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French Pages 300 [291] Year 2010
QUEL FUTUR POUR LES MÉTAUX ? Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société
Philippe Bihouix et Benoît de Guillebon
Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre
17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A, France
Couverture : Anne-Sophie Moulinier et Pascal Ferrari
Cet ouvrage a été imprimé en France sur un papier 100 % recyclé et non blanchi.
ISBN : 978-2-7598-0549-5 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2010
Préface de Michèle Pappalardo
Cet ouvrage, de grande qualité, confirme ma très forte conviction que la gestion durable des ressources naturelles sera, sans nul doute, le grand enjeu de ce 21e siècle. C’est un défi de taille qui, dans un contexte de croissance démographique mondiale et d’extension des modes de consommation occidentaux, exige une rupture avec nos modèles de développement passés et appelle à des modes de gouvernance renouvelés. Les auteurs de cet ouvrage se sont livrés à une analyse approfondie et très bien documentée des enjeux économiques, environnementaux et sociaux liés à l’utilisation des métaux et à leur raréfaction face à une demande en croissance exponentielle. Le constat est simple : le mode de croissance né en Europe au 18e siècle ne peut être généralisé à l’échelle de la planète. Le 21e siècle pourrait ainsi connaître un retour au monde malthusien tant pour les ressources non renouvelables (pour lesquels cet ouvrage fournit des exemples particulièrement probants) que pour les ressources renouvelables. Cet ouvrage met à mal trois mythes encore largement répandus dans la société qui, s’ils peuvent paraître séduisants parce que rassurants, nuisent à l’établissement du bon diagnostic et donc à la mise en œuvre des bonnes solutions. Première croyance : les réserves actuellement exploitées ne représentent qu’une toute petite partie des stocks potentiellement exploitables. La possible raréfaction des ressources naturelles est ainsi renvoyée à un futur lointain, qui semble peu nous concerner. C’est oublier que l’accès à de nouveaux gisements se traduit non seulement par des coûts financiers croissants (investissements plus lourds, besoins croissants en énergie) mais aussi par des coûts environnementaux de plus en plus importants : émissions de gaz à effet de serre, déforestation, production de déchets, perte de biodiversité. Deuxième croyance : le progrès technique permettra, à lui seul, de résoudre le problème de la raréfaction des ressources, en en permettant notamment une utilisation plus efficace. L’augmentation de la productivité des ressources source d’économies de matière (énergie, eau, sol…) permettrait aux économies de réduire leurs besoins en ressources et les pressions environnementales associées. En France la quantité de matières mobilisées pour produire un euro de valeur ajoutée a baissé de près de 25 % entre 1990 et 2006. Pourtant, la France a mobilisé davantage de matière en 2006 qu’en 1990. Force est de constater, que l’amélioration globale de l’efficacité des ressources a généré une augmentation du niveau des besoins qui dépasse les économies de ressources réalisées (effet rebond). Le cas de la France n’est d’ailleurs pas unique. De nombreux autres pays européens enregistrent un découplage relatif entre consommations de matières et production de richesses. Pourtant, c’est un découplage absolu qui doit être visé. Pour que les effets des innovations technologiques soient pleinement effectifs et pour qu’ils s’accompagnent d’un réel découplage, il est nécessaire de gérer le niveau absolu de l’utilisation des ressources et les impacts
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Quel futur pour les métaux ?
environnementaux associés. Cela suppose qu’ils soient accompagnés par la généralisation de modes de consommation plus durables. Troisième croyance : l’économie circulaire, en permettant la réintroduction infinie de la matière dans le cycle de production permettra de réduire la demande de matières premières vierges. Il suffit donc d’augmenter de façon conséquente les taux de recyclage pour résoudre le problème de la raréfaction des ressources naturelles. Ce raisonnement se heurte néanmoins à deux écueils. Le premier est d’ordre technique et parfaitement bien décrit dans cet ouvrage : il n’y a pas de circuit sans perte. Le second est d’ordre purement mathématique. Compte tenu de la durée de vie des matières dans les produits utilisés (stocks de matières en cours d’utilisation), un taux de recyclage même élevé n’a d’impact significatif sur l’évolution de la consommation en matières premières vierges que si leur taux de croissance est faible (de l’ordre de 1 %). Or, les taux de croissance de la demande de la plupart des métaux sont très nettement supérieurs à ce taux. Le réel enjeu d’une gestion durable des ressources naturelles se situe donc d’abord dans la maîtrise du taux de croissance de la consommation mondiale de matières. Quatre éléments me semblent ainsi incontournables dès lors qu’il s’agit de mettre en place une politique de gestion durable des ressources naturelles : •
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la nécessité de raisonner sur l’ensemble du cycle de vie des ressources naturelles pour éviter de créer de nouvelles raretés (y compris sur les ressources renouvelables), de déplacer les impacts environnementaux d’une partie du globe vers d’autres zones géographiques, ou encore de créer des transferts entre catégories d’impacts. La politique de lutte contre la pollution de l’air mise en place dans l’Union européenne via la généralisation des voitures catalytiques a certes permis de réduire de façon considérable les émissions de polluants dont certains très toxiques (plomb). Parallèlement cette politique a eu pour corollaire une forte demande de platinoïdes sources d’impacts environnementaux dans d’autres parties du monde. Seule la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie des ressources naturelles permet de tenir compte des conséquences de la mondialisation des économies et de l’extrême interdépendance des différentes régions du monde. C’est un élément essentiel à retenir dès lors qu’on veut mettre en place une politique de gestion durable des ressources naturelles ; la nécessité de mobiliser de nombreux outils parmi lesquels l’éco-conception, les innovations technologiques et organisationnelles auront un rôle important à jouer. Ils permettront notamment de proposer aux acteurs économiques de réelles alternatives vers des modes de vie moins impactants : ils se déclinent en ville durable, en économies d’énergie, en modes de production et de consommation plus sobres… thématiques dont la déclinaison opérationnelle reste encore, pour partie, à inventer ; la nécessité de penser la prospérité autrement qu’à travers le seul critère de la croissance économique. Cela suppose de faire reposer la prospérité sur d’autres fondements que l’accumulation sans fin des biens matériels qui sous-tend cette croissance. Cela demande l’élaboration d’indicateurs complémentaires du produit intérieur brut. Au niveau international un projet d’envergure sur les nouveaux indicateurs est en cours sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économique, de la Commission européenne et de plusieurs États dont la France, suite aux travaux de la Commission Stiglitz-Sen ;
Préface de Michèle Pappalardo
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la nécessité d’une modification profonde des comportements collectis et individuels qui ne pourra se faire qu’avec la découverte de nouvelles valeurs et une nouvelle définition du bien être.
Le défi est immense mais les enjeux méritent qu’on se donne les moyens de le relever. Michèle PAPPALARDO Déléguée Interministérielle et Commissaire générale au Développement durable
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Préface de Marc Ventre
Dans le monde complexe dans lequel nous évoluons, l’ingénieur ne peut se contenter de son métier de technicien. Il doit intégrer dans sa réflexion de nombreux aspects qui touchent à l’économique, au social, au sociétal… L’Association des Centraliens qui rassemble plus de 11 000 ingénieurs en activité dans tous les secteurs de l’économie a clairement inscrit dans sa stratégie le souhait d’être une force de proposition dans tous les domaines qui touchent au sociétal. C’est pourquoi je me réjouis que les travaux engagés par le groupe QSE – Performance Durable de l’Association des Centraliens sur la raréfaction des matières premières minérales et en particulier des métaux, ait débouché sur l’ouvrage que vous avez entre les mains. Cet ouvrage illustre en effet parfaitement le type d’approche globale d’une problématique que doit avoir l’ingénieur. De plus il montre comment la communauté centralienne peut se mobiliser pour participer à la réflexion nationale sur le sujet des ressources naturelles. De cet ouvrage qui est un recueil impressionnant de l’état de nos ressources en matériaux métalliques, je retiendrai quelques enseignements forts : • • •
la croissance mondiale va créer dans un horizon relativement proche des situations de pénurie, malgré la qualité de l’intelligence humaine, il ne sera pas possible de tout résoudre par des solutions technologiques, il faut donc se mobiliser et changer de regard sur cette problématique tant au niveau microscopique (l’ingénieur dans son entreprise) qu’au niveau macroscopique (les décideurs politiques).
Je conclurai cette brève introduction en réaffirmant l’importance du rôle de l’ingénieur pour construire le monde demain. Sa connaissance et sa compréhension des phénomènes physiques, chimiques, biologiques… sont indispensables dans un monde où l’on a tendance à oublier les réalités physiques. Son schéma de pensée « analyser / caractériser / synthétiser / proposer des solutions pragmatiques » convient tout à fait aux challenges que notre monde va affronter dans les décennies à venir et en particulier dans le domaine des matières premières. Si l’on y ajoute la capacité d’innovation et une ouverture à l’ensemble des enjeux de la planète, l’ingénieur doit être un des maillons essentiels de la construction d’un monde plus durable. Marc VENTRE Président de l’Association des Centraliens
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Préface de Marc Boissonnet
Lorsque, début 2009, le groupe QSE – Performance Durable de l’Association des Centraliens a commencé une réflexion sur le thème de la raréfaction des ressources minérales (principalement les métaux), nous savions que nous nous penchions sur un sujet technique important pour les ingénieurs dans de nombreuses activités industrielles. Ce que nous n’avions pas anticipé, c’est la variété des sujets que nous allions aborder et l’interrelation que ce thème de la raréfaction des métaux a avec de nombreux autres enjeux liés à un développement plus durable. Cette vision transversale et globale d’un sujet finalement relativement peu abordé, il nous a paru intéressant de la partager avec le plus grand nombre. C’est l’objet de l’ouvrage que vous avez entre les mains. Pour rendre la lecture la plus accessible possible, cet ouvrage a été conçu en deux parties : • •
un texte de synthèse de 40 pages qui développe une réflexion globale sur le futur des métaux ; une série d’articles dans lesquels nous avons fait des « zooms » sur certains métaux, sur des domaines d’activité particuliers, ou sur des sujets transversaux (environnement, énergie, économie…). Ces articles ne couvrent pas de manière exhaustive le sujet : ils ont plutôt pour but d’illustrer concrètement la réflexion développée dans le texte de synthèse.
Ce livre résume les travaux que nous avons réalisés dans le cadre d’un Think Tank (programme de recherche) commandé par l’Association des Centraliens et qui a été lancé en mars 2009 lors d’une conférence qui présentait l’état des connaissances actuelles et la vision prospective des pouvoirs publics et des experts. Ainsi, Michèle Pappalardo (Commissaire Générale au Développement Durable du MEEDDM – Ministère de l’Environnement, de l’Écologie, du Développement Durable et de la Mer) et Jacques Varet (Directeur de la Prospective du BRGM – Bureau de Recherches Géologiques et Minières) ont confirmé les orientations du Think Tank. Cet ouvrage ne prétend pas répondre à toutes les questions techniques suscitées par la raréfaction des métaux. Basé sur des données scientifiques les plus sérieuses possibles, il s’essaye à développer une réflexion systémique sur un enjeu qui, s’il est moins médiatique que la raréfaction du pétrole, n’en est pas moins un élément important à prendre en compte pour le développement durable de nombreuses activités économiques et humaines. Il tire aussi un signal d’alarme pour que chaque consommateur, industriel ou homme politique, prenne la mesure du problème et agisse en conséquence de façon responsable. Nous ne pouvons fermer les yeux sur les conséquences inéluctables de la surconsommation des ressources naturelles. Si des solutions existent (recyclage, éco-conception, économie de la fonctionnalité…) il nous appartient de les rechercher et de les mettre en œuvre sans délai.
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Quel futur pour les métaux ?
Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à le lire que n’ont eu de plaisir à l’écrire : • •
Philippe Bihouix et Benoît de Guillebon, les principaux auteurs, et toute l’équipe de l’Association des Centraliens ayant travaillé sur ce document (Jacques Baccardats, Emmanuel Bommier, Didier Constant, Jean Pierre Durand, Jérôme Fady, Valéry Frelin, Eric Freycenon, Frédéric Jousset, Pierre Lecoy, Thierry Marneffe, Christian Plaetevoet), avec la participation active de Laure Poylecot, étudiante à l’EPF. Marc BOISSONNET Président de Centrale QSE – Performance durable
« Comment peindre ces trésors métalliques si variés, si nombreux, si abondants, qui se renouvellent pendant tant de siècles, quoique tous les jours détruits par le feu, les dévastations, les naufrages, les guerres, la fraude, et usés par le luxe ou les besoins de tant de mortels. » Pline L’Ancien, Histoire Naturelle, Livre II, 1er siècle ap. J.-C.
« Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées, ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. » Jean-Baptiste Say, Cours d’économie politique pratique, 1815.
« Le temps du monde fini commence. » Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, 1931.
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Sommaire
Préface de Michèle Pappalardo Préface de Marc Ventre Préface de Marc Boissonnet Partie I : Texte de synthèse Consommer les ressources non renouvelables Qu’entend-on par non renouvelable ? La limite par les stocks Une (très) brève histoire des métaux Le passé récent… et le futur proche
Extraire les métaux Qu’est-ce qu’une réserve ? La concentration des minerais Énergie et métaux Interdépendance et pureté des métaux De quelles réserves dispose-t-on ? Où sont les réserves ? Quelles sont les ressources critiques ? Quel impact économique ? Quel impact environnemental ?
Préserver les ressources Il s’agit d’un stock Comment économiser le stock Les limites du recyclage La substitution : vers un nouvel âge du fer ? Réduire les besoins : le défi de l’économie durable La complexité des choix dans le cadre d’un développement durable
Agir
3 7 9 19 19 20 21 22
27 27 29 31 33 34 37 39 40 40
43 43 44 45 50 51 54
57 Changer de perspectives Les raisons d’espérer
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Quel futur pour les métaux ?
Les raisons de douter Conclusion : innovation technique et quête de sens
Partie II : Technique, environnement et économie Les métaux : approches transversales 1. Mines et environnement 2. Résidus miniers 3. Empreinte énergétique des métaux 4. Avancées des techniques minières 5. Prix des métaux 6. Aspects géostratégiques 7. Les déchets sources de matières premières métalliques 8. Pureté des métaux 9. Toxicité des métaux
Partie III : Études sectorielles Les métaux dans les secteurs économiques 1. Aéronautique et spatial 2. Agriculture 3. Automobile 4. Bâtiment et infrastructure 5. Chimie 6. Nouvelles technologies 7. Industrie nucléaire 8. Stockage de l’électricité
Partie IV : Présentation détaillée de métaux Zoom sur quelques métaux 1. Antimoine 2. Argent 3. Cobalt 4. Cuivre 5. Étain 6. Gallium et Indium 7. Lithium 8. Nickel 9. Or 10. Platine et platinoïdes 11. Tungstène
60 61
65 67 73 81 91 95 105 117 129 135
141 147 155 167 177 187 193 201 209
219 223 229 233 239 245 249 255 261 267 273 279
Sommaire
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Partie V : Culture générale Florilège d’usages dispersifs Origine du nom des métaux
287 293
Références bibliographiques
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Consommer les ressources non renouvelables
Qu’entend-on par non renouvelable ? Une ressource non renouvelable, dans son acception communément admise, est une ressource qui ne se renouvelle pas à l’échelle d’une vie humaine, soit de l’ordre du siècle. Comme on peut le voir sur la figure 1, beaucoup de ressources naturelles correspondent à cette catégorie. Des ressources considérées habituellement comme renouvelables (eau, nourriture, bois) peuvent être non renouvelables dans certains cas : •
l’eau est généralement considérée comme une ressource renouvelable (échelle de renouvellement de quelques jours pour des eaux de ruissellement à quelques mois ou quelques années pour les nappes phréatiques, à l’exception notable des eaux souterraines fossiles qui se sont formées en plusieurs milliers d’années) ;
•
l’alimentation humaine est majoritairement basée sur des cultures annuelles (les arbres fruitiers ou les vignes peuvent atteindre quelques dizaines d’années et requérir une logique d’exploitation spécifique). L’élevage et la pêche sont basés sur un rythme annuel ou pluriannuel, sauf la pêche en eaux profondes où les rythmes biologiques sont plus lents (ainsi l’hoplostète orange actuellement consommé peut atteindre l’âge de 130 ans et les stocks seront épuisés en quelques années) ;
•
les forêts anciennes sont également des ressources non renouvelables, tandis que les forêts exploitées de manière durable et les plantations se renouvellent selon un rythme compris entre sept ans et quelques dizaines d’années.
Mais ce sont surtout les ressources naturelles minérales qui sont majoritairement non renouvelables. Le charbon s’est ainsi formé surtout pendant une période spécifique de l’ère primaire, le carbonifère (–350 à –300 millions d’années). Le pétrole et le gaz se forment en plusieurs millions d’années. Les autres ressources minérales ont des rythmes de renouvellement très variés : moins d’une année pour certaines ressources basées sur l’exploitation des océans comme le sel, le magnésium, l’iode... De quelques centaines à quelques dizaines de milliers d’années pour les produits de l’érosion comme les sables ou les graviers ou du volcanisme comme le soufre… et de plusieurs millions à quelques milliards d’années pour la plupart des autres ressources minérales, dont les métaux.
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Quel futur pour les métaux ?
1 jour
1 an 1 mois
100 ans 10 ans
Eaux de ruissellement Nappes phréatiques
1 million d’années 100 million d’années 10 000 ans 1 000 ans 100 000 ans 10 million d’années 1 milliard d’années
Eaux fossiles
Rythme de renouvellement
Eau Cultures annuelles
Elevage
Arbres fruitiers, vignes
Agriculture, élevage Aquaculture, pêche
Pêche en eaux profondes
Chasse, pêche Plantations
Exploitation de forêts anciennes
Forêts Pétrole, gaz
Charbon
Ressources énergétiques Sel de mer
Sables, graviers
Soufre
Métaux et autres minerais
Ressources minérales
Ressources renouvelables
Échelle humaine
Ressources non renouvelables
Figure 1 : Ressources renouvelables ou non renouvelables.
La limite par les stocks Les ressources minérales sont donc théoriquement non renouvelables. Cependant, certaines d’entre elles comme les argiles, les calcaires, le gypse, ou les sables par exemple, sont disponibles en de telles quantités qu’elles ne sont pas épuisables à l’échelle mondiale, du moins dans leurs utilisations actuelles. Seules des questions liées à l’approvisionnement local pourront se poser à l’avenir (avec dans ce cas un enjeu lié au coût économique et environnemental du transport de ces matières sur une distance plus grande). Les autres, en particulier la plupart des minerais de métaux, les ressources énergétiques (pétrole, gaz, charbon), et certains minéraux très spécifiques (le kaolin, la potasse, les phosphates, la fluorine…) sont effectivement disponibles en quantité limitée à l’échelle mondiale et l’on puise chaque année dans un stock que l’on sait fini – sans toutefois connaître précisément son importance et la quantité que l’on peut en exploiter, les données disponibles faisant l’objet de révisions permanentes avec des degrés de fiabilité et de précision divers. Les ressources énergétiques font déjà l’objet de nombreuses publications et la problématique de disponibilité à l’échelle mondiale est différente, liée aux questions d’efficacité énergétique et de substitution par des énergies renouvelables. C’est donc sur la problématique des ressources minérales non énergétiques et non renouvelables, donc principalement les métaux, que cet ouvrage souhaite apporter un éclairage global.
Consommer les ressources non renouvelables
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Une (très) brève histoire des métaux Une des caractéristiques principales des métaux est leur tendance à s’associer chimiquement à d’autres éléments, souvent l’oxygène, parfois le soufre (la plupart des minerais métalliques sont des oxydes ou des sulfures), ou d’autres éléments. Dans des cas assez rares, le métal se trouve dans la nature à l’état « natif », c’est-à-dire non lié chimiquement. Les premiers métaux exploités par l’Homme sont ceux qu’il a pu trouver à l’état natif donc aisément identifiables : le cuivre (d’abord martelé à partir de 8000 av. J.-C. puis fondu à partir de 4000 av. J.-C.), l’or et l’argent (à partir de 4000 av. J.-C. ou même avant). Vers 2500 av. J.-C. l’étain fait son apparition, en alliage avec le cuivre dont il permet d’abaisser le point de fusion et d’augmenter la dureté : c’est l’invention du bronze. La progression des techniques permettra (à partir de 1200 av. J.-C.) d’exploiter des filons de minerais non natifs, comme les carbonates de cuivre aisément reconnaissables par leur couleur bleue ou verte. Le fer, très abondant en tant qu’élément dans la croûte terrestre, ne se rencontre presque jamais sous forme native, sauf le fer météoritique qui contient environ 10 % de nickel (acier inox naturel)… Il aurait été martelé à partir de 3000 av. J.-C. mais n’était disponible qu’en très faibles quantités. La deuxième étape de l’exploitation des métaux par l’homme passe par des méthodes de réduction des oxydes métalliques par des procédés thermiques. Ainsi, à partir de 1000 av. J.-C. environ, l’utilisation des bas fourneaux permet de réduire l’oxyde de fer avec du charbon de bois, à la température adéquate. L’acier (alliage de fer et de carbone) est rapidement identifié comme un alliage plus résistant que le fer. Quelques autres métaux sont exploités sous l’antiquité : le plomb, dont la température de fusion est relativement basse, aux propriétés ductiles intéressantes pour la plomberie par exemple, de manière plus anecdotique l’antimoine (souvent allié au plomb dans les minerais) utilisé sous forme oxydée pour sa couleur noire, et le mercure (le vif-argent des Anciens) qui a la propriété d’amalgamer l’or et l’argent… Or, argent, cuivre, étain, fer, plomb : ces six métaux vont structurer les relations économiques et géopolitiques des nations et des peuples de leur découverte jusqu’au 19e siècle : rivière Pactole en Lydie (actuelle Turquie) dont le roi Crésus tirait son or au 6e siècle av. J.-C., effort d’Athènes durant la guerre du Péloponnèse soutenu par ses mines de plomb argentifère du Laurion, conquêtes de César en Gaule et en Bretagne notamment pour sécuriser l’approvisionnement de l’empire romain en étain de Cornouailles, et pour accéder aux riches filons d’or gaulois, inflation et crise économique en Europe provoquées par l’afflux d’argent du Mexique et du Pérou à partir du milieu du 16e siècle… Mis à part le platine découvert dans les mines d’argent du Pérou (platina = le petit argent), aucun autre métal n’est identifié jusque dans les années 1730–1750 où le développement de la métallurgie et de la chimie industrielle permet de découvrir le zinc, le cobalt, le nickel (baptisés du nom des gnomes farceurs Nickel et Kobolt qui sévissaient dans les mines de Saxe… et compromettaient de temps en temps la fusion du minerai !) puis, vers la fin du 18e siècle, le manganèse, le molybdène, le tungstène, le titane, le chrome… À partir de 1800 l’électrolyse permet de séparer la plupart des autres éléments chimiques dans leur forme pure.
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Quel futur pour les métaux ?
Ces métaux ne seront cependant réellement utilisés à l’échelle industrielle qu’à partir du 20e siècle. Ainsi, l’aluminium est identifié en 1827, mais attendra jusqu’en 1887 le procédé Bayer pour passer à l’échelle d’une production industrielle.
Le passé récent… et le futur proche Les niveaux de production des métaux De nos jours, le minerai de fer reste sans conteste la ressource métallique la plus utilisée, avec une production annuelle de l’ordre de 1,7 milliards de tonnes. Viennent ensuite les « grands » métaux industriels, produits à plus d’un million de tonnes (MT)* : •
l’aluminium (39 MT) pour la construction, l’emballage, l’aéronautique, les transports, le chrome (21 MT) pour les alliages inox, la chimie, le cuivre (16 MT) pour les applications électriques, le manganèse (14 MT) pour les aciers alliés, le zinc (11 MT) pour la galvanisation, la chimie, le titane (5 MT) utilisé en dioxyde comme colorant blanc ou en alliage pour l’aéronautique, le silicium (5 MT) allié avec l’aluminium ou comme semi-conducteur, le plomb (4 MT) pour les batteries, le nickel (1,6 MT) pour les aciers alliés ou les batteries.
• • • • • • • •
Puis les « petits » métaux, dont la production s’étage entre quelques milliers de tonnes (kT) et un million de tonnes : • • •
le magnésium (800 kT) allié avec l’aluminium, l’étain (330 kT) pour la soudure, la chimie, le molybdène (210 kT), le vanadium (60 kT), le cobalt (70 kT) pour les aciers alliés, l’antimoine (165 kT) comme retardateur de flammes, le tungstène (55 kT) utilisé dans l’industrie pour sa résistance mécanique, le cadmium (21 kT) pour les batteries, …et de nombreux autres.
• • • •
Enfin les métaux précieux : argent (19 kT), or (2 kT), rhénium, platine et platinoïdes (quelques centaines de tonnes).
L’évolution de la consommation mondiale de métaux La consommation de ressources est directement liée au stade de développement des économies : schématiquement le développement d’infrastructures, l’urbanisation, la construction d’usines, tire la demande en métaux ferreux, en ferro-alliages (chrome, manganèse…), en cuivre. Les produits blancs (électroménager) tire celle des métaux de base (aluminium, cuivre, zinc, étain…), tandis que les produits bruns (électronique), l’aéronautique, les nouvelles technologies tirent la demande des métaux « high tech » comme le lithium, le cobalt, l’indium, le gallium, le germanium, le tantale, le titane, les terres rares… *
Nous ne mentionnons que les usages principaux ; chiffres production 2008 (USGS 2009).
Consommer les ressources non renouvelables
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Minerai de fer
Grands métaux non ferreux
Millions de tonnes
Milliers de tonnes 35000
1800
Aluminium
Fer 1600
30000
1400 25000
1200 1000
20000
800
15000
Cuivre
600 10000
Titane
400 5000
200 0 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2006
Plomb
0 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2006
Sources : USGS Sources : USGS
Figure 2 : Évolution de la consommation mondiale de ressources. Ces dernières années, la poussée économique des pays émergents (Chine en particulier) a provoqué une croissance sans précédent de la demande (cf. figure 2). Les courbes présentent le même profil pour les petits métaux. Il ne faut cependant pas oublier que même après ce premier « rattrapage » des pays émergents, la consommation des métaux reste très déséquilibrée. Excepté pour le fer, les pays de l’OCDE consomment ainsi, par habitant, deux à quatre fois la moyenne mondiale (cf. figure 3). Autrement dit, ceux-ci engloutissent environ les trois quarts des ressources mondiales extraites annuellement pour un cinquième de la population. Moyenne mondiale, kg, 2006
France, kg, 2006 250
260
13 8 5
5 3,6
2,7 1
Fer
Aluminium
Cuivre
Zinc
Plomb
Nickel
Fer
Aluminium
Cuivre
1,5 Zinc
0,6
0,2
Plomb
Nickel
Hors consommation indirecte à travers les produits semi-finis et finis (solde des imports / exports)
Sources : USGS, Sources : USGS, Eurostat
Eurostat
Figure 3 : Consommation directe par personne et par an en kg, 2006.
24
Quel futur pour les métaux ?
D'autant que ces chiffres ne prennent pas en compte l’effet des imports / exports de produits finis ou semi-finis. Ainsi une partie de la croissance de la Chine provient de sa position d’« usine du monde », et une partie importante de sa consommation de métaux est destinée à ses clients, principalement les pays de l’OCDE. La période de croissance des vingt dernières années a conduit grosso modo à un doublement de la production des principaux métaux. Comme le montre la figure 4, un alignement de la Chine et de l’Inde sur les standards européens conduirait quasiment à un nouveau doublement. La crise financière puis économique de 2008 a pour un temps renversé les tendances, et les prix des matières premières qui avaient connu des records en 2007 et 2008 se sont effondrés (voir chapitre Prix des métaux). Cependant les fondamentaux de la croissance de la consommation des métaux sont toujours là, compte tenu des ordres de grandeur en jeu – même si l’évolution à très court terme dépend de diverses réactions des acteurs et peut faire l’objet de controverses. Consommation par habitant, kg, 2007 et effet d’un alignement sur les standards européens
+ 15 millions de tonnes, soit augmenter la production de 40 %
22
+ 8 millions de tonnes soit augmenter la production de 70 %
17 + 10 millions de tonnes, soit augmenter la production de 65 %
9,3
9 7
6 4
3,7 0,9 US
UE
Chine Inde
2,7
0,4 US
Aluminium
UE
Chine Inde
0,3 US
UE
Cuivre
Sources : BRGM, International Zinc Association, Eurostat Sources : BRGM, International Zinc Association,
Chine Inde Zinc
Eurostat
Figure 4 : Effet potentiel du rattrapage de la Chine et de l’Inde.
La « sollicitation » de la table de Mendeleïev Le profil de consommation des métaux a également évolué rapidement ces dernières années (cf. figure 5). En l’espace de 20 à 30 ans, nous avons plus que triplé le nombre de métaux différents que nous utilisons pour nos applications industrielles. Le développement exponentiel des produits électroniques, des technologies de l’information et de la communication (TIC), de l’aéronautique, allié à l’innovation technologique dans la recherche de performances et de rendements, a fait exploser la demande en nouveaux métaux « high tech ». On peut ainsi citer par exemple : • • •
l’indium et les terres rares dans les écrans plats LCD, le gallium dans les LED blanches (éclairage en substitution des ampoules à incandescence), le germanium dans les transistors SiGe ou portables (WiFi),
Consommer les ressources non renouvelables
Groupe → ↓ Période 1 2 3 4 5 6 7
1 1 H 3 Li 11 Na 19 K 37 Rb 55 Cs
2
4 Be 12 Mg 20 Ca 38 Sr 56 Ba
3
4
21 Sc 39 Y *
5
6
7
22 Ti 40 Zr 72 Hf
23 V 41 Nb 73 Ta
24 Cr 42 Mo 74 W
25 Mn
57 La
58 Ce 90 Th
59 Pr
60 Nd 92 U
75 Re
8
26 Fe 44 Ru 76 Os
9
25
10
11
12
13
27 Co 45 Rh 77 Ir
28 Ni 46 Pd 78 Pt
29 Cu 47 Ag 79 Au
30 Zn 48 Cd 80 Hg
5 B 13 Al 31 Ga 49 In 81 Tl
62 Sm
63 Eu
64 Gd
65 Tb
66 Dy
14
15
16
17
18
6 C 14 Si 32 Ge 50 Sn 82 Pb
7 N 15 P 33 As 51 Sb 83 Bi
8 O 16 S 34 Se 52 Te
9 F 17 Cl 35 Br 53 I
2 He 10 Ne 18 Ar 36 Kr 54 Xe
67 Ho
68 Er
69 Tm
70 Yb
71 Lu
** *Lanthanides (Terres rares) **Actinides
Années 1970 : < 20 métaux
Années 2000 : ~60 métaux
Figure 5 : « Sollicitation » de la table de Mendeleïev. • • • • •
le gallium, l’indium, le sélénium, le germanium dans les cellules solaires photovoltaïques, les terres rares (néodyme, samarium, dysprosium…) dans les aimants permanents pour les éoliennes et les moteurs automobiles hybrides-électriques, le lithium et le cobalt dans les batteries, le tantale, le niobium, le rhénium dans des superalliages sur mesure pour certains marchés de niche, etc.
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Extraire les métaux
Face à l’augmentation de la consommation, et s’agissant de ressources non renouvelables, donc d’un stock fini dans lequel nous puisons, se pose légitimement la question des perspectives sur les réserves et les capacités de production des métaux.
Qu’est-ce qu’une réserve ? La notion de réserve est complexe et recouvre à la fois des notions géologiques, techniques et économiques (cf. figure 6) : • • •
une réserve est une ressource identifiée et explorée, que l’on peut effectivement extraire (légalement et techniquement) au prix actuel ; la réserve base est également une ressource identifiée et explorée mais encore non exploitable économiquement, à la technique et au prix actuel ; enfin les ressources potentielles (inferred reserves) sont identifiées mais non explorées, et les quantités sont estimées à partir de projections géologiques. Ressources « ultimes »
Dimension économique
Réserves « déduites » (*) : Potentiel Réserves base : géologique Ressources démontrées, identifié mais mais (encore) non Potentiel non exploré exploitables géologique économiquement non identifié Réserves : Ressources exploitables au prix actuel
Dimension technique
Dimension géologique reserves” en anglais » en anglais ((*)*) “Inferred « Inferred reserves
Figure 6 : Réserves et ressources. À titre d’exemple, les réserves de cuivre tournent autour de 500 millions de tonnes, les réserves base autour d’un milliard de tonnes, et les ressources ultimes incluant le
28
Quel futur pour les métaux ?
potentiel non encore découvert à ce jour (pour les terres émergées) se situeraient autour de 3 milliards de tonnes (source USGS). Les réserves de nickel sont estimées à 70 millions de tonnes, les réserves base à 150 millions de tonnes. Il y a donc trois leviers pour augmenter les réserves : • •
•
trouver de nouvelles ressources par l’exploration ou l’amélioration de la connaissance géologique (conditions de formation des filons, etc.) : d’où les enjeux autour des ressources arctiques ou offshore par exemple ; améliorer les techniques de production, qui permettent par exemple d’extraire une quantité plus grande de métal du minerai, d’économiser de l’énergie, d’exploiter des minerais de concentration plus faible, etc. : ces dernières années des sociétés ont pu exploiter des scories de mines pour exploiter des petits métaux par exemple ; faire varier les conditions économiques (augmenter le prix de marché de la ressource).
La croûte terrestre contient 88 éléments différents qui s’allient en environ 1 700 types de roches. Plus de 99 % de cette croûte est composée de douze éléments abondants, c'est-à-dire présents en concentration moyenne supérieure à 0,1 % (cf. figure 7), parmi lesquels six métaux utilisés sous leur forme métallique par nos industries : fer, aluminium, silicium, magnésium, manganèse et titane sont donc à classer dans les substances minérales qui ne devraient pas poser de problème même à moyen terme, à l’échelle mondiale. 12 éléments présents à plus de 0,1 % forment 99,23 % du poids de la croûte terrestre
Réserves base en milliers de tonnes (échelle logarithmique)
~27 % ~46 %
100 000 000 000 Virtuellement infinies 10 000 000 000
Magnésium Oxygène Calcium Silicium Hydrogène
1 000 000 000
~5 %
100 000 000
Potassium Phosphore Aluminium Manganèse Sodium ~8 % Cuivre Titane Chrome Fluor Zinc Plomb ~0,4 % Nickel Zirconium Cobalt Vanadium
10 000 000 1 000 000 100 000
Molybdène Antimoine
10 000 1 000 100
Or
10
Rhenium
1 0,0001
Fer
~0,1 %
0,001
(*)Parties Parties par par millionmillion (*)Sources : BRGM, USGS 2007
Platine
Etain Tungstène
Abondance dans la croûte terrestre en ppm (*) (échelle logarithmique)
Argent Selenium Indium
0,01
Très rares
0,1
1
10
100
11000 000 0.1 %
Rares
10000 10 000 1%
100000 100 000 10 %
1 1000000 000 000 100 %
Abondants
Sources : BRGM, USGS 2007
Figure 7 : Abondance des éléments dans la croûte terrestre. On parle quand même de réserves et de réserves base pour ces métaux, car la concentration et la qualité des minerais restent des éléments déterminants d’une exploitation économique optimale. La contenance moyenne de la croûte terrestre pour le fer est de 5 % : aujourd’hui on exploite le minerai de fer plutôt entre 40 et 60 % de concentration en métal.
Extraire les métaux
29
On trouve ensuite les éléments rares, en concentration moyenne de 1 à 1000 parties par million – ppm (1000 parties par million équivalent à 0,1 %). On y trouve la plupart des métaux, y compris les grands métaux comme le cuivre (50 à 60 ppm, selon les sources) ou le nickel (80 à 90 ppm). Les éléments très rares ont une concentration moyenne inférieure à une partie par million. Dans cette catégorie se classent certains petits métaux et les métaux précieux (jusqu’à quelques parties par milliard).
La concentration des minerais Au-delà des chiffres globaux présentés ci-dessus, il faut, pour avoir une bonne appréciation de la disponibilité des métaux, se pencher sur la question de la concentration des minerais. Au cours de l’histoire, l’Homme a eu tendance à d’abord exploiter les minerais les plus concentrés (on a vu que nos ancêtres ont commencé par exploiter les éléments natifs, c'est-à-dire concentrés à 100 %…). À moins de découvertes géologiques majeures, la tendance est donc à une baisse de la concentration moyenne des minerais. À titre d’exemple, la concentration moyenne des minerais de cuivre exploités est ainsi passée de 1,8 % (55 tonnes de minerai pour une tonne de métal) dans les années 1930 à 0,8 % aujourd’hui (125 tonnes de minerai pour une tonne de métal). La concentration des mines d’or en Australie et en Afrique du Sud, deux des principaux pays producteurs, est passée de plus 20 grammes par tonne de minerai à moins de 5 grammes en l’espace d’un siècle. La concentration moyenne mondiale de quelques minerais est présentée ci-après : Métal
Concentrations typiques des minerais
Moyenne mondiale
Quantité de métal par tonne de minerai
Fer
30 à 60 %
Aluminium
20 à 30 %
300 à 600 kg
Zinc
3à9%
8%
30 à 90 kg
Plomb
2à7%
5%
20 à 70 kg
Nickel
1,5 à 3 %
Cuivre
0,5 à 2 %
0,8 %
Or
0,0002 à 0,0006 %
0,0003 %
200 à 300 kg
15 à 30 kg 5 à 20 kg 2à6g
Source : R.U. Ayres / Norbert & Rankine
Cette concentration décroissante entraîne des coûts d’extraction accrus : coût énergétique (voir ci-dessous), mais aussi impact environnemental, quantités de déchets (résidus miniers) à traiter… La question pourrait être d’autant plus aigüe que pour certains éléments, les réserves ne sont pas distribuées de manière uniforme avec une concentration décroissante progressive du contenu en métal. En effet, selon Brian Skinner (1976), la plupart des éléments rares et très rares obéissent à une distribution « bimodale » des réserves (cf. figure 8). Cette distribution
30
Quel futur pour les métaux ?
est liée à la manière dont se sont formées les réserves de métaux : • un premier pic de distribution correspondant aux réserves les plus importantes en volume, mais avec des concentrations faibles, voire très faibles : il s’agit d’un mode de formation ou les métaux considérés sont présents sous forme d’atomes substitués dans les roches communes, notamment les silicates (l’élément silicium compte pour 27 % du poids de la croûte terrestre) ; • un deuxième pic de distribution, beaucoup plus petit, correspondant à un mode de formation où les métaux ont été concentrés par minéralisation géochimique, et atteignent des concentrations permettant l’exploitation. Distribution probable des métaux rares dans la croûte terrestre
La « barrière minéralogique »
Quantité
Énergie consommée par tonne récupérée
Métaux rares ou très rares Barrière minéralogique
Barrière minéralogique Exploitation minière en cours
Métaux abondants
Concentration du minerai (%)
Concentration du minerai (%)
Élément concentré par minéralisation géochimique : Élément présent par substitution atomique dans les minéraux courants - Activités tectoniques / volcaniques (principalement les silicates) - Érosion différentielle - Réactions avec les gaz atmosphériques - Activités biologiques… Sources : Robert Ayres (INSEAD), Brian Skinner 1976 Brian Skinner 1976 Sources : Robert Ayres (INSEAD),
Figure 8 : La « barrière minéralogique » sur les métaux rares. Les minerais peuvent avoir été concentrés par les activités tectoniques ou volcaniques, par érosion différentielle ou réaction avec les gaz atmosphériques, et même par activité biologique. Ainsi certaines mines de fer ont été concentrées par des colonies de bactéries il y a plusieurs centaines de millions d’années. Dans les minerais silicatés (saprolites) de Nouvelle-Calédonie, le nickel a été concentré jusqu’à 3 à 4 % sur quelques mètres d’épaisseur (la roche mère en contient seulement 0,3 %), grâce au pH acide dû à la décomposition des végétaux morts à la surface du sol. C’est la nature « vivante » de la planète (cycle de l’eau, atmosphère oxydante maintenue par les forêts, le phytoplancton et les cyanobactéries, tectonique des plaques, vie unicellulaire, etc.) qui a permis la concentration naturelle de ces éléments rares. Il est illusoire d’espérer aller chercher dans la lune, planète morte géochimiquement, les ressources qui nous manqueraient ici. Mieux vaut placer certains espoirs dans les ressources marines comme les nodules polymétalliques (mais dont la composition en métaux ne permet pas forcément de résoudre tous les problèmes à venir). Pour se donner un ordre d’idée du rapport entre les deux pics de distribution, prenons l’exemple du cuivre. À la concentration moyenne de 50 parties par millions, la quantité de cuivre totale disponible sur 150 millions de km2 de terres émergées,
Extraire les métaux
31
jusqu’à la profondeur de 1 km, serait d’au moins 20 000 milliards de tonnes (en considérant un poids moyen de la croûte terrestre de 2,6 tonnes par m3). Selon l’USGS, la totalité des ressources disponibles sur les terres émergées serait d'environ 3 milliards de tonnes. Même si ce chiffre est sous-estimé, il y a typiquement un facteur 1 000 à 10 000 entre les deux pics. La partie exploitable des ressources métalliques constitue donc un stock très limité de « basse entropie » au milieu d’une quantité énorme de roches indifférenciées. Il y a des exceptions au modèle de Skinner : les éléments abondants (comme le fer et l’aluminium) ne suivent évidemment pas ce modèle. Il semble également que l’uranium ne suive pas cette répartition, peut-être à cause de caractéristiques chimiques spécifiques des ions uranium. Mais le modèle serait néanmoins valable pour la plupart des éléments rares. Il existe donc une « barrière minéralogique » qui correspond à un saut dans la concentration décroissante, donc, à l’énergie à dépenser pour raffiner le minerai. Ainsi 99,9 % des « ressources théoriques » resteront inexploitables. Pour produire le cuivre que nous utilisons à partir d’une roche indifférenciée (concentrée seulement à la moyenne de la croûte terrestre) il faudrait y consacrer plusieurs fois la totalité de l’énergie mondiale actuellement consommée. L’abondance d’un élément, au sens des réserves potentiellement disponibles, dépend donc de la différence entre la concentration moyenne dans la croûte terrestre (une unité que l’on appelle le « clarke », en hommage à F.W. Clarke, l’un des pères de la géochimie) et la concentration minière exploitable économiquement. Par exemple, une mine de bauxite contenant 40 % d’aluminium correspond à une concentration 5 fois supérieure à la moyenne, une mine de cuivre à 1,2 % ou de nickel à 1,5 % à une concentration 200 fois supérieure, une mine d’or moyenne (0,0003 %) à une concentration 1 000 fois supérieure !
