Jeroboam Et La Division Du Royaume (1 Rois 11,26 - 12,33) Etude Historico-Philologique (Bibliotheque de L'Ecole Des Hautes Etudes, Sciences Religieu) (French Edition) 9782503573656, 2503573657

LA FIGURE DE JEROBOAM tracee par la Septante est celle d'un homme venu du bas qui parvient a conquerir un niveau so

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Jeroboam Et La Division Du Royaume (1 Rois 11,26 - 12,33) Etude Historico-Philologique (Bibliotheque de L'Ecole Des Hautes Etudes, Sciences Religieu) (French Edition)
 9782503573656, 2503573657

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JÉROBOAM ET LA DIVISION DU ROYAUME étude historico-philologique de 1 Rois 11, 26 - 12, 33

BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES

SCIENCES RELIGIEUSES

VOLUME

178

Illustration de couverture : Kings 3, Jeroboam’s idolatry; Jeroboam sets up two golden calfs, one in Bethel and one in Dan, Bible Historiale, The Hague, MMW, 10 B 23, fol. 165r, 1372. http://manuscripts.kb.nl/ search/simple/jeroboam © Koninklijke Bibliotheek National Library of the Netherlands.

JÉROBOAM ET LA DIVISION DU ROYAUME étude historico-philologique de 1 Rois 11, 26 - 12, 33

Giancarlo Toloni

H

F

La Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses La collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses, fondée en 1889 et riche de plus de cent soixante-dix volumes, reflète la diversité des enseignements et des recherches menés au sein de la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études (Paris, Sorbonne). Dans l’esprit de la section qui met en œuvre une étude scientifique, laïque et pluraliste des faits religieux, on retrouve dans cette collection tant la diversité des religions et aires culturelles étudiées que la pluralité des disciplines pratiquées : philologie, archéologie, histoire, philosophie, anthropologie, sociologie, droit. Avec le haut niveau de spécialisation et d’érudition qui caractérise les études menées à l’EPHE, la collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses aborde aussi bien les religions anciennes disparues que les religions contemporaines, s’intéresse aussi bien à l’originalité historique, philosophique et théologique des trois grands monothéismes – judaïsme, christianisme, islam – qu’à la diversité religieuse en Inde, au Tibet, en Chine, au Japon, en Afrique et en Amérique, dans la Mésopotamie et l’Égypte anciennes, dans la Grèce et la Rome antiques. Cette collection n’oublie pas non plus l’étude des marges religieuses et des formes de dissidences, l’analyse des modalités mêmes de sortie de la religion. Les ouvrages sont signés par les meilleurs spécialistes français et étrangers dans le domaine des sciences religieuses (chercheurs enseignants à l’EPHE, anciens élèves de l’École, chercheurs invités…). Directeur de la collection : Arnaud Sérandour Secrétaires d’édition : Cécile Guivarch, Anna Waide Comité de rédaction : Mohammad Ali a mir-moezzi, Jean-Robert a rmoGathe, Samra a zarnouche, Marie-Odile BoulnoiS, Gilbert dahan, Jean-Daniel duBoiS, Vincent GooSSaert, Michael houSeman, Christian JamBet, François de PoliGnac, Ioanna r aPti, Jean-Noël roBert

© 2017, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2017/0095/93 ISBN 978-2-503-57365-6 e-ISBN 978-2-503-57366-3 10.1484/M.BEHE-EB.5.112508

Printed on acid-free paper.

Avant-propos

AVANT-PROPOS Cette étude est née dans le cadre d’un projet de recherche post-doctorale sur les traditions concernant Jéroboam (« Rois et Prophètes dans 1 R 11, 25 14, 20 : Les traditions sur Jéroboam ») que j’ai entrepris à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) - Sorbonne, Paris, sous la direction de M. André Lemaire, après mon doctorat de recherche (2001) à l’Université de Naples « L’Orientale » avec le Prof. Giovanni Garbini. J’ai donc l’agréable devoir de remercier avant tout M. André Lemaire pour la confiance avec laquelle il m’a accueilli et soutenu dans le perfectionnement de ma formation (2001-2009) dans la perspective de l’historiographie biblique, fondée naturellement sur l’étude philologique du texte. Mon travail s’est développé lors de différents séjours d’étude à Madrid auprès de l’Instituto de Lenguas y Culturas del Mediterráneo y Oriente Próximo du Consejo Superior de Investigaciones Cientίficas (CSIC), à l’intérieur du Groupe de Recherche en Filología y critica textual bίblicas et à travers la participation aux projets de recherche du Prof. Natalio Fernández Marcos (« Edición de Textos Bíblicos y Parabíblicos – Biblia Políglota Matritense ») et du Prof. Julio César Trebolle Barrera (« Edición crítica de III-IV Reges – Göttingen Series – y Biblia Qumranica : Edición sinóptica de Samuel-Reyes »), de l’Universidad Complutense. Les contacts fréquents, les conversations et les suggestions reçues m’ont été précieux pour mon étude du texte et ont orienté peu à peu mes choix. Je les en remercie vivement. Au terme de mon activité de recherche, j’ai sélectionné la première partie du travail et l’ai présentée à l’intérieur de mon « Mémoire de Synthèse » en vue de l’Habilitation à diriger des recherches (HDR), que j’ai obtenue le 6 septembre 2010 auprès de la IVe section : « Sciences Historiques et Philologiques », de l’EPHE - Sorbonne, Paris. Je profite donc de cette occasion pour renouveler toute ma reconnaissance à mon directeur d’habilitation, M. Lemaire, qui m’a suivi et encouragé à présenter ma candidature HDR, et aux membres du jury, présidé par Mme Hedwige Rouillard-Bonraisin et composé des Prof. Riccardo Contini, Jan Joosten, et Thomas Römer, pour leur estime et pour leur évaluation bienveillante de mon travail, que je présente ici avec quelques corrections de détail émergées au cours de la soutenance, et une mise à jour bibliographique essentielle.

5

Avant-propos Je remercie tout particulièrement Mme Rouillard-Bonraisin, qui a encouragé la publication de l’ouvrage, et MM. Gilbert Dahan et Arnaud Sérandour qui l’ont accueilli au sein de leur prestigieuse collection. En même temps, je suis très reconnaissant à M. Thomas Römer qui a relu minutieusement mon manuscrit, pour ses précieuses suggestions en vue de la publication. C’est avec grand plaisir que je dédie cette étude au Prof. Natalio Fernández Marcos, maître et ami très cher, avec l’expression de ma plus vive estime et de ma gratitude la plus cordiale pour ses enseignements avisés et toujours enrichissants. Giancarlo Toloni

6

Sigles et abréviations

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

1. Revues, collections et grands dictionnaires AASF

Annales Academiae Scientiarum Fennicae

AB

Anchor Bible

AbAWG

Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen

ABD

Anchor Bible Dictionary, d. n. Freedman et al. (éd.), 6 vol., Doubleday, New York 1992

AbrNahr

Abr-Nahrain

AbTANT

Abhandlungen zur Theologie des Alten und Neuen Testaments

AIL

Ancient Israel and Its Literature

ANEM

Ancient Near Eastern Monographs

AOAT

Alter Orient und Altes Testament

ASR

Annali di Scienze Religiose

ATD

Alte Testament Deutsch, Neues Göttinger Bibelwerk

BCR

Biblioteca di cultura religiosa

BEATAJ

Beiträge zur Erforschung des Alten Testaments und des Antiken Judentums

BEstBib

Biblioteca de Estudios Bíblicos

BETL

Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium

Bib

Biblica

BibRef

Biblical Refigurations

BIOSCS

Bulletin of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies

BJS

Brown Judaic Studies

BKAT

Biblischer Kommentar, Altes Testament

BN

Biblische Notizen

BRel

Biblioteca de las Religiones

BS

La Bibbia nella storia

BS

Bibliotheca Sacra

7

Sigles et abréviations

BSDiss

Bibliotheca Salmanticensis, Dissertationes

BSSTB

Biblioteca di storia e storiografia dei tempi biblici

BZAW

Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft

CahRB

Cahiers de la Revue biblique

CBET

Contributions to Biblical Exegesis and Theology

CBQ

Catholic Biblical Quarterly

ConC

Continental Commentary

DBSup

Supplément au Dictionnaire de la Bible, h. cazelleS, a. Feuillet et al. (éd.), Letouzey et Ané, Paris 1928-

DSASM

Dipartimento di Studi Asiatici, Series Minor

DSI

De Septuaginta Investigationes

EstBíb

Estudios Bíblicos

FAT

Forschungen zum Alten Testament

FRLANT

Forschungen zur Religion und Literatur des Alten Testaments und Neuen Testaments

GLAT

Grande Lessico dell’Antico Testamento, J. BotterWeck, h. r inGGren (éd.), Edizione italiana a cura di A. Catastini, R. Contini, P.-G. Borbone, 10 vol., Paideia, Brescia 1988-2010 [éd. orig. : Theologisches Wörterbuch zum Alten Testament, 10 vol., W. Kohlhammer, Stuttgart 1970-2000]

HBM

Hebrew Bible Monographs

HCOT

Historical Commentary on the Old Testament

Hen

Henoch

HPC

Historia del Pensamiento y la Cultura

HSM

Harvard Semitic Monographs

HUCA

Hebrew Union College Annual

Hum

Humanities

ICA

Initiations au Christianisme ancien

ICC

International Critical Commentary

IJ

Information Judentum

ISB

Introduzione allo studio della Bibbia

ISBSup

Introduzione allo studio della Bibbia, Supplementi

JANES

Journal of the Ancient Near Eastern Society

JBL

Journal for Biblical Literature

JBS

Jerusalem Biblical Studies

JNSL

Journal of Northwest Semitic Languages

JSJSup

Journal for the Study of Judaism, Supplement Series

JSOTSup

Journal for the Study of the Old Testament, Supplement Series

8

Sigles et abréviations

LBPT

I libri biblici, Primo Testamento

LD

Lectio Divina

LHB

Library of Hebrew Bible, Old Testament Studies

LSB

La Sacra Bibbia, Volgata latina e traduzione italiana dai testi originali

MoBi

Le Monde de la Bible

MSU

Mitteilungen des Septuaginta-Unternehmens

NCBC

New Century Bible Commentary

NIDB

New Interpreter’s Dictionary of the Bible, k. d. SakenFeld (éd.), 5 vol., Abingdon Press, Nashville, tn, 2006

NuoVer

Nuovissima versione della Bibbia dai testi originali

OBO

Orbis Biblicus et Orientalis

OLZ

Orientalistische Literaturzeitung

OTL

Old Testament Library

OTS

Oudtestamentische Studiën

PHSIC

Perspectives on Hebrew Scriptures and Its Contexts

PV

Parole di Vita

QHen

Quaderni di Henoch

QSJ

Que sais-je ?

RB

Revue biblique

RIBLA

Revista de Interpretación Bíblica Latinoamericana

RivB

Rivista Biblica

RivBSup

Rivista Biblica, Supplementi

RSER

Revue de la Société Ernest-Renan

RTL

Revue Théologique de Louvain

SBA

Stuttgarter biblische Aufsatzbande, Altes Testament

SBib

Studi biblici

SBLDiss

SBL Dissertation Series

SBLMS

SBL Monograph Series

SBLSCS

SBL Septuagint and Cognate Studies

SBLSS

SBL Semeia Studies

SBTS

Sources for Biblical and Theological Study

SCJ

Stone-Campbell Journal

ScrPIB

Scripta Pontificii Instituti Biblici

Sef

Sefarad

SKGG

Schriften der Königsberger Gelehrten Gesellschaft, Geisteswissenschaftliche Klasse

SLBA

Schweich Lectures on Biblical Archaeology

9

Sigles et abréviations

SOTSMS

Society for Old Testament Study Monograph Series

SPhASHJ

Studia Philonica Annual : Studies in Hellenistic Judaism

SS

Storia e società

StBLit

Studies in Biblical Literature

StrB

Strumenti, Biblica

TBüch

Theologische Bücherei

TCS

Text-Critical Studies

TECC

Textos y Estudios « Cardenal Cisneros » de la Biblia Políglota Matritense

Textus

Textus

TRu

Theologische Rundschau

TZ

Theologische Zeitschrift

VLGLB

Vetus Latina : Aus der Geschichte der lateinischen Bibel

VT

Vetus Testamentum

VTSup

Vetus Testamentum, Supplements

VWGT

Veröffentlichungen der Wissenschaftlichen Gesellschaft für Teologie

WBC

Word Biblical Commentary

WMANT

Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament

WO

Die Welt des Orients : Wissenschaftliche Beiträge zur Kunde des Morgenlandes

ZAW

Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft

ZBK

Zürcher Bibelkommentare

ZDPV

Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins

2. Texte, versions anciennes et lexiques Ant.

FlaviuS JoSèPhe, Les Antiquités juives

at

Ancient Testament

BHS

Biblia Hebraica Stuttgartensia..., k. elliGer, W. rudolPh (éd.), Textum masoreticum curavit H. P. Rüger. Masoram elaboravit G. E. Weil. Editio quinta emendata opera A. Schenker, Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart 19975 (1967-1977)

DCH

The Dictionary of Classical Hebrew, d. J. a. clineS (éd.), 9 vol., Sheffield Academic Press, Sheffield 1993-2016

FJ

Flavius Josèphe

HALAT

Hebräisches und aramäisches Lexikon zum Alten Testament, l. koehler, W. BaumGartner et al. (éd.), 5 vol., E. J. Brill, Leiden 1967-19953

10

Sigles et abréviations

L91-95

Gloses marginales de la VL dans les vulgates espagnoles

L115

Palimpsestus Vindobonensis

Luc.

