Saint-Benigne de Dijon En l'An Mil, 'Totius Galliae Basilicis Mirabilior': Interpretation Politique, Liturgique Et Theologique (Disciplina Monastica) (French Edition) 9782503529387, 2503529380

Dans son histoire du monde, ecrite vers 1030, Raoul Glaber depeint l'eglise preromane de Saint Benigne de Dijon com

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Saint-Benigne de Dijon En l'An Mil, 'Totius Galliae Basilicis Mirabilior': Interpretation Politique, Liturgique Et Theologique (Disciplina Monastica) (French Edition)
 9782503529387, 2503529380

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DISCIPLINA MONASTICA 5 9

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DISCIPLINA MONASTICA Studies on Medieval Monastic Life Eè tudes sur la vie monastique au Moyen Aêge

Editors of the Series Collection dirigeèe par

Susan Boynton & Isabelle Cochelin

Editorial Board

Sheila Bonde Florent Cygler

2009 BREPOLS

SAINT-BEè NIGNE DE DIJON EN L'AN MIL, TOTIUS GALLIAE

BASILICIS MIRABILIOR è TATION POLITIQUE, LITURGIQUE INTERPRE è OLOGIQUE ET THE

Carolyn Marino

2009 BREPOLS

Malone

Mise en page : Christine Melin, IRHT Orleè ans

ß 2009

, Turnhout, Belgium

All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.

D/2009/0095/9 ISBN 978-2-503-52938-7

Aé Gilbert Franck

REMERCIEMENTS J

'ai deèjaé remercieè dans mon livre preè ceèdent, Saint-Beènigne et sa rotonde. Archeèologie d'une eèglise bourguignonne de l'an mil, ceux qui avaient rendu possibles les fouilles de SaintBeènigne. Je voudrais ici mettre l'accent sur les personnes et les institutions qui m'ont

aideèe pour ce deuxieéme ouvrage qui traite de mon interpreètation de la signification de la configuration de l'eèglise et de sa rotonde. L'ideèe initiale pour ce travail plus interpreètatif sur Saint-Beènigne est certainement venu du cycle de confeè rences que j'ai donneè en 1995 au è tudes Supeèrieures de Civilisation Meèdieèvale de Poitiers sur û l'eèglise de SaintCentre d'E Beènigne de l'an mil : aspect archeèologique, interpreètation liturgique et interpreètation politique ý. Le programme de ce cours a inspireè en partie l'organisation de cette eètude. Les congeès sabbatiques de l'University of Southern California, qui m'ont donneè s le temps de faire les recherches preèalables puis de l'eècrire, ont eèteè financeès en partie par une bourse de la Graham Foundation en 1995 et par des bourses de post-doctorat de l'American Council of Learned Societies et de l'American Association of University Women en 2002. Mes recherches aé Dijon ont eèteè profondeèment faciliteèes par les directeurs successifs du Museèe Archeèologique de Dijon, Monique Jannet-Vallat et Christian Vernou et par toute l'eèquipe de la Bibliotheéque municipale, particulieérement Martine Chauney-Bouillot et Claudine Holin, comme par tous les employeè s des Archives deèpartementales de Coête d'Or, particulieérement le directeur, Geèrald Moyse. Je suis eègalement reconnaissante de l'attention eèrudite et de l'aide que m'ont donneèe aé Dijon Laurent Durnecker, Alain Rauwel, Jean-Pierre Roze et Christian Sapin, tous fins connaisseurs de Saint-Beè nigne. Je remercie aussi Paula Berry, William Childs, Virginia Jansen, Donald Malone, John Pollini, Warren Sanderson, et Roger Stalley pour leur aide et pour l'inteè reêt qu'ils ont porteè aé mon travail. Je remercie Amy Ciccone, Brian Harlan, Ross Scimeca, et Ruth Wallach, des bibliotheéques de l'University de Southern California, qui ont faciliteè mes recherches. Je souhaite remercier aussi Mike Bonnet et Kristine Tanton de l'University de Southern California de leur collaboration pour les photographies. De meê me, je suis reconnaissante aé Worthy Martin de m'avoir procureè les photographies du plan de Saint-Gall et aé Bernie Frischer de l'University de Virginia et Patrick Geary de l'University de California aé Los Angeles de m'avoir autoriseèe aé les publier. Ma participation comme consultante aé leur eètude sur Saint-Gall m'a inciteèe aé faire de nombreuses comparaisons avec les baêtiments monastiques de Saint-Beènigne. Pour leur coopeèration et leurs encouragements tout au long de la preè paration de ce livre, je suis reconnaissante aé mon fils Jesse Kramer et aé mes parents John et Viola Marino. Comme pour mon livre preèceèdent, je remercie surtout Gilbert Franck pour sa traduction consciencieuse ; sans son aide, ces eè tudes ne seraient pas parvenues aé leur forme actuelle. Je remercie aussi Pascale Collet de sa contribution aé la mise au point du texte.

9

7

remerciements Pour leurs observations et leurs conseils porteè s sur le premier brouillon de cet ouvrage, je suis reconnaissante aé Christian Sapin et Didier Meèhu. De plus, je remercie particulieérement Jacques Meènard pour sa traduction des descriptions des autels dans la chronique et le coutumier de Saint-Beènigne et pour ses excellentes corrections, reè daction et ameèliorations des traductions en franc°ais des citations latines tout au long de cet ouvrage. De meême, je remercie Nathalie Gailius et Isabelle Cochelin pour la reè daction minutieuse et les eèleègantes ameèliorations qu'elles ont apporteèes aé la version deèfinitive de mon texte. Je suis aussi redevable aé Isabelle Cochelin et Susan Boynton en tant que directrices de la collection

Disciplina Monastica : Eètudes sur la vie monastique au Moyen Aêge de Brepols, de leur aide

soutenue dans la publication de l'ouvrage. Merci aussi aé Luc Jocqueè de Brepols et aé tous ceux qui dans cette maison d'eèdition ont faciliteè et reèaliseè cette publication. En outre, j'exprime ma gratitude aux colleégues et institutions suivantes pour m'avoir donneè l'autorisation de publier leurs photographies : Neithard Bulst, Virginia Jansen, Wilhelm Schlink, la Bibliotheéque municipale de Dijon, la Bibliotheéque nationale de France, les Archives nationales de Paris et la Commission des antiquiteès de la Coête d'Or.

8

9

LISTE DES ABREèVIATIONS ADCO

Archives deè partementales de la Coê te d'Or

AN

Archives nationales de Paris

Bern

Bernard, û Ordo Cluniacensis ý, in Vetus disciplina monastica, eèd. M. Herrgott (Paris, 1726), reèimpr. P. Engelbert (Siegburg, 1999) pp. 136-364.

BHL

Bibliotheca hagiographica latina

BMD

Bibliotheé que municipale de Dijon

BNF

Paris, Bibliotheé que nationale de France

CA

Consuetudines Cluniacensium antiquiores cum redactionibus derivatis, eèd. K. Hallinger, CCM 7.2 (Siegburg, 1983) ; 7.1 (Siegburg, 1984).

CAO

Corpus Antiphonalium Officii, eèd. R.-J. Hesbert, Rerum Ecclesiasticarum Documenta, Series Maior Fontes X, 4 : Responsoria, Versus, Hymni et Varia (Rome, 1970).

CB

Collection de Bourgogne t. 11, t. 14, Annales manuscrites de Saint-Beè nigne, BNF.

CCM

Corpus consuetudinum monasticarum

CCCM

Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis

CCSG

Corpus Christianorum, Series graeca

CCSL

Corpus Christianorum, Series latina

LT

Liber tramitis aevi Odilonis abbatis, eèd. P. Dinter, CCM 10, 1980.

MGH

Monumenta Germaniae Historica

PG

Patrologiae cursus completus. Series graeca, eè d. J.-P. Migne, 162 t., Paris, 1857-1866.

PL

Patrologiae cursus completus. Series latina, eèd. J.-P. Migne, 221 t., Paris, 1844-1891.

SC

Sources chreètiennes

Ulr

Ulrich de Zell, Consuetudines antiquiores cluniacenses, PL 149, cols. 643-779.

9

9

INTRODUCTION é A

l'approche de la troisieé me anneè e apreé s l'an mil, sur presque toute la terre, particulieérement en Italie et dans les Gaules, on se mit aé reconstruire les eè glises. [...] C'eè tait en

fait comme si le monde lui-meê me, se secouant et rejetant sa vieillesse, se couvrait de toutes 1

parts d'un manteau d'eèglises d'un blanc eè clatant .

L'eèglise

Saint-Beènigne

pourrait

avoir

inspireè

cette

fameuse

meètaphore

de

Raoul

2

Glaber . Saint-Beènigne, que Raoul connaissait fort bien, eètait l'une des plus importantes 3

eèglises de l'eèpoque . En effet, les descriptions contemporaines de l'eè glise Saint-Beènigne et de sa rotonde, construites aé Dijon entre 1001 et 1018, mettent constamment l'accent sur leur aspect extraordinaire. Vers 1030, Raoul Glaber immortalisait Saint-Beè nigne en la deèclarant û plus admirable que les basiliques de toute la Gaule (totius Gallie˜ basilicis mirabi4

liorem) et de proportions incomparables ý . Vers 1060, la chronique de l'abbaye de SaintBeènigne soulignait eègalement le caracteére exceptionnel de l'eèglise et de sa rotonde : û La forme et la finesse de cette construction reèaliseèe avec art n'ont pas eèteè inutilement expliqueèes par eècrit aé certains qui sont moins instruits, car beaucoup de choses semblent avoir eèteè reèaliseèes en elle selon un sens mystique (mistico sensu) ; elles doivent eêtre plutoêt attribueèes

(1) Rodulfus Glaber, Historiarum libri quinque, eèd. et trad. J. France, (pp. 1-253) ; et Vita Domni Willelmi Abbatis, eèd. N. Bulst, trad. J. France et P. Reynolds, (pp. 254-99) (Oxford, 1989), pp. 114-16 : Igitur infra supradictum millesimum tercio iam fere imminente anno, contigit in uniuerso pene terrarum orbe, precipue tamen in Italia et in Galliis [...]. Erat enim instar ac si mundus ipse excutiendo semet, reiecta uetustate, passim candidam e˜ cclesiarum uestem indueret. (2) J. France, û Appendix ý, dans Rodulfus Glaber, Historiarum ; et Vita, (pp. 300-02) p. 302, l'a proposeè . è glise au moyen aê ge (v. 800-v. 1200) (Paris, 2006), D. Iogna-Prat, La Maison Dieu : une histoire monumentale de l'E p. 327. Bien que, comme Dominique Iogna-Prat l'a justement fait remarquer, l'image du `blanc manteau' de Raoul ait eèteè utiliseèe ad nauseam par û tous les manuels d'histoire et d'histoire de l'art au chapitre de la naissance de l'art roman ý, elle trouve sa place leè gitime dans l'introduction de mon livre puisque l'eè glise preèromane de Saint-Beè nigne peut non seulement avoir inspireè cette meètaphore, mais eêtre ici interpreèteèe comme un paradigme de cette splendide formule. Voir aussi C. Marino Malone, û Saint-Beè nigne in Dijon as Exemplum of Rodulfus Glaber's Metaphoric `White Mantle' ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock, International Medieval Research 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2003), pp. 160-79. (3) M. Arnoux, û Introduction ý, dans Raoul Glaber, Histoires, trad. M. Arnoux (Turnhout, 1996), pp. 9, 13. Raoul a veècu aé l'abbaye de Saint-Beè nigne. Le sermon de conseè cration de l'abbeè Guillaume pour la deè dicace en 1016, qu'il rapporte, semble eê tre pris sur le vif ; et les deux premiers livres et les deux premiers chapitres du livre III des Histoires ont probablement eèteè eècrits aé Saint-Beè nigne avant 1030, mais la Vita a eèteè commenceè e et probablement eè crite aé Cluny entre 1030 et 1035. Voir infra, p. 93 n. 4. (4) Rodulfus Glaber, Vita, p. 276 : totius Gallie˜ basilicis mirabiliorem atque propria positione incomparabilem perficere disponebat. Propos repris sous une forme eè quivalente dans ses Histoires. Rodulfus, Historiarum, pp. 120-21 ; Raoul Glaber, Histoires, trad. M. Arnoux (Turnhout, 1996), (pp. 3-253) pp. 170-71. û Il [Guillaume] reconstruisit cette eè glise sur un plan si admirable qu'il serait difficile d'en trouver un autre aussi beau ý (Quam uidelicet ecclesiam illico tam mira locatione permutauit ut huiuscemodi alter difficile queat inueniri).

9

11

introduction 5

aé l'inspiration divine qu'aé l'habileteè d'un ma|être ý . L'eèvocation, par Raoul comme par le chroniqueur

de

Saint-Beènigne,

de

l'aspect

eètonnant

de

l'eèglise

faisait

probablement

d'abord reèfeèrence aé sa grande rotonde aé trois eètages avec oculus central, rattacheèe au chevet de l'eèglise (fig. 1, 8). Ce cadre spectaculaire, avec sa lumieé re d'un û eèclat exceptionnel ý, comme le remarque le chroniqueur dans sa description du troisieé me eètage de la rotonde, procurait une mise en sceéne majestueuse aux ceèleèbrations liturgiques et une atmos6

pheére particulieére pour la prieére . Aujourd'hui encore ce monument º malheureusement en grande partie deètruit º nous appara|êt comme une anomalie et un tour de force de l'architecture meèdieèvale. De plus, par son allusion aé l'eèglise comme aé une Ýuvre empreinte d'une signification mystique, le chroniqueur de Saint-Beè nigne nous invite aé l'eètudier ainsi que sa rotonde comme des signes aé deècrypter dans le contexte culturel de l'an mil. L'interpreètation de la configuration de Saint-Beènigne deèpend des sources disponibles concernant l'utilisation de l'eèglise et de sa rotonde, mais eègalement du contexte discursif qui preèvalait au moment de sa construction. Au deèbut du

xi

e

sieécle, l'eèglise, ses baêtisseurs

et ses utilisateurs, interagissaient comme les eè leèments d'une meême matrice culturelle. C'est pourquoi l'analyse deèveloppeèe dans ce livre se fonde sur la conviction que les formes architecturales, appreèhendeèes comme des signes pour ceux qui les contemplent, sont susceptibles d'engendrer un faisceau d'associations et que la configuration de l'eè glise peut nous permettre d'acceèder aé une meilleure compreèhension des attitudes culturelles de l'an mil. En outre, cet ouvrage vise aé mettre en eèvidence que l'eèglise mateèrielle de Dijon, en tant qu'eèleèment constitutif de la culture û visuelle ý de son temps, a eu, elle-meê me, un impact sur l'histoire. Selon la chronique de Saint-Beènigne, la construction de l'eèglise et de sa rotonde fut commenceèe en 1001 sous l'impulsion de l'eèveêque de Langres, Brun de Roucy (À 1016), et 7

de l'abbeè Guillaume (À 1031) . La rotonde, deèdieèe aé û Marie, toujours vierge et aé tous les 8

martyrs ý, fut consacreèe en 1018, deux ans apreés la conseècration de l'eèglise, en 1016 . La chronique deècrit les trois niveaux de la rotonde (niveau infeè rieur consacreè aé saint Jean-

(5) Annexe I, p. 287, lignes 5-10 ; A. Martindale, û The Romanesque Church of S. Beè nigne at Dijon and ms. 591 in the Bibliotheé que Municipale ý, Journal of the British Archaeological Association 25 (1962) : (21-54) p. 47, lignes 5-10. Martindale a fait une nouvelle eè dition de la description de l'eè glise et de la rotonde dans la chronique. Cf. Chronique de l'abbaye de Saint-Beè nigne de Dijon suivie de la chronique de St Pierre de Beé ze, eèd. L. E. Bougaud et M. J. Garnier, Analecta Divionensia, 1 (Dijon, 1875), pp. 138-39, d'apreé s le ms. 591 de la Bibliotheéque municipale de Dijon (milieu du

xi

e

sieécle, autographe). [Chronique]

(6) Infra, pp. 248, 252, 270, 283 et Annexe I, p. 290, ligne 77 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 47, ligne 78. (7) Chronique, p. 138 ; Annexe I, p. 287, lignes 4-6 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 47, lignes 4-6 ; Voir infra, p. 32 et p. 75 pour une discussion de la date et des baê tisseurs. J'ai retenu le terme de `baê tisseur' pour qualifier Guillaume et Brun, car `commanditaire' et `meè ceéne' me semblent recouvrir une action plus strictement financieé re. Cette utilisation s'inspire des formules latines deè signant la personne qui passe commande d'une construction et dont il est dit qu'elle la construit (Caesar pontem fecit ou aedificavit). S'il n'est pas pleinement satisfaisant, ce terme est

plus

approprieè

que commanditaire ou meè ceéne. (Je remercie Alain

Rauwel de cette suggestion). (8) Rodulfus Glaber, Vita, p. 288 ; Annales Sancti Benigni Monasterii Divionensis (Dijon, Bibliotheé que municipale, ms. 448), eèd. G. Waitz, MGH, Scriptores, 5 (Berlin, 1844), (pp. 37-50) p. 41. Voir infra p. 33.

12

9

introduction Baptiste, deuxieéme niveau aé sainte Marie, troisieéme niveau aé la sainte Triniteè) et de sa chapelle axiale qui abritent les autels correspondants de Jean-Baptiste, Marie, et Michel 9

archange . En 1271, l'eèglise de l'an mil fut remplaceèe par le monument gothique actuel, mais la rotonde fut preèserveèe aé l'est de cette eèglise gothique jusqu'aé sa deèmolition en 1792

10

. Le bras sud de la crypte de l'eèglise a eèteè fouilleè et reconstruit en 1843, la fosse de

saint Beènigne et la crypte de la rotonde en 1858 ont reèveèleè des restes notables de l'eèglise du

xi

e

11

. Les fouilles des anneèes 1976-80 et 2003

sieécle

12

.

Cette eèglise beèneèdictine a longtemps eèteè consideèreèe comme un eèdifice essentiel du deèveloppement de l'architecture romane. Avant la publication des fouilles de l'eè glise en 1980, Saint-Beènigne eètait souvent preèsenteèe comme une eèglise de peélerinage û preècoce ý, avec des formes romanes des anneèes 1080

13

. Mon preèceèdent ouvrage, Saint-Beènigne et sa rotonde :

archeèologie d'une eèglise bourguignonne de l'an mil, propose une interpreètation de la chronique en relation avec les vestiges deègageès par les dernieéres fouilles permettant d'aller au-delaé des tentatives d'analyse et des restitutions anteè rieures

14

. Il y est eègalement deèmontreè que

l'eèglise preèromane de Saint-Beènigne et sa rotonde relevaient plutoêt des traditions architecturales carolingiennes, ottoniennes et lombardes qu'elle n'eè tait pas une manifestation preècoce du style roman des anneèes 1080. Alors que le livre preèceèdent mettait l'accent sur l'analyse des structures mateèrielles et leur contexte architectural, l'objectif du preè sent ouvrage est de s'interroger sur la signification politique, liturgique et theè ologique de la configuration de l'eèglise Saint-Beènigne et de deèmontrer qu'aé travers ce nouvel eèclairage, l'inteèreêt de Saint-Beènigne sort grandi tant d'un point de vue architectural que culturel.

Meèthodologie

L'eètude de la signification culturelle de l'eèglise et de sa rotonde s'appuiera sur une approche seèmiotique de leurs anomalies par rapport au contexte de l'architecture bourguignonne autour de l'an mil. En effet, l'interpreè tation des formes en tant que signes eè tant fondamentale

dans

la

penseèe

meèdieèvale,

une

analyse

seèmiotique

n'implique

nullement

ê ge accordait a la signid'imposer un cadre theèorique moderne, anachronique. Le Moyen A é fication des formes une importance eèquivalente aé la noêtre. Ce fut saint Augustin (À 430) qui, le premier, eètablit une doctrine des signes dont les fondements conceptuels demeureé rent

d'actualiteè

parmi

les

clercs

meèdieèvaux

plus

tardifs

15

.

Dans

la

Doctrine chreètienne,

(9) Annexe I, p. 289, lignes 64, 68, 74, 76, 85-86. (10) Annales Sancti Benigni, p. 50 ; L. Chomton, Histoire de l'eèglise de S. Beènigne de Dijon (Dijon, 1900), p. 308 ; Voir infra, p. 35. (11) Infra, pp. 34 et 48. (12) Infra, p. 34. (13) C. Marino Malone, û Les fouilles de Saint-Beè nigne de Dijon (1976-1978) et le probleé me de l'eè glise de l'an mil ý, Bulletin monumental 138 (1980) : 253-84.

*

(14) Idem, Saint-Beènigne et sa rotonde : archeèologie d'une eèglise bourguignonne de l'an mil (Dijon, 2008), pp. 69-120. Nombreuses photos compleè mentaires aé la disposition des lecteurs, en ligne : http ://rcf.usc.edu/

cmalone.

(15) U. Eco, R. Lambertini, C. Marmo, A. Tabarroni, û Latratus Canis or The Dog's Barking ý, dans Frontiers

in

Semiotics,

eèd.

J. Deely,

B. William,

F. E.

Kruse

(Indiana,

1986),

(pp. 65-71)

pp. 65,

70-71 ;

9

13

introduction Augustin affirme : û un signe est, en effet, une chose qui, en plus de l'impression qu'elle produit sur les sens, fait venir d'elle-meê me, une autre ideèe aé la penseèe ý

16

, concept qui corres-

pond aé la deèfinition qu'en donne Charles Sanders Peirce : Un signe, ou representamen, est quelque chose qui tient lieu pour quelqu'un de quelque chose sous quelque rapport ou aé quelque titre. Il s'adresse aé quelqu'un, c'est-aé -dire creèe dans l'esprit de cette personne un signe eè quivalent ou peut-eê tre un signe plus deè veloppeè . Ce signe qu'il creèe, je l'appelle l'interpreètant du premier signe. Ce signe tient lieu de quelque chose : de son objet. Il tient lieu de cet objet, non sous tous rapports, mais par reè feèrence aé une sorte d'ideèe que j'ai appeleèe quelquefois le fondement du representamen

17

.

Ainsi, selon Augustin et Peirce, û ce qui fait qu'une chose est un signe, c'est donc bien la proprieèteè qu'elle a de se reèfeèrer aé un autre eêtre qu'elle-meême, c'est-aé-dire aé son reèfeèrent. C'est donc bien le reèfeèrent qui constitue le signe, qui permet de le reconna|ê tre comme signe ý

18

. D'autre part, la distinction du signum et de la res eètablie par Augustin deviendra

ê ge, pour qui l'Ancien Testala pierre angulaire de la theèologie hermeèneutique du Moyen A ment est le signum dont le Nouveau est la res, et de la theèologie sacramentaire, pour qui le sacrement est le signe efficace d'une reèaliteè invisible

19

.

Augustin distingue deux types de signes, les signes naturels et les signes û donneè s ý (data)

20

. Ces derniers

sont ceux que tous les eê tres vivants se donnent les uns aux autres pour manifester, autant que possible, les mouvements de leur aê me, c'est-aé-dire tout ce qu'ils sentent ou pensent. Notre seule raison de signifier, c'est-aé -dire de faire des signes, est de produire au jour et de transfuser dans l'esprit d'un autre, ce que porte dans l'esprit celui qui fait le signe. [...] Car meê me les siè critures nous ont eè teè reèveèleès par les homgnes donneès par Dieu et contenus dans les saintes E mes qui les ont reè digeèes. [...] Or parmi les signes dont se servent les hommes pour se communiquer entre eux ce qu'ils ressentent, certains releé vent de la vue, la plupart de l'ouie, treé s peu

C. S. Peirce, û Logic as Semiotic : The Theory of Signs ý, dans Semiotics : An Introductory Anthology, eèd. R. Innis (Bloomington, 1983), (pp. 1-24) pp. 3-5. Peirce et Innis (dans son introduction aé l'essai de Peirce) traitent de la tradition seè miotique meè dieèvale. (16) Augustin, Saint Augustin : Le magisteé re chreètien, t. 11, Üuvres de Saint Augustin, Bibliotheé que Augustinienne, trad., intr. et notes de G. Combes et J. Farges (Paris, 1949), pp. 238-39 : Signum est enim res, praeter speciem, quam ingerit sensibus, aliud aliquid ex se faciens in cogitationem uenire [...]. J. Engels, û La doctrine du signe chez saint Augustin ý, Studia patristica 6 (1962) : (366-73) p. 367 ; Cf. Augustin, On Christian Doctrine, trad. D. W. Robertson, Jr. (New York, 1958), pp. 32, 34-35 ; et D. Jackson, û The Theory of Signs in St. Augustine's De Doctrina Christiana ý, dans Augustine : A Collection of Critical Essays, eèd. R. A. Markus (New York, 1972), (pp. 92147) p. 93 traduit ce meême passage par û Un signe est une chose qui nous ameé ne aé penser aé quelque chose qui va plus loin que l'impression que la chose elle-meê me produit sur les sens. (A sign is a thing which causes us to think of something beyond the impression the thing itself makes upon the senses) ý. è crits sur le signe, trad. G. Deledalle (Paris, 1978), p. 121 (trad. de Collected Papers, t. II, (17) C. S. Peirce, E Elements of Logic, 1932, eèd. Hartshorne et Weiss, Book II Speculative Grammar, Chap. 2 : û Ground, Object and Interpretant ý). (18) J. Borella, Le mysteére du signe : histoire et theè orie du symbole (Paris, 1989), p. 183. (19) Ibid., pp. 183-84. (20) Saint Augustin : Le magisteé re, pp. 238-39 : û Ainsi donc, parmi les signes, les uns sont naturels et les autres conventionnels ý (Signorum igitur alia sunt naturalia, alia data). Sur la traduction de data par û conventionnels ý, voir plus loin, p. 15.

14

9

introduction des autres sens. Par un mouvement de teê te nous ne donnons de signe qu'aux yeux de celui aé qui nous deèsirons communiquer par ce signe notre volonteè

21

.

Les signa data sont donc produits en vue de communiquer intentionnellement nos sentiments aé autrui. Un passage de la Doctrine chreètienne comporte une allusion permettant de traduire signa data par û signes conventionnels ý, Augustin se plac°ant ici d'embleèe sur le plan social : û Toutes ces significations meuvent les esprits conformeè ment aux diffeèrentes conventions de la socieèteè de chacun ; et elles le meuvent diffeèremment parce que ces conventions sont diffeèrentes. Et les hommes ne se sont pas mis d'accord sur elles parce qu'elles avaient deèjaé une valeur significative ; elles ne valent, de fait, qu'en raison de cet accord [...] ý

22

. Les signa data ont ainsi pris le sens de signes conventionnels, convention

impliquant un sens collectif, une deècision collective

23

.

é l'instar de Jean Wirth, dont l'interpreètation des images meèdieèvales s'appuie eègaleA ment sur la theèorie seèmiotique et la deèfinition augustinienne de l'image connue au Moyen ê ge A

24

, nous n'entrerons pas dans les distinctions subtiles que la seè miologie moderne eètablit

entre les diffeèrents types de signes, celles-ci n'ayant que peu d'inteèreêt pour notre recherche, et nous nous en tiendrions aé la deèfinition poseèe par Augustin. Par contre, plutoêt que de prendre appui sur l'Ýuvre de Charles Sanders Peirce, notre approche, aé la diffeèrence de celle de Wirth, s'inscrit davantage dans la ligneè e de la reèflexion d'Umberto Eco, en raison

(21) Saint Augustin : Le magisteé re chreètien, pp. 240-41 : Data vero signa sunt, quae sibi quaeque viventia dant ad demonstrandos, quantum possunt, motus animi sui, vel sensa, aut intellecta quaelibet. Nec ulla causa est nobis significandi, id est signi dandi, nisi ad depromendum et trajiciendum in alterius animum id quod animo gerit is qui signum dat. [...] quia et signa divinitus data, quae in Scripturis sanctis continentur, per homines nobis indicata sunt, qui ea conscripserunt. [...] Signorum igitur quibus inter se homines sua sensa communicant, quaedam pertinent ad oculorum sensum, pleraque ad aurium, paucissima ad caeteros sensus. Nam cum innuimus, non damus signum nisi oculis ejus quem volumus per hoc signum voluntatis nostrae participem facere. Voir aussi Engels, û La doctrine ý, p. 371. (22) Saint Augustin : Le magisteé re chreètien, pp. 298-99 : sicut ergo hae omnes significationes pro suae cujusque societatis consensione animos movent, et quia diversa consensio est, diverse movent ; nec ideo consenserunt in eas homines, quia jam valebant ad significationem, sed ideo valent, quia consenserunt in eas [...] ; G. Combes et J. Farges (pp. 240-41) traduisent toujours signes donneè s (data vero signa) par signes conventionnels. Engels, û La doctrine ý, p. 372 consideé re ce passage comme une vague allusion au sens de conventionnel dans la Doctrine chreè tienne ; A. J. Grimas et J. Courteè s, Seèmiotique. Dictionnaire raisonneè de la theèorie du langage, t. 2 (Paris, 1986), p. 54. La convention est ici deè finie au sens seè miotique comme û une tradition incarneè e par une communauteè aé laquelle elle assigne une distinction face aé d'autres communauteès ý. è crits, (23) R. A. Markus, û St. Augustine on Signs ý, Phronesis 2 (1957) : (66-83) pp. 73-78, 86 ; Peirce, E p. 214. Selon Deledalle, Peirce entend û par `signe' tout ce qui communique une notion deè finie d'un objet, de quelque fac°on que ce soit ý (l. 540). La seè miotique de Peirce est donc une seè miologie de la communication, mais eètant donneè qu'il s'agit d'une seè miotique logique, elle ne proceé de jamais aé l'analyse de situations concreétes visant aé en deègager les significations et les intentions. (24) J. Wirth, L'image meèdieèvale. Naissance et deè veloppements (

vi -xv e

e

sieé cle), Paris, 1989, pp. 23-38 ; idem,

L'image aé l'eèpoque romane (Paris, 1999), p. 33. Wirth fait dans cette deuxieé me Ýuvre reèfeèrence au concept dans la De Doctrina christiana selon lequel û les images artificielles entrent dans les signes institueè s par les hommes et l'intentionnaliteè de la communication vient meè diatiser le rapport entre le signe et la chose trouveè e ý citeè dans le commentaire biblique de Raban Maur. Raban Maur eè tait connu dans les cercles clunisiens autour de l'an mil. Bien qu'il n'ait pas trouveè de reèfeèrence suppleè mentaire aé ce texte preècis de Raban Maur avant le

xiv

e

sieécle, Wirth s'en sert pour sa deè finition de l'imago meèdieèval.

9

15

introduction

de son insistance sur l'architecture inseèreèe dans une ample theèorie seèmiotique de la culture

25

. Selon Eco, û un signe est tout ce qui, sur les bases d'une convention sociale preè eèta-

blie, peut eêtre pris comme quelque chose signifiant quelque chose d'autre ý

26

. Les eècrits

d'Eco sont eègalement preècieux en ce qu'ils deèpassent les deèbats anteèrieurs sur l'architecture axeès sur la question des codes typologiques. Bien qu'il soit indeè niable que les eètudes typologiques meneèes par Richard Krautheimer sur les eèdifices centreès aient permis une meilleure compreèhension du modeéle de la rotonde de Saint-Beènigne, l'interpreètation de la rotonde que nous proposons, qui fait de cet eèdifice un signe de la culture de l'an mil, permet un approfondissement de l'analyse de sa signification

27

. De plus, Eco a compris que non seule-

ment les connotations de la forme architecturale, mais eè galement la fonction architecturale, û ont quelque chose aé faire avec la communication ý ; elles ne sont û pas moins `utiles' que leurs `capaciteès fonctionnelles'[...] ý et û repreèsentent (et meême communiquent) dans chaque cas une veèritable utiliteè sociale [...] ý

28

. L'un des exemples qu'il mentionne

est en relation directe avec notre eè tude : selon lui, les feneêtres û si elles indiquent une fonction [...], sont eègalement susceptibles de suggeèrer l'ideèologie geèneèrale qui a guideè l'activiteè de l'architecte ý

29

. Il est conscient du fait que durant la peè riode meèdieèvale û des leègions de

commentateurs et d'alleègoristes ont entrepris de deèfinir, selon des codes d'une prodigieuse preècision et d'une extraordinaire subtiliteè, la signification individuelle de chaque eè leèment architectural ý

30

. Il se reèfeére, aé titre d'exemple de la constitution d'un code, aux concep-

tions de Suger, l'abbeè de Saint-Denis, dans De rebus in administratione sua gestis : û La lumieére qui peèneétre aé flots par la feneêtre [...] repreèsente l'effusion de l'eènergie divine creèatrice, notion incontestablement en rapport avec certains textes neè oplatoniciens et baseèe sur une eèquivalence codifieèe entre la lumieére et la participation aé l'essence divine. Il nous est possible d'affirmer que, selon toute vraisemblance, pour les hommes du

e

xii sieécle, les feneêtres

(25) U. Eco, û Function and Sign : Semiotics of Architecture ý, dans Semiotics eèd. M. Gottdiener, K. Boklund-Lagopoulou et A. Lagopoulos, t. 1 (London, 2003), pp. 241-90 ; J. P. Bonta, An Anatomy of Architectural Interpretations : A Semiotic Review of the Criticism of Mies van der Rohe's Barcelona Pavilion (Barcelona, 1976), p. 75 analyse l'eè volution de la perception de la signification d'un eè difice et tente d'eè largir son analyse vers une theèorie seèmiologique geèneèrale des ouvrages architecturaux. (26) U. Eco, A Theory of Semiotics (Bloomington, Indiana, 1979), p. 16 : û [A] sign is everything that, on the grounds of a previously established social convention, can be taken as something standing for something else ý. Voir aussi idem, The Limits of Interpretation (Bloomington, Indiana, 1990), pp. 38-41. Voir eè galement, en raison de leur utiliteè pour la pratique actuelle de l'histoire seè miotique de l'art et pour le deè bat sur la signification d'un signe appreè hendeè dans un contexte historique, R. Innis, û Introduction ý, dans Semiotics : An Introductory Anthology, eèd. R. Innis (Bloomingon, Indiana, 1985), pp.

vii-xvi ; M. Bal et N. Bryson, û Semiotics and

Art History ý, The Art Bulletin 73 (1991) : 174-209. (27) R. Krautheimer, û Sancta Maria Rotunda ý, Early Christian, Medieval and Renaissance Art (New York, 1969), pp. 107-14 ; reè impression de Arte del primo millennio (Atti del II convegno per lo studio dell'arte dell'alto medioevo, Pavia, 1950) (Turin, 1953), pp. 21-27. (28) Eco, Function and Sign, p. 253 : û are no less `useful' than their `functional capacities' ý ; û represent (and indeed communicate) in each case a real social utility [...] ý. (29) Ibid., p. 250 : û besides denoting a function [...] may connote an overall ideology that has informed the architect's operation ý. (30) Ibid., p. 254 : û legions of commentators and allegorists put themselves to defining, according to codes of formidable precision and subtlety, the individual meanings of every single architectural element ý.

16

9

introduction gothiques suggeèraient la `participation' (au sens technique que le neè oplatonisme meèdieèval confeèrait aé ce terme) [...] ý

31

.

Dans une perspective eèquivalente, cet ouvrage postule, ce qui n'avait jamais eè teè poseè jusqu'aé preèsent concernant l'architecture de l'an mil, mais communeè ment affirmeè aé propos de l'abbeè Suger et Saint-Denis au deèbut du

xii

e

sieécle, que l'oculus et la brillante lumieére

qu'il projette dans la rotonde de Saint-Beènigne ont stimuleè une reèponse sensorielle et suggeèraient une participation aé l'Essence divine. Le concept d'Eco revendiquant l'existence d'une stimulation architecturale qui participe de la communication rejoint eè galement notre analyse sur d'autres plans

32

. Comme il le releéve, û le discours architectural est psy-

chologiquement persuasif ; en douceur, on est ameneè (meême si l'on n'est pas conscient de ce type de manipulation) aé suivre les `instructions' implicites du message architectural ; les fonctions ne sont pas seulement indiqueèes, elles sont aussi favoriseèes et provoqueèes [...] ý

33.

Ainsi, l'encens correspond aé une stimulation programmeèe dans le cadre d'une ceèreèmonie liturgique, comme un eèclat de lumieére dans une repreèsentation theèaêtrale est un artifice, en reégle geèneèrale reconnu par l'eèmetteur comme un stimulus susceptible de provoquer un effet deètermineè

34

. Ainsi la lumieére de l'oculus de Saint-Beènigne peut-elle eêtre conc°ue comme

une stimulation programmeèe, creèant, pour les autels et les processions liturgiques, un cadre aux connotations de lumieére divine, reconnu et enregistreè par la culture de l'an mil. De meême, les escaliers et les eètages de la rotonde lus aujourd'hui comme les indices, les traces mateèrielles, de la monteèe physique et spirituelle des moines dans la rotonde, l'eè taient perc°ues, deés l'an mil, comme une stimulation programmeè e pour une monteèe vers le troisieéme niveau deèsigneè par la chronique comme le troisieéme ciel, acception confirmeèe par les deèdicaces des autels et renforceèe par la lumieére exceptionnelle de l'oculus

35

. Il devient deés lors

possible d'interpreèter la rotonde comme une promotion du concept meè dieèval du monde visible comme un moyen d'acceés aé l'invisible, concept exprimeè vers 1030 par Raoul dans son Historiarum et qui rejoint les theèories neèoplatoniciennes de Denys l'Areèopagite, Maxime è rigeéne. Notre interpreètation de la signification theèologique le Confesseur et Jean Scot dit l'E et des connotations symboliques de la rotonde au sein de la culture eccleè siastique de l'abbaye se fondera sur la teneur fonctionnelle des deè dicaces d'autel de la rotonde, telles qu'elles sont rapporteèes dans la chronique et le coutumier de Saint-Beè nigne du milieu du

xi

e

sieécle.

(31) Ibid., p. 255 : û light that penetrates in streams from the windows [...] must represent the very effusiveness of the divine creative energy, a notion quite in keeping with certain Neoplatonic texts and based on a codified equivalence between light and participation in the divine essence. We could say with some assurance, then that for men of the twelfth century the Gothic windows [...] connoted `participation' (in the technical sense given the term in medieval neoplatonism) [...] ý. (32) Ibid., p. 243. (33) Ibid., p. 268 : û Architectural discourse is psychologically persuasive ; with a gentle hand (even if one is not aware of this as a form of manipulation) one is prompted to follow the `instructions' implicit in the architectural message ; functions are not only signified but also promoted and induced [...] ý. (34) Ibid., p. 118. (35) Ibid., p. 119 ; idem, La production des signes (Librairie Geè neèrale Franc°aise, 1992), p. 120.

9

17

introduction Le symbolisme de la theèologie et de l'art meèdieèvaux repose freèquemment sur l'analogie et l'anagogie

36

è criture, selon . Ces concepts deèrivent des quatre modes d'explication de l'E

la doctrine augustinienne des quatre sens, reprise par Beé de, Raban Maur ainsi que par Jean de Feècamp et Raoul Glaber, disciples de l'abbeè Guillaume aé Saint-Beènigne

37

. Dans

cette tradition de l'exeègeése biblique, les commentateurs distinguaient un niveau litteè ral et trois niveaux spirituels de signification º typologique, tropologique et anagogique. Selon Beéde (ca. 673-735), le niveau typologique met en eèvidence des relations essentielles entre é ce niveau, le temple de l'Ancien Testament et son accomplissement dans le Nouveau. A è glise ; au niveau tropologique (moral), il est le Salomon appara|êt comme une figure de l'E è glise, c'est aé dire l'ensemble des croyants, et enfin, au niveau anagogique, lui corps de l'E correspond la joie de la Jeèrusalem ceèleste future

38

. De meême, l'eèglise chreètienne consacreèe

eètait tout aé la fois une structure mateèrielle, le corps du Christ, et la Jeèrusalem ceèleste

39

.

Des ideèes analogues eètaient deèveloppeèes dans les milieux clunisiens lors de la commeèmoration annuelle de la deèdicace de l'eèglise. Au chant Urbs beata Hierusalem mettant anagogiquement en rapport l'eèglise et la Jeèrusalem ceèleste succeèdait une lecture de Beéde insistant sur le sens tropologique de la conseècration de l'eèglise, puis la messe matutinale eètait ceèleèbreèe dans l'oratoire Sainte-Marie aé Cluny, l'eèquivalent du deuxieéme niveau de la rotonde aé Saint-Beènigne

40

. Des pratiques analogues aux pratiques clunisiennes ont duê eêtre observeèes

aé Saint-Beènigne en l'an mil. Dans son sermon pour la conseècration de Saint-Beènigne en 1016, l'abbeè Guillaume fait è glise dans les lui-meême reèfeèrence aux sens typologique, tropologique, et anagogique de l'E termes suivants : û Vous eêtes venus ensemble, dis-je, aux noces de Son eèpouse, votre Meére, è glise ceèleste [...]. Elle est preèfigureèe par les figures mystiques des patriarches, reèveèleèe par l'E les signes des propheétes [typologique]. En elle, vous eêtes laveès et deègageès de la culpabiliteè du peècheè originel par les eaux du bapteême salvateur [tropologique]. Ainsi pouvez-vous reveêtir la robe initiale de la beèatitude angeèlique que vous aviez perdue par le peècheè de vos premiers parents, habitants du Paradis [anagogique] ý

41

. En outre, selon le chroniqueur,

le sens mystique (mystico sensu) avait eèteè aé la base de la configuration de l'eèglise, et la signification du troisieéme niveau de la rotonde devait eêtre mise en relation avec l'ascension de Paul vers le troisieéme ciel

42

. Il est donc clair, qu'autour de l'an mil, les creè ateurs et les utili-

sateurs de Saint-Beènigne pensaient en termes analogiques et anagogiques. Il est par conseè quent leègitime d'interpreèter la configuration de la rotonde d'apreé s les principes d'analogie

(36) Wirth, L'image meèdieèvale, p. 234. (37) H. de Lubac, Exeègeése meèdieèvale : les quatre sens de l'eè criture, t. 2 (Paris, 1954), pp. 177, 182, 185. (38) Beéde, Libri II De Arte Metrica et De Schematibus et Tropis º The Art of Poetry and Rhetoric, trad. C. B. Kendall, Bibliotheca Germanica, series nova, 2 (Saarbru« cken, 1991), p. 207 ; de Lubac, Exeègeése, p. 155. (39) C. B. Kendall, The Allegory of the Church : Romanesque Portals and Their Verse Inscriptions (Toronto, 1998), p. 14. (40) Infra, p. 189. (41) Rodulfus Glaber, Vita, p. 290. Pour le texte complet et l'original en latin, voir infra, p. 116. (42) Annexe I, p. 287, ligne 8.

18

9

introduction è rigeéne, et d'anagogie tels qu'ils apparaissent dans les textes de Denys l'Areè opagite et d'E qui eètaient aé l'eèpoque connus des cercles clunisiens. Selon Wirth, û l'anagogie, telle qu'elle s'est deèveloppeèe aé partir de Denys l'Areèopagite, aboutit [...] aé une forme de codage. Elle preèsuppose que les choses corporelles peuvent symboliser les choses spirituelles [...], une analogie immeè diate [est creèeèe] lorsque des objets fortement

valoriseès,

comme

l'or,

signifient

la

diviniteè

[...] ý

43

.

Selon

Jean

Borella,

è criture nous initie aux illuminations divines û commentant la fac°on dont, selon Denys, l'E [...] Jean Scot explique que `par les symboles', il faut entendre, `des signes semblables aé des choses sensibles, tantoêt purs et tantoêt obscurs et dissemblables', reèalisant leur signification `par anagogie, aé savoir par la monteèe de l'esprit dans les divins mysteéres' [...]. Les symboles fonctionnent comme des reèaliteès sensibles qui nous appellent, par la reèminiscence anagogique, vers les reèaliteès spirituelles et divines ý ture ý proposeèe par Raoul Glaber au

xi

e

44

è cri. L'explication des û quatre sens de l'E

sieécle est fondeèe sur cette correspondance entre les

eèleèments du monde visible et les eèleèments du monde intelligible

45

. Ces principes anagogi-

ques sont importants pour une interpreètation des niveaux successifs de la rotonde de Dijon, et particulieérement de son troisieéme niveau preèfigurant la Citeè ceèleste. Ainsi, la rotonde de Saint-Beènigne peut eêtre interpreèteèe aé travers ses conseècrations d'autels et son usage deèvotionnel et liturgique. La remarque de Jeèroême Baschet, selon laquelle û l'usage deè votionnel peut se greffer sur une Ýuvre qui a d'autre fonctions, cultuelle, liturgique ou politique, [et] les fonctions d'une meême image [...] peuvent varier selon les publics concerneè s, ou se transformer aussi bien dans le temps ý

46

semble pouvoir s'appliquer aé l'architecture de Saint-Beènigne, oué la

rotonde joue le roêle d'un signe dont la signification est non seulement theè ologique mais eègalement politique. Bien que la reconnaissance d'une eè vocation aé travers les formes architecturales de concepts deèpassant la forme elle-meême ait eèteè particulieérement courante parmi le clergeè, la noblesse autour de l'an mil eètait elle aussi accoutumeèe aux codes et aux gestes symboliques. Dans une eètude consacreèe aux mentaliteès au

x

e

sieécle, mettant l'accent

sur les gestes, au sens le plus large du terme, en tant qu'actions et en tant qu'objets, Heinrich Fichtenau deèmontre û que toute chose avait ou pourrait avoir de multiples sens cacheè s ; telle eètait l'opinion, non seulement des theèologiens, friands de symboles, mais eègalement des contemporains seèculiers. Ainsi, dans le domaine des relations humaines, permettre aux symboles de s'exprimer allait de soi : celui qui savait les interpreè ter et les employer posseè-

(43) Wirth, L'image meèdieèvale, p. 235. (44) Borella, Le mysteé re, p. 49 cite le commentaire du traiteè de Denys, Expositiones super Ierarchiam caelestem S. Dionysii, PL 122 : (126-266) col. 132. (45) Infra, pp. 142, 255. Raoul Glaber, Histoires, pp. 42-43. (46) J. Baschet, û Introduction : L'image-objet ý, dans L'image : fonctions et usages des images dans l'occident meèdieèval, Actes du 6

e

û International Workshop on Medieval Societies ý, Centre Ettore Majorana (Erice,

Sicile, 17-23 octobre 1992) sous la direction de J. Baschet et J.-C. Schmitt (Paris, 1996), (pp. 7-26) p. 21 fait cette remarque en reè feèrence aé l'Ýuvre de Soren Sinding-Larsen.

9

19

introduction dait une certaine eèducation, loin d'eêtre neègligeable ý

47

. Fichtenau signale qu'en particulier

le geste et l'habit fonctionnaient comme des û vecteurs de signification ý

48

, mais que û dans

le domaine politique, le moindre deètail eètait susceptible de devenir le vecteur de la transmission du sens ý

49

, deés lors que û les contemporains controêlaient et diffusaient la langue

symbolique avec une aisance qui nous est devenue eè trangeére ý

50

. Les objets constituaient

des û vecteurs de signification ý freèquemment employeès, et Fichtenau note en conclusion que l'architecture convient particulieé rement aé la symbolisation des ideèes politiques

51

. Le

sermon de l'abbeè Guillaume lors de la conseècration de Saint-Beènigne fait appara|être clairement l'utilisation des diffeèrences culturelles en tant que signes d'appartenance aé un groupe deèfini. De meême que l'abbeè se servait du veêtement pour deèsigner les Capeètiens, les formes architecturales de Saint-Beènigne manifestaient les traditions de l'eèveêque Brun et de ses vassaux aé Dijon. Ainsi, comme nous le mettrons en eèvidence dans le livre, les formes architecturales de l'eèglise et de la rotonde ont pu eêtre perc°ues comme des signes renvoyant aux affiliations eccleèsiastiques et politiques de ses baêtisseurs, et par conseèquent marquer un moment historique particulier et en exprimer les attitudes culturelles. Des travaux deèpassant la dualiteè entre approche fonctionnelle et approche symbolique ont deèjaé eèteè entrepris, que ce soit par Jean-Claude Schmitt, Jean Wirth, Jeè roême Baschet, Georges Didi-Huberman, ou Soren Sinding-Larsen

52

, meême si ceux-ci mettent l'accent sur

les images et non sur l'architecture. Notre analyse, aé l'instar des recherches sur l'image meneèes par Schmidt ou Wirth, s'attache davantage que ne l'ont fait Erwin Panofsky ou Richard Krautheimer au sens culturel des formes, prenant en compte des aspects plus larges de la culture de l'an mil. Selon Michel Pastoureau et Claudia Rabel, cette û nouvelle ý approche de l'iconographie franc°aise deècoule du concept de û penseèe figurative ý ou de û penseèe plastique ý de Pierre Francastel : û les individus et les socieè teès qui produisent les [images] `pensent en images' [...]. Les proceè deès formels [...] ne sont pas de simples habillages d'un sens preèeètabli, mais produisent eux-meêmes du sens ; ils constituent un `langage

(47) H. Fichtenau, Lebensordnungen des 10. Jahrhunderts : Studien u« ber Denkart und Existenz im Einstigen Karolingerreich, t. 1, Monographien zur Geschichte des Mittelalters, t. 30, no. 1-2 (Stuttgart, 1984), p. 50 : û DaÞ so ziemlich alles seinen Hintersinn hat oder haben kann, war nicht nur die Meinung symbolistisch orientierter Theologen, sondern auch ihrer weltlichen Zeitgenossen. Es lag nahe, im zwischenmenschlichen Bereich ebenfalls Zeichen sprechen zu lassen ; wer sie richtig zu deuten und zu verwenden wuÞte, besaÞ ein Stu« ck Bildung, und nicht das unwesentlichste ý. (48) Ibid. : û Bedeutungstra« ger ý. (49) Ibid., p. 33 : û In der politischen Spha« re konnte jede Kleinigkeit zum Tra« ger einer Bedeutung gestempelt werden ý. (50)

Ibid., p. 34 : û Diese Zeichensprache beherrschte und erweiterte man mit einer Leichtigkeit, die uns

fremd ist ý. (51)

Ibid., pp. 32, 67, 71.

(52) J. Baschet, û Introduction : l'image-objet ý, p. 16 ; G. Didi-Huberman, û Imitation, Repreè sentation, Fonction. Remarque sur un mythe eè pisteèmologique ý, L'image : fonctions et usages des images dans l'occident meèdieèval, Actes du 6

e

û International Workshop on Medieval Societies ý, Centre Ettore Majorana (Erice,

Sicile, 17-23 octobre 1992) sous la direction de J. Baschet et J.-C. Schmitt (Paris, 1996), pp. 59-86 ; S. Sinding-Larsen, Iconography and Ritual. A Study of Analytical Perspectives (Oslo, 1984), p. 36.

20

9

introduction

figuratif' qui ne se superpose ni ne se reèduit au langage verbal ý 53. De fac° on similaire, une Ýuvre architecturale peut eêtre la repreèsentation d'une image mentale qui outrepasse toute reèfeèrence consciente aé des sources anteèrieures. Et elle peut non seulement exprimer des ideèes jamais eènonceèes auparavant, mais aussi geèneèrer une seèrie de sens deèpendant des changements lieès aé son contexte 54. Ainsi nous tentons, aé propos de Saint-Beènigne, de reconstituer une û fonction ý º c'est-aé-dire un contexte liturgique º des formes architecturales, et nous nous efforc° ons de montrer comment les formes architecturales elles-meêmes ont pu jouer un roêle politique º comme lors de la conseècration de l'eèglise º et comment ses connotations politiques se sont modifieèes au cours du temps. En outre, nous suggeèrons que la structure de la rotonde elle-meême remplissait une fonction anagogique dans les deèvotions, non seulement en tant que cadre de la hieèrarchie des autels, mais aussi en raison des interactions entre les moines et les formes architecturales. L'approche seèmiotique, eèvoqueèe preèceèdemment et deèjaé mise en Ýuvre dans notre eètude de la fac° ade de Wells ( ), nous a permis de deèpasser la strateègie interpreètative de Panofsky et de Krautheimer en vue de deèfinir les modaliteès selon lesquelles l'architecture s'aveére capable de transmettre des ideèes en rapport avec l'identiteè politique des baêtisseurs, les usages liturgiques et les concepts theèologiques, dans le cadre de la culture meèdieèvale 55. Le propos de cet ouvrage est donc d'interroger l'utilisation liturgique de l'eèglise SaintBeènigne en vue d'une interpreètation de sa signification theèologique, en insistant sur la question des croyances qui inspiraient l'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun, ses baêtisseurs de l'an mil. Aé ceci s'ajoute une interpreètation de la signification proprement politique de l'eèglise, rendue possible par l'eètude des reèseaux eccleèsiastiques et feèodaux auxquels appartenaient ces baêtisseurs. La confrontation des anomalies que receéle l'eèglise avec ce que l'on sait de ses baêtisseurs permet de se faire une ideèe de leurs intentions 56. Les hypotheéses souleveèes aé propos de celles-ci concentrent l'attention sur le moment û culturel ý de la construction de l'eèglise et sur le contexte discursif dans lequel elle a pu eêtre envisageèe. Alors qu'il subsistera toujours un doute concernant les reèactions de ceux qui ont utiliseè et vu la rotonde º ainsi que sur les intentions de ses baêtisseurs º des hypotheéses aé propos de leurs reèactions au monument ouvre un espace de neègociation entre les interpreètations que l'eèglise a pu susFac°ade as

Spectacle : Ritual and Ideology at Wells Cathedral

(53) M. Pastoureau et C. Rabel, û Histoire des images, des symboles et de l'imaginaire ý, , sous la direction de J.-C. Schmitt et O. G. Oexle (Paris, 2002), (pp. 595-617) p. 599; J.-C. Schmitt, û L'historien et les images ý, dans , mit Beitra« gen von K. Kru«ger und J.-C. Schmitt, herausgegeben von O. G. Oexle (Go« ttingen, 1997), pp. 7-51; Voir aussi J.-C. Bonne, (Paris, 1984), p. 18; P. Francastel, (Paris, 1951-1965), p. 9. (54) N. Bryson, û Semiology and Visual Interpretation ý, , eèd. N. Bryson, M. A. Holly et K. Moxey (New York, 1991) pp. 61-73. Bryson insiste sur le deèpassement de l'intention originale de l'Ýuvre et examine ce pheènomeéne dans un contexte social changeant et comme un agent de ce changement social. (55) C. Marino Malone, , Brill Series: Studies in Medieval and Reformation Traditions, t. 102 (Leiden & Boston, 2004). (56) M. Baxandall, (New Haven, 1985), pp. vii, 14, 67, 72, 109, 131. Les tendances

ê ge en France et en Allemagne actuelles de l'histoire du Moyen A

Der Blick an die Bilder,

Kunstgeschichte und Geschichte im Gespra« ch

L'art roman de face et de profil. Le tympan de

Conques

Peinture et socieè teè

Visual

Theory,

Painting

and

Interpretation

Fac°ade as Spectacle : Ritual and Ideology at Wells Cathedral

The Patterns of Intention

9

21

introduction ê ge et celles nees de l'ecriture de ce livre. Certes, meême une explicaciter durant le Moyen A è è tion autocritique des signes et des intentions n'eè chappe pas aé l'influence de notre propre 57

perception

. Mais il ne nous est pas interdit de speèculer sur l'une et l'autre dans notre

deèsir d'une plus grande compreèhension de l'utilisation et de la signification de l'eè glise Saint-Beènigne de l'an mil.

Sources C'est en raison du caracteére exceptionnellement riche des sources documentaires, tant textuelles

que

visuelles,

concernant

Saint-Beènigne

que

cette

eètude

sur

l'eèglise

et

son

contexte culturel a pu eêtre entreprise. La description de l'eèglise de l'an mil et de sa rotonde dans la chronique de Saint-Beènigne reveêt une importance capitale, et elle a guideè nos fouilles et la restitution de l'eèglise

58

. La traduction de cette description (Annexe I) par Jac-

ques Meènard est baseèe sur l'eèdition d'Andrew Martindale

59

. La chronique deècrit l'eèglise,

sa crypte, la rotonde et sa chapelle axiale. Les trois niveaux de la rotonde et sa chapelle sont eègalement connus graêce aux dessins et aux plans exeècuteès vers 1722 par Dom Urbain 60

Plancher

. La grande correèlation entre la chronique et ces documents visuels teè moigne aé

la fois de la preècision de la chronique et de la validiteè des dessins de 1722 pour ce qui concerne

les

structures

de

l'an

mil.

Toutefois,

la

chronique

demeure

l'unique

source

d'information pour les eèleèments les plus hypotheètiques de ma restitution et, comme pour toute description eècrite d'un baêtiment complexe, il est parfois difficile de visualiser ce qu'elle deècrit. Neèanmoins, parmi les descriptions de baê timents meèdieèvaux, celle offerte par la chronique, est exceptionnelle en raison de la preè cision des mesures et des deètails architecturaux qu'elle fournit. L'exactitude de sa description des dimensions de l'eè glise a permis de

(57) Eco,

Limits, pp.

213-15.

(58) Pour une discussion sur la chronique et sa date, voir : N. Bulst,

Wilhelms von Dijon (962-1031),

Untersuchungen zu den Klosterreformen

Pariser historische Studien (Bonn, 1973), p. 17 ; C. Dahlmann, û Untersu-

chungen zur Chronik von Saint-Beè nigne in Dijon ý,

Neues Archiv

de la chronique par Bougaud est fautive selon L. Lasnet-Meusy,

de theéses, Eècole nationale des Chartes

49 (1932) : (281-331) pp. 284, 313. L'eè dition

La chronique de Saint-Beènigne de Dijon, Positions

(Paris, 1935), p. 133, mais, selon Iogna-Prat, l'eè dition critique que celle-ci a

eètablie dans le cadre de sa theé se demeure introuvable. Voir D. Iogna-Prat,

sources hagiographiques relatives aé Saint Maieul de Cluny (954-994) (Paris, 1988), pp.

Agni immaculati, recherches sur les 142-43.

(59) Martindale, û The Romanesque ý, pp. 47-51. (60) Dom Urbain Plancher, Grand Prieur de Saint-Beè nigne, preè para en 1717 pour Dom Mabillon des meèmoires manuscrits qui contiennent des descriptions des baê timents de l'abbaye. Dom Plancher utilisera une

partie de cette documentation pour la publication de son Histoire geèneèrale et particulieére de Bourgogne (avec des notes, des dissertations et des preuves justificatives...et enrichie de vignettes, des cartes geè ographiques, de divers plans, de plusieurs figures de Portiques etc.) Par un Religieux Beèneèdictin de la Congreègation de Saint Maur, t. 1 (Dijon, 1739-1748). Les informations sur l'eè glise de l'an mil figurent dans le chapitre û Dissertation IV. Sur les anciennes eè glises de Saint-Beè nigne-de-Dijon et sur l'antiquiteè de la rotonde et du grand Portail de l'eè glise qui subsistent encore aujourd'hui ý, t. 1 (Dijon, 1739), pp. 476-98. Sur la Congreè gation de Saint-Maur aé Saint-Beè nigne, voir Chomton,

22

9

Histoire, pp.

272-86.

introduction

repeèrer, deés le deèbut des fouilles, l'angle nord-ouest du bras nord de la crypte par un sondage d'un meétre sur un meétre

61

.

L'auteur anonyme de la chronique, reè digeèe entre 1058 et 1065, eètait moine aé SaintBeènigne deés 1026

62

. Ainsi, selon Dominique Iogna-Prat, il a personnellement connu l'abbeè

Guillaume (990-1031), ainsi que son successeur l'abbeè Halinard (1031-1052), et û l'Ýuvre reèformatrice marque le terme de l'ouvrage [de la chronique] ý

63

. De plus, la

Vita sancti

Maioli clunisienne de Syrus, impreègneèe de penseèe dionysienne, sert de cadre aux biographies de Guillaume et d'Halinard

64

. Iogna-Prat pense que la chronique inteégre des ideèaux

et des images de la reèforme clunisienne concernant la vie inteèrieure et contemplative, et meême la mystique de la lumieére

65

. Par l'emploi de ces sources clunisiennes, la chronique

elle-meême teèmoigne donc de la transmission des ideè aux de Cluny aé Saint-Beènigne. Dans certains cas, les sources du

e

xi sieécle, comme la chronique, peuvent eêtre consideè-

reèes comme factuelles et prises comme telles. La deè claration du chroniqueur selon laquelle l'emplacement de û l'autel de saint Paul se trouve dans l'eè glise supeèrieure, devant l'autel de la Sainte Triniteè : emporteè au troisieéme ciel, il voit les secrets de Dieu ý, peut eê tre exploiteèe pour deèterminer la signification du troisieéme niveau de la rotonde

66

. Meême s'il

ne s'agit ici peut-eêtre que d'une interpreètation personnelle du chroniqueur du troisieé me niveau et de ses autels, celle-ci est en accord avec les conceptions de ses contemporains et, de

plus,

les

motivations

d'une

eèventuelle

deèformation

de

l'information

sont,

dans

le

contexte de cette description de l'eè glise, inexistantes. Cependant, dans d'autres cas oué il prend parti, il convient, comme Maurice Chaume l'a remarqueè , d'eêtre reèserveè sur son objectiviteè, notamment pour ce qui concerne l'adoption et la deè signation d'Otte-Guillaume comme heèritier du

ducatus Burgundiae, le chroniqueur eètant clairement opposeè au roi capeè-

tien en raison de la guerre bourguignonne Le meême

68

chroniqueur

connaissait

les

67

.

Ýuvres

de

Raoul

Glaber,

et

peut-eê tre

Raoul lui-

. Celui-ci veècut aé l'abbaye de Saint-Beènigne entre 1016 et 1030 et a seèjourneè en

(61) La preècision de cette description est eè galement attesteè e par le fait que l'entreè e de la crypte deècouverte lors de la fouille correspond exactement aé la longueur de la crypte donneè e dans la chronique. (62) Iogna-Prat, pp.

Agni immaculati, pp. 142-43 ; Dahlmann, û Untersuchungen ý, pp. 284, 313 ; Chronique,

xi-xii . Selon Bougaud, d'apreé s la chronique, son auteur, dont on ignore le nom, naquit aé Salins, entre

1010 et 1020 ; son peé re l'offrit tout enfant aé l'abbeè du monasteé re de Saint-Beènigne, comme oblat. Il fut rec° u par Halinard, que l'abbeè Guillaume venait de nommer prieur du monasteé re. (63) Iogna-Prat,

Agni immaculati, pp. 142-43.

(64) Ibid., pp. 76-79, 107, 142-43, 316. Selon Iogna-Prat, certains passages emprunteè s aé la

Vita sancti

Maioli BHL 5179 sont identiques au manuscrit Montpellier, Faculteè de Meèdecine 68, un leègendier aé l'usage de Saint-Benigne du milieu du

e

xi sieécle, û probablement celui-que l'auteur de la chronique avait sous les yeux au

cours de sa reèdaction ý. Au f. 2 commence le

sermo de beato Maiolo suivi par le prologue de la Vita sancti Maioli.

(65) Ibid., pp. 145-46. (66) Annexe I, p. 292 ; lignes 107-09 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 107-09. (67) M. Chaume,

Les origines du ducheè de Bourgogne, 1

e

partie (Dijon, 1925), p. 472 ; Iogna-Prat,

Agni immacu-

lati, p. 142. La chronique reèeèlabore des emprunts au cartulaire de Saint-Beè nigne et aé d'autres textes et documents de la bibliotheé que pour la partie consacreè e aé l'histoire de Saint-Beènigne depuis sa fondation jusqu'au milieu du

xi

e

sieécle, accompagneè e de perceè es sur l'histoire du Royaume franc, de l'Empire carolingien et du

Royaume capeè tien. (68)

Chronique, p. 136 n. 3.

9

23

introduction

Italie avec l'abbeè Guillaume entre 1026 et 1028

69

. Selon Mathieu Arnoux, un traducteur

des Historiarum de Raoul, û Guillaume eètait sans doute l'un des hommes les mieux renseigneès de son temps, et c'est de lui que Raoul tient ces informations [...]. La rencontre avec Guillaume est surtout essentielle dans sa vocation d'historien. Nous ne connaissons de lui que les Historiarum et la Vita Willelmi, Ýuvres qui renvoient toutes deux aé la figure de l'abbeè de Dijon ý

70

. Puisant directement aé la source de Guillaume, Raoul est donc le filon

é propos de principal et le meilleur qui soit en ce qui concerne les conceptions de l'abbeè . A Guillaume et des Historiarum, Raoul lui-meême mentionne dans la Vita qu' û aé sa demande, en effet, j'avais deèjaé eècrit la plus grande partie du reècit des faits et des prodiges qui advinrent avant et apreés le milleènaire de l'incarnation du Sauveur ý

71

. Si l'on en croit Arnoux,

Raoul û entretint une relation qu'on peut qualifier de passionnelle ý avec Guillaume

72

. Le

texte de la Vita est en effet hagiographique et plus tard, il sera lu aé Feècamp le premier janvier, jour anniversaire de la mort de l'abbeè

73

.

Raoul est donc incontournable pour conna|ê tre la vie de Guillaume. Toutefois, il ne faut pas neègliger le fait que son reècit est parfois partial, en raison de son enthousiasme pour l'abbeè et de ses propres ambitions. Dans ses Histoires, Raoul preèsente Guillaume comme soumis aé la critique et la victime d'un complot perpeè treè par des fourbes et des impies, point de vue repris dans la Vita en vue de minimiser la part prise par Guillaume dans la guerre bourguignonne, eètant donneè qu'au moment de l'eècriture de ces textes, non seulement les Capeètiens deètenaient le pouvoir en Bourgogne, mais eètaient de plus les allieès de Guillau74

me

. Il est toujours neècessaire de s'interroger sur les motifs qui preèsident aé la preèsentation

qu'il fait des eèveènements passeès, compte tenu du fait que ses alleègeances se modifieérent apreés 1016 au profit des nouveaux ma|êtres capeètiens de la Bourgogne. Il est par conseè quent indispensable de garder aé l'esprit les liens politiques de Raoul et de l'auteur de la chronique lorsque l'on se sert de leurs eècrits comme d'une source historique. Il n'en demeure pas moins que c'est graêce aé ces deux chroniqueurs que nous disposons d'une ample connaissance de l'eèglise Saint-Beènigne, aujourd'hui deètruite, et des circonstances dans lesquelles elle fut construite peu apreés l'an mil. La chronique de Saint-Beènigne deècrit non seulement la structure mateèrielle de l'eèglise, mais aussi ses autels. Cette dernieére description est presque identique et quasi contemporaine de celle donneèe dans le second des trois coutumiers de Saint-Beè nigne, si ce n'est que l'ordre de l'eènumeèration diffeére d'une source aé l'autre

75

. Ainsi, sur ce point, le texte de la

(69) France, û Introduction ý, dans Rodulfus Glaber, Historiarum Libri Quinque, eèd. et trad. J. France, et Rodulfus Glaber, Vita Domni Willelmi Abbatis, eèd. N. Bulst, trad. J. France et P. Reynolds (Oxford, 1989), (pp.

xix-cvi ) p. xxxiii ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 292 ; et Arnoux, û Introduction ý, p. 9.

(70) Arnoux, û Introduction ý, p. 9. (71) Rodulfus Glaber, Vita, p. 294 : Ipsius nanque imperio maxima iam ex parte euentuum ac prodigiorum, que˜ circa et infra Incarnati Saluatoris annum contigere millesimum, descripseram. (72) Arnoux, û Introduction ý, p. 10. (73) Ibid., p. 12. (74) Infra, p. 136. Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 123 ; idem, Vita, p. 283 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 61-65. (75) Voir infra, pp. 147 et 172 pour la date et l'histoire du coutumier trouveè dans la Collection Bourgogne, t. 11, Annales manuscrites de Saint-Beè nigne (Paris, Bibliotheé que nationale de France).

24

9

introduction chronique peut eêtre controêleè et compleèteè par un rapport contemporain similaire. En outre, la confrontation de ces deux textes confirme que leurs auteurs tendaient vers une description objective des autels de l'eèglise.

xi

Le premier des trois coutumiers provenant de saint-Beè nigne date du deèbut du sieécle, le deuxieéme, de la seconde moitieè du

xi

e

, et le troisieéme, du deèbut du

xiii

e

e

sieécle.

Bien que ces coutumiers soient baseès sur les usages clunisiens, ils peuvent eêtre consideèreès comme repreèsentatifs de la vie aé Saint-Beènigne, chacun des reèdacteurs dijonnais ayant pris des distances vis-aé-vis de sa source clunisienne et opeèreè des changements notables en vue d'adapter les pratiques au plan de l'abbaye et aé la topographie de Dijon. Le premier cou2

tumier Consuetudines Antiquiores B , probablement reèdigeè du vivant de l'abbeè Guillaume (À 1031) et utiliseè dans sa nouvelle eèglise, appartient aé la meême famille que les Consuetudines Antiquiores B et B

1

deècrivant la coutume clunisienne, mais il contient des modifications pro-

pres aé Saint-Beènigne, comme les reèfeèrences au castrum de Dijon pour la procession du dimanche des Rameaux

76

. Le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne (1086-1092) a lui

aussi eèteè reèdigeè pour l'eèglise de 1001 puisqu'il est anteèrieur aé l'incendie de 1137. Ce coutumier, l'unique coutumier de Saint-Beènigne qui contienne la liste des autels, a eèteè reèdigeè sous l'abbeè Jarenton (1077-1113) ; il est semblable au coutumier clunisien de Bernard

77

. La

traduction de ce coutumier (Annexe II) par Jacques Meè nard est baseèe sur la transcription du latin faite par Carol Heitz

78

. On sait que le deuxieéme coutumier eètait adapteè pour

Saint-Beènigne car le reèdacteur dijonnais a fait des changements lorsque c'eè tait neècessaire, par exemple la veèneèration du tombeau de saint Beènigne lors de la procession dominicale

79

.

Bien que le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne soit beaucoup plus deètailleè, il ressemble aux deux premiers. Il fut probablement reè digeè entre 1170 et 1215 et a servi pendant cent ans dans l'eèglise du l'incendie de 1137

80

xi

e

sieécle dont le plan ne fut que treé s leègeérement modifieè apreés

. Guy de Valous a deèduit d'une comparaison entre le deuxieé me et le

troisieéme coutumier que Saint-Beènigne avait conserveè ses coutumes pratiquement sans changement jusque dans le courant du

xiii

e

sieécle

81

. Selon Michel Huglo, la tradition musi-

cale de Saint-Beènigne se caracteèrise par la meême continuiteè

82

.

Les trois coutumiers de Saint-Beènigne deècrivent les processions dans l'espace de l'eèglise et de la rotonde. Ils aident donc aé rendre compte de l'utilisation du chevet de l'eè glise, y compris la rotonde, et de l'espace occidental, c'est-aé-dire la nef, qui se situe entre l'escalier ouest de la crypte et l'abside occidentale. Les coutumes de Saint-Beè nigne eètant baseèes sur

(76) Infra, p. 209. (77) Infra, p. 173. (78) Infra, p. 295. (79) Infra, p. 215. (80) Infra, p. 174. (81) G. de Valous, û L'ordo monasterii sancti Benigni, fragment d'un coutumier clunisien du

xi

e

sieécle ý, dans

é Cluny, Congreés scientifique, feêtes et ceèreèmonies liturgiques en l'honneur des saints abbeè s Odon et Odilon, 9-11 juillet 1949. A Travaux du congreés (Dijon, 1950), (pp. 233-44) p. 242 n. 1. (82) M. Huglo, û Le tonaire de Saint-Beè nigne de Dijon (Montpellier H. 159) ý, Annales musicologiques, ê ge et Renaissance 4 (1956) : (7-18) pp. 11, 16 ; idem, Les tonaires : inventaire, analyse, comparaison (Paris, Moyen-A 1971), p. 330.

9

25

introduction celles de Cluny, on peut les comparer aé celles enregistreèes dans les coutumiers clunisiens contemporains afin de distinguer leurs diffeèrences. Dans certains cas, ces diffeèrences indiquent une utilisation particulieére de l'espace aé Saint-Beènigne. D'autre part, un texte similaire, mais plus deètailleè dans la source clunisienne, permet de compleè ter l'information du coutumier de Saint-Beènigne et ainsi de suggeèrer des aspects inconnus de la liturgie aé Dijon. De plus, la correèlation entre les trois coutumiers successifs de Saint-Beè nigne et leurs similitudes avec les coutumiers clunisiens ont parfois permis de deè duire ce qui manque dans le coutumier le plus ancien de Saint-Beènigne, eècrit avant la mort de Guillaume. Ce type de deèductions doit neèanmoins eêtre pratiqueè avec preècaution. Ces diffeèrents discours narratifs, qu'il s'agisse de la chronique, de Raoul Glaber ou des coutumiers conserveès sur Saint-Beènigne, s'articulent clairement avec le projet architectural et aident aé la compreèhension des uns comme de l'autre

83

. Il nous appara|êt neèanmoins ma-

nifeste que les sources qui fondent cette argumentation ne correspondent pas aé des donneèes objectives dont la compilation permet l'acceé s aé une veèriteè. Il en va de meême en ce qui concerne l'utilisation de sources secondaires, des travaux d'autres auteurs, afin d'eè tayer nos arguments. J'ai constamment examineè les motifs susceptibles d'entra|êner une eèventuelle deèformation de leur interpreètation d'eèveènements aveèreès en raison de leur propre situation historique, comme dans le cas de Percy Ernst Schramm au deè but du

xx

e

sieécle. Ce regard

critique implicite parcourt l'ensemble de l'eènonceè des preuves qui ont pu eêtre reèunies par d'autres quand leurs recherches servent d'eèleèments de l'exposeè de notre propre argumentation. La restitution que nous proposons de l'eèglise repose eègalement sur mon interpreètation des preuves archeèologiques et documentaires, et donc, aé l'instar de mon interpreètation politique, liturgique et theèologique de l'eèglise. Nous signalons toutefois que cette restitution a fait l'objet d'une explication aussi transparente et aussi compleé te que possible dans notre preèceèdent ouvrage aé travers une comparaison des vestiges mateè riels de l'an mil sur le site avec les documentations issues des fouilles aux rations au cles

84

xii

e

sieécle et au

xvii

e

xix , xx e

e

et

xxi

e

sieécles, les preuves des reèpa-

sieécle et les dessins de la rotonde des

xvii , xviii e

e

et

xix

e

sieé-

. Chacun de ces livres est aé la fois indeèpendant et compleèmentaire l'un de l'autre.

Ainsi, dans ce second ouvrage, on trouvera les reè feèrences relatives aé des informations deèjaé preèsentes dans notre premier ouvrage sur Saint-Beè nigne.

Plan

L'ouvrage commence par un reèsumeè (chapitre 1) des preuves justifiant la restitution que nous proposons de la structure mateèrielle de l'eèglise et de sa rotonde deèveloppeèe en deètail dans notre livre preèceèdent. Nous preèsentons eègalement dans ce chapitre les sources

(83) S. Bonde et C. Maines, eè d., Saint-Jean-des-Vignes in Soissons, Approaches to its Architecture, Archaeology and History, Bibliotheca Victorina, t. 15 (Turnhout, 2003). Bonde et Maines ont eè galement utiliseè les coutumiers comme des outils d'interpreè tation, en liaison avec l'archeè ologie. (84) Voir supra n. 14.

26

9

introduction concernant la sculpture et l'architecture de l'eè glise et la rotonde. Le chapitre 2 est consacreè aé des informations biographiques sur les baê tisseurs, l'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun, et fournit ainsi des renseignements importants pour la compreè hension ulteèrieure des intentions qui preèsident aé la configuration de l'eèdifice. Une eètude portant sur l'importance de la reèforme monastique de Guillaume (chapitre 3) et de la politique de Brun (chapitre 4) pour la conception de l'eèglise succeéde aé leurs biographies, en tant qu'eèleèment compleèmentaire du reècit historique. Ces chapitres visent aé mettre en lumieére que l'eèdifice est un signe des preèoccupations temporelles et des traditions de ses baê tisseurs. Le chapitre 3 deèmontrera que la combinaison aé Dijon d'une rotonde analogue aé celle du Pantheèon et des formes paleèochreètiennes du transept continu et l'abside occidenteè e de Saint-Pierre constitue une reèfeèrence mateèrielle aé la Rome impeèriale-chreètienne et aé l'ideèologie du pape Sylvestre II et de l'empereur Otton III. Conjointement, dans le chapitre 4, ces formes seront envisageè es comme les signes des traditions carolingiennes et ottoniennes dont se reè clamaient les baêtisseurs de l'eèglise, alors meême que Saint-Beènigne et Dijon, de par la teènaciteè de l'eèveêque Brun, offraient l'ultime reèsistance aé l'annexion de la Bourgogne par les Capeètiens. Reèsistance qui dut faire face aé une attaque contre l'abbaye en 1015 et ne cessa qu'avec la mort de Brun, due aé des causes naturelles, en 1016. Comme l'histoire de Raoul Glaber le reè veéle, ces penseèes politiques devinrent obscures, et de fait indeè sirables, peu apreés 1016, tout comme le souvenir de la politique passeè e de l'abbeè et du deèfunt eèveêque. Par contre, l'utilisation liturgique et theèologique de la rotonde a surveècu aé ces ideèes politiques eèpheèmeéres, comme l'atteste vers 1060 la reèfeèrence de la chronique aé son mistico sensu. L'interpreètation du û sens mystique ý de la rotonde de Saint-Beè nigne se fonde sur la

xi

e

conseècration des autels aux trois niveaux de la rotonde et sur sa liturgie clunisienne du

sieécle, particulieérement en ce qui concerne les processions. La description de l'eè glise et de ses autels preèsente dans la chronique et dans le deuxieé me coutumier est donc essentielle pour l'interpreètation de l'eèglise et de sa rotonde de l'an mil. La configuration de la rotonde elle-meême, en relation avec ses autels, signalait aé ses utilisateurs sa signification theè ologique et nous fournit aujourd'hui une trace mateèrielle de l'ascension physique et spirituelle des moines de l'an mil. Par conseèquent, la rotonde doit eêtre comprise, non seulement comme un vestige mateèriel de son usage monastique, mais aussi comme un signe des intentions spirituelles de ses baêtisseurs. La proposition d'une nouvelle interpreètation de la rotonde, conc°ue comme un cadre inhabituel pour sa liturgie, nous conduira aé examiner ses deèdicaces d'autels (chapitre 5) en relation avec la description des processions liturgiques dans le chevet (chapitre 6) et dans l'espace occidental (chapitre 7). Ces trois chapitres incluent une large comparaison entre les eèglises de Saint-Beènigne et de Cluny en tant que sites distincts d'une meême liturgie. De plus, on s'efforcera d'y mettre en lumieé re, imbriqueè dans la conseècration des autels et dans les processions, un systeé me dont on deègagera la coheèrence dans le chapitre suivant. L'analyse theèologique (chapitre 8) deèfinit un systeéme de signification permettant une interpreètation anagogique de l'organisation des autels sur les trois niveaux de la rotonde. En conseèquence, la rotonde est susceptible d'eêtre interpreèteèe comme une structure exprimant une ascension spirituelle vers Dieu et comme un lieu pour la theosis.

9

27

1 LES STRUCTURES MATEè RIELLES ET LEURS SOURCES C

e chapitre sert de base aé l'interpreètation politique et liturgique de l'eèglise, aujourd'hui deètruite, de Saint-Beènigne, interpreètation qui constitue l'enjeu du preè-

sent ouvrage. Il preèsente l'histoire de l'abbaye avant le xi

e

sieécle, justifie la restitution de

l'eèglise de l'an mil que nous proposons et se penche sur ses sources architecturales et sculpturales. Il traite eègalement des baêtiments claustraux qui sont souvent mentionneè s dans les descriptions des processions liturgiques. Il s'attache en outre aé identifier l'emplacement et l'iconographie des sculptures en vue de leur eè tude ulteèrieure en relation avec la signification theèologique de la rotonde. De fait, ce chapitre constitue aé maints eègards un reèsumeè de notre livre preèceèdent consacreè aé la structure mateèrielle de Saint-Beènigne, Saint-Beènigne et sa rotonde : archeèologie d'une eèglise bourguignonne de l'an mil. Toutefois, il deèpasse cette publication par l'approfondissement de la recherche des sources de la rotonde duê aé l'importance primordiale que reveêt le Pantheèon en tant que modeéle de celle-ci pour la compreèhension de l'ideèologie des baêtisseurs de Saint-Beènigne. Les preuves architecturales y sont particulieé rement mises en valeur par l'eètude, dans le contexte de l'histoire de l'abbaye, des multiples deèdicaces aux saints aé travers les sieécles.

La tombe de saint Beènigne

Le sarcophage de saint Beènigne constitue, depuis des sieécles le cÝur religieux de l'abbaye beèneèdictine de Dijon. Ce sarcophage, dont le fond de l'auge est preè serveè dans sa fosse situeèe dans la crypte, est dateè du iv

e

sieécle, mais il n'est pas exclu qu'il remonte au iii

1

sieécle . En effet, un culte a pu s'eètablir deés le martyre de l'apoêtre de la Bourgogne, au iii

e e

sieécle, sur l'emplacement de sa seèpulture eèrigeèe sur le meême site que d'autres tombes chreè2

tiennes . Selon Raoul Glaber, la tombe de saint Beènigne fut leègeérement deèplaceèe vers l'est

(1) Chomton, Histoire, p. 56 n. 2 ; Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 43-50, fig. 9-13. La tombe de saint Beè nigne a eè teè fouilleè e et reconstruite en 1858. Des fouilles en 2003 ont ajouteè aé notre connaissance du tombeau. Voir C. Sapin, avec la collaboration de C. Malone, B. Delatte, L. Durnecker, A. Rauwel, û Rapport sur les recherches archeè ologiques conduites dans la crypte de Saint-Beè nigne de Dijon en aouêt 2003 ý, eètude non publieè e, Feèvrier 2005, pp. 1-58. Le rapport est deè poseè et consultable aé : Direction reè gionale des affaires culturelles º Service reè gional de l'archeè ologie, 39-41, rue Vannerie, Dijon 21000. (2) Chronique, p. xiv, 6 n. 1 ; Chomton, Histoire, pp. 11, 12 n. 1, 18, 40 n. 2, 41. Selon G. Bardy, û Les actes des martyrs bourguignons et leur valeur historique ý, Annales de Bourgogne 2 (1930) : 235-53 ; idem, û Les martyrs bourguignons de la perseè cution d'Aureè lien ý, Annales de Bourgogne 8 (1936) : (321-48) p. 322, des recherches modernes sont d'avis que saint Beè nigne peut n'avoir jamais existeè . D'apreés les plus anciens documents que l'on posseé de sur saint Beè nigne, qui datent du vi

e

sieécle, son martyre avait eu lieu au iii

e

sieécle sous

l'empereur Aureè lien (270-275). Les Actes des martyrs d'Aureè lien en Bourgogne, un ensemble dont le martyre de

9

29

chapitre premier par l'abbeè Guillaume lors de la construction de l'eèdifice de l'an mil ; par conseèquent, l'emplacement preèceèdent devait se situer aé l'ouest de la fosse actuelle, en dessous du chÝur 3

gothique . Si les parois actuelles de la fosse de saint Beènigne sont en grande partie celles du

xi

e

sieécle, la destruction du tombeau du saint, construit par l'abbeè Guillaume, et de ses

riches treèsors, est anteèrieure aé la reèdaction de la chronique. Selon la chronique, Le seèpulcre (Sepulchrum) du saint et glorieux martyr est construit de la manieé re suivante. Le tombeau (tumba) est fait de pierres carreè es ; il a huit coudeèes de long et cinq de large. La partie supeèrieure en pierre (cacumen lapideum), est soutenue par quatre colonnes. Au-dessus, il y avait quatre colonnes de marbre aé une eèpoque ancienne : autrefois, sur les arcs de pierre qu'elles soutenaient, elles portaient une abside en bois (absidam ferebant ligneam) de six coudeè es de long, de trois de large et de sept et demie de haut. Celle-ci, partout recouverte d'or et d'argent, preè sentait l'histoire de la naissance et de la passion du Seigneur, ouvrageè e en relief et treés bien peinte. Mais ce treé s bel ouvrage dont nous parlons a eè teè deètruit par l'abbeè Guillaume, lors d'une famine, afin de venir en aide aux pauvres, ainsi qu'une chaê sse en or magnifiquement or4

neèe de pierres .

En 1060, le chroniqueur deèplorait donc la splendeur perdue, suite aé la famine, de ce tombeau, construit par Guillaume pour sa nouvelle eè glise. Cependant, les colonnes supportant la partie supeèrieure en pierre (cacumen lapideum), et il semblerait l'abside en bois (absidam ferebant ligneam), ont surveècu aé la destruction de ses ornements par Guillaume, qui est mort en 1031, puisqu'elles sont deècrites dans le Livre des miracles de saint Beènigne, qui a eèteè eècrit

probablement

entre

1031

et

5

1046 .

En

racontant

la

gueèrison

d'un

paralytique,

nommeè Arnoul, qui eètait un des serviteurs de l'abbaye, le Livre des miracles explique : û Alors qu'un jour, Arnulphe, ameneè sur son sieége s'eètait approcheè autant que possible du tombeau de ce meême [martyr], le priant et l'invoquant de manieé re reèpeèteèe, il atteignit une des colonnes de marbre qui deèlimitent l'abside. Aussitoêt, le serviteur fideéle est subitement sou-

Beènigne constitue le deè nouement, ont eè teè composeè s aé Saint-Beè nigne dans le premier quart du

vi

e

sieécle sous

l'eèpiscopat de Greègoire de Langres (506/507-539/540). Ce cycle faisait de saint Beè nigne le poêle de la conversion au christianisme de la Bourgogne. Voir J.-Ch. Picard, û Dijon ý, Topographie chreè tienne des citeès de la Gaule, des origines au milieu du

viii

e

sieécle, eèd. N. Gauthier et J.-Ch. Picard, Province eccleè siastique de Lyon (Lugdunensis

Prima), par B. Beaujard, P.-A. Feè vrier, J.-Ch. Picard, C. Pietri, et J.-F. Reynaud, t. 4 (Paris, 1986), (pp. 5363), p. 62, et J. Van der Straeten, eè d., û Les actes des martyrs d'Aureè lien en Bourgogne ý, Analecta bollandiana 79 (1961) : (115-44, 447-68) pp. 120, 125, 131, 448, qui eè dite ces textes comme û l'ensemble de Farfa ý (manuscrit 29 de Farfa du

ix

e

sieécle, actuellement conserveè sous le n³ 341 aé la Bibliotheé que nationale de Rome), et

indique comme auteur un clerc de Saint-Beè nigne de Dijon au premier quart du

vi

e

sieécle. L'autre source,

Greègoire de Tours, (539-594) donne aussi Aureè lien (Chomton, Histoire, p. 41). Ces sources constituaient la base de l'identiteè de saint Beènigne tout au long du moyen aê ge. (3) Rodulfus Glaber, Vita, p. 274 ; Sapin, û Rapport ý, p. 10 ; Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 32, 48, 84. Il serait dangereux de fouiller le chÝur, comme l'a indiqueè le sondage 1 en 1977. Les fouilles de 2003 ont montreè que l'emplacement de la fosse du

ix

e

sieécle ne se situait pas aé l'inteèrieur de la fosse du

xi

e

,

car cette dernieé re a eèteè creuseèe dans de l'argile vierge. (4) Annexe I, p. 292-93, lignes 124-45 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 124-45. (5) L. Durnecker, û Sources historiques, Reè capitulatif des diffeè rentes sources relatives aé la fosse contenant le fragment de Tombeau ý, dans C. Sapin, avec la collaboration de (C. Malone, B. Delatte, L. Durnecker, A. Rauwel), Rapport sur les recherches archeè ologiques conduites dans la crypte de Saint-Beè nigne de Dijon en aouêt 2003, Feè vrier, 2005, (pp. 1-58) p. 5 ; voir infra, p. 33 n. 26.

30

9

les structures mateèrielles et leurs sources leveè par l'aide du Seigneur secourable. Alors qu'il la touchait de la main, s'eè tant efforceè de 6

se lever, il sent qu'il est rendu aé la pleine santeè par l'eèleèvation ý . Ainsi, ce texte confirme la description de la chronique disant que l'abside en bois est placeè e sur des colonnes de marbre. Un autre miracle, deècrit dans le Livre des miracles pour la meême eèpoque, montre que, meême avec l'abside en bois en place, il a pu eêtre possible de toucher le couvercle du sarcophage. Selon le Livre, de nombreux malades ingeérent de l'eau meèlangeèe avec de la poussieére

7

; celle-ci est reècolteèe sur la pierre supeèrieure du tombeau . En 1722, Dom

Plancher montre une structure, appeleèe un simulacrum (ceènotaphe), notablement diffeèrente 8

du seèpulcre deècrit dans la chronique (fig. 8, 10) . La date du simulacrum est inconnue, mais il est possible qu'il ait eèteè fabriqueè apreés que le sarcophage a eèteè briseè en 1271, pendant la construction de l'eèglise gothique.

Les dates des eèglises successives de Saint-Beènigne

Comme l'attestent les indications fournies par les fouilles dont les reè sultats ont eèteè pu-

ix

9

blieès en 1980 , l'eèglise construite par l'abbeè Guillaume s'est substitueèe aé une eèglise du sieécle qui eètait elle-meême une reconstruction de celle du

vi

e

e

sieécle. Greègoire, eèveêque de

Langres (506/507-539/540), l'arrieére-grand-peére de Greègoire de Tours (539-594), proceèda aé une restauration du tombeau de saint Beè nigne en l'enfermant dans une crypte, puis, face aé l'afflux grandissant des peélerins, baêtit sur cette crypte une basilique consacreèe en 535 (fig. 4, mur A3) Beènigne ý

le

10

jour

. Greègoire de Tours mentionne la ceèleèbration de la û passion du martyr des

calendes

de

novembre

(le 1

er

novembre)

11

.

Selon

la

chronique,

l'abbaye eètait fondeèe lorsque Greègoire de Langres y rassembla des hommes reèsolus aé se consacrer au service de Dieu leègendaires

13

12

, mais les origines monastiques qu'elle retrace sont en partie

et la communauteè reèunie par saint Greègoire de Langres fut plutoêt une com-

(6) Liber miraculorum sancti Benigni, Acta Sanctorum, Novembris, t. 1, eè d. C. de Smedt, G. van Hooff, J. de Backer (Paris, 1887), t. 1, p. 175 : Qui [Arnulphus] cum quadam die, ducente sede, prout possibile fuit advectus esset ad ejusdem [martyris] sepulchrum, exorans et saepius invocans illum, pervenit usque ad unam ex columnis marmoreis quibus absida continetur, statimque auxilio subvenientis Domini fidelis servus citissime allevatur. Nam ut eam manu contigit, nisus surgere, ejus sublevatione plenissimae sanitati sensit sese redditur. (7) Ibid., pp. 176-77 : û l'eau tireè e meèlangeèe avec de la poussieé re raêcleèe sur la pierre supeè rieure du tombeau ý (hausta cum pulvere ex capitali petra sepulcri eraso aqua). (8) Voir Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 47-49, fig. 20 pour une eè tude approfondie de l'histoire de la fosse. (9) Marino Malone, û Les fouilles ý, pp. 259-60, 271. (10) Chomton, Histoire, p. 59, a jugeè que la date approximative de la conseè cration de 535 qui est donneè e dans la chronique de Langres semblait juste ; M. Heinzelmann, Gregory of Tours (Cambridge, 2001), pp. 7, 19. (11) Greègoire de Tours, Liber in gloria martyrum, eèd. B. Krusch, MGH, Scriptores Rerum Merovingicarum, 1, 2, 2

e

partie, Miracula et Opera minora (Hanovre, 1885), c. 50, p. 524 : û Quand on sera aux calendes de

novembre, la passion du martyr Beè nigne sera ceèleèbreèe ý (quod erit in Kalendis Novembris, passio Benigini martyris celebrabitur). (12) Chronique, p. 15 : û Saint Greè goire [...] rassembla laé une assembleèe de moines [...] ý (sanctus Gregorius [...] congregationem hic adunavit monachorum [...]). (13) Picard, û Dijon ý, Topographie, p. 62.

9

31

chapitre premier munauteè de clercs que de moines

14

. Ce ne fut qu'en 869 qu'Isaac, eèveêque de Langres (858/

859-880), eètablit l'observance monastique, sous la reé gle de saint Beno|êt

15

. Il entreprit en

872, avec le concours de Charles le Chauve, la restauration du monasteé re et de la basilique en partie ruineèe ; celle-ci fut consacreèe en 882 (fig. 4, massif B3)

16

.

Toujours selon la chronique de Saint-Beènigne, la construction de l'eèglise de l'an mil et de sa rotonde deèbuta le 14 feèvrier 1001 sous l'eègide de l'abbeè Guillaume (À 1031) et de l'eèveêque de Langres, Brun de Roucy (À 1016) datent de 1002

18 .

17

, tandis que les Annales Sancti Benigni la

Bien que les Annales Sancti Benigni constituent une source plus tardive,

posteèrieure aé la chronique reèdigeèe entre 1058 et 1066

19

, certains chercheurs ont retenu la

date de 1002 sans fournir de justification convaincante de ce choix. Chevrier et Chaume datent la pose de la premieére pierre du 14 feèvrier 1002, tout en indiquant comme source la chronique de Saint-Beènigne

20

. Neithard Bulst les suit sur ce point

21

. D'apreés Schlink, il est

difficile de savoir si Chevrier et Chaume ont repris des eè leèments douteux des Annales Sancti Benigni ou s'ils ont corrigeè l'anneèe, ce qu'il juge, quant aé lui, inutile, deés lors que la chronique semble adopter le style de Noe«l (c'est-aé-dire commencer chaque nouvelle anneè e aé Noe«l)

22

. Compte tenu de l'incertitude de la critique, nous retiendrons la date donneè e par

la chronique, aé savoir le 14 feèvrier 1001.

(14) J. Marilier, û Notes d'hagiographie lingone ý, dans Bulletin de la Socieèteè Historique et Archeèologique de Langres 14 (1969) : (393-97) p. 395. (15) Chartes et documents de St. Beè nigne de Dijon, prieureè s et deèpendances des origines aé 1300, t. 1 ( par R. Folz et J. Marilier, Analecta Burgundica (Dijon, 1986), p. 110 n (16) Ibid., p. 120 n

o

89 ; p. 159 n

o

o

vi -x e

e

sieécle), publ.

80.

127 ; Chronique, pp. 97-98 n. 1 : Il restaura dans son eè tat anteèrieur la basi-

lique de Saint-Beè nigne deèjaé presque deètruite ý (Basilicam sancti Benigni iam pene dirutam in pristinum statum restauravit). Il ne faut pas donner un sens trop rigoureux aé pristinum. Voir aussi Chomton, Histoire, pp. 68-69. (17) Ibid., pp. 138-40 : û La nouvelle basilique a eè teè fondeèe l'an de l'Incarnation mil un, indiction quatorze, le seize des calendes de mars (14 feè vrier) ý (Fundatum est autem hoc templum anno dominicae incarnationis M.i. indictione xiiii. xvi kalendas martii). (18) Annales Sancti Benigni, p. 41, ligne 21 : û En cette anneè e furent commenceè es les fondations du nouveau monasteé re de Dijon le 16 des calendes de mars, feria 3 ý (Hoc anno incepta sunt novi fundamenta monasterii Divionensis 16 Kal. Mart. Feria 3). (19) Chartes, t. 1, p. 1. Folz et Marilier indiquent dans leurs index fontium que les Annales Sancti Benigni sont û reèdigeèes d'abord en Lorraine, sans doute aé Saint-Vanne de Verdun, d'apreé s des annales allemandes ; puis augmenteè es aé Dijon, aé partir de 1085, de notes se rapportant aé l'histoire de Saint-Beè nigne et du dioceése de Langres, originales depuis 1112 ý. (Je remercie A. Rauwel pour cette reè feèrence) (20) Chartes et documents de St. Beè nigne de Dijon, prieureè s et deèpendances des origines aé 1300, t. 2 (990-1124), publ. par G. Chevrier et M. Chaume, Analecta Burgundica (Dijon, 1943), p. 244. (21) Bulst,

Untersuchungen,

Dijon ý, dans Du

vii

e

au

xi

e

p. 271 ;

C. Heitz,

û Lumieé res

anciennes

et

nouvelles

sur

Saint-Beè nigne

de

sieécles : eèdifices monastiques et culte en Lorraine et en Bourgogne, eèd. C. Heitz et F. Heber-

ê ge, Cahier 2 (Nanterre, 1977), Suffrin, Centre de recherches sur l'antiquiteè tardive et le haut Moyen A (pp. 64-78) p. 64. Carol Heitz donne 1001 et explique qu'il s'agissait û en fait [du] 14 feè vrier 1002, selon notre comput greègorien ý. (22) W. Schlink,

Saint-Beènigne in Dijon : zur Abteikirche Wilhelms von Volpiano (962-1031)

(Berlin,

1978),

p. 167 ; Pour dater les chroniques bourguignonnes d'apreé s le style de Noe« l, voir M. Chaume, û Seèance du 14 mars 1945 ý, Meèmoires de la Commission des Antiquiteè s de la Coête-d'Or 22 (1952) : 508-09. Les recherches entreprises par Chaume lui-meê me concernant le jour qui, aux

xi

e

et

xii

e

sieécles, en Bourgogne, marquait le deè but

de l'anneèe l'ont conduit aé constater que û toujours aé Dijon, [...] les abbayes restent fideé les au style de la Nativiteè jusqu'au

32

9

xiii

e

sieécle ý ; le style de Paê ques domine seulement aé partir de la seconde moitieè du

xiii

e

sieécle.

les structures mateèrielles et leurs sources Bien que la rotonde, rattacheèe au chevet de l'eèglise, ait eèteè commenceèe simultaneèment, elle n'a eèteè consacreèe qu'en 1018, deux ans apreés l'eèglise en 1016

23

. Selon Raoul Glaber,

l'eèglise Saint-Beènigne eètait presque acheveèe (pene expleta) au moment de sa conseècration

24

.

L'hypotheése selon laquelle la messe de conseècration fut ceèleèbreèe au ma|être-autel de saint Beènigne et saint Maurice laisse supposer, qu'en 1016, la rotonde eè tait, elle aussi, presque è tant donneè que la vou acheveèe. E ê te couvrant l'heèmicycle au-dessus du ma|être-autel eètait supporteèe par les colonnes de la galerie du troisieéme niveau de la rotonde, la construction de ces deux structures ne pouvait eêtre que simultaneèe. De plus, la stabilisation de la vouê te de cet heèmicycle exigeait que la vouête de la rotonde qui la contrebalanc° ait soit pratiquement termineèe. Dans une certaine mesure, la rotonde et la chapelle axiale aé l'est de celle-ci sont eègalement eètroitement associeèes, et la construction paralleéle de ces deux structures reèpond aé la logique. Le fait qu'en 1018, non seulement la rotonde, mais aussi l'atrium 25

(ecclesia sancte Marie cum toto atrio eiusdem loci) eètaient consacreès

, fait croire aé une construc-

tion simultaneèe. L'atrium semble correspondre aé l'espace du cimetieére situeè aé l'est de la chapelle axiale, ce qui pourrait indiquer que la chapelle eè tait, elle aussi, presque termineèe

26

. Cependant, les parties supeèrieures de la rotonde eètaient peut-eêtre encore en cours de

construction. La mention, dans la chronique, des cent vingt feneê tres de l'eèglise qui eètaient ou allaient eêtre fermeèes, laisse entendre que certains travaux devaient encore eê tre effectueès dans l'eèglise vers 1060

(23) Rodulfus

27

Glaber,

. Il est donc envisageable qu'il en ait eèteè de meême pour la rotonde.

Vita,

p. 288.

La

conseè cration

de

l'eèglise

eut

lieu

selon

Raoul

Glaber

û dans

l'automne, le troisieé me jour avant les calendes de novembre (30 octobre), l'avant-veille de la feê te du martyr [1

er

novembre] ý (Erat enim autumni dies tercius Kalendarum Nouembrium, ante uidelicet natale ipsius martyris [...]) ;

Liber miraculorum, p. 176, n

o

16 pour le transfert des restes du martyr par l'eè veêque Lambert qui fit aussi la deè di-

cace de la rotonde Sainte-Marie en 1018 selon les Annales Sancti Benigni, p. 41 : û aé l'anneèe 1018 : c'est cette anneè e que fut deè dicaceè e l'eèglise Sainte-Marie dans le monasteé re de Dijon, avec tout l'atrium du meê me lieu par les soins de l'eèveêque Lambert au troisieé me [jour] de la feê te des Rogations ý (ad annum 1018 : Hoc anno fuit dedicata aecclesia sancte Marie in Divionensi monasterio cum toto atrio eiusdem loci per manus Lamberti episcopi feria 3. rogacionum. Mai. 13). En 1018, Paê ques tombait le 6 avril, ce qui reportait au 13 mai le mardi des Rogations, le jour oué eut lieu la deèdicace de la rotonde. (24) Rodulfus Glaber, Vita, p. 288 : û l'eèglise dont le travail incomparable eè tait presque termineè [...] ý (basilicam incomparabili opere pene expletam). (25) Chomton, Histoire, pp. 122-23 ; Annales Sancti Benigni, p. 41. (26) Par contre, W. Schlink, û La rotonde de Guillaume ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, eèd. M. Jannet et C. Sapin, Actes du colloque Guillaume de Volpiano (Dijon, 1996), (pp. 35-43) p. 35, pense que c'est le deuxieé me niveau de la rotonde qui pourrait eê tre deèsigneè par l'expression atrium eiusdem loci mentionneè par le texte et qu'ainsi la reè feèrence aé ecclesia sanctae Mariae ne s'appliquerait pas aé la rotonde dans sa totaliteè mais seulement aé la chapelle axiale du deuxieé me niveau de la rotonde. Cela me semble improbable. Selon L. Chomton, Saint-Beènigne de Dijon : les cinq basiliques (Dijon, 1923), p. 17, û atrium ý est un nom geèneèrique servant chaque fois aé un usage particulier ; dans le cas de Saint-Beè nigne, l'atrium renfermait le cimetieére. En effet, cet endroit est encore appeleè atrium dans des plans du

xvii

e

sieécle (fig. 27). Voir infra, p. 128.

De plus il y a une reè feèrence aé l'atrium pendant la bataille de 1015 avec Robert II (le Pieux) dans le Liber miraculorum, p. 174 n³ 2, 3 conjointement avec l'eè glise Saint-Jean Baptiste, qui indique l'endroit situeè aé l'est de la chapelle axiale. Selon M. Lauwers, Naissance du cimetieé re chreètien (Paris, 2005), p. 38, le cimetieé re est parfois appeleè a|être (atrium). Lauwers cite Hincmar de Reims. (27) Annexe I, p. 293, ligne 150 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, ligne 150.

9

33

chapitre premier Suite aé l'eècroulement d'une tour en 1100 et aé un incendie en 1137, l'eèglise et sa rotonde durent eêtre partiellement reconstruites. L'eè glise fut consacreèe en 1107 par le pape Pascal II, puis, aé nouveau, en 1147, par le pape Eugeéne III, disciple de saint Bernard, en preè sence du roi Louis VII

28

. Des motifs deècoratifs aé l'exteèrieur de la rotonde et sur la fac°ade

de la chapelle axiale datent sans doute de la reconstruction du

xii

e

sieécle, qui a eègalement

entra|êneè certains changements aé l'extreèmiteè occidentale de l'eèglise et peut-eêtre aé la croiseèe du transept. La tombe de saint Beènigne aurait eèteè endommageèe par la chute d'une tour en 1271

29

. Apreés l'accident, l'eèglise romane fut remplaceèe par le monument gothique actuel

dont la deèdicace eut lieu en 1287

30

. Neèanmoins, le chevet de l'eèglise de l'an mil a eèteè preè-

serveè, ainsi que la rotonde aé l'est de l'eèglise gothique jusqu'aé sa deèmolition en 1792 (fig. 18)

31

. Les vestiges de la tombe de saint Beè nigne dans l'heèmicycle de la crypte expli-

quent pour une large part que ces structures aient eè teè preèserveèes et utiliseèes pendant cinq sieécles apreés la destruction du reste de l'eèglise de l'an mil (fig. 10). La redeècouverte de la tombe est eègalement aé l'origine des fouilles du

xix

e

sieécle. Le bras sud de la crypte a eèteè

fouilleè et reconstruit en 1843, comme le furent la fosse de saint Beè nigne et la crypte de la rotonde vers 1859 (fig. 19) de l'eèglise du

xi

e

32

. Les fouilles des anneèes 1976-80 ont reèveèleè des restes notables

sieécle et de la reconstruction au

xii

e

. Enfin, les fouilles meneèes en 2003 ont

permis d'augmenter notre connaissance du tombeau de saint Beè nigne et de la chapelle axiale de la rotonde (fig. 2, 3, 4)

33

.

Les baêtiments claustraux Le clo|être et ses baêtiments claustraux eètant freèquemment mentionneès dans les descriptions des processions liturgiques dans les coutumiers, il est possible de fournir des renseignements sur l'ameènagement du clo|être de Saint-Beènigne du

xi

e

sieécle, dont il ne subsiste que

l'aile est. Alors que les clo|êtres meèdieèvaux se trouvent plus couramment au sud, le clo|ê tre de Saint-Beènigne est situeè au nord de l'eèglise, ceci probablement en raison de la preèsence de lieux sacreès

(28) (29)

34

. Il s'agissait d'une reconstruction de baêtiments claustraux plus anciens

35

.

Annales Sancti Benigni, pp. 43-4 ; Chomton, Histoire, pp. 144, 152 ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 170. Annales Sancti Benigni, p. 50. Le reècit original de l'effondrement de la tour le 16 des calendes de feè vrier

1271, eèveènement qui est aussi rapporteè dans la continuation de la chronique (pp. 207-08), se trouve aux f. 466-71 du ms. 274 de la Bibl. de l'Arsenal aé Paris. Il s'agit d'un breèviaire aé l'usage de Saint-Beè nigne dateè de la premieé re moitieè du

xiv

e

sieécle, voire du deè but du

xiv

e

sieécle. Au sujet de ce manuscrit, voir V. Leroquais,

Les breèviaires manuscrits des bibliotheé ques publiques de France, t. 2 (Paris, 1934), pp. 324-26. (30) Ibid. (31) Chomton,

Histoire, p. 308.

(32) Infra, pp. 48-49. (33) Marino Malone, û Les fouilles ý, pp. 253-84 ; idem,

Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 48, 160 ; Sapin,

û Rapport ý, pp. 1-58. (34) Marino Malone,

Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 173. Par exemple, l'eè glise oué se trouvait le tombeau de

sainte Paschasie eè tait voisine de la basilique de Saint-Beè nigne. La basilique de Saint-Jean, oué reposait l'eèveêque saint Urbain, s'eè levait plus au sud-est.

34

9

les structures mateèrielles et leurs sources Le baêtiment actuel sur le coêteè est du clo|être a duê eêtre construit par Halinard (10311052)

36

. Mais l'eètage supeèrieur du baêtiment qui servait originellement de dortoir a eè teè

reconstruit aé la fin du

xiii

e

sieécle, aé l'eèpoque de la construction de l'eèglise gothique

37

.

Bien qu'un acte de 1652, faisant suite au passage de l'abbaye dans la congreè gation de Saint-Maur, speècifie une eèventuelle deèmolition des baêtiments claustraux devenus inutiles, ê ge seront conserves jusqu'en 1680 les baêtiments claustraux du Moyen A è

38

. Une reèeèdifica-

tion du clo|être eut lieu pendant les anneèes 1680-1683 ; l'alleèe qui longeait l'eèglise fut alors supprimeèe

39

. Les plans du monasteére dresseès par les Mauristes en 1652, qui sont les plus

anciens en notre possession, montrent ces baê timents (fig. 26)

40

. L'ancien clo|être roman

figure encore sur un dessin mauriste, exeè cuteè en 1674 par Prinstet, secreètaire de l'abbeè de C|êteaux (fig. 27)

41

. Ce dessin et les plans indiquent les traits essentiels du clo|ê tre et des baêti-

ê ge, mais le clo|être ne daterait au plus toêt que du ments claustraux du Moyen A

xii

e

sieécle

42

.

L'eètage infeèrieur de l'aile est du clo|être constitue l'un des vestiges les plus anciens des baêtiments monastiques romans en France

43

. Les huit traveèes nord de la structure ont con-

serveè leurs piliers et leurs vouêtes d'areêtes d'origine qui correspondent au systeé me lombard du narthex de Saint-Philibert de Tournus posteèrieur aé 1020. Il s'agirait donc d'une phase de l'architecture lombarde plus avanceèe que celle correspondant aé la rotonde et aé l'eèglise Saint-Beènigne. La construction de l'aile orientale est donc posteè rieure aé celle de l'eèglise. L'eètage infeèrieur de ce baêtiment eètait, aé l'origine, diviseè en espaces seèpareès. Au sud se trouvait la salle capitulaire, aé preèsent diviseèe en trois parties, mais qui a eèteè restitueèe par Wil-

(35) C. Sapin, û Les premiers baê timents claustraux en Bourgogne (avant le

xii

e

sieécle), eètat de la ques-

tion ý, dans Wohn- und Wirtschaftsbauten fru« hmittelalterlicher Klo« ster : Internationale Symposium, 26. Sept.-1 Okt. 1995, eèd. H. R. Sennhauser (Zurich, 1996), (pp. 157-72) pp. 165-66. (36) Ibid. ; Chronique, p. 192 : û Il [Halinardus] reè nova les ateliers de ce monasteé re. Et bien qu'il fut eèrudit dans tous les arts, il passa la plus grande partie de son temps dans la geè omeètrie et les sciences naturelles ý (Officinas huius monasterii renovavit. Et quamquam omnibus eruditus esset artibus, tamen in geometria et phisica plurimum studebat). (37) Schlink, Saint-Beènigne, p. 72 ; Chomton, Histoire, p. 243 : au commencement du

xv

e

sieécle û le clo|être

fut lambrisseè , puis ensuite peint. Des contreforts du dortoir furent remanieè s ý. (38) M. J. Garnier, û Les baê timents de l'abbaye Saint-Beènigne avant 1790 ý, Bulletin d'histoire, de litteè rature et d'art religieux du dioceé se de Dijon, 1905, (pp. 44-47) p. 46. (39) Paris, BNF, CB, t. 11, Annales manuscrites de Saint-Beè nigne, t. 11, f. 553v. (40) Paris, Archives nationales, N III Coê te d'Or [AN], NIII Coê te-d'Or 5(2). (41) Le dessin du clo|ê tre, vu du nord (BNF, CB, t. 11, f. 717r), fut deè crit en 1676 dans le texte BNF, CB, t. 11, f. 488r. (42) BNF, CB, t. 11, f. 493r : un rapport des reè parations commenceè es en 1768 indiquent que les chapiteaux du clo|être eètaient posteèrieurs aé l'eèpoque d'Hallinard ; Chomton, Histoire, p. 165 n. 2 ; Garnier, û Les baê timents ý, p. 47 ; C. Poinssot, û Le baê timent du dortoir de l'abbaye Saint-Beè nigne de Dijon ý, Bulletin monumental 112 (1954) : (303-30) p. 316. (43) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, fig. 122-130 ; E. Fentress, C. J. Goodson, M. L. Laird, and S. C. Leone (eèd.), Walls and Memory, The Abbey of San Sebastiano at Alatri (Lazio), Disciplina Monastica, 2 (Turnhout, 2005), pp. 45, 63-75, 106, fig. 4, 9, 11, 12. Des restes de baê timents monastiques du

vi

e

sieécle, peut-eê tre

un reèfectoire surmonteè d'un dortoir, existent encore aé l'abbaye de San Sebastiano, Alatri dans le Lazio du sud. Un grand baêtiment similaire, isoleè , associeè aé une eèglise, est deè crit au

viii

e

sieécle aé l'abbaye de Jumieé ges

(fondeèe vers 655) et deux grandes pieé ces, dont l'une comprenant deux eè tages, subsistent au monasteé re de St. Paul's Jarrow (fondeè en 682).

9

35

chapitre premier helm Schlink sous la forme d'un carreè de 13 m sur 13 m correspondant aé neuf traveèes vou ê teèes d'areêtes reposant sur quatre piliers centraux qui n'existent plus aujourd'hui

6

44

. La salle

capitulaire constitue l'une des plus anciennes conserveè es en Europe. La salle capitulaire contemporaine aé Cluny (15

11,5 m), comme deècrite dans le Liber tramitis entre 1030-

1040, eètait aé peu preés de la meême dimension (fig. 31)

45

é Saint-Beènigne la salle capitu. A

laire s'ouvrait sur le grand clo|être par une porte cintreèe, aujourd'hui boucheèe sous l'escalier des Mauristes de 1653 ; elle est encadreèe de deux baies geèmineèes, qui eètaient seèpareèes par des piliers orneès de chapiteaux et de bases sculpteès, encore visibles

46

é l'opposeè de cette . A

entreèe dans le mur est de la salle capitulaire, il y avait une autre porte, aujourd'hui mureèe

47

. Le sol de la salle capitulaire actuelle de Saint-Beè nigne est 2,40 m plus bas que l'eètait

celui du chÝur et du transept de l'eèglise de l'an mil, mais au meême niveau que l'extreèmiteè occidentale de l'eèglise. Au sud-ouest de l'entreèe de la salle capitulaire (aé l'extreèmiteè sud de l'alleèe orientale) se trouve une porte qui devrait eê tre aé la meême place que la porte du clo|être du

xi

e

sieécle (fig. 26)

48

. On conna|êt par le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne

l'existence d'une porte du clo|être aé cet endroit : les religieux sortent de l'eèglise par la porte du clo|être (exeunt per ostium claustri) et traversent le chapitre pour se rendre aé la chapelle Saint-Beno|êt

49

. Dans l'eèglise, l'entreèe du clo|être eètait situeèe aé l'ouest de l'autel de saint

Pierre, et les documents l'appellent toujours û porte du clo|ê tre ý

50

.

Les trois traveèes au nord de la salle capitulaire de Saint-Beènigne, dont les vouêtes sont soutenues par quatre gros piliers ronds, ont pu former le parloir (auditorium)

6

51

. Un tel audi-

torium de trois traveèes d'environ 14,3 par 14,7 m aurait des dimensions un peu supeè rieures aé celles de l'auditorium de Cluny 10,0

11,5 m, deècrit dans le Liber tramitis

52

é Dijon cet . A

espace ouvrait par des portes, visibles sur le plan mauriste de 1652, aé l'ouest sur le grand

(44) Schlink, Saint-Beènigne, pp. 71-72, fig. 7. Les dimensions exactes sont : nord-sud, 13,83 m, est-ouest, 13,59 m au sud et 14,10 m au nord. (45) Liber tramitis aevi Odilonis abbatis, eèd. P. Dinter, CCM 10, 1980, p. 204 donne 45

6

34 pieds ; K. J.

Conant, Cluny : les eèglises et la maison du chef d'ordre (Maêcon, 1968), p. 64 ; idem, û Cluny II and St. Beè nigne at Dijon ý, Archaeologia 9 (1965) : (179-94) p. 183. Le pied utiliseè a une longueur de 34 cm. Le Liber tramitis, compileè entre 1027 et 1048, est un enregistrement des coutumes clunisiennes sous l'abbeè Odilon (994-1048). Il fut eècrit pour fournir un manuel de la vie monastique clunisienne au monasteé re italien de Farfa qui deè sirait adopter ces coutumes. Voir infra, p. 167. (46) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde,

pp. 175-76, fig. 121-126 ;

Schlink,

Saint-Beènigne,

p. 72,

fig. 6, 7, 18, 19. Le dessin de l'arcature en pierre de ces baies, attesteè es par les colonnes et les chapiteaux, peut eêtre restitueè suivant le scheè ma donneè par Schlink. L'emplacement du portail central est indiqueè sur le plan mauriste de 1652 (AN, NIII Coê te-d'Or 5(2) : (fig. 26) et 5(4). (47) Infra, pp. 39-40. (48) Marino

Malone,

û Les

fouilles ý,

p. 258. Cette

porte

doit

dater

de

l'eè poque

de

construction

de

l'absidiole nord de l'eè glise gothique. (49) Infra, p. 211 n. 31 ; Chomton, Histoire, p. 404. (50) Ibid., p. 101. (51) Schlink, Saint-Beènigne, p. 74 n. 204 ; Poinssot, û Le baê timent ý, (pp. 303-31), pp. 307-08, a, lui, identifieè ces trois traveè es (et peut-eêtre en plus les trois traveèes au nord) comme la salle capitulaire et les trois traveèes au sud (c'est-aé -dire la salle capitulaire) comme sacristie ou bibliotheé que. (52) LT,

p. 204 :

l'inteèrieur des murs.

36

9

Auditorium triginta pedes longitudinis ;

Conant,

Cluny,

p. 64.

Ces

mesures

sont

prises



les structures mateèrielles et leurs sources clo|être et aé l'est sur un petit clo|être

53

. De plus, la description par le troisieéme coutumier,

deèjaé eèvoqueèe pour situer la porte du clo|être, indique qu'on û revient ensuite par le parloir

6

dans le clo|être (revertuntur per auditorium) ý 15

54

. Au nord de l'auditorium les quatre traveèes de

13 m qui suivent pourraient constituer une camera ou un chauffoir (calefactorium), c'est-

aé-dire une salle de travail chauffeèe, qui peut avoir servi comme scriptorium pour la confec-

6

6

é Cluny, selon le Liber tramitis, la tion des manuscrits comme pour celle des veê tements. A camera de 30,6

11,5 m et le calefactorium de 8,5

8,5 m eètaient des structures seèpareèes, le

calefactorium eètant probablement situeè aé l'est du reèfectoire dans l'aile sud adjacente aé la camera

55

é Saint-Beènigne, la preèsence d'une niche dans le mur est (de la neuvieé me traveèe . A

vers le nord), qui semble eêtre aé l'origine une chemineèe circulaire, fait penser que cette partie de la construction pouvait correspondre aé une salle chauffeèe

56

. La camera pouvait

avoir eu acceés aé l'eau courante par un couloir transversal avec un mur en opus spicatum de l'an mil construit suivant une orientation non perpendiculaire aé la salle aé l'extreèmiteè nord de cet espace. Ce couloir doit eêtre û la vouête du canal du Renne ý sous le û gros mur (pignon) du dortoir ý citeèe dans les devis de reèparation de 1671 et 1672

57

. Les plans de

1652 et le dessin de 1674 montrent le canal issu du Renne depuis le rempart urbain aé l'ouest ; le ruisseau suivait le coêteè nord des baêtiments du monasteére (fig. 26, 27)

58

. Il est

donc probable que le mur en opus spicatum constitue une partie de l'alimentation en eau du

xi

e

xv

sieécle. Bien que le dortoir, l'eètage supeèrieur de l'aile orientale, a eèteè reconstruit au

e

6

nant 60 54

6

sieécles, il a conserveè en partie son mur nord exteèrieur du 15 m

11,5 m

60

59

xi

e

xiii

e

et au

sieécle. Il mesure mainte-

. Le dortoir de Cluny, comme deècrit dans le Liber tramitis, mesurait

. Selon la chronique de Saint-Beènigne, û le nombre des moines croissait tous

les jours sous sa direction [l'abbeè Guillaume], et, si on excepte ceux qui eè taient dans d'autres monasteéres de cette congreègation, les freéres auraient eèteè chaque jour soixante-dix

(53) AN, NIII Coê te-d'Or 5(2) ; B. Saint-Jean Vitus, û Le bourg et les baê timents monastiques (de Saint-Beè nigne) ý, dans : L'ancienne abbaye Saint Beènigne : regards croiseès, catalogue de l'exposition (Dijon 1995), (pp. 3538) p. 38 : l'escalier vers le dortoir visible sur le plan mauriste de 1652 ne date probablement pas du

xi

e

sieécle.

(54) Infra, p. 211 n. 31 ; Chomton, Histoire, pp. 101, 404. (55) LT, p. 204 : camera uero nonaginta pedes longitudinis [...] calefactorium uiginti et quinque pedes latitudinis, longitudinis eademque mensura ; Conant, Cluny, p. 64. Neè anmoins, dans certains monasteé res beèneèdictins anglais clunisiens ou indeè pendants, le chauffoir semble eê tre resteè du coêteè est, comme aé Thetford, oué il occupe trois traveè es. Voir C. Marino Malone et W. Horn, û The Plan and its Effect on Later Monastic Planning ý, dans W. Horn et E. Born, The Plan of St. Gall, Study in the Architecture, Economy, and Life of a Paradigmatic Carolingian Monastery, t. 2, 6

e

partie, (Berkeley, California, 1979), p. 358.

(56) Saint-Jean Vitus, û Le bourg ý, p. 38. Bien que la chemineè e soit d'origine, il n'en reste plus que le contre-cÝur de plan semi-circulaire, creuseè dans le mur et large d'un peu plus d'un meé tre ; il ressemble aé une niche, mais il reste encore dans la mac° onnerie du

xi

e

sieécle deux corbeaux de pierre buê cheès qui portaient son

manteau. (57) Ibid. Ce couloir est vouê teè d'un berceau continu, et eè tait primitivement sans communication directe avec la pieéce voisine. (58) AN, NIII Coê te-d'Or 5(2), 5(3). (59) Saint-Jean Vitus, û Le bourg ý, p. 37. (60) LT,

p. 204 :

Dormitorium

longitudinis

centum

sexaginta

pedes,

latitudinis

triginta

et

quattuor ;

C. Heitz,

La France preè-romane (Paris, 1987), p. 231 ; Conant, Cluny, p. 64.

9

37

chapitre premier ou quatre vingt ý

61

. En 994, aé l'accession de l'abbeè Odilon, il y avait environ soixante-dix

moines aé Cluny, mais Conant pensait que le nouveau plan de 1032 parait avoir eè teè conc°u, comme le plan carolingien de Saint-Gall (

ix

e

sieécle) (fig. 30, 31), pour environ 100 ou 130 62

moines, mais en les serrant, on pouvait loger 140 moines

.

Le canal du Renne et le couloir transversal de l'eè tage infeèrieur de l'aile orientale pouvaient avoir fourni l'eau pour des bains dans ou preé s du calefactorium et nettoyaient les latrines meèdieèvales, qui eètaient probablement placeèes preés de l'extreèmiteè nord-est aé l'eètage supeèrieur du dortoir. Les latrines eètaient au nord-est du dortoir sur les plans des

xviii

e

xvii

e

sieécles, et on acceèdait au pavillon des latrines en venant du dortoir par un escalier

et 63

.

Selon Conant, aé Cluny vers 1032, les latrines, aé quarante-cinq compartiments, eètaient isoleèes du dortoir par un couloir ; il pense que, au-dessus du couloir, une sorte de pont communiquait avec l'extreèmiteè sud du dortoir de Saint-Gall

65

64

. Une disposition de ce type existe sur le plan

.

Comme il est de coutume dans les abbayes beè neèdictines, le reèfectoire eètait du coêteè opposeè aé l'eèglise, c'est-aé-dire l'aile nord aé Saint-Beènigne

66

. Il est probable que le reèfectoire

deècrit dans les meèmoires de 1717, qui a existeè jusqu'en 1808, a eèteè baêti ou rebaêti apreés l'incendie de 1137

67

xi

. Au

e

6

6

sieécle le reèfectoire aurait eèteè orienteè est-ouest comme aé Cluny

ou é , selon le Liber tramitis, le reèfectoire mesurait 30,6

8,5 m, et la cuisine 10

6,8 m

68

.

Si le reèfectoire avait rempli la totaliteè de l'aile nord de clo|être aé Saint-Beènigne, il aurait eu 69

environ 35,7 m de long

. Si la cuisine eètait comprise dans la meême aile, l'un et l'autre au-

raient eèteè semblables aé ceux de Cluny

70

. Plus tard, aé la fin du

xiv

e

sieécle aé Dijon le reèfec-

(61) Chronique, pp. 137-38 : Crescebat ergo quotidie multitudo monachorum sub eius magisterio degentium, ut exceptis his qui per alia erant monasteria in hac congregatione quotidie fratres essent septuaginta, aut octoginta. (62) Conant, Cluny, p. 66. (63) Poinssot, û Le baê timent ý, p. 321 ; AN, N III 5 (4). (64) LT, p. 204 : Latrina septuaginta pedes longitudinis, latitudinis uiginti et tres. Selle quadraginta et quinque in ipsa domo ordinatae sunt et per unamquamque sella aptata est fenestrula in muro altitudinis pedes duo, latitudinis semissem unum ; Conant, Cluny, p. 64. La position des latrines est donneè e par les fouilles. (65) W. Horn et E. Born, The Plan of Saint-Gall, A Study in the Architecture, Economy, and Life of a Paradigmatic Carolingian Monastery, t. 1, 2

e

partie (Berkeley, California, 1979), pp. 260, 263 ; Conant, Cluny, p. 64. Sur le

é Cluny, les bains des plan de Saint-Gall, les bains constituaient un baê timent seèpareè relieè au calefactorium. A moines se situaient probablement aé l'exteèrieur du clo|ê tre. (66) Garnier, û Les baê timents ý, p. 45. (67) F. Joubert,

ýTympan : Ceéne ý, dans Sculpture meèdieèvale en Bourgogne, eèd. M. Jannet-Vallat et F. Jou-

bert, p. 132-33, et n. 1 ; BNF, CB, t. 14, f. 154v-155, et. t. 93, f. 19. Le tympan repreè sentant la Ceé ne, deècrit au-dessus de la grande porte du reèfectoire au

xvii

e

sieécle, et aujourd'hui au museè e archeèologique, a eè teè proba-

blement conc°u pour le reè fectoire pendant le troisieé me quart du pourrait aussi indiquer une date au

xii

e

xii

e

sieécle. L'orientation nord-sud du reèfectoire

sieécle puisque cette orientation est caracteè ristique des reè fectoires cister-

ciens aé cette eè poque. Voir Marino Malone et Horn, û Le Plan ý, pp. 354-55. (68) LT, p. 204 : Refectorium longitudinis pedes nonaginta, latitudinis uiginta quinque [...] Coquina regularis triginta pedes longitudine et latitudine uiginti et quinque. (69) Le plan de 1652 montre que l'aile nord du clo|ê tre est de la meê me longueur que l'aile est. (70) Toutefois, la cuisine peut avoir eè teè adjacente au cellier. Sur le plan de 1652, le cellier lui-meê me a seulement la longueur de la galerie ouest du clo|ê tre. Il est improbable qu'il ait jamais eè teè plus grand.

38

9

les structures mateèrielles et leurs sources

toire eètait encadreè par une cuisine aé l'ouest et aé l'est par 72un chauffoir 71. Le ruisseau du Renne alimentait sans doute la cuisine voisine du reèfectoire . e Sur la base des plans du xvii sieécle, des meèmoires de 1717 et des coutumiers nous savons que le cellier et l'aumoênerie eètaient situeès dans l'ail ouest du clo|être aé Saint73 ) servait de stockage pour les fournitures de nourriture et de Beènigne . Un cellier ( boisson neècessaires aé la communauteè monastique; l'aumoênerie ( ) eètait une74 pieéce oué l'aumoênier monastique geèrait ce qui eètait neècessaire aux pauvres de passage . Biene que des subdivisions de cette aile ouest aé Dijon ne soient pas indiqueèes sur les plans du xvii sieécle, le deuxieéme et le troisieéme coutumier font reèfeèrence pour Saint-Beènigne aé l'aumoênerie aé coêteè de la partie ouest de l'eèglise, comme dans les coutumiers de Cluny 75. Sur le plan de 1652, le baêtiment de l'aile ouest mesure 35,71 m de longueur et aé peu preés de la meême largeur que le dortoir (13 m). Comme la longueur du baêtiment de l'aile ouest aé Saint-Be è nigne correspond aé la longueur de la galerie, il est probable que c'eètait sa longueur e , mesurait 24 6 20 m et l'aumoênerie du xi sieécle. Aé Cluny, le cellier, selon le 3,4 6 20 m 76. L'aile ouest de Saint-Beènigne eètait donc plus longue et plus eètroite et sa surface eètait infeèrieure d'environ 15% aé la zone correspondante aé Cluny. Les descriptions des processions dans le deuxieéme et le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne77 indiquent clairement qu'une porte donne du clo|être dans la partie occidentale de l'eèglise . Rien ne reste des baêtiments aé l'est du grand clo|être, mais, selon les coutumiers de Saint-Beènigne, le clo|être de l'infirmerie se trouvait aé l'est du dortoir, comme 78sur le plan de Saint-Gall, aé Cluny, et dans d'autres monasteéres beèneèdictins (fig. 30, 31) . Une porte situeèe au milieu du mur est de79la salle capitulaire donnait autrefois acceés aé la chapelle des malades deèdieèee aé saint Beno|êt . Ni la porte, ni la chapelle Saint-Beno|êt ne figurent sur les plans du xvii sieécle, mais elles sont mentionneèes par le troisieéme coutumier dans l'itineèraire de la procession du jour des Rameaux. Au cas oué, la ville eètant frappeèe d'interdit, cellarium

elymosynarium

Liber tramitis

(71) Saint-Jean Vitus, û Le bourg ý, p. 37. (72) Ibid., p. 38. Le dessin de 1674 (BNF, CB, t. 11, f. 717) indique la cuisine aé coêteè du cellier avec le lit du Rennes aé coêteè, juste au nord. (73) Garnier, û Les baêtiments ý, p. 45. (74) Marino Malone et Horn, û The Plan ý, p. 337. (75) , publ. par E. Marteéne, t. 4 (Anvers, 1738), liv. 3, col. 372; Chomton, , p. 384; Bernard de Cluny, , eèd. M. Herrgott, reèimpr. P. Engelbert, Siegburg, 1999, pp. 134-364. (76) , p. 204: . (77) Infra, pp. 47 et 215. Chomton, , p. 404: ; Marino Malone, , p. 107. (78) , p. 205; Marino Malone et Horn, û The Plan ý, p. 342. (79) Annexe II, pp. 294-95, lignes 36-38. Selon le deuxieme coutumier, û L'autel de la chapelle des malades a eèteè consacreè en l'honneur de notre saint peére Beno|é ê t et des saints confesseurs Silvestre, Greègoire, pape, Martin, eèveêque, Jeèroême, preêtre ý. C. Sapin, û Les premiers ý, p. 165 a trouveè du coêteè sud de la porte due mur exteèrieur est de la salle capitulaire des pilastres qui indiquent qu'il s'agit de la porte d'origine du xi sieécle. Cette porte est visible depuis les caves de l'eècole des Beaux Arts. Ces pilastres correspondent au systeéme lombard de bandes aé deux arcs du narthex de Tournus, phase lombarde posteèrieure aé 1020, plus avanceèe que celle des arcatures aveugles de la rotonde que l'on retrouve aé Tournus entre 1007 et 1020. De antiquis ecclesiae ritibus

Histoire

Ordo Cluniacensis

LT

Vetus disciplina monastica,

Cellarii uero longitudo septuaginta, latitudo sexaginta pedes. Aelemosynarum quippe cella pedes latitu-

dinis decem, longitudinis sexaginta ad similitudinem latitudinem cellarii Histoire

et de claustro veniunt in vestibulum ecclesiae

Saint-Beènigne et sa rotonde

LT

9

39

chapitre premier le couvent ne pouvait sortir de ses murs, apreé s la distribution des fleurs et des rameaux, les religieux û sortent par la porte du clo|être, et traversent le chapitre pour se rendre aé la chapelle Saint-Beno|êt [...] et reviennent ensuite par l'auditorium dans le clo|être, puis vont du clo|être au vestibule de l'eèglise [...] ý

80

. En outre, une description dans le deuxieéme coutu-

mier, comme le troisieéme, de la seèrie des lieux parcourus par la procession effectueè e apreés la mort d'un moine laisse supposer que la chapelle Saint-Beno|ê t disposait non seulement d'une porte face aé la salle capitulaire, mais eègalement d'une porte lateèrale permettant d'acceèder aé l'infirmerie indiqueèe sur le plan de 1652

81

. Selon le troisieéme coutumier, apreés

la mort d'un moine, tous û passant par l'eèglise Saint Beno|êt [...] vient dans le clo|être de l'infirmerie et ils accomplissent laé l'office pour les deèfunts ý

82

. Le meême texte semble con-

firmer que le clo|être aé coêteè du baêtiment appeleè infirmerie sur un autre plan de 1652 correspondait en fait aé l'emplacement du clo|être de l'infirmerie meèdieèvale

83

. Le clo|être des

novices n'appara|êt pas dans les plans, mais les documents mauristes mentionnent aé cet endroit un petit clo|être des novices, partiellement deèmoli entre 1673 et 1689, mais le petit clo|être des novices dessineè par les mauristes pourrait eêtre une addition plus reècente

84

. Selon

Isabelle Cochelin, il n'est pas certain qu'il existait une celle pour les novices dans les monasteéres traditionnels avant le

xii

e

sieécle

85

. Il est peut-eêtre significatif que les coutumiers de

Saint-Beènigne ne disent rien laé-dessus. Toutefois au

xvii

e

sieécle, le clo|être de l'infirmerie et

le clo|être des novices se trouvaient aé l'est du dortoir, conformeèment au plan ideèal de SaintGall. Comme sur le plan de Saint-Gall, le cimetieé re eètait situeè aé l'est du clo|être et preés de l'infirmerie et du clo|être des novices. La chronique de Saint-Beènigne indique, qu'au sieécle, le cimetieére s'eètendait des parties est du monasteére jusqu'au ruisseau de Suzon

86

xi

e

. La

(80) Infra, p. 211 n. 31 ; Chomton, Histoire, pp. 101, 404 : exeunt per ostium claustri, et vadunt per medium capituli ad sanctum Benedictum [...] et sic revertuntur per auditorium in claustrum, et de claustro veniunt in vestibulum ecclesiae [...]. Il est certain que le coutumier fait reè feèrence aux baê timents de Saint-Beè nigne et non aé ceux de Cluny, puisque la chapelle correspondante aé Cluny eè tait deèdieèe aé la Vierge et non aé saint Beno|ê t. (81) De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 734-40. (82) Infra, p. 198 ; Chomton, Histoire, p. 359 : viam per ecclesiam Sancti Benedicti [...] venit in claustro infirmariae et implent ibi officium defunctorum. (83) AN, NIII 5 (5). (84) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 184-86 ; Chomton, Histoire, p. 165 n. 2 ; BNF, CB, t. 11, f. 493r, 553v. Ce clo|ê tre est deè crit dans un eètat des travaux faits apreés 1676 :

ýLes deèmolitions entra|ê neérent la

chute d'une muraille qui faisoit anciennement un costeè du petit cloistre des Novices, et oué l'on voist encore toutes les arcades et piliers qui en soutonoient la voute : [Ces piliers eè taient] de la meê me figure qu'on en voit encore pour le

preèsent

[c'est-aé-dire avant 1682] dans les

rondes ý. On discute la datation au

xii

e

grandes cloistres dont plusieurs colonnes sont

sieécle pour ces chapiteaux du grand clo|ê tre dans mon livre, Saint-

Beènigne et sa rotonde, p. 184. Cependant, en 1493, la maison des novices est dite nouvellement faite avec beaucoup de travaux. Voir ADCO, 1 H 1398, f. 81v. (Je remercie Laurent Durnecker pour cette reè feèrence). (85) I. Cochelin, û Peut-on parler de noviciat aé

Cluny pour les

x -xi e

e

sieécles ? ý, Revue Mabillon, n.s.,

9 (1998) : (17-52) pp. 30, 45, 48. Le Liber tramitis fait usage du subjonctif pour deè signer la celle des novices ; la celle n'existait donc pas encore entre 1030-1040. (86) Chronique, p. 14 ; P. Gras, û Cimetieé res pa|ëens et cimetieé res chreè tiens ý, Annales de Bourgogne 26 (1954) : (102-07) p. 106. Comme nous l'avons deè jaé signaleè , une portion de cet espace porte en 1018 la deè signation d'atrium monasterii et en 1674 sur le dessin exeè cuteè par les mauristes (fig. 27). Voir supra p. 33 n. 23 et 26. Depuis le

40

9

ix

e

sieécle, le cimetieé re est parfois appeleè a|être (atrium).

les structures mateèrielles et leurs sources chronique, les coutumiers, et ainsi que les dessins et plans des mauristes procurent donc, dans de nombreux cas, une information essentielle qui permet de clarifier la disposition architecturale des baêtiments claustraux.

Restitution de l'eèglise de l'an mil

Dans la Vita consacreèe aé son ma|être, l'abbeè Guillaume, Raoul Glaber avance : û avec une grande ingeèniositeè d'esprit, il [Guillaume] commenc°ait aé faire des plans grandioses en vue de la reconstruction de l'eèglise [de Saint-Beènigne] [...] pour la reconstruire selon un plan admirable, beaucoup plus long et plus large qu'auparavant [...] ý

87

. Mais il ne nous

fournit aucun renseignement sur les caracteèristiques preècises de la nouvelle eèglise. Fort heureusement, la chronique du milieu du

xi

e

sieécle offre une description deètailleèe du plan

de l'eèglise, dont l'interpreètation, comme pour toute description eècrite, est toutefois sujette aé d'importantes variations, ce dont teè moigne le fait que Saint-Beènigne ait longtemps eèteè consideèreèe comme le prototype d'une eèglise de peélerinage de la fin du

xi

e

sieécle, et donc

comme un eèdifice essentiel du deèveloppement de l'architecture romane. Or, les structures deègageèes lors des fouilles, comme le dessin de la rotonde, indiquent une eè glise preèromane construite suivant les techniques de mac° onnerie lombardes de l'an mil et apparenteèe aé des plans carolingiens et ottoniens anteèrieurs. Plusieurs reconstitutions prenant appui sur la chronique ont deè jaé eèteè tenteèes. La plus ancienne, effectueèe par Dom Viole pour Dom Jean Mabillon Les

plus

importantes

restitutions

de

Saint-Beènigne

ont

eèteè

88

xviii

, remonte au

reèaliseèes

par

e

l'abbeè

sieécle. Louis

Chomton, Alice Sunderland Wethey et Kenneth John Conant, Andrew Martindale, et Wilhelm Schlink

89

. Celles de Martindale et de Schlink sont du plus grand inteè reêt car elles

sont conc°ues de manieére critique, en relation avec l'architecture de l'an mil. Les eè leèments de restitution proposeès aé l'issue de nos travaux se fondent quant aé eux sur la chronique et les plans de Plancher accompagneès d'une confrontation avec les apports fournis par les fouilles

90

.

(87) Rodulfus Glaber, Vita, p. 274 : Ilicoque summo mentis ingenio coepit ipsius aecclesie˜ reformande˜ mirificum construere apparatum. [...] ree˜dificare positione mirabili ualde longiore ac latiore quam fuerat [...]. Selon Jacques Meè nard, le sens d'apparatus est obscur ; le sens geèneèral est action de preè parer. Dans le contexte de l'architecture, ce sont les plans qui correspondent aé une telle preèparation. (88) Viole, Meèmoires intituleès : Abreègeè des meèmoires du monasteé re de Saint-Beènigne de Dijon pour les RR. PP. D. J. Mabillon et D. M. Germain (1645 et 1694) ; M. Germain, Monasticon Gallicanum (Paris, 1870), pp. 36-37 ; Voir Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 48, fig. 14 ; Schlink, Saint-Beènigne, fig. 62. (89) Chomton,

Histoire,

pl.

VII ;

K. J.

Conant,

û Cluny II

and

St. Beè nigne

at

Dijon ý,

Archaeologia

9 (1965) : (179-94) fig. 2. La reconstruction de Conant eè tait la plus freè quemment reproduite avant mes fouilles et eètait fondeè e sur A. L. Sunderland Wethey, û The Early Romanesque Church of Saint Benignus of Dijon ý, eètude non publieè e, Radcliffe College, 1946, pl. 20. Avant les fouilles, ces reconstitutions anteè rieures ont eè teè mises en question en 1962 par Martindale, û The Romanesque ý, fig. 9, et en 1978 par Schlink, Saint-Beènigne, fig. 8, 9, 11 et moi-meê me en 1973 dans une confeèrence intituleè e û A New Evaluation of the Eleventh-Century Church of St. Beè nigne at Dijon ý, faite aé New York, lors de la Medieval Session, College Art Association et aé Princeton en 1975 û Reconstruction of the Eleventh-Century Church of St. Beè nigne at Dijon ý. (90)

Voir une explication deè tailleè e dans Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 14, 86, 99.

9

41

chapitre premier Deux hypotheéses ont eèteè suggeèreèes concernant la position du transept de l'eè glise de l'an mil : soit immeèdiatement attenant aé l'heèmicycle, soit seèpareè de celui-ci par une traveèe de chÝur. Il doit eêtre noteè que les restitutions preèceèdentes ont toutes supposeè l'existence d'une tour de croiseèe, aé cause des tours qui se sont eècrouleèes en 1100 et 1271. Chomton et Conant isolent l'heèmicycle du transept par un eèleèment du chÝur, tandis que, dans les restitutions de Martindale et Schlink, l'heèmicycle est contigu au transept. Les fouilles dont les reè sultats ont eèteè publieès en 1980 ont permis de deègager les murs nord et ouest de la barre horizontale du T de la crypte et le mur nord du transept de l'eè glise de l'an mil la crypte et du transept eètaient aligneès

92

91

. Les murs nord de

. Le transept a donc duê eêtre attenant aé l'heèmicycle,

comme les bras nord et sud de la crypte deègageès au

xix

e

sieécle. Ainsi, comme aé San Salva-

tore sur Monte Amiata en Toscane, qui est dateè de 1036, le transept eètait situeè au-dessus du bras horizontal du T de la crypte et eètait attenant aé l'heèmicycle

93

.

Selon Raoul Glaber, Guillaume a augmenteè non seulement la largeur mais aussi la longueur de l'eèglise et les fouilles ont reèveèleè qu'il avait agrandi la crypte inteèrieure vers l'ouest, comme dans les eèglises italiennes contemporaines. On a constateè que la longueur du bras nord-sud de la crypte en T eè tait de 26 meétres, la meême que celle du bras est-ouest (fig. 3)

94

. L'angle nord-ouest de l'entreèe de la crypte a eèteè deècouvert aé l'emplacement

preècis de la limite ouest de la crypte calculeè e en fonction des indications fournies par la chronique et l'on y a eègalement trouveè l'indication d'un escalier face aux trois entreèes mentionneèes dans la chronique : û Il y a une triple entreè e vers la crypte ý (fig. 1, 3)

95

. Sunder-

land Wethey et Conant signalent trois escaliers seè pareès par des murets devant l'entreèe de la crypte, disposition dont les fouilles ont eètabli qu'elle correspondait aé des modifications du

xii

e

sieécle, tandis que Martindale n'indique qu'une voleè e, ce qui correspond aé l'eètat de l'an

mil. é A Saint-Beènigne, la partie de l'eèglise qui recouvrait la crypte inteèrieure servait de chÝur aux moines et eètait distincte de la partie occidentale de l'eèglise oué se tenaient les fideéles, qui disposaient d'un acceés direct aé la crypte sans deèranger les moines. Le peuple peèneètrait dans la crypte par les trois entreèes situeèes aé l'est de l'autel de la Sainte-Croix (fig. 1, 3). Le chÝur des moines devait occuper tout le transept, selon une disposition semblable aé celle du plan de Saint-Gall, et se deèvelopper dans le sens est-ouest jusqu'aé l'entreèe occidentale de la crypte (fig. 3, 30). Le bras est-ouest du chÝur et son bras nordsud avaient des dimensions eèquivalentes et eètaient eèclaireès par les nombreuses feneêtres mentionneèes par la chronique.

(91) La longueur du bras nord-sud deè gageè au

xix

e

sieécle et donc la longueur du transept correspondent aé la

largeur de l'eè glise, cinquante-trois coudeè es, indiqueèe par la chronique. Annexe I, p. 287, ligne 12 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 47, ligne 12. (92) Les murs ouest du transept de l'an mil doivent se trouver en dessous des chapelles lateè rales du chevet gothique. (93) Infra, p. 50 n. 135. (94) Cette mesure repreè sente la distance depuis l'heè micycle jusqu'aé l'entreè e ouest de la crypte. (95) Annexe I, p. 292, ligne 122 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, ligne 121.

42

9

les structures mateèrielles et leurs sources 96

Ma restitution d'un transept continu

repose essentiellement sur l'analyse des plans et

la coupe du chevet de Saint-Beènigne reèaliseèe par Plancher : ici des piliers massifs aé l'ouest de l'heèmicycle barrent le passage autour de l'heèmicycle au niveau de la crypte et du chÝur ainsi que les ouvertures correspondantes de la galerie situeè e au-dessus. Or, ces piliers, qui existent encore dans la crypte, paraissent eê tre des additions plus tardives. L'existence au

xi

e

sieécle d'une tour de croiseèe eèvoqueèe par des restitutions anteèrieures est deèmentie par le

fait, que dans le cas d'un transept attenant aé l'heèmicycle, les piliers de la tour auraient obstrueè les ouvertures occidentales du passage faisant le tour de l'heè micycle (fig. 5, 6, 7, 8). Deés lors que les fouilles indiquent, conformeèment aé la chronique, que le transept eètait directement adjacent aé l'heèmicycle, il n'y a pas d'autre possibiliteè qu'un transept continu. Un transept continu rend vraisemblable la visibiliteè de l'autel de la Triniteè, situeè dans la galerie, depuis n'importe quel point de l'eèglise, comme l'affirme la chronique

97

. En dessous

de cette galerie, un peu aé l'ouest, l'autel principal de saint Maurice et saint Beènigne aurait directement surplombeè la tombe du saint parce qu'il devait eêtre placeè au centre de l'heèmicycle au niveau du chÝur des moines, qui correspond au second niveau de la rotonde. Un heèmicycle directement adjacent au transept continu reproduit le scheè ma de Saint-Pierre de Rome du

iv

e

sieécle.

Concernant le plan de l'eèglise, Chomton, Sunderland Wethey et Conant, ainsi que Schlink ont opteè pour des bas-coêteès doubles ; seuls Viole et Martindale ont retenu des bascoêteès simples. Le deègagement du mur nord du collateèral nord de l'eèglise de l'an mil a permis de deèterminer que l'eèglise n'avait qu'un seul bas-coêteè. La reconstruction connue de Chomton comprenait des piliers composeès, une eèleèvation des tribunes avec une claire-voie et une nef vouêteèe, mais la conclusion aé laquelle il parvient dans son propre exemplaire privileègie une nef charpenteèe aé deux eètages

98

. Quant aé la reconstruction de Conant avec des

tribunes et une nef vouêteèe, elle s'appuie sur celle proposeèe par Sunderland Wethey

99

et

semble eêtre fondeèe sur la reconstruction publieèe de Chomton. Avant les fouilles, ces reconstitutions anteèrieures ont eèteè remises en question par Martindale, qui a suggeè reè l'existence d'une nef aé deux eètages charpenteèe

100

.

Les hypotheéses eèmises en ce qui concerne une tribune se fondent sur la description des passages dans la chronique. Selon elle, è galement espaceè s depuis Au bas de ces escaliers, deux passages ont eè teè construits sur le mur. E la partie orientale jusqu'aé la partie occidentale, sous le temple par des passages et sur le toit de la maison par un mur eè leveè d'environ trois coudeèes, ils proteégent de la chute ceux qui se pro-

(96) Un transept continu est seè pareè de la nef et de l'abside aé l'ouest et aé l'est par des arcatures, mais ne posseéde pas d'arcatures nord et sud aligneè es avec les supports de la nef. Un transept continu ne peut pas supporter une tour de croiseè e puisqu'il n'a pas d'arcatures de soutien au nord et au sud. (97) Annexe I, p. 290, lignes 80-82 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 80-82. (98) Chomton, Histoire, pl. VII ; BMD, ms. 2507 : L. Chomton, Histoire de l'eèglise de S. Beènigne de Dijon (Dijon, 1900), aé savoir l'exemplaire personnel de Chomton avec des notes marginales, p. 98, en face pl. VI et pl. VII. (99) Conant, û Cluny II ý, fig. 2 ; Sunderland Wethey, û The Early Romanesque ý, pl. 20. (100) Martindale, û The Romanesque ý, fig. 9.

9

43

chapitre premier meénent partout alentour. Toutefois, ces [passages] conduisent vers l'inteè rieur par un chemin de plain-pied, comme on l'a dit, ceux qui se dirigent vers la partie droite ou la partie gauche du temple et qui se dirigent vers la partie la plus eè leveèe du toit en passant sous les ailes par des passages cacheè s ; aé l'inteèrieur, jusqu'aé ce qu'ils atteignent de partout le linteau des portes qui se trouvent aé l'ouest, ils descendent par des escaliers semblables de 20 marches jusqu'aux bascoêteès (porticus ) de l'eèglise majeure

101

.

Kenneth Conant a proposeè l'existence d'une tribune et d'un passage mural dans les murs lateèraux du transept, ainsi que d'un passage au niveau des claires-voies ; il a eè galement envisageè que vingt marches conduisaient du passage aé claire-voie aé un

porticus

une tribune au dessus d'un porche occidental, comme aé Notre-Dame de Jumieéges ê ge le mot Moyen A

porticus

dans

102

. Au

se rapporte souvent aé une chapelle ou aé un bas-coêteè, et il doit en

eêtre ainsi dans le contexte de la chronique

103

. L'abside occidentale mise en eèvidence lors

des fouilles exclut la preèsence d'une tribune au-dessus de la fac° ade occidentale. Qui plus est, une tribune dans la partie ouest de l'eèglise, c'est-aé-dire la nef, se serait plus probablement situeèe au niveau de la galerie de la rotonde, laé ou é se trouvait l'autel de la Triniteè, ce qui correspondrait dans la nef aé environ 6,45 m au-dessus des bas-coêteès. D'apreés la chronique, trente marches eètaient neècessaires pour monter de 4,43 m, du niveau intermeè diaire de la rotonde aé la chapelle de la Triniteè : vingt marches n'auraient par conseè quent jamais eèteè suffisantes pour descendre dans un

porticus

au niveau des bas-coêteès depuis un niveau cor-

respondant aé celui de la chapelle de la Triniteè. Impossibiliteè plus grande encore en ce qui concerne le passage aé claire-voie eèvoqueè par Conant. Les descriptions fournies par la chronique et le passage mural embryonnaire au troisieéme niveau de la rotonde dans le dessin de Plancher incitent Conant aé supposer l'existence d'une structure du meême type dans le reste de l'eèglise au niveau supeèrieur (fig. 7). Son hypotheése de deux paires de passages a eèteè reèfuteèe par Martindale graêce aé une analyse preècise de la description que le texte latin donne de ces passages

104

. Plus de vingt marches

auraient certainement eèteè neècessaires pour atteindre le sol depuis le niveau de la claire-voie puisque le sommet du mur aé l'ouest de l'eèglise eètait d'environ 18m au-dessus du sol. L'hypotheése de Conant ne reèsiste pas au teèmoignage de la chronique selon laquelle les passages se terminent au-dessus des portes ouest d'oué un escalier de vingt marches menait aux bas-coêteès (porticus) de la grande eèglise

105

. La chronique ne fait mention d'aucune tribune,

mais deècrit un systeéme de passages qu'il est possible de restituer dans les murs particulieé rement eèpais (2,12 m) des bas-coêteès deègageès par les fouilles, conformeèment aux indications donneèes par la chronique qui mentionne la hauteur de ces passages aé l'ouest de l'eèglise. Les

(101) Annexe I, p. 291, lignes 88-97 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 88-97. (102) Conant, û Cluny II ý, p. 190. (103) D. Parsons,

Books and Buildings : Architectural Description Before and After Bede ,

Jarrow lecture 1987,

ê ge Parochial Church Council of the Parish of Jarrow, 1988, pp. 24-25. Les sources anglaises du haut Moyen A indiquent que

porticus

signifie geèneèralement un eèleèment isoleè dans une construction composite, souvent une

pieéce lateè rale, comme une chapelle ou bien un bas-coê teè. (104) Martindale, û The Romanesque ý, pp. 40-41. (105) Annexe I, pp. 291 et 293, ligne 96 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 96.

