Guinée: pour un nouveau syndicalisme en Afrique 2738413943, 9782738413949


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Guinée: pour un nouveau syndicalisme en Afrique
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GUINEE:

POUR

UN NOUVEAU EN AFRIQUE

SYNDICALISME

Mid DIALLO Maurice DOPAVOGUI Gérard KESTER

GUINEE:

POUR UN NOUVEAU

SYNDICALISME

EN AFRIQUE

. ÏliQ

~m~ c::JII

PADEP APAi5ËP

B.P.90733 La Haye Pays-Bas L'Harmattan 5~7 rue de l'Ecole-Polytechnique 75005 Paris

Le PADEP/APADEP Créé en 1981, le Programme Mricain pour le Développement de la Participation des Travailleurs - PADEP (the Mrican Workers' Participation Development ProgrammeAPADEP) est né de l'engagement de trois partenaires: OUSA (Organisation de l'Unité Syndicale Mricaine), FNV (Fédération Néerlandaise des Travailleurs) et lES (Institut d'Etudes Sociales de La Haye, Pays-Bas). Son but est de renforcer et étendre la qualité de représentation des travailleurs. S'adressant au milieu syndicaliste africain, le PADEP se compose de programmes nationaux et internationaux organisés dans plus de 15 pays africains, essentiellement anglophones et francophones, impliqués depuis 1983. Ces actions visent à informer les syndicalistes de base et les préparer à une meilleure défense des travailleurs et aussi à former les responsables syndicaux pour qu'ils jouent un rôle actif dans le développement de leur pays. Le PADEP, en tant que projet de coopération Nord-Sud entre les syndicats, s'est ouvert aux universités de tous les pays représentés.

.

-ÏliQ Ilmhl

PADEP

I!:J!I APAi5ËP

Ce logo symbolise l'association des travailleurs africains, hommes et femmes dans les principaux secteurs économiques: agriculture, industrie et sernces. Le but visé est qu'ils (elles) se forment et puissent s'exprimer librement sur leur lieu de travail. La connaissance du milieu alliée à la recherche informatisée, amélioreront l'éducation syndicale.

@ L'Harmattan

et PADEP ISBN: 2-7384-1394-5

le syndicalisme africain à l'Harmattan Collectif sous la direction de C. Coquery-Vidrovitch: Entreprises et entrepreneurs en Afrique (1ge et 20e s.), 2 tomes. Coll. "Racines du Présent", 528 p. et 640 p. EYINGAAbel:Démocratie deYaoundé -Syndicalisme d'abord (194446), 193 p. FALL MAR: L'Etat et la question syndicale au Sénégal, 128 p. KAPTUE Léon: Cameroun - Travail et main-d'oeuvre sous le régime français (1916-52). Coll. "Mémoires africaines", 282 p. Là MAGATTE: Sénégal- Syndicalisme et participation responsable. Coll. "Mémoires africaines", 160 p. MISSE H.: Le droit international du travail en Afrique - le cas du Cameroun. ColI. "Droit et sociétés", 263 p. OUEDRAOGO J.B.: Formation de la classe ouvrière en Afrique Noire -le cas du Burkina Faso. Coll. "Logiques sociales", 210 p.

la Guinée à l'Harmattan BAArdo Ousmane: Camp Boiro, sinistre geôle de Sékou Touré. Coll. "Mémoires africaines", 276 p. BAH Mahmoud: Construire la Guinée après Sékou Touré, 208 p. GOERG Odile: Commerce et colonisation en Guinée. ColI. "Racines du Présent", 430 p. IFFONO, Gilbert: Lexique historique de la Guinée-Conakry. Coll. "Racines du Présent", 256 p. TOURE Kindo: Guinée - Unique survivant du "complot KamanFodeba". Coll. "Mémoires africaines", 192 p.

à Fanta Sonja Souadou

5

Sigles cités AFUCIO

BAD BIT BM CEE CGTA

American Federation of Labour/Committee Industrial Organisation Banque Mricaine de Développement Bureau International du Travail Banque Mondiale Communauté Economique Européenne Confédération

Générale

of

des Travailleurs

d'Mrique

CISL

Confédération

Internationale

des Syndicats

Libres

CMRN CNTG

Comité

Conakry Plus

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comprenant

deux

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FMI FNV FO

Fond

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Institut d'Etudes

Militaire de Redressement

Confédération

Nationale

National

des Travailleurs

Guinéens de Conakry

de Dubréka

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et de Coyah

International

Confédération Force

la région

Néerlandaise

des Travailleurs

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ou total des réponses

Organisation

Internationale

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Organisation

de l'Unité Syndicale

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du Travail

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Mricain

pour

Mricaine

le Développement

de la Participation

PDG PME PNB SMIG UGTAN

Parti Démocratique Petite et Moyenne Produit

National

Salaire Minimum Union

Générale

de Guinée Entreprise Brut Interprofessionnel des Travailleurs

Garanti

d'Mrique

Noire

USP USTG

Union

Syndicale

Panafricaine

Union

Syndicale

des Travailleurs

(1958

6

- 1960)

Guinéens

à à

Avant-Propos Dans le souci d'apporter une contribution à la compréhension des problèmes de développement de la Guinée, la CNTG a entrepris en collaboration avec la FNV et l'lES des Pays-Bas1, la conduite d'un projet syndical de recherche/éducation sur la participation des travailleurs comme stratégie de développement. Ce travail qui a été exécuté de décembre 1986 àjuin 1990 a permis de toucher toutes les entités syndicales de Guinée à travers un échantillon de 2000 élus. Les données recueillies ont fait l'objet d'analyses quantitative et qualitative à l'Institut d'Etudes Sociales de La Haye. Après une pré-publication en 1991 destinée à recueillir un "feedback" de l'ensemble des représentants syndicaux du pays, les résultats ont été de nouveau analysés et restitués en fonction de la situation concrète, pour mieux cadrer avec l'évolution socio-politique actuelle de la Guinée. Les auteurs ont d'ailleurs délibérément placé la recherche dans cette perspective afin d'éviter que les conclusions de l'étude ne soient dépassées par les événements (politiques, syndicaux...) qui déferlent sur l'ensemble de la scène nationale. Tenant compte de cette précaution, les auteurs ont, à travers l'étude, mis en parallèle les réactions des élus enquêtés avec les changements en cours - ce qui a permis de réaliser aussi un test de fiabilité des techniques et résultats de la recherche. Mais, comme toute étude de cette nature, on pourrait se demander si l'enquête ne reflète pas les idées et idéaux de ses promoteurs à savoir la CNTG. Une telle hypothèse pourrait être plausible si les conclusions avaient seulement porté sur des constats et recommandations destinés à la Confédération et à ses affiliés. Mais heureusement tel n'est pas le cas. En effet, l'étude, basée sur la restitution des réponses quantitatives et qualitatives puisées aux diverses sources (le questionnaire, les travaux de groupes, les débats hommes-femmes et les faits nationaux), concerne l'ensemble du tissu social guinéen c'est-à-dire ceux-là mêmes qui sont les partenaires du développement national: dirigeants politiques, syndicalistes, contremaîtres, travailleurs de toutes catégories, jeunes... 1

Voir plus loin les explications

concernant

ces deux organisations

néerlandaises.

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L'enquête s'est voulue en dehors de toute considération paternaliste. Elle est avant tout le fruit d'une étude de faits dont la solution incombe à tous les Guinéens. D'ailleurs, l'exécution correcte de ce projet a été possible grâce à la participation active des populations et des autorités à tous les niveaux. Les auteurs apprécient la contribution de Madame Nicole Vendange, assistante du Projet à l'lES de La Haye, pour ses travaux d'adaptation et la rédaction du chapitre sur les femmes. Enfin, les chercheurs expriment leur gratitude et leur profonde reconnaissance à tous les élus syndicaux de Guinée, à toute la population guinéenne pour l'accueil et l'assistance dont a bénéficié l'équipe du Projet durant l'exécution de celui-ci.

Conakry, le 15 février 1992 Les Auteurs

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Introduction Participation

des Travailleurs

et Développement

Dans les diverses approches politiques ou économiques effectuées en Mrique, la participation a toujours été perçue dans le passé, et c'est encore plus d'actualité aujourd'hui, comme un élément de réponse nécessaire et privilégié au développement. Curieusement cela était le cas dans un grand nombre de régimes gauchistes d'Mrique pendant la période post-coloniale. Mais on s'y réfère également plus récemment au cours des discussions du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale traitant de la restructuration de l'économie Mricaine. Le terme de participation a d'ailleurs été élargi à celui de participation populaire. A Arusha, en Tanzanie, en 1990, la "Charter for popular participation" fut adoptée par une importante délégation gouvernementale et des représentants d'ONG des diverses régions d'Mrique. La participation populaire fut lancée comme stratégie alternative à la désétatisation et à la privatisation brutales. Dans beaucoup de pays africains, la participation des travailleurs était déjà adoptée comme stratégie de développement. Elle était vue comme une des pierres angulaires de la politique nationale de développement. Dans la majorité des cas, l'initiative d'introduction de la participation des travailleurs provenait "d'en haut" c'est-à-dire du parti politique, du gouvernement ou d'un leader charismatique. Dans les pays africains francophones, on préconisait la "participation responsable". Dans les pays de l'Mrique australe, on identifiait la participation comme un élément du socialisme humaniste et l'on s'autorisait même à l'associer aux thèses d'autogestion en Algérie. En tout cas, pratiquement aucun pays Mricain n'a été insensible à la participation des travailleurs. La plupart d'entre eux comptaient en effet une ou plusieurs institutions formelles ou informelles qui prônaient la participation des travailleurs tant dans l'entreprise qu'au niveau national. Lorsqu'elle était l'objet de déclarations politiques et même idéologiques, la participation était considérée comme un instrument pour la transformation intégrale de l'économie de la société. Or, de nos jours, la participation n'est plus mise en avant dans une telle perspective. Ces dix dernières années, dans leur contexte de définition de politique de restructuration, nombreux sont les pays qui ont opté pour un assainissement du secteur public et plus récemment pour un

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pluralisme politique. Si l'on considère les développements rapides connus en Europe de l'Est, on peut s'attendre à un accroissement tout aussi accéléré de tels changements en Mrique. Mais cette tendance à la privatisation et à la démocratie pluraliste ne va pas effacer de l'ordre dujour la participation notamment sur le plan des relations de travail. Les valeurs promues par la participation c'est-à-dire: l'humanisation, la démocratie, l'équité économique et la meilleure utilisation des ressources humaines sont largement reconnues. On peut enfin souligner que la mobilisation autour de la participation reste très forte étant entendu que le développement de l'Mrique dépendra avant tout de la gestion des ressources humaines. En conséquence, il faut s'attendre à ce que la participation demeure une valeur importante du développement mais elle pourrait avoir une dimension plus significative en devenant une revendication propre des travailleurs ou de leurs représentants aux dépens des partis politiques. En d'autres ternies, cette tendance montre qu'à partir de maintenant, la participation effective et significative des travailleurs va constituer un défi pour lequel ils s'engagent déjà avec leurs représentants et les syndicats dans leur ensemble. Les syndicats Mricains se sont déclarés favorables aux structures participatives. Ils reconnaissent le besoin d'une meilleure exploitation des ressources humaines dans les efforts de développement et souhaitent qu'elle soit génératrice d'une société plus humaine et plus équitable. Entre autre, ils distinguent en la participation une arme supplémentaire pour la protection des intérêts des travailleurs. Mais plusieurs éléments ont fait obstacle à une implication syndicale rapide et effective. Tout d'abord les syndicats africains ne jouissaient pas d'une autonomie suffisante à l'égard des structures politiques ou administratives pour orienter la participation vers un double objectif de développement national et d'amélioration de la condition sociale des travailleurs. Ensuite, à quelques exceptions près, le mouvement syndical est apparu insuffisamment préparé en termes d'organisation, de savoir et d'expérience pour jouer un rôle de partenaire vigoureux dans le nouveau processus de développement économique et social. Bien que la participation représente en Afrique une forme institutionnelle très importante dans le cadre des relations de travail, l'éducation ouvrière et les autres programmes de formation syndicale n'ont pas encore répondu de manière adéquate à la réalité. Pourtant, malgré un suivi conséquent de programmes d'éducation, les représentants des travailleurs n'ont pas été suffisamment préparés

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au système participatif. Il s'avère que l'on éprouve de plus en plus le besoin de rechercher une éducation ouvrière adéquate aux réalités africaines. Tous les ouvrages et manuels disponibles sont inspirés de systèmes et d'expériences de pays industrialisés qu'ils soient de l'Est comme de l'Ouest. Si des sommes colossales ont été consacrées à la formation syndicale en Mrique, peu d'efforts ont été dirigés jusquelà dans la production de matériel didactique tiré d'une analyse profonde et systématique des réalités auxquelles sont confrontés les syndicalistes africains. En 1982, dans le but de combler ces insuffisances, un programme pour le développement de la participation a été mis sur pied en Mrique. L'objectif de ce projet est le renforcement du mouvement syndical dans son rôle de partenaire du processus de développement. Il vise entre autre à accroître l'autonomie du syndicat dans sa capacité à influencer des décisions ayant trait à la situation sociale, économique et politique des travailleurs. Des investissements. seront consentis afin d'établir une compétence scientifique autonome ainsi que des structures permanentes pour l'élaboration de la politique syndicale, pour assurer l'éducation ouvrière et pour disposer d'appuis pratiques. La qualité et la légitimité du développement seront ainsi valorisées. Une participation plus manifeste implique la mobilisation des efforts et de la créativité de tous les partenaires de la production ce qui devrait être favorable à l'économie. et devrait conduire à une plus grande équité sociale. D'ailleurs, un investissement dans le développement de la participation représente à long terme un investissement pour l'extension du processus démocratique en Mrique. Ce livre est le résultat d'un projet de recherche conduit en Guinée dans le cadre de ce programme pour le développement de la participation en Mrique - PADEP. Pendant ces cinq dernières années, la CNTG a exécuté un projet dont les résultats seront fondamentaux pour l'avenir syndical guinéen et par là même africain. Depuis 1984, période de mise en place de la deuxième république, le mouvement syndical guinéen devait amorcer une réorientation, une restructuration, à défaut de moyens dans un pays où l'économie était en situation d'effondrement p:.:ofond. Durant l'exécution de ce projet, la CNTG a exploré dans tout le pays, les moyens nécessaires au mouvement syndical guinéen pour mettre au point une représentation plus effective et significative des intérêts des travailleurs. Le projet associait l'éducation et la recherche.

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Le Programme Africain pour le Développement Participation des Travailleurs: PADEP

de la

Le Programme Mricain pour le Développement de la Participation des Travailleurs a été lancé conjointement en 1981 par l'OU SA, la FNV et l'IES2. Voyons à présent qui sont ces deux nouveaux partenaires du Nord: la Fédération Néerlandaise des Travailleurs (FNV) et l'Institut d'Etudes Sociales de La Haye, Pays-Bas (lES). La FNV tout d'abord s'intéresse de près aux pays en voie de développement. Elle soutient que pour réduire les écarts de prospérité entre les pays riches et les pays pauvres, il est nécessaire d'instituer un nouvel ordre économique international. Il faut selon la FNV se préoccuper des pays défavorisés et satisfaire leurs besoins élémentaires notamment en créant des emplois et en réduisant les inégalités de répartition des revenus souvent très importantes. Pour y parvenir la FNV a formulé un certain nombre de priorités qui sont entre autre l'amélioration des conditions de vie des populations pauvres de son pays mais aussi des pays en voie de développement; l'augmentation de l'aide financière publique au développement soit 0,7% du P.N.B. des Pays-Bas et la surveillance de l'observation des codes de conduite d'entreprises multinationales. L'autre partenaire, l'lES également originaire des Pays-Bas, est une institution universitaire néerlandaise spécialisée dans les études de développement qui se concentrent en priorité sur les pays du tiersmonde. L'Institut est une fondation subventionnée en grande partie par le gouvernement Hollandais. Son programme de formation concerne l'éducation d'étudiants en provenance de pays du tiersmonde. Mais de plus, l'lES dispose d'un programme de recherche et de consultation à un niveau plus global. Par exemple, l'un des domaines importants de l'Institut a trait aux relations de travail. Dans ce cadre, depuis 1971, l'Institut a conduit des projets de recherche sur la participation des travailleurs et le syndicalisme dans un grand nombre de pays dont l'Asie, l'Mrique, l'Amérique-latine et aussi en Europe. Au vu des expériences de l'lES, l'OUSA a sollicité son assistance lors de sa programmation d'actions sur la participation des travailleurs. Il en a résulté en 1981 l'établissement du programme de coopération que l'on a évoqué: le PADEP réunissant l'OUSA, la FNV et l'lES. Plus tard, en ce qui concerne le projet Guinéen réalisé dans le cadre du PADEP, l'lES a joué un rôle de parrain académique 2

Voir début du livre, rubrique

12

des sigles cités.

notamment en faveur de l'éducation et de la recherche. Dans ce programme, la FNV a pris en charge les frais de contribution de l'lES. Ce programme structuré sur cinq années a pris effet en 1982. Il comptait plusieurs phases. Tout d'abord, une toute première conférence panafricaine sur le mouvement syndical africain et le développement de la participation s'est tenue à Nairobi au Kenya. Compte tenu du vif intérêt manifesté par plus de 30 pays africains présents à cette réunion, cinq ateliers internationaux ont été constitués pour entreprendre des actions nationales et internationales en faveur de la participation. Elles se sont traduites par la préparation de programmes nationaux engagés par onze pays africains dès 1983. Il s'agissait de l'lIe Maurice, du Togo, de la Zambie, du Zimbabwe, de la Guinée, du Mali, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert, du Sénégal, de la Tanzanie et du Soudan. En créant le PADEP, les partenaires - c'est-à-dire l'OUSA, la FNV et l'lES - visaient surtout la mise en place d'une activité permanente de formation, d'éducation et de recherche sur la participation dans le milieu syndicaliste africain. Ils s'étaient fixés l'objectif d'implanter un centre sous-régional fournissant au mouvement syndical africain des informations de base relatives au projet tripartite. La meilleure organisation des personnes-ressources agissant dans les programmes des différents pays africains permettrait ainsi de tisser un réseau de coopération Sud-Sud encore trop timide. La démarche du PADEP ébranle la logique traditionnelle de la coopération inter-syndicale fondée sur l'assistance technique des institutions internationales qui financent les projets. En effet, le projet P ADEP permet la création d'un réseau de coopération entre les syndicats africains qui outre l'échange de documents se retrouvent comme acteurs directs d'une politique syndicale adaptée à leurs objectifs de développement. Il s'ensuit une série de transferts d'expériences entre les pays africains qui stimulent l'implication active de nouveaux syndicats.

Le cas de /a Guinée Investie dans les diverses actions du P ADEP, la Guinée a souhaité réorienter son expérience de coopération internationale, privilégiant donc la coopération Sud-Sud plus adaptée aux réalités africaines et s'engageant auprès de nouveaux partenaires. Dans le passé, la coopération syndicale internationale était fondée sur des échanges de délégations avec des centrales amies, plus précisément avec des centrales originaires des pays de l'Europe de

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l'Est: syndicats Soviétiques, de RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, Chine. Cela se traduisait par des dons de matériel, l'octroi de bourses syndicales ou l'organisation de séminaires nationaux animés par des instructeurs étrangers. Avril 1984 fait la transition tant sur le plan gouvernemental que syndical symbolisant l'ouverture de la Guinée à la coopération internationale notamment avec les pays d'Europe occidentale. Cela se traduit par l'orientation libérale de l'économie vers une politique favorable aux initiatives privées et par la coopération plus large avec des syndicats occidentaux tels que la CISL, l'AFIJCIO, la CGT-FO, la FNV, etc., dont l'appui s'est avéré utile pour la CNTG en quête de restructuration. C'est à l'occasion du programme national du PADEP, en 1985, que vont naître les prémisses de l'innovante forme de coopération entre la FNV, l'lES et la CNTG. En effet, à la différence du passé, la coopération tripartite se fonde sur le transfert des compétences à une équipe technique nationale maître-d'oeuvre de son programme national. L'appui académique de l'lES évalue et fournit annuellement à l'équipe des nouvelles connaissances pour perfectionner sa méthode de travail et d'exploitation des données qui sont recueillies. Quant à la FNV, elle garantit les finances et le support logistique du programme national Guinéen.

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Chapitre La Guinée

syndicale

après

I Sékou

TOURE

Plusieurs ouvrages ont traité en détails de l'indépendance de la Guinée. Notre propos n'est donc pas de reprendre ici cette abondante littérature que l'on retrouve aussi bien chez les historiens, sociologues, philosophes et autres géo-économistes. Dans le cadre de notre étude nous voulons surtout montrer les cheminements parcourus par la Guinée de 1958 à 1984 d'une part et de cette date à nos jours en insistant surtout sur ce qui nous paraît essentiel, à savoir, la situation des travailleurs et le rôle du mouvement syndical dans la vie du pays. Le 2 octobre 1958, la Guinée accède à la souveraineté nationale en votant NON au référendum sur le projet de Communauté francoafricaine proposé par le Général De Gaulle aux colonies françaises d'Mrique (occidentale et équatoriale). Par ce geste, elle se place ainsi en tête de toutes les colonies françaises affranchies et suscite autant d'admiration que d'interrogations dans le monde. Cette indépendance a été arrachée de haute lutte par l'ensemble des populations du territoire. Parmi les méthodes utilisées la lutte politique et la lutte syndicale ont été incontestablement les plus propices au changement. En fait, elles ont même été confondues puisque c'est la classe ouvrière qui a engendré l'émergence des partis politiques. Parmi ceux-ci, le Parti Démocratique de Guinée (PDG) a été le plus marquant. Son leader Sékou TOURE a été l'une des figures de proue du syndicalisme africain de l'après-guerre avant de devenir encore sur le plan politique, l'artisan de l'indépendance nationale et adepte du panafricanisme. L'entrée en scène de la Guinée a été aussi spectaculaire que son parcours politico-économique qui a laissé des traces dans l'histoire contemporaine de l'Mrique. En effet, dès son accession à l'indépendance, sous la direction du PDG, le pays connaît une orientation marquée par l'adoption de la voie socialiste comme modèle de développement, contrairement à plusieurs Etats nouvellement indépendants qui s'engagent dans le capitalisme. Cette option conduit la Guinée à développer une voie originale qui, confrontée aux réalités politiques et économiques internationales et nationales, laisse des traces sombres dans le tissu économique et social du pays. Au point que pour mieux caractériser les phénomènes

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liés à la réalité et au futur de la Guinée, il est nécessaire de distinguer les deux étapes de l'évolution historique qu'elle a connu depuis 1958: époque Sékou TOURE et époque postérieure au 3 avril 1984. 1.

L'époque Sékou TOURE le PDG

L'époque Sékou TOURE va de 1958 à 1984, soit une période de vingt-six ans. Il faut se rappeler que c'est sous la houlette du PDG, qui a triomphé sur les autres partis, que le pays a accédé à l'indépendance; c'est dire que pendant plus de trente ans, la politique du PDG a marqué les Guinéens dans leur conscience comme dans leur vie de tous les jours. Fondamentalement, cette période se caractérise par l'existence d'un modèle socialiste de société basé sur la pratique de la Révolution populaire conduite par un seul parti; celui-ci est l'unique qui impulse, oriente et coordonne l'ensemble des activités de la Nation. Grâce à une parfaite organisation, le Parti est représenté à tous les échelons de la Nation. Ce qui lui permet de contrôler également l'exécutif représenté par les structures de l'Etat. L'ensemble de la politique de la Nation est décidé pendant les sessions du Parti: Conférence, Conseil national de la Révolution, Congrès, etc. Son application obéit également au souci de contrôle du Parti à tous les niveaux. Cette méthode de conduite du pays a été perfectionnée au fil des années jus qu'à l'avènement de la phase duP ARTI-ETAT dont l'objectif était la substitution du PDG à toutes les institutions du pouvoir étatique en vue de la mise en place d'un pouvoir populaire. Au plan économique, l'option socialiste a conduit le pays à des choix basés sur une économie centralisée plutôt que sur l'initiative privée. L'ensemble des secteurs d'activités (agriculture, commerce, banque, etc.) était géré par des entreprises et des sociétés d'Etat. Seuls quelques secteurs de l'industrie, comme les mines, ont connu des participations étrangères (FRIGUIA, OFAB/CBG, AREDOR, OBK, etc.)3. En raison de son choix politique et du fort taux de population rurale, beaucoup d'efforts furent engagés pour le développement de l'agriculture et de l'industrie de transformation. Cependant, en dépit FRIGUIA =Société mixte d'exploitation de l'alumine, sise dans la préfecture de Fria; OFAB/CBG = Office d'aménagement de BOKE/Compagnie des bauxites de Guinée, sise à Kamsar; AREDOR = Société d'exploitation du diamant, sise à Kerouane; OBK = Office des bauxites de Kindia 3

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des investissements dirigés dans ce sens, le secteur rural accusat des difficultés énormes dues principalement à la collectivisation obligatoire à laquelle furent astreintes aussi bien les communautés rurales que les entreprises étatiques créées à cet effet. A cela, il faut ajouter l'inadaptation de certains moyens mécaniques importés au gré des circonstances politiques et aussi l'inexistence de structures d'appui aux entités créées. Cette évolution au coup par coup entraîna le pays dans une situation de non-développement véritable pendant près de trente ans, car il faut rappeler que les événements politiques internes (succession répétée de coups d'Etat manqués ou de complots contrerévolutionnaires) ont également lourdement marqué l'économie guinéenne d'avant 1984. D'ailleurs c'est encore sous la pression des événements politiques que le pays amorcera une certaine ouverture avec, notamment, le rétablissement des relations avec la France, relations rompues dès les premières années de l'indépendance. Cette révision apporte également un changement dans la définition des priorités économiques et dans la politique même car désormais plus que jamais, place est faite aux investisseurs étrangers et au commerce privé. Néanmoins, l'Etat demeure toujours l'acteur principal de l'économie, il est quasiment l'unique employeur du pays. Cette emprise de l'Etat sur tous les secteurs aboutit non seulement à la prolifération de toutes sortes d'entreprises et de sociétés mais aussi à la concentration du pouvoir politico-économique au niveau d'une élite étatique. Pendant ce temps, la grande majorité des travailleurs doivent se contenter de salaires dérisoires et d'une formation insuffisamment adaptée aux nécessités de développement du pays et à leurs besoins. L'Etat, tout en développant la "scolarisation pour tous" s'emploie également à pourvoir un "emploi pour tous". Des milliers de jeunes diplômés des universités et de grandes écoles (principalement des facultés d'agronomie) arrivent ainsi chaque année sur le marché du travail de manière la plus aisée et normale. L'intervention des bailleurs de fonds internationaux s'est très vite amorcée tant la théorie révolutionnaire du PDG est limitée. Et c'est en cela que réside aussi le paradoxe de la Guinée qui, bien que "pionnière" de l'indépendance en 1958, est essoufflée vingt-cinq ans après malgré les potentialités économiques qui lui ont valu des qualificatifs aussi élogieux que celui entre autre de "château d'eau de l'Afrique occidentale".

17

Au soir de la première république, la Guinée se distinguait par ses faiblesses et non des moindres: un PNB de 300 dollars par habitant, une espérance de vie de 40 ans, une mortalité infantile des plus élevées, etc., tous signes qui justifient la place actuelle de cet état au rang des "pays les moins avancés" (PMA) du monde. Et c'est sur cette toile de fond que le changement de régime est intervenu le 3 avril 1984 suite au décès le 26 mars du Président Ahmed Sékou TOURE.

2.

Les événements

de 1984

De nouveau, la Guinée polarise l'actualité africaine en ce début de printemps de 1984. En effet, autant le pays avait été connu pour et par la dimension de sa théorie révolutionnaire, autant l'arrêt brusque de celle-ci va attirer l'attention de l'opinion africaine et internationale. En d'autres mots, la mort du Président Ahmed Sékou TOURE (artisan de l'indépendance et de la révolution), a pour lendemain la fin du régime révolutionnaire du PDG et de toutes ses créations. Le 3 avril 1984, l'armée décide de prendre le pouvoir en occupant toute la scène politique du pays avec pour maître mot l'établissement d'une économie libérale fondée sur la libre initiative individuelle. (Cette orientation est précédée tout de même par la suspension de la Constitution, la dissolution de toutes les organisations de masse y compris celle des travailleurs4.) L'événement est d'autant plus retentissant que les nouveaux maîtres du pays invitent tous les Guinéens exilés5 à rentrer pour participer à l'effort de reconstruction nationale engagée désormais sous la houlette du "Comité Militaire de Redressement National" (CMRN) -organe politico-administratif. Pour amorcer ce redressement, le CMRN s'inscrit à l'Ecole du FMI et de la Banque Mondiale en vue d'appliquer leur thérapeutique à l'économie malade de la Guinée. Du coup, c'est un ensemble de mesures aussi draconiennes qu'urgentes qui sont établies dans un "plan intérimaire de redressement national" (PIRN), élaboré en 1985. Les grandes lignes de ce plan se résument en cinq mesures: réforme monétaire et assainissement financier, privatisation du secteur bancaire et des 4

Les activités syndicales reprendront

néanmoins quelques temps après,

suite à une déclaration du CMRN, réaffirmant "son attachement aux principes de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, au respect des droits des peuples et des libertés économiques". 5

En 1984, plus du 1/3 des guinéens vivaient à l'extérieur du pays, soit

environ 2 millions.

18

institutions de crédit, réduction des effectifs de la fonction publique, fermeture d'entreprises publiques et promotion de l'initiative privée, et libéralisation des prix. En fait, la mise en oeuvre de ces réformes était inspirée du sombre bilan dressé au lendemain de l'explosion de joie qui avait salué la fin du régime socialisant du PDG. Le pays s'était retrouvé avec une agriculture fortement arriérée malgré l'usage intensif de machines, une industrie légère ne travaillantqu'à environ 20% de sa capacité de production, une obsolescence des infrastructures, etc. L'essentiel des devises provenait des recettes du secteur minier - principalement de la bauxite (97%), une fonction publique surchargée6 et délabrée. L'application des réformes ne pouvait se réaliser sans l'aide internationale et bilatérale. De même, l'Etat comptait sur la promotion rapide d'un secteur privé national, la contribution des guinéens de l'extérieur et surtout une revalorisation du secteur agricole - mais il n'en sera pas ainsi puisque tout un complexe de facteurs endo- et exogènes va intervenir pour ralentir l'allure du départ. Parmi ces freins on peut citer: la mauvaise évaluation de la situation réelle du pays (notamment la quasi inexistence de statistiques compilées et fiables), la difficile application des mesures du fait de leur complexité et des hésitations au changement. Cette situation va donc avoir des répercussions tant sur le plan économique que social. Sur le plan économique, des mesures de renforcement de l'option libérale vont surgir notamment par la création d'institutions bancaires privées et la promotion d'entreprises privées (nationales et mixtes). Mais des écueils vont également se faire sentir comme par exemple la limitation des possibilités de l'agriculture (culture d'exportation), l'augmentation des importations et de la dépendance alimentaire, l'instabilité des prix des produits de première nécessité, le tout couronné par une faible élasticité de la production. En fait, le secteur privé sur lequel repose en grande partie les chances de développement de l'économie libérale souffre encore de bien des faiblesses. Sans prétendre avoir épuisé la liste on peut retenir dans ce sens: la pénurie de chefs d'entreprises expérimentés et dynamiques, l'absence d'une politique de crédit et d'une banque de développement, les lourdeurs administratives, la concurrence des 6

Elle regroupait tous les travailleurs

y compris les forces armées et les

services de sécurité; soit environ 90.300 fonctionnaires démarrage de la réforme administrative.

au moment

du

19

entreprises étrangères, etc. Sur le plan social, le phénomène est encore plus frappant; la politique de réduction des effectifs de la Fonction publique par le système de départ volontaire et de "pré-retraite" a entraîné une diminution des effectifs des fonctionnaires de 90.300 agents à 51.588 en 1990. De ce fait, c'est une importante frange de travailleurs qui est vouée au chômage et à la misère. Et malgré 'cette réduction des effectifs, ceux qui restent vivent encore de salaires au rabais comme on le constatera plus tard. Cette situation est rendue encore plus pénible par l'absence actuelle d'une politique des prix. S'il existe une vérité des prix du fait du libre jeu du marché, il manque par contre une vérité des salaires pour atténuer les difficultés des travailleurs. Voilà une des causes de la montée des tensions sociales dans le milieu des travailleurs et dont les manifestations ont des répercussions directes sur les autres couches de la société guinéenne. Il faut enfin noter le glissement7 effréné que connaît la monnaie (le franc guinéen) de nos jours, dont la chute contribue à aggraver dangereusement le niveau de vie des travailleurs et de leurs familles. Dans la fonction publique, les salaires comme on le verra dans les chapitres qui suivent, couvrent à peine les besoins des travailleurs et ce malgré des augmentations au compte goutte opérées occasionnellement par le Gouvernement. Notons enfin la situation politique du pays. Elle se caractérise à présent par une amorce de démocratisation de la vie nationale depuis la publication de la Loi Fondamentale le 23 décembre 1990. Celle-ci remplace la Constitution suspendue au lendemain de la prise du pouvoir en avril 1984. Entre-temps, même si la reconnaissance des libertés et du droit d'association est affirmée, il reste beaucoup à faire pour effacer les divergences nées de la pratique du pouvoir par les différentes composantes qui ont marqué le pays tout au long de son évolution en tant qu'Etat indépendant. Un autre problème se pose à la société guinéenne; il s'agit de l'harmonisation sinon du rééquilibrage du développement. En effet, l'une des caractéristiques de la Guinée d'aujourd'hui est aussi le 7 De

1986 à 1990, le cours du FG s'est fortement dégradé, passant de 1 dollar

pour 355 FG à 1 dollar pour 750 FG en 1990. Au même moment le dollar vaut 770 à 780 FG sur le marché parallèle. (En début d'année 1992, il s'échange au marché officiel à 850 FG et au marché parallèle à 880 FG.)

