Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert 3515092765, 9783515092760

In Religion und Laizität besteht bis heute ein tiefer Graben zwischen Frankreich und Deutschland, der das Verständnis zw

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Französisch Pages 197 [199] Year 2008

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Table of contents :
INHALTSVERZEICHNIS – TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION. DE L’ACTUALITE D’UNE DEMARCHE COMPARATISTE ET TRANSNATIONALE. (Jean-Paul Cahn)
MORITZ HARTMANN ET LA PREMIERE LAÏCISATION DANS LE MIDI DE LA FRANCE (Françoise Knopper)
LA LOI SCOLAIRE FRANÇAISE DU 28 MARS 1882 ET LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT LAÏQUE. UN DEBAT DANS LA PRESSE ALLEMANDE (Philippe Alexandre)
ZWISCHEN RELIGIÖSER KULTUR UND WELTLICHKEIT: DIE HERRNHUTER BRÜDERGEMEINE UND DIE FIRMA ABRAHAM DÜRNINGER & CO IM 19. UND FRÜHEN 20. JAHRHUNDERT (Heidrun Homburg)
LE COMBAT POUR LA LAÏCITE DANS UN VILLAGE DE BOURGOGNE (1871–1906) ET LE « KULTURKAMPF » (Jean Philippon)
DAS RELIGIÖSE LEBEN DER JÜDISCHEN GEMEINDEN IN LOTHRINGEN UND DER PREUßISCHEN RHEINPROVINZ IM 19. JAHRHUNDERT (Stephanie Schlesier)
LA RIVALITE POLITICO-RELIGIEUSE FRANCO-ALLEMANDE AU LEVANT, 1855–1948 (Dominique Trimbur)
ECOLE CONFESSIONNELLE, ECOLE SIMULTANEE, ECOLE LAÏQUE : LA CONFRONTATION DES MODELES ALLEMANDS ET FRANÇAIS DANS LA ZONE D’OCCUPATION FRANÇAISE (1945–1949) (Caroline Doublier)
LES EGLISES PROTESTANTES DE RDA ET LE 17 JUIN 1953 (Frédéric Hartweg)
„WENDE ZUR WELT“? DIE POLITISIERUNG DER RELIGION IN DER BUNDESREPUBLIK DEUTSCHLAND UM 1968 (Pascal Eitler)
LE ROLE DES EGLISES AUPRES DES FAMILLES. UNE COMPARAISON FRANCE – ALLEMAGNE (Anne Salles)
LA LAÏCITE A L’EPREUVE DU FOULARD ISLAMIQUE. UNE COMPARAISON FRANCO-ALLEMANDE (Gilles Leroux)
KONFESSION UND WAHLVERHALTEN IN DEUTSCHLAND (Adolf Kimmel)
DIE AUTORINNEN UND AUTOREN – LES AUTEURS
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Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert
 3515092765, 9783515092760

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Jean-Paul Cahn Hartmut Kaelble (Hg.)

Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert Religions et laïcité en France et en Allemagne aux 19e et 20e siècles

5 Geschichte Franz Steiner Verlag

Schriftenreihe des Deutsch-Franz. Historikerkomitees

Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert Religions et laïcité en France et en Allemagne aux 19e et 20e siècles

Schriftenreihe des Deutsch-französischen Historikerkomitees Herausgegeben vom Deutschfranzösischen Komitee für die Erfor­schung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts; Hartmut Kaelble / Jean-Paul Cahn Band 5

Jean-Paul Cahn / Hartmut Kaelble (Hg.)

Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert Religions et laïcité en France et en Allemagne aux 19e et 20e siècles

Franz Steiner Verlag 2008

Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. ISBN 978-3-515-09276-0 Jede Verwertung des Werkes außerhalb der Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. Dies gilt insbesondere für Übersetzung, Nachdruck, Mikroverfilmung oder vergleichbare Verfahren sowie für die Speicherung in Datenverarbeitungsanlagen. Gedruckt auf säurefreiem, alterungs­bestän­digem Papier. © 2008 Franz Steiner Verlag, Stuttgart Druck: AZ Druck und Datentechnik, Kempten Printed in Germany

INHALTSVERZEICHNIS – TABLE DES MATIÈRES

Jean-Paul Cahn INTRODUCTION. DE L’ACTUALITE D’UNE DEMARCHE COMPARATISTE ET TRANSNATIONALE. ........................................................................................7 Françoise Knopper MORITZ HARTMANN ET LA PREMIERE LAÏCISATION DANS LE MIDI DE LA FRANCE ............................................................................................................22 Philippe Alexandre LA LOI SCOLAIRE FRANÇAISE DU 28 MARS 1882 ET LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT LAÏQUE.UN DEBAT DANS LA PRESSE ALLEMANDE ................39 Heidrun Homburg ZWISCHEN RELIGIÖSER KULTUR UND WELTLICHKEIT: DIE HERRNHUTER BRÜDERGEMEINE UND DIE FIRMA ABRAHAM DÜRNINGER & CO IM 19. UND FRÜHEN 20. JAHRHUNDERT.......................................................................53 Jean Philippon LE COMBAT POUR LA LAÏCITE DANS UN VILLAGE DE BOURGOGNE (1871–1906) ET LE « KULTURKAMPF »............................................................65 Stephanie Schlesier DAS RELIGIÖSE LEBEN DER JÜDISCHEN GEMEINDEN IN LOTHRINGEN UND DER PREUßISCHEN RHEINPROVINZ IM 19. JAHRHUNDERT .................................78 Dominique Trimbur LA RIVALITE POLITICO-RELIGIEUSE FRANCO-ALLEMANDE AU LEVANT, 1855–1948.......................................................................................................93 Caroline Doublier ECOLE CONFESSIONNELLE, ECOLE SIMULTANEE, ECOLE LAÏQUE : LA CONFRONTATION DES MODELES ALLEMANDS ET FRANÇAIS DANS LA ZONE D’OCCUPATION FRANÇAISE (1945–1949)..............................................105

Frédéric Hartweg LES EGLISES PROTESTANTES DE RDA ET LE 17 JUIN 1953 .............................120 Pascal Eitler „WENDE ZUR WELT“? DIE POLITISIERUNG DER RELIGION IN DER BUNDESREPUBLIK DEUTSCHLAND UM 1968...................................................137 Anne Salles LE ROLE DES EGLISES AUPRES DES FAMILLES. UNE COMPARAISON FRANCE – ALLEMAGNE ................................................................................................151

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Inhaltsverzeichnis – Table des matières

Gilles Leroux LA LAÏCITE A L’EPREUVE DU FOULARD ISLAMIQUE. UNE COMPARAISON FRANCO-ALLEMANDE .....................................................................................167 Adolf Kimmel KONFESSION UND WAHLVERHALTEN IN DEUTSCHLAND ................................185 DIE AUTORINNEN UND AUTOREN – LES AUTEURS .........................................194

INTRODUCTION. DE L’ACTUALITE D’UNE DEMARCHE COMPARATISTE ET TRANSNATIONALE. Jean-Paul Cahn Les rapports entre religion et pouvoir politique reposent sur des socles différents en France et en Allemagne. Mais on constate une même perplexité face à l’intrusion des valeurs d’un islam lui-même hésitant entre adaptation et affirmation. L’embarras repose sur la distinction que n’établit pas l’islam traditionaliste entre lois religieuse et temporelle, ou encore sur la conviction qu’une entreprise de déstabilisation est à l’œuvre, symbolisée par Al-Qaida. En France s’ajoutent à cela les ambiguïtés du passé, la mémoire de la colonisation ou la crainte qu’une perte de lisibilité de la laïcité favorise le communautarisme. L’Allemagne, exempte de décolonisation et de laïcité, a un rapport au monde musulman traditionnellement fondé sur une appréhension plus économique. Cependant, laissés en marge de la Kirchensteuer, les musulmans n’y disposent pas plus qu’en France de structures de formation de leurs cadres bien qu’ils y soient également fortement représentés. Que la construction de mosquées soit accueillie avec aussi peu de bienveillance dans les deux pays montre combien forte est la tentation d’appliquer la politique de l’autruche. Peu de Français savent qu’en Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte et Guyane la loi de 1905 ne s’applique que partiellement et que les anciens territoires du Reichsland, Alsace, Moselle, bénéficient toujours d’un régime concordataire (1801) qui n’a pas seulement des conséquences sur la situation du clergé, mais fonde des régimes spéciaux en matière de commerce, de droit, etc. Les cultes y sont reconnus. Certains Français distinguent encore difficilement la place des confessions en Allemagne du modèle britannique de religion d’Etat ; certains prêtent aux Eglises allemandes, y compris catholique, une homogénéité doctrinale qu’elles sont loin de présenter ; l’existence de l’EKD, structure largement administrative, masque des diversités parfois profondes. De nombreux Allemands considèrent, pour leur part, avec une certaine perplexité la laïcité, quelques uns allant jusqu’à la suspecter de fonder l’irréligiosité. Conséquence de cette perte de culture religieuse : les débats deviennent approximatifs. L’idée s’impose que l’inculture croissante rend plus difficile la coexistence entre croyances, l’intelligence de la société dans laquelle nous vivons et favorise l’implantation sectaire. Les défenseurs traditionnels d’une laïcité rigoureuse tendent à assouplir leur position, évolution favorisée par l’érosion des moyens de pression de l’Eglise sur la société et de sa capacité à l’influencer, y compris dans ses bastions traditionnels (Vendée, Lorraine etc.), ne serait-ce que parce que, avec l’individualisation des croyances, les catholiques eux-mêmes ont pris des distances par rapport à l’Eglise et la déchristianisation pourrait favoriser

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une prise en compte accrue du « fait religieux » dans l’enseignement. En d’autres termes, la notion-même de laïcité est en reconstruction. Dans ce contexte il a paru opportun d’inviter des historiens à consacrer leur réflexion à la place de la laïcité et à celle des cultures religieuses dans deux Etats voisins et proches à bien des égards, la France et l’Allemagne. Avec « Cultures religieuses et laïcité en France et en Allemagne aux XIXe et XXe siècles » le Comité franco-allemand de recherches a inscrit au programme de son colloque nancéien, en 2006, une question qui se situait dans le prolongement des commémorations françaises de la loi de 1905. Les travaux présentés, c’était le but de ce décalage dans le temps, bénéficiaient ainsi pour le champ d’investigation français, de l’apport des manifestations scientifiques de 2005. Mais ce thème a aussi été retenu parce qu’à côté de la pensée centralisatrice, jacobine, qui caractérise la France tandis que les Allemands pensent plutôt spontanément la vie publique en termes de fédéralisme, il fait partie de ces spécificités nationales, de ces approches de tradition différentes qui distinguent nos deux pays : les relations entre autorités civiles et confessions demeurent l’un des domaines dans lesquels la méconnaissance du voisin reste marquée. Généralement, les Français sont aussi surpris de la richesse des Eglises allemandes que les Allemands étonnés par les conditions dans lesquelles survivent, régions concordataires exceptées, les Eglises françaises. Alfred Grosser note que « la principale différence entre un évêque allemand et un évêque français, c’est que le premier parle de la pauvreté, tandis que le second est pauvre ».1 Si les confessions allemandes sont en mesure de financer des activités aussi diverses que des hôpitaux ou des écoles, le fait que la religion ne soit pas officiellement reléguée dans la sphère privée tend à rendre flous les contours de la religiosité – et même de la pratique religieuse – dans ce pays. Car au-delà des apparences l’Allemagne, n’est ni plus ni moins religieuse que la France n’est laïque. Il est vrai que parfois les pratiques ne sont pas exemptes d’hypocrisie, en particulier dans l’éducation. Dans la brèche timidement ouverte par les lois Marie et Barangé de septembre 19512 (gouvernement Pleven) la loi Debré du 31 décembre 1959 a donné à l’enseignement confessionnel des avantages contractuels substantiels pour des contreparties minimes, plaçant dans la durée les établissements sous contrat dans une situation favorable alors que l’enseignement public souffre d’une accumulation de mesures ministérielles malencontreuses. Annulée en juin 2007 par le Conseil d’Etat, la circulaire sur le « forfait communal », qui étendait aux écoles privées le financement des écoles publiques par les communes, revient par

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Grosser, Alfred, L’Allemagne de Berlin différente et semblable, éd. augmentée, AlvikEditions, Paris, 2007, p. 189. Version allemande : Wie anders sind die Deutschen ?, CH Beck-Verlag, München, 2002. La loi Marie en permettait l’attribution aux élèves de l’enseignement public comme de « l’enseignement libre ». La loi Barangé permettait à tout chef de famille d’obtenir une allocation trimestrielle de mille francs par enfant, versée par une caisse départementale gérée par le Conseil Général, pour les élèves du public, et par une association de parents d’élèves dans l’enseignement privé.

Introduction. De l’actualité d’une démarche comparatiste et transnationale.