Énergie et métaux Aujourd’hui, 8 à 10 % de l’énergie primaire mondiale est consacrée à extraire et raffiner les ressources métalliques (dont la majeure partie pour l’acier et l’aluminium, compte tenu des quantités respectives – voir chapitre Empreinte énergétique des métaux). Or, la dépense énergétique augmente de manière inversement proportionnelle à la concentration (cf. figure 9). En deçà d’une certaine concentration, il n’est plus intéressant économiquement d’exploiter le filon, car le coût énergétique augmente fortement. Cela coule de source et c’est pourquoi, bien sûr, les anciens ont commencé par piocher – dans tous les sens du terme – dans les ressources les plus concentrées, n’ayant à leur disposition que l’énergie humaine ou animale pour l’extraction et l’énergie du bois pour le raffinage. Il se pourrait ainsi que l’on soit entré dans une sorte de « cercle vicieux » entre métaux et ressources énergétiques (cf. figure 10) : •
l’énergie, toujours moins accessible, requiert de plus en plus de matières premières. On comprendra aisément que l’exploitation offshore, deep offshore et ultra deep offshore du pétrole et du gaz consomme plus de matériaux et de technologie
32
Quel futur pour les métaux ?
En dessous d’un certain seuil de concentration du minerai, le coût énergétique explose Énergie consommée par tonne produite
Tonnes
Augmentation du besoin énergétique
Réserves cumulées Énergie
100
10
1
0,1
0,01
0,001
%
Concentration décroissance des ressources Sources : USGS, Rapport MMSD Sources : USGS, Rapport MMSD
Figure 9 : Concentration des ressources et dépense énergétique.
Minerais de moins en moins concentrés
Production d’énergie requérant toujours plus de matières premières
Extraction des matières premières requérant toujours plus d’énergie
Énergie toujours moins accessible
Figure 10 : Le « cercle vicieux » entre ressources minérales et énergie. (plateformes, bateaux, outils perfectionnés de forage, etc.) que la production onshore... 5 % de l’acier mondial est consacré à l’exploration / production pétrolière et gazière. Les énergies renouvelables sont également plus consommatrices de matériaux, par kWh produit, que les énergies fossiles : une éolienne d’1 MW (1000 kW) consomme environ dix fois plus d’acier et de béton au kWh produit qu’une centrale thermique et contient, en moyenne, plus de 3 tonnes de cuivre. Une installation photovoltaïque contient environ 4 kg de cuivre par kW. Certaines technologies sont consommatrices de métaux rares – indium, gallium, sélénium pour les panneaux photovoltaïques CIGS, néodyme pour les aimants permanents utilisés dans les générateurs d’éoliennes – etc.
Extraire les métaux
•
33
les matières premières, toujours moins concentrées, requièrent de plus en plus d’énergie (avec un outre un risque d’effet d’emballement, lié à la barrière minéralogique).
Interdépendance et pureté des métaux Deux facteurs viennent encore complexifier la problématique des réserves disponibles. Le premier est l’interdépendance forte qui existe entre métaux : •
•
de nombreux petits métaux ne font pas l’objet d’une exploitation minière spécifique, mais sont les coproduits de l’exploitation des grands métaux, car les processus de minéralisation et leurs caractéristiques respectives les ont souvent liés dans les mêmes minerais. C’est le cas par exemple du cobalt, coproduit du nickel ; du sélénium, du tellure et de l’arsenic, souvent coproduits du cuivre ; de l’indium, du cadmium, du germanium, du thallium, coproduits du zinc ; de l’antimoine et du bismuth, coproduits du plomb ; du gallium, coproduit de l’aluminium ; d’autres petits métaux, comme le molybdène, l’or, l’argent, ou le platine, peuvent être produits en association avec les grands métaux, mais aussi faire l’objet d’une exploitation spécifique. Le tableau suivant résume les principales interdépendances entre grands et petits métaux (en gras les principales sources des petits métaux cités) : Grands métaux exploités
Principaux sous-produits (éléments non dépendants)
Fer
Zn, Pb
Aluminium
Ga, V
Chrome
Pd, Pt
Cuivre
Ag, Au, Mo, Pd, Pt, Zn
Titane
•
Principaux sous-produits (éléments totalement dépendants)
As, Bi, Co, Ir, Os, Re, Rh, Ru, Se, Te Zr, Hf
Plomb / Zinc
Ag
As, Bi, Cd, Co, Ga, Ge, In, Sb, Tl
Nickel
Ag, Au, Cu, Pd, Pt
Co, Ir, Os, Rh, Ru, Se, Te
Étain
Ag
In, Nb
enfin, certains petits métaux sont eux-mêmes des coproduits d’autres petits métaux, qui font l’objet d’une exploitation spécifique. On peut citer par exemple le césium, coproduit du lithium, le rhénium qui peut être un coproduit du molybdène (et du cuivre), l’yttrium parfois coproduit de l’uranium (mais principalement produit avec les autres terres rares), le thorium souvent associé aux terres rares, et tous les platinoïdes (palladium, iridium, osmium, rhodium, ruthénium) produits dans les mines de platine…
Cette interdépendance est une interdépendance économique (la teneur en or ou en argent d’une mine de cuivre va permettre l’équilibre global des revenus, des coûts et des retours sur investissement attendus, en exploitant éventuellement le métal principal à une concentration inférieure à ce qui aurait été nécessaire dans le cas d’une
34
Quel futur pour les métaux ?
exploitation monométallique). C’est aussi une interdépendance physique, c'est-à-dire que l’énergie mise en œuvre pour la production des différents métaux est en quelque sorte « mutualisée ». La déplétion de certains grands métaux peut ainsi entraîner la déplétion des petits métaux associés. L’exploitation de ces derniers peut devenir extrêmement coûteuse en énergie et globalement économiquement non rentable. Il serait probablement difficile de tenter d’exploiter de l’indium indépendamment du zinc, ou du bismuth indépendamment du plomb. Plus de la moitié des 50 à 60 métaux que nous utilisons aujourd’hui ont ainsi leur destin lié à d’autres (cf. figure 11). Groupe → ↓ Période 1 2 3 4 5 6 7
1 1 H 3 Li 11 Na 19 K 37 Rb 55 Cs
2
4 Be 12 Mg 20 Ca 38 Sr 56 Ba
3
21 Sc 39 Y * **
*Lanthanides (Terres rares)
4
22 Ti 40 Zr 72 Hf
5
23 V 41 Nb 73 Ta
6
7
24 Cr 42 Mo 74 W
25 Mn
75 Re
8
26 Fe 44 Ru 76 Os
9
27 Co 45 Rh 77 Ir
10
28 Ni 46 Pd 78 Pt
11
12
13
29 Cu 47 Ag 79 Au
30 Zn 48 Cd 80 Hg
5 B 13 Al 31 Ga 49 In 81 Tl
64 Gd
65 Tb
66 Dy
14
15
16
17
18
6 C 14 Si 32 Ge 50 Sn 82 Pb
7 N 15 P 33 As 51 Sb 83 Bi
8 O 16 S 34 Se 52 Te
9 F 17 Cl 35 Br 53 I
2 He 10 Ne 18 Ar 36 Kr 54 Xe
67 Ho
68 Er
69 Tm
70 Yb
71 Lu
Groupe du platine Terres rares
57 La
**Actinides
58 Ce 90 Th
59 Pr
60 Nd 92 U
62 Sm
63 Eu
Grands métaux exploités
Petits métaux exploités ou sous-produits de grands métaux
Sous-produits des grands métaux
Petits métaux exploités
Terres rares (exploitation commune)
Sous-produits des petits métaux et grands métaux
Sources : E.. Verhoef, G. DijkemaG. and Dijkema M.A. Reuter (2004), USGS, BRGM Sources : E. Verhoef, and M.A. Reuter
Non exploité ou non métaux
(2004), USGS, BRGM
Figure 11 : Interdépendance des métaux dans la production. Le second facteur est la question de la pureté des métaux. Les applications de plus en plus pointues exigent souvent un degré de pureté supérieur, qui rend à la fois les métaux issus du recyclage incompatibles avec ces usages, mais également une partie des réserves, qui contiennent des « traces » de métaux indésirables (voir chapitre Pureté des métaux).
De quelles réserves dispose-t-on ? Les perspectives sur les réserves sont extrêmement variables d’un élément à l’autre. Mesurées en années de production actuelle, celles-ci varient entre 10–20 ans (strontium, antimoine, zinc, étain, indium…) et quelques centaines d’années (vanadium, terres rares, iode…) (cf. plus loin, figure 14). Pour la grande majorité des éléments, les réserves se situent entre 30 et 60 ans. Les réserves base sont à peu près du double des réserves (avec des exceptions notables,
Extraire les métaux
35
bien sûr). Cela ne veut pas dire que les ennuis commenceront dans quelques dizaines d’années, car le nombre d’années de production n’est qu’un indicateur, pas forcément fiable : •
il s’agit d’années de production avec les hypothèses actuelles, il ne tient pas compte du taux de croissance de la consommation d’un côté, des capacités de substitution ou de l’augmentation du recyclage de l’autre ;
•
les problèmes arrivent plus vite que le nombre théorique d’années de réserve, car toute ressource limitée passe par un pic de production : c’est le cas du pétrole, pour lequel un plateau (ou un pic, nous verrons bien…) de production est attendu à partir de 2015, pour 40 années de réserves au rythme actuel de consommation. L’or a déjà franchi son pic de production mondiale, mais cela est passé inaperçu du fait de son rôle très spécifique (utilisation monétaire et de réserve plutôt qu’industrielle) et des stocks disponibles bien supérieurs à la production ;
•
cet indicateur ne présume pas de l’augmentation de prix nécessaire pour augmenter les réserves, des nouvelles découvertes possibles, des contraintes de mise en production.
Comment maintenir ou augmenter ces réserves, compte tenu de notre consommation croissante ? Examinons d’abord le premier des trois leviers, le levier « géologique ». Depuis la fin des années 1970, les géologues disposent, avec la tectonique des plaques, d’un modèle géodynamique global puissant. La planète est géologiquement bien cartographiée (à l’exception peut-être de l’antarctique) et les processus de formation des sites métallifères parfaitement connus. De nouveaux procédés plus performants et moins coûteux, les systèmes numériques, les techniques spatiales et géophysiques ont considérablement augmenté les capacités de découverte. Les investissements en exploration minière ont beaucoup ralenti dans les décennies 1980 et 1990, notamment après la chute des prix qui a suivi l’effondrement du bloc soviétique. La reprise d’une croissance mondiale forte a permis une reprise massive des investissements en exploration et la crise des matières premières de 2006–2008 a représenté pour tous les acteurs de la chaîne un coup de semonce. Les investissements sont passés de 2 à 10 milliards de dollars entre 2002 et 2007 ! Cependant, ces efforts n’ont quasiment pas apporté de gisements nouveaux. On en a très peu découvert depuis 10 ans et peu de projets miniers sont prêts à entrer en production. Les découvertes majeures et simples ont été faites, les coûts des découvertes augmentent avec leur profondeur tandis que les coûts de production augmentent avec la baisse de la teneur en métal. Le point d’équilibre économique est plus difficile à trouver. On tourne donc quasiment « à stock constant ». Le secteur de l’exploration et de l’exploitation minière, qui a peu embauché pendant deux décennies, fait également face à un manque de ressources humaines qui va s’accentuer dans les années qui viennent. D’autres perspectives pourraient éventuellement s’ouvrir, comme l’antarctique, ou les ressources marines. Le potentiel minier de l’antarctique n’est pas parfaitement connu, mais sa constitution géologique a été déduite de certaines reconnaissances directes et d’approches indirectes, en particulier géophysiques.
36
Quel futur pour les métaux ?
L’antarctique était au centre du supercontinent Gondwana, rattaché à l’Australie, l’Inde, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Cela permet par exemple de penser que l’on pourrait y trouver du cuivre, de l’or et de l’argent, dans l’Antarctique occidental et la péninsule – correspondant au prolongement des Andes (cf. les réserves du Pérou et du Chili) – ou du nickel, du chrome et des platinoïdes, dans la chaîne de montagnes transantarctique, similaire au Karoo sud-africain. Cependant la surface est peu accessible (couverture de glace épaisse) et les conditions d’exploitation sous climat extrême laissent à penser que les coûts de production seraient très élevés. Les nodules polymétalliques sont souvent cités comme une solution future à la déplétion des ressources terrestres : en réalité, ils contiennent surtout du manganèse (27 à 30 %), du fer (6 %) et de l’aluminium (3 %), dont les réserves terrestres ne sont pas alarmantes, et quelques métaux plus intéressants comme le nickel et le cuivre (1 à 1,5 %), et le cobalt (0,25 %). Selon l’International Seabed Authority, seule une petite partie des nodules serait à terme exploitable (une concentration minimale des nodules à 1–1,4 % du cuivre, 1,25– 1,5 % de nickel et 0,2–0,25 % de cobalt), de 0,5 à 13,5 milliards de tonnes (à comparer à un total estimé à 500 milliards de tonnes d’après Archer en 1981). Cela représenterait, dans le cas le plus optimiste, de l’ordre de 150 millions de tonnes de nickel et de cuivre, 25 ou 30 millions de tonnes de cobalt. Une « misère » dans le cas du cuivre (+15 % des réserves base) ; des chiffres plus intéressants pour le nickel et le cobalt (respectivement doublement et triplement des réserves base). Intéressant, mais rien qui permette de tenir sur le (très) long terme. L’exploitation des ions dissous dans l’eau de mer est également parfois citée. Si c’est théoriquement prometteur pour l’uranium (l’eau de mer contient plusieurs centaines de fois les réserves mondiales… mais il est peu probable que la quantité d’énergie pour les récupérer soit inférieure à celle que l’uranium produit pourrait nous rapporter), c’est illusoire pour la plupart des éléments rares. Les océans contiendraient bien 1,2 milliards de tonnes de cuivre – 1,2 fois les réserves base – et 8,5 milliards de tonnes de nickel – 50 fois les réserves base (concentrations de 0,0009 ppm et 0,0066 ppm dans un volume total de 1,3 milliards de km3), mais il faut imaginer les usines à filtrer l’eau de mer : pour produire ne serait-ce que 10 % de la consommation actuelle de nickel par cette voie (soit 160 000 tonnes), il faudrait filtrer 24 200 milliards de m3 (avec des filtres 100 % efficaces), soit plus de 1000 fois le volume produit en dessalant l’eau de mer. Pour produire 10 % de la consommation actuelle de cuivre (1,6 millions de tonnes), il faudrait filtrer…1,8 millions de milliards de m3. Presque 100 000 fois le volume dessalé chaque année. Cela semble difficilement envisageable. On peut enfin évoquer les ressources des cheminées hydrothermales sur les dorsales océaniques dont les potentialités très hypothétiques restent à explorer. Le deuxième des trois leviers pour augmenter les réserves est le levier « technologique », c’est-à-dire l’amélioration des techniques de production. La technique de l’hydrométallurgie par exemple, qui consiste à attaquer les minerais par voie chimique plutôt que par la pyrométallurgie plus classique, permet de traiter des minerais plus pauvres (jusqu’à 1 % pour le nickel, alors que la norme est plutôt de 2,5 à 3 %), ou de récupérer les coproduits qui n’étaient auparavant pas exploités (voir chapitre Avancée des techniques minières).
Extraire les métaux
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Cette technique permet également la reprise d’exploitation de certains résidus miniers, afin d’en exploiter les petits métaux (comme le cobalt à partir des résidus d’exploitation du cuivre en Afrique centrale) ou de récupérer une partie du métal qui n’avait pas été récupérée lors de la première extraction. Le troisième et dernier levier, est le levier « économique », c'est-à-dire le prix que le marché est prêt à payer pour la ressource minérale. Il s’agit bien sûr d’un levier puissant, puisqu’il agit sur les deux autres, levier géologique par les dépenses d’exploration, et technologique par l’effort de recherche et développement. Plus de 40 % des dépenses d’exploration sont consacrés à l’or, 10 % aux diamants… à comparer aux métaux de base auxquels ne sont consacrés qu’environ 30 % des budgets. Il est fort à parier que si la consommation continue à augmenter, la tension offre / demande, surtout à l’approche d’un pic de production (ou tout simplement d’une incapacité temporaire du marché à mettre en exploitation de nouveaux gisements, par manque d’anticipation), ajustera rapidement les prix à la hausse. La période qui a précédé la crise financière en est un bon exemple. Entre 2002 et 2007, les prix ont augmenté de 320 % pour le cuivre, 460 % pour le plomb et 220 % pour le zinc…
Où sont les réserves ? Les réserves et la production des grands métaux sont relativement bien réparties (cf. figure 12, pour les chiffres de réserves). Dans quelques cas, on observe une certaine concentration géographique : deux à trois pays représentent plus de la moitié des réserves. Mais dans tous les cas, pour atteindre 80 % des réserves, il faut au moins six pays. Répartition des réserves de matières premières dans le monde - %, exemple des grands métaux Résumé du graphe
Russie
Fe: 19 %
États-Unis
Ni: 10 %
Ukraine
Pb: 10 %
Fe
5 pays = 67 %
8 pays
Al(*)
2 pays = 53 %
8 pays
Cu
1 pays = 31 %
Mn
4 pays = 78 %
Fe: 12% Mn: 31 %
Chine Zn: 18 % Ti: 33 % Pb: 14 % Sn: 28 %
Zn
Inde Ti: 13 % Mn: 13 %
Al: 30 %
Malaisie
Guinée
Pérou
Fe: 12 %
Chili
Afrique du Sud Mn: 22 % Ti: 10 %
Australie
5 pays
3 pays = 51 %
7 pays
4 pays = 70 %
6 pays
Pb
3 pays = 54 %
10 pays
Ni
3 pays = 56 %
7 pays
Sn
4 pays = 69 %
6 pays
Sn: 13 %
Brésil
10 pays
Ti
Sn: 17 %
Indonésie
Zn: 10 % Sn: 12 %
Nb de pays pour 80% des réserves mondiales
Fe: 14 % Al: 23 % Mn: 14 % Zn: 23 % Ti: 21 % Pb: 31 % Ni: 36 %
Cu: 31 %
Nouvelle Calédonie Ni: 11 %
Note: (*) (*) Bauxite Note: Bauxile Sources : USGS 2008 ; seuls les chiffres > 10 % apparaissent sur le graphe Sources : USGS 2008 ; seuls les chiffres > 10 % apparaissent sur le graphe
Figure 12 : Concentration des réserves mondiales (grands métaux).
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Quel futur pour les métaux ?
L’image est très différente lorsque l’on examine les petits métaux, où la concentration géographique se révèle très élevée pour certaines ressources. Sur la figure 13, sont présentés les chiffres de production (et non de réserves). L’effet de concentration géographique est exacerbé par l’« effet Chine » lié aux bas coûts de production. Ainsi, la Chine représente 86 % de la production de tungstène, mais seulement 62 % des réserves et 66 % des réserves base. Elle produit 97 % des terres rares (lanthanides) pour seulement 30 % des réserves mondiales (mais 59 % des réserves base). Japon Canada
Se: 48%
Russie
Se: 19 % Re: 15 % K: 25 %
(*)
Va: 27 % Pt: 27 %
K: 15 %
Chine
États-Unis
Terres rares: Be: 16 % Bi: 53 % Cd: 17 % In: 49 % Mo: 25 % Sb: 81 % 97 %
Espagne
Be: 79 % Mo: 32 % P: 20 %
Sr: 34 %
Turquie B: 58 %
Mexique Maroc
Bi: 21 % Sr: 21 % Ag: 15 % F: 17 %
Sr: 32 % Va: 32 % W: 86 % Y: 99 % As: 51 % F: 52% P: 24 %
Kazakhstan Re: 16 %
P: 19 %
Corée Pérou Bi: 17 % Ag: 17 %
In: 17% Cd: 18% I: 33%
Brésil Nb: 90 % Ta: 18 %
Afrique du Sud
Argentine
Va: 39 %
B: 15 %
Australie (*)
Li: 22 % Ta: 61 % Zr: 44 %
Zr: 33 % Pt: 60 %
Chili Li: 38 % Mo: 22 % Re: 46 % I: 62 %
(*) : Moyenne pour les différents métaux du Groupe (Platine, Palladium, Rhodium…) (*) : Moyenne pour les dusurGroupe Sources : USGS 2008 ; seuls les différents chiffres > 15 %métaux apparaissent le graphe (Platine, Palladium, Rhodium...) Sources : USGS 2008 ; seuls les chiffres > 15 % apparaissent sur le graphe
Figure 13 : Concentration de la production (petits métaux et minéraux industriels). Même en corrigeant cet effet, les chiffres restent impressionnants, comme pour le niobium (90 % de la production et 95 % des réserves au Brésil) ou les platinoïdes (89 % des réserves en Afrique du Sud). Pour faire face aux incertitudes liées à la disponibilité des ressources rares, certains pays comme les États-Unis, la Chine, la Russie, la Corée, le Japon, ont mis en place ou réactivé des stocks stratégiques (voir chapitre Aspects géostratégiques). Les États-Unis et la Russie ont fait évoluer les anciens stocks stratégiques issus de la guerre froide (et dont la vente de quantités importantes après 1989, alliée à la chute des économies de l’ancien bloc de l’Est, avait contribué à faire chuter durablement les cours des matières premières dans les années 1990). La Chine a mis en place, notamment dans le cadre du cinquième plan, une politique extrêmement volontariste et un stock de sécurité très important en quantité (jusqu’à 10 % de la consommation annuelle mondiale pour certains grands métaux).
Extraire les métaux
39
Quelles sont les ressources critiques ? En conclusion, certaines ressources pourraient s’avérer critiques sur la dimension : •
•
des réserves : des réserves insuffisantes pour faire face à la demande pourraient impliquer une hausse de prix substantielle et des problèmes de disponibilité. Nous avons pris, à titre purement indicatif, un seuil de 40 années théoriques pour proposer une criticité potentielle sur cette dimension (40 années, dans le cas du pétrole, signifiant un pic de production dans les 10 ans à venir) ; de la production : une concentration de la production dans un nombre de pays limité expose potentiellement à des risques géopolitiques, de rupture d’approvisionnement, de politique de prix imposée, etc. Nous avons pris un seuil arbitraire de 70 % de la production contrôlée par 3 pays pour proposer une criticité potentielle (sans prendre en compte le facteur de stabilité politique des pays).
Nous avons positionné les principales ressources sur la base de ces deux critères (cf. figure 14). On trouve ainsi un certain nombre de ressources potentiellement critiques, selon une ou deux dimensions, dont il conviendrait ensuite d’étudier dans le détail la réalité de la menace (approche géologique / producteur) et l’impact potentiel sur les filières et les économies (approche utilisateur). Certains de ces métaux font l’objet de chapitres spécifiques dans cet ouvrage. Réserves (au niveau de production 2008)
10 ans 30 %
100 ans
40 ans Or
40 %
Risque croissant sur la disponibilité à moyen terme
Argent Cadmium
50 % Zinc
Nickel Manganèse
Potasse
Cuivre Cobalt
60 %
Fer
Plomb
Indium
80 % Strontium Etain Antimoine
Aluminium Phosphates
100 %
Lithium
Fluor Chrome Rhénium Molybdène Baryte Bore Sélénium Brome
Zirconium
Risque croissant sur la rupture d’approvisionnement
Titane
70 %
90 %
1 000 ans
Tantale (*)
Platine
Mercure Tungstène Bismuth
Graphite
Niobium Yttrium
Tellure
Vanadium
Iode
Beryllium (*)
Terres rares
Part de marché des 3 premiers pays producteurs
(*)(*)Moyenne : réserves pour les du différents élément du groupe Moyenne : réserves variables variables pour les différents éléments groupe Sources : USGS Sources : USGS
Forte accélération de la consommation
Figure 14 : Criticité potentielle des ressources minérales (visibilité sur les réserves et concentration de la production). Nous ne prétendons pas que ces ressources seront effectivement critiques dans le futur. Une concentration de la production dans peu de pays n’est pas automatiquement problématique, cela dépend de la stabilité géopolitique de la zone. Il faudrait également prendre en compte dans la réflexion l’effet de la concentration de la production du point de vue des compagnies minières : la dimension gigantesque des investissements miniers sur certains sites et la volonté de mieux contrôler le
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Quel futur pour les métaux ?
marché a en effet conduit à la constitution de groupes de plus en plus importants et à des interactions fortes dans les relations inter-étatiques (voir par exemple les relations sino-australiennes récentes au chapitre Prix des métaux). Quant aux réserves, il peut toujours y avoir des découvertes côté production, ou côté consommation des changements notables dans le taux de recyclage, ou encore une substitution forte vers d’autres métaux (comme le platine qui a été substitué par le palladium dans certaines applications suite à la forte consommation dans les pots catalytiques et l’envolée des prix qui a suivi). Mais cette « vue d’hélicoptère » permet déjà de renforcer notre vigilance et de soulever certaines interrogations, par exemple : • • •
y-a-t-il un sujet à moyen terme autour de métaux très ou assez peu substituables et d’usage totalement indispensable comme le cuivre (applications électriques), l’étain (soudure) ou le nickel (alliages inox) ? quelle est la dépendance de production entre grands et petits métaux (souvent sous-produits des mêmes mines), et l’impact de la déplétion de certains grands métaux sur les petits ? aura-t-on suffisamment de petits métaux spécifiques à des conditions économiques raisonnables pour soutenir le développement des énergies renouvelables et des technologies de l’information et de la communication ?
Quel impact économique ? Les années 2007 et 2008 ont montré les risques inflationnistes liés à la tension entre offre et demande sur les matières premières. Tirés par la croissance mondiale et la demande chinoise en particulier, les prix de nombreuses matières premières se sont envolés, d’autant plus soutenus et volatils que la spéculation a atteint des sommets. Les métaux représentent un poids non négligeable dans l’économie : typiquement de l’ordre de grandeur des matières premières énergétiques : 25 % du marché du pétrole en 2006 (cf. figure 15). Les métaux représentent 20 % des échanges internationaux de matières premières (contre 50 % pour l’énergie et 30 % pour les produits agricoles). Largement de quoi déstabiliser les économies lorsque des phénomènes de raréfaction apparaîtront, d’autant plus qu’ils se combineront très probablement à ceux de l’énergie – comme nous l’avons vu – et à ceux des matières agricoles (mais c’est là une autre histoire…).
Quel impact environnemental ? L’impact environnemental de l’exploitation des métaux est très fort, car il combine : •
•
la consommation énergétique directe pour extraire, transporter, et raffiner les minerais – opérations particulièrement énergivores car basées sur des procédés haute température qui permettent de séparer les différents éléments présents dans un minerai (grillage, calcination, fusion, électrolyse, affinage) – 8 à 10 % de l’énergie primaire mondiale, un tiers de la flotte mondiale de transport maritime… les émissions de gaz à effet de serre directes (CO2 pour l’acier avec la réduction du minerai de fer par le charbon à coke, perfluorocarbones pour l’aluminium) ou indirectes (CO2 de combustion), au total 5 % des émissions anthropiques ;
Extraire les métaux
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140 120 100 80 60 40 20
Sources : Cyclope, USGS 2007, Wellmer and Becker-Platen
Figure 15 : Poids économique des métaux (2006). •
•
•
l’utilisation massive de produits chimiques utilisés dans les procédés d’extraction (cyanure ou mercure pour l’or…) ou de traitement du minerai (acides, bases, solvants, etc.), conduisant à des pollutions à très long terme après la fin de l’exploitation (drainage minier acide – voir chapitre Mines et environnement) ; l’impact des exploitations sur les écosystèmes locaux : déforestation, perturbation du cycle de l’eau, volumes des déchets (un minerai concentré à 1 % signifie au moins cent tonnes de déchets, parfois nocifs pour l’environnement car contenant des traces de métaux lourds… pour une tonne de métal produit) ; la pollution généralisée des écosystèmes par les rejets de certains métaux nocifs, en production, en utilisation et en fin de vie. Si les modifications profondes des écosystèmes par les activités minières et de traitement des métaux sont relativement concentrées (et sont de plus en plus limitées par une gestion améliorée), l’impact peut être plus diffus et global dans le cas de l’utilisation et des rejets de fin de vie (voir chapitre Toxicité des métaux).
Par exemple, la production d’une tonne de cuivre représente : • 80 à 150 kg d’explosifs (nitrate d’ammonium) pour les mines à ciel ouvert, • 40 à 150 tonnes de résidus stériles (gangue…), • 0,5 tonne d’acide sulfurique (procédé extraction par solvant), • 20 à 2 500 kg de dioxyde de soufre émis dans l’air, • de fortes teneurs en métaux dans les gaz émis (germanium, bismuth, mercure, plomb, cadmium, étain, antimoine…).
La déplétion des ressources risque malheureusement de s’accompagner d’une augmentation accrue de l’impact environnemental. Il sera en effet nécessaire, si nous ne réduisons pas notre consommation, de mettre en production des endroits encore inexploités (sous les dernières forêts primaires, aux pôles, en mer…), sur des emprises
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Quel futur pour les métaux ?
toujours plus importantes, et la baisse des concentrations signifie un volume de déchets plus important par tonne produite et des dépenses énergétiques plus lourdes. Compte tenu des taux de croissance des dernières décennies, nous allons produire (et introduire dans l’environnement…) dans les vingt ou trente prochaines années une quantité de métaux plus grande que pendant toute l’histoire de l’humanité. L’impact sur l’environnement sera sans précédent et reste mal appréhendé.
Préserver les ressources
Il s’agit d’un stock La différence majeure entre les ressources minérales non énergétiques et les ressources énergétiques est la question du stock. Le pétrole, le gaz et le charbon sont principalement brûlés (quelques % sont utilisés comme matière première), il s’agit donc essentiellement d’un flux non récupérable. Les métaux sont introduits dans le circuit économique. Nous avons donc à notre disposition un stock mondial encore sous terre (les réserves) et un stock mondial en circulation. Chaque année, le stock en circulation (cf. figure 16 pour l’exemple de l’aluminium) : • •
augmente de la quantité produite ; se réduit de la quantité perdue, à travers les usages dispersifs (utilisation des métaux comme colorants, catalyseurs ou fertilisants par exemple) et le nonrecyclage (incinération ou mise en décharge qui revient à « diluer » ou « disperser » le stock). Flux annuel d’aluminium et stock en « circulation » en 2004
15 millions de tonnes / an Construction 31 %
Aluminium à partir de minerai
Aluminium produit
Packaging 1% Autres 11 %
30 millions de tonnes / an
45 millions de tonnes / an
~900 millions de tonnes produites depuis 1888
Transport 28 %
Machines et câbles 29 %
Aluminium recyclé
Aluminium disponible après usage ~20 millions de tonnes / an
~540 millions de tonnes de stock en « circulation »
Sources : MMSD report, IAI report, IAI Sources : MMSD
Figure 16 : Logique de flux et de stock dans les métaux. Exemple de l’aluminium.
Perte annuelle ~5 millions de tonnes / an
~360 millions de tonnes de pertes cumulées depuis 1888 (40 %)
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Quel futur pour les métaux ?
Pour certains métaux, précieux (comme l’or) ou facilement recyclables et d’une certaine valeur (comme le cuivre), le stock perdu est finalement très limité (cf. figure 17). Moins de 10 % des 160 000 tonnes d’or produites depuis Crésus ont été perdus (galions coulés, trésors trop bien cachés, satellites lancés ou cartes électroniques non recyclées), le reste du stock étant jalousement gardé par les banques centrales et les particuliers. Mais il s’agit d’un cas très spécifique et si l’on regardait uniquement l’usage industriel de l’or, le pourcentage serait probablement plus élevé. Le cuivre est encore majoritairement en place car il se recycle bien et correspond souvent à des applications de durée de vie longue (infrastructures, bâtiments…). Il représente un « stock en circulation » de plusieurs centaines de kilos par habitant dans les pays de l’OCDE. Des métaux moins nobles comme l’aluminium ou le zinc présentent des taux de perte plus importants : l’ « hémorragie » est de 5 millions de tonnes par an pour l’aluminium, soit environ 15 % du poids métal extrait de la lithosphère chaque année. Elle est de 30 à 40 % pour le zinc – plus de 3 millions de tonnes sont rejetées dans l’environnement, sous forme de laitiers et de haldes (déchets de procédés de production et miniers) ou de produits en fin de vie – car l’usage majoritaire en galvanisation ou en alliage ne facilite pas le recyclage. En millions de tonnes, 2006
170 Réserves base
160 000
6 400
0,09
940 79
0,04
490 Réserves
73 000
5 000 250
Production cumulée depuis l’antiquité
53 000
Fer Part du stock « perdu » dans la production cumulée
?
0,16
550 900
Aluminium
Cuivre
Plomb
40 %
15 %
?
Or 10 %
Sources : MMSD report, IAI, report, World Gold IAI, Council Sources : MMSD World Gold Council
Figure 17 : Stock en place et stock perdu. Les statistiques pour les petits métaux ne sont pas disponibles, mais il y a fort à parier que le stock perdu est beaucoup plus important, par la nature même de l’usage que l’on en fait (nous y reviendrons) : utilisation en petite proportion dans des alliages, applications électroniques complexes, etc.
Comment économiser le stock Trois pistes peuvent être explorées pour limiter notre consommation de ressources non renouvelables et économiser le stock, qu’il soit déjà extrait ou encore en place. La première piste est de développer au maximum de ses possibilités le recyclage. Nous verrons que des progrès notables sont possibles, même si pour les ressources
Préserver les ressources
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métalliques le recyclage est déjà plus pratiqué que pour les autres matériaux comme le verre ou les plastiques. Il s’agit d’un levier très important, en particulier pour les « petits » métaux dont les filières sont souvent mal organisées. Il existe cependant de nombreuses limites physiques, technologiques, économiques et sociétales au recyclage « infini » et à la pure « économie circulaire ». La deuxième piste consiste à développer l’innovation dans le sens d’une substitution des éléments rares ou très rares vers des éléments plus abondants. Le défi est grand puisque c’est une tendance exactement inverse qui a prévalu dans les dernières décennies, avec une sollicitation toujours plus grande de la table de Mendeleïev. La raréfaction des ressources nous mènera-t-elle vers un « second âge du fer » pour paraphraser Brian Skinner3 ? La troisième piste est de travailler sur la réduction des besoins en ressources. Cette piste englobe les logiques d’éco-conception, de réutilisation et plus généralement d’économie durable : comment fournir les mêmes biens et services avec moins de matières et d’énergie ? Elle est très prometteuse mais également des plus complexes. Sans parler des paradigmes de notre société de consommation qu’il sera nécessaire de briser, elle fait face à des antagonismes non négligeables entre les différentes dimensions du développement durable, qui seront difficiles à appréhender et à résoudre.
Les limites du recyclage Les métaux possèdent un potentiel de durabilité unique et sont théoriquement recyclables à l’infini, sans perdre leurs caractéristiques. Le recyclage fait partie intégrante des procédés de production quasiment depuis la découverte des métaux. Les taux de recyclage peuvent atteindre des niveaux relativement élevés, notamment dans les pays développés et pour les « grands » métaux où les filières de récupération sont bien établies : ainsi en France 85 % pour le fer, 80 % pour l’aluminium et le cuivre, 70 % pour le plomb et 50 % pour le zinc*. Au niveau mondial les taux sont bien moins élevés puisque de nombreux pays n’ont pas structuré les filières nécessaires. Augmenter le taux de recyclage est un levier particulièrement efficace pour augmenter les réserves (passer par exemple d’un taux de recyclage moyen de 40 % à 80 % permet de multiplier les réserves par 3). L’idéal serait bien entendu de s’approcher au plus près des 100 %, et donc d’une économie quasiment « circulaire ». Il existe cependant des limites au recyclage. D’abord des limites physiques et technologiques. Le second principe de la thermodynamique nous rappelle l’irréversibilité de certaines transformations. Les métaux dans les mines exploitables, puis raffinés, sont * Il est à noter que ces chiffres moyennés cachent en fait des réalités bien différentes : ainsi pour l’aluminium, le taux moyen de 80 % est atteint avec un recyclage à presque 100 % pour les usages de transport – aéronautique, automobile – et moins de 60 % pour les emballages.
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Quel futur pour les métaux ?
Métier aujourd’hui disparu, le rétameur est l’illustration parfaite de l’usure irréversible : son métier consistait à « rafraîchir » les objets en fer-blanc (acier recouvert d’une fine couche d’étain) qui finissaient par s’user, en les trempant à nouveau dans un bain d’étain en fusion – l’étamage. un stock de « basse entropie » (initial ou créé en injectant de l’énergie dans le système…), qui aura tendance, avec le temps, à se disperser inutilement. Prenons pour simplifier l’image d’une pièce de monnaie qui va se polir et s’user de manière infinitésimale mais inexorable… Les atomes de métal, au départ concentrés sur la pièce, vont finir dissous dans le sol ou l’océan, à une concentration si faible que l’énergie pour les récupérer serait beaucoup trop importante. Dans la même logique, lors de la refonte d’un lingot d’aluminium (afin de mouler une pièce par exemple…) il y a une perte de matière dite « perte au feu » de l’ordre de 1 à 2 %... Le recyclage à 100 % est donc impossible, et quoi qu’il arrive nous exploitons un stock fini de matières premières (très important pour des métaux abondants comme le fer ou l’aluminium, beaucoup moins pour d’autres). Le recyclage n’est qu’un moyen de repousser une échéance inéluctable : on peut repousser cette échéance d’un facteur 10 ou 100 ! mais l’échéance existe. Ces considérations ont poussé des économistes, comme Nicholas GeorgescuRoegen, à considérer que la décroissance de consommation de matières premières, à l’échelle globale, est nécessaire, car toute utilisation actuelle de ressource non renouvelable – a fortiori si celle-ci n’est pas recyclée – se fait au détriment des générations futures. Il s’agit d’une problématique liée à la durabilité longue et cela n’empêche pas d’atteindre un taux de recyclage de 99,9 % par exemple ! (ce qui augmenterait les réserves d’un facteur 500 par rapport à un taux de 50 %).
