusions de l’auteur, il me semble toutefois que la notion juridique de personne morale que représente le dieu et qui justifie l’existence de la propriété est sous-estimée dans cette interprétation (ainsi, les divinités ne sont pas simplement du point de vue juridique des prête-nom pour des lignes de comptes, comme il est suggéré dans Rousset 2015, p. 385). Il en va de même pour la définition juridique du sanctuaire, domaine de la divinité lui-même borné, qui est bel et bien défini dans le cadre de la cité (par ex. Rousset 2015, p. 386 : « “Le sanctuaire” n’a pas d’existence financière ou juridique propre dans le monde des cités grecques »).
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qu’elle semble la copier : des ressources propres constituées par des recettes fiscales et locatives, des capitaux productifs dont les revenus peuvent être affectés à des destinations régulières. La catégorie des dèmosia existe de manière parfaitement visible dès lors qu’une réserve propre se constitue : c’est ce qui se produit au cours du iie s. au plus tard, lorsque des bénéfices abondants commencent à s’accumuler et ne sont plus versés exclusivement dans la caisse sacrée. La commission qui est chargée, à la fin du iiie s., de séparer l’argent chorégikon de l’argent sacré constitue peut-être la première manifestation de cette émergence, qui se traduit aussi dans les pratiques comptables. En donnant aux hiéropes la charge d’inventorier les deux caisses en les additionnant dans la balance de comptes et de gérer les mouvements de fonds incessants entre les deux avoirs, la cité de Délos affirmait bel et bien sa propriété sur l’ensemble : les biens hiéra et les biens dèmosia. En même temps, elle ne s’interdisait pas de développer des fonds propres à la caisse publique, en particulier avec l’élaboration du sitônikon qui dut jouer un rôle déterminant dans l’accumulation de bénéfices. L’explication de cette évolution n’est certainement pas que la cité délienne avait commencé à comprendre les principes de la sécularisation : les Déliens ne cessent, au iie s. comme auparavant, de manifester leur responsabilité à l’égard des deux catégories de biens, hiéra comme dèmosia. Le système des caisses que révèle la documentation délienne est avant tout une grande entreprise financière de profits. La division des avoirs en plusieurs caisses composées ellesmêmes de plusieurs fonds permettait de fractionner les risques et de mesurer la rentabilité des opérations entreprises : ce qui compte, en effet, dans l’organisation que révèlent les comptes des hiéropes, n’est pas tant le chiffre global des bénéfices que sa relation avec les capitaux investis au départ 285. Or les Déliens devaient aussi faire face à l’obsolescence d’une partie des monnaies qui composait l’encaisse, et donc développer d’autant plus de formes de rendement à partir des capitaux disponibles : cette question monétaire fera l’objet du chapitre suivant. Il faut donc se garder d’inscrire les finances déliennes dans des catégories préconstruites : l’économique et le financier s’invitent avec force dans la documentation délienne et nous rappellent que les affaires sacrées, pour les Grecs, étaient très largement des questions d’argent, parce qu’elles engageaient, pour les cités, des questions patrimoniales.
285.
Ce que confirment d’autres théories modernes du management : voir par exemple A. P. Sloan, My Years with General Motors (1963) (trad. fr. Mes années à la Général Motors [1966]), cité dans Ch. Thuderoz, Histoire et sociologie du management. Doctrines, textes, études de cas (2006), p. 105-106.
CHAPITRE IV
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE La documentation délienne présente l’avantage de nous permettre d’associer aux monnaies ellesmêmes le témoignage des inscriptions et plus particulièrement des comptes, qui ont enregistré l’état de la fortune du sanctuaire d’Apollon délien entre le ve s. et le ier s. av. J.-C. Le cas de Délos éclaire la situation monétaire d’une toute petite cité des Cyclades, mais en même temps celle d’un grand sanctuaire cosmopolite devenu, par les travaux de construction qui s’y déroulaient, une grande entreprise de construction, et par l’intensité des mouvements de fonds entre la caisse publique et la caisse sacrée, une banque de crédit non moins considérable, à côté d’un emporion égéen dont l’activité n’a cessé de croître depuis la période classique. Les opérations de prêts sur les fonds de la caisse sacrée bénéficiaient aux Déliens au titre de particuliers et collectivement à la cité de Délos qui profitait d’un crédit quasiment gratuit et permanent. Pourtant, comme nous l’avons déjà constaté en examinant la composition de la caisse sacrée, la nature du numéraire présent dans le trésor s’était modifiée au cours des siècles. L’un des problèmes majeurs auxquels devait faire face la communauté des Déliens était la question du recyclage de l’argent. Contrairement à Athènes, Délos n’était pas une puissance militaire capable d’imposer au monde égéen sa politique monétaire. C’était une communauté civique se définissant comme sacrée et politiquement neutre, au service de la gestion de son sanctuaire. Même si la cité de Délos disposait d’une force financière et d’un poids économique très importants en raison des fonds monétaires dont elle disposait, il est caractéristique que son propre monnayage n’ait jamais constitué pour elle un moyen de s’imposer dans le monde égéen. Une telle politique ne pouvait manifestement se passer de la force militaire. Les Déliens ont donc préféré utiliser les numéraires existant, au fil des différentes dominations qui se sont construites en Méditerranée, en s’efforçant de conserver une encaisse diversifiée et utilisable dans les paiements. Dans ces circonstances, une grande partie du trésor d’Apollon, comme nous l’avons supposé à partir de l’organisation des jarres de la caisse sacrée, était constituée de monnaies qui étaient devenues obsolètes au début du iie s., probablement des chouettes athéniennes principalement. Cette situation imposait aux Déliens de faire d’autant plus fructifier les avoirs utilisables, et ils n’ont probablement pas manqué d’inventivité pour y parvenir dans l’amélioration de leurs méthodes administratives et comptables : la constitution de fonds spécifiques dans la
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caisse publique, comme le sitônikon, en témoigne. Les Déliens auraient pu, comme l’ont fait d’autres grandes puissances financières de Méditerranée orientale, fondre les espèces présentes dans l’encaisse d’Apollon pour en tirer un nouveau monnayage au nom de leur cité. S’ils ne l’ont pas fait, c’est que cette solution ne présentait aucun intérêt dans le contexte politique et économique qui était le leur aux iiie et au iie s., car elle aurait compromis l’intensité et la continuité des échanges qui faisaient la prospérité de l’île. Il existait donc une sorte d’inadéquation, en termes de rationalité économique, entre le modèle de « cité sacrée » défendu par les Déliens sous la forme d’une communauté protégée par sa neutralité mais dépourvue de puissance politique et militaire, et la réalité de la circulation du numéraire de l’époque hellénistique qui nécessitait de mettre à jour leur encaisse avec des moyens de pression dont les Déliens étaient dépourvus. C’est à cette contrainte que les Déliens se sont efforcés de répondre dans la plupart de leurs décisions monétaires. Inversement, la seconde domination athénienne, qui s’accompagne des émissions du monnayage stéphanéphore, revient à des schémas antérieurs dans lesquels Athènes — cette fois avec l’aide d’autres puissances militaires — a la capacité d’imposer son propre monnayage. Auparavant, d’autres modèles de domination ont été envisagés sans perdurer dans les Cyclades autour de la puissance financière du sanctuaire d’Apollon : dès la fin du ive s., l’organisation de la Confédération des Nèsiotes par les Antigonides, puis l’influence lagide dans les Cyclades, et enfin le regain d’intérêt des Antigonides dans les îles à la fin du iiie s, suivi par l’influence rhodienne au début du iie s., disent assez l’importance des enjeux de pouvoir dans cette région 1. Le rôle de Ténos dans le koinon des Nèsiotes au iie s. sous le patronage rhodien se développe comme une sorte de concurrence au statut de l’île d’Apollon : siège du koinon, bénéficiant de l’asylie pour l’île et son sanctuaire, lieu d’implantation de banques, elle a pu espérer jouer un rôle central dans l’organisation insulaire. Mais jusqu’en 167, la neutralité délienne était parvenue, tant bien que mal, à s’imposer : Tite-Live souligne que les flottes ennemies romaine, attalide et macédonienne qui se trouvaient dans les eaux de Délos en 168 respectaient l’inviolabilité de l’île sacrée (XLIV, 29 : sanctitas templi insulaeque inuiolatos praestabat omnes). La question se pose donc de savoir comment s’organise l’usage des différents monnayages qui constituent l’encaisse délienne. À partir des textes épigraphiques qui contiennent des inventaires de monnaies ou des mentions de numéraire, à partir aussi des monnaies de fouilles et des trésors découverts sur le site, il est possible de mettre en évidence plusieurs aspects de la circulation monétaire, en particulier la diversité des étalons monétaires en usage aux iiie et iie s., et de proposer une chronologie des émissions monétaires déliennes. Inscriptions et monnaies peuvent être, bien souvent, analysées conjointement et rendent compte du contexte monétaire méditerranéen dans lequel la cité de Délos avait à prendre des décisions concernant ses propres finances et celles du sanctuaire.
LES HIÉROPES MANIEURS D’ARGENT : RECYCLAGE MONÉTAIRE DANS LA CAISSE SACRÉE Tout le bilan financier des hiéropes était rédigé en étalon attique, ce qui devait signifier, en amont, de multiples opérations de conversions et d’équivalences comptables εἰς ἀλεξανδρείου λόγον, selon l’étalon attique ou d’Alexandre 2. Tout en conservant cette unité de compte, les hiéropes ont vu se créer un décalage de plus en plus grand entre leur étalon comptable et la 1. 2.
Burasélis 1982, p. 39-45 ; Étienne 1990, p. 89-124 ; Fraser, Bean 1954. Tréheux 1992.
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réalité des espèces qu’ils maniaient. L’analyse de la composition du trésor d’Apollon et de la caisse publique au début du iie s. nous a permis de constater qu’il existait plusieurs masses en numéraire que les hiéropes avaient fini par distinguer du reste des jarres : le fonds ancien, d’une part, l’argent histiatikon des capitaux de fondation, d’autre part, mais sans doute d’autres fonds monétaires également, comme le chorégikon qu’il a fallu distinguer du reste de l’encaisse à la fin du iiie s. S’y ajoute au iie s. dans la caisse publique le fonds du sitônikon réservé aux achats de blé, pour lequel la composition en numéraire était aussi un enjeu 3.
Les modifications du numéraire de l’encaisse Un objectif important de la gestion de la caisse sacrée par les hiéropes durant la période de l’Indépendance était d’assurer à la cité de Délos une réserve de crédit permanent. Parallèlement à la gestion relative au bon fonctionnement du sanctuaire — entretien des bâtiments et constructions nouvelles, organisation des fêtes religieuses, achat des fournitures —, les administrateurs reçoivent de la cité des ordres de prêt sur les fonds sacrés. La cité procède ainsi à de très nombreux emprunts qu’elle rembourse, le plus souvent sur des échéances brèves. Les fonds empruntés servent à des achats de grain au prix de gros, à des dépenses honorifiques destinées à assurer la neutralité délienne, aux grands travaux portuaires. Mais la cité de Délos fait assumer à la caisse sacrée la construction, l’entretien et les transformations de bâtiments publics, tels le Théâtre au iiie s. 4 ou encore l’Ekklésiastérion entre 231 et 189 5. Les Déliens au titre de particuliers entendent également bénéficier des possibilités de crédit qu’offre la caisse sacrée. Cette disponibilité des fonds sacrés apportait évidemment aux Déliens, tant à titre privé qu’à titre collectif, des facilités considérables sur les marchés. Dans quelle mesure la caisse sacrée risquait-elle d’être confrontée à un épuisement de ses capitaux propres aux échanges méditerranéens ? Ce problème financier est à la fois d’ordre administratif et d’ordre monétaire. En effet, les administrateurs devaient veiller à ce que des bénéfices viennent combler les dépenses, mais ils devaient également être attentifs aux stocks métalliques de leurs encaisses, dans un contexte d’échanges où plusieurs monnayages avaient cours. Or l’encaisse métallique du sanctuaire, composée à la fin du ive s. de bonne monnaie attique, était amenée à se disperser au fur et à mesure que la cité de Délos empruntait, en particulier pour ses achats de grain, de même qu’au cours des paiements de chantiers de construction. Le problème des espèces monétaires pouvait être crucial dans ce domaine, comme le montre par exemple le cas des sitônai de la Confédération des Nèsiotes, venus négocier sur la place de commerce délienne une cargaison de grain, vers 194-192, et aidés par le banquier Timôn de Syracuse, qui accepta de changer leur monnaie à des conditions favorables (IG XII 5, 817) 6. Au fil des dépenses, la monnaie qui constituait l’encaisse du sanctuaire était soumise à un recyclage permanent, dès lors que la cité délienne ne pouvait pas reconstituer par des frappes monétaires les stocks de bonne monnaie, comme Athènes ou Rhodes auraient pu le faire. Les rentrées d’argent, par la fiscalité ou par les fermages et locations, mais aussi lors des remboursements de prêts, modifiaient la composition de la caisse en faisant entrer, à la place des espèces d’étalon attique, d’autres numéraires en circulation. La cité de Délos devait jouer sur cette variété d’étalons pour organiser ses paiements selon les circonstances. Lorsqu’elle achetait du grain au prix de gros par la sitônia — avec des capitaux prêtés par le sanctuaire, puis plus tard avec un fonds spécifique —, elle avait besoin de monnaies 3. Voir 4. 5. 6.
supra chapitre III. Fraisse, Moretti 2007, p. 155-214. ID 372 A, l. 142-144 ; 400, l. 32-36 ; 402, l. 2-6 ; 403, l. 25-27. Bresson 2001 et Bresson 2014, en réponse aux objections de Étienne 2011, p. 14-22 ; Chankowski 2014a.
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dont la valeur était acceptée sur les marchés égéens, très probablement des alexandres. Lorsqu’elle revendait ce blé aux Déliens sur l’agora, elle risquait fort de rassembler des paiements en monnaie délienne, alors qu’elle allait avoir besoin de monnaie internationale pour refaire circuler le fonds d’achat. Si elle échangeait auprès des banques ces monnaies déliennes contre de l’argent d’étalon attique au moment de rembourser le sanctuaire, elle perdait son propre stock métallique et se trouvait confrontée à une fuite de métal qu’elle ne pouvait assumer. Elle devait donc conserver les alexandres de la caisse publique et de la caisse sacrée pour des paiements spécifiques, comme le fonds d’achat de blé. On ne peut donc pas exclure que la cité ait remboursé certains de ses emprunts au sanctuaire en monnaies non attiques et en particulier déliennes, par équivalences comptables, d’autant plus que le produit des taxes et des loyers, qui constituait ses ressources régulières pour les remboursements, devait être lui aussi versé en numéraire local. La constitution d’un fonds dans la caisse publique, destiné en propre à la sitônia, avait peut-être aussi pour but de répondre à cette difficulté liée à la nature du numéraire et à la nécessité de préserver non seulement le capital mais aussi sa composition monétaire sans mêler l’ensemble de la caisse sacrée à cette difficulté. Le rôle des banques, dans ces opérations, mérite également d’être précisé. La tenue des comptes des hiéropes en étalon attique tout au long de l’Indépendance a occulté cette réalité, que d’autres sources permettent d’éclairer.
Le témoignage des inventaires de la seconde domination athénienne Les méthodes des administrateurs athéniens D’autres indications permettent de préciser la composition de l’encaisse et font apparaître la variété d’étalons monétaires présents dans le trésor d’Apollon. Au moment de leur reprise en main de l’île à partir de 167, les Athéniens ont procédé à une sorte d’audit des biens sacrés 7. Outre les offrandes présentes dans les différents édifices, ils ont tout particulièrement inventorié le contenu des caisses du sanctuaire 8. L’inventaire de ces monnaies, qui se trouvaient dans le temple d’Apollon à l’arrivée des administrateurs athéniens en 167, est donné de façon incomplète par l’acte daté de l’année de l’archonte Phaidrias (ID 1432, Bb, col. I et Ba, col. II, année 153/2). Ses lacunes peuvent être en partie comblées par d’autres fragments d’inventaires, qui montrent que le trésor reste intangible, du premier inventaire vers 160 jusqu’au dernier vers 140 (Annexe 3) 9. Il s’agit donc du même argent que celui qu’inventoriaient les hiéropes avec les inventaires de jarres. Le même terme de stamnoi est employé pour désigner les contenants. Les administrateurs athéniens leur ont ajouté des numéros sous forme de lettres, ce dont les inventaires des hiéropes ne font jamais état car ils ne mentionnaient que les libellés des banques : cette indication de provenance permettait en effet de rattacher directement les différentes sommes du trésor aux registres des banquiers 10. Elle n’a plus d’intérêt dès lors que ces fonds ne circulent plus, sous 7. Voir supra chapitre II p. 99-101. Roussel 1916, p. 121, sur la commission des Aréopagites chargée d’inventorier
les offrandes déliennes. Ce dossier est analysé par Robert 1951, p. 122-133 et 143-178, pour l’identification des monnaies ; Roussel 1916, p. 168-173 ; Tréheux 1991a ; Chankowski 2011a et Chankowski 2014a. 9. ID 1409, Aa, col II, l. 110-129 et Bb, col. I, l. 1-6 : début de la liste des jarres (vers 160) ; ID 1421, Aa, col. I : fin de la liste des jarres (vers 156/5) ; ID 1429, B, col. II : début de la liste des jarres (vers 150) ; ID 1430, g et ID 1439, Bbc, col. II : quelques bribes d’une liste de jarres ; ID 1432, Bb, col. I et Ba col. II : liste la plus complète des jarres de A à ZZZZ (année 153/2) ; ID 1443, B, col. I, l. 1-40 : liste fragmentaire de jarres ; ID 1449, Ba, col. I, l. 24-115 : partie de liste de jarres ; ID 1450, B : début d’une liste de jarres (années 140-139). 10. Voir supra chapitre I p. 42-45. 8.
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l’administration athénienne. L’inventaire ID 1432 n’est pas complet puisqu’il manque la partie inférieure du fragment qui contient la liste des jarres, mais celle-ci atteint déjà le numéro ZZZZ (78), ce qui montre qu’il y avait certainement plus de 80 jarres d’argent monnayé (Annexe 3 -Inventaire des jarres par les administrateurs athéniens). Or la stèle quasi complète du compte ID 442 permet de constater qu’en 179, la caisse sacrée comportait 44 jarres et la caisse publique 37 jarres, soit 81 jarres en tout dans le temple d’Apollon. Les données sont donc concordantes. L’organisation de la rédaction de l’inventaire athénien permet même de reconstituer la manière dont ont procédé les administrateurs athéniens, qui est à l’opposé de celle des hiéropes : les Athéniens ont manifestement commencé leur inventaire et leur numérotation par les jarres qui étaient les plus facilement accessibles dans les caisses, et qui constituaient donc les dernières entrées des hiéropes 11. En effet, les premières jarres de l’inventaire athénien contiennent des sommes importantes alors que les dernières ne présentent souvent que des reliquats de faible importance. Les dernières jarres inventoriées par les Athéniens sont donc en réalité les plus anciennes dans l’encaisse des hiéropes, puisqu’elles avaient déjà été utilisées. De plus, seules cinq jarres parmi les premières séries contiennent de l’argent nommé phoinikophore, qui correspond à la toute dernière émission monétaire délienne, dans les années 170. Au contraire, les hiéropes tenaient leur inventaire selon un ordre chronologique qui présentait d’abord les premières jarres du fonds ancien, puis les reliquats du iiie s. et enfin l’encaisse récente 12. Pourtant, aucun des montants conservés dans l’inventaire athénien ne correspond exactement aux montants indiqués dans les inventaires déliens. Des similitudes peuvent apparaître, comme les montants de 40 dr. qui font penser au revenu des horoi ou le montant de la première jarre (A) constitué de drachmes phoinikophores qui présente presque le même résultat en finale que la jarre 115 des hiéropes (… 5 978 et 5 968 : voir Annexes 2 et 3), mais aucune concordance exacte ne se laisse percevoir. Même en tenant compte de l’écart créé par deux années d’utilisation par les hiéropes entre le dernier inventaire et la transmission aux Athéniens, il faut supposer que les administrateurs athéniens avaient procédé à quelques réassemblages, probablement en fonction du numéraire, en fusionnant le contenu de jarres de la même monnaie, tout en laissant parfois subsister dans un même lot quelques espèces différentes. Cet ensemble de monnaies constitue ainsi une sorte de gigantesque trésor monétaire virtuel qui nous est connu par l’épigraphie. Il est décrit par les administrateurs athéniens sous l’intitulé καὶ ἀργυρίου τοῦ ὑπάρχοντος ἐν ταῖς κ[ι]βωτοῖς (ID 1429, B, col. II, l. 33), « l’argent qui se trouve dans les caisses », et cette dénomination « d’argent dans les caisses » ne permet pas de savoir s’il s’agit de la seule caisse sacrée ou également de la caisse publique. Mais avec plus de 80 jarres, tandis que la caisse sacrée n’en possédait que 44 en 179, il est bien probable que l’inventaire athénien comporte à la fois les jarres de la caisse sacrée et celles de la caisse publique, appropriation que légitimait la décision romaine de suppression de la cité de Délos. En revanche, il est frappant de constater qu’aucune monnaie d’étalon attique ou d’étalon d’Alexandre n’y figure. Or le fonds ancien de l’Indépendance, comme nous l’avons supposé à propos des premières jarres immobilisées, devait être constitué d’argent attique devenu obsolète. D’autres jarres récentes devaient comporter des monnaies d’Alexandre qui étaient nécessaires sur le marché du blé. Toutes ces monnaies d’étalon attique ont donc dû être retirées du trésor par les administrateurs athéniens, en vue d’une autre utilisation, comme l’avait supposé J. Tréheux 13. 11. Voir
supra chapitre I p. 33-34 sur les implications de ce constat sur l’organisation matérielle du trésor. supra chapitre III p. 146 et tableau 30 sur la composition de la caisse sacrée. 13. Tréheux 1991a, p. 351. 12. Voir
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Or nous avons peut-être une trace explicite de cette opération de sélection dans l’intitulé fragmentaire de deux actes des administrateurs athéniens, en 153/2 et en 140/39 : ils précisent qu’ils ont reçu à leur entrée en charge un série de biens d’Apollon, probablement « avec les offrandes qui se trouvaient précédemment dans le temple d’Apollon et de l’argent sélectionné frappé avant le monnayage du stéphanéphore » ([τάδε παρελάβομεν? σὺν τοῖς? — —]έροις τοῖς ἐν τῶι τοῦ Ἀπόλλωνος ναῶι καὶ ἀργυρίωι λογαίωι τῶι πρότερον κοπέντι [τ]οῦ στεφανηφόρου ὃ παρελάβομεν ἐν τῶι το[ῦ Ἀπόλλωνος ναῶι? —, ID 1450, A, l. 6 ; également ID 1432, A, col. I, a, l. 10-11). Cet argent λογαῖον, « choisi » ou « sélectionné » (du verbe λέγω), pourrait être l’argent athénien d’époque classique, retiré de l’encaisse du temple, qui elle, est inventoriée plus loin à la suite des offrandes. En effet, dans un autre passage d’un inventaire, les administrateurs athéniens décrivent avec la même formule l’argent qu’ils appellent « glaukophore » (ID 1429, B, col. II, l. 22-23 : τέτραχμα ἀττικὰ γλαυκοφόρα τῶν πρότ[ε]ρον κοπέντων τοῦ στεφανηφόρου, « des tétradrachmes attiques glaukophores frappées avant le monnayage du stéphanéphore ») 14. Contrairement à ces mentions de fonds de monnaie athénienne ancienne, la liste des jarres établie par les administrateurs athéniens prend place à la suite de l’inventaire des offrandes et s’inscrit toujours dans les deux colonnes des inventaires. On comprend donc que, désormais, ces monnaies font partie d’un fonds thésaurisé, conservé dans le temple au même titre que les offrandes. Au contraire, l’un des actes administratifs athéniens établit une nette différence, dans l’organisation du texte gravé sur la pierre, entre l’inventaire et le compte : l’acte ID 1408, entre 163/2 et 162/1, présente un inventaire de plusieurs édifices, gravé en deux colonnes, puis sur toute la largeur du marbre (A, l. 35-50), le compte des intérêts et remboursements de prêts. En raison des lacunes des textes, il est difficile de connaître la somme totale inventoriée par les Athéniens. Les passages conservés enregistrent une somme totale de 78 438 dr., soit 13 talents. Cette somme est bien en dessous du montant total des avoirs de la fin de l’Indépendance (caisse publique et caisse sacrée), comme le montrent les balances de comptes des hiéropes 15, mais elle ne correspond pas non plus à la totalité de l’encaisse inventoriée par les Athéniens puisque plusieurs montants sont incomplets et que l’on ignore quel était le nombre total des jarres faute d’avoir conservé la fin de l’inventaire.
La nature des espèces inventoriées Quelles sont ces monnaies inventoriées par les administrateurs athéniens ? Les inventaires permettent d’obtenir la répartition suivante 16 (tableau 37) : histiaiikon
58,92 %
46 221 dr.
7,7 talents
taurophores
15,30 %
11 997 dr.
2 talents
phoinikophores
14,25 %
11 190 dr.
1,8 talent
14.
Au contraire, après l’arrêt des émissions de chouettes athéniennes en 295, le monnayage d’Athènes semble avoir été très modeste : Kroll 1993, p. 10-13 ; Nicolet-Pierre, Kroll 1990. 15. Diverses autres estimations erronées du total inventorié par les Athéniens ont été proposées : entre 100 000 et 130 000 dr. attiques selon Roussel 1916, p. 171 ; 80 000 dr. selon Bogaert 1968, p. 167-169. Je corrige ici à la marge, à partir du tableau qui figure en Annexe 3, les chiffres donnés dans Chankowski 2014a, p. 537 et Chankowski 2011a, p. 382. 16. Les calculs ont été établis à partir de l’inventaire ID 1432. Aucun des chiffres des totaux donnés par les différents commentateurs n’est absolument exact (Roussel 1916, p. 169 repris par Robert 1951, p. 147-156, et par Bresson 1993, p. 143 ; Bogaert 1968, p. 167-169 ; Giovannini 1978, p. 61-62).
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
rhodion
9,25 %
7 258 dr.
1,2 talent
17
2,25 %
1 777 dr.
0,3 talent
autres
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Tableau 37 — Répartition des monnaies inventoriées par les administrateurs athéniens.
17
Le trésor était principalement composé de quatre espèces : – des monnaies déliennes L’argent phoinikophore fait directement référence à l’effigie du palmier qui figure sur les monnaies déliennes de la seconde série des émissions monétaires de la cité 18. – des monnaies érétriennes Les monnaies taurophores « nouvelles » sont des émissions érétriennes d’étalon attique, frappées en tétradrachmes, octoboles et tétroboles 19. – des monnaies rhodiennes L’argent appelé « rhodien » par les Athéniens avait la même dénomination, comme on le verra, dans les comptes des hiéropes durant la première moitié du iie s. Celle-ci fait référence aux drachmes rhodiennes légères, frappées à 2,80 g environ. Une telle catégorie semble, au premier abord, correspondre davantage à la définition d’un groupe monétaire qu’à une stricte provenance car on sait que de nombreuses imitations ont circulé en Égée avec les paiements aux mercenaires, principalement après la Paix d’Apamée 20. Toutefois, ces imitations ayant souvent un poids inférieur aux drachmes rhodiennes légères, il est plausible que les administrateurs n’aient pas confondu les deux catégories, mais faute de possibilités de le vérifier avec des monnaies conservées, il est difficile d’en avoir la certitude 21. Quant à l’argent plinthophore qui fait suite à ces drachmes légères, il est connu des hiéropes déliens qui le mentionnent une fois dans un inventaire 22 mais on le voit surtout apparaître dans les trésors à Délos au ier s. Il paraît donc raisonnable de considérer qu’à cette date, dans la caisse sacrée, le rhodion ne fait pas référence aux plinthophores mais à des monnaies d’étalon rhodien correspondant aux drachmes légères à 2,80 g environ. – des monnaies histiéennes La monnaie d’Histiée domine cet ensemble de façon impressionnante, bien que les comptes des hiéropes de l’Indépendance n’en fassent pas explicitement mention. À la fin d’un inventaire d’offrandes, en 169 (ID 461, Bb, l. 49), les hiéropes mentionnent quelques monnaies, qui ne sont pas enregistrées dans l’encaisse mais parmi les objets thésaurisés : νόμους ἑπτά ῥόδιαι δύο παλαιαί· πλινθοφόρος μία ἱστιαιικόν·, « sept sesterces, deux rhodiennes anciennes, une plinthophore, un histiaiikon ». Comme pour les monnaies rhodiennes, les frappes d’imitations lors de la troisième guerre de Macédoine ont contribué à la diffusion de ce monnayage 23. Au cours du iiie s., la cité 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23.
Euboïkon, deniers romains, espèces diverses, numéraires non renseignés en raison des lacunes. Robert 1951, p. 143-178 ; Robert 1962, p. 18-24. Picard 1979, p. 198-202. Ashton 2001 ; Bresson 1993, p. 119-169 ; Bresson 1996. Voir à ce sujet la critique de Ashton 2001, p. 95, n. 78, qui conteste que rhodion puisse regrouper à la fois les monnaies rhodiennes et les imitations comme le proposent Bresson 1993, p. 146, et Chankowski 1997b. L’inventaire de 169 (ID 461, Bb, l. 49) mentionne une plinthophore à côté de monnaies rhodiennes qualifiées d’« anciennes » et d’une monnaie d’Histiée : ῥόδιαι δύο παλαιαί· πλινθοφόρος μία. Robert 1951, p. 179-216 ; Robert 1960 (Hellenica XI-XII), p. 63 ; Robert 1967, p. 37 ; Marek 1977 ; Giovannini 1978, p. 34-35 ; Picard 1979, p. 315-325, 327-331 et 343 ; Crawford 1985, p. 345 app. M ; Bresson 1993, p. 145.
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d’Histiée reste le plus souvent dans l’orbite du royaume antigonide à l’exception d’une courte période d’indépendance eubéenne entre 271 et 261. Elle constitue une base pour les troupes macédoniennes lors de la première guerre de Macédoine (214-205). À ce titre, la cité fut assiégée à deux reprises par les troupes romaines et attalides. Au iie s., elle soutient la Ligue Étolienne, puis sert de base navale à Rome au cours de la troisième guerre de Macédoine (171168) 24. Abandonnant les émissions d’octoboles et de drachmes qui caractérisent le monnayage d’Histiée jusqu’à la fin du ive s., les ateliers monétaires entreprennent, à partir du début du iiie s. et au cours des iiie-iie s., des émissions monétaires de tétroboles d’environ 2 g dont le volume trahit l’emprise militaire antigonide, puis romaine afin de financer les armées dans les guerres macédoniennes et étoliennes 25. L’inventaire signale d’autres séries monétaires erratiques dans les jarres : – l’une des jarres (HHH) contient des drachmes de diverses origines (παντοδαποῦ δραχμάς) ; – l’argent euboïkon (jarre BB) désigne un monnayage frappé au nom de la confédération eubéenne. Au iie s., reconstituée par Flamininus, ses émissions monétaires ne sont connues que par des bronzes. Mais au iiie s., deux des dernières émissions d’argent de la ligue eubéenne pourraient correspondre au monnayage euboïkon de la caisse délienne : les drachmes à la tête de satyre (environ 3,70 g), vers 289 ou 279, peut-être émises par Érétrie, ou les drachmes au dauphin (environ 3,80 g, connues aussi par des subdivisions en hémidrachmes, dioboles, oboles, hémioboles), vers 270-267, émises par les cités eubéennes pour leur défense contre la Macédoine 26. – les tetranoma (jarre ΠΠ) sont des deniers romains 27 ; – les monnaies « cratèrophores » (jarre ΥΥ) sont des drachmes ou des didrachmes de Naxos, frappées entre le iiie et le ier s. 28 ; – les kattitèrina (jarre I) désignent des monnaies fourrées, en bronze recouvertes d’argent 29. Ce trésor monétaire inventorié par les administrateurs athéniens peut être comparé avec le produit des troncs enregistré par ces mêmes administrateurs entre les années 155 et 140. En 146-145, le produit des troncs décrit par les Athéniens (ID 1442, B, l. 50-53) donne des tétradrachmes stéphanéphores, des drachmes et hémidrachmes rhodiennes, des monnaies macédoniennes, des bronzes lagides « à l’aigle », des monnaies romaines. D’autres inventaires permettent d’ajouter à la liste des monnaies de Ténos nommées botryophores et des plinthophores rhodiennes 30. Sans être radicalement différent du trésor des caisses déliennes, le contenu des 24. 25.
26. 27. 28. 29. 30.
Mise au point chronologique dans Hoover 2014, p. 440-441. Wallace 1956, p. 27-36 ; Robert 1951, p. 179-216. W. P. Wallace (p. 35 et n. 72) critique la vision de L. Robert qui inscrit dans une continuité les manifestations de la puissance histiéenne, en partant de la liste de proxènes d’Histiée à Delphes de 266/5 (IG XII 9, 207) qui montre un réseau de relations diplomatiques impressionnant : « in short, it is better not to assume any close connection between the conditions (whatever they were) which produced the thirty-one proxenoi of 266/5 and those which produced the numerous tetrobols of the first half of the second century ». Les émissions histiéennes du iie s. se rattachent nettement à une utilisation des ateliers monétaires à des fins militaires, principalement sous domination macédonienne puis romaine. Wallace 1956, p. 27-36 et 103-106 (émissions à la tête de satyre), 107-113 (émissions au dauphin). Robert 1951, p. 159, et Robert 1950a (Hellenica VIII), p. 88, sur les monnaies romaines dans les inventaires de Délos. Robert 1951, p. 160-161 et pl. VII, avec les références citées dans les notes ; Nicolet-Pierre 1999. Robert 1951, p. 164-165. Robert 1951, p. 162-166.
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troncs au milieu du iie s. témoigne déjà de la circulation de nouvelles espèces auprès des populations, tout particulièrement les plinthophores et les stéphanéphores, qui ne semblaient pas faire partie du quotidien des hiéropes manieurs d’argent dans la première moitié du iie s. On a donc bien affaire, avec les inventaires des administrateurs athéniens, à un état arrêté de l’encaisse présente dans le temple d’Apollon à la fin de l’Indépendance. Le classement opéré par les Athéniens est manifestement fonction d’une logique qui tient compte des différents étalons, mais également des rapports de poids entre les monnaies, qui étaient en même temps des rapports comptables. Les administrateurs ont associé, dans une même jarre, certaines espèces. Dans des jarres d’argent d’Histiée, parfois aussi dans des jarres d’argent rhodien, figurent des petites dénominations monétaires déliennes, majoritairement des chalques mais parfois des oboles (jarres Δ et I). Lorsqu’il s’agit d’oboles déliennes, donc d’argent, ces subdivisions sont inclues dans l’addition, et le libellé précise que le total est établi σὺν δηλί[ο]ις δυσὶν ὀβολοῖς (jarre ∆) et non καί qui désigne toujours un ajout supplémentaire dans la jarre. Comme on le verra plus loin, ces associations sont significatives pour la compréhension du monnayage délien. Une jarre contient, avec une majorité d’argent rhodien, 5 ch. déliens et un histiaiikon (jarre Θ). Les monnaies histiéennes et rhodiennes voisinent d’ailleurs de la même façon dans les trésors monétaires, avec des monnaies macédoniennes, dans des proportions variables 31. Une autre jarre additionne de l’histiaiikon avec des cratérophores (jarre YY). Les drachmes déliennes phoinikophores ne pesaient pas le poids d’une monnaie attique, comme on le verra, et les administrateurs athéniens en étaient bien conscients puisqu’ils les ont associées à des rhodiennes et à des histiéennes. Toutefois, pour les déliennes, les administrateurs athéniens n’ont pas précisé de conversion en étalon attique, tout comme pour les monnaies érétriennes qui elles, suivaient l’étalon attique. Au contraire, pour l’argent rhodien ainsi que pour l’argent histiaiikon et euboïkon, les administrateurs précisent systématiquement qu’ils établissent le compte εἰς ἀττικοῦ λόγον parce qu’ils ont procédé à une conversion du total en étalon attique. Cette différence ne s’explique pas par l’existence d’un cours forcé de la monnaie délienne, comme on le verra plus loin : une telle inexactitude de comptabilité n’aurait d’ailleurs pas eu de sens du point de vue des administrateurs athéniens, qui avaient tout intérêt à établir un compte exact en étalon attique. Elle ne s’explique pas non plus par une différence de poids : les monnaies euboïques sont moins loin du poids théorique de la drachme attique que les phoinikophores, et les drachmes rhodiennes pesant environ 2,80 g pouvaient s’aligner sur le poids des tétroboles attiques 32. De plus, comme on vient de le voir, des oboles déliennes ont servi à compléter l’addition dans des jarres de monnaies histiéennes (∆, I), et des monnaies cratérophores (d’environ 3,90 g) pour l’addition d’une jarre d’histiaiikon (ΥΥ) : des équivalences pondérales simples (par exemple trois oboles naxiennes pour un tétrobole histiéen) le permettaient. En définitive, seuls les intitulés des jarres de phoinikophores ne comportent pas la précision εἰς ἀττικοῦ λόγον. Les administrateurs ont-ils omis de préciser qu’il y avait eu conversion en étalon attique ? Ou bien faut-il penser que les Athéniens les auraient simplement comptées sans procéder à une conversion du total en étalon attique ? Il n’est pas impossible que, dans cette réserve thésaurisée, les monnaies déliennes aient béné ficié d’un statut particulier lié au sort de la cité de Délos, alors que les Athéniens établissaient pour les autres une indication de valeur en étalon attique. 31. 32.
Bresson 1993, p. 141. Ashton 2001, p. 93 : « The reduced drachms seem to have passed as tetrobols on the Attic standard, whether or not they were intentionally struck as such, although it is clear from later inscriptions that they continued to be called drachms ».
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Les monnaies maniées par les hiéropes Le témoignage des balances de comptes Ces espèces monétaires écartées par les Athéniens à partir de la seconde domination sont celles que les hiéropes, au iie s., avaient à manier quotidiennement. Si la comptabilité est unifiée, dans la pratique les paiements sont diversifiés. L’encaisse des hiéropes n’a donc rien, dans sa composition, de l’apparente unité de numéraire à laquelle l’usage d’un étalon unique, dans la comptabilité, pourrait faire croire. Ce sont les balances de comptes qui en font état, montrant que les hiéropes sont aussi préoccupés par le classement de leurs monnaies selon différents étalons. La balance de l’année 169 (ID 461, Ab, l. 55-56), bien que partiellement conservée, est reconnaissable au fait qu’elle est gravée en caractères plus gros que le reste du compte. Elle est exprimée comme suit, corrigée par une relecture 33 : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου — — — —]Δ𐅂𐅂𐅂𐅂Τ// καὶ ἀλεξανδρείου ΜΜΜΗ𐅄ΔΔ [ —· παρελάβομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — — ΔΔ ?]𐅂. [κεφαλὴ πάσης ἐξόδου — — — —]Δ𐅂𐅂𐅂𐅂Τ// καὶ ἀλεξανδρείου ΜΧΧΗ𐅄 𐅂𐅂𐅂 —· παρέδομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — —]ΔΔ 𐅂.
Les hiéropes ont reçu à leur entrée en charge une certaine somme (non conservée sur la pierre). Ils rendent compte de son usage (dépenses, recettes, bénéfice) et traduisent sous les termes d’« entrée » et de « sortie » ce bilan qui rend compte des emplois de la totalité de la somme reçue. Mais cette somme, même si elle est calculée en étalon attique, n’est pas pour autant composée d’une encaisse unitaire : les hiéropes ont tenu à préciser qu’elle contenait de l’argent d’Alexandre d’une part et du bronze d’autre part. La formule καὶ ἀλεξανδρείου est difficile à comprendre exactement. La somme exprimée en ἀλεξανδρείου ne peut pas être la conversion monétaire d’une somme comptabilisée dans d’autres espèces : dans ce cas, les hiéropes écrivent toujours εἰς ἀλεξανδρείου λόγον et non ἀλεξανδρείου. De plus, la somme, qui n’est d’ailleurs pas identique à l’entrée et à la sortie, serait ridiculement faible par rapport aux avoirs conservés dans le sanctuaire à la fin de l’Indépendance. Le génitif désigne ici la nature des espèces comptabilisées. Mais s’agit-il d’une transmission hors de la balance de compte, comme le καὶ pourrait le laisser entendre, ou bien s’agit-il d’une somme qui fait partie de la balance de compte et dont les hiéropes donnent le détail dans leur total ? Dans son étude de métrologie, Ch. Doyen propose de restituer dans la lacune ῥοδίου et de voir dans la composition de cette balance de compte la formulation d’une encaisse tripartite, constituée d’argent rhodien, d’argent d’Alexandre et d’argent frappé dans l’étalon du bronze, selon l’interprétation défendue dans son ouvrage. Il suppose de ce fait que le compte aurait été établi dans sa majeure partie selon l’étalon rhodien, tout en respectant une tripartition entre le rhodiou, l’alexandreiou et le chalkou 34. Cette solution n’est pas en adéquation avec les méthodes comptables des hiéropes, qui font de la balance de compte un véritable bilan des 33. 34.
Relecture de Chr. Feyel, commentée dans Chankowski 1997b, p. 360 ; Chankowski 2008a, p. 334. Doyen 2012, p. 80-83 : « Pour notre part, nous suggérons de retrouver en cet étalon lacunaire le [ῥόδιον] en usage l’année précédente, ce qui paraît la restitution la plus logique et la plus économique ; il nous semble par ailleurs exclu que l’expression « καὶ ἀλεξανδρείου tot » puisse servir à préciser le nombre d’alexandres véritables compris dans un lot de monnaies attiques mêlant les poids pleins et les poids réduits — hypothèse naturellement inspirée par l’idée commode, mais fausse, de l’équivalence forcée de la drachme délienne avec la drachme attique » (p. 82, n. 179). Mais voir infra p. 202 sur l’absence de fondement de cette objection.
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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entrées et des sorties à l’équilibre. Malgré les lacunes de l’inscription, l’emploi de caractères plus grands dans la gravure de ces lignes ne laisse aucun doute sur le fait qu’il s’agit bien là de la balance du compte 35. Si ce bilan n’était que le total des espèces maniées classées en différentes catégories monétaires (attique, rhodien, bronze), il serait impossible de construire l’équilibre de la balance. Ce que les hiéropes formulent est donc autre chose : la première partie comporte la balance du compte en étalon attique, selon l’usage habituel, avec un chiffre qui se termine par 14 dr. ¼ ob. et 2 ch. et qui ne varie pas entre les entrées (κεφαλὴ πάσης εἰσόδου) et les sorties (κεφαλὴ πάσης ἐξόδου), « total des entrées, total des sorties ». Puis dans la deuxième partie de la formule, les hiéropes ont apporté une précision qu’ils jugeaient importante sur la composition de l’encaisse en numéraire : καὶ ἀλεξανδρείου, qu’il faut donc comprendre comme « et en particulier en alexandres ». Ils donnent là un chiffre qui est le total des monnaies présentes dans la caisse, selon un étalon qui n’est ici pas différent de leur unité de compte. Or, au cours de l’exercice, en raison des recettes et des dépenses de l’année, la composition de l’encaisse a varié. Des alexandres sont sortis de la caisse (30 175 dr. à l’entrée, 12 178 dr. à la sortie) et ont été remplacés par d’autres monnaies, toujours pour l’équivalent en étalon attique afin de maintenir l’équilibre global des comptes dans la balance. Les mouvements de la sitônia sont certainement en cause dans cette modification de la composition de l’encaisse puisque les achats de blé faisaient sortir de la monnaie reconnue sur le marché, probablement celle d’étalon attique. Les remboursements de prêts faisaient rentrer d’autres numéraires. En effet, la même année, les hiéropes signalent un remboursement de prêt à la suite d’une dépense diplomatique de la cité de Délos. Le versement est réalisé dans un numéraire qui n’est certainement pas attique car ils ont mentionné que le montant est établi εἰς ἀλεξανδρείου λόγον, c’est-à-dire à la suite d’un calcul d’équivalences comptables avec l’étalon d’Alexandre (ID 461, Aa, l. 78 : [ἀργύρι?]ο̣ν εἰ[ς ἀ]λ[ε]ξανδρείου λόγον, τὸ το[ῦ πρ]υτανείου εἰς τὴν ἀπόδοσιν τῶν στεφάνων, « de l’argent compté selon l’étalon d’Alexandre, du prytanée, pour le remboursement des couronnes »). La recette utilisée par la cité de Délos pour rembourser le prêt vient du fonds prytanikon et les hiéropes signalent à d’autres reprises que l’argent prytanikon est compté dans l’encaisse εἰς ἀλεξανδρείου λόγον (ID 461 Aa, l. 49 : εἰς ἀλεξανδρείου λόγον ἀπὸ τοῦ πρυτανείου dans une jarre en provenance d’une banque) 36. La pierre porte à la ligne précédente le signe 𐅄ΔΔ (70 dr.) mais ni les chiffres précédents ni les suivants ne sont conservés si bien qu’on ne peut connaître le montant du prêt. Toutefois la dépense se monte généralement à plus de 1 000 dr. pour des couronnes honorifiques 37. Au contraire, au iiie s., les mentions εἰς ἀλεξανδρείου λόγον dans les comptes des hiéropes étaient réservées aux encaisses en monnaies diverses pour de petites sommes de quelques drachmes (IG XI 2, 161, A, l. 4 : καὶ παντοδαποῦ ἀργυρίου εἰς ἀλεξανδρείου λόγ[ον] δραχμὰς ·𐅃𐅂𐅂𐅂·; IG XI 2, 163, Bd, l. 5 : καὶ ἀργυρίου παντοδαποῦ εἰς ἀλεξα]νδρείου λόγον ·Δ𐅂𐅂· ; IG XI 2, 199, A, l. 3 : καὶ ἀργυρίου παντοδαποῦ εἰς ἀλεξανδρείου λόγον Δ𐅂𐅂𐅂.) 38. Il y a donc bien, au fil du temps, une modification profonde de l’encaisse des hiéropes. L’année précédente, en 170, la balance du compte exprimait de la même manière la diversité des espèces (ID 463, A, l. 10-12) 39: 35. Voir
supra chapitre I p. 45-47. supra chapitre III p. 116 sur la nature de ce fonds. 37. Voir l’exemple des autres prêts dans les tableaux réunis par Bogaert 1968, p. 132-133. 38. En revanche, la formule εἰς ἀττικοῦ λόγον est exclusivement le fait de l’administration athénienne d’après 167. 39. Cf. Chankowski, Feyel 1997 sur le raccord entre ID 463, ID 446 et deux autres fragments ; Chankowski 1997b, p. 367. 36. Voir
190
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[κεφα]λὴ πάσης εἰσ[όδου] — — καὶ ῥοδίου 𐅄𐅂ΙΙΙ· κεφ[αλὴ πάσης ἐξόδου] — — ου ΧΧΧΧ𐅅ΗΗΗ𐅄𐅂 —
Ici, les hiéropes ont tenu à indiquer que l’encaisse contenait 51 dr. et 3 ob. d’argent rhodien. Le bilan des sorties devait donc comporter la même distinction et c’est peut-être le terme ῥοδίου qu’il faut restituer à la l. 12, cette fois pour 4 851 dr. 40. L’inscription est très mutilée et il n’est pas impossible que d’autres catégories monétaires, en particulier l’alexandreiou, aient été mentionnées également. Le bronze est également utilisé par les hiéropes dans les mêmes conditions : il est manifeste que dans les balances comptables, la catégorie du χαλκοῦ reçoit le même traitement que les étalons monétaires 41. L’encaisse en chalkou, comme le ῥοδίου ou l’ἀλεξανδρείου, fait l’objet d’une précision dans les balances de comptes. Celle de l’année 169 précise παρέδομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — —]ΔΔ 𐅂. Comme la formule équivalente dans les entrées est restituée à la ligne précédente ([παρελάβομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — — ΔΔ ?]𐅂.), il est en réalité impossible d’affirmer que le chiffre des entrées du bronze était bien le même que celui des sorties : comme pour l’alexandreiou, cette catégorie de monnaies a pu être utilisée au cours de l’année. Quelques décennies auparavant, vers 200, le compte ID 376 contient la même formule et montre que le bronze a été utilisé au cours de l’exercice (l. 19-20) : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου] ΜΜΜΜ𐅆ΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔ[Δ𐅂𐅂/] [— — — — παρελάβομ]εν [δὲ] καὶ χαλκοῦ 𐅅̣[ΗΗ]Η— [κεφαλὴ πάσης ἐξόδου Μ]ΜΜΜ𐅆ΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅂𐅂/̣ [— — — παρέδομεν δὲ κ]αὶ χαλκοῦ 𐅅̣𐅄Δ𐅂̣ /. vac.
Recevant à l’entrée en charge 800 dr. de bronze et plus, les hiéropes en transmettent seulement 561 dr. et 1 ch. L’équilibre de la balance est néanmoins maintenu : il s’agit donc d’un monnayage très probablement épichorique, pour lequel il est possible de calculer, du point de vue comptable, un rapport à la drachme attique, si bien que le total des entrées est toujours en équilibre avec le total des sorties. Comme en 169 pour la monnaie d’Alexandre, le montant indiqué en alexandreiou, en rhodiou ou en chalkou ne modifie pas le chiffre de la balance : la précision sur le numéraire constituant l’encaisse est indépendante du bilan des entrées et des sorties. Dans le compte de 179, les hiéropes signalent pareillement dans leur protocole de transmission une somme en bronze de 3 733 dr. et 2 ob., reçue puis transmise sans avoir été utilisée (ID 442, A, l. 75 : παρεδώκαμεν δὲ καὶ τὸν χαλκὸν ὃν παρελάβομεν). Dans la balance fragmentaire de ce compte (ID 442, A, l. 255), les petites dénominations conservées permettent de comprendre que les hiéropes ont inclus cette somme de chalkou dans l’addition 42. C’est donc probablement ce qui se produit aussi dans ces trois balances : l’indication de numéraires en alexandreiou, rhodiou et chalkou est une précision supplémentaire sur l’encaisse, parallèlement au calcul de la balance complète. 40.
Doyen 2012, p. 82, n. 178, propose d’y voir plutôt du chalkou eu égard au chiffre indiqué, qui est dans le même ordre de grandeur que d’autres sommes de bronze mentionnées dans les comptes des dernières années de l’Indépendance. 41. Chankowski 1997b, p. 360-361. Les pratiques déliennes trouvent un parallèle dans les documents comptables béotiens : voir infra p. 220. 42. Voir infra chapitre II p. 78.
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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Les modifications de l’encaisse Ces indications sur les stèles de comptes des hiéropes sont le signe que la composition de l’encaisse du sanctuaire intéressait la communauté délienne et que celle-ci était consciente des difficultés causées par les modifications du numéraire. Comme le montre l’inventaire athénien, une grande partie de leur encaisse était composée de monnaies d’Histiée qui avaient manifestement envahi les marchés égéens à la faveur des émissions militaires de la fin du iiie s. et du début du iie s : à titre d’ordre de grandeur, cette somme de plus de 7 talents est équivalente au montant des capitaux de fondation gérés par les hiéropes. Les frappes de tétroboles d’Histiée avaient encore trouvé à la fin du iiie s. et au début du iie s. une nouvelle ampleur à la faveur des émissions militaires sous domination macédonienne puis romaine 43. Ces monnaies, qui étaient en usage sur les marchés, circulaient donc aussi entre la caisse sacrée, la caisse publique, les particuliers et les fournisseurs, par l’intermédiaire des prêts à intérêts et des paiements. Il est manifeste que les stocks de bonne monnaie d’étalon attico-alexandrin s’étaient raréfiés dans l’encaisse délienne au début du iie s. : sur un total des entrées constitué de 350 000 dr. en 168 pour les deux caisses, les quelque 30 000 dr. d’Alexandre signalées dans la balance de 169 au chapitre des entrées (ID 461, Ab, l. 55-56) ne constituent qu’un peu plus de 8 % du total. La part d’alexandres en circulation que les administrateurs athéniens ont pu retirer des caisses déliennes était donc faible. Ce qu’ils ont mis de côté devait surtout être composé de chouettes athéniennes obsolètes, qui composaient l’encaisse du ive s. et que les hiéropes avaient, comme on l’a vu, déjà séparées des autres jarres pour constituer une encaisse d’environ 8 talents de fonds ancien thésaurisé 44. En effet, si l’on tient compte du total estimé dans la caisse sacrée à la fin de l’Indépendance, soit un peu plus de 23 talents, on conclura grosso modo du total de presque 13 talents inventorié par les Athéniens après 167, qu’il doit correspondre d’une part au fonds histiatikon de la caisse sacrée de l’Indépendance, d’un peu plus de 7 talents, d’autre part au fonds en circulation d’environ 6 talents, tous deux constitués de divers numéraires parmi lesquels le rhodien, l’histiéen et le délien devaient être majoritaires. Il y avait encore dans la caisse sacrée à la fin de l’Indépendance 8 talents de fonds ancien thésaurisé qui devait être constitué en grande partie de chouettes attiques : la différence de 10 talents entre les 23 talents de la fin de l’Indépendance et les 13 talents de l’inventaire athénien montre que les administrateurs athéniens n’ont guère pu retirer de la circulation plus de 2 ou 3 talents en alexandres. Le rhodion est faiblement représenté dans les balances de comptes des hiéropes, ce qui correspond aussi aux proportions que donne l’inventaire athénien où la catégorie du rhodion est la moins importante. Mais il faut probablement se garder d’en tirer trop de conclusions sur la situation de la circulation monétaire rhodienne au cours de ces années, car si les hiéropes signalent ces numéraires dans le bilan de leur compte, c’est parce que des quantités importantes ont été utilisées au cours de l’exercice, comme on le voit pour l’alexandreiou en 169 45. 43. Voir
supra p. 185-186 avec les références en note. C’est le monnayage que les Athéniens appellent « glaukophore » et dont on trouve encore trace dans leurs inventaires du temple d’Apollon au milieu du iie s. lorsqu’ils signalent des « tétradrachmes attiques glaukophores frappées avant le monnayage du stéphanéphore » (ID 1429, B, col. II, l. 22-23 : τέτραχμα ἀττικὰ γλαυκοφόρα τῶν πρότ[ε]ρον κοπέντων τοῦ στεφανηφόρου 𐅃Ι·). Voir supra chapitre III p. 140, et plus haut dans ce chapitre p. 184. 45. De ce point de vue, il paraît excessif de se fonder sur la faiblesse de la représentation du monnayage rhodien à Délos pour justifier du change de monnaies par Timôn, comme le fait Bresson 2014, p. 521-522, bien que l’argument d’un change de monnaie rhodienne contre de l’argent attique soit juste. Sur la représentativité des témoignages concernant les monnaies rhodiennes de poids réduit, voir aussi les nuances de Ashton 2001, p. 95. 44.
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PARASITES DU DIEU
L’encaisse en chalkou est plus intrigante, car elle contient des sommes très importantes, jusqu’à 3 733 dr. et 2 ob. dans la transmission du compte de 179 (ID 442, A, l. 53-55). Nous en traiterons plus loin à propos du monnayage délien 46.
Le rôle de la monnaie d’Alexandre L’encaisse des hiéropes reflète bien le paysage monétaire des Cyclades au début du iie s. : l’argent d’Histiée, les monnayages eubéens et la monnaie rhodienne circulent massivement 47. Est-ce à dire, pour autant, que la monnaie d’Alexandre tendait à disparaître des échanges dans cette partie de l’Égée ? Sans doute pas, mais l’administration délienne était manifestement impuissante à maintenir dans l’encaisse du sanctuaire des stocks de cette monnaie. Les banquiers privés, en revanche, continuaient à en disposer. Le décret bien connu de la Confédération des Nèsiotes pour le banquier Timôn de Syracuse (IG XII 5, 817) apporte un autre éclairage sur cette question : au début du iie s., se trouvant à Délos pour un achat de blé en gros au nom de la Confédération, des sitônai traitent avec Timôn, banquier installé à Délos et dont on connaît par ailleurs les affaires avec la caisse du sanctuaire d’Apollon, pour obtenir de la bonne monnaie qui leur permettra de réaliser avantageusement leur transaction. Cette opération de change implique de la monnaie rhodienne et les insulaires, d’après la partie conservée du décret, étaient en négociation au sujet d’un taux de 100 à 105 ([τῶμ] πωλού[ντων τὸν σῖτον ἀντὶ ἑκατ]ὸν δραχμῶν τοῦ Ῥοδίου ἀργυρίου οὐκ [ἔλαττον ἀπαιτούντων] ἑκατὸν καὶ πέντε δραχμῶν, l. 4-6). Les commentateurs de ce décret ont longuement débattu sur la nature des drachmes échangées : argent téniote contre argent rhodien ? drachmes rhodiennes contre drachmes attiques ? A. Bresson a apporté, dans deux articles successifs, deux arguments décisifs pour la compréhension de ce document. D’une part, seule apparaît pertinente une opération de change entre de l’argent rhodien en drachmes légères équivalent à des tétroboles attiques et de l’argent d’étalon attique, pour obtenir un rapport de 100 à 105 comme le dit l’inscription. D’autre part, la négociation des sitônai a été menée non pas directement avec les marchands de blé, mais avec les banquiers de la place délienne, ce qui permet alors de restituer à la place de [τῶμ] πωλού[ντων τὸν σῖτον] la formule [τῶμ] πωλού[ντων ἀργύριον ἀντὶ ἑκατ] ὸν δραχμῶν τοῦ Ῥοδίου ἀργυρίου οὐκ [ἔλαττον ἀπαιτούντων] ἑκατὸν καὶ πέντε δραχμῶν, τῶν τ[ε σιτωνῶν οὐχ ὁμολογούντ]ων, « les vendeurs d’argent, en échange de 100 dr. d’argent rhodien, ne réclamant pas moins de 105 dr., et les commissaires au grain n’étant pas d’accord », l. 4-7) 48. Quant à la faveur obtenue par les insulaires auprès du banquier Timôn, elle engage un autre débat qui est celui de la nature du kollybos et de l’existence d’agio de change 49. L’argent d’étalon d’Alexandre restait donc, dans les achats de blé, la monnaie internationale reconnue sur le marché de l’emporion délien et était aussi, à ce titre, recherchée par les emprunteurs. Les sitônai de la Confédération des Nèsiotes se rendent à Délos avec des monnaies d’étalon rhodien qui constituent leur encaisse pour négocier, dans un premier temps, auprès des banquiers, un change en argent attique, puis, dans un deuxième temps, pour négocier leur achat de blé au prix de gros. 46.
Infra p. 218-221. En dépit des conclusions négatives de Bresson 1993, p. 146-147, sur la faible circulation des monnaies rhodiennes en raison de la proportion écrasante de monnaies d’Histiée. 48. Bresson 2001 et Bresson 2014, avec la bibliographie concernant ce décret. 49. Voir infra p. 229, à propos du rôle des banquiers ; la question de l’agio et du kollybos est traitée avec des conclusions parfois divergentes dans le dossier d’articles rassemblé par F. Burkhalter dans le BCH 138 (2014) : voir en particulier les remarques de Bresson 2014, p. 529-532, et de Chankowski 2014, p. 544-547. 47.
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C’était sans doute également le cas des sitônai déliens dont l’encaisse tirée du sanctuaire ne devait plus, au début du iie s., comporter suffisamment de monnaies d’Alexandre pour se passer de l’intervention des banquiers. Il est bien probable que, de manière progressive au cours du iiie s., l’encaisse du sanctuaire avait perdu ses stocks de monnaie attique par le fait de l’obsolescence d’une partie du stock et par des mouvements de fonds et des transactions. Au début du iiie s., des contrats de prêts d’Arkèsinè d’Amorgos, qui engagent la cité envers des créanciers privés, prévoient explicitement que le remboursement du capital et des intérêts devra se faire « en monnaie attique ou d’Alexandre qui a cours dans la cité à côté de la monnaie attique, intacte, de bon aloi, à l’abri des saisies, franches d’hypothèque, nette de toute déduction » (IG XII 7, 67, B, l. 19-21 : Ἀττικὸν ἢ Ἀλεξάνδρειον νόμισμα ὧι [ἡ] πόλις χρῆται … ὁλοσχερές, δόκιμον, ἄσ[υ]λον, ἀνέπαφον, ἀτελὲς πάντων ; également IG XII 7, 69, l. 20-24) 50. Manifestement, les Déliens n’avaient pas prévu de telles clauses sur la nature du numéraire dans le remboursement des prêts. La revente du blé de la sitônia, de même que le paiement des taxes et des loyers servant au remboursement des prêts à la caisse sacrée, devaient encore contribuer à modifier l’encaisse initiale. La cité délienne ne pouvait pas non plus résoudre les problèmes d’obsolescence du stock monétaire, n’ayant ni l’autorité nécessaire ni l’intérêt de fondre les monnaies anciennes pour les frapper en son nom propre. Sans la remise de l’île aux Athéniens par la volonté de Rome, les Déliens, ayant à traiter cette encaisse diversifiée dans une comptabilité établie selon l’étalon attique, auraient pu être tentés de réformer leur système comptable pour lui préférer comme unité de base une drachme légère à 3,20 g ou à 2,80 g et s’insérer davantage dans la logique de la circulation monétaire rhodienne et histiéenne. S’ils ne l’ont pas fait, c’est d’abord parce que l’étalon d’Alexandre constituait une référence comptable dans le monde grec quelle que fut la réalité des espèces maniées 51. De plus, le paysage monétaire était en perpétuel changement dans la première moitié du iie s. Les hiéropes avaient déjà vu apparaître les drachmes rhodiennes plinthophores à 3 g. Les tétradrachmes athéniennes stéphanéphores à 17,20 g les suivaient, renouvelant les rapports pondéraux. On comprend donc qu’en dépit des profondes modifications de leur environnement monétaire, les Déliens aient conservé l’étalon attique comme unité de compte, car il restait une unité de référence dans les évaluations financières et marchandes. La documentation délienne éclaire ainsi, sur plus d’un siècle et demi, ce qui n’est pratiquement jamais mis en lumière par les sources antiques : le recyclage des espèces monétaires par leur circulation.
LE MONNAYAGE DÉLIEN L’étude des émissions monétaires de la cité de Délos au cours de l’Indépendance permet également d’éclairer la politique monétaire des Déliens et la manière dont la cité a choisi de réagir aux changements du paysage monétaire égéen, de la fin du ive s. au milieu du iie s. Si le monnayage délien est très peu représenté archéologiquement, les textes épigraphiques mettent en revanche en lumière des phénomènes de métrologie qui peuvent constituer une manière plus efficace de comprendre la situation monétaire délienne. Cette documentation ouvre en même temps une précieuse fenêtre d’observation sur la situation monétaire égéenne.
50. 51.
Delamarre 1904 ; Migeotte 1984, p. 168-194. Voir également le bilan dressé par Picard 2010a, p. 165-167, sur les émissions d’alexandres par les cités, en particulier en Asie mineure, et le renouveau des tétradrachmes d’étalon attique après la disparition des alexandres vers 170.
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Le témoignage des monnaies Le monnayage de la cité de Délos est connu par environ 220 petites dénominations de bronze, dont la plupart proviennent des fouilles dans l’île et quelques-unes de collections, mais seule ment une vingtaine d’exemplaires en argent dans les cabinets numismatiques, si l’on se fonde sur la planche de monnaies déliennes constituée par J. Svoronos en 1923 52, complétée par des publications ultérieures. Toutefois, certains des exemplaires signalés par Svoronos dans des cabinets et collections n’ont pu être retrouvés et leurs poids n’ont pu être vérifiés. Aucune de ces monnaies d’argent ne dispose de contexte stratigraphique. En se fondant sur les trouvailles les mieux assurées, l’étude de cet ensemble disparate permet toutefois de définir quelques caractéristiques de ce monnayage d’argent, même si une étude de coins paraît ici peu pertinente. Il est ordonné en deux séries : la première figure au droit la tête d’Apollon et au revers une cithare ; la seconde présente au droit la tête d’Apollon et au revers un palmier. L’appellation de « phoinikophores » présente dans les inventaires athéniens correspond donc à cette série au palmier. Elle représente certainement la dernière série frappée sous l’Indépendance car les monnaies au palmier apparaissent en très faible quantité par rapport aux citharéphores : seuls deux exemplaires au palmier figurent dans les cabinets numismatiques pour l’argent et la conservation des bronzes de ce type présente des proportions d’une faiblesse similaire, ce qui laisse penser qu’elles n’ont guère eu le temps de circuler. Les citharéphores sont donc la première émission monétaire de Délos indépendante : il est erroné de rattacher ces monnaies au ive s., comme on le voit dans plusieurs publications qui les associent parfois à une hypothétique phase de retrait de l’autorité athénienne après la défaite de 405 53. La remise du sanctuaire aux Déliens par l’autorité lacédémonienne fut de très courte durée et n’induisit d’ailleurs aucune rupture avec les milieux athéniens dans les fêtes et dans l’économie 54. Ce n’est donc pas à ce moment-là qu’il faut placer le premier monnayage de Délos après celui de l’époque archaïque, mais bien plutôt dans les premières décennies de l’Indépendance, au début du iiie s. Le monnayage de bronze utilise les mêmes types et les mêmes symboles que le monnayage d’argent, et il existe une continuité entre les deux : c’est un seul et même système monétaire, dont certaines dénominations sont frappées en argent et d’autres en bronze 55. Toutefois, la rareté des exemplaires en argent est frappante au regard de la relativement bonne représentation des monnaies de bronze : la publication de la fouille de l’Îlot des Comédiens témoigne bien de cette rareté 56. Le monnayage de bronze présente lui aussi une organisation en deux types, l’un citharéphore et l’autre phoinikophore. La majorité des exemplaires trouvés dans l’île correspondent à des modules d’une dizaine de millimètres de diamètre et d’un poids d’environ 1 g. Ils présentent une grande diversité dans la configuration des types, en particulier pour la cithare qui est représentée avec de multiples variantes, ainsi que dans l’usage des symboles ajoutés à la cithare au revers : cygne, corne d’abondance et légende ∆-H placée tantôt au pied de la cithare tantôt à mi-hauteur, de part et d’autre du symbole. Cette diversité témoigne de l’importance de ce 52.
Svoronos 1923-1926 (terminé après la mort de l’auteur par B. Pick), pl. 105. Babelon 1914 (II, 3), p. 835 ; en dernier lieu Sheedy 2006, p. 76-85. 54. Chankowski 2008a, p. 168-181 et 215-233. 55. Cette identité des types ne va toutefois pas jusqu’à une identité des coins, comme c’est le cas à Maronée : voir Picard 1989, p. 678. 56. Bruneau et alii 1970, p. 388. 53.
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monnayage dans les usages monétaires locaux, que la cité a dû alimenter à plusieurs reprises. Dans le monnayage phoinikophore, c’est l’effigie d’Artémis qui a été choisie, avec le palmier au revers, pour les subdivisions frappées en bronze. Une série présente une autre variante avec la tête d’Apollon au droit et celle d’Artémis au revers. Le tableau ci-dessous (tableau 38) présente les exemplaires d’argent connus par les catalogues de collections 57. 58
Citharéphores Module A Tête d’Apollon vers la gauche / cithare tétracorde (1) Babelon 1914, p. 835, no 1318 et pl. CCXL, 14. = Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 11. = BnF, départ. des monnaies, Fonds général 188. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde inscrite dans un carré. ∆-H de part et d’autre au pied de la cithare.
Drachme58 3,31 g 15 mm
Module B1 Tête d’Apollon vers la gauche / cithare pentacorde
Triobole
(2) Babelon 1914, p. 835, no 1319 et pl. CCXL, 15. = Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 12. = BnF, départ. des monnaies, Fonds général 189. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare pentacorde encadrée par les lettres ∆-H placées à mi-hauteur.
1,60 g 12 mm
(3) Winterthur 2301 : Bloesch 1987, p. 216 et pl. 102. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare pentacorde encadrée par les lettres ∆-H placées au pied.
1,37 g 11,1 mm
(4) Pozzi 4523 : Boutin 1979. Droit : tête d’Apollon laurée tournée vers la gauche. Revers : Cithare pentacorde inscrite dans un carré.
1,27 g 10 mm
(5) Musée numismatique d’Athènes NM 50/4762. Droit : tête d’Apollon laurée tournée vers la gauche. Revers : Cithare pentacorde inscrite dans un carré.
1,13 g 10 mm
Pour les monnaies de bronze, voir dans l’immédiat les reproductions présentées dans le Guide de Délos 4, p. 152, fig. 38, nos 3 à 7 (Apollon/cithare) et no 8 (Artémis/palmier) ; Destrooper 2001 (fig. 2, no 16-22) ; Liampi 1998, p. 208-293, avec un aperçu sur le monnayage délien p. 224-227; Hoover 2010, p. 117-122. Le corpus des monnaies de Délos doit être publié dans la série EAD ultérieurement. 58. Le choix des subdivisions sera expliqué au fur et à mesure du chapitre. 57.
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PARASITES DU DIEU
Module B2 Tête d’Apollon vers la gauche / cithare tétracorde
Triobole
(6) A. Meadows, R. Williams, SNG XIII. The Collection of the Society of Antiquaries Newcastle upon Tyne (2005), no 395. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde inscrite dans un carré.
1,60 g 10 mm
(7) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 18 (Londres)59. = Head 1911, p. 485. = British Museum 1890,0702.43. Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
1,42 g 10 mm
(8) S. W. Grose, Catalogue of the Mc Clean Collection of Greek Coins, Fitzwilliam Museum. II : The Greek Mainland, the Aegean Islands, Crete (1926), p. 518-519, no 7254 et pl. 245.29. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde (?) encadrée par les lettres ∆-H placées au pied.
1,36 g 10,5 mm
(9) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 14 (collection Roussopoulos). = L. Forber, The Weber Collection II (1924), p. 561 no 4657, pl. 169. Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
1,37 g 11 mm
(10) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 13 (Berlin). Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde inscrite dans un carré.
1,35 g 11 mm
(11) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 17 (Berlin). Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
1,32 g 11 mm
(12) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 15 (Berlin). Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
1,19 g 10 mm
59.
Avec une erreur de poids, indiqué 1,42 g dans le catalogue informatisé du British Museum (1,32 g chez Svonoros mais 21,9 g soit 1,40 g dans Head 1911, p. 485). Dans la planche 105 de Svoronos, le no 19 (Londres – 1,32 g) semble plutôt être un bronze d’après la forme schématique de la cithare que l’on ne trouve pas sous cette forme dans le monnayage d’argent. Le no 24 n’est pas une monnaie de Délos (signalé par B. Pick dans les Errata, p. XIX).
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
(13) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 16 (collection J. Six). Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
1,19 g 10 mm
Module B3 Tête d’Apollon vers la droite / cithare tétracorde (14) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 23 (Vienne). Droit : tête d’Apollon tournée vers la droite. Revers : cithare tétracorde.
Triobole 1,15 g 11 mm
Module C1 Tête d’Apollon vers la gauche / cithare pentacorde, légende ΔΗΛΙΩΝ (15) Babelon 1914, p. 835, no 1320 et pl. CCXL, 16. = Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 21. = BnF, départ. des monnaies, Fonds général 190. Droit : tête d’Apollon laurée, tournée vers la gauche. Revers : cithare pentacorde, entourée par les lettres ΔΗΛ-ΙΩΝ.
Trihèmiobole
0,85 g 11 mm
Module C2 Tête d’Apollon vers la gauche / cithare pentacorde (16) E. Tsourti, M. D. Trifiró, SNG Greece 5. The A. G. Soutzos Collection (2007), no 1224. Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare pentacorde.
Trihèmiobole 0,71 g 11 mm
Module C3 Tête d’Apollon vers la gauche / cithare tétracorde (17) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 22 (Berlin). Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : cithare tétracorde.
Trihèmiobole 0,84 g 9,5 mm
Module C4 Tête d’Apollon vers la droite / cithare tétracorde (18) Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 25 (Imhoof-Blumer). Droit : tête d’Apollon tournée vers la droite. Revers : cithare tétracorde.
Trihèmiobole 0,82 g 9 mm
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Module D Tête d’Apollon à gauche / cithare tétracorde (19) Pozzi 4524 : Boutin 1979. = Svoronos 1923-1926, pl. 105 no 20 (collection Roussopoulos). Droit : tête d’Apollon laurée tournée vers la gauche. Revers : Cithare tétracorde inscrite dans un carré.
Hémiobole 0,26 g 6 mm
Phoinikophores Module A Tête d’Apollon vers la gauche / palmier et cygne vers la gauche (20) British Museum 1900,0606.19. cf. W. Wroth, NC 1900, p. 287 no 18 et pl. XIV, 2 ; Head 1911, p. 48560. Droit : tête d’Apollon tournée vers la gauche. Revers : palmier surmonté d’un cygne s’envolant vers la gauche.
Drachme
3,04 g 15 mm
Module B Tête d’Apollon vers la droite / palmier et cygne vers la droite (21) J. Hirsch, Auctions-Catalog XIII (1905), no 3148, pl. XXXV. Droit : tête d’Apollon tournée vers la droite. Revers : palmier surmonté d’un cygne s’envolant vers la droite ; ∆ en bas à droite.
Tétrobole
1,58 g 12,5 mm
Tableau 38 — Les monnaies d’argent de la cité de Délos indépendante. 60 59
La rareté des exemplaires rend évidemment conjecturale toute reconstruction du système monétaire des Déliens, mais les inscriptions apportent de précieux compléments sur cette question, en particulier sur les subdivisions de ce monnayage et la chronologie des émissions monétaires. Les exemplaires conservés témoignent de relations pondérales qui permettent de formuler une première hypothèse sur l’organisation du monnayage citharéphore, qui pourrait se diviser logiquement en drachmes, trioboles, trihèmioboles et hèmioboles. Les trioboles sont les plus nombreux avec 13 exemplaires sur les 19 conservés, et des poids s’étalant entre 1,60 g et 1,13 g. La première image qui se dégage (tableau 39) est que le monnayage citharéphore a pu connaître plusieurs séries successives avec une baisse progressive du poids de la drachme, que l’on peut restituer aux alentours de 3,40 g au début de la série et aux alentours de 2,30 g à la fin d’après les exemplaires conservés. Toutefois, aucune de ces monnaies n’est fleur de coin et l’on ne connaît pas non plus la durée de leur circulation, si bien qu’il est pratiquement impossible d’estimer leur degré d’usure et de parvenir, par la seule observation des monnaies, à la définition des poids d’origine. C’est donc par le recours aux comptes des hiéropes que l’on pourra préciser ce tableau.
60.
Par erreur dans Chankowski 2011a, le poids indiqué dans la publication n’a pas été converti.
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
Valeur la plus haute conservée drachme
3,31 g (1)
triobole
1,60 g (2) (6)
trihèmiobole
0,85 g (15)
hèmiobole
0,26 g (19)
199
Valeur la plus basse conservée
Hypothèse de restitution à la drachme
1,37 g (3) (9) – 1,32 g (11) 1,19 g (12) (13) – 1,13 g (5)
[3,20 g] – [2,74 g – 2,64 g] [2,38 g – 2,26 g]
0,71 g (16)
[3,40 g] – [2,84 g] [3,12 g]
Tableau 39 — Poids conservés et hypothèses de subdivisions monétaires.