Lucifer de Cagliari

LEH

Greek-English Lexicon of the Septuagint, J. luSt, e. eynikel, k. hauSPie (éd.), Revised Edition, vol. un., Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart 2003

LHVT

Lexicon Hebraicum Veteris Testamenti, F. zorell (éd.), PIB, Roma 1951-84 [réimp. 1989]

LSJ

A Greek-English Lexicon, G. liddell, r. Scott (éd.), Revised and Augmented throughout by Henry Stuart Jones with the Assistance of Roderick McKenzie... Supplement Edited by P. G. W. Glare, Clarendon, Oxford 19409 [réimp. anast. 1996]

LXX

Septante

LXX

A

LXX B LXX

L

codex Alexandrinus de la LXX codex Vaticanus de la LXX Texte antiochien (recension Lucianique de la LXX)

NETS

A New English Translation of the Septuagint and the Other Greek Translations Traditionally Included Under That Title, a. PieterSma, B. G. WriGht (éd.), (traducteurs pour 3 Règnes : P. d. mclean [kai g / e], B. A. taylor [OG]), Oxford University Press, Oxford 2007

nt

Nouveau Testament

OG

Old Greek (LXX ancienne)

Regn

Regnorum libri I-IV (texte grec de 1-2 Samuel et 1-2 Rois)

Syr.

Version syriaque (Peshitta)

Targ.

Targum / Targumim (versions araméennes)

TM

Texte Massorétique

VL

Vetus Latina (Vieille Latine)

Vulg.

Vulgata (version latine de Saint Jérôme)

3. Abréviations générales a.

auteur(s)

abs.

absolu

acc.

accusatif

act.

actif/ve

aor.

aoriste

ap. J.-C.

après Jésus-Christ

av. J.-C.

avant Jésus-Christ

11

Sigles et abréviations

c.

circa (environ)

cf.

comparer, rapprocher, mettre en parallèle

chap.

chapitre(s)

cns.

construit

cod.

code(s)

col.

colonne(s)

com.

commun(e)

CSIC

Consejo Superior de Investigaciones Científicas

dat.

datif

dépon.

déponent(s)

Diss./Ph.D.

Dissertation (thèse doctorale)

Dtr

deutéronomiste(s), rédacteur(s)

éd. angl.

édition anglaise

éd. orig.

édition originale

éd.

éditeur(s), édité(s)

EPHE

École Pratique des Hautes Études

et al.

et alii (et d’autres collaborateurs)

fém.

féminin

fr.

fragmente(s)

fut.

futur

fragm.

fragmentaire(s)

gén.

génitif

i.e.

id est (c’est-à-dire)

ibid.

ibidem (même ouvrage d’un même auteur déjà cité auparavant)

Id.

Idem (même auteur mais d’autre ouvrage)

impf.

imparfait

impér.

impératif

indic.

indicatif

inf.

infinitif

IOSCS

International Organization for Septuagint and Cognate Studies

l.

ligne(s)

libr.

librement 1

litt.

littéralement

masc.

masculin

1.

12

L’abréviation « libr. », pour « librement » , indique que nous retraduisons le texte pour mieux le faire comprendre, après avoir donné une traduction plus littérale.

Sigles et abréviations

médio-pass. médio-passif/ve moy.

moyen(ne)

ms.

manuscrit(s)

n.

note(s)

N.S.

nouvelle série



numéro

neut.

neutre

nom.

nominatif

opt.

optatif

OSOT

Organization for the Study of the Old Testament

p. ex.

par exemple

p.

page(s)

§

paragraphe(s)

parf.

parfait

part.

participe

pass.

passif/ve

pers.

personne

PIB

Pontificium Institutum Biblicum

pl.

pluriel

pq-parf.

plus-que-parfait

prés.

présent

réimp.

réimpression

réimp. anast.

réimpression anastatique

rel.

reliqui, etc. (restants, etc.)

rév.

révision, révisé

s.d.

sans date

s.e.

sans éditrice

s.l.

sans lieu (d’édition)

s.n.

sans numéro (du volume de la collection)

s.v.

sub voce (mot de lexique)

SBL

Society of Biblical Literature

sect.

section

sing.

singulier

spéc.

spécialement

13

Sigles et abréviations

subjon.

subjonctif

suff.

suffixe(s)

tit. orig.

titre original

trad.

traduction, traduit

v.

verset(s)

vol. un.

volume unique

vol.

volume

4. Livres de la Bible Gn

Genèse

Ex

Exode

Lv

Lévitique

Nb

Nombres

Si

Sirac (Ecclésiastique)

Dt

Deutéronome

Is

Isaïe

Jos

Josué

Jr

Jérémie

Jg

Juges

Lm

Lamentations

Rt

Ruth

Ba

Baruch

1S

1er de Samuel

Ez

Ézéchiel

2S

2 de Samuel

Dn

Daniel

1R

1er des Rois

Os

Osée

2R

2 des Rois

Jl

Joël

1 Ch

1er des Chroniques

Am

Amos

2 Ch

2 des Chroniques

Ab

Abdias

Esd

Esdras

Jon

Jonas

Ne

Néhémie

Mi

Michée

Tb

Tobie

Na

Nahum

Jdt

Judith

Ha

Habaquq

Est

Esther

So

Sophonie

1M

1er des Maccabées

Ag

Aggée

2M

e

2 des Maccabées

Za

Zacharie

Jb

Job

Ml

Malachie

Ps

Psaumes

Pr

Proverbes

Qo

Qohélet (Ecclésiaste)

Ct

Cantique des Cantiques

Sg

Sagesse

14

e

e

e

INTRODUCTION Les événements racontés dans 1 R 11, 26 - 12, 33 sur la division du royaume et le rôle réel de Jéroboam I (931/930-909 av. J.-C.), qui est passé à l’histoire comme le premier roi schismatique d’Israël, sont depuis longtemps au centre de l’intérêt des spécialistes. En effet, à partir de points de vue substantiellement différents et avec des finalités et des méthodologies distinctes, ceux-ci analysent ces deux chapitres pour relire la physionomie problématique de ce personnage biblique afin de mieux cerner la fonction politique réelle qu’il exerça dans le cadre des événements dans lesquels il fut impliqué. La participation de Jéroboam à la révolte des tribus du Nord et la division conséquente du royaume sont étroitement liées entre elles ; on ne saurait donc étudier l’image du personnage principal de ces événements sans partir d’une évaluation critique de l’historiographie qui a transmis le récit. Il apparaît de façon évidente que si le problème exégétique consiste à reconstruire le tableau des faits de la manière la plus réaliste possible, il s’agit en fait de fournir un jugement correct, sur le plan historique, de l’action de Jéroboam, devenu l’archétype de l’apostasie, dans les relectures théologiques du rédacteur deutéronomiste (Dtr) 1, pour avoir impliqué Israël dans son péché, imité par la suite par tous ses successeurs.

1.

Dans notre étude, l’expression « rédacteur Dtr » désigne non pas un unique rédacteur, mais l’activité littéraire deutéronomiste, dans l’ensemble complexe des stratifications et des phases du travail rédactionnel qui portèrent à différentes éditions des livres des Rois. De façon analogue, la pluralité des niveaux de rédaction et leur caractère anonyme compliquent énormément même la notion d’« auteur », à considérer de préférence au pluriel (le singulier est utilisé ici par souci de praticité), et le concept de texte « original ». Au sujet de l’« Histoire deutéronomiste » et l’activité du Dtr, les études suivantes sont un point de repère incontournable : Th. römer, Dal Deuteronomio ai libri dei Re. Introduzione storica, letteraria e sociologica, Turin 2007 (StrB 36), p. 9-46.94-100 [éd. orig. : The So-Called Deuteronomistic History. A Sociological, Historical and Literary Introduction, Londres 2005] ; a. GonzáleS lamadrid, « La storia deuteronomistica », dans J. m. Sánchez caro et al. (éd.), Storia, narrativa, apocalittica, Brescia 2003 (ISB 3/2), p. 17-165 [éd. orig. : Historia, Narrativa, Apocalíptica, Estella 2000] ; Th. römer, a. de Pury, « L’historiographie deutéronomiste (HD) : Histoire de la recherche et enjeux du débat », dans a. de Pury, Th. römer, J.-d. m acchi (éd.), Israël construit son histoire. L’historiographie deutéronomiste à la lumière des recherches récentes, Genève 1996 (MoBi 34), p. 9-120 [éd. angl. : Israel Constructs Its History : Deuteronomistic Historiography in Recent Research, Sheffield 2000 (JSOTSup 306)]. Cf. aussi th. römer, « Which Future for the Deuteronomistic History ? », dans id. (éd.), The Future of the Deuteronomistic History, Louvain

15

Introduction 1. Le Status quaestionis La première impression, lorsque l’on porte un premier regard sur ces récits, est qu’il s’agit d’une narration singulière impliquant, à différent titre, des rois et des prophètes 2 : d’une part, Salomon, Jéroboam et Roboam ; de l’autre, Ahiyya et Shemaya. Du reste, la reconstruction de l’histoire sous-jacente à la narration biblique exige la solution de problèmes textuels notoirement complexes. Le texte pose en effet des questions de nature historico-littéraire, idéologique et critico-textuelle dont l’étude devra nécessairement précéder toute autre considération sur les événements objet du récit. En premier lieu, nous sommes devant une « historiographie » ancienne et idéologisée, dans la mesure où elle relit les événements du passé à la lumière d’un certain nombre de concepts théologiques fondamentaux comme, par exemple, celui de l’alliance entre YHWH et Israël ; il s’agit donc du point de vue ciblé et précis d’une historiographie « à thèse », dont la véridicité doit faire l’objet, cas par cas, d’une vérification attentive. Il faut notamment tenir compte du fait que la Bible conserve deux traditions écrites différentes sur Jéroboam, l’une dans le texte massorétique (TM) et l’autre dans la version grecque des Septante (LXX), sans compter la réélaboration libre qui figure dans le doublet textuel du grec dans 3 Regn 12, 24a-z, de fait, une troisième version des événements. Le problème exégétique impose donc de vérifier avant tout si les divergences entre les récits qui nous sont parvenus ont leur origine dans les problèmes de transmission textuelle ou si elles remontent à des traditions plus anciennes et posent donc des questions d’histoire des

2.

16

2000 (BETL 147), p. vii-x. Pour une presentation détaillée et ponctuelle du Status quaestionis voir m. Witte et al. (éd.), Die deuteronomistischen Geschichtswerke : Redaktionsund religionsgeschichtliche Perspektiven zur « Deuteronomismus ». Diskussion in Tora und Vorderen Propheten, Berlin-New York 2006 (BZAW 365) ; Ch. nihan, « “Deutéronomiste” et “Deutéronomisme”. Quelques remarques de méthode en lien avec le débat actuel », dans M. niSSinan (éd.), Congress Volume Helsinki 2010, Leyde-Boston 2012 (VTSup 148), p. 409-441, et K. Schmid, « The Deuteronomistic Image of History as Interpretative Device in the Second Temple : Towards a Long-Term Interpretation of “Deuteronomism” », ibid., p. 369-388. Cf. aussi Th. römer, « The Case of the Book of Kings », dans D. V. edelman (éd.), Deuteronomy-Kings as Emerging Authoritative Books : A Conversation, Atlanta 2014 (ANEM 6), p. 187-201 ; id., « From Deuteronomistic History to Nebiim and Torah », dans I. himBaza (éd.), Making the Biblical Text : Textual Studies in the Hebrew and Greek Bible, Fribourg-Göttingen 2015 (OBO 275), p. 1-18, spéc. p. 3-12, et id., « The Current Discussion on the So-Called Deuteronomistic History : Literary Criticism and Theological Consequences », Hum 46 (2015), p. 43-66. La relation entre prophétisme et monarchie dans la littérature narrative biblique et au Proche-Orient ancien a fait l’objet de publications importantes parues dans les dernières années. Parmi les études les plus significatives cf. : a. lemaire (éd.), Prophètes et Rois. Bible et Proche-Orient, Paris 2001 (LD-Hors série), et de c. Grottanelli, Kings & Prophets. Monarchic Power, Inspired Leadeship, & Sacred Text in Biblical Narrative, New York-Oxford 1999.