Préserver les ressources
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La deuxième limite, bien plus gênante à court terme puisqu’elle consomme un pourcentage important de nos ressources, est liée à l’usage même que nous faisons de nos ressources. Nous faisons une utilisation toujours plus importante d’alliages et concevons des produits de plus en plus complexes. Ainsi : • • •
il y a plus de 30 métaux différents dans un ordinateur portable, il y a facilement 10 types d’aciers alliés différents dans une voiture, un superalliage (aéronautique, etc.) peut contenir jusqu’à 15 métaux différents, comme le vanadium, le tungstène, le cobalt, le molybdène, l’aluminium, le titane, le niobium…
Cette complexité nous empêche de récupérer facilement les ressources : capacité limitée à repérer les métaux dans les alliages, capacité technologique (ou limite de consommation d’énergie…) à les séparer. Les faibles quantités de métaux non ferreux contenues dans certains aciers spéciaux sont donc ferraillées la plupart du temps sans possibilité de récupération (sauf mise en place de filières très spécifiques avec tri plus fin) et finissent dans des usages moins nobles, comme le ferraillage pour le bâtiment (ronds à béton). 10 métaux sont utilisés majoritairement en alliage avec l’acier et sont donc très peu recyclés. Ce phénomène de « dégradation de l’usage » des matières recyclées n’est pas spécifique aux métaux. Dans l’économie actuelle les filières de recyclage consistent souvent à récupérer des matières premières ayant servi pour des usages « nobles » ou « primaires » pour les réinjecter dans des usages « dégradés » ou « secondaires ». On peut citer le cas du verre (le mélange des verres blancs et des verres de couleur condamne le calcin à une utilisation dans le verre bouteille uniquement, au détriment des verres plats pour le bâtiment ou des verres automobiles) ou des plastiques : pour des questions de mélanges, d’additifs non séparables – couleurs, stabilisants, etc. – ou non séparés, de qualité, de dégradation des caractéristiques techniques, de perception, les plastiques recyclés sont souvent réutilisés dans des usages techniquement ou visuellement moins exigeants. C’est le syndrome de la bouteille de plastique recyclée en chaise de jardin, jamais en bouteille ! Le cycle de vie des matières premières devra être fortement repensé pour éviter ce phénomène. Avec des conséquences sur la conception des produits (comment intégrer des matières premières issues du recyclage, éventuellement moins pures, moins performantes, moins esthétiques, comment repérer les métaux dans les alliages…) et la gestion de la fin de vie (un recyclage peut-être plus coûteux, plus consommateur de main d’œuvre...). Pour les métaux une partie de la solution consiste à organiser les filières de récupération (ferrailleurs) pour trier les différentes sortes d’alliage et valoriser au mieux leur contenu en métaux non ferreux. Mais avec 3 000 sortes d’alliages au nickel, on comprend que la solution a ses limites. Or la course à la complexité est en partie fondée sur la recherche de meilleures performances énergétiques : c’est vrai dans le domaine des transports (alliages de performance pour réduire le poids des voitures ou des avions), de l’énergie (nouvelles technologies photovoltaïques, batteries, nucléaire…), de la chimie (amélioration des rendements par la catalyse), des travaux publics (réduction du poids d’acier dans les ouvrages d’art), du bâtiment (équipement électronique de gestion technique pour
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Quel futur pour les métaux ?
optimiser la consommation…), développement des nouvelles technologies de l’information pour limiter les déplacements, etc. En faisant donc le pari du « tout technologique » dans l’optimisation de notre consommation énergétique et la lutte contre le changement climatique, nous recourons de façon accrue aux matières premières rares que nous ne savons (saurons) pas recycler, et dont la déplétion pourrait elle-même devenir un enjeu énergétique. La troisième limite est liée à l’usage dispersif que nous faisons des produits. C’est le cas des matières premières utilisées comme pigments dans les encres et les peintures, comme colorants (98 % du titane utilisé sous forme de TiO2, colorant blanc qu’on retrouve notamment en produits d’hygiène), comme catalyseurs, comme fertilisants (phosphates, zinc, molybdène, manganèse, bore…) ou compléments alimentaires, comme additifs (plomb, chrome dans le verre, etc.), comme pesticides (la bouillie bordelaise au sulfate de cuivre). Il y a également des métaux dont l’usage n’est pas directement dispersif, mais rend le recyclage très compliqué : c’est le cas du zinc pour la galvanisation (la moitié de la consommation mondiale) qui consiste à déposer une fine couche sur de l’acier, de l’étain pour les soudures (un tiers de la consommation mondiale). Ainsi, si l’on prend le cas de deux métaux comme le cobalt et le molybdène (cf. figure 18), leurs usages sont quasiment exclusivement des usages dispersifs ou en alliage. Autant dire que nous ne sommes pas près d’atteindre un recyclage de 90 % pour ces métaux. En complément de ces limites physiques et technologiques, on peut rencontrer également des limites économiques (prix de revient relatif entre filières première fonte et recyclage). Mais on peut considérer que ces limites pourraient facilement être repoussées, soit par l’augmentation du prix des ressources devant la raréfaction croissante et le déséquilibre offre / demande, soit par un mécanisme réglementaire (type taxe, subvention ou soutien à des filières de recyclage) pour inciter à l’utilisation
Utilisation du cobalt
Utilisation du molybdène
Production mondiale 2008 : 71 800 tonnes
Production mondiale 2008 : 212 000 tonnes
Autres usages chimiques 11 %
Alliages durs, super alliages (aéronautique, etc.) 25 %
Chimie (pigments oranges pour peintures et encres, catalyseurs) 30 %
Pigments bleus 9% Catalyseurs 10 % Carbures métalliques 13 % Batteries 25 %
Aimants 7%
Utilisation sous forme métallique
Super alliages (aéronautique, etc.) 70 %
Utilisation sous forme chimique
Sources : USGS, The Cobalt Development institute,Development Société Française de Chimie Sources : USGS, The Cobalt Institute, Société Française de Chimie
Figure 18 : Complexité des usages des métaux.
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de matières premières recyclées. Il reste en revanche une question d’arbitrage environnemental, car une filière de recyclage soutenue mais trop complexe pourrait dans certains cas être sur-consommatrice d’énergie (transport pour la collecte, technologie utilisée…). Restent les limites sociétales, pour tous les produits qui passent par un consommateur final. La complexité des produits, la difficulté à comprendre l’organisation de la gestion des déchets, le manque de formation ou de volonté des consommateurs, contribuent à rendre difficile le recyclage (les chiffres confirment qu’il est en effet plus simple d’organiser un recyclage en filière interentreprises). L’arbitrage économique limite ensuite les capacités à trier effectivement les déchets en aval. Les matières premières se retrouvent donc : •
•
soit dans les « mâchefers » (autrement dit les résidus d’incinération), qui sont utilisés (dont on se débarrasse) comme sous-couche routière – usage dispersif dans le sol avec pollution à la clé par l’action de l’eau, compte tenu du contenu en métaux lourds, comme le cadmium ou le plomb utilisés dans certains plastiques comme stabilisants. Peut-on exploiter les mâchefers comme source de minéraux ? La limite est probablement à la fois économique, technologique (complexité de la séparation des différents métaux) et énergétique (concentration faible de la plupart des métaux) ; soit dans les sites d’enfouissement (décharges). Ici la dispersion est bien moindre (ou en tout cas beaucoup moins rapide) puisque les composants ne sont pas réduits en particules mais seulement compactés.
Les décharges sont donc peut-être les mines de demain. Il semble en effet que leur concentration pour certains métaux n’ait rien à envier à nos mines. Une étude récente – citée par le journal Le Monde du 13 juillet 2009 – au Japon estime ainsi à 16 % des réserves mondiales pour l’or et 23 % pour l’argent et l’indium les minerais rares contenus dans les déchets. Cette piste laisse rêveur, mais il est probable qu’il sera techniquement très compliqué d’exploiter industriellement une décharge. En effet une mine est généralement composée d’un minerai relativement homogène, auquel un procédé industriel en continu s’applique bien. Au contraire une décharge est formée d’un mélange hétérogène de morceaux métalliques, de taille très variée (de la cendre d’incinérateur aux déchets urbains). La composition varie également en profondeur, en fonction de la technologie de l’époque. La récupération des métaux ferreux est imaginable par aimantation, et les matériaux légers comme l’aluminium peuvent être séparés par différentes méthodes, mais qui restent coûteuses en l’état actuel. Reste l’exploitation non industrielle, c'est-à-dire manuelle, après tout couramment utilisée dans les pays les plus pauvres – certes dans des conditions sanitaires, économiques et éthiques déplorables – qui, paradoxalement, peuvent ainsi atteindre des taux de recyclage plus élevés que les pays riches.
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Vers le landfill mining ? À ce jour, plusieurs études et expériences ont été menées sur l’excavation dans les décharges (usuellement appelé landfill mining). Diverses motivations peuvent conduire à cette activité : créer de la place dans des décharges pour pouvoir y mettre de nouveaux déchets, installer une géomembrane dans le fond pour préserver l’environnement ou encore tirer profit des ressources en matériaux d’anciennes décharges. Jusqu’à maintenant, le véritable moteur a été la création de place pour de nouveaux enfouissements. À l’inverse, seulement très peu de valorisation de matière a été possible, pour deux raisons qui se complètent : la matière est souillée d’une part, et d’autre part, le prix des matières premières neuves ne permet pas de rendre cette récupération de matériaux performante sur le plan financier.
La substitution : vers un nouvel âge du fer ? La deuxième piste, sans doute complémentaire au recyclage, consiste à limiter notre demande en éléments les plus rares par la substitution, au profit d’éléments plus courants. Il s’agirait donc premièrement de poser un regard critique sur les innovations et de privilégier les technologies qui économisent les ressources rares. Pas sûr que notre consommation d’indium dans les écrans plats soit des plus judicieuses pour l’avenir. De la même manière, mieux vaut probablement soutenir, dans la perspective d’un large développement, des filières photovoltaïques au silicium mono ou polycristallin et au silicium amorphe qu'au CIGS (cuivre indium gallium sélénium), même si les rendements de conversion de l’énergie solaire semblent meilleurs (voir chapitre Gallium et indium). Il s’agirait également d’étudier comment nous pouvons remplir plus de fonctionnalités avec les métaux courants. Sept métaux sont abondants (concentration supérieure à 0,1 % dans la croûte terrestre) – sodium, magnésium, aluminium, silicium, potassium, calcium et fer. Ils sont, sans surprise, les principaux métaux utilisés par les organismes vivants. Trois seulement (aluminium, silicium et fer) sont utilisés à l’échelle industrielle. Quatre autres métaux, plus rares, devraient être utilisés avec une certaine « frugalité » : titane, chrome, manganèse et cuivre. Parmi ceux-ci, le chrome est assez irremplaçable pour les applications anticorrosion, tandis que le cuivre est presque irremplaçable pour les applications électriques. Dans le cas du titane, nous en faisons au contraire un usage massif et peu frugal : comme colorant dans le dentifrice par exemple ! Les perspectives de substitution par ces éléments abondants sont inconnues, mais sûrement pas négligeables. Il convient néanmoins de se méfier des mauvaises surprises énergétiques. L’aluminium peut remplacer dans certains cas le cuivre pour le transport d’électricité, mais il faut deux à trois fois plus d’énergie pour le produire (reste à comparer le rapport poids / section entre les deux métaux pour transporter la même quantité d’électricité). Le titane pourrait remplacer le chrome pour certaines applications inox, mais il nécessite en production 4 à 5 fois plus d’énergie (sans présumer du rapport de poids nécessaire dans l’alliage).
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Encore une fois, la question énergétique pourrait venir compliquer le problème. Dans la rubrique substitution il faut également mentionner la piste « organique » qui permettrait de remplacer certains métaux par des matériaux simples ou composites aux propriétés proches, issus de la pétrochimie ou de l’agrochimie. Si la piste n’est pas à exclure (elle sera probablement intéressante pour certaines applications et permet de résoudre dans certains cas l’épineuse question de la gestion du déchet), elle ne s’appliquera cependant que de manière probablement limitée.
Réduire les besoins : le défi de l’économie durable Reste la piste la plus prometteuse, mais aussi la plus complexe, qui consiste à réduire « à la source » notre besoin toujours croissant en matières premières. Prometteuse car elle peut permettre de réduire de manière drastique notre consommation des matières premières les plus critiques. Complexe car compte tenu des ordres de grandeur et des évolutions lourdes présentées précédemment, il s’agira d’aller beaucoup plus loin que l’éco-conception si nous voulons inverser, ou du moins ralentir, la tendance à l’épuisement. Construire une économie durable, donc économe en matières premières – et également en énergie, puisque les énergies fossiles sont épuisables et que les énergies renouvelables sont fortement consommatrices de matières premières – implique de regarder la réalité en face, de comprendre les limites de chaque solution, d’accepter de traiter les antagonismes qui ne manqueront pas d’apparaître.
Mirages de la dématérialisation Regardons la réalité en face en commençant par tordre le cou à quelques idées reçues tenaces. La prétendue « dématérialisation de l’économie » ne réduit pas la consommation de matières premières ou d’énergie. Bien au contraire, les technologies de l’information sont gourmandes de nombreux petits métaux et d’électricité et ont contribué de manière non négligeable à accélérer le recours à une « table de Mendeleïev élargie » ces dernières années. La miniaturisation de certains objets ne réduit pas systématiquement la consommation des matières premières : d’abord parce qu’il faut considérer consommation directe (dans l’objet) et indirecte (lors de sa production), cette dernière pouvant être de loin la plus importante pour des objets à fort contenu technologique. Ensuite parce que la miniaturisation peut rendre plus difficiles les opérations de recyclage. Enfin, les gains unitaires de consommation réalisés sur un objet (à travers l’écoconception par exemple) ne conduisent pas automatiquement à des gains globaux de consommation, en raison de l’effet rebond, qui fait que souvent la consommation globale se maintient ou continue à augmenter (pour prendre une analogie, on constate une tendance, lorsque l’on a un véhicule qui consomme moins de carburant par kilomètre, à effectuer plus de kilomètres par an, pour un même budget essence annuel). Même sans effet rebond, l’effort à réaliser pour convertir l’économie actuelle vers une économie durable sera considérable. L’économie française, par exemple, consomme, pour chaque euro de valeur ajoutée, 10 grammes de métaux (et 230 grammes de
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minéraux non métalliques, pour l’essentiel des granulats à destination des chantiers du bâtiment et des travaux publics, donc avec des risques d’épuisement global nuls, mais des effets locaux possibles). Autrement dit chaque français consomme chaque jour 700 grammes de métaux et 17 kg de minéraux non métalliques. Il s’agit de consommation apparente (qui permet la fabrication d’objets en France à partir des matières premières) et il conviendrait pour connaître notre consommation réelle de faire le bilan des imports et exports (matières premières échangées sous forme d’objets semi-finis ou finis). Une partie de la consommation chinoise sert en réalité à la production de biens de consommation pour la France, tandis que nous exportons notamment des produits aéronautiques fort consommateurs de métaux rares. Notons également que, pour partie, cette consommation vient alimenter le stock en circulation et qu’il ne s’agit donc pas d’un taux de dispersion quotidien : les 700 grammes de métaux (soit 17 millions de tonnes à l’année pour l’ensemble de la population) ne finissent que partiellement sous forme de déchets, dont une partie est elle-même recyclée. Le reste subsiste sous forme de stock dans les bâtiments, les infrastructures, les objets de consommation, etc.
Les enjeux de la consommation et de la production durables L’économie durable peut théoriquement se définir assez simplement : il s’agit de passer d’une consommation de produits « non durables », à l’impact environnemental fort et d’une durée de vie courte, à des produits « durables », à l’impact environnemental faible et d’une durée de vie longue. La réalité est plus complexe car (cf. figure 19) : •
•
la durée de vie ne peut pas être augmentée pour de nombreux produits comme les produits consommables, qui sont dispersés après usage (produits d’hygiène, médicaux, de traitement de l’eau, catalyseurs, traitement agricole ou engrais…) ou les produits périssables (emballages divers, notamment alimentaires ou médicaux…) ; certains produits pourront difficilement réduire leur impact environnemental et leur consommation de matières premières (bâtiments, infrastructures…), mais peuvent rester acceptables car leur durée de vie étant longue il s’agit d’un bien d’investissement (et qui « stocke » les matières premières).
Il existe donc 4 leviers pour tendre vers une économie durable. Il s’agira avant tout de travailler sur la durée de vie. Il faut intégrer l’exigence de durabilité dès la conception, avec des produits réutilisables, réparables, récupérables en partie grâce à leur modularité, et enfin recyclables en fin de vie. Malheureusement cette exigence s’oppose de manière frontale avec les fondements de notre économie de croissance actuelle. en effet pour la satisfaire il faudrait : • •
arbitrer différemment entre coût de l’énergie / coût environnemental et coût du travail humain (rendre le réparable et le recyclable économiquement viables) ; sortir de la logique de l’obsolescence programmée, poussée par la façon dont on comprend et envisage la création de valeur, et la culture dominante « être et consommer » (rendre le réutilisable, le durable et le réparable sociologiquement viables) ;
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•
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affronter la problématique de la propriété industrielle et des normes (rendre le réparable et le récupérable techniquement viables). Il est donc clair qu’une partie du mouvement devra avoir lieu au sein des associations industrielles plutôt qu’au niveau de chaque entreprise.
Pour certaines applications, une des pistes pourrait être « l’économie de la fonctionnalité », basée sur une facturation des services rendus par les objets plutôt que sur la facturation des objets eux-mêmes.
Figure 19 : Les enjeux de la production et consommation durables. Pour les produits « périssables » dont la durée de vie restera courte par la nature même du service rendu, il s’agira de travailler sur l’impact environnemental en fabrication et en fin de vie. Du point de vue des matières premières non renouvelables, il s’agira notamment de limiter au maximum leur usage dans ces produits, en privilégiant les ressources renouvelables, ou à défaut les filières de recyclage. Pour les produits « d’investissement », il s’agira de travailler sur l’impact environnemental en fabrication, utilisation et fin de vie. Du point de vue des matières premières non renouvelables, il faudra développer des produits faisant appel au moins de matière possible, mais également – surtout – concevoir différemment les produits pour optimiser le recyclage – la récupération du stock – en fin de vie. Enfin, pour les produits qui resteront « non durables », se posera la question de les substituer voire de les supprimer : •
peut-on continuer à inclure des ressources non renouvelables dans des produits à faible durée de vie et usage dispersif pour des questions purement marketing (oxyde de zinc dans les produits d’hygiène ou de cosmétique pour des questions de coloris par exemple) ?
•
quelles limites à la logique « tout jetable », surtout dans les produits technologiques fortement consommateurs de métaux rares ? Les évolutions
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récentes nous montrent qu’on peut aller loin dans l’indécence (téléphone portable « jetable », DVD à usage unique, emballages et suremballages…). Des innovations de ce type sont-elles tolérables dans une société qui se fixe des objectifs d’économie de matières premières non renouvelables ? On voit que dans tous les cas, les arbitrages sociétaux et leur prolongement réglementaire, seront au cœur des réflexions sur l’économie durable : •
pour les produits à durée de vie courte, quels dégâts environnementaux et quel gâchis de ressources rares sont acceptables (à condition d’avoir l’information et les outils d’analyse…) au regard de l’utilité réelle (ou perçue…) de tel produit ou service ? Il ne peut y avoir probablement de réponse d’expert à cette question (le débat sur le superflu et le nécessaire…). Le sujet devra être tranché par un débat démocratique, un arbitrage social et sociétal ;
•
pour les produits d’investissement, à durée de vie longue, quels sont les dégâts environnementaux acceptables et la logique « stock en place » versus « stock en circulation » à suivre, pour préparer le futur ? De la même manière le débat devra trancher entre l’utilité relative de différents investissements, entre l’hôpital ou la tour de bureaux, entre le train et le jet privé, en termes d’utilisation de matières premières.
Les ruptures nécessaires seront facilitées par l’augmentation des prix des matières premières, mais ne pourront probablement s’enclencher réellement qu’avec une poussée réglementaire forte (taxe carbone généralisée voire taxe « matière première », obligations de recyclage, de gestion des déchets en fin de vie, normes sur la conception…), le tout devant être accompagné d’un véritable programme sociétal pour en assurer l’acceptation sociale, car il s’agit bien, selon le type d’usages, de muter vers une économie de la fonctionnalité ou vers une économie de la sobriété ou de la frugalité.
La complexité des choix dans le cadre d’un développement durable Un développement durable consiste à créer les conditions d’un développement humain dans un monde fini. Il s'agit donc une logique multidimensionnelle avec des enjeux (énergétiques et climatiques, sur les ressources, la biodiversité, la réduction de la pauvreté et le développement social) qui sont souvent porteurs d’antagonismes. Doit-on par exemple privilégier la construction de grandes infrastructures ferroviaires ou mettre un terme à l’artificialisation du territoire ? Doit-on mettre en culture des jachères à des fins énergétiques ou les maintenir comme refuge de biodiversité ? Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, la question des métaux est fortement imbriquée avec les questions d’énergie et de changement climatique : •
accélération des besoins énergétiques liés à l’extraction et la production des métaux au fur et à mesure de la déplétion des ressources ;
•
usage accru de métaux rares pour le développement des énergies renouvelables :
•
utilisation de matériaux plus « nobles », plus purs et donc plus coûteux en énergie pour augmenter les performances énergétiques dans certains secteurs (habitat, énergie, transports…).
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Si l’on se place dans la logique des besoins des générations futures, pourraient ainsi se poser, par exemple, des questions d’arbitrage dans l’utilisation d’alliages spéciaux pour alléger des véhicules. Doit-on « puiser dans le stock » en employant des matériaux performants pour réaliser un gain de quelques % sur les émissions de CO2, là où une réduction de la vitesse moyenne permettrait des gains de plusieurs dizaines de % avec les matériaux actuels, et même avec moins de matériaux ? Des arbitrages seront aussi nécessaires sur le sujet de l’impact environnemental et de l’érosion de la biodiversité liés à l’exploitation minière. Doit-on ouvrir de nouvelles exploitations (si le potentiel existe) dans des zones jusqu’alors épargnées, ou rester sur les exploitations existantes avec une concentration de minerai décroissante ? Notre utilisation de métaux sera également au cœur des questions de développement humain (santé, éducation…) puisque la consommation de métaux et plus particulièrement de métaux rares est (en tout cas jusqu’à présent) corrélée au niveau de développement. Se poseront donc de toute manière, quelque soit l’échéance, les questions de partage et d’allocation prioritaire de ressources limitées. Il n’existe que deux manières d’organiser un partage de ressources limitées. Les mécanismes de marché et de prix – efficaces mais dont l’inconvénient est en général de provoquer une injustice sociale – et le rationnement. Même si celui-ci n’est pas une perspective très réjouissante, l’histoire a montré qu'il peut être bien accepté par les populations, à condition que la nécessité en soit comprise face à l’urgence, et que l’effort soit porté par tous équitablement (exemple de la Grande-Bretagne pendant la seconde guerre mondiale). Enfin on trouve les antagonismes de la transition vers l’économie durable, entre exigences économiques et sociales, et exigences environnementales. Ainsi : •
la question de la création de valeur, adossée pour l’instant principalement à la consommation croissante de matière et d’énergie ;
•
les questions sociales de l’adaptation de filières qui seraient destinées à disparaître (de manière réglementaire) pour des raisons environnementales ou d’arbitrage défavorable (cf. la restructuration lourde de l’industrie métallurgique en France dans les 30 dernières années) ;
•
les questions de transition et de notre capacité à évoluer suffisamment rapidement par rapport à l’augmentation en cours : l’« effet parc » du système dans son ensemble ;
•
les questions de propriété intellectuelle et de concurrence, basées notamment sur la différenciation, là où le besoin normatif et de standardisation est énorme pour assurer la modularité et la possibilité de réparer ou de recycler les objets. Dans le domaine des métaux, matériaux recyclables par excellence, une grande différenciation des produits est clairement antinomique avec un recyclage efficace produisant des métaux et alliages de qualité. Le modèle d’innovation est donc peut-être lui-même à remettre en question.
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Les voitures prennent de plus en plus d’embonpoint Jusqu’à présent, quelque soit la gamme choisie, pour un même type de véhicule, le poids augmente inéluctablement au cours du temps. En 1997 déjà, on remarquait que dans la gamme moyenne inférieure (exemple Renault Mégane), tous constructeurs confondus, les nouveaux modèles prenaient 17,5 kg chaque année ! En 4 générations, la Golf de Volkswagen s’est alourdie de 350 kg, principalement en raison d’un accroissement des dimensions de ce modèle. Chez Peugeot, la masse à vide de la 207 est de 150 kg supérieur à la 206. Pourquoi cette évolution ? Une demande de plus de valeur : confort (plus d’équipements), espace (dimensions plus importantes), sécurité (renforcement de la caisse)… Un véhicule dont le poids augmente voit ses performances chuter (vitesse et surtout accélération). Afin de maintenir la prestation « performances », on doit nécessairement compenser en accroissant la puissance motrice ; or cela signifie, à technologie constante, un plus gros et plus lourd moteur. Il faudra une structure correspondante plus solide et fatalement plus lourde, et ainsi de suite… Voilà tout net le cercle vicieux et qui marche également en sens inverse : globalement, les ingénieurs estiment que 100 kg économisés permettent un gain de 30 kg sur la mécanique. Source : www.imaginascience.com
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Devant la complexité de la problématique – épuisement des matières premières et interactions avec la question énergétique et le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, les impacts sociaux et environnementaux locaux, la question du partage équitable des ressources, et surtout avec les fondements de notre système économique – nous n’avons pas la prétention de disposer, dans le cadre de la présente réflexion, de la solution miracle, même si des pistes ont été explicitement évoquées. Nous avons en revanche quelques convictions : •
il serait salvateur de changer de perspective sur la manière d’aborder le sujet ;
•
malgré la gravité de l’état des lieux, nous avons quelques raisons d’espérer (et aussi quelques unes de douter).
Changer de perspectives Nous devons changer de perspective sur notre approche temporelle Lorsque Jean-Baptiste Colbert se fait attribuer la direction des Eaux et Forêts, la France vit une crise forestière profonde, du fait de la poussée démographique et des besoins croissants de l’industrie et des chantiers navals, qui ont considérablement augmenté la demande en bois (d’œuvre ou de chauffe), tandis que les défrichements et la surexploitation ont progressivement réduit l’offre disponible. En tant que Secrétaire d’État à la Marine, Colbert sait qu’il faut de l’ordre de 3 000 chênes centenaires pour fabriquer un bateau de guerre. Pour maintenir la puissance maritime du royaume, il va ainsi favoriser, par son ordonnance de 1669, un usage fortement réglementé et une replantation massive. Nous lui devons une bonne part de nos forêts actuelles (qui sont à plus de 99 % des forêts artificielles). Ainsi, au 17e siècle, alors que l’âge du monde était évalué à moins de 6 000 ans (l’histoire biblique), notre société – certes peu démocratique ! – a été capable de se projeter, dans ses décisions, au-delà du siècle. Nous savons désormais que l’âge de l’univers dépasse 15 milliards d’années, celle de l’humanité quelques centaines de milliers ou quelques millions d’années, mais nous ne pouvons prendre nos décisions au-delà de quelques années : mesurons au passage la formidable régression intellectuelle.
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Dans cette logique, contester le diagnostic en termes temporels est selon nous nul et non avenu. La concomitance de plusieurs facteurs semble indiquer le passage prochain d’un pic de production sur plusieurs métaux stratégiques (baisse des réserves, pénurie énergétique, moyens humains et matériels limités, etc.) Mais peu importe l’incertitude sur le niveau des réserves, sur notre capacité à repousser les limites technologiques d’exploration et de production ou sur les capacités de substitution de telle substance par telle autre. Nous savons que : •
nous exploitons un stock fini et qu’il finira donc par y avoir un problème de disponibilité des ressources ;
•
le problème sera d’autant plus grand et les conséquences irréversibles que nous nous y prendrons tardivement pour l’aborder,
… et que l’inaction est par conséquent moralement irrecevable, compte tenu des implications potentielles pour les générations futures. La prise en compte d’une nouvelle perspective temporelle devrait aboutir à des logiques différentes dans nos pratiques : préservation d’un patrimoine plutôt que maximisation du produit intérieur brut, utilisation d’un taux d’actualisation dans les calculs économiques, question du partage équitable des ressources limitées, fiscalité adaptée…
Nous devons changer de perspective sur notre approche technologique En matière de « développement durable » et autres « croissances vertes », il n'est actuellement point de salut en dehors de l’innovation technologique. Bien que techniciens de formation, il nous paraît pourtant très dangereux de croire, dans le cas des matières premières, à une solution uniquement technologique. Dans la plupart des cas, plus de technologie signifie plus de matières premières (et souvent de plus rares ou plus pures) et de manière corrélée, plus d’énergie dépensée pour leur fabrication. Nous avons ainsi mentionné certains faux espoirs de la dématérialisation ou de la miniaturisation. Le recyclage pourra vraisemblablement faire des progrès très substantiels, surtout si l’on arbitre différemment entre coût du travail humain et coût de l’énergie et des matières premières. Mais il ne pourra pas inverser la tendance sur les petits métaux et l’utilisation accrue d’alliages. Même si cela paraît difficile à accepter, nous avons sans doute autant besoin de « moins de technologie » que de « plus de technologie ». C’est donc aussi sur le terrain du juste besoin, et par-delà, de la morale, que devront se situer les progrès. « Agis selon la maxime qui peut en même temps se transformer en loi universelle », nous dirait Kant avec son impératif catégorique. Force est de constater qu’une partie minoritaire de l’humanité exploite les ressources d’une manière qui ne peut, à court terme et encore moins à long terme, s’universaliser. Nos sociétés atteignent la saturation sur certains paramètres – consommation énergétique, pollution des écosystèmes, étalement urbain et artificialisation du territoire – et le sentiment diffus se répand que « plus » et « mieux » ne sont plus corrélés. Cela mériterait l’ouverture d’un débat sur notre fonctionnement économique et sur les finalités de la croissance sans fin.
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De nombreuses pistes d’économie des matières premières (et d’énergie) sont en forte opposition avec notre économie de croissance : remise en cause des besoins, durée de vie allongée, réparation, réutilisation… Elles nécessitent donc une véritable rupture sociétale.
Nous devons changer de perspective sur la manière de suivre les progrès et de les communiquer Face à l’énormité des enjeux, il n’est pas supportable de tomber dans le syndrome de l’arbre qui cache la forêt. Les acteurs politiques et économiques doivent gagner en maturité pour accepter et faire accepter la réalité et donc par exemple : •
éviter la confusion entre produit (théoriquement) recyclable et produit (réellement) recyclé (ce qui est le cas par exemple pour les emballages) ;
•
trouver le juste équilibre dans la communication entre partage de quelques bonnes nouvelles ou efforts significatifs et occultation de la réalité globale moins agréable. Non, un véhicule, même électrique, n’est jamais « propre ». Non, un téléphone portable n’est pas « écologique » même si sa coque est en fibre de bambou ! Et qui peut croire qu’une « éco-taxe » de quelques euros sur les produits électroniques compense les dégâts environnementaux de leur fabrication ?
•
mettre en place un véritable pilotage de la problématique au niveau national et européen.
Les raisons d’espérer Mais nous avons aussi quelques raisons d’espérer : •
d’abord car le gâchis actuel – au moins dans nos sociétés occidentales – est tout bonnement phénoménal. Avec les réglementations et les incitations adéquates (taxe matière première ? obligations de recyclage ? contraintes en conception ? soutien public à des filières de recyclage non rentables actuellement ?), nous pourrions déjà, avec une remise en cause très modérée de notre niveau de confort matériel, aboutir à des gains rapides et très substantiels. Mais les évolutions pourront être localement fortes, avec des secteurs beaucoup plus impactés que d’autres : suremballages, produits jetables, certains produits de grande consommation, etc. Il faudra donc accompagner la transition de manière adéquate ;
•
ensuite car nous avons un formidable « stock en circulation ». Compte tenu du stock de métaux déjà en circulation, et si nous arrivons à travailler à la fois sur la demande et sur le recyclage (avec le problème particulier de la pureté des ressources en usage secondaire), le potentiel est énorme et nous devrions avoir de quoi voir venir. Sans parler du « stock en place » (les réserves et réserves base) auquel nous continuerons à faire appel, mais si possible de manière toujours plus clairvoyante. Les déchets métalliques sont un patrimoine commun et devraient être considérés comme tels.
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•
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enfin car il y a une forte adéquation entre les filières de recyclage et quelques secteurs fortement utilisateurs de matières premières. Il est en effet plus simple d’organiser des filières de recyclage à partir d’acteurs professionnels en nombre limité et plus faciles à former ou contrôler, que d’impliquer les consommateurs finaux dans le tri des déchets ménagers. On peut raisonnablement imaginer organiser des filières extrêmement efficaces, bien plus qu’aujourd’hui, dans des secteurs comme le bâtiment et l’automobile qui sont deux gros utilisateurs (cf. figure 20), certains produits de grande consommation comme les produits bruns ou la téléphonie – même si l’on constate pour l’instant un taux de retour déplorable des téléphones mobiles ou des piles par exemple. Une politique volontariste et une poussée réglementaire forte sur des secteurs ciblés permettrait des progrès très substantiels et rapides, sur de forts volumes. Inversement il faudra réduire au maximum l’utilisation de matières premières rares dans les produits qui finissent comme déchets ménagers, passant par des filières grand public à durée de vie courte et dont le recyclage est complexe à organiser, comme les sports et loisirs ou les emballages.
NOTA : Le positionnement des différentes filières est illustratif et peut varier en réalité profondément d’un métal à un autre
Figure 20 : Opportunités des filières.
Les raisons de douter Les raisons de douter de notre capacité collective à mettre en œuvre les ruptures sociétales, organisationnelles, techniques, culturelles et économiques nécessaires sont nombreuses et nous renvoyons le lecteur à ses propres opinions sur le sujet. Nous n’en citerons donc qu’une, technique, qui nous paraît majeure : l’absolue dépendance de la question des métaux à la question de l’énergie, dont nous savons que la pénurie mondiale suivra de près, dans les années qui viennent, le pic de production du pétrole, puis celui du gaz. Plus que la disponibilité de solutions alternatives, c’est la capacité à les déployer qui pourrait s’avérer un facteur limitant.
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Persuadons-nous que notre mode d’exploitation et de consommation des métaux n’est pas durable, puisqu’il est aujourd’hui permis que par une véritable « débauche énergétique ». Nous n’avons pu exploiter des mines comme Chuquicamata au Chili – de l’ordre de 15 km3 de stériles, 65 millions de tonnes déplacées par an – ou Bingham Canyon dans l’Utah – 6 milliards de tonnes de gravats en un siècle – que grâce à un pétrole abondant et bon marché. Nous aurons du mal à remplacer les 70 camions (dumpers) de 290 tonnes de charge utile du Bingham Canyon, parcourant au total 20 000 km par jour, par des véhicules électriques solaires ou quelques millions de mulets ! Il s’agira de réaliser les bons choix dans les deux sens : •
s’assurer que les énergies alternatives que nous choisirons pour pallier (en partie seulement) au déclin des énergies fossiles sont « robustes » du point de vue des matières premières : avec encore un risque d’utilisation accrue de matières premières potentiellement problématiques lorsque déployées à grande échelle (exemple des panneaux photovoltaïques CIGS) ;
•
s’assurer que les techniques de préservation des ressources (recyclage poussé, choix de technologies plus basiques mais moins efficaces, etc.) ne sont pas contreproductives en termes de consommation énergétique.
Conclusion : innovation technique et quête de sens Du point de vue des métaux comme d’autres dimensions environnementales, nous nous apprêtons donc à vivre une époque qui s’avérera, avec le recul, probablement charnière. Au milieu de certitudes économiques, sociales, techniques, culturelles qui devront être bousculées, des solutions concrètes et pragmatiques devront être apportées (en cible ou pour la période transitoire). Plus que jamais les approches multidimensionnelles et pluridisciplinaires seront de rigueur : la posture humaniste, la dimension sociétale et l’ouverture sur des logiques différentes devront être renforcées. Les ingénieurs et les techniciens y auront donc toute leur place mais devront apprendre, encore plus qu’aujourd’hui, à travailler avec des disciplines éloignées de leur champ de compétence naturel. Toutes les parties prenantes devront être impliquées sur le sujet de la raréfaction des ressources non renouvelables, métalliques en particulier : le grand public, l’administration, les pouvoirs politiques, les entreprises et les experts techniques. Il est nécessaire que chacun prenne sa part dans la transformation de notre modèle. Le grand public doit être sensibilisé et informé sérieusement pour qu’une pression forte s’exerce sur le milieu politique, dans la bonne direction. Les pouvoirs politiques, l’administration et l’état doivent prendre les mesures permettant une gestion durable de nos ressources sur la base de choix démocratiques, un fois les enjeux explicités, avec l’aide d’un support technique de la part des experts, dans les entreprises et le monde de la recherche. Certes on peut espérer encore beaucoup des progrès techniques et des innovations. Mais pour rendre nos sociétés réellement durables, en tout cas du point de vue de notre consommation « métallique », il faudra sérieusement les orienter vers l’économie de ressources à moyen terme plutôt que vers la recherche de profit à court terme. Nous en sommes encore loin.
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Les métaux : approches transversales
La première partie de l'ouvrage s’est employée à montrer la complexité de la problématique des ressources en métaux. Pour la lisibilité du texte, il a été nécessaire de simplifier cette complexité et de n’aborder que de manière très rapide, certains aspects environnementaux, techniques ou économiques. Cette partie rassemble une série de textes qui approfondissent ces aspects. Prenons d’abord la transformation du minerai présent dans la terre en métal utilisable : c’est une des activités humaines qui a le plus fort impact environnemental (mines et environnement, résidus miniers) et énergétique (empreinte énergétique des métaux), impact qui peut être minimisé (avancées des techniques minières). La rareté des métaux, combinée aux difficultés d’extraction définissent le prix des métaux. Dans ce prix intervient une composante spéculative de plus en plus importante, d’autant que les aspects géostratégiques prennent une importance grandissante. Avec la raréfaction des métaux et les prix qui s’envolent, ainsi que la nécessité d’économiser des ressources limitées, les déchets deviennent une source de matières premières métalliques de toute première importance. Mais la réutilisation des métaux issus du recyclage se heurte au problème de la pureté des métaux, pureté nécessaire aux applications de haute technologie. Enfin, si les métaux nous rendent une multitude de services, il ne faut pas oublier qu’ils peuvent être toxiques pour l’Homme. Cette toxicité des métaux, dépendante de leur forme chimique, impose une réflexion sur leur utilisation et leur fin de vie.
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Mines et environnement
Le chemin est long depuis l’extraction du minerai jusqu’au produit fini contenant des métaux. Et dans notre vie quotidienne, si nous visualisons bien le produit fini, éventuellement l’usine métallurgique, nous n’avons quasiment jamais l’occasion de visualiser la mine. Or, dans toute la chaine de production, c’est clairement l’exploitation minière qui occasionne le plus de dégâts environnementaux, dégâts qui peuvent perdurer longtemps après la fermeture de la mine (voir chapitre Résidus miniers pour une description du processus minier).