La chronologie des émissions monétaires d’après les comptes des hiéropes La date de l’émission des citharéphores Les inscriptions témoignent de ces émissions monétaires, dans la mesure où elles avaient une incidence sur la gestion de la caisse sacrée. En 279, parmi les divers versements de leur encaisse, les hiéropes indiquent avoir reçu également 100 dr. « en remplacement de l’argent ancien » (IG XI 2, 161, A, l. 42 : καὶ παρ’ Ἀντικράτους τοῦ Τιμησιδήμου ἀντὶ τοῦ παλαιοῦ ἀργυρίου δραχμὰς·Η). La cité de Délos avait donc frappé monnaie en 279 ou peu avant et introduit ce nouveau monnayage dans la caisse du sanctuaire. Les 100 dr. versées « en remplacement de l’argent ancien » indiquent que les Déliens ont retiré de la caisse sacrée des monnaies déliennes qu’elle était en droit de refrapper à de nouveaux types, donc des monnaies d’argent datant d’avant la première domination athénienne 61. L’auteur de ce versement, Antikratès fils de Timèsidèmos, est connu comme chorège en 279, logiste en 269, fermier en 269 et 268. Peut-être était-il l’un des commissaires chargé de superviser l’émission monétaire mais la documentation ne fournit rien de plus à son sujet 62. La cité de Délos avait dû, bien entendu, se procurer d’autres sources de métal, en dehors du numéraire de la caisse sacrée. Des analyses de métal ont permis de montrer que les monnaies de Chalcis avaient été frappées grâce à la fonte de vases en argent 63. Il ne faut pas exclure une possibilité identique pour celles de Délos, mais nous n’avons aucun indice pour préciser la provenance du métal qui servit à cette première émission monétaire de l’Indépendance. Dans le même compte de l’année 279, on peut en revanche percevoir la manière dont la cité de Délos a peut-être facilité la circulation de sa nouvelle monnaie par l’intermédiaire de la caisse du sanctuaire. Le bilan comptable de l’inscription mentionne la transmission d’une somme supplémentaire votée au sanctuaire par l’Assemblée (IG XI 2, 161 A, l. 124-127) : σὺν ταῖς ·ΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔ· αἷς ὁ δῆμος ἐψηφίσατο [ἐν παραδ]όσει παραλαμβάνειν ἀεὶ τοὺς ἱεροποιοὺς τοὺς ἐν τέλει ὄντας,
avec les 24 630 dr. au sujet desquelles le peuple a voté par décret que les hiéropes en fonction devraient les recevoir chaque fois dans la transmission de l’encaisse. 61.
Sur ces monnaies archaïques, voir GD et Sheedy 2006, p. 76-85, 190-193. Vial 2008, s.v., mais le commentaire à ce passage (IG XI 2, 161, A, l. 42) indique par erreur qu’il « achète au sanctuaire des débris d’argent ». 63. Picard 2010b, p. 35-39. 62.
200
PARASITES DU DIEU
Le même fonds est mentionné encore l’année suivante (IG XI 2, 162, l. 4-6) ainsi qu’en 276 (IG XI 2, 163, l. 9-10) où il a augmenté car il se monte à 35 000 dr. au moins. Il a sans doute été, par la suite, intégré à l’ensemble de la caisse sacrée car il n’est plus mentionné séparément dans les encaisses ultérieures. Cette somme a une spécificité et son maintien dans la caisse est décidé par la cité. Plusieurs raisons ont été invoquées pour ce versement : la nécessité de geler certains fonds, le besoin de maintenir une certaine somme dans l’encaisse que les emprunts de la cité ont tendance à vider 64. En effet, en 281, les hiéropes n’ont transmis à leurs successeurs qu’un peu plus de 5 220 dr. dans l’encaisse (IG XI 2, 159, l. 69-70) car une très grande partie des fonds circule sous forme de prêts à la cité. Le compte de l’année 281 indique un total des sorties qui se monte à 81 287 dr. 3 ob. ½ ob. 1 t. 1 ch. (σύμπαγ κεφάλαιον ἀναλώματος σὺν ὧι ἡ πόλις ὀφείλ[ει ․․․․․․][— —c.13— —] δραχμαὶ ·𐅇ΜΜΜΧΗΗ𐅄Δ[ΔΔ] 𐅂𐅂ΙΙΙ𐅁 𐅀/., l. 68-69). Or il est aisé de calculer le montant des dépenses courantes de l’année. L’inscription de 281 est fragmentaire mais celles des années suivantes permettent de calculer que le montant total des dépenses (travaux, dépenses mensuelles et frais de fonctionnement incluant les salaires du personnel) se situe entre 13 000 et 14 000 dr. au maximum 65. Le montant retiré par la cité pouvait donc atteindre les 10 talents, soit la majeure partie du trésor. En 279, les hiéropes ont reçu en caisse un peu moins de 20 000 dr. au début de leur exercice et ont perçu en cours d’année différents versements, pour un montant d’un peu plus de 34 000 dr., dont presque 20 000 dr. proviennent de la cité (16 221,6 dr. de remboursements de prêts et 3 539 dr. du chorégikon, l. 24-26). Le reste des recettes est constitué par les revenus réguliers des fermages, loyers, taxes et intérêts versés par les particuliers. Il est tentant de mettre en relation l’ordre — unique dans le corpus des comptes — donné aux hiéropes par l’Assemblée de conserver en caisse 24 630 dr. et la nouvelle émission monétaire délienne. Ces 24 630 dr. doivent être non pas des drachmes attiques mais des drachmes déliennes, dont le montant, cette fois, n’est pas converti en étalon attique : cela n’était plus nécessaire puisque les hiéropes donnent à la ligne précédente le montant du solde qu’ils transmettent à leurs successeurs, qui se monte à 41 442 dr. ½ ob. 1 t. et 1 ch. Or ces 24 630 dr. déliennes, avec un poids de la drachme délienne à 3,30 g si l’on retient le poids attesté par le seul exemplaire d’argent connu pour ce module et ce type, trouvent un équivalent dans les versements effectués par la cité de Délos dans la caisse sacrée et signalés dans le compte. Au cours de cette année, les sommes remboursées par la cité et les sommes versées au titre du chorégikon font un total de 19 760,6 dr. attiques qui, pour une drachme attique à 4,33 g, correspond à 24 630 dr. déliennes avec une drachme délienne à 3,473 g. Ce poids est un peu trop élevé par rapport à l’exemplaire de drachme conservé, mais il n’est pas impossible dans la fourchette de poids théoriques que les subdivisions attestées permettraient de restituer. Si les versements effectués par la cité en 279 ont consisté en monnaie délienne nouvellement frappée, la cité aurait ainsi profité de ses remboursements d’emprunts pour verser dans la caisse sacrée de la nouvelle monnaie. Les retraits si importants opérés par la cité en 281 ne consistaient peut-être pas tous en prêts. Il est possible que les Déliens aient, avec ces retraits, opéré un comptage monétaire global et sélectionné les monnaies déliennes anciennes destinées à être fondues. On peut alors comprendre ainsi le bilan du compte inscrit par les hiéropes de 279 (IG XI 2, 161. A, l. 122- 127) : 64.
Vial 1984, p. 142 et n. 95. Annexe 1.
65. Voir
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
201
κεφάλαιον οὗ τε παρελάβομεν ἀργυρίου καὶ τοῦ ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς εἰσελθόντος δραχμαὶ · 𐅇ΧΧΧΧΗ𐅄Δ𐅂𐅂 · ἀργυρίου παντοδαποῦ εἰς ἀλεξανδρείου λόγον δραχμὰς ·Δ𐅂· καὶ χρυσοῦς ·ΔΙΙ· καὶ τεττίγια χρυσᾶ δύο καὶ φωκαΐδα. κεφάλαιον ἀναλώματος δραχμ[αὶ] ΜΧΧ𐅅ΗΗΔΔ. τὸ δὲ λοιπὸν παρεδώκαμεν ἱεροποιοῖς τοῖς ἐπ’ ἄρχοντος Μενεκράτους Δημόνωι τῶι Νίκωνος, Πίστηι τῶι Ξένωνος, παρόντων βουλευτῶν καὶ γραμματέων, τοῦ τῆς πόλεως Ἀντιπάτρου τοῦ Δημητρίου καὶ τοῦ τῶν ἱεροποιῶν Κλεινοδί[κου τ]οῦ Κλεινοδίκου, ἀργυρίου νομίσματος δραχμὰς · ΜΜΜΜΧΗΗΗΗΔΔΔΔ𐅂𐅂𐅁𐅀/· σὺν ταῖς ·ΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔ· αἷς ὁ δῆμος ἐψηφίσατο [ἐν παραδ]όσει παραλαμβάνειν ἀεὶ τοὺς ἱεροποιοὺς τοὺς ἐν τέλει ὄντας vac. καὶ τεττίγια ·ΙΙ· καὶ φωκαΐδα· καὶ ἀργυρίου παντοδ[αποῦ ·Δ𐅂· καὶ χρυσ]οῦς ΔΙ[Ι].
Total de l’argent que nous avons reçu et de l’argent qui est entré au cours de notre exercice : 54 162 dr. Argent de diverses provenances converti en drachmes d’Alexandre : 11 dr. et 12 statères d’or, deux monnaies d’or à la cigale et une monnaie de Phocée. Total des sorties : 12 720 dr. Nous avons transmis comme solde aux hiéropes de l’archontat de Ménékratès, Dèmonous fils de Nikôn et Pistès fils de Xénôn, en présence des conseillers et des secrétaires, celui de la cité Antipatros fils de Dèmètrios et celui des hiéropes Kleinodikos fils de Kleinodikos, en monnayage d’argent : 41 442 dr. ½ ob. 1 t. 1 ch. [en étalon attique], en incluant 66 les 24 630 dr. [déliennes] dont le peuple a voté que les hiéropes en fonction devraient toujours les recevoir dans l’encaisse qui leur est transmise. Cette disposition votée par l’Assemblée permettait à la fois de maintenir un stock de métal frappé par la cité délienne dans les caisses du sanctuaire sous la forme d’une réserve d’encaisse, tandis que la nouvelle monnaie délienne circulait en même temps grâce à la caisse sacrée, qui en percevait à titre de paiements et l’utilisait le cas échéant pour ses propres mouvements de fonds et transactions. Étant donné que ces drachmes déliennes ne correspondaient pas au poids attique plein, il n’était pas étonnant que les hiéropes les mentionnent dans le compte comme un lot distinct, tout en assurant par des conversions comptables la tenue de l’ensemble du compte en étalon attique.
La date de l’émission des phoinikophores Environ un siècle plus tard, les Déliens ont procédé à une seconde émission monétaire, en changeant les symboles de leur monnaie : au droit figure toujours la tête d’Apollon mais au revers, un palmier surmonté d’un cygne remplace la cithare. Dans certaines émissions de bronze, c’est l’effigie d’Artémis qui est choisie, avec le palmier au revers. Les inventaires de la seconde domination athénienne les nomment δραχμὰς φοινικοφόρους 67. Là encore, une date peut être fournie grâce aux inscriptions. En 169 (ID 461 Aa 76), l’inventaire de jarres mentionne un dépôt fait dans la caisse sacrée, en provenance de la banque de Philôn, donc libellé cette fois selon l’étalon attique. Il émane des commissaires « élus pour s’occuper de la frappe de la monnaie » ([ἄν]δρες ο[ἱ] αἱρεθέντες ἐπὶ τὴν κοπὴν τοῦ νομίσματος). La cité de Délos aurait donc frappé monnaie dans les années 66.
Et non « avec en plus » comme l’indique la traduction du Nouveau Choix, p. 70. supra sur cette identification (Robert 1951, p. 143-178, et Robert 1962, p. 18-24).
67. Voir
202
PARASITES DU DIEU
qui précèdent 169, et déposé cet argent dans la caisse sacrée. L’événement a eu lieu entre 179 et 169, puisque la jarre en question était déjà dans l’Artémision à l’arrivée des hiéropes de 169 et que l’inventaire complet de 179 ne la mentionne pas, probablement entre 173 et 170 68. La cité avait donc pris la décision de remplacer les anciennes citharéphores du trésor d’Apollon par les nouvelles drachmes déliennes. Les inventaires athéniens des jarres du sanctuaire mentionnent, pour les phoinikophores, des tétroboles (ID 1450, B, l. 4 : [σὺν] δηλίοις τετρωβόλοις) et des oboles (jarres ∆, I, ∆∆) 69. Ce sont donc ces subdivisions qu’il faut rechercher dans les exemplaires existants. Mais l’extrême rareté de ce monnayage montre bien qu’il n’a pas eu le temps de circuler entre les premières émissions et la fin de l’Indépendance délienne.
La consécration des coins Les inventaires témoignent de la consécration de coins monétaires, qui constituent également un indice intéressant sur les émissions. Il s’agit probablement du matériel restant à l’issue de la frappe, que l’on met à l’abri de toute utilisation frauduleuse par la consécration au dieu. Un ἄκμων (coin de droit) figure dans les inventaires du temple d’Apollon à partir de 200 (ID 372, B, 36 ; 442, B, l. 168). Il s’agit donc du matériel de l’émission de citharéphores, qui dut être alimentée en plusieurs séries. Plus tard, les inventaires de la seconde domination athénienne enregistrent la présence de 18 coins de revers et de 5 coins de droit, dans l’inventaire du temple d’Apollon (ID 1430f, l. 13 et 1450, A, l. 198) 70 : — [χα]ρακτ[ῆρας σιδηροῦς] δέκα ὀκ[τώ· ἄ]κμονα[ς π]έντε —
Le matériel de l’émission des phoinikophores y figure probablement, à cette date. On a souvent souligné le faible volume de ce monnayage délien : un ordre de grandeur est livré par les inventaires de jarres des administrateurs athéniens arrivés en 167, qui ont compté quelques 11 000 dr. phoinikophores dans la caisse du sanctuaire. Il est toujours délicat de procéder à des estimations quantitatives, surtout dans le cas d’un monnayage peu important et avec une information réduite. Mais si l’on admet qu’un coin de droit permettait de frapper entre 15 000 et 30 000 monnaies, on obtiendrait avec les cinq coins de droit mentionnés dans l’inventaire athénien une émission comptant entre 75 000 et 150 000 monnaies, sans qu’il soit possible de préciser de quels modules il s’agissait, et pour une frappe qui dut de toute façon utiliser davantage de coins puisque les Déliens n’ont consacré que ceux qui n’étaient pas brisés. Avec les 18 coins de revers conservés dans le temple d’Apollon, on obtient au moins un volume de 500 000 monnaies, à répartir entre différentes subdivisions.
Métrologie du monnayage local Enjeux comptables : la question du « cours forcé » de la drachme délienne Le fait qu’une partie de l’encaisse sacrée ait été composée de monnaie délienne obligeait les administrateurs à tenir compte de conversions monétaires. La majeure partie des calculs était 68. Voir
supra chapitre II p. 80-82. Annexe 3 pour l’inventaire de l’encaisse de la seconde domination athénienne. 70. Robert 1962, p. 18-24. 69. Voir
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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sans doute réalisée par les banques par lesquelles transitaient les fonds, mais certains rapports de valeur simples étaient certainement connus des hiéropes, comme plus tard des administrateurs athéniens de la seconde domination athénienne. Or il arrivait aux hiéropes de mentionner des sommes en drachmes déliennes, après l’établissement d’un total en étalon attique. Un examen attentif de la comptabilité des hiéropes permet d’observer les critères et les procédés de leurs conversions monétaires. Mais la question a été longtemps occultée par le rôle de l’étalon attique dans cette comptabilité. Pour J. Tréheux, le fait que les hiéropes établissaient leurs comptes en étalon attique avait pour conséquence que la drachme délienne bénéficiait d’un cours forcé dans l’île et que, bien que pesant moins qu’une drachme attique, elle était comptabilisée comme exactement équivalente : opération qu’il qualifiait lui-même d’« administration financière simple, ou plutôt simpliste » 71. Cette interprétation fait bien peu justice à l’acribie et aux compétences comptables des hiéropes qui, au fil des années, auraient ainsi créé un décalage considérable entre la réalité des fonds maniés et l’enregistrement comptable des biens sacrés. Certains passages des comptes montrent au contraire que les hiéropes, lorsqu’ils maniaient des monnaies déliennes, procédaient à des opérations de conversion de manière à comptabiliser leur exact équivalent selon l’étalon attique, et non en comptant à égalité une drachme délienne comme une drachme attique 72. Lors de la fête des Eileithyaia, les hiéropes recevaient une subvention de la part de la cité de Délos, qui était nécessairement en monnaie locale, pour une fête elle-même exclusivement civique et avec un approvisionnement local également 73. Le montant de la subvention est toujours de 40 dr. Dans leurs comptes, les hiéropes présentent un mémoire des dépenses réalisées pour la fête avec un total de chapitre. Le compte ID 445, daté de l’année 178, donne un texte complet pour ce chapitre (l. 12-16). Le détail des dépenses se monte à 58,6 dr. (58 dr. et 4 ob.) alors que le total de ces dépenses, correspondant à la subvention reçue, est inscrit pour 40 dr. Ph. Bruneau notait à juste titre que les hiéropes ne signalent pas, dans ce cas, alors qu’ils le font pour les Posidéia, avoir eu recours à d’autres revenus pour compléter la dépense. Ce phénomène a donc incité plusieurs commentateurs à y voir une erreur de calcul. ID 445 (a. 178), l. 12-16 :
λόγος τῶν
εἰς Εἰλειθύαια· ἀπὸ τῶν ΔΔΔΔ· πρόβατον Δ𐅂𐅂𐅂𐅂· πυροὶ 𐅂Δ· τυρὸς 𐅂𐅂· ἐρέβινθοι, κύαμοι 𐅂𐅂𐅂𐅂· σήσαμα 𐅂𐅂· μέλι 𐅂𐅂· στεφανώματα ΙΙΙΙ· ἀρτοκόπωι 𐅂𐅂· λάχανα 𐅂𐅂𐅂· τάριχος 𐅂𐅂𐅂· ὄψον κάρυα 𐅂𐅂· οἶνος
𐅂·
𐅂𐅂𐅂.
Compte des Eileithyaia. Sur les 40 dr. : brebis 14 dr. ; blé 10 dr. 74 ; fromage 2 dr. ; pois chiches, fèves 4 dr. ; sésame 2 dr. ; miel 2 dr. ; couronnes 4 oboles ; (salaire du) boulanger 2 dr. ; légumes 3 dr. ; conserves 3 dr. ; assaisonnement 6 dr. ; noix 2 dr. ; vin 8 dr. 71.
Tréheux 1992b. 72. Chankowski 2014a, p. 540-541. 73. Sur cette fête, Bruneau 1970, p. 215. 74. Le signe 𐅂 qui apparaît devant le Δ n’est pas à comptabiliser comme une unité supplémentaire dans le montant. Il s’agit du signe de la drachme que les hiéropes inscrivent fréquemment devant la somme pour indiquer un paiement en numéraire et le distinguer des chiffres qui indiquent, dans les stèles de comptes, des quantités.
204
PARASITES DU DIEU
Pourtant on peut calculer qu’à cette date, avec une drachme délienne citharéphore d’un peu moins de 3 g, ces 58,6 dr. déliennes font 40 dr. attiques comptées à 4,33 g. Lorsqu’ils trouvaient dans leur encaisse des drachmes épichoriques, il est bien probable que les hiéropes avaient pour habitude, en bons comptables, d’en calculer l’exacte correspondance monétaire en drachmes attiques. En aucun cas ils ne comptaient une drachme délienne comme équivalente à une drachme attique. D’autres fonds déliens peuvent faire l’objet d’une démonstration semblable. Ainsi, le fonds du nèsiadeion, parmi les capitaux de fondation, voit une diminution de son capital qui passe de 3 863 dr. à ses origines en 250 (IG XI 2, 287, A, l. 193-195, d’après le montant des intérêts versés et dus par différents débiteurs) à 3 500 dr. en 207 (ID 366, A, l. 134). C’est un fait étrange car force est de constater que la perte de capital dans les prêts n’est pas conforme aux pratiques d’hypothèques et au soin avec lequel étaient encadrées les opérations de prêts sur les capitaux de fondation 75. Or la diminution du capital pourrait être liée à l’évolution de la valeur de la drachme délienne. Cette consécration de Nèsiadès, qui porte un nom cycladique, renvoie peut-être à un capital initial en monnaie épichorique. Le montant du capital initial est étonnant, car les capitaux de fondation correspondent généralement à un chiffre rond. Le chiffre exprime donc probablement la conversion d’une somme en étalon attique. Si le capital initial était composé de drachmes déliennes, quoique libellé selon l’étalon attique (sous la forme de 3 863 dr.), sa valeur en équivalent attique a pu être réévaluée à un moment donné lors des remboursements, une drachme délienne conservant quant à elle sa valeur d’une drachme sur le territoire de la cité même si son poids de référence diminue au cours des frappes successives. Partant de l’hypothèse d’une donation de 5 000 dr. déliennes, la conversion en 3 863 dr. attiques avec une drachme attique comptée à 4,33 g est obtenue avec une drachme délienne pesant exactement 3,34 g pour l’année 250. Ce poids se situe dans une fourchette acceptable par rapport aux exemplaires conservés. Pour l’année 207, si la drachme délienne voit son poids baisser progressivement au cours des décennies suivantes, le capital de départ, calculé en étalon attique, s’approche alors de 3 500 dr. avec une drachme délienne à 3 g environ. Ces indices sont de valeur inégale, en raison des lacunes sur les stèles et en raison de l’extrême rareté du monnayage délien qui ne permet pas d’établir avec certitude, autrement que par des approximations à partir des données épigraphiques fournies par les comptes, l’évolution des poids de référence des frappes monétaires locales. Mais la manière dont les hiéropes font leurs comptes et expriment leurs encaisses apparaît assez explicite. Les sommes en drachmes déliennes, probablement comme les autres monnaies d’étalon non attique, font l’objet, non d’opérations de change mais de conversions comptables en étalon attique pour des raisons d’unité de compte. Bien entendu, ces opérations prennent pour norme de référence un étalon monétaire : il ne s’agissait en aucun cas, dans les calculs des hiéropes, de peser les monnaies en prenant en considération leur usure. C’est le poids officiel de la monnaie qui était considéré dans leurs calculs. Mais les pratiques des hiéropes laissent entendre que les baisses de poids des monnayages d’argent — phénomène bien connu dans les trésors monétaires où peuvent voisiner des monnaies de même dénomination mais de poids variables — étaient prises en compte dans la comptabilité et pouvaient donner lieu, à un moment donné, à une réévaluation des parités
75. Voir
supra chapitre III p. 129.
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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entre des espèces monétaires : un parallèle existe à Delphes, avec l’épikatallagè des comptes du sanctuaire 76. La conclusion en est qu’il n’existe pas de cours forcé à Délos, mais au contraire des opérations établissant des rapports de valeur sur une base pondérale officielle, seul moyen d’obtenir une comptabilité exacte quant à la valeur monétaire des avoirs en caisse.
Hypothèse sur l’évolution du poids des citharéphores Les observations rassemblées plus haut permettent de suggérer un schéma d’évolution du poids des citharéphores au cours du iiie s. et du début du iie s., jusqu’à ce qu’elles soient remplacées vers 170, au bout d’un siècle d’existence, par la nouvelle monnaie phoinikophore. Le témoignage des comptes des hiéropes apparaît convergent avec celui des monnaies et permet d’en affiner les informations, même si le bilan présenté ci-dessous conserve la part hypothétique de tout raisonnement fondé sur des approximations chiffrées. Si l’on rassemble les différents témoignages épigraphiques qui permettent d’évaluer le poids de la drachme délienne citharéphore à différentes étapes de sa mise en circulation, par rapport à la drachme attique, en se fondant sur les hypothèses de calcul retenues précédemment, on obtient le schéma suivant (tableau 40) : Année
Inscription
Montant Montant en drachmes en drachmes déliennes attiques
Restitution77 du poids de la drachme délienne
279
IG XI 2, 161, A, l. 124-127 (transmission dans l’encaisse)
24 630 dr.
19 760,6 dr.
3,47 g
250
IG XI 2, 287, A, l. 193-195 (nèsiadeion)
[5 000 dr.]
3 863 dr.
3,34 g
207
ID 366, A, l. 134 (nèsiadeion)
[5 000 dr.]
3 500 dr.
3,03 g
[120 dr.]
81 dr.
2,92 g
58,6 dr.
40 dr.
2,95 g
218-18478 (chorégikon) 178
ID 445, l. 12-16 (mémoire de dépense des Eileithyaia)
Tableau 40 — Hypothèse d’évolution du poids de la drachme délienne citharéphore. 77 78
Ces estimations partent du principe que les hiéropes, ayant conservé tout au long de leur comptabilité l’étalon attique, ont en même temps conservé comme valeur de référence dans leurs calculs de conversions comptables — avec l’aide des banquiers — une drachme d’étalon attique à 4,33 g. Certes, le poids des alexandres a varié au cours de la période hellénistique 79 : il est de 4,20 g chez les Séleucides et les Attalides vers 170, mais de 4,20 g dès les années 275 pour les alexandres du Pont. Il est impossible de savoir quelle était la provenance des alexandres que les hiéropes maniaient, mais il est clair que, dans leurs méthodes comptables, ils ne prennent jamais comme référence des monnaies réelles — ce qui aurait occasionné d’année 76.
Marchetti 2007. Voir aussi supra p. 84 et n. 59, pour le parallèle avec la comptabilité delphique. Sur une base de 4,33 g pour la drachme attique. 78. Voir infra chapitre III p. 113, pour les dates qui correspondent au moment où le fonds chorégikon a été séparé du reste de l’encaisse par une commission. 79. Price 1991 ; Karayotov 1994, p. 60-61 ; Duyrat 2014, p. 118-120. 77.
206
PARASITES DU DIEU
en année d’innombrables incohérences étant donné les variations de poids — mais le poids théorique officiel de leur référence, l’étalon attique 80. Un passage du compte de 250 l’atteste d’ailleurs pour la pesée des offrandes : les hiéropes indiquent que les vases en argent ont été « pesés sur la petite balance de l’agoranomion, selon l’étalon de l’argent attique entier » (ταῦτα ἐστήσαμεν ἐν τῶι ζυγῶι τῶι ἐλάττονι τῶι ἐν ἀγορανομίωι πρὸς ἀργύριον ἀτικὸν ὁλοσχερές, IG XI 2, 287, B, l. 143-144) 81. Les citharéphores, dont le volume fut probablement alimenté par plusieurs émissions successives au cours d’un siècle, auraient ainsi vu leur poids graduellement diminuer. La cause est peut-être l’impossibilité pour les Déliens de se procurer suffisamment de métal pour alimenter leur circulation monétaire locale. Mais cette diminution de poids pourrait aussi s’expliquer par la volonté de mettre leur monnayage en conformité avec les évolutions métrologiques égéennes dont ils étaient les premiers observateurs dans l’emporion.
ÉVOLUTIONS MÉTROLOGIQUES EN MÉDITERRANÉE, VUES DEPUIS DÉLOS La documentation épigraphique délienne éclaire à plusieurs reprises des questions de métrologie qui témoignent de changements importants. Ceux-ci n’étaient pas l’initiative des Déliens, qui ne pouvaient que suivre les évolutions égéennes qui se faisaient jour dans les opérations commerciales et financières négociées dans l’île. Aussi les Déliens n’ont-ils fait qu’adapter leur propre système monétaire et pondéral aux changements qui s’imposaient à eux de l’extérieur. Le corpus des comptes des hiéropes peut ainsi être lu comme une intéressante fenêtre sur les évolutions égéennes dans ce domaine.
L’obole à 12 chalques On tient pour admis que l’obole attique comptait 8 chalques, tandis que le système éginétique avait une obole à 12 chalques 82. Pourtant, dans les comptes des hiéropes de Délos, qui utilisent l’étalon attique dans leur système comptable, l’obole ne compte pas 8 chalques mais 12. On le constate dans les comptes du iiie s. car les hiéropes n’indiquent jamais plus de 2 chalques après un tétartèmorion, ce qui ne devrait pas être possible dans un système où un tétartèmorion (ou quart d’obole) vaut 2 chalques si une obole en vaut 8 et une demi-obole 4 83. À partir de l’année 246, les hiéropes ont généralisé l’habitude d’inscrire sur leurs stèles des sous-totaux, ce qui nous permet de vérifier, lorsque les passages sont complets sur la pierre, le mode de calcul qu’ils ont utilisé. Si l’on compte, à chaque fois que cela est possible, le nombre de chalques mentionnés dans l’énumération des dépenses ou des recettes et que l’on compare ce résultat avec la finale du total de l’addition indiqué par les hiéropes, on parvient toujours à la conclusion que l’obole compte 12 chalques, dans un système comptable qui utilise la drachme attique comme unité de compte. 80.
Bresson 2000, p. 234, a tenté d’expliquer les variations de poids de certaines couronnes, dans l’inventaire de 279, par un passage à une drachme de référence qui serait l’alexandre à 4,20 g. Mais la date de cet inventaire est trop précoce par rapport aux dates fournies par Price. Sur ces couronnes, voir Chankowski 2008a, p. 222-232. 81. Sur l’étalon monétaire dit « entier », voir Picard 1996. 82. Tod 1946 sur les témoignages épigraphiques ; Picard 1989 ; Kroll 1996 ; Psoma 1998 et Psoma 2001, p. 120-146. 83. Tod 1946, p. 60, avait déjà remarqué que les Déliens comptaient l’obole à 12 chalques, mais il classait le cas de Délos parmi les survivances de l’éginétique sans prendre en considération la question des unités comptables utilisées par les hiéropes. Voir aussi Psoma 2001, p. 134, qui suit Tod : « le trichalkon correspond au tétartèmorion qui est indiqué par la lettre T ».
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
207
Les relevés présentés ci-dessous (tableau 41), qui retiennent uniquement la fin du chiffrage, avec les subdivisions de l’obole dans les passages complets 84, le montrent : le tétartèmorion ou quart d’obole représente l’équivalent de 3 chalques dans les comptes des hiéropes. La demiobole est notée C, le quart d’obole ou tétartèmorion est noté T ou 𐅀, le chalque est noté / ou X. ID 290 (a. 246), l. 15-21 : compte des fermages l. 15
C//
l. 17
C/
C/ soit 1 ob. ½ ob. 4 ch., transcrit dans le total du compte : Total (l. 21)
…ICT/
ID 353 (a. 219), l. 3-15 : compte des fermages l. 4
C
l. 5
T/
l. 7
CT
l. 10
CT
l. 13
CT
soit 4 × ½ ob. 4 × ¼ (= 3 ob.) 1 ch. transcrit dans le total du compte : l. 15
…/
ID 354 (a. 218), l. 1-16 : encaisse l. 3
C//
l. 4
CT
l. 5
C
l. 6
C//
l. 8
T/
soit 2 ob. ½ ob. et 5 ch. transcrit dans le total du compte : l. 16
… CT//
ID 399 (a. 192), A, l. 17-35 : dépôts de l’année dans la caisse sacrée l. 17
C
l. 30
CX
l. 32
CT
soit 1 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch. (l. 35) À ce total, les hiéropes ajoutent le total de l’encaisse après retraits, qu’ils ont établi plus haut : l. 16
CTXX
soit un total de 4 × ½ ob. (= 2 ob.), 2 × ¼ ob. (= ½ ob.) et 3 ch. transcrit dans le total du compte (ἡ πᾶσα κεφαλ̣ή) : l. 35: …CT
84.
Dans un cas (ID 290, l. 17), on a tenu compte de chiffres restitués et connus avec certitude par ailleurs, dans le cas des fermages dont le montant annuel est fixé pour dix ans. Tous ces chiffres, dont l’exactitude est capitale pour le raisonnement qui suit, ont été vérifiés sur photographies.
208
PARASITES DU DIEU
ID 442 (a. 179), A, l. 1-37 : encaisse de la caisse sacrée l. 6
CT
CT/ l. 8
C
CT l. 10
T
T// l. 15
CT/
l. 19
T//
l. 31
C//
l. 32
C//
l. 34
/
l. 37
/
C/ soit un total de ([8 × ½ ob. = 4 ob.] + [7 × ¼ ob. = 1,5 ob. et ¼ ob.] = 5 ob. ½ ob. ¼ ob.) et 13 ch. (= 1 ob. et 1 ch.), transcrit dans le total du compte : l. 37
…CT/
ID 442 (a. 179), A, l. 38-53 : dépôts de l’année dans la caisse sacrée l. 40
C
l. 41
T
l. 44
C/
l. 48
CT//
soit un total de 3 × ½ ob. et 2 × ¼ ob. (=2 ob.) et 3 ch. transcrit dans le total du compte : l. 53
…T
ID 442 (a. 179), A, l. 75-99 : encaisse de la caisse publique l. 82
T//
l. 95
T/
l. 96
C
soit un total de ½ ob. et 2 × ¼ (= ½ ob.) et 3 ch. transcrit dans le total du compte : l. 99
…T
ID 442 (a. 179), A, l. 99-122 : dépôts de l’année dans la caisse publique l. 102
C
l. 106
CT
l. 112
C//
l. 115
T/
l. 121
/
soit un total de 3 × ½ ob. 2 × ¼ ob. (= 2 ob.) et 4 ch. transcrit dans le total du compte : l. 122
…T/
ID 442 (a. 179), A, l. 122 : total général de la caisse publique l. 99
…T
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
l. 122
209
…T/
soit un total de ½ ob. et 1 ch. transcrit dans le total du compte : l. 122
…C/
ID 442 (a. 179), A, l. 122-139 : retraits de l’année dans la caisse publique l. 133
C//
l. 136
C
l. 137
T/
soit un total de 1 ob. ¼ ob. et 3 ch. transcrit dans le total du compte : l. 139
…C
ID 442 (a. 179), A, l. 140-152 : compte des fermages l. 150
C//
l. 151
CT/
CT/ C// soit un total de 4 × ½ (= 2 ob.), 2 × ¼ (= ½ ob.) et 6 ch. transcrit dans le total du compte : l. 152
…I soit une obole
Tableau 41 — Relevé des notations des subdivisions de l’obole dans les additions des hiéropes.
Il arrive une seule fois, dans le compte de l’année 192, que l’obole ne semble pas être comptée à 12 chalques, dans un passage concernant l’encaisse de la caisse publique. Mais certaines lettres sont pointées et ont probablement été mal lues car le total inscrit ne correspond pas, de toute façon, au total que l’on peut calculer. ID 399 (a. 192), A, l. 36-54 : encaisse de la caisse publique l. 38
CX
l. 41
TX
soit un total de ½ ob. ¼ ob. et 2 ch. transcrit dans le total du compte : l. 54
C
D’ailleurs la même année, les additions aux lignes 16 et 35 montrent que 3 chalques valent ¼ d’obole et que l’obole est donc bien comptée à 12 chalques. Il serait toutefois surprenant qu’à Délos, dès la fin du ive s. et le début du iiie s., alors que les Déliens établissent leurs comptes selon le système attique à la suite de la domination athénienne et tandis que les monnaies d’étalon attique doivent constituer encore la majeure partie de la circulation monétaire dans l’île, on puisse trouver 12 chalques à l’obole. Certes, dès IG XI 2, 146 (B, l. 31), au début de l’Indépendance, on trouve l’itération du signe du chalque après le signe du quart d’obole (𐅄ΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙ 𐅀//). Mais nous n’avons pas, pour la première moitié du iiie s., la possibilité de vérifier la façon de compter des hiéropes puisqu’ils n’établissent pas encore de sous-totaux à cette date. Aussi faut-il se demander si les signes 𐅁, T ou 𐅀 et X ou / n’ont pas, au moins au iiie s., une valeur d’usage, de même nature que celle des autres signes acrophoniques. On attribue en effet aux signes qui notent les subdivisions de la drachme une valeur symbolique désignant une fraction (1/2, 1/4, 1/8e, 1/12e). On pourrait tout aussi bien leur donner une valeur numérique, c’est-à-dire admettre que 𐅁 = 4 chalques, T ou 𐅀 =
210
PARASITES DU DIEU
3 chalques, X ou / = 1 chalque. Le système de notation, ainsi compris, serait parfaitement dans la continuité du système acrophonique qui attribue à chacune des lettres une valeur numérique (H = 100, ∆ = 10, etc.). Aussi ne faut-il pas exclure que, dans la première moitié du iiie s., lorsque les hiéropes notent T// ou TXX, ils aient voulu signifier 5 chalques et que le signe du tétartèmorion conserve une valeur d’usage de 3 chalques, sans que l’on puisse, pour lors, déterminer sur la base de ces seules notations quel était à cette date le nombre de chalques à l’obole. Seule la présence de sous-totaux permet de faire une démonstration. Toutefois, il est peut-être possible de préciser la date à laquelle les Déliens ont fait le choix de compter l’obole à 12 chalques. Il est intéressant de constater que les Déliens ont connu des hésitations, dans la première moitié du iiie s., concernant les subdivisions des systèmes pondéraux en usage dans cette partie de l’Égée. Aussi les questions relatives à la métrologie délienne ne sont-elles pas limitées aux questions monétaires 85.
De l’amphore au métrète à 12 conges Les achats de poix dans les comptes des hiéropes 86 montrent que plusieurs unités de mesure sont en usage au début de l’Indépendance : le keramion, l’hèmiamphorion et le metrètès. Comme dans les comptes d’Éleusis, les comptes déliens de la fin du ive s. et jusqu’à l’année 296 mentionnent le keramion comme unité de mesure (IG XI 2, 138, Be, l. 3-5 ; 144, A, l. 94 et l. 111-112 ; 145, l. 3, 8 et 10 ; 154, A, l. 2, 37 et 48). En 296 (IG XI 2, 154, A, l. 15) apparaît la dénomination du métrète pour le vin. Peu avant 282 il apparaît aussi pour les achats de poix (IG XI 2, 156, A, l. 74) 87. C’est aussi aux alentours de 280 qu’apparaît l’usage du métrète comme unité de mesure pour l’huile (IG XI 2, 161, A, l. 108 ; 168, A, l. 5-6). Il sera ensuite utilisé systématiquement pendant toute la période. Au iie s., le keramion n’est plus utilisé que comme mesure du vin (ID 401, l. 18 ; ID 452, l. 9 ; ID 461, B, l. 53 ; ID 440, A, l. 62, 66, 68 ; ID 442, A, l. 222 ; ID 464, l. 10, 12), en concurrence d’ailleurs avec le métrète pour le vin sucré (ID 406, B, l. 70 ; 461, Bb, l. 51). Cet usage n’est pas lié à une denrée particulière : il s’agit de l’introduction progressive d’un système de mesure dans les usages de l’emporion. Les marchands divers qui sont les fournisseurs du sanctuaire, en fonction de leur origine géographique et en fonction de l’origine de leurs produits, intègrent plus ou moins vite ces changements. Les hiéropes, dans l’enregistrement de leurs comptes, sont très attentifs aux unités de compte et de mesure et s’efforcent de les harmoniser, non sans peine de leur côté également. Ce n’est pas seulement une question de vocabulaire et d’usage terminologique : le terme de métrète était utilisé en Attique déjà au ive s., comme en témoigne par exemple le corpus démosthénien (Contre Phénippos [XLII], 20). Les comptes des hiéropes de Délos montrent au contraire que le passage du keramion au métrète reflète en réalité une réforme métrologique qui a lieu entre les années 280 et le milieu du iiie s. (tableau 42). L’adoption du métrète, pourtant, n’est pas allée sans quelques difficultés métrologiques pour les Déliens. Celles-ci sont particulièrement visibles à propos de leurs achats de poix et 85.
Chankowski, Hasenohr 2014. infra tableau 46. 87. C’est par erreur que F. Durrbach a restitué le métrète dans IG XI 2, 154, l. 2, alors que c’est le keramion qui est employé pour la poix dans ce compte à la date de 296 a.C. 86. Voir
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
211
concernent les subdivisions du métrète. Un achat d’huile réalisé en 279 (IG XI 2, 287, A, l. 131) prouve que le métrète est divisé en deux hèmiamphoria. L’addition transcrite par les hiéropes ne laisse pas de doute à ce sujet puisqu’avec un coût unitaire de 18 dr. le métrète, ils inscrivent un paiement de 81 dr. pour 4 métrètes et un hèmiamphorion. Pourtant, il n’en va pas toujours de même pour la poix. En 282, les hiéropes ont procédé à deux achats successifs de poix au cours de l’année (IG XI 2, 158, A, l. 75-76 et l. 77-78). Pour chacun de ces achats, ils indiquent un prix unitaire identique de 24 dr. le métrète. Le premier achat est de 3 métrètes et 2 conges. Il est payé 78 dr. On en déduit donc que le métrète comporte 8 conges qui font, au tarif de 3 dr. le conge, 78 dr. pour 26 conges. Mais le second achat est de 3 métrètes et 1 conge, payé 74 dr. 88. Dans ce dernier cas, le métrète se divise forcément en 12 conges, qui font, au tarif de 2 dr. le conge, 74 dr. pour 37 conges (il faudrait autrement lire 75 dr. et l’on ne peut pas soupçonner une erreur de lecture pour ce chiffre). IG XI 2, 158 A, l. 75-76
πίττης μετρητ[αὶ τρεῖς] χοεῖς δύο ὥστε τὸγ 3 métrètes 24 dr. le métrète
(la lecture du chiffre total est assurée dans Addenda p. 147)
Κερατῶνα ἀλεῖψαι παρ’ Ἀμφιθάλο[υς], ὁ μετρητὴς ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἡ πᾶσα τιμὴ 𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂· ἀλείψαντι τὸν
et 2 conges = total 78 dr. (métrète de 8 conges)
Κερατῶ[να Ἀμ]φιθάλει μισθὸς Δ𐅂·
IG XI 2, 158 A, l. 77-78 ἄλλοι πίττης μετρη[rasura]ταὶ τρεῖ[ς] καὶ 3 métrètes χ[ο]ῦς, ὁ μετρητὴς ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἡ πᾶσα τιμὴ et 1 conge + correction de 𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· Glotz 1916 p. 284, n. 1 sur le prix total : 𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂 et non 𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂, confirmé par Addenda p. 147
24 dr. le métrète = total 74 dr. (métrète de 12 conges)
Tableau 42 — Les transformations du métrète d’après les achats de poix des hiéropes en 282.
Ces incohérences dans les prix ont conduit à maintes reprises les éditeurs du corpus à considérer que les hiéropes s’étaient trompés dans leurs calculs. Il n’en est rien, d’autant plus que les comptes étaient dûment vérifiés au moment de la procédure de reddition de comptes. En réalité, au cours de leurs deux achats, la même année mais probablement à des fournisseurs différents, les hiéropes ont utilisé deux systèmes métrologiques différents, l’un avec un métrète à 8 conges et l’autre avec un métrète à 12 conges. Cette situation est probablement liée à l’adoption progressive du métrète et à l’abandon concomitant du keramion qui était l’unité de mesure en usage précédemment dans les comptes, à la fin du ive s. Ce keramion apparaît aussi dans les sources attiques et cette continuité n’est pas étonnante car plusieurs indices laissent penser qu’à l’époque classique, la majeure partie de l’approvisionnement de Délos était liée aux circuits commerciaux de l’Attique 89. 88.
Le premier total, de 78 dr., est assuré par une note de F. Durrbach dans l’édition des IG XI 2, Addenda, p. 147. Le second total, de 74 dr., a été corrigé par Glotz 1916, p. 284, n. 1, et cette correction est confirmée par F. Durrbach dans l’édition des IG XI 2, Addenda p. 147. 89. Chankowski 2008a, p. 359-376.
212
PARASITES DU DIEU
D’après les lexicographes dont Fr. Hultsch a rassemblé les témoignages, le keramion est l’équivalent de l’amphore romaine de 8 conges 90. Mais les travaux de métrologie de Fr. Hultsch à la fin du xixe s., pour précieux qu’ils soient, sont essentiellement fondés sur les lexicographes et très peu, à cette date, sur les textes épigraphiques et papyrologiques qui ont apporté ultérieurement d’autres informations sur l’évolution des contextes. L’amphore comportait-elle 8 ou 12 conges ? L’achat d’huile de 279 invite à considérer que l’amphore était l’équivalent du métrète puisqu’une demi-amphore est l’équivalent d’un demi-métrète. Avant que soit mentionné le métrète pour les achats d’huile dans les comptes des hiéropes, des achats d’huile au conge apparaissent dès la fin du ive s., pour 8 et 9 conges (IG XI 2, 138 et 159), ce qui laisse penser que l’huile était déjà comptée dans un métrète de 12 conges et non de 8. Le prix payé pour une demi-amphore de poix, en 279, est également la moitié du prix payé la même année pour un métrète de poix (IG XI 2, 161, A, l. 121 et l. 100-101), si bien que l’on pourrait juger l’équivalence bien établie, alors que rien dans la formulation de cet achat ne permet de la vérifier. Pourtant, d’autres achats de poix, dans les années qui suivent, invitent à en douter lorsque des subdivisions sont mentionnées avec les totaux. En 269, les hiéropes font un achat de poix qui comporte de nouveau la mention d’un hèmiamphorion (IG XI 2, 203, A, l. 47-48). Ils achètent 9 métrètes et une demi-amphore de poix au prix unitaire de 25,5 dr. l’unité et payent le tout 238 dr. Les 9 métrètes à 25,5 dr. l’unité font 229,5 dr. et il reste donc dans le total 8,5 dr. (soit 1/3 de 25,5) pour le prix de l’hèmiamphorion : la demi-amphore est donc le tiers du métrète et l’amphore les deux tiers du métrète. Le keramion, s’il est l’équivalent de l’amphore, comportait donc lui aussi 8 conges. Il est d’ailleurs significatif que les hiéropes continuent, au iie s., à distinguer le keramion et le métrète dans leurs achats de vin, soit probablement la même distinction entre une mesure de 8 conges et une mesure de 12 conges 91. Certaines informations des lexicographes vont dans ce sens : Hésychius indique κεράμια χόες η’ (soit un keramion de 8 conges) et Dioscoridès : ἔστι δὲ ὁ μετρητὴς ιβ’ (soit un métrète de 12 conges) 92. Il semble que ces hésitations aient été résolues vers le milieu du iiie s., comme le montre l’achat d’huile de 250 avec un métrète divisé en deux demi-amphores (IG XI 2, 287, A, l. 131). L’addition transcrite par les hiéropes ne laisse pas de doute à ce sujet puisqu’avec un coût unitaire de 18 dr. le métrète, ils inscrivent un paiement de 81 dr. pour 4 métrètes et un hèmiamphorion. La dernière mention de l’hèmiamphorion, bien que restituée par F. Durrbach, se trouve dans le compte de 246 et montre que la demi-amphore est définitivement devenue la mesure de la moitié du métrète puisque les hiéropes payent alors pour 5 métrètes et une demi-amphore de poix 82,5 dr. au prix unitaire de 15 dr. le métrète (5 × 15 = 75 + 7,5 = 82,5) et 5 autres amphores de poix pour 75 dr., toujours au prix unitaire de 15 dr. le métrète (ID 290, l. 78-80). C’est donc une dévaluation de l’amphore de 8 conges à 12 conges que l’on voit à l’œuvre sur le marché délien, au cours de la première moitié du iiie s., en même temps que le métrète divisé
90.
Hultsch 1864, p. 81, et Hultsch 1882, p. 101, n. 4 et p. 115-116, n. 1, d’après Héron d’Éphèse (xe s. apr. J.-C.). Également Böckh 1838. 91. Le Papyrus Revenue Laws distingue un métrète de vin à 8 conges (32 l. 19) et un métrète d’huile à 12 conges (40 l. 11). Il y a bien sûr des mesures spécifiques à la masse de chaque produit mais il faut surtout noter cette coexistence d’une base 12 et d’une base 8. 92. Hultsch 1864, 313,2 (Hésychius) et p. 77 n. 8 (Dioscoridès).
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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en 12 unités s’imposait comme unité de mesure 93. Les problèmes de métrologie rencontrés par les Déliens touchaient les échanges quotidiens de toute la population dans l’emporion, mais nous les percevons clairement comme problèmes comptables auxquels étaient confrontés les hiéropes quand ils restituaient, à partir d’un prix d’achat total, l’indication d’un prix unitaire 94. Ces innovations ne proviennent pas d’une initiative locale : elles sont le reflet de changements qui s’opèrent dans les circuits égéens pour lesquels le marché de Délos fonctionne comme centre d’échanges et dans lesquelles de nouvelles autorités sont en train de s’imposer.
De l’epidekaton à l’ephekton Or le passage de 8 à 12 pour les subdivisions du métrète converge avec une mutation identique, dans les années 280, pour les subdivisions de l’obole, comme on vient de le voir. Une autre transformation du même ordre est perceptible également dans les contrats de construction dont les hiéropes avaient la responsabilité. Ces contrats étaient attribués par adjudication et donnaient lieu à différents modes de rétribution des entrepreneurs et artisans adjudicataires : dans une grande partie des cas, les versements étaient effectués à la fin des travaux. Mais pour des chantiers plus importants, il fallait étaler les paiements, tout en conservant un reliquat final qui n’était versé qu’après la réception des travaux, une fois constaté le service fait dans le respect du contrat, et qui servait de garantie 95. Or cette somme finale est passée, au cours de la première moitié du iiie s., du 1/10e (ἐπιδέκατον) au 1/6e (ἔφεκτον). Il est vrai qu’un certain nombre de contrats prévoient tout simplement une réserve de garantie supérieure au 1/6e ou au 1/10e. Mais la chronologie de cette évolution est cohérente : l’epidekaton est présent dès les premiers contrats de l’Indépendance (IG XI 2, 161, A, l. 54 en 279) et perdure jusqu’en 246, tandis que l’ephekton apparaît en 274 (la première attestation épigraphique se trouve dans ID 291, e, l. 4 peu après 248) et jusqu’en 200 96. L’interprétation généralement retenue pour ce changement est que les hiéropes auraient cherché à faciliter leurs opérations comptables, comme l’écrivait E. Schulhof en 1908 : « La drachme se divisant en six oboles et l’obole en douzièmes, la retenue du sixième offre cet avantage qu’un compte exact est partout possible » 97. L’idée est exacte, mais ce passage du 1/10e au 1/6e, avec des hésitations dans les années 280-270, témoigne aussi du passage d’une base 10 à une base 12 comme référence métrologique, qui est manifestement en train de s’imposer dans la première moitié du iiie s. dans le contexte égéen qui est celui de Délos. Les problèmes de 8 et 12 dans les mesures de capacités ne semblent donc pas être une simple question de contenants. Plusieurs indices convergents font apparaître autour de ces années 280-250 des changements métrologiques importants, dont la documentation comptable des hiéropes a enregistré la trace. Précisément durant cette période, en 279 ou peu avant, les Déliens ont choisi de frapper leur propre monnayage en alignant leur système monétaire sur un modèle qui n’était pas attique et qui était en train de s’imposer dans le monde égéen. 93.
Notons au passage que la mise en évidence de cette réalité métrologique oblige à revoir un certain nombre de considérations sur les évolutions des prix d’après les comptes des hiéropes : voir infra chapitre V p. 246-248. 94. Voir infra p. 263, sur cette question liée à la connaissance des prix. 95. Lacroix 1914 ; Feyel 2006, p. 499-509. 96. Voir les tableaux constitués par Feyel 2006, p. 502-507, qui ne se limitent pas aux mentions épigraphiques des deux termes mais classent les contrats en fonction des sommes obtenues dans les comptes. 97. Schulhof 1908, p. 90. Cette interprétation est reprise par Feyel 2006, p. 508-509.
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Modèles métrologiques égéens du iiie au iie s. Les citharéphores dans le paysage monétaire égéen En choisissant d’émettre leur premier monnayage de l’Indépendance dans un schéma qui ne suivait pas l’étalon attique, tout en prenant acte des changements métrologiques qui s’imposaient dans l’emporion, les Déliens faisaient des choix qui répondaient certainement à la manière dont ils percevaient leur insertion dans les circuits d’échanges égéens. Cette monnaie émise sur la base d’une drachme à 3,47 g environ, comme nous l’avons supposé à partir des données épigraphiques 98, pourrait passer simplement pour le monnayage de poids réduit d’une petite communauté civique modeste, s’il n’était pas, d’une part, celui d’une cité disposant de l’immense richesse du sanctuaire, et d’autre part s’il ne concordait pas avec d’autres transformations métrologiques apparues à la même date, comme nous venons de le voir. Le monnayage délien n’avait ni l’ambition, ni l’intérêt de sortir de l’île : l’alignement sur les grands courants monétaires existants permettait de limiter les inconvénients du change, tant pour les particuliers que pour la cité ou le sanctuaire. Délos n’avait pas non plus besoin d’émettre des monnaies pour financer de grands programmes de construction, comme on le voit pour d’autres cités : elle utilisait largement les réserves du sanctuaire pour ses programmes architecturaux 99. Bénéficiant de l’asylie sur l’ensemble du territoire insulaire, elle n’avait d’autre budget militaire que celui de ses dépenses de couronnes honorifiques dans le cadre d’une diplomatie qui favorisait sa neutralité 100. Il est donc probable que le choix métrologique des Déliens se soit aligné sur les monnaies qu’ils voyaient s’imposer en Égée au début du iiie s. Leur but était surtout de fournir des petites dénominations permettant le paiement des taxes, des fermages et des loyers, tout en trouvant des compléments dans d’autres monnayages étrangers, propres aux échanges extra-civiques. Le monnayage de la cité de Délos est en quelque sorte sans impact économique, il ne fait que révéler le contexte monétaire qui était celui des Déliens dans l’emporion et plus largement dans un cadre égéen. Le choix du poids de la drachme citharéphore devait probablement répondre à cette exigence d’insertion dans le paysage monétaire égéen du iiie s. Les trésors répertoriés dans l’IGCH pour la première moitié du iiie s. montrent sans surprise que la circulation monétaire égéenne s’organise autour de trois numéraires principaux : l’argent d’étalon attique issu des ateliers monétaires d’Alexandre et de ses successeurs, la monnaie ptolémaïque et les didrachmes de Rhodes. G. Le Rider a souligné que dans les trésors provenant de Grèce et d’Égée, la monnaie ptolémaïque voisine avec la monnaie de poids attique 101. Ces changements métrologiques correspondent aussi au recul des réseaux commerciaux attiques devant le développement des activités rhodiennes (dont témoigne par exemple Polybe, IV, 47, 1, avec l’appel des cités à l’aide rhodienne contre Byzance lors de l’instauration d’une taxe sur les Détroits). L’entente entre la puissance rhodienne et la puissance lagide en mer Égée, bien connue dès l’époque du siège de Rhodes par Démétrios Poliorcète en 306, met aussi en jeu des réseaux commerciaux à des niveaux de capillarité probablement très aboutis 102. 98. Voir
infra tableau 35. supra chapitre II p. 74-75. 100. Baslez, Vial 1987. 101. Le Rider 1986, p. 30-42. 102. Voir par exemple le témoignage du P.Ryl. 554, vers 258, qui montre un réseau d’affaires impliquant autour de Zénon des Sidoniens et des Rhodiens avec un entrepôt à Rhodes (Chankowski 2018a, p. 39-40). Mais Wiemer 2002, p. 100-102, souligne que ces relations ne sont pas continues et met en évidence l’interruption du milieu du iiie s. dans les relations entre Ptolémée II et Rhodes qui lui préfère Antigone Gonatas et Antiochos II. C’est à cette période, entre 250 et 240, que le triérarque Agathostratos de Rhodes est honoré à Délos par la 99. Voir
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En 280, les Déliens pouvaient légitimement penser que ces monnayages rhodien et lagide étaient en train de devenir la nouvelle norme en vigueur dans le monde égéen. Ils ont pu alors faire le choix de compléter par leur propre monnayage, sous la forme de subdivisions, un autre monnayage existant. Le poids des premières drachmes citharéphores rapproche en effet le monnayage délien du grand courant monétaire rhodien, dont les didrachmes pèsent entre 6,50 et 6,79 g et les tétradrachmes 13,25 g dans les années 250-230 (soit une drachme de 3,40-3,25 g) 103. Ce choix aurait été cohérent au regard de l’implication de Rhodes dans les courants commerciaux et des liens qu’elle devait avoir avec l’emporion délien : on peut supposer que la monnaie rhodienne circulait déjà à Délos à cette date et que les Déliens avaient tout intérêt à l’utiliser. Toutefois, la date de l’émission monétaire délienne des citharéphores invite à explorer aussi une autre piste car la période correspond à l’établissement de la domination lagide dans les Cyclades. Plusieurs contacts avec des fonctionnaires lagides sont attestés à Délos et dans les Cyclades dès 286 104. La circulation de la monnaie d’argent des deux premiers Ptolémées, en particulier par l’intermédiaire du versement de subsides aux cités en lutte contre les Antigonides, est attestée dans le Péloponnèse et en Eubée, ainsi que dans les trésors de Grèce et d’Égée, mais seules Corinthe (en 308-306) et Ainos (sous Ptolémée III) ont servi d’ateliers pour les émissions royales 105. Or les tétradrachmes d’argent ptolémaïques voient leur poids se réduire graduellement jusqu’à 14,50 g sous Ptolémée ier (soit un poids théorique de la drachme à 3,60 g) 106 si bien que Déliens pourraient tout autant avoir cherché à se rattacher au système lagide en développant localement des subdivisions complémentaires. Dans le contexte des années 280, les Déliens avaient toutes raisons de penser que cette autorité qui s’imposait en mer Égée allait déterminer le cadre de la métrologie, et l’on ne peut exclure non plus que la puissance lagide ait elle-même exercé une pression sur les choix monétaires des cités. Avec l’effacement de la domination lagide des îles égéennes dans la seconde moitié du iiie s., la monnaie délienne semble avoir de nouveau connu des évolutions. Là encore, on peut penser que les Déliens ont agi en fonction de leur environnement monétaire. Si la drachme délienne citharéphore voit son poids diminuer au cours du iiie s., jusqu’à 2,90 g environ comme nous l’avons supposé à partir du témoignage des comptes, elle se rapproche alors graduellement des drachmes rhodiennes de poids réduit dont la diffusion commence massivement à partir des guerres crétoises à la fin du iiie s. 107 mais aussi des monnaies d’Histiée à 2 g qui pouvaient permettre à la monnaie délienne et à ses subdivisions des équivalences commodes. Les modifications qui semblent affecter le fonds du nèsiadeion entre 250 et 207, de même que le reclassement du chorégikon, laissent supposer que c’est un peu avant 207 que la drachme citharéphore a connu ces évolutions. Le monnayage d’Histiée a pu quasiment suppléer, dans l’île, la monnaie épichorique d’argent. Cela expliquerait à la fois les grandes quantités d’argent histiaiikon qui se trouvaient dans la caisse sacrée et la faible représentation des monnaies d’argent déliennes au regard des monnaies de bronze : il serait plausible que la cité ait privilégié les frappes de petites dénominations de bronze pour les échanges locaux quotidiens, tandis qu’une monnaie étrangère présente en grandes quantités sur Confédération des Insulaires (IG XI 4, 1128), peut-être après sa victoire navale à Éphèse contre la flotte de Ptolémée II commandée par l’Athénien Chrémonidès, comme le rapporte Polyen (Stratagèmes, V, 18). 103. Ashton 1989, p. 6. 104. Voir supra chapitre I p. 21. 105. Chryssanthaki-Nagle 2005 ; Le Rider 1986, p. 30-42 ; A. Cavagna, Monete tolemaiche oltre l’Egitto (2015) ; Th. Faucher, A. Meadows, C. Lorber, Egyptian Hoards I (2017). 106. Cadell, Le Rider 1997 p. 87. 107. Ashton 2001, nos 282-302.
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son territoire la dispensait d’alimenter davantage la circulation de l’argent. Du point de vue des usagers, l’une comme l’autre remplissaient leurs fonctions dans les échanges.
Les phoinikophores dans le paysage monétaire égéen La logique pondérale du monnayage phoinikophore qui apparaît dans les années 170, un siècle après l’émission des citharéphores, est évidemment beaucoup plus difficile à déterminer étant donné la rareté des informations dont nous disposons à son sujet. Le monnayage phoinikophore, avec une drachme aux alentours de 3 g, permettait à la fois de se mettre en accord avec l’émergence des plinthophores rhodiennes à 3 g et de conserver l’équivalence avec les monnaies d’Histiée : puisque l’existence de tétroboles phoinikophores est attestée épigraphiquement, il faut supposer que cette subdivision, que l’on peut alors restituer à 2 g, répondait à un alignement sur la monnaie histiéenne dont on a vu qu’elle constituait une quantité importante de la circulation monétaire à Délos. C’est ce qui explique aussi que les administrateurs athéniens, dans leurs inventaires, aient pu parfois ajouter des oboles déliennes aux monnaies d’Histiée ou de Rhodes pour obtenir des chiffres ronds. Le choix de nouvelles subdivisions dans le monnayage délien, avec le remplacement du triobole citharéphore par le tétrobole phoinikophore, devait répondre à cette nécessité d’équivalences comptables aisées, mais ce sont surtout des subdivisions de bronze que, comme pour l’émission de citharéphores, la cité délienne a introduites dans les échanges. Le numéraire d’argent citharéphore dut être refondu pour les émissions de phoinikophores, ce qui expliquerait en même temps sa rareté sur le site. La même opération fut-elle mise en œuvre pour les subdivisions de bronze citharéphore ? La quantité de ces petits exemplaires que l’on continue de trouver sur le site en font douter. Manifestement, la cité de Délos n’a pas cherché à augmenter sa masse monétaire au moment des frappes phoinikophores : des sommes considérables de monnaies restent thésaurisées dans le sanctuaire, comme en témoignent les inventaires de jarres de la fin de l’Indépendance. Contrairement, par exemple, à l’initiative de l’amphictionie delphique de frapper monnaie en 336 pour refondre les trioboles de l’amende phocidienne 108, utiliser ce numéraire obsolète dans la caisse du sanctuaire pour des frappes de monnaies locales n’aurait eu aucun intérêt pour la cité délienne, qui, adossée à l’emporion, aurait été dans l’obligation de procéder à des opérations de change monétaire pour entrer sur les marchés égéens et aurait vu ainsi disparaître son propre stock métallique. Elle avait au contraire intérêt à limiter son monnayage à l’usage local et, de ce fait, à privilégier les petites dénominations en profitant des équivalences possibles avec d’autres monnayages plus répandus pour compléter la circulation monétaire locale. Mais avec les émissions phoinikophores, le changement que font les Déliens dans leur mon nayage marque aussi une rupture, avec une révision des types monétaires qui voit l’abandon de la cithare au profit du palmier et, dans le monnayage de bronze, l’introduction de l’effigie d’Artémis 109. Ces nouveaux choix de représentation mettaient manifestement l’accent sur l’histoire sainte délienne en rappelant, à côté de la figure d’Apollon, les symboles liés à Léto 108.
Raven 1950 ; Kinns 1983 ; Lefèvre 1998, p. 261-263 ; Marchetti 1999 ; Sánchez 2001, p. 144-147 ; Flament 2010, p. 39-48 ; Doyen 2011. 109. Comme le rappelle à juste titre O. Picard en citant le décret de Sestos pour Ménas (OGI 339, l. 43-49), « frapper monnaie relevait incontestablement de la décision des États, cités ou rois : le choix des types, de l’étalon monétaire, des espèces, le volume de métal à frapper, toutes ces questions faisaient l’objet de débats parmi les dirigeants, de propositions des conseils, de votes des assemblées » (Picard 2010a, p. 163).
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et à la naissance des jumeaux divins. Dans le contexte préoccupant des années 170, avec les guerres de Macédoine et la construction de la domination romaine en Méditerranée orientale, les Déliens réaffirmaient visiblement leurs droits sur l’île d’Apollon en rappelant l’originalité de l’île sacrée. Athènes, qui s’était engagée dès le début du conflit entre Rome et la Macédoine et attendait de Rome une rétribution de cette alliance, menaçait sans doute déjà l’indépendance de Délos : dans une ambassade envoyée à Rome dès l’hiver 198/7, l’Athénien Képhisodôtos, honoré ensuite par sa cité 110, fit valoir des revendications athéniennes, parmi lesquelles figurait peut-être déjà la restitution de Délos, comme le suggère Polybe (XXX, 20, 3) en racontant l’épisode de 167 quand il signale l’ancienneté des réclamations d’Athènes 111. Ce choix d’un nouveau monnayage ne saurait s’expliquer sans l’existence d’une rupture politique et économique, de même que l’émission des citharéphores avait entériné la rupture avec les réseaux attiques. L’apparition du monnayage rhodien plinthophore pourrait en être la cause : l’alliance de Rhodes à la puissance romaine contre les Antigonides, dans les décennies précédentes, ne pouvait qu’inciter les Déliens à s’attacher au modèle rhodien, même si, quelques années plus tard, ils allaient, comme Rhodes, faire les frais des décisions romaines. Ce monnayage plinthophore, comme on l’a maintes fois souligné, marque quant à lui une nette rupture dans les émissions rhodiennes par rapport aux drachmes rhodiennes de poids réduit 112. En circulation dès 190-185, il représente une diminution significative de l’étalon rhodien, par rapport aux tétradrachmes à 13,6 g et aux didrachmes à 6,8 g qui n’avaient cessé d’être la référence y compris parallèlement aux drachmes de poids réduits et à leurs imitations 113. Récusant l’interprétation d’A. Bresson selon lequel l’émission des plinthophores serait une réaction rhodienne à la multiplication des imitations — avant leur intensification qui date d’après la Paix d’Apamée, ces pseudo-rhodiennes sont massivement issues de Crète entre 205 et 200 et sous l’autorité de militaires rhodiens —, R. Ashton a suggéré de voir dans ce nouveau monnayage un alignement sur le système des cistophores de Pergame, l’autre alliée de Rome, les premières drachmes cistophores pesant légèrement plus de 3 g, comme les plinthophores, et apparaissant dans le même contexte, vers la fin des années 190 114. Si les choix des Déliens marquent un certain attentisme par rapport aux changements déjà opérés dans les systèmes monétaires environnants dès les années 190-185, alors qu’ils en voient certainement les répercussions plus rapidement dans l’emporion, c’est que la décision d’une nouvelle émission monétaire répondait principalement à des usages locaux, dans lesquels les transformations égéennes se faisaient sentir avec plus de distance. La cité de Délos, qui se trouvait, à la fois en raison des activités économiques de son sanctuaire et par la présence de l’emporion, impliquée dans des réseaux d’échanges égéens, n’a eu de cesse de chercher à aligner son monnayage sur celui des grandes puissances qui se sont succédé en Égée, pour chercher à s’inscrire au mieux de ses avantages dans les grands courants monétaires. Ce faisant, les Déliens voulaient faciliter à la fois les opérations comptables et les opérations marchandes réalisées par la cité, le sanctuaire et les particuliers dans l’île d’Apollon, en diminuant autant que possible les pertes générées par le change des monnaies puisque la 110.
ISE 33 (= SEG XXI, 525) ; Pausanias, I, 36. Habicht 2006, p. 224-225 et 219, n. 13. 112. Robert 1951, p. 166-178 ; Errington 1989, p. 286-288 ; Jenkins 1989 ; Ashton 1994 ; Ashton 2001. 113. Ashton 2001, p. 89 et 93. 114. Ashton 2001, p. 94 : « If this is right, it is legitimate to ask whether it is more than coincidence that two states, which were allies in the wars against Philip V and Antiochos III, both decided to introduce at about the same time coinages which were completely different in design from any previous products of their mints and which apparently adopted the same, otherwise unknown, weight standard » ; Bresson 1993 ; Bresson 1996. 111.
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drachme délienne, destinée nécessairement à un usage local, ne permettait pas d’entrer dans des transactions régionales.
Les Cyclades : « The Island Standard » L’étude des monnayages hellénistiques de Naxos et Paros avait conduit H. Nicolet-Pierre, puis J. Tully, à mettre en évidence l’existence d’un étalon monétaire de 3,90 g à la drachme qui, entre la fin du ive s. et le début du iie s., aurait constitué une norme dans les îles égéennes 115. Contrairement à Délos, Naxos émet surtout des statères didrachmes et peu de drachmes, parallèlement à un monnayage de bronze. Paros émet des tétradrachmes, des didrachmes et des drachmes ainsi que leurs subdivisions et un monnayage de bronze. Ce choix d’un étalon monétaire atypique serait, selon J. Tully, l’expression de la volonté des deux plus grandes îles des Cyclades de créer un espace de circulation monétaire distinct et d’en tirer des profits par le change monétaire 116. Le choix d’une drachme à 3,90 g est interprété par J. Tully comme un rattachement à l’étalon chiote, dont le développement en Égée pourrait remonter aux activités de Lysandre en Ionie 117. Mais cet étalon est abandonné depuis plus d’un siècle et il paraît douteux que le choix de Paros et de Naxos soit lié à l’Asie mineure 118. Si des monnaies de Carystos paraissent alignées sur une norme similaire, en revanche au Nord de Délos, les îles d’Andros et Ténos font des choix métrologiques différents, en maintenant d’abord l’étalon attique puis en frappant des monnaies qui sont taillées entre 3,60 g et 2,90 g à la drachme 119. Sous réserve d’un examen plus complet du dossier des monnayages cycladiques, on pourrait en conclure que l’histoire monétaire de Délos, probablement parce qu’elle est intimement liée au commerce de son emporion et à l’influence des grands monnayages qui s’imposent parallèlement aux alexandres dans les réseaux commerciaux égéens, ne s’écrit pas de la même manière que celle des deux grandes îles rivales de Paros et Naxos, tandis que Ténos et Andros, dont la dépendance à l’égard de l’emporion et du sanctuaire déliens est peut-être plus grande, paraissent suivre les tendances de l’île d’Apollon. Cette constatation invite à réexaminer, du point de vue économique, l’idée d’un régionalisme cycladique qui se serait développé à la faveur d’une vacance de pouvoirs dans les Cyclades dans la seconde moitié du iiie s. 120. Cet ensemble n’est manifestement pas unitaire.
Le chalkou délien et ses enjeux métrologiques L’émission des citharéphores en argent s’était accompagnée de séries en bronze, probablement en quantité importante pour les besoins des échanges quotidiens dans l’île. Comme l’archéo115.
Nicolet-Pierre 1999 ; Nicolet-Pierre 2010 ; Tully 2013. La référence à une norme insulaire s’appuie sur un passage de l’Anonyme d’Alexandrie, De talentis et denario (Hultsch 1864-1866, p. 300-302 ; MelvilleJones 1993, p. 402, no 587). 116. « As such, the use of this standard cannot be considered an imposition from outside, or an attempt to conform with some existing external practice. Instead, the islanders were deliberately minting on a discrete, unique standard » (Tully 2013, p. 52). 117. Meadows 2010. 118. Nicolet-Pierre 1999, p. 117-118 : « il faut renoncer, probablement, à lui trouver quelque signification politique […] La pratique de Naxos traduit simplement peut-être l’appartenance à un ensemble géographique limité à certaines des Cyclades et au Sud de l’Eubée ». 119. Étienne 1990, p. 235-236, no 203 ; Paschalis 1898 ; Hoover 2010, p. 112-116 (Andros) et 177-183 (Ténos). 120. Reger 1994a. Voir supra chapitre V p. 279.
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logie en fournit maints parallèles, les monnaies de fouilles sont majoritairement des bronzes et aucune monnaie délienne d’argent n’a été trouvée dans un trésor, en dehors de l’époque archaïque. De l’Indépendance, seul un petit trésor de 13 bronzes citharéphores a été trouvé à Délos 121. Les comptes et inventaires des hiéropes témoignent en revanche de l’existence de grosses sommes en bronze épichorique. Dès 269 (IG XI 2, 203, A, l. 3-4), soit dix ans après l’émission des citharéphores, le produit d’un tronc du sanctuaire avait fourni à la caisse sacrée une somme de 108 dr. ½ ob. d’argent (ἀργυρίου δ̣ρ̣α̣χμὰς), de 52 dr. de bronze (χαλκοῦ), de 6 dr. et 5 ob. rhodiennes (ῥοδίας δραχμὰς), ainsi qu’une drachme de Cos et un bracelet. Dans un inventaire de l’Artémision vers 190 (ID 407, l. 22), 500 dr. de χαλκοῦ δηλίου sont enregistrées, avec en plus les subdivisions de la demi-obole et du tétartèmorion (𐅅𐅁 𐅀). Les balances de compte témoignent, elles aussi, de sommes importantes libellées en chalkou. Vers 200, le compte ID 376 (l. 17-20) mentionne une transmission de chalkou pour 561 dr. 1 ch. En 179 (ID 442, A, l. 53-55), ils reçoivent dans leur encaisse de la part des trésoriers 3 755 dr. 2 ob. de chalkou. Ces sommes pourraient être un indice de l’importance du monnayage de bronze délien, mais elles ne laissent pas d’étonner par leur ampleur. Hormis un trésor monétaire trouvé à Magnésie du Méandre et comportant plus de 4 000 monnaies de bronze de la cité 122, le fait reste étonnant, surtout dans le contexte du monnayage de Délos. Les sources littéraires ont, il est vrai, conservé le témoignage de l’aes deliacum qui était une célébrité dans l’Antiquité. Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXXIV, 9-10) rapporte que Myron employait pour ses statues du bronze délien, tandis que Polyclète préférait le métal d’Égine. Mais c’est l’alliage fait à la manière délienne qui était alors célèbre et la géologie délienne ne nous fait pas connaître de filons de cuivre à Délos 123. Pourtant, un devis daté de 297, donc antérieur à la première émission monétaire délienne de l’Indépendance, concernant des aménagements dans le temple d’Apollon, présente un détail intéressant : il précise que l’artisan n’aura pas à fournir le bronze, qui lui sera remis par la cité (χαλκὸν δὲ τῶι ἐργώνηι ἡ πόλις παρέξει, ID 502, A, l. 23). Une clause semblable est connue à l’époque de la première domination athénienne, dans un devis concernant la construction du Pythion (ID 104-4, aA, l. 8-10), mais cette fois c’est le plomb que l’artisan n’aura pas à fournir car il lui sera remis par Athènes, qui pouvait s’en procurer aisément dans ses propres mines 124. Sans doute Délos avait-elle plus de facilités à se procurer du bronze que de l’argent, ce qui expliquerait qu’elle ait largement utilisé ce métal pour ses frappes monétaires. Il est en tout cas significatif qu’à partir de 279, après la première émission de citharéphores déliennes, on trouve dans les inventaires la première mention d’un lot de bronze local (χαλκοῦ ἐπιχωρίου) associé à de l’argent dokimon de l’étalon attique et d’Alexandre (IG XI 2, 161, B, l. 20 : ἀργυρίου ἀττικοῦ καὶ ἀλεξανδρείου δοκίμου καὶ χαλκοῦ ἐπιχωρίου — — δραχμὰς ·𐅄ΔΔ 𐅂ΙΙΙ· ). Il s’agit d’un lot de monnaies qui fait partie des offrandes de l’Artémision et dont les mentions perdurent dans les inventaires des années suivantes 125. Il ressort de cette description 121.
IGCH 298 : voir tableau 43 et p. 224. Tekin 2011. 123. Orlandos 1966, p. 102 et n. 6 et 7. Bruneau 2006, p. 343-373, rassemble les attestations relatives à l’aes deliacum. L’article, consacré au problème des appellations, met en doute l’identification entre les objets en bronze trouvés dans l’île et la caractéristique de « bronze délien » appliquée à certains produits : si l’alliage avait pu être mis au point à Délos à l’époque archaïque, si bien que deliacus avait eu primitivement une valeur géographique, à l’époque de Pline c’est probablement la valeur typologique qui comptait. 124. Sur ce texte, voir Chankowski 2008a, p. 258-260 et 499-507. 125. IG XI 2, 162, B, l. 16 ; 164, A, l. 62 ; 199, B, l. 43-44 ; 203, B, l. 70 ; 223, B, l. 29 ; 287, B, l. 29. 122.
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que, pour les Déliens, le chalkou local peut être comptabilisé dans la continuité de ce monnayage d’étalon attique de bon aloi puisqu’il est possible d’en donner un total en drachmes attiques. Cette manière de traiter le chalkou correspond exactement aux pratiques que l’on constate à la fin de l’Indépendance dans les balances de comptes, où le chalkou qui constitue une partie de l’encaisse reçoit le même traitement que d’autres étalons monétaires. Inversement, elle diffère des habitudes des hiéropes face aux monnaies de bronze étrangères qu’ils rassemblent dans les troncs ou comme offrandes. Cette même année 279, l’inventaire des offrandes dans le temple d’Apollon mentionne un lot de monnaies de bronze de diverses provenances, dans une hydrie et une jarre de bronze : le tout, monnaies et vases, est pesé pour un total de deux mines (IG XI 2, 161, B, l. 100 : χαλκοῦ ἐπισήμου παντοδαποῦ ἐν ὑδρίαι καὶ στάμνωι χαλκ[οῖ]ς, ὁλκὴν σὺν τοῖς ἀγγείο[ις] μναῖ ·ΙΙ·, « du bronze frappé de toutes provenances dans une hydrie et dans une jarre de bronze, poids avec les anses, 2 mines »). La manière dont cette encaisse en chalkou est traitée par les hiéropes diffère également de la manière dont les Athéniens de l’époque du port franc ont enregistré quelques rares bronzes déliens dans leur inventaire des jarres : ils les ont comptés à l’unité sans les intégrer au total de chaque jarre 126. Il y a donc des cas où les monnaies de bronze, comme l’ont fait les hiéropes avec les monnaies de bronze de toutes provenances, sont pesées ou bien écartées du total en argent attique, et d’autres cas où il est possible de comptabiliser le bronze dans une continuité avec l’argent attique. De cette constatation, O. Picard a tiré la conclusion que le monnayage de la cité de Délos était d’étalon attique et que cette pratique comptable s’expliquait par le cours forcé de la monnaie délienne 127. Or, comme on l’a vu, la monnaie délienne ne correspond pas au poids de la drachme attique et ne bénéficie pas non plus d’un cours forcé dans l’île 128. Il convient, tout d’abord, de ne pas surestimer l’importance de ce passage souvent cité : il s’agit à cet endroit (IG XI 2, 161B, l. 20) de la partie du compte qui concerne l’inventaire des objets métalliques. Son objectif est de fournir une estimation monétaire de la valeur des avoirs thésaurisés, en particulier pour ceux qui le sont sous forme de phiales. Les hiéropes inventorient des lots dont l’unité provient uniquement de la volonté du dédicant. Lorsqu’ils ne savent pas comment compter les monnaies disparates qui composent un lot, ils pèsent et donnent la valeur en poids d’argent selon l’étalon attique. Lorsqu’ils peuvent faire un calcul, ils donnent le total converti en étalon attique. Une rasura trahit d’ailleurs leurs hésitations à cet endroit au sujet du compte du chalkou. Il ressort des pratiques comptables des hiéropes à propos des drachmes déliennes qu’ils ont probablement, dans le cas du chalkou délien, procédé à la même opération de conversion comptable qu’avec les dépenses des Eileithyaia, pour obtenir un total en étalon attique 129. Allant plus loin, Ch. Doyen, dans son étude sur la métrologie de l’argent et du bronze, a vu dans la confrontation entre l’étalon attique de bon poids et un étalon attique réduit utilisé pour les émissions monétaires civiques de Délos un indice de l’existence d’un étalon d’argent 126.
