Un texte en contexte: les Flores paradisi et le milieu culturel de Villers-en-Brabant dans la première moitié du 13e siècle 2503510671


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Un texte en contexte: les Flores paradisi et le milieu culturel de Villers-en-Brabant dans la première moitié du 13e siècle
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UN TEXTE EN CONTEXTE

INSTRV MENTA PATRIST ICA ET MEDIAE VALIA Research on the Inheritance of Early and Medieval Christianity

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THOMAS FALMAGNE

UN TEXTE EN CONTEXTE LES FLORES PARADIS! ET LE MILIEU CULTUREL DE VILLERS-EN-BRABANT ' DANS LA PREMIERE MOITIE, DU 13e SIECLE '

Ouvrage couronné par l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique (Classe des Lettres)

BREPOLS 2001

INSTRVMENTA PATRISTICA ET MEDIAEVALIA Research on the Inheritance of Early and Medieval Christianity

Founded by Dom Eligius Dekkers (t 1998)

Editorial Board

F. Bossier R. Beyers G. Declercq L. De Coninck J. Goossens M. Lamberigts P. Tombeur M. Van Uytfanghe

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©

2001 [email protected] (Turnhout - Belgium) Printed in Belgium D/2001/0095/49 ISBN 2-503-51067-1

À mon épouse, Isabelle

INTRODUCTION Flores Paradisi pro titulo nomen non immerito sortitus est liber iste. Les Fleurs du Paradis, une belle appellation médiévale pour une œuvre d'anthologie. Pour l'auteur anonyme des Flores Paradisi, compiler, c'est recueillir et organiser les citations « belles, odorantes et savoureuses » des livres les plus « fructueux » au sein du jardin paradisiaque de la Tradition des Pères, des poètes et des philosophes 1. Simple topique d'une rhétorique propre aux florilégistes ? Avec près de quatorze mille citations 2 glanées à la lecture de trois cent cinquante œuvres, les Fleurs du Paradis, réalisées au cours de la première moitié du 13e siècle dans l'abbaye cistercienne de Villers-en-Brabant, remplissent une tâche qui justifie cette prétention avouée à embrasser, en un volume, les littératures patristique et classique disponibles. C'est en historien que j'aborde cette œuvre généreuse en données sur la culture intellectuelle, l'histoire des textes patristiques et classiques et leur réception en milieu monastique. Précisons d'emblée l'objet et sa portée. «Le florilège est un recueil de citations dans lequel les extraits cités se réclament d'une autorité et ne contiennent pas de remarques personnelles du compilateur. Le travail du compilateur se limite au choix et à l'organisation des différentes citations. »3 . Par là, l' œuvre appartient à la littérature d'emprunt. Ce n'est pas un médiocre statut dans un monde qui révère l' auctoritas et s'y alimente quotidiennement. De plus, au Moyen Âge comme aujourd'hui, les collections d'extraits en 1

« ... ac colligere curaui sententias tanquam paradysi amenissimos flores, specie, adore et sapore prestantissimos ». Prologue des Flores Paradisi B, cité d'après ROUSE, R.H.-M.A., Preachers, Florilegia and Sermons. Studies on the Manipulus Florum of Thomas of Jreland, Toronto, 1979, p. 232 (Studies and Texts. Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 47). 2

3

Dans l'état des Flores Paradisi B, le plus étendu.

HAMESSE, J., Les florilèges philosophiques du XIII' au XV siècle, dans Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Définition, critique et exploitation. Actes du Colloque international de Louvain-laNeuve, 25-27 mai 1981, Louvain-la-Neuve, 1982, p. 181-191 (ici p. 181).

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INTRODUCTION

grand nombre constituent des instruments de travail qui répondent aux exigences précises de ceux qui les emploient. Les plus grands auteurs du Moyen Âge en ont conçu et usé : au milieu du 9e siècle, Sedulius Scottus rédige un Collectaneum et l'exploite4 , Heiric d'Auxerre réserve une section de ses Collectanea 5 à Suétone, dont il possédait par ailleurs le texte complet ; dans la première moitié du 12e siècle, même si tous en disposent, Guillaume de Champeaux, comme Guillaume de Malmesbury, voient encore l'intérêt d'abréger la pensée de Grégoire le Grand. Le temps est donc révolu où les historiens ne reconnaissaient, dans les florilèges, que le reflet déformé des textes complets, dans leurs auteurs, que de pâles substituts des penseurs originaux 6 . Formée dans la première moitié du 13e siècle, la collection des Flores Paradisi juxtapose deux types de florilèges. Le premier, sorti de l'oubli par Richard H. Rouse en 1971 7 , fait preuve d'une organisation par ordre d'auteurs empruntés ; il se rencontre dans les manuscrits Bruxelles, B.R. 4785-93 et 20030-32, Paris, B.N.F. lat. 15982 et Berlin, Staatsbibl. Phillipps 2007. Réservoir de citations, il offre aussi l'intérêt d'une composition préfacée, structurée ; il est en outre muni d'un index, avantage nouveau qui permet un accès facilité aux autorités et met de la distance entre les florilèges 4

Éd. SIMPSON, D., dans CC CM 67, Turnhout, 1988. Voir aussi DOLBEAU, F., Pour mieux lire le Collectaneum de Sedulius Scottus, dans CC CM 67 Supplementum, Turnhout, 1988. 5 Éd. QUADRI, R., 1 collectanea di Eirico di Auxerre, Fribourg, 1966 (Spicilegium Friburgense, 11). 6

Que l'on juge, par exemple, la manière dont J. De Ghellinck, patrologue, parle de la Glose ordinaire (Diffusion et transmission des écrits patristiques, dans Patristique et Moyen Age, vol. 2: Introduction et compléments à l'étude patristique, BruxellesParis, 1947, p. 297-298) : « ... Plus tard, la Glossa Ordinaria, née croyait-on avec Walafrid Strabon au 9e s., fort enrichie ensuite pour les Psaumes et les Epîtres surtout, mais issue en somme des mêmes mobiles qu'en Orient, facilitait sans doute l'utilisation des écrits chez les théologiens médiévaux. Toutefois la façon fragmentaire dont elle procédait, en ne leur servant que des portions très limîtées, ne lui mérite qu'une médiocre reconnaissance. Les nombreux recueils d'extraits, de Sententiae, de Flores, ( ... ) en somme, leur efficacité pour la transmîssion a été réduite, ou presque nulle ; leur témoignage vaut surtout pour la large utilisation de quelques auteurs, toujours les mêmes à peu près. Par contre les chaînes grecques, malgré le caractère peu recommandable de ce genre littéraire, ont eu dans la transmîssion des textes un rôle qui valait la peine d'être souligné. ». 7 ROUSE, R.H., The A Text of Seneca's Tragedies in the Thirteenth Century, dans Revue d'histoire des textes, 1, 1971, p. 98-9et102-3.

INTRODUCTION

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spirituels antérieurs et les Flores Paradisi. Le second était inconnu jusqu'ici ; il agence en ordre alphabétique les thèmes reconnus aux citations. On le lit dans les manuscrits de Laon, B.M. 327 et Troyes, B.M. 1385.

*** Philologues et historiens puisent avec profit à la source des florilèges 8 • Certains ont déjà prélevé leur lot, mais de larges courants restent à sonder; parmi eux, les Flores Paradisi, qui s'offrent à des prospections variées, parfois déjà entamées. La tâche que je me suis fixée est d'en pousser certaines plus loin ou plus profond, de les renouveler au besoin. Tous les problèmes à aborder ne seront pas traités : concentrée sur l'histoire culturelle, cette étude ne privilégie pas les questions d'ordre philologique ; certaines ont du. reste fait l'objet de publications particulières. Les philologues, les premiers, ont vu dès le début du siècle l'intérêt de l'étude des florilèges. En quête de témoignages supplémentaires sur des auteurs classiques à faible survie, ils se sont préoccupés de la diffusion des anthologies médiévales, principalement quand les compilations étaient antérieures aux copies intégrales conservées des œuvres recherchées 9 . Dans le domaine patristique, bien que parfois des florilèges aient conservé des extraits 10 d'œuvres perdues ou mal connues , le grand nombre de manuscrits 8 Au sujet de l'intérêt historique des florilèges, un volume de la Typologie des sources du Moyen Age occidental est en voie d'achèvement (par B. Munk Olsen pour la partie classique et E. Dekkers (t), repris par mes soins pour la partie patristique). Le volume sera muni d'une bibliographie sur les florilèges qui mettra à jour celle que j'ai dressée en 1997 et à laquelle il sera souvent fait allusion dans ce volume : FALMAGNE, T., Les cisterciens et les nouvelles formes d'organisation des florilèges aux 12e et 13e siècles, dans Archivum Latinitatis Medii Aevi, 55, 1997, p. 73-176. 9

Le premier florilège classique à se prêter à des enquêtes répétées fut le

« Florilegium Gallicum ». Par ex., les nombreuses études de ULLMAN, B.L. publiées

entre 1928 et 1932, ont été rassemblées dans Classical Authors in Medieval Florilegia, reprinted from Classical Philology 1928-1932, Chicago, 1932, pour les œuvres de Tibulle, Pétrone, Valerius Flaccus, Virgile, etc. 10

Par ex., pour des textes qui ne sont plus disponibles ailleurs que dans des florilèges, VERBRAKEN, P., Les fragments conservés de sermons de Saint Augustin, dans Revue bénédictine, 84, 1974, p. 245-270 ; pour le cas d'une tradition manuscrite pauvre hors florilèges, comme par ex. le De fide attribué à Rufin d' Aquilée (diffusé à travers le florilège de Jean le Diacre, au 6e s.), MILLER, M.W., Rufini presbyteri, Liber de Fide, Washington, 1964 (CPL 200). À propos du texte vieux-latin de la Bible - qu'on ne connait plus que de manière indirecte-, les philologues s'attèlent

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INTRODUCTION

complets subsistants a rendu en général l'enquête moins urgente. Des éditeurs ont néanmoins recouru au témoignage des florilèges primitifs, parfois même contemporains de l'autorité patristique empruntée, pour diriger leur choix d'un état de texte fiable 11 . Les Flores Paradisi ont été étudiées en ce sens, car elles livrent de longs passages des Tragédies de Sénèque 12 . R.H. et M.A. Rouse ont également mis en valeur leurs emprunts à des textes classiques rares par le biais de florilèges antérieurs : le « Florilegium Gallicum » et le « Florilegium Angelicum » 13 • Ils ont ainsi révélé un corpus complet des homélies de Valérien de Cimiez qu'on ne connaissait que par un manuscrit du lüe siècle 14 . Sont-ce là les seuls résultats possibles d'une enquête philologique appliquée aux Flores Paradisi? Non, car l'analyse précise des modèles du compilateur réserve d'autres bénéfices relatifs à des traditions textuelles clairsemées. L'historien relaie ici le philologue. Un souci historique majeur est en effet d'identifier les textes et d'en suivre à rebours les chemins. On fait ainsi revivre, grâce aux liens établis entre sources et bibliothèques, le contexte d'une compilation, on localise aussi la popularité médiévale de certains auteurs. À cet égard, la portée des résultats diffère si l'étude s'attache à une source classique ou patristique. Grâce aux florilèges classiques, on précise çà et là des traces de subsistances d'un texte à l'usage d'une élite humaniste 15 ; grâce aux collections d'un Père réputé, on mesure depuis longtemps aux états de texte que représente l'Ad Quirinum de Cyprien (CPL 39). 11

Cf., par exemple, l'utilisation du florilège d'Eugippius pour l'établisseme nt du texte des Confessions d'Augustin, dans VERHEYEN, L., dans CC SL 27, Turnhout, 1981. 12

ZWIERLEIN, O., Prolegomena zu einer kritischen Ausgabe der Tragodien Senecas, Wiesbaden, 1983, p. 131-155 (Akademie der Wissenschaf t und der Literatur. Abhandlunge n der Geistes- und Sozialwissen schaftlichen Klasse, 1983/3). 13

14 15

ROUSE, R.H.-M.A., Preachers, Florilegia and Sermons ... , p. 133-134. Ibidem, p. 132.

R.G. Babcock a ainsi pu attribuer à Hériger de Lobbes l'œuvre anthologique que conserve le manuscrit München, Staatsbibl. Clm 6292 II, grâce à l'identificati on des séquences des œuvres et à l'analyse du texte, en comparaison avec le contenu de la bibliothèque de Lobbes : BABCOCK, R.G., Heriger of Lobbes and the Freising Florilegium. A Study of the Influence of Classical Latin Poetry in the Middle Ages, Frankfurt am Main-Bern-N ew-York, 1984 (Lateinische Sprache und Literatur des Mittelalters, 18).

INTRODUCTION

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partout la vitalité d'une influence 16 : miroirs des princes, des moines, des vierges, des laïcs, recueils personnels ou destinés à quiconque. Dans le cas précis des Flores Paradisi, aucun travail d'ensemble n'avait été entrepris. Dans les pages qu'ils ont réservées aux sources du florilège, R.H. et M.A. Rouse mentionnaient trois manuscrits de Villers et un manuscrit d' Aulne reliés à la « bibliothèque du compilateur». La recherche des modèles se dirigeait, grâce à cette indication précieuse, vers une origine du florilège assimilable à la provenance de deux exemplaires des Flores Paradisi : la bibliothèque de Villers. Toutefois, ces deux historiens avouaient ne retrouver, dans le catalogue de Villers de 1309, ni les longues séries d'Ambrosiana ou d'Augustiniana, ni les œuvres rares représentées dans le florilège 17 • Ce constat ne peut suffire, eu égard au nombre de textes représentés ; il importe d'en retrouver les modèles « indigènes » ou extérieurs. S'impose donc la question de savoir si, en fonction des disponibilités de la bibliothèque, il s'agissait d'un florilège destiné à reproduire en abrégé un fonds de textes acquis, ou plutôt à en combler les lacunes. En d'autres termes : « par » ou « pour » Villers ? Était-ce une création brabançonne et monastique originale? On peut répondre par l'affirmative, comme le démontre le quatrième chapitre de la seconde partie de cette monographie. D'autres résultats d'analyses approfondies accompagneront en outre l'introduction à l'édition critique des Flores Paradisi que je prépare pour le Corpus Christianorum. L'histoire intellectuelle a aussi à gagner de l'examen de la structure des florilèges. B. Munk Olsen proposa, en 1979, une typologie des florilèges classiques jusque 1200, fondée entre autres sur leur structure interne : « à sections d'auteurs », ?'. Peu importe qu'il s'agisse plutôt ici d'une référence à Jérôme; dans la personne même d' Arnulphe se trouve la contradiction d'un homme qui, au soir de sa vie, décide d'abandonner l'abbatiat pour se consacrer à la lecture des Pères dans le scriptorium. L'histoire des bienheureux de Villers, qu'elle ait été menée avec

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Chronica, éd. WAITZ, G., dans MGH, Scriptores, 25, 1880, par. 28, p. 208.

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INTRODUCTION

emphase ou avec critique22 , a caché jusqu'ici la spécificité de la culture monastique, bâtie non par priorité sur les privations et l'extase, mais sur «la Bible, la liturgie et les Pères ». Les Flores Paradisi montrent avec force que l'abbaye brabançonne possédait en ses rangs, dans cette première moitié du 13e siècle, sinon des écrivains d'exception, au moins des lettrés capables de construire une bibliothèque d'œuvres complètes et de cultiver, par des fleurs modernes et efficaces, le champ le plus large de la littérature patristique mais aussi classique. La composition littéraire durant la « belle période » occupe le deuxième chapitre de cette monographie. Il sera bref, car ici comme ailleurs, les sources dont on dispose sont rarement contemporaines des événements qu'elles rapportent. Les textes écrits à Villers dans la première moitié du 13e siècle sont en définitive rares. L'histoire du monastère se fond d'abord dans celle de ses héros, mais les vitae originales conservées, dont la composition remonte à cette époque, ne sont pas, somme toute, nombreuses. Les Flores Paradisi - et peut-être quelques petites compilations originales - montrent que l'érudition à Villers ne se soumet pas à la stricte férule des Pères du Désert, mais synthétise la tradition avec bonheur. En l'absence de repères factuels précis, tels qu'un nom d'auteur ou des bornes chronologiques sûres pour la composition des Flores Paradisi, le cadre culturel immédiat reste la bibliothèque de Villersen-Brabant et son atelier d'écriture très actif durant cette «belle période ». C'est l'objet du troisième chapitre que de l'étudier. En principe, les sources susceptibles d'éclairer l'histoire d'une bibliothèque cistercienne du l 3e siècle sont variées. Toutefois, l'histoire matérielle des bibliothèques cisterciennes médiévales est difficile à écrire, par manque de sources archéologiques, si ce n'est

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Voir surtout COENS, R.L., Les bienheureux de l'abbaye de Villers, dans Analecta Bollandiana, 42, 1924, p. 371-386 et ROISIN, S., L'hagiograp hie cistercienne dans le diocèse de Liège au XIIf' siècle, Louvain-Bru xelles, 1947. La production hagiographiq ue a mobilisé de nombreux historiens, notamment autour d'un renouveau de la spiritualité brabançonne et du mouvement béguinal au 13e s. Sur ce dernier point, voir LAUWERS, M., Expérience béguinale et récit hagiographique. À propos de la « Vitu Muriae Oigniacensis » de Jacques de Vitry (vers 1215), dans Journal des Savants, 1989/1, p. 61-104.

INTRODUCTION

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A pour CA1teaux23 . A . B on dee11e en a b"1en resume , , 1es acqms . 24 . peut-etre L'armarium de Villers datant du début du 13e siècle est conservé, contrairement à un grand nombre d'abbayes. Les sources écrites sont-elles plus loquaces ? Les statuts informent l'historien de façon très occasionnelle. Celui de 1194 donne au chantre la responsabilité de la confection, de la conservation et de la distribution de livres. Le célèbre statut «dit de 1134 » impose l'uniformité des livres liturgiques : Missel, Règle, Us et coutume de Cîteaux, Psautier, Hymnaire, Collectaire, Lectionnaire, Antiphonaire et Graduel25 . Je dirai comment il faut entendre ce vœu pieux, mais de façon générale il ne faut pas attendre des statuts qu'ils informent l'historien sur le contenu des armaria autrement qu'en prescrivant, comme partout, un fonds indispensable pour assurer l'office divin et permettre l'observance de la vie monastique. Il arrive que chroniques et sources littéraires livrent de précieuses informations quant à l'activité de copiste d'un moine ou d'un abbé, voire quant à la construction de bâtiments qui servirent peut-être à abriter les livres. Les miettes que laisse le chroniqueur de Villers ne peuvent toutefois suffire à profiler l'histoire de la bibliothèque et du scriptorium de l'abbaye brabançonne.

Somme toute, l'historien dispose essentiellement des manuscrits conservés et des catalogues anciens. Pour Villers, une soixantaine de manuscrits des 12e et 13e siècles ont survécu, mais on a surtout la chance de conserver le catalogue des livres levé en 1309. Maintenant déposé aux Archives épiscopales de Malines, il est le catalogue cistercien antérieur au 15e siècle le plus riche en volumes. Sa présentation matérielle fait connaître à Villers deux armaria, un magnum et un parvum, ce qui est singulier dans la typologie des bibliothèques monastiques. Postérieure à la «belle période », cette source de l'histoire culturelle nécessite d'être manipulée avec critique, mais elle permettra de fixer le corpus des manuscrits

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MASSON, A., Le décor des bibliothèques du Moyen Âge à la Révolution, GenèveParis, 1972, p. 9-21 (chapitre premier: Bibliothèques monastiques). 24

BONDEELLE, A., Trésor des moines. Les chartreux, les cisterciens et leurs livres, dans Histoire des bibliothèques françaises, vol. 1 : les bibliothèques médiévales. Du Vf siècle à 1530, s. dir. VERNET, A., Paris, 1989, p. 65-81. 25

Statuta, éd. CANIVEZ, J.M., Statuta capitulorum generalium Ordinis Cisterciensis, vol. 1, Louvain, 1933, p. 15 par. 12 et 2.

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INTRODUCTION

subsistants avec plus de sûreté et même d'évaluer à la hausse l'importance de la bibliothèque claustrale. C'est à partir de ce corpus de manuscrits présents dans la bibliothèque de 1309, mais antérieurs à 1250, que je présente 26 un état des recherches sur le scriptorium de l'abbaye, des origines jusqu'à la fin de la« belle période». En bonne méthode, on aimerait pouvoir appuyer l'étude du scriptorium sur suffisamment de critères objectifs d'identification, telles que souscriptions et ex-libris contemporains de la copie. Les premières sonl inexistantes à Villers et seuls les ex-libris contemporains de la copie permettent de dégager un certain nombre de manuscrits, comme références pour des comparaisons avec d'autres volumes originaires du même fonds. Les méthodes de recherche portant sur l'écriture, la décoration ou les observations codicologiques permettent, au mieux, d'établir pour Villers une chronologie relative des principales phases de production.

** * Le contexte culturel des Flores Paradisi ainsi campé, la deuxième partie de cette monographie sera consacrée à étudier la genèse et la fonction du florilège, ou plutôt des différents états d'une collection appelée Flores Paradisi, selon le titre que le prologue de l' œuvre achevée fait connaître. Le premier chapitre détaillera les différents états de la collection. La première préoccupation des historiens des florilèges fut de compléter l'heuristique des manuscrits : répertoires et listes parurent, tant pour une collection précise27 que pour des ensembles plus larges, ces derniers étant généralement classés selon l'organisation28 , la

26

27

Dans la deuxième section du chapitre 3.

Par exemple, l'étude modèle de ROCHAIS, H.M., Defensoriana. Archéologie du «Liber scintillarum », dans Sacris Erudiri, 9, 1957, p. 199-264, en vue de son édition pour le CC, SL 117, Turnhout, 1957, complétée par ID., Apostille à l'édition du "Liber scintillarum" de Defensor de Ligugé, dans Revue Mabillon, 80, 1983, p. 267-293. Cf. aussi par exemple ROUSE, R.H.-M.A., The Texts called Lumen animae, dans Archivumfratrum praedicatorum, 41, 1971, p. 5-113. 28 VON NOLCKEN, C., Sorne Alphabetical Compendia and how Preachers Used them in Fourteenth Century England, dans Viator, 12, 1981, p. 271-288.

INTRODUCTION

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nature29 ou la période des sources employées 30 . R.H. et M.A. Rouse ont ainsi révélé trois états des Flores Paradisi (A, B et C) lors de leur étude sur le Manipulus florum de Thomas d'Irlande, celui-ci ayant en particulier exploité le dernier d'entre eux. Ces trois états respectent une présentation précise : les œuvres de chaque auteur figurent à la suite et les extraits se suivent à l'intérieur des sections selon l'ordre du texte, d'où l'appellation proposée de «florilèges à sections d'auteurs». Depuis lors, j'ai moi-même relié à la collection des Flores Paradisi quatre nouveaux manuscrits. Ceux conservés à Berlin et à Darmstadt transmettent de nouveaux états à sections d'auteurs, tandis que les deux autres, conservés à Laon et à Troyes, livrent un état alphabétique jusqu'ici inconnu. À partir de la description codicologique des exemplaires, la question difficile de la genèse de la collection occupe le premier chapitre de cet ouvrage. Les deux chapitres suivants de cette deuxième partie discutent et exposent les particularités des exemplaires de Villers : titre, prologue, index. Dans les Flores Paradisi B, un prologue donne en effet un titre au florilège ; dans les Flores A et B se trouvent deux index efficaces et, évidemment, une documentation impressionante : environ 350 textes lus et dépouillés. Pour comprendre l'originalité des Flores Paradisi, par comparaison avec leurs homologues, plusieurs outils ont été mis en œuvre. Tout d'abord, j'ai effectué un relevé de tous les florilèges antérieurs à 1300 édités, analysés ou présentés dans la littérature scientifique. La comparaison met en évidence le caractère particulièrement long et explicite du prologue des Flores Paradisi B. La métaphore des « fleurs » et le champ lexical que le florilégiste

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SCHERMANN, Th., Die Geschichte der dogmatischen Florilegien vom V-VIII Jahrhundert, Leipzig, 1905 (Texte und Untersuchungen, N.F. 13); ROCHAIS, H.M, Contribution à l'histoire des florilèges ascétiques du haut Moyen Age latin. Le «liber scintillarum »,dans Revue bénédictine, 63, 1953, p. 246-291. 30

Pour les classiques latins, il faut citer le travail de B. Munk Olsen. On trouvera les autres contributions de ce type dans la bibliographie que j'ai établie dans Les cisterciens et les nouvelles formes d'organisation des florilèges ... , passim. Pour les florilèges d'auteurs, citons DEKKERS, E., Quelques notes sur des florilèges augustiniens anciens et médiévaux, dans Collectanea Augustiniania. Mélanges T.J. Van Bavel (= Augustiniana, 40, 1990), p. 27-44 ou WASSELYNCK, R., Les compilations des Moralia in lob du VII' au XII' siècle ... , passim.

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INTRODUCTION

utilise relèvent assurément du topos. En revanche, le mode d'exposition du «Paradis» fait preuve d'originalité dans un équilibre entre la tradition de l'exégèse allégorique monastique (et cistercienne) et les nouveautés de forme, qui poussent à distinguer et sous-distinguer à loisir un seul verset de la Genèse. Il faudra aussi mettre en valeur l'application didactique que met l'auteur à spécifier des procédés techniques employés. On pourra les définir selon des catégories qui ont cours dans les traités théoriques de l'époque: la concordance selon le mot - verhaliter - ou selon la chose - realiter. La nouveauté des Flores Paradisi réside en effet dans la compilation d'index pour les Flores Paradisi A d'abord, pour les Flores Paradisi B ensuite. Avec la compilation de l'état alphabétique de LaonTroyes, les deux index de Villers donnent à la collection des Flores Paradisi une place importante dans l'émergence et la diffusion des aides à la lecture au 13e siècle. Un petit chapitre 4 sera consacré à la question de la documentation du florilégiste cistercien. Les résultats présentés brièvement s'appuient sur un travail d'heuristique et de collation ti:ès approfondi qui trouvera mieux sa place en introduction à l'édition critique à paraître dans le Corpus Christianorum. Ils s'appuient sur deux outils élaborés sur le long terme: d'abord l'identification complète - à raison de 99 % - de plus de 14.000 citations extraites de plus de 350 œuvres ; ensuite, la restitution, à l'aide de l'outil informatique, du contenu de toutes les bibliothèques cisterciennes avant 1300, grâce aux manuscrits conservés antérieurs et aux témoignages sur les bibliothèques médiévales des catalogues anciens, édités ou restés manuscrits. Cette base de données de plus de 6300 manuscrits conservés et 10500 manuscrits perdus fera l'objet d'une édition sur un support informatique, étant donné les remaniements constants qu'elle exige pour les mises à jour de la bibliographie. L'ambition est de créer ainsi, pour les bibliothèques médiévales cisterciennes mais pas seulement pour elles, le moyen d'une étude parallèle des manuscrits conservés et des catalogues anciens. Les historiens l'attendent depuis longtemps et A. Derolez la considérait encore en 1979 comme indispensable mais illusoire 31 •

31

DEROLEZ, A., Les catalogues de bibliothèques, Turnhout, 1979, p. 67 (Typologie des Sources du Moyen Age occidental, 31): «C'est que l'étude des catalogues d'une bibliothèque doit être doublée d'une étude des manuscrits venus jusqu'à nous, et cette

INTRODUCTION

19

Enfin, le dernier chapitre est consacré à la question historique de la fonction du florilège. D'habitude, cette question reste sans réponse, œuvres de circonstance exceptées. En effet, avant le début du 13e siècle, les prologues - lieu privilégié de l'intervention personnelle de l'auteur - restent peu explicites quant à leurs intentions. En revanche, à partir de la période universitaire, il est acquis que ces instruments de travail, dérivés des techniques scolastiques, servent à un enseignement qui repose désormais sur les textes aristotéliciens. De plus en plus, ils s'associent à l'un des trois piliers universitaires, la prédication formelle, qui est d'une exigence croissante en autorités confirmatives 32 . Cette prédication répond à la demande de l'Église, exprimée particulièrement au cours du concile de Latran IV, d'une instruction morale pour tous à travers des sermons fréquents et de qualité. Les Flores Paradisi sont un de ces instruments, né d'un contexte cistercien, que R.H. Rouse invite à considérer comme à la pointe des techniques de leur temps, les devançant même 33 . L'érudit liait ce phénomène aux dispositions générales de Latran IV touchant l'éducation des prédicateurs et la fréquence des prêches, surtout en vogue à l'université. Comment concilier cette explication avec le fait que les cisterciens n'étaient pas destinés à prêcher hors du cloître? Des motivations d'ordre bibliothéconomique sont à mettre en évidence, car la thèse selon laquelle les cisterciens durent accumuler les arguments dans leur lutte contre les hérétiques cathares, jusqu'à l'époque d'Hélinand de Froidmont, ne semble pas suffire, ni surtout pouvoir être étendue à l'ensemble de l'Ordre et au 13e siècle en son entier34 . Elle ne peut en tout cas expliquer pourquoi les Flores exigence rend jusqu'ici illusoire toute étude générale sur le contenu des bibliothèques ». 32

La prédication, toit de l'édifice scolastique selon la formule de Pierre le Chantre, est soumise de façon de plus en plus complexe à des modes de division et de subdivision du thème principal, requérant à chaque stade plusieurs autorités tirées de !'expérience, de la Bible ou de la tradition patristique et classique. Ces procédés nécessitent des instruments adéquats : recueils d' exempta, concordances et recueils de distinctiones, et enfin, florilèges. Pour une étude d'ensemble, il faut à nouveau citer ROUSE, R.H.-M.A., Preachers, Florilegia and Sermons ... , plus spécialement p. 188-197. 33

ROUSE, R.H., Cistercian Aids ta Study in the Thirteenth Century, dans Studies in Cistercian History, 2, 1976, p. 123-134. 34

ROUSE, R.H.-M.A., Preachers, Florilegia and Sermons .. ., p. 52.

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INTRODUCTION

Paradisi sont issues de l'abbaye brabançonne de Villers, loin des feux universitaires et loin aussi du foyer cathare.

Un dernier problème historique est celui de la postérité, de l'impact des florilèges sur une création littéraire originale. Il s'agit de juger de l'influence d'un arsenal de textes réunis sous forme d'extraits, sur les auteurs médiévaux qui composaient au besoin à l'aide de cette littérature pragmatique. Cette problématique n'a pas dépassé des réponses ponctuelles et localisées. En ce qui concerne les Flores Paradisi, la postérité fut surtout assurée, outre quelques copies, par leur refonte au cœur d'un autre florilège, le Manipulus florum, étudié par R.H. et M.A. Rouse. En revanche, les sources faisant défaut, rien n'a été tenté pour apprécier l'étendue de l'influence du florilège de Villers sur la littérature locale. Les questions privilégiées se révèlent donc à travers le plan qui articule cette monographie et les annexes qui l'accompagnent. C'est en historien que j'ai tâché d'y répondre, en reconnaissant aussi l'intérêt humain et littéraire des anthologies, en décelant les « tendances psychologiques et spirituelles des compilateurs et de leurs lecteurs » 35 , pour autant qu'en matière d'histoire culturelle on puisse jamais « flairer la chair humaine », selon la célèbre formule de M. Bloch.

*** Ce travail développe la partie centrale de ma thèse d'histoire, soutenue à l'Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve. Il est le fruit d'une formation de médiéviste qui doit beaucoup aux qualités d'historien du Professeur René Noël, à qui je tiens à exprimer ici toute ma gratitude. L'ouvrage a été honoré d'un prix de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Que le Professeur André Allard soit remercié pour m'avoir encouragé à déposer ce travail au concours. Cette recherche a bénéficié des conseils ponctuels de certains chercheurs, qu'il est un devoir agréable de remercier. Leurs noms

35

Expression reprise à ROCHAIS, H.M., Contribution à l'histoire des florilèges ascétiques .. ., p. 250.

INTRODUCTION

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seront mentionnés, chaque fois que l'occasion s'en présentera, dans le texte ou les notes. Des crédits photographiques permettent la présentation des nombreuses reproductions contenues dans ce volume. Que les bibliothécaires des institutions qui me les ont accordés reçoivent ici le témoignage de ma reconnaissance : Dr. Bernard Bousmanne, pour la Bibliothèque royale Albert 1er à Bruxelles ; Dr. Eef Overgaauw, pour la Staatsbibliothek Preussischer Kulturbesitz à Berlin ; Dom Dr. Omer Henrivaux, pour la Aartsbisdombibliotheek à Malines ; 1. Brüning pour la Hessische Landes- und Hochschulbibliothek à Darmstadt ; Dr. Robert Babcock pour la Beinecke Rare Book and Manuscript Library à Yale (New Haven) ; Donald Johnston pour la maison Christie's à Londres.

ABRÉVIATIONS AA.SS. : Acta sanctorum, collecta ... a Sociis Bollandianis, 3a éd., Paris, 1863 sq. A.G.R. A.E.B. : Bruxelles, Archives Archives ecclésiastiques du Brabant.

Générales

du

Royaume,

AH : Analecta Hymnica a.c. : ante correctionem Bxl. : Bruxelles, Bibliothèque Royale, Cabinet des manuscrits. CC SL : Corpus Christianorum, Series Latina, Turnhout. CC CM : Turnhout.

Corpus

Christianorum,

Continuatio

Mediaevalis,

CPG: GEERARD, M. (et collaborateurs), Clavis Patrum Graecorum, 5 vol., Turnhout, 1983-1987 et supplément, Turnhout, 1998 (Corpus Christianorum). CPL : DEKKERS, E. - GAAR, E., Clavis Patrum Latinorum, Steenbrugge, 3e éd., 1995 (Corpus Christianorum. Series Latina). g. : feuillet de garde. GLORIEUX, Manuscrits cisterciens ... : GLORIEUX-DE GAND, T., Manuscrits cisterciens de la Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles, 1990. MGH : Monumenta Germaniae Historica, Berlin-Münich. ms. : manuscrit. n.c. : non coté. p.c. : post correctionem. PL : Patrologiae Series Latina, éd. MIGNE, J.-P., Paris. PLS : Patrologiae cursus completus, Series Latina, Supplementum, éd. HAMMAN, A., 1-5, Paris, 1958-1974. RH : Repertorium Hymnologicum, s.dir. CHEVALIER, U. Sanderus: SANDERUS, A., Bibliotheca Belgica manuscripta sive elenchus universalis codicum manuscriptorum in celebrioribus

ABRÉVIATIONS

23

Belgii cenobiis, ecclesiis, urbium ac privatorum hominum bibliothecis adhuc latentium, 2 vol., Lille, 1641-1643, réimpr. Bruxelles, 1972, p. 267-272. SC : Sources Chrétiennes, Paris. Stegmüller Bibl. : F. STEGMÜLLER, Repertorium biblicum medii aevi, 11 vols., Madrid, 1950-1980. s.v. : sub verbo. VDG: VAN DEN GHEYN, J., Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, vol. 1-6, 1901-1906.