Installation de la mine Lorsqu'une exploitation s'installe sur un site minier, elle défriche tout le terrain, entraînant la déforestation, des pertes de superficies agricoles, la disparition de la faune et de la flore. La déforestation entraîne une modification de l’écoulement des eaux, favorisant les risques de crue et modifiant l’approvisionnement en eau des populations. Un exemple cité par le World Rainforest Movement : la compagnie minière Italo-argentine Ternium a démarré en 2008 l’extraction de minerai de fer sur 2 000 hectares de forêt tropicale dans le sud-ouest du Mexique. La crainte des populations est que cela prive 15 000 habitants de leur approvisionnement en eau. De plus cela conduit à abattre des arbres âgés de plus de 100 ans et la faune, comportant des animaux déjà en voie d’extinction, s’en trouve menacée.
Ce phénomène est accentué par l'implantation de villes autour des mines.
Fonctionnement de la mine Pour son fonctionnement, une exploitation minière a besoin d'une quantité très importante d'eau. Dans un certain nombre de pays, la quantité d’eau prélevée est soumise à réglementation. Lors du pompage de l’eau dans les cours d’eau, le débit du cours d’eau ne doit pas descendre en dessous du débit minimum au niveau duquel le continuum écologique est maintenu. Dans les pays où ce type de réglementation n’existe pas, on peut constater des phénomènes d’assèchement des nappes phréatiques, rivières, puits et sources entraînant des pénuries d'eau pour les populations alentour. Cette eau est principalement utilisée pour le traitement du minerai (voir chapitre Résidus miniers). Au cours de ce traitement l’eau se charge de particules (sables,
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Quel futur pour les métaux ?
Au Mali, la mine d'or de Sadiola a pompé 5,6 millions de mètres cube d'eau en une année soit l'équivalent de la consommation annuelle de près de 800 000 maliens. Au Canada, l’industrie minière représente 1 % des prélèvements d’eau, contre 12 % pour le secteur agricole (elle présente en fait une utilisation brute égale à la moitié de celle de l’agriculture mais l’industrie minière recycle l’eau qu’elle prélève dans des proportions plus importantes).
argiles, minerais broyés…) qui restent en suspension. Ces matières en suspension représentent au minimum une pollution physique (souvent aussi une pollution chimique) qui peut entraîner d’importantes perturbations de l’écosystème aquatique. Pour éviter cette pollution les exploitants miniers mettent en place des bassins de décantation. Les particules plus lourdes que l’eau sédimentent en traversant les bassins de décantation et s’accumulent au fond de l’ouvrage. L’eau, une fois débarrassée des particules en suspension, s’évacue par débordement par la partie supérieure, située à l’autre extrémité du bassin. Les bassins de décantation sont curés régulièrement pour conserver leur capacité de traitement. Dans le cas de particules très fines qui peuvent rester en suspension très longtemps, il est nécessaire d’utiliser des floculants qui se combinent avec des particules en suspension pour former des agrégats plus gros qui décantent plus facilement (voir l’exemple de Goro Nickel dans les références bibliographiques). Les bassins de décantation représentent des risques potentiels importants comme l’illustre l’exemple d’Aznacollar décrit ci-dessous. En 1998, à Aznacollar (Espagne), le mur du bassin de décantation d’une mine de pyrite cède. Des milliers de mètres cubes d’eau, de détritus et de boues chargées en arsenic, plomb, zinc, oxydes de cuivre et sulfates d’ammonium se déversent dans la rivière locale, un affluent du Guadiamar. Les quantités sont tellement importantes que la rivière déborde et inonde la plaine recouverte de rizières, de vergers, de champs de tournesol et de coton. Sur des milliers d'hectares, les récoltes sont perdues, brûlées par les produits chimiques. Des tonnes de poissons morts descendent le Guadiamar, puis le Guadalquivir, intoxiquant les oiseaux qui, trop contents de l’aubaine, viennent les manger. Le mélange toxique s’est infiltré dans les bras d’eau, les lagunes et les étangs à proximité immédiate du parc naturel de Doñana, site inscrit au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Cette pollution d’une vaste zone aura un impact à long terme, car les métaux resteront piégés dans les terrains très longtemps.
La poussière est un autre impact majeur de l’exploitation minière. Dans les mines à ciel ouvert, on utilise beaucoup d’explosifs et d’engins, ce qui génère poussière et nuisances sonores. À proximité du village de San Pedro, au Mexique, ce sont chaque jour 25 tonnes d'explosifs qui retentissent et dégagent de la poussière.
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Ces poussières ont un impact sur les travailleurs. On connaît depuis toujours la silicose des mineurs de charbon. De la même manière, les travailleurs de mines riches en quartz comme les mines d'or (Afrique du Sud) ou les mines d'étain (Bolivie, Indonésie...) sont atteints ou soumis à des risques importants de silicose. Mais ces poussières peuvent aussi impacter les résidents des villes et villages à proximité. En effet les résidus miniers stockés ont souvent une granulométrie très fine et peuvent très facilement être entraînés par le vent… à moins qu’on ne les humidifie en permanence, ce qui ramène au problème de l’eau. Les engins dégagent une quantité importante de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique. Au Canada, le CO2 émis par l’exploitation minière représente ainsi 3,6 % des émissions industrielles (4,18 millions de tonnes équivalent CO2). Pour extraire le métal du minerai, plusieurs procédés sont utilisés notamment la lixiviation qui nécessite l'emploi de produits chimiques dangereux tels que le cyanure, le mercure ou l'acide sulfurique (voir chapitre Avancées des techniques minières). En plus du métal recherché, ces solutions chimiques libèrent d’autres métaux aussi présents dans le minerai qui, d'une manière ou d'une autre, risquent d’aboutir dans le système hydrologique. La contamination de l’eau entraîne alors des dommages graves aux écosystèmes environnants et aux personnes.
Abandon de l’activité minière Le drainage minier acide Stopper toute activité minière ne signifie pas pour autant l'arrêt de la pollution. L’activité minière a eu pour effet de transformer une roche massive en une roche très finement divisée. Sous cette forme finement divisée, les minéraux continuent d'interagir avec le milieu extérieur (air et eau) et s'oxydent. Pour les minerais contenant des sulfures, cela se traduit par la production d’acide sulfurique. On note ainsi sur beaucoup de mines un phénomène de drainage minier acide (DMA), c’est-àdire un écoulement d'acide sulfurique accompagné de métaux qui se sont solubilisés. Il n'est pas rare d'y relever un pH < 3 ou même négatif ce qui bouleverse l'écosystème. En effet, l'anoxie des eaux commence vers pH 4,2 et presque aucune espèce ne survit à des pH inférieurs à 5. Les métaux augmentent la toxicité de l'effluent minier acide et sont généralement des poisons du métabolisme. La présence simultanée de plusieurs métaux peut engendrer une toxicité supérieure à celle de chaque métal séparé. Par exemple, le zinc, le cadmium et le cuivre sont toxiques aux faibles pH et agissent en synergie pour inhiber la croissance des algues et affecter les poissons. Le phénomène de drainage minier acide est très lent et peut durer extrêmement longtemps comme à la mine « Golden Sunlight » où le gouvernement américain a évalué la durée du phénomène en milliers d’années. Si l’on ne fait rien, l'écoulement se retrouve dans des cours d'eau environnants : pour éviter cette pollution, il est donc nécessaire de mettre en place des traitements de l’eau qui doivent fonctionner en permanence pendant des dizaines d’années.
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Quel futur pour les métaux ?
À « Summitville » au Colorado, l’acide qui s’écoule de la mine a impacté toute la vie aquatique dans la rivière Alamosa sur les 27 kilomètres en aval de la mine. L’exploitant s’étant déclaré en faillite, sur la période 1992–2005, ce sont 210 millions de dollars que les pouvoirs publics ont dépensé pour maîtriser les écoulements toxiques. Et les dépenses continuent pour la collectivité, alors que l’exploitant n’a finalement payé que 28 millions de dollars en tout et pour tout. Une petite mine exploitée peu de temps peut avoir un impact important à long terme. C’est l’exemple de la Tsolum River à proximité de Vancouver. En 1964, une mine de cuivre s'est implantée à proximité de la partie supérieure de la Tsolum River, qui était à l'époque très riche en vie aquatique. C'était une mine de seulement 13 hectares et qui a fonctionné 3 ans. Après fermeture de la mine, le nombre de cohos (poisson de la région) est passé de 15 000 (1966) à 14 (1987) en raison de la pollution due au drainage minier acide. Le gouvernement a reconnu qu'il n'y avait presque plus de saumons dans la rivière. Même s’il est toujours difficile de chiffrer l’impact sur l’environnement, on peut citer l’évaluation du coût de 60 millions de dollars sur quelques années lié à la perte de la pêche combinée aux dépenses pour le nettoyage.
Remise en état des terrains À la fin de son exploitation, une mine laisse un terrain complètement bouleversé : des cavités, des tas de stériles, des bassins de décantation qui sont autant de zones dangereuses. Des cavités abandonnées peuvent se transforment en étangs, véritables aubaines pour les moustiques, répandant ainsi la malaria dans les communautés environnantes. À coté de l’aspect « mécanique » du bouleversement, il y a souvent une pollution chimique de l’ensemble des sols. En effet, selon le même principe qui donne le drainage minier acide, l'activité minière ramène en surface des roches qui s'y oxydent en libérant des sulfures, qui s'oxydent à leur tour en sulfates. Cette réaction produit des acides qui entraînent la libération des métaux lourds naturellement présents dans le sol. Ce sont ces métaux libérés qui, en se diffusant, polluent les sols environnants. Ce type de contamination des sols ne disparaît pas naturellement (au contraire par exemple des pollutions des boues de forage pétrolier contenant des hydrocarbures sur lesquelles on constate une atténuation naturelle des polluants organiques par des processus biologiques). Même s’il n’est pas très pollué, le sol autour d’une mine est en général stérilisé du point de vue agricole. Il a donc souvent besoin d’être revégétalisé. Jusqu'au milieu des années 1970, les concessions minières de NouvelleCalédonie brûlaient la végétation lors des opérations de prospection et les résidus miniers étaient déviés en aval. Des sédiments se sont mis en travers des rivières, ce qui a eu pour effet d'appauvrir les terres agricoles en aval voire de les engloutir, et ont fini par polluer le lagon. Les contestations des habitants ont finalement contraint les compagnies minières à changer de techniques d'exploitation et à mieux gérer leurs déchets.
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En gardant la couche fertile du sol, des opérations de revégétalisation ont été mises en place après l'exploitation pour réduire la dégradation des pentes ainsi que le phénomène de ruissellement. Cette opération n’est pas simple, car elle doit assurer une régénération minimale des écosystèmes, sur de vastes étendues, le tout avec des moyens budgétaires souvent contraints. Les stratégies de restauration du couvert végétal commencent d'ores et déjà à tenir compte de la diversité des espèces présentes dans l'environnement originel et de la conservation des espèces rares trouvées aux alentours des mines.
Conclusion Dans ce chapitre, il a été illustré rapidement les dégâts environnementaux générés par une mine lors de son installation, son fonctionnement et après son arrêt. Le lecteur a pu noter que les exemples cités sont souvent le fait de mines anciennes. Il est de fait que les technologies minières modernes (voir chapitre Avancées des techniques minières et exemples ci-dessus) permettent de minimiser sensiblement l’impact des mines. Il n’en demeure pas moins que l’activité minière est probablement l’activité industrielle ayant le plus fort impact du point de vue environnemental. Cet impact rentre dans la catégorie de ce que les économistes appellent « externalités négatives » . En effet, il est souvent subi par les habitants de pays qui ne sont utilisateurs que de manière marginale des métaux extraits (on n’ouvre plus beaucoup de mines dans les pays développés). De plus cet impact dure beaucoup plus longtemps que l’exploitation de la mine, conduisant au mieux à une prise en charge de la dépollution par la collectivité, au pire à l’abandon d’une zone écologiquement dévastée. Une réelle prise en compte économique de ces externalités conduirait sans nul doute à un renchérissement majeur du coût de l’extraction des métaux.
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Résidus miniers
Les métaux sont répartis dans toute la croûte terrestre. Heureusement pour l’Homme, des phénomènes de minéralisation géochimique ont créé localement des concentrations plus importantes de certains métaux, permettant l’exploitation minière. L’exploitation minière consiste à extraire un minerai qui, après passage à travers plusieurs étapes de traitement, donnera le métal ou les métaux recherchés. Les minerais étant souvent faiblement concentrés, l’activité minière génère une quantité très importante de résidus. Ces résidus peuvent être des produits naturels ou des produits artificiels, issus des phases de traitement et d'enrichissement du minerai contenant d'éventuels additifs chimiques, minéraux ou organiques, ou générés lors d'une étape de fusion métallurgique.
Définition Un minerai (du latin minera mine) est une roche contenant des minéraux utiles en proportion suffisamment intéressante pour justifier l'exploitation, et nécessitant une transformation pour être utilisés par l'industrie. La plupart des minerais métallifères sont : • des oxydes (bauxite pour l’aluminium) ; • des sulfures (galène pour le plomb, sphalérite pour le zinc) ; • des carbonates (malachite pour le cuivre, sidérite pour le fer) ; • des silicates (garniérite pour le nickel et le magnésium).
Les types d’exploitation minière Sur les 25 000 mines du monde, 2 500 sont des mines métalliques d’importance industrielle (en sont exclues les mines de moindre importance, dont plus de 8 000 en Chine). La situation topographique, la géométrie et la morphologie du gisement détermineront la méthode minière utilisée pour son exploitation. Ainsi, il existe une dépendance entre les tonnages relatifs, la composition chimique des résidus générés lors des différentes phases de travaux miniers et la méthode d'exploitation choisie.
Mines à ciel ouvert Lorsqu'un gisement est peu profond, une exploitation à ciel ouvert peut être envisagée. L'exploitation d'un minerai à ciel ouvert est décidée en fonction du taux de découverture (ratio du volume de roche stérile qui doit être enlevé par volume de minerai), et n'est réalisable généralement que pour des minerais peu profonds (< 300 m). Après les travaux de décapage (enlèvement du sol et des couches
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Quel futur pour les métaux ?
superficielles), les travaux de découverture concernent la partie stérile de la roche renfermant (ou encaissant) le minerai. Celle-ci est enlevée par gradins successifs dans une excavation souvent de forme conique dont les parois découpées en banquettes sont plus ou moins redressées suivant la tenue mécanique des roches. Plus l'excavation s'approfondit, plus le volume de stérile à extraire est important. Lorsque le taux de découverture devient trop important, une exploitation à ciel ouvert n'est plus rentable.
Figure 21 : Bingham Canyon Mine. La mine la plus profonde extrait de l’or en Afrique du Sud ; elle atteint 3,8 km de profondeur. L’exploitation à ciel ouvert Bingham Canyon Mine, à côté de Salt Lake City, Utah, est large de plus de 4 km et profonde de plus d’1 km. Il s’agit de la plus grande excavation humaine sur Terre. L’exploitation a débuté en 1906 et s’est étendue jusqu’au début du 21e siècle, produisant du cuivre et de plus faibles quantités d’or, d’argent et de molybdène.
Mines souterraines Dans le cas où l'ouverture d'une mine à ciel ouvert n'est pas possible, et si les teneurs du minerai le permettent, une exploitation en mine souterraine, méthode plus coûteuse, peut être mise en œuvre. Dans ce cas, l'accès au minerai se fait par un ou plusieurs descenderies (galerie en pente descendante). Si le gisement comporte une ou plusieurs couches de minerais horizontales dans une région à paysage plat, la desserte des galeries et la ventilation sont assurées au minimum par deux puits : l'un pour évacuer le minerai (skips) et l'autre pour le personnel, l'aération et l'exhaure des eaux. Dans le cas d'un gisement très redressé en zone de montagne, plusieurs galeries horizontales peuvent être tracées à partir du flanc de la colline – les travers bancs – pour rejoindre le minerai.
Les principaux types de déchets miniers Chacune des étapes d'exploitation peut être génératrice de résidus miniers, généralement de caractéristiques physiques et chimiques (donc d'impact
Technique, environnement et économie
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environnemental potentiel) très différentes. Leurs volumes respectifs, surtout en ce qui concerne les résidus de découverture, seront fonction aussi du type d'exploitation (mine à ciel ouvert, mine souterraine) ; leur composition chimique variera en fonction de la substance exploitée et de la nature du gisement. Ces résidus peuvent être classés en quatre grands groupes : • • • •
les stériles francs de découverture et/ou de traçage de galerie ; les résidus d'exploitation ; les résidus de traitement (rejets de l'usine de concentration) ; les autres résidus (scories de grillage ou de fusion du minerai).
USINE DE METALLURGIE EXTRACTIVE (grillage - fonderie)
MINE A CIEL OUVERT (MCO)
USINE DE TRAITEMENT (laverie)
MINE SOUTERRAIN (MST)
E H G
A. B Stériles (francs) de découvertures et/ou de traçage de galerie
B
F
A
C
Stériles mixte (encaissement stérile, minéral pauvre au contact du fiton, halo géochimique)
D
Mineral riche (gisement)
E
Mineral pauvre stocké
F
Digue de stériles - résidus de laverie
G
Terril - résidus de laverie
H
Scorles de grillage / fusion
C
D
Source : BRGM, 1997
Figure 22 : Travaux et opérations d’une exploitation minière avec la typologie des produits issus des différentes activités.
Les stériles francs de découverture Ce sont les sols qui recouvrent le minerai, décapés pour une mise en exploitation à ciel ouvert ou, dans le cas d'une mine souterraine, les matériaux stériles extraits lors du percement de galeries, puits ou descenderies. Ces résidus se présentent généralement sous forme de blocs de roches, ils sont dans la plupart des cas inertes du point de vue environnemental. Le principal problème qu’ils posent est l’encombrement physique (terrils de mine).
Les résidus d’exploitation (minerais pauvres) Lors de l'exploitation, le mineur opérera un tri précoce entre le minerai vendable et le minerai trop pauvre pour être économiquement viable. Ce minerai pauvre pourra être stocké sur place, dans l'attente d'un traitement éventuel si les cours du métal venaient à monter. Dans les mines anciennes, la pratique était parfois de le mettre à part, ou de le rejeter de la même façon que les autres résidus de la mine de découverture.
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Quel futur pour les métaux ?
Exploitation
Usine de traitement
Site minier avant travaux (environnement naturel, fond géochimique)
Concassage et broyage (Comminution)
Filières de traitement
Réactifs chimiques
Gisement plus encaissant
Fusion, grillage
Métal (produit marchand)
Concentré (produit marchand)
Minerai
Résidus miniers
Fonderie
Résidus de découverture, d’infrastructure (« stériles franc »)
1
Résidus d’exploitation (stériles de sélectivité et/ou stériles franc)
2
3
Résidus de traitement (laverie, flottation)
Scories
4
Source : BRGM, 1997
Figure 23 : Les étapes d’exploitation d’un gisement métallique et les résidus miniers correspondants.
Les résidus de traitement (tailings) La valorisation du minerai vendable consiste à effectuer plusieurs opérations de préconcentration du ou des métaux intéressants du point de vue économique. Le minerai passe ainsi par une série d’opérations de traitement physique qui permettent de séparer le « concentré » des résidus. Ces opérations sont en général un concassage puis un broyage suivis d’une séparation physique par gravité ou par flottation (séparation par gravité dans de l’eau). Ces opérations produisent plusieurs types de solides : l'un enrichi en substances valorisables (le concentré) et un ou plusieurs qui en sont appauvris. Le traitement de concentration permet de grandement réduire la masse des produits à traiter. Par exemple, 100 kg de minerai de cuivre contenant 1 % de cuivre sous forme de sulfure peuvent être réduits en un concentré de 4 kg contenant 25 % de cuivre, soit une réduction de 96 % du poids du minerai.
Dans le cas des métaux de base et de l'or, les résidus issus de l'usine sont généralement constitués de particules finement broyées, de sables fins et limons issus du traitement du minerai par gravité ou flottation. Ils sont souvent sédimentés dans des bassins de décantation retenus par des digues à résidus (tailing dams) ou déposés en terril. Ces résidus sont beaucoup plus problématiques du point de vue environnemental. En effet, ils contiennent des particules de minerai finement divisées et donc très réactives avec l’oxygène de l’air et l’eau. C’est ainsi que dans le cas de minerais sulfurés (pyrite
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par exemple), les sulfures s’oxydent au cours du temps, générant le drainage minier acide (voir Mines et environnement).
Autres types de résidus Dans bon nombre d'exploitations anciennes polymétalliques (fer, cuivre, étain, plomb/ zinc, or, etc.), le minerai ou concentré était grillé ou fondu sur place pour éliminer certains composants (le soufre des sulfures, par exemple) afin d'arriver à un produit marchand de qualité. Dans ce cas, on peut retrouver sur ces sites anciens des tas de scories de fusion qui forment un cas particulier de rejets. Des suies provenant du nettoyage des fours de grillage ou des conduits d'évacuation des fumées y sont fréquemment associées. Ces produits oxydés se retrouvent soit accumulés à proximité de la mine si le grillage était opéré sur place, soit entassés à proximité de la fonderie en contrebas. Ces résidus peuvent être très toxiques : dans le cas des mines d’or, le minerai étant souvent une arsénopyrite, on peut se retrouver avec des résidus des fumées contenant des quantités importantes d’arsenic. Dans le cas de la mine d’or de Salsigne (Aude), le procédé métallurgique avait même été conçu pour que le traitement des gaz du four de fusion permette de séparer les différents résidus, afin de produire de l’arsenic quasiment pur et donc commercialisable. Cela a fait de la mine de Salsigne dans les années 1970– 1980 un des premiers producteurs mondiaux d’arsenic commercial.
Les volumes de résidus Les données concernant les déchets miniers sont très lacunaires et hétérogènes. Pour donner des ordres de grandeur, le tonnage mondial de ces résidus serait de 6 à 7 milliards de tonnes par an, à comparer à la totalité des déchets ménagers et industriels qui atteint 3,5 à 4 milliards de tonnes. Ces résidus sont concentrés en un nombre très limité de sites sur lesquels il y a de très gros volumes.
La réutilisation des déchets miniers L'étude menée en 1983 par le BRGM en collaboration avec l'ANRED sur les expériences nationales de réutilisation des déchets miniers (Carly, 1983) souligne l'existence de trois grands types de valorisation : • en cimenterie : les déchets (huit dépôts identifiés) ont été réutilisés comme correctifs chimiques, notamment en fonction de leur contenu en fer, ou comme matière première par cette branche industrielle ; • en travaux publics et travaux routiers : réutilisation la plus fréquente en empierrement de chemins (plusieurs dizaine de cas répertoriés) et en enrobés ; • en remblayage : de plateformes, de tranchées EDF-GDF ou d'adduction d'eau (plusieurs dizaines de cas connus).
Déchets provenant de mines métalliques (métaux non ferreux) D'une manière générale la réutilisation de déchets (stériles, résidus de traitement et scories) générés par les mines métalliques de non ferreux (plomb/zinc, cuivre, étain/
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Quel futur pour les métaux ?
tungstène, or/argent, antimoine, etc.) est prohibée, compte tenu de la présence dans les déchets de sulfures résiduels et d'éléments potentiellement toxiques. Ces déchets chimiquement instables, une fois exposés à l'air libre, présentent en effet la particularité de générer de l'acide sulfurique, des métaux solubilisés et une grande quantité de sulfates de métaux. Ces caractéristiques chimiques en font des matériaux évolutifs qui pour de multiples raisons (risques de gonflement, dispersion de contaminants dans le milieu naturel pouvant présenter un risque pour les eaux de surface ou souterraines et donc pour la santé) ne peuvent être « valorisés » en techniques routières.
Déchets provenant de mines de fer Les déchets générés par les mines de fer ne contiennent pas de sulfures et peuvent présenter des caractéristiques de matériau de substitution en construction routière, en remblais, ou pour d'autres utilisations. Plusieurs emplois sont répertoriés en Loire Atlantique (ancienne mine de Rouge), dans le Calvados (ancienne mine de Soumont) et en Lorraine (ancienne exploitation de Metzange d'Usinor).
Déchets provenant de mines ayant exploité d’autres substances (fluorine, barytine, andalousite, potasse…) Ces déchets contiennent peu ou pas de sulfures, ce qui peut les rendre éventuellement utilisables comme matériaux de substitution en construction routière ou en remblais. Plusieurs cas de réemploi ont été répertoriés à partir des mines de fluorine (CaF2) et d'andalousite (SiO2, Al2O3). Certains déchets de ce type issus d'exploitations générant de très grandes quantités de stérile ont fait l'objet, il y à déjà plusieurs dizaines d'années, d'études spécifiques ou de chantiers pilotes pour mieux connaître leurs conditions de valorisation et les risques posés par leur emploi dans la route. À l'exception des stériles provenant de l'exploitation du charbon, aucune de ces études ou de ces tentatives expérimentales n'a débouché sur un réemploi à grande échelle. Citons par exemple les déchets des mines de potasse d'Alsace (30 millions de tonnes). Le traitement de ce minerai, dont l'objectif principal était la production de potasse pour la fabrication d'engrais, comporte l'extraction dans un premier temps du chlorure de potassium puis du chlorure de sodium. Le LRPC de Strasbourg a suivi divers chantiers expérimentaux d'utilisation de ces schistes de mine de potasse en remblai et couche de forme. Ces opérations ont montré : •
que la mise en œuvre se faisait sans difficulté particulière ;
•
que la prise en masse du matériau frais permettait de réaliser des couches de forme se rigidifiant avec le temps et capable de supporter un trafic lourd.
De son côté, la DDE du Haut-Rhin a utilisé à titre expérimental plus de 20 000 m3 de ce matériau en noyau de remblai pour une voie rapide. Ces travaux ont confirmé les constatations précédentes. L'obstacle essentiel à l'utilisation intensive à l'heure actuelle de ces schistes des mines de potasse réside plus dans l'incertitude quant aux risques de pollution (en particulier par les sulfates) qu'à d'éventuels problèmes de nature géotechnique.
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Empreinte énergétique des métaux
Quand nous voyons arriver un objet dans nos mains, nous n’avons pas toujours conscience que pour le fabriquer, il a fallu dépenser beaucoup d’énergie. Pour les métaux, c’est particulièrement vrai car pour aller de la mine à l’objet façonné, il faut passer par de nombreuses étapes et utiliser de nombreux équipements consommant de l’énergie. Sans compter le fait que les métaux étant pratiquement tous sous forme d’oxydes ou de sulfures dans la nature, il faut, pour les obtenir sous forme métallique, fournir l’énergie nécessaire à casser les liaisons chimiques correspondantes. Ce chapitre s’attache à décrire les différentes consommations énergétiques liées à la production des métaux et à donner des estimations de l’empreinte énergétique des différents métaux.
Contenu énergétique des métaux Pour obtenir l’énergie « contenue » dans un métal, c’est-à-dire l’énergie nécessaire pour obtenir 1 kg de métal pur, il faut prendre en compte : • l’énergie d’extraction du minerai, • l’énergie des traitements pré-métallurgiques (minéralurgie), • l’énergie de la métallurgie d’élaboration, • l’énergie de la première transformation (fonte et affinage), • l’énergie du transport éventuel entre les différentes étapes. On obtient ainsi le métal brut (lingot). Ensuite le métal subit des étapes de mise en forme de la deuxième transformation (coulée, moulage, forgeage, laminage, tréfilage, emboutissage, pliage, poinçonnage, etc.). Il sera ainsi transformé en produits bruts (feuilles, barres), semi-finis ou finis, dont le contenu énergétique peut être significativement supérieur à celui du métal brut (de 20 à 30 % de plus pour du cuivre en tube par rapport à du cuivre en feuille, par exemple).
Extraction L’extraction peut être plus ou moins aisée et donc plus ou moins énergivore : mine à ciel ouvert ou souterraine, utilisation de machines ou travail humain seulement, facilité ou non d’accès… L’énergie nécessaire dépend notamment de la concentration du métal dans le minerai, puisque celle-ci impacte directement le volume à extraire (voir première partie de l'ouvrage). Dans la plupart des mines de grande taille, c’est un ballet ininterrompu de tombereaux qui voyagent entre la mine et le lieu de traitement. Dans certains cas, ces machines descendent même dans des tunnels souterrains gigantesques. Au-delà de l’énergie
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Quel futur pour les métaux ?
Figure 24 : Le plus grand tombereau du monde, conçu pour les applications minières. Il peut transporter 363 t à 64 km/h (Liebherr T 282B). directe consommée par les engins d’exploitation (fuel), il conviendrait également d’ajouter le contenu énergétique des intrants comme les explosifs (en général du nitrate d’ammonium, fabriqué à haute température et pression à partir de gaz naturel et d’azote de l’air). Dans le cas du cuivre, l’utilisation d’explosifs peut atteindre 80 à 140 kg par tonne de cuivre pour une mine à ciel ouvert contre seulement 6 à 9 kg pour une mine souterraine.
Minéralurgie Les gisements de matières premières minérales contiennent rarement un seul matériau. Un minerai se compose le plus souvent de la (ou des) substance(s) utile(s), d'une gangue stérile et parfois de substances nuisibles (par exemple, du bismuth dans de l'étain). Le traitement minéralurgique consiste donc essentiellement à séparer une ou plusieurs fraction(s) riche(s) en éléments utiles, appelées concentrés, du rejet sans valeur commerciale immédiate, appelé stérile, tailing ou encore pierres (voir chapitre Résidus miniers). Cette étape comprend, très grossièrement, une préparation mécanique (concassage, broyage) et la séparation du stérile. On peut pour cela utiliser des méthodes purement physiques (magnétiques, gravimétriques, optiques, électrostatiques…), physicochimiques (flottation, lixiviation…), biochimique (action de bactéries), ou chimiques (grillage, solubilité). Le concentré obtenu fait souvent l'objet d'un conditionnement final avant d'être envoyé vers la métallurgie : séchage (voire calcination), bouletage, mélange…
Métallurgie d’élaboration Passer du minerai au métal signifie le plus souvent passer d’une forme où le métal est lié chimiquement à de l’oxygène (Al2O3 pour le minerai d’aluminium par exemple) ou du soufre (Cu2S pour le minerai de cuivre sulfuré) à une forme où le métal est libre. La forme chimique oxydée ou sulfurée étant chimiquement plus stable que la forme métal, il faut apporter de l’énergie pour passer du minerai au métal : ce peut être une combinaison d’une élévation de température et d’un réactif : carbone pour les formes oxydées – réduction du minerai de fer dans un haut fourneau par exemple – ou
Technique, environnement et économie
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oxygène pour les formes sulfurées – traitement des minerais de cuivre. Ce peut être aussi un apport direct d’énergie pour séparer le métal de l’oxygène : c’est le cas de l’électrolyse de l’aluminium. La consommation d’énergie lors de l’élaboration est donc principalement liée à la stabilité chimique du minerai.
Première transformation Cette étape comprend la fonte et l’affinage, le raffinage ou le super-affinage (élaboration de métaux extra-purs). Le but est d’obtenir un métal plus (ou beaucoup plus) purifié et utilisable pour la transformation en produit brut. La fonte s’effectue dans des hauts fourneaux ou dans des fours électriques. Il existe de nombreux types d’affinage : séries d’oxydoréductions (aciers), affinage électrolytique (aluminium, cuivre, zinc), distillations, liquations (mercure, plomb, zinc), etc. Le produit obtenu, qui se présente habituellement sous forme de lingot, servira aux opérations de laminage et d'étirage dans le but de produire des feuilles, des rubans, des tiges, des barres, des fils, des tubes et des tuyaux. À ce stade, on a donc obtenu notre métal pur. La diversité des procédés utilisés pour obtenir le matériau représente tout autant de consommations énergétiques différentes. Une méthode physique nécessitant de l’électricité ou du charbon n’aura pas le même coût énergétique qu’une méthode chimique – sans parler du coût environnemental, audelà de la question énergétique (utilisation d’acides ou de bases, rejets solides, liquides ou gazeux, etc.).
Transport Un transport peut être nécessaire entre ces différentes étapes de fabrication, et son coût énergétique devrait être intégré au coût final du produit. En pratique il est rarement explicité. L’énergie du transport peut être importante en valeur absolue – le transport de minerai de fer représente plus de 10 % en poids de la totalité du transport maritime mondial – mais ne représente en règle générale qu’une fraction de l’énergie totale, au regard des procédés précédents, généralement très consommateurs d’énergie.
Types d’énergies utilisées Les sources d’énergie utilisées sont également variées : charbon et houille, gaz naturel, fuel, électricité... cette électricité pouvant elle-même provenir d’énergies fossiles, d’énergies renouvelables ou du nucléaire. Ainsi en Australie, l’énergie provient en majeure partie du charbon et du pétrole, alors que la France tire une part importante de son énergie de l’électricité nucléaire (environ 40 %). Le « mix énergétique » utilisé pour produire un métal dépendra donc fortement de son lieu d’exploitation et de son lieu de production. BHP Billiton, une des principales multinationales minières, donne une vision globale des différentes énergies utilisées dans les exploitations minières.
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Quel futur pour les métaux ?
Types d’énergies utilisées (exploitations minières) Autres 2%
19 % Distillat
20 % Charbon et houille Gaz naturel 16 %
Électricité 40 % 3 % Fioul
Origines de l’électricité (exploitations minières)
Énergies renouvelables 2%
Nucléaire 3%
Énergies renouvelables
Origines de l’électricité (moyenne mondiale)
Hydroélectricité
5%
13 %
Gaz naturel 15 %
Nucléaire 21 % Charbon
Énergies fossiles 64 %
77 %
Sources : Rapport BHP Billiton 2006/2007, Agence Internationale de l’Énergie (AIE)
Figure 25 : Mix énergétique des exploitations minières. L’utilisation d’électricité d’origine renouvelable – principalement hydroélectrique – ne signifie pas qu’il n’y a pas d’impact environnemental. La transformation d’alumine (produite à partir de bauxite, le minerai) en aluminium requiert beaucoup d’électricité (environ 15 kWh / kg : environ 600 TWh (millions de MWh) pour la production totale, soit plus de 3 % de l’électricité mondiale, rien que pour cette unique étape de production…). Celle-ci est pour moitié d’origine hydroélectrique, et des barrages ont souvent été construits dans les pays producteurs de bauxite rien que pour fournir les usines de transformation. Lorsqu’il s’agit d’un pays très plat comme le Venezuela, les zones englouties (de forêt tropicale, dans cet exemple précis) sont dramatiquement étendues…
Empreinte énergétique des métaux les plus utilisés Incertitudes des données Les études concernant l’empreinte énergétique des métaux sont peu nombreuses et les chiffres disponibles, bien que relativement concordants, peuvent se situer dans des fourchettes assez larges.
Technique, environnement et économie
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Ces écarts peuvent être dus à plusieurs facteurs : •
diversité des sites / pays étudiés : concentration du minerai, type et efficacité des procédés utilisés ;
•
périmètres retenus dans les études : inclusion ou non de l’extraction, de l’énergie des intrants (produits chimiques, explosifs…), du transport ; hypothèses de répartition de l’énergie entre produits de la mine (métal principal et autres coproduits – comme l’acide sulfurique dans le traitement de minerais sulfurés par exemple) ;
•
source d’information (universitaire, industries et fédérations d’industries, associations…) et but poursuivi par l’étude (émissions de gaz à effet de serre plutôt que question énergétique par exemple – ce qui rend la question du mix fondamentale par rapport aux incertitudes sur la consommation elle-même).
De plus les études concernent surtout les grands métaux et il existe peu de littérature – en tout cas facilement accessible – sur la question des petits métaux sous-produits des grands métaux. Nous avons retenus ici 5 sources : une étude de Norgate et Rankine, plusieurs études détaillées de Robert U. Ayres sur l’aluminium, le cuivre, le zinc et le plomb, les valeurs citées dans les présentations de J.C. Prevot et C. Hocquard (BRGM), et certains chiffres cités dans la méthode « Bilan Carbone » de l’ADEME (voir bibliographie). Le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat – IPCC en anglais) présente aussi des chiffres en émissions de gaz à effet de serre, que nous n’avons pas retenus ici compte tenu des fortes incertitudes sur les conversions à prendre pour retomber sur la consommation énergétique (forte variabilité du mix énergétique au niveau mondial).
Empreinte énergétique des principaux métaux et consommation totale d’énergie Dans tout ce qui suit, on considère l’empreinte énergétique pour des métaux « neufs », issus de la première transformation de minerai. Les intervalles sur une source donnée sont dus aux différents procédés utilisés. Les écarts entre les 4 sources sont conséquents – pour les chiffres de l’ADEME, une partie peut s’expliquer par le facteur de conversion que nous avons utilisé entre tonnes équivalent carbone (tec) et tonnes équivalent pétrole (tep) – mais le classement énergétique des métaux reste globalement le même. En tête de liste se trouvent le titane et le magnésium, autour de 10 tep par tonne de métal produite. Vient ensuite l’aluminium, dont la production est très consommatrice en électricité (au total de l’ordre de 5 tep par tonne). Puis viennent de grands métaux comme le nickel et l’étain (et probablement le chrome ?), qui se situent à environ 3 ou 4 tep par tonne. Ensuite les grands métaux les moins énergivores, comme le cuivre, le zinc et le plomb (1 à 2 tep par tonne). L’acier se situe à environ la moitié de ces valeurs (0,5 tep par tonne). Sur la base des productions mondiales des principaux métaux, on peut tenter d’approcher la consommation énergétique totale consacrée à la production des métaux. Les chiffres bruts donnent de l’ordre de 700 à 1000 Mtep (0,7 à 1 Gtep), essentiellement pour l’acier et l’aluminium, ce qui est logique compte tenu des ordres de grandeur
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Quel futur pour les métaux ?
L’énergie des métaux donnée par différentes sources (en tep – tonne équivalent pétrole – par tonne de métal brut). Métal
Norgate & Rankine (2002)
J.C. Prevot(*) (2005)
ADEME(**) (2006)
BRGM (2007)
Titane
10,5–13,6
9,9
Magnésium
10,0–10,2
8,6
Aluminium
5,0
6,4–7,4
3,8
R.U. Ayres(*) (2002)
5,8
Etain
2,5(***)
4,6
Nickel
2,7–4,6
Cuivre
0,8–1,5
2,4–3,6
1,0
1,9
1,1–1,5(***)
Zinc
0,9–1,1
1,7–1,9
1,0
1,6
1,5(***)
Acier
0,5
0,8–1,4
0,4
0,8
Plomb
0,5–0,8
0,8–1,1
0,8
0,5
(*) Source en MJ / (**) Source en tec
3,3
0,7(***)
2,38.10-5
kg et 1 MJ = tep. (tonne équivalent carbone) ; conversion utilisée : 1 tec = 1,3 tep (valeur moyenne
européenne). (***) Énergie injectée dans les procédés uniquement : hors énergie d’extraction, des intrants (acides, solvants, etc.), de transport.
Consommation énergétique totale pour la production des métaux bruts. Métal
Énergie de production (tep / t)
Production minière 2008(*) (Mt)
Énergie totale (Mtep)
Acier(*)
0,4–0,5
1360
544–680
Aluminium
3,8–7,4
39,7
147–288
Cuivre
0,8–3,6
3,6
12–56
Chrome
?
21,5
?
Zinc
0,9–1,9
11,3
10–21
Manganèse
?
14
?
Silicium
?
5,7
?
Nickel
2,7–4,6
1,6
4–7
Magnésium
8,6–10,2
0,8
7–8
Plomb
0,5–1,1
3,8
2–4
Étain
4,6
0,3
1–2
Total Mtep Total % de l'énergie primaire mondiale (*)
730–1070 7–10 %
Production d’acier, production minière pour tous les autres métaux (source USGS).