Dans le fragment ID 1450, B, l. 4, la mention — [σὺν] δηλίοις τετρωβόλοις χαλκοῖς — dans une ligne très mutilée ne doit pas tromper : comme le montrent d’autres formules de l’inventaire ID 1432 (Annexe 3), il faut certainement modifier la ponctuation et écrire — [σὺν] δηλίοις τετρωβόλοις . Χαλκοῦς —. Quant aux δραχ[μὰς] χαλκίνας mentionnées dans le fragment ID 1422, l. 7, elles ne sont pas nécessairement déliennes. 127. Picard 1996. 128. Voir supra p. 202. 129. Voir aussi le parallèle avec les comptes béotiens : Grandjean 1995 ; Brélaz, Andriomenou, Ducrey 2007 (avec le commentaire de D. Knoepfler dans Bull. 2010, 311) ; IG VII 3078, comptes de Lébadée et Étienne, Knoepfler 1976, p. 105-106, pour la date.
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réduit, nommé chalkou. Les monnaies appelées dans les comptes χαλκοῦ ἐπιχωρίου seraient en réalité des drachmes d’argent taillées selon cet étalon réduit, dont l’existence parallèle à celle de l’étalon attique plein entre dans un système d’équivalences pondérales dont on peut suivre les évolutions tout au long de la période hellénistique, de même que les Lagides avaient fait fonctionner conjointement deux étalons, le πρὸς ἀργύριον et le πρὸς χαλκόν 130. Cette thèse, vivement contestée par J. Kroll 131, ne peut être véritablement discutée dans le détail pour le moment, en l’absence de corpus des poids, à la fois pour Délos et pour le reste du monde grec 132. Sans apporter de convergence complète avec la démonstration de Ch. Doyen et son tableau synthétique des évolutions métrologiques du monde grec 133, les hypothèses, auxquelles nous parvenons indépendamment, sur le poids théorique des monnaies citharéphores déliennes à partir des équivalences que l’on peut évaluer dans les comptes présentent deux similitudes frappantes avec ce schéma : une drachme citharéphore dont le poids théorique serait de 3,47 g lors de la première émission monétaire vers 280 (étalon attico-alexandrin « du bronze » dans un ratio de 125 :1 pour Ch. Doyen), et dont le poids à la fin du iiie s. chuterait à 2,92 g (étalon attico-alexandrin « du bronze » dans un ratio de 150 :1 correspondant aussi à l’étalon symmachique « de l’argent », pour Ch. Doyen). Jeu de chiffres, dira-t-on sans doute, dès lors qu’il s’agit de proportions ? Mais l’importance des sommes en chalkou dans les encaisses déliennes, le traitement du chalkou comme un étalon monétaire dans les balances comptables, interrogent néanmoins sur la définition de ce numéraire qu’il est décidément difficile de consi dérer comme du métal de bronze. Les observations faites à partir des comptes des hiéropes tendent donc à montrer que la question ne mérite pas d’être oubliée dans les futures études de numismatique, car le dossier délien contribue à relancer ce débat.
LA CIRCULATION MONÉTAIRE À DÉLOS HELLÉNISTIQUE Le témoignage des trésors Au regard de la richesse de la documentation épigraphique comptable, les trouvailles moné taires sont finalement peu nombreuses : pour l’ensemble de l’île, on connaît actuellement environ 6 000 monnaies. La collection conservée au Musée de Délos compte près de 3 500 monnaies, la plupart des bronzes, trouvées lors de la seconde grande série de fouilles déliennes à partir des années 1960 : îlots des Bronzes, des Bijoux, de la Maison des Comédiens, Maison des Sceaux, Rhénée, puis lors des fouilles plus récentes de l’Agora des Compétaliastes, du Sarapieion, de l’Héraion, de l’Aphrodision et de la Ferme aux jambages de granit. Il faut y ajouter des collections qui se trouvent au Musée numismatique d’Athènes, où des trésors ont été transportés pour restauration et sont restés, avec les monnaies découvertes lors des premières fouilles, soit environ 2 500 monnaies. On compte au total 32 trésors provenant de Délos, identifiés par J. Svoronos puis par T. Hackens, entre la fin du xixe s., lorsque débutèrent les premières fouilles, et la fin des années 1960 (tableau 43). Ils ont été mis au jour en divers endroits, dès les premières années du xxe s. au cours des fouilles que finança la dotation du duc de Loubat à partir de 1903 134. Les campagnes antérieures, celles d’A. Lebègue sur le versant occidental du Mont Cynthe entre 1873 et 1876 et celles de 130.
Doyen 2012, p. 79-84. Kroll 2013. 132. La tâche a été entreprise par Ch. Doyen dans le cadre du projet Pondera on line. 133. Doyen 2012, p. 160. 134. Plassart 1973. 131.
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Th. Homolle dans la plaine du sanctuaire entre 1877 et 1880, ne semblent guère avoir livré de trésors monétaires, à deux exceptions près. Conformément aux attentes, ce sont essentiellement les fouilles de l’habitat qui, à partir de 1903, fournissent la quasi-totalité du matériel. À partir de 1905, J. Chamonard, avec M. Bulard et F. Mayence, commence le déblaiement de plusieurs îlots du Quartier du théâtre, tandis que le Hiéron est également progressivement dégagé par F. Courby, G. Leroux, J. Hatzfeld et Ch. Dugas. De 1909 à 1911, P. Roussel entreprend le dégagement de la Terrasse des Dieux étrangers, tandis qu’en 1911, Ch. Picard explore les abords du Lac sacré et poursuit ensuite avec Ch. Avezou le dégagement de plusieurs monuments de ce secteur, et qu’A. Plassart travaille au Quartier du stade à partir de 1912. Aussi la grande majorité des trésors inventoriés dans l’IGCH correspond-elle à des trouvailles réalisées entre 1905 et 1912. À l’exception d’un trésor découvert lors de la construction d’une nouvelle aile du musée en 1931, le reste des trouvailles provient de l’exploration des quartiers d’habitation situés au Nord du sanctuaire, dès 1961 par Ph. Bruneau, Chr. Le Roy, Ed. Lévy, G. Siebert. J. Svoronos, pour les trouvailles des premières fouilles, puis T. Hackens à partir des fouilles des années 1960, ont identifié les monnaies de ces trésors, dont la composition est reprise dans l’IGCH. Il faut y ajouter deux trouvailles postérieures, dans l’Îlot des Bijoux et dans la Maison des Sceaux. Ces trésors contiennent généralement peu de monnaies — une trentaine en moyenne — mais certains sont plus importants et atteignent 200 à 300 monnaies. Cette multiplication d’enfouissements est essentiellement le fait des crises mithridatiques qui frappèrent Délos en 88 et en 69 et l’on ne sera pas étonné de constater que la quasi-totalité de ces trésors est composée de tétradrachmes et de drachmes stéphanéphores d’Athènes auxquels viennent s’ajouter des bronzes athéniens correspondant à la seconde période de domination athénienne 135. Parmi ces quelque 6 000 monnaies provenant de Délos, peu d’exemplaires permettent de documenter la période du iiie s. qui correspond à l’essentiel de la comptabilité des hiéropes. Il faut ici tenir compte du fait que, contrairement à ce que peuvent laisser croire les apparences, on a finalement peu fouillé à Délos dans des couches correspondant à la période de l’Indépendance délienne, encore moins dans des couches de la période classique 136. IGCH 110 Délos 1910 Fin ive s. (Svoronos) Athènes, MNA Athènes 50 tétradrachmes AR. M. Holleaux (rapport de Ch. Picard), CRAI 1911, p. 872 : dans un vase de terre au sud-est du Lac sacré. IGCH 126 Délos1910 Athènes, MNA Fin ive-début iiie s. (Svoronos) Athènes 29 tétradrachmes AR et nombreux Æ M. Holleaux (rapport de Ch. Picard), CRAI 1911, p. 872 : dans les magasins au nord du Lac sacré.
135.
L’enfouissement de ces trésors pose la question de la chronologie des destructions dans le Quartier de Skardhana. En fonction de la chronologie adoptée pour les monnaies du Nouveau Style, la date de 88 ou de 69 a été proposée : voir l’état de la question dans Hackens, Lévy 1965, p. 515-516, et les arguments en faveur de la date de 69 dans Siebert 2001, p. 134-135. Toutefois, l’examen du matériel de la Maison des Sceaux (entrepris dans le cadre de la publication collective du matériel de la fouille), et en particulier l’étude de la céramique menée par A. Peignard-Giros, invite à réexaminer la question. 136. Chankowski 2008a, p. 379.
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IGCH 256 Délos 1931 ca. 150/ca. 120 Musée de Mykonos ? Athènes 18 tétradrachmes et 2 drachmes AR stéphanéphores. M. Kambanis, BCH 58 (1934), p. 122 : dans les fondations de la nouvelle aile du Musée de Délos. IGCH 272 Délos 1959 ca. 140/ca. 110 Musée de Mykonos Athènes 32 tétradrachmes et 2 drachmes AR du Nouveau Syle T. Hackens, BCH 84 (1960), p. 814 et BCH 89 (1965), p. 515-516 : dans un égout de la ruelle S de l’Insula III du Quartier du théâtre. IGCH 284 Délos 1905 137/104 Athènes, MNA Athènes 249 tétradrachmes AR stéphanéphores M. Holleaux, CRAI 1905, p. 781 : dans une construction située au sud de la voie des portiques, enveloppées dans une feuille de plomb à laquelle semble avoir adhéré une étoffe. IGCH 285 Délos 1911 129/88 Athènes, MNA Athènes 250 tétradrachmes AR stéphanéphores Roussel 1916, p. 48, n. 4, 6o : non loin de la baie de Skardhana ; monnaies presque toutes fleur de coin. IGCH 286 Délos 1905 128/88 Athènes, MNA Athènes 173 monnaies AR stéphanéphores : 52 tétradrachmes, 98 drachmes, 23 trioboles M. Holleaux, CRAI 1905, p. 781 : dans la maison qui forme l’angle sud-ouest de la rue du Théâtre, dans une petite amphore d’argile grossière haute d’environ 20 cm qui garde quelques traces d’une inscription peinte. IGCH 290 Délos 1906 125-120/88 Athènes, MNA 40 monnaies AR Athènes 39 monnaies AR stéphanéphores : 19 tétradrachmes, 13 drachmes, 7 trioboles Pergame 1 cistophore (ca. 125) M. Holleaux, CRAI 1907, p. 368 : sous un piédestal de marbre au nord du Portique de Philippe. IGCH 292 Délos 1881 120/87 Athènes, MNA Athènes 43 tétradrachmes AR stéphanéphores A. Hauvette-Besnault, BCH 6 (1882), p. 311 : dans le sanctuaire égyptien, sous le niveau de l’assise IJ.
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IGCH 293 Délos 1894 ca. 120/87 Athènes, MNA Athènes 30 tétradrachmes AR stéphanéphores L. Couve, BCH 19 (1895), p. 461-463 : trois dépôts provenant de la fouille de cinq maisons (deux sur les bords du Lac sacré, une au haut de la colline à l’Ouest du lac, une dans la rue qui conduit du Portique de Philippe au Théâtre et une au-dessus de l’Inôpos, sur les flancs du Cynthe). IGCH 294 ca. 120/88 Athènes 13 tétradrachmes AR stéphanéphores J. Svoronos, JIAN 13 (1911), p. 76 : Agora de Théophrastos.
Délos 1907 Athènes, MNA
IGCH 295 Délos 1910 ca. 120/88 Athènes, MNA Athènes 92 tétradrachmes AR stéphanéphores 1 Æ (Svoronos) M. Holleaux (rapport de Ch. Picard), CRAI 1911, p. 872 : dans un magasin incendié, au Nord du Lac sacré. IGCH 297 Délos 1912 ca. 110/69 Athènes, MNA Athènes 50 tétradrachmes AR stéphanéphores M. Prou (travaux d’A. Plassart), CRAI 1913, p. 699 : dans le Quartier du stade. IGCH 298 Délos 1906 iie s. Athènes, MNA 16 Æ Délos 13 Æ citharéphores Ténos Abydos Athènes 1Æ 1Æ 1Æ J. Svoronos, JIAN 13 (1911), p. 75 : dans la Maison du Dionysos, dans un vase. IGCH 319 Fin iie s.-début ier s. Athènes 2 drachmes AR 117 Æ dont 50 aux types athéniens / 67 illisibles 1 bague AR J. Svoronos, JIAN 10 (1907), p. 193 : Maison du Dionysos.
Délos 1906 Athènes, MNA
IGCH 320 Fin iie s.-début ier s. Athènes 66 Æ dont 52 aux types athéniens / 14 illisibles J. Svoronos, JIAN 10 (1907), p. 194 : Maison du Dionysos.
Délos 1906 Athènes, MNA
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
IGCH 321 Fin iie s.-début ier s. 20 Æ dont 1 illisible Athènes 17 Æ Délos 1 Æ citharéphore Rhodes 1Æ J. Svoronos, JIAN 13 (1911), p. 76 : dans la Maison du Dionysos.
Délos 1906 Athènes, MNA
IGCH 322 Fin iie s.-début ier s. Athènes 1 tétradrachme AR stéphanéphore et 17 Æ (information de M. Oikonomidès pour IGCH ).
Délos 1910 Athènes, MNA
IGCH 323 Fin iie s.-début ier s. Athènes 26 Æ dont 5 illisibles (information de M. Oikonomidès pour IGCH ).
Délos 1910 Athènes, MNA
IGCH 324 Fin iie s.-début ier s. Athènes 13 Æ (information de T. Hackens pour IGCH ).
Délos 1968 Musée de Délos
IGCH 325 Fin iie s.-début ier s. Athènes 7 drachmes AR stéphanéphores (information de T. Hackens pour IGCH ).
Délos 1968 Musée de Mykonos
IGCH 328 Délos 1910 Début ier s. Athènes, MNA Athènes 3 trioboles AR stéphanéphores 311 Æ dont 179 illisibles M. Holleaux (rapport de Ch. Picard), CRAI 1911, p. 872 : au Nord-Est du lac. IGCH 329 Début ier s. Athènes 8Æ (information de T. Hackens pour IGCH ).
Délos 1961 Musée de Délos
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IGCH 333 Délos 1909 88 ou post. Athènes, MNA Athènes 95 Æ Rhodes 5 drachmes et 6 trioboles plinthophores AR J. Svoronos, JIAN 15 (1913), p. 40-41 : Sud de l’Agora tétragone, dans un petit vase. Il n’est pas certain qu’il s’agisse d’un trésor unique. IGCH 334 Délos 1967 88 ou 69 Musée de Délos Athènes 13 tétradrachmes AR stéphanéphores Ph. Bruneau, BCH 92 (1968), p. 678 et p. 684 : Îlot des Bijoux, habitation II (bourse tombée de l’étage ; trouvaille à même le sol). IGCH 335 88 13 AR Mithridate VI (93/2) 7 tétradrachmes AR Athènes 6 tétradrachmes AR stéphanéphores J. Svoronos, JIAN 13 (1911), p. 57-58 : dans la fontaine Minoé.
Délos 1908 Athènes, MNA
IGCH 336 ca. 88 Athènes 59 tétradrachmes AR stéphanéphores Rhodes 5 AV : 3 statères et 2 hémistatères + bijoux T. Hackens, Ed. Lévy, BCH 89 (1965), p. 535-566.
Délos 1964 Musée de Mykonos
IGCH 347 Délos 1905 ca. 85-80/78 ou post. Athènes, MNA Athènes 35 AR stéphanéphores : 13 tétradrachmes et 22 drachmes (dont 2 de l’époque Sylla) M. Holleaux, CRAI 1905, p. 781 : dans une rue au nord-ouest de la Maison du Lac, dans une feuille de plomb. IGCH 348 Délos 1907 ca. 85-80 Athènes, MNA 12 AR Athènes 10 AR du Nouveau Style : 5 tétradrachmes et 5 drachmes Éphèse (89) 1 cistophore Tralles 1 cistophore J. Svoronos, JIAN 13 (1911), p. 77 : dans les déblais de fouille du téménos.
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IGCH 349 Délos 1909 85-80 Athènes, MNA Athènes 11 AR stéphanéphores : 4 tétradrachmes, 5 drachmes (dont 1 de l’époque de Sylla), 2 trioboles J. Svoronos, JIAN 15 (1913), p. 40-41 : dans une cachette sous un mur, maisons en face de la Salle hypostyle. Îlot des Bijoux, habitation IV Délos 1967 88 ou 69 ? Musée de Mykonos ? Athènes 1 tétradrachme AR stéphanéphore + bijoux Ed. Lévy, BCH 92 (1968), p. 523 : trouvé sur le dallage, traces d’incendie. Maison des Sceaux 69 ? Athènes 49 Æ (type à la plemmeochoé) Siebert 2001 (rapport d’O. Picard), p. 134-135 : monnaies agglutinées sur le seuil entre les pièces ξ et μ.
Délos 1975 Athènes, MNA
Tableau 43 — Trésors monétaires trouvés à Délos.
De ce tableau ressort l’impression que la thésaurisation de l’argent qui apparaît avec les tétradrachmes attiques à la fin du ive s. (IGCH 110 et 126) ne reprend qu’avec l’arrivée du monnayage attique stéphanéphore 137. Cette constatation est en partie le fait de la concentration des fouilles sur les couches archéologiques du ier s., mais n’est pas non plus sans convergences avec la nature du numéraire, assez peu attique, qui devait circuler à Délos au iiie s. et au début du iie s. d’après les comptes des hiéropes. La nature du numéraire en circulation pouvait donc avoir une influence sur les pratiques de thésaurisation et l’on n’a pas, à ce jour, retrouvé à Délos de trésor de monnaies rhodiennes ou histiéennes. Un autre aspect intéressant est la thésaurisation des petites monnaies de bronze : la majorité de ces trouvailles sont des monnaies athéniennes qui correspondent aux types découverts dans les fouilles de l’Agora d’Athènes 138. De la période de l’Indépendance, seul un petit trésor de 13 monnaies de bronze déliennes témoigne (IGCH 298). Une autre monnaie citharéphore est thésaurisée avec un lot de bronzes aux types athéniens, signe supplémentaire que le monnayage délien phoinikophore n’a pas eu le temps de circuler dans l’île. Cette thésaurisation du bronze interroge sur les motifs de conservation de ces sommes dans des contextes qui sont le plus souvent d’habitat. La Maison du Dionysos a livré à elle seule quatre de ces trésors (IGCH 298, 319, 320 et 321). Les localisations sont malheureusement trop peu précises pour assurer l’interprétation, mais il faut se demander, dans ce secteur du Quartier du théâtre qui a vu de nombreux remaniements de façades à la faveur de l’installation 137.
Sur le rôle du monnayage stéphanéphore comme « monnaie hellénique », voir le bilan dressé par Picard 2009, avec les références bibliographiques citées. 138. Kroll 1993, p. 76-80, no 101-110. La découverte de ces monnaies sur l’Agora athénienne montre qu’il ne s’agit pas d’un monnayage frappé exclusivement pour la clérouquie comme le pensait J. Svonoros (Svoronos 1900), à l’exception de certaines séries, dont celle qui porte au droit la tête d’Artémis et au revers la plemmochoè (Kroll 1993, no 104 et p. 68-69).
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PARASITES DU DIEU
de boutiques, si certains de ces trésors en monnaies de bronze ne sont pas plutôt des caisses de boutiquiers, abandonnées lors des catastrophes mithridatiques 139. La faiblesse de cette thésaurisation concorde avec l’importance du rôle des banquiers dans l’île.
Le rôle des banquiers à Délos Les hiéropes avaient recours, dès le iiie s., aux services de banquiers : ainsi en 250, des transmis sions sont faites par l’intermédiaire de banques (διὰ τραπέζης) et par un ordre de paiement (διεγράψαμεν) 140. Dans un fragment de compte antérieur (IG XI 2, 225, l. 6-7), on trouve peutêtre, à travers la transmission de sommes διὰ τῆς Δημά[ρους?]— ἄλλας διὰ τῆς Στη[σίλεω?] —), la mention de deux banques appartenant à des Déliens, Démarès et Stèsiléos 141. Dès le milieu du iiie s. au moins, l’implication des banquiers dans les opérations financières du sanctuaire est donc attestée. L’introduction de la comptabilité publique dans les comptes des hiéropes, à partir de 192 (ID 399), va certainement de pair avec un recours plus systématique aux comptes bancaires. Le recours aux banques s’expliquait d’abord par le fait que la caisse ne pouvait être ouverte régulièrement : les recettes perçues en cours d’année étaient donc déposées dans une banque avant d’être versées à la caisse sacrée 142. Probablement fallait-il également déposer dans une banque les sommes qui, en début d’année, étaient retirées de la caisse sacrée en prévision des travaux, de façon à les rendre disponibles au moment du paiement aux entrepreneurs. Les banquiers ne se contentaient pas de recevoir ces sommes en dépôt : ils procédaient aussi aux opérations de conversion nécessaires lorsque des sommes qui leur sont transmises sont composées de numéraires variés. Comme l’avait remarqué R. Bogaert, les inscriptions associées aux jarres évoquent les « sacs scellés et munis d’une étiquette mentionnant la somme, le poids, la firme, le nom de l’employé de banque qui avait essayé, compté et pesé l’argent ainsi que la date, sacs qui circulaient comme moyen de paiement dans les banques de Frankfort vers 1860 » 143. Aussi les évolutions de l’encaisse délienne permettent-elles de préciser davantage le rôle dévolu aux banquiers. Les hiéropes, dont les collèges étaient soumis à une rotation annuelle qui ne leur permettait pas de « capitaliser » leur expérience administrative, avaient certainement besoin de l’expertise des banquiers, seuls véritables connaisseurs des numéraires en circulation dans un paysage monétaire qui vit de fréquentes évolutions entre la fin du iiie s. et le début du iie s. C’est probablement au contact de ces spécialistes de la finance qu’étaient les banquiers que les hiéropes ont peu à peu élaboré des pratiques de comptabilité plus performantes. Nous en avons peut-être un indice en la personne du hiérope Silènos, qui exerçait ses fonctions en 179 144. Le caractère exemplaire du compte de 179 (ID 442) apparaît dès la première lecture. C’est un modèle d’organisation comptable qui se caractérise par sa capacité à distinguer clairement les opérations pour passer d’une comptabilité narrative à une comptabilité ordonnée et normative, en dépit de la complexité chronologique des transmissions de fonds. Or le hiérope Silènos, qui porte un nom typiquement délien, était peut-être aussi banquier : ce nom est aussi celui de 139. 140. 141. 142. 143. 144.
Sur la Maison du Dionysos : Chamonard 1906 ; Chamonard 1922-1924, p. 127-134 ; Trümper 1998, no 80 p. 301-303. Sur les boutiques du Quartier du théâtre, Karvonis 2008 et Karvonis, Malmary 2009. IG XI 2, 287, A, l. 134-135 ; D, l. 10-20. Cf. Bogaert 1968, p. 170. Bogaert 1968, p. 170 ; F. Durrbach dans IG XI 2, p. 112. Vial 2008, s.v., ne retient pas cette interprétation. F. Durrbach ad ID 399, p. 64 ; Bogaert 1968, p. 172-173 ; Vial 1984, p. 225. Voir supra chapitre I p. 42-45, à propos du rôle des banquiers dans les opérations monétaires du sanctuaire. Bogaert 1968, p. 175, n. 235 avec la bibliographie afférente. Chankowski 2008b.
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l’associé de la banque de Philon, l’une des six banques qui travaillent au même moment avec le sanctuaire. Nous la voyons apparaître à plusieurs reprises dans les inventaires de jarres, pour des opérations qui s’étendent entre 180 et 172. Le nom de Silènos correspond à un personnage en activité entre 200 et 170, qui apparaît comme hiérope, banquier, fermier et caution 145. On comprendrait alors pourquoi le compte de 179 diffère des autres par sa clarté, si l’un au moins de ses auteurs avait pu utiliser directement ses compétences financières dans la gestion qui lui avait été confiée cette année-là. Mais étant donné la complexité de l’encaisse délienne, on peut supposer que les banquiers ne se contentaient pas seulement de procéder aux opérations de conversion comptable, et qu’ils pouvaient aussi contribuer à organiser les lots conservés dans les jarres en espèces monétaires adéquates aux échanges prévus, en procédant le cas échéant à des échanges de numéraire entre les différentes jarres. L’association de la caisse publique à la caisse sacrée ne pouvait, de ce point de vue, qu’élargir les possibilités. Il est caractéristique que, contrairement à ce qu’ont fait les administrateurs athéniens, les hiéropes déliens ne se sont jamais contentés de numéroter les jarres mais ont toujours scrupuleusement indiqué, dans les comptes, le texte du libellé fourni pour chaque lot par les banquiers. C’est probablement que cette indication permettait de rattacher ces sommes aux registres des banques, qui devaient fournir davantage d’indications sur le numéraire en question. Les banquiers ont pu aussi procéder, pour les deux caisses déliennes, à des opérations de change, en particulier lorsque les Déliens avaient besoin d’alexandres pour les achats de blé et qu’ils n’en disposaient plus en quantité suffisante dans leur encaisse, mais ces opérations échappent totalement à notre connaissance car les comptes des hiéropes ne donnent aucune trace de paiement de frais de change 146. Il est possible que la transaction de Timôn de Syracuse avec la Confédération des Nèsiotes, au début du iie s., apporte indirectement un éclairage sur cette question 147. Timôn, qui est aussi l’un des banquiers de la caisse délienne, avait accepté de changer gratuitement des drachmes rhodiennes contre des monnaies d’étalon attique pour la Confédération (IG XII 5, 817). Il pourrait avoir ainsi élargi à la Confédération des Nèsiotes une faveur qui était celle que les banquiers faisaient au sanctuaire de Délos. En effet, les banquiers installés à Délos ne manquaient pas de profiter des avantages que leur apportait le sanctuaire. Même s’ils avaient à verser une redevance à la cité délienne sous la forme de droits de place, ils bénéficiaient largement de la neutralité politique et monétaire délienne. Contrairement à de grands États capables d’imposer un monopole des frais de change, comme l’Égypte lagide, ou comme Delphes au iie s., qui avait affermé les frais de change 148, la cité de Délos laissait aux banquiers les bénéfices du change. Cette situation favorable — liée à l’emporion délien où, comme le montre l’affaire de la Confédération des Nèsiotes, on venait aussi chercher du crédit — explique la présence de plusieurs banques à Délos dès le iiie s. En laissant ce profit aux banquiers sans l’exploiter parmi ses revenus publics alors qu’elle aurait pu créer une taxe sur le change, la cité délienne pouvait sans doute obtenir de leur part quelque contrepartie, d’autant plus qu’en utilisant les services de plusieurs banques, elle divisait les risques mais répartissait en même temps la charge entre les banquiers. 145.
À la suite de Lacroix 1932, p. 518, Bogaert 1968, p. 182, avait noté ce rapprochement. Vial 2008, s.v., ne le reprend pas. 146. Les inscriptions déliennes ne mentionnent en revanche aucun κολλυβιστής pour la période de l’Indépendance. Cette profession apparaît une seule fois dans l’épigraphie délienne, dans une souscription au Sarapieion C (ID 2622, b, col. II, l. 3) datée vers 100-75. Le personnage semble d’origine modeste : Bresson 2014, p. 526. 147. Chankowski 2014a. 148. Delphes : Syll 3 672, l. 21 ; Bresson 2014.
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Les banques contribuaient ainsi largement au recyclage des espèces dans la caisse monétaire, sans doute en étroite association avec le Conseil et les hiéropes, puisque les Déliens avaient en même temps intérêt à ne pas laisser partir le numéraire délien (fig. 6). Inversement, la caisse sacrée fonctionnait elle-même comme une banque fournisseuse de capitaux par les prêts à intérêts. Comme nous l’avons constaté pour les registres de la comptabilité, les banques sont, à côté de l’administration civique de la caisse délienne, l’un des rouages d’une machinerie financière complexe qui dépasse le cadre strict de la gestion du sanctuaire. Ces banques intervenant dans les opérations de gestion des caisses déliennes ont été étudiées par R. Bogaert, qui a rassemblé et analysé les informations disponibles dans les comptes et dans les décrets honorifiques à leur sujet 149. Il a noté le nombre croissant de banques intervenant dans les paiements de la cité et du sanctuaire. Le tableau ci-dessous rassemble les principales informations les concernant (tableau 44). Nom du banquier/de la banque
Origine géographique
Première mention dans les comptes
Dèmarès et Stèsiléôs
Délos
IG XI 2, 225, l. 6-7 (entre 259 et 250)
Théôn
Byzance ?150
ID 399, A, l. 38-40 (a. 195)
Philistos et Héphaistion
?
ID 399, A, l. 43 (a. 194)
Timôn fils de Nymphodôros
Syracuse
ID 399, A, l. 10 (a. 193)
Mantineus fils de Satyros et Hellen puis Hellen seul
Ténos
ID 399, A, l. 10 (a. 192) ID 461, Aa, l. 19-22 (a. 178)
Hérakleidès fils d’Aristion et Nymphodôros fils de Timôn151
Tarente Syracuse
ID 404, l. 3 (a. 188)
Philôn et Silènos puis Philôn seul
Syracuse ?152 ; Délos
ID 442, A, l. 26 (a. 180) ID 455, Aa, l. 17-19 (a. 173)
Philophôn et Paktyas
?
ID 448, A, l. 4 (a. 175)
Tableau 44 — Les banques intervenant dans le maniement des fonds publics et sacrés.
Le témoignage des décrets laisse deviner la présence d’autres officines bancaires, ou à tout le moins d’autres financiers, qui n’étaient pas directement impliqués dans la gestion des caisses du sanctuaire. Le décret d’une cité inconnue pour le Délien Mnèsalkos (IG XI 4, 1049), au début du iiie s., montre que les organismes civiques venaient chercher des offres de crédit à Délos : Mnèsalkos avait prêté de l’argent à plusieurs reprises à cette cité (l. 9-11). Certains de ces financiers ne sont pas Déliens : vers 240, ce sont des sitônai d’Histiée qui font affaire à Délos avec un Rhodien, Athènodôros fils de Peisagoras, qui leur prête de l’argent sans intérêts (IG XI 4, 1055). Comme le montre l’affaire de Timôn avec la Confédération des Insulaires, les banquiers étaient des intermédiaires incontournables pour prêter et faire circuler des monnaies d’Alexandre, dès lors que la caisse du sanctuaire délien ne prêtait plus aux cités et qu’elle disposait d’ailleurs de moins en moins de ce numéraire au cours de l’époque hellénistique. D’autres banquiers viennent s’établir à Délos à partir de la promulgation du port franc. La banque de Démon et Cléandros, qui est mentionnée dans les actes des administrateurs 149.
Bogaert 1968, p. 170-187. Identification de Lacroix 1932, p. 517. 151. Identification de Roussel 1908, p. 408, qui montre que Nymphodôros est le fils et successeur de Timôn. 152. Identification de Durrbach 1921-1922, p. 87, par un rapprochement avec le personnage honoré dans le décret IG XI 4, 758. 150.
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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Fig. 6 — Le recyclage monétaire dans les finances déliennes.
athéniens pour la garde des contrats de prêts de l’argent du sanctuaire, mais aussi des Italiens et des Orientaux dont témoignent les dédicaces de cette période : Marcos Minatios, Maraios Gerillanos, Loukios Auphidios, Philostrate d’Ascalon ont été honorés par différents bénéficiaires de leurs bienfaits 153. L’importance des banquiers venus d’Italie est mieux visible à Délos après 167, mais il est caractéristique que l’on trouve, dès la fin du iiie s., une famille syracusaine avec un associé tarentin pour la banque de Timôn et celle d’Hérakleidès. L’installation des Siciliens en Égypte, en Grèce, en Asie mineure, est connue dès la seconde moitié du iiie s 154. Avec les destructions de Syracuse et Tarente en 212 et 209 lors de la deuxième guerre punique, ce sont des entreprises familiales qui se transfèrent en Grèce et dans les Cyclades 155. Des banquiers d’Italie du Sud comme Timôn et Hérakleidès, Grecs assimilés à la culture romaine, ont certainement joué un rôle important dans la construction des liens économiques entre les insulaires et les negotiatores romains 156. Les opérations militaires romaines en Asie et le besoin de ravitailler les légions ont pu faire d’eux des intermédiaires précieux pour le pouvoir romain : l’emporion de Délos pouvait se prêter, sans être le seul, à l’organisation de l’approvisionnement des troupes, mais ce n’est certainement pas l’unique raison de la présence de Timôn dans l’île 157. En réalité, les banquiers commencent très tôt à travailler avec les administrateurs du sanctuaire délien, au cours du iiie s., et les banquiers étrangers sont présents au moins dès 195 : ils se sont donc installés à Délos dès la fin du iiie s. ou le tout début du iie s., à un moment d’intensification des affaires dans l’emporion. 153.
Bogaert 1968, p. 187-190, pour les références. Manganaro 1989, p. 513-541. 155. Ces liens familiaux chez les Syracusains et les Tarentins sont bien visibles dans les monuments funéraires de Rhénée : Couilloud 1974, p. 328. 156. Compatangelo-Soussignon 2006 souligne ce rôle des Grecs d’Italie méridionale et de Sicile. 157. Contrairement à ce que veut démontrer Étienne 2011, p. 18-20, sur Timôn. Voir les objections de Bresson 2014, p. 518-519. 154.
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PARASITES DU DIEU
Le développement du rôle des banquiers à Délos à partir du port franc est indissociable du développement du monnayage athénien stéphanéphore. Selon une chronologie révisée de ce monnayage, les premières émissions remonteraient à l’année 164/3 et correspondraient donc directement à la reprise en main par les Athéniens de l’île de Délos, mais d’autres hypothèses ont été avancées et font démarrer les émissions plus tôt, sinon dès 196, du moins dans les années 180-175 158. Le contrôle qu’exerce alors Athènes sur Délos est certainement l’un des éléments déterminants qui permet à la cité de développer un monnayage capable de prendre la place des alexandres comme « monnaie hellénique » en mer Égée : le port franc ne rapporte certes pas de recettes fiscales, mais grâce au change des monnaies, il fonctionne probablement, là encore, comme le creuset d’un gigantesque recyclage monétaire, favorisé par les activités de grande ampleur des negotiatores italiens et des marchands orientaux 159. Le rôle des banquiers, dans la continuité de leur activité dans la Délos hellénistique d’avant 167, est directement lié au change des monnaies et à la transformation des monnayages non attiques en numéraire stéphanéphore tel qu’il a cours légal. Leur caractère incontournable dans les opérations financières du port franc explique leur présence en nombre jusqu’aux catastrophes mithridatiques de 88 et 69. O. Picard, tout en soulignant combien nous avons peu d’informations dans les sources grecques pour comprendre « comment l’argent est arrivé à l’atelier monétaire », a émis l’hypothèse très plausible que les hommes d’affaires installés à Délos et impliqués dans de nombreuses opérations de change auraient pu obtenir d’Athènes le droit de faire refrapper, à partir de leurs stocks de numéraires divers, des monnaies stéphanéphores 160. La situation de port franc aurait en quelque sorte introduit la pratique des frappes libres 161. Peut-être en avons-nous une trace à travers quelques passages fragmentaires des actes des administrateurs athéniens, qui concernent la banque publique (δημοσία τράπεζα) de Délos instituée par les Athéniens sur un modèle développé à Athènes dès la fin du ive s. 162. Pour le sanctuaire, elle avait pour fonction, comme les banques privées de l’Indépendance, de gérer l’entrée de certaines recettes (ID 1416, B, col. I, l. 40-41) mais il faut aussi se demander si elle n’a pas eu un rôle à jouer dans le recyclage des monnaies étrangères en émissions de stéphanéphores. Nous n’en voyons dans les actes administratifs que la part qui concerne la comptabilité du sanctuaire, mais celle-ci peut laisser entrevoir les mêmes pratiques de la part des hommes d’affaires. Un passage d’un acte administratif signale en effet, à la suite de l’inventaire des anciennes jarres de la caisse délienne, l’entrée d’une nouvelle jarre dont le libellé est rédigé de la même manière qu’à l’époque de l’Indépendance (ID 1421, Ab, col. I, l. 8-15) : ἄλλον στάμνον ἐφ’ οὗ ἐπιγρα[φή· ἀπὸ τῆς τραπέζης τῆς ἐν Δήλωι, κεχειροτονημένου ἐπ’ αὐτὴν Θ[εοδώρου τοῦ] Στράτωνος Μαραθωνίου ἐπὶ Ἀνδρέου ἄρχον[τος, μηνὸς] Ἀνθεστηριῶνος τετράδι Παραμόνωι καὶ Εὐμήλωι τ[οῖς κεχειροτο]νημένοις ἐπὶ τὴν φυλακὴν τῶν ἱερῶν χρη[μάτων — — — — —]— — —καὶ τὰς ἄλλας προσόδους ὥστε εἰς [τὸ ἱερόν· κα]τέβαλεν Διόφαντος παρ’ Ἀλεξίωνος στεφα[νηφόρου] ΧΧΧΧ𐅅· ἐλλείπει τέτραχμα ΙΙ. vac. 158.
159.
160. 161. 162.
Thompson 1961 pour la chronologie haute ; Lewis 1962 pour la chronologie basse (164/3) ; MØrkholm 1984 pour la datation intermédiaire. Bilan bibliographique et discussion dans Picard 2010, p. 169-175. Également Bresson 2006b sur les courbes de production des émissions successives, qui défend la concordance avec la reprise athénienne de Délos ; Flament 2007, p. 146-152. Sur le stéphanéphore comme nouvelle « monnaie hellénique » et le problème des intentions de Rome, voir les remarques de Picard 2010, p. 166-167 et Picard 1983, p. 245-250, contre la thèse de Giovannini 1978, p. 81-95, selon laquelle Rome se serait servie d’Athènes pour retirer les alexandres de la circulation. Picard 2010, p. 186-188. Sur le problème des frappes libres, voir cependant Callataÿ 2005, qui en récuse l’existence dans l’Antiquité. Bogaert 1968, p. 190-192.
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Une autre jarre, portant l’inscription : de la banque de Délos, dont a été élu responsable Théodôros fils de Straton du dème de Marathon, sous l’archontat d’Andreas, le 4 du mois Anthestérion, aux administrateurs Paramonos et Eumélos élus pour la garde des biens sacrés, [une somme], ainsi que les autres revenus, pour les besoins du sanctuaire. Versement de Diophantos, venant d’Alexiôn, 3 500 dr. stéphanéphores. Il manque 2 tétradrachmes. Datée par l’archonte de l’année 154/3 ou 152/1, elle provient « de la banque publique dont a été élu responsable Théodôros fils de Straton du dème de Marathon » et contient un versement de 3 500 dr. stéphanéphores qui est transmis aux administrateurs pour les besoins du sanctuaire. Le versement est effectué par un autre personnage, Diophantos, παρ’ Ἀλεξίωνος (« venant d’Alexiôn »). Un Diophantos fils d’Hékataios est connu comme administrateur des biens sacrés dans les années qui précèdent (ID 1416, a. 156/5) et la formule a été comprise par P. Roussel dans le corpus comme une simple transmission en provenance d’une banque privée. Mais la formule peut tout aussi bien faire penser à un versement en provenance d’un atelier monétaire, dont le maître d’atelier aurait été cet Alexiôn. Il est inconnu par ailleurs mais la même année, un versement similaire est mentionné dans une jarre δι’ Ἀλεξίωνος, « par l’entremise d’Alexiôn » (l. 7) dans un passage très fragmentaire. Diophantos, ici nommé sans patronyme ni démotique, ce qui est inhabituel pour la désignation des administrateurs sur les libellés de jarres, n’est peut-être pas l’administrateur de l’année 156/5, mais pourrait être nommé ici comme magistrat monétaire. La banque publique servirait ainsi d’intermédiaire permettant de recycler les monnayages qui n’étaient pas d’étalon attique, reçus par les banquiers via les negotiatores, pour les transformer en stéphanéphores. Cette hypothèse peut être partiellement vérifiée par les listes de monétaires, mais se heurte à d’autres difficultés. Selon la chronologie haute, un ΔΙΟΦ, en effet, est second monétaire en 164/3 (collège ΔΩΡΟΘΕ-ΔΙΟΦ) et troisième monétaire en 153/2 (collège ΚΑΡΑΙΧ-ΕΡΓΟΚΛΕ), tandis qu’un ΔΙΟΦΑ est premier monétaire en 175/4 (collège ΔΙΟΦΑ-ΔΙΟΔΟ, 144/3 selon la chronologie basse) 163. Dans cette chronologie haute, c’est donc le monétaire de 153/2 qui conviendrait, ce qui conduirait en même temps à dater l’archonte Andreas mentionné dans l’inscription de 152/1 en suivant W. Dinsmoor plutôt que P. Roussel, ce qui paraît plausible 164. Les chronologies basse ou intermédiaire, toutefois, ne permettent pas la même résolution. Mais même en admettant avec Chr. Habicht que les dates antérieures à 145/4 restent approximatives car la régularité des premières séries n’est pas assurée 165, on voit que l’hypothèse se heurte à de trop nombreuses incertitudes pour avancer davantage sur cette question. Sans suivre A. Giovannini qui envisageait une refonte systématique des monnaies macé doniennes qui aurait été orchestrée par les Athéniens conformément à une décision romaine 166, il faut admettre que les liens entre les émissions de stéphanéphores et les milieux d’affaires du port franc délien sont flagrants, d’abord par le fait que la plupart des monétaires stéphanéphores appartiennent à des familles actives à Délos 167. Cette convergence d’intérêts économiques et politiques entre les Athéniens, les negotiatores et les banquiers avec la bénédiction de Rome trouvait dans le port franc de Délos un lieu privilégié de développement et avait fait du monnayage stéphanéphore un de ses instruments 168. 163. 164. 165. 166. 167. 168.
Thompson 1961, p. 562. Roussel 1916, p 359 (154/3, sous réserves) ; Dinsmoor 1931, p. 268. Habicht 1991, p. 3. Giovannini 1978, p. 92-102. Habicht 1991. Sur ce caractère atypique du monnayage stéphanéphore par rapport aux autres monnayages souvent liés au financement de la guerre, voir Bresson 2006b.
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PARASITES DU DIEU
En imposant sa monnaie dans les échanges de l’emporion — et plus largement dans les échanges égéens —, la puissance athénienne sous l’autorité de Rome avait réussi ce que la neutralité délienne ne pouvait imposer.
CONCLUSION : UN PAYSAGE MONÉTAIRE EN PERMANENTE ÉVOLUTION Entre la puissance économique lagide qui avait développé un système monétaire spécifique pour bénéficier des opérations de change, la puissance séleucide qui favorisait l’étalon attique et la puissance antigonide dont les opérations militaires contribuaient à développer des monnayages de poids réduit, l’Égée cycladique apparaît comme un espace intermédiaire, traversé d’influences multiples et ouvert à la circulation d’espèces monétaires très diversifiées. Point de rupture de charge sur les routes maritimes, Délos et la cité délienne, à cause du sanctuaire et de l’emporion, représentaient tout particulièrement cette forme de neutralité qui, sur le plan monétaire, conduisait à la circulation d’une grande variété d’espèces. La caisse du sanctuaire d’Apollon apparaît en définitive comme le creuset d’un recyclage monétaire permanent. Les comptes des hiéropes et les actes des administrateurs athéniens constituent ainsi une fenêtre d’observation ouverte sur la situation économique et financière égéenne, tant sur le plan de la conjoncture économique que sur le plan des pratiques financières. La recherche des influences métrologiques à laquelle Délos est soumise révèle le caractère particulièrement mouvant du contexte monétaire égéen à partir de la fin du ive s., une fois qu’est actée définitivement la fin de la domination athénienne. C’est dans un paysage monétaire certainement difficile à déchiffrer et impropre aux anticipations que les Déliens tentent alors de se situer. La domination lagide dans les Cyclades a été étudiée dans le détail pour ses aspects poli tiques et militaires égéens 169. La présence de garnisons et de magistrats lagides dans les îles au iiie s. est documentée par quelques inscriptions (Kéos, Ios, Cos, Théra, Crète), où s’exprime l’intervention profonde des Lagides dans les affaires judiciaires et financières des insulaires, en particulier à travers l’organisation de l’envoi de juges étrangers, mais aussi à Délos en faveur des finances déliennes avec les interventions du nèsiarque Bacchôn et du roi de Sidon Philoklès auprès d’Insulaires débiteurs (IG XI 4, 559) 170. Aussi Ptolémée III pouvait-il affirmer, sur la stèle d’Adoulis (OGIS 54), avoir reçu les Cyclades de son père. Mais le rôle joué par les Lagides dans la métrologie égéenne, avec l’appui de Rhodes, dans la première moitié du iiie s., mérite certainement d’être réenvisagé à la lumière de la documentation délienne. En Égypte, les réformes de Ptolémée II montrent d’ailleurs l’aboutissement d’une réflexion métrologique, alors que se développe à Alexandrie un véritable pôle de compétences en la matière 171. Il serait étonnant que le reste du monde égéen, en particulier par l’intermédiaire des Rhodiens, n’ait pas profité de cette réflexion. Sans doute en trouve-t-on une trace dans les comptes déliens, à travers le passage à une base 12 qui se manifeste dans la métrologie de l’emporion (métrète de 12 conges, obole de 12 chalques, ephekton) dans les années 280. Ce changement correspond au fond à une dévaluation de la valeur de référence initiale du ive s., fondée sur la drachme attique. Si, pour l’équivalent d’un talent en poids d’argent, il fallait désormais plus de drachmes rhodiennes ou lagides, il était logique que ces évolutions apparaissent. L’ensemble du système métrologique, dans l’emporion délien comme ailleurs sans doute aussi, s’était progressivement adapté à ce changement. 169.
Voir à ce sujet les études rassemblées dans Duyrat, Picard 2005, p. 17-212, pour l’époque hellénistique. supra chapitre I p. 21. 171. Voir en dernier lieu Picard et alii 2012 ; Faucher 2013. 170. Voir
POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE DANS LA DÉLOS HELLÉNISTIQUE
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L’effondrement de cette domination lagide après le milieu du iiie s. créa manifestement un vide du point de vue métrologique et monétaire 172, bientôt occupé dès la fin du iiie s. par des monnayages qui sont liés à la multiplication des opérations militaires : les guerres crétoises, puis les conflits des Antigonides contre Rome et la guerre antiochique. Rhodes reste un élément de stabilité dans ce jeu des puissances et c’est probablement à la politique monétaire rhodienne que s’attachent les Déliens, tout en jouant des équivalences imposées par les modifications du numéraire en circulation. Cette situation, qui voit en particulier l’arrivée massive des tétroboles d’Histiée dans les échanges, s’accompagne d’une raréfaction des alexandres disponibles pour le sanctuaire. La diffusion de ces monnaies histiéennes, directement liée aux opérations militaires, n’est pas propre à Délos mais concerne beaucoup plus largement les courants d’échanges entre la Grèce continentale et les Cyclades 173. Une telle situation ne pouvait manquer d’avoir des conséquences sur les échanges quotidiens, mettant une partie des acteurs de l’économie égéenne en retrait des courants d’affaires qui impliquaient du numéraire d’étalon attique. Cela ne signifie pas que d’autres puissances financières, et tout particulièrement les réseaux des banquiers dont les officines sont alors bien visibles dans la documentation délienne, n’aient pas disposé d’alexandres. Mais cette situation qui rendait plus difficile l’accès au numéraire d’étalon attique nécessaire aux grands courants d’échanges constitue peut-être les prodromes de ce que sera la Délos du port franc : une société de financiers et d’hommes d’affaires qui a progressivement évincé, dans un processus qui commence dès la fin du iiie s., les Déliens « parasites du dieu ». Ceux-ci ont finalement tenté autant qu’ils l’ont pu de faire prospérer la fortune du sanctuaire dont dépendait la leur. Mais ils ont été, en définitive, pris au piège de leur revendication de neutralité : tout en étant protégés des risques militaires, ils n’ont disposé d’aucune autorité politique suffisante pour maintenir la qualité de l’encaisse du sanctuaire.
172.
Situation qui est exprimée selon Reger 1994a sous la forme d’un régionalisme insulaire propre à favoriser la prospérité des Cyclades : voir infra chapitre V pour la discussion sur ce sujet. 173. V. Psilakakou a entrepris le corpus des monnaies d’Histiée sous la direction de S. Psoma.
CHAPITRE V
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
Les pratiques comptables mises en œuvre par les Déliens trouvaient à s’appliquer sur le marché, tant pour l’approvisionnement en matériaux que pour la conclusion de contrats. En rendant compte de leurs achats mensuels et en détaillant les prix unitaires de leurs transactions, tandis qu’ils précisaient les monnaies qui composaient leur encaisse et les libellés correspondant aux registres des banquiers, les hiéropes ont en même temps apporté un éclairage sur le contexte économique et financier dans lequel ils agissaient 1. C’est pourquoi les prix qu’il est possible de relever année après année dans les comptes des hiéropes ont, en définitive, davantage intéressé les commentateurs que les structures de la gestion financière de la caisse sacrée : ils y voyaient, à juste titre, une source permettant de mieux cerner les contours de l’économie égéenne, dans le contexte d’un débat sur la nature de l’économie antique 2. Mais les interprétations furent largement fonction du modèle sous-jacent choisi pour décrire le marché dont ces prix sont le produit, faute de poser explicitement la question de la définition de ce marché. Dans un article programmatique qui invitait à « historiciser » le marché, R. Descat écrivait : « En fait l’économie antique existe comme lieu académique d’un débat qui lui est indispensable parce qu’il lui permet de vivre avec une difficulté jamais résolue : l’existence ou l’inexistence du marché […] Le marché antique, au fond, n’a pas ou très peu été un objet d’étude ; il est plutôt un signe d’appartenance à un camp, utilisé de manière polémique, qui se substitue à une réflexion sur le concept lui-même » 3. La documentation délienne de la période hellénistique se trouve au cœur de ce débat. Dès la publication des premiers volumes des comptes des hiéropes, G. Glotz, puis Fr. Heichelheim, en utilisent les données pour montrer que les prix qui apparaissent dans la documentation délienne sont le reflet des rapports de pouvoirs militaires en mer Égée. Dès lors, ces prix sont compris 1. 2. 3.
Sur l’utilisation de ces prix par la société délienne par l’intermédiaire de la gravure et le rapport avec des mercuriales, voir supra chapitre I p. 65-66 et ici infra p. 241 et 263. Pour l’historiographie de cet intérêt pour les prix, voir Chankowski 2020. Descat 2006a, p. 257-258.
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comme étant fixés dans un marché méditerranéen interconnecté et ouvert à la concurrence : « Dans la période hellénistique, le marché de la Grèce devient universel. Il s’ouvre librement à l’importation, et les seules denrées dont le prix augmente sont celles qui ne mettent pas en concurrence plusieurs pays de production » 4. Dans les années 1960, tout en s’affirmant contre les grandes synthèses modélisantes de la fin du xixe s. et du début du xxe s., J. A. O. Larsen, dans le projet d’histoire globale de T. Franck, An Economic Survey of Ancient Rome, reprend lui aussi l’analyse des prix déliens pour les mettre en relation avec une conjoncture méditerranéenne répondant aux lois de l’offre et de la demande 5. Reprenant dans le détail cette perspective d’analyse statistique des évolutions de prix, G. Reger, dans les années 1990, aboutit à une réduction du champ interprétatif : les prix ne doivent plus être expliqués à l’échelle méditerranéenne et ne sont pas le reflet des évolutions politiques en mer Égée. Ils se comprennent à l’échelle locale et témoignent de l’émergence d’un régionalisme cycladique 6. À bien des égards, l’interprétation de G. Reger est l’écho de l’idée finleyenne du primitivisme de l’économie antique : « Early studies of the Delian economy were influenced by a “modernizing” model of the Hellenistic world that saw capitalism everywhere and emphasized long-distance trade and strong market interconnections » 7. Les choix interprétatifs de G. Reger sont, en eux-mêmes, tout autant influencés par des modèles sousjacents : c’est lorsque les pouvoirs extérieurs s’éloignent des Cyclades que celles-ci développent un fonctionnement régional qui se manifeste par une stabilité des prix menant à une prospérité économique. Toute dimension ultra-régionale ne s’explique alors que par des raisons religieuses liées à l’attractivité du sanctuaire d’Apollon et non par des relations économiques : « The “international” importance of Delos derived from its religious position » 8. Par contraste, la création du port franc par la volonté de Rome en 167 est pour G. Reger une décision de nature politique de Rome contre Rhodes, et non un choix économique, car elle instaure une situation radicalement différente de celle de la période de l’Indépendance. Parallèlement à une opposition entre « modernistes » et « primitivistes », l’interprétation des documents déliens est devenue la matière d’un clivage opposant « dirigisme » et « libéralisme ». S’élevant contre la vision d’une « libéralisation » du marché du port franc délien qui romprait avec ce régionalisme après 167, Th. Mavrojannis voit dans les rapports de force qui se manifestent à Délos sous l’autorité de Rome la continuité du marché du iiie s. dominé par les rois comme le pensaient Fr. Heichelheim et M. Rostovzeff : l’interprétation politique doit prévaloir sur l’économique et « ni l’accroissement géographique, ni la multiplication des échanges, ni l’augmentation des lieux de provenance des commerçants, ni enfin le changement intervenu dans la clérouquie, n’impliquent la libéralisation totale du marché délien : ils indiquent plus probablement une nouvelle politique dirigiste » 9. L’un des éléments qui a facilité cette modélisation des interprétations est assurément le fait que le sanctuaire comme acteur de l’économie délienne y était largement occulté : l’économie délienne s’en trouvait, en quelque sorte, décontextualisée. Or, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, la nature du trésor brassé par les administrateurs, tant dans la caisse sacrée que dans la caisse publique, oriente très largement les choix de la cité délienne en même 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Glotz 1913a, p. 29, et Glotz 1913b ; Heichelheim 1930. Larsen 1938, avec le chapitre « Delos in the Economic Life of the Period », p. 334-356. Reger 1994a. Reger 1994a, p. 55. Également Reger 1997, p. 54-55. Reger 1994a, p. 71. Mavrojannis 2002, p. 166, n. 11, critiquant l’interprétation de Reger 1997 et celle de Chankowski-Sablé 1997 qu’il qualifie de libérales.
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temps qu’elle éclaire sur le contexte égéen qui les influence. C’est sur cette base qu’il convient maintenant, passant de l’activité du sanctuaire à celle de l’emporion, d’analyser l’échelle d’activité de l’économie délienne.
LA CRÉATION D’UN MARCHÉ L’enregistrement des prix dans les comptes des hiéropes : l’expression de la demande La question de la conjoncture Depuis les études statistiques menées par G. Reger à partir du prix de plusieurs denrées dans les comptes de Délos, la notion de marché unifié a été récusée au profit d’une interprétation qui met l’accent sur le caractère cloisonné des marchés antiques. Pour chaque produit, les prix sont fixés dans des marchés différents car ils obéissent à des tendances et à des évolutions qui ne sont pas uniformes : « any explanation for a particular individual price history must be sought in the particularities of that good, and not in a general appeal to a common price-setting market for imported goods » 10. Au contraire, pour G. Glotz, Fr. Heichelheim, J. Larsen ou M. Rostovtzeff, la volonté de parvenir à une vision globale des échanges conduisait à considérer l’offre et la demande à l’échelle du monde hellénistique et, partant, à utiliser les prix déliens comme des indices valables pour l’ensemble des marchés. Dans cette perspective, les évolutions de prix étaient compréhensibles en termes de conjoncture. Sans exclure d’autres variables comme le coût du transport ou le coût de la main d’œuvre pour certaines denrées 11, cette interprétation mettait l’accent sur des explications d’ordre géopolitique : tel blocage militaire des voies de communication, tel accroissement de population dû à la démobilisation de vétérans, expliquaient les fluctuations de la demande à une échelle méditerranéenne, et les variations des coûts tels que les mettent en évidence les comptes de Délos. Si les prix déliens subissent les répercussions des grands événements géopolitiques, c’est donc, pour les tenants de cette interprétation, qu’ils appartiennent à un marché universel, construit au début de l’époque hellénistique avec l’élargissement du monde grec qui s’est opéré avec les conquêtes d’Alexandre et la constitution des grands royaumes. L’étude menée par G. Reger sur plusieurs séries de prix déliens n’évite pas non plus, pour expliquer les fluctuations de long terme, les explications géopolitiques, mais l’échelle méditerranéenne de l’interprétation est remplacée par l’échelle cycladique : après avoir servi de base militaire, les Cyclades ont développé leurs capacités à fournir l’essentiel de la consommation de base de leurs populations, surtout lorsque le recul des pouvoirs militaires en mer Égée, vers le milieu du iiie s., a pu laisser place à une organisation régionale des échanges 12. C’est cette dimension régionale des échanges que L. Migeotte retient comme critère d’analyse des niveaux de marché dans l’Antiquité : « même aux époques hellénistique et romaine, l’économie des cités grecques était faite d’une grande diversité dans laquelle on peut, en simplifiant, reconnaître trois niveaux superposés et partiellement reliés entre eux : un émiettement de productions et d’échanges locaux, variés et en partie autarciques, une multitude de marchés régionaux bien développés où s’échangeaient de nombreux produits, et plusieurs réseaux d’échanges à grande échelle pour un certain nombre de denrées, dont des objets de 10.
Reger 1997, p. 59. Glotz 1913a et Glotz 1913b ; Glotz 1932. 12. Reger 1994a ; Reger 1997, p. 63. 11.
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luxe. C’est naturellement aux deux derniers niveaux que se rencontrent surtout les activités orientées vers le marché ». Dans la compréhension de l’organisation des marchés, l’échelle des échanges semble ici jouer un rôle plus déterminant que la nature des produits échangés 13. Pourtant, les analyses des prix qui sont proposées dans toutes ces interprétations restent conformes à un présupposé : à quelque échelle qu’ils soient fixés, ces prix sont analysables en termes de conjoncture, c’est-à-dire qu’ils sont in fine le résultat d’une confrontation entre l’offre et la demande. Au contraire, analysant les économies d’Ancien Régime, J.-Y. Grenier a déjà montré qu’il convient d’abord de caractériser les formes prises par la demande, qui doit constituer l’élément premier de l’analyse : « L’approche historique traditionnelle de ce type de problèmes repose sur la méthode empirique qui consiste à lire les données statistiques. Elle est peu satisfaisante car ses résultats sont au mieux insuffisants (seule la crise est décrite mais pas l’intégralité de la conjoncture), au pire contestables (utilisation de concepts écono miques inappropriés comme la loi de l’offre et de la demande). De plus, l’idée d’une lecture en elle-même explicative est un faux-semblant car elle recèle tous les présupposés baptisés in fine explications » 14. Sans nier pour autant l’existence d’une conjoncture des prix, c’est bien à une exploration des mécanismes de fonctionnement de ces marchés qu’il convient de s’attacher. La perspective d’analyse des prix déliens, de Glotz à Reger, est en effet d’abord centrée sur l’offre : grosso modo, les hausses de prix s’expliquent par la pénurie et les baisses des prix rendent compte d’une relative abondance ou d’une facilité d’accès aux ressources, toute la question étant de déterminer la cause des blocages (rythmes saisonniers, occupations militaires, ruptures de relations diplomatiques) et le rayon géographique de l’approvisionnement. C’est au contraire une analyse de la demande qui permettrait de mieux rendre compte du fonctionnement concret du marché délien, en mettant davantage en évidence les stratégies des intervenants 15.
Le poids du sanctuaire La documentation délienne, dont on a souligné la richesse, est assurément de nature à nourrir une étude de cas qui ne viserait pas tant à situer l’échelle d’organisation des échanges qu’à analyser l’organisation et le développement de ce marché, à la fois dans ses aspects matériels et sa législation mais aussi dans ses manifestations économiques que constituent les prix des denrées enregistrés dans les comptes des hiéropes. Ces magistrats, lorsqu’ils n’étaient pas occupés à inventorier les collections d’offrandes et les jarres du sanctuaire ou à prévoir le bon déroulement des fêtes, passaient leur temps au marché, sur l’agora et sur le port de Délos, traitant diverses opérations marchandes et financières, recrutant des artisans, passant des commandes. Il convient donc de ne pas oublier ce que ces comptes donnent précisément à voir : pro duite par des administrateurs de sanctuaire qui sont chargés de fournir un approvisionnement destiné à l’organisation des fêtes mais aussi et surtout à la mise en œuvre de grands chantiers 13.
Migeotte 2008b, p. 81. Grenier 1987, p. 497. 15. C’est en ce sens que R. Étienne et moi-même soulignions, dans un compte rendu au livre de G. Reger (Étienne, Sablé 1995), l’importance de la demande dans la formation des prix déliens en suggérant que la part des transactions régionales régies par l’offre devait finalement être assez marginale dans les stratégies d’approvisionnement mises en œuvre par les Déliens. G. Reger a répondu à cette objection (Reger 1997) en mettant l’accent sur la demande : c’est la présence d’une forte demande liée aux forces militaires en Égée au début de la période qui explique la construction du marché régional délien qui, à la fin de cette présence militaire, stabilise lui-même son organisation dans un cadre régional. Pour intéressante que soit cette explication, elle n’analyse pas la demande locale délienne en elle-même. 14.
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de construction et de chantiers réguliers de réparations sur les monuments sacrés et publics de l’île, la documentation délienne témoigne avant tout de l’implication d’un grand sanctuaire dans une économie d’échanges centrée majoritairement sur les matériaux de construction et d’entretien. Viennent s’y ajouter d’autres séries de prix : le bois de chauffage, l’huile pour la cuisine des banquets et les onctions, les animaux de sacrifice, les fermages des domaines et des maisons du patrimoine sacré. Nous avons également connaissance d’opérations comptables et financières menées par le biais d’emprunts entre le sanctuaire et la cité de Délos : c’est le cas du fonds d’approvisionnement en grain que nous connaissons grâce aux prêts consentis par la caisse sacrée à la caisse publique. Le poids économique du sanctuaire dans la demande globale, associé au pouvoir financier qu’assurait à la cité et aux Déliens la fortune monnayée d’Apollon, se répercutait nécessairement, sur le marché délien, au niveau de l’approvision nement courant pour une population qui ne comptait guère plus que 6 000 personnes à l’époque de l’Indépendance. Cette demande d’un grand sanctuaire pèse donc d’un poids à la fois non négligeable et très particulier sur le marché car elle n’est comparable, ni en nature, ni en quantité, à la demande d’un oikos. L’enjeu principal, pour le sanctuaire délien, n’est guère de s’approvisionner en denrées frumentaires mais bien plutôt de s’assurer la disponibilité régulière de matériaux et de denrées permettant l’accomplissement des sacrifices et des fêtes ainsi que l’entretien des bâtiments : le bétail et les porcins, le bois de construction, l’huile, la poix et les résines, la pierre, les métaux, sont des denrées essentielles, auxquelles s’ajoutent quelques produits de luxe comme les parfums, l’ivoire, l’encens. Ces données ont toutefois reçu moins d’attention de la part des commentateurs préoccupés d’établir des séries de prix, tout d’abord parce qu’elles sont plus difficiles à exploiter car les unités de mesure sont disparates, mais aussi parce qu’elles ne se rattachent pas aux enjeux de l’approvisionnement en produits de première nécessité comme le blé 16. Elles permettent pourtant d’observer le fonctionnement du marché délien avec une certaine précision et de mesurer l’impact de la demande du sanctuaire par rapport à la disponibilité de l’offre régionale. De plus, elles offrent certains parallèles avec d’autres prix figurant dans des dossiers comptables, plus ponctuels, relatifs aux constructions d’Éleusis, de Delphes, d’Épidaure et plus rarement de Didymes 17.
Difficulté d’une analyse des prix Pour la plupart des denrées achetées par le sanctuaire, on constate, au cours de la première moitié du iiie s., une baisse des prix qui les amène, aux environs de 250, à des niveaux beaucoup plus bas qu’au début de l’Indépendance. Cette observation générale, déjà constatée par M. Rostovtzeff 18, est vérifiable pour la plupart des produits attestés dans les comptes déliens. Mais chaque produit connaît un rythme différent : les prix de l’huile commencent à chuter dès les années 280 alors qu’il faut attendre les années 270-260 pour le bois de chauffage et la poix, et les années 250 pour les porcelets et les tuiles. Seuls les prix du papyrus, de l’encens, du parfum et du plomb, pour autant que l’on puisse le constater dans les sources qui ne les mentionnent que rarement, n’obéissent pas à cette tendance et semblent stables. Un peu avant 250, on peut donc dire que l’économie délienne a connu, en vingt ou trente ans, une mutation importante, qui semble toucher la plupart des secteurs. 16.
Reger 1997. Voir à ce sujet la thèse de V. Mathé, « Le prix de la construction en Grèce aux ive et iiie siècles avant J.-C. Étude sur les chantiers financés par les sanctuaires de Delphes, d’Épidaure et de Délos », soutenue à Lyon le 27 novembre 2010 sous la direction de J.-Ch. Moretti. 18. Rostovtzeff [1941] 1989, p. 154. 17.
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Après 250, les prix connaissent d’autres fluctuations : certains cours semblent converger, comme c’est le cas pour la poix, l’huile et les tuiles, qui restent à des niveaux relativement stables, tandis que les prix du bois de chauffage et des porcelets sont globalement en hausse, avec de nombreuses fluctuations. Au début du iie s., d’autres tendances peuvent être observées : tandis que le prix de la poix continue à baisser, le prix du bois monte 19. Contestant les explications exclusivement géopolitiques, G. Reger propose une interprétation des étapes de l’économie délienne en distinguant trois phases : une première période (314-290) de réajustement des circuits commerciaux à une échelle cycladique après le départ des Athéniens, une deuxième période (290-230) qui voit la stabilisation d’un réseau commercial cycladique ayant Délos pour centre, puis une troisième période (230-167) marquée par des changements caractéristiques de nouvelles formes de prospérité. Durant cette dernière période, Délos n’est plus seulement une consommatrice dépendante de son voisinage pour son approvisionnement mais un point de passage obligé sur les routes commerciales cycladiques, qui fonde sa prospérité sur son rôle de port de transit régional. Cette période de prospérité correspond en même temps à une vacance des pouvoirs militaires hégémoniques en Égée, qui laissent aux Cyclades toute leur indépendance. Néanmoins, G. Reger répugne à admettre l’idée d’une convergence des mouvements de prix vers le milieu du iiie s., séparant clairement les produits importés et les produits cycladiques : « It is true that for every good except frankincense, some structural change occurs after about 250 BC (though the precise timing of these change varies widely from good to good). But the character of those changes is in each case different » 20. Pour lui, la fixation du prix de ces denrées d’importation répond à des règles propres à l’histoire de chaque denrée : « in seeking explanations for price behavior in these goods too, we should first look at the particularities of each good ». La poix, le papyrus, le parfum « were produced, marketed and priced in different markets ». Seul le poids de la présence militaire dans les Cyclades, durant la première moitié du iiie s., assurerait une demande générale de matériaux stratégiques de nature à unifier partiellement les tendances des prix : « After the battle of Andros, however, the Kyklades were left relatively alone » 21. A. Bresson, au contraire, en considérant les produits de nécessité courante que sont l’huile, le bois de chauffage et les porcelets, voit dans les prix déliens « le meilleur observatoire des prix à l’époque hellénistique pour le monde égéen » et dans la baisse des prix déliens de la première moitié du iiie s., confortée par la baisse des prix du grain, l’effet de la diminution progressive de la masse monétaire mise en circulation à l’échelle égéenne par les conquêtes d’Alexandre le Grand 22. L’explication vaut bien entendu globalement et n’évite pas le recours à d’autres facteurs pour expliquer certaines fluctuations. L’impact des phénomènes monétaires est en effet indéniable dans « l’observatoire » délien : dans les inventaires d’offrandes, nous avons repéré des traces de la déthésaurisation qui suit les conquêtes d’Alexandre dans l’accroissement des dédicaces d’objets en or au début du iiie s. 23. D’ailleurs, l’explication des évolutions de prix par les phénomènes monétaires reste largement à explorer : dans quelle mesure la modification de l’encaisse monétaire, que nous avons constatée pour le sanctuaire, mais qui devait affecter aussi la population qui fréquentait le port de commerce de Délos, a-t-elle eu un impact sur les prix ? L’afflux de monnayages histiéens et rhodiens avait pu provoquer des effets d’inflation et de déflation semblables aux conséquences de l’afflux de monnaie d’Alexandre à la fin du ive s. et au début du iiie s. 19. Voir
infra pour l’analyse de ces évolutions entre le iiie et le iie s. 20. Reger 1997, p. 59. 21. Reger 1997, p. 59-61. 22. Bresson 2008, p. 220. 23. Voir supra chapitre II p. 94.
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Toutefois, l’explication par la monnaie ne suffit pas à rendre compte en totalité de l’organi sation de ce marché. Assurément, la nature particulière de chaque produit, les ingrédients entrant dans sa composition, ses conditions de production et de commercialisation, mais aussi la monnaie dans laquelle les paiements sont acceptés, constituent un ensemble de variables qui entrent dans la détermination du prix. Pour des produits qui étaient nécessairement fabriqués hors des Cyclades, comme le papyrus, les hiéropes déliens étaient dépendants d’éventuels aléas de la production qui n’étaient pas les mêmes que les blocages qui pouvaient les atteindre au niveau régional dans l’organisation de leur approvisionnement pour d’autres produits. Faut-il pour autant en conclure que ces prix étaient fixés dans des marchés différents ? Les prix enregistrés dans les comptes des hiéropes ont été analysés comme si chaque achat était précédé de l’attente d’une cargaison qui arriverait au port, d’une distance tantôt lointaine tantôt cycladique selon les interprétations, Délos se nourrissant alors des excédents de ses voisins. En effet, la petite île d’Apollon reste dépourvue des matières premières (principalement l’argile et le bois) nécessaires aux besoins de sa population et de son sanctuaire. Or le développement de lieux et de pratiques de stockage, trop souvent oubliés dans l’analyse des circuits économiques, constitue l’une des explications possibles aux évolutions de prix. Elle pourrait expliquer, par exemple, que les variations des prix obéissent à une logique propre à la saison des ventes tout en atteignant une relative stabilité, sans pour autant que les prix soient fixés dans une dimension strictement cycladique : si des marchands locaux ont la capacité de constituer des stocks, leurs prix seront globalement stables à l’année tout en obéissant aux rythmes de la césure, tendant à la hausse avant le réapprovisionnement et à la baisse après la période de soudure. Un tel phénomène ne contrevient pas au principe explicatif de G. Reger, mais il rend en même temps caduque une explication qui voudrait réduire les sources d’approvisionnement à un cadre local 24. Ainsi, la corrélation entre les fermages des domaines plantés d’oliviers et les prix de l’huile 25 ne signifie pas nécessairement que l’approvisionnement ne serait que local ou cycladique, dès lors que le stockage parvient à gommer les fluctuations de la longue distance. C’est bien ce qui se produit à Délos avec la constitution du fonds d’achat de grain, dont les stocks sont revendus aux citoyens à des prix qui permettent de lisser les fluctuations conjoncturelles, reconstituant en quelque sorte les conditions financières d’un approvisionnement local avec une provenance qui peut être beaucoup plus lointaine 26. De plus, dans le contexte des enchères menées pour l’affermage des domaines, il est bien probable que les candidats suivaient les tendances de rentabilité et de profit perceptibles sur le marché délien plus qu’ils ne les créaient. Sans exclure la possibilité de déceler à travers les mouvements de prix des changements dans l’évolution des rapports entre l’offre et la demande sur le marché délien, des phénomènes de concurrence accrue ou au contraire de désaffection pour certains domaines économiques, il convient, on le voit, de se déprendre d’une lecture trop exclusive des prix dans les comptes des hiéropes, pour mieux envisager le contexte de fixation de ces prix d’une part, et les infrastructures qui sous-tendent les échanges d’autre part. En réalité, les données des comptes des hiéropes témoignent avant tout de la création d’un marché à partir de la demande du sanctuaire. Pour un certain nombre de matériaux de construction et de produits d’entretien, tels la poix, le bois de construction ou les tuiles, le sanctuaire, au fil des années, se constitue un système d’approvisionnement qui lui permet de diminuer le coût du transport, tout en allant souvent aux limites des capacités de production 24.
Reger 1994a, p. 153 : « looking first and foremost for local causes ». Reger 1994a, p. 203. 26. Sur les enjeux du stockage, voir Chankowski 2018a. 25.
244
PARASITES DU DIEU
de ses fournisseurs. De même qu’elle était impliquée dans l’organisation du trésor du dieu, la cité délienne l’était dans les politiques d’approvisionnement du sanctuaire, par l’organisation d’infrastructures propres à faciliter les transactions.
L’organisation de l’approvisionnement du sanctuaire L’analyse des transactions dans les comptes des hiéropes déliens rend compte, tout d’abord, des sources d’approvisionnement. Globalement, le cadre est régional car les hiéropes ont recours à des intermédiaires qui assurent la revente après s’être fournis à d’autres sources. L’étude du bassin de recrutement des artisans qui ont travaillé pour le sanctuaire délien a conduit à des observations similaires : les artisans qui sont venus travailler à Délos étaient le plus souvent du voisinage mais les hiéropes ne se sont pas interdit de recruter au delà lorsqu’ils avaient besoin de tel ou tel spécialiste 27. Il en va d’ailleurs de même sur les chantiers de construction de Delphes, Épidaure et Éleusis. Il convient cependant de préciser certains aspects des transactions.
Revendeurs et fournisseurs locaux Certains produits nécessaires à l’entretien des bâtiments sont disponibles auprès de revendeurs et de fournisseurs locaux. C’est le cas de la poix (voir infra tableau 34), achetée dans les comptes d’Éleusis auprès d’un σκηνίτης (IG II2 1672, col. I, fr. a, l. 13 et l. 170, a. 329/8) ou encore auprès d’un λιτροπώλης (IG II2 1673, l. 20-22, a. 336/5 ou 333/2) ou d’un κεραμοπώλης (IG II2 1672, col. I, fr. a, l. 69, a. 329/8) 28. Ces marchands, tantôt généralistes ambulants, tantôt spécialisés — l’un dans la vente de céramique pour laquelle la poix peut être utilisée pour l’étanchéité, l’autre dans la droguerie — avaient leurs stocks à une certaine distance d’Éleusis puisque le transport de ces produits par un manutentionnaire jusqu’à Éleusis (Ἐλευσῖ) est prévu dans une autre rubrique (IG II2 1672, col. I, fr. a, l.16). Aucun ethnique n’est indiqué dans les comptes à leur sujet, ce qui laisse penser qu’ils étaient athéniens ou métèques résidents. Plus tardivement, l’inscription douanière de Caunos, dans un passage où il est question de la vente de poix et de résines, mentionne un παντοπώλης comme l’un des maillons de la chaîne des importations (Marek 2006, 35, F, l. 4-13, 117-138 apr. J.-C.). À Délos (tableau 46), les fournisseurs de poix sont parfois des étrangers dont l’ethnique est signalé : un Carystien, un Chiote, un Astypaléen, un Byzantin, un Naxien, un Clazoménien ou tout simplement παρὰ τῶν ξένων. Mais sur seize fournisseurs connus par les comptes, dix sont mentionnés sans ethnique et l’on peut penser qu’il s’agit de Déliens ou d’étrangers domiciliés 29. Dans leurs comptes, les hiéropes distinguent clairement, parmi les fournisseurs, des noms avec ethnique et des noms sans ethnique et cela n’est certainement pas le fait du hasard : dans le cas des adjudications de travaux, cette précision fait partie de la rédaction du contrat 30. 27.