Notes: a) Étant donné le grand nombre de textes patristiques cités dans cet ouvrage, j'ai évité d'alourdir l'apparat par des références aux éditions accessibles directement dans la CPG ou la CPL. L' œuvre sera identifiée d'après le numéro de ces deux répertoires chaque fois que cela semblait pertinent. Lorsque la référence manque, on demandera au lecteur de se reporter à l'index auctorum operumque pour retrouver une autre occurrence de l'œuvre. b) J'ai distingué, dans les titres latins des florilèges, entre appellations médiévales (en caractères italiques, p. ex. Flores Paradisi) et modernes (en caractères droits mais entre guillemets, p. ex. « Florilegium Gallicum ») 36 . c) Les références aux citations présentes dans les Flores Paradisi B ne renvoient pas au feuillet et à la colonne du manuscrit Bruxelles, B.R. 20030-32, mais sont données d'après le code alphabétique placé par l'indexateur médiéval dans les marges du manuscrit, pour individualiser chacun des passages. Sur l'explication du procédé, voir p. 176. d) Par assimilation avec la langue française, j'ai choisi d'accorder au féminin pluriel les verbes qui suivent « Flores Paradisi », même si flos est masculin en latin classique.

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Pour en savoir plus, voir p. 282.

PREMIÈRE PARTIE LE CONTEXTE CULTUREL DES FLORES PARADIS! DE VILLERS

CHAPITRE 1 LE CADRE CHRONOLOGIQUE (1197-1248) «LA BELLE ÉPOQUE» DE VILLERS Gaudebat Villariensis ecclesia, quia tune temporis non erat in filiabus Clarevallis minima, sed una de maioribus reputata Chronica Villariensis.

La « belle époque » de Villers marque, selon les mots du Père De Moreau, l'apogée spirituel, économique et matériel de l'abbaye. Du premier demi-siècle d'existence de Villers, l'histoire retiendra les débuts difficiles de moines envoyés par Bernard de Clairvaux en 1146 sur une terre offerte par Gauthier de Marbais et sa mère Judith aux confins du duché de Brabant et du comté de Namur. Au 12e siècle, la communauté se développe sûrement et accroît son domaine, qu'elle divise en granges. Si les sources laissent deviner les accroissements matériels, en revanche elles ne permettent pas de mettre en avant des abbés à la double carrure d'administrateurs du temporel et de guides spirituels pour leur communauté. Au contraire, les abbatiats de Charles de Seyn (1197-1209), de Conrad d'Urach (1209-1214), de Gauthier d'Utrecht (1214-1221), de Guillaume de Louvain (1221-1237), de Nicolas de Sombreffe (1237-1240) et d'Arnulphe de Louvain (1240-1248) donnent à l'abbaye une position de premier rang au sein de !'Ordre cistercien37 • D'un point de vue géopolitique, Georges Despy a mis en avant comment « les moines de Villers pour échapper au voisinage des Marbais, se sont délibérément tournés vers le duc de Brabant »38 . Sous la potestas du duc dès 1184, accolant à son nom le qualificatif

37 On trouvera les biographies de ces abbés dans le Monasticon belge. Les biographies des quatre premiers ont été réétudiées par CAWLEY, M., Four Abbots of the Golden Age of Villers, dans Cistercian Studies Quarter/y, 2714, 1992, p. 299-327. Une récente biographie de Conrad a été effectuée par NEININGER, F., Konrad von Urach (tl227): Zaehringer, Zisterzienser, Kardinallegat, Paderborn, 1994 (Quellen und Forschungen aus dem Gebiet der Geschichte, n.f. 17).

38 DESPY, G., La fondation de l'abbaye de Villers, dans Archives, Bibliothèques et Musées de Belgique, 28, 7, 1957, p. 13.

28

LE CONTEXTE CULTUREL

de in Brabantia au plus tard en 1205 39 , Villers assiéra sa position dans le Brabant pendant le premier tiers du l 3e siècle jusqu'à l'abbatiat d' Arnulphe, qui entretint des contacts familiers avec Henri II (inhumé dans l'église de Villers en 1248). Sans livrer le résultat de la thèse de doctorat de Thomas Coomans, publiée très récemment, on peut dire que manifestement la première moitié du 13e siècle voit l'abbaye s'installer dans la stabilité et la durée40 . L'abbé Charles (1197-1209), auquel on doit une partie importante des bâtiments conventuels (en gros les bâtiments à l'est du cloître), commence le chantier de l'église romane et bernardine, dont les fondations et le narthex sont terminés en 1207-1208. Conrad d'Urach abandonne le projet initial pour une église gothique, dont la partie orientale, réservée aux moines, fut probablement terminée en 1250-1252. D'autres gros chantiers, comme le réfectoire ou l'hôtellerie, sont alors en cours, sans que l'on connaisse l'état d'achèvement au milieu du siècle. Du point de vue économique, le Père De Moreau a montré que cette période vit un accroissement considérable du domaine, qui atteindra environ 10.000 hectares41 . Toutefois, il ne semble pas que la puissance territoriale considérable de l'abbaye se soit trop constituée aux dépens du modèle primitif du Nouveau Monastère. En suivant à la lettre les statuts dits « de 1134 », l'économie cistercienne sortait du cadre féodal en refusant aux moines la possession de terres habitées par des séculiers, assujetties au cens et à la dîme, pour ne vivre que du travail de leurs mains. À l'origine, cette administration économique nouvelle et la promotion sociale des paysans provoquèrent une extension des domaines cisterciens, qui va de pair avec les grands défrichements du 12e siècle42 . Il s'agissait d'une 39

BROUETIE, E., Villers-en-Brabant. De l'histoire à la toponymie, dans Cîteaux. Commentarii Cistercienses, 11, 1960, p. 137-140. 4 COOMANS, Th., L'abbaye de Villers-en-Brabant: construction, configuration et signification d'une abbaye cistercienne gothique, Bruxelles, 2000 (Cîteaux, studia et documenta, 11). 41 DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant aux XII' et XIII' siècles. Étude d'histoire religieuse et économique, Bruxelles, 1909, p. 162. 42 Pour relativiser, voire infirmer cette image traditionnelle, cf. WISWE, H., Grangien niedersachsischer ZisterzienserklOster, dans Braunschweigisches Jahrbuch, 34, 1953, p. 3-134; BERMAN, C.H., Les Cisterciens et le tournant économique du XII' siècle, dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité. Colloque de LyonCfteaux-Dijon, Paris, 1992, p. 155-180 (Sources chrétiennes, 380).

°

LE CADRE CHRONOLOGIQUE

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·révolution lente mais efficace, à mesure que les fondations cisterciennes se multipliaient en Europe ; la réaction des pouvoirs locaux, en 1153, les obligea à revenir pour la première fois sur les 43 statuts primitifs, pour le cas précis de Tre Fontane à Rome , c'est-àdire à autoriser la possession de châteaux, églises et revenus y afférents 44 . Mais le ver était dans le fruit dès l'année 1147, quand la congrégation de Savigny, qui jouissait de ce type de biens défendus, fut intégrée à l' Ordre. D'autres écarts par rapport aux principes ont été notés ponctuellement dans certaines monographies d'abbayes, déjà pour le 12e siècle: une certaine forme d'avouerie en Allemagne45 , une acquisition de biens soumis au gage à Poblet46 , une obtention de terres liée à l'admission de novices trop jeunes ou de membres de la famille du donateur à Gimont et Berdoues47 , un payement d'annuités aux bienfaiteurs à Hauterive48 . Plus généralement, l'achat de biens - même urbains - 49 , a commencé dès la mort de Bernard, même à Clairvaux50 .

À Villers pourtant, ce n'est qu'à partir de 1240 environ que les actes assortissent majoritairement les dotations de conditions . • 51 temporelles, et plus particulièrement les pensions viageres .

43 Voir les circonstances, dans GRILL, E., Saint Bernard et la question sociale, dans Mélanges saint Bernard, 1953, p. 208. 44

DESMOND, L.A., The Appropriation of Churches by the Cistercians in England to 1400, dans Analecta Cisterciensia, 31, 1975, p. 246-265. 45

RôSENER, W., Reichsabtei Salem, Sigmaringen, 1974, p. 31-53.

46

Mc CRANCK, L.J., The Frontier of the Spanish Reconquest and the Land of the Cistercians of Poblet, dans Analecta Cisterciensia, 29, 1973, p. 57-78. 47

LYNCH, J.H., Cistercians and Underaged Novices, dans Cîteaux, 24, 1973, p. 294296. 48

PITTET, R., L'abbaye de Hauterive au Moyen Age, Fribourg, 1934.

49

DONKIN, R.A., The urban Property of the Cistercians in Medieval England, dans Analecta Cisterciensia, 15, 1959, p. 104-131 ; ID., The Markets and Fairs of Medieval Cistercian Monasteries in England and ~Vales, dans Cistercienser Chronik, 69, 1962, p. 1-14. 50 Sur l'écart entre les principes économiques définis dans les statuts et sa réalisation dans la vie politique, sociale et institutionnelle, voir: ROEHL, R., Plan and Reality in a Medieval Monastic Economy : the Cistercians, dans Studies in Medieval and Renaissance History, 9, 1972, p. 83-113 et LEKAI, L.J., Ideals and Reality in Early Cistercian Life and Legislation, dans Cistercian Studies, éd. SOMMERFELDT, J.R., Kalamazoo, 1977.

51

DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant ... , p. 153.

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LE CONTEXTE CULTUREL

L'abandon des règles économiques cisterciennes, que l'on infère des actes dès l'année 1158, se poursuit au 13e siècle - une bulle de 1244 n'énumère pas moins de quarante dîmes appartenant au monastère mais ne s'achève qu'au 14e siècle. Certaines pratiques anciennes, comme la part des serfs dans l'exploitation du domaine, restent somme toutes marginales. Aucune grange n'apparaît comme louée au 13e siècle, et ce n'est au plus tôt qu'au 14e siècle que l'abbaye renonce à tenir de manière directe certains centres d'exploitation agricole. T,es premières traces d'affermages, souvent lucratifs pour l'abbaye, n'apparaisse nt que dans la seconde moitié du 13e siècle.

Honores mutant mores. Du succès économique cistercien, il y avait surtout à redouter ces mots de l' Exordium Cistercii : Possessionibus virtutibusque diuturna non solet esse societas52 . L'économie générale, l'organisation sociale et les villes trouvant appui dans le modèle cistercien, le retirement du monde ardemment désiré par Robert de Molesmes et ses compagnons devenait difficile à respecter. L'historiographie s'est souvent arrêtée aux capacités d'homme d'action de Bernard, pourtant l'un des plus grands spirituels de ce 12e siècle. Le maintien de la foi, autant dans l'idéal de croisade que dans celui des missions - vers l'Europe orientale notamment- , a fait intervenir les moines blancs à tous les échelons de la politique ecclésiastique du 12e et bien plus encore du 13e siècle5 3 . Si le 12e siècle ne semble pas avoir connu de grands désordres ni de manquements importants des évêques à leurs vœux cisterciens de pauvreté et de simplicité, le 13e siècle marque un déclin très net de ces idéaux.

52 Exordium Cistercii, 1.2, éd. BREM, H. - ALTERMATT, A.M., Einmütig in der Liebe. Die frühesten Quellentexte von Cîteaux. Antiquissimi Textus Cistercienses lateinisch-deutsch, Turnhout, 1998, p. 32 (Quellen und Studien zur Zisterzienserliteratur, s.dir. LAUTERER, K. - WAGNER, F. - ZEHLES, F., vol. 1). 53 DIMER, A., Les évêques cisterciens au XII" siècle, dans Mélanges Dimier, 2, p. 529-532 cite le chiffre de 94 cisterciens nommés évêques dès le 12e siècle. Pour ne citer que les plus grands : Pierre de la Tarentaise, Otton de Freising, Odon de Soissons, Garnier de Langres, Amédée de Lusanne, Henri d' Albano, Guillaume de Bourges et évidemment Eugène III, disciple de Bernard, pape de 1145 à 1153. Voir aussi WILL!, D., Papste, Kardinale und Bischdfe aus dem Cistercienserorden, Bregenz, 1912.

LE CADRE CHRONOLOGIQUE

31

En revanche, Villers semble avoir maintenu durant « la belle époque» un climat de vie spirituelle digne de l'importance de l'abbaye au sein de l'Ordre, sûrement pas l'une des plus médiocres mais, selon le chroniqueur, l'une des plus réputéess 4 . Les mots du Père De Moreau - « les moines pouvaient se livrer à l'ascétisme sans craindre la disette »ss _ résument la situation d'une abbaye où la puissance politique et économique s'accorda avec une vie spirituelle de haut niveau. Les abbés Conrad d'Urach ou Guillaume de Bruxelles apparaissent dans les cours des princes avant de progresser dans la hiérarchie cistercienne - ils deviendront tous deux abbés de Clairvaux et Conrad deviendra même celui de Cîteaux - et cléricale - Conrad finit sa carrière comme cardinal, évêque de Porto et de Sainte-Rufine. On connaît l'influence dont Amulphe jouit auprès du duc de Brabant Henri II. Pourtant, rien ne laisse présager que les absences répétées de ces abbés et le rang qu'ils durent éventuellement tenir comme membres de l'aristocratie provoquèrent dans la communauté un relâchement dans l'observance des règles monastiques de travail et de prière. Les Gesta sanctorum Villariensium, bien sûr composées à la fin du 13e siècle ou le début du 14e siècle, laissent l'image d'une fourmilière de «bienheureux», moines et convers, qui presque tous vécurent durant cette «belle période». Les quelques vitae complètes conservées qui servirent de sources aux Gesta confirment le constat. S. Roisin a montré comment les vitae cisterciennes du diocèse de Liège, dont celles composées à Villers occupent une part majeure, « offraient un tableau vivant de l'existence des moines au siècle de prospérité et de ferveur »s 6 • L'austérité dans le mode de vie, la ferveur dans les exercices spirituels, la pratique de l'office divin, l'amour de la pauvreté que dépeignent les hagiographes de Villers, s'accordent sans doute bien plus aux enseignements de Bernard de Clairvaux qu'aux pratiques contemporaines de l'Ordre. En outre, la présence de mystiques favorisés de grâces extraordinaires ne put qu'attiser l'idéal de perfection des mulieres religiosae, comme les désignent les sources contemporaines, ces femmes pieuses, qui recherchaient un style de vie apostolique dans le siècle. Face, d'une part, à la réticence de l'Ordre cistercien à 54 55 56

Voir 1' exergue de ce chapitre. DE MOREAU, E.,

L'abbaye de Villers-en-Brabant .. ., p. 269.

ROISIN, S., L'hagiographie cistercienne ... , p. 277.

32

LE CONTEXTE CULTUREL

incorporer d'autres couvents de femmes et, d'autre part, au désir de ces femmes de vivre une spiritualité institutionnellement souple et sans rupture avec le milieu urbain en pleine expansion dans le diocèse de Liège au début du 13e siècle, Villers choisit d'encadrer cette dévotion des béguines pour le Christ et l'eucharistie57 • Gauthier d'Utrecht se voit ainsi contraint par le chapitre général de renoncer, à la fin de son abbatiat, à la paternité de Villers sur huit abbayes de moniales, afin que les moines les mieux formés, dispersés dans ces communautés féminines, puissent réintégrer la communauté et encadrer les éléments les plus jeunes susceptibles de devenir insolents58 . En revanche, les rapports privilégiés de certains moines et abbés avec ces pieuses femmes 59 et, surtout, l'élévation en 1269, derrière le maître autel de Villers, des corps de Julienne de Cornillon, l'instigatrice de la Fête-Dieu, d'Helwige, recluse de Nivelles, et de Marie d'Oignies, parmi d'autres bienheureux de Villers, prouve les liens étroits qu'entretinrent jusqu'au milieu du 13e siècle les mystiques de Villers avec les mulieres religiosae.

57

L'état de la recherche est dressé par SL\llONS, W., The Beguine Movement in the Southern Low Countries: A Reassessment, dans Bulletin de l'Institut historique belge de Rome, 59, 1989, p. 63-105 et LAUWERS, M., Expérience béguinale ... , passim. Voir aussi HELVETIUS, A.M., Les béguines, des femmes dans la ville au XIII' et XV siècles, dans La ville et les femmes en Belgique. Histoire et sociologie, s.dir. GUBIN, E. - NANDRIN, J.P., Bruxelles, 1993, p. 17-40. 58 Chronica, éd. WAITZ, G., dans MGH, Scriptores, 25, 1880, par. 11, p. 200. 59

DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant ... , p. 105 sq. et LEFEVRE, J.B., L'abbaye de Villers et le monde des moniales et des béguines au XIII' siècle, dans Villers. Une abbaye revisitée. Actes du colloque 10-12 avril 1996, Villers, 1996, p. 183-230 (ici, p. 205-207).

CHAPITRE2 LA COMPOSITION LITTÉRAIRE DURANT LA « BELLE PÉRIODE » La bibliographie des travaux relatifs à l'histoire de Villers-enBrabant est abondante. En 1968, le Monasticon belge livra l'essentiel des références de publications qui éditent, analysent ou présentent les sources utiles à l'histoire de l'abbaye. La toute récente publication de la thèse de doctorat de Thomas Coomans comble et actualise la bibliographie disponible, surtout dans le domaine des sources monumentales et des sources permettant de documenter l'histoire des ruines de Villers 60 . Je limiterai donc ici la présentation des sources relatives à l'histoire culturelle durant la première moitié du 13e siècle. L'historien dispose avant tout des sources littéraires. La fin du 19e siècle et les premières années du 20e siècle virent diverses initiatives de présentation et d'édition de sources relatives à l'histoire médiévale de Villers-en-Brabant. Épinglons d'emblée la «Chronique» et les « Gesta sanctorum» édités par G. Waitz, de façon incomplète pour ce qui regarde les « Gesta ». Avec les Vitae originales, éditées en partie dans les Acta sanctorum, il s'agit en effet des sources fondamentales pour l'histoire de l'abbaye au 13e siècle. Les dossiers historiques et hagiographiques se partageront donc les deux premières subdivisions de ce chapitre. A l'exception d'oraisons pseudo-bernardines restituées maintenant à l'abbé de Villers Arnulphe de Louvain 61 , l'historiographie relative à Villers n'a retenu jusqu'ici que les dossiers historiques et hagiographiques. Or, les productions du scriptorium de Villers avant le milieu du 13e siècle - dont l'étude fait l'objet du chapitre suivant- sont riches de quelques textes anonymes, mal ou jamais identifiés jusqu'ici. C'est évidemment le cas des premiers témoins des Flores Paradisi, mais les manuscrits

60

Voir supra, note 40.

61

Voir infra, p. 50.

34

LE CONTEXTE CULTUREL

originaires de Villers livrent d'autres textes inédits, voire jamais exhumés. Que retenir, aussi, des auteurs et des lettrés dans l'abbaye brabançonne lors de ce demi-siècle d'or? On ne peut pas toujours se retrancher derrière le manque d'informations des sources médiévales. La «chronique» de Villers est sans doute plus riche à cet égard que la majorité des autres textes cisterciens de l'époque. Elle fournit des informations qui complètent ou recoupent les sources hagiographiques ou diplomatiques, afin de fournir des éléments de chronologie relative.

SECTION 1

LES TEXTES

§ 1 LA CULTURE HISTORIQUE La «Chronique »62 est sans doute le texte relatif à l'abbaye de Villers qui a suscité le plus de discussions et de controverses. Les questions relatives à l'auteur et à l'époque de composition restent en partie non résolues. Je tiens pour acquise l'introduction critique que le Père De Moreau publia dans son étude d'histoire religieuse et économique63 . Elle corrige les travaux antérieurs, en particulier ceux 62

Par le terme de« Chronique» j'entends le texte édité par WAITZ, G., dans MGH, Scriptores, 25, 1880, p. 195-215 sous les appellations de« Cronica », « Continuatio prima» et « Continuatio secunda ». Je précise toutefois le caractère polysémique du terme, qui recouvre d'abord ce corpus de textes reconstitué par la critique moderne, mais aussi - au moins au 15e s. - un ensemble de vitae originales (voir infra, p. 38). Enfin, l'appellation « Chronicon abbatiae Villariensis » s'applique à l'époque moderne au recueil de Mechelen, Aartsbisdom bibl. I.1.1, dont la partie la plus ancienne remonte à 1186 ou peu après. Dans ce manuscrit, la « Chronique » ne s'entend plus comme un ensemble historique ou hagiographique, mais historicojuridique : liste d'abbayes cisterciennes, Exordium parvum et Carta caritatis posterior (partie I), fragments liturgiques et catalogue de la bibliothèque de 1309 (partie II), ecclesiastica Officia et statuts de !'Ordre (partie III). 63 DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant .. ., p. xlvi-lviii. Pour la liste des manuscrits qui transmettent les deux versions de la « Chronique », on se reportera à l'introduction del' édition de la Chronica, par WAITZ, G., dans MGH, Scriptores, 25. Je ne pense pas que le ms. de Gielemans, à l'heure actuelle conservé à Wien, Ô.N.B., sous la nouvelle cote 12708-09 ait été signalé par les historiens qui étudièrent la

LA COMPOSITION LITTÉRAIRE

35

de l'éditeur dans les MGH, G. Waitz. Ce dernier avait elllls l'hypothèse que les rédacteurs supposés du début de la chronique et de la continuatio prima étaient contemporains, l'un, de l'abbé Amulphe de Louvain (1240-1248), l'autre, de l'abbé Amulphe de Ghistelles (1271-1276). Le Père De Moreau développa au contraire une argumentation en faveur d'un auteur unique, qui aurait vécu au plus tôt à la fin du 13e siècle. Il conclut que rien ne pousse à le distinguer du chroniqueur contemporain de l'abbé Jean de Bruxelles, qui signe les dernières lignes de la Chronique en relatant de façon précise l'élection du nouveau maître en théologie 64 . Si le caractère tardif de la composition est désormais bien avéré - la source la plus récente du chroniqueur date de 1269 alors que la fondation de l'abbaye remonte à 114665 -, il s'agit néanmoins de rester prudent quant à interprétation en faveur d'un auteur unique (en l'occurrence un chroniqueur contemporain de Jean de Villers) à partir d'un critère stylistique tel que l'homogénéité de la composition. A l'appui de la chronologie du Père de Moreau, j'apporterais l'élément neuf suivant. Depuis G. Waitz, on sait que les emprunts au Bonum universale de apibus de Thomas de Cantimpré, au moins dans la Continuatio prima, entraînent l'hypothèse d'une période de composition de la Chronique postérieure à 1263. Or, la bibliothèque de Villers a possédé un exemplaire du texte de Thomas de

Chronique, depuis 1895, lorsque le Novale sanctorum fut décrit dans De codicibus hagiographicis lohannis Gielemans canonici regularis in Rubea Valle prope Bruxellas, dans Analecta Bollandiana, 94, 1895, p. 5-88 (ici, p. 67). Le ms. du Rouge-Cloître de la main de Gielemans n'est pas précisément daté, mais ce dernier mourut en 1487. Le texte de la deuxième rencension de la Chronique, suivi des Gesta sanctorum Villariensium, se trouve aux ff. 202-241. Jusqu'à présent, le manuscrit le plus ancien de la deuxième recension était celui de l' Arsenal, daté de 1479 et provenant de Corsendonck. Il me semble évident, par la présence d'additions aux Gesta, que le modèle de Gielemans soit un manuscrit de Villers, maintenant perdu. 64

Sur cet abbé, voir FALMAGNE, T., in Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, 27 (fasc. 159), col. 780-783. 65

La Chronique comporte la référence à !'élévation des corps de Boniface et de Godefroid le sacristain, respectivement contemporains des abbatiats d'Ulrich (paragraphe 5) et de Guillaume (paragraphe 7). Voir LAENEN, J., Les consécrations des autels de l'église de l'abbaye de Villers, dans Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, 27, 1898, p. 85-113 (112). Pour d'autres termini, comme un emprunt au Bonum universale de Thomas de Cantimpré composé entre 1256 et 1263, voir ROISIN, S., L'hagiographie cistercienne ... , p. 27 ou DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant .. ., p. xlix.

36

LE CONTEXTE CULTUREL

Cantimpré, à savoir le manuscrit Bxl. 4457-58. Le manuscrit a été copié peut-être à la fin du 13e siècle, plus vraisemblablement au début du 14e siècle66 , mais il n'était sans doute pas dans la bibliothèque de l'abbaye brabançonne en 1309 lorsque fut levé le catalogue. Ce dernier ne recense aucun exemplaire du De apibus ; en outre, l'ex-libris du f. 2 est postérieur à celui qui accompagne la campagne de récolement effectuée en 1309 ou peu avant67 . Les circonstances de la copie ne peuvent être retracées avec précision, mais le copiste signale toutefois qu'il ne put disposer d'un exemplaire complet du De apibus68. L'indisponibilité dans la bibliothèque de Villers d'un texte complet de Thomas de Cantimpré semble favoriser la thèse du Père De Moreau, qui attribue la composition de la Chronique à un auteur unique, contemporain de Jean de Villers, élu abbé en 1333, d'autant que l'expertise philologique ne dément pas l'hypothèse d'une utilisation immédiate du manuscrit Bxl. 4457-58 par le chroniqueur. L'activité littéraire à Villers durant « la belle période », si elle peut être éclairée par le texte de la «Chronique», ne peut donc s'enrichir d'une production historique, tel que le supposait encore G. Waitz. En cela, Villers ne se distingue pas fondamentalement d'autres abbayes. J'ai expliqué ailleurs qu'à quelques exceptions près, l'intérêt pour l'histoire se limite, chez les auteurs cisterciens, au cadre local69 . Encore faut-il s'entendre aussi sur le genre d'histoire locale que les historiens cisterciens pratiquèrent. Le premier paradoxe de Cîteaux est celui de la sortie de l'Ordre bénédictin, « l'exorde », confrontée au respect de la stabilitas 66

AXTERS, S.G., Bibliotheca Dominicana Manuscripta 1224-1500, Louvain, 1970, p. 80-81 (Bibliothèque de la Revue d'histoire ecclésiastique, 49) indique« 14e s. » 67 Ex-libris du f. 2r: Liber s(an)c(t)e Marie de Villarii. Sur la campagne de récolement, voir p. 89. Une autre preuve de la présence du manuscrit à Villers est la copie, au milieu du 14e s., d'un chapitre du De apibus (numéroté chapitre 20 aux ff. 52v-55r du Bxl. 4457-58) sur les feuilles de garde supérieures et inférieures du manuscrit Bxl. 20028-29.

68

Bxl. 4457-58, f. 6v: Sed hune processum scriptor huius uoluminis obseruare non potuit et quia exemplar integrum non habuit, sed ex aliis excerptis istud collegit. En effet, si je n'ai relevé aucune coupure dans le texte même des chapitres présents, !'ordre des chapitres est bouleversé et plusieurs chapitres manquent. 69 FALMAGNE, Th., Hélinand de Froidmont: un cistercien atypique. La culture historique chez les cisterciens aux l 2e et J3e siècles, dans Hélinand de Froidmont. Un cistercien à l'épreuve du temps (5-6 septembre 1998), sous presse.

LA COMPOSITION LITTÉRAIRE

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monastique. À la suite de l' Exordium parvum écrit vers 1119 sans doute par Etienne Harding lui-même et del' Exordium Cistercii écrit en 1123 peut-être à Clairvaux, le récit des origines connaît chez les cisterciens une destinée étonnante. C'est ainsi qu'on retrouve plusieurs « exordes » ailleurs qu'à Cîteaux, tel celui de Silvanès intitulé par son auteur - un certain Hugo Francigena - Tractatus de conversione Pontii de Laracio et exordii Salvaniensis monasterii vera narratio 70. La chronique des origines fait florès dans la partie nord de l'Angleterre71 . Sur le continent, on garde quelques pièces comme la Fundatio monasterii Bonaevallis pour l'abbaye de Bonneval en Aveyron 72 , les notes sur l'origine de Vauluisant73 , mais le meilleur exemple de cette littérature des « exordes » est représenté par 1' Exordium magnum du moine de Clairvaux Conrad, devenu abbé d'Eberbach. Cet ouvrage de l'extrême fin du 12e siècle se fonde sur les exordes de Cîteaux, mais intègre également des traditions orales relatives à plusieurs fondateurs ou pionniers d'autres abbayes cisterciennes74 • Pour Villers, le premier cahier du manuscrit de Malines, écrit peu après 1186, conserve une copie de l' Exordium parvum. Sans doute dans une perspective de continuité, le copiste du manuscrit de Malines remplit les deux feuillets initiaux par une liste de fondations cisterciennes, surhausse de rouge la fondation Abbatia de Villari in episcopatu Leodiensis (planche en couleur 3). En l'absence d'une copie conservée, on doit malgré tout conclure à la présence de

°

7

KIENZLE, B.M., The Conversion of Pons of Léras and the True Account of the Beginning of the Monastery at Silvanès : Analysis and Translation of the Latin Text in Dijon, Bibliothèque Municipale Ms. 611, dans Cistercian Studies, 30, 1995, p. 219-243. 71 GRANSDEN, A., Historical Writing in England c. 550 toc. 1307, London, p. 287295. 72

Cartulaire de l'abbaye de Bonneval en Rouergue, éd. VERLAGUET, P.A., s.l., 1938, p. 668-678. 73

Les notes relatives, entre autres, à la fondation de Vauluisant dans le ms. Leiden Bibliotheek der Rijksuniv. Voss. Lat. fol. 70 III, à la suite de la Chronique d'Hugues de Saint-Victor (éd. partielle WAITZ, G., dans MGH, Scriptores, 24, p. 88-97; ms. non cité par GREEN, M., dans Speculum, 18, 1943, p. 484-493 et GOY, R., Die Überlieferung der Werke Hugos von St. Viktor, Stuttgart, 1976, p. 36-43 [Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 14]) n'ont pas, semble-t-il donné lieu jusqu'ici à une édition ou une analyse. 74

Éd. GRIESSER, B., dans CC CM 138, Turnhout, 1994.

38

LE CONTEXTE CULTUREL

l' Exordium magnum de Conrad d'Eberbach 75 , que d'ailleurs les Gesta sanctorum Villariensium utilisent comme source76 . Mais ce n'est pas à travers la littérature des exordes que les lettrés de Villers manipulèrent l'histoire. Ceux-ci agirent plus à travers la glorification des seniores et des mystiques contemporains que par celle des origines et des fondateurs ; cela n'est pas sans rappeler les volontés géopolitiques de Villers dès le 12e siècle d' «oublier» le rôle de la famille des Marbais, afin d'obtenir la protection du duc de Brabant. Avant d'être reprises plus ou moins fidèlement dans les Gesta sanctorum, les biographies d'abbés et de convers, réalisées dès le début de la «belle période », instruisent l'historien sur une probable volonté de constituer une historiographie homogène. À une époque tardive, peut-être le 15e siècle, il semble même que les Vitae originales, indépendamment de leur reprise dans les Gesta, s'entendaient comme un corpus de textes intitulé Liber chronicorum Villariensium. C'est en tout cas le témoignage des manuscrits Bxl. 19595 et Berlin, Staatsbibl. Theol. lat. qu. 195, copiés incontestablement dans le milieu del' auteur, Gosuin de Bossut, dans le deuxième quart du 13e siècle. Le premier manuscrit renferme la Vita Abundi et porte, d'une écriture du 15e siècle, une note ignorée par E. De Moreau et S. Roisin : 3. Liber chronicorum Villariensium 77 . Le second volume n'était pas connu des deux érudits, qui se basaient toujours sur le témoignage de Papebroeck dans les Acta Sanctorum ; il porte une note semblable : 6. Liber chronicorum Villariensium. Les notes des manuscrits de Berlin, Staatsbibl. Theol. lat. qu. 195 et de Bxl. 19525 datent du 15e siècle. Serait-ce à cette époque qu'un bibliothécaire de Villers aurait réuni les différentes Vitae originales de l'abbaye en un corpus de manuscrits qui peut-être s'assimilaient aussi par la taille (12,7 x 18,6 cm pour Bxl. 19525 et 16,5 x 24,5 cm 75

C'est sans doute avec l'œuvre de Conrad, et non avec le premier cahier du ms. de Malines, qu'il faut faire correspondre l'item 270 du catalogue de 1309 - De initio Cisterciensis cenobii. Le titre est répété chez Sanderus, item 152. Le témoignage est renforcé par DE VISCH, C., Bibliotheca scriptorum sacri ordinis cisterciensis, KO!n, 1649, p. 315 où, parmi les vitae présente à Villers, l'auteur mentionne aussi la Narratio de religione ordinis cisterciensis, infolio, avec l'identification suivante, qui se rapporte à l'ouvrage maintenant attribué à Conrad: Credo tamen hune librum esse eundem cum Exordio ordinis cisterciensis, de quo supra egimus, verbo Exordium. 76 DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers-en-Brabant .. ., p. xxiii. 77

FRENKEN, A.M., De Vita van Abundus van Hoei, dans Cîteaux, 1959, p. 5-33

(6 et 11).

LA COMPOSITION LITTÉRAIRE

39

pour le manuscrit de Berlin) 78 ? Il est regrettable qu'on ne garde pas de la bibliothèque de Villers davantage de manuscrits du 13e siècle transcrivant les Vitae originales, afin d'étayer l'hypothèse d'un corpus basé sur ces dernières. Les vitae suivantes sont dispersées dans le catalogue de 1309, mais elles se trouvent attestées ensemble dans la Bibliotheca scriptorum de C. DE VISCH, en 1656, soit après leur possible réunion dans un plus vaste Liber chronicorum 79 : biographies d' Arnulphe (catalogue de 1309, item 403) et de Gotbert d' Aspremont (BHL 3570, cat. de 1309, item 340) ou vies de saintes qui circulaient dans le giron cistercien-béguinal, comme Julienne de Cornillon (BHL 4521, cat. de 1309, item 118), Lutgarde (BHL 4950) et Ide de Léau (BHL 4144, cat. de 1309, item 315). Dans la Bibliotheca scriptorum, apparaissent en outre ensemble les biographies de Charles et de Francon, non attestées en 1309. Villers offre donc une documentation historique particulière. En principe, l'histoire d'une abbaye cistercienne entrecroise récits des origines et glorification des seniores dans la trame de l'histoire locale. Par exemple, à Signy au milieu du 13e siècle, un moine composa une histoire des origines avec un catalogue d'abbés, le dossier se complétant pour former au milieu du 14e siècle un « Chronicon Signiacense » utile à l'histoire cistercienne, particulièrement champenoise, du 13e siècle80 . La chronologie des abbés de Savigny a été conçue dans une perspective historique et fait suite aux chroniques universelles d'Eusèbe, de Sigebert et de sa continuation par Robert de Torigny81 . Omettant le récit des origines et axée seulement sur la glorification des abbés et bienheureux de la

78

Il est intéressant de confronter !'hypothèse d'un corpus de vitae originales au constat établi par le Père Coens sur la probable absence des moines de Villers dans le martyrologe« primitif» de l'abbaye, voir COENS, R.L., Les bienheureux de l'abbaye de Villers, dans Analecta Bollandiana, 42, 1924, p. 371-386 (ici, p. 383-386). 79

DE VISCH, C., Bibliotheca scriptorum ... , p. 315.