44

9

les structures mateèrielles et leurs sources passages aé l'inteèrieure de l'eèglise peuvent eêtre compareès avec ceux situeès dans l'eèpaisseur des murs des bas-coêteès et des murs lateèraux du transept du monasteére rheènan d'Essen au deèbut du

xi

e

sieécle, bien que le systeéme employeè soit ici un systeéme de niches

106

. On ne sait

pas avec preècision qui utilisait ce systeéme complexe de passages qui partaient du niveau supeèrieur de la rotonde pour revenir vers l'extreèmiteè occidentale de l'eèglise Saint-Beènigne, mais il est probable que, surplombant les murs de l'eè glise, ils n'eètaient pas preèvus pour des groupes importants de peélerins. Bien que la fiabiliteè d'une restitution, quelle qu'elle soit, de l'eè leèvation de la partie supeèrieure de l'eèglise soit relative, certaines preuves fournies par les fouilles, notamment celles teèmoignant de l'existence d'une eèglise aé deux niveaux, font penser aé une nef aé deux eètages charpenteèe. Avant la publication des fouilles en 1980, Sutherland Wethey concluait aé l'absence de diffeèrences substantielles de niveau du sol entre le chÝur et la nef, sans laquelle sa reconstitution de l'eèleèvation de la tribune aurait eèteè impossible

107

. Or, lors des

fouilles, l'emplacement et les niveaux de l'entreèe de la crypte de l'an mil (º4,63 m) ont mis en eèvidence une eèglise aé deux niveaux, dont le chÝur (+0,45 m) s'eè leéve au-dessus de la crypte

inteèrieure

et

la

partie

occidentale,

la

nef,

se

situe



un

niveau

intermeèdiaire

(º2,00 m), c'est-aé-dire qui preèsente une diffeèrence de niveau de 2,40 m entre le chÝur et la nef. Un pilier de l'eèleèvation aé l'extreèmiteè ouest de l'eèglise ayant eèteè conserveè sur une hauteur d'environ 0,75 m, nous savons que l'eè glise avait des piliers rectangulaires ; d'autre part, aucune indication de supports pour un vouê tement n'a eèteè releveèe, tant dans la nef que dans les bas-coêteès

108

. La fouille n'a permis de fournir aucun scheèma de l'eèleèvation des

piliers au-dessus de ce niveau et toute restitution de la deè coration des piliers deècrite par la chronique demeure hypotheètique. Deés lors que la nef se situait 2,40 m plus bas que le

(106) W. Zimmermann, Das Mu« nster zu Essen (Die Kunstdenkma«ler des Rheinlands, Beiheft 3) (Essen, 1956), pp. 226 fig. 237-239 et fig. 247-248. D'apreé s la reconstruction de Zimmermann, les passages au-dessus des niches eè taient toujours ouverts vers l'inteèrieur de l'eè glise, comme ils le sont encore aujourd'hui dans les bas-coêteès, meême si leur aspect actuel peut eê tre duê aé la reconstruction de la nef au

xiii

e

sieécle. Reècemment, une

nouvelle datation pour le chÝur occidental et la nef a eè teè proposeèe par K. Lange, û St. Cosmas und Damian zu Essen. Ein Pla« doyer fu«r eine neue Sicht der a« lteren Baugeschichte ý, dans Herrschaft, Bildung und Gebet. Gru«ndung und Anfa« nge des Frauenstifts Essen, eèd. G. Berghaus, T. Schilp (Essen 2000), pp. 43-57 ; idem, Der Westbau des Essener Doms. Architektur und Herrschaft in ottonischer Zeit (Quellen und Studien Vero« ffentlichungen des Instituts fu«r kirchengeschichtliche Forschung des Bistums Essen, eè d. A. Pohlmann, R. Haas, 9) (Essen, 2001), p. 91, fig. 44 : vers 1000 pour le chÝur ouest (sous l'abbesse Mathilde, morte en 1011) et le deè but du

xi

e

pour le nef, (Je remercie Kristina Kru« ger pour ces reè feèrences). Peut-eê tre le passage dans l'eè paisseur du mur

ouest du transept sud de l'abbatiale de Bernay eè tait-il inspireè par les passages dans les murs des bas-coê teès de Saint-Beènigne car d'autres aspects, comme les fuê ts en deèlit encadrant l'arcature d'entreè e aé la chapelle du coê teè est du transept, ressemblent aé ceux du chevet de Saint-Beè nigne montreè s par Plancher, et les chapiteaux aé angles abattus dans le chÝur sont similaires aé ceux de la crypte de Saint-Beè nigne. J. Decaens, û La datation de l'abbatiale de Bernay. Quelques observations architecturales et reè sultats des fouilles reècentes ý, dans AngloNorman Studies V (Proceedings of the Battle Conference, 1982), pp. 97-120. Decaens date les transepts de la premieére eètape de la construction ; selon J. Bony (communication personnelle, 1980) on peut les dater de 1017-1020 ; ils sont l'Ýuvre de Guillaume de Dijon, et la loggia du mur ouest eè tait preèvue deés le deèbut. (107) Sunderland Wethey, û The Early Romanesque ý, p. 78. (108) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 93, fig. 56.

9

45

chapitre premier chÝur, une simple arcature de piliers rectangulaires, une claire-voie et un toit charpenteè semblent l'hypotheése la plus probable, les piliers de la nef eè tant plus hauts que ceux du chÝur, puisque la nef se situait plus bas. Une eèleèvation aé deux niveaux est typique des grandes eèglises non vouêteèes construites vers l'an 1000 en mac°onnerie lombarde et avec des piliers rectangulaires, en Italie, notamment aé la catheèdrale Santa Maria Assunta d'Aosta, ou en Espagne, par exemple aé Santa Maria de Ripoll, et des eèglises comportant un chevet aé eètages, en Italie aé Santo Stefano de Veèrone, ou en Bourgogne aé Saint-Pierre de Flavigny (fig. 29)

109

. La reconstitution d'une eèleèvation aé deux niveaux avec un plafond charpenteè

dans le chÝur et dans la nef, avec des piliers semblables mais plus hauts dans la nef conduit aé un dessin homogeéne pour l'eèleèvation de l'eèglise et est compatible avec l'abside ouest deègageèe en fouille. La deècouverte de l'abside ouest de l'eèglise eètait inattendue, la chronique ne donnant aucune indication sur la forme de l'extreèmiteè occidentale. Il n'existait donc aucune raison pour envisager sa restitution avant les fouilles. La restitution de l'abside occidentale se fonde sur la courbure d'un mur deègageè en 1978 dont le sommet co|ëncide avec la mesure de 200 coudeèes (la coudeèe eèquivalant aé 0,4822 m) donneèe par la chronique pour la longueur de

l'eèglise.

Le

(fig. 1, 2, 3, 4)

mur

110

a

eèteè

conserveè

sur

une

hauteur

approximative

de

0,75 m

. Le plan de l'abside occidentale a duê eêtre conc°u en 1001, eètant donneè sa

relation avec le plan du transept continu et de son heè micycle simple qu'elle a eèquilibreè. Apreés l'incendie de 1137, on a ajouteè aé l'ouest de l'abside un û narthex ý, consacreè en 1147, dont nous connaissons le portail occidental, encore preè sent, et un pilier deècouvert en 1880 (fig. 2)

111

. Lors de l'ajout du û narthex ý, le mur de l'abside a eè teè conserveè sur une

hauteur minimum de 60 cm au-dessus du nouveau dallage du meême niveau que le pavement de l'espace occidental du

xi

e

xii

e

sieécle, qui se trouve au

sieécle. Il est donc logique de

penser que le û narthex ý et au moins un vestige de l'abside de l'an mil ont coexisteè . De meême, apreés l'incendie de 1137, l'entreèe de la crypte a eèteè aé la fois consolideèe et transformeèe par l'adjonction de murs de doublage et par la construction de trois nouvelles voleèes d'escalier. La chronique ne mentionne que les sans preèciser leur emplacement

112

occidentales portae et indique trois portae de l'eèglise

. Deux portes, dans la reconstruction, flanquent l'abside

occidentale. Notre reconstitution n'indique pas la troisieé me porte qui a du eêtre situeèe entre le clo|être et la partie occidentale de l'eèglise, mais les dessins des Mauristes (1652) montrent que la galerie ouest du clo|être eètait localiseèe juste aé l'ouest de l'escalier de la crypte (fig. 2, 4, 26)

113

Meême si le clo|être des dessins mauristes est du

(109) Peut-eêtre trouve-t-on un exemple plus tardif au

xi

e

xii

e

sieécle ou posteèrieur, la

sieécle de cette eè leèvation aé Baume-les-Messieurs,

dans la partie de la nef dont les piliers sont rectangulaires. (110) Marino Malone, û Les fouilles ý, p. 266. (111) Idem,

Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 108, fig. 62 ; Martindale, û The Romanesque Church ý, pp. 28,

32, et planche IX. (112) Annexe I, p. 291, ligne 95 et p. 293, lignes 149-50 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 95 et p. 50, lignes 149-50. û trois portails et vingt-quatre portes ý. (113) AN, N III Coê te d'Or (5).

46

9

les structures mateèrielles et leurs sources porte du clo|être du

xi

e

sieécle a pu occuper la place indiqueèe sur ce plan, auquel cas il fallait

probablement que les processions deè crites dans le troisieéme coutumier descendent du bascoêteè nord plus aé l'ouest, par les marches situeèes en face de l'abside ouest avant de pouvoir acceèder aé la crypte (fig. 26)

114

.

Historique de la rotonde

Des preuves de la configuration originale de la rotonde sont fournies aé la fois par les vestiges mateèriels de l'an mil conserveès dans sa crypte actuelle, la chronique de SaintBeènigne et les dessins exeècuteès au

xviii

e

sieécle. Graêce aé la chronique, nous disposons d'une

description de la rotonde, et la totaliteè de ses trois niveaux est connue graêce aux dessins et aux plans de Dom Urbain Plancher et Pierre-Joseph Antoine. Dom Plancher, prieur de Saint-Beènigne, exeècuta entre 1719 et 1722 des plans et des dessins de la rotonde dans le cadre d'un projet de reconstruction de l'abbaye. Plusieurs de ces dessins accompagnent le texte de sa description de la rotonde dans son Histoire de la Bourgogne, ou é il a compareè la 115

rotonde qu'il connaissait avec la description de la chronique (fig. 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12)

.

Pierre-Joseph Antoine (1730-1814), qui fut en 1790 ingeè nieur en chef du deèpartement de la Coête d'Or, exeècuta quant aé lui les dessins actuellement conserveè s aé la Bibliotheéque municipale de Dijon (fig. 13)

116

. La correspondance entre la chronique, les plans de Plan-

cher et les dessins d'Antoine confirme sur de multiples points les principaux aspects de la configuration de la rotonde de l'an mil

117

.

Les reèparations conseècutives aé l'incendie en 1137 ont entra|êneè des changements aé l'exteèrieur de la rotonde et sur la fac°ade est de sa chapelle axiale

118

. Apreés l'accident de

1271, au cours duquel la tombe de saint Beè nigne a eèteè endommageèe par la chute d'une tour, la tombe et la rotonde ont eèteè conserveèes aé l'est de l'eèglise gothique actuelle qui remplac°ait alors celle de l'an mil

119

. La rotonde fut deètruite en 1792, en vue de faire de

Saint-Beènigne une eèglise digne de devenir la catheèdrale du dioceése de Dijon

120

. La descrip-

tion de la destruction de la rotonde et de sa chapelle par Louis-Beè nigne Baudot (17651844) suit jour apreés jour l'avancement des travaux et est par conseèquent particulieérement utile pour la veèrification du plan de la rotonde en 1792

121

.

Bien que la rotonde et sa chapelle axiale aient eèteè partiellement reconstruites au sieécle et reèpareèes au

xvii

e

, les structures repreèsenteèes sur les dessins du

xviii

e

xii

e

sieécle corres-

(114) Infra, pp. 211, 213-14. (115) Chomton, Histoire, p. 103 ; Plancher, Histoire, pp. 488-89, 491 et 499. (116) R. Joly, û Dijon et ses monuments pendant la peè riode reèvolutionnaire ý, dans Sculpture meèdieèvale en Bourgogne, Collection lapidaire du Museè e archeèologique de Dijon, eèd. M. Jannet-Vallat et F. Joubert (Dijon, 2000), (pp. 15-19) p. 15. (117) Annexe I, pp. 287-93. (118) Annales Sancti Benigni, p. 44. (119) Ibid., p. 50 ; Voir supra, p. 34 n. 29. (120) Chomton, Histoire, pp. 306-08. (121) BMD, ms. 1602 : L.-B., Baudot, û Notes prises aé Dijon d'apreé s les objets meê me, depuis la Reè volution de 1789. Abbaye Saint-Beè nigne de Dijon ý.

9

47

chapitre premier

pondent pour leur pluse grande part aé celles dont la construction a eèteè acheveèe pendant la premieére moitieè du xi sieécle. Le dessin des Mauristes de 1674 de la rotonde et celui de Plancher, tous deux vus du nord, constituent les premieéres preuves de la configuration des parties supeèrieurese de la rotonde (fig. 15, 27) 122. Le dessin de Plancher distingue les e mac° onneries du xi et du xii sieécle, notamment dans les tours des escaliers en spirale oué, au-dessus des bandes lombardes, les pierres sont plus grandes. En outre, le sommet des tours avec des ouverturese geèmineèes, telles qu'elles sont deècrites par Plancher, appartient incontestablement au xii sieécle 123. Son dessin permet eègalement de veèrifier d'autres addie tions du xii sieécle, en particulier de puissants corbeaux, posteèrieurs aé l'an mil, supportant le toit. La coupe de Plancher signale eègalement d'importantes reèparations effectueèes sur la vouête de la rotonde (fig. 8). Le toit de la rotonde a eèteè reèpareè par les Mauristes en 1676 124. La vouête de l'oculus et la vouête annulaire du troisieéme niveau de la rotonde ont duê eêtre reconstruites. Toutefois, ces reconstructions furent conformes aé la disposition de l'origine. Les dessins et ele texte de Plancher semblent confirmer que la hauteur de la vouête reconse truite au xvii sieécle eètait identique aé celle du xi sieécle. Selon Plancher, la chronique û donne aé celle-ci [troisieéme niveau de la rotonde] 20 coudeèes, c'est-aé-dire, 30 pieds de haut, & comme la hauteur ou l'eèleèvation qu'elle a aujourd'hui, est absolument la meême qu'elle avoit en ce tems-laé, c'est-aé-dire, au 11e sieécle, [...] cette eèleèvation est encore de 30 pieds [...] ý 125. Sur le dessin du clo|être de 1674 qui constitue le teèmoignage le plus ancien du toit de la rotonde dont nous disposons, celui-ci est semblable au toit figureè par Plancher. Nous pouvons donc en conclure que les reèparations de 1676 ont conserveè son profil anteèrieur 126. La crypte de la rotonde et le niveau infeèrieur de la chapelle axiale ont eèteè reconstruits entre 1858 et 1900 127. Baudot relate les deècouvertes qui marqueérent le deèbut des fouilles, en 1858: û Les deux premiers rangs des colonnes de la rotonde de l'an 1001, supportant encore leurs vouêtes si bien conserveèes que les enduits y sont avec des peintures, sortirent successivement des deècombres ý 128. Il ajoute que û l'eètage du bas de la rotonde n'a point eèteè deèrangeè de son eètat primitif sauf quelques constructions d'autels ou d'escaliers etc. mais (122) Plancher, , p. 479. (123) Ibid., p. 498. Le chiffre XII (fig. 15) marque les ajouts qui ont eèteè effectueès apreés l'incendie de 1137. (124) Marino Malone, , p. 138; BNF, CB, f. 478r; ADCO, 1 H 129 (1299-1696); Chomton, , p. 277 fait eègalement reèfeèrence aé ce compte. (125) Plancher, , p. 490. La coudeèe eèquivaut aé 0,482 m, et le pied du roi aé 0,325 m. (126) 123 BNF, CB, t. 11, f. 717 r. (127) ADCO, IV 85 (1858-68): 8 juillet 1868, lettre du Ministre de la Justice et des Cultes aé M. le preèfet de la Coête d'Or: û les travaux commenceès en 1858 ont eèteè termineès en 1867 ý. L. E. Bougaud eè (Autun, 1859), p. 406, eècrit: û au moment oué je termine cet ouvrage (janvier 1859) les travaux de deèblaiement s'acheévent. [...] Encore quelques jours, le travail peèrilleux de la restauration va commencer ý. La crypte a eèteè largement reconstruite en 1892. (128) L. E. Bougaud, û Deècouverte du tombeau de saint Beènigne aé Dijon ý, , 25 (1859): (85-88) p. 86. Histoire

Saint-Beènigne et sa rotonde

Histoire

Histoire

è tude historique , E

et critique sur la mission, les actes et le culte de saint Beè nigne Apoê tre de la Bourgogne, et sur l'origine des

glises de Dijon,

d'Autun, et de Langres

Congreés archeèologique de France,

session de 1859

48

9

Bulletin monumental

les structures mateèrielles et leurs sources les colonnes, chapiteaux, bases ne paraissent avoir subi aucun changement ý

129

. Sur une

lithographie de la crypte exeècuteèe vers 1859 oué figure le niveau infeèrieur de la rotonde, l'emplacement des colonnes avec leurs bases correspond au lieu oué elles ont eèteè deècouvertes lors de la fouille (fig. 19)

130

.

Sur cette lithographie, l'appareil des vouêtes est constitueè de minces et longues couches de pierres, qui ressemblent aé celles des vouêtes qui subsistent dans l'absidiole sud du bras sud de la crypte. Toujours sur cette meême lithographie, les doubleaux eux-meê mes sont nettement appareilleès avec des pierres longues et minces qui deèfinissent et forment leurs angles. Ces vouêtes n'existent plus aujourd'hui. Les sommiers des vouê tes preèsents sur la lithographie ne sont pas deècoupeès aé partir d'un bloc unique comme c'est le cas actuellement. Les devis des fouilles et d'autres documents confirment qu'aé

partir de 1861 la

mac°onnerie de la rotonde a eèteè renouveleèe sous la direction de Viollet-le-Duc

131

. Lors de

cette restauration, la plupart des colonnes de la crypte ont eè teè deèposeèes et reposeèes, et le mur externe et les vouêtes de la crypte reconstruits

132

. Mais nombre de colonnes isoleèes et

leurs reèpondants sur le mur externe sont ceux de l'an mil (fig. 9). Ces vestiges originaux, associeès aé des documents anteèrieurs aé la restauration, permettent de se faire une ideè e du parti retenu au

xi

e

sieécle.

Les sources lombardes de l'eèglise et de la rotonde

Le qualificatif de mirabilior attribueè par Raoul Glaber, qui accompagna Guillaume en Italie entre 1026 et 1028, aé l'eèglise bourguignonne de Saint-Beènigne, deècoule probablement, pour une part, de ses caracteè ristiques lombardes. Un certain nombre de formes et plusieurs techniques de construction employeè es aé Saint-Beènigne indiquent la preèsence d'ouvriers formeès aux meèthodes lombardes. Comme aé San Pietro d'Agliate, les murs de l'eèglise et de la rotonde sont faits de pierres de petites dimensions, casseè es au marteau, disposeèes avec soin et lieèes entre elles par du mortier. Le deècor qui accompagne habituellement en Lombardie cet appareil mural se compose de festons de petits arcs encadreè s par de

(129) Baudot, û Notes ý, f. 152v. (130) BNF, 186 ; Schlink, Saint- Beènigne, p. 31, fig. 61. (131) [Pissot], J. P. sacristain. Monographie de la crypte et rotonde de Saint-Beè nigne, et de l'ancienne basilique des beèneèdictins (Dijon, 1891), Union typographique, p. 47. Selon Pissot, en 1861, les vouê tes et les murs qui forment la rotonde sont entieé rement restaureès, ainsi que les quatre chapelles collateè rales. (132) Marino Malone, Saint-Beè nigne et sa rotonde, p. 129 ; S. Sanabria, û Metrics and Geometry of Romanesque and Gothic Saint-Beè nigne, Dijon ý, Art Bulletin 62 (1980) : (518-32) p. 527. Le mur exteè rieur de la rotonde a eè teè refait, mais une comparaison des dimensions donneè es par Plancher avec les mesures modernes confirme la fideèliteè de la restauration des murs exteè rieurs. La chronique donne pour diameé tre de la rotonde 37 coudeèes [17,84 m, coudeèe de 0,482 m], mesure sur laquelle les teè moignages concordent du

xi

e

sieécle au

xxi

e

sieécle. Annexe I, p. 289, ligne 59 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, ligne 59 : û ayant trente-sept coudeèes de diameé tre ý. Plancher, Histoire, p. 480. Plancher dans son texte lui attribue 55 pieds du roi [17,90 m, pied de 0,325 m] ; sur son plan, le diameé tre mesureè entre les colonnes donne 53 pieds du roi [17,25 m] ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 177. La mesure moderne de Schlink est 17,58 m. Celle de Sanabria est 17,6 m de la base de la colonne aé la base de l'autre colonne et 18,065 m pour le diameé tre du mur inteèrieur au mur inteè rieur.

9

49

chapitre premier minces pilastres, que l'on nomme bande lombarde. Sur les dessins de Plancher, confirmeè s par d'autres, il appara|êt que le deècor mural des deux tourelles d'escalier comportait de grandes arcatures aveugles et un peu plus haut, des bandes lombardes aé trois arcs (fig. 15). De plus, la partie infeèrieure des pilastres entourant l'inteèrieur de la contre-abside de l'eèglise a eèteè deègageèe lors des fouilles de 1978. Au deuxieéme niveau de la rotonde, les feneê tres aé double eèbrasement ressemblent aé celles de l'eèglise de l'an mil aé Agliate. La modeènature des bases de la crypte du chevet et de la rotonde deè riveèe de l'antique est courante au deèbut du

xi

e

sieécle en Italie

133

. De plus, les vouêtes de la rotonde de Saint-Beènigne se composent

d'une combinaison de vouêtes en areêtes et en berceaux ; les vouêtes d'areêtes sont encadreèes par des doubleaux et des formerets, et les areê tes se rejoignent au-dessus des chapiteaux, pratique courante en Lombardie vers l'an mil, comme dans le deè ambulatoire infeèrieur de la catheèdrale Santa Maria d'Ivreèe et San Pietro d'Agliate (fig. 9)

134

. Les vouêtes s'appuient

sur des colonnes plaqueèes contre les murs, meèthode similaire au proceèdeè employeè pour les deèambulatoires de Santo Stefano aé Veèrone. Guillaume a eèpouseè la tendance lombarde aé l'augmentation des dimensions de la crypte inteè rieure. Bien que plus monumentale, SaintBeènigne peut eêtre comprise comme participant de l'expansion italienne de la crypte inteè rieure au deèbut du

xi

e

sieécle (fig. 3). Chronologiquement, la crypte de Saint-Beè nigne

s'intercale entre celle de San Quintino de Spigno, vers 991, et celle de San Salvatore sur Monte Amiata, dateèe de 1036, mais l'abbeè Guillaume imposa un prolongement de la crypte inteèrieure encore plus loin vers l'ouest, lui confeèrant une ampleur sans eèquivalent dans les eèdifices de l'an mil

135

.

(133) M. Bayleè , û Les sculptures de la rotonde de Dijon ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, Actes du colloque europeè en, Guillaume de Volpiano, eè d. M. Jannet et C. Sapin (Dijon, 1996), (pp. 59-72) pp. 68, 69. Bayleè met en eè vidence trois types caracteè ristiques en l'Italie et affirme que û leur preè sence dans la rotonde de Saint-Beè nigne (fig. 10, 11, 12) est aé notre avis significative d'habitudes de chantiers peèninsulaires ý. En compleè ment de celles mentionneè es par Bayleè, des bases semblables se trouvent aé la catheèdrale Santa Maria Assunta d'Aoste et aé Santo Stefano aé Veèrone : bases aé gros tores seè pareès par une petite scotie. Dans l'angle nord-ouest du bras nord de la crypte, les fouilles ont deè gageè une base moulureèe aé deux tores seèpareès par une gorge haute de 12,9 cm. Voir Marino Malone, Saint-Beè nigne et sa rotonde, p. 80, fig. 39. (134) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 199, fig. 138-39 ; L. Pejrani-Baricco, û La crypte occidentale de la catheè drale d'Ivreè e ý, dans Avant-nefs et espaces d'accueil dans l'eè glise entre le

iv

e

et

xii

e

sieécle, eèd.

C. Sapin, Actes du colloque international d'Auxerre, 1999 (Paris, 2002), (pp. 386-95) p. 389. (135) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 202, fig. 143 ; H. Thummler, û Die Baukunst des 11. Jahrhunderts in Italien ý, Kunstgeschichtliches Jahrbuch der Bibliotheca Hertziana 3 (1939) : (141-226) fig. 193, 199 ; C. B. McClendon, û Church Building in Northern Italy around the Year 1000 : A Reappraisal ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock, International Medieval Research 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2000), (pp. 221-32) p. 226 ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 148, reconna|ê t lui aussi la possibiliteè d'une influence italienne dans la forme et les dimensions de la crypte de Saint-Beè nigne, mais doute de la reè aliteè de cette influence, preèfeèrant chercher ses sources dans des cryptes franc° aises, comme celles de Clermont-Ferrand et de Rouen. J'estime que les cryptes italiennes sont plus proches de Saint-Beè nigne que les exemples franc° ais ; l'extension en T en particulier est inconnue en France.

50

9

les structures mateèrielles et leurs sources La sculpture et ses sources lombardes

La sculpture aé Saint-Beènigne est un teèmoignage suppleèmentaire de l'influence lombarde en Bourgogne. Les chapiteaux aux orants de la rotonde, bien connus pour leurs figures scheèmatiques aux bras leveès vers les angles de la corbeille substitueè s aux volutes, sont souvent consideèreès comme les premieéres repreèsentations de la personne humaine adapteèes aux chapiteaux (fig. 20, 21)

136

è liane Vergnolle, û cet homme-chapiteau exprime . Selon E

de manieére simple et efficace la reèsistance que les supports opposent au poids qui les eè crase [...] un principe qui preèvaudra jusque vers le milieu du Ýuvres : la subordination de la figure aé son cadre ý

xii

e

sieécle dans de nombreuses

137 .

La sculpture de la crypte du chevet et de la rotonde peut eê tre dateèe du premier quart

du

xi

e

xi

e

sieécle en raison de ses similariteès stylistiques avec la sculpture lombarde du deè but du

sieécle

138

. Deux chapiteaux des bras nord et sud de la crypte sont eè panneleès en cube aé

angles abattus, un type caracteèristique de la sculpture lombarde des

x -xi e

e

sieécles. Tous les

chapiteaux de la rotonde, y compris les deux chapiteaux avec les orants comportent une corbeille aé angles abattus. Sur les faces de ces corbeilles aé orants appara|êt tantoêt un deècor de figures acheveèes, tantoêt un scheèma aé peine inciseè dans le bloc (fig. 20, 21)

139

. Les coêteès

de ces corbeilles demeureès au stade de l'eèpannelage font penser que les orants ont pour origine un chapiteau aé angles abattus non figuratif italien comme celui d'Agliate

140

. Les deux

(136) Wirth, L'image, p. 106 a souligneè que les chapiteaux de Saint-Beè nigne ne sont pas les premieéres expeèriences de chapiteaux figureè s. Selon lui, le chapiteau ottonien aé atlantes de Saint-Martin de Zyfflich, preé s de Cologne, est d'une qualiteè supeèrieure. è . Vergnolle, L'art roman en France : architecture º sculpture º peinture (Paris, 1994), p. 136. (137) E (138) Ibid. ; Bayleè , û Les Sculptures ý, pp. 59-72 ; C. Sapin, û Saint-Beè nigne de Dijon, Saint-Pierre de Flavigny et les ateliers de sculpture de la premieé re moitieè du quiteès

de

la

Coê te-d'Or

34 (1987-89) :

215-42 ;

è . E

xi

Vergnole,

e

sieécle ý, dans Meèmoires de la Commission des Anti-

C. Sapin,

M. Bayleè ,

et

moi-meê me

attribuons

l'ensemble aé l'eèpoque de l'abbeè Guillaume en raison des meê mes meè thodes de preèparation, des meê mes techniques de sculpture, du meê me style. R. Salvini, û Aux sources de la sculpture romane : les chapiteaux de la rotonde de Saint-Beè nigne de Dijon ý, dans Meèlanges L. Vayer, Acta Historiae Artium, XXIV, 1-4, 1978, pp. 33-42 propose la datation tardive de 1080, que personne n'adopte. Voir aussi Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 202-06, fig. 144-49. (139)

Bayleè , û Les Sculptures ý, p. 63 n. 10. D'apreé s elle, l'inacheé vement des chapiteaux tient au fait que

les sculpteurs, incapables de suivre le rythme des mac° ons, termineé rent la crypte preècipitamment, en vue de la deèdicace de 1018, avant de partir pour Flavigny entre 1020 et 1030. N. Stratford, û Romanesque Sculpture in Burgundy. Reflections on its geography, on patronage, on the status of sculpture and on the working methods of sculptors ý, dans Studies in Burgundian Romanesque Sculpture (London, 1998), (pp. 1-21) p. 5. Premieé re publiê ge, t. 3. Fabrication et consommation de l'Ýuvre. Colloque cation dans Artistes, artisans et production artistique au Moyen A international, CNRS/Universiteè de Rennes III (Haute-Bretagne), 2-6 mai 1983, dir. X. Barral I Altet (Paris, 1990), pp. 235-50. Neil Stratford signale que les motifs trouveè s aé Dijon û sont loin d'eê tre typiques, et n'ont donc probablement jamais eèteè des eèleèments types de deè coration pour un monument bourguignon du `premier art roman' ý (are far from typical, indeed probably never were typical elements of decoration for a Burgundian monument of the û premier art roman ý). C'est la peinture qui eè tait plus typique de la deècoration des eèglises au

xi

e

sieécle, d'apreé s Stratford.

(140) Bayleè , û Les Sculptures ý, pp. 64-65, fig. 7 donne une formule comparable pour la composition des angles abattus marqueès par de grandes feuilles, sans figure humaine, aé San Savino de Plaisance. Pour d'autres comparaisons voir. M. Salmi, Chiese Romaniche della Toscana (Milan, 1961), pp. 25-26, fig. IX ; A. M. Roma-

9

51

chapitre premier chapiteaux face aé l'heèmicycle, orneès de monstres au corps couvert d'eècailles et aux queues enrouleèes deèvorant des personnages, peuvent eè galement eêtre rameneès aé des scheèmas simples utiliseès en Italie du nord et qui servirent de point de deè part aé l'imagier (fig. 22, 23)

141

.

Seuls ces quatre chapiteaux de la rotonde sont sculpteè s. Les deux chapiteaux portant des orants se trouvent sur le coê teè sud de la rotonde. La lithographie de 1859, qui montre la rotonde apreé s son deègagement, indique que la position des chapiteaux aux orants est demeureèe inchangeèe apreés la restauration de la crypte

142

.

Maylis Bayleè a suggeèreè que les vingt-deux autres chapiteaux identiques qui n'ont jamais eèteè sculpteès eètaient preèvus pour recevoir des sujets similaires aé ceux des deux chapiteaux orneès, les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse. Cependant, eè tant donneè que les deux chapiteaux sculpteès ont une figure d'orant sur chaque coêteè et qu'il y a vingt-quatre chapiteaux, on aboutirait aé un total de quatre-vingt-seize vieillards et non de vingt-quatre

143

.

Sur les deux chapiteaux, situeès du coêteè ouest de la rotonde face aé l'heèmicycle, sculpteès dans un style plus tridimensionnel, figurent surtout des monstres. Leur style peut eê tre rapprocheè de celui des Ýuvres de l'orfeévrerie. L'emplacement des chapiteaux en face de la majestueuse chaêsse de saint Beènigne, maintenant deètruite, entieérement reveêtue de plaques d'or et d'argent et oué eètaient repreèsenteèes en relief la Nativiteè et la Passion du Christ, peut avoir eu une influence sur l'eèlaboration plus pousseèe du style de ces chapiteaux deèbut du

xi

e

144

. Au

sieécle, ces deux chapiteaux auraient fait face aé la repreèsentation de l'Incarna-

tion et de la Passion. Dans un dessin de Plancher de 1722 du tombeau de saint Beè nigne, ces chapiteaux figurent sur les meêmes colonnes axiales qu'aujourd'hui

145

. Toutefois, l'aigle qui

appara|êt aujourd'hui sur le coêteè nord du chapiteau sud y est repreèsenteè sur le coêteè est de ce chapiteau

146

, tandis que le grand griffon actuellement sur le coê teè ouest du chapiteau nord

nini, û Committenza regia et pluralismo culturale nella `Longobardia major' ý, Committenti e produzione artisticoletteraria nell'alto medioevo occidentale, t. 1, Settimane di Studio del centro Italiano di studi sull'alto medioevo, 39 (Spoleto, 1992), (pp. 57-92) pp. 79, 82, fig. 29 : Pavia, Musei Civici, chapiteau de S. Giovanni in Borgo ; fig. 35 : Milano, Musei Civici, chapiteau de S. Maria d'Aurona ; fig. 41 : chapiteau de S. Cristina Bissone ; è . Vergnolle, û Chapiteaux corinthiens de France et d'Italie ( E

ix -x e

e

sieécles) ý, dans Convegno internazionale di

studi (1977) : Modena et Parma, Universita degli studi di Parma, Istituto di storia dell'arte, 1982, (pp. 34050) p. 342, fig. 5. (141) L. Grodecki, û Guillaume de Volpiano et l'expansion clunisienne ý, dans Centre international d'eè tudes romanes 2 (1961) : 21-32. Grodecki a deè couvert ce genre de chapiteau aé double rangeè e de volutes aux angles et aux deès, avec des deècors de spirales sur chaque face de la corbeille, en Italie, sur le ciborium de la Pieé ve di San Leo de Ravenne, dateè de 881. (142) Supra, p. 49 n. 130 ; Schlink, Saint- Beènigne, p. 31, fig. 61. (143) Infra, p. 236. (144) Annexe I, p. 293, lignes 131-33. A. Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 131-33 ; Bayleè , û Les

Sculptures ý,

pp. 58,

66-68.

L'auteur

donne

des

exemples

d'ornements

d'orfeé vrerie

de

la

fin

de

l'Antiquiteè , de l'eè poque barbare, et ottonienne qui û expliquent bien l'origine du motif de buste saisi par des monstres et de l'enroulement infeè rieur de la queue reptilienne de ces derniers [...]. Le traitement de surface de telles Ýuvres d'orfeévrerie est eègalement marqueè par une profusion d'incisions lineè aires qui se retrouvent aussi aé Dijon ý. (145) Plancher, Histoire, p. 481. (146) En 1722, l'ordre des figures sur le chapiteau sud eè tait le suivant : sur la face est, l'aigle ; sur la face sud, un monstre montrant le dessous de ses pattes ; sur la face l'ouest, un monstre avec des pattes fourchues, et

52

9

les structures mateèrielles et leurs sources occupait son coêteè est

147

. En 1792 au moment de la destruction de la rotonde, l'aigle, û qui

parait couronneè de gloire ý, eètait encore sur la face est du chapiteau

148

.

Deés lors, ne peut-on envisager que, dans sa position d'origine, le chapiteau nord preè sentait face au reliquaire le petit griffon et le chapiteau sud, le monstre avec des pattes fourchues, comme en 1722. Auquel cas, les deux personnages attaqueè s, intacts dans les angles des deux chapiteaux de l'heèmicycle (aujourd'hui aux angles sud-est de chaque chapiteau), eètaient en 1722, et probablement en l'an mil, au sud-ouest et au nord-ouest des chapiteaux, face au tombeau de saint Beènigne (fig. 22, 23). Toutes les figures aux angles sont mordues par les teêtes qui se trouvent aé l'extreèmiteè des cous des dragons. Les teêtes et les cous des dragons se meètamorphosent en volutes sur chacune des faces du chapiteau. Des cous des dragons surgissent eègalement derrieére l'aigle. Il est probable que les figures aux è glise luttant contre le mal angles et l'aigle repreèsentent l'E

149

.

Dans un dessin exeècuteè vers 1739, Plancher indique, sur la fac° ade de la paroi exteèrieure de la chapelle axiale de la rotonde, l'un des lions d'une paire appartenant aux bas-reliefs de l'an mil encore subsistants (fig. 14)

150

. Sur l'un d'entre eux, le lion supeèrieur tient dans

sa gueule une croix en forme de svastika ; derrieé re son dos figure un eèdicule (fig. 24)

151

. On

sur la face nord, un monstre avec des pattes dont les doigts ressemblent aé des mains grotesques. Le chapiteau a eèteè retourneè au

xix

e

sieécle. Ainsi, aujourd'hui, les quatre coê teès du chapiteau font face aé d'autres directions : le

é l'angle sud-est, il y a un homme qui monstre montrant le dessous de ses pattes est maintenant sur la face est. A lutte avec des serpents qui attaquent sa gorge et son coude droit (fig. 22). Il est entrelaceè avec les serpents et é l'angle ses mains serrent le cou de l'un des reptiles. Sur la face sud, il y a le monstre avec les pattes fourchues. A sud-ouest figure un basilic qui mord la main du monstre aux pattes fourchues ; la forme du basilic ressemble aé celle de l'homme aé l'angle sud-est et il porte sur son dos un serpent qui ressemble aé celui que l'homme eè treint. Sur la face ouest, se trouve le monstre avec les pattes dont les doigts ressemblent aé des mains grotesques. Sur l'autre coêteè de ce monstre, aé l'angle sud-ouest, figurait un autre basilic dont la teê te n'existe plus. Sur la face nord, l'aigle attaque un serpent. Sur l'angle nord-est, ne subsistent que des pieds monstrueux entre les queues des serpents. Voir aussi Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 132, fig. 76-77. (147) En 1722, l'ordre des faces du chapiteau nord eè tait le suivant : sur la face est, le grand griffon ; sur la face sud, un centaure ; sur la face ouest, un plus petit griffon ; et sur la face nord, un monstre. Aujourd'hui, le chapiteau ayant eè teè retourneè au

xix

e

sieécle, on trouve, sur la face est, le petit griffon ; sur la face sud, le mons-

tre ; sur la face ouest, le grand griffon ; et sur la face nord, le centaure. Les griffons avaient la teê te d'un aigle et le corps d'un lion avec des ailes. Ce chapiteau est treé s ab|êmeè ; il ne reste qu'un angle intact. Sur cet angle, au sud-est, il y a un homme qui tient avec sa main droite un livre ouvert et qui saisit de l'autre l'aile du petit griffon qui est sur la face est, tandis qu'un bras monstrueux derrieé re le griffon enserre l'eèpaule de l'homme é l'angle nord-est, des serpents attaquent un autre personnage dont la teê te et le torse ont disparu ; le (fig. 23). A é l'angle nord-ouest, il ne reste qu'un serpent sous les sabots du centaure petit griffon s'est empareè de son bras. A é l'angle sud-ouest, il ne reste que les pieds d'un personaé la face nord et sous le grand griffon aé la face ouest. A nage, mais les pieds du grand griffon froê lent son corps effaceè . La sculpture du chapiteau nord en face de l'heèmicycle est de moins bonne qualiteè que celle du chapiteau sud ; le dessin est plus simple et moins coheè rent, comme le montre clairement une comparaison des formes du monstre avec celles du chapiteau sud. Voir Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 132, fig. 78-80. (148) Baudot, û Notes ý, f. 78v. (149) Voir infra, pp. 236-37. (150) BNF, CB, t. 14, f. 118r. (151) C. Sapin, û Bas-reliefs aux lions ý, dans Sculpture meèdieèvale en Bourgogne, Collection lapidaire du Museè e archeèologique de Dijon, eèd. M. Jannet-Vallat et F. Joubert (Dijon, 2000), p. 103 n

o

30, (A Inv. Arb 1129) ;

l'autre, moins acheveè , reprend la disposition du premier en en inversant la position (B, Inv. Arb 1130).

9

53

chapitre premier rencontre des bas-reliefs similaires en Italie

152

é Saint-Beènigne de Dijon, subsiste eègale. A

ment des sculptures repreèsentant des aigles, qui eètaient peut-eêtre associeèes aé des bas-reliefs aux lions (fig. 25)

153

. Ces derniers n'apparaissent pas sur le dessin de Plancher, mais la

description, en date du 4 avril 1792, de Baudot de l'exteè rieur de la chapelle axiale de Saint-Beènigne mentionne û lyon, aigle, des chats ý, description compleè teèe vers 1800 par celle de Pierre-Joseph Antoine : û A droite aé cette petite fac°ade et au dessus d'une petite corniche eètait une large pierre ayant un aigle en bas-relief treé s mal fait [...]. En symeètrie de l'autre coêteè eètait un autre bas-relief oué l'on voyait le combat de deux lions ý

154

.

Des aigles et des lions ont eègalement orneè la mosa|ëque situeèe devant l'autel de la Vierge au second niveau de la chapelle axiale de la rotonde. Graê ce aé Plancher, nous disposons d'une aquarelle de ce qui restait de la mosa|ë que en 1722 : deux lions affronteès sous un motif d'entrelacs aé un seul brin (fig. 16)

155

. Selon Baudot, û c'est aé l'entreèe de cette cha-

pelle du fond de la rotonde qu'on remarque un reste de pavement en mosa|ë que. voici le dessin ý [...] un lyon et une lyonne se regardant seè pareès par des losanges de diffeèrents marbres aux deux coêteès et derrieére les lyons sont deux aigles [...] long de 11 pieds de base et 5 pi 6 po de haut ý (fig. 17)

156

. Schlink, qui a compareè les disques ornementaux aé la join-

ture des animaux de cette mosa|ëque avec des soieries byzantines des une source commune pour la mosa|ëque et la sculpture

157

viii -x e

e

sieécles, suggeére

. Les figures des chapiteaux de

l'heèmicycle pourraient eègalement prendre leur source dans des eètoffes byzantines ou encore dans des objets meètalliques lombards

158

. Nous reviendrons ulteèrieurement sur l'explication

iconographique de ces motifs dans le cadre de l'eè tude de la signification de la rotonde

159

.

(152) Schlink, Saint-Beènigne, pl. 46, fig. 109. Un relief de l'atrium de Sant'Ambrogio aé Milan ressemble aux lions de Dijon, et des animaux semblables figurent sur les chapiteaux de l'atrium aé Sant'Ambrogio. (153) C. Sapin, û Bas-reliefs aé l'aigle ý, dans Sculpture meèdieèvale en Bourgogne, Collection lapidaire du Museè e archeèologique de Dijon, eèd. M. Jannet-Vallat et F. Joubert (Dijon, 2000), pp. 105-06 n

o

31. (A Inv. Arb

1131) est le plus abouti ; (B Inv. Arb. 1132) est le moins abouti. Comme dans le cas des lions, il semble que deux sculpteurs aient travailleè , l'un eètant plus habile que l'autre. (154) Plancher, Histoire, p. 479 ; Baudot, û Notes ý, f. 91r, 94v : û incrusteè es dans le mur aé l'exteè rieur ý, et Baudot dessina les lions affronteè s ; f. 85v donne le meê me emplacement et dessine les aigles ; Voir aussi Dijon, Bibliotheéque municipale, ms. 1830 : P. J. Antoine, û Les monuments de Dijon ý, termineè le 21 germinal an IX, p. 31. (155) BNF, CB, 14, f. 123r. (156) Baudot, û Notes ý, f. 4r, 59r. (157) Schlink, Saint-Beènigne, p. 48 n. 127. De plus, les deux lions affronteè s de la mosa|ëque ressemblent aé ceux d'un suaire de sainte Colombe et de saint Loup, deè couvert aé Sens. M. Martini-Reber, û Les tissus de

ix -xi e

Saint Germain ý, Saint-Germain d'Auxerre intellectuels et artistes dans l'europe carolingienne

e

sieécles (Auxerre,

1990), (p. 173-96) p. 178, fig. 108 (Sens, Treè sor de la catheè drale B2). Les teêtes des chiens et la position des teêtes, inclineè es vers le bas, des renards ont une ressemblance avec les lions sculpteè s de Saint-Beè nigne. On rencontre eègalement ces lions affronteè s dans le reèpertoire ornemental des tissus aux

viii -x e

Sogdiane. (158) Un griffon semblable figure sur un eè mail cloisonneè de l'art byzantin (entre

e

viii

sieécle en Iran et en e

et le

ix

e

sieécle) du

Museèe du Louvre (Vitrine V17), et des griffons sur une soie de la bourse-reliquaire byzantine, probablement du

xi

e

sieécle, trouveèe aé Sens, ressemblent aé ceux du chapiteau. Voir M. Martini-Reber, û Les tissus ý, p. 178,

fig. 126 (Sens, Treè sor de la catheè drale, B 15). Mais on en rencontre eè galement sur les objets meè talliques lombards

comme

par

exemple

la

deècoration

du

bouclier

en

bronze

(

vii

e

sieécle)

provenant

de

la

tombe

d'Ischlander Alz (Mu«nchen : Praehist. Mus.). Le perroquet sur une eè toffe byzantine de la meê me date, eègale-

54

9

les structures mateèrielles et leurs sources En l'an mil, la sculpture et les formes architecturales de Saint-Beè nigne ont duê eêtre perc°ues comme novatrices en Bourgogne, non seulement en raison de leurs caracteè ristiques lombardes mais eègalement aé cause du caracteére anthropomorphe des scheèmas d'origine italienne des chapiteaux aux orants. De par ce caracteé re anthropomorphe, la sculpture appartient aé un style nouveau, dit û roman ý. Par contre, comme nous allons le voir, l'architecture ne peut qu'eêtre qualifieèe de preèromane car elle se fonde sur une tradition carolingienne et ottonienne.

Les sources carolingiennes et ottoniennes de l'eèglise

La configuration de l'eèglise et de sa rotonde font de Saint-Beènigne un eèdifice insolite en Bourgogne autour de l'an mil. Des eèleèments tels que la preèsence d'un transept continu et d'une abside occidenteèe relient cette eèglise preèromane aux constructions carolingiennes et ottoniennes plutoêt qu'aux eèglises romanes des anneèes 1080. L'abside occidentale de SaintBeènigne (9 m de diameétre) correspond aé un modeéle rare au

xi

e

sieécle en Bourgogne et en

Italie, mais freèquent dans l'Empire ottonien. Bien que Guillaume ait pu avoir connaissance de la construction de l'abside occidentale de la catheè drale d'Ivreèe (fin

x

e

sieécle, avant

1005-1006), l'influence de cette eèglise de l'Italie du nord, dont il est peu probable qu'elle ait constitueè le modeéle principal de Saint-Beènigne, a duê eêtre interpreèteèe comme un eèleèment d'une source d'inspiration plus vaste sieécle

servit

de

modeéle

aux

160

absides

iv

. Il est bien connu que Saint-Pierre de Rome du occidentales

durant

l'eè poque

carolingienne,

e

qu'il

s'agisse, entre autres, de l'abbatiale de Fulda (790-819), du plan de Saint-Gall (816-820), ou de l'abbatiale de Farfa (830-842) (fig. 30)

161

. Selon Luisella Pejrani-Baricco, û en l'an

mil, des rapports immeèdiats meême entre Farfa et Ivreèe ne peuvent eêtre eètablis [...] il s'agit d'eèmanations directes de la culture carolingienne et ensuite ottonienne, muê ries au-delaé des Alpes. Les contre-absides seront cependant rares en Italie durant la peè riode ottonienne, oué l'exemple d'Ivreèe reste presque unique ý

162

. De meême, Carol Heitz a montreè que la

ment deècouvert aé Sens, ressemble aé l'aigle du chapiteau. Ibid., p. 178, fig. 122 (Sens, Treè sor de la catheèdrale, B 208). (159) Infra, p. 235. (160) Pejrani-Baricco, û La crypte ý, pp. 389, 392. (161) Pour Fulda voir : L. Grodecki, L'architecture ottonienne (Paris, 1958), p. 30 ; F. Oswald, L. Schaefer, H. R. Sennhauser eè d. Vorromanische Kirchenbauten, Zentralinstitut fu«r Kunstgeschichte, t. 1 (Mu« nchen, 19661968), p. 84 ; Pour le plan de Saint-Gall voir : Horn et Born, The Plan, p. 172 ; pour une date posteè rieure aé 816, voir E. A. Segal, û The Plan of Saint Gall and the Monastic Reform Councils of 816 and 817 ý, Cuyaoga Review, I, 1983, 57-71. Voir aussi W. Jacobsen, Der Klosterplan von St. Gallen und die karolingische Architektur. Entwicklung und Wandel von Form und Bedeutung im fra« nkischen kirchenbau zwischen 751 und 840 (Berlin, 1992). Pour Farfa voir : C. B. Mc Clendon, The Imperial Abbey of Farfa. Architectural Currents of the Early Middle Ages (New Haven - Londres, 1987), pp. 28-34, 73-74 ; et O. Gilkes et J. Mitchell, û The Early Medieval Church at Farfa ; Its Orientation and Chronology ý, Archeologia medievale 22 (1995) : (343-64) pp. 356, 358, 362, fig. 3, 13. Sous l'abbeè Sichardus (830-842) un transept continu et une abside furent ajouteè s aé l'extreè miteè occidentale. Voir aussi S. Boynton, Shaping a Monastic Identity : Liturgy and History at the Imperial Abbey of Farfa, 1000-1125 (Ithaca, 2006). (162) Pejrani-Baricco, û La crypte ý, p. 391 n. 22. Voir Tosco, û Le chiese ý, pp. 219-67.

9

55

chapitre premier France posseéde des eèdifices occidenteès, mais il constate que ce û scheèma jouit en Allemagne d'une particulieére faveur aé l'eèpoque ottonienne ý

163

.

é Saint-Beènigne, le scheèma bipolaire des absides se faisant face aé chaque extreèmiteè de A l'eèdifice remonte certainement aé des traditions carolingiennes et ottoniennes. La catheè drale carolingienne de Cologne (Saint-Pierre et Sainte-Marie), semble avoir eu des absides opposeèes, et il est permis d'attribuer aé l'eèveêque homonyme de Brun de Roucy, Brun (953-965), er

archeveêque de Cologne, duc de Lorraine et freére d'Otton I

, l'ajout du transept aé l'abside

occidenteèe de la catheèdrale carolingienne de Cologne, bien qu'il s'agisse d'un transept bas

164

. Quoi qu'il en soit, consideèrer que l'abside occidentale de Saint-Beènigne deècoule

d'une inspiration ottonienne semble logique deé s lors que cette contre-abside eètait treés probablement contrebalanceèe aé l'est par un transept continu. Comme nous l'avons indiqueè preèceèdemment, Saint-Beènigne ne posseèdait probablement pas de tour de croiseè e mais, aé la place, un transept continu aussi large que le chÝur, comme la plupart des eè glises ottoniennes oué perdure et demeure vivace la tradition carolingienne du transept continu. Une abside simple et un transept continu sont traditionnellement associeè s aux constructions inspireèes des basiliques paleèochreètiennes aé plan en û T ý. Comme aé Saint-Pierre de Rome, l'heèmicycle et le transept continu ont probablement eè teè conc°us aé Saint-Beènigne comme un meême ensemble, avec la tombe de saint Beè nigne au-dessous du ma|être-autel dans la crypte situeèe sous le transept. Ils ont probablement servi l'un et l'autre de sanctuaire, les autels et les ceèreèmonies compliqueèes deècrites par les coutumiers exigeant que leur soit reè serveèe une surface importante. Un transept continu associeè aé une abside occidentale avait deè jaé eèteè utiliseè, aé l'est du Rhin, aé Fulda, par des moines carolingiens, et les chroniqueurs racontent que les travaux de Fulda ont eèteè effectueès more romano, aé l'imitation de Saint-Pierre

165

. Saint-Beènigne cons-

tituerait l'unique exemple de la construction d'un transept continu et d'une abside occidenteèe aé l'ouest du Rhin en 1001

166

. Au deèbut du

xi

e

sieécle, la norme dans la reègion autour

de Dijon eètait le transept bas et non le transept continu. On rencontrait ce dernier plus au nord-est, au centre de l'Empire ottonien. L'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun peuvent avoir eèteè influenceès par cette vogue ottonienne du transept continu.

(163) C. Heitz, û More romano. Probleé mes d'architecture et de liturgie carolingiennes ý, dans Roma e l'etaé carolingia (Atti dalle giornate di Studio 3-8 maggio 1976 a cura dell'Istituto di Storia dell'Arte dell'universitaé di Roma) (Rome, 1976), (pp. 27-37) pp. 32, 36 n. 31. (164) R. Plant, û Architectural Developments in the Empire North of the Alps : The Patronage of the Imperial Court ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock, International Medieval Research 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2003), (pp. 29-56) pp. 30, 45, 48 ; Oswald, Schaefer, Sennhauser, eè d. Vorromanische, t. 2, pp. 139-41. On a aussi attribueè aé Brun l'addition d'une aile exteè rieure qui donna aé l'eèglise le plan aé cinq nefs de Saint-Pierre de Rome. Cette catheè drale a eè teè consideè reèe comme la source de nombreuses eè glises apreé s 950 º Lieége, Verdun et Memleben. Mais certains doutent que cette addition aé l'ouest ait eèteè reèellement faite par Brun. Voir G. Hauser, û Abschied vom Hildebold-Dom : Die Bauzeit des Alten Domes aus archa« ologischer Sicht ý, Ko«lner Domblatt 56 (1991) : 209-28. (165) C. Heitz, û More romano ý, p. 30. (166) Grodecki, L'architecture, p. 30 ; Mc Clendon, The Imperial, p. 62, relie le transept continu et l'abside ouest de Farfa aé des eèglises carolingiennes aé Cologne, Fulda, et Saint-Maurice d'Agaune, Saint-Salvator aé Paderborn vers 850, et Saint-Georges aé Reichenau-Oberzell (888-896).

56

9

les structures mateèrielles et leurs sources Les transepts continus ont eèteè construits aé l'eèpoque ottonienne, avec transept aé l'est ou aé l'ouest deés le milieu du

x

e

sieécle. La plus ancienne reèapparition du transept ouest de

Fulda semble avoir eèteè planifieèe entre 975/976 et 1009 aé la catheèdrale de Mayence par l'archeveêque Willigis (975-1011), fils d'Otton I

er

et homonyme de l'abbeè Guillaume

167

. Un

plan similaire pourrait avoir eèteè mis en Ýuvre entre 963 et 994 pour la catheè drale de Toul, eèdifice acheveè entre 996 et 1019, alors que Guillaume avait reè formeè Saint-Evre de Toul entre 996 et 1004

168

. En 995, l'impeèratrice Adeèla|ëde, femme d'Otton I

er

et marraine de

l'abbeè Guillaume, participa au financement de la construction de la catheè drale SainteMarie d'Augsbourg qui fut consacreèe en 1065 avec un transept occidental continu et une simple abside

169

. La catheèdrale d'Augsbourg reprend la forme admireè e dans l'ancienne

Rome du transept continu sur lequel l'abside vient directement se greffer

170

. Contraire-

ment aé Saint-Beènigne le plan d'Augsbourg eètait inverseè, l'abside simple eètant aé l'est et le transept continu aé l'ouest

171

.

En effet, aé Saint-Beènigne le transept continu se trouve aé l'est et l'abside simple aé l'ouest. Deés la fin du

iv

e

sieécle, aé Rome, l'eèglise Saint-Paul-hors-les-Murs posseéde un

transept continu aé l'est, et l'eèglise carolingienne de Seligenstadt, en Allemagne, en posseé de eègalement un. Autour de l'an mil, un transept continu aé l'est avec une abside simple a eèteè construit aé la catheèdrale de Strasbourg par l'eèveêque Werner (1015-1028)

172

. Plus proche

encore du plan adopteè aé Saint-Beènigne, la catheèdrale de Worms fut construite par l'eèveêque Burkard entre 1000 et 1019, avec une abside simple aé l'ouest, contrebalanceèe par un transept continu, et une abside aé l'est

173

. Le dessin de l'eèglise Saint-Beènigne se rattache

donc aé des traditions carolingiennes et aé des pratiques ottoniennes. Selon la chronique, Saint-Beènigne disposait de huit tours, peut-eêtre le reflet, aé l'instar du transept continu, des gouêts carolingiens de l'Empire ottonien

174

. Les deux tours rondes

d'escalier desservant la rotonde ressemblent aux tours carolingiennes du plan de SaintGall, de Saint-Riquier Centula, et de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle (fig. 28, 30).

(167) Grodecki, L'architecture, p. 30 ; Oswald, Schaefer, Sennhauser, eè d., Vorromanische Kirchenbauten, t. 2, pp. 191-93 ; M. Durliat, L'art roman (Paris, 1982), p. 515. Elle a bruê leè aé sa conseècration, mais a eèteè reconstruite selon le meê me plan entre 1009 et 1049. La construction en eè tait au niveau du toit aé l'eèpoque d'Aribo (1031). Selon Plant, û Architectural ý, p. 49, aé Mayence, le positionnement aé l'est de l'eè glise deèdieèe aé la Vierge semble suggeè rer une eè vocation de Saint-Pierre de Rome. (168) Grodecki, L'architecture, p. 28. (169) Ibid., p. 40 n. 12 ; Oswald, Schaefer, Sennhauser, eè d. Vorromanische Kirchenbauten, t. 1, p. 28. Apreé s un eècroulement en 994, il y avait eu un deè but de reconstruction avec l'aide de l'impeè ratrice Adela|ë de en 995. Plant, û Architectural ý, pp. 42, 45. Il y a d'autres transepts occidentaux aé Saint-Emmeran aé Ratisbonne et aé la catheè drale de Bamberg (1012). Bamberg a son transept aé l'ouest et une simple abside aé l'est. Voir aussi Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 206-09, fig. 150, 151. (170) Grodecki, L'architecture, p. 21, fig. 4. (171) Un transept occidental est situeè aé l'ouest de la nef et non aé l'extreé miteè est. Les eè glises ottoniennes ont souvent aé la fois un transept oriental et un transept occidental. (172) Grodecki, L'architecture, pp. 25, 33, 36, fig. 7. (173) Oswald, Schaefer, et Sennhauser, eè d. Vorromanische Kirchenbauten, t. 3, p. 378 ; Plant, û Architectural ý, p. 34. L'abbatiale Sainte-Marie aé Memleben peut avoir eu un transept continu aé l'est avec une abside aé l'ouest, mais elle avait aussi un transept occidental avec une croiseè e normale. (174) Annexe I, p. 293, ligne 149 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, ligne 149.

9

57

chapitre premier De fait, le plan d'Aix-la-Chapelle, avec ses tourelles d'escalier rondes et son puits de lumieére octogonal aux deux arcades superposeèes, sans que celles-ci correspondent avec un niveau de galerie, ressemble au troisieéme niveau aé Saint-Beènigne

175

. Vers l'an mil, on

trouve des tours ouest circulaires aé la catheèdrale de Worms et aé Saint-Michel d'Hildesheim (1010-1033), dans le transept. La restitution de la position des tours aé l'exteèrieur du transept continu aé Dijon eèvoquerait l'eèglise anglaise de North Elmham, dateèe de 1020 ou 1030, qui posseèdait eègalement un transept continu ainsi que deux tours situeèes aé l'angle ouest des bras du transept, et dont la source probable est une eèglise ottonienne anteèrieure raine

Santa

Maria

Assunta

d'Aoste

posseé de

eègalement

176

. La catheèdrale contempo-

des

tours

aux

extreèmiteès

du

transept, accompagneèes de tourelles d'escalier construites contre elles aé l'exteèrieur des bascoêteès de l'eèglise

177

. On peut consideèrer que les deux tours aux angles du transept de Saint-

Beènigne venaient eèquilibrer les deux tours de l'abside occidentale. Des tentatives semblables de contre-balancement apparaissent dans la composition des tours de certaines eèglises leègeérement posteèrieures de la haute Lorraine et du Rhin moyen et supeè rieur

178

.

Les constructions ottoniennes, comme la catheè drale d'Augsbourg, associent le transept é Saint-Beènigne la largeur continu aé une eèleèvation basilicale et aé une structure charpenteèe. A du chÝur et du transept eètait de 9 m. Comme Christian Sapin l'a souligneè, des porteèes de 8 m n'eètaient pas encore vouêteèes en l'an mil, le vouêtement eètant alors apparemment limiteè aé des porteèes de 4 aé 5 m

179

é Saint-Beènigne la hauteur des murs du chÝur et du transept . A

aé partir du sol eètait probablement de 15,58 m et celle de l'espace occidental de 17,98 m

180

.

Ces dimensions sont comparables aux largeurs et aux hauteurs des eè glises non vouêteèes de l'eèpoque, par exemple, de la catheèdrale d'Aoste dont la hauteur des murs est 15,2 m et la largeur 10,1 m, ou de Hildesheim, dont la hauteur est de 16,5 m pour 9 m de largeur

181

.

(175) W. F. Kleinbauer, û Charlemagne's Palace Chapel at Aachen and its Copies ý, Gesta 49 (1965) : 2-11. Kleinbauer ne consideé re pas Saint-Beènigne comme une copie d'Aix-la-Chapelle. Cette superposition d'arcatures sans lien avec un niveau de circulation est utiliseè e aé Saint-Beè nigne en vue d'agrandir l'architecture du puits afin d'atteindre la vouê te du troisieéme eètage. (176) S. E. Rigold, û The Anglian Cathedral of North Elmham, Norfolk ý, Medieval Archaeology VI-VII (1962-1963) : (67-108) pp. 107, 108. La configuration de ces tours aé l'exteè rieur des bas-coê teès de Saint-Beè nigne, se rapproche de celle, plus tardive, de Saint-Trond en Basse-Lorraine. Voir L.-F. Geè nicot, û L'Ýuvre architecturale d'Adeè lard II de Saint-Trond et ses anteè ceèdents ý, Revue belge d'archeè ologie et d'histoire de l'art 39 (1970) : (3-89) p. 63, fig. 26 ; Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 209, fig. 152. (177) M.-Cl. Magni, Architettura religiosa e scultura romanica nelle valle d'Aosta (Aoste, 1974), pp. 24, 32 ; Mc Clendon, Imperial, pp. 86-90 donne une liste de telles tours italiennes et ottoniennes. La catheè drale d'Aoste est construite par l'eè veêque Anselme (994-1026). On date le deè but des travaux (la crypte) des dernieé res deè cennies du

x

e

sieécle ; elle est termineè e en 1040.

(178) Grodecki, L'architecture, pp. 252-305. (179) C. Sapin, Les preèmices de l'art roman en Bourgogne (Auxerre, 1999), p. 88. (180) Comme il n'y a pas d'indications de l'existence d'un vouê tement entre le mur exteè rieur du bas-coê teè et le pilier de la nef du bas-coêteè du

xi

e

xi

e

sieécle, l'eèglise ne peut pas eê tre la source des nefs romanes vouê teèes. Le mur exteè rieur du

sieécle varie aujourd'hui d'environ 10 cm aé 45 cm au dessus du sol. Il subsiste dans la nef 75 cm

du pilier au dessus du sol. Le mur exteè rieur du bas-coêteè eètait lisse en face de ce pilier. (181) R. Perinetti, û Le chÝur occidental de la catheè drale d'Aoste ( è glise entre le d'accueil dans l'E

58

9

iv

e

et

xii

e

xi

e

sieécle) ý, dans Avant-nefs et espaces

sieécle, eèd. C. Sapin, Actes du colloque international d'Auxerre, 1999

les structures mateèrielles et leurs sources Si l'on s'en tient au contexte reègional, la dimension hors-Ýuvre de Saint-Beè nigne eètait importante. La largeur inteèrieure entre les murs exteèrieurs de l'eèglise Saint-Beènigne au niveau de la nef eètait de 18 m, donc plus grande que celle de Cluny II (15 m), mais du meême ordre que celle de Baume-les-Messieurs (18,75 m) et Saint-Philibert de Tournus (20 m), toutes deux leègeérement plus tardives. La longueur de l'eèglise Saint-Beènigne eètait de 62,5 m

; celle de Cluny de 47,5 m (l'ajout de son narthex en 1010 la prolonge de

22 m) ; celle de Tournus eètait de 57 m, auxquels s'ajoutait un narthex de 20 m (fig. 31)

182

.

Bien que la largeur et la longueur de l'eèglise Saint-Beènigne aient eèteè infeèrieures aé celles de Saint-Michel aé Hildesheim dont la largeur inteèrieure entre les murs eètait de 23 m et la longueur de 70 m, la longueur totale de l'eèdifice de Dijon (rotonde comprise) eètait de 97,7 m

183

. La catheèdrale carolingienne de Cologne eètait longue d'environ 90 m

catheèdrale de Worms (1000-25) de 100 m

185

184

, la

. Ainsi, compareèe aé d'autres eèglises contem-

poraines, l'eèglise Saint-Beènigne (62,5 m) eètait plutoêt longue et exceptionnellement longue si on y incluait la rotonde et sa chapelle axiale (97,7 m). L'extraordinaire longueur de Saint-Beènigne approchait presque les 100 m de Worms. Peut-eê tre Saint-Beènigne incarnaitelle une volonteè de rivaliser avec les eèglises ottoniennes contemporaines et eètait-ce pour sa longueur exceptionnelle que Raoul Glaber la consideè rait comme mirabilior : la longueur totale de Cluny II n'eètait que de 69,50 m et celle de Tournus de 77 m. Ces liens avec l'architecture ottonienne se voient renforceè s par les caracteèristiques ottoniennes de Saint-Vorles de Chaêtillon-sur-Seine oué se trouvait une forteresse de l'eèveêque de Langres

186

. La construction de la colleègiale de Saint-Vorles est entreprise autour de

1015 par l'eèveêque Brun. Mais l'exteèrieur a eèteè alteèreè au

xvii

e

sieécle : aé l'origine, aé l'extreè-

miteè ouest de l'eèglise figuraient sur chaque coêteè des avanceèes qui confeéraient au plan et aé l'eèleèvation l'aspect d'un transept occidental eètages par des vouêtes

188

187

. L'inteèrieur, en revanche, est diviseè en

. Aujourd'hui encore, une tribune ouverte sur la nef est visible.

(Paris, 2002), (pp. 372-85) p. 372 ; H. Beseler et H. Roggenkamp, Die Michaeliskirche in Hildesheim (Berlin, 1954), pl. IV, V. (182) Sapin, Les preèmices, p. 45. (183) Ibid. ; Dehio et Bezold, Die kirchliche, t. 1, pl. 43. (184) M. Durliat, Des barbares aé l'an mil (Paris, 1985), p. 554. (185) Plant, û Architectural ý, p. 41 ; D. von Winterfeld, Die Kaiserdome Speyer, Mainz, Worms und ihr romanisches Umland (Regensburg, 2000), pp. 175-206. (186) M. Chauney,

û Deux

eè veêques

bourguignons

de

l'an

mil :

Brunon

de

Langres

et

Hugues I

er

d'Auxerre ý, Cahiers de civilisation meè dieèvale 21 (1978) : (385-93) p. 387. (187) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 211, fig. 153 ; C. Sapin, û Bourgogne : L'espace et le ducheè de Bourgogne ý, dans Le paysage monumental de la France autour de l'an mil, dir. X. Barral I Altet, Colloque international C.N.R.S. Hugues Capet 987-1987, La France de l'an mil (juin-septembre 1987) (Paris, 1987), è . Vergnolle, û L'eè glise Saint-Vorles de Chaêtillon ý, dans Congreés archeèologique, (pp. 197-215) pp. 209-11 ; E Auxois-Chatillonnais, 1986, 144 (1989) : 53-76 ; idem, û L'eè glise de Saint-Vorles de Chaê tillon et les principes e

de sa construction ý, dans Actes du 62 congreés de l'Association bourguignonne des socieè teès savantes, Chaêtillon-sur-Seine, 21-22 septembre 1991, (Dijon, 1992), pp. 65-79. (188) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 216, fig. 156. Les mac° onneries ont eè teè treés restaureè es lors de l'eè dification du clocher. Les murs ne permettent pas une communication aiseè e avec les espaces lateèraux. Il devait en eê tre autrement aé l'origine. Les acceé s verticaux devaient pouvoir se faire depuis des ouvertures actuellement boucheè es ou transformeè es aé l'ouest.

9

59

chapitre premier Cette extreèmiteè ouest de la colleègiale Saint-Vorles de Chaêtillon-sur-Seine peut eêtre rapprocheèe de la nouvelle structure occidentale ajouteè e vers 984 aé Saint-Pantaleèon de Cologne, qui comportait une tour centrale, des tribunes, des extensions ressemblant aé un transept vers le nord et le sud, et un porche fortement saillant

189

. Le plan de Saint-Beènigne s'inscrit

dans les meêmes traditions et a eèteè conc°u dans un style architectural analogue aé celui utiliseè par l'eèveêque Brun de Langres aé Saint-Vorles. Les deux eèglises peuvent eêtre interpreèteèes comme l'expression des traditions architecturales de leur baê tisseur commun, Brun, l'un des derniers eèveêques carolingiens et un parent de Brun de Cologne

190

.

Les sources de la rotonde

Les cryptes exteèrieures bourguignonnes De meême, la rotonde fait partie d'une seèrie de chevets aé eètages post-carolingiens et de cryptes hors-Ýuvre dans la tradition de la crypte de Saint-Germain d'Auxerre (841859)

191

, dont la construction se poursuivait encore au deè but du

xi

e

sieécle en Bourgogne

192

.

Par exemple, la crypte exteèrieure de Saint-Pierre de Flavigny (860-880) fut reconstruite entre 990 et 1010 (fig. 29)

193

. La rotonde de Saint-Beènigne, comme la crypte exteèrieure de

Flavigny, eètait situeèe aé la teête d'un chevet aé chapelles eèchelonneèes, qui entourait la chambre funeèraire d'un saint (fig. 1, 5, 8). é Saint-Beènigne, la totaliteè de la rotonde eètait deèdieèe aé û Marie, toujours vierge et aé A tous les martyrs ý (semper virginis Mariae et omnium martyrum), et le vocable marial est repris aé propos du deuxieéme niveau de la rotonde que la chronique appelle û la basilique de Marie, la sainte meére de Dieu ý (basilicam sanctae dei genitricis Mariae) (fig. 6, 13) orientaux aé vocable marial ont existeè deés le

ix

e

194

. Des oratoires

sieécle, notamment aé Auxerre ou aé Flavigny,

mais, dans ces eèglises, la crypte exteèrieure abritait l'autel de sainte Marie, alors qu'aé Dijon

(189) Plant, û Architectural ý, p. 42 ; H. Mayr-Harting, Ottonian Book Illumination : An Historical Study, t. 2 (New York, 1991), p. 104 ; W. Sanderson, û Monastic Architecture and the Gorze Reforms Reconsidered ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock, International Medieval Research 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2003), (pp. 81-90) pp. 84-86. La crypte du chÝur aussi a eè teè agrandie et modifieè e aé la fin du

x

e

sieécle.

(190) Infra, p. 134. (191) C. Sapin, Archeèologie et architecture d'un site monastique, 10 ans de recherches aé l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre (Paris, 2000). (192) J. Hubert, û Les eè glises aé rotonde orientale ý, dans Fru«hmittelalterliche Kunst in den Alpenla« ndern. Art du haut moyen-aêge dans la reègion alpine. Arte dell'alto medioevo nella regione alpina. Actes du III

e

Congreés international

ê ge, ed. L. Birchler, E. Pelichet et A. Schmid (Lausanne, 1954), pp. 308-20. pour l'eètude du haut Moyen A è Une crypte hors-Ýuvre (ou crypte exteè rieure) est la partie de la structure qui est aé l'exteè rieur du chevet de l'eèglise ; elle est lieèe aé la crypte inteè rieure, c'est aé dire aé la confession, qui abrite les reliques du saint auquel est deèdieèe l'eèglise. Il est freèquent qu'elle ait un eètage suppleèmentaire au dessus de son niveau de crypte ; les deux servent d'oratoire. Les cryptes hors-Ýuvre ont des formes varieè es, et celles en forme de rotonde eè taient courantes en Bourgogne. (193) C. Sapin, La Bourgogne preèromane (Paris, 1986), pp. 42 et 112. (194) Infra, p. 66 n. 223. Annexe I, p. 290, ligne 68 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 68.

60

9

les structures mateèrielles et leurs sources c'eètait la chapelle axiale qui servait de sanctuaire aé la rotonde

195

. La rotonde a donc duê

remplir un nouvel usage aé Saint-Beènigne. Meême si le systeéme de cryptes aé Dijon a pu eêtre inspireè par les preèceèdentes cryptes carolingiennes du site, la rotonde du

xi

e

sieécle n'a pu

eêtre la reproduction d'une structure carolingienne, sous une forme identique, aé la meême eèchelle et au meême emplacement. Nous savons en effet par Raoul Glaber que l'abbeè Guillaume a deèplaceè vers l'est le corps du martyr

196

.

Il est donc eèvident que l'abbeè a eèlargi le concept de la crypte exteèrieure carolingienne aé deux eètages, en la transformant en une grande rotonde aé trois eètages dont le diameétre de 18 m eètait le triple de celui de Flavigny, et en reliant pour la premieé re fois, les eètages entre eux par un puits de lumieére sous un oculus central (fig. 29). Les plans et la coupe longitudinale de Plancher montrent comment ces niveaux eè taient relieès entre eux par des escaliers et par le puits de lumieére (fig. 5, 6, 7, 8). De plus, Guillaume a eè troitement rattacheè la rotonde aé l'eèglise et, aé la diffeèrence de Flavigny, ouvert davantage l'heèmicycle et sa tribune vers le chÝur, permettant un contact plus eètroit du ma|être-autel dans l'heèmicycle du chÝur avec l'espace de la rotonde. Guillaume connaissait l'eè glise Cluny II de 981 avec son chevet



chapelles

eèchelonneèes,

et

dans

une

certaine

mesure,

Guillaume

a

supprimeè

l'abside de Cluny II afin de lier plus eètroitement la rotonde avec des chapelles eè chelonneèes (fig. 31). L'abside de Saint-Beènigne devenait un heèmicycle deèplaceè vers l'ouest aé l'inteèrieur du chevet aé chapelles eèchelonneèes, ce qui le rendait ainsi contigu au transept au lieu d'eê tre aé la teête du chevet, comme aé Cluny.

Les prototypes antiques Bien que la rotonde deècoule de la tradition bourguignonne des cryptes exteè rieures, elle est une imitation directe du Pantheèon (fig. 8, 32, 33). Le fait que la rotonde de SaintBeènigne ait eèteè deèdieèe un 13 mai aé sancta Maria ad martyres, c'est-aé-dire aé sainte Marie et aé tous les martyrs, constitue une reèfeèrence, non seulement aé la deèdicace, mais eègalement au jour meême de la deèdicace chreètienne du Pantheèon, en 609 aé Sancta Maria ad martyres.

197

Cependant, le Saint-Seèpulcre aé Jeèrusalem a lui aussi eèteè consideèreè comme un modeéle de la rotonde de Dijon. Le Saint-Seèpulcre n'avait apparemment, aux environs de l'an mil, que peu changeè par rapport au plan qu'en fit l'eèveêque saintongeais, Arculfe, qui visita la Terre Sainte entre 684 et 686. Il se composait alors d'un plan circulaire, avec des anneaux inteè rieurs, et trois

(195) C. Sapin, û L'abbaye Saint-Pierre de Flavigny aé l'eèpoque carolingienne ý, dans Du

viii

e

au

xi

e

sieécle,

eèdifices monastiques et culte en Lorraine et en Bourgogne, C. Heitz et F. Heber-Suffrin (Universiteè de Paris Xê ge, Cahier, 2), 1977, pp. 47-62. Nanterre, Centre de recherches sur l'antiquiteè tardive et le haut Moyen A La crypte infeè rieure de Saint-Pierre de Flavigny est deè dieèe aux Saints Innocents et le niveau supeè rieur aé la Vierge. (196) Rodulfus Glaber, Vita, p. 274, et infra, p. 99. (197) Infra, p. 70 n. 253.

9

61

chapitre premier absidioles peèripheèriques en face d'une basilica

198

. Il semble avoir posseèdeè, avant 1009, un

doême en bois, peut-eêtre avec un oculus, mais pas de galeries, qui furent probablement ajouteèes en 1048. Certains consideérent eègalement la reconstruction d'un grand oculus avant 1009 comme improbable

199

. Neèanmoins, le Saint-Seèpulcre et Saint-Beènigne ont eèteè perc°us

comme des structures similaires, et l'eè glise du premier a eèteè preèsenteèe comme un prototype de la rotonde du second par Kenneth John Conant, Carol Heitz, et Sergio Sanabria. Cependant, Richard Krautheimer n'inteégre pas la rotonde de Dijon dans les copies du Saint-Seèpulcre dans ses articles des anneèes 1940 sur l'iconographie de l'architecture, bien qu'elle reèponde aux plusieurs criteéres formels retenus, comme le plan circulaire, l'anneau inteèrieur de huit colonnes, et les trois absidioles peè ripheèriques

200

. En effet, toutes ces carac-

teèristiques se retrouvent dans des structures autres que le Saint-Seè pulcre

201

. Ce qui importe

est que Saint-Beènigne ne reèpond pas aux criteéres principaux qui, selon Krautheimer, permettent d'eètablir une correspondance entre un eèdifice et le Saint-Seèpulcre : û Pour les gens ê ge, la dedicace d'un edifice constituait l'une de ses caracte ristiques essentielles du Moyen A è è è [...]. La deèdicace º parfois conforteèe par la preèsence d'une relique º [...] eètait manifestement consideèreèe comme un stimulus suffisant pour eèveiller tous les liens religieux qui eètaient en relation avec le prototype ý

202

. Or la deèdicace de Saint-Beènigne, aé Marie et tous

les saints, ne fait pas reèfeèrence au Saint-Seèpulcre, et il semble que la rotonde n'avait pas de relique christologique. Dans les anneèes 1960, Carol Heitz tenta, aé l'instar de Krautheimer dans les anneèes 40, d'identifier une signification aux formes architecturales des eè difices religieux meèdieèvaux, tout en attribuant aé leur fonction liturgique le facteur deèterminant. Selon Heitz, la rotonde de Dijon eètait l'eèquivalent liturgique du massif occidental de Saint-Riquier et par conseè quent apparenteè au Saint-Seèpulcre

203

. D'autres chercheurs ont essayeè d'eètablir un lien

direct entre le Saint-Seèpulcre et la rotonde de Dijon en comparant leurs dimensions. Dans

(198) M. Biddle, The Tomb of Christ (Thrupp, Stroud, Gloucestershire, 1999), fig. 27 deè crit un des quatre manuscrits de la version du

ix

e

sieécle d'Adomnan du reè cit de la description des Lieux Saints d'Arculf ;

C. Cou« asnon, The Church of the Holy Sepulchre in Jerusalem, trad. J. P. B. et C. Ross (London, 1974), (pp. 44763) pp. 4-19 ; idem, û Analyse des eè leèments du

iv

e

sieécle, conserveès dans l'eè glise du S. Seèpulcre, Jeè rusalem ý,

dans Akten des 7. Internationalen Kongresses fu« r christliche Archa« ologie (Trier, 1965), p. 447. (199) Schlink, Saint-Beènigne, p. 128 ; E. B. Smith, The Dome (Princeton, 1971), p. 20 ; Biddle, The Tomb, fig. 63 B. (200) R. Krautheimer,

û Introduction

to

an

Iconography

of

Medieval

Architecture ý,

Early Christian,

Medieval, and Renaissance Art (New York, 1969), (pp. 115-50) p. 118 ; repris du Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 5 (1942) : 1-33 ; P. Corbo, û Gli edifici della Santa Anastasis a Gerusalemme ý, Liber Annuus 12 (1961-62) : 221-316. Corbo consideé re que les trois absides donnant dans le deè ambulatoire appartiennent aé la structure originale. (201) Par exemple, Saint-Donat, Zara (

ix

e

sieécle) est une source possible pour les absidioles flanquant la

chapelle axiale du niveau principal de la rotonde, et Aix-la-Chapelle est une source possible pour l'anneau inteèrieur de huit colonnes. (202) Krautheimer, û Introduction ý, p. 127 : û to medieval men the dedication of an edifice was one of its outstanding characteristics [....]. The dedication º

sometimes supplemented by the existence of a relic º [...]

was evidently considered a sufficient stimulus to arouse all the religious associations which were connected with the prototype ý. (203) C. Heitz, Recherches sur les rapports entre architecture et liturgie aé l'eèpoque carolingienne (Paris, 1963) p. 243.

62

9

les structures mateèrielles et leurs sources les anneèes 60, Kenneth Conant remarque que le diameé tre de la rotonde de Dijon eètait infeèrieur de moitieè aé celui du Saint-Seèpulcre

204

. En 1980, Sergio Sanabria distingue une

relation dimensionnelle entre les plans de Saint-Beè nigne, le Saint-Seèpulcre, et Santo Stefano aé Rome, qui, selon lui, constituerait un intermeèdiaire, geèographiquement plus acces205

sible, dans l'obtention des dimensions du Saint-Seè pulcre

. D'apreés ce chercheur, l'abbeè

Guillaume n'a pu, en 1001, prendre connaissance des dimensions de l'original, contrairement aé l'eèveêque de Paderborn trente ans plus tard, car depuis le renforcement du pouvoir è gypte en 970, le voyage vers la Terre Sainte eè tait devenu difficile des Fatimides en E

206

. Le

18 octobre 1009, le rasement systeèmatique du site du Saint-Seèpulcre commenc°a sur l'ordre du sultan Al Hakim. Les relations entre les souverains eè gyptiens et Byzance ne se deètendirent pas avant 1021, rendant de nouveau possibles les peé lerinages. La rotonde de Santo Stefano appartenait aé la seèrie des eèdifices que Krautheimer consideèrait comme eètant une copie du Saint-Seèpulcre, tout en constatant que son diameétre eètait deux fois celui de ce dernier

207

. Sanabria a attireè l'attention sur le fait que le diameétre

de la rotonde de Dijon eètait le quart de celui de Santo Stefano. Tout en respectant le lien traceè par Krautheimer entre le Saint-Seèpulcre de Jeèrusalem et Santo Stefano, Sanabria consideèrait que la rareteè des plans aé trois anneaux concentriques eètait particulieérement significative pour la comparaison des deux eèdifices

208

. En 1993, Schlink deèclare peu convain-

cant l'argument de Sanabria selon lequel la rotonde de Dijon eè tait une copie transformeèe d'une copie du Saint-Seèpulcre, eètant donneè qu' ýil n'y avait aucun autel, aucune seèpulture º c'est-aé-dire rien de valeur ou d'importance º au milieu de la rotonde. Il n'y a rien dans la rotonde [...] ni une relique de la Sainte-Croix exposeè e dans une chasse particulieére, ni un autel deèdieè au Sauveur º vocables qui pourraient nous rapprocher de la rotonde de è tienne l'Anastasis aé Jeèrusalem. Il est eègalement vain de chercher un autel deèdieè aé saint E dans la rotonde, car ce dernier eètait situeè dans le bras sud du transept. Ainsi il n'y a aucune raison de prendre l'eèglise Santo Stefano aé Rome comme modeéle pour la rotonde dijonnaise ý

209

.

La

logique

de

Schlink

renvoie

donc

aux

principes

eè nonceès

par

Krautheimer selon lesquels les reliques et les deè dicaces devaient eêtre privileègieèes par rapport aux dimensions pour ce qui concerne les modeé les architecturaux.

(204) Conant, û Cluny II ý, p. 183 fait remarquer que le diameé tre de l'Anastasis de Jeè rusalem a eè teè rameneè aé 33,68 m apreé s l'an mil. (205) Sanabria, û Metrics ý, p. 530. (206) A. Vasiliev, History of the Byzantine Empire, University of Wisconsin studies in the social sciences and history (Madison, Wisconsin, 1958), t. 1, p. 392 ; Krautheimer, û Introduction ý, p. 117. (207) R. Krautheimer,

û Santo

Stefano

Rotondo

and

the

Holy

Sepulchre

Rotunda ý,

Early Christian,

Medieval, and Renaissance Art, New York, 1969, (69-106) pp. 97, 105. Dans sa postface de 1969, Krautheimer dit que les ressemblances entre Santo Stefano et la rotonde du Saint-Seè pulcre telle qu'elle est dessineè e par Arculfe indiquent un lien direct. Pour d'autres possibiliteè s voir, idem, û Santo Stefano Rotondo : New Conjectures ý, Ro«misches Jahrbuch fu« r Kunstgeschichte 29 (1994) : 1-18. (208) Sanabria, û Metrics ý, p. 519 n. 4. (209) Schlink,

û La

rotonde ý,

p. 39

n. 12,

et

correspondance

personnelle,

1998 ;

idem,

Saint-Beènigne,

p. 129.

9

63

chapitre premier Mes travaux de 1995 et 2000 ont apporteè des contre-preuves liturgiques au rattachement de la rotonde de Saint-Beènigne aé celle du Saint-Seèpulcre qu'Heitz avait souhaiteè eètablir

210

. Il a tenteè un premier rapprochement de la rotonde de Dijon et du Saint-Seè pulcre

en 1972 et en 1974, plac°ant alors de fac°on erroneèe l'autel de la Sainte-Croix au centre de la rotonde Sainte-Marie au lieu de le situer au centre de l'eè glise Saint-Beènigne

211

. Il

reviendra sur cette interpreètation en 1982, en 1987, et enfin en 1994, plac°ant alors l'autel aé l'ouest du chÝur des moines

212

. Cette nouvelle localisation affaiblit grandement son inter-

preètation liturgique de la rotonde comme copie conforme du Saint-Seè pulcre et site de la liturgie pascale. Il espeèrait eègalement pouvoir faire remonter au aé Jeèrusalem, eènumeèreèes dans un inventaire du û du preècieux bois de la Croix ý

213

xvii

e

xi

e

sieécle une liste de reliques propres

sieécle aé Saint-Beènigne, qui mentionne

. Nous savons qu'en 944 l'abbeè de Saint-Beènigne et de

Flavigny rapporta de Jeèrusalem une partie des clous, ainsi que des fragments du bois de la Croix, de la ceinture et du Saint Suaire (sindone), mais apparemment ces reliques demeureérent aé Flavigny

214

. Si, au

xi

e

sieécle, Saint-Beènigne avait en sa possession un certain

nombre de reliques en provenance de Jeè rusalem, elles n'eètaient pas suffisamment importantes pour meèriter une mention dans la chronique ou dans le coutumier qui deè crit les reliques des autels. Le troisieéme coutumier au

xiii

e

sieécle fait mention d'un crucifix contenant

du bois de la Croix, mais rien ne permet d'affirmer que ces reliques eè taient deèjaé preèsentes au

xi

e

sieécle

215

. De plus, elles ne se trouvaient pas dans la rotonde ou dans l'autel de la

Sainte Croix. Certes, Guillaume a teèmoigneè de sa deèvotion au Saint-Seèpulcre aé San Benigno de Fruttuaria, oué, semble-t-il, un seèpulcre fut utiliseè pour la liturgie de la Visitatio du dimanche de Paêques, selon des instructions preècises pour les processions laisseèes par Guillaume, avec l'importante relique du Saint-Seè pulcre qu'il avait lui-meême offerte aé l'abbaye

216

. Mais, contrairement aé Fruttuaria, Saint-Beènigne de Dijon semble n'avoir

jamais posseèdeè de reliques de Jeèrusalem ou de reproduction de la tombe du Christ.

è tudes Supeèrieures de Civilisation Meè dieèvale, Poitiers, France, aé l'occasion de (210) En 1995, au Centre d'E la deuxieéme confeè rence de ma seèrie sur û L'eè glise de Saint-Beènigne de l'an mil ý ; C. Marino Malone, û The Rotunda of Sancta Maria in Dijon as Ostwerk ý, Speculum 75 (2000) : 285-317. (211) C. Heitz, û Reè flexions sur l'architecture clunisienne ý, Revue de l'art 15 (1972) : (81-94) p. 87 ; idem, û Architecture ý, p. 39. Heitz avait situeè l'autel de la Sainte-Croix dans la rotonde, sans donner d'explication. (212) Idem, û Autels et feê tes de saints (

viii -xi e

e

sieécle) ý, Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa 13 (1982) : 75-98 ;

é propos de la rotonde occidentale de Saint-Michel de Cuxa ý, dans E è tudes Rousidem, û Beata Maria Rotunda. A sillonnaises offertes aé Pierre Ponsich (Perpignan, Le Publicateur, 1987), pp. 273-76 ; idem, û D'Aix-la-Chapelle aé Saint-Beè nigne de Dijon, Rotondes mariales carolingiennes et ottoniennes ý, Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa 25 (1994) : 5-11. Voir aussi Marino Malone, û The Rotunda ý, pp. 292-97. (213) Heitz, Recherches, p. 243 ; idem, û Lumieé res ý, pp. 104-05 pour la liste compleé te de la fin du

xvii

e

sieécle ; Marino Malone, û The Rotunda ý, p. 304. (214) Marino Malone, û The Rotunda ý, pp. 304 n. 63 ; Chronique, p. 126 n. 1 ; Sapin, La Bourgogne, pp. 87, 173. Le suaire et le bois de la Sainte Croix sont enregistreè s dans le Martyrologe de Flavigny, ce qui indique qu'ils ont toujours appartenu aé l'eèglise Saint-Pierre. (215) Marino Malone, û The Rotunda ý, p. 304 n. 64 ; Schlink, Saint-Beènigne, pp. 129-30. (216) Marino Malone, û The Rotunda ý, pp. 302-03 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 278. D'apreé s Raoul, Fruttuaria eè tait consacreè e û en l'honneur de Marie, la Sainte Meé re de Dieu, saint Beè nigne le Martyr, et tous les Saints ý (sancte˜ genitricis Dei Marie˜ sanctique Benigni martyris atque omnium sanctorum). Voir infra, pp. 217-20.

64

9

les structures mateèrielles et leurs sources En outre, comme nous l'avons deè montreè en 2000 dans notre interpreètation des processions de Saint-Beènigne, la rotonde de Dijon, contrairement aé ce que Heitz supposait, loin d'eêtre, aé l'instar du Saint-Seèpulcre, comme un centre lors de la liturgie pascale, ne jouait qu'un roêle secondaire durant cette ceèleèbration

217

. Il s'agit laé d'un eèleèment essentiel eètant

donneè l'importance consideèrable accordeèe par Heitz aux deèdicaces d'autel et aé leur fonction liturgique dans l'explication de la signification de l'architecture

218

. Le contraste entre

l'utilisation mariale de la rotonde et l'utilisation pascale de l'autel de la Sainte Croix constitue un point significatif, car il marque une distinction entre le Saint-Seè pulcre et la 219

rotonde, et fait du Pantheèon son modeéle

.

Dans son eètude sur le Saint-Seèpulcre, Krautheimer affirme que sa copie û doit eêtre ronde et qu'elle doit, soit contenir une reproduction de la tombe, soit lui eê tre deèdieèe. Ces eèleèments essentiels et remarquables peuvent eêtre compleèteès par certaines donneèes suppleèmentaires [...] comme le nombre des supports, et quelques mesures ý ulteèrieur, û

220

. Dans un article

Sancta Maria Rotunda ý, il ajoute que û nous attendons de la ressemblance entre

deux baêtiments qu'elle soit exprimeèe en termes de similitudes matheèmatiques. Mais pour ê ge, cette correspondance visuelle et mathematique n'etait pas le les hommes du Moyen A è è point essentiel. Deés lors que la copie partageait avec le prototype quelques traits caracteè ristiques, qu'elle eètait ronde [...], nantie d'un doême [...] et eètait deèdieèe aé la Vierge, la copie pouvait repreèsenter le Pantheèon ý

221

. De fait, la plupart des chercheurs consideé rent que,

ê ge, des consecrations identiques de baêtiments justifiaient l'imitation. Le durant le Moyen A è Pantheèon eètait alors appeleè

ad martyres

222

Sancta Maria Rotunda en reèfeèrence aé sa deèdicace aé Sancta Maria

è tant donneèe la deèdicace de la rotonde de Saint-Beènigne aé . E

Sancta Maria ad

martyres, cette reégle empirique ferait du Pantheèon sa reèfeèrence la plus directe

223

.

(217) Infra, p. 158 ; Marino Malone, û The Rotunda ý, pp. 304-06. (218) Heitz, û Autels ý, pp. 75-98. (219) Infra, p. 215. (220) Krautheimer, û L'iconographie ý, p. 126 : û has to be `round' and it has either to contain a reproduction of the tomb or to be dedicated to it. These essential outstanding elements might be elaborated by adding to them other features such as [...] a certain number of supports and some measurements ý. (221) Idem, û

Sancta Maria Rotunda ý, p. 108 : ýWe expect the resemblance between two buildings to be

expressed in terms of mathematical similarities. But to medieval men this visual and mathematical correspondence was not the essential point. As long as the copy shared with the prototype some outstanding features ; as long as it was round ; as long as it was domed...and as long as it was dedicated to the Virgin, the copy could stand for the Pantheon ý. Cf. aussi Schlink,

Saint-Beènigne, pp. 123-39, qui, lui aussi, privileè gie les deèdicaces et

propose le Pantheèon comme modeé le. (222) Krautheimer, Tempel ý,

û

Sancta Maria Rotunda ý, p. 107 ; S. de Blaauw, û Das Pantheon als christlicher

Boreas Mu«nstersche Beitrage zur Archa«ologie 17 (1994) : (13-26) p. 14. Apreés 650 environ, ad martyres

devint le nom officiel, et l'appellation populaire

Sanctae Mariae Rotundae existait simultaneè ment. Selon Sible de

ê ge apres environ 650 l'e glise est appele e Blaauw, û dans toutes les sources administratives du haut Moyen A é è è

Sanctae Mariae ad martyres , ce qui eètait eèvidemment devenu son nom officiel. Mais il existe aé la meême eèpoque le surnom populaire

Sanctae Mariae Rotundae. Le patronyme collectif dispara|ê t au plus tard au

niveau officiel, au profit de l'appellation

xii

e

sieécle, meême au

Sanctae Mariae Rotundae ý (In allen administrativen fru«hmittelalter-

lichen Quellen nach etwa 650 heisst die Kirche

Sanctae Mariae ad martyres , was offenbar ihr offizieller Name

geworden war. Gleichzeitig existierte aber auch schon der popula« re Beiname

Sanctae Mariae Rotundae. Spa«tes-

9

65

chapitre premier Outre sa conseècration, plusieurs aspects du plan de la rotonde aé Saint-Beènigne rappellent la rotonde Sancta Maria aé Rome de fac°on manifeste. Il est aiseè de comparer le plan circulaire de la rotonde de Dijon au plan du Pantheè on, qui, deés le brieévement Rotunda dans le langage populaire

224

xi

e

sieécle, eètait appeleè

. Au-delaé de cette similariteè eèvidente, la

vouête du troisieéme niveau de la rotonde de Saint-Beènigne qui deècrit une sorte d'heèmispheére soutenu en son centre par des supports eèvoque malgreè tout, par sa taille et son ampleur, celle du Pantheèon. L'oculus central au sommet du petit doê me rappelle sans aucune doute possible l'oculus du Pantheèon. Comme au Pantheèon, le diameétre de la rotonde de Dijon est eègal aé sa hauteur, bien que le Pantheèon soit deux fois et demie plus grand (fig. 33)

225

. La

section longitudinale de la vouête, avec le passage vouêteè autour de sa base, est similaire aé celle du Pantheèon. Au Pantheèon, la coupole semi-spheèrique est supporteèe par un cylindre é Saint-Beènigne, la hauteur du troisieéme eètage avec sa vouête est eègale aé d'eègale hauteur. A celle

des

deux

niveaux

infeèrieurs.

é A

Saint-Beènigne,

le

û demi-berceau

tendu

creèe

un

volume proche de la coupole, un peu surbaisseè e cependant, qui peut eêtre consideèreè comme inspireè par le Pantheèon ý (fig. 8, 32)

226

. L'effet d'un vaste espace clos, semblable aé celui

produit par le Pantheèon, se deègage eègalement de l'examen des dessins du troisieé me eètage de la rotonde exeècuteès par Plancher et Antoine au

xviii

e

sieécle.

é l'exteèrieur, la relation de la chapelle axiale avec la rotonde eè voque celles du porche A du Pantheèon avec la rotonde aé Rome (fig. 14). De plus, en raison de sa vouête en forme de doême, la rotonde ressemblait aé l'imposante masse du Pantheèon, en deèpit de son eèchelle relativement petite et de ses tours importantes, et cela jusque sur les dessins qui la repreè sentent avec un toit (fig. 15). Selon Schlink, aé l'origine, le sommet des vouêtes n'eètait pas recouvert d'un toit et vu de l'exteèrieur, formait un doême

227

. Il affirme eègalement, aé juste

titre, que l'oculus aé Dijon eètait comme une reprise explicite d'un eè leèment particulieérement caracteèristique de la rotonde de Rome, eèleèment sans eèquivalent au

xi

e

sieécle

228

. L'impor-

tance symbolique de l'oculus semble eèvidente si l'on songe que cette ouverture qui laisse

tens im 12. Jh. verschwindet das kollektive Patrozinium auch auf offizieller Ebene zugunsten der Bezeichnung Sanctae Mariae Rotundae). (Je remercie Judson Emerick pour cette reè feèrence). (223) Chomton, Histoire, p. 123 ; BMD, ms. 379, Martyrologium Sancti Benigni Divionensis, f. 25 : û L'anniversaire de sainte Marie aux martyrs, quand le saint pape Boniface deè dia l'eèglise en l'honneur de Marie toujours é Dijon, au monasteére du saint martyr Beènigne, deè dicace d'un oratoire en vierge et de tous les martyrs. A l'honneur de la susdite Meé re de Dieu ý (Natalis sanctae Mariae ad martyres, quando beatus Bonifacius papa ecclesiam in honore semper virginis Mariae et omnium martyrum dedicavit. Divione, coenobio beati Benigni martyris, dedicatio oratorii in honore praefatae Dei genitricis). (224) Schlink, û La rotonde ý, p. 36. (225) Idem, Saint-Beènigne, p. 125 n. 389 : Saint-Beènigne, 17,80 m ; Pantheè on 43,80 m ; S. Stefano 47 m. (226) A. Olivier, û La Rotonde de Saint-Beè nigne : Quelques comparaisons architecturales dont le Temple de Veèsone aé Peèrigueux ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, eèd. M. Jannet and C. Sapin (Dijon, 1996), (pp. 195-202) p. 200. (227) Schlink, Saint-Beènigne, p. 54. (228) Idem, û La rotonde ý, p. 36.

66

9

les structures mateèrielles et leurs sources peèneètrer la pluie et la neige aé l'inteèrieur de l'eèdifice a duê poser nombre de probleémes sous le climat rigoureux du nord des Alpes

229

.

Malgreè son oculus, et, plus encore, en deèpit de la reèpeètition exacte dans sa deèdicace du vocable et du jour de la nouvelle deèdicace du Pantheèon, Krautheimer ne mentionne pas la rotonde de Dijon parmi les eèglises deèriveèes du Pantheèon. Encore plus surprenant, il retient des eèdifices moins ressemblants deèdieès aé Marie, comme Aix-la-Chapelle, bien que selon lui, un eèdifice eètait susceptible de repreèsenter le Pantheèon deés lors qu'il partageait avec le prototype certaines caracteèristiques importantes, comme la rondeur et le fait d'eê tre deèdieè aé la Vierge

230

. Neèanmoins, si on le lui avait suggeèreè, compte tenu du privileége qu'il accordait aé

la copie des deèdicaces au deètriment de celle des dimensions dans son iconographie de l'architecture, il aurait probablement inclus la rotonde de Sainte-Marie aé Dijon dans sa cateègorie de

Sancta Maria Rotunda, en compagnie d'Aix-la-Chapelle

231

. Il consideèrait que

toutes les eèglises de ce groupe, y compris le Pantheèon redeèdicaceè, faisaient reèfeèrence aé la tombe de la Vierge aé Josaphat

232

.

Dans une eètude reècente, Jennifer Harris estime que û la rotonde de Guillaume concreè tise la relation avec les deux exemples les plus tangibles d'une demeure terrestre de Dieu dans la tradition chreètienne, l'uteèrus virginal et la tombe du Christ ý neèanmoins le Saint-Seèpulcre

234

233

. Elle privileègie

. Selon elle, la rotonde procurait aux peélerins une ideèe

locale du tombeau du Christ aé Jeèrusalem en ce qu'elle offrait une division en trois parties de la sainteteè comme dans le temple de Jeèrusalem qu'elle associe indirectement aé Cluny II

(229) Chomton,

Histoire,

p. 293. Les experts de 1738 avaient noteè concernant la rotonde û qu'il y pleut

sans pouvoir l'eè viter, eètant ouverte par sa coupole ; que les pluies gaê tent les corniches des entablements de chaque ordre d'architecture, qui font la deè coration inteè rieure, il eè tait aé propos de faire une lanterne, pour boucher ce vide, afin de conserver le tout ý. (230) Krautheimer, û

Sancta Maria Rotunda ý, pp. 108-10.

(231) Ibid., p. 112. (232) Ibid., pp. 110-12 ; Heitz, û

Beata Maria Rotunda ý, p. 275. Ce tombeau baêti au v

e

sieécle dans la valleèe

de Josaphat est deè crit par Arculfe comme aé deux eè tages et rond, avec un autel aé l'est ; selon Arculfe, le tombeau posseé de aussi un oculus. Krautheimer situait la chapelle palatine d'Aix et l'eè glise de la Vierge aé Centula dans la meê me tradition. Warren Sanderson se souvient que, dans son cours aé New-York University, Krautheimer liait Saint-Beè nigne aé l'eèglise de la Vierge aé Josaphat, comme il l'avait fait pour le Pantheè on (communication personnelle, 2000). Il est possible que le Pantheè on ait eè teè associeè avec la tombe de la Vierge en l'an mil, mais je n'ai trouveè dans les textes aucune indication de cette association aé Saint-Beè nigne. Cependant la liaison entre la rotonde et la chapelle axiale parait semblable aé cet octogone ouvert vers le ciel par un oculus ; chaque eèglise eètait aé double eè tage et dans sa partie orientale il y avait un autel. (233) J. A. Harris, û The Place of the Jerusalem Temple in the Reform of the Church in the Eleventh Century ý, Ph.D. dissertation, Graduate Centre for Medieval Studies, University of Toronto, 2002, p. 170 : û William's rotunda also made concrete the connection between the two most tangible examples of God's earthly dwelling place in the Christian tradition, the virginal womb and the rock-cut tomb ý. (234) Ibid., p. 165. Harris eè crit, û Bien que ne refusant pas la conclusion astucieuse de Malone, je reviens aé l'intuition de Heitz : la rotonde est une imitation du Saint-Seè pulcre [...]. (While not denying Malone's astute conclusion, I return to Heitz's intuition about the imitation of the Holy Sepulchre [...]). ý Elle fait reè feèrence aé Marino Malone, û The Rotunda ý, pp. 285-317. Elle conclut eè galement que û l'eè glise de San-Vitale est une eèglise aé plan centreè construite aé l'image de l'eè glise du Saint-Seè pulcre. (The church of San Vitale is a centrallyplanned church built in imitation of the Church of the Holy Sepulchre) ý.

9

67

chapitre premier et au Saint-Seèpulcre

235

. Ses conclusions concernant Saint-Beènigne semblent pour une large

part fondeèes sur son interpreètation d'un eènonceè de Raoul Glaber dans la Vita, qu'elle reèsume comme suit : û la destruction de [l'ancienne Saint-Beè nigne] a introduit une nouveau temple pour une nouvelle Chreètienteè ý

236

. Nous supposons qu'elle s'appuie sur le texte sui-

vant, car c'est l'unique reèfeèrence similaire que nous retrouvons dans le texte de Raoul pour templum : û Voyant cela, l'homme consacreè aé Dieu [l'abbeè Guillaume] comprit qu'un signe divin lui avait eèteè donneè qu'il faudrait reconstruire toute l'eèglise (templum) aé partir de ses fondations''

237

. Harris deèduit de la perspective deuteèronomiste perceptible dans le texte de

Raoul Glaber, dans les eècrits hagiographiques consacreès aé Mayeul, comme dans les sermons de Beéde, lus pendant la deèdicace de l'eèglise, que û Guillaume a effectueè une restauration deuteèronomiste selon le modeéle clunisien : renouveler le pacte de la communauteè (en introduisant les coutumes clunisiennes et en reconstruisant le Temple) ý

238

. Partant de la

deèdicace de la rotonde aé la Vierge, elle met en eèvidence l'association freèquente, au Moyen ê ge, de la Vierge au templum Dei et le fait que l'uterus de Marie et le tombeau de Jesus A è è repreèsentaient tous deux la demeure terrestre de Dieu

239

. Elle cite le Liber tramitis qui se

reèfeére aé la chapelle Sainte-Marie comme au templum beatae Mariae et identifie û Marie pendant sa grossesse avec son roêle de templum Dei, un theéme du premier dimanche de l'Avent aé Cluny ý

240

. De telles associations, si elles ont existeè dans l'esprit d'un teèmoin du

xi

e

sieécle aé

Saint-Beènigne, ont laisseè peu de traces, et il est par conseèquent difficile d'eèvaluer la valeur de cette interpreètation de la rotonde en tant que templum / Saint-Seèpulcre

241

.

Bien que la rotonde de Dijon renvoie clairement, par son plan et sa deè dicace, aé Rome et en particulier au Pantheèon, ses dimensions auraient pu la relier au Saint-Seè pulcre, en tant que reèfeèrence terrestre de l'Ecclesia aé laquelle le sermon de Guillaume se reè feére

242

.

ê ge sont des Comme en teèmoigne la feête de la Deèdicace, toutes les eèglises du Moyen A images terrestres de la Jeèrusalem Ceèleste

243

é Saint-Beènigne, Guillaume semble lui aussi . A

avoir tenteè d'eèvoquer la Jeèrusalem Ceèleste en faisant du troisieéme eètage de la rotonde de

(235) Ibid., pp. 97-101, 165-70, particulieé rement, p. 169 n. 229 oué elle cite S. Schein, û Between Mount Morial and the Holy Sepulchre : The Changing Traditions of the Temple Mount in the Central Middle Ages ý, Traditio 40 (1984) : (175-95) pp. 175-77 qui note que les traditions associeè es au Temple ont eè teè transfeè reèes au Saint-Seè pulcre entre le

v

e

et le

xi

e

sieécle.

(236) Harris, û The Place ý, pp. 107, 140. (237) Rodulfus Glaber, Vita, p. 274 : Quod cernens uir Deo deuotus, intellexit diuinitus sibi dari indicium quod totum a fundamentis renouari conueniret templum. (238) Harris, û The Place ý, pp. 107, 140. û William carried out a Deuteronomic restoration according to the Cluniac model : renewing the communal covenant (introducing Cluniac customs) and rebuilding the Temple ý. (239) Ibid., p. 167. Elle renvoie le lecteur aux pages 97-101, oué il n'est question que de la Vierge comme templum Dei. (240) Ibid., p. 167 n. 223. û Mary with her role as `templum Dei ' during her pregnancy, a theme of the first Sunday of Advent at Cluny ý. Je suppose que Harris se reè feère au LT, p. 10 : in beatae uirginis templum. (241) Ibid., p. 170. Elle se rend compte que û l'expeè rience de Guillaume aé Cluny et ses intentions dans la construction de Saint-Beè nigne sont neè cessairement objet de conjectures. (William's experience of Cluny and his intentions in building Saint-Beènigne are necessarily speculative) ý. (242) Infra, p. 116. (243) Infra, p. 243.

68

9

les structures mateèrielles et leurs sources Dijon un foyer visuel de lumieére et d'espace, unique aux environs de l'an mil

244

. Si les

dimensions du Saint-Seèpulcre ont inspireè celles de la rotonde de Dijon, ces dimensions provenant de cette Jeèrusalem Terrestre pourraient avoir eè teè copieèes pour exprimer les relations de la rotonde de Dijon avec la Jeèrusalem Ceèleste. Il est cependant neècessaire de rappeler que, selon Krautheimer, la conseècration du Pantheèon aé la Vierge et aé tous les Martyrs fait reèfeèrence au rassemblement des Justes au Paradis. Au

vi

e

sieécle, sur les mosa|ë-

ques de la Daurade aé Toulouse, la Vierge prenait la teête de la Cohorte ceèleste, comportant propheétes, apoêtres, eèvangeèlistes, archanges et patriarches. Des deèdicaces identiques figurent dans les autels de la rotonde aé Dijon consacreèe aé Sancta Maria ad martyres

245

.

Les deèdicaces aé tous les saints Une analyse du contexte historique des deèdicaces aé Saint-Beènigne contribue aé la clarification du roêle du modeéle de la rotonde. La deèdicace Sancta Maria ad martyres et la reprise du 13 mai, date de la nouvelle deèdicace meèdieèvale du Pantheèon, ont pendant longtemps eèteè associeèes aé la feête de la Toussaint du 1

er

novembre aé Saint-Beènigne

246

. Le jour de la

deèdicace de l'eèglise, diffeèrent de celui de la rotonde, eètait celui de la Toussaint. En effet, le jour de saint Beènigne, la celebratio passionis Benigni martyris, est, deés le deèbut, ceèleèbreè le premier novembre

247

. De plus, les deux autels les plus importants de l'eè glise, l'autel principal

et celui de la Sainte-Croix, associaient deèjaé expresseèment la mention û tous les saints ý aé leur deènomination principale

248

. L'accent inhabituel mis aé Saint-Beènigne sur la Toussaint

dans ces deèdicaces d'autel a peut-eêtre contribueè aé inciter l'eèveêque Bruno et l'abbeè Guillaume aé s'inspirer du Pantheèon pour la deèdicace et la configuration de la rotonde. é Saint-Beènigne la deèdicace aé tous les saints remonte aé 863, date aé laquelle une charte A fait reèfeèrence aé û la basilique eèleveèe en l'honneur de tous les saints ý ceéde la reconstruction du

ix

e

249

. Cette citation preè-

sieécle, quand, en 871, l'eèveêque Isaac entreprend la restaura-

tion de la basilique en partie ruineèe. Sa basilique n'est consacreèe qu'en 882, et une charte de la meême anneèe fait reèfeèrence au monasteére comme aé un û endroit consacreè en l'honneur du Sauveur du monde, de Marie meére de Dieu toujours vierge et de tous les saints ý, annonc°ant les termes de la deèdicace du

ix

xi

e

sieécle de la rotonde

250

. Cette reèfeèrence du

e

sieécle pourrait, sans qu'on puisse en eêtre certain, indiquer l'existence d'une crypte

exteèrieure du

ix

e

sieécle, malgreè l'existence, selon la chronique, d'une chapelle deè dieèe aé la

Vierge : en 937, apreés la mort du comte Adheèmar, une chapelle Sainte-Marie fut doteè e par sa veuve et les deux eèpoux avaient auparavant fait don de reliques du saint Sauveur, de

(244) Infra, pp. 272-73. (245) Krautheimer, û Sancta Maria Rotunda ý, p. 112 ; P. Mespleè, û Recherches sur l'ancienne eè glise de la Daurade

ý, dans Meèmoires de la Socieèteè archeèologique du Midi de la France, XXXI (Toulouse, 1965), pp. 41-56.

(246) Supra, p. 66 n. 223 ; Annales Sancti Benigni, p. 41. (247) Infra, p. 191. (248) Chomton, Histoire, p. 71. (249) Chartes, t. 1, p. 103 n (250) Ibid., p. 159 n

o

o

73 : basilice sancti Benigni martiris, quod est in honore omnium Sanctorum.

127 : locus est sacratus in honorem Salvatoris mundi ac perpetue˜ virginis Dei genitricis Marie˜

sanctorumque omnium ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 166 ; Chomton, Histoire, p. 71 ; et Sapin, La Bourgogne, p. 169.

9

69

chapitre premier sainte Marie et d'autres saints

251

. Ainsi, meême en l'absence d'une crypte qui leur soit

deèdieèe, l'accent eètait depuis longtemps mis aé Saint-Benigne sur la Vierge et tous les saints, comme au Pantheèon. La date de la deèdicace de l'eèglise Saint-Beènigne a eèteè choisie en fonction de la feête de saint Beènigne et de tous les martyrs. Le jour de la conseè cration de l'eèglise saint Beènigne en 1016 est indiqueè de manieére preècise : ce fut, selon Raoul Glaber, û le 30 octobre avant l'anniversaire du martyr [...] ý

252

. L'eèglise eètait donc preête pour y ceèleèbrer la vigile meême

de la Toussaint et l'avant-veille de la feête de saint Beènigne. Deux ans plus tard, c'est le 13 mai qui fut choisi lorsque la deèdicace de la rotonde copia la date de la redeè dicace du Pantheèon aé Sainte Marie et tous les Martyrs. Or, dans l'imaginaire meè dieèval, le 13 mai eètait le jour original de la Toussaint. Se pencher sur les origines et sur le deè veloppement de la feête de la Toussaint aide aé comprendre la relation entre les deèdicaces aé Saint-Beènigne et les traditions romaines. En 613, le Pantheèon a eèteè transformeè en eèglise chreètienne et deèdieè par le Pape Boniface IV

Sancta Maria ad martyres

sous le vocable

Sainte-Marie-aux-Martyrs

apparut,

253

é partir de la redeèdicace du Pantheèon en 613, . A

parmi

les

quatorze

eè glises

principales

de

Rome,

comme un sanctuaire marial de premier ordre, presque au meê me rang que Sainte-Marie Majeure

254

. Vers 737, le pape Greègoire III, ayant fait construire dans l'eèglise Saint-Pierre

une chapelle û en l'honneur du Sauveur, de la sainte Vierge et de tous les saints ý, il eè tablit aé cette occasion une feête qui prit le nom de û feête de tous les saints ý, et finit peut-eêtre par eêtre fixeèe au 1

er

novembre

255

. La feête de tous les saints se reèpandit ensuite dans toute

è glise latine, suite aé l'eèdit de Louis le Pieux prescrivant la ceèleèbration de la Toussaint l'E è tats et apreés la confirmation ampliative de cet eèdit par le pape Greègoire IV dans ses E (827-844)

256

. Il est significatif que dans la charte de 882, le monasteére de Saint-Beènigne

soit deècrit, de manieére identique, comme eètant û en l'honneur du Sauveur du monde, de

(251) Schlink,

Saint-Beènigne, p. 166 ; Chronique, p. 116. Vita, pp. 288-89 ; Bulst, Untersuchungen, p. 39 ; Chomton, Histoire,

(252) Infra, p. 33 n. 23 ; Rodulfus Glaber,

pp. 123, 430-31, 449. L'anniversaire de la deè dicace du 30 octobre 1016 n'est pas inscrit au martyrologe, sans doute parce qu'il s'est confondu avec l'anniversaire de la passion de saint Beè nigne. (253)

Krautheimer, û

Sancta Maria Rotunda ý, p. 112 n. 3 donne pour la date de la deè dicace du Pantheèon le

10 mai 609/610 ; L. Duchesne,

Le Liber Pontificalis, t. 1 (Paris, 1886-92), p. 317 n. 2. Dans le martyrologe

romain, cette nouvelle deèdicace est enregistreè e au 13 mai et cette date a eè teè reprise dans des martyrologes posteèrieurs. D'apreés Sible de Blaauw, qui cite la version corrigeè e de 1957 de Duchesne, la conseè cration eut lieu le dimanche 13 mai 613, comme l'atteste le calendrier liturgique. De Blaauw, û Das Pantheon ý, p. 13. (254) Schlink, û La rotonde ý, p. 36. (255) Chomton,

Histoire, p. 72 ; J. Henning, û The Meaning of All the Saints ý, Mediaeval Studies 10 (1948) :

(147-61) pp. 147-48, 151-52, 160. D'autre part, la feê te collective de tous les saints distincte de celle des martyrs peut s'eê tre deèveloppeè e aé l'exteèrieur de Rome et donc conduire aé la deèdicace de l'oratoire dans Saint-Pierre. D'apreé s John Henning, l'impulsion et la date du 1

er

novembre peuvent provenir de monasteé res irlandais via la

Northumbrie vers le continent et ensuite vers Rome. Alcuin peut avoir rapporteè la feête depuis l'Angleterre oué elle est citeè e pour la premieé re fois par Beé de. (256) Chomton,

70

9

Histoire, p. 72 ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 123.

les structures mateèrielles et leurs sources Marie meére de Dieu toujours vierge et de tous les saints ý gistes font remonter la commeèmoration du 1

er

257

é partir du . A

ix

e

sieécle, les litur-

novembre aé celle du 13 mai

258

. Selon le

reècit de l'histoire de la Toussaint fourni par le martyrologe romain, cette feê te a eèteè institueèe par Boniface IV û lorsqu'il a deèdieè le 13 mai le Pantheèon aé la sainte Vierge et aé tous les saints Martyrs [...] plus tard Greègoire IV a deècreèteè que cette meême feête devait eêtre observeèe en appliquant les prescriptions suivantes : 1³. en l'honneur de tous les saints, 2³. ce jour-laé (c'est-aé-dire le 1

er

novembre) 3³. par l'eèglise entieére ý

259

. Cela ne signifie pas que la

feête de tous les saints eètait bel et bien fixeèe au 13 mai dans le passeè. Il s'agit uniquement d'une interpreètation reètrospective meèdieèvale visant aé ce que l'anniversaire de la deèdicace de

Sancta Maria ad martyres

deés le

ix

e

apparaisse comme une feête de tous les saints

260

. En conseèquence,

sieécle, dans les martyrologes, le 13 mai eètait connu pour eêtre le jour de la deèdi-

cace du Pantheèon aé Rome, et la feête de la Toussaint y eètait mentionneèe comme ayant eèteè instaureèe par le Pape Boniface IV aé l'occasion de sa deèdicace de

Sancta Maria ad martyres

.

La date de la redeèfinition, enregistreèe au 13 mai dans le martyrologe romain, a eèteè transmise aux martyrologes posteèrieurs. Lors de la construction de Saint-Beènigne, le 13 mai eètait connu comme eètant jadis le jour de la Toussaint avant que cette feête ne soit reporteèe er

au 1

novembre

261

. Ainsi, aé la co|ëncidence des dates du 13 mai pour la deèdicace du

Pantheèon et de la rotonde de Dijon, s'ajoute le fait que la Toussaint eè tait lieèe par sa date aé la feête de Saint-Beènigne aé Dijon

262

. Il est inteèressant de noter que ces relations avec Rome

ont eèteè importantes deés la deèdicace au

ix

e

sieécle du monasteére de Saint-Beènigne.

ê ge Comme Schlink le note aé juste titre, û il n'y a pas beaucoup d'eèdifices au Moyen A qui soient en relations liturgiques si eètroites et explicites. Nous avons tout lieu de penser que Guillaume de Volpiano a rechercheè

ces relations, pour que, aé

Saint-Beènigne, la

rotonde de la Vierge soit mise en rapport avec la seè pulture du martyr saint Beènigne, tout comme la rotonde de Rome oué une cohabitation de la Vierge avec les martyrs eè tait instaureèe quatre sieécles auparavant ý

263

remarquait : û Il fut assez naturel, le 1

er

. Dans un meême ordre d'ideèes, avant lui, Chomton novembre eètant aé la fois la feête de saint Beènigne et

celle de la sainte Vierge et de tous les saints, de marquer cette occurrence, en quelque manieére, dans l'eèdifice lui-meême, surtout aé une eèpoque oué l'ideèe liturgique contribuait puissamment aé fixer l'ordonnance des eèglises. Nous verrons l'abbeè Guillaume tenir compte de ce principe ý

264

. Avant d'ajouter : û mais il est aé croire qu'on le fit avant lui, deés le neuvieéme

(257) Supra, p. 69 n. 250. (258) Henning, û The Meaning ý, p. 155. (259) Ibid., p. 160 ; Duchesne,

Liber Pontificalis

, t. 1, p. 317.

(260) Henning, û The Meaning ý, p. 160. (261) Supra, p. 33 n. 23 ;

De antiquis

, t. 4, liv. 4, cols. 508-09. Au

xii

e

sieécle, la feête de la Toussaint comptait

parmi les feê tes les plus importantes aé Saint-Beè nigne. (262) Schlink, û La rotonde ý, p. 36. (263) Ibid. (264) Chomton,

Histoire

, p. 72.

9

71

chapitre premier sieécle, et telle fut peut-eêtre l'origine de l'eèrection de l'altare conditions particulieéres de son ameènagement ý

265

sanctae Mariae, ou du moins des

.

Selon Schlink, des traditions similaires existaient depuis longtemps dans d'autres eè glises

266

. La plupart des deèdicaces du

viii

e

au

ix

e

sieécle pour des eèdifices (souvent avec une

crypte exteèrieure) consacreès aé la Vierge sont des vocables doubles. Ces vocables additifs sont souvent les meêmes : la Triniteè, le Sauveur, Tous les Saints, les Apoêtres et les Martyrs.

ix

Au

e

sieécle, comme aé Saint-Meèdard de Soissons, de nombreuses chapelles orientales deè -

é Saintdieèes aé la Vierge portent eègalement les vocables de la Triniteè et de tous les saints. A Denis, l'oratoire d'Hilduin, consacreè le 1

er

novembre 832, est deèdieè aé la Vierge, aé saint

Jean et aé tous les saints. Il n'est pas exclu que ces deèdicaces fassent reèfeèrence aé la chapelle en l'honneur du Sauveur, de la Vierge et de tous les saints construite en 737 par le pape Greègoire III dans l'eèglise Saint-Pierre ou aé la

Sancta Maria Rotunda aé Rome. De plus, vers

l'an mil, comme Schlink l'a souligneè, adopter la date du 13 mai pour la deè dicace d'un oratoire marial n'a rien d'exceptionnel : la catheè drale de Chartres, un des hauts lieux du culte de la Vierge, fut deèdieèe sous l'eèveêque Fulbert, le 13 mai 1037

267

. Il n'en reste pas moins

que l'accent mis sur tous les saints inclus dans le choix du jour de la deè dicace pour l'eèglise et pour la rotonde de Dijon est important. Dans le plan de la rotonde, Guillaume pourrait avoir eè tendu la traditionnelle crypte exteèrieure bourguignonne pour en faire une construction aé plan centreè deèdieèe aé la Vierge, en partie aé cause des deèdicaces d'autel aé tous les Martyrs existant anteèrieurement dans l'eèglise Saint-Beènigne. Il est probable que les cryptes exteè rieures traditionnelles bourguignonnes eètaient lieèes aé la tradition de

Sancta Maria Rotunda, et que cette association eètait

connue de Guillaume et de l'eèveêque Brun. De plus, l'abbeè Guillaume percevait treés probablement Aix-la-Chapelle comme appartenant aé la famille de constructions lieèe aé

Sancta

Maria Rotunda quand il deècida de copier son arcature centrale supportant la vouête du puits de lumieére dans la rotonde de Dijon. Dans le preèsent ouvrage, l'accent sera mis sur la signification de la rotonde de Dijon telle que la comprirent ses baêtisseurs, eux qui furent les metteurs en sceéne qui choisirent les jours de deèdicace et furent probablement les seuls de ses spectateurs aé disposer d'une connaissance de ses dimensions. Meême le chroniqueur du

xi

e

sieécle ne fait aucun commentaire

sur leur signification. Les reèactions que suscita alors son plan ont duê eêtre multiples et varieèes. Parmi ses spectateurs, ceux qui eè taient alleès aé Rome ont pu l'interpreèter d'apreés les rotondes romaines, en particulier le Pantheè on, tandis que les peélerins revenus de Jeèrusalem l'ont peut-eêtre rapprocheèe du Saint-Seèpulcre, parce qu'elle eètait ronde

268

. D'autres encore

(265) Ibid. (266) Ibid. (267) Ibid. (268) X. Barral I Altet, û Du Pantheè on de Rome aé Sainte-Marie la rotonde de Vic : La transmission d'un modeé le d'architecture mariale au deè but du

xi

e

sieécle et la politique `romaine' de l'abbeè -eèveêque Oliba ý,

Les

cahiers de Saint-Michel de Cuxa 37 (2006) : (63-75) p. 71. L'itineè raire de Sigeèric archeveêque de Canterbury, qui est alleè aé Rome en 990, teè moigne que l'ancien Pantheè on romain eètait visiteè et admireè .

72

9

les structures mateèrielles et leurs sources ont pu la relier aux deux. Quoi qu'il en soit, l'ideèe souligneèe dans sa deèdicace aé Sainte Marie et aé tous les martyrs est d'une importance primordiale, ramenant le Saint-Seè pulcre aé n'eêtre au plus qu'une reèfeèrence secondaire en conjonction avec le modeé le principal

269

.

Certes, une eèglise ronde aé Rome eèvoque d'abord le Pantheèon, mais fait eègalement songer aé Santo Stefano. Celle-ci n'aurait-elle pu fournir le diameé tre de la rotonde de Dijon, qu'on ait eu conscience ou non de sa relation avec le Saint-Seè pulcre, deés lors que, bien que non vouêteèe, il s'agissait d'une rotonde avec les colonnes alors neè cessaires pour supporter un doême

270

? On n'avait pas au

xi

e

sieécle les moyens techniques permettant de

vouêter une rotonde de 18 m de diameétre sans supports intermeèdiaires. Comme Schlink le remarquait, les û supports intermeèdiaires, les eètages et les autels placeès aux eètages ne changent pas assez profondeèment le caracteére de la rotonde mariale pour qu'il faille chercher son modeéle ailleurs [qu'au Pantheèon] ý

271

. La combinaison aé Dijon d'une rotonde avec les

formes paleèochreètiennes du transept continu et de l'abside occidentale, comme aé SaintPierre, suffit aé suggeèrer qu'un modeéle et une penseèe, le Pantheèon redeèdicaceè comme signe de la Rome impeèriale chreètienne, ont eèteè privileègieès par rapport aé tous les autres pour la rotonde en 1001. Le modeéle original de la rotonde de Dijon eè tait en fait identifieè par sa deèdicace. Bien qu'elle n'ait, de toute eèvidence, jamais cesseè d'eêtre le centre du monde catholique, nous verrons que Rome constitua, autour de l'an mil pour l'abbeè Guillaume, un foyer oué se concentra tout particulieérement son attention. Nous devons aé preèsent nous pencher sur ce que l'on sait des baêtisseurs de ces formes, l'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun, afin de disposer des informations de base d'une compreèhension des intentions qui preèsideérent aé leur traceè.

(269) Krautheimer, û Introduction ý, p. 149. Dans sa postface reè digeèe en 1969 pour accompagner la reè impression de son article en faveur d'une iconographie de l'architecture, Krautheimer regrettait de n'avoir pas suffisamment pris en compte les possibiliteè s offertes par des perspectives diffeè rentes. Cette tendance aé prendre en consideèration de multiples significations qui varient suivant le point de vue d'un public particulier est inteè ressante, mais elle entraine parfois des associations qui n'ont eè teè imagineèes que dans l'esprit d'un interpreé te moderne. Bien que j'aie reè fleèchi aé de nombreuses reprises aé l'impact du Saint-Seè pulcre en tant que modeé le, comme dans une communication û The Rotunda of St. Mary in Dijon, Dedication vs. Dimensions ý, dans la session de Virginia Jansen aé la reèunion annuelle de 1998 de la Society of Architectural Historians, je conclus toujours, aé ce sujet, aé la primauteè du Pantheè on. (270) De Blaauw, û Das Pantheon ý, p. 15. Santo Stefano eè tait, comme le Pantheè on, deèdieè aux martyrs. (271) Schlink, û La rotonde ý, p. 39.

9

73

2 LES BAêTISSEURS S

elon la chronique de Saint-Beè nigne, û Cette abbaye a eèteè reènoveèe par l'honorable seigneur Brunon et par Guillaume, non seulement sous d'autres aspects, mais aussi par

la nouvelle construction d'une eèglise. Pour l'Ýuvre admirable de cette eèglise, le seigneur, en faisant des deèpenses et en faisant amener des colonnes de marbre et de pierre, et le reè veèrend abbeè, en engageant des ma|êtres et en ordonnant l'Ýuvre lui-meême, construisirent aé la 1

sueur de leur front un temple digne du culte divin ý . Brun, en tant qu'eèveêque du dioceése de Langres, eètait le dominus episcopus, le seigneur, puisque Saint-Beènigne eètait un monasteére priveè, et Guillaume, en tant qu'abbeè, eètait le pater monasterii, le û patron ý du monasteére de Saint-Beènigne. Les eèveêques de Langres eètaient les veèritables û patrons ý de ce monasteére depuis le

vi

e

2

sieécle . Comme de nombreuses abbayes, Saint-Beènigne eètait un Eigenkloster,

c'est-aé-dire un monasteére qui, juridiquement, appartenait personnellement aé un seigneur 3

la|ëque, ou dans ce cas preècis, eccleèsiastique . Brun fut le mentor de Guillaume dont il approuva l'eèlection en tant qu'abbeè, et il eèprouva durant toute son existence une estime particulieére pour le monasteére de Saint-Beènigne, au point qu'il souhaitait y eêtre enterreè, 4

comme en teèmoignent les geèneèreuses dispositions prises en ce sens dans son testament . Il disposait du pouvoir de seèvir au cas oué l'abbeè abuserait de ses droits, consacra l'eèglise et financ°a sa construction. Ces attributions eètaient traditionnelles pour un eèveêque dioceèsain ; on trouve l'explication de l'autoriteè de l'eèveêque sur l'abbeè dans les chapitres 62, 54 et 65 de 5

la reégle de saint Beno|êt .

(1) Annexe I, p. 287, lignes 1-9 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 47, lignes 1-9. (2) P. Gras, û Le seè jour aé Dijon des eèveêques de Langres du

v

e

au

ix

e

sieécle. Ses conseè quences sur l'histoire

è cole des Chartes, 12 (Paris, 1955), (pp. 550-61) p. 550. de la ville ý, Meèmoires et documents publieès par la Socieèteè de l'E (3) Bulst, Untersuchungen, p. 3 ; idem, û Guillaume de Dijon, le baê tisseur de la rotonde ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, Actes du colloque Guillaume de Volpiano, eè d. M. Jannet et C. Sapin (Dijon, 1996), (pp. 19-29) pp. 21, 23. (4) Infra, p. 133. (5) Beno|êt de Nursie, La reégle de Saint Beno|êt, eèd. J. Neufville, SC, 182 (Paris, 1972), pp. 642-43, 654-55. Au chapitre 62 de la reé gle de saint Beno|ê t, par exemple, aé propos d'un moine ordonneè preêtre qui ne s'amende pas de ses fautes apreé s de nombreux avertissements, û on fera appel au teè moignage de l'eèveêque ý (etiam episcopus adhibeatur in testimonio). L'eèveêque est aussi mentionneè au chapitre 65 au sujet de l'ordination du preè voêt du monasteé re : û le preè voêt rec°oit l'ordination du meê me eèveêque et des meê mes abbeès que ceux qui ordonnent l'abbeè ý (ab eodem sacerdote uel ab eis abbatibus qui abbatem ordinant, ab ipsis etiam et praepositus ordinatur). Horn et Born, The Plan, t. 1, p. 331 n. 11. Deé s 446, le pape Leè on le Grand affirme dans une lettre que dans le cas d'une eèlection controverseèe, la preè rogative de la deè cision de la partie qui doit preè valoir releé ve de l'eèveêque du dioceése dans lequel le monasteé re se situe. Et selon les capitulaires de Charlemagne, l'abbeè û est sujet de son eèveêque en toute humiliteè et obeèdience comme la loi canonique le prescrit ý.

9

75

chapitre 2 Selon nous, la double participation de Brun, aé la fois au monde sacreè et aé l'univers seèculier, bien que typique des eèveêques de son temps, joua un roêle deèterminant dans la production

du

baêtiment

exceptionnel

que

constitua

Saint-Beè nigne.

(953-965), archeveêque de Cologne, duc de Lorraine, et freé re d'Otton I

Son er

parent

Brun

, lui servit proba-

6

blement de modeéle . Comme Brun de Langres, Brun de Cologne gouvernait plusieurs monasteéres et avait choisi d'eêtre enterreè dans le monasteére de Saint-Pantaleèon de Colog7

ne . Selon Ruotger, son biographe, ses projets de splendides constructions inspiraient le 8

respect . En tant que baêtisseur, Brun de Langres peut eègalement eêtre rapprocheè de son contemporain, l'eèveêque Bernward de Hildesheim (993-1022) qui fonda et baê tit l'abbaye de 9

St. Michel aé Hildesheim (1010-1015) oué il souhaita eêtre enseveli . Selon Fichtenau, les eèveêques qui, pendant le

x

e

et le

xi

e

sieécle, entreprirent la construc-

tion d'eèglises ou la restauration d'eèglises existantes furent l'objet de grandes louanges

10

.

é l'instar des grands seèculiers, les eèveêques eètaient constamment contraints d'affirmer leur A prestige dans des deèmonstrations ostentatoires, reflets de l'importance de leur rang. Pour un eccleèsiastique de haut rang, le lieu de repreèsentation de son autoriteè se devait d'eêtre un baêtiment qui soit eègalement la demeure de Dieu et dans le but de montrer une profonde pieèteè, et bien suêr souvent aé cause d'un sentiment de pieèteè, certains eèveêques auront aussi construit de superbes eèglises de monasteére. Ainsi, le plan de Saint-Beènigne a eèteè conc°u en vue d'eèriger, aé la gloire de Dieu, une eèglise, selon les propres termes de Raoul Glaber lors de sa conseècration, û doteèe d'une splendeur incomparable ý (basilicam incomparabili opere pene expletam)

11

. D'autre part, dans ce deèsir de grandeur qui inspire le dessin d'une eè glise con-

forme aux gouêts et aux preèfeèrences des baêtisseurs, s'expriment eègalement leurs traditions, leurs attaches et leurs aspirations familiales, et donc politiques. ê ge auxquels on attribue la construction de Comme d'autres abbeès du haut Moyen A leur eèglise, Guillaume a certainement eu de l'influence sur la conception de l'eè glise et de sa rotonde. Au

ix

e

sieécle, Angilbert, abbeè de Saint-Riquier, et Ratgar (802-817), abbeè de

Fulda, sont des exemples fameux de ce type d'intervention d'Abingdon vers 960, il eètait qualifieè de magnus aedificator

12

13

. Quant aé Aethelwold, abbeè

. Le contemporain de l'abbeè

Guillaume, l'eèveêque Bernward, de Hildesheim deèjaé mentionneè, a eèteè consideèreè comme

(6) Infra, p. 86-87. Brun de Langres eè tait le petit-neveu d'Otton I

er

.

(7) Supra, p. 60 ; Plant, û Architectural ý, p. 42 ; H. Mayr-Harting, Ottonian Book Illumination : An Historical Study, t. 2 (New York, 1991), p. 104 ; Sanderson, û Monastic Architecture ý, pp. 84-86. Brun de Cologne avait affilieè Saint-Pantaleè on de Cologne, Saint-Patrocle de Soest et Munstereifel aé Gorze et fait venir leurs abbeè s de Saint-Maximin de Treé ves. (8) Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 60 cite Ruotger, Vita Brunonis Archiepiscopi Coloniensis, eèd. I. Ott, MGH, Scriptores rerum Germanicarum in usum scholarum, Nov. Ser. 10 (Cologne, 1958). (9) Plant, û Architectural ý, pp. 40, 47, p. 53 n. 55. Voir infra, p. 134. (10) Fichtenau, Lebensordnungen, t. 1, p. 273 ; W. Giese, û Bauta« tigkeit von Bischo«fen und Abten des 10. bis 12. Jahrhunderts ý, Deutsches Archiv fu«r Erforschung des Mittelalters 38 (1982) : (344-438) p. 391. Giese consideére lui aussi le fait de s'investir dans la construction comme un eè leèment intrinseéque du charisme d'un eèveêque. (11) Rodulfus Glaber, Vita, p. 288. (12) S. Rabe, Faith, Art, and Politics at Saint-Riquier (Philadelphia, 1994), p. 75 ; C. Davis Weyer, Early Medieval Art 300-1150 (Englewood Cliffs, New Jersey, 1971), pp. 92-93, 104. (13)

76

9

R. Stalley, Early Medieval Architecture (Oxford, 1999), p. 105.

les baêtisseurs l'architecte de Saint-Michel d'Hildesheim

14

. Dans le cas de Guillaume, son inteè reêt pour la

musique aide particulieérement aé interpreèter certains aspects du plan de la rotonde. Le plan de Saint-Beènigne peut eêtre compris en fonction des traditions et des politiques de l'eèveêque et de l'abbeè. Du fait de leurs liens familiaux º Guillaume et Brun avaient l'un et l'autre un parrain ottonien º, ils partageaient des traditions communes, et ils eè taient actifs dans la reèforme de l'eèglise de l'an mil. Un coup d'Ýil introductif sur les vies de ces deux baêtisseurs est donc pertinent pour l'interpreètation du concept de l'eèglise.

Guillaume, l'abbeè de Saint-Beènigne

Notre connaissance de Guillaume repose essentiellement sur la Vita reèdigeèe par Raoul Glaber. Ses contemporains l'appellaient Guillaume de Dijon. Guillaume û de Volpiano ý correspond aé une deènomination moderne, devenue courante aé partir du

xix

e

sieécle

15

, qui

se rapporte aé l'endroit oué sa famille avait des possessions, Volpiano (Vulpianium), une petite ville situeèe aé vingt kilomeétres au nord de Turin, et qui fut le lieu oué il fonda le monasteére de Fruttuaria

16

. Dans la Vita de son ma|être, Raoul Glaber nous offre un long reècit des cir-

constances qui entoureérent la naissance de Guillaume en Italie, reè cit dans lequel il souligne les eètroites relations qui le liaient au pouvoir impeèrial. Son grand-peére, Vibo, eètait originaire de Souabe, les comtes de Volpiano eè taient donc d'ascendance aleèmanique peére, Robert de Volpiano, avait eèpouseè vers 960 Perinza d'Ivreèe (fig. 35) de Beèrenger II (950-64), roi de Lombardie

19

18

17

. Son

, de la famille

.

D'apreés Raoul Glaber, Guillaume naquit durant le sieé ge du chaêteau de San Giulio en juin ou juillet 962, lors d'une reèvolte de Beèrenger II contre Otton I aé Rome en feèvrier de la meême anneèe

20

er

, couronneè empereur

. San Giulio eètait une forteresse construite sur un

|êlot du lac d'Orta, le plus petit mais l'un des plus attirants des lacs d'Italie du Nord, situeè aé

(14) G. Binding, Bischof Bernward als Architekt der Michaeliskirche in Hildesheim (Ko«ln, 1987), pp. 55-59. (15) Bulst, û Guillaume ý, p. 19. (16) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 254-57 ; Bulst, û Guillaume ý, pp. 19, 21. (17) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 256-57 n. 1. Vers l'an mil, le sud-ouest de l'Allemagne, qui comprenait une grande partie de la Suisse moderne, formait le ducheè de Souabe. Pour Chaume, û Les origines paternelles de saint Guillaume de Volpiano ý, Revue Mabillon 14 (1924) : (68-77) pp. 73-74, l'abbeè Guillaume fut assisteè dans la restauration monastique de la Lorraine par û des personnages appartenant aé un clan lorrain bien deè termineè, celui des descendants d'un comte Wigeè ric, un collateè ral treé s proche des anceê tres directs de Guillaume ý. Bulst, Untersuchungen, p. 110 envisage l'intervention û des relations de famille de Guillaume avec les eè veêques de Metz ou avec Berthold de Toul, lequel, comme Guillaume, avait des origines souabes, bien que rien dans les sources n'eè voque une telle parenteè ý (Vielleicht bestanden zudem sogar verwandtschaftliche Beziehungen Wilhelms zu den Bischofen von Metz oder zu Berthold von Toul, der wie Wilhelms Vorfahren aus Schwaben stammte, wenn auch nirgends in den Quellen eine solche Verwandtschaft erwahnt wird). (18) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 256-57 ; Selon Chaume, û Les origines paternelles ý, p. 69 n. 1, û Perinza n'eètait pas, aé proprement parler, de race lombarde, puisqu'elle eè tait issue de la maison des marquis d'Ivreè e (sortis eux-meê mes d'une souche bourguignonne et souabe) : c'eè tait par elle que saint Guillaume cousinait avec le ceèleébre Otte-Guillaume, petit-fils du roi de Lombardie Beè renger II ý. Selon Bulst, Untersuchungen, p. 24, les conclusions de Chaume sont contradictoires. (19) Rodulfus Glaber, Vita, p. 256 n. 2 (20) Ibid. ; Bulst, û Guillaume ý, p. 20.

9

77

chapitre 2 50 km au nord de Novare. L'eèpouse de Beèrenger II, entoureèe de fideéles seigneurs ayant aé leur teête Robert de Volpiano, se retrancha dans la forteresse de San Giulio

21

. Otton

assieègea la place, qui reèsista quelque temps, mais dut finalement capituler. En recevant quelques mois auparavant la couronne impeè riale aé Rome, Otton avait ressusciteè l'ideèe universaliste eèteinte depuis la division des Carolingiens et avait ainsi mis fin aé la domination de la haute aristocratie lombarde, tout particulieé rement aé celle de Beèrenger II

22

. Ce fut

Robert de Volpiano qui reègla avec l'empereur Otton les conditions de la paix. Durant le sieége, son eèpouse, qui l'avait suivi aé San Giulio, donna naissance aé Guillaume. Le comte de Volpiano,

tirant

parti

de

son

ascendance

aleè manique,

n'heèsita

pas



demander



l'empereur Otton et aé l'impeèratrice Adeèla|ëde d'eêtre les parrain et marraine du nouveauneè : û [L'empereur] acceptant treés volontiers, [...] prit le garc°on dans ses bras, et lui donna le nom de Guillaume. Puis son eèpouse le tint sur les fonts baptismaux ý l'empereur Otton I

er

23

. Selon la Vita,

aurait donc eèteè le parrain de Guillaume et aé l'origine de son nom.

Selon Bulst, le choix de ce nom est loin d'eêtre fortuit ; il refleéte probablement le lien avec l'empereur, dont le fils, l'archeveêque de Mayence, s'appelait Guillaume (fig. 35)

24

.

Neèanmoins, en raison de la politique de sa famille en Italie, on s'est parfois demandeè si Guillaume n'avait pas eèteè pas un adversaire des Ottoniens. S'il faut en croire Raoul Glaber, il n'aurait jamais conspireè contre eux : Beaucoup d'hommes, meê me nobles [...], contamineè s par les paroles empoisonneè es de personnes diaboliques, voulaient dire des choses meè chantes contre lui ou fomenter des disputes comme moyen de vengeance [...] on a dit de lui aé l'empereur Henri que, en le deè nigrant et le jugeant meèprisable, il avait favoriseè le parti d'Arduin (marquis d'Ivreè e) qui s'eètait empareè du royaume d'Italie, et l'avait freè quemment soutenu du mieux qu'il le pouvait. C'est pour cette raison, mais aé tort, qu'[Henri] avait eè teè en coleére contre l'homme de Dieu. Deé s que Guillaume apprit cela, il alla avec sagesse vers lui pour expliquer la veè riteè aé ce sujet afin de se disculper

Selon

25

.

Bulst,

û il

semble

avoir

gardeè

une

certaine

neutraliteè

dans

les

conflits

de

son

temps. Ainsi, il reèussit, malgreè sa parenteè avec l'anti-roi d'Italie Arduin, aé s'assurer de la protection des rois et empereurs allemands pour sa fondation de Fruttuaria en Italie du Nord ý

26

.

(21) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 256-57. (22) A. Rauwel, û Une reèforme monastique au

xi

e

sieécle : Guillaume de Dijon ý, Bulletin de l'Association du

Vieux-Dijon 28 (2000) : (13-16) p. 13. (23) Rodulfus Glaber, Vita, p. 256 : Quod ille libentissime annuens [...] ac propria puerum sustulit dextera eique nomen indidit Willelmum. Quem scilicet postmodum regina, coniux illius, ex sacro fonte suscepit baptismatis. (24) Bulst, û Guillaume ý, p. 20. (25) Rodulfus Glaber, Vita, p. 282 : quod multi tum etiam nobiles uenenatis infecti uerbis malorum, dum aduersus illum contumeliarum uerba dicenda concepissent seu iurgia ultionis uice referenda, ut ad conspectum illius uentum fuisset [...]. Henrico siquidem imperatori de eo suggestum fuerat quod illi derogans illumque contemnendum adiudicans, Arduini quoque parti, qui sibi Italie˜ regnum pre˜ripuerat, faueret illumque pro posse defensitaret. Ex hoc quippe uiro Dei quanuis ab re iratus fuerat. Ille uero, ut comperit, prudenter ad illum pergens rei ueritatem sese purgando pandit atque, si quid erat odii, a corde illius detersit. (26) N. Bulst, û La filiation de Saint-Beè nigne de Dijon au temps de l'abbeè Guillaume ý, dans Naissance et fonctionnement des reè seaux monastiques et canoniaux : Actes du premier colloque international du centre europeè en de recherches sur les congreègations et ordres religieux, Saint-Etienne, 16-18 septembre 1985, (Universiteè Jean

78

9

les baêtisseurs Raoul Glaber deècrit eègalement la formation monastique de Guillaume. Dans la Vita, il è glise eètait preèdeètermineè deés avant sa naisindique que l'avenir de Guillaume au sein de l'E sance : û Une nuit ý, racontait sa meé re, inquieé te, û je reêvais que j'eètais veê tue d'une dalmatique, et aussitoêt un rayon de lumieé re eèclaira mon sein droit. Laé -dessus, certains eê tres apparurent ayant l'apparence d'anges et, ayant pris mon fils hors de moi, ils porteé rent treés haut ce petit enfant tout aureèoleè d'une grande lumieére. Regardant cela, compleé tement terrifieè e par la peur, je ne trouvais rien d'autre aé dire sinon : `Sainte Meé re de Dieu sauveur, je te le remets, prends soin de lui' ý

27

.

En remettant son fils Guillaume aé è glise l'ordre monastique de l'E

28

la Vierge, Perinza le consacre deés sa naissance aé

. Ce reêve, dans lequel la Vierge joue un roêle essentiel, pour-

rait eèventuellement se rapporter aé la deèvotion de Guillaume pour la Vierge et aé ses compositions liturgiques mariales ulteèrieures, ainsi qu'au dessin de la rotonde ; en effet, comme nous le verrons, celle-ci a le sens d'Ecclesia et met l'accent sur la lumieére divine. Raoul

s'attache

ensuite



la

description

de

l'eètape

suivante

de

la

formation

de

Guillaume : û Alors qu'il avait environ sept ans, on l'emmena dans le monasteé re surnommeè Lucedio

(Luciacum),

Michel ý

29

consacreè

en

l'honneur

de

sainte

Marie

et

du

saint

archange

. Guillaume appara|êt de nouveau en relation avec une eè glise deèdieèe aé la Vierge,

é Lucedio, puis aé Pavie, Guillaume apprit dans laquelle Michel est eègalement honoreè. A û toutes les reégles de l'art grammatical ; il fut meême fait le gardien fideéle de l'office divin et de la principale eècole de ce lieu ý Lucedio

31

30

. Cependant, tout ne semble pas s'eêtre passeè au mieux aé

. Toujours selon Raoul, la discipline s'eè tant assouplie, il lui fut permis d'entre-

Monnet, Saint-Etienne, 1991), (pp. 33-41) p. 38 ; P. A. Mariaux, Warmond d'Ivreèe et ses images : politique et creè ation iconographique autour de l'an mil, Seèrie 28 Histoire de l'art, t. 388 (Bern, 2002), pp. 22, 30-35. En 997, les hommes de main d'Arduin tueront l'eè veêque Pierre de Vercelli et bruê leront son cadavre dans l'incendie de son eèglise. Au synode pascal de 999 aé Rome, preèsideè par Sylvestre II et Otton III, Arduin est deè clareè hostis publicus et ses biens confisqueès sont redistribueè s aé l'eèveêcheè de Vercelli. Selon Rodulfus Glaber, Vita, pp. 260-61, l'abbeè Guillaume s'opposa lui aussi aé l'eèveêque de Vercelli ; il laisse sous-entendre que l'abbeè le soupc°onnait de simonie. J. Richard, û Guillaume de Volpiano, un abbeè reèformateur ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, eèd. M. Jannet et C. Sapin, Actes du colloque Guillaume de Volpiano (Dijon, 1996), (pp. 31-33) p. 33 n. 6 soutient qu'Arduin profita de la mort d'Otton III pour se proclamer roi d'Italie, revendiquant ainsi l'heèritage de son grand-peé re Beèrenger II et de son peé re Adalbert ; il eè tait le freére d'Otte-Guillaume et donc un parent de l'abbeè Guillaume. Arduin, qui avait revendiqueè le troêne italien contre Henri II, eè tait preè sent aé la conseècration de l'abbatiale de Guillaume aé Fruttuaria en 1003 et y mourut moine en 1015. (27) Rodulfus Glaber, Vita, p. 258 : û Videbam me ý inquiens û nocte quadam dalmatica ueste indutam, statimque solis radius illustrabat michi mammillam dexteram. Dehinc uero apparuere quidam, uultus gerentes angelicos, ipsique filium meum michi abstrahentes altius efferebant eundem infantulum nimia claritate circumfusum. Ego quoque he˜ c intuens, pauore perterrita nil aliud quid dicerem repperiebam nisi tantum : 'Sancta mater Domini Saluatoris, tibi committo custodi illum' ý. (28) Ibid., p. 213. Voir infra, p. 235, pour l'interpreètation de cette vision comme une reè feèrence aé l'Ecclesia. (29) Rodulfus Glaber, Vita, p. 258 n. 2 : Duxerunt autem illum, cum esset fere septennis, ad monasterium sancte Marie sanctique archangeli Michaelis in honore sacratum, cognomento Luciacum. Ainsi, il eètait oblat aé l'abbaye beèneèdictine San Michele de Lucedio au dioceé se de Verceil. (30) Ibid., pp. 260-61 : artis grammatice˜ pleniter didicerat. Constituitur etenim diuini officii assiduus custos ac scole˜ capitalis illius loci. (31) Rauwel, û Une reè forme ý, p. 13. Pour Alain Rauwel la cause en eè tait le û caracteére indubitablement rigide et cassant de Guillaume. Mieux doueè et de meilleure extraction que la plupart de ses freé res et le sachant,

9

79

chapitre 2 prendre un voyage de prieére et de peélerinage, aé travers les plus hauts sommets des Alpes, vers l'abbaye de San Michele sur le mont Pirchiriano

32

. Plus tard, en route vers Rome, il

fit un peélerinage aé Sant'Angelo sur Monte Gargano. Selon la chronique, û la sixieé me anneèe de son ordination, l'abbeè Guillaume alla aé Rome au seuil des apoêtres, demandant leur appui par ses prieéres zeèleèes, et de laé aé Sant'Angelo, il fit l'ascension du Monte Gargano. Preés de Benevento, [...] une certaine nuit, entra|ê neè par l'esprit il se preèsente devant le tribunal avec la crainte des jugements de celui-ci : laé , alors qu'on lui reprochait certains exceés, en particulier, une seèveèriteè indiscreéte, et qu'il craignait d'eêtre condamneè aux supplices eèternels de l'enfer pour ses fautes [...] ý

33

. Ainsi, deés sa jeunesse, Guillaume semble se

distinguer par la rigueur exceptionnelle avec laquelle il observe la reé gle beèneèdictine. En outre, saint Michel est aé plusieurs reprises mis en relief dans le reè cit de cette peèriode de sa vie. Or, aé Dijon, la chapelle Saint-Michel occupera le sommet de la rotonde deè dieèe aé sainte Marie. En 987, vers l'aêge de vingt-cinq ans, Guillaume suivit Mayeul (abbeè de Cluny de 938 aé 994) et quitta l'Italie pour Cluny. Bien que n'ayant pas encore atteint son apogeè e, l'abbaye se trouvait alors dans une phase ascendante, Mayeul eè tant alors un des premiers è glise latine personnages de l'E

34

. Selon Raoul Glaber, aé Cluny, û Mayeul, l'homme de

Dieu, avait avec Guillaume de treés freèquentes conversations priveèes concernant ces choses qui sont neècessaires pour un vrai salut. Apreés que Guillaume eut passeè plus ou moins une anneèe compleéte en ce lieu, il y eètait consideèreè comme admirable, respectable et digne d'eêtre imiteè par les meilleurs ý

35

. Ce serait û Brun, de veèneèrable meèmoire, eèveêque de Lan-

gres, qui [aurait suggeèreè] aé Mayeul que Guillaume prenne en charge le monasteé re de Saint-Beènigne, [...] pour restaurer l'ordre du culte divin ý [Guillaume] au prieureè

36

. Mayeul fit donc revenir

clunisien de Saint-Saturnin (Pont-Saint-Esprit) sur le Rhoê ne.

L'eèveêque Brun l'appela en 989

37

.

La chronique et Raoul Glaber relate, qu'afin de reè former l'abbaye de Saint-Beènigne, Mayeul y envoya Guillaume et des moines de Cluny le 24 novembre 989. Selon la chro-

attacheè par ailleurs aé une observation minutieuse, voire scrupuleuse, de la Reé gle beèneèdictine, le jeune moine ne se fit pas appreècier ý. (32) Rodulfus Glaber, Vita, p. 262. (33) Chronique, pp. 136-37 : Anno sexto sue ordinationis Willelmus Abbas Romam perrexit ad Apostolorum limina, eorum patrocinia exposcens prece devota, indeque ad sanctum Angelum montem petivit Garganum. Sed Beneventum [...] quadam nocte raptus in spiritu tribunali metuendi iudiciis sistitur : ubi cum pro aliquibus increparetur excessibus, et maxime pro indiscreta severitate, pro his culpis metueret damnari eternis gehenne suppliciis [...]. (34) Rauwel, û Une reè forme monastique ý, pp. 13-14. En 973, Otton II a proposeè aé Mayeul la papauteè, alors controêleèe par l'empereur. (35)

Rodulfus Glaber, Vita, p. 266 : Nam et isdem uir Dei Maiolus peculiare frequentius cum eodem Willelmo de his

que˜ uere˜ salutis sunt exercebat colloquium. Iamque expleto in eodem loco plus minus anno integro cunctis admirabilis uenerabilisque necnon honestioribus imitabilis habebatur. (36) Ibid., p. 268 : Memorabili igitur Maiolo sub eodem tempore suggestum est a Brunone, uenerande˜ memorie˜ Lingonis pontifice, ut monasterium egregii martyris Benigni, [...] ad redintegrandum diuini cultus ordinem [...]. (37) Bulst, Untersuchungen, pp. 35-36, 271 ; idem, û Guillaume ý, p. 21.

80

9

les baêtisseurs nique, Mayeul lui donna douze moines : û choisis parmi toute la communauteè , formeès aé la discipline de la sainte religion, instruits dans le savoir divin et humain, et illustres pour leur noblesse selon la chair ý

38

. Certains pourraient douter de la validiteè du nombre douze,

trop symbolique pour eêtre entieérement creèdible mais Raoul semble confirmer les autres informations : û Le seigneur Guillaume vint donc au monasteé re qu'il devait recevoir et gouverner, et avec lui furent envoyeès par saint Mayeul un certain nombre des meilleurs parmi les freéres de Cluny [...] ý

39

.

De plus, leur arriveèe est deècrite par la chronique comme un acte symbolique : û alors que les moines, avec les clercs qui leur eètaient soumis, chantaient l'office nocturne dans la crypte, devant le seèpulcre du martyr souvent mentionneè, ils [les nouveaux venus] commenceérent la messe dans le chÝur du haut, devant l'autel principal de saint Maurice. C'eè tait laé un comportement convenable que ceux qui venaient montrer la lumieé re de la vie religieuse, aient fait leur entreèe alors que le jour allait se lever ý

40

. Ici encore, comme dans la

rotonde, l'accent est mis sur la lumieére. Selon Iogna-Prat, nous sommes en preèsence d'une mystique de la lumieére, lieèe aé l'action reèformatrice des clunisiens venus pour exalter la lumieére de la vie religieuse (lumen religionis ostendere)

41

.

Guillaume est ordonneè preêtre et abbeè de Saint-Beènigne en 990, et il aurait gouverneè l'abbaye

jusqu'aé

Guillaume

sa

reèforma

mort

en

l'abbaye

1031

42

.