Feyel 2006, p. 348-368 et carte 10a p. 352, avec toutefois les critiques formulées à l’égard du concept de régionalisme. 28. Pour la chronologie de ces inscriptions, voir la nouvelle édition de Clinton 2005. 29. Reger 1997 ; Chankowski 1997a. Voir en particulier le cas d’Amphithalès, qui porte un nom délien : O. Masson 1988, p. 73. La plupart ne figure pas dans Vial 2008 car c’est la seule mention de ces personnages. Certains de ces vendeurs ont donc été considérés comme étrangers par Tréheux 1992a (Rhodippos, Auxibios) mais la raison de ce classement est qu’ils sont vendeurs de poix, ce qui est un raisonnement circulaire. Ainsi Ménon, vendeur de bois de Macédoine (IG XI2 199, A, 57), fournisseur de poix et de divers bois, est considéré par G. Glotz comme Macédonien ou ayant des liens avec la Macédoine. Pour Glotz 1916, Nannakos et Hestiaios seraient Phrygien et Ionien, donc fournisseurs de poix. Or ce sont des noms typiquement cycladiques. 30. Feyel 2006, p. 348-355, à propos de la répartition géographique des artisans : les hiéropes mentionnent régulièrement les ethniques. M. Lacroix avait cru pouvoir démontrer que les étrangers sont généralement
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
245
Or parmi les vendeurs de poix, ceux qui figurent avec un ethnique ne sont pas connus par ailleurs tandis que les vendeurs sans ethnique sont soit des artisans, Déliens ou non, actifs à Délos pendant plusieurs années, soit des Déliens d’après l’onomastique. Il est donc possible de considérer que les vendeurs répertoriés avec un ethnique dans les comptes des hiéropes étaient des importateurs de passage tandis que les autres étaient des vendeurs installés sur place, qu’ils aient été Déliens ou étrangers résidents. Certains fournisseurs de poix sont connus comme artisans et travaillent par ailleurs pour le sanctuaire. Les travaux de vernissage, de peinture ou encore de menuiserie pour lesquels ils sont engagés expliquent qu’ils aient accès à des fournitures artisanales comme la poix ou diverses résines 31. Parfois, le fournisseur de poix est aussi l’artisan qui effectue le vernissage : c’est par exemple le cas d’Amphithalès en 282. Dans d’autres cas, les fournisseurs sont des artisans qui interviennent pour d’autres activités sur les chantiers du sanctuaire. Certains de ces produits d’entretien relevaient en effet, avant leur commercialisation, d’un artisanat de transformation. C’est le cas du pigment rouge, le μίλτος, utilisé en architecture à l’état pur pour marquer les lignes d’assemblage des blocs 32 mais dont on se sert également mélangé à un liant résineux pour obtenir un enduit coloré qui est appliqué sur les monuments. Les hiéropes déliens achètent le mélange déjà prêt (μίλτος καὶ κόλλης, μίλτος καὶ κηρός, κηρὸς καὶ χρώματα) vendu à la mine. Un mélange similaire de poix et de pigment rouge est appelé μιλτοπίττης dans un contrat pour la réfection des Longs Murs du Pirée, où il est appliqué aux plafonds et aux fenêtres des tours (IG II2 463, l. 90, a. 307/6). À Éleusis au contraire, les épistates achètent séparément du μίλτος pur, du noir de cordonnier (μελαντήρια), de la noix de galle (κηκῖς) et de la poix (IG II2 1672, col. I, fr. a, l. 13-16, a. 329/8) 33. Les hiéropes de Délos, lorsqu’ils achetaient chaque année, au moment de l’été, plusieurs métrètes de poix afin d’en faire vernir les boiseries des différents bâtiments du sanctuaire, comme pour d’autres produits destinés à l’entretien des bâtiments, pouvaient donc avoir recours à plusieurs sources d’approvisionnement : des marchands importateurs qui se présentaient au port, des détaillants installés à Délos dans des boutiques ou encore des artisans qui disposaient de stocks en relation avec d’autres fournisseurs (tableau 46). Cette diversité des fournisseurs pourrait suffire à elle seule à justifier les variations des coûts d’année en année, mais les sources ne nous permettent pas d’identifier clairement le statut de tous les vendeurs : nous ne pouvons donc pas savoir si le recours à des artisans était plus rentable pour le sanctuaire que l’achat auprès d’importateurs. On peut le supposer à Éleusis, où, la même année, l’achat de deux keramia de poix auprès d’un revendeur coûte aux épistates 12,5 dr. l’unité contre 10 dr. l’unité lorsqu’ils en achètent 3 keramia à un marchand de céramique qui pouvait disposer, par sa spécialité, d’un accès privilégié à la poix et d’une bonne connaissance des circuits d’approvisionnement.
Provenances et coûts de transport : l’organisation de stocks Il est difficile de connaître la provenance de ces produits. On sait qu’Athènes s’était arrogé le monopole du miltos de Kéos qui constituait, à n’en pas douter, un matériau recherché et avantageux 34.
31. 32. 33. 34.
mentionnés avec leur ethnique (Lacroix 1932, p. 501-502) mais comme l’a montré Cl. Vial (Vial 1984, p. 349-350), cette théorie ne se vérifie guère. La distinction entre des résidents et des non résidents paraît plus plausible car elle implique aussi les conditions de rédaction des contrats. Chankowski 1997a, p. 78, et Chankowski 2018b. Voir par exemple les clauses du devis de Lébadée (IG VII 3073). Chankowski 2018b ; Chankowski 2019. Vélissaropoulos 1980, p. 184-188 ; Chankowski 2018b.
246
PARASITES DU DIEU
La poix, quant à elle, est mentionnée à côté du bois de construction parmi les denrées dont l’exportation est autorisée par le roi macédonien Amyntas III, dans un traité d’alliance conclu avec la Ligue chalcidienne au début du ive s. (Syll 3 135, B, l. 9-12), mais la Macédoine n’en était pas l’unique fournisseur 35. Il paraît donc vain de rechercher, comme le faisait G. Glotz 36, l’explication de la variation des prix dans les événements de la politique antigonide. Certes, on ne peut exclure que certains événements aient, de manière exceptionnelle, accaparé des stocks et généré des prix plus élevés à Délos. C’est peut-être ce qui s’est produit en 279, puisque le prix de la poix atteint un record, 40 dr., par rapport aux prix des années suivantes et précédentes : l’année 279 est celle des Ptolemaia d’Alexandrie, où la consommation de poix fut particulièrement importante pour la pompè et put accaparer les stocks disponibles 37. Cette explication paraît en tout cas plus vraisemblable que celle de Glotz qui voyait dans ce prix très élevé de 279 la conséquence des invasions celtes en Macédoine 38. Mais la diversité des provenances et des qualités de ce produit ruine en même temps tout espoir de construire une analyse pertinente des évolutions de prix. En admettant que le coût du transport ainsi que diverses contraintes (blocages ponctuels de l’approvisionnement, ruptures de la chaîne opératoire) puissent expliquer la plupart des variations du prix, il faut alors porter attention au degré de variation de ces prix les uns par rapport aux autres.
La poix et l’huile Dans le cas de la poix, les prix déliens de la fin du ive s. peuvent d’abord être comparés avec les prix éleusiniens : en 329/8, le keramion de poix est vendu entre 10 et 12,5 dr. à Athènes où, avec Le Pirée, les revendeurs disposent probablement d’un accès facilité à la matière première, alors qu’il coûte entre 17 et 22 dr. à Délos moins d’une trentaine d’années plus tard, dans les dernières années du ive s. Les Athéniens, administrateurs du sanctuaire délien jusqu’en 314, étaient eux aussi confrontés à la nécessité d’approvisionner le sanctuaire en poix pour l’entretien des bâtiments mais leurs comptes ne nous font pas connaître de détails à ce sujet : la dépense devait entrer dans la catégorie plus large des travaux pour laquelle est indiquée une somme globale, si bien que nous ne connaissons pas leurs sources d’approvisionnement ni le détail des prix 39. Ontelles changé avec le départ des Athéniens ? La question se pose de la même façon pour l’huile qui, durant la période classique, devait être fournie au sanctuaire — qui en est toujours un grand consommateur pour les sacrifices et les banquets — probablement par des sources athéniennes, mais dont nous ne connaissons pas non plus de prix dans les comptes déliens de cette époque. Pour G. Reger, la baisse du prix de l’huile entre la fin du ive s. et les années 280 serait due au développement d’une production cycladique permettant de mettre fin à la dépendance à l’égard d’un approvisionnement plus largement égéen, athénien ou rhodien 40. Les Déliens de l’époque classique faisaient assurément des affaires avec des Athéniens, comme en témoignent les sources relatives aux locataires de maisons sacrées et à leurs garants durant la domination athénienne 41. 35.
36. 37. 38. 39. 40. 41.
Meiggs 1982, p. 470 : « wherever there were pines there could be pitch ». Sur le bois et la poix du Bruttium importés en Attique dès la fin du ve s., Compatangelo-Soussignan 2006, p. 192 et n. 110 (Aristophane, frg. 638 Kassel-Austin). Glotz 1916. Fraser 1972, vol. I, p. 224 et 231-232. Glotz 1916, p. 295-299. Le mélange κηρός, μίλτο[ς] destiné à enduire les boiseries se trouve dans un compte des naopes de Délos en 359/8 (ID 104-5, l. 4). Reger 1994a, p. 160-163. Sur la question du développement de l’oléiculture dans les Cyclades, voir Brunet, Brun 1997, p. 605-609 ; Brunet 1990, p. 676, et Brunet 1999, p. 45-50. Chankowski 2008a, p. 371-376.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
247
Ces réseaux n’ont certainement pas disparu brutalement avec le retrait politique et administratif d’Athènes en 314. Un acte d’archonte délien de l’année 263 fait connaître parmi les vainqueurs au concours de tragédies un métèque athénien, Apollodôros de Koilè, dénommé d’après sa profession de commerçant (IG XI 2, 113, l. 14 : ἐγ μετοίκων Ἀπολλόδωρος παντοπώλης, Κο̣λλῆς). Les îles, par ailleurs, n’avaient pas attendu les Antigonides et la Confédération des Nèsiotes pour entretenir entre elles des liens économiques 42. Aussi est-il difficile de savoir si le prix apparemment élevé de l’huile et de la poix à Délos à la fin du ive s., au regard de la suite de l’évolution des cours, différait vraiment de la situation antérieure lorsque le sanctuaire était sous l’autorité d’Athènes, et si les Déliens du tout début de l’Indépendance avaient immédiatement restructuré leurs sources d’approvisionnement à un niveau régional par rapport à l’époque athénienne. L’épigraphie athénienne livre un prix pour l’huile dans le règlement d’un dème relatif aux indemnités versées aux prêtresses pour certains achats, datant du début du ive s. (IG II2 1356, l. 3, 7-8, 14, 17-18, 21 : LSCG 28) : 1,5 ob. pour 3 kotyles, soit 0,5 ob. le kotyle et 1 dr. le conge à Athènes. Les prix connus à Délos au tout début de l’Indépendance peuvent être trois à quatre fois plus élevés (3,5 dr. le conge en 307, 4,5 dr. en 304, 4,6 dr. en 300) en raison du coût du transport, mais dépendent en partie de la saison de navigation : on trouve aussi en 304 un prix de 1,5 dr. le conge et le prix moyen de l’huile se stabilise ensuite à ce niveau dans les premières décennies du iiie s. 43. L’acquisition de cette stabilité suppose que des circuits d’approvisionnement réguliers s’étaient organisés. On observe pour la poix ce même phénomène d’organisation des circuits et de stabilisation des prix. La césure dans l’évolution des prix se manifeste à Délos à partir de 250 : le métrète de poix passe d’un coût moyen de 25 dr. à environ 15 dr. et même à 9 ou 10 dr. dans les années 180, phénomène qu’il faut sans doute attribuer à la constitution d’un approvisionnement avec des stocks disponibles sur place : seule une baisse significative des coûts de transport pourrait justifier un tel écart de prix. En effet, l’approvisionnement en poix semble avoir constitué une réelle difficulté pour les hiéropes, au moins dans la première moitié du iiie s. Entre 305 et 296, ils obtiennent des fournisseurs déliens le même tarif que celui des importateurs, mais l’expérience menée avec Amphithalès, un délien qui fournit au sanctuaire de la poix pendant au moins deux années de suite (282 et 279), ne semble pas avoir été concluante puisque le prix de la poix atteint un record, 40 dr. en 279, puis un Byzantin en fournit pour 28 dr. en 276 44. Par la suite, on constate que les hiéropes ont réussi à obtenir un prix contenu entre 28 et 25 dr. auprès des importateurs et un prix plus bas de 20 dr. auprès de fournisseurs locaux comme Ménon, qui leur vend aussi du bois. Les prix baissent considérablement à partir du milieu du iiie s. et les hiéropes n’indiquent plus, à deux exceptions près, les noms de leurs fournisseurs. Il semble bien, alors, que la question des sources d’approvisionnement ait été résolue et que des prix relativement stables se soient imposés grâce à des stocks disponibles dans l’île. Mais il faut aussi intégrer aux courbes de prix les conséquences de la réforme métrologique que nous avons décelée dans les comptes des hiéropes aux alentours de 280. Faute d’autres indications continues dans les sources, la poix, vendue au métrète, est le seul produit pour lequel cette modification puisse être observée. Dès lors que, en 282, le métrète de poix passe de 8 à 12 conges, il convient d’évaluer les évolutions de prix selon la même unité pour les analyser 42. Cf.
Brun 1996, p. 170-182, avec en particulier le témoignage de l’Éginétique d’Isocrate. Reger 1994a, p. 295. 44. Voir infra tableau 46, p. 251. 43.
248
PARASITES DU DIEU
convenablement 45. La conséquence en est que l’écart entre les prix de la poix de la fin du ive s. et ceux des années 280 est bien moindre que ce que l’on pouvait penser (tableau 45) 46. Année
Prix d’un conge
Prix d’un métrète de 12 conges
305-303
2,75
33
302
2,12
25,4
296
2,25
27
282
3 puis 2
36 puis 24
279
3,33
40
276
2,33
28
274
1,66
20
272 ou 271
2,25
27
269
2,12
25,5
268
2
24
250
1,16
14
Tableau 45 — Prix de la poix restitué au conge entre 305 et 250.
45.
La question ne se pose pas pour les courbes de prix de l’huile car l’unité est déjà le chous dans les comptes des hiéropes. 46. Cette constatation remet en question, pour les années 314-282, le tableau présenté par Reger 1997, p. 66 et les courbes p. 58-60. Voir déjà les mises en garde de Doyen 2017, p. 197-198.
Année
7
IG XI 2, 138, Be, l. e 3-5 + rest. G. Glotz, REG 1913, p. 26 — [πίττης, κερά]μια παρὰ τοῦ ἀ— [κ]εραμίου Δ𐅃— — τιμὴ : 𐅄ΔΔ—
Voir la réédition de Clinton, no 159. 48. Voir la réédition de Clinton, no 177.
314
DÉLOS
πίττης κεράμια πέντε ἀλεῖψαι τὰς ὀροφὰς τοῦ Ἐλευσινίου τοῦ ἐν ἄστει καὶ τὰς θύρας, τιμὴ τοῦ κεραμίου : Δ𐅂𐅂· παρὰ Παμφίλου σκην[ί]του 𐅄Δ :
IG II2 1672, col. II, fr. a, l. 170-172
Entre 15 4 à 6 keramia et 19 dr. = total 70 dr. +
12 dr. le keramion
5 keramia
3 keramia
πίττα παρὰ Τιβείου : κερά : ΙΙΙ : εἰς τοὺς πύργους καὶ τὰς οἰκίας τὰς ἱερὰς : ΔΔΔ :
IG II2 1672, col. I, fr. a, l. 69 10 dr. le keramion
2 keramia
10 statères
Quantité
12,5 dr. πίττης δύο κεράμια, τὰ ξύλα τὰ περὶ τὸ τεῖχος ἀλεῖψαι, παρὰ le keramion Παμφίλου σκη : Dfifi : μελαντηρίας δύο μέδιμνοι, τιμὴ τοῦ μεδίμνου : 𐅃𐅂𐅂𐅂 : κεφάλ Δ𐅃𐅂· παρὰ Παμφίλου σκηνί : κηκῖδος τρία ἡμιεκτεῖα, ἡ χοῖνι : ΙΙΙ, κεφά : 𐅃𐅂 : παρὰ Παμφίλου σκηνί : τῶι ἀπαγαγόντι τοὺς σφῆνας καὶ τὴν πίττ[α]ν καὶ τὴν μελαντηρίαν καὶ τὴν μίλτον Ἐλευσῖ Διοκλείδαι μισθὸς : 𐅃𐅂𐅂ΙΙΙ·
Prix
IG II2 1672, col. I, fr. a, l. 13-16
329/8
Texte
1,5 ob. πίττης ἀνηλώθη ἐν τῶι ἐνιαυ[τῶι : 𐅐 𐅐 : ὁ στατὴρ : Ι𐅁 : παρὰ — — λιτρο]πώλου, τιμὴ : 𐅃𐅂ΙΙ : τριπτῆρες τέταρες τὰ ζεύγη le statère ποτίζειν ἐν τῆι ὁδῶι, παρὰ Τιβέου κεραμοπώλο[υ — — — — — — — — — — — — — —] : τ[ιμ]ὴ : 𐅃 : πάλιν πίττης : 𐅐 : παρὰ Καρίωνος λιτροπώλου, ὁ στατὴρ : Ι𐅁 : τιμὴ : 𐅂𐅂ΙΙΙ :
4
IG II2 1673, l. 2022
Référence
336/5 ou 333/2
ÉLEUSIS
47.
Fournisseur
∆A-?
Pamphilos
Tibeios
Pamphilos
Kariôn
4
?
Compte de construction48
Compte de construction47
Nature de la dépense
8
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX 249
5 keramia
7 keramia rest. Glotz: 5 keramia et ½ amphore
17 dr. = total 85 dr. [17 dr. ] = total 119 dr. [18?]50
1 dr. 2 ob.
Ἀγάθωνι τὸγ Κερατῶ[να ἀλ]ε̣ί[ψ]α[ν]τ[ι] Δ̣ ...· παρὰ Ναννάκ[ου] πίσσης κεράμια πέντε, τιμὴ τοῦ κεραμίου ·Δ𐅃𐅂𐅂· ἡ πᾶσα ·𐅄ΔΔΔ𐅃· κεράμια πίσσης παρὰ τῶν ξένων ἑπτά, τιμὴ ·ΗΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂· πίσσης [κεράμια49 παρὰ] Διακρίτου [— — — — ] [...] μισθωτοῖς· Η· κηρὸς παρὰ Λύδου· 𐅂· {²vac.}² πίσσα· 𐅂ΙΙ·
1 métrète et 3 conges
— μετρητὴς χόες τρεῖς παρὰ τοῦ Ἀσ[τυ]παλαιέ[ως ....]
?
4 keramia
πίσσης κεράμια τέσσαρα παρ’ Ἡροδώρου Χίου ἀνὰ· Δ𐅃𐅂𐅂𐅂· vac. 18 dr.
Sans indication de quantité51
Mensuelle
Nature de la dépense
Astypaléen
Hérodôros de Chios
Diakritos
Les étrangers
Nannakos
Hestiaios
Par décret
Par décret ? Par décret ?
Par décret ?
Par décret ?
un autre fournisseur Mensuelle + le Carystien
- - - δώρου (Glotz restitue [Ἡρο]δώρου)
Fournisseur
50.
La restitution du corpus [μετρηταὶ] ne convient pas ici car le terme n’est pas encore employé à cette date pour la poix. Glotz 1916, restitue 18 dr. le keramion pour 5,5 keramia et 1 dr. pour le transport, d’où un total de 100 dr. Coût du transport : 3 ob. pour le transport de 2,5 métrètes (199 A, 37-38). 51. Forcément moins d’un conge au même tarif.
156, A, l. 74
avant 282
49.
154, A, l. 2 + rest. G. Glotz, REG 1916, p. 284, n. 3 154, A, l. 37
296
145, l. 10
145, l. 8
3 keramia
[17 dr.] = total 51 dr.
[κα]ὶ πίσσα[ν] ἐπριάμεθα παρ’ Ἑστιαίου κεράμια τρία, ἡ̣ π̣[ᾶ] σ[α] τιμὴ [·𐅄𐅂· — —
145, l. 3
302
22 dr. 18 keramia
Quantité
πίττα [— — — — — — — — —] καὶ [τ]ὰ [παρὰ] τ̣ο̣ῦ̣ Καρυστίου κεράμια Δ𐅃ΙΙΙ, τιμὴ τοῦ κεραμίου ΔΔ𐅂𐅂· vac.
22 dr.
Prix
305-303 144, A, l. 111-112 avant Panémos
Texte [— — πίττης κεράμια — παρὰ —]δώρου, τιμὴ τοῦ κεραμίου ΔΔ𐅂𐅂· Ὀλύμπωι ἀ[λείψαντι — — — — — — — — — — —]
Référence
305-303 144, A, l. 94 avant Panémos + G. Glotz, REG 1913, p. 27
Année
250 PARASITES DU DIEU
53.
Βυζαντίου μετρηταὶ τέτταρες χοῦς ἡμίχουν, ὁ μ[ετρητὴς — τὴμ πρὸς τοῖς ἀνδριάσιν ἀνακαθάρασι καὶ ἐξενέγ[κασι — — — — — ἐκ τοῦ] νεωρόφου οἴκου χοεῖς ἑπτὰ εἰς τὰς θύρας τοῦ ἱεροῦ καὶ τ[— — — — — τοῦ] Ἀρτεμισίου καὶ τὴν στοὰγ καὶ τἄλλα ·Δ𐅃𐅂ΙΙΙ·
163, l. 5
163, A, l. 9-11
total 16 dr. 3 ob.53 soit un métrète à 28 dr.
πίττης ἡμιαμφόριον παρ’ Ἀμφιθάλους ·ΔΔ. vac.
161, A, l. 121
24 dr. le métrète = total 74 dr.
40 dr. πίττης μετρηταὶ τρεῖς τὸγ Κερατῶνα ἀλεῖψαι, τιμὴ τοῦ μετρητοῦ δραχμαὶ ·ΔΔΔΔ· τὸ πᾶν ·ΗΔΔ· ἀλείψαντι τὸγ Κερατῶνα Ἕρμωνι ·ΔΙΙΙ·
ἄλλοι πίττης μετρη[rasura]ταὶ τρεῖ[ς] καὶ χ[ο]ῦς, ὁ μετρητὴς ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἡ πᾶσα τιμὴ 𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἀπὸ τούτων ἠλεί[ψα]μεν τὰς θύρας πάσας τάς τε ἐν τῶι ἱερῶι καὶ τὰς τῶ[ν] ἄλλων ἱερῶν θύρας καὶ τὰ ὑπερτόναια καὶ ὅσα ἔδει τῆς σκηνῆς τῆς ἐν τ[ῶι] θεάτρωι· ἀλείψαντι Φιλοκλεῖ 𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ κελεύοντο[ς] ἀρχιτέκτονος·
158, A, l. 77-78 + correction de G. Glotz, REG 1916, p. 284, n. 1 sur le prix total : 𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂 et non 𐅄ΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂, confirmé par Addenda p. 147
Passage au métrète à 12 conges52
24 dr. le métrète = total 78 dr.
Prix
161, A, l. 100-101
πίττης μετρητ[αὶ τρεῖς] χοεῖς δύο ὥστε τὸγ Κερατῶνα ἀλεῖψαι παρ’ Ἀμφιθάλο[υς], ὁ μετρητὴς ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἡ πᾶσα τιμὴ 𐅄ΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂· ἀλείψαντι τὸν Κερατῶ[να Ἀμ]φιθάλει μισθὸς Δ𐅂·
Texte
158, A, l. 75-76 (la lecture du chiffre total est assurée dans Addenda p. 147)
Référence
Byzantin
4 métrètes et 1,5 conge 7 conges
Amphithalès
½ amphore
3 métrètes
Le vernissage est effectué par un autre artisan, sans doute aussi la fourniture
Amphithalès Le fournisseur reçoit aussi un salaire pour le vernissage (11 dr.)
3 métrètes et 2 conges pour le Kératôn
3 métrètes et 1 conge
Fournisseur
Quantité
?
Par décret
Par décret
Par décret
Par décret
Nature de la dépense
infra chapitre IV p. 206-210. Glotz 1916, p. 284, n. 3, note que 16 dr. 2 ob. conviendrait mieux pour 7 conges (on obtient alors un tarif unitaire de 2,33 dr. le conge). Ici il est plausible que le prix du transport ait été compris dans le prix total et que cette indication ait été portée à la fin de la ligne précédente.
52. Voir
276
279
282
Année
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX 251
219, Ab, l. 40-41
54.
[15 dr. le métrète ?]
14 dr. le métrète
24 dr. le métrète
5 métrètes
3 métrètes
11 métrètes
9 métrètes ½ amphore
Au moins 3 métrètes
Pour la date, Tréheux 1986a. Cette inscription constitue avec les fragments IG XI, 2, 220, 221 et 229 une partie d’une stèle de compte.
— [πίσσης με]τρ[ητ]ῶν πέντε, τοῦ μετρητοῦ Δ[𐅃 ? ]
— [πίσσης] με[τρη]τῶν τριῶν, τοῦ μετρητοῦ [Δ𐅃 ?] —
291, b, l. 33-34
247 Métageitnion
ὥστε τὸγ Κερατῶνα ἀλεῖψαι καὶ τὰς θύρας [— — — πίσσης μετρητὰς — — καὶ] χοῦν, τοῦ μετρητοῦ τιμὴ ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂· ἡ πᾶσα τιμὴ ΗΔ πίσσης μετρηταὶ δέκα εἷς, ὁ μετρητὴς Δ𐅂𐅂𐅂𐅂, ὥστε ἀλεῖψαι τὸν Κερατῶνα καὶ τὰ ἄλλα· καὶ Λεωφάκοι ἀλείψαντι Δ𐅃𐅂𐅂ΙΙΙ·
204, A, 57-58
πίσσης ἐπριάμεθα μετρητὰς δύο, τιμὴ ΔΔΔΔ𐅃𐅂𐅂ΙΙ· ξύ[λα — — — 23 dr. et 4 ob. le métrète
250 287, A, l. 66 Hécatombaion
Métageitnion
268 Hécatombaion 204, A, l. 35
27 dr. le métrète
25,5 dr. πίσσης παρὰ Ἀντιγένους Κλαζομενίου μετρηταὶ ἐννέα ἡμιαμφόριον, ὁ μ[ε]τρητὴς : ΔΔ𐅃ΙΙΙ : ὥστε χρῖσαι τὸγ Κερατῶνα le métrète = total 238 dr. καὶ τἄλλα, ἡ πᾶσα τιμὴ : ΗΗΔΔΔ𐅃𐅂[𐅂𐅂] :
πίσσης μετρηταὶ [— — παρὰ — — ὁ μετρητὴς ΔΔ𐅃𐅂?]𐅂· καὶ παρ’Ἐπιγένους Ναξίου τρεῖς μετρηταί, ὁ μετ[ρητὴς]· Δ[Δ]𐅃𐅂𐅂·
2 métrètes et ½ amphore
Antigénès de Clazomènes
Epigénès de Naxos
Ménon
20 dr. le métrète
— — — — — — — — πίσσης] μ[ε]τρηταὶ δύο ἡμιαμφόριον· ὁ μετρητὴς ΔΔ· Πόρωι καὶ Κτήσωνι χρίσασι τὸν [Κ]ε̣[ρα]τ[ῶνα? ἄλλοι πίσσης μετρηταὶ — — ὁ μετρητης (pretium) — —]ΛΠ̣ ΛΝΕΑΙζ — — — — το̣ῦ̣ Θεσμοφορίου τὰς θύρας πάσας καὶ τὴν στοὰν 𐅃· Ἡρακλείδει τῶι τὰς θύρας τῆς κηνῆς χρίσ[αν]τ[ι — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — —] μισθωτ[οῖς]τοῖς τὴμ πίσσαν τὴμ παρὰ Μένωνος ἀπενέγκασι ΙΙΙ·
Fournisseur
199, A, l. 35-39
Quantité Kratôn ?
Prix
μισθωτοῖς τοῖς ἀπενέγκασι τὴγ κράνεαν τὴμ παρὰ Κράτωνος καὶ τὴμ πίσσαν ΙΙΙ·
Texte
199, A, l. 32
Référence
269 203, A, l. 47-48 Hécatombaion
272 ou 27154
274
Année
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Par décret ?
Dépenses courantes
Nature de la dépense
252 PARASITES DU DIEU
316, l. 97
231 Panémos
πίσσης ὥστε χρῖσαι τὸν Κερατῶνα καὶ τὰ πρόπυλα καὶ τὰ ἄλλα ὅσα [χ]ρίε[ται] τῶν ἱερῶν μετρητῶν 𐅃ΙΙΙΙ, ΗΔΔΔ𐅃· τοῖς ἀπενέγκασι ΙΙΙ· τοῖς χρίσασι Δ𐅃𐅂. πίσσης με. ΔΙ, ὥστε χρῖσαι τὸν Κερατῶνα καὶ τὰ ἄλλα ὅσα χρίεται, τιμὴ 𐅄ΔΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂· τοῖς χρίσ[ασι]ν Δ𐅃. [πίσσης με. ΙΙ — — —]αις παρὰ Ῥοδίππου Δ𐅃𐅂𐅂𐅂· Λυκίωι χρίσαντι τοὺς βωμοὺς τοὺς ἐν τῶι Θεσμοφορίωι 𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙ.
372, A, l. 84-85
442, A, l. 188
442, A, l. 202
200 Panémos
179 Panémos
461, Ab, l. 9
πίσσης με. 𐅃ΙΙΙ, τιμὴ ΗΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂·
54.
49 50 51 52 53 54
Tableau 46 — Prix de la poix à Athènes et à Délos.
169 Panémos
456, B, l. 23 + 440, πίττης με. ΔΙΙ τιμὴ ΗΔ … [ὥστε χρῖσαι τὸν] Κερατῶνα καὶ τὰ A, l. 2 = ἄλλα το[ῖς] χρ[ίσασιν μ]ισθὸς ∆Δ𐅃 Chankowski 1998, p. 220 (face B, l. 23)
πίσσης μετρηταὶ ·𐅃𐅂]· ὁ μετρητὴς ·Δ𐅃· τιμὴ ·𐅄ΔΔΔΔ· παρὰ Αὐξιβίου μετρηταὶ [— —
218 354, l. 78-79 Hécatombaion
174 Panémos
πίσσης παρὰ [τοῦ δεῖνος μετρηταὶ ὀκτώ, ὁ μετρ]ητὴς ·Δ𐅂𐅂𐅂𐅂· τ[ιμὴ ·Η]Δ𐅂𐅂· τοῖς ἀπε[νείκασι] ΙΙΙ· Πρωταγόραι χρίσαντι τὸν Κερατῶνα καὶ τὰ λοιπὰ ὅσα χρίεται Δ·
224 338, Aa, l. 40 Hécatombaion
11 métrètes 2 métrètes
9 métrètes
6 métrètes + autres
8 métrètes
15 métrètes
5 métrètes
5 métrètes ½ amphore
Quantité
16 dr. le métrète = total 128 dr.
8 métrètes
9 ou 10 dr. 12 métrètes le métrète = total 110 + dr.
9 dr. le métrète = total 18 dr.
9 dr. le métrète = total 99 dr.
15 dr. le métrète = total 135 dr.
15 dr. le métrète = total 90 dr.
14 dr. le métrète = total 112 dr.
18 dr. le métrète
15 dr. le métrète = total 75 dr.
πίσσης μετρητα[ὶ] πέντε ἀνὰ Δ𐅃, τιμὴ 𐅄ΔΔ𐅃· Ἴστρωι ἀλείψαντι τὸν Κερατῶνα κα[ὶ — — — —Δ𐅃ΙΙΙΙ𐅁]·
290, l. 80
Panémos 2
πίσσης μετρηταὶ ·Δ𐅃· ὁ μετ[ρ]ητὴς ·Δ𐅃𐅂𐅂𐅂· τιμὴ [ΗΗ𐅄ΔΔ· — — — — — — — — — —]
[15 dr.] le métrète = total 82,5
πίσσης μετρηταὶ πέν[τε ἡμιαμφόριον ἀνὰ Δ𐅃, τιμὴ] 𐅄̣ΔΔΔ𐅂𐅂ΙΙΙ·
Prix
Texte
290, l. 78-79
Référence
246 Panémos
Année
?
Rhodippos
Auxibios
Fournisseur
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Mensuelles
Nature de la dépense
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX 253
254
PARASITES DU DIEU
Les tuiles L’évolution du prix des tuiles permet de faire des constatations similaires sur l’organisation de l’approvisionnement (tableau 47). Les fournisseurs ne sont jamais les mêmes personnes que les couvreurs, si bien que le sanctuaire procède généralement à deux adjudications différentes pour la fourniture des pièces et pour la couverture. Durant la première moitié du iiie s., les hiéropes se fournissent en dehors de Délos et payent, tantôt à Syros, tantôt à Mykonos, le naulon, c’est-à-dire les frais de transport, ainsi qu’une taxe dans ces îles, qui touche probablement la production plutôt que l’exportation car elle ne semble pas constituer un cinquantième du coût total comme on pourrait l’attendre d’une pentekostè. Ils obtiennent un tarif unitaire qui doit être proche du coût de production sur place (4 à 5 ob. le couple de tuiles) auquel s’ajoutent les frais de transport et de taxation, si bien qu’ils parviennent à un prix moyen d’une drachme : c’est malgré tout un prix inférieur à celui d’1 dr. 2 ob. que le sanctuaire, en 304, avait obtenu auprès de deux fournisseurs sans doute déliens, Aristokratès et Aristoboulos (tableau 42) 55. On peut donc penser que le coût proposé par ces deux fournisseurs — qui devaient eux aussi importer leurs tuiles car le sol de Délos était pauvre en argile et en bois — était augmenté du bénéfice de la revente. Les hiéropes ont cherché à rompre avec cette logique en organisant euxmêmes leur approvisionnement auprès des producteurs de Syros et de Mykonos, quitte à faire supporter par la caisse sacrée le coût du transport. Mais au milieu du iiie s., les prix ont considérablement baissé : les hiéropes obtiennent des prix unitaires de 4 ou 5 ob., soit le même tarif qu’à Syros, mais sans avoir cette fois à supporter le coût du transport, au sujet duquel rien n’est plus indiqué dans les comptes. À l’exception de l’un des fournisseurs, désigné comme « le Chiote » et qui doit être un vendeur de passage, les artisans qui vendent des tuiles au sanctuaire semblent être Déliens ou résidents. L’un d’eux, Zèloménès, porte un nom typiquement délien. Il paraît donc probable que la demande régulière et importante du sanctuaire dans ce matériau, jointe à celle des constructions privées, ait été en mesure de conditionner peu à peu l’approvisionnement pour obtenir des stocks abondants sur place, de nature à diminuer les coûts et à les stabiliser. Pour J. A. O. Larsen, qui a analysé le premier cette série de prix, c’est à la persistance de la demande immobilière ainsi qu’à la croissance de la population que serait due cette stabilité 56. D’après les attestations disponibles au moins pour la première moitié du iiie s., le coût de la brique se maintient également à un prix moyen de 5 dr. la centaine 57. Il ne nous est pas possible de mesurer la part de la concurrence dans la demande délienne, à côté du sanctuaire, mais il apparaît que les hiéropes devaient souvent avoir recours à plusieurs artisans lorsqu’ils entreprenaient une construction importante : c’est le cas pour la construction du vestibule sud de l’Archégésion, en 282, qui les conduit à faire appel à quatre fournisseurs pour la fabrication de 520 briques (IG XI 2, 158, A, l. 57-60), l’un des fournisseurs, Dèmophilos, se chargeant de la construction. Pour la fourniture de bois de construction, les hiéropes ont également eu recours à un grand nombre d’artisans, tantôt pour de petites réparations, tantôt pour de grands chantiers exigeant l’apport de centaines de pièces destinées aux charpentes. Plusieurs de ces vendeurs de bois sont des artisans partiellement spécialisés, fournissant du bois, mais aussi des torches et des claies de roseau ou de la poix, réparant des portes, aiguisant des 55.
Vial 2008, s.v., considère qu’Aristoboulos pourrait être Délien. L’étude de Larsen 1941 répondait aux interprétations de G. Glotz, puis Fr. Heichelheim, qui distinguaient plusieurs périodes d’évolution du prix de la tuile au cours de l’Indépendance délienne : Glotz 1932, p. 247, et Heichelheim 1938, p. 128-135. 57. Feyel 2006, p. 390, tableau 11. L’unité de la centaine de briques est celle qu’emploient les hiéropes (IG XI 2, 287, A, l. 98-100). 56.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
255
outils ou posant des tuiles 58. Leur capacité à fournir des bois de charpente semble également restreinte : pour les travaux de la Salle hypostyle, en 207 (ID 366, A, l. 8-41), les hiéropes utilisent des stocks de bois déjà constitués dans le sanctuaire, en achètent d’autres à une dizaine de fournisseurs différents et passent cinq contrats avec des artisans (dont deux sont aussi des fournisseurs) pour façonner et poser poutres et architraves 59. Pour Chr. Feyel, cette division du travail, observable dans d’autres cas, traduit la prudence des commanditaires, qui divisent ainsi les risques financiers 60. On peut toutefois se demander si ce n’est pas aussi la limite des capacités de production de ces artisans-entrepreneurs qui est en cause. Il semble que la demande du sanctuaire atteigne souvent la limite des capacités de production mobilisables dans l’île et dans les environs, ce qui laisse penser qu’elle n’était guère concurrencée, ou en tout cas qu’elle ne l’était pas dans une mesure égale. Ce n’est donc pas l’équilibre de l’offre et de la demande qui pourrait expliquer le caractère relativement stable de ces prix, mais plutôt la pression régulière de la demande du sanctuaire dans le domaine de la construction. Selon toute attente, c’est d’abord le poids de la demande du sanctuaire qui est lisible dans les comptes des hiéropes, mais cette constatation oblige en même temps à réexaminer les mécanismes de marché dont témoignent les prix enregistrés par les administrateurs. Alors qu’ils ont essentiellement été lus comme le reflet d’une offre, qu’elle soit internationale ou régionale, il convient plutôt d’y voir la traduction de mécanismes de la demande.
Les produits d’importation lointaine Même pour des denrées dont on peut considérer qu’elles provenaient de monopoles ou de quasi-monopoles, un examen attentif des données montre d’abord que l’organisation d’un réseau de revendeurs créait en quelque sorte un filtre entre les conditions initiales de production et la commercialisation finale à Délos, si bien qu’on lit surtout, à travers l’évolution des prix, le rythme de la saison des ventes. L’encens est ainsi acheté régulièrement par les hiéropes pour les besoins des rituels mais les indications portées dans leurs comptes ne sont que très rarement associées à des quantités. Le prix se situe manifestement entre 5 et 7 dr. la mine. C’est une denrée qui procède néces sairement d’un commerce de longue distance, mais les hiéropes ne font pas d’achats prévisionnels ni de stocks : en 250, ils en achètent à trois reprises, si bien que l’on observe dans le prix la répercussion des effets de la saison de navigation. Les autres achats d’encens durant la période montrent que les hiéropes étaient en mesure de s’approvisionner au début de l’année, puis au cours de l’été 61. Il existe donc un circuit d’approvisionnement régulier, qui procède certainement par revendeurs disponibles à proximité du sanctuaire. Le peu de prix conservés rend difficile la détermination d’une tendance : en cherchant à le faire, G. Reger se demande s’il ne faudrait pas considérer que les hiéropes avaient négocié un prix fixe de 5 dr. la mine correspondant à un tarif dégressif, les autres prix plus élevés correspondant alors à des achats de quart de mine ou de demi-mine. La régularité de l’approvisionnement rend peu probable cette pratique, pour une denrée qu’il était possible de stocker. Il semble beaucoup plus probable 58.
L’examen du répertoire d’artisans déliens commodément présenté par Chr. Feyel ne nous semble pas permettre de conclure, contrairement aux affirmations de l’auteur (Feyel 2006, p. 384-388), à une catégorie d’artisans qui représenterait véritablement les métiers du bois, car ils y ajoutent généralement diverses tâches pour lesquelles ils sont employés sur les chantiers du sanctuaire (fabrication de serrures, pose de tuiles). 59. Moretti, Fincker 2016. 60. Feyel 2006, p. 492. 61. Reger 1997, p. 56 et tableau p. 65.
62.
IG XI 2, 199, A, l. 109110
274
ἐπὶ τὸν νεὼ τὸμ πώρινον κεράμου ζεύγη ·Η𐅄ΔΔ𐅃· ἐξύρου, τιμὴ τοῦ ζεύγους ·ΙΙΙΙΙ· ἡ πᾶσα τιμὴ δραχμαὶ ·ΗΔΔΔΔ · τέλος ἐν Σύρωι τοῦ κεράμου ·𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙ· ναῦλλον τοῦ ζεύγους ·Ι[𐅀/] Νικοκλεῖ vac. τὸ πᾶν δραχμαὶ ·ΔΔΔ 𐅂𐅂· ἀνακομίσασι τὸγ κέραμον εἰς τὸ ἱερὸν μισθὸς ·𐅂ΙΙΙ. C’est le nom de la taxe qui est donnée ici et non une taxe par couple de
Anapsyktidès
Pour la palestre (adjudication)
Transport de tuiles depuis Mykonos (naulon et taxe) Pour la palestre ?
Achat à Syros pour le Pôrinos Naos
Achat fait à Syros pour la couverture de divers édifices : oikos délien, Inôpos, Héraion (lacunes)
Transport de tuiles effectué par Charistios pour 1 ob. 2 ch. le couple de tuiles.
Réparation de la toiture de différents édifices : Dioskourion, Asklépieion, temple de Déméter, Hérakleion, peut-être le tamieion dans le secteur du Prytanée, Eileithyaion. Les fournisseurs ne sont pas les poseurs.
Nature de la dépense
tuiles. Mais le total ne correspond pas. Pour que les chiffres soient justes, il faut restituer comme tarif du naulon 1 ob. et 2 ch. (Ι[//]), soit 0,185 dr. par paire de tuiles auxquelles s’ajoutent la taxe de 4,6 dr. d’où un total payé à Nikoklès de 37 dr.
500
292
importation
IG XI 2, 165, l. 54-57
175
Vers 280
5 ob. + naulon et taxe 62 : 37 dr. (soit un coût unitaire de 1 dr. ¼ ob.)
IG XI 2, 161, A, l. 73-74
279
70
À Syros
4 ob. ½ ob. + naulon 13 dr. 3 ob. ½ ob. 2 ch. pour un achat de 52,5 dr. (soit un coût unitaire de moins de 1 dr.)
Aristoboulos
Aristokratès
Fournisseur
IG XI 2, 158, A, l. 84-85
24 46 53 53 56 (soit 232) 20
Quantité
282
1 dr. 2 ob.
Prix à la paire (ζεῦγος)
Importation
IG XI 2, 144, A, l. 62, 68-69, 73-74, 79-80, 100, 115-116
Référence
Avant 282 IG XI 2, 156, A, l. 76
304
Année
256 PARASITES DU DIEU
ID 456 + 440, B, l. 92-104 (3 ob. 1 ch. le couvre-joint) (= ID 440, A, l. 78-90)
174
Tableau 47 — Prix des tuiles à Délos.
ID 461, Ab, l. 53
ID 366, A, l. 21-25
207
169
ID 365, l. 46-47 et l. 51-52
208
(2,5 ob. par tuile) (2,5 ob. par tuile)
5,5 ob. 5 ob.
(3 ob. pour des κεραμίδες)
4 ob.
ID 290, l. 161, l. 165 et l. 174-175
246
Praxiklès Héroïdès
Hèroïdès
Zèloménès
Le Chiote Periandros
Fournisseur
Pyrrhos
600 κεραμίδες Kréôn + des couvre-joints 60 κεραμίδες 160 κεραμίδες Héroïdès Glaukôn
1500 1060
249 90 (soit 339)
4 11 76 (soit 91)
1 190 65
(4 ob. la κεραμίς) 4 ob. 5 ob.
IG XI 2, 287, A, l. 85 et l. 113-114
250
200
Quantité
1 dr.
Prix à la paire (ζεῦγος)
IG XI 2, 203, B, l. 3
Référence
269
Année
Pour la Salle hypostyle, le temple d’Apollon, la Graphè, les oikoi du Kynthion, de la Nèsos, du Sarapieion et pour l’Inôpos
Salle hypostyle (adjudication à deux fournisseurs)
Temple de la Nèsos et néokorion de l’Artémision (adjudications). Le fournisseur n’est pas le poseur
1 couple de tuiles pour l’Aphrodision Tuiles pour la palestre
Décision de l’architecte (adjudication)
Nature de la dépense
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX 257
258
PARASITES DU DIEU
que les quelques fluctuations de prix observables entre 250 et 169 correspondent, non à des variations sur la quantité mais à des variations de disponibilité du produit auprès de revendeurs locaux disposant de stocks, en raison de la saison de navigation. 62 La reconstitution des cours du parfum paraît en revanche beaucoup plus hasardeuse car, pour une dépense de 5 à 7 dr. que les hiéropes effectuent régulièrement au cours du troisième mois de l’année, la quantité n’est indiquée qu’à deux reprises 63. Mais comme le note justement G. Reger, l’un des fournisseurs du sanctuaire est une femme, ce qui laisse penser que les hiéropes avaient affaire, là encore, à un commerce de revendeurs 64. Le papyrus, produit de monopole, est également acheté à différents moments de l’année par les hiéropes 65. Comme l’avait relevé G. Glotz, le prix de la feuille de papyrus oscille entre 1,5 et 2 dr., avec quelques exceptions 66. Ce prix moyen est identique à celui dont témoignent à la fois les comptes de l’Érechthéion en 407 (IG I3 476, fr. XVII, col. II, l. 289-291 : 1 dr. 2 ob.) et les comptes d’Épidaure dans le troisième quart du ive s. (IG IV 2 1, 103, B, l. 159 : 4,5 ob. éginétiques, soit 1 dr. 1/2 ob. attiques). C’est l’interprétation des exceptions qui est douteuse : le prix exceptionnel de 10 dr. la feuille, en 267 (ID 205, Bb, l. 2) figure dans un texte tellement fragmentaire (χάρτης Δ —) que le ∆ pourrait tout autant être le début d’un nom de fournisseur, de même qu’en 296 où le prix d’une obole la feuille, dans un passage lacunaire (IG XI 2, 154, A, l. 24 : χάρτης̣ Ι[․․․․]ΟΛΛΙ) n’est guère assuré tandis que l’achat de [β]ιβλία pour 1 dr. (l. 34) ne permet pas nécessairement une comparaison pertinente. Sur la base d’un prix de monopole dont l’étude de G. Glotz rend par ailleurs compte de façon intéressante, les faibles oscillations du prix payé par les hiéropes pour la feuille de papyrus répondent plus probablement au coût du transport et au bénéfice tiré par les revendeurs, même s’il n’est pas non plus très éloigné du prix de 1 dr. 1 ob. payé par Zénon, au milieu du iiie s. 67. En revanche, dans le cas de produits de luxe dont on mesure alors la rareté, les hiéropes saisissaient l’occasion du passage d’un importateur à Délos : dans le cas de l’ivoire, il s’agit d’achats manifestement occasionnels pour lesquels les hiéropes profitent de la présence d’un marchand. Ils réalisent, en quelque sorte, un placement, en constituant une petite réserve d’un matériau précieux qui pourra être utilisé ultérieurement. En 276 (IG XI 2, 163, Aa, l. 7), ils achètent 15 mines d’ivoire à 8 dr. la mine. En 269 (IG XI 2, 203, A, 71), ils achètent deux défenses d’éléphant à un marchand tyrien pour 8 dr. 2 ob. la mine 68. En 250 (IG XI 2, 287, A, l. 118), ils font un troisième achat pour 3,5 dr. la mine. Là encore, cet écart a été interprété, par W. W. Tarn et M. Rostovtzeff, comme le reflet d’une rivalité entre Ptolémée Philadelphe et Antiochos II auprès des Déliens, alors qu’il faut probablement y voir surtout le reflet de l’organisation d’un commerce occasionnel de longue distance dans lequel on trouve des qualités différentes sous une même appellation : l’ivoire acheté à 3,5 dr. la mine pourrait ainsi être de l’ivoire d’hippopotame et non de l’ivoire d’éléphant 69. 62.
63.
Reger 1997, p. 65. Reger 2005, p. 277-280. Reger 1997, p. 62 et n. 40. Voir la synthèse de D’Ercole 2013 sur la catégorie sociale des revendeurs et revendeuses. 65. Reger 1997, p. 64. 66. Glotz 1926. 67. Cité par Glotz 1926, p. 9-10. 68. ἐλέφαντος ὀδόντες δύο παρὰ Ἡρακλείδου Βασιλεύκου Τυρίου, τάλαντον μναῖ τριάκοντα δύο ἡμιμναῖον ὀγδοήμορον, τὸ τάλαντον δραχμῶν : 𐅅 : ἡ πᾶσα τιμὴ : 𐅅ΗΗ𐅄ΔΔ𐅂ΙΙΙΙΙ :, « deux défenses d’éléphant venant d’Hérakleidès fils de Basileukos de Tyr, un talent 32 mines ½ mine et 1⁄8 e, le talent 500 dr., prix total 771 dr. 4 ob. ». 69. Tarn 1928 ; Rostovtzeff 1989 [1941], p. 389 ; Baslez 1987. 64.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
259
Quant aux métaux, de façon attendue, les prix indiqués dans les comptes se caractérisent par leur stabilité, bien que les données exploitables ne soient pas nombreuses 70. Il est probable que la raison en soit différente et que le prix ait été fortement lié à la valeur de l’argent. Le coût du talent de plomb, pour les années auxquelles correspond un prix attaché à une unité, est de 5 dr. vers 290 (IG XI 2, 153, l. 13) 71. Le coût est identique à celui qui est enregistré dans les comptes de l’Érechthéion où un artisan fournit, en 408/7, deux talents de plomb pour 10 dr. (IG I3 476, fr. XVII, col. II, l. 296-299). Un peu plus tard, en 269, les hiéropes ont acheté du plomb à trois reprises, à des moments différents de l’année, à trois fournisseurs différents, mais le prix de revient correspond toujours à une unité de 7 dr. le talent (IG XI 2, 203, A, l. 34-35, 52 et 71-72).
Le marché des produits de consommation courante Les comptes des hiéropes illustrent d’abord les efforts de la cité de Délos et de ses magistrats pour assurer à son sanctuaire un approvisionnement régulier correspondant aux besoins des chantiers de construction et d’entretien des bâtiments, tout en agissant sur les coûts. Mais la demande du sanctuaire touchait aussi d’autres produits qui appartenaient par ailleurs à la consommation courante de la population. Si les hiéropes n’ont que rarement acheté des céréales, ils consommaient, en revanche, pour les besoins du culte, d’importantes quantités de bois de chauffage, de charbon et d’huile, mais aussi d’animaux pour les sacrifices.
Les animaux de sacrifice Parmi les animaux de sacrifice, les achats de porcelets destinés aux purifications mensuelles (χοῖρος τὸ ἱερὸγ καθήρασθαι) reviennent régulièrement, avec toutefois cette difficulté d’inter prétation qu’aucune indication de poids n’est portée en regard du prix de ces animaux. L’analyse des fluctuations des cours en devient, dès lors, plus hasardeuse. L’examen d’autres séries de prix d’animaux de sacrifice dans les comptes des hiéropes (tableau 48), en particulier dans les séries de dépenses récurrentes des Posidéia, met en évidence, pour une même année, des variations de prix qui ne peuvent guère être dues qu’à des questions de poids de l’animal : ainsi le δελφάκιον acheté pour Zeus Eubouleus et le δελφάκιον acheté pour Korè ont un écart de prix de 5 dr. en 246 (ID 290, A, 88) alors que le prix de 24 dr. payé en 178 pour 3 δελφάκια (ID 445, 3) correspond au prix d’une seule bête en 177 (ID 444, A, 31). En 174, au cours de trois achats différents (ID 440, A, 36-37 et 61), le δελφάκιον est payé successivement 23,5 dr., 33 dr. et 28 dr. Par rapport à ces variations peu significatives des tendances d’un marché, G. Reger décèle dans les variations d’un autre achat récurrent, le porcelet (χοῖρος) destiné aux purifications mensuelles, et en dépit des inévitables altérations dues au poids de l’animal, une tendance générale à la hausse à partir du milieu du iiie s., qu’il explique par une augmentation de la demande : celleci ne serait pas due à une augmentation de population mais plutôt à une augmentation de la richesse, la « new prosperity » qui commence dès les années 230 72. L’explication est plausible et 70.
Les comptes des hiéropes enregistrent d’innombrables paiements à des artisans pour la fourniture de clous, qui entraient dans les réparations de portes, de vantaux ou de coffres, ainsi que pour la fourniture de clés ou la réparation de serrures, mais ces données ne sont guère exploitables faute d’indications sur les unités. Le sanctuaire avait également régulièrement besoin de plomb pour sceller les stèles qui étaient exposées dans l’espace sacré. 71. Contrairement à ce qu’écrit Reger 1997, p. 56, n. 17, ce n’est pas du plomb, mais du bois, qui est mentionné en 274 (IG XI 2, 199, A, l. 63-64). 72. Reger 1994a, p. 260.
260
PARASITES DU DIEU
Évolution du prix du κάπρος (sanglier) Année
Référence
Prix (en drachmes)
274
IG XI 2, 199, A, l. 71
16
246
ID 290, A, l. 116
16
178
ID 445, l. 3
18
177
ID 452, l. 8
16
174
ID 440, A, l. 61
15
169
ID 461, Bb, l. 50
10
Évolution du prix du δελφάκιον (cochon de lait) Année 250
Référence IG XI 2, 287, A, l. 69
Prix (en drachmes) 24 16
Post. 248 ID 291, l. b 24
18 16,5
246
ID 290, A, l. 88
14 9
231
ID 316, l. 122
224
ID 338, l. 59
20
200
ID 372, A, l. 104
22 22
Vers 195
ID 398, A, l. 9
16
179
ID 442, A, l. 220
30
178
ID 445, l. 3
177
ID 444, A, l. 31
174
ID 440, A, l. 36-37 ID 440, A, l. 61
4,6 ?
Évolution du prix de l’ ὗς ἐγκύμων (truie pleine) Année
Référence
Prix (en drachmes)
302
IG XI 2, 145, l. 4
41
250
IG XI 2, 287, A, l. 69
15
246
ID 290, A, l. 88
26
224
ID 338, l. 59
22,4
200
ID 372, A, l. 104
37
179
ID 442, A, l. 200
32
177
ID 444, A, l. 31
36
174
ID 440, A, l. 36
28
171
ID 460, t, l. 66
40
Évolution du prix du κριὸς (bélier) Année
Référence
Prix (en drachmes)
ID 104-3
17
274
IG XI 2, 199, A, l. 71
16
190
ID 401, l. 17
12
Vers 190 ID 406, B, l. 69
13 (2 pour 26)
170
13 ? (2 pour 26 ?)
ID 464, l. 2
3 pour 24 25 23,5 ; 33 ; 28 Tableau 48 — Prix des animaux de sacrifice.
pourrait justifier que la demande des Déliens en vienne à concurrencer celle du sanctuaire pour les sacrifices mensuels, mais comme on le verra, la question de l’augmentation de la population ne doit pas non plus être évacuée trop rapidement. En effet, il existe, à travers la hausse de la taxe sur les loyers et le volume de la pêche, des indices d’une présence précoce d’étrangers dans l’île en plus des citoyens 73. Cette hausse du prix des porcelets dans la seconde moitié du iiie s. et plus particulièrement à partir des années 230, si elle correspond bien à une demande de consommation de viande, peut signifier aussi le développement de nouvelles habitudes alimentaires, liées à l’arrivée d’autres populations dans l’île : on pense tout particulièrement aux Italiens dont les habitudes alimentaires incluent la consommation de viande de porc 74. Il faut également s’interroger sur la nature du numéraire utilisé par les hiéropes pour les paiements de ces transactions à des fermiers locaux, qui peut avoir une incidence sur la variation des prix. 73. Voir 74.
infra p. 269 sur la pêche et p. 268 sur les loyers. Pucci 1989.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
261
Le bois L’approvisionnement en bois de construction montre bien, en revanche, les évolutions liées à l’organisation de l’approvisionnement, même si le caractère disparate des données ne nous permet pas réellement de comparer des prix. Une variation intéressante est en revanche perceptible au cours de l’Indépendance dans la nature des essences achetées par les hiéropes (tableau 49). Dans les premières années de l’Indépendance, une grande variété de bois apparaît dans les passages des comptes consacrés aux constructions, achetée sous divers formants (planches, poutres, troncs et rondins) : en 302, les hiéropes achètent du noyer (δοκὸς καρυΐνη : IG XI 2, 145, l. 20), en 282 ils utilisent du sapin (ἐλάτινον : IG XI 2, 158, l. 68-69), en 281 du cèdre (κέδρος : IG XI 2, 159, A, l. 24), en 279 du chêne-liège d’Arcadie (ἀρία : IG XI 2, 161, A, l. 70), du tilleul (σανίδες φιλύριναι : IG XI 2, 161, A, 96), du cornouiller (κράνεια : IG XI 2, 161, A, l. 104) et de l’orme (σανίς πτελεΐνη : IG XI 2, 161, A, l. 112-113 et 120-121). En 276 ou 275, ils achètent encore du tilleul (σανίδες φιλύριναι : IG XI 2, 165, l. 4-5, 32-33, 45) et du chêne (ξύλον δρυΐνον : IG XI 2, 165, l. 59), en 250 du cornouiller (κράνεια : IG XI 2, 287, A, l. 77) et du chêne (ξύλον δρυΐνον : IG XI 2, 287, A, l. 118). En 246, ils achètent majoritairement du chêne (ξύλα δρυΐνα : ID 290, l. 221-226) ainsi que du sapin (δοκὸς ἐλατίνη : ID 290, l. 173). En 209, ils achètent du chêne (δρυΐνα : ID 364, A, l. 19). En 207, ils achètent encore du chêne (δρυΐνα : ID 366, A, l. 38) et du hêtre (ξύλα ὀξύινα : ID 366, A, l. 37-38), en 189 du sapin (σφηκίσκους ἐλατίνους : ID 403, l. 19), du chêne (δρυΐνα : ID 403, l. 24-25) et de l’orme (πτελεΐνα : ID 403, l. 29-30). En 174 et en 169, ils achètent encore du sapin (ξύλον ἐλατίνον : ID 440 A, l. 77-78 = 456 + 440, B, l. 91-92 ; ID 461, Ab, l. 50). noyer 302
cèdre
chêne-liège
tilleul cornouiller
orme
chêne
279 276 250
hêtre
× ×
282 281
sapin
× ×
×
×
×
×
× ×
×
246
×
209
×
207
×
189
×
×
× × ×
174
×
169
×
Tableau 49 — Les essences dans les achats de bois de construction.
Comme le montre le tableau ci-dessus, l’approvisionnement des hiéropes tend à se réduire, à partir du milieu du iiie s., à certaines espèces : le chêne majoritairement, avec le sapin suivi de l’orme et du hêtre, au détriment des essences variées qui avaient constitué leurs achats dans la première moitié du iiie s.
262
PARASITES DU DIEU
Sans doute ne faut-il pas négliger ici l’impact possible de phénomènes de déforestation et de surexploitation de variétés qui étaient encore disponibles à l’époque classique, contraignant les commerçants à recourir ensuite à des filières plus spécialisées, et sans doute aussi plus lointaines, offrant surtout du chêne et du sapin. Mais cette transformation montre aussi que les hiéropes, d’abord dépendants de divers circuits de distribution et contraints de se fournir au gré des occasions qui se présentaient, semblent être parvenus, vers le milieu du iiie s., à établir des sources d’approvisionnement stables, en faisant le choix d’essences plus régulièrement accessibles comme le chêne et le sapin. Cette réduction des variétés pourrait donc être l’indice d’une plus grande ouverture de Délos au marché égéen, par la constitution de réseaux d’approvisionnement qui se stabilisent au cours du iiie s. et induisent une certaine uniformisation des produits, avec la prépondérance du chêne et du sapin.
La fixation des prix : enchères et marchandage Cette situation, dans laquelle le sanctuaire — par l’intermédiaire de l’Assemblée et du Conseil — maîtrisait la constitution de la demande, était facilitée par la forme que prenaient les transactions. Pour la plupart d’entre elles, il s’agissait de contrats conclus par le procédé de l’adjudication au moins-disant grâce aux enchères 75. Chr. Feyel a montré comment ce long processus de l’adjudication aboutissant au contrat avait pour effet d’aiguiser la concurrence entre les artisans, qu’ils soient installés sur place ou qu’ils viennent d’ailleurs, les contraignant ainsi à calculer au plus juste le coût du travail pour emporter le marché 76. Il envisage la question du point de vue de la concurrence créée, effectivement, entre les entrepreneurs. Il convient encore de s’arrêter plus en détails sur la forme particulière de ces ventes et sur son incidence dans l’élaboration des prix, en se plaçant cette fois du point de vue du sanctuaire. En effet, les comptes des hiéropes apparaissent bien comme une fenêtre sur le niveau des prix en Égée à l’époque hellénistique 77, mais une fenêtre dont il importe de bien préciser le contexte : une grande partie des prix enregistrés par les hiéropes ne sont pas les prix du marché entendus comme des cours dépendant d’un équilibre entre l’offre et la demande au sein d’une large clientèle à un instant t, mais des prix négociés dans le cadre de relations contractuelles. Bien entendu, ces prix n’étaient pas imperméables à la conjoncture, aux conditions d’approvisionnement, aux coûts de transport. Ce sont des prix absolument « libres » dans la mesure où la cité elle-même n’impose aucun prix fixé au préalable à la négociation, qui fait intervenir la concurrence entre les fournisseurs. Mais étant donné l’importance de cette dimension contractuelle dans les modalités de détermination de ces prix, ceux-ci dépendent pour une part de la capacité de négociation des administrateurs du sanctuaire.
Les enjeux du recours aux enchères Dans le procédé des enchères, le sanctuaire était en position de force pour peser sur les prix, qu’il s’agisse de contrats de construction ou de fourniture de matériaux, puisque c’est lui qui donnait le prix de départ de la négociation. Bon nombre de produits destinés aux travaux dans le sanctuaire étaient fournis par contrat. C’est par exemple le cas pour la brique, la pierre, la terre et le bois de construction 78. Ainsi, lorsque 75.
Dareste 1887 ; Davies 1937 ; Burford 1969, p. 159-206 ; Feyel 2006, p. 485, n. 46. Feyel 2006, p. 485-486. 77. Bresson 2008, p. 220 : « Le meilleur observatoire des prix à l’époque hellénistique pour le monde égéen ». 78. Pour les fournitures de terre et de briques, voir les tableaux composés dans Feyel 2006, p. 389-390 (brique) et p. 393 (terre). Voir aussi le cas de la peinture : Chankowski 2018b. 76.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
263
Ménon, artisan installé à Délos, vend au sanctuaire des ξύλα μακεδονικὰ en 274 (IG XI 2, 199, A, l. 57), l’achat est conclu μετὰ βουλῆς. La formule est unique dans les comptes des hiéropes : elle n’est en réalité employée que dans les actes des Amphictyons athéniens du ive s. pour désigner la transmission des offrandes « en présence de la Boulè des Déliens » (ID 104, l. 3 et ID 104-12, l. 2). Ici, elle témoigne du fait que le Conseil, dont la commission des Onze servait de témoin lors de contrats d’entreprise (ID 502, A, l. 25), était présent lors de la conclusion de l’achat de bois entre les hiéropes et Ménon, et que cet achat avait pris la forme d’un contrat 79. On aurait sans doute tort d’y voir une exception : la rédaction du compte fait probablement apparaître là, au contraire, la procédure habituelle d’achat, mais les hiéropes ne recopiaient pas toujours l’intégralité de la formule du contrat. En effet, alors que les hiéropes disposaient d’un fonds de roulement constitué par une partie de leurs encaisses pour de menus paiements, ils faisaient surtout des achats κατὰ ψηφίσματα τοῦ δήμου, décidés dans l’Assemblée du peuple, qui fixait sous la forme d’une diataxis ou de son équivalent les sommes que les hiéropes pouvaient dépenser dans telle ou telle catégorie de frais 80. La décision budgétaire qui consistait à débloquer des fonds devait aller le plus souvent de pair avec la négociation de la vente, comme dans le cas de Ménon. La marge de manœuvre des hiéropes était donc limitée dès le départ par les décisions budgétaires de la cité et cette contrainte s’ajoutait à celle que la forme de l’adjudication faisait peser sur les fournisseurs. De plus, en dépit de la rotation des collèges, même pour les achats qu’ils faisaient au marché en dehors des contrats votés par l’Assemblée, les hiéropes disposaient toujours d’une information archivée sur les prix payés par leurs prédécesseurs. Cette information était également connue du Conseil et de l’Assemblée. De façon caractéristique, les hiéropes ont parfois omis, dans les comptes, d’indiquer le montant total payé pour tel achat (c’est par exemple fréquemment le cas pour les achats de poix) mais ils ont généralement inscrit le prix unitaire 81. Ils le font aussi pour les contrats de fourniture de différents matériaux, alors qu’il aurait suffi, d’un point de vue comptable, d’indiquer le coût total imputé à la caisse sacrée 82. Au début du iie s., la forme de rédaction des comptes est réorganisée et fait apparaître plus clairement les prix mensuels d’achats récurrents, tels l’huile, le bois de chauffage, la poix, les porcelets destinés aux sacrifices 83. Les instances civiques, par l’intermédiaire des comptes des hiéropes, avaient donc une connaissance des prix moyens, des cours et des fournisseurs, qui leur permettait de faire autorité dans les transactions. Sans fonctionner à proprement parler comme des mercuriales, les comptes des hiéropes produisaient un effet qui n’en était pas très éloigné. Du côté des vendeurs, la demande régulière du sanctuaire était assez largement prédictible. Quant aux grands travaux, la proclamation des adjudications par la voix du héraut public leur donnait une publicité suffisante pour faire venir des entrepreneurs d’en dehors de l’île. Avant même la conclusion d’un prix par la mise en rapport de l’offre et de la demande, l’essentiel des éléments était connu de part et d’autre. Bien que ces prix soient établis dans le cadre d’un marché, ils n’étaient pas, on le voit, déterminés par une pure confrontation de l’offre et de la demande en un instant t, comme le voudrait l’analyse économique néo-classique. 79. 80. 81.
82. 83.
Sur le rôle du Conseil dans les finances du sanctuaire, Vial 1984, p. 104 et 116-119. Le Conseil procédait aussi à l’examen des garants en vérifiant les sécurités qu’ils présentaient. Sur la diataxis, voir supra chapitre III p. 168-173. Voir aussi, dans le cas des clous, les lignes 67-68 du compte de 279 (IG XI 2, 161, A) : le total payé n’est pas mentionné mais la mention du prix unitaire de la mine de clous figure dans une rasura, comme si cette indication avait été jugée assez importante pour remplacer sur la stèle l’indication du total payé : ἥλων πα[ρὰ] Δεξίου εἰς τὰς πυλίδας μναῖ πέντε· ἡ μνᾶ 𐅂Ι𐅁· , « des clous achetés à Dexios pour les portes, 5 mines, la mine 1 dr. 1 ob. ½ ob. » Voir par exemple la liste établie par Feyel 2006, p. 487-489, qui considère que ces mentions témoignent de rabais consentis par les artisans. Chankowski 2008b, p. 91.
264
PARASITES DU DIEU
Les hiéropes vendeurs Le recours aux enchères était bien connu des hiéropes. Les opérations d’adjudication de contrats de travaux étaient réalisées sur l’agora par la voix du héraut et les comptes des hiéropes en font état à plusieurs reprises. Ainsi pour la construction d’un mur, en 302 : τοῦ Διοσκουρίου τὸν τοῖχον ἐξέδομεν τὸμ πρὸς βορέαν ὑπὸ κήρυκος ἐν τῆι ἀγορᾶι κατὰ συγγραφὴν οἰκοδομῆσαι Νίκωνι, « nous avons donné en adjudication, par l’intermédiaire du héraut sur l’agora, selon le
contrat, la construction du mur Nord du Dioskourion à Nikôn » (IG XI 2, 145, l. 11 ; l. 18) 84.
Il lui arrive également d’être vendeur sur le marché pour des biens acquis autrefois et devenus inutiles. En 246, un esclave est revendu à la suite d’une décision de l’Assemblée et remplacé par un autre acheté sur le marché (ID 290, l. 114-115 : ψ̣[ηφισαμένου τοῦ δ]ήμου τὸμ παῖδα ἀποδόσθαι καὶ ἕτερον ἀγοράσαι, [ἐ]πράθη ὑπὸ κήρυκος ἐ̣[ν ἀγορᾶι? δραχμῶν] Η̣ 𐅄̣Δ· ἄλλος ἠγορά[σθη], « le peuple ayant voté de revendre l’esclave et d’en acheter un autre, il a été vendu par l’intermédiaire du héraut sur l’agora pour 160 dr. et un autre a été acheté »). Outre la revente de matériaux usagés ou excédentaires, les hiéropes ont parfois l’occasion de vendre sur le marché des animaux qui avaient été consacrés à Apollon par des fidèles. La catégorie des recettes issues de la revente figurait même comme telle parmi l’énumération des différentes entrées composant l’encaisse des hiéropes (par exemple ID 371, A, l. 5) 85. Le vocabulaire employé pour l’esclave revendu par l’intermédiaire du héraut, donc aux enchères, et pour la revente de matériaux, est identique : il s’agit d’une ἀπόπρασις (ID 353, A, l. 38), du produit des ἀποπραθέντων (ID 371, A, l. 5 ; ID 442, A, l. 157-159) ou des πραθέντων (IG XI 2, 144, A, 21 ; ID 395, l. 7) et cette πράσις, dont il est également question à propos des récoltes saisies pour défaut de paiement des fermages afin de rembourser le sanctuaire, dans la hiéra syggraphè (ID 503), est selon toute vraisemblance une vente aux enchères 86. Ces ventes rejoignent le registre des ἐπικηρυσσόμενα mentionnés dans la loi délienne sur la vente du bois et du charbon (ID 509, l. 6) et connus par les définitions des lexicographes : il s’agit de biens publics (ou sacrés) vendus aux enchères par la voix du héraut sur l’agora 87. Un passage de Pollux (X, 18-19) consacré aux formes de vente définit plus particulièrement la façon dont, dans le vocabulaire attique et ionien, le nom de la chose vendue sert à désigner à la fois l’acte de la vente et son lieu. Il est en particulier question de la vente des epipla (les biens meubles), un type de skeuè (équipement), qui s’appelait autrefois pamprasia et se fait par l’intermédiaire du héraut : τὴν πρᾶσιν τῶν ἐπίπλων τὴν ὑπὸ κήρυκι γιγνομένην, ἥν νῦν ἀπαρτίαν καλοῦσιν, ἀγορὰν καὶ παμπρασίαν, « la vente des meubles qui s’opère par le héraut, vente que l’on appelle maintenant apartia, agora et pamprasia ». Or le terme ἀπαρτία ou ἀπαρτεία désigne dans les papyrus le processus des enchères publiques 88. Accompagné de la dénomination de παμπρασία, le terme semble désigner une forme générale de vente dans le monde grec. Un équipement de marché mentionné par les lexicographes, les kukloi, était approprié pour ce type de ventes. L’un d’eux, du ier s. av. J.-C., a été mis en évidence sur l’Agora de Théophrastos,
84. Également
IG XI 2, 146, l. 44 ; 162, A, l. 43 ; 199, D, l. 41-47. supra chapitre III p. 105-107 pour la revente de matériaux. 86. Sur l’analyse de la procédure, essentiellement à partir de la documentation papyrologique de l’Égypte lagide, voir Pringsheim 1950, p. 102-126 et en particulier p. 123, sur la dénomination des ventes aux enchères par le terme πρᾶσις, et Pringsheim 1961 ; Talamanca 1955. 87. Gauthier 1977, p. 205-206 ; Moretti, Fincker, Chankowski 2012 ; Chankowski 2012. 88. P.Strasb. 59, 3 (ier s. av. J.-C.) et P.Gnom. 241 (iie s. apr. J.-C.). Répertoire des sources dans Moretti, Fincker, Chankowski 2012, p. 237-241. 85. Voir
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
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au ier s. av. J.-C. 89. Cet équipement, dont la monumentalisation en pierre qui n’a dû intervenir que tardivement, est plutôt à chercher, à l’époque de l’Indépendance, sur l’Agora des Déliens, comme en témoignent les mentions de ventes sur l’agora, citées plus haut, auxquelles procèdent les hiéropes. Pour qui ne disposait pas d’une boutique ou d’un emplacement sur le marché, la vente par le moyen des enchères publiques constituait le seul mode de transaction possible sur le marché. Les hiéropes déliens se trouvaient précisément dans cette situation. D’après le témoignage de l’enregistrement des transactions dans les comptes des hiéropes, le sanctuaire était en effet, le plus souvent, en position de vendeur, et non d’acheteur, grâce au mode de l’enchère et de l’adjudication, même lorsqu’il était en définitive le payeur dans le cas des contrats de fourniture et de travaux 90 : il vendait au moins-disant lorsqu’il mettait en adjudication des travaux, mais aussi au mieux-offrant lorsqu’il affermait par ce même procédé les taxes, les fermages et les loyers du patrimoine d’Apollon, de même qu’il vendait des animaux offerts au dieu ou qu’il revendait des matériaux excédentaires ou usagés. Le plus souvent, dans le cas de adjudications de travaux et de l’affermage, la vente donnait lieu à un contrat. Dans tous les cas, le mode de l’enchère plaçait le sanctuaire dans une position favorable dans la vente, non seulement parce qu’il exacerbait la concurrence entre les acheteurs potentiels, mais aussi parce que le sanctuaire, par l’intermédiaire des hiéropes ou du héraut, était, en tant que vendeur, le premier à dire son prix. Les règles de comportement sur le marché étaient fondées sur la négociation et voulaient que le vendeur annonce d’abord son prix avant que les acheteurs potentiels ne commencent à discuter avec lui. C’est précisément l’attitude contraire que Théophraste (Caractères, 15, 4-5) décrit comme de la muflerie : le mufle, « lorsqu’il vend quelque chose, ne dit pas aux acheteurs combien il en demande, mais combien ça vaut » (καὶ πωλῶν τι μὴ λέγειν τοῖς ὠνουμένοις, πόσου ἂν ἀποδοῖτο, ἀλλ’ ἐρωτᾶν· Τί εὑρίσκει;). Aussi la majeure partie des prix enregistrés dans les dépenses des hiéropes sont-ils en réalité des prix de vente, ou plus exactement, dans le cadre de la définition d’un contrat, des prix demandés par le vendeur (le sanctuaire) et acceptés par le contractant (l’artisan), après une négociation dans laquelle le sanctuaire avait le plus souvent l’avantage.
Les hiéropes acheteurs Dans d’autres cas, le sanctuaire était en position d’acheteur sur le marché, avec une marge de négociation qui pesait du poids de la richesse monétarisée d’Apollon et de l’autorité institutionnelle des hiéropes. Le procédé des enchères, qui servait pour l’adjudication par laquelle était désigné le fournisseur avec lequel le sanctuaire allait établir un contrat, était également pratiqué pour d’autres transactions que menaient les hiéropes. Parallèlement à des achats de pièces de bois par contrat, comme on vient de le voir, les hiéropes ont acquis du bois dans le cadre de ventes aux enchères. C’est certainement le cas des bois, déjà mentionnés (ID 366, A, l. 38-39), achetés aux pentekostologoi, qui devaient être des marchandises saisies à la douane à la suite d’une fraude du vendeur et relevaient des enchères publiques 91. Selon une hypothèse de Ph. Gauthier, les pentekostologoi auraient pu confisquer une cargaison qui avait été commandée par les hiéropes, ce qui serait la raison pour laquelle ils accepteraient aussitôt de la leur transmettre contre paiement. Cette interprétation ne semble pas convenir à la transaction 89.