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la petite porte en août.3 Il est à noter, à titre de comparaison, que les Etats-Unis d’Amérique (où l’influence religieuse est omniprésente dans la vie publique) ne subventionnent pas les écoles religieuses. Et pourtant la laïcité est devenue bon an, mal an beaucoup plus qu’une loi plus ou moins bien appliquée. Elle est devenue une manière de penser et un aspect important du vivre-ensemble. L’effet identitaire de la religion, qui touche, au-delà de l’individu, à la famille, à l’école, parfois au monde du travail et toujours aux convictions et à la perception de la vie publique, se concrétise notamment par la multiplicité des sens que le français donne à ce terme et, peut-être davantage encore, par l’absence en allemand de traduction du terme « laïcité ». Bien qu’on le rencontre, le mot « Laizität » reste un terme étranger, un Fremdwort au plein sens, fait remarquable de la part d’une langue aussi accueillante ; la transposition en anglais (« secular ») pose le même problème. Ce n’est là qu’un témoin des difficultés qui pèsent sur la perception réciproque de la culture religieuse en France et en Allemagne. Laïcité. Essai de définition – ou Dieu et César, chacun chez soi. Tenter de définir la laïcité tient de la gageure : en l’absence de définition officielle les multiples interprétations que donnent de cette notion partisans ou adversaires, et les innombrables nuances auxquelles la lecture du texte donne lieu, y compris parmi les juristes4, rendent le concept complexe. Certes, après un siècle de Séparation le principe fait l’objet en France d’un consensus : pluralisme religieux (et, donc, liberté de conscience) et neutralité étatique en matière de religion ne sont plus sérieusement contestés. Mais le concept de laïcité, qui reste minoritaire en Europe, met en cause une donnée qui touche au domaine social (pratique religieuse), dans le cadre de groupes librement formés mais qui, selon une distinction établie par Henri Pena-Ruiz, ne peuvent se prétendre l’expression de l’ensemble de la société ; il concerne simultanément la sphère individuelle (conscience) bien que la pratique fasse que la religion relève également du domaine public. L’idée de laïcité, que Catherine Kintzler définit comme une « façon de concevoir et d’organiser la coexistence des libertés »5 et Henri Pena-Ruiz comme une « communauté publique en laquelle tous peuvent se reconnaître, l’option 3

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Une disposition de la loi de décentralisation de 2004 fait obligation aux municipalités ne disposant pas d’une école privée de payer le même forfait pour un élève scolarisé dans un établissement sous contrat dans une autre commune que pour un élève scolarisé dans l’enseignement public. Ce texte s’inscrit dans une évolution qui part de la loi Astier (1919 – possibilité d’un financement public pour l’enseignement privé technique) et inclut la loi Guermeur (1977), les accords sur la parité public – privé de 1992, etc. Voir Bréchon, Pierre, Institution de la laïcité et déchristianisation de la société française, dans Cahiers d’Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde turco-iranien, no 19, numéro thématique : Laïcité(s) en France et en Turquie, voir http://cemoti.revues.org/document1687.html, consulté le 2 juin 2008. Voir sur ce point la communication de Jean-Louis Halpérin au colloque « Nouvelles approches de l’histoire de la laïcité au vingtième siècle » (Panthéon-Sorbonne, 18–19 novembre 2005). Kintzler, Catherine, Qu’est-ce que la laïcité ?, J. Vrin, Paris, 2007, p. 8.

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spirituelle demeurant affaire privée »6, implique trois options placées à un même niveau : le droit de croire, celui de croire différemment, et celui de ne pas croire. A ce titre la laïcité refuse d’établir une pyramide des croyances, elle se contente de distinguer celles qui présentent un danger matériel, moral ou physique pour l’individu ou le groupe de celles qui n’en présentent pas. Elle repose sur deux principes essentiels : la liberté de conscience et le principe de la séparation. Elle vise à libérer l’individu de la tutelle ecclésiale et l’Etat des ingérences religieuses, ce qui explique partiellement que les réticences protestantes à la loi de 1905 aient été moins affirmées que celles des catholiques. Cette loi a tenté (non sans succès) d’allier respect de la souveraineté de l’Eglise dans le domaine spirituel et autorité de l’Etat en matière temporelle, mais elle a aussi suscité polémiques et controverses, violentes et passionnées, tout en visant, selon le terme d’Aristide Briand, à l’apaisement. L’idée était que « la sphère publique […] rassemble les êtres indépendamment de leur confession, sur l’assise simplement de cette commune appartenance à l’humanité que l’école leur a donné de découvrir »7, tandis que la sphère privée, protégée par la loi, devait permettre l’expression des singularités. En ce sens la laïcité présuppose stricto sensu qu’il n’y ait pas non plus de religion laïque ni d’« intégrisme laïque » : « La laïcité n’est pas un courant de pensée parmi d’autres au sens ordinaire du terme. Elle professe que la puissance publique n’a rien à professer qui soit de l’ordre d’une option religieuse ou philosophique déterminée pour penser et pour construire la cité libre. Etant une condition de possibilité, un espace vide où vont pouvoir s’inscrire les différentes options possibles, elle ne saurait y être incluse. Ce n’est donc pas une doctrine – on ne peut pas parler des laïques comme on parle des catholiques ou des musulmans […] L’expression n’a pas de sens conceptuel ; elle ne peut désigner qu’une position sectaire […]. »8 Rappelons que le terme de laïcité, d’abord utilisé par la chrétienté pour désigner ceux qui n’étaient ni clercs, ni religieux, s’est sécularisé au XIXe siècle. Tout en gardant son sens initial, il a marqué une indépendance vis-à-vis du domaine religieux. Mais on notera que, si la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789, souvent considérée comme l’anacrouse de la loi de 1905, faisait mention de l’« Etre suprême » dans un sens qui n’avait rien de religieux, on n’y trouvait pas le mot de « laïcité ». Cependant elle renversait dans l’article 3 les fondements du pouvoir en faisant de la nation la source de souveraineté et de légitimité et, dans l’article 10, elle prônait ce qui allait devenir la liberté de conscience. L’idée qui s’est dégagée est que le respect de toutes les religions impliquait qu’aucune ne fût reconnue par la puissance publique, laquelle se trouvait être aconfessionnelle. En soi cette démarche était elle-même d’inspiration chrétienne : les religions chrétiennes avaient elles-mêmes posé en principe la séparation – que 6 7 8

Pena-Ruiz, Henri, Qu’est-ce que la laïcité ?, Gallimard, Folio-actuel, Paris, 2003, p. 23. Portier, Philippe, Les mutations de la laïcité française, dans http://artsci.wustl.edu/~ppri/ Workshop_Papers/PortierPaper.pdf, consulté le 2 juin 2008, p. 6. Kintzler, Qu’est-ce que la laïcité ?, p. 34.

Introduction. De l’actualité d’une démarche comparatiste et transnationale.

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l’on songe à l’exemple volontiers cité du « denier de César ». Mais elles y ont dérogé en affirmant leur prééminence temporelle, au besoin par la force. La motivation religieuse peut encore opposer des confessions voisines. Récemment le conflit d’Irlande du Nord reposait sur le recours à la violence. Destinée à sous-tendre la neutralité religieuse, la laïcité fondait un principe de renoncement dans la réciprocité : l’Etat n’exerçait pas d’influence sur le domaine religieux tandis que les confessions s’abstenaient d’ingérences dans les domaines qui relevaient de l’Etat. Contrairement à une idée répandue, la laïcité a donc été conçue depuis l’origine comme vecteur de tolérance envers toutes les religions et non à des fins de ségrégation. Une nuance en atteste : il n’appartient pas à l’école de transmettre des croyances, bien plutôt de former des citoyens, mais le législateur de 1905 n’a pas retenu le projet d’Emile Combes d’interdire les processions. En d’autres termes : la loi a préservé le droit de manifester publiquement des croyances mais elle a refusé de mettre des moyens publics au service de leur transmission. En ce sens l’école de la République a obligation de transmettre des savoirs et interdiction de véhiculer des croyances. Concrètement la loi de 1905 visait surtout l’Eglise catholique, de loin, la plus influente. Ceci explique que les réticences majeures vinssent du clergé catholique, d’abord activement soutenu par Rome. De nos jours, avec l’assouplissement de la position de l’Eglise catholique, la « laïcité de combat », qui visait à éradiquer l’obscurantisme religieux, a elle aussi perdu de sa vigueur. Il se dégage au contraire, sous la pression des réalités sociales, une tendance à intégrer à l’enseignement le « fait religieux » : sous la direction de l'ancien doyen de l'Inspection générale Dominique Borne une commission réfléchit actuellement aux principes et aux modalités. « L’idéal laïque est de générosité, en ce qu’il crédite tout homme de la liberté et de la faculté d’en bien user ».9 A côté de la loi est la lecture de la loi – qui présuppose aussi une certaine maturité sociale. Les ambiguïtés proviennent de ce qu’elle permet de privilégier soit la liberté de conscience, soit la sécularisation. Celle-ci, qui va au-delà de la simple liberté de croyance, est l’une des spécificités de la laïcité dite « à la française ». On trouve dans Le Monde du 13 septembre 2007 des exemples qui illustrent la difficile application de la loi pour l’entretien des églises construites avant 1905, soit 90% d’entre elles, qui sont propriété de l’Etat et des collectivités locales. Mais les fidèles et la hiérarchie ecclésiastique, dits « affectataires », en ont la libre disposition, si bien que le propriétaire ne peut ni en modifier la destination, ni en décider la destruction sans l’accord de l’évêché. Or l’entretien et la conservation de cette richesse patrimoniale représentent un coût élevé qui, de fait, ne peut être supporté que par les deniers publics (départements et communes). L’effet de cette disposition est pervers : faute de pouvoir en assumer l’entretien, certaines communes laissent ces églises à l’abandon en attendant qu’un « péril imminent » en autorise la fermeture par sécurité ; rares sont par contre celles qui optent pour la

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Pena-Ruiz, Qu’est-ce que la laïcité ?, p. 271.

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destruction en raison des polémiques que cette décision ne manque jamais d’engendrer. La laïcité n’est pas seulement un texte, c’est aussi un mode de vie social. La pratique a évolué et la tendance à dissocier deux époques s’affirme. Telle qu’elle s’exprimait sous la Troisième et la Quatrième République, c’était une « laïcité de séparation »10 : la République privilégiait une relation distanciée avec les confessions. A partir de la Cinquième, il s’agit plutôt d’une « laïcité de reconnaissance ».11 En cela elle se distingue de la forme traditionnelle de la laïcité qui pouvait envisager de « connaître » des religions, de discuter par exemple avec leurs représentants, mais non de les « reconnaître ».12 La crise des valeurs qu’ont connue les années 1980, soutenue par la jurisprudence de la Cour européenne et du Conseil constitutionnel, a accentué l’ouverture de la puissance étatique aux représentants des confessions. La conception traditionnelle de la laïcité s’en est trouvée reconfigurée. Si des aides directes ou indirectes existaient depuis longtemps, souvent peu différentes de ce qui se pratique en Allemagne (mise à disposition de terrains, exonérations fiscales, etc.), les représentants des confessions largement implantées sont cependant sollicités au titre de la société civile pour participer ès qualités à un nombre croissant de commissions de réflexion ou d’éthique. Le Comité national d’éthique, créé en 1983, offre ici un exemple de groupe institutionnel de réflexion générale, et le Conseil français du culte musulman (2003) celui d’une commission ad hoc. Dans ces deux cas se trouve institutionnalisée une intervention confessionnelle sur des questions majeures de société au sein de la position de l’Etat. La laïcité est enfin un état d’esprit – dont les Français sont fiers dans l’ensemble. Jusque dans les milieux catholiques ils conçoivent de nos jours la Séparation comme garant de la liberté de pensée ; cette tendance semble renforcée depuis que se manifeste un islam virulent et que la présence musulmane est ressentie comme une menace. Bref rappel historique La loi instaurant la laïcité date du début du XXe siècle mais elle n’est devenue réalité constitutionnelle qu’en 1946, avec la naissance de la Quatrième République, pour partie en réaction à la remise en cause de la laïcité par Vichy, qui avait vu dans des mesures favorables aux congrégations et à l’école privée un levier de la politique familiale de Pétain. Entre temps il y avait aussi eu la déclaration de 1945 des archevêques et cardinaux de France dans laquelle on lisait que, si sous le terme de laïcité « on entend proclamer la souveraine autonomie de l’Etat dans le 10 Portier, Les mutations de la laïcité française, p. 6. 11 Portier, Philippe, De la séparation à la reconnaissance. L’évolution du régime français de laïcité, dans Armogathe, Jean-Robert ; Willaime, Jean-Paul (sous la dir. de), Les mutations contemporaines du religieux, Turnhout, Brépols, 2003 ; voir également Willaime, Jean-Paul, Europe et religions. Les enjeux du dix-neuvième siècle, Fayard, Paris, 2004. 12 Kintzler, Qu’est-ce que la laïcité ?, p. 43.

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domaine temporel, son droit de régir seul toute l’organisation politique, judiciaire, administrative, fiscale, militaire, de la société temporelle et, d’une manière générale, tout ce qui relève de la technique politique et économique, nous déclarons nettement que cette doctrine est pleinement conforme à la doctrine de l’Eglise […] La laïcité de l’Etat peut aussi être entendue en ce sens que, dans un pays divisé de croyances, l’Etat doit laisser chaque citoyen pratiquer librement sa religion. Ce second sens, s’il est bien compris, est lui aussi conforme à la pensée de l’Eglise »13. La constitution de 194614, soutenue par le MRP et approuvée par référendum, précisait qu’au nombre des devoirs de l’Etat figurait la mise en place d’un enseignement « public, gratuit et laïque à tous les degrés ». Le principe fut ensuite intégré à la constitution de la Cinquième République – notamment à travers l’article 2 qui, précisant que la France est « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », stipule : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Avant 1946 la laïcité se fondait sur une simple loi, celle du 9 décembre 1905, qui avait donné lieu à des débats vigoureux. Elle puisait ses racines en particulier dans la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen qui alléguait dans son article 10 que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » et qui précisait, dans son article 11, que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Il ne faut pas oublier que Condorcet affirmait dans les années 1790 la nécessité de séparer dans l’enseignement principes religieux et morale15, la vérité ne provenant pas d’une révélation mais d’une quête de l’esprit.16 Last but not least, Auguste Comte et sa loi des trois états successifs.17 13 Cité par Bréchon, Pierre, Institution de la laïcité. 14 Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : « (...) Le peuple français (...) réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps les principes politiques, économiques et sociaux ci-après : La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. […] Nul ne peut-être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. (...) La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. », dans La Documentation française, dossier Laïcité, voir http:// www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/laicite/index.shtml, consulté le 2 juin 2008, fondements juridiques. 15 Coutel, Charles ; Kintzler, Catherine (presentation, notes, bibliografie et chronologie), Condorcet, Jean-Antoine, Cinq Mémoires sur l’instruction publique (1791–1792) et Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, 1793, Paris, Flammarion, 1994. 16 Voir Cholvy, Gérard, A propos de la laïcité française, dans Esprit et Vie n° 139, décembre 2005, p. 31–32. 17 Age du poly- puis du monothéisme, éveil de l’esprit critique et progrès de l’individualisme, âge positif (celui de la science) ; voir et.al. sur ce point Cholvy, A propos de la laïcité française, p. 32.