80

DESLILE, L., Manuscrits légués à la Bibliothèque Nationale par Armand Durand, dans Bibliothèque de l'école des chartes, 55, 1894, p. 627-660 (ici p. 644-658). 81

Dans la même perspective, le moine de Bonneval qui écrivit la fundatio monasterii Bonaevallis déjà citée est aussi responsable de la Vita beati Ademari, primi abbatis Bonaevallis, Adémar de Mazan, mort en 1178. Ailleurs, à Orandselve par exemple, on garde encore un De felici obitu Bertrandi abbatis Grandissilvae, premier abbé mort en 1149 (B.H.L. 1305).

40

LE CONTEXTE CULTUREL

«belle période», Villers offre donc une documentation tronquée et il n'est pas sûr qu'il faille ici accuser la perte des documents. Les lettrés de Villers de la « belle période » ne laissèrent pas plus d'histoire de l'abbaye que de cartulaires, s'il faut en juger par ce qui est conservé. À l'évidence, on transcrivit des chartes à Villers avant le milieu du 13e siècle, même si l'activité d'une« chancellerie» reste difficile à évaluer82 . En revanche, aucun cartulaire compilé à cette période n'a subsisté. S'agit-il encore de perte de documents devenus obsolètes lors de la rationalisation des archives entreprise au 14e siècle ? A cette époque, les archivistes de l'abbaye transcrivirent un premier cartulaire réservé aux bulles de confirmation des biens et des privilèges généraux (Bruxelles, A.G.R. A.E.B. 10966), qu'ils complétèrent par la transcription des titres particuliers, rangés par grange, et ensuite par ordre chronologique (Bruxelles, A.G.R. A.E.B. 10967 pour la bourserie de Villers; Bruxelles, A.G.R. A.E.B. 10969 pour la grange de Diepenbeek et Malines, Archevêché, pour la grange de la Neuve Cour, manuscrit maintenant disparu) 83 . On sait que les deux buts de l'historien et du cartulariste sont somme toute liés. B. Guenée cite le cas de l'abbé cistercien de Fontaines-les-Blanches, qui« écrivait en deux livres l'histoire de son monastère, donnant dans le premier le récit de sa fondation et la suite des abbés, dans le second la liste de ses privilèges et de ses possessions ; au début de son second livre il encourageait ses successeurs à continuer son œuvre non seulement pour la récréation des lecteurs mais aussi pour la connaissance, la défense et le maintien de nos possessions» 84 . Peut-on a contrario lier, pour la «belle période» de Villers, l'absence d'une chronique avec le manque de cartulaire ? J'aurai tendance de toute façon à ne pas supposer la compos1tlon d'hypothétiques cartulaires perdus. D'abord, aucune note dorsale sur les originaux conservés ne le

82

Voir infra, p. 139 sq.

83

Sur les exemplaires des A.G.R., voir DESPY, G., Inventaire des archives de l'abbaye de Villers .. ., p. 3-4, 9 et 11 et sur le manuscrit de Malines, voir les remarques de HENRIVAUX, O., Inventaire analytique des archives de l'abbaye de Villers à l'archevêché de Malines-Bruxelles, Villers, 1996, p. 105. "' GUENÉE, B.,

p. 34.

Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval, Paris, 1980,

LA COMPOSITION LITTÉRAIRE

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suggère 85 . Ensuite, les cas d'abbayes qui n'organisèrent leurs archives que plus d'un siècle après la fondation sont loin de . . 86 constituer une exceptron . Sans même parler de « cartulaires-chroniques », dont je ne connais aucun représentant cistercien avant 125087 , Villers n'eut pas durant la «belle période» l'ambition de cultiver l'histoire du patrimoine. Sans doute objectera-t-on que la culture cistercienne n'était pas favorable aux historiens et que le 13e siècle marque incontestablement un essoufflement de l'historiographie monastique 88 . Comme ailleurs, c'est l'hagiographie, le culte des «bienheureux» et des seniores qui donne sa couleur à l'histoire de Villers. La «belle période » fut le théâtre d'une histoire qui ne s'écrira qu'un demi-siècle plus tard. Il fallut que les moines hagiographes travaillassent à forger une légende dorée, intemporelle avant qu'un ou plusieurs historiens ne moulent cette légende dans le temps, cette donnée fondamentale de l'histoire.

§ 2 L'HAGIOGRAPHIE De même que l'introduction critique du Père de Moreau consacrée à la « Chronique » ne méritait pas d'être modifiée sur le 85

DESPY, G., Inventaire des archives de l'abbaye de Villers ... , p. x.

86

Sur la base des répertoires de STEIN, H., Bibliographie générale des cartulaires français ou relatifs à l'histoire de France, Paris, 1907 (à réviser par plusieurs publications postérieures) et de DAVIS, G.R.C., Medieval Cartularies of Great Britain. A Short Catalogue, London, 1958, je n'ai repéré qu'une soixantaine d'abbayes cisterciennes fondées avant 1200 en France et en Angleterre, pour lesquelles on conserve un cartulaire dont la structure et le contenu furent élaborés moins d'un siècle après la date de fondation. 87

Peut-être trouvera-t-on certaines pièces non diplomatiques dans les cartulaires (Pour les cisterciens, on citera Je cas de Valloires. Voir B.M. TOCK, Les textes non diplomatiques dans les cartulaires de la province de Reims, dans Les cartulaires. Actes de la table ronde organisée par l' École nationale des chartes et le G.D.R. 121 du C.N.R.S. Paris 5-7 décembre 1991, Paris, 1993, p. 45-58), mais avant 1300 je n'ai retrouvé nulle part de cas où se mêlent au cartulaire des notices historiques d'un des trois types suivants, répertoriés par GENET, J.P., Cartulaires, registres et histoire : l'exemple anglais, dans Le métier d'historien au Moyen Age. Études sur l'historiographie médiévale, s. dir. B. GUENÉE, Paris, 1977, p. 95-129 (ici, p. 119120) (Publications de la Sorbonne. Série« Etudes», 13). 88

GUENÉE, B., Histoire et culture historique ... , p. 46-55.

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LE CONTEXTE CULTUREL

fond, la présentation du dossier hagiographique de Villers par S. Roisin garde sa valeur scientifique. Je me limiterai à rappeler de façon analytique les différents textes, avec quelques ajouts et commentaires.

A. LES VITAE ORIGINALES Le dossier hagiographique de la «belle période de Villers » 89 se compose d'abord de vitae originales, composées le plus souvent tôt après la mort du l.F. lat. 2944. ff. 98-102, tous deux datés du 12e siècle) ; ff. 189vl 9lr: sermon anonyme Cum natus esset Iesus ... Bethleem domus panis Judas confessio dicitur ... ; f. 191 v : Epitaphium Bernardi, divisé en trois parties, Inc. : Clare sunt ualles sed claris uallibus .. ., Ecce latet Clareuallis clarissimus ab bas ... (éd. dans Catalogus codicum hagiographicorum bibliothecae regiae Bruxellensis, vol. 1, Bruxelles, 1889, p. 286) et Mellis apotheca, uas unguinis ... (éd. Ibidem, vol. 2, 1889, p. 503). Le ms de Villers se termine sur deux pièces absentes du ms. d'Aulne: ff. 19lv-193v: inc.: Audi animam que loquor, ausculta que dico, attende que moneo. Deus iudex non solum carnem sed et mentem examinat et de cogitationibus iudicat animam ... et ff. 14v-195r: arbre des vertus et des vices non achevé. En revanche, les textes présents aux ff. 152-157 du ms d' Aulne n'ont pas trouvé place dans ce manuscrit de Villers. Il s'agit de la Visio Petri lgniacensis (ff. 152-154) et le miracle daté de 1184 tiré du recueil d'Herbert (BHL 123la) (ff. 154-156). Ces textes ont été recopiés pour Villers sur un cahier séparé et intégrés rapidement dans le recueil factice du Bxl. 4877-86 (cf. p. 487). Enfin, le manuscrit d' Aulne ou celui de Villers servit sans doute de modèle à la transcription du ms. Bxl 480-85 copié en 1460 par Jean Repelhorst, chantre de la collégiale d' Anderlecht près de Bruxelles. La composition du recueil d' Aulne est sans doute de peu postérieure à l'année 1186 (présence du miracle tiré du livre d'Herbert et de la bulle de privilèges d'Alexandre III aux cisterciens, f. 158, et enfin de la note suivante: Unde Hamericus Brun ad ecclesiam sancte Marie de Altis uallibus per Guidonem Chat misit anno ab incarnatione Domini 1186. Monachus de ipsa domo attulit miraculum in ualle regis). La présence du texte rare de l'épître d'Odon à Adam d'Igny dans les deux mss et de la vision de l'abbé Pierre d'Igny aux ff. 152-154 du ms. d'Aulne indique sans doute !'abbaye ardennaise comme origine de la compilation. C'est donc une pièce à verser au dossier des liens entre les abbayes d' Igny et de Villers, via l'abbaye d' Aulne. J'ai noté ailleurs qu'un ms. d'Igny a sans doute servi de modèle au décor de l'exemplaire de Villers des Collations de Cassien (cf. p. 153) et que l'abbaye brabançonne avait eu accès à une collection des sermons de l'abbé Guerric d'Igny dont on conserve relativement peu de copies (cf. p. 493 ). 326

Voir supra, p. 131.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

133

œuvre la technique du diagramme figuré, banale dans les manuscrits de l'époque, mais peu ou pas attestée dans la documentation disponible pour Villers 327 . Il s'agirait d'un manuscrit de Villers que n'aurait pas utilisé le compilateur des Flores Paradisi, ce qui est rare dans la documentation disponible 328 . L'ordre des lettres de Bernard est différent de celui du florilège et les notae dans le manuscrit ne . par 1e comp1·1ateur329 . correspon dent pas 'a des passages extraits Enfin, si le manuscrit avait été à Villers au moment de la compilation des Flores Paradisi, le compilateur aurait bizarrement dérogé à son principe de dépouiller systématiquement son modèle 330 et n'aurait pas tiré d'extraits d'un des textes les plus connus de la spiritualité cistercienne, la lettre d'or de Guillaume de Saint-Thierry, bien attribuée dans le manuscrit.

*** J'ai ainsi délimité un corpus de 53 manuscrits dont la description codicologique a été reportée dans l'annexe 2331 , soit 47 des 54 manuscrits attribués à la bibliothèque de 1309 avec certitude. Parmi eux, il faut compter les 17 manuscrits-clés pour l'affirmation d'un scriptorium, ainsi que 6 des 11 manuscrits dont l'attribution à la bibliothèque de 1309 est incertaine. Les membra disiecta et feuillets épars ne rentrent pas dans ce compte.

327 On pourrait citer les très belles illustrations didactiques - le plus souvent des mains mnémoniques - qui ornent le Computus de Gerland dans le ms. Bxl. 4676-78 qui conserve la seconde partie du commentaire de Pierre Lombard sur le Psautier. Je garde cependant des doutes sur l'origine villersoise (voir p. 158). La perte presque totale des manuscrits scolaires ou scientifiques prive l'historien d'une documentation plus fournie. Je ne peux donc citer que les diagrammes sur les quatre éléments ou sur la rotondité de la terre quel' on devine, plus qu'on ne peut les lire, dans le ms. Bxl. II 3308, ravagé par le feu, qui transmet un texte de philosophie naturelle que je n'ai pu identifier. 328

Voir p. 373.

329

Voir p. 351.

330

Voir chapitre 4 de la deuxième partie.

331

Annexe 2 intitulée: « Inventaire des manuscrits pour l'étude du scriptorium de Villers ». Les cotes figurent dans le tableau de la page 114 en police grasse.

134

LE CONTEXTE CULTUREL

§ 3 LES MÉTHODES DE RECHERCHE

A. LES MÉTHODES PORTANT SUR L'ÉCRITURE 1. LE PROBLÈME DE LA DÉNOMINATION Les manuscrits de Villers se situent dans le contexte général, aux 12e et 13e siècles, de la transition de la minuscule caroline à la

minuscule gothique. L'examen d'une période de transition est toujours difficile ; une terminologie flottante résulte de cet état de fait. Les paléographes s'entendent pour reconnaître l'émergence d'un nouveau type d'écriture au départ de la France du nord, peut-être dès le milieu du 11 e siècle, si l'on se fie aux traits courts, aux proportions carrées de certains manuscrits écrits sous l' abbatiat de Wichard à l'abbaye de Saint-Pierre de Gand, mais plus sûrement à la fin du 11 e siècle et dans la première moitié du 12e siècle. La dénomination de cette écriture de transition, qui contient en germe l'écriture gothique, n'a pas rallié tous les suffrages332 . Le principe même de dénommer les écritures médiévales a suscité des réactions 333 . En réalité, les sources médiévales pour fixer un lexique relatif aux écritures sont presque inexistantes pour la période antérieure au 332 Pour les questions de terminologie, je renvoie à BISCHOFF, B., Nomenclature des écritures livresques du IX' au XVf siècle, dans Premier colloque international de paléographie latine Paris 28-30 avril 1953, Paris, 1954, p. 12-13, à GUMBERT, J.P., A Proposai for a Cartesian Nomenclature, dans Miniatures, Scripts, Collections. Essays presented to G.I. LIEFFINCK, Amsterdam, 1975, p. 45-52 (Litterae Textuales, 4), et surtout à STIENNON, J., Paléographie du Moyen Age, 2e éd., Paris, 1991, p. 125-126. Pour qualifier les écritures de transition, je n'ai donc pas repris le terme de «minuscule romane», ni même, plus précisément pour notre propos, d' «écriture cistercienne» (Zisterzienserschrift), pour les raisons qu'expose B!SCHOFF, B., Nomenclature ... , p. 14. 333

Ainsi s'exprime F. Gasparri: «Il ne s'agit plus de faire entrer l'activité scripturaire des hommes du Moyen Âge dans la trame de notre terminologie moderne, mais d'adapter nos esprits d'hommes du XXe siècle à des réalités de jadis, même si elles sont aujourd'hui difficiles à saisir». (GASPARRI, F., Lexicographie historique des écritures, dans Vocabulaire du livre et de l'écriture au Moyen Age. Actes de la table ronde Paris 24-26 sept. 1987, éd. WEIJERS, O., Turnhout, 1989, p. 100-110 (ici, p. 102) (CIVICIMA, 2)). L'auteur défendait déjà ces arguments en 1976 : ID., Pour une terminologie des écriture latines: doctrines et méthodes, dans Codices manuscripti, 2, 1976, p. 16-25.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

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14e siècle. Les seules sources, pour les 12e-13e siècles, sont «les catalogues anciens de bibliothèques et de trésors portant des descriptions matérielles de manuscrits ou d'objets gravés et les . . , . de couturruers monastiques »334 . M alheureusement, ces categones sources ne se révèlent, dans le cas cistercien, d'aucun secours. On en est réduit à utiliser dès lors des classifications modernes. De ce point de vue, l'appréciation personnelle règne parmi les érudits pour, d'une part, mettre en avant le ductus carolin et qualifier l'écriture de «caroline», « post caroline» ou «caroline du XIIe siècle » et d'autre part, attester les nouveaux éléments « gothiques » et utiliser le terme de« gothique primitive». J. Stiennon, quant à lui, découpe la phase de transition en « caroline gothicisante », « gothicisée » et enfin « gothique », mais ne détaille pas précisément les critères pour différencier un élément « gothique » adventice dans le tracé carolin - par exemple la brisure des hastes à la base, ou l'adjonction de petits traits obliques335- ou un élément structurel gothique qm ferait passer l'écriture de « gothicisante » à « gothicisée ». En outre, pour ces deux périodes qui précèdent le gothique proprement dit, on ne discerne pas bien la différence, si différence il y a, avec la « minuscule gothique primitive » de B. Bischoff.

Il. UNE ÉVOLUTION DE L'ÉCRITURE EN TROIS TEMPS L'étude de la morphologie des écritures doit s'attacher de préférence aux lettres dont la forme est la moins simple. En effet il y a peu de chances que deux scribes d'un milieu semblable, voire identique, tracent leur « i » ou leur « o » de manière différente. Toutefois, lorsque le ductus suppose plusieurs traits différents, les comparaisons morphologiques peuvent faire apparaître des similitudes ou accuser des dissemblances notables entre des styles d'écriture, voire entre des mains particulières. Analyser une ou plusieurs écritures reste éminemment subjectif. Un œil exercé peut suivre chronologiquement différents traits graphiques qui marquent

334

335

GASPARRI, F., Lexicographie historique ... , p. 102.

Ce sont les deux caractéristiques principales que reconnaît BISCHOFF, B., Nomenclature .... p. 10-11 à la nouvelle écriture de la fin du 11° s. dans la très célèbre charte de 1067-1075 pour Saint-Etienne de Caen.

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LE CONTEXTE CULTUREL

le passage à la textualis dans l'espace franco-germanique. D'un point de vue général, on note d'abord la compression horizontale des lettres, ensuite la brisure qui affecte de plus en plus jambages et traits verticaux, et enfin, l'allongement des hastes. J'ai ainsi procédé à l'expertise des 17 manuscrits-clés pour l'étude du scriptorium de Villers auxquels j'ai rapporté les 36 autres manuscrits issus du fonds de Villers retenus dans le corpus. Je propose de retenir quelques caractéristiques de la nouvelle textualis à Villers à partir du tracé de certaines lettres spécifiques : l'allongement des formes rondes, surtout à travers la lettre « a » ; la brisure des jambages et des traits verticaux, surtout à travers la lettre « m » ; le trait d'attaque en haut des hastes montantes, surtout à travers la lettre « b » ; le trait de fuite à la fin des hastes plongeantes, surtout à travers les lettres « p » et le « h ». J'ai encore procédé à d'autres rapprochements à partir des lettres « e », le « f », « r », « s », « x » et deux signes complexes - le «et» tironien (« 7 ») ou ligaturé en « & » (perluette) et l'abréviation « rum ». Les « d » et « g » présentent dans toutes les écritures médiévales des caractéristiques significatives. Je n'ai pas cherché à identifier à coup sûr des scribes, mais j'ai pu ainsi délimiter des sousensembles dans la documentation de manuscrits disponibles. Dans la première phase de production (planches S-10), on ne trouve à Villers ni brisures ni crochets dans les « m », « n », « p », « c », « d », « r », « s ». La panse du « g » est toujours bien ronde. Il y a peu d'abréviations et elles ne sont jamais anguleuses ; le « et » tironien n'est pas encore utilisé, «et» s'écrit toujours ligaturé« & », sauf parfois dans le Commentaire sur l'Évangile de Jean (planches Sa et Sb). Néanmoins, on retrouve les caractéristiques que B. Bischoff reconnaît à l'écriture « gothique primitive » : les lettres, même « f » et « s » longs, reposent sur la ligne ; lors du trait d'attaque, les extrémités des hastes montantes des « i », « u », « r », « p » et des premières hastes des « m » et « n » sont fourchues, contrairement à la caroline336 . La ligature du «pp», comme dans un monogramme, qui apparaît significative pour l'érudit allemand, est aussi présente dans les manuscrits de Villers, même si on ne retrouve pas encore les ligatures · qui caractérisent les manuscrits 336

BISCHOFF, B., Paléographie ... , p. 145.

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137

337

« gothicisés » ou « gothiques » . Je n'ai vu en réalité aucune différence structurelle entre les manuscrits de la première période à Villers et l'échantillon qui sert pour B. Bischoff à illustrer cette écriture intermédiaire qu'il appelle «minuscule gothique . . . 338 prmntlve » . Dans la production du scriptorium, l'innovation vient de l'affermissement des hastes dans les modestes Opuscules (planche 14) et dans les Homélies sur les épîtres de Jean d'Augustin (planche 15) ainsi que dans le Periarchon d'Origène (planche 19). Timide dans ce dernier manuscrit, il est beaucoup plus net dans les deux autres, qui sont sans doute écrits de la même main. Le parallélisme entre les rubrications des Homélies, du Periarchon et celles du groupe suivant s'affirme (particulièrement avec celles des Confessions d' Augustin) 339 . Toutefois, l'allure générale de l'écriture et même plusieurs traits spécifiques ne permettent pas de distinguer ces productions modestes de celles du groupe précédent (comparer p. ex . les « e » cédillés ou les ligatures «et» des planches 8a et 14-15). Dans une seconde phase de production (planches 28-50), les manuscrits méritent incontestablement le qualificatif de « gothicisés ». Désormais, les scribes utilisent une plume biseautée qui, même en menant un ductus rond, provoque des brisures et des déliés différents de ceux de l'époque précédente340 . Restons toutefois prudent pour les dénominations de types d'écriture, car, pour un manuscrit du même type écrit à Cîteaux au 13° siècle, B. Bischoff parle encore de« minuscule gothique primitive »341 . Les manuscrits se signalent tous, plus ou moins clairement, par une plus grande brisure des lettres, en commençant par les « g », « m » et les « n », des ligatures rondes de plus en plus nombreuses et un allongement incontestable des hastes et des lettres majuscules en 337

ID., Nomenclature .. , p. 8-13.

338

A savoir le ms. de Bamberg, Staatsbibl., Ms. Lit. 161, f. 76v (daté de 11771189), cf. Ibidem, p. 10. 339 Comparer aux rubriques des Confessions p. ex. celles ds mss. Bxl 4831-35: Incipit tractatus sancti Augustini in epistolam sancti Iohannis ou Bxl 4820-25 : Incipit liber exhortationis beati Augustini episcopi ad quemdam comitem karissimum.

°

34

Cf. à ce sujet !'article controversé de BOUSSARD, J., Influences insulaires dans la formation de l'écriture gothique, dans Scriptorium, 5, 1951, p. 238-264. 341

Berlin, Staatsbibl. Phillipps 1772: BISCHOFF, B., Nomenclature ... , p. 13.

138

LE CONTEXTE CULTUREL

début de phrase. La fourche située à l'extrémité des hastes montantes devient très visible. Les manuscrits utilisent un peu plus d'abréviations et les deux «et» coexistent désormais avec une nette prédominance du signe tironien (p. ex. planche 47). Toutefois, le « e » cédillé apparaît encore, mais de façon erratique (p. ex. planche 42). Le pied de mouche n'est pas encore utilisé pour mettre en vedette les titres ou les rubriques, si ce n'est dans les Opuscules de Bernard, un manuscrit quelque peu hybride. Dans cette deuxième phase de production se détache un groupe de manuscrits « à treillis ». L'utilisation caractéristique de treillis dans l'écriture diplomatique de nos régions (notamment dans le diocèse de Liège) ne permet pas de délimiter clairement des groupes de manuscrits. Ces «treillis» ne sont pas homogènes ; ils apparaissent progressivement : encore timides dans le Bxl. II 928 apparenté du point de vue de la décoration, de l'écriture et de la mise en page au Bxl. II 924 (où l'ex-libris est contemporain de la copie), il s'affirme dans le manuscrit des Confessions d'Augustin (Bxl. 4699703, planche 30) et dans les rubriques du ms. de Paterius, le Bxl. 20026-27 342 . Toutefois ces treillis « souples » sont encore antérieurs aux treillis «cassés » du Bxl. II 938 (planche 49). Dans un dernier temps de l'histoire du scriptorium de Villers (planches 60-66), la brisure des lettres atteint son apogée, de telle sorte qu'on peut qualifier l'écriture de textualis. Le caractère anguleux et allongé des minuscules des premières années du 13e siècle s'est maintenant étendu à toutes les majuscules, la fourche à l'extrémité des hastes montantes tend à s'écarter encore, on ne trouve quasiment plus de perluettes ni de « e » cédillés, les abréviations plus communes au 13e siècle comme le «; » pour le est sont maintenant intégrées et le pied de mouche est connu (planches en couleur 7 ab et 8, à partir du ms. Bruxelles, B.R. 20030-32, Flores Paradisi B343 ). 342

Voir les treillis dans les hastes allongées et ligatures de tous les titres : In expositione beati lob libro ... , et trois exemples au début de la Genèse, des Proverbes et du Cantique: f. 2v : In nomine sancte trinitatis. Incipit liber teilimoniorum ueteris testamenti quem Paterius de opusculis sancti Gregorii pape Rome cuius summo iludio excerpere curauit. Incipiunt capitula. Libri Genesi!i_., f. 94v : Incipiunt teilimonia prouerbiorum Salomoni!i_. ln codice regule pailoralis titulo XXXV, f. lülr : Incipium teilimonia de cantici!i_ canticorum. En outre, chaque« a »du supra rubriqué au début d'une citation de Grégoire donne lieu à un treillis adventice. 343 Voir p. ex. f. 156 dans les Flores Paradisi B.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTOR!UM

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ill. LE REPÈRE THÉORIQUE DE L'ÉCRITURE DIPLOMATIQUE ET LA QUESTION D'UNE« CHANCELLERIE»

L'écriture diplomatique peut-elle être un repère de datation dans le cas qui m'occupe ? La question méritait d'être posée, compte tenu des possibles influences d'une écriture sur l'autre. Un cas exemplaire de contamination de l'écriture livresque et de l'écriture diplomatique a été mis en lumière par J. Stiennon à propos de la production manuscrite de l'abbaye de Saint-Trond et par G. Despy à propos du Psautier-Hymnaire de Waulsort344 . Il existe des cas où un copiste au sein d'une institution se chargeait autant de transcrire des actes que de copier des manuscrits : M.C. Garand a sorti de l'oubli un certain Géraud, à Cluny, au 11 e siècle345 ; F. Gasparri a fait de même pour le chanoine G. de Saint-Victor au siècle suivant3 46 . Une réserve d'importance se dégage de ces examens particuliers : ces études ont été possibles dans le cas de contaminations, quand un même manuscrit offrait des transcriptions alternées en écriture diplomatique et en écriture livresque. Ce n'est pas le cas à Villers. Il existe un ou des copistes/rubricateurs qui ornent les hastes de « treillis » qu'on pourrait croire inspirés de l'écriture diplomatique 347 . ' contemporame . c epend ant, ces tre1·11·1s ne sont pas h omogenes dans les manuscrits et d'autres éléments de l'écriture diplomatique n'apparaissent pas, alors qu'on les trouve, par exemple, dans le diocèse de Liège (notamment la forme des « g » ou des formes en

xr

344

STIENNON, J., L'écriture diplomatique dans le diocèse de Liège du au milieu du XIIr siècle. Reflets d'une civilisation, Paris, 1960 p. 260-261 ou DESPY, G., Le scriptorium de l'abbaye de Waulsort au siècle: la provenance du PsautierHymnaire Munich Bayer. Staatsbibl. 13067, dans Le Moyen Age, 59, 1953, p. 87115.

xr

345

GARAND, M.C., 'Giraldus levita' copiste de chartes et de livres à Cluny sous l'abbatiat de saint Odilon (mort en 1049), dans Calames et Cahiers. Mélanges de codicologie et de paléograpie offerts à L. GILISSEN, éd. LEMAIRE, J. - V AN BALBERGHE, E., Bruxelles, 1985, p. 41-48 (Les publications de Scriptorium, 9). 346

GASPARRI, F., Le 'scribe G' archiviste et bibliothécaire de l'abbaye de SaintVictor de Paris au Xlr siècle, dans Scriptorium, 37, 1983, p. 92-98. 347

Il faudrait plus exactement parler de zigzag. Toutefois, le treillis des manuscrits de Villers correspond à la définition de STIENNON, J., L'écriture diplomatique .. ., p. 53 : «il n'y a treillis proprement dit que lorsque l'entrelacs se compose de deux segments au moins de deux boucles».

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LE CONTEXTE CULTUREL

«-us») 348 . Il s'agit ici d'évaluer les influences d'une écriture sur l'autre, et, compte tenu de la modernité des écritures diplomatiques 349 , ce type de comparaison est aléatoire. À Villers, il s'est trouvé des moines capables d'écrire des chartes, mais a-t-il existé avant 1250 une «chancelleri e » - « service capable de délivrer des chartes pour autrui » - ou du moins un bureau d'écriture structuré autour d'un maître 350 ? Le dossier des chartes de Villers présente des problèmes particuliers. Pour valider l'hypothèse, il faudrait s'assurer que la scriptio des originaux conservés a été effectuée par un moine de Villers 351 ; des critères précis de sélection des documents s'imposent.

À partir du cas précis de la chancellerie épiscopale d'Arras, B .M. Tock présente différentes méthodes pour savoir si un acte a été élaboré par la chancellerie ou par les impétrants : elles concernent premièrement le dictamen et la scriptio, deuxièmement le dictamen seul et troisièmement la scriptio seule352 . Pour Villers, la documentation se présente comme suit. Les chartes du 12e siècle ont été éditées par le Père De Moreau353 et pour la période suivante, on dispose de l'inventaire de G. Despy. J'ai 348 Voir Ibidem, partie liminaire intitulée « Identification des caractéristiques 'liégeoises' ». 349

Cf. Ibidem, p. 260.

350

J'emprunte cette expression à B.M. Tock. J'ai retenu de diverses discussions avec lui plusieurs idées. Qu'il soit remercié de ces échanges. Sur les précautions à prendre lorsqu'on parle de «chancellerie» , voir TOCK, B.M., Une chancellerie épiscopale .. ., p. 4-5. 351

Il est à noter que cette problématique qui rapporte la scriptio des actes aux productions livresques du scriptorium n'a pas été traitée telle quelle pour le cas d'une abbaye cistercienne. On trouvera des notes intéressantes dans STIENNON, J., L'écriture diplomatique .. ., passim. La documentation, riche et datée, apportée par F. Gasparri pour Grandselve (« Scriptores »et notaires dans les chartes de l'abbaye de Grandselve au XIf siècle, dans Miscellanea codicologica F. Masai dicata MCMLXXIX, éd. COCKSHAW, P. - GARAND, M.C. - JODOGNE, P., vol. 1, Gent, 1979, p. 249-253) ne peut éclairer l'évolution de l'écriture livresque dont on ne garde plus d'exemple. Cette lacune historiographique étonne, puisqu'il existe plusieurs cas, comme à l'abbaye des Dunes, où sont préservés à la fois le chartrier et les livres de la bibliothèque. 352 ID., Auteur ou impétrant ? Réflexions sur les chartes des évêques d'Arras au XIf siècle, dans Bibliothèque de l'école des chartes, 149, 1991, p. 215-248.

"' DE MüRbAU, E., Chartes du XIf siècle de l'abbaye de Villers-en-Brabant, Louvain, 1905.

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complété cette documentation par la consultation du « Nouveau W auters » informatisé par le Cetedoc, par quelques références présentes dans le Monasticon belge, mais également par des documents inédits. Il s'agit des documents conservés aux Archives de l' Archevêché de Malines : chartes disponibles dans le cartulaire de Fleppe et dans la transcription de T. Ploegarts antérieure à 1914 du petit cartulaire de la Neuve Cour354 . J'ai également pu consulter, grâce à O. Henrivaux, les chartes originales de Villers datant du 13e siècle, longtemps restées en souffrance aux Archives générales du Royaume 355 . IIIa. Les méthodes concernant le dictamen et la scriptio Si l'on rapporte au corpus de chartes de Villers les différents points envisagés par B.M. Tock pour le dictamen et la scriptio, les éléments à examiner sont la nature des intervenants et, de façon très marginale, les listes de témoins. a) La nature des intervenants Catégorie 1 : Les actes élaborés à Villers Certaines chartes peuvent a priori être attribuées au bureau d'écriture de Villers. Il s'agit d'abord des documents où l'abbaye de Villers est seule auteur, disposant et bénéficiaire356 ( 4 actes dont 2 originaux357 ), seule auteur et disposant (5 actes) ou seule auteur et 354

Voir les références aux cotes d'archives et la présentation des documents de Malines dans HENRIVAUX, O., Inventaire analytique des archives de l'abbaye de Villers à l'archevêché de Malines-Bruxelles, Villers, 1996, p. 121 (Fleppe) et p. l05125 (cartulaire perdu de la Neuve-Cour, mais transcrit par T. Ploegarts avant 1914). 355 HENRIVAUX, O., Inventaire analytique ... , p. 121, 125, 137-146. Que l'auteur trouve ici la marque de ma reconnaissance. 356 Dans les références qui suivent, le disposant est signalé lorsqu'il ne s'agit pas de !'auteur de !'acte. 357

Acte de Guillaume, abbé de Villers en 1190. Original: A.G.R. A.E.B. collection Reusens n°5. Éd. DE MOREAU, E., Chartes ... , p. 60-61, n°38. Reg.: DESPY, G., Inventaire des archives de l'abbaye de Villers ... , n°28. Sur le sceau (A.G.R., Coll. sig. 34084), voir SCUFFLAIRE, A., Un sceau d'abbé de Villers en Brabant (1190), dans Archives et Bibliothèques de Belgique, 1961, p. 193-196. *Acte de mars 1236. Original: A.G.R. A.E.B. l0965/13. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°129. Cet acte où Hugues, moine de Villers, intervient dans une affaire où Villers semble être juge et partie, pose des problèmes : Hugues, n'ayant pas de sceau, demande celui de l'official de Liège (original conservé).

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bénéficiaire (4 actes), ensuite, d'interventions extérieures où Villers apparaît comme seul arbitre ou auteur (2 actes). Catégorie 2 : Les actes peut-être élaborés à Villers Une deuxième catégorie regroupe les actes à responsabilité partagée, où Villers apparaît avec d'autres comme auteur-disposantbénéficiaire (15 actes dont 2 originaux 358 ), comme auteur et disposant (8 actes dont 1 originai359), comme auteur et bénéficiaire (7 actes) ou comme auteur (13 actes dont 1 origina1360). Dans cette catégorie, il conviendrait sans doute d'ajouter 55 actes (IO originaux) où Villers est seulement bénéficiaire, mais où on n'attend pas de l'auteur le travail d'élaboration d'un acte. Cette catégorie regroupe les actes dont l'auteur est noble sans être prince (28 actes dont 3 originaux 361 ) ou plus simplement un particulier, dont le statut est ou non spécifié (28 actes dont 8 originaux 362).