Moretti, Fincker, Chankowski 2012. Chankowski 2011b, p. 159-162. 91. Gauthier 1977, p. 208 et n. 17. L’hypothèse d’une confiscation était déjà retenue par E. Schulhof (voir la note de F. Durrbach à ID 366). Sur la vente de biens confisqués en Attique, voir Hallof 1990. 90.
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en question. En effet, dans les mêmes lignes du compte de l’année 207 figure un second achat, pour les mêmes quantités et au même prix (29 pièces de bois pour 406 dr.), réalisé auprès des « tuteurs d’Aristagorè ». Cl. Vial a supposé (Index, s.v.) que les tuteurs en question avaient repris l’affaire de négoce en bois que détenait le père d’Aristagorè, inconnu. Mais il pourrait tout aussi bien s’agir, là encore, d’une vente aux enchères de stocks de bois, réalisée cette fois au décès du commerçant par les exécuteurs testamentaires. Il est alors frappant de constater que les hiéropes ont obtenu, lors de cette série d’achats réalisés la même année pour les travaux de la Salle hypostyle, sur injonction de l’architecte et selon un décret du peuple (l. 36), pour des pièces de même dénomination (σφηκίσκοι), des tarifs différents en fonction des vendeurs : ils ont pu obtenir un prix identique de 14 dr. l’unité lors de la vente aux enchères publiques de deux lots et ont négocié des ventes allant de 10 à 14,5 dr. l’unité auprès de trois marchands (tableau 50). Vendeur
Nombre de pièces (σφηκίσκοι)
Prix unitaire (dr.)
Prix total (dr.)
Déméas
10
13,5
135
Pentekostologoi
29
14
406
Tuteurs d’Aristagorè
29
14
406 102,2
Sôtérikos
7
14,6
Kallistratos
9
10
90
Tableau 50 — Montant des achats de bois pour la Salle hypostyle en 207 (ID 366) selon les fournisseurs.
Ce compte de l’année 207 distingue clairement les fournitures achetées par contrat ([τ]άδε ἔργα ἐξέδομεν, l. 1), parmi lesquelles figurent les tuiles commandées à plusieurs artisans 92, et les achats de bois réalisés sur injonction de l’architecte et en vertu d’un décret du peuple (τάδε ξύλα ἠγοράσαμεν, l. 36), donc sur le marché et probablement aux enchères. Les résultats des hiéropes sont globalement meilleurs lorsqu’ils sont vendeurs de contrats d’adjudication qu’acheteurs dans les enchères publiques, parce que les conditions de concurrence ne sont pas les mêmes.
La négociation des prix Un certain nombre de denrées étaient achetées de façon régulière, chaque mois, par les hiéropes sur le fonds de roulement de la caisse sacrée. Au début du iie s., c’est le cas de l’huile, de la poix, du bois de chauffage, des porcelets destinés aux sacrifices. Pour ces achats réguliers, les hiéropes n’avaient sans doute pas besoin de recourir à la procédure du contrat. Comme on l’a vu, la demande du sanctuaire avait eu pour effet de multiplier les boutiquiers et revendeurs capables de l’approvisionner non seulement en poix et en huile mais aussi en papyrus, encens et parfum, et d’assurer par le stockage une certaine régularité dans l’approvisionnement. Lorsque les hiéropes se fournissaient au marché ou en boutique auprès des commerçants dont ils indiquent le nom dans les comptes, la négociation prévalait. C’est dire aussi que les prix payés par les hiéropes ne leur étaient pas — ou en tout cas pas entièrement — imposés par une conjoncture, que celle-ci fût locale, régionale ou égéenne.
92. Voir
supra p. 243-244, à propos des limites des capacités de production des entreprises.
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX
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Plusieurs passages d’Athénée rendent compte du marchandage qui caractérise la confrontation entre le vendeur et l’acheteur sur le marché, essentiellement à propos des transactions menées avec des marchands de poisson qui disposent de techniques infaillibles pour imposer leur prix 93. La maîtrise du rapport de force entre le vendeur et l’acheteur nécessitait une certaine pratique : Lyncée de Samos, selon Athénée (VI, 228c et 313f-314a), avait écrit un traité intitulé Technè opsonètikè ou « l’art de faire ses provisions au marché », dans lequel il enseignait à un ami comment marchander efficacement (δυσωνεῖσθαι). Dans les boutiques également, le prix proposé par le marchand pouvait être marchandé par les clients. Un mime d’Hérondas (VII) place la scène dans une boutique de chaussures et met en évidence, dans la bouche du marchand, les différents paramètres qui entrent dans la constitution du prix demandé : coût des matériaux et de leur transformation, coût du travail, coût de l’entretien de la boutique. Le marchand laisse néanmoins l’acheteuse ajuster son prix au sien, tout en avançant ses arguments. Dans les transactions menées à Délos, les administrateurs du sanctuaire d’Apollon risquaient fort de ressembler aux marchands de poisson d’Athénée, même si ces Déliens de bonne société devaient être plus aimables que les marchands dictant les prix et dont les comiques ne cessaient de moquer le comportement perçu comme grossier et déplaisant. Outre l’autorité institutionnelle que leur conférait le prestige de leur fonction, ils disposaient d’une connaissance exacte des cours antérieurs grâce aux archives de la caisse sacrée et du poids d’une demande à la fois régulière dans ses rythmes et importante dans ses quantités, au point qu’elle atteignait parfois les limites des capacités de production des artisans. Aussi pouvaient-ils dicter leurs exigences à leurs interlocuteurs, et ils y sont manifestement parvenus, dans certains cas au moins, en maintenant un prix fixe en cours d’année tout en réalisant des achats à des moments différents et auprès de plusieurs fournisseurs. C’est le cas pour la poix : que les vendeurs soient des importateurs de passage dans l’île ou bien des revendeurs locaux qui disposent certainement de stocks, les hiéropes obtiennent le même prix : ainsi en 302 (IG XI 2, 145, l. 3, 8 et 10) lorsqu’ils payent 17 dr. le keramion à Hestiaios, à Nannakos, qui sont tous deux sur place, et « aux étrangers », ainsi qu’en 296 pour un prix de 18 dr. le kéramion auprès de Diakritos, qui porte un nom délien, et auprès d’Hérodôros de Chios (IG XI 2, 154, l. 2 et l. 48). Une autre question est celle de savoir dans quelle mesure le sanctuaire, en tant qu’acheteur, était concurrencé. Nous savons que pour la plupart des matériaux de construction, il devait avoir recours à plusieurs fournisseurs pour satisfaire sa demande en briques, tuiles et bois de construction. Pourtant, le développement de la place de commerce délienne sous la forme d’un centre de redistribution régional pour les Cyclades, bien avant la création du port-franc, ne pouvait pas être sans incidence sur la position économique du sanctuaire.
LES CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ DÉLIEN La constitution de réseaux d’approvisionnement sur place pour répondre à la demande du sanctuaire était l’effet d’une politique collective de la cité des Déliens, qui devaient y trouver eux-mêmes des sources de profits dans leurs activités professionnelles. La césure que l’on observe dans les années 250 et qui entraîne une stabilisation des prix s’explique effectivement, comme le souligne G. Reger, par des raisons locales : le rythme des prix des produits de consommation courante comme l’huile obéit en effet au rythme de la saison des ventes, augmentant dans les périodes de soudure et baissant après les récoltes. Mais l’explication ne suffit pas en elle93.
De très nombreux textes se rapportent aux marchands de poisson. Voir la dissertation de Bohlen 1937 ; Feyel 1936, p. 27-36 ; Vatin 1971, p. 95-109, et Vatin 1966 ; Louyest 2009. Sur le marchandage et les enchères, voir les attestations rassemblées par Grassl 2004 ; Chankowski 2020.
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même à rendre compte de l’organisation du marché délien, qui s’avère plus complexe : la part dévolue au stockage, en particulier, en reconstituant des conditions de vente locales, peut masquer la réalité de connexions extra-cycladiques. Il importe pour cela de déceler ce qui est en quelque sorte le non-dit économique des comptes des hiéropes, c’est-à-dire la part d’activités commerciales qui n’est pas entièrement dans la dépendance du sanctuaire.
La continuité des structures et des activités L’emporion classique Bien avant d’être qualifiée de κοινὸν ῾Ελλήνων ἐμπόριον (Pausanias, VIII, 33), Délos était un port fréquenté : au milieu du ive s., un discours fragmentaire d’Hypéride lié au différend qui opposa Athènes et Délos pour l’administration du sanctuaire décrit Délos comme un emporion, contrairement à Rhénée qui n’en a pas 94. Les espaces de déchargement étaient l’un des éléments importants de l’infrastructure portuaire délienne dès l’époque classique et les inscriptions athéniennes de Délos montrent à cette époque que les Athéniens s’étaient efforcés d’établir un système fiscal pour exploiter les revenus du port sacré, sur la base de ces infrastructures, dès la fin du ve s. 95. Là encore, la présence du sanctuaire entrepreneur de grandes constructions et employeur de nombreuses entreprises artisanales n’est sans doute pas étrangère à cette situation, qui s’était en même temps trouvée confortée par l’attractivité de Délos comme centre religieux cycladique et égéen, sans qu’il soit possible, à cette date, d’en mesurer précisément le rayonnement et l’échelle d’attractivité. En tant qu’emporion, c’est néanmoins d’ores et déjà une activité de commerce de redistribution qui faisait de Délos un centre à l’époque classique, auquel venait s’ajouter l’activité bancaire du sanctuaire en direction des cités insulaires. Dès l’époque classique, Délos était un lieu de ravitaillement, de commerce et d’affaires, où l’on venait chercher des capitaux. Cette situation favorisait les familles déliennes impliquées dans des affaires commerciales et artisanales, dont on voit par les comptes du ive s. qu’elles se sont parfois alliées à des Athéniens pour la location de locaux 96. Cette condition initiale fait douter de la nature des phases décrites par G. Reger : pourquoi faudrait-il attendre la vacance des pouvoirs en mer Égée dans la seconde moitié du iiie s. pour voir se mettre en place ce qui avait déjà fonctionné au ive s. et peut-être déjà au ve s., à une échelle souvent plus large que celle des seules Cyclades en ce qui concerne les prêts du sanctuaire 97 ? C’est plutôt dans la continuité des activités de l’emporion du ive s. qu’il faut comprendre les développements du iiie s.
L’augmentation de la population au iiie s. Or deux indices permettent de penser que Délos a connu dès la première moitié du iiie s., et non à partir des années 230 seulement comme le pensait G. Reger, une augmentation de population 98. Les chiffres d’une taxe concernant l’ensemble des loyers de l’île, la dékatè sur les 94. Hypéride,
frg. 70 : οὔτε γὰρ λιμένας εἶναι παρ’ αὑτοῖς οὔτε ἐμπόριον οὔτε ἄλλην διατριβὴν οὐδενίαν. πάντας δὲ ἀνθρώπους ἀφικνεῖσθαι πρὸς τὴν Δῆλον ἔλεγον, καὶ αὐτοὶ τὰ πολλὰ ἐν Δήλῳ διατρίβειν, « Il n’y a pas chez
95. 96. 97. 98.
eux [= les Rhénéens] de ports ni d’emporion ni aucun autre lieu d’activité, et ils disaient que tout le monde se rendait à Délos, eux-mêmes d’ailleurs menaient la plupart de leurs activités à Délos ». Sur ce passage, Chankowski 2008a, p. 374-375. Chankowski 2008a, p. 295-307. Chankowski 2008a, p. 372. Voir en particulier les relations avec Chios : Chankowski 2008a, p. 175-179. Voir les chiffres rassemblés supra chapitre III p. 152-155.
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loyers, qui était affermée au profit de la caisse publique et dont nous possédons deux mentions, à la faveur de remboursements de prêts par la cité au trésor sacré, montrent qu’elle avait plus que doublé entre 279 et 250 : cette taxe, qui avait rapporté 600 dr. en 279 (IG XI 2, 161, A, l. 26), est adjugée pour 1 690 dr. en 250 (IG XI 2, 287, A, l. 9). Or elle devait toucher majoritairement des étrangers domiciliés dans l’île qui ne disposaient pas de l’enktèsis. Elle devait concerner aussi toute location de bâtiment à des fins commerciales ou artisanales. Une autre taxe, la dékatè sur les poissons (ἰχθύων δεκάτη), correspond au prélèvement d’1/10e sur le prix de vente des poissons. Sur la base d’un revenu du fermage qui se monte à 1 850 dr. dans un remboursement de prêt de l’année 250 (IG XI 2, 287, A, l. 8-10), croisé avec les informations données pour les prix des poissons dans le tarif d’Akraiphia, E. Lytle a pu calculer que le montant de la taxe délienne correspondait à la vente de la pêche de 240 000 mines de poisson par an, soit 144 000 kg, une quantité qui bat en brèche l’idée d’un petit marché local restreint : « The Delian market could only have been supplied fish in such volumes by scores of professional fishermen engaged in what can be described as an artisanal industry » 99. Si elles prouvent que la consommation de poisson n’était pas marginale dans les régimes alimen taires, ces estimations fournissent aussi une indication intéressante sur l’augmentation de la population à Délos et la présence plausible d’étrangers qui ne sont pas tous visibles dans la documen tation épigraphique des comptes. Les chiffres donnés par E. Lytle valent pour une population qui peut atteindre 8 000 personnes pour une consommation annuelle de poisson d’une vingtaine de kilos. Seule la part des citoyens déliens peut être précisément évaluée dans les sources, plus particulièrement grâce aux comptes des Posideia au début du iie s. qui fournissent une estimation d’environ 1 200 citoyens mâles 100. Outre le chiffre des familles, c’est la part des étrangers qui nous échappe, mais si l’on corrèle cette information avec l’augmentation du prix des porcelets à partir du milieu du iiie s., on voit que la question de l’augmentation de la population délienne ne saurait se limiter, comme le voulait G. Reger, à la période postérieure aux années 230 101. Ces quelques indices laissent penser que Délos, entre le ive s. et le iiie s., n’avait cessé d’être un emporion attractif.
Les locaux professionnels et les intérêts des Déliens Le développement de l’emporion délien et de son rôle de redistribution ne pouvait se faire sans l’émergence de structures et de pratiques de stockage. La question du stockage est difficile à appréhender dans les sources mais les données que nous venons de rassembler dans les comptes des hiéropes, qui mettent en évidence la constitution d’un approvisionnement de proximité pour le sanctuaire, laissent penser que celleci s’accompagnait du développement de moyens de stockage, qui permettaient de retarder les effets des fluctuations liées aux importations et d’assurer, au moins à court terme, une stabilisation des coûts dont rendent compte les courbes de prix à partir du milieu du iiie s. Entreposer des denrées permettait assurément de diminuer les effets des césures liées aux conditions de production ou aux ruptures dans les circuits de distribution plus lointains : le stockage produit à l’année un effet de lissage sur les prix et sur les coûts de transport. 99.
Lytle 2013, p. 301, revenant sur l’analyse de Reger 1994a, p. 256. En revanche, c’est une erreur d’identifier l’hypotropion et la dékatè ichtyon : il s’agit de revenus affectés au remboursement de prêts, et nous ne connaissons pas l’intégralité des taxes prélevées par la cité. L’hypotropion et la dékatè ichtyon ont donc toutes chances d’être deux taxes différentes et concommittantes, même si elles apparaissent de manière successive en tant que remboursements de prêts. Voir supra chapitre III p. 153. 100. Vial 1984, p. 17-20. 101. Reger 1994a, p. 260 et 300-305, sur le prix des porcelets. Voir supra p. 259-260 sur le prix des animaux de sacrifice.
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La méthode était connue et Lysias, dans le Contre les marchands de blé, ne dit pas autre chose, bien que la période considérée soit plus courte : « S’ils agissaient dans votre intérêt [en achetant le blé massivement], on aurait dû voir le prix se maintenir pendant de nombreux jours, jusqu’à épuisement de leurs stocks » (§12). La présence de stocks chez les vendeurs de l’île permettait aux hiéropes de ne pas stocker eux-mêmes et de réserver leurs achats aux moments nécessaires dans l’année. Ils optimisaient ainsi les fonds dont ils disposaient.
Les pratiques des hiéropes Comme on l’a vu, les produits conservés par le sanctuaire sont rares : les hiéropes ont acheté de l’ivoire, lorsqu’une opportunité se présentait. Ils inventorient des reliquats de tuiles, stockées pour des raisons qui semblent surtout liées à la difficulté d’évaluer le nombre exact de pièces à commander, peut-être aussi parce qu’il fallait pallier la casse éventuelle lors de la manutention et la pose 102. Peu avant 280, ils utilisent ainsi pour la palestre et pour l’Asklépieion 217 couples de tuiles laissés par les collèges antérieurs (IG XI 2, 156, B, l. 21-27). En 269, ils achètent 200 couples de tuiles pour divers édifices et en utilisent les trois quarts, le reste étant transmis à leurs successeurs. Sur les achats de tuiles réalisés en 250 pour la réparation de plusieurs toitures, il reste 114 couvre-joints (IG XI 2, 287, B, l. 154). En 200, les hiéropes font compter les tuiles stockées dans divers édifices et en dressent l’inventaire (ID 372, A, l. 107 et l. 163-165). En 189, ils utilisent une partie des tuiles stockées et inventorient le reste (ID 403, l. 38-43). Ils stockent aussi des pièces de bois qui serviront à construire des échafaudages ou constitueront les charpentes des constructions. L’oikos des Naxiens abritait des stocks de bois que les hiéropes inventorient à deux reprises, en 240 et en 229 (ID 298, A, l. 184 et 320, B, l. 68-69). La construction de la Salle hypostyle a donné lieu à de très nombreux achats de bois qui expliquent probablement les inventaires de stocks réalisés au début du iie s. (ID 372, A, l. 159-169 et ID 400, l. 32-35 et l. 44-49) 103. Aussi bien n’hésitent-ils pas, dans le même temps, à revendre sur l’agora des tuiles excédentaires ou anciennes (IG XI 2, 144, A, l. 21; des oikoi : IG XI 2, 287, A, l. 22-23 ; du Pythion : ID 290, A, l. 103), ou encore des pièces de bois provenant du Poulydamas (IG XI 2, 159, A, l. 49), de l’Inôpos (ID 354, A, l. 18-19), du Kynthion (ID 442, A, l. 157) ou de l’Hérakleion (ID 442, A, l. 158), des pierres du péribole du sanctuaire (ID 442, A, l. 159), du bois provenant de la taille de figuiers sauvages (ID 353, A, l. 37-38). Certes, ces ventes, en particulier pour les tuiles qui étaient brisées ou usées par l’air marin, aboutissaient plutôt à un recyclage comme matériaux de construction qu’à un second usage sur des toitures. Néanmoins, les hiéropes, dans leur recours au marché, n’éprouvent pas le besoin de constituer de véritables stocks de sécurité, alors même que la réfection des toitures des différents bâtiments du sanctuaire semble avoir été une opération récurrente. Les achats qui sont conclus mentionnent toujours que les tuiles sont destinées à un bâtiment précis, si bien que leurs stocks sont plutôt des reliquats qu’en bons gestionnaires, ils exploitent méthodiquement. Leurs achats de bois sont également réalisés dans le cadre ponctuel de programmes de construction, si bien que les stocks qu’ils inventorient ensuite s’apparentent davantage à des reliquats qu’à un véritable stockage 104. Quant aux produits de nécessité comme l’huile, les hiéropes se fournissent chaque mois sans constituer non plus de réserves. Si l’on corrèle cette observation à la stabilisation des prix et des circuits d’approvisionnement, il faut en déduire que le stockage était assumé à Délos en dehors du sanctuaire. 102.
Le paiement n’était effectué qu’après comptage des tuiles en bon état (IG XI 2, 199, A, l. 109-110). Références complètes dans Feyel 2006, p. 495, n. 93. 104. Feyel 2006, p. 495. 103.
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Le stockage hors du sanctuaire Or, au cours de l’Indépendance, le sanctuaire louait des maisons appartenant au dieu, parmi lesquelles figuraient un certain nombre de locaux professionnels 105 : la « maison d’Ephésos » était un local commercial (kapeleia), la « maison d’Orthoklès » était une forge, d’autres ateliers étaient situés « près de la forge », les bâtiments Sôsileiai étaient situés dans le quartier du port et comportaient un atelier pour travailleurs masculins (andrôn), de même que les bâtiments Chareteiai, dans le même quartier, qui comportaient des ateliers d’hommes et un atelier de femmes, et deux xylônes qui devaient servir d’entrepôts à bois 106. D’autres ateliers étaient la propriété privée de Déliens qui ont utilisé ce patrimoine en l’hypothéquant pour obtenir un prêt du sanctuaire 107. Les documents administratifs de la seconde domination athénienne présentent également de précieux indices sur la composition du patrimoine des Déliens de l’Indépendance. Les domaines et les maisons qui sont loués alors au profit du sanctuaire ne sont plus exactement ceux qui étaient affermés durant l’Indépendance. Certaines propriétés ont été confisquées aux Déliens expulsés et une clause relative à l’entretien des domaines et des locaux pris à bail indique différentes catégories de biens (ID 1416, B, I, l. 11-15) 108 : οἰκήματα, ἐργαστήρια, ναυπήγια, ἐγδοχεῖα. Pour P. Roussel, les arsenaux (ναυπήγια) et les entrepôts (ἐγδοχεῖα) pourraient être les anciens οἰκήματα πρὸς τῆι θαλάσσηι loués par le sanctuaire au cours de l’Indépendance (IG XI 2, 161, A, l. 21 ; 277, l. 11 ; 226, A, l. 16 ; ID 317, a, l. 20). Rien ne l’assure mais cette liste témoigne surtout de l’existence de bâtiments de stockage et d’artisanat dans les patrimoines des Déliens, à une époque antérieure à 167. Pour les locations du sanctuaire, Cl. Vial a montré qu’un vingtaine d’artisans ou entrepreneurs, locataires de bâtiments artisanaux, pour la plupart Déliens, payaient au sanctuaire un loyer compris entre 100 et 190 dr. par an, ce qui suppose un chiffre d’affaires non négligeable 109. La catégorie des locataires de maisons sacrées, toutefois, qui compte un grand nombre de magistrats, n’indique pas nécessairement l’activité professionnelle des intéressés, qui pouvaient être des hommes d’affaires prenant à bail un local pour en tirer profit par la sous-location à des étrangers. Mais trois chorèges et deux hiéropes au moins, entre 282 et 252, portent le même nom que des entrepreneurs en bois 110. Durant la première moitié du iiie s., deux commerçants au moins appartenaient à des familles actives dans la politique : Ménès fils d’Evelthôn, marbrier et locataire d’un atelier de la Charéteia, proposant d’un décret accordant le droit de cité à un Chiote (ID 599) et Sôsiménès fils d’Antigonos, fournisseur de pierres et artisan-peintre, frère d’un proposant de décrets 111. Dans l’approvisionnement du sanctuaire en bois, plusieurs Déliens apparaissent parmi les intermédiaires. M. Lacroix avait reconnu dans un certain nombre de noms de marchands mentionnés dans les comptes des hiéropes les ramifications d’une famille délienne de commerçants en bois 112. Mais il est en réalité délicat d’identifier avec certitude des familles déliennes de 105.
Molinier 1914, p. 19-34 et 80-85. Vial 1984, p. 349. Hennig 1985, p. 439. 107. Vial 1984, p. 348, inventorie sept cas. 108. M. Brunet dans Nouveau Choix, p. 236 ; Roussel 1916, p. 157-159. 109. Vial 1984, p. 353-354. 110. Vial 1984, p. 355, identifie les chorèges et les hiéropes avec les fournisseurs de bois. La présentation de ces personnages dans Index II, s.v. est plus prudente. 111. Vial 1984, p. 355 et 133, avec la correction indiquée dans Vial 2008, s.v. : Σωσιμένης Ἀντιγόνου, frère de Σωσίδημος rogator. L’Index II corrige également, s.v., le statut d’Aristolochos fils de Nikodromos, héraut du sanctuaire et proposant de quatre décrets, dont deux accordent le droit de cité à un Chiote et à un Mégarien (ID 547 et ID 545), et non commerçant comme indiqué dans Vial 1984, p. 355. 112. Lacroix 1916. Voir également Deonna 1948, p. 50-126, à propos des activités économiques des Déliens attestées dans les sources. 106.
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commerçants et de savoir quelle était la proportion des Déliens impliqués dans des activités de commerce, car les comptes des hiéropes mentionnent rarement les patronymes 113. Toutefois, les mentions d’achats de pièces de bois par le sanctuaire donnent lieu à des opérations de manutention qui peuvent constituer un indice sur les circuits d’approvisionnement. En 274, les hiéropes payent des manutentionnaires pour transporter depuis l’agora des bois achetés à Démétrios (ἀπενέγκασιν ἐ[κ τ]ῆ̣ς̣ ἀγορᾶς ξ̣ύλ[α παρὰ] [Δη]μητρίου ἀγορασθέντα, IG XI 2, 199, A, l. 47-48) ou encore pour transporter jusqu’à la palestre des bois achetés chez Philtès (l. 5253) 114 : la transaction semble bien avoir eu lieu dans l’île. À l’exception d’un marchand d’Assos qui fournit des planches de tilleul pour le Pythion en 276 ou 275 (IG XI 2, 165, l. 32-33), les fournisseurs des hiéropes dans ce domaine sont le plus souvent mentionnés par leur simple éponyme, sans patronyme ni ethnique, ce qui laisse penser que les hiéropes trouvaient sur place des marchands capables de leur fournir les pièces de bois de construction dont ils avaient besoin. Quelques-uns de ces fournisseurs de pièces de bois sont assurément Déliens : un achat réalisé en 207 pour la Salle hypostyle auprès des « tuteurs d’Aristagorè » (ID 366, A, l. 39) situe a priori l’opération à Délos. Mais ce bois était évidemment importé et stocké : la même année, les hiéropes achètent également 29 pièces de bois aux pentekostologoi (l. 38-39), signe que la marchandise a transité par le port. Il s’agit là de marchandises saisies en douane et remises en vente sous la responsabilité des percepteurs de la taxe, au bénéfice de la caisse publique 115. Il est donc probable que la population délienne ait été largement impliquée dans les activités économiques du sanctuaire par l’intermédiaire de son rôle dans les activités de l’emporion délien. La nature exacte de ces affaires nous échappe : on y trouve probablement des entreprises familiales liées à des réseaux extérieurs à Délos, impliquées dans les circuits commerciaux d’importation et de redistribution et pratiquant le stockage sur place 116. L’implication de quelques magistrats et hommes politiques dans le commerce n’était sans doute pas étrangère à la mise en œuvre d’une politique active de constitution de circuits d’approvisionnement de proximité dans la première moitié du iiie s. Les décisions concernant les finances sacrées relevaient du Conseil et de l’Assemblée mais pouvaient en même temps refléter des débats et les orientations d’un groupement d’intérêts. Ainsi, le développement d’un approvisionnement de proximité issu de l’importation, se traduisant par un appui aux pratiques de revente et de stockage, était un choix politique établi dans l’intérêt des finances du sanctuaire, ce qui servait en même temps l’intérêt de la communauté des Déliens en préservant le trésor du dieu grâce à une bonne gestion, mais servait tout autant certains citoyens lorsque ceux-ci trouvaient des intérêts financiers à se lancer dans des activités commerciales qui répondaient à la demande du sanctuaire.
Une concurrence entre Déliens Ces choix avaient pu aussi bien susciter des débats et des désaccords au sein de la communauté civique : alors que la location des domaines et des maisons sacrées était monopolisée par quelques familles déliennes, il pouvait être tentant d’utiliser les enchères pour installer un locataire intéressé par le développement de certaines activités plutôt que tel autre. La nature 113.
Vial 1984, p. 348-356. Sur l’identification de Philtès, qui pourrait être le hiérope de 275, voir Vial 1984, p. 355. 115. Vial 1984, p. 235, n. 231. Voir supra p. 265-266, à propos des procédures de vente. 116. On notera à cette occasion le rôle que semblent jouer les relations avec des ressortissants de Chios, à la fois dans les comptes et dans les décrets honorifiques, ce qui n’est pas étonnant quand on pense au rôle de cette cité dans les circuits d’échange. Cf. Sarikakis 1986. Dès la fin du ve s., Chios est liée au sanctuaire de Délos par des opérations de prêts à intérêts : Chankowski 2008a, p. 175-179. 114.
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comptable de la documentation délienne n’éclaire guère ces questions mais on devine que le soutien à une politique favorable à l’installation d’entrepositaires, parfois au détriment d’autres activités, ne devait pas manquer de susciter des réactions au sein des familles déliennes qui étaient parties prenantes dans les adjudications. Ainsi, Etéokleidès, fermier de Kérameion avec son fils pendant trois décennies de 282 à 258 en est chassé par Ergotélès, qui est également locataire d’andrônes en 246 (ID 290, 26). Etéokleidès avait aussi essayé de se maintenir à la location de la boutique d’Ephésos, qu’il perd en 268 117. Bien que le sanctuaire délien n’ait certainement pas été le seul bailleur à proposer des locaux à la location, l’augmentation générale des loyers sacrés au cours de la première moitié du iiie s. est sans doute à mettre, en partie au moins, sur le compte de cette nouvelle situation : il est probable que ces locaux qui devaient servir à des activités commerciales et artisanales étaient devenus plus recherchés au fur et à mesure que les hiéropes tendaient à s’adresser de plus en plus à des entrepositaires installés sur place. Ces locaux étaient polyvalents : ainsi les andrônes ont-ils été loués successivement par Philtès et par Ergotélès, connus aussi pour leurs activités de marchands de bois, par Ménès, qui travaille aussi comme marbrier pour le sanctuaire, par Mnèsiléôs qui effectue des travaux de peinture 118. La hausse des loyers dans la première moitié du iiie s. ne concernait pas que le sanctuaire. L’augmentation des revenus issus des loyers sacrés trouve un parallèle dans les chiffres de la taxe concernant l’ensemble des loyers de l’île, la dékatè sur les loyers, qui était affermée au profit de la caisse publique et dont nous possédons deux mentions, à la faveur de remboursements de prêts par la cité au trésor sacré. Cette taxe, qui avait rapporté 600 dr. en 279 (IG XI 2, 161, A, l. 26), est adjugée pour 1 690 dr. en 250 (IG XI 2, 287, A, l. 9). Aussi la baisse des loyers du sanctuaire ensuite, au cours de la seconde moitié du iiie s. 119, pourrait laisser entendre que d’autres constructions avaient été entreprises, à l’initiative de particuliers, pour répondre à une demande qui, au début du iiie s., reposait principalement sur les locaux appartenant au sanctuaire. Depuis l’époque classique, l’emporion délien semble bien avoir connu une phase de croissance qui aboutit, au cours de la première moitié du iiie s., à l’adaptation des circuits de redistribution et au développement de pratiques de stockage, impliquant plusieurs familles déliennes dans des activités commerciales. Cette évolution fut certainement facilitée par la monétarisation croissante permise par la déthésaurisation des trésors perses : dans les inventaires d’offrandes, nous en avons déjà repéré l’impact dans l’accroissement des dédicaces d’objets en or au début du iiie s. 120. Dans quelle mesure ces évolutions induisaient-elles une transformation profonde de la société délienne ? Le caractère essentiellement comptable de la documentation dont nous disposons permet difficilement de le mesurer, mais peut-être faut-il voir une forme de résistance à ces changements, ou une forme de clivage social, dans certaines pratiques votives qui contrastent avec l’affairisme ambiant. Alors que plusieurs familles déliennes ont été dédicantes de capitaux de fondation au sanctuaire, d’autres Déliens honorent Apollon, sans doute sous la forme de dîme sur leurs revenus en remerciement de leur prospérité, d’une tout autre manière, en consacrant au dieu une bête de leur troupeau. Pour autant, le sanctuaire n’avait ni les moyens ni l’intention de développer la gestion d’un troupeau. En offrant un don en nature, ces fidèles obligeaient les hiéropes à monétariser l’offrande, c’est-à-dire à vendre l’animal au marché puis à 117.
Vial 2008, s.v. Vial 1984, p. 351-353. 119. Reger 1994a, p. 338-349. 120. Voir supra chapitre II p. 94. 118.
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en transformer le produit en un vase de métal précieux du même poids que le montant obtenu par la vente 121. Nous en avons une trace à travers l’offrande d’un bélier par un certain Démétrios en 258, transformé en une petite kylix (κυλύχνιον) 122. La pratique est marginale, mais montre tout de même que tous les Déliens ne partageaient pas les mêmes accès aux liquidités et que certains restaient attachés aux activités de l’agriculture et de l’élevage, parallèlement à une société qui se tournait de plus en plus vers les activités du commerce et de la finance. Pour autant, les fermiers déliens n’étaient pas non plus coupés des pratiques de marché : la fouille de la Ferme aux jambages de granit a livré une cinquantaine de monnaies de bronze qui témoigne peut-être de pratiques de vente à la ferme ou, à tout le moins, de l’insertion de ces familles sur le marché local 123. C’est bien l’affairisme qui semble l’emporter dans la Délos du iiie s., comme auparavant dans celle du ive s.
La politique de la cité L’évolution des prix et le commerce de redistribution Il semble qu’à partir de la seconde moitié du iiie s., l’administration du sanctuaire soit parvenue à stabiliser l’organisation de son approvisionnement au point de faire baisser les prix. L’évolution à la baisse des prix de la poix en témoigne nettement. Le début du iiie s. avait marqué la même tendance pour le bois de chauffage mais celle-ci ne se confirme pas : les prix sont en forte hausse à partir du milieu du iiie s. La hausse est plus difficile à percevoir dans le cas du charbon car les hiéropes n’indiquent généralement pas d’unité de mesure, mais il est possible de comparer le montant des dépenses annuelles ainsi que l’évolution des sommes consacrées aux dépenses de charbon dans le budget des Posidéia, dont les hiéropes prennent l’habitude de donner le détail au iie s. Il apparaît que ces dépenses ont plus que doublé entre l’année 250 et l’année 200 : estce le fait de l’attractivité du sanctuaire qui aurait généré davantage de sacrifices ? Est-ce l’effet d’une demande extérieure au sanctuaire, celle d’une population résidente en augmentation, qui le concurrencerait sur le marché et contribuerait à la hausse des prix ? Les deux explications se complètent probablement (tableau 51). Parallèlement, la demande en vin local semble chuter au profit de vins étrangers 124. L’augmentation de la population dès le début du iiie s., est perceptible par des besoins qui s’expriment en particulier à travers la hausse des loyers, le volume de la pêche et la consommation de viande. Or cette tendance n’est pas celle de la poix qui, pourtant, devait être produite à partir des mêmes résineux qui servaient au chauffage, et dont on a vu que les hiéropes avaient proba blement réussi à constituer un approvisionnement par stocks de proximité de nature à faire baisser les coûts de production et de distribution. Pour ce produit propre à l’entretien des nombreuses boiseries des temples et bâtiments cultuels, le sanctuaire reste probablement en position de monopsone et n’est pas autant concurencé par le reste de la demande locale. La même stabilité avec une tendance à la baisse s’observe pour les prix de l’huile, dans lesquels il faut probablement voir la régularité de l’approvisionnement permise par le développement des pratiques de stockage. Cette stabilisation du coût de ces denrées apparaît finalement comme le meilleur indice du développement de l’activité commerciale de Délos comme emporion : la régularité des arrivages est assurée par des bateaux plus gros et plus fréquents, et le dévelop pement d’infrastructures de stockage permet de lisser sur l’année les coûts du transport. 121. Voir
supra chapitre II p. 107. IG XI 2, 224, B, l. 27 = 287, B, l. 90 = ID 298, A, l. 108-112. 123. Matériel inédit issu des fouilles de M. Brunet, que je remercie de m’avoir permis de consulter les monnaies. 124. Reger 1994a, p. 259, en lien avec l’évolution du fermage des domaines viticoles du sanctuaire, p. 209-211. 122.
4,5 0 3 3 3,6 4 4,5 6
48,6
Thargelion
Panemos
Hekatombaion
Metageitnion
Bouphonion
Apatourion
Aresion
Posideion
TOTAL
18 7
179 (ID 442, A, l. 221)
178 (ID 445, l. 6)
Année
6
8
8
10
12
12
a. 224 (ID 338)
169 (ID 461 Bb, l. 52)
170 (ID 464, l. 6)
177 (ID 452, l. 10)
4
12
3
6
6
14
a. 231 (ID 316)
Tableau 51 — Dépenses du sanctuaire en charbon de bois.
15
7
7
6
5
4,5
a. 246 (ID 290)
Prix du charbon
190 (ID 401, l. 20)
Année
Dépenses de charbon pour les Posidéia :
4,04
6
Artémision
Prix mensuel moyen
3
Galaxion
7 4
6
a. 250 (IG XI 2, 287)
Hiéros
Lénaion
Mois
a. 258 (IG XI 2, 224)
9,66
116
10
10
10
9
9
10
9
9
10
[10]
10
[10]
a. 200 (ID 372)
13
8
12
Prix du charbon
0,4
6,6
1
7
7
a. 218 (ID 354)
10,1
10
11
a. 194 (ID 396)
(13,37)
(107)
12
18
14
14
9
15
12
13
a. 179 (ID 442)
(13,18)
(105,5)
12,5
15
14
15
15
6
14
14
7
14
10,1
14
a. 174 a. 173 a. 171 (ID (Tréheux (ID 460) 440+456) 1985a Γ766γ)
L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX 275
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Prise en elle-même, l’interprétation de ces différentes tendances paraît vaine, mais quelle que soit l’échelle de l’explication accordée, les commentaires s’accordent sur l’idée d’une attractivité accrue du port de Délos et de son activité commerciale, visible à la fin du iiie s. 125. Mais il semble en même temps que certains produits, et tout particulièrement le bois de chauffage, soient davantage sujets à la spéculation que d’autres.
La lutte contre la spéculation C’est précisément de cette spéculation dont témoigne la loi délienne sur la vente du bois et du charbon, unique témoignage sur la régulation du marché délien et rare document sur le fonctionnement des marchés antiques d’une manière plus générale. Si l’on admet la réédition et l’interprétation proposée 126, le texte rend compte d’une politique de la cité délienne qui apparaît, une fois de plus, particulièrement sensible au contexte de son environnement commercial et cohérente avec le développement de l’emporion délien. À une date difficile à préciser, mais antérieure aux remaniements de la zone portuaire liée à la construction des portiques du front de mer, donc dans le courant du iiie s., la cité légifère sur l’organisation du marché au bois et au charbon. S’il a souvent paru tentant de mettre cette loi en rapport avec une conjoncture particulière qu’il serait possible de lire dans les évolutions de prix enregistrés par les comptes des hiéropes, tout particulièrement dans les années 230220, l’étude des particularités grammaticales et phonétiques du texte invite plutôt à le situer dans une fourchette chronologique plus large, avec de possibles copies successives liées aux réaménagements de cette zone portuaire. Une fois réexpliquée la clause qui posait problème et faisait croire à l’existence d’une déclaration de prix fixé dès la déclaration douanière, la finalité de la loi apparaît clairement 127. Elle définit précisément, pour des matériaux stratégiques — le bois et le charbon — qui pouvaient constituer l’une des spécialités de l’approvisionnement de la place de commerce délienne, le fonctionnement de l’emporion et son interaction avec la population installée dans l’île. La situation des importateurs qui, arrivés à Délos, débarquent leur cargaison et ne doivent vendre ni πλείονος, ni ἐλάσονος, ni « pour plus » ni « pour moins » que ce qu’ils ont déclaré, est comparable à un certain nombre de cas évoqués dans les affaires maritimes des plaidoyers civils du corpus démosthénien. L’évaluation de la cargaison, ou τίμημα, qui était nécessaire au calcul de la taxe douanière ad valorem reposait, en effet, sur une déclaration que devait établir le marchand devant les pentekostologoi. Cette déclaration, qui s’appuyait sur une documentation écrite concernant à la fois le navire et sa cargaison, n’était pas une déclaration du prix de vente : il est beaucoup plus logique que la déclaration devant les pentekostologoi ait porté sur le coût d’achat de la cargaison, majoré des coûts de transport, car le prix auquel l’importateur avait acheté sa marchandise pouvait être prouvé par des documents 128. C’est très probablement ce prix initial qui servait à déterminer la valeur de la marchandise, de même qu’aujourd’hui, les taxes douanières ad valorem sont calculées sur la valeur CIF (« Cost, Insurance, Freight ») comprenant le coût d’achat, l’assurance et les frais d’acheminement, distincte de la valeur FOB 125.
Outre le schéma interprétatif proposé par Reger 1994a (p. 259 : « both phenomena suggest a rising demand for wood, which would tie in nicely with new building »), voir pour le bois les interprétations différentes proposées par Descat 2001 et Bresson 2006a. 126. Chankowski 2012. Je résume ici les principales conclusions de cet article. La réédition du texte et sa traduction sont données en Annexe 4. 127. Chankowski 2012, p. 41-48. 128. Sur les papiers du navire, Bresson 2000, p. 131-150.
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(« Free on Board »). La déclaration faite pour le paiement de la pentekostè ne pouvait donc contraindre le prix de vente, sauf en constituant un prix qui devait nécessairement être dépassé faute de voir l’entreprise perdre toute rentabilité. Les processus de vente eux-mêmes, qui faisaient une large place aux enchères, aux ventes à la criée et, pour la vente au détail, à la négociation entre le vendeur et l’acheteur, de même que la forme d’achat par contrat dans les transactions menées par le sanctuaire d’Apollon, vont d’ailleurs à l’encontre d’une hypothèse selon laquelle les prix auraient été fixés en amont du marché 129. De plus, la déclaration douanière devait concerner la quantité globale de marchandises qui constituaient la cargaison, et non le prix unitaire : on voit mal comment, dans le cas contraire, les magistrats ou les fermiers d’impôts auraient pu procéder aux évaluations 130. La déclaration ne dit donc pas le prix de vente, mais indique la quantité. Au contraire, le prix de vente, si jamais il devait être déclaré auprès des magistrats du port et de l’agora, devait être un prix unitaire. Ainsi, lorsque la loi stipule que les marchands ne devront vendre μήτε πλείονος μήτε ἐλάσονος ἢ ὅσου ἀπεγράψαντο, elle prend en considération une valeur globale déclarée devant
les percepteurs de la taxe du cinquantième ou devant les agoranomes, qui correspondait nécessairement à une certaine quantité de marchandises. Les génitifs de prix πλείονος et ἐλάσονος correspondent littéralement à la formule « pour plus cher » ou « pour moins cher » c’est-à-dire « pour un plus grand montant » ou « pour un moins grand montant ». Lorsqu’un importateur débarquait une cargaison de 50 talents de bois pour une valeur totale déclarée de 80 dr., il devait vendre exactement cette quantité au marché. Il n’avait pas le droit de vendre « pour plus d’argent », c’est-à-dire pour une valeur globale plus élevée, par exemple en acquérant sur place d’autres stocks de marchandises : en effet, si jamais il parvenait à acheter à Délos un second stock de 50 talents de bois, il pouvait vendre alors une quantité double, soit « pour 160 dr. » et c’est ce que la loi cherchait à interdire. Il n’avait pas non plus le droit de vendre « pour moins d’argent » en confiant une partie de sa cargaison à un intermédiaire, si bien que lui-même n’aurait vendu que la moitié de sa cargaison, c’est-à-dire « pour 40 dr. ». Ce sont précisément ces comportements que la loi cherche à interdire dans les clauses qui précèdent, empêchant la revente en envisageant tous les cas possibles d’accaparement des marchandises à des fins spéculatives : revendre après avoir acheté sur place, revendre après avoir rembarqué ses marchandises, revendre après avoir rassemblé plusieurs lots (acquis par soimême ou par d’autres) se trouvant sur le port, vendre à des intermédiaires 131. À Délos, les espaces de vente étaient reliés les uns aux autres. La contiguïté de l’agora des Déliens avec les espaces de déchargement ne permettait pas de séparer aussi nettement qu’entre Le Pirée et Athènes l’activité de l’emporion de celle de l’agora de la cité 132. Néanmoins, il importait aux Déliens de contrôler que les cargaisons vendues sur le marché étaient bien identiques en quantité aux cargaisons déclarées à la douane : un importateur aurait pu déclarer sa propre cargaison, puis lui adjoindre des achats faits à Délos, auprès d’autres vendeurs ou aux enchères publiques, et concentrer ainsi de grandes quantités entre ses mains afin de spéculer et de les revendre à un prix plus élevé. Il aurait pu aussi, après avoir déclaré sa cargaison, n’en porter 129.
Sur les équipements de la vente aux enchères à Délos, voir Moretti, Fincker, Chankowski 2012. Plus généralement sur la négociation des prix au marché, voir les exemples rassemblés par Grassl 2004 et Chankowski 2012. 130. Dans le registre fiscal du papyrus d’Éléphantine, datant de 475, Descat 2001, p. 128, note également le caractère global de la taxation des navires. 131. Chankowski 2012, p. 40. 132. Voir infra p. 287-290. Sur la possible répartition de l’espace entre l’agora et l’emporion, visible à partir du ier s., Hasenohr 2012b.
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qu’une petite partie sur le marché et s’entendre avec d’autres marchands qui concentraient entre leurs mains de plus grandes quantités. Cette entente entre marchands, fondée sur la circulation de l’information économique, était de nature à favoriser la spéculation, comme le montre l’exemple bien connu de Cléomène de Naucratis 133. Interdire de rassembler des lots de différentes origines pour les revendre, exiger que les vendeurs soient les importateurs en personne, contrôler qu’une partie des marchandises ne soit pas détournée entre le débarquement et la vente étaient des moyens efficaces de lutte contre des pratiques de spéculation et de monopole, mis en œuvre par la loi délienne. Restait tout de même pour l’importateur la possibilité de stocker sa marchandise : la loi ne concerne que les marchandises qui étaient déclarées pour la vente (seul le πωλεῖν importe) et dans un lieu précis, le marché au bois, en utilisant les emplacements dévolus à ces ventes. Elle ne s’exprime pas sur les activités de ceux qui faisaient entrer à Délos, en payant les taxes douanières appropriées, du bois et du charbon pour le stocker et le vendre ultérieurement, en boutique ou sur contrat avec le sanctuaire. La loi ne portait pas atteinte à ces pratiques de stockage mais elle obligeait à une forme de traçabilité des cargaisons de bois et de charbon, sur la base des archives constituées par les pentekostologoi et les agoranomes qui enregistraient les déclarations des vendeurs. La marchandise stockée, si elle était vendue ultérieurement sur le marché au bois, devait être soumise à la même obligation de ne vendre que la quantité qui avait été initialement déclarée pour l’importation. Or des activités de commerce et de stockage du bois et d’autres denrées étaient aussi pratiquées par les Déliens eux-mêmes qui devaient y trouver d’importantes formes d’enrichissement, tout en étant, probablement dès le iiie s., concurrencés par des marchands étrangers. À une époque où les pratiques de stockage commençaient à prendre de l’ampleur à Délos, c’est bien les quantités qu’il importait avant tout de contrôler, car elles avaient une incidence directe sur les prix. La loi restait à l’avantage des marchands installés sur place, Déliens ou étrangers, qui pouvaient concilier les possibilités de stockage avec l’obligation faite aux importateurs de vendre eux-mêmes leurs cargaisons. Mais elle s’opposait à une activité de spéculateurs et de revendeurs organisés en réseau, qui auraient pu chercher à profiter des infrastructures déliennes pour s’enrichir. Aussi faut-il se demander si la loi, qui protégeait certes les consommateurs de hausses des prix excessives et anarchiques, n’était pas aussi motivée par la volonté de protéger les activités d’une partie de ces citoyens impliqués dans le commerce du bois pour l’approvisionnement du sanctuaire et du marché délien, contre le développement d’une classe de revendeursspéculateurs, qui pouvaient d’ailleurs être tout aussi bien Déliens qu’étrangers. La loi s’inscrit manifestement dans le contexte du développement du commerce de transit à Délos, qui avait dû susciter des activités de spéculation dans le commerce de ces deux produits, pour lesquels il fallait assurer à la fois l’approvisionnement du sanctuaire et celui de la population tout en maintenant des conditions favorables au commerce de transit. Elle vise à créer les conditions d’un marché durable, en évitant de faire de l’île un lieu de spéculation. On pouvait venir chercher à Délos pour une autre destination une cargaison de bois et de charbon que l’on constituait par le regroupement de lots de diverses provenances (importation, ventes locales par le biais des enchères, ventes issues du stockage) 134. Mais l’accaparement de cargaisons pour la revente sur place était prohibé. La cité délienne tentait ainsi de concilier, par 133. Voir 134.
Descat 2002 sur l’information économique. La pratique du regroupement de lots transparaît d’ailleurs à travers le terme συναγορασμένον employé pour qualifier une cargaison d’huile qu’un marchand avait accepté de débarquer au Pirée alors qu’il la destinait au Pont, dans un décret athénien de 176/5 : IG II 2 903 (Syll 3 640), l. 12 : [σπ]εύσας εἰσήγαγεν τὸ συνηγορασμένον ἔλ[αιον...] ; également l. 6 : συνηγορακώς. Voir le commentaire de Gauthier 1982 ; Bresson 2008, p. 179-180.
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son autorité, des intérêts divers : ceux de l’approvisionnement du sanctuaire et de la population, ceux d’une partie des Déliens engagés dans des affaires commerciales et financières, ceux du développement du port de commerce qui lui assurait des rentrées fiscales. Or l’activité qui transparaît dans le domaine du commerce du bois et du charbon à travers cette loi est également visible pour le commerce du blé et, dans une moindre mesure, des esclaves, dès le iiie s., à travers d’autres sources.
LE DÉVELOPPEMENT DE L’EMPORION DÉLIEN Dans les diverses interprétations des données déliennes, le rôle de Délos fluctue entre celui de grand centre de commerce égéen, ou bien de point secondaire de réseau dans un système d’échanges sous l’autorité rhodienne, ou encore de centre de redistribution cycladique. Les modèles interprétatifs sous-jacents priment largement sur la contextualisation des sources utilisées, les comptes des hiéropes. Dans ces modèles, deux images jouent aussi un rôle déterminant et parfois contradictoire : celle du port franc qui succède à la Délos indépendante, et dont les uns s’inspirent pour reconstituer le fonctionnement économique du iiie s. tandis que d’autres y voient une profonde césure de nature politique ; la spécificité cycladique, mise au jour dans plusieurs travaux récents qui ont révélé des économies agricoles productives contrastant avec l’apparente aridité de ces sols insulaires et leur image miséreuse dans la litté rature antique 135. En mettant en avant un régionalisme cycladique dans lequel les Cyclades sont autosuffisantes pour leur approvisionnement et Délos nourrie par les excédents des îles voisines 136, G. Reger est largement l’héritier de cette tradition historiographique qui, dès les années 1970, voit émerger une série d’études d’histoire et d’archéologie qui ont contribué à montrer l’unité et la cohérence de cet espace insulaire, à démontrer la vitalité des productions agricoles et artisanales cycladiques et leur relative capacité d’autosuffisance, en même temps que les transformations anthropiques du paysage sous l’effet d’une intense activité agricole dès l’Antiquité. Aussi l’idée du régionalisme cycladique, dont la conclusion est une réduction de l’échelle des activités économiques menées à Délos en réaction à une interprétation plus méditerranéenne qualifiée de modernisante, apparaît-elle comme la traduction épigraphique, lue dans les comptes des hiéropes, de ce renouvellement de la vision des économies cycladiques. Pourtant, si la vitalité des sociétés insulaires est aujourd’hui bien démontrée, l’articulation de leurs activités économiques, dans une Méditerranée de la « connectivité » 137, reste à préciser. Plutôt qu’une cohérence cycladique, l’analyse de l’administration délienne dans les comptes des hiéropes fait apparaître la grande porosité de cet espace insulaire aux influences extérieures, qu’il s’agisse des phénomènes monétaires et métrologiques ou des faits militaires 138. Elle montre aussi le caractère structurant de Délos, à la fois en raison de sa neutralité et de sa richesse, dans un espace qui ne saurait se réduire aux seules Cyclades. Plus qu’une exception anormale dans un ensemble géographique cycladique qui serait cohérent, Délos est un centre. Aussi convientil de tenter d’en réévaluer l’importance, à la lumière de ce que nous apprend le contexte administratif, financier et monétaire des comptes des hiéropes d’une part, et du témoignage des vestiges archéologiques d’autre part. 135.
Cherry, Davis, Mantzourani 1991 ; Brun 1996 ; Dalongeville, Rougemont 1993 ; Brunet 1999. Voir également le bilan dressé par Bonnin, Le Quéré 2014, p. 11-18. 136. Reger 1994a, p. 109. 137. Horden, Purcell 2000. 138. En ce sens, les Cyclades sont incontestablement des « stepping stones » pour les pouvoirs militaires : Reger 1994a, p. 20-26.
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Le volume des échanges La pentekostè délienne Une seule source, essentiellement, apporte une information ténue sur le volume des échanges, mais son interprétation dépend de nombreux paramètres incertains : il s’agit des mentions de la taxe douanière de la pentekostè dans les comptes des hiéropes. Celle-ci ne figure qu’à quelques reprises dans les comptes de la première moitié du iiie s., parce qu’elle sert, avec d’autres revenus civiques, à rembourser les sommes empruntées à la caisse sacrée. Par la suite, comme on l’a vu, d’autres sources de revenus, à commencer par les loyers des nouveaux portiques de l’agora, seront affectées à ce poste budgétaire 139. L’idée d’une croissance des activités de redistribution à partir du milieu du iiie s. à Délos a d’abord été mise en évidence à travers une analyse de la pentekostè astia mentionnée dans le compte de l’année 250 (IG XI 2, 287, A, l. 9) à la faveur d’un remboursement de la caisse publique à la caisse sacrée. Puisque son montant, de 5 250 dr., est de deux tiers inférieur au montant de la pentekostè mentionnée dans des comptes antérieurs (14 200 dr. en 279 : IG XI 2, 161, A, l. 26 ; 17 900 en 278 : IG XI 2, 162, A, l. 29-30), les commentateurs en ont conclu qu’il devait s’agir de la partie de la taxe du cinquantième qui concernait les marchandises destinées à la ville (astu), donc à la vente sur l’agora de Délos, ou les marchandises produites par la cité et qui en sortaient pour être vendues à l’extérieur. On pourrait donc en déduire que les deux tiers du commerce délien consistaient en commerce de transit 140. Cette conclusion dépend d’abord de l’interprétation que l’on donne à la formule πεντηκοστῆς τῆς ἀστίας. Or, comme le suggère un passage des Économiques du Pseudo-Aristote (1345 a = I,
6, 7) la pentekostè astia à Délos pourrait plutôt désigner la taxe douanière payée par les citoyens sur les importations, par opposition à celle que payaient les xenoi. La dénomination ne porterait pas tant sur la destination des marchandises que sur le statut des payeurs, et le chiffre enregistré dans les remboursements au sanctuaire témoignerait en tout cas de l’implication forte des Déliens, au milieu du iiie s., dans les activités commerciales aux côtés d’importateurs étrangers 141. Une autre question est celle de savoir si les montants du produit de la pentekostè, indiqués dans les comptes des hiéropes au titre des remboursements de prêts, constituent la totalité de la taxe perçue par la cité, ou seulement une partie qu’elle consacrerait au remboursement. Or, lorsque ces taxes sont versées dans la caisse sacrée, elles sont parfois accompagnées d’un revenu complémentaire, les épônia, que versaient les fermiers des taxes 142. À quatre reprises, entre 279 et 250, les hiéropes indiquent qu’ils ont aussi reçu le montant des épônia (IG XI 2, 161, A, l. 26-27 ; 162, A, l. 30 ; 199, A, l. 16 ; 287, A, l. 10) pour un ensemble de taxes. Seul le chiffre de l’année 250 (IG XI 2, 287, A, l. 10) est donné séparément du montant de la taxe elle-même et fournit précisément un rapport de 5 % (445 dr. d’épônia pour 8 900 dr. de contrats affermés). Dans ce cas unique, on peut avoir la certitude que la totalité du revenu de la cité a été versé en remboursement à la caisse sacrée 143. Mais cette mention de la pentekostè astia, puisqu’elle est unique, est comparée au revenu total de la pentekostè enregistré dans les années 280 : rien n’assure de la permanence du chiffre de la recette, sauf si l’on veut prouver, précisément, qu’il n’existe pas d’activité de commerce de transit importante avant 250. 139. Voir
supra chapitre III p. 154-155. Vial 1984, p. 339-340 et n. 105. Sur l’interprétation de la pentekostè astia, voir également Larsen 1938, p. 355 ; Vélissaropoulos 1980, p. 210 ; Migeotte 2014, p. 660 et n. 257. 141. Voir supra chapitre III p. 150-152. 142. Vial 1984, p. 234-235. 143. Lytle 2013, p. 298. 140.
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Encore faut-il prendre en compte le fait que le montant versé par les fermiers n’était pas le montant exact des taxes perçues, mais la somme encaissée par la cité au titre du contrat d’affermage, le fermier assumant risques et profits. L’évaluation du produit réel peut donc être supérieure au chiffre enregistré dans les comptes. On le voit, les possibilités d’asseoir des preuves sur cette base paraissent désespérées.
L’ellimenion rhodien Pourtant, la faiblesse des montants conservés a été soulignée à plusieurs reprises, en comparaison avec le témoignage de Polybe sur le commerce rhodien 144 : les revenus portuaires de Rhodes après 166 (Polybe, XXX, 31, 10-12) représenteraient encore presque dix fois le produit de la pentekostè de Délos d’après les comptes des hiéropes dans les années 280 145. Mais d’une part, le décalage chronologique d’un siècle rend la comparaison peu pertinente, étant donné les changements qu’ont connus les Déliens au cours du iiie s. et dont les comptes des hiéropes offrent quelques reflets. D’autre part, il convient d’établir soigneusement les termes de la comparaison. Selon la récente interprétation du passage de Polybe par N. Badoud à la lumière des inscriptions rhodiennes, il faut comprendre que la plainte des Rhodiens au Sénat romain concerne la totalité des revenus portuaires (ἡ τοῦ λιμένος πρόσοδος), car c’est l’ensemble de l’administration des affaires rhodiennes qui était passée sous le contrôle de Rome 146. Le revenu dont parle ensuite le Rhodien Astymédès devant le Sénat romain, est un exemple qui prouve la vérité de son propos (ὅτι δὲ τοῦτ’ἔστιν ἀληθὲς οὐ δυσχερὲς καταμαθεῖν). Il illustre son affirmation par le cas de l’ellimenion, qui rapportait, avant la création du port franc de Délos et la prise de contrôle des revenus portuaires de Rhodes par Rome, un million de drachmes par affermage. La définition de cette taxe, qui a souvent été assimilée par les commentateurs à l’expression générale d’un revenu portuaire, est plus précise : le terme désigne ailleurs la taxe d’usage du port et non une taxe douanière à proprement parler. Le critère de l’ellimenion comme taxe d’usage, qui permettait donc d’évaluer le commerce de transit, était d’ailleurs pertinent dans l’analyse des Rhodiens pour démontrer la fréquentation accrue du port franc délien à leur détriment 147. Le discours du Rhodien, en revanche, ne dit rien sur le volume de la pentekostè. Les taxes portuaires déliennes, que nous ne connaissons que par les remboursements de prêts de la cité au sanctuaire et par les inscriptions d’époque classique 148, ne comprennent pas la dénomination d’ellimenion, ce qui ruine tout espoir de comparaison terme à terme. Il faut à tout le moins souligner que les éléments pour affirmer ou infirmer la faiblesse du commerce délien par une mesure précise de son volume, comparé à celui de Rhodes avant 166, échappent à l’argumentation. C’est plutôt la complémentarité entre les deux ports, celui de Rhodes et celui de Délos, qu’il faut explorer, en précisant par d’autres moyens la nature des activités commerciales menées à Délos.
L’activité de commerce de transit Force est de constater que l’on connaît beaucoup mieux la réalité administrative délienne que la réalité économique. À cela s’ajoute la nature particulière d’un commerce de transit, 144.
Casson 1984 ; Vial 1984, p. 339-340 ; Reger 1994a, p. 256 : « Delos practically vanishes compared to truly great economic centers ». 145. Voir supra chapitre III p. 150-152 pour les références épigraphiques. 146. Badoud 2014, p. 182-183. 147. Chankowski 2007, p. 313-319. Carrara 2014 pour une discussion sur le terme ellimenion. 148. Chankowski 2008a, p. 295-308 ; Migeotte 2014, p. 659-662.
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par définition peu décelable archéologiquement, si ce n’est à travers l’étude d’épaves, pour l’instant presque inexistante dans l’archéologie délienne : puisque les marchandises en transit repartent vers une autre destination, elles laissent peu de traces sur le site, et de ce point de vue, l’évolution du nombre d’amphores rhodiennes, par exemple, n’est significatif que de la consommation locale 149. En raison du caractère ténu des indices, l’analyse de l’activité commerciale de Délos, lorsqu’elle est menée en termes d’échelle, se prête à des interprétations contradictoires en fonction du modèle interprétatif choisi. Pour mettre en évidence le cadre cycladique des échanges, G. Reger a ainsi favorisé des explications évènementielles plus que structurelles de la présence de sitônai étrangers à Délos ou d’interventions de pouvoirs militaires dans des questions d’approvisionnement dans le port de l’île : c’est tantôt une disette qui mène des sitônai étrangers à Délos, tantôt le besoin ponctuel d’un lieu de dépôt pour les armées qui explique la mention de Délos sur des routes maritimes égéennes 150. La question du rôle de Délos comme centre d’approvisionnement est, de ce point de vue, emblématique des divergences de modèles hérités dans les points de vue des commentateurs, tant les données sont fragmentaires et difficiles à relier entre elles.
Les indices du commerce du grain Les attestations relatives au commerce du grain constituent le premier indice pour analyser le rôle de l’emporion délien dans les échanges : existe-t-il des témoignages permettant de conclure que des cargaisons sont débarquées puis redirigées à partir de Délos, qui servirait alors de point de rupture de charge sur des routes maritimes, vers d’autres destinations 151 ? Il convient dans un premier temps d’éclairer cette question en partant de nouvelles données que fournissent des travaux récents sur le stockage et le commerce du grain. D’abord développées pour le monde romain et plus récemment pour le monde grec, ils apportent un premier enseignement sur la durée du stockage du grain, qui n’est jamais supérieure à un an 152. Ce constat va de pair avec les informations dont on dispose sur les fonds d’achat de grain public dans les cités grecques : celui de Délos institué à la fin du iiie s. parvenait à faire tourner le capital trois fois dans l’année, ce qui témoigne à la fois de courtes durées de stockage grâce à un écoulement rapide des stocks — la revente au détail permettant de reconstituer le capital investi dans l’achat en gros — et d’un approvisionnement facile d’accès 153. Ces conditions de stockage de courte durée expliquent, non seulement à Délos mais dans bien des cités du monde grec, le peu d’attestations de lieux de stockage spécifiques, ce qui signifie probablement que très peu d’infrastructures supplémentaires étaient nécessaires à ces dispositifs. La loi athénienne sur le blé des îles a ainsi révélé que c’est le sanctuaire d’Éaque qui servait de lieu de stockage, et l’une des clauses de la loi prévoit la construction d’un dispositif de fermeture 154. Les comptes des hiéropes révèlent une situation identique à Délos quand, en 281 (IG XI 2, 159, A, l. 53-54), ils enregistrent un paiement à deux artisans chargés de fournir et d’installer des clés (κλεῖδας ποιήσασι καὶ ἐπιθεῖσι) pour le bâtiment où est stocké le blé. La date, qui correspond à d’autres attestations de présence ptolémaïque à Délos, avait conduit les éditeurs 149.
Reger 1994a, p. 163-164, à propos de la possible diminution des amphores rhodiennes à Délos au cours du iiie s. 150. Reger 1994a, p. 118-121. 151. Le dossier du commerce du grain est repris en détail par Reger 1994a, p. 83-126, et Reger 1993, avec les critiques et compléments de Sosin 2003. 152. Erdkamp 2005 ; Virlouvet 2018 ; Chankowski 2018a ; Chankowski 2020. 153. Voir supra chapitre III p. 163-168. 154. Stroud 1998.
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du corpus à restituer dans ce passage, pour le nom du lieu, [οὗ ὁ πτολεμαϊ?]κὸς σῖτος ἔκειτο, « là où est entreposé le blé ptolémaïque ». G. Reger est parfaitement justifié à considérer qu’il s’agit avec cette restitution d’une « history from square brackets » 155, alors que de nombreuses autres solutions sont possibles pour combler la lacune (δημοτικός, πολιτικός, ἀγοραστικός, ξενικός). La même année, la cité a fait un emprunt important dans la caisse sacrée, que les hiéropes signalent dans la transmission, et il s’agit probablement là des premières attestations du fonctionnement d’un fonds d’achat de grain qui, pour lors, s’appuie encore sur les emprunts publics à la caisse sacrée. Le fait même que Délos ait besoin, au fil des années, de constituer ce fonds d’achat de grain public en améliorant progressivement son dispositif peut être interprété de deux manières : soit l’île ne dispose d’aucun approvisionnement particulier qui puisse dispenser les Déliens d’agir comme le font d’autres communautés civiques, soit au contraire elle dispose d’un emporion dont l’activité commerciale, la juridiction, l’organisation en fait un monde distinct de l’agora, comme on le sait pour Le Pirée et Athènes à l’époque classique. Dans ce dernier cas, il n’est pas question pour le particulier d’aller s’approvisionner dans l’emporion, qui est le lieu de transactions des importateurs, des financiers et des grossistes. La cité de Délos, comme de nombreuses autres cités hellénistiques, assume ce service public qui consiste à offrir à ses citoyens des prix de marché équilibrés, par la revente sur l’agora du grain acheté par la sitônia. Pour le reste de l’année, c’est auprès de revendeurs boutiquiers que les Déliens se fournissaient, probablement d’ailleurs sous la forme de produits déjà transformés, pour le pain 156. Or un autre témoignage conforte l’existence d’un emporion de redistribution du grain dès la première moitié du iiie s. : dans un passage du décret athénien pour Callias de Sphettos, Délos est mentionnée comme point central entre Alexandrie et Athènes pour la fourniture de blé aux Athéniens 157. Au service des Ptolémées dès les années 290, Kallias est honoré par les Athéniens en 269 dans le contexte du conflit qui oppose les Ptolémées aux Antigonides voulant maintenir leur contrôle sur Athènes et qui aboutit l’année suivante à la guerre de Chrèmonidès. Le passage des considérants du décret pour Kallias précise qu’ayant rencontré le roi Ptolémée II à Chypre où il s’était rendu en ambassade pour défendre la cause athénienne, il obtint pour le peuple athénien un don de 50 talents d’argent « et de 20 000 médimnes de blé, qui furent mesurés à Délos à ceux que le peuple avait envoyés » (πυρῶν δὲ δισμυρίους μεδίμνους δωρεάν, οἳ παρεμετρήθησαν ἐγ Δήλου τοῖς ἀποσταλεῖσιν ὑπὸ τοῦ δήμου·). Délos apparaît donc bien là comme un entrepôt de redistribution pour le commerce du blé lagide : l’ordre de Ptolémée II libère gratuitement pour les Athéniens des stocks qui, en temps ordinaire, sont vendus aux sitônai ou aux marchands redistributeurs de grain dans des achats de gros. Mais pour conforter la thèse d’une échelle régionale des échanges, selon laquelle Délos ne jouerait pas ce rôle de centre de commerce égéen, qui plus est si tôt dans le iiie s., G. Reger a défendu une interprétation purement militaire de cet épisode : Délos ne serait pas un lieu de stockage régulier du blé égyptien à des fins commerciales, mais simplement le lieu du transfert de blé venu de Chypre aux envoyés athéniens, à partir d’un dépôt militaire ponctuel : « Grain was probably stockpiled for use of the troops that liberated Athens in 287 B.C. » 158. Cette explication se heurte pourtant au texte grec, qui dit explicitement que ce blé fut « mesuré à Délos » (παρεμετρήθησαν ἐγ Δήλου) pour les envoyés athéniens, un vocabulaire qui est précisément celui des infrastructures de stockage. 155.
Reger 1994a, p. 116 (citation de E. Badian, ZPE 79 [1989], p. 59). Ce sont principalement les fouilles des quartiers du ier s. qui ont livré des vestiges de boulangeries : Chamonard 1922-1924, p. 229, mais voir aussi Brunet 1998, p. 687, qui y voit plutôt des installations domestiques. 157. Shear 1978, l. 53-55 et commentaire p. 30-32 ; IG II3 1, 911, l. 53-55. Pour la date, Habicht 2006, p. 146. 158. Reger 1994a, p. 117-118. 156.
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Il n’en demeure pas moins vrai que, géographiquement, les Cyclades constituent, pour les pouvoirs militaires, des étapes d’approvisionnement et des lieux de garnisons dans des expéditions militaires plus lointaines. Au début du iie s., ce sont les troupes romaines et antigonides qui utilisent les Cyclades comme étape et lieu de garnison, si bien que certains ont voulu voir dans la transaction réalisée par le banquier Timôn auprès des Nèsiotes (IG XII 5, 816) le reflet du passage des quatre légions romaines vers l’Asie mineure, Timôn étant alors l’un des financiers accompagnant les armées romaines dans la guerre antiochique 159. Mais ce qui est vrai pour les armées peut, justement, l’être aussi pour les infrastructures commerciales, d’autant plus que les pouvoirs militaires avaient tout intérêt à profiter de circuits déjà existants et que la neutralité délienne devait leur permettre de bénéficier de l’approvisionnement de l’emporion délien. Ainsi, à l’inverse de la thèse régionaliste, il faudrait plutôt penser que la demande militaire avait contribué à faire croître l’activité de Délos comme centre de redistribution égéen 160. L’utilisation de Délos comme l’un des centres de redistribution pour le blé d’Égypte en mer Égée concorde avec le rôle des premiers Ptolémées dans l’économie égéenne, telle que nous l’avons décelé à travers la métrologie. Le témoignage du décret de Callias invite aussi, une fois encore, à considérer que Délos joue ce rôle de centre égéen dès le début du iiie s., dans la continuité de ce qui devait être son statut d’emporion sous la tutelle athénienne au ive s. Un autre décret vient conforter le caractère précoce de l’activité économique et financière à Délos : à la même date, vers 280, le décret d’une cité inconnue pour le Délien Mnèsalkos (IG XI 4, 1049) qui avait aidé des sitônai à recouvrer une cargaison de blé qu’ils venaient chercher à Délos et qui avait été saisie par leurs créanciers déliens. Ce document montre, d’une part, que des sitônai se rendaient à Délos dès cette date, d’autre part que des cités fréquentaient la place de commerce délienne pour y trouver des capitaux à emprunter, tout comme le feront, un siècle plus tard, les sitônai de la Confédération des Insulaires en venant trouver le banquier Timôn de Syracuse à Délos 161. Un autre décret exposé à Délos mentionne, vers 230-220, des sitônai d’Histiée qui parviennent, à Délos même, à obtenir d’un financier rhodien, Athénodôros, un prêt d’argent sans intérêts et lui confèrent des honneurs (IG XI 4, 1055). Dans les mêmes années, un certain Aristoboulos de Thessalonique, envoyé de Démétrios II, est également sitônès du roi à Délos, où il est honoré par les Déliens (IG XI 4, 666). Ces sitônai savaient donc qu’à Délos, ils pouvaient trouver à négocier une cargaison de grain, éventuellement aussi un financement pour le payer. G. Reger entend disjoindre ces témoignages et les associer à des disettes ponctuelles, pour admettre finalement le rôle de redistribution de Délos mais seulement à partir des années 230 et dans un cadre étroitement cycladique, donc marginal à l’échelle égéenne 162. Au contraire, la conjonction entre l’approvisionnement en blé et la recherche de capitaux est bien visible dans ces documents qui, à des dates différentes, témoignent du rôle continu de Délos comme centre de ressources. Et ce qui est vrai pour les cités l’est aussi pour les armées. 159.
Étienne 2011, p. 19-20 ; contra Bresson 2014 p. 517-518 ; voir supra chapitre IV p. 192. Pour Reger 1994a, p. 122, les sitônai de la Confédération des Insulaires auraient agi sous commandement rhodien pour l’approvisionnement des troupes. 160. L’argument de Reger 1994a, p. 123, selon lequel le rôle local de Délos comme fournisseur pour les Cyclades aurait même découragé les importateurs de fréquenter l’île (« Delos’s rôle as a local distribution center radically reduced the locals’need to encourage or compel imports, at least until the changes of the late third century »), apparaît dès lors fallacieux puisque cette dimension étroitement cycladique n’est pas démontrée. 161. Voir supra chapitre I p. 18 sur ce texte. Pour Reger 1994a, p. 118, le blé saisi « was being moved from one Kykladic Island to another and happened to pass through Delos ; it is less likely, in my view, that the grain was bought on Delos », mais Bresson 2008, p. 186-188, a démontré l’impossibilité d’une saisie en mer. 162. Reger 1994a p. 119-123 : « Despite the closeness in date of this text (IG XI 4, 666) to the Histiaian decree just discussed, it is important to avoid the temptation to treat them together as complementary or corroborating testimony on the importance (wether new or continuing) of Delos as an international market for grain transit » (p. 119).
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Les esclaves Un autre décret évoque cette fois le rôle précoce de Délos dans le commerce des esclaves (IG XI 2, 1054 complété par SEG III, 666). Il s’agit d’un décret de la cité de Théangéla, exposé à Délos et daté vers 230-220. Il honore un Délien, Sèmos fils de Kosmiadès, qui est peutêtre l’un des deux seuls auteurs déliens connus, auteur d’une Dèliade et qui avait aussi exercé plusieurs charges civiques dans sa cité 163. Celui-ci avait acheté à Délos des femmes de Théangéla de Carie qui avaient été capturées lors d’une razzia de pirates sur la côte carienne. Les ayant bien traitées et leur ayant permis de retourner dans leur patrie, il en obtint le droit de cité. Ce témoignage isolé sur le marché aux esclaves de Délos ne permet pas d’avoir la certitude que la vente d’esclaves vers 230-220 soit à placer dans la continuité de l’activité du marché délien décrite par Strabon à l’époque du port franc 164. Mais il assure que c’est vers Délos que se tournaient les marchands pour écouler leurs prises 165. G. Reger remarque que cette activité de piraterie correspond à la période de vacances des pouvoirs et voit en même temps dans les décrets pour Nabis de Sparte (IG XI 4, 716) et l’Étolien Boukris (IG XI 4, 692) le signe d’une collaboration entre les insulaires et les entreprises de piraterie durant cette période 166. Il donne là une explication de nature économique qu’il récuse pourtant pour d’autres textes, mais l’interprétation paraît peu probable : il faut plutôt voir dans ces deux décrets pour le Spartiate et l’Étolien l’expression récurrente de la neutralité délienne. C’est plutôt le rôle de Rhodes, dans ces activités de commerce largement fondées sur l’exploitation de la piraterie qu’elle combat en même temps, qui est à interroger dans ce contexte 167.
L’ateleia Pour G. Reger, un seul décret de proxénie de nature commerciale figure dans le corpus délien, en faveur de Dionysios de Byzance qui fut honoré dans la première moitié du iiie s. par les Déliens pour avoir fourni du blé au prix demandé par le peuple (IG XI 4, 627) 168. S’il est exact que la cité d’origine du personnage honoré ne garantit pas l’origine de sa cargaison, rien n’assure non plus que d’autres décrets déliens en faveur de bienfaiteurs n’aient pas été votés pour des raisons commerciales. Cl. Vial avait d’ailleurs déjà remarqué le nombre important de décrets déliens en l’honneur de ressortissants de la mer Noire et des Détroits, ce qui ne saurait s’expliquer uniquement par des raisons religieuses 169. Contrairement aux autres cités, les considérants des décrets de Délos sont étonnamment succincts, se contentant de mentionner de manière répétitive la bienfaisance envers le sanctuaire et la cité sans plus de précisions, peutêtre parce que la neutralité délienne obligeait la cité à ne pas exposer trop ouvertement les motifs des honneurs qu’elle conférait. Mais il est intéressant de constater que les Déliens ont, durant l’Indépendance, utilisé d’une manière particulière la gamme des honneurs dont ils disposaient envers les étrangers : dans les quelque cinq cents décrets émanant de la cité délienne entre 314 et 167, parfois fragmentaires, 163.