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Dans une France marquée, depuis la révocation de l’Edit de Nantes (par l’Edit de Fontainebleau, 1685), par la primauté du catholicisme, la dénonciation du fanatisme religieux par les Lumières et l’affirmation du droit de croire ou non avaient constitué une démarche fondatrice. Pour la Révolution, ébranler la religion fut un aspect majeur de la rupture avec la royauté qui avait tiré d’elle légitimité et pouvoir. A partir de 1792 la République s’efforça de soumettre le catholicisme, d’instaurer (1795) une séparation de l’Eglise et de l’Etat, et d’établir des cultes à sa propre gloire. On voulut faire de la législation civile la norme et l’on destina les Eglises à être « source de morale sociale »18, les délits à fondement religieux furent supprimés, le libre exercice des cultes reconnu, et le droit déconnecté des fondements confessionnels. Cette entreprise se heurta dans mainte région à une résistance farouche, le succès en fut mitigé. Comme le note Jean Baubérot, la France de la révolution « a proclamé les principes laïques mais n’a pas réussi à les mettre en application ».19 Le Concordat de 1801 fit du catholicisme « la religion […] de la grande majorité des français ». Il obligea l’Eglise catholique à coexister à égalité avec d’autres cultes (protestantisme, luthéranisme, judaïsme20) pendant la période napoléonienne. Et l’influence de l’Etat, qui rémunérait le clergé et participait au choix des évêques, demeurait : l’Etat donnait à une Eglise sous contrôle les moyens de son fonctionnement. Avec la fin de l’Empire l’Eglise de Rome retrouva un statut de religion d’Etat. S’engagea alors le conflit qui devait conduire à la loi de 1905, celui des « cléricaux » et des « anticléricaux », antagonisme de fond qui vit s’affronter deux conceptions de l’identité française. L’une était inscrite dans la tradition d’une France « fille aînée de l’Eglise » mais aussi facteur fort d’une identité nationale (prééminence de la notion de groupe dans une approche d’abord tournée vers le passé – la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale s’accompagnant d’une résurgence d’éléments tels que le discours créationniste etc. ; la Restauration et le Second Empire furent ses périodes fastes), l’autre fondée sur les conceptions émancipatrices de la Révolution. Au XIXe siècle, à l’arrière-plan se trouvait la foi croissante dans les progrès de la science qui érodait la confiance en les vérités religieuses, et à laquelle l’Eglise opposait une doctrine conservatrice inflexible. La législation changea d’orientation à plusieurs reprises, l’enseignement ne tarda pas à en devenir un point de cristallisation en raison des enjeux de formation d’hommes de l’avenir. La loi Guizot de 1833 fit obligation à toute commune de plus de 500 habitants d’entretenir une école primaire mais laissa le choix entre école publique et privée (dans la mesure où celle-ci satisfaisait à l’obligation de proposer un enseignement impliquant « l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal 18 Hervieu-Léger, Danièle, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion 1999, p. 216. 19 Baubérot, Jean, La laïcité, http://www.protestants.org/textes/laicite_2007/, consulté le 2 juin 2008. Jean Baubérot est notamment l’auteur de La laïcité. Evolution et enjeux, Paris, Documentation française, 1996, et d’une très utile Histoire de la laïcité française, Paris, PUF, 2000. 20 Seuls ces quatre cultes étaient « reconnus » ; les autres religions étaient tolérées.

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des poids et mesures », art. 1). Elle fut remplacée en 1850 par la loi Falloux, favorable à l’enseignement catholique, mais annulée à son tour pour l’essentiel par la loi Duruy, laquelle créa en 1867 l’obligation d’entretenir des écoles de filles dans toutes les communes et imposa la laïcité aux instituteurs de l’enseignement public. Une étape majeure fut franchie après la guerre de 1870 : la France, sensibilisée à la supériorité de l’instruction allemande et à ses effets en termes d’efficacité militaire, en conclut que la revanche et la reconquête de l’Alsace-Lorraine présupposaient une meilleure formation de sa jeunesse. Il fallait aussi reconstruite une unité nationale. On misa sur l’école. En 1879 un projet de loi fut déposé, tendant à éliminer les ecclésiastiques des conseils académiques et des facultés d’Etat. Les lois Ferry de 1881 sur la gratuité de l’enseignement primaire public furent le prélude à celles qui rendirent l’enseignement obligatoire et laïque (1882). L’article 7 interdit à quelque 500 congrégations d’enseigner (Jésuites, interdits en 1880, Maristes, Dominicains). En 1882 le catéchisme fut banni des écoles et quatre ans plus tard la loi Goblet interdit l’accès des clercs à l’enseignement public. Ces mêmes années 80 virent l’instauration du divorce, supprimé sous la Restauration. On vit aussi se multiplier les propositions de loi visant à l’abrogation du concordat de 1801. La lutte fut âpre. Les catholiques, très majoritairement ultramontains depuis le concile Vatican I (condamnation du modernisme et proclamation de l’infaillibilité pontificale), estimaient n’avoir rien à attendre de la Troisième République. Dans leur lutte contre le régime ils firent de l’enseignement un cheval de bataille. L’enjeu était le rétablissement d’un régime dans lequel l’Eglise catholique aurait regagné l’essentiel de son influence – une forme de théocratie traditionaliste. L’impression de guerre de tranchées, dans laquelle chaque camp reprenait à son tour les positions de l’autre, montra l’ardeur du combat – comme le firent aussi les luttes parallèles, les campagnes haineuses contre des minorités, dont la plus célèbre reste l’affaire Dreyfus. Alors que le XIXe siècle avait débattu de la place de la religion dans la société et des mesures visant à reléguer les Eglises hors de l’espace public, le début du XIXe siècle vit le passage à l’étape majeure : la Séparation. Si les arguments d’une partie de ses défenseurs donnaient au combat pour la séparation un caractère antireligieux affirmé, offrant à l’Eglise catholique la possibilité, en se posant en victime, de mobiliser ses troupes, la lutte restait complexe. L’exemple de Jules Ferry (disciple d’Auguste Comte), que l’on a présenté à tort comme hostile aux religions, montre que la démarche visait à protéger la République face à l’Eglise. C’est pourquoi Ferry plaidait en faveur d’une morale qui, dissociée de la morale religieuse, était plus universelle que la morale passée. La loi de 1905 fut le résultat d’une lutte entre jacobins, qui rêvaient d’une centralisation anticléricale, et partisans, autour de Jean Jaurès et Aristide Briand, d’une stricte neutralité étatique. Ce dernier parvint à imposer le texte qui fut voté surtout par les radicaux et les socialistes. Il mit fin au régime concordataire. Bien qu’elle ne fît pas explicitement référence à la « laïcité », en posant le principe de la liberté de religion et de culte, la loi de décembre 1905 en devint le fondement.

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Une fois cette loi adoptée, il s’agissait de s’en servir ou de s’en accommoder au mieux de ses intérêts. Croyants pratiquants et non-croyants, libres-penseurs etc. cherchèrent à en tirer bénéfice, les uns arguant du respect pour toutes les croyances qu’elle imposait à la République, les autres insistant sur le rejet de toute forme d’Eglise officielle. L’apaisement ne pouvait être immédiat. Les années 1906–1907 virent les deux camps s’affronter autour de l’abolition de la peine de mort – Maurice Barrès conduisant le groupe des antiabolitionnistes, qui l’emporta. Comme lors de l’affaire Dreyfus, ces débats parallèles envenimèrent la querelle. D’autre part, les encycliques Vehementer nos et Gravissimi officii de Pie X furent un obstacle majeur, dénonçant, en 1906, la loi comme oppressive, et interdisant aux catholiques les associations cultuelles nécessaires à son fonctionnement.21 Il fallut attendre 1923 et Pie XI pour qu’un accord soit trouvé avec le Vatican, sans que s’éteigne pour autant la contestation parmi les cardinaux et évêques français jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. En outre, l’inventaire des biens ecclésiastiques – mené au début avec une mesquinerie qui fut perçue par les milieux catholiques comme un viol de leur foi – provoqua de vives réactions. Mais 1906 fut l’année la plus difficile, bien que les évêques français missent à profit les dispositions de la loi pour se réunir – ce que leur interdisait le concordat. L’année suivante vit plusieurs lois d’apaisement produire leur effet, les symboles tenant ici une place importante : autorisation de sonner les cloches, ou, un peu plus tard, autorisation donnée aux départements et aux communes de financer l’entretien et la remise en état des édifices (construits avant 1905) dont ils étaient propriétaires.22 La loi de décembre 1905 visait à une répartition des rôles dans laquelle chacun se limitait à son domaine, « l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux, et les Eglises aucun pouvoir politique ».23 Bien que les données eussent changé, le cœur du débat restait le rôle temporel de l’Eglise catholique, tel qu’il était apparu bien avant Luther. Cette loi finit par séduire par une certaine modération, parce qu’elle refusait les deux tendances intégristes qui s’étaient opposées des décennies durant, l’athéisme institutionnalisé et la religion d’Etat. Elle se fondait sur l’alliance de deux principes antagonistes, le droit de garder pour soi ses convictions24 et celui de les exprimer. Des dispositions législatives furent prises pour que ce droit puisse exister aussi dans les milieux fermés, casernes, prisons, lycées, armée – ce qui conduisit à l’instauration d’aumôneries… et plus tard à des émissions religieuses à la télévision. Ceci montre que les pouvoirs publics n’entendaient pas cantonner la religion à la seule sphère privée.

21 Ces associations étaient fondées sur la loi du premier juillet 1901 et sur le décret d’exécution du 16 août de la même année. 22 Ghibaudo, Stéphanie, Aperçu historique de la laïcité en France, dans ARA 55, 2005 (Association Rhône-Alpes d’anthropologie), p. 9–11, p. 11, voir http://ara-anthropologie.fr/lettrespdf/ ARA55.pdf, consulté le 2 juin 2008. 23 Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti, p. 215. 24 Il est interdit de poser la question de l’appartenance religieuse dans de nombreux dossiers professionnels ou lors des recensements.

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Mais les difficultés actuelles, comme cette modération qu’avaient d’abord refusé de voir ses adversaires dans leur acharnement à la combattre, montrent que cette loi du juste milieu et la laïcité telle que la conçoit la France reposent depuis plus d’un siècle sur un équilibre difficile. L’instauration de la laïcité eut à terme un effet modérateur. Le respect de la démocratie, des cultes et des libertés s’imposa parce que chaque camp, y compris le camp clérical, y trouva son compte. Pour autant rien n’est acquis. La solution qui avait finalement été adoptée, parce que adaptée à un contexte de religions chrétiennes est une nouvelle fois instrumentalisée de part et d’autre face à l’islam, les musulmans se référant pour demander le droit d’exercer leur culte, au texte-même dont une partie des Français se servent pour le leur refuser. Le système allemand La tradition allemande est éloignée de cette évolution historique – bien qu’il y eut quelques tentatives de laïcisation, celle entre autres, sous Weimar, de l’école prussienne qui se solda par l’échec d’Adolf Hoffmann, socialiste il est vrai de solide réputation anticléricale. L'insuccès de ses projets vint de la brouille SPD – USPD. Il n’en demeure pas moins que ses desseins ne rencontrèrent guère d’écho favorable. Si certains, à l’exemple de Kant ou de Georg Forster, avaient été séduits par le vent d’émancipation qui avait accompagné la Révolution française, la plupart de ceux qui avaient adhéré à ses idéaux émancipateurs se détournèrent d’elle – en particulier au moment de la mort de Louis XVI. Et si Heinrich Heine avait toujours su gré à Napoléon d’avoir émancipé les Juifs, la laïcisation de l’état civil, le mariage civil, etc. laissèrent peu de traces comparés à l’importance du sentiment national auquel les guerres napoléoniennes avaient fourni un socle. Il est vrai qu’en contestant le pouvoir civil de l’Eglise et en établissant un lien direct entre le chrétien et Dieu, Martin Luther avait brisé cette chape romaine qui conduisit plus tard à établir en France une séparation entre pouvoir spirituel et temporel. La théorie des deux règnes conférait à l’autorité civile une légitimité qui ne venait plus du pape, mais de Dieu. Pour autant le libre-examen institué par la Réforme ne rompait pas avec le confessionnalisme. Le principe « cujus regio, ejus religio », qui fit ensuite de la religion du prince celle de ses sujets, remit l’autorité religieuse entre les mains des Etats de l’Empire (Reichsstände). Si la contrainte demeurait, elle était atténuée par l’importance des régions protestantes et par les dispositions de la paix de Westphalie (1648), qui confirmaient en les élargissant (aux calvinistes, par exemple), celles de la paix religieuse d’Augsbourg (1555). Les sujets qui ne voulaient pas se soumettre à la religion dominante obtenaient le droit de partir. Ce « jus emigrandi », disposition difficilement applicable, constituait une solution libérale pour l'époque. Amorcée au XVIe siècle, l’évolution différente des deux pays voisins fut consolidée dès le XVIIe siècle. . La période qui suivit fut marquée par une forme d’ordre moral (« Sozialdisziplinierung ») qui donna lieu à bien des critiques, sur fond d’étalage de richesses dans les couvents catholiques de la période baroque ou, dans les régions protes-