20

clivage patent qui existe entre la ville et la campagne. La liberté a certes apporté aux ruraux l'abolition des fournitures obligatoires de denrées mais en retour, les villages connaissent l'abandon à cause de l'exode des jeunes vers les centres urbains. Ainsi à Conakry la population de la capitale a atteint le million d'habitants en fin 1988, ce qui représente 27% de la population totale. Pourtant la population rurale (4,5 millions) connaît un rythme de croissance de 2,4% par an. Avec cette poussée démographique se pose le problème de l'autosuffisance alimentaire dont l'une des conditions demeure le maintien des terres cultivables. Au vu de tous les déséquilibres existants dans de nombreux secteurs, on mesure les grandes difficultés qui s'annoncent au pays: disparités de croissance entre ville et campagne, disparités entre les divers secteurs de l'économie dont les conséquences se répercutent sur tous les aspects de la vie nationale, insuffisance d'écoles et d'hôpitaux, montée massive de la délinquance juvénile et des travers sociaux propres aux zones urbaines, dégradation du tissu social, etc. De telles préoccupations suggèrent des mesures urgentes que le gouvernement tente de prendre progressivement. En témoigne la récente organisation administrative de la capitale en cinq communes, exemple qui devrait s'étendre à l'ensemble du pays par la création des mêmes structures dans les préfectures, afin de coller de plus près aux intérêts de la population; le but étant de rendre plus effective la politique de décentralisation et de déconcentration introduite par le gouvernement de la seconde république. 3.

La situation syndicale depuis 1984

Ainsi que nous l'avons déjà indiqué et comme nous en ferons le constat dans notre analyse, la CNTG reste encore l'unique organisation légale des travailleurs du pays. Cependant, d'autres organisations syndicales sont apparues en 1991. L'existence de la CNTG et sa prépondérance actuelle s'expliquent tant par le souci d'unification des travailleurs que par les spécificités propres au mouvement syndical guinéen et africain en général. En effet, les défis du développement véritable du pays commandent une harmonisation et une conjugaison des efforts de tous les travailleurs. Cette nécessité d'unité d'action a été à la base de l'unité syndicale réalisée à l'aube de l'indépendance lorsque l'USTG (Union Syndicale des Travailleurs de Guinée) s'est transformée en CNTG lors de son deuxième Congrès en juillet 1960. Mais pour mieux comprendre cette situation, il faut se rappeler

21

que le mouvement syndical africain a été en première ligne de la lutte pour l'indépendance, indépendance assimilée avant tout à la possibilité pour les travailleurs de mieux contribuer au développement national et donc à leur bien-être moral et matériel. Dans ces conditions, les travailleurs ont en vue une organisation forte, structurée qui, au delà des pluralismes d'idées nécessaires et inévitables, doit parvenir à définir une ligne de conduite privilégiant d'abord l'intérêt des travailleurs indépendamment de toute influence et de manipulation politique. Si tel n'a pas été le cas durant la période Sékou TOURE, la CNTG s'efforce de nos jours de préserver son identité propre qui la distingue fondamentalement du pouvoir politique d'aujourd'hui. A preuve, malgré l'absence de finances syndicales, la centrale nationale a entrepris des programmes d'activités totalement indépendants et dans des domaines qui touchent directement les préoccupations des travailleurs. Nous citerons entre autres: la création de projets économiques comme les coopératives et mutuelles de travailleurs de l'éducation (COCEN), les coopératives de panification, de pêche et de fumage de poisson, le centre de couture et de broderie mécanique, le centre de perfectionnement en dactylographie, etc. A cela s'ajoute bien sûr le volet EducationfRecherche qui est sans nul doute l'une des plus grandes réalisations de la CNTG à ce jour. Le projet sur la participation des travailleurs au développement en est un exemple concret. Malgré cela, ces types d'interventions souffrent tous du même handicap, c'est-à-dire du manque de ressources propres à la centrale qui conduit celle-ci à fonder ses espoirs sur l'aide bilatérale et multilatérale des organisations internationales amies. Du coup se profile la fragilité de l'organisation qui dans une large mesure vit encore au-dessous de ses aspirations. 4.

La coopération

internationale

Pour relever les défis énormes auxquels était confrontée la CNTG en 1984, elle s'est adjointe à l'unité syndicale que nous avons déjà mentionnée en introduction. En s'associant au programme africain pour le développement de la participation, la CNTG a certes reçu un appui extérieur mais elle a surtout apporté sa contribution solidaire aux objectifs des syndicats africains. La CNTG a en quelque sorte utilisé le PADEP pour définir sa politique syndicale générale, une politique de participation sous-tendue par un programme adéquat d'éducation ouvrière. Sa préoccupation majeure étant de se restructurer et d'inciter les travailleurs à la participation dans le

22

cadre des décisions les concernant et surtout pour contribuer au développement national. C'est donc en novembre 1985, à l'occasion d'un programme national que la CNTG a entrepris sa mission sous l'égide de l'OUSA avec deux partenaires extérieurs. Il s'agissait de la Fédération Néerlandaise des Travailleurs (FNV) et de l'Institut d'Etudes Sociales (lES) de La Haye également en provenance des Pays-Bas. Cette première rencontre a permis au syndicat Guinéen de conscientiser les élus syndicaux pour une redynamisation effective de l'action syndicale à ses différents niveaux. Pour mener à bien ses objectifs, la CNTG devait renforcer ses effectifs en personnes-ressources et décider d'une action largement approuvée par les représentants des diverses fédérations professionnelles en son sein. Le programme national a donc été élaboré pour accroître la formation et l'information des dirigeants syndicaux. Il s'adressait d'ailleurs aux grandes composantes du mouvement syndical c'est-àdire aux 22 membres du bureau confédéral, aux secrétaires à l'éducation des 16 fédérations professionnelles, aux membres de la commission technique d'éducation ouvrière et enfin aux élus syndicaux préfectoraux. Les deux premiers séminaires se sont déroulés à Conakry, le dernier a eu lieu à Kindia. Pendant la durée de l'atelier, les mêmes méthodes de travail ont été appliquées aux différents publics. L'équipe d'encadrement avait choisi de dispenser des cours d'éducation assurés par des personnesressources, cours suivis de discussions et de travaux de groupes effectués par les séminaristes également repris dans des débats. Initialement destiné à 36 membres statutaires parmi lesquels les femmes devaient être représentées au nombre de 8, le séminaire de Kindia a dû ouvrir ses portes au public venu nombreux montrer son enthousiasme envers le renouveau syndical. L'assistance a été abondante pendant les cours d'éducation, quant aux autres matières, elles ne permettaient pas la participation d'un grand nombre de personnes. Ce climat enthousiaste a constitué une des premières marques d'encouragement à la poursuite de l'action de la CNTG. De nombreux besoins, des suggestions et bien-sûr des inquiétudes ont été évoqués par les participants. Notamment à l'occasion des travaux de groupes, des situations très préoccupantes ont été soulevées pendant les discussions. Ils est apparu entre autre un contraste frappant de représentation des élus syndicaux entre les divers secteurs professionnels. De même, la situation des femmes a été évoquée. Peu représentées pour ne pas avouer absentes du mouvement

23

syndical, les séminaristes ont abordé la difficulté des femmes à s'investir au sein d'une organisation mais aussi et surtout à exercer une activité professionnelle. Diverses raisons ont été citées dont la non-reconnaissance du travail ménager des mères de famille comme activité professionnelle. Bouillonnant d'idées et de suggestions, le séminaire de Kindia a marqué le tournant décisif de l'action de la CNTG. Les inquiétudes et les espoirs formulés par les syndicalistes pendant ce programme national ont prouvé qu'il existait dans tout le pays des situations graves à prendre en compte et une motivation sans précédent en faveur du renouveau syndical. Devant un tel élan manifesté envers le syndicat pour la poursuite de ses efforts d'élaboration d'une politique de participation et d'éducation ouvrière, la CNTG a sollicité un nouvel appui de la FNV pour organiser un programme de suivi supplémentaire qui s'est traduit par deux séminaires-tests animés dans la province de Labé et à la préfecture de Macenta en décembre 1986. La combinaison enquête/travaux de groupes a motivé les participants qui se sont sentis acteurs du changement syndical par leur apport d'expériences et par leur nouvelle connaissance d'informations syndicales. Leurs efforts ont surtout apporté au syndicat des données fondamentales sur la pratique de la politique syndicale dans les différentes zones du pays ce qui semblait indispensable à prendre en compte dans la politique syndicale telle qu'elle se redéfinissait. Une plus grande responsabilité et une volonté de prendre part au regain du mouvement syndical se dégageait de tous les séminaires réalisés; il était donc temps d'étendre la recherche au pays dans son ensemble et d'arrêter définitivement le projet triennal qui s'est déroulé de mi-1987 à mi1990.

24

Chapitre De la Recherche

Il Syndicale

En 1986, la CNTG établissait son projet triennal qu'elle intitulait "Participation syndicale et développement". Les objectifs de ce projet se rapportaient à ceux de 1984 puisqu'il s'agissait pour le syndicat de consolider sa politique générale en renforçant l'idéal de participation et en établissant un programme d'éducation ouvrière. Pour conduire cette action, le syndicat a choisi d'associer recherche et éducation en adoptant l'idée d'organiser des séminaires dans tout le pays. Et pour posséder davantage de données sur la vie syndicale guinéenne, l'équipe chargée de la recherche a retenu la méthode d'enquête par questionnaire administrée durant les séminaires ainsi que l'animation de travaux de groupes à partir des réalités syndicales. Outre l'apport important d'informations sur la perception du syndicat, le recensement des besoins des travailleurs et le fonctionnement des cellules locales, les résultats des séminaires étaient également considérés comme des éléments essentiels à retenir pour guider les grandes orientations de la politique syndicale en préparation. Mais afin de permettre une meilleure compréhension des résultats de ce rapport, nous préciserons dans ce chapitre les considérations qui nous ont guidés dans le choix de notre méthode. Tout d'abord, nous apporterons des considérations générales sur la recherche puis nous aborderons plus en détailla programmation des séminaires que nous qualifions de véritables ateliers de recherche et ensuite, nous étudierons les spécificités de l'enquête soit, l'échantillon et ses paramètres de base. Ainsi, pourrons-nous évaluer quelques données essentielles obtenues sur le public concerné par l'enquête soit "les élus syndicaux".

1.

Considération générale sur la recherche

En 1984, lors de la mise en place de la seconde république, les objectifs de la CNTG étaient de se restructurer et de mobiliser les travailleurs àla participation dans le cadre des décisions les concernant et surtout en vue de contribuer au développement national. C'est dans cette optique qu'elle avait entrepris la mise en oeuvre d'un programme national sous forme de séminaires en novembre 1985. Ces séminaires étaient essentiellement destinés aux dirigeants syndicaux pour accroître leur formation et leurs connaissances syndicales. L'encadrement avait choisi de gérer les séminaires en

25

dispensant des cours d'éducation suivis de discussions ainsi que de travaux de groupes clôturés par des débats, ces activités étant assurées par des personnes ressources. C'est à l'occasion de ces travaux que la CNTG a pu évaluer le sens des responsabilités et l'enthousiasme réel manifesté par les participants à l'égard du regain

syndical.

.

Le taux important de candidats venus de tous les coins du pays pour assister aux travaux des séminaires a conduit l'équipe d'encadrement à animer deux séminaires-tests supplémentaires avant d'arrêter définitivement les directives du projet triennal qui s'est déroulé de 1987 à 1990. Ces deux séminaires tenus à Conakry et à Kindia ont marqué un tournant décisif dans l'orientation du projet et surtout dans le choix de la méthode de recherche. Il s'est avéré que les travaux de groupes ont suscité un intérêt général car ils ont favorisé l'expression et l'échange de préoccupations syndicales difficilement solubles par les cellules syndicales isolées géographiquement et coupées de relations avec les responsables basés à Conakry. Il nous est donc apparu indispensable d'orienter notre recherche à l'échelle du pays tout entier en tentant de recueillir par la méthode d'enquête, des données très précises sur le mouvement syndical guinéen. Au cours des deux derniers séminaires-tests, nous avons expérimenté la méthode d'enquête préparée au préalable avec le soutien de l'lES et les réponses viennent appuyer notre objectif de coupler éducation et collecte de données pour parvenir à une analyse plus fine des résultats escomptés. Le moment était venu d'étendre la recherche à l'ensemble du pays en établissant un projet triennal reprenant les grandes idées du programme national de 1984 mais s'adressant cette fois aux élus de la base, élus impatients de prendre part aux efforts de renouveau syndical. Intitulé "Participation syndicale et développement", le projet se voulait profitable à la politique de la CNTG notamment à l'option de participation, en établissant une politique d'éducation ouvrière, ceci sans négliger l'effort de contribution syndicale au développement national. L'idée de réaliser des séminaires à l'appui des travaux d'accomplissement du projet triennal fut retenue à l'échelle des provinces, des préfectures et de quelques grandes entreprises dù pays. Ces séminaires furent au nombre de 50 entre 1987 et 1990 et, pour les réaliser, l'équipe moteur a parcouru le pays par étapes en quatre années. Aujourd'hui notre méthode a fait ses preuves car elle a inspiré de nombreux autres pays africains en cours d'étude ou

26

d'application de leurs propres programmes. Pour tirer parti d'un aussi vaste projet sur tout le territoire guinéen, il nous fallait utiliser une technique uniforme capable de restituer le plus d'informations possibles sur de nombreux points caractérisant la réalité syndicale. Réalité syndicale elle-même extrêmement changeante d'une région à une autre, d'un secteur de l'économie à un autre et bien-sûr d'un acteur à un autre. Ainsi a-t-on décidé de retenir la méthode cFenquête par questionnaire nous offrant la possibilité d'inclure une quantité de variables se rapportant entre autres aux modes de fonctionnement des cellules syndicales, aux caractéristiques et aux aspirations des élus syndicaux. Ces données une fois collectées et analysées ont constitué la base de notre recherche, elles ont bien entendu marqué les principales options syndicales prises par le dernier congrès de la CNTG qui s'est tenu en juin/juillet 1991. Depuis longtemps était apparue la nécessité de posséder des données, même les plus élémentaires, sur les élus syndicaux de Guinée. Jusque-là, il n'existait ni registre fiable, ni informations sur la connaissance systématique des opinions, attentes ou aspirations des élus à travers le pays. De ce fait, et dans l'impossibilité de réaliser une étude systématique par manque de moyens, les séminaires programmés étaient une occasion de disposer d'un échantillon de probabilité représentatif du monde syndical. En effet, une recherche qui veut servir l'intérêt national des travailleurs doit être représentative et permettre une vue d'ensemble, une généralisation. L'importance de cette représentativité nous a conduit à définir dès le départ la "population de l'échantillon", à savoir que ce dernier représenterait tous les élus syndicaux de Guinée. Nous entendons par élu syndical celui ou celle qui a été élu ou qui est membre actif du mouvement syndical. Diverses raisons expliquent cette définition retenue de l'élu syndical, entre a.utres, le manque de structuration du syndicat, l'absence de repères de gestion du mouvement, l'absence de cotisations, l'absence de registres et enfin les disparités existantes en matière de mode d'élection des représentants syndicaux. Mais la motivation essentielle du choix de cette définition se fonde sur le comportement des syndicalistes hérité de la période Sékou TOURE c'est-à-dire l'époque où l'on devenait systématiquement membre du syndicat et du parti. On constate que ce réflexe d'appartenance spontanée est toujours très présent dans la pratique d'autant que le système d'adhésion par le check-off n'est pas rétabli et que les méthodes d'élection ne sont pas encore très bien assimilées par la

27

population dans son ensemble. Ensuite, il nous fallait déterminer la méthode d'échantillonnage susceptible de conduire à des résultats de qualité. L'idéal aurait été de retenir un échantillon au hasard ce qui signifie que chaque membre de la population a la même chance de figurer dans l'échantillon. Untel choix n'a pu être opéré faute de disposer de données statistiques et le contexte syndical d' alors n'était pas des plus favorables, s'agissant d'un syndicalisme renaissant, démuni de tout moyen, comme nous l'avons expliqué auparavant. En revanche, la possibilité de toucher une population cible d'environ 8000 élus dans l'ensemble du pays était envisageable. L'idée de combiner un questionnaire avec les séminaires en rétrospective était donc bien logique puisqu'à travers les séminaires on devait toucher quelques 2000 élus, ce qui offrait ainsi la possibilité de collecter une riche moisson de données les concernant. Mais l'enquête par questionnaire ne devait pas seulement apporter des résultats quantifiables et exploitables au profit du syndicat, elle devait aussi permettre l'expression écrite personnelle de plus de 2000 élus syndicaux et renforcer de ce fait leur engagement dans le mouvement syndical. Par ce moyen, les élus ont démontré leur sens des responsabilités et leur volonté de prendre part au regain du mouvement syndical tel qu'ils l'envisageaient sans faire abstraction de leurs critiques amères parfois et cela en particulier pendant les travaux de groupes. Voyons maintenant comment se sont articulées ces activités durant les séminaires, véritables ateliers de recherche. 2.

Les séminaires: véritables ateliers de recherche

Précisons avant tout notre démarche qui combine recherche et éducation. Les séminaires, composés en moyenne de 40 représentants des différentes sections locales, comprenaient environ 75% d'hommes et 25% de femmes. Ils se déroulaient sur 4 à 5 jours pendant lesquels chacun des stagiaires répondait au questionnaire et prenait part aux travaux de groupes relatifs à l'activité syndicale. Le questionnaire tout d'abord a fait l'objet d'un usage très rigoureux où l'on a respecté l'anonymat, l'expression des diverses branches professionnelles et aussi la représentation minimale des femmes. La vocation du questionnaire étant de renvoyer une image fiable des caractéristiques et des préoccupations des élus syndicaux, l'équipe l'a traité avec un sérieux reflété par les résultats obtenus pendant chaque séminaire et, ensuite, par son exploitation totale à l'lES de La Haye. En effet, à

28

l'occasion de chaque séminaire, 15 questions fermées ont été dépouillées et présentées aux élus syndicaux pour leur donner une idée du type d'évaluation pouvant être tiré d'un tel exercice en attendant d'aborder l'analyse définitive. Cette pratique permet de présenter aux élus syndicaux des informations sur eux-mêmes mais aussi de mettre en valeur des données utiles sur les thèmes à développer durant la rencontre ou à l'occasion de futures sessions. Dans un contexte plus large, l'encadrement peut mettre les résultats d'un séminaire en perspective avec ceux d'autres localités du pays ou même avec l'Mrique, ce qui contribue également à poursuivre l'effort d'éducation. Le dépouillement des données du questionnaire s'est progressivement perfectionné sur place puisque l'équipe a acquis du matériel informatique en décembre 1988. Cet équipement était devenu indispensable aux techniciens pour saisir sur le terrain les données statistiques du questionnaire et pour renforcer leur maîtrise de la recherche en général. Depuis lors, les données du questionnaire ont été traitées avec beaucoup de rapidité et sans faille ce qui a amélioré la qualité du travail et des résultats de l'équipe. La seconde activité des participants a consisté à travailler par groupes sur des thèmes principaux de la recherche. La plupart des séminaristes se sont penchés sur: la participation des travailleurs, syndicat et développement et représentation des femmes dans le mouvement syndical. Chaque rapport oral des groupes a été enregistré sur bande magnétique de même que les débats qui ont suivi ces différents exercices. Par la suite, les cassettes ont été analysées avec, comme support, les comptes-rendus écrits des différents groupes. Au cours de ces discussions, de nombreuses connaissances ont été échangées entre les participants et les chercheurs. La plupart du temps, les situations exposées ont été recentrées sur le fonctionnement des sections syndicales locales ce qui a permis parfois de régler sur place ou de faire enregistrer par l' équipe-moteur certains cas méritant d'être étudiés plus profondément par le syndicat. Fondé sur la dynamique syndicale et l'éducation ouvrière, le projet attribuait une large place aux travaux de groupes organisés pendant les séminaires. Le mot d'ordre étant de ne pas parcourir le pays pour dispenser des cours abstraits sur la participation mais d'évoquer pendant la formation des exemples d'actions pouvant toujours être rapportées au milieu de travail. Connaissant quelques aspects généraux de la dynamique syndicale, l'équipe était avertie de la

29

jeunesse des membres de la CNTG dans le pays, ce qui laissait supposer qu'il était fondamental de leur apporter des bases concrètes. Pour assurer cette formation, des personnes ressources ont été choisies parmi les participants au programme national de l'automne 1985. La plupart de ces personnes ressources ont constitué des groupes mobiles qui sont intervenus dans des séminaires provinciaux. Quant aux séminaires préfectoraux, ils ont été encadrés sur place par des instructeurs syndicaux préfectoraux soutenus par l'équipe de recherche présente à chaque séminaire. Pour chacune de ces personnes, priorité a été donnée à la formation et à la documentation ce qui a permis ensuite le renforcement des effectifs d'instructeurs syndicaux. L'lES de La Haye a joué un rôle essentiel dans les différentes phases d'exploitation du questionnaire mais surtout dans la rédaction et la distribution de documents pédagogiques. Il faut noter que durant chaque séminaire, tous les participants ont disposé d'un manuel d'éducation ouvrière. Les instructeurs syndicaux ont reçu un guide dont ils ont pu s'inspirer abondamment. Pour compléter cette formation, un autre outil pédagogique a été mis à la portée de tous, femme au foyer ou syndicaliste averti, sous la forme d'une émission de radio intitulée "Le monde du travail", qui diffusait chaque samedi un chapitre du manuel d'éducation ouvrière. Durant la phase d'éducation, les sujets abordés ont été semblables à ceux déjà traités par le questionnaire ce qui nous a permis d'obtenir une nouvelle banque de données et de collecter un complément d'informations qualitatives qui n'auraient pu être tirées des résultats de l'enquête malgré l'emploi de questions ouvertes. Ainsi, pour certains thèmes, on s'est davantage appuyé sur les analyses qualitatives que quantitatives. C'est le cas par exemple de la position des femmes dans les organisations syndicales, de la structure du pouvoir, des relations professionnelles, de la structure politique, de la stratégie syndicale, de la perception des problèmes de développement, etc. Véritables ateliers de recherche, les séminaires tels qu'ils ont été menés ont largement inspiré les autres pays africains concernés par les actions du PADEP. Notre équipe a pu évaluer entre autre les faiblesses de sa méthode de recherche de manière à communiquer aux autres pays que des techniques fiables et adaptées au bon déroulement de leurs projets. Il y a lieu, maintenant, d'aborder l'étude des spécificités de l'enquête par questionnaire et notamment l'échantillon qui a été retenu.

30

3.

L'échantillon

retenu dans l'enquête

L'échantillon que nous avons utilisé est un quasi-échantillon au hasard que l'on peut aisément considérer comme représentatif des élus syndicaux guinéens car le rapport échantillon-population est très favorable soit 1 sur 4, chaque quatrième élu a été indu. L'échantillon a systématiquement couvert tout le pays: chaque préfecture y figure, ce qui nous donne une distribution complète de la Guinée. Dans chaque préfecture, les personnes interrogées ont été prises de façon proportionnelle aux différentes sections syndicales: l'échantillon par préfecture était donc représentatif de la structure syndicale. Il n'y a pas eu un seul cas de refus de réponse. On peut considérer qu'il s'agit-là d'un phénomène rare mais toutes les personnes insérées dans l'échantillon ont accepté de remplir le questionnaire. On peut donc en déduire une grande fiabilité interne des résultats pour tout le pays. En même temps, nous devons souligner quelques imperfections qui ont pu affecter l'échantillon mais elles ne nous semblent pas dévier les résultats de l'enquête. Les séminaires comprenaient environ 75% d'hommes et 25% de femmes dont la sélection était faite par les unions locales sur le critère de représentativité des branches socio-professionnelles dans le secteur géographique du lieu du séminaire. Le Tableau 1 ci-après nous indique le rapport de l'échantillon au nombre total des élus syndicaux en Guinée. Tableau 1 Rapport de l'échantillon au nombre des élus syndicaux en Guinée Nombre d'élus syndicaux

Nombre d'élus dans l'échantillon

Proportion d'élus syndicaux dans l'échantillon

(chiffre approximatif et arrondi)

Hommes

7000

1455

21%

Femmes

700

505

72%

Total

7700

1960

25%

31

Répartition géographique

Carte 1 et par ordre croissant des séminaires effectués en Guinée de 1986 à 1990

GUINEE BISSAU

SIERRA.LEONE

w

_____

limites

des régions

Les participants n'étaient donc pas choisis au hasard mais désignés. Il est possible que des éléments subjectifs aient joué un rôle dans leur sélection: motivation, niveau de compétence, amitié, liens de famille ou ethniques, etc. Environ 500 sections syndicales ont choisi en moyenne 4 participants pour les séminaires et donc pour l'échantillon. Nous pensons que le nombre très élevé des sélectionneurs est très satisfaisant pour l'échantillon; si, inversement il avait été faible, il y aurait peut-être eu une déviation systématique. Avec 500 sélectionneurs, les déviations se compensent. On a délibérément favorisé les femmes: il avait été réservé une proportion de 25% des places pour elles dans l'échantillon, en dépitde leur faible appartenance syndicale. Leur taux de participation syndicale est bien plus bas en effet mais cela ne gêne en rien l'exploitation de l'enquête car nous pouvons procéder à la séparation des échantillons par sexe. Nous avons inclu 5 entreprises où ont été conduits des séminaires spécifiques à chacune d'entre elles. Dans ce cas l'échantillon n'a plus de valeur géographique mais locale puisqu'il fait référence aux élus syndicaux d'une seule section. Comme il s'agit

32

Tableau 2 des localités où ont eu lieu les séminaires classement par ordre de passage

Inventaire

No.

Localités

No.

Localités

de 1986 à 1990,

Labé

(1986)

P

26

Siguiri

(1989)

Prf.

2

Macenta

(1986)

Prf.

27

Koundara

(1989)

Prf.

3

N'Zerékoré

(1987)

P

28

Gaoual

(1989)

Prf.

4

Kérouané

(1987)

Prf.

29

Boké

(1989)

Prf.

5

Faranah

(1987)

P

30

Boffa

(1989)

Prf.

6

Boké

(1987)

P

31

CBG/Kamsar

(1989)

E

7

Dubreka

(1987)

P

32

Fria

(1989)

Prf

8

Kindia

(1987)

P

33

Friguia

(1989)

E

9

Conakry

(1987)

P

34

Dubréka

(1989)

Prf.

10

Kankan

(1988)

P

35

Coyah

(1989)

Prf.

11

Guéckédou

(1988)

Prf.

36

Forécariah

(1989)

Prf.

12

Kissidougou

(1988)

Prf.

37

Conakry

1

(1989)

Prf.

13

Daboia

(1988)

Prf.

38

Conakry

2

(1989)

Prf.

14

Mamou

(1988)

Prf.

39

Conakry

3

(1989)

Prf.

15

Aredor

E

40

OBK/Debélé

(1989)

E

16

Beyla

(1988)

Prf.

41

Lola

(1990)

Prf.

17

Yomou

(1988)

Prf.

42

N'Zerékoré

(1990)

Prf.

18

Sérédou

(1988)

E.

43

Kankan

(1990)

Prf.

19

Faranah

(1988)

Prf.

44

Kouroussa

(1990)

Prf.

20

Pita

(1988)

Prf.

45

Dinguiraye

(1990)

Prf.

21

Lelouma

(1988)

Prf.

46

Mali

(1990)

Prf.

22

Tougué

(1988)

Prf.

47

Labé

(1990)

Prf.

23

Koubia

(1988)

Prf.

48

Dalaba

(1990)

Prf.

24

Telimélé

(1989)

Prf.

49

Kindia

(1990)

Prf.

25

Mandiana

(1989)

Prf.

50

Labé

(1990)

(Gbeinko)

Légende: P = En résumé on 8 séminaires . 36 séminaires

.

(1989)

Province, Prf = Préfecture, E = Entreprise. peut noter que de 1986 à 1990 il a été tenu: 5 séminaires d'entreprises et provinciaux préfectoraux * 1 séminaire test

.

33

des plus grandes entreprises du pays, cela ne bouleverse pas l'échantillon total mais de nouveau, nous avons la capacité de dégager les personnes qui ont été présentes à ces séminaires sans difficulté. L'enquête s'est étendue sur une période de 4 années (de décembre 1986 à novembre 1990) ce qui signifie que les réponses n'ont pas toutes été enregistrées à la même époque. Nous avons tenté d'atténuer cette singularité en répartissant les séminaires chaque année dans le pays et non en prenant une région totale par année, ce qui aurait été beaucoup plus facile et moins coûteux. L'optique a été de couvrir le pays chaque année afin d'obtenir des informations assez consistantes reflétant les préoccupations des travailleurs durant la période. Ainsi, de décembre 1986 à décembre 1990, l'équipe a parcouru toute la Guinée en plusieurs étapes comme nous le montrent le Tableau 2 et la Carte 1. Le dernier séminaire s'est seulement tenu en décembre 1990 en tant que "séminaire de démonstration" afin que des syndicalistes et chercheurs issus du Cap-Vert, du Mali et de la Guinée-Bissau saisissent la méthode de séminaire-enquête pour mieux l'appliquer par la suite dans leurs propres pays. Les résultats de recherche de ce dernier séminaire ne figurent pas dans nos donnés d'analyse car il s'est tenu à Labé où deux séminaires avaient déjà été conduits auparavant (Labé-province en 1986 et Labé-préfecture en 1990). Selon la logique de notre échantillonnage, il n'était pas utile de prendre en compte les résultats du troisième séminaire de Labé. Le choix de réaliser les séminaires année par année nous permet d'analyser les tendances de certains phénomènes selon les périodes. En particulier pendant les années 1987, 1988, 1989 et 1990, nous avons obtenu des "sous-échantillons" des élus dans tout le pays. Il nous faut d'ailleurs noter que de tels sous-échantillons ne sont pas pleinement comparables (voir Tableau 3 ci-dessous). On peut apprécier les résultats acquis durant cette période à partir de la situation détaillée établie par régions naturelles. Rappelons encore une fois que notre recherche s'est appliquée aux élus syndicaux guinéens. Les 1960 personnes touchées par notre étude peuvent être considérées comme représentatives des élus syndicaux mais elle n'incarnent pas les travailleurs guinéens dans leur totalité. 4.

L'échantillon: les paramètres de base

Pour caractériser notre échantillon, nous retiendrons quatre paramètres de base: le sexe, la religion, les secteurs d'activités économiques et l'âge. Les données relatives au niveau professionnel

34

Tableau 3 Répartition des élus interrogés par le questionnaire, par zone et par année exprimée en % sur 1960 interrogés 1986

1987

1988

1989

1990

Total

%

Conakry Plus

-

40

-

200

-

240

12%

Guinée Maritime

-

120

-

320

40

480

25%

Moyenne Guinée

40

-

200

80

120

440

22.5%

Haute Guinée

-

80

160

80

120

440

22.5%

Guinée Forestière

40

40

200

-

80

360

18%

TOTAL (0%)

80 4%

280 14%

560 29%

680 35%

360 18%

1960 100%

100%

seront surtout abordées dans la section réservée à la représentativité syndicale. L'étude a montré que 26% des interrogés sont des femmes contre 74% pour les hommes, ce qui reflète sensiblement les dispositions de base envisagées, à savoir un quota de 25% de femmes pour chaque séminaire. Mais nous avons noté un fait remarquable qui mérite d'être souligné c'est-à-dire que les femmes sont sous-représentées en nombre mais elles sont sur-représentées parmi les jeunes syndicalistes élus, comme en témoigne le Graphique 1 ci-dessous. Nous verrons plus loin que la raison essentielle de cette observation tient au fait que les femmes ne sont candidates que si elles ne sont pas mariées ou lorsqu'elles sont mariées, elles n'ont qu'un seul ou deux enfants. En revanche, dès que les corvées du ménage et les soins des enfants commencent à peser, leur proportion diminue dans les rangs syndicaux. Il y a de multiples explications justifiant la sur-représentation des femmes parmi les jeunes élus et nous suivrons très attentivement ce phénomène dans les analyses ultérieures. La Guinée est un pays fortement islamisé (près de 88% de la population). Ce phénomène se reflète aussi dans notre échantillon: près de 90% des élus musulmans vivent dans les quatre zones naturelles. Cependant, la Guinée Forestière fait exception, puisque les musulmans y sont, proportionnellement aux autres régions,

35

Répartition

Graphique 1 des hommes et des femmes selon les principaux exprimée en % sur 1960 interrogés

1OOO/c

.