358 Accord de 1153 entre les abbés Gérard d'Hey!issem et Odelin de Villers. Original: Bruxelles, A.G.R. A.E.B. 8292/5. L'original conservé est la partie du chirographe d'Heylissem. La partie de Villers, autrefois à Malines, a encore été consultée par l'auteur du Monasticon en 1967 (voir SCUFFLAIRE, A., Un sceau ... et REUSENS, E., Eléments de paléographie .. ., p. 226-227, Planche xxx): Éd. DE MOREAU, E., Chartes .. ., p.75-79, n.47. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°3. L'autre original est un arbitrage (en février 1226) de Baudouin moine de Villers et du chevalier André d'Upigny en faveur de Villers, conservé à Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.6. Reg.: HENRIVAUX, 0., Inventaire ... , p. 144. 359 Acte de 1181 entre Odalricus, abbé de Villers et le chapitre de Borgloon. Original: Hasselt, RA Loon, c'est-à-dire la partie du chirographe de Borgloon. Éd. DE MOREAU, E., Chartes .. ., p.48-49, n°29. Sur la datation entre juillet 1180 et octobre 1181, voir Ibidem et GRAUWELS, J., Inventaris van het archief van het kapittel Borgloon, Bruxelles, 1971, p. 13, n°5. 360 Acte d'août 1242 des abbés de Villers et d' Aulne au bénéfice d'Herckenrode. Original dans le chartrier d'Herckenrode. Analyse: KEMPENEERS, A., L'ancienne franchise de Montenaken et l'illustrefamille de Montenaeken, vol. 1, Louvain, 1861, p. 68. Voir aussi la description de deux sceaux très frustes dans DE RIDDER, C.B., Documents relatifs à l'abbaye d 'Herckenrode, dans Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, 16, 1878, p. 221-313 (ici, p. 240-241). 361 *Acte de Godefroid de Perwez d'août 1224. Original: Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.4. Éd. DE RIDDER, C.B., Documents concernant Thorembais-lesBéguines, dans Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, li, 1874, p. 216-220 (ici, p. 218). Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°70; HENRIVAUX, 0., Inventaire .. ., p. 143. *Acte de 1217 de Lutgarde de Breda et son fils ; le disposant est le noble Jean de Mere. Original: Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.4.4.1. Éd. GOETSCHALCKX, P.J., Bijdragen tot de geschiedenis bijzanderlijk van het aloude hertogdom Brabant, l, 1902, p. 114. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°53 et

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Catégorie 3 : Les actes élaborés pour Villers Dans cette catégorie, j'ai regroupé 161 documents, dont 16 originaux, où la responsibilité de l'acte échappe à Villers et où l'origine de la scriptio dépend donc étroitement de la capacité de l'auteur à entretenir une « chancellerie » ou un bureau d'écriture structuré. A priori, on pourrait penser que la majorité des actes où Villers est seulement disposant-bénéficiaire ou bénéficiaire ont été écrits par le personnage ou l'institution qui émet l'acte, sauf dans les cas prévus dans la catégorie précédente. En réalité, pour tous les cas qui suivent, seule une comparaison entre l' écriture de ces actes et d'autres, contemporains, émis par la même autorité, permettrait de vider la question. Il s'agit d'abord des cas où Villers est disposant et bénéficiaire avec au moins une autre personne ou institution et où l'auteur

HENRIVAUX, O., Inventaire ... , p. 161. *Acte de septembre 1227 du seigneur Godefroid de Breda ; disposant : le noble Jean de Mere. Original : A.G.R. A.E.B. 10965/5-8. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°89. 362 *Acte de 1221 d'Oda II abbesse de La Cambre; disposant-bénéficiaire: Villers et la fille du noble Gérard de Hoegaerde. Original : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. IIl.2.5.2. Éd. REUSENS, E., Eléments de paléographie .. ., p. 263 (+ facs.). Reg. : HENRIVAUX, O., Inventaire ... , p. 142. *Acte de sept. 1227 du prêtre de Schooten. Original : A.G.R. A.E.B. 10965/5-8. Éd. GOETSCHALCKX, P.J., Bijdragen tot de geschiedenis bijzanderlijk van het aloude hertogdom Brabant, 1, 1902, p. 116-117. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°87. *Acte de janvier 1236 de Gilles Berthout. Original: A.G.R. A.E.B. 10965/12. Analyse : GOETSTOUWERS, A., De oorkonden der abdij Rozendael, Tongerlo, 1956, 1, p. 15, 203, 393. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°128. *Acte de mai 1247 de Gilles, curé de Ways, arbitre d'un conflit entre lui et le curé de Thorembais-Saint-Martin. Original : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.9. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°177 et HENRIVAUX, 0., Inventaire ... , p. 144. *Acte de 1214 du prêtre A. de N. de Namur; disposant: Baudouin, chevalier de Waret. Original: Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.1. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°47. *Acte de 1221 du doyen F. et des prêtres du doyenné de Hanret; disposant: André et ses consanguins. Original : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.3. Reg.: HENRIVAUX, O., Inventaire ... , p. 143. *Acte d'octobre 1227 du doyen F. du concile d'Hanret ; disposant : Boxard de Rion. Original : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. IIl.2.5.7. Reg.: HENRIVAUX, O., Inventaire ... , p. 144. *Acte de juillet 1228 du seigneur Gilles de Breda ; disposant : le noble Jean de Mere. Original : A.G.R. A.E.B. 10965/10. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°94. *Acte d'août 1231 des échevins d'Anvers; disposant: Henri I duc de Brabant. Original : A.G.R. A.E.B. 10965/11. Éd. GOETSCHALKX, P.J., Bijdragen tot de geschiedenis bijzanderlijk van het aloude hertogdom Brabant, 1, 1902, p. 118. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°108.

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tranche un arbitrage, notifie ou confirme un accord ou un échange (28 actes dont 3 originaux363 ). Sept actes présentent Villers comme disposant : il s'agit d'interventions extérieures, mais où l'autorité de l'acte lui échappe au profit de l'évêque de Liège (arbitrage défavorable à Villers au bénéfice de Saint-Hubert en 1153 364), du comte de Flandre, de Gueldre, de Dagsburg ou du légat apostolique dans trois actes (1231, 1232, 1238) où Villers est intervenu comme arbitre dans un conflit entre l'évêque de Liège et le chapitre Saint-Lambert3 65 . Aucun, parmi ces sept actes, n'est conservé en original. Un grand nombre d'actes concernent Villers comme bénéficiaire. C'est le cas des privilèges (57 actes, répartis comme suit: 49 bulles, 2 actes du Comté Namur dont l'original de 1184366 , 4 actes du Duché de Brabant et 2 actes du Duché de Limbourg), mais aussi des acquisitions de terres ou maisons, droits, dîmes ou cens et rentes. Eu égard aux originaux conservés, cela concerne les institutions suivantes : évêché de Liège (2 originaux367 ) ; évêché de Cambrai (2 363

*Acte d'août 1153; auteur: Cîteaux et Prémontré; disposant-bénéficiaire: Villers et Saint-Peuillien. Original: Tournai, A Cathédrale. L'original conservé est la partie du chirographe de Saint-Feuillien (voir WYMANS, G., Inventaire des archives de l'abbaye de S. Feuillien du Roeulx, Bruxelles, 1975, p.118-119, n°23). Éd.: DE MOREAU, E., Chartes .. ., p.12-14, n°6. *Acte de 1177 ; auteur Bruno, archidiacre de Saint-Pierre à Cologne; disposant-bénéficiaire: Villers et Heylissem. Original: A.G.R. A.E.B. 8292/22, c'est-à-dire la partie du chirographe d'Heylissem. La partie de Villers, autrefois à Malines, semble être perdue. Éd. REUSENS, E., Documents relatifs à l'abbaye d'Heylissem, dans Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, 24, 1893, p. 182-240 (224-226), n°27. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°10. *Acte de mars 1209, dont l'auteur est Henri 1, duc de Brabant et le disposantbénéficiaire Villers et Godefroid de Schooten. Original: A.G.R., A.E.B. 10965/4. Éd. : GOETSCHALCKX, P.J., Bijdragen tot de geschiedenis bijzonderlijk van het aloude hertogdom Brabant, 1, 1902, p. 13-15. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°40. 364

KURTH, G., Les chartes de Saint-Hubert, p. 577-578.

365

BORMANS, S. - SCHOOLMEESTERS, E., Cartulaire del' église Saint-Lambert de Liège, l, Bruxelles, 1893, p. 286, 296 et 402. 366 Original: Namur, A.E. Comté. Éd. DE MOREAU, E., Chartes ... , p. 53-54, n°34; ROUSSEAU, F., Actes des Comtes de Namur, p. 58-59, n°26. 367 *Acte de 1153 de 1 'évêque Henri II; disposant: Gauthier de Marbais et sa mère Judith. Original: cf. DESPY, G., La.fondation de l'abbaye de Villers, dans Archives, Bibliothèques et Musées de Belgique, 28, 7, 1957, p. 15-17. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°2. *Acte de septembre 1237 de l'évêque Jean, dont le disposant est Baudouin, comte et marquis de Namur. Original: A.G.R. A.E.B. 10965114. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°132.

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368 ) 369 ) . . . . ongmaux ; duc h e' de B rab ant (4 ongmaux ; comte' de N amur 370 371 (1 vidimus ) ; comté de Looz (2 originaux ).

Au moins pour les cas où il y a identité entre auteur et diposant, il y a peu de doutes que les chartes épiscopales de Liège et de Cambrai aient été écrites en chancellerie372 . Je tiendrais aussi cette pratique comme probable en ce qui concerne les chancelleries princières. Bien des cas permettraient cependant de réévaluer le rôle des destinataires dans l'élaboration de l'acte; cela, même au 13e siècle, lorsque l'historien conserve davantage de traces de chancelleries organisées en Brabant et en Namurois. Si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, il me semble logique de voir dans l'évêque ou dans le

368 *Acte de 1153 de l'évêque Nicolas 1; disposant: Hugues le Pauvre et le frère Gillardus. Original: Tournai A. Cathédrale Le Roeulx (Saint-Feuillien) 17. Éd. DE MOREAU, E., Chartes ... , p.11-12, n. 5. Reg. : WYMANS, G., Inventaire des archives de l'abbaye de S. Feuillien du Roeulx ... , p. 118, n°22. *Acte d'octobre 1227 de l'évêque G. ; disposant: les curés de Schooten et Merxem. Original : A.G.R. A.E.B. 10965/5-8. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°90. 369 *Acte de 1205 d'Henri 1 et son épouse Mathilde. Original: A.G.R. A.E.B. 10965/2. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°35. *Acte de 1160 ou 1161 de Godefroid III; disposant Angilbert de Schooten. Original: A.G.R. A.E.B. 10965/1. Éd. DE MOREAU, E., Chartes ... , p. 20-21, n°10 (datation de l'acte p. 20) ; VERKOOREN, A., Inventaire des chartes et cartulaires des duchés de Brabant et de Limbourg et des Pays d'Outre-Meuse, 211, Bruxelles, 1912, p. 19 et COENEN, J., Limburgische oorkonden, Maaseik, 1, 1932, p. 186, n°446. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°6. *Acte d'août 1224 d'Henri; disposant: Godefroid de Perwez. Original: Mechelen, Aartsbisd. Bibl. 111.2.5.5. Éd. DE RIDDER, C.B., Documents concernant Thorembaisles-Béguines, dans Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, 11, p. 216-220 (217-218). Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°7l et HENRIVAUX, 0., Inventaire ... p. 143. *Acte de mai 1228 d'Henri; disposant: Louis, chevalier de Diepenbeek. Original: A.G.R. A.E.B. 10965/9. Éd.: voir PAQUAY, J. - VAN SWYGENHOVEN, Chartes et documents concernant la paroisse de Diepenbeek, dans Bulletin de la société scientifique et littéraire du Limbourg, 28, 1928, p. 128-200. Reg.: DESPY, G., Inventaire, n°93. 370

Acte d'avril 1237 de Baudouin de Courtenay ; bénéficiaire : Villers et Grandpré. Vidimus dans A.G.R. A.E.B. 10965114. Éd.: F!SEN, B., Flores ecclesiae Leodiensis, Lille, 1647, p. 333. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°131. 371

Acte de 1175 d'Agnès. Original : Hasselt, RA Loon. Éd. DE MOREAU E., Chartes, p. 23-25, n°12. Reg. : COENEN, J., Limburgische oorkonden, l, Maaseik, 1932, p.207-208, n°512 et GRAUWELS, J., Inventaris van het archiefvan het kapittel Borgloon ... , p. 12, n°3. *Acte daté entre 1221 et 1227 de Louis; disposant: Elbert Gewere. Original: A.G.R. A.E.B. 10965/3. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°86. 372

Voir DESPY, G., Les chartes de l'abbaye de Waulsort, étude diplomatique et édition critique, 1 (946-1199), Bruxelles, 1957, p. 277-278 et GENICOT, L., Les actes publics ... , p. 23. Toutefois B.M. Tock émet des doutes à ce sujet.

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LE CONTEXTE CULTUREL

prince l' élaborateur de l'acte, même quand le disposant est un noble, un vassal ou particulier peu susceptible d'élaborer des actes. Le cas où l'auteur est un chapitre (1 original373 ) reste en suspens. b) Les listes de témoins On ne possède aucune souscnpt10n de chancellerie(s) dans les chartes de Villers. Toutefois, certaines personnes de la chancellerie interviennent à l'occasion de la corroboration. Le dossier des notaires des ducs de Brabant, établi par E. Reusens (Chancelleries), doit être augmenté, au vu des chartes de Villers, de deux témoignages de 1186 (Amulphus notarius ducis 374 , nom qui cadre avec deux chartes de 1184 et 1185) et de 1200 (Renerus notarius ducis3 75 , nom qui cadre avec 5 autres chartes de 1200). Dans le privilège de 1184376 est aussi cité, parmi les témoins, Robert chapelain du comte de Namur (nom qui cadre avec une autre charte de 1184 citée par E. Reusens : actum per manus Roberti notarii mei en 1184). Dans la mesure où je reconnais par principe à la chancellerie du prince l'élaboration des actes où celui-ci intervient comme auteur, l'apparition du notaire ducal dans la liste de témoins - au demeurant erratique dans le corpus - n'apporte rien à la question fondamentale de savoir s'il existait à Villers un bureau d'écriture structuré. Dans le dossier de Villers, il est clair que les témoins interviennent pour l'essentiel dans des chartes dont je n'attribue pas l'élaboration à l'abbaye de Villers. Selon les époques, ils apparaissent dans les actes en plus ou moins grand nombre : proportionnellement davantage dans la seconde moitié du 12e siècle que dans la première moitié du 13e siècle. Tout se passe comme si les actes qui concernent la gestion intérieure ne nécessitaient pas ces listes. Les moines cités sont surtout le prieur et le cellérier ; une seule 373

Acte de sept. 1228 du maître H. du chapitre Saint-Denis de Liège. Original : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.8. Reg. : DESPY, G., Inventaire, n°97 et HENRIVAUX, 0., Inventaire ... , p. 144. 374 Cartulaire de la Neuve-Cour, perdu, transcription de Ploegaerts au f. 9r (voir p. 141). Le document est qualifié: Actum in domo de Wra (?). Ploegaerts n'a pu lire mieux. 375 376

DE MOREAU, E., Chartes .. ., p.81-86, n°50. Éd. DESPY, G., Inventaire, n°33. Voir supra, p. 144.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

147

fois, en 1222, le chantre Giselbert377 . Ceci ne va pas dans le sens d'une centralisation des offices de bibliothécaire et de la personne qui était chargée d'établir les actes dans l'abbaye.

lllb. Les méthodes concernant le dictamen seul Est-il envisageable de comparer les formules dans un corpus aussi disparate ? Il arrive que deux actes puissent être rapprochés en fonction de formulations semblables. C'est le cas de deux actes de 1190378 où Villers intervient comme auteur, disposant et bénéficiaire : hoc ut perpetua stabilitate firmetur presentem paginam sigilli nostri impressione et testium subscriptione communimus et hoc ut stabile perseueret presentem paginam cyrographi partitione sigilli nostri impressione et testium subscriptione munimus. Il en va de même dans les actes de Malines de 1221 (Mechelen, 111.2.5.3) et 1227 (Mechelen, 111.2.5.7), où l'auteur est constitué par le doyen et les prêtres du doyenné de Hanret, le disposant est un particulier et le bénéficiaire est l'abbaye de Villers: ut autem hoc stabile robur obtineant presentem cartulam sigilli nostri impressione fecimus communiri et ut hoc stabile permaneat presentem paginam sigillo nostro durimus roborandam 379 . Le travail qui devrait être mené sur la permanence de formules au sein d'un bureau d'écriture à Villers est rendu difficile par l'absence d'instruments de comparaison tel que le « Dictionnaire du Latin Médiéval Diplomatique » (maintenant disponible sur CD-ROM jusque l'an 1200) et n'offre pas de garantie de résultats concrets. IIIe. Les méthodes concernant la scriptio seule Le petit nombre d'originaux conservés ne permet pas de comparer l'écriture diplomatique et l'écriture livresque, encore moins de constater l'influence de la première sur la seconde. Dans la première catégorie rassemblant des. actes sûrement écrits à Villers, je n'ai retrouvé que deux originaux fort distants

377

Voir infra, p. 64.

378

DE MOREAU, E.,

Chartes ... , p. 59-60, n°37-38 et DESPY, G., Inventaire, n°27-

28. 379

Voir supra, p. 142 (catégorie d'actes peut-être élaborés à Villers).

148

LE CONTEXTE CULTUREL

chronologiquement: 1190 et 1236380 . La seconde catégorie ne reprend que des actes du 13e siècle, datés respectivement de 1214, 1217, 1221, 1224, 1226, 1227 (2 actes), 1228, 1231, 1236, 1242, 124i81 . Dans un cas au moins, la localisation de la scriptio ne s'accorde pas aux catégories. Les archives de l'archévêché de Malines conservent deux chartes jumelles copiées en 1224. Dans l'une, Godefroid de Perwez affirme renoncer à ses revendications sur l'alleu de Thorembais-Coquéamont-Glatigny3 82 ; dans l'autre, le duc de Brabant confirme cette disposition de Godefroid383 . Les deux chartes sont jumelles, autant par le dictamen que par la scriptio. Selon la classification fondée sur la nature des intervenants, l'acte d'Henri I serait élaboré par la chancellerie ducale, l'acte de Godefroid serait susceptible d'avoir été dressé à l'abbaye. Deux coïncidences sont troublantes. Il s'agit de la présence de la formule Actum Villari in capella sancti Mychaelis dans les deux actes de 1224 et de la similitude de l'écriture de ces deux actes avec celle de deux documents de 1221 : celui d' Oda, abbesse de La Cambre où l'abbaye de Villers est disposant et bénéficiaire384 et celui du doyenné d'Hanret cité plus haut385 . Ces quatre actes, datés de 1221 et 1224 sont dus à la main d ' un même copiste, ou à celle d' un disciple, ce qui indique que le lieu de la scriptio est bien l'atelier de Villers. Ce constat ne peut être dressé dans aucun autre cas. Il est regrettable qu'on ne retrouve le décor caractéristique des hampes, ou les signes abréviatifs (présentés ici à partir de la première ligne du Mechelen III.2.5.3 émis par le doyenné d'Hanret) dans aucune production livresque de Villers.

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4.

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Planche 2: Mechelen, Aartsbisd . Bibl. 111.2.5.3, daté de 1221

380

Voir supra, p. 141 (catégorie d'actes élaborés à Villers). Voir supra, p. 142 (catégorie d'actes peut-être élaborés à Villers). 382 Voir supra, p. 142 (Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.4). 381

383 384

385

Voir supra, p. 145 (Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.5). Voir supra, p. 143 (Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.2). Voir supra, p. 143 (Mechelen, Aartsbisd. Bibl. III.2.5.3).

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORlUM

149

On constate immédiatement que les zigzags des manuscrits (ci-contre illustrés par le Bxl. 4699-03, f. 3v386) se distinguent fortement de l'écriture du moine diplomatiste, ou de son disciple, responsable des quatres actes de 1221-1224 (planche 2). En définitive, je n'ai dégagé qu' un seul lien intéressant entre les écritures des originaux conservés et les productions du scriptorium. Le copiste du Bxl. II 938 a une manière très particulière de casser ses treillis qui est identique à celle de la main qui transcrit l'acte de 1217 (Mechelen, III.4.4.1) 387 . Dans ce dernier, la scriptio a dû être réalisée à Villers, puisque Lutgarde de Breda et son fils ne disposaient sans doute pas d' un calligraphe suffisamment formé. Les illustrations suivantes montrent qu'il s'agit d'un même copiste. Pointons le treillis, dont le ductus en deux étapes est caractéristique et le et tironien:

Planche 3 a et b : Bruxelles, B.R. Il 938, f. 130r

Planche 3c : Mechelen, Aartsbisd. Bibl. 111.4.4.1 daté de 1217

Dans les originaux de Villers postérieurs aux années 1230, l'écriture devient usuelle ou fonctionnelle. Elle ne s'embarasse plus des traits superflus de la «diplomatique», mais n'entretient plus de lien avec l'écriture livresque calligraphique. C'est ainsi plus d'un tiers des originaux conservés qui se dérobent à la comparaison. Doit-on s'étonner de ces maigres résultats ? La meilleure piste est celle de la particularité d'un copiste, des tics d'écriture qui unissent, comme dans le cas présenté ci-dessus, le copiste du document de

386

Voir supra, p. 138 et planche 30.

387

Voir supra, p. 142.

150

LE CONTEXTE CULTUREL

1217 et celui du manuscrit Bxl. II 938. Pour le reste, l'écriture diplomatique, qui requiert de grandes unités de réglure pour les treillis, les signes d'abréviation et les hampes exagérément allongées, n'est transposable dans l'écriture livresque qu'en première ligne, ce qui réduit considérablement les possibilités de comparaison.

En fonction des éléments en ma possession, la question de l'existence d'un bureau d'écriture organisé à Villers n'a pas trouvé de réponse définitive, car le nombre d'originaux susceptibles d'y avoir été copiés est bien trop réduit pour pouvoir établir d'autres parallélismes ou repérer des constantes. Il semble même que l'examen des écritures apporte une certaine confusion dans les catégories développées à partir de la nature des intervenants. En conséquence, les comparaisons avec les productions livresques de l'abbaye ne peuvent révèler mieux que des similarités ponctuelles qui sont des preuves que les moines de Villers écrivaient des chartes à l'occasion. Ainsi la manière de casser le treillis permet de situer le Bxl. II 938 à une date contemporaine de l'acte de 1217.

IV

CONCLUSION

Une analyse fondée sur l'écriture situe Villers au sein d'une évolution qui s'étend de la littera praetextualis, minuscule gothique primitive de la fin du 12e siècle, jusqu'à une littera textualis achevée qui marque - avec les Flores Paradisi B (Bxl. 20030-32) au milieu du 13e siècle - les dernières productions « en série » du scriptorium de Villers. Le paléographe averti n'aura pas trouvé dans cette perspective globale d'éléments novateurs, en l'absence d'une analyse microscopique des détails infimes qui permettent parfois d'individualiser l'écriture d'un scribe. On connaît tous les phénomènes qui rendent les résultats de cette étude minutieuse fragile : la personnalité du scribe, le caractère et la fonction du texte à transcrire, l'équipement et le matériel dont trois générations au moins de copistes ont disposé entre la fin du 12e siècle et le milieu du 13e siècle. Les ressemblances entre plusieurs mains peuvent être trouvées à Villers comme ailleurs. Je reviendrai à l'occasion sur des ressemblances d'écriture marquées entre certaines productions du

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCR/PTORIUM

151

scriptorium de Villers 388 , mais il me semble impossible, en tout cas prématuré, de distinguer, voire de «dater», les mains qui travaillèrent anonymement dans l'atelier brabançon depuis la fin du 12e siècle jusqu'au milieu du siècle suivant. Toutefois, en l'absence de souscriptions et sans le repère de l'écriture diplomatique, on ne pourra jamais jalonner de repères chronologiques les éventuels sousgroupes de copistes. Déjà pour l'écriture diplomatique, lorsque les documents sont bornés par des dates et que la nature et la fonction du texte est identique, le paléographe n'est pas toujours sûr de distinguer une écriture individuelle au sein d'une école de calligraphie. La tâche est plus ardue pour le scriptorium de Villers où, à l'instar d'autres fonds anciens cisterciens ou chartreux, on récolte moins d'identités que de parentés entre les écritures. Dans le cas des scriptoria cisterciens, une étude telle que celle de D. Frioli pour Alderbach met à l'épreuve le talent du paléographe bien plus qu'elle ne met à jour des résultats objectivement contrôlables.

B. LES MÉTHODES PORTANT SUR LA DÉCORATION Les productions de Villers depuis les origines du scriptorium jusqu'au milieu du 13e siècle se situent dans le contexte de la transition de la minuscule caroline à la minuscule gothique. Du point de vue de la décoration, la transition se marque d'une part par le passage de la monochromie vers la polychromie et d'autre part d'un décor géométrique ou à palmettes enfermé dans le champ de la lettre, vers une «lettre à filigrane »ou «fleuronnée».

1. LA MONOCHROMIE ET LE DÉCOR DANS LE CHAMP DELA LETTRE

la. Le groupe des manuscrits « à lettres ornées »

Y. Zalilska a résumé de maîtresse façon l'esprit du célèbre statut dit «de 1134 » : Litterae unius coloris fiant et non depictae. Il y avait sans doute une latitude entre une interprétation dure (« On ne fera pas de lettres ornées, mais seulement des initiales de couleurs et celles-ci seront d'une seule couleur») et une interprétation plus 388

Voir entre autres, p. 155 et 167.

152

LE CONTEXTE CULTUREL

libérale («Les lettres ornées seront peintes d'une seule couleur et ne comporteront pas de décor animé » ). En somme, le statut cistercien tente d'imposer une lettre ornée, qui ne soit plus «le réceptacle de toutes sortes de motifs végétaux, animaliers, anthropomorph es ou hybrides, statiques ou en action », mais au contraire qui soit un agrandissement ou une réélaboration de la lettre secondaire à l'aide formes végétales ou abstraites. Ces initiales sont issues de la capitale classique, ici monochrome, le plus souvent rouge, mais aussi orangée ou verte 389 . Le style monochrome à Villers, Aulne et Cambron a été mis en valeur par l'exposition de 1990 à la Bibliothèque Royale de Bruxelles. Th. Glorieux-De Gand a repris à son compte la conception de la lettre ornée cistercienne comme résultat d'un agrandissement du décor secondaire 390 . Plusieurs manuscrits de Villers, exposés à Bruxelles en 1990, s'inscrivent sûrement dans cette première époque de production, qu'il faut situer encore au 12e siècle. Ce groupe de manuscrits « à lettres ornées » compte l' Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, le volume des Moralia, la seconde partie du Commentaire sur l'Évangile de Jean d'Augustin (planche Sa) et les Dialogues de Grégoire (planche 6). Les deux premiers possèdent un ex-libris contemporain de la copie, ce qui semble être une garantie pour attribuer ce groupe relativement homogène au scriptorium de Villers. Les manuscrits d'Eusèbe et d'Augustin ont une évidente parenté stylistique. Le volume des Moralia partage avec eux certaines particularités codicologiques. Tous les cinq sont construits par quaternions signés. L'utilisation des palmettes et rinceaux dans les Dialogues (planche 6) et les Moralia donne aux lettrines un aspect plus géométrique que dans les trois autres manuscrits au décor plus végétal. J'ai montré que les Collations de Cassien, au décor principal géométrique, était une production de l'atelier brabançon (planche 8a) 391 , mais sans doute à partir d'un modèle cistercien, le Troyes, B.M. 72. Cc modèle fut copié à Clairvaux peu avant 1161, quand le manuscrit fut donné à 389 Les informations relèvent de ZALUSKA, Y., L'enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XI!' siècle, Cîteaux, 1989, p. 149 sq. (Cîteaux. Studia et Documenta, 4). 390 GLORIEUX-DE GAND, T., Manuscrits cisterciens de la bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, 1990, p. 8-9. 391

Voir supra, p. 107.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

153

l'évêque Samson qui le lèguera à sa mort à l'abbaye cistercienne d'Igny. En revanche, je maintiens des doutes sur l'origine des Homélies sur les Évangiles de Grégoire. C'est le seul manuscrit du 12e siècle à posséder des motifs animaliers et anthropomorphes, essentiels en ce qu'ils forment en partie le dessin de la lettre (planche 12), sans compter d'éventuelles particularités codicologiques, la capitalisation du titre ne trouvant pas d'écho dans d'autres productions de Villers. La planche 11 des Recognitiones du Ps.-Clément fournie par le chanoine Reusens permet d'identifier un décor semblable à celui du groupe des manuscrits « à lettres ornées ». Par contre, l'utilisation du bleu et du vert dans l'ornementation d'une lettrine rouge serait inédite et j'incline à rejeter ce manuscrit hors du groupe des premières productions du scriptorium. lb. Le groupe des manuscrits à « initiales de couleur » Un certain nombre de manuscrits du dernier quart du 12e siècle ne possèdent pas de «lettres ornées», mais de simples initiales de couleur. L'enlumineur décore les initiales sobrement et évidemment d'une seule couleur. Il arrive le plus souvent qu'il peigne des initiales nues, sans appendices décoratifs. Par exemple, le Periarchon 392 ne garde qu'une décoration des lettrines réduite au minimum (planche 19). À l'exception des capitula du quatrième livre, où on observe une alternance entre le vert et le rouge, toutes les lettrines sont monochromes et rouges et sans aucune recherche stylistique. Analyser ces manuscrits sur la base de la décoration s'avère donc difficile. La date de 1186, terminus ante quem de la transcription del 'Exordium parvum (planche 26) et la Carta caritatis posterior dans la première unité codicologique du manuscrit de Malines, n'est donc pas d'une grande utilité pour l'analyse comparative, si encore il s'avérait que Villers ne soit pas seulement la destination mais également le lieu d'origine de la copie. Le problème de l'origine de la transcription des textes monastiques de base, simplement décorés, se rencontre aussi dans le

392

Photo: LEMAIRE, J., Introduction à la codicologie, Louvain-la-Neuve, 1989, pl. IV (Université catholique de Louvain. Publications de l'Institut d'Études Médiévales. Textes, Études, Congrès, 9).

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LE CONTEXTE CULTUREL

cas du manuscrit Bxl. 4797-99 I. Les initiales de la Vie de Pachôme sont monochromes et toujours rouges. Le style d'écriture, pourtant, diffère du premier groupe (planche 23). On y retrouve en outre fréquemment le « et » tironien, absent ou rare dans les premières productions de Villers. Il n' est pas impossible qu'il s'agisse d'un manuscrit datant des débuts du scriptorium de la nouvelle fondation brabançonne, compte tenu de l'irrégularité des mises en pages de cahier en cahier et du caractère trop simple voire malhabile du tracé géométrique des lettres principales393 . Plus raffinées sont les « initiales puzzle » ou «partie», c'est-à-dire dont le cadre de l'initiale est découpé comme un puzzle par un filet réservé, qui à Villers est toujours ondulé. Toutefois, puisqu' on reste, au 12e siècle, dans le cadre du style monochrome, les deux parties ainsi délimitées sont peintes dans une i:-r• ' r couleur unique (planche 21b). L'ondulation du filet et la t!"t' \ monochromie distinguent ces « initiales puzzle » de celles au décor géométrique réservé qu'on voit apparaître en Normandie et en Angleterre dès le premier quart du 12e siècle et qui seront agrémentées d'un «décor filiforme exécuté sans pleins, ni déliés » qu'on appelle « filigrane », dans les ateliers parisiens dès les années 1140394 . Plusieurs manuscrits du « groupe de manuscrits à initiales de couleur » possèdent des lettres émanchées, sans le filet en réserve, mais munies de filigranes. Le décor festonné reste encore sobre, mais il annonce incontestablement les « cascades de feuilles dentellées » de l'époque sui vante. À 393

ce

groupe

appartiennent incontestablement les

Le Bxl. II 931 , qui conserve un autre texte monastique de base (les Apophtegmes des Pères) et dont l'écriture trahit le 12e s., n'est sans doute pas originaire du scriptorium brabançon. Les lettres émanchées ne sont pas monochromes. Pour un manuscrit qui serait si précoce dans l'histoire du scriptorium, il ne semble pas concevable non plus d' admettre l'existence de représentations animalières et humaines, si petites soient-elles. Les petites initiales du texte (sur une unité de réglure) aux hastes finement terminées ne penchent pas non plus en faveur d'une origine à Villers (planche 25). 194 Pour le vocabulaire utilisé: STIRNEMANN, P., Fils de la Vierge, dans L 'initiale à filigrane parisienne 1140-1314, dans Revue de l'art, 90, 1990, p. 58-7 (ici, p. 60).

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

155

Constitutions qui forment la troisième entité codicologique du manuscrit de Malines (planche 27) qu'on peut dater d'avant 1202 (voir p. 463) et le fragment du Décret de Gratien (planche 20), si toutefois il s'avérait que ce manuscrit ait Villers pour origine. Toutes les caractéristiques de l'écriture du 12e siècle sont présentes, mais la décoration est réduite à son strict minimum. Les « E » majuscules sont fort proches du groupe de «manuscrits à lettres ornées». Ces initiales un peu mieux travaillées apparaissent aussi dans deux manuscrits importants de Villers, à savoir les Opuscules (Bxl. 482025, planche 14) et les Homélies sur les épîtres de Jean (Bxl. 483135, planche 15) d'Augustin - le second conservant un ex-libris contemporain de la copie -, dont l'écriture et la mise en page en font des « manuscrits jumeaux ». On devine dans ces manuscrits les changements qui affectent la décoration des manuscrits dans l'atelier brabançon: on abandonne, au bénéfice d'un décor qui environne la lettre, le remplissage végétal de la lettrine à l'aide de palmettes et de rinceaux (Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, Commentaire sur l'évangile de Jean d'Augustin, planche Sa) ou encore le jeu géométrique structurant les parties principales (Dialogues - planche 6 - et Moralia de Grégoire).

II. LA POLYCHROMIE ET L'INITIALE FILIGRANÉE Les deux traits principaux de la période suivante sont l'apparition d'une deuxième et d'une troisième couleur dans le décor et le débordement de celui-ci hors du champ de la lettre, de manière à former une lettre filigranée achevée. L'alternance des couleurs, 396 395 et rouge-vert , apparaît dans le corps de la surtout bleu-rouge lettre, souvent « émanchée » ou «partie», répondant au nouveau décor bichrome dans le champ de la lettre. En effet, le filet en réserve distingue désormais deux moitiés dont chacune est peinte d'une couleur différente. Le champ de la lettre, quant à lui, ne se construit plus à l'aide de palmettes et de rinceaux, mais de courbes et de contre-courbes, elles-mêmes dédoublées, d'une couleur différente, de petites vrilles ou ressorts, exécutés sans pleins ni déliés. Le fond n'est jamais peint. Dans la marge, indépendamment du corps de la

395

396

Bxl. II 924, Bxl. II 937, Bxl. 4800-01 et plus tard dans la période Bxl. II 938. Bxl. II 928, Flores Paradisi A.

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lettre, le filigrane déroule en longeant le texte une série de festons de couleur accompagnés de vrilles ou de ressorts. Ce type de décor, qualifié en France de « lettres filigranée », en Allemagne de « fleuronnée », est utilisé dans la majorité des manuscrits de la première moitié du 13e siècle. Plutôt que le qualificatif de « lame de scie» (Sageblatt-Fleuronnée)397 utilisé par les historiens de l'art allemands, je reprendrai celui de «cascade de feuilles dentellées »398 qui s'extraient à intervalles réguliers de la tige principale (ex.: ms. Bxl. 4800-01 , planche 33). La nouvelle alternance des coloris marque donc, souvent avec finesse, les pratiques décoratives du début du 13e siècle à Villers. Le manuscrit des Confessions (Bxl. 4699-703) en est le représentant le plus achevé. Le C[orifessionum] du début des Retractations est une « initiale partie » à deux couleurs bleu-vert - ailleurs dans le manuscrit, bleurouge -, tandis que le champ de la lettre reçoit un décor de vrilles, de courbes et de contre-courbes, rehaussées de vert - ailleurs dans le manuscrit rehaussées de bleu - . Les «feuilles dentellées » ne sortent pas du cadre de la lettre pour former la « cascade » qu'on remarque par exemple dans les Sermons sur le Cantique de Bernard (planche 33), mais les productions avec « lettres filigranées » de cette période possèdent cette même harmonie chromatique. Ainsi dans les Flores Paradisi A (Bxl. 4785-93 I), l'alternanc e des tons, lettrine rouge filigranée de bleu, ensuite bleue filigranée de rouge, donne à l'ensemble l'équilibre de la décoration (planche en couleur 6) 399 . A mesure que l'on s'avance dans le temps, les «filigranes » deviennent, à Villers, plus envahissants et exubérants. Le décorateur

397

Pour la terminologie en usage dans les corpus allemands de manuscrits enluminés de l'époque gothique, voir JAKOB!, C., Buchmalerei. Ihre Terminologie in der Kunstgeschichte, Berlin, 1991, p. 75 s.v. Sageblatt-Fleuronnée. 398

Cette formulation m' a été proposée par P. Stirnemann. Qu'elle soit remerciée pour la générosité et la justesse qui ont marqué ses suggestions. 399 Voir p. 469 sq.