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tantes, de zèle civil fondé sur une dévotion intérieure. L’Allemagne fut peu touchée par le jansénisme, mais le piétisme, mouvement protestant de rénovation religieuse porté par une piété nourrie directement des Ecritures, et la « renaissance intérieure » qu’il préconisait, la marqua. Le XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle furent caractérisés par une individualisation de la piété. Au début du XIXe siècle la sécularisation ouvrit une période difficile pour l’Eglise catholique, dont elle ne se remit qu’à partir de 1815 – encore ce rétablissement se fit-il surtout dans les régions. C’est ainsi que la Bavière conclut un concordat avec Rome en 1821. Les situations étaient diverses d’un Etat à l’autre – et pas toujours favorables au clergé catholique : en Prusse, on ne respectait pas l’obligation faite par Rome, au moment de célébrer des mariages mixtes, de prendre l’engagement d’élever les enfants dans la foi catholique. Les autorités catholiques durent céder. De surcroît les évêques de Prusse ne pouvaient correspondre avec le pape qu’en passant par le ministère des Affaires cultuelles. Au milieu du siècle l’église Saint Paul ne combla pas non plus les vœux des élites catholiques : si le libre développement des Eglises y fut garanti, les engagements constitutionnels espérés ne se concrétisèrent pas, et il n’y eut pas plus d’homogénéité dans l’attitude des régions après qu’avant les événements de 1848. Cela n’empêcha pas les catholiques de créer, pendant cette période, plusieurs sociétés importantes, le Borromäusverein et le Gesellenverein d’Adolf Kolping notamment. Et en 1859 la Katholische Fraktion prit le nom de Zentrum. Les catholiques suivaient l’exemple des protestants qui avaient créé des groupes de solidarité dès les années 1830, lesquels s’émancipèrent de la tutelle pastorale à mesure qu’ils prenaient un caractère plus politique. La Innere Mission par exemple alliait aspiration à un protestantisme libre et œuvre de persuasion. Alors que Rome perçut la Reichsgründung comme une menace, on vit se développer un protestantisme conservateur qui, fort de sa proximité avec le pouvoir et de son influence, espéra un temps que le Reich naissant serait un Evangelisches Reich Deutscher Nation25 ; sa fidélité perdura jusqu’à la fin de l’Empire. Les tentatives de création d’une Eglise protestante d’Etat (1871) furent sans lendemain. Le Reichsprotestantismus qui connut quelque faveur dans les années 1880 resta au service du pouvoir temporel et non l’inverse. Et comme le climat général fut plutôt à la dévotion le pouvoir temporel allemand garda la main. C’est aussi dans ce cadre qu’il convient de situer l’un des affrontements les plus profonds qu’ait connu l’Allemagne. Dogme de l’infaillibilité pontificale et calcul politique bismarckien furent à l’origine du Kulturkampf. Et si la fin de celui-ci, avec l’échec du chancelier, marqua un rapprochement des catholiques avec le Reich, ils gardèrent globalement leurs distances tout au long du XIXe siècle. Il y eut donc un catholicisme politique, mais en tant qu’ensemble de mouvements – et non comme expression d’une mainmise sur le pouvoir. Contrairement à la France l’Allemagne n’a pas connu à l’époque moderne cette primauté d’une confession étendant son autorité aux questions civiles d’une manière difficilement 25 Wehler, Hans-Ulrich, Deutsche Gesellschaftsgeschichte 1849–1914, vol. 3, Munich, Beck 1995, p. 1171 et suiv.

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compatible avec les conceptions philosophiques. Les années animées en France par le débat sur la laïcité furent en Allemagne celles de l’affirmation du syndicalisme – en particulier catholique (on songe notamment au mouvement ouvrier Volksverein für das katholische Deutschland). A l’Assemblée on vit à plusieurs reprises le Zentrum et les sociaux-démocrates s’allier pour mettre en échec, notamment, des projets coloniaux.26 A cette époque il fit siennes les exigences de liberté de la presse et d’une restructuration plus égalitaire des associations, tendance qui l’engagea sur la voie de la modernisation27, que, dans le sillage de Rome, il avait d’abord rejetée. Même dans les périodes où le Zentrum participa au gouvernement, sous Weimar, l’influence catholique resta inscrite dans le cadre du jeu parlementaire. Le problème ne fut pas celui des rapports entre civil et religieux, mais plus fondamentalement celui de la greffe démocratique qui ne prit pas. On connaît la suite… et la perplexité qui fut celle de l’Allemagne de 1945. Notons que, dans son aspiration au pouvoir absolu, le national-socialisme ne favorisa pas les confessions – pas même la Deutsche Kirche, construite autour de la notion de Positives Christentum qu’évoquait le programme du NSDAP, et qu’il avait tenté de contrôler à travers le Reichsbischof Ludwig Müller. Les divisions protestantes, l’importance de la Bekennende Kirche, apparurent bientôt, trouvant un sommet de leur expression dans la proclamation de Barmen, en 1935 (Bekenntnissynode). Pour les catholiques, qui avaient combattu l’hitlérisme jusqu’en 1933, le concordat constitua un tournant ambigu, alimenté par les équivoques de Rome. Mais chaque religion majeure eut ses résistants qui, s’ils ne furent pas reconnus immédiatement, contribuèrent au dépassement du passé. Après la chute des idoles, dans un pays en ruines, les Eglises offrirent l’un des rares points d’ancrage : la foi permettait d’affronter les incertitudes. Des hommes de conviction revenaient au premier plan – et le christianisme politique n’était pas le moins représenté. A l’Ouest, les intérêts confessionnels étaient défendus avec une force suffisante pour n’être pas menacés. Le risque était limité : parmi les occupants – français notamment – nombreux étaient ceux qui, ayant pouvoir de décision, voyaient dans les religions chrétiennes un antidote au socialisme et au communisme. Dès 1945, à l’initiative de Theophil Wurm, une rencontre à Treysa fut marquée par la naissance de l’Evangelische Kirche Deutschlands, qui se donna des statuts à Eisenach en juillet 1948. Si ces expériences historiques différentes ne suffisent pas à expliquer les spécificités française et allemande, nul doute qu’elles ont contribué à leur installation.

26 Mars – mai 1906, objection à la mise en place d’un Reichskolonialamt et rejet d’un projet de développement des chemins de fer en Deutsch-Südwestafrika, en décembre réduction des crédits prévus pour combattre la révolte des Héréros, etc. 27 Große-Kracht, Herrmann-Josef, Religion in der Demokratisierungsfalle. Zum Verhältnis von traditioneller Religion und politischer Moderne am Beispiel des deutschen Katholizismus im Kaiserreich, dans Geschichte in Wissenschaft und Unterricht n° 51, 2000, p. 140–156.

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La situation actuelle En 1949 le peuple allemand a adopté sa constitution « conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes […] » (Préambule), le président de la République et le Chancelier prêtent traditionnellement un serment qui se termine par « Que Dieu me vienne en aide ».28 Le traumatisme national-socialiste a incité le Conseil parlementaire à garantir la liberté de conviction, rejetant par l’article 3,3 toute discrimination fondée, entre autres, sur la religion, et ce principe est réaffirmé à l’article 33,3 qui garantit l’individu contre tout préjudice dû à « son adhésion ou à sa non-adhésion à une croyance religieuse et philosophique » (chapitre consacré aux relations entre Etat fédéral et Länder). De même la liberté de croire, de pratiquer et de professer sa foi est-elle affirmée par les articles 2,1 et 4,1 GG. De plus, il y est mentionné que l’instruction religieuse est une matière obligatoire (quoique les dispenses soient facilement accordées), et que certaines Eglises sont reconnues (protestantes, catholique, orthodoxe…, mais les groupements islamiques n’en font pas partie). Alors qu’en dehors des départements concordataires les Eglises françaises vivent surtout du denier du culte (don spontané organisé sous forme de collecte annuelle), le financement des Eglises allemandes repose sur un impôt cultuel, la Kirchensteuer, contribution qu’apporte tout Allemand, imposable et baptisé qui n’a pas abjuré, et ne déclare pas son refus de le faire, au fonctionnement des Eglises. Cet impôt représente un peu moins de 10% des prélèvements totaux, et il couvre quelque 80% des besoins des Eglises. Il est complété par des subventions publiques, à divers niveaux d’autorité fédérale ou régionale, sous la forme d’une contribution au financement des œuvres sociales et, indirectement, par la dispense de l’impôt dont bénéficient les Eglises reconnues. Des deux côtés de la frontière les opinions sont plutôt satisfaites. Les Eglises allemandes sont aussi contentes de leur statut que celles de France trouvent au début du XXIe siècle des avantages à cette laïcité qu’elles ont combattue avec énergie au début du XXe siècle. Les Eglises allemandes privilégient toutes proportions gardées la fonction spirituelle et le vote chrétien-démocrate est plus politique et moins religieux que ne le pensent bien des Français. Si bien qu’à partir de principes opposés sont nées des situations moins différentes et plus souples que ce que l’on aurait pu penser. Au prix de quelque approximation on peut dire que l’Allemagne connaît la situation inverse de celle qui prévaut en France : que la neutralité publique soit affirmée ou non, la liberté des opinions religieuses et de leur exercice existe, en France par l’application souple de la laïcité, en Allemagne par la facilité à se soustraire au principe religieux dominant. En ce début de XXIe siècle les religions ne peuvent plus faire abstraction de la globalisation – ne serait-ce que parce que la notion d’universalité a changé de signification. La « menace islamiste » à la dimension planétaire, à laquelle on fait volontiers référence, n’est pas seule en cause, mais aussi l’aspiration de la plupart des religions à une importance universelle. Cependant, comme le souligne Klaus Leggewie, l’Europe de l’Ouest a tendance à ne pas s’aligner sur les autres régions 28 Articles 56 et 64, 2 GG.

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du monde.29 Or, si l’Allemagne et la France ne sont pas seules à donner le ton, elles occupent comme dans bien d’autres sphères de la vie européenne une place essentielle. Ces considérations ont conduit le Comité franco-allemand des historiens à privilégier une appréhension comparatiste et transnationale. Ses travaux nancéiens ont eu l’ambition, à travers l’étude du passé, de se préoccuper aussi de l’avenir. Les élargissements qu’a connus l’Europe imposent la dimension religieuse, quelle que soit sa place dans la culture française ou allemande. Pour ne citer que ces deux exemples : déjà intégrée, la Pologne ne semble pas à l’abri d’une forme d’intégrisme ; la question de l’admission de la Turquie, pour laquelle plaident des considérations politiques, économiques ou stratégiques, ne fera pas l’économie d’un débat sur le versant religieuse. Une meilleure connaissance de leurs différences et similitudes devrait permettre à nos deux pays de mieux appréhender ensemble ces données nouvelles.

29 Leggewie, Claus, Religionen und Globalisierung, dans Aus Politik und Zeitgeschichte. Beilage zur Wochenzeitung Das Parlament, 7/2005, 14 février 2005, page 3.

MORITZ HARTMANN ET LA PREMIERE LAÏCISATION DANS LE MIDI DE LA FRANCE Françoise Knopper Lorsque Moritz Hartmann – journaliste, romancier et homme politique – entreprend, durant l’été 1851, un voyage en Provence et dans le Languedoc, la France se trouve dans une période de transition et d’attente, avant le coup d’état de Louis-Napoléon, le futur Napoléon III. Hartmann consigne ses impressions en forme de notes de voyage, qu’il publie dans des périodiques allemands et, plus tard, dans un livre. Il observe et critique l’influence que l’Eglise exerce sur la société, et il trace un tableau détaillé des courants politiques et religieux, avec le scepticisme et le relativisme qui lui sont propres. Anticlérical, il approuve les tentatives françaises qui cherchent à restreindre l’impact de l’Eglise sur l’Etat et la société. Cette contribution analyse le journal de voyage dans le contexte de l’époque, au travers des cercles démocrates et socialistes que Hartmann fréquenta dans le Midi pendant son voyage. Als Moritz Hartmann – Journalist, Schriftsteller und Politiker – im Sommer 1851 eine Reise in die Provence und das Languedoc unternimmt, befindet sich Frankreich in einer politischen Phase des Übergangs und des Abwartens vor dem Staatsstreich von LouisNapoléon, später Napoléon III. Hartmann hält seine verschiedenen Eindrücke in Reisenotizen fest, die in deutschen Zeitschriften und später als Buch veröffentlicht werden. Er beobachtet und kritisiert den Einfluss, den die Kirche auf die Gesellschaft nimmt, er zeichnet ein detailliertes Bild der politischen und konfessionellen Strömungen, alles mit dem ihm eigenen Skeptizismus und Relativismus. Antiklerikalistisch gesinnt, begrüßt er alle Tendenzen, die die Einwirkung der Kirche auf Staat und Gesellschaft zu beschränken suchen. Der vorliegende Beitrag liest dieses Reisetagebuch vor dem Hintergrund der demokratischen und sozialistischen Zirkel, in denen sich Hartmann in Südfrankreich bewegt.