~

groupes

d'âge

homme femme

0% moins de 30 ans

entre 30 et 40 ans

plus de 40 ans

moins nombreux que les catholiques. On y trouve: 48% de musulmans pour 44% de catholiques, 4% de protestants et 3% qui se sont déclarés animistes. Quant aux secteurs d'activités, les résultats ne dévoilent aucune surprise à ce niveau: 85% des élus appartiennent à la fonction publique contre 9% aux entreprises mixtes, 3% relèvent du secteur privé et le reste (3%) se situe dans des catégories "autres": entreprises familiales - autonomes, ménages, coopératives et ONG nationales. Notons que les deux dernières catégories ont légèrement augmenté durant les deux dernières années de la recherche, phénomène dû à la politique de restructuration de l'administration entreprise par le gouvernement. Nous ferons plus loin une analyse spécifique des différences entre entreprises mixtes et fonction publique. La répartition des différentes catégories d'âge ne correspond pas du tout à la structure d'âge de la population active Guinéenne dont les élus syndicaux sont les représentants. Le Tableau 4 ci-après donne l'information de base. D'une manière générale on sait que plus de 50% de la population guinéenne a moins de 20 ans et que 65% a moins de 30 ans. Les élus syndicaux de moins de 30 ans sont véritablement minoritaires (un sur 10), et en revanche, les plus de 40 ans constituent plus d'un quart du total. Cette maturité de la représentation syndicale se comprend: on ne devient pas élu syndical dès que l'on débute son travail mais plutôt après avoir acquis une certaine expérience. Mais, de ce fait, la

36

Tableau 4 Principaux groupes d'âge des élus syndicaux, par sexe exprimés en % sur 1960 interrogés

Moins

de trente

Entre trente

et quarante

Plus de quarante Total (N) (1960)

ans

ans

ans

Hommes

Femmes

Total

6%

20%

10%

65%

63%

64%

29%

17%

26%

100% ( 1455)

100% (505)

100% (1960)

problématique des plus jeunes risque d'être mal représentée dans le travail syndical ce qui pose un réel problème. A ce propos, les femmes de l'échantillon reflètent plus la structure d'âge actuelle du pays: 20% d'entre elles ont moins de 30 ans (contre 6% des hommes!) et 17% plus de 40 ans (contre 29% pour les hommes!). On comprend aisément qu'une fois mariées ou avec plusieurs enfants, le poids des corvées domestiques ne permet pas aux femmes de se porter candidates aux postes syndicaux. (Voir Chapitre IV sur les femmes et l'action syndicale). Il nous reste à constater cependant pour le moment que les jeunes travailleurs et travailleuses sont considérablement sous-représentés dans les structures syndicales.

37

Chapitre

III

De ta Condition Syndicate Ce chapitre présente une vue globale de l'activité syndicale au lendemain du 3 avril 1984 ainsi que les événements survenus par la suite. Il tente également d'explorer les réalités syndicales au double plan de l'héritage que nous avons évoqué dans notre premier chapitre et des conditions actuelles. Nous aborderons la question en faisant un bref rappel du contenu des textes législatifs qui ont sous-tendu le fonctionnement de l'organisation à savoir les statuts. Ensuite, nous verrons l'organisation interne de la centrale afin de comprendre quelques unes des causes qui limitent actuellement le fonctionnement normal de la CNTG. Enfin, nous évoquerons brièvement les faits récents qui se rapportent aux femmes dans le mouvement syndical guinéen, femmes auxquelles cet ouvrage réserve un chapitre spécifique.

1.

La condition syndicale

Nous constaterons dans cette partie que s'il a été aisé pour la CNTG de reformuler des textes destinés à lui redonner une identité syndicale, il n'est pas aussi facile pour elle d'agir sur le comportement des élus qui sont encore très empreints des méthodes de fonctionnement enseignées sous Sékou TOURE. Cependant, ces efforts ne sont pas vains surtout auprès des syndicalistes nouveaux, dotés d'une grande ambition syndicale, et parmi lesquels, les femmes ne restent pas au second plan.

2.

Réforme syndicale et participation au développement

Lorsqu'au lendemain du 3 avril 1984, le CMRN autorisa la reprise des activités syndicales, la CNTG se trouvait à la croisée des chemins: maints de ses leaders, sinon tous, avaient interrompu leurs activités soit par crainte de la nouvelle situation encore mal cernée, soit pour d'autres raisons liées notamment à leurs situations professionnelles. Dans tous les cas, la reprise des activités se fit grâce à la constitution d'une commission nationale chargée d'élaborer de nouveaux statuts et comprenant des représentants du comité national des travailleurs - organe sortant, de quelques secrétaires généraux des fédérations

professionnelles (qui avaient été rétablies en 1983) et des représentants du Ministère du Travail et de la Fonction publique.

38

Au terme d'un travail sans relâche, de nouveaux statuts sont adoptés le 3 mai 1984. Le 24 septembre 1984 une ordonnance (no. 231 PRG) indique les modalités de mise en place des nouvelles directions syndicales. Son application est rendue possible par l'Arrêté no. 4592/ MTFP en date du 21 décembre 1984. Ainsi, à la suite d'élections à la base, le congrès ordinaire de la CNTG est convoqué le 11janvier 1985 au Palais du peuple à Conakry. La nouvelle option de la CNTG se définit à travers une politique de participation responsable, de partenariat qui prône le dialogue et la collaboration. Désormais, la CNTG orientera ses actions vers la revendication ainsi que la promotion du mouvement coopératif pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs et vers la participation au développement économique social et culturel du pays. Statutairement,la CNTG compte seize fédérations syndicales professionnelles. Le fonctionnement de la centrale est assuré par un bureau confédéral composé de seize secrétaires généraux et de cinq membres permanents siégeant à la bourse du travail à Conakry en qualité de secrétaires exécutifs. La CNTG dispose également de commissions techniques dont notamment: la commission nationale d'éducation ouvrière (CNEO), la commission nationale d'organisation et la commission nationale des femmes travailleuses (CONFETRAG). 3.

Aperçu de la situation syndicale de 1985 à 1990

Libérée de la tutelle politique, la CNTG se devait de définir les objectifs assignés au mouvement syndical dans le contexte du renouveau proclamé à l'occasion du congrès de janvier 1985. C'est pourquoi, dès le départ, la centrale a fixé le cadre de son action pour participer au développement national. Mais un tel choix n'était pas aisé du moment qu'il consistait à se placer entre deux réalités difficilement conciliables: d'un côté, soutenir le programme de développement du pays - objectif prioritaire des gouvernants - et de l'autre, défendre les intérêts des travailleurs dans une société en pleine mutation. Il est apparu ainsi nécessaire de reconvertir toute la sphère syndicale en vue de l'adapter aux exigences du moment, et dix-sept8 fédérations syndicales furent constituées à cet effet. Priorité fut accordée à la formation et à l'éducation pour permettre 8

Plus tard cet effectif sera ramené à 16 suite au départ du corps militaire la fonction publique.

de

39

aux élus de suivre le rythme des réformes en cours, entreprises par le gouvernement, mais aussi pour répondre aux aspirations des travailleurs. Grâce à l'élan de solidarité manifesté par plusieurs organisations syndicales étrangères, la centrale a engagé un vaste programme de formation des travailleurs tant sur le plan syndical que professionnel. Cet effort de mobilisation était d'autant plus nécessaire que la nouvelle génération syndicale se composerait dans sa presque totalité de leaders peu ou pas du tout expérimentés dans la lutte syndicale. Parallèlement, la CNTG a entrepris des efforts auprès de l'état dans la perspective d'une implication des élus dans la gestion des problèmes du pays et pour une amélioration des conditions de vie des travailleurs. A ce titre, la centrale est membre de plusieurs organes paritaires comme les conseils d'administration de la caisse nationale de la sécurité sociale, l'office national de la main-d'oeuvre, l'office national de formation et de perfectionnement professionnel, le tribunal du travail, etc. En outre, elle a conclu des conventions collectives dans certaines branches professionnelles comme c'est le cas par exemple des mines et carrières, industries chimiques, des travaux publics et du bâtiment. Mais ces résultats restent encore modestes au regard des multiples problèmes qui affectent quotidiennement la classe ouvrière principalement le chômage, la baisse du pouvoir d'achat, les conditions de travail, les transports, les relations professionnelles, etc. A toutes ces difficultés s'ajoutent le blocage des cotisations syndicales, l'absence de toute autre forme d'assistance interne, autant de raisons qui obligent l'organisation syndicale à fonctionner audessous de ses moyens comme nous le verrons plus tard dans ce chapitre. 4.

Des syndicalistes

nouveaux

De plus, aux caractéristiques que nous venons d'étudier, s'ajoute l'imperfection des structures syndicales. Certes, il existe partout dans le pays des unions locales, des sections et des délégations syndicales mais beaucoup de travailleurs en ignorent le fonctionnement ainsi que l'identité de la fédération syndicale professionnelle à laquelle ils appartiennent. Cette incertitude de la situation syndicale qui règne surtout à l'intérieur du pays à cause des communications difficiles ou rares, a affecté quelque peu notre recherche. Comme nous l'avons expliqué dans le deuxième chapitre, nous avons ciblé dans notre enquête les

40

élus syndicaux, que nous avons définis comme élus ou membres actifs du mouvement syndical. Il apparaît en effet que 35% des séminaristes étaient à vrai dire des personnes enthousiastes dépourvues de fonction officielle dans la structure syndicale. Mais ils étaient reconnus comme ayant de réelles activités dans le travail syndical, des militants qui d'ailleurs n'étaient pas intégrés dans des structures syndicales officielles ou formelles, lesquelles n'étaient pas non plus, ou pas encore, établies dans de nombreux cas. Nous devons ajouter aussi que parmi ces représentants nonofficiels sont comprises les femmes recrutées parmi les ménagères sur les différents lieux des séminaires pour obtenir un quota de 25% de représentation féminine. Par conséquent, tous ces participants non-élus n'ont pas pu répondre à certaines questions sur la situation syndicale "formelle" ce qui ne veut pas dire qu'ils n'étaient pas pour autant des "représentants syndicaux". Cela reflète l'incertitude qui subsiste au sujet de la restructuration syndicale dans le pays. Cette incertitude frappe davantage parce que la plupart des participants aux séminaires (avec ou sans fonction syndicale) sont plus ou moins nouveaux dans l'arène syndicale: 41% des élus appartiennent à "la génération de 1985". Par ailleurs, on note des différences sensibles selon les régions; les nouveaux élus sont plus nombreux en Haute Guinée (45%) et en Guinée Maritime (42%), leur nombre est sensiblement égal à "Conakry Plus"9 et en Moyenne Guinée mais moindre qu'en Guinée Forestière (voir Tableau 5 en annexe). En revanche, 14% ont plus de 5 ans et moins de 11 ans d'ancienneté syndicale. Enfin, la présence des "anciens" (20 ans et plus d'activité) est faible partout, excepté à "Conakry plus" où ils constituent environ 15% des élus. Néanmoins, il faut noter que même si les 16 fédérations syndicales nationales ont toutes été touchées pendant l'enquête, il existe de grands écarts dans la représentation quantitative des différentes branches professionnelles. Comme le montre le Graphique 2 ci-après, 21% des élus appartiennent à la fédération de l'éducation nationale laquelle est suivie par celle du développement rural (11%), de la santé et des mines. Les 13 autres fédérations se partagent ensemble 18% des places. Les 37% restants ne savent même pas quelle position exacte ils occupent dans la structure syndicale et sont encore moins 9

"Conakry

Dubékaet

Plus" comprend

la ville de Conakry

et les deux préfectures

de

de Coyah.

41

capables d'indiquer à quelle fédération nationale syndicale ils sont rattachés. Seules, les fédérations "éducation nationale", "développement rural", "santé" et "mines et carrières" semblent être raisonnablement structurées dans tout le pays. Répartition

Graphique 2 des élus syndicaux dans les différents syndicats exprimée en % sur 1960 interrogés

nationaux

21% éducation nationale 11% développement rural

18% appartiennent aux 13 autres syndicats nationaux 37% sans réponse

Malgré tous ces handicaps: manque de structuration et incertitude sur la position occupée dans les rangs du syndicat, et bien qu'une majorité d'entre eux soient nouvellement arrivés dans le mouvement, les syndicalistes témoignent d'une grande ambition, comme le montrent les Tableaux 6 et 7 en annexe. Un nombre important de participants, soit 83% d'entre-eux souhaiteraient occuper un poste à responsabilités dans la structure syndicale future. Et parmi ceux qui occupent déjà des fonctions officielles, 61% désirent renouveler leur mandat à l'occasion du congrès à venir, 22% hésitent et 15% ne sont pas tentés par la "carrière" syndicale.

5.

Syndicalistes

élitistes ou représentants

de qualité

En général, les responsables syndicaux ont un niveau d'éducation et un niveau professionnel relativement élevés et donc ne sont pas représentatifs des travailleurs Guinéens dans leur ensemble. La plupart d'entre.eux sont des fonctionnaires (cadres administratifs, etc.) ou des moyens et hauts fonctionnaires: 79% soit 3 sur 4 dans l'ensemble. Seuls 2 sur 10 sont des ouvriers pour la plupart qualifiés (voir Graphique 3 ci-après). Le niveau de fonction est par conséquent élevé ou très élevé (voir Tableau 8 en annexe). Il s'avère donc que les

42

élus sont loin d'être représentatifs la Guinée.

des grandes masses ouvrières

de

Graphique 3 professionel des élus syndicaux Guinéens exprimé en % sur 1960 interrogés*

Milieu

100% 90% 82%

79%

80% 70% 61% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% a) ascendants

Légende 1 a) dernières générations:

la profession

des pères, mères et grand-pères

b) génération (famille)

actuelle:

la profession

de la femme,

c) génération

actuelle:

la profession

des

Légende

2

D

. * les sans réponse

c) génération actuelle (ami(e)s)

b) génération actuelle (famille)

paysans, mixte

ouvriers

(paysans,

amis

de l'homme,

et sœurs

ou amies

et ouvriers ouvriers,

des frères

qualifiés

ouvriers.

qualifiés

et fonctionnaires)

fonctionnaires

ne sont pas communiqués

43

Ce haut niveau de formation des élus syndicaux illustré par le Tableau 9 en annexe garantit en quelque sorte la qualité de représentation du syndicat. Cependant, on pourrait émettre des réserves quant à leur connaissance des conditions de vie de la classe laborieuse qu'ils sont censés incarner. Dans ce cadre, il est tout à fait important de constater que le milieu social des représentants syndicaux est très moyen pour la Guinée, élément important qui atténue le danger d'élitisme auquel nous venons de faire allusion. La majorité des élus syndicaux sont issus du milieu: rural (voir le Tableau 10 en annexe), 82% de leurs grand-pères paternels et maternels étaient des paysans et ouvriers, seuls 2% ont eu des grands-parents fonctionnaires. 67% de leurs pères et mères étaient des paysans et ouvriers et 2% des bas et moyens fonctionnaires. Les élus syndicaux constituent, pour la plupart, la première génération intellectuelle à connaître la mobilité sociale. Forts de leurs compétences acquises, et solidaires du milieu d'où ils proviennent, ils sont motivés pour défendre les intérêts des travailleurs et des paysans. Enfin, constat d'importance, les frères et les soeurs des syndicalistes se situent encore dans la population ouvrière et paysanne plutôt que parmi les fonctionnaires de moyen ou de haut niveau. En outre, comme nous le verrons plus tard, deux tiers d'entre-eux exercent des travaux champêtres, un tiers font de l'élevage et un quart ont une activité artisanale. Ces données confirment que les élus syndicaux ne sont pas éloignés des problèmes des groupes sociaux qu'ils représentent. En revanche, leurs ambitions ont tendance à être élevées. Nous leur avons demandé leurs aspirations concernant la profession de leurs fils et de leurs filles. Ils souhaitent que leurs enfants mutent vers le fonctionnariat moyen et élevé plutôt qu'ils demeurent ouvriers ou paysans (voir Tableau 11 en annexe). Cela montre encore que les représentants syndicaux se trouvent en phase de transition et risquent de se concentrer trop sur leur avenir social. Ils le manifestent déjà dans leurs choix d'amis qui se situent plutôt dans la catégorie des fonctionnaires. L'analyse des paramètres de l'échantillon (voir Chapitre II) a fourni une première conclusion importante de la recherche. La structure syndicale fait apparaître une sous-représentation des femmes, des jeunes et des ouvriers. Autrement dit, le cadre syndical modèle est un fonctionnaire, homme, de plus de trente ans. Cela ne signifie pas, néanmoins, que les intérêts des catégories sousreprésentées ne sont pas compris et défendus. Nous constatons que

44

les fonctionnaires partagent leur vie avec les paysans et les ouvriers qui sont leurs parents, frères et soeurs.

6.

Motivation, information

Nous avons déjà mentionné la grande ambition syndicale, qui reflète ,me forte motivation syndicale. Nous avons essayé de l'évaluer en utilisant comme critère le taux d'écoute de l'émission hebdomadaire de la radiodiffusion nationale "Le monde du travail". Plus tard, nous avons constaté que ce critère n'est pas nécessairement "une preuve" de motivation syndicale étant donné que pour des raisons techniques, la radio ne peut pas être écoutée dans toute la Guinée; l'écoute dépend Fréquence

d'écoute

Graphique 4 de l'émission 'Monde du Travail' par zone principale exprimée en %*

100% 90% 80% 70%

66%

60% 50% 40% 30% 20% 10% Conakry Plus

Légende:

. ~

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

Moyenne de toute la Guinée

On écoute toujours ou souvent l'émission du 'Monde du travail' On écoute parfois ou rarement l'émission du 'Monde du travail' * les sans réponse ne sont pas communiqués

45

de la qualité de la transmission et de la qualité de la radio disponible. Il nous a fallu informer la CNTG que la radio considérée comme moyen de communication ne touchait pas tout le monde en Guinée. Cependant, les résultats de l'enquête montrent qu'un effectif de 45% d'élus écoutent toujours ou souvent l'émission, ce qui paraît important quand on sait que les conditions de réception des nouvelles ne sont pas uniformes selon les régions. A l'inverse 3% n'écoutent jamais l'émission. Le Graphique 4 présente la situation d'ensemble pour les cinq zones (le détail des données est présenté dans le Tableau 12 en annexe). En général, on constate que près de la moitié des syndicalistes suivent assez régulièrement l'émission radio "le monde du travail". Par ailleurs, nous avons pu davantage apprécier les liens entre les leaders et la base en demandant aux participants de citer les noms du Graphique 5 des noms des Secrétaires Généraux de la CNTG et des professionnelles nationales par zones principales exprimée en %

Connaissance fédérations 100%

[III]

90% 80%

S. Général

CNTG

S. Général Fédération

77%

70%

66% 63%

60% 51%

48%

50%

43%

40% 33%

35%

33%

30% 22%

20% 10% Conakry Plus

46

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

Moyenne de toute la Guinée

Secrétaire Général de la CNTG et de la Fédération Syndicale Professionnelle à laquelle ils appartiennent. Les résultats sur la "cote de popularité" des responsables syndicaux sont très intéressants. En effet, si 77% des élus de "Conakry Plus" citent correctement le"nom du premier, pour les autres zones du pays les proportions sont en baisse au fur et à mesure que l'on s'éloigne de là capitale. Les données sont encore plus marquantes pour les Secrétaires Généraux des Fédérations: 63% des élus de "Conakry Plus" les identifient correctement alors que pour le reste du pays, plus de la moitié ne les connaissent pas bien, en moyenne 53% du total du pays. Et si l'on ajoute les avis non exprimés, l'écart s'accentue davantage comme l'illustre le Graphique 5 tiré du Tableau 13 en annexe. Il existe donc un risque possible de coupure entre leaders nationaux et élus de base, phénomène qui, du reste, a été largement évoqué par ces mêmes élus dans leurs remarques et suggestions à l'égard de la centrale syndicale. Ils reprochent aux leaders de "négliger les travailleurs de l'intérieur".

7.

L'activité syndicale

Malgré leur volonté d'engagement syndical, tous les élus ne semblent pas connaître exactement leur rôle. Ainsi, à la question "Quelle activité exercez-vous dans votre syndicat?" nous avons recensé des réponses étranges sinon inquiétantes qui sont illustrées par le Graphique 6 ci-dessous. 55% des interrogés ont répondu qu'ils s'occupent de l'organisation interne autrement dit de la procédure Graphique 6 Nature des activités syndicales exprimée en % sur 1960 interrogés. 55% organisation 13% représentation 13%

assistance

8% éducation

* Sur 100 interrogés,

des travailleurs

sociale

et formation

7% assemblées 4% promotion,

des intérêts

interne

avec les travailleurs

productivité chacun

pouvait

et efficacité donner

3 réponses

47

syndicale ou de la routine administrative. Pour d'autres, 20% des activités consacrées à l'action syndicale se répartissent entre l'organisation de réunions et l'assistance sociale. Dans ces deux dernières rubriques, on peut douter de l'activité exacte des élus. Le questionnaire, il faut l'admettre, n'a pas pu fournir une information très concrète sur ce point dans le suivi du projet. En Guinée tout comme ailleurs en Mrique, on appliquera d'autres méthodes de recherche pour mieux connaître le rôle et le fonctionnement du syndicat. Il est tout à fait important de mentionner d'ailleurs que seulement 4% des activités citées se rapportaient à la promotion de la productivité et de l'efficacité. Rien de mal dans ces deux domaines, mais on se souvient trop de la manière dont le syndicat à été manipulé pendant l'époque Sékou TOURE pour se servir encore du slogan "prêts pour la production" dans la bataille pour la productivité. Cette attitude "intransigeante" a été clairement abandonnée. Notons enfin, que pour remplir leurs obligations syndicales, 36% des élus disposent en moyenne d'une à 2 heures par semaine, 15% s'adonnent à leur activité entre 3 à 4 heures par semaine et 6% y consacrent 6 heures hebdomadaires. Ces données sont inspirées du Graphique 7 présenté ci-dessous.

Graphique 7 Temps consacré aux obligations syndicales sur le lieu de travail exprimé en % sur 1960 interrogés 36% 15% 6% 3%

5 à 6 heures 7 à 8 heures

6%

3 à 4 heures

9 heures

1 à 2 heures

par semaine

par semaine

par semaine

par semaine et plus par semaine 34°~

sans réponse

En l'absence de cotisations syndicales, les sont limitées, voire nulles par endroits. Comme leaux 14 et 15 et le Graphique 8 ci-après, le travail donc sans moyens dans la quasi-totalité du pays

48

ressources des élus l'illustrent les Tabsyndical s'effectue (55%).

Moyens exprimés

Graphique 8 disponibles au syndicat en % sur 1960 interrogés.

55% rien

1%

quatre

moyens

*6% n'ont pas répondu

Exceptée la Guinée Maritime, toutes les autres régions éprouvent des difficultés. Le cas singulier de la Guinée Maritime s'explique par la présence de syndicats d'entreprises mieux nantis que ceux de l'administration. De plus, il nous faut rappeler que dans maintes préfectures, les anciens sièges des syndicats confisqués en 1984, ne sont pas encore restitués. Malgré ce handicap, les élus syndicaux usent d'initiatives qui aident à contourner les difficultés. Nous avons recensé les "autres" moyens utilisés par les élus pour accomplir leur travail. Il se répartissent en trois volets: tout d'abord ce sont les contributions volontaires: cotisations, actions sociales, dons, téléphone personnel; puis les "initiatives": coopératives, jeux et kermesses, cantines, récupération d'emballages vides et enfin la bonne volonté: dévouement, assistance morale. En définitive, on retient qu'il existe un élan général en faveur de l'action syndicale dans toute la Guinée. Mais cette action n'est pas pour autant effective car elle a besoin du support de l'apprentissage et du recours à la démocratie syndicale véritable. La conception des élus en la matière est présentée à la suite. 8.

La démocratie

syndicale

L'énorme engouement manifesté par les élus pour l'action syndicale puise en partie ses origines dans la soif de démocratie vraie à laquelle ils ont toujours aspiré. Et comme par nature, le syndicat est avant tout synonyme de démocratie, les travailleurs ont donc tenté d'exprimer leur opinion au cours des élections libres de leurs responsables. Néanmoins on peut avoir des doutes quant à l'application

49

uniforme de l'idéal démocratique dans les différentes régions de Guinée où les cadres ont été élus, bien sûr, mais à partir de procédures qui ne caractérisent pas les réelles méthodes de la démocratie. En effet, pendant la période de 1987 à mi 1990, la forme la plus démocratique: le bulletin secret a seulement été appliquée dans 5% des cas. La majorité des représentants syndicaux a été élue à mains levées (69%) ou par acclamation (14%) et pire encore, 11% des responsables ont été désignés ou nommés. Ces données sont tirées du Graphique.9 ci-dessous. Graphique 9 Méthode d'élection des élus syndicaux exprimée en % sur 1960 interrogés Question: "Si vous êtes membre la procédure de votre élection?"

d'un organisme

47%

7%

'désignation 'bulletin

syndical,

'mains

quelle

a été

levées'

ou nomination'

secret'

32%

sans

réponse

Une telle pratique pourrait s'expliquer par la survivance du modèle hérité de l'ancien système de la première république où les mains levées et l'acclamation étaient précisément retenues pour vérifier si les candidats proposés par le parti politique étaient élus par tout le monde. Les élections d'autrefois n'étaient qu'une procédure de propagande à l'avantage du parti avec pour contre-coup la punition des non conformistes. Autre explication possible: le mouvement syndical est toujours mal structuré, sans cotisations, sans congrès jusqu'en juin 1991; peut-être attend-on d'abord la normalisation de la structure syndicale avant d'appliquer le statut de la CNTG qui prescrit la même méthode d'élection à toutes les fonctions syndicales. Nous avons inséré dans le questionnaire une question à propos de la méthode d'élection préférée pour l'avenir. Les réponses (voir Tableau 16) sont plus sombres que

50

prévu. Un élu sur trois préfère une élection directe, mais plus de la moitié (59%) pensent que la meilleure méthode pour constituer un comité syndical est la désignation par le syndicat ou bien par le syndicat et la direction. Il faut noter d'ailleurs que dans le Tableau 16, on remarque une différence considérable de point de vue à ce sujet entre les syndicalistes de Conakry (la capitale) qui favorisent davantage la démocratie syndicale Iibre que ceux de l'intérieur du pays. Néanmoins à Conakry, la moitié d'entre-eux préfèrent toujours la désignation. On comprend dès lors que l'enthousiasme seul ne suffit pas pour mener à bien le combat syndical car les risques de manipulation sont encore grands même si les élus jouissent d'une certaine audience auprès des partenaires sociaux et des travailleurs (voir Graphique 10 ci-dessous). Taux de reconnaissance

Graphique 10 des élus syndicaux exprimé en %

50%

par zones principales 46%

44%

40% 30% 20% 10% 0% Conakry Plus

Il

D

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

Toute la Guinée

peu ou pas du tout respecté par les travailleurs peu ou pas du tout respecté par la direction

Dépositaires des intérêts de leurs camarades, les élus entretiennent dans l'ensemble de bonnes relations avec les différents partenaires. Néanmoins, 38% se sentent peu ou pas du tout respectés par la Direction et 27% se jugent de la même manière vis-à-vis des travailleurs (voir Tableau 17 en annexe). Dans l'ensemble donc, le syndicat doit poursuivre de gros efforts de crédibilité auprès de ses interlocuteurs dans tout le pays car les données ne varient que sensiblement d'une région à une autre.

51

9.

Les domaines et secteurs d'intervention du syndicat

Les activités du syndicat recouvrent tous les aspects de la vie nationale; le syndicat intervient tout autant dans la négociation des salaires, du bien-être et de l'emploi que dans le domaine de la politique de développement sectoriel, ce qui est le cas pour les unités industrielles mixtes. S'il est plus actif dans les secteurs privés et mixtes du fait notamment de leur échelle plus réduite que celle de la fonction publique, le syndicat aspire à devenir un interlocuteur plus fiable dans l'administration, à la fois pour sa capacité d'agir efficacement dans le règlement des conflits et aussi pour son rôle d'acteur effectif de la politique de développement national. En général, lorsqu'un conflit éclate dans les secteurs mixtes et privés, il se répercute directement au niveau du poste même et de la production, ce qui précipite la négociation tandis que dans le secteur public, les conflits s'enlisent dans un long processus administratif sans grand espoir de résolution. Enfin, il faut souligner que la taille des entreprises privées est favorable aux discussions directes entre gestionnaires et syndicalistes ce qui n'est pas le cas de la fonction publique où la quantité d'intermédiaires nuit aux débats. Mais audelà de l'étalement des discussions sans fin, le secteur public souffre d'une grande disparité de qualification des élus syndicaux, ce qui rend inégales les chances d'aboutissement des pourparlers au sein même de l'administration. On le remarque notamment dans le secteur de l'éducation où les membres du syndicat se distinguent par leurs actions et leurs propositions efficientes par rapport aux autres secteurs. Ainsi, ces derniers ont-ils été à l'origine du mouvement de grève généralisé à l'ensemble des travailleurs du pays en mai 1991. Partis de revendications essentiellement salariales, les enseignants ont su entraîner dans la négociation non seulement le gouvernement mais aussi la population guinéenne, en particulier les étudiants et les travailleurs, en diffusant sans relâche des informations sur les tractations. Première grève nationale depuis l'avènement de la Guinée à l'indépendance, la journée du 6 mai 1991 a été massivement suivie par tous les secteurs d'activités du pays. Malgré la limitation de ses moyens d'organisation et d'information, la CNTG a pu jouer son rôle de médiateur et d'interlocuteur direct avec le gouvernement en tant que représentant des travailleurs. Les résultats obtenus, soit le doublement de tous les salaires indiciaires de la fonction publique réparti entre juin et octobre 1991, 52

constituent de véritables acquis syndicaux, dont l'indépendance de toute influence politique renforce la légitimité du syndicat trop perçu jusque-là par les travailleurs comme complice du gouvernement. Néanmoins, pendant les événements de mai 1991, la CNTG a accusé de nombreuses critiques sur son rôle dont certaines provenant du cercle même des élus syndicaux. On lui a surtout reproché une grande inactivité syndicale, une mauvaise gestion et une trop forte proximité du gouvernement en place. Ces jugements ont été très sévères tant et si bien que de nouveaux syndicats se sont constitués aux côtés de la CNTG. Les échos sur la démocratie et le multipartisme se sont déjà traduits par un multisyndicalisme naissant qui met un terme à l'unité syndicale. Cette tendance n'est pas propre à la Guinée, elle existe de façon croissante et rapide dans de nombreux pays africains. L'ampleur du mouvement a sans nul doute accéléré la tenue du congrès de la CNTG qui dans le flot de l'action a procédé à l'amélioration de sa structure et de son organisation, en créant un poste de secrétaire aux conflits, tant au niveau des fédérations que de l'exécutif. Dans un tout autre domaine, mais du fait de l'influence de plus en plus pesante des femmes dans le mouvement syndical, le congrès à décidé de supprimer le poste de secrétaire aux affaires sociales en le remplaçant par un poste voué aux questions féminines et attribué de droit aux femmes. Comme nous l'avons évoqué en introduction à ce chapitre, malgré leur faible représentation en nombre au sein du syndicat, les femmes occupent une place de plus en plus influente, que la CNTG n'ajamais contestée, tentant plutôt d'encourager leur engagement par une représentation plus équitable.

53

Chapitre Les Femmes

et L'Action

IV Syndicale10

Dans le cadre de la recherche effectuée en Guinée, notre équipe s'est attachée à aborder au cours des séminaires le thème de la représentation des femmes au sein du mouvement syndical. Pour mesurer la place des femmes, nous nous sommes basés sur des données recueillies dans l'enquête par questionnaire et sur l'analyse de cassettes enregistrées pendant des débats organisés à chaque séminaire entre hommes et femmes. Les résultats de l'enquête sont illustrés par les graphiques présentés dans ce chapitre. Quant aux données qualitatives des travaux de groupes, elles sont retracées thème par thème et l'organisation de notre texte reflète tous les sujets qui ont été discutés entre les hommes et les femmes. Pour mieux cerner la position des femmes et leur permettre d'exprimer leurs opinions sans équivoque, il était convenu que chaque séminaire comprendrait au moins 25% de femmes conformément à leur représentation syndicale. Cette règle a permis ainsi la conduite de débats entre hommes et femmes à l'occasion d'un exercice sur "la place occupée par les femmes dans le mouvement syndical". S'exprimant librement dans le cadre d'un travail de groupe, hommes et femmes ont argumenté en toute impartialité leurs points de vue respectifs. Le thème choisi de façon délibérée par l'équipe pour susciter une participation animée des femmes était ainsi énoncé: "la sous-représentation des femmes dans les organismes syndicaux est due à l'incapacité et à la non-émancipation des femmes, affirment les hommes. Les femmes au contraire réfutent ces accusations. En tant qu'hommes et femmes, défendez votre position". Prêtant initialement à sourire, ce thème a montré le besoin qu'avaient les uns et les autres d'échanger et d'argumenter leurs opinions respectives. Si les hommes ont manifesté leurs réticences envers les prises de responsabilités féminines, les femmes ont illustré par des exemples concrets les difficultés sociales et culturelles qu'elles vivent tous les jours et qui constituent les raisons essentielles de leur manquement à la vie syndicale et sociale en général. Saisissant cette opportunité d'expression dans le milieu syndical, les femmes ont montré leur aspiration à faire évoluer leur condition et se sont organisées en fonction de leurs problèmes spécifiques indissociables de la vie familiale. 10 Ce chapitre a été rédigé par NicoleVendange.