Bien

Saint-Beènigne

qu'elle selon

demeuraêt

les

indeèpendante

coutumes

de

clunisiennes,

et

Cluny, Raoul

Glaber l'inscrit dans la geèneèalogie clunisienne : û A partir de ce moment, [...] Guillaume se montra un initiateur de ladite institution plus entreprenant et plus efficace que tous ses preè deècesseurs ý

43

. Deècrivant la reèforme opeèreèe par Guillaume aé Saint-Saturnin sur le Rhoêne

un an avant son arriveèe aé Dijon, Raoul nous apprend qu'il y avait instaureè la manieére clunisienne de prier et de psalmodier. Le meême processus aurait eu lieu aé Dijon

44

. Il ajoute

que Guillaume eètait û avec un nectar d'une douceur ceèleste, formeè dans l'art de la musique et se conformant aé la norme, en corrigeant et en amendant tout ce qui eè tait psalmodieè au chÝur par les siens, de jour comme de nuit, aussi bien pour les antiennes que pour les

(38) Chronique, p. 130 : duodecim monachos ex omni congregatione electos, disciplinis sancte religionis instructos, divina et humana sapientia doctos, nobilitate carnali claros. (39) Rodulfus Glaber, Vita, p. 268 : Veniens igitur domnus Willelmus ad sibi destinatum suscipiendi ac regendi gratia monasterium, missis cum eo a sancto Maiolo quibusdam ex honestioribus Cluniaci fratribus [...]. (40) Chronique, p. 130 : monachis cum sibi subiectis clericis ante sepulcrum sepefati Martiris in cripta nocturnale officium peragentibus, ipsi in superiori choro ante principale sancti Mauricii altare matutinalem inciperent sinaxim. Quod utique convenienter actum est, ut qui lumen religionis ostendere veniebant, intrarent luce die appropinquante ; Bulst, û Guillaume ý, p. 21 ; idem, Untersuchungen, p. 36. (41) Iogna-Prat, Agni, p. 146. (42) Chronique, pp. 131, 178 ; Rodulfus Glaber, Vita, pp. 298-99 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 21. Guillaume eètait dans sa 70

e

anneèe lorsqu'il mourut le 1

er

janvier 1031 au monasteé re de Feè camp, oué il fut enterreè dans la

chapelle de la Triniteè . (43)

Bulst, Untersuchungen, p. 35 ; idem, û Guillaume ý, p. 21 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 174-75 : Willemus

[...] pre omnibus exinde precedentibus prescripte˜ institutionis laboriosior ac spermologius fructifica[n]tior est repertus. (44) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 166-67.

9

81

chapitre 2 reèpons et pour les hymnes, il [le] redressa avec une telle rigueur qu'on ne trouvait personne è glise romaine qui psalmodiait de manieére plus correcte et plus seèante. Toutedans toute l'E fois, se distinguant de tous les autres, il embellit le chant des psaumes d'une meè lodie treés douce ý

45

.

Le reècit d'un incident rapporteè par Hugues de Flavigny en 1027 qui se produisit pendant une tenue du chapitre aé Saint-Beènigne au cours duquel Guillaume entonna l'antienne pour le mandatum : û Oué il y a la chariteè et l'amour, laé se trouve Dieu ý (Ubi charitas et amor, deus ibi est)

46

teèmoigne du sens de la rigueur qu'il transmit aux monasteé res qu'il reèforma et, curieu-

sement, de son recours aé des antiennes liturgiques jusque dans des moments d'exaspeè ration : On ne saurait taire un comportement digne de meè moire de Guillaume, qui faissait plus que la reé gle. Alors qu'il [eè tait] aé Fruttuaria [...], ayant entendu dire que tout eè tait rempli [les reè serves eètaient bien garnies] et qu'il n'y avait pas d'indigence qui ne puê t eêtre facilement corrigeè e, il pose des questions aé propos de l'aumoê ne, [...]. Enflammeè du zeéle qui deèvore la chair des saints, apreés leur avoir reprocheè leur dureteè, se dressant, il se leva preè cipitemment de son sieé ge en laissant eèclater l'indigation de son aê me, et, apreés avoir entonneè l'antienne du mandatum : û Oué est la chariteè ? ý, sans aller plus loin mais en reè peètant toujours son deèbut, il se dirige vers le cellier, et se saisissant de l'arme qu'on trouve aux mains d'un autre Phineè as, tout en reprenant toujours de bouche et de cÝur : û Oué est la chariteè ? ý, il brisa les vases dans lesquels le bleè, l'orge et le vin eè taient conserveè s, et, apreés avoir fait venir les pauvres, il remplit leurs petits reècipients, en proclamant toujours de cÝur et de bouche : û Oué est la chariteè ? ý, et en le montrant par son action. C'est avec peine qu'ils reè ussirent aé changer l'indignation de son esprit avant qu'il n'ait deè penseè ce qui avait eèteè accumuleè, alors qu'il continuait de reè peèter : û Oué est la chariteè ? ý, et qu'il leur reprochait d'eê tre gros, bien engraisseè s et plantureux. Et il ne s'arreêta pas avant que tout ce qui avait eè teè mis en reèserve ait eèteè donneè aux pauvres

47

.

(45) Ibid., p. 288 : Cum superne˜ dulcedinis nectare, artifiicalis etiam musice˜ perdoctus ac comptus dogmate, quicquid in psallendo choris suorum psallebatur die ac nocte˜ , tam in antiphonis quam in responsoriis uel ymnis, corrigendo et emendando ad tantam direxit rectitudinem ut nullis decentius ac rectius psallere contingat in tota e˜ cclesia Romana. Psalmorum nichilominus concentum dulcissimo ultra omnes distinguens decorauit melodimate. (46) J. D. Brady, û Critical Edition of the Earliest Monastic Customary of Saint-Beè nigne of Dijon (Paris, Bibliotheé que nationale, ms. lat. 4339) ý, theé se de doctorat Harvard University, Cambridge, 1972, pp. 90 ê ge latin (Paris, 1932), p. 29 cite ce texte et menn. 14 ; A. Wilmart, Auteurs spirituels et textes deè vots du Moyen A tionne que la diffusion de l'antienne en France est attribueè e, parmi d'autres, aé Saint-Beè nigne. (47)

Brady, û Critical Edition ý, pp. 27-29, 36 a traduit en anglais cette partie de la chronique de 1027 de

Hugues de Flavigny ; Hugues de Flavigny, La Chronique de Verdun, PL 154 : (17-433) col. 255C-256A : nec debet reticeri Willelmi Supra regulae factum memorabile. Cum a Fructuariensi coenobio [...] ut audivit, omnia esse plena, nullumque locum indigentiae qui non posset levi obice obstrui, interrogat de elemosina, cognovitque [...] zelo succensus eo qui carnes sanctorum exedit, increpata eorum duricia, a sede concitus cum bona indignati animi stomachatione surrexit, et imposita antiphona de mandato : Ubi est caritas ? non ultra progrediens, sed hoc ejus inicium semper repetens, ad cellarium venit, et missile quodlibet, quod manibus Finees alterius occurrit, arripiens, cum in ore et animo ejus semper versaretur : Ubi est caritas ? vasa, in quibus frumentum, ordeum et vinum servabatur, disrupit, et accitis pauperibus vascula eorum inplevit, illud semper corde et ore depromens : Ubi est caritas ? et operis exibitione contestans. Cujus animi indignationem vix adjuvando, ut quod aggregatum erat expenderetur, mitigare potuerunt, cum Ubi est caritas ? semper repeteretur, et ipsi incrassati, inpinguati, dilatati exprobrarentur. Nec antea cessatum est, donec omne illud repositum pauperibus donatum est [...]. Selon Brady, la reè feèrence d'Hugues de Flavigny aé Phineas provient probablement de 1 Rois 2, 34-36 : û On ne doit pas taire [...] tout ce qui, de cette reèserve, a eèteè donneè aux pauvres [...] ý (Nec debet reticeri [...] omne illud repositum pauperibus donatum est [...]).

82

9

les baêtisseurs Selon Bulst, Guillaume eètait donc connu sous le nom de Supra regula ; il eètait û plus seèveére envers lui-meême º et parfois aussi envers les autres º que la reégle ne le demandait ý

48

. De

plus, selon Raoul Glaber, au monasteére de Feècamp, Guillaume, voyant que parmi les habitants, non seulement de cet endroit, mais dans la province entieé re et aussi dans toute la Gaule, la connaissance de la lecture et du chant des psaumes avait consideè rablement deèclineè et eètait en voie d'extinction, speè cialement chez les la|ë cs [le bas peuple], il fonda des eè coles du saint ministeé re pour les clercs, et les freé res formeès par cet office [eètablissement] devaient eê tre en permanence au service de l'amour de Dieu. Laé bien su ê r, le beèneèfice de l'enseignement eè tait accordeè gratuitement aé tous ceux qui convergeaient vers les monasteé res chargeès de cette mission ; aucun de ceux qui aspiraient aé cela ne devait en eê tre priveè, mais plutoêt un exemple d'une chariteè uniforme devait eê tre donneè, pour les esclaves et les hommes libres, les riches et les pauvres

49

.

é l'arriveèe de Guillaume, Saint-Beènigne comptait un petit nombre de moines (peutA eêtre treize, y compris les petits oblats), mais en 1016, leur nombre eè tait passeè aé environ quatre-vingt

50

. La chronique nous apprend que des ma|êtres expeèrimenteès dans diffeèrentes

techniques auraient suivi Guillaume depuis l'Italie jusqu'aé Saint-Beènigne : û Nombreux furent ceux de sa patrie, l'Italie, qui se mirent aé venir vers lui. Certains connaissaient bien les lettres, d'autres eètaient devenus ma|êtres dans diffeèrents arts, d'autres avaient la science de l'agriculture. Leur art et leur ingeèniositeè furent treés utiles aé cet endroit. Chaque jour, augmentait le nombre des moines sous sa direction, de sorte que, sans compter ceux qui eètaient dans d'autres monasteéres, il y avait chaque jour dans cette communauteè soixantedix ou quatre-vingts freéres. ý

51

. La chronique mentionne les noms de la geèneèration des

nombreux jeunes disciples qui poursuivirent l'Ýuvre de Guillaume, la plupart disposant de connaissances litteèraires approfondies

52

.

C'est apreés avoir pratiqueè la liturgie clunisienne aé Dijon durant dix ans que Guillaume aurait conc°u l'eèglise et sa rotonde comme un cadre pour cette liturgie. Comme nous l'avons vu, Raoul Glaber attribue l'eèdifice aé son ingeèniositeè

53

. Le chroniqueur de Saint-

Beènigne, qui connaissait son reècit, fournit des informations plus preè cises sur le roêle de

(48) Bulst, û Guillaume ý, p. 24. (49) Rodulfus Glaber, Vita, p. 272 : Interea cernens uigilantissimus pater quoniam non solum illo in loco sed etiam per totam prouinciam illam necnon per totam Galliam in plebeiis maxime scientiam legendi ac psallendi deficere et annullari, clericis instituit scolas sacri ministerii, quibus pro Dei amore assidui instarent fratres huius officii docti, ubi siquidem gratis largiretur cunctis doctrine˜ beneficium ad coenobia sibi commissa confluentibus, nullusque qui ad hoc uellet procedere prohiberetur quin potius tam seruis quam liberis, diuitibus cum egenis uniforme caritatis impenderetur documentum . (50) Chronique, p. 138 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 20 ; Rauwel, û Une reè forme ý, p. 14. (51) Chronique, pp. 137-38 : Ceperunt denique ex sua patria, hoc est Italia, multi ad eum convenire. Aliqui litteris bene eruditi, alii diversorum operum magisterio docti, alii agriculture scientia prediti. Quorum ars et ingenium huic loco profuit plurimum. Crescebat ergo quotidie multitudo monachorum sub eius magisterio degentium, ut exceptis his qui per alia erant monasteria in hac congregatione quotidie fratres essent septuaginta, aut octoginta [...]. (52) Ibid., pp. 158-59, 177 (Jeannelinus), p. 169 (Suppo d'Italie), p. 169 (Hunaldus de Bourgogne). Selon Rauwel, û Une reèforme ý, p. 16, û plus que par ses talents personnels, Guillaume a brilleè par sa clairvoyance dans le choix de ses disciples et successeurs ý. (53) Supra, p. 41 ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 274 : Ilicoque summo mentis ingenio coepit ipsius aecclesie˜ reformande˜ mirificum construere apparatum.

9

83

chapitre 2 Guillaume : û le seigneur [...] et le reèveèrend abbeè, en engageant des ma|êtres et en ordonnant l'Ýuvre lui-meême, construisirent aé la sueur de leur front un temple digne du culte divin ý

54

.

Les talents reconnus de Guillaume pour la composition musicale ne sont peut-eê tre pas sans rapport avec ses compeètences dans la conception architecturale. Nous savons que Vitruve (connu depuis l'eèpoque de Charlemagne) en exige pour son architecte ideè al une connaissance de la musique en relation de l'acoustique

55

é cette eèpoque, un moine citeè . A

pour sa speècialisation dans un domaine particulier eètait le plus souvent compeètent dans plusieurs domaines, aé l'instar de l'abbeè Halinard qui succeèda aé Guillaume aé Saint-Beènigne dont la chronique nous dit que û bien qu'il soit savant dans tous les domaines, il passait le maximum de son temps sur la geèomeètrie et les sciences naturelles ý

56

. Il n'est donc pas

exclu que Guillaume ait lui-meême eèteè le concepteur de l'eèglise, bien que tout particulieérement doueè pour la musique. Il n'en reste pas moins que l'abbeè n'est pas le ma|être d'Ýuvre (magister operis) qui construit concreétement un

baêtiment

57

. D'apreés le chroniqueur

de

Saint-Beènigne, Guillaume confia au sacristain Hunaldus : û le soin de la sainte rotonde, qu'il assura avec une telle application, que presque tous les ornements qui se trouvaient dans cette basilique furent rassembleès par ses soins ý

58

. Peut-eêtre Guillaume a-t-il conc°u le

dessin de Saint-Beènigne qui fut ensuite exeècuteè, comme l'aurait fait un ma|être d'Ýuvre, par quelqu'un comme Hunaldus. Apreés avoir eèvoqueè û le reèveèrend abbeè, en engageant des ma|êtres ý, le chroniqueur de Saint-Beènigne s'eèclame les mots deèja citeès : û La forme et la finesse de cette construction reèaliseèe avec art n'ont pas eèteè inutilement expliqueèes par eècrit aé certains qui sont moins instruits, car beaucoup de choses semblent avoir eè teè reèaliseèes en elle selon un sens mystique ; elles doivent eêtre plutoêt attribueèes aé l'inspiration divine qu'aé l'habileteè d'un ma|être ý

59

.

Cette phrase preèceéde immeèdiatement la description de l'eèglise. Non seulement elle tend aé minimiser le roêle de ses concepteurs, Guillaume ou Hunaldus, mais elle met eè galement en exergue, comme l'avait fait Raoul Glaber, la complexiteè exceptionnelle de cette construction. Or nous verrons, qu'en raison de l'inteè reêt particulier qu'il portait aé la liturgie, en dessinant la rotonde comme un site pour les processions, l'abbeè Guillaume a peut-eêtre songeè en prioriteè aé satisfaire les besoins des moines.

(54) Supra, p. 75 ; Annexe I, p. 287, lignes 4-5 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 4-5. (55) Conant, Cluny, p. 77. (56) Supra, p. 35 n. 36. Chronique, p. 192 : Et quamquam omnibus eruditus esset aratibus, tamen in geometria et physica plurimum studebat. (57) Pour un discussion de ce qu'on sait du ma|ê tre de l'Ýuvre aé l'eèpoque romane voir A. Baud, Cluny, un grand chantier meè dieèval au cÝur de l'Europe (Paris, 2003), pp. 144-45. (58) Chronique, pp. 149, 169 : Denique iniunxit illi curam huius sacri periboli, quam tanta prosecutus est cura, ut pene totum quicquid fuit ornamentorum in hac basilica, eius studio sit adgregatum. La chronique fait de lui un sacristain : Waldus [Hunaldus], sacrorum Custos ; Chomton, Histoire, p. 91 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 21 ; idem, Untersuchungen, p. 237. (59) Supra, p. 27. Annexe I, p. 287, lignes 5-9 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 5-9.

84

9

les baêtisseurs Brun de Roucy, eèveêque de Langres

Brun de Roucy, le baêtisseur de Saint-Beènigne, moins bien connu aujourd'hui que Guillaume, et qui a, en tant qu'eèveêque, reèformeè l'abbaye et reconstruit son eèglise, est mentionneè aé la fois par Raoul Glaber et par la chronique. Raoul date la conseè cration de l'eèglise Saint-Beènigne par rapport aé la mort de Brun en 1016, jam Brune defuncto, peut-eêtre implicitement en raison du fait que Brun eè tait le commanditaire principal de l'eè glise, comme l'indiquent les donations pour l'abbaye

60

. Plus encore, le fait qu'il fit û [...] amener

des colonnes de marbre et de pierre ý suppose un engagement actif dans la construction de l'eèglise

61

. Enfin, son annonce neècrologique, qui stipule que : û Par la suite, il aima telle-

ment le monasteére mentionneè qu'il indiqua de toutes les manieéres que c'est laé que devait eêtre le lieu de sa seèpulture. Bien qu'il n'ait pas eèteè possible de donner suite aé ce vÝu en raison d'une circonstance adverse, cependant, apreé s son deèceés aé l'aêge de soixante ans, la trente-sixieéme anneèe de son eèpiscopat [...] ý

62

, teèmoigne de l'importance que reveêtait aé ses

yeux cette abbatiale, la principale de son dioceé se. Les circonstances hostiles qui entoureérent son deèceés, ainsi que son heèritage familial, permettent de constituer le contexte d'oué se deègagera l'interpreètation de la signification politique de l'eè glise Brun de Roucy est neè vers 956 aé Reims berge de Saxe, eètait fille d'Henri I pereur Otton I

er

er

64

63

.

. La grand-meére maternelle de Brun, Ger-

, roi d'Allemagne, et par conseèquent la sÝur de l'em-

et de Brun de Cologne (fig. 35)

65

. La meére de Brun, Aubereèe, eètait la fille

de Gerberge et de son premier mari, le duc Gilbert de Lorraine. Gerberge eè pousa en secondes noces Louis IV d'Outremer, le roi carolingien raine

furent

les

enfants

de

ce

second

mariage.

66

. Lothaire III et Charles de Lor-

Aubereè e

eètait

donc

la

demi-sÝur

de

Lothaire. On pense que le peére de Brun eètait le comte ou le vicomte Renaud de Roucy, qui posseèdaient des biens preés de Reims

67

. Ainsi, et ce point doit eêtre souligneè, Brun de

(60) Supra, p. 33 n. 23 ; Rodulfus Glaber, Vita, pp. 288-89. (61) Annexe I, p. 287, lignes 5-9 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 5-9. (62) Chartes, p. 49 n

o

259 : Denique tantum supradictum (saepedictum) monasterium dilexit, ut sepulture sue (sepulturae

suae) locum inibi omnimodis destinaret. Cujus votum quamvis, adverso casu impediente, nullo modo potuerit perduci ad effectum, tamen, postquam decessit e mundo LX etatis sue anno epicopatus autem XXXVI [...]. (63) Infra, pp. 127-36. è cole des Chartes 83 (1922) : (11(64) H. Moranville, û Origine de la Maison de Roucy ý, Bibliotheéque de l'E 42), p. 35. (65)

Ibid., p. 16 ; Bulst, Untersuchungen, p. 31 ; F. Lot, Les derniers Carolingiens (Paris, 1891), p. 115 ; Moran-

ville, û Origine ý, p. 38. (66) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 105 n. 8 ; Moranville, û Origine ý, p. 29. La meé re de Brun eè tait cousine germaine d'Hugues Capet par ses liens avec Henri I

er

, Brun eètait donc lui-meê me cousin d'Henri le

Grand. (67) C. B. Bouchard, Sword, Miter, and Cloister : Nobility and the Church in Burgundy, 980-1198 (Ithaca, 1987), p. 269 n. 39 ; Moranville, û Origine ý, pp. 17-19, 23, 41 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 105 n. 8 ; Lot, Les derniers, p. 10 n. 5 ; E. Petit, Histoire des Ducs de Bourgogne de la race capeè tienne, t. 1 (Paris, 1885), p. 71. Petit a identifieè le peére de Brun comme eè tant Renaud de Rouci, comte de Reims, proche parent du roi Louis d'Outremer et descendant de Charlemagne. Constance Bouchard conclut, quant aé elle, que le nom du peé re de Brun est inconnu ; elle pense que sa meé re a pu ne pas eê tre marieèe. Bien qu'il n'existe pas de preuve formelle de

9

85

chapitre 2 Roucy, en tant que neveu du roi carolingien Lothaire (fig. 35), eè tait un prince carolingien. Brun mentionne lui-meême cette parenteè dans les Actes du concile de Saint-Basle : û mon oncle le roi Lothaire (

avunculi mei regis Lotharii) ý

68

. Comme Lothaire, il eètait lieè aux Otto-

niens par sa grand-meére Gerberge. De surcro|êt, Brun de Roucy avait probablement eu pour parrain son homonyme, Brun, l'archeveêque de Cologne, demi-freére de Gerberge et freére d'Otton I

er 69

. Ce dernier joua un roêle essentiel dans la preèservation des liens unissant

les Carolingiens aux Ottoniens. Par l'entremise de sa sÝur Gerberge, il avait eè teè le tuteur de Lothaire pendant sa minoriteè, et avait donc gouverneè la France septentrionale

70

. En

outre, Brun de Roucy suivit aé Reims l'enseignement de Gerbert d'Aurillac, qui deviendra plus tard le pape Sylvestre II avec l'aide d'Otton III. Clerc de la catheè drale de Reims, son eèducation se fit d'abord sous l'eègide de Gerannus, mais il beèneèficia de l'enseignement de Gerbert au milieu des anneèes 970 de Gerbert

72

71

. Selon Chaume, Brun eètait l'un des meilleurs disciples

et il lui demeurera eètroitement associeè longtemps apreés avoir quitteè son eècole.

Vers 990, Brun a conseilleè et politiquement proteègeè Gerbert lors de ses diffeèrends avec Hugues Capet et dans une lettre de mai 990 Gerbert reconna|ê t la valeur de ses conseils et eèvoque la haute estime qu'il lui porte

73

. En deèpit de l'absence de documentation plus

tardive, rien ne permet de supposer qu'ils ne soient pas resteè s en contact jusqu'autour de l'an mil. Le reèseau de relations qui constituait l'environnement de Brun laisse penser que, comme Gerbert, il espeèrait l'union des pouvoirs seèculier et eccleèsiastique. En 980, Brun, alors aêgeè de vingt-quatre ans, est appeleè par Lothaire aé gouverner le dioceése de Langres, sans doute graêce aux liens familiaux qui faisait de Brun, par sa meé re, le neveu du roi carolingien et le cousin germain de son fils Louis V

74

. Son nom laisse supposer

qu'il aurait pu eêtre, deés sa naissance, destineè aé eêtre eèveêque, comme son homonyme, Brun de Cologne

75

é cette eèpoque, le parrainage ne creèe pas uniquement un lien spirituel entre . A

l'appartenance d'Ermentrude ou de Brun aé la famille de Roucy, l'hypotheé se qu'elle n'ait pas eèteè marieè e a eèteè reèfuteèe par C. Settipani, û Les origines maternelles du Comte de Bourgogne Otte-Guillaume ý, dans

Bourgogne 66

Annales de

(1994) : (5-53) pp. 10-11.

(68) Infra, p. 132 n. 105 ; C. Pfister,

Eètudes sur le Reégne de Robert le Pieux (966-1031)

(Geneéve, 1974), reèim-

è cole des Hautes E è tudes, fasc. 64, t. 1 (Paris, 1885), pp. 260-63 ; Lot, pression de Bibl. de l'E

Les derniers, p.

115.

(69) Bulst, û Guillaume ý, p. 20 n. 9. (70) Lot,

Les derniers, pp.

51-52 ; Chaume,

Les origines, p.

457. Apreés la mort de Brun de Cologne en 965, les

liens qui unissaient les Carolingiens aux Ottoniens se distendirent progressivement. [...] Toutefois, en juillet 980, il y eut un rapprochement de Lothaire avec Otton II. (71) J. Glenn,

Politics and History in the Tenth Century

(Cambridge, 2004), p. 66 ; Moranville, û Origine ý,

pp. 17 n. 17, et 35 n. 12. Il semble que Brun ait reè tabli des eècoles dans son dioceése, prenant lui-meê me le soin d'instruire ses clercs dans les lettres, aussi bien profanes que sacreè es. Pour Reims voir S. Jaeger,

Angels (Philadelphia, 1994), pp. 52-56. (72) Chaume, Les origines, p. 468. (73) Gerbert d'Aurillac, Correspondance Lettres 130 aé 220,

The Envy of

t. 2, eèd. et trad. P. Richeè et J. P. Callu, dans Les

Classiques de l'histoire de France au Moyen aê ge (Paris, 1993), p. 427, lettre 171. (74)

Chronique,

p. 128 ; Lot,

Les derniers,

115 note que Brun a eèteè chanoine de la catheè drale de Reims avant

de devenir eèveêque de Langres en 981. (75) Lot,

suchungen, p.

86

9

Les derniers,

31.

p. 115 ; Moranville, û Origine ý, p. 38 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 20 ; idem,

Unter-

les baêtisseurs le parrain et le filleul, mais est eègalement, selon le droit canonique, l'eèquivalent d'un lien de parenteè Les

.

parrains

d'Otton I Brun,

76

er

de

Brun

et

de

l'abbeè

Guillaume

appartenaient

donc



la

famille

. De plus, Guillaume eètait un proche parent de Brun : Ermentrude, la sÝur de

avait

eèpouseè

Guillaume (fig. 35)

Otte-Guillaume, 77

le

fils

d'Adalbert

d'Ivreè e,

freére

de

la

meére

de

. L'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun eètaient donc parents par le

mariage et par le parrainage. Cette histoire familiale complexe des baê tisseurs de SaintBeènigne, sert de toile de fond historique aé cet ouvrage. En effet, ces liens familiaux peuvent expliquer en partie que Brun ait choisi Guillaume comme abbeè de Saint-Beènigne. Il faut se souvenir que, selon Bulst, û la rencontre entre Guillaume et Mayeul n'euê t peut-eêtre pas lieu par hasard ; on peut deèjaé y voir un plan de ses proches parents qui aboutira aé l'abbatiat de Saint-Beènigne ý

78

.

Deés lors que l'on consideére que la conception de Saint-Beènigne reèsulte d'une collaboration entre Guillaume et Brun, le teèmoignage de Raoul Glaber selon lequel il existait d'eètroites relations entre l'abbeè et l'eèveêque acquiert toute son importance : Guillaume s'eètait engageè vis-aé-vis de Brun aé eêtre son û avocat et gardien, aide et consolateur en toutes choses ý, avait promis û [qu'il] obeèirait aé son avis avec une observance sans taêche, [et] l'aimerait plus que cela semble croyable ý relations ait jamais changeèe

80

79

. Il n'existe aucune preuve que la nature de ces

. Apreés Saint-Beènigne, Brun chargea Guillaume de la reè forme

d'autres monasteéres de son dioceése

81

. Bien que Guillaume ait institueè des coutumes cluni-

siennes, sa reèforme eètait indeèpendante de Cluny et lieèe au pouvoir seèculier de ses proches parents, et en premier lieu de Brun, eèveêque de Saint-Beènigne

82

.

Le reètablissement du temporel monastique par Brun a permis la reconstruction de l'eèglise, et la restauration de Saint-Beènigne par Brun repose sur son pouvoir dans la grande è glise tout comme son reèseau feèodal en Bourgogne. Graêce aé la chronique de Saint-Beènigne, E nous connaissons, deés sa nomination aé Langres en 980, l'action pastorale de Brun aé SaintBeènigne, qui eètait alors, selon la chronique, dans une phase difficile : û Apreé s avoir obtenu l'eèpiscopat, celui-ci s'efforc°a de suivre l'exemple du bon Pasteur autant qu'il le put. Constatant dans l'exercice de sa taêche [gubernatione considerans] que la vie religieuse avait presque disparu pour ce qui eètait du spirituel, ainsi que ce qui eètait neècessaire pour ce qui eètait du

(76) Bulst, û Guillaume ý, p. 20 n. 9. (77) Rodulfus

Glaber, Historiarum,

p. 105 ;

idem,

Vita,

pp. 268-69 ;

France

û Introduction ý,

p.

lxxiii-

lxxiv ; Bulst, Untersuchungen, p. 24 ; idem, û Guillaume ý, p. 21 ; Richard, û Guillaume ý, p. 31. (78) Bulst, û Guillaume ý, p. 21 ; idem, Untersuchungen, pp. 27-29. (79) Rodulfus Glaber, Vita, p. 268 : illi more dulcissimi patris aduocatus et custos, adiutor et consolator in omnibus esset. Qui integerrima obseruatione monitui eius obaudiens, ultra quam credi potuit illum in uita dilexit. (80) Rien n'indique que Guillaume se soit eè loigneè de Brun aé partir de 1006, comme le suggeé re J.-V. Jourd'heuil, û La mort et la seè pulture de Brun de Roucy, eèveêque de Langres (980-1016) ý, Cahiers HautMarnais. Autour de Langres meè dieèval 232-233 (2003) : (3-31) p. 18. (81) Infra, p. 95. (82) Jourd'heuil,

û La

mort ý,

p. 22 ;

Bulst,

Untersuchungen,

pp. 75-76 ;

Rodulfus

Glaber,

Historiarum,

pp. 105, 129

9

87

chapitre 2 temporel, il se mit aé chercher comment, par la volonteè de Dieu, il pourrait les reètablir dans leur eètat ý

83

. La chronique ajoute :

Alors que l'application aé la vie religieuse augmentait aé l'inteè rieur, il se mit aé regorger d'un surcro|êt de biens exteèrieurs [...]. Car le seigneur eè veê que Brun, se reèjouissant en son cÝur de leur bon comportement, voyait par tous les moyens aé leur assurer le neè cessaire [...]. Bien qu'ils aient eèteè eèdifieès par l'application et le travail des moines, toutefois cela se faisait aé l'exhortation de l'eèveê que Brun. Faisant partout enqueête sur ce qui leur avait eè teè enleveè, il le leur restituait, et il leur accordait volontiers en vertu de son droit tout ce qui pourrait leur eê tre neècessaire

et

utile.

[...] Le

seigneur

eè veêque

Brun

et

le

veè neèrable

abbeè

Guillaume,

rivalisant

intenseèment en vue de la restauration de ce lieu, celui-ci se mit aé se deèvelopper et comme aé refleurir. Parmi les choses que le seigneur eè veêque Brun fit de bon pour ce lieu, il serait trop long d'eènumeèrer chacun de ses actes, mais nous pouvons dire ceci brieé vement : tout ce qui avait autrefois eèteè apporteè en ce lieu et qui, par la suite avait eè teè disperseè par les meèchants ou deèmembreè par les mauvais dirigeants fut restitueè par l'eèveê que Brun [...]

84

.

L'auteur de la chronique conclut l'eènumeèration des interventions beèneèfiques de Brun par le portrait suivant : û Iªl eètait geèneèreux dans les aumoênes, assiduê aux veilles, empresseè aé la prieére, d'une chariteè parfaite, d'une extreême bienveillance, habile aé la parole et treés saint dans son comportement. Pour ceux qui manquaient de respect, il avait un aspect redoutable, il inspirait la crainte par son austeè riteè, il avait une deèmarche qui inspirait le respect et s'attirait la veèneèration par son indulgence ý

85

.

Le modeéle du pasteur ideèal utiliseè dans la conclusion du chroniqueur est typique de la peèriode et ressemble aé la description de Brun de Cologne extraite par Ruotger de la Regula è glise dans les Pastoralis de Greègoire le Grand : le devoir de l'eèveêque est de deèfendre l'E affaires seèculieéres et de l'eèlever spirituellement, et l'eèveêque est deècrit comme un infatigable guerrier du Seigneur, inteèrieurement et exteèrieurement, dans son dioceése et aé l'exteèrieur

86

.

Selon Stephen Jaeger, l'enseignement de Brun de Cologne visait particulieé rement aé former un eèveêque capable de mener des û batailles civiles ý au nom de l'eè glise : civiliter militaturus

87

.

(83) Chronique, p. 129 : Is assecutus Episcopatum, omni quo potuit nisu sequi studuit exemplum boni Pastoris. Monasteria igitur ipsius ad diocesim pertinentia in spiritualibus religione, in temporibus [sic] necessaria pene annullata, gubernatione considerans, cepit querere quatinus Dei dispensante nutu suum in statum ea quivisset reparare. Cf. Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 386. (84) Chronique, pp. 133-34, 138 : Crescente autem interius religionis studio, exterioris substantie supplementum cepit habundare non modice ; [...]. Domnus namque Episcopus Bruno nimium exhilaratus corde bona eorum conversatione, omni studio eorum usui necessaria curabat subministrare. [...] que quamvis monachorum edificarentur studio et opere, tamen Brunonis Episcopi fiebant adhortatione. Ubique ergo investigans ablata restituebat, et de suo iure quodcumque necessarium et utile eis foret, libenti animo tribuebat. Utrisque vero, domno scilicet Presule Brunone, atque venerando Abbate Willelmo, in restauratione huius loci studiose decertantibus, cepit crescere, et quasi denuo reflorere. [...] Inter cetera que Domnus Bruno Episcopus in hoc loco egit bona, longum est enim enumerare singula eius gesta, sed hoc breviter possumus dicere ; cuncta ab antiquis huic loco conlata, posteaque a malignis direpta, vel a pravis Rectoribus dispertita, a Brunone Episcopo sunt restituta [...]. Cf. Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 386 ; Chomton, Histoire, p. 91. (85) Chronique, p. 172 : Fuit itaque in eleemosinis largus, in vigiliis sedulus, in oratione devotus, in karitate perfectus, in humanitate profusus, in sermone paratus, in conversatione sanctissimus : erat irreverentibus terribilis aspectu, metuendus severitate, reverendus incessu, venerandus benignitate. Cf. Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 388. (86) Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, pp. 119, 239 n. 48. (87) Jaeger, Envy, p. 38. L'eè veêque devait combattre comme un citoyen.

88

9

les baêtisseurs Ruotger deècrit Brun de Cologne comme le refuge des indigents, un pasteur dont l'humiliteè avec l'agneau et la dureteè envers les meèchants eètaient sans eèquivalent. Selon lui, l'une de ses qualiteès les plus admirables eètait sa capaciteè aé inspirer la terreur

88

.

Le passage de la chronique affirmant que Brun eètait terrible d'aspect pour les irreèveèrencieux, fut eècrit sur le meême mode, mais il fait certainement neèanmoins reèfeèrence aé la reèaliteè : entre autres aé la deèfense de Dijon par Brun de Roucy contre Robert le Pieux pendant la guerre bourguignonne

89

. Les affiliations familiales de Brun paraissent avoir eè teè

pour lui la source de freèquents conflits susciteès par les politiques complexes de l'an mil. Elles doivent donc eêtre examineèes avant toute tentative d'explication de la signification des formes architecturales de Saint-Beènigne. Dans le cercle des eèveêques ottoniens, Brun, en tant que descendant d'Otton I

er

, a du ê beèneèficieèr d'un grand respect, et il est par ailleurs

indeèniable qu'il attachait de l'importance aux liens eè troits de parenteè qui l'unissaient aux Carolingiens, si l'on en croit les termes emphatiques avec lesquelles il eè voqua ses obligations envers la famille de Lothaire au concile de Verzy aé la fin du

x

e

sieécle. Longtemps

apreés la mort de Lothaire, il reèaffirmera aé nouveau avoir de si grandes obligations envers le roi Lothaire aé cause des û liens du sang si puissants ! ý

90

Cependant, il ne semble pas

avoir adheèreè aé une doctrine dynastique preècise pour ce qui concerne les Carolingiens ou les Capeètiens, et il a favoriseè l'eèlection d'Hugues Capet, aé l'instar d'Adalbeèron, archeveêque de Reims et de Gerbert

91

. Selon Yves Sassier,

Gerbert et Adalbeè ron semblaient ainsi consideè rer comme inheèrent aé l'existence d'un Empire la subordination des rois de la chreè tienteè º et par conseèquent du roi des Francs occidentaux º au titulaire de la fonction impeè riale. C'est par conseè quent cette politique autonome et hostile des deux derniers Carolingiens, comprise aussi, sans doute, comme une revendication de l'heè ritage dynastique, qui deè termina le soutien actif et probablement meê me l'initiative de l'archeveêque Adalbeè ron de Reims en faveur du transfert de la couronne au premier Capeè tien [...]. `Si Louis de sainte meè moire avait laisseè en mourant une progeè niture, celle-ci lui aurait leè gitimement succeè deè '. Cette phrase que Richer preê te aé Hugues Capet exprime peut-eê tre l'argument dominant dans l'entourage du nouveau roi : avec la mort de Louis V, la dynastie carolingienne a fait deèfaut, laissant la voie aé l'eèlection d'un nouveau roi, dans le plein respect de la leègitimiteè de l'ancienne race royale

92

.

(88) Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 59. (89) Supra, p. 88 n. 85. (90) Infra, p. 132 n. 105 ; Gerbert, Acta concilii Remensis ad sanctum Basolum, eèd. G. H. Pertz, MGH, Scriptores rerum Germanicarum medii aevi, t. 3 (Stuttgart, 1963), (pp. 658-86) p. 660 ; P. Richeè , Gerbert d'Aurillac, le pape de l'an mil (Paris, 1987), p. 119 ; Y. Sassier, Hugues Capet (Paris, 1987), p. 256 ; Moranville, û Origine ý, p. 29. Gerbert a reè digeè des Actes du concile de Saint-Basle qui contiennent la condamnation d'Arnoul. (91) Chaume, Les origines, p. 489. ê ge (Paris, 2002), p. 208 ; idem, Hugues Capet, pp. 180, 254. (92) Y. Sassier, Royauteè et ideèologie au Moyen-A û Deés les premiers mois de l'anneèe 985, les milieux lorrains ont peut-eê tre acquis la conviction que cette dynastie du passeè n'est plus indispensable au nouvel ordre du monde, qu'elle constitue meê me un obstacle aé la marche de la Chreètienteè vers son uniteè . Par exemple, Gerbert eè crit secreétement aé la cour impeè riale en reprochant aé l'entourage d'Otton III de n'avoir pas suffisamment rechercheè l'amitieè du duc des Francs. De meê me, la participation au complot d'Adalbeèron de Laon, qui eè tait eètroitement lieè aux milieux impeè riaux, prouverait que le soutien qu'il avait apporteè aé Hugues n'eè tait qu'une fideè liteè de circonstance qui n'entamait en rien chez lui le reêve d'un empire universel au sein duquel devait venir se fondre le royaume des Francs de l'Ouest ý. Lot,

9

89

chapitre 2 On peut penser que la position de Brun ait pu eê tre semblable aé celles de Gerbert et Adalbeèron. Ainsi sa politique en faveur des Capeè tiens en 987 deècoule peut-eêtre de son inteèreêt pour une reèforme et de son espoir en l'uniteè du monde chreètien dans un nouvel ordre mondial

93

. En outre, bien qu'il fut le neveu de Charles de Lorraine, l'absence de

vertu et de puissance de ce dernier a pu inciter Brun aé soutenir Hugues Capet

94

.

En 989, Brun sout|ênt neèanmoins son cousin le carolingien Arnoul, fils naturel de Lothaire, s'employant aé le faire nommer archeveêque de Reims par Hugues Capet

95

. Mais

plus tard, dans la meême anneèe, alors qu'Arnoul et Charles de Lorraine espeè raient le convaincre de trahir Hugues Capet, Brun refusa et fut astreint aé reèsidence au chaêteau de Roucy

96

. En 990, bien que Gerbert ait manifesteè son parti pris en faveur du Carolingien, Brun,

alors toujours en reèsidence forceèe aé Roucy, poussa celui-ci aé rejoindre le camp royal

97

.

Brun figurait parmi les eèveêques reèunis au concile de Saint-Basle de Verzy preés de Reims aé la mi-juin 991 qui avait pour mission de juger l'archeveê que Arnoul. Les eèveêques de ce concile, au titre pompeux de û concile des Gaules ý, eè taient tous ou presque originaires de France et de Bourgogne, reègions d'influence robertienne ; û le primat des Gaules ý eè tait l'archeveêque Seguin de Sens

98

. Mais en 997, au terme de cette affaire, Brun s'entremit

aupreés du roi Robert pour qu'Arnoul soit reè inteègreè dans son ancienne digniteè

99

. Ainsi,

Brun sout|ênt finalement son cousin le carolingien Arnoul ; donc, au moment de l'an mil, alors que l'on envisageait la construction d'une nouvelle eè glise aé Saint-Beènigne, Brun eètait encore clairement relieèe aé ses liens carolingiens. Brun voulait eêtre enterreè aé Saint-Beènigne. Il est donc essentiel, en arrieére-plan de l'interpreètation de la conception de l'eèglise, de prendre en compte sa famille et sa formation ideèologique. Nous reviendrons sur les origines familiales de Brun en relation avec sa politique territoriale, ainsi que sur celles de son beau-freé re, Otte-Guillaume, pendant la guerre

Les derniers,

pp. 239-42 rendait compte de manieé re similaire des changements d'alliance de Gerbert et de son

è glise : û A la fin du deèsir d'une dynastie protectrice de l'E

x

e

sieécle, les eè veêques et quelques savants clercs, les

seuls qui eussent quelque penseè e politique, ne voyaient pas dans la domination des Ottons un empire allemand, mais la continuation pure et simple de l'empire romain chreè tien fondeè par Constantin. Que l'empereur fut Saxon, peu importait. La race n'avait jamais eu la moindre influence sur le choix des empereurs. [...] Reèunir le royaume des Francs aé l'empire eè tait malaiseè pour l'instant ý. (93) Infra, p. 101. (94) Lot,

Les derniers,

p. 207 ; Fichtenau,

Lebensordnungen,

t. 1, p. 238. Richer dit du dernier roi carolingien

Louis V qu'il portait plutoê t des veêtements eètrangers que locaux et qu'il s'occupait comme un enfant avec des frivoliteè s parce qu'il n'avait personne pour l'instruire des coutumes de ses anceê tres ; on le consideè rait comme un deègeèneèreè et par son attitude, il s'excluait lui-meê me du pouvoir. (95) C. Bru« hl,

Naissance de deux peuples. Franc° ais et Allemands (ix e-xi e sieécle) (Paris,

1994), p. 256. Adalbeè ron

meurt le 23 janvier 989, et ce n'est pas Gerbert qui est alors nommeè , mais Arnulf, baê tard de Lothaire. (96) Sassier,

Hugues Capet, p.

226. En compagnie des comtes Gilbert de Roucy, Guy de Soissons, eè galement

proches parents d'Arnoul et de Charles, contrairement aé Brun, ils preê teérent serment de fideè liteè aé Charles et furent libeèreès.

Eètude sur le reégne de Hugues Capet et la fin du x e sieécle (Paris, 1903), p. 228. Hugues Capet, pp. 229, 235. Les origines, p. 489 ; Moranville û Origine ý, p. 33 ; Sassier, Hugues Capet, p. 264.

(97) Ibid., p. 228 ; F. Lot,

(98) Infra, p. 131 ; Sassier, (99) Chaume,

devint pape et reè installa le Carolingien Arnoul sur le sieé ge de Reims.

90

9

Gerbert

les baêtisseurs bourguignonne

100

. Il est possible que la collaboration entre les baê tisseurs de Saint-Beènigne,

qui occupaient des roêles importants dans le monde de l'an mil, explique pour une large part le fait que son dessin constitue une exception aé la norme. En raison des singulariteès de ses formes qui les distinguent des structures contemporaines, l'eè glise et sa rotonde peuvent eêtre interpreèteèes, aé la fois, comme un signe des traditions et de l'ideè ologie de ses baêtisseurs, et comme un cadre particulieérement adapteè pour la deèvotion monastique.

(100) Concernant le pouvoir de Brun en Bourgogne, voir infra, pp. 119-21.

9

91

3 REèFORME ET RENOVATIO a construction par l'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun d'une nouvelle eèglise pour

L

l'abbaye de Saint-Beènigne aé Dijon joua, par l'ameèlioration des conditions mateèrielles,

et donc spirituelles qu'elle entra|ênait, le roêle d'un levier dans l'instauration d'une reèforme. En outre, le plan de Saint-Beènigne, eèvoquant un aêge d'or anteèrieur, eètait en harmonie avec la philosophie aé la base de la conception meèdieèvale de la reèforme : un rejet, lieè aé l'ideèe 1

d'une deègradation par rapport au passeè, de l'actuel statu quo religieux . Les textes du moine Raoul Glaber peuvent eê tre interpreèteès comme une deèmonstration implicite de l'importance de l'eè glise de Guillaume en relation avec la reè forme monastique de l'an mil. Il commenc°a effectivement la reèdaction de son Historiarum aé Dijon, suite aé la demande de l'abbeè Guillaume d'eècrire un reècit des eèveènements qui marqueérent le milleènaire

2

: les deux premiers livres et les deux premiers chapitres du livre III ont probable3

ment eèteè eècrits aé Saint-Beènigne avant 1030 . L'Historiarum de Raoul Glaber, ainsi que sa Vita sancti Guillelmi, qui semble avoir eèteè eècrite entre 1031 et 1036 aé Cluny (peut-eêtre en meême temps que des parties du livre III de l'Historiarum), constituent donc des sources importantes pour la deèfinition du contexte culturel et des circonstances qui entoureé rent la 4

construction de Saint-Beènigne .

(1) G. Constable, û Renewal and Reform in Religious Life ý, dans Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, eèd. R. Benson et G. Constable (Cambridge, MA, 1982), (pp. 37-67) pp. 40-41. Constable a repris l'eè tude de cette ideèe de reèforme dans son ouvrage plus recent : The Reformation of the Twelfth Century (Cambridge, MA, 1996). Le premier aé la mettre en relief fut G. B. Ladner, The idea of reform : its impact on Christian thought and action in the age of the Fathers (Cambridge, MA 1959). (2) R. Landes, û The White Mantle of Churches : Millennial Dynamics, and the Written and Architectural Record ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock, International Medieval Research 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2003), (pp. 249-65) p. 251, Raoul Glaber servait de porte-parole aé Guillaume. Voir aussi idem, û Rodulfus Glaber and the Dawn of the New Millennium : Eschatology, Historiography and the Year

1000 ý,

Revue Mabillon

68 (1996) :

(57-77)

p. 72.

Malheureusement,

il

n'existe

aucune

preuve

que

Guillaume ait dicteè son texte aé Raoul, ce qui soutiendrait mon interpreè tation de la rotonde. (3) Rodulfus Glaber, Vita, p. 295 ; France, û Introduction ý, pp. xxxiii, xlv et lxxii. Pour John France, Raoul reèdigea les deux premiers livres et au moins les deux premiers chapitres du troisieé me aé Dijon entre 1016 et 1030. Selon Arnoux, û Introduction ý, p. 13, il est certain que les chapitres 1 aé 19 du livre II (f. 10-17) furent eècrits aé Dijon entre 1016 et 1030. De plus, Landes, û The White ý, p. 251 propose l'hypotheé se selon laquelle Raoul aurait aé peu preé s acheveè le livre III sous l'influence de Guillaume avant 1031 et aurait ensuite recopieè un brouillon reè viseè sur les feuilles encore existantes, dateè es comme eè tant posteèrieures aé 1036. Landes maintient que le livre III porte la marque d'une forte influence de Guillaume et de sa supervision ; Raoul n'aurait fait que le reè viser en 1036, apreé s la mort de Guillaume en 1031. Voir la note suivante. (4) France, û Introduction ý, pp. xxxiv-xxxv, xlv, et lxxi. La Vita a eèteè commenceèe et probablement eècrite aé Cluny entre 1030 et 1035 ; elle a certainement eè teè acheveè e avant le livre IV des Histoires dans lequel Raoul fait reè feèrence aé la Vita comme aé un travail termineè. M. Arnoux, û Introduction ý, pp. 11, 13 et 14 n. 19. Arnoux note que la dureè e de son seè jour aé Cluny n'est gueére facile aé eètablir. Il y eè tait durant la grande

9

93

chapitre 3 La reèforme de Saint-Beènigne

Le verbe utiliseè par Raoul Glaber pour qualifier la reèforme de Guillaume est regenerare qui signifie geèneèrer de nouveau ou reègeèneèrer spirituellement

5

: û A chaque fois qu'un mo-

nasteére perdait son pasteur, il eètait forceè tant par les rois et les comtes que par les eèveêques, 6

aé en prendre la charge et le reèformer [...] ý . Cette phrase exprime clairement le reètablissement d'un mode de vie û pur ý, avec la coopeèration des eèveêques et des chefs seèculiers. Si l'on en croit son chroniqueur du

xi

e

sieécle, apreés les invasions viking et magyare, Saint7

Beènigne se trouvait dans une û situation douteuse ý (ambiguo positu) . Le

x

e

sieécle avait eèteè

marqueè par des pertes seèrieuses, tant sur le plan des biens mateèriels que de la pratique reli8

gieuse . En 988, Brun de Roucy, eèveêque de Langres et ordinaire du lieu, deèposa l'abbeè de Saint-Beènigne, l'incompeètent Manasseés, et nomma le moine Azon (Adson de Montier-enDer ?) comme nouvel abbeè. Par la suite, lorsque celui-ci deèmissionna, ceèdant la place aé son 9

preèdeècesseur, Brun s'adressa aé Cluny pour avoir un autre abbeè reèformateur . En 990, le neècrologe de Saint-Beènigne commeèmore l'eèveêque Brun en tant que reèformateur de la maison avec l'aide du comte de Bourgogne, Otte-Guillaume advocatus de l'abbaye et cousin de l'abbeè Guillaume

11

10

, son beau-freére,

. Apreés la reèforme de Guillaume,

Saint-Beènigne devint le centre de son propre mouvement de reè forme, et les statuts juridiques des abbayes qu'il reèforma demeureérent ceux des Eigenklo«ster de l'eèveêque de Langres, ce dernier y conservant l'inteègraliteè de ses droits

12

. Des monasteéres suppleèmentaires furent

rapidement confieès aé l'abbeè Guillaume par d'autres eèveêques ou par des la|ëques puissants (fig. 36, 37)

13

.

famine de 1031-1033 et l'avait deè jaé quitteè au moment de la reè daction du chapitre 12 du livre III des Histoires. Selon Arnoux, l'eè criture des Histoires a eèteè interrompue par la composition de la Vita et fut reprise (les fols. 2429

du

livre III,

chapitre

4-26)

vers

1036



Auxerre ;

avant

que

Raoul

ne

s'eè tablisse



Saint-Germain

d'Auxerre, il passa quelque temps aé Saint-Pierre de Beé ze, vers 1035-1036. (5) L. F. Stelten, Dictionary of Ecclesiastical Latin (Peabody, MA, 1995), p. 227. (6) Raoul Glaber, Histoires, p. 170 ; Rodulfus, Historiarum, p. 122 : Quodcumque denique monasterium proprio uiduabatur pastore, statim compellebatur tam a regibus uel comitibus quam a pontificibus, ut meliorandi gratia illud ad regendum susciperet [...]. Cette conception de la reè forme est, d'une facon geè neèrale, celle deèfinie par Constance Bouchard pour d'autres monasteé res du

x

e

ou du deèbut du

xi

e

sieécle, Sword, pp. 87-89.

(7) Chronique, p. 130 ; Bouchard, Sword, p. 103. (8) C. B. Bouchard, û Merovingian, Carolingian and Cluniac monasticism : Reform and Renewal in Burgundy ý, The Journal of Ecclesiastical History 41 (1990) : (365-88) p. 373. (9) Chronique, p. 130 ; Chomton, Histoire, p. 88. Comme nous l'avons preè ceèdemment signaleè , Saint-Beènigne eètait un Eigenkloster, c'est-aé-dire un monasteére priveè, qui, juridiquement, appartenait personnellement aé l'eèveêque Brun. Supra, p. 75, et Bulst, Untersuchungen, p. 3 ; idem, û Guillaume ý, pp. 21, 23 ; J. Marilier, û La personnaliteè et l'Ýuvre de Guillaume aé Dijon ý, Meèmoires de l'Acadeèmie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 130 (1989-1990) : (281-95) p. 285. û Si cet Azon eè tait, comme on en fait ordinairement l'identification, l'abbeè Adson de Montier-en-Der, le mal, aé Saint-Beènigne, eètait grave. [...] si Azon venait du Der, il n'eè tait pas l'abbeè Adson [...] nous savons qu'Adson eè tait jurassien et Azon aquitain ý. (10) Infra, pp. 120 et 133 ; Chartes, t. 2, pp. 48-49 n (11) Infra, p. 122. (12) Bulst, û Guillaume ý, p. 23. (13) Bouchard, Sword, p. 103.

94

9

o

259 ; Bouchard, Sword, p. 103.

reèforme et renovatio Brun entreprit de faire rena|être Saint-Pierre de Beéze en 981 (Reèome) fut donneè aé Saint-Beènigne apreés 990

15

14

. Moutier-Saint-Jean

. Vers cette date, le fils d'Otte-Guillaume,

le comte Renauld de Bourgogne donna aé Saint-Beènigne une eèglise dans le chaêteau de Vesoul lesmes

16

17

. De plus, apreés 990, l'eèveêque Brun remit aé Guillaume Saint-Pierre de Mo-

, et apreés 992, Saint-Michel de Tonnerre

18

. Un acte de Jean XV (985-996) de 995

pourrait donner la date du deèbut de l'abbatiat de Guillaume aé Beéze

19

. Peu avant 1000, le

duc Henri de Bourgogne donna aé Saint-Beènigne l'eèglise de Saint-Vivant de Vergy oué Guillaume installa un prieureè

20

. Au total Guillaume devint l'abbeè de cinq maisons beèneè-

dictines du dioceése de Langres : Saint-Beènigne, Saint-Michel de Tonnerre, Molesmes, Beé ze, et Moutier-Saint-Jean

21

. Le duc de Bourgogne qui les avait quasiment toutes rassembleè es

entre ses propres mains, renonc°a aé les controêler au profit de Guillaume. Selon Constance Bouchard, ceci diffeére quelque peu de l'argument avanceè par Neithard Bulst selon lequel Otte-Guillaume, Guillaume et Brun auraient Ýuvreè ensemble aé la prise de controêle du dioceése de Langres

22

. Bulst a en effet affirmeè que la reèforme des monasteéres de Dijon devait

avoir eèteè la conseèquence de tractations politiques, meême si, bien entendu, les sources restent silencieuses sur cette question

23

. Selon lui, û la reèforme de Guillaume devait servir aé

stabiliser le pouvoir seèculier de ses proches parents, Otte-Guillaume et Brun, et ne peut donc pas eêtre seulement interpreèteèe comme un acte de pieèteè, meême s'il est probablement anachronique d'eètablir une nette diffeèrence entre actes politiques et actes de pieè teè ý

24

. En

un mot, Bulst consideére qu'Otte-Guillaume et Brun soutenaient la reèforme monastique de Guillaume, car celle-ci, en contrepartie, servait d'appui aé leur mainmise sur le territoire du ducheè de Bourgogne. Bouchard exprime ainsi son deèsaccord : [il] est dangereux d'essayer de regarder la reè forme monastique du

xi

e

sieécle aé la lumieére des

ideèes modernes sur la politique [faisant de celle-ci] comme une force de motivation principale. Si les eccleèsiastiques du deè but du

xi

e

sieé cle ne doivent pas eê tre vus comme percevant une di-

chotomie entre la|ëcs et reèforme, alors Otte-Guillaume et les autres la|ë cs ne doivent pas eê tre vus comme percevant une dichotomie entre les activiteè s religieuses et politiques [...] la reè forme monastique de l'an 1000 [...] peut eê tre consideèreèe comme une reè ponse aé un besoin spirituel perc°u par les eccleè siastiques comme par les la|ëcs. L'exemple de Otte-Guillaume fait penser que la frontieé re entre la vie religieuse reè formeèe et les grands princes territoriaux n'eè tait pas du

(14) Bulst, Untersuchungen, p. 56 ; Rodulfus, Vita, p. 270 n. 2 ; Bouchard, û Merovingian ý, p. 377. Chronique, p. 135 ; Chronique [de Beé ze], pp. 286-87. (15) Bulst, Untersuchungen, pp. 61-65 ; Bouchard, û Merovingian ý, p. 378. (16) Chronique, p. 195 ; Chartes, t. 2, p. 35 n

o

241 : û Renaud eè tait encore le possesseur du castrum (chaêteau)

qu'on nomme Chaê tillon-sur-Seine ý (Rainaldus etiam possessor castri, quod Castellion dicitur). (17) Ibid., p. 135 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 68-69. (18) Chronique, p. 136 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 65-68. (19) Bulst, Untersuchungen, p. 58. (20) Chronique, p. 135 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 53-56. (21) Bulst,

Untersuchungen,

pp. 56-68,

73 ;

Bouchard,

û Merovingian ý,

p. 376.

St-Vivant

de

Vergy,

Pothieéres et Saint-Seine eè taient les uniques exceptions. (22) Bulst, Untersuchungen, pp. 270-71 ; Bouchard, û Merovingian ý, p. 376 n. 37. (23) Bulst, û Guillaume ý, p. 25. (24) Ibid. ; Bouchard, û Laymen ý, p. 9.

9

95

chapitre 3 tout nette pour les hommes du deè but du

xi

e

sieé cle [...]. Les la|ë cs aé leur tour, loin de toujours

agir pour des motifs politiques eè go|ëstes, croyaient en l'importance de la vie religieuse, soutenaient les maisons reè formeèes et demandaient aé y eêtre enterreès [...] [et] beèneèficiaient de leurs reè compenses spirituelles

25

.

Bien qu'en apparence, Bouchard et Bulst expriment des opinions contraires, l'un et l'autre reconnaissent l'interconnexion des politiques reè gionales et du soutien de la vie religieuse, ainsi que l'absence d'une distinction consciente dans les motivations de Brun, Guillaume et Otte-Guillaume. En tout eètat de cause, comme Bulst l'a nettement mis en lumieére, û l'eètendue geèographique de sa reèforme [Guillaume] deèpasse de loin celle du Cluny contemporain sous l'abbatiat d'Odilon. De plus, il [Guillaume] reè forma dans des reègions qui, aé cette eèpoque, demeuraient plus ou moins fermeè es aux clunisiens. Cela vaut pour la Normandie et pour l'Empire, pour la Lorraine et pour l'Italie du Nord oué les clunisiens

ne

reèussissaient

gueére

a

s'imposer ý

26

.

Guillaume

fut

appeleè

en

Lorraine

pour

é vre reèformer des monasteéres en terre d'Empire, aé Saint-Arnoul aé Metz (996-997), aé Saint-E aé Toul (996/1004), ainsi qu'aé Gorze (1012/1017)

27

. En Normandie, il reèforma Feècamp en

1001, Saint-Ouen aé Rouen en 1006/1011, Jumieéges en 1015, le Mont-Saint-Michel en 1023, et Bernay en 1025

28

. Selon Raoul Glaber, Guillaume avait la charge du gouverne-

ment d'environ quarante monasteéres, si bien que mille deux cents moines deèpendaient de son autoriteè (30 fois 40)

29

. Tous ces monasteéres appartenaient aé une grande confraternitas,

mais, selon Bulst, cette filiation n'eètait reègie que par û des liens spirituels [...] et non [par] des liens juridiques ý, et û l'Ýuvre reèformatrice de Guillaume garda toujours une parfaite indeèpendance juridique [vis-aé-vis] de Cluny ý

30

. Bien que les liens qui unissaient ces diffeè -

rentes abbayes ne fussent pas de ceux qui constituent un ordre, Saint-Beè nigne demeura, parmi celles dont Guillaume accepta l'abbatiat, la premieé re abbaye et fut le lieu de forma-

(25) Bouchard, û Laymen ý, p. 9. û it is dangerous to try to view eleventh-century monastic reform in light of modern ideas about politics as a chief motivating force. If the churches of the early eleventh century should not be seen as perceiving a dichotomy between laymen and reform, then Otto-William and other laymen should not be seen as perceiving a dichotomy between religious and political activities [...] the monastic reform of the year 1000 [...] can be viewed as the response to a spiritual need felt by both ecclesiastics and laymen. The example of Otto-William suggests that the line between the reformed religious life and great territorial princes was not at all sharp to the men of the early eleventh century [...]. The laymen in turn, far from always acting out of selfish political motives, believed in the value of the religious life, supported reformed houses, and asked to be buried there [...] [and] shared in their spiritual rewards ý. (26) Bulst, û La filiation ý, p. 39. (27) Idem, Untersuchungen, p. 271. (28) Ibid., pp. 146-61 (Feècamp), pp. 161-63 (Bernay), pp. 173-76 (Saint-Ouen), pp. 163-67 (Jumieé ges), pp. 167-72 (Mont Saint-Michel). Thierry reè forma le Mont Saint-Michel en 1023 ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 273 (Feè camp). C. Potts, Monastic Revival and Regional Identity in Early Normandy, Studies in the History of Medieval Religion 11, Boydell and Brewer (Woodbridge, 1997), p. 29 (Saint-Ouen), pp. 29-30 (Jumieé ges). Guillaume a dirigeè Jumieé ges comme abbeè pendant deux ans seulement avant de transmettre l'abbatiat aé Thierry, l'un de ses premiers disciples dijonnais qui l'avait suivi en Normandie. (29) Rodulfus Glaber, Vita, p. 286 ; Richard, û Guillaume ý, p. 33 ; selon Bulst, û Guillaume ý, p. 20 û le nombre de monasteé res et celui de moines doit aé peu preé s correspondre aé la reèaliteè, meême si les chiffres º 1200 ou 30 fois 40 º ont probablement eè teè choisis pour leur signification symbolique ý. (30) Bulst, û La filiation ý, pp. 38, 40.

96

9

40 et

reèforme et renovatio tion de nombreux moines qui devinrent ensuite abbeè s ou prieurs dans ces monasteéres

31

. Du

fait de la transmission de sa reèforme aé d'autres monasteéres, l'abbaye de Saint-Beènigne de Dijon se situait culturellement au centre de l'interaction monastique entre la Normandie, la Lorraine et l'Italie vers l'an mil.

La meètaphore de Raoul Glaber

Raoul introduit son exposeè

consacreè aé

Guillaume reèformateur et constructeur de

Saint-Beènigne par sa meètaphore du blanc manteau d'eèglises : é l'approche de la troisieéme anneèe apreés l'an mil, sur presque toute la terre, particulieé rement A en Italie et dans les Gaules, on se mit aé reconstruire les eè glises. Bien qu'elles fussent dans un eè tat convenable et n'en eussent pas besoin, on vit cependant le peuple chreè tien tout entier rivaliser pour la possession des eè glises les plus belles. C'eè tait en fait comme si le monde luimeême, se secouant et rejetant sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d'un manteau d'eè glises d'un blanc eè clatant. Alors, aé l'initiative des fideé les, on reconstruisit plus belles presque toutes les eèglises, des catheè drales aux monasteé res deèdieès aux divers saints et jusqu'aux plus petits ora32 . toires des villages

Dans l'histoire du monde brosseèe par Raoul, il ne fait pas de doute que la reconstruction d'eèglises qui renouvelle la terre, la recouvrant d'un û manteau d'eè glises d'un blanc eèclatant ý, repreèsente la reèforme et une reconstitution de la foi, comme le soulignent les phrases qui encadrent sa meètaphore et insistent sur l'exceptionnel embellissement d'eè glises deèjaé importantes. La construction d'eèglises est une fac°on symbolique d'indiquer qu'un nouvel ordre eccleèsiastique s'impose. John France a proposeè que l'eèglise Saint-Beènigne pourrait avoir inspireè ce commentaire sur la reconstruction d'eèglises en Italie et en Gaule apreés la fin du premier milleènaire

33

.

Dans

l'Historiarum

de

Raoul,

cette

meètaphore

ouvre

le

chapitre 4

du

livre III :

û Reconstruction des eèglises dans le monde entier ý, un chapitre qui est habituellement

(31) Ibid., p. 39. (32) Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 114, 116 : Igitur infra supradictum millesimum tercio iam fere imminente anno, contigit in uniuerso pene terrarum orbe, precipue tamen in Italia et in Galliis, innouari e˜ cclesiarum basilicas, licet plere˜ que decenter locate˜ minime indiguissent, emulabatur tamen que˜ que gens christicolarum aduersus alteram decentiore frui. Erat enim instar ac si mundus ipse excutiendo semet, reiecta uetustate, passim candidam e˜ cclesiarum uestem indueret. Tunc denique episcopalium sedium e˜cclesias pene uniuersas ac cetera que˜ que diuersorum sanctorum monasteria seu minora uillarum oratoria in meliora quique permutauere fideles. Voir infra, p. 266. (33) France, û Appendix ý, p. 302. D'apreé s France, les livres I aé III ont eè teè conc° us ensemble, mais le troisieéme chapitre du livre III a eèteè eècrit apreé s qu'il ait quitteè Cluny et le cinquieé me chapitre du livre III a eè teè eècrit longtemps apreé s la mort de Guillaume. Landes, û The White ý, p. 251 : d'apreé s la position de Landes, selon laquelle Raoul Glaber aurait presque termineè le livre III sous l'influence de Guillaume avant 1031, puis recopieè un brouillon reè viseè sur les feuilles posteè rieures aé 1036, ce chapitre aurait lui aussi eè teè eècrit avec Guillaume. Selon Landes, û The White ý, p. 251 n. 28, Guillaume pourrait avoir dicteè la meètaphore se servant d'images qu'il avait deè jaé rendues courantes dans les entretiens oraux avec son cercle de disciples bien que, on doit insister laé -dessus, il n'y ait pas de preuve indeè pendante que Guillaume l'ait fait. Marino Malone, û Saint-Beènigne ý, p. 161 n. 3.

9

97

chapitre 3

consideèreè comme ayant eèteè eècrit vers 1036 aé Saint-Germain d'Auxerre

34

. Apreés avoir

conclu ce chapitre par une description de la reconstruction de l'eè glise Saint-Martin de Tours, Raoul s'attarde particulieérement dans le chapitre 5 sur la reconstruction de l'eè glise Saint-Beènigne et sur son abbeè italien Guillaume afin d'introduire le theéme de la reèforme : û Les

monasteéres

bien

reconstruits

ou

fondeès

par

l'abbeè

Guillaume ý

35

.

Selon

Raoul

Glaber, le veèneè rable abbeè Guillaume, que le bienheureux Maieul avait placeè aé la teête de l'eèglise du bienheureux martyr Beè nigne, s'illustrait alors aé la meê me entreprise d'embellissement des demeures de Dieu. Il s'eè tait eè videmment aussitoê t attacheè aé transformer cette eèglise par un arrangement si admirable qu'on trouverait difficilement une chose comparable. Il ne fut pas moins remarquable par son observance de la reé gle, et se reèveè la sans eè gal aé l'eèpoque pour la diffusion de ses coutumes. [...] Car on voyait combien les monasteé res placeès sous son autoriteè deèpassaient les autres en richesse et en sainteteè . Lui-meê me affirmait hautement que laé oué les moines observaient les coutumes de leur communauteè ils ne sauraient manquer de rien, et cela apparaissait avec eè vidence dans les lieux qui lui eè taient remis

36

.

Ainsi, Raoul preèsente Guillaume comme un remarquable reèformateur et comme le constructeur d'une eèglise exceptionnellement belle. La meètaphore d'un û blanc manteau ý tend aé indiquer que cette reèforme s'inscrivait dans un nouvel ordre û mondial ý apreé s l'an mil. Entre 995 et 1001, dans le dioceése de Langres, en Normandie et en Lorraine, les reè formes de Brun et Guillaume ont contribueè aé l'eètablissement de ce nouvel ordre.

Rome et l'ideèal d'un nouvel ordre

La deècouverte de reliques est eègalement ceèleèbreèe par Raoul Glaber comme eètant l'un des signes de ce nouvel ordre et la nouvelle ordonnance choisie par Guillaume pour les

(34) Arnoux,

û Introduction ý,

p. 13 ;

Raoul

Glaber,

Histoires,

p. 163 ;

p. 114 : De innovatione basilicarum in toto orbe ; France, û Introduction ý, pp.

Rodulfus

Glaber,

Historiarum,

xlii-xlv ; Landes, û The White ý,

p. 251 aucune preuve paleè ographique ne conduit eè videmment aé cette conclusion et n'infirme l'hypotheése selon laquelle il s'agirait de la simple mise au net d'un preè ceèdent brouillon du livre III ; il pourrait donc avoir eè teè eècrit sous le controê le de Guillaume avant la fin des anneè es 1020, moment oué Landes pense qu'ils se sont seèpareè s. (35) Raoul Glaber, Histoires, pp. 163 et 171 ; France, û Introduction ý, p.

xxviii ; Rodulfus Glaber, Histo-

riarum, p. 120 : De monasteriis reedificatis bene a Willelmo abate vel institutis. Raoul Glaber pourrait avoir mentionneè l'eèglise Saint-Martin de Tours avant Saint-Beè nigne parce qu'elle avait eè teè commenceè e plus toêt, ou bien parce qu'apreé s 1036, il privileè gie les Capeè tiens qui patronnaient Saint-Martin. Il semble neè anmoins plus probable qu'il ait mis en reèserve sa discussion sur Saint-Beè nigne, parce qu'il souhaitait eè crire un chapitre entier sur la reèforme et repreè senter Guillaume comme le reè formateur supreê me, non seulement en Gaule, mais aussi en Normandie, en Lorraine et en Italie.

54

(36) Raoul Glaber, Histoires, pp. 171-73 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 120, 122 : Claruit eo in tempore in predicta domorum Dei melioratione uenerabilis abba Willemus, a beato siquidem Maiolo primitus e˜ cclesie˜ sancti martyris Benigni pater constitutus. Quam uidelicet ecclesiam ilico tam mira locatione permutauit, ut huiuscemodi alter a

difficile queat

inueniri. Regulari etiam districtione non minus effloruit atque incomparabilis huius ordinis suo tempore propagator extitit [...] quoniam ultra cetera diuitiis et sanctitate ipsius patrocinio assumpta cernebantur excellere monasteria. Ipse quoque firma testabatur assertione quia, si huius institutionis tenor quocumque loco a monachis custodiretur, nullam omnino indigentiam cuiusque rei paterentur. Quod etiam euidentissime declaratum est in locis sibi commissis.

98

9

reèforme et renovatio saints de Saint-Beènigne participait certainement de cette reèforme. Les reliques avaient eèteè l'un des motifs qui avaient inciteè Guillaume aé la reconstruction de l'eèglise carolingienne de Saint-Beènigne sur une eèchelle plus grandiose

37

. L'agrandissement de la crypte exteè rieure

sous la forme d'une grande rotonde, l'adjonction des tours d'escalier flanquant, et l'eè leèvation du chÝur au-dessus de la crypte inteè rieure agrandie, facilitaient le flux des peé lerins vers les nombreuses reliques des chapelles du chevet et de la rotonde, sans perturber la vie monastique. Dans le chapitre 6 de son Historiarum, intituleè û Deècouvertes, en tous lieux, des reliques des saints ý, qui succeéde au reècit de la reèforme de l'abbeè Guillaume, Raoul eècrit : û Comme le monde entier resplendissait de la blancheur des basiliques reconstruites, peu apreés, huit ans apreés le milleènaire du Sauveur fait homme, des indices varieè s reèveèleérent l'endroit oué depuis longtemps les reliques des saints se trouvaient cacheè es. Comme si, en quelque sorte, elles avaient attendu la parure de la reè surrection de Dieu [...] ý

38

.

Dans sa Vita sancti Guillelmi, aé un endroit similaire du texte, aé savoir apreés la description de la reèforme monastique de Guillaume, Raoul mentionne qu'apreé s la deècouverte du corps de saint Beènigne, û enflammeè par une violente passion, [Guillaume] s'empressa aussitoê t de terminer son Ýuvre de reconstruction de la basilique dans le sens qu'il avait deè cideè. Car, comme nous l'avons dit et comme on peut facilement le voir, il avait entrepris de construire une eèglise plus admirable que celles de toute la Gaule et de proportions incomparables ý

39

.

Ainsi, Raoul associe eètroitement ces quatre eèleèments, la reèforme, le nouvel ordre eccleèsiastique mondial, la deècouvert de reliques et la merveilleuse eèglise Saint-Beènigne construite pour abriter la richesse de ses reliques

40

.

Le paragraphe qui suit la description de l'eèglise, qualifieèe par Raoul d'û admirable ý, ajoute un facteur suppleèmentaire de l'eèlaboration du nouveau dessin de Saint-Beènigne : û Puis, dans sa pieèteè, [Guillaume] deècida qu'il lui fallait aller visiter la demeure de SaintPierre [...] il alla aé saints ý

41

Rome pour prier [et] [...] visita les tombes et les chapelles des

. Ce voyage eut probablement lieu vers 995, et il a fit un autre voyage aé Rome

42

.

Comme nous l'avons deèjaé indiqueè, le dessin de Guillaume de la rotonde de Saint-Beè nigne, deèdieèe aé û Marie et tous les martyrs ý, est une imitation du Pantheè on de Rome, dont il a

(37) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 272-75. (38) Infra, pp. 268-69 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 126 : De sanctorum pignoribus ubique revelatis : Candidato igitur, ut diximus innouatis e˜ cclesiarum basilicis uniuerso mundo subsequenti tempore, id est anno octauo infra predictum millesimum humanati Saluatoris annum, reuelata sunt diuersorum argumentorum indiciis quorsum diu latuerant plurimorum sanctorum pignora. Nam ueluti quoddam resurrectionis decoramen prestolantes Dei [...]. Raoul Glaber, Histoires, p. 177 : Mathieu Arnoux le traduit, û Comme le monde entier resplendissait de l'eè clat des basiliques reconstruites [...] ý. (39) Rodulfus Glaber, Vita, p. 276 : Dehinc nanque pater uenerandus acriori accensus deuotione reformande˜ opus basilice˜ instanter quemadmodmum decreuerat accelerabat perficere : quoniam, ut diximus et presto est cernere, totius Gallie˜ basilicis mirabiliorem atque propria positione incomparabilem perficere disponebat. (40) S. Cassagnes-Brouquet, û Culte des Saints et Peé lerinage en Bourgogne du

xi

e

au

xiii

e

sieécle ý, Les

cahiers de Saint-Michel de Cuxa 29 (1998) : 63-71, reècapitule les reliques accumuleè es aé Saint-Beènigne. (41) Rodulfus Glaber, Vita, p. 276 : Tunc nempe deuota concepit mente ut apostolorum principis Petri sanctissimi limina uisitaturus adiret [...] ut decreuerat, Romam orandi gratia perrexit. Visitatis quoque sanctorum sepulchris uel oratoriis ; Cf. Chronique, p. 136. (42) Rodulfus Glaber, Vita, p. 278 n. 1 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 115 et 271.

9

99

chapitre 3 aussi copieè la date de la redeèdicace du

vii

e

sieécle

43

. Cas unique parmi toutes les eèglises de

l'an mil, la rotonde combine avec les formes du Pantheè on romain celles des eèglises carolingiennes, en particulier les arcades superposeè es et le plan de l'octagone central de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle. Cette utilisation de sources romaines et carolingiennes est aussi suggeèreèe par la triple arcature eèvoquant un arc de triomphe de l'entreèe occidentale de la crypte de Saint-Beènigne. Toutefois, il n'est pas exclu que cette entreè e deèrive du scheèma aé triple arcature de la loge de Lorsch plutoêt que d'un arc de triomphe romain, ou encore d'une combinaison de ces deux traditions. De meê me, le transept continu et l'abside occidentale de Saint-Beènigne renvoient aussi bien aé des copies carolingiennes de Saint-Pierre de Rome qu'aé Saint-Pierre meême

44

. Stephen Nichols remarque que toute l'histoire de

è glise dans le nouvel Empire romano-chreètien Raoul s'articule autour de l'histoire de l'E

45

.

La base ideèologique de ce reècit est identique aé celle du plan de Saint-Beènigne, avec son transept continu, son abside occidenteè e, et sa rotonde semblable aé celle du Pantheèon aé Rome. Pendant le

xi

e

sieécle, les successeurs des Ottoniens, les Saliens, ont copieè le plan d'Aix-

la-Chapelle, notamment vers 1040 aé Ottmarsheim, voire dans certaines constructions anteè rieures aujourd'hui perdues

46

. Autour de l'an mil, Aix-la-Chapelle, la nouvelle Rome de

Charlemagne, a eèteè d'une grande importance pour Otton III. Selon Georges Duby, l'eè leèvation des reliques de Charlemagne aé Aix-la-Chapelle peut eêtre interpreèteèe comme l'un des eèleèments du renouveau de l'aêge d'or de Charlemagne, û comme tout le comportement de Otton III dans les quatre anneèes qui preèceèdeérent le milleènaire, sa volonteè de reètablir dans Rome le sieége de l'Empire, et de reènover fondamentalement celui-ci en le reliant plus eètroitement aé des preèceèdents romains et carolingiens ý

47

. Cependant, aucun des eèleèments

du Pantheèon n'a eèteè repris dans les eèglises ottoniennes conserveèes ou connues, bien qu'elles fassent souvent reèfeèrence au transept continu et aé l'abside occidentale de Saint-Pierre de Rome et des eèdifices carolingiens

48

. La rotonde de Saint-Beènigne, par sa ressemblance avec

le Pantheèon, se reèfeére aé Rome d'une manieére directe qui n'est eègaleèe par aucune autre eèglise de l'an mil. Qui plus est, cette reè feèrence inhabituelle aé Rome renforce la validiteè de l'hypotheése selon laquelle l'eèglise constantinienne de Saint-Pierre constituerait la source preècise du choix de l'abside occidentale et du transept continu, avec une simple abside audessus de la tombe du saint. Lors de son voyage aé Rome avec Guillaume vers 1027, Raoul Glaber a pu, comme quiconque concerneè par la reèforme et familier de Rome, constater

(43) Supra, p. 71. (44) Supra, p. 56. (45) S. G. Nichols, Jr., Romanesque Signs, Early Medieval Narrative and Iconography (New Haven, CT, 1983), p. 16. (46) Kleinbauer, û Charlemagne's Palace Chapel ý, p. 6 ; Grodecki, L'architecture, pp. 169-76, et communication personnelle de J. Bony, 1980. (47) G. Duby, L'an mil (Paris, 1980), p. 44. (48) S. Weinfurter, The Salian Century : Main Currents in an Age of Transition, trad. B. M. Bowlus (Philadelphia, 1999), p. 64.

100

9

reèforme et renovatio

comment les deux eèglises de Rome que sont le Pantheèon et Saint-Pierre furent les modeéles pour la nouvelle eèglise de Dijon

49

.

Vers l'an mil, au moment oué leur dessin a eèteè traceè, l'utilisation de formes romaines aé è glise aé un ordre Dijon a pu correspondre aé une volonteè d'exprimer les aspirations de l'E spirituel du monde baseè sur l'alliance du pape et de l'empereur. Avant d'eè laborer le plan de l'eèglise Saint-Beènigne, Guillaume est alleè en Italie, d'abord en 995-996, puis en 9991000

50

. Vers 996, il a probablement rencontreè le jeune empereur Otton III, et le pape

Greègoire V, neveu de l'empereur

51

. Vers l'an mil, Guillaume a visiteè, en compagnie

d'Odilon, les tombes des saints aé Rome, et vraisemblablement rencontreè Gerbert d'Aurillac, le pape Sylvestre II, preèsent aé Rome aé cette date

52

.

Autour de l'an mil, les milieux eccleèsiastiques hors de l'Allemagne ont caresseè le reêve d'une reèsurrection de l'Empire chreètien. Entre 995 et 996, sous l'influence de Gerbert, cette ideèe s'affirme chez Otton III ; le 21 mai 996, celui-ci est couronneè empereur

53

. Gerbert

conc°oit les pouvoirs de l'empereur et les siens comme se conjugant dans une souveraineteè qui ne seèpare pas le spirituel du temporel. Gerbert et Otton III nourrissaient le dessein de confeèrer û au titre qui deècorait les Ceèsars saxons le double prestige de la sainteteè, par è glise, et de la romaniteè, en rayonnant de l'eètroite union du cÝur et de la vertu avec l'E Rome ý

54

. Guillaume effectue son premier seèjour aé Rome, entre 995 et 996, au moment de

la naissance de ces ideèaux. Lors de sa seconde visite, entre 999 et 1000, alors qu'il eè tait en train de dresser les plans de l'eèglise Saint-Beènigne, ces meêmes ideèaux eètaient en passe de se reèaliser

55

é . A Rome, le reêve de l'Empire eètait quasiment effectif depuis qu'Otton avait

appeleè Gerbert au pontificat le 18 feèvrier 999 Sylvestre II

en

rappel

de

la

coopeèration

56

. En tant que pape, Gerbert prit le nom de

entre

Constantin

le

Grand

et

Sylvestre I

er

.

Le ceèreèmonial adopteè par Otton III reèpond au deèsir d'eègaler la splendeur de l'Empire au iv

e

sieécle, û non comme un chef-d'Ýuvre d'histoire et d'archeè ologie, mais aé travers des

traditions meêleèes, des compromis avec le temps ý complexiteè

pareille

dans

la

combinaison

de

57

. Des conceptions semblables et une

formes

traditionnelles

et

contemporaines

sont perceptibles dans le dessin de Saint-Beè nigne. Bien qu'aucune expression architecturale de ces ideè es impeèriales n'ait laisseè de traces dans la Rome de l'an mil, des preuves mateèrielles de ces conceptions existent, aé savoir les

(49) France, û Introduction ý, pp. xl, lx ; Arnoux, û Introduction ý, p. 9. (50) Bulst, Untersuchungen, p. 271 ; Chronique, p. 136. (51) Chomton, Histoire, p. 92. (52) Bulst, Untersuchungen, p. 113 ; J. Hourlier, Saint Odilon, abbeè de Cluny (Louvain, 1964), pp. 63-64. ê ge, t. 2, L'Europe Occidentale de 888 aé 1125 (Paris 1930), pp. 220-22 ; C. Erd(53) A. Fliche, Histoire du Moyen A mann,

û Das

ottonische

Reich

als

Imperium

Romanum ý,

Deutsches Archiv fu« r Erforschung des Mittelalters

6 (1943) : (412-41) repris dans idem, Ottonische Studien, eèd. H. Beumann (Darmstadt, 1968), (pp. 174-203) pp. 193-94. (54) Focillon, L'an mil (Paris, 1952), p. 135 ; Bru«hl, Naissance, p. 261. (55) Bulst, Untersuchungen, p. 271. (56) Focillon, L'an mil, p. 144. (57) Ibid., p. 148 ; E. R. Labande, û Mirabilia mundi : Essai sur la personnaliteè d'Otton III ý, Cahiers de civilisation meèdieèvale 11 (1963) : (297-313 ; 455-77) pp. 459.

9

101

chapitre 3 titres et les sceaux de plomb d'Otton III portant des titulatures, sous forme d'abreè viations : imperator (IMP), augustus (AVG), consul (COS), senatus populusque romanus (SPQR)

58

. Pour

exprimer sa renovatio de la grandeur ancienne de Rome, Otton III se sert d'un meè lange entre des formes romaines et carolingiennes. Par exemple, une bulle de 998-1000 associe l'effigie de Charlemagne, emprunteèe aé des monnaies carolingiennes, aé une figure feèminine, celle de la û Rome doreèe ý (roma aurea), alleègorie de Rome, portant bouclier et lance, accompagneèe des mots û Renouvellement de l'empire des romains ý (Renovatio imperii romanorum)

59

. Cette bulle tend aé reproduire les monnaies aé l'effigie de Charlemagne, qui avaient

elles-meêmes eu pour modeéle une monnaie aé l'effigie de Constantin

60

. Selon Robert Folz,

cette bulle est reèveèlatrice du modeéle qu'Otton III entendait imiter : C'est son grand devancier franc, qu'il redeè couvrit lors de ses deux seè jours en 997 au palais d'Aix et auquel il rendit un culte veè ritable º

il ouvrira sa tombe en l'an 1000 et veè neèrera sa

deèpouille º Charlemagne, prototype de l'empereur chreè tien, qui avait pris en charge le gouè glise et Ýuvreè inlassablement aé l'expansion du christianisme. E è troitement vernement de l'E meêleè au theéme romain, le theé me carolingien orientera Otton vers un gouvernement autoritaire de l'Eglise et vers l'expansion simultaneè e de l'Empire et de la chreè tienteè conc°ue comme un

tout,

l'Empire

jouant

le

conquis par le christianisme

61

roê le

du

support

auquel

s'appuieront

les

è tats E

nouvellement

.

è glise qu'offre une situla (beènitier) en ivoire de l'an mil conTelle est la vision de l'E serveèe au Treèsor d'Aix-la-Chapelle. De plus, son iconographie se fonde sur l'imitation carolingienne de la Rome constantinienne

62

. Dans la zone supeèrieure de la situla, saint Pierre

(58) Focillon, L'an mil, p. 147 ; Labande, û Mirabilia Mundi ý, pp. 458-59 ; P. E. Schramm, Die deutschen Kaiser und Ko«nige in Bildern ihrer Zeit, 751-1190 (Munchen, 1983), pp. 199-200, 349, fig. 101-02. D. A. Warner, û Ideals and action in the reign of Otto III ý, dans Journal of Medieval History 25 (1999) : 1-18. Mettant l'accent sur son audience eccleè siastique aé la lumieé re de la reècente critique de K. Go« rich, Warner discute la pertinence des observations faites par Schramm concernant la Renovatio. Pourtant Go« rich lui-meême admet que Renovatio ait pu se rapporter aé un programme plus limiteè de reèforme eccleè siastique, avec un aspect speè cifiquement romain. K. Go« rich, Otto III Romanus Saxonicus et Italicus. Kaiserliche Rompolitik und sachsische Historiographie, Historische Forschungen, t. 18 (Sigmaringen 1993), pp. 187-274, particulieé rement pp. 269, 277. G. Althoff, Otto III (Darmstadt, 1996), p. 125 voit dans Renovatio une formule qui eètait assez geè neèrale pour englober dans un programme unique des viseè es impeèriales et la deè faite des dissidents et des opposants. (59) Concernant l'utilisation de ce sceau de 998 comme une preuve de la Renovatio, le fait que ce soit une copie d'une bulle de Charlemagne de 800, lorsqu'il fut couronneè empereur, et sa leè gende Renovatio Imperii Romanorum, voir P. E. Schramm, Kaiser, Rom und Renovatio, t. 1 (Leipzig, 1929), pp. 117, 156 ; Schramm, Die Deutschen, pp. 199-200, 349, fig. 101-02 ; R. Folz, La naissance du Saint-Empire (Paris, 1967), p. 134 ; Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 160 ; K. Go«rich, Otto III, pp. 199-202. (60) Schramm, Die deutschen, pp. 35, 200. La bulle fut copieè e durant l'anneè e 998 par Otton III en signe de sa veèneèration pour Charlemagne ; aé l'eèpoque d'Otton III, savoir de quel roi Karl il s'agissait demeurait possible, car dans la chancellerie de nombreux documents carolingiens avec leurs sceaux et leurs bulles eè taient aé disposition pour confirmation. (61) Folz, La Naissance, p. 135. (62) P. Skubiszewski, û Ecclesia, Christianitas, Regnum et Sacerdotium dans l'art des

x -xi e

e

s. Ideèes et structures

des images ý, Cahiers de civilisation meèdieèvale 28 (1985) : (133-79) pp. 141-42. La plupart des chercheurs, notamment Schramm, Ladner, Kahsnitz et Skubiszewski, datent la situla des environs de l'an mil. Deé s sa fabrication, elle

appartint

au

mobilier

liturgique

de

la

chapelle

impeè riale.

Schramm

et

Ladner

y

voient

un

don

d'Otton III. Ce beè nitier portatif servait lors des rites de lustration et d'aspersion des fideé les dans les ceèreèmonies

102

de

9

la

messe

dominicale.

Par

contre

Goldschmidt

et

Elbern

datent

le

seau

de

1014 ;

selon

Elbern,

reèforme et renovatio troêne entre un empereur et un pape ; ces trois personnages, tous assis, sont assisteè s de deux archeveêques, deux eèveêques et un abbeè, repreèsenteès debout. Schramm a identifieè le pape et l'empereur comme eètant Sylvestre II et Otton III, et selon lui, la position de Pierre, placeè entre eux, doit eêtre rapprocheèe de celle qu'il occupe dans la mosa|ëque carolingienne situeèe dans le triclinium du palais de Latran (795-800) : au centre de la mosa|ë que, Pierre tend le pallium aé Leèon III et une bannieére aé Charlemagne

63

. Sur la face opposeèe de l'arche du tri-

clinium, le Christ donne, de manieére similaire, les cleès au pape Sylvestre I

er

et le labarum,

eètendard impeèrial, aé Constantin. Le fait que sur la situla, comme sur les deux mosa|ëques, le pape et l'empereur soient de la meême taille et dans une posture identique, semble suggeè rer leur collaboration et leur subordination mutuelle aé Pierre, le fondateur de l'eèglise universelle. Ainsi Otton est repreèsenteè en fonction du preèceèdent carolingien qui identifiait Charlemagne avec Constantin. Selon Percy Schramm et Pietre Skubiszewski, la situla exprime une vision universaliste et l'ideèe de l'eètroite collaboration des deux piliers de la respublica Christiana

64

. Selon Skubiszewski, û le contexte romain permet d'appreè hender la porteèe

exacte de la position d'Otton III parmi les eccleè siastiques sur la situla [...]. Un tel programme pouvait tout aussi bien eèmerger dans un milieu eccleèsiastique fideéle aé l'eccleèsiologie romaine que dans l'entourage de l'empereur ý

65

. Ainsi la situla d'Aix-la-Chapelle

pourrait eêtre interpreèteèe comme une expression, en l'an mil, de l'admiration eccleè siastique et curiale pour l'ordre mondial spirituel que l'on pensait avoir eè teè reèaliseè par Charlemagne et Constantin graêce aé leur alliance eètroite avec le pape

66

. Et le dessin de Saint-Beènigne

ê ge d'Or de la Rome de peut, quant aé lui, eêtre interpreèteè comme une reèfeèrence relative aé l'A Charlemagne et de Constantin, deés lors qu'on le consideére dans le contexte de cette ideèologie de l'an mil et en relation avec les vestiges mateè riels que constituent la bulla, la situla et l'architecture des copies ottoniennes contemporaines des basiliques carolingiennes et constantiniennes. Ainsi, Saint-Beènigne aurait eèteè le signe de l'importance du roêle de SaintPierre de Rome dans les cercles politiques et eccleè siastiques de l'an mil.

l'empereur qui y est repreè senteè est Henri II. Toutefois, Skubiszewski consideé re qu'une û telle vision universaliste est difficilement compatible avec l'ideè e de l'Empire sous Henri II ý. (63) Schramm, Die deutschen, pp. 208, 277-81, 366, fig. 113. (64) Idem, Kaiser, p. 133 ; Skubiszewski, û Ecclesia ý, p. 142. (65) Skubiszewski, û Ecclesia ý, pp. 151-52 (66) Ibid., pp. 144, 149-50, 152. Le deè cor architectural de la situla fait de cet objet une image de l'Ecclesia. Schramm, Deshman, Skubiszewski s'accordent aé reconna|ê tre que les eccleè siastiques dans la zone supeè rieure repreèsentent l'ordo clericus, tandis que les milites (l'ordre la|ë c supeèrieur chargeè d'assurer le gouvernement), en bas, symbolisent l'ordo laicus. Cette disposition correspond aé la conception geè lasienne de la supreè matie de l'autoriteè eccleèsiastique sur le temporel ; la position de l'empereur, parmi les eccleè siastiques, exprime ses preètentions sacerdotales. Selon Skubiszewski, la situla pousse aé l'extreê me la sacralisation du pouvoir royal dans la theèologie politique carolingienne et ottonienne. Le devoir du pouvoir royal est de deè fendre l'Ecclesia ; les milites de la situla sont tourneès vers l'exteèrieur. Cette doctrine de l'eè poque constantinienne qui fut deèveloppeè e sous les Carolingiens est preè sente dans la theè ologie politique des Ottons, comme dans le pontifical romano-germanique. Selon Skubiszewski, le souverain participe donc, dans une certaine mesure, au ministeé re des eè veêques (collaborateurs dans le gouvernement de ce qu'on appelle l'Ecclesia), et Otton III, en s'attribuant en l'an 1001 le titre inhabituel de servus apostolorum, proclamait son eè galiteè par rapport au pape et conjointement, sa soumission aé l'eèglise romaine.

9

103

chapitre 3 Dans un poeéme de 998, oué il s'adresse aé Otton III et aé Greègoire V, exaltant l'ideèal de la collaboration entre leur deux pouvoirs et l'identiteè de leurs buts, Leèon de Verceil confeére aé saint Pierre une position identique aé celle qu'il occupe dans la situla d'Aix-la-Chapelle : û Sous le pouvoir de Ceèsar, le pape purifie le monde.

ý vous, deux Lumieé res, envoyez

votre lumieére aé travers l'espace couvrant des pays diffeèrents ; illuminez les eèglises, chassez l'obscuriteè [...] Dieu t'a fait treés grand et l'aide donneèe par Pierre est ton support ý

67

. Le

poeéme comme la situla d'Aix-la-Chapelle Ýuvrent donc aé la û ceèleèbration de la renaissance è glise et du monde entier aé travers la collaboration du pape et de l'empede Rome, de l'E reur ý

68

.

Cette conception des deux ordres û fit partie du projet grandiose d'Otton III d'instaurer la respublica cristiana qui comprendrait toutes les nations chreètiennes [...]. L'ideèe de l'Empire

conc°u

comme

lieu

de

rassemblement

des

peuples

chreè tiens,

è glise l'E

eètant

reconnue comme le creuset de la coopeèration harmonieuse des deux pouvoirs, eètait deèjaé profondeèment enracineèe dans le concept carolingien de l'uniteè du monde chreètien ý

69

.

Cette ideèologie universaliste se fondait sur l'ideè al d'une eèglise romaine garante de la vraie foi, placeèe sous l'eègide de saint Pierre, prince des apoê tres. Le sommet de cette aspiration a peut-eêtre eèteè atteint en 999, lorsque Odilon de Cluny, et probablement Guillaume, se trouvaient au monasteé re de Farfa pour la confirmation par le pape de l'institution de l'abbeè Hugues

70

. Selon Giorgio Falco, l'assembleèe d'eccleèsias-

tiques reèunis aé Farfa a deèbattu du û reètablissement de la reèpublique (pro restituenda republica) ý :

l'Empire

assumait

les

responsabiliteès

peèneètration dans l'Europe de l'Est

71

d'une

reèpublique

chreètienne

et

de

sa

. Peut-eêtre Guillaume assista-t-il aé ces discussions con-

cernant les modaliteès selon lesquelles des royaumes subordonneès, comme la Pologne, pourraient eêtre inclus dans l'ordre spirituel du monde.

(67) Skubiszewski, û Ecclesia ý, p. 167 ; Schramm, Kaiser, t. 1 pp. 119-27 ; Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 50 ; Go«rich, Otto III, pp. 198-99, 277. (68) Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 50 : û a celebration of the revival of Rome and of the Church and of the whole world through the collaboration of pope and emperor ý. (69) Skubiszewski,

û Ecclesia ý,

p. 137 ;

M.-J.

Congar,

L'eccleèsiologie

du

haut

Moyen

ê ge A

(Paris,

1968),

pp. 254-59. Pour Constantin l'ideè e selon laquelle l'Empire participait du plan divin en vue du salut car è glise, mais depuis la peè riode carolingienne, la doctrine de Geè lase I l'empereur eètait responsable de l'E

er

(492-

è glise en 496) de l'eègaliteè et de l'autonomie des deux pouvoirs avait eè teè reèinterpreèteèe afin de faire eè merger l'E tant qu'uniteè fondamentale d'une socieè teè dans laquelle les hieè rarchies cleèricale et la|ëque deè cidaient conjointeé titre d'exemple, au ment. A

ix

e

sieécle, Hincmar û preèsente les deux pouvoirs comme les deux fonctions d'un

è glise. Pour les Peé res, ce n'eètait pas l'Empire qui eè tait dans l'E è glise, mais l'E è glise organisme unique, qui est l'E dans l'Empire ; le temporel comme tel apparaissait maintenant comme assumeè dans le Regnum Christi qui eètait l'Ecclesia ý. (70) Hourlier, Saint Odilon, pp. 64-65 discute la date de cette visite. (71) G. Falco, The Holy Roman Republic, trad. K. V. Kent (London, 1964), p. 176. Lebande, Miraculi, p. 463 : û sous la preèsidence de l'empereur et du pape, Heribert de Cologne, Leè on de Verceil, le marquis Hugues de Toscane, l'archeveê que de Ravenne et quantiteè d'autres grands [...]. On y [aé Farfa ] eètudia les affaires de l'Empire tout entier ý ; Schramm, Kaiser, t. 1, p. 138 ; Folz, La Naissance, p. 144 ; Go« rich, Otto III, pp. 256-57.

104

9

reèforme et renovatio Il existait malgreè tout certaines variations dans ce theéme unificateur et eègalitaire des pouvoirs eccleèsiastique et la|ëque dans l'eèglise. Ainsi, si la situla d'Aix-la-Chapelle est l'expression du reêve eccleèsiastique et politique faisant de saint Pierre la cleè d'une coopeèration è vangile d'Otton III, exeècuteè pour la chapelle de l'empereur entre entre les deux pouvoirs, l'E 998 et 1000 et destineè aé sa lecture priveèe, propose de celui-ci une image quelque peu diffeè rente, oué il appara|êt comme le vecteur de ce reêve

72

. Installeè au centre de la figure, entoureè

è glise et de l'E è tat, il rec°oit ici l'hommage des provinces particulieéres de l'Empire, de l'E nommeèment Roma, Gallia, Germania, et Sclavinia

73

. Ces personnifications, dont l'Em-

pereur rec°oit les offrandes, rappellent une affirmation de Gerbert d'Aurillac, alors l'un des mentors d'Otton, dans son libellus de 997 destineè aé son disciple

74

si ce n'est que cette image

insiste plus nettement encore sur Rome que la deè dicace du libellus de Gerbert qui se contente de mentionner l'Italie : û Noêtre, noêtre est l'Empire romain. L'Italie riche en fruits, la Gaule et la Germanie feècondes en guerriers lui donnent ses forces et les puissants royaumes des Scythes ne nous manquent pas non plus ý comme en teèmoigne l'image

76

75

. Les scythes faisaient reèfeèrence aux Slaves,

. Bien que la domination d'Otton III sur des reè gions comme

(72) Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 176 mentionne que û le travail sur l'eè vangile a eè teè effectueè entre 998 et 1000, ou meê me 1001 [...] sa proximiteè de l'empereur lui-meê me est fortement eè voqueè e par les pages de deè dicace [...] (work on the Gospel Book was going on between 998 and 1000, or even 1001 [...] its closeness to the emperor himself is strongly suggested by the dedicatory pages [...]) ý ; Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 160 dit aussi qu' û aujourd'hui personne ne doute que ces deux pages constituent une splendide repreè sentation picturale de la Renovatio Imperii Romanorum d'Otton III (Nobody now doubts that these two pages are a splendid pictorial representation of Otto III's Renovatio Imperii Romanorum) ý. (73) Schramm,

Die deutschen,

pp. 203,

207,

362-63,

fig. 109-10.

L'eè vangile

d'Otto III

met

davantage

l'accent sur Rome que ne l'a fait le Registrum Gregori, similaire, mais anteè rieur. Le Registrum Gregorii preèsente la personnification de Germania, Francia, Italia, et Alamannia. Selon K. Hoffmann, û Das Herrscherbild im Evangeliar Otto III (Clm 4453) ý, Fru«hmittelalterliche Studien 7 (1973) : (324-41) pp. 338-39 le Registrum a probablement eè teè exeècuteè en 983/984, aé un moment critique pour le jeune Otton III, juste apreé s son accession. Pour Skubiszewski, û Ecclesia ý, pp. 162, 167-68 rapproche l'ideè e de Raoul Glaber selon laquelle la quaterniteè divine se serait manifesteè e dans l'histoire de l'Empire romain renouveleè du manuscrit du Otton III avec ses quatre personnifications des provinces et ses quatre repreè sentants de la Christianitas, qui mettent en lumieé re un autre aspect de la preè sence du systeéme quaternaire dans l'Empire. D'autre part, toujours selon Raoul Glaber, le monde chreè tien gouverneè par l'Empire occidental a vocation au pouvoir universel, et la porteè e universelle de l'Empire chreè tien a trouveè sa juste expression dans l'insigne que le pape Beno|ê t VII fit exeècuter pour le sacre impeè rial d'Henri II en 1014 : une pomme d'or surmonteè e d'une croix et diviseè e en quatre quartiers qui, selon Skubiszewski, ne peuvent symboliser que les quatre parties de la terre. Ainsi l'eè vangile d'Otton III et Raoul inscrivent-ils l'histoire de l'Empire dans le systeé me de la quaterniteè divine de la creè ation, bien que le systeéme de Raoul soit ambigu. (74) Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 160 ; Go«rich, Otto III, p. 206. (75) J. Havet, Lettres de Gerbert (983-997) (Paris, 1889), pp. 236-38 : Nostrum, nostrum est Romanum imperium. Dant vires ferax frugum Italia, ferax militum Gallia et Germania, nec Scithae desunt nobis fortissima regna. (76) Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 160. Que cette image constitue un eè quivalent pictural de la Renovatio Imperii romanorum d'Otton a souvent eè teè releveè, en particulier le fait que les personnifications et leur signification correspondent presque au texte de Gerbert ; B. Arnold, û Eschatological Imagination and the Program of Roman Imperial and Ecclesiastical Renewal at the End of the Tenth Century ý, dans The Apocalyptic Year 1000 Religious

Expectation

and

Social

Change,

950-1050,

eèd.

R. Landes,

A. Gow,

D. van

Meter

(Oxford,

2003)

(pp. 271-87), p. 276. Selon Labande, û Mirabilia ý, p. 469 n. 254, le fait que Sclavinia se rapporte aé la Pologne est indiqueè par un diploême d'Otton donneè aé Gniezno.

9

105

chapitre 3 la Sclavinia (Pologne) soit discuteèe, l'imagerie renforce le reècit d'un ordre mondial des nations chreètiennes baseè sur l'Empire

77

.

La doctrine impeèriale ottonienne proclame que la mission de l'Empire consiste aé rassembler tous les peuples de la terre. Kantorowiz a vu dans les reguli soumis aé Otton III, è vangile d'Aix-la-Chapelle (vers 996 º Treèsor de qui figurent dans l'une des miniatures de l'E la catheèdrale d'Aix-la-Chapelle, f. 16), l'image du pouvoir impeè rial ottonien qui s'exerce sur des regna quasi-indeèpendants. Elle correspond aé l'ideèe traditionnelle d'empire, au sens de û super-royauteè ý dont l'heègeèmonie s'eètend sur une pluraliteè de royaumes

78

. De ce fait,

è vangile d'Otton III n'indil'on est en droit de se demander si les provinces figureè es dans l'E quent que les reègions dont Otton revendiquait la souveraineteè, ou si elles ne renvoient pas plutoêt au concept d'une alliance chreètienne universelle sous la direction de l'empereur

79

.

ê ge, Lagge considere Dans son eètude consacreèe aux mots Gallia et Francia durant le Moyen A é è vangile d'Otton III, une deèfinition geèographique que, dans le cas de la miniature de l'E deètailleèe ne peut eêtre envisageèe et de plus, n'aurait aucun sens, deés lors qu'il s'agit ici d'une reèfeèrence symbolique au pouvoir impeè rial universel

80

. Lagge ajoute que pour les Otto-

niens, en tant qu'empereurs, la frontieére entre la Lotharingie et la France n'eè tait pas une reèaliteè et que peu importait qui eètait concerneè, le propos eètant seulement d'exprimer une suzeraineteè s'exerc°ant largement. Plus tard, des territoires nettement plus aé l'ouest de la Lorraine seront inteègreès dans l'eèloge superlatif du pouvoir d'Henri III prononceè en 1046 par Odilon de Cluny, lequel

é (77) A

propos

de

la

question

de

Sclavinia

dans

l'eè vangile

d'Otton III,

Mayr-Harting,

Ottonian,

t. 1,

pp. 161-62, citant J. Fleckenstein, (û la Pologne n'eè tait pas lieè e au royaume germanique afin d'eê tre plus intimement incorporeè e dans l'ordre plus eè leveè de l'Empire romain (Poland was unbound from the German kingdom in order to be more closely incorporated into the higher order of the Roman Empire) ý º

Grundlagen

und Beginn der deutschen Geschichte, Gottingen, 1974, p. 199), exprime des ideè es similaires au sujet d'une grande confeèdeèration des nations chreètiennes preè sideèe par l'empereur et le pape aé Rome. (78) E. H. Kantorowicz, The King's Two Bodies : a Study in medieval political theology (Princeton, 1957), pp. 63 n. 46 signale que la position des û sous-rois ý rappelle les personnifications dans le Codex Aureus de Francia et Gotia, les deux principales reè gions oué reègnait Charles le Chauve. (79) Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 159 : û Au

x

e

sieécle, la formule Gallia et Germania eètait d'un usage cou-

rant dans les documents d'eè glise pour deè signer l'empire saxon aé l'aide de termes emprunteè s aux anciennes provinces romaines, Germania aé l'est du Rhin, Gallia aé l'ouest et s'appliquant principalement [quoique non exclusivement] aé la Lotharingia ý (the formula Gallia and Germania was a normal usage of church documents to signify the Saxon empire in terms of old Roman provinces, Germania to the east of the Rhine, Gallia to the west and applying principally [though not exclusively] to Lotharingia) ý. Skubiszewski, û Ecclesia ý, pp. 15357. La signification antique du terme Gallia renvoie aé l'Allemagne de la rive gauche du Rhin, et non aux è vangile d'Otton III s'explique par la place preè Gaules. Le fait que Gallia ait pris le pas sur la Germanie dans l'E pondeèrante qu'occupe d'Aix-la-Chapelle dans l'esprit d'Otton durant les anneè es 998-999. Toutefois, bien qu'au

x

e

sieécle û Gallia ý deèsigne l'Allemagne de la rive gauche du Rhin, la coheè rence veut que le terme Gallien

(Gaulois) soit ici compris comme l'eè quivalent de Franzosen (Franc° ais)

; Havet, Lettres, p. 237 n. 6 limite

û l'acception de û Gallia ý au û royaume de Lorraine (de la Meuse au Rhin), donc û des pays d'entre la Meuse et le Rhin ; Germania (du Rhin aé l'Elbe) ; Scithae le pays des Slaves (aé l'est de l'Elbe) ý ; Folz, La Naissance, p. 332 adopte l'interpreè tation de Havet. Voir aussi Bru« hl, Naissance, p. 262. (80) M. Lugge, û Gallia und Francia ý, dans Mittelalter, Untersuchungen u«ber den Zusammenhang zwischen geographisch-historischer Terminologie und politischen Denken vom 6-15. Jahrhundert, Bonner historischer Forschung, t. 15 (Bonn, 1960), pp. 127-31.

106

9

reèforme et renovatio entretenait le reêve impeèrial : û Que les Slaves geèmissent et les Hongrois grincent des dents ; que les Grecs soient stupeèfaits ý

81

. Il mentionne ensuite les Sarrasins, les Africains, les

Espagnols avant de conclure : û Que la Bourgogne veè neére et cheèrisse l'empereur, que l'Aquitaine

coure

joyeusement

entendu de telles choses ? ý

82

pour

le

rencontrer.

Que

la

Gaule

dise :

Qui

a

jamais

. La Gaule, qui rend hommage aé l'Empereur, comprend ici

non seulement la Lorraine, mais eègalement tous les pays situeès aé l'ouest du Rhin. Ainsi, avant et apreés l'an mil, Gerbert et Odilon semblent unir l'un et l'autre la France aé l'Empire

83

. Selon Focillon, la vision de Gerbert et Otton d'un eè tat du monde oué l'accord

du pape et de l'empereur arbitre et gouverne la chreè tienteè toute entieére deèpasse les vues de l'impeèrialisme germanique d'Otton I comme la France

84

er

et d'Otton II, et inclut des royaumes indeèpendants

. Pour preuve de la validiteè de sa geèneèralisation, Focillon eèvoque les

indices suivants : d'abord, la lettre eècrite par Gerbert dans laquelle il propose aé un correspondant inconnu de rapprocher, d'unir dans la meê me sollicitude, au profit d'un inteèreêt supeèrieur, la jeunesse de Robert le Pieux et celle d'Otton III

85

é laquelle s'ajoute la cu. A

rieuse reèponse du pape aé la lettre que lui avait adresseèe Robert le Pieux pour se plaindre d'Adalbeèron de Laon (Ascelin) en 1001, plainte parvenue aé la fois entre les mains de l'empereur et entre celles du pape : Apostolicis et imperi alibus oblata est manibus

86

. Focillon s'inter-

roge : û Que fait l'empereur dans cette affaire de discipline eccleè siastique ? Les diffeèrends qui peuvent surgir entre l'eèpiscopat franc°ais et Robert releévent uniquement de la compeètence du pape, car le roi n'est aé aucun titre, en aucune manieére, le vassal de l'Empire, la France n'est pas au nombre des royaumes qui le constituent et qui sont la Germanie, la Lorraine et l'Italie ý

87

. Focillon cite un autre cas d'usurpation de l'autoriteè de Robert : lors

d'un conflit entre le comte de Barcelone, un vassal du roi de France, et l'archeveê que de Vich, tous deux sont appeleès non pas devant le roi de France, mais devant Otton III

88

.

Ces deux cas laissent entendre que le pape et l'empereur eè taient perc°us comme des puissances supeèrieures au roi de France

89

.

Selon David Warner, les historiens consideérent que, dans une large mesure, l'auditoire eccleèsiastique du reêve impeèrial d'Otton correspondait aé celui qui, vers l'an mil, eètait concerneè par la reèforme

90

. En ce qui nous concerne, pour ce qui est de Saint-Beè nigne, nous dis-

(81) Hourlier, Saint Odilon, p. 111. En octobre 1046, Odilon adresse au roi Henri III une lettre oué figure ce vers. La date exacte de cette lettre, et par conseè quent l'identiteè de son destinataire, a eè teè l'objet de nombreux deèbats, mais Hourlier consideé re que le contexte historique semble correspondre aé l'anneèe 1046. Dans cette lettre, Odilon mentionne l'impeè ratrice Adeè la|ëde et se reèfeére explicitement aé l'exemple d'Otton I

er

, ceux-ci

demeurant pour lui les grands anceê tres, les modeé les des empereurs. (82) Schramm, Kaiser, t. 1, pp. 76-77. è tudes, p. 297. (83) Go«rich, Otto III, p. 206 ; Schramm, Kaiser, t. 1, pp. 90, 97 ; Lot, E (84) 83 Focillon, L'an mil, p. 146 ; Bru«hl, Naissance, p, 262 : û Hugues Capet n'aurait jamais nieè que son royaume fit partie de l'Imperium Romanorum, tout en revendiquant la plus grande indeè pendance possible ý. (85) Ibid., p. 145. (86) Havet, Lettres, p. 241. (87) Focillon, L'an mil, p. 145. (88) Ibid. ; Michel Zimmermann (communication personnelle, 2008). (89) Ibid. (90) David Warner (communication personnelle, 2000).

9

107

chapitre 3 tinguons, aé l'inteèrieur de ce large public eccleèsiastique, un groupe particulier. Pour des reèformateurs comme Odilon, Guillaume et Brun, qui eè taient engageès dans la reèforme moè glise, l'attrait d'une telle union en vue d'instaurer un ordre monnastique et la paix de l'E dial est eèvident

91

. Certes, les liens monastiques avec la papauteè entra|êneérent des beèneèfices,

comme ceux qu'Odilon rec°ut en 998 de Greègoire V qui confirma toutes les possessions de Cluny et accorda aux moines de l'abbaye de recourir aé l'eèveêque de leur choix ou la bulle du pape Beno|êt VII en 1012 qui place Saint-Beènigne sous la protection du Saint-Sieé ge Iogna-Prat reèsume avec justesse le reêve impeèrial des reèformateurs clunisiens de l'an mil

92

93

. .

La Vita sancti Maioli, composeèe apreés 999, insiste sur le lien Cluny-Rome et ses portraits ottoniens expriment le reêve d'empire d'Odilon et de ses freéres dans les anneèes 999-1010 û quand les clunisiens semblent beaucoup espeè rer de l'Empire ý

94

. Chez Odilon, il y avait

û une claire volonteè de confondre, par un retour aux origines, empire et chreè tienteè ý

95

.

Dans les anneèes 999-1010 û les spirituels clunisiens peuvent reêver sans frais de dominer l'empire assimileè aé la chreètienteè ý

96

.

L'an 1001 a vu l'apogeèe de l'ideèal d'une chreètienteè unie

97

. Selon Falco, û on n'avait

jamais vu auparavant [...] une aussi intime co-peè neètration de l'Empire et du Sacerdoce [...] un Empire, consacreè plus entieérement aé l'ideèal religieux ý

98

. Georges Duby ajoute que

meême û le destin de l'univers paraissait intimement lieè aé celui de l'Empire ý

99

. Puis Otto-

n III meurt le 23 janvier 1002, et le reêve change de forme, meême s'il est encore entretenu durant un certain temps par les Empereurs saliens

100

. L'ideèe du pouvoir universel de

Rome conditionnait encore pourtant, dans les anneè es 1030, la penseèe de Raoul. Dans son Historiarum, celui-ci fait remarquer que le pouvoir de Rome a eè teè transfeèreè aux Saxons et

(91) Rodulfus Glaber, Vita, p. 271. La Vita Willelmi deècrit un colloquium pacis tenu par l'eèveêque Brun en preèsence du comte de Bourgogne Otte-Guillaume et de l'abbeè Guillaume plus ou moins au moment oué celui-ci reèformait Beéze, probablement vers 995. (92) Hourlier, Saint Odilon, p. 62 ; Chartes, t. 2, p. 40 n

o

247 ; Bulst, Untersuchungen, p. 43 ; idem, û Guil-

laume ý, p. 23. Cette bulle, qui place Saint-Beè nigne sous la protection du Saint-Sieé ge et deèfend aé l'eèveêque de Langres de jeter l'interdit sur l'abbaye, relevait sans doute d'une mesure preè ventive, visant aé reèpondre au besoin eè ventuel du monasteé re d'une protection exteè rieure contre son dioceèsain apreé s la disparition de Brun et de Guillaume. (93) Iogna-Prat, Agni, p. 374 ; Mayr-Harting, Ottonian, t. 2, p. 47. Odilon a deè dieè aé Otton III son commentaire sur saint Paul. (94) Iogna-Prat, Agni, pp. 18, 105-08, 357, 374 (citation), 375. La Vita sancti Maioli a eèteè eècrite par un groupe de moines de l'entourage d'Odilon. De plus, l'un d'entre eux eè crivait aé Saint-Beènigne : Aldebald est citeè dans les fragments d'un neè crologe de Saint-Beè nigne qui date du tournant des

xi -xii e

e

sieécles (BNF, ms. lat.

4339, f. 66v, 67r). Voir J.-L Lema|ê tre, Reèpertoire des documents neè crologiques franc° ais (Recueil des Historiens de France, Obituaires VIII) (Paris, 1980), p. 233 ; selon Iogna-Prat, û Aldebald pourrait n'eê tre que le copiste (peut-eê tre opeèra-t-il quelques remaniements) de la Vita sancti Maioli aé Saint-Beènigne de Dijon ý. (95) Iogna-Prat, Agni, p. 368. (96) Ibid., p. 376. (97) Labande, û Mirabilia mundi ý, p. 210. (98) Falco, The Holy, p. 177, traduit par Labande, û Mirabilia mundi ý, p. 462 apreé s G. Falco, La Santa Romana Repubblica (Milan, 1954), p. 258. (99) Duby, L'an mil, p. 44. (100) Arnold, û Eschatological ý, pp. 282-83 ; Voir aussi, S. Weinfurter, Heinrich II (1002-1014) : Herrscher am Ende der Zeiten (Regensburg, 1999), pp, 232-40 ; idem, The Salian Century, pp. 18-32.

108

9

reèforme et renovatio que le pouvoir universel de l'empire teèmoigne de la preèsence du projet divin

101

. De nou-

veau, dans un texte vers 1040, il inscrit l'histoire de l'Empire dans le systeé me de la quaterniteè

divine

de

la

creèation

102

.

Selon

Iogna-Prat,

l'espoir

que

l'empereur

confie

des

monasteéres aux clunisiens perdure encore sous Henri II, malgreè l'absence de peèneètration de la reèforme clunisienne dans l'Empire

103

. Etre associeè aé la reèforme impeèriale semble

avoir eèteè le but d'Odilon dans une lettre adresseèe aé Henri III en 1046, dans laquelle il demande aé servir dans la reèforme eccleèsiastique de la papauteè entreprise par le roi

104

.

è glise doit eèmaner du peuple spirituel Odilon y soutient qu'un avis sur les questions de l'E dans sa totaliteè, et pas seulement des Germains et des Italiens. Henri devrait donc eè tendre le choix de ses conseillers au monde entier. La notion de l'Empire et d'un projet divin demeurait donc fort dans les milieux eccleèsiastiques franc°ais du

xi

e

sieécle.

Vers 1024, l'abbeè Guillaume attendait moins d'une collaboration eè troite avec l'empereur, aussi, peut-eêtre pour cette raison, accordait-il moins d'importance aé l'Empire stricto sensu ; dans une lettre aé Jean XIX, Guillaume propose une vision donnant plutoê t preèceèdence aux successeurs de saint Pierre : û Alors que le pouvoir de l'Empire romain, qui reègna seul autrefois sur le monde entier, est maintenant diviseè en divers endroits sous des sceptres multiples, le pouvoir de faire et deèfaire dans les cieux et sur la terre est attacheè aé la charge de saint Pierre par un don inviolable ý

105

. L'assimilation par Guillaume du pouvoir

attacheè aé la charge de saint Pierre avec celui de l'Empire romain reè gissant autrefois le monde entier fait eècho aé sa reèfeèrence anteèrieure, en 1016, aé une û eèglise qu'on appelle universelle [...] parce qu'elle s'eètend aé travers toutes les frontieéres de ce monde ý

106

. Quoi

qu'il en soit, les termes de Guillaume ne reè percutent pas seulement la reèfeèrence d'Otton de Verceil aé l'Empire en tant qu'espace couvrant plusieurs pays, mais eè galement le concept carolingien de l'expansion universelle du christianisme. On sait d'ailleurs que Guillaume eut des entretiens avec l'empereur Henri II en 1006 et en 1014

107

. De nouveau, entre 1020 et 1030, il effectue plusieurs voyages dans l'Empire,

en Lorraine, pour reèformer des monasteéres aé Metz (1020), Toul, et Gorze (1030)

108

. En

(101) France, û Introduction ý, pp. 11, 19, 23-31 ; Skubiszewski, û Ecclesia ý, pp. 162-65. (102) Supra, p. 105 n. 73. (103) Iogna-Prat, Agni, p. 374. (104) P. Jestice, Wayward Monks and the Religious Revolution of the Eleventh Century (Leiden, 1997), p. 182. (105) Rodulfus

Glaber,

Historiarum,

p. 174 ;

Raoul

Glaber, Histoires,

pp. 228-29 :

Quoniam, licet potestas

Romani imperii, que˜ olim in orbe terrarum monarches uiguit, nunc per diuersa terrarum innumeris regatur sceptris, ligandi soluendique in terra et in ce˜ lo potestas dono inuiolabili incombit magisterio Petri. (106) Rodulfus Glaber, Vita, p. 290 : aecclesie˜ que˜ iccirco uniuersalis dicitur quoniam [om. R] [...] quod in omnes mundi terminos dilatatur. (107) Chartes, t. 2, p. 245 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 24 ; Weinfurter, Heinrich II, pp. 184, 228. Guillaume est alleè voir Henri II aé Aix-la-Chapelle en 1006 afin de placer Fruttuaria sous sa tutelle juridique. (108) Bulst, Untersuchungen, pp. 276-77 ; Rauwel, û Une reè forme ý, pp. 13-16. Saint-Arnoul de Metz, Sainté vre de Toul et Gorze, au pays de Metz, qui avait eè teè au milieu du E

x

e

sieécle, sous l'abbeè Jean, le foyer de la

reèforme beè neèdictine en terre d'Empire. Guillaume peut beè neèficier du reèseau monastique reliant Gorze aé des centres aussi importants que Treé ves ou Fulda.

9

109

chapitre 3 1024, Henri faisait don aé Saint-Beènigne d'un sacramentaire, et apreés sa mort, son eèpouse, l'impeèratrice Cuneègonde donnait aé l'abbaye deux livres d'or et de pierreries, destineè s aé l'exeècution d'un calice et de sa pateéne

109

. Guillaume partageait indiscutablement l'espoir

des reèformateurs pour un ordre universel nouveau associant pouvoir la|ë que et eccleèsiastique.

Le Milleènaire

Rien n'indique que des attentes apocalyptiques immeè diates aient stimuleè la reèforme de Guillaume ou ses plans pour la construction d'une nouvelle eè glise, que ce soit avant ou apreés le milleènaire

110

. La reècente expeèrience de l'entreèe dans un nouveau milleènaire a sus-

citeè de nombreux deèbats eèrudits aé propos des attentes milleènaires au tournant de l'an 1000

111

. Un passage de la Vita de Raoul Glaber a projeteè Guillaume et Saint-Beènigne au

cÝur de ces discussions : û Sur son ordre [Guillaume], en effet, j'avais deè jaé eècrit la plus grande partie du reècit des faits et des prodiges qui advinrent avant et apreé s le milleènaire de l'incarnation du Sauveur ý

112

.

Selon Richard Landes, Raoul aurait reè digeè cette histoire aé Saint-Beènigne vers le milieu des anneèes 1020, et Guillaume lui aurait speècialement demandeè de preèsenter l'histoire de l'an mil comme un tournant dans l'histoire, comme une nouvelle aube pour la Chreè tienteè [...] le monde a traverseè une crise (apocalyptique) et en est sorti consideè rablement ameè lioreè. Ainsi l'an 1000 eètait important [...] mais cette importance n'avait rien aé voir avec une quelconque apocalypse preèsumeè e, chiliastique ou non. C'eètait une deèclaration anti-apocalypse, treé s proche du renouveau de l'empire romain d'Otton º eè loquent dans les extreêmes qu'il atteignait dans le but d'affirmer une vision normative, mais aussi avec une forte dose d'un chiliasme optimiste cacheè aé l'arrieé re-plan. En eè crivant cette histoire, Raoul [...] servait de porte-parole aé Guillaume. Bien suê r, le fameux passage sur le û blanc manteau d'eè glises ý pourrait avoir eè teè dicteè par le bon abbeè lui-meê me

113

.

Landes conclut neèanmoins que Raoul Glaber avait mal compris la taê che que lui avait fixeèe Guillaume et que la reèfeèrence aé la fin du livre 2 (xii, 23) aux eèveènements de l'an mil comme eètant l'accomplissement de la propheètie du Livre de la Reèveèlation 20, 2-3 sur

(109) Chartes, t. 2, p. 70 n

o

280 et n

o

281.

(110) Arnold, û Eschatological ý, pp. 280-83. De meê me, il me semble que les attentes apocalyptiques immeèdiates n'aient pas stimuleè la renovatio d'Otton III. (111) La reè flexion actuelle des attentes susciteè es par le milleè naire de l'an mil est restitueè e avec justesse par D. Bartheèlemy, La mutation de l'an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des

x

e

et

xi

e

sieécles (Paris,

1997), pp. 342-61 et dans les essais et l'introduction de M. Frassetto, The Year 1000 : Religious and Social Response to the Turning of the First Millennium (New York, 2002), pp. 1-7. (112) Rodulfus Glaber, Vita, p. 294 : Ipsius nanque imperio maxima iam ex parte euentuum ac prodigiorum que˜ circa et infra Incarnati Saluatoris annum contingere millesimum, descripseram. (113) Supra, p. 97 n. 33 ; Landes, û Rodulfus Glaber ý, p. 72.

110

9

reèforme et renovatio l'Anteèchrist provoqua une altercation avec l'abbeè , qui eut pour conseèquence la fuite de Raoul vers un autre monasteére et l'interruption de son travail sur l'Historiarum

114

.

Les vestiges sculpteès dans la rotonde de Dijon sont trop rares et trop incoheèrents pour pouvoir eêtre rattacheès aé des theémes apocalyptiques

115

. Une reèfeèrence au Saint-Seèpulcre,

fondeèe sur l'analogie des dimensions de la rotonde, serait le seul eè leèment architectural permettant de relier Saint-Beènigne aux attentes du milleènaire. Or, comme je l'ai indiqueè preèceèdemment, aé l'instar d'autres speècialistes, notamment de Schlink, qui ont eè tudieè avec soin les modeéles eèventuels de la rotonde, je suis arriveè e aé la conclusion que pour l'essentiel, son scheèma se base sur celui du Pantheèon et non sur celui du Saint-Seèpulcre

116

. Ainsi, rien n'in-

dique une insistance quelconque aé Saint-Beènigne sur le Saint-Seèpulcre en tant que Jeèrusalem terrestre, se qui fut souvent consideèreèe comme une preuve de l'espeèrance en l'Apocalypse

117

.

L'argument selon lequel l'eèglise Saint-Beènigne n'eètait pas commenceèe au moment preècis du milleènaire peut para|être significatif. Guillaume eètait abbeè depuis au moins une deècennie avant qu'il entreprenne la reconstruction, sur le meê me site, de la preèceèdente eèglise deèlabreèe, ce qui semble traduire son attente du passage du milleè naire. Selon Richard Landes, l'anneèe 1000 fut pour Guillaume une anneèe cruciale, une anneèe de reèforme et de reènovation, nullement une anneèe apocalyptique. Il perc°oit chez Guillaume une espeèrance chiliastique orienteèe vers la perspective du royaume des cieux sur la terre et la transformation des attentes de l'Apocalypse en reè forme. Il conclut que reèformer faisait partie du projet du milleènaire de creèation d'un royaume des cieux sur la terre

118

. Nous reprenons aé

(114) Ibid., pp. 72-73 ; idem, û White Mantle ý, p. 253 n. 25. Landes ajoute que les indications sur les attentes apocalyptiques concentreè es sur 1033, le milleè naire de la Passion (anno passionis), dans les dernieé res parties de l'Historiarum sont entieérement imputables aé Raoul Glaber. (115) Supra, p. 52 et infra, pp. 235-36. (116) Supra, p. 61. (117) Landes, û Rodulfus Glaber ý, p. 75 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 252-54, 260-61 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 199, 204. Landes remarque, par exemple, que la motivation apocalyptique du peé lerinage aé Jeèrusalem reposait sur la croyance selon laquelle la parousie aurait lieu laé . Bien que Raoul n'eè tablisse pas explicitement cette relation, dans la dernieé re partie de ses histoires, il deè crit les peé lerinages aé Jeèrusalem de la fac°on suivante : û Dans le meême temps, de la terre entieére, on vit affluer vers le seè pulcre du Sauveur, aé Jeèrusalem, une multitude [...]. Il se trouva alors beaucoup de gens pour interroger les meilleurs esprits sur la signification

d'une

telle

affluence



Jeèrusalem,

pheè nomeéne

inconnu

des

temps

passeè s.

Prudemment,

certains

reèpondirent que ce ne pouvait eê tre qu'un preèsage de l'arriveè e de l'Anteèchrist, qui, au teèmoignage de l'autoriteè divine, viendra aé la fin de notre temps. Une fois ouvert aé tous les peuples le chemin de l'orient, par oué il viendra, toutes les nations s'avanceront aé sa rencontre : ainsi se reè alisera la preè diction faite par le Seigneur selon laquelle meê me les eè lus, si cela est possible, ceè deront aé la tentation. Nous arreê tons ici sur ce sujet : nous n'entendons pas nier que la peine et la deè votion des fideé les recevront aé la fin leur salaire et leur reè compense du juste Juge ý (Per idem tempus ex uniuerso orbe tam innumerabilis multitudo cepit confluere ad sepulchrum Saluatoris Iherosolimis [...]. Preterea, dum quidam de sollicitioribus, qui eo tempore habebantur, consulti a pluribus fuissent, quid tantus populorum concursus ad Iherosolimam designaret, olim seculi inauditus preteriti, responsum est a quibusdam satis caute non aliud portendere quam aduentum illius perditi Antichristi, qui circa finem seculi istius, diuina testante auctoritate, prestolatur affuturus. Tuncque gentibus uniuersis uia orientis plage, unde uenturus est, patefacta, obuiam illi cuncte nationes incunctanter sint processure reuera ut illud dominicum adimpleatur presagium quoniam tunc in temptationem incident, si fieri potest, etiam electi. Huius hic meta uerbi, ceterum non negamus deuotum laborem fidelium exinde premium seu mercedem percipere a iusto Iudice). (118) Landes, û White Mantle ý, p. 252.

9

111

chapitre 3 notre compte la theése de Landes selon laquelle les efforts reèformateurs de Guillaume, y compris la construction de la nouvelle eè glise, eètaient destineès aé rendre les cieux plus accessibles aé ses moines. Nous verrons que le troisieéme niveau de la rotonde eètait une preèfiguration de la Jeèrusalem ceèleste. Selon nous, les reèformes de Guillaume appartenaient aé un nouvel ordre mondial ceèleèbreè par la meètaphore de Raoul Glaber : û C'eètait en fait comme si le monde lui-meême, se secouant et rejetant sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d'un manteau d'eèglises d'un blanc eèclatant ý

119

. Malgreè les profonds deèsaccords entre Richard

Landes et Dominique Bartheèlemy sur les sentiments apocalyptiques aux alentours de l'an mil, ce dernier estime lui aussi que cette meè taphore de Raoul ceèleébre û l'eèlan reèformateur è glise en geèneèral ý ; selon ce chercheur, Raoul voulait transmettre du monachisme et de l'E que û Dieu a consideèreè le milleènaire de l'Incarnation comme un moment pour accentuer sa preèsence en actes. C'est exactement comme ces feê tes commeèmoratrices du Christ et des saints tout au long d'une anneèe [...] Le mode qui refleurit, c'est le printemps ; les blanches eèglises, une liturgie pascale (baptismale) ý

120

. Tout ceci explique peut-eêtre pourquoi l'an

mil marque une eètape charnieére dans l'histoire de Raoul Glaber et dans la construction de Saint-Beènigne. On ne peut pas suivre Landes dans toutes ses affirmations concernant les conditions de conception

de

l'ouvrage

de

Raoul,

ni

les

motivations

pour

construire

Saint-Beè nigne.

Compte tenu de l'implication, entre 1002 et 1016, de Saint-Beè nigne dans la guerre bourguignonne contre Robert le Pieux, il para|ê t improbable que le but principal de Guillaume, lorsque dans les anneèes 1020, il demanda aé Raoul Glaber d'eècrire ses Histoires, ait eèteè, comme Landes en fait l'hypotheése, de preèsenter la venue de l'an mil comme inaugurant è glise renouveleèe apporte aé la terre la graêce salun milleènaire eccleèsiastique dans lequel l'E vatrice divine, la transformant d'un monde de guerre et d'injustice en un monde de paix et de prospeèriteè. Ainsi, la socieèteè la|ëque peut enfin se transformer dans le royaume milleè naire. Landes ajoute qu'une telle lecture eschatologique de ce programme de reè forme violait l'asceètisme radical d'Augustin par son fantasme sur le milleè naire comme une incarnation eèlaboreèe de cette ideèologie

122

121

. Il voit Saint-Beènigne

. Bien que de telles espeèrances soient

davantage envisageables en 1001, au moment de la conception de l'eè glise, que dans les anneèes 1020, il semble probable que Guillaume, Supra regula, ait adheèreè dans l'esprit et dans le texte û aux critiques augustiniennes auxquelles tous les eè crivains eccleèsiastiques avaient eèteè formeès ý

123

. La reèforme de Guillaume s'est donc treé s certainement inscrite dans

è glise plus fondamental, visant aé rendre l'humaniteè plus proche de Dieu, en un ideèal de l'E relation avec les objectifs de Gerbert et d'Otton III, et le dessin de Saint-Beè nigne refleéte vraisemblablement ces aspirations vers un renouveau spirituel, indeè pendant des attentes immeèdiates de l'apocalypse.

(119) Supra, p. 97 n. 32 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 114-17 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 164-65. (120) D. Bartheè lemy, L'an mil et la paix de Dieu : La France chreè tienne et feèodale 980-1060 (Paris, 1999), pp. 15660. (121) Landes, û White Mantle ý, p. 252. (122) Ibid. (123) Ibid., pp. 252, 255.

112

9

reèforme et renovatio

Conclusion La signification accordeèe aux emprunts aé Rome que traduit la configuration de SaintBeènigne n'a cesseè de varier au fil des temps en fonction des diffeè rents publics. Pour le public de la conseècration de 1016, les formes monumentales ont pu eè voquer le pouvoir spirituel de Rome ainsi que les liens directs que le monasteé re, devenu en 1012 indeèpendant du è ternelle pouvoir local, entretenait avec la Ville E

124

. Si la preèsence dans le dessin de 1001

de reèfeèrences aé Rome ne peut eêtre assimileèe aé un signe speècifique d'affiliation aé l'Empire, politique ou spirituel, elle exprimait au moins de l'admiration pour cette institution et un deèsir d'identification avec la Rome chreè tienne impeèriale. Cependant, aé cause de la rotonde, les formes de Saint-Beènigne se rapprochent, de fait, davantage de celles de la Rome que ne le font les formes d'imitation ottonienne ou salienne des architectures paleèochreètiennes et la date du traceè du plan de Saint-Beènigne, plus que celle de tout autre eèdifice de l'Empire, co|ëncide avec l'apogeèe du reêve impeèrial d'union du pape et de l'empereur avant la mort d'Otton III en 1002 et de Gerbert en 1003. En tant que renouveau des formes romaines, Saint-Beènigne est le plus proche eèquivalent des autres vestiges mateèriels de la

renovatio,

telle la bulle d'Otton III de 998. L'emploi des formes

romaines constitue une indication de la complexiteè des liens des reèseaux eccleèsiastiques et aristocratiques qui, au-delaé des limites de l'Empire ottonien, caressaient en l'an mil le reê ve d'un monde spirituel. Il faut eèvidemment se garder de toute conclusion haêtive, mais les liens eccleèsiastiques de Guillaume et Brun, en conjonction avec les formes elles-meê mes, indiquent que l'eèglise Saint-Beènigne teèmoigne en l'an mil de ce reêve impeèrial eccleèsiastique.

(124) Voir supra, pp. 73, 100, 108.

9

113

4 è TATION POLITIQUE INTERPRE

S

i la configuration de l'eèglise Saint-Beè nigne et de sa rotonde semble teèmoigner d'une identification eccleèsiastique avec la Rome chreètienne impeèriale de l'an mil, elle

s'inscrit eègalement dans la longue tradition architecturale carolingienne encore importante dans les milieux de l'eèveêque Brun et de l'abbeè Guillaume. Ces deux baêtisseurs ont construit l'eèglise pendant la guerre de Bourgogne durant laquelle Dijon eè tait un centre de premieére importance de l'opposition au roi capeètien Robert le Pieux. Qu'ont pu vouloir dire ses formes dans le contexte de ce conflit ? Face au caracteé re ostentatoire de Saint-Beènigne, Neithard Bulst s'est demandeè û pourquoi un abbeè supra regula comme Guillaume [avait] fait 1

é l'inverse, le roêle joueè par Brun dans sa conception a eèteè construire une telle eèglise ý . A consideèreè comme mineur, bien que la chronique indique que l'eè veêque fournit les moyens et 2

fit venir de partout des colonnes en marbre et en pierre . Or, la personne de Brun et sa politique meèritent qu'on y porte attention. Une reè feèrence implicite aé Brun dans un sermon prononceè par Guillaume lors de la conseècration de l'eèglise, nous fournit le pivot autour duquel la signification politique que reveê taient en 1016 les formes de Saint-Beènigne peut eêtre deègageèe. Dans cette perspective, le texte inhabituel de ce sermon doit d'abord eê tre lu en rapport eètroit avec le contexte politique qui l'entoure.

Le sermon de la conseècration

Selon Raoul Glaber, le jour de la conseècration de l'eèglise Saint-Beènigne fut fixeè au 30 octobre, soit l'avant-veille de la feête du martyre de saint Beènigne (1

er

novembre), et l'eèglise 3

eètait en eètat de proceèder aux ceèleèbrations deés la vigile de la Toussaint (31 octobre) . Raoul ajoute que û Brun eètant deèceèdeè et Lambert lui ayant succeèdeè aé son sieége, il fut alors deècideè de proceèder selon la coutume aé la conseècration de cette basilique par une beè neèdiction pontificale. [...] tous les rites accomplis, comme il eè tait convenable, les eèveêques et les religieux qui eètaient preèsents demandeérent au Peére Guillaume de dispenser, dans ces jours de grande conseècration, la miseèricorde des paroles divines pour eux et pour les fideé les du 4

monde entier pendant les solenniteès sacreèes des messes ý .

(1) Bulst, û Guillaume ý, p. 25. (2) Supra, p. 75. (3) Rodulfus Glaber, Vita, p. 288. (4) Ibid. : iam Brunone defuncto Lambertoque in sede illius surrogato, placuit ut eadem basilica pontificali ex more benedictione sacraretur. [...] que˜ omnia rite ac solenniter, ut condecens erat, explentes petierunt qui aderant episcopi ac quique religiosi patrem Willelmum ut in die tante˜ consecrationis tam ipsis quam uniuerse˜ plebi inter sacra missarum sollennia diuini elemosinam impendereret uerbi.

9

115

chapitre 4 Ainsi, la date de la conseècration de l'eèglise eèvoqueèe par Raoul est mentionneèe en relation avec le jour de la mort de Brun, et, s'il n'a jamais eè voqueè une participation quelconque

de

Brun

dans

la

construction

de

l'eèglise,

il

rapporte

pourtant

les

paroles

d'admonition de Guillaume lors de sa conseè cration, paroles qui font implicitement reèfeèrence au roêle de Brun, en tant que commanditaire, ainsi qu'aé la situation politique dans laquelle s'eètait inscrite la nouvelle construction. Selon Raoul, Guillaume deè clara : û J'aurais aimeè gouêter sans meè lange la joie que me cause votre concours unanime dans la solenniteè de cette deèdicace, mais j'eèprouve une grande tristesse aé la vue des livreè es sataniques dont se reveêt le peuple de Dieu. Ne voyez-vous donc pas, vous, dont l'esprit est plus sain, combien

sont

deèmentes

ces

fentes

et

ces

deè coupures

dans

les

veê tements,

ces

chevelures

d'homme aé moitieè coupeèes, ces joues qui ont perdu leur barbe. Aujourd'hui, la plupart des chreètiens ne reêvent que d'amusements frivoles et coupables. Combien leurs leé vres sont souilleè es aé tout propos par d'horribles injures ! De telles nouveauteè s sont devenues treé s populaires reè cemment, elles n'eè manent pas de la religion chreè tienne mais elles sont plutoê t enracineèes dans la folie diabolique de la superstition. C'est de ceci eè galement qu'est neè l'orgueil, racine de tout mal et alimentation d'autres vices. Et ne vous consideè rez-vous pas eê tre ses serviteurs qui portent en vous-meê mes son insigne et ses marques ? Maintenant, cela me fait honte de dire ceci, tout comme cela me fait de la peine de garder le silence, parce que vous vous attendez aé entendre de douces paroles, or je vous fais d'amers reproches. Par conseè quent si quelqu'un d'entre vous a donneè cinq sous, offert le moindre don pour participer aé la construction de cette nouvelle eèglise du saint martyr, qu'il le deè clare devant toute l'assembleè e ý. Parce que personne n'a contribueè aé cette cause, il reè peètait aé nouveau, û Consideèrez, freéres bien-aimeès, dans quelles circonstances eè pineuses, aé la lueur de quels incendies, s'est baê ti ce Palais de Dieu tout-puissant. Et combien ce palais s'est lanceè vers de telles hauteurs grandioses. Il revient aé Dieu meê me et au martyr saint Beè nigne d'eèriger enfin vers le ciel son fa|ê te resplendissant. Je vous prie de garder constamment preè sent aé l'esprit la rapiditeè de destruction de toute sorte de preè occupations é cause de ceci, je vous implore, avec l'aide de notre Creè ateur, de reè et d'ambitions terrestres. A sister aux vices et au deè mon malveillant ; cultivez plutoê t les brillantes vertus et adoptezles ý [...]. Quand il euê t termineè ce long discours et que tous les autres ont reè pondu û Amen ý, il est impossible de se souvenir dans l'eè glise entieére qui a verseè des larmes, qui a pleureè et qui s'est lamenteè . Une fois que tout fut accompli conformeè ment au rite, tous les fideé les rentreérent 5

chez eux, dans la joie .

(5) Rodulfus Glaber, Vita, pp. 290-92 : `Gaudere' inquit `contigisset michi ex uestre˜ unanimitatis deuotione huius sanctificationis concursus, sed quia nimius meror mentem deprimit ex signis satane˜ , que˜ euidentissime apparent in populo Dei. Non' inquiens `aspicitis, quibus est mens adhuc sanior, que˜ scissure˜ et detruncationes uestium rabidissime ? Que˜ attonsure˜ per ceruices uirorum ? Quam turpis in barba orripilatio maxillarum ? Quam uagacissima pene uniuersorum corporum et insanissima actitatio, quam lasciua ad omnes pene sermones ore terricrepo iuramenta ? Ista etenim uniuersa recentia et nuper grassata non ex religiositate christianitatis processere, quin potius ex diabolice˜ superstitiositatis rabie emersere. Exinde quoque pullulat radix omnium malorum superbia ce˜ terorumque uitiorum fomenta. Atque uos ipsi iudicate si non ipsius famuli estis cuius insignia et stigmata in uobismet ipsis geritis. Nam et me pudet dicere, dum penitet reticere, quoniam expectastis dulcedinem uerbi et ego propino uobis generaliter amaritudinem redargutionis. Moneo etiam illum, si quis est in tota hac plebe qui uel quinque solidos sue quippiam ad huius sancti martyris optulit ree˜ dificandam muneris e˜ cclesiam, quam pre˜ oculis habetis, coram cunctis referat.' Dum ergo non inueniretur quisquam aliquid contulisse, rursus ait : `Videte, fratres amantissimi, inter quas spinas atque incendia pessimorum he˜c aula Omnipotentis Dei per fidem sui testis Benigni, ad quam elegantia excreuit ipso cooperante fastigia. Volo uos, si placet, assidue esse memores quam uelox uniuscuiusque sit mundanae cure˜ et ambitionis depositio. Propter quod obsecro, cum nostri Auctoris adiutorio resistite uitiis et maligno diabolo, uirtutes quoque pre˜ claras assumite et colite [...]'. Dumque ille ista perorasset ac responsum ab omnibus fuisset : `Amen', qui singultus, quante˜ lacrime˜, qui gemitus per totam aec-

116

9

interpreètation politique 6

Les porteurs de ces veêtements eètranges peuvent eêtre identifieès sans grande difficulteè . La critique seèveére adresseèe aux adeptes de ces veêtements excentriques par Guillaume dans ce sermon extrait de la Vita est relayeèe par la description, dans les Histoires de Raoul Glaber, de cette mode singulieére. De fait, la vitupeèration de Guillaume est speècialement dirigeèe 7

contre les gens du sud, partisans de la reine Constance . Constance eètait la fille du comte Guillaume d'Arles et d'Adeè la|ëde d'Anjou, elle-meême 8

fille du comte Foulques le Bon . Selon Raoul, deés le jour oué Constance eè tait devenue l'eèpouse du roi Robert, vers l'an 1000 de l'Incarnation du monde, cette princesse d'Aquitaine avait introduit aé la cour les habits et les mÝurs des gens d'Auvergne et d'Aquitaine, et la nouvelle mode avait eu un rapide succeé s en Bourgogne, comme dans le domaine royal. C'eè taient des gens deè sinvoltes et vains aux manieé res et aux veêtements plutoêt eè tranges. Les hommes se reveê taient d'une armure neè gligeèe et couvraient leurs chevaux d'ornements ridicules. Ils se coupaient la chevelure aé mi-teê te, se rasaient la barbe aé la manieére des histrions ; ils portaient des bottines et des chaussures indeè centes. De plus, ils n'avaient ni foi ni loi. Les Bourguignons eux-meê mes imiteérent ces exemples deè testables, alors que tous les Franc° ais eètaient, jadis, si vertueux. Heè las ! Leur mauvais exemple a eè teè avidement adopteè d'une part par tout le peuple de France, jadis appartenant aé la plus honorable des nations, d'autre part, par celui de Bourgogne, qui eè galait vite ses compatriotes en infamie et peè cheè . Si un homme craignant Dieu ou un croyant se hasardait aé les retenir dans leur fougue, ils le traitaient de fou. Mais cet homme de vraie foi et constance, le Reè veèrend Peére Guillaume dont nous avions discuteè auparavant, s'est deè fait de toute la honte humaine pour endosser luimeême l'invective spirituelle, tout en critiquant ameé rement le roi et la reine de permettre que de telles choses se produisent dans un royaume qui, parmi tant d'autres, avait si longtemps brilleè par son honneur et sa deè votion. Il en deènonce aussi bien d'autres, de rang ou d'ordre infeèrieur, d'une manieé re si menac° ante que la plupart, renonc° ant aé ce culte superstitieux de la vaniteè revinrent aé leurs usages anciens. L'abbeè assurait en effet que ces atours n'eè taient rien

clesiam agebantur, exprimi non ualet. Omnibusque rite perfectis cum gaudio quique rediere ad propria. Cf. Chomton, Histoire, p. 122. (6) France, û Introduction ý, pp.

xxvii-xxviii ; P. Geary, Phantoms of Remembrance : Memory and Oblivion at

the end of the First Millennium (Princeton, 1994), pp. 3-4 n. 7, 183 n. 6 ; Patrick Geary et moi avons eè tudieè SaintBeènigne et ce sermon dans un seè minaire interdisciplinaire commun de 1977 aé l'Universiteè de Princeton, auquel ont eè galement participeè Richard Landes et Robert Bartlett. J'ai deè veloppeè ces ideèes lors d'une confeèrence donneè e aé l'Universiteè de Californie aé Berkeley en 1979. (7) Rodulfus Glaber, Vita, p. 288 : û Reè pondant au vÝu du peé re, se rassembleé rent en ce lieu, au jour dit, non seulement des eè veêques, mais une multitude innombrable de gens de tous ordres venus de diverses provinces ý (Tunc denique ad uotum ipsius patris conuenere die designato e diuersis prouinciis non solum episcopi uerum etiam quorunque ordinum promiscue˜ plebis innumera multitudo) ; Bulst, Untersuchungen, p. 33 ; idem, û Guillaume ý, p. 26. Neithard

Bulst

cite

pour

Montier-en-Der

Miracula

sancti

Bercharii,

abbatis

Dervensis,

liv. 2

cap.

11

dans

J. Mabillon et L. d'Achery, Acta Sanctorum Ordinis sancti Benedicti, t. 2, Paris, 1669 (pp. 844-61) p. 855. Nous ignorons les noms des eè veêques et des autres personnes qui assisteé rent aé la conseè cration, aé l'exception de l'abbeè Beèrenger de Montier-en Der dont nous savons qu'il se trouvait dans la foule graê ce aé la chronique de Montieren-Der qui mentionne cette ceè reèmonie. (8) P. A. Adair, û Constance of Arles : A Study in Duty and Frustration ý, dans

Capetian Women, eèd.

K. Nolan (New York, 2003), (pp. 9-26) pp. 11, 23 n. 12. Par contre, selon M. Arnoux, Constance eè tait la fille de Blanche-Azalais. Voir Raoul Glaber, Histoires, p. 154 n. 26.

9

117

chapitre 4 d'autre que des marques de Satan, et que tout homme qui mourait ainsi marqueè aurait du 9

mal aé eèchapper aux cha|ênes du deèmon .

Raoul fait ici, selon toute apparence, reè feèrence aé û l'invective spirituelle ý prononceèe par Guillaume lors la conseècration de l'eèglise Saint-Beènigne et aux reproches visant le roi Robert et sa femme Constance ainsi que leurs partisans, la diatribe qui stigmatisait le style de leurs veêtements et de leurs coiffures servant aé deèsigner ceux qui n'avaient pas contribueè aé la construction de l'eèglise

10

. Nous savons donc qui eètait la cible du chaêtiment dont le

sermon de Guillaume brandissait la menace censeè e frapper ceux qui n'avaient pas verseè le denier duê au culte. Cette critique ameére s'adressait de toute eèvidence aux Capeètiens. Le fait que pas un de ses auditeurs n'ait contribueè, meême dans la faible proportion des cinq sous destineès aux frais de l'eèglise, impliquait que les protecteurs de Saint-Beè nigne eètaient absents

11

. Qui eètaient ses protecteurs et pourquoi n'assistaient-ils pas aé la conseècration ?

Le ducheè de Bourgogne Une analyse de la situation en Bourgogne durant les anneè es 1001 aé 1016, correspondant aé la phase de construction de Saint-Beènigne, permet d'expliquer les raisons du silence de Guillaume aé propos de Brun et de l'absence des autres protecteurs de l'eè glise, ainsi que les motifs du deèdain dont les Capeètiens furent l'objet de la part de l'abbeè. Cette explication

(9) Rodulfus Glaber,

Historiarum,

pp. 164, 166, 239 n. 4 :

Olim igitur circa millesimum incarnati Verbi annum, cum

rex Rotbertus accepisset sibi reginam Constantiam a partibus Aquitanie in coniugium, coeperunt confluere gratia eiusdem reginae in Franciam atque Burgundiam ab Aruernia et Aquitania homines omni leuitate uanissimi, moribus et ueste distorti, armis et equorum faleris incompositi, a medio capitis comis nudati, histrionum more barbis rasi, caligis et ocreis turpissimi, fidei et pacis foedere omni uacui. Quorum itaque nefanda exemplaria, heu pro dolor ! tota gens Francorum, nuper omnium honestissima, ac Burgundionum sitibunda rapuit, donec omnis foret nequitie˜ et turpitudinis illorum conformis. Si quislibet uero religiosus ac Deum timens talia gerentes compescere temptauisset, ab eisdem insania notabatur. Sed uir integerrime˜ fidei ac constantiae, pater uidelicet Willelmus, quem iam supra commemorauimus, reiecto pudore sumptaque spiritali inuectione, regem pariter ac reginam cur talia in suo regno permitterent fieri acerrime increpans, quippe quod ceterorum honestissimum honore et religiositate diutius claruerat regnorum, ceteros quoque inferioris gradus seu ordinis ita redarguens, comminabatur ut plerique monitionibus illius coerciti, relicta superstitiosa uanitate, in pristinum se reformarent usum. Asserebat igitur isdem abba hec omnia molimina calteria esse Sathane˜, ac si quis hominum talibus insigniis calteriatus ex hoc seculo migrasset, difficulter a diaboli uinculis posse eripi.

Cf. Chomton,

Histoire,

p. 122 ; Focillon,

L'an mil,

p. 102 ; Bulst,

Untersuchungen,

pp. 88-89. Siegfried de

Metz, que l'abbeè Guillaume nomma comme abbeè , deènonc°a les partisans franc°ais et aquitains d'Agneé s dans un style treé s proche de celui employeè par son mentor aé propos de ceux de Constance. En 1045, Henri III, roi des Saxons, qui espeèrait devenir empereur romain, eè pousa Agneé s, petite-fille d'Otte-Guillaume. Henri eè tait le fils de Conrad II qui absorba le vieux royaume de Bourgogne lorsque son dernier roi Rodolphe III mourut en 1032. La Bourgogne passa aé Henri III lors de son accession au troê ne. (10) Jaeger,

Ideals, 939-1210

The Envy,

p. 438 n. 3 ; idem,

Origins of Courtliness : Civilizing Trends and the Formation of Courtly

(Philadelphia, 1985), p. 178. Selon Stephen Jaeger, bien que ces allusions aé l'habillement

releévent d'un proceè deè litteèraire, ceci n'implique pas que les habitudes soumises aé la critique, comme ici par Guillaume, ne constituaient pas un pheè nomeé ne social reè el. (11) Geary,

Phantoms,

p. 4 ; Patrick Geary parvient aé la meême conclusion û C'est au creèdit des hommes de

l'ordre ancien avec leurs coutumes traditionnelles et leurs relations impeè riales que l'on doit la reconstruction, mais aucun n'a pu eê tre preè sent pour recevoir les eèloges qui leur ont eè teè deècerneès ý. (It had been the men of the old order, with their traditional customs and their imperial connections [...] to whom credit was due for the reconstruction, but none could be present to receive their deserved praise).

118

9

interpreètation politique neècessite un bref examen des racines qui sous-tendent le pouvoir que Brun exerc° a aé partir de 980 en tant qu'eèveêque de Langres, devenant alors une force politique en Bourgogne et des ramifications politiques de ce pouvoir dans la reè gion. Mettant en exergue l'importance de ses liens familiaux, Chaume nomme Brun û le neveu aé la mode de Bourgogne de l'empereur Otton II et meême du roi Hugues Capet et son freére Eudes-Henri (le Grand), duc de Bourgogne ý (fig. 35)

12

. Et en effet, quand en 980, il fut appeleè au sieége de Langres, ce fut

son oncle, Lothaire, le dernier roi carolingien de Francia, qui le lui offrit

13

. Selon Martine

Chauney, û depuis le reégne de Lothaire, Langres avait une situation particulieé re, ayant eèteè une pieéce ma|êtresse dans le dessein de ce roi d'eètablir une eèglise royale analogue aé l'eèglise ottonienne ý

14

. La seigneurie des eèveêques de Langres repreèsentait une vaste principauteè

eccleèsiastique, le comte-eèveêque eètant le suzerain de l'ensemble des comtes secondaires de son eèveêcheè

15

. Ce dioceése eètait, aé coêteè du domaine ducal proprement dit et sous la suzerai-

è tats feèodaux qui constituaient le ducheè de neteè du duc de Bourgogne, l'un de ces grands E Bourgogne (fig. 34)

16

. Il comptait des pagi importants, non seulement celui de Langres,

mais ceux de Dijon, de Tonnerre et bien d'autres, oué s'eètaient parfois eètablis ses vassaux, comtes beèneèficiaires

17

. Ainsi, Brun joignait au pouvoir que lui confeè rait son titre eccleèsias-

tique la possession des droits comtaux dans sa ville eè piscopale et dans le castrum de Dijon. Il disposait du droit de monnaie, de marcheè et de foire

18

. Le comteè de Langres, c'est-aé-dire

l'ensemble des droits comtaux sur la ville et son dioceé se, avait eèteè deèfinitivement ceèdeè aé

(12) Chaume, Les origines, p. 466. (13) Chronique, p. 129 ; Chauney, l'eèpiscopat bourguignon aux

xi

e

et

ýDeux eè veêques ý, pp. 385, 128-29 ; M. Chauney, û Le recrutement de

xii

e

sieécles ý, Annales de Bourgogne 47 (1975) : (193-212) p. 194 ; Chaume,

Les origines, p. 457 ; Lot, Les derniers, p. 115 n. 4. L'eèveêque Guerry de Langres vivait encore en juillet 980, Brun è tienne, par Bouchard, archeveê que de Lyon, qui eètait le fils fut consacreè aé la fin de 980 dans l'eè glise Saint-E naturel de Conrad, roi de Bourgogne. Bouchard venait d'eê tre nommeè archeveêque de Lyon en 979, tout encore û in infantia ý dit Hugues de Flavigny.

xi

(14) Chauney, û Deux eè veêques ý, pp. 385, 128-29 ; idem, û Le recrutement de l'eè piscopat bourguignon aux

e

et

xii

e

sieécles, Annales de Bourgogne 47 (1975) : (193-212), p. 194.