Moritz Hartmann (1821–1872), journaliste, romancier et homme politique, né en Bohême dans une famille juive, fut un patriote bohème convaincu et actif durant le Vormärz. Victime de la censure autrichienne, il préféra s’éloigner de Vienne à partir de 1842 et séjourna à Berlin, Leipzig, Bruxelles et à Paris, où il rencontra notamment Heine, Béranger et Musset. Il entretint une large correspondance1 et collabora à plusieurs revues2, par exemple à la Gartenlaube, au Deutsches Mu1

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Hartmann, Moritz, Briefe. Ausgewählt und eingeleitet von Rudolf Wolkan, Wien, Rikola, 1921 ; voir aussi Scheichl, Sigurd Paul, Zur Freundschaftskultur von Prager und Wiener Juden im Vormärz. Briefe aus dem Umfeld von Moritz Hartmann, dans Jahrbuch Forum Vormärz-Forschung, 4. Jahrgang, Bielefeld, Aisthesis-Verlag, 1998, p. 165–180. Wittner, Otto; Moritz Hartmanns Leben und Werke. Ein Beitrag zur politischen und literarischen Geschichte des 19. Jahrhunderts, Teil 2: Exil und Heimkehr, Prag, G. Calve (Joseph Koch), 1907, p. 11. Sur le message bohémiste de Hartmann, voir Leclerc, Hélène, Tchèques

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seum de Prutz ou, en France, à la Revue germanique.3 Il a été un courageux quarante-huitard : les années 1847–1849 le propulsèrent au cœur de la politique allemande.4 Il siégea au Parlement de Francfort dans les rangs des démocratesradicaux ; orateur talentueux et de belle prestance, il suscitait l’enthousiasme des spectatrices.5 Un des moments les plus éprouvants fut pour lui l’assassinat de Robert Blum à Vienne, son ami qu’il était l’un des trois députés à avoir escorté en octobre 1848 pour exprimer la solidarité des démocrates aux révolutionnaires viennois.6 Enfin, Hartmann fera partie des irréductibles qui, l’été 1849, se replieront sur Stuttgart et dans le pays de Bade. A partir de 1849, c’est l’exil : Hartmann s’installe à Paris et entreprend quelques voyages.7 Amnistié, il reviendra à Vienne en 1868 et y mourra en 1872. Hartmann a effectué un voyage en Provence et dans le Languedoc durant l’été 1851, sous la Seconde République, peu avant le coup d’Etat perpétré par LouisNapoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, durant la période que les provençalistes appellent aujourd’hui le « temps de Frédéric Mistral ». C’est aussi la période de la « première laïcisation », pour reprendre la formule de Jean Baubérot, qui se caractérisa par la reconnaissance officielle des trois confessions depuis la Révolution, par les lois sur l’enseignement de Guizot (1833) et de Falloux (1850). Les cercles que Hartmann fréquente dans le Midi de la France sont ceux de fouriéristes qui appréhendent un regain d’influence des « Blancs », des « Ultras », royalistes et catholiques, et dont le projet républicain implique une deuxième laïcisation, celle qui en fait commencera seulement après 1880 sous la Troisième République. Une première source d’information dont Hartmann bénéficia fut le cercle de François Sabatier (1818–1891), historien de l’art et mécène, époux de la cantatrice Carolina Ungher, traducteur du Faust de Goethe8 et du Wilhelm Tell de Schiller, sympathisant des mouvements socialistes les plus radicaux, qui invitait l’été, dans son château de la Tour de Fages (non loin de Montpellier), quelques artistes et qui organisait des rencontres avec des amis partageant sa culture et ses convictions9 républicaines et fouriéristes. C’est de l’hospitalité de Sabatier que Hartmann a

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et Allemands dans la littérature de langue allemande de Bohême (1815–1848). Symbiose, médiations et ruptures, thèse de doctorat, Université de Toulouse 2, 2006. Publiée entre 1835 et 1837, reprise et continuée plus tard, la Revue germanique était de tendance libérale et diffusait la culture allemande en France. Valentin, Veit, Geschichte der deutschen Revolution von 1848–1849, [1930], Weinheim, Beltz Quadriga, 1998, t. 1, p. 261 et suiv. Valentin, Geschichte der deutschen Revolution, t. 2, p. 580. Mommsen, Wolfgang J., 1848. Die ungewollte Revolution, Frankfurt am Main, Fischer, 1998, p. 246 ; voir aussi Valentin, Geschichte der deutschen Revolution, t. 2, p. 204 et suiv. Wittner, Leben und Werke, p. 117 et suiv. Une biographie de François Sabatier figure dans : Le Faust de Goethe […] traduit par François Sabatier, Paris, Delagrave, 1893, p. V–XIX. François Sabatier, à propos de l’enterrement à Ornans de Gustave Courbet, s’exclame : « Voici la démocratie dans l’art », formule qui figure dans La Démocratie pacifique du 22 décembre 1850 et est reprise dans Sabatier, François, Salon de 1851, Paris, Libraire phalanstérienne, 1851 ; voir Schlesser, Thomas, Réceptions de Courbet. Fantasmes réalistes et paradoxes de la démocratie, Dijon, Presses du réel, 2007.

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profité durant l’été 1851, à l’époque où son hôte traduisait Faust. Une deuxième source d’information furent les conversations qu’il eut avec Fortuné Guiran et les amis proudhoniens de ce dernier, dont les convictions républicaines s’exprimaient dans le journal que Guiran éditait à Avignon, le Démocrate de Vaucluse. Ce séjour dans le Midi fournit donc à Hartmann l’occasion de décrire des manifestations de la culture catholique en Provence, surtout à Avignon, et celles de la culture calviniste dans le Languedoc, surtout à Nîmes et dans les environs, culture dont les enjeux sont selon lui confessionnels, politiques et sociaux. Hartmann prend le parti de ceux qui défendent les débuts de la laïcité et souhaitent les progrès de la laïcisation. Il n’utilise pas le mot « laïque » – qui est ici un anachronisme – mais son objectif, comme en 1848, est démocratique, républicain et déjà socialiste. Son Tagebuch est destiné à un public germanophone (des extraits sont publiés dans diverses revues dès 1851, en particulier dans le Deutsches Museum de Prutz ; le livre paraîtra à Leipzig en 185310). Comme, conformément aux contraintes du genre, cette relation est souvent implicite, il est utile de la confronter au périodique de Guiran : le Démocrate de Vaucluse peut servir de référence pour reconstituer le contenu de leurs échanges et examiner le transfert que Hartmann opère, à titre personnel et en direction de son public germanophone, dans le domaine de la laïcisation. L’anticléricalisme de Hartmann Hartmann critique avec virulence le pouvoir que l’Eglise catholique lui semble conserver dans le Vaucluse, pouvoir qu’il associe à l’omniprésence des légitimistes dans ce département – où le parti légitimiste exerçait effectivement11 une influence importante, notamment par le bais de la presse et où la municipalité avait même invité le pape en 1848 à revenir s’installer dans ses murs. Dénoncer simultanément le pouvoir de l’Eglise catholique et le fait que l’autorité politique se serve de ce pouvoir, comme il croit l’observer dans la ville d’Avignon, est une critique qui s’inscrit dans la continuité de l’anticléricalisme des Lumières françaises et qui caractérise également ses amis démocrates. Toutefois, chez Hartmann, l’argumentation s’efface parfois au profit d’une rhétorique qui fait de cet écrivain un épigone de Heine : l’anticléricalisme forcené de Hartmann est également à inscrire dans la filiation des Reisebilder de Heine, où l’on relevait la même in10 Hartmann, Moritz, Tagebuch einer Reise durch Languedoc und die Provence, Darmstadt, Leske, 1853. Nos citations sont tirées de la réédition de 1980 (Berlin, Rütten & Loening Societätsverlag, 1980). 11 Outre aux nombreux travaux de René Merle sur l’usage politique du provençal (en particulier Merle, René, Quelques remarques sur l’usage de la langue d’Oc dans la propagande démocrate-socialiste, 1848–1851, communication au Colloque de Montpellier, 18 et 19 septembre 1998, publiée dans De la Révolution au coup d’État (1848–1851). Les répercussions des événements parisiens entre Alpes et Pyrénées, Université Paul-Valéry – Montpellier III, 1999), nous renvoyons ici à Autrand, Aimé, Statistique des élections parlementaires et des partis politiques en Vaucluse de 1848 à 1928, Vaison-la-Romaine, Macabet, 1932 ; et à Lechalier, Marius, Les Annales municipales d’Avignon de 1790 à nos jours, Avignon, Imprimerie de l’administration municipale, 1928–29.

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culpation de l’Eglise catholique qui serait source d’intolérance, de répression, de « misère ». C’est à la manière de Heine que notre chroniqueur instaure dès son arrivée un contraste entre l’obscurantisme clérical et la modernité du nord, ici représentée par la navigation à vapeur (la ligne de chemin de fer n’existait alors qu’entre Avignon et Marseille) : « Vom Süden aus gewährt Avignon einen schönen, aber nicht außergewöhnlichen Anblick. Von dieser Seite gesehen, können sich das goldene Mainz, das fromme Koblenz, die heilige Colonia mit Avignon messen, aber nie vergesse ich den Eindruck, den diese Stadt auf mich gemacht, als ich sie, auf dem Dampfschiff von Norden kommend, zum ersten Male erblickte. »12 Allusions à la Rhénanie et épithètes décoratives atemporelles, stéréotypées, ironiques, sont directement empruntées à la plume de Heine. Ces élans poétiques dispensent le chroniqueur de livrer des informations historiques exhaustives, si bien que ses allusions à la théocratie et aux cruautés du clergé restent partout allusives. On se demandera notamment pourquoi Hartmann reste imprécis quand il parle de l’Inquisition ou pourquoi il ne traite pas de l’histoire des juifs.13 Sans doute parce qu’il n’entendait pas compenser le système catholique par une autre forme de religiosité, même épurée. C’est en tout cas dans la continuité du rationalisme des Lumières que Hartmann établit une relation de cause à effet entre les pratiques catholiques et les exactions populaires. Le château des papes qui domine Avignon pèserait sur l’urbanisme comme une chape de plomb : « […] wir standen vor dem Palast der Päpste. – Es ist ein babylonischer Bau! – Groß, ungeheuer, schreckenerregend. […] Hoch aufstrebend von der höchsten Höhe des Kalkberges, an dem Avignon liegt […], drückt ein geheimnisvolles Schweigen auf diese Mauern und umgibt sie mitten im hellen Lichte des Südens eine Art von unbegreiflicher Nacht. Man sieht es ihnen an: durch ihre Dicke drang der Notruf der verschmachtenden Völker nicht hinein, drangen die Schreie priesterlicher Orgien, ob sie nun in Bacchanalen oder im Foltern der Glaubensopfer bestanden, nicht heraus. »14 et c’est parce qu’il aurait été soumis à une « théocratie de cinq cents ans » que le peuple aurait commis des violences. Hartmann associe ainsi dans une même réprobation les excès des révolutionnaires entre 1791 et 1795 et ceux des émeutiers royalistes en 1815 : « Das Volk von Avignon ist im ganzen Süden als wahres Räubergesindel verrufen; man spricht nur mit Abscheu oder Spott von den Bewohnern der heiligen Stadt, und wenn ich so die Gestalten betrachtete, die in Masse den ganzen Quai besetzt hielten […], las ich auf diesen Gesichtern, dass der Ruf recht habe. […] Ich erkannte die Gefährten Jourdans, die königlichen Freiwilligen, die Verdets, die Werkzeuge der Kongregation und der Comités von 1815 – ich erkannte die

12 Hartmann, Tagebuch, p. 63. 13 Sur l’ancienneté et le rôle notable de cette colonie dans la cité des papes, voir Favier, Jean, Les papes d’Avignon, Paris, Fayard, 2006, p. 513–517. 14 Hartmann, Tagebuch, p. 66.