Sur cette famille, Vial 1984, p. 32-34. Strabon, XIV, 5, 2, au sujet du marché aux esclaves de Délos au ier s. : « Holà marchand, aborde, décharge, tout est vendu » (ἔμπορε, κατάπλευσον, ἐξελοῦ, πάντα πέπραται). 165. Voir infra p. 288 pour la localisation de ce commerce. 166. Reger 1994a, p. 41 et 261-263. 167. Sur les relations entre Rhodes et la piraterie, voir l’analyse de Gabrielsen 2001. 168. Reger 1994a, p. 68 et 119. 169. Vial 1984, p. 341. Voir également l’étude récente de Constantakopoulou 2017, p. 152-154. 164.
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un sur cinq comporte une clause d’ateleia conservée 170. C’est donc un honneur que les Déliens ont fréquemment octroyé à ceux qu’ils intégraient parmi les bienfaiteurs de la cité et du sanctuaire : probablement ces bienfaiteurs étaient-ils aussi, par leur activité, particulièrement concernés par ce privilège. La loi sur la vente du bois et du charbon (ID 509) présente d’ailleurs un passage qui traite uniquement des ateleis, ce qui montre l’importance de cette catégorie dans l’activité du port délien 171. Ces décrets sont très mal datés et ne pourraient l’être plus précisément que par une étude des mains de graveur qui permettrait de les situer dans une chronologie plus fine à l’intérieur de la période de l’Indépendance. Il est donc difficile pour l’instant de savoir si l’octroi de l’ateleia fut régulier au cours de la période considérée ou bien s’il apparut à un moment particulier. Quelques indices permettent toutefois d’émettre une hypothèse sur la chronologie. A. Bresson a considéré que les Déliens se seraient eux-mêmes exemptés des taxes douanières, en plus de l’ateleia qu’ils conféraient fréquemment aux étrangers. Il en veut pour preuve le fait que le décret pour Dionysios de Byzance (IG XI 4, 627) lui confère, non l’ateleia mais l’isoteleia, le mettant ainsi fiscalement sur pied d’égalité avec les Déliens 172. Cette ateleia des Déliens serait en contradiction avec la mention d’une pentekostè astia qui, si notre interprétation est justifiée, concernait au contraire les paiements douaniers des citoyens 173. Mais la pentekostè astia n’est plus mentionnée après 250 et l’on ignore si cette recette a perduré, puisque la cité ne l’utilise plus dans ses remboursements au sanctuaire. Elle dispose en effet, à cette date, de nouvelles rentrées d’argent avec les loyers de l’agora et peut alors se permettre d’être plus généreuse dans l’attribution des privilèges en renonçant à des rentrées fiscales. Le décret pour Dionysios de Byzance est daté par la paléographie de la première moitié du iiie s. et semble même faire partie, selon ces critères, des décrets du début de l’Indépendance 174. Sous réserve d’une datation plus précise de l’ensemble de décrets déliens, il est possible d’envisager que la politique fiscale de Délos ait été modifiée vers le milieu du iiie s., en lien avec la croissance de l’économie portuaire et l’implication sans doute grandissante des Déliens dans l’activité commerciale qui en découlait. L’isoteleia octroyée à Dionysios de Byzance correspondrait à une première phase au début du iiie s., parallèlement à l’existence d’une pentekostè astia due par les citoyens importateurs ou exportateurs. Les Déliens auraient ultérieurement élargi l’accès à l’ateleia, en en faisant probablement bénéficier aussi leurs propres citoyens. Quelques soient les apories sur la chronologie, ce large déploiement de la concession de l’ateleia dans les décrets honorifiques signifie que Délos, au iiie s. et dans la première moitié du iie s., par ses choix de politique honorifique, fonctionnait d’une certaine manière et par anti cipation comme un port franc pour une bonne partie des étrangers qui fréquentaient la place de commerce 175. Allant dans le même sens, l’absence de charges bancaires, comme nous l’avons supposé, préfigurait aussi la situation d’ateleia de 167 176.
170.
Voir également la base de données de W. Mack, Proxeny Networks of the Ancient World. A Database of proxeny networks of the Greek city-states : http://proxenies.csad.ox.ac.uk (consulté le 08/03/2019) ainsi que Mack 2015 et l’ouvrage de Constantakopoulou 2017. 171. Chankowski 2012 et Annexe 4. 172. Bresson 2008, p. 82-83. 173. Voir supra chapitre III p. 000. 174. Commentaire ad IG XI 4, 627. 175. Chankowski 2018a, p. 33-34. 176. Chankowski 2014a et supra chapitre IV p. 229.
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Les infrastructures du commerce Cette activité de l’emporion s’appuie sur des infrastructures et des constructions qui viennent conforter le témoignage des sources épigraphiques. Au cours du iiie s., la façade portuaire de Délos est en permanence en chantier et connaît des transformations profondes. En attendant la reprise d’une étude globale sur le port de Délos 177, il est possible d’en tracer quelques caractéristiques (fig. 7).
Fig. 7 — Plan des principales zones de commerce de Délos (Moretti, Fincker 2016, fig. 1).
L’Agora des Déliens À l’époque classique, l’espace central des activités commerciales est une vaste place qui s’étend alors au Sud du sanctuaire d’Apollon jusqu’au front de mer 178. Cette place (GD 84) est appelée par les archéologues Agora des Déliens car elle comporte plusieurs monuments portant des
177. 178.
Plusieurs programmes sont actuellement en cours à l’École française d’Athènes. Marc 2000.
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dédicaces de l’Indépendance. Elle est la seule agora de Délos durant l’Indépendance et c’est sur cette place qu’ont lieu les transactions, en particulier les ventes aux enchères et les adjudications, que les hiéropes mentionnent parfois ὑπὸ κήρυκος ἐν τῆι ἀγορᾶι (IG XI 2, 145, l. 11 et 18 ; 146, A, l. 44 ; 162, A, l. 43 ; 199, D, l. 40-46 ; ID 290, l. 114) jusque vers le milieu du iiie s. Cette Agora des Déliens est nommée Tétragone dans deux dédicaces de la seconde domi nation athénienne (ID 1709 pour l’épimélète de l’île et ID 1725 pour le banquier Marius Gerillanus). L’expression οἱ τὴν τετράγωνον ἐργαζόμενοι qui désigne les auteurs de ces dédicaces, longuement débattue, est comprise comme la désignation de commerçants installés sur cette agora 179. Cette formule qui fait usage du verbe ἐργάζεσθαι pour désigner les métiers du commerce de détail n’est pourtant pas courante. Le terme d’ergasia apparaît à plusieurs reprises dans les inscriptions funéraires d’Hiérapolis pour désigner une corporation groupant les acteurs d’un même métier 180. Les ergastai, mentionnés dans quelques inscriptions d’Asie mineure, sont des commerçants détaillants 181. À Thyatire, ils sont les auteurs d’une dédicace qui les identifie plus précisément comme marchands d’esclaves du statarion : οἱ τοῦ σταταρίου ἐργασταὶ καὶ προξενηταὶ σωμάτων (OGIS 484, l. 8 ; IGRR IV, 352), équivalent probable de la formule latine qui in statario negotiantur des dédicaces impériales d’Éphèse (IEphesos 3025 et 646). Ce rapprochement incite à s’interroger sur l’une des fonctions possibles de cette Agora Tétragone de l’époque du port franc : n’aurait-elle pas joué, entre autres, le rôle de statarion de Délos dans le commerce des esclaves ? C’est en tout cas un lieu beaucoup plus probant pour ce commerce que ne l’est l’Agora des Italiens dans l’interprétation de F. Coarelli 182. Or il y avait probablement aussi un « épimélète de la Tétragone » (ID 1831, restituée : Ἄριστος Μ̣ [εναίχ]μου Φιλαΐδης χειροτονηθεὶς ἐπιμελητὴς τῆς τετ[ραγώνου? — — —]), approprié dans ces circonstances de ventes d’esclaves. La dédicace au banquier campanien Gerillanus, connu ainsi que sa famille par plusieurs autres dédicaces dans le même secteur de l’île, est également cohérente dans ce contexte d’un commerce qui brasse des capitaux importants. Les attestations de commerce d’esclaves à Délos au iiie s. doivent se situer sur l’Agora des Déliens, seule place appropriée à cette époque. Il est bien possible que les pratiques n’aient pas changé un siècle plus tard, même si le développement des infrastructures sur toute la zone portuaire avait élargi considérablement les espaces de vente.
Le chôma Une voie dallée longeait, à l’Ouest du sanctuaire, la Stoa des Naxiens (GD 36). Vers le Sud, on a repéré une rue du front de mer, bordée de maisons et de magasins, parmi lesquels ont été reconnus les vestiges d’un petit monument archaïque 183. Les restaurations réalisées sur le site ont d’ailleurs cherché à matérialiser cette voie. Quant aux terrains des futures Agora des Hermaïstes et Compétaliastes (GD 2) et Agora de Théophrastos (GD 49), ils restèrent longtemps occupés par un marais littoral, qui fut asséché dans la seconde moitié du iie s. 184. Mais dès le dernier quart du iiie s., comme l’attestent les comptes du sanctuaire (ID 355, l. 12), la cité délienne a fait des emprunts au sanctuaire pour la construction d’un terre-plein (χῶμα), 179.
Voir le commentaire de P. Roussel à ID 1709, qui évoque les autres hypothèses (fabricants d’Hermès, constructeurs du bâtiment, etc.). 180. Pennacchietti 1966-1967 et Bull. 1971, 648 et 652. 181. Robert 1929, p. 32-38. 182. Voir Coarelli 2016 qui maintient son interprétation, et le compte rendu critique de Chankowski 2018c, en particulier p. 241. 183. Moretti 1998. 184. Hasenohr 2002 ; Hasenohr 2012a, p. 96.
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dont l’emplacement ne peut être précisément déterminé 185. Plusieurs versements sont ensuite réalisés pour constituer un fonds de réserve « pour le chôma » en prévision de grands travaux. Dès le ive s., d’ailleurs, les comptes mentionnent l’existence d’un χῶμα (ID 104-4, A, l. 58). Au iiie s., on transporte des poutres achetées par le sanctuaire, qui avaient été déposées sur cette jetée (Θράσωνι καὶ Κτήσωνι τοῖς ἀπενέγκασιν ἀπὸ τοῦ χώματος τὰς δοκοὺς τὰς παρὰ Μικύθου εἰς τ-, IG XI 2, 199, A, l. 33), ou encore des pierres (IG XI 2, 159, A, l. 28). Les espaces de déchargement étaient un des éléments importants de l’infrastructure portuaire délienne et les inscriptions athéniennes de Délos classique montrent que les Athéniens s’étaient efforcés d’établir un système fiscal pour exploiter les revenus du port sacré, sur la base de ces infrastructures, dès la fin du ve s. 186. Entre 217 et 171, les Déliens ont dépensé près de 10 000 dr. pour des travaux qui furent probablement de grande ampleur. Ph. Bruneau supposait que le chôma était le remblai qui permit de gagner sur la mer, par des travaux de terrassement, le terrain à l’Ouest de la rue 5, au Sud du sanctuaire d’Apollon, où se trouve un premier groupe de bâtiments (Magasins α, β, γ) 187. Mais ces dépenses pourraient aussi correspondre à la partie Nord-Ouest de l’espace portuaire. Il est possible qu’avec ces travaux, de nouveaux espaces aient été dévolus aux ventes aux enchères, que les hiéropes ne mentionnent plus « sur l’agora » après 246 : or c’est précisément dans cette partie Nord-Ouest de l’espace portuaire qu’ont été découvert les kukloi offerts par Sôkratès à l’époque du port franc, un édifice qui servait à la vente aux enchères et qui a pu monumentaliser une structure antérieure plus modeste 188. En effet, à partir du milieu du iiie s., c’est la totalité de l’espace commercial en bordure du sanctuaire qui est transformé (fig. 8). L’Agora des Déliens est progressivement bordée de
Fig. 8 — L’Agora des Déliens et les portiques du front de mer (cl. EFA/Ch. Gaston). 185.
Vial 1984, p. 340-341 ; Reger 1988, p. 29-30 ; Duchêne, Fraisse 2001, p. 147-153. Chankowski 2008a, p. 295-307. 187. Ph. Bruneau, « Deliaca IV » repris dans Bruneau 2006, p. 555-565. 188. Moretti, Fincker, Chankowski 2012. 186.
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portiques qui modifient la circulation et la relation avec le front de mer. Au cours de la première moitié du iiie s., le Portique Sud (GD 4) vient d’abord fermer l’agora à l’Ouest en ouvrant vers la mer et les espaces de déchargement du port un espace de boutiques et de bureaux. Puis cet espace est encore scindé, à la fin du iiie s., avec la construction du Portique de Philippe qui fait face au Portique Sud et celle du Portique Ouest qui recrée à nouveau une ouverture vers la mer (GD 3).
Les équipements Sur le front de mer se trouvent des espaces de déchargement, dont témoigne la loi délienne sur la vente du bois et du charbon (ID 509) qui mentionne des σταθμοὶ ξυληρoί dans sa première clause. Ceux-ci ont été compris à tort comme une désignation des poids et mesures 189, alors que le terme doit en réalité être expliqué comme un équipement de marché. De même que les κύκλοι, sur l’Agora de Théophrastos, permettaient de réaliser des ventes aux enchères 190, les σταθμoί étaient des emplacements spécifiques de vente mis à la disposition des marchands et des acheteurs. Il pouvait s’agir, sur la terrasse qui avait précédé la construction des portiques, de palettes ou de supports de stockage permettant de déposer la marchandise débarquée sur des emplacements délimités et de procéder à la vente 191. Cet espace sur lequel fut exposé la loi sur la vente du bois et du charbon (ID 509) est ensuite détruit par la construction du Portique Ouest, dans les fondations duquel la stèle qui porte l’inscription fut découverte. Il dut être reporté plus loin au fur et à mesure des aménagements de l’espace portuaire. Dans la partie Nord-Ouest, la fin du iiie s. voit aussi la mise en chantier de la « Stoa proche du Posidéion », nommée par les fouilleurs « Salle hypostyle ». Sa construction, décidée par l’Assemblée du peuple et assumée par la caisse sacrée, est connue par les comptes des hiéropes qui fournissent le détail des dépenses et les étapes des travaux 192. Elle porte une dédicace des Déliens, plus tard transformée en dédicace des Athéniens après 167 (ID 1610). Installée derrière le sanctuaire de Poséidon, elle vient border au Nord une place qui sera plus tard aménagée par Théophrastos, épimélète athénien de l’île en 126/5. Cette stoa prend la forme d’une vaste salle de plus de 1 800 m2 dont la toiture est soutenue par cinq rangées de neuf colonnes. Pour faciliter la circulation entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment, la colonnade de la façade repose directement sur le stylobate, contrairement aux autres portiques de Délos qui présentent en général deux degrés 193. Les comptes de construction mentionnent des διαφράγματα (ID 365, l. 34 et 37), sans doute des cloisons installées entre les colonnes. L’édifice était doté d’une ornementation intérieure : les murs avaient un parement intérieur en marbre surmonté pour l’élévation de parois stuquées, et le plafond était peint. Dans la partie supérieure, comme l’attestent les comptes, un lanterneau assurait l’éclairage de l’ensemble, et a suscité des restitu tions différentes 194. La destination commerciale de l’édifice est aujourd’hui admise, sans que l’étude du monu ment ait pu, pour le moment, permettre de préciser sa fonction : G. Leroux parlait à son 189. 190. 191.
192. 193. 194.
Schulhof, Huvelin 1907, p. 57 ; Nouveau Choix, p. 196 ; Bresson 2006a, p. 318. Moretti, Fincker, Chankowski 2012. Chankowski 2012 : ἄνθρακας μηδὲ ῥυμοὺς μηδ[ὲ ξύλα ὅσα πωλεῖ]ται τοῖς σταθμοῖς τοῖς ξυληροῖς [μὴ ἐξέστω] πριάμενον ἐν Δήλωι πωλεῖν·, « les charbons, les rondins, le bois de construction qui sont vendus en utilisant les emplacements destinés au bois, qu’il ne soit pas permis de les revendre alors qu’on les a achetés à Délos ». Voir le texte en Annexe 4 et fig. 22. En particulier ID 365 (a. 208) et ID 366 (a. 207). Fraisse, Llinas 1995, p. 256. Voir en dernier lieu la reprise de l’étude du monument par Moretti, Fincker 2016.
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sujet de bourse de commerce, H. Lauter de deigma, tous édifices qui ne sont pas connus par des parallèles architecturaux mais seulement par les textes. J.-Ch. Moretti et M. Fincker proposent d’y voir le lieu de conclusion des contrats, ce qui est plausible mais sans doute pas exclusif d’autres destinations : bureaux de banquiers, lieu d’affaires et de négociation 195. Il n’en demeure pas moins que l’ampleur de l’édifice, dès lors que l’on exclut une destination religieuse peu justifiée dans ce secteur 196, impressionne et témoigne de la volonté délienne d’investir dans ses infrastructures commerciales, qu’elle n’a cessé d’améliorer au cours du iiie s. Une telle activité de construction paraît bien peu adaptée au seul régionalisme cycladique, tandis qu’elle concorde avec le rôle de grand emporion en développement qui est celui de Délos depuis l’époque classique, bien avant la création du port franc.
Les infrastructures du stockage En définitive, l’île de Délos apparaît bien comme un grand port de commerce dont les sources disent le nom à plusieurs reprises. Qualifié d’emporion au ive s., Délos est caractérisé par le terme ekdocheion au iie s. 197. En effet, le terme, employé à propos des entrepositaires, les ἐγδοχεῖς, ne se trouve à cette date que dans les inscriptions de Délos et dans quelques sources papyrologiques plus tardives. L’ἐγδοχεῖον se réfère à une fonction spécifique du stockage dans les circuits d’approvisionnement en utilisant la notion de « réservoir », avec étymologiquement l’idée de « recevoir de quelqu’un » (ekdechomai) 198. L’usage de ce terme ne se limite toutefois pas au contexte de l’île. Strabon, dans un passage qui concerne Éphèse et Apamée de Phrygie (XII, 8, 15), utilise un terme similaire en reprenant cette notion de réservoir quand il décrit la cité comme « un grand marché de l’Asie proprement dite, le deuxième en importance après Éphèse : elle sert, en effet, d’entrepôt (hypodocheion) commun pour les marchandises venues d’Italie et de Grèce 199 ». Ce mot met donc l’accent sur les connexions au sein d’un réseau de distribution, entre un réservoir et ses conduits d’approvisionnement et de redistribution, introduisant de ce fait la notion de commerce de transit en lien avec la fonction des entrepôts. Il est significatif que ces composés de docheion traduisent en définitive, pour Délos comme pour Apamée de Phrygie et Éphèse, dans un langage commercial qui reprend l’image du réservoir, la notion d’emporion comme point de rupture de charge servant à alimenter un marché de redistribution, à l’instar des flux liquides qui sont rassemblés et redistribués à partir d’un point central 200. En mettant l’accent sur les 195.
196. 197. 198.
199. 200.
Leroux 1913, p. 255 ; Lauter 1986, p. 163. R. Martin envisageait une fonction d’entrepôt pour la Salle hypostyle : Martin 1951, p. 445, destination récusée par Moretti, Fincker 2016, p. 109, en raison de l’ornementation intérieure de l’édifice. Moretti, Fincker 2016, p. 107-108. Chankowski 2018a. Dans d’autres attestations plus tardives (époque impériale) dans des inscriptions d’Asie mineure, le terme, parfois composé en ὑδρεγδοχεῖα, est employé pour désigner un réservoir d’eau : Priene 208, l. 7 ; Didyma 264, l. 6 ; IEphesos 695, l. 9 ; MAMA VIII, 449, l. 4 (Aphrodisias) ; TAM III, 590, l. 12 (Pisidie) ; SEG XVIII, 740, b, l. 6 (Cyrénaïque). Ἀπάμεια δ᾽ ἐστὶν ἐμπόριον μέγα τῆς ἰδίως λεγομένης Ἀσίας, δευτερεῦον μετὰ τὴν Ἔφεσον·αὕτη γὰρ καὶ τῶν ἀπὸ τῆς Ἰταλίας καὶ τῆς Ἑλλάδος ὑποδοχεῖον κοινόν ἐστιν (trad. Fr. Lasserre, CUF ). Certains ne retiennent pour ἐγδοχεῖον que le sens technique de « citerne » et lui nient toute signification dans le registre des entrepôts, d’autres traduisent le terme ἐγδοχεῖς par « courtiers » ou « intermédiaires », retenant en particulier dans les occurrences papyrologiques leur implication dans les opérations de financement du commerce maritime. Ce n’est qu’à Délos, non sans controverses, que le terme est compris par la plupart des épigraphistes avec la signification d’« entrepositaires », en lien avec le rôle de l’île dans le commerce de transit : voir le détail dans Chankowski 2018a.
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infrastructures de stockage, ce vocabulaire apporte un autre éclairage sur le fonctionnement d’un centre de redistribution commerciale, dans lequel entreposer peut devenir une activité lucrative et un métier, celui d’entrepositaire, dans la chaîne opératoire du commerce. Pour le monde grec, contrairement au monde romain 201, on ignore à peu près tout de la propriété des entrepôts et de l’éventualité d’une location par la cité à des particuliers dans le cadre des politiques frumentaires. Mais quelques sources épigraphiques, à Délos, montrent le développement des métiers du stockage dans un contexte qui semble être celui d’entrepreneurs particuliers, indépendamment des politiques civiques. Elles permettent aussi de préciser la chronologie du développement de ces pratiques du commerce de redistribution, qui précèdent la création du port-franc. Dans la dédicace bien connue de l’association des Poséidoniastes de Bérytos, plusieurs corps de métiers apparaissent, parce qu’ils ont contribué financièrement à la construction du bâtiment vers 150 dans le quartier nord de l’île (GD 57) : les entrepositaires (ἐγδοχεῖς) figurent aux côtés des négociants (ἐμπόροι) et des armateurs (ναυκλήροι) qui constituent les trois catégories représentées dans le koinon (ID 1774) 202. Au contraire, le décret relatif aux Hérakléistes de Tyr (ID 1519), à la même période, ne mentionnent que les négociants et armateurs, signe de la spécificité du groupe des ἐγδοχεῖς. Cette catégorie des ἐγδοχεῖς est également mentionnée à Délos dans deux autres dédicaces, trouvées dans les ruines du portique d’Antigone sous lequel elles avaient dû être exposées (GD 29). Elles émanent d’une association d’Alexandrie, ἡ σύνοδος τῶν ἐν Ἀλεξανδρείαι πρεσβυτέρων ἐγδοχέων (ID 1528 et 1529), dans la seconde moitié du iie s. L’organisation pouvait avoir son centre administratif à Alexandrie, mais les entrepositaires alexandrins mentionnés dans le texte sont bien présents à Délos, à côté d’ailleurs d’autres Alexandrins, comme en témoignent en particulier les catalogues et dédicaces éphébiques trouvés dans l’île 203. Un peu plus tôt, une dédicace de la première moitié du iie s., qui était exposée au sud-est du temple d’Apollon (GD 13), montre également la présence à Délos d’entrepositaires (ἐγδοχεῖς) de Laodicée de Phénicie (Bérytos, nommée ainsi à l’époque de Séleucos IV [187-175]), présents dans le métier (IG XI 4, 1114 : οἱ ἐν Λα[οδικείαι] τῆι ἐν Φοινίκηι ἐγδοχεῖς καὶ να[ύκληροι]). La dédicace, qui porte la statue d’Héliodore, ministre de Séleucos IV, doit dater de 178, quand ce ministre passa à Délos au moment du mariage de Laodice et Persée, comme le signalent les comptes des hiéropes (ID 468, l. 7-9). La formule des dédicaces distingue clairement le lieu qui est le siège de ces associations : Laodicée de Phénicie pour l’association du début du iie s., puis Délos pour l’association des Poséidoniastes, Alexandrie pour le synodos des entrepositaires presbuteroi. On voit donc ces trois places de commerce reliées entre elles par les activités de stockage. Ces textes attestent ainsi la présence d’entrepositaires orientaux fréquentant l’emporion délien, et ce dès le début du iie s. D’autres sources, comme nous venons de le voir, témoignent de l’existence de ces entrepôts dont certains étaient la propriété de Déliens (ἐγδοχεῖα, ID 1416, B, I, l. 11-15 ; ID 1417, C, l. 15). La stabilisation de plusieurs séries de prix dans la première moitié du iiie s. laisse entrevoir l’existence de flux commerciaux réguliers caractéristiques d’un commerce de transit ainsi que le développement de capacités de stockage permettant de lisser les coûts de transport. L’augmentation des revenus de la taxe sur les loyers au cours du iiie s. montre en même temps que toutes sortes de locaux professionnels devaient être recherchés, 201.
Virlouvet 2018 avec la bibliographie afférente. Le corpus délien offre une douzaine de dédicaces de cette série (ID 1520, 1772, 1773, 1774, 1777, 1778, 1779, 1780, 1781, 1782, 1791, 1795) émanant de τὸ κοινὸν Βηρυτίων Ποσειδωνιαστῶν τῶν ἐν Δήλωι ἐμπόρων καὶ ναυκλήρων καὶ ἐγδοχέων, dédicaces des négociants, armateurs et entrepositaires du koinon des Poséidoniastes de Bérytos installé à Délos. 203. Roussel 1916, p. 93. 202.
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au fur et à mesure que croissait la population de l’île avec l’arrivée d’Orientaux et d’Italiens, ce dont témoignent sans doute l’augmentation du volume de la pêche et la hausse des prix des porcelets 204. Ainsi, la notion d’ἐγδοχεῖον pour désigner l’activité de commerce de transit à Délos n’est pas concommittente de la création du port franc, mais elle la précède.
CONCLUSION : DE L’EMPORION AU PORT FRANC Après la victoire romaine sur Persée en 168, le monde grec connaît de nouveaux remaniements sous l’autorité du Sénat, parmi lesquels l’octroi de nouveaux privilèges à Athènes, qui s’était montrée une alliée fidèle de Rome contre les Antigonides. C’est dans ce rapport de force inégal, et malgré de nombreuses tentatives diplomatiques, que les Déliens perdent non seulement leur indépendance mais tout leur cadre de vie, puisqu’ils sont expulsés de l’île sacrée, tandis qu’Athènes retrouve la possession pleine et entière de Délos et y installe une clérouquie ainsi que sa propre administration 205. Comme à l’époque classique, les magistrats athéniens en charge à Délos appartiennent à de grandes familles athéniennes et la prosopographie témoigne, tout au long des iie et ier s., des liens qui unissent les notables athéniens à l’île d’Apollon. En prenant la décision de remettre l’île à l’administration athénienne, Rome répondait sans nul doute à des critères géopolitiques et militaires : à la neutralité délienne qui s’appuyait sur une diplomatie tous azimuts en direction de puissances concurrentes allait succéder une autorité athénienne sous injonction romaine dans cet espace central de la mer Égée 206. Mais en y ajoutant l’instauration du port franc, Rome pouvait s’appuyer sur une situation établie. Jouait d’abord le fait que les enjeux d’approvisionnement de la population de Délos n’avaient pas la même ampleur que dans un centre urbain peuplé comme Athènes et Le Pirée et ne pèseraient pas sur l’organisation du trafic. Mais surtout, des structures et des réseaux pré existaient pour ce port franc qui, en définitive, n’apparaît pas comme une création ex nihilo 207. L’institution du port franc de Délos est une ateleia, et c’est très probablement au contexte délien que pense Pollux dans l’Onomasticon quand, au iie s. apr. J.-C., il précise (IX, 32) : Tὸ δ᾽ ἀνυπεύθυνον ἀτελές καὶ τὸ πρᾶγμα ἀτέλεια, καὶ οὐ μόνον ἄνθρωπος ἀτελὴς ἀλλὰ καὶ λιμήν, ὅπου μηδὲν εἰσπράττεται.
Ce qui n’est pas soumis à une taxe, [se dit] exempté, et l’action [se nomme] exemption. Ce n’est pas seulement une personne qui est exemptée mais aussi un port, là où rien n’est prélevé. Cette situation, on le voit, élargissait et radicalisait ce que la cité de Délos avait tenté de développer au cours de son indépendance par une législation attentive et par une diplomatie active qui incluait l’octroi fréquent du privilège d’ateleia. Elle évitait en même temps à Rome 204. Voir
supra p. 259-260 et p. 268-269. La situation de Délos à l’époque athénienne, après la synthèse de Roussel 1916, a été étudiée en détail par Habicht 1985 puis Habicht 2006, p. 271-289, où l’ensemble des sources littéraires et épigraphiques est analysé. Sur les circonstances de la remise de Délos aux Athéniens, Polyb,e XXX, 20, 1-8, avec le commentaire de Walbank 1979, p. 443-444 ; Strabon, X, 5, 4 C486. Voir également Perrin-Saminadayar 1999. Sur les conséquences des décisions romaines pour Rhodes, Wiemer 2002, p. 328-339. À Délos, les Athéniens réactivent une grande partie des cultes instaurés lors de leur domination de l’époque classique : contrairement à ce qu’écrit Habicht 2006, p. 276, les cultes d’Apollon pythien, de Thésée, ainsi que les Délia, ne sont pas des nouveautés (voir Chankowski 2008a, p. 79-121). 206. Habicht 2006, p. 282-283, à propos des dédicaces. Plusieurs documents athéniens témoignent de la permanence de l’autorité romaine sur les décisions concernant Délos, en particulier deux décrets athéniens (Charneux, Tréheux 1997, p. 239-256). 207. Chankowski 2018a, p. 33-38. 205.
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de créer un bénéfice fiscal unilatéral au profit d’une cité, et donc empêchait par ce biais toute récupération politique des circuits commerciaux : la décision romaine ne permettait même pas à Athènes de prendre la place de Rhodes dans l’influence que cette dernière semblait avoir exercée sur les Cyclades à partir du début du iie s. 208. Au ier s., Strabon (X, 5, 4 = C486) souligne que les Athéniens en charge de Délos avaient pourvu à la fois aux intérêts du culte et à ceux du commerce. La nature de l’autorité athénienne sur l’île reste incertaine dans la durée et la question est liée au devenir de la clérouquie instaurée à partir de 167 pour remplacer les Déliens : après la disparition des actes gravés vers 140, seules des dédicaces témoignent d’une situation qui semble être, à partir des années 130, une association de communautés dans laquelle les Athéniens ne constituent qu’une partie 209. Mais il ne faut probablement pas minimiser le rôle organisateur et régulateur d’Athènes dans le développement des infrastructures du port franc. Le réexamen de la façade portuaire permet de mettre en évidence la logique de l’organisation de l’espace, qui témoigne d’une administration vigilante. C’est d’abord l’espace portuaire qui apparaît réorganisé au cours des iie et ier s. : comme le montre l’étude de l’Agora des Compétaliastes menée par Cl. Hasenohr, l’Agora de Théophrastos devient l’espace de commerce traditionnel de l’agora, tandis que l’Agora des Déliens, désormais dénommée Tétragone, accueille des activités bancaires et financières 210. La Salle hypostyle voit sa dédicace réinscrite par les Athéniens. À partir des Magasins α, β, γ commence l’espace de l’emporion proprement dit, avec plus d’un kilomètre d’édifices commerciaux — appelés traditionnellement dans la bibliographie « magasins » — qui s’étendent le long de la façade maritime vers le Sud (fig. 9). Réexplorés dans le cadre du programme ANR Entrepôts et lieux
Fig. 9 — Le front de mer de Délos, depuis l’Agora des Compétaliastes et Hermaïstes (cl. EFA/Ch. Gaston). 208.
Fraser, Bean 1954, p. 154-172 ; pour Étienne 1990, p. 107-110, cette influence était plutôt une tutelle : contra Badoud 2014, p. 121. 209. Habicht 2006, p. 271-283. 210. Hasenohr 2012a, p. 95-110 ; Hasenohr 2012b.
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de stockage du monde gréco-romain antique, ces bâtiments peuvent bel et bien être définis comme des entrepôts, qui s’organisent sur la base d’un module d’environ 900 m2 de surface qui est reporté tout au long du rivage (fig. 10) 211. Ils représentent, pour la surface actuellement fouillée qui ne constitue en elle-même qu’une partie de cet ensemble, plus de 4 000 m2 de stockage équipé de mezzanines, soit l’équivalent des entrepôts impériaux de Myra, ou de Patara, ou encore d’Hergla 212. Même si l’identité des propriétaires et des utilisateurs de ces entrepôts nous échappe, les nombreuses dédicaces qui constituent l’épigraphie délienne des iie et ier s. témoignent largement du cosmopolitisme de l’île avec la présence de negotiatores italiens et de commerçants et financiers orientaux. À leurs côtés, prenant la place des Déliens de l’Indépendance, les Athéniens n’étaient pas non plus en reste pour tirer parti des profits du commerce de transit. L’acte athénien de 155/4 (ID 1417, C, l. 15-28) mentionne la remise en location d’un entrepôt (τὸ ἐγδοχ[εῖον]), dont la localisation exacte était indiquée dans une lacune, à la suite de la défection du premier locataire, Satyros — probablement un Délien d’après l’onomastique et l’absence d’ethnique — ayant quitté l’île après l’expulsion de 167, comme d’autres locataires cités dans la même liste 213. Son remplaçant est un Athénien, Apellès fils de Kalos, du dème de Kothôkidai. Le montant annuel de la location de cet entrepôt Fig. 10 — Les Magasins du front de mer (dessin de J.-J. Malmary, publié dans Chankowski 2018a, est de 160 dr., ce qui place le bâtiment dans p. 186, fig. 11). la moyenne haute des loyers perçus par le dieu sur ses locaux de rapport et participe de l’augmentation générale des loyers aux débuts du port franc, probablement en raison de la pression plus forte de la demande. La césure de 167 est celle d’une communauté civique, celle des Déliens, qui voit disparaître en moins d’un an les conditions de vie qui avaient été les siennes depuis des siècles. La permanence des revendications déliennes après 167 témoigne d’ailleurs de la volonté continue 211.
Sur la critique de l’interprétation de H. Duchêne et Ph. Fraisse, voir Chankowski 2018a. Karvonis, Malmary, Zarmakoupi 2018. L’étude comparée des emprises au sol est fournie pour plusieurs entrepôts d’époque impériale par Ubaldo, Virlouvet 2016. 213. Un Satyros fils d’Amphyklès est locataire d’un bâtiment pour 150 dr. vers 192 (ID 400, l. 21-22).
212.
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des réfugiés de manifester leur attachement à leur patrie et à leurs droits 214. Mais on le voit, sur le plan économique, les continuités priment sur les ruptures dans la croissance continue de l’emporion délien, encore favorisée par la décision romaine de 167, puis par la destruction de Corinthe en 146 et par la création de la province romaine d’Asie en 129. Cette activité commerciale, dont l’importance avait été singulièrement minimisée, à la fois pour la période de l’Indépendance 215 et pour la période du port franc 216, peut donc aujourd’hui être réévaluée à sa juste mesure, à la fois grâce au témoignage des comptes des hiéropes et grâce à de nouvelles études archéologiques 217. Les activités des entrepositaires qu’il est possible de déceler à Délos répondent bien au statut particulier de ce « réservoir » que devait constituer en mer Égée la place de transit commercial délienne, « emporion commun de tous les Grecs 218 ». Les denrées concernées ne sauraient d’ailleurs se limiter au grain : denrées périssables, matériaux de construction, produits artisanaux étaient concernés par ces circuits qui menaient à Délos une population marchande cosmopolite et socialement bigarrée, à tous les niveaux de la redistribution. L’échelle de cette redistribution inclut des points de contacts dans d’autres ports de la Méditerranée orientale, et en particulier Bérytos et Alexandrie. En 127, des armateurs romains installés à Alexandrie s’identifient comme ναύκληροι καὶ ἔμποροι dans une dédicace de Délos en faveur du stratège de la Thébaïde, Lochos (ID 1526) : ce sont donc des citoyens romains exerçant la mercatura maritime 219. Dans le même temps, un synode alexandrin d’entrepositaires avec un détachement à Délos (ἡ σύνοδος τῶν ἐν Ἀλεξανδρείαι πρεσβυτέρων ἐγδοχέων) honore Krokos, navarque de Chypre, pour sa générosité envers eux et envers d’autres étrangers (ID 1528 et 1529). Le statut de port franc qui garantissait l’ateleia aux importateurs et exportateurs ne pouvait évidemment que favoriser les profits, puisqu’il était plus avantageux qu’ailleurs de centraliser à Délos des marchandises en quantité, qui étaient ensuite redistribuées en fonction de la demande : d’autres parallèles, à d’autres époques, font aisément comprendre ces mécanismes de rentabilité 220. Centre économique et financier, Délos réduisait en même temps les coûts 214.
215. 216. 217. 218. 219. 220.
Sur l’ambassade achéenne de 159/8 qui fit valoir contre Athènes des droits des Déliens, à laquelle fait peut-être allusion Polybe (XXX, 20, 9) en mentionnant les problèmes que valut à Athènes la cession de Délos, Habicht 2006, p. 273-274, et Walbank 1979, p. 525-526. Des menaces sont encore mentionnées dans le décret pour l’épimélète athénien (Tréheux, Charneux 1998). Deux dédicaces des Déliens (Δήλιοι) à leurs patrons (τὸν ἑαυτῶν πάτρωνα), l’orateur Marcus Antonius, consul en 99 et censeur en 97 (ID 1700) et C. Iulius Caesar, père du dictateur et proconsul en Asie entre 99 et 89 (ID 1701) montrent qu’ils avaient su s’assurer du soutien de protecteurs puissants. Reger 1994a, p. 256. Duchêne, Fraisse 2001, p. 178 ; Rickman p. 155 : « It is certain that the excavations on Delos have not such warehouses » ; Hellmann 2010, p. 283. Bilan dans Chankowski 2018a. Pausanias, VIII, 33, 2, à propos de Délos : κοινὸν Ἑλλήνων ἐμπόριον. Rossi 2012, p. 647-654. Voir par exemple, sur les marchés contemporains, le rôle des ports francs dans le marché de l’art, étudié par plusieurs journalistes à l’occasion de la foire d’art contemporain de Singapour en 2013 (Le Monde, 29/01/2013) : « Les ports francs présentent de nombreux avantages aux yeux des collectionneurs d’art. Installés sur de grandes superficies (30 000 m2 de terrain à Singapour, 50 000 m2 à Genève et 70 000 m2 prévus pour le futur port franc de Pékin), ils sont ouverts quasiment en continu, jour et nuit, toute l’année. Ils sont souvent équipés de systèmes de sécurité ultra sophistiqués et permettent de stocker des œuvres de grand format. Ces ports francs sont également prisés pour leurs tarifs de stockage attractifs (entre 200 et 700 euros le mètre carré pour une durée d’un an) et leur confidentialité. Ils bénéficient de conditions fiscales avantageuses : les œuvres d’art ne sont taxées qu’à la sortie de la zone franche, généralement selon le taux en vigueur dans le pays de destination ». D’autres parallèles, comme le port franc de Livourne entre le xvie et le xviiie s., présentent des similitudes intéressantes avec Délos : voir par exemple l’étude de Calafat 2012.
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de transaction économique en facilitant la rencontre des acteurs de l’échange, tant pour la conclusion des contrats que le financement des affaires et le chargement de cargaisons, et en améliorant la circulation de l’information économique 221. On peut ainsi préciser un peu le modèle économique qui, à Délos, correspond aux appel lations d’emporion et d’ekdocheion que l’on trouve dans les sources. Comme l’a montré R. Étienne, l’emploi du terme emporion par Strabon, même lorsqu’il utilise des écrits antérieurs, correspond toujours à une définition stricte de la réalité en question et se distingue de la poly valence admise dans l’usage grec : il s’agit toujours d’un port de stockage, où étaient regroupées des marchandises de diverses provenances en vue d’une réexpédition vers d’autres destinations 222. Cette rupture de charge peut s’allier à des questions de tonnage : dans le cas du port de Narbonne, par exemple, des bateaux hauturiers apportent des marchandises qui sont ensuite redistribuées sur des navires de plus petit tonnage et cette redistribution se combinait au commerce de diffusion des matières premières de l’arrière-pays 223. Dans le cas de Délos, il reste toutefois de trop nombreuses inconnues sur le fonctionnement du port aux iie et ier s., que des recherches actuelles et ultérieures devraient permettre de clarifier : c’est en fait la totalité des infrastructures portuaires qui mérite d’être réexaminée pour en mesurer l’ampleur et le potentiel 224. Le tonnage des navires qui pouvaient être accueillis dans les eaux de Délos est, en particulier, un élément déterminant de l’analyse, même si les nombreux témoignages de flottes militaires qui les avaient fréquentées aux iiie et iie s. attestent d’ores et déjà de capacités non négligeables 225.
221.
Sur les coûts de transaction, voir en particulier l’étude de Lo Cascio 2005. Étienne Robert 1993. 223. Bonsangue 2014 ; Tchernia 2008 ; Andreau 2010. 224. Voir dans l’immédiat la Chronique des fouilles en ligne de l’École française d’Athènes, notice 6199 (http://www. chronique.efa.gr). 225. Par exemple Tite-Live XXXVI, 43. Sur le tonnage des navires, voir l’ouvrage de Nantet 2016. 222.
CONCLUSION
« Le koinon des Eléodytes », ou les éternels servants de la cuisine des sacrifices : c’est ainsi qu’aux dires d’Athénée, le Rhénéen Polycrate fils de Krithôn appela les Déliens lors d’un procès, moquant à la fois la part de leur temps qu’ils consacraient à l’organisation des cérémonies religieuses et les avantages qu’ils en retiraient. « Parasites du dieu », disait encore Criton le Comique, exprimant par cette métaphore alimentaire le lien vital qui unissait les Déliens à leur sanctuaire 1. Le portrait des Déliens que crée, chez Athénée, le rassemblement de ces différentes citations, est celui d’une population que caractérise une certaine obséquiosité, dans une atmosphère de cuisine de banquet à la fois servile et féminine qui contraste assurément avec l’idéal traditionnel du citoyen-soldat d’autres cités. Observés par les autres, les Déliens étaient différents. Moqués surtout par les Athéniens, comme c’est le cas de Criton le Comique, vainqueur aux Dionysies de 183 ou de 167 2, les Déliens et leur marché avaient acquis une importance qui ne pouvait tout de même à leurs yeux rivaliser avec celle du Pirée. En se définissant dès le ve s., contre les revendications athéniennes, comme un « peuple sacré », les Déliens avaient lié leur existence à l’activité de leur sanctuaire 3. Ce rôle, dès l’époque de la collaboration avec l’autorité athénienne à l’époque classique — puisqu’il n’existe, contrairement à une appellation erronée, aucune « amphictionie » aux ve et ive s. à Délos — les destinait à veiller sur le sanctuaire d’Apollon et confinait leur cité dans la neutralité politique pour ses relations avec d’autres communautés. Libérés de la tutelle athénienne à la fin du ive s., ils développèrent pleinement leur statut de communauté civique sacrée en charge du sanctuaire. Parasites du dieu, les Déliens l’étaient lorsqu’ils utilisaient la caisse sacrée comme réserve de crédit pour les dépenses de leur cité, ou encore lorsqu’ils faisaient assumer au trésor sacré des constructions publiques, mais aussi lorsqu’ils favorisaient par le poids de leur sanctuaire la 1. 2. 3.
Athénée, IV, 173 b-c. Voir le texte supra p. 2. IG II2 2323, l. 151 et l. 210. Hérodote, VI, 97. Chankowski 2008a, p. 144-145 et 158-159, sur la collaboration des Déliens à l’administration athénienne. Dans la citation de Criton (Athénée IV, 173c), il est bien probable que la « loi des Amphictyons », avec la graphie en -υ- pour Ἀμφικτυόνων, désigne les magistrats athéniens de l’époque classique et non l’organisation delphique (Chankowski 2008a, p. 45-52 sur le nom des magistrats athéniens à Délos classique). L’autorité athénienne s’était en effet assurée de la collaboration des Déliens dans un certain nombre de tâches subalternes de l’administration du sanctuaire.
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constitution d’un marché qui leur assurait un approvisionnement plus régulier qu’aucune île des Cyclades n’aurait pu l’escompter. Mais l’expression de « parasites du dieu » désigne en même temps la contrainte que faisait peser le grand sanctuaire d’Apollon sur la vie quotidienne de la population : le caractère attractif des temples et des cérémonies obligeait les Déliens à partager leur territoire et l’approvisionnement de leur marché avec un grand nombre d’étrangers et d’insulaires du voisinage, mais aussi à orienter leurs décisions politiques dans l’intérêt de la caisse sacrée qui assurait leur subsistance. Les citoyens qui étaient désignés pour remplir la charge de hiéropes consacraient leur temps à une administration complexe, qui comportait à la fois la gestion du patrimoine foncier, immobilier et monétaire du dieu, mais aussi le fastidieux récolement de quelque cinquante talents d’offrandes en métal précieux accumulées au fil des siècles. Les Déliens étaient au service du sanctuaire et en assumaient à la fois les contraintes et les bénéfices. La gestion du patrimoine d’Apollon, qui pouvait rivaliser avec quelques grandes fortunes privées de l’époque classique et du début de l’époque hellénistique, les a conduits à développer des compétences comptables dont la technicité était probablement particulièrement aboutie par rapport à la situation d’autres cités. En suivant le modèle institué par les Athéniens à l’époque classique, les Déliens sont parvenus à construire des outils de gestion performants qui ont permis au sanctuaire de continuer à financer sur ses recettes propres, non seulement les cérémonies de la vie religieuse, mais aussi de nombreuses constructions, tant du domaine public que du domaine sacré, créant ainsi un marché qui exploitait au maximum de ses possibilités les capacités régionales de développement de l’économie. L’imbrication entre les fonds sacrés et les fonds publics était profonde et montre que les règles religieuses de séparation entre le sacré et le profane n’engagent pas les pratiques financières de rentabilité et de profit. Aristote luimême en convenait à propos des principes de la vie en cité : même certains hommes politiques en arrivent à spécialiser leur activité politique dans les techniques de spéculation financière 4. C’est aussi ce que tentaient de faire les Déliens, à la fois pour le sanctuaire et pour leur cité, lorsqu’ils organisaient les contrats de construction et de fourniture de matériaux de façon à faire baisser autant que possible les prix, lorsqu’ils prêtaient les capitaux des fondations pour les faire fructifier, ou encore lorsqu’ils exploitaient la diversité monétaire de l’encaisse sacrée et de l’encaisse publique dans les prêts ou les investissements. Ce faisant, les Déliens ont manifestement fait preuve d’une grande inventivité en matière de techniques financières et de politique administrative. En tentant de maintenir, dans un monde hellénistique en évolution permanente, les intérêts du sanctuaire qu’ils partageaient largement, ils ont parfois fait des erreurs d’appréciation ou bien n’ont pas disposé de l’autorité suffisante pour imposer des choix plus favorables : c’est par exemple ce qui s’est produit avec la diminution de la part des monnaies d’Alexandre dans l’encaisse du sanctuaire. D’une certaine manière, l’observation des évolutions monétaires et économiques égéennes montre que le modèle défendu par les Déliens était voué à l’échec : ils étaient parvenus à développer un centre économique et financier égéen, mais sans disposer d’une autorité militaire et politique capable d’en pérenniser l’indépendance. On comprend mieux aussi, à la lumière de la situation économique et financière de l’île, ce qu’est l’indépendance de Délos : avant tout une neutralité qui se traduit à la fois par une politique diplomatique et par une politique d’exemption fiscale, sans constituer pour autant un pouvoir d’arbitrage ni de régulation. Sur le plan monétaire et financier, les Déliens étaient aux aguets des grandes transformations de l’Égée hellénistique et se sont alignés sur les politiques 4.
Politique, I, 4, 1259a, à propos du monopole des pressoirs à huile pratiqué par Thalès.
CONCLUSION
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rhodiennes et sur celles des grandes puissances dominantes. C’est ce qui fait de la documentation délienne un extraordinaire révélateur de la situation économique égéenne, bien plus que d’un contexte régional dont la cohérence économique paraît pour le moins contestable. Pourtant, la récupération, par Rome sous l’autorité athénienne, de la situation économique et financière de Délos à partir de 167, ne met fin ni à la neutralité de la place de commerce qu’avaient revendiquée les Déliens, qui trouve dans le cosmopolitisme des iie et ier s. sa forme aboutie, ni à son rôle de centre d’affaires qu’ils avaient contribué à développer et qui atteint dans le contexte du port franc son plein épanouissement. Le rôle d’entrepôt qui est celui de Délos depuis le ve s. ne se dément pas au fil des siècles, si bien que la loi Gabinia Calpurnia proposée par les deux consuls romains de l’année 58 témoigne encore du rôle de Délos comme plaque tournante et entrepôt dans la distribution du blé 5. Ce rôle d’entrepôt, de centre de redistribution, de « réservoir » comme le nomment les inscriptions du iie s., reposait sur l’attractivité de la place de commerce par des formes de défiscalisation, à travers l’ateleia qui, dès avant 167, exemptait au moins une partie des acteurs du commerce de redistribution des droits de douane. Ce choix fiscal, assumé d’abord par les Déliens, était rendu possible par la prospérité de l’ensemble constitué par la cité et le sanctuaire en forte interaction. La présence suffisante d’autres revenus permettait à la communauté civique de donner à l’île cette orientation. Le pouvoir romain, en 167, la systématise en s’inscrivant dans la continuité de cette construction égéenne. Globalement, les continuités apparaissent donc plus fortes que les ruptures dans le fonctionnement économique de la place de Délos, avec des changements d’échelle du ve au ier s. Plus tard encore, après les crises mithridatiques, la loi Gabinia Calpurnia réaffirme en un curieux raccourci cette continuité de l’histoire délienne : … Delum insulam, in qua insula Apollinem et Dianam n[atos esse arbitrantur], vecteigalibus leiberari, quae insula post hominum me[moriam omnium] regum ceivitatium nationumque imperieis sacra leib[era immunis fuit], « ... que cette île, dans laquelle on pense que naquirent Apollon et Diane, soit exempte d’impôts, île qui, de tout temps, a toujours été indépendante de l’autorité de tous les rois, cités et peuples, propriété divine et exempte d’impôts » (ID 1511, l. 10-13) 6. Pourtant, des évolutions significatives transparaissent aussi dans le comportement des Déliens eux-mêmes, du iiie au iie s. La société délienne pouvait s’en trouver profondément divisée, comme le laissent entendre quelques indices qui font apparaître le développement d’un affairisme insulaire plus intense et plus concurrentiel au fil des décennies. C’est peut-être cet apprentissage des techniques de profit qui, finalement, tendait à inciter les Déliens à s’émanciper de leur état de « parasites du dieu ». En dépit de ses pesanteurs, la dépendance à l’égard du sanctuaire avait longtemps constitué, pour les Déliens comme pour l’économie régionale, une garantie de stabilité. Lorsqu’ils sont parvenus à constituer, au sein de la caisse publique, comme le faisaient déjà bien d’autres cités du monde grec, un fonds d’achat de grain public, ils ont cessé d’emprunter des capitaux au sanctuaire pour acheter le grain qui était revendu aux citoyens sur le marché, et se sont attachés à gérer efficacement ce fonds. Lorsque le bois et le charbon se sont avérés constituer une opportunité de profits à l’échelle régionale sur le marché délien, certains habitants de l’île ont probablement été tentés par les possibilités de gains que leur offrait la spéculation, peut-être au détriment de l’approvisionnement du sanctuaire à des prix avantageux. Le sanctuaire, dès lors, avait cessé de 5. 6.
Nicolet 1980, p. 99. La loi de 58 abolit les vectigalia imposés à Délos probablement par Sylla et rétablit ainsi une situation antérieure aux crises mithridatiques. Traduction de Nicolet 1980, p. 76.
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constituer un écran protecteur entre les Déliens et le marché égéen. Il avait cessé aussi d’être l’instrument par lequel la cité de Délos régulait les activités du marché. La situation de « parasites du dieu » caractérise donc aussi un système économique qui, à partir de la création du port franc en 167, disparaît : une organisation financière et économique fondée sur les capitaux publics, qu’ils proviennent du sanctuaire ou de la cité, plus que sur la richesse des particuliers. Les grands financiers de l’époque du port franc pouvaient sans commune mesure concurrencer ce qu’avait offert aux Déliens le trésor d’Apollon. Sans doute étaient-ils d’ailleurs à l’œuvre dès avant 167. La disparition de la communauté civique délienne, qui laissait place à des responsables administratifs athéniens pour assurer les besoins du quotidien des populations, transformait la population de l’île en une foule bigarrée, en partie déjà installée avant 167, créatrice de davantage de profits et de concurrence : Athéniens de bonne famille soucieux de maintenir les traditions ancestrales, commerçants et hommes d’affaires grecs, italiens et orientaux, esclaves et affranchis installés sur place 7. Cette population avait certes besoin d’intendance, mais ne partageait plus les intérêts communs qui avaient uni depuis des siècles la communauté des Déliens aux affaires du sanctuaire. Point d’observation des mutations économiques égéennes dans l’Antiquité, Délos donne aussi à voir cette autre « grande transformation », pour paraphraser la formule de Karl Polanyi, que constitue le passage d’une régulation de l’économie et de la finance à l’échelle de la cité à une forme beaucoup plus individualisée d’affrontement des intérêts économiques et financiers. Non que cette dernière soit sans régulation : le pouvoir de Rome, à une autre échelle, en construisait déjà progressivement le cadre, dans une logique d’empire.
7.
Sur les communautés présentes à Délos, voir Roussel 1916 (1987) ; Rossi 2012 et en dernier lieu Müller 2017, qui dresse un bilan mais n’apporte pas d’éléments nouveaux.
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334
PARASITES DU DIEU
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ANNEXES
ANNEXE 1
LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
On trouvera dans cette annexe un tableau mettant en perspective les données exploitables, puis des fiches épigraphiques détaillant, pour chacun des comptes le permettant, la manière dont les hiéropes ont construit, année, après année, leur comptabilité. Ces fiches répertorient également les corrections apportées à la lecture des pierres, des photographies ou des estampages. Une photographie de la stèle est donnée lorsqu’elle existe à la photothèque de l’EFA.
187 22
Troncs
Autres8
7.
6.
5.
4.
3.
2.
Le chiffre indiqué ne tient pas compte des monnaies pesées (que les hiéropes mentionnent généralement sous la rubrique ἀργυρίου παντοδαποῦ ὁλκὴ). Chankowski, Feyel 1997, p. 122. Uniquement le revenu des ἐγκύκλια τέλη car la pêche des poissons du lac et la pêche de la pourpre sont indiquées séparément dans le compte (comptées ici dans la rubrique Autres). Pour l’année 269, les hiéropes ont enregistré au profit du sanctuaire un revenu classé parmi les taxes et nommé τοῦ πεντηκοστολογίου, d’un montant de 610 dr. (l. 31). Dont intérêts d’Hermionè : 3 000 dr. Les intérêts payés sur le nèsiadeion (l. 193-194) ne font manifestement pas partie de l’addition des entrées faite par les hiéropes. Ils étaient mis de côté pour la confection de vases de fondation. Chankowski, Feyel 1997, p. 119.
82 439,3
Total encaisse + recettes
1.
12 148,1
-
12 148,1
Total des recettes de l'année
Remboursement de prêts par la cité
Total des revenus annuels
508,6
Intérêts
-
-
Taxes
Subventions, versements divers
483,5 +
Loyers
70 291, 2 10 947
Revenus annuels
Fermages
Encaisse1
282 (IG 158)
14.
13.
12.
11.
10.
9.
8.
?
[78 717,1]
[37 275,1]
19 801
16 831,6 +
307,110
5 906 +
24,311
191
-
462 + 6104
999
5064
13 346
269 (IG 203)
[74 907,5]
25 871,9 (+51 ?)
10 54514
15 326,9
1 295,6
114,5
82,6
1 810,5 (+5 1?6)
695
912,62
10 416,1 +
48 984,6
250 (IG 287)
Produit de la phiale et ventes diverses (animaux, matériaux). Pêche des poissons (60 dr.), pêche de la pourpre (12 dr.), ventes diverses (animaux, peaux, bois : 27,5 dr.). Le montant attesté par les additions est de 99,5 dr. mais d’autres recettes du même ordre étaient encore indiquées en 161, D. La différence entre le total calculé des recettes et le total indiqué par les hiéropes, l. 122, est de 557 dr. qu’il faut ajouter à la rubrique Autres car elles doivent représenter le montant des recettes annexes qui étaient mentionnées sur les côtés de la stèle. Dont pourpre : 23 dr. Produit de la phiale. Versements mentionnés dans la rubrique des autres entrées (dont chorégikon), l. 36. Remboursement sur les revenus civiques et le chorégikon (l. 25-27). Revenus civiques, revenus des assemblées (l. 8-10).
54 162
34 814
18 278,113
16 535,8
1 957,512
[656,5]9
148,67
5
4 289,6
?
2723 638
917,4
11 960
41 442
278 (IG 162)
933,2
11 930
19 348
279 (IG 161)
338 PARASITES DU DIEU
16
-
1 752,6
Loyers
16.
D’après les intérêts impayés qui se montent à 326,5 dr. (161, D) et les intérêts payés. Prêt à Hermionè, dont l’intérêt est encore payé en 278: IG 162, A, 27. Cf. Bogaert 1968, p. 138 et p. 158. 17. Les hiéropes n’indiquent en transmission que 32 900,6 dr. (l. 134-135) mais ils ne prennent pas en compte les sommes qui seront transmises ultérieurement. Le véritable solde transmis devait être de 52 170,8 dr.
11 096,5
Fermages
Revenus annuels
15.
17 631,6
Encaisse18
54 162
Balance du compte
179 (ID 442)
2 400
5 700
13 850,5
1 000
5 750
680,2
15 986,7
1 526 +
6 496 +
39 005,5+19
192 (ID 399)
1 721,8
6 980,1
60 929,6
[74 907,5]
[52 170,8]17
Le chiffre indiqué ne tient pas compte des monnaies pesées (que les hiéropes mentionnent généralement sous la rubrique ἀργυρίου παντοδαποῦ ὁλκὴ). 19. L’inscription n’a conservé que le montant de l’encaisse après retraits (l. 16).
797,6 +
6 869
74 679,6
218 (ID 354)
-
Solde
78 717
41 442
Total dépenses + prêts
18.
(30 000)
9 647
15
424
12 720
1 192,5
22 736,7
246 (ID 290)
-
24 975
-
2 866,4
361,5
6 750
Dépenses par décret
12 404
2 584,7
998
250 (IG 287)
Total des prêts
Autres prêts
Prêts aux particuliers
Prêts à la cité
Impayés
Total des dépenses annuelles
Dépenses
8 869
1 528,2
Travaux
9 600
2 415
2 758,5
1 338,2
269 (IG 203)
Frais de fonctionnement (dont salaires)
278 (IG 162) 1 374
279 (IG 161)
Dépenses mensuelles
282 (IG 158)
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES 339
25.
24.
23.
22.
21.
20.
22
150,533
11 902,2 +
Travaux
Dépenses par décret
3 104 +
989,8
Frais de fonctionnement (dont salaires)
Dépenses mensuelles
Cette entrée comprend en réalité : intérêts dus 1 504,6 + remboursement de capitaux 2 655,1 + arriérés de fermages 377. Sur la tranche C, il faut probablement considérer que nous avons la fin d’un mot aux l. 69-70 et le montant de l’intérêt (33,3 dr.) à la l. 71. Produit de la phiale et ventes diverses (animaux, matériaux). Produits de la phiale et divers revenus signalés l. 1-45 par des totaux mensuels, mais le début du compte manque. Transmissions tardives (l. 19-21) + subventions pour les concours (l. 39) + remboursement de prêts par des particuliers (l. 24-26) + salaire des aulètes (l. 7). Jarres no 22 à 25 (voir Annexe 2). Jarres entrées dans l’année moins les remboursements de la jarre no 49.
Dépenses
Total encaisse + recettes
77 397
[43 365]27
Remboursement de prêts par la cité
Total des recettes de l'année
15 453,4
Total des revenus annuels
Subventions, versements divers
Autres
21
2 183,6 +
468,5
Intérêts
Troncs
662,5
Taxes
246 (ID 290)
33.
32.
31.
30.
29.
28.
27.
26.
[93 282,7 +]
[54 277,2]
40 474,128
13 803,1
3 965,1
24
10,5
9,5
1 269 +
527 ?
192 (ID 399)
4 103,5
9 703,132
64031
[1 035]30
[93 116,2]
[32 186,6]
2 35029
29 836,626
12 273,125 + 3 733,3 χαλκοῦ
184
45,6
4 536,720
362
179 (ID 442)
13 830,2 + 12 273,1 + 3 733,3 = 29 836,6. Somme restituée à partir de la balance du compte (solde transmis + dépenses annuelles) d’où on soustrait le montant total des entrées. Jarres no 16 à 21 (voir Annexe 2). Jarre no 49 (voir Annexe 2). Le chiffre peut être restitué par le calcul du perion de la stèle qui a été ajouté à la balance finale du compte. Posideia et Eileithuyaia, l. 219-223. Retraits dans les jarres indiqués l. 55-73. Réparation des maisons sacrées.
341
3 470
111 106,4
36 426,8
7 331
29 095,8
19 496,6
23
124,6
1 553 +
255 +
218 (ID 354)
340 PARASITES DU DIEU
23 739
60 993 77 397
Solde
Balance du compte
89 184
65 445 +
61 634
218 (ID 354)
Total dépenses + prêts
Total des prêts
500 +
200 +
Prêts aux particuliers
Autres prêts
300
16 404 +
Prêts à la cité
Impayés
Total des dépenses annuelles
246 (ID 290)
[93 282,7+]
192 (ID 399)
[93 116,2]
[74 434,6]
[18 681,6]
3 200
1 350+
1 850
15 481,6
179 (ID 442)
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES 341
342
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 313 IG XI 2, 135 Musée de Délos, Γ203 Remarques sur l’édition du texte Dans cette inscription, les signes utilisés par les hiéropes incluent encore le talent, dans la conti nuité de la comptabilité athénienne. Ils utilisent des ligatures (l. 16, l. 30). Il faut probablement corriger, l. 16, le premier signe de la drachme en un (5) et lire Α𝈩 𐅆𐅅𐅄ΔΔ 𐅂𐅂 soit 11 557 dr. Dans le corpus, on lit 1 talent et 5 573 dr., ce qui ne correspond pas à l’addition des fermages. Par erreur Migeotte 2014, p. 647 : recettes 17 523 dr. car il a probablement considéré comme un ∆ = 10 (l. 24) le Λ, qui constitue en réalité la première lettre du nom propre qui suit, Λυσίξε[ν]ος. En effet, à la fin de la l. 24, le lapicide a gravé ce nom avec un décalage en attachant le Λ aux chiffres qui le précèdent, probablement parce qu’il n’a pas compris que les deux Η étaient des chiffres (ΗΗΛ ΥΣΙΞΕ-). Compte Encaisse
[42 358,6]
Recettes (l. 1-28)
17 513 fermages (l. 1-16)
11 577
intérêts et autres recettes : retards de paiement, taxe sur la pourpre, vente du kopros (l. 16-28) Total de l’encaisse et des recettes (l. 28-29 : κεφάλαιον οὗ παρελάβομεν σὺν ὧι αὐτοὶ εἰσεπράξαμεν) Dépenses (l. 30-31 : ἀπὸ τούτου εἰς ἐπισκευὴν τῶν ἱερῶν ἀνάλωμα) Solde transmis (l. 31-36 : βουλῆι καὶ ἱερο[π]οιοῖς παρέδομεν)
5 936 59 861,6 (9 talents 5 861 dr. 4 ob.) 1 678 58 183,6 dr. (9 talents 4 183 dr. 4 ob.) + 50 chrysoi d’Alexandre
Fig. 11 — IG XI 2, 135 (BCH 29 [1905], pl. XVIII).
344
PARASITES DU DIEU
COMPTE DATÉ PEU AVANT 301 IG XI 2, 144 A Musée de Délos, Γ503Α-Γ Remarques sur l’édition du texte l. 9 : [κεφάλαιον οὗ? π]αρελάβομεν 𐅅𐅆𐅄Δ Δ𐅂𐅂𐅂𐅂//, à corriger en 𐅈𐅆𐅄Δ Δ𐅂𐅂𐅂𐅂// ou 𐅇 𐅆𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂//. En dépit du texte édité par F. Durrbach dans les IG, le premier chiffre doit être soit une combinaison du chiffre 5 (Π) avec le signe du talent (T) comme dans le premier compte de l’Indépendance (IG XI 2, 135, l. 30 : 𐅈 mais avec une ligature qui donne la graphie 𐅃𝈩) soit 𐅇 comme le suggérait la lecture d’E. Schulhoff (IG XI 2, p. 26). Les hiéropes, dès les premières années du iiie s., cessent d’utiliser le signe du talent et la lecture 𐅇 paraît plus plausible (voir déjà en 302 l’emploi du signe M pour 10 000 : IG XI 2, 145, l. 80) mais ce signe T est encore utilisé ici, l. 16, dans le total des fermages. Toutefois, la relecture sur estampage et photographie ne confirme pas l’usage de la ligature 𐅃𝈩 qui serait attendue pour exprimer 𐅈. La lecture 𐅇 paraît donc plus plausible mais l’état de la pierre, remployée, rendait la lecture aléatoire dès l’époque des premiers éditeurs. Migeotte 2014, p. 647, choisit la lecture 𐅈. Par erreur Feyel 2006, p. 483, considérant que le texte était fautif avec 𐅅𐅆(500 + 5 000) et que cette suite n’était pas logique, a tenu compte uniquement du second chiffre et indique une encaisse erronée d’un montant de 5 574 dr. Compte Encaisse (A, l. 9 : [κεφάλαιον οὗ? π]αρελάβομεν …)
55 074 dr. 2 ch.
Recettes (A, l. 9-25)
21 685 + fermages (l. 16-17) intérêts et autres recettes (l. 17-25)
Dépenses (A, l. 26-70)
14 339 dr. 2 ob. 7 346 +
Fig. 12 — IG XI 2, 144, face A (cl. EFA R4354-04).
346
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 298 IG XI 2, 148 Musée de Délos, Γ480 Remarques sur l’édition du texte L’encaisse (l. 5) et le solde transmis (l. 28-29) sont libellés en toutes lettres, pratique que l’on retrouve aussi pour une mention de paiement d’intérêts sur la petite stèle complémentaire IG XI 2, 136. Le chiffre des recettes, que l’on déduit du rapport entre l’encaisse et les dépenses, ne représente sans doute pas uniquement les recettes de l’année mais pourrait aussi correspondre à une partie de l’encaisse, reçue séparément, pour permettre les 17 000 dr. de prêts à la cité. Compte Encaisse (l. 2-5)
46 900 dr. +
Recettes (une cinquantaine de lignes illisibles)
[30 100]
Dépenses (l. 72 : σύμπαν κεφάλαιον ἀναλώματος)
4 270 +
Prêts (l. 73-76 : καὶ ἄλλο ἀργύριον ἐξείλομεν μετὰ τῆς βουλῆς ὃ ἐδανεί σατο ἡ πόλις κατὰ ψήφισμα τοῦ δήμου …)
17 000
Solde (l. 78-79 : τὸ λοιπὸν ἀργύριον παρέδομεν)
55 730
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
347
COMPTE DE L’ANNÉE 287 IG XI 2, 155 Musée de Délos, Γ263Α-Β Remarques sur l’édition du texte Il y a une erreur du graveur dans ce compte, pour un montant de 2 dr. et 2 ob. qui correspond à la différence entre le total des entrées indiqué au début du compte et l’addition des chiffres des sorties et du solde. L’apparat-critique de IG XI 2, p. 38, confirme qu’il ne s’agit pas d’une erreur de lecture de l’éditeur du corpus. Le problème vient probablement d’une mauvaise correction du graveur dont témoigne la rasura de la l. 6 du fragment b. Compte Encaisse + recettes (b, l. 4-5 : [κεφάλα]ιον [σύμ]παν οὗ ἐ[λάβ]ομεν παρὰ τῶν ἱερο ποιῶν καὶ τοῦ ἐφ’ ἡμῶν εἰσελθόντος [ἀργυρίου νομίσμα]τος)
57 724 dr. 2 ob. ½ ob.
Total des sorties (b, l. 6 : κεφάλαιον ἐξόδ[ου])
12 361 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob.
Solde transmis (b, l. 7-10 : κεφάλαιον οὗ παρέδομεν … ἀργυρίου νομίσματος …)
45 360 dr. 1 ob. ½ ob. ¼ ob. + 7 chrysoi, une monnaie de Phocée et de l’argent de diverses provenances (…135 dr.)
348
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 282 IG XI 2, 158 A Musée de Délos, Γ209 Remarques sur l’édition du texte A, l. 35-36 : relecture du montant dans Chankowski, Feyel 1997, p. 119. Mais ni ce chiffre (82 204 dr.) ni le chiffre du corpus (82 134 dr.) ne sont justes. On devrait obtenir 82 439 dr. Ce chiffre est inscrit sur une rasura et procède donc d’une correction du graveur. Il est inférieur de 235 dr. au total que l’on obtient en additionnant le montant de l’encaisse et le montant des recettes (82 439 dr. 2 ob.). Les conversions monétaires dues à la frappe de monnaies locales qui a lieu ces années-là ne sont peut-être pas étrangères à cette difficulté. Le chiffre indiqué dans Chankowski 2008a tableau 14 résulte d’une erreur (j’ai additionné à tort le montant du prêt avec la somme indiquée comme remboursée). Compte Pour l’ensemble du compte, la plupart des totaux peuvent être obtenus en additionnant les montants mais le résultat reste approximatif. Encaisse (A, l. 2-6)
70 291 dr. 1 ob. ½ ob. + autres monnaies dont argent pesé 47 dr. (l. 5-6 : ἀργυρίου παντ[ο]δαποῦ ὁλκὴν)
Recettes (A, l. 7-34)
12 148 dr.
Total des entrées (A, l. 35-36 : κεφάλαιον οὗ τε παρελάβομεν ἀργυρίου καὶ τοῦ ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς εἰσελθόντος)
82 204 + + autres monnaies dont argent pesé 47 dr.
Dépenses (A, l. 37-88) Prêts (B)
2 669 + 24 975 dr. (remboursé en partie pour 18 879 dr. 1 ob. ½ ob. en 281)
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
349
COMPTE DE L’ANNÉE 281 IG XI 2, 159 A Musée de Délos, Γ264 Compte Le total des dépenses inclut les prêts consentis à la cité (l. 68-69) mais le détail de ces prêts est donné séparément par les hiéropes (l. 73-75). Encaisse dont remboursement de prêt (cf. IG XI 2, 158, B, l. 32-45) Recettes Dépenses (A, l. 68-69 : σύμπαγ κεφάλαιον ἀναλώματος σὺν ὧι ἡ πόλις ὀφείλ[ει ․․․․․․]) (A, l. 73-75 : καὶ [τ]όδε [— — ἐ]δανείσαμεν τοῦ ἱεροῦ ἀργυρίου κατὰ τὸν νόμον [καὶ κατὰ συγγραφὰς?] βουλῆς κελευούσ[ης — — — —] Solde transmis (A, l. 69-73 : κεφάλαιον οὗ παρέδομεν … ἀργυρίου νομίσματος δραχμὰς)
? 18 879 dr. 1 ob. ½ ob. ? 81 287 dr. 3 ob. ½. ob. ¼ ob. 1 ch.
5 220 + et monnaies diverses
350
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 279 IG XI 2, 161 A Musée de Délos, Γ266 Remarques sur l’édition du texte Ce compte fait partie des grandes stèles presque entièrement lisibles. Dans le total des entrées, on constate un écart de 557 dr. avec l’addition qui donne 53 605 dr. Cet écart s’explique par la mention de recettes supplémentaires (dont la vente de peaux) indiquées sur le côté de la stèle. Le texte comporte quelques lacunes et ne permet pas de connaître le total exact, si bien qu’il faut retenir les totaux donnés par les hiéropes (l. 122-127), qui doivent en tenir compte. Compte Les monnaies étrangères sont comptées séparément dans le bilan du compte (l. 121-127), même si elles sont converties selon l’étalon attique. L’encaisse comptée ici n’inclut que les sommes versées aux hiéropes (18 648 + 100 + 600 dr.). Encaisse (A, l. 3-5)
19 348 dr. ¼ ob. + autres monnaies
Recettes (A, l. 6-43)
[34 814] dont remboursement de prêts (A, l. 25-27)
18 278 dr. 12 720 dr.
Dépenses (A, l. 45-121) Total des entrées (A, l. 122-123 : κεφάλαιον οὗ τε παρελάβομεν ἀργυρίου καὶ τοῦ ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς εἰσελθόντος) Total des dépenses (A, l. 123: κεφάλαιον ἀναλώματος ) Solde transmis (A, l. 124-127 : τὸ δὲ λοιπὸν παρεδώκαμεν…) dont réserve (A, l. 126-127 : σὺν ταῖς ·ΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔ· αἷς ὁ δῆμος ἐψηφίσατο [ἐν παραδ]όσει παραλαμβάνειν ἀεὶ τοὺς ἱεροποιοὺς τοὺς ἐν τέλει ὄντας)
54 162 dr. + autres monnaies 12 720 dr. 41 442 dr. ½ ob. ¼ ob. 1 ch. 24 630 dr.
Fig. 13 — IG XI 2, 161, face A (Nouveau Choix, pl. II).
352
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 278 IG XI 2, 162 A Musée de Délos, Γ205, Α-Β Remarques sur l’édition du texte Il faut corriger une erreur de lecture de l’éditeur, l. 3, car il manque un H au milieu du nombre inscrit et il faut restituer certainement dans la lacune le chalque du solde de IG XI 2, 161 : non pas ΜΜΜΜΧΗΗΗΔΔΔΔ𐅂[𐅂𐅁Τ] mais ΜΜΜΜΧΗΗΗΗΔΔΔΔ𐅂[𐅂𐅁Τ/]. Compte Encaisse (A, l. 2-4)
41 442 dr. ½ ob. ¼ ob. 1 ch. 24 630 dr.
dont réserve (A, l. 4 : σὺν ταῖς [ΜΜ]ΧΧΧΧ𐅅ΗΔΔΔ· αἷς ὁ δῆμος ἐψηφίσατο ἐν παραδ]όσει παραλαμβάνειν τοὺς ἱερο[ποιοὺς τοὺς ἐν τέλει ὄντας]) Recettes (A, l. 5-43) Total des entrées (A, l. 44-45 : σύμπαγ κεφάλαιον οὗ τε παρελάβομεν ἀργυρίου καὶ τοῦ ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς εἰσήκοντος) Dépenses (A, l. 46-)
37 275 dr. [78 717 dr.]
?
Fig. 14 — IG XI 2, 162, face A (cl. EFA 47544).
354
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 276 IG XI 2, 163 Musée de Délos, Γ201 ΑΒΓ ; 374, 375, 388, 198. Compte Dépenses
?
Solde transmis (B g-d, l. 4-11) dont réserve (B g-d, l. 9-10 : σὺν ταῖς ΜΜΜ𐅆[- - - ἃς ὁ δῆμος ἐψηφίσατο παραλαμβ]άνειν ἐμ παραδόσει [ἱεροποιοὺς] τοὺς [ἐν τέ]λει ὄντας)
83 835 dr. 2 ob. 35 000 +
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
355
COMPTE DE L’ANNÉE 269 IG XI 2, 203 A Musée de Délos, Γ250 Remarques sur l’édition du texte Pour l’addition de l’encaisse, chiffre inexact dans Feyel 2006, p. 482 tableau 35 (13 285 dr. 1 ob. ½), dans Chankowski 2008b (13 333 dr.) et dans Migeotte 2014, p. 647 (13 439 dr. ½ ob.). Les restitutions de B, l. 22, [κεφάλαιον ἀναλώματος - - - - ]ΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι̣ΙΙ𐅁 et de B, l. 23 : [τὸ δὲ λοιπὸν παρέδομεν ἱεροποιοῖς τοῖς μεθ’ ἡμᾶς· ἀργυρίου δραχμὰς : ΜΜ𐅆ΧΧΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅂𐅂𐅂𐅂] avec un chiffre restitué à partir de l’encaisse de IG XI 2, 204, l. 5, sont douteuses car le texte qui suit comporte l’inventaire des monnaies d’autres provenances. Il doit donc plutôt s’agir, des l. 21 à 23, du détail de l’argent reçu au départ de l’exercice et encaissé au cours de l’année. Compte Encaisse (A, l. 2-5)
13 345 dr. ½ ob. dont troncs (A, l. 3-4)
191 dr. 3 ob. ½ ob.
dont réception dans l’Artémision (A, l. 4-5 : ἐν Ἀρτ[ε]μισίωι ἀργυρίου νομίσματος)
3 505 dr.
dont réception ultérieure (A, l. 5 : κ̣αὶ̣ ἄ̣λ̣λ̣ο̣ ἀργύριον παρελάβομεν )
9 648 dr. 3 ob.