(15) Idem, û Deux eè veêques ý, p. 386. Le dioceé se de Langres eètait le deuxieé me suffragant de Lyon. (16) Chaume, Les origines, p. 452 ; Bulst, Untersuchungen, p. 74. (17) M. Parisse et J. Leuridan, dir., Atlas de la France de l'an mil (Paris, 1994), p. 73 ; J. Marilier et R. Locatelli, û Espace Bourguignon et Lyonnais ý, dans Atlas de la France de l'an mil, dir. M. Parisse et J. Leuridan (Paris, 1994), p. 73 ; Focillon, L'an mil, p. 86 ; Chaume, Les origines, p. 470. û Dans l'ordre temporel Brun comptait sur ses vassaux immeè diats. Mise aé part la reè gion nord-est de son eè veêcheè [...] il semble qu'il ait diviseè sa seigneurie eè piscopale en trois zones [...] au nord-ouest, les comteè s de Tonnerre et de Bar-sur-Seine, reè unis depuis peu sous une meê me dynastie que plusieurs mariages devaient allier eè troitement aux comtes de Vermandois, cousins maternels de l'eè veêque ; au centre, les comteè s de Bar-sur-Aube, de Langres et d'Atuyer occidental, ou é dominaient les rejetons de la dynastie normande de la Ferteè -sur-Aube, sous la haute surveillance de Vilain III de Saulx, reè cemment investi du comteè de Langres par Brun de Roucy ; au sud-est les divers comteè s de la reègion dijonnaise (Dijonnais, Oscheret, Atuyer central et oriental) reè gis par Otte-Guillaume et ses vassaux de Fouvent et de Beaumont-sur-Vingeanne [...]. Ce systeé me central se compleè tait par un vaste reè seau d'alliances : aé Troyes, c'eètait la branche a|ê neèe de la maison de Vermandois, repreè senteèe par les comtes è tienne (À entre 1019 et 1023), fils et petit fils de comte Robert (À 967) ; aé Herbert III le Jeune (À v. 995) et E Sens c'eè tait le comte Fromond II (À 1012) beau-freé re lui aussi de l'eè veêque de Langres et petit neveu par son a|ëeule paternelle du ceèleébre Herbert II de Vermandois ; en Auxois et en Duesmois, c'eè tait la maison des comtes de Grigonon, en Beaunois, la nouvelle famille des sires de Vergy ý. (18) Petit, Histoire, t. 1, p. 72.

9

119

chapitre 4 l'eèveêque en 967 par un diploême de Lothaire. Quant aé Dijon, la ville avait un comte particulier qui relevait de l'eèveêque de Langres : en effet, le comteè de Dijon eètait un fief particulier de l'eèveêcheè de Langres

19

20

. Investi par Brun comte de Dijon

, Hugues III de Beaumont

ceèda en fief la ville et le comteè de Dijon aé Humbert de Mailly (dominus Humbertus de malleio) qui prit pour vicomte son cousin Gui, surnommeè le Riche

21

. Selon Chaume, ces forces

mateèrielles faisaient de Brun de Roucy, peut-eêtre davantage encore que le duc de Bourgogne Henri le Grand, le personnage le plus consideè rable de la Bourgogne de ce temps

22

.

Seigneur de cette principauteè langroise dont Lothaire avait en 967 consacreè la grandeur, Brun joignait aé l'ascendant de la naissance et de la fortune territoriale celui d'un esprit politique fort aviseè, qui ne l'empeêchait pas, d'ailleurs, de remplir dignement ses fonctions d'eèveêque. On se souvient que la chronique de Saint-Beènigne, apreés l'eènumeèration des bienfaits prodigueès par l'eèveêque Brun, ajoute que pour les irreèveèrencieux, il eètait terrible, redoutable par sa seèveèriteè, mais veèneèrable par sa bienveillance

23

. Son annonce neècrolo-

gique commeèmore eègalement son roêle de reèformateur de la maison de Saint-Beènigne, û renforceè par des allieès haut placeès, coopeèrant avec lui et la treés grande aide du comte de Bourgogne, Otte, surnommeè Guillaume ý

24

.

La chronique consacre de longs passages au redressement eè conomique de l'abbaye et aé reèsumer les chartes de donation deèlivreèes aé cette eèpoque

25

. Ici et dans le cartulaire de

Saint-Beènigne, on trouve non seulement de nombreuses reè feèrences aux dons offerts par Brun, mais aussi par son parent Otte-Guillaume. Environ un tiers des dons des clercs proviennent de Brun, et un tiers des dons des nobles viennent d'Otte-Guillaume

26

. En tout,

(19) R. Poupardin, Le royaume de Bourgogne (Paris, 1907), pp. 224-25. (20) Chronique, pp. 168-71 ; Lot, Les derniers, pp. 332-34 ; C. Fyot de la Marche, Histoire de l'eèglise abbatiale de Saint-Etienne de Dijon, avec les preuves (Dijon, 1696), p. 18. (21) Fyot, Histoire, pp. 18, 58-59 preuve 100 : la Vita Garnerii raconte la vie de Garnier II de Mailly, fils de Humbert I

er

de Mailly. Elle raconte que ce dernier eè tait û gardien du castrum de Dijon et gouverneur des

terres du comte Hugues de Beaumont ý (dominus Humbertus de malleio [...] cusotodiam Divionensis castri et regimen terre acomite Bellimontis Hugone). Chronique, pp. 173, 174 n. 1 ; Lot, Les derniers, p. 334 ; Chaume, Les origines, p. 480. La Vita Garnerii a eèteè eècrite vers 1150 par un chanoine de l'abbaye. Chartes, t. 2, p. 275, selon les eè diteurs, Chevrier et Chaume, Garnier II de Mailly (975-1035 ou 1050), fut, vers 980, offert tout enfant aé SaintBeènigne, oué il passera soixante-dix ans de sa vie. Il devient preè voêt de Saint-Etienne de Dijon en 1016. Le successeur de Garnier II de Mailly eè tait Garnier III, fils de Gui le Riche, qui passa aux Capeè tiens en 1030 pour obtenir l'eèveêcheè de Paris. Brun serait donc aé l'origine du pouvoir exceptionnel des vicomtes de Dijon, Gui le Riche et Le Riche de Paris. (22) Chaume, Les origines, p. 472. (23) Supra, p. 88 n. 85 ; Chronique, p. 172. (24) Supra, p. 85. Bouchard, Sword, p. 103 ; Chartes, t. 2, pp. 48-49 n

o

259 : quapropter ita superno promeruit cor-

roborari auxilio, cooperante sibi et adjuvante maximo comitum [sic] Burgundie Ottone, Willelmo cognomina [...]. (25) Chronique, pp. 160-72 ; Chauney, û Deux eèveêques ý, p. 388 ; Chomton, Histoire, p. 91. (26) Chartes, t. 2, (Brun) : (990-1002), p. 7 n (1002-16), p. 16 n

o

214 ; (1016), p. 48 n

o

o

194 ; (990-1016), p. 9 n

comtesse [Ermentru], femme d'Otte-Guillaume, p. 16 n

o

9

199 ; (995-1008), p. 12 n

213 ; (1002-16), p. 17 n

(1008-26) Otte-Guillaume, comte de Bourgogne, et son fils Renaud, p. 35 n

120

o

259 ; (Otte-Guillaume) : (990-1004), p. 8, n

o

241.

o

o

o

296 ;

197 ; (1002-04) la

216 ; (1004), p. 24 n

o

228 ;

interpreètation politique entre 990 et 1016, environ dix dons aé Saint-Beènigne proviennent de clercs, treize de la noblesse et dix des chevaliers dans les rangs des milites

27

. Les pieéces de terre offertes sont

localiseèes soit dans un rayon de trente-cinq kilomeétres autour de Dijon, Beaune ou Salmaise, soit sur le site de l'un des autres prieureè s, avec une exception aé cette reégle, une terre que posseèdait Otte-Guillaume preés de Salins

28

. En outre, les autres protecteurs qui avaient

contribueè aux frais de l'eèglise, comme les seigneurs de Salmaise, de Beaumont, ainsi que d'autres comtes de Dijon, appartenaient tous au meê me cercle de pouvoir que Brun et OtteGuillaume. Les membres de la famille de certains de ces protecteurs, notamment des anceê tres de Hugues III de Beaumont, comte d'Atuyer, furent enterreè s aé Saint-Beènigne

29

. Nous

savons qu'Hugues perdit son titre de comte lorsqu'en 1016, apreé s la mort de Brun, Robert s'empara de Dijon

30

, et le contenu du sermon de Guillaume laisse entendre que Hugues et

d'autres protecteurs, comme Otte-Guillaume, n'assistaient pas aé la conseècration, puisque

(27) Ibid., (Clercs) : (990-1003) Achedeus, chanoine de Langres, p. 8 n Toul, p. 11 n

o

204 (992-994) et p. 12 n

o

1002) Auberon, eèveêque de Metz, p. 15 n n

o

o

212 ; (1003) Achedeus, chanoine de Langres, p. 19 n

(990-1007) Garnier, noble, p. 9 n n

o

202 ; (avant 996) Richard I

er

o

o

o

o

vicomte de Beaune, p. 33 n Gobert, noble, p. 46 n

o

o

218 ; (1005) Berthold, eèveêque de Toul, p. 26 n

er

o

230 ;

o

193 ;

198 ; (990-1031) Thiard, veuve, du consentement de son fils Gui, p. 10

, duc de Normandie, p. 13 n

226 ; (1004-16) Garnier I

207 ; (fin de

252 ; (avant le 25 janvier 1016) l'abbeè Guillaume ceé de des

o

o

208 ; (1003) Hugues de Salmaise, p. 18 n

o

o

229 ; (1005-12) Ainon et Jean, fils d'Eudes,

236 ; (1007) Addita, veuve de Richard, comte de Dijon, p. 33 n

253 ; (1013) Humbert, sire de Salmaise, p. 46 n

Hugues, chevalier du castrum de Dijon, p. 10 n femme Thiard et son fils Rostan, p. 10 n

217 ;

224 ; (apreé s 1003) Richard II, duc de Normandie,

, sire de Sombernon, p. 25 n

o

o

è tienne de Verman220 ; (1003-27) Graê ce aux bons offices d'E

dois et d'Eudes II de Blois, comtes de Troyes, p. 22 n o

o

258. (Noblesse) : (990-91) Raoul le Blanc, vicomte de Dijon p. 7 n

(vers 1003) Eudes, vicomte de Beaune, p. 20 n

p. 22 n

196 ; (992) Geè rard, eèveêque de

211 ; (fin de 1002) Beno|ê t II, abbeè de Saint-Arnoul de Metz, p. 16

(1012-20) Beè raud, archidiacre de Langres, p. 45 n ornements de grande valeur, p. 47 n

o

205 ; (995-1016) Godefroi, archidiacre de Milan, p. 13 n

o

o

o

237 ; (1012-27)

255. (Chevaliers) : (990-1016)

200 ; (990-1031) Guillaume, chevalier, de concert avec sa

201 ; (990-1031) Kadalo, chevalier, p. 10 n

chevalier de Richard II, duc de Normandie, p. 19 n

o

o

203 ; (1003) Goubert,

219 ; (avant 1006) Lieè baud, chevalier d'Otte-Guillaume

[la donation de Lieè baud, chevalier d'Otte-Guilllaume est aé l'orgine du prieureè de Palleau [Poiseul], p. 30 n

o

234 ; (1007) Robert, chevalier, p. 34 n

lier, p. 34 n

o

240 ; (1013-31) Garnier I

o

er

238 ; (1007) Aubri, chevalier, p. 34 n de Sombernon, chevalier, p. 47 n

o

o

239 ; (1007-16) Ybert, cheva-

257 ; (1017) Hugues, chevalier

dijonnais. Cinq autres dons ont eèteè faits par des proprieè taires terriers libres (mens) (2) journalis (3), p. 56 n

o

264, n

o

265. Ainsi, ceux des rangs infeè rieurs donneé rent peu.

(28) Chronique, p. 162. Conclusion de Robert Bartlett, lors du seè minaire interdisciplinaire aé l'Universiteè de Princeton dirigeè en 1977 par Patrick Geary et Carolyn Malone. (29) Ibid., pp. 127-28, 167-68, 172, 298, 310 ; Chartes, t. 2, p. 287 ; Bouchard, Sword, pp. 320-22 ; Lot, Les derniers, p. 332. Le fondateur de la maison, dite de Beaumont (Beaumont-sur-Vingeanne, canton de Mirebeau, arrondissement de Dijon), est un comte Hugues, qui mourut aé une eèpoque indeètermineè e au commencement du reégne de Lothaire. Hugues posseè dait le pagus Attoariorum qui eètait limiteè aé l'est par la Saoêne. Il fut enterreè aé Saint-Beènigne entre 950 et 980 ; Chronique, p. 127, û A cette eè poque, Manasse agissant comme abbeè , le comte de Dijon Hugues venant aé mourir, il demanda aé eètre enterreè dans l'atrium de saint Beènigne ý (Illo tempore Manasse vices Abbatis agente, Hugo Comes Divionensis veniens ad obitum, petiit se tumulari in atrio sancti Benigni). Sa femme donna aé cette abbaye un manse aé Perrigny-les-Dijon. Addita, la femme de son fils Richard, restitua en 1007 aé Saint-Beè nigne pour le repos de son aê me et de celle de son mari Richard, tous les biens que celui-ci avait rec°us en fief de l'abbeè Manasseé s en preèsence des envoyeè s de Brun. Richard est mort avant 1007, et peu apreé s, vers 1006, son fils Leètald fut enterreè comme son peére aé Saint-Beènigne de Dijon. Ils s'appelaient eux-meê mes comtes d'Atuyer, qui est la reè gion entre Dijon et Langres et dont Beaumont eè tait la capitale. (30) Chartes, t. 2, p. 287. Chevrier et Chaume disent qu'il a eè teè eèvinceè de Dijon apreé s 1016. Voir infra p. 130.

9

121

chapitre 4

personne n'a confirmeè aé Guillaume devant toute l'assembleèe û avoir donneè cinq sous ou offert le moindre don pour participer aé la construction de la nouvelle eèglise ý

31

.

Le comte Otte-Guillaume, l'un des protecteurs principaux de Saint-Beè nigne, contribua aé la fois aux reèformes et aé la reconstruction de l'eèglise

32

. Cousin de l'abbeè Guillaume et

beau-freére de l'eèveêque Brun, il eètait avoueè (c'est-aé-dire custos ou provisor) de Saint-Beènigne

33

. Il naquit vers 960 de l'union du roi de Lombardie, Adalbert d'Ivreè e, fils de Beè-

renger II

et

de

Gerberge,

qui

selon

Christian

Settipani,

eè tait

par

sa

meére

Adeèla|ëde,

apparenteèe aé la famille royale de Germanie, la dynastie des Liudolfingiens ou Ottoniens

34

.

Apreés la mort d'Adalbert en 971, le duc de Bourgogne Henri le Grand eè pousa Gerberge vers 974

35

. En outre, le mariage de Otte-Guillaume, en 976, avec la nieé ce du roi Lothaire,

Ermentrude de Roucy, veuve du comte Aubry II de Maê con, lui assura la suzeraineteè sur les comteès d'Outre-Saoêne, sur le Maêconnais et l'Oscheret

36

. Enfin, l'accession de Brun de

Roucy, dont Ermentrude eètait la sÝur, au sieége de Langres en 980, ouvrit aé son beau-freére un nouveau champ d'activiteè

37

.

Otte-Guillaume devint le collaborateur du nouvel eè veêque et son agent dans l'ordre temporel ; au lendemain de la disparition des Carolingiens en 987, apreé s la mort de Louis V, preèceèdent custos, il prit la charge d'avoueè de Saint-Beènigne

38

. Dans ses Histoires, Raoul

Glaber dit de lui que û bien que d'origine eè trangeére [...], il s'imposa en Bourgogne au point de n'eêtre second aé personne par ses richesses ou sa valeur ý

39

, et dans la Vita, il se

reèfeére aé lui comme au û comte de la plus grande partie de la Bourgogne (comes maximae partis Burgundiae) ý

40

. Il en est de meême dans la chronique qui le qualifie de û plus grand

des comtes de Bourgogne (maximus comitum Burgundiae) ý

41

. Durant toute sa vie, Otte-

Guillaume fut donc l'un des protecteurs principaux de l'eè glise Saint-Beènigne oué il a eèteè

(31) Supra, p. 116 n. 5 ; Chartes, t. 2, p. 70 n

o

280 et n

o

281. Et encore quelques anneè es plus tard, alors que

l'empereur ottonien Henri et son eè pouse, l'impeèratrice Cuneègonde feront des dons de deux livres d'or et de pierreries, destineèes aé l'exeè cution d'un calice et de sa pateé ne, Robert II ne fera quant aé lui aucun don aé SaintBeènigne. (32) Supra, p. 94. (33) France,

û Introduction ý,

pp.

lxxiii-lxxiv

;

Rodulfus

Glaber,

Historiarum,

p. 105 ;

idem,

pp. 268-69 n. 5 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 23-24 ; Chomton, Histoire, p. 94 ; G. Duby, La socieèteè aux

xi

e

Vita, et

xii

e

sieécles dans la reègion maêconnaise (Paris, 1971), p. 104. En plus il eè tait avoueè de Cluny. (34) Bouchard, Sword, p. 265 ; S. de Vajay, û A propos de la û Guerre de Bourgogne ý, Annales de Bourgogne 34 (1962) : (151-69) pp. 159, 164 ; Bulst, Untersuchungen, p. 23 ; Settipani, û Les origines ý, pp. 13, 47-50. (35) de Vajay, û A propos ý, p. 163 ; Bulst, Untersuchungen, p. 23 ; Settipani, û Les origines ý, p. 21. (36) Chronique, pp. 162-69 ; Chaume, Les origines, pp. 465, 488 ; Focillon, L'an mil, p. 105. Il eè tait richement pourvu en Franche-Comteè . La plupart des comteè s de la Lingonie meè ridionale (le Meèmontois, le Dijonnais et les trois comteès attuariens) se trouvaient directement soumis aé sa toute puissante influence. Il fut jusqu'aé la fin de sa vie le seigneur des comtes de Beaumont et de Fouvent. (37) Bulst, Untersuchungen, p. 24 ; Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 388 ; Chaume, Les origines, pp. 465, 468. (38) Chronique, p. 169 ; Chaume, Les origines, p. 465. Selon Chaume, il devint fondeè de pouvoir de Brun aé Dijon. (39) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 106 ; Raoul Glaber, Histoires, p. 152 : Qui licet advena [...] in Burgundia in tantum convaluit, ut in divitiis et militia non inveniretur secundus in patria. (40) Ibid., pp. 270-71. (41) Chronique, p. 129 ; Poupardin, Le royaume, p. 233 n. 9.

122

9

interpreètation politique enseveli en 1026 ou 1027

42

. Dans une lettre aé l'abbeè de Cluny, Guillaume estime que la

mort d'Otte-Guillaume est le plus grave de tous les eè veènements malheureux qui frappeérent sa maison

43

é l'interpreètation de Chaume pour qui son ensevelissement aé Saint-Beènigne . A

û proclamait bien haut le regret d'une vie politiquement manqueè e, faute d'avoir eèteè conè tat stamment dirigeèe vers le seul but qui eut pu assurer sa grandeur : la fondation d'un E bourguignon avec Dijon pour centre ý

44

, Bouchard a riposteè, en affirmant qu'il s'expli-

quait pleinement par sa totale deèvotion aé l'eèglise, rappelant par ailleurs que sa premieére femme, Ermentrude (la sÝur de Brun) et son fils a|ê neè y avaient eèteè ensevelis avant lui

45

.

La guerre de Bourgogne

è tat bourguignon ayant Dijon pour La reèfeèrence de Chaume aé la fondation d'un E centre se rapporte au roêle que joua Otte-Guillaume dans la guerre de Bourgogne entre 1002 et 1016. Il fut meême consideèreè comme l'instigateur de la bataille pour le ducheè de Bourgogne. D'apreés la chronique de Saint-Beènigne, le beau-peére d'Otte-Guillaume, Henri le Grand, sans enfant, l'avait adopteè et institueè heèritier de son ducheè

46

. Le ducheè de Bour-

gogne, dont les comteès s'eèchelonnaient le long des rives de la Seine et de l'Yonne, de la Loire et de la Saoêne, eètait une formation politique distincte du comteè de Bourgogne, de la Franche-Comteè, du royaume de Bourgogne, et, aé l'ouest, de la France ducale

47

. Henri le

Grand rassemblait sous son pouvoir direct quatre comteè s : ceux d'Autun, de Beaune,

(42) Chronique, p. 181 : û Est mort Othon, qu'on nomme Guillaume, Comte bien suê r en l'an 1027, et enterreè dans ce monasteére de saint Beènigne : laé ou é aussi son fils le comte Wido [...] gisait ý (Mortuus est Otto qui et Willelmus dictus est, Comes anno videlicet M XXVII, et in hoc sancti Benigni monasterio sepultus : ubi et filius eius Comes Wido [...] iacebat). Poupardin, Le royaume, p. 229 n. 5. 1026 est la date donneè e par l'obituaire de Saint-Beè nigne, mais l'eèpitaphe du comte, conserveè e par la chronique indique l'anneè e 1027. Selon Poupardin, il s'agit d'une erreur. Les Annales S. Benigni, rapportent 1026 et cette indication est confirmeè e par une charte analyseè e dans la Chronique, p. 193. û anneèe 1026 [...] apreé s la mort du comte Guillaume, survenue cette meê me anneè e ý (anno MXXVI [...] post mortem Willelmi Comitis, qui ipso anno obit). Cependant, l'analyse d'une lettre de Guillaume aé l'abbeè de Cluny en reè feèrence aé la mort indique la date de 1027. (43) C. Bouchard, û Laymen and church reform around the year 1000 : the case of Otto-William, count of Burgundy ý, Journal of Medieval History 5 (1979) : (1-10), p. 7 cite Cartulaire geè neèral de l'Yonne, eèd. M. Quantin, t. 1 (Auxerre, 1854), p. 166. (44) Chaume, Les origines, p. 488 n. 35 ; Chomton, Saint-Beènigne de Dijon : les cinq, p. 42. L'atrium de l'ouest, devant le portail, eètait l'atrium proprement dit, oué l'on conceèdait des seè pultures honorifiques. Cet atrium eè tait le lieu de la premieére inhumation du comte Otte-Guillaume, mais son corps fut transfeè reè plus tard aé l'angle du clo|être voisin de l'abside du collateè ral nord de l'eè glise. (45) Bouchard, û Laymen ý, p. 8 ; idem, Sword, p. 269 ; Poupardin, Le royaume, p. 227 n. 4. Otte-Guillaume confia le gouvernement du comteè du Maê connais aé Gui, l'aineè de ses fils ; Gui dut mourir aux environs de l'an 1005. (46) Chronique, p. 163 : û le comte Otto [...] du duc Henri, qui l'avait adopteè comme fils et sa meé re Gerberge, eèpouse du duc en question ý (comes Otto [...] Hinrici ducis, qui eum loco filii adoptavit, et genitricis sue Gerberge, uxoris prefati ducis) ; Chaume, Les origines, p. 472 n. 4 cite la chronique d'Aubri de Trois-Fontaines, ad. Ann. 996 : û le duc Henri adopta Otte-Guillaume comme fils ý (Dux Henricus Guillelmum Ottonem loco filii adoptavit). (47) Y. Sassier, Recherches sur le pouvoir comtal en Auxerrois du

x

e

au deèbut du

xiii

e

sieécle (Paris, 1980), pp. 21-22.

Louis IV et Lothaire, respectivement en 943 et 956, avaient confieè la Burgundia aé l'autoriteè d'Hugues le Grand ; Henri a heèriteè de la Bourgogne en 965.

9

123

chapitre 4 d'Avallon, et d'Auxerre, et probablement le Nivernais, qu'il aurait ensuite conceè deè aé son fils adoptif, Otte-Guillaume

48

. Il semble que ce dernier, laisseè libre par le duc Henri de

gouverner ce riche ducheè, escomptait lui succeèder en Bourgogne

49

. Telle est, selon la chro-

nique, l'origine de l'autoriteè qu'Otte-Guillaume preètendit exercer apreés la mort de son beau-peére, Henri le Grand, en 1002

50

. Chaume, quant aé lui consideére qu'elle û vint princi-

palement d'une deèsignation faite par les seigneurs de Bourgogne, d'une sorte d'eè lection ý

51

,

donnant pour preuve l'unanimiteè avec laquelle les Bourguignons, aé une exception preés, celle

de

l'eèveêque

d'Auxerre,

Hugues

Guillaume contre le roi Robert

52

de

Chalon,

. Trois sources du

soutinrent

xi

e

d'abord

la

cause

d'Otte-

sieécle, Raoul Glaber compris, eèta-

blissent en effet que les Bourguignons se rebelleé rent contre le roi Robert

53

. Immeèdiatement

apreés la mort du duc Henri, le 15 octobre 1002, le comte Landri, le gendre d'OtteGuillaume, entra dans Auxerre et tint la civitas

54

. Hugues de Chalon refusa alors de se ral-

(48) Parisse et Leuridan, û Espace ý, p. 73. (49) Chaume, Les origines, p. 458. (50) Sassier, Recherches, p. 23, doute que l'adoption d'Otte-Guillaume et son association au gouvernement du ducheè aient marqueè la volonteè du dernier duc robertien d'eè carter de sa succession la branche a|ê neèe de sa famille au profit de son beau-fils. Chaume, Les origines, p. 472 est lui-meê me reè serveè sur la veè raciteè des alleè gations formuleèes par la treé s partiale chronique de Saint-Beè nigne, concernant l'adoption et la deè signation d'Otte-Guillaume comme heè ritier du ducatus Burgundiae. (51) Chaume, Les origines, p. 458. (52) Sassier, Recherches, pp. 27-29 ; Settipani, û Les origines ý, pp. 12, 14 ; Bouchard, Sword, p. 344. La naissance d'Hugues de Chalon est situeè e vers 960 environ. Hugues est le fils d'Aelis et du comte Lambert de Chalon. Par son peé re il posseè dait le comteè de Chalon qui, deé s la fin du

x

e

sieécle, tendait deè jaé aé empieèter sur le

pagus voisin de Maê con tenu par Otte-Guillaume. Par exemple, deé s 988, le chaêteau de Signy-en-Maêconnais est dans les mains du comte Hugues de Chalon. De plus, Constance que Robert II eè pousa entre 1000 et 1004 eètait, selon Raoul, une parente (cognata) d'Hugues, ce que conteste Bouchard : sa meé re ne serait que la sÝur du deuxieé me mari de la meére d'Hugues. (53) Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 78-79 ; Sassier, Recherches, pp. 23, 29, 39, fait aussi reè feèrence aé Guillaume de Jumieéges et Hugues de Fleury ; Chaume, Les origines, p. 473 n. 3. Le bloc territorial favorable aé Otte-Guillaume eètait la principauteè langroise, les comteè s bourguignons mouvants de l'eè veêcheè de Langres (Tonnerrois, Dijonnais, Barrois, Atuyer, Oscheret) ainsi que les comteè s de Sens, de Nevers, de Maê connais et de Beaune. Il est significant que Brun soit le beau-freé re du comte Fromond de Sens et que le comteè de Sens qui relevait, en 1005, du comte Fromond, soit a priori hostile aé la mainmise du roi sur la Bourgogne. Voir aussi L. Theis, Robert le Pieux. Le roi de l'an mil (Paris, 1999), pp. 121-22, 152. è tudes sur le Reégne de Robert le Pieux (966-1031) (Paris, (54) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 105 ; C. Pfister, E è cole des Hautes E è tudes, fasc. 64, t. 1 (Geneé ve, 1974), p. 257 n. 3 ; Sassier, 1885) reè imprimeè par Bibliotheéque de l'E Recherches, pp. 22-23, 37 n. 156 ; Bouchard, Sword, pp. 341-42. Il est possible que Landri ait eu des droits sur Auxerre avant la mort du duc Henri. Quand Landri eè pousa Mathilde, la fille d'Otte-Guillaume, soit en 989 ou en 991/992, peut-eê tre rec° ut-il en dot le comteè de Nevers ; il est certainement comte de Nevers en 991 ou 992. Selon l'auteur des Gesta abbatum, Landri participait aé la sauvegarde de l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre et en tirait des profits en 989, peut-eê tre parce qu'il occupait aé la cour ducale d'Henri une position privileè gieèe. Ainsi, selon Sassier, il est possible que û du vivant d'Henri, Landri ait caresseè l'espoir d'une acquisition ou que, fort de l'influence d'Otte-Guillaume, il ait eè teè aé meême de s'insinuer dans l'Auxerrois au point d'y para|être aux coêteès du duc et d'acqueè rir des domaines, qui, tel Saint-Sauveur-en-Puisaye, releé veront de lui en un temps oué, vraisemblablement, Robert II aura succeè deè au duc aé Auxerre meê me ý. Toujours selon Sassier, cela pourrait expliquer le roê le que nous le voyons jouer aé Saint-Germain en compagnie du duc Henri. Selon Pfister, Landri travaillait deè jaé aé reèunir des partisans en juillet 1001 quand, aé Auxerre, il donna un alleu aux moines de Flavigny. Landri meurt en 1028.

124

9

interpreètation politique lier aé Otte-Guillaume, faisant valoir la leègitimiteè de la position du roi de France, Robert, neveu d'Henri le Grand par son peé re, Hugues Capet

55

. De son point de vue, Robert se

lanc°ait dans la conqueête de la Bourgogne afin de faire reconna|ê tre ses droits, en tant que neveu et en tant que roi

56

.

L'intention d'Otte-Guillaume de succeèder aé son peére adoptif devait eêtre largement connue, et ce deèsir eètait sans doute partageè par son beau-freére, Brun de Roucy, bien avant la mort du duc et la conception de la nouvelle eè glise Saint-Beènigne

57

. Apreés la mort de

Gerberge (À 986-991) et la reèpudiation de sa seconde femme, Gersende de Gascogne (996), le duc Henri avait contracteè une troisieéme union avec Mahaut, sÝur du comte Hugues de Chalon

58

. Ces remariages successifs portaient un coup seè rieux aux ambitions

d'Otte-Guillaume, qui fut peut-eê tre l'instigateur de l'intrigue qui aboutit aé la reèpudiation de Gersende

59

. Yves Sassier suggeére que le duc Henri

en propulsant Hugues, son beau-freé re, aé la teête de la seigneurie eè piscopale d'Auxerre en 999 [...] cherchait aé garantir l'heèritier qui pouvait na|ê tre de [son troisieé me] mariage contre toute reè action d'Otte-Guillaume dont les propres forces, jointes aé celles de ses partisans º l'eè veêque Brun de Roucy, le comte Landri, le comte Fromond de Sens º risquaient d'hypotheè quer lourdement l'avenir du ducatus [...] le roi Robert pouvait leè gitimement craindre que ce parti fuê t le veèhicule de la reèaction carolingienne. L'un de ses chefs de file n'eè tait-il pas Brun de Roucy, neveu du roi Lothaire aé qui Brun avait duê son accession aé l'eèveêcheè de Langres. Aussi bien, qu'un heèritier naisse du troisieé me mariage d'Henri, et `aux yeux du roi, Hugues de Chalon serait en Bourgogne le rempart de la leè gitimiteè robertienne contre le camp adverse'. Que cet heè ritier ne vit pas le jour, et que Robert le Pieux devint le preè tendant au troêne ducal, l'eèveêque d'Auxerre, preèlat royal, lui fournirait le soutien neè cessaire en vue d'imposer son autoriteè sur le ducheè.

(55) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 107 n. 5 ; Sassier, Recherches, pp. 25-28 ; A. Lewis, Royal Succession in Capetian France : Studies on Familial Order and the State (Cambridge, Mass., 1981), p. 23 ; Bouchard, Sword, p. 344. Selon la Gesta des eèveêques d'Auxerre, Hugues de Chalon eè tait le beau-freére du duc : û [Henri] avait eè pouseè [en troisieéme noce] sa sÝur ý, et Hugues fut eè lu eèveêque d'Auxerre en 999, û graê ce aé l'appui du duc Henri ý (ejus germanam uxorem duxerat [...] favente Henrico duce). Il est probable que le duc ait choisi Hugues, et que le roi ait confirmeè cette eèlection parce que ce choix lui convenait. En effet, selon Sassier, le duc tendait aé n'eêtre qu'un simple repreè sentant du roi dans le choix des eè veêques. (56) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 78 ; Sassier, Recherches, p. 28. Selon Raoul Glaber, û le roi Robert vint en Bourgogne [...] parce que les Bourguignons se rebellaient contre lui et refusaient de l'admettre dans les citeè s et les villes qui avaient appartenu au duc Henri, qui eè tait bien suê r son oncle maternel et ils se les reè partissaient entre eux-meê mes ý (ascendit Rotbertus rex in Burgundiam [...] quoniam Burgundiones ei fuere rebelles, nolentes eum suscipere in ciuitatibus et castris, que fuerant ducis Heinrici, eius uidelicet auunculi, quin potius sibi in proprias diuisere partes). Selon Sassier, en preèsentant le refus des Bourguignons de le recevoir comme une reè bellion, les textes de la peèriode semblent consideè rer comme normales les preè tentions de Robert sur la Bourgogne, insistant sur le lien de parenteè existant entre l'ancien duc et lui. è tudes, pp. 249, 254-55. En 974, Henri, apreé s son mariage avec Gerberge, conceé da aé Otte(57) Pfister, E Guilllaume la terre de Veurey-sur-Ouche dans les environs de Dijon et avant 987, le comteè de Nevers. Il le nomma avoueè de Saint-Beè nigne. Otte-Guillaume ceé da ce comteè en dot aé Landri entre 987 et 990. é propos ý, p. 163 ; Chaume, Les origines, p. 459 ; Bouchard, Sword, p. 268 met en doute (58) de Vajay, û A l'existence d'autant d'eè pouses. (59) Sassier, Recherches, p. 29 ; Chaume, Les origines, pp. 458-59.

9

125

chapitre 4 Derrieére l'eèlection d'Hugues, force est de discerner un accord profond entre Henri et Robert le Pieux, et par conseè quent, un recul de l'influence d'Otte-Guillaume aé la cour ducale

60

.

Reneè Poupardin insiste sur le danger que constituait û pour Robert le Pieux comme pour Rodolphe III, roi de Bourgogne, la formation entre les deux royaumes d'un veè ritable è tat, comprenant aé la fois le vaste archidioceése de Besanc°on et les comteès de Maêcon, de E Beaune, d'Autun, d'Auxerre et de Nevers, surtout entre les mains d'un personnage aussi actif qu'Otte-Guillaume ý

61

. Selon Henri Focillon, la question eètait de savoir si la Bour-

gogne allait rester terre capeètienne ou devenir plus ou moins terre d'Empire

62

.

Selon la plupart des historiens, l'eèveêque Brun s'attacha aé deèfendre les droits au ducheè de son beau-freére Otte-Guillaume, mais il tint eègalement, et surtout, aé conserver l'une des possessions les plus importantes de la seigneurie eè piscopale de Langres, le comteè de Dijon qu'il avait obtenu du roi Lothaire

63

. Le duc Henri n'administrait directement que les

comteès d'Autun et d'Auxerre. Certes, il avait sur les autres comteè s un droit de souveraineteè, mais les comtes et les eèveêques qui les gouvernaient y exerc°aient une action personnelle, toujours susceptible de se retourner contre lui

64

. Par contre, en sa qualiteè d'heèritier

du roi carolingien Lothaire qui l'avait posseè deè, le roi Robert eètait convaincu d'avoir des droits sur la ville de Dijon

65

.

Selon Raoul Glaber, pendant le mois de deècembre qui suivit la mort du duc Henri le Grand en octobre de la troisieéme anneèe apreés le milleènaire, c'est-aé-dire 1002, û un immense dragon venant du nord [...] se dirigea vers le sud, avec des eè clairs eèblouissants. Ce prodige terrifia presque tous ceux qui le virent dans les Gaules. L'anneè e suivante, le roi Robert descendit sur la Bourgogne avec une immense armeèe, accompagneè de Richard, comte de Rouen, avec trente mille Normands [...] ý

66

. En 1003, Robert eèchoua dans sa tentative de

reprendre la ville d'Auxerre dont le comte Landri s'eè tait rendu ma|être

67

. Il semble neèan-

moins qu'Otte-Guillaume n'ait pas tardeè aé se soumettre et aé remplir les devoirs que lui imposait la suzeraineteè de Robert sur ses possessions en Bourgogne franc°aise

68

. Entre 1005

et 1006, deux occasions preècises teèmoignent du ralliement d'Otte-Guillaume aé Robert. Deés

(60) Sassier, Recherches, pp. 29-30 n. 129. Yves Sassier consideére que la double situation d'Auxerre comme verrou du ducheè et comme ancienne ville ducale suffit aé expliquer la perseèveèrance dont fit preuve Robert aé vouloir s'emparer de cette citeè . L'importance d'Auxerre ne deè coule pas de la rivaliteè qui opposait le comte Landri et l'eèveêque. (61) Poupardin, Le royaume, p. 225. Selon Poupardin, Otte-Guillaume eè tait donc aé la fin du

x

e

sieécle le per-

sonnage le plus important du ducheè . (62) Focillon, L'an mil, p. 105. (63) Chaume, Les origines, p. 479. (64) Chomton, Histoire, p. 120. (65) Lot, Les derniers, p. 334. (66) Raoul Glaber, Histoires, pp. 120-21 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 78 : species uidelicet seu ipsa moles immensi draconis a septemtrionali plaga egrediens, cum nimia coruscatione petebat austrum. Quod prodigium pene homines uniuersos qui uidere infra Gallias terruit. Sequenti denique anno ascendit Rotbertus rex in Burgundiam cum magno exercitu pugnatorum, ducens etiam secum Ricardum Rotomagnorum comitem cum triginta milibus Normagnorum [...]. Chaume, Les origines, p. 475. (67) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 105 n. 7 ; Chaume, Les origines, p. 478. (68) Richard, û Guillaume ý, p. 33 n. 6.

126

9

interpreètation politique le mois d'aouêt 1005, il reconna|êt tenir du roi l'eèglise Saint-Etienne, preés du castrum de Beaune, et en 1006, il figure aé ses coêteès lors de l'entrevue avec l'empereur Henri II sur les bords de la Meuse

69

. Otte-Guillaume demeura le seigneur de plusieurs fiefs et le possesseur

paisible du Maêconnais. En novembre 1005 le roi Robert assieègea de nouveau Auxerre et se rendit ma|être de la citeè. Landri signa alors un traiteè d'alliance

70

. En 1015, Robert reprit

Sens au comte Renard, fils du Fromond, le beau-freére de Brun de Langres. Renard fut contraint d'accepter un compromis stipulant qu'il conserverait le comteè de Sens sa vie durant, mais qu'aé sa mort, la moitieè de la ville avec le comteè deviendrait la proprieèteè de l'archeveêque, l'autre moitieè celle du roi

71

. L'eèveêque Brun continua en revanche aé s'opposer

au roi Robert, mais deèsormais sans le soutien de son beau-freére Otto-Guillaume

72

.

La conqueête de Dijon

L'eèveêque de Langres avait refuseè de se soumettre et l'abbeè de Saint-Beènigne lui demeurait fideéle malgreè les instances pressantes de Robert

73

. Selon la chronique, û tant qu'il

[Brun] veècut, il proteègea la Bourgogne en eèloignant de lui tous les princes, non par le bouclier et la lance, mais par la prudence de ses conseils, par quoi il attachait aé lui tous les princes de la reègion, comme le roi des francs Robert, qui envahit souvent dans cette reè gion avec une armeèe treés importante, la deèvasta en de treés nombreux endroits par des incendies et des pillages, mais ne put rien y conserver tant que veè cut l'eèveêque Brun ý

74

. Maurice

Chaume restreint la Bourgogne dont il est ici question aé la seigneurie eèpiscopale de Langres et aux vassaux de Brun

75

. Selon Odile Wilsdorf-Colin, pendant la guerre, û le cadre ancien

du pagus a eèclateè au profit d'uniteès nouvelles qui s'organisent autour de chaêteaux dont les ma|êtres prennent le parti de Brun dans sa lutte contre Robert le Pieux [...]. C'est ainsi qu'il faut entendre [...] cette phrase de la chronique [...] `Defendit, non clippeo et lancea, sed consilii prudentia, quo sibi principes patriae omnes devinxerat [...]'. L'eèveêque s'en remet aé eux pour la deèfense militaire et certains sont ses vassaux ý

76

. Et tandis qu'il triomphait de ses adver-

saires aé Auxerre et aé Autun, Robert eèchoua du coêteè de Brun, seigneur temporel des forte-

è tudes, pp. 258-60 ; Theis, Robert le Pieux, p. 126. (69) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 231 n. 7 ; Pfister, E è tudes, p. 259 ; Sassier, Recherches, p. 37 n. 156. L'implantation de Landri en Auxerrois en un (70) Pfister, E temps oué il pouvait compter sur la faveur du duc Henri peut expliquer qu'apreé s avoir pris Auxerre en 1005, Robert II ait ceè deè aé Landri certains lieux qu'il avait occupeè s en 1002-1003. è tudes, p. 262. Sassier, Recherches, pp. 39-40 ; Theis, Robert le Pieux, p. 154. Robert, aé l'appel de (71) Pfister, E l'archeveêque Lietry, s'empara de Sens. (72) Pourpardin, Le royaume, p. 226 ; Theis, Robert le Pieux, p. 126. è tudes, p. 260 ; Theis, Robert le Pieux, p. 126. (73) Pfister, E (74) Chronique, p. 173 : Quamdiu vixit, ita Burgundiam patrocinando protexit quo sibi principes atque defendit, non clippeo et lancea, sed consilii prudentia, quo sibi principes patriae omnes devinxerat, ut cum rex Francorum Rotbertus, cum exercitu maximo hanc patriam sepe intrans, incendiis et rapinis plurima loca vastaverit, nihil in ea retinere potuit, quamdiu Bruno Episcopus vixit. Cf. Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 388. (75) Chaume, Les origines, pp. 479- 80. (76) O. Wilsdorf-Colin, û Recherche sur les pouvoirs de justice des eè veêques de Langres aux sieécles ý, Langres et ses eè veêques

viii -xi e

e

x

e

et

xi

e

sieécles, Actes du colloque Langres-Ellwangen, Langres, 28 juin 1985 (Langres,

1986), (pp. 191-215), pp. 193-212.

9

127

chapitre 4 resses de son dioceése, et speècialement de Langres et de Dijon, vaillamment gardeè par Humbert de Mailly

77

. La chronique relate qu'en automne 1015, û le roi avec son armeè e eènorme

vint aé Dijon, ravageant et deèpeuplant la campagne environnante. Craignant sa coleé re, l'abbeè Guillaume donna l'ordre aé tous les moines de s'eèloigner de ce lieu, et d'aller dans divers monasteéres, mais il fit rester certains avec les livres et tous les ornements de l'eè glise aé l'inteèrieur du castrum de Dijon, et dans l'eèglise Saint-Vincent, que les moines de ce lieu posseèdaient alors de bon droit ; il envoya un petit nombre de freé res pour garder les lieux et pour le service de Saint-Beènigne, avec le seigneur abbeè Odilon. Il l'avait fait venir pour que, si par hasard le roi entreprenait une mauvaise action contre ce lieu, il l'y ferait renoncer par ses prieéres. Le roi, qui eètait d'esprit bienveillant, quand il apprit qu'aé cause de lui les moines s'eètaient disperseès, en fut treés affligeè. Quelques jours apreés, il s'eèloigna vers la France sans qu'une neègociation ait eèteè meneèe aé bout ý

78

. Le Livre des miracles

preècise : Quand le roi Robert vint assieè ger Dijon, chacun portait son avoir aé l'inteèrieur du castrum. De leur coêteè, les eècuyers de la troupe se reè pandaient partout, faisant main basse sur ce qui leur convenait. L'un d'entre eux, plus barbare que les autres, entreprit d'enfoncer les portes de l'eèglise du preècurseur, Saint-Jean-Baptiste. Voyant cela, les clercs font sonner les cloches, prennent le crucifix, et marchent au-devant du soldat forceneè . Cet homme, aveugleè par la fureur, n'heèsita pas aé percer de sa lance le bras de la Sainte Image. Cependant, on reè ussit aé le repousser par la force. Mais, retombant dans son attitude digne de reproche, il se preè cipite alors dans l'atrium de Saint-Beè nigne. Rencontrant un serviteur du saint avec une charge de bleè sur l'eèpaule, il tente de la lui enlever par la force. Le serviteur reè siste, en affirmant qu'il ne portait pas son bien, mais celui de saint Beè nigne. Refusant de le croire, il le roua de coups. Alors qu'un moine s'interposait et l'implorait de cesser d'agir ainsi, il chercha aé l'assaillir et perc° a son veêtement

79

Le pape lui-meême eètait au courant de ces attaques. Dans une lettre eè crite entre 1012 et 1016, Beno|êt VII rappelle la patience, la longanimiteè avec lesquelles il a jusqu'aé preèsent

(77) Supra, p. 120 et infra, p. 130. (78) Chronique, p. 173 : rex cum plurimo exercitu Divionen castrum advenit, circumpositam regionem devastans ac depopulans. Cuius iram timens prefatus Abbas Willelmus, omnes monachos ab hoc loco per alia monasteria iussit secedere, aliquantos vero cum libris et omni ornatu ecclesie intra castrum Divion, ac in Ecclesia S. Vincentii, quam tunc quieto iure monachi istius loci possidebant, fecit residere, paucis solummodo fratribus ob custodiam loci et sancti Benigni servitium, cum Domno Abbate Odilone in hoc loco dimissis. Quem ad hoc accersierat, ut si forte rex mali aliquid contra hunc locum moliretur, illius precibus exoratus dimitteret. Rex vero ut erat mente benignus, cum cognovit propter se monachos dispersos, valde doluit. Paucis itaque transactis diebus, Franciam repedavit nullo negotio peracto. (79) Liber miraculorum, p. 174 : Quodam tempore, adveniente rege Roberto Divione, quae quisque habebat ad munitionum praesidium deferebat. Cumque armigeri militum in diripiendo sibi providentes ubique discurrerent, unus saevior ceteris conatur infringere ecclesiam Christi praecursoris et baptistae Joannis. Hoc perspicientes ipsius ecclesiae clerici, pulsando signa ammoventes crucifixum, deportant contra furentem armigerum. At ille insane mente effrenatus, ultra modum saeviens et quod pertimescere debuerat contemnens, non est cunctatus pungere lancea venerandae figurae brachium. Tandem violenter repulsus denuo traditur in reprobum sensum, ut ea quae non sunt agenda ageret, furens nimium pervenit usque ad atrium sancti Benigni. Et ferenti cuidam ipsius sancti servo frumentum humero obvians, vim infert illud auferendi ; ille non esse suum quod ferebat, sed sancti Benigni fore asserebat ; quem minime credens diutius caedebat. Cui cum supervenisset unus ex monachis et implorasset ut talia agere desisteret, volens illum appetere lancea perforavit ejus vestimenta. La reèfeèrence aé l'atrium conjointement aé l'eèglise Saint-Jean indique l'endroit situeè aé l'est de la chapelle de la Vierge. Voir supra, p. 33 n. 26.

128

9

interpreètation politique supporteè les torts faits aé son abbaye, qui lui imposent deèsormais d'abandonner ses adversaires aux anatheémes qu'ils meèritent

80

. Lorsque, dans son sermon, Guillaume eèvoque

û dans quelles circonstances eèpineuses, aé la lueur de quels incendies, s'est baêti ce Palais de Dieu ý, il se reèfeére probablement aé ces attaques contre l'abbaye mentionneèes par les documents

81

.

Au printemps suivant, la situation s'eètait entieérement modifieèe. Selon la chronique, û le 31 janvier 1016 Brun mourut ý 30 janvier 1016

83

82

. D'autres sources datent son deèceés entre le 27 et le

. Il est possible que Brun soit mort preé s de Langres, puisqu'il a eèteè enterreè

dans la catheèdrale de Langres

84

. Cette mort deèlivrait le roi de son principal adversaire

dans la reègion. Il semble que Robert ait nommeè Lambert eèveêque de Langres aé Dijon avant le 5 feèvrier

85

. En outre, Hugues de Chalon, l'eèventuel instigateur de la guerre contre Otte-

Guillaume en 1002, devint avoueè de Saint-Beènigne aé la place d'Otte-Guillaume

86

. Cette

information nous est fournie par un diploê me royal, probablement de 1031, mais dateè du 6 feèvrier 1016, eètabli aé Dijon par Robert II, roi de France, ainsi que par Lambert, l'eèveêque, et Hugues avoueè

87

. Le nouvel eèveêque de Langres, Lambert, reconnut la suzerai-

(80) Chomton, Histoire, p. 121. (81) Supra, p. 128. (82) Chronique, p. 174. û Le seigneur eè veêque Bruno mourut le 2 des calendes de feè vrier en l'anneè e du Seigneur 1016, dans la 35

e

anneè e de son eèpiscopat ý (Domini MXVI Domnus episcopus Bruno obiit secundo kal. februarii,

peractis in Episcopatu annis XXXV). (83) Bulst, Untersuchungen, pp. 79, 274. (84) J.-V. Jourd'heuil, û La mort ý, pp. 9-10, 14 n. 47 fournit la liste des dates supposeè es de sa mort. Brun aurait pu mourir aé Langres ou aé Reims, puisque sa mort est dateè e du 27 janvier/ 6 kal. feè vrier dans le necrologium ecclesie Remensis et du 28 janvier/ 5 kal. feèvrier dans le martyrologe-obituaire de la catheè drale de Langres. La date posteè rieure donneè e par la chronique pourrait eê tre due aé un retard de plusieurs jours pour que la nouvelle de son deèceés atteigne Dijon. Marilier, û Notes ý p. 395. Jean Marilier suggeé re que le deè calage eè tait voulu, afin que sa commeèmoration ait lieu en meê me temps que celle de saint Eustade de Mesmont, le preê tre chargeè par Greègoire de Langres au

vi

e

sieécle de diriger les clercs voueè s au culte de Beè nigne. La chronique de

Saint-Beènigne, qui deècale d'un jour l'obit de Brun (31 janvier/ 2 kal. feè vrier), situe sa mort dans la continuiteè de l'histoire de l'abbaye ; Brun est le 31

e

successeur de saint Greègoire, le fondateur, et le 11

e

eèveêque apreés

Isaac, le grand restaurateur. B. Schamper, S. Beènigne de Dijon, Untersuchungen zum Necrolog der Handschrift. Bibl. Mun. de Dijon, ms. 634 (Mu« nchen, 1989), pp. 11, 18 n. 20, 109-11, cite les eè loges funeébres qui concernent, dans l'ordre chronologique Isaac (856-880), Argrin (889-910), Warnerius (Garnier) (911-923), et Brun, ces eèveêques sont inhumeè s aé Saint-Beènigne aé l'exception de Brun. Cf. Chartes, t. 1, pp. 195, 204, 212. (85) Chronique, p. 174. (86) Selon Sassier, Recherches, pp. 37-38 n. 158. Hugues de Chalon appara|ê t bien comme û le fer de lance de l'entreprise royale visant aé deèloger le clan de l'ancien preètendant, aé l'expulser du Dijonnais, du Clunisois, et aé le refouler sur la ligne frontieé re de la valleèe de la Saoê ne ý. (87) Chartes, t. 2, pp. 49-50 n

o

260 : Charte royale du 25 janvier 1016. Bien que le document, (ADCO,

1 H 11), porte la date du 25 janvier 1016, c'est aé dire plusieurs jours avant l'obit de Brun (Chartes, t. 2, pp. 48-49 n

o

259 : 1016 : 27 ou 30 janvier obit de Brun de Roucy), il semble que Robert ait envahi Dijon, apreé s

la mort de Brun. Selon Chevrier et Chaume, les eè diteurs, l'acte a eè teè reèdigeè entre le 1

er

janvier et le 20 juillet

1031 aé partir d'un meèmorial beènignien de 1016, et ils reportent l'eè veènement au deè but de feèvrier 1016 apreés la mort de Brun et la conseè cration de Lambert le 5 feè vrier : û Brun de Roucy mourut le 27 ou 31 janvier 1016, suivant notre fac° on de compter. Il nous parait probable que l'on a mal reproduit la date du meè morial reè digeè par les moines de Saint-Beè nigne au lendemain de la confirmation royale primitive, posteè rieure aé la mort de Brun et aé l'eèlection de son successeur Lambert ; on est conduit aé supposer que 1015 est calculeè suivant le style de l'Annonciation (ce qui n'est nullement impossible) et que, par suite, Robert a confirmeè les biens de Saint-

9

129

chapitre 4 neteè de Robert et semble avoir conceèdeè au roi la preèvoêteè de Dijon pour acqueèrir l'eèveêcheè de Langres, oué Robert l'installa, obtenant de lui la cession du comteè de Dijon pour prix de son appui

88

.

Ces circonstances assureérent le triomphe de Robert en Bourgogne. Les hostiliteè s prirent fin et le comte de Dijon, Hugues III de Beaumont, perdit, semble-t-il, toute autoriteè sur le Dijonnais tri ý

90

89

. Quelques anneèes plus tard, aé propos du pouvoir de ces û nobiles viri Divionis cas-

, l'auteur Garnier II de la Vita Garnerii eècrivait que, û lorsque Brun eètait eèveêque, le

roi n'avait aucun pouvoir aé Dijon, alors que son successeur Lambert pour acceè der aé l'eèpiscopat, aé ce qu'on dit, le conceèda au roi, et ainsi au deètriment des clercs et des eèglises, l'on put dire de Dijon, comme on l'avait dit autrefois de Jeè rusalem : celle qui eètait libre est devenue servante ý

91

. Garnier II eètait le fils d'Humbert de Mailly, l'un des nobles sei-

gneurs de Dijon (nobiles viri Divionis castri), qui fut gardien du castrum de Dijon (custodiam Divisionensis castri) et gouverneur des terres du comte Hugues III de Beaumont

92

. Richier a

souligneè qu'un demi-sieécle auparavant les murs du castrum de Dijon assuraient aé son possesseur la ma|êtrise sur la meilleure partie du principat bourguignon. Ainsi, Dijon fut longtemps consideèreèe comme la capitale de la Bourgogne

93

. Apreés 1016, Robert, le nouveau

Beènigne entre le deè but de feè vrier et le 24 mars [...]. C'est preè ciseèment le 5 feèvrier que, selon toute apparence, Lambert a eè teè consacreè eèveêque et l'on sait par un teè moignage dijonnais (Vita Garnerii) dont il est difficile de reècuser l'autoriteè [voir supra, p. 120 n. 21 et Fyot, Histoire, p. 59, preuve n

o

100] qu'il devait son eèlection aé

l'appui de Robert. Puisque Robert a eu le temps d'agir, sitoê t Brun disparu, c'est qu'il se trouvait aé la fin janvier aé proximiteè de la Bourgogne et sa preè sence aé Dijon dans les premiers jours de feè vrier 1016 (1015 a. s.) n'offre rien d'insolite ý. Robert confirme les donations faites aé l'abbaye par l'empereur Charles le Chauve et accorde la dispense des droits de garde des villes des environs de Dijon. Ce document dit aussi que Robert û assure, ainsi que l'ont deè jaé fait ses preèdeècesseurs, la liberteè de l'enceinte du monasteé re (claustrum) et proclame que nul ne pourra, sans l'autorisation de l'abbeè et des religieux, recevoir ou deè tourner quoi que ce soit sur le terrain situeè en dec°aé du ruisseau (de Suzon), qui forme la limite entre le territoire (causa) de Saint-Beènigne et celui du castrum ý (confirmamus, et quam maxime de claustri eorum invasione, quod omnino jubemus, ut nostri antecessores, esse liberum, nec quicquam a torrente, qui castri sanctique causam dividit, abs quolibet accipi vel auferri sine precepto abbatis vel monachorum). è tudes, p. 263 ; Chaume, Les origines, p. 482 ; Chauney, û Le recrutement ý, p. 194. Ces auteurs (88) Pfister, E adoptent la position de l'auteur de la Vita Garnerii et soupc°onnent Lambert de simonie. Le nouvel eè veêque beè neèè glise de Langres sur ficia probablement du soutien du chapitre de Langres pour ceè der au roi les droits de l'E Dijon et Saint-Beè nigne. Sa preè eèminence au chapitre et dans la citeè de Langres est assureè e par le poids du clan du Bassigny au chapitre depuis le (89)

ix

e

sieécle.

Chronique, pp. 173-74 ; Chartes, t. 2, p. 287 ; Fyot, Histoire, p. 59 preuve n

o

100 ; Chaume, Les origines,

è tudes, p. 263. Hugues III de Beaumont fut reè duit aé la possession de l'Atuyer central. pp. 480-83 ; Pfister, E (90) Fyot, Histoire, p. 59 preuve n

o

100.

(91) Chaume, Les origines, p. 483 n. 1 et 2 ; Fyot, Histoire, pp. 18, 59, preuve n

o

100 : Brunone namque episcopo

superstite, in Divionensi potestate rex nihil habebat, quam successor ipsius Lambertus ut fertur, pro adeptione episcopatus, regi concessit, sicque ad detrimentum cleri et ecclesiarum, sicut de Iherusalem dicitur, quae erat libera facta est ancilla. (92) Supra, p. 120 n. 21 ; Fyot, Histoire, p. 59 preuve n

o

100 : nobiles viri Divionis castri et custodiam Divisionensis

castri ; Chartes, t. 2, pp. 275, 291 ; Chronique, p. 174 n. 1 ; Lot, Les derniers, p. 334 ; Humbert fut chargeè de la garde de Dijon entre 1007 et 1016 par Hugues de Beaumont, comte d'Atuyer, dont il avait rec° u le fief de la ville et comteè de Dijon. (93) Chaume, Les origines, p. 445 aé propos de l'eè veènement de 958-59.

130

9

interpreètation politique possesseur, fut reconnu comme duc par tous les seigneurs du ducheè , et Dijon demeura la ville la plus importante du ducheè

94

.

Pour reèsumer ce qui preèceéde, lorsque le roi Robert voulut s'emparer de la Bourgogne, il trouva en Brun un adversaire acharneè qui mit en eèchec sa preètention aé la supreèmatie sur le pays bourguignon par l'occupation de la ville dont Lothaire avait fait le pivot de sa politique bourguignonne

95

. Selon Maurice Chaume, Brun a eèteè û le champion par excellence

de l'autonomie de la Bourgogne, par conseè quent, le moins disposeè aé admettre les empieètements des Capeètiens franc°ais dans ses terres ý. Il refusa absolument d'envisager la perte de la ville de Dijon acquise au lendemain de la mort de Louis V

96

. L'eèvaluation par les histo-

riens du roêle de Brun dans la guerre de Bourgogne correspond donc aé la formule du paneègyrique selon laquelle pour les irreèveèrencieux, il eètait terrible, redoutable par sa seè veèriteè, et eèclaire les motifs de la preèvention du chroniqueur vis-aé-vis du roi Robert

97

.

Du point de vue de Brun, la guerre de 1002 aé 1016 eètait un combat pour le pouvoir dont l'enjeu eètait la deèfense de ses droits feèodaux et familiaux aé Dijon, le centre de son territoire. Peut-eêtre Brun partagea-t-il certains des points de vue de l'auteur de l'Historia Francorum Senonensis, reèdigeèe vers 1015, qui eètait lieè aé la famille de Sequin de Sens, vicaire apostolique et primat des Gaules

98

. Sequin, qui occupa le sieége de Sens, et aé qui l'on doit le

concile reèuni aé Saint-Basle de Verzy en 991, eètait non seulement un membre du reèseau reègional de Brun, mais eègalement lieè aé la famille et aux traditions de ce dernier

99

. Sequin

s'opposa aé l'accession au troêne du duc de France ; son successeur fut, lui aussi, hostile aé Hugues

100

. L'Historia Francorum Senonensis, qui est treés favorable aux Carolingiens, proceéde

è tudes, pp. 262-64, cite Vita Garnerii, Recueil de plusieurs pieé ces curieuses servant aé l'histoire de Bour(94) Pfister, E gogne, publ. par E. Peè rard (Paris, 1664), p. 125. (95) Chaume, Les origines, pp. 498-99. (96) Ibid., p. 490. (97) Supra, p. 88 n. 85 ; Chauney, û Deux eè veêques ý, p. 385 ; J. Schneider, Roucy, eèveêque de Langres (980-1016) ý, Langres et ses eè veêques

viii -xi e

e

ýNote sur les actes de Brun de

sieécles, Actes du colloque Langres-Ellwangen,

Langres, 28 juin 1985 (Langres, 1986), (pp. 167-88) pp. 177, 188. Schneider reè sume ainsi le jugement de Dudon de Montier-en-Der (À 1035) sur Brun : il fut û un preè lat eèminent, toujours preê t aé accomplir la justice de Dieu et treés acharneè aé reèduire les peuples orgueilleux ý (presul egregius ad Dei justitiam faciendam paratissimus et ad debellandos superbos opinatissimus). Il est ici fait reè feèrence aé l'eèveêcheè de Langres, un eè veêcheè frontieére dont Brun assura la gestion. (98) Sassier, Hugues Capet, p. 14 ; L. Theis, L'aveénement d'Hugues Capet (Paris, 1984), pp. 152-53. Yves Sassier date cette histoire d'entre 1015 et 1030. Glenn, Politics, p. 278, citant Richer, Historia, f. 49v, iv. 54, 269 : Richer cite l'archeveê que Seguin de Sens qui aurait insisteè au concile de Verzy pour qu'Arnoul û ne soit pas placeè sous la censure de l'enqueê te aé moins qu'il n'ait rec° u au preèalable par serment une promesse d'indulgence des rois et des eè veêques ý (sub discutiendi censura ponatur, nisi ante ex iureiurando promissionem indulgentiae, ab regibus et episcopis accipiat). D'apreés Jason Glenn (pp. 116, 118, 160, 163, 165, 212-13), Richer aurait reè viseè son texte vers 997 en insistant davantage sur la leè gitimiteè carolingienne. Il laissa son texte inacheveè en 998 ou 999. Selon Glenn, Richer avait des sympathies carolingiennes et une preè dilection dissimuleèe pour la ligneè e de Charles, peut-eêtre parce que les anceê tres de Richer avaient eè teè au service du roi Louis IV, ce que lui-meê me mentionne. Il a pu eègalement eê tre bien disposeè aé l'eègard d'Arnoul en raison de sa position aé Reims. è tudes, pp. 260-6 ; Moranville, û Origine ý, p. 36 n. 71. (99) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 129 ; Pfister, E L'une des sÝurs de Brun eè tait l'eè pouse de Fromond, comte de Sens. Le petit-fils de Fromond portait le nom de Brun et eè tait probablement un filleul de l'eè veêque Brun. (100) Sassier, Hugues Capet, p. 14.

9

131

chapitre 4 certainement de ce milieu. Son auteur reconstruit les circonstances de la chute des Carolingiens et affirme notamment qu'en 978 le roi Lothaire donna la Lorraine en beè neèfice au roi Otton

101

. Brun a pu eêtre en accord avec certaines de ces conceptions en 1015, voire plus

toêt, aé la mort du duc Henri le Grand, bien qu'il ne paraisse pas avoir adheè reè aé une doctrine dynastique preècise et ait favoriseè l'eèlection d'Hugues Capet en 987

102

. Son heèritage carolin-

gien et son droit de proteèger son territoire auront certainement pris le pas sur d'autres consideèrations dans son roêle dans la guerre de Bourgogne. Selon Moranville, û on a pu attribuer aé Brun le meèrite d'avoir fait conna|être aé l'abbeè de Saint-Beènigne les Annales de Flodoard, dont l'histoire des derniers Carolingiens et de nombreuses mentions de Ragenold faisaient pour lui une chronique de famille ý

103

. Il reven-

diqua lui-meême l'importance incontestable que reveê taient aé ses yeux les liens familiaux, dans les mots meêmes qu'il prononc°a devant le concile reèuni aé Saint-Basle de Verzy en 991 au sujet d'Arnoul, son cousin, archeveê que de Reims, qui avait trahi Hugues Capet au profit du duc Charles de Lorraine en 989. Ce dernier avait preè tendu au troêne apreés qu'Hugues ait eèteè eèlu roi en 987

104

. Selon Gerbert, qui assistait aé l'eèveènement, apreés avoir rappeleè

la perfidie de son cousin, Brun se preèparait aé l'attaquer, quand l'eèmotion le forc°a aé s'arreêter. Parce que, dit-il alors, Arnoul û m'est uni de treés preés par les liens du sang, eètant le fils de mon oncle, le roi Lothaire ý

105

. Et il est permis d'imaginer que c'est une justifica-

(101) Ibid., p. 15 ; Lewis, Royal Succession, p. 35. (102)

Supra, p. 90.

(103) Moranville, û Origine ý, p. 33 ; F. Lot, Le reégne de Louis IV d'Outre-mer (Paris, 1900), p. 264 n. 3 ; P. Lauer, û Le manuscrit des annales de Flodoard (Reg. Lat. 633 du Vatican) ý, dans Meèlanges d'archeè ologie et d'histoire publieès par l'eècole franc° aise de Rome 18 (1898) : 491-523. Jourd d'heuil, û La mort ý, p. 18 n. 70. Lauer a montreè qu'un manuscrit des Annales de Flodoard a appartenu aé Guillaume, et qu'apreé s sa mort le manuscrit è vreux, puis aé la Triniteè de Feècamp ; il suppose qu'il s'agit d'un don de passa successivement aé Saint-Taurin d'E Brun aé Guillaume. (104) Chaume, Les origines, p. 489 ; Sassier, Recherches, pp. 226, 228 ; Glenn, Politics, pp. 106-08. Bien que Jason Glenn consideé re les Acta comme un document aé motivation politique et que Gerbert se soit servi des paroles de Brun pour justifier la condamnation d'Arnoul pour trahison dans l'inteè reêt de ses ambitions personnelles, il reconna|êt que û jusqu'aé un certain point, Gerbert est tenu, dans son reè cit, par les deèbats du concile et par les souvenirs de ses participants ý, notamment parce que les Acta ont eèteè preèsenteès au concile de Mouzon en 995. è tude, p. 45 ; Glenn, Politics, p. 99 ; Gerbert, Acta concilii, pp. 660-61. La citation compleé te, telle (105) Lot, E que traduite par Lot, est comme suit : û Bruno, eè veêque de Langres, prit alors la parole, `Personne autant que é cause de ce malheureux, mon nom est dans moi n'est troubleè par l'examen d'une affaire aussi importante. A toutes les bouches. C'est moi qui semble l'avoir preè cipiteè dans l'ab|ê me en m'offrant personnellement comme otage, contre l'avis de tous les gens de bien, dans l'espoir de garantir sa fideè liteè. J'avais de si grandes obligations au roi Lothaire et les liens du sang sont si puissants' ! [...] `Plus tard vous vous preè occupez des lois divines, mais aussi d'un homme qui m'est uni de si preé s par les liens du sang, eè tant fils de mon oncle le roi Lothaire. Je vous rends mille graê ces pour votre chariteè , mais aé Dieu ne plaise que je fasse passer l'affection terrestre avant l'amour du Christ, ou que mon propre sang souille l'eè glise de Dieu' ý (capitula 5 : Conquestio Brunonis episcopi, p. 660, lignes 50-54 : Bruno episcopus dixit : Nullum certe vestrum aeque turbat tanti discriminis examen. Ergo quippe solus ob hunc infelicissimum per ora omnium volito. Ego eum in has miserias praecipitasse videor, qui contra omnium bonorum vota, memet ipsum in pignus obsidis dedi, pro spe conservandae fidei ; tanti [habeas] erant apud me regis Lotharii merita, tantumque me carnis affinitas permovebat [...] capitula 6 : Prosecutio Gotesmanni et Brunonis episcoporum de discussione [discusione] Arnulfi, p. 661, lignes 30-34 : Nam movent vos [nos corr. vos] divinae leges, movet etiam homo affinitate carnis [godesmannus] mihi coniunctissimus, utpote avunculi mei regis Lotharii filius : habeo et rependo karitati vestrae multiplices grates.

132

9

interpreètation politique tion du meême ordre qu'il dut avancer en 1015 pour la deè fense de sa propre position : û j'avais de si grandes obligations envers le roi Lothaire aé cause de liens du sang si puissants ! ý

106

. On sait qu'en 997 Brun, en cousin fideé le, s'eètait entremis aupreés du roi Robert

pour faire reèinteègrer Arnoul dans son ancienne digniteè

107

.

La seèpulture de Brun Comme nous l'avons deèjaé indiqueè, Brun ne fut pas enterreè aé Saint-Beènigne, mais dans la catheèdrale de Langres

108

. Pourtant, l'annonce neècrologique, reèdigeèe aé Saint-Beènigne

apreés sa mort, stipule qu' il prit soin d'eux [les moines de Saint-Beè nigne] en agissant comme l'aurait fait une meé re et en fournissant aé tous sur ce qu'il posseèdait tous les vivres indispensables. Ensuite, il aimait tant le monasteére susdit qu'il deècida d'y situer sa seè pulture. Mais il fut incapable d'accomplir son vÝu aé cause d'une situation contraire. Toutefois, apreé s qu'il ait quitteè le monde aé l'aêge de soixante ans et apreé s trente-six ans d'eè piscopat, le monasteé re deèjaé construit rec°ut une somme de deux cent livres d'argent pour le repos de son aê me. Que la meè moire de tous les habitants de ce lieu en garde un souvenir heureux et que leurs prieé res viennent aé son secours

Ainsi, il est probable que Brun envisagea d'eê tre enterreè aé Saint-Beènigne

110

109

.

. La û situation

contraire ý dans l'annonce neècrologique fait-elle reèfeèrence aé la guerre de Dijon et notamment aé l'invasion des Capeètiens ? La preèsence de Robert aé Dijon eut-elle pour conseèquence d'empeêcher que Brun fuêt enseveli aé Saint-Beènigne ? En tout cas l'eèvocation directe de son

Sed absit hoc a me, ut amori [amore] Christi amorem sanguinis praeferam, aut ut meo sanguine, quantum in me est, ecclesia Dei polluatur). Brun ajoute que sa coleére est lieèe au fait qu'il avait lui-meême encourageè le roi aé confier aé Arnoul l'eèveêcheè de Reims et qu'il s'eè tait porteè garant de lui. (106) Supra, p. 132 n. 105 ; Glenn,

Politics, p.

279, citant Richer,

Historia, f.

49v, iv. 56, 271, note que dans

le reècit de ce dernier, Brun assure aé l'eèveêque, avec moins d'eè motion, qu'û aucun amour familial, aucun lien

intime ne m'a deè tourneè d'un jugement loyal ý (Nullus consanguinitatis amor, nulla habitae familiarities gratia, a recti iudicii forma ma aliquot modo seducent). Mieux, Brun admet qu'û il doit foi au roi et amour aé Arnoul en raison de leur cosanguiniteè ý (ut et regi fidem, et Ar(nulfus) ex consanguinitate dilectionem debeat ). D'apreés Glenn (pp. 103-02), citant Gerbert, Acta concilii, c. 31, 679 ; c. 40, p. 681), Brun, accompagneè de trois autres eè veêques, entra|êna

Arnoul dans la crypte oué il rec°ut sa confession. Richer ne mentionne pas la descente dans la crypte. (107) Lot,

Eètude, p.

45 ; Chaume,

Les origines, p.

489.

(108) Supra, p. 129.

Chartes, t. 2, pp. 48-49 n 259 : 1016 : 27 ou 30 janvier obit de Brun de Roucy son eè loge funeébre : materno affectu curam eorum agendo et cuncta prope modum victui necessaria de suo sufficienter ministrando. Denique tantum supradictum monasterium dilexit, ut sepulture sue locum inibi omnimodis destinaret. Cujus votum quamvis, adverso casu impediente, nullo modo potuerit perduci ad effectum, tamen, postquam decessit e mundo LX etatis sue anno episcopatus autem XXXVI, pro anime ipsius requie jam fatum cenobium CC argenti librarum renumeratum est quantitate. Hujus ergo memoria ut felix maneat per saecula cunctorum hujus loci habitatorum et suffragentur munia orationum . o

(109)

(110) Bien que dans certains cas cela puisse eê tre consideèreè comme un topos, je pense que la charte peut ici eêtre prise aé la lettre. Il faut rappeler que depuis le

vi

e

sieécle plusieurs eè veêques de Langres aient eèteè inhumeè s

dans l'abbaye de Dijon. Voir supra, p. 129 n. 84. L'eè veêque Warnerius (911-923) eè tait enterreè

Benigni,

è ric (934-945), Archard (948-970), Wideric (970-980). Cf. (925-931), Leteric (933), E 285 ;

ante altare sancti

mais la chronique n'indique pas l'endroit oué sont inhumeès les eèveêques qui lui ont succeè deè : Gosselin

Chartes, t.

1, pp. 195, 204, 212 ; Chomton,

Histoire, pp.

Chronique,

pp. 125-26,

52, 7.

9

133

chapitre 4 nom

eètait

absente

dans

le

sermon

de

la

conseè cration

de

l'eèglise

pour

laquelle,

selon

l'annonce neècrologique, il avait pourtant verseè une forte somme d'argent. Son projet eètait-il d'eêtre enterreè dans l'abside occidentale, comme le sera Bernward aé Hildesheim quelques anneèes plus tard ? Dans l'eèglise carolingienne de Fulda tel eètait eègalement l'emplacement de la tombe de l'eè veêque fondateur de cette eèglise monastique

111

.

Quant aé son parent, Brun, l'archeèveêque de Cologne, (953-965), il avait choisi d'eêtre enseveli dans la crypte du chÝur du monasteére Saint-Pantaleèon de Cologne, auquel il avait appliqueè la reèforme de Gorze

112

. L'absence de toute mention, dans la chronique comme

dans le coutumier, d'un autel dans l'abside occidentale s'explique-t-elle par la volonteè de Brun de reèserver ce lieu pour sa propre tombe ? Les

eèveêques-fondateurs contemporains de Brun de Langres qui construisirent une

abside occidentale pour y abriter leur propre seè pulture, dans certains cas dans des eèglises comportant un transept continu comme celui de Saint-Beè nigne, appartiennent aé une zone geèographique plus aé l'est de Dijon, situeèe dans l'empire ottonien

113

. Dans la liste qui suit,

eètablie d'apreés Albrecht Mann, figurent les eèveêques ottoniens qui, au

xi

e

sieécle, ont fondeè

et baêti des eèglises aé abside occidentale dont ils firent le lieu de leur seè pulture : 1004/12, 1021

Catheè drale de Magdeburg : archeè veêque Tagino (architecte À 1012), arche-

1010-1022

Hildesheim, St. Michael : eè veêque Bernward (À 1022)

1018-1022

Catheèdrale de Worms : eè veêque Burkard (À 1025)

veêque Walther (constructeur À 1021)

1021-1036

Cologne, St. Aposteln : archeè veêque Pilgrim (À 1036)

1032

è tienne : eèveê que Heinrick (À 1018) Wu« rzburg, St. E

D'autres eèveêques ottoniens ont eèteè enterreès dans des absides occidentales reècemment construites : 975-1009

Catheèdrale de Mainz : archeè veêque Aribo (À 1031)

994-1006

Catheèdrale d'Augsbourg : eè veêque Liutolf (constructeur À 996), eè veêque Gebhard (À 1000), eèveêque Siegfried (À 1006). Ils sont tous inhumeè s sous une pierre tombale commune. 114

1048-1083

Catheèdrale de Verdun : eè veêque Richard (À 1046)

1049-1100

Catheèdrale de Breé me : archeveê que Liemer (À 1101)

.

Parmi tous ces exemples, Bernward de Hildesheim est le seul eè veêque reposant dans une abbaye. Il avait lui-meême demandeè aé y eêtre enterreè

(111) R. Krautheimer,

û The

Carolingian

Revival

of

115

.

Early

Christian

Architecture ý,

Early

Christian,

Medieval, and Renaissance Art (New York, 1969), p. 209. (112) Supra, p. 60. (113) A. Mann, û Doppelchor und Stiftermemorie. Zum kunst- und kultgeschichtlichen Problem der Westcho«re ý, Westfa«lische Zeitschrift (Zeitschrift fu« r vaterla« ndische Geschichte und Altertumskunde, 3) (Regensburg, 1961), (pp. 149-262) pp. 202-18, 238-40. (Je remercie Kristina Kru« ger pour cette reèfeèrence). (114) Ibid., p. 208. L'eè veêque Richard n'a aucun rapport direct avec la construction de l'abside occidentale aé coêteè de laquelle son successeur l'a enterreè , mais les dons qu'il a reè unis ont rendu sa construction possible apreé s l'incendie de 1048. (115) Thangmari, Vita Bernwardi Ep., eèd. G. H. Pertz, MGH, Scriptores rerum Germanicarum medii aevi, t. 4 (Hanovre, 1868), p. 781. Thangmar, ou son successeur, rapporte que Bernward (À 1022) a meê me preè vu

134

9

interpreètation politique Le souhait que Brun a probablement bel et bien exprimeè que û la meèmoire de tous les habitants de ce lieu en garde un souvenir heureux et que leurs prieé res viennent aé son secours aé travers les sieécles ý correspond aux motifs d'une nouvelle pratique funeè raire adopteèe en Italie aé la meême eèpoque. Jean-Charles Picard note qu'aé la fin du le

xi

e

x

e

et durant

sieécle les eèveêques italiens abandonnaient leur catheèdrale et choisissaient pour lieu de

seèpulture les monasteéres qu'ils avaient fondeès, parce que parmi û les clercs dont la prieére fleèchit le plus suêrement le courroux du Seigneur, ce sont deèsormais [...] les moines qui se sont preèserveès de la contamination du monde ý

116

. Parmi les exemples donneès par Picard

figurent trois eèveêques successifs de Milan, entre 997 et 1045, dont il n'indique pas l'emplacement preècis de la seèpulture. Hormis ceux-ci, il mentionne tous les eèveêques ci-dessous : 997

Landulfus II de Milan, enterreè au monasteére de San Celso

997

L'eèveêque de Trevise Rozone, enterreè au monasteére de Magliano

1008

Landulfus II de Brescia, enterreè au monasteére de Santa Eufemia

1018

L'archeveêque de Milan, Arnulfus II, enterreè au monasteére de San Vittore al Corpo

1033

Dudo d'Acqui, enterreè au monasteére de San Pietro d'Acqui

1044

L'archeveêque de Ravenne, Gebhard, enterreè au monasteére de Pomposa

1045

Ariberto d'Intiminiano de Milan, enterreè au monasteére de San Dionigi

1056

Rainaldo de Pavie, enterreè au monasteé re de San Apollinare de Pavie

Si l'on se laisse seèduire par l'hypotheése selon laquelle Brun de Langres a voulu faire de l'abside occidentale de Saint-Beènigne le lieu de sa propre inhumation, il faut supposer qu'apreés la mort de Brun l'autel preèvu pour cette abside fut abandonneè. Parmi les reliques deècrites dans la chronique et le coutumier qui ont pu eê tre attribueèes aé ce site figurent celles des eèveêques de Langres, Urbain et Greègoire, qui eètaient placeèes dans l'autel du bas-coêteè au nord de la Sainte-Croix

117

ou é elles eètaient conserveèes avec d'autres reliques de saints,

ayant elles, peu de rapports avec des eè veêques. L'exemple de Fulda, construite pour Saint Boniface au

ix

e

sieécle

118

, laisse envisager que Brun aurait pu songer aé honorer ces eèveêques

dans un autel de l'abside occidentale. D'autres hypotheé ses ne sont cependant pas aé eècarter, en particulier l'anticipation de l'obtention d'une relique treé s importante pour cette abside,

more romano,

que l'on ne serait pas parvenu aé faire revenir de Rome

donneè aé Fruttuaria des reliques qu'il avait rapporteèes de Rome

119

120

. L'abbeè Guillaume a

. Les multiples possibi-

liteès et les motifs varieès susceptibles de rendre compte du changement d'usage de cette abside occidentale incitent aé la prudence et peut-eêtre est-il preèfeèrable de s'abstenir de sup-

la fabrication de son sarcophage et son inscription. Pour le sarcophage, voir P. Lasko, û The Tomb of St. Bernward of Hildesheim ý, dans

Romanesque and Gothic : essays for George Zarnecki ,

t. 1, eè d. N. Stratford (London,

1987), pp. 147-52. (116) J.-C. Picard,

au

Le souvenir des eèveêques : seèpultures, listes eèpiscopales et culte des eèveêques en Italie du Nord des origines

x e sieécle (Rome, 1988), pp.

384, 247, 108. (Je remercie Michel Parisse pour cette reè feèrence).

(117) Infra, p. 160. (118) Krautheimer, û The Carolingian ý, p. 209. (119) Brun, archeè veêque de Cologne, a fait le don de fragments du baê ton et des cha|ênes de saint Pierre, ainsi que des reliques des saints Privat et Greè goire aé la catheèdrale carolingienne de Cologne. Oswald, Schaefer, Sennhauser, eè d.

Vorromanische,

(120) Rodulfus Glaber,

t. 2, pp. 139-41 ;

Vita,

Ruotgeri Vita Brunonis,

p. 31.

pp. 277-78. Voir infra, pp. 217-20.

9

135

chapitre 4 positions suppleèmentaires. Neèanmoins, la preèsence d'une contre-abside fouilleèe aé Saint-Beènigne et l'absence d'un autel documenteè pour ce site suggeérent un changement d'intention qui reèclame une explication. L'absence d'autel dans la contre-abside constitue une incoheè rence ; les circonstances de la mort et des obseéques de l'eèveêque Brun de Langres, telles qu'elles sont attesteèes par le neècrologe de Saint-Beènigne, en constituent une autre. Mettre en rapport ces deux incoheè rences permet d'entrevoir une explication inteè ressante d'un point de vue historique qui, en outre, concorde avec la fonction de cet espace occidental, distinct du chÝur des moines et constituant un territoire essentiel des la|ë cs et donc de leur eèveêque. En tout eètat de cause, il appara|êt qu'un projet original pour l'abside occidentale (un autel et peut-eê tre un seèpulcre) n'ait jamais eèteè reèaliseè. Neèanmoins, en tant qu'espace architectural, l'abside contrebalanc°ait l'heèmicycle du chÝur des moines, et elle eètait certainement utiliseèe, les coutumiers attestant que l'espace occidental de Saint-Beè nigne eètait plus qu'un espace d'accueil. Meê me apreés la construction du narthex au

xii

e

sieécle, la trace de l'abside a subsisteè

121

.

La politique de Guillaume Il reste aé clarifier la position adopteèe par l'abbeè Guillaume durant cette guerre contre les Capeètiens. Dijon eètant le quartier geèneèral de la reèsistance, Guillaume eut constamment aé craindre l'invasion et le saccage du monasteé re par les troupes royales

122

. Cousin d'Otte-

Guillaume et ami de Brun, qui fut l'adversaire le plus deè termineè du roi, il ne pouvait qu'eêtre suspect aux yeux de Robert. Bien qu'en 1003, victime de la coleé re du roi Robert, Guillaume ait eèteè deèposseèdeè du monasteére de Moutiers-Saint-Jean et qu'ensuite, plusieurs terres de Saint-Beènigne aient eèteè deèvasteèes, il demeura, si l'on en croit la chronique, fideé le aé la cause de son eèveêque

123

. La premieére mention du nom de Guillaume dans les

Histoires

de Raoul Glaber s'accompagne de la deè monstration des critiques qu'il eut aé subir et du complot perpeètreè par les trompeurs et les impies dont il fut la victime repris dans la

Vita

124

. Ces eèleèments sont

ou é Raoul tente eègalement de minimiser la part prise par Guillaume

dans la reèsistance contre les Capeètiens : On avait preè tendu aé son sujet aupreé s de Robert, roi de France, qu'il avait conseilleè aé Brun, eè veêque de Langres, qui n'acceptait pas le roi, des choses qui eè taient treés hostiles aux droits du é cause de cela, le roi et la reine son eè pouse eètaient treés en coleé re contre lui et l'avaient roi. A menaceè aé plusieurs occasions de grands dommages pour ses monasteé res. Aucunement intimideè, il alla devant le couple royal et reè freèna leur coleé re par la vertu de la parole divine, si bien qu'il retrouva aupreé s d'eux le creè dit le plus complet de leur consideè ration

125

.

(121) Supra, p. 46.

Histoire, p. 119. Chronique, p. 173 ; Bulst, Untersuchungen, p. 63. Supra, p. 24. Rodulfus Glaber, Historiarum , p. 121 ; Bulst, Untersuchungen , pp. 63-65. Rodulfus Glaber, Vita, pp. 282-84 : Pari nanque ratione Rotberto Francorum regi de ipso indicatum

(122) Chomton, (123) (124) (125)

fuerat quod Brunoni predicto Lingonis episcopo, qui regi minus adquiescebat, talia suaderet que˜ regali iuri nimium resisterent. Ille uero simul et regina coniux illius propter hoc illi irati comminati sunt aliquoties coeno-

136

9

interpreètation politique La chronique relate que Robert, apreés s'eêtre reèconcilieè avec l'abbeè Guillaume, lui confia en 1026 la reèforme de la grande abbaye parisienne de Saint-Germain des Preè s En deèpit du

fait que Brun fut le

126

.

principal adversaire de Robert, ce que semble

confirmer le reècit de Raoul que nous venons de citer, le sermon de Guillaume montre qu'il ne deèsavouait pas son ancien û mentor ý et que, meême apreés sa mort, il continuait aé lui rester fideéle en esprit

127

. Nous savons que vers l'an 990, aé Charroux, lors d'une assembleèe

de paix, Brun et Otte-Guillaume, en tant que doyens, offrirent des conseils aé Guillaume sur son comportement. Selon Raoul, l'eèveêque Brun, qui, dans l'assembleèe, û faisait remarquer aé voix basse



Otte-Guillaume, apreés maintes

consideèrations, qu'il devrait gentiment

conseiller l'abbeè, comme eètant un parent aé lui, de le mettre sur ses gardes contre l'orgueil, de crainte que par hasard cela se retourne contre lui aé cause de la reconnaissance de ses vertus ou de l'abondance de biens. [...] Alors Peére Guillaume, avec un visage exalteè, reèpondit au comte dans ces termes : `Si j'avais la certitude que l'accroissement des richesses ou des biens terrestres pouvaient augmenter meême d'un jour la dureèe de notre vie, je ne rechercherais pas une augmentation de telles choses'. Quand le comte rapporta cela aé l'eèveêque, ils admireérent tous deux sa prudence et se reèjouirent eègalement de son humble sagesse ý

128

. Nous avons deèjaé souligneè la part que joueérent ses relations familiales avec

Otte-Guillaume dans la nomination de Guillaume aé la teête de l'abbaye de Saint-Beènigne. D'autre part, dans les monasteéres qu'il a reèformeès, Guillaume a toujours respecteè les inteèreêts de Brun, en tant qu'Eigenklosterherr

129

. De meême, il faut rappeler que l'intervention du

pape en 1012, deèjaé eèvoqueèe preèceèdemment, ne reèsulte pas d'un conflit, mais doit eêtre interpreèteèe comme une mesure prophylactique visant aé proteèger le monasteére apreés la mort de Brun et aé lui assurer, en cas de besoin, une protection exteè rieure contre son dioceèsain

130

.

Mais, ceci traduit peut-eêtre aussi, aé la suite de la guerre de Bourgogne, une inquieètude particulieére concernant un avenir dans lequel l'eèveêque et l'abbeè ne seraient plus aussi solidement unis que ne le furent Brun et Guillaume. Meême si ce fut sur la demande de Guillaume que Raoul Glaber entreprit la reè daction de ses Histoires, censeèes faire le reècit des eèveènements qui marqueérent les abords de l'an 1000, Raoul prit le parti des Capeètiens, minimisant d'une part l'importance de la guerre civile bourguignonne et omettant d'autre part, dans sa breé ve description, le fait qu'OtteGuillaume avait contesteè la revendication de Robert II sur le ducheè de Bourgogne aé la

biis eius damnum inferre maximum. Adiens ergo intrepidus amborum pre˜ sentiam ita illorum diuini uerbi uirtute iram compescuit ut etiam summam dignitatis gratiam apud illos optineret. (126) Chronique, p. 159 ; Bulst, Untersuchungen, pp. 70, 276. (127) Supra, p. 116. (128) Rodulfus Glaber, Vita, p. 270 : Post ce˜tera dixit presul in aure comiti ut abbati utpote propinquo scilicet suo leniter suggereret, ut elationem, ne forte pro uirtutum gratia uel rerum copia surriperet, caueret. [... ] Tunc pater Willelmus uultu alacri eidem comiti huiusmodi responsum protulit : `Si' inquiens `cognoscere potero quod augmentum terranarum opum uel possessionum unius tantum diei nostre˜ uite˜ protrahat spatium, persuaderi non michi potest quin non ad horum extollar incrementum.'Hoc autem responsum dum comes retulisset episcopo, admirati sunt uterque eius prudentiam pariterque le˜ tati propter illius humilem sapientiam ; idem, Historiarum, pp. 194-95 n. 1. (129) Bulst, û Guillaume ý, p. 23. (130) Ibid.

9

137

chapitre 4 mort du duc Henri. Raoul se contente d'indiquer que û le roi Robert descendit sur la Bourgogne avec une immense armeèe [...] les Bourguignons s'eètaient rebelleès et avaient refuseè de l'accueillir dans les chaêteaux et citeès qui avaient appartenu aé son oncle le duc Henri, preèfeèrant se les partager entre eux ý rences

aux

factions

131

. Il s'est eègalement abstenu d'expliquer au lecteur les reèfeè-

belligeèrantes

faites

par

Guillaume

dans

son

sermon,

bien

que

quiconque contemporain des eèveènements et au courant de cette affaire eut eè teè capable de reconna|être les Capeètiens aé la description de leurs habits. Neèanmoins, le sermon tel que transmis par Raoul met clairement en eèvidence que Guillaume n'offrait pas aé cette eèpoque un soutien aveugle aux Capeètiens. Autrement dit, il semble que jusqu'aé la mort de Brun et meême apreés celle-ci, Guillaume n'a jamais tourneè le dos aé l'eèveêque de Langres, meême apreés la fin de la guerre de Bourgogne. Neuf mois apreés la mort de l'eèveêque Brun, le 30 octobre 1016, l'eèveêque Lambert preèsidait la ceèreèmonie de conseècration qui aurait puê marquer l'heure de gloire de l'eèveêque Brun, lui qui avait tant donneè pour ce projet. Nous avons vu que Lambert se vit confier la charge d'eèveêque de Langres, probablement quelques jours apreé s la mort de Brun, par Robert, en eèchange de la cession du comteè de Dijon. Nous savons eègalement que Raoul Glaber eèvoque la mort de Brun aé propos de la conseècration

132

. Le sermon de Guillaume

exprime la force et la permanence de sa loyauteè envers Brun. Il fut sans doute profondeèment affecteè par sa mort, comme il le sera eègalement plus tard par celle d'Otte-Guillaume, ce dont teèmoigne explicitement la lettre qu'il adressa aé l'abbeè de Cluny

133

.

La signification de l'eèglise dans le contexte politique

Les diverses interpreètations du sermon de Guillaume lors de la conseè cration faites par les

chercheurs

mentionnent

l'importance

de

l'eè glise

dans

laquelle

il

a

eèteè

prononceè.

Chomton voit, dans la phrase û dans quelles circonstances eè pineuses, aé la lueur de quels incendies s'est baêti ce palais de Dieu tout puissant ý, û une allusion aé la guerre qui avait deèsoleè la Bourgogne pendant treize anneèes ý, avant de conclure toutefois que Guillaume voulut û mettre en relief cette penseèe : le reètablissement de la basilique n'est pas l'Ýuvre des hommes, mais l'Ýuvre de Dieu ý

134

. De la meême manieére, Neithard Bulst eèvoque le

sermon, mais s'abstient de toute hypotheé se sur ses aspects politiques : û On pourrait dire que cette eèglise manifesta l'Herrschaftsanspruch, une revendication du pouvoir. Reste aé

(131) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 78 ; Raoul Glaber, Histoires, p. 120 : ascendit Rotbertus rex in Burgundiam cum magno excercitu pugnatorum [...] quoniam Burgundiones ei fuere rebelles, nolentes eum suscipere in civitatibus et castris que˜ fuerant ducis Heinrici, eius uidelicet auunculi ; quin potius sibi in proprias diuisere partes. Mais, Raoul note que û Hugues, fils du comte de Chalon, Lambert (homme treé s vertueux), fut pour Otte-Guillaume un adversaire freèquent [...] ý (Sed huic plurimum aduersatus restitit Hugo, filius Lanberti Cabilonensis comitis, uiri honestissimi [...]) : Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 106 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 152-53. (132) Supra, p. 116. (133) Supra, p. 123 ; Bouchard, û Laymen ý, p. 7. (134) Chomton, Histoire, p. 122.

138

9

interpreètation politique savoir contre qui : le monde la|ëque ou d'autres abbayes ? La question reste ouverte : pourquoi un abbeè

supra regula comme Guillaume a-t-il fait construire une telle eèglise ? ý

135

.

Neithard Bulst consideére la charte de fondation de Fruttuaria, un parchemin d'environ 80 cm sur 50 cm, signeèe entre 1016 et 1025, comme un monument tout aé fait hors du commun, aé l'instar de Saint-Beènigne. Ceci indiquerait que, tout en eè tant plus que la reégle, Guillaume avait apparemment un gouê t pour l'extraordinaire sans pourtant tomber dans le pieé ge du peècheè de la

superbia, de l'arrogance [...] Cette charte de fondation peut eê tre consideèreèe

comme

une sorte de manifeste de l'Ýuvre de Guillaume, la rotonde peut eê tre interpreèteèe [...] de la meême manieé re. Cette charte teè moigne de la coheèrence de l'Ýuvre reè formatrice de Guillaume en meême temps que de son appreè ciation au plus haut niveau social et politique. Dans son apparence physique, cette charte se distingue des privileé ges ordinaires comme la basilique de Saint-Beènigne excelle parmi les eè glises abbatiales de son temps

136

.

Bulst perc°oit neèanmoins û une certaine contradiction entre ce sermon et la grandeur de la nouvelle eèglise ý

137

. Il conclut û je n'ai pas une reèponse deèfinitive ý, avant d'ajouter qu'il

n'y avait probablement pas de contradiction û aux yeux de Guillaume pour qui cette eè glise devait eêtre un acte de pieèteè en l'honneur du saint martyr Beènigne et tout naturellement de Dieu ý

138

. C'est aé juste titre que Bulst et Chomton attribuent, en dernieé re analyse, la con-

ception eèlaboreèe de l'eèglise aé la volonteè de ceèleèbrer la gloire de Dieu. Toutefois, le choix de ses formes architecturales recouvre plusieurs niveaux de signification qui doivent eê tre eègalement deègageès. L'introduction de Patrick Geary aé son livre intituleè

Phantoms of Remembrance

propose

une interpreètation inteèressante de ce sermon. Selon Geary, le sermon aurait eè teè conc°u comme l'oraison funeébre des leègitimistes carolingiens et ottoniens de Bourgogne auxquels appartenait Brun en tant que parent des Carolingiens et des Ottoniens, et en tant que du dernier

anti-capeètien,

magnat

de

Bourgogne

139

.

Geary

y

note

une

insistance

sur

le

contraste entre û les actions accomplies par les ordres anciens et nouveaux, le premier veè neèè glise de Dieu tout en la preèparant, selon la meètaphore de Guillaume, comme une rant l'E marieèe aé son mariage, tandis que le second se parait de fac° on frivole de [...] veêtements indeècents et reèpugnants ý

140

. Ainsi, Guillaume se serait servi du theé me du style vestimen-

taire (au sens large) pour identifier et marquer fortement l'opposition reè gionale dans son sermon. Les habits et le style des coiffures cristallisaient l'hostiliteè qui dressait Guillaume

(135) Bulst, û Guillaume ý, p. 25. (136) Ibid. (137) Ibid., p. 26. (138) Ibid. (139) Geary,

Phantoms, pp. 3-4. J'ai soutenu la meême hypotheése lors de ma confeèrence de 1980. Voir supra,

p. 117 n. 6. (140) Ibid., p. 4 û [...] actions of the old and new orders º the one adorning the Church of God, preparing it, in William's metaphor, as a bride for her wedding ; while the other frivolously adorned itself with shameful and disgusting styles of [...] dress ý.

9

139

chapitre 4 face aux Capeètiens et aé leurs allieès meèridionaux. Patrick Geary deèmontre que le fait d'utiliser les veêtements et le style des coiffures comme un signe d'identiteè reègionale allait de pair avec une ancienne tradition d'auto-identification ethnique

141

. Il n'est pas indiffeèrent que

Robert ait eèpouseè Constance durant la guerre civile, celle-ci eètant une parente d'Hugues, l'eèveêque d'Auxerre et le comte de Chalon, l'appui le plus puissant de Robert en Bourgogne. Ceci explique que Guillaume ait mis en relief, de fac° on approprieèe, ses traditions aé elle

142

. Ces meèridionaux eètaient en effet perc°us, en raison de la particulariteè de leurs habits

et leurs coutumes, comme des gens diffeè rents, comme des eètrangers

143

.

Les formes architecturales de Saint-Beènigne repreèsentent les traditions des protecteurs de l'eèglise avant l'invasion de ces nouveaux venus. Guillaume prononc° a probablement son sermon du haut de l'ambon qui devait eêtre situeè devant les escaliers menant aé la crypte

144

.

Par conseèquent, durant la ceèreèmonie, l'auditoire, le dos tourneè vers l'abside occidentale, devait faire face aé la forme grandiose de la rotonde qui s'eèlevait vers l'est. L'insistance de Guillaume sur l'eèglise û devant vos yeux ý visait aé attirer l'attention sur le caracteére grandiose des formes heèriteèes des Carolingiens, sans commune mesure avec les eè glises capeètiennes. De meême, aé travers la reèprimande adresseèe aé ceux qui n'avaient rien verseè au profit de l'eèglise, il eèvoquait la geèneèrositeè de son commanditaire absent, rappelant ainsi aé ses auditeurs capeètiens le souvenir de Brun, heèritier de Lothaire aé Dijon, qui avait un an auparavant deèfendu cette eèglise et sa citeè. La grandeur architecturale de Saint-Beènigne, par le sentiment d'admiration qu'elle ne put manquer de susciter, fit peut-eê tre reèsonner dans l'auditoire capeètien l'eècho de la puissance de son constructeur, que seule la mort avait pu vaincre. Mais sans cette mort, les Capeè tiens auraient fait partie des absents, et Brun aurait eèteè triomphalement chargeè de la joyeuse conseècration de l'eèglise qu'il avait construite. é cette eèpoque, les Capeètiens se percevaient comme diffeèrents des Carolingiens. Bien A que leur reine et eux-meêmes fussent des descendants de Charlemagne, ils ne cherchaient pas aé tirer profit de leur ascendance carolingienne. Selon Lewis, û ceci s'explique probablement par le fait qu'une telle revendication aurait creè eè plus de probleémes qu'elle n'en aurait reèsolu. En effet, si la descendance carolingienne avait servi de justification au pouvoir capeè tien, presque tous leurs voisins auraient eèteè susceptibles de revendiquer un droit eèquivalent

(141) Ibid., p. 5. (142) Ibid. ; Lewis, Royal Succession, p. 23 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 107. La date de leur mariage è tudes, p. 64 propose la date de 1003 ; Sassier, Recherches, pp. 25-28 suggeére 1001n'est pas indiqueè e. Pfister, E 1003 ; J. Dhondt, û Sept femmes et un trio de rois ý, dans Contributions aé l'histoire eèconomique et sociale 3 (196465) : (37-70) p. 45 date le divorce de Robert et de Bertha de 1004. Adair, û Constance ý, p. 23 n. 12 propose 1004 comme date de mariage. (143) Geary, Phantoms, p. 5. (144) Infra, p. 210 ; Chomton, Histoire, p. 101. Les instructions pour la feê te des Rameaux, dans le troisieé me coutumier, indiquent que l'ambon est dans la nef puisque que c'est l'endroit oué les strophes de la Gloria laus sont chanteè es avant que la procession ne monte dans le chÝur.

140

9

interpreètation politique ou supeèrieur au troêne, et ces derniers ne l'ignoraient nullement ý

145

. Les six premieéres

anneèes du reégne de Robert virent l'entourage du roi passer d'une assembleè e issue de la cour carolingienne aé un groupe d'hommes appartenant aé des classes varieèes, seèlectionneès au hasard des villes alors visiteèes par le roi

146

. Un chroniqueur contemporain atteste que le

roi aimait accorder une promotion aux individus modestes qui deè pendaient de lui, surtout aux moines

147

. La nouvelle dynastie se meèfiait des familles aristocrates qui conservaient des

liens avec les Carolingiens et avec les Ottoniens de l'est, de l'autre coê teè de la frontieére. En tant que protecteurs des eèglises de la valleèe de la Loire, les Capeètiens ne baêtirent pas de cryptes carolingiennes exteèrieures, mais opteérent pour des projets plus reèduits, rameneès aé des neècessiteès fonctionnelles, comme des deèambulatoires avec des chapelles rayonnantes et des clochers-tours. Saint-Aignan aé Orleèans, construite par Robert et consacreèe en 1029, avait un plan aé deèambulatoire et chapelles rayonnantes

148

. La gigantesque

rotonde de la crypte exteèrieure de Saint-Beènigne dut donc leur appara|être dans toute sa diffeèrence et sa splendeur, bien plus grandiose que leurs propres chevets. Peut-eê tre perc°urentils les liens architecturaux entre Saint-Beènigne et certaines constructions carolingiennes, comme Saint-Germain d'Auxerre, une autre abbaye que les Capeè tiens avaient assieègeèe é l'opposeè de la simpliciteè des fac°ades û capeètiennes ý, l'abside occidenpendant la guerre. A tale et les huit tours de Saint-Beènigne rappelaient soit des formes carolingiennes plus anciennes, soit des formes ottoniennes courantes, ou encore eè voquaient l'ideèologie subsistant derrieére la survivance des formes paleèo-chreètiennes. Bref, Saint-Beènigne semble avoir appartenu aé une tradition carolingienne et ottonienne plus grandiose que les constructions lieèes aux Capeètiens. L'annonce neècrologique de l'eèveêque Brun creèdite les trois parents de la restauration de l'abbaye : Otte-Guillaume, l'eèveêque Brun et l'abbeè Guillaume

149

. Tous les trois appar-

tenaient aé la meême geèneèration : Brun naquit en 956, Otte-Guillaume en 960 et l'abbeè Guillaume en 962. En l'an mil, tous eètaient dans la quarantaine et aé l'acmeè de leurs

(145) Lewis,

Royal succession,

p. 34 : û The reason is probably that such a claim would have raised greater

problems than it solved. For if Carolingian descent had been made a basis for Capetian rule, then almost all of their neighbors could have advanced a similar or better right to the throne, and the latter knew it ý. (146) Ibid., p. 43. (147) Fichtenau,

Lebensordnungen, t.

1, p. 266-67.

Art Sacreè. Les cahiers de rencontre avec le patrimoine religieux : les cryptes 9 (1999) : (52-78) pp. 57-58, 70 ; Helgaud de Fleury, Vie de Robert le Pieux (Epitoma Vitae Regis Rotberti Pii), eèd. et trad. R.-H. Bautier et G. Labory (Paris, 1965) pp. 10809. Robert II reconstruit û a novo ý Saint-Aignan d'Orleè ans ; Helgaud fait de Notre-Dame de Clermont(148) P. Martin, û La crypte de Saint-Aignan d'Orleè ans (eètat des recherches, mars 1998) ý,

Ferrand (946) le modeé le de la construction du chevet. Hugues de Chalon peut eè galement avoir eèteè impliqueè aé partir de 1019, alors qu'il est devenu

advocatus de Saint-Philibert de Tournus, dans la construction de son plan

aé deèambulatoire et chapelles rayonnantes. Je remercie Claude Andrault-Schmitt pour avoir attireè mon attention sur l'implication d'Hugues dans le projet du deè ambulatoire de Tournus. Voir J. Henriet, û Saint-Philibert de Tournus : Histoire-Critique d'Authenticiteè -Etude Archeèologique du chevet (1000-19) ý,

Bulletin monumental

148 (1990) : (229-316) p. 239. (149)

Chartes, t.

2, p. 48 n

o

259 ; Bouchard, û Laymen ý, p. 5.

9

141

chapitre 4 ambitions

150

. Le plan de Saint-Beènigne n'est peut-eêtre pas le reflet de l'intention du seul

Guillaume, comme on l'a souvent affirmeè, mais plutoêt le reèsultat d'une collaboration ideèologique des trois parents, qui partageaient alors les meê mes objectifs et se soutenaient mutuellement. Ils eètaient issus de la meême parenteè et avaient en commun le meême gouêt aristocratique. é cet eègard il est significatif que la catheèdrale Saint-Vincent de Maêcon soit l'eèglise la A plus manifestement proche du style de Saint-Beè nigne, eètant donneèes ses relations avec Otte-Guillaume. Pendant la peèriode de construction de la catheèdrale, l'eèveêque de Maêcon eètait eètroitement associeè au comte Otte-Guillaume dans l'exercice de la justice publique

151

.

Le plan et les colonnes de la crypte de la catheè drale de Maêcon, attribueès aé l'eèveêque Gauzlin de Vienne (1019-30) sont les plus proches de ceux de la crypte de Saint-Beè nigne. Deètruite avec la catheèdrale apreés 1796, la crypte avait un plan en T de treés grande dimension, allongeè vers l'ouest, et eètait supporteèe par une foreêt de colonnes et de chapiteaux similaires aé ceux de Saint-Beènigne. Aujourd'hui subsiste encore l'essentiel du massif occidental, c'est-aé-dire la base des deux tours encadrant une sorte de tribune haute. L'appareil et les bandes lombardes de ce massif ressemblent aé ceux de l'exteèrieur de la rotonde de SaintBeènigne. é l'examen des eèglises auxquelles Guillaume lui-meême est eètroitement associeè, on consA tate que les plans en sont extreêmement simples. Contrairement aé Saint-Beènigne, le chevet de 1013-1017 aé Bernay en Normandie, dont il dit avoir poseè les fondations, se compose d'un simple plan clunisien

152

. Et Fruttuaria, dont Guillaume est le fondateur et qui fut

construite en 1003 sur la terre de sa famille preés de son lieu de naissance en Italie, eè tait plus simple encore : son plan est conforme aux valeurs monastiques les plus eè leèmentaires

153

.

Bien plus spectaculaires, l'eèglise et plus particulieérement la rotonde de Saint-Beènigne font reèfeèrence non seulement aé Rome, mais aussi aé Aix-la-Chapelle

154

. Le rapprochement

entre les puits de lumieére de Dijon et d'Aix-la-Chapelle est particulieé rement inteèressant dans le contexte de la guerre de Bourgogne, Aix ayant longtemps eè teè un symbole du pouvoir carolingien. Lors de son eètude de la reèsolution de l'affaire Arnoul aé Reims, Sassier remarque qu'en 992, û le pape a convoqueè un concile geèneèral aé Aix-la-Chapelle. Le choix du lieu n'eètait pas fortuit. Les relations ne sont gueére bonnes entre Capeètiens et Ottoniens [...]. Reèunir un concile geèneèral aé Aix pour discuter d'un probleéme interne aé l'eèpiscopat franc

[...]

c'eètait

appuyer

implicitement

royaume franc au systeéme ottonien ý

155

theése

traditionnelle

de

l'appartenance

du

. Le symbole semble avoir eèteè deècrypteè, puisque

(150) Moranville, û Origine ý, p. 35 ; Chaume, (151) Duby,

la

Les origines, p. 465 ; Bulst, û Guillaume ý, p. 20.

La socieèteè, pp. 146-47. Apreé s 1030, le comte de Maê con, advocatus de Saint-Vincent de Maêcon

depuis le milieu du

x

e

sieécle, cessa de juger les proceés concernant Saint-Vincent qui furent deè sormais porteès

devant la cour eè piscopale, conseèquence des changements entra|ê neès par la domination de Robert sur la reè gion maêconnaise. (152)

o

Chartes, t. 2, p. 14 n 210 ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 155 ; Grodecki, û Les deè buts ý, p. 9.

(153) Pejrani-Baricco, û L'eè glise ý, fig. 7. (154) Voir supra, p. 58. (155) Sassier,

142

9

Hugues Capet, p. 248.

interpreètation politique û pas un ne s'y rendit ý

156

. Le fait qu'Aix-la-Chapelle soit aé l'origine du puits de lumieére

de Dijon constitue une reèfeèrence directe du meême type. Comme nous l'avons deèjaé indiqueè, c'est eègalement la cas de Saint-Vorles de Chaêtillonsur-Seine, eèdifieè autour de 1015 par Brun, qui se caracteè rise par la reprise de la tradition ottonienne d'une extreèmiteè ouest reèduite, avec de chaque coêteè, des avanceèes qui donnent au plan et aé l'eèleèvation l'aspect d'un transept occidental. Celui-ci ressemble, par certains coêteès, aé la structure ouest de l'abbaye Saint-Pantaleè on de Cologne, l'eèglise oué Brun de Cologne, parent de Brun de Langres, est enterreè

157

. Saint-Beènigne peut eêtre interpreèteèe

comme eètant l'expression des traditions architecturales utiliseè es par Brun, l'eèveêque de Langres, aé Chaêtillon-sur-Seine et donc comme une affirmation de l'identiteè de leur patron commun. Comme l'eèglise de Chaêtillon, situeèe au sommet d'une colline, l'abbatiale de Saint-Beènigne proclamait de fac°on eèminente l'identiteè de Brun, car elle se dressait aé l'ouest du

castrum

de

Dijon.

Lorsque

les

Capeètiens

attaqueérent

l'abbaye

en

1015,

ils

durent

affronter ces structures eèlaboreèes. Meême durant le sieége, celles-ci rappelaient aux Capeètiens et aux vassaux de Brun le droit de ce dernier sur le fief de Dijon, obtenu du roi carolingien Lothaire envers qui Brun avait, selon ses propres mots, de û si grandes obligations ý.

Conclusion Deèterminer si le plan de Saint-Beènigne allait au-delaé de la simple expression des traditions carolingiennes de son protecteur Brun, suppose de se demander, en premier lieu, si, avant meême la mort d'Henri le Grand en 1002, son traceè traduisait une aspiration aé faire de Dijon le centre du ducheè, un ducheè eèventuellement gouverneè par Otte-Guillaume qui pensait alors heèriter de son beau-peére Henri le Grand, projet partageè par son beau-freére Brun. Certains deètails mis en lumieére par les historiens, en particulier les eè leèments faisant appara|être le roêle joueè par Otte-Guillaume dans la rupture du troisieé me mariage d'Henri le Grand afin que celui-ci demeure sans heèritier, laissent ouverte cette possibiliteè

158

. En

outre, Bulst a indiqueè que les premieéres reèformes engageèes par Guillaume sous l'impulsion de Brun entre 990 et 992, notamment celles de Saint-Vivant de Vergy dans le dioceé se d'Autun et de Tonnerre preés d'Auxerre, eètaient effectueèes dans des reègions controêleèes par le duc de Bourgogne et s'inscrivaient dans une tentative de stabilisation du pouvoir seè culier de Brun

159

. Brun ne pouvait ignorer que Dijon eètait la ville dont Lothaire avait fait le

pivot de sa politique bourguignonne, et sans doute voulut-il que sa premieé re eèglise repreèsente ces traditions

160

.

Meême si ces formes n'ont pas eèteè consciemment conc°ues en 1001 comme un signe des droits de Brun sur le fief de Dijon obtenu du roi Lothaire, elles fonctionnaient probable-

(156) Ibid. (157) Supra, pp. 60 et 134. é propos ý, p. 163 ; Sassier, (158) Supra, p. 125 ; de Vajay, û A

Recherches, p. 29 ; Chaume, Les origines, p. 459.

(159) Bulst, û Guillaume ý, p. 22. (160) Chaume,

Les origines, p. 466. 9

143

chapitre 4 ment comme telles en 1016, c'est-aé-dire comme un signe politique des traditions carolingiennes de son ancien protecteur, apreés l'invasion des Capeètiens. Ainsi, ironiquement, au moment de son acheévement, l'architecture de l'eèglise devint pour les vassaux de Brun le signe historique d'une affiniteè et d'une autoriteè qui venaient de dispara|être. On se souvient

Vita Garnerii oué le fils d'Humbert castrum qui avait eèteè deèchu par les Capeètiens) deèplore la

qu'un meême sentiment sera exprimeè dans le passage de la de Mailly (l'ancien gardien du

deèfaite d'Humbert et de Brun : û l'on put dire de Dijon [...] celle qui eè tait libre est devenue servante ý

161

. L'eèglise Saint-Beènigne, qui se dressait preés des murs du

castrum, offrait aux

vassaux vaincus une trace construite du pouvoir passeè , une identiteè historique au nom du peére, Brun. Cette identiteè s'est probablement maintenue pendant des deè cennies, comme l'attesterait la

Vita Garnerii. Les formes architecturales de l'eèglise participaient donc d'une

tradition culturelle et elles ont fonctionneè comme des signes dans des situations particulieéres, notamment celui de la guerre territoriale

162

.

Aujourd'hui, les formes reconstruites peuvent donc eê tre lues comme des signes aé la fois des intentions de 1001 et de la manieére dont elles ont eèteè interpreèteèes en 1016. Pouvonsnous approfondir encore l'analyse ? En tant qu'eèdifice mateèriel, l'eèglise a-t-elle joueè un roêle deèterminant dans l'histoire ? Certes, sa configuration n'a pas contribueè aé la victoire pendant la lutte pour le pouvoir, et elle n'a pas davantage retenu Robert d'attaquer l'abbaye en 1015. Toutefois, Robert s'abstint d'endommager la nouvelle eè glise, peut-eêtre du fait meême de sa magnificence. En 1016, pendant le sermon de Guillaume, alors que l'eè glise Saint-Beènigne avait duê impressionner le roi Robert par sa grandeur û plus admirable que celles de toutes les Gaules ý, selon Raoul Glaber, elle a permis d'affirmer davantage le pouvoir de Guillaume. On peut envisager qu'elle incita le roi aé soutenir sa reèforme et l'abbaye Saint-Beènigne

163

. Lors de la conseècration, l'impression produite sur les Capeè tiens par les

formes grandioses de Saint-Beènigne dut s'accro|être du fait qu'elles servaient de cadre aux admonestations de Guillaume dont l'auditoire deè sirait sans doute beèneèficier de l'approbation neècessaire aé leur protection divine. Face aux veêtements des partisans des Capeètiens que le sermon preèsentait comme le signe de leur diffeèrence, l'architecture de la nouvelle eèglise pouvait eêtre comprise comme le signe des traditions de l'eèveêque Brun, son commanditaire. Guillaume opposait celles-ci aux habits de son public capeètien, constitueè de ces abominables û autres ý qui portaient des û livreèes sataniques [...] ces fentes et ces deè coupures deèmentes dans les veêtements ý et n'avaient pas meême û donneè cinq sous, offert le moindre don pour participer aé la construction de cette nouvelle eèglise ý

164

. Ainsi, aé travers le sermon de conseècration, d'une manieére

insolite, ce public capeètien acqueèrait une visibiliteè en meême temps qu'il eètait soumis aé la critique et qualifieè par l'abbeè baêtisseur de deèment, vocabulaire de tout temps emprunteè aé

(161) Supra, p. 130.

(162) P. Geary, û Ethnic identity as a Situational Construct in the Early Middle Ages ý, Mitteilungen der anthropologischen Gesellschaft in Wien 113 (1983) : 15-26 ; repris dans Folk Life in the Middle Ages, eèd. E. Peters, Medieval Perspectives 3 (1988)[1991] : 1-17. (163) Supra, p. 137. (164) Supra, p. 116.

144

9

interpreètation politique la pathologie pour diffamer les û autres ý. Les formes architecturales de l'eè glise ont duê, par contraste, deèsigner au public capeètien les constructeurs, Brun et Guillaume, et la beauteè de la tradition carolingienne. Son sermon de 1016 permit aé Guillaume de renverser la position de vaincu qu'il occupait en tant qu'associeè de Brun et d'obtenir la soumission des vainqueurs capeè tiens en tant que nouveaux fils spirituels. Cette position de puissance qu'il saura preè server sera extreêmement beèneèfique aé sa reèforme. Sa condamnation publique des Capeè tiens, associeès aux meèchants et opposeès aux bienheureux de son eèglise et son jugement avilissant de leur veêtement et de leur comportement, compareè aé celui de deèments, lui restitueérent la ma|êtrise et le pouvoir. Guillaume s'est, avec sagesse, contenteè de s'en prendre aux costumes et aux attitudes des partisans de la reine, dont le roi pouvait choisir de se distinguer. Le somptueux spectacle architectural de l'eèglise qui lui servit de cadre aida aussi aé exalter sa supeèrioriteè en tant qu'autoriteè divine terrestre. En tant qu'abbeè reèformateur, Guillaume se devait de participer au monde seè culier, et il en a tenu compte pour soutenir sa reèforme. Mais son premier et son principal souci concernait la vie spirituelle de ses moines, et sa preè occupation essentielle la conception d'une eèglise qui favorise leur deèveloppement spirituel. Nous allons donc aé preèsent eètudier le plan de son eèglise en tant que cadre pour ses autels et ses processions liturgiques et surtout sa rotonde en tant que structure anagogique pour la deè votion monastique.

9

145

5 è CRATIONS DES AUTELS LES CONSE

L

e but des trois chapitres suivants

est d'interpreèter la signification du plan archi-

tectural de Saint-Beènigne, en se fondant sur la liturgie en usage au

xi

e

sieécle, particu1

lieérement en ce qui concerne la conseècration des autels et les processions des moines . On s'efforcera de trouver, imbriqueè dans la conseècration de ces autels et dans les processions deècrites dans les coutumiers, un systeéme dont on deègagera la coheèrence dans le chapitre final. Si nous admettons que Guillaume a participeè activement aé l'eèlaboration du plan architectural de la rotonde, nous pouvons supposer que, comme d'autres aé son eèpoque, il avait l'intention de creèer des relations de nature qualitative et symbolique entre la liturgie et les espaces dans lesquels elle se deè roulait. Nos hypotheéses concernant ses intentions nous ont ameneès aé consideèrer le sens des autels et de leurs relations, entre eux et avec les trois niveaux de la rotonde. Sans les listes d'autels et les descriptions des processions dont nous disposons graê ce aux coutumiers de Saint-Beènigne, il nous serait impossible d'interpreè ter l'utilisation ou la signification architecturale de l'eèglise et de la rotonde exceptionnelle de Dijon ou de chercher aé comprendre l'influence qu'exerc°a Guillaume sur la liturgie ainsi que sur l'architecture qui servit de cadre aé cette dernieére. Or nous avons la chance de trouver des descriptions eè quivalentes de ces autels dans la chronique et dans le deuxieé me coutumier de Saint-Beènigne, et des descriptions des processions dans chacun des trois coutumiers. La description des autels qui figure dans la chronique de Saint-Beè nigne, reèdigeèe entre 1058 et 1065, est presque identique aé celle que propose le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne, reèdigeè 2

entre 1086 et 1092 . Le texte de la chronique qui rend compte des autels peut donc eê tre 3

compleèteè par la restitution analogue contenue dans le second coutumier . La disposition de ces autels telle qu'elle est deècrite dans la chronique a toujours eè teè interpreèteèe comme ayant eèteè voulue par Guillaume, de meême que l'architecture qui les abrite. Notamment les niches, particulieé rement importantes, de chaque coêteè de la chapelle

(1) S. Boynton, û Prayer as Liturgical Performance in Eleventh- and Twelfth-Century Monastic Psalters ý,

Speculum 82 (2007) : (896-931) p.

896. J'utilise les deè finitions de Susan Boynton de la liturgie û qui deè signe des

actes du culte structureè s en commun (comme la messe, les offices, les processions et les autres manifestations cultuelles preè sideèes par le clergeè ) (to designate acts of structured communal worship (such as the mass, Office, processions, and other ceremonies in which clergy preside) ý et de la deè votion û qui fait reè feèrence aé d'autres pratiques plus flexibles qui peuvent eê tre accomplies par un individu et ne concernent pas le clergeè ý (to refer to more flexible practices that can be performed by an individual and do not involve clergy). (2) Pour la date de la chronique, voir supra, p. 23. Pour la date et l'histoire du deuxieé me coutumier, conserveè aé la BNF, CB, t. 11, Annales manuscrites de Saint-Beè nigne, voir infra, p. 147. (3) Annexe II, pp. 294-95 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 77 n. 1 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r-83v, 171r-171v. La meême main a reè digeè les deux passages f. 83r-83v et f. 171r-v.

9

147

chapitre 5 axiale aé l'eètage, devaient eêtre destineèes, deés l'origine, aé recevoir les autels des saints Jean et Matthieu, deècrits aé cet emplacement dans la liste de la chronique. La chronique consideé re l'eèglise Saint-Beènigne comme le lieu de culte principal ; son reè cit commence et finit par le 4

lieu oué fut inhumeè le corps de saint Beènigne . Elle guide le lecteur aé travers l'eèdifice tout entier, le familiarisant ainsi successivement avec chacun des autels, eè pousant la suite logique d'une visite des lieux du bas vers le haut. Le second coutumier, quant aé lui, prend pour point de reèfeèrence le deuxieéme niveau de la rotonde et son exposeè est intituleè comme suit : û De l'eèglise Sainte-Marie et ses composantes ý (De Ecclesia Sanctae Mariae caeterisque 5

membris ecclesiae) . Notre deèmarche, quant aé la recherche de la signification du plan architectural de Guillaume, consiste aé faire de l'interpreètation du sens de l'emplacement des autels du

xi

e

sieécle le premier pas d'une tentative pour comprendre aé quoi servaient la rotonde et la partie occidentale de l'eèglise. Comme l'a remarqueè aé juste titre Carol Heitz, û la disposition des autels reèveéle souvent tout un fondement liturgique qui eè chappe au non-initieè ; il fait resurgir la vie d'une communauteè monastique, telle qu'elle se deèroule jour apreés jour, ponctueèe non seulement par les feêtes geèneèrales du calendrier, mais aussi par celles des 6

é l'aide de la chronique et du second coutumier, nous Saints, protecteurs du couvent ý . A allons suivre pas aé pas les significations des autels de la rotonde qu'un moine aurait rencontreès en se deèplac°ant depuis l'eèglise basse, Saint-Jean-Baptiste, jusqu'aé la rotonde supeèrieure de la Triniteè. Une analyse exhaustive des autels doit s'appuyer sur la description plus eè laboreèe du coutumier, mais elle doit aussi s'effectuer en suivant l'ordre de la chronique en raison de sa preèsentation plus systeèmatique des autels, du bas vers le haut. Heureusement, les deux descriptions se compleétent et se confirment mutuellement. Pour chaque reè feèrence, nous ne mentionnerons que l'une des deux versions, sauf si l'une d'entre elles fournit des informations inexistantes dans l'autre. Les deux textes sont reproduits dans leur inteè graliteè 7

dans les annexes . Sur ses plans, Dom Urbain Plancher a tenteè de localiser chaque autel aé chacun des trois eètages de la rotonde et il a indiqueè les changements de localisation au

xviii

e

sieécle (fig. 5-7). Nous proposerons une localisation plus preè cise que celle aé laquelle

ont abouti les tentatives preèceèdentes, qu'il s'agisse de celle de Dom Plancher, d'Andrew Martindale, de Wilhelm Schlink ou de Carol Heitz (fig. 38).

(4) Annexe I, p. 287, lignes 15-16 ; Martindale, û The Romanesque ý, pp. 47-50 lignes, 15-16. (5) Annexe II, p. 294, ligne 1 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r ; Le coutumier commence sa description par l'autel de la Vierge en le deè signant comme point focal de l'eè difice tout entier et en qualifiant la totaliteè de la rotonde d'Ecclesia Sanctae Mariae ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 119 explique que le coutumier deè bute avec l'autel de la Vierge, parce que la description est baseè e sur le coutumier clunisien de Bern, p. 262, chapitre 70 (De Ecclesia Sanctae Mariae). (6) Heitz, û Autels ý, p. 75. (7) Annexe I, pp. 287-93, Annexe II, p. 294-95.

148

9

les conseècrations des autels Au niveau de la crypte L'autel de saint Beènigne L'emplacement exact de l'autel de saint Beènigne dans la crypte au

xi

e

sieécle est difficile

aé eètablir avec preècision. Selon le coutumier, û L'autel de la crypte de la confession a eè teè consacreè en l'honneur du saint et treés bienheureux preêtre et martyr du Christ, Beènigne, oué 8

son treés saint corps repose ý . Bien que la chronique et le coutumier mentionnent l'autel de saint Beènigne, ni l'un ni l'autre ne preècise sa relation avec le tombeau. Une restitution effectueèe au

xviii

e

sieécle par Dom Viole pour Dom Mabillon montre deux autels deè dieès aé

saint Beènigne, l'un aé l'ouest de la tombe et l'autre aé l'est, tous deux porteurs de l'indication 9

Benigni dans la restitution . La leègende sur le plan de la crypte de Plancher situe û l'Ancien Autel de St. Beènigne ý aé l'est du tombeau entre la rotonde et l'heèmicycle ; autrement dit, l'autel aurait eèteè au centre du deèambulatoire de l'heèmicycle (fig. 5). Dans son texte, Dom Plancher mentionne aussi que l'autel de saint Beè nigne eètait autrefois placeè entre les quatre colonnes du rond-point

10

. Il preècise que cet emplacement est comparable aé û celui de la

treés-Sainte Triniteè [...] au-dessus, dans la rotonde d'en haut, sous une vouê te semblable ý Si, au

xi

e

11

.

sieécle, la disposition des escaliers descendant au tombeau correspondait aux plans

de Plancher, la place manquait pour abriter un autel aé l'est du tombeau, sauf si cet autel occupait l'espace central du deèambulatoire de l'heèmicycle. Cet emplacement de l'autel semblerait eètrange parce que dans cette position, il aurait obstrueè l'acceés aé la tombe. Selon Dom Chomton, û si l'autel de saint Beè nigne a jamais occupeè ce lieu, ce fut apreés la construction de l'eèglise ogivale au

xiii

e

sieécle. L'abbeè Guillaume dut le mettre devant le

monument [aé l'ouest du tombeau], et non derrieére comme Plancher l'a penseè. Car, en ce cas, l'abside [en bois deècrite dans la chronique] eèleveèe sur le tombeau eut compleétement masqueè cet autel. C'eètait la disposition normale [...] ý

12

. Chomton croyait que l'abside

ouest de la fosse deècouverte en 1858 aé la teête du sarcophage û avait laé, aé l'origine, une é la construction de petite vouête construite sous la table d'un autel placeè avant le seèpulcre. A

(8) Annexe II, pp. 294-95, lignes 25-27 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (9) Viole,

Meèmoires, pp. 3-37 ; Schlink, Saint-Beènigne, fig. 62 ; ADCO, 1 H 130 : Saint-Beè nigne, plans resti-

tueès de l'eèglise de l'an mil reèaliseès en 1707 pour Dom Mabillon. Ces plans peuvent eê tre compareè s aé une liste des reliques se rapportant aux autels de la rotonde, BNF, ms. lat. 12662,

Monasticon gallicanum , f. 263v, con-

tenue dans une copie de plusieurs notices de conseè crations d'autels acheveè e en janvier 1679. Le manuscrit portait, au

xvii

e

sieécle, le numeèro 265 de la bibliotheé que de Saint-Beè nigne. L'auteur du recueil, Dom Viole (et

sans doute pas Dom Viale, comme l'indique l'identification du recueil) a ajouteè des commentaires en marge de chaque notice, preè cisant l'emplacement actuel des diffeè rents autels et donnant son interpreè tation concernant les autels disparus. La liste inclut û Autel le plus proche du tombeau de saint Beè nigne ý : û Dans la crypte de la confession. Dans l'autel de saint Beè nigne, il y a ses reliques ý ( In

crypta confessionis. In altari sancti Benigni

sunt reliquiae de ipso ). Je remercie Laurent Durnecker pour cette reè feèrence. (10) Plancher,

Histoire, p. 482.

(11) Ibid., p. 481. (12) Chomton,

Histoire, p. 117.

9

149

chapitre 5 l'eèglise ogivale, l'autel fut supprimeè ý

13

apparemment d'origine

14

6

. Les fouilles de 2003 ont mis en eèvidence, dans la

paroi de l'abside ouest de la fosse, l'existence d'une ancienne fenestella (0,40

0,65 m),

. Aujourd'hui boucheèe, la fenestella peut avoir, aé l'origine, permis

aé un visiteur arrivant par l'entreèe ouest de la crypte de voir le sarcophage. Dans ce cas, si l'autel se trouvait aé l'ouest de la fosse, la fenestella devait eêtre en dessous de l'autel. Le comblement de la fenestella semble co|ëncider avec la fondation aé cet endroit, au

xiii

e

sieécle, du

chevet gothique, dans lequel la position du caveau a eè teè preèserveèe, alors que son acceés direct, par l'ouest, a eèteè supprimeè. Il est donc probable que, en l'an mil, l'autel dans la crypte eè tait aé l'ouest du sarcophage de saint Beènigne avec l'abside en bois fonctionnant comme un retable, comme cela ê ge (fig. 38 : 2). Toutefois, l'autel principal dans fut souvent le cas plus tard au Moyen A l'eèglise supeèrieure (fig. 38 : 14) devait eêtre placeè directement au-dessus de la tombe et se situait par conseèquent plus aé l'est que l'autel de la crypte. L'autel de la Triniteè (fig. 38 : 20) aurait eèteè encore plus aé l'est, creèant une seèquence d'ouest en est des trois autels sur les trois niveaux.

Les chapelles nord et sud du chevet Apreés la description de l'autel de saint Beènigne dans la crypte, la chronique eè numeére les diffeèrentes deènominations des autels situeès dans les chapelles des bras nord et sud de la crypte du chevet de l'eèglise aé l'ouest de la rotonde Saint-Jean-Baptiste. Nous les eè tudierons selon leur ordre d'importance. Deux autels se trouvent dans le bras sud de la crypte. Selon le coutumier, û l'autel aé droite [de l'autel de saint Beènigne, du coêteè meèridional][a eèteè consacreè] en l'honneur de sainte Paschasie, vierge et martyre, et des saintes Agathe, Agneé s, Ceècile, Lucie et de toutes les vierges ý (fig. 38 : 3)

15

. La chronique explique que û sainte

Paschasie vierge, qui repose au meême endroit, [...] apreés avoir eèteè enseigneèe et baptiseèe par saint Beènigne, apreés son martyre, fut enleveèe pour eêtre supplicieèe par la fureur des pa|ëens. Alors qu'elle demeurait ineèbranlable dans la foi au Christ, on lui infligea d'abord la malpropreteè du cachot ; par la suite, pour avoir confesseè Dieu, elle fut condamneèe aé la peine capitale, comme le montrait dans une belle image un vitrail ancien qui est parvenu jusqu'aé nous ý

16

.

Les

saintes

qui

accompagnaient

Paschasie,

les

vierges

martyres

romaines,

Agathe, Agneés, Ceècile, Lucie, sont celles du Canon de la Messe. D'apreés Greègoire de Tours et la chronique, Paschasie fut martyriseè e aé Dijon et enterreèe preés de saint Beènigne ; une chapelle indeèpendante lui eètait probablement deèdieèe au sieécle au sud de l'eèglise Saint-Beènigne

17

vi

e

. Selon la chronique, Greègoire mentionne eègale-

(13) Ibid., p. 117 n. 2. Les diffeè rences entre les assises infeèrieures et supeèrieures de l'abside ouest du caveau eètaient compatibles avec l'existence d'une vouê te aé ce niveau ou avec la reprise de l'abside. (14) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 47. (15) Annexe II, pp. 294-95, lignes 27-30 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (16) Annexe I, pp. 288-89, lignes 22, 50-53 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, lignes 22, 50-53. (17) Picard, Topographie, p. 62 ; Chomton, Histoire, p. 6 ; M. Veillard-Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule d'apreés les Ýuvres de Greè goire de Tours (Paris, 1976), p. 116 ; Greè goire de Tours, In gloria martyrum,

150

9

les conseècrations des autels ment le confesseur saint Tranquille, le seènateur Hilaire et sa femme (Quieèta), et la religieuse sainte Floride, comme eètant ensevelis aé cet endroit

18

. De son vivant, ces tombes se

trouvaient dans un seul et meême eèdifice voisin de la basilique de Sainte-Paschasie et de celle de Saint-Beènigne, mais Greègoire n'en indique pas la localisation exacte

19

. La chro-

nique eèvoque ces saints inhumeès preés de saint Beènigne en commenc°ant par saint Tranquil20

le

. Saint Tranquille fut le second abbeè de Saint-Beènigne

21

. Ainsi, les tombes de sainte

Paschasie, de saint Tranquille, et de sainte Floride eè taient toutes situeèes preés de l'autel nord du bras sud de la crypte dans l'eèglise du

xi

e

sieécle

22

.

Le coutumier continue comme suit : û L'autel proche de celui-ci [de Paschasie], du coêteè sud, [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Ireèneèe, eèveêque et martyr, et des saints Tiburce, Mammeés, Seèbastien, Didier et de tous les martyrs ý (fig. 38 : 4)

23

. Saint Ireèneèe,

è glise. Comme saint Beènigne, Ireèneèe (marpremier eèveêque de Lyon, fut l'un des Peéres de l'E tyriseè vers l'an 200) eètait un asiate de l'eècole de saint Polycarpe de Smyrne qui l'avait envoyeè en mission vers les Gaules

24

. Tous les autres saints, excepteè Seèbastien, centurion

sous l'empereur Diocleètien, eètaient des eèveêques et, par conseèquent, furent associeès aé Ireèneèe

25

. Didier est l'eèveêque martyr de Langres mort en 407

26

. Tiburce (Tiburtius de Rome),

diacre deècapiteè en 250 avec son fils Valeèrien, eètait un compagnon martyr d'Ireèneèe Mammeés eètait un saint dont le culte se concentrait autour de Langres deé s le

viii

e

sieécle

27

28

. .

Cet autel eètait donc deèdieè aé des saints veèneèreès dans le dioceése de Langres. De meême, deux autels se trouvent dans le bras nord de la crypte. D'apreé s le coutumier, û L'autel

de

l'autre

coêteè

[septentrional],

preés

du

seèpulcre

du

saint

[Beènigne],

[a

eèteè

consacreè] en l'honneur de saint Nicolas, eè veêque et confesseur, et des saints Hilaire, Greè -

p. 524.

ýmais aé proximiteè se trouve une autre basilique dans laquelle est veè neèreèe une certaine religieuse Pas-

chasie ý (In proximo autem est et alia basilica, in qua Paschasia quaedam religiosa veneratur). (18) Annexe I, p. 289, lignes 44-48 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, lignes 44-48. (19) Veillard-Troiekouroff, Les monuments, p. 115. (20) Annexe I, p. 289, ligne 46 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, ligne 46 ; Chronique, p. 11 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 24. Selon la chronique, ces inhumations dans la crypte sont citeè eès par Greègoire de Tours. Selon Martindale, leur liste a eè teè compleèteèe par des additions emprunteè es aé la tradition orale. (21) Chronique, p. 11 n. 2. Selon Chomton, Histoire, p. 63, il est possible que Tranquillus ait aussi eè teè abbeè de Saint-Maurice d'Agaune. Au contraire, selon Bougaud (Chronique, p. 31), aucun des abbeè s de Saint-Beè nigne n'appara|êt dans les textes de l'abbaye d'Agaune. (22) Chronique, p. 11 n. 2. Le 46 43

e

e

chapitre du livre, De gloria Confessorum, est consacreè aé saint Tranquille, le

aé saint Floride et aé sainte Paschasie, et le 32

e

aé saint Hilaire et aé sainte Quieè ta.

(23) Annexe II, pp. 294-95, lignes 30-32 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 83 n. 3. Les emplacements des autels de saint Ireèneèe et des saints Jean de Reè ome, Seine et Eustade ont eè teè inverseè s par Dom Plancher ou ont eè teè deèplaceès au cours du

xviii

e

sieécle. Il semble plus probable qu'il s'agisse d'un erreur de Plancher puisque, sur

son plan de 1707, Viole place correctement ces autels. BNF, CB, t. 14, f. 329. (24) Chomton, Histoire, pp. 28-30. (25) L. Reè au, Iconographie de l'art chreè tien (Paris, 1955-1959), t. 3, 3

e

partie (1959), p. 1190 ; J. Hall, Dictio-

nary of subjects and symbols in Art (N.Y., 1974), p. 276. La culte de saint Seè bastien comme protecteur contre la peste aé deèbuteè au

iv

e

ou

vii

e

sieécle aé Rome, mais il ne s'est pas reè pandu avant le

(26)

Heitz, û Lumieé res ý, p. 83 n. 3 ; Reè au, Iconographie, t. 3, 1

(27)

Reèau, Iconographie, t. 3, 3

(28) Ibid., t. 3, 2

e

e

e

xiv

e

sieécle.

partie (1958), p. 384.

partie, p. 1282.

partie (1958), p. 866. Langres obtint les reliques de Mammeé s de Constantinople. Au

xi

e

sieécle ; il eètait le patron des nourrices et on l'invoquait contre les coliques.

9

151

chapitre 5 goire

de

Langres,

Philibert,

Ambroise,

Augustin,

Arnoul et de tous les confesseurs ý (fig. 38 : 5)

29

Silvestre,

Taurin,

Donat,

Germain,

. L'autel de saint Nicolas correspond donc

aé celui de sainte Paschasie. Outre le leègendaire saint Nicolas de Myre, tous les saints auxquels cet autel eètait deèdieè, Hilaire, Greègoire, l'eèveêque de Langres, Philibert, Ambroise de Milan, Augustin d'Hippone, Sylvestre, envoyeè en Gaule par saint Pierre, Taurin d'Elusa,

vii

è vreux, Donat, eèveêque de Besanc°on au premier eèveêque d'E

e

sieécle, Germain, eèveêque de

Paris, neè aé Autun et Arnoul, eèveêque de Tours, furent des confesseurs Philibert, fondateur d'abbayes, tous furent eèveêques

31

30

é l'exception de . A

. Ce groupe de saints protecteurs

è glise, Augustin et Ambroise, qui figuinclut eègalement les noms de deux autres Peéres de l'E 32

rent dans le Communicantes des Saints au Canon de la Messe

.

Le coutumier indique que û L'autel preés de celui-ci, du coêteè nord, [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Eustade, preêtre et confesseur ý (fig. 38 : 6)

vi

gieux de Saint-Beènigne au

e

33

. Eustade devint un reli-

sieécle ; il fut aussi preêtre de l'eèglise Saint-Laurent de Mes-

mont (Coête-d'Or), l'une des paroisses primitives du dioceé se de Langres oué il eètait entoureè de clercs

34

. La chronique compleéte les renseignements fournis par le coutumier en indi-

quant que le cinquieéme autel eètait consacreè û sous le nom des saints confesseurs et abbeès Jean et Seine, ainsi que de saint Eustade, preê tre, qui repose au meême endroit ý

35

. Ceci

explique que cet autel, le dernier du niveau infeè rieur, soit principalement deèdieè aé saint Eustade. Saint Seine fut son disciple aé Mesmont et l'abbeè au cours du

vi

e

me

.

Saint

Jean

de

. Preêtre-diacre, saint Seine fut le fondateur

sieécle de l'abbaye beèneèdictine, ulteèrieurement nommeèe Saint-37

Seine ; il est enterreè aé Dijon 38

36

. Il fut eègalement moine disciple de saint Jean, abbeè de Reèo-

Reèome,

neè



Langres,

monachisme en Gaule. Outre un passage aé Reèome, aujourd'hui Moutier-Saint-Jean

39

fut,

au

vi

e

sieécle,

l'un

des

pionniers

du

l'abbaye de Leèrins, il fonda l'abbaye de

. Eustade est eègalement consideèreè comme un dis-

ciple probable de saint Jean de Reèome qui l'aurait envoyeè aé Dijon aé la demande de saint Greègoire de Langres

40

. Eustade, Seine, et Jean de Reèome participeérent donc tous trois

activement aé la vie monastique de la province de Bourgogne. En outre, selon la chronique,

(29) Annexe II, pp. 294-95, lignes 31-35 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 83 n. 3 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (30) Reè au, Iconographie, t. 3, 2 t. 3, 2

e

e

partie, p. 2977 pour Nicholas ; t. 3, 3

e

partie, p. 1217 pour Sylvestre ; Ibid.,

partie, p. 585 pour Germain. Taurin serait neè aé Eauze (Elusa) petite ville du Gers, en Gascogne.

(31) Reè au, Iconographie, t. 3, 3

e

partie, pp. 1067, 1966-67. Philibert, neè en 616 en Gascogne, fonda entre

autres l'abbaye de Jumieéges. (32) J. A. Jungmann, The Mass of the Roman Rite : Its Origins and Development, t. 2 (New York, 1950, 1955), p. 175. (33) Annexe II, pp. 294-95, ligne 35 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78. Concernant l'inversion de l'autel de saint Ireè neèe et saint Eustade sur le plan de Plancher, voir supra, p. 151 n. 23. (34) Supra, p. 129 n. 84 ; Marilier, û Notes ý, p. 395. Eustade n'eè tait pas abbeè ; saint Greè goire rassembla (vers 535) une communauteè de clercs. (35) Annexe I, p. 238, lignes 24-25 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, lignes 24-25. (36) Chomton, Histoire, p. 60. (37) Reè au, Iconographie, t. 3, 3

e

partie, p. 1200.

(38) Marilier, û Notes ý, p. 395. (39) Heitz, û Lumieéres ý, p. 83 n. 3. (40) Chronique, p. 10 n. 2.

152

9

les conseècrations des autels Greègoire, eèveêque de Tours, mentionne que Hilaire, seènateur dijonnais, et son eèpouse, sainte Quieèta, ont eèteè ensevelis dans la crypte aé coêteè de saint Eustade ; ils furent les anceê tres de Jean de Reèome

41

.

Ainsi, les autels des absidioles, preés de la tombe du veèneèreè martyr, sont deèdieès aé des saints pour la plupart reègionaux. La majoriteè des autels demeure deèdieèe aux eèveêques, ce qui deècoule pour une part du fait que, depuis le

vi

e

sieécle, Dijon servait de lieu d'inhuma-

tion pour les eèveêques de Langres. D'autres absidioles, comme celles de Paschasie et de saint

iii

Eustade, receèlaient les vestiges des martyrs du

e

sieécle provenant du cimetieére romain.

D'autres reliques, propres aux autels de ces saints, viendront ulteè rieurement les compleèter.

La rotonde et la chapelle axiale La chronique indique : û A cette crypte infeè rieure [...] est joint, du coêteè du soleil levant, un oratoire construit de forme ronde [...]. Cet oratoire a eè teè consacreè en l'honneur de saint Jean-Baptiste, dont l'autel est eèclaireè par la lumieére de trois feneêtres ý

42

. Au

xi

e

sieécle, l'autel de Jean-Baptiste eètait donc situeè au niveau de la crypte dans la chapelle axiale de la rotonde, en dessous de la chapelle de la Vierge situeè e au second niveau (fig. 38 : 1, 7)

43

. Nous ne disposons d'aucun eèleèment en faveur de l'existence, aé Saint-Beè-

nigne, d'un autel deèdieè aé saint Jean-Baptiste anteèrieur aé ceux signaleès par la chronique et le coutumier. Selon toute probabiliteè, ces deèdicaces aé Jean-Baptiste en relation avec la Vierge reèsultent en prioriteè de son importance liturgique, en tant qu'intercesseur privileè gieè dans le Canon de la Messe et dans les litanies

44

. Or, c'est au nom de Jean-Baptiste qu'avait

eèteè consacreè tout le niveau infeèrieur de la rotonde. Le coutumier ajoute : û L'autel de l'eèglise infeèrieure [a eèteè consacreè] en l'honneur du bienheureux Jean-Baptiste et des saints Cleèment, pape, Nazaire et Celse, martyrs ý

45

. Les vocables de saint Cleèment, pape et

peut-eêtre martyr, et des saints martyrs Nazaire et Celse, dont l'eè glise posseèdait les reliques, sont lieès aé saint Jean-Baptiste, en association avec l'eau et le bapteê me

46

.

(41) Ibid., p. 11 n. 2 ; Picard, û Dijon ý, p. 62 signale que la chronique identifie de manieé re probablement erroneèe Hilaire et sa femme avec les parents de Jean de Reè ome. (42) Annexe I, pp. 289-90, lignes 57, 64-65 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, lignes 57, 63-65. (43) Schlink, Saint-Beènigne, fig. 10. Aux

xvii

e

et

xviii

e

sieécles l'autel de saint Jean-Baptiste eè tait devenu

celui de saint Beè nigne. Selon Jean-Pierre Roze (communication personnelle, 2006), la chapelle deè dieèe aé saint Jean-Baptiste prit progressivement le vocable de saint Beè nigne, apreé s qu'on y eut transfeè reè, vers 1675, le groupe sculpteè , visible sur le dessin de Plancher, repreè sentant le Bapteê me de saint Symphorien par saint Beènigne, assisteè de saint Andoche. (44) Heitz, û Beata Maria Rotunda ý, p. 276. On retrouve la meême reèpartition, saint Jean-Baptiste dans la crypte et la Vierge en haut, dans la rotonde accoleè e aé l'eèglise Saint-Pierre de Louvain, plus tard au

xi

e

sieécle.

ê ge ý, dans Marie, Le culte de la Vierge è . Palazzo, û Marie et l'eè laboration d'un espace eccleè sial au haut Moyen A E è tudes reèunies par D. Iogna-Prat, E è . Palazzo, D. Russo (Paris, 1996), (pp. 313-25) dans la socieèteè meèdieèvale, E p. 316. L'autel de la Vierge et celui de Jean-Baptiste apparaissent la plupart du temps comme les principaux autels secondaires. (45) Annexe II, pp. 294-95, ligne 26 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (46) Reè au, Iconographie, 2

e

partie (1958), pp. 968-69. (Nazaire). D'apreé s la leègende, Cleè ment fut enterreè

par des anges dans un tombeau subaquatique. Nazaire a baptiseè Celse ; leurs corps furent deè couverts par Ambroise de Milan.

9

153

chapitre 5 Au niveau du chÝur

Le chevet, la rotonde et la chapelle axiale Apreés les autels de la crypte, la chronique se tourne vers le second niveau de la rotonde qui correspond au niveau du chÝur des moines: û Aé partir de cette eèglise [la crypte de la rotonde], il y a deux escaliers de trente-sept marches, tournant aé droite et aé gauche, assez bien eèclaireès par de nombreuses feneêtres, par lesquels on peut monter sans difficulteè aé la basilique de Sainte-Marie, meére de Dieu. [...] On monte aé l'autel de marbre de cette meême [Marie], toujours vierge [situeè dans la chapelle axiale], par quatre degreès diviseès en trois ý (fig. 38: 7) 47. Selon le coutumier, cet autel û a eèteè consacreè en l'honneur de la meême Meére de Dieu et de notre Seigneur Jeèsus, le Christ, et il y a en elle des reliques d'eux et des saints Innocents ý 48. Les saints Innocents sont les enfants massacreès par Heèrode selon l'eèvangile de Mathieu. Une formule identique s'employait aé Saint-Pierre de Flavigny, oué la crypte infeèrieure eètait deèdieèe aux saints Innocents, et la crypte supeèrieure aé la Vierge 49. Aé Saint-Beènigne, la conseècration souligne l'ideèe de Marie comme Meére de Dieu. Toujours selon la chronique, û Aé coêteè de ceux-ci, de part et d'autre, il y a des autels: aé droite, celui de Jean l'eèvangeèliste, de Jacques, son freére, et de saint Thomas, apoêtre; aé gauche, celui de saint Matthieu et des apoêtres Jacques et Philippe ý (fig. 38: 8 et 9) 50. Saint Jean l'eèvangeèliste est le disciple auquel le Christ confia la garde de la Sainte Vierge (selon l'eèvangile de Jean) et qui lui est parfois associeè en qualiteè d'intercesseur 51. Cet autel, situeè aé droite de la rotonde, se distingue par son emplacement. Les conseècrations de l'autel des trois apoêtres, saint Jean, saint Jacques (son freére l'apoêtre Jacques le Majeur) et saint (47) Annexe I, p. 290, lignes 66-72; Martindale, û The Romanesque ý, p. 48, lignes 66-72. Schlink, fig. 10. Selon Jean-Pierre Roze (communication personnelle, 2006), qui cite BNF, CB, t. 12, f. 192v, la chapelle avait abriteè, placeèe sur son autel, une statue en bois (Dom Lanthenas la date du viiie sieécle), dite de Notre-Dame de Bon secours En 1695, la fondation d'une messe entra|êna une modification profonde de cet autel. Le nouvel autel qui fut alors installeè eètait orneè d'une Vierge preèsentant son enfant aé sainte Gertrude prosterneèe aé ses pieds, d'oué le vocable de Chapelle de Sainte Gertrude qui fut parfois adopteè. Cet autel fut eègalement souvent appeleè autel de Notre-Dame et sainte Gertrude. Selon Plancher, , p. 487, la chapelle eètait û dite autrefois du Saint Lieu, & depuis environ 45 ans, appeleèe de Notre-Dame & de Sainte Gertrude ou meême quelquefois de Sainte Gertrude seulement ý. (48) Annexe II, pp. 294-95, lignes 1-3; Heitz, û Lumieéres ý, pp. 77-78; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. On se souvient que le coutumier commence sa description par cet autel en le deèsignant comme point focal de l'eèdifice tout entier, et en qualifiant la totaliteè de la rotonde d'eèglise û Sainte-Marie ý. (49) Sapin, û L'abbaye Saint-Pierre de Flavigny ý, p. 57. (50) Annexe I, p. 290, lignes 72-74; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 72-74; BNF, CB, t. 14, f. 329. Les emplacements des autels de saint Jean l'Eè vangeèliste, son freére Jacques et saint Thomas ont eèteè inverseès par Dom Plancher avec ceux de saints apoêtres Matthieu, Jacques le Mineur et Philippe. Il semble encore que ce soit ici encore une erreur de Plancher puisque, sur son plan de 1707, Viole place correctement ces autels. BNF, CB, t. 14, f. 329 et ADCO, 1 H 130. (51) Annexe II, pp. 294-95, lignes 4-6; Heitz, û Lumieéres ý, pp. 77-78; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. Au xie sieécle, saint Jean eètait supposeè partager avec la Vierge le privileége de l'intercession directe. L'eèveêque Fulbert de Chartres (1007-1029) croyait meême aé l'ascension de Jean. Au service de la Vierge sur terre, il eètait jugeè digne de partager sa gloire dans les cieux. Voir A. Katzenellenbogen, (New York, 1959), pp. 84 et 137 n. 18. Saint-

Beènigne,

.

Histoire

The Sculptural Programs of Chartres Cathe-

dral

154

9

les conseècrations des autels Thomas sont regroupeèes, comme elles le sont dans le Canon de la Messe

52

Communicantes,

meèmoire des saints au

. D'apreés le coutumier, û L'autel du coêteè gauche [septentrional] [a eèteè

consacreè] en l'honneur de saint Matthieu, apoêtre et eèvangeèliste, et des saints apoêtres Philippe et Jacques, et des trois enfants ý (fig. 38 : 8)

53

. Saint Matthieu, comme saint Jean,

est aé la fois apoêtre et eèvangeèliste, Philippe et Jacques le Mineur sont apoêtres, et ils sont tous les trois regroupeès dans les prieéres du Canon de la Messe

54

. û Les trois Enfants ý deèsigne

peut-eêtre Meleusippe, Speusippe, et Eleusippe, saints cavaliers cappadociens baptiseè s par saint Beènigne. La logique aurait voulu qu'ils soient placeè s dans la crypte avec les autres martyrs locaux. Par ailleurs, en relation avec l'autel de la Vierge, on peut eè galement songer aux Trois Jeunes Gens eèvoqueès dans le Livre de Daniel 3, 23, qui sont souvent associeès aé la virginiteè de Marie, parce qu'ils ont pu eèchapper aux flammes du brasier, de meême que la Sainte Vierge a pu enfanter en eè chappant au feu de l'amour charnel

55

. Leurs

reliques eètaient conserveèes aé Langres, laé oué s'eèlevait l'abbaye de Saints-Geosmes. Les apoêtres mentionneès ensuite par le coutumier ne se trouvent pas dans la rotonde, mais dans les chapelles en eèchelon du chevet de l'eèglise, comme l'explique clairement la chronique : û De part et d'autre, il y a des chapelles jumelles aé vouête transverse, dans lesquelles se trouvent deux fois deux autels ý des chapelles (

56

. Ainsi, sur chaque flanc du transept s'eèleévent

porticus) vouêteèes, ce qui implique deux autels de chaque coêteè du chÝur

57

. La

chronique continue : û Du coêteè nord, l'un en l'honneur des saints apoêtres Pierre et Andreè, l'autre, en l'honneur des saints Bartheèlemy, Simon et Thaddeèe, apoêtres ý(fig. 38 : 10 et 11)

58

.