54

Malgré les écarts de situations économiques et culturelles entre les différentes régions consultées au cours de la recherche, les femmes ont dénoncé les mêmes obstacles et ont formulé des suggestions identiques pour améliorer leur position encore trop minimisée par les traditions.

,.

Traditions sociales et émancipation

féminine

En Afrique, le poids des traditions régit le comportement quasigénéral de la population. Tantôt sont mises en avant les thèses religieuses plus ou moins bien interprétées par et à l'avantage des hommes, tantôt les préjugés propres à l'opinion publique, la tradition, constituent un frein à l'émancipation de la femme. Tableau 18 Rôle des hommes et des femmes dans le ménage exprimé en % sur 1960interrogés 'Dans votre ménage, comment

êtes-vous

organisé(e)?'

'a

femme

sans réponse

TOTAL

et la femme 46%

51

2

1

100%

les repas sont faits par

2%

7

91

0

100%

s'occupe

2%

63

34

1

100%

fait la vaisselle

4%

7

88

1

100%

fait les courses

34%

42

23

1

100%

lave les vêtements

1%

6

92

1

100%

fait l'artisanat

14%

10

11

65

100%

fait les travaux champêtres

18%

46

3

33

100%

s'occupe

19%

36

9

36

100%

19%

10

6

65

100%

"homme

l'argent

pêche

est gagné par

des enfants

de l'élevage

"homme

55

"Nous subissons des pressions de la part des hommes, de la famille, des parents; la soumission, l'abandon de l'école et le mariage précoce". Devant abandonner très tôt leurs études pour se consacrer au mariage et aux différentes activités qui en découlent, les femmes sont Graphique 11 Répartition des corvées 'domestiques' dans le ménage selon les hommes et les femmes exprimée en % sur 1960 interrogés 100%

96%

90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

1%

0%

La plupart des corvées sont effectuées par "homme

.

~ Explication:

Les corvées sont parta-gées équitablement entre "homme et la femme

opinion des hommes

total100% (n=1442)

opinion des femmes

total 100% (n=500)

nous avons

construit

'qui fait quoi' à partir des corvées

. courses . enfants . lessive .repas

. vaisselle

56

La plupart ou toutes les corvees sont effectuées par la femme

suivantes:

pour beaucoup d'entre elles analphabètes et dépourvues de qualification professionnelle. Comme le montre le Graphique 11 sur les corvées domestiques effectuées dans le ménage, 88% des hommes reconnaissent que les femmes effectuent la plupart des travaux. Ils avouent pour 11% d'entre eux partager les corvées du ménage avec leurs femmes, ce qu'elles ne confirment pas dans l'ensemble car 96% d'entre elles mentionnent qu'elles sont les seules à effectuer les corvées du ménage. Mais il apparaît nécessaire de définir plus précisément les domaines d'intervention de l'homme et de la femme dans le ménage. Le Tableau 18 (à la page 57) confirme le rôle .important de la femme dans les tâches ménagères: elle prépare les repas, elle s'occupe des enfants, elle lave la vaisselle, lave les vêtements et fait également les courses. A l'occasion des débats entre hommes et femmes, ces dernières ont fréquemment fait remarquer leur indisponibilité due à leurs activités diverses pour exercer un travail extérieur rémunérateur. Entre autre, elles ont souligné pendant les discussions leur responsabilité dans les travaux champêtres. Le tableau tiré de l'enquête par questionnaire reflète cependant que cette activité semble être partagée par l'homme et la femme. Mais selon la déclaration des femmes, elles effectuent la part la plus importante des activités d' "autosuffisance" (pêche, travaux champêtres, artisanat, etc.). Les femmes ont mentionné leur rôle important dans la maternité et l'éducation des enfants, mais les hommes indiquent également qu'ils jouent un rôle dans ce secteur-là. Les hommes interrogés ont déclaré que 63% d'entre-eux s'occupent ensemble des enfants, mais 34% des femmes confient qu'elles sont les seules à jouer ce rôle. D'après leurs réponses relatives au travail dans le ménage, les hommes se sont montrés très optimistes sur leur contribution. Les femmes ont au contraire exprimé qu'elles sont plutôt chargées d'effectuer les tâches et notamment les corvées domestiques comme on peut le constater dans le Graphique 12 ci-après. En général, les hommes avouent qu'ils assument une toute petite partie des tâches, mais selon les femmes, ils participent encore bien moins que ce qu'ils déclarent! Dans nos données statistiques tirées de l'enquête par questionnaire, nous avons distingué les corvées économiques des corvées domestiques et nous pouvons ainsi mieux établir la répartition de ces tâches par sexe dans un ménage selon les déclarations des élus hommes et femmes touchés par notre enquête.

57

100%

Graphique 12 Répartition des corvées 'économiques' selon la déclaration des hommes exprimée en %

dans le ménage et des femmes

90% 80% 70%

67%

60% 50% 40% 30% 20%

14%

10%

0% la plupart des corvées sont effectuées par l'homme

les corvées sont partagées équitablement entre l'homme et la femme

la plupart des corvées sont effectuées par la femme

légende:

~

opinion des hommes

total100%

(n=1442)

_

opinion des femmes

total100%

(n=500)

Explication: nous avons

construit

'qui fait quoi?'

. l'argent . l'artisanat . les travaux

à partir des corvées

. l'élevage . lapêche

suivantes:

champêtres

Le Graphique 13 ci-dessous représente les résultats de cette confrontation entre corvées domestiques et corvées économiques où il est nettement confirmé que la femme assume à 90% toutes les activités domestiques contre 1% pour les !lommes et 9% de partage

58

Graphique 13 Comparaison de la répartition des corvées 'domestiques' (A)et des corvées 'économiques' (B) dans le ménage, par seke, selon la déclaration des hommes et des femmes exprimée en %

A corvées 'domestiques' 1%

B corvées 'économiques' 5%

9%

48%

.

légende la plupart des corvées sont effectuées par

l'homme

~

les corvées sont partagées équitablement entre l'homme et la femme

o

La plupart des corvées sont effectuées par la femme

équitable entre les deux sexes. Quant aux corvées économiques, il ressort que 47% des hommes en assurent la totalité contre 5% des femmes; mais pour 48% des élus, cette activité est partagée équitablement entre l'homme et la femme. Il s'avère donc que si la femme n'est pas représentée en nombre dans le mouvement syndical, elle n'en exerce pas moins une activité économique mais elle ne peut s'autoriser une intense activité extérieure du fait d'être submergée par les tâches domestiques. Nous remarquons que sur ce thème, les résultats issus de l'enquête par questionnaire et ceux recueillis pendant les débats ne sont pas toujours homogènes. Doit-on supposer que la présence des hommes aux rencontres "hommes/femmes" a influencé le point de vue des femmes ou bien cette différence d'opinion est-elle due au nombre inférieur de femmes présentes dans les séminaires et concernées par l'enquête. Rappelons enfin que la moyenne de la taille des ménages est supérieure à dix personnes dans plus de la moitié des cas (voir

59

Chapitre V). Cela nous permet d'évaluer le temps que doit consacrer une femme aux travaux ménagers quotidiens qu'elle assure sans contrepartie. Ainsi encrées dans un cycle de vie réglé par la tradition, les femmes sont maintenues au foyer et ont peu d'activités, voire peu de contacts extérieurs. Elles sont par conséquent absentes de la plupart des domaines décisionnels dont le domaine syndical.

2.

La représentativité syndicaux

féminine dans les organismes

"Si l'on reconnaissait les activités ménagères comme activité professionnelle, les femmes seraient en grand nombre au sein des organismes syndicaux". Retenue à la maison pour les raisons sociales que nous avons évoquées, la femme est sous-représentée dans le monde du travail. Cela constitue un premier élément de sa nonreprésentativité syndicale. Si l'on examine le Graphique 14 ci-après et le Tableau 19 en annexe, retraçant la proportion de femmes dans les comités syndicaux par zones géographiques principales, on constate en effet qu'elles représentent en général moins de 20% des élus syndicaux. En Haute-Guinée par exemple, où l'agriculture et l'élevage constituent les deux secteurs économiques principaux, on peut s'attendre à ce que les femmes aient en faible nombre un emploi rémunérateur. Cela se vérifie d'ailleurs par leur absence quasi-totale de la scène syndicale. Il apparaît nettement que deux régions se distinguent quant à la représentation des femmes dans les comités syndicaux. En effet, la Guinée Forestière et la Moyenne Guinée ont les plus forts taux de présence féminine. Peut-on en attribuer les raisons, dans le cas de la Guinée Forestière, à une plus grande tendance catholique et dans le cas de la Moyenne Guinée à l'implantation d'entreprises mixtes qui offrent également des emplois pour les femmes? La première hypothèse n'est pas confirmée par la recherche: la corrélation religion représentation féminine n'est pas fiable. Il semble plus plausible d'expliquer la plus forte représentation féminine en Guinée Forestière par la pression de la tradition générale que par celle de la religion. Tradition qui accordait jadis une place importante à la femme dans le ménage compte tenu du faible taux de natalité féminine dans cette région. La rareté jouant en la faveur des femmes, elles ont acquis une certaine notoriété qui se vérifie encore notamment au niveau des fonctions économiques qu'elles occupent.

60

Quant à la région maritime représentée également par "Conakry Plus", le taux de représentation féminine est sensiblement le même que dans ces deux dernières régions pré-citées alors que cette zone. Graphique 14 dans les comités syndicaux par zones principales exprimée en %sur 1960 interrogés*

Proportion des femmes 10%

0%

20%

30%

50%

60%

139%

Haute Guinée

Pas de femmes dans les

Guinée

Maritime

125%

comités syndi-

Conakry

Plus

125%

Moyenne

40%

Guinée

125%

caux Guinée Forestière

Moins de 20% de femmes dans les comités syndicaux

Plus de 20% de fenmes dans les comités syndicaux

117%

Conakry Plus

156%

Guinée Maritime

155%

Moyenne Guinée

150%

Guinée Forestière

146%

Haute Guinée

146%

127%

Guinée Forestière Moyenne Guinée Conakry Plus

117% 114%

Guinée Maritime 113% Haute Guinée 112%

*Iessans réponse ne sont pas communiqués

61

offre plus d'emplois aux femmes. Conakry étant le siège des décisions syndicales, on peut supposer que les hommes y sont encore en nombre supérieur et donc plus influents. Un second élément à l'encontre de la représentation syndicale des femmes est la fréquence de leurs maternités. Elles ne peuvent concilier fonctions maternelles et activités syndicales qu'au prix d'énormes concessions. Pratiquement toutes les femmes oeuvrant dans les organisations syndicales accomplissent leurs travaux ménagers (préparation des repas etc.) à leur retour de réunions pour "rattraper le temps perdu". On comprend mieux les motifs de la sous-représentation féminine dans la vie syndicale, le manque de temps étant évoqué en priorité (cf. Graphiques 15 et 16 ci-après). Pendant les débats, certains hommes ont prétendu sur un ton Graphique 15 Raisons de la sous-représentation des femmes dans les comités syndicaux exprimées en % sur 1960interrogés* 83%

'Sur 100 interrogés, chacun pouvait donner plusieurs réponses

modéré "que les femmes sont animées par l'idée qu'elles sont le fardeau des hommes et qu'elles ont des capacités inexploitées... mais elles n'ont pas le temps". En général, le désintéressement des femmes indiqué à la fois dans l'enquête et au cours des discussions a largement été expliqué par leur manque de temps. De nombreuses fois, les femmes ont fait remarquer que leurs représentantes les plus actives au syndicat étaient célibataires et donc manifestement plus libres et

62

100%

Graphique 16 Justificatifs de la sous-représentation des femmes par sexe exprimés en % sur 1942 réponses*

90% 80%

~

.

70% 60%

opinion des hommes Tota1100% (N = 1442) opinion des femmes Tota1100%

(N = 500)

50% 40% 30% 20% 10% 2%

0% manque de temps * sur 100 interrogés.

femmes moins capables chacun

pouvait

femmes moins intéressées donner

plusieurs

femmes non émancipées

2%

autre

réponses

disposées à prendre part aux activités syndicales. Comme nous le relevons sur les Graphiques 15 et 17 présentés dans le texte, les femmes précisent en majorité (41%) que des menaces de rupture du foyer pèsent sur elles lorsqu'elles s'absentent trop souvent de leur domicile et notamment à des heures où elles y jouent un rôle principal, c' est-à -dire aux moments de la confection des repas ou pour l'éducation des enfants. Encore une fois, les femmes de Forestière (22%) ne semblent pas trop souffrir de telles alors que 40% des femmes de Guinée Maritime révèlent que l'opposition de leurs maris est la raison majeure de leur sousreprésentation syndicale. Quant aux hommes, seulement 27% d'entre eux reconnaissent que "l'opposition du mari" peut être une des causes la Guinée menaces

de la sous-représentation des femmes au sein du mouvement syndical. En plus de l'organisation de réunions syndicales à des heures mal

63

Opposition

Graphique 17 raison de sous-représentation en % sur 1960 interrogés

du mari comme exprimée

de la femme

50% 41% 40%

30%

20%

10%

0% Opposition du mari par sexe ~hommes total 100% n=1442

Opposition du mari par zones principales Guinée Maritime

Moyenne Guinée

hommes

Il

Conakry Plus

Haute Guinée

Guinée Forestière

et f~mmes (N=1960)

femmes total 100% n=500

choisies pour permettre la présence des femmes, celles-ci déclarent également que les thèmes des rencontres ne sont pas toujours conformes à leurs aspirations. De ce fait, elles ne se sentent pas souvent concernées par l'activité syndicale. "Pour inciter les femmes à la participation syndicale, il faut les intéresser en choisissant des thèmes qui les concernent" ... "les problèmes de condition de vie et de travail des femmes, vous n'en discutez jamais et même, j'ai l'impression qu'en Guinée, quand les problèmes de salaire seront réglés, les hommes trouveront que tous les problèmes sont réglés". Enfin, elles ont le sentiment d'être victimes de ségrégations syndicales au niveau de l'information et de la répartition des postes syndicaux. En effet, la plupart des hommes perçoivent la femme comme trop sentimentale et indulgente donc moins revendicative, ce qui les amène à qualifier "d'imprudent le fait de confier des responsabilités aux femmes". Ils argumentent aussi leur point devue 64

en faisant remarquer les absences des femmes liées à leurs maternités, ce qui implique une remise en question et une redistribution de leurs responsabilités à l'occasion de chaque départ.

3.

Comment développer les potentialités renforcer le pouvoir des femmes?

féminines

et

"On ne peut pas semer du riz dans du sable sec et s'attendre à de bonnes pousses... on ne peut pas priver la femme des conditions d'efficacité et d'émancipation et lui demander d'être capable et efficace!" ... "Elles ont la même volonté de réussite, la m~me patience que les hommes, la même persévérance; il s'agit simplement de mettre en valeur ces capacités pour que les femmes s'épanouissent". En montrant leur pertinence dans les débats, notamment dans la définition des causes de leur sous-représentation les femmes ont déjà prouvé leurs capacités de prise de conscience, de défense et d'analyse de leur situation. Elles ont exprimé leur désir de se former et d'éduquer .leurs enfants à une meilleure perception de la femme en général (femme éduquée, femme travailleuse). Elles évoquent des exemples de femmes. capables qui ont été rejetées par leurs maris ou par la société sous prétexte de "leur agressivité". Les femmes souhaitent que cela ne se reproduise plus à l'avenir. Plus que responsables, elles se veulent "efficaces et positives". Les femmes ont mis l'accent sur le rôle économique qu'elles peuvent jouer pour le développement national mais aussi pour l'accroissement du bien-être de leur ménage. Elles suggèrent elles-mêmes despropositions concrètes. 4.

Au cours des débats, les revendications pour améliorer leur représentativité

des femmes

La majorité des femmes, soutenue par quelques hommes, a revendiqué une nécessaire révision des mentalités portant sur l'école, la religion et les coutumes ainsi que sur les lois qui régissent le divorce et la polygamie. Dans le même sens, un participant a indiqué en faveur des femmes "ne nous rapportons pas à Dieu pour expliquer, argumenter des situations. On fait appel à la religion lorsqu'on est à court d'arguments". Les femmes tiennent à modifier également la définition et la répartition des tâches entre hommes et femmes dans le menage. "Il 65

faut organiser une nouvelle répartition des tâches entre les hommes et les femmes en réduisant l'inégalité entre les deux sexes à tous les stades: éducation, formation professionnelle, travail, instaurer un schéma familial qui tienne compte des charges domestiques de la femme pour les alléger fortement". L'aménagement de structures d'accueil des enfants (cantines, crèches, garderies, etc.) pourrait décharger les femmes et leur donner par exemple la possibilité de suivre des sessions de formation professionnelle. Les femmes font état de la discrimination entre les deux sexes au foyer comme sur le lieu de travail. "A tâches égales entre hommes et femmes dans certains travaux le salaire de la femme est inférieur à celui de l'homme". Bien sûr, elles occupent encore des fonctions syndicales peu signifiantes car 80% d'entre-elles sont secrétaires aux affaires sociales (voir Graphique 18 ci-dessous), mais ce secteur-là ne mérite-t-il pas d'être considéré à sa juste valeur par le syndicat lui-même. En effet, quelles sont les attributions exactes d'une secrétaire aux affaires sociales statutairement et qu'en est-il dans la pratique? Créé par le PDG, le poste avait pour vocation d'organiser la répartition de certains avantages liés à des événements sociaux (baptêmes, décès, mariages et autres formes d'entraide mutuelle des travailleurs) ou économiques (ravitaillement des travailleurs en denrées alimentaires, etc.). En pratique, la majorité des secrétaires aux affaires sociales accomplissent le rôle d'hôtesse en veillant au confort des rencontres syndicales (distribution de boissons, repas.. .),fonctions peu gratifiantes qu'elles exercent déjà dans leur foyer et dont elles veulent se défaire en s'investissant dans l'activité syndicale. Ainsi, la situation a-t-elle évolué sur ce plan lors du dernier congrès de la CNTG en juillet 1991 puisque l'appellation du poste de "secrétaire aux affaires sociales" a été modifiée en poste aux "questions féminines" revenant de droit aux femmes. Ce faisant, le syndicat a pris en considération les attentes exprimées par les femmes durant ces dernières années, il a également jugé qu'une structure syndicale qui ne tiendrait pas compte des femmes et desjeunes serait incomplète et figée. Mesure qui manifestement constitue un sérieux succès des femmes guinéennes qui ont sollicité la révision des manques tant sur le plan familial que professionnel ces dernières années. Pour y arriver elles demandent une "mutuelle et franche compréhension avec les hommes pour mieux solidifier l'union universelle de l'homme et de la femme, symboles de la vie". "Pour une

66

100%

Graphique 18 Fonction des femmes dans les organismes syndicaux exprimée en % sur 1960 interrogés.

90% 80%

80%

70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Secrétaire aux affaires sociales *

Secrétaire à l'organisation

Secrétaire àla formation

Secrétaire général

Trésorier

les sans réponse ne sont pas communiqués

participation de tous, il faut trouver les voies et les moyens d'impliquer les femmes dans l'effort de démocratisation de la société. La voix des femmes devrait peser du même poids que celle des hommes. Pour que cela devienne réalité, le point de départ doit se trouver à la maison". Elles ne veulent pas être les laissées-pour-compte du développement national. Les femmes prônent une meilleure écoute et compréhension des comportements des uns et des autres pour que des évaluations soient faites et des décisions soient adoptées ensemble. Elles ne souhaitent pas la dualité mais la collaboration avec les hommes. "Notre but n'est pas d'avoir une égalité mathématique coûte que coûte dans les institutions, organes, organismes... avec les hommes. Notre but n'est pas de dominer la société mais d'être considérées comme des êtres à part entière, dotés de raison et d'intelligence, capables de décisions, avec qui il faut compter". La participation

67

syndicale est un Ipoyen privilégié pour elles de se réunir, de prendre conscience ensemble de leurs contraintes et de proposer des actions dans différents domaines de la vie sociale. Elles souhaitent une représe:p.tati6ri par quotas dans l'activité syndicale. Cela se. vérifie timidement dans le Graphique 19 ci-dessous et le Tableau 20 enan:p.exe ay!:!nttrait à la composition d'un organisme syndiéal idéal vu par les hommes et les femmes. Dans l'ensemble, les uns et les autres veulent que la femme soit plus présente; ils sont plutôt favorables à la représentation d'une à deux femmes. Cette première analyse nous montre que non seulement les femmes aspirent â une plus grande représentativité mais cela semble être également le souhait des participants aux différents programmes de formation syndicale qui ont un niveau de formation plus élevé. Graphique 19 Composition d'un comité syndical idéal, selon les hommes et les femmes exprimée en % sur 1960interrogés* 100%

.

~

90% 90%

Opinion des hommes

Opinion des femmes

80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 1% 1% 0% pas dé femmes

"

68

1à2 femmes au maximum

moitié hommes, moitié femmes

les Sqns réponse ne sQnt pas communiqués

majorité ou seulement femmes

5.

Résultats: les premières mesures prises par les syndicalistes ;femmes

Les débats enthousiastes entre les deux parties n'ont jamais témoigné d'intolérance. La méthode de débat régulé en même temps que l'exercièede négopiation, ont permis un échange très fructueux entre les hommes et les femmes. Les uns eUes autres ont accepté de mettre en place un "collectif de femmes travailleuses" au sein de chaque préfecture. Ces collectifs donneront la possibilité aux femmes de traiter leurs problèmes spécifiques et d'émettre des idées qui seront ensuite rapportées au syndicat. "La femme doit se battre pour acquérir la connaissance, surmonter ses complexes..." Le collectif des femmes travailleuses va, outre la réflexion sur leur comportement, les aider à clarifier leurs attentes, leur permettre de s'extérioriser, de s'informer. Peut-être cette section syndicale servira-t-elle aussi à protéger certains droits acquis notamment sur le lieu de travail et deviendra-t-elle un interlocuteur féminin légitime. Si l'on remarque déjà une multiplication notable de candidatures féminines aux postes syndicaux cela est sans nul doute lié aux nouvelles perspectives de négociations qu'offre le syndicat aux femmes. Syndicat qu'elles considèrent comme un lieu d'échange possible entre les hommes et les femmes à condition qu'elles y soient reconnues. Enfin, les femmes n'ignorent pas l'envergure mondiale du syndicat ce qui donne une autre dimension à leur lutte en cours. Car si elles ont été tenues à l'écart du monde extérieur pendant longtemps de par leurs activités domestiques, les femmes affichent dorénavant une soif d'ouverture et d'expression positive envers la communauté. Elles sont en train de se donner les moyens d'analyser les priorités à retenir par leurs commissions et d'établir les modalités d'actions qui auront des conséquences sur l'environnement social. "Avec le temps et l'élan qu'elles affichent, la situation s'élèvera", déclare un participant à l'un des débats. Ceci indique que les femmes ont acquis la confiance de certains hommes et que les liens de coopération hommes-femmes sont déjà amorcés en Guinée. Maintenant qu'il se profile de nouvelles perspectives plutôt positives pour le développement d'actions dirigées par les femmes et pour les femmes dans le syndicat, il est tout indiqué de les assister et de leur accorder l'écoute qu'elles méritent.

69

Chapitre Lieu de Travail

V

et Terrain

de Combat

Afin de mettre en perspective les résultats de la recherche avec l'ampleur des problèmes soulevés par la crise sociale qui affecte douloureusement les travailleurs guinéens, nous amorcerons ce chapitre par une brève rétrospective sur les origines du droit du travail en Guinée. Ensuite, nous procèderons à l'étude des conditions actuelles de travail et d'emploi dans le pays à partir des données tirées de l'enquête par questionnaire réalisée pendant le projet. Ainsi, pourrons-nous apprécier le degré de satisfaction des élus syndicaux dans différents domaines du travail. Ces résultats nous montreront également à quel point ces mêmes élus syndicaux aspirent à plus de responsabilités dans tous les rouages de l'entreprise ou de l'administration où ils exercent leur activité. Ils n'évoqueront cependant pas que leurs désirs de changement puisqu'ils sont aussi porteurs de propositions quant à l'exercice de la participation dans les domaines de la gestion et du contrôle. 1.

Historique de l'organisation du travail de 1958 à 1984

Cette section aborde surtout les aspects liés à la législation nationale du travail. Celle-ci est en fait inspirée fondamentalement du droit français. Elle a connu une évolution à l'image des multiples péripéties qui ont jalonné la vie de la Guinée depuis 1958. En fait, l'accession du pays à l'indépendance le 2 octobre 1958 a favorisé l'émergence d'une loi nationale spécifique largement inspirée du Code de la France d'Outre-Mer (Loi no. 1322/AN du 15.12.52)11. De cette source est né le Code du Travail de la République de Guinée (Loi no. IAN du 12 juin 1960). Il faut dire cependant que l'application de cette loi a connu de sérieuses difficultés dues aux problèmes politiques caractérisés notamment par l'option d'une économie centralisée, l'embrigadement des organisations syndicales et des organisations de masse par le parti, l'extension des groupements patronaux, etc. Son application fut beaucoup plus dépendante des décisions politiques prises à l'occasion des rencontres du parti que de son contenu propre. D'ailleurs, l'option socialiste assignée à l'économie avait fini par 11

Séminaire national tripartite sur les normes nationales du travail, page 8, Conakry 1989.

70

et internationales

éteindre toute initiative et toute possibilité de développement du secteur privé. Et la règle en matière de politique de l'emploi était le droit au travail de tout citoyen en âge de travailler. Ce qui se traduisait par un système d'embauche automatique pour tous les jeunes sortis d'institutions universitaires et d'enseignement professionnel. Cela explique déjà l'origine des effectifs pléthoriques de la fonction publique. Mais en attendant d'aborder cette partie, rappelons que les imperfections politiques qu'a connu le pays ont été aussi ressenties dans le domaine de la gestion du monde du travail. Voici à titre d'illustration comment l'Administration du Travail a évolué de 1957 à 1972: 1957: 1958: 1965: 1970:

1972:

Création d'un Ministère chargé du travail et les lois sociales; Ministère du Travail et des Affaires Sociales; Ministère du Travail et de la Fonction Publique; Ministère du Travail et Secrétariat d'Etat à la Fonction Publique; Ministère du Travail faisant office de Ministère de la Fonction Publique et du Travail.

Ces multiples changements n'ont cependant pas contribué à l'amélioration notable du niveau de vie des travailleurs d'autant plus que l'option économique mettait beaucoup plus l'accent sur le développement du système que sur l'amélioration des conditions matérielles des "pionniers de la Révolution". La "fonctionnarisation" de tous les travailleurs entraînera d'ailleurs l'entrée dans la fonction publique de tous les corps du secteur formel, même les militaires et autres corps assimilés. Au total, c'est une fonction publique aux effectifs surabondants, sous-payée et peu formée qui phagocyte l'administration, tant et si bien que des amorces d'ouverture sont indispensables pour relever l'économie du pays déjà bien affaiblie. Cette entreprise ne sera réalisée qu'après le 3 avril 1984 suite au changement de régime intervenu à cette date après le mort du Président Ahmed Sékou TOURE.

2.

Les conditions de l'emploi après 1984

L'option pour une nouvelle politique économique fondée sur le libéralisme met au premier rang des préoccupations du nouveau

71

gouvernement la gestion du monde du travail. Gestion conçue en terme de redéfinition des attributions entre, notamment, la fonction publique chargée des fonctionnaires de l'administration publique et le Ministère du Travail désormais chargé des entreprises mixtes et privées. C'est ainsi qu'à compter de décembre 1985 il a été créé un Ministère des Ressources Humaines de l'Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises en lieu et place du Ministère du Travail et des Affaires Sociales érigé auparavant. Les impératifs de redressement économique que s'assigne l'Etat grâce au concours des institutions financières et bancaires internationales l'amènent à cisailler la masse des fonctionnaires dont le nombre avoisinait 90.00012 employés en 1986. En fait, l'objectif était de réduire les effectifs de moitié avant la fin de 1986. Par un système de mesures diverses dont le départ en préretraite après 25 ans de service, la défonctionnarisation, la mise en "disponibilité spéciale" et le départ volontaire, l'Etat s'efforce ..d'estomper

l'hémorragie de la fonction publique.

Ensuite, dans une seconde phase, de nouvelles mesures sont prises sous forme de tests de sélection qui sont organisés pour 15.000 fonctionnaires (en fm 1988 et début 1989) pour extraire encore des rangs6.000 autres personnes et obtenir en définitive le seuil de 45 à 50.000 fonctionnaires dans le secteur public. A cela s'ajoutent des réformes économiques entreprises pour asseoir l'économie libérale. Toutes les mesures envisagées dans le cadre de l'introduction d'un Programme d'Ajustement Structurel (PAS) en Guinée ont été conçues sans la participation des travailleurs et de leurs représentants. En fait, si l'unanimité était acquise sur la nécessité d'un redressement de la situation globale du pays, les contours de ce redressement restaient à définir surtout à propos des conséquences sociales ressenties par les milliers de travailleurs et leurs familles. A cette fin, les syndicats ont exprimé très tôt leur vive préoccupation face aux mesures h-tivement prises par l'Etat pour accéder aux avances des bailleurs de fonds internationaux sans qu'au préalable il n'y ait eu une concertation nationale comme ce fut le cas dans d'autres pays africains. On pourrait penser qu'à l'époque, l'Etat avait sous-estimé la contribution des organisations de travailleurs probablement à cause 1287.300 personnes dont 67.000 environ étaient 20.000 dans les Entreprises d'Etat.

72

dans l'Administration

et

de leur situation antérieure. Il faut en effet rappeler que le 3 avril 1984, toutes les organisations de masse ont été dissoutes lors de la prise du pouvoir par l'armée. Le retour des syndicats ne fut rendu possible que grâce aux engagements internationaux qu'avait déjà pris l'Etat en ratifiant un bon nombre de conventions de l'OIT en matière syndicale. D'ailleurs, la nouvelle équipe issue du Congrès de janvier 1985 n'était perçue que comme "un -embryon" de trois membres par Fédération syndicale professionnelle et un secrétariat exécutif de cinq membres permanents à la Bourse du Travail. Un rôle essentiel n'était apparemment donc pas attendu des syndicats dans la gestion des affaires publiques puisque ceux-ci devraient renoncer à toute tentative de revendication pour constituer désormais un "syndicat de développement" . Cette ambiguïté pourrait expliquer le peu d'enthousiasme du syndicat à s'intéresser à la privatisation des entreprises étatiques ou au dégraissage de la fonction publique d'autant plus que les réformes engagées entraînaient d'office des pertes d'emploi dont les victimes se retournaient aussitôt vers le même syndicat en qualité de chômeurs. Comment endiguer la crise et ses effets pervers devint désormais une préoccupation constante de la centrale syndicale par ailleurs

fortement démunie de toute assistance interne.

.

Voilà quelques illustrations de la complexité des problèmes de l'emploi dans la situation transitoire qui fut celle de la Guinée de 1984. Aujourd'hui encore l'épineuse question de l'emploi reste entière malgré la mise en place par l'Etat d'institutions spécialisées comme l'Office National de l'Emploi et de la Main d'Oeuvre (ONEMO) ou l'Office National de Formation et de Perfectionnement Professionnel (ONEFPP), deux institutions chargées respectivement de la gestion, du contrôle et de l'information sur le marché du travail pour donner aussi un contenu réaliste et objectif au système de formation professionnelle. A ce titre, on constate justement une forte poussée des jeunes sur le marché de l'emploi. 51% des demandeurs inscrits au second trimestre de 1990 ont moins de 30 ans; 39,1% ont des âges compris entre 39 et 49 ans, et 9% seulement ont plus de 49 ans13. Cette catégorie se caractérise également par un niveau intellectuel appréciable. 16% ont une formation de cadres supérieurs 13

Bulletin no. 2 de l'ONEMO - août 1990.

73

administratifs et techniques; 72% sont des agents d'exécutions, généralement des ouvriers spécialisés des secteurs du bâtiment, de la fonction publique, des transports, etc.; quant au niveau d'instruction générale, il est au-dessus de la moyenne car 58,33% sont au moins titulaires du baccalauréat, 27,39% ont un. niveau du Brevet Elémentaire du Premier Cycle (BEPC) et seulement 14,28% sont analphabètes14. Mais les perspectives de l'emploi ne sont pas des meilleures. Comme l'indique un rapport de la Direction Générale du Travail, "la poursuite de la politique d'assainissement du secteur public et parapublic ne laisse pas entrevoir à brève échéance une amélioration sensible du marché de l'emploi dans ce secteur. Les possibilités de création d'emploi vont dépendre dans une grande mesure de la réussite de la politique de vitalisation du secteur privé et du secteur agro-pastoral...". Dans ces conditions, rien d'étonnant que le mécontentement des élus soit élevé.