Introduction traditions et des rédactions. Il conviendra donc d’apprécier convenablement l’apport spécifique de la critique littéraire comme complément des indications fournies par la critique textuelle, cette dernière restant le point de départ indispensable de notre analyse. 1.1. Les formes du texte Les récits sur Jéroboam et la division du royaume dans 1 R 11, 26 - 12, 33 ont été transmis par le TM, qui constitue le textus receptus, et par la LXX, en particulier dans la forme attestée par le codex Vaticanus (LXXB). Tels sont les testimonia textus à partir desquels commencera notre analyse. Le TM est accessible, en premier lieu, dans la forme proposée par l’édition diplomatique réalisée par K. Elliger et W. Rudolph – édition connue sous le nom de « BHS » –, dont la cinquième édition est republiée actuellement sous la direction d’A. Schenker 3. Notre analyse textuelle aura donc pour point de départ cette forme textuelle : en effet, le volume sur 1-2 Rois n’a pas encore vu le jour dans le cadre des deux principaux projets d’édition de l’hébreu, la Biblia Hebraica Quinta (BHQ) et The Hebrew Bible : A Critical Edition (HBCE) 4. En grec, le texte de 1 R 11, 26 - 12, 33 selon la LXX B est accessible dans l’édition de A. E. Brooke, N. McLean, H. St. J. Thackeray 5, que nous garderons comme point de repère, même si nous allons également consulter l’édition manuelle de A. Rahlfs 6; dans les deux cas, il est clair qu’il ne s’agit que d’éditions diplomatiques reproduisant essentiellement le texte du codex Vaticanus, bien que les éditeurs de la première aient établi des comparaisons avec d’autres codex majuscules et incorporé dans l’appareil critique un nombre de variantes largement supérieur à celui de la seconde. Il n’est cependant pas

3. 4.

5.

6.

BHS, p. 588-596. Pour des raisons de commodité, dans notre étude nous en proposons le texte consonantique muni seulement de la vocalisation, c’est-à-dire sans les accents massorétiques. Dans la BHQ, le responsable du volume sur 1-2 Rois est A. Schenker, qui est également le directeur principal de l’ensemble du projet éditorial ; en revanche, l’édition critique des livres des Rois dans la HBCE a été confiée à J. Joosten (avant 2014, le projet était nommé The Oxford Hebrew Bible [OHB]). Cf. R. hendel, Steps to a New Edition of the Hebrew Bible, Atlanta 2016, p. 15-39. a. e. Brooke, n. mclean, h. St. J. thackeray (éd.), The Old Testament in Greek according to the Text of Codex Vaticanus, Supplemented from other Uncial Manuscripts, with a Critical Apparatus containing the Variants of the Chief Ancient Authorities for the Text of the Septuagint, 3 vol., Cambridge 1906-1940, II.2. I and II Kings (1930), p. 250-265. a. r ahlFS (éd.), Septuaginta. Id est Vetus Testamentum graece iuxta LXX interpretes. Duo volumina in uno. Editio altera quam recognovit et emendavit r. Hanhart, Stuttgart 2006, p. 658-665.

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Introduction possible de disposer d’une édition critique proprement dite, c’est-à-dire de l’editio critica magna de Göttingen, car le volume concernant 1-2 Rois n’a pas encore paru dans cette collection 7. Les deux formes textuelles indiquées présentent des différences évidentes, parfois très significatives sur le plan critique ; ce phénomène – on le sait – caractérise le premier livre des Rois de façon spécifique par rapport au deuxième. Enfin, si au premier examen, le texte de la LXX de 1 Rois laisse l’impression qu’il s’agit d’une version très littérale, caractérisée par de fréquents hébraïsmes, voire même, parfois, des calques linguistiques, il n’en demeure pas moins vrai que précisément dans ce livre, les traducteurs grecs rendent très librement l’hébreu qu’ils avaient à leur disposition. On soulignera par exemple, l’inversion de l’ordre de versets et de chapitres entiers (1 R 20 et 1 R 21), le déplacement de groupes de versets (1 R 22, 41-50 placé après 1 R 16, 28), la modification de la chronologie relative à la durée des deux règnes et les synchronismes ; sans oublier l’intégration (déjà mentionnée) dans le texte grec d’un long doublet textuel dans 3 Regn 12, 24a-z, qui propose un récit alternatif de la révolte de Jéroboam. Il semblerait donc que dans ce premier livre des Rois, les LXX aient eu à leur disposition un texte hébraïque très différent du TM : une preuve ultérieure du fait qu’au moins deux éditions différentes du livre étaient connues dès le iiie siècle av. J.-C. Du reste, les testimonia d’un texte pré-massorétique qui sont parvenus, à partir des manuscrits collationnés par B. Kennicott et C. D. Ginsburg, sont généralement conformes à la LXX 8. Quant aux manuscrits retrouvés à Qumran, ils ne nous ont fourni que quelques rares fragments de 1-2 Rois : un de 5Q2 et un de 6Q4, contenant plusieurs passages, mais brefs et sans lien les uns avec les autres ; d’autres fragments appartiendraient en revanche à la tradition protorabbinique. Nous ne pourrons donc pas nous servir de ces textes dans notre étude 9. Le TM de 1-2 Rois a été étudié en détail par F. Delitzsch 10, qui a dépisté pas moins de 400 erreurs : il s’agit de fautes de grammaire ou d’orthographe, d’affirmations qui s’intègrent mal dans leur contexte d’appartenance, de confusions de mots. Du reste, un tel jugement pourrait être corroboré par le nombre considérable de qerê proposés ici par les massorètes. La tendance actuelle parmi les chercheurs est de réduire le nombre d’erreurs proprement dites, que Rudolph évalue à une centaine. Un phénomène caractéristique du TM est en effet la lectio conflata, qui ne saurait être assimilée à une erreur puisqu’il

academia Scientiarum GottinGenSiS (éd.), Septuaginta. Vetus Testamentum Graecum auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum, Göttingen 1931-. 8. Cf. P. BuiS, « Rois (Livre des) », DBSup X (1985), p. 695-740, spéc. p. 732 . 9. Sur la contribution des manuscrits qumraniques à l’étude de 1-2 Rois, cf. J. [c.] treBolle [Barrera], « Qumran Fragments of the Books of Kings », dans a. lemaire, B. h alPern, m. J. a damS (éd.), The Books of Kings : Sources, Composition, Historiography and Reception, Leyde-Boston 2010 (VTSup 129), p. 19-39, spéc. p. 33-39. 10. F. delitzSch, Die Lese- und Schreibfehler im Alten Testament, Berlin-Leipzig 1920. 7.

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Introduction s’agit en fait de juxtaposer deux leçons, variantes alternatives à l’origine, en les considérant comme un seul tout (par ex. dans 1 R 11, 26 ; 12, 10 ; 13, 11). Étant donné que ce problème ne se pose pas dans les testimonia pré-massorétiques, on pourrait supposer avec P. Buis 11 que le TM dérive d’une copie de la version protomassorétique en marge de laquelle certaines variantes d’une autre forme textuelle avaient été annotées. Quant à la LXX, aucune étude n’a encore été effectuée sur l’aspect littéraire de la version : il a simplement été remarqué que les traducteurs grecs de ces livres se sont efforcés fréquemment de rendre l’hébreu en l’améliorant, c’est-à-dire en expliquant ce qui se comprenait mal, comme par exemple les données relatives à la chronologie. L’étude de l’histoire de la version grecque, quant à elle, nous a révélé qu’elle n’est absolument pas homogène. Les traducteurs ont rendu l’hébreu beaucoup plus librement dans le premier livre que dans le deuxième, ce qui a porté à supposer qu’ils étaient l’œuvre de deux traducteurs différents, possédant une technique et une sensibilité différentes et agissant en vertu de principes différents. Du reste, comme l’a remarqué Thackeray, la section 1 R 12, 12 - 21, 43 présente des caractéristiques qui ressemblent plutôt à celles de 1 S 1 - 2 S 11, à tel point qu’on la croirait l’œuvre du même traducteur. L’examen des manuscrits grecs a permis d’avancer l’hypothèse selon laquelle il y aurait une première révision au ier siècle av. J.-C. et une deuxième au ier siècle ap. J.-C. (connue sous le nom de révision kai/ge), antérieure à la recension lucianique. Ces révisions successives ont pour objectif d’améliorer la traduction pour l’harmoniser avec le texte hébreu ; cependant, l’hébreu sur lequel elles s’appuient est toujours un texte pré-massorétique, surtout pour ce qui est de la recension lucianique. On remarquera à ce propos que les récits de 1 R 11, 26 - 12, 33, qui nous intéressent ici plus précisément, appartiennent à la section gg (3 Regn 2, 12 - 21, 43) de la classification bien connue proposée par Thackeray 12 : il s’agit donc d’un texte « non-kai/ge », c’est-à-dire ayant échappé au travail de correction du texte ancien de la LXX mis en œuvre à partir de la deuxième moitié du ier siècle av. J.-C. dans le but de l’adapter à un hébreu de type protomassorétique. Une considération qui est particulièrement importante, sur le plan critique, en vue de la restitution de l’original.

11. BuiS, « Rois », p. 733. 12. h. St. J. thackeray, The Septuagint and Jewish Worship. A Study in Origins, Londres 19232 (SLBA for 1920), p. 114.

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Introduction On sait d’ailleurs que c’est précisément dans ces livres que la LXX présente par rapport au TM des différences textuelles qui peuvent être significatives et que D. W. Gooding 13 attribue principalement aux initiatives exégétiques des traducteurs. On observe une divergence particulière dans le doublet de 3 Regn 12, 24a-z : comme on le verra, celui-ci contient des éléments différents et contradictoires avec le récit de la montée de Jéroboam sur le trône d’Israël fourni dans les versets précédents 14; un examen particulièrement attentif sera donc nécessaire. La critique textuelle se révèle donc indispensable pour ces extraits 15 et fournit des éléments qui sont utiles à la critique littéraire puisque, le TM ne contenant que la première version du grec, on pourrait être porté à supposer qu’il existait à l’origine deux versions du récit du schisme entre Juda et Israël. 1.2. Les testimonia textus parallèles Le texte connu comme « antiochien » (LXXL) et la Vetus Latina (VL), qui concorde fréquemment avec lui, constituent un terme de comparaison important aux fins de notre recherche. L’étude de la forme textuelle qu’ils représentent, en parallèle avec celle du texte transmis dans le TM et la LXX B, devient donc particulièrement significative sur le plan critique 16.