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du Bxl. II 930 400 multiplie les combinaisons, toujours en alternance, de trois couleurs différentes - bleu-rouge-vert - et prolonge les filigranes parfois sur presque toute la hauteur d'une page (planche 46). Par opposition aux manuscrits de ce groupe, il sature d'ocre (qui remplace l'or) certains fonds du côté gauche des filigranes (cf. N[ouem ordines]). L'enlumineur du manuscrit Bxl. II 938 (Gilbert de Hoyland sur les Cantiques) complique les filigranes. Ces derniers occupent désormais la majeure partie de l'intercolonne ou des marges de tête et de queue ; les zigzags dans les hastes sont triplés, parfois même quadruplés et l'on observe, comme je l'ai évoqué plus haut, des ressemblances avec une charte de 1217 sans doute écrite à Villers 401 . Les hastes en marge de queue sont très longues et entrecoupées à trois ou quatre reprises par trois petits traits horizontaux (planche 49) 402 . D'un point de vue paléographique, la brisure des lettres est plus accentuée que dans les autres représentants du groupe et les traits d'arrêts sont apposés à un nombre croissant de lettres minuscules. Parmi les manuscrits du début du 13e siècle, !'Antiphonaire de Villers, qui appartient certainement au premier quart du 13e siècle, remplit le champ de la lettre par une double rosette aux couleurs alternées et sature le fond de couleur. La grande similarité des pendeloques filigranées très caractéristiques (planche 40) avec celles des Étymologies d'Isidore (planche 29) invite à considérer Villers comme origine de ce dernier manuscrit, alors qu'un faisceau d'éléments invitait à le rejeter hors du corpus des productions du scriptorium. Par rapport aux autres créations du début du 13e siècle, ce manuscrit d'Isidore utilise encore les motifs végétaux de l'époque précédente, emploie le jaune, quasiment inconnu à Villers403 et présente des particularités de mise en page404 . Toutefois, son ductus brisé rompt avec les habitudes des ornemanistes du siècle précédent :

400

Ps.-Paterius C, dernier volume d'une série de trois 163 à 165. 401

= catalogue de

1309, items

Voir supra, p. 149.

402

Cette pratique apparaît aussi dans des manuscrits qui ne développent pas les treillis, comme chez le copiste du ms. II 935 (planche 47a). 403

Je n'ai repéré l'utilisation de jaune que dans le surlignage des rubriques du Bxl. 4890-94, originaire sûrement du scriptorium brabançon à la même époque. 404

Voir p. 166.

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filigranes envahissants de trois couleurs, pas toujours alternées cependant (bleu-rouge-vert), treillis abondants, filets descendants, même quand les hastes ne s'y prêtent guère 405 et saturation par l'ocre des fonds de l'initiale laissés évidés dans l'initiale cistercienne du premier groupe de Villers. Le critère de motifs végétaux polychromes sur fonds saturés, du type Channel Style doit être maintenu pour exclure d'autres manuscrits de la production de Villers, comme le Livre des Sentences de Pierre Lombard (Bxl. 20033, planche 52/06 . Quant aux lettres fleuries à l'aide de rinceaux - dans le premier volume du Commentaire sur les Psaumes de Pierre Lombard (Bxl. 4676-78 407 , planche 55b) et le Commentaire sur les Prophètes de Robert de Bridlington (Bxl. II 922, planche 57) 408 - ou « de feuilles 405

Ex. f. 22 : haste du d[ialectica] accentué dans la marge, f. 80 R[egnum], f. 115 M[undus]. 406

L'ornementatio n végétale du C[reationem] du f. 98, l'utilisation de fins rinceaux et de petits ressorts pour les initiales secondaires, l'allongement des hastes et les ligatures rondes agrémentées toutes deux par des treillis rattachent le manuscrit à ceux du début du 13e s. En revanche deux lettrines, le C[upientes] du f. 2r qui se détache sur un fond vert et le V[eteris] du f. 4v zoomorphe proviennent d'une autre source d'inspiration ou sont postérieures aux autres productions (Voir LEMAIRE, J., Introduction à la codicologie ... , p. 99 pour une remarque codicologique). 407 Le Bxl. 4676-78 constitue avec le Bxl. II 925 un exemplaire pas nécessairement homogène du commentaire de Pierre Lombard sur les psaumes (planche 55). Le premier volume (Bxl. II 925), fort dérangé, est d'un aspect très classique, avec initiales monochromes filigranées en alternance de rouge et de bleu et sans décoration particulière. Le second volume a perdu toutes ses initiales, sauf la première (psaume 80) qui se dégage sur un fond d'or, ce qui est absolument contraire aux prescriptions cisterciennes. Il y a aussi unité entre les deux manuscrits dans la mise en page, même si le copiste du second volume règle son manuscrit en 42 lignes au lieu de 44. Cette mise en page elle-même correspond à celle de l'autre ms. de Pierre Lombard (Libri sententiarum), mais en définitive il subsiste un doute sur la fixation à Villers de l'origine des volumes sur les psaumes. Seul le second volume, muni de l'initiale sur fond d'or, possède un ex-libris gothique. En effet, le premier a perdu toute marque d'appartenance primitive avec la disparition des feuillets initiaux et finals. 408

Au début du prologue et du livre d'Osée, l'ornementation du T[este beato] et du V[erbum Domini] ressort à l'intérieur d'un panneau carré vert, ce qui est inédit à Villers (on le trouve seulement dans les épîtres de Bernard du Bxl. II 2556 que j'ai exclu des analyses, voir p. 131). Les fonds saturés qui apparaissent dans le Bxl. 4687 et un peu moins dans le Bxl. II 930 étaient toujours postérieurs et dépendants de la géométrie des rinceaux qui ornaient la lettrine. Ici, on franchit une nouvelle étape stylistique, puisque le décor de la lettrine ne peut se passer de son cadre. Quoique j'aie écarté ce ms. de l'étude du scriptorium cistercien de Villers, le texte de Robert

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d'acanthes» - dans le De claustra animae d'Hugues de Fouilloy (Bxl. II 936, planche 58) -, rien ne permet de les attacher aux styles de Villers. L'usage de panneaux qui enferment plusieurs lettrines serait en outre inédit chez les artisans de l'abbaye brabançonne. Pour le deuxième quart du 13e siècle, j'ai regroupé autour de l'exemplaire des Flores Paradisi B quelques manuscrits qui se distinguent de leurs prédecesseurs par un traitement plus sophistiqué du champ de la lettre et du filigrane. Avec une plume de plus en plus fine, les enroulements concentriques perdent une certaine «simplicité» cistercienne au bénéfice d'un réseau plus dense de fioritures autour de courbes sûrement moins symétriquement disposées. Les lettrines des Flores Paradisi B (Bxl. 20030-32, planches en couleurs 7b et 7c et 8), del' Office d'Arnulphe (Bxl. II 1658, planche 66) 409 ou de l' Épitomé de la Bible (Bxl. 4796, planches en couleurs 10 et 11) se situent dans la continuité de l'époque précédente, tout en annonçant évidemment les pratiques du « style gothique international». Les antennes renforcent l'impression de parallélisme qui se dégage, entre autres, de la production par1s1enne contemporaine. Toutefois, la finesse du trait dans les Flores paradisi B ne rompt pas l'équilibre décoratif des productions antérieures. L'artiste alterne les couleurs autant pour la succession des initiales que pour distinguer les codes alphabétiques qui de Bridlington sur les prophètes n'est populaire que chez les cisterciens du 12e s., peut-être à cause du destinataire de l'œuvre, Gervaise de Louth Park. En outre, le ms. de Clairvaux conserve la même rubrique que celui de Villers : Incipit expositio in duodecim prophetas quam Robertus Berlmetuensis [sic] ecclesie canonicus excepit collegit et in unum redegit ex dictis sanctorum patrum Ieronimi Augustini Gregorii Ambrosii Bede Haimonis et ex glosis Gisleberti Uniuersalis in eosdem prophetas petente hoc fieri Geruasio abbate monachorum in Parco apud Judas Deo seruientium. 409

Le rapprochement du décor et de l'écriture des deux mss est frappant. Une partition musicale impose certaines contraintes et pourtant on reconnaît à !'écriture des deux offices du Bxl. II 1658 une grande similarité avec le ms. des Flores Paradisi B. Par exemple, le « H » majuscule gothique du f. 13 (H[ymnus ad completorium] est quasi identique dans les deux codices. Si ce n'est le module d'écriture réduit exigé par la notation musicale, toutes les particularités paléographiques des Flores Paradisi B sont présentes. La seule décoration d'importance, le F[uit in Bruxella quidam adolescens Arnulphus] du f. 2 (planche 66), est très similaire au « F » initial des Flores (planche en couleur 8), même si le remplissage de la lettre présente une symétrie que la main des Flores Paradisi ignore.

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individualisent chacune des citations410 , la rupture avec le passé se marquant par l'apparition de la couleur noire et l'abandon du vert. En outre, à la même époque, deux manuscrits au moins montrent une décoration « conservatrice ». Celle du Missel, que je date des années 1246-1247, est restée typiquement cistercienne. Les motifs sont monochromes (vert et rouge en alternance) et les hastes sont montantes, surtout dans les rubrications, comme dans les représentants du groupe précédent (planche 62). On pourrait faire la même remarque pour une autre production fondamentale du scriptorium: la Vie d'Arnulphe, dont les filigranes appartiennent incontestablement au style des « cascades de feuilles dentellées» (planche 60).

C. LES MÉTHODES PORTANT SUR LES CARACTÉRISTIQU ES CODICOLOGIQUE S

1. LA TAILLE ET LA MISE EN PAGE la. La taille

La taille 411 des manuscrits est conditionnée par deux facteurs principaux, l'un d'ordre intellectuel, l'autre d'ordre matériel. Le contenu et la destination du manuscrit jouent un rôle important dans le choix de tel ou tel format pour un ouvrage donné, tandis que la taille des moutons, qui fournissent les peaux pour la production de parchemin à Villers, pourrait théoriquement limiter l'éventail des formats de manuscrits 412 . La moyenne des tailles de peaux utilisées

410

Sur le codage des Flores Paradisi B, voir infra, p. 176. Sur l'emploi du mot« taille», plutôt que le terme ambivalent de« format», voir ÜRNATO, E., Les dimensions des feuillets dans les manuscrits français du moyen âge, dans BOZZOLO, C. - ÜRNATO, E., Pour une histoire du livre manuscrit au moyen âge. Trois essais de codicologie quantitative, Paris, 1983, p. 217-232 (ici p. 219). 412 On ne possède pas d'indication sur le cheptel de Villers dans la première moitié du 13e s. Par comparaison, citons DE MOREAU, E., L'abbaye de Villers .. ., p. 178-179 qui donne le chiffre de 4243 brebis pour le domaine de Cambron au 13e s. À Villers, « pour se libérer d'une dette, un particulier dut céder à la grange de Ve! p 4 74 moutons et 84 porcs ou bien la somme de 450 livres de Louvain ». 411

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correspond de toute façon aux résultats dégagés par L. Gilissen pour le manuscrit Bxl. 4764-66 413 . L'emplacement des piqûres dans les marges montre que dans la majorité des cas, sauf évidemment pour les feuilles de garde, la taille actuelle des manuscrits n'est pas trop éloignée de la taille originelle, ce qui justifie le classement des manuscrits en partant des dimensions conservées. Dans une des « trois études codicologiques », E. Omato précise ce qu'il entend par «taille des manuscrits», soit la somme de la largeur et de la hauteur. À partir de là, l'auteur définit quatre catégories. Lorsque le demi-périmètre ainsi obtenu ne dépasse pas 320 mm, il s'agit d'un «petit manuscrit». Entre 321 et 490 mm, il s'agit d'un «petit-moyen», de 491 à 670 mm d'un «moyen-grand», tandis que les manuscrits dont la taille est supérieure à 670 mm sont appelés des « grands » manuscrits. Les manuscrits regroupés dans cette étude sont plutôt étroits, dans le sens où la proportion entre la hauteur et la largeur est inférieure à la « proportion invariante » telle que définie par E. Omato 414 . La moyenne des « formules de justification » présentées dans le catalogue des manuscrits de Villers atteint 1,485 (hauteur/largeur) ou 0,673 (largeur/hauteur). Ce constat cadre avec l'évolution constatée dans les manuscrits du l 2e siècle monastique. L'auteur émet l'hypothèse d'un processus d'uniformisation en France du nord. Effectivement à Villers la moyenne est proche de celle obtenue à partir du corpus de manuscrits de Saint-Bertin (0,666), Saint-Amand (0,677) ou Marchiennes (0,676). Le groupe des « grands » manuscrits de format atlas, où un bifeuillet correspond à une peau, est peu représenté à Villers. L'apparition dans ce groupe de l' Antiphonaire est normale pour un manuscrit liturgique; on conserve peu d'autres manuscrits de ce format, vu l'importante perte des manuscrits liturgiques. 413

La majorité des manuscrits analysés ont été fabriqués à partir de peaux allant de 0, 21 m2 à 0, 35 m2 avec quelques exceptions qui tiennent sans doute à notre ignorance des méthodes de pliage. GILISSEN, L., Prolégomènes à la codicologie. Recherches sur la construction de cahiers et la mise en page des manuscrits médiévaux, Gand, 1977, p. 192-197 (Les publications de Scriptorium, 7) avait obtenu le résultat de 0, 23 m2 de peau nécessaire à la fabrication du ms. de Villers, Bxl. 4764-66. 414

ÜRNATO, E., Les dimensions des feuillets .. ., p. 219. Ce sont également les bornes reprises par FRIOLI, D., Lo « scriptorium » .. .,passim.

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L'exemplaire des épîtres de Jérôme (Bxl II 924), le plus grand de tous les manuscrits conservés de Villers, est une exception. Les deux volumes de Pierre Lombard sur les Psaumes appartiennent aussi à cette catégorie marginale à Villers et dont il ne faut peut-être pas . . trouver 1, ongme sur p1ace415 . La nette coupure entre les « grands manuscrits » et les « moyensgrands » s'explique incontestablement par la technique de pliage. Si la plus grande taille de la classe des « moyen-grands » est de 630 mm (Bxl. II 928, 365 mm de hauteur) alors que celle la moins importante de la classe supérieure est de 694 mm (Bxl. 6436, 403 mm de hauteur), c'est qu'il n'est pas possible d'obtenir un feuillet d'une hauteur supérieure à 36-37 cm à partir d'un pliage in 4°. En revanche, même avec une peau plus petite, un pliage in 2° aboutit à un feuillet dont la hauteur dépasse les 40 cm. Du côté de la taille minimale, la coupure entre les « moyens-grands » et les « petitsmoyens » est moins nette. Il est probable que des peaux de grandeur différente offraient des possibilités de pliage variées, mais aboutissant à des tailles de feuillets similaires. On ne peut donc trancher de façon nette si un feuillet est le produit d'un pliage in 4° (catégorie des« moyens-grands») ou d'un pliage in 8° (catégorie des «petit-moyens» ). Je m'écarterais légèrement des chiffres d'E. Omato pour prendre la taille de 470 mm comme frontière entre les deux classes, au lieu de 490 mm. Quelques manuscrits in 4 °, comme le Bxl. 4774-79, se situent dans la tranche des 470-480 mm, en deçà donc de 490 mm. En outre, à l'exception du volume de Malines tellement rogné qu'il a perdu deux lignes de texte dans sa première entité, on ne garde aucun manuscrit à situer dans la tranche des 440-470 mm, ce qui justifie en partie la coupure que j'effectue entre les deux classes. La classe des « moyens-grands » contient les manuscrits importants de la communauté monastique de Villers : le fonds liturgique416 et patristique, où les Flores Paradisi B apparaissent

415

Voir p. 158. Le Missel de Villers (Bxl. 3223) et le « Chronicon » de Malines. Les feuilles de gardes musicales des Bxl. 4699-703 et Bxl. 20034 appartiennent aussi à cette catégorie, alors que la taille originelle des manuscrits avant démembrement devait être une« grande taille», à l'instar de !'Antiphonaire. 416

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comme un des témoins les plus prestigieux417 . Les textes plus récents ou scolaires sont rarement copiés dans cette catégorie418 . On recense . . est ma1 assuree / 419 . aussi. que1ques vo1urnes dont l' ongme La catégorie des « petits-moyens » comprend des manuscrits dont la taille est obtenue par pliage in 8°. Il s'agit d'une catégorie moins homogène que la précédente. La plus grosse part est constituée de manuscrits patristiques420 . On n'y retrouve plus à proprement parler de manuscrits liturgiques, mais les volumes hagiographiques des «bienheureux» de Villers421 et des instruments de travail de type personnel et compilations, dont les Flores Paradisi A422 . Sont inclus enfin dans cette classe deux manuscrits dont l'origine n'est pas assurée: peut-être la Vie de Pachôme qui appartint au fonds de base de l'abbaye brabançonne (Bxl. 4797-99 I) et le manuscrit de l'Aurora de Pierre de Riga dont le format, qui serait unique dans la production de Villers, s'adapte à la nature du contenu. Ce sont les vers qui déterminent la copie de ce dernier manuscrit du format « registre » où le quotient de la page justifiée (hauteur de 182 mm pour une largeur de 57 mm, soit un rapport de 3,19) est le double de la moyenne (ca rapport de 1,5). Les« petits» manuscrits s'obtiennent en principe par un pliage in 16°, mais on ne peut exclure que des chutes de parchemins aient également été utilisées. C'est sans doute le cas pour la Vie d'Abond (taille: 314 mm), qui ne compte que 25 feuillets trop rognés pour pouvoir reconstituer le mode de pliage. Il aurait nécessité, dans l'état actuel de conservation, une peau de 0,38 m2 pliée in 16°, ce qui sort des normes reconnues à Villers. Les autres manuscrits de la catégorie sont extrêmement petits,

417

Bxl. 4764-66, Bxl. 20019, Bxl. II 935, Bxl. II 933, Bxl. IV 306, Bxl. 4712, Bxl. 20034, Bxl. 4699-703, Bxl. 20030-32 (Flores Paradisi B), Bxl. 4687, Bxl. II 930. 418

Bxl. II 938 (Commentaire sur le Cantique de Gilbert de Hoyland), Bxl. II 937 (Vie d'Anselme), Bxl. II 928 (Commentaire sur Paul de Pierre Lombard). 419

Bxl. 4774-791, Bxl. II 931, Bxl. II 936, Bxl. 20033, Bxl. II 922.

420

Bxl. 4815-18, Bxl. 20026-27, Bxl. 4820-25, Bxl. 4831-35, Leuven, Univ. Bibl. olim 186. J'y intègre les deux manuscrits des œuvres de Bernard de Clairvaux: Bxl. 4800-01, Bxl. 20006-17. 421

Bxl. II 1658, Berlin, Theo!. lat. qu. 195. Le manuscrit de la Vie d'Abond (Bxl. 19525) a un format légèrement inférieur. 422

Bxl. 20020-25, Bxl. 4785-93 (Flores Paradisi A).

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inférieurs à 285 mm. On est surpris d'y trouver par exemple le Commentaire sur le Cantique de Grégoire (Bxl. 4890-94) et le De consideratione de Bernard (Bxl. 4654), qui sont d'ordinaire copiés sur des formats supérieurs. Peut-être s'agit-il de manuscrits personnels. Ils sont fort usés et la Chronique rapporte qu' Arnulphe de Louvain aimait à lire les œuvres de Bernard, jusqu'à connaître le De praecepto et dispensatione par cœur423 . Le recueil factice Bxl. 4877-86 rapièce des cahiers certainement construits à partir de chutes de parchemin et illustre au mieux le rapport qui existe entre la taille du manuscrit et son contenu ou sa destination. La question de l'épaisseur du volume s'allie à celle de la taille. Le nombre de feuillets varie en fonction de celle-ci, selon un principe de proportionnalité. Il est intéressant de constater l'homogénéité des volumes construits à Villers, soit entre 93 et 185 feuillets. Lorsqu'on écarte les manuscrits lacunaires et incomplets 424 , on remarque que toutes les entités codicologiques qui comptaient moins de 100 feuillets environ ont été jointes ensemble, le plus souvent à une époque ancienne425 . Ainsi, le plus petit manuscrit complet de Villers compte 93 feuillets (Bxl. 4890-94) et le plus important 185 feuillets (Bxl. 20034). Le très grand volume des Flores Paradisi B sort du lot, puisqu'il compte dans son état actuel 235 feuillets. lb. La mise en page Le plus souvent, on ne relève dans les manuscrits de Villers que deux systèmes de mise en page : à longues lignes et à deux colonnes. Il n'y a que trois exceptions: l'index complet des Flores Paradisi de l'état initial (Bxl. 4785-93 I) et le dernier feuillet de l'index des Flores Paradisi B (Bxl. 20030-32), qui sont compilés sur trois colonnes (le verso du feuillet contient, sur quatre colonnes, une liste

423

Voir supra, p. 67. Bxl. 4785-93 Il (fragment des Flores Paradisi B), Bxl. II 1658, Bxl. II 937, Bxl. 19525, Bxl. II 922, Bxl. II 3308, Bxl. II 928 et Bxl. II 930. 425 Le fait est évident pour les cahiers isolés. C'est le cas du cahier d'Amsterdam, de celui du Bxl. 4774-79 Il et des deux premières entités de Malines. Mais un constat similaire vaut pour le Bxl. 4797-99 (63+42 ff.), le Bxl. 20020-25 (56 + 42 ff.) et les 42 feuillets de la Vita Arnulphi de Berlin joints encore au 13e s. aux 40 ff. de la Vita Margaritae Magdeburgensis (BHL 5322). 424

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des auteurs et ceuvres extraits). La liste des fondations d'abbayes dans les deux premiers feuillets du Chronicon de Malines a été copié sur deux colonnes principales avec, en synoptique, les dates de fondation. La disposition est assez strictement dépendante de la taille des manuscrits : les «petits » et «petit-moyens » manuscrits sont réglés à longues lignes, tandis que les « moyens-grands » et « grands » . sont copies ., sur deux co1onnes 426 . manuscnts Le schéma de mise en page des manuscrits réglés à longues lignes, qui s'impose à Villers, est le plus simple. Dans le catalogue de l'annexe 2, je l'appelle« mise en page de type A». Il s'agit d'un cadre défini par quatre réglures principales. Pour des raisons diverses, le schéma a été adapté dans quelques manuscrits. Dans un «type B », les quatre réglures sont dédoublées. Dans le cas des Flores Paradisi A, l'espace ainsi défini reçoit la seconde lettre qui compose le code alphabétique codant chaque citation 427 . Dans les Sermons sur le Cantique de Bernard (Bxl. 4800-01), l'espace limite le corps principal des lettrines à illuminer. Dans un «type C », il n'y a pas de dédoublement des réglures verticales. C'est le cas de la Vie d'Arnulphe et des Homélies sur les Évangiles de Grégoire, dont l'origine n'est pas assurée. On constate enfin un «type D » où s'ajoutent deux réglures au centre de la page aux réglures horizontales et verticales dédoublées. Ainsi se présente le seul manuscrit sûrement originaire de Villers; les Opuscules de Bernard, mais aussi l' Aurora de Pierre de Riga (Bxl. 20028-29), dont j'ai déjà dit que le format était unique dans la documentation étudiée (planche 51). La production de manuscrits à deux colonnes est moins standardisée ; il y coexiste trois types de mises en page aux réglures horizontales dédoublées, où le nombre des réglures verticales varie. Le « type A » ne possède que quatre réglures verticales, le « type B » 426

Exceptions: parmi les petits-moyens, à deux colonnes: Bxl. 4797-99 II, Bxl. 4785-93 II (fragment des Flores Paradisi) et ensuite le f. 57 du Bxl. 20020-25 et les ff. 94-102 du Bxl. 4820-25, ces derniers copiés à une époque postérieure à celle de la copie principale. Parmi les moyens-grands, à longues lignes : New-Haven, Yale Univ. Libr. Marston 193, Bxl. 4764-66, Bxl. 20019, Bxl. II 937, sans compter les manuscrits musicaux où la disposition à deux colonnes est peu pratique. 427 Sur le codage des Flores Paradisi A, voir p.175.

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dédouble les réglures du côté des marges et le « type C » ajoute à ce dernier schéma une réglure dans l'entrecolonne. Le «type A» est plus fréquent, et même si l'échantillon est trop réduit pour pouvoir déterminer des constantes, il ne semble pas que l'époque de production ou la taille des manuscrits aient joué un rôle quelconque. Il arrive dans quatre cas que le principe de régularité interne qui gère souvent la production médiévale de manuscrits soit prise en défaut. Sans explication apparente, quatre manuscrits importants ont été réglés de telle sorte qu'une colonne (dans trois cas, la colonne droite) soit plus large que l'autre, et ce, visiblement (5 mm de décalage ou plus). Il s'agit des Constitutions du premier cahier de Malines, des Étymologies d'Isidore (Bxl. 4687), des Sermons d'Augustin (Bxl. II 935) et des Flores Paradisi B (Bxl. 20030-32). Une typologie des «formules mise en page» ne donne pas lieu, dans le cas des manuscrits de Villers, à des conclusions probantes. E. Ornato, à partir de travaux antérieurs comme ceux de L. Gilissen, fournit un tableau récapitulatif des rapports « remarquables » entre deux côtés des rectangles 428 . Pour Villers les rapports (longueur/largeur) du rectangle de justification qui n'est pas susceptible - sauf exception - d'avoir subi les effets d'un éventuel rognage, s'étalent irrégulièrement entre 1,23 et 1,93 et massivement entre 1,39 et 1,58. Dans cette dernière fourchette, il n'y a pas moins de six «rapports remarquables». Pour les mises en page à deux colonnes, le constat est identique429 . J'aurais donc tendance à accréditer le bilan pessimiste d'E. Ornato, selon lequel« l'abondance des rapports remarquables et le caractère non uniforme de la distribution de ceux-ci »430 ne permettent pas de déceler les intentions des artisans, ni même d'échelonner selon le temps des pratiques différentes. Si on accepte cependant les fourchettes de L. Gilissen, contre lesquelles s'est érigé E. Ornato, on remarquera que deux tiers des mises en page des manuscrits de Villers 428

ÜRNATO, E., L'artisan médiéval et la page: peut-on déceler des procédés géométriques de mise en page, dans Artistes, artisans et production artistique au Moyen Age. Actes du Colloque (Rennes, 2-6 mai 1983), éd. BARRAL 1 ALTET, X., Paris, 1990, p. 295-305, repris dans La face cachée du livre médiéval. L'histoire du livre vue par Ezio Ornato, Roma, 1997, p. 447-456. 429 La fourchette des rapports entre la hauteur et la largeur va de 2,81 à 3,85, intervalle dans lequel on compte également six « rapports remarquables ». 430 Ibidem, p. 455

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s'approchent des« rapports remarquables». Parmi ceux-ci, la moitié des rapports entre la hauteur et la largeur des aires justifiées s'étalent de 1,47 à 1,50 et sont à rattacher de près ou de loin au rectangle des « 213 » (rapport largeur/hauteur : 0,667 et rapport hauteur/largeur : 1,5). Ce groupe réunit incontestablement les manuscrits du premier tiers du 13e siècle, auxquels il faut ajouter les Moralia de Grégoire (Bxl. 20034) et peut-être les Recognitiones du Ps.-Clément maintenant perdues (Leuven, Univ. Bibl. olim 186), datées du dernier quart du 12e siècle. Les mises en page des manuscrits du 12e siècle sont vaguement élaborées à partir du rectangle d'or (rapport largeur/hauteur: 0,618 et rapport hauteur/largeur: 1,618), tandis que le troisième groupe significatif de mises en page construites sur le rectangle 1/"12 (rapport largeur/hauteur: 0,707 et rapport hauteur/largeur: 1,414) n'est pas du tout homogène. Il reste peut-être quelques rapprochements intéressants entre manuscrits individuels, puisqu'il arrive qu'une mise en page identique coïncide avec une similarité d'écriture ou de décoration. C'est le cas pour deux ajouts d'une même main dans les manuscrits Bxl. 20020-25, f. 57r et Bxl. 4820-25, ff. 94v-102v431 , mais les deux manuscrits jumeaux des Opuscules et des Homélies sur les épîtres de Jean d'Augustin ont été établis à partir d'une formule de mise en page légèrement différente. Une même mise en page peut révéler certains rapprochements significatifs. On observe ainsi la concomitance d'un même type de mise en page A, B, Cou D et d'une même formule de mise en page pour les couples suivants de manuscrits à longues lignes : Bxl. 4654 et Bxl. II 3308, Bxl. 4797-99 1 et Bxl. 4831-35. Pour les manuscrits réglés à deux colonnes, j'ai observé une concomitance d'un même type et d'une même formule d'abord pour le couple Bxl. II 938 et Bxl. 4774-79 I et ensuite pour le Bxl. 20034 et la première entité codicologique du manuscrit de Malines, tous deux du dernier quart du 12e siècle. Pour le premier tiers du 13e siècle, les Étymologies d'Isidore, les Épîtres de Jérôme et les Confessions d'Augustin partagent les mêmes dispositions à la page et à la colonne. En somme, l'absence de constantes ne permet pas de considérer les formules de justification comme un critère discriminatoire des 431

Voir supra, p. 53.

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étapes de la production manuscrite à Villers, puisque même au sein ·d'un seul manuscrit, il n'est pas rare d'observer de cahier en cahier plusieurs rapports « remarquables » différents. Ainsi, les Flores Paradisi A ne sont pas une mise au net du florilège et les quatre unités codicologiques différentes font apparaître quatre formules de justification à la page: 1,48 (première entité codicologique), 1,42 (deuxième), 1,58 (troisième), 1,56 (quatrième). Ceci ne peut prêter lieu à aucune interprétation valable, étant donné les fourchettes proposées par L. Gilissen: 1,38-1,44 (formule 5 = 11"12), 1,47-1,53 (formule 6 = 2/3), 1,58-1,65 (formule 7 =rectangle d'or). L. Gilissen a établi une fiche pour ce manuscrit à partir du bifolium folioté 49/56, soit le début de la deuxième entité codicologique. Sa démonstration aboutit à un quotient remarquable de 1,42 (formule 5) mais ne permet toutefois aucune généralisation sur la construction de l'ensemble du manuscrit. Pas plus que les formules de mise en page, les « unités de réglure» ne permettent d'individualiser des groupes de manuscrits, voire de déceler des pratiques spécifiques aux artisans de Villers. Les réglures sont tracées à la mine de plomb. Le nombre de lignes · rectrices est aussi celui des lignes d'écriture. Dans un article au titre évocateur, N. Ker avait établi une chronologie de l'apparition et de la diffusion vers 1230, au moins dans le domaine des manuscrits anglais et français, des manuscrits n'utilisant pas la ligne de tête comme ligne d'écriture 432 . Dans ce domaine, le milieu de Villers se montrera conservateur jusqu'au milieu du siècle. Dans l'étude de la mise en page, l' «unité de réglure » qui définit l'espacement entre deux lignes pourrait en théorie susciter des rapprochements entre des productions d'un même scriptorium. Dans la pratique, des copistes différents utilisant des instruments artisanaux appliquent rarement des espacements identiques. Comme à propos des formules de mise en page, les méthodes quantitatives se révèlent décevantes dans le cas de Villers. Les manuscrits à deux colonnes possèdent en moyenne des unités de réglure supérieures (6,45 mm) aux volumes réglés à longues lignes (6,29 mm), en accord avec la taille des volumes telle que je l'ai définie plus haut. Les premiers sont des 432 KER, N.R., From 'Above Top Line' to 'Below Top Line' : A Change in Scribal Practice, dans Books, Collectors and Libraries. Studies in the Medieval Heritage. N.R. Ker, éd. WATSON, A.G., London, 1988, p. 71-74.

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manuscrits plus grands et souvent de prestige, où une plus grande unité de réglure facilite encore la lisibilité du texte. Pour guider la mise en page du texte, les artisans préparaient des points de repères en piquant le parchemin. Les piqûres de réglure et de mise en page sont assez bien conservées à Villers, ce qui prouve que de manière générale les volumes ont peu souffert du rognage. La taille des piqûres varie, mais elles sont le plus souvent rondes ou sous forme de petites entailles horizontales. La majorité des manuscrits réglés à deux colonnes conservent des piqûres dans les quatre marges (tête, queue, gouttière et petit fond). En revanche, les réglures verticales des manuscrits à longues lignes n'ont pas, sauf exception, été guidées par des piqûres dans les 433 marges de tête et de queue . Quelques manuscrits réglés à deux colonnes ne gardent pas non plus de piqûres dans la marge de petit fond alors que cette pratique des piqûres intérieures était connue et pratiquée à Villers : le Commentaire sur l'évangile de Jean d'Augustin et l' Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, liés par la mise en 434 page, et le Bxl. II 925 . La fonction des « piqûres doubles » placées côte à côte en certains points seulement du feuillet n'est pas toujours évidente. Dans l' Aurora de Pierre de Riga, elles servent manifestement à diriger la ligne rectrice au-delà de l'aire de justification jusqu'aux extrémités des feuillets. En revanche, pour les ff. 134 à 137 des Confessions d'Augustin et les ff. 49 à 64 des Flores Paradisi A 435 sûrement originaires de Villers, leur fonction n'est pas claire. Il ne faut pas confondre ces piqûres doubles et celles « allant par deux», révélant simplement deux phases de poncturation distinctes. Ainsi les derniers feuillets du cahier 12 du manuscrit Bxl. 4820-25 réglés à longues lignes, ont-elles été complétées par un copiste qui choisit de copier son texte sur deux colonnes, ce qui provoqua une double série de poncturations. La même explication vaut pour le manuscrit Bxl. 20020-25 I. Les ff. 17 à 19 étaient d'abord réglés 433

Exceptions : le Bxl. II 937 et les deux manuscrits jumeaux Bxl. 4820-25 et Bxl. 4831-35. 434

Y. Zaluska a montré que le scriptoriurn de Cîteaux avait joué au début du 12' s. un rôle majeur dans la redécouverte de cette pratique des piqûres intérieures. 435

Sur ces ff. précisément, voir G!LISSEN, L., Prolégomènes à la codicologie ... , p. 194-195 (figure 51).

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pour 49 lignes, mais la récupération de ces feuillets, devenus les trois premiers d'un nouveau cahier (le troisième) d'un manuscrit réglé à 33 lignes nécessita de réviser la mise en page d'origine.