Satisfaction en-dessous

3.

de zéro

Dans notre enquête nous avons considéré le degré de satisfaction des élus syndicaux en retenant cinq dimensions spécifiques. D'abord la satisfaction par le travail lui-même; autrement dit, dans les activités qui constituent l'emploi, c'est la "satisfaction intrinsèque". Deuxième dimension: la satisfaction relative aux conditions du lieu du travail: les installations de certains services comme les toilettes, les lavabos, etc. et aussi l'hygiène, la santé, le transport, etc. Troisième dimension: satisfaction à l'égard des rapports humains, est-ce qu'on est content des rapports sociaux existants entre collègues, avec les contremaîtres et les administrateurs?; c'est la satisfaction sociale. Quatrième dimension: satisfaction au sujet de la politique du personnel qui règle la position de l'emploi: les avancements, l'assignation des tâches, la discipline, et surtout la sécurité de l'emploi. Enfin la cinquième dimension: satisfaction à l'égard de la rémunération du travail, le salaire et autres rémunérations financières liées au travail. Dans chacune des cinq dimensions de satisfaction il existe de nombreux aspects très différents et il serait impossible de les prendre tous en compte dans le questionnaire. Nous avons établi un choix de ces aspects en tenant compte des résultats des séminaires-tests et de la connaissance globale de la problématique sur le lieu de travail en 14

Bulletin no. 2 de l'ONEMO - août 1990.

74

Guinée au moment où la recherche fut lancée. Ainsi, il y a davantage d'aspects liés à certaines dimensions que d'autres. Nous avons présenté les résultats en détail dans le Tableau 21 en annexe, et nous exposons les résultats globaux dans le Graphique 20 ci-dessous qui est un condensé du Tableau 21. Puisque le syndicat vise à résoudre les problèmes soulevés par les travailleurs, nous avons classé les réponses selon le degré de mécontentement. Graphique 20 Le thermomètre d'insatisfaction exprimé en % sur 1960 interrogés Sont

peu

ou pas du tout satisfaits

avec....

1 La cantine .89% 2 Le transport .85% 3

Les sanitaires

.85% 4 Le salaire .85% 5

La politique du personnel

.75% 6 Les conditions d'hygiène .70% 7 Les conditions de santé au travail .69% 8 La sécurité de l'emploi ~63% 9 Le travail lui-même ~26%

10 Les rapports humains au ~ravail ~2%

Ce graphique est suffisamment évocateur par lui-même. On peut stipuler qu'en règle générale, les mécontentements se situent au

75

Degré

d'insatisfaction

Graphique 21 totale avec le salaire et la politique selon la période de recherche exprimé en %

60% 52 50%

.......

"

40%

'\

47

49

39/

\

",.-

-

insatisfaction salaire ("pas du tout 46 --. satisfait")

--------

29//

\ 30%

/

/

~3

20%

du personnel,

insatisfaction politique du personnel ("pas du tout satisfait")

10% 0% 1986

1987

1988A 1988B 1989A 1989B 1990

niveau des conditions de travail tant sur le plan de la politique du personnel et des salaires que sur le plan des installations et de l'hygiène du travail (transport, cantine, hygiène et santé). Sur ces points, les trois quarts des élus au moins sont entièrement ou très mécontents et il en est de même concernant la sécurité de l'emploi. En revanche, l'enquête fait ressortir deux terrains de satisfaction qui sont le travail lui-même oJ trois quarts des élus sont satisfaits, et les rapports sociaux qui semblent justes, voire excellents. On dénote peu de différence dans les degrés de satisfaction à l'égard des relations entre collègues et celles avec les gestionnaires qui sont presque toujours positives ou même très positives (voir Tableau 22 en annexe). On serait déjà tenté de dégager les éléments d'insatisfaction pour les insérer dans les perspectives d'une politique syndicale mais on a remarqué des fluctuations de points de vue notamment pendant la période 1988-90. En particulier, le degré de satisfaction envers la politique du personnel avait tendance à décroître en 1988 mais il s'est élevé depuis. Si nous considérons également l'exemple des salaires, le niveau de mécontentement était très fort en 1986 mais les réajustements qu'ils ont connu ensuite ont reéquilibré le seuil en 1988. Puis à nouveau lorsque la situation salariale est redevenue stagnante, l'espoir est retombé eta affecté la courbe de satisfaction. On peut conclure qu'en règle générale, la sensibilité des personnes

76

interrogées reflète leurs inquiétudes face à la baisse constante du pouvoir d'achat et aussi face aux problèmes liés à la politique du personnel, le Graphique 21 en est une illustration. (Les données statistiques de ce graphique se trouvent dans l'annexe: Tableau 23.) 4.

Le revenu, une affaire complexe

Nous avons évoqué le mécontentement des élus syndicaux sur de nombreux aspects du travail parmi lesquels figure le salaire. Nous voulons à présent analyser le problème salarial dans un cadre plus large, c'est-à-dire celui du revenu des ménages. Comme nous le montrerons plus bas, le salaire doit être considéré dans le contexte de revenu du ménage. Ce sentiment d'insatisfaction est dF essentiellement aux mesures d'ajustement prises par le gouvernement au lendemain de la réforme monétaire effectuée en Décembre 1985. (L'évolution des salaires des élus syndicaux est montrée dans le Tableau 24 en annexe.) En 1986, 91% des salaires étaient inférieurs à 20.000 Francs Guinéens (FG) or en 1990, 91% sont supérieurs à 20.000 FG. Cette situation ne permet aucune comparaison des résultats entre les différentes années, mais il est entendu que le niveau de salaire est un facteur important à considérer pour les évaluations ultérieures. Cependant, le salaire lui-même ne donne pas suffisamment d'indications sur la position économique des élus. Comme partout ailleurs en Afrique, différents facteurs entrent en ligne de compte et nous forcent à opérer une analyse supplémentaire. Pour cela, nous avons pris en compte la taille des ménages, le nombre de personnes salariées dans la famille et les revenus supplémentaires des ménages (travaux champêtres, élevage, artisanat et pêche). S'agissant de la taille des ménages, on note que 20% des élus ont un ménage composé de 1 à 5 personnes, 39% se composent de 6 à 10 personnes, 22% de 11 à 15 personnes, 12% de 16 à 20 personnes et 6% comprennent plus de 20 personnes. Quarante pour cent des ménages des élus sont composés de plus de dix personnes. Dans d'aussi grands "ménages", le nombre de salariés est d'une à deux personnes dans 72% des cas et de plus de deux personnes dans les 28% restants. A noter d'ailleurs que les ménages avec un seul salarié se sont réduits durant la période de l'enquête, comme le montre le Tableau 25 en annexe). Revenons à présent sur l'autre aspect de la question du revenu supplêmentaire..Nous avons précédemment identifi~ les quatre activités qui constituent ce. revenu supplémentaire invisible: lèS

77

travaux champêtres, l'élevage, l'artisanat et la pêche. L'analyse qui en a été faite n'est évidemment pas exhaustive. Pour chacun de ces domaines, nous avons demandé aux élus dans combien d'activités leurs ménages sont engagés. Il en résulte que sept élus sur dix exercent une ou plusieurs activités champêtres ou d'élevage. Ceux qui pratiquent l'artisanat ou la pêche sont beaucoup moins nombreux. Il est évident que les données du problème dépendent aussi du contexte de chaque localité. Les résultats du Tableau 26 en annexe sont condensés dans un Graphique 22 ci-après plus simple qui montre que seuls 13% des ménages ne disposent d'aucun revenu supplémentaire et qu'en moyenne, la plus importante catégorie (33%) se compose d'élus dont les ménages participent à trois ou quatre activités. Relevons enfin que 28% des élus déclarent être engagés dans cinq activités supplémentaires ou plus. Répartition exprimée

Graphique 22 du revenu supplémentaire en % sur 1960 interrogés

13% n'ont pas de revenu

supplémentaire

26% ont une ou deux activités supplémentai res 33% ont trois ou quatre activités supplémentaires 15% ont cinq ou six activités 8% ont sept ou huit activités 4% ont neuf activités supplémentaires 1 % sans

supplémentaires

supplémentaires ou plus

réponse

On peut donc se demander quel est le degré d'autosuffisance alimentaire des élus étant donné le nombre important d'activités supplémentaires constaté. S'il demeure effectivement établi que ces activités contribuent à l'allègement des frais de nourriture, notre enquête révèle que 53% des interrogés achètent presque tout au marché et produisent le reste eux-mêmes alors que 3% seulement produisent l'essentiel pour eux-mêmes. Comment ne pas considérer

78

ces données comme peu logiques car si la plupart des délégués prennent part à des activités supplémentaires pourquoi 53% d'entre eux achètentils tout au marché? Notre interprétation est la suivante: on fait un peu de ceci, un peu de cela, mais de manière générale la nourriture est achetée. D'ailleurs la nourriture est fournie par les membres du ménage qui gagnent de l'argent. Autant dire que l'autosuffisance alimentaire complète est nulle en Guinée. (Ce constat sombre est illustré par le Graphique 23 ci-après.) Graphique 23 Degré d'autosuffisance alimentaire exprimé en % sur 1960 interrogés Réponses à la question 'en général, est-ce que pour votre ménage achetez la nourriture au marché ou vous la produisez vous-même?' 53% 'tout est acheté

vous

au marché'

32% 'la plupart est achetée au marché' 12% 'la moitié achetée, produite par nous-même' 3% 'la plupart est produite est produit par nous-même'

la moitié

par nous-même'

ou 'tout

La comparaison entre toutes les zones du pays présente de grandes différences. On aurait pu s'imaginer que la zone la plus urbaine soit la moins autosuffisante, ce qui est vrai puisque "Conakry" achète tout au marché pour 73%, contre 52% en Moyenne Guinée et 39% en Guinée Forestière. Mais la logique n'est pas aussi absolue: alors que 95% des élus de Conakry déclarent que tout ou l'essentiel de la nourriture est achetée au marché, la réponse est quasi identique pour les autres zones du pays: 89% en Guinée Maritime, 84% en Moyenne et Haute Guinée, et enfin 73% en Guinée Forestière (voir Tableau 27 en annexe). En définitive, il apparaît que la plupart des ménages du pays ne produisent pas eux-mêmes leur nourriture. Pour compléter l'analyse, nous avons également demandé aux élus de nous indiquer si le total de leurs revenus suffisait à répondre aux huit besoins élémentaires formulés dans le Graphique 24 ci-

79

après. Ainsi, les résultats révèlent-ils une triste image de la situation montrant surtout les difficultés de "survie" des ménages. Graphique 24 Taux de suffisance du revenu pour satisfaire les besoins élémentaires exprimé en % sur 1960 interrogés Vêtements 30% 2

Soins

4%

médicaux

28% 3

1%

Les différentes taxes 31%

4

6

1%

L'éducation des enfants

34%

2%

31%

2%

La nourriture

41% 30% 38%

21%

1%

1%

Légende le revenu ne suffit pas

D

suffit

D ~

suffità peine sans réponse

En ce qui concerne les frais de vêtements, de soins médicaux, les différentes taxes et l'éducation des enfants, le revenu est insuffisant mais ill' est aussi pour les autres besoins élémentaires. Et la moyenne pour les huit besoins concerne plus de la moitié des interrogés qui déclarent que le revenu est insuffisant. Pour la nourriture, 51% des interrogés déclarent que le revenu ne suffit pas, quand bien même ils ont des activités additionnelles: travaux champêtres, élevage et parfois pêche. Pour permettre une vue d'ensemble, nous avons établi

80

le Graphique 25 ci-dessous qui indique que pour 37% des élus le revenu est tout à fait insuffisant pour satisfaire la plupart des besoins tandis que 4% des élus estiment leur revenu suffisant. Graphique 25 Degré de suffisance du revenu pour satisfaire les besoins élémentaires exprimé en % sur 1960 interrogés* 37% le revenu est tout à fait insuffisant

23% le revenu est insuffisant 12% le revenu est presque suffisant 4% le revenu est suffisant 4% sans réponse

* L'index a été calculé à partir des réponses aux 8 questions sur la suffisance du revenu pour satisfaire les besoins élémentaires.

Ce constat est lié au contexte dans lequel évolue tout travailleur Guinéen c'est-à-dire qu'il a le souci de satisfaire plusieurs exigences: d'une part, subvenir aux besoins propres de sa famille restreinte et d'autre part à ceux de la famille au sens large. Car il faut se rappeler que la majorité des élus a encore un pied dans la campagne. La notion de famille ne se limite pas au ménage - dans le sens restreint - mais peut s'étendre à la famille d'origine et à la famille par alliance. Cette notion a été largement discutée tout au long de notre enquête et pour cette raison, elle mérite d'être soulignée. Néanmoins, ce qui reste évident est que lorsque le travailleur est exempt d'une telle charge, il n'est pas pour autant à l'abri du besoin, surtout en nourriture, à partir du moment où son pouvoir d'achat dépend de la situation économique générale du pays. Dans les dernières années de la première République, il existait un système d'approvisionnement des travailleurs par le biais de "Coopératives de Consommation des Travailleurs" (CCT) gérées par les syndicats. La disparition de ce service s'est soldée par le recours au marché pour l'approvisionnement en denrées de première nécessité. Et comme il n'existe pas encore une politique nationale des prix

81

homologués, ceux-ci évoluent au gré de la conjoncture. Le travailleur cherche donc à combler le manque à gagner par des activités parallèles (parfois même lucratives) à sa fonction administrative. D'où l'origine de ces activités additionnelles ou, comme c'est le cas dans les centres urbains, la pratique du système "D"15. On peut donc conclure que le problème de survie est une préoccupation quotidienne des travailleurs guinéens. Conscients de cette situation, les élus souhaitent-trouver des solutions à la mesure de leur engagement dans le développement national comme nous allons le souligner à la suite.

5.

La politique immédiates

de redressement et ses incidences sur les travailleurs

Tous les séminaires ont montré un haut degré d'engagement des élus dans l'action syndicale. Conscients du retard économique du pays, il placent les problèmes des travailleurs dans un cadre plus large qui est celui du développement national. Les grands problèmes vécus sur le lieu du travail et le mécontentement à l'égard du salaire s'expliquent facilement. Chaque individu parle en tant que membre d'un foyer, d'un ménage, d'une préfecture, d'une zone, d'un pays en restructuration; c'est ce contexte qu'il faut garder présent à l'esprit. L'analyse précédente a fait ressortir un fort taux de satisfaction des élus envers le travail et de bons rapports sociaux entre travailleurs et administrations. De tels résultats pourraient déjà témoigner d'une réelle volonté de dépasser ses intérêts immédiats au profit d'intérêts supérieurs, entre autres le développement socio-économique de la Guinée toute entière. Le 3 avril 1984, la Guinée a connu un changement politique important caractérisé par la proclamation d'un régime militaire d'économie libérale en remplacement du modèle socialiste centralisé en vigueur depuis un quart de siècle. Globalement, la philosophie du redressement repose sur le constat de l'échec de la politique économique et sociale de la première République nécessitant une réforme en profondeur de toutes les structures afin de les adapter aux aspirations des citoyens et aux nécessités de développement du pays. Les grandes lignes de ce vaste programme se résument en une stratégie de développement à moyen terme tendant à désengager l'Etat des activités industrielles, commerciales et agricoles, à 15

"D" pour débrouillardise.

82

l'exception des secteurs stratégiques que le privé ne peut animer. Ce plan prévoit en outre, de concentrer les actions sur la réalisation d'infrastructures de base (communication, énergie), les secteurs sociaux (éducation, santé, etc.) et la gestion macrofinancière. Enfin, il vise à créer un cadre institutionnel et légal, incitateur pour le secteur privé, producteur de richesses, en encourageant en particulier le secteur agricole16. Pour mettre en marche ce train de mesures, l'Etat a opéré des coupes draconiennes dans certains secteurs économiques mais aussi et surtout dans l'Administration en établissant la réforme de la fonction publique que nous avons déjà exposée. Concrètement, pour répondre aux besoins de la nouvelle politique de réforme, il s'est agi de réduire l'effectif important de fonctionnaires afin de disposer d'un nombre jugé raisonnable, compétitif et à même de stimuler une nouvelle "administration de développement". Cela s'est traduit par des fermetures d'entreprises et sociétés d'Etat déficitaires notamment dans le secteur des banques et du commerce; la mise "en disponibilité spéciale" d'agents de ces services suivant des mécanismes nouveaux: incitation au départ volontaire, pré-retraite, etc. En parallèle à ces mesures, de nouveaux textes législatifs et réglementaires ont été adoptés comme le code des investissements, le code minier, le code du travail, la loi commerciale, le code des marchés publics, etc. La réalisation du programme d'ajustement structurel a requis aussi le concours de bailleurs de fonds tels que: la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la Banque Africaine de Développement, la Communauté Economique Européenne ainsi que l'aide bilatérale. Mais la situation économique et sociale reste dominée par la poussée du secteur privé notamment dans le commerce, les PME et les banques et par un accroissement important du nombre des chômeurs dont la plupart sont des travailleurs écartés de la fonction publique. La nouvelle situation née de ce changement brutal de société en 1984, constitue de ce fait un handicap pour ces travailleurs qui n'étaient pas préparés à l'avènement d'un modèle économique aux contours encore mal connus. De ce fait, c'est une nouvelle ère de relation de travail qui s'amorce entre d'un côté un patronat naissant et de l'autre côté des travailleurs de plus en plus soucieux de gérer une crise économique et sociale. Dans ces conditions, la "nouvelle cuisine" 16

"La Guinée Economique",

No. l, édition 1989-1990.

83

de gestion devient difficile à savourer pour les fonctionnaires jusqu'ici habitués à un modèle étatique dont l'emprise était générale sur le monde du travail. Les efforts d'adaptation des uns et des autres ne sont pas sans écueils. Et, entre autres pour les élus syndicaux, ceci constitue un point d'interrogation sur leur activité, d'autant plus qu'ils ont la lourde tâche d'assurer la défense des intérêts moraux et matériels de leurs mandants. Cela suppose l'adoption de méthodes de combat syndical adaptées aux nouvelles situations. Les élus que nous avons interrogés pendant la recherche ont leur opinion sur ce point que nous abordons dans le paragraphe suivant.

Qui va occuper le terrain de la gestion?

6.

Avec les changements que nous venons d'exposer, on peut supposer que le cadre de la gestion va certainement connaître des transformations importantes. Dans une telle perspective, comment sera structurée la prise de décision dans les entreprises? Les mesures de privatisation en cours signifient-elles que les prérogatives de contrôle et de gestion seront exclusivement réservées aux propriétaires et à leurs représentants? Enfin, attendu que le syndicat est en mesure de réagir par des méthodes spécifiques, en adoptant la grève par exemple, la revendication sera-t-elle la méthode prioritaire à retenir? Pour le moment, nous avons constaté qu'il demeure un certain dialogue entre le syndicat, les gestionnaires et les propriétaires. En d'autres termes, des efforts pour lesquels bien des questions se posent, sont faits de part et d'autre pour soutenir la participation. Mais celle-ci n'est qu'informelle et n'a lieu d'être que grâce à la bonne volonté de l'administration tant dans les entreprises que dans les préfectures. Il est donc important de cerner le sentiment des élus sur la manière de prendre les décisions dans l'entreprise. Pour le savoir, nous leur avons soumis une quinzaine de décisions concrètes en rapport avec leur poste de travail. Elles se regroupent en cinq principales catégories: grandes décisions économiques; . décisions portant sur la production; . décisions portant sur l'organisation; décisions portant sur la politique du personnel; . décisions portant sur le bien-être. Chaque catégorie a trois indicateurs. Pour chacun des indicateurs, nous avons demandé aux élus de citer la meilleure méthoàe d'action à reteni~ par le syndicat.

. .

84

La première option étant que pour certaines décisions, les prérogatives de l'administration ne peuvent être ni négociées, ni revendiquées, ni conjointement discutées entre syndicat et administration. Pour de telles décisions, les élus reconnaissent le droit exclusif de gestion à l'administration. La deuxième option étant la revendication indépendante: c'est-àdire que le syndicat négocie dans une position d'indépendance le résultat des décisions. C'est une méthode syndicale au cours de laquelle le syndicat ne s'engage pas dans la prise de décisions mais conteste les décisions finales retenues et met tout en oeuvre afin de forcer l'administration à modifier ses orientations. En ce sens, le syndicat pourrait - au pire des cas - envisager la grève ou d'autres méthodes pour appuyer sa revendication. C'est l'opposition qui est au coeur de cette option. La troisième option étant la participation des travailleurs; système par lequel les travailleurs, à travers leurs représentants syndicaux actuels ou des représentants directement élus, prennent part à la prise de décision pour devenir de réels partenaires de la direction. Ici, on n'attaque pas l'administration de façon antagoniste mais par le dialogue et l'échange d'informations on obtient une décision plus équilibrée qui prend en considération les intérêts des deux partenaires. La quatrième option étant la revendication et la participation combinées; on pourrait imaginer son application de deux manières: ou bien on entre simultanément dans le dialogue et la négociation, ou bien on dialogue d'abord et en cas d'insatisfaction, on revendique. (Les résultats des réponses sont donnés dans le Tableau 28 en annexe.) On constate tout d'abord qu'environ un tiers des élus reconnaissent des prérogatives exclusives à l'administration quelle que soit la décision. C'est le cas par exemple pour l'extension de l'entreprise: 37% des élus acceptent que cette décision soit réservée aux décideurs. Les autres décisions laissées à l'administration, selon un tiers des élus, sont: l'achat de nouveaux équipements, la désignation des coordonnateurs de travaux, l'innovation technique et l'automatisation. On constate néanmoins que les décisions sur la discipline du travail et les sports sont très contestées. Cela se comprend aisément. Ce sont des facteurs liés au bien-être et à la sécurité du travail et de ce fait ils sont beaucoup plus en relation avec les travailleurs euxmêmes qu'avec la direction. En revanche, il est intéressant de noter que la maintenance des machines et l'efficacité de l'organisation sont aussi très contestées. Plus de 80% des élus syndicaux pensent que ces

85

deux décisions ne devraient pas être une prérogative de l'administration ou de la direction tout entière. Cela illustre encore une fois la prise de responsabilité des travailleurs. Mécontents de la gestion de l'entreprise, ils souhaitent être davantage impliqués et jouer leur rôle afin d'accroître l'efficacité et la productivité car ils sont aussi conscients des bénéfices qu'ils peuvent tirer de ces mesures. Une fois la prérogative exclusive de l'administration écartée, la méthode la plus souvent exprimée par les élus est la participation et non la revendication: 42% y sont favorables contre 13% en moyenne. Ou bien une combinaison des deux (24%). Pour la revendication, les élus mettent l'accent sur deux éléments de la prise de décision: la politique du personnel en général (20%) et surtout les licenciements (26%). On constate donc qu'environ 50% des élus ont tendance à suggérer la participation pour la maintenance des machines et l'efficacité de l'organisation du travail. En général, les genres de décisions qu'ils veulent régler au moyen de la participation sont respectivement: le bien-être, la production, l'organisation sur le lieu de travail et enfin la politique générale. Il apparaît clairement que les décisions concernant les licenciements sont les moins garanties par la participation: 27%, contre 26% pour la revendication ou 28% pour la combinaison revendication/participation. A ce propos, on pourrait émettre d'autres interprétations sur cette combinaison comme l'illustre clairement le Tableau 29 ci-après. Le lecteur est donc invité à tirer ses propres conclusions. En règle générale, on peut donc déduire que les élus optent pour deux différentes formules d'accès à la prise de décision dans une entreprise ou un service. Premièrement, on choisit la revendication ou la combinaison revendication/participation pour les questions relatives au contrat de travail et à la politique de personnel. Deuxièmement, on opte pour la participation ou la combinaison participation/revendication, pour les autres genres de décisions tels que le bien-être, l'organisation, la production et la politique en général. Ce n'est donc pas un choix exclusif entre revendication et participation, mais un choix alternatif: appliquer l'une ou l'autre des deux méthodes. Autrement dit, une politique différenciée. 7.

Structure de contrôle

Par ailleurs, ce ne sont pas seulement les prérogatives de l'administration ou de la direction qui sont très contestées mais plutôt

86

Tableau 29 Les domaines des prérogatives de la direction, de la revendication et de la participation exprimés en % (en référence au tableau 28)

a) Domaines prioritaires des prérogatives de la direction (ordre numérique) 1 2 3 4 5 6= 6= 8 9 10 11 = 11 = 13 14 15

Extension entreprise Achat de nouveaux équipement Désignation de Coordinateurs Innovations Automatisation Grands investissements Politique du personnel Heures de travail/rotation Licenciements Maintenance des machines Cantine, toilettes Efficacité et organisation Utilisattion des profits Hygiène et sécurité Discipline du travail Sports

c) Domaines

prioritaires

participation

(ordre

1 2 3 4 5 6 7= 7= 9 10= 10= 12 13= 13= 15

b) Domaines revendication 37% 34 33 32 25 21 21 18 18 14 13 13 12 8 6

Licenciements Politique du personnel Discipline du travail Efficacité et organisation Hygiène et santé Utilisation des profits Cantine et toilettes Heures de travail/rotation Evènements sportifs Grands investissements Désignation de coordinateurs Achat de nouveaux équipements Innovation/automatisation Maintenance des machines Extension de l'entreprise

26% 20 16 16 15 15 14 13 11 11 10 9 9 7

8

d) Domaines prioritaires de la participation et de la revendication combinées (ordre numérique)

de la

numérique)

Sports Maintenance des machines Hygiène et santé Efficacité et organisation Cantine et toilettes Utilisation des profits Heures de travail/rotation Discipline du travail Innovation/automatisation Désignation de coordinateurs Grands investissements Achats de nouveaux équipements37 Extension de l'entreprise Politique du personnel Licenciements

1 2 3= 3= 5= 5= 7 8 9= 9= 11 12= 12= 14 15

prioritaires de la (ordre numérique)

50% 55 48 47 46 43 42 42 39 38 38 35 35 27

1 2 3 4 5 6= 6= 6= 9= 10 11 = 11 = 11 = 11 = 15

Discipline du travail Utilisation des profits Licenciements Grands investissements Cantine et toilettes Hygiène et santé Heures de travail/rotation Efficacité de l'organisation Politique du personnel Evénements sportifs Maintenance des machines Achat de nouveaux équipements Innovation/automation Extension de l'entreprise Designation de coordinateurs

34% 29 28 25 25 24 24

24 23 22 20 20 20 20 19

87

celles de la structure de contrôle en général, pour laquelle on relève justement des propositions fort intéressantes. Plus de 85% des élus exercent leur emploi dans une entreprise contrôlée par l'Etat (la fonction publique) (cf. Tableau 30 en annexe) et seulement 20% d'entre eux préfèrent la formule où l'Etat est propriétaire (cf. Graphique 26 ci-dessous). Graphique 26 Modèle de contrôle souhaité exprimé en % sur 1960 interrogés 39% ...'gouvernement 25% 20%

.'ouvernement

et propriétaire

et syndicat' privé'

'gouvernement/état'

10% ... 'propriétaire

privé'

Et comme la tendance actuelle est en faveur des entités mixtes ou privées, nous avons demandé aux élus leur opinion sur le sujet: Un quart d'entre-eux préfère les sociétés mixtes et 10% la propriété privée. Mais on remarque également un autre résultat tout à fait inattendu: 39% se prononcent pour une forme de propriété ou de contrôle qui n'existe pas et qui n'ajamais encore été suggérée: la gestion partagée entre le gouvernement et le syndicat! Cela ne signifie-t-il pas que l'on a davantage confiance en soi-même - c'est-à-dire dans le syndicat que dans la propriété privée? L'alternative (mixte et privé) n'atteint que 25% des réponses (cf. Graphique 26). Cette conclusion apparaît valable pour toutes les zones de la Guinée, comme on le voit encore dans le Tableau 31 en annexe qui nous indique aussi que la société mixte est très privilégiée en Guinée Maritime. Mais il y a enfin une tendance assez claire qui se dessine: on a davantage confiance en un système de contrôle de type "gouvernemental et syndical" dans les régions les plus éloignées de la capitale. De telles conclusions suscitent des interrogations critiques. On pourrait en effet se demander si la question a été clairement posée

88

aux élus. Cette hypothèse est rejetée puisque les personnes interrogées ont répondu à la totalité du questionnaire. On peut alors prendre les résultats au sérieux. La grande majorité des élus rejette le contrôle exclusif du syndicat (conclusion également importante mais surprenante). Mais pourquoi n'a-t-on pas opté pour un contrôle de type "Etat/mixte"? Pourquoi la tendance au modèle "gouvernement/ syndicat" ressort-elle malgré les vives critiques émises à l'égard du syndicat par ses membres? Est-ce donc une attitude résiduelle qui signifie qu'on a peur du capitalisme en souvenir des doctrines du passé, ce pourquoi on trouve un recours salutaire dans le syndicat? Ou enfin, cette optique relève-t-elle d'un choix conscient et conséquent des élus (notamment de l'intérieur) envers le modèle gouvernement/

.

syndicat, plus fiable? Autant d'interrogations auxquelles on ne peut donner des réponses plus précises. Pour le moment, nous nous limiterons à présenter l'opinion générale des élus.

8.