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Mörder des Marschall Brune, die Kinder fünfhundertjähriger Kirchenherrschaft. »15 Ce serait le manque de liberté qui serait la cause des débordements populaires, autrement dit ce serait la réflexion sur la religion qui, conformément aux positions également soutenues par ses amis, serait le préalable de tout renouveau politique, et ce toutes époques et tous pays confondus : « Den Turm Trouillas oder die Glacière bekamen wir nur von außen zu sehen; […] Es wäre interessant zu wissen, was man eigentlich verbergen will, ob den Schauplatz der Inquisitionsfolter, […] oder den Schauplatz, wo der Knabe Duprat, der feurige Mainville, der Apollo Rovère, der sentimentale Schurke […] Mathieu Jouve […], die einen ihrem Gotte, die andern ihrem Götzen in der Nacht vom 16. zum 17. Oktober 1791 Opfer schlachteten. […] In diesem Turme verseufzte auch der arme Volkstribun Rienzi und verbüßte, wie Hus, sein Vertrauen in ein Papstwort. […] Man kann es sich denken, was ein wütendes Volk vermag, das vier Jahrhunderte hindurch einen Turm wie die Trouillas betrachtete, am andern Ufer seines Flusses en freies Volk sieht und an seinen Mauern einen Anschlag, in welchem der Papst die Wiederherstellung der Inquisition wachsen. – Auf solchem Boden müssen solche Taten wachsen. »16 Ce foisonnement de noms montre que Hartmann a compulsé les textes historiques et, s’il privilégie les accumulations épiques, les formules sarcastiques ou l’expression de ses sentiments, ce n’est pas par défaut de connaissances.17 C’est ainsi qu’il raconte par le menu un épisode, bien connu, de la Terreur blanche en 1815, bien évidemment afin d’illustrer la manière dont le parti clérical manipulerait le peuple. Il s’agit du sort qui advint au maréchal Brune qui, lors des CentJours, avait affirmé sa fidélité à l'Empereur et reçu le commandement du camp d'observation du Var et qui, même après Waterloo, avait laissé flotter le drapeau tricolore à Toulon jusqu’au 31 juillet 1815. Rentrant à Paris, Brune fut assassiné le 2 août 1815 à Avignon par les "Verdets", émeutiers royalistes : « Was Brune während der Hundert Tage in Toulon […] getan - es grenzt ans Unglaubliche und man lernt es erst schätzen, wenn man die Blutströme sieht, die gleich nach seiner Absetzung im ganzen Süden zu fließen begannen, um jede Spur von Republikanismus, Bonapartismus und Protestantismus vom königlichen Boden Frankreichs fortzuschwemmen. […] Das ist die Geschichte von der Ermordung des wackern, edelmütigen Brune – eine Geschichte, die in der Restaurationszeit viele ihresgleichen findet. »18 15 Hartmann, Tagebuch, p. 64. 16 Ibid., p. 67–68. 17 Pour relater plusieurs épisodes et anecdotes, il a pu s’inspirer de Rastoul, Alphonse, Tableau d’Avignon, Avignon, Rastoul, 1836. Cet ouvrage, sur le plan informatif, lui aura sans doute été plus utile que la chronologie plus sommaire et événementielle qu’avait établie Peignot, Gabriel, Précis chronologique du règne de Louis XVIII, en 1814, 1815 et 1816, Paris, Renouard, 1816. On retrouvera en tout cas confirmation des épisodes mentionnés par Hartmann dans l’ouvrage de Houssaye, Henry, 1815. La Première Restauration ; le Retour de l'île d'Elbe ; les Cent jours, Paris, Perrin, 1893. 18 Hartmann, Tagebuch, p. 74–84.

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Cet anticléricalisme s’accompagne de deux composantes caractéristiques de Hartmann : son relativisme et son scepticisme. Ce scepticisme dépasse le cadre de la religion, il est d’ordre ontologique, mais le contexte confessionnel d’Avignon paraît confirmer cette vision de l’homme car Hartmann rapporte maintes anecdotes pour prouver qu’il n’aurait jamais été possible de se fier à la justice du pape et que la parole donnée n’aurait jamais été tenue. De même, Hartmann ne prend pas le parti du peuple quand il se livre à des massacres : le massacre de la Glacière fut perpétré en 1791 par des révolutionnaires, la Terreur blanche de 1795 et de 1815 l’a été par des adeptes de l’ordre catholique et royaliste. Ces derniers se référaient à leur Dieu, les premiers à leur « idole »19, terme qui renvoie ici à la révolution. Loin d’adopter l’interprétation que Marat faisait de la Révolution, se refusant à suivre le peuple dans ses pulsions destructrices, Hartmann se contente, du fait de son relativisme, de pratiquer une sorte d’alchimie littéraire et de transformer des critiques anticléricales éculées en un constat désabusé : « alia alii ». Il y aurait des esprits lucides qui dévoilent les motivations mesquines du clergé, sa volonté de pouvoir et ses ruses pour conserver ce pouvoir, mais ils désenchantent le monde, et il y aurait toujours des âmes plus simples ou des intrigants qui préfèreraient faire des concessions à l’imaginaire et perpétuer les légendes. Hartmann témoigne de la survivance de diverses légendes locales, établit un lien entre catholicisme et superstition20 et renoue, sur ce point encore avec l’argumentation anticléricale des Lumières. Au bout du compte, anticléricalisme et scepticisme l’incitent à juger que, dans ces années 1850, la première laïcisation n’aurait pas résolu la question du pouvoir et que la prétention de penseurs catholiques d’associer religion et raison relèverait de l’éloquence, voire de l’hypocrisie : « Wenn es einst zu einer Entscheidung kommt, wird Avignon seinen alten Ruf der Wildheit schwerlich Lügen strafen. […] Mein Begleiter zeigte mir unter andern und mit Lächeln das vergitterte Fenster einer Zelle im Papstpalaste, in welcher er schon mehremal wegen Preßvergehen gebrummt hatte. Der Papstpalast setzt also noch heute seine Bestimmung fort. […] So ein Papstpalast widerlegt alle Bossuets und de Maistres der Welt – trotz ihrer Beredsamkeit, trotz ihrer liberalen Heuchelei. »21 Usant ici de formules proches de celles que l’on trouve dans le Démocrate de Vaucluse22, il participe au combat de ceux qui estimaient non seulement que le processus de la laïcisation n’était pas terminé mais qu’une menace planait étant donné le regain d’activité des royalistes et du parti clérical. Il ne se contente pas de rapporter d’anciennes cabales ecclésiastiques à titre d’anecdotes plaisantes voire exotiques (« fremdartig », note-t-il), il est aussi profondément agacé par une population restée selon lui bien trop légitimiste. Cet anticléricalisme virulent nous confronte alors à une des questions posées par la laïcisation que les démocrates 19 20 21 22

Hartmann, Tagebuch, p. 67 (voir la citation insérée plus haut). Ibid., « nach Mittelalter riechen », p. 100. Ibid., p. 99. Voir Le Démocrate de Vaucluse, n° 97 du mercredi 18 décembre 1850, p. 1–2.

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revendiquaient : la question de la liberté d’expression, du pluralisme des opinions et de la tolérance. Le recours au genre de relation de voyage permet d’apporter deux éléments de réponse. D’une part, en s’inspirant des Reisebilder de Heine, Hartmann opte, non pas pour des solutions toutes faites, mais incite à la construction d’une réflexion critique. D’autre part, quand il évoque des pans du passé du catholicisme avignonnais et décrit des édifices religieux pour rappeler le pouvoir de l’Eglise et ses incidences, il n’écrit certes pas en conservateur des antiquités, à la différence d’un Millin en 1806 ou d’un Mérimée en 1834, mais du moins est-ce le signe qu’il ne serait nullement favorable à la destruction de ce patrimoine. Hartmann et les démocrates socialistes du Vaucluse Outre ces remarques acerbes sur le catholicisme, qui se concentrent sur Avignon et, au fond, concernent tous les hauts lieux du parti clérical de l’époque, Hartmann aborde un thème plus original car il apporte, de l’intérieur, des informations sur les questions débattues par les démocrates socialistes du Vaucluse. Le journal de ce cercle républicain, Le Démocrate de Vaucluse, fut de brève longévité et il est quelque peu oublié aujourd’hui mais son intérêt n’a pas échappé à Hartmann. Ce bi-hebdomadaire sortait le mercredi et le samedi, ses 197 numéros parurent entre le 16 janvier 1850 et le 3 décembre 1851. Ces quelques numéros, dont l’on peut constater aux archives Départementales d’Avignon et à la Bibliothèque Nationale de France qu’ils ont périodiquement été censurés, reflètent la ferveur socialiste des partisans de Proudhon et illustrent une tendance républicaine en fait très minoritaire à Avignon, ville alors à dominante légitimiste. Le Démocrate de Vaucluse, quand il aborde le thème de la religion, ce qui est assez rare, défend une position laïque et exprime trois préoccupations. La première consiste à attaquer systématiquement les « royalistes », les « légitimistes », les « jésuites », ainsi qu’à se rebeller contre toute tentative, de quelque courant politique qu’elle provienne, d’identifier libéralisme et catholicisme au nom d’axiomes de morale « nécessairement communs » : « C’est ainsi qu’on a vu, chose inouie après Descartes et la révolution de 89 ! quelques-uns de ces novateurs rétrogrades, à l’aide de quelques vulgaires axiomes de morale nécessairement communs, par leur origine rationnelle, à la philosophie et à la religion, essayer de démontrer que le catholicisme, tel qu’il a été enseigné et pratiqué dans le moyen age, est essentiellement libéral, ou bien, en retournant l’assertion, que la liberté moderne est toute catholique. Bien plus, poussant jusqu’à la plus fabuleuse extravagance l’oubli de toute vérité historique, ces sectaires n’ont pas craint de transformer Robespierre et St-Just en d’orthodoxes continuateurs du catholicisme : comme si la religion, ou la liberté avait quelque chose à gagner à une aussi grotesque métamorphose ! Ce n’est point apparemment par ce qu’elles ont de commun entre elles que la foi chrétienne et la raison libre se font, depuis des siècles, une guerre si acharnée (lisez, si vous en doutez, les dernières encycliques de Pie IX) ; et il est assez clair, d’ailleurs, que si ces deux puissances étaient naturellement d’accord sur tous les points, leur séparation dans le passé eût

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été sans cause, tout comme leur prétendue réconciliation dans le présent serait sans nécessité. »23 Cette irritation est attisée par les tensions entre démocrates radicaux et modérés, que ce journal qualifie de « faux-socialistes », dont l’ambition serait de confier au pouvoir en place la gestion de la question sociale alors que, comme ces proudhoniens le proclament dès leur premier numéro, il faudrait d’abord fonder une République démocratique, une et indivisible, impliquant suffrage universel direct, abolition de la présidence, liberté absolue de la presse, liberté d’association, d’enseignement et de conscience, et suppression du budget des cultes. La seconde préoccupation, qui en découle, est leur offensive contre la loi Falloux du 15 mars 1850 que Charles de Montalembert avait fait voter et qui officialisait la liberté de l’enseignement en faveur des catholiques.24 La troisième, plus inattendue dans ce contexte, est une particularité du rédacteur Fortuné Guiran qui dénie aux ministres comme Montalembert la légitimité de se référer au texte de la Bible et qui argumente en faveur de la liberté de la presse et de la laïcité en réfutant les détenteurs du pouvoir sur leur propre terrain. Fortuné Guiran, le cicérone de Hartmann à Nîmes et Avignon, était professeur de philosophie. Il participa par exemple à un concours ouvert par l’Académie des sciences morales et politiques pour « l’examen critique de la philosophie allemande » ; à la suite du rapport que Charles de Rémusat, au nom de la section de philosophie, rédigea sur l’essai de Guiran, ce dernier obtint une mention très honorable et un encouragement de 500 Francs du ministre de l'Instruction publique.25 Guiran, comme François Sabatier, était germanophile : il a séjourné à Berlin, traduit en 1832 les Lettres de Paris de Börne et écrit une pièce de théâtre, publiée en 1846 : « Le fils de Faust, drame en prose ». Hartmann donne peu d’indications sur le cercle républicain qu’il fréquente et une telle prudence était certainement de rigueur car Guiran avait fait de la prison en raison de ses prises de positions. Il se déclare ému de l’accueil que lui réservent ces républicains, d’autant qu’ils vénèrent en lui l’ami de Robert Blum, il se dit touché par la fougue politique de ses admirateurs. Il note que Guiran a été taxé d’athéisme par les autorités et laisse entendre qu’on a tort, en France, de lancer cette accusation abusivement : « Fortuné Guiran […] scheint für unsere Philosophie von Jugend auf be- und gestimmt gewesen zu sein, da er schon im Kollegium zu Aix, seiner Heimat, als, 23 Démocrate de Vaucluse, 1er numéro, 16 janvier 1850 24 Sur les prémices de la querelle de la laïcité et le paradoxe que représentait la loi Falloux dont « l'adoption aurait dû être saluée comme une victoire de la liberté » puisqu'elle abrogeait le monopole de l'université et était une défaite du despotisme napoléonien et qu’elle « fut néanmoins reçue comme une initiative réactionnaire » puisqu'elle accordait à l'Eglise un droit de regard sur l'école publique, voir les travaux de René Rémond et les aperçus synthétiques qu’il donne dans : Rémond, René, La vie politique en France 1848–1879, Paris, Colin, 1969, p. 113, p. 131 et suiv, p. 139. 25 Joseph Willm, inspecteur de l’Académie de Strasbourg, obtint le prix et publia son travail sous le titre : Histoire de la philosophie allemande depuis Kant jusqu'à Hegel, Paris, Ladrange, t. I en 1846 ; t. II et III, 1847.