Il. LA COMPOSITION DES CAHIERS Les manuscrits de Villers sont en règle générale composés de quaternions. Les bifeuillets, les binions, ternions, quinions et sénions n'ont été utilisés à Villers que pour conclure la construction du , . rarement pour de'bu ter437 ou vo1urne436 d ans un souci. d' economie, pour occuper la partie centrale. Au premier tiers du 13e siècle, le Bxl. 20006-17 utilise deux binions et un quinion de façon épisodique. Le Bxl. 4815-18 est principalement construit à l'aide de ternions. L' Antiphonaire (Bxl. 6436) alterne assez régulièrement sénions et quaternions, tandis que les Flores Paradisi A (4785-93 I) ne montrent aucune homogénéité dans la construction. Les Flores Paradisi B développent l'éventail sans ordre apparent en utilisant le septénion, ce qui est un cas unique. Le fragment de Flores Paradisi B dans le Bxl. 4785-93 II est un sénion. L'index de l' Épitomé de la Bible, dont je montrerai les liens avec la collection des Flores Paradisi, est composé de ternions et de quinions. Le caractère homogène de la construction en quaternions s'efface donc à Villers à mesure que l'on avance dans le 13e siècle. Afin d'éviter les inversions dans les cahiers, les copistes médiévaux ont utilisé principalement deux procédés : la réclame et la signature. Les réclames sont rares dans les manuscrits de Villers. Elles n'apparaissent régulièrement que dans un seul manuscrit de la fin du 12e siècle, celui des Moralia de Grégoire (Bxl. 20034)) et dans deux manuscrits du deuxième quart du 13e siècle, les Flores Paradisi B et le Missel de Villers). Dans l'intervalle, je n'ai repéré que quatre traces438 . Comme les réclames sont très présentes dans les manuscrits 436 Bxl. 4654; Bxl. 4820-25 ; Bxl. 4797-99 Il; Bxl. 4800-01 ; Bxl. 20026-27 ; Bxl. 20028-29; Bxl. 20033; Bxl. II 922; ms. de Yale. Sur !"usage de n'avoir qu'en fin de volume des cahiers qui ne soient pas des quaternions, voir VEZIN, J., Les scriptoria d'Angers au XI' siècle, Paris, 1976, p. 114-115 (Bibliothèque de !'École des hautes études. Sciences historiques et philologiques, 322). 437 Bxl. 4797-99 II; Bxl. II 924. 438 Bxl. 4699-703 ; Bxl. II 928 ; Bxl. II 933 ; Bxl. 20006-17.

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de la deuxième moitié du 13e siècle et au 14e siècle, il n'est pas interdit de penser que l'usage, connu pourtant en Occident latin depuis deux siècles, ne se répand à Villers qu'avec le temps. Les signatures qui numérotent chaque cahier du livre sont en revanche bien utilisées dans l'atelier brabançon avant 1250. Le système de numérotation est le plus banal : transcrire un chiffre romain au verso du dernier feuillet439 . Je n'ai repéré qu'une seule occurrence d'une signature à l'aide de lettres de l'alphabet (a-n) dans le Bxl. 20026-27. Il est impossible de déterminer si ce système de signature entretient une relation avec l'indexation alphabétique qui naît dans le premier tiers du 13e siècle à Villers, à l'époque où ce manuscrit a été copié440 . La signature est habituellement le fait du copiste441 . Il n'y a que dans les Flores Paradisi A qu'on utilise la numérotation double qui permet d'assurer le bon agencement des feuillets au sein du cahier, procédé utile à l'ornemaniste et au relieur442 . Quelques rares décorations ont permis des rapprochements intéressants. Ainsi, la restitution du feuillet de garde du 4820-25 au manuscrit 20019 des Collations de Cassien est confirmée par la présence de la signature « x », entourée de deux points à droite et à gauche, soit quatre points disposés autour d'une croix encadrée ou non d'une corolle443 . Un deuxième type de décoration intervient à Villers : le chiffre romain encadré aux points cardinaux d'un point, lui-même accompagné d'un trait auxiliaire ondulé de la forme d'un « s » (planche 13). Cette forme de croix autour de la numérotation est certainement due à un même copiste dans les manuscrits jumeaux des Opuscules (Bxl. 4820-25) et des Homélies sur les épîtres de Jean (Bxl. 4831-35) d'Augustin, mais on la retrouve d'un autre trait dans 439

Exception : Bxl. II 936 : la signature des cahiers ii et xi apparait au recto du premier cahier. Dans le Bxl. 20019, elle apparait au verso du dernier feuillet et au recto du premier feuillet du cahier suivant. Dans les mss Bxl. 4785-93 1 (Flores Paradisi A) et 20028-29, en début et fin de chaque cahier. 440

Voir infra, p. 172.

441

Exceptions : les signatures du Bxl. Il 933 sont copiées à l'encre noire, celle du cahier ix du Bxl. II 935 est rubriquée et ainsi que toutes celles du Bxl. 20028-29. 442

Voir infra, p. 470.

443

Voir supra, p. 107 et planche Sb.

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trois autres manuscrits d'origine non assurée: Bxl. 4774-79 I, de la fin du 12e siècle, et Bxl. II 922 et Bxl. 20033, deux manuscrits du premier tiers du 13e siècle.

III. UN ASPECT DE LA FONCTIONNALITÉ DU LIVRE : L'INDEXAT ION À VILLERS

La table des livres, chapitres ou autres entités d'une œuvre constitue une première aide à la lecture. Elle est parfois placée au début du volume, mais en règle générale, elle précède le livre, le chapitre ou l'entité dont le contenu se voit ainsi décrit. Cette fonctionnalité du livre est ancienne et apparaît en conformité avec la tradition monastique à Villers, dans les volumes consacrés à des œuvres particulières, principalement patristiques. On en a de très beaux exemples, au 12e siècle dans les tables de l' Histoire ecclésiastique d'Eusèbe (Bxl. IV 306), les Moralia de Grégoire (Bxl. 20034 ), les Sermons d'Augustin (Bxl. II 935) et les Collations de Cassien (Bxl. 20019) tous originaires du scriptorium444 . Au 13e siècle, la tradition ne tarit pas avec l'adjonction de tables des chapitres aux œuvres de Grégoire, d'Isidore, de Bernard de Clairvaux et des sermons sur le Cantique de Gilbert de Hoyland445 . Incontestablement, c'est la table du volume prestigieux des lettres de Jérôme, le plus imposant des volumes de Villers, qui représente l'instrument le plus détaillé, muni de l'identification des destinataires des épîtres et de l'incipit de chacune d'entre elles. Si les copistes de Villers ont pu disposer là de modèles, ils adaptèrent également le procédé à des compositions originales, comme la Vie d'Abond1" 46 . Il est rare que la table valide les contenus du volume. Le manuscrit Bxl. 20020-25 I est pourtant un témoignage de cette pratique, car le rubricateur y apposa une table des matières qu'il ratura avec ce commentaire : quia desunt in hoc uolumine iccirco deletur, attestant ainsi que deux cahiers manquaient à une époque très ancienne447 . 444 Voir encore la table des matières des Homeliae in evangelia de Grégoire dans le ms. de Yale, dont l'origine n'est pas assurée. 445

Respectivement les mss Ex!. 4815-18; Ex!. 20026-27; Ex!. II 930 (Grégoire); Ex!. 4687 (Isidore) ; Ex!. 4654 (Bernard) et Ex!. II 938 (Gilbert de Hoyland). 446 On garde aussi la table de la Vie d'Anselme, par laquelle on sait donc que l'exemplaire est fortement lacunaire. 447

Voir infra, annexe 2.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

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La table des matières est un genre d' « apparat » qui suit l'ordre du volume plutôt que du texte448 . Elle ne fait pas corps avec une œuvre déterminée, mais avec le volume constitué. Cette fonctionnalité, qui se développe surtout à partir du 12e siècle, n'a pas été exploitée à Villers de façon soutenue. Les quelques occurrences que j'ai pu relever laissent l'impression d'une attention ponctuelle portée par un lecteur et non d'une volonté du copiste d'organiser son recueil ou du chantre de systématiser la collection de livres dont il a la charge. Parmi les cinq occurrences, les tables des matières de la fin du 13e siècle, voire du 14e siècle dans la Vie de Barlaam et Josaphat (Bxl. 4774-79 I) et les Collations de Cassien (Bxl. 20019) sont postérieures d'un siècle à la copie. Celles des Dialogues de Grégoire (Bxl. 4764-66) et des Homélies sur les épîtres de Jean d'Augustin (Bxl. 4831-35) sont à peine moins récentes. Il est possible que celle du Bxl. 20006-17, qui ne couvre que la partie des Opuscules de Bernard, soit due au copiste du manuscrit. À Villers, les observations que l'on peut faire sur la mise en valeur du texte sont sans doute les mêmes que partout ailleurs. Plus du tiers des manuscrits examinés possèdent des titres courants avec le numéro du livre en cours et parfois un intitulé abrégé. Ils sont le plus souvent écrits à l'encre rouge, plus rarement de l'encre du texte 449 . Avant 1250, on ne connaît pas encore la mode des lettres bleues et rouges alternées, qui ne s'imposera que dans les manuscrits de la deuxième moitié du siècle. De même, les rubrications ne sont pas sujettes à des remarques particulières. Le rouge s'impose; je n'ai relevé qu'une seule occurrence du minium dans un manuscrit sûrement originaire de l'abbaye (Bxl. 20026-27). Je relève ce point, car l'auteur du prologue des Flores Paradisi utilise le terme pour exposer la manière dont doivent être mise en évidence les citations 450 . Le surlignage du texte rubriqué en jai.me, puis en vert, 448

Sur la notion d' « apparats » de textes qui suivent ou non !'ordre du texte, voir PARKES, M., Folia librorum quaerere: Medieval Experience of the Problems of

H)pertext and the Index, dans Fabula in tabula. Una storia degli indici dal manoscritto al testa elettronico, éd. LEONARD!, C. - MORELLI, M. - SANT!, F., Spoleto, Centra ltaliano dei Studi dull' Alto Medioevo, 1995, p. 23-40 (Quaderni di Cuttura Mediolatina, Collana della Fondazione Ezio Franceschini, 13). 449

Bxl. 4764-66 et Bxl. 20006-17 d'origine assurée; Bxl. Il 922, Bxl. Il 931 et Bxl. II 936 d'origine non assurée. 450

Voir infra, p. 324.

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LE CONTEXTE CULTUREL

dans le Commentaire sur le Cantique de Grégoire (Bxl. 4890-94) est un cas unique. On remarque pour le reste les premières manchettes dans le Commentaire sur Paul de Pierre Lombard (Bxl. II 928), probablement à la fin du premier tiers du 13° siècle. Comme partout ailleurs, les signes récurrents de lettres d'attentes en marge indiquent que la rubrication est postérieure à l'écriture du texte451 . Mais à Villers, l'innovation est dans les index. Les manuscrits indexés de Villers reflètent une évolution de l'initiative ponctuelle et individuelle, jusqu'à la conception d'un outil mûrement réfléchi telle que je l'ai retracée dans un article récent452 . Avant les index performants des Flores Paradisi A et B, des essais de référence par concepts s'observent dans quatre manuscrits patristiques, qui, pour le corpus augustinien, servirent d'ailleurs de . .+: . 454 et 1e c ommentaire . sources dIrectes au fl on'l'ege453 : 1es conJesswns 455 sur l'Évangile de Jean ainsi que les manuscrits jumeaux des Opuscules456 (planche en couleur 5) et des Homélies sur les épîtres de Jean 457 • Dans les quatre cas, une table alphabétique sommaire munie de chiffres romains renvoie à la foliotation rubriquée tracée dans le coin supérieur droit des feuillets du manuscrit. Or, ce sont les seuls manuscrits de Villers qui portent une foliotation rubriquée datée du 13e siècle, avec le volume Bxl. II 933, où le De ojficiis d'Ambroise est folioté (planche 19), mais où la perte des feuillets initiaux empêche de lire une probable table des concepts.

451

Voir p. ex. les mss Bxl. 4785-93 1 (Flores Paradisi A), Bxl. 4800-01, Bxl. 483135, Bxl. 20019, Bxl. 20006-17, Bxl. 20034, Bxl. II 933, Bxl. II 938. 452

FALMAGNE, T., Opera omnia et indexation : l'utilisation du patrimoine patristique cistercien au XIII' siècle. À propos du projet bibliothéconomique de Villers-en-Brabant, dans Scriptorium, 50, 1996, p. 305-324. Les lignes qui suivent reprennent pour !'essentiel les pages 314-316 de l'article. 453

Ces mss ont été utilisés pour compiler les Flores Paradisi, voir infra, p. 347 sq. Les entrées de l'index des Confessions sont éditées dans l'article cité ci-dessus: FALMAGNE, T., Opera omnia et indexation .. ., p. 315. 455 Les entrées de l'index du Commentaire sont éditées dans FALMAGNE, T., op. cit., p. 315. 454

456 Les entrées de l'index des Opuscules sont éditées dans p. 315. 457 Les entrées de l'index des Homélies sont éditées dans p. 315.

FALMAGNE,

T., op. cit.,

FALMAGNE,

T., op. cit.,

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTOR!UM

175

Comme la table des concepts est d'une écriture légèrement postérieure - en tout cas différente de celle du reste du manuscrit -, il apparaît que les manuscrits ont été indexés brièvement par un lecteur désireux d'offrir un accès aisé à leur contenu. Compte tenu de l'écriture et du principe d'indexation, tout porte à croire qu'il s'agit d'un même lecteur, même si seules les entrées Amor, Humilitas et Peccatum sont communes aux quatre tables alphabétiques. On conserve aussi un Épitomé de la Bible muni d'un très large index, dont les deux exemplaires connus ont appartenu aux bibliothèques voisines de Villers (Bxl. 4796) et d' Aulne (Bxl. II 1056) et je suppose qu'il s'agit d'un travail commun. Contrairement à la table alphabétique sommaire appliquée a posteriori dans les quatre manuscrits augustiniens de Villers, le découpage du texte proposé ici induit le projet d'un index systématique du résumé biblique. Par livre biblique, chaque phrase est numérotée, avec une rubrication marginale de cinq en cinq phrases (planches en couleur 10 et 11). À partir de cet état, l'index renvoie pour chaque mot-clé au livre biblique et par un chiffre romain à la place du passage au seill' de l'épitomé. L'adoption de ce principe de numérotation par phrases est sans doute contemporaine de l' Épitomé dans le manuscrit des Constitutions du manuscrit de Malines (voir planche 27a), chaque phrase étant cette fois isolée par une lettre, la séquence débutant à chaque nouveau chapitre. Aucun index n'est toutefois relié à ce système de référenciation. C'est incontestablement l'indexation que propose les Flores Paradisi qui donne les meilleurs résultats. L'auteur de l'index des Flores Paradisi A (planches en couleur 6a et 6b) hésite à prendre en compte le critère alphabétique seul ou à maintenir également une division physique de la page. Il en résulte un codage ambivalent: le premier marque la page ouverte au moyen de deux rangs d'alphabet aux coins supérieurs externes, AF, AG page suivante, AH page suivante, etc.; le second, d'ordre logique, individualise les citations à l'intérieur du cadre physique de la page. L'auteur de l'index hésite à nouveau entre l'adoption, page ouverte, d'un alphabet continu, ou celle d'un alphabet limité à un recto ou un verso de la page manuscrite. De la sorte, dans l'index, chaque citation reçoit un code de trois lettres qui dans certains cas peut se révéler ambigu (planche 31). Ainsi, Accusare renvoie dans l'index à un passage codé AGG

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LE CONTEXTE CULTUREL

(f. Ira), tandis que sur la page ouverte (f. lOv-1 lr), AGG pourrait théoriquement correspondre à deux passages du florilège. Dans les Flores Paradisi B, Loule citation est aussi isolée par un code de trois lettres, mais la référence à la page physique est désormais abandonnée (planches en couleur 7 et planches 64 et 65). Ne subsiste que l'ordre logique de l'alphabet, qui permet ici 23 fois 23 fois 23 citations. L'explication du procédé figure dans la seconde partie du prologue, composée de trois éléments 458 : la présentation générale de l'index, l'explication d'un code alphabétique à trois éléments pour désigner chacune des citations (rubriqué De dispositione alphabetorum) et le mode d'emploi (rubriqué De modo inueniendi sententias per alphabetum). Dans le De dispositione alphabetorum, le compilateur expose longuement les trois genres d'ordre alphabétique qui codent individuellement plus de 11000 citations. Il résout ensuite les problèmes matériels de référenciation, surtout lorsque qu'il dut établir un second codage alphabétique après avoir épuisé le premier et qu'il annexa un second index à la suite du premier. Dans le De modo inueniendi sententias per alphabetum, l'auteur s'étend, sur près d'une colonne du manuscrit de Bruxelles, sur les différentes étapes de la recherche, prouvant par là qu'il n'était sûrement pas habituel de procéder de la sorte.

§ 4 UNE CHRONOLOGIE RELATIVE DIFFICILE Dans les pages qui précèdent, j'ai tâché, à l'aide de méthodes portant sur l'écriture, la décoration et plus accessoirement sur les caractéristiques codicologiques, de distinguer deux périodes principales dans l'évolution du scriptorium. On possède d'abord un groupe de manuscrits écrits en « caroline gothicisante » ou en « écriture gothique primitive » et décorés de façon monochrome à l'aide d'un décor à palmettes ou géométrique dans le champ de la lettre. Ensuite, la compression et la brisure des lettres s'accentuent en même temps que les hastes s'allongent, tandis qu'apparaît, puis s'intensifie l'usage de la lettre filigranée, libérée désormais de l'entrave du style monochrome. Il reste à dater cette transition. Je la

458

Voir infra, p. 324 sq.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

177

situerai autour des années 1200, en fonction des éléments comparatifs que j'ai à ma disposition.

A.

LE DERNIER QUART DU

12e SIÈCLE

L'étude récente de plusieurs scriptoria cisterciens fournit des indices chronologiques plus assurés qu'auparavant pour les manuscrits écrits au 12e siècle. Ainsi, P. Stirnemann a reconnu dans un groupe de 16 et un groupe de 18 manuscrits de Troyes les noyaux de la bibliothèque bernardine, datés respectivement des années 1130-1145 et 11401153. Le scriptorium de Cîteaux a maintenant son historienne, Y. Zaluska. De même, A. Lawrence a bien étudié les manuscrits cisterciens anglais du 12e siècle459 et A. Bruckner les manuscrits suisses 460 . Les études de détail sont moins rares qu'auparavant. Il faut notamment mentionner celles, modèles, de D. Frioli pour Aldersbach et de N. Palmer pour Eberbach461 . Toutefois nos repères en histoire de l'art s'arrêtent le plus souvent à l'horizon des années 1180-1200, alors que l'abbaye de Villers, fondée en 1146, ne se montre pas immédiatement active dans la copie de manuscrits. Aucune étude spécifique ne permet jusqu'ici de poser des jalons pour l'histoire de l'enluminure cistercienne à la fin du 12e et au début du 13e siècle. Jusque vers 1160 au moins, ailleurs qu'à Clairvaux, le ou les groupes décoratifs s'écartent souvent de la rigueur de l'idéal primitif. Peu à peu, sous la poussée bernardine - mais sans doute pas avant les années 1145-1151 -, le chapitre général étend à l'Ordre tout entier l'austérité déjà adoptée à Clairvaux462 . Il est difficile d'arrêter une

459

Cf. p. 56.

460

BRUCKNER, A., Scriptoria Medii Aevi Helvetica. Denkmaler schweizerischer Schreibkunst des Mittelalters, 14 vol., Genève, 1935 -1978. 461 462

FRIOLI, D., Lo ,scriptorium' ... ou PALMER, N., Zisterzienser und ihre Bücher...

Pour l'interprétation du statut, voir supra, p. 151. Au dossier de la datation, ajouter LAWRENCE, A., English Cistercian Manuscripts of the Twelfth Century ... , p. 286. Même référence pour la discussion sur les statuts de 1202, Dist. I.19 et 1220, Dist. 1, 17. Voir aussi SMEYERS, M., 'Litterae uni us colorae fiant et non depictae '. Een cistercienzervoorschrift en zijn toepassing, dans Bernardus en de

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LE CONTEXTE CULTUREL

chronologie fixe, mais pour Cîteaux, il semble légitime de prolonger le style monochrome au moins jusqu'au témoignage des ecclesiastica Officia du manuscrit Dijon, B.M. 601, daté de ca 1194. Pour apprécier les premières productions du scriptorium de Villers du point de vue paléographique, il faut tenir compte d'éléments qui, mis ensemble, incitent à le considérer comme plutôt conservateur. Tout d'abord, l'abbaye brabançonne s'inscrit par nature dans un milieu monastique qui ne suit pas les modes parisiennes gothicisantes. On pourrait citer ici l'apparition, dans la dernière époque de production, des pieds-de-mouche déjà attestés dès les années 1140 dans certains manuscrits parisiens 463 ou encore l'absence des lettres filigranées aux longues antennes souples «évoquant les cordes d'une harpe», qui marquent une césure avec les filigranes précédents peut-être explicable par la dispersion des maîtres et des étudiants de Paris suite à la grève universitaire464 . L'écriture et la décoration d'un exemplaire modèle de cette production professionnelle parisienne, comme le Pierre Lombard du Paris, B.N.F. lat. 15239 daté du premier avril 1239, ne trouve aucun écho dans la documentation disponible à Villers avant 1250. En outre, au sein même des manuscrits susceptibles d'être d'origine monastique, les tendances locales sont très affirmées. Les comparaisons permettent cependant de déceler un certain conservatisme à Villers. Les manuscrits semblent confirmer une antériorité de l'écriture gothique dans les scriptoria anglais. Ainsi, un manuscrit de 11641175 à Sawley est gothique ainsi qu'un autre, daté de Buildwas en 1176. Même un volume de 1167, qui est sûrement un produit du maître d'atelier à Buildwas465 , trahit le début du gothique tout en Cisterciënserfamilie in België 1090-1990, éd. SABBE, M. - LAMBER!CHTS, M. G!STEL!NCK, F., Leuven, 1990, p. 81-96. 463

Ms. London, B.L. Auct. E inf. 7, par exemple.

464

Cette proposition et l'extrait cité sont redevables à STIRNEMANN, P., Fils de la Vierge ... , p. 67. Ces filigranes ont été étudiés par SCOTT-FLEMING, S., Pen Flourishing in the Thirteenth-Century Manuscripts, Leiden, 1989 (Litterae textuales). 465 Les trois manuscrits sont: Cambridge, Corpus Christi Coll. 139 (Sawley), Oxford, Christ Church Coll. 88 (Buildwas, 1167) et London, B.L. Harley 3038 (Buildwas, 1176). Pour l'attribution du manuscrit d'Oxford au maître d'atelier de

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conservant un ductus principalement carolin. Dans un article controversé, J. Boussard parle, surtout à partir des chartes, mais aussi à partir de certains manuscrits, d'une avance d'une quarantaine d'années sur le continent, hors des centres les plus rénovateurs comme Paris ou Corbie466 . Cette impression d'ensemble est peut-être un peu forcée lorsqu'on isole certains témoins novateurs de l'actuelle Belgique ou du nord de la France. Ainsi, la main de Raynaud, datée de 1155 à Bonne-Espérance (Mons, B.V. 333/352) accuse un ductus carolin, mais présente ~ussi toutes les caractéristiques de la «:minuscule gothique primitive». Même si les jambages ne sont pas brisés systématiquement, ou que certains signes graphiques comme le « e » cédillé ou l'utilisation exclusive de la perluette sont romans, on remarque l'angularité et la brisure des lettres - posées, sauf exceptions, sur la ligne-, en même temps que du tilde d'abréviation et l'on constate l'apparition des massues au départ des traits et même l'utilisation du « r » bouclé en « 2 ». Le même constat est à faire pour le manuscrit des Confessions, sans doute copié à Saint-Ghislain en Hainaut en 1156 (Bxl II 1635). Un troisième témoignage, daté et localisé, ne cadre pas avec la vision générale d'un retard dans les milieux monastiques de nos régions. Le manuscrit de 1163 ex scriptorio Camberone (London, B.L. Add. 15307) trahit incontestablement un ductus gothique, mais on sent tellement les hésitations quant au ductus à adopter, qu'on ne peut savoir s'il s'agit d'une ou de plusieurs mains. Heureusement, le catalogue des manuscrits datés de Londres donne deux échantillons467 : le premier gothique (Loquer_e, scriptus, etc ... ), le second roman (condempnauer_unt, occidere, awer~us). Si de tels témoignages prouvent que dans le troisième quart du 12e siècle la Basse-Lotharingie n'accusait pas un retard si important, il faut tout de même reconnaître que la généralisation des nouvelles pratiques « gothicisantes » date de la fin du siècle, à l'instar de Buildwas, voir SHEPPARD, J.M., Magister Robertus Amie/as: A Buildwas Benefactor ?, dans Transactions of the Cambridge Bibliographical Society, 9, 1988, p. 281-288. 466

BOUSSARD, J., Influences insulaires dans la formation de l'écriture gothique, dans Scriptorium, 5, 1951, p. 238 sq. 467

WATSON, A.G., Dated and Datable Manuscripts c. 700-1600 in the Department of Manuscripts of the British Library, London, 1979, vol. 1, n°125 et vol. 2, planche 89.

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LE CONTEXTE CULTUREL

l'évolution de l'écriture diplomatique468 . J'ai dit plus haut que les témoignages datés et localisés sont proportionnelle ment plus réduits pour la période 1175-1225, ce qui ne permet pas d'échelonner précisément l'apparition ou la permanence dans le temps de l' «écriture gothique primitive». Tenant compte de caractéristiques locales et individuelles, je ne vois pas de différence majeure entre les manuscrits appartenant à la première phase de production du scriptorium de Villers et ceux du moine Helyas à Corbie entre 1173 et 1187 (Paris, B.N.F lat. 17768), celui copié en 1179 peut-être à Braisne-sur-Ve sle (London, B.L. Add. 39646) ou encore le Liber Pontificalis de Sens copié, selon les mots de Lieftinck, en « praegothica textualis » vers 1190 (Leiden, Bibliotheek der Rijksuniv. Voss. lat. qu. 12). Ces exemples sont français, car il me semble que les productions de Villers sont à rapprocher des manuscrits du nord de la France, par opposition avec celles de la production rhénane. On observe en effet le caractère beaucoup plus anguleux et vertical de !'Eusèbe de Trêves copié en 1191, notamment dans son utilisation systématique et précoce du trait de fuite (Trier, Dombibl. 133)469 . Les échantillons apportés par l'étude de M.R. Lapière pour les manuscrits mosans de la fin du 12e siècle sont trop peu nombreux et circonstanciés pour pouvoir se prononcer sur les influences paléographique s, françaises ou germaniques sur la «gothique primitive» dans l'ensemble du diocèse de Liège470 . 468

« ( ... ) dans la vallée de la Meuse moyenne, dans celles du Rhin et de ]'Elbe, et jusqu'en Pologne, ce retard dans l'adoption de la nouvelle mode va créer un type d'écriture qui gardera toujours dans ses traits Je souvenir de la caroline et qui ne disparaîtra pas avant le début du 13e siècle. Pendant la seconde moitié du 12e siècle, qui dans ces régions, doit être considérée comme la véritable période de transition, l'écriture gothicisante va cependant devenir franchement gothicisée, c'est-à-dire que la structure de base de la caroline vas' altérer de plus en plus : la compression latérale des lettres se marque plus nettement : elle ajoute à la brisure du tracé une tendance à la verticalité dans l'aspect général de l'écriture( ... )»: STIENNON, J., Paléographie .. ., 2e éd., 1991, p. 128. Voir aussi NELIS, H., Particularités paléographiques aux diocèses de Liège et d'Utrecht des Xlf et Xl/f siècles, dans Bulletin de la Commission royale d'histoire, 81, 1912, p. 375 sq. 469 Reproduit dans STEFFENS, F., Lateinische Paldographie, Berlin, 1929, planche 86. Sur le caractère plus anguleux de l'écriture en Allemagne occidentale, qui a favorisé l'évolution vers le gothique, voir BISCHOFF, B., Paldographie des romischen Altertums und des abendlandischen Mittelalters, Berlin, 1979, p. 170 (Grundlagen der Germanistik, 24). 470 Pour le diocèse de Liège, on possède l'étude de référence de M.R. Lapière, qui court jusqu'à la fin du 12e siècle: La lettre ornée dans les manuscrits mosans

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Malgré des possibilités de rapprochements entre les écritures cisterciennes, comme le punctus circumjlexus471 , il semble difficile d'établir comme base de comparaison un hypothétique type calligraphique cistercien, la « Zistersienserschrift »472 . Les exemples cisterciens, comme le manuscrit Troyes, B.M. 946 copié à Clairvaux après 1174, semblent montrer que la brisure n'est pas encore nette : on remarque à peine une tendance à allonger les hastes et à appuyer des crochets gothiques aux signes de ponctuation. À Cîteaux et Clairvaux, d'après les reproductions dont l'historien dispose dans les «Manuscrits datés», la brisure du ductus n'est pas nette avant 1200. Je garderais donc pour la production du 12e siècle la qualification de « minuscule gothique primitive », même si parfois des éléments adventices font pencher pour une écriture dite « gothicisante ».

B. LA PREMIÈRE MOITIÉ DU 13e SIÈCLE Pour les manuscrits du l 3e siècle, je reconnais deux phases plus ou moins distinctes dans les productions du scriptorium. Comme pour la première phase, les groupements ont été fondés autant sur des éléments paléographiques que sur le décor. En principe, les éléments « gothicisants » sont maintenant installés, mais les productions du centre de Villers au début du 13e siècle témoignent des hésitations

d'origine bénédictine (Xl"-Xlf siècles), Paris, 1981, p. 358, n°9 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, 229). 471 472

Voir VEZIN, J., Les scriptoria d'Angers .. ., p. 151.

STIENNON, J., L'écriture diplomatique dans le diocèse de Liège du Xf au milieu du XIII" siècle. Reflets d'une civilisation, Paris, 1960, p. 315 : «B. Bischoff a fait justice de cet essai d'identification en démontrant que les variations du type cistercien ne faisaient que suivre, ni plus ni moins les étapes de l'évolution générale de !'écriture, depuis la caroline jusqu'à la gothique parfaite, en passant par la gothique primitive. De l'avis de l'éminent paléographe, seul le système de ponctuation appartiendrait en propre aux cisterciens ». Même au niveau local du diocèse de Liège, J. Stiennon ne considère pas que l'écriture diplomatique possède au début du 13e s. un type cistercien, voir ibidem, p. 323-331. D'autres études comme celle de G.I. Lieftinck pour l'abbaye des Dunes (De librijen en scriptoria der Westl'laamse Cistercienser-abdijen Ter Duinen en Ter Doest in de 12e en 13' eeuw en de betrekkingen tot het atelier van de kapittelschool van Sint Donatiaan te Brugge, Bruxelles, 1953 [Mededelingen van de koninklijke vlaamse akademie voor wetenschappen, letteren en schone kunsten van België, 15, n°2]) ou de D. Frioli pour Aldersbach (voir ci-dessus), mettent en valeur des influences de proximité plutôt que celles dictées par la filiation spirituelle de J' abbaye.

182

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perceptibles ailleurs. À Clairvaux, encore en 1218-1224 (Troyes, B.M. 1158), certains« s »sont romans, d'autres gothiques. Le ductus des sermons d'Honorius III (Troyes, B.M. 597) est encore principalement carolin. Après 1228 (Troyes, B.M. 1907), la brisure est enfin achevée. À Cîteaux, le commentaire sur la Carta caritatis transcrit vers 1202 (Paris, B.N.F. lat. 14853) appartient encore à l'« écriture gothique primitive» et l'évolution n'est pas encore terminée dans le témoin de 1224-1235 (Dijon, B.M. 633). Le premier quart du 13e siècle est mal couvert par la documentation des «Manuscrits datés »473 et je n'ai pas constaté de rapprochements entre l'écriture des manuscrits de Villers et celle des témoins cisterciens cités plus haut474 ou encore, pour nos régions, avec l'écriture livresque des cartulaires de Saint-Bavon à Gand (London, B.L. Add. 16952, daté de 1200-1211) ou Saint-Laurent à Liège (London, B.L. Add. 17396, daté de 1207-1212). Il me semble acquis que plusieurs générations de scribes travaillent dans le scriptorium dans la première moitié du 13e siècle. Certains, dans le premier quart du siècle, osent des traits gothiques tout en gardant, par exemple, des signes graphiques du 12e siècle475 . D'autres combinent un ductus désormais gothicisé et l'adoption de signes graphiques absents - le « et » tironien - ou rares - le « ; » pour « est » à l'époque précédente476 . Enfin, au terme de l'évolution, certains témoins, dont les Flores Paradisi B ou le manuscrit de Berlin, montrent une textualis achevée, ce qui n'empêche pas que, même à la fin de la période considérée, certaines mains « conservatrices » soient encore à l'œuvre dans l'atelier brabançon. Je le verrai plus loin avec le cas du Missel de Villers. 473 Le constat était déjà posé par G.I. Lieftinck en 1964 en ces termes : « A cette époque, celui-ci en général ne paraît pas avoir envie de mettre en valeur son activité au moyen d'une souscription munie de la date d'achèvement de sa tâche ... Tout bien considéré, on comprendra que la paléographie des mss. du XIII" siècle, mal fondée en général, accueille avidement toute pièce datée et localisée qu'on pourra mettre au grand jour» (Manuscrits datés conservés dans les Pays-Bas. Catalogue paléographique des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, 1, Amsterdam, 1964, p. xxii). 474

Voirn. 315.

475

Ainsi les « & » et les « e » cédillés dans le Commentaire sur le Cantique de Grégoire. 476 Voir p. ex. l'écriture des Flores Paradisi A dans le ms. Bxl. 4785-93, planche 6 et 7a.

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L'histoire de l'art fournit-elle des critères de datation plus précis ? Il me semble que les datations proposées par les historiens de l'art reposent en grande partie sur l'échantillon français et anglais, les corpus de manuscrits allemands de l'époque gothique renvoyant à peu près systématiquement aux cas français. Arrêter le style monochrome à la frontière des 12e et 13e siècles ne semble pas faire de difficultés. De la même façon, les premières initiales filigranées où apparaissent les feuilles dentellées sont du même style que celles qui ornent par exemple les différents volumes de ce que Y. Zaluska appelle la « Première Bible glosée » de Cîteaux, enluminée dans le scriptorium du chef d'Ordre au début du 13e siècle477 . D'après les manuscrits conservés à Dijon, le scriptorium bourguignon entretient un retard d'au moins une génération par rapport à certaines productions où les ornemanistes, dès les années 1170, remplissent déjà les marges par des filigranes semblables, mais non pas . . ; 1·1 s 1es ach'event souvent par une pa1mette 478 , pratique 1'dentlques absente dans la « Première Bible de Cîteaux » et les productions de Villers. Sans modèle sous les yeux, il me paraît sûr que les artisans du scriptorium monastique et provincial de Villers ne furent pas influencés par le style parisien. On ne retrouve pas à Villers de traits parisiens. L'initiale émanchée de Villers ne subit jamais la concurrence de l'initiale «puzzle» avec deux couleurs décalées, accueillie à Paris dès le milieu du 12e siècle. On ne retrouve jamais le «motif en forme d'aile qui accuse l'articulation supérieure de la haste » et reste « la marque des styles parisiens jusqu'au troisième quart du XIII" siècle »479 . Souvent, l'influence de la production professionnelle parisienne dans les ateliers de province provient de l'acquisition de Bibles glosées. Or à Villers, la première acquisition attestée date au plus tôt des années 1230-1232, quand Henri de

477

Cette série de livres bibliques glosés (Dijon, B.M. 22-29) est décrite sous les numéros 119 à 130 de ZAWSKA, Y., Manuscrits enluminés de Dijon, Paris, 1991 (Corpus des manuscrits enluminés des collections publiques des départements publiés par l'IRHT, 1). 478

Voir p. ex. la glose sur les épîtres pauliniennes de Pierre Lombard, donnée par le maître Otobonus à Cîteaux lors de son entrée au monastère (Dijon, B.M. 79, ZACUSKA, Y., Manuscrits enluminés ... , n°148). 479

STIRNEMANN,

P., Fils de la Vierge .. ., p. 60.