Apreés avoir effectueè un deètour vers l'autel de Paul situeè au troisieéme niveau de la rotonde dont nous parlerons plus tard, la chronique parle de l'autre chapelle du transept : û Du coêteè sud, il y a des autels : l'un en l'honneur des saints apoê tres Matthias et Barnabeè, è tienne, Laurent et ainsi que de l'eèvangeèliste Luc ; l'autre, en l'honneur des saints martyrs E Vincent ý

59

. Le coutumier preècise que û L'autel de la partie droite de l'eèglise, en direction

(52) J. Jungmann,

The Mass of the Roman rite, its origins and development (Missarum Sollemnia)

trad. F. A.

Brunner, C. K. Riepe (New York, 1959), p. 402. (53) Annexe II, pp. 294-95, lignes 4-6 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r.

The Mass of the Roman rite, p. 402. Iconographie, t. 3, 3 partie, p. 1234.

(54) Jungmann, (55) Reè au,

e

(56) Annexe I, p. 291, lignes 104-05 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 104-05 ; (57) Voir supra, p. 44 n. 103 pour la traduction de

porticus comme chapelle.

(58) Annexe I, pp. 291-92, lignes 105-06 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 105-07 ; Annexe II, p. *, lignes 5-8 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. Selon le coutumier, û L'autel de la partie gauche de l'eèglise, en direction du nord, [a eè teè consacreè] en l'honneur de l'apoê tre saint Pierre et de saint Andreè , son freére. L'autel rapprocheè , aé droite, [a eèteè consacreè] en l'honneur du bienheureux apoêtre Bartholomeè et des saints apoê tres Simon et Jude ý. Schlink,

Saint-Beènigne,

fig. 10 ; Chomton,

Histoire,

p. 309. Cf. BNF, ms. lat. 12662, f. 265, et BNF, CB, t. 12, f. 176v³-177. Selon Jean-Pierre Roze (communication personnelle, 2006), aux Bon Secours ; au

xvii

e

xvii

e

et

xviii

e

sieécles, l'autel de saint Pierre deviendra celui de Notre-Dame-de-

sieécle, l'autel de saint Bartheè lemy deviendra celui du Saint Crucifix, mais le Saint Cru-

cifix, conserveè sur l'autel de Saint Bartheè lemy, fut transfeè reè en 1689 sur l'autel deè dieè jusqu'alors aé Saint Luc. Au

xviii

e

sieécle, l'autel de saint Bartheè lemy eè tait celui d'Antoine et d'Agathe.

(59) Annexe I, p. 292, lignes 109-11 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 109-11.

9

155

chapitre 5 è tienne et des saints du sud, [a eèteè consacreè] en l'honneur du bienheureux premier martyr E martyrs Laurent et Vincent ý (fig. 38 : 12)

60

è tienne fut le premier martyr chreètien ; Lau. E

rent et Vincent figuraient aussi parmi les tout premiers martyrs. Tous sont diacres-martyrs. Or, durant la messe, le diacre rec°oit et preèpare les offrandes sur lesquelles le ceèleèbrant va invoquer la descente de l'Esprit Saint

61

. Ce roêle important du diacre peut expliquer le

choix de situer l'autel aé ce niveau preècis, aé l'est de l'autel de saint Maurice et saint Beè nigne, è vangeèlistes niveau reèserveè principalement aux apoêtres et aux E Amalarius (eèveêque de Metz au

ix

e

62

. Durant le Canon, selon

sieécle, et auteur du Liber Officialis), les sous-diacres

repreèsentent les disciples et les diacres repreèsentent les apoêtres

63

. De plus, pendant la lec-

è vangile, le diacre est eètroitement associeè aux E è vangeèlistes dont il lit le texte ture de l'E

64

.

L'ajout par Adheèmar de Chabannes d'un chapitre deè taillant la pratique liturgique beèneèdictine aé une copie du De Officiis d'Amalarius de Metz laisse entendre que les conceptions de ce dernier eètaient certainement connues aé cette eèpoque

65

.

Le coutumier continue comme suit : û L'autel rapprocheè , aé gauche, [a eèteè consacreè] en l'honneur de l'apoêtre Matthias et des saints Luc, eèvangeèliste, et Barnabeè, apoêtre ý (fig. 38 : 13)

66

. Ainsi, contigu aé l'autel des diacres, mais plus proche de celui de Saint Jean l'eè vangeè-

liste, du coêteè est de la rotonde, se trouvait l'autel des saints Mathias, Luc et Barnabeè . Mathias est l'apoêtre que le sort a deèsigneè dans Acte 1 pour remplacer Judas. Barnabeè est le compagnon de saint Paul. Le personnage deèterminant est pourtant l'eèvangeèliste Luc. Afin d'eètayer ce point de vue, il faut eèvoquer ici brieévement trois autres autels sur le meême niveau aé propos desquels la chronique mentionne les eèleèments suivants : û L'autel principal est consacreè en l'honneur des saints Maurice et Beènigne, et de tous les saints. L'autel qui est aé sa droite, en l'honneur de l'archange Raphae« l et de tous les esprits bienheureux ; celui qui est aé sa gauche, en l'honneur de l'eèvangeèliste saint Marc ý (fig. 38 : 14, 15 et 16)

67

. Ces

autels s'eèlevaient probablement sur le coêteè ouest du transept, au nord l'autel de saint Marc et au sud celui de Raphae«l. Chomton a interpreèteè cette position de la fac°on suivante : Pendant longtemps les moines communieront sous les deux espeé ces. Ayant rec°u du preêtre au ma|être-autel le corps du Seigneur, ils s'arreê taient en se retirant devant l'autel de saint Marc et prenaient le preècieux sang dans un calice que leur preè sentait le diacre, [qui] avait auparavant pris

lui-meê me

le

divin

breuvage

en

premier

et

l'avait

ensuite

offert

au

sous-diacre.

(60) Annexe II, pp. 294-95, lignes 8-10 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (61) O. B. Hardison, Jr., Christian Rite and Christian Drama in the Middle Ages : Essays in the Origin and Early History of Modern Drama, t. 1 (Baltimore, 1965), pp. 27-28, 32, 42. (62) Paula Berry fit cette observation lors de mon cours aé l'University of Southern California en 1982. (63) Hardison, Christian, p. 44 ; Jungmann, The Mass, t. 1, p. 89. é Cluny, ces diacres-martyrs sont eè galement placeè s (64) Jungmann, The Mass, t. 1, p. 90. Bern, p. 262. A dans l'eè glise Sainte-Marie sur la droite, au coê teè sud. (65) Amalaire de Metz, Amalarii episcopi opera liturgica omnia, eèd. J. M. Hanssens, 2 t., Vatican : Biblioteca apostolica vaticana, 1948-50. Hanssens a incorporeè le texte d'Adheèmar (BNF, ms. lat. 2400) dans son compendium d'Amalaire. (66) Annexe II, pp. 294-95, lignes 10-11 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (67) Annexe I, p. 292, lignes 116-120 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 117-20 ; Le coutumier ne mentionne pas les autels des saints martyrs Maurice et Beè nigne, ni les autels de saint Raphae« l et de è vangeèliste. saint Marc l'E

156

9

les conseècrations des autels Saint-Raphae«l, Saint-Marc : deux vocables eè voquant autrefois le plus touchant symbolisme. Raphae«l, û le remeéde de Dieu ý, proclamait que l'Eucharistie, c'est-aé -dire l'Homme-Dieu, ranc° on et aliment de l'Humaniteè , se mendiait [...] [en souvenir] de la catastrophe originelle. è zeè chiel, aureèolait le Pain vivant des paroles divines : û Je suis la Marc, le lion du cheè rubin d'E Reèsurrection et la Vie ý

68

.

Cependant, une autre possibiliteè serait que les deux autels, celui de saint Raphae«l è vangeèliste (aé gauche) aient eèteè situeès dans les deux (aé droite) et celui de saint Marc l'E tours lateèrales, aé l'angle formeè par le transept et les bas-coêteès. Au roêle d'ange gardien que Raphae«l joue en tant que gueèrisseur s'ajoute aussi celui de compagnon des aê mes dans l'au-delaé

69

. Cette position eèleveèe dans la tour aurait placeè son autel face au troisieéme

niveau de la rotonde, une position correspondante aé celle occupeèe par les autels archangeèliques de l'abbatiale de Cluny III, logeè s eux aussi dans des tourelles accoleèes au grand transept

70

.

è vangeèlistes a eèteè deètermineèe selon leur Il appara|êt donc que la position des quatre E ordre d'apparition dans le Nouveau Testament : d'abord Matthieu, aé la gauche de la chapelle de la Vierge, puis si l'on se deèplace dans le sens inverse des aiguilles d'une montre vers le nord, Marc, ensuite Luc, au sud, et finalement en arrieé re vers le sud le long de la rotonde, Jean sur le coêteè droit de l'autel de la Vierge. Par conseèquent, les autels du niveau principal, traiteès jusqu'aé preèsent, sont deèdieès aux onze disciples de la premieére heure. L'autel situeè du coêteè nord de la rotonde a eèteè deèdieè aé trois apoêtres moins importants : saint Bartheèleèmy, saint Simon et saint Thadeèe-Jude, que l'on feête le meême jour et qui sont traditionnellement associeès

71

. Le coutumier ne mentionne pas l'autel principal de cette eè glise,

que la chronique, quant aé elle, signale avant celui de Marc et Raphae« l : û L'autel principal est consacreè aux saints martyrs Maurice et Beènigne et aé tous les saints ý laquelle saint Maurice, martyr du Les liens unissant au

vi

e

iii

e

72

. La raison pour

sieécle, est honoreè aé l'autel principal reste aé eèlucider.

sieécle Saint-Beènigne et le monasteére de Saint-Maurice d'Agaune

fourniraient peut-eêtre l'explication

73

.

(68) BMD, ms. 2709 : L. Chomton, Saint-Beènigne de Dijon, les cinq basiliques, Notes pour son livre (Dijon, 1923), non pagineè . Chomton, Histoire, p. 108 n. 4. û Du coê teè droit (midi) de l'autel majeur eè tait l'autel de saint Raphae«l, du coêteè gauche, l'autel de saint Marc, oué les moines recevaient le preè cieux sang, apreés avoir rec°u au grand autel une parcelle des hosties consacreè es ý. Au

xvii

e

sieécle, la tradition de l'abbaye consideè rait

l'autel de saint Marc comme eè tant celui oué eètait autrefois distribueè le preècieux sang. Toutefois, cet arrangement du

xvii

e

sieécle ne correspond pas forceèment aé celui du

xi

e

sieécle.

(69) J. J. Contreni, û Building mansions in Heaven ý, Speculum 78 (2003) : (673-707) p. 691. (70) Heitz, û Lumieéres ý, p. 74. (71) L'arrangement des autels dans les chapelles eè chelonneè es ne correspond pas aé l'ordre traditionnel des è vangiles. Ce point a eè teè signaleè par Paul Rorem noms adopteè tant dans le Canon de la messe que dans les E lors de mon seè minaire aé l'universiteè de Princeton en 1977. (72) Annexe I, p. 292, ligne 116 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, ligne 117. (73) Selon Chomton, Histoire, p. 63, la deè dicace aé saint Maurice peut remonter au

vi

e

sieécle, bien que la

premieére mention ne soit que de 877. Pour le double patronyme : û l'eè glise de saint Maurice laé ou é aussi g|êt saint Beè nigne ý (ecclesia S. Maurici ubi et S. Benignus jacet) ; voir aussi Folz et Marilier, Chartes, t. 1, p. 134 ; et Schlink, Saint-Beènigne, p. 116 n. 348.

9

157

chapitre 5 L'espace occidental

Apreés la description de l'autel de Marc et Raphae« l, la chronique indique û au milieu de l'eèglise elle-meême, l'autel de la Sainte Croix et de tous les saints. Devant cet autel, se trouve la triple entreèe de la crypte (Ante hoc altare triplex constat introitus criptae), et l'on monte par quinze marches de celle-ci aé l'eèglise supeèrieure ý (fig. 38 : 17)

74

. Et, selon un ordre plus

ou moins eèquivalent, mais apreés la description de l'autel de saint Luc et de saint Barnabeè , le coutumier deèclare que û L'autel au milieu de l'eè glise [a eèteè consacreè] en l'honneur de la sainte et bienheureuse Croix du Christ, Seigneur et Sauveur, par laquelle, en triomphant totalement du Diable, il a accompli la reè demption par son sang sacreè ý

75

.

Dans ses travaux de 1972 et de 1974, Carol Heitz a placeè l'autel de la Sainte-Croix au centre de la rotonde Sainte-Marie et non au centre de l'eè glise Saint-Beènigne. Plus tard, il changera d'avis et situera l'autel aé l'extreèmiteè occidentale du chÝur des moines, au-dessus de l'entreèe de la crypte

76

. Andrew Martindale et Wilhelm Schlink l'ont, quant aé eux, loca-

liseè devant la triple entreèe de la crypte, ce que semble confirmer le teè moignage de la chronique

77

. Sa description des marches descendant vers la crypte preè cise qu'elles sont ante hoc

altare, c'est-aé-dire devant l'autel de la Sainte-Croix. La preèposition latine ante est eègalement utiliseèe pour situer l'autel de saint Paul par rapport aé celui de la Sainte Triniteè, û devant l'autel de la Sainte Triniteè ý (ante aram Sanctae Trinitatis)

78

. Cette dernieére formule indique

clairement que le chroniqueur de Saint-Beènigne utilise ante pour signifier û devant et plus loin que ý (ante et ultra), c'est-aé-dire que l'autel de saint Paul se situe aé l'ouest, et par conseèquent vers l'est de la rotonde. L'autel de la Sainte-Croix se situe donc au delaé des escaliers. En outre, la position de l'autel de la Sainte-Croix est indiqueè e dans le troisieéme coutumier, ou é certaines parties de l'office divin sont mises en relation avec les stations des processions ; par exemple, û la quatrieéme [...] [est] dans la nef. [...] la cinquieé me [...] devant la Croix [...] la sixieéme est faite de la meême fac°on avec l'assembleèe de la communauteè dans l'eèglise Saint-Beènigne [autrement dit, dans la crypte de la Confession] [...] on encense l'autel et le tombeau de celui-ci [saint Beènigne] ý

79

. Comme aé Cluny et sur le plan de Saint-Gall, et

comme c'eètait la coutume, l'autel de la Sainte-Croix se situait dans la nef

80

.

(74) Annexe I, p. 292, lignes 120-23 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 120-23. (75) Annexe II, p. 294, lignes 11-14 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (76) Supra, p. 64. Heitz, û Reèflexions ý, p. 87 ; idem, û Architecture et liturgie processionnelle aé l'eèpoque preèromane ý, Revue de l'art 24 (1974) : (30-47) pp. 38-39. Dans un article de 1977 (idem, û Lumieé res ý, p. 99 n. 2) dans sa traduction de la description des processions pascales du second coutumier, Heitz fait reè feèrence aé l'autel de la Sainte-Croix comme eè tant au milieu de la nef, mais il ne dit rien de l'autel lui-meê me dans cette publication. Ce n'est qu'en 1982 (idem, û Autels ý, pp. 83-86), qu'il localise clairement l'autel de la SainteCroix aé l'extreè miteè occidentale du chÝur des moines, au-dessus de l'entreè e de la crypte. (77) Martindale, û The Romanesque ý, p. 53 ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 112 et fig. 10. (78) Annexe I, p. 292, ligne 108 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 108. (79) Infra, pp. 174 n. 15 et 205-06 ; Chomton, Histoire, pp. 100-01, 363-64 : Quarta [...] in navi [...]. Quintam [...] ante Crucem [...] sextam facit idem simulque conventus ad Sanctum Benignum, ubi [...] incensat ipsius aram simulque sepulchrum [...]. (80) Horn, The Plan, t. 1, p. 130.

158

9

les conseècrations des autels Le coutumier localise deux autres autels par rapport aé l'autel de la Sainte Croix, mais probablement û dans le portique [le collateè ral] supeèrieur de l'eèglise ý [in superioribus porticus ecclesiae], c'est-aé-dire dans les bas-coêteès de l'eèglise, sureèleveès de quarante centimeétres par rapport au niveau de la nef des fideéles

81

. La chronique signale eègalement ces deux autels et

è tienne, Laurent, et les deècrit, conformeèment aé leur situation, apreés les autels des diacres (E Vincent) qui sont dans la chapelle sud du transept. Selon la chronique, û Il y a un autre autel du meême coêteè sud, en allant vers la partie occidentale de l'eèglise, en l'honneur des saints martyrs Mammeés, Didier, Leèger, Seèbastien et Gengoul ý

82

. Concernant cet autel

qui se trouve dans la partie supeèrieure du collateèral sud de l'eèglise (fig. 38 : 19), le coutumier ajoute les noms de Coême et Damien aé la liste eètablie par la chronique

83

. On se sou-

vient que les saints Didier, Seèbastien et Mammeés eètaient deèjaé associeès aé saint Ireèneèe dans l'autel de la crypte

84

. En tant qu'eèveêque martyr de Langres, Didier se trouve ici, comme

on s'y serait attendu, en compagnie de deux saints locaux, Gengoul (originaire de Bourgogne)

et

Leèger

(eèveêque

d'Autun)

85

.

La

catheèdrale

de

Langres

eètait

deèdieèe



saint

Mammeés, martyr, consideèreè, selon une leègende populaire en Orient, comme l'un des bergers preèsents lors de la Nativiteè

86

. Devenu leègendaire graêce aé son pouvoir de nourrir les

hommes et les animaux, ce berger-martyr devait eê tre accompagneè par des gueèrisseurs. En effet, les autres saints ont en commun le pouvoir de gueè rir et de nourrir. Coême et Damien, freéres jumeaux d'origine orientale, sont des thaumaturges martyrs sous Diocleè tien. Seèbastien s'invoquait eègalement contre la peste

87

.

L'autel correspondant est localiseè au nord de l'autel de la Sainte Croix (fig. 38 : 18). Le texte de la chronique le mentionne û de l'autre coê teè, [en l'honneur] des saints martyrs Polycarpe, Andoche, Thyrse, Andeèol, Symphorien, Georges, Christophore, et des saints confesseurs Urbain et Greègoire, dont les corps ornent la preèsente eèglise ý

88

. Les informa-

tions fournies par le coutumier concernant cet autel correspondent aé celles de la chronique, sauf l'insertion de saint Beènigne : û L'autel qui est aé gauche, dans le portique [le collateèral] supeèrieur de l'eèglise, [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Polycarpe, eèveêque et martyr, et des saints martyrs Beènigne, Georges, Symphorien, Andocle, Thyrse, Andeè ol et Christophore, de meême que des eèveêques de Langres, Urbain et Greègoire ý

89

.

La multipliciteè de la conseècration aé saint Beènigne fait penser que l'autel remplissait vis-aé-vis des fideéles une fonction qui ne pouvait eêtre remplie par le ma|être-autel situeè dans

(81) Annexe II, pp. 294-95, ligne 14 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 77 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (82) Annexe I, p. 292, lignes 112-13 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 112-13 ; Schlink, Saint-Beènigne, fig. 10. Aux

xvii

e

et

xviii

e

è tienne sera celui de Beè nigne, Claude et sieécles, l'autel de saint E

Antoine. (83) Annexe II, pp. 294-95, ligne 18 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (84) Annexe II, pp. 294-95, ligne 31 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (85) Reè au, Iconographie, t. 3, 3

e

partie, pp. 566-69 ; Heitz, û Lumieéres ý, p. 83 n. 3.

é Centula-Saint-Riquier, la chronique d'Hariulf situe l'image de la Nativiteè (86) Heitz, û Revue ý, p. 35. A aé l'ouest de l'eè glise, dans le porche, non loin de l'autel de la Sainte-Croix. (87) Reè au, Iconographie, t. 3, 3

e

partie, pp. 333-34 et 1192.

(88) Annexe I, p. 292, lignes 115-17 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 50, lignes 115-17. (89) Annexe II, pp. 294-95, lignes 15-16 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r.

9

159

chapitre 5 le chÝur des moines. Selon Chomton, l'autel de saint Beè nigne oué, selon l'indication du troisieéme coutumier, se ceèleèbrait la messe matutinale le jour de la Toussaint, n'eètait peut-eêtre pas l'autel majeur de la crypte, mais le petit autel de la grande eè glise, situeè preés de l'autel de la Croix, vers le milieu de la nef, dans le collateè ral nord. Assembleè dans la nef, entre l'autel de la Croix et les portes de l'eèdifice, le peuple pouvait y suivre la messe

90

.

Saint Polycarpe, qui envoya saint Beè nigne en Gaule, eètait eèveêque et martyr de Smyrne et disciple de saint Jean l'eèvangeèliste

91

. Les autres deènominations sont extraites û du cycle

beènignien ý, ensemble hagiographique qui contient la passion de saint Beè nigne et de ses compatriotes : les saints Andoche (preêtre), Thyrse (diacre), tous les deux martyrs de Saulieu, et Andeèol (sous-diacre et martyr du Vivarais), tous envoyeè s par saint Polycarpe comme missionnaires de Smyrne en Gaule

92

. Saint Symphorien (martyr d'Autun) est lui

aussi eètroitement lieè aé saint Beènigne. Baptiseè par saint Beènigne, il eètait son disciple et le cycle le preèsente comme son fils spirituel confesseurs

Urbain

et

Greègoire

ont

93

une

. En tant qu'eèveêques de Langres, les saints

importante

signification

reègionale

94

.

Le

24

novembre 506 ou 507, û lorsqu'on lui soumit les doutes sur l'authenticiteè du tombeau de saint Beènigne [apreés l'avoir examineè saint Greègoire] leva solennellement le corps du saint apoêtre ý

95

. Les moines transportaient les reliques de saint Urbain dans leur vignoble afin

de le proteèger des voleurs

96

. Les saints Christophe et Georges sont des intercesseurs. Chris-

tophe proteége contre la mort subite sans confession et contre la peste, ce qui s'accorde avec l'autel correspondant, localiseè au sud de l'autel de la Sainte-Croix

97

. Comme l'espace cen-

tral, les bas-coêteès de la partie occidentale de l'eèglise semblent avoir reèpondu aux besoins des la|ëcs.

Le troisieéme niveau de la rotonde La chronique eènonce que û De laé [le deuxieéme niveau de la rotonde], aé nouveau, deux escaliers tournants de trente marches, assez bien eè claireès, permettent de monter aé l'eèglise de la sainte et indivise Triniteè. [...] L'autel de la sainte Triniteè est place de telle sorte qu'il

Histoire, pp. 185, 430-31. Iconographie, t. 3, 3 partie, p. 1114. Chomton, Histoire, p. 19.

(90) Chomton,

e

(91) Reè au, (92)

(93) Ibid. ; Van der Straeten, û Les actes ý, pp. 120, 125, 131, 448. (94) (95) (96)

iv

e

Chronique, p. 13 ; Marilier, û Notes ý, p. 393. Chronique, p. 13 n. 2. Chomton, Histoire, p. 74 ; Marilier, û Notes ý,

p. 394 : û Urbain eè tait l'eè veêque de Langres aé la fin du

sieécle qui fit construire trois eè glises aé Dijon : Saint-Jean, Saint-Etienne, et Saint-Vincent. Apreé s 410, les

eèveêques de Langres se seraient retireè s dans le

castrum de Dijon qui faisait partie de leur dioceése. Ils ont ordinai-

rement habiteè Dijon, ne retournant aé Langres, lieu principal de leur sieé ge, que pour y ceèleèbrer les feêtes importantes. Urbain fut inhumeè , comme la plupart de ses successeurs pendant trois sieé cles, dans l'eèglise Saint-Jean. Sur la fin du

ix

e

sieécle ou au deè but du

x

e

, les corps saints inhumeè s aé Saint-Jean furent transporteè s dans

l'abbaye voisine de Saint-Beènigne que venait de reconstruire l'eè veêque Isaac ý. (97) Reè au, (Georges).

160

9

Iconographie,

t. 3,

1

e

partie,

pp. 305-06

(Christophe) ;

idem,

t. 3,

2

e

partie,

pp. 571-72

les conseècrations des autels soit facilement vu de ceux qui entrent de partout et se tiennent partout dans l'eè glise ý (fig. 38 : 20)

98

. Le coutumier, quant aé lui, affirme que û L'autel de l'eèglise supeèrieure, en

direction de l'ouest, a eèteè deèdicaceè en l'honneur de la treés sainte et indivise Triniteè du Peére, du Fils et du Saint-Esprit. L'autre autel de la meê me eèglise, dans la partie tourneèe vers l'est, [a eèteè consacreè] en l'honneur de l'apoêtre saint Paul et des saints martyrs Denis, Apollinaire, Cirice et des saints confesseurs Reèmi et Remacle, eèveêques ý (fig. 38 : 21)

99

. L'autel,

deèdieè aé saint Paul, aux saints martyrs Denis, Apollinaire et Cyr, ainsi qu'aux saints confesseurs et eèveêques Reèmi et Remacle, permet d'inteèressantes hypotheéses. Les conseècrations d'autel associent freèquemment saint Paul aé saint Pierre. Tel n'est pas le cas aé Saint-Beènigne ; aussi la chronique interrompt sa localisation des apoê tres au niveau principal de l'eèglise Sainte-Marie pour justifier le fait que Paul occupe ici une position diffeè rente : û Mais l'autel de saint Paul se trouve dans l'eèglise supeèrieure, devant l'autel (ante la sainte Triniteè : emporteè au troisieéme ciel, il voit les secrets de Dieu ý

100

aram)

de

. Les trois mar-

tyrs, Denis, Apollinaire et Cyr, semblent avoir eè teè choisis pour parrainer cet autel en è glise et premier eèveêque raison de leurs liens avec saint Paul. En effet, Denys, Peé re de l'E d'Atheénes, amalgameè depuis le

ix

e

sieécle avec le Pseudo-Denys et dont nous parlerons

amplement plus tard, a eèteè converti par Paul. L'importance accrue que confeè ra aé Paul cette conversion pourrait expliquer que la mention û saint Paul ý preè ceéde celle de û saint Denis ý

101

. Saint Apollinaire, premier eèveêque de Ravenne, preèsumeè natif d'Antioche, ville

ou é Paul fut missionnaire, eètait probablement, lui aussi, l'un de ses convertis

102

. Quant aé

l'apparition de saint Remacle, elle pourrait avoir quelque rapport avec saint Denys. En effet, les doctrines du Pseudo-Denys exerc°aient une grande influence dans les abbayes de Stavelot et Malmeèdy, l'une et l'autre fondeèes par saint Remacle, ce qui laisse supposer une relation eètroite entre ces eèglises et Saint-Beènigne

103

.

La chronique explique que û De laé [le troisieéme niveau de la rotonde], on peut monter au sommet par quatre escaliers construits de part et d'autre. Deux d'entre eux, placeè s de fac°on identique, permettent d'atteindre l'oratoire Saint-Michel en montant quinze marches. [L'oratoire], d'une facture treés simple, a trente-trois coudeèes de long, dix de haut ; il a sept feneêtres ý

104

. Selon le coutumier, û l'autel de l'eèglise la plus eèleveèe, dans sa zone

orientale, est en l'honneur du bienheureux Michel archange, des saints martyrs Coê me et

(98) Annexe I, p. 290, lignes 75-76, 80-82 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 75-76, 80-83. (99) Annexe II, pp. 294-95, lignes 20-23 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r ; Chomton,

Histoire,

p. 294. Selon Plancher,

Histoire,

p. 490, au

xv

e

sieécle l'autel de la Sainte Triniteè avait eèteè

reporteè de l'ouest vers l'est ; il s'appuyait maintenant contre le mur bordant les deux rampes d'escaliers montant vers l'oratoire Saint-Michel, laé ou é se trouvait au deè part l'autel deè dieè aé Saint Paul : deux autels additionnels furent ensuite construits de chaque coê teè. D'apreés la leègende sur le plan du troisieé me niveau de Plancher, ces deux autels (G) auraient eè teè deètruits dix ans avant la confection de ses planches. (100) Annexe I, p. 292, lignes 107-09 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 107-09. (101) Infra, p. 249. (102) O. G. von Simson, (103) Reè au,

Iconographie,

Sacred Fortress : Byzantine Art and Statecraft in Ravenna t. 3, 3

e

(Chicago, 1948), p. 86.

partie, p. 1143.

(104) Annexe I, pp. 290-91, lignes 82-86 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 83-86.

9

161

chapitre 5 Damien et de saint Philibert abbeè ý (fig. 38 : 22)

105

. La preèsence de saint Michel dans la

partie supeèrieure de l'eèglise s'explique par son roêle de protecteur de la Vierge et de guide des aêmes vers le ciel

106

. En tant qu'ange de lumieére et de paix et guide des aêmes vers le

Paradis, il eètait essentiel aé la signification û ceèleste ý du troisieéme niveau de la rotonde

107

.

Sont eègalement inclus dans la conseècration de cet autel les saints martyrs Coême et Damien qui, sauveès de la noyade par des anges, apparaissent comme les compagnons naturels de saint Michel par leur association avec la meè decine et les arts de gueèrir

108

.

Comparaisons avec des eèglises anteèrieures

Toutefois on retrouve dans des eèglises carolingiennes plusieurs des autels de Saint-Beè nigne, comme Saint-Riquier / Centula (vers 800), Saint-Gall (vers 820) et Saint-Germain d'Auxerre (840-860) ou dans des eèglises plus contemporaines, telles que Cluny II (consacreèe en 981), Flavigny II (vers 1010), et Saint-Michel de Cuxa (vers 1035), mais leurs emplacements, dans ces eèglises, diffeérent parfois de ceux qu'ils occupent aé Saint-Beènigne. Parmi ces eèglises, seule Cluny repreèsente une eèventuelle source directe de la disposition des autels aé Dijon et une prochaine section sera donc consacreè e aé la comparaison des autels de Cluny et de Saint-Beènigne. Pour ce qui concerne le deuxieéme niveau de la rotonde, les paralleéles les plus proches appartiennent aé des eèglises aé plan centreè deèdieèes aé la Vierge. On rencontre une meême juxtaposition d'autels deèdieès aux douze apoêtres avec un autel deèdieè aé la Vierge dans la rotonde Sainte-Marie aé Centula

109

é Saint-Germain d'Auxerre, le deuxieéme niveau de la . A

crypte exteèrieure eètait, comme aé Saint-Beènigne, deèdieè aé la Vierge

110

é Saint-Pierre de . A

Flavigny, bien que le ma|être-autel soit deèdieè aux deux patrons de l'abbaye, saint Pierre et saint Prix, et les deux autels lateèraux aé saint Michel et aé saint Germain, la chapelle de la rotonde supeèrieure eètait deèdieèe aé la Vierge, et la crypte abritait les trois autels des saints è tienne et saint Jean l'eèvangeèliste Innocents, saint E

111

. La relation, aé Flavigny, entre la

Vierge au niveau principal de la crypte exteèrieure et les saints Innocents eègalement situeès dans la crypte exteèrieure, mais au niveau infeèrieur, preèsente une similitude avec l'inclusion des saints Innocents dans l'autel de la Vierge aé Saint-Beènigne

112

.

(105) Annexe II, pp. 294-95, lignes 18-25 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (106) Pour la deèvotion de Guillaume pour saint Michel, voir supra, p. 80. (107) Infra, pp. 230 et 248 ; D. Callahan, û The Cult of St. Michael the Archangel and the `Terrors of the Year 1000' ý, dans The Apocalyptic Year 1000 : religious expectation and social change, 950-1050, eèd. R. Landes, A. Gow, D. van Meter (Oxford, 2003), (pp. 181-204) pp. 182, 195 n 14 ; B. C. Raw, Anglo-Saxon Crucifixion Iconography (Cambridge, 1990), p. 19. (108) Saints Coê me et Damien sont les derniers noms admis dans le paragraphe Communicantes du Canon de la Messe. (109) Heitz, û D'Aix-la-Chapelle ý, p. 6. (110) Supra, pp. 60-61. (111) Sapin, û L'Abbaye Saint-Pierre ý, pp. 56-57. Selon lui, ces vocables sont carolingiens. (112) Supra, p. 61 n. 195 et p. 154.

162

9

les conseècrations des autels é Saint-Michel de Cuxa, la partie infeè rieure de la rotonde occidentale est placeè e sous A la titulature de û Sainte-Marie aé la Creéche ý. Le vocable attribueè au troisieéme niveau, aujourd'hui disparu, eètait celui de la sainte Triniteè

113

. Le sermon du moine Garsias (vers

1043-46), contemporain et disciple de l'abbeè Oliba (1008-1046), fait eètat de la preèsence de ces vocables dans la rotonde, aé deux niveaux : Au-dessus des veè neèrables corps des martyrs Valentin, Flamidien et du confesseur Nazaire aé l'endroit oué aujourd'hui on les veè neére dignement, avec un appareillage de vouê tes, il construisit l'eèglise de la bienheureuse Vierge Marie et des Archanges de Dieu, dans une crypte qui est nommeèe `de la creéche', de manieé re qu'aux deux coêteès de la Vierge, les Anges du Dieu Treé sHaut proclament la gloire et les vertus de la treé s grande meére de Dieu [...]. Comme des servants au pied [de la Vierge] ou bien comme dans un sein maternel [Oliba] construisit aé l'entour la seèpulture des martyrs [...]. Ainsi, afin qu'aé la convenance de Celui qui troê ne dans les hauteurs la maison puisse avoir le fruit de la Materniteè (maternum partus) dans la confession de la vraie foi, il disposa aé son rang et comme pour le service de la Vierge la gloire des Saints en un lieu infeèrieur, et, aé l'instar du troê ne royal, non pas aé la hauteur totale du temple, mais selon une juste mesure, un lieu supeè rieur (coenaculum) d'un treés grand et admirable travail qui divisait l'oratoire de la partie primitive du temple, et il deè dia avec ses mains pieuses et devant de nombreux teèmoins l'autel illustre de la bienheureuse et indivise Triniteè , de sorte qu'alternativement la Meé re et le Fils fussent preê cheè s et adoreès chaque jour par la louange des mortels

114

.

Comme aé Saint-Beènigne, les tombes des martyrs Valentin, Flamidien et du confesseur Nazaire auraient eèteè deèplaceèes aé l'emplacement de la crypte avant qu'elle ne soit construite

115

. De plus, le moine Garsias explique que la disposition aé Cuxa met Marie sous la pro-

tection

de

l'archange.

Selon

Marcel

Durliat,

ce

roê le

de

protection

de

la

Vierge

est

mateèrialiseè dans d'autres endroits de la meême manieére par l'installation d'un autel ou d'une chapelle de l'archange aé un niveau supeèrieur d'une eèglise de la Vierge, comme dans

(113) C. Sapin, û L'origine des rotondes mariales des

ix -xi e

e

sieécles et le cas de Saint-Germain-d'Auxerre ý,

è . Palazzo, et D. Russo, Paris, 1996, dans Marie, le culte de la Vierge dans la socieè teè meèdieèvale, eèd. D. Iogna-Prat, E pp. 295-312 ; Heitz, û Beata Maria Rotunda ý, p. 273 ; Raw, Anglo-Saxon, p. 18 ; R. N. Quirk, û Winchester New Minster and its Tenth-Century Tower ý, Journal of the British Architectural Association, 3

rd

ser., 24 (1961) : 16-54 ;

aé New Minster, aé Winchester (980-988), la partie infeè rieure d'une tour eè tait deè dieèe aé la Vierge et les parties supeèrieures aé saint Michel et aé la Triniteè. (114) J. D. Codina, û La chapelle de la Triniteè de Saint Michel de Cuixa. Conception theè ologique et symbolique d'une architecture singulieé re ý, Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa 36 (2005) : (81-86), pp. 82-83, cite Marca Hispanica sive limes hispanicus (Paris, 1688), col. 1080-81 : a foris super reverenda martyrum Valentini, Flamidiani, atque confessoris Nazarii corpora ad locum [ubi] nunc condigne venerantur, pulchro et arcuato opere beatae genitricis Mariae et archangelorum Dei in crypta quae ad praesepium dicitur extruxit Ecclesiam ; ita ut ex utroque virginis latere summi Dei angeli tantae Dei matris gloriam laudibus sive meritis in obsequium novae salutationis [...]. Ad pedes etiam seu in sinu matris causa famulatus circumsepsit, et hinc inde martyres sepelivit [...]. Ergo ut altitonanti decentia in verae fidei confessione domus possideret maternum partus, et in suo ordine quasi ad officium virginis sanctorum decus loco inferiori praetulit, et ad instar regalis throni, non usque ad summum templi pinnaculum, sed iuxta mensuram spatii fecit caenaculum maximi et mirandi operis, qui divideret oraculum aé priore parte templi, et ibi beatae et indivisae Trinitatis clarum altare coram multis testibus piis manibus dedicavit, ut vice mater et filius omnibus diebus praedicarentur ac continua mortalium laudatione adorarentur. Voir aussi la traduction de P. Ponsich, û Avant-propos : le sieé cle de l'an mil aé Saint-Michel de Cuxa ý, Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa 20 (1989) : (7-28) pp. 17, 23, 25-26. (115) Codina, û La chapelle ý, p. 84.

9

163

chapitre 5 l'eèglise arieègeoise de Vals, une chapelle romane du

xii

e

sieécle

116

. Comme aé Saint-Beènigne,

l'eèglise Saint-Michel de Cuxa est justement situeèe aé un niveau plus eèleveè que celui de la Triniteè. Nous verrons par la suite que la superposition de la Triniteè et de saint Michel au-dessus du niveau deèdieè aé la Vierge est conforme aux speèculations theèologiques de l'an mil sur le mysteére de l'Incarnation

117

.

En ce qui concerne les cryptes de Saint-Germain d'Auxerre et de Saint-Beè nigne, de nombreux eèveêques y furent enterreès

118

é Saint-Germain, entre 862 et 875, furent deè poseès, . A

aé droite de saint Germain, c'est-aé-dire au sud, les ossements du pape saint Urbain, qui eètaient dans le bas-coêteè sud de la nef aé Saint-Beènigne

119

. En outre, saint Tiburce, qui eètait

un diacre, mais eègalement un compagnon du martyr Ireè neèe, premier eèveêque de Lyon, est preèsent aé la fois dans la crypte de Saint-Beènigne et dans la crypte de Saint-Germain d'Auxerre. Les reliques du martyr Tiburce occupaient le coê teè gauche (au nord) de l'autel é Dijon, Tiburce eètait eègalement placeè au nord installeè aé l'est des pieds de saint Germain. A du tombeau de saint Beènigne

120

.

é Saint-Beènigne, les saints diacres E è tienne, Laurent et Vincent sont tous rassembleè s A dans la chapelle sud du transept. Ces diacres occupent quelquefois des positions similaires, é Auxerre, tandis que saint E è tienne eètait au sur le coêteè sud, dans les eèglises anteèrieures. A nord de l'entreèe nord de la crypte, les saints Laurent et Vincent eètaient au sud de l'entreèe sud

121

é l'eèglise Saint-Riquier de Centula, dans les bas-coêteès, eètaient honoreès les saints . A

è tienne eètait au nord diacres ; Laurent eètait au sud, mais E

122

. De meême, sur le plan de

è tienne (fig. 30) Saint-Gall, le bas-coêteè sud accueille Laurent et le bas-coêteè nord E

123

.

Cependant, d'autres autels qui occupaient les bas-coê teès dans ces meêmes eèglises eètaient, é l'eèglise Saint-Riquier de Centula, dans la aé Saint-Beènigne, concentreès preés de la rotonde. A nef et les bas-coêteès eètaient honoreès les saints Maurice, Jean-Baptiste, et Denis ; l'autel de saint Pierre eètait au fond du buticum ; Michel et Raphae«l eètaient placeès dans des chapelles hautes bordant l'atrium

124

. Sur le plan de Saint-Gall, les bas-coêteès accueillent non seule-

ment les autels deèdieès aé Maurice, Jean-Baptiste et Paul, mais eè galement les autels consacreès aé saint Michel, aux saints Innocents, aux Vierges martyres, aé Lucie, Ceècile, Agathe, Agneés, au martyr saint Seèbastien, et aux apoêtres, Jean, Pierre, Philippe, Jacques et Andreè

(116) M. Durliat, û L'architecture du

xi

e

125

.

è tudes d'art meè dieèval offertes sieécle aé Saint-Michel de Cuxa ý, dans E

aé Louis Grodecki (Paris, 1981), (pp. 49-62) p. 52. (117) Infra, p. 265. (118) Sapin, Archeèologie, p. 203 ; C. Hahn, û Seeing and believing : the construction of sanctity in earlymedieval

saints'

shrines ý,

Speculum

72

(1997) :

(1079-1106)

pp. 1103-04

pour

une

analyse

des

reliques

d'eèveêques aé Saint-Germain d'Auxerre. (119) Sapin, Archeèologie, p. 186. (120) Ibid. (121) Ibid., p. 199. (122) Heitz, û Autels et Feêtes ý, pp. 76-77. (123) Ibid., p. 79. Heitz constate, qu'aé Centula et aé Saint-Gall, quatre des six vocables principaux attribueès aux autels des bas-coê teès sont identiques. (124) Ibid., pp. 76-77. (125) Ibid., p. 79.

164

9

les conseècrations des autels On trouve dans l'eèglise Saint-Beènigne et aé Auxerre d'autres autels plus ou moins similaires. Dom Cottron, vers 1650, mentionne dans une chapelle dans le transept d'Auxerre les saints Pierre et Paul au nord, avec saint Nicolas au sud ; aé Saint-Beènigne, saint Pierre eètait eègalement au nord dans une chapelle du transept, mais Nicolas eè tait au nord dans la crypte

126

. Certains saints eètaient disposeès de fac°on plus ou moins diffeèrent dans l'une et

l'autre eèglise. D'apreés Dom Cottron, aé Auxerre, saint Leèger eètait accompagneè de Laurent et de Vincent, alors que dans la crypte de Saint-Beè nigne, il se trouvait avec Mammeés é Auxerre, les A

127

.

Gesta abbatum rapportent en 1277 que l'autel de saint Bartheèlemy occupait

la chapelle sud de l'acceés aé la rotonde de la crypte, alors qu'aé Saint-Beènigne, il se trouvait dans la chapelle au nord du deuxieéme niveau de la rotonde

128

.

Dans d'autres cas, les autels deèdieès aux meêmes saints occupaient dans les deux eèglises é Auxerre, une relique de saint Philibert se troudes emplacements nettement diffeèrents. A vait dans un autel proche du pilier nord-est de la croiseè e de l'eèglise, sainte Agneés dans la nef et saint Michel aé l'ouest des tours, alors qu'aé Saint-Beènigne, Agneés eètait dans la crypte et Philibert et Michel au troisieéme niveau de la chapelle axiale de la rotonde

129

. On

consacra en 865 un autel aé Jean-Baptiste dans l'espace occidental aé Auxerre, mais aé SaintBeènigne, son autel se situait dans la crypte. Glaber (vers 1030) rapporte que l'autel d'Apollinaire et de Georges se trouvait aé l'exteèrieur de l'eèglise Saint-Germain, dans un oratoire aé coêteè de l'infirmerie, tandis qu'aé Saint-Beènigne, Georges eètait dans le bas-coêteè aé l'ouest de l'eèglise et Apollinaire au troisieéme niveau de la rotonde deèbut du

ix

e

130

. En outre, un traiteè anonyme du

sieécle signale que l'abbaye de Saint-Germain posseè dait un petit oratoire deèdieè

aé saint Maurice. Dom Cottron situe sa chapelle dans l'angle nord-est du jardin, alors qu'aé Dijon, saint Maurice partageait l'autel de saint Beènigne

131

.

Comme aé Saint-Beènigne, l'autel principal du chÝur dans toutes ces eè glises anteèrieures eètait deèdieè au saint titulaire de l'eèglise, et l'autel de la Sainte-Croix se trouvait dans la nef. Les similitudes entre l'emplacement des autels aé Saint-Beènigne et celui qu'ils occupent dans des eèglises plus anciennes semblent deè couler de la tradition en matieére de deèdicaces et non d'une influence directe sur Saint-Beènigne de l'une ou l'autre de ces eèglises. Par contre, comme nous allons le voir, les deè dicaces de Cluny II pourraient avoir exerceè une influence plus directe sur Saint-Beènigne.

Comparaisons avec Cluny L'abbeè Guillaume connaissait l'eèglise de Cluny II (consacreèe en 981). Avec son chevet aé chapelles eèchelonneèes, celle-ci relevait aussi de la tradition carolingienne des cryptes exteè -

(126) Sapin,

Archeèologie, pp. 146-49. Des fouilles ont eèteè faites dans la chapelle de Saint-Pierre, c'est-aé-dire

la chapelle au nord du transept oué des niveaux du

v

e

au

xi

e

sieécle ont eèteè mis au jour.

(127) Ibid., p. 267, fig. 312. (128) Ibid., p. 139. (129) Ibid., p. 131.

Historiarum, p. 226-27 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 284-85. Archeèologie, pp. 23, 27, 35.

(130) Ibid., p. 30 ; Rodulfus Glaber, (131) Sapin,

9

165

chapitre 5 rieures (fig. 31). Mais, au lieu de se placer, comme aé Cluny, aé la teête du chevet, l'abside devenait aé Dijon un heèmicycle aé chapelles eèchelonneèes aé l'inteèrieur de celui-ci ; elle eètait é Saint-Beènigne, la par conseèquent aé la suite du transept et eètroitement lieèe aé la rotonde. A rotonde et sa chapelle est fonctionnaient comme eè glise Sainte-Marie, alors qu'aé Cluny é Saint-Beènigne, la preèsence d'un l'eèglise mariale eètait situeèe aé l'est de la salle capitulaire. A troisieéme oratoire, deèdieè aé saint Beno|êt et reèserveè aux malades, eèvitait aé l'eèglise Sainte-Marie d'avoir, comme aé Cluny, aé remplir une double fonction

132

.

La rotonde de Saint-Beènigne, dans sa totaliteè, est consideèreèe par le chapitre 11 du deuxieéme coutumier comme l'eèquivalent de l'eèglise mariale de Cluny

133

. Le chapitre 11, De

Ecclesia Sanctae Mariae caeterisque membris ecclesiae qui eètablit la liste des saints ayant un autel dans la rotonde et les absidioles de l'eèglise, preèceéde le chapitre 12, û A quelles heures il est permis aux preêtres de chanter la messe ý (Quibus horis sacerdotibus liceat cantare (missam), exactement comme dans l'Ordo de Bernard de Cluny oué le chapitre 70, De Ecclesia Sanctae Mariae, est suivi du chapitre 71 intituleè û A quelles heures il est permis aux preêtres de chanter les messes ý (Quibus horis liceat sacerdotibus cantare missas)

134

.

D'apreés Conant, la liste des deèdicaces que fournit l'Ordo de Bernard au chapitre 70 correspond aux saints honoreès dans l'eèglise mariale clunisienne au moment de sa deè dicace, en 1085 (fig. 31)

135

. Nous avons deèjaé constateè que la liste des deèdicaces du chapitre 11 du

deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne (1086-1092) co|ëncide avec la liste de celles-ci proposeèe par la chronique de Saint-Beènigne, eècrite entre 1058 et 1065

136

et la disposition des

autels dans la rotonde a toujours eèteè interpreèteèe comme eètant celle voulue par l'abbeè Guillaume vers 1001/18. Si l'on admet que la ressemblance de la liste de Bernard avec celle du second coutumier de Saint-Beènigne ne deècoule pas entieérement d'une liturgie similaire, la disposition en 1085 aé Cluny peut eêtre consideèreèe comme le reflet de dispositions plus anciennes. Celles-ci, ou celles dans l'eèglise de Cluny II entre1027 et 1045, auraient alors peut-eêtre eèteè le modeéle de l'emplacement de certains des autels de Dijon. La premieé re reèfeèrence aé une eèglise Sainte-Marie aé Cluny (oratorium sanctae Mariae) figure vers l'an mil dans 1

le Consuetudines Antiquiores B

aé propos de la feête de la Purification de la Vierge, mais

l'oratoire est deècrit pour la premieére fois dans le Liber tramitis, reèdigeè entre 1027 et 1045

137

.

Bernard donne la premieére liste d'autels (1085) dans l'eèglise Sainte-Marie. Cependant, toute interpreètation des autels preèsents aé Cluny dans l'eèglise Sainte-Marie se complique du fait que, sauf pour Pierre, Paul et Beno|ê t, les deèdicaces des autels connus

(132) Supra, pp. 39-40 et infra, pp. 198-99. (133) Annexe I, p. 290 ligne 68 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 68. Le chapitre 11 consideére la rotonde dans son ensemble comme eè tant l'eè glise Sainte-Marie alors que, pourtant, la chronique distingue des eèglises supeè rieure et infeè rieure en `intitulant le niveau meè dian basilicam sanctae dei genitricis Mariae. (134) Ibid. ; Schlink, Saint-Beènigne, p. 191 ; Bern, pp. 262-63. (135) Conant, Cluny, pp. 64, 74-75. (136) Annexe I, pp. 287-93 ; Martindale, û The Romanesque ý, pp. 47-50 ; Annexe II, pp. 294-95 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78. (137) Infra, p. 180, n. 43 ; LT, p. 205 ; Conant, Cluny, pp. 64, 74 ; N. Stratford, û Les baê timents de l'abbaye è tat des questions ý, Bulletin monumental 150 (1992) : (383-411), p. 388. de Cluny aé l'eèpoque meèdieèvale. E

166

9

les conseècrations des autels pour l'eèglise de Cluny II se trouvent parmi celles mentionneè es dans la liste de Bernard pour l'eèglise Sainte-Marie

138

. Les deèdicaces d'autels de Saint-Beènigne suivantes se trouvent

aé l'eèglise de Cluny II et aé l'eèglise Sainte-Marie de Cluny : Jean, Jacques le majeur, Jacques le

mineur,

Philippe,

Thomas,

Philibert,

Jean-Baptiste,

Taurin,

Bartheè lemy,

Martin,

é Saint-Beènigne on trouve encore les deèdicaces de Cluny II : Augustin et Greègoire, pape. A Paul, Pierre, et Beno|êt. En outre, d'autres deèdicaces se trouvent aé la fois aé Saint-Beènigne et aé

l'eèglise

Sainte-Marie



Cluny :

les

saints

Innocents,

Matthieu,

Andreè,

Bartholomeè,

è tienne, Marc, Luc, Laurent, Vincent, Seèbastien, Denis, Apollinaire, CleèSimon, Jude, E ment, Nazaire, Celse, Agathe, Agneés, Ceècile, Lucie, Nicolas, Hilaire, Ambroise, Silvestre et Jeèroême

139

è tant donneè la connaissance que Guillaume avait de Cluny, la similitude . E

entre les deèdicaces d'autel des eèglises de Cluny II et de Sainte-Marie aé Cluny et celles de Dijon n'a rien de surprenant. En particulier, la liste eètablie par Bernard vers 1085 des autels qui occupaient les trois absides de l'eèglise mariale aé Cluny

140

reèveéle une disposition similaire aé celle des deèdicaces aé

Dijon. Nombre des saints preèsents dans ces trois autels aé Cluny reèapparaissent dans les trois niveaux de la rotonde aé Saint-Beènigne. Alors que les apoêtres sont rassembleès dans la chapelle centrale de la Vierge aé Cluny, aé Saint-Beènigne ils sont dans des chapelles seèpareèes aé l'ouest de l'autel de la Vierge et des saints Innocents (fig. 38 : 7)

141

é Saint-Beènigne, les . A

è tienne, Laurent et Vincent sont placeès dans la chapelle sur la diacres-martyrs saint E

(138) R. Graham et A. W. Clapham, û The Monastery of Cluny, 910-1155 ý, Archaeologia 80 (1930) : (143178) p. 147-148 ; Conant, Cluny, pp. 57-58. Selon Kenneth Conant, ýDerrieé re le ma|être-autel [consacreè aux saints Pierre et Paul], dans l'abside proprement dite de Cluny II, il y avait trois autels utiliseè s conseècutivement pour la messe matutinale : aé gauche, celui de saint Paul : aé droite, celui de saint Pierre et au milieu celui de sainte Marie et saint Jean [...]. Saint Jean et son freé re saint Jacques Zeè beèdeèe [...] [eètaient] dans l'absidiole du sud, aé coêteè de l'abside principale. [...] l'autel symeètrique au nord, eètait celui de saint Jacques Alpheè e et saint Philippe. [...] C'est probablement aé l'ouest du chÝur des moines, de coê teè et d'autre de l'autel de la Croix, que se

trouvent

les

autels

de

saint

Colomban

et

saint

Philibert

[...].

L'autel

de

saint

Jean-Baptiste

eè tait



l'extreèmiteè sud du transept, et l'autel correspondant au nord a pu avoir la deè dicace de saint Taurin. Les autels de saint Bartheè leèmy (aé l'ouest) et de saint Martin (aé l'est) ont pu eê tre dans les cryptes du sud ; l'autel des saints Greègoire et Augustin (aé l'ouest) et celui de saint Thomas (aé l'est) ont pu eê tre dans la crypte du nord ý. Voir Bern, pp. 229-30 pour la disposition des autels utiliseè s pour la messe matutinale pour les morts dans l'abside è vangeèliste. Ulr, col. 764B (Sanctam centrale de Cluny II : saint Paul, saint Pierre, et sainte Marie et saint Jean E Crucem), [...] Iohannes, [evangelista] quo est in membro dextro ecclesiae). Selon Heitz, û Reèflextions ý, p. 83, le nom des titulaires eè tait inscrit sur des tablettes aux murs de Cluny II. LT, p. 259 : û tables aé faire ý (De tabulis quos debent fieri [...], Bartholomei, Martini, Iohannes, Iacobe, Thoma, Gregoriique, Augustini, Taurini, Benedicte, Columbane, Filiberte) ; p. 124 (Iohannes Baptista) ; p. 24 (Stephani) ; p. 89 (Sanctae crucis). (139) Seules se trouvent seulement aé Saint-Beènigne : Matthias, Georges, Symphorien, Andocle, Thyrse, Andeèol, Christophore, Barnabeè , Gengoul, Cirice, Reèmi, Remacle, Coê me, Damien, Paschasie, Polycarpe, Ireèneèe, Tiburce, Mammeé s, Didier, Donat, Germain, Arnoul, Eustade, Greè goire, eè veêque de Tours, et Greè goire de Langres. (140) Bern, p. 262. (141) Les apoêtres suivants preèsents dans l'eè glise Sainte-Marie aé Cluny figurent aussi aé Saint-Beè nigne : Jean apoêtre et eèvangeèliste, saint Jacques, et son freé re saint Thomas, apoêtre (fig. 34 : 8) ; saint Matthieu, apoê tre et eèvangeèliste, les saints apoê tres Philippe et Jacques (fig. 34 : 9) saint Pierre et saint Andreè (fig. 34 : 10) ; saint Bartheè leèmy, saint Simon et saint Thadeè e-Jude, apoêtres (fig. 34 : 11) ; Luc l'eè vangeèliste (fig. 34 : 13) ; sont aussi inclus dans ce dernier autel Mathias et Barnabeè , absents de Cluny.

9

167

chapitre 5 é Cluny, ils se trouvent droite, du coêteè sud (fig. 38 : 12). A le coêteè sud de l'eèglise Sainte-Marie

142

in capite dextro de l'eèglise, donc sur

. Outre l'accent mis sur les apoêtres dans les deux

eèglises et l'emplacement similaire des diacres-martyrs dans des chapelles sur la droite (coê teè

in capite sinistro (coêteè nord) et aé gauche de la chapelle mariale, et les martyrs y eètaient regroupeès in capite dextro. De meême, aé Dijon, les autels des confesseurs se trouvaient dans la crypte coêteè

sud), les confesseurs eètaient, aé Cluny, reèunis dans l'autel de saint Jean-Baptiste,

nord, aé gauche du tombeau de saint Beènigne. Les saintes Agathe, Agneés, Ceècile, Lucie, ainsi que toutes les vierges eètaient placeèes aé droite du tombeau de saint Beènigne du coêteè meèridional, en compagnie des autres martyrs ; alors qu'aé Cluny elles eètaient reèunies avec les apoêtres dans la chapelle centrale de la Vierge. En l'absence d'un autel de la Triniteè aé Cluny, saint Denis et saint Apollinaire eètaient accueillis dans la chapelle de droite (coêteè sud) de l'eèglise Sainte-Marie. Celle-ci contenait eègalement des martyrs comme saint Seèbastien. Les deèdicaces de l'eèglise Sainte-Marie aé Saint-Beènigne eètaient disposeèes selon une relation theèmatique plus rigoureuse que la disposition de Cluny. Le souci theè matique qui preèsida aé la disposition adopteèe aé Saint-Beènigne se traduit eègalement dans l'installation des autels des saints Jean et Matthieu de chaque coêteè de la chapelle axiale de Sainte-Marie de la rotonde, eètant donneè qu'en conjonction avec leurs deèdicaces subalternes leurs invocations sont associeèes dans les prieéres du Canon de la Messe. De plus, aé Saint-Beènigne, saint Jean, saint Jacques le Majeur et saint Thomas sont groupeè s et Matthieu, Philippe et Jacques sont, eux aussi, regroupeès selon les prieéres du Canon de la Messe (fig. 6, 38)

143

.

é Cluny, l'ordre des apoêtres dans la chapelle Sainte-Marie qu'indique la liste eè tablie par A Bernard n'est pas aussi coheèrent : on y trouve tout ensemble Andreè, Jean, Jacques le Majeur, Bartheèlemy, Matthieu, Philippe, Jacques le Mineur, Thomas, Simon, et Jude

144

.

Conclusion Le niveau du chÝur de l'eèglise Saint-Beènigne correspond, bien suêr, au lieu traditionnel de l'hommage rendu aux saints titulaires de l'eè glise. Outre le patronage attribueè aé l'autel principal dans le chÝur des moines, un autel auxiliaire deè dieè aé saint Beènigne et aé ses compatriotes eètait placeè plus aé l'ouest dans le bas-coteè de la nef, et un autel jouxtait sa deèpouille dans la crypte, sans doute parce qu'il eè tait permis aux la|ëcs d'acceèder aé ces deux endroits

145

. Les saints locaux sont associeès aux autels peèripheèriques dans l'espace occidental

de l'eèglise, comme dans la crypte. Ces autels des bas-coê teès de l'eèglise eètaient destineès aux prieéres d'intercession et de gueèrison des fideéles. En effet, comme le souligne Heinrich Fichtenau, c'eètait en reégle geèneèrale sur les saints de la reègion que comptaient les gens pour intervenir en leur faveur aupreés des puissances divines, s'ils ne pouvaient pas eux-meê mes

(142)

Bern, p. 262.

(143) Annexe II, pp. 294-95 ligne 5 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (144)

Bern, p. 262.

(145) Supra, p. 160.

168

9

les conseècrations des autels reèaliser leurs souhaits

146

. Mais cette consideèration ne signifie pas que l'espace occidental

n'aurait pas eèteè un lieu sacreè pour les moines. En raison de la preè sence de l'autel de la Sainte-Croix, la liturgie des moines se reèpartissait entre le chÝur et cette partie occidentale, comme on va le montrer dans le chapitre suivant qui traite des processions. La relation theèmatique, dont teèmoignent les deèdicaces de la rotonde Sainte-Marie et le chevet de Saint-Beènigne si on compare aé celles de Cluny ou d'autres eèglises anteèrieures, est plus rigoureuse. Ceci ne veut pas dire que les eè glises anteèrieures se caracteèrisent par l'absence de tout plan coheèrent ou de toute hieèrarchie dans la disposition des autels, mais elles n'ont pas un tel programme, strictement distribueè sur trois niveaux. L'eètude des conseècrations du niveau de la crypte aé Dijon en fonction de leur theéme ou de leur programme commun met en lumieé re le fait que la crypte servait d'espace reèserveè aé è glise, theéme dont ceux qui ont souffert, et pour la plupart sont morts, pour la deè fense de l'E le meilleur exemple est la conseècration de tout un niveau aé saint Jean-Baptiste, premier martyr chreètien

147

. Ce niveau est peupleè de martyrs et de confesseurs, et souvent des saints

reègionaux. Cette assignation sacreèe fut sans doute eètablie bien avant le plan de Guillaume et commandeèe par les ensevelissements anteèrieurs. Pour les la|ëcs, la crypte de la rotonde aurait eèteè le niveau de la rotonde le plus accessible. Par contre, nous allons voir que, bien qu'il n'en existe aucune preuve, les autels du deuxieé me niveau de la rotonde, et surtout les chapelles en eèchelons du chevet de l'eèglise, doivent avoir eèteè seèveérement restreintes aé cause de la liturgie monastique qui se deèroule dans le chÝur. En outre, il y a des teèmoignages montrant que les autels du troisieéme niveau auraient eèteè encore moins accessibles

148

.

Les autels du niveau principal de l'eèglise et de la rotonde s'aveérent hautement coheèrents avec la conseècration principale de la rotonde aé la Vierge. La plupart des autels de ce è vangeèlistes et aé leurs homologues dans la Messe. niveau sont consacreès aux apoêtres, aux E De telles conseècrations accompagnent freèquemment celles aé la Vierge et teèmoignent du ê ge culte liturgique des apoêtres, commun aé de nombreuses eèglises du Moyen A

149

. La mise

en exergue des apoêtres dans les eèglises deèdieèes aé la Vierge, que ce soit aé Centula, aé SaintBeènigne oué aé l'eèglise Sainte-Marie aé Cluny, reèsulte peut-eêtre en partie du lien qui unit l'Incarnation aux feêtes des apoêtres. Selon P. A. Hollaart, le systeéme des dates des feêtes des douze apoêtres semble fonctionner en liaison avec l'Incarnation deé s lors que, chacune de ces feêtes tombe le 25

e

jour du mois ou aux environs immeèdiats du 25. Le 25 eètant la date de

Noe«l, les apoêtres eètaient ceèleèbreès comme les compagnons du Verbe Incarneè

150

. Les feêtes de

è tienne proto-martyr, de saint Jean l'eèvangeèliste et des saints Innocents, dont la date saint E eètait fixeèe immeèdiatement apreés Noe«l, rappelaient le mysteére de l'Incarnation. Or leurs

(146) Fichtenau,

Lebensordnungen,

(147) P. Dutton,

Carolingian Civilization : A Reader

t. 2, p. 426. è rigeéne, par exemple, se reèfeére aé (Toronto, 1993), p. 461. E

lui en tant que û teè moin de la lumieé re eèternelle par sa voix et son martyre ý. (148) Christian Sapin pense que seule la crypte aurait eè teè utiliseèe par les la|ëcs. (communication personnelle 2008. (149) P. A. Hollaart, û L'abbaye de Flavigny et la feê te des apoê tres Simon et Jude ý,

Questions liturgiques

61

(1980) : (29-36) pp. 35-36. (150) Ibid.

9

169

chapitre 5 autels ont eèteè placeès dans l'eètage de la rotonde aé Saint-Beènigne et dans l'eèglise SainteMarie aé Cluny

151

. Nous reviendrons ulteèrieurement sur l'importance de l'Incarnation dans

l'interpreètation de la signification de la rotonde de Dijon

152

. Christian Sapin propose une

interpreètation similaire de la rotonde de Saint-Pierre de Flavigny oué l'autel de la Vierge se situe au niveau supeèrieur de la crypte exteèrieure. Selon lui, le groupement des vocables au chevet infeèrieur aé Flavigny est lieè aé la Nativiteè en raison de la juxtaposition des saints Innoè tienne et saint Jean l'eèvangeèliste qui eètaient feêteès respectivement les 26 et cents avec saint E le 27 deècembre, deux jours avant les saints Innocents le 28 (fig. 29)

153

. Ainsi, les cryptes

exteèrieures bourguignonnes deèdieèes aé la Vierge ont pu constituer des centres traditionnellement importants lors des ceèleèbrations de Noe«l. Constituant le programme geèneèral de la partie supeèrieure de la rotonde, le theéme commun aux deux premieéres conseècrations d'autel appara|êt ici clairement : la Sainte Triniteè et saint Paul, qui veècut la double expeèrience des royaumes transcendant et terrestre, repreèsentent l'aspiration chreètienne la plus eèleveèe, l'ascension de l'aême au Paradis afin de é ceci s'ajoute le fait que les trois autels situeès aux trois reèsider aupreés de la divine Triniteè. A niveaux de la chapelle axiale aé l'est de la rotonde eètaient deèdieès aé ceux qui apparaissent, regroupeès aé plusieurs reprises, au cours de la Messe. Chaque formule de confession des peècheès durant le Saint Sacrifice mentionne les noms de Marie, Michel et Jean-Baptiste

154

.

Ainsi, les deèdicaces de la rotonde, en conjonction avec celles de la chapelle axiale, pourraient eêtre consideèreèes comme une hieèrarchie de l'intercession : aé son niveau infeèrieur les martyrs, aé son niveau intermeèdiaire, la Vierge et les apoêtres qui entouraient le Christ durant sa vie terrestre, aé son niveau supeèrieur ceux qui eètaient subordonneès aé la Triniteè et aé l'ange du Jugement. Il n'existe aucune reè feèrence aé un autel deèdieè aé saint Jean-Baptiste ou aé la Triniteè avant l'an mil aé Saint-Beènigne. De plus, l'autel de la Triniteè eètait placeè au troisieéme des niveaux de la rotonde, et l'emplacement de l'autel de saint Paul, face aé l'autel de la sainte Triniteè, a eèteè choisi parce que saint Paul a eèteè eèleveè jusqu'au troisieéme ciel

155

.

(151) Infra, pp. 177-78. (152) Supra, p. 264. (153) Sapin, û L'abbaye ý, p. 56. (154) Heitz, û D'Aix-la-Chapelle ý, p. 9, arrivait aé une conception similaire de l'intercession en mettant en rapport les trois deèdicaces de la chapelle axiale de la rotonde de Dijon avec la ment Dernier. (155) Infra, p. 49.

170

9

Deesis

dans l'imagerie du Juge-

6 LES PROCESSIONS LITURGIQUES DANS LE CHEVET B

ien qu'elle demeuraê t indeèpendante de Cluny, l'abbaye Saint-Beènigne fut reèformeèe par l'abbeè Guillaume en fonction des coutumes clunisiennes et il conc° ut l'eèglise

et la rotonde comme un cadre pour cette liturgie clunisienne qu'il pratiqua durant dix ans 1

avant le commencement des travaux . Comme nous l'avons vu, le plan qu'il trac°a peut eêtre interpreèteè comme l'un des eèleèments de sa reèforme spirituelle. Autour de l'an mil aé Cluny, la liturgie et l'importance accordeèe aé la Vierge ne cessaient de prendre de l'ampleur et Guillaume appartenait aé cette culture. Bien que le narthex soit aé Cluny un ajout du xi

e

sieécle, la liturgie s'y deèroulait, aux alentours de l'an mil, dans une eè glise baêtie quelques é Saint-Beènigne, en revanche, Guillaume a eu la possibiliteè de creèer une vingt ans plus toêt. A nouvelle eèglise adapteèe au deèroulement de processions aé la liturgie plus eèlaboreèe. Sa connaissance de la musique le rendit probablement particulieé rement conscient de l'impact possible de la configuration de la rotonde sur des points particuliers de la liturgie. Inversement, l'inteèreêt qu'il portait aux antiennes utiliseèes dans les processions aé Saint-Beènigne et sa deèvotion aé la Vierge ont duê avoir eu un impact sur le dessin de la rotonde et son rapport avec l'eèglise. Ainsi, les descriptions des processions fournies par les coutumiers de SaintBeènigne

constituent

une

aide

reèelle

pour

l'interpreètation

de

la

fonction

liturgique

de

l'eèglise. L'eètude entreprise dans ce chapitre de l'utilisation du chevet de l'eè glise (le chÝur, la rotonde et la chapelle est) lors de certaines feê tes de l'anneèe liturgique, ainsi que celle de l'espace occidental aé laquelle s'attachera le suivant, permettent de distinguer les usages de ces deux lieux de Saint-Beènigne. En fonction de la peèriode dans l'anneèe, les processions se deèployaient depuis le chÝur et le ma|être-autel, les centres liturgiques primaires, vers d'autres sites du monasteére, comme la rotonde, aé l'est, le clo|être, vers le nord, ou l'autel de la Sainte-Croix, dans l'espace occidental de l'eè glise. Le parcours pouvait inclure l'ensemble de ces sites, dans cet ordre, avant de se conclure par une visite au tombeau de saint Beènigne, dans la crypte ; il n'incluait d'autres fois qu'un seul ou deux de ces sites. Ces processions figurent dans les trois coutumiers successifs de Saint-Beè nigne. Les coutumes de Saint-Beènigne eètant fondeèes sur celles de Cluny, il est parfois neècessaire de les comparer toutes entre elles afin de rendre plus eè vidente la signification de certains passages. Le premier coutumier,

Consuetudines Antiquiores

2

B

Redactio Divionensis,

(

Paris, Biblio-

theéque nationale de France, ms. lat. 4339, f. 77r-88r), probablement eè crit du vivant de

(1) Bulst,

Untersuchungen, p. 35. 9

171

chapitre 6 2

l'abbeè Guillaume (À 1031), dut eêtre utiliseè dans sa nouvelle eèglise . Il appartient aé la meême famille que les

Consuetudines Antiquiores B et B

1

3

deècrivant la coutume clunisienne . La

date proposeèe par Kassius Hallinger situe la reèdaction de B ( Vatican,

Biblioteca

Apostolica

Vaticana,

Barberinus

lat.

Redactio prisca Avenionensis,

477,

f. 110v-123)

et

de

B

1

Redactio Nonantulana, Roma, Biblioteca Casanatense 54, f. 14r-21v) entre la fin du x sieécle xi sieécle . Ces deux coutumiers sont donc anteèrieurs ou contemporains de celui de Saint-Beènigne, B . Toutefois, les Consuetudines Antiquiores B contiennent des modifications propres aé Saint-Beènigne. On y trouve par exemple, des reè feèrences au castrum de e

(

e

et le deèbut du

4

2

2

5

Dijon pour la procession du dimanche des Rameaux . Autre exemple, il y est indiqueè aé propose du Samedi Saint, qui n'est pas deècrit, qu'il doit eêtre ceèleèbreè suivant les instructions 6

de l'abbeè Guillaume . Le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne a lui aussi eèteè reèdigeè pour l'eèglise dont le plan est celui de 1001, puisqu'il est anteè rieur aé l'incendie et la construction du narthex en 1137. Malheureusement, la plus grande partie de ce deuxieé me coutumier de Saint-Beènigne est aujourd'hui perdue. Cette perte est en partie compenseè e par la copie, au

xvii

e

sieécle, de

certains extraits par Edmond Marteé ne, eèparpilleès dans son recueil des coutumiers monastiques,

De antiquis ritibus

et celle de plusieurs chapitres, effectueèe pour Jean Mabillon par

Hugues Lantenas et conserveèe dans le t. 11 de la collection de Bourgogne de la Biblio7

theéque nationale de France . Ces copies eètant fort succinctes, elles ne permettent pas de

Untersuchungen zu den KlosterSpeculum 52 (1977) : (355-59)

(2) Brady, û Critical Edition ý, pp. 66-68 ; idem, û Review of Neithard Bulst,

reformen Wilhelms von Dijon (962-1031)

(Pariser historische Studien 11, 1973) ý,

p. 352. Jeremiah Brady date ce coutumier du vivant de Guillaume aé cause de similitudes avec la charte de Fruttuaria, bien qu'il ait auparavant proposeè une date posteè rieure aé la mort de Guillaume (1 (3) Brady, û Critical Edition ý, pp. 66-68. D'apreé s Brady, le coutumier de Dijon B deèsaccords avec B et B

1

2

er

janvier 1031).

preèsente de nombreux

tels qu'ils ont eèteè eèditeès par Albers, non seulement par û addition, omission, et contra-

diction, mais meê me par l'utilisation d'un latin fleuri et idiomatique contrastant avec le style sec et utilisant la parataxe de la partie qui est commune aux trois versions (voir, par exemple, la section traitant du Vendredi Saint). La version de Dijon n'eè merge pas tellement comme un freé re de sang ou meême un cousin germain des autres, avec seulement les diffeè rences et les adaptations mineures que l'on peut attendre dans la transmission d'un texte de ce type, mais plutoê t comme une Ýuvre individuelle eè crite dans une certaine mesure aé partir d'un mateèriau commun (addition, omission, and contradiction, but even in the use of a flowery and idiomatic Latin in contrast to the terse and paratactic style characteristic of the part that is common to all three versions. [See, for example, the section dealing with Good Friday]. The Dijon version emerged not so much as blood-brother or even first cousin to the others, with only the minor differences and accommodations to be expected in the transmission of a text of this sort, but rather as an individual work drawn to some extent from common material) ý. Nous appreè cions son commentaire du manuscrit B diffeèrences de B

2

1

2

et sa sensibiliteè d'expert aé propos des

avec B et B , mais il n'en reste pas moins qu'il existe une grande similitude entre ces textes

dans la plupart des cas oué nous avons pu les confronter. Depuis ces publications de Brady, Kassius Hallinger a

CA, eèd. K. Hallinger, CCM 7.2 (Siegburg, 1983), pp. 9-105. Consuetudines Cluniacensium antiquiores cum redactionibus derivatis, eèd. K. Hallinger, CCM 1

2

offert une nouvelle eè dition de B, B , et B , dans Pour leur datation, voir

7.1 (Siegburg, 1984), pp. 85, 101-04, 248. (4)

CA, 7.1, pp.

85, 94, 246-48.

(5) Infra, p. 209 ; Brady, û Critical Edition ý, pp. 25-26 ; (6) Infra, p. 212 ;

CA, 7.2, p.

CA, 7.2, pp.

65-66.

92.

(7) Supra, p. 39 n. 75 ; Chomton,

Histoire,

pp. 346-47 donne la liste des 73 chapitres sur la base des notes

laisseèes par Hugues Lantenas (BNF, CB, t. 11, f. 128-38). Le manuscrit original eè tait conserveè dans la bibliotheéque monastique de Saint-Beè nigne et eètait eècrit sur parchemin. Lantenas l'a copieè en preèparation des

172

9

Acta

les processions liturgiques dans le chevet proceèder aé une eètude approfondie du deuxieéme coutumier. Celui-ci fut probablement eècrit entre 1086 et 1092, sous l'abbeè Jarenton (1077-1113) qui soumit l'abbaye aé une nouvelle reèforme. La restauration de la vie reègulieére aé Saint-Beènigne deèbuta en 1077, lorsque Jarenton amena aé Dijon huit religieux de Cluny, parmi lesquels il choisit un nouveau prieur,

probablement

deènommeè

8

Jobert .

En

1085,

Laurent

de

Lieége

(Laurentius

de

Leodio), l'un des moines de Saint-Vanne de Verdun reè fugieès aé Dijon, fut choisi comme prieur claustral, fonction qu'il occupera pendant sept ans. On lui doit bon nombre d'innovations dans les coutumes de Saint-Beè nigne

9

et c'est aé lui que l'on attribue le remplace-

ment du coutumier initial par un nouveau texte. Selon Isabelle Cochelin, le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne (1086-1092) n'est autre qu'un remaniement de la premieére reèdaction de Bernard probablement eècrite aé Cluny vers 1080

10

. Bien que le coutumier d'Ulrich ait probablement eè teè eècrit vers 1080

loin de Cluny, on peut aussi l'utiliser pour appreè hender la coutume clunisienne connue du reèdacteur du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne, puisque Ulrich deècrivait le Cluny des anneèes 1060-1070. En outre, selon Cochelin, Bernard aurait corrigeè le texte d'Ulrich aé Cluny au deèbut des anneèes 1080, aé peu preés au moment oué Laurent compilait les coutumes

Sanctorum Ordinis Sancti Benedicti, eèd. L. d'Achery et J. Mabillon. Cependant, Lantenas n'a souvent donneè que le deèbut et la fin de chaque chapitre. Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77-103 donne et traduit plusieurs de ses extraits (BNF, CB, t. 11, f. 83r-100v) ; de Valous, û L'ordo ý, pp. 235-36. (8) Chartes, p. 253. (9) Ibid., p. 254. G. Chevrier et M. Chaume citent Laurentius de Leodio, Gesta Virdunensium Episcoporum dans PL 204 : (919A-970D) col. 967A : û Il y supprima ou modifia beaucoup des traditions superflues qu'il y trouva et en ajouta d'autres plus nobles ý (multa superfluae traditionis ibi inventa delevit vel mutavit, aliaque superinseruit honestiora) ; H. R. Philippeau, û Pour l'histoire de la Coutume de Cluny ý, Revue Mabillon 178 (1954) : (141-52) p. 145 n. 7. Selon Philippeau, il est impossible de deè terminer ce qui, en cas de divergences entre le deuxieé me et le troisieéme coutumier, provient du vieux Saint-Beè nigne, du Cluny primitif ou de Saint-Vanne. è tude sur les (10) Bern, pp. 136-364 ; Ulr, PL 149 : 643-779. Cochelin, û Peut-on parler ý, p. 19 ; idem, û E hieèrarchies monastiques : le prestige de l'ancienneteè et son eè clipse aé Cluny au

xi

e

sieécle ý, Revue Mabillon 72

è volution des coutumiers monastiques dessineè e aé partir de l'eè tude de Bernard ý, dans (2000) : 5-37 ; idem, û E From Dead of Night to End of Day, Disciplina monastica, 3, eèd. S. Boynton and I. Cochelin (Turnhout, 2005), (pp. 29-67) p. 54, et S. Boynton, û The Customaries of Bernard and Ulrich as Liturgical Souces ý, dans From Dead of Night to End of Day, Disciplina monastica, 3, eèd. S. Boynton et I. Cochelin (Turnhout, 2005), pp. 109-31 ; idem, Shaping a Monastic Identity : Liturgy and History at the Imperial Abbey of Farfa, 1000-1125 (Ithaca, 2006), pp. 129, 133. La comparaison entre Bernard et Ulrich faite par Susan Boynton renforce la theè orie de Isabelle Cochelin suivant laquelle Bernard a eè crit son coutumier en partie pour remeè dier aux imperfections d'Ulrich. Elle pense qu'Ulrich deè crit Cluny au deèbut des anneè es 1060, Bernard aé la fin des anneè es 1070 et au deèbut des anneè es 1080. Par contre, K. Hallinger, û Klunys Brauche zur Zeit Hugos des Grossen (1049-1109). Prolegomena zur Neuherausgabe des Bernhard und Udalrich von Kluny ý, Zeitschrift der Savigny-Stiftung fu« r Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung 45 (1959) : 99-140, avance qu'Ulrich s'inspira en 1080 d'une premieé re version des coutumes de Bernard, puis que les coutumes d'Ulrich influeé rent aé leur tour une seconde reè daction des coutumes de Bernard, entre 1084 et 1086. Selon J. Wollasch, û Zur Verschriftlichung der klo« sterlichen Lebensgewohnheiten unter Abt Hugo von Cluny ý, dans Fru«hmittelalterliche Studien 27 (1993) (317-49) p. 320, les deux moines s'inspirent d'un coutumier anteè rieur perdu, reèdigeè dans la premieé re partie de l'abbatiat d'Hugues de Semur. Voir aussi D. Iogna-Prat, û Cluny comme systeé me eccleèsial ý, dans Die Cluniazenser in ihrem politischsozialen Umfeld, eèd. G. Constable, G. Melville, J. Oberste (Munster 1998), Vita regularis, 7 (pp. 13-92) p. 51 ; idem,

û Coutumes

et

statuts

clunisiens

comme

sources

historiques

(ca

990-ca

1200) ý,

Revue

Mabillon

64 (1992) : (23-48) p. 46.

9

173

chapitre 6

de Saint-Beènigne. Toutefois, Guy de Valous remarque que six des soixante-treize chapitres du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne diffeérent du coutumier clunisien de Bernard

11

. Il

n'est pas exclu qu'il ait effectueè des emprunts au Liber tramitis (1027-1048), le deuxieéme coutumier clunisien apreés les Consuetudines Antiquiores, reèdigeè aé Farfa vers le milieu du sieécle

12

xi

e

. Nous savons que le deuxieéme coutumier eètait adapteè aé la topographie de Saint-

Beènigne, le reèdacteur dijonnais ayant opeèreè les changements neècessaires, introduisant par exemple la veèneèration du tombeau de saint Beènigne lors de la procession dominicale

13

. En

outre, en cas de neècessiteè urgente, il enjoint de porter les reliques jusqu'aux limites du cimetieére et non aé l'enceinte (castellum) du monasteére, comme le speècifie le coutumier de Bernard

14

.

Bien que le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne soit beaucoup plus deètailleè, il ressemble aux deux premiers. Sa recension, deècouverte dans un manuscrit du

e

xv ou du xvi

e

sieécle, a eèteè publieèe par Louis Chomton. La reèdaction du troisieéme coutumier se situe probablement entre 1170 et 1215 et est donc posteè rieur aé l'addition du narthex malgreè tout utiliseè pendant environ cent ans dans l'eèglise du

15

. Il fut

e

xi sieécle, avant qu'elle ne fuêt

remplaceèe par une eèglise gothique consacreèe en 1287. Ainsi, Saint-Beènigne conserva ses

(11) De Valous, û L'ordo ý, pp. 236, 240. Pour l'ordre des chapitres, voir Chomton, Histoire, p. 246 et l'index de Bern. (12) Le Liber tramitis est en fait le coutumier deè crivant Cluny sous Odilon (1027-1048) et finaliseè aé Farfa (1050-1060). Pour la date du Liber tramitis voir LT, pp.

lii-lvi ; Iogna-Prat, û Coutumes ý, pp. 27, 46, et les

articles de Cochelin et Boynton dans From Dead of Night, supra, p. 173 n. 10 ; de Valous, û L'ordo ý, pp. 236, 239-42 fait remarquer que le coutumier de Saint-Beè nigne est parfois plus proche du Liber tramitis que des coutumiers de Bernard et d'Ulrich. Il cite, par exemple, û l'obligation pour les moines admis aé l'infirmerie et autoriseè s aé manger de la viande de reè citer en compensation `les sept psaumes' ý. Il note eè galement que le coutumier de Saint-Beè nigne semble combiner les textes de Bernard et du Liber tramitis dans ses instructions concernant û comment un moine doit voyager ý. Il est aussi possible que le deuxieé me coutumier de Saint-Beènigne et les coutumiers clunisiens de Bernard et Ulrich eè manent indeè pendamment d'une source clunisienne aujourd'hui perdue. (13) Infra, p. 206 ; De antiquis, t. 4, liv. 2, col. 140. (14) Bern, p. 251 : û jusqu'aux portes du chaê teau ý (usque ad portas castelli). L'emploi du terme castellum, pour deècrire l'enceinte du monasteé re de Cluny, est baseè sur une communication personnelle (2008) avec Isabelle Cochelin qui travaille sur une traduction anglaise et franc° aise du coutumier de Bernard, en collaboration avec Susan Boynton. Cf. aussi Martindale, û The Romanesque ý, p. 54 et Heitz, û Lumieé res ý, pp. 97, 101, mais ces auteurs affirment aé tort que ce passage est d'Ulrich. L'eè diteur d'Ulrich, Luc d'Acheè ry, a, en fait, pris ce passage dans le coutumier de Bernard ; Voir M. Saurette, û Excavating and Renovating Ancient Texts : seventeenth-and eighteenth-century editions of Bernard of Cluny's Consuetudines and early-modern monastic scholarship ý,

dans

From

Dead

of

Night

to

End

of

Day,

Disciplina

monastica, 3,

eèd.

S. Boynton

et

I. Cochelin e

(Turnhout, 2005), (pp. 85-109) p. 103 ; Selon D. Meè hu, Paix et communauteè s autour de l'abbaye de Cluny ( x -xv

e

sieécle) (Lyon, 2001), p. 245, on retrouve le terme castellum en d'autres passages ; par exemple, û lorsqu'un pape ou un roi est rec° u aé Cluny, les moines doivent se rendre hors du castellum ý. Voir Bern, p. 218. Neèanmoins, le Liber tramitis deècrit l'accueil du souverain et la procession en cas de neè cessiteè urgente sans utiliser le terme castellum. Voir LT, p. 240-42. Dans le cas de neè cessiteè urgente les reliques sont porteèes û aé l'exteèrieur des portes des murs qui entournent le monasteé re ý (extra portas murorum quibus circumdatum est monasterium). (15) Chomton, Histoire, pp. 345-441. Ce coutumier est probablement anteè rieur aé 1215, car il n'inclut pas l'eèleèvation de l'hostie apreé s la conseècration. Cette recension a eè teè deècouverte dans un manuscrit du

xvi

e

sieécle (Dijon, Archives de la Coê te d'Or, 1H72). Selon Brady, û Critical Edition ý, p. 91 n. 3, une copie

plus ancienne est conserveè e aé Montpellier, Bibliotheé que de la Faculteè de Meèdecine H. 449.

174

e

xv ou du

9

les processions liturgiques dans le chevet coutumes pratiquement sans interruption ni grand changement jusque dans le courant du

xiii

e

sieécle, comme le conclut Guy de Valous apreé s avoir compareè le deuxieéme et le troi-

sieéme coutumier

16

.

Il est fort possible que l'accent mis sur les processions dans le premier coutumier de Saint-Beènigne deècoule de l'inteèreêt porteè par Guillaume aé la liturgie. Dans le groupe des

Consuetudines Antiquiores, comprenant avant tout B et B

1

repreèsentant Cluny et B

2

deècrivant

Saint-Beènigne, seul ce dernier comprend un chapitre seè pareè pour la procession du mercredi ou du vendredi (De

Processione Feriae Quartae et Sextae), qui est repris dans une partie du cha-

pitre 50 du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne un chapitre du Saint-Beènigne

17

. Cette procession figure eègalement dans

Liber tramitis intituleè Processionibus, cependant moins important que celui de

18

. Comme nous l'avons indiqueè plus haut, le

second coutumier par d'autres aspects. Le chapitre

Liber tramitis se rapproche du

De Processione Feriae Quartae et Sextae

figure eègalement dans les coutumiers de Fruttuaria, une abbaye fondeè e par Guillaume Le chapitre 50 û Des processions qui sont faites apreé s matines et veêpres ý (De

19

.

processio-

nibus quae fiunt post matutinum vel vesperas) du deuxieéme coutumier n'a pas non plus d'eèquivalent dans les coutumiers clunisiens contemporains, de Bernard et d'Ulrich, meê mes si des reèfeèrences ici ou laé dans ces textes indiquent que ces processions existaient aussi aé Cluny

20

.

Ce chapitre du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne nous est connu graêce aé la copie qu'en a faite Lantenas

21

. On y apprend que l'autel de la Sainte-Croix, dans l'espace occi-

dental, eètait le but de certaines processions les jours de l'octave pascal et eè galement pour la Pentecoête, tous les dimanches de l'anneèe, excepteè du premier dimanche de l'Avent au lenè piphanie, et du dimanche avant la Passion jusqu'aé Paêques. Pendemain de l'octave de l'E dant cette dernieére semaine, la procession se faisait aux laudes et apreé s veêpres ad

sanctam

Mariam. Il en allait de meême tous les jours de l'octave de Noe«l, et au premier et au dernier è piphanie (soit le temps de l'anneèe plus particulieérement consacreè aé jour de l'octave de l'E l'Incarnation, et non aé la Crucifixion), ainsi que les jours de û feêtes de celle-ci meême ý, et

(16) Supra p. 25 n. 81. (17)

CA, 7.2, p. 15 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95-96, 100. De Processione Feriae Quartae et Sextae du premier

coutumier, en partie repris dans le chapitre 50 du deuxieé me coutumier, se trouve dans le chapitre XXV

De

Festo Sanctissimae Trinitatis de l'Ordo de Bernard. Cf. Heitz, û Lumieé res ý, pp. 96, 100-01 ; BNF, CB, t. 11, f. 100 ; cf.

Ulr, col. 675. Selon K. Kru«ger, Die romanischen Westbauten in Burgund und Cluny (Berlin, 2003), p. 245,

Bernard met ce texte en rapport avec la feê te de la Triniteè et les processions conduites pendant le Careê me, deés lors qu'il s'agit de processions des mercredis et vendredis, qui sont normalement des jours de jeuê ne. Dans le troisieéme coutumier de Saint-Beè nigne, le chapitre û Des processions du mercredi et du vendredi ý est maintenant inteè greè dans le chapitre û Du jeuê ne des quatre temps ý ( De aé celui d'Ulrich. Voir Chomton, (18)

Jejuniis Quatuor Temporum ), et ressemble donc

Histoire, pp. 439, 415.

LT, pp. 239-41 ; cf. CA, 7.2, p. 15. Bien que les deux chapitres ne soient pas identiques, ils comportent

tous les deux, non seulement û la procession du mercredi ou du vendredi ý ( processionem

quarta vel sexta feria ),

mais aussi û comment sont emporteè es en procession les reliques des saints vers le lieu oué elles doivent eêtre transporteè es ý ( de (19)

sanctorum reliquiis qualiter deferantur ad locum ubi necesse sunt deportande processionaliter ).

Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae , eèd. L. G. Spatling et P. Dinter, CCM 12.1 (Siegburg, 1985),

p. 97. (20) Par exemple,

Bern, pp. 302 et 336.

(21) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 95-99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99v ;

De antiquis, t 4, liv. 5, col. 805.

9

175

chapitre 6 enfin tous les autres jours de l'anneèe avec certaines exceptions

22

. Selon Carol Heitz, û aux

feêtes de celle-ci ý (in festis ipsius) doit eêtre compris comme eètant celles de sainte Marie, et les exceptions comme correspondant aux jours oué le saint feêteè disposait d'un autel dans l'eèglise vers lequel eètait conduite la procession aux laudes et apreés veêpres

23

. En outre, le

chapitre 50 du deuxieéme coutumier eèvoque des processions aux laudes et aux veêpres û lors de toutes les solenniteès aé douze lec°ons pour les saints en l'honneur desquels eètaient consacreès des autels dans l'eèglise, et on y chantait [...] aussi la messe du matin bien qu'elle soit souvent ceèleèbreèe pour un autre, si ce n'est pour un deèfunt ý

24

.

Le chapitre 5 du deuxieéme coutumier explique comment on ceè leébre certaines des feêtes parmi les plus significatives : Pour toutes ces feê tes treé s importantes et merveilleuses [...]. Le chÝur [de l'eè glise] aussi est orneè de coussins et de tapis. L'autel majeur, de meê me, est deè coreè de ses ornements ; devant cet autel, aé l'office des veêpres, aé celui des matines ainsi qu'aé celui de la messe, cinq cierges sont allumeès, et derrieé re aussi, au deèbut des cantiques, on pose cinq cierges qui bruê lent jusqu'aé la fin des laudes ; mais aux nocturnes, et aussi aé prime, aé tierce, aé sexte et aé none, on ne les allume é la grand-messe, tous utilisent des chapes ; le preê tre met des veêtements de qu'avant le verset. A feête, doreès ; on fait circuler l'encensoir de feê te ; l'hostie du mysteé re sacreè , qui doit eêtre offerte avec le vin par le prieur, est preè senteè e par le preê tre veêtu de la chape. Avant le deè but et apreés la fin de la messe, on sonne toutes les cloches. Des feê tes de cette espeé ce, la premieé re est donc, au deèbut de l'anneèe, la Circoncision du Seigneur ; puis l'octave de Paê ques, l'Invention de la Sainte Croix, l'Exaltation de celle-ci, les feê tes de Michel, de Laurent, d'Andreè apoêtre, des saints Innocents

25

.

(22) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 95, 99. Carol Heitz le traduit : û une procession a lieu aussi au crucifix tous les jours de l'octave pascale, et pareillement aé la Pentecoête, ainsi que tous les dimanches de l'anneè e entieére, è piphanie, et au dimanche de la Pasexcepteè du premier dimanche de l'Avent au lendemain de l'octave de l'E sion jusqu'aé Paêques. Et, outre les feê tes citeè es plus haut, il y a de la meê me manieé re une procession aé Sainteè piphanie, le premier et le huitieé me jours, et aux feê tes de celleMarie tous les jours de l'octave de Noe« l, et aé l'E ci meême, et aussi tous les jours de l'anneè e entieére, excepteè ceux que nous avons mentionneè s plus haut, ou il y a une procession apreé s les veê pres, comme d'habitude [...] ý (Fit quoque processio ad crucifixum in Pascha totis octo diebus, et in Pentecoste similiter, et etiam omnibus dominicis totius anni, praeter a dominica Adventus Domini prima usque in crastinum octavarum Epiphaniae, et a dominica in Passione Domini usque in Pascha. Et praeter praefatos festos, simili modo etiam fit processio ad Sanctam Mariam, in Natali Domini totis octo diebus, et in Epiphania prima et octava die, et in festis ipsius, et etiam omnibus diebus totius anni, exceptis his de quibus praescripsimus, in quibus consuetudinaliter post vesperas fit processio [...]). Les prescriptions du troisieé me coutumier sont identiques, sauf que Chomton, Histoire, p. 439, a transcrit de fac° on incorrecte û tous les jours de toute l'anneè e ý (omnibus diebus totius anni) du troisieé me coutumier en û tous les dimanches de toute l'anneè e ý (omnibus dominicis totius anni) (ADCO, 1 H 72, f. 208). (Je remercie Geèrald Moyse, directeur des Archives deèpartementales de Coête d'Or, qui a veè rifieè le texte du f. 208). (23) Heitz, û Autels et feê tes ý, p. 84. (24) BNF, CB, t. 11, f. 99v ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 81 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95, 99 : In omnibus solemnitatibus duodecim lectionum eorum sanctorum, in quorum honorem dedicata sunt altaria quae sunt in membris ecclesiae, fit processio ad ipsa altaria in vesperis atque laudibus, et cantatur [...] etiam ibi missa matutinalis, quamquam saepe sit alterius proprietatis, nisi sit pro defuncto. [trad. C. Heitz] (25) Heitz traduit la copie du chapitre 5 de Lantenas. Heitz, û Lumieé res ý, pp. 86, 91 ; BNF, CB, t. 11, f. 85r-85v : Quae nimirum cum sint celeberrimae atque mirabiles [...]. Chorus quoque bancalibus et tapetibus adornatur. Altare etiam maius suis decoratur ornamentis, ante quod ad vespertinum et matutinale vel etiam missae officium quinque cerei accenduntur, retro etiam, ad cantica incepta, quinque cerei ponuntur donec ad finem matutinorum ardentes ; porro ad nocturnos, ad primam quoque et tertiam, sextam et nonam, ante versum tantum accenduntur. Ad majorem missam omnes cappis utuntur, sacerdos festivis atque auratis vestibus induitur. Thuribulum festivum circunfertur ; oblatio sacri mysterii cum vino a priore offe-

176

9

les processions liturgiques dans le chevet Puis, occupant un rang plus eèleveè dans les festiviteès, sont mentionneèes û la Nativiteè de saint Jean-Baptiste, la feête des apoêtres Pierre et Paul, la nativiteè de sainte Marie, la translation de saint Beno|êt [...], la mort de saint Martin, la translation ou la reè veèlation de saint è tienne protomartyr, la feête de saint Jean l'E è vangeèliste ý Beènigne, la feête de saint E

26

.

é un niveau encore supeèrieur, figurent les feêtes ou A é l'on accomplit exactement tout ce qui eè teè dit plus haut, et oué l'on ajoute encore peu de choses, aé savoir : toute l'eè glise est orneèe de tentures ou de tapisseries ; des phylacteé res sont suspendus tout autour de l'autel [...]. Aux vigiles, tous les cierges qui sont autour du ciboire, c'est-aé -dire vingt-quatre, sont allumeès au deèbut des cantiques [...]. Mais on ne trouve que six feê tes de ce è piphanie du Seigneur, la Purification de sainte Marie, l'Ascension du Seigneur, la genre : l'E feête de saint Maurice, celle d'Apollinaire, et la Deè dicace de l'eèglise

27

.

è glise univerEnfin sont eèvoqueèes û ces treés fameuses et treés eèminentes solenniteès de l'E selle tout entieére, qui doivent eêtre accueillies avec une joie particulieére, preêcheèes et ceèleèbreèes

pareillement, c'est-aé-dire

la Nativiteè

de Notre Seigneur

Jeèsus-Christ,

la feête de

Paêques, la Pentecoête, l'Assomption de la treés sainte Meére de Dieu Marie, et la feête de tous les saints [...]. Ces cinq feêtes deèpassent donc toutes les autres ý

28

. Dans ce chapitre comme

dans le suivant, nous insisterons sur la cateègorie la plus inteèressante de ces feêtes importantes de l'anneèe et particulieérement sur celles qui apportent des eèleèments aé la compreèhension de l'utilisation de l'eèglise.

L'eèglise Sainte-Marie (la rotonde) 2

Le premier coutumier de Saint-Beènigne, Consuetudines Antiquiores (B ), contemporain de Guillaume (À 1031), indique, aé l'instar des autres coutumiers appartenant aé ce groupe qui deècrivent la liturgie de Cluny, l'ordonnance des jours d'hiver. Apreé s les nocturnes, les moines chantent l'office des morts et puis, ils se rendent en û un autre chÝur ý (in alium

renda a sacerdote cappa induto exhibetur. Ante initium missae et post finem, omnia signa tanguntur. Huius modi ergo festivitatum prima est in exordio anni Circuncisio Domini, deinde octava Paschae, Inventio sanctae Crucis, Exaltatio eiusdem, Michaelis, Laurentii, Andreae apostoli, sanctorum Innocentum. (26) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 87, 92 ; BNF, CB, t. 11, f. 85v : Nativitas sancti Johannis Baptistae, natalis Apostolorum Petri et Pauli, nativitas sanctae Mariae, translatio sancti Benedicti [...], transitus sancti Martini, translatio seu revelatio

sancti

Benigni,

natalis

sancti

Stephani

prothomartyris,

natalis

sancti

Johannis

evangelistae.

Selon

Heitz,

Natalis signifie la û feê te d'un saint ; anniversaire de sa naissance aé la vie eè ternelle, [c'est- aé- dire] de sa mort, souvent de son martyre ý. (27) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 87, 92 ; BNF, CB, t. 11, f. 86r : In quibus cuncta superius praelibata ad liquidum explentur, pauca etiam adiiciuntur ; tota videlicet pallis seu dossalibus adornatur ecclesia. Phylacteria in circuitu altaris suspenduntur [...]. Ad vigilias omnibus cereis qui sunt in circuitu cyborii, videlicet viginti quatuor, ad cantica incaepta accensis ecclesia illustratur [...]. Huiusmodi vero solemnitates non nisi sex inveniuntur, epiphania Domini, Purificatio sanctae mariae, Ascensio Domini, natalis sancti Mauritii, Apollinaris, et Dedicatio ecclesiae. [trad. C. Heitz] (28) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 92-93 ; BNF, CB, t. 11, f. 86v : Restant illae nominatissimae atque excellentissimae solemnitates totius universalis ecclesiae speciali gaudio suscipiendae, praedicandae pariter et celebrandae, id est natalis domini nostri Jesu Christi, festum Pascha, Pentecosten, Assumptio beatissimae Dei Genitricis Mariae, atque festum omnium sanctorum [...]. Istae igitur quinque festivitates caeteras quasi quodam superlativo gradu transcendunt. [trad. C. Heitz]

9

177

chapitre 6 corum [chorum]), celui de l'eèglise Sainte-Marie

29

. Ce deèplacement correspond aé la procession

des laudes ad sanctam Mariam eèvoqueè dans le chapitre 50 du deuxieéme coutumier tous les è piphanie, et jours de l'octave de Noe«l, et au premier et au dernier jour de l'octave de l'E aux feêtes de la Vierge, ainsi que tous les autres jours de l'anneè e avec certaines exceptions Au

xi

e

è piphanie sieécle, aé Cluny, il en eètait de meême de Noe«l aé l'E

31

30

.

et la procession apreés

matines et veêpres conduisait eègalement chaque jour aé l'eèglise Sainte-Marie et l'on y chantait la commeèmoration des morts apreés celle de tous les saints

32

.

è tienne, de Jean, et des Innocents qui s'intercalent entre l'Avent et l'E è piLes feêtes d'E phanie sont noteèes dans le premier coutumier de Saint-Beènigne, sans indication sur les processions

33

. Par contre, le passage, deèjaé mentionneè plus haut, du chapitre 50 du deuxieéme

coutumier prescrivant des processions aé l'autel du saint dont s'eètait la feête de douze lec°ons aux laudes et aux veêpres et les reliques des saints Innocents eè taient conserveèes dans l'autel de la Vierge

34

. En effet, le troisieéme coutumier et le Liber tramitis mentionnent que la feête

des Innocents s'accompagnait d'une procession ad sanctam Mariam

35

. Ainsi, la rotonde ser-

vait freèquemment de lieu pour les processions au moment oué l'Incarnation eètait observeèe, au commencement de l'anneèe liturgique.

1

2

(29) CA, 7.2, pp. 17-18. (B, B , B ) :

ýL'ordo d'un jour d'hiver. Apreé s les nocturnes ils chantent aussi l'office

des morts. De laé , ils vont dans un autre chÝur. Ils chantent les matines de Tous les Saints [...]. Puis ils vont dans le chÝur et s'asseyent ý (De ordine diurno hiemali. Post Nocturnas vero canant Officium Mortuorum simul. Inde veniant in alium corum [chorum] [...] Postea uenient in chorum et sedeant). Brady, û Critical Edition ý, p. 5 le transcrit 1

in alium chorum. LT, p. 34, ligne 22. Dinter pense que alium corum, un autre chÝur, dans B, B , B

2

est û certaine-

ment la chapelle Sainte-Marie ý (Est quippe oratorium s. Mariae). (30) Supra, p. 176 n. 24 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95, 99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99v ; De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 805. Chomton, Histoire, pp. 394-99, 437, 439. Le troisieé me coutumier de Saint-Beè nigne confirme aussi que l'oratoire Sainte-Marie eè tait non seulement le site de la procession quotidienne, mais aussi le lieu des processions au commencement de l'anneè e liturgique. (31) R. Le Roux, û Guillaume de Volpiano, son cursus liturgique au Mont Saint-Michel et dans les abbayes normandes ý, Milleènaire monastique du Mont Saint-Michel, t. 1, eèd. J. Laporte (Paris, 1966), (pp. 41772) p. 330 n. 45 : û De donneè es eèparses, on peut conclure qu'aé Cluny, pendant l'Avent, la procession apreé s è piphanie ý. Chaque procession aé veêpres et laudes allait ad sanctam Mariam ; il en eètait de meême de Noe«l aé l'E l'eèglise Sainte-Marie aé Cluny figure aé la fois dans Bernard et dans Ulrich dans le chapitre consacreè aé la feête è piphanie). LT, pp. 27, 28 n. 24, pp. 31, 34 concerneè e. Bern, p. 283 (Avent), pp. 286-288 (Noe« l), p. 294 (E n. 22. (32) G. de Valous, Le monachisme clunisien des origines au

xv

e

sieécle ; vie inteèrieure des monasteé res et organisation de

l'ordre, t. 1, L'abbaye de Cluny, Les monasteé res clunisiens (Paris, 1970), p. 336 note qu'il y avait une procession û qui se faisait chaque jour aé Cluny apreé s les nocturnes et apreé s les veêpres de la grande eè glise aé l'eèglise NotreDame ý. De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 805 ; Ulr, col. 686C : û De meême l'office des morts, que jusqu'aé maintenant nous faisions apreé s veêpres, nous avons doreè navant l'habitude de le ceè leèbrer apreé s les nocturnes, en y ajoutant en meême temps les laudes des deè funts. La psalmodie restante, comme il est d'usage, est chanteè e aé l'eèglise Sainte-Marie [...] ý (Item officium defunctorum, quod usque post vesperas agimus, amodo post nocturnas agere solemus, matutinis laudibus quoque defunctorum simul adjunctis. Reliqua psalmodia, ut moris est, cantatur ad ecclesiam Sanctae Mariae [...]). (33) CA, 7.2, pp. 33-35. (34) Supra, p. 176 n. 24 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95, 99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99 ; Cf. Chomton, Histoire, p. 439, et Bern, p. 267, Chapitre 74 : û A propos de deècisions mineures nombreuses et diverses ý (De Diversis et pluribus simul sententiolis). (35) Chomton, Histoire, p. 399 ; LT, p. 27. û Lors de la ceèleèbration de la feê te des martyrs innocents [...] aé la chapelle Sainte- Marie [...] ý (In Natalis martyrum Innocentum celebritate [...] ad oratorium sanctae Mariae [...]).

178

9

les processions liturgiques dans le chevet Une analyse plus preècise des processions vers l'ecclesiam Sanctae Mariae au cours de la liturgie de l'anneèe confirme que la rotonde constituait l'axe central des processions aé SaintBeènigne au deèbut de l'anneèe, ainsi que pendant les feêtes de la Vierge, comme on pouvait s'y attendre deés lors que, selon le deuxieéme coutumier, û L'autel majeur de l'eè glise de sainte Marie a eèteè consacreè en l'honneur de la meême Meére de Dieu et de notre Seigneur Jeèsus, le Christ, et il y a en elle des reliques d'eux et des saints Innocents ý

36

. Nous allons aé

preèsent examiner plus en deètail l'usage liturgique de l'espace de la rotonde de SaintBeènigne lors des processions de feête apreés tierce, ou, s'il s'agit d'un dimanche, apreés la messe du matin, ainsi que lors des processions aux laudes et apreé s veêpres, telles qu'elles sont deècrites dans les coutumiers de Saint-Beè nigne, en comparant ces reèfeèrences aux sources clunisiennes. Nous traiterons, en particulier de Noe« l, la feête de la Purification et la feête de l'Assomption.

In nativitate Domini

L'unique procession

ad sanctam Mariam mentionneèe dans le premier coutumier de 2

Saint-Beènigne, Consuetudines Antiquiores (B ), a lieu aux laudes aé Noe«l

37

. Les Consuetudines

1

Antiquiores clunisiennes (B, B ) font seulement reèfeèrence aé un deèplacement in alium chorum, tandis que le Liber tramitis speècifie ad oratorium sanctae Mariae

38

. Selon les coutumiers de Ber-

nard et d'Ulrich et le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne, aé Noe«l, l'eèglise Sainte-Marie recevait une double visite, aux laudes et apreé s tierce

39

. Marteéne n'a pas sauvegardeè cette

partie du deuxieéme coutumier, mais une description des feê tes (Chapitre 5) dans les extraits copieès pour Mabillon classe cette feête parmi les cinq plus importantes de l'eèglise et deècrit la nature de la procession : Toute la basilique est entieé rement deècoreèe de ses ornements [...] Apreé s tierce, une procession de feête se dirige aé travers le clo|être, ou apreés la messe du matin, si c'est un dimanche. Voici dans quel ordre se dispose cette procession. En premier lieu, on porte l'eau beè nite ; en second è vangiles sont porteè s par deux sous-diacres en tulieu, trois croix ; ensuite, deux textes des E nique, ayant de chaque coê teè deux fois deux candeè labres, et, devant eux, deux encensoirs ; suivent alors les ornements remarquables mentionneè s plus haut, aé savoir les bras des saints enveloppeès d'or et d'argent, certains coffrets contenant des reliques de saints, des phylacteé res et beaucoup d'autres objets de ce genre que le custode en personne donne aé porter aé quelques

(36) Annexe II, pp. 294-95 lignes 1-3 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 77 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r. (37) CA, 7.2, pp. 26, 30 ; Brady, û Critical Edition ý, p. 10. Brady transcrit : û On ira en procession aé [la chapelle] de Sainte-Marie en chantant les laudes de tous les saints ý (et eant ad processionem ad sancta Maria [sic] et canant matutinas Laudes de omnibus sanctis). On chante û les laudes de tous les saints et des morts ý (Matutinas laudes de Omnibus Sanctis et de Mortuorum). Brady, sans l'expliquer, laisse un espace apreé s sancta, mais pas apreé s Maria. Hallinger transcrit simplement ad sancta [.] Maria. On attendrait du texte que ce soit ad sanctam Mariam. En addition, une procession avait eè galement lieu la veille de Noe« l, durant laquelle on chantait Matutinas laudes de Omnibus Sanctis et de Mortuorum. Bien que le but de cette procession ne soit pas indiqueè , elle devait logiquement se deè rouler ad sanctam Mariam. (38) CA, 7.2, p. 30 ; LT, p. 20. (39) Bern, pp. 288-89 ; Ulr, col. 692D, 693B ; Chomton, Histoire, pp. 397-98 ; LT, p. 20 (des processions similaires effectueè es plus toêt).

9

179

chapitre 6 chantres moins habiles aé chanter, et [une image] de l'enfant Jeè sus qui est peinte sur un tableau doreè . Quant aé l'image de la Meé re de Dieu, on la transporte seulement le jour de la Nativiteè du Seigneur, ainsi qu'aé la Purification et aé l'Assomption de cette glorieuse Vierge

Cette

description

convient

eègalement

aux

processions

qui

40

.

accompagnent

Paêques, de la Pentecoête, de l'Assomption, et celle de tous les saints

41

les

feê tes

de

.

Purificatio sanctae Mariae

La feête de la Purification de la Vierge commeèmore l'eèveènement rapporteè dans le è vangile de Luc, la preèsentation au temple par Marie du Christ que second chapitre de l'E les preêtres et les preêtresses reconnurent alors comme le Messie. Ce jour-laé , outre le Christ, è glise occidentale honorait donc la Vierge par la ceè leèbration d'une feête nommeèe Purifical'E tion de la sainte Vierge Marie, en relation avec aé la loi juive (Leèvitique 13) stipulant que sa purification fuêt acheveèe quarante jours apreés la naissance du Christ. En franc°ais, ce jour de feête a pris le nom de feête de la Chandeleur, en reèfeèrence aé une coutume qui remonte aé l'eèpoque carolingienne consistant aé beènir, puis aé distribuer des cierges et aé les porter en procession avant la messe pour commeèmorer l'entreèe du Christ, la û vraie Lumieére ý, dans le monde et pour ceèleèbrer l'illumination du monde par Lui

42

.

Dans le cas de la feête de la Purification de la Vierge, comme dans le cas de Noe« l, il est possible

de

mieux

comprendre

le

texte

du

premier

coutumier

de

Saint-Beè nigne

par

l'examen des coutumiers de Cluny qui lui sont contemporains. Le premier coutumier de 2

Saint-Beènigne, Consuetudines Antiquiores (B ), se contente d'indiquer une procession apreés tierce û aé l'endroit oué les cierges doivent eêtre beènis ý (ubi benedicendi sunt cerei)

43

. Le lieu de

la beèneèdiction doit cependant s'identifier comme celui mentionneè dans les Consuetudines 1

Antiquiores (B ), aé savoir, ad oratorium sanctae Mariae

44

. Un extrait du deuxieéme coutumier

de Saint-Beènigne citeè par Marteéne preècise que le deèplacement in oratorio B. Mariae conduit

(40) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 87-88, 93-94 ; BNF, CB, t. 11, f. 86v-87r : De sanctorum solemnitatibus quomodo agantur. Omnis scilicet basilica ornamentis suis ex integro decoratur [...] Post tertiam agitur processio festiva per claustrum vel, si dominica dies fuerit, post matutinalem missam. Quae nimirum processio hoc disponitur ordine. Primo loco ponitur aqua benedicta, secundo tres cruces ; deinde textus Evangeliorum duo a duobus subdiaconibus tunicatis feruntur, habentes utroque latere bis bina candelabra, ante se vero duo thuribula ; sequuntur deinde et supramemorata ornamentorum insignia, videlicet brachia sanctorum auro et argento involuta, scrinia quaedam cum reliquiis sanctorum, philacteria et alia huiusmodi multa, quae ab ipso edituo [lire aedituo] aliquantis cantoribus minus tamen cantandi peritis ferenda traduntur, ac pueri Jesu [imago] quae depicta est in tabula aurata. Imago autem Dei Genitricis solummodo in die Natalis Domini, in Purificatione quoque et Assumptione eiusdem gloriosae Virginis deportatur. [trad. C. Heitz] (41) Infra, pp. 184, 189, 213. è . Palazzo et A.-K. (42) L. W. Cowie et J. S. Gummer, The Christian Calendar (London, 1974), pp. 40-41 ; E Johansson, û Jalons liturgiques pour une histoire du culte de la Vierge dans l'Occident latin (

v -xi e

e

sieécle) ý,

è tudes reè unies par D. Iogna-Prat, E è . Palazzo, D. Russo (Paris, Marie, le culte de la Vierge dans la socieè teè meèdieèvale, E 1996), (pp. 15-45), p. 27. (43) CA, 7.2, p. 39 ; Brady, û Critical Edition ý, p. 15. C. Marino Malone, û Interpreè tation des pratiques liturgiques aé Saint-Beè nigne de Dijon d'apreé s ses coutumiers d'inspiration clunisienne ý, dans From Dead of Night to End of Day, Disciplina monastica, 3, eèd. S. Boynton and I. Cochelin (Turnhout, 2005), pp. 221-50. (44) CA, 7.2, p. 39.

180

9

les processions liturgiques dans le chevet aé l'endroit oué l'on beènit les cierges au terme d'une procession effectueè e apreés tierce

45

. Le

troisieéme coutumier de Saint-Beènigne fait lui aussi reèfeèrence aé une procession apreés tierce ad sanctam Mariam et ajoute que les cierges sont preèpareès sur une tapisserie devant son autel

46

. Une procession vers l'eèglise Sainte-Marie apreés tierce pendant la feête de la Purifi-

cation de la Vierge est eègalement eèvoqueèe par Bernard et Ulrich

47

. Ainsi, les coutumiers

tardifs de Saint-Beènigne, en conjonction avec les coutumiers clunisiens du cialement les Consuetudines Antiquiores, laissent supposer qu'au deèbut du

xi

e

xi

e

sieécle et speè-

sieécle, la chapelle

Sainte-Marie lieèe aé la rotonde de Saint-Beènigne servait deèjaé pour la beèneèdiction des cierges pendant la procession de la feête de la Purification de la Vierge. Il est certain qu'aé Dijon les deux deèambulatoires concentriques de la rotonde servaient aux processions des moines en tant que lieu de communication entre le chÝur et la chapelle axiale oué se trouvait l'autel de la sainte Vierge. Ces deèambulatoires, qui figurent dans le plan de Plancher (1722) et dans un dessin d'Antoine (1790), d'une grande largeur (2,202,50 m) º

chacun d'eux disposait d'un espace permettant aé quatre personnes au moins de

se deèplacer de front (fig. 6, 13) º devait canaliser la circulation des moines. Le premier coutumier de Saint-Beènigne deècrit seéchement la procession pour la feête de la Purification : è vangile], puis tous les freéres sont veêtus d'aubes ; apreés tierce, un enfant porte le texte [de l'E viennent les convers (conversi) ou les enfants portant les candeèlabres, les croix, les encensoirs et l'eau beènite

48

. Le Liber tramitis compleéte cette description et indique l'ordre de la proces-

sion : quatre anciens rec° oivent des reliques mineures, deux enfants reveê tus de tuniques les textes des è vangiles, des convers [conversi] deux croix, un troisieé me crucifix en or, l'eau beè nite, deux enE censoirs en or et aussi quatre candeè labres. Immeèdiatement apreé s ils entonnent cette antienne O beata infantia et vont dans cet ordre vers l'oratoire de la glorieuse sainte Vierge : d'abord les [ornements] de cette procession, suivis par les enfants avec leurs ma|ê tres, puis les anciens deux é la fin, le seipar deux selon leur ancienneteè et enfin les convers qui ne savent pas chanter. A gneur abbeè tenant en main sa crosse [...]. Le chanteur entonne l'antienne Lumen ad revelationem. Une fois qu'ils ont commenceè aé avancer, on dit d'autres [antiennes] qui conviendraient, aé savoir Ave gratia plena, Adorna thalamum tuum, Responsum acceperat. Ils doivent aussi prendre le tableau oué l'image de Notre Seigneur et de sa meé re est deèpeinte qui a eè teè apporteè depuis l'oratoire [...](texte de l'antienne en italique)

49

.

(45) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 300. (46) Chomton, Histoire, p. 401. (47) Bern, pp. 288-89 : û le jour, apreés tierce ou, si c'est un dimanche, avant tierce, aé l'eèglise Sainte-Marie ý (in die post Tertiam vel si ea est Dominica ante Tertiam, ad ecclesiam sanctae Mariae) ; Ulr, col. 695D dit la meême chose. (48) CA, 7.2, p. 39 : Post Tertiam autem ueniat unus infans et accipiat textum. Et ueniant conuersi uel infantes accipientes candelabra et cruces et turibulum. Pour les convers voir Cochelin, û Peut-on parler ý, pp. 30-31, 47-48. (49) LT, pp. 41-42 : De processione cereorum [...] accipiant quattuor seniores reliquias minores, textos euangeliorum duos pueri tunicis induti, conuersi duas cruces, tertivm crucifixum aureum, aquam sanctam, duo turibula aurea necnon et quattuor candelabra. Exhinc continuo incipiant hanc antyphonam O beata infantia et eant sic per ordinem ad oratorium sanctae gloriosae virginis : In primis ipsius processionis [ornamenta], Subsequantur eos infantes cum magistris, deinde seniores bini ac bini sicut priores sunt et tunc conuersi qui nesciunt cantare. Ad ultimvm domnus abbas suam pastoralem uirgam gestans in manibus [...]. Cantor inponat antyphonam Lumen ad reuelationem. Incipientibus uero pergere dicantur aliae quae conueniunt, videlicet

9

181

chapitre 6 Les objets porteès sont semblables aé ceux que mentionne le deuxieéme coutumier de SaintBeènigne aé propos des processions de Noe«l et de la Purification, parmi lesquels figure une image de la Meére de Dieu et du fils

50

.

L'image de Marie dont le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne signale la preèsence lors de la procession est celle de la Meére de Dieu, conformeèment aux termes de la deèdicace de l'autel de Dijon. Les cierges y eètaient beènis vers 8 heures 30 du matin

51

. Selon la for-

mule de Clifford Flanigan, dans un contexte diffeèrent, û faire [lors d'un rituel meèdieèval] ce qui a eèteè fait autrefois [...] eèquivaut, en quelque sorte, aé eêtre inteègreè dans ces actions du passeè [...] et aé devenir ainsi le beèneèficiaire de leur pouvoir ý

52

. Les participants de la pro-

cession des cierges attribuaient une vertu efficace aé l'imitation de Marie apportant au monde la nouvelle lumieére. Ils percevaient la participation aé ce rituel comme une sanctification qui confeèrait une signification plus haute aé leur vie chaste. Les moines qui, lors de cette ceèreèmonie, avaient le sentiment de reproduire le geste de la Vierge apportant le Christ au monde, aé cause de leur chasteteè, s'identifiaient avec elle. Un sermon clunisien leègeérement anteèrieur (Sermo de Beato Maiolo) affirme que les moines chantent jour et nuit preèciseèment parce qu'ils sont vierges et chastes ; ils vivent dans l'harmonie musicale des vierges

53

. Selon le Liber tramitis, û apreés la beèneèdiction des cierges, quatre sacristains, deux

d'un coêteè et deux de l'autre, prendront [les cierges] ; deux d'entre eux les donneront aux freéres et aux enfants. Ces deux laé leur apporteront les cierges comme s'ils leur rendaient un service. Chacun des freéres allumera son cierge aupreés du freére se tenant aé ses coêteès ý

54

.

Ainsi, les freéres eèchangent la lumieére de leurs cierges. Le texte continue : û Par la suite les enfants n'allumeront nullement leur propre cierge aé [celui d'un] autre freére, ni entre eux, mais seulement aé [ceux de] leurs ma|êtres. Le chantre entonnera l'antienne Lumen ad revelationem ý

55

. Nous pouvons donc supposer l'existence de pratiques liturgiques semblables

dans la rotonde de Dijon avant que ne soit entonneè l'antienne Lumen ad revelationem, eègalement prescrite par le premier coutumier de Saint-Beè nigne

56

.

La comparaison du reèpertoire musical de l'office liturgique dijonnais dans les trois coutumiers de Saint-Beènigne avec celui des coutumiers clunisiens met pourtant en eè vidence

Aue gratia plena, Adorna thalamum tuum, Responsum acceperat. Tabulam quoque debent accipere ferendo de ipso oratorio, ubi imagonostri domini est depicta et genitrici eius [...]. (50) Supra, p. 180 n. 40. (51) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 87-88, 93-94 ; BNF, CB, t. 11, f. 86v-87. Voir supra p. 181. (52) C. Flanigan, û The Apocalypse and the Medieval Liturgy ý, dans The Apocalypse in the Middle Ages, eèd. R. K. Emmerson et B. McGinn (Ithaca, 1992), (pp. 333-51) p. 349 : û to do what was once done-what is now done in that other world, or what will be done in the future-is to be somehow incorporated into those past, present, and future actions and thereby to become beneficiaries of their power ý. (53) Iogna-Prat, Agni immaculati, p. 332. (54) LT, p. 41 : Ex tunc accipiant quattuor secretarii bini hinc ac duo inde, quorum uidelicet duo ex his illos donent fratribus et infantibus. Illi duo deportent cereos ad eos quasi modum seruitii inpendendo. Fratres vero unusquisque suum cereum accendat ad alium fratrem iuxta se stantes. Sur le latin du Liber tramitis, voir P. Dinter, û Zur Sprache des Cluniazenser Consuetudines des 11. Jahrhundert ý, dans Studia Anselmiana 85 (1982) : 175-83. (55) Ibid : Pueri denique nullo modo ad alium fratrem accedant ad illuminandum suum cereum etiam inter semetipsos nisi ad magistros suos tantummodo. Cantor inponat antyphonam Lumen ad reuelationem. (56) CA, 7.2, p. 40.

182

9

les processions liturgiques dans le chevet une diffeèrence inteèressante, qui teèmoigne de l'importance accordeèe aé la lumieére dans l'abbaye de Guillaume. Le chant du reèpons

Venit lumen lors des feêtes de l'Eèpiphanie et de la

Purification est mentionneè dans les coutumiers de Saint-Beènigne, mais pas dans ceux de Cluny. De plus, selon Raymond Le Roux, ce reè pons appartient aé la tradition de Guillaume

57

. Il appara|êt dans le breèviaire de Saint-Beènigne du

monastiques normands du

lumen

xii

e

sieécle

58

xiv

e

sieécle et dans les breèviaires

. Dans le premier coutumier de Saint-Beènigne,

Venit

è piphanie et comme antienne est utiliseè comme reèpons aé veêpres pour la vigile d'E

apreés tierce pour la Purification

59

. Dans le troisieéme coutumier, il est un reèpons des

è piphanie matines pour l'octave de l'E

60

. Nous n'avons trouveè que deux autres exemples

Venit lumen. Il sert de reèpons lors de l'Eèpiphanie dans le Redactio Galeatensis des Consuetudines Antiquiores de 1100, un coutumier baseè sur le premier coutumier de Saint-Beènigne, et d'antienne pour la feête Purificatio Sanctae Mariae dans les Consuetudines Fructuarienses II de Fruttuaria, une abbaye fondeèe par Guillaume . Le Roux confirme que d'un usage similaire de

61

ce reèpons eètait absent de tous les coutumiers clunisiens les plus repreè sentatifs

62

.

Il est seèduisant d'imaginer que l'abbeè Guillaume fut aé la fois le responsable de l'introduction de

Venit lumen

dans la liturgie et du plan inhabituel de la rotonde de Dijon. Peut-

eêtre a-t-il voulu, par l'addition de

Venit lumen

et graêce aé l'oculus de la rotonde, faire appa-

ra|être l'importance de la lumieére dans la liturgie. Le premier coutumier de Saint-Beè nigne demande û de donner [des cierges] aé tous les freéres. Lorsqu'ils auront commenceè aé les

Venit lumen. De meême Lumen ad revelationem [...]. Ils Venit lumen û Ta lumieére vient, oê ! Jeèrusalem, et la nations marcheront dans ta lumieére, alleluia ý (Venit

allumer, le chantre entonnera l'antienne chanteront la messe ý

63

. Les paroles du

gloire de Dieu s'est leveèe sur toi ; les

(57) Le Roux, û Guillaume ý, p. 445. (58) Ibid., p. 445

. Corpus Antiphonalium Officii,

eèd. R.-J. Hesbert, Rerum Ecclesiasticarum Documenta,

Venit

Series Maior Fontes X, 4 : Responsoria, Versus, Hymni et Varia (Rome, 1970), p. 450 montre que

Lumen,

peu freèquent sous forme de reè pons (n

o

7833), l'est davantage sous forme d'antienne (n

è piphanie. Selon le signifie pas qu'il n'eètait pas employeè ailleurs pour l'E

Cantus

o

5344) : ceci ne

database (http ://publish.

è piphanie par les chanoines de Sainte-Ceè cile, comme uwo.ca/ cantus/), il eè tait utiliseè vers 890 lors de l'E ì antienne pour les premieéres veêpres ( ; 8234). Il eètait aussi employeè entre 980 et 1029 lors de

F-AI 44 CAO,

è piphanie comme antienne pour les laudes par les moines beè neèdictins de Saint-Martial de Limoges ( l'E

1085 ; CAO,

5344) et entre 1020/1030 dans le monasteé re de Sant Sadurn|è de Taveé rnoles (n

5344). On trouve de nombreux exemples de son usage entre le

xii

e

et le

xiv

e

o

F-Pn lat. CAO,

E-Tc 44.1 ;

sieécle repris dans le Cantus data-

base, mais aucun d'entre eux ne provient de monasteé res clunisiens. (59)

CA, 7.2, pp. 36, 40. Histoire, p. 400. CA, 7.2, p. 146. Pour la date

(60) Chomton, (61)

de la

Redactio Galeatensis

(Poppi, Biblioteca comunale, ms. 63, f. 2r-22v)

de San Ilaro di Galeata voir Iogna-Prat, û Coutumes ý, p. 46 ;

Venit lumen

Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae,

p. 125.

est inclus dans Gottweig, Stiftsbibliothek, ms. 53b (56B) ; Kynzvart (Konigswart), Schlossbiblio-

thek, ms. 52 (20 G 6), et Munich, Bayerische Staatsbibliothek, lat. 14765 (Em. c. 8), mais

Lumen ad revelationem

ne figure que dans le manuscrit de Munich. (62) Le Roux, û Guillaume ý, p. 445. (63)

CA,

7.2, p. 40. B

Venit lumen

. Item

2

dit :

donare (cereos) ad omnes fratres. Cumque caeperint accendi incipiat cantor antiphonam Cantent missam. Le texte de Cluny, B, B dit : û Alors le gar-

Lumen ad revelationem [...].

1

dien doit donner [des cierges] aé tous. Alors qu'ils auront commenceè aé les allumer, le chantre entonnera

l'antienne Lumen ad revelationem [...]. Ils chanteront la messe ý. ( Tunc debet custos donare [cereos] per omnes. Cum autem caeperint accendi inchoet cantor antiphonam, Lumen ad revelationem [...]. Cantent missam).

9

183

chapitre 6 lumen tuum, Jerusalem, et gloria Domini super te orta est ; et ambulabunt gentes in lumine tuo, alleluia) eètaient donc entonneèes au moment oué les moines commenc°aient aé allumer les cierges. Puis, la procession, sur le chemin du chÝur oué la messe eètait chanteèe, traversait la rotonde avec les cierges allumeès sous la lumieére du matin qui tombait de l'oculus. Les reèfeèrences aé la lumieére divine contenues dans le chant avaient probablement pour effet de faire entrer les moines en reèsonance avec la lumieére venant d'en-haut. D'autres chants ont pu attirer l'attention sur l'eè clat de la mise en sceéne dispenseèe par la rotonde de Dijon. Dans le premier coutumier de Saint-Beè nigne, lors de la feête de la Purification, l'antienne Lumen ad revelationem, û Une lumieére pour illuminer les nations ý, succeéde immeèdiatement aé Venit lumen

64

. L'antienne Lux de luce, û Lumieére de la lumieére ý a eèteè

identifieèe par Le Roux comme faisant partie du cursus de l'abbeè Guillaume

65

. Est-il pos-

sible quelle ait eèteè utiliseèe en deèpit de l'absence de toute mention dans le premier coutumier de Saint-Beènigne ? Elle eètait deèjaé utiliseèe par les clunisiens, par conseèquent l'abbeè Guillaume n'aurait pas proceèdeè aé une innovation en l'inseèrant. Indiqueèe pour l'octave de è piphanie dans le coutumier de Bernard et dans le troisieé me coutumier de Saint-Beènil'E gne

66

, elle commence par la phrase û Tu es apparu, Lumieére de la lumieére, oê Christ aé qui

les Mages firent des offrandes, alleluia, alleluia, alleluia ý (Lux de luce apparuisti, Christe, cui Magi munera offerunt, alleluia alleluia alleluia). La rotonde et sa lumieére zeènithale fournissaient è piphanie et la Purification, au donc un cadre parfait pour des occasions comme Noe« l, l'E cours desquelles l'arriveèe de la nouvelle lumieére eètait souligneèe par la liturgie et ses chants.

Assumptio sanctae Mariae

En relation directe avec sa deèdicace, la rotonde servait de cadre aé toutes les feêtes de la Vierge

67

. De toutes ces feêtes, celle de l'Assomption eètait la plus importante

68

.

Elle a pour origine la procession du 15 aouêt, institueèe aé Rome par le pape Sergius I (687-701),

qui

allait

du

Latran



Sainte-Marie

Majeure

en

portant

û sainte icoêne ý du Christ conserveèe dans le Sancta Sanctorum du Latran

69

er

l'Acheropita, une

é Sainte-Marie. A

Majeure, cette icoêne du Seigneur retrouvait une image de la Meter Theou une icoêne de sa

(64) Ibid. ; LT, p. 41 ; Chomton, Histoire, p. 401. Pour la feête de la Purification, Lumen ad revelationem est 1

eègalement mentionneè dans Consuetudines Antiquiores, B, B , dans le Liber tramitis et dans le troisieé me coutumier de Saint-Beè nigne. (65) Le Roux, û Guillaume ý, p. 448. (66) Bern, p. 294 ; Chomton, Histoire, p. 400. (67) Supra, p. 176 n. 24. Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95, 99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99v. De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 805. Comme deè jaé mentionneè plus haut, le chapitre 50 du deuxieé me coutumier speè cifie û qu'il y avait une procession ad Sanctam Mariam apreé s les laudes et les veê pres [...] aux feê tes de celles-ci meême, ainsi que tous les jours de l'anneè e avec certaines exceptions ý. (68) Supra, p. 177 n. 28. Heitz, û Lumieéres ý, pp. 92-94 ; BNF, CB, t. 11, f. 86-87v. Comme mentionneè plus haut, selon le chapitre 5 du deuxieé me coutumier, le û l'Assomption de la treé s sainte Meé re de Dieu Marie ý est l'une des û cinq feê tes deèpassant toutes les autres ý. (69) R. Fulton, From Judgment to Passion, Devotion to Christ and the Virgin Mary, 800-1200 (New York, 2002), pp. 269, 552 n. 109.

184

9

les processions liturgiques dans le chevet Meére (la repreèsentant tenant l'enfant). Othon III assistait aé cette procession aé Rome en aouêt 1000 et un nouvel hymne (carmen) fut composeè expreés pour cette occasion

70

. Hans

Belting a noteè que û le roêle de ces images dans la procession d'aouê t (aé Rome) ne se limitait pas aé la rencontre de deux icoênes, mais impliquait celle de deux personnes, le Christ et sa Meére, qui eètaient incarneès dans les icoênes ý è vangile de Pseudo-Melito ( deècrit dans l'E nes

72

71

. D'apreés Rachel Fulton, le passeè, tel que

vi -vii e

e

sieécle), reprenait vie aé travers ces icoê-

. Ce pheènomeéne s'observe tout particulieérement aé Cluny, aé l'aide du Liber tramitis

73

.

Apreés une messe matutinale dans la basilique Sainte-Marie (Missa matutinalis in basilica sanctae Mariae) apreés tierce, le corps de la Vierge, repreèsenteèe par une peinture du Christ et de la Vierge, eètait transporteèe en procession depuis sa maison (l'oratoire), aé travers la citeè (le clo|être) et jusqu'aé sa tombe (l'atrium), oué il faisait halte avant d'eêtre emporteè vers les cieux (l'eèglise)

74

.

Bien que le premier coutumier de Saint-Beènigne ne contienne aucune reèfeèrence aé une procession pour la feête de l'Assomption, les Consuetudines Antiquiores, B

1

de Cluny qui lui cor-

respondent (Redactio Nonantulana, Roma, Biblioteca Casanatense 54), mentionnent deè jaé û une procession treés soigneèe ý (processione cum magna diligentia) apreés tierce pour la feête de l'Assomption de la Vierge, sans toutefois preèciser l'endroit oué se rend la procession

75

. Le

chapitre 5 du deuxieéme coutumier eèvoque aussi cette procession et confirme que les objets qui y participent sont les meêmes qu'aé Noe«l, y compris les images de l'Enfant et de la Vierge

76

. Selon le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne, la procession se rendait apreés tierce

(ou avant s'il s'agissait d'un dimanche) aé l'oratoire de la Vierge, puis au clo|être

77

.

Ainsi, les eèquivalents aé Saint-Beènigne des images de la procession de Rome eè taient celles de l'Enfant Jeèsus et de la Meére de Dieu. Nous savons, graêce au troisieéme coutumier, que la procession aé Saint-Beènigne partait de l'oratoire de la Vierge pour aller jusqu'au é l'entreèe de celui-ci, eètait chanteèe l'antienne clo|être, puis au chÝur de l'eèglise principale. A Tota pulchra es ceèleèbrant l'invitation du Fils aé sa Meére aé le rejoindre dans la vie eèternelle

78

.

La forme meême de la rotonde eèvoque peut-eêtre de la tombe vide de la Vierge dans la

(70) Ibid. (71) Ibid., p. 271 ; H. Belting, Likeness and presence : a history of the image before the era of art, trad. E. Jephcott (Chicago, 1994), p. 72. (72) Fulton, From Judgment, p. 273. (73) Ibid., pp. 269-73, 553 n. 111 ; LT, pp. 150-51. (74) LT, pp. 150-51 : û Ensuite seront preè sents quatre anciens, qui seront ordonneè s, portant chacun des reliques mineures. L'un d'entre eux s'avancera pour recevoir un tableau avec l'image de notre Dieu et de sa meére. Alors l'antienne Tota pulchra es est entonneè e par le chantre. Ensuite, ils entreront [...] dans l'oratoire Sainte-Marie [...] ý (Ex hinc assint quattuor seniores, qui sacrum ordinem habeant quique portent reliquias minores et alivs extra istos procedat et accipiat tabulam cum imagine dei nostri atque ipsius genitricis. Tunc a paraphonista inponatur haec antiphona Tota pulchra es. Dein ueniant [...] in oratorium sanctae Mariae [...]). Cf. Bern, p. 346. Selon Bernard, il en eètait de meême. (75) CA, 7.2, p. 122. (76) Supra, p. 180 n. 40 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 92-94 ; BNF, CB, t. 11, f. 86-87v. (77) Chomton, Histoire, p. 426. (78) Ibid., p. 426 ; Fulton, From Judgement, p. 274, explique le sens de Tota Pulchra. Voir supra n. 74 pour cette antienne dans le Liber tramitis.

9

185

chapitre 6 é Saint-Beènigne, la procession valleèe de Josaphat, et le niveau supeèrieur le troisieéme ciel. A accompagneèe des images de l'Enfant et la Vierge eè pousait peut-eêtre implicitement le reècit des eèveènements enseigneès par le sermon lu pour l'Assomption, le Cogitis Me de Paschase ê ge a saint Jerome Radbert (mort vers 859), attribueè au Moyen A é è

79

. 2

Le premier coutumier de Saint-Beènigne (consuetudines antiquiores B ) fait reèfeèrence aux û lectures pour la vigile : le sermon de saint Jeè roême sur l'Assomption [...] et pendant le troisieéme nocturne, [lecture] du meême sermon Hodie namque gloriosa ý

80

. Les consuetudines anti-

1

quiores (B ) correspondantes (Redactio Nonantulana, Roma, Biblioteca Casanatense 54, f. 14r21v) citent quant aé elles comme lecture pour les nocturnes Cogitis me o Paula

81

. Tous deux

se reèfeérent au meême sermon du Pseudo-Jeèroême, en reèaliteè eècrit par Paschase, qui deècrit le triomphe de Marie admise aé sieèger aux coêteès de son royal eèpoux

82

. Dans le Cogitis me,

Paschase Radbert inteégre dans son sermon le texte de l'antienne Hodie namque gloriosa : û Car aujourd'hui la glorieuse et toujours Vierge est monteèe au ciel. Je vous le demande : reèjouissez-vous, Christ ý

83

car,

pour

ainsi

dire,

elle

[...]

reé gne

laé-haut

pour

l'eèterniteè

avec

le

. Ainsi le texte lu aé Saint-Beènigne pour l'Assomption ne deècrit pas seulement le

passage de Marie de cette vie aé l'eèterniteè, mais eègalement son changement de statut de meére aé celui d'eèpouse reègnante du Christ. Dans un autre passage du Cogitis me, Paschase reprend ainsi le theéme eèvoqueè dans l'antienne Hodie namque gloriosa : û Voici la feête d'aujourd'hui, en laquelle, glorieuse et bienheureuse, elle est parvenue aé la chambre nuptiale ceèleste [...]. Pour cette raison, en la personne des citoyens du ciel, l'Esprit Saint dit avec admiration dans ces cantiques pour son ascension : Qui est celle qui monte aé travers le deèsert, comme une colonne de fumeèe, provenant d'aroma-

(79) R. Fulton, û The Virgin Mary and the Song of Songs in the High Middle Ages ý, theé se de doctorat, Columbia University, 1994, t. 1, p. 165. (80) CA, 7.2, p. 122 : Lectiones in Uigiliis sermo sancti Hieronimi de Assumptione [...]. In nocturno tertio similiter de ipso sermone Hodie namque gloriosa ; Chomton, Histoire, p. 426. Le troisieéme coutumier mentionne eè galement : û A l'autel on lit le sermon du saint preé tre Jeèroême, qui commence par Cogitis Meo Paula et Eustochium ý (Ad mensam legitur sermo beati Hieronymi presbyteri, cujus initium est Cogitis Me o Paula et Eustochium). (81) CA, 7.2, p. 122 ; Ulr, col. 683 : û Pour l'Assomption de sainte Marie, [...] aux nocturnes, sermon de saint Jeèroême, Cogitis me, o Paula, qui est d'une telle qualiteè que, lors de la neuvieé me lecture, l'eè vangile n'est jamais lu, mais toutes les lectures sont emprunteè es au meê me sermon ý (De Assumptione sanctae mariae [...] ad nocturnos igitur sermo sancti Hieronymi, Cogitis me, o Paula, qui cum tantae sit excellentiae, ad nonam lectionem nequaquam pronuntiatur Evangelium, sed omnes lectiones de eodem sermone fiunt). Fulton, The Virgin Mary, t. 1, p. 172, note que, è vangile aé Cluny. R. Fulton, selon Ulrich, le Cogitis me, lu dans sa totaliteè , pouvait se substituer aé la lec°on de l'E û `Quae est ista quae ascendit sicut aurora consurgens ?' : The Song of Songs as the Historia for the Office of the Assumption ý, Mediaeval Studies 60 (1998) : (55-122) pp. 93-94. (82) M.-L. Therel, Le triomphe de la Vierge-Eglise (Paris, 1984), p. 141. (83) Fulton, The Virgin Mary, t. 1, pp. 166-67. Rachel Fulton cite Paschase Radbert, De assumptione sanctae mariae virginis [Cogitis me], eèd. A. Ripberger, dans Der Pseudo-Hieronymus-Brief IX û Cogitis me ý : Ein erster marianischer Traktat des Mittelalters von Paschase Radbert. Spicilegium Friburgense 9. Fribourg : Universita« tsverlag, 1962 ; reèeèditeè CCCM 56C : 109-62 (Turnhout, 1985), p. 119 : Hodie namque gloriosa semper virgo caelos ascendit ; rogo, gaudete quia, ut ita fatear [...] cum Christo regnat in aeternum. Cf. CAO, 3105.

186

9

les processions liturgiques dans le chevet tes ? ý

84

. Cette citation de Paschase Radbert trouve sa source dans la liturgie

85

. On trouve

2

dans le premier coutumier de Saint-Beènigne (consuetudines antiquiores B ) pour les laudes (In Matutinis Laudibus) l'antienne Quae est ista, sans mention d'une procession, mais les 1

instructions aé ce propos dans les consuetudines antiquiores (B ) indiquent û Apreés tierce ils font une procession avec une grande diligence ý (Post Tercia uero faciant cum processione cum magna diligentia)

86

. Le Cantique des Cantiques eètait le texte principal pour les processions du 15 aouê t

aé Rome, comme aé Cluny

87

. Selon Fulton, aé l'instar de tous les commentateurs des Can-

tiques, Paschase Radbert comprend le Cantique avec les versets de la liturgie mariale litteè ralement reèsonnant dans ses oreilles

88

.

Comme nous l'avons deèjaé indiqueè plus haut, l'Abbeè Guillaume eètait, selon Raoul Glaber, û eèrudit dans [...] l'art de la musique et accompli dans son enseignement. Par des corrections et amendements, il dirigeait tout ce qui eè tait chanteè au chÝur par les moines, jour et nuit, aussi bien antiennes, reè pons ou hymnes, aé un tel point de preècision qu'il n'y avait aucun chÝur plus beau ou plus juste dans toute l'eè glise romaine ý

89

. Ruth Steiner

affirme que l'abbeè Guillaume a participeè aé l'eèlaboration du cursus liturgique et qu'il a composeè personnellement des meèlodies chanteèes durant l'office. D'apreés Steiner, Guillaume semble avoir composeè au moins huit des douze antiennes mariales baseè es sur le Cantique des Cantiques qui figurent dans un breèviaire clunisien du

xi

e

sieécle

90

. Ce manuscrit ne preècise

pas quand ces douze antiennes eè taient chanteèes, mais elles correspondent, aé une exception preés, aux antiennes des deux premiers nocturnes des matines de la feê te de l'assomption eènumeèreèes dans un breèviaire du

xiv

e

sieécle de Saint-Beènigne, et elles remplissent la meême fonc-

tion liturgique dans un manuscrit de Feècamp du

xii

e

sieécle

91

. Pour l'octave de l'assomption

aé Cluny, Bernard seèlectionne sept de ces antiennes pour les petites heures de la Vierge

92

.

Toujours aé propos de l'octave de l'Assomption, le mot alia apreés Ecce tu pulchra dans le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne suggeére que d'autres antiennes de la meême seèrie ont eèteè

(84) R. Fulton, û `Quae est ista' ý, pp. 93-94. Rachel Fulton cite Paschase Radbert, [Cogitis me], chap. 8, 4546, p. 128 : Et haec est eius praesentis diei festiuitas, in qua gloriosa et felix ad aethereum peruenit thalamum [...]. Propter quod ex persona supernorum ciuium in eius ascensione admirans Spiritus Sanctus ait in canticis [sic] : Quae est ista, quae ascendit per desertum, quasi uirgula fumi ex aromatibus. Voir aussi Fulton, From Judgment, pp. 274, 555 ; CAO, 1438, 7455 et 7878 : û Qui est celle qui monte aé

travers le deè sert, comme une colonne de fumeè e, provenant

d'aromates de myrrhe et d'encens ? ý (Quae est ista quae ascendit per desertum, sicut virgule fumi, ex aromatibus myrrhe et thuris ?). (85) Fulton, The Virgin Mary, t. 1, p. 168. (86) CA, 7.2, p. 122 ; cf. LT, p. 151. (87) Fulton, From Judgment, p. 271. (88) Ibid., p. 290. Fulton fait reè feèrence aé des commentateurs ulteè rieurs comme Honorius Augustodunensis. (89) Supra, pp. 81-82 n. 45 ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 288. (90) R. Steiner, û Marian Antiphons at Cluny and Lewes ý, dans Music in the Medieval English Liturgy (Oxford, 1993), (pp. 175-204) pp. 183, 198-202 cite BNF, ms. lat. 12601. (91) Le Roux, û Guillaume ý, p. 419 a identifieè ce manuscrit de Feè camp (Rouen, Bibl. Mun., A 261 (244) comme û le seul ms. noteè qui ait le cursus de l'abbeè Guillaume ý. Steiner, û Marian ý p. 180 remarque que cinq de ces antiennes du manuscript de Feè camp sont eè galement

indiqueè es pour les 1

secondes veê pres de

l'Assomption dans la redaction de Nonantola de Consuetudines antiquiores (B ) (Rome, Biblioteca Casanatense 54) datant de la seconde moitieè du

xi

e

sieécle.

(92) Bern, p. 364.

9

187

chapitre 6 utiliseèes pour les nocturnes et les veêpres et pour le dimanche pendant la semaine suivant l'Assomption, lorsque la procession se rendait ad Sanctam Mariam

93

. Ecce tu pulchra est utiliseèe

pour le premier nocturne des matines et Sicut lilium pour le second nocturne. Le meême emploi de Ecce tu pulchra pour les feêtes de l'Assomption se retrouve dans le coutumier d'Ulrich

94

.

Meême si le premier coutumier de Saint-Beè nigne ne fait pas allusion aé ces antiennes, on peut probablement interpreèter leur mention dans le troisieéme coutumier comme un teèmoignage de l'inteèreêt de Guillaume pour la Vierge et ses feêtes. D'ailleurs, l'agrandissement de la crypte exteèrieure en rotonde illustre bien sa deèvotion aé la Vierge et aé la liturgie mariale. Toujours est-il, qu'en deèpit de perte de la section correspondante du deuxieé me coutumier, ces antiennes mariales deècouvertes dans les coutumiers de Bernard et d'Ulrich comme dans le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne permettent d'imaginer la liturgie mariale du

xi

e

sieécle aé Saint-Beènigne. Dans le Liber tramitis, le chant qui accompagne la procession vers l'oratorium sanctae Mariae est Tota pulchra es qui finit par ces mots : û Viens, deè peêches-toi, mon amour, viens du Liban, viens, tu seras couronneè e ý

95

. La procession peèneétre alors

dans l'oratoire qui, aé Saint-Beènigne, eètait en forme de couronne

96

.

Nativitas sanctae Mariae

Bien que, comme le signale Ruth Steiner, aucune procession pour la feê te de la Nativiteè 1

2

de la Vierge ne soit mentionneèe dans les Consuetudines Antiquiores (B, B , et B ), aé la fin du

x

e

sieécle aé Cluny, les meêmes antiennes servaient aé la fois aux feêtes de l'Assomption et aé celles de la Nativiteè, et les lec°ons pour la Nativiteè de la sainte Vierge eètaient extraites du Cantique des Cantiques

97

. Pour ce qui concerne cette feête, le Liber tramitis situe la messe matutinale

[...] in basilica sanctae Mariae

98

. Selon le troisieéme coutumier, la feête de la Nativiteè de la

Vierge eètait marqueèe par une procession apreés tierce aé l'oratoire de la Vierge, puis au clo|être, et la messe du matin eètait faite ad altare sanctae Mariae

99

. Ainsi, non seulement la

rotonde de Dijon constituait le centre liturgique des ceè leèbrations de l'Incarnation du Christ, mais elle jouait eègalement un roêle fondamental dans les feêtes en l'honneur de la Vierge (Nativiteè, Purification et Assomption), comme le speè cifie le chapitre 50 du deuxieéme coutumier : û Il y avait une procession ad Sanctam Mariam apreés les laudes et les veêpres [...] aux feêtes de celle-ci ý

100

.

(93) Chomton, Histoire, p. 426. (94) Ulr, col. 683D-684B. (95) CAO, 5162 : Surge, propera, amica mea ; veni de Libano, veni, coronaberis. (96) LT, p. 151. (97) CA, 7.2, pp. 123-24 ; Steiner, û Marian ý, p. 200 n. 44. (98) LT, p. 163. (99) Chomton, Histoire, p. 428. (100) Supra, p. 176 n. 24 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 95, 99 ; De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 805.

188

9

les processions liturgiques dans le chevet De Festivitatibus Novembris

La rotonde et sa chapelle constituaient eègalement un centre essentiel pour la liturgie é Saint-Beènigne, l'anniversaire de la deèdicace de l'eèglise preèceèlors des feêtes de novembre. A dait immeèdiatement la Toussaint. Cette dernieére eètait extreêmement importante eètant donneèe la deèdicace de l'eèglise aé saint Beènigne et tous les Martyrs et celle de la rotonde en l'honneur de la Vierge Marie et de tous les Martyrs. La feê te de saint Beènigne avait lieu le lendemain. Selon le chapitre 5 du deuxieéme coutumier, lors des feêtes de la Toussaint et de la Deèdicace de l'eèglise, û Des luminaires seront placeèes sur tous les autels. La veille aé veêpres, on commence aé sonner, jusqu'aé ce que les complies soient termineèes le lendemain. Qu'on prenne grand soin que la messe de la feête soit ceèleèbreèe aé tous les autels. On agit de la meême fac°on lors de la feête de tous les saints [Toussaint] ý

101

. Tous les autels de l'eèglise et de la

rotonde eètaient donc visiteès aé la Toussaint. Ce jour-laé, la plupart des luminaires placeès sur les autels entourant le deuxieéme et troisieéme niveau de la rotonde devaient eê tre visibles depuis le chÝur et meême depuis l'ouest de l'eèglise, formant une couronne de lumieé res aé l'est du ma|être-autel. Les luminaires encadraient et, pour ainsi dire, dirigeaient la procession. La ceèleèbration de l'anniversaire de la deèdicace (Anniuersaria Consecrationis Basilicae) aé Saint-Beènigne eètait probablement similaire aux festiviteè s en vigueur aé Cluny. Les ideèes è glise contenues dans le ayant trait au sens typologique, tropologique et anagogique de l'E sermon prononceè par l'abbeè Guillaume lors de la conseècration de Saint-Beènigne en 1016 eètaient sans doute reprises lors de l'anniversaire de la deè dicace

102

é Cluny Urbs beata Hieru. A

salem eètait chanteè au ma|être-autel et la messe matutinale se deèroulait avant tierce aé l'oratoire Sainte-Marie (fig. 31)

103

é Cluny, un certain nombre des textes lus durant cet office, . A

en particulier la vision de Jean (Rev 21, 2) et le reê ve de Jacob (Gen 28, 17) mettaient en relation l'eèglise terrestre et la Jeèrusalem ceèleste

104

. Le Liber tramitis mentionne le choix de

l'hymne Urbs beata avant la messe matutinale ainsi que û les lectures et les reè pons qui conviennent

pour

ce

jour-laé ý

(Lectiones

atque

responsoria

ad

ipsum

diem

conuenientia).

L'ensemble peut eêtre rapprocheè de l'homeèlie de Beéde 2, 25 sur Luc 6, 43-48 dans le lec-

(101) Heitz, û Lumieé res ý, pp. 92, 87 ; BNF, CB, t. 11, f. 86 : ut per omnia altaria luminaria mittantur, ex quo in vigilia vesperi incipiuntur pulsari, donec in crastino completorium finiatur. Studioseque curatur ut per cuncta altaria missa de solemnitate celebretur. Eodem modo fit in solemnitate omnium sanctorum (trad. C. Heitz) ; LT, p. 196 preècise aussi qu'un cierge eè tait allumeè sur chaque autel avant les veêpres de la veille de la deè dicace de l'eè glise. (102) Supra, pp. 18 et 116 et infra, p. 242. (103) LT, pp. 196-97. (104) J. A. Harris, û The Place ý, p. 151 ; idem, û Building Heaven on Earth : Cluny as locus sanctissimus in the Eleventh Century ý, dans From Dead of Night to End of Day, Disciplina monastica, 3, eèd. S. Boynton et I. Cochelin (Turnhout, 2005), pp. 131-53.

9

189

chapitre 6 tionnaire de Cluny du

xi

e

sieécle

105

. Dans la perspective de Beéde, les constructions de Mo|ëse

è glise aé venir et des figures et Salomon citeèes dans l'Ancien Testament sont les ombres de l'E è glise universelle de l'E

106

. Une reèfeèrence aé la purification du cÝur vient reèsumer son

è glise aé examiner leurs consciences, en plongeant profonpropos. Il invite les membres de l'E deèment dans leurs cÝurs, û afin de preèparer en eux-meêmes un sieége solide et paisible pour cette pierre treés solide, le Christ ý

107

. Ainsi, un sens typologique, tropologique, et eè gale-

è glise eètait exprimeès aé Cluny et probablement aussi aé Saint-Beènigne ment anagogique de l'E pendant l'anniversaire de la deè dicace de l'eèglise. Le premier coutumier indique une procession pour la feê te de la Toussaint (Festiuitas Omnium Sanctorum), mais sans fournir aucune preècision concernant son parcours

108

. Le troi-

sieéme coutumier explique qu'apreés la messe du matin aé l'autel de Saint-Beènigne (avant tierce s'il s'agissait d'un dimanche, ou apreé s tierce s'il s'agissait d'un autre jour), la procession des moines se dirigeait vers l'eèglise Sainte-Marie pour sa premieére station

109

. Apreés

avoir quitteè l'eèglise Sainte-Marie, cette procession traversait le clo|ê tre, peèneètrait dans la partie occidentale de l'eèglise (in vestibulo ecclesiae) et descendait aé la tombe de saint Beènigne

110

. Le chapitre 5 du deuxieéme coutumier insiste sur l'importance de la feête de la Tous-

saint qu'il inclut dans les cinq feêtes principales de l'anneèe : û La feête de tous les saints [la Toussaint], qui, pour l'amour de notre grand et glorieux patron particulier, le martyr Beènigne, qui endura le martyre pour le Christ ce jour-laé , compte chez nous parmi les principales solenniteès ý

111

. Le texte du deuxieéme coutumier preècise que l'ordre de la procession

(105) LT, p. 197 ; Bede, Homeliarum Evangelii, II, 25, eè d. D. Hurst, CCSL 122 (Turnhout, 1955), p. 368 ; è taix, û Le lectionnaire de l'office aé Cluny ý, Lectionarium Cluniacense II, BNF, nouv. acq. lat. 2246, f. 219r ; R. E Recherches augustiniennes 11 (1976) : (91-159), p. 91 ce manuscrit a eè teè copieè aé Cluny vers 1100. (106) Bede, Homeliarum, pp. 368-69. (107) Ibid., p. 373 : firmam in se quietamque sedem petrae illi fortissimae, hoc est Christo, praeparent. (108) CA, 7.2, p. 191. (109) Chomton, Histoire, pp. 185, 430-31, 449-54 ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 77, 78 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r, 171r ; Cf. aussi De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 493. Il n'est pas clairement preè ciseè dans le deuxieé me coutumier de Saint-Beè nigne oué se trouvait l'autel oué la messe matutinale eètait ceèleèbreèe in majori eccesia vel ad Corpus sanctum. Peut-eêtre meê me s'agissait-il, selon Chomton, û non de l'autel majeur de la crypte, mais du petit autel de la grande eè glise, situeè preés de l'autel de la Croix, vers le milieu des nefs, dans le premier collateè ral nord. Le peuple, qui s'assemblait dans les nefs entre l'autel de la Croix et les portes de l'eè difice, pouvait suivre la messe aé cet autel ý. Selon la chronique et le deuxieé me coutumier, cet autel eè tait consacreè aé Saint Polycarpe eè veêque et martyr, aux saints martyrs Beè nigne, Georges, Symphorien, Andoche, Thyrse, Andeè ol et Christophe, et enfin aux eèveêques de Langres Urbain et Greè goire. Voir supra, p. 160. (110) Il n'est pas surprenant que le coutumier de Saint-Beè nigne indique, pour la Toussaint, une procession vers la rotonde Sainte-Marie deè dieèe aux martyrs alors que ni Bernard, ni Ulrich ne le font. Voir Harris, û Building Heaven ý, p. 142 n. 60 ; Bern, p. 298 ; Ulr, col. 656A, 663A-64A. On trouve dans Bern pour la feê te intituleè e : û Au sujet de la deèdicace de l'eè glise de Cluny ý. Ulrich ne deè crit pas la ceèreèmonie elle-meê me, mais note son importance et eè numeére les deècorations qui ornaient l'eè glise. (111) BNF, CB, t. 11, f. 86 ; De antiquis, t. 4, liv. 4, col. 508-09 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 92 : festum omnium sanctorum quod, ob amorem specialis patroni nostri praeclari ac gloriosi martyris Benigni, qui ipsa die pro Christo martyrium sumpsit, apud nos inter praecipuas solemnitates habetur. Chomton, Histoire, p. 184 : De meême, le troisieé me coutumier souligne l'importance de la feê te de la Toussaint.