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was man in Frankreich nennt, ein Atheist zu Gefängnis verurteilt worden war. Es ist natürlich, dass im frommen Süden solche Früchte reifen. Später, besonders unter dem Ministerium Guizot, hätte er eine glänzende Karriere machen können, wenn er nur ein Mann der kleinsten Konzessionen gewesen wäre. (p. 94) »26 Hartmann estime-t-il qu’il ne faut pas confondre laïque et athée et que la spécificité de Guiran consiste seulement à séparer les deux sphères, temporelle et spirituelle ? Cette séparation des deux sphères est effectivement une composante de la laïcité qui joue un rôle important chez Guiran et sur laquelle nous reviendrons. Hartmann indique sobrement que le Démocrate de Vaucluse est lu par les Parisiens, on pourrait en déduire que ce journal participait à la recherche théorique et à l’élaboration de réformes, ce que semblent confirmer la critique des lois sur l’enseignement et la discussion afférente préparant les futures lois sur l’enseignement laïque sous la Troisième République. Il estime que les opinions défendues par le journal seraient en train de gagner du terrain, affirmation difficile à vérifier mais qui sert à présenter le programme des démocrates socialistes du Sud-Est : « [Fortuné Guiran] benügte sich mit der schweren Aufgabe, die so sehr zurückgebliebene, verpfaffte Bevölkerung über ihre Interessen aufzuklären. Seine Bemühungen haben Früchte getragen. Das ehemals durch und durch legitimistische Avignon ist heute wenigstens zu einem Drittel zum demokratischen Prinzip bekehrt; die neuen Demokraten suchen ihre blutige, fanatische Vergangenheit aus der Zeit des Legitimismus vergessen zu machen, halten in ihrer Minderheit brüderlich zusammen und geben der Gegenpartei imponierendes Beispiel. Sie werden darin von einem großen Teile der Landbevölkerung des Departements de Vaucluse gewissenhaft unterstützt. »27 On voit aussi dans cette citation que, selon le républicain Guiran, Guizot n’était pas allé assez loin. Bien que Hartmann ne donne pas de détails, on devine sans mal que Guiran souhaitait une séparation de l’Eglise et de l’Etat et qu’il n’a donc pas cautionné la loi Guizot du 28 juin 1833, qui s’en tenait prudemment à un compromis entre Église et État, stipulant que chaque commune devait entretenir au moins une école primaire publique et que les instituteurs devaient dispenser une instruction morale et religieuse sous le contrôle des autorités ecclésiastiques catholiques. Au fond, Guiran était sans doute plus proche d’Hippolyte Carnot, qui tenta vainement, en 1848, d’obtenir que l’enseignement religieux soit retiré des programmes des écoles publiques. Dans la mesure où Hartmann ne rappelle toutefois pas ce contexte, qui est pourtant explicite dans le Démocrate du Vaucluse et l’était certainement aussi dans les conversations auxquelles il a assisté, son Tagebuch fait surtout ressortir le fait que l’intransigeance de Guiran ait nui à sa carrière et lui ait valu le désaveu de Guizot : un réseau de solidarité se tisse ainsi autour de ces victimes de leur idéologie puisque Hartmann était dans une situation compa-

26 Hartmann, Tagebuch, p. 94. 27 Ibid., p. 95.

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rable à celle de Guiran, tous deux ayant été mis à l’écart, l’un en province, l’autre, de manière plus radicale, à l’étranger. Un autre compagnon spirituel de Hartmann et des démocrates du Vaucluse est Victor Hugo. C’est avec virulence que le journal attaquait la loi Falloux et il avait applaudi au célèbre discours que Victor Hugo avait prononcé contre la loi Falloux en 1850, déclamant : « je repousse votre loi. Je la repousse parce qu’elle confisque l’enseignement primaire, parce qu’elle abaisse le niveau de la science, parce qu’elle diminue mon pays […] ». Le journal, qui reproduit ce discours dans son numéro 3 du 25 janvier 1850 (d’après le Moniteur), décèle avec enthousiasme un recul des légitimistes et une avancée politique en faveur de ses idées : « Les cris de fureur que ce discours a excités sur les bancs de la réaction prouvent que l’orateur a touché juste, et qu’il a mis le doigt dans la plaie. Mais ce qui excitait surtout la colère des partisans du passé, ce n’est pas tant la fidélité du portrait exposé au grand jour de la tribune, que la rage de se voir abandonnés par un homme qui a combattu long-temps dans leurs rangs. A ce signe infaillible, ils reconnaissent que leur cause est à jamais perdue. Le discours de M. Victor Hugo est pour elle un arrêt de mort. »28 L’admiration que Hartmann porte à Hugo est moins tonitruante que celle de ses amis. Certes, les positions de Hugo contre la censure et le parti clérical recoupent les positions de Hartmann comme celles des démocrates méridionaux, d’autant que l’ancien député qu’était Hartmann n’a pu qu’être sensible à l’éloquence dont Hugo avait fait preuve. Pourtant, ses références à Hugo sont d’ordre esthétique : ce nom est périodiquement mentionné parce qu’Avignon s’apparenterait à une ville hugolienne, à un décor de drame romantique.29 Ces références à Hugo renferment peut-être aussi un message de laïcisation dans la mesure où la référence à la spiritualité, chère à Hugo, n’est pas étrangère à Hartmann : détachée de toute institution ecclésiastique, c’est une religion du sentiment qui relève du frisson, de l’émotion esthétique comme celle que Hartmann a éprouvée devant le palais des papes, elle ne nécessite pas une croyance en Dieu. La suite du séjour que Hartmann fait dans le Midi de la France estompe quelque peu ses élans pathétiques. Le ton de la chronique est de plus en plus pragmatique et désabusé, s’écartant des enthousiasmes journalistiques du Démocrate. Peut-être Hartmann, tirant les leçons de l’échec des députés de Francfort, met-il même en garde ces démocrates du Vaucluse. Il observe assez froidement le comportement politique de la majorité des habitants du Midi et en conclut que le coup d’Etat de Louis-Napoléon va forcément réussir30, qu’il faudrait se faire une raison. A Montpellier, il pressent l’inanité de toute révolte et – au fond comme Guizot – estime que des accommodements seraient inéluctables étant donné l’arrière-plan matériel et social ; même les protestants accepteront le coup d’Etat imminent, prévient-il. Il ne partage donc pas les espérances électorales des démocrates28 Démocrate du Vaucluse, 25 janvier 1850. 29 Hartmann, Tagebuch, p. 73, p 74, p. 99. 30 Il écrit qu’il « ne doute pas » de la réussite du coup d’Etat et de l’instauration de l’Empire par Louis Napoléon.

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socialistes qui pensaient que la victoire restait possible. Cette distance intellectuelle et politique contamine sa perception de l’histoire et de la littérature régionalistes : les grands méridionaux ne seraient que des héros de village et les ruines médiévales comme la cathédrale de Maguelone seraient bien surfaites. Si Hartmann épouse la cause de ses amis républicains et fouriéristes qui souhaitent préserver et élargir les acquis de la première laïcisation, il s’en différencie pourtant et suggère les limites de ce qui est envisageable. Pour cet exilé qui espérait repartir un jour, il est en outre vraisemblable que la perte de ses illusions s’associait à la nécessité de rester assez allusif pour être publié en Allemagne, où la presse restait étroitement surveillée, même si les décrets de Karlsbad avaient été abrogés en mars 1848, et de tenir compte de la réalité politique de l’Autriche à une époque où le parti clérical (die Schwarzgelben) l’avait emporté. La solution protestante Hartmann examine aussi si les protestants du Midi n’auraient pas réussi à sortir autant de l’intransigeance des républicains que de la frilosité légitimiste. Il semble avoir reçu une double impulsion : celle d’une région de tradition calviniste, et – c’est du moins notre hypothèse – celle de ses conversations avec Guiran. Il mène, à Nîmes et dans les Cévennes, une sorte d’enquête sur la relation entre protestantisme et Etat : le protestantisme apporterait-il d’autres solutions que la révolution ? La position de Hartmann reste néanmoins celle d’un observateur extérieur qui ne se réclame pas, à titre personnel, d’une confession et qui, en l’occurrence, ne valorise pas une culture de l’intériorité préparée par le protestantisme. On constate sa neutralité confessionnelle quand, concevant le projet de s’atteler à une histoire du protestantisme français, il établit un état de la recherche à partir des ouvrages qu’il a lus. Bien qu’il s’intéresse à la culture cévenole et lise attentivement les textes retraçant l’histoire des Cévennes, il ne se livre pas à une apologie. Il apprécie l’histoire écrite par de Felice et celle de Borrel, il est plus taquin pour Peyrat et Court : Peyrat, prétend-il, se sentirait obligé de rendre hommage aux philosophes des Lumières puisque ces derniers ont rendu d’éminents services à la cause protestante, mais il le ferait à contrecœur. Et Hartmann laisse ainsi son lecteur deviner que le déisme et le matérialisme des Lumières ont irrité Peyrat. Antoine Court serait embarrassé quand il parle des prédicateurs du désert dont la théocratie était assurément trop démocratique pour un conservateur comme Court, suggère Hartmann avec malice. Mais, comme Hartmann réprouve l’anarchie entretenue par les prédicateurs du désert, il rejoint Court pour ce qui est du fond. A cette liste de livres protestants, Hartmann joint une présentation de textes écrits par des catholiques, qu’il commente de façon nuancée sauf quand il s’agit de Mme de Maintenon, laquelle serait « pire »31 que sa réputation ne le dit. En somme, ce panorama montre que Hartmann reste neutre pour ce qui est des sources qu’il utilise, protestantes ou catholiques, et qu’il se méfie de toute manifestation de fanatisme. 31 Hartmann, Tagebuch, p. 278.

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Quand il se plaît à se dire proche, à certains égards, des protestants cévenols, il y a une part de jeu. Sa conception de l’écriture en est déjà symptomatique : si les plus grands hommes sont, dit-il, Dante et Pétrarque pour l’Italie et Luther et Lessing pour l’Allemagne, c’est que les uns ont forgé la langue « du ciel et de l’enfer » (Dante et Luther), les autres celle « de la terre » (Pétrarque et Lessing). Il établit un parallèle entre les quarante-huitards allemands et les martyres des dragonnades, avouant son faible pour les camisards, rebelles comme lui, « rousseauistes », si bien qu’il n’est pas à exclure que ce rappel de la répression et de ses combats sous Louis XIV ait été une manière d’entretenir la mémoire de 1848.32 Toutefois, il faut tenir compte d’une grande part d’auto-dérision : il signale que ces « rousseauistes » sont aujourd’hui légitimistes33 ; ou il se compare à un aigle cévenol mais l’aigle en question habite dans le pigeonnier de la Tour de Fages ; ou il s’accorde la fantaisie de prêter aux Languedociens un caractère « barbare » qui résulterait de l’amalgame des Romains avec les Celtes et les Francs et expliquerait « l’esprit d’indépendance » qui les différencierait des autres Français.34 Cette sympathie d’un homme de lettres pour les camisards est de surcroît une concession délibérée vis-à-vis de l’engouement des touristes protestants et de la mode entretenue par Tieck dans Aufruhr in den Cevennen.35 Plus fondamentalement, le jugement de Hartmann à propos de cette thématique protestante reste dominé par des préoccupations sociales et politiques. Former les individus à la citoyenneté républicaine implique de les inciter à se libérer de l’emprise des idées religieuses et d’en décoder l’arrière-plan social. Nous avons vu qu’il rejoint en cela les positions des héritiers de la Révolution française. C’est pourquoi, il dévoile, dissimulés derrière les positions théologiques, des intérêts matériels plus ou moins sordides : « Man glaube nicht, dass ich Tendenz oder wohlfeile Polemik gegen den Adel mache, indem ich so oft auf den Abfall, den schändlichen Verrat, die apostatische Verfolgungssucht der Languedocschen Aristokratie zurückkomme. In den besten Quellen, die ich hier beigeben werde, darunter katholische, kann man sich von der Wahrheit des Gesagten überzeugen, von der Wahrheit, dass die Adeligen nichts von den größeren Schändlichkeiten, vom bittersten Verrat an ihren Glaubensgenossen abhielt, nachdem es den Anschein gewonnen hatte, dass auf protestantischer Seite wenig Vorteil zu holen war. Die Vergleichung mit anderen Zeiten und Ländern, die Nutzanwendung und die Moral überlasse ich dann dem Leser selbst (p. 275). »36 Les nobles apostats ou les courtisans de Louis XIV n’auraient songé qu’à leur position sociale : « Man erkennt, wie wenig bei den Helfershelfern Ludwig XIV. die Religion, wie viel ihr eignes Interesse zu bedeuten hatte und daß in den Ce32 Hartmann, Tagebuch, p. 355. 33 « der Bewohner des Languedoc ist vollkommen Rousseauscher Egalitätsmensch. – Und dabei doch Legitimist?! Jawohl, und oft wütender Legitimist. Das sind so Dinge, die hinter dem Rücken der Logik vorgehen », ibid. 34 Ibid., p. 304. 35 Ibid., p. 305. 36 Ibid., p. 275.

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vennen Tausende geschlachtet wurden, um in Versailles einen kleinen Platz zu behaupten. »37 Hartmann n’a pas davantage d’indulgence pour les camisards, qu’il caractèrise, à juste titre, de fanatiques et de brutaux, la violence populaire, comme toujours, ne lui inspirant que répulsion. Son insistance à présenter l’histoire du protestantisme français peut être attribuée à son propre héritage germanique et bohème. Révolution religieuse, hussitisme et Réforme luthérienne, restent ses points de repère, sans doute parce que le problème central en Allemagne était moins celui de « la place du religieux dans la société » que celui posé par la coexistence de deux confessions et leur relation à l’autorité politique.38 Un aspect de son enquête portait sur les institutions calvinistes, et s’interrogeait sur leur capacité à servir de modèle au fonctionnement républicain, question à laquelle il répond negativement, car, ici encore, les enjeux seraient matériels. De plus, s’il a conçu le projet d’écrire une histoire du protestantisme français, c’est peut-être dans l’intention de livrer à son lectorat allemand, comme Heine l’avait fait pour le public français, une histoire de la religion en France. Même s’il n’a pas achevé cette tâche, l’état de ses recherches en constitue un canevas intéressant. Si l’on fait le bilan des thèmes qu’il traite, c’est en définitive toujours l’ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses qui est abordée. Tandis que le Démocrate de Vaucluse lutte contre l’influence des Eglises en 1850, Hartmann prédit que les protestants s’accommoderont du gouvernement de Napoléon III. La solution qu’il préconise pour s’émanciper des prétentions cléricales est, d’une part politique – puisque Louis-Napoléon va certainement s’imposer, qu’il sache, du moins, profiter des compétences économiques des protestants –, et, d’autre part, socialiste : dénoncer les intérêts de ceux qui tentent de profiter du parti clérical pour préserver leurs intérêts de caste. Il trace un tableau nuancé (et réaliste) des tendances politiques des protestants de Montpellier et Nîmes en 1851, qui se composeraient de beaucoup de légitimistes, d’une minorité d’ouvriers et de « républicains », ainsi que de bonapartistes et de quelques orléanistes. Outre le fait qu’il a été bien informé, il sape, avec un humour impitoyable, les fondements idéologiques des uns et des autres. Car ces Français, toutes tendances confondues, seraient assez pragmatiques pour s’incliner le moment venu devant le « fait accompli », l’avènement de Louis Napoléon, surtout si ce dernier pratiquait un libéralisme économique favorisant la vente des vins produits par les propriétaires du Midi. Le voyageur imagine pour finir que « deux préfets arborant le ruban rouge à la boutonnière vont bientôt déambuler dans les rues de Nîmes et de Montpellier, personnifiant l’aigle impérial ».39 Il se moque donc des philistins, y compris du milieu protestant, philistins que Heine avait déjà immortalisés dans ses Reisebilder. 37 Hartmann, Tagebuch, p. 279. 38 François, Etienne, L’Allemagne du 16è au 20è siècle, dans Davie, Grace ; Hervieu-Léger, Danièle (sous la direction de), Identités religieuses en Europe, Paris, La Découverte, 1996, p. 85–86. 39 Hartmann, Tagebuch, p. 364.