13. d. W. GoodinG, « Problems of Text and Midrash in the Third Book of Reigns », Textus 7 (1969), p. 1-29 ; cf. aussi id., Relics of Ancient Exegesis : A Study of the Miscellanies in 3 Reigns 2, Cambridge 1976 (SOTSMS 4). 14. Cf. aussi G. dorival, m. h arl, o. munnich, La Bible grecque des Septante. Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, Paris 19942 (ICA s.n.), p. 176-177. 15. Sur l’utilisation de la critique textuelle pour l’examen des testimonia de 1-2 Rois, cf. t. m. laW, « Do the Three Reveal Anything about the Textual History of the Books of Kings ? The Hebrew Text behind the Later Greek Jewish Versions in 1 Kings », dans B. lemmeliJn, h. auSlooS, J. [c.] treBolle Barrera (éd.), After Qumran : Old and New Editions of Biblical Texts. The Historical Books, Louvain-Paris-Walpole 2012 (BETL 246), p. 245-264. Cf. aussi id., « How Not to Use 3 Reigns : A Plea to Scholars of the Books of Kings », VT 61 (2011), p. 280-297 ; J. JooSten, « The Value of the Septuagint for Textual Criticism of the Hebrew Bible as Illustrated by the Oxford Hebrew Bible Edition of 1 Kings », dans J. cook, H.-J. StiPP (éd.), Text-Critical and Hermeneutical Studies in the Septuagint, Leyde-Boston 2012 (VTSup 157), p. 223-236, et id., « Empirical Evidence and Its Limits : The Use of the Septuagint in Retracing the Redaction History of the Hebrew Bible », dans R. müller, J. Pakkala, B. ter h aar romeny (éd.), Insights into Editing in the Hebrew Bible and the Ancient Near East, Louvain 2015 (CBET 72), p. 365-375. 16. P.-M. BoGaert, A. Schenker, J. D. Shenkel, par ex., s’inscrivent dans cette ligne. Pour un exemple de cette approche critique sur 1 Rois, cf. P. a. toriJano moraleS, « The Contribution of the Antiochean Greek Text to Text Criticism in Kings : Rahlf’s Study of the Lucianic Recension Revisited (1 Kgs 1:8.36.40.41.45) », dans a. Piquer otero, P. a. toriJano moraleS (éd.), Florilegium Complutense : Textual Criticism and Dead Sea Scrolls Studies in Honour of Julio Trebolle Barrera, Leyde 2012 (JSJSup 157), p. 325-342. Cf. aussi : id., « Different Distribution of Agreements between LXX L and Medieval Hebrew Variants in Kaige and Non-kaige Sections of III-IV Regnorum », dans M. K. H. PeterS

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Introduction La LXXL des récits sur Jéroboam sera examiné sur la base de l’édition critique réalisée par N. Fernández Marcos, J. R. Busto Saiz et M. V. Spottorno Díaz-Caro 17. À ce propos, il est important de rappeler combien s’avère précieuse la contribution de haut niveau scientifique de l’« école » espagnole en vue de la restitution de la LXX L 18, étant donné que nous ne disposons pas encore de l’édition critique de Göttingen pour le texte grec des livres des Rois, de Samuel et des Chroniques. Le premier à mettre la LXXL au centre de l’attention des critiques fut D. Barthélemy 19, qui identifia la révision kai/ge de l’ancienne LXX dont le but était d’harmoniser le texte de la version grecque avec le texte protomassorétique du ier siècle ap. J.-C. Dans deux sections des livres des Rois (bg et gd), dénommées « sections kai/ge », cette révision hébraïsante avait pris en compte la plus grande partie de la tradition manuscrite grecque, y compris le codex Vaticanus, en négligeant cependant involontairement les manuscrits lucianiques, qui sont maintenant édités par Fernández Marcos. Le texte lucianique primitif de 3-4 Regn fut dénommé « protolucianique » et devint rapidement l’objet de nombreuses publications qui étudiaient ses relations avec la révision kaig/ e et avec la LXX ancienne 20.

(éd.), XIV Congress of the IOSCS - Helsinki 2010, Atlanta 2013 (SBLSCS 59), p. 175-192, et J. [C.] treBolle Barrera, « Agreements between LXX BL Medieval Hebrew Readings, and Variants of the Aramaic, Syriac and Vulgate Versions in Kaige and Non-kaige Sections of 3-4 Reigns », ibid., p. 193-205. 17. n. Fernández m arcoS, J. r. BuSto Saiz, m. v. SPottorno díaz-caro (éd.), El texto antioqueno de la Biblia griega, 3 vol., Madrid 1989-1996 (TECC 50.53.60), II. 1-2 Reyes (1992), p. 36-47. 18. Cf. la bibliographie spécifique indiquée dans n. Fernández m arcoS, La Bibbia dei Settanta. Introduzione alle versioni greche della Bibbia, Brescia 2000 (ISBSup 6), p. 234235 [éd. orig. : Introducción a las versiones griegas de la Biblia. Segunda edición revisada y aumentada, Madrid 19982]. Cf. en particulier : id., « The Antiochene Edition in the Text-History of the Greek Bible », dans S. k reuzer, M. SiGiSmund (éd.), Der Antiochenische Text der Septuaginta in seiner Bezeugung und seiner Bedeutung, Göttingen 2013 (DSI 4), p. 57-73 ; [M.] V. SPottorno [diaz-caro], « The Status of the Antiochene Text in the First Century A.D. », ibid., p. 74-83, et S. k reuzer, « Der Antiochenische Text der Septuaginta. Forschungsgeschichte und eine neue Perspektive », ibid., p. 23-56. 19. d. Barthélemy, Les devanciers d’Aquila. Première publication intégrale du texte des Fragments du Dodécaprophéton, trouvés dans le désert de Juda, précédée d’une étude sur les traductions et recensions grecques de la Bible réalisées au premier siècle de notre ère sous l’influence du Rabbinat palestinien, Leyde 1963. 20. Cf. n. Fernández marcoS, « The Lucianic Text in the Book of Kingdoms : From Lagarde to the Textual Pluralism », dans a. PieterSma, c. cox (éd.), De Septuaginta. Studies in Honour of John William Wevers on his sixty-fifth Birthday, Mississauga, on, 1984, p. 161-175.

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Introduction Une importante étude de Fernández Marcos 21 qui décrit en détail les caractéristiques principales de la LXXL dans 3-4 Regn aide à apprécier correctement l’apport de ce testimonium à l’analyse critique des livres historiques. Il rappelle avant tout que la LXXL est essentiellement la LXX ; sa coïncidence significative avec le texte grec majoritaire permet de la placer dans le même courant de la tradition de la LXX ancienne, qui suppose une Vorlage hébraïque proche de l’original. Ce texte partage avec le reste de la LXX les intégrations de 3 Regn 2, 35a-o.46a-l et 3 Regn 12, 24a-z, la disposition du matériel narratif dans 3 Regn et l’échange des chap. 20 et 21. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle traduction de l’hébreu, ni d’une forme de la LXX ancienne. Il est en effet établi que la LXXL s’est vide séparé (peut-être au ier siècle ap. J.-C.) du courant majoritaire de la LXX avec un processus de transmission textuelle propre, indépendant du reste de la tradition grecque. Ceci explique ses nombreuses leçons originales et la singularité de son texte, à partir des noms propres eux-mêmes, qui ne trouvent pas de correspondance dans le reste de la tradition de la LXX. En définitive, la valeur critique de la LXXL dans 3-4 Regn consiste dans le fait qu’elle transmet un texte homogène, qui a échappé à la recension hébraïsante kai/ge, et qu’elle propose, pour ces sections, un texte plus ancien que le texte parvenu, bien que déjà soumis à une légère révision. Il ne s’agit certainement pas de la LXX primitive, puisqu’elle s’est perdue pour tous les livres bibliques, mais bien du texte le plus ancien que nous puissions reconstruire grâce à la critique textuelle 22. Les particularités les plus saillantes de ce texte sont les corrections et les adaptations linguistiques visant à remplacer les sémitismes par des constructions grecques, et les interventions éditoriales ayant pour objet d’éliminer les éléments hellénistiques au profit des formes attiques 23. S. P. Brock 24 souligne d’autres modifications dues à des motifs pratiques, comme par exemple l’adaptation du texte en vue de sa lecture publique. C’est ainsi que les pronoms cèdent la place aux noms propres, et que la traduction remplace la translittération. Il faut cependant reconnaître avec Fernández Marcos 25 que la LXXL

21. n. Fernández m arcoS, « Certidumbres y enigmas del texto antioqueno en I-IV Reyes », ASR 10 (2005), p. 155-169, spéc. p. 157-164. 22. d. Barthélemy, Études d’histoire du texte de l’Ancien Testament, Fribourg-Göttingen 1978 (OBO 21), p. 275, et e. tov, « Lucian and Proto-Lucian. Toward a New Solution of the Problem », dans id., The Greek and Hebrew Bible : Collected Essays on the Septuagint, Leyde-Boston-Cologne 1999 (VTSup 72), p. 477-488, considèrent, au contraire, que dans les sections « non –kai/ge » le substrat de la LXX L représente toujours la LXX ancienne. 23. Fernández m arcoS, « Certidumbres y enigmas del texto antioqueno », p. 161-162. 24. S. P. Brock, The Recension of the Septuagint Version of 1 Samuel, Turin 1996 (QHen 9), p. 252-253. 25. Fernández m arcoS, « Certidumbres y enigmas del texto antioqueno », p. 162.

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Introduction appartient incontestablement à la tradition de la LXX et « partage avec le reste de la tradition grecque la plus grande partie des divergences par rapport au TM, spécialement dans 1 R 12-14 (LXX) ». On remarque néanmoins des aspects littéraires et éditoriaux typiques de la LXXL qui sont le fruit d’une activité complexe et bien charpentée 26. Ces interventions de type éditorial ont pour fonction principale d’harmoniser la narration pour la rendre plus fluide. On peut donc conclure que les corrections présentes dans le LXXL ont la finalité de compléter ce qui était implicite dans le récit selon le schéma « annonce-accomplissement » ; elles intègrent de courtes phrases explicatives, réélaborent certains passages du point de vue stylistique (notamment l’élimination de l’hyperbaton) ; elles apportent des clarifications sous forme de midrash, accueillent des lectures alternatives de provenance différente et les harmonisent avec le contexte. On comprend ainsi l’importance de la LXXL pour la critique textuelle de la Bible hébraïque, à partir des sections kai/ge où ce texte est, dans de nombreux cas, le plus ancien auquel nous puissions remonter critiquement. En revanche, le texte de la VL de 1-2 Rois est parvenu de façon fragmentaire. L’édition critique réalisée par les bénédictins de Beuron 27 ne compte pas encore de volume publié sur les livres des Rois. Actuellement, on peut lire la VL dans la grande collection de citations patristiques mise au point par Sabatier 28, qu’il faut cependant avoir soin de confronter à chaque fois avec le témoignage latin le plus fiable de ce texte, le Palimpsestus Vindobonensis (L115) 29, sans oublier cependant l’apport de cet autre instrument critique de grande valeur que sont les gloses marginales de la VL éditées par A. Moreno Hernández (L91-95) 30. Les fragments que nous allons reproduire dans cette

26. Au sujet de l’activité éditoriale et des problèmes de la LXX L des livres des Rois, voir les importants apports de N. Fernández m arcoS, « Literary and Editorial Features of the Antiochian Text in Kings », dans c. e. cox (éd.), VI Congress of the IOSCS - Jerusalem 1986, Atlanta 1987 (SBLSCS 23), p. 287-304 ; id., « Some Reflections on the Antiochian Text of the Septuagint », dans d. Fraenkel, u. quaSt, J. W. WeverS (éd.), Studien zur Septuaginta-Robert Hanhart zu Ehren Aus Anlass seines 65. Geburtstages, Göttingen 1990 (AbAWG-Philologisch-Historische Klasse. Dritte Folge 190-MSU 20), p. 219-229. 27. B. FiScher (éd.), Vetus Latina : Die Reste der altlateinischen Bibel nach Petrus Sabatier neu gesammelt und herausgegeben von der Erzabtei Beuron, Fribourg 1949-. 28. P. SaBatier (éd.), Bibliorum Sacrorum Latinae versiones antiquae seu Vetus Italica..., 3 vol., Reims 1743-1749 [réimp. anast. Turnhout 1976], I, p. 568a-573b. 29. Après J. BelSheim (éd.), Palimpsestus Vindobonensis : Antiqvissimae Veteris Testamenti translationis Latinae fragmenta e codice rescripto eruit, Christiania 1885 [réimp. anast. 2010], la nouvelle édition de B. FiScher, e. ulrich, J. e. SanderSon (éd.), « Palimpsestus Vindobonensis : A Revised Edition of L 115 for Samuel-Kings », BIOSCS 16 (1983), p. 13-87, spéc. p. 40-87, est maintenant disponible, réimprimée dans B. FiScher, Beiträge zur Geschichte der lateinischen Bibeltexte, Fribourg 1986 (VLGLB 12), p. 308-438. 30. a. moreno hernández, Las glosas marginales de Vetus Latina en las Biblias Vulgatas españolas : 1-2Reyes, Madrid 1992 (TECC 49).