190

9

les processions liturgiques dans le chevet et les objets qui y eètaient porteès eètaient identiques aé ceux deècrits plus haut concernant les festiviteès de Noe«l

112

.

L'anniversaire de la passion de saint Beènigne se feêtait le 1 saint

113

.

é A

cause

de

cette

dernieére

feête,

la

passion

du

er

novembre, jour de la Tous-

martyr

eètait

ceèleèbreèe

aussi

le

2 novembre. Rien ne fut changeè aé cet usage aé la suite de l'eètablissement de la feête des morts au cours les trente premieéres anneèes du

xi

la Toussaint dans le monasteére dijonnais

e

sieécle ; elle fut seulement fixeèe au surlendemain de

114

. Ce n'est gueére qu'au

xvii

e

sieécle que cette feête

obtint la place qu'elle occupait dans la plupart des eè glises, et que par conseèquent la solenniteè de l'anniversaire de la naissance (dies

natalis) de saint Beènigne fut reporteèe au 3 novembre

115

.

Selon les deuxieéme et troisieéme coutumiers, outre une procession suppleèmentaire vers l'autel de sainte Marie apreés les veêpres, une procession solennelle eètait effectueèe lors de la feête de saint Beènigne (dies

natale martyris)

116

. Selon le troisieéme coutumier, la messe matuti-

nale se chantait dans la crypte aé l'autel de la Confession

117

. Puis avant tierce, si c'eètait un

dimanche, ou apreés, si c'eètait un jour de semaine, on allait en procession aé l'eèglise SainteMarie ; les moines traversaient ensuite le clo|être et se rendaient par le vestibule

sanctum

118

Selon

ad corpus

. Chomton,

presque

toutes

les

ceèreèmonies

accomplies

le

2 novembre

reprises le 8 novembre, jour de l'octave, cependant avec moins de solenniteè

119

eè taient

. La messe

matutinale eètait ceèleèbreèe dans la crypte, aé l'autel de saint Beènigne. Apres laudes et apreés veêpres, on descendait de nouveau en procession preé s du corps saint et le ceèleèbrant encensait l'autel et le tombeau. Dans les deuxieéme et troisieéme coutumiers, la feête de la translation de saint Beènigne, le 24 novembre, se situe aé un rang infeèrieur aé celui qu'occupe celle du

natalis

120

dies

. Toutefois, pour la feête de la translation de saint Beènigne, la messe matutinale

eètait chanteèe

ad Corpus sanctum, et la procession s'y rendait apreés laudes et veêpres

121

.

Lors de ces feêtes de saint Beènigne et de la Toussaint qui eètaient ceèleèbreèes aupreés de son tombeau, l'espace de la rotonde au-dessous de l'oculus recevrait donc le chÝur des chanteurs aé diverses reprises. Aux secondes veêpres du jour de la Toussaint, devant l'autel dans la crypte, on chantait le verset du reèpons û O saint Beènigne, eètoile d'or ý (O

sancte Benigne

sidus aureum) : û Et par votre intercession faites descendre sur eux l'indulgence ceè leste ý

122

.

Les moines se tenaient alors debout dans la rotonde sous la lumieé re descendant de l'oculus.

(112) Supra, p. 179. (113) Chomton,

Histoire, p. 187 ; idem, Saint-Beènigne de Dijon. Les cinq, pp. 18, 35. Le 1

er

novembre ramenait

la feête particulieé re du martyr en meême temps que la feê te geèneèrale de la Toussaint. (114) Pour l'histoire de la Toussaint voir supra, p. 69, et pour la date de l'eè tablissement de la feê te des morts voir infra, p. 199. (115) Chomton, (116)

Histoire, p. 184.

De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 470 ; Chomton, Histoire, pp. 430-31, 449-51.

(117) Chomton,

Histoire, pp. 190, 431.

(118) Ibid., pp. 191, 431. (119) Ibid., pp. 192, 431. (120) Heitz, û Lumieé res ý, p. 92 ; BNF, CB, t. 11, f. 86 ; Chomton, (121) Chomton,

Histoire, p. 193.

Histoire, pp. 433, 453.

(122) Ibid., p. 187.

9

191

chapitre 6

Outre Ad corpus sanctum, eètait chanteè le verset du reèpons û O cette odeur de sainteteè ý (O quis odor suauitatis): û O quel suave parfum remplit le lieu du martyre quand la sainte aême quitta son corps, et s'envola au ciel ý 123. Ainsi, pendant les feêtes de novembre, le point focal des processions eètait le tombeau de saint Beènigne. Le tombeau conserva une importance majeure apreés la construction de l'eèglise gothique et meême jusqu'aé la fin du xviie sieécle. En 1677, selon le chroniqueur mauriste, le jour d'anniversaire de son martyre le 3 novembre, le jour d'anniversaire de sa translation le 24 novembre, et le jour de la Toussaint, û son sacreè chef y fut porteè par un Preste [...] on fit la procession dans les deux aisles des deux Eglises [...]. On fit bruêler pendant tout le jour une Lampe dans le creux et un cierge sur son tombeau & on y celebra quelques Messes [...] le 2 jour de Novembre les Prestes de la Paroisse de St. Philibert [...] dirent matines de St. Beènigne dans la grande chapelle de l'ancienne Eglise [...] ý 124. Comparaisons avec Cluny

L'eèglise Sainte-Marie Aé Saint-Beènigne, la rotonde et sa chapelle fonctionnaient en tant qu'eèglise SainteMarie. Celle de Cluny eètait en revanche deètacheèe de l'eèglise principale et eètait situeèe aé l'est de la salle capitulaire. Ainsi, aé Saint-Beènigne, la rotonde instaurait une relation eètroite entre l'autel principal dans le chÝur des moines et l'autel de la Vierge dans la chapelle axiale, rapprochement qui facilitait le deèroulement des nombreuses processions dont ils constituaient les poêles. Puisque l'eèglise Sainte-Marie eètait rattacheèe au chÝur, il n'eètait pas neècessaire de passer par l'exteèrieur pour l'atteindre, aé la diffeèrence de Cluny. Cet eèleèment devait eêtre fort appreèciable les jours de mauvais temps et de nuit, comme souvent lors des processions apreés laudes ou veêpres. Enfin, selon Noreen Hunt, Ulrich signale que le grand nombre des membres de la communauteè clunisienne entra|ênait le ralentissement des pro125. De meme, la loncessions, ce qui diminuait les intervalles entre les services liturgiques ê e e gueur croissante de la psalmodie au cours des x et xi sieécles aurait reèduit le temps disponible pour les processions 126. La disposition adopteèe aé Dijon eètait donc incontestablement bien conc° ue et efficace. (123) Ibid. Selon le Cantus database (http://publish.uwo.ca/~cantus/), O quis odor suavitatis in loco efferbuit . (124) BNF, CB, t. 11, f. 552v-553r, 449v: Vers 1673, Toussaint est suêrement l'une des processions dont il est question dans le texte suivant: û un paravent [est fait] aé empeêcher les grands vents aé la porte neuve qui seèpare les deux Eè glises, le quel on a soin de retirer aux feêtes de premier ordre, autres jours auxquels se fait la procession pars dedans la vielle Eè glise, sans quoy on auroit de la peine aé passer deux aé deux quoy que les 2 portes fussent ouvertes ý. (125) Ulr, col. 688A; N. Hunt, Cluny under Saint Hugh 1049-1109 (London - Indiana, 1968), pp. 104-05. (126) Iogna-Prat, Agni immaculati, p. 335: û Ce n'est qu'aé partir de 990, et seulement aé Cluny, que l'on constate une forte augmentation de l'activiteè liturgique. [...] Alors qu'aé Cluny et ailleurs, au milieu du xe sieécle, on chante 140 psaumes en hiver, entre les anneèes 980 et 990 on en est pratiquement partout aé 170, mais en 1080, aé Cluny seulement, aé 215 ý. quando pretiosa anima corpus reliquit

192

9

les processions liturgiques dans le chevet En outre, l'existence aé Dijon d'une troisieéme chapelle deèdieèe aé saint Beno|êt et reèserveèe aux malades, eèvitait aé l'eèglise Sainte-Marie d'avoir, comme aé Cluny, aé remplir une double fonction

127

. Dans chaque abbaye, la chapelle des malades se trouvait aé l'est du clo|être,

entre la salle du chapitre et l'infirmerie, avec des entreè es depuis la salle capitulaire et vers l'infirmerie

128

. Lorsqu'il fait reèfeèrence aé la chapelle de l'infirmerie, le deuxieéme coutumier

a souvent substitueè, en copiant la source clunisienne, ecclesia Sancti Benedicti aé Sancta Maria. Par exemple, selon le second coutumier, pour les processions les mercredis et les vendredis apreés matines ou veêpres, lors des processions occasionnelles apreés tierce, pendant le careême et pendant la peèriode situeèe entre la feête de la Triniteè et la Toussaint, si, aé Cluny on se rend aé l'eèglise Sainte-Marie, aé Saint-Beènigne, on se dirige vers la chapelle Saint-Beno|êt

129

.

De plus, le Vendredi Saint, tandis que l'on proceèdait au nettoyage de l'eèglise et que la poussieére n'eètait pas encore retombeèe, tierce eètait chanteèe dans l'eèglise Sainte-Marie aé Cluny, et dans la chapelle Saint-Beno|êt aé Saint-Beènigne, l'une et l'autre eètant seèpareèes de l'eèglise

130

.

La premieére indication de l'eèglise Sainte-Marie aé Cluny (Oratorium sanctae Mariae) qui fut consacreèe en 1032 figure dans la partie du Liber tramitis reèdigeèe entre 1027 et 1045. Il y est fait usage de l'indicatif pour deècrire l'eèglise Sainte-Marie et les autres baêtiments deèjaé construits, mais du conditionnel pour ceux qui ne sont encore que projeteè s

131

. Les reèfeè-

rences aé un deèplacement aé Noe«l in alium chorum et pendant la feête de la Purification de la 1

Vierge ad oratorium sanctae Mariae dans les Consuetudines Antiquiores (B, B ) font supposer qu'il existait une eèglise mariale aé Cluny deés le

x

e

sieécle

132

. Ce second chÝur appara|êtra sous le

nom d'eèglise Sainte-Marie dans le coutumier d'Ulrich

133

. L'eèglise Sainte-Marie aé Cluny

qui semblent mentionner les Consuetudines Antiquiores ne devait pas eêtre plus grande que

(127) Supra, p. 40 n. 81. Le deuxieé me coutumier nous apprend qu'au

xi

e

sieécle, la chapelle des malades se

trouvait aé l'est du grand clo|ê tre, et qu'elle eè tait consacreèe aé saint Beno|êt. (128) Supra, pp. 39-40. (129) Heitz, û Lumieéres ý, p. 96, 100-01 ; BNF, CB, t. 11, f. 100 ; Kru« ger, Die romanischen, pp. 241, 245 ; Chomton, Histoire, p. 415. Le troisieé me coutumier mentionne seulement û

aé l'oratoire ý (ad oratorium) au cha-

pitre De Jejuniis Quatuor Temporum, semblable au chapitre eèquivalent dans Ulrich. (130) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 387 ; Bern, p. 316 ; Ulr, col. 661C. Cette information n'est pas donneè e dans le troisieéme coutumier. (131) LT, p. 205 ; Conant, Cluny, pp. 64, 74 ; Stratford û Les baê timents ý, p. 388. (132) Supra, p. 179 (Noe« l) ; p. 180 (la Purification de la Vierge) ; Voir aussi (De l'ordonnance de jour en hiver) p. 178 n. 29 et J. Leclercq, û Pour une histoire de la vie aé Cluny (suite) ý, Revue d'histoire eccleè siastique 57 (1962) : (783-812), p. 795 n. 4. é propos de la psalmodie qu'on a coutume de dire en plus des heures (133) Ulr, col. 647A : û Chapitre IV. A reègulieéres. Apreé s les veê pres reègulieéres et les psaumes qui sont dits par ceux qui sont prosterneè s, la procession se rend pour la seconde fois aé l'eèglise Sainte-Marie [...]. De meê me que les matines, on dit aussi les veê pres de tous les saints et pour les fideéles deèfunts. Apreé s le d|ê ner on revient aé l'eèglise avec le psaume 50 ý (Caput IV De psalmodia quae solet dici praeter horas regulares : Post vesperas regulares, et post psalmos qui dicuntur a prostratis, agitur iterum processio ad ecclesiam Sanctae Mariae [...]. Ut sicut matutini, aguntur etiam vesperae de Omnibus Sanctis, et pro fidelibus defunctis. Post coenam cum psalmo 50, in ecclesiam reditur [...]).

9

193

chapitre 6 celle de 1032, soit 6,5 m de large et 10 m de long ; tandis que celle dont la deè dicace eut lieu en 1085 avait 10 m de large et 40 m de long (fig. 31) Ce

ne

fut

probablement

qu'en

1085,

134

lorsque

.

l'eè glise

Sainte-Marie

de

Cluny

fut

agrandie et pourvue de trois absides, que la totaliteè des saints figurant sur la liste de Bernard furent placeès dans ses autels

135

. Une comparaison entre le nombre total des proces-

sions pour les saints correspondant aé ces autels aé Cluny avec celles faites aé Saint-Beènigne ne peut donc eêtre envisageèe qu'aé partir de cette date

136

. Selon la liste de Bernard, l'eèglise

Sainte-Marie de Cluny contenait trois autels avec soixante-neuf deè dicaces, tandis que la rotonde de Saint-Beènigne et ses annexes comptaient dix-huit autels avec cinquante et une deèdicaces

137

. On retrouvait aé Cluny les dix-huit deèdicaces du deuxieéme niveau de la

rotonde de Saint-Beènigne et ses annexes sauf trois, ainsi que quatorze des deè dicaces du premier et du troisieéme eètage de la rotonde. Bien que la similariteè des deèdicaces dans les deux eèglises mariales puisse, de toute eèvidence, eêtre en partie attribueèe aé leur fonction liturgique commune, ces deèdicaces nous renseignent eègalement sur le fait que ces deux eèglises accueillaient un nombre similaire de processions. Le chapitre 70 ( De

Ecclesia Sanctae Mariae) de

Bernard et le chapitre 50 du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne prescrivent, en effet, l'un et l'autre, des processions

ad sanctam Mariam aux laudes et aux veêpres lors de chaque

solenniteè aé douze lec°ons en l'honneur de l'un des saints du lieu

138

. Les plans architecturaux

de ces deux eèglises eètaient pourtant treés diffeèrents. Les saints eètaient masseès ensemble dans trois absidioles aé Cluny, alors qu'ils eètaient reèpartis sur trois niveaux diffeèrents aé SaintBeènigne. Par ailleurs, les processions de l'anneèe liturgique qui, d'apreés les coutumiers des

Consue-

tudines Antiquiores et le Liber tramitis, se rendaient aé l'eèglise Sainte-Marie de 1032 peuvent eêtre compareèes avec certitude aux processions eèquivalentes effectueèes aé Saint-Beènigne aé cette eèpoque. Il nous est donc possible de comparer les espaces dans les deux monasteé res au onzieéme sieécle. Comme deèjaé dit, aé Saint-Beènigne l'eèglise Sainte-Marie eètait plus directement lieèe avec le chÝur qu'aé Cluny II, et cette communication du chÝur et de l'eè glise mariale ont duê singulieérement faciliter la circulation des freéres lors des nombreuses processions vers l'autel de sainte Marie dans la chapelle axiale. é A Saint-Beènigne, la preèsence des deèambulatoires doubles concentriques autour du puits de lumieére central dans la rotonde devaient eègalement susciter des choreègraphies

(134)

LT, p. 205 ; Stratford, û Les baê timents ý, p. 388 ; Conant, Cluny, pp. 64 n. 15. Conant a suggeèreè que

cette chapelle de 1032, dite ancillaire, eètait peut-eê tre consacreèe aé Notre Dame de la Miseè ricorde, une deè votion qui remonte aé l'abbeè Odon aé Cluny. (135) Supra, p. 167. (136) Conant,

Cluny, pp. 57, 74. Si vers l'an mil, Cluny avait posseè deè une eèglise Sainte-Marie, ses deè dicaces

d'autel auraient probablement eè teè diffeèrentes de celles des eè glises posteè rieures. Dans le cas contraire, certaines deèdicaces, comme celle de sainte Marie, auraient eè teè reproduites dans l'eè glise de Cluny II. Toutefois, quelques-unes des deèdicaces d'autel de l'eè glise Sainte-Marie de 1085 reproduisent celles du chevet de Cluny III. Heitz, û Reè flexions ý, p. 89 soutient que dix vocables d'autel disposeè s dans les diffeè rents deèambulatoires de la rotonde figurent dans le chevet de Cluny III. (137) Supra, p. 167. (138) Supra, p. 176 ;

194

9

Bern, p. 262.

les processions liturgiques dans le chevet inteèressantes lors des processions, car ils permettaient aé quatre groupes distincts de moines d'approcher de l'eèglise Sainte-Marie (fig. 6, 8, 13). Les groupes utilisant le cercle inteè rieur parvenaient aé l'entreèe plus rapidement, ce qui pouvait se reè veèler particulieérement approprieè pour ceux qui portaient les objets processionnaux, tels l'eau beè nite, la croix, la Bible, les candeèlabres et les encensoirs. Le cercle inteè rieur aurait aussi pu eêtre utiliseè exclusivement pour l'approche des freéres vers la chapelle, tandis que le cercle exteè rieur aurait eèteè emprunteè pour la quitter, ou vice versa. Sur le plan de Plancher, l'espacement des colonnes de l'entreèe de la chapelle axiale creèe une ouverture centrale plus large que celles qui la jouxtent, ce qui aurait faciliteè l'entreèe de deux moines se dirigeant coête aé coête vers l'autel, tandis que la sortie se serait effectueè e un par un sur les coêteès. Chacun des deux deèambulatoires circulaires de la rotonde eètait neèanmoins assez large pour le passage de quatre moines marchant de front. En outre, aé Saint-Beènigne, le cadre architectural reliait visuellement le chÝur aé la chapelle mariale. Un scheèma, reèaliseè lors de sa deèmolition en 1792, montre la preèsence de colonnes rouges et vertes le long de son axe est-ouest au deuxieé me niveau. Des colonnes de granit rouge entouraient l'ouverture centrale de la rotonde, alors que les deux colonnes ouest du cercle inteèrieur eètaient en marbre d'Italie vert

139

. Dans le prolongement de celles-

ci, les colonnes centrales de l'heèmicycle eètaient en marbre d'Italie vert, mais flanqueèes de colonnes en pierre rouge. Au centre de cet heè micycle coloreè, le ma|être-autel eètait en pierre rouge veineèe

140

. Cette ligne est-ouest de couleurs rouge et verte se deè tachait sur le fond gris

et beige des colonnes des coêteès de la rotonde, en marbre breéche et en pierre de Dijon

141

.

Nous pouvons aujourd'hui reconstituer les effets de l'uniteè spatiale entre la chapelle SainteMarie et le chÝur en nous tenant dans la crypte actuelle qui reprend exactement le plan de l'eètage. En particulier, si l'on se place dans la chapelle axiale et que l'on regarde vers l'ouest, la vision axiale met l'accent avec insistance sur le tombeau de saint Beè nigne. é l'eètage, depuis la chapelle Sainte-Marie, on aurait eu la meê me vue vers l'ouest sur l'autel A principal de l'eèglise, et vice versa. Non seulement le chÝur eètait lieè horizontalement par son axe est-ouest aé la chapelle axiale, mais il eètait eègalement relieè verticalement aux eètages supeèrieur et infeèrieur de la rotonde par le biais du puits central de lumieé re. Au-dessus, le troisieéme eètage deèdieè aé la Triniteè s'ouvrait vers le chÝur de l'eèglise graêce aé une galerie aé arcades situeèe au-dessus de l'heèmicycle (fig. 1, 7, 8, 12, 13, 38). L'oculus, au-dessus du puits central, illuminait tous les niveaux aé des degreès diffeèrents, la clarteè eètant la plus grande au niveau le plus eèleveè, celui de

la

Triniteè.

Le

puits

de

Comme l'a noteè Chomton,

lumieére

unifiait

l'espace

visuellement,

et

acoustiquement.

ývu l'ordonnance du lieu, le chant prenait des sonoriteè s varieèes

et particulieérement eèmouvantes, suivant que la [...]

schola cantorum se tenait dans le chÝur

(139) Baudot, û Notes ý, f. 123v. (140) Ibid., f. 312v. (141) Schlink,

Saint-Beènigne, p. 49 n. 134, ne conna|ê t pas d'autre exemple au haut Moyen Aê ge d'une struc-

ture dont la continuiteè d'axe est aussi fortement affirmeè e par l'agencement de la construction en pierre.

9

195

chapitre 6

devant l'autel principal, ou aé Sainte Marie, ou devant le corps saint aé la crypte: d'en bas, montent les sons aé travers [...] la rotonde ý 142. Le positionnement de la rotonde, voulu par Guillaume, juste en face du chÝur, favorisait les prieéres priveèes et les messes priveèes. Comme aé Cluny, le moine, qui avait la permission d'abandonner l'office pour ceèleèbrer une messe priveèe, pouvait avoir besoin de quitter rapidement le chÝur 143. Le plus ancien coutumier de Saint-Beènigne signale deèjaé que ces prieéres priveèes avaient lieu dans un oratoire aé l'exteèrieur du chÝur et pouvaient donc se deèrouler en meême temps que d'autres prieéres occupant le chÝur principal 144. Aé SaintBeènigne comme aé Cluny, il eètait permis aux moines qui avaient rec° u l'ordre de ceèleèbrer des messes priveèes, de le faire apreés la tenue du Chapitre sans en demander l'autorisation, ou en la demandant aux autres moments de la matineèe 145. Selon Eè ric Palazzo, û dans un grand nombre de formulaires de messes votives, que l'on pouvait faire dire dans le cadre de messes priveèes aé caracteére peènitentiel, ou qui eètaient prononceèes dans des circonstances treés diverses et concreétes, on invoque presque toujours le pouvoir d'intercession des saints et, en premier lieu, celui de la Vierge. Dans ce contexte cultuel, on constate que l'autel de la Vierge est treés souvent celui146oué l'on ceèleébre ces messes votives, qu'il faut distinguer des messes conventuelles [...] ý . Compareèe au plan de Cluny II, l'eèglise Sainte-Marie aé Dijon eètait directement relieèe au chÝur par la rotonde, ce qui facilitait le deèroulement de ce type de messes. Si on les compare au plan de Cluny II, la rotonde et ses annexes aé Saint-Beènigne ont permis l'installation d'un plus grand nombre d'autels dont l'acceés eètait aiseè en raison de leur proximiteè du chÝur. Une telle faciliteè d'acceés eètait d'autant plus utile qu'un grand nombre de moines eètaient ordonneès preêtres et pouvaient avoir besoin de ceèleèbrer des messes priveèes. La charte de fondation de Fruttuaria promulgueèe par Guillaume, sur laquelle, durant preés de dix ans, entre 1016 et 1025, furent ajouteèes des signatures, comporte soixante-dix-huit moines de Saint-Beènigne dont trente-deux eètaient des preêtres (41%). Sur un total de trois cent et un moines provenant de sept monasteéres en France, 39% eètaient147 des preêtres, ce qui teèmoigne de la tendance de l'eèpoque aé ordonner davantage de moines . En outre, aé Saint-Beènigne, le plan de l'heèmicycle entre l'eèglise et la rotonde organisait l'espace de telle sorte que l'oculus puisse diriger vers le chÝur et son ma|être-autel une lumieére qui confeèrait une tonaliteè dramatique aé la ceèleèbration de la messe, si importante pour les clunisiens et pour Guillaume. Aé Saint-Beènigne l'autel majeur se trouvait dans (142) BMD, ms. 2709: Chomton, , notes, non pagineè. (143) ,col. 687C: û si quelqu'un veut prier en priveè, il se leéve [...] ý ( [...]). (144) , 7.2, p. 17. (145) , t. 4, liv. 2, col. 197; de Valous, , t. 1, p. 354; Chomton, , pp. 356-57; , pp. 143, 263. , p. xxii ; Schlink, , p. 115. (146) Palazzo, û Marie ý, p. 317. (147) H. Kaminsky, û Zur Gru« ndung von Fruttuaria durch den Abt Wilhelm von Dijon ý, 77 (1966): (238-67) pp. 256-67; Bulst, , pp. 223-36; idem, Guillaume, p. 25; Constable, , p. 93. Saint-Beènigne de Dijon : les cinq

Ulr

si quis voluerit secretius orare, surgit

CA

De antiquis

Bern

Le monachisme

LT

Histoire

Saint-Beènigne

Zeitschrift fu« r

Kirchengeschichte

The Reformation

196

9

Untersuchungen

les processions liturgiques dans le chevet l'heèmicycle et le chÝur des moines devait remplir le transept, comme on peut le veè rifier sur le plan, plus ancien, de Saint-Gall (fig. 1, 30). Le chÝur se deè veloppait aussi dans le sens est-ouest jusqu'aé l'entreèe occidentale de la crypte. Ce bras est-ouest du chÝur, comme son extension nord-sud (formant un transept continu de dimension et de hauteur eè gales aé celles du bras est-ouest), aurait eèteè eèclaireè par les nombreuses feneêtres mentionneèes par la chronique

148

. Le chÝur des moines eètait donc plus spacieux et mieux eèclaireè que celui de

Cluny II, avec son transept bas. Cette situation ne changea aé Cluny qu'aé la fin du

xi

e

sieécle. En 1088, aé Cluny III, le deèdoublement des collateèraux de la troisieéme abbatiale eut, comme l'a noteè Anne Baud, pour effet principal d'orienter la lumieé re vers le haut du vaisseau, le transept et l'abside ; l'eèclairage fut, de ce fait, focaliseè sur le chÝur monastique et le cÝur de l'eèdifice, c'est-aé-dire l'autel majeur, lieu du sacrifice eucharistique

149

é . A

Saint-Beènigne, ce but avait eèteè atteint presque un sieécle plus toêt. Lorsque la Triniteè eètait eèvoqueèe, pendant la ceèleèbration de la messe aé Saint-Beènigne, les moines, placeès dans le chÝur aé l'ouest du ma|être-autel, pouvaient lever les yeux vers les rayons de lumieére et regarder l'autel de la Triniteè situeè dans la galerie au-dessus de l'heèmicycle

150

è galement visible plus bas, sur le ma|être-autel, la lumieére qui illuminait l'autel de . E

la Triniteè, les unissait l'un et l'autre dans la gloire de la Triniteè

151

. De meême, quand les

versets introductifs du Te Deum louant la Triniteè eètaient chanteès dans le chÝur, les moines pouvaient de nouveau diriger leurs regards vers son autel. Nous savons que, quand les moines chantaient dans le chÝur de Cluny II le verset du Te Deum, û Toi qui, preés d'entreprendre la reèdemption de l'homme, n'a pas deèdaigneè le seèjour dans le ventre (uterum) de la vierge ý (Tu, ad liberandum suscepturus hominem, non horruisti Virginis uterum), l'abbeè Odilon, ami de Guillaume, se prosternait pour adorer le Verbe de Dieu s'incarnant dans le sein de la Vierge toute pure

152

. Rappelons que l'unique procession ad sanctam Mariam mentionneèe

dans le premier coutumier de Saint-Beènigne avait lieu aé Noe«l, apreés que l'on ait chanteè le Te Deum

153

. Or, au moment oué les vers du Te Deum relatifs aé la Vierge eètaient chanteès aé

Noe«l dans le chÝur de Saint-Beènigne pour ceèleèbrer le mysteére de l'Incarnation, les moines faisaient face aé leur remarquable eèglise de sainte Marie, meére de Dieu, et apreés l'exeègeése è vangiles, ils s'avanc°aient aé travers la rotonde vers son autel des E

(148) Annexe II, pp. 294-95, ligne 150 ; Martindale,

154

.

ýRomanesque ý, p. 50, ligne 150.

(149) D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure : Cluny et la socieè teè chreètienne face aé l'heèreèsie, au juda|ësme et aé l'islam 10001150 (Paris, 1998), p. 183 ; Baud, û Le chantier ý, pp. 12-16. (150) Infra, pp. 249 et 282. (151) En outre, la sainte Triniteè , Marie toujours vierge et saint Jean-Baptiste sont invoqueè s dans la prieére avant l'offrande du pain et du vin pendant la messe ; leurs autels eè taient situeè s sur les trois niveaux de la rotonde aé l'est du ma|ê tre-autel, et ces niveaux eè taient reèunis par la lumieé re provenant du puits central. (152) Pierre Damien, Vita Sancti Odilonis Abbatis cluniacensis et Confessoris Ordinis Sancti Benedicti, PL 144 : é Cluny, Congreés scientifique, (925A-944C) col. 930B ; P. Cousins, û Deè votion mariale des abbeè s de Cluny ý, dans A feêtes et ceèreèmonies liturgiques en l'honneur des Saints Abbeè s Odon et Odilon, (9-11 juillet 1949. Travaux du congreé s) (Dijon, 1950), (pp. 210-19) p. 213. (153) CA, 7.2, pp. 29-30 ; Brady, û Critical Edition ý, pp. 9-10. (154) CA, 7.2, p. 30 ; LT., p. 20 ; Bern, p. 289 ; Ulr, col. 692D. Le coutumier de Bernard est le seul qui indique que l'on chantait le Te Deum avant la procession de Noe« l aé Cluny.

9

197

chapitre 6 De fait, la disposition des autels dans la rotonde º les martyrs dans la crypte, la Vierge et les apoêtres au deuxieéme niveau et saint Michel au troisieéme niveau de la chapelle orientale º correspond aux saints glorifiant Dieu eèvoqueès dans ce chant de louanges. Ils devenaient preèsents aé travers leurs autels tandis que les moines chantaient : û La glorieuse troupe des Apoêtres Te louent, la noble armeèe des Martyrs Te louent, vers Toi tous les anges crient aé haute voix ý

155

. On pensait, en l'an mil, que les autels et les reliquaires ren-

daient les saints preèsents, comme l'indique le transport des reliquaires des monasteé res voisins aé un synode aé Rodez

156

. Les autels des saints aé Saint-Beènigne reliaient les moines aé la

socieèteè de la lumieére eèternelle, aé laquelle eètaient compareès les cieux dans une leègende clunisienne contemporaine

157

. Le rituel de l'eèglise pouvait donner aux moines le sentiment

qu'eux-meêmes baignaient dans la lumieére eèternelle des cieux. é Saint-Beènigne, la possibiliteè d'un acceés visuel depuis chaque eètage aé travers les diffeèA rents niveaux de la rotonde, permettait de contempler, d'oué qu'on se place, la lumieére de la vie eèternelle venant d'en haut. De plus, lors de toutes les processions, depuis n'importe quel point dans l'eèglise, les regards pouvaient capter la vive lumieére du troisieéme niveau, ample et aeèreè, de la rotonde, eèvoquant la lumieére et l'espace de l'au-delaé.

La liturgie funeèraire é Dijon, la deèdicace de la rotonde aé tous les saints correspondait aé son utilisation lors A des processions biquotidiennes qui se rendaient aé l'eèglise Sainte-Marie pour la commeèmoration des morts et celle de tous les saints. Mais la rotonde ne servait pas lors des obseé ques d'un moine deèfunt, contrairement aé l'eèglise Sainte-Marie aé Cluny. Toutefois, il n'est pas exclu que le niveau supeèrieur de sa chapelle axiale ait eèteè, comme la galileèe de Cluny II, le lieu de la ceèleèbration des trente messes dites durant les trente jours qui suivaient son deè ceés.

Les rites pour les moines deèceèdeès Alors qu'aé Cluny, les processions aé la mort d'un moine se deèroulaient autour de l'eèglise Sainte-Marie,



Saint-Beènigne,

elles

s'effectuaient

autour

de

la

chapelle

situeèe entre la salle capitulaire et le clo|être de l'infirmerie (fig. 26, 31)

158

Saint-Beno|ê t,

. Apreés la mort du

moine, la communauteè effectuait une procession, qui apreés avoir traverseè la chapelle SaintBeno|êt, se dirigeait vers le clo|être de l'infirmerie pour ceèleèbrer l'office pour le deèfunt. Selon les deuxieéme et troisieéme coutumiers de Saint-Beènigne, û [...] En passant par l'eèglise Saint Beno|êt, [...] on se rend au clo|être de l'infirmerie oué on dira l'office pour les deèfunts [...] Alors ces freéres qui doivent laver le corps le prennent et le portent dans un petite salle assigneèe aé cette fin [...]. Apres qu'on l'a deèposeè sur une civieére, il est couvert d'un linceul, puis

The Mass, t. 1, p. 350 ; K. Young, The Drama of the Medieval Church, t. 1 (Oxford, 1933) CAO, 5124. Fichtenau, Lebensordnungen, t. 2, p. 405. B. H. Rosenwein, û Cluniac Liturgy as Ritual Aggression ý, Viator 2 (1971) : (129-57) p. 143. cite

(155) Jungmann, pp. 62-63 ; (156) (157)

cette leègende concernant le ciel et Odilon. (158)

198

9

Bern, pp. 194-98, 232-33 ; LT, pp. 273-77 ; Chomton, Histoire, p. 359.

les processions liturgiques dans le chevet il est porteè jusqu'aé une porte devant la communauteè [...]. La procession se met en branle [...] jusqu'aé ce qu'il soit ameneè dans l'eèglise Saint-Beno|êt ý

159

. Le meême rituel prenait

é Dijon, la procession plac°ait le corps devant l'autel de saint Beno|êt, avant place aé Cluny. A qu'il ne soit transporteè dans la grande eèglise et placeè aé coêteè du ma|être-autel, oué il demeurait jusqu'aé ce qu'on l'emporte vers la tombe, geèneèralement le jour meême. Apreés la messe du matin chanteèe en l'honneur du moine deèfunt, le diacre encensait le ma|être-autel et la deèpouille avant qu'elle ne soit transporteè e au cimetieére pour l'ensevelissement. Par contre, comme on pouvait s'y attendre, c'est preés de l'autel de la Sainte-Croix aé Saint-Beènigne, comme aé Cluny, qu'un deèfunt la|ëc eètait encenseè

160

.

La commeèmoration des morts Dans les monasteéres beèneèdictins, les deèfunts de la communauteè eètaient commeèmoreès apreés matines et veêpres deés le

ix

e

sieécle

161

é Saint-Beènigne, comme aé Cluny, cette commeè. A

moration se deèroulait dans l'eèglise Sainte-Marie apreés celle de tous les saints

162

. De sur-

cro|êt, aé Cluny comme aé Saint-Beènigne, une procession avait lieu dans l'eè glise Sainte-Marie apreés les veêpres du chÝur pour la commeèmoration annuelle des abbeès, moines et bienfaiteurs deèfunts mais morts

ils 164

163

. Non seulement les moines reècitaient l'office des morts deux fois par jour,

ceèleèbraient

presque

quotidiennement

la

messe

matutinale



l'intention

des

.

Le 2 novembre 2

Le premier coutumier de Saint-Beènigne, Consuetudines Antiquiores (B ), contemporain de Guillaume (À 1031), ne contient aucune information concernant la commeè moration solen-

(159) De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 734-40 ; Chomton, Histoire, p. 359 : [...] viam per ecclesiam Sancti Benedicti [...] venit in claustro infirmariae et implent ibi officium defunctorum [...]. Tunc ipsi fratres qui lavaturi sunt corpus ipsum accipiunt et portant in atriolum huic officio deputatum [...] positoque eo in feretro desuper coopertorio operitur, et portatur usque ad ostium contra conventum [...] procedit processio [...] donec inducatur in ecclesiam beati Benedicti. (160) Infra, p. 223. (161) F. Paxton, Christianizing Death : The Creation of a Ritual Process in Early Medieval Europe (Ithaca-London, 1990), pp. 135-36 ; de Valous, Le monachisme, t. 1, pp. 336, 353. (162) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 95, 99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99v ; Chomton, Histoire, p. 439 ; de Valous, Le monachisme, t. 1, p. 336 ; De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 805 ; LT, pp. 28 n. 24, 31, 34 n. 22. Par exemple, dans le Liber tramitis, il est dit que les matines de tous les saints et souvent les psaumes pour les deè funts sont chanteè s aé laudes dans l'eè glise Notre-Dame. Celle-ci est parfois appeleè e alium chorum. Voir supra, p. 179. (163) De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 776, lib. 3, col. 470 ; Bern, p. 199 ; Chomton, Histoire, p. 361. (164) K. M. Sazama, û Le roê le de la tribune de Veèzelay aé travers son iconographie : Reè flexions sur deux chapiteaux de la tribune et leur rapport avec la fonction commeè morative des chapelles hautes deè dieèes aé saint è glise entre le Michel ý, dans Avant-nefs et espaces d'accueil dans l'E

iv

e

et le

xii

e

sieécle, eèd. C. Sapin, Actes du colloque

international d'Auxerre, 1999, (Auxerre, 2002), (pp. 440-49) pp. 447-48 ; de Valous, Le monachisme, t. 1, p. 353 ; Ulr, col. 647-48 ; De antiquis, t. 4, liv. 2, col. 194 note, qu'aé propos de cette pratique, le contenu du deuxieé me coutumier de Saint-Beè nigne est identique au texte d'Ulrich ; Bern, pp. 229-30 speè cifie que la commeèmoration des morts n'avait jamais lieu aé l'autel majeur, mais aé l'un des trois autres autels, non preè ciseès, destineès aé cet usage.

9

199

chapitre 6 nelle de tous les deèfunts le 2 novembre, le lendemain de la Toussaint

165

. Cette commeèm-

oration fut institueèe aé Cluny, sous l'abbatiat d'Odilon (994-1049) ; la date exacte oué elle fut institueée n'est pas connue

166

. La feête eètablie par Odilon, qui vint s'ajouter ou se substi-

tuer un peu partout aux commeèmorations collectives des deèfunts deèjaé existantes, tira sa justification de l'articulation qu'elle eètablit entre la feête des saints et celle des morts

167

.

Comme nous l'avons deèjaé mentionneè plus haut, aé Dijon, la Toussaint tombait le jour de l'anniversaire de la passion de saint Beènigne, aussi celle-ci eètait ceèleèbreèe le 2 novembre. L'eètablissement de la feête des morts ne modifia en rien cette pratique ; pour laisser libre place aé l'anniversaire de saint Beènigne, elle fut fixeèe au surlendemain de la Toussaint, le 3 novembre

168

.

La liturgie du 2 novembre consistait, aé Cluny, en la reècitation de l'office des morts, la veille et lors des matines, et en une messe, le jour de la feê te, pour tous les deèfunts

169

. La

commeèmoration de tous les morts eètait en outre accompagneèe d'aumoênes et de distributions de vivres aux pauvres

170

. Odilon institua non seulement la commeèmoration de tous

les deèfunts le 2 novembre, mais eègalement la multiplication des messes pour les morts. Pour chaque moine deèceèdeè aé Cluny ou dans un autre eètablissement clunisien, trente messes eètaient dites durant les trente jours qui suivaient son deè ceés. Chaque anneèe, le jour de sa mort, une messe anniversaire eètait ceèleèbreèe en son honneur et un pauvre entretenu aé sa place

171

. Selon Kristina Kru«ger, û pour ne pas deèranger les heures canoniques et bouleverser

le rythme quotidien, ces messes devaient se deè rouler loin du chÝur des moines ý

172

. Elle

suggeére donc que les messes pour les morts eètaient chanteèes aé l'autel situeè aé l'eètage d'une

(165) Brady, û Critical Edition ý, p. 7 n. 14. Nous savons que l'abbeè Guillaume institua un û statut ý pour le chapitre, prescrivant, entre autres, que les noms des deè funts devaient eê tre lus tous les jours dans le chapitre. Cette coutume, pour une raison ou une autre, s'est eè teinte. L'obituaire de Saint-Germain-des-Preè s renferme le seul texte connu du statut de Guillaume. (166) Ulr, col. 663-4. Concernant la date, voir LT, pp. 186-87 ; M. Lauwers, La meèmoire des anceêtres, le souci ê ge (Dioceése de Lieége, des morts. Morts, rites et socieè teès au Moyen A

xi -xiii e

e

sieécle) (Paris, 1997) p. 141. Sigebert de

Gembloux rend compte dans sa chronique de l'institution de la feê te de tous les deèfunts par Odilon º qu'il date de 998 º et note que ce rite a eè teè adopteè par beaucoup d'eè glises, qui ont aé leur tour solenniseè la commeè moration des deè funts. De Valous, Le monachisme, t. 1, p. 364. Selon Sackur, elle n'aurait pas eè teè introduite par Odilon en 998, mais, plus tard, au cours des trente premieé res anneèes du

xi

e

sieécle. Le 1

er

novembre, les veê pres

de tous les saints eètaient chanteè es pour les morts, le jour suivant, le 2, on ceè leèbrait aé Cluny la feê te de saint Ceèsaire et d'autres saints avec douze lec° ons, mais l'office et la messe matutinale eè taient ceèleèbreès en grande pompe pour les morts, en l'honneur de qui de la viande et du pain eè tait servis aé douze pauvres. Voir aussi U. Longo, û Riti e agiografia : L'istituzione della commemoratio omnium fidelium defunctorum nelle Vitae di Odilone di Cluny ý, Bullettino dell'Istituto storico italiano per il Medio Evo e archivio muratoriano 103 (2002) : (163-200) pp. 164, 167, 170, 172-173, 193, 200. (167) Lauwers, La meèmoire, pp. 144-45. (168) Chomton, Histoire, p. 187. (169) Lauwers, La meèmoire, p. 143. (170) Ibid. (171) K. Kru« ger, û Tournus et la fonction des galileè es en Bourgogne ý, dans Avant-nefs et espaces d'accueil è glise entre le dans l'E

iv

e

et

xii

e

sieécle, eèd. C. Sapin, Actes du colloque international d'Auxerre, 1999, Auxerre,

2002, (pp. 414-23)p. 422 ; LT, pp. 276-77, 282-83 ; Ulr, col. 775 ; Bern, p. 354 ; De antiquis, t. 4. liv. 3, col. 470 et liv. 5, col. 783 ; Chomton, Histoire, pp. 361-62. (172) Kru«ger, û Tournus ý, p. 422.

200

9

les processions liturgiques dans le chevet construction occidentale. û Six preêtres sont chargeès du trentain de messes. Chacun doit annoncer au chapitre l'acheévement de sa taêche, c'est-aé-dire des cinq messes qu'il est tenu de ceèleèbrer, afin que le suivant puisse lui succeè der. Cette prescription n'est utile que si toutes les messes sont ceèleèbreèes au meême autel, dont la disponibiliteè doit toujours eêtre signaleèe ý

173

. Bien qu'aucun emplacement ne soit preè ciseè dans les divers coutumiers, il est

probable qu'aé Cluny, comme aé Saint-Philibert de Tournus, cette fonction eètait deèvolue aé la partie supeèrieure du narthex et c'est dans ce but que la galileè e de Cluny aurait eèteè construite autour de 1010. Ce type de galileèe n'existait pas dans l'eèglise Saint-Beènigne du deèbut du

xi

e

sieécle. Le

plan de Guillaume a pu preèceèder l'institution de cette coutume, auquel cas une structure preèexistante aurait eèteè adapteèe aé ce nouveau besoin. Ce trentain de messes pour les morts a peut-eêtre eèteè ceèleèbreè dans la chapelle axiale du troisieéme eètage oué se trouvait l'autel de saint Michel (fig. 7). En effet, contrairement aux eè tages infeèrieurs, ce niveau supeèrieur eètait seèpareè de la rotonde. Cette chapelle eètait donc la seule aé eêtre seèpareèe de l'eèglise. Elle se caracteèrisait par sa sobrieèteè, comme en teèmoignent la coupe longitudinale et un dessin exeècuteès pour Plancher (fig. 8, 11). Depuis le

vii

e

sieécle, dans de nombreux monasteéres, les chapelles hautes offraient un

endroit particulieérement propice aé la reècitation des prieéres et aé la ceèleèbration des multiples messes, ainsi qu'aé la commeèmoration quotidienne des morts. Il appara|êt leègitime de supposer qu'elles aient eègalement servi pour la commeèmoration des morts lors de leur feête annuelle le 2 novembre

174

é Saint-Beènigne, la chapelle Saint-Michel eètait l'endroit aé la . A

fois le plus isoleè et le plus haut dans l'eèglise. Ainsi, de par sa deèdicace, mais aussi du fait de ce retrait par rapport au reste de l'eèdifice, elle eètait particulieérement approprieèe aé la ceèleèbration de cette commeèmoration. Selon la chronique, û De laé (du troisieéme eètage de la rotonde), on peut monter au sommet par quatre escaliers construits de part et d'autre. Deux

d'entre

eux,

placeès

de

fac°on

identique,

permettent

d'atteindre

l'oratoire

Saint-

Michel en montant quinze marches. [L'oratoire], d'une facture treé s simple, a trente-trois coudeèes (16 m) de long, dix (4,9 m) de haut ; il a sept feneê tres ý

175

. Sur le plan du troi-

sieéme eètage reèaliseè pour Plancher, ces escaliers, qui flanquaient l'autel de saint Paul, sont dissimuleès entre le mur est de la rotonde et le mur ouest de la chapelle. Au û deux escaliers sont chacun de quinze degrez ý

176

xviii

e

sieécle, les

. La hauteur de la chapelle sur sa coupe

longitudinale est de 8 m, avec une abside d'aé peine cinq meétres de hauteur, ce qui correspond aux 10 coudeèes (4,9 m) de hauteur de la chapelle mentionneè e dans la chronique, Plancher en conclut aé juste titre que la chapelle a eèteè sureèleveèe ulteèrieurement

177

.

(173) Ibid. (174) Sazama, û Le roê le ý, p. 448 n. 56. (175) Annexe I, p. 291, lignes 83-86 ; Martindale, û Romanesque ý, 49, lignes 83-86. (176) Plancher,

Histoire

, p. 491.

(177) Ibid. Plancher indique, de manieé re significative dans son texte et son dessin (fig. 11), la preè sence, sauf pour la vouê te au dessus de l'autel, d'un plafond en bois couvrant la chapelle : û la Chapelle de S. Michel [...] elle est sans aucun ornement et sans autre vouê te qu'une espeé ce de coquille sous laquelle eè tait placeè l'Autel. Cette vouête ou coquille a 14 pieds (4,5 m) de haut et autant de large, elle peut avoir 10 aé 11 pieds de profon-

9

201

chapitre 6 Le fait que la chapelle Saint-Michel soit annexeè e aé la rotonde dont la deèdicace reprenait celle du Pantheèon au

vii

e

sieécle constitue une indication suppleèmentaire en faveur de

son adaptation aé la ceèleèbration des messes pour les morts. En effet, vers l'an mil, les Mirabilia Urbis associait tous les deèfunts aé tous les saints qui eètaient honoreès avec Marie au Pantheèon, ce qui, pour Iogna-Prat, releéve d'une perspective similaire aé celle qui preèsida aé l'introduction par Odilon de la commeèmoration de tous les deèfunts et de toutes les aêmes le 2 novembre

178

.

L'emplacement

de

la

chapelle

Saint-Michel



Dijon,



l'apex

d'une

rotonde deèdieèe aé tous les saints, tendait peut-eêtre aé souligner sa signification, celle d'un lieu voueè aé la commeèmoration de toutes les aêmes. Cette juxtaposition confeére aé la chapelle Saint-Michel, en tant que lieu de commeè moration des morts, des significations distinctes de celles susciteèes par la position isoleèe de cette chapelle aé l'ouest de l'eèglise dans les monasteéres clunisiens. Peut-eêtre Guillaume l'a t-il conc°ue deés le deèbut comme un espace deèvolu aé la

commeèmoration

de

la

mort ?

Il

ne

pouvait

ignorer

les

pratiques

commeè moratives

contemporaines, en association avec le Pantheè on, dont teèmoigne les Mirabilia Urbis. En outre, si cette hypotheése a quelque valeur, le plan de Guillaume creèerait des associations liturgiques qui n'existaient pas aé Cluny.

Conclusion

L'eèglise Sainte-Marie eètait plus intimement lieèe avec le chÝur aé Saint-Beènigne qu'aé Cluny II. Le chÝur eètait rattacheè aé la chapelle mariale graêce aux deèambulatoires concentriques qui encerclaient le puits de lumieére central de la rotonde et dirigeaient la circulation des moines lors des nombreuses processions vers l'autel de sainte Marie dans la chapelle axiale. En tant qu'eèglise de la Vierge, la rotonde conserva toute son importance jusqu'aé sa destruction en 1792

179

. La liaison entre ses diffeèrents eètages effectueèe par le biais

du puits central de lumieére unifiait l'espace, non seulement visuellement, mais aussi acoustiquement. Depuis chaque eètage, le regard pouvait acceèder aé la lumieére de l'oculus. En outre, l'organisation de l'espace induite par la galerie aé arcades situeèe au-dessus de l'heèmicycle entre l'eèglise et la rotonde entra|ênait, par le flux de lumieére dirigeè depuis l'oculus vers le chÝur et son ma|être-autel, une dramatisation de la ceèleèbration de la messe. La liturgie caracteèrisait la spiritualiteè clunisienne et lui confeèrait un avant-gouêt de la liturgie ceèleste. Comme ceux de Cluny, les moines de Saint-Beè nigne croyaient que par la liturgie, ils s'unissaient aux saints dans l'antichambre des cieux. Toutefois, aé Dijon, les

deur ; sous cette coquille eè toit un Autel poseè sur une seule petite colomne de pierre : derrieé re et aé coêteè de cet Autel il y avait trois feneêtres [...] ý. Voir aussi Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, pp. 163-64. (178) D. Iogna-Prat, û Les morts dans la compatibiliteè ceèleste des moines clunisiens autour de l'an Mil ý, dans Religion et culture autour de l'an mil : Royaume capeè tien et Lotharingie, actes du colloque Hugues Capet 9871987, la France de l'an mil, eè d. D. Iogna-Prat and J.-C. Picard (Paris, 1990), (pp. 55-69) p. 58 ; cet article a eèteè traduit en anglais : idem, ýThe Dead in Cluny's Celestial Bookkeeping ý, Debating the Middle Ages : Issues and Readings, eèd. L. K. Little and B. H. Rosenwein (Oxford, 1998) (pp. 340-63) p. 345. (179) BNF, CB, t. 11, f. 508v, 509v-510v pour les donneè es des Mauristes sur les miracles de la Vierge dans les chapelles de la rotonde.

202

9

les processions liturgiques dans le chevet autels des saints dans la rotonde et ses annexes reliaient les moines aé leur socieèteè eèternelle selon une disposition singulieére, d'une eèlaboration inusiteèe et sous une lumieére exceptionnelle, qui fournissait aé la liturgie un cadre qui facilitait l'union spirituelle avec les saints. Avec la construction du chÝur de Cluny III (1088) fut creè eè un espace liturgique particulieérement impressionnant. Neèanmoins, la nouvelle eèglise mariale clunisienne de 1085, bien que plus grande, s'inspirait du son plan ancien de 1032 et n'offrait pas les meê mes possibiliteès de choreègraphie liturgique et de transcendance que la rotonde de l'an mil de SaintBeènigne.

9

203

7 LES PROCESSIONS LITURGIQUES DANS L'ESPACE OCCIDENTAL L

es dimensions de l'espace occidental entre la crypte et la contre-abside fouilleèes aé Saint-Beènigne en 1978 sont similaires aé celles de la galileèe de Cluny II, mais leurs

emplois diffeèraient comme il sera deèmontreè dans ce chapitre (fig. 1, 3, 31). Le rapport que l'abside occidentale de Dijon entretenait avec le plan du transept continu et celui de son heèmicycle simple qu'elle eèquilibrait laisse supposer que l'abside occidentale de Dijon a eè teè conc°ue en 1001. Le plan de Dijon preèceèdait donc probablement la galileèe de Cluny II, 1

construite vers 1010 . Deés lors que le plan de Saint-Beènigne comportait une abside occidentale, les processions aé l'ouest de l'eèglise se deèroulaient dans un espace treés diffeèrent de celui de Cluny, bien que le terme galilea, copieè sur les sources clunisiennes, soit utiliseè dans é les coutumiers de Saint-Beènigne. A titre d'exemple, le deuxieéme coutumier signale un espace d'entreèe dans l'eèglise pour les processions effectueèes aé l'occasion d'un malheur (tribu2

latio), espace qu'il nomme galilea . Kristina Kru«ger a montreè qu'il s'agissait d'une reprise 3

mot pour mot du coutumier de Bernard . Enfin, le texte de Bernard et les deuxieéme et troisieéme coutumiers de Saint-Beènigne, font parfois reèfeèrence aé un vestibule (vestibulum), 4

autre nom donneè aé la galileèe . Il existait donc aé Cluny II un espace seèpareè, distinct de la nef, que Bernard nomme soit galilea, soit vestibulum. Il semble qu'aé Saint-Beènigne, une distinction architecturale aussi nette n'ait pas existeè, meême apreés la construction du û narthex ý au xii

e

sieécle. En effet, le

troisieéme coutumier, dans un passage consacreè aé la description des devoirs de la semaine qui incombent au preêtre, a corrigeè sa source pour preèciser que la quatrieéme station de la procession dominicale devait eêtre effectueèe par le preêtre la quatrieéme devrait se tenir avec ce meê me preêtre dans le vestibule de l'eè glise s'il y en a un laé , [...] mais puisqu'il n'y en a pas, la station est faite dans la nef de ladite eè glise. Le preêtre luimeême

fait

la

cinquieé me

[station]

avec

la

communauteè

devant

la

Croix

[...].

Il

fait

la

(1) Sapin, La Bourgogne, p. 68 ; idem, û Cluny II ý, p. 89. (2) Infra, p. 223 ; BNF, CB, t. 11, f. 100v ; Heitz, û Lumieé res ý, pp. 97 et 102. (3) Kru« ger, Die romanischen, p. 241 ; Bern, pp. 216-17. (4) Les termes utiliseès pour cet espace occidental varient selon les coutumiers : le terme le plus communeè ment utiliseè est vestibulum. Pour la documentation sur ces termes, voir C. Marino Malone, û Saint-Beè nigne de è glise entre le Dijon : L'espace occidental et la contre-abside de l'an mil ý, dans Avant-nefs et espaces d'accueil dans l'E

iv

e

et xii

e

sieécle, eèd. C. Sapin, Actes du colloque international d'Auxerre, 1999 (Paris, 2002), (pp. 424-40)

pp. 427-34, fig. 12.

9

205

chapitre 7 sixieéme avec la communauteè aé [l'autel de] Saint-Beè nigne [...]. Il encensera l'autel et le tom5

beau de celui-ci .

Ainsi, l'espace occidental eètait plus qu'une simple voie d'acceés aé l'eèglise et aux reliques de la crypte. Il eètait aussi utiliseè comme une nef abritant l'autel de la Sainte-Croix ; il constituait un eèleèment important de la liturgie monastique, particulieé rement aé Paêques, comme nous le verrons, et eètait le lieu des rites pour les fideéles (fig. 1, 3). Il servait donc de galileèe ainsi que de nef. Bien qu'elle fut de dimensions similaires, la galileè e aé Cluny eètait en revanche un espace distinct de la nef et eètait avant tout utiliseèe comme entreèe pour des pro6

cessions ; l'autel de la Sainte-Croix se trouvait plus aé l'est, dans la nef . Ainsi le teèmoignage exceptionnellement preècis du troisieéme coutumier, corrigeant sa source clunisienne, nous aide aé comprendre l'utilisation de l'extreèmiteè occidentale de Saint-Beènigne.

Les feêtes pascales

L'autel de la Sainte-Croix ayant eèteè localiseè dans l'espace occidental, les coutumiers 7

permettent d'extrapoler l'usage liturgique de ce lieu . Bien que visiteèe durant la peèriode de Paêques, la rotonde ne constituait pas aé cette eèpoque de l'anneèe le but des processions, mais plutoêt l'autel de la Sainte-Croix. Celui-ci eè tait eègalement le point focal de la procession dominicale, quoique celle-ci incluait une station aé l'eèglise Sainte-Marie, comme aé 8

Cluny .

La Feête des rameaux Pourtant, au commencement de la procession des rameaux, ce n'eè tait pas cet espace 1

occidental qui eètait mis aé l'honneur. Les Consuetudines Antiquiores (B, B ) disent qu'aé Cluny û apreés tierce le preêtre doit aller preés de l'autel et donner laé la beèneèdiction sur les rameaux de palmes. [...] Le sacristain doit alors preè senter dans le chÝur les palmes aé tous les freéres 9

2

et aussi aux enfants ý . Bien que le texte du premier coutumier de Saint-Beè nigne (B ) qui deècrit la procession apreés tierce du dimanche des Rameaux ne fasse pas reè feèrence aé l'en-

(5) Chomton, Histoire, pp. 100-01, 363-64 : Quarta simul cum ipso sacerdote deberet agi in vestibulo ecclesiae si adesset ibi [...] sed quia vestibulum deest [...] statio vero in navi ejusdem ecclesiae agitur. Quintam facit ipse sacerdos cum conventu ante Crucem [...] sextam facit idem simulque conventus ad Sanctum Benignum [...] incensat ipsius aram simulque sepulchrum. (6) LT, p. 89. (7) Supra, p. 158. (8) Kru« ger, û Tournus ý, p. 420 ; Chomton, Histoire, pp. 437-48 ; de Valous, Le monachisme, t. 1, pp. 340-42 baseè sur Bernard, pp. 235-36 ; Ulr, col. 654A-B ; De antiquis, t. 4, liv. 2, col. 132-35, 140. On se souvient que le chapitre 50 du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne, De processionibus quae fiunt post matutinum vel vesperas, indique que l'espace occidental eètait le site des processions aux laudes et apreé s veêpres tous les jours de l'octave pascal et eè galement de l'octave de la Pentecoê te, et que tous les dimanches de l'anneè e la procession se rendait aé è piphanie, l'autel de la Sainte-Croix, excepteè du premier dimanche de l'Avent au lendemain de l'octave de l'E et du dimanche preè ceèdant la Passion jusqu'aé Paêques. Voir supra, p. 176 n. 24. (9) CA, 7.2, p. 63 : Post Tercia uero debet sacerdos ire iusta altare hac donet benedictionem super ramos palmarum. [...] Custos uero debet proferre palmas ad omnes fratres in chorum etiam ad infantes.

206

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

droit de la beèneèdiction des rameaux, le contexte laisse entendre que la procession s'eè tait deèplaceèe du chÝur, oué tierce avait eèteè ceèleèbreèe, vers un autre endroit : è vangile]. Puis viendront les convers et Apreés tierce un enfant viendra et recevra le texte [de l'E les enfants : ils recevront des candeè labres, des croix, un encensoir et de l'eau beè nite [...] et lorsqu'ils seront arriveè s aé l'endroit oué les palmes doivent eê tre beènies, ils font une prieé re [...]. Ensuite [le preê tre doit] asperger les palmes d'eau beè nite et les encenser. Le sacristain doit alors preèsenter les palmes aux freé res. D'autre part, aé l'avant des moines, les la|ë cs doivent porter les bannieéres magnifiques. [...] Lorsqu'ils auront pris les fleurs, le chantre entonnera l'antienne Pueri Ebraeorum

10

.

Dans le troisieéme coutumier, le lieu de la distribution est preèciseè : cette meême antienne est chanteèe en alternance (alternatim) pendant qu'on distribue les rameaux dans la rotonde Sainte-Marie, apreés tierce

11

. Cela eètait probablement deèjaé l'endroit de beèneèdiction et dis-

tribution des rameaux en l'an mil. 1

De meême, les Consuetudines Antiquiores (B, B ) disent qu'aé Cluny û les la|ëcs doivent porter les gonfanons devant les moines. [...] Lorsque [les moines] auront pris les fleurs, le chantre entonnera l'antienne Pueri Ebraeorum ý fanions (fanones), ces la|ëcs (B serviteurs des moines

13

1

12

. Puisqu'ils portent des bannieéres ou des

2

et B ) sont sans doute de rang infeèrieur ; peut-eêtre s'agit-il des

é Cluny, la procession part du chÝur et elle est deècrite aussitoêt ? A

apreés la reèfeèrence aux û la|ëcs ý. On se souvient que dans le premier coutumier de Saint2

Beènigne (B ), la formation de la procession eètait deècrite tout de suite apreés la reèfeèrence aé tierce, et le texte laisse entendre que la procession se deè plac°ait du chÝur vers un autre endroit (c'est-aé-dire la rotonde Sainte-Marie). Toutefois, apreé s la consigne û lorsqu'ils auront pris les fleurs, le chantre entonnera l'antienne Pueri Ebraeorum ý, les instructions sont similaires dans tous ces coutumiers. Malgreè tout, de leègers changements ont eèteè apporteès ici ou laé aé la procession au fil du onzieéme sieécle. Le Liber tramitis, Ulrich, Bernard et le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne indiquent que l'antienne Pueri Hebraeorum doit eêtre chanteèe juste avant que la procession ne quitte l'eèglise, les antiennes Cum appropinquaret Dominus et Cum audisset populus en route vers

(10) Brady, û Critical Edition ý, p. 24 ; et CA, 7.2, pp. 62-64 : Post Tertiam autem ueniat unus infans et accipiat textum. Et ueniant conuersi uel infantes, accipiant candelabra et cruces et turibulum et aquam benedictam [...]. Cumque uenerint ad locum ubi benedicende sunt palmae, faciant orationem. [...] Deinde [debet] aquam benedictam aspergere super ramos et incensare. Secretarius uero debet proferre palmas ad fratres. Laici autem debent portare ante monachos uexilla regia. [...] Cum autem ceperint donari flores, incipiat canto antiphonam Pueri Hebreorum [...]. (11) Chomton, Histoire, p. 403 : û Tierce chanteè e et la procession eè tant preè pareè e [...] et on se dirige vers Sainte Marie [...] les palmes seront beè nies [...] l'antienne, Pueri Hebraeorum, est chanteè e en alternance pendant qu'on les distribue [...] ý (Cantata tertia, et processione parata [...] et itur ad Sanctam Mariam [...] benedicuntur palmae [...] Ad distribuendum cantantur alternatim ant. Pueri Hebraeorum [...] ý. L'ancienneteè de cette tradition pourra peut-eêtre eêtre eèvalueèe en rapprochant ces donneè es de celles dont nous disposons aé propos des ceèreèmonies qui se deèroulaient aé Centula. Voir infra, p. 216. (12) CA, 7.2, pp. 63-64 : Laici autem debent portare gontphanones ante monachos.[...] Cum autem coeperint donari flores, incipiat cantor antiphonam Pueri Ebraeorum [...]. (13) LT, p. 68. Le Liber tramitis mentionne que des famuli portent des fanions pour cette procession. Selon Meèhu, Paix et communauteè s, p. 300, chaque officier claustral dispose de plusieurs famuli aé son service ; certains travaillent speècifiquement dans l'eè glise.

9

207

chapitre 7

Ave rex noster Cum audisset populus Cum appropinquaret Dominus Consuetudines Anti-

une eèglise en dehors du monasteére, et enfin l'antienne arrive aé cette eèglise exteèrieure

quiores

14

quand la procession

. L'antienne

2

de Saint-Beènigne (B ), et l'antienne 1

, selon le premier coutumier , selon les

(B, B ) de Cluny, eètaient chanteèes avant que la procession ne quitte le monasteé re

15

.

Le passage du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne faisant reèfeèrence aé cette ceèreèmonie est quelque peu probleèmatique. En effet, Marteéne cite aé propos de la procession du dimanche des Rameaux, une prescription qui est comparable, mais leè geérement diffeèrente, de ce que l'on trouve dans Ulrich et Bernard. D'apreé s Marteéne, le deuxieéme coutumier place la conseècration des rameaux aé l'autel principal : û Apreés tierce avec des feuillages et des palmes consacreès devant l'autel principal, les deux choses sont accomplies avec tous les freéres veêtus de blanc ý

16

. Cette formulation est identique aé celle des coutumiers clunisiens

d'Ulrich et de Bernard, sauf que ces derniers preècisent que les freéres se rendaient û jusqu'aé l'eèglise de saint Mayeul ý. Selon Ulrich, û Apreé s tierce, tous [les freéres] veêtus de blanc se rendaient jusqu'aé l'eèglise Saint-Mayeul avec les feuillages et les palmes consacreè s devant

Pueri Hebraeorum ramos

l'autel principal. Ces feuillages et palmes sont beè nis avec les collectes suivantes : quand ils sont distribueès, on chante l'antienne on fait un sermon au peuple ý

17

é l'entreèe de l'eèglise, [...] [...] A

. Bien que Marteéne ait inclus Cluny et Saint-Beènigne

parmi les monasteéres oué un sermon est prononceè aé l'exteèrieur de l'eèglise, il n'a pas conserveè du deuxieéme coutumier l'eèquivalent pour Saint-Beènigne de û l'eèglise Saint-Mayeul ý

18

.

Pueri Hebraeorum Pueri Hebraeorum. Occurrunt

Selon le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne, û aé Sainte-Marie [...] les rameaux sont

turbae

beènis [...]. Pour la distribution, les antiennes,

et

sont chanteèes en alternance. Une fois les antiennes termineè es et les rameaux distri-

bueès, la procession sort de l'eèglise par la porte de Saint-Etienne [...] et va aé Saint-Jean, ou, é l'entreèe de l'eèglise, on commence le reèpons pour le saint s'il pleut, aé Saint-Philibert [...]. A

College-

en l'honneur de qui l'eèglise a eèteè fondeèe [...]. On fait un sermon au peuple. Celui-ci termineè, la procession prend le chemin du retour, le chantre entonnant l'antienne

. Bern Histoire Paix et commuCA, De antiquis post Tertiam cum frondibus & Palmis ante majus altare sacratis utraeque tamen aguntur Fratribus omnibus albis indutis Ulr post tertiam cum frondibus et Ramis palmarum ante majus altare consecratis, usque ad ecclesiam S. Majoli, omnibus albis indutis. Ipsae autem frondes seu rami cum istis collectis benedicuntur: quando distribuuntur, cantatur antiphona Ad introitum ecclesiae fit sermo ad populum. . Bern LT Paix et communauteès Cluny ou la puissance des moines-Histoire de l'Abbaye et de son ordre, 910-1790 Dossiers d'Archeèologie De antiquis 4 ad corpus nauteès

(14)

LT

, pp. 68-69 ;

Ulr

, col. 698C ; cf

, p. 307 et Chomton,

, p. 403 ; D. Meè hu,

, p. 245.

(15) Brady, û Critical Edition ý, p. 25 ;

(16)

7.2, p. 65

, t. 4, liv. 3, col. 339 : .

(17)

, col. 698C :

Pueri Hebraeorum ramos [...]

, [...]

Cf

, p. 307. Le texte

de Bernard est identique. L'eè glise Saint-Mayeul eè tait construite au sommet d'une colline situeè e aé quelques 400 meétres aé l'ouest du monasteé re de Cluny. L'eè glise datait de l'an mil.

, p. 69 cite eè galement une eè glise situeèe

hors du monasteé re vers laquelle converge la procession des Rameaux. L'identification entre cette eè glise et Saint-Mayeul est probable. Voir Meè hu,

, pp. 211-19, 244-47 ; idem, û Chapelles, eè glises et

ê ge ý, paroisses aé Cluny au Moyen A

,

269 (2002) :(122-28) p. 124. Voir aussi A. Baud, û Recherches archeè ologiques aé l'eèglise

Saint-Maieul ý, ibid., p. 129. (18)

, t. 4, liv. 3, col. 339, 344 ; Ibid., t.

, liv. 3, col. 423-28. Une telle omission n'est pas excep-

tionnelle. Dans le cas de Paê ques, Marteé ne a en effet omis la visite

dans sa description de la procession

aé Saint-Beènigne, mais, il fait mention de cette visite dans sa description de la procession dominicale. Voir infra, pp. 213 et 215.

208

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

runt ý

19

. Ainsi, Saint-Jean et Saint-Philibert semblent eê tre les eèquivalents de l'eèglise Saint-

Mayeul mentionneèe dans les coutumiers clunisiens d'Ulrich et de Bernard. Ces parties du troisieéme coutumier de Saint-Beènigne ne correspondent probablement pas aé des eèleèments de la liturgie pratiqueèe en l'an mil, deés lors que le premier coutumier, dont la description De Ramis Palmarum est particulieérement longue, ne fait pas reèfeèrence aé un sermon prononceè aé l'exteèrieur de l'eèglise. Qui plus est, les antiennes aé chanter en chemin dans le Liber tramitis, les coutumiers d'Ulrich et de Bernard, et le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne eètaient chanteèes dans 2

l'eèglise du monasteére selon le premier coutumier de Saint-Beènigne (B ) et les Consuetudines 1

Antiquiores (B, B ) de Cluny

20

. Parce que, selon Marteéne, Cluny et Saint-Beènigne eètaient

parmi les monasteéres oué des sermons eètaient prononceès en dehors de l'eèglise, il est probable qu'aé Dijon une visite aé une eèglise voisine eètait indiqueèe dans le deuxieéme coutumier. Une 1

comparaison des Consuetudines Antiquiores (B, B ) avec le Liber tramitis montre avec certitude qu'au milieu du onzieéme sieécle une visite aé une eèglise exteèrieure, suêrement Saint-Mayeul, a eèteè ajouteèe aé la procession de Cluny

21

. Bien que l'antienne Saluator mundi soit chanteèe dans

cette eèglise exteèrieure dans le Liber tramitis et le coutumier de Bernard, le Liber tramitis ne parle pas de sermon, ce qui peut indiquer que le sermon est un ajout leè geérement plus tardif

22

.

Neèanmoins, les parties suivantes de la procession du dimanche des Rameaux deè crites dans le premier coutumier de Saint-Beènigne sont similaires aé celles de son troisieéme coutumier

23

. Apreés la beèneèdiction des rameaux, le premier coutumier inclue une procession qui

sort de l'eèglise et se dirige vers la portelle du castrum, aé savoir la porte de la forteresse romaine

24

. Les oblats chantaient les antiennes en chemin, puis entonnaient le Gloria laus

une fois arriveès aé la porta castellum

25

. Ces prescriptions pour la feête des Rameaux diffeérent

(19) Chomton, Histoire, pp. 403-04 : ad Sanctam Mariam [...] benedicuntur palmae. [...] Ad distribuendum cantantur alternatim ant. Pueri Hebraeorum, item Pueri Hebraeorum. Occurrunt turbae. Finitis antiphonis et palmis distributis, exit processio per ostium sancti Stephani [...] et vadit ad Sanctum Johannem, vel ad Sanctum Philibertum, si tempus pluviosum fuerit. [...] Ad introitum ecclesiae incipitur resp. de sancto in cujus honore fundata est ipsa ecclesia [...] fit sermo ad populum. Quo finito revertitur processio, incipiente cantore ant. Collegerunt. (20) Brady, û Critical Edition ý, p. 25 ; CA, 7.2, pp. 65-66. (21) LT, p. 69. (22) Ibid. ; Bern, p. 307. (23) Cette partie du deuxieé me coutumier de Saint-Beè nigne n'est pas reprise par Marteé ne. Nous avons preèceèdemment mis en eèvidence, dans le cas du reè pons Venit lumen, la continuiteè des traditions liturgiques de SaintBeènigne suggeèreèe par la concordance entre le premier et le troisieé me coutumier, en deèpit de l'absence de preuve qu'aurait pu fournir le second coutumier et du fait que la liturgie clunisienne ne comportait pas de traditions similaires. Voir supra, p. 184. La similariteè du premier et du troisieé me coutumier de Saint-Beè nigne, en ce qui concerne la procession apreé s tierce du dimanche des Rameaux, ne serait-elle pas, laé aussi, le signe d'une continuiteè de la tradition, bien que le deuxieé me coutumier soit incomplet et que les coutumes de Cluny diffeé rent sensiblement ? (24) Brady, û Critical Edition ý, pp. 25-26 ; CA, 7.2, p. 66 ; Chomton, Histoire, p. 403. (25) S. Boynton, û The Liturgical Role of Children in Monastic Customaries from the Central Middle Ages ý, Studia Liturgica 28 (1998) : (194-209) p. 207 ; E. Fyot, Le û Castrum Divionense ý, Bulletin archeèologique du ê ge, renaissance, temps modernes, 1920, (pp. 300-21) p. 320 ; Comiteè des travaux historiques et scientifiques. Moyen A J. Richard, û Histoire topographique de Dijon ý, Meèmoires de la Commission des antiquiteè s du Deè partement de la Coêted'Or 22 (1951) : (316-350) p. 317. La portelle du castrum doit avoir eè teè la portelle dite `du Bourg' aé l'ouest du

9

209

chapitre 7 1

de celles des Consuetudines Antiquiores (B, B ). Elles sont speècifiques aé Saint-Beènigne par leur reèfeèrence au castrum de Dijon

26

1

. Dans les Consuetudines Antiquiores (B, B ), la procession se

dirige simplement vers l'exteèrieur de l'eèglise oué eètait chanteè le Gloria laus avant de rentrer dans l'eèglise pour la ceèleèbration de la messe

27

.

Nous apprenons aussi par le premier coutumier qu'apreé s que le chantre ait entonneè l'antienne Pueri hebraeorum et d'autres antiennes suppleèmentaires, la procession en route û vers la porte du castrum ý (ad portam castellum) devait quitter l'eèglise par le û tapis du milieu ý (per medium tapecium)

28

. Toujours selon le premier coutumier de Saint-Beè nigne,

apreés son retour au monasteére, la procession de la feête des Rameaux faisait halte devant l'autel de la Sainte-Croix oué deux freéres entonnaient le reèpons Circumdederunt

29

é propos . A

de cette meême feête, le troisieéme coutumier indique qu'il existait, au milieu de la nef, dans l'espace occidental, un ambon pour les chants au niveau duquel la procession s'arreê tait temporairement : û La procession revient et on doit avoir preè pareè au milieu de la nef de l'eèglise une forme adeèquate, couverte d'un tapis et d'une draperie [...]. Et tandis que la procession entrera dans l'eèglise, ces [six] chanteurs entonnent en chÝur le Gloria Laus dont la communauteè toute ensemble reprend le verset et le finit, tandis que tous s'assoient. Ces six [chanteurs], se tenant debout trois par trois dans l'ambon, chanteront les autres versets tour aé tour [...]. Quand ceci est termineè, [...] la procession monte vers le chÝur ý

30

.

castrum, dans la rue Amiral Roussin, qui figure encore sur le plan de Bredin en 1574, mais disparut en 1595. L'itineè raire depuis l'eèglise serait alors passeè aé l'est, le long du coê teè sud de l'eè glise et du cimetieé re. Bien qu'il ait eèteè treés endommageè par l'incendie de 1137 et agrandi au delaé de son emplacement d'origine, le castrum conserva sa valeur de reè duit deè fensif jusqu'au

xiv

e

sieécle.

(26) Brady, û Critical Edition ý, pp. 25-26 ; CA, 7.2, pp. 65-66 : û Quand ils arrivent aé la porte du castellum, que des enfants soient preê ts qui chantent aé voix haute les vers Gloria laus. Lorsqu'ils ont termineè , le chantre entonnera le reèpons Ingrediente et un verset. Quand ils entrent dans le castellum, on fait sonner toutes les cloches. Quand ils arrivent aé la porte du monasteé re, il y a deux freé res en chape qui chantent l'antienne Collegerunt et un verset ý. (Cum autem uenerint ad portam castellum, sint infantes parati qui canant uersi Gloria laus excelsa uoce. Cum finiti fuerint, inchoet cantor responsorium Ingrediente et uersum. Cum autem introierint in castellum, sonentur omens signi. Cum uero uenerint ad portam monasterii, sint duo fratres in cappas, qui canant antiphonam Collegerunt et uersum). (27) CA, 7.2, pp. 65-66 : û Et quand ils vont sortir de l'eè glise, on fait reè sonner toutes les cloches. Ils chanteront des antiennes jusqu'aé leur arriveè e aé la porte de l'eèglise. Alors il y a en deux, en chape, qui chanteront les versets Gloria laus et honor. Lorsqu'ils auront termineè , ils entrent dans l'eèglise. Le chantre entonnera le respons Ingrediente Domino ý (Cum autem exierint de ecclesia, sonentur omnes signi. Canent antifonas usque ueniant ad portam aecclesiae. Tunc sunt duo in capas, qui cantent uersos Gloria laus et honor. Cum uero fuerint finiti, intrent in ecclesia. Cantor inchoet responsorium Ingrediente domino) ; Ulr, col. 698D. Selon Ulrich, le Gloria laus est chanteè dans le vestibulum de l'eèglise de Cluny. (28) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 98. Lorsqu'elle eè tait en route vers le castrum, la procession descendait probablement de la rotonde en passant par les escaliers du coê teè ouest du transept. (29) Brady, û Critical Edition ý, p. 26 ; CA, 7.2, p. 66 : û Lorsqu'ils seront entreè s dans l'eè glise, la croix [l'autel de la Sainte-Croix] doit eê tre deècouverte. Alors deux freéres reveê tus de la chape chanteront le reè pons Circumdederunt ý (Cumque introierint in aecclesiam, debet esse crucifixus discoopertus. Tunc sint duo fratres reuestiti in cappas, qui cantent responsorium Circumdederunt). (30) Chomton, Histoire, p. 404 : revertitur processio [...] et in medio navis ecclesiae debet praeparari forma idonea tapeto et pallio cooperta, [...]. Et dum processio in ecclesiam venerit, illi cantores simul incipiunt Gloria laus, quem versum simul conventus reincipit et finit sedentibus cunctis. Alios versus illi sex stantes in lectorio terni et terni alternatim cantant [...]. Quo finito [...] ascendit processio in chorum ; Ulr, col. 698D ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 345. Marteé ne cite le deu-

210

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

Le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne preècise que ces diffeèrentes activiteès prenant place dans la nef se deèroulaient plus exactement au milieu de la partie occidentale (vestibulum) : û il faut savoir que si, au jour des Rameaux, la ville se trouvait frappeè e d'interdit de telle sorte que la communauteè ne doive pas sortir, tout se passera cependant comme nous l'avons dit plus haut [...] apreés la distribution des fleurs et des rameaux, les religieux entrent par [la porte de] Saint-Bartheèlemy, en sortant par la porte du clo|être, et se rendent aé Saint-Beno|êt en traversant le chapitre [la salle capitulaire]. Laé , ils font comme nous avons dit plus haut pour Saint-Philibert. Puis, ils reviennent vers le clo|ê tre par le parloir, et du parloir, vont dans le vestibule de l'eèglise (in vestibulum ecclesiae). Une fois accompli laé tout ce qui a eèteè eètabli plus haut, ils entrent dans le chÝur et la messe est chanteè e solennellement ý

31

. Ainsi, le dimanche des Rameaux, la rotonde et l'autel de la Sainte-Croix dans

la partie occidentale de l'eèglise constituaient tous deux des points focaux pour la procession quittant le chÝur, mais durant le reste de la peè riode pascale, l'autel de la Sainte-Croix dans la partie occidentale de l'eèglise devenait le lieu primordial aé l'exteèrieur du chÝur.

Tribus diebus

Aucune procession ne conduisait aé la rotonde durant les jours sombres qui suivaient le dimanche des Rameaux. Les lieux-cleès pour le Jeudi Saint (Feria V Coenae Domini), le Vendredi Saint (Feria VI Parasceve), et le Samedi Saint (Sabbato Sancto) eètaient, outre le chÝur, la salle capitulaire, le clo|être et l'autel de la Sainte-Croix. La plupart de ces usages eè taient universels et nombre de ces rituels eè taient pratiqueès de manieére plus ou moins identique dans d'autres monasteéres. é propos du Jeudi Saint, le premier coutumier de Saint-Beè nigne et le Liber tramitis preA scrivent une messe apreés le chapitre pour les pauvres dont les pieds vont eê tre laveès, mais ils ne speècifient ni le lieu de la messe ni celui du mandatum

32

. Puis, les moines retournaient aé

un endroit non preèciseè, ou é une nouvelle lumieére eètait allumeèe eètait ensuite rapporteèe dans le chÝur

34

33

. Cette nouvelle flamme

. Aucun des coutumiers de Saint-Beènigne n'identifie

le lieu oué la nouvelle flamme eètait allumeèe, mais le Regularis concordia du x

e

sieécle indique,

comme on pouvait s'y attendre, que le rituel prenait place aé l'exteèrieur des portes de l'eègli-

xieéme coutumier de Saint-Beènigne comme eè tant identique aé Ulrich : û Revenant dans le vestibule de l'eè glise avec ces vers : Gloria laus ý (Redeundo vestibulo ecclesiae cum his versibus : Gloria laus). (31) Chomton, Histoire, pp. 101, 404 : Sciendum est quod si ipsa die villa in interdicto fuerit posita ita quod conventus foras exire non debeat, omnia tamen sicut supra diximus ordinantur [...] distributis floribus et palmis, veniunt per ostium sancti Bartholomaei, exeuntes per ostium claustri et vadunt per medium capituli ad Sanctum Benedictum, et ibi omnia fiunt sicut de Sancto Philiberto supra diximus, et sic revertuntur per auditorium in claustrum, et de claustro veniunt in vestibulum ecclesiae, et ibi omnibus adimpletis quae supra ordinata sunt, accedunt in chorum et cantatur missa solemniter. (32) CA, 7.2, p. 75 ; LT, p. 74. (33) CA, 7.2, p. 76 : û Apreé s none [...] ils iront vers l'endroit oué le feu nouveau aura eè teè allumeè ý (Post nonam [...] Veniant ad locum ubi fuerit ignis novus accensus). Cf. LT, p. 74. (34) CA, 7.2, p. 77 ; LT, p. 74.

9

211

chapitre 7 se

35

. Le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne et les coutumiers clunisiens placent la distri-

bution aux pauvres des hosties non consacreèes, apreés la messe, aé l'autel de la SainteCroix

36

. Les moines lavaient ensuite les pieds des pauvres

37

. De meême, selon le troisieéme

coutumier, apreés la messe matutinale aé l'autel de la Sainte-Croix dans le vestibulum de l'eèglise, on donnait des hosties non consacreè es aux pauvres, puis on leur lavait les pieds dans le clo|être, avant d'effectuer une procession vers le nouveau feu, deè jaé consacreè. Ces actions s'achevaient par un retour vers le chÝur avait lieu le mandatum des moines autels de l'eèglise

40

39

38

. Apreés veêpres, dans la salle capitulaire,

. Enfin, avant complies, le custode deènudait tous les

.

Selon le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne, le Vendredi Saint, on nettoyait l'eèglise ; comme la poussieére n'eètait pas encore retombeèe, tierce eètait chanteèe dans la chapelle Saint-Beno|êt, lieèe aé l'infirmerie, tandis qu'aé Cluny, cela se faisait dans la chapelle SainteMarie

41

. Les trois coutumiers de Saint-Beènigne expliquent que, apreés none, la croix eètait

preèpareèe dans le chÝur oué la procession rapportait la nouvelle flamme

42

. Le troisieéme cou-

tumier ajoute aux descriptions anteèrieures de l'adoration de la croix dans le chÝur l'indication selon laquelle celle-ci eètait ensuite apporteèe aé l'exteèrieur du chÝur pour l'adoration par le peuple, avant que la procession ne revienne vers l'autel dans le chÝur

43

. Cette croix

se trouvait habituellement derrieére l'autel de saint Bartheèlemy, dans la premieére chapelle, au nord du transept

44

.

Le premier coutumier de Saint-Beènigne dit que le Samedi Saint, qui n'est pas deè crit,

5 4

devait eêtre ceèleèbreè et que û sur l'ordre de l'abbeè Guillaume, ils ne doivent pas manger d'Ýufs ý (Secundum iussionem abbatis VV illihalmi

nec oues comedant)

45

. Selon Pius Engelbert

(35) Regularis Concordia Anglicae nationis Monachorum Sanctimonialiumque (The Monastic Agreement of the Monks and Nuns of the English Nation) trad. T. Symons (New York, 1953), p. 39. (36) Bern, p. 310 : û aé l'autel de la Sainte Croix [...] les hosties non consacreè es [...]. Ces trois jours [...] apreé s None [...] une procession est faite vers le feu nouveau [...] la procession revient jusqu'au chÝur par le milieu de l'eèglise ý (ad altare sanctae crucis, [...] hostiae non consecratae [...]. His tribus diebus [...] post Nonam [...] fit processio ad novum ignem [...] per mediam namque ecclesiam revertitur processio usque in chorum) ; Ulr, col. 658C dit la meême chose. Cf. De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 360-61. (37) CA, 7.2, p. 79 ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 361 ; Ulr, col. 658C ; LT, p. 76 ; Bern, p. 310. (38) Chomton, Histoire, pp. 405-06. Voir aussi E. Magnani, û Le pauvre, le Christ et le moine : la correspondance de roê les et les ceè reèmonies du mandatum aé travers les coutumiers clunisiens du

xi

e

sieécle ý, dans Les

clercs, les fideéles et les saints en Bourgogne meè dieèvale, eèd. V. Tabbagh (Dijon, 2005), pp. 11-26. (39) Cf. CA, 7.2, p. 84 ; LT, p. 77. (40) Cf. CA, 7.2, p. 86 ; Bern, p. 313. (41) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 387 ; Bern, p. 316 ; Ulr, col. 661C. Cette information ne figure pas dans le troisieéme coutumier. (42) CA, 7.2, p. 88 ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 388 ; Chomton, Histoire, p. 407 ; LT, pp. 79-81. (43) Chomton, Histoire, p. 408 ; LT, pp. 80-81 ; Bern, p. 317, speè cifie û La croix derrieé re le ma|être-autel, pour eê tre veèneèreèe par le people ý (Crux retro majus altare, ut a popularibus adoretur) ; aé Cluny, la croix eè tait donc derrieére le ma|être-autel. (44) Chomton, Histoire, p. 172. (45) CA, 7.2, p. 92 ; Brady, û Critical Edition ý, p. 29. Il s'agit de l'unique reè feèrence aé Guillaume dans les sources liturgiques de Saint-Beè nigne. B ou B

212

9

1

ne donne aucune information.

les processions liturgiques dans l'espace occidental

cet interdit fait reèfeèrence aux restrictions aé Cluny, les jours de feêtes ou de jeuêne

46

. Le reèdac-

teur a donc mis au premier plan le respect rigoureux de Guillaume pour ces interdits du Samedi Saint

47

. Selon les deuxieéme et troisieéme coutumiers de Saint-Beènigne et selon le

Liber tramitis, apreés none, le Samedi Saint, le cierge pascal eè tait beèni et allumeè dans le chÝur apreés que la procession ait rapporteè une nouvelle fois la nouvelle flamme veêpres, la procession se rendait aé l'autel de la Sainte-Croix

49

48

. Apreés

. Les liturgies du Jeudi Saint,

du Vendredi Saint et du Samedi Saint eètaient donc centreèes sur le chÝur, avec des sorties dans l'espace occidental et dans le clo|être

50

.

Le Dimanche de Paêques D'apreés le chapitre 5 du deuxieéme coutumier, les ornements de l'eè glise aé Paêques eètaient similaires aé ceux des feêtes de Noe«l

51

. Mais aé Paêques et pendant son octave, le

centre liturgique eètait constitueè par l'autel de la Sainte-Croix, dans la nef, et la rotonde ne jouait qu'un roêle secondaire. Si les breéves instructions concernant l'observation de Paê ques contenues dans le premier coutumier de Saint-Beè nigne ne font eètat d'aucune procession

52

,

les second et troisieéme coutumiers de Saint-Beènigne, ainsi que tous les coutumiers clunisiens, deècrivent une procession aé Paêques et son octave. Selon le troisieéme coutumier, apreés la messe matutinale, on fait une procession festive et l'on se rend aé Sainte-Marie, avec l'antienne Tota pulchra es [...][les antiennes] In die Resurrectionis et Sedit angelus pendant que la procession sort en traveré la station qui se fait dans le vestibule de l'eè glise, sur un signe du chantre, sant le clo|être [...]. A six [freéres] chantent devant l'autel de la Sainte-Croix le verset Crucifixum in carne, apreés quoi le preêtre chante le verset Dicite in nationibus et la collecte Deus qui pro nobis. Puis ils vont vers le Corps Saint. En entrant dans le clo|ê tre, on chante le reè pons Christus resurgens ; le verset Dicant nunc est chanteè devant le degreè du presbyteè rium par les meêmes six qui ont chanteè l'autre verset. Ensuite suit le verset In resurrectione tua et la collecte Via sanctorum omnium. Une fois celle-ci termineèe, tierce est chanteè solennellement. On chante l'hymne Chorus novae [Jerusalem], [...] les trois jours suivants aé tierce, et le jour d'octave

53

.

(46) Pius Englelbert a fait cette remarque pendant le colloque Medieval customaries and monastic/regular life : approaches from across the disciplines, qui s'est tenu au chaê teau de la Bretesche (Bretagne, France) en 2007. (47) Bern, p. 302 : Plus tard Bernard explique aé la fin de Septuageè sime, juste avant de parler du Careê me : û Ce jour-laé, parce qu'on ne mange pas de fromage ni d'Ýufs en provenance de l'exteè rieur, la pitance des freéres se composait d'Ýufs avec du poivre ý (Ipsa die, quia eé externo nec caseus, nec ova comeduntur, ad coenam de ovis cum pipere fit Fratribus pitantia [...]). Voir aussi, S. Bruce, Silence and Sign Language in Medieval Monasticism : The Cluniac Tradition c. 900-1200 (Cambridge, 2007), p. 81. Des leè gumes crus remplac° aient le fromage et les Ýufs pendant le Careême, mais la consommation de poisson eè tait permise tout au long du jeuê ne. Je remercie Scott Bruce pour avoir deèbattu avec moi de cette coutume et pour m'avoir adresseè les eèpreuves de son livre. (48) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 407 ; Chomton, Histoire, p. 408 ; LT, pp. 85-86 ; Bern, p. 317. (49) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 414. û La procession qui d'habitude se fait vers l'eè glise mariale est changeè e et va vers le Crucifix ý (processio quae ad ecclesiam mariae fieri solet, mutatur ad Crucifixum) ; Cf. Bern, p. 318 ; Chomton, Histoire, p. 409. (50) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 387, 400, 403-08 ; Chomton, Histoire, pp. 407-09. (51) Supra, p. 177. (52) Brady, û Critical Edition ý, p. 36 ; CA, 7.2, p. 94. (53) Chomton, Histoire, p. 409 : Processio festive agitur, et vadit ad Sanctam Mariam cum ant. Tota pulchra es [...]. In die Resurrectionis. Sedit angelus, processione eunte per claustrum [...]. Ad stationem quae fit in vestibulo ecclesiae,

9

213

chapitre 7 Bien que les breéves instructions du premier coutumier de Saint-Beè nigne pour Paêques ne parlent pas d'une procession, il est probable que l'on utilisait cet espace de la meê me fac°on au deèbut du

xi

e

sieécle.

é A Cluny, c'eètait dans la galileèe qu'eètait effectueèe la station durant laquelle eètait chanteèe l'antienne

Cruxifixum

l'autel de la Sainte-Croix

54

, tandis qu'aé Saint-Beènigne, elle avait lieu dans la nef, devant

é cet eègard, la pratique aé Saint-Beènigne eètait plus proche de . A

celle de Saint-Beno|êt sur Loire

55

è tant donneè que la meême antienne, . E

Crucifixum

, eètait

chanteèe dans la galileèe aé Cluny et devant l'autel de la Sainte-Croix aé Saint-Beènigne, la station devant la Croix aé Saint-Beènigne peut, dans une certaine mesure, eêtre consideèreèe comme l'eèquivalent de la station dans la galileèe aé Cluny. Toutefois une station suppleèmentaire eètait opeèreèe aé Cluny devant la Croix, aé l'ouest de l'entreèe du chÝur, tandis qu'aé Saint-Beènigne, une station suppleèmentaire avait lieu au Corps Saint, dans la crypte

56

.

De meême qu'aé Paêques, pour l'octave de Paêques, apreés la messe matutinale, la procession, en aube, se rendait aé Sainte-Marie, puis, par le clo|être, aé l'autel de la Sainte-Croix

57

.

Le Chapitre 50 du deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne indique que l'autel de la SainteCroix eètait le site des processions apreés matines, c'est-aé-dire laudes, et apreés veêpres û tous les jours de l'octave pascal ý

58

. Pendant toute la dureèe des feêtes pascales, l'autel de la

Sainte-Croix eètait donc le point focal de la procession.

nutu cantoris sex cantant ante altare sanctae Crucis versum , post quem sacerdos dicit versic. et coll. Post haec vadunt ad Corpus sanctum. Ad ingressum chori cantatur resp. et versus ab illis sex dicitur ante gradum presbyterii qui cantaverunt alium versum. Deinde subsequitur versic et coll. . Qua finita cantatur tertia solemniter. Hymnus , qui dicitur tribus diebus sequentibus ad tertiam, et in die octavae De antiquis Crucifixum Christus resurgens Et valde ad stationem ducunt quatuor, vel sex cantores versus, , ipso die tantum, ad introitum antiphona: qui modus processionis & cantus in omnibus Dominicis tenetur usque Pentecostem, excepto quod solo die Paschae ad introitum chori incipitur Bern Crucifixum Christus resurgens Ulr Christus resurgens ad introitum ecclesiae û From Dead of Night to End of Day Disciplina monastica Consuetudines Floriacenses antiquiores saeculi tertii decimi Crucifixum Post missam matutinalem fit aqua benedicta et processio. Ad stationem in navi versus a duobus canitur Crucifixum in carne

nationibus

Deus qui pro nobis.

resurgens

Dicant nunc

. In resurrectione tua

Dicite in Christus

Via sanctorum omnium

Chorus

novae [Jerusalem]

). Cf.

, t. 4, liv. 3, col.

423. De meême, selon le deuxieé me coutumier, û vers la station, quatre ou six chantres entonnent le verset é l'intro|ët, l'antienne , ce jour-laé seulement. A

[...]. Cette forme de procession et de chant

est observeèe tous les dimanches jusqu'aé la Pentecoê te, sauf que, le jour de Paê ques seulement, on entonne

lorsqu'on entre au chÝur ý (

Crucifixum

Christus resurgens [...]

Et valde).

(54)

, p. 319. Le verset

est chanteè, le jour de la feê te, par quatre ou six chanteurs dans la

galileèe, et les autres dimanches, par toute la communauteè . L'antienne de l'eèglise est acheveèe devant la Croix.

comme Bernard, il mentionne û en entrant dans l'eè glise, gens). Voir K. Kru« ger,

commenceè e aé l'entreè e

, col. 664D ne fournit aucune preè cision sur les chanteurs mais, ý (

, Christus resur-

Monastic Customs and Liturgy in the Light of the Architectural Evidence : A Case

Study on Processions (Eleventh-Twelfth Centuries) ý, dans

,

, 3, eèd. S. Boynton et I. Cochelin (Turnhout, 2005), (pp. 191-221) pp. 198, 206-09.

(55)

, eèd. par A. Davril et L. Donnat, CCM 7.3 (1984),

é la station p. 86 : û [procession de Paê ques] Apreé s la messe du matin, on beè nit l'eau et on fait une procession. A qui est faite dans la nef, l'antienne

est chanteèe par deux chanteurs ý ( Crucifixum

[

Kru « ger, û Monastic ý, p. 199.

Histoire

(56) Kru « ger, û Monastic ý, p. 209. (57) Chomton,

, p. 410.

(58) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 95 et 99 ; BNF, CB, t. 11, f. 99v ; et Chomton,

214

9

]

). Pour Saint-Beno|ê t-sur-Loire voir

Histoire

, p. 439.

les processions liturgiques dans l'espace occidental

La procession dominicale Conformeèment aé la pratique clunisienne, la procession de Paê ques servait aé SaintBeènigne de modeéle pour la procession dominicale, avant tierce, tout au long de l'anneè e, pour commeèmorer la Passion et la Reèsurrection du Christ en ce û jour du Seigneur ý

59

.

Cette procession du dimanche eètait semblable aé celle deècrite dans les coutumiers de Cluny au xi

e

sieécle

60

. D'apreés Marteéne, citant Ulrich, û la communauteè fait la premieére station

dans l'eèglise Sainte-Marie, la deuxieéme, alors qu'on attend le preêtre, devant le dortoir, la troisieéme, devant le reèfectoire, la quatrieéme, ensemble, dans le vestibule de l'eèglise [...]. Le preêtre lui-meême, avec la communauteè, fait la cinquieéme devant la croix, depuis Paêques jusqu'aé la Pentecoête ý

61

. Toujours selon Marteéne, û les coutumiers dijonnais de Saint-Beè nigne

ont presque la meême chose ý

62

. On se souvient que le troisieéme coutumier, alors qu'il pro-

ceéde aé la description des devoirs de la semaine qui incombent au preê tre, corrige sa source,

vestibulum

et mentionne que la quatrieéme station de la procession dominicale doit eêtre effectueèe par le preêtre û dans le

de l'eèglise, s'il existe [...] mais puisqu'il n'y en a pas [...] cette sta-

tion est faite dans la nef de ladite l'eèglise ý

63

. Ainsi, l'itineèraire de la procession eètait scandeè

par une premieére station aé la chapelle de sainte Marie, une seconde devant le dortoir, une troisieéme devant le reèfectoire, une quatrieéme dans la nef de l'eèglise (peut-eêtre preés de l'abside ouest), et une cinquieéme devant la Croix. Toutefois, aé la diffeèrence de Cluny, la veèneèration

du

tombeau

cinquieéme station

64

de

saint

Beènigne

s'ajoutait



la

procession

dominicale,

apreés

la

.

Eè tude comparative des feêtes pascales Westwerk opus orientalis

Ostwerk

Selon Carol Heitz, la rotonde de Saint-Beènigne doit eêtre consideèreèe comme le successeur liturgique du parfois au sens d'

carolingien

65

. Il a meême creèeè le terme

Westwerk

, dont il se sert

(construction aé l'est du chÝur de l'eèglise) pour deèsigner la

rotonde et ainsi souligner sa deèpendance vis-aé-vis du

66

. Il a en outre proceèdeè aé

De antiquis Bern Ulr De antiquis . Conventus autem facit primam stationem in ecclesia S. Mariae, secundam, Sacerdotem expectando ante dormitorium, tertiam ante refectorium, quartam simul in vestibulo ecclesiae quintam facit ipse, Sacerdos cum conventu ante Crucem a Pascha usque ad Pentecosten. Eadem fere habent Divionenses S. Benigni consuetudines . De antiquis sextam addebant nostri Divionenses S. Benigni, nempe ad tumulum S. Martyris, cujus aram simul, & sepulchrum Sacerdos incensabat (59) Kru«ger, û Monastic ý, p. 195 ; (60)

, pp. 235-36 ;

(61)

, t. 4, liv. 2, col. 138-40.

, col. 653-54.

, t. 4, liv. 2, col 134 :

[...]

(62) Ibid. û

ý

(63) Supra, p. 206 n. 5. (64)

, t. 4, liv. 2, col. 140. û la sixieé me a eèteè ajouteè e par nos Dijonnais de Saint-Beè nigne, aé la

tombe du saint Martyr, dont le preê tre encensait en meême temps l'autel et le tombeau ý (

).

(65) Une critique systeè matique de la theé se soutenue par Heitz est deè veloppeè e dans Marino Malone, û The

Recherches

rotunda ý, pp. 292-305. (66) Heitz,

, p. 243 ; et idem, û Lumieéres ý, p. 106. L'utilisation du terme

Westwerk

Ostwerk

pour la rotonde

Westwerk

aé trois eètages de Dijon est justifieè e en ce que sa forme, sa deè dicace et ses fonctions liturgiques eè taient diffeè rentes de celles du corps principal de l'eè glise, aé l'instar des

. Selon Heitz, de meême que les

9

, la

215

chapitre 7 une comparaison de l'eèglise carolingienne de Saint-Riquier / Centula avec Saint-Beè nigne d'un point de vue liturgique, en vue de deèmontrer que la rotonde de Dijon avait fonctionneè comme le Westwerk de Centula et repreèsentait donc le Saint-Seèpulcre. Pourtant cette theèorie, nous semble-t-il, est deèmentie par les preuves preèsenteèes plus haut concernant l'emplacement et l'utilisation des autels de Saint-Beè nigne lors des feêtes de Paêques. Les fouilles et une reproduction du

xvii

e

sieécle d'un dessin du

xi

e

sieécle nous rensei-

gnent sur l'eèglise carolingienne de Saint-Riquier de Centula et sur l'eè glise polygonale deèdieèe aé Marie qui se trouvait au sud de celle-ci (fig. 28) celle de Saint-Beènigne, est bien documenteèe

68

67

. La liturgie aé Centula, comme

. Graêce aux textes dont nous disposons, nous

savons qu'aé Centula, la procession des Rameaux avait pour point de deè part la rotonde Sainte-Marie et tous les Apoêtres, oué les moines recevaient les rameaux et les palmes, et qu'elle aboutissait au massif occidental du Saint-Sauveur oué une messe suivait

69

. Nous

venons de voir qu'aé Saint-Beènigne, il est probable que la rotonde n'ait jamais cesseè d'eêtre le lieu de la beèneèdiction des rameaux, comme c'eètait, selon toute apparence, le cas en l'an mil, et il eètait certainement toujours le cas aé l'eèpoque oué fut reèdigeè le troisieéme coutumier de Saint-Beènigne. Les eèglises de Sainte-Marie aé Centula et aé Saint-Beènigne auraient donc

rotonde constitue un massif monumental seè pareè, bien qu'ouvert, dans l'extreè miteè orientale, et non occidentale, de l'eèglise. Pour l'histoire et une critique du concept de Westwerk voir D. von Scho« enfeld de Reyes, Westwerkprobleme : Zur Bedeutung der Westwerke in der kunsthistorischen Forschung (Weimar, 1999), pp. 9-23, 51-75, 110-13. K. Kru« ger, û Architecture and Liturgical Practice : the Cluniac galilea ý, dans The White Mantle of Churches, eèd. N. Hiscock (Turnhout, 2003), (pp. 138-59) pp. 140-41. (67) Ce dessin figurait dans le manuscrit d'Hariulf (1088) du Chronicon Centulense. L'une de ses copies, exeècuteèe avant la destruction en 1719 du manuscrit, a eè teè reproduite par Jean Mabillon, Acta Sanctorum, saec. IV, I (Paris, 1677), p. 111. (Je remercie Virginia Jansen pour sa photographie, fig. 21.) Pour une analyse du dessin et de ses copies, voir Rabe, Faith, p. 13 n. 45 ; G. Durand, û Saint-Riquier ý, La Picardie Historique et Monumentale 4 (1911) :165-66 ; D. Parsons, û The Pre-Romanesque Church of Saint-Riquier : The Documentary Evidence ý, Journal of the British Archaeological Association 130 (1977) : (22-43) p. 23 n. 12 ; et V. Jansen, û Round or Square ? The Axial Towers of the Abbey Church of Saint-Riquier ý, Gesta 21.2 (1982) : (83-90) p. 87 n. 1. Pour la mise en relation du dessin avec les fouilles, voir H. Bernard, û Saint-Riquier : une restitution nouvelle de la Basilique d'Angilbert ý, Revue du Nord 71 (1989) :(306-61) pp. 316, 321. Bien que le dessin paraisse repreè senter l'abbaye carolingienne, il comporte des additions du

xi

e

sieécle. L'eèglise carolingienne eètait

bien de plan centreè (noyau hexagonal et deè ambulatoire dodeè cagonal) avec un porche occidental, mais le dessin de la nef et de la tribune fait appara|ê tre des additions du

xi

e

sieécle. H. Bernard eè tait lui aussi convaincu

d'avoir mis en eè vidence des preuves eè tablissant que le Westwerk carolingien deèdieè au Sauveur avait un noyau octogonal, bien que cela n'apparaisse pas clairement sur le dessin. (68) Pour une critique des sources liturgiques, voir Parsons, û The Pre-Romanesque Church ý, p. 49 ; Rabe, Faith, pp. 12-13 et 124-25 ; et N. H. Petersen, û The Representational Liturgy of the Regularis Concordia ý, dans The White Mantle of Churches : Architecture, Liturgy, and Art Around the Millenium, eèd. N. Hiscock, International Medieval Reseach 10, Art History Subseries 2 (Turnhout, 2003), (pp. 107-19) p. 109. (69) Rabe,

Faith,

pp. 124-25 ;

Heitz,

Recherches,

pp. 93-94

et

124 ;

Parsons,

û The

Pre-Romanesque

Church ý, pp. 46-49 ; Sanderson, û Monastic Reform ý, pp. 25, 31. Sanderson pense que la conseè cration des rameaux aé Centula aurait eèteè deèplaceèe, au milieu du

xi

e

sieécle, vers la nouvelle crypte exteè rieure (repreè senteèe

aé l'est sur le dessin). Cette crypte exteè rieure fut construite par l'abbeè Gerwin I

er

(1045-1075) sous la direction

duquel le monasteé re subit l'influence de la reè forme lorraine. Des autels de cette crypte exteè rieure comme celui de la Reè surrection et de l'Ascension, remplaceé rent des stations anteè rieures dans la nef, et l'autel de la Vierge se trouva par conseè quent placeè dans le contexte de la Passion du Christ.

216

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

rempli une fonction eèquivalente aé celle de l'eèglise Eleona sur le Mont des Oliviers, oué commenc°ait la procession en Terre Sainte

70

.

Selon Heitz, aé Centula, l'eèglise Saint-Sauveur, en tant que point d'aboutissement de la procession de Paêques, correspondait au Saint-Seèpulcre de Jeèrusalem

71

. Si l'on reste dans le

cadre d'une analogie liturgique, l'emploi de la rotonde Sainte-Marie aé Saint-Beènigne ne pouvait correspondre aé cette fonction du Saint-Seèpulcre, deés lors qu'elle ne constituait pas le centre liturgique de la feête pascale aé Dijon. Au contraire, la procession du dimanche des Rameaux s'achevait dans la nef, comme aé Cluny, ce qui indique que ces lieux avaient visiblement supplanteè la liturgie du Westwerk carolingien

72

. En revanche, aé Centula, le West-

werk semble avoir servi aé la fois pour le deèbut et la fin de la procession, le dimanche de Paêques

73

é Saint-Beènigne et aé Cluny, la grande ceèleèbration pascale et celle de son octave . A

se tenaient aé l'autel de la Sainte-Croix dans la nef des fideéles

74

. La rotonde de Dijon ne

jouait qu'un roêle secondaire dans le deèroulement des ceèleèbrations pascales. Deés lors qu'aé Dijon, le point culminant des ceèleèbrations de Paêques n'eètait pas centreè sur la rotonde, il appara|êt clairement que celle-ci ne remplissait pas la meê me fonction pascale que le Westwerk de Centula. Au contraire, aé l'instar de l'eèglise polygonale SainteMarie aé Centula, la rotonde de Dijon demeurait en retrait. Elle n'eè tait que le lieu du deèpart aé partir de la procession qui se dirigeait ensuite vers le centre pascal, l'autel de la Sainte-Croix. Il faut maintenant eètudier une autre reèfeèrence aé sainte Marie et l'abbeè Guillaume dans le cadre des ceèreèmonies du Dimanche de Paêques, pour voir si elle peut eèclairer ou non la signification de la rotonde de Saint-Beènigne. Selon Warren Sanderson, vers l'an mil en Lorraine, une crypte exteèrieure, comme celle du monasteére de Saint-Maximin aé Treéves (consacreèe en 952), eètait utiliseèe pour la liturgie de Paêques. On proceèdait aé la beèneèdiction des palmes au niveau infeèrieur de la crypte exteèrieure, deèdieèe aé la Vierge, et la visite pascale des Trois Maries au seèpulcre (Visitatio) eètait effectueèe aé son niveau supeèrieur, deèdieè au Sauveur

75

. La Visitatio fait partie de la Regularis concordia du x

e

sieécle et eètait pratiqueèe

(70) C. Wright, û The Palm Sunday procession in Medieval Chartres ý, dans The Divine Office in the Latin Middle Ages, eèd. M. Fassler et R. Baltzer (Oxford, 2000), (pp. 344-71) p. 346. (71) Heitz, Recherches, pp. 93-94 et 124. (72) Supra, p. 210. (73) Heitz, Recherches, p. 99 ; Parsons, û The Pre-Romanesque Church ý, pp. 46-50 ; et Rabe, Faith, p. 125. Bien que Parsons soutienne qu'aé Centula les la|ëcs recevaient la communion dans le massif occidental, il est en deèsaccord avec Heitz sur le fait qu'il eè tait eègalement le lieu de la ceè leèbration de la messe de Paê ques ; Rabe, quant aé lui, adheére aé l'interpreètation du texte proposeè e par Heitz. (74) Supra, p. 214. En outre, LT, p. 89. Le Liber tramitis signale : û Lors de la messe matutinale, il n'y aura qu'une seule collecte et on n'omettra pas la preè face. L'abbeè ordonnera qu'un des freé res chante une autre messe aé l'autel de la Sainte-Croix afin de donner la communion aux la|ë cs ý (Ad matutinalem missam una solummodo collecta inponatur et praephatio non dimittatur. Abbas namque iubeat, ut aliquis ex fratribus aliam missam canat ad altare sanctae crucis communicaturus laicos). (75) Sanderson, û Monastic Reform ý, pp. 27-29. La conseè cration des palmes dans la crypte de la Vierge Marie dans des eè glises de la reè forme de Gorze est baseè e sur les Consuetudines Sigiberti, le meême document qui sert de preuve de l'existence de cette pratique dans la crypte de Fruttuaria. L'un des eè leèments en faveur de la visite des Trois Maries dans des eè glises de la reèforme de Gorze provient de textes concernant la crypte de la fin

9

217

chapitre 7

dans des monasteéres qui, comme Saint-Maximin, eè taient concerneès par la reèforme de Gorze

76

. Neèanmoins, la pratique de la Visitatio ne se limitait pas aux eèglises soumises aé la

reèforme de Gorze, et elle n'eètait pas inconnue de Guillaume. De fait, le jeu de Paê ques (ludus paschalis) semble avoir existeè dans l'abbaye du

xi

e

sieécle de San Benigno de Frut-

tuaria, fondeèe par Guillaume en 1003. Les fouilles meneèes par Luisella Pejrani-Baricco dans l'eèglise abbatiale de Fruttuaria ont reèveèleè les fondations d'un seèpulcre liturgique au centre du transept, de forme circulaire, d'un diameé tre inteèrieur de 2 m (exteèrieur 3,103,15 m) Son ouverture, sur le coêteè est, faisait face aé l'abside

77

. Il eètait donc semblable, tant

du point de vue de la forme que des dimensions, au seè pulcre construit entre 1031 et 1077 dans la catheèdrale d'Aquilea

78

.

Le seèpulcre de Fruttuaria semble avoir eèteè utiliseè pour la liturgie de la Visitatio deècrite pour le dimanche de Paêques dans la version des coutumes du monasteé re appeleèe Consuetudo Sigiberti. Selon ces coutumes, la repreèsentation liturgique de la Visitatio suivait les instructions preècises laisseèes par Guillaume pour les processions accompagneè es de l'importante relique du Saint Seèpulcre dont il avait lui-meême fait don aé l'abbaye de San Benigno aé Fruttuaria

79

. Le texte et les instructions preècises concernant la Visitatio succeédent aé la des-

cription de l'office de tierce dans le coutumier utiliseè aé Fruttuaria, dont les prescriptions aé propos de Paêques sont, aé part cet eèleèment particulier, semblables aé celles des second et troisieéme coutumiers de Saint-Beènigne

80

é Fruttuaria, les diacres-anges, assis dans le seèpulcre, . A

invitaient les trois Maries aé entrer avec les mots û Venez et voyez l'endroit oué le Seigneur eètait deèposeè ý (Venite et videte locum ubi positus erat dominus)

81

. Puis les anges et les Maries sor-

taient du seèpulchre et celles-ci eètendaient le suaire (lintheo vel sudario) vers la communauteè des moines et le public

e

du

xi

du

xii

e

82

.

sieécle de Saint-Hubert dans les Ardennes, qui porte le nom de Jeè rusalem dans la chronique de l'eè glise sieécle. Selon Warren Sanderson, ceci eè tait û justifieè par le fait que la crypte exteè rieure ressemblait au

seèpulcre du Seigneur et de la Reè surrection ý. Saint-Hubert fut eètroitement lieè avec Metz et Treéves dans le mouvement de reèforme de Gorze aé partir de 942. Une source du

xiii

e

sieécle pour Saint-Maximin aé Treéves

(British Museum, Harleian MS. 2958, f. 36r, 36v, et 37r) indique que la Depositio Crucis prenait place û dans la crypte devant le seè pulcre ý (in criptam ante Sepulchrum). Un ordinarius de Saint-Maximin du

xv

e

sieécle (Trier,

Stadtbibliothek, MS. 1635, Ordinarius sancti Maximini f. 79v) prescrit aé deux diacres en blanc de se rendre du seèpulcre jusqu'aux marches du presbyteé re, oué ils devaient tendre un suaire pris dans la tombe et annoncer aé l'assistance du monasteé re reèunie û Le Seigneur a surgi du tombeau ý (Surrexit Dominus de sepulchro). Le niveau supeèrieur de la crypte exteè rieure eè tant voisin du presbyteé re, Sanderson en deèduit qu'il abritait le seè pulcre. (76) Ibid. ; Regularis Concordia, pp. 49-50. (77) L. Pejrani-Baricco, û L'eè glise abbatiale de Fruttuaria aé la lumieé re des dernieé res fouilles archeè ologiques ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, eèd. M. Jannet et C. Sapin (Dijon, 1996), (pp. 75109) pp. 92-93. (78) Ibid. (79) Les Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae datent ce coutumier de la fin du sieécle (pp.

xi

e

ou du deè but du

xii

e

xxxii-xxxix et 196). Une lettre adresseèe au pape romain Jean (1012-1024) teè moigne de la ferveur

eèprouveèe par Guillaume vis-aé -vis de la croix du Christ ; il s'y proclame, û esclave de la croix du Christ ý. Cette ferveur s'exprimera pleinement aé Frutuarria. Voir Raoul Glaber, Histoires, pp. 225-26 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 174-76. (80) Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae, p. 196. (81) Ibid., pp. 196-200. (82) Ibid.

218

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

é Fruttuaria, l'autel de la Sainte-Croix et le reliquaire contenant la relique du SaintA Seèpulchre eètaient, semble-t-il, placeès aé coêteè du tombeau creuseè au centre du transept

83

.

Une crypte deèdieèe aé Marie eètait situeèe aé l'est des piliers de la croiseèe, et donc face au tombeau. De meême qu'aé Dijon, les rameaux eètaient beènis, le dimanche des Rameaux, aé l'autel de sainte Marie, dans cette crypte, mais la procession prenait fin aé l'autel de la SainteCroix

84

. Ainsi, la liturgie pascale aé Fruttuaria eètait identique aé celle de Dijon, si l'on

excepte les innovations qui deècoulent de la preèsence de la preècieuse relique du SaintSeèpulcre. En fait, le don qu'il fit aé l'abbaye d'une relique du Saint-Seèpulcre explique que Guillaume ait ajouteè le ludus paschalis aé la liturgie clunisienne et placeè une reèplique du Saint-Seèpulcre preés de l'autel de la Sainte-Croix

85

. Ainsi, la station finale (la cinquieéme),

effectueèe aé Cluny aux pieds de la croix devant l'entreèe du chÝur des moines, eètait remplaceèe, aé Fruttuaria, par ce jeu pascal qui, lui aussi, se deè roulait devant l'autel de la Croix. Il est significatif que nous n'ayons connaissance d'aucune relique de ce genre en ce qui ê ge et il n'existe pas la moindre trace d'une telle concerne Saint-Beènigne durant le Moyen A ceèreèmonie lors des feêtes de Paêques, dans la rotonde Sainte-Marie ou aé l'autel de la SainteCroix. Si un ludus paschalis y avait eèteè mise en Ýuvre, on aurait eèteè en droit d'attendre de la part de Guillaume des instructions aé ce propos dans le premier coutumier de SaintBeènigne, comme dans celui de Fruttuaria, deés lors que le coutumier de Dijon speècifie que la ceèleèbration du Samedi Saint est conforme aé ses directives

86

.

Neèanmoins, cela ne signifie pas que le Saint-Seèpulcre ait eèteè absent des penseèes des moines qui, aé Paêques, dans le chÝur de la rotonde de Dijon, avaient le regard tourneè vers le troisieéme eètage et l'autel de la Triniteè. Mais meême si certains des eèleèments du dessin voulu par Guillaume de la rotonde de Dijon deècoulent du Saint-Seèpulcre, il n'en reste pas moins qu'aé Saint-Beènigne, cette reèfeèrence demeura implicite, contrairement aé Fruttuaria qui renferme une reèplique de la tombe du Christ

87

. Le point essentiel consiste dans le fait

que la rotonde Sainte-Marie, aé Dijon, ne fonctionnait pas comme le centre de la liturgie

(83) Ibid., p. 38 ; Pejrani-Baricco, û L'eè glise ý, p. 97. û [Le diacre doit encenser] ensuite depuis l'endroit attenant au reliquaire, le reliquaire lui-meê me, le tombeau, la croix et les autels placeè s des deux coêteès ý (desuper a parte adherente capse reliquiarum et ipsam capsam, sepulchrum, crucem et altaria utrimque extantia ). (84) Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae, pp. 148, 152, xiv, et xli ; et Pejrani-Baricco, û L'eè glise ý, pp. 98 et 106. Les deè ploiements devant le peuple et aé l'autel de la crypte deèdieè aé sainte Marie sont mentionneè s uniquement dans le manuscrit S. Les eè diteurs des Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae ont rattacheè celui-ci aé l'abbaye de Siegburg (dont douze moines de Fruttuaria prirent la charge en 1068), parce que c'eè tait la seule abbaye qui posseè dait une crypte correspondant au texte. Or les fouilles de la crypte de Fruttuaria montrent que la maison-meére, Fruttuaria, posseè dait une telle crypte. Ses fondations paraissent dater du xi

e

sieécle, bien

que l'autel lui meê me ne soit attesteè que dans le coutumier posteè rieur. (85) Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae, pp. l-li. Spalting et Dinter, les eè diteurs des Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae, consideérent eux aussi que la procession avec la relique et les ceè reèmonies de la Visitatio aé Fruttuaria, selon eux sans eè quivalent dans les coutumes de Cluny, sont une conseè quence de la preè sence de la relique du Saint-Seèpulcre aé Fruttuaria. C'est autour d'elle que s'est deè veloppeè le ludus paschalis, qui deviendra ensuite typique de l'Italie du nord. Selon H. De Boor, Die Textgeschichte der lateinischen Osterfeiern (Tu«bingen, 1967), p. 80, cette ceè reèmonie, bien qu'elle lui ressemble, ne doit pas eê tre consideèreèe comme une veè ritable Visitatio, mais plutoêt comme une adaptation en vue d'honorer la tombe du Christ. (86) CA, 7.2, p. 92. Voir supra, p. 212. (87) Supra, p. 218 n. 80.

9

219

chapitre 7 pascale, contrairement aé la reèplique de la tombe du Christ et aé l'autel de la Sainte-Croix qui le jouxtait, aé Fruttuaria, et aé l'autel du Saint-Sauveur dans le massif occidental, aé Centula

88

. Il n'existe par ailleurs aucune preuve de l'existence d'une quelconque Visitatio dans

les abbayes de Cluny. En effet, aucun trope de Cluny n'a eè teè conserveè sur ce sujet et l'on consideére, en outre, que Cluny, comme Saint-Beènigne, refusaient de tels tropes

89

.

De plus, le parcours des processions pascales deè crites dans les coutumiers meèdieèvaux de Saint-Beènigne, qui deèbutait dans la rotonde pour aboutir aé l'autel de la Sainte-Croix, montre que la liturgie dans l'abbaye de Saint-Beè nigne utilisait bel et bien les deux extreè miteès de l'eèglise, une caracteèristique en relation avec la liturgie carolingienne, que Carol Heitz nomme û bipolariteè ý

90

. Contrairement aé ce qu'il a soutenu, on n'assiste nullement aé

une nouvelle concentration liturgique exclusive sur l'espace oriental. De ce point de vue, la liturgie aé Saint-Beènigne eètait fideéle aux traditions carolingiennes, comme l'eètaient son abside occidentale et sa rotonde formant une crypte exteè rieure. Lors des feêtes de Paêques, les rotondes de Dijon et de Centula ont fonctionneè d'une fac°on annexe et similaire. Elles eètaient, aussi, l'une et l'autre, le sieége liturgique des feêtes de la Nativiteè, de la Purification, de la Nativiteè de la Vierge et de l'Assomption, comme le laisse d'ailleurs entendre leur deèdicace aé la Vierge

91

.

(88) Heitz, Recherches, p. 81 ; Rabe, Faith, p. 125. (89) M. Huglo, û La diffusion des tropes en France avant l'an Mil ý, Religion et Culture autour de l'an Mil (Actes du colloque Hugues Capet 987-1987 : La France de l'an Mil, Auxerre º Metz, 1987) (Paris, 1990), (pp. 99-102) p. 102 signale le rejet par Cluny et Saint-Beè nigne de tels tropes. La Visitatio figure dans les coutumiers du

xiii

e

sieécle de Feè camp et du Mont-Saint-Michel. Les deux abbayes avaient eè teè reèformeèes par

Guillaume, mais en 1033, Suppo, qui avait eè teè abbeè de Fruttuaria, devint abbeè du Mont-Saint-Michel. Ces coutumiers sont plus proches de ceux de Fruttuaria que de ceux de Dijon. Par exemple, Fruttuaria, Feè camp et le Mont-Saint-Michel ont trois lec° ons pour Paê ques alors que Saint-Beè nigne et Cluny ont trois nocturnes. Voir J. Laporte, û L'abbaye du Mont-Saint-Michel aux

x

e

et

xi

e

sieécles ý, dans Milleènaire monastique du Mont-Saint-

Michel, eèd. J. Laporte, t. 1 (Paris, 1966), p. 75 ; J. Lemarieè , û La vie liturgique au Mont-Saint-Michel d'apreé s les ordinaires et le ceè reèmonial de l'abbaye ý, dans Milleènaire monastique du Mont-Saint-Michel, eèd. J. Laporte, t. 1 (Paris, 1966), (pp. 303-52) p. 340 ; et D. Dolan, Le Drame Liturgique de Paê ques en Normandie et en Angleterre au ê ge (Paris, 1975), pp. 73, 102, et 118. Un trope (vers 1000) du Quem quaeritis de la cathe drale d'Autun Moyen-A è subsiste. Voir Hardison, Christian Rite, pp. 182, 191 ; D. A. Bjork, û On the Dissemination of Quem quaeritis and the Visitatio sepulchri and the chronology of their Early Sources ý, dans The Drama of the Middle Ages, eèd. C. Davidson, C. J. Gianakaris, et J. H. Stroupe (New York, 1982), (pp. 1-24) p. 8 ; et S. Rankin, The Music of the Medieval Liturgical Drama in France and England (New York, 1989), pp. 18-29. Pour le ludus paschalis, voir surtout C. Flanigan's û Medieval Liturgy and the Arts. Visitatio Sepulchri as Paradigm ý, dans Liturgy and the Arts in the Middle Ages, eèd. E. L. Lillie et N. H. Petersen (Copenhagen, 1996), pp. 9-35. Pour une syntheé se des approches reè centes des fonctions du drame liturgique et une explication de son usage figuratif, voir N. H. Petersen, û Liturgical drama : New Approaches ý dans Bilan et perspectives des eè tudes meèdieèvales (1993-1999). Actes è tudes Meèdieèvales, Barcelone (8-12 juin 1999), eèd. J. Hamesse (Turnhout, 2004), du deuxieéme Congreés europeèen d'E (pp. 625-45) p. 636. (90) Heitz, û Processionnelle ý, p. 39. (91) Heitz, Recherches, pp. 27 et 249 ; Parsons, û The Pre-Romanesque Church ý, p. 23 ; et Rabe, Faith, pp. 125-26 et 135.

220

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

Les feêtes apreés Paêques

Le jour de l'Ascension correspond au cinquieé me jeudi, c'est-aé-dire au quarantieéme jour apreés Paêques. En prolongement des repreèsentations de la Semaine Sainte, ce jour-laé, aé Jeèrusalem, les peélerins effectuaient une procession en meè moire du voyage entrepris par les é Saint-Beènigne, pour l'Ascension, la messe apoêtres vers Beèthanie et le Mont des Oliviers. A matutinale eètait chanteèe aé l'autel de la Sainte-Croix. Puis, apreés tierce, une procession quittait l'eèglise par la porte de Saint-Etienne pour une eè glise voisine

92

é son retour, la . A

procession marquait une halte dans la nef oué eètait chanteè Viri Galilaei, avant qu'elle ne peèneétre dans le chÝur oué la messe eètait ceèleèbreèe. Le troisieéme coutumier nous apprend qu'apreés veêpres, la procession se rendait aé l'autel de la Sainte-Croix apreés veêpres, pendant l'octave

94

93

. Il en eètait de meême,

. Les pratiques de Cluny eètaient similaires

95

.

La Pentecoête occupe le premier rang des feêtes de l'anneèe chreètienne, apreés Paêques, et elle conclut la peèriode de cinquante jours qui lui succeéde

96

. Selon les premier et deuxieéme

coutumiers, le samedi de Pentecoête eètait semblable au Samedi Saint que tierce eètait chanteèe dans le chÝur

98

97

. Le deuxieéme preècise

. Le troisieéme speècifie, en outre, qu'apreés la messe

matutinale aé l'autel de la Sainte-Croix, une procession eè tait effectueèe, comme aé Paêques, ad Sanctam Mariam, puis aé travers le clo|être vers la nef, et enfin vers le Corpus sanctum, la messe eètant dite aé l'autel principal, dans le chÝur

99

. Ainsi, comme pour Paêques, la station sup-

pleèmentaire effectueèe aé Cluny dans le narthex, prenait place, aé Saint-Beènigne, au Corps Saint, dans la crypte

100

.

La deèdicace aé la Triniteè du troisieéme niveau de la rotonde de Saint-Beènigne aurait offert un site exceptionnel aé la ceèleèbration de l'Octave de Pentecoête (Dominica prima post pentecostem), mais on manque d'indices sur un tel emploi de ce site au deè but du xi que la feête de la Triniteè ait eèteè ceèleèbreèe dans le dioceése de Lieége deés le x

e

e

sieécle. Bien

sieécle, il n'est

pas fait reèfeèrence aé cette feête aé Cluny du temps d'Odilon ou aé Saint-Beènigne du temps de Guillaume

101

. Elle appara|êt dans les coutumiers clunisiens de Bernard et d'Ulrich

102

. Selon

Peter Dinter, Hugues de Cluny introduisit cette feête dans ses monasteéres entre 1050 et

(92) Chomton, Histoire, p. 413 ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 451-52. Le deuxieé me coutumier ne donne pas d'indication sur la porte de sortie. (93) Chomton, Histoire, p. 413. (94) Ibid., p. 414. (95) LT, pp. 107-09. (96) Heitz, û Lumieéres ý, pp. 92-93 ; BNF, CB, t. 11, f. 86v. (97) CA, 7.2, p. 105 ; et De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 458. (98) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 462-63. (99) Chomton, Histoire, p. 415. (100) De Valous, Le monachisme, t. 1, p. 364 ; Kru«ger, û Monastic ý, p. 209 ; LT, p. 115 ; De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 462. (101) Hunt, Cluny, p. 114 ; de Valous, û L'ordo ý, t. 1, p. 364. (102) Bern, pp. 333-34 ; Ulr, col. 673B-C.

9

221

chapitre 7 1070

103

. D'apreés le troisieéme coutumier, (comme aé Cluny), lors de la feête de la Triniteè, la

procession, apreés la messe matutinale, se rendait ad Sanctam Mariam, puis par le clo|être dans la nef de l'eèglise, et enfin, aé Saint-Beènigne, vers le Corps saint, soit la meême procession qu'aé la Pentecoête

104

. Cependant, dans un passage consacreè aé une explication des hymnes en

usage ce jour-laé, le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne laisse entendre, pour l'octave de la Pentecoête, qu'apreés une station aé l'autel de la Sainte-Croix, la procession montait au troisieéme niveau, Summae Trinitati eètant chanteèe devant l'autel de la Sainte Triniteè

105

. Le

troisieéme coutumier de Saint-Beènigne, qui se reèfeére aé la rotonde comme aé un tout, inclut quant aé lui implicitement le troisieéme niveau, puisqu'il mentionne que trois cierges eè taient placeès

devant

Mariam

107

l'autel

de

la

Triniteè

106

.

é A

veêpres,

on

se

rendait

eègalement

ad Sanctam

.

On est tenteè d'imaginer autour de l'autel de la Triniteè les genres de chants mentionneès par Raoul Glaber dans sa description du rite du dimanche de la Triniteè au deèbut du

xi

e

sieécle : û Le dimanche de l'octave de la Pentecoête, apreés s'eêtre reèjoui de la reèsurrection du Seigneur, ainsi que de son ascension et de la venue du Saint-Esprit, dans plusieurs endroits de diverses reègions, c'est la coutume de psalmodier des reè pons, composeès de paroles treés dignes porteèes par une belle meèlodie, et, autant que le peut l'esprit humain, dignes de la Triniteè divine ý

108

.

Endroit intermeèdiaire é A Saint-Beènigne comme aé Cluny, c'eètait preés de l'autel de la Sainte-Croix qu'un deèfunt la|ëc eètait encenseè. Les deux descriptions des processions pour les morts la|ë cs sont

(103) LT, p. 119. Selon Peter Dinter, l'eè diteur du Liber tramitis, û Clun. Ant. B

1

B

2

et Lect. Clun. I et Liber

tram. et Ant. Non. ne disent rien de la feê te de la sainte Triniteè , alors que Bern. 2, 24 (l.c. 333) fait reè feèrence `au huitieéme jour de l'octave oué l'on ceèleébre la sainte Triniteè ', mais il cite les lectures traditionnelles qui ont eè teè ajouteèes aux jours de l'octave de Pentecoê te. Chez Lanfranc (CCM 3.9) et dans Grad. Clun. Saec. XI, f. 95v, l'ancienne tradition observeè e aé Cluny appara|êt, la feê te de la Treés Sainte Triniteè occupant le dernier dimanche apreé s la Pentecoête. Tout cela confirme que l'abbeè Hugues a introduit cette feê te entre les anneè es 1050 et 1070 dans son monasteé re de Cluny. Des moines anglais (v. D n. 90, CCM 7), de Fulda et St Emmeran aé Ratisbonne ceè leèbraient deè jaé au

x

e

sieécle la feête de la sainte Triniteè le premier dimanche apreé s la Pentecoê te [...] ý

(De festo s. trinitatis tacent Clun. Ant. B

1

B

2

et Lect. Clun. I et Liber tram. et Ant. Non., dum Bern. 2, 25 (l.c. 333) refert

octavum diem non tam pro octava quam sanctissimae Trinitatis celebrari, sed citat lect. traditionales diei octavae Pentecostes addictas. Apud Lanfrancum (CCM 3.9) et in Grad. Clun. saec. XI, f. 95v, vetus Cluniac. traditio conservata apparet, ubi festum s. trinitatis ultimam dominicam post Pent. occupat. Quae omnia confirmant Hugonem abb. hanc festivitatem inter annos ca. 1050 et 1070 in monasterium suum Cluniac. introduxisse. (Monachi Anglici (v. D n. 90, CCM 7) et Fuldenses et s. Emmeramni Ratisb. iam ex saec. X festum s. trinitatis dom. prima post Pent. celebrabant [...]). (104) Chomton, Histoire, p. 416. (105) De antiquis, t. 4, liv. 3, col. 467. (106) Chomton, Histoire, p. 416. (107) Ibid., p. 417. (108) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 84 : Erat autem dominica dies octaua Pentecosten, in qua, propter expletionem gaudii resurrectionis dominice eiusdemque ascensionis et aduentus Sancti Spiritus, in plerisque diuersarum regionum locis mos est psallere responsoria, uerbis ualde honestissimis conposita, ac suaui sonoritate referta et, ut mens ualet humana, deifice˜ Trinitati condigna.

222

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

identiques dans le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne et dans le Liber tramitis, si ce n'est que ce dernier texte mentionne que l'autel qui eè tait encenseè juste avant l'encensement du corps du deèfunt eètait l'autel de la Sainte-Croix. Ce deètail additionnel nous fournit une indication preècise de la localisation du corps dans l'eèglise

109

. La ceèreèmonie pour la reèception

des deèfunts la|ëcs, dans le texte de Bernard et dans le troisieé me coutumier, comporte une station dans la galileèe, suivie d'une procession vers la nef, puis vers le cimetieé re pour l'ensevelissement

110

. L'entreèe de la galileèe (ad galileae introitum) mentionneèe dans le troisieéme

coutumier aé propos des processions en l'honneur des morts la|ëcs

111

correspond peut-eêtre au

û narthex ý ajouteè en 1147 et aé son lien avec la partie occidentale de l'eè glise de l'an mil. Selon le deuxieéme coutumier, la sortie des processions lieèes aé un malheur quelconque s'effectuait dans l'espace occidental : é la sortie de la galileè e du monasteé re, deux serviteurs de l'aumoê nier sont preêts de chaque coteè , A avec des baêtons que les freéres portent selon la coutume chaque fois qu'ils sortent nu-pieds du monasteére pour une procession. Les deux donnent chacun de leur coteè un baêton aé tous ceux qui sortent. Une fois termineè le chant pour le saint, on commence les antiennes pour le malheur et elles sont chanteè es jusqu'aé ce qu'on parvienne devant l'eè glise oué se rend la procession [...]

112

.

On se souvient que, selon le deuxieéme coutumier, l'espace occidental aé Saint-Beènigne eètait aussi l'endroit de la sortie de la procession des Rogations et que les baê tons y eètaient aussi distribueès

113 .

L'extreèmiteè occidentale de l'eèglise servait eègalement pour les processions qui marquaient la reèception des hoêtes de qualiteè

114

. Graêce au second et au troisieéme coutumier,

nous savons que des eèveêques, des papes et des rois, furent rec°us aé l'autel de la Sainte-Croix dans chacune des eèglises ; la procession, conduite par l'abbeè, accueillait l'hoête aé l'entreèe (ad introitum porticus) du monasteére, puis retournait vers le tapis poseè dans la nef devant l'autel de la Saint-Croix oué l'hoête se prosternait

115

. Celui-ci eètait ensuite conduit, de ce lieu inter-

meèdiaire entre le monde exteèrieur et les parties plus priveèes du monasteére, soit vers l'hospice, s'il s'agissait d'un la|ëc, soit vers un endroit plus convenable pour lui, s'il s'agissait d'un clerc.

(109) De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 797-98 ; LT, p. 284. (110) Sazama, û Le roê le ý, p. 447 ; Bern, p. 219. (111) Chomton, Histoire, p. 362. (112) Heitz, û Lumieé res ý, pp. 97, 102 ; BNF, CB, t. 11, f. 100v : Ad exitus vero galileae monasterii sunt parati duo famuli eleemosinarii hinc inde cum baculis, quos consuetudinaliter fratres portant quotiescumque nudis pedibus exeunt extra monasterium ad processionem ; et quisque de sua parte dat singulis egredientibus baculum in manu. Finito autem cantu de sancto, incipiuntur antiphonae de tribulatione, et cantantur usque quo veniatur prope ecclesiam ad quam vadit processio [...]. (113) De Antiquis, t. 4, liv. 3, col. 444. (114) Pour une histoire geè neèrale des processions lieè es aé l'accueil des notables et une analyse plus compleé te des processions aé Cluny, voir P. Willmes, Der Herrscher- `Adventus ' in Kloster des Fru«hmittelalters. Mu « nstersche Mittelalter-Schriften 22 (Munich, 1976), pp. 168-81. (115) De antiquis, t. 4, liv. 5, col. 801-03 ; Chomton, Histoire, p. 383.

9

223

chapitre 7

Conclusion é Saint-Beènigne, le parcours de certaines des processions provenant des coutumes cluA nisiennes a subi des modifications dues aux diffeè rences entre la configuration de l'abbaye de Cluny II et le dessin de la nouvelle eèglise dijonnaise, comme celles de ses autels et leurs emplacements. Nous avons pu constater qu'en particulier l'existence des eè tages infeèrieur et é supeèrieur aé Saint-Beènigne a neècessiteè la modification de la liturgie clunisienne. A titre d'exemple, une visite aé la crypte est venue s'ajouter aé la procession dominicale, aé celles de Paêques et de la Pentecoête, et lors d'autres occasions, afin de rendre hommage aé saint Beènigne apreés la station aé l'autel de la Sainte-Croix mentionneèe dans les coutumiers clunisiens (fig. 1, 38). Quelques-unes des consignes pour la procession de la feê te des Rameaux dans le premier coutumier de Saint-Beènigne se distinguent de celles des coutumiers contemporains de Cluny et sont speècifiques aé Saint-Beènigne, notamment par la reèfeèrence aé la visite au

castrum de Dijon

116

. Toutefois, le fait que la procession du dimanche des Rameaux

s'acheévait dans la nef indique qu'aé Saint-Beènigne, en ce qui concernait la liturgie, celle-ci avait remplaceè le

Westwerk carolingien. C'eètait la nef avec l'autel de la Sainte-Croix qui, aé

Saint-Beènigne, eètait le centre pascal, et non la rotonde

117

. Ainsi, en deèpit de certaines diffeè-

rences, Saint-Beènigne a evidemment adopteè la liturgie clunisienne de l'an mil. L'extreèmiteè occidentale de l'eèglise Saint-Beènigne procurait un acceés non seulement aé la crypte, mais eègalement vers le monde exteèrieur, aé l'instar de la galileèe de Cluny. De ce fait, elle servait freèquemment d'entreèe ou de sortie lors des processions monastiques vers des endroits situeès aé l'exteèrieur du monasteére, en peèriodes de troubles ou lors de la venue de visiteurs. Lors des processions reè unissant des moines et des la|ëcs, l'espace occidental de l'eèglise constituait un espace de transition. Il eè tait eègalement le lieu oué les moines se meêlaient aux la|ëcs, que ces derniers soient des hoêtes de marque, des gens du peuple ou des pauvres lors des feêtes pascales. é Cluny, la seèparation entre le vestibule de l'entreè e (galileèe) et la nef avec l'autel de la A Sainte-Croix eètait plus nette qu'aé Saint-Beènigne. Dans les limites de ses dimensions plus ou moins eèquivalentes aé celles de la galileèe de Cluny, l'espace occidental de Saint-Beènigne devait concentrer sa double fonction d'entreè e et de cadre pour l'autel de la Sainte-Croix. Dans l'intervalle de temps entre les deuxieé me et troisieéme coutumiers au

xii

e

sieécle, une

nouvelle fac°ade fut construite et ajouteèe aé l'eèglise de l'an mil, mais le mur de l'abside occidentale fut conserveè et renforceè sur une hauteur minimum de 60 cm au dessus du nouveau

xii

pavement du

e

sieécle qui eètait situeè au meême niveau que l'espace occidental du

xi

e

sieécle. La partie infeèrieure de l'abside a pu eêtre conserveèe comme un muret aé travers lequel des marches ont pu eêtre tailleèes, dans le meême axe que le nouveau portail central occidental du

xii

e

sieécle. Toutefois, il est eètrange que l'on n'ait jamais ajouteè une galileèe,

comme aé Cluny. Au lieu de cela seule une nouvelle traveè e reliait l'ancienne eèglise aé la nou-

(116) Supra, p. 210 et

CA, 7.2, pp. 65-66 ; Heitz, û Architecture et liturgie ý, pp. 38-39.

(117) Marino Malone, û The Rotonda ý, p. 300.

224

9

les processions liturgiques dans l'espace occidental

velle fac°ade ouest comme c'eètait le cas aé l'abbaye de Saint-Denis (preés de Paris) aé peu preés aé la meême eèpoque. L'importance de l'axialiteè aé Cluny procurait lors des processions des perspectives grandioses depuis l'ouest. Par exemple, lorsque les hoê tes de marque eètaient accueillis aé travers le portail ouest pour eêtre rec°us aé l'autel de la Sainte-Croix, ils s'avancaient vers l'autel aé travers la nouvelle et spacieuse galileèe

118

é Saint-Beènigne, en revanche, au xi . A

e

sieécle l'hoête

distingueè peèneètrait dans l'eèglise par un portail sur le bas-coêteè, l'abside occidentale excluant une entreèe directement dans l'axe de l'eèglise. Il est donc clair que, lorsqu'elle fut envisageè e aux alentours de l'an mil, l'abside occidentale fut perc° ue comme une solution aé laquelle devait eêtre subordonneè tout accent mis sur l'axialiteè. Il est fort probable que ce choix se justifiait par la volonteè de l'eèveêque Brun de se faire enterrer dans l'abside occidentale, selon un modeéle qu'on retrouve aé Fulda. L'absence d'un autel documenteè s'expliquerait alors par un changement d'intention duê aux circonstances de la mort et des obseéques de Brun. Cette hypotheése s'accorde avec la fonction de cet espace occidental en tant que lieu distinct du chÝur des moines et en tant que territoire important des la|ë cs, et donc de leur eèveêque. La trace de l'abside a subsisteè meême apreés la construction du û narthex ý au xii

e

sieécle et

les coutumiers attestent que l'espace occidental de Saint-Beè nigne eètait plus qu'un espace d'accueil. Situeè entre la crypte et la contre-abside, cet espace occidental se rapproche de celui qui figure sur le plan de Saint-Gall du ix Sainte-Croix moines

(118)

119

face



une

contre-abside

e

sieécle, oué l'on retrouve l'autel de la

contrebalanc°ant

l'heèmicycle

du

chÝur

des

.

De antiquis

, t. 4, liv. 5, col. 803 ; Chomton,

(119) Horn et Born,

Plan

Histoire

, p. 383.

, p. 130.

9

225

8 è TATION THE è OLOGIQUE INTERPRE

L

e plan tripartite de la rotonde

peut eêtre interpreèteè comme un cadre programmeè

pour la prieére et la meèditation monastiques. Les traditions theèologiques qui sous-ten-

dent son plan et son programme sont difficiles aé interpreèter avec preècision, deés lors que les seuls supports textuels de Saint-Beènigne dont nous disposons pour en comprendre la signification sont ses deèdicaces d'autels connues et sa liturgie. Cependant le contexte culturel dans lequel il s'inscrit est clair, puisque le creèateur de la rotonde, l'abbeè Guillaume, appartenait aé la culture clunisienne de l'an mil. Cette culture monastique eè tait sous l'influence d'une double tradition d'un point de vue theèologique, d'une part, la doctrine occidentale è glise, en particulier Ambroise (À 397), de la reèdemption eèlaboreèe par les Peéres de l'E Augustin (À 430), et Greègoire le Grand (À 604), d'autre part, le mysticisme helleè nistique, par l'intermeèdiaire du neèoplatonisme chreètien transmis par le Pseudo-Denys l'Areèopagite

v -vi

(

e

e

1

è rigeéne (À 870-880) . Ainsi, le sieécle), Maxime le Confesseur (À 662) et Jean Scot E

texte de l'Historiarum de Raoul Glaber sur les quaterniteès meéle les concepts de Maxime le Confesseur

et

2

d'Ambroise .

L'analyse

du

programme

de

la

rotonde

confrontera

des

syntheéses visuelles et textuelles issues de ces deux traditions theè ologiques, comme le Codex Uota et le Sermo de beato Maiolo, qui appartenaient aé cette grande culture monastique de l'an mil.

La prieére priveèe et la meèditation 3

Dans les monasteéres clunisiens, l'oraison priveèe tenait une place essentielle . S'il eètait important de rechercher l'union avec Dieu pendant la liturgie commune de l'office divin, la prieére personnelle devant les autels de la rotonde aé Saint-Beènigne eètait censeèe favoriser une

deèvotion

particulieérement

intime.

é A

Cluny,

l'abbeè

Odon

(927-942)

privileègiait 4

l'oraison priveèe, qui eètait selon lui û d'autant plus douce qu'elle est plus secreé te ý . Son successeur, l'abbeè Mayeul (954-994) û souvent, apreés les vigiles, passait la nuit sans dormir

(1) E. Ortigues

et

D. Iogna-Prat,

û Raoul

Glaber

et

l'historiographie

clunisienne ý,

Studi

Medievali

26 (1985) : (537-72) pp. 544, 549. (2) Ibid., p. 551 ; Iogna-Prat, Ordonner, pp. 61-62. ; Voir infra, p. 255. (3) J. Leclercq, û Culte liturgique et prieé re intime dans le monachisme au moyen aê ge ý, La Maison-Dieu 69 (1962) : (39-55) p. 46. (4) Odon de Cluny, De Vita sancti Geraldi comitis Auriliacensis, PL 133 : (639-710) col. 680A : tanto dulcius, quanto et secretius [...] ; Iogna-Prat, Agni, p. 339 n. 134 ; K. Hallinger, û Spiritual Life of Cluny in the Earliest Days ý, dans Cluniac Monasticism in the Central Middle Ages, eèd. N. Hunt (London, 1971), (pp. 29-55) p. 45.

9

227

chapitre 8 5

dans une oraison continuelle ý . Il avait fait rebaêtir un petit oratoire deèdieè aé saint Michel 6

é Saint-Beènigne, l'oratoire Saint-Michel correspondait au lieu le pour la prieére priveèe . A 7

plus priveè et il eètait situeè au niveau le plus eèleveè de la rotonde (fig. 8, 11, 38 : 22) . Les dessins de Plancher font appara|être le caracteére relativement austeére de la chapelle et semblent indiquer que, contrastant avec l'espace ouvert de la rotonde, son volume, plus resserreè, semblait inciter aé une prieére quasi clandestine. Peut-eêtre Guillaume appreècia-t-il particulieérement cet oratoire. Nous savons qu'avant de reconstruire Saint-Beè nigne, il entreprit des peélerinages au monasteére de l'Archange Michel situeè sur les hauts sommets des 8

Alpes, sur le Monte Pirchiriano, et au sanctuaire du Monte Gargano . D'autres particulariteès de la rotonde favorisaient l'oraison priveè e. Si on la compare avec l'oratoire marial aé Cluny qui se trouvait aé l'est du clo|être, la rotonde et ses annexes permettaient l'installation d'un plus grand nombre d'autels disposant d'un acceé s treés pratique en raison de la proximiteè du chÝur (fig. 38). Le premier coutumier de Saint-Beè nigne 2

Consuetudines Antiquiores (B ) est l'un des plus anciens coutumiers aé distinguer le lieu d'une 9

prieére personnelle de celui d'un culte en commun . Selon le premier coutumier de SaintBeènigne, û Puis ils vont dans le chÝur et s'asseyent. Si l'un des freé res veut faire une prieére personnelle, ils sortent et font une breéve prieére ; aé la suite de quoi ils reviennent dans le chÝur ý

10

. Le troisieéme coutumier interdit aux novices de se rendre sans permission aé

l'autel de la Triniteè ou aé celui de saint Michel (fig. 38 : 20, 22)

11

. Les restrictions imposeèes

pour l'acceés aé ces autels procuraient l'intimiteè neècessaire aé la prieére priveèe et aé la meèditation. Cet acceés limiteè manifeste le caracteére profondeèment sacreè de ce troisieéme niveau. En outre, la disposition des autels sur trois niveaux distincts suscitait en faveur de la prieé re priveèe une atmospheére particulieére, inexistante aé Cluny (fig. 38). Jean de Feècamp (990-1078), le disciple preèfeèreè de l'abbeè Guillaume, est l'auteur d'un recueil de prieéres pour la deèvotion priveèe, longtemps connues sous le nom de Meèditations de Saint Augustin

12

. Jean voyait dans la deèvotion priveèe une anticipation de l'union avec Dieu

(5) Leclercq, û Culte liturgique ý, p. 46 Hildebert, Vita Hugonis, PL 159 : (860-64) col. 861C : Satis praeterea insistens vigiliis, continuata oratione noctem saepe duxit insomnem. (6) J. Leclercq, Aspects du monachisme hier et aujourd'hui (Paris, 1968), p. 221. (7) Annexe I, p. 291, lignes 83-87 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, lignes 83-87. (8) Supra, p. 80 ; Rodolfus Glaber, Vita, p. 263 ; Chronique, p. 136. (9) Boynton, û Prayer ý, p. 903 ; CA, 7.2, pp. 17-18 ; LT, p. 188. D'autres coutumiers que l'on consideé re comme montrant les coutumes de Cluny des

x

e

et

xi

e

1

sieécles, les Consuetudines Antiquiores (B, B , G) et le Liber

Tramitis clunisien, compileè s dans la premieé re moitieè du

xi

e

sieécle et copieès aé l'abbaye de Farfa, font aussi cette

distinction entre la prieé re personnelle et le culte en commun. Les coutumiers clunisiens de Bernard et Ulrich, plus tardifs dans le

xi

e

sieécle, ne font pas de reè feèrence explicite aé la prieé re individuelle dans ou aé l'exteèrieur du

chÝur. (10) CA, 7.2, pp. 17-18. (B, B1, B2) : Postea uenient in chorum et sedeant. Si quis uero fratres uoluerit orationem facere peculiare, exeant et sub breuitate orationem faciant ; postea iterum ueniant in chorum. (11) Chomton, Histoire, p. 379. Le meême texte interdit aussi aux novices d'acceè der sans permission aé l'infirmerie. (12) Jean de Feè camp, Meditations of Saint Augustine, introd. J.-C. Girard, eè d. J. E. Rotelle, et trad. M. J. O'Connell (Villanova, PA, 1995), pp. 10-12 ; J. Leclercq et J.-P. Bonnes, Un ma|être de la vie spirituelle au

xi

e

è tudes de theèologie et d'histoire de la spiritualiteè 9 (Paris, 1946), pp. 24, 31. Il composa sieécle, Jean de Feè camp, E avant 1018 la Confessio theologica oué ces ideèes sont deè veloppeèes. Wilmart, Auteurs, pp. 66-76. Pour Bulst, Untersu-

228

9

interpreètation theèologique qu'il concevait comme ineffable, infini et incompreè hensible : la vision de la Triniteè, eèbaucheèe dans la foi, ne trouve son reèel acheévement que dans la contemplation de Dieu face aé face

13

. Ses prieéres sont impreègneèes de liturgie (surtout le Sanctus et le Te Deum), des eècrits

de Greègoire le Grand, et plus encore de ceux d'Augustin. Toutefois, û comme le PseudoDenys et les mystiques de tous les temps, [Jean] preè feére parler de Dieu selon la `voie neègative'

[...]

[Dieu]

posseéde

ces

attributs

sans

aucune

limitation ý

14

.

Des

prieéres

pour

Guillaume, son abbeè, apparaissent dans ces meèditations que Jean composa alors qu'il eètait prieur de Saint-Beènigne, peu de temps avant son deèpart pour Feècamp en 1017, oué il assuma la charge de prieur avant de revenir aé Saint-Beènigne en tant qu'abbeè entre 1052 et 1054

15

. Jean excluait qu'il soit possible de prier longuement de manieé re spontaneèe et il a

donc inciteè ses disciples aé la lecture de prieéres exigeant une grande deèvotion ture devait eêtre pleine de reèveèrence et s'accompagner de larmes

17

16

. Cette lec-

. Selon lui, la deèvotion

monastique incluait la psalmodie, l'oraison, la meè ditation, les larmes, les vigiles, dans 18

n'importe quel ordre

. De fait, pour lui, meèditation et prieére eètaient synonymes

19

. La

chronique de Saint-Beènigne marie eègalement, comme les deux phases d'une meême activiteè, la lecture et l'oraison

20

. Pour Jean, la lecture et l'oraison eèquivalaient aé û prendre les ailes

de la contemplation ý, autrement dit aé s'eèloigner des reèaliteès sensibles

21

. Le but de ses exer-

cices spirituels eètait de placer l'aême dans un eètat bienheureux d'exaltation. Il cherchait l'eèleèvation, le deèpassement, il voulait transcender le monde sensible

22

. Beaucoup de ses

prieéres sont centreèes sur la Triniteè et il est permis de supposer que l'autel de la Triniteè , aé Saint-Beènigne,

fut

le

lieu

privileègieè

Guillaume (fig. 7, 8, 12, 13, 38 : 22)

23

de

ses

deèvotions,

apreés

avoir

eèteè

celui

de

l'abbeè

.

chungen, p. 126 n. 51 Jean de Feè camp n'eè tait pas le neveu de l'abbeè Guillaume. Par ailleurs, il ne doit pas eê tre confondu avec l'abbeè de Fruttuaria, Jean, l'û Homme de Dieu ý de la chronique de Saint-Beè nigne. Voir aussi, Fulton, From Judgment, pp. 155-70. (13) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, p. 42. (14) Ibid., pp. 57, 80, 83-84 [citation], 90 ; Jean de Feè camp, Meèditations of Saint Augustine, p. 17. (15) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, pp. 13-14, 30 n. 2. (16) Ibid., p. 98. (17) Ibid., pp. 99,

143,

173 ;

Jean

Bonnes, Un ma|être de la vie spirituelle au

xi

de Feè camp, e

û Lettre aé

l'impeèratrice Agneés ý,

in J. Leclercq,

J.-P.