Les enjeux de la participation et son plébiscite

Comme l'illustre le Graphique 27 ci-dessous, notre recherche a montré que les élus optent avec une écrasante majorité pour la participation (96%). En revanche 2% la rejettent et parmi eux 0,5% déclarent que la participation "c'est la pagaille". La participation est sûrement un concept vague. C'est pourquoi, nous avons tenté d'appréhender dans notre enquête ses dimensions et ses valeurs. Nous avons demandé aux personnes interrogées de donner dans une question ouverte, leur opinion sur la notion de participation des travailleurs. L'analyse des réponses nous a permis de dégager les valeurs principales attribuées à la participation telles que les présente le Graphique 28 ci-après. Plus de la moitié des élus visent la participation sous l'angle de la démocratie. En général, ils ont répondu tout court "démocratisation". Graphique 27 Attitude générale envers la participation exprimée en % sur 1960 interrogés 'est en faveur de la participation' 96% 'n'est pas en faveur de la participation' 'ne sait pas ou n'a pas répondu'

89

Valeurs

attribuées exprimées

Graphique 28 à la participation des travailleurs en % sur 1960 interrogés* 50%

'démocratie'

36% 'meilleure utilisation ressources humaines'

des

23% 'équité économique' 17% 'rapports humains'

. Sur 100 interrogés, chacun pouvait donner trois réponses

Mais souvent, les réponses ont été plus spécifiques comme: "donner mon point de vue sur une situation...", "c'est la clé qui ouvre toutes les portes...", "c'est amener l'employeur à accepter le dialogue avec les travailleurs...", "c'est la liberté...", "c'est l'accès à toutes les informations de l'entreprise...", "c'est associer les travailleurs à toutes les décisions concernant le contrôle ou l'exécution du programme de travail, l'utilisation des profits", etc. 36% des interrogés ont défini la participation des travailleurs comme un moyen permettant "une meilleure utilisation des ressources humaines". Nous avons noté quelques unes de leurs citations par exemple: "la participation est un appui pour la vie économique, culturelle, sociale du pays...", "de mobiliser les travailleurs vers un même but...", "pour une meilleure organisation, vue encore à travers la participation...", "les travailleurs sont les meilleurs partenaires du développement". D'autres élus ont encore déclaré que la participation "c'est une meilleure symbiose du capital et du travail pour un meilleur rendement". Les valeurs de productivité et d'efficacité sont implicitement mentionnées dans la rubrique "meilleure utilisation des ressources humaines". 23% des élus ont défini la participation comme un moyen d"'équité économique", à savoir: "une redistribution du revenu...", "la répartition des bénéfices...", "aider les travailleurs à améliorer leur sort". 17% ont déclaré que la participation c'est "l'humanisation", c'est-à-dire: "changer les conditions des travailleurs en les considérant comme des êtres humains", suivies par d'autres remarques analogues. 3% ont

90

donné d'autres sortes de réponses telles que: "lutter pour un meilleur avenir des travailleurs...", "une garantie pour les travailleurs...", "intégration du travailleur dans le syndicat...", "permettre aux travailleurs de revendiquer", etc. Le Tableau 32 en annexe nous montre la distribution des valeurs mentionnées dans les différentes zones de la Guinée. Bien que ces dernières aient été stipulées dans toutes les. régions, on remarque tout de même quelques points spécifiques fort intéressants: la valeur "démocratie" a tendance à être davantage soulignée à "Conakry Plus" et en Guinée Maritime, alors que "l'humanisation" a été plus souvent mentionnée en Guinée Maritime, à Conakry Plus et en Guinée Forestière qu'en Haute et Moyenne Guinée. N'oublions pas cependant que la question était ouverte, et la plupart des réponses ont été spontanées, c'est pourquoi il serait dangereux d'accorder trop de poids à l'exploitation de ces valeurs. La seconde démarche exploratoire nous a conduit à demander aux élus dans quelle mesure ils exigeaient ou non la participation. Pour cela, cinq questions leur ont été posées pour déterminer leur militantisme à l'égard de la participation à savoir: pensent-ils qu'ils doivent participer à l'information de l'entreprise ou être consultés? Doivent-ils avoir un droit de vote, participer au partage des bénéfices ou enfin à celui de la propriété? Pour ces cinq questions, ils devaient préciser si dans le cas où la participation était praticable, elle deviendrait un privilège (donc à la discrétion de l'administration) ou un droit des travailleurs. Le Tableau 33 en annexe montre que la participation est plutôt perçue comme un droit des travailleurs surtout à l'information: 79% des élus la réclament, mais d'un autre côté, 46% des interrogés sollicitent toujours le partage de la propriété comme un droit des travailleurs. Les cinq réponses combinées dans un index nous montrent le "degré de militantisme" des élus concernant la participation. Il en ressort que ceux qui ont déclaré que la participation n'est pas applicable aux cinq dimensions mentionnées se retrouvent dans la rubrique "zéro militantisme" alors que ceux qui perçoivent sans réserve la participation comme un droit des travailleurs, ont un très fort degré de militantisme qualifié de "plein" ou "haut militantisme". Les autres se situent entre les deux extrêmes. Le Graphique 29 ci-dessous, nous montre les résultats généraux: 77% des élus ont un degré de militantisme élevé ou très élevé en faveur de la participation; autrement dit, la plupart estiment que les

91

différents aspects travailleurs.

de la participation

constituent

un droit

des

Graphique 29 Degré de militantisme pour la participation exprimé en % sur 1960 interrogés

. [[J]

D

5%

militantisme très élevé militantisme élevé militantisme moyen niveau de militantisme bas ou nul

Au contraire, 18% ont un faible degré de militantisme; seuls 5% estiment que la participation n'est pas applicable quelle que soit la dimension précise. D'une manière générale, le militantisme en faveur de la participation est assez équitablement répandu dans l'ensemble du pays comme le montre le Tableau 34 en annexe. Néanmoins, il faut remarquer que le degré de militantisme est plus élevé en Moyenne Guinée que dans les autres zones: 87% de militantisme élevé ou très élevé contre 77% (en moyenne) pour tout le pays. Soulignons aussi que les questions sur le degré de militantisme en faveur de la participation étaient d'ordre général, se référant seulement au principe. Il est d'ailleurs intéressant de constater que l'opinion des délégués devient très nuancée lorsqu'ils sont confrontés aux quinze types de décisions relatives aux rapports entre les prérogatives de la direction, la revendication et la participation. En effet, les réponses aux situations concrètes sont beaucoup moins engagées que les réponses de principe. Cela s'observe aisément dans le Tableau 35 ciaprès où les élus se sont prononcés sur quinze genres de décisions en mentionnant leur opinion sur la participation. Ainsi que l'indique ce Tableau 35, une grande majorité d'entre eux considèrent la participation comme l'information à donner aux travailleurs ou la consultation. Il s'avère qu'en général on réclame une forte politique de participation, mais on devient beaucoup plus modeste lorsqu'on aborde la prise de décision concrète. On reconnaît ici la distance entre l'idéal et le comportement de tous les jours. Mentionnons par exemple un résultat frappant de l'analyse statistique:

92

Tableau 35 Propension à la participation pour quinze décisions exprimée en % sur 1960 interrogés Nonréponse

Droit véto travail!eurs

Codécision travail!eurs

Consultation travail!eurs

Information travail!eurs

Prérogative exclusive à la direction

_0/0

4%

7%

39%

15%

35%

Grands investissements

4

10

39

15

32

Utilisation

profits

2

5

29

13

51

Extension

lieu travail

4

5

34

14

43

Innovation/ Automatisation

4

5

36

12

43

9

7

38

16

30

3

10

28

11

48

5

8

42

9

36

Efficacité

5

8

34

15

38

Heures travail, rotations, etc

5

9

34

11

41

Politique

6

14

46

18

16

Discipline

7

8

34

16

35

Licenciements

11

9

35

12

33

Hygiène

9

11

50

15

15

Evénements

12

8

39

10

30

Canti ne/toi lettes

Achats nouveaux équipments Maintenance de machines

Désignation

coordinateurs organisation

personnel du travail

& sécurité sportifs

93

il y a une grande cohérence entre militantisme

et militantisme actuel

~

les plus militants

pour la participation

- étant

les plus favorables,

même s'ils s'expriment modestement. Mais il existe aussi un groupe modéré très militant concernant la participation malgré un militantisme concret voisin de zéro (5%). Sont-ils semblables aux propagandistesl? d'autrefois ou sont-ils seulement incapables de traduire leurs idéaux en actes concrets? Pour une meilleure perception des orientations, nous avons essayé de condenser les riches informations du Tableau 35 en un seul index de propension à la participation en regroupant ceux qui optent pour la prérogative exclusive laissée à la direction, puis ceux qui optent pour le droit de veto et enfin les catégories intermédiaires. La répartition de la propension à la participation est démontrée dans le Graphique 30 suivant qui montre que 37% des élus optent pour un faible engagement dans la participation. Ce qui signifie qu'ils confirment la priorité exclusive de la direction ou bien se satisfont seulement de l'information ou de la consultation. La propension très élevée n'est que de 15%, il s'agit de ceux qui ont toujours ou souvent réclamé le droit de veto ou de co-décision. Graphique 30 Propension à la participation exprimée en % sur 1960 interrogés*

37% 2%

.

propension

très

propension

élevée

III]

propension

moyenne

D

propension

basse

* Pour une explication * les sans réponse

élevée

ou nulle

de l'index 'propension

à la participation'

voir le tableau 36

ne sont pas communiqués

De nouveau, nous constatons que sur le thème de la participation, il n'y a pas de différences essentielles entre les régions du pays, comme le montre le Tableau 36 en annexe. Même en tenant compte de l'ensemble des réponses relatives à la participation (son ambition, ses problèmes, son degré de militantisme, sa propension, ses valeurs), 17

Propagandistes

94

= fabriquants

de slogans.

on note peu de différences entre les régions. Il apparaît donc possible de développer une politique de participation à l'égard de tous, puisqu'elle fait l'objet d'un consensus national. Après ce tour d'horizon sur les résultats de notre enquête portant sur le militantisme et la propension à la participation des élus syndicaux guinéens, en complément à nos commentaires, il est possible de dégager parmi les délégués, qui est plus favorable à la revendication qu'à la participation. Ainsi, on relève que les jeunes et les femmes préfèrent la revendication. On remarque également que la revendication a beaucoup plus d'adeptes dans les entreprises mixtes et privées. Quant à la participation, elle est largement approuvée dans la fonction publique. On peut y trouver deux motifs: d'une part, les niveaux de formation et d'emploi sont plus élevés dans la fonction publique et les unités de travail sont bien moins importantes: 6% des élus qui sont issus de la fonction publique et 72% qui sont issus d'entreprises mixtes exercent dans des unités de plus de 700 personnes (cf. Tableau 37 en annexe). On en déduit donc que les administrateurs des petites unités de production sont plus réceptifs à la participation des travailleurs. L'analyse développée précedemment nous montre l'évidente complexité de la participation. Le sentiment normatif "c'est un droit des travailleurs" n'est pas encore traduit en une mesure concrète et directe. Il est important de le noter car le plus grand danger de la participation est sa manipulation potentielle par l'administration ou par les forces politiques. La lutte pour une participation effective et significative des travailleurs est ainsi mise en place. L'option pour la participation se heurte au défi qui est la création des conditions de son succès. Et un tel pari concerne au premier plan le syndicat, défenseur logique des intérêts des travailleurs. Pour l'instant, les élus syndicaux de l'intérieur du pays ont également compris cette nécessité. Si 29% acceptent la participation "carte blanche", sept sur dix estiment qu'elle représente un moyen intéressant pour les travailleurs si elle réunit les conditions nécessaires à son succès. Le Graphique 31 qui suit nous présente ces opinions. En désaccord avec l'attitude générale, 1% estiment que la participation n'est qu' "un moyen pour nous faire travailler davantage: il faut l'écarter". 29% pensent que la participation est "un moyen important pour avoir plus de pouvoir dans l'entreprise: il faut l'accepter". Mais la plus grande majorité émet des réserves; "la participation est un moyen intéressant pour les travailleurs si les conditions nécessaires à son succès sont assurées: il faut l'accepter

95

Graphique 31 Disposition générale à la participation exprimée en % sur 1960 interrogés.

1% 'il faut l'écarter' 29% 'il faut "accepter' 69% 'il faut l'accepter conditionnelle ment' * les sans réponse

ne sont pas communiqués

conditionnelle ment" . De tels points de vue suggèrent alors les interrogations suivantes: les travailleurs se sentent-ils capables de mettre la participation en pratique? Et les administrateurs sont-ils prêts à accepter la participation? Comme nous pouvons le vérifier dans le Graphique 32 suivant, les élus s'estiment, en majorité capables, bien qu'un tier~ d'entre eux hésitent (ils disent que "cela dépend") et 4% pensent qu'ils ne sont pas capables. Graphique 32 Auto-évaluation de la capacité à appliquer la participation exprimée en % sur 1960 interrogés 62% ...'bien-sûr' 34% ...'ça dépend'

Il se dégage donc une prise de conscience assez générale puisque les élus reconnaissent qu'il faut d'avant tout être assurés de réunir les conditions favorables. Cela permet peut-être d'expliquer davantage la différence entre le degré de militantisme élevé et la propension concrète moins élevée que nous avons déjà évoquée. On souhaite un tel système, mais on doute de sa propre capacité à l'appliquer et on se demande comme l'obtenir. Cette question va nous préoccuper au cours des chapitres suivants car les élus réclament les moyens de se préparer à la réalisation d'une participation effective et significative entre autres par le biais de la formation et de l'éducation ouvrière.

96

Cette hésitation des délégués est tout à fait réaliste et justifiée puisqu'ils acceptent la participation conditionnellement. Les remarques faites jusque-là ont porté sur l'évaluation par les élus, de leur propre capacité à appliquer la participation. La participation étant une interaction entre les travailleurs et la direction, posons la question à l'envers: les administrateurs, sont-ils prêts à appliquer la participation? Notre enquête n'ayant pas considéré les administrateurs, nous avons dû nous satisfaire de la seule opinion des élus. Cela a donné néanmoins des résultats fort intéressants comme le montre le Graphique 33 ci-après. Graphique 33 . Perception de l'attitude des administrateurs envers la participation exprimée en % sur 1960 interrogés dans votre entreprise ou service est-ce que les administrateurs et les cadres vous prennent au sérieux?'

63%

'les administrateurs et les cadres sont-ils prêts à adopter vos suggestions?' 'les administrateurs et les cadres sont-ils prêts à changer leurs décisions à cause de vos suggestions?'

.=oui

. =parfois D =non

. les sans réponse ne sont pas communiqués

La plupart des élus estiment en principe être pris au sérieux par les cadres. Mais dès qu'il s'agit de situations plus concrètes, ils redoutent d'être moins considérés: quatre sur dix pensent que les administrateurs sont prêts à adopter leurs suggestions et trois sur dix pensent que les administrateurs seront même prêts à modifier une décision. Encore une fois, cela montre la complexité de la participation et l'écart qui réside entre les intentions et les aptitudes à la mettre en oeuvre. Si l'on observe ces résultats dans les différentes zones du pays

97

Graphique 34 Perception de l'attitude des administrateurs envers la participation par zone principale exprimée en % sur 1960 interrogés. 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Moyenne Guinée Haute Guinée

'oui'

Guinée Maritime

66%

Conakry Plus

Guinée Forestière

'parfois' Haute Guinée Guinée Maritime Moyenne Guinée

Guinée Forestière

14%

Guinée Maritime 11 %

'non' Haute Guinée

11 %

Conakry Plus 10% Moyenne Guinée 6%

. les sans réponse

ne sont pas communiqués

d'après les données du Graphique 34, on constate une différence assez intéressante entre les régions. En Moyenne Guinée, on est plus convaincu qu'à Conakry Plus que les cadres sont prêts à changer leurs

98

décisions. En règle générale, on considère partout en Guinée que la majorité des administrateurs est en principe disposée au dialogue mais que cette disposition s'atténue nettement lorsqu'on aspire beaucoup plus clairement à un changement de décision.

99

Chapitre

VI

La Politique Syndicale Nous venons de recenser les divergences de points de vue et les motivations des élus syndicaux sur la gestion et la participation à partir des données de l'enquête du PADEP. Dans ce chapitre, nous nous pencherons sur le niveau de militantisme des élus ainsi que sur leur vision de l'avenir de la politique syndicale. Nous ne serons pas surpris de constater à nouveau leur forte conscience du développement et leur intérêt pour la formation, qu'ils prônent comme un véritable outil de développement. En effet, ils considèrent que celle-ci va de pair avec la politique d'essor de leur pays et ils placent les intérêts de leur nation avant ceux des travailleurs. Mais cette forte conscience de développement se heurte toujours au même handicap déjà souligné auparavant: le manque de formation. 1.

Conscience de développement

Nous avons défini notre méthode de recherche afin de placer la politique syndicale dans la perspective de développement du pays. Les élus avaient de ce fait la possibilité d'exprimer leur jugement sur l'état actuel de la politique de développement de leur localité et même de formuler des propositions concrètes. Le sujet a été discuté durant les séminaires pendant le déroulement du questionnaire et les travaux de groupes. Il s'agissait précisément pour les élus de mettre en évidence les problèmes qui leur paraissaient prioritaires dans le développement préfectoral ou régional. Ils ont réagi en émettant des constats mais aussi des suggestions sur des questions très précises. Parmi les facteurs limitatifs du développement local ou régional, les élus ont indiqué: les problèmes de communication intra et interpréfectures, les difficultés d'approvisionnement en carburant à l'intérieur du pays, le manque de matériaux de construction, le retard de l'agriculture, la mauvaise organisation du commerce, le déboissement et les feux de brousse, l'exode rural, le manque d'eau dans certaines villes, et la croissance démographique incontrôlée. D'autres élus, les plus nombreux, ont exprimé des critiques amères notamment à propos de la mauvaise gestion du développement, mentionnant: l'insuffisance des budgets alloués au développement local ou régional, les disparités de croissance entre la capitale et l'intérieur du pays, le manque d'infrastructures adéquates (locaux de

100

travail, équipements, etc.), le manque de suivi des actions et la mauvaise utilisation des ressources humaines disponibles etc. Ces mêmes élus ont porté un jugement sévère sur l'administration qui néglige de consulter les travailleurs - négligence qui constitue, selon eux, une cause d'échec des programmes de développement. Ils ont souligné par exemple que la restructuration de la fonction publique a été conçue et exécutée sans les consulter, aboutissant ainsi à une mauvaise gestion des ressources humaines. De la même manière, ils ont critiqué l'introduction brutale des mesures économiques préconisées par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Cependant, les élus, eu égard à la situation du pays, et du fait de leur grande motivation pour le développement, souhaitent définir avec les autorités administratives, les secteurs prioritaires de même que les stratégies à mettre en oeuvre pour sortir la Guinée de l'impasse. Ils suggèrent ainsi des actions à mener dans les secteurs de l'éducation, et de la santé, les créations d'infrastructures comme des micro-barrages, l'encouragement à la création d'entreprises pour rétablir le plein-emploi, l'amélioration des communications, une politique de contrôle des naissances, etc. Ils mettent l'accent sur l'éducation, tout d'abord pour combattre l'analphabétisme et pour investir à plus long terme dans la formation et la motivation de la population. Toutes ces propositions nous démontrent encore une fois le sérieux des élus et leur souci du développement puisqu'ils privilègient l'essor du pays sur leurs problèmes particuliers tels que le logement, le relOvement du coût de la vie et la lutte contre la hausse des prix comme priorités syndicales. Pour compléter la gamme des propositions des élus, nous présentons dans le Graphique 35 la fréquence des remarques relatives aux problèmes de communication et d'énergie. Après les options générales de développement, nous avons demandé aux élus d'énumérer les problèmes spécifiques des travailleurs. Le Tableau 38 montre que les problèmes de transport et de logement sont mentionnés de manière particulière; mais la moitié des élus indiquent le salaire comme première priorité. Parmi les réponses sur le salaire, les élus ont souligné l'insuffisance et le retard de paiement de même que l'insuffisance des allocations familiales. Ils ont également remarqué l'impossibilité d'obtenir des prêts individuels et l'inexistence de coopératives de consommation pour les travailleurs. De façon surprenante, les élus ont relevé que le gaspillage des

101

Priorités à prendre

Graphique 35 en compte pour le développement du pays en général exprimées en % sur 1960 interrogés*

25%

0%

50%

75% 2 Communication

Energie

Gestion 1 Conditions

et eau

développement

des travailleurs

100% 64%

41 %

22% 14%

légende

_

.

D D sur 100 interrogés,

une réponse exprimée deux réponses exprimées trois réponses exprimées chacun

pouvait

donner

trois réponses

ressources humaines est l'une des préoccupations des travailleurs; et, bien que peu d'élus l'aient mentionné comme première priorité, 45% l'ont cité entre la deuxième et la cinquième priorité. De telles préoccupations dénotent encore une fois le sens de responsabilité des élus syndicaux pour les questions essentielles du développement dont le fondement reste avant tout les ressourses humaines. Du coup, on s'interroge sur les finalités des mesures d'ajustement structurel qui tout en semblant bénéfiques pour l'économie sont un désastre pour la société. D'autres remarques toutes aussi importantes ont été mentionnées par les élus: l'insuffisance des équipements, de moyens de production, les retards dans les procédures administratives, les vols et le détournement des deniers publics, le désoeuvrement dans certains services, l'embauche clandestine, etc. Dans la catégorie "autres", les élus ont indiqué les problèmes de retraite, le manque d'information, de loisirs et d'activités culturelles,

102

l'analphabétisme, le besoin "d'africaniser" institutionnel entre gouvernement et syndicat, au syndicat et aussi l'incompétence de certains 38). Les Graphiques 35 (pré-cité) et 36 montrent idées des élus à l'égard du développement préoccupations prioritaires des travailleurs en

-

les cadres, le vide l'absence de soutien de ses élus (Tableau les comportements/ en général et des particulier.

Graphique 36 Priorités à prendre en compte pour l'amélioration de la condition des travailleurs en particulier exprimées en % sur 1960 interrogés. 25%

0%

50%

75%

_~

64 33 3

Retards

3

Sécurité

Gaspillage

salaires

au travail

100% Salaires

ŒJ Transport! logement

77%

72%

36%

26%

20% 15

_21

I Autres

68%

légende . o o * sur 100 interrogés,

une réponse exprimée deux réponses exprimées trois réponses exprimées chacun pouvait donner cinq réponses

Il apparaît que les élus connaissent bien les problèmes aigus du pays, et qu'ils ont aussi identifié les difficultés spécifiques des travailleurs à savoir: les salaires, le transport, le logement, les soins médicaux, la sécurité au travail etc. On peut enfin souligner le constat unanime suivant lequel la mauvaise gestion est un obstacle majeur au développement du pays comme au bien-être des travailleurs. Cette vive critique manifestée très souvent pendant les séminaires explique la détermination des élus à prendre part à l'ensemble du processus de production et de gestion administrative. Dans une telle perspective, quel rôle, les élus attribuent-ils au syndicat?

103

2.

Quelle politique syndicale?

Afin de mieux cerner la politique syndicale souhaitée par ces élus, nous leur avons demandé d'indiquer par ordre de priorité les actions essentielles qu'ils jugent nécessaires d'entamer à travers le syndicat. En plus des réponses données à cette question, les élus ont exprimé leur opinion sur la politique syndicale sous d'autres formes et dans d'autres rubriques ou par des remarques et des suggestions supplémentaires à la fin du questionnaire. Il en résulte (Tableau 39, Graphique 37) que le premier domaine de priorité est l'éducation/formation. Par éducation/formation, les élus entendent avant tout la formation syndicale mais aussi beaucoup d'autres éléments de l'éducation comme la formation générale, professionnelle, l'éducation des enfants, l'alphabétisation, l'octroi de bourses d'études ainsi que de manière plus générale la conscience professionnelle et même la liberté d'expression. Les élus ont demandé également un appui à l'éducation par des facilités de documentation, la création de bibliothèques, la constitution d'archives et également l'aide à la recherche syndicale. Le deuxième volet de priorité est l'amélioration des conditions de vie à partir de la satisfaction des besoins élémentaires comme l'emploi, la lutte contre le chômage, les avancements, le transport, le logement, la maîtrise des prix sur le marché etc. Le troisième domaine à prendre en compte - pouvant être attendu en première position - est le salaire (augmentation ou régularisation) auquel sont liés le revenu, les allocations de retraite etc. Un cinquième des élus a proposé le salaire comme première priorité, mais dans l'ensemble, seule la moitié l'a mentionné. Le quatrième secteur concerne l'autodéveloppement. Celui-ci est perçu à travers la création d'activités socio-économiques par ou avec, l'appui du syndicat comme par exemple les vergers, les puits d'eau, le reboisement, l'électricité, les petites et moyennes entreprises, les coopératives, les cantines, les caisses d'assistance ou de solidarité, les activités artisanales, les centres de couture, de secrétariat, la construction de maisons des syndicats, de centres de formation syndicale etc. En somme, par auto développement, les élus rapportent directement leur conscience de développement aux activités syndicales. Les autres domaines sont la sécurité de l'emploi et du travail; la participation et le bien-être des travailleurs. Si la sécurité de l'emploi et le bien-être sont des rubriques évidentes, la participation l'est moins et cependant, les élus ont élaboré des propositions très intéressantes qui soulignent l'argument de l'autodéveloppement. Les 104

Domaines

Graphique 37 prioritaires à prendre en compte dans la politique exprimés en % sur 1960 interrogés*

0%

Education/ formation Conditions de vie

10%

20%

30%

50%

19

60% 10

70%

162%

55%

18

.11

37

Salaires

40%

syndicale

43%

Auto. développement Conditions de travail Participation

légende

-

37%

~27%

Bien-être Autres, divers,

18m

29

...

_ D D

22

au

27%

14

11

149%

une réponse exprimée deux réponses exprimées trois réponses ou plus exprimées

* sur 100 interrogés,

chacun pouvait donner six réponses

élus voudraient en effet que le syndicat s'engage effectivement dans de nombreux domaines, réservés jusqu'ici à l'administration nationale, régionale ou locale, comme l'approvisionnement des travailleurs en vivres, l'amélioration des conditions de départ à la retraite des travailleurs, lajuste répartition des biens de l'Etat, l'émancipation de l'homme et de la femme, la révision des textes existants en matière de licenciement et de fermeture d'entreprises, la prise de mesures contre la corruption, l'établissement d'un SMIG, l'octroi de crédit bancaire aux travailleurs, la révision des allocations familiales, la lutte contre l'esprit ethnique dans l'emploi, une politique des prix,

105

l'appui à la création de coopératives, une politique de subventions pour ceux qui voudraient développer l'agriculture etc. Parmi les questions "autres" et dans les remarques et recommandations finales, les élus ont suggéré également de nombreuses activités à mettre en oeuvre mais ils ont surtout émis de vives critiques envers le syndicat. Ils ont tout d'abord noté qu'il était nécessaire de régulariser la situation administrative des travailleurs, d'abandonner le système de mutations arbitraires, de réduire le nombre des expatriés considérés comme trop côuteux au pays, de veiller à l'application correcte du Code du Travail et des conventions collectives des entreprises mixtes et d'appliquer enfin sans détours les conventions de l'OIT ratifiées par la Guinée, etc. C'est surtout à l'occasion des travaux de groupes que des élus ont pris des positions fermes et exprimé des réticences à propos du comportement des hauts responsables. Les élus ont regretté de n'être jamais consultés de manière suffisante et d'être toujours mis en face de résolutions à entériner et avec lesquelles ils ne sont pas d'accord systématiquement. De violentes critiques ont d'ailleurs été exprimées sur le résultat des travaux de groupes et sur l'exploitation réelle des résolutions et recommandations finales des séminaires par le syndicat. Au sujet de la structure syndicale, il y a eu forte demande en faveur du rétablissement des cotisations syndicales et pour l'introduction des cartes syndicales. Les élus ont également sollicité le rétablissement du check-off qui leur permettrait d'assurer avec plus d'efficacité leurs fonctions syndicales. Ensuite viennent des propositions sur la création de commissions nouvelles comme celle des jeunes travailleurs, puis, les élus réclament enfin une restructuration et une application judicieuse des statuts du syndicat. Cette dernière demande est motivée par deux points essentiels, il s'agit tout d'abord pour les syndicalistes de mieux évaluer la structure dans laquelle ils oeuvrent et ensuite de renforcer la légitimité et la crédibilité d'un syndicat qui aspire à être reconnu en tant que partenaire du développement national. D'autant que leur ambition ne s'arrête pas à la conception des projets; les élus souhaitent comme nous l'avons déjà mentionné être associés au contrôle des réalisations locales, régionales et préfectorales. En général, les élus aspirent vivement à une organisation plus rationnelle et scientifique. Ils ont à cet effet fortement critiqué le fonctionnement actuel de la CNTG surtout le défaut de contacts entre le Bureau Confédéral et les leaders nationaux des Fédérations et la base. Les élus souhaitent des liaisons plus fréquentes et même

106

régulières entre les leaders et les travailleurs dans l'ensemble. Les difficultés de liaison et d'échange entre les unions locales et la centrale syndicale ont souvent été mentionnées pendant les travaux de groupe. Des syndicalistes ont proposé que chaque province soit parrainée par un membre de la centrale syndicale afin d'entretenir les relations et surtout pour mieux diffuser les informations et les documents syndicaux. Il a d'ailleurs été suggéré que les unions locales prennent part à l'élaboration d'enquêtes diverses selon la spécificité de leur région pour ensuite communiquer leurs évaluations et recommandations de façon que celles-ci soient utilisées dans l'élaboration de documents syndicaux et servent à l'orientation de la politique syndicale en général. Ce vide de communication est dû en grande partie à l'exploitation insuffisante par les leaders nationaux, de l'émission "Le monde du travail" et à l'absence de jour na} syndical demandé pourtant par toutes les unions locales en même temps que la mise en plaée de bibliothèques syndicales. Très souvent aussi, le problème de la sous-représentation des femmes a été évoqué. Ce souci d'une émancipation totale et effective de la société guinéenne a amené les élus à suggérer un plus grand intéressement des femmes au syndicat. Ce qui passe nécessairement aussi par des modifications d'approche de la vie du ménage; l'obtention de meilleures conditions de travail pour les femmes et aussi l'organisation de débats nationaux et internationaux entre les femmes de Guinée et celles des pays voisins. Mais la critique sans nul doute la plus marquante a été celle souvent exprimée au sujet des relations entre le syndicat et le gouvernement. Beaucoup d'élus ont déclaré que le syndicat semblait être un prolongement du gouvernement et pour d'autres encore, la CNTG est une complice de l'Etat. Cependant, tous n'étaient pas convaincus d'une telle alliance. C'est pourquoi, beaucoup ont conseillé une plus grande prudence à l'égard de toute alliance ou subordination du syndicat au gouvernement. En ce sens, les élus ont reconnu qu'une indépendance totale du syndicat envers le gouvernement ne serait pleinement effective qu'à travers une indépendance financière totale. En conclusion, si l'on prend en compte l'ensemble des résultats, on peut dégager ces quelques remarques générales: Tout d'abord, et c'est un point constant dans notre rapport, les élus syndicaux ne sont pas seulement des défenseurs acharnés des intérêts matériels et directs des travailleurs, c'est-à-dire du salaire et d'autres conditions matérielles de travail. Au contraire, tout en reconnaissant que les problèmes prioritaires des travailleurs se situent au niveau

107

des salaires, du revenu, des conditions de transport et de logement, ils ne veulent pas nécessairement que le syndicat en fasse son seul cheval de bataille. Les élus syndicaux ont en effet associé le bien du pays au bien des travailleurs. Ils ont pris en compte au même titre que leurs combats de tous les jours les grands problèmes de développement de leur préfecture ou de leur région: soit l'agriculture, l'élevage, les communications, l' adduction d'eau, le manque d'industrie, d'électricité, d'hôpitaux etc. Ils sollicitent un plus large engagement du syndicat afin de mieux poser ces problèmes qui concernent la société guinéenne toute entière. Rappelons encore une fois, comme nous l'avons noté dans ce rapport que le syndicaliste en tant qu'individu est socialement et économiquement lié aux paysans, aux ouvriers, aux chômeurs et aux pauvres envers qui il se sent responsable et avec lesquels il partage de près ou de loin son salaire, son revenu, sa vie, ses soucis, ses problèmes quotidiens et donc son avenir. C'est dans une telle perspective qu'il faut placer la politique syndicale guinéenne. C'est une politique de développement dans laquelle l'élu a compris que la seule revendication portant sur des avantages matériels ne contribuerait qu'à améliorer le bien-être de certains individus au détriment des unités familiales dans lesquelles ils se trouvent et avec lesquelles ils partagent leur vie. Pour toutes ces raisons, on ne peut pas être surpris du choix de la participation par les élus comme méthode syndicale principale. Même quand 21% veulent la revendication, 78% optent pour la participation comme technique dominante du syndicat, soit sans prendre de responsabilité (11 %), soit avec une entière prise de responsabilité (67%). Le choix d'une telle méthode a été recommandé dans toutes les zones du pays comme le montrent le Tableau 40 et le Graphique 38. Graphique 38 Politique générale recommandée au syndicat exprimée en % sur 1960 interrogés. 64% 'Participation avec responsabilité' 21 % 'Revendication' 14% 'Participation sans responsabilité' * les sans réponse

108

ne sont pas communiqués

3.

Soif d'éducation

Quelles que soient les préoccupations de la politique syndicale, comme nous l'avons vu ci-dessus, les élus attendent du syndicat l'éducation et la formation en priorité. Ici également, nous avons demandé aux élus, leur opinion sur les thèmes prioritaires de l'éducation. Plus précisément, nous les avons questionnés sur les sujets qu'ils souhaiteraient voir aborder en priorité18 dans les programmes d'éducation et de formation syndicale. Les réponses sont données dans le Graphique 39 et le Tableau 41 en annexe. Il ressort que la priorité majeure est la formation syndicale générale. Tous les élus l'ont mentionnée, quelques uns l'ont même stipulée plusieurs fois. Ils veulent s'informer en général sur le syndicat, sa structure, son organisation, ses finances et l'information syndicale. De manière plus spécifique, quelques-uns ont proposé une formation en rapport avec les qualités et le profil que doit réunir un syndicaliste sérieux. D'autres par contre aspirent à une formation sur des thèmes d'actualité comme le rôle du syndicat dans une société libérale, le rapport entre le syndicat et les Organisations Non-Gouvernementales (ONG), la crise économique et ses répercussions sur les travailleurs, la formation des formateurs, le mouvement ouvrier international, le BIT, l'OUSA, les autres organisations syndicales internationales, etc. Compte tenu de la restructuration syndicale en cours de réalisation, cette demande n'est pas surprenante et pose de ce fait une priorité claire et logique. Il est par contre plus étonnant que tout le monde (et certains l'ont sollicité plus d'une fois) demande que le syndicat insère dans son programme de formation des thèmes généraux de l'éducation comme l'économie, les sciences sociales, les sciences exactes, les sciences agricoles, la réforme administrative en Guinée, l'unité nationale, l'alphabétisation, la croissance démographique, les langues étrangères, la psycho-pédagogie, etc. mais aussi d'autres sujets très ciblés tels que la lutte contre la corruption puis la santé comportant entre autre une grande part d'éducation sur la contraception. Voilà comment se traduisent les préoccupations des élus pour le développement du pays, à savoir que le syndicat leur donne une éducation sur une gamme variée de sujets qui les aideront à mieux jouer leur rôle. Ce besoin de formation est d'ailleurs accentué par leur 18

Seuls 10% (la plupart

niveau

d'éducation

des doyens) n'aspirent

pas à atteindre

un haut

générale.

109

Graphique 39 Sujets prioritaires pour l'éducation syndicale exprimés en % sur 1960 interrogés* 0% formation syndicale générale

_19

cours généraux

_14

participation

22

CNTG

15

milieu du travail

~18%

femme et syndicat

~16%

revendication

~10%

autre...

~28%

légende

10%

20%

30%

50% 111

119

60%

70%

163%

/55%

31%

.EI 19%

Da

_

une réponse

D

deux réponses

exprimées

D

trois réponses

ou plus exprimées

* sur 100 interrogés,

40%

exprimée

chacun

pouvait

donner

six réponses

volonté de gagner la considération des autorités préfectorales, nationales, des dirigeants d'entreprises, etc. pour être acceptés en: tant que partenaires à part entière, pour asseoir leur légitimité et faire admettre la crédibilité de leurs objectifs. Les autres sujets suggérés étaient la participation, la CNTG, le milieu de travail (hygiène, sécurité, environnement etc.) la revendication (comment organiser une grève?) et le rôle de la femme dans le syndicat. Ce dernier thème a été assez mûri par les personnes interrogées, surtout par les femmes, comme nous l'avons constaté dans le Chapitre IV. Les élus ont exploré une multitude d'interrogations

110

ayant trait aux femmes comme la meilleure manière les intégrer au syndicat, comment émanciper les femmes, comment accroître l'accès des femmes aux postes de responsabilité, etc.? Ils ont aussi abordé des sujets relatifs à la place de la femme dans le couple, le divorce et ses conséquences, la polygamie, les responsabilités des époux face aux charges familiales, etc. Pour mettre en oeuvre leur vaste projet de formation, les élus ont émis des suggestions telles que: dispenser des cours de syndicalisme dans les écoles, utiliser au mieux les instructeurs syndicaux formés, créer un service d'appui à l'éducation ouvrière à l'échelle nationale et régionale et enfin restituer l'université syndicale à la CNTG. Ces résultats témoignent de l'ample valeur qu'attribuent les syndicalistes à l'éducation. Ils la considèrent comme un instrument indispensable à leur information, leur perfectionnement, leur aptitude à négocier et à mieux saisir le sens des documents syndicaux. Ils sont convaincus que l'éducation les rendra capables d'introduire la participation dans la prise de décision à tous les niveaux. Ces élus qui sont pour la plupart récemment entrés dans le mouvement syndical souhaitent accomplir leur tâche de défense des intérêts des travailleurs en développant l'argument scientifique au détriment de la démarche revendicative. Ainsi, peut-on conclure qu'en prouvant leur forte motivation, ils traduisent dans les faits le renouveau syndical.