Technique, environnement et économie
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respectifs de la production. Quelques points permettent d’établir que ces chiffres sont plutôt conservateurs : Nous ne disposons pas des chiffres pour 3 métaux produits en quantité importante : le chrome, le manganèse et le silicium. En se basant sur des chiffres similaires (nickel pour le chrome…), il faudrait ajouter de l’ordre de 100 Mtep ; •
ces chiffres n’incluent pas tous les autres métaux (dont on peut estimer que, compte tenu des quantités en jeu, la contribution reste relativement marginale) ;
•
il peut s’agir d’énergie consommée, pas nécessairement d’énergie primaire. Ainsi, si un métal a requis de l’électricité produite à partir de gaz ou de charbon par exemple, n’apparaissent dans les chiffres que la consommation électrique finale, et pas l’équivalent en tep de ce qu’il a fallu pour produire cette électricité. Or le rendement des centrales thermiques et nucléaires est de l’ordre de 30 à 35 %. Il faudrait donc multiplier par 3 la partie qui correspond à de l’électricité d’origine non hydroélectrique (dont le rendement entre énergie primaire / énergie produite est de 100 % par convention) ;
•
on parle bien (à l’exception de l’acier) de production minière brute ; il conviendrait d’ajouter la production de métaux à partir du recyclage (bien moins consommatrice d’énergie)…
Sachant que la consommation mondiale d’énergie primaire est d’environ 12 Gtep, la production des métaux représente au bas mot 8 à 10 %. Les métaux non ferreux représentent 30 à 40 % de ce total, et les métaux non ferreux hors aluminium de l’ordre de 15 % de ce total (100 à 200 Mtep).
Poids respectif des différentes étapes : exemple du cuivre Nous nous basons sur l’étude détaillée dont nous disposons qui porte sur la fabrication du cuivre et de l’aluminium aux États-Unis. La métallurgie du cuivre s’effectue selon deux voies : •
le procédé standard de production de cuivre primaire est la pyrométallurgie. Il est destiné aux minerais sulfurés comme la chalcopyrite (CuFeS2) et la chalcocite (Cu2S) qui représentent environ 90 % du minerai de cuivre au niveau global. Le procédé compte 3 étapes : l’extraction du minerai et l’enrichissement, la fusion et la désulfurisation, et le raffinage électrolytique final. Les cathodes de cuivre commerciales obtenues sont pures à 99,95–99,97 % (pureté nécessaire aux applications électriques du cuivre).
•
le procédé alternatif est hydrométallurgique, dénommé SX / EW (solvent extraction / electrowinning), qui est adapté aux minerais oxydés (malachite, azurite…10 % du minerai de cuivre au niveau global) ou aux minerais sulfurés pauvres traités par biolixiviation (lixiviation bactérienne). Il est réalisé dans des installations obligatoirement proches de l'extraction minière. Il substitue principalement l’enrichissement et la fusion par une lixiviation et une extraction par solvant.
Alors que la pyrométallurgie est un gros producteur d’acide sulfurique, l’hydrométallurgie est consommateur de cet acide. Les deux méthodes peuvent donc être combinées (mais de manière limitée compte tenu des proportions de minerais sulfurés et oxydés disponibles).
88
Quel futur pour les métaux ?
Extraction, transport et enrichissement du minerai (pyrométallurgie) L’énergie utilisée pour l’extraction dépend de la concentration du cuivre. Le procédé d’enrichissement dépend de la combinaison des métaux dans le minerai. La technique la plus utilisée pour concentrer les minerais riches en sulfures est la flottation par mousse, parfois précédée d’une séparation par gravité. L’énergie moyenne nécessaire à l’extraction et l’enrichissement varie de 0,5 à 0,8 tep / t (20 à 32 GJ / t) pour les minerais les moins concentrés.
Torréfaction et fusion (pyrométallurgie) L’opération sur le sulfure de cuivre concentré nécessite environ 0,5 tep / t (22,4 GJ / t).
Lixiviation, extraction par solvant (SX) et Electrowinning (EW) (hydrométallurgie) À partir d’acide sulfurique et d’oxyde de cuivre à 0,58 %, l’ensemble de ces opérations nécessite environ 0,06 tep / t (2,5 GJ / t) d’énergie directe, mais à laquelle il conviendrait d’ajouter l’énergie des intrants (solvants, acide sulfurique…)
Raffinage électrolytique (pyrométallurgie et hydrométallurgie) La dernière étape de fabrication du cuivre ne représente qu’environ 0,02 tep / t (0,8 GJ / t). Le poids de chaque étape est spécifique à chaque métal et procédé utilisé. Ainsi le faible poids de la dernière étape du raffinage électrolytique dans la consommation énergétique totale (moins de 2 %) est spécifique au cuivre. Elle sera plutôt de l’ordre de 20 % dans le cas du zinc et de 60 % pour l’aluminium.
Impact du recyclage Les grands métaux présentent la particularité d’être globalement très recyclables. Du point de vue énergétique, cette recyclabilité est un atout majeur : en effet, l’énergie nécessaire au recyclage est bien moindre que l’énergie nécessaire à la fabrication du produit neuf (voir tableau suivant). Pour l’aluminium, il y a un facteur 20 entre l’énergie pour la première production et l’énergie de recyclage. Du métal recyclé peut être intégré à du métal primaire. Il est alors aisé de calculer le coût en énergie du produit fini selon la proportion de matériaux secondaires incorporés : Coût énergétique = coût énergétique métal neuf × % + coût énergétique métal recyclé × %.
Technique, environnement et économie
89
Métal
Énergie nécessaire au recyclage par rapport à l’énergie nécessaire à la production du métal primaire
Quantité recyclée (Moyenne mondiale)
Acier ou fer blanc
25–40 %
~ 50 %
Aluminium
4–5 %
~ 40–50 %
Cuivre
13–16 %
~ 40 %
Etain
~ 25 %
Nickel
> 5–10 %
~ 40–50 %
Plomb
35–38 %
~ 70 %
Zinc
25–37 %
~ 25–30 %
Source énergie : http//ressources.techno.free.fr. Source recyclage : Science & Vie, juin 2008. Nota : les chiffres varient également légèrement d’une source à une autre (en particulier pour les quantités effectivement recyclées à l’échelle mondiale).
Conclusion Malgré la grande disparité et le manque de données qui rendent l’analyse difficile, il est clairement établi que la production des métaux est intimement liée à la question énergétique et qu’il y a une forte inégalité entre métaux sur ce plan. L’augmentation du recyclage d’une part, l’amélioration des techniques à tous les niveaux d’autre part (récupération des fumées, de la chaleur…), pourra contribuer à l’avenir à réduire l’énergie de production. À l’inverse, une augmentation effrénée de la demande mondiale en métaux et la déplétion des gisements les plus concentrés pourrait conduire à l’utilisation anarchique d’énergies fossiles et à une aggravation forte de l’impact environnemental de la production des métaux.
4
Avancées des techniques minières
L’activité qui consiste à extraire du métal de la terre a un impact tant énergétique qu’environnemental très significatif (voir chapitres Mines et environnement et Empreinte énergétique des métaux). Conscients de cet impact, les industriels travaillent depuis de nombreuses années à le réduire, que ce soit en développant des techniques d’exploitation permettant de minimiser l’impact de la mine elle-même, ou en travaillant le minerai par des techniques récentes comme l’hydrométallurgie.
Minimiser l’impact des mines de surface Les anciennes mines de surface, il y a seulement une trentaine d’années, ne se préoccupaient guère d’environnement, et laissent encore aujourd’hui des spectacles désolants de sites abandonnés, caillouteux, sans aucune végétation, avec de la ferraille rouillée, et même déclenchant du ravinement lorsqu’ils se situent à flanc de colline. La sensibilisation a évolué, la réglementation également, et des techniques de « mines propres » ont été développées dans les mines de surface afin de réduire l’impact sur les zones naturelles. Dès la phase de prospection, on peut faire appel maintenant à des approches non invasives : ainsi la détection et le repérage de zones minières peuvent se faire par avion avec des procédés électromagnétiques, permettant de prédire avec une bonne probabilité la présence de gisements miniers, sans avoir aucun impact au sol. Lors des sondages d’exploration, des équipements de carottage de petite dimension peuvent être déposés par hélicoptère, évitant de créer des chemins d’accès destructeurs d’espaces naturels. Une fois un gisement identifié, et avant toute mise en exploitation, une étude de la flore et éventuellement de la faune endémique est pratiquée, afin de préserver des espèces rares présentes sur le site, et, le cas échéant, les transplanter. Puis, lors de la préparation de l’exploitation de la mine, des zones de verse sont identifiées et préparées, elles recevront les dépôts de matières stériles recouvrant le minerai, et, dans certains cas, les rejets solides inertés du traitement du minerai (dans les anciens sites miniers, ces stériles étaient le plus souvent rejetés au plus près, sans aucune précaution). À la mise en exploitation, il est essentiel de préserver le versant de la colline situé sous la mine afin d’éviter le ravinement : un enrochement composé de gros rocs est réalisé pour bloquer toute descente de matériaux à flanc de colline. De même, la gestion de l’eau de pluie ou des nappes souterraines doit être organisée pour canaliser ces eaux, éviter qu’elles compliquent l’exploitation, mais aussi qu’elles déclenchent du ravinement en aval. Lorsque les volumes sont importants, il peut être
92
Quel futur pour les métaux ?
nécessaire de créer des bassins de décantation et de filtration pour que les ruisseaux de la vallée ne soient pas pollués par des boues souvent très visibles (latérites rouges par exemple). Enfin, lorsque la mine est épuisée et que le site minier est fermé, ce site est réhabilité en recouvrant les zones décapées avec de la terre végétale, et en pratiquant de la revégétalisation. Des techniques modernes de projection de semences par arrosage sont utilisées, et on s’efforce également de réintroduire les espèces endémiques préservées à l’ouverture de la mine. L’impact sur le milieu naturel des activités minières, en particulier des mines de surface, reste de toute manière important. Mais ces quelques exemples montrent que le métier de la mine peut évoluer pour minimiser cet impact.
Figure 26 : Site du Puy de l’Age, Haute-Vienne, France. Avant et après réaménagement.
Hydrométallurgie La récupération des métaux dans le minerai extrait d’une mine peut se faire de différentes façons, la plus classique étant la pyrométallurgie, où des réactions d’oxydoréduction au four électrique permettent de libérer le métal contenu. Les inconvénients sont la consommation élevée d’énergie, la nécessité d’une teneur minimale en dessous de laquelle l’opération n’est plus rentable (une teneur minimum de 2,5 à 3 % est la norme pour le nickel), et la perte de certains métaux coexistant dans le minerai avec le métal principal. Depuis de nombreuses années pour certaines familles de métaux (comme le cuivre), ou récemment pour des métaux comme le nickel, la technique de l’hydrométallurgie a apporté une réponse différente et plus adaptée à des minerais plus pauvres. Ici, le minerai est attaqué par voie chimique (acide ou basique), ce qui génère une solution dans laquelle sont dissous les métaux. Cette solution est alors traitée avec des solvants sélectifs qui retiennent chacun un métal donné.
Technique, environnement et économie
93
La teneur du minerai peut être nettement plus basse (jusqu’à 1 % dans le cas du nickel). Les variations entre les différents procédés existants viennent d’une recherche d’optimisation en jouant sur une plus haute température, une plus forte pression, un « dopage » du minerai principal par des minerais de moyenne teneur, ou, bien sûr, un mélange de ces variantes. Une des difficultés notables du procédé réside dans la nécessité de récupérer un maximum d’acide et de solvants en fin de processus, non seulement pour économiser ces produits qui sont chers, mais aussi pour que les rejets volumineux (toute la partie stérile représente 99 % du poids de minerai lorsqu’on travaille avec une teneur de 1 % !) puissent être inertés et respecter les normes environnementales. La rentabilité opérationnelle de l’hydrométallurgie est censée être meilleure que celle de la pyrométallurgie car les coûts proviennent de l’acide et des solvants plutôt que de l’énergie, sous réserve que les dépenses de maintenance soient maîtrisées : en effet, les conditions de fonctionnement avec des acides concentrés, à haute pression, haute température sont particulièrement sévères. Pour éviter que la marche opérationnelle ne soit entravée par de fréquentes campagnes de nettoyage, voire de réparation, il faut porter un soin particulier aux matériaux employés pour les autoclaves, les joints, les pompes, la filtration, etc. afin de minimiser les effets de la corrosion et des dépôts : ceci conduit à des coûts d’investissement élevés puisqu’il faut faire appel à des matériaux comme le titane. En définitive, bien que la profession soit convaincue que les procédés hydrométallurgiques représentent l’avenir, en particulier par leur souplesse d’adaptation à des minerais variés et de faible teneur, et par leur faible consommation énergétique, les procédés pyrométallurgiques restent encore largement majoritaires : •
les procédés hydrométallurgiques ne peuvent s’appliquer à tous les minerais (dans le cas du cuivre, ils ne sont adaptés qu’aux minerais oxydés qui ne représentent que 10 % du minerai au niveau global, 90 % étant des minerais sulfurés) ;
•
des progrès techniques restent à faire ; ainsi dans le secteur du nickel, les projets en régime opérationnel satisfaisant sont encore peu nombreux.
5
Prix des métaux
Une hausse rapide depuis 2005 La hausse des prix des matières premières, et en particulier des métaux, a commencé à se faire sentir de façon significative à partir de 2005. Cette hausse était consécutive à la baisse généralisée antérieure qui avait conduit à une chute des investissements dans les secteurs miniers et énergétiques. Cette hausse peut être expliquée par plusieurs facteurs. D’abord la montée en puissance de l’économie chinoise : d’une part l’usine « Chine » s’est mise à tourner à plein rendement, faisant progressivement appel à des quantités de plus en plus importantes de ressources métallurgiques. Dans un second temps alors que la crise financière mettait en péril sa balance dollars, la Chine en a utilisé une partie afin de profiter de la chute des cours et de se créer des stocks de métaux considérés comme stratégiques, permettant par la même de maintenir une tension acheteuse sur le marché des métaux (ce qui a eu un effet bénéfique d'amortisseur de la crise dans ce secteur). Enfin tout au long de la période les accumulations de ressources au niveau de la balance des paiements du pays ont permis à des investisseurs chinois de se positionner de façon de plus en plus visible sur certains grands projets de développement ou d'acquisition d'actifs de production de métaux et autres.
45
% du total
% du total
45
40
40
35
35
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30
25
25
20
20
15
15
10
10 5
5
0
0 1979 1981 1983 1985 1987 Cuivre
Aluminium
1989 1991 1993 Zinc
Nickel
1995 1997 1999 Acier
2001 2003 2005
Minerai de fer
Pétrole
Figure 27 : Poids de la Chine dans la consommation mondiale de matières premières.
96
Quel futur pour les métaux ?
Le poids des besoins chinois s’est fait d’autant plus ressentir qu’on avait aussi assisté dans les années 2000, en raison notamment de la chute des cours et des liquidités disponibles sur les marchés financiers, à un phénomène de concentration dans les groupes miniers. Troquant une tradition de croissance organique et de mise en production de gisements négociés en propre, ils ont, en raison de l'euphorie financière, changé l'orientation de leur croissance en la portant prioritairement sur des acquisitions de concurrents. Ce phénomène de concentration a eu deux effets : d’une part la formation d’une forme d’oligopole, qui fonctionnant en concurrence réduite, a orienté les prix à la hausse. D’autre part le manque d’investissement d’exploration et de mise en production dû au niveau des cours a été accentué, les fonds disponibles étant mobilisés prioritairement pour les opérations de fusions- acquisitions. Enfin la crise financière a contribué à amplifier ce phénomène de hausse. En effet, face à une perte de confiance des acteurs financiers entre eux, les matières premières sont apparues comme des valeurs refuges face aux produits financiers affectés par la crise – monétaires, obligations, actions.
Les différents modes d’établissement des prix des métaux Le prix, cet indicateur censé donner une information sur la disponibilité ou la rareté, fonctionne selon deux moteurs principaux : le niveau de contrôle de la disponibilité par les producteurs, et la capacité de substitution de tout ou partie de ses usages de façon plus ou moins brutale. De façon synthétique, le domaine des métaux est régi par quatre modes d’établissement des prix dont les origines et les composantes dérivent d'évolutions à la fois historiques et géopolitiques : •
les marchés de gré à gré,
•
les contrats de fourniture annuels ou pluriannuels,
•
les cotations sur marchés à terme,
•
la cotation des métaux précieux ont une place à part et selon le cas sont considérés comme de la quasi-monnaie ou sont traités en gré à gré.
La valorisation sur Mercuriales (informations publiées sur les opérations de gré à gré) Il s'agit de la façon la plus traditionnelle de fixer les prix puisque la base porte sur des opérations individuelles de gré à gré entre des professionnels. Cette manière de fonctionner concerne principalement des opérations ponctuelles (marchés spot) par opposition aux contrats à plus long terme (voir paragraphe suivant). Pour les produits les plus répandus, des informations sur les transactions sont recueillies par des journalistes spécialisés qui publient en général des fourchettes de prix de façon périodique, (journalière, hebdomadaire, mensuelle…). Les informations sont le plus souvent très localisées géographiquement, à une place d'exportation ou de production. Il s'agit dans tout les cas d'une information non exhaustive et recueillie a posteriori.
Technique, environnement et économie
97
Dans le cas de produits de large distribution, des sociétés spécialisées, Platt's du groupe McGraw-Hill pour les concentrés ou Metal Bulletin pour les produits sidérurgiques et les métaux communs, ont étendu leur champs d'information à l'échelle mondiale. La pertinence de leurs informations et la rigueur appliquée à leur collecte des prix pratiqués ont généré progressivement un niveau élevé de confiance. Leurs publications sont ainsi devenues des références reconnues dont les opérateurs se servent principalement, dans les domaines mal servis par les marchés organisés à terme ou au comptant, pour fixer les termes contractuels de leurs opérations. L'existence d'une référence ainsi largement acceptée permet aussi de fixer des prix forward en fixant une date dans l'avenir et une référence de publication. Compte tenu du décalage dans le temps entre la signature des contrats et la livraison des métaux, les opérations de gré à gré peuvent avoir recours, afin de se protéger de variations potentielles de prix, à l’aide d’un intermédiaire professionnel ou financier. Certains intermédiaires financiers offrent ainsi des services de couverture de prix, dit OTC (over the counter, c'est-à-dire, de gré à gré). Pour pouvoir proposer ces services, les opérateurs financiers doivent trouver les moyens de limiter leurs risques de valeur en transférant une part prépondérante de ces risques (garantis par leurs engagements) par des couvertures (opérations inverses) sur des marchés à terme, ce qui leur permet de ne conserver ainsi que des risques résiduels, portant majoritairement sur des différences de qualité ou de localisation. Cette assimilation d'une garantie de prix bilatérale par le truchement d'un contrat de gré à gré entre deux contreparties, à celle offerte par un marché à terme régulé et liquide, a constitué un des phénomènes majeurs concourant à une modification des conditions de valorisation des matières premières. Il a été en outre un des facteurs amplificateurs de la hausse. En effet en raison de l'absence de couverture du risque de contrepartie, la valeur résultante n'a pas la même valeur économique, la même liquidité et ouvre la porte, faute de transparence, à la constitution de positions dominantes au moins localisées. Les autorités de tutelle s'orientent malgré de nombreuses résistances vers une réintégration partielle de ces opérations sur des marchés régulés, en portant notamment le dénouement de ces échanges sur des chambres de compensation.
La valorisation contractuelle La valorisation contractuelle correspond à des contrats pluriannuels entre producteurs de minerais et métaux et industriels, avec renouvellement quasi-systématique, seules les quantités et les prix variant. Elle est utilisée actuellement principalement dans les transactions sur métaux et alliages ferreux, qui correspondent à des produits utilisés dans les domaines des infrastructures et des constructions lourdes : chantiers navals, immeubles, transports terrestres, et donc portant sur le long terme. Pendant des décennies, ce sont les négociations annuelles entre sidérurgistes japonais et groupes miniers australiens qui servaient de références quasi mondiales pour le prix du minerai de fer. Une caractéristique de ces contrats réside dans leur stabilité dans le temps : en effet outre la composante économique, ils incluent des composantes techniques. Leur permanence dans le temps peut permettre des optimisations de production liées à la
98
Quel futur pour les métaux ?
composante géologique des minerais échangés, ou aux caractéristiques techniques des produits résultants. En observant les données de ces contrats sur une longue durée, on note une évolution très liée aux cycles économiques. Dans les périodes de récession des schémas de vente à perte liés aux coûts industriels des arrêts et des reprises de production étaient de tradition courante. En outre, ce système de contrats est, en raison de sa durée de vie, très exposé aux évolutions relatives des monnaies et aux politiques sociales. Les évolutions des fixations de prix des produits d'acier sont rendues de manière assez probante par les indices de prix publiés par le CRU (qui est une organisation indépendante d'expertise faisant autorité dans le domaine des métaux ferreux) publiant à la façon des Mercuriales des informations composites sur les prix pratiqués. $/t 90
90
World, Exa Molad Iron Ore, Iron Oreice, OSD 84.?
80
80
70
70
60
60
50
50
40
40
30
30
20
20 2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Figure 28 : Évolution du prix du minerai de fer. Dans les périodes avec fortes tensions sur la demande, on constate un effet amplificateur sur les prix. Entre 2005 et 2009 la demande en minerai de fer a augmenté de 47%, les prix de 93%. Cet effet amplificateur peut s’expliquer par le retard d’investissement dans les capacités de production, pour les minerais. Pour les demiproduits concernés par les indices CRU la hausse très forte du prix de l’énergie dans la même période a eu un impact important. Les fortes fluctuations de prix et la complexité des négociations pour fixer des prix annuels pour certains métaux peuvent conduire à des fortes tensions géopolitiques entre pays comme dans l’affaire Rio Tinto (cf. encadré suivant).
Technique, environnement et économie
99
Le cas Rio Tinto, ou les enjeux géopolitiques des métaux En juillet 2009, le gouvernement chinois a arrêté 4 cadres de la multinationale anglo-australienne Rio Tinto, un des 3 grands producteurs mondiaux de fer. Ces cadres sont accusés d’espionnage industriel chez les sidérurgistes chinois. Cette arrestation se déroule alors que se tient la négociation annuelle sur le prix du fer dont la Chine a terriblement besoin et que le projet de prise de participation par la Chine au capital de Rio Tinto envisagée pour protéger l'entreprise de l'OPA hostile d'un autre important fournisseur BHP est dénoncée. Or, dans la discussion avec les 3 principaux producteurs de minerai de fer (qui représentent 70 % de la production), la Chine n’a pas obtenu la baisse de tarif qu’elle demandait (alors qu’elle avait subi une hausse de 70 % en 2008). En effet, alors que le dirigeant de l'association des sidérurgistes chinois demandait 40 % de réduction, les principaux producteurs proposaient les 33 % obtenus par les japonais. Rappelons que les discussions pour que l’industriel chinois Chinalco rentre à hauteur de 18 % dans le capital de Rio Tinto auraient sans doute permis à la Chine d’être en position plus favorable dans la négociation annuelle sur le prix du fer. Or, quand en juin 2009, Rio Tinto a rompu les accords avec Chinalco, les rapports entre les deux parties ont été brusquement modifiés. Les cadres de Rio Tinto ont-ils profité de la période de négociation avec Chinalco pour obtenir des données considérées comme confidentielles sur la sidérurgie chinoise ? Cet exemple illustre la complexité des relations contractuelles dans des périodes de fortes variations de prix, une production de métaux assurée par un oligopole, et un client ayant une économie très contrôlée politiquement.
Les marchés à terme ou forward La cotation sur marché à terme a pour objectif de permettre de gérer la fonction temps dans l'élaboration du prix ainsi que de donner à ce prix une valeur universelle et identique pour tous les opérateurs. Cela a pour but notamment de limiter l'avantage économique lié à l'information détenue par certains opérateurs. En outre ces marchés offrent une garantie d'exécution qui élimine le risque de contrepartie. Enfin les marché à terme permettent de négocier de façon souple dans le présent des opérations qui se dérouleront dans le futur et notamment de vendre avant d'acheter ou de reporter dans le temps la fixation du prix définitif. Ils permettent grâce aux options de gérer des stratégies de fixation de prix et les incertitudes de réalisation dans le temps sur les quantités. Pour garantir l'exécution des transactions, les marchés à terme se protègent en exigeant des intervenants qu'ils provisionnent leurs pertes potentielles. Les opérateurs bénéficient pour cela de financements fournis par les banques. Lorsque les fluctuations de valeurs des produits se sont accélérées et amplifiées en 2007–2008, les appels en garantie (prévision pour pertes potentielles) des marchés sont devenus très importants. Certains opérateurs physiques n’ont plus eu le temps ni la surface financière pour pouvoir négocier avec les banques les refinancements indispensables de ces appels en
100
Quel futur pour les métaux ?
garantie. Ils ont été de ce fait exclus par le marché et même parfois contraints à la faillite, donnant encore plus de poids aux acteurs financiers dans le potentiel de gestion des prix sur les transactions effectives.
Les métaux précieux Ils se comportent en fait le plus souvent comme de la quasi-monnaie avec deux systèmes de valorisation concurrents, le gré à gré du London Bullion Market, complété par des marchés à terme nombreux à vocation nationale (États-Unis, Inde, Japon, Émirats, Brésil…). Le Bullion fonctionne presque comme le marché des changes avec des dépositaires spécialisés dans la gestion des stocks d'or qui servent de support aux transactions. Ceci permet lors d'une transaction de ne procéder le plus souvent qu'à des mouvements d'écritures comptable entre un compte monnaie et un compte or, argent, platine. Le marché est complété par un système de prêts et emprunts de métal qui fonctionne comme le marché des reports sur les valeurs mobilières. Les détenteurs de métal, les banques dépositaires actives sur le Bullion et les banques centrales à partir de leurs réserves d'or les mettent à disposition des autres acteurs pour une certaine période contre rémunération à des taux en général inférieurs à ceux des marchés de devises. Ces pratiques associées à des jeux d'écriture et très peu de transferts de métal physique offrent un marché très actif et liquide animé par des organismes de très grand standing. La hausse considérable des cours de l'or constatée est à mettre au crédit de trois phénomènes principaux agissant dans le même sens : • la recherche de valeurs refuges traditionnelles par les épargnants individuels ou collectifs pour se protéger de l'inflation ; ou du risque que comportent toujours des actifs financiers ; • la réduction de ventes immédiates, à des fins de financements, par les producteurs d'or d'importants volumes de métal. Ces ventes ne portent pas sur de la marchandise disponible mais sur l'anticipation de productions futures des mines et livrables sur des échéances allant jusqu'à dix et quinze ans. Ces ventes qui portent sur des durées longues ont des effets baissiers sur le prix du métal et ont pesé lourdement sur les prix dans les années 1990. La hausse des cours conduit pour les vendeurs non seulement à consentir de lourds efforts de trésorerie pour payer les appels de marges mais aussi dans la plupart des cas à d'importants manques à gagner ; • l'offre de produits d'investissement nouveaux sur les principaux marchés des métaux facilitant l'accès aux détenteurs de capitaux.
La financiarisation des marchés des métaux La formation des prix des matières premières et en particulier des métaux répond à des processus variés, les uns mettant en présence uniquement des professionnels, les autres des professionnels et d’autres types d'intervenants financiers allant jusqu'aux banques centrales. Les échanges étaient en majorité gérés par des intermédiaires rémunérés à la commission, et dont le statut interdisait d'intervenir pour leur compte propre. Les banques en France n'étaient pas autorisées à détenir des matières premières.
Technique, environnement et économie
101
L’évolution la plus significatives des 30 dernières années est le rapprochement des deux univers précédemment indépendants qu’étaient les valeurs mobilières et les matières premières, avec comme conséquence un remplacement des commissions par des systèmes de teneurs de marchés chargés d'assurer la liquidité et permettant le développement des cotations électroniques en temps réel de type boursier. Une lutte d'influence longue et douloureuse aux États-Unis a conduit à la promulgation du Commodity Futures Modernisation Act 2000 qui consacra la prééminence de la SEC (Security and Exchange Commission) sur la CFTC (Commodity Futures Trading Commission). Cette décision a alors permis aux opérateurs financiers d'intervenir sur les marchés à terme des matières premières (marchés transactionnels physiques) de la même manière qu’ils intervenaient sur les marchés purement financiers. Le tout sous une supervision de la SEC, supervision qui fait actuellement l'objet de critiques de plus en plus précises. On a alors assisté à une fusion entre les rôles d'intermédiaire et d'opérateur pour compte propre, le rôle de contrepartie du teneur de marché devenant difficile à distinguer de la recherche de profit en soi. Un manque de clarté dans les règles comptables et prudentielles ont par ailleurs permis de compenser des actifs de natures différentes aux motifs qu'ils étaient valorisés selon des modèles identiques ou qu’ils présentaient à certaines périodes des corrélations d'évolution. On a vu ainsi se développer sur le marché des métaux, réalisées par des opérateurs financiers avec les outils de la finance les plus sophistiqués, des types de transactions auparavant réservées aux négociants : • les opérations de volatility trade, c’est-à-dire d'arbitrage de prix entre cotations instantanées. Cette activité consiste à prendre une position acheteuse ou vendeuse sur différents marchés en fonction des informations les plus récentes recueillies et de la déboucler rapidement. Surtout quand elle est réalisée de façon automatique par programmes informatiques, ce type d'intervention a tendance à accroître mécaniquement la fréquence et l'importance des variations de prix. Dans un marché haussier par la recherche de sécurité et la crainte de pénurie, la tendance à la hausse a été ainsi fortement amplifiée ; • le développement considérable des index funds et des ETF (exchange traded funds). Les premiers, appelés fonds indiciels, consistent à représenter par l'achat de contrats marchandises sur les marchés à terme, un portefeuille de diverses matières premières réparties selon des pourcentages fixes ou ne changeant que de façon minime et justifiée par des choix de représentativité économique d'indices largement publiés. Ils sont voués, dans les portefeuilles d'organismes d'épargne collective, à représenter une affectation des risques aux fluctuations des matières premières. Les seconds concernent des types de placements plus larges, basés sur le même concept, mais dont la composition est libre au choix du gestionnaire (la performance représente donc à la fois la nature de l'investissement et la qualité de la gestion), et sont cotés sur une bourse de valeur. Un nombre restreint d'opérateurs qui interviennent à la fois sur les marchés de matières premières au titre de la couverture du risque de prix et en tant que fournisseurs de produits d'épargne ont ainsi acquis des positions suffisamment importantes sur les
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Quel futur pour les métaux ?
marchés à terme et sur les marchés de gré à gré, permettant de peser sur la volatilité ou d'avoir une information privilégiée sur le niveau et la tendance des prix. On a ainsi pu voir certains opérateurs compenser les pertes résultant des opérations de titrisation ou de financement par des marges conséquentes sur leurs opérations pour compte propre sur les marchés de taux de devises et de matières premières.
Des prix des métaux surévalués Actuellement certains analystes évaluent entre 30 et 40 % la prime (la composante du prix non liée à des coûts économiques) des principaux métaux sur la valeur économique. Cette prime résulte de trois phénomènes : •
l'investissement dit spéculatif : les investisseurs se constituent une épargne en métaux avec un but de protection contre la dépréciation monétaire ou contre la crainte inflationniste ;
•
une concentration de plus en plus forte des opérateurs qui conduit à une uniformisation de l'offre, et réduit de fait la concurrence, et des investissements insuffisants de ces opérateurs pour faire face à la demande ;
•
la modification du processus d'intermédiation qui a substitué au service à la commission, les achats ventes instantanés effectués souvent par des opérateurs bénéficiant d'informations privilégiées et portés à leur sommet par le médiatisé flash trading. Le résultat conduit à une allocation difficilement justifiable de rémunérations dans la chaîne de valeur. Le flash trading … La technique, utilisée notamment sur la Bourse électronique du Nasdaq, donne à certains courtiers, moyennant des frais, accès aux ordres d'achats ou de ventes d'actions quelques millisecondes avant les autres investisseurs. Ces informations, reçues et traitées par des serveurs informatiques très puissants, permettent à l'aide de programmes sophistiqués de passer très rapidement des ordres qui anticipent ainsi les mouvements d'un titre, et permettent d'en tirer un profit accru. Autrement dit, un investisseur grille la politesse à un autre grâce à la technologie… Source : Les Échos, 9 Août 2009
L’importance du facteur temps dans la valorisation des métaux L'intensité du facteur temps pris en compte dans la valorisation est éminemment variable entre le producteur d'or vendant 15 ans de production future et le négociant de cuivre vendant à 60 jours un bateau de concentrés de cuivre. Pour un producteur, un intermédiaire, ou un utilisateur, la gestion des ventes demande une adaptation : pour certains il s’agit des coûts immédiats de production, ou des délais de livraison, des commandes ou des contrats industriels. Pour cela un outil d'optimisation court terme s'avère nécessaire, où les aléas du marché ou de la logistique peuvent être maîtrisés à des coûts raisonnables et sans contrainte de nature à mettre en cause l'équilibre financier de l'intéressé.
Technique, environnement et économie
103
En revanche les mises en œuvre d'investissements lourds et coûteux nécessitent de pouvoir s’appuyer sur des outils financiers permettant d'amortir les risques potentiels de modifications techniques ou d'indexation de valeur ou de pouvoir d'achat dans le temps. Cela doit pouvoir se faire sans le poids déstabilisateur de la contrainte de liquidités induit par les appels de marges qui sont valorisées au jour le jour alors qu’il s’agit de production s'échelonnant sur des décennies.
Une piste pour le futur ? Utiliser un métal sans en avoir la propriété Si l'on se place au cœur du sujet de la raréfaction technique de métaux essentiels et au renchérissement conséquent évoqué précédemment, il est possible que l'on constate ainsi qu'évoqué par Vincent Bolloré (Les Échos, 12 juin 2009), pour le lithium des batteries des nouvelles voitures électriques, que le détenteur du métal souhaite non seulement en protéger la valeur mais en conserver le contrôle. On verra peut être alors apparaître dans les secteurs des métaux des démarches comparables à celles qui se sont développées pour les logiciels informatiques, où l'usage du produit ne s'accompagnera pas du transfert de propriété. Le métal devient de cette façon la propriété du principal acteur de la chaîne de production qui le récupère et le réutilise. Considéré actuellement comme une charge par la réglementation sur le recyclage, cet actif peut devenir une immobilisation ou un investissement. Cette évolution, qui rentre dans la logique de l’économie de la fonctionnalité, permettrait non seulement une utilisation technique optimale de la ressource, mais contribuerait aussi à diminuer les aléas financiers, facilitant la mise en place des investissements de plus en plus coûteux et aléatoires.
Conclusion À coté d’une augmentation « normale » des prix liée à la raréfaction physique de certains métaux, il existe en raison de modifications réglementaires et structurelles une composante « financière » importante dans l’établissement des prix des métaux. Cette composante financière a été exacerbée ces dernières années, à la fois par le développement sur le marché des métaux des techniques de valorisation plus sophistiquées, moins transparentes et donc plus risquées, et depuis 2007, par la recherche de valeurs refuge par les épargnants échaudés par la chute des marchés financiers. Le règlement de ces problèmes ne peut trouver de solution acceptable que dans un rééquilibrage et une redéfinition des processus de transferts d'actifs, de leur contrôle et dans une évolution de la procédure comptable. De plus il semblerait raisonnable de séparer les outils financiers de gestion des contrats à court terme et ceux adaptés aux investissements sur le long terme. En effet, pour permettre aux industriels de pouvoir investir tant dans les gisements que dans les filières de recyclage, il faut leur donner une meilleure maîtrise des horizons de risques en matière de prix.
6
Aspects géostratégiques
Introduction « La géostratégie, c’est l’ensemble des données de la stratégie résultant de la géographie physique ou économique », nous dit le Petit Larousse, « La géographie, ca sert d’abord à faire la guerre » a écrit en 1976 Yves Lacoste. Si dans un livre sur les métaux, il nous a paru important de parler de géostratégie, c’est que les ressources naturelles (dont les métaux), qui font naturellement partie de la géographie physique des pays, sont en train de prendre un rôle croissant dans la géographie économique du monde. Tous les pays, surtout ceux que la nature n’a pas dotés de richesses minières (ou qui les ont épuisées dans les phases précédentes de leur histoire), mènent aujourd’hui des réflexions stratégiques sur les métaux. Heureusement, à part des cas isolés, la tension sur les ressources en métaux aboutit rarement à des opérations militaires. Mais la guerre économique fait rage. À travers l’ensemble des articles, on identifie bien le mouvement qui nous a fait passer d’une utilisation, il y a 30 ans, d’environ 20 « grands métaux », aux réserves assez importantes et plutôt bien réparties sur la planète, à l’utilisation aujourd’hui de plus de 60 métaux, dont une série de « petits métaux » plutôt rares et souvent disponibles dans quelques pays seulement (voir figure 13 de la première partie de l'ouvrage). Et en simplifiant un peu, on peut dire que, comme pour le pétrole, les utilisateurs principaux de ces petits métaux, c'est-à-dire les pays les plus riches, ne disposent de pratiquement aucune ressource sur leur territoire. Le document de travail de l’initiative Matières premières de la Commission Européenne indique clairement la dépendance de l’Europe aux métaux importés (cf. tableau et figure suivants). 100 90 80 70 %
60 50 40 30 20 10
A
nt im
oi n Co e ba M lt ol yb dè N ne io bi um Pl Te atin e rre sr ar es Ta nt al e Ti t a Va ne na d M ium an g M in anè er se ai de fe Ba r ux ite Ét ai n Zi nc Ch ro m e Cu iv re
0
Source : Commission européenne
Figure 29 : Concentrés métalliques et minerais – imports en % de la consommation apparente dans l’Union européenne.
106
Quel futur pour les métaux ?
Trois premiers pays producteurs par métal en 2006. Métal
1er producteur
%
2e producteur
%
3e producteur
%
Total %
Terres rares
Chine
95
États-Unis
2
Inde
2
99
NiobiumColumbium
Brésil
90
Canada
9
Australie
1
100
Antimoine
Chine
87
Bolivie
3
Afrique du Sud
3
93
4
Tungstène
Chine
84
Canada
4
U.E.
Gallium
Chine
83
Japon
17
-
92
Germanium
Chine
79
États-Unis
14
Russie
7
Rhodium
Afrique du Sud
79
Russie
11
États-Unis
6
96
Platine
Afrique du Sud
77
Russie
11
Canada
4
92
100 100
Lithium
Chili
60
Chine
15
Australie
10
85
Indium*
Chine
60
Corée
9
Japon
9
78
Tantale**
Australie
60
Brésil
18
Mozambique
5
83
Mercure
Chine
57
Kirghizstan
29
Chili
4
90
Tellure
Pérou
52
Japon
31
Canada
17
100
Sélénium
Japon
48
Canada
20
U.E.
19
87
Palladium
Russie
45
Afrique du Sud
39
États-Unis
7
91
Vanadium
Afrique du Sud
45
Chine
38
Russie
12
95
Titane
Australie
42
Afrique du Sud
18
Canada
12
72
Rhénium**
Chili
42
États-Unis
17
Kazakhstan
17
76
Chrome
Afrique du Sud
41
Kazakhstan
27
Inde
8
76
Bismuth
Chine
41
Mexique
21
Pérou
18
80
Étain
Chine
40
Indonésie
28
Pérou
14
82
Cobalt
R.D. Congo
36
Australie
11
Canada
11
58
Cuivre
Chili
36
États-Unis
8
Pérou
7
51
Plomb
Chine
35
Australie
19
États-Unis
13
67
Molybdène
États-Unis
34
Chine
23
Chili
22
79
Bauxite
Australie
34
Brésil
12
Chine
11
57
Zinc
Chine
28
Australie
13
Pérou
11
52
Fer
Brésil
22
Australie
21
Chine
15
58
Cadmium
Chine
22
Corée
16
Japon
11
49
Manganèse
Chine
21
Gabon
20
Australie
16
57
Nickel
Russie
19
Canada
16
Australie
13
48
Argent
Pérou
17
Mexique
14
Chine
13
44
Or
Afrique du Sud
12
Chine
11
Australie
11
34
Source : World Mining Data (2008) ; World Refining Production (USGS, 2008)* ; USGS (2008)**.
Dès lors, il n’est pas surprenant de voir apparaître des événements géopolitiques analogues à ceux qu’on peut observer pour le pétrole, quoiqu’avec moins d’ampleur.