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Introduction étude seront conformes à l’édition critique de Fernández Marcos et Busto Saiz 31, que nous analyserons en nous basant sur l’étude monographique de référence sur la VL de 1-2 Rois du même Fernández Marcos 32. Cette ancienne traduction latine représente sans nul doute un testimonium extrêmement significatif, surtout dans la mesure où il confirme souvent la LXXL. Enfin, comme le souligne J. Trebolle Barrera 33, la VL reflète souvent, dans les livres des Rois, un texte grec protolucianique très proche de la LXX primitive, qui rend à son tour tout aussi fidèlement un texte hébraïque ancien différent de celui qui est parvenu à travers la tradition massorétique. En revanche, pour ce qui est des modalités selon lesquelles la VL témoigne de la LXXL, Fernández Marcos 34 précise qu’il s’agit, dans chaque cas, d’un texte qui a subi différents types de corruption (de l’altération paléographique de son archétype grec à celle qui remonte à la tradition du texte hébraïque) au cours de sa transmission et contient, ici et là, une réélaboration littéraire stylistique que l’on ne saurait ignorer. 1.3. La rédaction des traditions Jusqu’à il y a quelques dizaines d’années, le matériel deutéronomiste semblait avoir été élaboré et rédigé substantiellement en deux strates, qui se distinguent également sur le plan chronologique. Bien que certains critiques – à partir de M. Noth 35, qui reconnaissait un unique Dtr, datable de l’époque exilique – aient manifesté ouvertement leur désaccord, la plupart des experts se prononçaient en faveur d’une double rédaction du texte. Le chef de file de

31. Fernández m arcoS, BuSto Saiz, El texto antioqueno, II, p. 36-47. 32. n. Fernández m arcoS, Scribes and Translators : Septuagint and Old Latin in the Books of Kings, New York-Leyde 1994 (VTSup 54), spéc. p. 9-37. 33. J. [c.] treBolle Barrera, « From the “Old Latin” through the “Old Greek” to the “Old Hebrew” (2 Kings 10:23-25) », Textus 11 (1984), p. 17-36. Cf. aussi A. Piquer, P. [a.] toriJano [moraleS], J. [c.] treBolle [Barrera], « Versions of the Septuagint, Greek Recensions and Hebrew Editions. Text-Critical Evaluation of the Old Latin, Armenian and Georgian Versions in III-IV Regnorum », dans h. auSlooS (éd.), Translating a Translation : The LXX and Its Modern Translations in the Context of Early Judaism, Louvain 2008 (BETL 213), p. 251-282. Sur l’apport de la VL à l’étude de la composition de 1-2 Rois, cf. J. [c.] treBolle Barrera, « Textual Pluralism and Composition of the Books of Kings : 2 Kings 17,2-23 : MT, LXX B, LXX L, OL », dans B. lemmeliJn, h. auSlooS, J. [c.] treBolle Barrera (éd.), After Qumran : Old and New Editions of Biblical Texts. The Historical Books, Louvain-Paris-Walpole 2012 (BETL 246), p. 213-226. 34. n. Fernández m arcoS, « The Vetus Latina of 1-2 Kings and the Hebrew », dans l. GreenSPoon, o. munnich (éd.), VIII Congress of the IOSCS - Paris 1992, Atlanta 1995 (SBLSCS 41), p. 153-163. 35. m. noth, Überlieferungsgeschichtliche Studien I : Die sammelnden und bearbeitenden Geschichtswerke im Alten Testament, Halle 1943 (SKGG 18/2). Les pages relatives à l’œuvre du rédacteur Dtr sont traduites en anglais dans id., The Deuteronomistic History, Sheffield 19912 (JSOTSup 15).

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Introduction cette ligne critique (l’« école » de Harvard) F. M. Cross 36 et plusieurs de ses élèves – notamment R. D. Nelson 37 et R. E. Friedman 38 – affirmaient que la première strate reflétait l’esprit de la réforme de Josias, attachée essentiellement à la centralisation du culte à travers la suppression des sanctuaires locaux (les « hauts lieux ») et concentrée sur l’aversion de fond envers tout élément cananéen ou syncrétiste. Une deuxième strate, plus récente, se baserait sur la relecture des événements graves qui s’étaient abattus sur Israël en 722/1, sur Juda en 597 et sur Jérusalem en 587/6 comme accomplissement du jugement de YHWH annoncé maintes fois par les prophètes : le châtiment divin avait frappé le peuple avec la chute du royaume du Nord, la première grande déportation, puis la deuxième, suivie de la destruction de Jérusalem, la fin de la dynastie et la perte de l’indépendance politique. Le problème des stratifications des rédactions deutéronomistes a été repris par la suite par les chercheurs de l’« école » de Göttingen, qui ont également formulé une proposition de solution. Leur thèse reconnaissait l’existence d’au moins trois strates rédactionnelles, c’est-à-dire un DtrH primitif (le Dtr historique) réélaboré dans le DtrP et le DtrN. Cette dernière couche a été identifiée en 1971 par R. Smend 39, un élève de Noth, qui signalait la présence de traces significatives de cette strate rédactionnelle dans les livres de Josué et des Juges ; il lui donna le nom de « nomistique » (DtrN) en raison de son insistance sur le thème de l’observance de la Loi. En 1972, son collaborateur W. Dietrich 40 reconnaissait l’existence d’une autre phase rédactionnelle encore entre le DtrH et le DtrN, qu’il dénomma DtrP pour mettre en évidence l’incorporation d’une série d’éléments prophétiques ou de tendance prophétique. Enfin, lors d’un nouvel examen, respectivement de Samuel et des Rois et ensuite des Juges et de Samuel, T. Veijola 41, un autre collaborateur de l’équipe, affirma en

36. F. m. croSS, « The Themes of the Books of Kings and the Structure of the Deuteronomic History », dans id., Canaanite Myth and Hebrew Epic : Essays in the History of the Religion of Israel, Cambridge 1973, p. 274-289. 37. r. d. nelSon, The Double Redaction of the Deuteronomistic History, Sheffield 1981 (JSOTSup 18). 38. r. e. Friedman, The Exile and Biblical Narrative : The Formation of the Deuteronomistic and Priestly Works, Chico 1981 (HSM 22), spéc. p. 1-43 ; id., « From Egypt to Egypt : Dtr 1 and Dtr 2 », dans B. h alPern, J. d. levenSon (éd.), Traditions in Transformations : Turning Points in Biblical Faith (F. M. Cross Festschrift), Winona Lake 1981, p. 167-192. 39. r. Smend, « Das Gesetz und die Völker », dans h. W. WolFF (éd.), Probleme biblischer Theologie. Gerhard von Rad zum 70. Geburtstag, Munich 1971, p. 494-509 [éd. angl. : « The Law and the Nations », dans G. n. k noPPerS, J. G. mcconville (éd.), Reconsidering Israel and Judah. Recent Studies on the Deuteronomistic History, Winona Lake 2000 (SBTS 8), p. 95-110]. 40. W. dietrich, Prophetie und Geschichte, Göttingen 1972 (FRLANT 108). 41. t. veiJola, Die ewige Dynastie. David und die Entstehung seiner Dynastie nach der deuteronomistischen Darstellung, Helsinki 1975 (AASF B/193) ; id., Das Königtum in der Beurteilung der deuteronomistischen Historiographie. Eine redaktionsgeschichtliche

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Introduction 1975 puis en 1977 qu’alors que le DtrH est philo-monarchique ou indulgent vis-à-vis de la monarchie, le DtrP adopte une attitude critique vis-à-vis de la dynastie davidique (2 S 12), et que le DtrN, qui est plutôt antimonarchique, s’efforce de réhabiliter les fondateurs de la dynastie judaïte, David et Salomon (1 S 8, 6-22 ; 1 R 1, 35-37 ; 2, 3-4). L’« école » de Smend partageait avec Noth la datation à l’époque exilique des différentes strates deutéronomistiques, mais abandonnait le concept d’auteur-rédacteur. En effet, certains de ses représentants tendaient à distinguer ultérieurement un DtrN1 et un DtrN2, et d’autres continuaient dans cette direction pour identifier une série de couches deutéronomistiques, avec le risque conséquent de compromettre l’unité et la cohérence de l’Histoire deutéronomiste. Si l’on excepte les « Néo-Nothiens » – en particulier J. Van Seters 42 et S. L. McKenzie 43 – substantiellement portés à reprendre le modèle de Noth, les critiques ont continué pour la plupart sur cette ligne et reconnu une multiplicité de rédactions deutéronomistes même dans le Tétrateuque et les livres prophétiques. La même hypothèse a également été avancée pour les livres des Rois 44, comme on le verra mieux dans le courant de l’examen des différents passages, en particulier dans l’interprétation de H. Weippert 45 qui, élaborant l’hypothèse de Cross 46, distingue trois rédactions différentes, la première sous Ézéchias (viiie siècle av. J.-C.), la deuxième sous Josias (fin du viie siècle av. J.-C.), la troisième de l’époque exilique (vie siècle av. J.-C.). Cortese 47 fait cependant remarquer que pour étudier l’histoire des royaumes divisés, il ne suffit pas de se demander si l’on peut avancer l’hypothèse d’une double rédaction, préexilique et exilique : il faut également affronter la possibilité d’une édition précédant la josianique, c’est-à-dire ézéchienne, et en

Untersuchung, Helsinki 1977 (AASF B/198). 42. J. van SeterS, In Search of History : Historiography in the Ancient World and the Origins of Biblical History, New Haven-Londres 1983 [réimp. Winona Lake 1997]. 43. S. l. mck enzie, « Cette royauté qui fait problème », dans A. de Pury, Th. römer, J.-d. m acchi (éd.), Israël construit son histoire. L’historiographie deutéronomiste à la lumière des recherches récentes, Genève 1996 (MoBi 34), p. 267-296. Cf. aussi id., « Deuteronomistic History », ABD II, p. 160-168 ; id., « Deuteronomistic History », NIDB II, p. 106-108. 44. Cf. G. n. k noPPerS, « Theories of the Redaction(s) of Kings », dans a. lemaire, B. h alPern, m. J. a damS (éd.), The Books of Kings : Sources, Composition, Historiography and Reception, Leyde-Boston 2010 (VTSup 129), p. 69-88, spéc. p. 70-84, qui passe en revue les différentes hypothèses sur la rédaction deutéronomiste du livre des Rois. 45. H. WeiPPert, « Die “deuteronomistischen” Beurteilungen der Könige von Israel und Juda und das Problem der Redaktion der Königsbücher », Bib 53 (1972), p. 301-339. 46. croSS, « The Themes of the Books of Kings », p. 274-289. 47. e. corteSe, Le tradizioni storiche di Israele. Da Mosè a Esdra, Bologne 20012 (BS 2), p. 289. Initialement sur la ligne de Noth, Cortese s’est ensuite exprimé en syntonie avec Cross pour affirmer la nécessité de postuler différentes rédactions à partir de la position spécifique de l’auteur au sujet de la dynastie davidique (cf. id., « Problemi attuali circa l’Opera deuteronomistica », RivB 26 [1978], p. 341-352, spéc. p. 352). Comme critère pour

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Introduction même temps rediscuter le schéma deutéronomistique des Rois et des récits prophétiques afin de comprendre quand et pourquoi ces histoires ont été incorporées à l’ouvrage. Weippert 48 affirme également que l’on pourrait supposer l’existence d’une rédaction de 1-2 Rois précédente, c’est-à-dire pré-ézéchienne, en se basant sur certaines nuances présentes dans les formules des jugements sur les rois de Josaphat à Achaz, nuances qui sont absentes dans les appréciations sur les rois précédents (de Roboam à Asa) et suivants (à partir d’Ézéchias). A. Lemaire 49 continue sur cette ligne en distinguant une rédaction encore précédente, datable à 850 av. J.-C. La discussion a continué avec les apports de I. W. Provan 50 et W. B. Barrick 51 qui, bien qu’acceptant la thèse de Weippert, considèrent que la rédaction qu’elle identifie commence dès Asa et se poursuit jusqu’à Ézéchias. En définitive, une bonne partie des critiques est actuellement encline à reconnaître, outre les rédactions josianique et exilique, une rédaction ézéchienne, quoiqu’en se basant sur des argumentations parfois différentes 52 et modifiant donc la thèse de Weippert 53.

48.

49.