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LE CONTEXTE CULTUREL

Louvain cède les cinq volumes de son Pentateuque glosé480 , et il faut noter que la décoration des deux volumes subsistants n'est pas sûrement parisienne. Admettre pour Villers, comme Y. Zaluska le fait pour Cîteaux, un retard d'au moins un quart de siècle par rapport à la production parisienne, et dater les lettres à filigranes du premier tiers du l 3e siècle, est une conviction que supportent les rares arguments de

Jututlvn interne Jbpunii.iivlS. Le manuscrit des Confessions d'Augustin, un des plus prestigieux représentants de ce nouveau style bi- et même tricolore (planche 30), contient le De tonsura et uestimentis et vita clericorum de Gobert de Laon, œuvre dont M. Helin situe la rédaction entre 1180 environ et 1198481 . L'auteur meurt vers 1220; par conséquent, l'exemplaire ne peut dater au plus tôt que des premières années du 13e siècle, si du moins on accepte la présence originelle du f. 171 intégré dans le biniou du dernier cahier et sur lequel sont transcrits les vers de Gobert. L'Antiphonaire (planche 40 et planche en couleur 12) situe de façon convaincante ce style dans le premier tiers du 13e siècle. Ce manuscrit, qui exagère hastes, vrilles et treillis et filigranes, au point que Th. Glorieux-De Gand le qualifie même de «baroque», est certainement postérieur à 1202 et antérieur à 1241, probablement même antérieur aux années 1221-1222. Justifions ces termini: 1202 est la date d'introduction dans le rite cistercien de la messe pour la fête de Bernard de Clairvaux. 1241 fixe celle de l'entrée de l'office de la sainte couronne, transcrit par une main du 14e siècle dans le supplément qui figure à la suite du manuscrit (ff. 151r-170v). L'exlibris contemporain rubriqué au f. 150v incite à conclure à l'indépendance des deux parties, Antiphonaire du 13e siècle (ff. lr150v) et supplément du 14e siècle (ff. 151r-170v). La perte du cahier xiv invalide le terminus ad quem de l'entrée de la fête de saint Denis dans le rite cistercien en 1232. Sans explication apparente et sans qu'il y ait lacune pour le début du manuscrit, la section De sanctis ne possède pas de partie hivernale (au contraire du De tempore) et commence ainsi à la fête de saint Ambroise (4 avril). Ceci ne permet 480 481

Voir p. 130 pour les Bibles glosées postérieures présentes à Villers. Voir les références bibliographiques p. 469.

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pas de dater !'Antiphonaire d'après la fête de Guillaume de Bourges (10 janvier), entrée dans le rite cistercien en 1218. Restent deux terminus ad quem : l'office de Robert de Molesmes le 17 avril et celui de saint Gilles au premier septembre. Le premier entra dans l'office cistercien en 1222 et le second en 1221. Leur absence dans l' Antiphonaire de Villers signifie que ce dernier est vraisemblablement antérieur à ces deux dates. Les planches des manuscrits datés offrent peu d'échantillons de «fleuronnée» du style de Villers. Toutefois, l'exemplaire d'Usuard de Cîteaux (Dijon, B.M. 633) daté des années 1224-1235 permet de confirmer que ce style, bien qu' affiné, a survécu dans le deuxième quart du 13e siècle dans le scriptorium bourguignon482 . La chose est certainement vraie à Villers aussi. Les feuilles dentellées du manuscrit de Berlin appartiennent résolument au style précédent, alors que le manuscrit contient la Vie d'Arnulphe, composée par Gosuin de Bossut entre 1236 et la mort d' Arnulphe en 1228. Le manuscrit« original» sur lequel travailla encore Papebroek n'a pas été retrouvé à ce jour ; a fortiori le manuscrit de Berlin ne peut avoir été écrit avant ces dates, d'autant que ce dernier parle de Gosuin piae . 483 memorzae

Les indices de datation pour le deuxième quart du 13e siècle sont moins rares que pour les périodes précédentes, où seul !'Antiphonaire de Villers fournit des repères plus ou moins assurés. Les premiers proviennent de la production hagiographique. En effet, l'office d' Arnulphe, sans doute composé par Gosuin et transcrit dans le manuscrit Bxl. II 1658, doit être contemporain de la transcription de la vie d' Arnulphe dans le manuscrit de Berlin. En outre, la vie d' Abond de Huy a probablement été rédigée aussi par Gosuin du

482

Hors du cadre des manuscrits datés ou datables, les datations effectuées par les historiens de l'art confirment l'ancrage de ce style dans le premier tiers, voire le premier quart du 13° siècle. A titre d'exemple on citera les datations des manuscrits écossais Paris, B.N. lat. 12036 et 1218, respectivement les numéros 92 et 93 de AVRIL, F. - STIRNEMANN, P., Manuscrits enluminés d'origine insulaire VII-XXe siècles, Paris, 1987, p. 60-61 et planche xxx. 483

Le manuscrit que l'on suppose autographe est perdu (peut-être s'agit-il du manuscrit de Villers démembré au siècle dernier et dont les Vitae n'ont pas été retrouvées, voir l'histoire du ms. Bxl. II 1658). Papebroek (AA.SS. fun. VII, 558-579) dispose d'un «original» portant l'intitulé : Vita famuli Dei fr. Arnulfi Conversi Villariensis, Auctore Nonno Goswino, Cantore eiusdem loci.

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vivant d' Abond, soit entre 1206 et 1239, mais plutôt vers la fin de cette période. On n'imagine pas que le manuscrit Bxl. 19525 qui la conserve puisse être antérieur aux années 1230. On garde malheureusement peu de livres liturgiques originaires de Villers. Postérieur à !'Antiphonaire déjà cité, le Missel doit dater des années 1246-1247, car on y trouve la célébration des fêtes de saint Jean devant la porte latine (6 mai) et de saint Lambert (17 septembre), admises dans le rite cistercien en 1246. Toutefois, saint Edmer n'est pas célébré, alors que son dies natalis et la translation de ses reliques entrent dans le rite en 1247. Cette chronologie est confirmée par l'ajout en intercolonne, en note d'abord, sur vignette ensuite, des mots Ducum Heinrici [I] Heinrici [II] Arnulphi à côté de la formule Memento etiam Domine famulorum famularumque tuarum. En effet, Henri II est enseveli à Villers en 1248 ; sa mémoire ne pouvait donc être évoquée lors de la lecture des diptyques dans un manuscrit antérieur à cette date, si ce n'est, comme ici, sous la forme d'un ajout à la copie originale. On peut aussi penser que l' Arnulphe dont il est question est l'abbé Amulphe de Louvain, mort la même année que le duc de Brabant Henri II, et non Amulphe le convers pour lequel le culte à Villers devait déjà être établi. Enfin, la datation de l'exemplaire des Flores Paradisi B est partiellement éclairée par les textes qu'elles compilent. Le dernier auteur utilisé par le compilateur des Flores Paradisi B (20030-32) est Transmundus de Clairvaux, mort en 1217. Le florilégiste utilise un manuscrit de la première recension du corpus épistolaire de Transmundus, rassemblée après la mort de l'auteur. En conséquence, le manuscrit de Bruxelles ne peut être antérieur à cette date. En outre, je crois que l'auteur du florilège de Villers utilisa les deux Bibles glosées données au monastère par le chanoine de Louvain Henri entre 1230 et 1232, ce qui reculerait la composition du manuscrit de Bruxelles après cette date484 . Ces quelques élémenls permettent d'évaluer à nouveau les tensions entre pratiques conservatrices et évolution vers le « gothique international» dans le deuxième quart du 13e siècle. D'une part le Missel de 1246-1247 s'en tient à la lettrine cistercienne monochrome (planche 62) en même temps que la Vie d'Arnulphe prolonge le style 484

Voir infra, p. 203.

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de lettres à filigranes du début du siècle (planche 60); d'autre part, les Flores Paradisi B et l'office d' Amulphe permettent de constater à la même période non seulement l'adoption franche de la textualis, mais également l'accueil de la production « professionnelle » dans les dernières productions d'envergure du scriptorium provincial de Villers-en-Brabant. Adaptant plutôt qu'adoptant le style des lettres à filigranes en vigueur dans les ateliers parisiens des années 1230-1250, le décorateur des filigranes des Flores Paradisi B répond par les lancettes à la verticalité des antennes et à la multiplication des fils parallèles, tandis qu'il exprime dans le champ de la lettre un vocabulaire floral par enroulements successifs. Cette production de prestige, achevée à tous égards, marque de façon naturelle la fin d'une époque : celle de la «belle période» qui se termine avec Amulphe de Louvain en 1248, celle qui voyait la bibliothèque s'enrichir principalement à partir des productions du scriptorium. Après la période de crise qui marquera le troisième quart du 13e siècle, il restera aux bibliothécaires de Villers à s'adapter aux standards des livres universitaires que recense, en 1309, le récolement del' armarium parvum.

CONCLUSION : HISTOIRE DU SCRIPTORIUM « Mais au-delà des pourcentages, on cherchera en vain le germe d'une quelconque curiosité pour ce qui se passe dans un autre scriptorium, l'embryon d'un raisonnement inductif, l'amorce d'une corrélation avec d'autres variables, l'émergence d'une tentative d'explication des phénomènes observés »485 . Ce constat sévère posé par E. Omato sur l'application des méthodes quantitatives en codicologie s'appliquerait sans peine à mon propos. Quand ils ne s'attachèrent pas simplement aux rara et eu rio sa, les historiens ont tant cherché à définir le rôle de l'Ordre de Cîteaux dans l'histoire du livre, toujours en quête d'une typologie unificatrice, d'une 485

ÜRNATO, E., La codicologie quantitative, outil privilégié de l'histoire du livre médiéval, dans Probleme der Bearbeitung mittelalterlicher Handschriften, 1986 repris dans La face cachée du livre médiéval. L'histoire du livre vue par Ezio Ornato, Roma, 1997, p. 33-65 (ici 65).

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LE CONTEXTE CULTUREL

«unanimité primitive »486 , que les manuscrits monastiques du 13e siècle n'ont jamais été entraînés dans cette dynamique de la codicologie quantitative, attachée, quant à elle, aux caractéristiques les plus banales. C'est en alliant les méthodes relatives aux caractéristiques codicologiqu es à celles qui portent sur l'écriture et la décoration qu'il faudrait développer ce raisonnemen t inductif fondé sur le maximum de variables possibles. La chronologie relative de la production manuscrite de Villers, corrélée à d'autres, permettrait peut-être de vider la question de pratiques conservatric es ou non dans l'atelier brabançon. Mais que choisir comme corpus? Le corpus du scriptorium d' Aulne, un peu plus fourni quoique peu innovant, devrait confirmer l'existence de liens culturels établis entre les deux abbayes. Il n'est pas sûr en revanche - la codicologie semble le montrer487 - que l'analyse de ce corpus permettrait d'affiner la chronologie ou de déceler des pratiques spécifiques récurrentes. Distinguer les pratiques locales de celles communéme nt appliquées entre 1175 et 1250 exigerait de se tourner vers la production manuscrite cistercienne, mais aussi bénédictine et prémontrée de cette région située en tenaille entre deux cultures : la «culture mosane» et celle du nord de la France. Si l'on trace un cercle d'une cinquantaine de kilomètres de rayon autour de l'abbaye de Villers, il apparaît clairement que les scriptoria actifs à cette période ne sont plus les centres bénédictins de Lobbes au sud-ouest, ni de Gembloux situé à une lieue de Villers. Même les nouvelles bibliothèque s bénédictines d' Affligem (fondée en 1083) à l'extrémité nord-ouest du cercle ou de Saint-Trond à l'extrémité nord-est (dont la bibliothèque brûle en 1156) sont (re)constituées à la fin du 12e

486

L'expression est reprise du titre de AUBERGER, J.M., L'unanimité cistercienne primitive : mythe ou réalité ?, Achel, 1986 (Cîteaux, Studia et Documenta, 3). Sur la volonté de reconnaître dans la production cistercienne des caractéristiques unifiées, voir p. ex. GARAND, M.C., Manuscrits monastiques ... , p. 21 et CAVALLO, G., Dallo 'scriptorium '. . ., p. 396, qui parle du rôle des cisterciens comme 'Io snodo fondamentale ne! mutamento degli statuti del libro monastico', ou, plus récemment, FRIOLI, D., 1 Cisterciensi e il libro, dans Libro, Scrittura, documenta della civiltà monastica e conventuale nel basso medioevo (secoli XIII-XV). Atti del Convegno di studio Fermo (17-19 settembre 1997), éd. AVARUCCI, G. - BORRACINI VERDUCI, R.M. - BORRI, G., Spoleto, 1999, p. 19-97. 487 GILISSEN, L., Prolégomènes à la codicologie ... annexe sur les mss d' Aulne.

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

189

siècle. Pour ces terres « lotharingiennes » du milieu, qui sans être la terra inculta dont parle le chroniqueur de Villers, avaient cependant à être «cultivées» par le calame après l'avoir été par la charrue, on aimerait croire que Villers ait participé à l'émergence d'une« culture monastique» issue des nouvelles fondations du 12e siècle. Il faudrait donc rapporter les manuscrits de Villers à ceux copiés en milieu prémontré488 - Parc au nord, Heylissem au nord-est, Saint-Feuillien et Bonne-Espérance au sud-ouest - et évidemment au sein du microréseau cistercien qui unit Villers à Aulne, à Cambron, voire à d'autres institutions. En théorie, il n'est pas non plus exclu qu'un mécénat laïc ait pu avoir des influences sur de nouvelles pratiques de mise en page, sur la décoration ou même la fabrication des manuscrits. Durant cette période, Villers a joué un rôle croissant dans les préoccupations géopolitiques des Ducs de Brabant ; dès lors, colorer politiquement cette nouvelle «culture monastique» n'est pas une hypothèse à exclure. Il est regrettable que les pistes à suivre à rebours soient maintenant effacées. On garde peu - pour ne pas dire aucun - indice d'une activité d'ateliers laïcs ; les bibliothèques de collégiales, quand elles existèrent, ne sont connues qu'en lambeaux. Enfin, l'interprétation d'indices comme celui du legs par le chanoine Henri de Louvain d'un Pentateuque glosé dans le sens d'une possible influence de modèles extérieurs sur la production interne du scriptorium, reste hautement conjecturale. Dans l'attente de relier ainsi des chronologies relatives les unes aux autres au sein d'une région déterminée et d'appliquer les mêmes analyses systématiques au sein d'un corpus défini, j'ai choisi de situer la production de Villers par rapport à une documentation 488 Les études, quand elles existent, sont menées par des historiens de !'art à partir des éléments les plus prestigieux du décor et s'arrêtent le plus souvent à notre terminus a quo, soit le 4e quart du 12e s. Ex. : les notes intéressantes de J. Stiennon, reprises par M.R. Lapière (voir p. 180), sur les liens entre quelques productions de Saint-Trond et certains manuscrits de provenance prémontrée, la «Bible d' Arnstein », les «Évangiles d' Averbode» et la «Bible de Floreffe», dans le 3e quart du 12e s. Voir STIENNON, J., Du Lectionnaire de Saint-Trond aux Évangiles d'Averbode. Contribution à l'étude de la miniature mosane au XII' siècle, dans Scriptorium, 7, 1953, p. 37-50. Pour une actualisation de la bibliographie, une nouvelle chronologie et même une proposition d'attribution de la « Bible de Floreffe» à l'atelier de Florennes, voir CHAPMAN, G., The Floreffe Bible revisited, dans Manuscripta, 35, 1991, p. 96-137.

190

LE CONTEXTE CULTUREL

lacunaire, mais cette fois sûrement datée et localisée. Cette approche comparative n'a pas pour objectif de déterminer comment réagissait au 13e siècle le « livre cistercien » - je ne crois guère au concept mais plutôt d'apprécier comment le scriptorium de Villers évolua entre tradition et nouveautés pour donner ou non des fonctionnalités nouvelles aux livres copiés ou conservés. Cette tension est particulièremen t perceptible à Villers. Jusque 1250, les pratiques du scriptorium sont conservatrices, excepté pour les dernières productions. Elles se rattachent aux habitudes du monde monastique du l 2e siècle, plutôt qu'aux fonctionnalités récentes du livre scolaire, puis universitaire. En témoignent la disposition du texte - comme par exemple la relative étroitesse des manuscrits ou l'absence de formats réduits à deux colonnes et à petite unité de réglure - mais aussi les techniques de composition des cahiers comme la présence trop erratique des réclames, connues pourtant dès le 11 e siècle, 1' absence de la numérotation double dans les signatures et l'utilisation de la ligne de tête comme ligne d'écriture. En revanche, l'évolution du processus d'indexation depuis les premières années du 13e siècle jusqu'aux Flores Paradisi B fait des copistes et des chantres de Villers des pionniers dans le monde monastique occidental. Il en va de même pour le décor et l'écriture. Ce n'est que vers 1200 que se déroulent la transition des éléments carolins vers les éléments gothiques et celle de la lettrine monochrome à palmettes ou à décor géométrique vers la lettrine à courbes et contre-courbes, dont le filigrane bicolore ou tricolore envahit désormais les marges. À la fin de la «belle période », alors que les Flores Paradisi B et quelques manuscrits apparentés écrits en littera textualis affinent et complexifient les traits de lettres filigranées désormais conformes au gothique international, le Missel de Villers et la Vie d'Arnulphe perpétuent encore le style antérieur. Cette rupture dans la continuité, cette adaptation de l'esthétique qui devient gothique mais reste monastique, sont aussi le propre de l'histoire architecturale de Villers. Conrad d'Urach, moine allemand initié à l'opus francigenum lorsqu'il était chanoine à la cathédrale de Liège alors en recontruction, arrive à Villers en 1209 et modifie les

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE SCRIPTORIUM

191

plans initiaux489 . Le projet bernardin de l'abbé Charles (1197-1209) se trouve ainsi magnifié par le gothique à partir de l' abbatiat de Conrad et répond aux transformations contemporaines dans les pratiques des scribes et des enlumineurs de l'abbaye brabançonne. Vers 1220-1230, la création d'un armarium dans le prolongement de la sacristie fait certainement écho à l'évolution dans l'histoire du scriptorium de Villers telle que je la propose : une activité modérée dans le dernier quart du 12e siècle, une production soutenue dans le premier tiers du 13e siècle, elle-même couronnée par quelques belles productions vers le milieu du 13e siècle.

*** Dans cette vision finaliste de l'histoire du scriptorium de Villers, les exemplaires des Flores Paradisi jouent un rôle déterminant. Le manuscrit Bxl. 20030-32 des Flores Paradisi B est un exemplaire à la textualis soignée. Il compte parmi les plus grands manuscrits de Villers et présente une composition particulière des cahiers, munis de réclames, et une mise en page complexe pour le texte et l'index. Son décor gothique à filigrane, où le noir apparaît, particularise les différentes entités du manuscrit. Dans les Flores Paradisi A, l'alternance entre les couleurs dans la « lettre à filigrane » du début du 13e siècle donne un équilibre à l'ensemble, mais ne fait pas ressortir avec autant de clarté pour le lecteur les portions du texte à lire ou à méditer. Les hésitations dans l'indexation de la page et l'absence d'homogénéité dans la mise en page de ce manuscrit «petit-moyen» renforcent son statut de brouillon. On aurait même tendance, comme pour la compilation contemporaine du Bxl. 2002025, à supposer une perte des cahiers manquants suite à un précoce manque d'attention pour des feuillets laissés sans reliure et destinés à servir de modèle à une collection mieux équilibrée, plus critique dans le choix des citations et plus aisément consultable. C'est ce chemin du brouillon à l'édition qu'il faut préciser avant d'expliquer le « comment» et le « pourquoi » de cette vaste

489

COOMANS. Th., L'abbaye de Villers-en-Brabant ... , p. 549 : «Au projet bernardin de l'église IIIA se substitue un concept nouveau et gothique. Le concept mis au point avec Villers IIIB est cistercien et gothique, c'est-à-dire qu'il restait monastique mais se dégageait du modèle bernardin en s'inscrivant dans les courants architecturaux de son temps ».

192

LE CONTEXTE CULTUREL

entreprise des Flores Paradisi B, achevée au terme de la « belle période » de Villers.

DEUXIÈME PARTIE LES FLORES PARADIS/: DESCRIPTION, ÉLABORATION, FONCTION

CHAPITRE 1 UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

SECTION 1

UNE COLLECTION, DES GENRES, DES CAS

Le nom de Flores Paradisi qualifie une collection d'extraits qui unifie en deux genres de florilèges plusieurs états de texte conservés dans neuf manuscrits. Trois d'entre eux sont très fragmentaires; il faut y ajouter le témoignage de deux exemplaires perdus. L'intitulé de l'anthologie n'est conservé que dans deux manuscrits qui présentent un prologue. Il importe de clarifier les appellations qui vont nommer les réalités dont il sera question : manuscrits ou exemplaires, états de texte, florilèges localisés ou œuvres, genres de florilèges, collection. Un premier état de texte se lit dans la première partie du codex fragmentaire Bxl. 4785-93 1, muni d'un ex-libris de Villers. Je le considère comme une production du scriptorium brabançon dans le premier tiers du 13e siècle. Le manuscrit reçut de Richard et Mary Rouse l'appellation de Flores Paradisi A 490 , même s'il ne conserve ni titre, ni prologue. Il a été muni d'un index de mots-clés rangés alphabétiquement, qui renvoie à chaque passage du florilège structuré à sections d'auteurs. Un fragment de ce même état de texte est conservé à la fin du même manuscrit Bxl. 4785-93, dans la troisième partie du codex. Un autre manuscrit originaire de Villers dans le deuxième quart du 13e siècle, le Bxl. 20030-32, livre un état ultérieur appelé Flores Paradisi B par R.H. et M.A. Rouse. En effet, le titre de Flores Paradisi émane du prologue mis en exergue au manuscrit. Ce dernier est également à sections d'auteurs et présente aussi un index conçu sur des bases semblables à celui des Flores Paradisi A, mais à 490

ROUSE, R.H.-M.A., Preachers, Florilegia and Sermons... , p. 127-130.

196

LES FLORES PARADIS!

l'intérieur d'un cadre conceptuel très élargi. Un sénion d'un état de texte B issu d'un autre exemplaire est conservé dans le Bxl. 4785-93 IL Ce type de cahier est très peu utilisé dans le scriptorium de Villers. Le manuscrit est à rattacher au premier tiers du 13e siècle en fonction d'arguments paléographiques (planche 32). Ces quatre manuscrits ou fragments forment ensemble ce que j'appelle «les Flores Paradisi de Villers», florilège «à sections d'auteurs» en deux états: un manuscrit principal, le Bxl. 4785-93 l et un fragment, Bxl. 4785-93 III, en présentent un état initial A, tandis qu'un manuscrit principal Bxl. 20030-32 et un fragment Bxl. 4785-93 II en livrent« l'œuvre achevée» B 491 • Sous la cote Paris, B.N.F. lat. 15982 (avec ex-libris de la Sorbonne), on conserve un autre état de texte« à sections d'auteurs» que R.H. et M.A. Rouse appelèrent Flores Paradisi C 192 • C'est l'exemplaire dont disposa Thomas d'Irlande pour composer son Manipulus florum en 1306 ; il donne à lire le même prologue que les Flores Paradisi B et par là, le même titre. Toutefois, il s'en distingue nettement: le florilège n'a pas été muni d'un index, en dépit d'une note en fin de prologue qui renvoie le lecteur à une table finale dont le projet a été manifestement abandonné. Il conserve une réédition du florilège achevé (B), accompagné d'une compilation originale composée d'extraits d'Augustin. Un autre état «à sections d'auteurs», acéphale et inachevé, est maintenant conservé à Darmstadt, Hessische Landes- und Hochschulbibl. 510, ff. 49-62 (description §2). Il porte un ex-dono du 15e siècle en faveur de l'abbaye bénédictine de Saint-Jacques de Liège. Ces feuillets n'avaient jamais été identifiés, du fait de leur caractère fragmentaire. La copie n'est pas non plus achevée et se limite à une partie des extraits tirés des traités d'Augustin. L'index a été ajouté a posteriori, sans suivre précisément un codage alphabétique similaire à celui des Flores Paradisi B et transcrit de façon souvent fautive - et donc inutilisable pour l'indexateur.

491

Ces manuscrits sont décrits dans l'annexe 2 réservée aux productions du

scriptorium de Villers. 492

Description au § 1 de la section qui suit.

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

197

Un dernier état «à sections d'auteurs» conservé se trouve à l'heure actuelle à Berlin, Staatsbibl. Phillipps 2007 III493 . Jamais rattaché à la collection des Flores Paradisi, ce florilège n'avait pas été identifié. Datée du troisième quart du 13e siècle, la copie n'a jamais été achevée. En tout cas, aucun prologue ne commence le florilège. Comme pour le fragment du manuscrit Bxl. 4785-93 II, on ne peut déterminer si un index avait été prévu ou non par le copiste. Un exemplaire des Flores Paradisi C, ou plus probablement B, muni d'un prologue, a existé à Aulne. Il est à l'heure actuelle perdu 494 . On en trouve l'attestation dans le catalogue de A. Sanderus de 1632, sous la cote V.8.1. La présence du titre suppose celle du prologue, mais ne permet pas de situer le florilège en amont ou en aval des Flores Paradisi B ou C. Je l'appellerai «Flores Paradisi d' Aulne ». Le titre apparaît aussi pour qualifier une collection identique présente au moins au 15e siècle dans la bibliothèque du Val-Saint-Lambert, une abbaye cistercienne proche de Villers-enBrabant495. Deux autres manuscrits se rattachent à la collection des Flores Paradisi, mais à l'intérieur d'un autre genre de florilèges. En effet, ils reprennent le même choix d'auteurs et de textes que les Flores Paradisi B, mais d'après un classement thématique par ordre alphabétique496 . Il s'agit des volumes Laon, B.M. 327 - dont on ne connaît ni l'origine ni la provenance avant le 16e siècle - et Troyes, B.M. 1385, provenant de Clairvaux. Aucun ne garde de prologue, ni, par conséquent, de titre médiéval. L'analyse des sources a permis de rattacher le florilège conservé dans ces deux états (Laon et Troyes) à un remaniement des Flores Paradisi de Villers. Le manuscrit de Laon est malheureusement fort lacunaire, tandis que celui de Clairvaux, complet, en conserve un abrégé. L'exemplaire de Troyes fut attribué erronément à Etienne Langton, d'après sur une note de lecteur du 17e siècle au f. 130497 .

493

Description dans le § 3 ci-dessous.

494

Description dans le § 4 ci-dessous.

495

Description dans le § 5 ci-dessous.

496

Description dans le § 6 ci-dessous.

497

Sur cette attribution, voir infra, p. 226.

198

LES FLORES PARADIS!

En définitive, on possède cinq florilèges différents qui composent la collection Flores Paradisi : le florilège de Villers en deux états (A : un état initial, B : une œuvre achevée), le florilège « de Berlin », le florilège de Saint-Jacques de Liège, le florilège «de Paris» et le florilège «de Laon-Troyes» en deux états (Laon : un état complet - mais lacunaire - et Troyes : un état abrégé). Les exemplaires d' Aulne et du Val Saint-Lambert doivent s'identifier vraisemblablement au florilège de Villers, mais il ne faut pas exclure que l'un ou l'autre soit un témoin du florilège de Paris. C'est pourquoi, dans le tableau qui suit, je ne les associe pas avec certitude avec les florilèges de Villers ou de Paris. Voici en schéma la distribution des exemplaires de la collection des Flores Paradisi : Genre : à section d'auteurs 13e s.

Flores Paradisi A : Bxl. 4785-93 1 Etat initial incomplet et lacunaire, sans prologue, avec index Florilège Flores Paradisi A fragment : Bxl. 4785-93 III de Villers 1 feuillet conservé ou Flores 13e s. Flores Paradisi B fragment: Bxl. 4785-93 II Paradisi (1/3) « Œuvre achevée», mais un seul sénion conservé, de Villers ? sans prologue, sans index (prévu ?) 13e s. Flores Paradisi B: Bxl. 20030-32 (2/4) « Œuvre achevée», avec prologue et index ----------------------- ----------------------- ----------------------- --------13e s. Flores Paradisi de Darmstadt : Florilège (3/4) Darmstadt, Landes- und Hochschulbibl. 510 II de Saint« Œuvre achevée », ms. acéphale et incomplet, index Jacques _________ P?_s_t~!~~~!- _______________________________________________ ~-~ ~~~~~ __ 13e s. Flores Paradisi de Berlin : (3/4) Berlin, Staatsbibl. Phillipps 2007 III. Florilège « Œuvre achevée », mais dans une copie non de Berlin terminée, sans prologue, sans index (prévu ?) ----------------------- ----------------------- ----------------------- --------13e s. Flores Paradisi C : (3/4) Paris, B.N.F. lat. 15982 Florilège Édition revue et augmentée de l' « œuvre achevée », de Paris avec prologue, sans index (prévu, mais absent) ----------------------(113)

----------------------- ----------------------- ---------

199

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

?

Flores Paradisi perdues d' Aulne: Catal. Libr. manuscriptorum Alnensis biblioth. de 1632, classe V, décurie 8, 1er ms. Copie de l' «œuvre achevée » (ou de sa réédition ?),

---------~~~~ J2~?!??>?:~ ---------------------------------------?

Flores Paradisi perdues du Val-Saint-Lambert: note du f. 148 du Bxl. 21205-9, 15e s., originaire de SaintJacques à Liège. Copie del'« œuvre achevée» (ou de sa réédition?), avec prologue

Flores Paradisi d' Aulne Flores Paradisi du ValSaintLambert

Genre : thématique par ordre alphabétique

13e s. (1/4) Laon, B.M. 327: état lacunaire, sans prologue 13e s. (2/4) Troyes, B.M. 1385 : état abrégé, sans prologue

SECTION 2

Florilège de LaonTroyes

LA DESCRIPTION CODICOLOGIQUE DES MANUSCRITS

On trouvera la description codicologique détaillée des exemplaires des Flores Paradisi A et des Flores Paradisi B dans l'annexe 2. Suit ici la description des autres exemplaires retrouvés ; soit écrits après 1250, soit provenant d'autres bibliothèques, ils n'ont pas trouvé leur place dans l'étude du scriptorium de Villers-enBrabant qui précède.

200

LES FLORES PARADIS!

§ 1 LES FLORES PARADIS! C : LE MANUSCRIT PARIS,

B.N.F. LAT. 15982

A. DESCRIPTION498 Parch., 3/4 du 13e s., 184 ff., foliotage moderne, 285 x 205 mm. Mise en page : mise en page à 2 col., just. : 215 x 155 mm, 53 lignes, sauf 1vb, 44 lignes (cah. 1), 215 x 145/150 mm, 2 col., 55/57 lignes (cah. 2, 6-7, 13) et 50/53 lignes (cah. 1, 3-5, 8-12, 14-17) réglées. Réglures à la mine de plomb : a) destinée à régler le cadre justificatif, b) dans la marge de gouttière ou de petit fond à 4/7 mm du cadre justificatif, destinée à régler l'écriture du code secondaire. Compositio n des cahiers: 12 , 2-9 12 , 10 10 , 11-16 12 , 17 4 , 13 2 cr de garde et contreplat), avec réclames au cah. 6 (sed nescitis) et 8 (scelerum furor: à moitié rognée); inversion des cahiers 1-5 et 6-17; lacune après cah. 12 confirmée par le changement de module d'écriture et de la mise en page (voir p. 271-272); lacune de l'index annoncée dans le prologue et soulignée par une note. Cette dernière est attribuée par R.H. et M.A. Rouse à Thomas d'Irlande, en vue de composer son Manipulus florum : f. 3vb. : Nota quod hic deficit tabula ad inueniendum diuersas auctoritates concordantes in unam sententiam que debet esse secundum ordinem alphabeti de diuersis uocabulis. !ta quod post quemlibet uocabulum diuerse litere concubinate que ponuntur in margine subscribantur. Sicut docet iste prulogus precedens. Mise en valeur du texte : titres-courants rouges désignant l'auteur et l'œuvre, en marge de tête au verso des ff. (cah. 11-12). Codes alphabétiques composés de trois lettres permettant un renvoi à chaque citation, le code prioritaire se trouvant en marge de tête, les codes secondaires et tertiaires en marge de gouttière ou de petit fond. Codage effectué jusqu'à la lacune du cahier 12. Reliure : reliure à 5 nerfs en veau ; 2 contreplats en parchemin. État de conservatio n : Trous recousus. 498 Bibliographie : ROUSE, R.H. - M.A., Preachers, Florilegia and Sermons .. ., p. 145-147.

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

201

Révisions et annotations : nombreuses additions marginales complétant les omissions des Flores Paradisi B par des citations des Flores Paradisi A. Quelques notae en forme de « s » en face de certaines citations. Écriture et mains : R.H. et M.A Rouse reconnaissent deux mains: main 1 : ff. 50va-5lrb, ff. 52ra-75vb (cab. 6-7), ff. 76ra178vb (cah. 8-16); main 2: ff. 4-50va, 51rb-vb, 75vb à partir des extraits sur les Confessions. La rupture entre les deux mains n'est pas nette aux ff. 5lrb-vb. Histoire : Ex-libris au f. 185v : Jste liber est pauperum magistrorum in theologica facultate studencium Parisiensis in uico ad duas portas ante palatium de termis pro .lxx. sol [rue de la Sorbonne, en face du Collège de Cluny (Thermes)]. Excerpta quorumdam origialium [sic] augustini bernardi cassiodori Johannis crisostomi hylarii et quedam alia pro lxx sol. D'une autre main: Flores Paradisi precium .lxx. in secundo folio pererogatus pe0 [?] mus [?]. Cotes: Sur le contreplat 425°, f. 2r: Sorbonne 360. Note de 1869: « Ce manuscrit du 13e s. contient les fleurs du paradis ou extraits de J. Chrysostome de ... Volume de 186 feuillets. 19 mai 1869 ». Contenu : Flores Paradisi C. Inc. prol. : Flores Paradisi pro titulo nomen non immerito sortitus est liber iste. Qui sanctorum catholicorum patrum philosophorum et poetarum electissimis plenus sententiis (... ) Reliqua in singulari ubi prius et sicut de ceteris [l'index est signalé f. 3va: Sed in fine istius libri inuenies tabulam ad inueniendum diuersos auctores ac libros partiales ipsorum quorum dicta et auctoritates in hoc libro colliguntur, mais il est manquant]. Inc. text. (f. 3vb): AAA. Magnus es Domine et laudabilis ualde et magna uirtus tua et sapientie tue non est numerus ... Inc. tabul. (f. 179ra) : Hic sunt nomina auctorum quorum dicta de diuersis libris eorum extracta hic ponuntur... La table est évoquée sur le f. de garde : Tabula est in fine uoluminis. Ante octo folia infine et au f. 186r: Tabula quere ante sexfolia. Elle concerne les feuillets codés, soit les ff. 3-133v (AAA-GCL) et les auteurs suivants: Augustin, Jérôme, Ambroise, Grégoire, Bernard et Jean Chrysostome.