Technique, environnement et économie
107
Une prise de conscience récente de l’importance croissante du sujet Comme l’illustre la figure 30 ci-dessous, ce n’est que depuis quelques années que le prix des métaux s’est mis à croître significativement. Cette évolution a conduit à raviver la prise de conscience par les politiques du risque métaux et a conduit à des initiatives politiques dans la plupart des pays occidentaux. Pétrole
Indices des prix en $ constants (2000 = 100)
450
Métaux
400 Choc pétrolier 1 er 2e
350 300
Guerre du Vietnam
Guerre de Corée
Chute de la demande mondiale
Croissance de l’Asie
250 200 150 100 Guerre d’Irak
50
Capacité excédentaire de métaux
0 1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
Source : Commission européenne.
Figure 30 : Comparaison de l’indice des prix entre métaux et pétrole brut, 1948–2007. Aux États-Unis, le National Research Council (NRC) a publié en 2008 un rapport – Critical Mineral Impacts on the U.S. Economy – qui a examiné le cas de 11 métaux critiques pour le pays. L’analyse est faite selon deux axes : le risque d’approvisionnement (pénurie potentielle, dépendance à des pays ou des acteurs industriels) et l’impact d’une restriction d’approvisionnement (criticité pour l’industrie, possibilité de substitution) – voir figure 31. En 2008 également, le gouvernement japonais a publié un document – Guidelines for Securing National Resources – qui indique que le celui-ci « va soutenir des projets d’acquisition de ressources clés en ayant une diplomatie active et en aidant ces projets à être stratégiquement connectés à des mesures de coopération économique, comme l’assistance au développement, des facilités de financement ou des garanties commerciales ». La Commission européenne a lancé en 2008 une « initiative Matières premières ». Celle-ci a notamment abouti, après 18 mois d’étude, à la publication d’un rapport en
Quel futur pour les métaux ?
4 (high)
Medium
M ine ra lC rit ica lity
Impact of Supply Restriction
A
B
3
2 Gallium Indium Lithium Manganese Niobium Tantalum Titanium Vanadium
1 (low)
Low
Impact of Supply Restriction
High
108
Low
Medium
Supply Risk
High
1 (low)
2
3
4 (high)
Supply Risk
Figure 31 : Exemple d’analyse de criticité mené par le National Research Council. juin 2010, citant 14 métaux ou familles de métaux « critiques », importants pour l’économie de l’Union européenne et dont l’approvisionnement pourrait subir l’impact de tensions politiques ou de pénuries : antimoine, béryllium, cobalt, fluor, gallium, germanium, graphite, indium, niobium, terres rares, platinoïdes, terres rares, tantale et tungstène. Le document sera révisé régulièrement, et servira de base au plan que la Commission devrait présenter à l’automne 2010. En mai 2009, les ministres de l’industrie des 27 pays membres ont renforcé le message et appelé à l’ouverture d’une « diplomatie des matières premières », et invité la Commission à « intensifier le dialogue avec tous les pays tiers concernés et à aborder le sujet dans toutes les enceintes qui s'y prêtent, qu'elles traitent de commerce ou d'autres domaines ». Cette prise de conscience conduit à remettre au goût du jour la notion de stock stratégique.
La constitution de stocks stratégiques dans les pays consommateurs Les stocks stratégiques de métaux ne sont pas une nouveauté. Cependant après une période de guerre froide où il apparaissait nécessaire pour les pays d’avoir des stocks de métaux, principalement liés à l’industrie de défense, nous sommes passés à une période de mondialisation et de libre circulation des biens. Bon nombre des stocks stratégiques ont été plus ou moins démantelés. La France avait ainsi constitué un stock stratégique dans les années 1970, il a été éliminé dans les années 1990. De la même manière, le congrès des États-Unis a autorisé en 1990 la dispersion des stocks stratégiques constitués pour répondre aux besoins de la défense. Après la chute du mur de Berlin, les pays de l’ancien bloc de l’Est ont progressivement mis sur le marché leurs stocks stratégiques, contribuant dans certains cas à la chute des cours ou au maintien de prix bas. Depuis quelques années, la tendance s’inverse.
Technique, environnement et économie
109
C’est en 2004 que le gouvernement japonais a créé le Japanese Oil, Gas and Metals National Cooperation (JOGMEC). Une des activités du JOGMEC est de gérer les stocks économiques de métaux rares en relation avec les entreprises privées. L’objectif est d’avoir un stock d’au moins 60 jours de consommation industrielle du pays. De tels stocks existent pour 7 métaux : chrome, cobalt, manganèse, molybdène, nickel, tungstène et vanadium. De la même manière, la Corée du Sud dispose d’une organisation, le Public Procurement Services (PPS) qui dès 2009 a commencé à augmenter ses achats de métaux industriels. Et d'ici 2012, le PPS prévoit de porter le stock à 60 jours de consommation, contre 40 jours actuellement. Bien que grande productrice de métaux elle-même, la Chine a défini dans le cadre de plans quinquennaux la constitution de stocks stratégiques. Officiellement ces stocks ont pour objectif de créer des réserves pour réaliser les objectifs de production du plan : mais il y a dans l’annonce de la constitution de ces stocks un autre objectif, qui est de protéger les entreprises productrices locales. Les annonces d’achats publics de métaux à travers le Bureau des réserves d'Etat (BRE) ont une influence forte à la hausse sur les cours des métaux : une annonce faite par le BRE de sa volonté d’accroître les stocks de cuivre en mars 2009 s’est traduite par un bond de 10 % en 3 jours du cours du cuivre sur le London Metal Exchange. En décembre 2008, la province chinoise du Yunnan a annoncé la constitution d’un stock métallique énorme (pour l’étain, cela représentait 10 % de la production mondiale) qui s’est avéré être une aide financière aux métallurgistes pour financer leurs stocks. Pour ce qui concerne les États-Unis, la stratégie de démantèlement des stocks stratégiques a été révisée en 2008 de façon à répondre à la pénurie de certains métaux. En France, ce n’est que début 2010 qu’a été publié un rapport du Conseil général de l’industrie de l’énergie et des technologies (CGIET) sur les stocks stratégiques de matières premières minérales non combustibles. Ce rapport livre des perspectives sur l’opportunité de stocks stratégiques nationaux.
La restriction à l’exportation dans les pays à la fois producteurs et consommateurs Pendant que les pays occidentaux, gros consommateurs de « petits métaux », s’inquiètent de leur approvisionnement, les pays qui sont à la fois producteurs et utilisateurs mettent des limites, voire des interdits, à l’exportation. Dans son initiative Matières premières, la Commission Européenne constatait « plus de 450 restrictions à l'exportation pour plus de 400 matières premières différentes » pratiquées par des pays émergents. Quand il s’agit de la Chine, qui est un des pays les plus riches en métaux rares, et qui dans certains cas détient un quasi-monopole en production (tungstène, antimoine, bismuth, terres rares…), ces restrictions à l’exportation entraînent des réactions fortes des pays occidentaux (voir le cas des terres rares dans le chapitre Nouvelles technologies). Devant répondre d’accusations de quotas et de taxes non conformes aux accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la Chine utilise l’argument de la satisfaction de la demande intérieure…. et l’argument environnemental. C’est ainsi que Mme Cheng Dawei, la spécialiste en chef des affaires liées à l'OMC en juin 2009
110
Quel futur pour les métaux ?
a pu affirmer : « Les Chinois ne souhaitent plus satisfaire les besoins du monde entier en sacrifiant leur environnement. Cela a pour conséquence de nous rappeler que le monde occidental, tout en bénéficiant de nos produits bon marché et de bonne qualité, nous impute une pollution environnementale. Il nous faut diffuser nos ressources dans une perspective de long terme. Si l'Occident persiste effectivement dans sa priorité de protection de l'environnement, il devrait se prononcer en faveur de notre politique. » Les discussions ne sont pas finies puisque l’Union Européenne, les États-Unis et le Mexique ont obtenu, le 21 décembre 2009, la création d'un groupe spécial de règlement des différends à l'OMC. Ce groupe sera chargé de dire si la Chine viole la libre concurrence par ses restrictions à l'exportation de matières premières. De son côté, la Russie n’a pas vraiment de position dominante dans les métaux. En revanche elle possède une très grande palette de ressources métalliques : elle dispose de réserves significatives de béryllium, de chrome, de cuivre, de manganèse, de nickel, de niobium, de tantale, de vanadium… ainsi que de réserves importantes en métaux rares comme les platinoïdes (platine, palladium, rhodium…). De plus elle dispose du savoir-faire industriel pour transformer ces métaux. Elle a défini une liste des métaux stratégiques pour lesquels l’investissement étranger est exclu : cobalt, nickel, béryllium, lithium, platinoïdes, tantale et niobium.
La prise de contrôle par les États de leurs richesses naturelles « Le premier défi auquel est confronté tout pays richement doté par la nature est d’assurer à son Trésor public la part la plus élevée possible de la valeur des ressources de son sous-sol. C’est beaucoup plus difficile qu’on ne pourrait le croire. Même dans les pays qui ont des démocraties stables et mûres, les compagnies pétrolières, gazières et minières luttent en permanence pour s’emparer de la plus grande part possible », nous dit Joseph Stiglitz dans Un autre monde. Comme dans le domaine pétrolier et gazier, on assiste pour les minerais métalliques à une concentration des entreprises qui donne à celles-ci un pouvoir énorme. Ainsi en 2008, sur les 4 173 entreprises recensées opérant dans le secteur des mines de métaux, les 149 « majors », soit 3,6 % des entreprises, contrôlaient 83 % du marché. Et cette même année 2008 a vu une tentative de fusion entre 2 des 5 plus grosses entreprises (BHP Billiton tentant de racheter Rio Tinto). Cette position d’oligopole conduit les majors du secteur à être en position de force pour négocier directement avec les États les prix de certains minerais. Avec le risque de voir les États utiliser d’autres arguments que la seule discussion commerciale (voir l’exemple des cadres de Rio Tinto emprisonnés en Chine au chapitre Prix des métaux). Cette position d’oligopole permet aussi à ces compagnies de peser très fortement sur les gouvernements des pays dans lesquels elles extraient des ressources minières, exigeant une part maximale des revenus, sans assumer l’intégralité des risques d’atteinte à l’environnement. Et utilisant des méthodes à la limite de la légalité. « Ce n’est pas un hasard si tant de pays dotés en ressources sont loin d’être démocratiques. La richesse alimente la mauvaise gouvernance » (Joseph Stiglitz).
Technique, environnement et économie
100
111
93
%
80
67 60 60
44
45
45
40
25 20
16
18
Acier
Charbon
0 Papier
Cuivre
Aluminium Ciment
Nickel Minerai de fer Platine
Figure 32 : Part de marché des 5 plus gros producteurs occidentaux, par métal.
Métal
Prod. mondiale %
Pays
Sociétés (Gisements)
Niobium (Nb)
90
Brésil
Companhia Brasileira de Meralurgia e Mineração - CBMM - (Araxá)
Beryllium (Be)
90
États-Unis
Brush Wellman (Delta-Utah)
Terres Rares
85
Chine
Baotou Iron & Steel Company (Bayan Obo)
Antimoine (Sb)
82
Chine
Hsikwangshan Twinkling Star (Hsikwangshan)
Lithium (Li)
80
Chili
Sociated Quimica y Minera de Chile SA Soquimich - (Salar d’Atacama)
Platine (Pt)
80
Afrique du Sud
Trois sociétés leader : Amplats - Implats - Lonmin (bushveld)
Tungstène (W)
75
Chine
Jianxi Tungsten (Minmetais) Nanling district (4 gis. majeurs : Yaogangxian, Shizhuyuan, Xianghualing, Huangshaping)
Tantale (Ta)
70
Australie
Sons of Gwalia (SOG), (Woogina)
Palladium (Pd)
65
Russie
Norilsk (Norilsk)
Plusieurs gouvernements luttent avec un certain succès pour se réapproprier leurs ressources naturelles. Le cas de la Bolivie est de ce point de vue intéressant car, en dehors de ses ressources en gaz, elle possède la moitié des réserves de lithium, métal indispensable au développement de la voiture électrique. Après quinze ans de néolibéralisme imposé à la Bolivie par le FMI et la Banque Mondiale, des troubles sociaux démarrent en 2000, les populations réclamant le contrôle public des ressources, à commencer par la plus vitale d’entre elles, l’eau. En 2003, après que la lutte des Boliviens pour la récupération du contrôle public sur le gaz a conduit à des émeutes faisant plusieurs morts, le président bolivien Gonzalo
112
Quel futur pour les métaux ?
Sanchez de Lozada démissionne. Et fin 2005, Evo Morales devient le premier président indien de Bolivie, avec un programme clair : « Nous sommes dans l’obligation de nationaliser nos ressources naturelles et de mettre en route un nouveau régime économique. (…) il ne s’agit pas de nationaliser pour nationaliser, que ce soit le gaz naturel, le pétrole ou les ressources minérales ou forestières ; nous avons l’obligation de les industrialiser. » Le 1er mai 2006 Evo Morales prend un décret de nationalisation des hydrocarbures visant 26 entreprises étrangères. Et depuis il a continué son programme de réappropriation des ressources en nationalisant les ressources minières, les télécommunications et récemment (1er mai 2010) les entreprises d’électricité. Il a été largement réélu à la tête de la Bolivie en 2009.
Ressources en métaux et conflits armés Les ressources en métaux ne donnent pas aujourd’hui lieu à des conflits armés aussi visibles que ceux liés au pétrole (cf. la guerre d’Irak). Pourtant il existe des zones du monde où les richesses minières sont au cœur de conflits armés particulièrement meurtriers. Un cas emblématique est probablement celui de la République Démocratique du Congo (RDC). D’abord État Indépendant (sic) du Congo, propriété exclusive du roi des Belges à partir du 1885, devenu le Congo Belge au tournant du siècle, le pays n’accède à l’indépendance en 1960 que pour tomber quelques années plus tard sous la dictature de Mobutu, qui le rebaptisera Zaïre, puis basculer dans la guerre civile à partir de 1995, dans la foulée du génocide rwandais. Ses ressources naturelles sont immenses, que ce soit celles de ses forêts (caoutchouc, bois précieux exploités dès la fin du 19e siècle) ou de ses sous-sols (cuivre, cobalt, manganèse, uranium – le Congo fournit en son temps le combustible de la bombe d’Hiroshima – or, diamants…) et le pays fait l’objet d’une exploitation impitoyable : l’espérance de vie y est de moins de 40 ans, s’il était besoin d’un seul critère démontrant que les ressources sont littéralement pillées depuis plus d’un siècle, sans bénéfice pour les populations. Les liens entre certaines exploitations de minerais, notamment l’or dans l’Ituri et le coltan dans le Kivu (deux régions de l’Est de la RDC), et la guerre civile qui a fait plus de 3 millions de morts dans les dix dernières années, sont clairement avérés (voir le chapitre Nouvelles technologies concernant le rôle du coltan, minerai dont on extrait le tantale). En 1960, le jeune leader nationaliste Patrice Lumumba sort vainqueur des premières élections. Considéré comme trop dangereux pour les intérêts économiques en place, l’ancienne puissance coloniale et les États-Unis fomentent la sécession de la stratégique province du Katanga (Sud-Est de la RDC), riche en cuivre, en cobalt, en étain et en uranium. La guerre civile éclate, Lumumba est assassiné, le Congo finit par récupérer le Katanga et bascule dans une dictature plus conforme aux intérêts des puissances consommatrices de métaux. Dans la même zone, en 1978, la légion française « saute sur Kolwezi », officiellement pour protéger des populations européennes prises en otage par des rebelles katangais, mais surtout pour venir en aide au régime essoufflé de Mobutu, et accessoirement sécuriser l’approvisionnement en cobalt, métal stratégique pour les industries de la défense.
Technique, environnement et économie
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Colonisation et néo-colonisation L’accès aux richesses naturelles des pays colonisés a joué un rôle majeur dans le processus de colonisation en Amérique, puis en Asie et en Afrique. En bonne place les métaux précieux des conquistadors (qui trouvèrent surtout de l’argent, à défaut d’or, dans les mines du Mexique et du Pérou – en 1560, grâce à sa mine d’argent, la ville de Potosi en Bolivie comptait plus d’habitants que Madrid) ou des ruées vers l’or californienne, sud-africaine ou australienne. Suivent d’autres métaux, comme l’étain dans l’Insulinde de l’empire britannique. Au 20e siècle, l’explosion de la demande, l’accès aux transports bon marché et à une énergie abondante, l’épuisement progressif des gisements locaux, fait décoller les exportations de métaux industriels des colonies vers l’Europe. Si la Belgique a une histoire industrielle forte dans les métaux non ferreux, c’est beaucoup plus aux ressources du Congo Belge (aujourd’hui République Démocratique du Congo) qu’à ses ressources minières propres qu’elle le doit. Après la fin de la colonisation, les anciens colonisateurs ont conservé des relations étroites avec les anciennes colonies, entre autres pour garder un accès privilégié aux ressources minières. Les Anglais ont créé le Commonwealth, permettant de conserver des relations étroites avec 16 États dont le Canada, ou l’Australie, qui possèdent d’avantageuses ressources minières. En Afrique, les relations développées entre la France et ses anciennes colonies traitent de défense, mais aussi de matières premières. Ainsi dans l'Accord de Défense entre les Gouvernements de la République française, de la République de Côte d'Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger de 1961, à côté des articles sur les aspects purement militaires, on trouve en annexe des considérations sur les « matières premières et produits stratégiques », dont l'uranium, le thorium, le lithium, le béryllium, leurs minerais et composés. Les pays africains signataires « pour les besoins de la Défense, réservent par priorité leur vente à la République française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s'approvisionnent par priorité auprès d'elle » et « lorsque les intérêts de la Défense l'exigent, elles limitent ou interdisent leur exportation à destination d'autres pays ». Depuis quelques années, une nouvelle forme de relations se développe entre la Chine et de nombreux pays africains. Forte de réserves financières énormes dont elle dispose et pour faire face aux besoins croissants en ressources à la fois de sa population et de la production industrielle qu’elle exporte dans le monde, la Chine s’est tournée vers les pays africains et leurs ressources minières. Elle s’est naturellement tournée vers la République Démocratique du Congo, le pays le plus riche en métaux du continent africain. À l’été 2007, la Chine et la RDC ont signé une convention qui prévoit un investissement de 6,3 milliards d’euros de la Chine en RDC, dont 4,2 destinés au développement des infrastructures et 2,1 à la relance du secteur minier. Les chantiers sont confiés à deux entreprises géantes chinoises qui se sont engagées à réhabiliter ou construire 3 000 kilomètres de routes et de voies de chemin de fer, 31 hôpitaux, 4 universités et 50 000 logements sociaux. La contrepartie de cet argent et de ces travaux, ce sont des métaux : les chinois se sont vu promettre l’accès à 10 millions de tonnes de cuivre, 200 000 tonnes de cobalt et 372 tonnes d’or.
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Quel futur pour les métaux ?
Argent et infrastructures pour aider au développement contre métaux (et autres ressources comme le pétrole) : cette nouvelle forme de troc que propose la Chine à de nombreux pays africains paraît séduisante, d’autant plus que contrairement aux pays occidentaux et au FMI, la Chine ne fait pas du retour à la démocratie une condition de l’aide. Mais la médaille a son revers : •
du point de vue financier les Chinois se « payent sur la bête » : ils ont prévu que les infrastructures seront financées par les bénéfices des nouveaux développements miniers. Au cas où cela ne serait pas le cas, ils demanderont plus de concessions minières et plus de métaux. Dans le cas de l’accord avec la RDC, M. Wu Zexian, ambassadeur de Pékin à Kinshasa, va même plus loin : « De toute façon, même si les mines ne suffisent pas, le Congo a d’autres ressources à proposer dans ces accords de troc, de la terre par exemple » ;
•
contrairement aux occidentaux, les Chinois sont perçus comme une menace pour l’emploi. Les grandes entreprises chinoises qui réalisent les infrastructures ne font pas toujours suffisamment appel à de la main d’œuvre locale (la Chine dispose d’un réservoir énorme de main d’œuvre à faible coût). Les Chinois s’impliquent aussi dans le commerce local. Des émeutes ont éclaté sur des marchés africains, notamment à Kinshasa, parce que des chinoises vendaient des beignets et d’autres produits habituellement vendus par les populations locales. Même la concurrence des prostituées venues d'Asie suscite l'inquiétude…
D’autres zones continuent à faire l’objet de tensions « coloniales » fortes, avec des populations revendiquant leur indépendance. Au-delà des considérations politiques, la présence des ressources métalliques ou naturelles peut faire partie de l’équation. Citons par exemple le cas du Tibet (riche en borax, en uranium, en lithium, en fer – 40 % des ressources chinoises – et possédant également de l’or, de l’argent, du plomb, du zinc, du cobalt…) et celui de l’Iran Jaya (moitié Ouest de la Papouasie, scandaleusement offerte en 1975 à l’Indonésie de Suharto, au nom de la lutte contre le communisme…) et de ses mines d’or.
Conclusion Sans inversion des tendances de consommation actuelles, et compte tenu des tensions qui ne manqueront pas d’apparaître, les métaux deviennent, après les ressources énergétiques, un élément majeur des réflexions géostratégiques des États. Ces réflexions pourraient d’ailleurs faire émerger, plus rapidement qu’on ne le croit, des dispositions réglementaires volontaristes sur le recyclage, ou l’interdiction des « mésusages » de métaux critiques : au-delà des avantages environnementaux certains – mais assez peu concrets pour des décideurs politiques à vue un peu courte – la capacité à réduire la dépendance vis-à-vis d’autres États pourrait devenir nécessaire. Sans aller, espérons-le, jusqu’à une « écologie de guerre » : en 1941, Roosevelt lançait un appel au peuple américain pour collecter du caoutchouc. La perte de la Malaisie au profit des Japonais, et les énormes besoins générés par l’armée, rendaient nécessaires le recyclage et la récupération maximale du « stock en place », ainsi que des restrictions sévères des usages personnels…
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7
Les déchets sources de matières premières métalliques
Introduction La notion de « déchet » est relative. Un objet que l'on pourrait jeter, mais que l'on décide de réparer ou de réutiliser n'est plus un déchet. De même, un déchet destiné au recyclage devient une ressource, une matière première. Il prend une valeur, alors qu'un déchet est par définition un objet inutile et sans valeur. Beaucoup de déchets sont des matières premières secondaires qui sont tout aussi utiles que des matières premières « vierges ». Non seulement un déchet est sans valeur, mais en plus on doit souvent payer pour son traitement. Au contraire, le seul fait de rassembler les déchets individuels les transforment en ressources. Les filières de récupération de produits en fin de vie sont alimentées par la collecte sélective, les centres de tri et les déchetteries. Elles permettent une valorisation « matières » des déchets. Le déchet récupéré peut être : •
réutilisé, c’est-à-dire remis sur le marché sans transformation avec un usage analogue à celui de sa première utilisation ;
•
rénové, c’est-à-dire réutilisé avec un usage analogue à celui de sa première utilisation après transformation par un procédé physique ou chimique pour lui redonner les caractéristiques perdues. La rénovation comprend la réparation, la restauration, la régénération ;
•
recyclé, c’est-à-dire réintroduit dans le cycle de production en remplacement d’un intrant.
On parle de matières premières secondaires (MPS) lorsqu’elles ont déjà été incorporées au moins une fois à un produit. Elles proviennent de filières de récupération et de traitement spécifiques.
Les métaux récupérés Il existe 2 grandes familles de « déchets » métalliques : • les métaux non ferreux comprenant tous les métaux sauf le fer à l’état pur ou faiblement allié (inférieur à 10 %). Ce sont principalement le cuivre, l’aluminium, le zinc, le plomb, l’étain, le chrome et le nickel ; • les métaux ferreux (ou ferrailles) comprenant les objets en fer et en acier faiblement allié. On peut distinguer pour chaque métal trois catégories de matières recyclables : • les chutes neuves de fabrication, produites par les industries de transformation ; • les ouvrages de matériels usagés mis au rebut ;
118
Quel futur pour les métaux ?
• les composés métalliques destinés à être traités pour en extraire le métal contenu. Ces différentes catégories font l'objet de classements standardisés utilisés dans les transactions commerciales qui tiennent compte de la teneur en métal, de la composition chimique et des tolérances admises. Les principales sources d'approvisionnement sont : • le ramassage : débris domestiques (déchets municipaux, véhicules hors d’usage, gros électroménager, etc.) ou déchets artisanaux (plombier, serrurier, électricien) ; • la démolition : bâtiments et travaux publics ou démolition industrielle, ferroviaire, navale… • les industries (chutes, rebuts, etc.) ; • l'administration : les Domaines et les Services Publics mettent en vente par adjudication le matériel réformé et les déchets de fabrication d'entreprises de l'État ; • l'importation : effectuée soit par les négociants, soit directement par les consommateurs.
Métaux ferreux La consommation de ferrailles représente 400–450 millions de tonnes par an, pour une production mondiale d’acier d’1,3 milliard de tonnes. L’acier recyclé représente donc autour du tiers de la production mondiale. Les principaux gisements de ferrailles se trouvent en Russie, en Europe et aux États-Unis. La Turquie et la Chine sont les principaux importateurs.
3
Canada 1,5
Russie 4,1
1
Europe
États-Unis 1,1
0,9
5,8
3,1
Corée du Sud 1,3
Turquie
2,5
Mexique
Égypte
Chine
3,3
Japon 1,2
2,7 Taiwan
3,4
Source: Veolia, mondial Source : Veolia / Iron Panorama and Steel Statistics Bureaudes déchets / Iron and Steel Statistics Bureau
Figure 33 : Principaux flux mondiaux de ferrailles (millions de tonnes, 2006).
Technique, environnement et économie
119
En fonction de leur qualité, et notamment de leur contenu en métaux non souhaitables (pouvant altérer les performances techniques ou complexifier les processus de production en four électrique), les ferrailles sont destinées à différents usages. Le teneur en cuivre est ainsi déterminante. Si elle est trop élevée (et elle a souvent tendance à augmenter – présence de plus en plus forte de petits moteurs électriques, de câbles, etc. dans les véhicules par exemple) tout usage « noble » de l’acier est à bannir. Jusqu’à 0,05 % de cuivre, l’acier est encore utilisable comme steel cord pour les pneumatiques, et jusqu’à 0,5 % en rond à béton dans la construction. La qualité du tri en amont et l’organisation des filières sont déterminantes pour obtenir des ferrailles de bonne qualité.
Métaux non ferreux À l’importante économie de matière première que représente l’utilisation de métaux recyclés, s'ajoute le fait que l'affinage, par lequel sont traités les 2/3 de ces métaux, est une filière particulièrement économe en énergie, comparée à la première fusion des minerais : autour de 95 % d'économie pour l'aluminium, 85 % pour le cuivre, 70 % pour le zinc. De plus, de nouvelles techniques de récupération de métaux rares ou semi-précieux (titane, cobalt, chrome, vanadium…) contenus en petites quantités dans les boues, les déchets de raffinage et les alliages, sont en voie de développement.
L’aluminium La production d’aluminium secondaire (à partir de déchets d’aluminium – hors « scraps » provenant des industries de transformation) est d’environ 8 millions de tonnes, soit environ 20 % de la production totale mondiale. Les principaux gisements d’aluminium proviennent du transport (véhicules, aéronautique…), de la construction (démolition des bâtiments) et des emballages. Dans les ordures ménagères, on distingue les « rigides ou semi-rigides » (boîtes de boisson, boîtes de conserve, aérosols, barquettes…) des « minces ou souples » (opercules de pots de yaourts, emballages de biscuiterie, couche insérée dans un complexe…). Les « rigides ou semi-rigides » représentent en France environ 10 % du total collecté (de l’ordre de 30 000 tonnes). Le taux de recyclage de l’aluminium d’emballages « rigides ou semi-rigides » est en moyenne de 40 % en Europe (avec l’exception notable de l’Allemagne à 80 %) et 50 % aux États-Unis. Afin d'améliorer ce taux de récupération, l'accent est aujourd'hui mis sur l'équipement des centres de tri et des centres de traitement des mâchefers d'incinération d'ordures ménagères en installations à courant de Foucault. Quant aux « minces ou souples », plus difficilement collectés, ils sont incinérés. L'aluminium récupéré est orienté vers trois applications principales : •
fonderie de pièces moulées, destinées notamment à l'industrie automobile : 65 % ;
•
filage et laminage (fenêtres, façades d'immeubles) : 27 % ;
•
usages destructifs (non récupérables : aciéries, poudres) : 8 %.
120
Quel futur pour les métaux ?
Cuivre Le cuivre est présent dans des applications aussi diverses que les fils, câbles, connexions électriques, les canalisations pour l'eau, les toitures, la robinetterie, etc. Cette diversité rend difficile un suivi précis de la filière du cuivre récupéré. Recyclé depuis la nuit des temps, le cuivre est toujours très convoité et facilement identifiable : on peut estimer que tout ce qui est accessible facilement, selon les processus en place, est recyclé et que le taux de recyclage atteindrait 80 %. Le cuivre recyclé représente environ 2 millions de tonnes dans le monde, soit 13 % de la production totale de cuivre. Celui-ci provient soit directement de l'industrie, soit de la dépose de câbles ou plus directement de la démolition, soit de la récupération de tout objet en fin de vie qui contient du cuivre ou des alliages cuivreux.
Plomb Le marché du plomb est plus canalisé, avec environ 2/3 destinés à la fabrication de batteries. Le reste est utilisé sous forme de laminés (protections radiologiques, décoration de toitures…), pour le gainage des câbles sous-marins, dans l'essence (usage en voie de disparition) et de nombreux alliages. Dans certains pays, le taux de collecte et de recyclage des batteries de voiture est très élevé – supérieur à 90 % en France (201 000 tonnes collectées pour 218 000 tonnes mises sur le marché en 2007) et au Japon. En France, 68 % de la consommation en plomb est issue du recyclage. Au niveau mondial, environ 3,2 millions de tonnes de plomb sont collectés chaque année, un ordre de grandeur comparable à la production annuelle de plomb primaire (3,8 millions de tonnes).
Zinc Le zinc est principalement utilisé pour la galvanisation (traitement des tôles de voiture, rails d'autoroute…) et dans les toitures, également dans de nombreux alliages et sous forme d'oxydes, notamment dans les pneus. Le zinc récupéré de déchets de zinc ou d’alliages représente environ 1 million de tonnes par an (moins de 10 % de la production mondiale de zinc primaire). En France, environ 100 000 tonnes de zinc sont recyclées chaque année, dont plus du tiers sous forme ou pour la production d'alliages et de 20 % environ sous forme d'oxydes. Le zinc utilisé pour la galvanisation est partiellement recyclé avec les ferrailles : les procédés de recyclage des poussières d'aciéries développés ces dernières années permettent de renvoyer chez les producteurs de zinc brut quelque 20 000 tonnes de zinc par an.
Nickel, aciers inox, chrome Les trois quarts de la production de nickel sont utilisés dans la fabrication d’acier inoxydable. Les scraps de nickel et d’acier inoxydable représentent environ 2 millions de tonnes par an (chiffre difficilement comparable à la production primaire de nickel et de chrome, en l’absence de données sur la teneur des alliages récupérés).
Petits métaux De manière spécifique, en fonction de la pertinence économique, de l’efficacité des procédés ou des contraintes réglementaires, de nombreux petits métaux peuvent être
Technique, environnement et économie
121
recyclés, comme le platine à partir des pots catalytiques, le cadmium à partir de batteries, le titane à partir d’avions en fin de vie, le mercure dans les lampes fluo compactes, et de nombreux autres métaux dans les D3E (équipements électriques et électroniques).
Les filières de récupération Les métaux sont employés dans tous les domaines et se retrouvent ainsi concernés par de nombreuses filières (dont certaines font l’objet de réglementations spécifiques) : • • • •
• •
les D3E ou Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques (1,7 million de tonnes de déchets totaux) ; les VHU ou Véhicules Hors d’Usage (1,6 million de tonnes de déchets totaux, dont environ 70 % de ferraille et 8 % de métaux non ferreux) ; les déchets ménagers (400 000 tonnes d’emballages métalliques) ; les déchets industriels non dangereux (3,9 millions de tonnes de métaux, principalement en provenance des secteurs de la métallurgie et de la fabrication de matériels de transport) ; les déchets industriels dangereux (300 000 tonnes de déchets minéraux en provenance principalement du secteur de la métallurgie) ; les déchets du bâtiment et des travaux publics.
Déchets agricoles
Déchets organiques
Boues d’épuration
~ 374 Mt
~ 43 Mt
~ 8,8 Mt
Ordures ménagères putrescibles ~ 6,5 Mt
Déchets verts ~ 2,5 Mt
Epandage / Compostage Incinération
Agriculture
Déchets Industries agro-alimentaires d’assainissement
~ 417 Mt de déchets biodégradables
Autres déchets
~18 Mt de déchets biodégradables
Matières premières
Produits
Entreprises
Ménages et collectivités
807 Mt
42 Mt
~390 Mt de déchets non biodégradables Déchets de process
Produits en fin de vie
Mise en décharge
Emballages 8Mt
~24 Mt de déchets non biodégradables Emballages Produits en fin de vie 4,5Mt 19,5Mt
Incinération Mise en décharge
Gravats ~ 340 Mt
Non dangereux ~ 33 Mt
Dangereux
Emballages
~ 9 Mt
~ 12,5 Mt
VHU & pneus ~ 2 Mt
DEEE
Autres
~ 1,7 Mt
~ 16 Mt
Recyclage
Source: ADEME (les endéchets en« chiffres 2007, « À chaque Source: ADEME (les déchets chiffres 2007, À chaque déchet sa solution »), IFEN. déchet sa solution »), IFEN
Figure 34 : Flux de production de déchets en France (total ~849 millions de tonnes (Mt), 2004). Le tri entre métaux ferreux et métaux non ferreux est possible, et si les volumes de matière sont assez importants alors un tri par matières peut être réalisé. Plusieurs techniques de tri existent à ce jour :
122
• • •
Quel futur pour les métaux ?
tri magnétique par overband qui sépare les métaux ferreux des non-ferreux ; sélection des métaux par courant de Foucault qui sépare les métaux magnétiques (inox, aluminium…) des métaux qui ne le sont pas (cuivre, plomb…) ; tri manuel qui est une technique beaucoup plus fine et précise que les deux précédentes.
La collecte et/ou le traitement peut être fait par différentes structures : le ferrailleur, les entreprises comme les fonderies qui utilisent les métaux comme matières premières, ou des centres de transit qui récupèrent et trient les métaux pour les revendre.
D3E Un D3E (Déchet d’Équipements Électriques et Électroniques) est un déchet d'équipement fonctionnant grâce à des courants électriques ou des champs électromagnétiques, c'est-à-dire, tout équipement fonctionnant avec une prise électrique, une pile ou un accumulateur (rechargeable). Ces déchets sont particulièrement riches en métaux – jusqu’à 18 % du poids en cuivre… et de nombreux métaux précieux (or, argent) ou rares (palladium, cobalt, indium…). Un ordinateur personnel contient environ 0,4 g d’or et d’indium, 0,1 g de palladium. Les D3E peuvent être divisés en 5 grandes familles : • les produits blancs ou appareils électroménagers : appareils de lavage, de cuisson, de conservation, et de préparation culinaire ; • les produits gris : équipements informatiques et bureautiques (ordinateurs, téléphonie…) ; • les produits bruns : appareils audiovisuels ; • les produits d’éclairage, c'est-à-dire toutes les lampes usagées (lampes halogènes, néons…) ; • les autres D3E, tels que les jouets et équipements de loisirs et sports, les dispositifs médicaux, les distributeurs automatiques, instruments de contrôle et de surveillance…
15 % Inertes et autres
20 % Métaux non ferreux
15 % Plastiques
Métaux ferreux 50 %
Source : www.arecpc.com
Figure 35 : Composition moyenne des D3E.
Technique, environnement et économie
123
On estime que les D3E représentent 40 à 50 millions de tonnes chaque année dans le monde. Chaque Européen en produit près de 20 kg par an. Leur croissance annuelle serait même de 3 à 5 %. La Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Afrique sont les principales destinations de ces déchets souvent illégalement exportés. La convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination n’a pas été ratifiée par les États-Unis (premier producteur mondial de D3E, ils en exportent 50 à 80 %) mais les Européens ne font guère mieux. En France, on estime le gisement annuel de déchets de D3E, ménagers et professionnels entre 1,7 et 2 millions de tonnes. Selon le registre des producteurs, 1,2 millions de tonnes d’équipements destinés aux ménages ont été mis sur le marché en 2006. Tubes et lampes Petits appareils ménagers
(professionnel) Produits « gris » 5%
(micro informatique)
3%
5% Câbles (professionnel)
6% Produits « blancs »
Batteries (professionnel)
8%
(gros électroménager) 53 %
Produits « bruns »
8%
(télévision, audio) 12 % Matériel informatique (professionnel)
Source : cd2e et Ernst & Young
Figure 36 : Distribution du gisement de D3E en France.
La directive Européenne 2002/96/CE du 27 janvier 2003, relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (directive D3E), impose la collecte sélective, en vue de leur valorisation, avec un objectif de 4 kg / an / habitant en 2006 pour les déchets des ménages. Cet objectif est revisité tous les deux ans. Les D3E peuvent être traités de différentes manières : • réutilisation d’équipements entiers, avec remise en état et revente d’occasions ; • réutilisation de pièces détachées pour réparer d’autres équipements ; • valorisation matière soit : – par recyclage chimique, pour les plastiques (PS, PA, PVC, PC et PUR) ; – par recyclage mécanique, pour : 1. la régénération des plastiques en matière première secondaire, 2. le recyclage des métaux ferreux et non-ferreux, 3. la régénération des verres des tubes cathodiques en tubes neufs ;
124
• •
Quel futur pour les métaux ?
– par traitement spécifique pour certains composants comme les cartes électroniques ou les piles et accumulateurs ; valorisation énergétique (incinération avec récupération d’énergie) ; « élimination » par destruction ou mise en décharge.
De nombreux efforts restent à faire, notamment dans la collecte. Sur 27 000 tonnes de piles mises sur le marché en 2007 en France, seulement 9 000 tonnes ont été collectées, soit 33 %. 1 400 tonnes collectées pour 6 600 tonnes pour les accumulateurs hors plomb, soit 21 % (source ADEME, Observatoire des piles et accumulateurs). Plus de 40 milliards de piles, batteries et accumulateurs sont jetés chaque année dans le monde (voir chapitre Stockage de l’énergie). En Europe, 160 000 tonnes de piles et accumulateurs sont annuellement jetées par les consommateurs. Une pile bouton pollue 1 m3 de terre pendant un siècle.