50. 51. 52. 53.

distinguer la rédaction préexilique (Dtr1) de l’exilique (Dtr2), il indique (id., Le tradizioni storiche di Israele, p. 200-201) l’enthousiasme avec lequel le premier des deux, rédacteur de l’époque de Josias, décrirait les faits du règne d’Ézéchias. Cf. aussi H. WeiPPert, « “Histories” and “History” : Promise and Fulfillment in the Deuteronomistic Historical Work », dans G. n. k noPPerS, J. c. mcconville (éd.), Reconsidering Israel and Judah : Recent Studies on the Deuteronomic History, Winona Lake 2000 (SBTS 8), p. 47-61. a. lemaire, « Vers l’histoire de la Rédaction des Livres des Rois », ZAW 98 (1986), p. 221236 [éd. angl. : « Toward a Redactional History of the Book of Kings », dans G. n. k noPPerS, J. c. mcconville (éd.), Reconsidering Israel and Judah : Recent Studies on the Deuteronomic History, Winona Lake 2000 (SBTS 8), p. 446-461]. Cf. aussi B. h alPern, a. lemaire, « The Composition of Kings », dans a. lemaire, B. h alPern, m. J. a damS (éd.), The Books of Kings : Sources, Composition, Historiography and Reception, Leyde-Boston 2010 (VTSup 129), p. 123-153. i. W. Provan, Hezekiah and the Books of Kings : A Contribution to the Debate about the Composition of the Deuteronomistic History, Berlin-New York 1988 (BZAW 172). W. B. Barrick, « On the Meaning of bamôt/bêt-H and battê-habbamôt and the Composition of the Kings History », JBL 115 (1996), p. 621-642. Cf. p. ex. B. h alPern, d. vanderhooFt, « The Edition of Kings in the 7th-6th Centuries B.C.E. », HUCA 62 (1991), p. 174-244. Cf. e. eynikel, The Reform of King Josiah and the Composition of the Deuteronomistic History, Leyde-New York-Cologne 1996 (OTS 33), p. 33-135.

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Introduction La critique moderne semble pencher en faveur d’une triple rédaction deutéronomiste 54 mais en mettant l’accent sur des aspects différents 55. En effet, l’attention des critiques s’est portée progressivement vers une démarche visant à comprendre aussi qui a accompli le travail de rédaction et comment l’œuvre a été réalisée 56. Ainsi, dans la foulée de « l’école » de Göttingen, E. Würthwein 57 est enclin à reconnaître aussi l’apport de gloses post-deutéronomistiques, alors que Jones 58 souligne la contribution de cercles sacerdotaux, prophétiques et sapientiaux, actifs à l’intérieur d’une « école deutéronomistique ». En revanche Buis 59, après avoir identifié une première édition de 1-2 Rois à l’époque d’Ézéchias, place la rédaction deutéronomiste proprement dite avant la mort de Josias et fait suivre une seconde rédaction à l’époque exilique, avec l’intégration de nouveau matériel et de différentes révisions. L’activité exégétique des critiques a cependant fini par multiplier l’identification des couches rédactionnelles, révélant ainsi inévitablement les limites de l’hypothèse d’une « Histoire deutéronomiste », à tel point que nombre

54. Par contre, fidèle à la ligne de Cross, m. J. mulder, 1 Kings, I/1. 1 Kings 1-11, Louvain 1998 (HCOT s.n.), spéc. p. 16-17, distingue une rédaction en deux phases, la première de l’epoque d’Ézéchias, la deuxième de la période exilique. 55. Pour une mise à jour ponctuelle sur les perspectives de l’historiographie deutéronomiste dans 1-2 Rois voir Th. römer, « La naissance du Pentateuque et la construction d’une identité en débat », dans o. a rtuS, J. Ferry (éd.), L’identité dans l’Ecriture. Hommage au professeur Jacques Briend, Paris 2009 (LD 228), p. 21-43, et t. veiJola, « Deuteronomismusforschung zwischen Tradition und Innovation (III) », TRu 68 (2003), p. 1-44. Cf. aussi : Th. römer, « La fin de l’historiographie deutéronomiste et le retour de l’Hexateuque ? », TZ 57 (2001), p. 269-280 ; id., « How Many Books (teuchs) : Pentateuch, Hexateuch, Deuteronomistic History, or Enneateuch ? », dans t. B. dozeman, th. römer, k. Schmid (éd.), Pentateuch, Hexateuch, or Enneateuch ? Identifying Literary Works in Genesis through Kings, SBL, Atlanta 2011 (AIL 8), p. 25-42. 56. Sur le recours de Dtr à des sources précédentes, voir J.[c.] treBolle Barrera, « Kings (MT/LXX) and Chronicles : The Double and Triple Textual Tradition », dans r. r ezetko, W. B. aucker (éd.), Reflections and Refractions : Studies in Biblical Historiography in Honour of A. Graeme Auld, Leyde 2007 (VTSup 113), p. 483-501, et R. R. WilSon, « How Was the Bible Written ? Reflections on Sources and Authors in the Book of Kings », dans S. dolanSki (éd.), Sacred History, Sacred Literature : Essays on Ancient Israel, the Bible, and Religion in Honor of R. E. Friedman on His Sixtieth Birthday, Winona Lake 2008, p. 133-143. 57. e. WürthWein, Die Bücher der Könige. 1. Kön. 17-2. Kön. 25, Göttingen 1984 (ATD 11/2), p. 485-502. 58. G. h. JoneS, 1 and 2 Kings, 2 vol., Grand Rapids 1984 (NCBC s.n.), I, p. 47-77, sur la base de e. W. nicholSon, Deuteronomy and Tradition, Oxford-Philadelphie 1967, p. 58-59. Contre le concept d’« école deutéronomistique », voir n. lohFink, « Gab es eine deuteronomistische Bewegung ? », dans id. (éd.), Studien zum Deuteronomium und zur deuteronomistischen Literatur, III, Stuttgart 1995 (SBA 20), p. 65-142. 59. BuiS, « Rois », p. 19-24.

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Introduction d’entre eux en sont arrivés à abandonner l’idée d’une école unitaire 60. Il est en effet évident, comme l’a précisé C. Westerman 61, que les livres compris entre le Deutéronome et 1-2 Rois ne présentent pas le même style, ni les mêmes accents que l’idéologie deutéronomiste mais présupposent, chacun, leur propre contexte historico-social ; il explique par exemple que les Juges – contrairement à 1-2 Rois – attestent une vision cyclique de l’histoire et que les thèmes deutéronomistiques ne reviennent pas clairement dans Samuel. Toutefois, les traces d’une rédaction cohérente deutéronomiste pourraient, à bon escient, être identifiées dans cette unité littéraire entre le Deutéronome et 1-2 Rois, à condition de tenir compte du fait que la transcription de la tradition orale a porté une transformation, parfois substantielle, du matériel narratif. Ceci est également mis en évidence dans la nouveauté de la perspective de Römer 62. Contre H. N. Rösel 63, il faut remarquer qu’il existe des thèmes deutéronomistiques qui colorent les livres du Deutéronome à 1-2 Rois et sont, en revanche, absents dans le Tétrateuque : par exemple, celui de l’« adoration des dieux » et celui du « refus de YHWH », qui expliquent l’exil – lui aussi thème caractérisant – et la ruine d’Israël et de Juda. Ceci confirme également l’existence d’un lien qui réunit les livres compris entre le Deutéronome et 1-2 Rois, et affirme ainsi la pertinence de l’hypothèse deutéronomiste, bien qu’avec une valeur très différente de celle qu’envisageait Noth. Ainsi, parmi les différentes lignes interprétatives appuyant la reconnaissance d’une triple stratification du processus rédactionnel, une attention particulière devra être réservée à la proposition de Römer 64, qui situe le début de l’activité deutéronomiste dans 1-2 Rois au temps de la réforme de Josias et place les deux phases plus significatives à l’époque exilique et à l’époque perse. Il s’agit d’une interprétation singulière : en effet, Römer 65 préfère à bon escient parler de transformation dans la perspective deutéronomiste plus que de formation, et identifie les trois moments saillants sur la base des aspects sociologiques, historiques et idéologiques qui les ont distingués. Le premier est daté de l’époque de Josias, au moment de l’épanouissement d’une littérature de propagande : parmi les différents livres, celui des Rois

60. Cf., p. ex., e. a. k nauF, « L’historiographie deutéronomiste (DTRG) existe-t-elle ? », dans a. de Pury, Th. römer, J.-d. m acchi (éd.), Israël construit son histoire. L’historiographie deutéronomiste à la lumière des recherches récentes, Genève 1996 (MoBi 34), p. 409-418. 61. C. WeStermann, Die Geschichtsbücher des Alten Testaments. Gab es ein deuteronomistisches Geschichtswerk ?, Gütersloh 1994 (TBüch 87). 62. römer, Dal Deuteronomio ai libri dei Re, p. 43. 63. h. n. röSel, « Does a Comprehensive “Leitmotiv” Exist in the Deuteronomistic History ? », dans Th. römer (éd.), The Future of the Deuteronomistic History, Louvain 2000 (BETL 147), p. 195-211. 64. römer, Dal Deuteronomio ai libri dei Re, p. 47-169. 65. Th. römer, « Transformations in Deuteronomistic and Biblical Historiography : On “Book-Finding” and other Literary Strategies », ZAW 109 (1997), p. 1-11.

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Introduction et le récit préalable à la montée de David sur le trône eurent précisément pour but de présenter Josias comme la réincarnation de David. Quant aux coordonnées historiques, sociales et idéologiques du second moment, postérieur à la destruction du Temple (587 av. J.-C.), elles furent caractérisées par un pessimisme accentué accompagné du développement d’une « littérature de crise » ; la rédaction exilique des livres compris entre le Deutéronome et 1-2 Rois naquit en effet avec la mission d’interpréter ces événements et de suggérer comment les affronter. Le troisième moment se situe après l’exil, une époque marquée par une intense activité deutéronomiste qui conduisit à la dernière rédaction. Ici, la transformation se produisit avec le passage de l’exil à la diaspora. Ainsi le prouvent les figures des rois Joachim, Joseph et Mardochée (évoquées dans 2 R 25, 27-30), des juifs exilés qui gagnèrent la faveur des souverains étrangers qui les avaient accueillis et devinrent une sorte de « vizirs » adjoint au gouvernement. Cette dernière phase s’étendrait donc jusqu’à l’époque perse. 2. Le plan général de l’ouvrage Notre recherche va suivre différentes perspectives qu’il nous semble opportun de signaler dès à présent pour faciliter l’évaluation finale des données recueillies. Par conséquent, après la présentation des instruments critiques sur lesquels nous allons nous appuyer, le lecteur trouvera ci-dessous une description de l’objet spécifique de l’ouvrage et de ses objectifs, y compris l’apport attendu de la critique littéraire, ainsi que la méthodologie et le domaine dans lequel s’inscrit notre recherche. 2.1. Objet et finalité L’analyse textuelle va consister à étudier les traditions directes sur Jéroboam à partir des deux récits de son histoire narrée dans 1 R 11, 26 - 12, 33, parvenus dans le TM et dans la LXX B ; en parallèle, nous allons également prendre en compte le récit transmis par les deux autres testimonia principaux du texte, c’est-à-dire la LXXL et la VL. Le but à atteindre est de deux ordres : tout d’abord philologique, puisque la comparaison textuelle vise à identifier la forme la plus proche possible de l’Ur-text sur laquelle on se basera pour répondre aux différentes questions que pose le récit biblique ; mais aussi exégétique car notre intention est de reconstruire les visages de Jéroboam que tracent les différents testimonia textus tout en nous efforçant de comprendre, d’une part, lequel est le plus digne de foi sur le plan historique, et d’autre part quelles sont les inquiétudes qui obscurcissent les réélaboration qui ont donné lieu aux autres portraits.