Entrées de l’année (A, l. 5-57 et B, l. 21 : [κεφά]λαιον τοῦ εἰσεληλυθότος ἐπὶ τῆς ἡμε[τ] έρας ἀ̣ρ̣χ̣ῆ̣ς̣) Dépenses (A, l. 57-97 et B, l. 1-20) Solde transmis (B, l. 23 [ ?] et IG XI 2, 204, l. 5)
44 000 + (dont créances) [30 152] 27 194 dr.
356
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 250 IG XI 2, 287 A Musée de Délos, Γ91 Remarques sur l’édition du texte Ce compte fait partie des grandes stèles presque entièrement lisibles. Aux l. 134-135, le solde transmis est partiel, car le compte exact donne 52 120 dr. Il reste donc 19 220 dr. qui ont été transmises ultérieurement par les hiéropes à leurs successeurs. À la l. 199, le chiffre de la balance des entrées et des sorties donné par les hiéropes est de 79 407,5 dr. alors que le chiffre obtenu par l’addition des données est de 74 856,5. La lecture sur la pierre est juste. Or on constate qu’il manque un chiffre à la l. 17 dans le chapitre des dépenses. Partant des dernières dénominations du total de la balance, l. 199, on peut former l’hypothèse que le montant exact se terminait par un chiffre composé avec la finale de 107,5 dr. alors qu’avec une balance finale calculée à 74 856,5 dr., il manque au minimum à l’addition 51 dr. pour arriver à 74 907,5 dr. C’est donc ce montant de 51 dr. qu’il faut restituer dans la lacune de la l. 17. Il reste encore 4 500 dr. qui apparaissent dans la balance et ne sont pas visibles dans le compte. Il ne peut pas s’agir de la réintroduction du perion puisque le compte donne l’intégralité des recettes et des dépenses. Soit il s’agit d’une transmission intervenue en cours d’année en provenance d’un exercice antérieur, que les hiéropes n’auraient pas signalée mais auraient incluse dans la balance du compte, soit il s’agit d’une erreur de gravure. Le graveur aurait écrit un 𐅆 au lieu d’un 𐅅 (𐅇ΜΜ𐅆ΧΧΧΧΗΗΗΗ𐅃𐅂𐅂ΙΙΙΧ au lieu de 𐅇ΜΜΧΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗ𐅃𐅂𐅂ΙΙΙΧ). Dans ce cas l’ensemble du compte serait juste. À la l. 200, le montant conservé pour le produit des troncs (5 040 dr. 4 ob. 1 ch.) est une lecture fautive dans le corpus. Il faut lire 90 dr. 4 ob. 1 ch. (𐅄 et non 𐅆). Il s’agit du produit de l’année. Dans l’encaisse (l. 4-5), le produit des troncs de l’année précédente se situe dans des proportions comparables (82 dr. 4 ob. ¼ ob. 1 ch.). Compte Encaisse
48 984 dr. 4 ob. ¼ ob. 1 ch. dont transmission dans l’Artémision et les troncs (A, l. 3-7 : κεφαλὴ σὺν τῶι ἐχ θησαυρῶν) dont transmission ultérieure (A, l. 8)
Recettes (A, l. 8-41)
43 984 dr. 4 ob. ¼ ob. 1 ch. 5 000 [25 923 dr.]
dont remboursements de prêts sur les recettes fiscales de la cité (A, l. 8-10 : καὶ παρὰ βουλῆς τῆς ἐπὶ Σωσισθένου καὶ ταμίου Πιστοῦ …) dont subventions de la cité (A, l. 10-11 : καὶ παρὰ ταμίου Πιστοῦ …)
10 545 dr.
409 dr.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
Dépenses (A, l. 42-133)
357
[22 736 dr.] dont prêts à la cité et prêts aux particuliers (A, l. 122-131)
16 200 dr.
Solde transmis (A, l. 134-135 : κεφαλὴ οὗ παρέδομεν)
32 900 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob.
Total des entrées (A, l. 198-200 : κεφαλὴ εἰσόδου σὺν ὧι παρελάβομεν)
79 407 dr. 3 ob. 1 ch. [74 907 dr. 3 ob. 1 ch.]
Total des sorties (A, l. 199 : κεφαλὴ ἐξόδου σὺν ὧι παρέδομεν)
79 407 dr. 3 ob. 1 ch. [74 907 dr. 3 ob. 1 ch.]
Transmission des troncs (A, l. 200 : καὶ τὸ ἐχ θησαυρῶν εἰσελθὸν ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς παρέδομεν)
90 dr. 4 ob. 1 ch.
Fig. 15 — IG XI 2, 287, face A (cl. EFA R4627-05).
358
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 246 ID 290 Musée de Délos, Γ479α-η Remarques sur l’édition du texte Le début du compte manque. Les montants des diverses recettes peuvent être reconstitués grâce aux totaux intermédiaires indiqués dans ce chapitre, qui assurent un montant minimum. Le total des entrées de l’exercice est indiqué l. 46 et se termine par 401 dr. 5 ob. On peut donc au minimum restituer un montant de 16 401 dr. 5 ob. L’encaisse de 17 631,6 dr. est donnée l. 142-143. Je considère que le chiffre donné à la l. 141 est le bilan des transmissions énumérées précé demment et non, comme je l’avais envisagé (Chankowski 2008a, p. 326-327) en suivant le commentaire du corpus p. 15, une transmission complémentaire. La restitution [—· ἄλλας] à la fin de la l. 140 ne s’impose pas : l’ensemble du compte présente des totaux intermédiaires et c’est ici qu’il faut attendre, avec ce chiffre de 60 993 dr., le total des sommes transmises. Le chiffre de 16 404 dr. est nommé par les hiéropes κεφαλὴ ἐξόδου (l. 141) alors qu’il s’agit manifestement du total des dépenses, puisque les hiéropes indiquent juste avant le chiffre correspondant au montant transmis à leurs successeurs. Cette erreur de terminologie a trompé l’éditeur du corpus qui y voit le chiffre de la balance et est obligé de conclure que d’autres sommes ont été transmises séparément (F. Durrbach, ID, p. 15). Il doit s’agir du total du chiffre des dépenses donné à la l. 138 auquel est ajouté le montant des travaux donnés en adjudication, que l’on peut par déduction évaluer à 10 995 dr. Mais les hiéropes ont sous évalué leurs adjudications qui sont en fait plus élevées et atteignent, dans le chapitre qui commence à la l. 144 et est lui-même incomplet, au moins 11 902 dr. L’écart entre le montant des entrées (encaisse + recettes annuelles) et le chiffre de la balance de compte qui peut être restituée à partir de la somme du solde et des dépenses annuelles, permet de supposer qu’il faut ajouter dans les entrées annuelles des remboursements de prêts pour au moins 43 365 dr. Migeotte 2014, p. 647, parvient à des montants légèrement différents. Compte Recettes (l. 1-45, avec totaux intermédiaires) dont : divers fermages loyers
16 164 + 2 183 dr. 4 ob. ½ ob. 5 ch. + 11 096 dr. 3 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch. 1 752 dr. 4 ob. 2 ch.
taxes
662 dr. 3 ob.
intérêts
468 dr. 3 ob. 1 ch.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
359
Total des entrées de l’exercice 16 401 dr. 5 ob. (+) (l. 46 : σύμπαν κε[φ]άλα[ιον — — — — — —] ΗΗΗΗ 𐅂 IIIII) Dépenses (l. 47-118) dont : 989 dr. 5 ob.
dépenses mensuelles (l. 105 : κεφαλὴ τοῦ κατὰ μῆνα ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙΙΙ)
2 812 +
autres dépenses (l. 118 : κε[φαλὴ — — — —]) dépenses pour travaux (l. 119-129)
150 dr. 3 ob.
prêts (l. 130-136)
500 dr.
dépenses pour la stèle (l. 136-137)
212 +
Total des dépenses (l. 138) : κεφ(αλὴ)
5 408 dr. 5 ob.
Solde transmis (l. 138-143 : [ἱερο]π̣οιοῖς παρέδομεν 𐅇Μ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅂𐅂𐅂.
60 993 dr.
Total des sorties (l. 141 : κεφαλὴ ἐξόδου Μ𐅆ΧΗΗΗΗ𐅂̣ 𐅂̣𐅂̣ΙΙΙΙΙ𐅁.)
16 403 dr. 5 ob. ½ ob.
Encaisse (l. 142-143 : [ἐν τῶι] Ἀρτεμισίωι παρελάβομεν …)
17 631 dr. 4 ob.
360
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 231 ID 316 Musée de Délos, Γ210 Remarques sur l’édition du texte La mention de la caisse publique, l. 5, a suscité l’incrédulité des éditeurs et des commentateurs. Cl. Vial (Vial 1984, p. 171) a proposé de restituer εἰς τὴν [ἀπόδοσιν τῶι θεῶι] mais la lecture initiale n’est pas contestable et il faut conserver εἰς τὴν [δη]μοσίαν [κιβω]τ[ὸν]. À la l. 9, il faut corriger une erreur de lecture de l’éditeur : transformer le 𐅯 final en un 𐅄 avant la rasura et écrire: 𐅇ΜΜ𐅆Χ̣ ΧΧΧ𐅅𐅊 ... Le total exact est ainsi de 79 553 dr., soit une addition juste. Compte encaisse (l. 2-4 : τάδε π[αρελάβομεν ἐν Ἀρτεμισίωι …])
72 397 dr. 4 ob. ¼ ob.
encaisse caisse publique (l. 5 : εἰς τὴν [δη]μοσίαν [κιβω]τ[ὸν)
13 325 dr. 3 ob. 1 ch. 460 dr. 1 ob. 1 ch.
Total de l’encaisse (l. 6 : κεφαλὴ) Retraits (l. 8 : κεφαλὴ τοῦ ἐ̣φ̣’ ἡ̣μῶ̣[ν? ἐξελθόντος ἀργυρίου]) Solde (l. 9 : λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι)
86 183 dr. 2 ob. ¼ ob. 2 ch. 6 630 dr + 79 553 dr.
Fig. 16 — ID 316 (cl. EFA 3743).
362
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 230 ID 317 Musée de Délos, Γ282α-ε Remarques sur l’édition du texte Dans ce compte très fragmentaire, seuls les restes de la balance de compte permettent de reconstruire la série financière, aux l. 35-36 du fragment a.
Fig. 17 — ID 317 (cl. EFA R4349-11). Au bas du dernier fragment se trouve, à l’avant-dernière ligne, le chiffre de la balance de compte.
364
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 218 ID 354 Musée de Délos, Γ204 Remarques sur l’édition du texte Le montant total de l’encaisse est obtenu par l’addition des montants indiqués. On ne retient pas dans ce calcul les subventions et les remboursements de prêts déposés dans l’année (l. 6-7) qui figurent au milieu de la liste des sommes reçues en caisse en cours d’année. Le compte ID 354, l. 16, indique comme solde dans l’Artémision 23 739 dr. L’écart est de 3 465 dr. par rapport au chiffre que l’on obtient en faisant le calcul sur la base des chiffres donnés par l’inscription. Or cette partie du compte est complète. La différence ne peut s’expliquer que si les hiéropes de 218 ont déposé dans la caisse sacrée à la fin de leur année d’exercice, sans le mentionner dans l’intitulé mais en l’indiquant en finale, dans la partie disparue de la stèle, les bénéfices réalisés dans l’année grâce aux revenus réguliers, qui auraient été de 3 465 dr. une fois déduites les dépenses courantes. Le chiffre est plausible : le perion de l’année 200 était de 3 895,5 dr. (ID 372, A, l. 190). Compte Encaisse
74 679 dr. 4 ob. 3 ch.
(l. 1-5)
65 758 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 2 ch.
(l. 7-8)
8 920 dr. 5 ob. ¼ ob. 1 ch.
Entrées de l’année
11 040 dr. [14 505 dr. avec le perion de l’année]
(l.6-7) dont remboursement de prêt
7 330 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch.
dont diverses subventions
3 710 dr.
Retraits
65 445 dr. 5 ob.
(l. 16) dont salaire des aulètes dont prêts dont travaux Solde transmis (l. 16 : λοιπὸν ἐν Ἀρτεμισίωι)
3 470 dr. 61 634 dr. 3 ob. 341 dr. 2 ob. 23 739 dr. ½ ob. ¼ ob. 2 ch.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
Nouvelles entrées dont transmissions tardives (l. 19-21) dont subventions pour les concours (l. 39)
365
15 786 dr. 4 ob. 1 ch. 14 796 dr. 4 ob. 1 ch. 150 dr. 840 dr.
dont remboursement de prêts par des particuliers (l. 24-26). Recettes annuelles (l. 18-55)
[9 599 dr. 2 ob.]
366
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 209 ID 362 + 364 Musée de Délos, Γ228, 302 (ID 362) et Γ47 (ID 364) Remarques sur l’édition du texte Les comptes de ces années sont très fragmentaires. Le compte ID 364, A, l. 22, mentionne une autre transmission aux hiéropes de 208, dont le chiffre n’est pas conservé. Le montant des recettes est obtenu par le calcul de la différence entre les deux chiffres successifs de solde indiqués par les hiéropes, aux l. 12 et 13 du compte. Entre ces deux chiffres devait figurer, dans la lacune, le montant transmis par les hiéropes sur les revenus de l’année. On pourrait suppléer ainsi les l. 12-13 : καὶ ἡμεῖς [ ἔθεμεν δρ. Χ𐅅 σὺν ]τὰ 𐅅ΗΗΗ𐅄·
Compte Solde (l. 12 : λοιπὸν ἐν Ἀ̣ ρτεμι[σίω]ι)
25 138 dr. 1 ob. 1 ch.
Recettes (l. 12-13)
[2 350 dr.]
Total (l. 13 : τὸ πᾶν ἐν Ἀρτεμισ[ίωι])
27 488 dr. 1 ob. 1 ch.
Dépenses
? dont sitônia (l. 11-12)
Balance (ID 354, A l. 24-25)
13 014 dr. ?
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
367
COMPTE DE L’ANNÉE 208 ID 365 Musée de Délos, Γ166 Remarques sur l’édition du texte L’encaisse peut être restituée à partir du solde de l’année précédente (ID 362, l. 12-13). Compte Encaisse
[27 488 dr. 1 ob. 1 ch.]
Retraits (l. 54-55 : ἐξ Ἀρτεμισίου ἐξείλομεν παρούσης βουλῆς
... 1 971 dr. 3 ob. +
καὶ γραμματέων ὃ παρέδοσαν Πόλυβος καὶ Ἑβδομίσκος ․․Χ𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ𐅂̣ ΙΙΙ καὶ τὸ λοιπὸν ἀπὸ τῆς προσόδου)
Solde transmis (l. 55-56)
10 320 dr. 1 ob. ½ ob. 1 ch.
Balance (l. 58-59)
47 000 dr.
368
PARASITES DU DIEU
COMPTE DE L’ANNÉE 206 ID 368 Pierre perdue Compte Encaisse
27 500 dr. +
Retraits dont prêts (l. 17)
14 000 dr.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
369
COMPTE DE L’ANNÉE 200 ID 372 A Musée de Délos, Γ261 α, β, γ Compte Solde transmis (A, l. 190 : [καὶ τόδ]ε λοιπὸν παρέδομεν … ἐνηροσίων, ἐνοικίων, [ἐγκυκλίω]ν ὃ ἐπράξαμεν) Balance (A, l. 192-193)
4 895 dr. 3 ob. 2 ch.
44 989 dr. 2 ob. 1 ch.
370
PARASITES DU DIEU
COMPTE ANNUEL VERS 200 ID 376 Musée de Délos, Γ64 Remarques sur l’édition du texte Relecture du montant de la somme donnée l. 18 dans Chankowski, Feyel 1997, p. 124 : 𐅅𐅄Δ𐅂/. Compte Balance (l. 17-19)
48 992 dr. 1 ch. réception de bronze (l. 18 : [παρελάβομ]εν [δὲ] καὶ χαλκοῦ)
800 dr.+
transmission de bronze (l. 20 : παρέδομεν δὲ κ]αὶ χαλκοῦ)
561 dr. 1 ch.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
371
COMPTE DE L’ANNÉE 192 ID 399 A Musée de Délos, Γ262 Remarques sur l’édition du texte À la l. 35, il faut probablement considérer le premier chiffre, qui est précédé d’une rasura, comme le total des entrées de l’année (43 389 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch.), alors que le chiffre qui suit (82 383 dr. 2 ob. ½ ob. ¼ ob.) avec la mention ἡ πᾶσα κεφαλή doit être le total de la caisse sacrée. Mais ce dernier chiffre est lui-même faux, car en faisant l’addition du solde après retraits et du total des entrées de l’année on obtient 82 395 dr. et non 82 383 dr. comme l’écrivent les hiéropes. Pourtant les subdivisions finales de l’addition sont justes (avec 3 ch. équivalents à ¼ ob.). Le très mauvais état de la pierre et l’absence d’estampage ne permettent malheureusement pas de vérifier les lectures. Le chiffre des entrées de l’année (43 389 dr.) ne correspond pas non plus à celui qu’on obtient en additionnant les sommes mentionnées dans le compte aux l. 16-35 (44 389 dr.), mais ici l’écart est de 1 000 dr. justes, et il doit y avoir une erreur de restitution, probablement à la l. 17 où l’éditeur a écrit : [ἐν ὧι ἐνῆσαν 𐅆ΧΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂Ι𐅁]. Il faudrait plutôt écrire [ἐν ὧι ἐνῆσαν 𐅆ΗΗ𐅄ΔΔΔΔ 𐅂𐅂𐅂Ι𐅁]. Compte CAISSE SACRÉE Solde après retraits (A, l. 16)
39 005 dr. 3 ob. ½ ob. ¼ ob. 2 ch.
Total des entrées de l’année (A, l. 35)
43 389 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch.
Total dans la caisse sacrée (A, l. 35 : ἡ πᾶσα κεφαλή·)
82 383 dr. 2 ob. ½ ob. ¼ ob. [82 395]
CAISSE PUBLIQUE Encaisse (A, l. 54)
40 368 dr. 3 ob. ½ ob.
Solde après les retraits (A, l. 58)
38 578 dr. 3 ob. ½ ob.
Entrées de l’année (A, l. 68)
17 670 dr.
Total de l’argent demosion (A, l. 68)
56 248 dr. 3 ob. ½ ob.
Solde de l’argent demosion [après retraits] (A, l. 69)
28 643 dr. 3 ob. ¼ ob. 1 ch.
372
PARASITES DU DIEU
Sitônikon Encaisse (A, l. 70)
34 890 dr. 2 ch.
Dépôt de l’année (A, l. 71)
20 346 dr. 4 ob. ¼ ob.
Total (A, l. 72)
55 236 dr. 4 ob. ¼ ob. 2 ch.
Retrait (A, l. 72)
47 000 dr.
Solde (A, l. 73)
8 236 dr. 4 ob. ¼ ob. 2 ch.
Fig. 18 — ID 399, face A (cl. EFA 47568).
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
373
COMPTE DE L’ANNÉE 179 ID 442 A Musée de Délos, Γ48α,β Remarques sur l’édition du texte Ce compte fait partie des grandes stèles presque entièrement lisibles. Erreur de lecture A, l. 46 sur le montant du chorégikon qui est de 486 dr. et 4 ob. (et non 𐅄 en finale, qu’il faut remplacer par un ). Voir aussi les remarques de ID, p. 347, à propos de quelques inexactitudes de ce compte : un excès de 4 dr. 2 ob. dans le total donné pour l’encaisse, l. 37 ; une erreur à la l. 53 pour un écart de 99 dr. 1 ob. Compte CAISSE SACRÉE Encaisse (A, l. 37 : κεφαλὴ οὗ παρελάβομεν ἐν τεῖ ἱερᾶι κιβωτῶι)
60 929 dr. 4 ob. ½ ob. ¼ ob. 1 ch.
Entrées de l’année (A, l. 53 : κεφαλὴ τοῦ τεθέντος ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς)
14 623 dr. 1 ob. ¼ ob.
Total des entrées (A, l. 54 : κεφαλὴ τοῦ παραδοθέντος ἡμῖν καὶ τεθέντος ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς … )
75 553 dr. 1 ch.
Bronze reçu (A, l. 55 : καὶ χαλκοῦ τοῦ παραδοθέντος ἡμῖν)
3 733 dr. 2 ob.
Total des retraits (A, l. 73 : κεφαλὴ τοῦ ἐξαιρεθέντος ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς)
11 553 dr. 1 ob.
Solde transmis (A, l. 74 : τὸ δὲ λοιπὸν παρεδώκαμε)
63 999 dr. [5] ob. 1 ch.
Bronze transmis (A, l. 75 : παρεδώκαμεν δὲ καὶ τὸν χαλκὸν ὃν παρελάβομεν)
3 733 dr. 2 ob.
CAISSE PUBLIQUE Encaisse (A, l. 99 : κεφαλὴ οὗ παρελάβομεν ἐν τῇ δημοσίαι κιβωτῶι)
28 371 dr. 3 ob. ¼ ob.
Total des entrées de l’année (A l. 121 : κεφαλὴ τοῦ τεθέντος εἰς τὴν δημοσίαν κιβωτὸν ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς)
70 066 dr. ¼ ob. 1 ch.
Total des entrées (A, l. 122 : κεφαλὴ τοῦ παραδοθέντος καὶ τεθέντος ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς)
98 437 dr. 3 ob. ½ ob. 1 ch.
374
PARASITES DU DIEU
Retraits (A, l. 139 : κεφαλὴ οὗ ἐξείλομεν ἐπὶ τῆς ἡμετέρας ἀρχῆς)
59 150 dr. ½ ob.
Solde transmis (A, l. 140 : τὸ δὲ λοιπὸν παρέδομεν)
39 287 dr. 3 ob. 1 ch.
Balance (A, l. 255 : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου — — — — 𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//. κεφαλὴ πάσης ἐξόδου — — —]𐅆ΧΗΗΗΗΔ 𐅦𐅁//. vac.)
… 6 415 dr. 5 ob. ½ ob. 2 ch.
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
375
COMPTE DE L’ANNÉE 177 ID 444 A Musée de Délos, Γ251 Remarques sur l’édition du texte À la l. 56, correction de la lecture de la balance du compte : ΔΔ [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου ΜΜΜΜΜ]ΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι. κεφαλὴ πάσης ΔΔ ἐξόδου ΜΜΜΜΜΜΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂𐅂Ι.
Compte Solde du compte courant (A, l. 54 : τὸ̣ δ̣ὲ περιὸν ἀργύρ[ιον ․․․]χ․․ο․ου τοῦ ἐκ τῆς στήλης 𐅂𐅆ΧΗ𐅄ΔΔΔΔΙ𐅁. vac. ἔθεμεν εἰς τὸν ν̣α̣ὸν τοῦ Ἀπόλλω[νο]ς) Balance (A, l. 56 : κεφαλὴ πάσης εἰσόδου … κεφαλὴ πάσης ἐξόδου) Solde (C, l. 1-9 : [λ]οι[πὸν] )
6 190 dr. 1 ob. ½ ob.
243 933 dr. 1 ob. 63 962 dr. 1 ob. ½ ob. 2 ch.
Fig. 19 — ID 444, face A (bas de la stèle comportant la balance de compte) (cl. EFA 47557).
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
377
COMPTE DE L’ANNÉE 173 ID 455 + Γ766γA Musée de Délos, Γ46, 248, 247αβ, 448, 449, 450α-ε + Γ766γ Remarques sur l’édition du texte Rapprochement du fragment Γ766γ dû à J. Tréheux (Tréheux 1985a). Compte Encaisse de la caisse sacrée (Ab, l. 19 : [κεφ]αλὴ οὗ {ο[ὗ]} παρελ[άβομεν ἐν τεῖ ἱερ]ᾶι κιβωτῶι) Balance du compte (Γ766γ)
70 000 dr. + 348 306 dr. 5 ob. ¼ ob.
Fig. 20 — Fragment Γ766γ, face A (SEG XXXV, 882) (cl. EFA, BCH 109 [1985], p. 485-497).
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
379
COMPTE DE L’ANNÉE 169 ID 461 A Musée de Délos, Γ502α,β Remarques sur l’édition du texte Il faut corriger une restitution fautive à la l. 37 : [Ἀντίγον]ος καὶ Ἀλεξικός, qui sont les deux trésoriers de 183 mentionnés dans les autres passages se référant à la même jarre, et non [Δημήτρι]ος καὶ Ἀλεξικός. Aa, l. 75 : relecture du montant de la jarre contenant une partie d’une nouvelle émission monétaire (Chankowski 2008a, p. 334 et pl. V). La somme a été lue par F. Durrbach {Χ̣ Χ̣ ?} 𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂 et l’éditeur propose de supprimer les deux premières lettres qui, ainsi lues, sont effectivement incompatibles avec les autres chiffres. Mais la pierre, marquée d’un éclat à cet endroit, ne présente pas de trace de rasura comme c’est le cas lors d’erreurs de gravure de chiffres. En réalité, on distingue sur la pierre non pas deux Χ mais les restes d’un π précédant le signe 𐅆. Logiquement, il faudrait donc lire la somme 𐅇̣𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂, soit 55 978 dr. ou 9,3 talents d’argent. ἄλλον, ἐν ὧι ἐνεῖσαν 𐅇̣𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂, ἀπὸ τῆς Φίλωνος [— — — — — — δημό?]σιον [ἄν]δρες ο[ἱ] αἱρεθέντες ἐπὶ τὴν κοπὴν τοῦ νομίσματος·
Ab, l. 55 : il conviendrait de restituer plutôt perion que loipon car les usages de ces deux termes sont toujours cohérents dans le vocabulaire des hiéropes. Compte Solde du compte courant (Ab, l. 55 : τὸ δὲ λοιπὸν ἔθεμεν] ε[ἰ]ς τὸ ἱερὸν) Balance du compte de la caisse sacrée (Ab, l. 56 : [κεφαλὴ πάσης εἰσόδου — — — —] Δ𐅂𐅂𐅂𐅀// καὶ ἀλεξανδρείου ΜΜΧ̣ Χ̣ Η𐅄ΔΔ [𐅂𐅂𐅂 —· παρελάβομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — — ΔΔ ]𐅂. [κεφαλὴ πάσης ἐξόδου — — — —]Δ𐅂𐅂𐅂𐅀[//] καὶ ἀλεξανδρείου [Μ]ΜΧΧΗ𐅄ΔΔ 𐅂𐅂𐅂 —· παρέδομεν δὲ καὶ χαλκοῦ — — —]ΔΔ 𐅂.)
5 376 dr. 3 ob. ¼ ob. dont en étalon d’Alexandre : 22 178 dr. +
Fig. 21 — ID 461, Aa, ligne 75 et suivantes (cl. EFA 47586 = Chankowski 2008a, pl. V).
ANNEXE 1 : LA COMPTABILITÉ DES HIÉROPES
381
COMPTE DE L’ANNÉE 168 ID 465 Musée de Délos, Γ461-465, 467 Compte Balance du compte (c [Γ463], l. 21-22 : [κεφαλὴ πάσης] ε[ἰσ]ό[δ]ου μυριάδες ΔΔΔ𐅃 [δ] ραχμα[ί] [κεφαλὴ πάσης ἐξ]ό[δου] μυριάδες ΔΔΔ𐅃 [δ]ρα[χμαί] -)
350 000 dr. +
ANNEXE 2
COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE D’APRÈS LES INVENTAIRES DE JARRES
Le tableau ci-dessous enregistre toutes les entrées de jarres signalées par les hiéropes dans leurs inventaires à partir de 192, en indiquant leur évolution lorsque cela est possible. Lorsqu’une jarre est mentionnée dans plusieurs inventaires successifs, elle apparaît avec l’année de sa première mention. Les mentions suivantes figurent dans la colonne des références épigraphiques. Les numéros des jarres ne figurent pas dans les comptes des hiéropes. J’ai attribué à chaque jarre un numéro en suivant l’ordre de l’énumération des hiéropes. Je ne tiens compte ici que des jarres dont l’intitulé est suffisamment complet pour permettre une identification.
Intitulé du fonds
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
1
2
3
4
5
6
CAISSE SACRÉE
No de jarre
Banque intermédiaire
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Date de dépôt dans la caisse
6 000
6 000
6 000
6 000
6 000
6 000
Montant
Thésaurisation
Thésaurisation
Thésaurisation
Thésaurisation
Thésaurisation
Thésaurisation
Utilisation
442 A, 5 = 453 A 6 = 455 Aa 4 = 461 Aa 5
442 A, 5 = 453 A 5 = 455 Aa 4 = 461 Aa 5
442 A, 5 = 453 A 5 = 455 Aa 4 = 461 Aa 5
442 A, 4 = 453 A 5 = 455 Aa 3 = 461 Aa 4
442 A, 4 = 453 A 4 = 455 Aa 3 = 461 Aa 4
442 A, 4 = 453 A 4 = 455 Aa 3 = 461 Aa 4
Référence épigraphique
384 PARASITES DU DIEU
Séparation du chorégikon
Dépôt du fonds chorégikon
Fonds non affectés
11
12
13
Minoè + Tènos + Pachès et autres convoyeurs
9
ἐξ στάμνων δέκα
τὸ ἐν τῇ Μινόῃ φανὲν
8
10
τὸ ἀπελθὸν ἐκ Τήνου
Intitulé du fonds
7
No de jarre
Timôn
Banque intermédiaire
En Posidéon 193 par les trésoriers
?
? un des répartiteurs est connu vers 200 ?
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Début de l’Indépendance
Date de dépôt dans la caisse
…89 dr. 1 ob. 1 ch.
162 dr. 1 ob. ¼ 2 ch.
Loipon 5 dr. 3 ob/ ¼
2 375 dr. 5 ob. ½ ¼
272 + 330 + 230 dr 4 ob. + 56 + 135 dr. 3 ob. ½ + 2 =1 026 dr. 1 ob. ½
6 000 loipon 3 402 dr. 3 ob. ½ ¼ 1 ch.
5 805 dr. 5 ob. ½ ¼
Montant Thésaurisation
Utilisation
399 A 10-11
442 A, 10 = 453 A 10-11 = 455 Aa 8 = 461 Aa 9
442 A, 9 = 453 A 10 = 461 Aa 9
442 A, 8 = 453 A 9 = 455 Aa 7 = 461 Aa 8
442 A, 7 = 453 A 8-9 = 455 Aa 6 = 461 Aa 7
442 A, 6 = 453 A 7 = 455 Aa 5 = 461 Aa 6
442 A, 6 = 453 A 6 = 455 Aa 5 = 461 Aa 6
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 385
Remboursement des prêts consentis Timôn par le dieu à la cité
Remboursement des prêts consentis Timôn par le dieu à la cité
Perion de la stèle de 194
20
21
22
Sur les fonds non affectés
Horôn ?
24
25
?
Remboursement des prêts consentis Hellen & Mantineus par le dieu à la cité
19
23
Remboursement du prêt pour les couronnes à Eumène et au peuple de ?
18
Hellen & Mantineus
Timôn
Timôn
Hellen & Mantineus
Timôn
7 peaux
17
Timôn
Peaux des boeufs
16
?
Boônia
15
?
Banque intermédiaire
Remboursement de l’avance pour la boônia
Intitulé du fonds
14
No de jarre
En Posidéon 192 par les trésoriers Hors de la caisse
En Posidéon 192 par les trésoriers Hors de la caisse
En 192 Hors de la caisse
En 192 par les hiéropes
En Posidéon 192 par les trésoriers
En 192 par les trésoriers
En 192 par les trésoriers
En Panèmos 192 par les trésoriers
En 192 par les boônai
En 192
En 195 par les trésoriers
En Arèsion 193 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
40
2 892 dr. 2 ob. ½ ¼
306 dr. 4 ob. ½ 1 ch.
726 dr. 1 ob.
12 000
8 000
5 000
3 975
201
6 298 dr. 1 ob. ½ (ou 5 298 dr. 1 ob. ½)
2 818 dr. 3 ob.
5 660 ?
Montant
Utilisation
399 A 33-34
399 A 32-33
399 A 30
399 A 28-29
399 A 26-28
399 A 25-26
399 A 23-24
399 A 20-22
399 A 18-19
399 A 17
399 A 14
399 A 11-13
Référence épigraphique
386 PARASITES DU DIEU
Dépôt pour remboursement des couronnes
Somme reçue des trésoriers de 182, reliquat des technites
Prêts aux agriculteurs
Horôn
Dépôt des trésoriers de 184 : reliquat (περιγενόμενον) des fonds affectés aux xenia des technites
Dépôt des hiéropes de 182
Remboursement de prêts et intérêts versés
27
28
29
30
31
32
Intitulé du fonds
26
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
En Posidéon 181 par les hiéropes
En Posidéon 182 par les hiéropes
En Posidéon 183 par les trésoriers
En Posidéon 184 par les trésoriers
En Posidéon 185 par les hiéropes
En Posidéon 181 par les trésoriers
En Posidéon 184 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
2 083 dr. 2 ob. (4 prêts de 500 dr. + intérêts)
Loipon 114 dr. 5 ob. ¼ 2 ch.
27
40
Loipon 69 dr. 3 ob. ½ ¼ 1 ch.
24 dr. 4 ob.
Loipon 100
Montant
Somme utilisée entièrement en Hiéros 179 pour les travaux
Avant 169
Toujours en caisse en 169
Toujours en caisse en 169
Avant 169
Avant 169
Utilisation
442 A, 19 + 56-59
442 A, 18-19 = 453 A 16 = 455 Aa 13
442 A, 17-18 = 453 A 15 = 455 Aa 12 = 461 Aa 36-37
442 A, 16 =453 A 13 (kotulè = petit vase) = 455 Aa 11 = 461 Aa 42
442 A, 15 = 453 A 13 = 455 Aa 10
442 A, 13 = 453 A 12 = 455 Aa 9
442 A, 12 = 453 A 11 = 461Aa 24
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 387
Reliquat (περιγενόμενον) des technites
Horôn
Sommes non empruntées par les personnes propriétaires à Rhénée
Remboursement par la cité du prêt pour les couronnes de Philippe, Eumène et Rhodes
Remboursement des prêts à la cité, en remplacement des remboursements votés précédemment
Produit des banques de la stoa
Horôn
Prêt réglé par Aristophanès (accordé par les hiéropes de 181)
34
35
36
37
38
39
40
Intitulé du fonds
33
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Hellen & Mantineus
Philôn & Silènos
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Montant
En Posidéon 180 par les hiéropes
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 185 par les hiéropes
En Posidéon 181 par les trésoriers
Loipon 252 dr. 3 ob. ½ 2 ch.
40
200
1 000
1 300
Loipon 26 dr. 3 ob.
40
En Lènaion 180 9 dr. 4 ob. par les trésoriers de 181
Date de dépôt dans la caisse
Avant 169
Avant 169
Avant 169
En Bouphonion 179 pour les travaux
Avant 169
Utilisation
442 A, 30-31
442 A, 29 461Aa 71
442 A, 28
442 A, 26-27
442 A, 25+64-65
442 A, 23-24 = 453 A 20 = 461 Aa 52
442 A, 22 = 453 A 19 = 455 Aa 15 = 461 Aa 50 (41 dr.)
442 A, 21 = 453 A 17 (8 dr. 4 ob.) = 461Aa 40
Référence épigraphique
388 PARASITES DU DIEU
Perion du compte de 181
Chorégikon
Dépôt des hiéropes de 182
Loipon du perion de la stèle de 182
Perion de la stèle de 182
708 dr. 1 ob. ½ 1 ch.
42
43
44
45
46
Intitulé du fonds
41
No de jarre
Non indiqué
Nymphodôros & Héracleidès
Philôn & Silènos
Hellen & Mantineus
Philôn & Silènos
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Non indiqué
En Arèsion 180 par les hiéropes de 182
En Arèsion 180 par les hiéropes de 182
En Arèsion 180 par les hiéropes de 182
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Apatourion 180 par les hiéropes de 181
Date de dépôt dans la caisse
708 dr. 1 ob. ½ 1 ch.
4 349 dr. 2 ob. 1 ch.
763 dr. 4 ob.
449 dr. 1 ch.
486 dr. 4 ob.
70 dr. 1 ob. ½ 2 ch.
Montant
Avant 169
- En Bouphonion 179 pour les travaux, retrait du reliquat
- En Thargèlion 179 pour les travaux retrait 2 000 dr. ; loipon 999 dr. 2 ob.
- En Galaxion 179 retrait de 1 350 dr. pour la couronne au roi Philippe ; loipon 2 999 dr. 2 ob.
Avant 169
Avant 169
Avant 169
Avant 169
Utilisation
442 A, 37 = 453 A 11 (706 dr. 1 ch.)
442 A, 36-37+5963
442 A, 35
442 A, 34
442 A, 33 (voir aussi 461Aa 69)
442 A, 31-32 = 453 A 18 = 455 Aa 14
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 389
Remboursement de prêts par la cité, Hellen & Mantineus selon la diataxis et remboursement de prêts antérieurs pour les couronnes
De l’agora
Horôn
Chorégikon
Trapezôn
49
50
51
52
53
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Perion du compte de 180 (mais voir suite : 461 Aa 18)
48
Philôn & Silènos
Banque intermédiaire
Prêt remboursé par Hermôn fils de Solôn et intérêts qu’il a déclaré devoir
Intitulé du fonds
47
No de jarre
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179
En Apatourion 179 par les hiéropes de 180
En Arèsion 179 par les hiéropes
Date de dépôt dans la caisse
200
486 dr. 4 ob.
40
1 303 dr. 3 ob. ½ 1 ch.
1 000 dr. +1 350
240 dr. 4 ob. ¼
605 dr. 1 ob. ½ + 242 dr. 1 ob.
Montant
Avant 174 reste 1 450
En Posidéon 179 pour la construction du temple d’Artémis 220 ; loipon 150
En Posidéon 179 retrait 500 dr. pour prêt à Euboeus ; loipon 347 dr. 2 ob. ½
Utilisation
442 A, 47
442 A, 46 = 453 A 24 = 461Aa 70
442 A, 45 = 453 A 27
442 A, 44
= 453 A 21 = 461 Aa 51
442 A, 42-44+6568
442 A, 41 = 453 A 25
442 A, 39-40 + 71-72 + 213-214 ?
Référence épigraphique
390 PARASITES DU DIEU
1.
Fermages, loyers, taxes, intérêts
Remboursement de prêt par la cité
Perion de 179 sur intérêts, fermages, Nymphodôros & loyers et taxes Héracleidès
58
59
60
Erreur de lecture ou de gravure.
?
Perion des technites
57
61
Prêt remboursé par Pachès au nom de son père Diogénès, obtenu des hiéropes de 181 + intérêt d’un an et 2 mois
56
Nymphodôros & Héracleidès
Philophôn et Paktyas
Pas de passage par une banque
Nymphodôros & Héracleidès
Loipon inscrit sur la stèle au titre des Philôn & Silènos fermages, loyers, taxes et intérêts de 181
55
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Fermages, loyers, taxes, intérêts de 181
Intitulé du fonds
54
No de jarre
571 dr 5 ob. ½ 2 ch.
1 000
1 800 +
15 dr. 1 ob.
500 + 60
1 600
6 998 dr. 4 ob. ½ ¼ 2 ch.
Montant
Avant 169 3 052 dr. 3 ob. 2 ch. Déposé par les hiéropes de 174
Avant 169 par les hiéropes de 179
En Posidéon 173 par les trésoriers
En Posidéon 174 par les hiéropes
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les hiéropes
En Posidéon 179 par les hiéropes de 181
En Posidéon 179 par les hiéropes de 181
Date de dépôt dans la caisse
Utilisation d’une partie entre 179 et 169
En Posideon 179 pour les travaux 1 120 dr. (4 ob.) ; loipon 5 878 dr. ½ ¼ 2 ch. ?1
Utilisation
461 Aa 11-12
461 Aa 10-11
455 Ab 39
455 Ab 15
442 A, 52-53 = 461 Aa 72 (16 dr. ou erreur de lecture ou de gravure ?)
442 A, 51
442 A, 49-50
442 A, 48
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 391
Remboursement au dieu sur les loyers des bâtiments de l’agora
Perion de 174 (intérêts, fermages, loyers, taxes)
Perion de la stèle de 177
Perion de 180 (taxes, fermages, loyers, intérêts)
Perion de 175 ?
Remboursement des couronnes dues
Perion (taxes, fermages, loyers, intérêts)
Remboursement de prêt par Philoklès fils de Philoklès
Remboursement au dieu
63
64
65
66
67
68
69
70
Intitulé du fonds
62
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire 3 545
?
Montant
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 182
?
Avant 169 En Posidéon 172 par les trésoriers
Avant 169 Déposé par les hiéropes de175
217 dr.
47 dr. 2 ob. ½ ¼
158 dr 2 ch.
1 000
?
Avant 169 1 567 dr. 4 ob. Déposé par les hiéropes de 180
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 177
Avant 169 3 050 Déposé par les hiéropes de 174
En Posidéon 171 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
Utilisation
461 Aa 26-27
461 Aa 23
461 Aa 21
461 Aa 21
461 Aa 19
461 Aa 18
461 Aa 16-17
461 Aa 14-15
461 Aa 12-13
Référence épigraphique
392 PARASITES DU DIEU
Horôn
Perion des technites et chorégikon
Remboursement de prêt par Karystios et Nikomachos au nom d’Euthytimè + intérêts
Remboursement de prêt par Aristodèmos et Ménékratès + intérêts
73
74
75
76
Horôn
τοῦ πεσόντος ἀργυρίου
78
79
?
Perion des fonds affectés aux technites
72
77
Trapezôn
Intitulé du fonds
71
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 176
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 177
? ¼ 2 ch.
40
?
434 dr. 1 ob. ¼
394 dr. 4 ob. ½ 2 ch.
40
635
Montant
Avant 169 503 dr. 4 ob. Déposé par les trésoriers de 181
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 185
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 173
Avant 169 Déposé par les trésoriers de ?
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 176
Avant 169 Déposé par les trésoriers de ?
Avant 169 110 dr. Déposé par les trésoriers de 177
Date de dépôt dans la caisse
Utilisation
461 Aa 38
461 Aa 36
461 Aa 35
461 Aa 34-35
461 Aa 31-33
461 Aa 30-31
461 Aa 29-30
461 Aa 28
461 Aa 27-28
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 393
2.
Remboursement de prêt et intérêt par Timoklès
Horôn
Chorégikon
Chorégikon
[Trapezôn]2?
Loipon du compte de 173 ( ?)
Chorégikon
Perion de la stèle de 172
81
82
83
84
85
86
87
88
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
-
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 172
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 171
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 173
Avant 169 Kotulè déposée par les trésoriers de 175
Avant 169 Kotulè déposée par les trésoriers de 175
Avant 169 Kotulè déposée par les trésoriers de 172
Avant 169 Kotulè déposée par les trésoriers de 175
Avant 169 Kotulè déposée par les hiéropes de 173
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 181
Date de dépôt dans la caisse
La somme de 200 dr. versée par les trésoriers correspond généralement au dépôt intitulé trapezôn.
Perion du compte de 181
Intitulé du fonds
80
No de jarre
… 300
81 dr. ½ ob. 2 ch.
2 168 dr. 1 ob.
200
81 dr. 2 ob. ½ 2 ch.
162 dr. 1 ob. ¼ 1 ch.
40
30 dr. 4 ob. ½ ¼ 2 ch.
71 dr. ½ 2 ch.
Montant
Utilisation
461 Aa 47
461 Aa 46
461 Aa 45-46
461 Aa 44
461 Aa 44
461 Aa 43
461 Aa 42
461 Aa 41
461 Aa 39
Référence épigraphique
394 PARASITES DU DIEU
Remboursement de prêts
Horôn
Reliquat (περιγενόμενον) d’un fonds
Loipon de la stèle ?
91
92
93
94
95
96
97
Reliquat d’un fonds
Loyers de l’agora
Reliquat (περιγενόμενον) des technites
?
Du prytaneion
90
98
Du fonds pour le théâtre
Intitulé du fonds
89
No de jarre
Avant 169 Déposé par les hiéropes de 172
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 170
-
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 170
Avant 169 Déposé par les trésoriers de 178
Trésoriers ?
-
Avant 169 Kotulè déposée par les trésoriers de 170
Date de dépôt dans la caisse
Philophôn & Paktyas Déposé par le Conseil et les trésoriers de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Hellen
Hellen
Hellen
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
?
?
537 dr. 1 ob. ¼ 1 ch.
582 dr. 5 ob.
200
40
200…
3 018
1 000 … ¼ en argent d’étalon d’Alexandre
?
Montant
Utilisation
461 Aa 58
461 Aa 57
461 Aa 56
461 Aa 55
461 Aa 54
461 Aa 54
461 Aa 53
461 Aa 49
461 Aa 48-49
461 Aa 48
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 395
Remboursement au dieu
101
Perion de l’argent touché (τοῦ
Loyers de l’agora
Somme mentionnée dans la stèle
Perion des technites pour le théâtre
104
105
106
107
πεσόντος ἀργυρίου)
Horôn
103
?
Trapezôn
100
102
Remboursement des couronnes
Intitulé du fonds
99
No de jarre
Date de dépôt dans la caisse
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les hiéropes de 177
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les hiéropes de 176
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 172
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 172
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les trésoriers de 174
Banque intermédiaire
?
?
307 dr. ½ ¼
159 dr. ¼ ob.
500
40
2 350
1 000
40
Montant
Utilisation
461 Aa 65-66
461 Aa 65
461 Aa 64
461 Aa 63
461 Aa 62
461 Aa 61
461 Aa 60-61
461 Aa 60
461 Aa 59
Référence épigraphique
396 PARASITES DU DIEU
Chorégikon
Intérêts versés par Phanos
Remboursement d’intérêts
Reliquat de la stèle de 172
Commission chargée de la frappe monétaire
Du prytaneion en remboursement des couronnes
Remboursement de la couronne à Lucius Ortèsius
Loyers de l’agora
111
112
113
114
115
116
117
118
?
Perion de la stèle de 173 loyers, fermages, taxes
Horôn
Intitulé du fonds
110
109
108
No de jarre ?
Date de dépôt dans la caisse
Hellen
Philôn
Philôn
Philôn
?
-
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
168 ?
En Posidéon 169 Déposé par les trésoriers
argent en étalon d’Alexandre
Avant 169
Déposé par les hiéropes de 172
Déposé par les hiéropes de 173
Déposé par les hiéropes de 180
Déposé par les trésoriers de 180
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les hiéropes de 173
Philophôn & Paktyas Avant 169 Déposé par les hiéropes de 174
Philophôn & Paktyas
Banque intermédiaire
?
2 708 dr. 4 ob. ¼ 2 ch.
…70
55 978
3 600
15 dr. 1 ob. ½ 2 ch.
65 dr. 2 ob. ¼
887 dr. 1 ob. ½
720 (+)
900
40
Montant
Utilisation
465 a 29
461 Aa 82-83
461 Aa 77
461 Aa 75-76
461 Aa 75
461 Aa 74
461 Aa 71
461 Aa 69 (mais voir aussi 442 A 33 : 486 dr. 4 ob.)
461 Aa 68
461 Aa 67
461 Aa 67
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 397
Intitulé du fonds
Perigenomenon des sommes affectées Théôn au grammateion
Pour les aulètes
Pour le grammateion
Pour le chôma
Pour les statues d’Attale, Antiochos et Laodice
Salaire des aulètes avec sitèrèsion (indemnités de nourriture) et chorègèma (prix)
Perigenomenon de la sitônia + somme reçue de leurs prédécesseurs
Salaire des aulètes, sitèrèsion et chorègèmata
120
121
122
123
124
125
126
127
-
-
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Timôn
-
Philistidès et Héphaistion
Pour la statue du roi Attale et du médecin Philippe
Banque intermédiaire
119
CAISSE PUBLIQUE
No de jarre
En 192 Posidéon par les trésoriers
En 200 par les hiéropes
En 193 par les trésoriers
En 194 par les trésoriers
En 195 et 194 et 193 par les trésoriers
En 194 par les trésoriers
En 195 et 194 par les trésoriers
En Posidéon 195 par les trésoriers
En Hiéros 195 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
3 470
148 dr. 3 ob.
3 470
4 000
6 206
6 000
4 891 dr. 1 ob. ¼ 1 ch.
4 751 dr. 4 ob. ½ 1 ch.
3 000
Montant
Utilisé en 192, reste 1 790
Jarre utilisée en 192 pour l’argent manquant (τὸ δι[α]φώνησαν ἀργύριον)
Utilisation
399 A 59-60
399 A 50-52
399 A 48-49
399A 44-47
399A 43-44
399 A 41-42
399 A 38-40
399 A 37-38
Référence épigraphique
398 PARASITES DU DIEU
Horôn et trapezôn
Trapezôn de la stoa
133
134
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
-
-
Hellen & Mantineus
Pour la sitônia
132
Somme remise sur un ordre écrit donné par le Conseil à la banque, versée par les garants de Kléopatra à Polyboulos dans son bureau administratif
Trapezôn
131
Hellen & Mantineus
136
Pour le chôma
130
Timôn
Nymphodôros & Héracleidès
Fonds affecté pour les héritiers de Sôsimachos
129
Timôn
Banque intermédiaire
135
Fonds affecté au grammateion
Intitulé du fonds
128
No de jarre
En Posidéon 182 par les trésoriers
En Posidéon 187 par les trésoriers
En Posidéon 181 par les trésoriers
En Posidéon 181 par les trésoriers de 188
En 192 par les trésoriers
En Posidéon 192 par les trésoriers Hors caisse
En Posidéon 192 par les trésoriers Hors caisse
En 192 Posidéon par les trésoriers Hors caisse
En 192 Posidéon par les trésoriers Hors caisse
Date de dépôt dans la caisse
300
500, loipon 40
200
240
+ fonds plus anciens
20 346 dr. 4 ob. ¼
200
2 000
6 000
6 000
Montant
En 192 : 47 000
Utilisation
442 A, 80-81
442 A, 79
442 A, 78 448, A, 23
442 A, 77 448, A, 22
399 A 69-73
399 A 67-68
399 A 66-67
399 A 64-66
399 A 62-64
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 399
Pour le chôma
Ce que le médecin a reçu en moins + loyer
Trapezôn
Salaire des aulètes + indemnité de nourriture + frais de chœur et prix pour le vainqueur
Somme réservée pour les statues, sur la somme que la cité a prévue pour la donation aux Étoliens
Pour la construction du chôma
Pour la réserve du chôma, sur la somme que la cité avait prévue pour la donation faite aux Étoliens
Pour la sitônia
Pour la sitônia conformément à la diataxis
Pour la sitônia
138
139
140
141
142
143
144
145
146
Intitulé du fonds
137
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Banque intermédiaire
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 187 par les trésoriers
En Posidéon184
En Posidéon 181 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
3 060
1 500
10 000
104
500
400
3 000 + 470
200
250 + 25
Loipon 160 dr. 1 ob. ¼ 2 ch.
Montant
442 A, 89-90 443, Ab, 6-7
442 A, 88-89
442 A, 87
442 A, 85-86
442 A, 84-85
442 A, 83
442 A, 82
Référence épigraphique
En Lènaion 179 442 A, 93 + 123 et remis aux sitônai
En Lènaion 179 442 A, 92 + 126 et remis aux sitônai
En Lènaion 179 442 A, 91 + 125 et remis aux sitônai
En Lènaion 179 et remis aux trésoriers
Utilisation
400 PARASITES DU DIEU
Pour la sitônia
Sur les fonds non affectés (ἐκ τῶν ἀδιατάκτων)
Fonds non affectés (ἐκ τῶν ἀκατατάκτων)
Fonds non affectés (ἐκ τῶν ἀκατατάκτων)
Perion des technites
Prix des 1 484 médimnes et 9 hémiectes de blé reçus du roi Massinissa
Sur le prix du blé reçu du roi Massinissa
Sur le prix du blé reçu du roi Massinissa
Loipon du prix du blé reçu du roi Massinissa pour 1 311 médimnes et 9 hémiectes vendus 4 dr. le médimne
Pour la sitônia conformément à la diataxis
148
149
150
151
152
153
154
155
156
Intitulé du fonds
147
No de jarre
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Philôn & Silènos
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Philôn & Silènos
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
En Artémision 179 par les trésoriers
En Artémision 179 par des sitônai ( ?)
En Artémision 179 par des sitônai ( ?)
En Artémision 179 par des sitônai (?)
En Lènaion 179 par des sitônai et l’ambassadeur Rhodon
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
En Posidéon 180 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
6 560
2 560 dr. 3 ob. ½ ¼
375 dr.
2 530 dr.
4 454 dr. 1 ob. ½
36 dr. 4 ob.
83 dr. 2 ob.
3 370 dr. ½ ob.
432 dr. 1 ob. ¼ 1 ch.
4 000
Montant
Référence épigraphique
442 A, 104
442 A, 102-103 443, Ab, 10
442 A, 100-101
442 A, 98
442 A, 97 + 138
442 A, 96 + 136
442 A, 95 + 137
En Thargélion 179 442 A, 107 + 130 et remis aux sitônai
Utilisation en 171 ? 442 A, 105-106 voir aussi 460, k, 7
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
En Lénaion 179 442 A, 94 + 124 et remis aux sitônai
Utilisation
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 401
3.
Pour la sitônia
Pour la sitônia
Pour la sitônia selon la diataxis
Pour la sitônia
Salaire des aulètes
Pour les statues
Pour le chôma
Pour la sitônia
Pour la sitônia
158
159
160
161
162
163
164
165
166
Erreur de lecture ou de gravure sur le chiffre.
Pour la sitônia
Intitulé du fonds
157
No de jarre
Philôn & Silènos
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Philôn & Silènos
Philôn & Silènos
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Métageitnion 179 par les trésoriers
En Métageitnion 179 par les trésoriers
En Métageitnion 179 par les trésoriers
En Artémision 179 par les trésoriers
En Artémision 179 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
7 000
6 060
107 dr. 1 ob. ¼ 1 ch.
400
3 470
3 674 dr. 2 ob. ½ 2 ch.
5 000
5 000
6 000
6 000
Montant
Référence épigraphique
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
En Bouphonion 179 et remis aux sitônai
442 A, 117
442 A, 116
442 A, 115
442 A, 114
442 A, 113
442 A, 112 + 132133
442 A, 111 + 134
442 A, 110 + 135 443, Ab, 11 ? (restitution)
En Thargélion 179 442 A, 109 + 132 et remis aux sitônai
En Thargélion 179 442 A, 108 + 131 et remis aux sitônai 3
Utilisation
402 PARASITES DU DIEU
Pour les statues
Salaire des aulètes, sitérèsion et frais des choeurs
Reliquat de la réserve pour les statues ?
Pour les statues ?
173
174
175
176
?
Produit de la vente du blé
172
179
Perion de la vente du blé
171
?
Sur les fonds non affectés (ἐκ τῶν ἀκατατάκτων)
170
178
Sur les fonds non affectés (ἐκ τῶν ἀκατατάκτων)
169
?
Pour la sitônia selon la diataxis
168
177
Pour le chôma selon la diataxis
Intitulé du fonds
167
No de jarre
Nymphodôros & Héracleidès
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
?
?
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Nymphodôros & Héracleidès
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
Banque intermédiaire
En Posidéon 178 par les trésoriers
En Posidéon 178 par les trésoriers
En 178
En 178 par les trésoriers
En 178
En 178 par les trésoriers
En 178
En 178 (une partie de la somme est reçue d’Antigonos)
En Galaxion 178 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
En Posidéon 179 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
3 470 dr.
2 100 dr.
?
?
?
?
?
3 321 dr. 3 ob. ½ + 3 650 dr.
531 dr. 1 ob. 1/2
1 374 dr. 3 ob. 1 ch.
2 500
6 500
500
Montant
Utilisation
443, Ab, 26-27
443, Ab, 26
443, Ab, 25
443, Ab, 23-24
443, Ab, 22-23
443, Ab, 21-22
443, Ab, 20-21
443, Ab, 16-20
443, Ab, 14-16
442 A, 121
442 A, 120
442 A, 118-119
442 A, 117-118
Référence épigraphique
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA CAISSE SACRÉE ET DE LA CAISSE PUBLIQUE 403
?
184
Pour le chôma
Fonds non affectés (ἐκ τῶν
Chorégikon ?
Salaire des aulètes
[χ]ῶμα καὶ λιμένα̣
189
190
191
192
193
ἀκατατάκτων)
Pour le chôma
?
187
188
?
186
Pour la sitônia
?
183
185
?
Pour la sitônia
181
182
Reliquat de la couronne pour la reine Laodice
Intitulé du fonds
180
No de jarre
Hellen & Mantineus
?
?
Philôn & Silènos
Hellen & Mantineus
Hellen & Mantineus
?
Nymphodôros & Héracleidès
Banque intermédiaire
Avant 171
Avant 171
Avant 171
Avant 171
Avant 171
Avant 171
En 178 par les trésoriers
En 178
En 178 par les trésoriers
En Hékatombaion 178 par les trésoriers
En 178
En 178
En Posidéon 178 par les trésoriers
En Posidéon 178 par les trésoriers
Date de dépôt dans la caisse
?
?
?
?
Loipon 1 500 dr.
Loipon 2 680 dr.
75 dr.
2 546 dr. 2 ob.
530
200
4 060 dr.
6 000 dr.
5 000 dr.
?
Montant Dépense en Galaxion 178
Utilisation
460, t, 19
460, t, 15
460, t, 14
460, t, 14
460, i, 18
460, i, 17
443, Ab, 37
443, Ab, 36-37
443, Ab, 36
443, Ab, 33
443, Ab, 32
443, Ab, 31
443, Ab, 29-30
443, Ab, 28-29 et 44
Référence épigraphique
404 PARASITES DU DIEU
ANNEXE 3
INVENTAIRE DES JARRES PAR LES ADMINISTRATEURS ATHÉNIENS (d’après ID 1432, BB, col. I et Ba, col. II) 1
Numéro de jarre
Contenu
1
Α
phoinikophores
2
Β
3
Texte
Montant
νομίσματος φοινικοφόρου
5 968 dr.
histiaiikon + bronzes déliens
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον ΧΧ𐅅𐅄𐅃Ι̣ΙΙ̣ ̣ - χαλκοῦς δηλίους δέκα
2 555 dr. 3 ob. + 10 bronzes déliens
Γ
histiaiikon + bronzes
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον Χ𐅅ΗΗ𐅄ΔΔΔ𐅂𐅂ΙΙΙ -χαλκοῦς τρεῖς
1 782 dr. 3 ob. + 3 bronzes
4
Δ
histiaiikon + oboles déliennes
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον ΗΗΗ𐅄Δ𐅃 σὺν δηλί[ο]ις δυσὶν ὀβολοῖς
365 dr. avec 2 ob. déliennes
5
Ε
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅄ΔΔ𐅃
6
Ζ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂Ι
4 499 dr. 1 ob.
7
Η
taurophores
τέτραχμα καινὰ τ[α]υροφόρ[α] ΧΧ𐅅[ΗΔΔ𐅃
2 625 dr.
1.
𐅆𐅅ΗΗΗΗ𐅄Δ̣ 𐅃𐅂𐅂𐅂·
75 dr.
Les restitutions sont assurées par d’autres fragments d’inventaires : ID 1409, Aa, col II, l. 110-129 et Bb, col. I, l. 1-6 : début de la liste des jarres (vers 160) ; ID 1421, Aa, col. I : fin de la liste des jarres (vers 156/5) ; ID 1429, B, col. II : début de la liste des jarres (vers 150) ; ID 1430 g et ID 1439, Bbc, col. II : quelques bribes d’une liste de jarres ; ID 1432, Bb, col. I et Ba col. II : liste la plus complète des jarres de A à ZZZZ (année 153/2) ; ID 1443, B, col. I, l. 1-40 : liste fragmentaire de jarres ; ID 1449, Ba, col. I, l. 24-115 : liste de jarres ; ID 1450, B : début d’une liste de jarres (années 140-139).
406
PARASITES DU DIEU
Numéro de jarre
Contenu
Texte
Montant
8
Θ
rhodion + bronze délien et histiaiikon
-ῥόδιον εἰς ἀττικοῦ λόγο[ν] δρα. ΧΧΧ𐅅ΗΗΗΗ𐅄𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙ -[δηλί]ου χαλκοῦ ΙΙΙΙΙ -ἱστιαιικὸν ἕν
3 954 dr. 2 ob. + 5 bronzes déliens + 1 histiaiikon
9
Ι
histiaiikon + monnaies fourrées + oboles et bronzes déliens
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧΗ[ΗΗ𐅃]𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ σὺν καττιτερίνοις τρισὶν καὶ δη[λί]οις δυσίν ὀβολοῖς, χαλκοῖς πέντε2
4 309 dr. 3 ob. avec monnaies fourrées et 2 ob. déliennes + 5 bronzes
10
Κ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧ𐅄·
4 050 dr.
11
Λ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧ𐅅Η𐅂·
4 601 dr.
12
Μ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧΗΗΗΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ·
4 499 dr. 3 ob.
13
Ν
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧ𐅅
4 500 dr.
14
Ξ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧ𐅄𐅂𐅂ΙΙΙ·
4 052 dr. 3 ob.
15
Ο
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον ΧΧ𐅅ΗΔΔ𐅃·
2 625 dr.
16
Π
taurophores + ?
-τέτραχμα καινὰ ταυροφόρα δρα. ΧΧΧΧΗΗΗ𐅃ΙΙ -ἐνῆσα[ν ․․․․] τρεῖς
4 305 dr. 2 ob. + 3 ?
17
Ρ
rhodion + bronzes déliens ?
-ῥόδιον εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΗΗΗΔΔΔ𐅂𐅂ΙΙΙΙ -καὶ δ — — πέντε
2 332 dr. 4 ob. + 5 bronzes déliens ?
18
Σ
taurophores + petite monnaie
-τέτραχμα καινὰ ταυροφόρα δρα. Χ𐅅𐅄Δ𐅃𐅂· -καὶ ἀσήμου χύμα μεῖζον, ὧι ἡ ἐπιγραφὴ Δ̣ Δ̣․․․ καὶ ἄλλο [ἔλατ]τον, οὗ [ὁλ]κή, ὡς ἡ ἐπιγραφή, 𐅃ΙΙΙΙ, ἄστατα
1 566 dr. + 8 ob. de petite monnaie (poids inscrit)
19
Τ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Χ𐅄·
1 050 dr.
20
Υ
taurophores ?
τέτραχμα [εἰς] ἀττικοῦ λόγον ΧΧ𐅅ΙΙΙΙ·
2 500 dr. 4 ob.
21
Φ
taurophores
τέτ[ρ]αχμα Μ․Ε․․․․․ ταυ̣φόρα δρα. Χ·
1 000 dr.
22
Χ
phoinikophores + ?
-φ̣ο̣ι̣ν̣ι̣[κοφό]ρου[ς] δραχμὰς 1 388 + dr. ΧΗΗΗ𐅄ΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂 — + 383 dr. -δίδραχμον . . δραχμὰς [ΗΗ]Η̣ 𐅄ΔΔΔ𐅂𐅂𐅂·
23
Ψ
phoinikophores + taurophores ?
-δραχμὰς φοινικοφ[όρ]ους Χ𐅅ΗΗ𐅄 -τέτραχμα ․․·
1 750 dr. + ?
24
Ω
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Χ𐅅̣·
1 500 dr.
2.
Le texte est édité comme suit dans le corpus : ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΧΧΧΧΗ[ΗΗ𐅃]𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ σὺ[ν] καττιτερίνοις τρισὶν καὶ δη[λί]οις δυσίν, ὀβολοῖς χαλκοῖς πέντε. Mais il faut ponctuer autrement la fin et comprendre (comme plus haut, l. 5-6 jarre Δ) : καὶ δη[λί]οις δυσίν ὀβολοῖς, χαλκοῖς πέντε.
ANNEXE 3 : INVENTAIRE DES JARRES PAR LES ADMINISTRATEURS ATHÉNIENS
Numéro de jarre
Contenu
Texte
407
Montant
25
ΑΑ
phoinikophores + petite monnaie
-δραχμὰς φοινικοφ[όρ]ους Χ𐅅ΗΗ․․․․𐅂 -χύ[μα]τα - καὶ [— —
26
ΒΒ
euboïkon + bronzes
-εὐ[βο]ιϊκὸν εἰς ἀττικοῦ λό[γο]ν δρα. Η̣ ΗΗΗ𐅂𐅂ΙΙΙ -χαλκ[οῦς τέτ]ταρας
402 dr. 3 ob. + 4 bronzes
27
ΓΓ
histiaiikon + bronzes déliens
-ἱστιαιϊκὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔΔ𐅃ΙΙ -χαλκοῦς δηλίους ἐννέ[α·
45 dr. 2 ob. + 9 bronzes déliens
28
ΔΔ
histiaiikon + oboles et bronzes déliens
-ἱστιαιϊκὸν εἰς [ἀττικοῦ] λόγον δρα. 𐅅ΗΔΔΔ𐅃𐅂 -ὀβολοὺ[ς ․․ δη]λίους χαλκοῦς — — — —·
636 dr. + oboles et bronzes déliens
29
ΕΕ
histiaiikon + bronze délien
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀτ[τικοῦ λόγον δρα. ΗΗ] ΗΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂 -[καὶ δηλίους? ὀ]κτώ·
328 dr. + 8 bronzes déliens
30
ΖΖ
histiaiikon + bronzes déliens
-ἱ[στιαιικὸν εἰ]ς ἀττικοῦ [λόγον δρα. ΗΔ𐅃𐅂𐅂Ι] -χαλκοῖ δήλιοι δύο·
117 dr. 1 ob. + 2 bronzes déliens
31
ΗΗ
? + bronzes déliens
-δρα. 𐅅Η𐅄𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂Ι· -χαλκοῦς δηλίου[ς — — —·
659 dr. 1 ob. + bronzes déliens
32
ΘΘ
histiaiikon + ?
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ [λόγον δρα. Χ̣ 𐅄Δ𐅃 — — — — -ΗΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂·
33
ΙΙ
histiaiikon
34
ΚΚ
35
1 701 + dr. + ?
1 065 + dr. + 129 dr.
ἱστιαιικ[ὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —
?
phoinikophores
δραχμὰς φοινικοφόρου[ς — —
?
ΛΛ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η𐅃̣·
105 dr.
36
ΜΜ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η[—
100 + dr.
37
ΝΝ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δ̣ρ̣α̣. Η̣ Η̣ 𐅄[—
250 + dr.
38
ΞΞ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα.
71 + dr.
39
ΟΟ
rhodion + bronzes
-ῥόδιον εἰς ἀττικοῦ λόγον δ̣ρ̣α. 𐅅ΗΗ𐅂𐅂𐅂𐅂 -χαλκοῦς — — — — — — — τρεῖς·
704 dr. + 3 bronzes
40
ΠΠ
deniers romains
τετ[ρά]ν[ομα — — —·
41
ΡΡ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Δ̣ 𐅃𐅂
16 + dr.
42
ΣΣ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα.
79 dr. 3 ob.
— —]
——
𐅄ΔΔ𐅂[— —
—
𐅄ΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ —
?
408
PARASITES DU DIEU
Numéro de jarre
Contenu
Texte
Montant
43
ΤΤ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η̣ ΗΗ𐅄ΔΔ𐅃·
375 dr.
44
ΥΥ
histiaiikon + kratèrophores
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικ[οῦ λόγον δρα. ΗΗΗΗ𐅄ΔΔ𐅃𐅂ΙΙΙ]· σὺν κρατη[ρο]φόροις τέτταρσιν·3
476 dr. 3 ob. avec 4 cratèrophores
45
ΦΦ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΗΗ𐅄ΔΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂Ι·
46
ΧΧ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅂𐅂𐅂𐅂Ι·
47
ΨΨ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η𐅄·
48
ΩΩ
histiaiikon + bronze
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅄ΔΔΔΔ𐅂𐅂ΙΙΙ -χαλκοῦν·
49
ΑΑΑ
histiaiikon + bronzes déliens
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δραχμαὶ ΗΔ𐅃𐅂𐅂𐅂𐅂Ι -χαλκοῦς δηλίο̣υς ἐννέα·
50
ΒΒΒ
histiaiikon + bronzes déliens
-ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα— — — — 𐅂𐅂𐅂𐅂 - δηλίους χαλκοῦς τρεῖς·
4 + dr. + 3 bronzes déliens
51
ΓΓΓ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔ𐅂𐅁·
21 dr. ½ ob.
52
ΔΔΔ
histiaiikon
53
ΕΕΕ
histiaiikon
54
ΖΖΖ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΗΔ𐅃𐅂 ̣ 𐅂𐅂𐅂 —
119 dr.
55
ΗΗΗ
espèces diverses
παντοδαποῦ δραχμὰς εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα.]ΗΗΗ𐅄𐅂·
351 dr.
56
ΘΘΘ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η𐅄𐅂𐅂ΙΙΙ·
152 dr. 3 ob.
57
ΙΙΙ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔ·
58
ΚΚΚ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΗΗΗΔΔΔ̣ Δ̣ΙΙΙ—
59
ΛΛΛ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα.𐅄ΔΔΔ𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ·
60
ΜΜΜ histiaiikon
61
ΝΝΝ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅄𐅂𐅂Ι·
62
ΞΞΞ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η𐅄
63
ΟΟΟ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —·
64
ΠΠΠ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔΔ·
3.
298 dr. 1 ob. 4 dr. 1 ob. 150 dr. 92 dr. 3 ob. + 1 bronze 119 dr. 1 ob. + 9 bronzes déliens
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —
?
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —
?
— — —· ——
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. —
—𐅃𐅂ΙΙΙ·
30 dr. 340 dr. 3 ob. 83 dr. 3 ob. 6 + dr. 3 ob. 52 dr. 1 ob. 150 dr. ? 40 dr.
Dans un autre fragment d’inventaire, on trouve σὺν κρατηροφόροις [ΗΗΗ]Η𐅄ΔΔ𐅃𐅂𐅂· (ID 1449, Ba, col. I, l. 57-58), ce qui prouve que les administrateurs ont additionné l’histiaiikon et les cratèrophores pour obtenir un total de 477 dr.
ANNEXE 3 : INVENTAIRE DES JARRES PAR LES ADMINISTRATEURS ATHÉNIENS
Numéro de jarre
Contenu
409
Texte
Montant ?
65
ΡΡΡ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —·
66
ΣΣΣ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔ·
30 dr.
67
ΤΤΤ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Δ̣ ΔΔ·
30 dr.
68
ΥΥΥ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. — —·
69
ΦΦΦ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Δ𐅂𐅂𐅂·
13 dr.
70
ΧΧΧ
rhodion
ῥόδιον εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅄ΔΔ𐅂𐅂𐅂ΙΙ·
73 dr. 2 ob.
71
ΨΨΨ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔ·
30 dr.
72
ΩΩΩ
histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρ[α. Η̣ Η
200 + dr.
73
ΑΑΑΑ histiaiikon
ἱστιαιικὸν εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΗΔΔ𐅃ΙΙΙ·
125 dr. 3 ob.
74
ΒΒΒΒ
?
— εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΗΔ[ΔΔΔ𐅃ΙΙ𐅁·
145 dr. 2 ob. ½ ob.
75
ΓΓΓΓ
?
— εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. 𐅄Δ[— —·
60 + dr.
76
ΔΔΔΔ
rhodion
ῥόδιον εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. Η𐅄ΔΔΔ𐅃𐅂𐅂𐅂ΙΙΙ·
188 dr. 3 ob.
77
ΕΕΕΕ
?
— εἰς ἀττικοῦ λόγον δρα. ΔΔΔ·
78
ΖΖΖΖ ?
+ bronzes
——
?
κοῦ χαλκοῦς —
?
30 dr. ?
ANNEXE 4
LOI DÉLIENNE SUR LA VENTE DU BOIS ET DU CHARBON
V. Chankowski, « Délos et les matériaux stratégiques. Une nouvelle lecture de la loi délienne sur la vente du bois et du charbon (ID 509) », in Korai Konuk (éd.), Stéphanèphoros. De l’économie antique à l’Asie mineure. Hommages à Raymond Descat, Bordeaux, Ausonius, 2012, p. 31-52. ῎Ανθρακας μηδὲ ῥυμοὺς μηδ[ὲ ξύλα, ὅσα πωλεῖ]ται τοῖς σταθμοῖς τοῖς ξυληροῖς, [μὴ ἐξέστω] πριάμενον ἐν Δήλωι πωλεῖν, μηδὲ ὄν[των ἐμ] 4
πλοίωι τούτ[ω]ν μηθὲν πριάμενον εἰς αὑτὸν τὴν ἀπογραφὴν ποιησάμενον πωλεῖν, μηδὲ ἐπικηρυσσόμενα καθισάμενον πωλεῖν, μηδὲ τὰ ἀλλότρια ξύλα μηδὲ ῥυμοὺς μηδὲ ἄν-
8
θρακας· μηδὲ ἐξέστω πωλεῖν ἀλλ᾿ αὐτοῖς τοῖς εἰσάγουσιν, μηδὲ πλείονος πωλεῖν ἢ ὅσου ἂν ἀπογράψωνται πρὸς τοὺς πεντηκοστολόγοὺς μηδὲ ἐλάσονος· ἀπογραφέσθωσαν
12
δὲ καὶ πρὸς τοὺς ἀγορανόμους οἱ εἰσαγαγόντες πρὸ τοῦ πωλεῖν ὅσου ἂν ἀπογράψωνται πρὸς τοὺς πεντηκοστ[ο]λόγους· ᾿Εὰν δέ τι παρὰ τὰ γεγραμμένα πωλεῖ, πεντήκοντα
16
δραχμὰς ὀφειλέτω, καὶ ἐξέστω εἰσαγγέλλειν τῶι βουλομένωι τῶμ πολιτῶν πρὸς τοὺς ἀγορανόμους· οἱ δὲ ἀγορανόμοι εἰσαγόντων τὰς εἰσαγγελίας ταύτας εἰς τοὺς
412
20
PARASITES DU DIEU
τριάκοντα καὶ ἕνα ἐν τῶι μηνὶ ἐν ὧι ἂν εἰσαγγελθεῖ· τὸν δὲ μισθὸν τῶι δικαστηρίωι παραβαλλέσθω ὁ εἰσαγγείλας· ἐὰν δὲ ὄφλει, τὸν τε μισθὸν ἀποτεισάτω τῶι παραβαλομέ-
24
νωι καὶ τοῦ γεγραμμένου ἐπιτιμίου τὰ δύο μέρη, τὸ δὲ τρίτον μέρος τῶι δημοσίωι, καὶ οἰ ἀγ[ο]ρανόμοι πραξάτωσαν αὐτὸν δέκα ἡμερῶν ἀφ᾿ ἧ[ς] ἂν ὄφλει ἀνεύθυνοι ὄντες· ἐ[ὰ]ν δὲ μὴ δύνωνται,
28
ἐξομόσαντες προσθέντων αὐτὸν καὶ τὰ αὐτοῦ τῶι εἰσαγγείλαντι, καὶ ἀναγράψαντες εἰς τὴν σανίδα οὗ καὶ τὰ λοιπὰ γράμματα παραδό[τ]ωσαν εἰς τὸ δημόσιον τῆι βουλῆι.