è tudes de theè ologie et d'histoire de la spirituasieécle, Jean de Feècamp, E

liteè 9 (Paris, 1946), (pp. 211-17) p. 214, lignes 97-98 : û Mais quand ils lisent cela avec des larmes et une extreême deèvotion ý (Quando autem ista leguntur cum lacrimis et deuotione nimia [...]) ; p. 214, lignes 92-93 û qui sont aé lire avec reè veèrence et aé meèditer avec la crainte qui leur est due [...] ý (Quae reuerenter legenda sunt et cum timore debito meditanda [...]). (18) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, p. 98. (19) Ibid., p. 100. (20) Ibid., pp. 24 n. 1, 100 n. 1 ; Chronique, p. 137 : û s'appliquant sans cesse dans une vie contemplative aé la

lecture

et



la

prieé re,

ils

eè taient

pour

ceux

qui

les

voyaient

aussi

bien

des

exemples

et

des

sujets

d'admiration ý (in contemplatiua vita lectioni et orationi assidue studentes, uidentibus exemplo fuerunt pariter et admirationi). (21) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, p. 102 ; Jean de Feècamp, Lettre aé l'impeèratrice, p. 215, ligne 111 : contemplationis pennas assumas et sursum. (22) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, pp. 90, 98. (23) Ibid., pp. 53, 110. Voir par exemple, les premieé res phrases de la Confessio theologica, eècrites aé SaintBeènigne. Jean de Feè camp, Confessio Theologica, eèd. J. Leclercq, J.-P. Bonnes, Un ma|être de la vie spirituelle au

9

229

chapitre 8 Comme les prieéres qu'il recommandait et la lecture qu'il encourageait, la structure de la rotonde a pu favoriser la deèvotion monastique. En effet, en relation avec le plan de la rotonde, les deèdicaces des autels peuvent eêtre interpreèteèes comme la mise en place d'un programme anagogique d'intercession pour la prieé re priveèe et la meèditation. Souvenonsnous des conseècrations des trois niveaux de la rotonde mentionneè es par la chronique : oratorium sancti Johannis baptistae [...] basilicam sanctae Dei genitricis Mariae [...] aecclesiam sanctae et individuae Trinitatis

24

. La deèdicace des autels de la chapelle axiale de chacun de ces niveaux,

aé Jean-Baptiste pour le niveau infeè rieur, aé Marie au niveau intermeèdiaire et aé Michel dans la chapelle supeèrieure, renvoie au theéme de l'intercession, puisque toute confession des peècheès durant la messe convoque ensemble Marie, Michel et Jean-Baptiste

25

. De plus, un

theéme semblable est suggeèreè par les deèdicaces des autels dans les niveaux correspondants de la rotonde : les autels situeès au niveau de la crypte eètaient deèdieès aé des saints qui eètaient soit des confesseurs, soit des martyrs, comme Jean-Baptiste, et les autels situeè s au niveau du chÝur de l'eèglise eètaient eègalement deèdieès aé des saints, apoêtres et eèvangeèlistes. Or, les saints, comme dans les textes de Jean de Feècamp

26

, eètaient consideèreès comme des interces-

seurs. Ainsi, les deux niveaux infeèrieurs peuvent eêtre perc°us comme une preèparation au troisieéme niveau, assimileè par la preèsence des autels de la Sainte Triniteè et de Michel au royaume supreême

auquel aspire le

suppliant.

Le jugement du

chroniqueur

de Saint-

Beènigne selon lequel ce chef d'Ýuvre puisait sa source dans un sentiment mystique et eè tait le fruit d'une inspiration divine vient conforter l'ideè e selon laquelle l'organisation des autels de la rotonde reèpond aé une hieèrarchie spirituelle ascendante, ainsi que l'interpreè tation qui fait de la structure architecturale environnante une aide pour la progression spirituelle des moines

27

.

Les escaliers en spirale de la rotonde contribuaient eux-meê me aé stimuler une reèponse anagogique en correspondance avec la signification anagogique des deè dicaces des autels situeès sur les trois niveaux superposeès de la rotonde. Selon Eco, un escalier, parce qu'il fonctionne comme un signe ou une stimulation programmeè e, constitue une incitation aé aller plus haut. Il renvoie de lui-meême aé la notion d'ascension : û Un escalier [...] est un artifice seèmiotique qui signale des fonctions donneèes [...] l'escalier indique la direction et se reèfeére donc aé un modeéle de contenu [...] l'escalier m'oblige aé mouvoir mes jambes dans le sens de la monteèe ý

28

. Les escaliers en spirale constituent pour nous un signe, une trace

mateèrielle de la progression physique, et donc spirituelle, dont la rotonde eè tait le sieége.

xi

e

è tudes de theèologie et d'histoire de la spiritualiteè (Paris, 1946), (pp. 109-83) p. 110, sieécle, Jean de Feè camp, E

ligne 6. (24) Annexe II, p. 294-95, lignes 64, 68, 76 ; Annexe I, p. 290, lignes 64, 68, et 76 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, lignes 64, 68, et 76. (25) Heitz, û D'Aix-la-Chapelle ý, p. 9, fait intervenir un concept similaire d'intercession en mettant en relation les trois deè dicaces de la chapelle axiale de la rotonde aé Dijon avec la Deesis dans l'imagerie du Jugement Dernier. (26) Jean de Feè camp, Meditations of Saint Augustine, pp. 70-71. (27) Annexe I, p. 287, lignes 7-9. (28) Eco, La production, p. 120.

230

9

interpreètation theèologique Ecclesia

Le sermon prononceè par Guillaume lors de la conseècration de l'eèglise en 1016 peut eêtre analyseè comme la repreèsentation textuelle d'un parcours vers le salut analogue au chemin traceè par ces autels, et perc°u comme une explication du programme qui sous-tend le plan de la rotonde, conc°ue comme Ecclesia

29

. Selon Raoul Glaber, lors des solenniteès sacreèes de

la messe de conseècration, le Peére Guillaume, le visage enflammeè, fondant en larmes, prononc°a les paroles suivantes : Vous eêtes reèunis, freéres et sÝurs, troupeau racheteè par le prix du sang du Christ. Vous eê tes è glise ceèleste et eè ternelle, qui est appeleè e reè unis, dis-je, aux noces de Son eè pouse, votre Meé re, l'E universelle, non seulement parce qu'elle s'eè tend jusqu'aé toutes les limites de ce monde, mais aussi parce que jamais la monstruositeè des fautes ne surpasse les dons de la miseè ricorde, pourvu que la foi soit preè sente. Elle est preè figureèe par les figures mystiques des patriarches, reè veèleèe par les preè sages des propheé tes, eèdifieèe par le labeur et l'autoriteè des apoê tres, consacreè e par le sang des martyrs. En elle, vous avez eè teè laveès et renouveleès de la culpabiliteè du peècheè originel par les eaux du bapteê me salvateur. Ainsi pouvez-vous reveê tir la robe initiale de la beè atitude angeèlique que vous aviez perdue par le peè cheè de vos premiers parents, habitants du Paradis. En elle, vous avez mangeè la chair et bu le sang de l'Agneau Tout-Puissant, qui vous a choisis pour occuper le royaume qui est le sien et celui de son Peé re, et pour entrer en possession de la gloire du Saint-Esprit

30

.

Le contenu de ce sermon de 1016 fait penser aux deè dicaces des trois niveaux de la rotonde. Celle-ci eètait commenceèe depuis 1001, mais pas encore consacreè e ; elle ne le sera è glise est û consacreèe du sang des martyrs [...] est preèfiqu'en 1018. En proclamant que l'E gureèe par les figures mythiques des patriarches [et] reè veèleèe par les signes des propheétes ý, Guillaume semblait faire allusion au niveau infeè rieur, aé la crypte de la rotonde oué se trouvaient le dernier des propheétes, Jean-Baptiste (fig. 38). Le deuxieéme niveau de la rotonde, è glise est û mise en forme par le avec ses autels des apoêtres, correspondait aé l'ideèe que l'E è pouse du Christ, votre Meére, labeur et l'autoriteè des apoêtres ý. Lorsqu'il eèvoquait û l'E è glise ceèleste et eèternelle qui est deèclareèe universelle ý, peut-eêtre songeait-il d'abord au l'E deuxieéme niveau de la rotonde, basilica Dei genitricis Mariae. Enfin, l'annonce faite aux fideéles que û l'Agneau Tout-Puissant les a choisis pour occuper le royaume qui est le sien et celui de Son Peére, et pour entrer en possession de la gloire du Saint Esprit ý constitue une reèfeèrence limpide aé la Triniteè, autrement dit au troisieéme niveau de la rotonde. Le sermon de Guillaume deèfinit la rotonde, deèdieèe aé la Vierge et aé tous les martyrs, comme eètant

(29) Supra, p. 116. (30) Rodulfus Glaber, Vita, p. 290 : Conuenistis, fratres et sorores, grex pre˜ cio Christi sanguinis redemptus, conuenistis, inquam, ad nuptias ipsius sponse˜ matrisque uestre˜ ce˜lestis ac sempiterne˜ aecclesie˜ que˜ iccirco uniuersalis dicitur, quoniam non solum quod in omnes mundi terminos dilatatur, sed etiam pro eo quod nulla immanitas criminum illius superat, si tantum fides assit, dona misericordiarum. Que˜ scilicet patriarcharum misticis presignata figuris, prophetarum ostensa pre˜ sagiis, apostolorum auctoritate ac labore constructa et martyrum sanguine consecrata. In qua abluti ac renouati a culpa ueteris piaculi per salutaris undam baptismatis sicque induimini prima stola angelice˜ beatitudinis, quam amisistis in transgressione parentis primi incole˜ paradysi, deinde uero editis carnem ac potatis sanguinem illius omnipotentis agni, qui uos pre ce˜ teris mundi creaturis formans et redimens inuicta benignitate elegit ad sui atque patris regnum Sanctique Spiritus gloriam possidendam.

9

231

chapitre 8 è glise eèternelle, l' l'E

Ecclesia, conc°ue aé cette eèpoque comme l'Eèglise terrestre unie aé l'Eèglise

ceèleste, en tant qu'eèpouse du Christ. La structure de la rotonde fait aussi reè feèrence aé la Triniteè et aé l'eèterniteè. Les trois niveaux de la rotonde et de sa chapelle axiale montrent clairement l'importance du chiffre 3. De plus, le nombre de colonnes et de feneêtres compteèes par la chronique fait ressortir ê ge, non seulement des multiples de 3 mais aussi le nombre 8 et ses multiples. Au Moyen A le chiffre 3 constitue le plus souvent une reè feèrence aé la Triniteè et le chiffre 8 se rapporte è ternelle. Selon la chronique, û Il [l'oratoire ordinairement aé la Reèsurrection et aé la Vie E Saint-Jean-Baptiste] est entoureè d'une triple seèrie de colonnes disposeèes geèomeètriquement é son sommet, se deèploie une eèleègante vou par quarante et par huit. A ê te reposant sur vingtquatre colonnes et trente-deux arcs, reè partis eègalement sur trois parties de la structure. Cet oratoire a eèteè consacreè en l'honneur de saint Jean-Baptiste, dont l'autel est eè claireè par la lumieére de trois feneêtres ý (fig. 5)

31

. La chronique dit erroneèment du second niveau qu'il

est supporteè par soixante-huit colonnes

32

. En reèaliteè, le niveau de la crypte et les niveaux

principaux sont chacun supporteès par huit, plus deux fois huit, trois fois huit colonnes, soit un total de quarante huit colonnes (fig. 6). La chronique elle-meê me teèmoigne de cette erreur dans le nombre des colonnes du second niveau, celui de la Vierge Marie, puisqu'elle ajoute immeèdiatement apreés avoir donneè ce nombre de soixante-huit qu'elle û a la meê me dimension et la meême forme en diameétre ou en hauteur que [l'eèglise] infeèrieure ý

33

. De

plus, selon la chronique, û on monte aé l'autel de marbre de cette meême [Marie], toujours vierge, par quatre degreès diviseès en trois [dans la chapelle axiale] ý

34

é la fin, la chro. A

nique explique û deux escaliers tournants de trente marches, assez bien eè claireès, permettent de monter aé l'eèglise de la sainte et indivise Triniteè, construite en forme de couronne et appuyeèe sur trente-six colonnes ý (fig. 7)

35

. Les 36 colonnes correspondent aé deux cercles

de 8 et 24 colonnes respectivement puisque la rangeè e du milieu (de 16 colonnes) preèsente dans les niveaux en dessous est ici absente. Le troisieéme eètage de la rotonde posseéde trois feneêtres de chaque coêteè de l'entreèe de la chapelle Saint-Michel, dont l'abside est eè galement eèclaireèe par trois feneêtres, comme l'est la chapelle axiale sur les deux niveaux plus bas. Toutefois cet accent sur le 3 et le 8 ne se retrouve pas dans les dimensions mesureè es en coudeèes et ne semble donc pas faire part de la conception du plan lui-meê me. 3 et 8 constituent seulement un accent visuel, et non un code spiritual masqueè , comme on le dit si souvent des dessins meèdieèvaux. Selon Hourlier, dans un sermon prononceè lors de la feête de la Pentecoête par l'abbeè è glise appara|êt, Odilon de Cluny (994-1048), qui connaissait la notion de corps mystique, l'E dans une perspective identique aé celle du sermon de Guillaume, comme û sanctifieè e, enseigneèe, consoleèe par les Apoêtres, les martyrs, les docteurs, et, graê ce aé eux, triomphante de

(31) Annexe I, p. 289-90, lignes 59-65 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 59-65. (32) Annexe I, p. 290, ligne 68 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 68. (33) Annexe I, p. 290, lignes 69-70 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 69-70. (34) Annexe I, p. 290, lignes 70-71 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 70-71. (35) Annexe I, p. 290, lignes 75-77 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, lignes 75-78.

232

9

interpreètation theèologique tous ses ennemis ý

36

. Selon Iogna-Prat, en adheèsion aé la tradition augustinienne, les cluni-

è glise ý (Maria portio siens invoquaient Marie comme û la partie la plus importante de l'E maxima est Ecclesiae)

37

è glise, û Marie est la figure de l'E è glise en ce sens . Pour les Peéres de l'E

è glise ý que le mysteére de sa Materniteè divine est le mysteére meême de la naissance de l'E

38

.

Le concept de l'Incarnation correspondant aé la premieére phase de reèalisation du mariage è glise appara|êt comme essentiel aé la compreèhension mystique qui lie le Verbe fait chair aé l'E de la rotonde de Dijon oué le niveau principal eètait deèdieè aé la Dei genitrix Maria

39

.

ê ge, etablissent un lien direct Comme saint Augustin, les auteurs du haut Moyen A è è glise et l'Incarnation dans le sein de Marie entre les eèpousailles du Christ et de l'E

40

.

Ambroise Autpert (À 784) insiste sur ce point dans son homeè lie pour la Purification : û Si je dis que le Christ est le freére des croyants, pourquoi celle qui a engendreè le Christ ne serait-elle pas la meére des croyants ? ý

41

. Selon Iogna-Prat, les homeèlies d'Ambroise Autpert

et de Paschase Radbert sur la Purification et l'Assomption û forment l'essentiel des lec° ons de l'office monastique de la Vierge, qui se constitue fin

x

e

-deèbut

moines, pendant des milliers d'heures, ont meè diteè ý ces textes Cantique des Cantiques, ouvrage qui eètait connu aé Cluny au è pouse comme eètant Marie l'E la naissance du Christ

45

44

xi

e

42

xi

e

sieécle ; des milliers de

. Dans son commentaire du

sieécle

43

, Ambroise a identifieè

. Les sermons d'Aelfric, notamment son sermon consacreè aé

, sont un teèmoignage suppleèmentaire de cette conception de la rela-

è glise. Jean de Feècamp, luition entre le Christ et Marie, eèpouse et personnification de l'E meême, eètablit un paralleéle entre la Vierge et l'Eglise : û Il est donc neè d'une vierge, pour

(36) Hourlier, Saint Odilon, p. 140 : Sermon 9. (37) Iogna-Prat, û Les morts ý, p. 62 n. 69. è glise (Paris, 1953), (pp. 75-132) è glise en Marie ý, Marie et l'E (38) R. P. C. Dillenschneider, û Toute l'E ê ge. é travers saint Ambroise, l'eè veêque de Milan, les ideèes d'Ireè neèe ont eèteè transmises aé tout le Moyen A p. 103. A Souvent Augustin et Beé de preèsentent Ecclesia comme une meére semblable aé Marie. Voir Saint Augustin, Sermons on the Liturgical Seasons, trad. M. Muldowney, The Fathers of the Church (New York, 1959), pp. 30-33. è glise, donc, imitant la Meére du Seigneur en Dans un sermon pour la feê te de la Nativiteè, Augustin eè nonce : û l'E penseèe, mais pas en chair, est aé la fois meé re et vierge ý. è glise ý, pp. 106-07, citant Augustin et Greè goire le Grand, explique que (39) Dillenschneider, û Toute l'E è glise, corps du Christ, est en Marie, Meé re du Christ-Chef, et toute l'E è glise, eèpouse du Christ, est pertoute l'E é ve. Therel, Le Triomphe, pp. 121, 127-28, 138, 140, met en eè vidence le paralleé sonnifieèe en Marie, la nouvelle E è glise et de Marie dans la litteèrature patristique et l'exeègeése de Beéde, Autpert, Haymon d'Auxerre, lisme de l'E et Paschase Radbert. è glise ý, p. 108b. (40) M.-J. Congar, L'eccleèsiologie, p. 78 ; Dillenschneider, û Toute l'E (41) Ambroise Aupert, Homeèlie pour la Purification, eèd. R. Weber, CCCM 27B (Turnhout, 1979), p. 992, ligne 23 : Si, inquam, Christus credentium frater, cur non ipsa quae Christum genuit sit credentium mater ? D. Iogna-Prat, û Le culte de la Vierge sous le reé gne de Charles le Chauve ý, Marie : le culte de la Vierge dans la socieè teè meèdieèvale, è . Palazzo, et D. Russo (Paris, 1996), (pp. 65-98) pp. 86-87. eètudes reè unies par D. Iogna-Prat, E (42) Iogna-Prat, û Le culte ý, p. 84. (43) M. C. Garand, û Une collection personnelle de saint Odilon de Cluny ý, Scriptorium 33 (1979) : (16380) pp. 177, 180. (44) F. Ohly, Hohelied-Studien : Grundzu« ge einer Geschichte der Hoheliedauslegung des Abendlandes, bis um 1200 (Wiesbaden, 1958), pp. 32-41 ; Ambroise, In Cantica Canticorum, PL 15 : (1851-1961) col. 1851F. (45) Aelfric, The Homilies of the Anglo-Saxon Church, The First Part, containing the Sermones Catholici, eèd. et trad. B. Thorpe, t. 2 (London, 1846), pp. 11-13.

9

233

chapitre 8 è glise vierge ý que nous renaissions du sein de l'E

46

. Ainsi, la Vierge eètait, en tant que meére,

è glise aux alentours de l'an mil. eèpouse, souveraine, une figure essentielle de l'E Rappelons que les premiers coutumiers de Cluny et de Saint-Beè nigne prescrivait le Cogitis me de Paschase Radbert et des antiennes baseè es sur le Cantique des Cantiques pour la Feête de l'Assomption

47

. Paschase Radbert dans son sermon Cogitis me deècrit le triomphe de

Marie comme celui d'une eèpouse admise aé sieèger aux coêteès de son royal eèpoux et cite les versets 3, 6 ; 6, 9 ; 2, 11 ; 4, 12 et 4, 15 du Cantique des Cantiques

48

. Le fait que Mayeul ait

repris le passage consacreè aé l'Assomption de la Vierge dans le Cogitis me de Paschase Radbert traduit l'importance que ce texte reveêtait aé Cluny

49

. Meême si l'on ne peut consideèrer

è glise comme le º c'est ce que soutient Rachel Fulton º l'identification de Marie avec l'E fondement de l'identification de l'eèpouse dans le Cantique des Cantiques avec Marie aé ce moment, celle-ci eètait deèjaé assimileèe aé l'Ecclesia par les moines de Cluny vers l'an mil. En effet, les lectures et les chants liturgiques en usage lors de la feê te de l'Assomption ceèleèbraient son reégne aux coêteès du Christ, en tant qu'eèpouse ceèleste, de la meême manieére qu'eètait ceèleèbreè le reégne de l'Ecclesia lors de la feête de la deèdicace, bien qu'il existe des diffeèrences entre les textes retenus pour l'une ou l'autre de ces feê tes. Fulton admet que Paschase Radbert consideèrait que û quelques passages dans le Cantique des Cantiques qui sont generaliter è glise pourraient specialiter se rapporter aé la Vierge ý compris comme signifiant l'E

50

. Paul

Diacre dans son homeèlie pour la feête de l'Assomption justifie l'application aé Marie du verset de Sicut lilium (Cant. 2, 2) comme suit : û bien que que cela puisse s'entendre de è glise universelle, cela peut eêtre appliqueè de manieére plus approprieèe speècifiquement aé la l'E Vierge ý

51

.

Et

n'oublions

pas

que

l'abbeè

Guillaume

lui-meême

aurait

composeè

pour

l'Assomption une antienne mariale baseèe sur Sicut lilium (Cant. 2, 2). Ces conceptions reliant la Vierge aé l'Ecclesia, connues dans le milieu clunisien de l'an mil, devaient impreè gner l'atmospheére de la procession conduite par les moines aé travers la rotonde de Saint-

(46) Jean de Feè camp, La Confession, p. 145 ; Jean de Feècamp, Confessio Theologica, 2

e

partie, p. 150, lignes

576-77 : Natus igitur est ex uirgine, ut nos renascamur ex ecclesiae virginis utero. (47) Supra, p. 186. (48) Therel, Le Triomphe, p. 141. (49) Iogna-Prat, Agnii, p. 327. (50) Fulton, `Quae est ista', pp. 68 (citation) 57-59, 60, 70-73, 120, 117-19, cite Pascase Radbert, Expositio in Matheo libri XII, eèd. B. Paulus, CCCM 56 (Turnhout, 1984), 1, pp. 119-20. (51) Paul Diacre, Homilia Prima, In Assumptione Beatae Mariae Virginis, Homiliae, PL 95 : (1565-84) col. è glise]. 1568A : û Le nom de lis peut eêtre celui de la sainte meére du Seigneur, il peut aussi deè signer la Vierge [l'E Ainsi il est dit plus loin dans la meê me cantique `Comme le lis entre les chardons, telle ma bien-aimee entre les è glise universelle, cela peut eê tre appliqueè jeunes femmes'. (Cant. 2, 2). Bien que que cela puisse s'entendre de l'E de manieére plus approprieè e speècifiquement aé la Vierge ý (Potest etiam lilii nomine sancta haec mater Domini, potest quoque virgo signari ; unde et in eodem Cantico subinfertur : Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias (Cant. 2, 2). Quod licet et de universali Ecclesia possit accipi, convenientius tamen specialiter huic potest Virgini coaptari). Therel, Le Triomphe, p. 140 ; Arnoux, û Introduction ý, p. 15 ; Paul Diacre eè tait connu en l'an mil ; Raoul Glaber l'invoque aé la premieére page de son histoire.

234

9

interpreètation theèologique é Dijon, pendant la liturgie, Beènigne lors de la feête de la Purification et de l'Assomption. A dans le niveau meèdian consacreè aé la Vierge, reèsonnait l'eècho de ces reèfeèrences aé l'Ecclesia.

Vita

Selon Pierre Mariaux, l'anecdote telle qu'elle est relateè e par Raoul Glaber dans sa

aé propos de la naissance de Guillaume porte eè galement l'empreinte de la circulation de ces ideèes

52

. L'apparition onirique de Perinza, veêtue de la dalmatique, le sein droit eèclaireè d'un

rayon de lumieére, eèvoque, selon lui, une annonciation et la naissance de l'enfant Guillaume rappelle la naissance d'Ecclesia : û La mise au monde de l'enfant par le coêteè, assisteèe d'anges

colo-

plutoêt que de sages-femmes, renvoie au Christ en croix (la dalmatique vaut pour un

bium) et aé la naissance d'Ecclesia. Du sein droit de Perinza s'eèchappe, non pas le sang et è glise incarneèe par Guillaume ý l'eau, mais la nouvelle E

53

.

Dans l'art figuratif de l'an mil, la Vierge appara|ê t comme une image de l'Ecclesia. Toujours selon Pierre Mariaux, dans les miniatures des manuscrits commandeè s par Warmond, eèveêque d'Ivreèe (À 1002-1006), sous les traits de Marie, c'est la figure de l' Ecclesia qui transpara|êt

54

. Une repreèsentation de la Vierge en Majesteè avec l'Enfant, sur un folio d'un

manuscrit de la fin du

x

e

sieécle conserveè aé la Bibliotheéque municipale de Clermont-Ferrand

(Bibliotheéque municipale, ms. 145, f. 130v) en est une autre illustration. Cette repreè sentation preèceéde le reècit de la vision du moine Robert d'une eè glise eèvoquant la catheèdrale de Clermont reconstruite et la Jeèrusalem ceèleste. La Vierge-Eglise y tient un sceptre en forme è glise et de la Sagesse, et repose sur un troêne rappelant les de croix hasteèe, attribut de l'E murs de la Jeèrusalem ceèleste. Ce sceptre est une allusion aé la femme vaillante des Proverbes 31, 10-31, salueèe par Beéde et Augustin du nom d'Ecclesia. Selon Daniel Russo, cette figure û est construite en eècho au texte de la Vision qui reprend le deècor [...] de la citeè ceèleste, è zeèchiel et de l'Apocalypse ý celle d'E

55

.

Selon Maylis Bayleè, les chapiteaux de la rotonde de Saint-Beènigne reprennent les theémes de l'Ecclesia, de la fin des temps et de l'aveénement de la Jeèrusalem ceèleste. Elle conclut qu'aé Saint-Beènigne, le symbolisme û de la rotonde convient parfaitement aé la deèdiè glise `Ecclesia cace mariale. Non seulement la Vierge est une figure de l'E

Dei cum Christo'

è glise, symboliseèe par les orants, est ici reèunie dans le selon saint Ambroise, mais cette E cadre de la Jeèrusalem ceèleste ý

56

. Quoique nous soyons convaincus que ce theé me de la cor-

reèlation Marie-Eglise participe de la signification de la rotonde, la sculpture de la crypte n'en offre pas, nous semble-t-il, une preuve irreè futable. Comme nous l'avons deèjaé eèvoqueè

(52) Supra, p. 79 ; Mariaux,

Warmond, p. 207.

(53) Ibid., pp. 201-02. (54) Ibid., pp. 213, 220, 224. (55) D. Russo, û Les repreè sentations ý, pp. 220, 232-35. Voir aussi Mayr-Harting,

Ottonian Book, t. 2,

è glise dans pp. 42, 92. Mayr-Harting met en eè vidence la preèsence du theé me marial en relation avec celui de l'E des images des manuscrits ottoniens de l'an mil, comme les

Commentaires de Bamberg , 22, f. 4 et le Sacramentaire

de l'eèveêque Sigebert de Minden (1022-36). Selon lui, bien que les gloses de Beé de dans les

Commentaires de Bam-

berg sur le Cantique des Cantiques neègligent les theémes mariaux, ils pourraient s'insinuer dans l'illustration du corteége des baptiseè s vers le Ciel, f. 4 (Pl. II). (56) Bayleè , û Les sculptures ý, pp. 69, 71.

9

235

chapitre 8 plus haut, s'appuyant sur les deux chapiteaux encore existants, Bayleè soutient que le projet initial, s'il avait eèteè acheveè, aurait consisteè aé sculpter sur chacune des vingt-quatre colonnes une corbeille orneèe d'un orant sur les quatres faces, donnant ainsi la repreè sentation des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse (fig. 20, 21)

57

. Toutefois, les orants eètant sculpteès

sur les quatre faces de chaque chapiteau, c'est bien plus de vingt-quatre vieillards qui auraient eèteè repreèsenteès si de telles figures (peintes ou sculpteèes) avaient orneè toutes les faces des huit colonnes du cercle inteèrieur et les seize du cercle exteèrieur. En outre, aucune fiole ni aucun instrument de musique n'est associeè aux orants sur les deux chapiteaux subsistant dans la rotonde, contrairement aé ce qui se constate geèneèralement dans les repreèsentations des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse. Cependant, selon Bayleè , les orants auraient pu repreèsenter non seulement les vingt-quatre vieillards, mais ils pourraient û eè galement figè glise ý urer des patriarches, des propheétes et des docteurs de l'E semble

plus

raisonnable,

puisque

les

orants

des

deux

58

. Cette dernieére hypotheése

chapiteaux

sont

reveê tus

d'une

è glise. chasuble, eèleèment indiquant nettement leur appartenance aé l'E En outre, Bayleè tente de deègager sur les chapiteaux situeès en face de l'heèmicycle des theémes plus ou moins emprunteès au texte de l'Apocalypse. Elle voit un symbole de la è zeèchiel dans la preèsence d'un aigle nimbeè sur le chapiteau sud et une reèfeèrence aé vision d'E l'Apocalypse de saint Jean dans le centaure du chapiteau nord, qu'elle consideé re comme pouvant eêtre assimileè û au cavalier noir ou cheval paêle, symbole du diable ou de la mort spirituelle selon la plupart des commentateurs, qui eè crase beêtes et gens sous ses pieds ý ê ge, les centaures symbolisaient souvent la luxure, la brutalite , et le Diable Au Moyen A è

59

60

. .

é Saint-Beènigne des serpents sont pieètineès par l'aigle, couronneè d'une gloire ; l'aigle est A l'unique image du bien manifestement triomphant preè sent sur l'un ou l'autre de ces deux chapiteaux. Si l'on admet que l'aigle puisse constituer une reè feèrence aé l'un des quatre Vivants, il faut eègalement constater qu'aucun des trois autres n'est repreè senteè. Sur l'angle sud-est du chapiteau nord face aé l'heèmicycle, l'homme qui tient d'une main un livre ouvert tout en luttant contre un griffon et un monstre repreè sente peut-eêtre un è glise terrestre assailli par les forces du mal (fig. 23) membre de l'E

(57) Supra, p. 52. Marino Malone,

61

é l'angle sud-est du . A

Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 132, fig. 74.

(58) Bayleè , û Les sculptures ý, p. 71.

Saint-Beènigne et sa rotonde, fig. p. 133, 78, 80. Physiologus, trad. M. J. Curley (Austin, 1979), p. 24 ; M. Angheben, Les chapiteaux romans de Bourgogne :

(59) Ibid. ; Marino Malone, (60)

theémes et programmes (Turnhout, 2003), p. 356. Selon Marcello Angheben, û Dans l'ensemble de la litteè rature meèdieèvale, le centaure est un eê tre hybride dont le caracteé re diabolique est rarement contesteè . [...] Dans l'exeè geése, le centaure a eèteè rattacheè aé un grand nombre de vices dont la luxure et l'hypocrisie, ou encore l'orgueil ý. Il cite Greè goire le Grand,

Moralia in Job, VII, 36, CCSL 143, p. 360. Le centaure et d'autres mons-

tres sont utiliseès par Pierre le Veè neèrable au Pierre le Veè neèrable,

xii

e

è glise. Angheben cite sieécle pour deèsigner les perseècuteurs de l'E

The Letters of Peter the Venerable, eèd. G. Constable, t. 1 (Cambridge, Massachusetts, 1967),

pp. 144-45. (61) Baudot, û Notes ý, f. 78v : û une des figures qui a entre les pieds ce losange parait avoir [...] un livre ouvert et pendu qu'il tient avec une de ses mains ý.

236

9

interpreètation theèologique chapiteau sud, un autre homme affronte des serpents (fig. 22)

62

. Un basilic, dont la forme

ressemble aé la silhouette de l'homme sculpteè sur l'angle sud-est et portant sur le dos un serpent similaire aé celui que l'homme empoigne, orne l'angle sud-ouest

63

. Des personnages

analogues, surplombeès, assaillis et mordus par des teêtes de dragons, figuraient autrefois sur la plupart des angles des chapiteaux. Derrieé re l'aigle lui-meême surgissent des teêtes des dragons qui l'attaquent. Bien qu'ils n'aient pas sept teêtes, ces monstres pourraient cependant faire allusion aé la è glise dans Reèveèlations 12. Alors que dans ce texte, l'E è glise est personnibeête qui attaque l'E è glise pourrait ici eêtre repreèsenteèe par l'aigle fieèe par la Femme enveloppeèe par le soleil, l'E et les figures des hommes occupant les angles, eètant donneè que l'une d'entre elles au moins tient un livre ouvert, comme le ferait un diacre. Mais il ne faut pas oublier que ce type de monstres renvoie aé une situation plus quotidienne, plus geèneèrale, celle du combat spirituel sur la terre, un theéme qui est souvent preèsent dans l'art meèdieèval sans reèfeèrence speècifique aé l'Apocalypse

64

. Rappelons que les deèmons n'eètaient nullement eètrangers aé la vie ordi-

naire et que Raoul Glaber en voyait au pied de son lit

65

. Le griffon, consideèreè comme dia-

bolique, eètait freèquemment repreèsenteè en train de deèvorer un cheval ; quant au basilic, qui ê ge une image de la appara|êt dans le psaume 90/91 de la Bible, il eètait au Moyen A deèbauche et de l'esprit du mal, notamment de l'orgueil et de la luxure, capable de tuer du regard ceux qui l'approchaient

66

. Jean de Feècamp, qui veècut avec ces chapiteaux sous les

yeux, imagina des tourments de l'enfer treés proches de cette iconographie : û Dans ce seèjour de la mort perpeètuelle que l'on appelle enfer, [...] celui qui g|ê t dans ces tourments ne vit que pour eêtre meneè aé la torture. Il ne retrouve ses forces que pour se voir aé nouveau deèchireè par des serpents, et devenir la proie de morsures reè peèteèes et toujours renouveleèes. Laé, les dragons deèvorent les leévres des blaspheèmateurs, le basilic, par ses morsures cruelles, laceére la poitrine des miseèrables. Enfin, divers monstres horribles torturent sans fin et de multiples fac°ons les aêmes de ceux qui n'ont pas voulu croire ý

67

, et il prie : û Seigneur,

arrache-moi aé cet ab|ême de miseére et aé ces lieux de teèneébres, je veux dire cette terre teèneè-

(62) Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 132, fig. 77. (63) Ibid., fig. 76. (64) Y. Christe, û The Apocalypse in Monumental Art ý, dans The Apocalypse in the Middle Ages, eèd. R. K. Emmerson et B. McGinn (Ithaca, 1992), (pp. 234-58) p. 255. (65) Raoul Glaber, Histoires, pp. 274-75 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 218-19 ; Angheben, Les chapiteaux, p. 315. (66) D. Grivot, Le bestiaire de la catheè drale d'Autun (Lyon, 1973), non pagineè . Le basilic est un coq porteur d'une queue de serpent. Isidore de Seè ville (À 636) affirme que le basilic est neè d'un Ýuf de coq couveè par un crapaud ; Honorius d'Autun (Honorius Augustodunensis À 1137) preè tend qu'il fait mourir tous les eê tres qui tombent sous son haleine. Par contre, selon le Bestiaire, il tue tous ceux qui tombent sous son regard. Pour Saint Basile, il est l'image de la femme. (67) Jean de Feè camp, La Confession Theèologique, intro., trad. et notes par P. de Vial (Paris, 1992), pp. 16263 ; Jean de Feè camp, Confessio Theologica, 3

e

partie, p. 150, lignes 242-43, 252-58 : In ipso enim continuae mortis

loco, qui infernus appellatur, [...] ad hoc uiuit in tormentis positus, ut cruciatibus gubernetur. Ad hoc redintegratur, ut rosus serpentibus et iteratis subinde iterumque repetitis morsibus attrectur. Ibi dracones blasphemantium labia uorant : et regulus diris morsibus miserorum pectora lacerat : atque horribiles diuersi generis beluae incredulorum animas multipliciter sine cessatione cruciant.

9

237

chapitre 8 breuse, couverte des nuages de la mort, oué nul ordre ne reégne, mais qu'habite une eèpouvante eèternelle (Job 10, 21-22) ý

68

.

Deés lors qu'on les consideére en relation avec les figures d'orants dans la rotonde, dont è glise, les deux chapiteaux de l'heèmicycle face les chasubles signifient qu'ils repreèsentent l'E au tombeau et aé l'autel de Saint-Beènigne apparaissent eux aussi comme une illustration du è glise terrestre attaqueèe par les forces du mal auxquelles elle riposte par le culte theéme de l'E divin. Ainsi, bien que les vestiges sculpturaux de la crypte soient rares, il est possible d'en proposer une interpreètation en relation avec la signification de la rotonde telle qu'elle est suggeèreèe par les deèdicaces des autels : en effet, les autels situeès au niveau de la crypte sont deèdieès aux fondateurs de l'eèglise et aux saints locaux qui proteégent les croyants du Diable. Des sculptures repreèsentant des lions et des aigles, preèsentes en l'an mil sur la fac°ade de la paroi exteèrieure du second niveau de la chapelle axiale qui fait face au cimetieé re, eèvoquent peut-eêtre elles aussi le theéme de l'Ecclesia (fig. 14, 24, 25)

69

. En tant que symbole, le

ê ge. Symbole de la tribu de Juda, lion recouvrait de multiples significations au Moyen A dont le Christ est le descendant, le lion eè tait eègalement associeè au Christ en raison des attriè glise comme la force, la deèlivrance buts qui furent confeèreès aé cet animal par les Peéres de l'E et la reèsurrection

70

. Dans le contexte du cimetieére de Saint-Beènigne, la preèsence de lions

correspond probablement aé une reèalisation de ce symbolisme

71

. Le lion du haut, dans le

bas-relief le plus acheveè, tient visiblement un svastika dans sa bouche. Le svastika est lieè aé l'ideèe de la reèsurrection dans des steéles paleèochreètiennes des que dans les fresques des catacombes paleè ochreètiennes du Italie

72

iii

e

iv -v e

e

et du

sieécles en Italie, ainsi

iv

e

sieécle, toujours en

. Selon Thomas Lyman, les lions de la porte des Comtes aé Saint-Sernin de Tou-

louse, plus tardive et attenant aé une chapelle funeèraire royale, unissent les fonctions des lions preèsents sur des porches, des troênes et des tombes et illustrent la renaissance d'un ancien symbolisme la|ëque aé la fois apotropa|ëque, heèraldique et funeèraire

73

. Des lions sont

ê ge soutenant des troênes ecclesiastiques, comme sur le freèquemment repreèsenteès au Moyen A è

(68) Jean de Feè camp, La Confession, p. 163 ; Jean de Feècamp, Confessio Theologica, 3

e

partie, p. 151, lignes

273-75 : Erue me, rogo Domine (Ps. 20, 21), de hoc lacu miseriae (Ps. 39, 3) et locis tenebrarum, terra scilicet tenebrosa, et operta mortis caligine, ubi nullus ordo, sed sempiternus inhabitat horror (Job 10, 21). (69) Supra, p. 54. (70) R. Favreau,

û Le

theé me

iconographique

du

lion

dans

les

inscriptions

meè dieèvales ý,

dans

è tudes E

d'eèpigraphie meè dieèvale, t. 1 (Poitiers, 1995), pp. 447-68 ; T. Lyman, û The sculptural program of the Porte des Comtes at Saint-Sernin in Toulouse ý, Journal of the Warbourg and Courtauld Institute 34 (1971) : (12-40) pp. 2224. Il fait reè feèrence aé une plaque d'argent syrienne du

vi

e

sieécle repreèsentant un personnage debout entre des

lions coucheès sous des peintures de la crucifixion, de la reè surrection et de l'ascension du Christ. (71) Favreau, û Le theé me ý, pp. 459-68. (72) Sur

des

steé les

paleè ochreètiennes

des

iv -v e

e

sieécle,

qui

sont

aujourd'hui

au

Museo

paleocristiano

d'Aquilea, un svastika figure sur les veê tements porteè s par un orant ; des symboles, tels des colombes, des agneaux ou des guirlandes lui sont associeè s. Voir les eèpitaphes de Largius, Didas, Cariucus et Maximus : H. Leclercq, û Chlamyde ý, dans F. Cabrol et H. Leclercq, Dictionnaire d'archeè ologie chreètienne et de liturgie, III, 1 (Paris, 1913), (col. 1402-06) col. 1405-06, fig. 282. La variante du svastika de Saint-Beè nigne avec les bras en sens inverse des aiguilles d'une montre appara|ê t sous la forme d'un motif de bordure avec une guirlande sur une fresque du cimetieé re de la Via Anapo aé Rome vers 300 apr. J.-C. (73) Lyman, û The sculptural ý, p. 22.

238

9

interpreètation theèologique troêne de Salomon dans l'Ancien Testament, et ils servent sans doute de la sorte comme è glise signes du pouvoir de l'E Saint-Beènigne. Dans les textes du

xix

e

74

. Une telle signification peut eêtre attribueèe aux lions de

sieécle relatifs aé Saint-Beènigne ces lions sont associeès aux sculp-

tures des aigles sur la fac°ade de la paroi exteèrieure de la chapelle axiale de la rotonde, mais ceux-ci ne figurent pas sur les dessins de Plancher

75

. Freèquemment en relation avec le

theéme du pheènix, l'aigle eètait lieè au contexte funeèraire et aé la croyance en la vie dans l'audelaé. Selon Christian Sapin, û il est l'attribut de saint Jean qui, le premier, a cru au moment de la reèsurrection ; son symbolisme appara|êt deèjaé dans les Psaumes, comme le 102 commenteè par saint Ambroise, `Il nourrit de ses biens ta vigueur/ et tu rajeunis comme l'aigle' ý

76

. Selon Marcello Angheben, des aigles sont assimileè s aux aêmes des eèlus qui se

ê ge rendent au ciel dans les textes du Moyen A

77

. Aigles et lions vont souvent de pair dans la

sculpture romane aé cause de leurs associations aux rois

78

. Des images de l'aigle et du

lion, en tant que les plus puissants des animaux, appartiennent eè galement aé la culture romaine

79

.

Des aigles et lions figuraient eègalement dans la mosa|ëque du second niveau de la chapelle axiale de la rotonde deèdieèe aé la Vierge. Une aquarelle repreèsentant son eètat en 1727 a eèteè conserveèe (fig. 17). L'aquarelle correspond aé ce que Baudot a deècrit et dessineè en 1792 avec des lions affronteès, des aigles et des fonds losangeès (fig. 18)

80

. Selon Pietre Sku-

biszewski, les deux lions affronteès de la mosa|ëque û repreèsenteès de part et d'autre d'un motif veègeètal (Arbre de Vie ?) et frappeès d'eètoiles (sur l'eèpaule et sur la cuisse) sont associeès aé l'ideèe du cosmos comme eètant le domaine du pouvoir divin [...] dans le reè pertoire orne-

(74) Ibid., p. 21. Des lions soutenaient le troê ne de l'eèveêque Leèo de Siponto, exeècuteè avant 1053 au Monte Gargano, sur la coê te Apulienne. Dans la Bible, des lions se tiennent aé coêteè des deux bras du troê ne du Roi Salomon ; I Rois 10, 19-20, û deux lions eè taient debout preés des bras et douze lions se tenaient de part et d'autre des six degreè s ý. M. Stroll, Symbols as Power (Leiden, 1991), p. 12. Le troê ne du Roi Salomon a eè teè peint pour la premieére fois au

iii

e

sieécle sur les fresques de la synagogue de Doura-Europo. La copie la plus ceè leébre

du troêne eètait situeèe dans le palais impeè rial de Constantinople. Des lions soutiennent le troê ne du Christ sur le sarcophage de Junius Bassus, dateè du

iv

e

sieécle, qui fut transfeèreè aé Saint-Pierre de Rome et deè couvert en 1597

devant l'autel de la crypte. Des lions supportaient le troê ne (

ix

e

Chauve aé Saint-Denis. Dans le Rouleau d'Exultet de la fin du

sieécle) de û Dagobert ý exeè cuteè pour Charles le

xi

e

sieécle provenant du territoire de Montecas-

sino, le pape est assis sur un troêne dont les coê teès sont des lions avec les pattes poussant vers l'avant et la gueule ouverte. Des lions servaient d'accoudoirs sur le troê ne papal du

xii

e

sieécle de Santa Maria in Cosmedin.

(75) Supra, pp. 53-54. (76) C. Sapin, û Bas-Reliefs aé l'aigle ý, pp. 105-06 n

o

31.

(77) Angheben, Les chapiteaux, p. 95. (78) Ibid. (79) Selon John Pollini (communication personnelle 2005), sur la vouê te de l'arc de Titus (79 ap. J.-Chr.), un aigle emporte l'aê me de l'empereur vers les cieux. Le lion et l'aigle, comme symboles du pouvoir impeè rial, eètaient eègalement associeè s dans la culture romaine : le leè gionnaire romain, reveê tu d'une peau de lion, portait un eètendard avec l'aigle comme symbole de l'Empire. Le dieu romain Jupiter eè tait repreèsenteè tenant un sceptre surmonteè d'un aigle. Stroll, Symbols, p. 13, cite Honorius Augustodunensis (À 1137) : û Rome avait pris comme image un lion, parce qu'il commande aux autres animaux ý (Roma formam leonis habet, quia ceteris bestiis preest). (80) Supra, p. 54.

9

239

chapitre 8 mental des tissus orientaux ý

81

. Dans le contexte de la chapelle axiale de la Vierge, il

faut eègalement prendre en compte que la symbolique lion-reè surrection se retrouve dans la

liturgie,

du

x

e

sieécle

comme 82

par

exemple

dans

le

prose

de

è piphanie l'E

(Ecce

Vicit)

du

deèbut

. Ainsi, les lions et les aigles, en tant que symboles du pouvoir divin, peuvent

è glise triomphante aé coêteè de celui de la reèsurrection dans la eêtre rattacheès au theéme de l'E Saint-Beènigne de l'an mil. On ignore presque tout de la sculpture de la chapelle axiale et du niveau intermeè diaire de la rotonde. La description de Louis-Beè nigne Baudot au

xviii

e

sieécle ainsi que ses dessins

donnent aé penser que la sculpture a pu eêtre exeècuteèe lors des reèparations effectueèes au

xii

e

sieécle. Sa description preècise qu'un chapiteau aé l'entreèe de la chapelle de la Vierge eètait orneè d'une repreèsentation de û l'enfant Jeèsus dans la creéche ý

83

. Il signale eègalement des

chapiteaux avec des monstres au deuxieé me eètage de la rotonde. Au cas oué l'un d'entre eux remonterait au

xi

e

sieécle, il deviendrait malaiseè de distinguer, du point de vue iconogra-

phique, ce niveau de la crypte

84

. Il faut toutefois consideèrer l'ange que l'on a deècouvert en

1843 ; cette sculpture provient d'une archivolte dans les gravats tombeè s dans la crypte lors de la destruction des eètages supeèrieurs

85

. Cette deècouverte nous meéne aé l'hypotheése seèdui-

sante d'imaginer que des anges deè coraient la partie supeèrieure de la rotonde qui correspondait au troisieéme ciel. Si tel eètait le cas, une relation avec le theéme de la progression ascendante aé l'inteèrieur de la rotonde semble possible. En deèpit du peu d'eèleèments de la deècoration de la rotonde qui subsistent, on y deèceéle quelques indications du theéme de l'Ecclesia. Les orants en chasuble des deux chapiteaux sculpteès de la rotonde constitueraient une reè feèrence aé l'Ecclesia. En outre, les creèatures monstrueuses qui attaquent les personnages en prieé re sculpteès sur les chapiteaux face aé l'heèmicycle eèvoquent vraisemblablement l'horreur du mal assaillant l'Ecclesia. Cette theèè glise terrestre en prieére ou attaqueès par les forces du mal cormatique des membres de l'E respond aé l'un des emplois de la crypte, son utilisation comme oratoire freè quenteè par les moines et les peélerins peènitents. En outre, il n'est pas exclu que les repreè sentations des

(81) P. Skubiszewski, û Le trumeau et le linteau de Moissac : un cas du symbolisme meè dieèval ý, Cahiers archeèologique 40 (1992) : (51-90) pp. 76-77. (82) Favreau, û Le theé me ý, p. 461 ; R. L. Crocker, The Early Medieval Sequence (Berkeley, 1977), p. 76 : û Voilaé la racine de David, le lion de la Tribu Juda, qui fut victorieuse. La mort a vaincu la mort et notre mort est vie ý (Ecce vicit radix David, leo de tribu Juda. Mors vicit mortem et mors nostra est vita). (83) Baudot, û Notes ý, f. 77v : û Dans l'un des chapiteaux au 2

e

eètage aé l'entreè e de la chapelle aé mosa|ëque,

dite la chapelle de la Vierge, preèsentant l'enfant Jeè sus dans la creé che [...] bien fait pour eêtre fort ancien ainsi que celui qui fait pendant aé l'autre angle de cette entre du vestibule [...] le chapiteau est peint et doreè e [...] ý. (84) Ibid., f. 77v. Selon Baudot, au deuxieé me eètage, û il y a des chapiteaux de diffeè rente manieé re [...] les uns de ces chapiteaux preè sentant les figures et personnages grotesques et des teê tes de chevaux entrelaceè es [...] d'autres des feuilles de fleurs grotesquement tailleè s [...] ceux la preè sentant des faces diffeèrentes ainsi que ceux qui sont des figures bizarres dans le 1

er

et 2

e

stage ý ; f. 88 deè crit des chapiteaux similaires du

xii

e

sieécle.

(85) Archives Monuments Historiques, dossier Dijon, Saint-Beè nigne 81/21/159/127 : Rapport de Henri Baudot au Ministre de l'Inteèrieur, 20 feè vrier 1844. Baudot fait eè tat û de la deèmolition des eè tages supeè rieurs [... ;] un fragment d'archivolte de cinquante centimeé tres de long [...] repreè sente [...] la figure d'un ange dont la teête est nimbeè e [...] ý. Il montre le fragment d'archivolte dans le plan de 1843 (AN, Plan, 751). Voir Marino Malone, Saint-Beènigne et sa rotonde, p. 70, fig. 22.

240

9

interpreètation theèologique aigles et des lions aé l'inteèrieur et aé l'exteèrieur du second niveau de la chapelle de la Vierge è glise triomphante aé coêteè de celui de la reèsurrection. introduisent le theéme de l'E Nous avons vu que le plan et la deèdicace de la rotonde indiquaient clairement le Pantheèon comme son modeéle

86

é Saint-Beènigne, la deèdicace aé tous les saints et la forme de la . A

rotonde elle-meême constituent des arguments puissants en faveur d'une interpreè tation qui voit dans le Pantheèon de Rome redeèdicaceè (Sancta Maria ad martyres)

87

le prototype de la

rotonde. La reèfeèrence faite dans son sermon par Guillaume aé û l'eèglise eèternelle qui est appeleèe universelle ý concerne sans doute l'eèglise terrestre de Rome ; aé cette eèpoque il eètait courant de distinguer ainsi l'eèglise de Rome des autres eèglises. Nous savons d'ailleurs que Rome eètait un lieu de grande importance autour de l'an 1000 pour l'abbeè Guillaume

88

.

Or le Pantheèon redeèdicaceè faisait reèfeèrence non seulement aé la Rome impeèriale chreètienne, mais eègalement aé l'Ecclesia. En outre, la Jeèrusalem ceèleste est implicite dans les baêtiments deèdieès aé Marie et aé tous les saints puisqu'ils sont constitueè s les justes reèunis au paradis

89

.

La Jeèrusalem ceèleste

è glise terrestre comme unie aé l'E è glise ceèleste. Selon Autour de l'an mil, on conc°evait l'E è glise, ceux qui appartient au peuple de l'E è glise sont des concitoyens des les Peéres de l'E anges. C'est deèjaé le royaume de Dieu et pourtant l'aurore du reé gne glorieux n'est qu'entrevue. L'Eglise est la Citeè ceèleste en exil. Elle est la Jeèrusalem d'en haut descendue sur terre et aé travers la liturgie qu'elle ceèleébre, elle vit l'eschatologie

90

. Beéde (ca. 673-735)

è glise, sont comme le eècrit que la Jeèrusalem d'en haut et celle d'en bas, autrement dit l'E coêteè droit et le coêteè gauche d'un corps unique, et que û Jeèrusalem [est] en haut [...] comme la droite l'emporte sur la gauche ý

91

. La Citeè de Dieu, qu'il s'agisse de celle d'Augustin, de

celle d'Ambroise, d'Autpert, ou de Beéde, se compose des anges, des saints deèjaé glorifieès et des hommes sia

93

92

. Jean de Feècamp fut obseèdeè par la Jeèrusalem ceèleste en tant que Mater Eccle-

. Dans la Confessio theologica, il invoque û meére Jeèrusalem, citeè sainte de Dieu, treés

noble eèpouse du Christ ý

94

. Il y fait eègalement reèfeèrence au Cantique : û Sainte Sion, meére

(86) Supra, p. 61 n. 7. (87) Supra, p. 71. (88) Supra, p. 100. (89) Supra, p. 69. (90) Christe,

û The

Apocalypse ý,

p. 255.

Voir

aussi

Y. Christe,

û Les

repreè sentations

meè dieèvales

d'Apocalypse IV(-V) en visions de secondes parousies : Origines, textes et contexte ý, Cahiers archeèologiques 23 (1974) : 61-72. (91) Congar, L'eccleèsiologie, p. 103 ; Bede, In Samuel Prophetam Allegorica Expositio, liv. I, c. 9, PL 91 : (499714) col. 527A : quia superna Jerusalem [...] quasi dextera ad laevam praeminet. (92) Congar, L'eccleèsiologie, p. 121. (93) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, pp. 40, 155, 156 ; Jean de Feè camp, Meditations of Saint Augustine, pp. 58, 72, 84, 88, 89. (94) Jean de Feècamp, La Confession, p. 170 ; idem, Confessio Theologica, 3

e

partie, p. 155, lignes 400-01 : mater

Hierusalem ciuitas sancta Dei (Esdr. XI, 1), nobilissima sponsa Christi.

9

241

chapitre 8 Jeèrusalem, heureuse es-tu, infiniment heureuse, et heureuse aé jamais, Que tu es belle et gracieuse, que tu es glorieuse et bienheureuse, Tu es toute belle, en toi nulle souillure ý

95

.

Ces textes des Cantiques figuraient parmi les antiennes mariales que l'Abbeè Guillaume aurait composeèes pour l'Assomption de la Vierge

96

. En outre, ces ideèes auraient inspireè des

antiennes chanteèes aé veêpres dans la rotonde. Le premier coutumier de Saint-Beè nigne indique que lors de la Feête de la Purification on chantait l'antienne Adorna thalamum û Preèè glise], ta chambre nuptiale, toi qui attends le Seigneur ý pare, Sion [l'E

97

. La liturgie

adopteèe pour la vigile de l'Assomption incluait l'antienne Paradisi porta : û La porte du é ve, et graêce aé la Vierge Marie elle a eèteè reèouverte toute paradis a eèteè fermeèe aé tous par E grande une fois encore, alleluia ý de l'an mil aé l'eccleèsiologie du

ix

98

e

. Iogna-Prat a mis en lumieére la sensibiliteè des clunisiens

sieécle contenue dans le commentaire du Cantique des Canti-

ques d'Haymon d'Auxerre et dans les homeèlies d'Heèric d'Auxerre. Pour eux, la part terè glise s'efforc°ait d'atteindre la Jeèrusalem Ceèleste restre de l'E

99

.

L'interpreètation la plus eèvidente des mots û vous eêtes venus ensemble aux noces de è pouse du Christ ý, prononceès par Guillaume lors de la conseècration, renvoie aé l'eèveènel'E ment meême que ceèleèbre son sermon, c'est-aé-dire aé la deèdicace de l'eèglise. S'inscrivant dans la tradition clunisienne, Guillaume, prononc° a les paroles suivantes : û Pouvez-vous reveêtir la robe initiale de la beèatitude angeèlique que vous aviez perdue par le peècheè de vos premiers parents, habitants du Paradis. En elle, vous mangez la chair et buvez le sang de l'Agneau Tout-Puissant, qui vous a choisis pour occuper le royaume qui est le sien et celui de son Peére, et pour entrer en possession de la gloire du Saint-Esprit ý Comme

nous

l'avons

deèjaé

eèvoqueè

dans

l'introduction,

ces

100

.

lignes

du

sermon

de

è glise en accord avec les quatre manieéres dont l'E è criture est Guillaume font reèfeèrence aé l'E expliqueèe selon la doctrine des quatre sens d'Augustin ; cette meè thode a eèteè reprise par les disciples

de

l'abbeè

Guillaume



Saint-Beènigne,

Jean

de

Feècamp

et

Raoul

Glaber

101

.

L'hymne Urbs beata Jerusalem, ou é s'exprime le deèsir d'un rapprochement anagogique de l'eèglise avec la Jeèrusalem ceèleste, eètait chanteè lors de la feête de deèdicaces d'eèglises et des commeèmorations

annuelles

de

ces

conseècrations :

û Jeèrusalem,

citeè

bienheureuse,

est

appeleèe vision de paix. Elle se construit dans les cieux, avec des pierres vivantes ; elle est

(95) Jean de Feè camp, La Confession, p. 171 ; idem, Confessio Theologica, 3

e

partie, p. 156, lignes 425-26 :

Sancta Sion mater Hierusalem (Gal. 4, 26), felix tu, et nimium felix, sine fineque felix, Quam pulchra es et decora (Cant. 7, 6), quam gloriosa es et beata, Tota pulchra es, et macula non est in te (Cant. 7, 6). (96) Supra, p. 187. (97) CA, 7.2, p. 38 ; CAO, 1293. è glise d'apreés les Liturgies latines du (98) CA, 7.2, p. 121 ; CAO, 4214, 4215 ; G. Frenaud, û Marie et l'E au

xi

e

vii

e

è glise, t. 1, Bulletin de la Socieè teè Franc°aise d'E è tudes Mariales (Paris, 1951), (pp. 39sieécle ý, dans Marie et l'E

58) p. 50. Ces textes eètaient connus aé Cluny ; Iogna-Prat, Agni, p. 327. (99) Iogna-Prat, û Les Morts ý, pp. 59, 62 n. 64 et 67, cite Haymon d'Auxerre, Expositio in Cantica Canticorum, PL 117 : (295-385) col. 336D-337A-B. (100) Supra, p. 116 ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 291. (101) Supra, p. 18.

242

9

interpreètation theèologique couronneèe d'anges comme une eèpouse a son corteége. Elle vient du ciel, toute nouvelle, pareèe pour le lit nuptial oué elle sera unie, toute pure, au Seigneur ý

102

.

Isidore de Seèville (560-636) commente en ces termes la phrase d'

Urbs beata Jerusalem,

û la citeè [...] baêtie dans les cieux, de pierres vivantes ý : û Salomon annonce la figure du Christ qui a construit la maison de Dieu dans la Jeè rusalem ceèleste, non point avec des poutres et des pierres, mais avec tous les saints ý

103

. Une ideèe similaire est deèveloppeèe dans le

Mater Hierusalem : û Jeèrusalem toi qui es baêtie comme une citeè formeèe de pierres vivantes, Jeèrusalem sainte, toi qui es d'en haut, notre meére treés cheèrie texte de Jean de Feècamp au sujet de

[...] ý

104

. Or, aé Saint-Beènigne, la Jeèrusalem ceèleste est effectivement construite avec tous

les saints, dont les reliques se trouvent dans les autels ; les moines, voueè s au service divin, pouvaient eêtre associeès aux reliques des saints, consideèreès comme les grands serviteurs de Dieu, deèjaé eètablis dans la beèatitude ceèleste. En fait, les nombreuses reliques rassembleè es aé Saint-Beènigne pouvaient eêtre consideèreèes, au sens litteèral, comme une assembleèe de saints comparable aé celle qui fut reèunie aé Rodez, peu apreés l'an mil, lorsqu'aé l'occasion d'un synode, des reliquaires furent rameneès de divers monasteéres, instaurant en quelque sorte une assembleèe tenue par une cour ceèleste, en plein air, sous des tentes

105

Lors de la feête de la deèdicace d'une eèglise, au chant de l'hymne

.

Urbs beata Jerusalem,

succeèdait la lecture du texte de l'Apocalypse 21, 2 : û Et je vis la Citeè Sainte, la Jeèrusalem nouvelle, descendant du ciel d'aupreé s de Dieu, preête comme une eèpouse qui s'est pareèe pour son eèpoux ý

106

. Cette descente pouvait eêtre eèvoqueèe par la lumieére tombant du troi-

sieéme eètage, la lumieére eètant un attribut biblique de la Citeè ceèleste dans l'Apocalypse 21, 23-26 : û Et la citeè n'a nul besoin de l'eèclat du soleil ni de celui de la lune, car la gloire de Dieu l'a illumineèe, et l'Agneau lui tient lieu de flambeau ý. Les prieé res en usage lors de cette feête sont des suppliques adresseèes aé l'assembleèe ceèleste pour que celle-ci se joigne aé celle qui prie sur la terre pour qu'un pont soit creè eè entre les liturgies ceèleste et terrestre et que les cieux et la terre convergent ensemble en cet endroit qui est consacreè . Bien que la ê ge toutes les eglises etaient feête de la Deèdicace teèmoigne clairement du fait qu'au Moyen A è è des images terrestres de la Citeè ceèleste

107

, Guillaume a fait du troisieéme eètage de la rotonde

(102) Les Hymnes de Liturgia Horarum , eèd. et trad. F. Favreau (Paris, 1990), pp. 146-247 : Urbs Ierusalem beata, dicta pacis visio, quae construitur in caelis vivis ex lapidibus, angelisque coronata sicut sponsa comite, Nova veniens e caelo, nuptiali thalamo praeparata, ut intacta copuletur Domino ; Harris, û The Place ý, p. 91 ; Iogna-Prat, û Coutumes ý, pp. 23-48, 37-39. L'ordo XL (le pontifical romain-germanique) eè tait une source pour le LT, pp. 196-97. (103) Isidore de Seèville, Allegoriae Quaedam Sacra Scripturae (PL 83 : 113A) : Salomon Christi praenuntiat figuram qui aedificavit domum Deo in coelesti Jerusalem, non de lignis et lapidibus, sed de sanctis omnibus. (104) Jean de Feècamp, Confessio Theologica, 3 partie, p. 155, lignes 406-08 : Hierusalem quae aedificaris ut ciuitas (Ps. 21, 3) de uiuis lapidibus (Urbs Ierusalem beata) : Hierusalem sancta, quae sursum es, mater nostra carissima e

(Gal. 4, 26). (105) Supra, p. 198 n. 156. (106)

LT, pp.

196-97 ; Harris, û The Place ý, p. 151.

è . Palazzo, (107) E

Liturgie et socieèteè au moyen aêge

(Aubier, 2000), pp. 148-49 : Dans l'exeè geése meèdieèvale,

l'eèglise-baêtiment appara|ê t avant tout associeè e aé l'image de la Jeèrusalem ceèleste deè crite dans l'Apocalypse (21, 9-27).

9

243

chapitre 8 de Dijon un foyer visuel de lumieére et d'espace de la Jeèrusalem Ceèleste unique dans le monde monastique des alentours de l'an mil

108

.

Un programme dionysien

Selon toute apparence, les deèdicaces de la rotonde de Dijon articulent un programme qui constitue un chemin conduisant au salut chreè tien par l'intermeèdiaire de l'Ecclesia ; il progresse depuis le niveau infeèrieur deèdieè aux martyrs et confesseurs aé travers le niveau è glise terrestre), meèdian deèdieè aé la Vierge et aux Apoêtres (ces deux niveaux repreèsentant l'E è glise ceèleste). Bien que jusqu'au niveau supeèrieur, deèdieè aé la Triniteè et aé saint Michel (l'E les deux niveaux de la rotonde situeèe aé l'ouest de l'eèglise Saint-Michel de Cuxa batie vers 1035 (oué les seèpulcres des martyrs et la chapelle de la Meé re de Dieu et de la creéche, en bas, è glise de la terre, tandis que la chapelle de la repreèsentent le mysteére de l'Incarnation et l'E Triniteè, en haut, repreèsente l'eèglise du ciel) traduisent eux aussi une progression vers le salut chreètien, la rotonde de Saint-Beènigne, graêce aé ses trois niveaux et aé son oculus, suggeére avec plus de force le royaume ceèleste et a pu eêtre consideèreèe comme un lieu ideal pour la theosis

109

.

Les eètages de la rotonde de Saint-Beènigne forment une seèquence tripartite similaire aé celle indiqueèe par les inscriptions qui figurent sur le pallium de saint Erhard (saint patron de Niedermu«nster) ceèleèbrant la messe dans une enluminure du Codex Uota (Munich, BS, è vangeèliaire avait eèteè commandeè pour l'abbesse Uota de NiederClm 13601, f. 4). Cet E mu«nster vers 1020

110

. Les mots û succession des sieécles (ordo saeculorum) ý traceès le long de

é Cluny, Congreés scientifique, feê tes et ceèreèmonies liturgi(108) J. Leclercq, û L'ideèal monastique de saint Odon ý, A ques en l'honneur des Saints Abbeè s Odon et Odilon, (9-11 juillet 1949. Travaux du congreé s) (Dijon, 1950), (pp. 22532) p. 230. Comme le sermon de Guillaume, l'Occupatio d'Odon (vers 924) s'acheé ve sur la contemplation de la vision de la Jeè rusalem ceè leste, parce que û le mysteé re monastique se situe entre le paradis que le peè cheè a fermeè et le paradis retrouveè ou é le Christ nous a preèceèdeès ý (selon le reè sumeè de ce passage par Jean Leclercq). (109) Infra, p. 264 ; P. Ponsich, û La penseè e symbolique et les eèdifices de Cuxa du

x

e

au

xii

e

sieécles ý, Les

cahiers de Saint-Michel de Cuxa 12 (1981) : (19-25) pp. 22-23, fig. 7. Selon Pierre Ponsich, le teè moignage de l'homeèlie du moine Garsias de Saint-Michel de Cuxa, contemporain et disciple d'Oliba, û corroborait combien la superposition voulue de la crypte de la Nativiteè [...] et du sanctuaire d'eè tage de la Sainte-Triniteè est pleinement conforme aux speè culations theè ologiques du temps sur le mysteé re de l'Incarnation ý. Il relie cette superè vangile de Jean dans E è vangeliaire de Bernward de Hildesheim position architecturale au frontispice de l'E (vers 1015) (Catheèdrale de Hildesheim, ms. 18, f. 174r). J. D. Codina, û La chapelle ý, p. 88. Selon Daniel Codina, l'homeè lie de Jean 1, 14 est preê cheèe aé la feête anniversaire de la deèdicace de l'eè glise de Cuxa ; ainsi û nous pouvons conclure que le sens theè ologique de l'ensemble releé ve de l'eccleèsiologie : la chapelle de la creéche, en bas, nous parle du mysteé re de l'Incarnation du Fils de Dieu et de la Sainte Vierge, meé re de Dieu, et è glise de la terre ; la chapelle de la Triniteè , en haut, c'est avec les seè pulcres des martyrs, nous repreè sente l'E è glise du ciel, lieu de l'adoration du mysteé re sublime de la Triniteè , en haut, par le culte des sacrements et de l'E la proclamation de la foi des croyants et de la vie de vertus chreè tiennes ý. Voir aussi, Ponsich, û Avantpropos ý, pp. 17, 23, 25-26. è vangile pour la (110) Mayr-Harting, Ottonian, t. 1, p. 223 n. 27. Cet eè vangeèliaire contient les lectures de l'E messe, mais elles ne sont pas donneè es suivant le calendrier mais suivant leurs auteurs. A. S. Cohen, The Uta Codex : Art, Philosophy, and Reform in Eleventh-Century Germany (University Park, 2000), pp. 184-86. Hartwic, abbeè de St. Emmeram aé Ratisbonne (1028-29), a fait dessiner cet eè vangeèliaire dans le scriptorium de SaintEmmeram aé l'intention d'Uota, abbesse de Niedermunster de 1001 aé 1025. Uota eè tait issue d'une famille

244

9

interpreètation theèologique l'eècharpe d'Erhard sont interrompus par trois zones circulaires. La zone la plus basse porte è glise ý (corpus le texte û ombre de la Loi ý (umbra legis), la zone intermeèdiaire, û corps de l'E è ternelle ý (lux aeternae vitae) ý ecclesiae), la plus eèleveèe : û lumieére de la Vie E

111

. Ces inscrip-

è rigeéne pour tions, qui reprennent les formules d'un commentaire composeè par Jean Scot E accompagner sa traduction des eècrits de Pseudo-Denys l'Areèopagite

112

, font reèfeèrence aé la

succession des sieécles. De meême, le groupement et les seèquences des deèdicaces d'autels sur les trois niveaux de la rotonde de Dijon correspondent aé la succession des sieécles qui se deèploient depuis l'ombre de la Loi dans la crypte de Jean-Baptiste, le dernier des proè glise, venue avec le Verbe et institueèe par les apoêtres, pour pheétes, jusqu'aé l'existence de l'E è ternelle, au troisieéme niveau de la Triniteè. finalement aboutir aé la lumieére de la Vie E è rigeéne des Ýuvres de Denys La preèface, elle-meême, de la traduction effectueèe par E l'Aeèropagite qui inspira les inscriptions du Codex Uota contient des eèleèments en faveur de cette interpreètation qui fait de la rotonde de Dijon l'expression d'une progression tempoè rigeéne y affirme que la hieèrarchie terrestre est triparrelle de l'obscuriteè vers la lumieére. E tite et que û l'actuelle hieèrarchie eccleèsiastique [...] est intermeèdiaire entre la hieèrarchie passeèe de la loi et la hieèrarchie ceèleste aé venir [...] ý

113

. Selon cette hieèrarchie, la crypte de

è rigeéne de l'Ancienne Loi, û la Saint-Beènigne correspondrait aé la deèfinition proposeèe par E plus ancienne dans l'ordre temporel ý, deés lors que la crypte, deèdieèe aé Jean le Baptiste, repreèsente la somme des propheétes

114

. Le niveau du chÝur de la rotonde, deèdieèe aé Dei geni-

trix Maria, la source de la graêce, comprenant les autels des eèvangeèlistes et des apoêtres, corè glise du Nouveau respondrait aé û la seconde hieèrarchie intermeèdiaire [...] je veux dire, l'E

souabe appartenant aé la noblesse et elle fut installeè e aé Niedermunster par Wolfgang (À 994) eè veêque de Ratisbonne et abbeè de St. Emmeram. Hartwic a eè tudieè aé Reims et aé Chartres et rapporta plusieurs manuscrits aé St. Emmeram aé Ratisbonne ; dans le catalogue des livres du monasteé re datant de la peè riode de Ramwold (À 1000)

figure

û Dionisium

Ariopagitam

de

celesti

hierarchia ý.

Voir

aussi

B. Bischoff,

û Hartwic

von

St.

Emmeram ý, Die deutsche Literatur des Mittelalters : Verfasserlexikon, t. 3 (New York, 1981), pp. 529-32 pour l'association de Hartwic avec le Codex Uota ; idem, û Literarisches und kunstlerisches Leben in St. Emmeram wahrend des fru«hen und hohen Mittelalters ý, Mittelalterliche Studien : Ausgewa« hlte Aufsa« tze zur Schriftkunde und Literaturgeschichte, t. 2 (Stuttgart, 1966), pp. 77-115, pour la collection de livres, p. 81. Voir aussi, H. P. Lattin, û The Eleventh-Century MS Munich 14436 : Its Contribution to the History of Coordinates, of Logic, of German Studies in France ý, Isis 38 (1948) : 203-25. C. R. Dodwell, The Pictorial Arts of the West 800-1200 (New Haven, 1993), p. 151. Le couvent disait posseè der les reliques de Denys. (111) Sanderson, û Monastic ý, pp. 18-19. è rigeéne, (112) Ibid., p. 19 ; Cohen, The Uta Codex, p. 83. Bien que ces concepts correspondent aé la preè face d'E è rigeéne ni dans aucune des traductions en latin aucun des quatre termes eux-meê mes ne figure dans les textes d'E du Pseudo-Denys. (113) Cohen, The Uta Codex, pp. 83 et 224 n. 29, pour la traduction de Jean Scot, Versio operum S. Dionysii Areopagitae, PL 122 : (1031-36) col. 1034B : Ideoque praesens ecclesiastica Ierarchia [...] media est inter legalem praeteritam et caelestem futuram [...] ; R. Roques, L'Univers Dionysien, structure hieè rarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Theèologie 29 (Paris, 1954) pp 69-70. Selon Reneè Roques, û les divisions ternaires sont la reé gle des hieèrarchies dionysiennes. La hieèrarchie ceèleste comprend trois hieè rarchies constitueè es chacune par trois ordres, dont chacun aé son tour, contient trois degreès de puissance [...]. La hieè rarchie eccleè siastique preèsente une division analogue, bien qu'elle ne comprenne que deux triades [...] ý. (114) Cohen, The Uta Codex, p. 224 n. 29 ; Jean Scot, Versio operum S. Dionysii, col. 1034A : Quarum prima temporali quidem ordine [...] ; Roques, L'Univers, p. 219, pour la valeur anagogique de l'Ancien Testament chez l'Areè opagite.

9

245

chapitre 8 Testament eètablie sous la graêce [...] [qui] est la fin de la premieére hieèrarchie passeèe et est en fait le deèbut de la hieèrarchie future, qui est la troisieéme : elle commence en partie maintenant dans les premiers fruits de la contemplation pour s'accomplir apreé s la reèsurrection aé venir [...] ý

115

.

Cette correspondance entre l'ancienne et la nouvelle loi et leur interpreè tation mystique eètaient importantes aé Saint-Beènigne. Une Bible des dernieéres anneèes du pour Saint-Beènigne, renferme les preèceptes de l'une et l'autre Loi

116

x

e

sieécle, copieèe

. L'abbeè Guillaume a

voulu que ce majestueux volume recueille les deux Testaments, qui se font pendant. Son colophon affirme qu'û aé partir des contraires, sont neèes les saintes eècritures ý

117

. Selon Ber-

nard de Vreègille ces mots eèvoquent l'harmonie globale de l'ancienne et de la nouvelle Loi. Le colophon ajoute que û ce petit livre contient les preè ceptes des deux lois. Il offre des actes mystiques avec ses propres reèveèlations ý

118

. Pour Bernard de Vreègille, mystica gesta

doit eêtre comprise au sens d'û Histoire oué se reèveéle l'Esprit ý

119

. Il n'est pas inutile de

signaler que le dernier vers conclut en ces termes : û Qui que vous soyez qui lisez ceci et profitez des pieux beèneèfices de la lumieére, rendez de multiples graêces au saint Dieu ý

120

.

Dans le systeéme de Denys l'Areèopagite, la hieèrarchie future, eèbaucheèe dans la contemplation, aurait correspondu au troisieéme niveau de la rotonde. Ainsi, les moines de SaintBeènigne auraient pu appreèhender les diffeèrents eètages de la rotonde comme le support d'une ascension les menant du royaume terrestre des deux testaments jusqu'au royaume divin, au fur et aé mesure de leur progression depuis les zones infeè rieures et meèdianes, symè glise terrestre, vers la zone supeèrieure et ceèleste de la Triniteè et de saint Michel boles de l'E (fig. 8)

121

é Saint-Beènigne cette progression eètait naturellement fondeèe sur la discipline . A

monastique, comme elle l'est dans le Codex Uota, ou é l'on peut lire aux quatre coins de

(115) Ibid., Jean Scot, Versio operum S. Dionysii, col. 1034B : Secunda vero, quae et media, sacerdotium, [...] Ecclesiam dico Novi Testamenti, sub gratia quidem constitutam [...]. Et est finis praeteritae primae, initium vero futurae Ierarchiae, quae est tertia, nunc ex parte inchoata in primitiis contemplationis, perficienda vero, post gloriam futurae resurrectionis [...]. (116) B. de Vreè gille, û Audebaud de Cluny et la Bible de l'Abbeè Guillaume de Dijon ý, dans L'Homme devant Dieu, Meè langes offerts au Peé re Henri de Lubac, Theèologie 57 (Paris, 1964), (pp. 7-17) pp. 8, 14-15. Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, ms. Hamilton 82. è critures] iussit ab oppositis. (117) Ibid. : excerpi grammis [les Saintes E (118) Ibid., p. 15 : Hic utriusque gerit legis praecepta libellus, Mystica gesta suis astruit indiciis. Un moine de SaintBeènigne, quelques anneè es plus tard, a ajouteè aé la suite, û ici brillent les veè neèrables volumes de la double Loi, car les volumes de la nouvelle sont placeè s avec ceux de l'ancienne ý (Hic geminate radiant veneranda volumina Legis, condita sunt nempe hic nova cum veteri). Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 71 ; Raoul Glaber, Histoires, p. 113. Selon

Raoul

Glaber,

û les

dispositions

de

l'ancienne

loi,

reveê tues

d'une

foule

de

symboles

mysteè rieux,

n'approchent pas la clarteè et l'eèleèvation des sacrements rec° us de la graêce nouvelle ý (Sed multum distant legis veteris instituta multiplicibus figurarum enigmatibus vestita, a nove gratie perspicuis ac spiritalibus sacramentorum donis). Selon Jacques Meènard, il se peut qu'il s'agisse des sacrements au sens propre, mais il pourrait aussi s'agir des mysteéres, souvent exprimeès par le mot sacramentum. (communication personnelle 2008) (119) Ibid. (120) Ibid. : Per legis haec quisquis capiens pia commoda lucis, Grates solue sacro multimodas Domino. (121) Roques, L'Univers, pp. 142 et 144. Selon le Pseudo-Denys, les Archanges, avec les Anges, partagent la qualiteè de messagers des illuminations divines ; ils les rec° oivent par le premier ordre de la troisieé me hieè rarchie ceèleste et les transmettent aux hommes par l'ordre des anges qui cloê t aé la fois la troisieéme triade et toute la hieè rarchie ceè leste. Ces puissances ceè lestes conduisent par la main l'aê me vers Dieu.

246

9

interpreètation theèologique l'image d'Erhard : û amour de la seule pieè teè ý (unic[a]e pietatis affectus), û rigueur de discipline ý (Districtionis rigor), û modeèration du discernement ý (Discretionis te[m]peram[en]tu[m]), et une repreèsentation de û la sainte abbesse ý (domna abbatissa) durant le

x

e

122

. Selon Warren Sanderson,

sieécle aé Saint-Maximin aé Treéves (935-52), le niveau infeèrieur des deux eètages

de la crypte hors d'Ýuvre, deèdieè aé la Vierge, aurait repreèsenteè le royaume le

niveau

supeèrieur,

mologie dionysienne

deèdieè

123

au

Sauveur,

le

domaine

divin

du

du

monde,

et

Ciel, selon la meê me cos-

. Il aperc°oit des conceptions identiques aé Saint-Emmeram de Ratis-

bonne en 980, et plus tard, au

xi

e

sieécle, aé Centula, Stavelot et Malmeèdy.

è rigeéne eètaient connus non seulement dans ces monasteé res de la Denys l'Areèopagite et E reèforme de Gorze, mais eègalement dans le monde clunisien. Odilon signale dans sa Vita de saint Mayeul que û alors que celui-ci se trouvait au monasteé re de Saint-Denis, et lisait de nuit, comme il avait coutume de le faire, le livre Du gouvernement ceèleste de ce martyr admirable dans les deux langues et par sa double condition de philosophe [et homme d'eè glise], un profond sommeil s'empara de lui ; la chandelle, lui glissant des mains, tomba sur la page du livre ouvert. Il se produisit alors quelque chose de miraculeux et d'eè trange : le feu, poursuivant naturellement son Ýuvre, consuma la meéche et la cire, mais laissa la page intacte ý

124

. Mayeul avait eèteè aé Cluny le mentor de Guillaume. Ce fut lui qui l'envoya reè former

Saint-Beènigne aé la demande de l'eèveêque Brun, et ce fut Guillaume qui recommanda qu'Odilon eètudie sous la direction de Mayeul

125

. Selon Iogna-Prat, la Vita sancti Maioli (BHL

5179) et le Sermo de beato Maiolo, eèlaboreès entre 999 et 1010 dans l'entourage d'Heldric (disciple de Mayeul et abbeè de Saint-Germain d'Auxerre), montrent que les eè crits d'Heèric (un ma|être de l'eècole carolingienne d'Auxerre) offrent aé la communauteè clunisienne un acceés è rigeéne et aé la penseèe neèo-platonicienne abreègeè aux eècrits de Jean Scot E

126

. Mais, eèleèment

(122) Cohen, The Uta Codex, p. 83 ; Sanderson, û Monastic Reform ý, p. 19. Ces inscriptions placent saint Erhard dans l'ambiance d'une reégle monastique seè veére, assurant le salut, reé gle suivie par le couvent qui portait son nom aé Niedermu« nster. Iogna-Prat, Agni, p. 321. Selon les clunisiens, la discreè tion, ou science du discernement, permet au moine de conserver la juste mesure dans son comportement et d'eè viter, par exemple, l'ostentation. (123) Sanderson, û Monastic Reform ý, p. 26. (124) Odilon de Cluny, De vita beati Maioli abbatis, PL 142 : (943-62) col. 955B-956A : Cum esset aliquando in monasterio sanctissimi martyris Dionysii, et nocturno tempore legeret, ut sui moris erat, ejusdem martyris et admirabilis utraque lingua, utraque conditione philosophi, librum De principatu coelesti, gravi somno superveniente candela de manu ejus super libri paginam defluit. Accidit tunc quiddam mirabile et insolitum. Ignis, naturae suae officium prosequens, lignum [linum] conè . Jeauneau, û Denys l'Areè opagite promoteur du neè oplatonisme ý, sumpsit et ceram, paginam dimisit illaesam. E dans Neèoplatonisme et Philosophie Meè dieèvale, Actes du Colloque international de Corfou 6-8 octobre 1995, eè d. L. G. Benakis (Turnhout, 1997), (pp. 1-24) pp. 14-15, consideé re que û ce miracle [...] ne deè montre pas de fac°on eèvidente que Mayeul prit grand inteè reêt aé la lecture de la Hieèrarchie ceèleste. Quant aé saint Odilon, on ne trouve dans son Ýuvre aucune trace de l'influence de Denys ý. Par contre, Y. Christe, Les grands portails romans. è tude sur l'iconologie des theèophanies romanes (Geneéve, 1969), p. 30 perc° oit cette reè feèrence comme la preuve de la E haute estime dans laquelle les abbeè s de Cluny tenaient Denys l'Areè opagite. Iogna-Prat, Agni, p. 315 voit en Mayeul un lecteur assidu des Hieèrarchies du Pseudo-Denys, et constate l'influence de Denys dans la culture du Cluny de l'an mil. Voir aussi Hourlier, Saint Odilon, p. 135. (125) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 503. (126) Christe, Les grands portails, pp. 29, 40-41, 50-55, et 82 ; Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, pp. 54347) ; Iogna-Prat, Agni, p. 394.

9

247

chapitre 8 è rigeéne de l'Ambigua de Maxime le Conplus essentiel encore, une copie de la traduction d'E fesseur, contenant des reèfeèrences aé Denys l'Areèopagite, figurait dans la bibliotheéque de Saint-Beènigne en 1052, si ce n'est plus toêt ; une autre copie attribueèe au retrouveèe aé Cluny

127

ix

e

è rigeéne aé Charles le Chauve preèceèdeèe d'une lettre deèdicatoire d'E

128

sieécle aurait eèteè

ix

. La copie de Saint-Beènigne comportait des gloses du

e

sieécle et eètait

è rigeéne, Maxime le . E

Confesseur et le Pseudo-Denys eètaient donc connus aé Dijon aé cette eèpoque

129

.

Le plan tripartite, et particulieérement le troisieéme niveau, de la rotonde de SaintBeènigne peut eêtre mis en relation avec la theèologie mystique preèsente dans ces Ýuvres

130

.

L'eèclairage du troisieéme eètage eètait unique pour l'eèpoque, et son autel de la Triniteè constituait un foyer pour la lumieére eèclatante qui descendait depuis l'oculus. Dans sa description du troisieéme niveau, le chroniqueur semble prendre acte de son originaliteè : û Construite en forme de couronne et appuyeèe sur trente-six colonnes, la lumieére brille d'un eèclat exceptionnel par des feneêtres sur tous coêteès et depuis un ciel ouvert [l'ouverture du doê me] ý

131

.

La structure du troisieéme niveau de la rotonde telle qu'elle appara|ê t sur le dessin d'Antoine (1790) correspond aé cette description. En effet, ce niveau eètait deux fois plus haut que les niveaux infeèrieurs et il eètait plus vaste, car il n'eètait pas encombreè par une colonnade dans sa partie meèdiane (fig. 5, 6, 7, 8, 12, 13). Lui seul eètait vouêteè, d'une vouête annulaire en berceau, afin de donner l'impression d'une couronne, et il eè tait celui qui recevait le plus de lumieére. Ainsi, l'abbeè Guillaume a placeè l'autel de la Triniteè au sein d'une couronne ceèleste. Le puits de lumieére de la rotonde offrant un acceés visuel aé travers tous ses niveaux et la luminositeè la plus grande provenant exclusivement du sommet de l'eè difice, le regard et l'esprit eètaient constamment guideès vers le haut. De surcro|êt, les participants de toutes les processions pouvaient voir, depuis n'importe quel point dans l'eè glise, la vive lumieére du troisieéme niveau de la rotonde, eèvoquant la lumieére et l'espace de l'au-delaé. Rappelons en

(127) Dutton, û Raoul Glaber's ý, p. 440 ; Nichols, Romanesque Signs, p. 15. Les Ambigua sont avant tout des è . Jeaucommentaires sur les difficulteè s et les complexiteè s des eècrits de Greè goire de Nazianze. Voir aussi E è rigeéne ý, dans Pierre Abeè lard, Pierre le Veè neèrable, les courants neau, ýLa bibliotheé que de Cluny et les Ýuvres d'E philosophiques, litteèraires et artistiques en Occident au milieu du

xii

e

sieécle, colloque international du C.N.R.S., Paris,

1975, (pp. 703-25), pp. 714-15 ; A. Wilmart, û Le couvent et la bibliotheé que de Cluny vers le milieu du

xi

e

du

sieécle ý, Revue Mabillon 11 (1921) : (89-124) p. 93 pense que ce manuscrit eè tait arriveè bien avant le milieu

xi

e

sieécle. Wilmart a cru le reconna|ê tre vers le milieu du

xi

e

sieécle dans la liste du Liber tramitis des livres dis-

è douard tribueè s aux moines de Cluny au deè but du Careê me. Voir infra, p. 269 n. 262. L'eè dition de l'Ambigua d'E Jeauneau est baseè e sur le manuscrit M (Paris, Bibliotheé que Mazarine 561) qui se trouvait aé Saint-Beènigne dans la premieé re moitieè du

xi

e

sieécle.

(128) Dutton, û Raoul Glaber's ý, p. 447. (129) Le Pseudo-Denys eè tait aussi plus largement connu. Voir Adalbeè ron de Laon, Carmen ad Robertum regem, eèd. C. Carozzi, Les Classiques de l'Histoire de France, Les Belles lettres (Paris, 1979), (pp. 2-33) p. 17 ; de Lubac, Exeègeése, p. 542. Adalbeèron de Reims recommandait au roi Robert le Pieux, pour l'instruire sur la Jeèrusalem ceè leste, Greègoire, Augustin et Pseudo-Denys. (130) Schlink, Saint-Beènigne, p. 119, eè tablit une relation, en termes geè neèraux, entre la rotonde de Dijon et Denys l'Areèopagite. Christe, Les grands portails, pp. 44-54 ; M. F. Hearn, Romanesque Sculpture. The Revival of Monumental Stone Sculpture in the Eleventh and Twelfth Centuries (Ithaca, 1981), pp. 186-87. Yves Christe et Millard F. Hearn mettent en rapport le theé me de la theè ophanie dans les grands portails romans du è rigeéne sur la Hieè rarchie Ceè leste. le traiteè d'E (131) Annexe I, p. 291, lignes 77-79 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, lignes 77-79.

248

9

xii

e

sieécle avec

interpreètation theèologique effet que, selon la chronique, û L'autel de la Sainte Triniteè est ainsi placeè qu'il soit facilement vu de ceux qui entrent de partout et se tiennent partout dans l'eè glise ý, ce qui eètait possible parce qu'il eètait situeè dans la galerie au dessus de l'heèmicycle, comme on peut le voir sur le dessin de Plancher (fig. 7, 8)

132

.

L'autel deèdieè aé Saint Paul eètait situeè, comme nous l'avons indiqueè preèceèdemment, aé l'est de l'autel de la Triniteè. Selon la chronique, û l'autel de saint Paul se trouve dans l'eèglise supeèrieure, devant l'autel de la Sainte Triniteè : emporteè au troisieéme ciel, il voit les secrets de Dieu ý

133

. Cet emplacement dans l'eèglise haute, face aé l'autel de la sainte Tri-

niteè, donc, a eèteè choisi parce que saint Paul a eèteè eèleveè jusqu'au troisieéme ciel oué les secrets de Dieu lui ont eèteè reèveèleès. Cette explication de la chronique renvoie aé Corinthiens II, 12, 2-4, passage dans lequel, selon l'interpreètation de Greègoire le Grand, l'une des sources favorites de Cluny, Dieu reèveéle aé Paul la puissance de Sa Majesteè

134

. Il est significatif

qu'aé la deèdicace de l'autel de Paul s'ajoutait une deèdicace au saint martyr Dionysius

135

.

é Saint-Beènigne, Dionysius, c'est-aé-dire saint Denis, aurait eèteè consideèreè comme eètant non A seulement le saint patron de l'abbaye parisienne de Saint-Denis, mais eè galement Denys l'Areèopagite, l'Atheènien, que, d'apreés les Actes des Apoêtres 17, 34, Paul avait converti au christianisme, et enfin le Pseudo-Dionysius, l'auteur de

De la Hieèrarchie ceèleste

136

è ri. Selon E

geéne, û aé la suite de Paul, [Denys] vola au-dessus des hautes eè toiles de l'empyreèe et contempla le troisieéme royaume des cieux. [...]. Le troisieéme ordre s'approche de l'intelligence ceèleste ý

137

. L'explication de la chronique selon laquelle l'autel de Paul eè tait situeè au

(132) Annexe I, p. 290, lignes 80-81 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, lignes 80-82. (133) Annexe I, p. 292, lignes 107-09 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, lignes 107-09. (134) J. Leclercq, F. Vandenbroucke, et L. Bouyer,

The Spirituality of the Middle Ages , trad. Benedictines of

Holme Eden Abbey Carlisle (New York, 1968), p. 27. Cor. II, 12, 2-4, û Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans º eè tait-ce en son corps ? Je ne sais ; eè tait-ce hors de son corps ? je ne sais ; Dieu le sait-[...] cet homme-laé fut ravi jusqu'au troisieé me ciel [...] je sais qu'il fut ravi jusqu'au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis aé un homme de redire ý. (135) Annexe II, pp. 294-295, ligne 22 ; Heitz, û Lumieé res ý, p. 77 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r-83v, 171r-171v. (136) Supra, p. 161. On se souvient que l'autel deè dieè aé saint Paul eètait deè dieè aussi aux saints martyrs Apollinaire et Cyr en raison de leur association avec sa mission. Comme Apollinaire, Denys, le premier eè veêque é partir du d'Atheé nes, a eèteè converti par Paul. A

Voir P. Richeè ,

v

e

viii

e

sieécle, Denys l'Areè opagite, l'Atheè nien, a eèteè identifieè avec

vi

e

sieécle, du traiteè mystique, De la Hieèrarchie Ceè leste. The Carolingians (Philadelphia, 1993), p. 334, et P. Rorem, Pseudo-Dionysius : A Commentary on the

le Pseudo-Denys, l'auteur, aé la fin du

ou au deèbut du

Texts and an Introduction to Their Influence (Oxford, 1993), p. 3 ; par ailleurs, Jean Scot, Iohannis Scotti Erigenae Carmina, eèd. M. W. Herren, (Scriptores Latini Hiberniae), 12 (Dublin, 1993), p. 153, explique que, pour Greè goire de Tours qui est souvent citeè dans la chronique de Saint-Beè nigne, saint Denis fut eè galement le premier eèveêque de Paris, martyriseè sous Diocleè tien. Charles le Chauve, lui aussi un bienfaiteur de Saint-Beè nigne, chargea

è rigeéne E

de

traduire

l'Ýuvre

du

Pseudo-Denys

l'Areè opagite.

On

pensait

alors

que

ce

l'Atheè nien, et le premier eè veêque de Paris eètaient une seule et meê me personne, comme l'affirmait au

dernier,

viii

e

sieécle

l'abbeè Hilduin de Saint-Denis, le premier traducteur occidental connu des eè crits theè ologiques du PseudoDenys. (137) Jean Scot,

Iohannis Scotti Erigenae Carmina, p. 111 : Alta dehinc uolitans Paulum super astra secutus/ Empyrii

caeli tertia regna uidet. [...] Mentibus oyraniis tertia taxis inest.

9

249

chapitre 8 troisieéme niveau parce qu'il avait eèteè emporteè au troisieéme ciel et qu'il y avait vu les secrets de Dieu deèfinit clairement le troisieéme niveau de la rotonde comme le Paradis

138

.

La Lumieére

Augustin conc°oit le troisieéme ciel de Paul comme le Paradis û oué l'esprit est compleétement libeèreè des sens et purifieè [...], ce qui le rend capable d'une fac°on mysteèrieuse, par l'amour du Saint-Esprit, de voir et d'entendre les choses de ce ciel et l'essence meê me de Dieu, et le Verbe divin par lequel tout est fait, dans l'amour plus ineffable de l'Esprit Saint ý

139

. Il ajoute : û Laé, aussi, est une lumieére qui appartient aé cet eètat, [diffeèrente de la

lumieére partout ailleurs] et assureèment grande ý

140

. Il deècrit û le troisieéme ciel comme

supeèrieur aé toute vision de l'esprit [...] dans cette vision, l'eè clat de Dieu est vu [...] face aé face ý

141

. Le troisieéme eètage de la rotonde de Dijon confeèrait une atmospheére sublime pour

l'adoration de la Triniteè : ici la contemplation, illumineèe par une lumieére physique intense, procurait un avant-gouêt de la Lumieére divine. Graêce aé l'oculus, le matin, la lumieére la plus intense inondait l'autel de la Triniteè et durant l'apreés-midi, elle eètincelait sur l'autel deèdieè aé saint Paul et aé saint Denis, situeè aé l'est du premier (fig. 7, 9, 12, 13, 38). L'intensiteè de la lumieére baignant l'autel de Paul au troisieéme eètage de la rotonde rappelle celle qui frappa l'Apoêtre sur la route de Damas. Dans les Actes des Apoêtres, Paul deècrit aé trois reprises le moment oué le Christ s'adressa aé lui sous la forme d'une lumieére û venant du ciel et plus eèclatante que le soleil, une lumieére qui resplendit autour de moi (26, 13) ý

142

. Cette conception du Christ en tant que lumieére deècoule des mots qu'il pro-

nonce lui-meême dans Jean 8, 12 : û Je suis la lumieére du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les teèneébres, mais aura la lumieére de la vie ý. Dans la ligneèe de ces passages du Nouveau Testament, la meètaphore de la lumieére visible est l'image privileègieèe de l'eèvocation de Dieu aux degreès les plus bas de la conscience pour Augustin, Greè goire le Grand, et

(138)

L'identification des niveaux du Ciel varie dans les interpreè tations meè dieèvales, mais habituellement

on pensait qu'une zone aeèrienne constituait le premier niveau, une zone eè toileèe le second, et que le troisieé me niveau eètait appeleè l'empyreè e. La Bible parle de ces trois niveaux : le premier (Gen 1, 9 et 20) ; le second (Gen 1, 14 et 16), et le troisieé me (Gen 28, 12 ; Dt 10, 14 ; I Rois 8, 27). (139) St. Augustine : The Literal Meaning of Genesis, trad. J. Taylor, t. 2, Ancient Christian Writers, 42 (New York, 1982), pp. 227-28 ; Augustin d'Hippone, De Genesi ad litteram, eèd. J. Zycha, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, t. 28.1 (Vienne, 1894), (pp. 1-435) p. 432 : tertium uero quod mente conspicitur ita secreta et remota et omnino abrepta a sensibus carnis atque mundata, ut ea quae in illo caelo sunt, et ipsam dei substantiam, uerbumque deum, per quod facta sunt omnia, par caritatem spiritus sancti ineffabiliter ualeat uidere et audire [...]. (140) Idem, The Literal, pp. 227-28 ; idem, De Genesi, p. 430 : Neque enim et lux ibi non est propria quaedam et sui generis, et profecto magna [...]. (141) Idem, The Literal, p. 219 ; idem, De Genesi, p. 422 : illo spiritali, quo similitudines corporum spiritu, non mente cernuntur, tertium caelum appellauit Apostolus, in hoc uidetur claritas dei [...] sed facie ad faciem. (142) Aussi : Actes des Apoê tres 9, 3 : û une lumieé re venue du ciel l'enveloppa de sa clarteè ý ; 22, 6 û une grande lumieére venue du ciel m'enveloppa de son eè clat ý.

250

9

interpreètation theèologique é Cluny, les deux abbeès Odon et Odilon utilisaient è rigeéne et Denys l'Areèopagite. A surtout E des images similaires, auxquelles eut eègalement recours, aé Dijon, Jean de Feècamp

143

.

Selon ce dernier, û le regard est dirigeè vers le rayon du soleil [...] pour que l'ombre de la terre ne vienne pas s'interposer et faire eècran aé la lumieére du vrai soleil ý souvent aé Dieu comme û lumieére de mes yeux ý

145

. La

144

. Il se reèfeére

Confessio theologica commence

ainsi :

û Assiste-moi, lumieére veèritable, Dieu, Peére tout puissant. Assiste-moi, lumieére veèritable, neèe de la lumieére, Verbe Fils de Dieu, Dieu, tout-puissant ý

146

. Et il eècrit aé propos des

Cieux : û Laé, Dieu est vu face aé face [...]. Il m'est permis de tendre vers ta clarteè . [...] Laé, le combattant victorieux, associeè aux chÝurs des anges qui chantent des hymnes, chante aé Dieu sans arreêt le cantique des cantiques de Sion : `une couronne eè ternelle entoure sa noble teête' [...] afin que je puisse prendre ma place au milieu de ces treé s saints chÝurs [...] et contempler pour toujours cette lumieére supreême, indescriptible et illimiteèe ý

147

. Son antici-

pation du face aé face paradisiaque avec Dieu est caracteèriseèe par le roêle essentiel qu'y joue la lumieére : û O splendeur de la gloire du Peére, qui eêtes assise au dessus des cheèrubins, et regardez dans les abysses, lumieére veèritable, lumieére qui chasse l'obscuriteè, la lumieére indeèfectible, que les anges deèsirent regarder ; voilaé mon cÝur devant toi : dissipe ses teèneébres, pour qu'il plus completement baigneè par la lumieére de ton amour ý Sainte Triniteè est û la lumieére veèritable, issue de la lumieére ý

149

148

. Pour lui, la

. Il invoque û

ê lumiere O é

veèridique [...] par un don de toi nous sommes enflammeè s et porteès vers le haut, nous bruêlons et nous allons. Nous gravissons les degreès qui sont dans notre cÝur, et nous chantons le cantique des monteèes ý

150

. Ainsi, nombre de prieéres de Jean semblent eêtre inspireèes par

l'espace et la lumieére de la rotonde de Dijon. En outre, peut-on envisager que le chroniqueur, qui entreprit la reèdaction de son ouvrage peu apreés l'abbatiat de Jean de Feècamp aé

Viator 24 (1993) : (51-78) p. 72. La Confession, p. 193 ; idem, Confessio Theologica, 3 partie, p. 169, lignes 860-63 : in Solis radium dirigit intuitum [...] ne umbra terrae interueniat, et a ueri Solis lumine dirimat. (145) Idem, Meditations of Saint Augustine , p. 111 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, dans Opera Omnia, Appendix, PL 40 : (901-43) col. 933 : dulce lumen oculorum meorum . (146) Jean de Feècamp, La Confession, p. 97 ; idem, Confessio Theologica , 1 partie, p. 110, lignes 1-2 : Adesto mihi uerum lumen, Deus Pater omnipotens. Adesto mihi uerum lumen de lumine, Verbum Filius Dei, Deus omnipotens . (147) Idem, Meditations of Saint Augustine, pp. 66-67 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, col. 917-18 : ubi Deus facie ad faciem cernitur [...]. Libet mihi tuae intendere claritati. [...] ubi victor miles illis hymnidicis Angelorum sociatus choris, cantat Deo sine cessatione canticum de canticis Sion, Nobile perpetua caput amplectente corona. [...] illis sanctissimis choris interessem [...] ut illud summum et ineffabile et incircumscriptum lumen semper aspicerem [...]. (148) Jean de Feècamp, Meditations of Saint Augustine , p. 57 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, col. 914 : O splendor paternae gloriae, qui sedes super Cherubim, et intueris abyssum, lumen veridicum, lumen illuminans, lumen indeficiens, in quod desiderant Angeli prospicere (I Petr. I, 12) ; ecce cor meum coram te, discute tenebras ejus, ut amoris tui claritate plenius perfundatur. (149) Jean de Feè camp, Meditations of Saint Augustine , p. 89 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, col. 925 : verum lumen, verum lumen ex lumine. (150) Jean de Feè camp, La Confession, p. 183 ; idem, Confessio Theologica, 3 partie, p. 163, lignes 654-62 : O lumen ueridicum [...] dono (Ps. 80, 6) autem tuo accendimur et sursum ferimur, inardescimus, et imus : ascendimus ascensiones in corde (Ps. 119, 1), et cantamus canticum graduum (Ps. 121, 6). (143) P. Jestice, û The Gorzian Reform and the Light under the Bushel ý,

(144) Jean de Feècamp,

e

e

e

9

251

chapitre 8 Saint-Beènigne, ait attribueè au troisieéme ciel de la Triniteè û un eèclat exceptionnel ý sous l'influence de ces ideèes ?

151

.

Selon Augustin, û lorsque nous appelons Christ û la Lumieé re ý, la lumieére n'a pas le meême sens que lorsque nous l'appelons û la pierre [d'angle] ý ; dans le premier cas, c'est dans le sens litteèral, dans le second, c'est dans le sens figureè ý

152

. La plupart des allusions aé

la lumieére preèsentes dans la litteèrature chreètienne, comme la reèfeèrence aé la lumieére dans Jean 8, 12 º

û Je suis la lumieére du monde ý (Ego sum lux mundi) º , ne se rapporte pas aé

la lumieére reèelle, qui eèclaire le monde, mais aé une lumieére divine increèeèe

153

. Toutefois,

c'est bien la lumieére du jour, encadreèe par une feneêtre, qui, substitueèe aé une image du Christ sur la mosa|ëque du

ix

e

sieécle de la Deesis, dans la chapelle de San Zenone aé Saint-

Prasseéde, aé Rome, a eèteè interpreèteèe comme une repreèsentation de la manifestation du Dieu invisible. Patrik Reutersward soutient que le passage de la lumieé re aé travers la feneêtre de marbre lui a confeèreè un caracteére quasi sacreè

154

. Selon son hypotheése, pour eêtre reconnue

comme d'essence non terrestre, la lumieére doit subir une meètamorphose, habituellement obtenue graêce aé l'intervention du verre ou du marbre (la lumieé re absorbe quelques-unes des proprieèteès de la substance preècieuse aé travers laquelle elle est filtreèe)

155

. La feneêtre cir-

culaire, aujourd'hui aveugle, flanqueèe d'anges peints au-dessus d'un Agnus Dei et d'une Majestas, dans l'abside de la chapelle clunisienne du

xii

e

sieécle de Berzeè-la-Ville en Bour-

gogne, pourrait eèventuellement eêtre interpreèteèe dans le meême sens

156

. Toujours selon Reu-

tersward, la nature divine de la lumieére peut eègalement eêtre exprimeèe par son intensiteè : une lumieére plus puissante que la lumieére terrestre habituelle est susceptible de distinguer la Lumieére divine de la lumieére creèeèe

157

. L'oculus de Saint-Beènigne et sa û lumieére `d'un

eèclat exceptionnel' ý n'auraient-ils pas chercheè aé suggeèrer la blancheur eètincelante de la Lumieére ? L'oculus imprimait au rayon de lumieére de la rotonde sa forme parfaite de cercle

158

et ce rayon venait se reèfleèchir sur le preècieux, et peut-eêtre mateèriellement semi-preè-

(151) Annexe I, p. 290, ligne 78 ; Martindale, û Romanesque ý, p. 49, ligne 79. Contrairement au Pantheèon oué la lumieére illuminait la rotonde entieére, le trajet de la lumieé re dans la rotonde de Dijon eè tait surtout limiteè au niveau supeè rieur de la rotonde en raison de la division de celle-ci en niveaux. (152) W. Scho«ne, Uber das Licht in der Malerei (Berlin 1954), p. 59 : neque enim et Christus sic dicitur lux, quomodo dicitur lapis ; sed illud proprie, hoc utique figurate ; P. Reutersward, The Visible and Invisible in Art : Essays in the History of Art (Wien, 1991), p. 45 ; Voir aussi H. Kessler, Spiritual seeing : picturing God's invisibility in medieval art (Philadelphia, 2000). (153) St. Augustine : The Literal, p. 317 ; Reutersward, The Visible, pp. 45 n. 3 et 285. (154) Reutersward, The Visible, pp. 49, 52. Il est probable que le marbre moderne qui occupe aujourd'hui la feneêtre ait eèteè substitueè aé une mince plaque de marbre d'origine. (155) Ibid., p. 47. (156) Ibid., p. 52. (157) Ibid., pp. 147-48. (158) Y. De Andia, Henosis, l'union aé Dieu chez Denys L'Areè opagite, Brill Series : Philosophia Antiqua, (Leiden New York - Ko«ln, 1996), p. 424. Chez le Pseudo-Denys, le mouvement circulaire de l'aê me tourne autour du Bien et retourne en son centre pour s'unir aé lui ; Selon Roques, L'Univers, p. 209, l'intelligence doit acceè der au mouvement circulaire qui lui donnera l'union divine. Pseudo-Denys Areè opagite, De divinis nominibus, PG 3 : (585-996) col. 822A : û Au centre du cercle, toutes les lignes se rassemblent ; un seul point comporte en luimeême toutes les lignes droites uniformeè ment unies les unes par rapport aux autres, et avec le principe unique dont elles sont issues, et elles se reè unissent toutes dans le centre. Celles qui sont peu eè loigneèes du centre sont

252

9

interpreètation theèologique è rigeéne aé cieux, autel de la Triniteè, d'une manieére qui rappelle l'analogie emprunteèe par E Maxime le Confesseur : û Quand la lumieé re du soleil est meèlangeèe avec l'air, elle commence aé devenir visible. Telle quelle, elle ne peut eêtre perc°ue par les sens, mais elle le peut lorsqu'elle est meèlangeèe aé l'air. Par cette analogie, vous devez comprendre que l'Essence Divine ne peut pas eêtre perc°ue en elle-meême. [...] Dieu sera vu aé travers et dans les corps, et non en Lui-meême ý

159

. En ce que l'oculus projetait une lumieé re plus concentreèe et plus

intense que la lumieére habituelle, il peut eêtre consideèreè comme une stimulation programmeèe, un artifice visant aé ressembler aé l'effet d'une Lumieére divine, distincte de la lumieére terrestre. En outre, cette lumieére concentreèe, exceptionnellement vive, peut eêtre comprise comme un signe de la preè sence de Dieu et pourrait avoir stimuleè une participation aé l'Essence Divine

160

.

Theosis (Divinisation)

La possibiliteè d'une ascension spirituelle anagogique vers le rayon de lumieé re projeteè par l'oculus de la rotonde peut eêtre mise en relation avec le concept platonico-chreè tien d'un retour aé l'origine divine de la Lumieére. Dans sa traduction et ses commentaires des è rigeéne affirme que û nous sommes Expositiones in Hierarchiam celestem du Pseudo-Denys, E rameneès aé son rayon simple par le don multiple lui-meê me des lumieéres, lorsque nous le recevons dans les reèaliteès immateèrielles ý

161

. Il ajoute que û les lumieéres mateèrielles sont

peu diviseè es ; celles qui s'en eè loignent davantage sont plus distantes les unes des autres. Pour reè sumer, plus elles sont rapprocheèes du centre, plus elles lui sont unies et sont unies entre elles ; et plus elles s'eè loignent du centre, plus elles s'eèloignent les unes des autres ý (Et in centro omnes lineae circuli una copulatione simul existunt ; et punctum habet omnes rectas lineas uniformiter copulatas inter se, et cum uno principio a quo exierunt, et in ipso centro omnino copulatae sunt ; et parum ab eo distantes parum dividuntur, magis autem distantes magis ; et, ut semel dicam, quanto sunt centro propinquiores, tanto magis cum eo et inter se copulantur ; et quanto magis a centro distant, tanto magis et inter se distant). Cette description du centre et des cercles concentriques eè voque l'oculus et les deè ambulatoires concentriques de la rotonde. (159) Nichols, Romanesque Signs, pp. 20, 209 n. 8 cite Jean Scot, De Divisione Naturae, PL 122 : (439-1023) 450AB : Cum vero solare lumen aeri misceatur, tunc incipit apparere, ita, ut in seipso sensibus sit incomprehensibile, mixtum vero aeri sensibus possit comprehendi. Ac per hoc intellige, divinam essentiam per se incomprehensibilem esse [...] Per corpora ergo in corporibus, non per se ipsum, uidebitur. Selon Pseudo-Denys Areè opagite, De divinis nominibus, col. 822B, û Il n'est donc pas absurde de prendre appui sur ces images petites et affaiblies pour remonter jusqu'aé la Cause universelle, et [de contempler] meê me celles qui sont opposeè es de manieé re uniforme et comme reè unies. [...] (non est igitur absurdum, ex parvis et minutis imaginibus et exemplis ad causam omnium ascendentes, supermundanis oculis contemplari omnia in causa omnium, et quae sunt inter se contraria, uniformiter et copulate [...]). Voir aussi ; Roques, L'Univers, p. 204 n. 7 et p. 205 n. 2. Le Pseudo-Denys affirme que l'imperfection de la symbolique sensible doit nous faire tendre vers des anagogies qui ne sont pas de ce monde. Notre propre faiblesse a besoin de repreè sentations anagogiques adapteèes aé notre propre nature pour rejoindre les objets de contemplation sans forme qui deè passent notre nature. (160) De Andia, Henosis, pp. 109-10. La Lumieé re intelligible est une puissance, ou eè nergie, qui proceéde de Dieu vers nous pour nous deèifier. (161) Jean Scot, Expositiones in Hierarchiam caelestem, eèd. J. Barbet, CCM 31 : PL 122 (125-266) (Turnhout, 1975), p. 8, ligne 279 : et restituimur iterum, ex ipsa luminum uidelicet multiplici datione, in simplum ipsius radium, dum recipimus immaterialibus. Cf. Pseudo-Dionysius, l'Areèopagite : The Complete Works, trad. C. Luibheid et P. Rorem (New York, 1987), pp. 145-46.

9

253

chapitre 8 des images de la beauteè immateèrielle de la Lumieére ý

162

. Dans De divinis nominibus le

Pseudo-Denys eècrivait, û En raison de son eèclatante ressemblance, la lumieére rassemble et convertit aé elle-meême tout ce qui est vu [...], tout ce qui se rattache aé ses rayons. [...] Ainsi, la venue de la lumieére rassemble et reèunit tous ceux qui ont eèteè illumineès, les rend parfaits et les convertit aé ce qui existe vraiment [...], et les remplit d'une seule lumieé re ý

163

.

è rigeéne, comme le PseudoLe retour vers Dieu a eèteè rendu possible par l'Incarnation. E Denys et Maxime le Confesseur, se fondant sur Jean 1, 14 (û Et le Verbe s'est fait chair et il a habiteè parmi nous, et nous avons contempleè sa gloire, gloire qu'il tient de son Peére comme Fils unique, plein de graêce et de veèriteè ý) explique que û le Verbe est descendu dans l'homme afin que, par lui, l'homme s'eè levaêt aé Dieu ý

164

. Selon Y. M.-J. Congar,

û l'Incarnation se reèalise par le fait meême qu'en Jeèsus, Verbe fait chair, la nature humaine est sanctifieèe, pleinement reformeèe aé la ressemblance parfaite de Dieu, par le contact avec la nature divine, immortelle et glorieuse ý

165

. Ce theéme majeur de la penseèe dionysien-

è rigeéne dans des termes ne, la procession (processio) et le retour (reditus), est deèveloppeè par E è rigeéne propose un scheèma qui eèvoquent les trois eètages de la rotonde. Dans le Periphyseon, E tripartite pour le retour

166

è douard Jeauneau, ce retour s'effectue selon une succes. Selon E

sion ordonneèe de degreès qui, gravis successivement, tels les degreès d'une eèchelle, au sein de l'univers sensible, nous permettent de remonter jusqu'aé Dieu. C'est par l'intermeèdaire du sensible que l'esprit humain est conduit aé l'intelligible

167

. Selon Dermont Moran, û l'esprit

humain reèussira sa reèunification avec l'esprit divin [...] et ainsi, la nature humaine devenue parfaite deviendra paradis [...]. Les eèlus acceèderont aé une deèification particulieére (theosis) dans laquelle ils se confondront compleé tement avec Dieu, comme les lumieéres se fondent en une seule lumieére ý

168

.

è leèment significatif, ce concept du retour appara|êt eègalement dans les Historiarum de E Raoul Glaber, qui, comme nous l'avons deè jaé signaleè, veècut aé Saint-Beènigne vers 1017 et reèdigea son Historiarum aé la demande de l'abbeè Guillaume. Dans le cadre de sa meèditation

(162) Jean Scot, Expositiones, p. 15, lignes 531-32 : Et immaterialis lvcvlentie imaginem materialia lvmina [...]. (163) Pseudo-Denys Areè opagite, De divinis nominibus, col. 700B-C : Eadem clarissimae similitudinis ratione lux quoque colligit convertitque ad se omnia quae videntur, [...] quaeque universim radiis ejus perstringuntur ; [...] sic advenius luminis congregat et copulat illuminatos, perficitque eos, et ad id quod vere est convertit, [...] et uno lumine unifico implet. Selon Roques, L'Univers, p. 208, û la condescendance divine nous a deè voileè son uniteè dans la multipliciteè [...] sa nature purement spirituelle et simple dans des formes mateè rielles et composeè es ; par un mouvement rigoureusement inverse, notre intelligence doit savoir remonter de ces formes complexes et impures aé la pure simpliciteè de Dieu, de leur instabiliteè aé son identiteè inalteèrable, de la multipliciteè de leurs parties aé son uniteè ý. è . Jeauneau (Paris, 1972), p. 100 : Descendit (164) Jean Scot, Commentaire sur L'Evangile de Jean, eèd. et trad. E enim uerbum in hominem ut, per ipsum, ascenderet homo in deum. Voir aussi Nichols, Romanesque Signs, p. 10 ; De Andia, Henosis, pp. 289 et 292. (165) Congar, Eccleèsiologie, pp. 332-33. (166) M. Foussard, û Aulae Sidereae, vers de Jean Scot au roi Charles ý, Cahiers archeèologiques 21 (1971) : (80-88) p. 83 n. 37. Foussard se reè feére aé Jean Scot, De Divisione Naturae, V, PL 122 : (439-1023), col. 1020A1021A. è . Jeauneau, SC, 151 (Paris, 1969), p. 293 n. 3. (167) Jean Scot, Homeèlie sur le prologue de Jean, eèd. et trad. E (168) D. Moran, û An Original Christian Platonism : Erigena's Response to the Tradition ý, Bilan et Perê ge, 22 (Turnhout, 2004), (pp. 467-87) è tudes Meèdieèvales (1993-1998), Textes et E è tudes du Moyen A spectives des E p. 482. Voir aussi De Andia, Henosis, p. 44.

254

9

interpreètation theèologique sur la û divine quaterniteè ý, Raoul souleéve, dans une perspective cosmologique et neèo-platonicienne, le probleéme des rapports entre le monde preèsent infeèrieur et le monde futur supeèrieur et il traite, par ailleurs, de la question de l'Incarnation dans des termes qui è rigeéne du retour des creèatures aé l'immutabiliteè entrent en reèsonance avec l'eèvocation par E divine

169

. Deés la premieére ligne du De divina quaternitate, ce concept anagogique est claire-

ment exprimeè : En diversifiant ce qu'il a fait en de multiples figures et de multiples formes, Dieu, creè ateur de l'Univers, a voulu, par le moyen de ce que voient les yeux et de ce que comprend l'intelligence, eèlever l'homme instruit aé l'intuition simple de la Deè iteè. Dans l'investigation et la connaissance de ces choses brilleé rent tout d'abord les peé res grecs catholiques qui n'eè taient pas de meèdiocres philosophes. Parce qu'ils avaient des faculteè s de discernement (sensus) extreê mement exerceèes, aé cause de cela [ils sont parvenus] aé la contemplation (speculatio) de certaines quaterniteès, contemplation par laquelle sont donneè s aé comprendre le monde preè sent d'ici bas (infimus) et le monde futur de l'au-delaé (supernus)

170

.

Raoul confirme ainsi son emprunt des concepts d'anagogie et de retour aux theè ologiens è rigeéne grecs, tels Denys l'Areèopagite et Maxime le Confesseur, probablement via E

171

.

Une croix marque, dans les deux manuscrits de Dijon et de Cluny des Ambigua ad Johannem de Maxime le Confesseur, l'endroit oué Raoul deècouvrit la comparaison qu'il eètablit entre les quatre eèleèments et les quatre vertus

172

. Le titre qu'il retint pour ce chapitre,

è rigeéne De divina quaternitate, figure eègalement dans la traduction des Ambigua par E

173

.

L'inteèreêt de la preèsence de ces notions dans les textes de Raoul tient non seulement au fait qu'il reèdigea pour Guillaume l'ouvrage oué elles apparaissent, mais eègalement aé son statut de û moine ordinaire de l'an mil ý qui nous offre û quelque chance de retrouver en lui certains lieux communs de l'ideèologie ý contemporaine et nous fournit û la preuve tangible qu'il s'agit bien d'un enseignement d'eècole ý

174

.

La rotonde est partie inteègrante d'un projet de reègeèneèration spirituelle dans la mesure ou é elle ouvre un acceés vers Dieu repreèsenteè par la lumieére qui tombe de l'oculus ; elle structure eègalement pour le fideéle, qui monte aé travers ses trois niveaux vers une lumieére plus

è rigeéne. (169) Christe, Les grands portails, p. 54, note que les ideè es de Raoul sont similaires aé celles d'E (170) Iogna-Prat, û Raoul ý, p. 548 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 42-43 ; Rodulphus Glaber, Historiarium, p. 4 : Multiplicibus figuris formisque Deus, conditor uniuersorum, distinguens ea quae fecit, ut per ea que uident oculi uel intelligit animus subleuaret hominem eruditum ad simplicem Deitatis intuitum. In his ergo perscrutandis pernoscendisque primitus claruere patres Grecorum catholici non mediocriter philosophi. Cum enim in plurimis exercitatos haberent sensus, perinde in quarumdam quaternitatum speculatione, per quam presens mundus infimus mundusque futurus datur intelligi supernus. [trad. D. Iogna-Prat] (171) Raoul Glaber, Histoires, pp. 192-93 ; Rodulphus Glaber, Historiarium, pp. 142-43. Dans le but de reèfuter les croyances des heè reètiques d'Orleèans, il revient aé ce concept plus loin dans son texte : û De fait, comme par son essence propre le creè ateur de toutes choses est immobile [...] il n'existe d'autre lieu que lui oué elles peuvent trouver leur repos ý (Cum enim totius Conditor creature propria essentia sit immobilis [...] non extat preter eum ubi quietem expectant, nisi unde processerunt redeant). [trad. M. Arnoux] (172) Dutton, û Raoul ý, pp. 451. (173) Ibid., p. 444. (174) Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, pp. 538-39, 546. û Peut-eê tre qu'en incorporant aé son Ýuvre la meèditation sur la quaterniteè , Glaber s'est conformeè aé un enseignement theèologique dont il n'est pas l'auteur ý.

9

255

chapitre 8 è voquant les saints, Jean de brillante et vers l'autel de la Triniteè, un retour vers Lui. E Feècamp

eècrit

û Qui

peut

imaginer [...]

comment,

immuable, ils ont eèteè transformeès en immuabiliteè ý

en

175

regardant

sans

cesse

la

Triniteè

. Alors que les deèdicaces aux saints

des autels aé Saint-Beènigne eètablissaient un contexte chreètien intellectuel et historique pour une progression vers le haut, la luminositeè

croissante peut avoir stimuleè

une monteèe

contemplative. Lors de la procession de l'octave de la Pentecoê te qui les conduisait au troisieéme niveau, par les escaliers en spirale, les moines de Saint-Beè nigne faisaient l'expeèrience d'une monteèe continue aé travers les eètages de la rotonde vers une lumieére toujours plus brillante jusqu'aé l'autel de la Sainte Triniteè ou é eètait chanteè Summae Trinitati

176

. De meême,

les jours de la feête de saint Paul et de saint Michel, les autels des saints devaient eê tre visiteès par la procession aé matines et aé veêpres

177

. Ces processions impliquaient une ascension

continue, physique et spirituelle, vers une lumieé re toujours plus forte. Le contexte creèeè par les autels et la structure de la rotonde incitait les moines aé ressentir, aé eèprouver, le progreés anagogique proêneè par les textes mystiques qui, aé Saint-Beènigne, trouvait son apogeèe dans la lumieére qui inondait l'autel de la Triniteè. Pietre Skubiszewski propose une interpreètation de deux minatures ottoniennes de la fin du

x

e

sieécle qui ouvrent le Cantique des Cantiques

dans le cadre de la notion du retour (processio) de l'homme aé son creèateur selon la doctrine è rigeéne dionysienne d'E

178

. Un corteége de fideéles qui prend la forme d'une spirale ascen-

è lus qui monte vers le Christ dante sur la page de gauche correspond aé la procession des E troênant accompagneè de neuf chÝurs d'anges sur la page de droite qui lui fait face. Par les escaliers en spirale de la rotonde, les moines de Saint-Beè nigne ont pu conna|être une procession ascendante similaire

179

.

La rotonde peut donc eêtre interpreèteèe comme un lieu pour la theosis (Divinisation), deèfinie dans l'Ambigua de Maxime le Confesseur comme la conjonction mystique d'un individu qui s'eèleéve avec la diviniteè qui descend, concept auquel Raoul Glaber fera plus tard allusion dans De divina quaternitate, de la fac°on suivante : û Par ces eèvidentes combinaisons (complexibus) entre les choses, Dieu est annonceè (predicatur) de manieére patente, treés belle et silencieuse. Car, tandis que d'un mouvement immuable (stabilis motus) une chose en preèsente une autre en soi-meême en annonc°ant le Principe premier dont elles proceé dent (a quo processerunt), toutes demandent de se reposer aé nouveau en Lui ý

180

. Selon Edmond Orti-

(175) Idem, Meditations of Saint Augustine, p. 78 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, col. 921 : Sed quis dicere vel cogitare sufficiat [...] quomodo semper aspicientes incommutabilem Trinitatem, mutati sunt in incommutabilitatem. Bien que è rigeéne, elles semblent deè river de la tradition beaucoup des ideè es de Jean de Feè camp ressemblent aé celles d'E latine et non de la tradition grecque ; les deux traditions, bien suê r, partagent, avec des distinctions, beaucoup de ces concepts. (176) Supra, p. 222. (177) Supra, p. 176. (178) Skubiszewski, û Ecclesia ý, pp. 153-57. (Bamberg, Staatliche Bibliothek, cod. Bibl. 22 f. 4v-5r). (179) Roques, L'Univers, p. 203 n. 6. Le Pseudo-Denys deècrit un mouvement heè lico|ëdal de l'aê me humaine, et il applique analogiquement ce meê me mouvement, ainsi que les mouvements direct et circulaire, aux anges et aé Dieu lui-meême. (180) Raoul Glaber, Histoires, pp. 42-43 ; Rodulphus Glaber, Historiarium, p. 6 : Ab his igitur euidentissimis complexibus rerum patenter et pulcherrime silenterque predicatur Deus, quoniam dum stabili motu in sese uicissim una portendit

256

9

interpreètation theèologique gues et Dominique Iogna-Prat, on assiste ici aé une reprise du û scheèma neèoplatonicien de la `procession' et de la `conversion' : toutes choses proceé dent de Dieu et aspirent aé y faire retour ý

181

.

L'emploi

par

Raoul

de

l'oxymoron

û un

mouvement

immuable ý

(stabilis

motus), freèquemment utiliseè dans l'Ambigua, pour saisir le moment de conjonction oué l'aême en mouvement rencontre et reèfleèchit la deè|ëteè immobile et oué se produit la theosis, est reèveèlateur

182

. Selon Iogna-Prat, le concept du retour des effets vers leur cause reè glant les rapports

è rigeéne, du creèeè multiple et de l'Un creèateur, fut d'abord eèlaboreè par le Pseudo-Denys et E puis repris par Heèric d'Auxerre dans sa Vita sancti Germani, avant que les auxerro-clunisiens de l'an mil ne l'incluent dans la Vita sancti Maioli (BHL 5179) et dans le Sermo de beato Maiolo 11-7

183

. Or, comme nous l'avons deèjaé indiqueè, la Vita sancti Maioli sert de cadre aux

biographies de Guillaume et d'Halinard contenues dans la chronique de Saint-Beè nigne et celle-ci inteégre donc les ideèaux de la mystique de la lumieére. Ainsi, la chronique elle-meême teèmoigne de la preèsence de ces ideèaux aé Saint-Beènigne

184

.

è rigeéne, aé Maxime le Confesseur Bien que Jean de Feècamp ne fasse jamais reèfeèrence aé E ou aé Denys l'Areèopagite, la charpente qui sous-tend sa Confessio theologica se base sur un modeéle û creèation-retour ý (exitus-reditus) occidental similaire. En effet, deés la premieére partie de son Ýuvre, il prie : ê Dieu, allume en moi de plus en plus la lumie re de la science qui me me rite de te comprendre O é è comme un et trine. C'est toi que j'honore, Dieu un, principe unique de toutes les natures, de qui toutes tirent leur origine, leur acheé vement et leur soutien. Dieu unique de qui nous sommes, par qui nous sommes, en qui nous sommes. De toi nous nous sommes eè loigneès et aé toi nous sommes devenus dissemblables. Principe auquel nous retournons, reé gle que nous suivons, graêce qui nous reèconcilie. Unique qui comme creè ateur nous a faits, ressemblance qui nous reè tablit dans l'uniteè , et paix qui nous fait adheè rer aé l'uniteè

185

.

Il le prie de faire û passer [son] aême du visible aé l'invisible, du terrestre au ceèleste, au temporel aé l'eèternel ý

186

. Durant les meèditations aé l'autel de la Triniteè, dont la tonaliteè

peut eêtre rapprocheèe de celles de Jean de Feècamp, le troisieéme eètage de la rotonde a pu

alteram, suum principale primordium predicando a quo processerunt, expetunt ut in illo iterum quiescant. Traduit par Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, p. 554. (181) Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, p. 554. (182) Nichols, Romanesque Signs, p. 12 ; Dutton, û Raoul ý, pp. 451-52. (183) Iogna-Prat, Agni, p. 316. (184) Ibid., pp. 145-46. (185) Jean de Feècamp, La Confession theèologique, p. 110 ; idem, Confessio Theologica, 1

e

partie, p. 117, lignes

238-43 : Deus, accende in me magis magisque scientiae lumen, per quod te trinum et unum merear intelligere. Te unum Deum colo, unum omnium naturarum principium, a quo uniuersitas et inchoatur et perficitur et continetur. Vnum Deum a quo sumus, per quem sumus, in quo sumus. A quo discessimus, cui dissimiles facti sumus. Principium ad quod recurrimus, et formam quam sequimur, et gratiam qua reconciliamur. Vnum quo auctore conditi sumus, et similitudinem per quam ad unitatem reformamur, et pacem qua unitati adhaeremus ; H. Feiss, û John of Feè camp's Longing for Heaven ý, dans Imagining Heaven in the Middle Ages : a book of Essays, eèd. J. S. Emerson et H. Feiss (New York, 2000), (pp. 65-83) p. 67. Hallinger, û The Spiritual ý, p. 36 n. 4. Plus toêt, Odon de Cluny a aussi insisteè sur le theé me du retour, eègalement preèsent chez Greègoire le Grand, et sur la possibiliteè pour le moine de recouvrer l'eè tat de paradis comme les saints ont retrouveè leur eètat original d'homme. (186) Jean de Feècamp, Meditations of Saint Augustine, p. 94 ; Pseudo-Augustin, Meditationum, col. 926 : Transeat de visibilibus ad invisibilia, de terrenis ad coelestia, de temporalibus ad aeterna.

9

257

chapitre 8 appara|être au moine, baigneè dans la lumieére physique et en attente de la Lumieére divine illimiteèe, comme l'eèquivalent de l'antichambre clunisienne des cieux. Selon Dominique Iogna-Prat, le sacrifice virginal est, pour les moines de Cluny, la marque du retour au divin : û La virginiteè monastique est le signe visible d'une eschatologie spirituelle preèsente ý

187

. Dans la ligneèe des conceptions neèoplatoniciennes, les moines-

vierges û forment le troisieéme ordre, c'est-aé-dire occupent le degreè terrestre le plus proche de l'Un. [...] Ils sont le reflet des principes qui relient cette harmonie : la chasteteè qui permet la purification (condition de l'illumination), puis de l'unification ý

188

. Le statut vir-

è vangile, la graêce spirituelle eètant ginal des moines repreèsente l'eschatologie spirituelle de l'E descendue sur la terre graêce aé la naissance du Christ

189

. Le Sermo de Beato Maiolo, reèdigeè

dans l'entourage d'Odilon, deèveloppe la correspondance du û statut spirituel des moines avec celui des vierges et des martyrs qui preèfigure l'eètat eschatologique ou ceèleste de l'humaniteè ý

190

.

Le niveau de la crypte de Saint-Beè nigne est celui qui permet une identification des moines aux martyrs, puisque le sacrifice virginal eè quivaut aé un martyre et que les moines renoncent aé leur volonteè afin d'accomplir celle de Dieu. Pour Jean de Feècamp, le martyr monastique est û bien plus cacheè que les martyrs ý signification

de

l'habit

monastique

en

ces

191

, et Odon de Cluny rend compte de la

termes (paraphraseè s

par

Jean

Leclercq) :

è lie et de û L'habit de peènitence eètait un veêtement propheètique : les moines `aé l'imitation d'E Jean Baptiste', invitaient les hommes aé vivre dans le deètachement, jusqu'au retour du Christ ý

192

. Ainsi, ce niveau est celui oué les moines pouvaient s'identifier aé saint Jean-Bap-

tiste qui avait preêcheè aé tous la peènitence, parce qu'ils voulaient observer cette peè nitence aé la perfection, et parce que, comme lui, ils s'eè taient isoleès du reste des hommes par la virginiteè dans le silence du deèsert monastique

193

.

De fait, chaque niveau de la rotonde repreè sentait un aspect particulier de l'identiteè monastique. Le deuxieéme niveau eètait celui de l'identification avec les apoêtres, la vie des

(187) Iogna-Prat, Agni, p. 344 ; Hallinger, û The Spiritual ý, pp. 38-41, a eè galement mis en eèvidence la preèsence de ces concepts dans les eè crits d'Odon. Voir aussi Leclercq, û L'ideè al ý, p. 230. (188) Iogna-Prat, Agni, pp. 343-44, 358. Les clunisiens reprennent ici le scheè ma trifonctionnel d'Heè ric eèlaboreè sur la base de la hieè rarchie du Pseudo-Denys. û L'ici-bas est distribueè en trois parties car l'ordre cosmique

est

ternaire ;

ordre

ternaire



l'image

meême

du

mouvement

processif

de

l'Un

vers

le

creè eè

ou,

inversement, du retour du creè eè vers l'Un : purification, illumination, unification ý. Heè ric combine le mouvement processionnel neèoplatonicien avec l'ideè e d'eschatologie chreètienne de son ma|ê tre aé Auxerre, Haymon. û Le tertius ordo repreèsente le degreè le plus lumineux, le plus proche d'Un, le mieux venant, en bon ordre, apreé s le bien. Les spirituels passent de la premieé re aé la troisieé me position pour bien montrer que le sacrifice reè dempteur a ouvert la terre sur l'au-delaé . Ils entra|ênent les hommes sur la voie de la deè ification et montrent que, deé s ici-bas, il est possible de passer des `conditions' aé l'ordre, de s'approcher un peu plus du divin ý. Ce troisieé me ordre rassemble ceux qui ont unifieè leur vie, c'est-aé-dire les moines ; ils se purifient pour devenir transparents au divin, recevoir l'illumination et devenir fonction de l'Un. (189) Hallinger, û The Spiritual ý, p. 37 ; Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, pp. 542, 564. Ce concept suit un long deè veloppement oué se combinent l'autoriteè de l'Apocalypse et le De sancta Virginitate de saint Augustin. (190) Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul ý, p. 542. (191) Leclercq, La vie, p. 154 : Longioris occulti que martyrii. (192) Idem, û L'ideè al ý, p. 232. (193) Idem, La vie, pp. 67-68.

258

9

interpreètation theèologique è glise, comme une vie apostolimoines eètant consideèreèe, depuis les premiers sieécles de l'E que

194

. Odon de Cluny concevait le monachisme comme la parfaite reè alisation de la vie

è glise apostolique et par conseèquent comme le symbole du mysteére de l'E

195

. La description,

dans la chronique, de l'arriveèe en 989 de Guillaume et des douze moines de Cluny, porteurs de la lumen religionis, releéve de ce monachisme apostolique

196

. En outre, par leur virgi-

niteè, les moines eètaient susceptibles de s'identifier aé la Vierge, aé laquelle eètait deèdieè le deuxieéme niveau de la rotonde

197

.

Enfin, le troisieéme niveau ceèleste peut signifier que le sacrifice virginal ouvre aux vierges clunisiens les portes de la Jeèrusalem ceèleste

198

. Pour Saint Augustin, û Ceux qui

pratiquent freèquemment les veilles avec chasteteè, participent aé la vie des anges [...] ý

199

.

Pour Odon, sa parfaite chasteteè confeèrait au moine le droit de chanter le û nouveau cantique ý et lui accordait une place dans la royauteè des cieux

200

. Il eèvoquait les jours de

silence complet observeès lors des plus grandes feêtes et pendant les octaves comme une participation au silence eèternel

201

. Selon Iogna-Prat, û le monasteére offre aé chacun, dans le

silence communautaire perc°u par les clunisiens [et par le Pseudo-Denys] comme participation au silence eèternel, l'espace du repli unificateur sur soi ý

202

.

En outre, le troisieéme niveau de la rotonde de Saint-Beènigne a pu jouer le roêle d'un front de sceéne facilitant la contemplation de la vision de la Jeèrusalem ceèleste lors des seré l'instar du massif occidental mons et pendant la liturgie qui se deèroulaient dans le chÝur. A de Corvey, le troisieéme niveau devait abriter des chÝurs de chanteurs placeè devant l'autel de la Triniteè, semblables aé ceux qu'indique le deuxieéme coutumier de Saint-Beènigne

203

:

lors de la procession de l'octave de la Pentecoê te, aé l'autel de la Sainte Triniteè eètait chanteè Summae Trinitati

204

. La chronique met en eèvidence que cet endroit leur permettait d'eêtre

vus, et d'eêtre entendus, de n'importe oué dans l'eèglise. Nimbeès de l'eèclatante lumieére dispenseèe par l'oculus, ces chanteurs pouvaient eèvoquer, pour ceux qu'ils surplombaient, le chÝur des anges au troisieéme ciel. Dans l'attente de la contemplation de la vie eè ternelle,

(194) Ibid., p. 82 ; Iogna-Prat, Agni, pp. 355-57. (195) Leclercq, û L'ideal ý, p. 232. (196) Supra, p. 81 ; Voir Iogna-Prat, Agni, p. 356 sur un passage similaire dans les Histoires de Raoul Glaber. (197) Ibid., pp. 327-31. (198) Ibid., p. 331. (199) Augustin d'Hippone, Sancti Augustini sermones post maurinos reperti, eèd. D. G. Morin, t. 1 (Rome, 1930), p. 458 : Ac per hoc quisquis caste et innocenter assidue utitur vigiliis, angelorum vitam procul dubio meditatur [...]. (200) Hallinger, û The Spiritual ý, p. 41 n. 1 ; Odon de Cluny, Occupatio, eèd. A. Swoboda, (Leipzig, 1900), Liber VII, lignes 555-69, p. 165 : û au dessus des rois des cieux ý (super aethera reges). (201) Hallinger, û The Spiritual ý, p. 39. (202) Iogna-Prat, Agni, p. 338. (203) Heitz, L'architecture, pp. 56, 153 ; Taylor, û Tenth-century ý, pp. 153, 155. Des inscriptions neumatiques faites dans le stuc original sur les murs de la tribune du massif occidental de Corvey indiquent que les chÝurs chantaient aé cet endroit surplombant la zone centrale. Un historien du

xvii

e

sieécle signale l'existence

de trois chÝurs aé Corvey : le chorus angelicus eètait placeè dans la tribune supeè rieure du massif occidental, avec le chorus supremus aé l'est par rapport aé lui dans la partie centrale supeèrieure et le chorus infimus, encore plus aé l'est, au niveau du sol. (204) Supra, p. 222.

9

259

chapitre 8 Jean de Feècamp s'exclame û Quel enchantement pour moi quand j'entendrai les refrains deèbordants d'alleègresse de tes citoyens, les chants meèlodieux qui rendent aé la Triniteè souveraine la louange qui est due aé son honneur ý

205

. Peut-eêtre les chÝurs des moines de Saint-

Beènigne en adressant leurs prieéres aé la Triniteè faisaient-ils na|être dans l'esprit de certains è rigeéne : une imagerie semblable aé celle du poeéme d'E D'ici vous pouvez voir les Seè raphins et ceux qui sont pleins d'ocelles quand ils volent Depuis la troisieéme charnieére du ciel, chacun deèployant six ailes, Contemplant dans la brillante lumieé re les nombreuses creè atures multiformes Situeès autour et derrieé re la Diviniteè, la cause de toutes choses

206

.

Tout comme la liturgie et la deèvotion priveèe, l'architecture jouait un roêle essentiel dans le cheminement spirituel des moines. è rigeéne assimile aé la Lumieére divine l'eèglise qu'il Dans son poeéme, Aulae Sidereae, E deècrit, peut-eêtre Compieégne en tant que copie d'Aix-la-Chapelle

207

. Stephen Nichols inter-

preéte la contemplation de l'eèglise octogonale aé deux eètages du poeéme comme une invitation

au

saut

mystique

de

l'intelligence

vers

les

royaumes

spirituels

208

.

Selon

Michel

Foussard, la description de la chapelle de Charles le Chauve dans le poeé me û symbolise pleinement cette procession et ce retour º cette descente et cette monteè e des peuples autour des autels ý

209

. L'image susciteèe par cette formule, û les peuples montant et descen-

dant autour des autels [...] ý, devient encore plus saisissante si on l'envisage, non plus dans une eèglise carolingienne aé deux eètages, mais dans la rotonde de Dijon, oué les autels eètaient placeès hieèrarchiquement sur trois niveaux autour du puits de lumieé re octogonal, l'ascension culminant devant l'autel de la Triniteè

210

. En effet, le poeéme deècrit une progression depuis

Jean-Baptiste jusqu'au Christ aé travers un accroissement continu de la lumieé re aé l'inteèrieur d'un baêtiment octogonal deèdieè aé la Vierge et structureè autour d'un puits de lumieére. Or la rotonde de Saint-Beènigne, dont la forme octogonale du puits de lumieé re est, en fait, deèriveèe de celle d'Aix-la-Chapelle, offre une similitude saisissante avec ce baê timent :

(205) Jean de Feè camp, La Confession, p. 175 ; idem, Confessio Theologica, 3

e

partie, p. 158, lignes 515-17 : For-

tunatus ego, si audiero iucundissimas tuorum ciuium cantilenas, carmina melliflua laudes summae Trinitati debito honore promentia. (206) Iohannis Scotti Erigenae Carmina, pp. 84-85 lignes 9-12 : Illic aspicies Seraphin oculosa uolare/ Et senas

PTERUGA

C terno de cardine pansas/ Circa postque deum

POLUMORFOTA

plurima

ZWA

Claro cunctorum speculantia

lumine causam. [trad. M. W. Herren] ; Jean Scot, Homeèlie, pp. 85, lignes 9-12, et p. 143. Le poeé me intituleè è rigeéne traduisait Denys û Vers de Jean aé son Seigneur Charles ý, date de 859, une peè riode durant laquelle E l'Areè opagite. (207) Iohannis Scotti Erigenae

Carmina, p. 87 ; M. Herren, û Eriugena's `Aulae Sidereae', the `Codex

Aureus', and the Palatine Church of St. Mary at Compieé gne ý, Studi Medievali 28 (1987) : (593-605) p. 607. (208) Nichols, Romanesque Signs, p. 87. (209) Foussard, û Aulae Sidereae ý, pp. 84, 88. (210) Ibid., p. 88, ligne 94 : Sursum deorsum populos altaria circum [...] ; Voir aussi Jean Scot, Iohannis Scotti Erigeéne Carmina, p. 120, ligne 94.

260

9

interpreètation theèologique Si d'un cÝur religieux on eè leve les ailes de l'esprit Et que l'on franchisse d'un vol leè ger le spectacle des sens, Entrant dans l'harmonie des reè aliteès sous la conduite de la sophia, On peèneétrera par la claire pointe de la raison En leur intime emplis par le Dieu Verbe, tous les lieux, tous les temps, dans sa totaliteè Le monde portant les symboles du Christ naissant. Car le Verbe Dieu proceè da du sein de la Vierge é l'accroissement de la lumieé re, qu'avait vaincue l'ombre de la nuit, A [Pour] nous, les hommes miseè rables, eèloigneès de la lumieére du paradis [...] Tandis que par la lumieé re elle vainc les teèneébres. Le nombre huit sonne de son accord les actes divins [...] Pour toi resplendit le veê tement eèblouissant de blancheur de la sainte eè criture Toi aé qui le monde entier est soumis, que tu reè dimes par le sang [...] Grande meére de Dieu, trois fois heureuse, sainte Marie, Toi que louent les cieux, toi que l'orbe ceè leébre de ses vÝux, Sois pour Charles une protectrice treé s proche, un rempart eè leveè , Lui qui merveilleusement t'eè difie un temple splendide [...] Les feneê tres en oblique, puits d'une lumieé re que filtre le verre [...] é l'inteèrieur les peintures, les pavements et les degreè s de pierre, A Tout autour les portiques, les sacristies, les pastophories, Les peuples montant et descendant tout autour des autels [...]

211

.

è rigeéne tel qu'il est Ainsi, la rotonde de Dijon, comme l'eèglise eèvoqueèe dans le poeéme d'E deècrypteè par Nichols et Foussard, peut eêtre consideèreèe comme une sollicitation de l'intelliè rigeéne invite le mystique aé s'envoler : gence au saut mystique vers les royaumes spirituels. E û Si tu veux prendre ton envol et t'eèlever par les airs ceèlestes ý

212

.

è rigeéne assimile l'eèglise octogonale aé la structure symbolique De plus, l'Aulae Sidereae d'E du monde au moment de l'Incarnation, concept qui pourrait eè galement eêtre appliqueè aé la rotonde de Dijon avec son puits de lumieé re octogonal

213

. On se souvient que pour Maxime

(211) Foussard, û Aulae Sidereae ý, pp. 85-88, lignes 16-24, 33-34, 75-76, 82-85, 91-94 : Si quis corde pio mentis leuauerit alas/ Ac sensum tranet tenero theoremata lapsu,/ Intrans armoniam rerum ducente sophia,/ Omnia perspiciet rationis acumine claro/ Intus farta deo uerbo loca, tempora, totum/ Mundum gestantem nascentis symbola Christi./ Uerbum nanque deus processit uirginis aluo/ Lucis in augmento quam noctis uicerat umbra,/ Nos homines miseros paradisi luce remotos [...]/ Insinuat typicas dum uincit luce tenebras./ Octonus numerus diuinos symfonat actus [...]/ Sanctae scripturae cui fulget candida uestis/, Sanguine quem redimis cui mundus subditur omnis, [...]/ Magna dei genitrix, ter felix, sancta Maria/ º

Te laudant caeli, te uotis inclytat orbis º / Proxima sis Karolo tutrix, munimen et altum,/

Qui tibi mirifice preclaram fabricat aedem,/ Aedes marmoreis uarie constructa columnis [...]/ Obliquas tyridas, ialini luminis haustus,/ Intus picturas, lapidum pauimenta gradusque,/ Circum quaque stoas, armaria, pastaforia,/ Sursum deorsum populos altaria circum [...]/ [trad. M. Foussard]. (212) Jean Scot, Iohannis Scotti Erigeé ne Carmina, p. 85, ligne 1 : Si uis OYPANIAC sursum uolitare per auras. [trad. M. W. Herren] ; Nichols, Romanesque Signs, p. 87 n. 55 ; Foussard, û Aulae Sidereae ý, p. 80. è rigeéne's ý, p. 607, pense que le poeé me a eèteè eècrit pour (213) Foussard, û Aulae Sidereae ý, p. 82 ; Herren, û E commeèmorer la ceè leèbration de Noe«l par Charles le Chauve aé Aix en 869, mais anticipe sur de futures ceè leèbrations aé Compieégne.

9

261

chapitre 8 è rigeéne, le Confesseur comme pour E

l'Incarnation a eu pour but de provoquer, chez

l'homme, un mouvement de retour vers Dieu. La graê ce descendant du Logos (Jean 1, 14) stimulerait la reèponse humaine d'une ascension reè ciproque. De ce fait, l'Incarnation eètait essentielle pour la theosis

214

.

In Principio

Le prologue de Jean, In Principio, la source de ce concept de theosis, eètait lu aé SaintBeènigne aé Noe«l. Le texte de ce prologue, si on le consideére en relation avec la rotonde, soutient l'analyse qui vient d'eêtre faite. Le premier coutumier de Saint-Beènigne nous apprend è vangile eètait lu aux laudes aé Noe«l dans le chÝur, avant le que le prologue de Jean aé son E Te Deum et avant la procession aé travers la rotonde vers l'autel de Marie

215

. Le troisieéme

coutumier ajoute en outre que le sermon de Beéde consacreè aé ce texte eètait eègalement lu

216

.

Le contenu du prologue de Jean 1 sur l'Incarnation s'accordait de fac° on expressive avec le dessin de la rotonde, basilica sanctae dei genitricis Mariae, visible depuis le chÝur : û Au commencement eètait le Verbe [...] ce qui fut en lui eètait la vie, et la vie eètait la lumieére des hommes, et la lumieére luit dans les teèneébres et les teèneébres ne l'ont pas saisie ý. De meême, le prologue 1, 6 aurait eèvoqueè le niveau infeèrieur de la rotonde et sa relation avec le niveau principal : û Il y eut un homme envoyeè de Dieu. Son nom eètait Jean. Il vint pour teèmoigner, pour rendre teèmoignage aé la lumieére, afin que tous crussent par lui. Celui-laé n'eètait pas la lumieére, mais il avait aé rendre teèmoignage aé la lumieére ý. En outre, 1, 9 se rapporte aé la progression ascendante vers la lumieére du troisieéme niveau de la rotonde : û Le Verbe eètait la lumieére veèritable, qui eèclaire tout homme [...] il a donneè le pouvoir de devenir enfants de Dieu

217

. Le troisieéme niveau est eègalement suggeèreè par Jean 1, 14, un verset

souvent reèpeèteè dans les textes mystiques deèjaé citeès : û Et le Verbe s'est fait chair et il a habiteè parmi nous, et nous avons contempleè sa gloire, gloire qu'il tient de son Peére comme Fils unique, plein de graêce et de veèriteè ý. Enfin, 1, 17 a pu eêtre interpreèteè comme une reècapitulation de la hieèrarchie des trois eètages de la rotonde : û Jean lui rend teèmoignage [...]. Car la Loi fut donneèe par Mo|ëse ; la graêce et la veèriteè sont venues par Jeèsus Christ. Nul n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est tourneè vers le sein du Peére, Lui, l'a fait conna|être ý. Plusieurs sermons s'attachent aé expliquer chacune des lignes de ce prologue. Comme è rigeéne composa une homeèlie pour la messe de Noe«l baseèe sur le prologue Beéde avant lui, E è vangile de Jean de l'E

218

. La connaissance du texte de Beéde ou d'une interpreètation simi-

laire de ces versets par les moines de Saint-Beè nigne aurait pu contribuer aé ce qu'ils appreèhendent la rotonde comme un site pour la theosis. En particulier, l'explication proposeèe par

(214) Nichols, Romanesque Signs, p. 10. (215) CA, 7.2, p. 2 ; Brady, û Critical Edition ý, p. 9. (216) Chomton, Histoire, p. 397. (217) Borella, Le mysteére, pp. 211-13. Selon Jean Borella, saint Jean eè voque la û vraie lumieé re ý pour l'opposer aé la lumieére de ce monde, qui n'est que l'ombre de la reè aliteè, la simple image d'une reè aliteè intelligible. (218) Jean Scot, Homeèlie, pp. 73-77.

262

9

interpreètation theèologique è rigeéne dans son homeèlie du prologue de Jean 1, 1, Christ est û la lumieé re de tous les eêtres E visibles et invisibles ý

219

peut eêtre mise en relation avec l'effet anagogique produit par la

lumieére provenant de l'oculus. De plus, le rapport entre la crypte et l'eè tage de la rotonde se comprend mieux aé l'aide è rigeéne explique dans son homeèlie que û la pleènitude de la graêce du passage dans lequel E du nouveau Testament a eèteè donneèe par le Christ, et que les symboles de la Loi ont trouveè en lui leur veèriteè et leur accomplissement, selon ce que dit l'Apoêtre : `En lui la pleènitude de la diviniteè habite corporellement. Il appelle `pleènitude de la diviniteè' le sens cacheè des ombres de la loi. Et c'est le Christ qui par sa venue dans la chair [...] est le terme ultime des visions des propheétes ý

220

è rigeéne selon lesquelles Jean-Baptiste est, . Les deèclarations d'E

compareè au Christ incarneè, comme û l'eètoile du matin apparaissant aé l'aube du Royaume des cieux [tandis que] l'autre est le Soleil de justice qui lui succeé de [...] la lampe vacillante [face aé] la lumieére eèclatante qui remplit l'univers [...] ý

221

rendent compte du contraste

entre la lumieére amoindrie de la crypte et celle qui eèclaire le niveau principal. Plus signifiè rigeéne selon laquelle Jean-Baptiste est û le premier eè chelon catif encore, l'affirmation d'E que doivent gravir ceux qui veulent s'eè lever par les sens aé la connaissance de la veèriteè, car le spectacle des choses visibles entra|êne l'esprit qui raisonne vers la connaissance des choses invisibles ý quatre

222

sens

fait eècho aé la procession anagogique entre les eètages de la rotonde. û Les

de

è criture ý l'E

deèveloppeès

par

è rigeéne E

dans

cette

homeèlie,

emprunteès



Maxime le Confesseur et dont l'explication sera reprise par Raoul Glaber, proposent une conception geèneèrale de la correspondance entre les eè leèments du monde visible et les eèleèments

du

monde

intelligible

223

.

Enfin,

cette

homeèlie

reprend

une

ideèe

exprimeèe

par

Pseudo-Denys aé laquelle la structure de la rotonde et son accent inhabituel mis sur la lumieére semblent parfaitement adapteès : û Par tes sens corporels, observe les formes et la beauteè des choses sensibles : en elles, ton intelligence reconna|êtra le Verbe de Dieu ý

224

.

è . Jeauneau] (219) Ibid., p. 256, lignes 26-27 (chapitre XI) : lux totius uisibilis et inuisibilis existentiae. [trad. E (220) Ibid., pp. 314-17, lignes 36-45, chapitre XXIII : plenitudinem gratiae noui testamenti per christum esse donatam, et legalium symbolorum ueritatem in ipso esse impletam, sicut ait apostolus : û In quo plenitudo diuinitatis corporaliter habitat ý Plenitudinem uidelicet diuinitatis misticos legalium umbrarum intellectus appellans, quos christus in carne ueniens è . Jeauneau] [...] finis propheticarum uisionum. [trad. E (221) Ibid., pp. 274-75, lignes 11-15 (chapitre XV) : ut insinuaret matutinam stellam in ortu regni caelorum apparentem et declararet solem iustitie superuenientem [...] lucernam lucubrantem a luce clarissima mundum implente [...].[trad. è . Jeauneau] E (222) Ibid., pp. 292-93, lignes 10-12 (chapitre XIX) : et est primus gradus ad cognitionem ueritatis ascendere per è . Jeausensus uolentibus ; species namque uisibilium ad cognitionem inuisibilium ratiocinantem attrahit animum. [trad. E neau] è criture, en effet, est un monde intelligible (223) Ibid., p. 270-71, lignes 5-7 (chapitre XIV) : û La sainte E composeè de quatre parties, comme le monde sensible est composeè des quatre eè leèments ý (Diuina siquidem scripè . Jeauneau] tura mundus quidam est intelligibilis, suis quattuor partibus, ueluti quattuor elementis, constitutus). [trad. E (224) Ibid., pp. 254-55, lignes 17-18 (chapitre XI) : Sensu corporeo formas ac pulchritudines rerum perspice sensibilium, et in eis intelliges dei uerbum. Selon Jeauneau, ces lignes correspondent aé un passage des Expositiones dans è rigeéne commente la Hieèrarchie ceèleste de Pseudo-Denys. (PL 122 : 138C 9-139A5). [trad. E è . Jeauneau] lequel E

9

263

chapitre 8 Ces theémes ont pu eêtre deèveloppeès dans des homeèlies preêcheèes aé Saint-Beènigne

225

.