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Introduction Dans une deuxième phase, l’analyse pourra être élargie à 1 R 13, 1 - 14, 20, puis à l’étude des témoignages indirects où l’on se concentrera surtout sur les variantes idéologiques qui caractérisent ces traditions par rapport aux directes. On pourra alors examiner les récits parallèles transmis par le Chroniste (2 Ch 9, 29 - 11, 1-4.13-17 ; 13, 1-20) et par 2 R 17, 21-23 ; 23, 15-20, afin de souligner les divergences narratives par rapport aux passages étudiés précédemment. Cela nous portera inévitablement à reconsidérer les résultats du présent ouvrage à la lumière des nouvelles données qui feront leur apparition, et par conséquent à obtenir une vision plus complète des événements narrés et une définition plus précise de Jéroboam dans 1 R 11, 26 - 14, 20. Nous souhaitons cependant nous concentrer ici sur les traditions inhérentes au schisme politique et religieux qui porta à la naissance des deux royaumes d’Israël et de Juda et vérifier le rôle de Jéroboam dans cette révolte. En effet, il n’échappe à personne que les prémisses historico-religieuses et les implications politiques qui permettront de comprendre correctement le développement des thèmes et les perspectives théologiques qui caractérisent 1 R 13, 1 - 14, 20 se trouvent déjà ici, dans 1 R 11, 26 - 12, 33. 2.2. L’apport de la critique littéraire La critique littéraire, c’est-à-dire l’étude de l’histoire de la rédaction des traditions parvenues dans ces chapitres, pourra fournir un apport significatif aux objectifs de l’analyse textuelle. Il est naturellement très important de pouvoir combiner les résultats des deux. En effet, si la critique textuelle s’occupe de la transmission du texte après que ce dernier a été fixé comme œuvre littéraire finie, la critique littéraire étudie quant à elle le processus de formation d’un livre ou d’un ensemble de livres jusqu’au moment où ils arrivent à l’édition définitive. La première est une discipline historique avec des objectifs littéraires, la seconde est l’étude littéraire à des fins historiques. La priorité appartient, de toutes façons, à la première de ces deux approches critiques : en effet, il faut en premier lieu établir le texte avant d’étudier l’activité éditoriale qui, par phases successives, a porté à sa constitution. C’est précisément là la tâche spécifique de la critique littéraire, qui intègre les données acquises par la critique textuelle pour vérifier les résultats obtenus par cette dernière. Les traditions sur Jéroboam et la division du royaume (1 R 11, 26 - 12, 33) introduisent la section centrale des trois qui composent les livres des Rois, celle qui raconte l’histoire d’Israël et de Juda jusqu’à la chute du royaume du Nord (1 R 11, 26 - 2 R 17). Jéroboam, premier roi d’Israël après le schisme, est représenté comme le fondateur des sanctuaires de Dan et de Béthel : l’institution de ces centres de culte est cependant connotée comme « le péché de Jéroboam » car ils sont totalement illégitimes et en concurrence ouverte avec 31

Introduction le Temple de Jérusalem. La condamnation de cette innovation de Jéroboam se répercutera sur les rois qui lui succèderont au Nord, coupables d’avoir imité sa conduite répréhensible. Ce ne sera pas le cas des rois de Juda, conformes au modèle davidique et donc éclairés d’une lumière positive pour leur fidélité au Temple et la condamnation de ces lieux de culte alternatifs, les « hauts lieux » (tOmfB). Comme le souligne Römer 66, le Temple de Jérusalem est au centre de ces péricopes, directement ou indirectement ; mais il domine aussi, de fait, les deux autres sections des livres des Rois, du récit de sa construction (1 R 5-8) à ceux qui narrent les tentatives pour le réformer mises en œuvre par Joas (2 R 12), Ézéchias (2 R 18) et Josias (2 R 23) et jusqu’à la narration de sa destruction après la chute de Jérusalem envahie par l’armée néo-babylonienne (2 R 25). Or, le fait que le récit de l’édification du Temple aboutisse à une double conclusion – sa réforme (2 R 23) et sa destruction (2 R 25) – serait, selon Römer, un indice significatif de la présence d’au moins deux rédactions conflictuelles dans les livres des Rois, une du viie siècle av. J.-C., c’est-à-dire josianique, et une d’époque exilique. Les origines de ces récits doivent donc être reportées à la période néo-assyrienne. Du reste, 1-2 Rois révèle des parallélismes clairs avec des conventions littéraires assyriennes, présentes surtout dans la description de Salomon comme le constructeur du Temple et comme un roi sage et riche, tracée sur la base d’une propagande royale assyro-babylonienne qui décrivait tous les rois de cette époque comme constructeurs ou restaurateurs de palais et de temples, et dans le cadre reflétant directement les chroniques royales assyriennes et babyloniennes, qui s’étend de 1 R 12 à 2 R 23 67. La reconstruction du récit primitif de l’histoire des deux royaumes de la mort de Salomon à Josias, à laquelle appartiennent les traditions sur Jéroboam, est bien plus complexe. Le récit primitif contiendrait en effet une première version de la rébellion de Jéroboam contre Roboam à la suite de laquelle se seraient accomplies la sécession des tribus du Nord et la création du royaume d’Israël. Il semble tout aussi plausible que la première rédaction ait raconté le détail de l’institution de deux sanctuaires au Nord, à Béthel et à Dan, dans lesquels deux veaux d’or auraient été installés (1 R 12, 26-33) ; ce fait, condamné par le rédacteur comme le « péché de Jéroboam », sera en effet le terme de comparaison qui sera adopté pour évaluer tout aussi négativement les rois qui lui succèderont et se rendront couples de continuer ce culte qui constituait un véritable outrage au Temple de Jérusalem.

66. römer, Dal Deuteronomio ai libri dei Re, p. 95. 67. Ibid., p. 101.

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Introduction L’histoire des deux royaumes, maintes fois réécrite et enrichie, devait continuer sur la base d’un schéma fixe, plus synthétique pour les rois du Nord et plus complexe pour ceux du Sud, qui le limitait à fournir des informations de base essentielles telles que le nom du roi, sa date d’intronisation et la durée de son règne, préparant ainsi l’édition josianique de 1-2 Rois du viie siècle av. J.-C. Les traces de l’édition exilique 68 sont en revanche déjà visibles dans 1 R 3-8, qui fit l’objet de plusieurs réélaborations et intégrations, notamment l’ajout de 3, 1b-3, c’est-à-dire le thème des « hauts lieux » (tOmfB), ces sanctuaires situés dans des positions élevées dans lesquels Salomon et le peuple offraient des sacrifices à YHWH et probablement à Asherah 69. L’opposition deutéronomiste aux « hauts lieux », qui avait commencé dès le viie siècle av. J.-C., se dirigea aussi peu à peu contre des cultes qui se poursuivirent dans Juda pendant l’occupation babylonienne ; les « hauts lieux » seraient supprimés par la suite par les rois pieux Ézéchias (1 R 18, 4) et Josias (2 R 23, 5-20). L’image de Salomon a été retouchée elle aussi dans l’édition exilique ; le portrait positif de celui qui fut l’artisan de l’édification du Temple est assombri par la prédiction de la ruine, pour lui et pour le peuple, s’ils ne se soumettaient pas à la volonté divine. Cette annonce de malheur, qui présageait l’exil pour Israël (1 R 9, 7) et la destruction du Temple et de Jérusalem (1 R 9, 8) – des événements qui s’étaient déjà produits au temps des auditeurs (2 R 17 ; 24-25) –, introduit l’histoire des deux royaumes distincts. Le portrait du roi riche et voué à la construction du Temple, tracé sur le modèle des rois assyriens, cède le pas à la physionomie d’un souverain ambigu qui se reflétera par la suite dans la série de rois qui vénéreront d’autres dieux et offriront des sacrifices dans les « hauts lieux ». Pour le Dtr exilique, la colère de YHWH est provoquée par la mauvaise conduite de Salomon, bientôt suivi par le peuple. L’échec d’Israël réside avant tout dans l’adoration vouée à d’autres dieux ; celui de Salomon est aggravé par son mariage avec la fille du pharaon (1 R 9, 24) et par le fait d’avoir été séduit par « de nombreuses femmes étrangères », moabites, ammonites et sidoniennes, insoucieux des interdictions de Dt 7 ; 9, 1-6 ; 12, 2-7 ; Esd 9-10. Par rapport à l’édition babylonienne, la version exilique transforme les tOmfB en centres de culte des divinités moabites et ammonites (1 R 11, 5-7). La punition est annoncée dans 1 R 11, 9-13 : elle consistera à confier à d’autres le royaume de Salomon, mais ne s’accomplira qu’après la mort du roi en raison de la fidélité démontrée envers David qui reste, avec Josias, la seule figure totalement positive de l’édition du viie siècle av. J.-C.

68. Cf. aussi ibid., p. 139-141. 69. Sur le rapport entre ces deux divinités cf. G. GarBini, Dio della terra, dio del cielo. Dalle religioni giudaiche al giudaismo e al cristianesimo (BCR 70), Brescia 2011.

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Introduction À partir de ces prémisses, il s’avère donc extrêmement intéressant d’adopter la perspective de Römer, qui abaisse la datation de cette activité d’édition en vertu de l’apport des aspects historiques, sociaux et idéologiques qu’exprime le texte. En effet, la préoccupation de l’exégèse est avant tout de vérifier ponctuellement la datation correcte des différents éléments textuels à partir de ce qui ressemblerait à des indices de stratifications anciennes, mais qui pourraient être le produit de réécritures, parfois de matrice idéologique, et donc attribuable à des époques postérieures. À notre avis, en effet, l’histoire de 1-2 Rois, bien qu’imprégnée d’une matrice théologique substantiellement unitaire, se présente sans doute comme le fruit d’un processus de rédaction long et complexe, formé des apports multiples de nombreuses mains, dans un travail de remaniements et de révisions. S’il est établi que la période néo-assyrienne (viie siècle av. J.-C.) doit être considérée comme celle où la production de la littérature deutéronomiste pourrait avoir commencé, « l’existence d’une activité scribale deutéronomistique à l’époque de Josias ne signifie pas que l’on puisse reconduire à cette époque l’élaboration de l’histoire deutéronomiste dans la forme qu’elle possède aujourd’hui » 70. Il est en outre possible de penser, avec Römer 71, qu’une telle narration « n’ait pas été conçue avant la période exilique » dans une tentative d’« affronter la crise nationale et théologique des années 597-587 ». La première véritable édition de l’histoire date donc de l’exil, sous l’impulsion des événements liés à la destruction du Temple et à la déportation babylonienne consécutive, qui imposaient de reconsidérer et d’essayer de comprendre la portée politique et historico-religieuse de ces événements dramatiques ; l’idéologie qui en fut le résultat continua pendant longtemps à projeter son reflet, incitant donc à intervenir encore sur le texte à la lumière des événements qui s’ensuivirent : comme l’affirme Römer, il y a aussi « des signes montrant que l’histoire fit l’objet d’une nouvelle rédaction pendant la période persane » 72. S’il est bien fondé de penser à une activité rédactionnelle deutéronomiste dès l’époque de Josias, il dut s’agir d’un travail lié aux intérêts de la cour royale, et par conséquent d’une littérature de propagande ayant pour but de « renforcer la légitimité de Josias en le présentant comme le véritable

70. römer, Dal Deuteronomio ai libri dei Re, p. 45. 71. Ibid., p. 46. 72. m. noBile, « Possibili incidenze o influssi della storiografia greca sulla storiografia veterotestamentaria (Genesi-2 Re) », dans S. Graziani, m. c. caSaBuri, G. lacerenza (éd.), Studi sul Vicino Oriente antico dedicati alla memoria di Luigi Cagni, 4 vol., Naples 2000 (DSASM 61), IV, p. 1893-1923, souligne également l’occasion d’une stimulation extérieure à la mise en marche du processus rédactionnel deutéronomiste, qui pourrait avoir été fourni par l’épanouissement de la grande historiographie grecque des vie-ve siècles av. J.-C. caractérisée par les figures d’Hécatée, Hérodote et Thucydide.

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Introduction successeur de David », alors qu’un texte écrit « dans l’esprit des récits de conquête assyriens […] aurait épaulé la politique de Josias en légitimant la possession de la terre de la part de Juda au nom de YHWH lui-même ». Cela permet également de conclure, avec Nobile 73, que bien qu’il y a ait eu une volonté d’étiqueter sous une dénomination différente (« la triple rédaction ») la contribution des prêtres, fonctionnaires, sages et prophètes à ce travail de rédaction, il n’est pas toujours possible de le faire clairement et cela n’est pas probablement pas nécessaire puisqu’il s’agit d’un « apport rédactionnel diversifié horizontalement et perpétué verticalement dans le temps […] jusqu’aux derniers siècles avant Jésus-Christ ». C’est donc à ce niveau que se situe la contribution de la critique littéraire à notre étude sur les traditions de Jéroboam concernant la division du royaume, c’est-à-dire dans la mise en valeur de l’élément idéologique qui a pu influer sur la transcription du matériel narratif et sur sa reformulation. Nous nous efforcerons d’identifier – bien qu’avec prudence – dans cette étude les traces de l’activité rédactionnelle présente dans le texte transmis : des traces reconnaissables sur la base de différents critères, qui distinguent généralement la physionomie des différentes éditions décrites ci-dessus. Cette démarche permettra une évaluation plus ample des considérations formulées à partir de la critique textuelle en vue des objectifs déclarés. 2.3. Méthodologie et domaine d’étude Sans négliger l’apport de la perspective exégétique, nous adopterons une méthodologie à caractère principalement philologico-linguistique. Étant donné que ce travail vise avant tout à la restitution de l’Ur-text, notre étude ne pourra partir que de l’analyse du textus receptus, c’est-à-dire le TM, à comparer ponctuellement avec la forme textuelle du codex Vaticanus attestée par la LXX (LXXB) pour une première évaluation de l’archétype que représentent ces deux textes. Dans 1-2 Rois, le TM et la LXX B divergent sensiblement au niveau des synchronismes et de la chronologie des années de la monarchie davidique. Dans les traditions sur Jéroboam, ils diffèrent aussi dans la composition et dans l’ordre des différentes unités littéraires qui composent le texte ainsi que dans leurs nombreuses adjonctions et omissions qui, dans leur ensemble, donnent un caractère bien défini à chacune des deux éditions. Par conséquent, notre étude comparative examinera les analogies et les écarts quantitatifs et qualitatifs entre les deux testimonia, analysera la valeur des omissions et des intégrations apportées par la LXXB par rapport au TM et les divergences d’interprétation, qui prennent souvent un relief critique

73. m. noBile, 1-2Re. Nuova versione, introduzione et commento, Milan 2010 (LBPT 9), p. 27-28.