111

Conclusion Bilan 1.

du Mouvement

Syndical

Guinéen

L'avenir de la Guinée et le défi syndical

A la suite de l'analyse générale effectuée dans ce rapport, nous sommes en mesure de tirer des conclusions importantes relatives à l'avenir du mouvement syndical Guinéen. Une majeure partie d'entre elles sont d'ailleurs au coeur des préoccupations actuelles du syndicat, mais aussi du pays; elles ont été propulsées par les faits intérieurs mais aussi par la cascade d'événements internationaux survenus depuis 1990 dont on peut citer entre autre ceux d'Europe de l'Est mais surtout ceux d'Afrique où se répand une crise politique sans précédent favorable à la démocratie. Toutes nos conclusions doivent cependant être mises dans la perspective d'avenir du pays à partir de sa situation économique, politique et sociale. Concernant l'économie, le système libéral est de plus en plus admis dans le pays. Le désengagement de l'Etat dans certains secteurs d'activités comme le commerce a stimulé l'émergence d'une couche d'opérateurs économiques nationaux à côté desquels viennent s'implanter progressivement des expatriés associés ou non avec des Guinéens. Parallèlement, au niveau des autres activités, le processus de revitalisation des secteurs tels que l'agriculture et tout le secteur informel en général est amorcé avec un élan nouveau. Mais la Guinée vit une crise économique grave qui s'illustre par une dévaluation constante du franc guinéen à laquelle s'ajoute la faible performance de la plupart des secteurs d'activités pourtant désétatisés depuis 1984 (l'agriculture moderne, la petite industrie et les petites et moyennes entreprises). Enfin, le chômage frappe un très grand nombre de Guinéens et notamment les jeunes19. Ces chiffres sont accrus par l'afflux de réfugiés venus du Libéria et de la SierraLéone fuyant leurs pays en guerre dont on estime leur nombre à près de 500.000 personnes; ainsi que l'arrivée massive d'une main-d'oeuvre étrangère en provenance de pays d'Afrique de l'ouest (Côte d'Ivoire, Mali, Sénégal, Togo). D'autant que la Guinée a fait, pour accueillir les ressortissants de pays voisins, de grands efforts en matière sociale. Sur le plan politique, la promulgation le 23 décembre 1991 de la loi

19

Près de 7 promotions

de diplômés des universités

sont sans emploi.

113

fondamentale rédigée un an plus tôt amorce la démocratisation du pays. Au terme de notre recherche, cette loi représentait l'espoir d'une démocratisation du système politique du pays mais elle n'était pas analysée encore à l'époque comme un détonateur du pluralisme dans tous les domaines dont celui du syndicalisme. On la considérait plutôt comme une ébauche de démocratisation progressive du pays car les structures de concertation entre les différents partenaires sociaux étaient inexistantes. Il semblait par exemple que ces espoirs d'échange sur des idéaux communs tels que la définition plus précise des contours de la société à venir ne soient pas envisageables de sitôt entre l'Etat, les employeurs et le syndicat. Mais, comme nous l'avons déjà dit plus haut, l'avalanche de faits historiques en faveur de la démocratie dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et en Mrique a influencé l'avènement du pluralisme en Guinée, pluralisme qui touche les partis politiques et les associations de type démocratique. De ce fait, l'unité syndicale n'est pas épargnée par cette nouvelle donne qui implique une dynamique novatrice que nous avions d'ailleurs suggérée dans bons nombres de domaines à l'issue de notre projet. Cependant, les tendances pluralistes des mouvements politiques et syndicaux qui se dégagent ont encore un caractère précaire et fragile selon qu'elles sont menées par des opposants radicaux aux organisations en place pour en avoir été exclus ou selon qu'elles fleurissent sans se définir et donc sans constituer de véritables partenaires fiables dans la concertation. Enfin la libéralisation touche aussi le secteur de l'information où apparaissent des journaux privés dont certains sont très proches des formations politiques constituées. Sur le plan social maintenant, la Guinée vit les sombres conséquences du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) qui se traduisent par une aggravation du chômage, par une multiplication des revendications salariales des secteurs publics et privés ainsi que par de nombreuses manifestations de fonctionnaires écartés de la fonction publique exigeant des mesures de réinsertion. On remarque aussi une insécurité grandissante dans les villes liée entre autres aux problèmes conjoncturels que nous venons d'évoquer ainsi qu'à l'explosion démographique dont Conakry la capitale est l'exemple le plus frappant. Les grandes difficultés économiques ont leurs sinistres effets sociaux, nous avons évoqué l'ampleur du nombre de chômeurs, mais il demeure également un grand déséquilibre entre la hausse des prix et celle des salaires qui a d'ailleurs été la cause essentielle des grèves de mai 1991,initialement déclenchées par les enseignants,

114

puis suivies par la majeure partie des salariés. Nous projetions d'ailleurs, à l'issue de notre recherche, des voies à explorer pour améliorer la politique de redressement de la Guinée, redressement qui pourrait hisser le pays au rang des économies africaines fortes, si toutefois ses richesses naturelles et humaines étaient mieux exploitées. Les mesures pour y parvenir devraient cibler en priorité le développement de l'agriculture, la meilleure exploitation des mines, l'implantation de nouvelles industries, l'installation de nouveaux services, un système adéquat de transport et de communication, l'aménagement de plans de formation, etc. La Guinée doit bouger, la Guinée bouge déjà et elle bougera dans l'avenir. Ces objectifs d'essor nous entraînent à poser des questions sur le choix du mode de développement envisagé, sur les acteurs du développement et ses orientations. L'accumulation du capital s'accompagnera-t-elle d'une redistribution équitable? En sera-t-il de même pour les gains économiques, l'emploi, etc.? Quel type de contrôle démocratique va assurer le développement plus ou moins harmonieux et équitable du pays? Les chances d'éducation, de formation et les opportunités de développement en général seront-elles données à tous les Guinéens et Guinéennes? Et enfin, comment mobiliser toute la population et non un faible nombre pour accéder au circuit privatisé? Voilà brièvement exposés quelques uns des nombreux défis auxquels il faut se préparer. Bien entendu, le mouvement syndical se doit de répondre à ces interrogations et ses propositions devront considérer à leur juste valeur les aspirations légitimes des travailleurs issus de toutes les branches professionnelles car ils incarnent les tous premiers acteurs du développement (paysans, éleveurs, ouvriers, etc.). Pour ce faire, le pluralisme des mouvements syndicaux et même, disons-nous à ce jour, la tentative de scission syndicale qui se dessine va ébranler les assises syndicales et pourquoi pas, diviser aussi les travailleurs. Alors, les syndicats seront-ils assez forts pour peser sur les orientations décisives pour le développement du pays ou celles intéressant le sort des travailleurs?

2.

Les syndicalistes, agents du changement

Grâce à notre enquête, nous avons pu cerner un profil des syndicalistes actifs dans le mouvement syndical à travers le pays. Généralement, nous avons constaté que les élus syndicaux ont un niveau de formation et un niveau professionnel élevés ou parfois très

115

élevés. Cependant, ils sont issus du milieu rural et vivent dans un ménage constitué de paysans, d'ouvriers peu ou pas qualifiés, d'éleveurs et de chômeurs. Par conséquent, ils sont tout à fait informés des difficultés rencontrées par ces catégories dans leur ensemble. Incarnant la première génération à avoir accédé à des postes élevés qui les ont amenés à gravir un barreau de l'échelle sociale, les élus syndicaux s'avèrent être de véritables pionniers du changement. Nous avons pu constater qu'ils débordent de dynamisme, d'ambitions et de motivations syndicales et qu'ils sont également qualifiés et capables d'assurer la mission qui leur est confiée. Mais cet enthousiasme et cet élan se trouvent dans une structure inachevée, à une période de redéfinition fondamentale des règles politiques et syndicales où l'innovation est dorénavant permise dans ces deux secteurs clés de la société guinéenne. Les chapitres précédents ont bien montré le manque de structuration du syndicat qui, bien sûr, a pu commencer en toute liberté, des actions en faveur du renouveau syndical mais qui n'a pas créé ou eu de réels moyens de promouvoir de véritables changements. Le manque de moyens a été caractérisé par la non réinstitution de la cotisation syndicale, d'où a découlé un manque de communication, notamment une faiblesse de contacts entre le bureau confédéral et les différentes cellules syndicales (les unions locales, les sections syndicales, les bureaux syndicaux dans les entreprises et les délégations syndicales de la base). De ce fait, les représentants syndicaux de la base ont oeuvré dans le vide ou presque et n'ont donc pas souvent bien fonctionné. Un des problèmes très sérieux étant, entre autres, la démocratie interne du syndicat; comme nous l'avons constaté, les méthodes d'élection des syndicalistes, leur position dans les structures syndicales ne relèvent pas de méthodes hautement démocratiques. C'est surtout par élection à main levée ou par acclamation que les élus ont accédé à leur poste; certains d'entre eux ont été nommés et rares ont été ceux élus à bulletin secret, même lorsque le statut syndical prévoyait une élection pleinement démocratique. Nous avons constaté également que le choix de la procédure électorale pouvait s'expliquer par la reproduction systématique des pratiques de l'ancien régime, mais l'application de meilleures méthodes sera incontournable car au cours de l'enquête, davantage de doyens que de jeunes ont exprimé le vif désir d'édifier une structure syndicale fondée sur un système démocratique.

116

Comme cela était à prévoir, à défaut du check-off ou d'un autre système de cotisation, les délégués syndicaux se trouvent sans ressources ou presque. Ils sont dépourvus de budget, de moyens de déplacement et même de local dans la majorité des cas. Les autres moyens mentionnés par les participants aux séminaires à travers le pays: cotisations volontaires, bénévolat, ne font qu'indiquer la force de leur engagement. Mentionnons encore une fois que la motivation syndicale est manifeste. Partout où le projet a été conduit, il a été reçu avec un enthousiasme immense de toutes et de tous les participants aux séminaires. Il a été presque toujours difficile de limiter à 40 le nombre de participants, tel que fixé par le programme. On a admis chaque fois des observateurs supplémentaires. Il est même arrivé que des représentants syndicaux non invités, ayant eu écho de l'orga:p.isation d'un séminaire, ont voyagé durant plusieurs jours et ont sollicité l'autorisation de participer ne serait-ce qu'en tant qu'observateurs. L'expérience des quatre années du projet a confirmé que les représentants des travailleurs ont beaucoup d'ambitions syndicales. En fait, il suffirait d'établir des structures syndicales adéquates pour que le mouvement syndical guinéen commence à se dynamiser. A l'intérieur du pays, dans les entreprises, les bureaux, les hôpitaux, les écoles, les banques, les services, les unités agricoles, etc., on désire que le syndicat s'active car les travailleurs, les fonctionnaires, mais aussi les salariés du secteur paysan, doivent surmonter quotidiennement d'énormes difficultés. 3.

Les enjeux

Tout au long de notre rapport, nous avons exposé de nombreux problèmes des travailleurs mentionnés par leurs représentants et exprimés pendant les débats de groupes au cours des séminaires. Quant à la situation du travail, on est en général satisfait des rapports avec les collègues, les contremaîtres, les administrateurs et les directeurs. Les mauvais rapports sociaux ne sont que rarement cités. Aussi, la satisfaction intrinsèque ne semble-t-elle pas poser de problèmes énormes à l'heure actuelle en Guinée. En revanche, on est en général mécontent et souvent très mécontent à l'égard d'un grand nombre de conditions spécifiques au travail, particulièrement le manque ou l'insuffisance de moyens de transport, de cantines, d'installations sanitaires (lavabos, toilettes). Les conditions d'hygiène et de santé ne sont pas non plus très satisfaisantes. Là, l'insatisfaction est quasi-générale et un défi immédiat et urgent se pose. A cela

117

s'ajoute encore un grand mécontentement à l'égard de la politique du personnel liée à l'insécurité de l'emploi. Tous ces points nous montrent la lourde tâche qui revient au syndicat pour répondre aux difficultés essentielles vécues par les travailleur sur leur lieu de travail. Les syndicalistes interrogés ont aussi indiqué que des problèmes fondamentaux se posent au niveau du développemént de l'agriculture, de l'énergie, de l'eau et surtout des réseaux de communication. Ils ont demandé une meilleure programmation des projets de développement, ils ont critiqué le gaspillage des ressources humaines et matérielles et donc, la mauvaise gestion. Il s'est avéré que les questions de développement ont été très souvent mentionnées en priorité prenant le pas sur les problèmes spécifiques aux travailleurs. C'est ainsi que l'on peut s'attendre à ce que le syndicat ait un rôle dans la prise de décisions à tous les niveaux: national, régional, local et dans l'entreprise. Les travailleurs aspirent à ce que le syndicat soit présent dans les lieux de décisions traitant directement ou indirectement de leur condition actuelle et future. Au niveau économique, nous avons constaté que la question du revenu est complexe puisqu'on ne peut pas directement l'associer au salaire. En effet, plusieurs autres paramètres entrent en ligne de compte: l'ampleur du ménage, le nombre de personnes contribuant à constituer le revenu, les activités annexes, les revenus non-monétaires forment des éléments déterminants dans le revenu réel d'un ménage. Néanmoins, on relève un mécontentement général sur la situation salariale. De plus, la majorité des élus est incapable de subvenir aux besoins de première nécessité: les soins médicaux, l'éducation des enfants, et tous les autres besoins quotidiens. Au-delà du problème de salaire, apparaît en réalité le problème de survie pour lequel les activités complémentaires, c'est-à-dire les travaux agricoles, l'artisanat, l'élevage et la pêche ainsi que le fameux système "D" ne suffisent pas. On se rappelle (Chapitre III) que pour 4 7% des personnes interrogées, le revenu total du ménage est très insuffisant à satisfaire les huit besoins élémentaires et que pour 20% le revenu est insuffisant. Ce qui signifie que plus des deux tiers des élus syndicaux vivent dans des ménages où les moyens manquent pour se soigner, pour éduquer les enfants, pour payer les factures d'électricité et d'eau, pour nourrir tous les membres du ménage, pour régler le loyer ou l'achat du bois de chauffage. De nouveau, on constate que les difficultés évoquées par les représentants syndicaux ne concernent pas uniquement le poste de travail mais touchent également le contexte général de la vie du

118

ménage. Il s'avère que les travailleurs classent eux-mêmes les activités supplémentaires dans le contexte du développement plutôt que dans le contexte du travail. Là encore, on fait la preuve que les représentants syndicaux sont des agents de changement, de développement. Ils défendent les problèmes de l'entreprise ou du service dans lesquels ils travaillent, auxquels s'ajoutent les objectifs généraux de développement du village, du secteur, de la préfecture et bien sûr du pays car c'est seulement à travers le représentant syndical que les travailleurs peuvent exprimer leurs avis et suggestions. Autre défi pour la structure syndicale: la position des femmes. Selon la déclaration des hommes, les femmes travaillent plus qu'euxmêmes mais elles exercent des activités "invisibles" (ménage, éducation, etc.) qui ne sont pas rémunérées. Cela contribue à expliquer largement la sous-représentation des femmes dans le milieu syndical. Et même lorsqu'elles entrent dans le mouvement syndical, elles sont sollicitées pour jouer des rôles traditionnels, c'est-à-dire qu'elles sont vouées aux "affaires sociales" plutôt qu'aux décisions syndicales. Le problème de la sous-représentation des femmes ne sera pas facile à résoudre parce qu'il est lié à des causes structurelles ainsi qu'à des motivations culturelles traditionnelles. Les femmes sont bien moins engagées dans le secteur de l'économie formelle; elles occupent peu de postes de travail et elles sont de ce fait sous-représentées. Comme on l'a déjà vu dans le Chapitre IV, si elles exercent un emploi salarié elles cumulent une seconde activité à la maison où elles s'occupent de la plupart des corvées du ménage. Les traditions culturelles sont fortement enracinées. Il y a tout d'abord l'opposition du mari et l'opinion des hommes en général sur la représentation féminine mais il y a aussi toute l'organisation sociale à réviser pour libérer les femmes. Les habitudes culturelles ne peuvent être facilement contrariées et cependant elles vont à l'encontre d'une position libre et équitable pour la femme. Le défi est très important et très spécial pour le mouvement syndical de l'avenir car les femmes représentent la moitié de la population active et la défense de leurs intérêts doit s'organiser en proportion à leur nombre. Il faut ajouter ensuite les remarques importantes des femmes pour qui le syndicat constitue un tremplin énorme. Normalement, elles sont maintenues au foyer et elles ont peu d'activités ou de contacts extérieurs. A la maison, elles ne sont pas libres de s'exprimer, leur critiques risquent de mettre en cause leur statut dans le ménage et peuvent facilement les marginaliser. Elles ont trouvé dans le syndicat un lieu où elles ont la possibilité de

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s'exprimer, formuler des propositions et elles dénoncent l'absence de structures du même ordre dans le pays actuellement. C'est bien pour cela qu'elles se sont davantage organisées dans le cadre du projet, même après un seul séminaire et on peut prévoir qu'à l'avenir l'élan des femmes syndiquées ou non-syndiquées constituera un défi spécial pour le mouvement syndical qui a clairement privilégié la nondiscrimination des sexes. En somme, l'évolution du statut de la femme est une perspective de longue haleine. Il s'agit de modifier la répartition des tâches dans le ménage et surtout d'introduire et d'entretenir une autre tradition, une autre culture. Il s'agit là encore d'une problématique qui ne se limite pas au lieu du travail mais qui concerne la société toute entière et de nouveau les enjeux syndicaux débouchent sur le contexte du développement général du pays. Conclusion heureuse enfin pour les femmes car malgré leur faible nombre elles figurent parmi le plus fort taux des jeunes élus. Les femmes sont les plus nombreuses des représentants syndicaux de moins de 30 ans; indices qui sont certainement des préalables à une évolution positive en faveur de l'émancipation de la femme. A propos de la sous-représentation, il faudrait encore mentionner que les jeunes en général sont fortement sous-représentés dans les structures syndicales. Un élu syndical sur dix a moins de trente ans alors qu'on estime à 65% de la population totale le nombre de jeunes du même groupe d'âge dans le pays. L'enjeu est de taille car doit-on laisser le syndicat vieillir ou ne doit-il pas plutôt s'adapter aux circonstances actuelles pour mieux répondre aux aspirations de ses membres? Nous avons constaté un autre phénomène de sous-représentation: il apparaît en effet que les ouvriers sont peu nombreux alors que les fonctionnaires sont très présents dans la structure syndicale actuelle. On a bien vu dans les remarques antérieures que les fonctionnaires sont les principaux agents du changement par leur vie au sein de famille élargies où toutes les catégories sociales sont représentées et liées par la solidarité économique. Néanmoins, les élus n'appartiennent pas à tous les secteurs d'activités. Et l'on peut craindre d'aboutir à un syndicalisme élitiste qui défendrait davantage les intérêts des fonctionnaires au détriment des intérêts généraux des travailleurs du pays. Enfin, on constate que les secteurs nouveaux de l'économie du pays ne se retrouvent pas encore en nombre suffisant dans les structures syndicales - le syndicat a-t-il suffisamment ouvert ses portes aux

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travailleurs des entreprises ou services en cours d'établissement? Il s'agit d'un nouveau salariat qui s'exerce dans des entreprises privées et auquel on reconnait un rôle d'avant-garde dans l'économie guinéenne. Les entreprises privées qualifiées d' "espoirs du renouveau économique" et encouragées par la Hème République ne sont pas encore représentées dans le mouvement syndical. L'intégration de ces groupes de travailleurs à la structure syndicale doit figurer parmi les préoccupations essentielles du syndicat; tout comme celle de la paysannerie organisée qui pourrait jouer un rôle déterminant dans l'avenir économique de la Guinée. 4.

Pour une politique

syndicale

diversifiée

Les priorités qui suivent ont été proposées par les élus syndicaux pour une politique syndicale. De toute évidence, on veut que l'action syndicale contribue à l'amélioration des conditions matérielles des travailleurs (salaire), leurs conditions de vie et de travail (le transport, le logement), les conditions sociales (cantine, toilettes, etc.) et la sécurité de l'emploi. Jusqu'ici, on attendait d'un syndicalisme traditionnel qu'il soit purement et simplement revendicatif. Désormais, la majorité des représentants syndicaux favorisent la participation avec la prise de responsabilité comme méthode principale de l'action syndicale. La motivation pour la participation est unanime également dans tous les secteurs. La participation est associée au développement économique et social de la nation, de la préfecture, de l'entreprise et de plus, les élus syndicaux estiment que le manque de consultation des travailleurs est une des causes de l'échec des programmes de développement tant au niveau national que local. Outre la mauvaise gestion et la sous-exploitation des ressources humaines, on fait état d'un gaspillage énorme des biens disponibles. Toutes ces raisons sont au centre des préoccupations des représentants syndicaux qui cherchent donc à s'engager non seulement dans l'entreprise ou dans le service où ils exercent leurs fonctions mais aussi au sein des préfectures. Les élus souhaitent être consultés par le préfet, le conseil administratif de la préfecture et ils regrettent l'inexistence de structures formelles ou régulières incluant à ce niveau, des représentants syndicaux. Ces derniers s'expriment en faveur d'une participation formelle car ils estiment qu'ils sont les moteurs du développement; qu'ils en incarnent les ressources humaines et donc qu'ils peuvent jouer un rôle important dans le suivi des décisions.

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Une fois admise la politique de participation, se pose le problème de son caractère effectif. En principe, les travailleurs ont le droit de vote mais dans les faits, la grande majorité des élus se satisfont de la consultation seule et n'exigent pas le vote. Cela laisse à penser qu'on pourrait se diriger vers une participation manipulatrice. Le défi qui se présente ici est qu'en principe, on désire la participation mais aucun mécanisme concret ni une politique stable n'ont encore été élaborés en ce sens. Certes, les élus syndicaux se tiennent sur leurs gardes car 69% d'entre eux affirment que la participation peut être acceptée à la seule condition que les éléments pour son succès soient réunis, et parmi eux: l'éducation, la recherche, la réalisation de projets comme le nôtre. Il ne s'agit d'ailleurs même plus d'un choix entre la revendication et la participation. Quand un syndicaliste sur cinq préfère une revendication indépendante comme méthode principale et quatre sur cinq préfèrent la participation, des analyses approfondies ont montré qu'il se dégage une tendance en faveur d'une stratégie différentielle. Selon les opinions des représentants syndicaux, il y a des problèmes pour lesquels la revendication peut être la méthode la plus adaptée, tandis que pour d'autres problèmes, la participation semble être plus appropriée. Nous avons vu que sur les lieux de travail (dans les entreprises et les services), on a tendance à favoriser la revendication pour déterminer le contrat de travail et pour résoudre les conflits autour du contrat de travail (salaire, heures de travail, etc.) et notamment la politique du personnel; donc les conditions d'emploi et la sécurité de l'emploi. Pour les autres domaines comme nous l'avons souligné par exemple le bienêtre, la production, l'organisation du travail, la politique générale, etc. on préfère la participation. Une autre façon de distinguer les deux méthodes principales est d'observer d'un côté l'entreprise privée ou mixte et de l'autre côté, la fonction publique. Dans l'entreprise privée ou les entreprises mixtes, il y a une plus grande décentralisation des pouvoirs et donc plus de possibilités sur le lieu du travail pour négocier les conditions d'emploi. D'ailleurs, les entreprises mixtes ont tendance à figurer parmi les grandes entreprises ayant souvent une taille supérieure à 1000 salariés. Actuellement, la revendication est appliquée dans les secteurs mixte et privé plus que dans les autres secteurs mais il faut toujours bien admettre que les deux constituent une minorité dans le total des entreprises ou des services Guinéens comme nous l'avons déjà évoqué.

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Selon l'enquête, la plus grande partie des travailleurs se trouve dans les entreprises et les services de moins de 100 salariés (2 représentants syndicaux sur 3 travaillent dans de telles entreprises). Très souvent encore et il faut s'y attendre pour l'avenir, les services de la fonction publique minimisent les négociations sur le lieu du travail car pour tous, les conditions de contrat de travail et la politique du personnel sont établies à des niveaux plus élevés et font l'objet de décisions centralisées généralement à Conakry. Les élus de base n'ont pas les moyens de s'opposer à ce type de décisions, cela demande plutôt une prise de position du syndicat au niveau où les initiatives sont décidées, donc en communication avec la structure du pouvoir dans un tel secteur. Cela explique les raisons pour lesquelles les représentants syndicaux de la fonction publique se sont beaucoup plus référés à la participation que les représentants syndicaux du secteur privé ou mixte, ces derniers ayant beaucoup plus de chances réelles d'influencer les contrats de travail et les autres conditions de travail dans leurs services par la pratique de négociations directes avec les dirigeants. Presque partout en Guinée, les élus syndicaux fonctionnaires (éducation, santé, etc.) sont nombreux à s'engager dans la prise de décisions au sein de leur préfecture pour résoudre les problèmes généraux de développement que nous avons mentionnés. Cela explique que les unions locales, ainsi que les bureaux syndicaux d'entreprises et les délégations syndicales de base, sont beaucoup plus actifs que les fédérations. Ce qui signifie qu'à l'avenir, le défi pour le syndicat serait de développer une stratégie à travers laquelle on exercerait la revendication sur le lieu de travail en parallèle avec la participation dans des domaines impartis à chacune des deux méthodes. Ensuite, le syndicat s'engagerait par la participation dans la prise de décisions sur des questions plus générales qui concernent tous les travailleurs tant au niveau de la préfecture qu'au niveau national. Autrement dit, de l'avis des représentants syndicaux, l'avenir est à une politique syndicale différenciée.

5.

Pour un syndicat plus structuré

Avant d'aborder la politique syndicale qui a été un thème permanent pendant les débats, et ensuite repris dans les remarques du questionnaire, le syndicat doit réviser sa structure de façon à la renforcer et à mieux l'adapter au contexte actuel. On relève un consensus sur deux points qui sont, d'une part, la liberté syndicale

123

reconnue par la loi fondamentale et, d'autre part, l'indispensable obligation d'autonomie financière du syndicat. Cela implique que la cotisation syndicale soit réinstituée dans les meilleurs délais pour permettre au syndicat de planifier et d'exécuter ses propres objectifs indépendamment de toute "pression" extérieure. Mais on constate que seul le congrès est en mesure de pouvoir sortir le syndicat de l'impasse dans laquelle il se trouve (sans communication, sans structure, sans statuts adaptés, sans finances propres, sans éducation régulière, sans budget, sans programme, sans politique etc.). Cette reconstitution ne pourra s'effectuer qu'après que le congrès ait permis d'élire les vrais représentants syndicaux qui auront pour mission première de s'attaquer à toutes les faiblesses présentes du mouvement syndical. D'ailleurs, les élus ont suggéré de prendre des mesures très pratiques sans plus attendre. Parmi celles-ci, ils ont proposé la réinstauration des cotisations, l'amélioration des relations entre le bureau confédéral, les fédérations professionnelles et tous les organismes syndicaux du pays. Enfin, pour combler le vide de l'information syndicale, ils expriment à l'unanimité le besoin de mieux tirer parti de la tranche d'antenne radiophonique "Le monde du travail" et de réinstituer le journal syndical. De même, il apparaît indispensable de mieux organiser et d'institutionnaliser l'éducation ouvrière dans le pays. Enfin, le manque d'une politique syndicale et d'une politique d'éducation ouvrière ont été fortement critiqués et beaucoup d'élus syndicaux ont souhaité que le syndicat prenne des initiatives pour formuler et instituer des dispositions ayant trait aux relations de travail, aux droits des travailleurs, aux droits des élus syndicaux, etc. afin que la participation ou, si nécessaire, la revendication puissent évoluer dans des conditions acceptées par tous les partenaires sociaux Guinéens.

6.

Une prise de conscience incontestable

Le Chapitre V a démontré clairement la prise de conscience des élus syndicaux sur toute une série de problèmes liés au développement. Leur priorité d'action se situe entre autre dans la fixation des conditions de travail et des conditions d'embauche; les contrats de travail. Mais en même temps, les élus syndicaux n'ignorent pas que les problèmes doivent être pris en compte dans leur globalité car ils s'estiment les moteurs du changement et du développement. Il y a une raison historique à cette prise de conscience qui est due au rôle primordial joué par une majorité d'entre-eux dans le mouvement de

124

lutte pour l'indépendance. Malgré les nombreuses tromperies des leaders syndicaux de l'époque, ils ont agi pour le développement national qui demeure encore un sentiment très fort. Nous avons eu l'occasion de le souligner dans les Chapitres III et V, cette conscience de développement subsiste chez les élus syndicaux qui malgré leur mutation sociale ont des liens très étroits avec les ouvriers, les paysans, les chômeurs, etc. Nous avons vu que la plupart exercent des activités supplémentaires qui leur laissent un pied dans la campagne et qu'ils ont encore un certain nombre d'obligations envers leurs familles d'origine et celles d'alliance et également envers leur village de naissance et ses alentours. De telles activités poussent davantage les élus syndicaux à agir comme des partenaires dans le développement. Enfin, leur salaire a pour finalité de satisfaire les besoins de la communauté et non uniquement les leurs. En l'absence d'assistance sociale officielle, les membres inactifs de la famille doivent être aidés pour leur "survie". En prenant des responsabilités dans l'action syndicale, les élus syndicaux se sentent concernés par tous les problèmes de la société et souhaitent s'engager dans le processus de développement. Ils n'attendent pas des solutions toutes faites mais ils sont prêts à participer aux instances de prise de décisions. Et la participation est considérée aux divers stades de développement économique et social qu'il s'agisse de la nation, de la préfecture ou de l'entreprise. Le syndicaliste guinéen a tendance à s'assimiler davantage à un partenaire qu'à un "revendicateur".

7.

La formation, pierre angulaire de l'action syndicale

Parmi tous les atouts qu'a dégagé la recherche, celui qui reste incontestablement l'essentiel est la nécessité de formation et d'éducation des travailleurs et de leurs élus. Par l'engouement qu'il a suscité, tant au niveau des personnes interrogées, que de tous les travailleurs en général, le projet a montré que la meilleure richesse de la Guinée est, au-delà de ses ressources naturelles, son potentiel humain qui doit être mis en valeur. Cette réalité perçue à l'aube du projet a trouvé tout l'écho souhaité dans l'ensemble du pays. Cependant, une véritable politique d'éducation ouvrière passe nécessairement par la refonte des structures actuelles afin de les rendre plus opérationnelles, transparentes et permanentes. Les besoins en formation de tous les travailleurs proviennent également des voeux de démocratie formulés par tous les élus. Or, comme on l'a vu, cette démocratie en est encore à ses balbutiements. L'éducation constitue aussi un gage pour un syndicalisme combatif, adapté aux

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situations de notre société en transformation. La solution des problèmes du futur dépendra surtout de l'accueil qui sera réservé à l'éducation ouvrière en tant que pivot du combat syndical. Les critiques et les suggestions des élus ont montré les limites. d'une action d'éducation fondée uniquement sur l'aide extérieure ou sur le monolithisme des idées. Grâce à la formation, les élus syndicaux peuvent devenir les vrais agents de la démocratie. Ils savent que l'apprentissage de la démocratie est un processus lent et difficile, notamment pour eux qui ont été marqués pendant un quart de siècle par un régime de parti unique. Pourtant les élus syndicaux Guinéens franchissent ce handicap avec un élan manifeste motivé par leur aspiration à l'avènement d'une société plus équitable. Pour adapter le mouvement syndical aux exigences d'une société démocratique et pluraliste, l'éducation ouvrière devra ouvrir ses portes aux innovations en choisissant des thèmes sans cesse révisés. Dans cette perspective, le développement de méthodes de formation moins onéreuses comme les cercles d'études par exemple constitue déjà une voie nouvelle à explorer. A notre avis, il serait également important de repenser le contenu de la part d'antenne "Le monde du travail". En effet, bien que cette antenne livre entre autres des informations sur les problèmes syndicaux, son impact pourrait s'avérer insuffisant par rapport à l'attente de son public -cible, principalement, les élus syndicaux et les travailleurs. Cela s'explique en partie par le fait que la préparation et la réalisation de l'émission sont fondées sur la simple initiative de (ou des) l'animateur(s). A cet effet, la mise à contribution de la Commission Nationale d'Education Ouvrière permettrait de cibler des domaines prioritaires et/ou spécifiques susceptibles d'être traités soit sous forme de cours, de table-rondes, de débats, de rencontres éducatives, de reportage, de jeux, etc. Il nous faut souligner de plus que l'extension progressive du réseau de la télévision nationale vers l'intérieur du pays commande l'aménagement d'un temps d'antenne syndicale sur le petit écran. En effet, la télévision pourrait permettre de mener des investigations dans tous les secteurs mais aussi de diffuser des informations concernant les autres travailleurs du monde. Ainsi les syndicalistes sont-ils placés devant un nouveau défi: disposer de toutes les informations susceptibles d'améliorer le niveau de vie et le niveau intellectuel des travailleurs de l'ensemble du pays.