32
Οἵ δὲ ἀτελεῖς ὄντες εἰσάγουσιν ξύλα ἢ ῥυμοὺ[ς] ἢ ἄνθρακας τὰ πωλούμενα τῶι ξυληρῶι σταθμῶι ἀπογραφέσθωσαν πρὸς τοὺς ἀγορανόμους πρὸ τοῦ πωλεῖν ὅσου ἂν μέλλωσι πωλεῖν,
36
καὶ μὴ ἐξέστω αὐτοῖς μήτε πλείονος μήτε ἐλάσονος πωλεῖν ἢ ὅσου ἀπεγράψαντο· ἐὰν δὲ τινες μὴ πειθαρχῶσιν τοῖς γεγραμμένοις, οἰ ἀγορανόμοι αὐτοῖς μὴ διδότωσαν μήτε τὰ ζυγὰ μήτε
40
τὰ μέτρα τὰ ἀνθρακηρά, καὶ τοῦ τόπου, οὗ ἂν αὐτοῖς κείμενα ἧι τὰ ξύλα ἢ οἱ ἄνθρακες ἢ οἱ ῥυμοί, φερέτωσαν τῆι πόλει μισθὸν τῆς ἡμέρας δραχμήν, ἕως ἂν ἄρωσιν, καὶ οἱ ἀγορανόμοι πραξάτω-
44
σαν αὐτοὺς, ἀνεύθυνοι ὄντες.
« Les charbons, les rondins, le bois de construction qui sont vendus en utilisant les emplacements destinés au bois, qu’il ne soit pas permis de les revendre à Délos alors qu’on les y a achetés, et que l’on ne vende non plus aucune de ces marchandises rembarquées (litt. : quand elles se trouvent sur le bateau) alors qu’on les a achetées en les ayant déclarées comme un achat pour usage personnel, ni non plus après avoir acquis sans les enlever des marchandises achetées aux enchères, et que l’on ne vende pas non plus des charbons, des rondins et du bois de construction pour le compte d’un tiers. Qu’il ne soit permis qu’aux importateurs en personne de procéder à la vente et qu’ils ne vendent pas pour plus cher que ce qu’ils ont déclaré aux percepteurs de la taxe du cinquantième, ni pour moins cher. Que les importateurs fassent également une déclaration devant les agoranomes, avant de vendre, de la valeur qu’ils auront déclarée devant les percepteurs de la taxe du cinquantième. Si quelqu’un vend sans respecter ces prescriptions, qu’il soit soumis à une amende de cinquante drachmes et que tout citoyen puisse le dénoncer aux agoranomes. Que les agoranomes défèrent ces dénonciations devant les Trente-et-un dans le cours du mois où elles ont été déposées. Que le dénonciateur consigne le salaire du tribunal. Si l’accusé est condamné, qu’il rembourse ce salaire à celui qui en aura fait la consignation et lui verse les deux tiers
ANNEXE 4 : LOI DÉLIENNE SUR LA VENTE DU BOIS ET DU CHARBON
413
de l’amende prescrite, et le dernier tiers au trésor public, et que les agoranomes le fassent payer dans les dix jours suivant la condamnation, sans pouvoir être poursuivis de ce fait. S’ils n’en ont pas la possibilité, qu’ils s’excusent par serment et livrent l’accusé et ses biens au dénonciateur, et qu’après avoir inscrit la condamnation au tableau où ils consignent les autres écritures, ils la transmettent au Conseil dans les archives publiques. Que ceux qui, bénéficiant d’une exemption de taxes, font l’importation du bois, des rondins ou du charbon vendus en utilisant l’emplacement destiné au bois fassent une déclaration devant les agoranomes, avant de vendre, de la valeur qu’ils s’apprêtent à mettre en vente et qu’il ne leur soit pas permis de vendre pour plus cher ni pour moins cher que ce qu’ils ont déclaré. À ceux qui ne se conformeraient pas à ces prescriptions, que les agoranomes ne remettent ni les poids ni les mesures à charbon, et que pour l’espace où sont déposés leur bois, leurs charbons ou leurs rondins, ils versent à la cité une indemnité d’une drachme par jour jusqu’à ce qu’ils enlèvent leurs marchandises et que les agoranomes les fassent payer sans pouvoir être poursuivis de ce fait ».
Fig. 22 — ID 509. La stèle de la loi délienne sur la vente du bois et du charbon (cl. EFA, Nouveau Choix, pl. XII).
ANNEXE 5
MOIS DU CALENDRIER DÉLIEN
1. Lènaion (solstice d’hiver) 2. Hiéros 3. Galaxion 4. Artémision 5. Thargélion 6. Panèmos 7. Hécatombaion (solstice d’été) 8. Métageitnion 9. Bouphonion 10. Apatourion 11. Arèsion 12. Posidéon
ANNEXE 6
SIGNES ET ABRÉVIATIONS DES SUBDIVISIONS MONÉTAIRES
Les comptes des hiéropes utilisent le système acrophonique décimal pour noter les nombres, avec six signes numéraux formés par la première lettre du nom de chaque nombre : 1 𐅃
5 (πέντε)
Δ
10 (δέκα)
Η
100 (ἑκατόν)
Χ
1 000 (χίλιοι)
Μ
10 000 (μύριοι)
Les multiples de 10 se combinent comme suit : 𐅄 50 𐅅 500 𐅆
5 000
𐅇
50 000
Pour exprimer un prix ou un poids, l’unité est la drachme et ses subdivisions : 𐅂 drachme (dr.)
obole, soit 1/6e de drachme (ob.)
𐅁
hémiobole, soit 1/12e de drachme ou ½ obole (½ ob.)
Τ ou 𐅀
tétartèmorion, soit 1/4 d’obole (t.)
Χ ou 𝈺 ou 𝈏 ou −
chalque, soit 1/12e d’obole, (ch.)
418
PARASITES DU DIEU
Multiple de l’obole : 𐅦
Multiple de la drachme : 5 drachmes La mine (μνᾶ), soit 100 drachmes, est toujours écrite en toutes lettres 5 mines). (par exemple μναῖ 𐅃 Le talent est l’unité pondérale la plus grande. Il est noté Τ ou Α𝈩 Multiples du talent : 𐅈 5 talents (mais noté 𐅃𝈩 à la fin du ive s.) 𐅉
10 talents
Le chiffre du prix ou du poids est parfois précédé du signe 𐅂 qui indique l’unité monétaire ou pondérale mais ne fait pas partie du chiffre (par exemple 𐅂 𐅅𐅄 𐅂 signifie 556 dr.).
ANNEXE 7
CHRONOLOGIE DES STÈLES ET FRAGMENTS DE COMPTES DE LA FIN DE L’INDÉPENDANCE1
Année
Stèle principale
180
ID 441
179
ID 442 (balance du compte)
178
ID 443
177
ID 444 (balance du compte)
Stèle complémentaire
ID 447 (fragment de stèle complémentaire) ?
ID 452 + ID 4671
176 175
1. 1. 2. 3. 4.
Fragments
ID 468 ? ID 448
ID 449
ID 451 ? 3
ID 456 + ID 440
174
ID 453 + ID 450 ? (balance du compte)2
173
ID 455 Γ766γ (balance du compte)4
172
ID 459
ID 458 ?
171
ID 460
ID 457
ID 459 bis
Tableau présenté dans Chankowski, Feyel 1997, p. 114, mis à jour ici. On se reportera à la démonstration de détail donnée dans l’article pour l’attribution des fragments. Démonstration de la date par Reger 1994b. Le raccord est signalé par Brunet 1990, p. 678-679. L’épaisseur des fragments (0,08 m, ép. incomplète pour ID 450 ; 0,10 m pour ID 453) ainsi que la nature de la pierre (marbre bleuâtre) invitent à rapprocher les deux pierres. Raccord signalé par Tréheux 1995, publié par Chankowski 1998. Fragment publié par Tréheux 1985a.
420
PARASITES DU DIEU
Année
5.
Stèle principale
Stèle complémentaire 5
170
Γ766αβ + ID 446 + ID 463 (balance du compte)
169
ID 461 (balance du compte)
168
ID 465 ? (balance du compte)
Fragments
ID 464 ?
ID 462 ?
Raccord signalé par Tréheux 1995, publié par Chankowski, Feyel 1997.
ID 461 bis ?
ANNEXE 8
CARTE ET PLAN
Carte du sanctuaire d’Apollon et ses abords (GD).
10
PATINIOTI 29,73
20
X = 500
X=0
X = -500
X = -1000
LÉGENDE
10 20
10
Courbes de niveau (tous les 2 m) Côte rocheuse
BAIE DE GHOURNA
GAMILA
Plage
53,63 10
Cours d’eau intermittent Mare
40 30
Trou d’eau
30
20 30
10
Puits dans la campagne
20
Mur antique
BAIE DE SKARDHANA
Mur moderne Construction moderne couverte ou jadis couverte Aire à battre
Y = 1000
10
Y = 1000
10
10
CAP SYKIA 10
PLAKÈS 20
10
10
30
20
36,66
PETIT RHEVMATIARIS 10
Y = 500
Y = 500
10
10
20
20 30
30
PORT
40 20
50
30
60 30
40
10
20 50
30
70
60
GHLASTROPI
Y=0
80
30
113,00
os
0
30
op
80
90
70
100
CYNTHE
10
In
36,53 30
90
Y=0
10
39,51
COLLINE DU THÉÂTRE
20
70
GRAND RHEVMATIARIS
60
20
10 50
40
30
10
20
70
60
80
10
20 10
Y = - 500 80
Y = - 500 50 70
20
50
40
30
60
40
30 70
20
60
10
50
0
500 m
BAIE DE FOURNI 40
D É
30
L Y = - 1000
X=0
30
20
10
Carte générale de Délos avec plan des constructions (Atlas, Athènes, EFA, EAD 43, 2015).
X = 500
40
X = -500
X = -1500
S
10
20
50
O
Y = - 1000
60
INDEX
NOMS DE LIEUX ET DE MONUMENTS
Noms de lieux et de monuments hors de Délos Abydos : 224 Achaïe : 99 Acropole (d’Athènes) : 34 Actiôn : 149 n. 180 Adoulis : 234 Afghanistan : 34 Agora (d’Athènes) : 99, 227 et n. 138 Aï-Khanoum : 34 Ainos : 215 Akraiphia : 269 Alexandrie : 234, 246, 283, 292, 296 Amorgos : 17, 129, 142, 155 n. 213 Amphipolis : 11 Anactorion : 149 n. 180 Andros : 218 et n. 119, 242 Apamée de Phrygie : 291 Arkésinè d’Amorgos : 193 Asklépieion (d’Athènes) : 100 n. 99 Asclépieion (de Cos) : 34 Asie (géographique) : 291 Asie (province) : 231 Asie mineure : 12, 193 n. 51, 218, 231, 284, 288, 291 n. 198 Assos : 272 Athènes : 10, 11, 12, 14, 15, 31, 67, 83, 99, 101, 121, 140, 142 n. 155, 150, 159, 175, 179, 180, 181, 217, 222-227, 232 et n. 159, 245, 246, 247, 253, 268, 277, 283, 293, 294, 296 n. 214 Attique : 65, 83, 100, 106, 246 n. 35, 265 n. 91 Béotie : 11 n. 4 Bérytos : 292 et n. 202, 296
Bruttium : 246 n. 35 Byzance : 214, 230 Carystos : 218 Caunos : 244 Chalcis : 199 Chersonèsos : 123 Chios : 268 n. 97, 272 n. 116 Chypre : 283, 296 Corinthe : 215 Coronée : 166, 167 Cos : 234 Crète : 234 Cyclades : 3, 13, 17, 21 et n. 51, 22, 140, 179, 180, 192, 215, 218 et n. 118, 231, 234, 235 et n. 172, 238, 239, 242, 243, 246 n. 40, 267, 268, 279 et n. 138, 284 n. 160, 294, 300 Cyzique : 22 n. 52 Delphes : 11, 84 n. 59, 96 et n. 96, 97, 205, 229, 241, 244 Détroits : 285 Didymes : 95, 98 et n. 86, 147, 241 Dion : 11 Dodone : 11 Égine : 219 Égypte : 229, 231, 234, 284 Éleusis : 65 n. 189, 210, 241, 243, 245, 249 Éphèse : 27, 40 n. 126, 129, 215 n. 102, 226, 288, 291 Épidaure : 38, 96, 97, 241, 243, 258 Érechthéion (Athènes) : 258, 259 Érétrie : 186 Érythrée : 41 n. 129
426
Eubée : 215, 218 n. 118 Fayoum (égyptien) : 44 Grèce : 11, 214, 215, 231, 235, 238, 291 Halai (dème d’Attique) : 40 n. 126 Hergla : 295 Hermionè : 17, 20, 21, 22 n. 54, 41, 72, 76, 138 Hiérapolis : 288 Histiée : 133, 185-186, 187, 191, 192 et n. 47, 215, 216, 230, 235 et n. 173, 284 Iasos : 159 Imbros : 15 Ionie : 218 Ios : 21, 234 Isthme : 111 n. 38 Italie : 231, 291 Karystos (Eubée) : 18 et n. 37, 21 Kéos : 234, 245 Kothôkidai (dème d’Attique) 295 Kyrnos : 11 Kythnos : 13 Laodicée de Phénicie : 292 Lébadée : 245 n. 32 Lemnos : 13, 15 Le Pirée : 245, 246, 277, 278 n. 134, 283, 293, 299 Longs Murs (voir Le Pirée) : 245 Macédoine : 186, 244 n. 29, 246 Magnésie du Ménandre : 141 n. 152, 219 Marathon (dème d’Attique) : 233 Maronée : 194 n. 55 Mégare : 157 et n. 224 mer Égée : 3, 4, 13, 16, 94, 185, 192, 210, 214, 215, 217, 218, 232, 234, 237, 238, 239, 240 n. 15, 242, 262, 268, 284, 293, 296 mer Méditerranée : 206, 217, 296 mer Noire : 285 Milet : 98 Minoa d’Amorgos : 21, 132, 141, 142, 143, 145 Mykonos : 109, 157, 159, 174, 254, 256 Myra : 295 Narbonne : 297 Naxos : 186, 218 et n. 118
PARASITES DU DIEU
Némée : 111 n. 38 Olympie : 97 Oropos : 41 n. 129 Paiania (dème d’Attique) : 99 Paros : 218 Parthénon : 65 n. 189, 96 Patara : 295 Pella : 120, 123 Péloponnèse : 215 Péparèthos : 17, 21, 22 n. 54, 76 Pergame : 217 Pont Euxin : 205, 278 n. 134 Rhénée : 99, 145, 221, 231 n. 155, 268, 384 Rhamnonte : 65 Rhodes : 159 et n. 233, 181, 214 et n. 102, 215, 216, 217, 225, 226, 234, 235, 238, 281, 285 et n. 167, 293 n. 205, 294, 384 Rome : 4, 6, 99, 101, 186, 193, 217, 232 et n. 159, 233, 234, 235, 238, 281, 293, 301, 302 Samothrace : 166, 167 sanctuaire d’Apollon (Delphes) : 96 sanctuaire d’Asclépios (Épidaure) : 38 sanctuaire d’Éaque (Athènes) : 282 Sestos : 216 n. 109 Sicile : 231 n. 156 Syracuse : 230, 231 Syros : 254, 256 Tarente : 230, 231 temple d’Apollon (Delphes) : 96 temple d’Asclépios (Épidaure) : 96 Ténos : 13, 15, 137, 138, 139-140, 142, 143, 144, 145, 150, 180, 186, 218 et n. 119, 224, 230, 380-381 Théangéla de Carie : 285 théâtre (d’Épidaure) : 74 Théra : 234 Thespies : 20 n. 46, 177 n. 281 Tholos (d’Épidaure) : 96 Thyatire : 288 Tralles : 226 Tyr : 292 Vergina (palais de) : 11
Noms de lieux et de monuments de Délos agora : 59, 146, 153 et n. 205, 154 et n. 210, 172, 175, 240, 265, 270, 277 et n. 132, 280, 283, 391, 392, 393 – Agora de Théophrastos : (GD 49) : 224, 264, 288, 290, 294 – Agora des Déliens ou Agora tétragone (GD 84) : 155 et n. 212, 162 n. 240, 226, 287, 288, 289, 294
– Agora des Compétaliastes (GD 2) : 221, 288, 294 agoranomion : 152 n. 199 Aphrodision : 107, 221, 257 Aphrodision de Stésiléôs : 120 Archégésion : 254 Artémision (GD 46) ou temple d’Artémis : 31, 75, 83, 257
NOMS DE LIEUX ET DE MONUMENTS
– Archaïque (ou Artémision E) : 27-29, 30, 31, 34, 40 n. 126, 45, 46, 47, 48, 50, 53, 54, 57, 84-86, 89-90, 91, 92, 93, 134, 144, 158, 163, 172, 173 n. 274, 202, 219, 353, 354, 362 – Hellénistique (ou Artémision D) : 20 n. 45, 29-30, 75, 83, 386 Artémision-en-l’île : 107 Asklépieion : 74, 106, 107, 256, 270 Chalkothèque : 91, 100 Cynthe (Mont) : 221, 224 Dioskourion : 256, 264 Dôdékathéon (GD 51) : 11, 15 Ekklésiastérion : (GD 47) : 59, 175, 181 Eileithyiaion : 91, 256 Établissement des Poséidoniastes de Bérytos (GD 57) : 292 Ferme aux jambages de granit : 221, 274 Graphè : 257 Héraion : 221, 256 Hérakleion : 107, 256, 270 Hieropoion : 90 Îlot des Bijoux : 221, 222, 226, 227 Îlot des Bronzes : 221 Îlot des Comédiens : 194, 221 Inôpos : 107, 224, 256, 257, 270 Kératôn : 251 Kynthion : 74, 107, 270 Lac sacré : 222, 224, 225 Magasins α, β, γ : 289, 294 maison d’Ephésos : 271 maison d’Orthoklès : 271 Maison des Sceaux : 221, 222 et n. 135, 227 Maison du Dionysos : 224, 225, 227, 228 n. 139 Maison du Lac : 226 Minoé (fontaine) (GD 30) : 21 n. 50, 137-139, 140-142, 143, 226, 381 mur de péribole (du sanctuaire d’Apollon) : 35 mur de Triarius : 35 Néokorion : 90 Néokorion (de l’Artémision) : 257 Néôrion (GD 24) : 16 Nikou chôrou : 120 n. 79 oikos délien : 256 oikos des Andriens : 89, 92, 93, 120 oikos des Naxiens : 270 oikoi de la Nèsos : 257 oikoi du Kynthion : 257 palestre : 256, 257, 270, 272 pentekostologion : 59, 150-151, 153, 175 Pôrinos Naos (voir temple d’Apollon)
427
port sacré : 150, 155, 172, 240, 242, 268, 272, 282, 287, 289, 290 portique coudé (de l’Artémision) : 29 Portique coudé (de l’agora) : 59, 155 et n. 212, 162 n. 240, 175, 162 n. 240, 175 Portique d’Antigone (GD 29) : 292 Portique de Philippe : 223, 224, 290 Portique Ouest (GD 3) : 290 Portique Sud (de l’agora) (GD 4) : 155 et n. 212, 162 n. 240, 290 Posidéion : 290 Poulydamas : 107, 270 Prytanée (GD 22) : 28 n. 82, 110 n. 33, 116117, 119 n. 73, 120 et n. 76, 128, 132, 146, 159, 189, 256 Pythion (GD 42) : 11, 16, 107, 219, 270, 272 quartier du port : 271 Quartier du stade : 222, 224 Quartier du théâtre : 162 n. 241, 222, 223, 227, 228 n. 139 rue du Théâtre : 223 rue 5 : 289 Salle hypostyle (GD 50) : 20, 41 n. 131, 75, 83, 152 n. 199, 227, 255, 257, 266, 270, 272, 290, 291 n. 195, 294 sanctuaire égyptien : 223 Sanctuaire d’Eileithyeia (voir Eileithyiaion) : 30 Sanctuaire de Poséidon (voir Posidéion) : 290 Sarapieion : 30, 107, 221, 229 n. 146, 257 Skardhana : 222 n. 135, 223 stade : 110 Stoa des Naxiens (GD 36) : 288 tamieion : 256 téménos de Létô : 15 temple d’Aphrodite (voir aussi Aphrodision) : 40 n. 126 temple d’Apollon : 11, 187, 202, 219, 220, 257 : – Pôrinos Naos ou Temple des Déliens (GD 11) : 27, 28, 84, 86, 89, 90, 91, 92 et n. 64 et 66, 93, 99, 256 – Temple des Athéniens (GD 12) : 27, 28, 35, 36, 84, 86, 89, 90, 91, 92 et n. 65, 93 – Grand Temple (GD 13) : 27, 28, 29, 30, 31, 35 et n. 110, 36, 41, 53, 54, 74, 84, 86-89, 90, 100, 120, 144, 147, 148, 170, 171-173, 183, 184, 191 n. 44, 292 temple de Déméter : 256 temple de la Nèsos : 257 Terrasse des Dieux étrangers : 222 Théâtre (GD 114) : 20, 59, 74, 162, 175, 181, 224 Thesmophorion : 35
NOMS DE PERSONNES
Acridion fils d’Elpinikos : 129 Agathostratos de Rhodes : 214 n. 102 Ἀλεξικός (trésorier) : 376 Alexandre le Grand : 11, 239, 242 Alexiôn : 233 Ameinondas : 141 n. 151 Amphithalès (fournisseur de poix, vernisseur) : 244 n. 29, 245, 247, 251 Amphotéros (hiérope) : 44 Amyntas III : 246 Anapsyktidès (fournisseur) : 256 Andreas (archonte) : 233 Antigénès de Clazomènes (fournisseur) : 252 [Ἀντίγον]ος (trésorier) : 376 Antigone le Borgne (Monophthalmos) : 11, 12, 14, 15, 123 n. 93 Antigone Gonatas : 119, 123, 214 n. 102 Antikratès fils de Timèsidèmos (chorège, logiste, fermier) : 199 Antiochos Ier, fils de Séleucos Ier : 153 n. 208, 160 Antiochos II : 214 n. 102, 258 Antipatros fils de Dèmètrios (fonction ?) : 201 Apatourios (archonte) : 33, 156 n. 214, 172, 173 Apellès fils de Kalos (Athénien du dème de Kothôkidai) : 295 Apollodôros de Koilè (métèque athénien, commerçant) : 247 Apollodôros fils d’Apollonios de Cyzique : 21, 22 n. 54, 25 n. 68 Apollodôros fils de Mantithéos (trésorier) : 114 Appianus : 44, 64 n. 188
Archépolis (archonte) : 14 et n. 21 Aristagorè : 266, 272 Aristodèmos : 389 Aristoboulos : 156 n. 214, 173, 254 et n. 55, 256 Aristoboulos de Thessalonique : 284 Aristokratès : 254, 256 Aristolochos fils de Nikodromos (héraut du sanctuaire) : 271 n. 111 Aristophanès : 384 Arsinoé Philadelphe : 122 Attale Ier : 124, 160, 394 Astymédès de Rhodes : 281 Athènodôros fils de Peisagoras (Rhodien) : 230, 284 Auxibios (fournisseur) : 244 n. 29, 253 Bacchôn (nèsiarque) : 16, 21, 234 Batèsis : 141 n. 151 Boukris (Étolien) : 285 Boulagoras de Samos : 19 Callias : 31, 34, 106 Callias de Sphettos : 95, 283, 284 Callimos fils d’Aristodèmos : 25 Cassandre : 13 Charistios : 256 Choirylos : 156 n. 214, 173 Chrémonidès (commandant athénien) 215 n. 102 Cléandros (banquier) : 230 Cléomène de Naucratis : 278 Cratère : 11 Critolaos : 129 ΔΑ- (fournisseur) : 249
430
Datis : 140, 141 n. 151, 176 Deinoménès (graveur) : 37 Démarès (archonte) : 44 Démarès (banquier) : 228, 230 Déméas : 266 Démètrios : 155, 272, 274 Démétrios de Phalère : 10 n. 4, 11, Démétrios Poliorcète : 11, 14, 17 et n. 30, 21 n. 51, 123, 214 Démétrios II : 123, 284 Démon (banquier) : 230 Dèmonous fils de Nikôn (archonte) : 201 Dèmophilos (artisan) : 254 Démosthène (père de) : 95 Dexios : 263 n. 81 Diadèlos fils de Diadèlos (chorège ?) : 114 Diakritos (fournisseur) : 250, 267 Diogénès : 387 Dionysos de Byzance : 285, 286 Diophantos (magistrat monétaire ?) : 233 Diophantos fils d’Hékataios : 233 Διονύσιος Ἱστιάτορος : 133 n. 124 Dioskouridès : 12, 13 Donax : 121, 124 Echénikè : 99 et n. 94 Echénikè fille de Stèsilos : 99 n. 94, 119, 121, 123, 129 Épaminondas : 141 n. 151 Ephésos : 273 Epigénès de Naxos (fournisseur) : 252 Ergotélès (fermier) : 273 Etéokleidès (fermier) : 273 Euboeus : 386 Eudémos : 124 Eumélos (administrateur) : 233 Eumène Ier : 122, 382, 384 Euphranôr (commissaire au blé) : 166 Euthymè : 389 Eutychos de Chios : 123 Euxénidès (trésorier) : 166 Flamininus : 186 Glauketès (pirate) : 13 Glaukôn (fournisseur) : 257 Gorgias : 121, 123 Hégéas (commissaire au blé) : 166 Hégésarètè : 132 Héliodore (ministre de Sélucos IV) : 292 Hellen (banquier) : 62, 156 n. 214, 230, 382, 384, 386, 391, 393, 394-400 Héphaistion (banquier) : 230, 394 Hérakleidès fils d’Aristion de Tarente (banquier) : 33, 44, 230, 231, 383-384, 387391, 395-400
PARASITES DU DIEU
Hermias (nèsiarque) : 122 Hermôn fils de Solon : 101, 158 et n. 225, 386 Hérodôros de Chios (fournisseur) : 250, 267 Héroïdès (fournisseur) : 257 Hestiaios (fournisseur) : 244 n. 29, 250, 267 C. Iulius Caesar : 296 n. 214 Kaibôn (trésorier) : 157 Kallistratos : 266 Kaphis (Phocidien) : 97 Kariôn (fournisseur) : 249 Karystios : 389 Képhisodôtos (ambasseur athénien) : 217 Kérameion : 273 Kleinodikos fils de Kleinodikos (fonction ?) : 201 Kléopatra : 156 et n. 214, 173, 395 Kratôn : 149, 151 Kratôn (fournisseur) : 252 Kréôn (fournisseur) : 257 Krokos (navarque de Chypre) : 296 Laodice : 160, 292, 394, 400 L. Auphidius Bassus : 139 Leukinos ou Leukio (archonte) : 137 n. 134, 141 Lochos (stratège de la Thébaïde) : 296 Loukios Auphidios : 231 Lucius Ortèsius : 393 Lysès (trésorier) : 54 Mantineus fils de Satyros de Ténos (banquier) : 62, 156 n. 214, 230, 382, 384, 386, 391, 394-400 Maraios Gerillanos : 231 Marcos Minatios : 231 Marcus Antonius : 296 n. 214 Marius Gerillanus : 288 Massinissa, roi de Numidie : 101, 158 et n. 225, 397 Ménas : 216 n. 109 Ménékratès : 389 Ménékratès (archonte) : 201 Ménès fils d’Evelthôn (marbrier) : 271, 273 Ménon (fournisseur) : 244 n. 29, 252 Ménon (fournisseur de bois) : 247, 263 Ménullos (hiérope) : 165-166 Ménullos (commissaire au blé) : 166 Mikion (Athénien) : 100 Mikythos : 121, 122 Mithridate VI : 226 Mnèsalkos fils de Télésarchidès : 18-19 et n. 43, 20, 22, 230, 283 Mnèsikleidès : 138, 141 Mnèsikleidès (trésorier) : 157 Mnèsiléôs : 273
NOMS DE PERSONNES
Myron (sculpteur) : 219 Nabis de Sparte : 285 Nannakos (fournisseur) : 244 n. 29, 250, 267 Nèsiadès : 121, 123, 204 Neugénès ou Néogénès (graveur) : 37 Nicias : 120, 121, 122 et n. 85, 128 Nikoklès : 256 n. 62 Nikolaos d’Étolie : 123 Nikomachos : 389 Nikôn : 264 Nymphodôros fils de Timôn de Syracuse (banquier) : 33, 44, 230, 383-384, 387-391, 395-400 Orthoklès (trésorier) : 156 n. 214, 172 Pachès : fils de Diogénès : 141, 381, 387 Paktyas (banquier) : 230, 387, 391-393 Pamphilos (fournisseur) : 249 Paramonos (administrateur) : 233 Pataikos : 124 Pausanias (gymnasiarque) : 170 n. 266, 159 n. 229 Pasion : 95 Périandros (trésorier) : 166 Périandros de Chios : 257 Persée : 292, 293 Phaidrias (archonte) : 182 Phaidros : 13 Phanos : 393 Philétairos de Pergame : 120, 122 et n. 92 Philippe de Macédoine : 11, 33 Philippe V : 124 Philippos (hiérope) : 44 Philippos (médecin) : 160, 162 et n. 239, 394 Philistidès (banquier) : 394 Philistos (banquier) : 230 Philoklès de Sidon : 122, 140 Philoklès, roi de Sidon : 16, 18, 19, 20, 21, 22, 234 Philôn (archonte) : 13, 14 Philôn (banquier) : 80, 157, 201, 230, 384-387, 393, 396-398 Philoklès fils de Philoklès (trésorier) : 114, 388 Philonis : 121, 123 Philophôn (banquier) : 230, 387, 391-393 Philostrate d’Ascalon : 231 Philtès (hiérope ?) : 272 et n. 114, 273 Phôkaieus (archonte) : 33, 157 Phôkaieus (hiérope) : 165-166 Phôkaieus fils d’Appolodôros (chorège ?) : 114 Pistès fils de Xénôn : 201 Polyboulos : 156 et n. 214, 395 Polyclète (sculpteur) : 219 Polyxénos (hiérope) : 44
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Polyxénos (trésorier) : 156 n. 214, 172 Praxiklès (fournisseur) : 257 Praximénès (hiérope) : 33 Prostatès (archonte) : 14 et n. 21 Ptolémée Ier : 11, 16, 17, 122, 215 Ptolémée II (Philadelphe) : 95, 122, 214 n. 102, 215 n. 102, 236, 258, 283 Ptolémée III : 122, 124, 215, 236 Ptolémée IV : 124 Rhodippos (fournisseur) : 244 n. 29, 253 Rhodôn (ambassadeur) : 158 n. 225 Satyros : 295 Satyros fils d’Amphyklès : 295 n. 213 Sèmos fils de Kosmiadès : 285 Séleucos : 91 Séleucos IV : 292 Silènos (banquier, voir aussi hiérope) : 60 n. 178, 157, 228-229, 384-387, 393, 396-398 Silènos (hiérope, voir aussi banquier) : 44, 60 n. 178, 228 Sôkratès : 289 Sopatros : 123 Sôsimachos : 62, 141 n. 150, 171, 395 Sôsidèmos rogator, frère de Sôsiménès fils d’Antigonos (voir Sôsiménès fils d’Antigonos) : 271 n. 111 Sôsiménès fils d’Antigonos (fournisseur et artisan-peintre) : 271 et n. 111 Sôsistratos (archonte) : 122 n. 86, 131 Sôtérikos : 266 Stésiléôs : 93, 120, 121, 122 Stèsiléos (banquier) : 228, 230 Stratonikè : 88, 123 Sylla : 97, 226, 227, 301 n. 5 Télémnestos : 155 Télésarchidès (hiérope) : 33 Télésôn (fils de) : 111 n. 38 Théainétos d’Aigila : 100 Théodôros fils de Straton du dème de Marathon : 233 Théodoros (?) fils de Théophantos : 18 Théôn (banquier) : 230, 394 Théophrastos (épimélète, Athénien) : 162, 290 Thrasyklès : 21 Thymocharès de Sphettos : 13 Tibeios (fournisseur) : 249 Timoklès : 390 Timôn fils de Nymphodôros de Syracuse (banquier) : 62, 168, 181, 191 n. 45, 192, 229, 230 et n. 151, 231 et n. 157, 284, 382, 394-395 Timothéos : 99 Valérius Antias : 99 n. 91
432
Xénokleidès : 121, 123 Xénon d’Hermionè : 22 n. 54, 25 n. 68 Xénophon fils de Pythônax de Cos (médecin) : 162 et n. 239
PARASITES DU DIEU
Zéloménès (fournisseur) : 254, 257 -èrès (archonte) : 13, 14, 15 Zénon : 21, 214 n. 102, 258 - - - dôrou : 250
INDEX DES NOTIONS
Adjudication : 13, 48, 262, 265 Administration de l’époque classique : 9-10, 25, 26, 27-28, 44, 51, 67, 84, 90, 94, 99, 147, 194, 268, 289, 299 Affermage : 49, 149 Aparchè : 10, 15, 67, 81 Archives : 27, 28, 29, 40, 42-45, 96, 114 Assemblée délienne : 22, 23, 48, 72, 159, 165, 200, 263, 272 Autonomie : 11 Calendrier : 13 Cautions : 24-26, 41, 43, 163, 213, 246 Chorèges : 113-116, 175 Conseil : 22, 23, 60, 66, 108, 127, 130, 156, 172-173, 263, 272 Constitution : 12-13 Contrat de prêt : 17, 23, 24, 41 Couronnes : 16, 86, 88, 91, 92, 117, 158, 159, 160 Crédit (emprunt, prêt) : 16-17, 20, 21, 22, 2326, 41, 46, 47, 48, 52, 58, 59, 62, 71-73, 117, 119, 128-129, 131, 142, 154, 156, 158, 159, 176, 181 Déficit : 45, 164, 167-168
Dépôt : 26, 32, 57, 111-112, 139, 140, 144145, 149, 157, 163, 170, 171-172 Étalon monétaire : 43, 57, 83, 113, 133, 144, 168, 180-181, 187, 188-193, 204, 215, 218, 219-221, 300 Fonds de roulement : 40, 41, 49, 51, 59, 263 Guerres : 11-13, 185-186, 191, 215, 217, 222, 228, 231, 234-235, 239, 246, 283-284 Libellé (des jarres) : 32-33, 62, 135, 137, 154, 170, 182, 229 Logistes : 41 Mercuriales : 66, 263 Prêtres, prêtresses : 35, 106, 161, 247 Prodaneistai : 23, 25 Prytanes : 30-31, 35, 59 Registres : 25, 33, 39, 41, 42-45, 60, 66 Rotation des charges : 10 Saisie : 18-19, 22, 23, 25, 138, 193 Sénat romain : 99, 183, 193, 217, 238, 293, 301 Solde : 39, 45, 47, 48-50, 51, 52, 56, 58, 68, 78, 83, 105, 131, 144, 162 Transmission : 27, 46-47, 81, 190 Travaux : 11, 28, 29-31, 48, 52-53, 63, 74-76, 83, 105, 143, 162, 169, 177, 213, 259, 288-290
SOURCES LITTÉRAIRES
Anonyme d’Alexandrie De talentis et denario : 218 n. 115
Dion Cassius CCC : 97
Aristophane frg. 638 (Kassel-Austin) : 246 n. 35
Dioscoridès : 212
Aristote Politique, I, 4, 1259a : 300 et n. 4 Criton le Comique dans Athénée, IV, 173, b-c : 67 n. 1, 299 et n. 1 Callimaque, Hymne à Délos, v. 260-263 : 67 Démosthène XXVII Contre Aphobos I, 4 : 95 XXXVI Pour Phormion, 5-6 : 95 XLII Contre Phénippos, 20 : 210 Diodore de Sicile XVI, 28, 2 : 97 XVI, 30, 1 : 97 XVI, 37, 2 : 97 XVI, 56, 5 : 97 XVI, 56, 6 : 96 XVIII, 4, 2-5 : 11 XVIII, 74, 3 : 11 XIX, 62, 1-2 : 11 XIX, 62, 9 : 12 XIX, 68, 3-4 : 13 XX, 46, 4 : 14 XX, 81, 3 : 159 n. 233 XXXVIII/XXXIX, 7, 1 : 97
Harpocration s.v. πεντηκοστή : 149 n. 180 Hérodote II, 180 : 96 VI, 97 : 15, 140, 176, 299 n. 3 VIII, 66, 1 : 133 Hérondas Mimes, VII : 267 Hésychius s.v. ἀστοί : 152 s.v. κεράμιου : 212 Hymne homérique à Apollon, v. 51-61 : 67 Hypéride frg. 70 : 268 n. 94 Isocrate Éginétique : 247 n. 42 Lyncée de Samos dans Athénée, VI, 228c et 313f-314a : 267 Lysias Contre Diogiton, 5 : 27 n. 76 Contre Ératosthène, 11 : 27 n. 76 Contre les marchands de blé : 270
436
PARASITES DU DIEU
Pausanias I, 28, 6-7 : 152 I, 36 : 217 VIII, 33 : 268 VIII, 33, 2 : 296 n. 218
Philon IV, 142 : 152
Poseidonios dans Athénée, V, 210 f = XII, 527 e-f : 164 n. 243
Platon Lois, 849 e : 117 n. 64 Pline l’Ancien : Histoire naturelle, XXXIV, 9-10 : 219 Plutarque Vie de Démétrios, 43 : 153 Vie de Nicias, 3 : 122 Vie de Sylla, 12, 4 : 97 Vie de Sylla, 12, 6-9 : 97 Pollux Onomasticon, IX, 32 : 293 Onomasticon, X, 18-19 : 264 Polyen Stratagèmes, V, 18 : 215 n. 102 Polybe IV, 47, 1 : 214 XXX, 20, 1-8 : 293 n. 205 XXX, 20 : 99 n. 90
XXX, 20, 3 : 217 XXX, 20, 9 : 296 n. 214 XXX, 31, 10-12 : 281 XXX, 31, 12 : 151 XXXII, 7 : 99 n. 92, 101
pseudo-Aristote Économique, I, 6, 7 = 1345 a : 152, 280 Économique, II, 1, 5 = 1345 b : 172 pseudo-Skylax 58 : 133 Strabon X, 5, 4 C486 : 293 n. 205, 294 XII, 8, 15 : 291 XIV, 5, 2 : 285 et n. 164 Thucydide II, 13, 3 : 96 VII, 57, 2 : 133 Théophraste Caractères, 15, 4-5 : 265 Tite-Live XXXVI, 43 : 297 n. 225 XLIV, 29 : 180
SOURCES ÉPIGRAPHIQUES
ADC 5 : 27 Bull. 1971, 648 : 288 n. 180 Bull. 1971, 652 : 288 n. 180 Bull. 1981, 230 : 95 n. 72 Bull. 2003, 397 : 141 n. 152 Bull. 2004, 373 : 77 n. 38, 163 n. 248 Bull. 2010, 311 : 220 n. 129 Charneux, Tréheux 1997 : 100 n. 100, 293 n. 206 Didyma 264 : 291 n. 198 Didyma 358 : 12 n. 13 Didyma 433 : 98 n. 88 ID 73 : 27 ID 93 : 27 ID 98 : 142, 150 ID 104 : 27, 84, 98 n. 85, 139, 142, 263 ID 104-3 : 260 ID 104-4 : 219, 289 ID 104-5 : 246 n. 39 ID 104-8 : 139 ID 104-12 : 263 ID 144 : 141 n. 153 ID 205 : 258 ID 219 : 112, 141 n. 153 ID 287 : 141 n. 153 ID 290 : 23, 24, 37, 39, 45, 50 n. 152, 70, 107, 108, 207 et n. 84, 212, 253, 257, 259, 260, 261, 264, 270, 273, 275, 288, 337-339, 356357 ID 291 : 128, 134, 213, 260
ID 298 : 107 n. 18, 123, 270, 274 n. 122 ID 313 : 121, 123 ID 316 : 39, 41 n. 130, 46, 47, 48, 51, 54, 70, 75, 108, 130, 253, 260, 275, 358-359 ID 317 : 55, 71, 79 n. 43, 131 n. 111, 271, 360-361 ID 320 : 28 n. 82, 106, 116, 123, 130, 270 ID 324 : 141 n. 153 ID 328 : 123, 130 ID 338 : 41 n. 130, 253, 260, 275 ID 346 : 109 n. 28 ID 353 : 107, 123, 130, 207, 264, 270 ID 354 : 23, 48, 52, 71, 73, 75, 107, 108, 118, 144, 154, 160, 207, 253, 270, 275, 337-339, 362-363 ID 355 : 57, 71, 111, 144, 288 ID 356 bis : 39 ID 362 : 52, 71, 111 n. 34, 130, 144, 163, 171, 364, 365 ID 363 : 124 ID 364 : 71 et n. 11, 261, 364 ID 365 : 40 n. 126, 41 n. 131, 47, 50, 57, 71, 75, 99, 130, 144, 257, 290 et n. 192, 365 ID 366 : 75, 109 n. 28, 120, 121, 122 et n. 88, 123, 124, 125, 128, 130, 204, 205, 255, 257, 261, 265, 266, 290 n. 192 ID 368 : 27, 71, 366 ID 369 : 109 n. 28 ID 370 : 130 ID 371 : 39, 106, 124, 264 ID 372 : 37, 39 n. 122, 41 n. 130, 49, 52, 71, 73, 75, 130, 181 n. 5, 202, 253, 260, 270, 275, 362, 366 ID 376 : 71, 190, 219, 367
438
ID 380 : 37 et n. 111, 133 ID 382 : 130 ID 395 : 264 ID 396 : 129, 130-131, 275 ID 398 : 260 ID 399 : 30, 31, 53, 56, 61-62, 71, 73, 77-78, 82, 108, 111, 118, 122, 130, 135 n. 127, 145, 160, 161, 163-165, 207, 209, 228 et n. 142, 230, 337-339, 368-369, 381-382, 394-395 ID 400 : 181 n. 5, 270, 295 n. 213 ID 401 : 109 n. 27, 113 n. 48, 210, 260 ID 402 : 75, 181 n. 5 ID 403 : 109 n. 27, 181 n. 5, 261, 270 ID 404 : 154, 230 ID 405 : 135 et n. 129, 136, 137, 138 ID 406 : 113 n. 48, 210, 260 ID 407 : 133, 219 ID 408 : 135, 136, 138 ID 415 : 169 ID 423, B : 28 ID 440 : 37, 39 n. 122, 109 n. 27, 110, 113 et n. 48, 128 n. 102, 210, 253, 257, 259, 260, 261, 275, 415 ID 441 : 415 ID 442 : 27, 29, 30, 32, 33, 35, 37, 40 et n. 127, 41 n. 130, 43, 52, 55-56, 58, 63, 65 n. 190, 71-72, 73, 75, 77 n. 37, 78, 82, 86-90, 100, 101 n. 104, 105, 106, 107, 108, 109 n. 27, 110 n. 31, 111 et n. 34, 112, 113 n. 48, 114, 115, 117, 118, 119, 122, 127, 131, 132, 133, 134-135, 136, 137, 138, 145, 154, 156 n. 214, 157 n. 222, 158 et n. 225, 161, 166, 167, 170, 173, 183, 190, 192, 202, 208-209, 210, 219, 228, 230, 253, 260, 264, 270, 275, 337-339, 370-371, 380-381, 383-387, 395399, 415 ID 443 : 82, 101 n. 104, 168, 396, 397, 398, 399-400, 415 ID 444 : 49, 55 n. 166, 71, 73, 79 et n. 43, 80, 128, 131 et n. 111, 141 n. 153, 259, 260, 372-373, 415 ID 445 : 113 et n. 48, 203-204, 205, 259, 260 ID 446 : 189 n. 39, 416 ID 448 : 118, 119, 230, 395, 415 ID 449 : 99, 109 n. 27, 110 n. 31, 128 et n. 102, 130, 131 et n. 111, 157, 415 ID 450 : 415 et n. 2 ID 452 : 113 n. 45 et 48, 210, 260, 415 ID 453 : 112, 115, 116, 119, 135, 136, 137, 380-381, 383-384, 385, 386, 415 et n. 2 ID 455 : 71, 74, 81, 109, 112, 115, 117, 135, 136, 137, 155, 157, 230, 374, 380-381, 383, 384, 385, 387, 415
PARASITES DU DIEU
ID 456 : 37, 40 n. 127, 253, 257, 261, 275, 415 ID 457 : 415 ID 458 : 49, 415 ID 459 : bis : 37, 40 n. 127, 415 ID 460 : 115, 155, 257, 260, 275, 397, 400, 415 ID 461 : 49 n. 151, 73, 74, 75, 80-81, 83, 101, 109 n. 27, 112, 113 n. 48, 115, 116, 117 et n. 63, 119, 128 n. 102, 135, 136, 137, 138, 154, 155, 185 et n. 22, 188, 189, 191, 201, 210, 230, 253, 260, 261, 376-377, 380-381, 383, 384, 386, 387-393, 416 ID 461 bis : 416 ID 462 : 416 ID 463 : 189 et n. 39, 416 ID 464 : 113 et n. 48, 210, 260, 416 : ID 465 : 79, 80, 82, 137, 155, 378, 393, 416 ID 467 : 415 ID 468 : 292 ID 470 : 135, 136 ID 502 : 219, 263 ID 503 : 40 n. 126, 50, 264 ID 509 : 150, 152 et n. 199, 156, 264, 286, 290, 407-409 ID 545 : 271 n. 111 ID 547 : 271 n. 111 ID 599 : 271 ID 1115 : 101 n. 104 ID 1403 : 30, 100 ID 1408 : 99, 101, 184 ID 1409 : 182 n. 9, 401 n. 1 : ID 1416 : 106, 232, 233, 271, 292 ID 1417 : 106, 292, 295 ID 1421 : 30, 120, 121, 122 n. 85 et 90 et 92, 182 n. 9, 232-233, 401 n. 1 ID 1422 : 220 ID 1428 : 34 ID 1429 : 32, 84-86, 140, 182 n. 9, 183, 184, 191 n. 44, 401 n. 1 ID 1430 : 182 n. 9, 202, 401 n. 1 ID 1432 : 81, 182 et n. 9, 183, 184, 220, 401405 ID 1439 : 120, 182 n. 9, 401 n. 1 ID 1442 : 186 ID 1443 : 182 n. 9, 401 n. 1 ID 1449 : 17, 20, 32, 41 n. 133, 182 n. 9, 401 n. 1 ID 1450 : 17, 34, 41 n. 133, 182 n. 9, 184, 202, 220, 401 n. 1 ID 1507 : 99 ID 1511 : 37 et n. 111, 301 ID 1519 : 292 ID 1520 : 292 n. 202
SOURCES ÉPIGRAPHIQUES
ID 1526 : 296 ID 1528 : 292, 296 ID 1529 : 292, 296 ID 1610 : 290 ID 1700 : 296 ID 1701 : 296 ID 1709 : 288 et n. 179 ID 1725 : 288 ID 1772 : 292 n. 202 ID 1773 : 292 n. 202 ID 1774 : 292 et n. 202 ID 1777 : 292 n. 202 ID 1778 : 292 n. 202 ID 1779 : 292 n. 202 ID 1780 : 292 n. 202 ID 1781 : 292 n. 202 ID 1782 : 292 n. 202 ID 1791 : 292 n. 202 ID 1795 : 292 n. 202 ID 1831 : 288 ID 2535 : 37 ID 2622 : 229 n. 146 IEphesos, Ia, 8 : 129 IEphesos 646 : 288 IEphesos 695 : 291 n. 198 IEphesos 3025 : 288 IErythrai 10 : 41 n. 129 IG I2 4c : 139 n. 141 IG I2 192 : 139 n. 141 IG I3 41 : 133 IG I3 52 : 34 IG I3 68 : 34 IG I3 248 : 65 IG I3 387 : 34 n. 101 IG I3 476 : 258, 259 IG II2 463 : 245 IG II2 903 : 278 n. 134 IG II2 1174 : 40 n. 126 IG II2 1356 : 247 IG II2 1388 : 34 n. 102 IG II2 1445 : 34 n. 103 IG II2 1492 : 15 IG II2 1672 : 244, 245, 249 IG II2 1673 : 244, 249 IG II2 2323 : 299 n. 2 IG II2 2971 : 10 n. 4 IG II3 1, 911 : 283 n. 157
439
IG IV2 1, 103 : 258 IG VII 235 : 41 n. 129 IG VII 3073 : 245 n. 32 IG VII 3078 : 220 n. 129 IG IX 4, 1029 : 40 n. 126 IG IX 4, 1128 : 210 n. 102 IG XI 2, 110 : 116 IG XI 2, 113 : 247 IG XI 2, 128 : 122, 123, 131 IG XI 2, 135 : 14, 15, 45, 69, 72 n. 18, 340-341 IG XI 2, 138 : 14, 210, 212, 249 IG XI 2, 144 : 17, 35, 69, 75, 107, 210, 250, 256, 264, 270, 342-343 IG XI 2, 145 : 75, 90, 155, 210, 250, 260, 261, 264, 267, 288 IG XI 2, 146 : 113, 163, 209, 264 n. 84, 288 IG XI 2, 147 : 35, 108 IG XI 2, 148 : 45, 70, 159, 344 IG XI 2, 149 : 90 IG XI 2, 150 : 27, 90 IG XI 2, 153 : 138 n. 140, 259 IG XI 2, 154 : 75, 151, 210 et n. 87, 210, 250, 258, 267 IG XI 2, 155 : 37, 45, 46, 70, 345 IG XI 2, 156 : 17, 210, 250, 256, 270 IG XI 2, 158 : 70, 72, 75, 211, 251, 254, 256, 261, 336-337, 346 IG XI 2, 159 : 46, 70, 72, 107, 144, 200, 212, 261, 270, 282, 289, 347 IG XI 2, 161 : 16, 26 n. 73, 28, 32 n. 93, 35, 37, 40, 45, 46, 48, 66, 70, 72-73, 75, 90, 91, 106, 109, 113, 115, 149, 150, 151, 152 n. 200, 153 n. 204, 161, 189, 199 et n. 62, 200-201, 205, 210, 212, 213, 219, 220, 251, 256, 261, 263 n. 81, 269, 271, 273, 280, 336-337, 348-349 IG XI 2, 162 : 17, 70, 108, 138, 149, 151, 152 n. 200, 200, 219, 264 n. 84, 280, 288, 336337, 350-351 IG XI 2, 163 : 70, 75, 134, 189, 200, 251, 258, 352 IG XI 2, 164 : 219 IG XI 2, 165 : 256, 261 IG XI 2, 168 : 210 IG XI 2, 199 : 25, 37, 46, 75, 108, 115, 189, 219, 244 n. 29, 250, 251, 256, 259 n. 71, 260, 263, 264 n. 84, 270 n. 102, 280, 288, 289 IG XI 2, 203 : 23, 46, 70, 75, 106, 108, 110, 150, 154, 155, 212, 219, 252, 257, 258, 259, 336-337, 353
440
PARASITES DU DIEU
IG XI 2, 204 : 70, 252, 353 IG XI 2, 205 : 41, 108 IG XI 2, 219 : 252 IG XI 2, 220 : 252 n. 54 IG XI 2, 221 : 252 n. 54 IG XI 2, 223 : 25, 110 n. 30 et 32, 219 IG XI 2, 224 : 26 n. 73, 32 n. 93, 70 et n. 8, 107 n. 18, 108, 115, 116, 122, 134, 144, 169, 274 n. 122, 275 IG XI 2, 225 : 228, 230 IG XI 2, 226 : 123, 271 IG XI 2, 229 : 252 n. 54 IG XI 2, 269 : 40 n. 127, 108 IG XI 2, 274 : 110, 112 IG XI 2, 277 : 271 IG XI 2, 287 : 20, 23, 25, 26 n. 73, 32 n. 93, 35, 37, 39, 41 n. 130, 46, 47, 48, 58, 70, 73, 75, 88 n. 62, 92-93, 107 et n. 18, 108, 113, 116, 118, 119, 122, 123, 128, 129 et n. 108, 134, 141, 143, 144, 151, 154, 159, 163, 204, 205-206, 211, 212, 219, 228 n. 140, 252, 254 n. 57, 257, 258, 260, 261, 269, 270, 273, 274 n. 122, 275, 280, 336-337, 354-355 IG XI 2, 288 : 123, 128 IG XI 2, 290 : 40 n. 127, 75 IG XI 2, 291 : 252 IG XI 2, 1054 : 285
IG XII 5, 594 : 133 IG XII 5, 816 : 284 IG XII 5, 817 : 181, 192, 229 IG XII 5, 860 : 139 IG XII 5, 880-885 : 139 IG XII 5, 1004 : 21
IG XI 4, 558 : 19 n. 43 IG XI 4, 559 : 16, 19, 234 IG XI 4, 560 : 19 n. 43 IG XI 4, 562 : 22 IG XI 4, 566 : 12, 15 IG XI 4, 627 : 285, 286 et n. 174 IG XI 4, 666 : 284 et n. 162 IG XI 4, 691 : 123 IG XI 4, 692 : 285 IG XI 4, 716 : 285 IG XI 4, 758 : 230 n. 152 IG XI 4, 768 : 155 IG XI 4, 1036 : 12 n. 10, 17 IG XI 4, 1043 : 21 IG XI 4, 1049 : 18, 19, 24, 172, 230 IG XI 4, 1050 : 157 n. 224 IG XI 4, 1055 : 230, 284 IG XI 4, 1060 : 111 n. 38 IG XI 4, 1070 : 20 IG XI 4, 1071 : 20 IG XI 4, 1072 : 11 IG XI 4, 1114 : 292 IG XI 4, 1115 : 158 IG XI 4, 1200 : 162
ISE 33 : 217 n. 110
IG XII 6, 1, 11 : 19 n. 42 IG XII 7, 67 : 193 IG XII 7, 68, 221, 22 : 141 IG XII 7, 69 : 193 IG XII 7, 237 : 132 n. 116 IG XII 7, 245 : 132 n. 116 IG XII 7, 388 : 155 n. 213 IG XII 7, 506 : 17 IG XII 7, 515 : 129 IG XII 9, 207 : 186 IG XII 9, 249 : 133 n. 124 IG XII Suppl., 168 : 129 IG XII Suppl., 169 : 21 IGRR IV, 352 : 288 I. Magnesia 50, l. 80 : 141 n. 152
Le Guen 2001, TE 19 : 111 n. 38 LSCG 28 : 247 MAMA VIII, 449 : 291 n. 198 Marek 2006, 35 : 244 Milet I, 3, 123, l. 2-4 : 12 n. 13 OGI 339 : 216 n. 109 OGIS 54 : 234 OGIS 213 : 153 n. 208 OGIS 484 : 288 OGIS 773 : 21 n. 51 Parker, Obbink 2000, n° 1 : 43 n. 136 Pernin 2014, no 64 : 51 n. 156 Prêtre 2000 : 110 n. 33
SOURCES ÉPIGRAPHIQUES
Priene 208 : 291 n. 198 P. Roesch, Inscriptions de Thespies : 38 : 177 n. 281 SEG III, 666 : 285 SEG X, Add. 1, p. 156 : 118 n. 68 SEG XVIII, 740 : 291 n. 198 SEG XXI, 525 : 217 n. 110 SEG XXXV, 882, A : 40 n. 127 SEG XXXVI, 788 : 166 SEG XLIII, 205 : 166 SEG LI, 1001 : 39 n. 123 Syll 3 135 : 246
441
Syll 3 390 : 17 Syll 3 554 : 139 n. 141 Syll 3 563 : 139 n. 141 Syll 3 640 : 278 n. 134 Syll 3 672 : 229 n. 148 Syll 3 742 : 129 Syll 3 1047 : 132 n. 116 TAM III, 590 : 291 n. 198 Tréheux 1985a (fragment Γ766γ) : 79 n. 43, 82 et n. 54, 275, 374-375, 415 Tréheux, Charneux 1998 : 293 n. 206, 296 n. 214
SOURCES PAPYROLOGIQUES
P.Cair.Zen I, 59022 : 32 n. 96 P.Gnom. 241 : 264 n. 88 P.Ryl. 554 : 214 n. 102 P.Strasb. 59, 3 : 264 n. 88
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 — Chronologie des événements de la fin de la domination athénienne et du début de l’Indépendance délienne .................................................................................. 14 Tableau 2 — Les dépenses de gravure d’après les comptes des hiéropes ...................................... 37 Tableau 3 — Bilan comptable de l’année 231 (ID 316) ................................................................... 54 Tableau 4 — Bilan comptable de l’année 179 (ID 442) ................................................................... 56 Tableau 5 — Bilan comptable de l’année 192 (ID 399) ................................................................... 61 Tableau 6 — Organisation des mouvements de fonds entre les caisses ........................................ 64 Tableau 7 — Estimation de l’évolution des avoirs dans la caisse sacrée ....................................... 69-71 Tableau 8 — Reliquats de compte ........................................................................................................... 73-74 Tableau 9 — Dépenses pour travaux ....................................................................................................... 75 Tableau 10 — Les balances de comptes de la fin de l’Indépendance (caisse sacrée et caisse publique) ................................................................................................................................ 82 Tableau 11 — Catalogue des vases en or et argent pur conservés dans l’Artémision en 364/3 (ID 104, l. 7-106) ................................................................................................................ 84-85 Tableau 12 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples déliens au ive s. ..... 86 Tableau 13 — Catalogue des phiales d’argent dans le temple d’Apollon (ID 442, B, l. 20-29) ................................................................................................................................. 86-87 Tableau 14 — Catalogue de divers vases en argent dans le temple d’Apollon (ID 442, B, l. 40-155) ............................................................................................................................... 87-88 Tableau 15 — Catalogue des vases en argent de l’Artémision (ID 442, B, l. 179-216) ............ 89 Tableau 16 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 179 ...................... 90 Tableau 17 — Les collections de l’Artémision en 279 (IG XI 2, 161, B, l. 3-65) ....................... 91 Tableau 18 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 279 ...................... 92 Tableau 19 — Répartition des trésors en métal précieux dans les temples en 250 ...................... 93 Tableau 20 — Évolution de la répartition des offrandes en or et en argent dans le trésor d’Apollon (en talents) ......................................................................................................... 94 Tableau 21 — Répartition de la fortune sacrée en argent monnayé, offrandes en argent, offrandes en or ...................................................................................................................... 95 Tableau 22 — Évolution des recettes périodiques (en drachmes) ..................................................... 104 Tableau 23 — Dépôts dans la caisse sacrée au titre du chorégikon .................................................... 115 Tableau 24 — Versements horôn et trapezôn ........................................................................................... 118 Tableau 25 — Les fondations déliennes ................................................................................................... 122-124 Tableau 26 — Les fondations d’après ID 366, A (année 207) .......................................................... 124-125 Tableau 27 — Phiales inventoriées dans les collections en 207 (ID 366, A, l. 53-86) ............... 125-126
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PARASITES DU DIEU
Tableau 28 — Les fonds de l’histiatikon ................................................................................................... Tableau 29 — Les jarres du fonds ancien ................................................................................................. Tableau 30 — Schéma d’organisation de la caisse sacrée délienne ................................................... Tableau 31 — Nombre de mouvements de fonds dans la caisse sacrée au iie s. (192-167) d’après les inventaires de jarres ........................................................................................ Tableau 32 — Attestations de la pentekostè .............................................................................................. Tableau 33 — Revenu des taxes publiques .............................................................................................. Tableau 34 — Les loyers de l’agora ............................................................................................................ Tableau 35 — Fonds publics versés régulièrement dans la caisse sacrée ........................................ Tableau 36 — Organisation des ressources et mouvements de fonds entre les deux caisses .... Tableau 37 — Répartition des monnaies inventoriées par les administrateurs athéniens ......... Tableau 38 — Les monnaies d’argent de la cité de Délos indépendante ........................................ Tableau 39 — Poids conservés et hypothèses de subdivisions monétaires ..................................... Tableau 40 — Hypothèse d’évolution du poids de la drachme délienne citharéphore .............. Tableau 41 — Relevé des notations des subdivisions de l’obole dans les additions des hiéropes ................................................................................................................................... Tableau 42 — Les transformations du métrète d’après les achats de poix des hiéropes en 282 ..................................................................................................................................... Tableau 43 — Trésors monétaires trouvés à Délos ................................................................................ Tableau 44 — Les banques intervenant dans le maniement des fonds publics et sacrés ........... Tableau 45 — Prix de la poix restitué au conge entre 305 et 250 .................................................... Tableau 46 — Prix de la poix à Athènes et à Délos ............................................................................... Tableau 47 — Prix des tuiles à Délos ......................................................................................................... Tableau 48 — Prix des animaux de sacrifice ............................................................................................ Tableau 49 — Les essences dans les achats de bois de construction ................................................ Tableau 50 — Montant des achats de bois pour la Salle hypostyle en 207 (ID 366) selon les fournisseurs ............................................................................................................................ Tableau 51 — Dépenses du sanctuaire en charbon de bois ................................................................
130 137 146 148 151 153 155 173 174 184-185 195-198 199 205 207-209 211 222-227 230 248 249-253 256-266 260 261 266 275
LISTE DES FIGURES Fig. 1 — Le dispositif du thésauros de l’Asklépieion de Cos ...................................................................... Fig. 2 — Vue du passage entre le Grand Temple et le Temple des Athéniens ..................................... Fig. 3 — Bases pour l’encastrement de stèles de comptes ......................................................................... Fig. 4 — Organisation des différents registres et documents contribuant à l’élaboration de la stèle de compte annuelle ............................................................................................................................... Fig. 5 — Évolution des balances de comptes .................................................................................................. Fig. 6 — Le recyclage monétaire dans les finances déliennes .................................................................... Fig. 7 — Plan des principales zones de commerce de Délos ..................................................................... Fig. 8 — L’Agora des Déliens et les portiques du front de mer ................................................................ Fig. 9 — Le front de mer de Délos, depuis l’Agora des Compétaliastes et Hermaïstes .................... Fig. 10 — Les Magasins du front de mer ........................................................................................................... Fig. 11 — IG XI 2, 135 ........................................................................................................................................... Fig. 12 — IG XI 2, 144, face A ............................................................................................................................. Fig. 13 — IG XI 2, 161, face A ............................................................................................................................. Fig. 14 — IG XI 2, 162, face A ............................................................................................................................. Fig. 15 — IG XI 2, 287, face A ............................................................................................................................. Fig. 16 — ID 316 ...................................................................................................................................................... Fig. 17 — ID 317 ...................................................................................................................................................... Fig. 18 — ID 399, face A ........................................................................................................................................ Fig. 19 — ID 444, face A (bas de la stèle comportant la balance de compte) ........................................ Fig. 20 — Fragment Γ766γ, face A (SEG XXXV, 882) ................................................................................. Fig. 21 — ID 461, fragment Aa ............................................................................................................................ Fig. 22 — ID 509. La stèle de la loi délienne sur la vente du bois et du charbon .................................
34 36 36 42 69 231 287 289 294 295 343 345 351 353 357 361 363 372 376 378 380 413
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES Les monnaies (tableau 38) BNF, département des monnaies (nos 1, 2, 15) ; British Museum (nos 7, 20) ; Musée numismatique d’Athènes, Ministère grec de la Culture et des Sports (no 5) ; Société des Antiquaires de Newcastle upon Tyne (no 6) ; Tous droits réservés (nos 3, 4, 8-14, 16-19). Les figures dans le texte Herzog 1932 (fig. 1) ; Moretti-Fincker 2016 (fig. 7) ; Chankowski 2018a (fig. 10). Tous les autres documents proviennent des archives de l’École française d’Athènes.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 3 CHAPITRE I – LES ARCHIVES DE L’INTENDANCE SACRÉE : MÉTHODES COMPTABLES ET PRATIQUES ADMINISTRATIVES DES HIÉROPES ............................................................ 9 L’installation d’une administration délienne ................................................................................... 10
Les origines .......................................................................................................................................... 10 L’organisation athénienne ............................................................................................................. 10 L’indépendance de Délos .............................................................................................................. 10
La transmission de la fortune sacrée .................................................................................................... 15 La récupération des capitaux ........................................................................................................ 15 Dettes récentes ou créances de l’époque athénienne ? ................................................................... 16 Le rôle de la fortune privée des Déliens ........................................................................................ 18 La politique financière de la cité de Délos .................................................................................... 20
L’autorité de la cité délienne sur les fonds sacrés .................................................................................. 22 Une question d’aptitude ? ............................................................................................................. 22 L’emprunt public ......................................................................................................................... 23 Les prêts aux particuliers .............................................................................................................. 25
La gestion de l’espace dans l’organisation du trésor d’Apollon .................................................. 26
Les lieux de conservation de l’argent .................................................................................................... 26 L’Artémision et le temple d’Apollon ............................................................................................. 27 Le déplacement des fonds ............................................................................................................. 29 La question des effigies monétaires ............................................................................................... 31
Les modes de stockage ......................................................................................................................... 32 La part de la comptabilité .................................................................................................................... 35
Les méthodes comptables des hiéropes .............................................................................................. 38 La hiérarchie des archives ..................................................................................................................... 38 Le deltos, copie de la stèle ............................................................................................................. 39 Les leukômata pour les comptes mensuels ..................................................................................... 40 Les peteura pour les opérations contractuelles ............................................................................... 41
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PARASITES DU DIEU
Les peteura pour les opérations contractuelles ............................................................................... 41 Les feuilles de papyrus : le brouillon du compte ........................................................................... 42 La stèle de compte : une synthèse à partir de plusieurs registres d’archives .................................... 42
De pratiques de caissiers aux logiques de comptables .......................................................................... 45 La formulation des balances de compte ........................................................................................ 45 La gestion du solde de l’exercice ................................................................................................... 48 La césure des années 230-220 ....................................................................................................... 50
Caisse sacrée et caisse publique : de la séparation à la synthèse comptable .......................................... 53 Une véritable synthèse entre les deux caisses ................................................................................. 53 Un nécessaire progrès dans les méthodes comptables .................................................................... 57 L’invention d’un système comptable ............................................................................................. 58 L’évolution des compétences ........................................................................................................ 60
Une comptabilité en « partie double » ? ............................................................................................... 61 La conscience des enjeux de la « double entrée » ........................................................................... 61 Des acteurs multiples ................................................................................................................... 63
Conclusion : Les usages de la comptabilité des hiéropes ............................................................................ 65 CHAPITRE II – LA FORTUNE SACRÉE : BILAN DES AVOIRS ...................................................... 67 Le développement de la fortune monnayée ....................................................................................... 67
L’accroissement régulier des fonds ....................................................................................................... 68 Les sommes mobilisées en prêts .................................................................................................... 71 L’apport des recettes régulières ...................................................................................................... 73 Les travaux ................................................................................................................................... 74
La question des gonflements d’encaisse à la fin de l’Indépendance ...................................................... 76 Année 192 ................................................................................................................................... 77 Année 179 ................................................................................................................................... 78 Année 177 ................................................................................................................................... 79 Année 168 ................................................................................................................................... 80
Bilan des avoirs .................................................................................................................................... 82
Les offrandes précieuses ...................................................................................................................... 83
Le trésor classique ................................................................................................................................ 84 Le trésor de la fin de l’Indépendance ................................................................................................... 86 Les variations de la collection .............................................................................................................. 90 Le trésor du début de l’Indépendance ........................................................................................... 90 Le trésor du milieu du iiie s. ......................................................................................................... 92
La fortune d’Apollon, un pouvoir financier ? .................................................................................. 94
La répartition des avoirs ....................................................................................................................... 95 Apollon délien et les autres dieux ......................................................................................................... 95 Thésaurisation et circulation ................................................................................................................ 97
Conclusion : Le devenir du trésor délien sous la seconde domination athénienne .................................... 99 CHAPITRE III – LA COMPOSITION DES CAISSES : ANALYSE DES FONDS ............................. 103 Les revenus monnayés du sanctuaire .................................................................................................. 103
Ressources propres ............................................................................................................................... 103
Autres recettes ...................................................................................................................................... 105 Revente ........................................................................................................................................ 105 Troncs .......................................................................................................................................... 107 Amendes ...................................................................................................................................... 108
TABLE DES MATIÈRES
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Subventions et fonds affectés ............................................................................................................. 108 La phiale .............................................................................................................................................. 108 Subventions pour les fêtes et les concours ............................................................................................ 110 Les prix des concours gymniques des Apollonia ............................................................................ 110 Le salaire des aulètes pour les Apollonia ........................................................................................ 110 Les frais de prestation des Technites lors des Dionysia .................................................................. 111 Thesmophoria, Posidéia et Eileithyaia : des fêtes subventionnées ? ................................................ 112
Chorègikon ........................................................................................................................................... 113 Prytanikon ........................................................................................................................................... 116 Horoi et trapezai .................................................................................................................................. 117
Les capitaux de fondation .................................................................................................................... 119 Les donateurs ....................................................................................................................................... 120 La gestion des capitaux ........................................................................................................................ 127
L’histiatikon argurion ........................................................................................................................... 129 La composition du fonds .............................................................................................................. 129 Un fonds de monnaies spécifiques ................................................................................................ 132
Les jarres ................................................................................................................................................. 133
Composition de la caisse sacrée d’après les inventaires de jarres .......................................................... 134 Le fonds ancien .................................................................................................................................... 134
L’argent de Ténos et de la Minoé ......................................................................................................... 137 Des termes techniques .................................................................................................................. 137 L’argent de Ténos ......................................................................................................................... 139 L’argent de la Minoé ..................................................................................................................... 140 L’utilisation de cet argent ............................................................................................................. 142
Les autres jarres .................................................................................................................................... 144 Les entrées thésaurisées ........................................................................................................................ 147
Le trésor public ..................................................................................................................................... 147
Les revenus de la caisse publique ......................................................................................................... 148 Les taxes ....................................................................................................................................... 149 La pentekostè .................................................................................................................... 150 Les dekatai ......................................................................................................................... 152 L’ hypotropion ................................................................................................................... 153 Les droits de place ........................................................................................................................ 153 Les loyers de l’agora ...................................................................................................................... 154 Revenus de prêts ? ........................................................................................................................ 156 Revenus judiciaires ....................................................................................................................... 156 Revenus des fonds et dotations ..................................................................................................... 156
Les dépenses de la caisse publique ....................................................................................................... 158 Les dépenses de fonctionnement .................................................................................................. 159 Les dépenses diplomatiques .......................................................................................................... 159 Les fêtes ....................................................................................................................................... 160 Les bœufs et la boônia ........................................................................................................ 160 Les services publics ....................................................................................................................... 161 Les travaux publics ....................................................................................................................... 162 L’approvisionnement en blé .......................................................................................................... 163
Les principes d’organisation du trésor public de Délos et la diataxis de la cité .................................... 168 La répartition des revenus ............................................................................................................. 168 Le dépôt du temple ...................................................................................................................... 171
Conclusion : Propriété publique et propriété sacrée à Délos ..................................................................... 173
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CHAPITRE IV – POLITIQUE MONÉTAIRE ET CIRCULATION DU NUMÉRAIRE ................... 179 Les hiéropes manieurs d’argent : recyclage monétaire dans la caisse sacrée ............................. 180
Les modifications du numéraire de l’encaisse ...................................................................................... 181
Le témoignage des inventaires de la seconde domination athénienne .................................................. 182 Les méthodes des administrateurs athéniens ................................................................................. 182 La nature des espèces inventoriées ................................................................................................ 184
Les monnaies maniées par les hiéropes ................................................................................................ 188 Le témoignage des balances de comptes ........................................................................................ 188 Les modifications de l’encaisse ...................................................................................................... 191 Le rôle de la monnaie d’Alexandre ................................................................................................ 192
Le monnayage délien .............................................................................................................................. 193
Le témoignage des monnaies ............................................................................................................... 194
La chronologie des émissions monétaires d’après les comptes des hiéropes ......................................... 199 La date de l’émission des citharéphores ......................................................................................... 199 La date de l’émission des phoinikophores ..................................................................................... 201 La consécration des coins ............................................................................................................. 202
Métrologie du monnayage local ........................................................................................................... 202 Enjeux comptables : la question du « cours forcé » de la drachme délienne ................................... 202 Hypothèse sur l’évolution du poids des citharéphores ................................................................... 205
Évolutions métrologiques en Méditerranée, vues depuis Délos .................................................. 206
L’obole à 12 chalques ........................................................................................................................... 206 De l’amphore au métrète à 12 conges .................................................................................................. 210 De l’epidekaton à l’ephekton ................................................................................................................. 213
Modèles métrologiques égéens du iiie au iie s. ..................................................................................... 214 Les citharéphores dans le paysage monétaire égéen ....................................................................... 214 Les phoinikophores dans le paysage monétaire égéen ................................................................... 216 Les Cyclades : « The Island Standard » .......................................................................................... 218 Le chalkou délien et ses enjeux métrologiques ............................................................................... 218 La circulation monétaire à Délos hellénistique ............................................................................. 221
Le témoignage des trésors .................................................................................................................... 221 Le rôle des banquiers à Délos ............................................................................................................... 228
Conclusion : Un paysage monétaire en permanente évolution................................................................... 234 CHAPITRE V – L’ÉCONOMIE DÉLIENNE : LE MARCHÉ ET LES PRIX ...................................... 237 La création d’un marché ....................................................................................................................... 239
L’enregistrement des prix dans les comptes des hiéropes : l’expression de la demande ........................ 239 La question de la conjoncture ....................................................................................................... 239 Le poids du sanctuaire .................................................................................................................. 240 Difficulté d’une analyse des prix ................................................................................................... 241
L’organisation de l’approvisionnement du sanctuaire .......................................................................... 244 Revendeurs et fournisseurs locaux ................................................................................................ 244 Provenances et coûts de transport : l’organisation de stocks .......................................................... 245 La poix et l’huile ................................................................................................................ 246 Les tuiles ............................................................................................................................ 254 Les produits d’importation lointaine ............................................................................................ 255 Le marché des produits de consommation courante ..................................................................... 259 Les animaux de sacrifice ...................................................................................................... 259 Le bois ............................................................................................................................... 261
TABLE DES MATIÈRES
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La fixation des prix : enchères et marchandage .................................................................................... 262 Les enjeux du recours aux enchères .............................................................................................. 262 Les hiéropes vendeurs ................................................................................................................... 264 Les hiéropes acheteurs .................................................................................................................. 265 La négociation des prix ................................................................................................................ 266
Les caractéristiques du marché délien .............................................................................................. 267 La continuité des structures et des activités ......................................................................................... 268 L’emporion classique ..................................................................................................................... 268 L’augmentation de la population au iiie s. ..................................................................................... 268
Les locaux professionnels et les intérêts des Déliens ............................................................................ 269 Les pratiques des hiéropes ............................................................................................................ 270 Le stockage hors du sanctuaire ..................................................................................................... 271 Une concurrence entre Déliens ..................................................................................................... 272
La politique de la cité ........................................................................................................................... 274 L’évolution des prix et le commerce de redistribution ................................................................... 274 La lutte contre la spéculation ........................................................................................................ 276
Le développement de l’emporion délien ............................................................................................... 279 Le volume des échanges ....................................................................................................................... 280 La pentekostè délienne ................................................................................................................... 280 L’ellimenion rhodien ..................................................................................................................... 281 L’activité de commerce de transit ......................................................................................................... 281 Les indices du commerce du grain ................................................................................................ 282 Les esclaves ................................................................................................................................... 285 L’ateleia ........................................................................................................................................ 285 Les infrastructures du commerce ......................................................................................................... 287 L’Agora des Déliens ...................................................................................................................... 287 Le chôma ...................................................................................................................................... 288
Les équipements .................................................................................................................................. 290 Les infrastructures du stockage ............................................................................................................ 291
Conclusion : de l’emporion au port franc .................................................................................................. 293 CONCLUSION ....................................................................................................................................... 299 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 303 ANNEXES ................................................................................................................................................ 335 Annexe 1. La comptabilité des hiéropes................................................................................................. 337 Annexe 2. Composition de la caisse sacrée et de la caisse publique d’après les inventaires de jarres ................................................................................................................................ 383 Annexe 3. Inventaires des jarres par les administrateurs athéniens ................................................. 405 Annexe 4. Loi délienne sur la vente du bois et du charbon .............................................................. 411 Annexe 5. Mois du calendrier délien ................................................................................................... 415 Annexe 6. Signes et abréviations utilisés pour les subdivisions monétaires .................................... 417 Annexe 7. Chronologie des stèles et fragments de compte de la fin de l’Indépendance .............. 419 Annexe 8. Carte et plan ......................................................................................................................... 421
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PARASITES DU DIEU
INDEX ...................................................................................................................................................... 423 Noms de lieux et de monuments ............................................................................................................ 425 Noms de personnes .................................................................................................................................. 429 Index des notions .................................................................................................................................... 433 Sources littéraires ................................................................................................................................. 435 Sources épigraphiques ............................................................................................................................ 437 Sources papyrologiques .......................................................................................................................... 443 Liste des tableaux ....................................................................................................................................... 445 Liste des figures .......................................................................................................................................... 447 Table des matières ...................................................................................................................................... 449
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