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Introduction singulier. En effet, notre examen du grec et sa comparaison avec le TM a pour but de déterminer l’archétype hébraïque supposé da la LXXB. Schenker 74 estime que la Vorlage de 1-2 Rois est généralement plus ancienne et authentique, alors que le TM attesterait davantage une activité littéraire des traducteurs 75. Par ailleurs, il souligne aussi l’importance des « variantes idéologiques », qui dépendraient moins de l’intervention éditoriale de copistes créatifs que d’une demande officielle de la part de personnes ayant autorité sur les textes, c’est-à-dire les prêtres du Temple de Jérusalem autour de l’an 140 av. J.-C., dont l’intervention fut motivée par le caractère anti-samaritain de cette édition. Les observations de Schenker méritent une grande considération et doivent être évaluées à partir de l’analyse textuelle. Du reste, quand il s’agit de la restitution d’un texte comme 1-2 Rois, le problème critique est particulièrement compliqué parce que, en dehors de la nécessité d’établir quel texte a introduit des corrections et quel autre a été corrigé – c’est-à-dire lequel des deux est le texte secondaire –, il faut tenir compte du fait que l’on est en train de comparer le TM avec une version grecque dans laquelle la disposition différente évidente du matériel semblerait découler du fait qu’elle dérive d’une Vorlage hébraïque différente. Cependant – comme le précise très justement Fernández Marcos 76, entre autres –, avant d’expliquer ces variantes à partir de motivations de nature idéologique ou historique, il faudra aussi vérifier avec rigueur, cas par cas, qu’elles ne soient pas nées, au contraire, d’incidents et d’erreurs survenus à un certain moment de la transmission du texte. Le travail se poursuivra par une extension de l’analyse philologique à la forme textuelle représentée par la LXX L, dont on observe souvent la correspondance avec la VL. Il s’agit substantiellement d’une forme unique du texte. En effet, dans 1-2 Rois une grande partie des doublets de la LXXL et de la VL résultent de traductions différentes de la même Vorlage hébraïque, et non pas de l’utilisation de deux formes textuelles différentes de l’hébreu. Du reste, la VL est considérée elle aussi comme un important testimonium du texte protolucianique puisqu’elle suit, dans les livres historiques, un archétype grec de type principalement antiochien. Toutefois, avant d’être utilisée comme attestation du protolucianique, elle doit faire l’objet d’une appréciation critique

74. a. Schenker, Älteste Textgeschichte der Königsbücher. Die hebräische Vorlage der ursprünglichen Septuaginta als älteste Textform der Königsbücher, Fribourg-Göttingen 2004 (OBO 199), p. 181-184. Sur le rôle de la LXX dans la transmission textuelle de 1-2 Rois, cf. aussi id., « The Septuagint in the Text History of 1-2 Kings », dans A. lemaire, B. h alPern, m. J. a damS (éd.), The Books of Kings : Sources, Composition, Historiography and Reception, Leyde-Boston 2010 (VTSup 129), p. 1-17, spéc. p. 13-17. 75. En faveur de l’antériorité du TM cf. G. n. k noPPerS, « Introduction », dans G. n. k noPPerS, J. c. mcconville (éd.), Reconsidering Israel and Judah : Recent Studies on the Deuteronomic History, Winona Lake 2000 (SBTS 8), p. 1-18. 76. Fernández m arcoS, « Certidumbres y enigmas del texto antioqueno », p. 166-167.

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Introduction attentive afin de distinguer ce qu’elle a d’original et ce qu’elle a de recensionnel. Mais pour l’étude des récits sur Jéroboam, l’importance de son apport reste fondamentale 77, surtout quand elle est confirmée par les citations de Flavius Josèphe (FJ) comme l’a bien précisé Fernández Marcos 78. Par conséquent, après avoir examiné les nouveautés que le LXXL présente par rapport à la LXX B au niveau des omissions, des adjonctions et des différences graphiques, on étudiera avec un intérêt particulier les variantes des manuscrits lucianiques boc2e2 79; en effet leurs leçons, si elles sont confirmées par la VL et par la réélaboration historiographique de FJ 80 attestant le texte protolucianique, sont en mesure de nous reporter, de façon tout à fait fiable, à une forme très proche de l’original. Dès ces premières considérations, il apparaît clairement qu’il ne sera pas possible d’accueillir aveuglément l’hypothèse de Schenker 81, qui voit dans la LXX de 1-2 R (et parfois même dans la VL) la forme la plus ancienne du texte, et dans le TM la version plus récente, corrigée selon l’idéologie du Dtr. Il semble en effet qu’ici, les différences du grec par rapport au TM correspondent à une Vorlage hébraïque différente de ce dernier présentant notamment, dans certains cas, une distribution différente du matériel ; il reste cependant encore difficile d’établir la priorité de l’un sur l’autre, et donc de corriger l’un sur la base de l’autre.

77. Cf. r. h anhart, « Ursprünglicher Septuagintatext und lukianische Rezension des 2. Esrabuches im Verhältnis zur Textform der Vetus Latina », dans r. GrySon (éd.), Philologia Sacra. Biblische und patristische Studien fur H.J. Frede und W. Thiele zu ihrem siebzigsten Geburtstag, Fribourg 1993, p. 90-115, spéc. p. 113-115. 78. Fernández m arcoS, Scribes and Translators, p. 9-37. Sur l’historiographie de FJ cf. J. PaStor, P. Stern, m. mor (éd.), Flavius Josephus : Interpretation and History, Leyde-Boston 2011 (JSJSup 146), recueil des contributions de l’ International Josephus Colloquium (Haifa, Israel-July 2-6, 2006). 79. Les variantes lucianiques (boc2e2) que l’on examinera sont conformes à l’édition de Fernández m arcoS, BuSto Saiz, SPottorno díaz-caro, El texto antioqueno, II, p. 36-47 ; pour la désignation des alternatives (sigles et abréviations), je me référerai à l’édition de Brooke, mclean, thackeray, The Old Testament in Greek, II.2, p. 250b-265a, apparat critique, n. à 11, 26 - 12, 33. Sur les manuscrits lucianiques cf. aussi B. a. taylor, Lucianic Manuscripts of 1 Reigns, 1. Majority Text ; 2. Analysis, Atlanta 1992, 1993 (HSM 50.51). 80. On le citera dans l’édition de é. nodet (éd.), Flavius Josèphe, Les Antiquités juives. Établissement du texte, traduction et notes, 5 vol., Paris 1992-2010, IV. Livres VIII et IX (2005), p. 61-73, qui fera l’objet d’une comparaison avec celle de B. nieSe (éd.), Flavii Iosephi Opera edidit et apparatu critico instruxit Benedictus Niese. Editio secunda lucis ope expressa, 6 vol., Berlin 1955, II. Antiquitatum Iudaicarum Libri VI-X, 221-238. Sur le type du texte de 1-2 Rois utilisé par FJ, cf. é. nodet, « The Text of 1-2 Kings Used by Josephus », dans A. lemaire, B. h alPern, m. J. a damS (éd.), The Books of Kings : Sources, Composition, Historiography and Reception, Leyde-Boston 2010 (VTSup 129), p. 41-66, spéc. p. 43-59. 81. Schenker, Älteste Textgeschichte der Königsbücher, p. 66-67.

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Introduction Reste en revanche confirmée l’importance de la LXXL car elle reporte à la LXX ancienne et est donc, presque toujours, l’archétype de la VL. Comme il a été dit, nous lisons dans 1 R 11, 26 - 12, 33 un texte qui a échappé à la recension kai/ge, et reflète donc de près l’ancienne LXX, c’est-à-dire un texte grec non réélaboré et non harmonisé sur le TM. C’est pourquoi, si dans cette section « non-kai/ge » de 3-4 Regn, une leçon est attestée dans la LXX et dans la LXXL, elle revêt une très grande importance d’un point de vue critique, à plus forte raison si elle est aussi confirmée par la VL. En définitive, on peut affirmer comme ligne de tendance que, dans 1 R 11, 26 - 12, 33 (comme dans le reste de la section « non-kai/ge» à laquelle ces chapitres appartiennent, c’est-à-dire la quatrième – 1 R 2, 12 - 21, 43 – dans la classification de Thackeray, désignée également comme gg), il existe deux lignes directrices fondamentales dans la transmission du texte : 1) la branche qui a convergé dans le TM, reprise ensuite par la Vulgata (Vulg.) 82, le Targum (Targ.) 83, et la Peshitta (Syr.) 84 ; 2) celle qui est attestée par la LXX, confirmée par la LXXL puis par la VL. Évidemment, c’est la deuxième ligne qui jouit d’un plus grand crédit auprès des spécialistes, pour les motifs indiqués plus haut. En effet, la section gg est celle dont les variantes ne sont presque jamais dues à une « erreur mécanique », c’est-à-dire à une inattention du copiste ou à une distraction accidentelle, et ne correspondent pas non plus à des modifications intentionnelles du traducteur : elles reflètent souvent effectivement une Vorlage différente du TM, soit un texte hébraïque qui semblerait plus ancien. C’est notamment l’opinion de Schenker qui, avec quelques perplexités de Fernández Marcos, considère ce texte meilleur que le TM lui-même. Ceci appuie donc la grande autorité critique de la tradition grecque pour l’étude philologique des traditions sur Jéroboam ; il faudra cependant prendre en compte, avec la LXX, les autres versions anciennes, sans perdre de vue la valeur modeste de l’apport critique qu’elles peuvent offrir par rapport à la LXX. Le deuxième but de notre travail sera atteint au terme de l’analyse philologique des formes du texte parvenues. C’est en effet alors que l’on pourra essayer de reconstruire les différents portraits de Jéroboam que tracent ces traditions pour procéder à leur évaluation critique. Il est particulièrement intéressant de pouvoir vérifier, à la lumière d’une comparaison avec la forme

82. BénédictinS de l’a BBaye de Saint-Jérôme de rome (éd.), Biblia sacra iuxta Latinam Vulgatam versionem ad codicum fidem…, 14 vol., Rome 1926-, VI. Liber Malachim. 83. a. SPerBer (éd.), The Bible in Aramaic Based on Old Manuscripts and Printed Texts, 4 vol., Leyde-New York-Cologne 19922, II. The Former Prophets according to Targum Jonathan, p. 212-271. 84. B. Walton (éd.), Biblia Sacra Polyglotta…, 6 vol., Londres 1655-1657 [réimp. Graz 19631965], II, sect. 1a, p. 404-519.

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Introduction textuelle qui sera apparue comme la plus proche de l’original, laquelle de ces représentations retrace la physionomie réelle de Jéroboam et quels traits, parmi ceux qui lui sont attribués, sont en revanche le fait de relectures. En effet, l’idéologie qui a inspiré la réélaboration du récit primitif a indiscutablement porté à une disposition différente du matériel narratif, attribuant ainsi au personnage un rôle plus ou moins de premier plan dans les événements du récit.

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I

L’histoire de Jéroboam (1 R 11, 26 - 12, 33)

L’histoire de Jéroboam

CHAPITRE I LE PROTAGONISTE ENTRE EN SCÈNE (1 R 11, 26-28)

LXXB 26a Kai\ I)eroboa\m ui(o\v Naba\q o ('Efraqei\ e)k th=v Sareira_

TM +fb:n-}eB {f(:bfrfy:w 26a hfd"r:Cah-}im yitfr:pe) hf(Ur:c OMi) {"$:w

ui(o\v gunaiko\v xh/rav,

hfnfm:la) hf