202

LES FLORES PARADIS!

B.

PARTICULARITÉS

1. LA COMPOSITION DU VOLUME L'analyse des mains, des modules d'écriture et du contenu du florilège permettent de restituer la composition du volume de la façon suivante. Il existe, outre le prologue et la table des titres finale, deux parties essentielles : le travail original sur les œuvres d'Augustin (ff. 3r-5 l v = cah. 2-5) et la reprise des Flores Paradisi B (ff. 52r-l 78v = cah. 6-17). À l'origine, les cah. 2-5 devaient suivre le cah. 7 qui termine la partie des Flores Paradisi B pour les œuvres d'Augustin. En effet, les extraits des Confessions d'Augustin à la fin du cah. 7 (f. 75v) se terminent par ... et gaudes lucris numquam auarus et usuras exigis. Su[ ... ]. Or, la suite se trouve en 4ra [... ]perogatur tibi ut debeas ... Pour une raison qu'on ignore, la compilation originale sur les œuvres d'Augustin figure en premier lieu. Dès lors, le copiste a recopié en 3vb (laissé vierge après le prologue) les 27 lignes du f. 75v, en espaçant au maximum les lignes pour prendre une face entière (44 lignes). Il aura omis par la suite de barrer les extraits devenus inutiles en 75v. De cette manière, je pense qu'à l'origine on trouvait le prologue, la reprise du corpus augustinien des Flores Paradisi B et enfin la compilation augustinienne originale. L'analyse des mains laisse un seul constat inexplicable : l'intervention du premier copiste aux ff. 50va-51rb de la compilation originale. La reconstitution du volume apparaît comme suit : Cahiers

Main Module d'écriture

Contenu

1 séparé

2

50-53 lignes

Prologue

6-7

1

56-57 lignes

reprise de la partie augustinienne des Flores B

2

2

56-57 lignes

partie augustinienne originale des Flores C

3-5

2

50-53 lignes

partie augustinienne originale des Flores C

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

8-12

1

50-53 lignes

[lacune]

203

reprise des Flores B voir p. 271-272

13

1

56-57 lignes

reprise des Flores B

14-17

1

50-53 lignes

reprise des Flores B

II. LA DÉCORATION Grandes lettres bleues filigranées de rouge pour le début de chaque section consacrée à un auteur: F[lores] (prologue, f. 3r), M[agnus] (Augustin, f. 3v), [N]ulla (Augustin, f. 52r), [A]udi (Jérôme, f. 76r), [P]rincipium (Ambroise, f. 86r), [C]um (Grégoire, f. 94r), [P]ulcra (Bernard, f. 11 lr). Lettre rouge filigranée de bleu pour le code primaire en marge de tête, pour le code secondaire en marge de gouttière ou de petit fond. Lettre rubriquée pour le code tertiaire. Titres rubriqués. Initiale pour chaque nouvelle citation: lettre rehaussée de rouge jusqu'à la lacune du cahier 13 (pour les psaumes de Cassiodore, le verset est souligné en rouge). La décoration s'arrête à la lacune du cahier 12.

§ 2 LES FLORES PARADIS/DE DARMSTADT, HESSISCHE LANDES- UND HOCHSCHULBIBL. 510 Il

A. LES FLORES PARADIS/ ET UN ÉPITOMÉ BIBLIQUE DE CLAIRVAUX(= FF.

45-160) 499

1. DESCRIPTION Parch., 3/4 du 13e s., 115 ff. (foliotage récent 45-160), 225 x 155 mm.

499

Bibliographie: Die Handschriften der Hessischen Landes- und Hochschulbibliothek Darmstadt, vol. 4 : STAUB, K.H. - KNAUS, H., Bibelhandschriften. Altere theologische Texte, Verzeichnis der lateinischen Handschriften, Darmstadt, 1979, n°66, p. 120-122.

204

LES FLORES PARADIS!

Mise en page : ff. 45-135 (cahiers i-xi) : mise en page à longues lignes, just.: 163 x 120 mm (17.163.45 x 10.120.25), 48-49 lignes réglées à l'aide de deux régimes de réglures verticales espacées de 3 mm. et un troisième régime de réglure verticale dans la marge de gouttière destinée à recevoir à l'extérieur le premier code alphabétique et à l'intérieur le second. Piqûres : 48 ou 49 en marge de gouttière, normalement deux fois deux piqûres en marges de tête et de queue qui correspondent aux deux régimes de réglures verticales. Au début de l'entité codicologique, trois piqûres. Deux observations : a) le texte est écrit au-dessus de la première ligne, ce qui est une pratique conservatrice pour le troisième quart du 13e s., b) le tracé des réglures et les piqûres ne correspond pas parfaitement : la première piqûre correspond à la deuxième réglure et la dernière piqûre ne correspond à aucune linéation. ff. 136-160 (cahiers xii-xiiii): mise en page à longues lignes, just.: 166 x 126 mm (23.163.39 x 14.125.27), 50-52 lignes réglées à l'aide de deux régimes de réglures verticales espacées de 3 mm. Piqûres : 50 ou 52 en marge de gouttière, deux fois deux piqûres en marges de tête et de queue. Le texte est écrit au-dessus de la première ligne. La première piqûre correspond à la deuxième réglure, mais ici la dernière piqûre correspond à une linéation. Composition des cahiers : o4, 1_38, 4 8(6+2: f. 1s et 1s montés sur talons>, _ 5 8 14 signés à l'encre. Dans la première entité (cahiers i-x), les signatures ius, ivus_xius sont placées au centre de la marge de queue et les réclames à droite : cah. 1 et desideratis, cah. 2 et angeli Dei, cah. 3 magna termini incipient, cah. 4 archam Dei ahioth precedebat archam, cah. 5 superbia ibi erit, cah. 6 inuium. Qui reuelat profunda de tenebris (réclame qui ne correspond pas au début du feuillet suivant, mais qui assure la continuité des versets 22 et 23 du livre 12), cah. 7 carnem brachium suum, cah. 8 complectuntur sic conuium pariter potantium consumuntur quasi stipula ariditate plena, cah. 9 et nurum in so, cah. 10 nabis potum dedi non escam. Dans la deuxième entité (cahiers xi-xiv), les signatures xius (du cahier précédent), xiiius et xiiiius sont placées à droite de la marge de queue ainsi que les réclames : cahier 11 Ahab frater patris uel fraternitas patrui (sic), cah. 12 non signé et sans réclame, cah. 13 qui castigabat corpus suum, cah. 14 fugit Helyas a facie, ce qui indique que le texte d'Isaac de l'Étoile est incomplet.

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

205

Mise en valeur du texte : Pour les deux parties : initiales rouges pour le début des œuvres d'Augustin ou des livres bibliques, titres courants à l'encre noire rehaussés de rouge et titres courants rouges sur les deux faces (à quelques exceptions près). Pour les Flores Paradisi seules (planche en couleur 9) : rubriques désignant l'auteur et l' œuvre au début de chaque section en marge de tête si la page débute par une section, sinon dans le texte. Codage alphabétique identique aux Flores Paradisi B, mais la disposition des trois codes dans les marges de gouttière et de petit fond trop étroites (à l'inverse du manuscrit de Bruxelles où le code prioritaire est situé en marge de tête, cf. p. 526) provoque des erreurs dans l'alignement et dès lors dans les niveaux de codages. Les codes prioritaires et secondaires sont normalement rubriqués, le code tertiaire est à l'encre noire. Table des matières du 15e s. au f. 1v pour les deux entités codicologiques : Concordancie antique biblie. Tabula super bibliam que tabula est super quod concordantie antique. Tabula super excerpta seu auctoritates ex libris beati Augustini. Excerpta siue auctoritates ex libris beati Augustini. Biblia abbreuiata siue concordantie antique. Item interpretationes hebreorum nominum. Quedam expositio super cantica canticorum sed non est completa.

Reliure : En cuir datant de 1721 (f. 2r: hune librum religauit D. Philippus hujus monasterii religiosus et cantor 1721); il s'agit de Fisen, responsable de plusieurs reliures encore conservées de SaintJacques500. Cousue sur cinq nerfs, dimension des ais en carton : 240 x 160 mm, deux gardes en papier, puis collage d'une autre feuille de papier sur des fragments de Graduel imprimé apposés sur les ais. Sur le dos, titre à froid « Ricardus S. Victore » et cinq décors fleuronnés. Cote « 97 » sur le plat supérieur, sur le dos, rappelée enfin au crayon sur le feuillet collé sur l'ais supérieur.

État de conservation : Parchemin de qualité inégale, trous d'origine.

Écriture et mains : main sans doute identique qui copie les Flores Paradisi et l'épitomé, puis contemporaine mais d'un plus

soo J'ai vu entre autres à Darmstadt les reliures des mss. 743, 747, 815, 958, 1411 et 1489.

206

LES FLORES PARADIS!

petit module pour les Interpretationes et le commentaire d'Isaac de l'Etoile. Histoire : L'histoire ùu manuscrit commence une fois réunies les entités codicologiques 1 (ff. 1-44) et II (ff. 45-160). L'unité du volume tient à une table des matières commune du 15e s. et à la copie à la fin du 14e s. d'un sermon sur saint Pierre. Ce dernier fut copié d'abord à la suite de l'index des Flores Paradisi sur les deux derniers feuillets du cahier « 0 » de la seconde entité codicologique (actuels ff. 47v-48v), ensuite au verso du dernier feuillet du dernier cahier de la première entité codicologique (actuel f. 44v). L'origine des textes et la présence dans les deux entités de compilations bibliques qu'on ne retrouve ensemble que dans deux manuscrits de Clairvaux (Troyes, B.M. 1692, milieu 13e s. et Troyes, B.M. 1037, 14e s.) suggère que les deux entités copiées par des mains contemporaines aient eu une destinée commune très rapidement après la transcription. La première trace explicite quant à l'histoire du texte date de la deuxième moitié du 14e s. et est inscrite au verso du feuillet de garde médiéval indépendant du premier cahier (f. 0) : Hune librum dedit nabis magister Johannes fisicus canonicus sancti Petri et sancte crucis in Leodio. Et oretur pro eo. Précède la mention « Liber sancti Jacobi in Leodio », puis sans doute de la main de Philippe de Othey « dedi scriptori meo xxiiii sol. ». Cote de Saint-Jacques : C.67 et A.X.41 (f. Ir). Contenu : 1 (ff. 49r-62r) [Flores Paradisi s. tit. du 15e s. Excerpta seu auctoritates ex libris beati Augustini copié par celui qui composa la table des matières]. Inc. : [BC]P. Melius est minus egere quam plus habere. Q. Ad Casulanum. In hiis rebus de quibus nichil... (= BCP des Flores Paradisi B ). Expl. : ALV Egeat do minus tuus. Postremo numera filios [tuas adde unum illum inter illos Dominum tuum. Unum habes sit ille secundus duos habes sit ille tertius tres habes quartus sit.] (=DLS des Flores Paradisi B 501 ). La citation a été laissée expressément incomplète. Une ligne laissée blanche, puis ajout de la même main de 23 autres citations. Certaines, comme la première, sont extraites des Flores Paradisi : 501

Cette citation se trouve vers la fin de la première entité réservée à Augustin dans les Flores Paradisi B, mais ne correspond à aucune césure matérielle dans l'un des autres états des Flores Paradisi conservé.

UNE COLLECTION DANS TOUS SES ÉTATS

207

Jeronimus. Felix illa conscientia et beata uirginitas in cuius corde preter amorem Christi ... (= DSN des Flores Paradisi B, soit peu après la citation d'Augustin). Au terme des 23 citations, ajout du 14e s., très vraisemblablement de la main de l'indexateur (passages d'ailleurs indexés), d'une citation absente des Flores Paradisi: Augustinus in oratione de libro trinitatis. Da domine non plus minus ue sapere uelle quam sat est... (= Augustinus Oratio in librum de trinitate, CPL 328, SL 50A, 1. 30) bona adipiscentibus congaudere et flere cum flentibus ... (1. 35 de l'éd.) pacificos sine amentia securos sine penuria pauperes sine auaritia diuites (l. 58 de l'éd.). 2 (ff. 45r-47r., add. du 14e s.) : 240 entrées d'index pour les Flores Paradisi précédées de deux petits traits obliques. Rappel des chiffres arabes qui désignent chacun des alphabets (cf. ci-dessous) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, O. Hec tabula est super excerpta de libris beati Augustini que habentur post quartum folium. Cette numération et ce titre sont d'une main postérieure, car l'indexateur n'utilise pas le « 0 » et a recours à une autre abréviation pour désigner le chiffre ......

°'

[12]

[74]

[124] Prima pars magistri Petri super psalterium

[128] Secunda pars epistolarum beati /eronimi

II 933

4831-35

[130] Periarcon Origenis et Ambrosius de officiis

[135] Augustinus de caritate et libri II Sixti martyris

II 924

II 925

4676-78

[12]

[123] Secunda pars magistri Petri super psalterium

4797-99 I

Denderm., Abb. 9

[135]

[ 122] Liber vite meritorum et liber viarum Dei, etc.

[121] Vita sancti Pacomii

Liber s(an )c(t)e Marie de Villari (ru br. et ajout à!' encre noire : in Brabantia) /Liber sancte Marie de Villari in Brabantia

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari in Brabantia

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari

Liber beatae Mariae de Villarii (15e s.)

acéphale (pas de garde sup.)

incomplet, (pas de garde inf.)

acéphale et incomplet.

A moitié détruit par le feu

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4820-25

[76]

[80]

[149] Augustinus ad quemdam comitem

[152] Moralium pars tertia

4877-86

4890-94

[155] Excerpta moralium et de sacramentis et « 0 intemerata »

[156] Gregorius super cantica et Origenes in epythalamicis

20034

4699-703

[148] Augustinus confessionum et Hugo *stu.

II 935

[145] Augustinus de verbis Domini

[86]

4712

[143] Secunda pars Augustini super lohannem

Lib(er s(an)c(t)e Marie de Villari (rubriqué et surligné d'un trait vert, cfr planche 39) Lib(er) s(anc(t)e Marie de Villari

Lib(er} s(ancte} Marie de Villari i(n} Brabantia

Liber sancte Marie de Villari (planche 9)

Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari [in Brabantia rajouté] (f. lOOv) (13e s.)

Liber s(an )c(t)e Marie de Villari

Liber sancte Marie de Villari (rubriqué, planche 47b)

Lib(er} s(ancte} Marie de Villari i(n} Brabantia (planche 1)

ANNEXE 1

Liber beate Mariae de Villarii (15e s.)

1

OO

.+:> ,_.

[151]

4687

II 930

[164] Quarta pars Gregorialis et sermo quidam sancti Bernardi

[167] Ysidorus ethimologiarum

20026-7

[161] Paterius

4764-66

4815-18

[87]

New-Haven, Marston 193

[160] Liber pastoralis beati Gregorii pape

[159] Dyalogus beati Gregorii pape et quedam omelie

[158] Omelie beati Gregorii pape

.. .Brabantia] (découpé) Liber s(an)cte Marie de Villari in Brabantia (écriture postérieure)

Liber s(an )c(t)e Marie de Villari Liber b(ea)te uirginis Marie de Villari in Brabantia ordinis cisterciensis

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari Liber s(an)c(t)e Marie de Villari

Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari seruanti b(e)n(e)dictio (13e s.) (f. 133v)

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari seruanti b(e)n(e )d(i)c(t)io (13-14e s.) (f. 133v)

Liber sancte Marie de Villari seruanti benedictio (f. 133v) Liber sancte Marie de Villari in Brabantia (f. 133v) Liber s(an)c(t)e M( arie) de Villari in Brab(ant)ia seruanti b(e)n(e)dictio (f. 133v)

Villarie (16e s.); Ad Villarium (17-18e s.)

acéphale et incomplet

Incomplet

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25"'

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0

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4030 (ff. de garde)

Mechelen, Sem. 1.1.1 (Ill)

20030-32

4785-931 (cf. p. 236)

[115]

[20]

[45?]

[55]

[66]

[248 ?] Decretales cum apparatu

[252 ?] Diffinitiones

[254] Flores paradysi

[256] Flores beati Ambrosii

[276] Secundum volumen [questionum de quolibet monachi H. De Gandavo ]

[284] Tertius Thome super sententias

Lib(er) s(an)c(t)e M(arie) de Villari i(n) B(ra)bancia (13-14e s.)

Liber s(ancte) Marie de Vill(ar)i in Brabantia

Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari in Bra(bantia) (13-14e s.)

1

Paris, B.N.F. Liber sancte Marie de Villari in n.a.l. 1784 Brabancia

4711

4710

[247] Decretales cum apparatu

ANNEXE

Liber b(ea)te Marie virginis de Villari in Brabantia (15e-16e s.) Liber beate Marie virginis de Villari In Brabantia (15e-16e s.) Liber beate Marie Virginis de Villari (15e-16e s.) Attineo monasterio de Villari (15e s.) Pertineo monasterio Villariensis (15e s.)

1

.p. N N

Berlin, Theo! lat Q 195 I

[403] Vitafratris Arnulphi dicti Corneboit, etc.

[2-3]

4588-91

[400 ?] Tractatus de professione monachorum

20020-25 III

[40]

[381] Excerpta de canticis et de libro A[nselmi]

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari (15e s.)

Liber sancte Marie de Villari in Brabancia

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari in br(abantia) (13-14e s.)

Liber sancte Marie de Villari

Numerus librorum qui sunt in parvo armario

4888-89

[312 ?] Summa de casibus fratris Regmundi prima

4561-62

[304] Sermones fratris Willelmi super epistolas dominicales « Hora est»

[51]

II 927

[285 ?] Questiones fratris Thome

cote ancienne

Ex-libris découpé au f. llOv. Cachet Phillipps 318

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0

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[448] Auctoritates biblie et alia

[447] Excerpta biblie et quedam alia

[27] Themata biblie [442-443] Notabilia biblie

[428] Sermones magistri Philippi super psalterium

4796

II 3308

4103

4183

1

Liber sancte Marie de Villari in Brabancia Liber s(an)c(t)e Marie de Villari in Braba(ntia)

Liber s(an)c(t)e Marie de Villari (15e s.)

Manuscrits d'œuvres mal identifiées (voir p. 105)

Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari in Brabancia

ANNEXE

acéphale et incomplet

brûlé

acéphale

N

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ANNEXE2 LE SCRIPTORIUM DE VILLERS CATALOGUE RAISONNÉ DES MANUSCRITS

SECTION 1 : PREMIÈRE PHASE DE PRODUCTION : LE DERNIER QUART DU 12e SIÈCLE

§ 1 GROUPE DES MANUSCRITS « À LETTRES ORNÉES »

BRUXELLES, B.R. 4712 - AUGUSTIN : COMMENTAIRE SUR L'ÉVANGILE DE JEAN Parch., 169 ff., un feuillet de garde collé au premier cahier, foliotage du 13e s., 237 x 326 mm.

Mise en page : mise en page de type A à 2 col., just. : 21.77.16.77.47 x 33.235.58 mm; formule de just.: 1,38 (235/170); 28 lignes ; piqûres : 4 en marges de tête et de queue, 28 en marge de 1003 gouttière; UR : 8,70 (235/27). Composition des cahiers : 18, 2900- 1 ~

f. JO

monté

sur

onglet), 3-21 8.

Cahiers signés i, iiii-xviü.

Mise en valeur du texte : table des concepts rubriquée (rouge) au f. 1 avec des renvois à la foliotation ancienne (début du 13e s.). Notae en face de plusieurs citations des Flores Paradisi. Notes (14e15c s.) d'utilisation du volume au réfectoire: - f. 23r, sermon 48 : Hic incipitur in refectorio pour le texte : 1003

Cette abréviation dans la description des manuscrits signifie «unité de réglure».

426

ANNEXE2

Infirmitas hec non est ad mortem sed per gloriam Dei ut glorificetur filius Dei. Talis glorificatio ipsius non ipsum auxit... Texte évangélique abrégé : Colligerunt pharisei... - f. 30r, sermon 49 : feria 2 post palmis avec l'évangile du jour : Iesus ergo ante sex dies Pasche uenit Bethaniam ... - f. 47v, sermon 55. Évangile: In illo tempore dilexit uos. Omelia beati Augustini episcopi. Et cena inquit Jacta cum diabolus iam omisisset... - f. 73v, In uigilia Pentecosten. Évangile : In illo tempore. Si diligitis me mandata... Omelia beati Augustini episcopi. Audiuimus fratres cum euangelium loqueretur Dominum dicentem. Si diligitis me mandata ... - f. 76, In die Pentecosten. In illo tempore. Si quis diligit me sermonem meum seruat... Qui non diligit me sermones meos non seruat. Ecce exposita est causa quare se suis manifestaturus est non alienis... - f. 120, In uigilia Ascensionis. Ante ista que nunc sumus adiuuante Domino (sermo 104).

Planche 5 : Bruxelles, B.R. 4712, haut du f. 141ra (a) et bas du f. 141rb (b)

lNVENTAIRE DES MANUSCRITS

427

Décoration : grandes initiales monochromes rouges, bleues ou vertes sur 4-7 U.R. Entrelacs pleins ou creux, terminés en fleurons. Petites initiales rouges (sauf une bleue au f. 150, pour ne pas être confondue avec la grande initiale du même feuillet). Histoire : ex-libris de 1309 au f. 169r: Lib(er) s(ancte) Marie de Villari i(n) Brabantia. Ex-libris tardif sur le f. de garde supérieur: Liber b(eat)e Mariae de Villari. Ex-libris du 16e s. sur le f. de garde supérieur: Liber armarii ( .... ) secunda pars ( .... ) Villerii. Catalogue de 1309, item 143. Contenu : 1 (ff. lr-169v) Augustinus In evangelium Iohannis tract. 44 usque adfinem (CPL 278). Bibliographie : VDG n°1056; GLORIEUX, T., Manuscrits cisterciens ... , p. 74-75 et reproduction en couleur du f. 9lr, p. 30 et en noir et blanc du f. 85r et 14lr, p. 148-149 (cat. 15).

BRUXELLES,

B.R. 4764-66 -

GREGOIRE : DIALOGUES

Parch., 136 ff. + 1 f. de garde supérieur, foliotage moderne, 197 x 295 rnrn. Mise en page : rnise en page de type A à longues lignes, just. : 25.133.39 x 24.216.55 rnrn; formule de just.: 1,62 (216/133); 33 lignes ; piqûres rognées : 2 en tête et en queue, 33 en marge de gouttière ; UR : 6,75 (216/32). Composition des cahiers: 1-17 8 signés i-xvii. Mise en valeur du texte : titres courants en rouge du f. 2v au f. 88r; à l'encre brune du f. 89v au 120r (titre et numéro d'ordre du livre en cours). Notae en face de plusieurs citations des Flores Paradisi. Table des matières du volume du 13e s. au f. 1 ; table des chapitres pour chacun des quatre livres des Dialogues aux ff. 1, 17vl 8r, 35rv (voir planche 6) et 6lr (écrits en alternance à l'encre rouge et verte). Lettres d'attente (voir planche 6). Décoration : grandes initiales monochromes rouges ou vertes sur 4 U.R avec des motifs floraux stylisés. Petites et moyennes initiales sur2 U.R. Histoire : Cinq ex-libris au f. 139v, dont celui de 1309 : Liber sancte Marie de Villari seruanti benedictio ; Liber sancte Marie de

428

ANNEXE2

Villari in Brabantia; Liber s(an)c(t)e M(arie) de Villari in Brab(ant)ia seruanti b(e)n(e)dictio ; Liber s(an)c(t)e Marie de Villari seruanti b(e)n(e)d(i)c(t)io ; Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari seruanti b(e)n(e)dictio (dont l'écriture est proche de celle du texte). Catalogue de 1309, item 160. Sanderus, item 87.

gttl~·rrr~ Amant10 pl(ro;iinm(~a~::i:n-..·"""o , 11-198, 208, 212(1+1).

Un bifeuillet de parchemin moderne a été collé au recto du premier

1005

Voir supra, p. 59. Avec la note : Inconstans animus oculus uagus instabilis pes. Sicut hominis signa et quo mihi nul/a boni spes. 1006

INVENTAIRE DES MANUSCRITS

431

feuillet. Caractéristique codicologique : les deux derniers feuillets (f. 160 et garde) sont cousus par l'extérieur, formant ainsi un onglet refermé entre les ff. 159 et 160. Cahiers signés i-xx (au recto et au verso). Les signatures des cahiers sont entourées de deux points à droite et à gauche, soit quatre points disposés de façon cruciforme encadré ou non d'une corolle (cahiers 9-12), à la fin d'un module d'écriture plus gros (cahiers 13-20). La signature du cahier 10 est disposée sur le fragment du manuscrit Bxl. 4820-25 (planche 8b). Mn· ~f'Ollfioaaf(muf_~ ·i.fl ~n·•uoi11emo~~m.f~ • ~· E~ t011;tdu110tociPcaa"t41ilt•~ ' ~ COUàbamt"'.t\.~Î~l:

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Planche Ba: Bruxelles, B.R. 20019, f. 69v

Mise en valeur du texte : Lettres d'attentes en marge de gouttière, au-delà des piqûres, dans l'écriture du texte et d'un module d'écriture plus petit. Lettres rubriquées (rouge), indépendantes du

432

ANNEXE2

corps du texte. Lettres et phrases d'attente 1007 . Table des collations à l'encre brune sur le verso du feuillet de garde, écrite à la fin du 13e s. : ln hoc uolumine continetur (sic) decem et septem co[llation]es Cassiani, quarum primas decem scribit ad Elladium et Leontium, septem alias ad Honoratum et Eucherium. Item ex dictis parum (sic pour patrum). En outre, table des matières avant chaque collation (voir fin de l'une d'entre elles, planche 8a). Notes du correcteur, qui numérote aussi les chapitres dans les tables des matières particulières. Écriture et mains : main A: ff. 1-45 et 65-71 ; main B: ff. 4664 ; main C: ff. 72-73, main D: ff. 74-160 . •td

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Planche Sb : Bruxelles, B.R. 4820-25, f. de garde supérieur (nouveau f. 72, ici le verso)

Décoration : grandes initiales monochromes rouges ou vertes. Initiales moyennes rouges ou vertes sur 8 U.R. Petites initiales sans décoration sur 2 U.R. Histoire : ex-libris du 13e s. sur le f. de garde arrière du Bxl. 20019: Liber s(an)c(t)e Marie de Villari; ex-libris du 13e s. à l'encre noire sur le verso du fragment du Bxl. 4820-25 : Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Vill(ari) in Brabantia. Catalogue de 1309, item 120. Sanderus, item 31. Cote ancienne : CA 5 L9. Contenu : [f. garde recto : De accentu non identifié Inc. : Dicimus ale age de longe de late de prope econtra dextra. Dicimus abinde exinde deinde... lacessitur. (incipit comparable s.v. dans Paris, B.N.F. lat. 5102, f. 150-155 ; Montpellier, Méd. 322, f. 55rv; 1007

Voir supra, p. 59.

433

INVENTAIRE DES MANUSCRITS

Leiden, B.P.L. 17, f. 143-160 selon BURSILL-HALL, G.L., A Census of Medieval Latin Grammatical Manuscripts, Stuttgart, 1981 (Grammatica Speculativa, 4)] 1 (ff. lr-155r) Iohannes Cassianus Collationes pars I coll. 1-5, 7-8, 6, 9-10 ; pars II coll. 1-7 (fragment = Collatio 6, 10, p. 164, 1. 8) (CPL 512) 2 (ff. 155r-160v) Tit.: Sententiae diuersae 1008• Inc. : Cum uideris inimicum tuum in potestate tua uindictam puta uindicare potuisse ... Bibliographie : VDG n°l l 73 ; GLORIEUX, T., Manuscrits cisterciens ... , p. 71-72 et reproduction des ff. 31v, 39v, lülv et 121v en noir et blanc, p. 141-144 (cat. 12). *BRUXELLES , B.R.

20034- GRÉGOIRE:

MORAL/A

Parch., 184 ff. y compris 1 f. de garde supérieur, foliotage moderne sauf le f. 1 collé au plat de reliure, 237 x 334 mm. Mise en page : ff. 1-6 : mise en page de type A à 2 col, just. : 22.73.16.73.53 x 33.235.76 mm; formule de just.: 1,45 (235/161); 30 lignes ; piqûres : 4 en marges de tête et de queue ; 30 en marges de petit fond et de gouttière ; UR : 8, 10 (235/29). ff. 7-181: mise en page de type A à 2 col, just.: 22.73.16.73.53 x 33.239.72 mm; formule de just.: 1,48 (239/161); 32 lignes; piqûres : 4 en marges de tête et de queue ; 32 en marges de petit fond et de gouttière; UR: 7,70 (239/31). Composition des cahiers: ecs-1), 27 C3-1l, 3-19 8 , 207 cs-I), 21-23 8 • 24 . Le premier feuillet du premier cahier est collé au plat de reliure supérieur. Sept réclames conservées pour les cahiers v (f. 37v), vii (f. 53v), viii (f. 61 v), viiii (f. 69v), x (f. 77v), xxi (f. 164v) et xxii (f. l 72v). Cahiers signés i-xxiii. 2

Mise en valeur du texte : numérotation du paragraphe dans le livre en chiffres romains rouges, avec lettres d'attente. Titres courants à l'encre rouge avec la numérotation du livre en cours à partir de «Liber XI». Tables des chapitres. Quelques phénomènes de dyslexie dans les rubrications. Notae en face de plusieurs citations des Flores Paradisi.

1008

Voir supra, p. 27.

434

ANNEXE2

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Planche 9 : Bruxelles, 20034, f. 183v

B.R.

Décoration : grandes initiales monochromes vertes, rouges ou bleues en alternance, sur 10 U.R. Histoire : ex-libris contemporain de la copie au f. 183v: Lib(er) s(an)c(t)e Marie de Villari. Catalogue de 1309, item 152. Sanderus, item 80. Cote ancienne: AA 2 L5.

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Reliure : type 1 (fin 17e s. début 18e s.) 1009 .

Contenu : 1 (nouveaux ff. lr-183v) Gregorius Magnus Moralia pars 3 (lib. 11-19) (CPL 1708). Bibliographie : VDG n°1242 ; GLORIEUX, T., Manuscrits cisterciens .. ., p.72-73 et reproduction en couleur du f. 131v, p. 28 et en noir et blanc des ff. 72v et l 63r, p. 145-146 (cat. 12) ; reprod. dans le CD-1 sur Villers édité par Phillips. *BRUXELLES, B.R. IV 306 - EUSÈBE : HISTOIRE ÉCCLÉSIASTIQUE

X

Parch., 183 ff. + 1 f. de garde postérieur, foliotage moderne, 227 322 mm.

Mise en page : mise en page de type B à 2 col., just. : 10.15.73.15.73.16.25 x 23 .232.67 mm; formule de just.: 1,44 (2321161) ; 28 lignes ; piqûres : 6 en marges de tête et de queue, 28 en marge de gouttière ; U.R. : 8,59 (232/27).

1009 A l'exception d'une seule autre reliure (voir p. 81), seul ce type 1 de reliure datant de la fin du 17e S. OU peut-être du début du l 8e S. est antérieur à ]a dissolution du monastère. Le veau de couleur clair couvre les deux plats de façon uniforme et sans dtfouraliun. Sur le dus, décor doré dont la composition en losange a nécessité différents petits fers.

435

INVENTAIRE DES MANUSCRITS

Composition des cahiers : 1 manquant, 2-228, 23 7_pMU( ud mpin3tn uei· alwbor

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M ise en page : mise en page de type A à 2 col., just. : 15.76.8.75.15 X 22.207.45 mm; formule de just. : 1,30 (207/159); 29 lignes; pas de piqûres; U .R. : 7,39 (207/28). ff. 140v-141v: 31 lignes ; pas de piqures ; U.R. : 6,93 (208/30).

454

ANNEXE2

Décoration : initiale du f. 134 semble d'origine externe. Il ne s'agit pas d'entrelacs, mais de tuyaux d'orgue. Autres initiales simples, du même type que les manuscrits intermédiaires. Histoire : ex-libris du l 3e s. au f. 14lr: Liber sancte Marie de Villari in Brabantia. Catalogue de 1309, item 224 ?. La nature des textes laisse penser à l'origine clarévallienne de cette entité. La forme de certaines lettres comme le g ou le etiam est rare à Villers (voir planche 35). Contenu 1 (ff. 134r-138r) Petrus de Roia novitius Claraevallensis Epistola ad episcopum Noviomensis. Éd. PL 182, col. 706-713 2 (ff. 138r-138v) Guigo I Carthusiensis Epistola ad Haymericum. Inc. : Domino et arnica in Christo... Quesumus sic agite ut cum ab his diebus secundum apostolum mali sunt, et secundum Psalmistam, sicut umbra deficiunt ad dies bonos et annos eternos transieritis... Expl. : .. .exquisitis refecti dapibus. Texte incomplet par rapport à·celui de la PL 153, col. 595-596 3 (ff. 139r-141 v) De prosapia regum Francorum Inc. : Primus omnium regum Francorum qui apud illos more regio regnauit... Bibliographie: Dictionnaire de Spiritualité, vol. 12/2, 1986, col. 1664-1665; Dictionnaire des auteurs cisterciens, Rochefort, 1975, s.v. Pierre de Roye (La Documentation cistercienne, 16/4). BRUXELLES, B.R.

4797-99 1 -

VIE DE PACHÔME

Parch., 64 ff. y compris le f. de garde solidaire, gravement endommagés par le feu, foliotage moderne, 159 x 230 mm.

Mise en page : ff. 1-31 : mise en page de type A à longues lignes, just.: 23.112.24 x 19.177.34 mm, formule dejust.: 1,58 (177/112), 26 lignes ; piqûres : 2 en marges de tête et de queue, 26 en marge de gouttière; U.R.: 7,08 (177/25). ff. 32-39 : mise en page de type A à longues lignes, just. : 22.110.23 x 21.168.41 mm, formule de just. : 1,52 (1681110), 24 lignes; piqûres. U.R. 7,3 (168/23). ff. 40-47: mise en page de type A à longues lignes, just.: 23.113.23 x 20.170.40 mm, formule de just.: 1,50 (170/113), 20-23 lignes; U.R. : 8,5 (170/20). ff. 48-55 : mise en page de type A à longues lignes, just. : 11.131.12

455

!NVENTAIRE DES MANUSCRITS

x 22.165.42 mm, formule de just.: 1,25 (165/131), 27-29 lignes; U.R. : 6,34 (165/26). ff. 56-64 : mise en page de type A à longues lignes, just. : f. 56-63 : 9.140.10 x 19.173.28 mm, formule de just.: 1,23 (173/140), 26 lignes; U.R.: 6,92 (173/25).

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Planche 23 : Bruxelles, .. B.R. 4797-99 1, f . 17r

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