Nous savons que les versets de Jean 1, 1-14, comme le peèricope pour la messe de Noe«l, interè rigeéne preèteès selon le prologue d'E

226

è van, ont fourni les tituli inscrits sur le frontispice de l'E v

gile de Jean dans le Codex Uota (vers 1020) (Munich, Clm 13601 f. 89 ). Comme dans l'illustration de saint Erhard examineèe plus haut, les meèdaillons entourant l'image de Jean rappellent la seèquence des deèdicaces dans les diffeèrents niveaux de la rotonde. Le meèdaillon supeèrieur de gauche, renfermant une image de Jeèsus en gloire, illustre Jean 1, 1-3. Le meèdaillon supeèrieur de droite illustre Jean 1, 6-7 avec une image de Jean-Baptiste. Les deux meèdaillons infeèrieurs deèpeignent la Nativiteè aé droite et la Transfiguration aé gauche avec son titulus, Jean 1, 14 : û Et le Verbe fut fait chair [...] et nous v|êmes sa gloire [....] ý. Comme cette page de manuscrit, la structure de la rotonde (avec le niveau de la crypte deèdieè aé Jean-Baptiste, celui du chÝur aé la Nativiteè, et le troisieéme aé la Triniteè) correspondait aux quatorze premiers versets de Jean et peut eê tre interpreèteèe comme un eèquivalent visible de l'exposition theèologique du retour de l'homme vers Dieu graêce aé l'Incarnation. è vangile de Jean dans l'E è vangeèliaire de Bernward de HilEn outre, le frontispice de l'E desheim (vers 1015) (Catheèdrale de Hildesheim, ms. 18, f. 174r)

227

teèmoigne d'une insis-

tance similaire sur ce theéme de la lumieére eèclatante, symbole de la pleènitude divine inondant le monde. Cette image illustre le peè ricope du matin de Noe«l, dont le vers final est Jean 1, 14 : û et le verbe fut fait chair [...] et nous v|ê mes sa gloire [...] ý

228

. La creéche est

illumineèe par des rayons descendant de la gloire de la Triniteè , comme aé Saint-Beènigne l'autel dans le chÝur des moines, en face du deuxieé me niveau de la rotonde qui correspond aé l'Incarnation, est illumineè par la lumieére tombant de l'autel de la Triniteè situeè au troisieéme niveau. Sur la miniature, la gloire de la Triniteè dans cette zone ceèleste supeèrieure descend sur l'Enfant-Jeèsus, le Verbe devenu Chair dans l'espace terrestre, ici limiteè par les personnifications de la Terre et de l'Oceèan qui l'entourent, tout comme aé Saint-Beènigne la lumieére tombant de l'autel de la Triniteè aurait illumineè le corps eucharistique du Christ, Dieu fait Chair, sur l'autel en dessous du chÝur. La divinisation de l'homme, qui a pour è glise fondement l'Incarnation, s'effectue dans les sacrements de l'E

229

é . A Saint-Beènigne,

comme sur la miniature, la lumieére aurait lieè une repreèsentation du royaume de la Triniteè

(225) Leclercq, Un ma|être, pp. 41-44, 57, 121. Les textes de saint Jean eè taient preè feèreès par Jean de Feècamp, et l'on trouve des reèfeèrences aé Jean 1 dans la Confessio theologica ; par exemple, Jean de Feè camp, Confessio Theologica, 2

e

partie, p. 122, ligne 53 (Jean 1, 14). Cet ouvrage conc° oit l'Incarnation comme eè tant l'Ýuvre de

toute la Triniteè. (226) Cohen, The Uta Codex, pp. 120-28. (227) Ibid., p. 124, fig. 33. (228) B. C. Raw, Trinity and Incarnation in Anglo-Saxon Art and Thought (Cambridge, 1997), pp. 131-32 ; G. Schiller, Iconography of Christian Art, trad. J. Seligmann, t. I (London, 1971), pp. 8-9. (229) Roques, L'Univers, p. 299 : û Le symbolisme sacramentel s'aveé re donc, en dernieé re analyse, comme un acte de condescendance divine qui met aé notre niveau l'efficaciteè surnaturelle qui nous eè leéve ý ; De Andia, Henosis, pp. 291-92, 442. L'eucharistie est au centre de la Hieèrarchie eccleèsiastique, et c'est par la communion qu'a lieu l'union au Christ. En offrant le Christ, Dieu nous montre de fac° on sensible et comme en image ce qui constitue notre vie intelligible. Le Christ est descendu de son uniteè naturelle pour que nous devenions assez parfaits pour entrer en communion avec Dieu et avec les mysteé res divins.

264

9

interpreètation theèologique è glise terrestre fondeèe par l'Incarnation. Suivant l'heure, cette lumieé re aurait aé celui de l'E eèteè celle provenant de l'oculus, directement ou non, ou celle des cierges autour de l'autel de la Triniteè

230

. La lumieére, que ce soit sur la miniature ou dans la rotonde, eè tablissait une

liaison entre le royaume invisible de la Triniteè et le monde visible de l'Incarnation, comme l'a deècrit Odilon de Cluny dans son sermon pour la feê te de la Nativiteè reèdigeè aé la meême eèpoque. è rigeéne, Odilon, au deèbut de ce sermon, En des termes anagogiques proches de ceux d'E explique : La creèation contempleèe nous eèleéve aé l'admiration du Creè ateur. Nous qui, pour conna|ê tre et louer Dieu, sommes devenus les associeè s des anges par le don de sa graê ce, alors que le Seigneur est neè, chantons aussi avec les anges : `Gloire aé Dieu dans les hauteurs et paix aux hommes de bonne volonteè [...]. En effet, la condition de la nature humaine [...] a perdu la lumieé re des reè aliteès invisibles aé cause des premiers parents [...]. Et parce qu'elle ne peut se hisser aux reè aliteès les plus eè leveè es, une fois perdue la beauteè ceèleste [...]. Mais Dieu tout-puissant [...] a envoyeè son Fils, qui est apparu aussi parmi les hommes [...] afin de nous reè concilier aé Dieu le Peére. Il a voulu appara|ê tre dans notre chair afin que nous puissions retourner aé l'amour des reè aliteès invisibles sous sa conduite

231

.

è rigeéne dans son homeèlie sur le proCes ideèes sont proches de celles deèveloppeèes par E logue de Jean inspireèe du Pseudo-Denys, que nous avons deèjaé citeèe : û Par tes sens corporels,

observe

les

formes

et

la

reconna|êtra le Verbe de Dieu ý

beauteè

232

des

choses

sensibles :

en

elles,

ton

intelligence

. L'existence et le contenu du sermon d'Odilon renforcent

la possibiliteè que de telles conceptions aient pu eè galement eêtre exprimeèes dans des sermons aé Saint-Beènigne

233

.

Selon Raoul Glaber,

ýl'eèvangile selon Jean exprime symboliquement la forme de

l'eèther et de la prudence, tandis que son prologue introduit la connaissance simple de Dieu

(230) Je remercie Edward J. Rhodes, Jr. et Gideon S. S. Sorkin pour l'analyse de la lumieé re aé SaintBeènigne. Une forte lumieé re provenant de l'est et tombant directement sur l'axe des deux autels semble n'avoir pu se produire qu'au solstice d'eè teè. (231) Odilon de Cluny, Sermo de De natiuitae domini Saluatoris, PL 142 : (991-1035) col. 991C- 992C : Nos vero qui ad cognoscendum et collaudandum Deum, ipsius dono gratiae, angelis socii effecti sumus, nato Domino Christo, et cum angelis, Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis, cantemus [...] enim humanae naturae conditio [...] in primo parente lucem invisibilium perdidit [...] Et quia jam erigere ad summa se non valet, coelesti pulchritudine perdita [...]. Sed Deus omnipotens [...] misit Filium suum, qui etiam apparuit inter homines [...] ut reconciliaret nos Deo Patri. In nostra carne visibilis voluit apparere, ut ad amorem invisibilium ipso duce possemus redire. Christe, Les grands portails, pp. 29, 38è rigeéne ; R. Oursel, Les Saints Abbeè s de Cluny 39, 40-41, 50-55, et 82 rapproche les ideè es d'Odilon de celles d'E (Namur, 1960), p. 92. (232) Supra, p. 263 ; Jean Scot, Homeèlie, p. 255 n. 3. (233) Supra, p. 116 ; Rodulfus Glaber, Vita, p. 291. D'autres aspects du sermon de Guillaume pour la deè dicace de l'eèglise Saint-Beè nigne rappellent celui d'Odilon, notamment ce passage : û Pouvez-vous reveê tir la robe initiale de la beè atitude angeè lique que vous aviez perdue par le peè cheè de vos premiers parents, habitants du Paradis. En elle [l'eèglise Saint-Beè nigne], vous mangez la chair et buvez le sang de l'Agneau Tout-Puissant, qui vous a choisis pour occuper le royaume qui est le sien et celui de son Peé re, et pour entrer en possession de la gloire du Saint-Esprit ý.

9

265

chapitre 8 et la foi ý

234

. Selon Dominique Iogna-Prat, cette reè feèrence de Raoul confirme que û chez

è glise) qui concilie la theése les clunisiens, en effet, c'est l'ideèe du corps spirituel du Christ (l'E de l'unification et celle de l'union ; ici, l'union avec Dieu s'identifie aé l'unification de tous en un seul corps, le corps spirituel du Christ, Verbe incarneè

235

. En un sens, cette ideèe selon

laquelle on acceéde aé une certaine expeèrience de Dieu par l'intermeèdiaire d'une union avec le Seigneur d'abord reèaliseèe aé travers le mysteére du culte correspond aé une perception geèneèrale et commune

236

. Dans les Dialogues, Greègoire le Grand affirme aé propos de la Messe :

û Qui donc parmi les fideéles pourrait douter aé l'heure meême de l'immolation, que les cieux s'ouvrent aé la voix du preêtre, qu'aé ce mysteére de Jeèsus-Christ les chÝurs des anges sont preèsents, que ce qu'il y a de plus eèleveè se joint aé ce qu'il y a de plus bas, que la terre est unie aux reèaliteès ceèlestes, que le visible et l'invisible deviennent une seule chose ? ý

237

. Dans le

è glise û ceèleébre les mysteéres par lesquels meême ordre d'ideèes, chez Maxime le Confesseur, l'E l'homme est diviniseè ý au moment du Sacrifice eucharistique

238

. Ainsi, les Peéres latins et

è glise, dans la ligneèe de l'Incarnation, comme une descente de l'invigrecs consideèraient l'E sible vers le visible, du ceèleste vers le terrestre, aé travers le culte liturgique è glise a pour vocation de transformer aé contact avec le Christ, l'E humaine

en

l'image

du

Seigneur,

meètamorphose

l'eucharistie et l'asceése de la vie monastique

240

vers

laquelle

239

. Graêce aé son

son tour la nature

tendent

le

bapteê me,

. Selon Dominque Iogna-Prat, la meètaphore

de û `la blanche robe d'eèglises' tend aé imposer l'image d'un monde renaissant graêce aé la pureteè immaculeèe de son eèlite cleèricale, seule apte aé donner de la visibiliteè aé Dieu dans sa demeure terrestre ý

241

. Le programme de la rotonde, interpreèteè selon l'eèxeègeése de Jean

è rigeéne, est lieè aé cette meètaphore et au concept du retour. 1, 1-14 par E

û candidam e˜cclesiarum uestem ý

Enfin, ce concept du retour peut eêtre mis en relation avec la meètaphore de Raoul Glaber selon laquelle un manteau d'eèglises recouvre et renouvelle la terre. Nous avons vu que dans le livre 3, au chapitre 4 de l'Historiarum, juste avant le reècit de la reèforme monas-

(234) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 6 : Illud uero secundum Iohannem ignifici e˜ theris ac prudentiae formam signanter exprimit, dum simplicem Dei notitiam et fidem insinuans introducit. (235) Ortigues et Iogna-Prat, û Raoul Glaber ý, p. 552. (236) Leclercq et Bonnes, Un ma|être, p. 231. (237) Greègoire le Grand, Dialogues, t. 3, eèd. et trad. A. de Vogu« eè, SC, 265 (Paris, 1980), pp. 202-03 : De uirtute ac mysterio uictimae salutaris. Quis enim fidelium habere dubium possit ipsa immolationis hora ad sacerdotis uocem caelos aperiri, in illo Iesu Christi mysterio angelorum choros adesse, summis ima sociari, terram caelestibus iungi, unum quid ex uisibilibus atque inuisibilibus fieri ? Hardison, Christian Rite, p. 36 ; Jungmann, The Mass, t. 2, p. 234 n. 44 ; Jungmann, The Mass, t. 2, p. 234 n. 44 ; (238) Congar, L'eccleèsiologie, p, 339. (239) Ibid., p. 338. (240) Ibid., p. 332. (241) D. Iogna-Prat, û Les moines et la `blanche robe d'eè glises' aé l'aêge roman ý, Ante el milenario del reinado de Sancho el Mayor. Un rey navarro para Espanì a y Europa. XXX Semana de Estudios Medievales, Estella, 14 a 18 de Julio de 2003 (Pamplona ; Gobierno de Navarra, Departamento de Educacion y Cultura, 2004), (pp. 319-47) p. 347.

266

9

interpreètation theèologique tique entreprise par l'abbeè Guillaume et la description du plan magnifique de SaintBeènigne, Raoul introduit le theéme de la reèforme par la meètaphore d'un û manteau d'eèglises d'un blanc eèclatant ý (candidam e˜cclesiarum uestem) : û C'eètait en fait comme si le monde luimeême, se secouant et rejetant sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d'un manteau d'eèglises d'un blanc eèclatant ý

242

.

Nous revenons donc, en conclusion de notre interpreè tation de la rotonde, aé cette meètaphore qui ouvrait le chapitre consacreè aé la reèforme de Guillaume. Nous la lisions alors dans un contexte temporel comme un signe de la reè forme de l'an mil, en fonction du cadre ou é elle s'inscrit dans l'histoire de Raoul. Nous voulons aé preèsent eètudier sa relation avec la rotonde sur le plan spirituel, aé partir de l'utilisation par Raoul de l'adjectif candidam. Il est en effet neècessaire d'examiner de plus preés comment cette meètaphore doit eêtre traduite et interpreèteèe. Bien que, parmi les lecteurs d'aujourd'hui, certains consideé rent qu'aé travers le mot candidam Raoul se contentait de deècrire des eèglises en calcaire ou badigeonneèes aé la chaux et s'attachait uniquement aé mettre en lumieére la rivaliteè de prestige qui animait les clercs durant cette peèriode de reèforme marqueèe par un essor de la construction, une lecture plus attentive de sa meètaphore permettra de deègager un niveau de penseèe plus profond, plus spirituel

243

. John France traduit le texte ainsi : û It was as if the whole world were shaking

itself free, shrugging off the burden of the past, and cladding itself everywhere in a white mantle of churches ý

244

. La traduction de Dominique Bartheèlemy est similaire : û Il sem-

blait que le monde lui-meême se deèveêtait, s'arrachait aé la vieillesse pour se reveêtir d'une blanche robe d'eèglises ý

245

. Par contre, Mathieu Arnoux propose quant aé lui la traduction

suivante : û Et ce fut comme si le monde lui-meê me, secouant les haillons de sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d'une eèblouissante robe d'eèglises ý

246

. La solution retenue par

Arnoux consistant aé traduire candidam par û eèblouissante ý est proche de celle adopteè e par Adriano Peroni qui traduit û ac si mundus ipse [...] candidam ecclesiarum vestem indueret ý par û splendide ý et non par û blanche ý robe d'eèglises

247

. Peroni fonde sa lecture sur l'usage

classique : û Personne ne songerait aé traduire Catulle, reêvant d'une candida puella, autrement que par jeune fille splendide (bien suêr pas blanche, ni meême candide) ý

248

.

(242) Supra, pp. 11 et 97 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 116 : Erat enim instar ac si mundus ipse excutiendo semet, reiecta uetustate, passim candidam e˜ cclesiarum uestem indueret. (243) C. E. Armi, Design and Construction in Romanesque Architecture : First Romanesque Architecture and the Pointed Arch in Burgundy and Northern Italy (Cambridge, 2004), p. 184 n. 1 affirme que û la robe dont parle le texte peut deècrire le plaêtre aé l'exteèrieur des eè glises du nord de la France (that the robe referred to in the text may describe plaster on the exterior of ashlar frame-and-fill churches in northern France) ý. Cf. McClendon, û Church Building ý, p. 221 n. 9, et C. E. Armi, û Report on the Destruction of Romanesque Architecture in Burgundy ý, Journal of the Society of Architectural Historians 55 (1996) : 308-14. (244) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 116 : û C'eètait en fait comme si le monde lui-meê me, se secouant et rejetant sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d'un blanc manteau d'eè glises ý (Erat enim instar ac si mundus ipse excutiendo semet, reiecta uetustate, passim candidam e˜ cclesiarum uestem indueret). (245) Bartheè lemy, L'an mil, p. 159. (246) Raoul Glaber, Histoires, pp. 164-65. (247) A. Peroni, û Le deècor monumental peint et plastique en stuc dans la Lombardie du

x -xi e

e

sieécle

(reèsumeè ) ý, Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa 21 (1990) : (109-13) p. 110.

9

267

chapitre 8 Cependant purus eètait un synonyme de candidus

249

. Catulle a certainement choisi ce

terme du fait de son sous-entendu de pureteè qui lui venait des reèfeèrences romaines aé la toga candida (une toge blanchie aé la chaux pour la rendre plus brillante que la toge blanche porteèe par les citoyens romains) romains

qui

preètendaient

aux

250

. Cette toge d'un blanc immaculeè eètait porteèe par les

plus

hautes

fonctions

implique donc une tonaliteè d'eèclat, de splendeur

251

politiques

de

è tat : l'E

toga candida

. Elle contrastait avec la toga sordida

porteèe lors les funeèrailles, connotation peut-eêtre implicite dans la citation de Catulle

252

.

Thomas Head et Richard Landes ont noteè la subtiliteè de l'emploi fait par Raoul de candidus, qu'ils ont traduit par û blanc eèclatant (shining white) ý

253

. En effet, si Raoul

û avait simplement voulu parler de la couleur des eè glises, il aurait utiliseè l'adjectif plus courant albus, alors que le terme candidus est en reèsonance avec les passages de la Bible deècrivant l'aveènement du royaume des cieux ý

254

è vangile de . Candidus figure eègalement dans l'E

saint Marc pour deècrire les veêtements du Christ lors de sa Transfiguration et ceux de l'ange qui garde son tombeau. Dans l'Apocalypse, il est employeè pour le veêtement du saint et des anges, le troêne de Dieu et le nuage sur lequel le Christ, le fils de l'homme, est assis

255

. En outre, dans le livre 5, chapitre 1 de ses Historiarum, Raoul se sert du meême mot

pour deècrire des miracles concernant l'hostie eucharistique d'un blanc immaculeè . Par le choix reèpeèteè de l'adjectif candidus pour exprimer la pureteè de l'hostie, Raoul semble associer ce mot au corps transfigureè du Christ phore de û blanc

manteau ý

256

. Par ailleurs, la seconde occurrence de cette meèta-

dans l'Historiarum

appara|êt en

relation avec des reliques

(248) Ibid. (249) J. Pollini communication personnelle 6/6/05. (250) Ibid. (251) Ibid. (252) Ibid. (253) T. Head et R. Landes, eè d. The Peace of God : Social Violence and Religious Response in France around the Year 1000 (Ithaca, NY, 1992), p. 11. (254) Ibid., pp. 11-12 : û had been simply commenting on the colour of the churches, he could have used the more usual adjective albus, whereas the term candidus resonated with biblical passages describing the coming of the kingdom of heaven ý. (255) Ibid. (256) Raoul Glaber, Histoires, pp. 290-91 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 232-33. Selon Raoul Glaber, û un homme reveê tu de l'habit de clerc qui, justement accuseè d'un crime, eut l'audace, au cours de l'ordalie, de recevoir le don de l'eucharistie, c'est-aé -dire le calice du sang du Christ. Aussitoê t on vit appara|ê tre aé travers son nombril le fragment immaculeè (pars candidissima) du meême sacrifice, qu'il venait d'avaler, deè nonc°ant sans doute possible la culpabiliteè de celui qui venait, indigne, de le recevoir ý (in clericali habitu, dum iure culparetur quodam crimine, contigit ut sumeret audacter iuditio examinationis donum eucaristie˜ , calicis uidelicet sanguinis Christi. Cui protinus per medium umbilici egredi uisa est pars candidissima quam sumserat eiusdem sacrificii, dans procul dubio euidens indinegauerat reatus se indigne percipientis).[trad. M. Arnoux] En outre, û dans la ville de Dijon, aé la meême eèpoque, l'eucharistie qu'on apportait aé un malade tomba de la main de celui qui la portait et ne put eê tre retrouveè e, malgreè une recherche minutieuse. Un an plus tard, cependant, on la retrouva aé coêteè de la voie publique oué elle eètait tombeè e, en plein air, intacte et immaculeèe (candidum) comme si elle venait de tomber ý (Apud Diuionem castrum eodem tempore, dum a quodam deferretur cuidam egrotanti, casu excidit e manu ferentis ; qui attente que˜ rens repperire minime potuit. Post annum uero euolutum repertum est iuxta uiam publicam ubi sub diuo ceciderat, ita candidum atque incontaminatum ac si hora eadem cecidisset). [trad. M. Arnoux]

268

9

interpreètation theèologique

û attendant une brillante reèsurrection ý aé Saint-Beènigne

257

. Ainsi, deés lors qu'on le con-

sideére dans le contexte de l'Historiarum, l'adjectif candidam semble lieè aé la pureteè et aé la manifestation du Christ. Il n'est peut-eêtre pas inutile d'indiquer que dans son poeé me Aulae è rigeéne Sidereae E

utilise

candida uestis en

reèfeèrence

au

Christ

et



la

Bible :

û Pour

toi

resplendit le veêtement eèblouissant de blancheur de la sainte eè criture (Sanctae scripturae cui fulget candida uestis) ý

258

.

Selon Stephen Nichols, la meètaphore du û blanc manteau ý ne se limitait pas aé une reèfeèrence au renouvellement du monde par la reènovation eccleèsiastique mais, jouant sur la Transfiguration du Christ dans la Bible, suggeè rait la manieére dont le Christ se manifestait et reveêtait le monde pour le milleènaire de son Incarnation

259

. Nichols a constateè que la

reèfeèrence de Raoul aé la candidam ecclesiarum vestem correspondait aé une appropriation de l'interpreètation par Maxime le Confesseur de Marc 9, 2

260

. Dans Ambigua, il a interpreèteè

les veêtements du Christ d'un blanc eè clatant comme eètant la descente du Logos lors de la Transfiguration. Telle qu'elle est rapporteè e par Maxime le Confesseur, la Transfiguration repreèsentait, aé travers un symbole perceptible, non seulement la descente du Logos sous la forme d'une lumieére d'un blanc eèclatant, mais eègalement la monteèe des disciples du Christ, Pierre, Jacques et Jean, qui en furent teèmoins, vers une compreèhension de l'Esprit Saint

261

.

û Par des veêtements vraiment blancs lumineux, et meê me dans les creèatures selon un raisonè critures, nement analogue, selon les grandes choses creè eèes, et dans les paroles des Saint E pour autant que cela soit compris, dans la doctrine des mysteé res en meême temps qu'ils sont instruits de la diviniteè, comme il est naturel que la connaissance de Dieu brille dans les è critures par la vertu de l'Esprit, et, par ce meê me esprit, les creèatures de sagesse et de E savoir [brillent aussi] aé travers lesquelles il [Dieu] se manifeste proportionnellement ý

262

.

Ainsi, pour Maxime et ses lecteurs, la Transfiguration eè tait un reècit de la theosis, la conjonction mystique de l'individu montant avec la diviniteè descendante, comme le deèfinisè rigeéne sur la base de Maxime le Confesseur sait Jean Scot E

263

. Dans sa traduction de

(257) Rodulfus Glaber, Historiarum, pp. 126-27. Voir supra, p. 99 n. 38 pour le texte latin et sa traduction. Raoul Glaber, Histoires, p. 177. Mathieu Arnoux traduit ce passage ainsi : û comme le monde entier resplendissait de l'eèclat des basiliques reconstruites [...] ý (Candidato igitur, ut diximus innovatis e˜ cclesiarum basilicis universo mundo [...]). (258) Supra, p. 261 ; Foussard, û Aulae Sidereae ý, p. 87, ligne 75. (259) Nichols, Romanesque Signs, pp. 15-16. (260) Ibid., p. 15. (261) Ibid. (262) Maxime le Confesseur, Ambigva ad Iohannem : iuxta Iohannis Scotti Eriugenae latinam interpretationem, è . Jeauneau, CCSG 18 (Turnhout, 1988), pp. xxv, lix, 80. (Per candida uero uestimenta, ipsam in creaturis eèd. E corrationabiliter rationibus, secundum quas factae sunt magnificentiam, et in uerbis sanctae scripturae, quantum intelligitur, mysteriorum doctrinam in hoc simul diuinitus eruditi sunt, utpote Dei cognitione collucet scripturae secundum Spiritum uirtus, et per eundem Spiritum in creaturis sapientiae et scientiae, per quas iterum ipse proportionaliter manifestatur ). Je remerè ric Palazzo pour cette traduction. Cf. I. P. Sheldon-Williams, û The Greek Christian Platonist Tradition cie E from the Cappadocians to Maximus and Eriugena ý, dans The Cambridge History of Later Greek and Early Medieval Philosophy, eèd. A. H. Armstrong (Cambridge, 1970), (pp. 425-533) p. 430. (263) Nichols, Romanesque Signs, p. 11.

9

269

chapitre 8 è rigeéne nomme la Transfiguration comme le sommet l'Ambigua de Maxime le Confesseur, E de la vision spirituelle

264

. Exception faite de la reèsurrection, elle correspond aé la theèophanie

supreême du Nouveau Testament et elle devint le paradigme de ce qui est reè veèleè dans la contemplation spirituelle

265

. Nichols remarque que les veêtements d'un blanc eèclatant de la

è glise. Par son intermeèdiaire, Transfiguration trouvent, selon Raoul, leur eè quivalent dans l'E Christ, le Logos, devenu eèvident, recouvre le monde de l'actuel Empire romain-chreè tien

266

.

D'autre part, John France suggeére que l'eèglise Saint-Beènigne elle-meême aurait pu inspirer cette meètaphore sur la reconstruction des eèglises en Italie et en Gaule apreés la fin du premier milleènaire

267

. Il est probable que Raoul vivait aé Saint-Beènigne au moment oué il

inventa cette meètaphore, juste avant de deècrire la reconstruction de Saint-Beè nigne par Guillaume

268

. La rotonde, deés lors qu'on la perc°oit comme un cadre pour une lumieére

û d'un eèclat exceptionnel ý, un site pour la descente de la lumieé re de Dieu et pour le retour de l'homme vers le paradis, dans le cadre d'une eschatologie spirituelle en relation avec la reèforme monastique, correspond aé l'exeègeése de la meètaphore proposeèe par Nichols. C'est pourquoi l'eèglise Saint-Beènigne, et particulieérement sa rotonde en tant que lieu de la theosis, peut eêtre consideèreèe comme un exemplum de la meètaphore de Raoul

269

.

Un rapport peut-il eêtre eètabli entre l'insistance de Raoul sur la beauteè incomparable de Saint-Beènigne et cette meètaphore du û blanc (pur, eèclatant) manteau ý, rapport fondeè sur l'hypotheése que l'une et l'autre faisaient reèsonner en lui les concepts d'eèclat et de theosis ? Nichols fait remarquer que la theosis ne se produit que dans des endroits privileè gieès ou é s'exprime une excellence spirituelle et que le lieu qui teè moigne de la preèsence de Dieu se doit d'eêtre aussi beau mateèriellement qu'il l'est spirituellement

270

. Il devrait eêtre empreint

d'une atmospheére de respect calculeèe pour permettre au fideéle de percevoir Dieu, but de la theosis. Peut-eêtre l'accord ideèal d'une beauteè hors du commun et de la pureteè spirituelle eètait-il implicite dans l'accent mis par Raoul sur la beauteè sans eèquivalent de SaintBeènigne et sur le caracteére exceptionnel de sa configuration

271

. Ainsi l'insistance reècurrente

de Raoul sur la merveilleuse eèglise Saint-Beènigne pourrait deècouler de sa compreèhension de la signification mystique de cet eè difice, peut-eêtre acquise graêce aé son abbeè et mentor Guillaume, qui lui avait lui-meême demandeè d'eècrire l'Historiarum alors qu'il reèsidait en tant que moine aé Saint-Beènigne, et dont la reèforme y est implicitement eèvoqueèe par

(264) Ibid., p. 15 n. 2. (265) J. Elsner, û The Viewer and the Vision : The Case of the Sinai Apse ý, Art History 17 (1994) : (81102) p. 89. (266) Nichols, Romanesque Signs, p. 16. (267) Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 302. (268) Ibid., p. 121. Voir supra, p. 11 n. 3. (269) J'ai deè veloppeè le theéme de la rotonde comme paradigme de cette meè taphore lors d'un colloque intituleè û The White Mantle of Churches ý qui faisait partie du 2000 International Medieval Congress de Leeds ; ma confeè rence a eèteè publieè e sous le titre û Saint-Beè nigne in Dijon as Exemplum of Rodulfus Glaber's Metaphoric `White Mantle' ý. Voir supra, p. 11 n. 2. (270) Nichols, Romanesque Signs, pp. 19, 25-26. (271) Supra, p. 11.

270

9

interpreètation theèologique la meètaphore d'un û manteau d'eèglises d'un blanc eèclatant ý

272

. En outre, la meètaphore de

Raoul pourrait eêtre en reèsonance, non seulement avec le concept de theosis de Maxime le Confesseur, mais aussi avec la conception que l'abbeè Guillaume avait des eèglises, et particulieérement de Saint-Beènigne, formant le û blanc manteau ý. En tant que site pour la theosis,

la

rotonde

de

Saint-Beènigne

a

certainement

constitueè

un

eèleèment

favorable



l'appropriation par Raoul de la meètaphore de Maxime. La rotonde, consideèreèe dans une eschatologie spirituelle monastique comme le lieu d'un retour possible vers le Paradis, ne peut eêtre isoleèe des autres concepts qui sous-tendent l'invention de la meè taphore. Ainsi que Thomas Head et Richard Landes l'ont formuleè , Raoul, comme les moines de Cluny, a implicitement associeè û le renouveau des cultes des saints, la reconstruction des eè glises, et la reèforme de la vie monastique [...] comme une sorte d'eschatologie reè aliseèe ý

273

: û d'un

manteau d'eèglises d'un blanc eèclatant ý recouvrant et renouvelant la terre.

Conclusion

Oratoire deèdieè aé l'Incarnation du Christ, la rotonde dijonnaise a pu eê tre consideèreèe comme un lieu privileègieè pour la theosis. En effet, c'est par l'intermeèdiaire de l'Incarnation que le Logos, en tant que Lumieére, vint au monde. Il n'est pas impossible que la description de la rotonde contenue dans la chronique de Saint-Beè nigne, l'insistance sur la complexiteè artistique de cette Ýuvre neèe, selon les termes du chroniqueur, d'une inspiration divine, fasse allusion aé sa signification mystique. L'accent mis sur la lumieé re dans la rotonde teèmoigne du fait qu'il s'agissait d'un espace unique pour la ceè leèbration monastique de l'Incarnation. Des processions vers la rotonde Sainte-Marie, notamment lors des feê tes de la Vierge et de Noe«l, avaient lieu aé tierce, quelques heures apreés le lever du soleil, alors que la lumieére venant de l'est l'illuminait. L'oculus du puits central qui illuminait tous les niveaux de la rotonde et ses autels situeès aé des degreès diffeèrents, ainsi que la luminositeè croissante aé l'approche du sommet de l'eèdifice, ont pu stimuler une ascension contemplative vers Dieu. Cet accent mis sur la lumieére en tant que preèsence anagogique eèvoque la penseèe du Pseudo-Denys. Des conceptions similaires semblent avoir inspireè aé l'abbeè Suger la creèation, au

xii

e

sieécle, aé Saint-Denis, d'une architecture dans laquelle un meê me accent eètait mis sur la lumieére. Dans De rebus in administratione sua gestis, Suger consideére la lumieére et les ornements d'eèglise (ornamenta ecclesiae) comme des moyens anagogiques de l'ascension spirituelle è loi et d'autres ornamenta de l'autel, vers la lumieére divine. Deècrivant la croix de saint E Suger eècrit : û Ainsi, lorsque, dans mon amour pour la beauteè de la maison de Dieu, la splendeur multicolore des gemmes [...] [me fait] passer des choses mateè rielles aux immateèrielles [...] [je peux] eêtre transporteè, par la graêce de Dieu, de ce [monde] infeèrieur vers le

(272) Infra, p. 11. (273) Head et Landes, The Peace, p. 12 : û the renewal of the cults of saints, the rebuilding of churches, and the reform of the monastic life [...] as a kind of realized eschatology ý.

9

271

chapitre 8 [monde] supeèrieur suivant le mode anagogique ý

274

. De meême, les vers ceèleébres inscrits sur

les portes aé l'entreèe principale ouest de Saint-Denis affirmaient que û l'esprit engourdi s'eèleéve vers le vrai aé travers les choses mateèrielles et, voyant cette lumieére, il est ressusciteè de sa submersion preèceèdente û

275

. En outre, Suger fit installer, aé l'occasion de la conseècra-

tion du chevet de Saint-Denis, une inscription de deè dicace sur laquelle on peut lire les mots suivants : û Car resplendit ce qui est brillamment uni aux choses lumineuses ; et traverseè e d'une lumieére nouvelle l'Ýuvre resplendit ý

276

. Selon Erwin Panofsky, cette inscription

è rireleéve de la langue neèoplatonicienne dans le style du Pseudo-Denys et de Jean Scot E geéne

277

. Ainsi Panofsky a vu dans ces textes l'exemple de la compreè hension de l'art par

l'anagogie selon un esprit neèoplatonicien

278

. Selon Umberto Eco, Suger a eètabli une

eèquivalence codifieèe entre la lumieére et la participation dans l'Essence Divine

279

.

Dans une perspective analogue, nous proposons qu'aé Saint-Beènigne, l'oculus et la vive lumieére qu'il projetait signifiaient la preèsence divine. L'eèclairage entrainait une stimulation sensorielle dont l'objectif eètait d'eèvoquer une participation aé l'essence divine, cas unique

è crit sur la conseècration de Saint-Denis, L'Ýuvre administrative, Histoire de Louis VII, Texte (274) Suger, Üuvres, I, E ê ge) (Paris, eètabli, traduit et commenteè par F. Gasparri, (Les classiques de l'histoire de France au Moyen A 1996), pp. 134-35 donne la traduction trouveè e supra dans mon texte : Unde, cum ex dilectione decoris domus Dei aliquando multicolor gemmarum speciositas [...] de materialibus ad inmaterialia transferendo [...] demorari, ab hac etiam inferiori ad illam superiorem anagogico more Deo donante posse transferri. Pour une traduction anglaise voir E. Panofsky, Abbot Suger on the Abbey Church of St.-Denis and its Art Treasures (Princeton, 1946), pp. 62-63

; Voir aussi :

D. Poirel, û Symbolice et anagogice : l'eè cole de Saint-Victor et la naissance du style gothique ý, dans L'abbeè Suger, le manifeste gothique de Saint-Denis et la penseè e victorine, Actes du Colloque organiseè aé la Fondation SingerPolignac (Paris) le mardi 21 novembre 2000, eè diteès par D. Poirel (Turnhout, 2001), (pp. 141-70) pp. 158-63. (275) Panofsky, Abbot Suger, p. 48 ; Suger, Üuvres, pp. 116-17 : Ad uerum lumen, ubi Christus ianua uera./ Quale sit intus, in his determinat aurea porta./ Mens hebes ad uerum per materialia surgit/ Et demersa prius hac uisa luce resurgit. Franc°oise Gasparri traduit Et demersa prius hac uisa luce resurgit, comme û plongeè d'abord dans l'ab|ême, aé la vue de cette lumieé re il resurgit ý. (276) Suger, Üuvres, pp. 119-21 : Claret enim claris quod clare concopulatur, Et quod perfundit lux noua, claret opus. Ici, la nouvelle lumieére reèveéle la liaison du vieux et du nouveau baê timent. (277) Panofsky, Abbot Suger, pp. 22-23 ; A. Speer, û L'abbeè Suger et le treè sor de Saint-Denis, dans L'abbeè Suger, le manifeste gothique de Saint-Denis et la penseè e victorine ý, Actes du Colloque organiseè aé la Fondation SingerPolignac (Paris) le mardi 21 novembre 2000, eè d. D. Poirel (Turnhout, 2001), (pp. 59-82) p. 71 a suggeè reè, d'apreés les reèsultats des recherches de S. Linscheid-Burdich, que Suger s'eè tait appuyeè sur les Ýuvres de Prosper d'Aquitaine, de Notker de Saint-Gall, ou de Paulin de Nole pour cette terminologie relative aé la lumieére. Dans les discussions de la matineè e du meême colloque, Ch. Pellistrandi (p. 84) a noteè que le theéme de la lumieére appara|êt deèjaé dans l'Ancien Testament chez les propheé tes dans des visions lumineuses de la Jeè rusalem future, mais A. Erlande-Brandenburg (p. 84) a conclu que û Suger est un homme de syntheé se ý. Suivant D. Poirel, û Symbolice ý, pp 158-62, la doctrine sugeè rienne porte bien la marque du Pseudo-Denys. Dans les discussions de l'apreé s-midi, D. Bertrand (p. 171) a estimeè l'exposeè de Poirel convaincant, compte tenu de la prioriteè accordeè e aé la hieèrarchie ceè leste dans sa reè flexion. P. Kurman (p. 172) eè tait lui aussi en accord avec D. Poirel. Voir aussi O. G. von Simson, The Gothic Cathedral (New York, 1956), p. 120 ; G. A. Zinn Jr., û Suger, Theology and the Pseudo-Dionysian Tradition ý, dans Abbot Suger and Saint-Denis. A Symposium, eèd. P. L. Gerson (New York, 1986), pp. 33-40, et C. Rudolph, Artistic Change at St.-Denis. Abbot Suger's Program and the Early Twelfth-Century Controversy over Art (Princeton, 1990), p. 65 qui tous consideé rent qu'Hugues de SaintVictor est l'intermeè diaire entre les penseèes de Denys et celles de Suger et qui ont mis les vitraux et leurs inscriptions en relation avec la theè ologie de la lumieé re de Denys. (278) Panofsky, Abbot Suger, pp. 23-25. (279) Eco, Function and Sign, p. 255.

272

9

interpreètation theèologique dans l'architecture de l'an mil. De plus, les trois eètages de la rotonde de Saint-Beènigne invitaient aé une monteèe physique qui stimulait et compleètait la monteèe spirituelle vers l'autel de la Triniteè inspireèe par la lumieére. De la meême manieére que la lumieére convergente de l'oculus, les escaliers en spirale et les eè tages constituaient en eux-m'eames des simulations programmeèes, car ils indiquaient l'eèleèvation, tout comme la lumieére indiquait l'illumination. Ils indiquaient donc, eux aussi, la signification anagogique des niveaux successifs de la rotonde tels qu'elle eètait eètablie par les conseècrations de leurs autels

280

.

En raison de l'emplacement inhabituel de l'autel de la Triniteè , meême les visiteurs la|ëcs de l'eèglise consideèraient probablement le niveau supeèrieur de la rotonde comme eètant les cieux, aé l'instar du chroniqueur pour qui la position de l'autel de saint Paul eè tait due au fait qu'il avait eèteè enleveè jusqu'au troisieéme niveau. Pour la premieére fois, un autel deèdieè aé la Triniteè eètait placeè effectivement au troisieéme des niveaux d'une eèglise et ceint d'une couronne de lumieére û exceptionnelle ý, aux dires de la chronique, au point focal de l'eè glise tout entieére. D'un point de vue symbolique, on pourrait donc conclure que Saint-Beè nigne surpasse toute repreèsentation architecturale du royaume ceèleste.

(280) Idem,

La production, p. 120. 9

273

CONCLUSION GEèNEèRALE U

ne reèflexion sur la signification de l'architecture de Saint-Beè nigne dans son contexte politique, liturgique, et theèologique en l'an mil, fournit un aperc° u des circonstances

inhabituelles entourant l'une des conceptions les plus complexes de la peè riode preèromane. Peut-eêtre en raison de la collaboration entre son abbeè Guillaume et son eèveêque Brun dans la construction de l'eèglise, Saint-Beènigne constitue l'un de ces exceptionnels artefacts qui attestent d'un moment historique de grande importance, un moment oué l'impact d'un certain nombre d'aspirations º eèlaboration de la liturgie, reèforme monastique, ordre mondial centreè sur Rome, et lutte pour le ducheè de Bourgogne º ont co|ëncideè. Le dessin de cette abbatiale de Dijon, bien qu'elle soit geè ographiquement distante de Rome, repreèsenterait la plus nette expression architecturale de l'ideè ologie eccleèsiastique

sancta Maria ad martyres

relieèe aé l'Empire de l'an mil. Le Pantheèon n'est pas seulement rappeleè par des similariteès visibles, mais eègalement par la deèdicace aé

et par la date de la conseè-

cration. Bien que des allusions aé d'autres eèdifices aient pu aussi avoir eèteè voulues, la ressemblance que nous percevons d'abord aujourd'hui º comme il dut en eê tre jadis pour ceux qui avaient eèteè aé Rome avant de voir l'eèglise Saint-Beènigne º est celle de la rotonde avec le Pantheèon. Par conseèquent, il est permis d'affirmer que la premieé re reèfeèrence visuelle du dessin de l'eèdifice est certainement Rome, et en l'an mil, avant la mort d'Otton III en 1002, l'ideèe romaine et l'ideèe impeèriale ne se seèparaient gueére l'une de l'autre. Cette eètude a mis en eèvidence qu'aux connotations spirituelles de la forme donneè e aé la rotonde s'ajoutent, semble-t-il, des connotations temporelles qui viennent en sus de sa fonction de site liturgique. Par sa ressemblance avec le Pantheè on, la rotonde a eèvoqueè Rome avec plus de force qu'aucune autre eèglise de l'an mil (fig. 8, 32, 33). Bien que les eèglises ottoniennes de cette eèpoque, copient des preèceèdents de l'antiquiteè tardive et carolingiens pour ce qui est du transept continu et de l'abside occidentale, aucun des eè leèments du Pantheèon n'appara|êt dans les eèglises qui nous sont connues. Cette reè feèrence inaccoutumeèe au Pantheèon de Rome renforce l'identification de l'eèglise constantinienne de Saint-Pierre comme la source preècise de l'abside occidentale et du transept continu de Saint-Beè nigne. L'abbeè Guillaume et l'eèveêque Brun peuvent eêtre associeès aé l'ideèologie du pape Sylvestre II et de l'empereur Otton III, qui souhaitaient diriger depuis Rome une communauteè consae

creèe aux ideèaux religieux, comme cela avait eè teè le cas au iv

sieécle.

En tout eètat de cause, en admettant que l'inclusion de formes romaines n'eè tait pas perc°ue comme un signe speècifique d'affiliation aé l'Empire, du moins exprimait-elle de l'admiration aé son eègard et un deèsir d'identification avec la Rome spirituelle. Les monumentales formes romaines de l'abbatiale suggeé rent intrinseéquement le pouvoir et elles ont certainement rehausseè l'image de l'eèveêque, de l'abbeè et de la communauteè monastique de é l'eèpoque oué Raoul Glaber eècrivait, l'indeèpendance Dijon aupreés d'un public diversifieè. A

9

275

conclusion geèneèrale de l'abbaye de Dijon de son eèveêque eètait eètablie et il n'est pas exclu que cette reèfeèrence au Pantheèon soit devenue une indication de sa deèpendance directe vis-aé-vis de Rome, l'abbeè Guillaume ayant, en 1012, eètabli l'exemption de Saint-Beènigne du controêle de l'eèveêque et l'ayant rattacheèe aé Rome. Cette indeèpendance demeurera un facteur important de toute son histoire. Cependant, l'eèglise peut eègalement eêtre interpreèteèe comme une trace mateèrielle des politiques bourguignonnes de son baê tisseur, l'eèveêque Brun de Langres. Bien que SaintBeènigne ait toujours eèteè consideèreèe comme la creèation de son abbeè, nous avons demontreè que Brun, en tant qu'eèveêque de la reègion, exerc°a une grande influence sur elle. Participant simultaneèment aux mondes sacreè et seèculaire, peut-eêtre a-t-il engendreè un baêtiment exceptionnel en raison de la conjonction de circonstances historiques particulieé res. Il est difficile de distinguer si l'eèglise a eèteè construite comme un signe conscient de sa politique, qui eè tait partageèe par l'abbeè Guillaume et Otte-Guillaume, ou en fonction de leurs gouê ts aristocratiques, car les formes carolingiennes devaient faire partie de leurs traditions et de leurs attaches familiales. Le sermon que l'abbeè Guillaume prononc°a lors de la conseècration en 1016 a rendu eèvidente l'utilisation des diffeèrences culturelles en tant que signes d'affiliation et d'alleè geance. Dans ce sermon, la stigmatisation de leurs veê tements servaient aé remettre aé leur place les Capeètiens,

tandis

que

les

formes

architecturales

de

Saint-Beè nigne

eèvoquaient,

comme

aujourd'hui, les traditions de l'eèveêque-baêtisseur et de ses vassaux dijonnais. On peut donc interpreèter l'architecture de Saint-Beènigne comme teèmoin d'un moment, avant 1016, oué Dijon, sous le controêle de l'eèveêque Brun, penchait pour les traditions culturelles carolingiennes. L'annexion de Dijon, et ainsi de la Bourgogne, par les Capeè tiens fut un eèveènement deècisif dans la deèfinition moderne des frontieéres orientales de la France et constitua donc un tournant dans la culture europeèenne. Bien que l'on soit curieux de conna|être les intentions qui preèsideérent aé la reèalisation du dessin en 1001, peut-eêtre est-il, en un certain sens, plus inteèressant encore de s'interroger sur la signification que reveêtait l'eèglise en 1016. L'architecture de Saint-Beènigne, consideèreèe en tant que signe, est d'un inteèreêt particulier, deés lors qu'aé sa conseècration en 1016, é peine construites, ses les formes de l'eèglise teèmoignaient d'espeèrances qui avaient failli. A formes

attestaient

deèjaé

d'eènormes

renversements,

qu'il

s'agisse

des

reêves

perdus

d'un

Empire spirituel universel, ou de la preèservation du patrimoine carolingien du roi Lothaire par Brun. Ce dernier cas est particulieérement dramatique, puisque la faction politique qui avait financeè cette eèglise l'avait perdue au profit des Capeètiens, et que ceux qui avaient contribueè aé son eèdification eètaient tenus aé l'eècart de sa conseècration. Meême le corps de Brun, que l'on projetait peut-eêtre d'ensevelir dans l'abside occidentale, eètait absent de la conseècration de l'eèglise. Ainsi, dans le contexte de la conseècration, les formes architecturales de l'eèglise ont-elles pu acqueèrir une signification toute particulieére, si l'on tient compte aé la fois des reèfeèrences faites par Guillaume dans son sermon aux baê tisseurs de l'eèglise et aux veêtements de leurs opposants, signes manifestes du changement intervenu. Dans la situation creèeèe par le contexte de la conseècration, les signes devenaient essentiels,

276

9

conclusion geèneèrale car une reèfeèrence plus directe aé des attaches politiques aurait eèteè inconvenante. C'est pourquoi, en tant que signes, les formes architecturales ont pu acqueè rir une importance politique

dans

le

contexte

particulier

de

la

situation

creè eèe

par

la

guerre

territoriale

de

Bourgogne, sans meême qu'aé l'origine il ait eèteè voulu qu'il en soit ainsi. La conclusion de la guerre de Bourgogne, qui preèceèda de peu la conseècration de l'eèglise, a dramatiquement modifieè la situation politique de l'abbaye, la mainmise des Capeètiens sur Dijon en 1016 ayant reèduit le pouvoir des protecteurs de Saint-Beènigne. Deés lors que les formes de l'eèglise peuvent eêtre interpreèteèes comme les teèmoignages de conceptions qui auraient eèteè perdues si elle n'avait eèteè baêtie, l'architecture elle-meême permet de rendre compte de la culture de l'abbeè Guillaume et de l'eèveêque Brun. Comme d'autres artefacts culturels de l'an mil, Saint-Beè nigne, en tant que proclamation mateèrielle ideèologiquement motiveèe, eètait partie prenante de cette situation historique. Nous avons entrepris cette recherche dans le but de mettre en relief le fait que l'architecture peut jouer un roêle actif dans l'histoire et ne se limite pas aé refleèter les eèveènements historiques, comme on l'a souvent affirmeè. Il est incontestable que l'architecture de SaintBeènigne, qui servit de cadre aé la deènonciation des Capeètiens par Guillaume lors de la conseècration de 1016, joua un roêle historique actif, ne serait-ce qu'en tant que monument commeèmoratif pour Brun, qui souhaitait y eêtre enterreè. Les dessins de Plancher ainsi que les traces archeèologiques des formes romaines, paleèochreètiennes et carolingiennes indiquent de fac°on manifeste les eèveènements et les affiliations politiques qui, selon Raoul Glaber, valurent des critiques aé Guillaume. Sans le teèmoignage que constituent les formes singulieéres de cette eèglise, ce livre n'aurait pas eèteè centreè sur l'ideèologie et sur la politique de son baêtisseur Brun. Qu'il ait eèteè choisi consciemment dans une intention politique ou qu'il n'ait eè teè que l'expression des gouêts aristocratiques de Brun,

de Guillaume et d'Otte-Guillaume, ce

retour aux formes carolingiennes, traduit, aujourd'hui comme en 1016, la puissance de ces traditions et de ces affiliations. Ainsi, il est permis de conclure que meê me si l'eèglise ne constituait pas un signe politique en 1001, elle a pu fonctionner comme tel en 1016, tandis qu'en 1031, au moment oué Raoul Glaber la deècrivait comme eètant û plus admirable que les basiliques de toutes les Gaules (totius Gallieê basilicis mirabiliorem) ý, elle avait acquis un sens plus universel et que toute signification politique eè tait maintenant oublieèe. Reprenant la formule fameuse de Raoul Glaber, Bulst perc° oit l'eèglise Saint-Beènigne comme

û incomparable

et

plus

merveilleuse

que

les

autres

eè glises

en

Gaule º

dont

1

Cluny ý . Lorsqu'il deècrivait l'aspect extraordinaire de l'eèglise Saint-Beènigne, Raoul songeait vraisemblablement aé Saint-Pierre le Vieux (Cluny II), dont il avait peut-eê tre aé l'esprit le chevet simple, consacreè en 981. En un certain sens, l'eèglise Saint-Beènigne de l'an mil mettait en place, en avance sur Cluny, un cadre architectural spectaculaire pour la deè votion monastique et la liturgie clunisienne. Cette preè cociteè tient peut-eêtre en partie au fait que Saint-Beènigne fut construite au moment meême oué eètait eèlaboreèe la liturgie clunisienne,

(1) Bulst, û Guillaume ý, p. 26 ; Rodulfus Glaber, Vita, pp. 276-77 ; Voir supra, p. 11.

9

277

conclusion geèneèrale alors que l'eèglise de Cluny II eètait plus ancienne. Mais l'inteèreêt particulier que portait l'abbeè Guillaume aé la musique et la liturgie a pu eègalement jouer un roêle dans le fait que la rotonde de Dijon, cadre de la prieére et de la liturgie, offrit un site sans preè ceèdent pour la liturgie clunisienne. Par contre, la nouvelle galileèe de Cluny II, ajouteèe en 1010, qui procurait un vaste espace aux grandioses processions axiales aé partir de l'ouest vers l'autel de la Sainte-Croix, se reèveèla supeèrieure aé l'espace occidental de Saint-Beènigne. En effet, l'existence de l'abside occidentale de Saint-Beènigne, probablement dessineèe en 1001 pour abriter la tombe de son eèveêque, interdisait le deèroulement de telles processions axiales. Les dimensions de l'espace occidental entre l'entreèe de la crypte et la contre-abside eè taient quasiment identiques aé celles de la galileèe de Cluny II, mais cette zone ne fonctionnait pas seulement comme un vestibule, comme la partie infeèrieure de la galileèe aé Cluny, mais eègalement comme une nef pour les la|ëcs et pour les processions monastiques aé l'autel de la Sainte Croix, situeè entre 2

l'abside occidentale et l'entreèe ouest de la crypte (fig. 1, 30) . Comme entreèe ou comme seuil vers le sanctuaire de l'eèglise, ce secteur eètait donc moins efficace que la galileèe de Cluny, plus reècente. Compareèe aé la nouvelle eèglise de Guillaume, l'eèglise de Cluny II se caracteèrise par un dessin simple, notamment parce qu'elle n'eè tait pas un site important de peélerinage comme Saint-Beènigne. Sans doute les reliques importantes qui y eè taient conserveèes inciteérent Guillaume aé reconstruire aé une eèchelle plus grandiose l'eèglise carolingienne de SaintBeènigne.

La

deècouverte

de

reliques

fut

bien

eèvidemment

ceèleèbreèe

par

Raoul

Glaber

comme un signe du nouvel ordre de l'an mil, et le nouveau dispositif adopteè par Guillaume 3

pour les saints constituait incontestablement l'un des aspects de sa reè forme . L'agrandissement de la crypte aé l'ouest et aé l'est, sous la forme d'une grande rotonde, l'adjonction des tours d'escalier qui la flanquaient et l'eèleèvation du chÝur au-dessus de la crypte aé l'ouest facilitaient le flux des peélerins vers les nombreuses reliques sans qu'ils geê nent la vie monastique. Les peélerins peèneètraient dans la crypte depuis l'ouest par les entreèes pratiqueèes aé l'est de l'autel de la Sainte-Croix. Ils priaient, comme l'indique le

Livre des miracles, au tombeau

de saint Beènigne qui eètait aé l'est, au fond de l'axe de l'entreèe, et pouvaient ensuite faire des 4

visites accessoires aux tombes et aux autels qui l'encadraient au nord et au sud (fig. 1, 3) . On ignore dans quelle mesure les peé lerins avaient acceés aux niveaux supeèrieurs de la rotonde, mais l'acceés aé l'autel de la Vierge dans la chapelle axiale du niveau principal devait eêtre restreint pendant le deèroulement de la liturgie monastique, comme devait l'eê tre celui aux autels dans les absidioles du chevet, puisqu'elles eè taient eètroitement lieèes au è tant donneèes les restrictions auxquelles chÝur des moines dans le transept (fig. 6, 38). E eètait soumise l'accession au troisieéme niveau, meême pour les moines novices, celle des peéle-

(2) Sapin,

La Bourgogne, pp. 68-70 ; idem, û Cluny II ý, p. 88. Vita, pp. 272-75.

(3) Rodulfus Glaber,

(4) Supra, pp. 30-31.

278

9

conclusion geèneèrale rins devait eêtre seèveérement reèglementeèe. On ignore si des visites occasionnelles furent possibles. Pourtant, la chronique deècrit un systeéme complexe de passages qui partaient du niveau supeèrieur de la rotonde pour retourner vers l'extreèmiteè occidentale de l'eèglise. On ne sait pas exactement qui utilisait ces passages, mais il est probable, qu'eè tant situeès audessus des murs de l'eèglise, ils n'eètaient pas preèvus pour des groupes importants de peélerins. Toutes les eèglises meèdieèvales incarnent l'eèquivalent terrestre de la Jeèrusalem ceèleste, mais l'abbeè Guillaume semble avoir tenteè d'eèvoquer en prioriteè le royaume ceèleste en faisant du troisieéme niveau de la rotonde aé Saint-Beènigne un point de focalisation visuelle de la lumieére et un espace inhabituel. L'eèvocation architecturale de cette citeè du Ciel convenait particulieérement aé une eèglise monastique, graêce aé la discipline claustrale aé travers laquelle le moine preèpare la Jeèrusalem ceèleste et oué il croit baêtir l'antichambre du Ciel. La vie monastique repreèsente l'application de l'engagement baptismal dont Guillaume affirme dans son sermon de la conseècration de l'eèglise qu'il fournit û la robe initiale de la beèatitude 5

angeèlique ý . La documentation eècrite, exceptionnellement riche, concernant la liturgie aé SaintBeènigne a rendu possible l'analyse de l'utilisation et de l'importance du dessin inusiteè de l'eèglise. En s'appuyant sur la chronique et le deuxieé me coutumier de Saint-Beènigne, l'interpreètation du sens des autels a permis de deèterminer quelle eètait l'utilisation de la partie occidentale de l'eèglise et surtout de la rotonde. Bien qu'elle fut une version tardive de la crypte exteèrieure post-carolingienne, comme l'eètait celle de Saint-Pierre de Flavigny (9901010), la rotonde de Dijon avait trois et non deux niveaux et eè tait trois fois plus grande, et pour la premieére fois les eètages eètaient relieès entre eux par un puits de lumieére sous un oculus central (fig. 8, 29). L'agrandissement de la crypte exteè rieure en une vaste rotonde illustre bien la deèvotion de l'abbeè Guillaume aé la Vierge et aé la liturgie mariale. Contrairement aé Flavigny, oué la rotonde, aé un niveau diffeèrent de celui du chÝur, abritait l'autel de sainte Marie, l'autel de la Vierge aé Saint-Beènigne eètait placeè dans une chapelle axiale, rattacheèe aé la rotonde au meême niveau que le chÝur et sur le meême axe que l'autel majeur. L'espace de cette chapelle eè tait lieè visuellement au chÝur graêce aux colonnes rouges et vertes aligneèes d'est en ouest qui se deètachaient sur le fond gris et beige des colonnes des coêteès de la rotonde. Autour de cet axe, constitueè par les colonnes et le puits de lumieére centraux de la rotonde, les deèambulatoires concentriques permettaient aux processions des moines de s'approcher de la chapelle Sainte-Marie ou de se tenir devant elle. Ces deèambulatoires d'une grande largeur, qui figurent sur le plan de Plancher (1722) et le dessin d'Antoine (1790), devaient guider la circulation des moines ; chacun d'eux comportait un espace permettant aé au moins quatre personnes de marcher de front. Non seulement le chÝur eètait uni horizontalement aé la chapelle Sainte-Marie, mais les niveaux supeèrieur et infeèrieur de la rotonde eètaient aussi relieès verticalement, visuellement et acoustiquement, graêce au puits central de lumieére. Ainsi, une coheèrence intime eètait-elle instaureèe entre le chÝur des moines et la rotonde avec ses autels. Peut-eê tre que lorsqu'il

(5) Supra, p. 116 ; Rodulfus Glaber,

Vita, p. 291. 9

279

conclusion geèneèrale deècrivait

Saint-Beènigne

comme

un

eèdifice

û aussi

admirable

qu'il

serait

difficile

d'en

trouver un autre aussi beau ý, Raoul Glaber eètablissait-il une comparaison implicite entre la merveilleuse lumieére de sa rotonde et celle des cryptes exteèrieures carolingiennes, plus 6

petites et plus sombres . La rotonde, dans sa totaliteè, est consideèreèe par le deuxieéme coutumier de SaintBeènigne comme l'eèquivalent de l'eèglise mariale de Cluny (1032), placeèe aé l'est de la salle capitulaire (fig. 31). Il n'eètait pas neècessaire de passer par l'exteèrieur pour l'atteindre, aé la diffeèrence de Cluny, et, parce qu'il existait aé Dijon, aé l'est de la salle capitulaire, une chapelle deèdieèe aé saint Beno|êt et reèserveèe aux malades, l'eèglise Sainte-Marie n'avait pas, comme aé Cluny, aé remplir une double fonction. De plus, la rotonde de Saint-Beè nigne, avec ses 18 meétres de diameétre sur trois niveaux et avec ses chapelles, eètait beaucoup plus grande, ce qui permit d'y installer plus d'autels et de leur fournir un acceé s treés pratique en raison de leur proximiteè du chÝur. La liaison entre la rotonde et le chÝur facilitait les nombreuses processions monastiques entre l'autel principal et l'autel de la Vierge. Ainsi, la disposition retenue aé Dijon semble avoir eèteè plus efficace. Mais, plus important encore, le dessin de la rotonde la destinait aé servir de cadre plus spectaculaire aux ceèleèbrations liturgiques que l'eèglise mariale clunisienne, aé cause de la stimulation programmeèe, que repreèsentait la lumieére de l'oculus et par les niveaux anagogiques culminant au troisieé me ciel aé l'autel de la Triniteè. Graêce aé son architecture et aé l'organisation des autels sur les trois niveaux, la rotonde creèait une atmospheére particulieére pour la prieére qui n'existait pas aé Cluny. La crypte eètait peupleèe de confesseurs et de martyrs. Parmi eux se trouvait saint JeanBaptiste aé qui la chapelle axiale eètait deèdieèe (fig. 38 : 1-6). Dans la crypte, les saints les plus nombreux eètaient des saints reègionaux. Ces affectations sacreèes reègionales, sans doute eètablies bien avant le plan de Guillaume, deè coulaient des ensevelissements anteèrieurs des martyrs provenant du cimetieére romain. Selon la chronique, cinq tombes encadraient au

xi

e

sieécle la tombe et l'autel de saint Beènigne. Trois autres s'y ajoutaient dans le bras nord de la crypte et trois dans le bras sud. Parmi ces onze tombes et parmi les autels deè dieès aé des saints reègionaux, des eèveêques de Langres coêtoyaient saint Beènigne. On y trouvait eègalement des abbeès beèneèdictins, originaires de la reègion, et des saintes vierges dijonnaises. Dans les bas-coêteès aé l'ouest de l'eèglise eètaient installeès des autels compleèmentaires deèdieès aé des saints reègionaux, et quelques-uns d'entre eux reprenaient des deè dicaces de la crypte, fournissant des espaces de prieére suppleèmentaires pour les peélerins preés de l'autel de la SainteCroix, qui repreèsentait le point focal pour les la|ëcs, bien que les moines y fassent eègalement de freèquentes processions. Le chÝur des moines faisait face aux autels placeè s dans les absidioles du chevet qui encadrait le niveau principal de la rotonde. La plupart des autels de ce niveau eè taient consacreès aux apoêtres et aux eèvangeèlistes et aé leurs contreparties dans la Messe (fig. 38 : 813). Ces autels s'aveérent coheèrents avec la conseècration de cet eètage de la rotonde aé la

(6) Supra, p. 11 ; Rodulfus Glaber, Historiarum, p. 120 ; Raoul Glaber, Histoires, pp. 171-72.

280

9

conclusion geèneèrale Vierge (sanctae Dei genitrix Maria) et avec l'autel de la chapelle axiale deèdieè aé la û Meére de 7

Dieu et de notre Seigneur Jeèsus, le Christ ý . L'autel de la chapelle axiale constituait le but de la plupart des processions des moines vers la rotonde. Selon toute apparence, les deè ambulatoires concentriques deècoulent de l'importance des processions liturgiques deè crites é Dijon, l'eèclat de cette mise en sceéne, avec sa lumieére zeènidans les coutumiers (fig. 6). A è piphanie et la thale, fournissait un cadre majestueux pour des occasions comme Noe« l, l'E Purification, au cours desquelles l'arriveèe de la nouvelle lumieére eètait souligneèe par la liturgie et ses chants. Par exemple, le jour de la Purification, quand la procession traversait les deèambulatoires de la rotonde, la lumieé re tombait de l'oculus sur le chemin des moines en reèsonance avec la lumieére exprimeèe dans leurs chants qui appartenaient au cursus de l'abbeè Guillaume. Au troisieéme niveau de la rotonde, les conseècrations des autels aé la Sainte Triniteè, aé saint Michel et aé saint Paul, qui veècut la double l'expeèrience des royaumes terrestre et transcendant, repreèsentent l'aspiration chreètienne la plus eèleveèe : l'ascension de l'aême au Paradis afin de reèsider aupreés de la divine Triniteè (fig. 38 : 20-22). Cette partie supeèrieure de la rotonde est deèfinie dans la chronique comme le troisieéme ciel, oué Paul eut la reèveèlation des secrets de Dieu. La deèdicace d'un autel aé Paul et la reèfeèrence de la chronique aé son ravissement sont en concordance avec la rotonde consideè reèe comme un endroit pour la Theosis. De plus l'accent mis par la chronique sur l'expeè rience mystique de Paul, attesteèe è criture, est renforceè par la deèdicace secondaire de son autel aé Denys, qui, selon E è ripar l'E geéne, a connu une semblable expeèrience mystique. Selon Augustin, le troisieé me ciel correspondait au Paradis, baigneè d'une lumieére qui ne pouvait eêtre compareèe aé aucune autre. On peut imaginer que l'autel de la Triniteè fut le lieu des deèvotions du disciple de l'abbeè Guillaume, Jean de Feècamp, dont les prieéres annoncent cette expeèrience paradisiaque du face aé face avec Dieu. Il n'existe aucune reèfeèrence aé un autel deèdieè aé la Triniteè avant l'an mil aé SaintBeènigne. On ne conna|êt d'ailleurs, avant cette date, aucune deèdicace aé la Triniteè dans une crypte exteèrieure en Bourgogne. Le niveau supeèrieur des cryptes exteèrieures en Lorraine, comme aé Saint-Maximin de Treéves (935-52), abritait l'autel du Sauveur et cette position, au-dessus du niveau oué se trouvait l'autel de la Vierge, articulait deè jaé, bien plus toêt, une relation semblable aé celle de Dijon. Il est possible que l'abbeè Guillaume, qui avait reèformeè des eèglises en Lorraine, ait eu connaissance de ce preè ceèdent architectural, lorsqu'il conc°ut, pour Dijon, une crypte exteèrieure eègalement composeèe de niveaux superposeès, deèdieès respectivement aé la Vierge et aé la Triniteè. Les reèflexions de Guillaume sur la Triniteè furent aé l'origine de l'addition de l'autel deè dieè aé Paul et aé saint Denis aé l'est de celui de la Triniteè. Par ce nouvel ameènagement, Guillaume a deèfini un nouveau programme allant au-delaé des reèflexions architecturales anteèrieures sur la Triniteè. En outre, l'accent mis aé Saint-

(7) Heitz, û Lumieé res ý, p. 77 ; Annexe II, pp. 294-95, ligne 1 ; BNF, CB, t. 11, f. 83r-83v, 171r-171v ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 68. Comme nous l'avons deè jaé indiqueè , cet autel renfermait aussi des reliques de la Sainte Vierge et des saints Innocents, renforc° ant la perception de Marie en tant que meére.

9

281

conclusion geèneèrale Beènigne sur celle-ci a pu, dans une certaine mesure, encourager les meè ditations que lui consacrera plus tard son disciple Jean de Feècamp. L'addition du troisieéme niveau fut l'eèleèment deèterminant dans la creèation d'une atmospheére exceptionnelle pour la prieére. Pour la premieére fois, et peut-eêtre la seule, un autel deèdieè aé la Triniteè eètait placeè au troisieéme des niveaux. Graêce aé sa position, aé l'ouest de l'oculus, l'autel de la Triniteè eètait, le matin, l'autel le plus brillamment eèclaireè dans l'eèglise. Or la chronique souligne que û L'autel de la Sainte Triniteè est ainsi placeè qu'il soit facile8

ment vu de ceux qui entrent de partout et se tiennent partout dans l'eè glise ý . Le plan de l'heèmicycle entre l'eèglise et la rotonde avait organiseè l'espace de telle sorte que la lumieére de l'oculus, dirigeèe vers le chÝur, projetait un accent dramatique sur le ma|ê tre-autel pendant la ceèleèbration de la messe. Quand, pendant celle-ci, la Triniteè eètait eèvoqueèe, les moines de Saint-Beènigne pouvaient lever les yeux vers les rayons de lumieére qui entouraient l'autel de la Triniteè dans la galerie situeèe au-dessus de l'heèmicycle. La meême lumieére illuminait l'autel de la Triniteè et le ma|être-autel, les rassemblant tous deux dans la gloire de la Triniteè. Ainsi, il y avait laé, aé Saint-Beènigne, un foyer particulier, au-dessus du chÝur des moines, inconnu dans d'autres eèglises, qui procurait un avant-gouêt de la liturgie eèternelle. Autour de l'an mil, la beauteè de la liturgie devait suggeèrer celle que ceèleébrent les Anges au Paradis, et la meèditation constituait un relais entre le clo|être et le ciel. La patrie eèvoqueèe par la liturgie eètait celle qu'eèvoquait la rotonde de Saint-Beènigne. Les deèdicaces de la rotonde peuvent eêtre consideèreèes comme une hieèrarchie de l'Intercession : aé son niveau infeèrieur les martyrs, aé son niveau intermeèdiaire la Vierge et les apoêtres,



son

niveau

supeèrieur

la

Triniteè

et

l'ange

du

Jugement.

En

conseèquence,

les

deèdicaces des autels de la rotonde de Dijon semblent avoir articuleè un programme correspondant au chemin qui conduit vers le salut chreè tien dans le royaume divin, par l'intermeèè glise du Nouveau Testament, au fur et aé mesure de l'eèleèvation qui menait diaire de l'E depuis l'obscuriteè de la crypte jusqu'aé la lumieére du troisieéme niveau. Nous avons vu qu'aé Saint-Michel de Cuxa (1035), la partie infeè rieure de la rotonde occidentale eètait deèdieèe aé é Saint-Maximin aé û sainte Marie aé la Creéche ý et l'eètage supeèrieur aé la sainte Triniteè. A Treéves (935-52), le niveau infeèrieur de la crypte hors d'Ýuvre, deè dieè aé la Vierge, eètait interpreèteè comme le royaume du monde, et le niveau supeè rieur, deèdieè au Sauveur, comme le domaine divin du Ciel, selon la cosmologie dionysienne. Neè anmoins, bien que ces oratoires aient mis en rapport l'Incarnation et la Triniteè , la rotonde de Saint-Beènigne est le seule structure qui ait exprimeè ce rapport theèologique, avec l'autel de la Triniteè placeè au troisieéme niveau et illumineè par une lumieére qui descendait pour l'unir au ma|être-autel du chÝur et au niveau de l'Incarnation de la rotonde. Oratoire

deèdieè



l'Incarnation

conc°ue pour eêtre un lieu pour la que le

Logos,

du

Christ,

la

rotonde

eè tait

particulieérement

bien

theosis, puisque c'est par l'intermeèdiaire de l'Incarnation

en tant que lumieére, vint au monde. La rotonde offrait un acceé s vers Dieu,

sous la forme d'une lumieére descendant aé travers son oculus, et, en tant que structure ana-

(8) Annnex I, p. 290, ligne 81 ; Martindale, û The Romanesque ý, p. 49, ligne 81.

282

9

conclusion geèneèrale gogique par ses autels, elle architecturait un retour vers Dieu pour le fideé le montant vers la lumieére toujours croissante, vers le haut et l'autel de la Triniteè . Si une lumieére d'une intensiteè plus forte que la lumieére terrestre habituelle peut eêtre le signe de la Lumieére divine, l'oculus de Saint-Beènigne et sa lumieére û d'un eèclat exceptionnel ý, comme le remarque la chronique, suggeèrait la brillante blancheur de la Lumieére. Vers l'an mil, le Pseudo-Denys

Ambigua de Maxime le Confesseur eètaient tous les deux connus des moines aé travers les

et l'

è rigeéne. Pour E è rigeéne, le retour vers Dieu devint possible graê ce aé la descommentaires d'E cente de Dieu vers l'homme lors de l'Incarnation, moment signaleè par la deèdicace de la rotonde et des autels de son deuxieéme niveau. Parce que les deèdicaces des autels aé chacun des diffeèrents niveaux, fonctionnant comme un systeé me de signification, indiquaient un plan pour le regain spirituel, structureè par le dessin tripartite de la rotonde et son oculus, la structure elle-meême de la rotonde signalait aé ses utilisateurs du

xi

e

sieécle, comme aé nous

aujourd'hui, son sens theèologique. L'organisation des autels de la rotonde, selon un dispositif deè ployeè sur les trois niveaux d'une monteèe spirituelle qui aboutit aé l'autel de la Triniteè, est demeureèe unique jusqu'aé aujourd'hui. En outre, du point de vue architectural et liturgique, c'est peut-eê tre l'accent mis sur la lumieére, en tant que preèsence anagogique qui est le plus remarquable. Suger, inspireè par le Pseudo-Denys, mettra aussi l'accent sur la lumieé re aé Saint-Denis, mais plus de cent ans plus tard. Cette valeur anagogique est trop souvent consideè reèe comme une caracteèristique nouvelle de l'architecture gothique. La meètaphore de la blanche robe de Raoul Glaber pouvait suggeè rer que Saint-Beènigne eètait un site pour la

theosis et eègalement une image de la reèforme de Guillaume, deux eèleè-

ments de l'aspiration aé un renouvellement du monde par la reènovation eccleèsiastique. Malgreè tout, le dessin de l'eèglise, en tant qu'expression d'une reèforme spirituelle de la vie monastique dans un nouvel ordre mondial, n'apporte aucune preuve d'attentes apocalyptiques speècifiques. La rotonde prend pour modeéle principal le Pantheèon et non le SaintSeèpulcre et les sculptures conserveèes de la rotonde sont sans relation avec les theé mes de l'Apocalypse. De plus, les ideèes de Guillaume, telles qu'elles sont preèsenteèes par Raoul Glaber ne semblent pas avoir eèteè chiliastiques. L'abbeè Guillaume, qui a certainement eu une grande responsabiliteè dans le dessin de l'eèglise et de la rotonde, semble avoir eu pour but principal de creèer un site magnifique pour la prieére et la liturgie. Il appara|êt que son objectif premier fut de satisfaire les besoins spirituels des moines avec son dessin de la rotonde, particulieérement en eèlevant les autels du troisieéme niveau dans leur cadre ceèleste, eèvoquant ainsi par l'architecture la meême patrie que celle eèvoqueèe par la liturgie. Il est peut-eêtre significatif que la rotonde ait eèteè preèserveèe, apreés la reconstruction de l'eèglise du

xii

e

sieécle, et meême apreés la destruction de l'eèglise aé la fin du

1792. Par contre, au cours du

xii

e

xiii

e

sieécle, jusqu'en

sieécle, le transept continu et l'abside occidentale de l'eè glise

furent supprimeès, peut-eêtre en reèponse aé de nouveaux besoins, mais eègalement parce leurs connotations de grandeur romaine et carolingienne n'eè taient plus transmises ou avaient perdu toute valeur. Il est reèveèlateur que le seul exemple connu (Saint-Vincent aé Macon) d'une copie du plan et des formes de la crypte de Saint-Beè nigne soit en rapport avec l'ordre

9

283

conclusion geèneèrale ancien de Brun. Apreés la mainmise des Capeètiens, aucune construction similaire ne vit plus le jour. Si l'ordre ancien avait preèvalu, peut-eêtre d'autres auraient eèteè conc°ues. Toutefois, la communauteè religieuse de Dijon a maintenue les traditions liturgiques de son eèglise. Le coutumier du deèbut du que celui du

xi

e

xiii

e

sieécle prescrit, pour l'essentiel, la meême liturgie

sieécle. La rotonde a eèteè conserveèe apreés la construction de l'eèglise gothique,

sans doute en raison de l'importance qu'elle reveêtait en tant que chapelle deèdieèe aé la Vierge et martyrium de saint Beènigne. Les chapelles de la Vierge d'eèpoque gothique aé l'extreèmiteè orientale de l'eèglise se sont deèveloppeèes aé partir de leurs racines dans les cryptes exteèrieures et la situation de la rotonde comme chapelle de la Vierge eè tait donc en concordance avec le plan gothique. En tant que chapelle de la Vierge, la rotonde de Dijon conserva son importance jusqu'aé sa destruction en 1792. Conc°ue comme un cadre pour une lumieére la plus intense possible, il est plutoêt cocasse que sa destruction ait eèteè provoqueèe par la crainte que l'on n'accorde pas le statut de catheè drale aé Saint-Beènigne, eètant donneè, entre autres probleémes, que la rotonde empeêchait la lumieére de peèneètrer dans le 9

chÝur de l'eèglise gothique . L'eèglise et la rotonde de Saint-Beènigne ne furent pas des anomalies qu'au moment de ê ge, sans avoir d'impact significatif l'an mil ; elles le demeureérent durant tout le Moyen A sur l'architecture posteèrieure. Le plan aé deèambulatoire utiliseè dans les eèglises contemporaines, comme Saint-Aignan aé

Orleèans, lieèes aux Capeètiens, reèpondait de fac°on plus

modeste aux besoins des peélerins et des moines. Saint-Beènigne constitua, en l'an mil, un tour de force, mais elle repreèsente, sur le plan de l'architecture meèdieèvale, le moment qui preèceèda le formidable essor, aé la fin du

xi

e

sieécle, du plan standardiseè pour le peélerinage et,

sur le plan de l'histoire, celui qui preèluda aé l'essor de la monarchie capeètienne, deux faits qui vont dominer la France pendant des sieé cles. Bien que Saint-Beènigne ait mis en place vers l'an mil un cadre exceptionnel pour la liturgie clunisienne, son plan semble avoir eè teè trop complexe pour eêtre facilement adapteè aé d'autres sites. En outre, c'eètait une version eèlaboreèe d'une ancienne tradition carolingienne de cryptes exteè rieures qui n'offraient plus d'inteèreêt, en partie parce que ses patrons avaient perdu le pouvoir. Brun de Roucy avait deèjaé eèteè marginaliseè en 1031 par des historiens comme Raoul Glaber. Nous avons tenteè de mettre en lumieére l'alliance aé Saint-Beènigne de formes architecturales qui n'avaient jamais eèteè et ne seraient jamais par la suite articuleè es ou comprises de cette fac°on. Vers l'an mil, la rotonde, le transept continu, et l'abside ouest fonctionnaient comme des signes politiques, et l'agencement spatial de la rotonde aé trois niveaux avec son programme d'organisation des autels et sa lumieére de plus en plus eèclatante fonctionnait comme une stimulation anagogique. De plus, la preèsence des autels de saint Paul, de saint Michel et de la Triniteè sur le troisieéme niveau, illumineès par un cercle parfait simulant la lumieére divine, confeèrait ê ge, qui faisait de l'eglise une nouvelle intensiteè aé la conception, commune au Moyen A è è glise ceèleste. Nous percevons aujourd'hui l'eèglise Saint-Beènigne mateèrielle la figure de l'E

(9) Chomton,

284

9

Histoire

, p. 306.

conclusion geèneèrale comme un eèdifice exceptionnel, et elle eètait deèjaé appreècieèe comme telle au

xi

e

sieécle.

D'apreés Raoul Glaber, l'eèdifice fut conc°u comme une eèglise û plus admirable que les basiliques de toutes les Gaules et de proportions incomparables ý

10

. Elle eètait cependant com-

prise comme bien plus qu'û admirable ý, comme la chronique de Saint-Beè nigne le signale et comme ce livre l'a soutenu : û car beaucoup de choses semblent avoir eè teè reèaliseèes selon un sens mystique ý

11

. Bien suêr, notre explication ne preètend pas eêtre la seule lecture pos-

sible, mais elle vise aé la plausibiliteè et tente de proposer une nouvelle interpreè tation qui rende mieux compte de cette eèglise dans son contexte culturel et discursif, et ainsi aé offrir une nouvelle perspective sur l'architecture au deè but du

(10) Supra, p. 11 ; Rodulfus Glaber,

xi

e

sieécle.

Vita, p. 276.

(11) Annexe I, p. 297, lignes 6-9.

9

285

ANNEXE

S

I

La Chronique Extraits de la Chronique de Saint-Beè nigne de Dijon

BMD, ms. 591, f. 41r-43r, eè diteè par A. Martindale, û The Romanesque Church of S. Beè nigne at Dijon and MS 591 in the Bibliotheé que Municipale ý, Journal of the British Archaeological Association 25

(1962) :

(21-54)

pp. 47-50.

La

transcription

de

la

chronique

par

Andrew

Martindale

est

reèimprimeèe ici avec la permission du Journal of the British Archaeological Association. Voir aussi la transcription dans Chronique de l'abbaye de Saint-Beè nigne de Dijon suivie de la Chronique de St Pierre de Beéze, eè d. L. E. Bougaud et M. J. Garnier, Analecta Divionensia, 1 (Dijon, 1875), pp. 138-48.

1

(Haec abbatia [...] ab honorando praesule Brunone et Willelmo) venerabili abbate non solum modo in aliis rebus. verum etiam in nova aecclesiae fabrica est renovata. In cuius basilicae miro opere. domnus praesul expensas tribuendo et columnas marmoreas ac lapideas undecumque adducendo. et

5

reverendus abbas magistros conducendo et ipsum opus dictando insudantes. dignum divino cultui templum construxerunt. Cuius artificiosi operis forma et subtilitas non inaniter quibusque minus edoctis ostenditur per litteras. quoniam multa in eo videntur mistico sensu facta. que magis divinae inspiratione quam alicuius deputari debent periciae magistri.

10

Fundatum est autem hoc templum anno dominicae incarnationis M.i. indictione xiiii. xvi kalendas martii ; cuius longitudo ducentorum ferme cubitorum. latitudo autem. L

ta

. iii

um

. existit. Altitudo vero. in sequentibus

oportune dicetur.

(Cette abbaye a eèteè reè noveèe par l'honorable seigneur Brunon et par Guillaume), non seulement sous d'autres aspects, mais aussi par la nouvelle construction d'une eè glise. Pour l'Ýuvre admirable de cette eè glise, le seigneur, en faisant des deè penses et en faisant amener des colonnes de marbre et de pierre, et le reèveèrend abbeè, en engageant des ma|ê tres et en ordonnant l'Ýuvre lui-meê me, construisirent aé la sueur de leur front un temple digne du culte divin. La forme et la finesse de cette construction reè aliseèe avec art n'ont pas eè teè inutilement expliqueèes par eè crit aé certains qui sont moins instruits, car beaucoup de choses semblent avoir eè teè reèaliseèes en elle selon un sens mystique ; elles doivent eêtre plutoêt attribueè es aé l'inspiration divine qu'aé l'habileteè d'un ma|être. Cette eèglise a eèteè fondeèe en l'anneèe de l'incarnation du Seigneur 1001, indiction 14, le 16 des calendes de mars. Sa longueur est presque de deux cents coudeè es, et sa largeur en a 53. Sa hauteur sera indiqueè e plus loin, aé l'endroit opportun.

9

287

annexes Inferior itaque domus orationis in qua sacratissimum corpus sancti 15

Benigni martiris veneratur. eundem pene modum habens quantitatis. fulcitur centum quattuor columnis. Haec in figuram T. litterae facta. quattuor ordines columnarum duodeno dispositas numero equali extenditur in longitudine et latitudine. x. vero cubitis erigitur in altitudine. secreta ex utraque parte habens vestibula. Quinque sane in ea continentur

20

altaria. Primum in honore ipsius sancti Benigni est consecratum. secundum in memoria sancti Nicholai. et omnium confessorum. Tercium in veneratione sanctae Paschasiae virginis quae ibidem quiescit et omnium virginum. Quartum in sancti Hirenei et omnium martirum. Quintum sub nominibus sanctorum confessorum et abbatum lohannis et Sequani. atque sancti

25

Eustadii presbiteri ibidem quiescentis. In hac ergo sanctorum corpora quiescentia sepedicti testis christi beata ambiunt membra. quorum in principio huius libri nomina sunt adnotata. Sanctorum vero confessorum et episcoporum Vrbani et Gregorii corpora. in aecclesia sancti Iohannis baptistae primitus fuerunt tumulata. post longa vero tempora inde elevata.

30

sancti quidem Gregorii medietas corporis in ecclesia sancti Benigni est recondita. tempore quo propter metum paganorum eiusdem sancti martiris effossum corpus delatum fuit ad civitatem lingonas. et tunc alia medietas corporis praefati confessoris illic est retenta. Sancti denique Vrbani corpus levatum et in loculo positum. multis miraculorum signis per eum domi-

35

nus letificavit corda famulorum suorum in hoc loco degentium. Venerabilis vero Isaac antistitis corpus cum exigente templi edificio transferretur

Le lieu de prieé re, dans lequel le corps treé s sacreè du martyr saint Beè nigne est veè neèreè, a presque la meême dimension et il est supporteè par cent quatre colonnes. Il a la forme de la lettre T, et posseéde quatre rangeè es de colonnes disposeè es en nombre eègal de douze. Il est aussi long que large, et il a douze coudeè es de haut. De chaque coê teè, il y a des acceé s retireès. Il renferme aussi cinq autels. Le premier a eèteè consacreè en l'honneur de saint Beè nigne lui-meê me ; le second, aé la meèmoire de saint Nicolas et de tous les confesseurs ; le troisieé me, pour veèneèrer sainte Paschasie, vierge, qui repose au meême endroit, et toutes les vierges ; le quatrieé me, [pour veè neèrer] saint Ireèneèe et tous les martyrs ; le cinquieéme, sous le nom des saints confesseurs et abbeè s Jean et Seine, ainsi que de saint Eustade, preêtre, qui repose au meê me endroit. Dans cet [oratoire], les corps des saints, dont les noms ont eè teè citeès au commencement de ce livre, reposent autour des saints membres du teè moin du Christ souvent mentionneè . Mais les corps des saints confesseurs et eè veêques Urbain et Greè goire ont d'abord eèteè

ensevelis

dans

l'eè glise

Saint-Jean-Baptiste,

puis

en

ont

eè teè

exhumeès

longtemps

apreé s.

La

moitieè du corps de saint Greè goire a eèteè dissimuleèe dans l'eèglise Saint-Beènigne, aé l'eèpoque ou é , par crainte des pa|ëens, apreés avoir eèteè exhumeè , le corps du meême saint martyr fut transporteè dans la ville de Langres. Ainsi, la moitieè du corps du confesseur mentionneè est gardeèe en cet endroit. Ensuite, le corps de saint Urbain fut exhumeè et placeè dans un reliquaire. Le Seigneur a reè joui par de nombreux signes miraculeux faits en son nom les cÝurs de ses serviteurs qui demeurent en ce lieu. Mais on rapporte que le corps du veè neè rable eè veêque Isaac, alors qu'il eè tait transporteè ailleurs

288

9

i : la chronique

alio a quibusdam sacerdotibus. maxima ex parte integrum simul cum capite clericalem adhuc praeferente habitum fertur inventum. Similiter et domni Argrimi pontificis ac monachi sacerdotalia cum cucullo necnon interiore 40

cilicio vestimenta. in testimonium ipsius sanctimoniae incorrupta sunt reperta. Ab hoc haud longe reperta est sancta Radegundis. habens ad caput titulum sui nominis in lammina plumbea. cuius ossa cerato involuta linteo sunt inventa in capsa lignea in terra recondita. Ceterorum praeterea sanctorum quorum corpora hic noscuntur tumulata. beatus Gregorius

45

turonorum episcopus mentionem facit eorum quaedam describens miracula. Benigni videlicet martiris nostri specialis patroni. Tranquilli quoque confessoris. necnon Hilarii senatoris et eius coniugis. sanctae Floridae sanctimonialis. atque paschasiae virginis et martiris. Haec a sancto Benigno edocta et baptizata. post eius martirium. sevitia paganorum rapta est ad

50

supplicium. Cumque immobilis in fide christi persisteret. primo carceris afflicta squalore. postea pro confessione deitatis sententia fuit multata capitali. ut quedam vitrea antiquitus facta. et usque ad nostra perdurans tempora eleganti praemonstrabat pictura. Tantorum ergo venerandis corporibus sanctorum. honorabiliter hec de qua modo agitur aecclesia non

55

mediocriter est ditata. exceptis aliorum reliquis sanctorum quos enumerare videtur superfluum. Huic paulo superius descriptae inferiori criptae. coniungitur oratorium ad solis ortum rotundo scemate factum. senarumque inlustratur splendore fenestrarum. xxxvii. cubitos habens in diametro. decem in alto. Hoc oratorium

par des preêtres en raison de la construction de l'eè glise, fut trouveè pour la plus grande part intact, avec sa teête qui portait encore le veê tement cleèrical. De meême, les veêtements sacerdotaux du seigneur Argrim, pontife et moine, avec le capuchon et le cilice aé l'inteèrieur, furent trouveè s. Non loin de lui, fut retrouveè e sainte Radegonde, portant sur la teê te l'inscription de son nom sur une feuille de plomb ; ses ossements, enveloppeè s dans une toile de lin enduite de cire, ont eè teè trouveès dans un coffre de bois enfoui dans la terre. De plus, des autres saints dont on sait que les corps ont eèteè ensevelis ici, Greè goire, eèveêque de Tours, fait mention, en deè crivant certains de leurs miracles : Beènigne, eèpouse ;

martyr, sainte

notre

Floride,

patron

particulier ;

religieuse ;

et

Tranquillus,

Paschasie,

vierge

confesseur ; et

martyre.

Hilaire, Celle-ci,

seè nateur, apreé s

et

son

avoir

eèteè

enseigneèe et baptiseè e par saint Beè nigne, apreé s son martyre, fut enleveè e pour eêtre supplicieè e par la fureur des pa|ëens. Alors qu'elle demeurait ineè branlable dans la foi au Christ, on lui infligea d'abord la malpropreteè du cachot ; par la suite, pour avoir confesseè Dieu, elle fut condamneè e aé la peine capitale, comme le montrait dans une belle image un vitrail ancien qui est parvenu jusqu'aé nous. L'eèglise dont il est maintenant question n'a donc pas eè teè faiblement enrichie par les corps veè neèrables de si grands saints, sans parler des reliques des autres saints qu'il semble superflu d'eè numeèrer. é cette crypte infeèrieure deècrite un peu plus haut, est joint, du coê teè du soleil levant, un oraA toire construit de forme ronde, eè claireè par la lumieé re de six feneê tres. Il a trente coudeè es de diameétre et dix de haut. Il (oratoire Saint-Jean-Baptiste) est entoureè d'une triple seè rie de colonnes

9

289

annexes 60

sane terno columnarum ordine insemet regirato. xl videlicet atque viii. geometricali dispositione ambitur. Huius desuper culmen celso erectum fastigio xxiiii. columnarum ac xxx. duorum arcuum tripartita comparis numeri machina divisione. eleganti transvolutum est opere. Hoc sane oratorium sancti Iohannis baptistae sacratum est honore. cuius altare illustra-

65

tur trium fenestrarum lumine. Ab hac aecclesia sunt per cocleam dextra levaque xxxvii. gradus. crebris sufficienter illustrati fenestris. per quos inoffenso ascenditur tramite ad basilicam sanctae Dei genitricis Mariae. Ipsa vero aecclesia .lxviii. subnixa est columnis. eundem fere habens modum et formam in diametro sive in

70

altitudine quem et inferior. undenisque irradiatur vitreis. Ad altare autem eiusdem perpetuae virginis marmoreum. per quattuor tripartitos ascenditur gradus. Iuxta quos hinc et inde sunt altaria. ad dexteram quidem Iohannis evangelistae. ac Iacobi fratris eius sanctique Thomae apostoli. ad levam vero sancti Mathei. Iacobi et Philippi apostolorum.

75

Hinc iterum concordantes et satis lucidi utrinque per cocleam ad aecclesiam sanctae et individuae trinitatis xxx. gradus continuatum praestant ascensum. Haec in modum coronae constructa. triginta quoque et sex innixa columnis. fenestris undique ac desuper patulo caelo lumen infundentibus micat eximia claritate. Amplitudine inferiori domui con-

80

similis sed xx. cubitorum altitudinis. Altare sanctae trinitatis ita est positum. ut undecumque ingredientibus ac ubicumque per aecclesiam consistentibus sit perspicuum.

é son sommet, se deè ploie une eèleè gante vouête disposeè es geèomeètriquement par quarante et par huit. A reposant sur vingt-quatre colonnes et trente-deux arcs, reè partis eègalement sur trois parties de la structure. Cet oratoire a eè teè consacreè en l'honneur de saint Jean-Baptiste, dont l'autel est eè claireè par la lumieé re de trois feneê tres. é partir de cette eè glise A

1

[le sous-sol de la rotonde], il y a deux escaliers de trente-sept marches,

tournant aé droite et aé gauche, assez bien eè claireès par de nombreuses feneê tres, par lesquels on peut monter sans difficulteè aé la basilique de sainte Marie, meé re de Dieu. Cette meê me eèglise est supporteèe par soixante-huit colonnes ; elle a la meê me dimension et la meê me forme en diameé tre ou en hauteur que [l'eèglise] infeè rieure ; elle est eè claireèe par onze vitraux. On monte aé l'autel de marbre é coêteè de ceux-ci, de de cette meême [Marie], toujours vierge, par quatre degreè s diviseès en trois. A part et d'autre, il y a des autels : aé droite, celui de Jean l'eè vangeèliste, de Jacques, son freé re, et de saint Thomas, apoê tre ; aé gauche, celui de saint Matthieu et des apoê tres Jacques et Philippe. De laé [l'eètage], aé nouveau, deux escaliers tournants de trente marches, assez bien eè claireès, permettent de monter aé l'eèglise de la Sainte et indivise Triniteè . Construite en forme de couronne et appuyeè e sur trente-six colonnes, la lumieé re brille d'un eè clat exceptionnel par des feneê tres sur tous les coê teès et depuis un ciel ouvert [l'ouverture du doê me]. Elle a une dimension semblable aé celle de la maison infeè rieure, mais elle a vingt coudeè es de haut. L'autel de la Sainte Triniteè est placeè de telle sorte qu'il soit facilement vu de ceux qui entrent de partout et se tiennent partout dans l'eè glise.

(1) Remarque : le meê me lieu est deèsigneè comme domus orationis, cripta et ecclesia.

290

9

i : la chronique

Inde per quadrigeminas scalas altrinsecus factas. ad supprema patet ascensus. quarum duae equali modo positae per quindecim gradus usque 85

sancti Michaelis protenduntur oratorium. habens in longitudine cubitos .xxxiii. in altitudine .x. vili facta scematae. fenestras habet vii. aliae vero quin duae per quaginta gradus sursum dirigunt gressum. Ad ima autem harum scalarum bina super murum deambulatoria sunt facta. quae equali spacio ab orientali parte usque ad occidentalem et infra

90

templum per arcus deambulatorios. et supra tectum domus muro altitudinis ferme trium cubitorum. circumquaque pergentium a ruina protegunt incessum. Haec tamen ad dexteram sinistramve partem templi incipientes. interius. et subtus alas eius gressum per quosdam occultos aditus ad suprema tecti dirigentes. plano ut dictum est calle deducunt

95

introrsus undique donec superliminare occidentalium portarum adtingentes per pariles scalas xx. graduum in porticus aecclesiae maioris deponunt. Quae ad instar crucis edificata. habet in longitudine cubitos centum viginti octo. in latitudine sicut praescriptum est quinquaginta tres. in altitudine quaquaversum permaximos triginta et unum cubitos. in medio

100

autem quadraginta. Inluminatur septuaginta vitreis. fulciturque centum viginti et una columnis. quarum nonnullae iuxta capita fortissimarum quae sunt xl. pilarum quadrangulatim statutae. una quasi simul coronari videntur corona. quamvis non unius sit magnitudinis omnium forma. Habet hinc et inde geminas porticus dupliciter transvolutas. in quibus bis

105

bina. continentur altaria. A parte quidem aquilonis unum in honore

De laé, on peut monter au sommet par quatre escaliers construits de part et d'autre. Deux d'entre eux, placeè s de fac°on identique, permettent d'atteindre l'oratoire Saint-Michel en montant quinze marches. [L'oratoire], d'une facture treé s simple, a trente-trois coudeè es de long, dix de haut ; il a sept feneêtres. Mais les deux autres [escaliers] dirigent les pas vers le haut par cinquante marches. è galement espaceè s depuis Au bas de ces escaliers, deux passages ont eè teè construits sur le mur. E la partie orientale jusqu'aé la partie occidentale, sous le temple par des passages et sur le toit de la maison par un mur eèleveè d'environ trois coudeè es, ils proteé gent de la chute ceux qui se promeé nent partout alentour. Toutefois, ces [passages] conduisent vers l'inteè rieur par un chemin de plain-pied, comme on l'a dit, ceux qui se dirigent vers la partie droite ou la partie gauche du temple et qui se dirigent vers la partie la plus eè leveèe du toit en passant sous les ailes par des passages cacheè s ; aé l'inteèrieur, jusqu'aé ce qu'ils atteignent de partout le linteau des portes qui se trouvent aé l'ouest, ils descendent par des escaliers semblables de 20 marches jusqu'aux bas-coê teès de l'eèglise majeure. Celle-ci, construite en forme de croix, a une longueur de cent vingt-huit coudeè es ; comme on l'a deèjaé dit, sa largeur est de cinquante-trois [coudeè es] ; sa hauteur, dans tous les sens, est d'au plus trente et une coudeè es, mais au milieu, de quarante coudeè es. Elle est eè claireèe par soixante-dix vitraux et s'appuie sur cent vingt-et-une colonnes, dont certaines, vers le haut, sont treé s fortes ; elles sont constitueèes de quarante piliers quadrangulaires, qui paraissent eê tre couronneès d'une couronne, bien que la forme de chacun n'ait pas la meê me dimension. De part et d'autre, il y a des chapelles jumelles aé vouête transverse, dans lesquelles se trouvent deux fois deux autels. Du coê teè

9

291

annexes sanctorum apostolorum Petri et Andreae. alterum in honore sancti Bartholomei. atque Simonis et Taddei apostolorum. Sancti vero Pauli altare est in superiori aecclesia ante aram Sanctae Trinitatis. et quod ipse raptus ad tercium caelum vidit secreta dei. A meridie sunt altaria. unum in honore 110

sanctorum apostolorum Mathiae et Barnabae. ac Lucae evangelistae. aliud in honore sanctorum martirum Stephani. Laurentii. atque Vincentii. Est aliut

1

altare ad occidentalem plagam aecclesiae in eodem latere

meridiano. in honore sanctorum Mammetis. Desiderii. Leodegarii. Sebastiani. Gengulfi martirum. Et ex parte altera sanctorum martirum Policarpi. 115

Andochii. Tirsi. Andeoli. Simforiani. Georgii. Christofori. et sanctorum confessorum Vrbani

et

Gregorii. quorum corporibus adornatur praesens

domus. Principale altare est sacratum in honore sanctorum Mauricii atque Benigni. simulque omnium sanctorum. Altare ad dexteram eius in honore sancti Raphaelis archangeli. et omnium beatorum spirituum. ad levam vero 120

in honore sancti Marci evangelistae. Atque in medio ipsius aecclesiae altare sanctae crucis omniumque sanctorum. Ante hoc altare triplex constat introitus criptae. et in xv. gradibus ascenditur ab ipsa ad superiorem aecclesiam. Sepulchrum vero sancti et gloriosi martiris ita est constructum. Est

125

tumba ex quadris edificata lapidibus. quae octo cubitos in longum quinque autem tenet in latum. cuius cacumen lapideum quattuor sustinetur suffragio columnarum. Desuper autem quattuor columnae marmoreae locatae erant antiquitus. olim super lapideos arcus quos continebant. apsidam fere-

(1) Martindale a corrigeè û

Est aliut alta ý dans le texte latin publieè dans la copie de son article qu'il m'a

transmise.

nord,

l'un

en

l'honneur

des

saints

apoê tres

Pierre

et

Andreè ,

l'autre,

en

l'honneur

des

saints

Bartheèlemy, Simon et Thaddeè e, apoêtres. Mais l'autel de saint Paul se trouve dans l'eè glise supeèrieure, devant l'autel de la Sainte Triniteè : emporteè au troisieé me ciel, il voit les secrets de Dieu. Du coêteè sud, il y a des autels : l'un en l'honneur des saints apoê tres Matthias et Barnabeè , ainsi que de è tienne, Laurent et Vincent. Il y a un l'eèvangeèliste Luc ; l'autre, en l'honneur des saints martyrs E autre autel du meême coêteè sud, en allant vers la partie occidentale de l'eè glise, en l'honneur des saints martyrs Mammeé s, Didier, Leèger, Seèbastien et Gengoul. Et de l'autre coê teè , [en l'honneur] des saints martyrs Polycarpe, Andoche, Thyrse, Andeè ol, Symphorien, Georges, Christophore, et des saints confesseurs Urbain et Greè goire, dont les corps ornent la preè sente eèglise. L'autel principal est consacreè en l'honneur des saints Maurice et Beè nigne, et de tous les saints. L'autel qui est aé sa droite, en l'honneur de l'archange saint Raphae« l et de tous les esprits bienheureux ; celui qui est aé sa gauche, en l'honneur de l'eè vangeèliste saint Marc. Et au milieu de l'eè glise elle-meême, l'autel de la sainte Croix et de tous les saints. Devant cet autel, se trouve la triple entreè e de la crypte, et l'on monte par quinze marches de celle-ci aé l'eèglise supeèrieure. Le seèpulcre du saint et glorieux martyr est construit de la manieé re suivante. Le tombeau est fait de pierres carreè es ; il a huit coudeè es de long et cinq de large. La partie supeè rieure en pierre est soutenue par quatre colonnes. Au-dessus, il y avait quatre colonnes de marbre aé une eèpoque ancienne : autrefois, sur les arcs de pierre qu'elles soutenaient, elles portaient une abside en bois de six coudeèes de long, de trois de large et de sept et demie de haut. Celle-ci, partout recouverte d'or et

292

9

i : la chronique

bant ligneam. sex cubitorum longitudinis et trium latitudinis. septemque 130

ac semis altitudinis. Quae undique auro ac argento vestita. historiam dominicae nativitatis et passionis praemonstrabat. anaglipho prominentem opere. pictura satis optima. Verum hoc decentissimum de quo loquimur ornamentum. ob recreationem pauperum tempore famis fuit dissipatum a domno abbate Willelmo. et cum capsa aurea mirifice gemmis exornata.

135

pariterque tribus tabulis ac duobus turibulis argenteis crucibusque ac omne ornamentum in auro et argento venumdatum est. Ante hec vero tempora. insignia ornamenta videlicet gemmae. pallia preciosa. capsae. tabulae. coronae. vasa quoque aecclesiastica seu candelabra. ex auri argentique metallo fabricata. cum imagine salvatoris domini nostri ex

140

auro fusili opere facta. latronum fraude in ipsius sancti festivitate occisis custodibus furto fuerunt asportata. Haec ornamenta a guntranno et ceteris regibus huic loco pro veneratione et honore dei sanctique Benigni martiris antiquitus conlata. sed priscis temporibus sacrilega pessimorum manu sublata. nullus postea extitit principum qui tantum potuisset recuperare

145

thesaurum. Haec ad notificandam divionensis loci antiquitatem et gloriam paucis dicta sint. Illud in fine notificandum est. in templi istius edificio esse columnas trecentas septuaginta et .i. exceptis illis que in turribus et altaribus sunt. Fenestrae clausae vel claudende vitro. centum viginti. Turres octo. porte

150

ti

tres. ostia xx . iiii

or

.

d'argent, preèsentait l'histoire de la naissance et de la passion du Seigneur, ouvrageè e en relief et treés bien peinte. Mais ce treé s bel ouvrage dont nous parlons a eè teè deètruit par l'abbeè Guillaume, lors d'une famine, afin de venir en aide aux pauvres, ainsi qu'une chaê sse en or magnifiquement orneè e de pierres. De meême a-t-on vendu trois tables, deux encensoirs et des croix en argent, ainsi que tous les ornements en or et en argent. Avant cette eè poque, des ornements remarquables par les pierres, des veêtements preècieux, des chaê sses, des tables, des couronnes, ainsi que des vases d'eè glise ou des candeèlabres, fac°onneès en meètal d'or et d'argent, avec l'image du Sauveur, notre Seigneur, reèaliseèe en or fondu, ont eè teè emporteès le jour meême de la feête du saint, voleè s par de ruseè s brigands, apreés que les gardiens eurent eè teè tueè s. Ces ornements avaient eè teè reè unis autrefois dans ce lieu par Gontran et d'autres rois afin de veè neèrer et d'honorer Dieu et le martyr saint Beè nigne ; mais, aé une eèpoque ancienne, ils furent enleveè s par la main sacrileé ge de bandits. Par la suite, aucun prince ne fut en mesure de reè cupeèrer un tel treèsor. Que cela soit dit afin de faire conna|ê tre l'ancienneteè et la gloire de cet endroit de Dijon. Pour finir, il faut noter qu'il y a dans cet eè difice du temple trois cent soixante et onze colonnes, sans compter celles qui se trouvent dans les tours et sur les autels. Il est eè claireè par cent vingt feneêtres vitreèes ou aé vitrer. Il a huit tours, trois portails et vingt-quatre portes. (traduction de Jacques Meè nard)

9

293

annexes II

Le Coutumier Caput XI. De Ecclesia Sanctae Mariae caeterisque membris ecclesiae

Paris, BNF, Collection de Bourgogne, t. 11, Annales manuscrites de Saint-Beè nigne, f. 83r-v. D'apreé s la transcription de Carol Heitz, û Lumieé res anciennes et nouvelles sur Saint-Beè nigne de Dijon ý, dans Du

vii

e

au

xi

e

è difices monastiques et culte en Lorraine et en Bourgogne, eèd. C. Heitz, Centre sieécles : E

ê ge, Cahier 2 (Nanterre, 1977), p. 77. de recherches sur l'antiquiteè tardive et le haut Moyen A Altare maius de ecclesia Sanctae Mariae est consecratum in honorem eiusdem Dei et Domini nostri Jesu Christi, Genitricis suntque in eo reliquiae ipsis et sanctorum Inocentium. Altare in dextro latere in honorem sancti Johannis apostoli et evangelistae et sancti Jacobi fratris eius atque sancti Thomae apostoli. Altare in sinistro latere 5

in honorem sancti Mathei apostoli et evangelistae et sanctorum apostolorum Philippi et Jacobi atque trium puerorum. Altare de sinistro membro ecclesiae versus aquilonem in honorem sancti Petri apostoli et sancti Andreae, fratris eius. Altare iuxta ad dexteram in honore beati Bartholomaei apostoli et sanctorum Simonis et Iudae apostolorum. Altare de dextro membro ecclesiae in parte australi in honorem beati protomartyris Stephani et

10

sanctorum Laurentii atque Vicentii martyrum. Altare iuxta ad sinistram in honorem beati Mathiae apostoli et sanctorum Lucae evangelistae atque Barnabae apostoli. Altare in medio ecclesiae in honorem sanctae ac benedictae Crucis Christi Domini Salvatoris in qua idem de diabolo triumphans totummundum pio cruore redemit. Altare quod est ad sinistram in superioribus porticus ecclesiae in honore sancti Policarpi episcopi

15

et martyris et sanctorum martyrum Benigni, Georgii, Symphoriani, Andoclii, Tyrsi, Andeoli atque Christophoris necnon Lingonensium praesulum Urbani atque Gregorii. Altare quo est ad dextram eodem modo in honorem sancti Mammetis martyris atque sanctorum martyrum Sebastiani, Gengulfi, Leodegarii, Cosmae et Damiani. Altare superioris ecclesiae versus occidentem est dedicatum in honorem sanctissimae

20

et individuae Trinitatis Patris et Filii et Spiritus sancti. Altare eiusdem ecclesiae aliud in parte orientali in honorem sancti Pauli apostoli et sanctorum martyrum Dyonisii, Apollinaris, Cirici. sanctorumque confessorum Remigii et Remacli episcoporum. Altare excellentioris ecclesiae in plaga orientali in honorem beati Michaelis archangeli et sanctorum martyrum Cosmae et Damiani atque sancti

25

Philiberti abbatis. Altare inferioris ecclesiae in honore beati Johannis Baptistae et sanctorum Clementis papae, Nazarii et Celsi martyrum. Altare de crypta confessionis, consecratum in honorem sancti ac beatissimi sacerdotis et martyris Christi Benigni, ubi et sacratissimum Corpus ipsius requiescit. Altare iuxta ad dextram in honorem sanctae Pascasiae Virginis et martyris, et sanctarum Agathae, Agnetis, Ceciliae, Luciae

30

et omnium virginum. Altare etiam iuxta hoc in parte australi in honorem sancti Hirenaei episcopi et martyris et sanctorum Tiburtii, Mammetis, Sebastiani, Desiderii et omnium martyrum. Altare ex altera parte iuxta sepulchrum Sancti in honorem sancti Nicolai episcopi et confessoris et sanctorum Hilarii, Gregorii, Lingonensis, Philiberti, Ambrosii, Augustini, Silvestri, Taurini, Donatii, Germani, Arunulfi et omnium

35

confessorum. Altare iuxta hoc in parte quilonari in honorem sancti Eustadii presbyteri et confessoris. Altare de capella infirmorum est consecratum in honorem sancti Patris nostri Benedicti et sanctum confessorum Silvestri, Gregorii papae, Martini episcopi, Jeronimi presbyteri. In omnibus itaque praedictorum sanctorum solemnitatibus, si duodecim lectiones inde fiunt si processio ad praefata altaris post matutinam vel

40

vesperas et cantatur ibi missa matutinalis, exceptis his quae conventui minus congrua in accessu esse videntur. Debet etiam inibi in praedictis festivitatibus luminare ardere tam in nocte quam in die.

294

9

ii : le coutumier

Chapitre XI. L'eèglise Sainte-Marie et ses composantes

L'autel majeur de l'eè glise de Sainte-Marie a eè teè consacreè en l'honneur de la meê me Meére de Dieu et de notre Seigneur Jeè sus, le Christ, et il y a en elle des reliques d'eux et des saints Innocents. L'autel du coê teè droit [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Jean, apoê tre et eèvangeèliste, et de saint Jacques, son freére, et de saint Thomas, apoê tres. L'autel du coê teè gauche (septentrional) [a eè teè consacreè] en l'honneur de saint Matthieu, apoê tre et eèvangeèliste, et des saints apoê tres Philippe et Jacques, et des trois enfants. L'autel de la partie gauche de l'eè glise, en direction du nord, [a eè teè consacreè] en l'honneur de l'apoêtre saint Pierre et de saint Andreè , son freé re. L'autel voisin, aé droite, [a eèteè consacreè] en l'honneur du bienheureux apoê tre Bartheè lemy et des saints apoêtres Simon et Jude. L'autel de la partie droite de l'eè glise, en direction du sud, [a eè teè consacreè] en l'honneur du è tienne et des saints martyrs Laurent et Vincent. L'autel voisin, aé bienheureux premier martyr E gauche, [a eè teè consacreè] en l'honneur de l'apoêtre Matthias et des saints Luc, eè vangeèliste, et Barnabeè, apoêtre. L'autel au milieu de l'eè glise [a eèteè consacreè] en l'honneur de la sainte et bienheureuse Croix du Christ, Seigneur et Sauveur, par laquelle, en triomphant totalement du Diable, il a accompli la reè demption par son sang sacreè . L'autel qui est aé gauche, dans le portique (collateè ral) supeèrieur de l'eèglise, [a eè teè consacreè] en l'honneur de saint Polycarpe, eè veêque et martyr, et des saints martyrs Beènigne, Georges, Symphorien, Andocle, Thyrse, Andeè ol et Christophore, de meê me que des eèveêques de Langres, Urbain et Greè goire. L'autel qui est aé droite [a eè teè consacreè] de la meême fac°on en l'honneur de saint Mammeé s, martyr, et des saints martyrs Seè bastien, Gengoul, Coê me et Damien. L'autel de l'eè glise supeè rieure, en direction de l'ouest, a eè teè deèdicaceè en l'honneur de la treés sainte et indivise Triniteè du Peére, du Fils et du Saint-Esprit. L'autre autel de la meê me eèglise, dans la partie tourneè e vers l'est, [a eè teè consacreè ] en l'honneur de l'apoê tre saint Paul et des saints martyrs Denis, Apollinaire, Cirice et des saints confesseurs Reè mi et Reèmacle, eè veêques. L'autel de l'eèglise la plus eèleveèe du coê teè oriental [a eè teè consacreè ] en l'honneur du bienheureux Michel, archange, et des saints martyrs Coê me et Damien, ainsi que de saint Philibert, abbeè . L'autel de l'eè glise infeèrieure [a eè teè consacreè] en l'honneur du bienheureux Jean-Baptiste et des saints Cleèment, pape, Nazaire et Celse, martyrs. L'autel de la crypte de la confession a eè teè consacreè en l'honneur du saint et treé s bienheureux preê tre et martyr du Christ, Beè nigne, oué son treés saint corps

repose.

L'autel



droite

(du

coê teè

meèridional)

[a eè teè

consacreè]

en

l'honneur

de

sainte

Paschasie, vierge et martyre, et des saintes Agathe, Agneé s, Ceècile, Lucie et de toutes les vierges. L'autel proche de celui-ci, du coê teè sud, [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Ireè neèe, eèveêque et martyr, et des saints Tiburce, Mammeé s, Seèbastien, Didier et de tous les martyrs. L'autel de l'autre coêteè (septentrional), preé s du seèpulcre du saint [Beè nigne], [a eèteè consacreè] en l'honneur de saint Nicolas, eèveêque et confesseur, et des saints Hilaire, Greè goire de Langres, Philibert, Ambroise, Augustin, Silvestre, Taurin, Donat, Germain, Arnoul et de tous les confesseurs. L'autel preé s de celui-ci, du coê teè nord, [a eèteè consacreè ] en l'honneur de saint Eustade, preê tre et confesseur. L'autel de la chapelle des malades a eè teè consacreè en l'honneur de notre saint peé re Beno|êt et des saints confesseurs Silvestre, Greè goire, pape, Martin, eè veêque, Jeèroême, preêtre. Lors de toutes les feê tes des saints mentionneès, si on fait douze lectures et s'il y a une procession aux dits autels apreé s matines ou veêpres, l'on y chante aussi une messe matutinale, sauf quand ils semblent d'acceé s moins commode pour la communauteè . Il doit aussi avoir [sur ces autels], lors des meê mes feêtes, une lampe qui bru ê le de nuit comme de jour. (traduction de Jacques Meè nard)

9

295

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Valous,

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monasterii

sancti

Benigni ý,

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bourg

et

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9

319

LISTE DES PLANCHES 1. Saint-Beènigne, restitution (C. Malone) (G. Monthel, del.). 2. Saint-Beè nigne, plans, crypte et l'eè glise Saint-Beè nigne, fouilles, C. Malone, d'apreé s le plan de è tudes Meèdieèvales d'Auxerre, publieè s par C. Sapin (avec la collaboration de G. Feévre, Centre d'E C. Arnaud et W. Berry), Bourgogne romane, Dijon, 2006, p. 61. 3. Saint-Beè nigne, Plans hypotheè tiques de la crypte et de l'eè glise Saint-Beè nigne au xi

e

sieécle, baseès

sur la chronique, les plans de Plancher et les fouilles (en traits noirs) (C. Malone) (G. Monthel, del.). 4. Saint-Beènigne : sondages 3, 4, 5 (G. Monthel, del.). 5. Saint-Beènigne, rotonde, plan du niveau infeè rieur, U. Plancher, Histoire geèneèrale et particulieére de la Bourgogne, t. 1 (Dijon, 1739-1748), p. 458 (photo F. Perrodin, Dijon). 6. Saint-Beè nigne, rotonde, plan du deuxieé me niveau, Plancher, Histoire, p. 489 (photo F. Perrodin, Dijon). 7. Saint-Beènigne, rotonde, plan du troisieé me niveau, Plancher, Histoire, p. 491 (photo F. Perrodin, Dijon). 8. Saint-Beè nigne, rotonde, coupe longitudinale, Plancher, Histoire, p. 499 (photo F. Perrodin, Dijon). 9. Saint-Beènigne, rotonde, crypte (photo C. Malone). 10. Saint-Beè nigne, la chaêsse et le tombeau de saint Beè nigne, Plancher. BNF, CB, t. 14, f. 120r (photo BNF). 11.

Saint-Beènigne,

rotonde,

chapelle

Saint-Michel,

Plancher,

BNF,

CB,

t. 14,

f. 120r

(photo

BNF). 12. Saint-Beè nigne, rotonde, troisieé me niveau, Plancher, BNF, CB, t. 14, f. 120r (photo BNF). 13.

Saint-Beè nigne,

rotonde,

Pierre-Joseph

deuxieé me niveau, BMD, 90034, n

o

Antoine,

troisieé me

niveau,

BMD,

90034,

n

o

21

20 (photo F. Perrodin, Dijon).

14. Saint-Beè nigne, chapelle axiale, coê teè est, Plancher, Histoire, p. 479 (photo F. Perrodin, Dijon). 15. Saint-Beè nigne, rotonde coê teè nord, Plancher, Histoire, p. 479 (photo F. Perrodin, Dijon). 16. Saint-Beè nigne, rotonde, chapelle axiale, deuxieé me niveau, mosa|ëque devant l'autel de la Vierge, dessin de Plancher, BNF, CB, 14, f. 123r (photo BNF). 17. Saint-Beè nigne, chapelle axiale, deuxieé me niveau, mosa|ëque devant l'autel de la Vierge, aigle et lions, par Baudot, BMD, ms. 1602, f. 4 (d'apreé s M. Jannet-Vallat et F. Joubert, eè d. Sculpture meèdieèvale en Bourgogne, collection lapidaire du museè e archeèologique de Dijon, (Dijon, 2000), fig. 30.

6

18. Saint-Beè nigne, Favier, Deè molition de la rotonde de la catheè drale Saint-Beènigne, peinture aé l'huile sur bois 326

433 mm, BMD, deè pot de l'Acadeè mie, 90.130, (photo C. Malone).

19. Saint-Beè nigne, lithographie de la crypte de la rotonde vers 1859 ; dessin par Cambon, figures par Bayot, lith. par Eug. Ciceè ri, Imp. Lemercier, Paris 1860, BNF 186 (photo BNF). 20. Saint-Beè nigne, rotonde, crypte, chapiteau ouest : Orant, l'angle sud-est (photo C. Malone). 21. Saint-Beè nigne, rotonde, crypte, chapiteau est : Orant, l'angle sud-est (photo C. Malone).

9

321

liste des planches 22.

Saint-Beè nigne,

rotonde,

crypte,

l'heè micycle,

chapiteau

sud,

l'angle

sud-est :

monstre

et

sud-est :

monstre

et

personnage attaqueè (photo C. Malone). 23.

Saint-Beènigne,

rotonde,

crypte,

l'heè micycle,

chapiteau

nord,

l'angle

personnage attaqueè (photo C. Malone). 24. Saint-Beè nigne, lion, bas-relief, museè e archeèologique de Dijon (photo C. Malone). 25. Saint-Beè nigne, aigle, bas-relief, museè e archeèologique de Dijon (photo C. Malone). 26. Saint-Beè nigne, monasteé re, plan de 1652, AN, III, Coê te d'Or 5 (2) (photo C. Malone). 27. Saint-Beè nigne, clo|être, vu du nord, par Prinstet, secreè taire de M. L'abbeè de C|ê teaux, 1674, BNF, CB, t. 11, f. 717r (photo BNF). 28. Saint-Riquier, Centula (gravure de Jean Mabillon, Acta sanctorum, saec. IV, [Paris, 1677,] p. 111 baseèe sur un dessin du

xi

e

sieécle par Hariulf (photo V. Jansen).

29. Restitution de Saint-Pierre de Flavigny (G. Fevre-C. Sapin, 1999). 30.

Plan

de

Saint

Gall,

The

Institute

for

Advanced

Technology

in

the

Humanities

at

the

University of Virginia, St. Gall Monastery Plan Digital Project (B. Frischer et P. Geary, PIs, et E. Triplett), copyright Board of Visitors, University of Virginia, 2007. 31. Cluny II et l'eè glise Sainte-Marie en 1032 (d'apreé s Kenneth John Conant, Cluny : les eèglises et la maison du chef d'ordre (Maêcon, 1968), fig. 4). 32. Pantheèon, coupe d'apreé s A. Desgodetz, Les eèdifices antiques de Rome (Paris, 1779), pl. 6. 33.

Pantheèon,

comparaison

avec

Saint-Beè nigne

(d'apreés

A. Olivier,

û La

Rotonde

de

Saint-

Beènigne : Quelques comparaisons architecturales dont le Temple de Veè sone aé Peè rigueux ý, dans Guillaume de Volpiano et l'architecture des rotondes, eè d. M. Jannet et C. Sapin, Dijon 1996, p. 196, fig. 3, 4. 34. Carte des possessions vers 1002 (C. Malone). 35. La parenteè de l'abbeè Guillaume et de l'eè veêque Brun (C. Malone). 36.

Carte

de

la

reèforme

de

Guillaume,

d'apreé s

N. Bulst,

Untersuchungen zu den Klosterreformen

Wilhelms von Dijon (962-1031) (Bonn, 1973), p. 278. 37. Carte des celles (cellae) de Saint-Beè nigne (1031), d'apreé s N. Bulst, Untersuchungen zu den Klosterreformen Wilhelms von Dijon (962-1031) (Bonn, 1973), p. 279. 38. Diagramme, les autels de la rotonde de Sainte-Marie, Dijon (C. Malone).

322

9

INDEX THEè MATIQUE, DES NOMS DE PERSONNES ET DES NOMS DE LIEUX

Acta concilii Remensis ad sanctum Basolum, 89-90, 131-

Lux de luce, 184 O beata infantia, 181

32 Adalbeèron, archeveê que de Reims, 89

Occurrunt turbae, 208-09

Adalbeèron, eèveêque de Laon, 89 n. 92, 107, 248

Pueri Hebraeorum, 207-10 Quae est ista, 187

n. 129 Adalbert d'Ivreè e, fils de Beèrenger II, 79 n. 26, 87,

Saluator mundi, 209

122

Sedit angelus, 213

Adeèla|ëde d'Anjou, comtesse d'Arles, 117 Adeèla|ëde, impeè ratrice, eèpouse d'Otton I

Responsum acceperat, 181-82

er

, 78

Aelfric, abbeè d'Eynsham, 233 Aelis, comtesse de Chalon (eè pouse de Lambert et meére d'Hugues), 124 n. 52 Aethelwold, abbeè d'Abingdon, 76 Agathe, sainte, 150, 158 n. 58, 156, 165, 167-68, 294-95 Agaune, Saint-Maurice d', abbaye, 56 n. 166 Agliate, San Pietro, eè glise, 49-51

Sicut lilium, 188, 234 Tota pulchra, 185, 188, 213, 242 n. 95 Venit lumen, 183-85

Antoine, Pierre-Joseph, ingeè nieur, 47, 54, 66, 155 n. 58, 181, 248, 279 Aoste,

Santa

Maria

Assunta,

catheè drale,

50

n. 133, 58 Arculfe,

eèveêque

saintongeais,

61,

63

n. 207,

67

n. 232

Agneés, sainte, 150, 165, 167, 168

Arduin, marquis d'Ivreè e, 78-79

Agrim, eèveêque de Langres, 129 n. 84

Arnoul, archeveêque de Reims, 89 n. 90, 90, 131

Aix-la-Chapelle, Sainte-Marie, chapelle palatine architecture 57-58, 62 n. 210, 67, 72, 100, 102, 106 n. 79, 109, 142-43, 260 è vangile d 'Aix, 106 E situla, 102-05

Amalaire de Metz, 156 Ambroise Aupert, 233, 241 Ambroise, saint, eè veêque de Milan, 152-53, 167, 227, 231, 233 n. 38, 235, 239, 294-95 Angilbert, abbeè de Saint-Riquier, 76

n. 98, 132-33, 142, 152 Arnoul, eèveêque de Tours, 152, 167 n. 139, 294-95 Aubereèe, meére de Brun de Langres, 85 Augsbourg, Sainte-Marie, catheè drale, 57-58, 94, 134 Augustin, saint, eèveêque d'Hippone, 152, 167, 190, 228-31, 233, 235, 241-42, 248, 250-52, 256-59, 281, 294-95 Auxerre, Saint-Germain, abbaye, 94 n. 5, 98, 124 n. 54

Annales de Flodoard, 132

architecture, 141, 162

Antiennes

Azon

Adorna thalamum tuum, 181-82, 242

(Adson

de

Montier-en-Der ?),

abbeè

de

Saint-Beènigne, 94

Ave gratia plena, 181-82 Ave rex noster, 208 Christus resurgens, 214

Baudot, Henri, Preè sident de la Commission des Antiquiteès de la Coête d'Or, 48

Collegerunt, 209 n. 19, 210 n. 26

Baudot, Louis-Beè nigne, avocat, 47, 54, 239-40

Crucifixum, 213-14

Baume-les-Messieurs, abbaye, 46 n. 109, 59

Cum appropinquaret Dominus, 207-08

Beéde le Veèneèrable, 18, 189-90, 241

Cum audisset populus, 207-08

Beno|êt de Nursie, saint, 36, 39 n. 79, 167, 177,

Ecce tu pulchra, 187-88

294-95

In die Resurrectionis, 213-14

Reégle, 32, 75

Lumen ad revelationem, 181-84

Beno|êt VII, pape, 105 n. 73, 108, 128

9

323

index architecture :

Beèrenger, abbeè de Montier-en-Der, 117 n. 7

eè glise

º

chevet

61,

166,

197,

Beèrenger II d'Ivreèe, roi de Lombardie, 77-79, 122

277 ; galileèe, 198, 205, 278 ; nef , 59 ; clo|ê -

Bernard de Clairvaux, saint abbeè , 34

tre º aumoê nerie (elymosynarium), 39 ; cellier

Bernard de Cluny, voir Cluny

(cellarium), 39 ; chauffoir (calefactorium), 37 ;

Bernard, eè veêque d'Hildesheim, 76-77, 134-35, 244

cuisine, 38 ; dortoir, 37 ; eèglise Sainte-Marie, 18, 40 n. 80, 68, 166-67, 194 n. 136,

n. 109, 264 Bernay, Notre-Dame, abbaye, 45 n. 106, 96, 142

196, 202 ; infirmerie, 40 ; latrines, 38 ; reè fec-

Beéze, Saint-Pierre, abbaye, 95

toire, 38 ; salle capitulaire, 36 ; parloir ( auditorium), 36 ; petit clo|ê tre des novices, 40

Brun, archeveêque de Cologne, 56, 60, 76, 85-86,

è glise de Cluny III, 157, 194 n. 136 ; architecE

88-89, 134-35, 143 Brun de Roucy, eè veêque de Langres, 12, 20, 21,

ture : chÝur, 203

26-27, 32, 56, 60, 69, 72-73, 75-77, 80, 85-96,

Codex Uota, 244-46, 264

98, 108, 113, 115-16, 119-27, 129-45, 155, 225,

Cologne Saint-Pierre

247, 275-77, 284, 287

et

Sainte-Marie,

catheè drale,

56,

59, 135 n. 119 Capeètiens, 20, 23-24, 27, 89-90, 98, 115, 118, 120

chitecture, 260-61

Centula/Saint-Riquier, abbaye

Constance

eèglise, 57, 67 n. 232, 162, 164, 216, 247 rotonde Sainte-Marie, 67 n. 232, 162, 169, 207,

d'Arles,

deuxieéme

eèpouse

de

Robert

II, 117-18, 124, 140 Constantin

216

le

Grand,

empereur

de

Rome,

90

n. 92, 101-04

processions, 207 n. 11, 216-17, 220

Coutumiers monastiques

Westwerk Saint-Sauveur, 217, 220

Charlemagne, roi des Francs, empereur, 100, 10204

2

Consuetudines Antiquiores B , voir Dijon Consuetudines Cluniacenses antiquiores, voir Cluny

Charles-le-Chauve, roi des Francs, empereur, 32, 106 n. 78, 130 n. 77, 239 n. 74, 248-49

Chaêtillon-sur-Seine, Saint -Vorles, colleègiale,

59-

60, 143

25, 39 n. 75, 148 n. 5, 156 n. 64, 166-68, 173179,

181,

193

184,

185

n. 130,

n. 74,

194,

196

187-88,

190

n. 145,

197

n. 154, 198 n. 158, 199 n. 163 et n. 164, 20509, 212 n. 36, 37, 38 et 43, 213 n. 47, et n. 48, 214 n. 54, 215, 221-23, 228 n. 9 ; Consuetudines 1

Cluniacenses antiquiores B et B , 25, 166, 172, 175,

179-81, 184 n. 64, 185-88, 193, 206-07, 20910 ;

Ulrich,

173-75,

175,

183,

Coutumiers clunisiens, voir Cluny

Cuneègonde,

coutumiers : Bernard de Cluny, Ordo cluniacensis,

n. 110,

Fructuarienses-Sanblasianae ,

218-19, 217-20

Regularis concordia, 211, 216

Cluny, Saint Pierre et Paul, abbaye

75,

Consuetudines Floriacenses antiquiores, 214 n. 55 Consuetudines

Charles de Lorraine, fils de Louis IV, 85, 90, 132

Consuetudines

178-79,

181,

antiquiores

186

n. 81,

cluniacensis,

188,

190

impeè ratrice,

eèpouse

de

Henry

II,

110, 122 n. 31 Cuxa, Saint-Michel, abbaye, 244, 282

De antiquis, voir Marteéne

Denis, saint, 161, 167, 168, 249 n. 136, 250, 281, 294-95 Denys l'Areè opagite (Pseudo-), 17, 19, 161, 167, 227, 229, 245-51, 253-60, 263, 265, 271-72, 283 Didier, saint, eè veêque de Langres, 151, 159, 167 n. 139, 292, 294-95 Dijon

n. 110, 192-93, 199 n. 164, 207-11, 215, 221,

Bourg Saint-Beè nigne, 209 n. 25

228 n. 9 ; Liber tramitis, 36-40, 68, 167, 174-75,

Castrum, 25, 119, 120 n. 21, 121 n. 27, 127-28,

178-79,

181-82,

185,

188-89,

193-94,

207,

209, 211, 213, 217, 222 n. 103, 223, 228, 248 n. 127 è glise de Cluny II, Saint-Pierre le Vieux, 67, E 162, 166-67

324

Saint-Pantaleè on, abbaye, 60, 76, 143 Compieégne, Sainte-Marie, chapelle palatine, ar-

n. 21, 131, 133, 136-45, 276-77, 284

9

130, 143-44, 160 n. 96, 172, 209- 10, 224, 268 n. 256 Saint-Beènigne, abbaye Annales Sancti Benigni Monasterii Divionensis , 12-

13, 32-34, 47, 69, 123 n. 42

index 280 ;

architecture : eè glise º abside occidentale, 25,

deuxieéme

coutumier :

Bibliotheé que

44, 46, 55-56, 58, 73, 100, 134-36, 140-41,

Nationale de France, Collection de Bourgo-

205, 209-10, 220, 224-25, 275-76, 278, 283 ;

gne, t. 11, Annales manuscrites de Saint -Beè-

bas-coê teès,

nigne,

43-45,

58

n. 180,

225,

280,

157,

159-60,

24-25,

27,

39

n. 79,

40,

147,

166,

chapelle

172-76, 178-80, 182, 184 n. 67, 185, 188-90,

axiale, 33-34, 47-48, 53-54, 61, 66, 153-54,

193-94, 199 n. 164, 205, 206 n. 8, 208-09,

164-65,

168-69,

291 ;

238-40,

211-15, 221-23, 259, 279-80 ; troisieé me cou-

278-81 ; fenestella, 150 ; fosse, 13, 29-31, 34,

tumier : Dijon, Archives de la Coê te d'Or,

149-50 ; nef, 25, 43-46, 58 n. 180, 59, 140,

1H72, 25, 36-37, 39-40, 64, 140 n. 144, 158,

158-60, 164-65, 205-06, 211, 213-17, 221-

160, 173 n. 9, 174-76, 178-79, 181, 183-88,

24, 278 ; passages, 43-45, 279, 291 ; transept,

190-91, 193 n. 129 et 130, 194, 198, 205-13,

170,

194-95,

198,

201,

230,

232,

215-16, 218, 221 n. 92, 222-24, 228, 262

27, 34, 36, 42-46, 56-61, 63, 73, 100, 143,

Liber miraculorum sancti Benigni, 30-31, 128, 278

197, 205, 210 n. 28, 275, 278, 283-84 architecture :

rium),

39 ;

clo|ê tre º cellier

aumoê nerie

(cellarium),

(elymosyna-

39 ;

chapelle

Saint-Beno|êt, 39-40, 166, 193, 198-99, 212, 280 ;

chauffoir

( calefactorium),

37 ;

cuisine,

38 ; dortoir, 37 ; infirmerie, 40 ; latrines, 38 ;

messes priveèes, 196 mosa|ëque, 54, 69, 103, 239, 240 n. 84 plan de 1652, voir Mauristes Suzon, 40, 130 n. 87 Saint-Philibert, eèglise, 192, 208, 209, 211

reèfectoire, 38 ; salle capitulaire, 36 ; parloir

Saint-Vincent, eè glise, 128

(auditorium), 36 ; petit clo|ê tre des novices, 40 ;

Renne, 37-39

Prinstet, dessin de 1674, 35 autels : ma|ê tre-autel (saints Maurice et Beè nigne et tous les saints), 43, 69, 81, 150, 157, 168, 192, 195, 208, 221, 280, 292 ; saint Beè nigne

de

la

crypte,

149,

159-60 ;

Sainte-

Erhard, saint, patron de Niedermu« nster, 244-47, 264 Ermentrude

de

Roucy,

comtesse

de

Maê con,

eèpouse d'Otte-Guillaume, 86-87, 122-23

Croix, 42, 64, 69, 158-60, 165, 169, 171,

Essen, Sainte Marie, abbaye, 45

175,

Eustade, saint, abbeè de Saint-Beènigne, 129 n. 84,

199,

206,

210-14,

217,

220-25,

278,

280 ; saint Jean-Baptiste, 13, 128, 148, 153, 165, 167, 169-70, 230, 290, 292 ; saint Paul,

151 n. 23, 152-53, 288, 294-5 è vangile d'Otton III, 105-06 E

23, 155, 158, 161, 170, 201, 249-50, 256, 273, 281, 284, 289, 292, 294-95 ; saint Michel, 13, 80, 161 n. 99, 162, 164, 198, 20102, 220, 228, 230, 232, 256 244, 246, 281, 284, 291, 295 ; Triniteè , 13, 23, 43-44, 14850, 158, 161, 164, 228, 230, 244, 246, 284,

Farfa, Notre-Dame, abbaye, 30, 36, 55, 56 n. 166, 104, 174, 228 Feècamp, Sainte-Triniteè , abbaye, 81 n. 42, 83, 96, 103, 187, 220, 229 Flavigny-sur-Ozerain, Saint-Pierre, abbaye

291, 295 ; Vierge, 54, 148 n. 5, 153, n. 44,

architecture, 46, 60-61, 64, 279

155, 157, 163, 168, 192, 278-81

autels, 154, 162, 170

chapiteaux, 35 n. 42, 36, 40 n. 84, 45 n. 106, 49-55, 142, 235-40 chronique, 8, 11-13, 17-18, 22-24, 26-27, 2935, 37-38, 40-49, 56-57, 60, 64, 69, 70-72, 75, 80-89, 94-95, 115, 120-24, 127-38, 141,

moines, 124 n. 54 sculpture, 51 n. 139 reliques, 64 Fleury, Saint-Beno|ê t-sur-Loire, abbaye, 214 ; voir aussi Coutumiers monastiques

147, 148-61, 166, 190 n. 109, 192, 197, 201,

Floride, sainte, 151, 289

229-30, 232, 248, 249, 251, 257, 259, 271,

Foulques le Bon, comte d'Anjou, 117

273, 279-83, 285

Fromond, comte de Sens, 119 n. 17, 124 n. 53,

conseècration, 115, 189 coutumiers : premier coutumier º Consuetudines 2

125, 127, 131 Fruttuaria, San Benigno Canavese, abbaye, 64,

Antiquiores B , 25, 171, 175, 177-88, 197,

77-79, 82, 109 n. 107, 135, 142, 217-20, 229 ;

199, 206-14, 219, 224, 228, 234, 242, 262,

charte de fondation, 139, 172 n. 2, 196 ; voir

9

325

index Henri (le Grand), duc de Bourgogne, 95, 119-20,

aussi Coutumiers monastiques

122-27, 132, 138

Fulbert, eèveêque de Chartres, 72, 154 n. 51 Fulda, Saint-Sauveur et Saint-Boniface, abbaye, 55-57, 76, 109, 134-35, 222 n. 103, 225

Henri I

(Warnerius),

eè veêque

de

Langres,

129

n. 84, 133

de

II,

empereur

de

Germanie,

78-79,

103

n. 62, 105 n. 73, 109-10, 127 Henri III, empereur de Germanie, 106-07, 109,

Garnier II de Mailly, fils de Humbert I de Mailly, preèvoêt

(l'Oiseleur), duc de Saxe, puis roi de

Germanie, 85 Henri

Garnier

er

è tienne Saint-E

de

Dijon,

120

n. 21,

130

118 Hilaire, saint, 151-52, 167, 289, 295 Hildesheim, Saint-Michel, abbaye, 58-59, 76-77,

Garnier III, fils de Gui le Riche, puis eè veêque de Paris, 120 n. 21

134-35 Hilduin, abbeè de Saint-Denis, 249 n. 136

Garsias, moine de Cuxa et disciple de l'abbeè Oliba, 163, 244 n. 109

Hugues, abbeè de Cluny, 221 Hugues

Gauzlin de Vienne, eè veêque de Maêcon, 142

Capet,

roi

de

France,

85

n. 66,

89-90,

107, 119, 125, 132, 141

Gerannus, ma|être de l'eècole de la catheè drale de Reims, 86

Hugues

de

Chalon,

eè veêque

d'Auxerre,

124-25,

129, 138 n. 131, 140-41

Gerberge, reine d'Italie, duchesse de Bourgogne, 122-23, 125

Hugues de Flavigny, 82, 119 n. 13 Humbert I

Gerberge de Saxe, fille d'Henri I

er

(roi de Germa-

du

er

de Mailly, comte de Dijon, gardien

castrum de Dijon, 120, 128, 130, 144

Hunaldus, sacristain de Saint-Beè nigne, 84

nie), puis reine des Francs, 85-86 Gerbert d'Aurillac, archeveê que de Reims, ensuite Sylvestre II, pape, 27, 79 n. 26, 86, 89-90, 101, 103, 105, 107, 113, 132, 152, 275 Germain, saint, 152, 162, 164, 167 n. 139, 294-95 Gersende de Gascogne, seconde eè pouse d'Henri le

Hymne

Chorus novae [Jerusalem], 213-14 Gloria laus, 140 n. 144, 209-11, 214 Te Deum, 197, 229, 262 Urbs beata Hierusalem, 18, 189, 242

Grand, 125 Gilbert de Lorraine, eè poux de Gerberge de Saxe,

Ireèneèe, saint, eèveêque de Lyon, 151, 164, 294-95 Isaac, eèveêque de Langres, 129 n. 84

85 Gilbert de Roucy, comte, 90 n. 96

Isidore de Seè ville, saint, 237 n. 66

Gontran, roi d'Orleè ans et de Bourgogne, 293

Ivreèe, Santa Maria, catheè drale, 50, 55

è tienne, abbaye, 96, 109, 134, 217Gorze, Saint-E Jarenton, abbeè de Saint-Beènigne, 25, 173

18, 247 Greègoire le Grand, pape, 227, 229, 233 n. 39, 236

43, 251, 256-58, 260, 264 n. 225, 281-82

Greègoire V, pape, 101, 104, 108 Greègoire, saint, eèveêque de Langres, 88, 129 n. 84, 135, 152, 159-60, 167 n. 139, 190 288, 292, 295 Greègoire,

saint,

eèveêque

de

Tours,

Jean XIX, pape, 109 Jean, abbeè de Feècamp, 18, 228-30, 233, 237, 241-

n. 60, 248-50, 257 n. 185, 266

150-51,

153,

Jean, saint, abbeè de Reèome, 152-53, 294-95 è rigeéne, 17, 19, 227, 245, 247-49, 251Jean Scot E 57, 260-66, 269-70, 272, 281, 283 Jeèrusalem,

167 n. 139, 289

Saint-Seèpulcre,

61-65,

68-69,

72-73,

111, 216-19, 283

Guillaume, archeveê que de Mayence, 57, 78 Guy le Riche, vicomte de Dijon, cousin de Hum-

Jobert,

prieur

de

Saint-Beènigne,

sous

Jarenton,

173

bert I de Mailly, 120

Josaphat, valleèe, tombe de la Vierge, 67, 186 Halinard, abbeè de Saint-Beè nigne, 23, 35, 84, 257 Haymon,

ma|ê tre

d'eècole

d'Auxerre,

233

n. 39,

242, 258 n. 188

Lambert, comte de Chalon, 124 n. 52, 138 n. 131 Lambert, eèveêque de Langres, 33, 115, 129-30, 138

Heldric, abbeè de Saint-Germain d'Auxerre, 247

Landri, comte de Nevers, 124-27

Helgaud de Fleury, 141 n. 148

Lantenas, Hugues, 172-73, 175

326

9

index Laurent de Lieé ge, moine de Saint-Vanne de Ver-

Liber tramitis, voir Cluny

251, 265

Lothaire III, roi des Francs, 85-86, 89-90, 119-26,

er

Odon,

abbeè

de

Cluny,

194

n. 134,

227,

224

n. 108, 251, 257 n. 185, 258-59

131-33, 140, 143, 276 Louis I

Odilon, abbeè de Cluny, 36 n. 45, 38, 96, 101, 104, 106-09, 126, 197-98, 200, 202, 221, 232, 247,

dun, 173

Oliba, abbeè de Cuxa, 163 n. 109, 244 n. 109

(le Pieux), roi des Francs, 70

Louis IV d'Outremer, roi des Francs, 85, 123, 131

Otte-Guillaume, comte de Maê con, 23, 77 n. 18, 79 n. 26, 87, 90, 94-96, 108, 118-29, 136-38,

Louis V, roi des Francs, 86, 89-90, 122, 131

141-43, 277

Louis VII, roi de France, 34 Lucedio, San Michele, abbaye, 79

Ottmarsheim, Sainte-Marie, abbaye, 100

Lucie, sainte, 150, 165, 167-68, 295

Otton I

er

(le Grand), empereur, 56-57, 76-78, 85-

87, 89, 107 n. 81 Mabillon, Jean, 22 n. 60, 40 n. 85, 41, 149, 172, 179, 216 n. 67

Otton II, empereur, 80 n. 34, 107, 119, 132 Otton III, empereur, 27, 79 n. 26, 89 n. 92, 100-

Maêcon, Saint-Vincent, catheèdrale, 142, 283

08, 110, 112-13

Mahaut, troisieéme eèpouse de Henri le Grand, 125

Otton de Verceil, 108

Malmeèdy, Saints Pierre et Paul, abbaye, 161, 247 Mammeés, saint, 151, 159, 165, 167 n. 139, 292, 295

34

Manasseés, abbeè de Saint-Beè nigne, 94, 121 n. 29

Paschasie, sainte, 34 n. 34, 150-53, 167 n. 139,

Marteéne, Edmond, 172, 179-80, 208-10, 215

De antiquis ecclesiae ritibus,

288-89, 295

39-40, 71, 173-76, 178,

181, 184, 188, 190-91, 193, 196, 199-200, 206, 208, 210, 212-15, 221-23, 225

Martyrologium Sancti Benigni Divionensis, 66 n. (congreè gation

de

Paderborn, Saint-Sauveur, abbaye, 56, n. 166 Paris Saint-Denis, abbaye, 17, 72, 225, 247, 271-72,

223

283 ; voir aussi Suger

Matilde, fille de Otte-Guillaume, 124 n. 54 Mauristes

Paschase Radbert, abbeè de Corbie, 186-87, 233-

Saint-Maur),

Saint-Germain-des-Preè s, abbaye, 137 22

n. 60, 35, 48, 192, 202 n. 179

Paul, apoêtre, 18, 23, 155-58, 161, 164-65, 167, 170, 177, 201, 249

plan de Saint-Beènigne (1652), 35-40, 46

Perinza d'Ivreèe, meére de l'abbeè Guillaume, 77-79,

Mayeul, abbeè de Cluny, 68, 80-81, 87, 208, 227, 234, 247-48

235 Philibert, saint, 152, 162, 165, 167, 294-95

Maxime le Confesseur, 17, 227, 248, 253-57, 261, 263, 266, 269-71, 283

Pierre, saint, 36, 99, 102-05, 109, 135 n. 119, 152, 155 n. 58, 156, 161, 162, 164-65, 167-68, 177

Memleben, Sainte-Marie, abbaye, 56 n. 164, 57 n. 173

Pierre, eèveêque de Vercelli, 79 n. 26 Pierre le Veèneèrable, abbeè de Cluny, 236 n. 60

Metz, Saint-Arnoul, abbaye, 96, 109 n. 108, 121 n. 27

Plancher, Urbain, 22, 47, 148-49, 151 n. 22, 152 n. 33, 153 n. 43, 154 n. 50, 161 n. 99, 201 n. 177

Milan, Sant'Ambrogio, basilique, 54 n. 152

Prinstet, secreètaire de l'abbeè de C|êteaux, 35

Molesmes, Saint-Pierre, abbaye, 95 Mont-Saint-Michel, abbaye, 96, 220 n. 89

Quieèta, sainte, 151

Monte Amiata, San Salvatore, abbaye, 42, 50 Monte Gargano, Sant'Angelo, 228, 239 n. 74

Raban Maur, abbeè de Fulda, 24 n. 15, 18

Monte Pirchiriano, San Michele, 228, 80

Radegonde, sainte, 289

Moutier-Saint-Jean

(Reè ome),

abbaye,

95,

136,

152

Nicolas, eèveêque et confesseur, 151-52, 165, 167, 295 North Elmham, catheèdrale, 58

Raoul Glaber, 11, 18, 23-24, 93

Historiarum, 11, 17-19, 24, 27, 93, 110, 112 Vita sancti Guillelmi, 11, 77, 93

Ratgar, abbeè de Fulda, 76 Ratisbonne, Saint-Emmeron, abbaye, 57 n. 169, 247

9

327

index Saint-Mayeul, eè glise, 208 n. 17, 209

Ravenne

Saint-Saturnin (Pont-Saint-Esprit) sur le Rhoê ne,

San Leo, 52 n. 141

prieureè, 80-81

San Vitale, 67 n. 234 Regularis concordia, voir Coutumiers monastiques

San Giulio, forteresse, 77

Renaud, comte de Bourgogne, 95

Seèbastien, saint, 292, 294

Renaud, comte de Roucy, peé re de Brun de Lan-

Seèguin, archeveêque de Sens, 90, 131 Seine, saint, 152, 288

gres, 85 Reichenau-Oberzell,

Saint-Georges,

abbaye,

56

Seligenstadt, Saint-Pierre et Saint-Marcellin, abbaye, 57

n. 166

Sigeèric, archeveêque de Canterbury, 72 n. 268

reèpons Christus resurgens, 213

Silvester, saint, 39 n. 79, 152, 167, 294-95

Circumdederunt, 210

Spigno, San-Quintino, abbaye, 50

O quis odor suavitatis, 192

Stavelot, Saint-Marie, abbaye, 161, 247 Strasbourg, Notre-Dame, catheè drale, 57

Venit lumen, 183, 209 n. 23

Richer, moine de Saint-Remi de Reims, 89-90,

Suger, abbeè de Saint-Denis, 16-17, 271-72, 283 Sylvestre I

131 n. 98, 133 n. 106 Ripoll, Santa Maria, abbaye, 46

er

, pape, 101

Sylvestre II, pape, voir Gerbert d'Aurillac

Robert II (le Pieux), roi des Francs, 33 n. 26, 8990, 107, 112, 115, 117-19, 121-22, 124-31, 133,

Tiburce, saint, 151, 163-64, 167 n. 139, 295

136-42, 144, 248 n. 129

Tonnerre, Saint-Michel, abbaye, 95

Robert de Volpiano, peé re de l'abbeè Guillaume, 78

é vre, abbaye, 96, 109 Toul, Saint-E

Rome

Tournus, Saint-Philibert, abbaye, 35, 39 n. 79

Latran :

Acheropita,

184 ;

triclinium

du

palais,

103

Tours, Saint-Martin, abbaye, 98 Tranquille, saint, abbeè de Saint-Beènigne, 151, 289

Mirabilia Urbis, 202

Treéves, Saint-Maximin, abbaye, 76 n. 7, 217-18,

Pantheèon, 27, 29, 61-73, 100-01, 111, 202, 241,

247, 281-82

252 n. 151, 275-76, 283 Sainte-Marie Majeure, Meter Theou, 184

Ulrich de Zell, voir Cluny

Saint-Paul-hors-les-Murs, 57

Uota, abbesse de Niedermu« nster, 244 n. 110

Saint-Pierre, 27, 43, 55-57, 70, 72-73, 100-01,

Urbain, saint, eè veêque de Langres, 34 n. 34, 135,

103, 239, 275, 292, 295

159-60, 164, 190 n. 109, 288, 292, 295

Santo Stefano, 63, 66, 73 Rouen, Saint-Ouen, abbaye, 96

Verdun, Saint-Vanne, abbaye, 32 n. 19, 173

Ruotger, 76, 88-89, 105

Vergy, Saint-Vivant, prieureè , 95, 143 Veèrone, Santo Stefano, 46, 50

Saint-Beno|ê t-sur-Loire, voir Fleury

Vincent,

Saint-Gall, abbaye, plan carolingien, 38 autels, 159, 164 clo|ê tre :

aumoênerie

saint,

155-56,

159-60,

164-65,

167-68,

292, 294-95 Viole, Dom, 41, 43, 149, 151 n. 23, 154 n. 50

(elymosynarium),

39 ;

cellier

Viollet-le-Duc, Eugeé ne, architecte, 49

(cellarium), 39 ; chauffoir ( calefactorium), 39 ; cui-

Vita Garnerii, 120 n. 21, 130, 144

sine, 38 ; dortoir, 37 ; infirmerie, 40 ; reè fectoire,

Vitruve, architecte, 84

38 ; parloir (auditorium), 36 ; petit clo|ê tre des novices, 40 ; salle capitulaire, 36 eèglise, 42, 55, 57, 162, 197, 225

328

9

Willigis, archeveêque de Mayence, 57 Worms, Saint-Pierre, catheè drale, 57-59, 134

TABLE DES MATIEéRES REMERCIEMENTS

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è VIATIONS LISTE DES ABRE

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7

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9

INTRODUCTION .

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11

Meèthodologie

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13

Sources

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22

Plan

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26

è RIELLES ET LEURS SOURCES . LES STRUCTURES MATE

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29

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Chapitre Premier .

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29

Les dates des eèglises de Saint-Beènigne successives

La tombe de saint Beènigne

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31

Les baêtiments claustraux .

34

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Restitution de l'eèglise de l'an mil .

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41

Historique de la rotonde .

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47

Les sources lombardes de l'eèglise et de la rotonde

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49

La sculpture et ses sources lombardes

51

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.

Les sources carolingiennes et ottoniennes de l'eè glise

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55

Les sources de la rotonde .

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60

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.

Les cryptes exteèrieures bourguignons Les prototypes antiques .

.

Les deèdicaces aé tous les saints

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60

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61

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69

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75

Chapitre

2

ê TISSEURS LES BA Guillaume, l'abbeè de Saint-Beènigne .

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77

Brun de Roucy, l'eèveêque de Langres .

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85

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93

Chapitre

3

è FORME ET RENOVATIO RE La reèforme de Saint-Beènigne .

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94

La meètaphore de Raoul Glaber

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97

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.

Rome et l'ideèal d'un nouvel ordre mondial

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98

Le milleènaire .

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110

Conclusion

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113

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9

329

table des matieéres Chapitre

4

è TATION POLITIQUE INTERPRE

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115

Le sermon de la conseècration .

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115

Le ducheè de Bourgogne

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118

La guerre de Bourgogne .

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123

La conqueête de Dijon

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127

La seèpulture de Brun

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133

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.

La politique de Guillaume

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136

La signification de l'eèglise dans le contexte politique

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138

Conclusion

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143

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147

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Chapitre

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5

è CRATIONS DES AUTELS LES CONSE Au niveau de la crypte

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149

L'autel de saint Beènigne .

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149

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150

Les chapelles nord et sud du chevet La rotonde et la chapelle axiale Au niveau du chÝur.

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153

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154

Le chevet, la rotonde et la chapelle axiale .

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154

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158

Le troisieéme niveau de la rotonde .

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160

Comparaisons avec des eèglises anteèrieures .

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162

L'espace occidental .

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Comparaisons avec Cluny

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165

Conclusion .

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168

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171

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Chapitre

6

LES PROCESSION LITURGIQUES DANS LE CHEVET . . L'eèglise Sainte-Marie (la rotonde)

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177

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179

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180

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184

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188

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189

Comparaisons avec Cluny

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192

L'eèglise Sainte-Marie

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192

La liturgie funeèraire.

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In Nativitate Domini Purificatione sanctae Mariae Assumptionis sanctae Mariae Nativitas sanctae Mariae De Festivitatibus Novembris .

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198

Les rites pour les moines deèceèdeès .

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198

La commeèmoration des morts

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199

Le 2 novembre . Conclusion .

330

9

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199

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202

table des matieéres Chapitre

7

LES PROCESSIONS LITURGIQUES DANS L'ESPACE OCCIDENTAL Les feêtes pascales .

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La Feête des rameaux

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206

Tribus diebus

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211

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205

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.

Le Dimanche de Paêques. La procession dominicale.

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206

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213

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215

è tude comparative des feêtes pascales . E

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215

Les feêtes apreés Paêques

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221

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Endroit intermeèdiaire

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222

Conclusion

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224

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227

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Chapitre

8

è TATION THE è OLOGIQUE INTERPRE La prieére priveèe et la meèditation . Ecclesia

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227

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231

La Jeèrusalem ceèleste .

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241

Un programme dionysien

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244

La Lumieére

Theosis

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250

(Divinisation) .

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253

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262

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266

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271

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275

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287

In Principio û

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candidam e˜cclesiarum uestem

Conclusion

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ý

è NE è RALE CONCLUSION GE

ANNEXES I : La Chronique .

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287

Texte latin

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287

Traduction

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287

II : Le Coutumier

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294

Texte latin

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294

Traduction

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295

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297

LISTE DES PLANCHES

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321

INDEX

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323

BIBLIOGRAPHIE

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9

331