126

Le terrain syndical a, de ce fait, l'avantage d'offrir un champ d'action plus vaste où se côtoient traditions et réalités économiques et politiques, ce qui ne se réalise pas toujours sans heurts. Les travailleurs, surtout les femmes, souhaitent de plus en plus une organisation mieux structurée et transparente. Ils aspirent davantage à une réforme de la société où les valeurs de la démocratie s'expriment tout d'abord par la prise en compte des besoins les plus immédiats; ceux par exemple des populations féminines, des jeunes et des paysans. Cette "démocratie d'en bas" qui bouleverse les habitudes établies, est au coeur de l'enthousiasme généré par l'action d'éducation et de formation engagée par la CNTG depuis le renouveau syndical de 1985. 8.

La transformation politique et économique de l'Afrique, la revendication, la participation

Dans son processus de transformation politique et économique, l'Mrique n'est pas insensible aux changements que connaissent les différentes parties du monde. Il est d'ailleurs fort probable que les bouleversements récents connus en Europe de l'Est ont contribué à précipiter la révision des tendances retenues en faveur d'une deuxième étape de développement de l'Mrique. Depuis peu, on assiste à une prise de conscience des pays africains sur une série de thèmes tels que la démocratie, la désétatisation et la libéralisation de l'économie. Les chemins qui mènent à la démocratie sont difficiles notamment pour les peuples inexpérimentés dans ce domaine. Il s'avère d'ailleurs que certains pays africains frappés par la crise politique doivent leur équilibre momentané à leur syndicat, seul représentant d'une frange de la population rodée à un modèle et à un "comportement" pluralistes si pas démocratiques. Ainsi l'expérience syndicaliste africaine, même si elle n'est pas des plus reconnues dans le monde, a-t-elle son rôle dans le maintien d'une paix relative et l'acheminement vers des modèles de sociétés pluralistes. La Guinée, malgré ses points communs avec les autres Etats d'Mrique, reste un cas particulier au sens où l'engagement vers une libéralisation est plus ancien. En effet, son ascension vers la démocratie s'effectue par palliers successifs, espacés dans le temps. Sur le plan des relations du travail, il s'opère également des transformations importantes. La tendance au glissement du secteur public vers le privé induit des modifications statutaires et de réglementation du travail (apparition de contrats privés, etc.). On constate qu'en réduisant ses engagements, l'Etat affaiblit aussi son

127

rôle régulateur de l'économie. Les relations de travail sont plus décentralisées. Face à toutes ces évolutions, le syndicat, plus indépendant doit redoubler de vigilance et prendre davantage d'initiatives. Devant l'adoption récente par l'Etat de mesures tendant à la libéralisation politique et économique, la participation comme outil de développement national doit-elle demeurer le principal instrument du syndicat? Dans le passé, le slogan de "participation responsable" était mis en avant sous la pression de partis politiques ou de régimes militaires qui attribuaient au syndicat un rôle de partenaire dans le développement national. En Guinée, le syndicat a joué un rôle déterminant dans la conquête de l'indépendance. De la période postcoloniale jusqu'à la deuxième république, le syndicat est intégré au parti anéantissant ainsi toute démocratie interne ce qui lui a valu un très net affaiblissement et même peut-on dire une perte d'identité; à cette époque, la participation était perçue comme un endoctrinement politique plutôt qu'une revendication syndicale. Les institutions syndicales étaient mal conçues, mal représentées; leur mauvais fonctionnement a déçu les espoirs des travailleurs travailleurs dont certains critiquent de façon croissante l'activité syndicale et assimilent sans détours la formule de participation à l'ancien régime. Les options à venir de l'action syndicale dans un contexte de libéralisation totale de l'économie et du pouvoir politique restent donc à définir. Face aux nouvelles perspectives politiques et économiques, le syndicat pourrait prendre davantage d'initiatives et affirmer ses objectifs. Il y a nécessité de se réorienter et de se réorganiser pour un syndicalisme de revendication indépendant. Revendications menées sous forme de négociations collectives utilisant tous les moyens existants (grèves etc.). Il subsiste un grand besoin d'éducation et de formation à ce sujet. Enfin, il y a aussi une nécessité de renforcer la participation, ces deux instruments étant importants pour l'action syndicale dans son ensemble. Il convient également que le syndicat se prépare à une situation de confrontation avec de nouveaux partenaires dans son domaine car la démocratie tant sollicitée et attendue permettra l'expression d'idées neuves dans tous les secteurs. Or, le dynamisme des élus syndicaux jeunes ou en mal d'expectatives dans leurs organisations, risque fort de se traduire concrètement par l'émergence de nouvelles formations visant à suppléer aux manquements actuels. Il est encore trop tôt pour identifier clairement les premiers effets de la loi fondamentale appliquée depuis décembre 1991 mais on peut,

-

128

malgré tout, déjà distinguer des organisations concurrentes de la CNTG, signe tangible des mutations socio-politiques en cours dans toute la Guinée. La plupart de ces formations sont dirigées d'anciens responsables syndicaux et comptent en leur sein bon nombre de militants ayant fait leurs premières armes dans la CNTG. Ainsi, les bouleversements locaux précipitant l'accélération des événements, la CNTG a entrepris depuis le dernier congrès tenu en juin et juillet 1991, une révision de ses structures et de ses méthodes d'actions. C'est ainsi qu'en plus de la multiplication de ses contacts avec les cellules de base de l'intérieur du pays, elle a entrepris le renforcement du leadership par une politique éducative adaptée aux conditions de la société pluraliste future. De plus, les cotisations par le moyen des cartes syndicales ont été réinstaurées. Parallèlement, un effort de décentralisation des initiatives et des décisions a été engagé en direction des Fédérations syndicales et structures de base. Et enfin, le syndicat s'emploie à développer son réseau de communication et d'information avec la publication prochaine du journal syndical. Au bout du compte, la situation actuelle est celle d'une période de transition. Les grands contours du syndicalisme de demain se dessineront progressivement au gré des événements et de la capacité de mobilisation des responsables syndicaux. La CNTG doit dans cette mouvance, faire preuve d'imagination pour passer du syndicat de masse qu'il fut à un syndicat d'adhérants volontaires. C'est un défi qui ne pourra être relevé que par la conquête de la confiance des travailleurs en garantissant une représentativité efficace et efficiente. En tous cas, même si elle n'est pas effective, la lancée vers le modèle de lutte syndicale, caractéristique de la société pluraliste et démocratique est désormais amorcée. De l'issue de cette bataille dépendra aussi certainement le paysage socio-politique de la Guinée de demain.

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Postface Le Programme Africain la Participation

pour le Développement des Travailleurs

de

La recherche guinéenne a permis à l'équipe, ainsi qu'à lacentrale syndicale et aux lecteurs de ce livre, de dresser un constat du fonctionnement (ou non) des structures syndicales de ce pays. Elle a surtout été l'occasion d'évaluer les difficultés vécues sur place. Les séminaristes ont apprécié le rapprochement de "la base au sommet" des cadres syndicaux. Ils ont souvent déclaré qu'un tel projet a mis en valeur un des grands désirs du mouvement syndical actuel en Mrique, c'est-à-dire "l'esprit d'ouverture" qui doit se substituer au système dogmatique trop répandu encore dans de nombreux pays africains ces vingt dernières années. Les résultats de la recherche constituent une moisson de propositions pour la définition plus correcte d'une véritable politique syndicale, d'un programme d'activités cohérentes et coordonnées et d'une nouvelle structure dynamique, surtout transparente et donc démocratique. Nous pouvons déclarer que la Guinée a fait école notamment dans le domaine de la formation et de la recherche syndicales. En effet, le processus de démocratisation qui est enclenché en Guinée, qui débute ou qui se renforce dans d'autres pays africains, peut être accéléré par ce projet et être surtout appuyé "d'en-bas". Cette mobilisation de la base qui était un de nos objectifs de départ est déjà mesurable. "La Guinée a fait école", signifie avant tout qu'elle a pris le risque de parcourir son territoire pour se confronter à ses problèmes, pour formuler des critiques, proposer des modifications et surtout ne pas se dissimuler ses faiblesses. Seule une analyse réelle peut aider à définir les mesures qu'il faudra retenir à l'avenir pour renforcer, revitaliser et mobiliser le mouvement syndical dans l'intérêt des travailleurs mais aussi pour le bien de la population du pays et donc pour le développement du pays dans son ensemble. Un tel effort est consenti par de nombreux autres pays africains dont les projets sont déjà amorcés comme le Cap-Vert, le Zimbabwe; ou sont en cours de programmation, comme la Guinée-Bissau, le Mali, la Zambie, le Soudan, la Tanzanie et dans maints autres lieux.

d'Mrique.

Cela ne peut qu'aider à mettre en perspective la lutte syndicale africaine. Lutte syndicale qui met en oeuvre toutes ses forces, toutes

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ses ambitions et son désir de mieux fonctionner pour définir, formuler une politique syndicale démocratique plus ferme, fondée sur une analyse de la situation propre à chaque pays concerné. Un tel effort est indispensable non seulement pour obtenir des informations, mais pour repérer les plus graves problèmes, les plus grands défis qui doivent constituer les points de départ d'une politique syndicale engagée et démocratique. Les analyses de tels projets devraient également servir à mieux former les élus syndicaux africains. On peut s'attendre d'ailleurs à ce que les résultats de ces analyses des réalités africaines inspirent la rédaction et la diffusion de textes tout comme ils constituent des moyens appropriés pour préparer le syndicalisme africain aux défis de demain. Nous avons avant tout constaté que les représentants syndicaux africains à tous les niveaux ont soif d'éducation parce qu'ils ont soif de développement.

132

Annexe

133

Durée

Tableau 5 de la représentation syndicale par zones exprimée en% sur 1960 interrogés Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

39%

42%

40%

15

14

11

Ont une fonction syndicale de plus de 20 ans

principales Guinée Forestière

TOTAL

45%

38%

41%

18

10

13

14

9

9

5

5

7

4

2

2

3

2

3

Sans réponse

31

33

31

37

42

35

Total (N =)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Ont une fonction syndicale de 0 à 5 ans Ont une fonction syndicale de 6 à 10 ans Ont une fonction syndicale de 11 à 20 ans

134

Tableau 6 Ambition syndicale par zone principale exprimée en % sur 1960 interrogés: a) ambitionnez-vous un poste syndical? b) désirez-vous renouveler votre candidature syndicale? Conakry Guinée Plus Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

Oui

86%

85%

82%

86%

78%

83%

Non

13

15

12

13

18

14

Sans réponse

1

-

6

1

4

3

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Oui

66%

62%

64%

59%

56%

61%

Peut-être

22

21

22

22

24

22

Non

12

16

11

16

17

15

Sans réponse

-

1

3

3

3

2

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

(N=)

(240)

(480)

(440)

(440)

(360)

(1960)

a) Ambition syndical

poste

b) Désir de renouvellement de candidature syndicale

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Tableau 7 Lisez-vous de la littérature sur le syndicalisme ou sur les problèmes syndicaux? Conakry Guinée Plus

Mari-

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée

time

TOTAL

Forestière

Non

22%

29%

38%

26%

32%

30%

Des journaux

24

27

26

26

28

26

Des livres

4

5

4

6

7

6

Autres

6

4

5

6

6

6

Journaux et livres

11

10

8

15

12

11

Journaux et autres

5

5

4

6

3

4

Livres et autres

3

3

2

1

2

2

Journaux, livres et autres

25

17

13

14

10

15

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Tableau 8 Niveau professionnel des participants exprimé en % sur 1960 interrogés

. ont un niveau professionnel très élevé . ont un niveau élevé (fonctionnaires qualités) ..ont un niveau moyen (ouvriers qualifiés) ont un bas niveau (ouvriers avec peu de formation) .ont un niveau professionnel très bas (sans aucune formation) . sans réponse Total

136

26% 51 16 5 1 1 100%

Tableau 9 Niveau de formation des participants exprimé en % sur 1960 interrogés

. Université .. Polytechnique .. . . Autre Formation Formation Formation Formation

professionnelle Secondaire (générale Primaire sur le tas

ou technique)

12% 22 39 15 8 2 2

Total

100%

Tableau 10 Origine sociale des élus syndicaux exprimée en % sur 1960 interrogés Grandpères

Parents

Mari/ Femme

Frères

Soeurs

Amis

82%

67%

44%

43%

63%

14%

11

27

4

8

7

4

c) fonctionnaires

2

2

16

39

21

79

sans réponse

5

4

36

10

9

3

100%

100%

100%

100%

100%

a) paysans ouvriers

et

b) mixte

Total

100%

a) paysans, ouvriers et ouvriers qualifiés b) mixte (paysans, ouvriers, ouvriers qualifiés

c) fonctionnaires

et fonctionnaires)

de bas niveau, moyen niveau, haut

niveau,

propriétaires

137

Tableau

Aspiration

Veulent a) b) c) d) e) f) g) h)

11

professionnelle des participants pour leurs enfants exprimée en % sur 1960 interrogés

que leurs fils/filles

soient:

paysan ouvrier ouvrier qualifié fonctionnaire de bas niveau fonctionnaire de niveau moyen fonctionnaire de haut niveau propriétaire sans réponse Total

Fréquence

d'écoute

Fils

Filles

2% 3 7 3 14 65 1 5

0% 5 9 3 41 33 1 8

100%

100%

Tableau 12 de l'émission 'Monde du Travail' par zones exprimée en % sur 1960 interrogés Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Haute Guinée Guinée

Toujours

24%

17%

12%

Souvent

43

30

Parlois

28

Rarement

principales

Guinée Forestière

TOTAL

16%

10%

15%

25

28

26

29

36

48

31

41

38

4

15

13

19

19

15

Jamais

1

2

2

4

3

3

Sans réponse

-

-

-

1

1

-

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Fréquence

138

d'écoute

Connaissance fédérations

Tableau 13 des noms des Secrétaires Généraux de la CNTG et des professionnelles nationales par zones principales exprimée en % Conakry Plus

Guinée Maritime

77% 63

66% 33

48% 33

43% 32

29% 22

51% 35

21 35

31 61

38 48

46 53

53 62

39 53

3 6

14 19

11 15

18 16

10 12

100%

100%

100%

100%

100%

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

Cité correctement:

.. nom Seer. Gén. Féd.

nom Seer. Gén. CNTG

Nat.

.NenomsaventSeer. pas:Gén.

.

CNTG

nom Seer. Gén. Féd. Nat. Sans

réponse

par rapport à la CNTG 2 par rapport à la Féd. Nat. 2 100%

Total

Nombre

Tableau 14 de moyens dont dispose le syndicat par zones exprimé en % sur 1960 interrogés

principales,

Conakry Guinée Plus Maritime

Moyenne Haute Guinée Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

Rien

55%

37%

59%

64%

62%

55%

un seul moyen

34%

31%

6%

20%

22%

26%

deux moyens

6%

16%

4%

6%

3%

8%

trois moyens

2%

9%

1%

4%

0%

-4%

quatre

2%

4%

-

1%

-

1%

sans réponse

1%

3%

10%

5%

13%

6%

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% ( 1960)

moyens

139

Tableau

15

Moyens dont dispose le syndicat par zones pr.incipales exprimés

en % sur 1960 interrogés

Conakry

Guinée

Moyenne

Haute

Guinée

Plus

Maritime

Guinée

Guinée

Forestière

TOTAL

27%

50%

16%

15%

13%

25%

3

19

3

9

1

8

Un budget

6

13

5

10

3

8

Autres

22

25

16

17

12

18

\

Un local Un moyen transport

de

moyens

Tableau 16 les élus, quelle est la meilleure méthode pour constituer un comité syndical? répartition des réponses par zones principales, résultats exprimés en % sur 1960 interrogés Selon

Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

45%

33%

37%

35%

34%

36%

11

14

6

8

9

10

direction

5

2

4

2

2

3

Désignation conjointe par le syndicat et la direction

36

47

47

51

47

46

Autre

3

4

6

3

7

5

-

-

-

1

1

-

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Une personne, Désignation

une voix

par le

syndicat Désignation

Sans

Total (N=)

140

réponse

par la

.100% (240)

'Légitimité'

Tableau 17 des élus syndicaux par zones principales exprimée en % sur 1960 interrogés

Respecté

par les travailleurs

Conakry Guinée Plus Maritime

Moyenne Haute Guinée Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

Très

83%

75%

68%

75%

63%

72%

Peu

14

22

28

21

30

24

Pas du tout

2

3

4

3

6

3

Sans réponse

1

-

-

1

1

1

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

TOTAL

Respecté

par la Direction

Conakry Guinée Plus Maritime

Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

Moyenne

Très

72%

62%

56%

66%

52%

61%

Peu

24

33

39

29

37

33

Pas du tout

3

4

5

4

9

5

Sans réponse

1

1

0

1

2

1

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

141

Proportion

Tableau 19 de femmes dans les comités syndicaux par zones principales exprimée en % sur 1960 interrogés Guinée

Conakry Plus

Moyenne Haute Guinée Guinée Maritime Guinée

pas de femme

25%

25%

25%

39%

17%

27%

moins de 20% de femmes

56

55

50

45

46

50

plus de 20% de femmes

14

13

17

12

27

16

sans réponse

5

7

8

4

10

7

100% (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Composition

Tableau 20 d'un comité syndical idéal selon les hommes exprimée en % sur 1962 réponses

Forestière

et les femmes

Hommes

Femmes

Total

pas de femmes

1%

1%

1%

une ou deux femmes maximum

90

74

86

moitié hommes/ moitié femmes

7

22

11

majorité de femmes

1

2

1

seulement de femmes

0

1

0

sans réponse

1

0

1

100% (N=)

100% (1442)

100% (500)

100% (1942)

142

TOTAL

Tableau Degré

de satisfaction

21

avec les 14 aspects différents du travail et des conditions exprimé

de travail en %* peu satisfait

beaucoup ou entièrement satisfait

"ça va" "normal"

83

17

-

Rapports sociaux avec les contremaîtres

69

28

2

Rapports

69

27

2

64

33

3

45

36

4

Rapports sociaux avec

pas du tout satisfait

**

les collègues

sociaux avec

les directeurs

Rapports sociaux avec les administrateurs Rapports sociaux les propriétaires

avec

le travail

lui-même

50

24

21

securité

de l'emploi

37

**

31

**

santé

au travail

TOTAL* (N) = 1960

100%

**

99%

**

98%

**

**

100%

85%

5

100%

51

12

100%

46

23

100%

49

21

100%

hygiène

au travail

30

**

politique

du personnel

24

**

53

22

99%

le salaire

3

10

45

40

98%

les sanitaires

12

**

21

64

9'7%

le transport

14

**

26

59

99%

la cantine

7

**

15

74

96%

* les sans **

réponses

cette catégorie

ne sont pas communiquées

de réponse n'était pas disponible

pour certaines

questions.

NB Pour deux questions, les interrogés ont pu choisir entre 'entièrement satisfait' ou 'beaucoup satisfait' (les questions sur la satisfaction avec le travail lui-même et le salaire). On a combiné pourcentages de réponses dans la seule rubrique 'beaucoup ou entièrement satisfait'.

les

143

Degré

Tableau 22 de satisfaction avec la politique du personnel, selon la période de recherche exprimé en % sur 1960 interrogés

Degré de satisfaction

1986

1987

1988A' 1988B' 1989A' 1989B' 1990

Beaucoup

15%

23%

23%

30%

32%

23%

15%

24%

Peu satisfait

51

54

51

53

50

56

52

53

Pas du tout

30

21

25

17

17

20

33

22

Sans réponse

4

2

1

-

1

1

-

1

Total (N=)

100% (80)

100% (280)

100% (360)

100% (360)

100% (1960)

* les périodes

semestres.

100% (360)

100% (200)

100% (320)

A et B pour 1988 et 1989 réfèrent respectivement aux premier Pour les autres années, il n'y a eu qu'un seul échantillon.

Degré

Tableau 23 de satisfaction avec le salaire, selon la période exprimé en % sur 1960 interrogés

TOTAL

et deuxième

de recherche

Degré de satisfaction

1986

1987

1988A' 1988B'

1989A' 1989B'

1990

Entièrement

0%

1

2

2

1

1

1

1

Beaucoup

2

2

3

3

2

1

2

2

"Ça va", "normal"

7

6

15

15

8

9

9

10

38

45

54

50

46

41

41

45

53

44

23

29

39

47

46

40

-

2

3

1

4

1

1

2

100% (80)

100% (280)

100% (200)

100% (360)

100% (320)

100% (360)

100% (360)

100% (1960)

TOTAL

Peu satisfait Pas du tout Sans réponse Total (N=)

* les périodes A et B pour 1988 et 1989 réfèrent respectivement deuxième semestres. Pour les autres années, il n'y a eu qu'un

144

aux premier et seul échantillon.

Tableau 24 Montant net du salaire en Francs Guinéens par période exprimé en % sur 1960 interrogés 1986

1987

1988A' 1988B' 1989A' 1989B' 1990

5.000 à 10.000

5%

6%

3%

3%

1%

2%

1%

4%

10.000 à 15.000

58

21

8

6

5

2

2

9

15.000 à 20.000

28

31

14

17

12

5

8

14

à 25.000

6

16

22

17

8

3

2

10

25.000 à 30.000

1

14

22

22

8

8

6

12

30.000 à 40.000

0

2

21

20

24

15

23

17

40.000 à 50.000

0

0

5

6

16

21

27

13

50.000 et plus

2

7

1

8

22

42

30

19

sans réponse

0

3

4

1

4

2

1

2

Total (N=)

100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% (80) (280) (200) (360) (320) (360) (360) (1960)

20.000

* les périodes A et B pour 1988 et 1989 réfèrent respectivement aux premier semestres. Pour les autres années, il n'y a eu qu'un seul échantillon

TOTAL

et deuxième

145

Tableau 25 Répartition des membres de la famille qui apportent leur salaire pour constituer le revenu familial par année exprimée en % sur 1960 interrogés 1986

1987

1988

1989

1990

TOTAL

Un membre

41%

40%

28%

33%

27%

32%

deux

28

38

38

43

40

40

trois

7

9

15

12

15

13

quatre

1

1

7

5

6

5

cinq ou plus

8

5

8

6

8

7

sans réponse

15

7

4

1

4

3

Total (N=)

100% (80)

100% (280)

100% (560)

100% (680)

100% (360)

100% (1960)

et de pêche

dans

Activités

d'artisanat,

Tableau 26 de travaux champêtres, d'élevage les ménages des élus syndicaux exprimées en % sur 1960 interrogés Travaux Champêtres

Elevage

Artisanat

Pêche

Aucun revenu supplémentaire

30%

32%

73%

77%

Une activité

24

37

25

21

Deux activités

17

15

2

2

Trois activités

14

9

-

-

Quatre

8

6

-

-

Cinq activités

5

1

-

-

Six activités ou plus

2

-

-

-

Total (0%) (N=)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

146

activités

Tableau 27 Degré d'autosuffisance alimentaire par zones principales exprimé en % sur 1960 interrogés Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

73%

60%

52%

46%

39%

53%

La plupart est achetée au marché

22

29

32

38

34

32

La moitié ést achetée, on produit la moitié nous-même

5

10

13

13

21

13

La plupart est produite par nousmême

0

1

2

3

5

2

Tout est produit nous-même

0

0

0

0

1

0

Sans réponse

0

0

1

0

0

0

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Procuration nourriture

de la

Tout est acheté marché

au

par

Conakry Plus

147

Tableau 28 Choix entre: prérogative de l'administration, la revendication et la participation pour quinze décisions exprimé en % sur 1960 interrogés Sans Particiréponse pation

148

Revendi- Revendi- Prérogative exclusive à cation & cation ParticiJ'administration pation

38%

25%

11%

25%

Grands investissements

43

29

15

13

Utilisation profits

35

20

8

37

Extension lieu travail

39

20

9

32

Innovation/Automatisation

37

20

9

34

Achats nouveaux équipments

55

20

7

18

Maintenance de machines

38

19

10

33

Désignation coordinateurs

47

24

16

13

Efficacité organisation

42

24

13

21

Heures travail, rotations, etc

35

23

20

21

Politique personnel

42

34

16

8

Discipline du travail

27

28

26

18

Licenciements

48

24

15

12

Hygiène & sécurité

60

22

11

6

Evénements sportifs

46

25

14

14

Cantine/toilettes

Tableau 30 Genre d'entreprise où travaillent les élus syndicaux par zone principale exprimé en % sur 1960 interrogés Conakry Plus

Guinée maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée

Entreprise Privée

8%

4%

1%

3%

2%

3%

Entreprise Mixte

6

21

2

9

1

9

Fonction Publique 82

73

93

84

95

85

Autre

3

2

4

4

2

3

Sans réponse

1

-

-

-

-

-

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Forestière

TOTAL

Tableau 31 Modèle de contrôle souhaité par zones principales exprimé en % sur 1960 interrogés Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

35%

33%

41%

43%

43%

39%

Gouvernement et propriétaire privé

27

33

20

25

18

25

Gouvernement

21

18

23

16

22

20

10

10

9

11

11

10

5

4

5

3

6

4 1

2

Autre

2

2

1

1 -

-

Sans réponse

-

1

-

-

Total (N =)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Gouvernement syndicat

Propriétaire seul Syndicat

et

seul privé

seul

149

Valeurs

.

Tableau 32 à la participation des travailleurs par zone principale exprimées en % sur 1960 interrogés*

attribuées

Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

TOTAL

démocratie

55%

54%

44%

52%

47%

50%

meilleuse utilisation des ressources humaines

44

37

40

33

25

36

équité économique

22

24

19

26

20

23

rapports humains

25

20

12

13

21

17

revendication

0

1

2

6

2

3

autres

5

6

10

11

11

9

sur

100

interrogés,

chacun

pouvait

La participation: exprimé Degré de militantisme

information

donner

trois

réponses

Tableau 33 privilège ou droit des travailleurs? en % sur 1960 interrogés consultation

droit de vote

partage des bénéfices

partage deja propriété

'c'est pas praticable'

6%

11%

17%

20%

22%

'cela serait un privilège'

15

23

26

26

32

'c'est un droit aux travailleurs'

79

66

57

54

46

Total (N =)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

150

Degré

Tableau 34 de militantisme (*) pour la participation, par zone principale exprimé en % sur 1960 interrogés

Degré de militantisme:

Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée TOTAL Forestière

bas ou nul

3%

7%

3%

6%

5%

5%

moyen

21

21

10

20

19

18

élevé

43

40

42

39

40

40

très élevé

33

32

45

35

36

37

Total (N)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

(1960)

100%

pour la participation' est un index de traitement des réponses aux * 'Degré de militantisme cinq questions sur la participation. 'Nul militantisme 'sont ceux qui ont répondu 5 fois que la participation est un droit aux travailleurs, les autres degrés se trouvent entre les deux extrêmes.

Tableau 36 Propension à la participation par zone principale exprimée en % sur 1960 interrogés*

Moyenne

Haute

Plus

Maritime

Guinée

Guinée

Guinée TOTAL Forestière

bas ou nul

37%

40%

33%

39%

33%

37%

moyen

44

43

46

46

43

44

élevé

14

13

18

10

19

15

très élevé

3

2

2

3

3

2

sans réponse

2

2

1

2

2

2

Total (N =)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Conakry Guinée

* la propension était définie selon "Qui décide dans l'entreprise?"

le score

total obtenu

sur les 15 questions

relatives

à

151

Tableau 37 Taille des entreprises ou exercent les élus syndicaux exprimée en % sur 1960 interrogés entreprise étatique

entreprise privée

entreprise mixte

autre

Total (N:)

10%

55%

41% (813)

moins de 25

44%

25-50

19

16

4

13

17% (335)

50-1 00

12

10

4

9

11% (218)

100-250

12

13

6

7

12% (231 )

250-500

6

15

5

8

6% (121 )

500-1 000

4

6

3

6

4% (74)

plus de 1000

3

8

68

2

9% (168)

Total

85%

3%

9%

3%

100% (1960)

152

1:'>2%

Problèmes

Tableau 38 prioritaires des travailleurs d'après les élus syndicaux exprimés en % sur 1960 interrogés 1ère priorité

2ème priorité

3ème priorité

4ème priorité

5ème priorité

Transport/logement

19%

31%

27%

18%

13%

Salaires

43

19

13

9

9

6

9

10

13

13

11

7

5

4

4

2

4

7

9

8

2

4

5

6

5

Autres

14

21

24

30

36

Sans réponse

3

5

9

11

12

Total (N =)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

Gaspillage ressources Retards Soins Sécurité

des humaines de salaires

médicaux au travail

153

Priorités

Tableau 39 à prendre en compte dans la politique exprimées en % sur 1960 interrogés

syndicale

1ère priorité

2ème priorité

3ème priorité

4ème priorité

Sème priorité

6ème priorité

24%

19%

19%

17%

15%

13%

11

17

19

17

16

10

Autodéveloppement

8

9

9

9

11

10

Revenu!salaire

20

9

8

5

4

3

Sécurité de l'emploi/traltail

11

12

8

7

4

5

Participation

5

7

7

7

6

5

3

3

6

6

9

8

Autres

11

14

14

16

16

18

Sans réponse

7

10

10

16

19

28

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Education! formation Améliorer conditions

I

les de vie

Le bien-être travailleurs

154

des

Politique

Tableau 40 générale recommandée au syndicat par zone principale exprimée en % sur 1960 interrogés Conakry Plus

Guinée Maritime

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée

Revendication

21%

21%

15%

22%

24%

21%

Participation 'sans responsabilité'

11

15

15

14

13

14

Participation 'avec responsabilité'

67

63

70

63

61

64

Sans réponse

1

1

-

1

2

1

Total (N=)

100% (240)

100% (480)

100% (440)

100% (440)

100% (360)

100% (1960)

Forestière

TOTAL

155

Priorités

Tableau 41 de l'éducation

exprimées

en %

syndicale

sur 1960

interrogés

1ère priorité

2ème priorité

3ème priorité

4ème priorité

5ème priorité

6ème priorité

Formation syndicale générale

41%

31%

27%

23%

22%

21%

Cours

18

20

23

23

21

19

Participation

12

8

8

6

6

5

'CNTG'

5

5

5

3

3

3

Milieu du travail

4

4

5

4

4

3

Femme syndicat

3

4

3

4

4

3

2

1

1

Revendication

1

3

2

Autres

6

8

10

11

10

11

Sans réponse

10

17

17

24

29

34

Total (N =)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

100% (1960)

Sujets

156

...

généraux

et

Table

des Matières

Avant-Propos

7

Introduction

9

I

La Guinée syndicale après Sékou TOURE 1. L'époque Sékou TOURE: le PDG 2. Les événements de 1984 3. La situation syndicale depuis 1984 4. La coopération internationale

15 16 18 21 22

II

De la recherche syndicale 1. Considération générale sur la recherche 2. Les séminaires: véritables ateliers de recherche 3. L'échantillon retenu dans l'enquête 4. L'échantillon: les paramètres de base

25 25 28 31 34

III

De la condition syndicale 1. La condition syndicale 2. Réforme syndicale et participation au développement 3. Aperçu de la situation syndicale de 1985 à 1990 4. Des syndicalistes nouveaux 5. Syndicalistes élitistes ou représentants de qualité 6. Motivation, information 7. L'activité syndicale 8. La démocratie syndicale

38 38

Les femmes et l'action syndicale 1. Traditions sociales et émancipation féminine 2. La représentativité féminine dans les organismes syndicaux 3. Comment développer les potentialités féminines et renforcer le pouvoir des femmes? 4. Au cours des débats, les revendications des femmes pour améliorer leur représentativité 5. Résultats: les premières mesures prises par les syndicalistes femmes

54 55

38

39

40 42 45 47 49 9. Les domaines et secteurs d'intervention du syndicat 52

IV

60 65 65 69

157

v

VI

Lieu de travail et terrain de combat 1. Historique de l'organisation du travail de 1958 à 1984 2. Les conditions de l'emploi après 1984 3. Satisfaction en-dessous de zéro 4. Le revenu, une affaire complexe 5. La politique de redressement et ses incidences immédiates sur les travailleurs 6. Qui va occuper le terrain de la gestion? 7. Structure de contrôle 8. Les enjeux de la participation et son plébiscite

82 84 86 89

La politique syndicale 1. Conscience de développement 2. Quelle politique syndicale? 3. Soif d'éducation

100 100 104 109

70 70 71 74 77

CONCLUSION Bilan du mouvement syndical guinéen 1. L'avenir de la Guinée et le défi syndical 2. Les syndicalistes, agents du changement 3. Les enjeux 4. Pour une politique syndicale diversifiée 5. Pour un syndicat plus structuré 6. Une prise de conscience incontestable 7. La formation, pierre angulaire de l'action syndicale 8. La transformation politique et économique de l'Mrique, la revendication, la participation

113 113 115 117 121 123 124 125

POSTFACE

131

ANNEXE

133

158

127

Achevé d'imprimer en septembre 1992 sur les presses de l'imprimerie Laballety 58500 Clamecy Dépôt légal: septembre 1992 Numéro d'impression: 209005