Déchets municipaux Les déchets municipaux sont composés de tous les déchets ménagers (ordures, encombrants, déchets des petites entreprises…) ainsi que des déchets de la collectivité (principalement déchets verts et boues d’épuration des stations d’assainissement). Déchets municipaux gérés par les collectivités locales Déchets ménagers et assimilés Déchets de la collectivité
• Déchets des espaces verts publics 0,9 Mt • Déchets de voirie et marchés 4,2 Mt • Déchets de l’assainissement (boues d’épuration) 8,8Mt
Ordures ménagères et assimilés Déchets des petites entreprises Collecte sélective Collecte en mélange
Déchets occasionnels
Ordures ménagères
• Encombrants • Déchets recyclages secs (emballages)
• Déchets verts • Déblais, gravats • Déchets ménagers spéciaux
14 Mt
• Déchets fermentescibles
6 Mt
22 Mt
• Déchets des artisans, des petits commerçants et des administrations collectés par le service public
4,5 Mt
42 Mt Traitement des Ordures Ménagères collectées en 2004 :
Source : ADEME, IFEN
Incinération : 43 % Enfouissement : 39 % Tri pour recyclage : 13 % Traitement biologique (compostage, méthanisation) : 6 %
Figure 37 : Composition des déchets municipaux en France (total 46.5 millions de tonnes (Mt), 2004). Les ordures ménagères représentent environ 22 millions de tonnes en France, dont 4,5 à 5 millions de tonnes d’emballages. Il s’agit majoritairement de verres, plastiques et papiers / cartons mais il y a tout de même 400 000 tonnes d’emballages métalliques (il
Technique, environnement et économie
125
y a également environ 400 000 tonnes d’emballages métalliques parmi les 7,5 à 8 millions de tonnes d’emballages industriels). Seuls 20 % de ces emballages font l’objet d’une collecte sélective. Le reste est soit incinéré, soit enfoui en décharges (à peu près dans les mêmes proportions pour la France). Les mâchefers sont les résidus de l’incinération des déchets. Les millions de tonnes de mâchefer produits chaque année contiennent donc plusieurs dizaines de milliers de tonnes de métaux (acier, aluminium et autour de 1 % de métaux lourds) : • issus de la non collecte des objets métalliques ; • issus de l’incorporation de métaux dans d’autres matériaux : matériaux composites – combinant métal, plastique, bois et céramique – qui ne peuvent plus être dissociés dans les déchets, ou plastiques comme le PVC qui contiennent des métaux lourds comme stabilisants (cadmium ou plomb, en voie de remplacement par des métaux moins nocifs comme l’association zinc / calcium…). Ils sont en général enfouis ou utilisés comme remblais, couche de forme ou chaussée (bien que leur contenu en métaux lourds les rende extrêmement polluants pour les sols). Avant enfouissement, ils peuvent subir un dé-ferraillage par tri magnétique, en fonction de la « qualité » du mâchefer et l’aluminium peut aussi, dans certains cas, être récupéré par induction. Des essais pratiques ont montré qu'il est possible de retirer les métaux des mâchefers après l'incinération des déchets : les morceaux de mâchefers minéraux sont broyés dans des concasseurs provenant de l'industrie minière. Les fragments d'une taille inférieure à deux millimètres sont ensuite retirés par tamisage et il ne reste plus que les gros morceaux métalliques de forme quelconque, réutilisables comme matières premières à l'issue d'un tri selon leur nature. Dans certains pays, on exploite depuis un certain temps des décharges pour en retirer des matières premières dans un but commercial. Une société néerlandaise accomplit un travail d'avant-garde pour la Suisse dans la décharge d'Elbisgraben, près de Liestal. Cette entreprise de recyclage y récupère de précieuses matières, notamment du cuivre.
Les marges de progrès Même s’il est en capacité de générer un gisement de matières premières secondaires non négligeable, notre mode de gestion actuel des déchets entraîne donc un « taux de perte » significatif des ressources non renouvelables. Ce taux de perte est lié premièrement à l’enfouissement direct des ordures ménagères ou des mâchefers après incinération, puisque celles-ci contiennent toutes sortes de métaux. Notamment, de l’arsenic, du cadmium, du mercure, du sélénium, du plomb pour les petits métaux, de l’aluminium, du zinc, du chrome, du cuivre et du nickel pour les grands métaux. Cet enfouissement réduit notre stock de métaux accessibles ou, dans le cas de métaux abondants comme l’aluminium, constitue un gâchis énergétique considérable. Le taux de perte est également lié, indirectement, à un usage « dégradé » des éléments métalliques (hors fer) inclus dans les alliages récupérés à travers les différentes filières de ferrailles et de métaux non ferreux (cf. première partie de l'ouvrage). Des éléments
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Quel futur pour les métaux ?
comme le molybdène ou le vanadium, par exemple, peuvent se retrouver en pourcentage très faible dans des aciers où leur présence ne sera pas « valorisée », conduisant à l’utilisation de minerai « neuf » pour la fabrication d’aciers spéciaux. Le chrome et le nickel constituent une certaine exception, car le pourcentage de présence dans les alliages inox est élevé, les déchets bien identifiables, et les filières relativement bien organisées. Afin d’augmenter le taux de récupération des éléments métalliques, il faut faire évoluer fortement le mode de traitement des ordures ménagères, tout en maximisant et optimisant les filières spécifiques de récupération (comme les D3E). La vision « cible » du traitement des ordures ménagères pourrait être basée sur une séparation beaucoup plus fine des différentes filières : • gestion des ordures putrescibles, la plus locale possible, notamment par le compostage (ce qui permettrait d’ailleurs, par le retour plus systématique à la terre agricole des oligo-éléments, de lutter contre l’épuisement des sols) ; • arbitrage entre valorisation énergétique et recyclage pour les déchets issus de matières premières renouvelables (papiers / cartons, bois, tissus, caoutchouc…) ou organiques (plastiques…) ; • filières spécifiques de recyclage pour les déchets issus de matières premières non renouvelables, principalement les métaux. Ces filières devant continuer à progresser au niveau technologique pour améliorer le pourcentage récupéré, la qualité, la pureté, etc. des différents éléments. La mise en œuvre d’un tel schéma nécessiterait d’abord une forte poussée réglementaire afin de maximiser le taux de récupération des déchets dans les filières spécifiques (responsabilité accrue des producteurs, soutien économique aux filières…). II faudrait parallèlement la mise en place de pratiques et de moyens de tri sans précédent. Le nombre de bennes refusées pour la collecte sélective après ramassage, ou le taux de récupération des piles, des téléphones portables, etc. montrent que les efforts d’éducation des citoyens seront gigantesques. Mais les écarts de pratique, entre des pays comme la France et l’Allemagne par exemple, prouvent que la marge de progrès réalisable est grande. La mise en place des moyens de tri se heurtera également à des questions purement physiques (place occupée par les poubelles ou les composteurs en zone urbaine dense, problématiques de ramassage en zone peu dense…). Il faudrait enfin une revue en profondeur de nos modes de conception. Le tri ne sera possible que si des efforts très importants sont réalisés sur la conception des produits, pour faciliter le geste de l’utilisateur au moment du tri et le traitement des ordures ensuite : • conception facilitant le repérage, le démontage, la séparation, le traitement, le recyclage pour les produits devant être traités en filières spécifiques en fin de vie (par exemple les produits électroniques) ; • conception facilitant le tri et limitant l’usage « dispersif » pour les produits de consommation courante (comme les emballages) : indications plus claires sur le tri, utilisation beaucoup plus réduite de produits mélangés, composites, etc. ; •
évolution des modes de conception et consommation pour réduire les déchets à la source (augmentation de la durée de vie, réutilisation…).
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
8
Pureté des métaux
Notion de « pureté » Les minerais disponibles dans la nature sont en général extraits pour obtenir un élément principal (exemple : fer, cobalt, aluminium…). Ces minerais sont rarement purs : ils associent en général à l’élément principal d’autres éléments (exemple : manganèse, bore, étain…) en teneur significative (%) à infime (parties par million ou ppm). De ce fait, les procédés utilisés pour extraire puis élaborer le métal visé, conduisent le plus fréquemment à des sous-produits (par exemple : autres métaux, sels métalliques en hydrométallurgie…), eux-mêmes valorisables – avec ou sans traitements complémentaires. La présence dans un métal d’éléments autres que l’élément recherché, induit la notion de sa « pureté », selon que les autres éléments présents seront utiles ou au contraire préjudiciables. Aujourd’hui, de plus en plus de métaux sont utilisés à l’état pur avec un niveau de pureté élevé : aluminium, cobalt, cuivre, indium, nickel, silicium, titane, métaux précieux… pour n’en citer que quelques uns. Ceci, en particulier, pour des applications de type « fonctionnel » (où l’on utilise les fonctions électrique, électronique, optique… du métal) – par opposition aux applications structurales (où l’on utilise les propriétés mécaniques du métal). Dans ce dernier cas, le métal est en général un alliage de plusieurs éléments. La présence – même en traces infimes – de substances autres altère les propriétés fonctionnelles d’un métal : la conductibilité du cuivre par exemple décroît rapidement en fonction du niveau des impuretés présentes. Ou, au contraire, on ajoute à un métal pur un niveau donné d’impuretés pour lui conférer les propriétés désirées : dans le cas de l’électronique, les propriétés semi-conductrices du silicium sont liées à la présence d’éléments « dopants ».
Pureté d’un métal La notion de pureté est associée à l’analyse chimique (éléments présents). Un métal « pur » peut ainsi être défini comme un matériau dont l’analyse chimique est quasi exclusivement ce métal (par exemple : 99,995 % ou 99,99995 %) et dans lequel les autres substances ne sont présentes qu’en traces infimes (ppm). L’obtention d’un métal pur nécessite ainsi une métallurgie très spécifique conduisant par exemple à l’état liquide – par refusions successives – à progressivement éliminer les traces d’éléments indésirables, sans pour autant contaminer ce métal au cours de ces opérations. La fusion sous vide par faisceau d’électrons en « creuset froid » (sans contact avec le métal) en est un exemple. Tout traitement de purification a un coût, dans lequel l’énergie joue un rôle important. Et ce coût croît très rapidement avec le niveau de pureté recherché.
130
Quel futur pour les métaux ?
Pureté d’un alliage ou d’un composé La notion de pureté – initialement introduite pour les métaux purs – s’est étendue à d’autres matériaux : par exemple, composés inorganiques tels que céramiques ou certains alliages métalliques. On parle ainsi d’alumine (Al2O3) « pure » ; du degré de « pureté » d’un alliage aéronautique... Dans ce cas, la « pureté » désigne la présence ou non d’éléments non désirés, autres que ceux du composé – même en traces – au sein du matériau. Par essence, la notion de pureté d’un métal s’oppose à l’usage le plus fréquent des métaux : l’usage sous la forme d’un « alliage », c'est-à-dire d’un composé associant physiquement plusieurs autres métaux ou métalloïdes à ce métal pour lui conférer des propriétés supérieures à celles du métal seul. Par exemple, l’association (au sein d’un haut fourneau) du fer (sous forme de minerai de fer) au carbone (sous forme de coke) permet d’élaborer de la fonte à haute teneur en carbone (2 à 4 % de carbone), puis par réduction du carbone en four d’aciérie, d’élaborer divers aciers ayant une moindre teneur en carbone (quelques dizaines de ppm à 1 %). Lors des opérations de mise en fusion (haut fourneau, aciérie), les matières enfournées associent au système de base « fer carbone » certains éléments voulus dits éléments d’alliage (exemple : manganèse, nickel, chrome, titane, azote…), mais aussi des éléments non désirés (exemple : métaux lourds, étain, cuivre… introduits par les ferrailles d’apport, ou métalloïdes tels que phosphore, soufre, bore… introduits par le coke ou le minerai). Ces éléments non désirés viennent impacter l’élaboration et la transformation ultérieure de l'alliage (par exemple : formation d’inclusions, de phases non désirées…) et ses propriétés d’usage. On parle dans ce cas de « pureté » des minerais ou des matières enfournées. Ainsi, par exemple, un minerai de manganèse riche en bore, conduira à élaborer des ferromanganèses différemment appréciés selon qu’ils sont utilisés pour élaborer des aciers au bore, ou au contraire pour élaborer des aciers pour lesquels la présence de bore est préjudiciable. Dans ce dernier cas, on cherchera à approvisionner des minerais « plus purs » (gisements / mines) au regard de l’élément bore.
Pureté et contraintes d’élaboration des alliages métalliques La notion de pureté contraint les possibilités d’élaboration d’un alliage métallique, quel qu’il soit. Les évolutions récentes des tôles en acier utilisées pour une carrosserie automobile ou des superalliages utilisés pour les turbomachines aéronautiques illustrent parfaitement le concept de « pureté » d’un alliage. Aujourd’hui l’imagination des concepteurs conduit à des formes de carrosserie de plus en plus complexes. Pour pouvoir réaliser techniquement ces formes, il faut des aciers à caractéristiques très particulières. Les aciers des tôles de carrosserie ont aujourd’hui une teneur en carbone très faible (quelques centaines de ppm). Ces aciers ont des teneurs en éléments résiduels (Cu, Sn, Ni…) et métalloïdes (P, S, O…) extrêmement faibles et qui ont très fortement diminué au cours des précédentes décennies.
Technique, environnement et économie
131
À l’échelle du million de tonnes, les procédés utilisés pour élaborer ces aciers sont de très haute technologie : choix méticuleux des minerais et matières utilisés, technologie et procédés à faible niveau de contamination du métal liquide, ou permettant d’éliminer les résiduels ou les traces d’éléments indésirables. Ceci explique que ces aciers de « pureté élevée » ne puissent être aujourd’hui élaborés que par la seule filière haut fourneau (minerai de fer et coke). En effet, la filière de recyclage – aciérie électrique – se trouve encore trop fortement « contaminée » par les éléments indésirables présents dans les ferrailles récupérées. On est là dans un cas typique où la pureté requise par une application interdit l’utilisation de produits recyclés. De même, l’élaboration d’un superalliage base nickel entrant dans la fabrication d’un disque de turbine aéronautique exige un choix méticuleux des matières utilisées, une gamme complexe de fusions / refusions, puis de transformations, pour parvenir à l’alliage ayant le niveau de « pureté » désiré au regard des propriétés dynamiques recherchées en service pour la pièce (exemple : fatigue oligocyclique aux hautes températures). L’impératif d’une pureté élevée de la matière renchérit fortement la solution et accroît fortement la consommation d’énergie et les émissions de CO2.
Propreté d’un alliage La notion de « propreté » est l’extension du concept de pureté (composition chimique) à l’état microstructural d’un matériau. Un alliage métallique sera dit « propre » lorsque sa microstructure ne comporte pas (ou très peu) de phases (éléments constitutifs de sa structure) non désirées, ou d’inclusions (exemple : particules dures céramiques même microscopiques). La propreté se matérialise lors de la solidification et peut être améliorée par des opérations de transformation thermo-mécaniques à l’état solide. À la solidification, la vitesse de refroidissement – laquelle dicte l’échelle de microstructure – est décisive à l’égard de la propreté (ségrégations notamment). La technologie des opérations à l’état liquide (ex. entraînement de débris de réfractaires dans le métal en fusion, diffusion de carbone…) impacte la propreté, et notamment le niveau d’inclusions. En particulier, la métallurgie des poudres pré-alliées a permis d’importants progrès au niveau de matériaux tels que par exemple : cibles pour l’électronique et les écrans plats, superalliages aéronautiques, aciers outils et rapides pour outils de coupe ou de formage… Elle accroît fortement la « propreté » des alliages élaborés par cette voie. La notion de propreté structurale concerne moins les métaux purs que les alliages métalliques. Néanmoins, dans certains cas particuliers – exemples : or, cibles de titane ou de cuivre… la « propreté microstructurale » pourra être déterminante vis-à-vis des applications : aspect pour l’or, qualité du dépôt PVD réalisé à partir de la cible. Maîtriser une propreté accrue de la matière est en général essentiel pour développer des produits « high tech ».
Propreté et fabrication, usage ou recyclage d’un bien La notion de pureté précédemment introduite – et par extension celle de propreté – doit être présente tout au long du cycle de vie d’un matériau : minerai, élaboration /
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Quel futur pour les métaux ?
transformation du matériau, mais aussi fabrication du bien qui incorpore ce matériau, usage de ce bien, et au final recyclage. Quelques exemples l’illustreront. Lors de la fabrication d’un bloc moteur automobile, on vient fretter des sièges de soupape en acier fortement allié anti-usure sur un bloc moteur en aluminium. Si ce bloc est remis en fusion (en fonderie) – tel quel – pour couler un nouveau bloc moteur du même alliage, ces petites pièces en acier viendront « polluer » la composition initiale de ce bloc moteur… De même pour un cordon de soudure ou une couche de brasage. Ainsi les opérations d’assemblage ou d’apport de matière viennent détériorer la pureté de l’ensemble matière que constitue cet assemblage. Le même problème se présente lors de l’usage d’un équipement, par exemple lorsque l’on procède à un revêtement adhérent (métallique, céramique…) pour en prolonger la durée de vie. Au recyclage de la pièce ainsi revêtue – si ce revêtement n’a pas été éliminé (opération coûteuse) – ce revêtement viendra à la refusion « polluer » le bain métallique, soit en y faisant diffuser des métaux non désirés – impact sur la pureté de l’alliage à nouveau élaboré, soit en introduisant des inclusions non métalliques – impact sur la propreté de l’alliage à nouveau élaboré. Si on ne souhaite pas ces effets nocifs, l’alternative est de mettre en décharge la pièce en question… Au recyclage d’un bien, on recycle rarement un seul métal, mais en général un mélange de plusieurs métaux (par exemple différentes nuances d’acier, ferreux et non ferreux), car il s’avère en général non économique de désassembler le composant recyclé en sous ensembles homogènes en termes de matières ou de récupérer les fractions homogènes. C’est typiquement le cas pour un petit moteur électrique : carcasse en acier moulé, pièces polaires en tôles d’acier spécifique, cuivre des conducteurs, étain des soudures, etc. À la refusion de ce composant au four électrique, le bain de métal liquide se trouve systématiquement enrichi en éléments non désirés : éléments d’addition des divers aciers utilisés, cuivre, étain… On ne pourra ainsi – en recyclant ce composant – élaborer qu’un acier relativement « impur » et dégradé, donc de moindre valeur que les alliages initiaux. On voit aujourd’hui un volume accru de ferrailles s’entasser en décharge parce que les sites élaborateurs susceptibles de les recycler les refusent. On voit également des pièces mécaniques connaître des ruptures prématurées (parfois catastrophiques) parce que des fondeurs ou des sidérurgistes ont laissé passer (au niveau des matières de recyclage utilisées) des ferrailles qui n’avaient pas le niveau de « pureté » requis.
Quelques conclusions L’évolution de ces 30 dernières années en matière d’utilisation des métaux a conduit à l’utilisation de métaux de plus en plus purs ou d’alliages de plus en plus propres. Cette évolution, compréhensible d’un point de vue technologique, a un coût, en particulier énergétique, qui peut devenir insoutenable. D’un point de vue géopolitique ou industriel, le volume d’un gisement de minerai et la teneur de ce minerai ne suffisent pas à définir le potentiel économique réel de ce gisement. La pureté du minerai aura une incidence forte sur la facilité à transformer ou non ce minerai en métaux utiles pour des applications technologiques pointues.
Technique, environnement et économie
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Les quelques exemples cités montrent que le concept de « pureté » d’un métal, et par extension celui de « propreté » pour les alliages, doit être omniprésent au niveau de l’ensemble du cycle de vie d’un matériau, des minerais extraits jusqu’à la fabrication, à l’usage et au recyclage des biens incorporant ce matériau. Les concepts de pureté et de propreté sont en partie antinomiques à celui de recyclage. Il va donc être nécessaire de travailler les choix techniques des matières et des règles d’assemblage, si en fin de vie des produits technologiques, on veut être à même de les recycler dans les meilleures conditions, et de se rapprocher d’une économie circulaire. Cela conforte le besoin de revoir la formation des ingénieurs pour mieux prendre en compte ces thèmes importants et ainsi de contribuer à une formation solide en matière d’éco-conception. L’ingénieur amené à mettre en œuvre ces concepts de « pureté / propreté » – au niveau d’un bureau d’étude, d’une usine, ou d’un approvisionnement – doit disposer d’une compétence métallurgique suffisante pour appréhender – du minerai au matériau et au bien construit – l’impact de ses choix techniques sur la propreté de la matière entrant dans la construction de ce bien, sur les aptitudes d’usage de ce bien (dont le risque de défaillance prématurée), ainsi qu’en fin de vie sur la facilité de recyclage. De ce point de vue, on peut s’inquiéter de l’abandon par la plupart des écoles d’ingénieurs de formations poussées dans le domaine métallurgique.
9
Toxicité des métaux
Introduction Présents de manière concentrée et stable dans les minerais, les métaux sont aussi présents dans l’environnement sous forme diffuse. L’activité humaine, fortement utilisatrice de métaux, a largement contribué à augmenter la concentration diffuse des métaux dans l’environnement. On connait le problème du plomb contenu dans les tuyauteries et les peintures anciennes, ou le mercure contenu dans les thermomètres médicaux... qui se cassent parfois. On peut aussi citer le cuivre ou l’arsenic utilisés pour le traitement de la vigne et qui se retrouvent dans les sols viticoles, ou les plombs des cartouches qui se retrouvent dispersés dans les zones de chasse. Selon le type de métal et sa concentration, il aura un impact positif sur les organismes vivants (oligo-éléments nécessaires au fonctionnement des organismes) ou un impact négatif sur ces organismes et en premier lieu l’homme. On parlera alors de toxicité chronique (le cas du saturnisme lié au plomb) ou de toxicité aiguë (le cas de l’empoisonnement à l’arsenic). Parmi les métaux, certains sont connus depuis longtemps pour leur toxicité (arsenic, cadmium, mercure, plomb...). La figure ci-dessous illustre les réponses biologiques typiquement observées chez un organisme vivant pour 3 types d’éléments : un macro-élément nutritif (par exemple le calcium) – courbe 1 – dont l’impact est toujours positif quelque soit la concentration, un micro-élément nutritif (par exemple le cuivre) – courbe 2 – qui a un impact positif à faibles doses et un impact négatif à forte dose, et un élément toxique non essentiel (par exemple le plomb) – courbe 3 – qui a un impact négatif quelle que soit la dose.
Stimulation
« Rien n'est poison, tout est poison : seule la dose fait le poison » (Paracelse). Appliqué aux métaux, cet adage doit être complété. En effet, les progrès de la chimie analytique
(1)
Inhibition
Concentration/dose
(2) (3)
Source : E. Pelletier, P.G.C. Campbell, F. Denizeau, 2004.
Source : Dessin modifié à partir de wWritht et Welbourn (2002), figure 6.2, p. 251. Reproduit avec permission.
Figure 38 : Schéma général des courbes dose-réponse typiquement observées chez un organisme vivant.
136
Quel futur pour les métaux ?
ont permis de montrer qu’en plus du paramètre concentration globale de l’élément métallique, intervient un paramètre « forme chimique » ou « spéciation » de ce métal. Par exemple, l’arsenic sous forme trioxyde d’arsenic est un poison violent. Sous forme d’arsenobétaine contenue dans les crustacés, il est inoffensif pour l’homme. Le paragraphe suivant va s’attacher à expliciter un peu cette notion de spéciation.
La spéciation Les métaux, contrairement aux polluants organiques, ne sont pas dégradables. En revanche, leur spéciation, c’est-à-dire leur état physico-chimique, peut être modifiée. Les métaux présentent trois formes de spéciation principales : métallique (forme élémentaire), organique (le métal inséré dans une molécule organique) et inorganique (il s’associe avec un ou plusieurs autres éléments non métallique(s) tels que l’oxygène, le chlore, le soufre). L’état d’oxydation du métal (noté 0, I, II, III, IV…) joue donc un rôle important car il conditionne ces associations. On note par exemple les différentes formes d’oxydations du fer : Fe : Fe(0), Fe+ : Fe(I), Fe++ : Fe(II), Fe3+ : Fe(III). La solubilité d’un métal ainsi que sa capacité à traverser les barrières biologiques dépendent de sa spéciation. Ainsi beaucoup de sels (cristal rassemblant un ion métallique et un ion non-métallique) sont solubles dans l'eau et c'est souvent sous cette forme que les métaux contaminent l'environnement et se retrouvent, au final, dans l'alimentation. La toxicité d’un métal est donc fortement conditionnée par sa spéciation. Par exemple, le plomb métallique est environ 100 fois moins toxique que le chlorure de plomb soluble, qui lui-même est 100 fois moins toxique que le plomb tétraéthyle, un des additifs de l’essence au plomb. La figure 39 présente l’exemple du chrome. Selon les conditions chimiques (pH) et électrochimiques (Eh) le chrome peut prendre de nombreuses formes inorganiques qui seront selon les cas des oligoéléments, essentiels à la vie à faible dose (chrome III), des éléments hautement toxiques (chrome VI), ou neutre (chrome métal).
Cr
Spéciation du chrome
Cr(VI) non essentiel à la vie et hautement toxique
H 2CrO 4 1,8
. haut potentiel d’oxydation . petite taille . agent cancérogène
1,6
HCrO 4 -
1,4 1,2
CrO 4 2-
1 0,8
Cr(III) essentiel à la vie
E h(V)
0,6
. mécanisme d’action de l’insuline . métabolisme du glucose et des graisses . synthèse des protéines
0,4
Cr 3+
0,2
Cr(OH) 3
-0,2 -0,4
Cr(OH) 4-
-0,6
Cr 2+
-0,8 -1 -1,2 -1,4
Cr °
-1,6 -1,8 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Maison de la Chimie 22 Octobre 2007
Figure 39 : Spéciation du chrome. Source : Olivier Donard, 2007.
Technique, environnement et économie
137
Les mécanismes cellulaires La toxicité d'un métal résulte d'une interaction avec une biomolécule essentielle. Le métal peut bloquer des groupements de la molécule, déplacer des minéraux essentiels de leurs sites, ou modifier la conformation spatiale et donc l’activité biologique de la molécule. Si la cellule empêche l'incorporation de ce métal étranger ou l’évacue, sa concentration dans la cellule sera contrôlée (organismes régulateurs). Si la cellule fabrique des ligands et séquestre le métal, la concentration intracellulaire du métal augmentera (organismes accumulateurs). En plus de déplacer ou substituer les minéraux essentiels : • les métaux augmentent la résistance des bactéries ; • ils changent notre code génétique ; • ils produisent des radicaux libres ; • ils neutralisent les acides aminés utilisés pour la détoxication ; • ils causent des allergies ; • ils endommagent les cellules nerveuses.
Les impacts sur la santé Les métaux peuvent être intégrés biologiquement par plusieurs voies d’exposition : chaîne alimentaire, inhalation, contact cutané ou muqueux, injection. Les conséquences peuvent être spécifiques ou non de la voie de pénétration. Une fois dans l’organisme, les métaux réagiront avec les milieux biologiques pour donner naissance à de nouvelles espèces chimiques, à l’origine de symptôme plus ou moins spécifiques. La multiplication de ces spéciations (formes physiques, alliages, nanoparticules, complexes métallo-biologiques) et de leurs combinaisons rend l'éventail des symptomatologies très étendu. Les mineurs et les ouvriers de la métallurgie sont évidemment les plus exposés, mais la vaste dispersion des métaux aussi bien dans l’air que dans l’eau ou la nourriture peut entraîner la contamination de nombreuses populations. Sur le court terme (toxicité aiguë), les effets toxiques des métaux lourds diffèrent selon le type de contact (inhalation, ingestion, contact cutané, muqueux, oculaire), le composé et la concentration. Certains métaux ont un organe cible (par exemple, le système nerveux pour le mercure, le système respiratoire pour le cobalt), d’autres ont une activité plus variée. Le potentiel agressif long terme est important. L’effet biologique peut être retardé jusqu’à 30 ans sur une personne, et dans ce cas la relation de cause à effet peut être difficile à diagnostiquer, d’autant plus si le mécanisme est complexe. Les métaux sont quasi éternels sous forme toxique (mercure). On peut aborder la toxicité à long terme des métaux sous deux angles : •
l’impact individuel : les métaux peuvent être responsables de pathologies chroniques et se révéler cancérogènes. Ils peuvent aussi provoquer hypofertilité, avortement et malformations embryonnaires ;
138
•
Quel futur pour les métaux ?
l’impact sur l’espèce : les effets à long terme sur la descendance ou sur des ensembles de populations sont tardivement appréciables. Si la génotoxicité s’exprime sur les cellules germinales, le produit peut atteindre le capital génétique de l’enfant à naître.
Toxicité humaine et toxicité environnementale Le tableau du paragraphe suivant identifie les effets toxiques des métaux sur l’Homme. Ils ont bien sûr également une toxicité sur la faune et la flore, et notamment sur les milieux aquatiques. L’eau est un des principaux vecteurs des métaux via le ruissellement ou les rejets des eaux usées des industriels (en commençant par l’industrie minière). Les milieux aquatiques sont donc particulièrement exposés.
Toxicité des différents métaux Compte tenu des différents modes d’ingestion biologique et des différents modes d’action, présenter de manière simple la toxicité des métaux et de leurs composés relève presque de la gageure. Dans le tableau suivant, volontairement simplificateur (avec la part d’approximation que cela entraîne), nous avons simplement voulu illustrer que les métaux, même les plus courants, ont globalement un impact non négligeable sur les systèmes biologiques (dans le cas de ce tableau, il s’agit de données sur l’Homme). Métal Aluminium
Forme
Toxicité
Métal
Toxique
Élémentaire
Toxique
Composés inorganiques (sulfure, trioxyde…)
Toxique
Argent
Métal
Peu toxique
Élémentaire
Non toxique (oligo-élément)
Arsenic
Formes inorganiques (arsine, arsénite, arséniates, leurs oxydes)
Très toxique
Formes organiques
Peu toxique
Béryllium
Élémentaires et composés
Très toxique
Cadmium
Métal et composés
Très toxique
Métal
Non toxique
Trivalent (Cr III, Cr 3+ : sels, oxydes, sulfures)
Peu toxique
Hexavalent (Cr VI, Cr 6+) : chromate, dichromate
Très toxique
Élémentaire
Toxique
Antimoine
Chrome
Cobalt Sels organiques et inorganiques
Toxique
Cuivre
Sels de cuivre
Toxique
Élémentaire
Pas de données
Étain
Composés inorganiques
Toxique
Composés organiques
Toxique à très toxique
Technique, environnement et économie
139
Métal
Forme
Toxicité
Métal
Peu toxique
Fer
Ferreux soluble (II)
Toxique
Ferrique insoluble (III)
Toxique
Oxyde de gallium
Toxique
Arséniure de gallium
Toxique
Gadolinium
Élémentaire
Très toxique
Indium
Composés (oxydes, phosphures…)
Toxique
Gallium
Manganèse
Composés inorganiques
Toxique
Composés organiques
Toxique
Métal
Très toxique
Inorganique
Toxique
Organique (méthylmercure, diméthylmercure...)
Très toxique
Élémentaire
Toxique
Poussière (forme ions Ni 2+) et composés organiques
Toxique
Mercure
Nickel
Platine
Métal
Peu toxique
Sels et complexes de platine
Toxique
Élémentaire
Pas de données
Plomb
Composés inorganiques
Très toxique
Composés organiques
Toxique
Sélénium
Dioxyde de sélénium, acide sélénieux
Très toxique
Strontium
Métalloïde, composés
Toxique
Titane
Dioxyde de titane
Toxique
Thallium
Composés inorganiques
Très toxique
Thorium
Métal et composés
Très toxique
Tungstène
Carbure
Toxique
Vanadium
Pentoxyde
Toxique
Zinc
Métal et composés
Toxique
Zirconium
Métal, composés, sels
Peu toxique
Conclusion La connaissance de la teneur en un élément ne suffit pas pour évaluer son impact sur la santé humaine. Il est indispensable de connaître également sa spéciation, c’est-àdire les différentes espèces chimiques de l’élément, car elles conditionnent son degré de nuisance. Il n’en reste pas moins que les métaux ont souvent un impact non négligeable sur les hommes (et sur les écosystèmes). De plus la constatation des dégâts peut être retardée de plusieurs années ou plusieurs dizaines d'années.
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Les métaux dans les secteurs économiques
Les métaux sont indispensables dans la plupart des secteurs économiques. On peut même dire dans plusieurs cas que le développement du secteur économique passe par la disponibilité de certains métaux plutôt rares (voir par exemple le chapitre Nouvelles technologies). Reprenant la plupart des filières identifiées dans la figure 20 de la première partie de l’ouvrage, les sections suivantes illustrent l’impact des métaux (et de leur raréfaction) sur ces secteurs économiques. Nous avons traité les sujets suivants : • • • • • • • •
aéronautique, agriculture, automobile, bâtiment et infrastructure, chimie, nouvelles technologies, nucléaire, stockage de l’électricité.
À la fin de chaque chapitre sur un secteur économique, nous avons tenté un résumé graphique du positionnement des métaux dans cette filière. Ce graphique ne prétend pas être exhaustif, mais simplement illustrer de manière visuelle l’ensemble des données disponibles dans l’article et plus largement dans tout l’ouvrage. Nous y avons mis un code couleur à chaque métal : • •
•
blanc, pour les métaux qui ne posent pas de problème de ressources, même à terme, à condition de disposer d’énergie : aluminium, titane, silicium, magnésium… gris, notamment pour les grands métaux et certains petits métaux, pour lesquels les perspectives à court terme ne sont pas inquiétantes, mais qui finiront par poser des problèmes de ressources et pour lesquels n’existe souvent pas vraiment de solution de substitution : cuivre, nickel, zinc, plomb, étain, tungstène, or, molybdène, cadmium… noir pour les petits métaux qui, pour une raison ou une autre (disponibilité, concentration des réserves, lien avec les grands métaux, fort développement des besoins…) pourraient s’avérer critiques à plus court terme : lithium, cobalt, platine et platinoïdes (palladium, rhodium), argent, palladium, gallium, tantale…
144
Quel futur pour les métaux ?
Nucléaire, Stockage de l’énergie
Élevés
Bâtiment
Nouvelles technologies Automobile
Agriculture
Volumes en jeu
Électronique / Télécoms Alimentaire / Emballages Électroménager
Énergie
Infrastructure
Aéronautique Sports et loisirs Chimie
Faibles Courte
Longue Durée de vie des produits
Traités dans les sections dédiées Traités partiellement dans les sections dédiées Traités partiellement dans la section Florilège d’usages dispersifs (cosmétiques, pigments…)
Figure 40 : Filières traitées dans les différentes sections. Le graphe se lit de la manière suivante : •
horizontalement, le métal est positionné en fonction de son utilisation par le secteur : plus il se situe à droite, et plus le secteur est consommateur, donc potentiellement exposé ;
•
verticalement, le métal est positionné en fonction de son caractère substituable ou non : plus il se situe en haut, et plus il est indispensable car non remplaçable.
Le graphe détermine ainsi 4 cadrans aux profils de risque différents. Forte dépendance – indispensable
Zone à fort risque (exposition technique et économique) Faible part de la production mondiale
Forte part de la production mondiale
Faible dépendance – substituable Elément abondant à risque faible Elément à risque potentiel, notamment à moyen terme Elément à risque élevé
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
1
Aéronautique et spatial
Compte tenu de ses contraintes d’exploitation, l’activité aéronautique et spatiale utilise des matériaux très performants faisant appel à de nombreux métaux. Cependant les volumes concernés, la part relativement faible des métaux dans le coût final ainsi que les évolutions technologiques prévues (développement des matériaux composites, mise en place du recyclage) font que cette activité devrait être moins impactée que d’autres par la raréfaction des métaux.
Les activités spatiales Partagées entre activités de transport spatial et de construction de satellites, ces activités semblent peu propices à créer une pénurie de métaux rares, malgré la forte utilisation d’alliages à hautes caractéristiques ou de composants électroniques. Un étage principal d’Ariane 5 d’une masse sèche de 13,6 tonnes contient un peu plus de 4 tonnes d’aluminium et 1 tonne d’acier pour le réservoir principal. Des superalliages sont également utilisés dans le moteur Vulcain. L’ensemble de la fusée retombe dans l’océan après utilisation, donc toutes les matières utilisées sur le lanceur européen sont perdues à chaque vol. Cependant le rythme actuel des lancements de 8 par an pour Ariane 5 et entre cinquante et une centaine au niveau mondial (en comptant l’ensemble des activités civiles et militaires), et qui n’est pas appelé à significativement s’accroître dans les années à venir, représente un besoin en métaux rares négligeable face à d’autres activités. De même pour l’activité de production de satellites, malgré sa forte utilisation d’électronique et de métaux rares comme le gallium ou l’indium pour les panneaux photovoltaïques. Le marché mondial de l’ordre de 20 à 25 satcoms civils plus l’équivalent en militaire et scientifique ne semble pas en mesure de provoquer une pénurie. Enfin les capacités financières particulières de ce secteur ne placent pas ses activités au premier plan face à une augmentation significative des cours des métaux rares. Cependant, devant la forte concentration des stocks actuels de certains métaux sur quelques acteurs (Chine, 2tats-Unis, Japon) les contraintes géopolitiques pourraient devenir des facteurs importants.
Les activités de l’aéronautique civile La construction d’avions civils a traditionnellement fait appel aux matériaux et alliages de hautes caractéristiques afin d’obtenir un aéronef le plus léger possible ou simplement d’assurer une performance et une endurance satisfaisante des pièces tournantes des moteurs, pour lesquels une haute température du cœur est également synonyme d’efficience. Les principales utilisations recensées sont : •
l’aluminium, majoritaire (61 %) dans la cellule d’un avion actuel comme l’A380. Celui-ci peut être allié à du lithium afin d’améliorer sa densité ;
148
• • • •
Quel futur pour les métaux ?
le titane : utilisé pour les pièces critiques en endurance et soumises à forte contraintes (croix de caisson central de voilure) ou bien à un environnement sévère (mâts des réacteurs) ; l’acier, pour les trains d’atterrissage ou les fixations ; les superalliages à base de nickel, de chrome ou de cobalt et de terres rares pour les réacteurs ; des métaux précieux et du cuivre pour l’avionique. L’aluminium ou les alliages d’aluminium peuvent également être utilisé en substitution du cuivre pour les nappes électriques des avions.
Les aéronefs civils de nouvelle génération renforceront l’utilisation de titane et de superalliages. En parallèle le développement des matériaux composites fera que les métaux ne seront plus le composant majoritaire. La part du titane et des superalliages augmentera et environ un tiers de l’aluminium restant sera constitué d’alliage aluminium-lithium pour des raisons d’allègement de structure. Matériaux A 380
Acier 5% Titane 5%
Autres 7%
Matériaux Nouvelle Génération
Acier 10 %
Matériaux composites 25 % Titane 15 %
Aluminium 61 % Aluminium 20 %
Matériaux composites 55 %
Figure 41 : Composition type d’un aéronef. Pour un avion de type long-courrier de nouvelle génération (NG) comme le futur A350, ceci représente approximativement un besoin de 23 tonnes d’aluminium dont 1/3 pourrait être de l’aluminium-lithium contenant entre 1,6 et 2 % de lithium, 17 tonnes d’alliages de titane et 12 tonnes d’aciers et d’alliages spéciaux. Dans ces alliages spéciaux utilisés principalement dans les réacteurs, les éléments les plus utilisés seraient le nickel, le chrome, le cobalt et le niobium. L’utilisation de niobium se développe, car un des enjeux technologiques est d’augmenter la résistance à haute température des aubes de compresseurs des réacteurs, afin d’améliorer leur efficience. Un autre métal, beaucoup plus rare, le rhénium, qui permet d’améliorer la résistance haute température des superalliages, pourrait jouer un rôle important dans le futur (voir encadré). On trouve également d’autres métaux comme le scandium (utilisé en alliage avec l’aluminium ou le magnésium, la production est de l’ordre de quelques tonnes par an à l’échelle mondiale…) ou des terres rares. Selon les projections de marché pour la période d’ici à 2025, le besoin total et annuel de ces matériaux pour la construction civile d’aéronefs ne représente au maximum que
Études sectorielles
149
1,5 à 2 % de la production mondiale 2008 pour certains métaux comme le cobalt, le vanadium ou le niobium par exemple (voir tableau ci-dessous). Le rhénium, un métal stratégique pour l’aéronautique Le rhénium est un métal argenté qui a une résistance exceptionnelle à la fois à la température et aux agressions chimiques. Un des derniers éléments chimiques à être découverts (1925), c’est un élément rare que l’on trouve comme un sous-produit de la molybdénite, elle-même sous-produit de l’exploitation du cuivre. La production annuelle est de l’ordre de 50 tonnes, aux trois quarts utilisée pour la fabrication de superalliages pour les turbines, principalement aéronautiques. C’est un métal très cher (aux alentours de 10 000 € le kilogramme, le tiers du prix de l’or) dont l’impact sur le prix des superalliages est très significatif. À titre d’exemple, 6 % de rhénium dans un super alliage peut représenter 80 % de son coût. Et pourtant, comme le dit la Commission Européenne dans son Initiative Matières Premières (2008), « les superalliages au rhénium sont un élément indispensable dans la production d’aéronefs modernes ». Molybdène 3% Niobium 6% Cobalt 10 %
Manganèse 1% Silicium 1%
Nickel 59 %
Chrome 20 %
Figure 42 : Composition moyenne des superalliages aéronautiques. Ordre de grandeur des besoins annuels pour la construction d’aéronefs civils. Alliage / Métal ALUMINIUM23 tonnes LITHIUM Lithium Li TITANE 17 tonnes Titane Ti Vanadium Va SUPERALLIAGES 12 tonnes Nickel Ni Chrome Cr Cobalt Co Niobium Nb (Cb) Molybdène Mo Nota : Chiffres arrondis
% de métal
Poids moyen Besoin par avion annuel (ordre (type A350) de grandeur)
% de la Production production 2008 2008
0,7 %
160 kg
200 t
27 400 t
0,7 %
92 % 4%
16 t 700 kg
20 000 t 900 t
6 250 000 t 60 000 t
0,3 % 1,5 %
59 % 20 % 10 % 6% 3%
6t 2t 1t 650 kg 350 kg
7 500 t 2 500 t 1250 t 850 t 450 t
1 610 000 t 21 500 000 t 71 800 t 60 000 t 212 000 t
0,5 % 0,0 % 1,8 % 1,4 % 0,2 %
150
Quel futur pour les métaux ?
Ces résultats ont été obtenus au moyen d’une analyse annuelle moyennée sur la base d’environ 1300 livraisons par an (un peu plus de 24 000 nouvelles livraisons de 2007 à 2026, source Airbus) et ne concerne que les aéronefs civils de transport de passagers ou de marchandises. De même certaines hypothèses simplificatrices enveloppes ont été considérées, notamment pour les superalliages. Les données ci-dessus ont de plus été calculées avec une taille d’avion long-courrier alors que la grande majorité (>16 000) de ces futures livraisons se feront pour de petits avions dit court-moyen courrier ou « Single Aisle » de type A320. Cette simplification a été conduite pour plusieurs raisons : • •
• •
cette analyse a pour but de mettre en évidence uniquement des ordres de grandeur par rapport aux capacités de production annuelles ; les masses considérées concernent des produits finis, et non la matière engagée pour les réaliser, qui sera forcément supérieure. La majorité des pièces raidies usinées le sont dans des blocs d’aluminium ou de titane dont une grande partie finit en copeaux. Cependant la pression constante des coûts poussera les constructeurs à optimiser leur engagement matière, par exemple par l’utilisation d’ébauches préformées ; les avions militaires, traditionnellement moins lourds et moins nombreux que les avions civils, ne sont pas inclus dans cette analyse ; les pièces de rechange pour la maintenance de la flotte en état de vol représenteront une consommation significative non évaluée ici.
Enfin l’impact sur les stocks de métaux pourra encore être réduit par la mise en place d’une filière efficace de recyclage des avions en fin de vie. Le programme PAMELA conduit par les entreprises SITA et EADS sur le site de Tarbes a ainsi pour but d’aboutir à un recyclage de 85 à 90 % des composants d’un avion à l’horizon 2015. Se posera ensuite la question de la capacité de traitement, car seulement deux sites sont prévus en France à Tarbes et Châteauroux alors que le marché mondial est estimé à plus de 6 000 appareils à démanteler sur les vingt prochaines années, avec une moyenne de 300 par an à partir de 2015 (voir encadré). PAMELA (Process for Advanced Management of End-of-Life of Aircraft) est un projet d’Airbus de déconstruction des avions en fin de vie. De 2005 à 2007, une plate-forme expérimentale (située sur le site aéroportuaire de Tarbes, Hautes Pyrénées) a analysé et défini des procédures : • de déconstruction de pièces et assemblages d’une part, • de valorisation des matériaux des avions en fin de vie d’autre part. Des partenaires de différentes filières (construction aéronautique, traitement et valorisation des déchets, réglementation…) se sont ainsi réunis pour acquérir les connaissances et l’expertise nécessaires en matière de traitement des avions en fin de vie, tant du point de vue économique que du point de vue environnemental. Le traitement de plusieurs milliers d’avions dans les prochaines décennies nécessitera la création, à partir du centre de référence de Tarbes, d'un réseau européen visant à disséminer le processus de déconstruction d'avions et favoriser la diffusion de bonnes pratiques, de compétences et des technologies vers d'autres régions du monde.
Études sectorielles
151
Ceci constituera sans doute une bonne filière pour la récupération de l’aluminium et du titane, mais la possibilité de récupérer les éléments rares contenus dans les alliages spéciaux dépendra des résultats obtenus par le programme de recherche et la rentabilité commerciale.
Conclusion Le secteur aéronautique, comme tous les secteurs de haute technologie, est consommateur de nombreux métaux, à travers les besoins pour la structure et certaines pièces principales (que nous avons décrit sommairement ici) mais également pour la plupart des équipements (électronique, informatique, etc.). Cependant le nombre limité d’objets manufacturés chaque année en fait un secteur modeste dans la consommation totale de ces métaux, en comparaison des poids lourds que sont par exemple les secteurs de l’automobile ou de la construction : il ne dépasse pas quelques % de la production mondiale actuelle. Il en est d’ailleurs de même pour sa consommation énergétique ou ses émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs éléments restent à prendre en compte : •
la croissance importante du secteur, conjuguée à la croissance de besoins nouveaux dans d’autres secteurs (automobile, énergies renouvelables, etc.) pourrait conduire à des tensions (exemple lithium ou cobalt). On peut néanmoins imaginer que le secteur aéronautique, dans lequel la valeur ajoutée de recherche et développement est importante, et dont la part des matières premières est donc en relatif plus faible que dans d’autres secteurs, sera moins impacté ;
•
la consommation de tout le système permettant le voyage aérien (infrastructures aéroportuaires et d’accès, structures de maintenance, etc.) est nécessairement plus importante que la construction aéronautique seule ;
•
les exigences très fortes en termes de performance, bien compréhensibles, ont des implications sur la qualité des métaux et des alliages utilisés, qui ne peuvent donc pas être généralement issus du recyclage (voir chapitre Pureté des métaux). Cela posera au secteur un sujet de durabilité à terme, puisqu’il fera partie de ceux qui auront du mal à entrer dans une logique d’ « économie circulaire ». Le secteur a d’ailleurs un certain mal à structurer les filières de recyclage (les initiatives comme PAMELA dénotent un progrès notable).
Même si sa ponction sur les ressources non renouvelables reste modeste en comparaison d’autres activités, le voyage aérien reste et restera, à l’échelle mondiale, le loisir d’une infime fraction de l’humanité, qui ne pourra probablement fonctionner qu’en système ouvert, et pour une période qui sera donc limitée dans le temps. La question climatique mais surtout énergétique (problème de disponibilité de carburants au rapport contenu énergétique / poids suffisant) va d’ailleurs également dans le sens d’une aristocratisation du transport aérien. Avec la perspective lointaine, d’un « retour aux années 1930 », où seuls les diplomates, quelques hommes d’affaires et les stars de cinéma empruntaient ce mode de transport ?
152
Quel futur pour les métaux ?
Aéronautique Forte dépendance – indispensable
Super alliages (turbines, etc.) 50%
Nb
Al Faible part de la production mondiale
Re
Co
Ni Cr
Forte part de la production mondiale
Mo Alliages aluminium – lithium (structures)
Li 5% lesapparaissent chiffres sur > 5le % apparaissent sur le graphe
Figure 43 : Répartition mondiale des réserves de phosphate (P) et potasse (K) (% de réserves prouvées mondiales : total P2O5 = 15 milliards de tonnes et K2O = 8 milliards de tonnes).
158
Quel futur pour les métaux ?
Les perspectives d’épuisement sont cependant un peu plus éloignées que pour la plupart des métaux : • •
dans le cas des phosphates, les réserves représentent environ 15 milliards de tonnes, soit, pour une production annuelle de 167 millions de tonnes en 2008, environ 90 années de production (× 3 pour les réserves base) ; pour la potasse, les réserves sont d’environ 8 milliards de tonnes, soit plus de deux siècles au rythme de production actuel – 36 millions de tonnes en 2008 (× 2,2 pour les réserves base).
Se posera néanmoins tôt ou tard la question de nos pratiques agricoles, non durables à l’échelle de quelques générations pour les phosphates, tout au plus une ou deux dizaines de générations pour la potasse. Il n’existe pas de substitution possible pour ces deux éléments (la seule piste permettant d’en économiser l’usage étant les pratiques agricoles pour éviter l’épuisement des sols : rotation des cultures, jachère, compléments et associations de cultures, etc.). Il y a fort à parier cependant – mais ce n’est pas l’objet du présent ouvrage – qu'au plan agricole, la question de ces ressources non renouvelables ne soit pas à l’avenir le facteur limitant premier. D’autres sujets bien plus critiques sont déjà en route : épuisement des sols, érosion et perte de terre arable, utilisation massive de pesticides, pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques, effondrement de la biodiversité, déforestation et modification des régimes de pluie… L’usage abusif des engrais a d’ailleurs des conséquences négatives bien connues (pollution aux nitrates et eutrophisation en particulier) ou moins médiatisées (destruction des micro-organismes, risques de contamination des sols par les métaux lourds significativement présents dans la plupart des phosphates, comme l’arsenic, le cadmium ou l’uranium…).
Les pesticides L’usage des pesticides s’est développé depuis la seconde guerre mondiale. La consommation mondiale est passée de 50 000 tonnes par an en 1945 à 2,5 millions de tonnes par an en 2007. Ce qui ne donne qu’une idée vague de la croissance réelle des nuisances apportées à l’environnement, puisque dans la même période la toxicité des produits utilisés a elle-même été multipliée par un facteur 10 (soit un besoin de 10 fois moins de produit en quantité pour obtenir le même effet). Il existe plus de 900 substances actives répertoriées et ce chiffre augmente de 15 à 20 chaque année. L’Europe est championne du monde avec une consommation d’environ 3,9 kg par hectare et par an (pour une moyenne mondiale de 1,5 kg), et la France est championne d’Europe avec 4,5 kg par hectare (soit 80 000 tonnes de pesticides par an). Ce qui s’explique sûrement en partie par notre longue tradition viticole – 25 % des pesticides français sont épandus sur la vigne, culture très sensible aux maladies et aux agressions. Les pesticides sont composés principalement d’herbicides (utilisés à 70–80 % en Amérique du Nord et en Europe), d’insecticides (utilisés à 50 % dans les pays tropicaux) et de fongicides.
Études sectorielles
159
Herbicides
Insecticides
• Herbicides systémiques • Organochlorés (ex. glyphosate…) (ex. DDT, lindane, chlordane…) • Herbicides racinaires (ex. atrazine…) • Organophosphorés (ex. parathion) • Herbicides racinaires et foliaires • Carbamates Substances organiques
• Herbicides foliaires (ex. agent orange, carbamates…)
26 000 t
• Cyanure de calcium Substances minérales
Fongicides
• Carbamates
Divers
•…
• …
•… • Substances d’origine végétale (ex. nicotine) 2 500 t
• Arséniate de Plomb
• Sulfate de fer
18 000 t
• Cuivre
10 000 t
•…
• Soufre
• Chlorate de sodium Faible
~0
19 000 t
Source : UIPP, INRA.
Figure 44 : Les différents types de pesticides (tonnages 2004 en France : total 76 000 tonnes). À l’exception notable des fongicides, où le cuivre et le soufre sont très utilisés – cf. la bouillie bordelaise – il s’agit désormais principalement de produits de synthèse non minéraux (chimie organique). Des herbicides minéraux ont été utilisés, surtout au début du 20e siècle. Les plus utilisés actuellement sont le cyanure de calcium Ca(CN)2, le sulfate de fer FeSO4 et le chlorate de soude NaClO3 mais les quantités sont faibles en comparaison des herbicides organiques. L’arséniate de plomb est le plus connu des insecticides minéraux. Son caractère cancérogène ne faisant plus de doute, il a été abandonné, mais il a été largement utilisé, notamment sur les vignes et les vergers dans la première moitié du 20e siècle. Cela a conduit, dans certains cas, à une pollution très prononcée des sols. L’utilisation des pesticides ne représente donc qu’un usage très marginal de quelques substances : principalement le cuivre pour quelques milliers de tonnes, à comparer aux 15 millions de tonnes de production annuelle. De plus, contrairement aux engrais, il existe plus de possibilités de substitution, notamment par des produits organiques, ou mieux, à l’avenir, par la lutte biologique. Il n’y a pas de contrainte de production ou de réserve sur le soufre : il s’agit d’un élément abondant, qui est souvent un coproduit de l’exploitation pétrolière ou gazière (nécessité de désulfurer ces produits avant combustion pour éviter les pluies acides provoquées par l’émission de SO2) et minière (nombreux minerais sulfurés).
Les oligo-éléments Les plantes sont composées en poids de 92 à 98 % des éléments « CHON », provenant de l’atmosphère : carbone, hydrogène, oxygène et azote. Le reste est composé
160
Quel futur pour les métaux ?
d’oligo-éléments : •
12 éléments vitaux : – 11 éléments constitutifs : phosphore (P), bore (B), calcium (Ca), magnésium (Mg), soufre (S), fer (Fe), manganèse (Mn), molybdène (Mo), cuivre (Cu), zinc (Zn), chlore (Cl) ; – 1 élément non constitutif : le potassium (K). Le potassium est « non constitutif », c'est-à-dire qu’il est nécessaire à la croissance de la plante à un moment donné (il est absorbé notamment de manière importante avant la floraison) puis restitué au milieu. Les cultures récoltées avant floraison (comme les betteraves ou les légumes), n’ayant pas l’opportunité de restituer au sol le potassium, ont donc un besoin d’apports en potassium plus élevé.
•
18 oligo-éléments accessoires ou de rôle mal connu : – 14 éléments constitutifs : fluor (F), silicium (Si), sélénium (Se), cobalt (Co), iode (I), strontium (Sr), baryum (Ba), aluminium (Al), vanadium (Va), étain (Sn), nickel (Ni), chrome (Cr), béryllium (Be), brome (Br) ; – 4 éléments non constitutifs : lithium (Li), sodium (Na), rubidium (Ru), césium (Cs).
Ainsi, sur une centaine d’éléments, 34 sont nécessaires à la vie : 16 sont indispensables, tandis que le rôle des autres reste mal connu. Dans cette réflexion sur la question de la durabilité de nos pratiques agricoles d’une part, et de nos usages des « stocks » de métaux disponibles dans les mines exploitables (énergétiquement) d’autre part, se pose la question suivante : nos pratiques agricoles actuelles ou en développement (monocultures répétées, séparation des activités agriculture – élevage, utilisation énergétique de certaines cultures, non retour à la terre des déchets agricoles…) pourraient-elles conduire à un épuisement des sols en oligoéléments ? Question légitime dès lors que l’on passe d’une logique circulaire (pour simplifier, une économie paysanne : récolte – consommation de nourriture locale – utilisation des déchets végétaux et des restes comme compléments de nourriture aux animaux / les épluchures au cochon familial ! – retour à la terre avec le fumier) à une logique ouverte (récolte – consommation de la nourriture loin des centres de production – incinération ou stockage en décharge des déchets de nourriture). Autrement dit, pourrait-on se retrouver dans un avenir même relativement lointain à devoir utiliser nos (trop rares) réserves de métaux – molybdène, vanadium, sélénium… – comme intrants sur les sols agricoles pour éviter une chute des rendements ? Après tout, c’est exactement ce que nous faisons déjà dans le cas du potassium. Il s’agirait alors d’une mauvaise nouvelle, car on fait difficilement pire comme usage dispersif. Afin de répondre à cette question, examinons le contenu des sols en oligo-éléments, le besoin des plantes et la question de la dégradation de la couche arable.
Contenu des sols en oligo-éléments Sauf carence particulière, les sols arables contiennent suffisamment d’oligo-éléments pour permettre les différentes cultures.
Études sectorielles
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Le tableau suivant présente les valeurs typiques, en considérant une couche arable de 3 000 tonnes par hectare (soit 30 cm de sol : 1 m de sol pèse environ 10 000 tonnes par hectare). Élément Silicium Aluminium Fer Sodium Potassium Calcium Magnésium Phosphore Soufre Chlore Manganèse Bore Zinc Cuivre Molybdène
Teneur dans les plantes
Teneur dans le sol
% Min % Max Traces 40 70 Traces 2 12 500 ppm (0,05 %) 0,7 5 0,1 à 0,9 % 0,07 0,8 0,2 à 2,5 % 0,7 2,5 0,1 à 3 % 0,5 35 0,1 à 0,9 % 0,5 1,5 0,1 à 0,9 % 0,02 0,5 0,1 à 0,5 % 0,01 0,15 0,01 à 0,9 % 0,01 0,02 500 ppm (0,05 %) 0,01 0,1 500 ppm (0,05 %) 0,0004 0,01 20 ppm 0,001 0,05 20 ppm 0,0001 0,01 1 ppm 0,0001 0,001 ppm = parties par million ; 1 % = 10 000 ppm
Quantité dans la couche arable (3 000 t / ha) / ha Min / ha Max 1 200 t 2 100 t 60 t 350 t 20 t 150 t 2t 24 t 20 t 80 t 15 t 1050 t 15 t 45 t 600 kg 15 t 300 kg 4,5 t 300 kg 600 kg 300 kg 3t 12 kg 300 kg 30 kg 1,5 t 3 kg 300 kg 3 kg 30 kg
Source : Claude et Lydia Bourguignon, Le sol, la terre et les champs (2008).
Ce tableau amène plusieurs commentaires. Premièrement, on peut vérifier aisément que les teneurs en métaux de la couche arable sont nettement plus faibles que ce que l’on trouve dans une mine : bien que l’on puisse théoriquement récupérer jusqu’à 300 kg de cuivre à l’hectare dans la couche arable ou jusqu’à 1,5 tonnes de zinc, les concentrations correspondantes (0,01 % au mieux pour le cuivre et 0,05 % pour le zinc) sont respectivement 80 et 150 fois plus faibles que la teneur moyenne des mines de cuivre et de zinc (sans compter que l’on ne possède pas le procédé industriel correspondant… qui impliquerait d’ailleurs la destruction à grande échelle de la couche arable). Deuxièmement, seule une faible partie de ces minéraux est en réalité disponible pour la pousse des plantes. En effet les éléments non constitutifs comme le potassium pénètrent dans la plante sous forme atomique (ion K+), mais les éléments constitutifs ne sont absorbés que sous forme oxydée ou chélatée, c'est-à-dire associés à des substances organiques. L’oxydation requiert de l’oxygène qui est présent grâce à l’aération du sol effectuée par la faune (vers, etc.), la chélation requiert la présence de matière organique (humus) et l’action des micro-organismes. Il faut donc un sol vivant pour que la plante puisse y puiser les minéraux dont elle a besoin.
Besoin des plantes en oligo-éléments On peut se faire une idée du besoin des plantes en oligo-éléments en reprenant la colonne « teneur dans les plantes ». Une tonne de matière végétale contiendra peu ou prou 0,05 % de manganèse par exemple, soit 500 grammes, ou 20 ppm de cuivre, soit 20 grammes. Bien sûr on imagine bien que ce pourcentage n’est qu’une moyenne et que chaque culture aura en réalité des besoins spécifiques.
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Quel futur pour les métaux ?
Un hectare de vigne absorbe en moyenne environ 600 grammes de fer, 300 grammes de manganèse, 250 grammes de zinc, 200 grammes de bore, 180 grammes de cuivre, 4 grammes de molybdène. À comparer avec le besoin en potasse, autour de 80 kg par an. Peut-on épuiser des sols en oligo-éléments en cas de non-retour à la terre des éléments constitutifs ? Reprenons les valeurs moyennes pour se fixer quelques ordres de grandeur. Avec un hectare de blé, produisant 60 quintaux (soit 6 tonnes) par hectare et par an. Oligo-élément
Teneur moyenne dans les plantes
Consommation annuelle / ha
Disponibilité dans le sol / ha
Zinc
20 ppm
120 g
30 à 1500 kg
Cuivre
20 ppm
120 g
3 à 300 kg
Molybdène
1 ppm
6g
3 à 30 kg
Années de « réserve théorique » 250 à 12 500 ans 25 à 2 500 ans 500 à 5 000 ans
On voit aisément qu’à l’exception de certains sols présentant des carences notables (fourchette basse de la disponibilité de l’oligo-élément dans la roche mère), la question du risque d’épuisement en oligo-éléments est plutôt lointaine, en comparaison de nos usages industriels. Même si dans la perspective d’une durabilité longue, cependant, tout doit être entrepris pour maintenir les cycles naturels, et donc le retour à la terre des végétaux récoltés (compostage des ordures ménagères, récupération des déchets végétaux, équilibre agriculture / élevage, etc.). En réalité, il y a bien un problème, et crucial, d’épuisement des sols, mais qui est dû à la dégradation de la couche arable des sols.
Dégradation de la couche arable La dégradation de la couche arable intervient de deux manières : •
l’utilisation massive d’engrais et de pesticides fait peu à peu disparaître la faune, les champignons, les microbes du sol. Or la disponibilité de nombreux oligo-éléments est liée à l’activité microbienne, qui réalise la chélation de la roche mère (c’est le cas par exemple du fer, du bore, du manganèse, du cuivre, du zinc, du molybdène…). Sans vie souterraine, un sol s’épuise rapidement. Les réserves en oligo-éléments contenus dans l’humus sont de quelques kilogrammes par hectare (cuivre : 1 à 5, zinc : 1 à 2, molybdène : 1) et peuvent donc être épuisées en quelques années ou quelques dizaines d’années sans vie pour renouveler le stock à partir de la roche mère ;
•
par l’érosion physique de la couche arable. Les pratiques agricoles (labour, monoculture, utilisation massive d’engrais et de pesticides…) favorisent le lessivage des sols par la pluie et le vent. L’érosion des terres agricoles est d’autant plus forte que les climats sont agressifs. Elle est en moyenne de 10 tonnes / hectare et par an en Suède, 40 tonnes en France, 100 tonnes au Maghreb, jusqu’à 200 tonnes dans les pays tropicaux.
Études sectorielles
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L’érosion des sols est un phénomène essentiellement anthropique. Des sols « sains » – typiquement des sols sous forêts non perturbées – ne perdent « que » 150 kg d'ions (silice, calcium, magnésium…) par hectare et par an, bien loin des 10 tonnes mentionnées précédemment… Bien que peu connu (il est souvent confondu, dans les médias, avec d’autres dégradations des sols comme la salinisation, généralement provoquée par une irrigation intensive), le phénomène est grave et rapide : 30 cm de couche arable, soit 3 000 tonnes à l’hectare, ont une espérance de vie de 25 à 75 ans, au taux d’érosion actuel en France. Dans les pays tropicaux, la mince couche arable est généralement lessivée en moins de 10 ans. Ce qui explique en partie le « front de taille » de la forêt, et le triptyque déforestation – soja – pâturage extensif (une fois le sol épuisé), et passage à la parcelle suivante.
Les boues des stations d’épuration Le tableau ne serait pas complet sans mentionner un apport bien artificiel en métaux sur nos sols agricoles : il s’agit de l’apport indirect à travers l’épandage des boues d’épuration. Nous en produisons 8,8 millions de tonnes par an en France – l’équivalent d’une demi-tonne par hectare cultivé). Si ces boues n’étaient pas polluées par certaines substances indésirables (minérales ou organiques), il s’agirait plutôt d’une bonne pratique de « retour à la terre » des substances minérales ! Même s’il peut s’agir dans certains cas d’oligo-éléments comme le cuivre et le zinc (mais s’ils sont absolument nécessaires à petite dose, leur présence trop importante devient un poison – cf. chapitre Toxicité des métaux), il s’agit dans la plupart des cas de métaux lourds contaminants (cadmium, mercure, plomb…). Métal
Valeurs limites dans les boues
Apport maxi sur 10 ans
Grammes / tonne de matière sèche
Grammes / hectare
Cadmium
10
150
Chrome
1000
15 000
Cuivre
1000
15 000
Mercure
10
150
Nickel
200
3 000
Plomb
800
15 000
Zinc
3000
45 000
Source : Géologues n°162 p.6, septembre 2009.
Conclusion La dépendance directe des activités agricoles vis-à-vis de la question des ressources métalliques et minérales non renouvelables existe donc, même si les perspectives sont généralement plus lointaines et moins critiques que pour d’autres secteurs d’activité. La dépendance du secteur aux nombreux intrants d’origine industrielle pose néanmoins question à terme, et l’utilisation outrancière d’une ressource non renouvelable insoupçonnée, la couche arable, est inquiétante.
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Quel futur pour les métaux ?
Des solutions existent cependant pour améliorer les techniques agricoles et restaurer les sols dégradés (cf. par exemple l’excellent ouvrage de Claude et Lydia Bourguignon). Il existe des interactions importantes entre les métaux et la vie sur Terre, notamment microbienne. La présence de vie est souvent à l’origine de concentrations métalliques qui permettent aujourd’hui leur exploitation (cf. première partie de l'ouvrage). De nombreux métaux sont eux-mêmes indispensables à la vie, et les microbes et les champignons les rendent disponibles aux plantes et à la faune. La question des oligo-éléments et de la nécessité de maintenir ou rétablir des processus circulaires pour éviter toute carence peut être prise comme un bon parallèle de ce que nous devons également mettre en place dans notre civilisation industrielle pour éviter la pénurie. Comme nos pratiques économiques, techniques et industrielles, nos pratiques agricoles actuelles sont donc également à remettre en cause et à repenser en profondeur.
Agriculture Forte dépendance – indispensable
Fabrication d’engrais azotés
Rh
Engrais potassiques et phosphatés
P
Pt >90% 90 %) du zirconium métal, pour un usage unique et non recyclable. Le recyclage du zirconium irradié n’est pas encore au point, a fortiori si on veut utiliser le zirconium recyclé pour son emploi principal : les gaines de combustible (exigences particulièrement sévères pour cette application). La solution, contrairement à d’autres industries, ne sera pas trouvée dans cette direction. Le zirconium métal est une utilisation haut de gamme d’une très faible partie du minerai, le zircon, qui est massivement utilisé tel quel pour fabriquer des céramiques et des matériaux réfractaires. Pour assurer l’approvisionnement en zirconium de l’industrie nucléaire (croissance du besoin à court terme, 10-20 ans, et besoin à moyen terme, 50 ans et plus), un rééquilibrage des utilisations du zircon est très probable… à condition de ne pas tout consommer d’ici là dans le carrelage ! Le zirconium est produit par seulement 4 pays dont 2 assurent près de 80 % de la production mondiale : l’Australie (44 %) et l’Afrique du Sud (33 %). Les aspects géostratégiques seront donc à considérer. Le développement de l’utilisation du hafnium en électronique risque de déstabiliser le marché d’un métal dont la production est intimement liée à celle du zirconium. Nucléaire Forte dépendance – indispensable
Alliages inox et spéciaux
Protection contre les rayonnements, fluide caloporteur
Pb
Ti
Zr Hf
Co
1-2%
Contrôle réacteur absorption des neutrons
Ni Conditionnement du combustible
Cr Faible part de la production mondiale
Forte part de la production mondiale
Faible dépendance – substituable Elément abondant à risque faible Elément à risque potentiel, notamment à moyen terme Elément à risque élevé
X % % du secteur dans la consommation mondiale (échelle non respectée)
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
8
Stockage de l’électricité
Avec le développement de nouvelles formes de production d’énergie électrique à caractère intermittent, (photovoltaïque, éolien…), et le remplacement nécessaire d’une partie des combustibles fossiles par l’électricité pour le transport, le stockage de l’électricité devient un des enjeux technologiques du 21e siècle. Traditionnellement les méthodes de stockage de l’électricité (piles, batteries) faisaient appel à des métaux. Les nouvelles technologies y font également appel, et certains métaux peuvent poser des problèmes d’approvisionnement à terme.
Les solutions technologiques Super-capacités ou super-condensateurs Pour le stockage rapide d’électricité, notamment celle produite par les véhicules au freinage, les super-capacités sont une excellente solution tant par la rapidité de leur charge/décharge que par la puissance restituée. Elles sont généralement constituées de cellules en papier imbibé d’acétonitrile et d’électrodes en carbone, dans un conditionnement en aluminium. Les super-capacités sont appelées à se développer pour les besoins des voitures électriques en parallèle avec les batteries qu’elles complètent. Avec la technologie actuelle, les besoins en aluminium ne sont pas critiques car totalement négligeables par rapport aux besoins des autres secteurs. Le futur des super-capacités pourrait faire appel aux nanotubes de carbone, qui n’ont pas d’impact direct sur les ressources en minéraux.
Piles non rechargeables Elles fournissent du courant électrique pendant une durée donnée. Idéalement, elles sont ensuite récupérées par les commerçants pour être recyclées, mais c’est encore loin d’être le cas (voir chapitre Les déchets sources de matières premières métalliques). Il existe 4 grandes technologies distinctes : charbon-zinc (ces piles sont dépassées aujourd’hui et disparaissent), alcalines (KOH avec électrodes en carbone-oxyde de manganèse-zinc, plus de 75 % du marché, en pleine croissance), salines (NH4Cl avec les mêmes électrodes, moins de 15 % du marché, en décroissance), et lithium. Ces dernières sont plus puissantes, idéales pour un débit faible pendant une longue durée, et idéales sous forme de piles boutons utilisées dans les calculatrices, stimulateurs cardiaques, montres… Elles sont disponibles dans le commerce depuis 1978. Alors qu’historiquement, les métaux utilisés étaient le zinc pour l’anode et le dioxyde de manganèse pour la cathode, l’anode est aujourd’hui en lithium et la cathode en graphite. Le boîtier est en acier nickelé et les contacts sont en aluminium côté anode. On peut également trouver des piles à oxyde d’argent ou des piles zinc-air, notamment pour les piles bouton. Les piles au mercure sont interdites en Europe depuis 1998.
210
Quel futur pour les métaux ?
Piles non rechargeables
Charbon – Zinc
Alcalines MnO2 – Zn
Salines
0%
~ 75 %
~ 15 %
Unités / an (*) Tonnage / an (*)
872 M 21 695 t
Poids moyen par pile
25 g = Modèle LR6
Technologie
Part de marché
Zn – Air
Oxyde d’argent
~3%
~3%
~2%
86 M ~ 4 523 t
37 M ~ 238 t
38 M 226 t
22 M ~ 24 t
52 g
6g = Piles bouton
(*) Mise sur marché France 2007 (source = millions: (*) :Mise surle le marché France 2007 ADEME) (source: M ADEME)
Lithium
6g 1g = Piles bouton
M = millions
Figure 50 : Piles non rechargeables : production totale mondiale ~ 40 milliards d’unités par an. La consommation mondiale de piles non rechargeables avoisine les 40 milliards d’unités par an (contre 400 millions, soit 1 %, de piles rechargeables). En France, les jouets représentent 33 % des ventes de piles, devant les télécommandes (23 %) et les appareils audio (22 %). Excepté pour le lithium, les réserves disponibles de métaux nécessaires ne sont pas considérées comme critiques.
Piles rechargeables Les piles rechargeables représentent des ventes nettement inférieures aux piles classiques, mais en croissance. Les piles de type Ni-Cd : nickel-cadmium, très sensibles à l’effet mémoire sont interdites à la vente depuis 2006 pour les usages privés, le cadmium étant un métal lourd très polluant. Le marché reste ouvert pour les applications industrielles, mais devrait subir la même interdiction à terme. Les piles Ni-MH : nickel-métal-hydrure, elles aussi sensibles à l’effet mémoire mais plus puissantes remplacent progressivement les Ni-Cd. Enfin les piles au lithium, non sensibles à l’effet mémoire et plus puissantes, sont potentiellement dangereuses car elles sont explosives à haute température. Elles sont particulièrement utiles pour les appareils médicaux comme les appareils auditifs ou les stimulateurs cardiaques. D’autres technologies existent, peu développées, utilisant de l’argent ou du zinc. Enfin, on commence à parler de piles du futur, les nanopiles, à base de cellulose à structure moléculaire spécialement réorganisée et de nanotubes de carbone. Le marché n’est pas très volumineux, et les réserves disponibles de minéraux nécessaires ne sont pas considérées comme critiques.
Études sectorielles
211
Batteries ou accumulateurs rechargeables Les batteries sont des systèmes de stockage de l’énergie, abondamment utilisés comme source d’énergie autonome (pour appareils portables, pour les véhicules électriques, et pour les installations de secours), en couplage avec un dispositif de production ou de conversion d’énergie pour les recharger. Les différents systèmes mis au point depuis leur création peuvent se classer en 3 familles : • • •
les solutions à électrolyte acide : les batteries au plomb ; les solutions à électrolyte alcalin : les batteries nickel-cadmium, nickel-métalhydrure, nickel-zinc ; les solutions à électrolyte organique : les batteries au lithium.
Initialement constituées de plomb, les batteries sont alors lourdes et peu puissantes : on atteint en pratique de 30 à 50 Wh/kg. De plus, l’électrolyte acide est contraignant, et le plomb est un métal lourd nuisible à l’environnement, paramètres qui handicapent cette solution malgré son faible coût et son autodécharge de 5 % par mois seulement. Les recherches ont porté sur le remplacement du plomb par des matériaux plus légers, non nocifs pour l’environnement, facilement recyclables, et de meilleur rapport puissance/poids. Les progrès sont permanents et les technologies évoluent beaucoup et vite. Les études portent sur la conception, la maîtrise et le développement des matériaux actifs connus, la meilleure compréhension des phénomènes, et la recherche de matériaux permettant de nouveaux principes réactionnels. La solution nickel-cadmium Ni-Cd a été inventée en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale (elle servait pour les batteries de démarrage des avions). Elle est trois fois plus chère que le plomb, deux fois plus performante en termes de densité massique avec 45 à 80 Wh/kg et d’une durée de vie longue à 2 000 cycles, mais elle souffre d’un effet mémoire important et d’une autodécharge supérieure au plomb avec 20 % par mois. De plus, le cadmium est un polluant que la législation interdit aujourd’hui sauf pour les usages industriels qui peuvent assurer la récupération et le recyclage des éléments déclassés. Les batteries Ni-Cd servent ainsi pour les outils (~30 % des usages en 2003), les appareils médicaux (~15 % des usages en 2003), etc. La solution nickel-métal-hydrure Ni-MH a dépassé la solution Ni-Cd en performances : une performance légèrement supérieure avec environ 100 Wh/kg, une moindre sensibilité à l’effet mémoire, l’absence de constituants polluants, une utilisation sans danger car sans problème en cas de surchauffe. Sa durée de vie n’est que légèrement inférieure (1 500 cycles), mais son autodécharge peut atteindre 30 % par mois. Son électrode positive, la cathode, est en hydroxyde de nickel (NiOOH), l’électrolyte est une solution à base d’hydroxyde de potassium et de lanthane, terre rare suffisamment abondante sur Terre mais difficile à recycler. Les hydrures d’alliage métallique, capables d’absorber et libérer l’hydrogène à l’électrode négative, l’anode, font appel à différents métaux : famille lanthane-nickel (formule AB5(LaNi5)) avec substituants tels que cobalt, aluminium, silicium, manganèse, cuivre… ou famille titane-zirconium (formule AB2(TiZr2)) avec substituants vanadium ou chrome. Les batteries Ni-MH servent dans de nombreuses applications, dont les téléphones ou ordinateurs portables (~45 % des usages en 2003), mais dans une proportion bien moindre que les batteries au lithium.
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Quel futur pour les métaux ?
Malgré son prix plus élevé, la batterie Ni-MH offre des qualités qui lui ont permis d’être retenue pour les premières voitures hybrides, dont la Prius de Toyota (1,5 kWh, 39 kg, autonomie de 20 km). Sans doute plus pour longtemps, car il est prévu pour ce modèle un remplacement prochain par une batterie Li-ion. Du point de vue des matériaux, le nickel est pour l’instant un métal relativement abondant, et les autres minéraux sont appelés en quantité trop faible pour présenter de problèmes de disponibilité. Plus performante encore, la solution sodium-chlorure de nickel, adoptée par la batterie « Zebra », offre un rendement énergétique massique de l’ordre de 120 Wh/kg et devrait progressivement prendre une place dans le marché des batteries en raison notamment de son prix peu élevé. Elle a cependant plusieurs défauts : sa température d’utilisation élevée qui impose un système de gestion thermique, son autodécharge de 12 % par jour qui n’est acceptable que pour une utilisation quotidienne, et sa durée de vie limitée (800 cycles). En revanche, elle ne présente aucune contrainte en termes de disponibilité des matériaux de fabrication, et affiche un coût peu élevé. Autre solution : le nickel-zinc, connu depuis longtemps, mais qui a souffert d’un problème de dégradation de son anode en zinc générant rapidement des court-circuits. Le problème est aujourd’hui résolu grâce à l’application de cuivre sur l’anode et à l’usage d’un catalyseur à base de nitrite de titane. Cette technique permet, à des coûts relativement proches des batteries au plomb, de proposer des performances massiques légèrement inférieures à celles des batteries au lithium-ion, une durée de vie supérieure et un recyclage complet, sans la dangerosité et les soucis de protection de l’environnement de ces dernières et sans aucun souci de disponibilité des composants minéraux. Le lithium, le plus léger et le plus réducteur des métaux solides, est considéré aujourd’hui comme le meilleur car les systèmes à base de lithium permettent d’offrir les plus importantes densités d’énergie massique, pour l’instant de l’ordre de 120 à 200 Wh/kg : cinq fois plus que le plomb. Par ailleurs, le lithium ne présente aucun effet de mémoire, et son autodécharge n’est que de quelques pourcents par mois. On trouve essentiellement deux types de batteries au lithium : le « lithium-ion» (Li-ion) ou son dérivé le « lithium-phosphate » (Li-Po), et le « lithium-métal-polymère » (LMP). La technologie Li-ion est aujourd’hui en fort développement dans le monde ; elle utilise une cathode en oxyde de cobalt (toxique) ou en alliage à base de cobalt, nickel, et manganèse ou aluminium (LiCoO2, LiMnO2, Li2MnO4, parfois oxyde de vanadium V2O5). L’anode est en graphite pur, en oxyde de titane si l’on veut améliorer la puissance, ou en silicium si l’on veut améliorer la quantité d’énergie stockée. L’électrolyte est une solution liquide à base de carbonate de lithium Li2CO3 et de PS6 (phosphore + soufre). La durée de vie est bonne (1 000 cycles). Son gros défaut est l’instabilité de son électrolyte qui devient dangereux en cas de surchauffe, en provoquant la libération brutale de toute l’énergie stockée. La variante du Li-ion est le LiPo, pour lequel la cathode est à base de phosphate de métal, généralement de fer (LiFePO4), ce qui assure une meilleure stabilité à l’électrolyte et réduit le coût grâce à une électrode qui ne fait plus appel au cobalt. Les performances sont légèrement inférieures en termes de densité massique et de puissance en pointe et sa charge à basse température est médiocre, mais la durée de vie est supérieure (2 000 cycles).
Études sectorielles
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Plus prometteuse est la solution LMP, pour laquelle l’électrolyte est solide, un polymère sans solvant d’aspect plastique, mou et flexible, à base de sel de lithium et de TFSI (ter-fluoro-sulfonimide), gélifié à 80 °C en phase d’exploitation, ce qui supprime la dangerosité du Li-ion. La cathode est à base d’oxyde de vanadium, sans cobalt. Son handicap : du lithium de l’anode est consommé au cours d’un cycle, ce qui limite la durée de vie de la batterie (moins de 500 cycles). Les performances massiques sont en revanche au même niveau que Li-ion, excepté sa puissance en pointe inférieure. Les batteries au lithium sont massivement utilisées pour les applications portables électroniques, à plus de 95 % pour les téléphones, les ordinateurs portables et les caméscopes / appareils photos (en 2003, 1,15 milliards de batteries au lithium ont été mises sur le marché, et le marché a fortement progressé depuis). Accumulateurs et batteries Technologie
Plomb
Ni – Cd Part de marché (*) (applications non portables) Part de marché (*) (applications portables)
Lithium
Nickel
Ni – MH
Na – NiCl
Ni – Zn
Li – ion
Li – Po
~ 97 %