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L’été 1851 étant pour la France une période de transition et d’attente, Hartmann a fini par annoncer la défaite de tous les courants aussi bien légitimistes que démocratiques.40 Son scepticisme face à la lutte contre l’influence cléricale le rend sarcastique. C’est par exemple le cas quand il s’en prend à la revue légitimiste L’Echo du Midi, journal qu’il juge fort méticuleux dans ses rubriques historiques et pouvant – à cause de cette méticulosité – « faire des ravages ».41 Dans l’ensemble de la relation de ce voyage, il reste sur le qui vive et perpétuellement insatisfait, ce qui lui garantit une forme de neutralité qu’il juge plus complète que celle de ses amis protestants puisque, selon Hartmann, l’engagement finirait par l’emporter, chez eux, sur la logique, l’efficacité sur l’esthétique, la simplification sur les nuances. Ce scepticisme pourrait avoir été conforté par sa prise de distance vis-à-vis des positions de son ami Fortuné Guiran. En effet, quand on relève les quelques éditoriaux où Guiran aborde la religion, on constate que, s’il pratique un réel prosélytisme en faveur de ce qu’il nomme « l’autorité de la raison », il ne milite pas pour autant en faveur de l’athéisme. Sa priorité est ailleurs : il réclame avec obstination, sur le plan matériel, que la gestion des cultes ne soit pas l’affaire de l’Etat. Quand il revendique la liberté de conscience, Guiran transpose la revendication luthérienne du sacerdoce universel dans le contexte politique des années 1850–1851 : « L’histoire universelle est la mise en action de cette vérité. Pour nous en tenir aux faits actuels, n’est-il pas clair comme le jour que, par l’établissement de la liberté religieuse, le dogme de l’autorité est en pleine dissolution ? L’Etat salarie également les rabbins, les ministres protestants et les prêtres catholiques. Or, parmi ces gens-là, ce que les uns nient, les autres l’affirment, et réciproquement : l’Etat salarie donc une contradiction. Dira-t-on, que ces cultes divers ne diffèrent que par la forme et qu’ils contiennent chacun le dogme fondamental commun à toutes les religions ? Je le veus (sic) bien, mais alors (voilez-vous la face d’horreur, ô Falloux et Montalembert) que l’Etat, dépouillant toute hypocrisie, inscrive au frontispice de ses lois le célèbre décret de Robespierre : Le peuple français reconnaît l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme ! L’Etat, qui salarie une contradiction, étant en même temps l’expression plus ou moins exacte de la société, il s’ensuit qu’en France la seule autorité permanente et réelle en fait de religion est l’autorité de la raison ; ce qui signifie en termes plus clairs que chacun, en France, est à soi-même son prêtre et son roi. »42 C’est pourquoi, dans une lettre ouverte publiée le 18 septembre 1851, Guiran reproche à Proudhon : « formellement athée en parole, vous êtes sceptique en réalité », à telle point que les lecteurs de Proudhon seraient, dit-il, « désespérés ».43. Et, bien qu’il se classe lui-même parmi les disciples de Hegel, Guiran s’éloigne des athées, déclarant à Proudhon : 40 41 42 43

Il s’attend à un Etat « autoritaire » et parle de « fait accompli », Hartmann, Tagebuch, p. 337. Ibid., p. 338. Démocrate de Vaucluse, 16 août 1851. Démocrate de Vaucluse, 18 septembre 1851, p. 2.

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« A la suite de M. David Strauss, le célèbre auteur de la « Vie de Jésus » et de la « Dogmatique chrétienne », vous croyez, avec MM. Auguste Comte et Littré, que l’idée de Dieu s’évanouit de la conscience à mesure que l’Humanité s’enrichit et s’éclaire. Je soutiens, moi, contrairement à cette opinion, que, bien loin de s’affaiblir parmi les hommes et d’aboutir, par conséquent, tôt ou tard, à sa complète négation, l’idée de Dieu va toujours s’épurant et s’agrandissant à travers les siècles ; et que c’est en cela même que consiste précisément tout ce qu’il y a d’essentiel dans le progrès général de la société. »44 La liberté à laquelle il aspire semble compatible avec la laïcité dont se réclame le Démocrate de Vaucluse puisqu’elle implique une stricte séparation des institutions étatiques et religieuses et s’insère dans un plaidoyer plus global en faveur du système républicain. Guiran ne fait que rattacher cette revendication à la liberté du croyant et il revient aux principes fondamentaux de la Réforme : « Oui, sans doute, la religion est la première base de toute société. Mais il y a religion et religion comme il y a fagot et fagot. La religion du genre humain est le commerce intérieur et permanent de toute âme humaine avec le principe éternel de son être : elle est cette incarnation du verbe divin c’est-à-dire de la raison divine, dont l’apôtre saint Jean a dit qu’elle éclaire tout homme venant en ce monde : et illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. Est-ce de cette religion absolue qu’il s’agit ? mais dans ce cas, tout homme qui s’interpose entre Dieu et l’âme de chaque homme interpose sa propre obscurité, son opacité individuelle entre la lumière divine et l’âme de chaque homme. Expliquez-vous donc, M. de Montalembert ! quand vous parlez de l’Esprit-Saint, est-ce de cet esprit de gloire et de liberté, qui, incessamment répandu à flots abondants au sein de l’humanité, inspire, en chaque siècle, les héros et les sages, et brille au fond de toutes les consciences comme un flambeau du ciel toujours allumé sur les voies de la terre ; ou bien est-ce simplement l’étroit esprit de MM. Olivier, Montalembert, Antonelli et autres grands sacristains qui vient impudemment nous donner ses vilainies ( !) et son asinique ignorance pour la lumineuse effulgescence de Dieu le père ? »45 On trouve deux autres exemples allant dans le même sens. Quand il conteste le fait que le ministre Montalembert se soit référé à l’autorité de l’Evangile pour imposer la sanctification du dimanche et le repos dominical, Guiran rappelle certes la solution prônée par Proudhon, celle d’un repos septénaire différent du repos dominical, mais il critique le « sacrilège » commis par Montalembert qui recourt à une citation biblique pour dissimuler un objectif économique : « C’est, ô sacrilège ! sous l’invocation de celui qui a dit : le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, que l’orateur du jésuitisme universel a l’effronterie de frapper d’anathème la veuve et l’orphelin obligés de glaner, le dimanche, leur maigre subsistance du lundi dans les riches enclos du vieux monde ! On trouvera plus loin dans nos colonnes l’accablante réponse faite par Proudhon à cet homicide projet de loi ; nous voulons nous borner ici à dévoiler en

44 Démocrate de Vaucluse, 18 septembre 1851, p. 1. 45 Démocrate de Vaucluse, 18 décembre 1850.

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quelques mots l’hypocrite absurdité du prétendu principe religieux que lequel on ose s’appuyer. »46 Plus loin, prenant courageusement le parti du Courrier de Vaucluse victime de la censure, F. Guiran cite en exemple le message des Evangiles et il polémique ici encore contre le mauvais usage qu’en feraient l’autorité politique et les censeurs : « La dure pénalité qui vient d’atteindre une feuille aussi modérée que le Courrier de Vaucluse fournit une preuve nouvelle de l’excessive rigueur des lois qui régissent la presse […] Nous demanderons aux pieux défenseurs de la propriété qui ont édicté ces lois draconiennes, s’il est beaucoup de propriétaires qui pûissent à la longue résister à la désastreuse influence d’une pareille législation. Un journal, il est vrai, d’après nos grands législateurs réactionnaires, n’est pas un fonds de terre, et une idée ne vaut pas un grain de blé. Jésus pourtant a dit : l’homme ne vit pas seulement de pain ; et à ses apôtres – allez et enseignez ! Mais que sont Jésus et les apôtres à côté des amis actuels de la religion ! »47 Hartmann, au contraire, demeure étranger à ce type d’argumentation, ses paradigmes restent sociologiques et matérialistes. S’il était outré par le fanatisme des camisards, il se dit déçu – malgré les exceptions existantes – par l’intolérance actuelle et réciproque des catholiques et des protestants48, par le manque de culture des responsables calvinistes qui, alors que la constitution de leur Eglise les y autoriserait, ne mettent pas en application un fonctionnement républicain et ne suivrait pas les conseils – pourtant avisés – que des penseurs venus d’Allemagne tenteraient de leur dispenser.49 L‘argumentation de Guiran n’a donc pas convaincu Hartmann de la possibilité de séparer l’Eglise et l’Etat mais paraît au contraire l’avoir poussé à estimer que le protestantisme, dans sa composante calvinienne aussi, serait apte à être utilisé par l’Etat, en l’occurrence par Louis-Napoléon. Hartmann fait donc partie des disciples de Hegel qui estiment que la réflexion sur la religion est le préalable de tout renouveau politique, s’opposent à l’alliance du trône et de l’autel, critiquent toute forme de dogmatisme et de fanatisme, dénoncent les intérêts matériels que chaque confession défendrait à sa manière. Sa lutte pour la liberté impliquait autant de combattre le cléricalisme que d’obtenir une stricte séparation de l’Eglise et de l’Etat, toutes confessions confondues. Pour le dire d’un mot, cette relation de voyage est un plaidoyer laïque, formulé sur le mode de l’humour, du paradoxe et du relativisme heinéens. La description d’Avignon, marquée par les échanges de Hartmann avec ses amis politiques, est aussi esthétisée et rappelle la satire que Heine avait faite du clergé italien à 46 47 48 49

Démocrate de Vaucluse, 18 décembre 1850. Démocrate de Vaucluse, 14 juin 1851. Hartmann, Tagebuch, p. 328. Ibid., p. 268. On serait tenté de songer par exemple à la revue d’Arnold Ruge, Les Annales franco-allemandes, qui, pour reprendre les termes de L. Calvié, incitaient les Français à « penser à l'allemande » (selon Hegel) et les Allemands à « agir politiquement à la française » (dans la tradition de 1789), voir Ruge, Arnold, Aux origines du couple franco-allemand. Critique du nationalisme et révolution démocratique avant 1848. Textes traduits de l'allemand et présentés par Lucien Calvié, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2004.

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Lucca dans ses Reisebilder de sorte que Hartmann, quand il envisage les données susceptibles de favoriser un progrès politique, semble plus proche de l’indifférentisme de Heine50 que des argumentations de Guiran. Il ne cache pas son scepticisme quant à l’évolution de la société dès qu’il évoque le rôle des théologiens catholiques ou protestants. Son agacement atteint son apogée face à l’influence exercée par le clergé catholique sur les citadins et les paysans : « Il n’est sans doute pas à notre époque une autre région en Europe qui soit si inconditionnellement livré au pouvoir du clergé que le Midi de la France. Le voyageur se sent parfois revenu au XVIe siècle et en Espagne. On observe partout des signes de l’esclavage dans lequel l’Eglise maintient le peuple. Presque toutes les femmes, qu’elles soient issues du peuple ou des couches supérieures de la société, portent des petites croix ou un chapelet pour montrer ostensiblement qu’elles appartiennent à telle ou telle association placée sous la coupe d’un prêtre quelconque. Processions et enterrements trahissent le fait qu’une grande partie de la gent masculine se plie aussi à la discipline ecclésiastique. »51 Il attribue ce fanatisme obsolète à l’influence des légats du pape qui, depuis Avignon, auraient durablement inculqué le goût de ces « pieuses bouffonneries ».52 Cette pirouette à travers les siècles, malgré son apparence humoristique, traduit – ici comme à maints autres endroits – l’impuissance à combattre l’influence du parti de l’ordre ; Cet aveu d’échec se retourne, finalement, contre les intellectuels dont Hartmann fait partie, jugés incapables d’émanciper les masses. L’exil amplifie cette situation : si l’hôte de passage garde ses convictions, si son séjour en France ne met rien entre parenthèses, il n’en est pas moins frappé de paralysie civique. Son attaque contre le cléricalisme concerne autant les réalités autrichiennes que l’environnement français, mais Hartmann n’a pas plus de prise sur son pays d’origine qu’il n’en a sur la France, et ces carences lui inspirent une mélancolie dont il n’émerge que par le bais de sarcasmes.

50 Höhn, Gerhard, Heine-Handbuch. Zeit, Person, Werk, Stuttgart, Metzler, 2004, p. 251, p. 350, p. 355. 51 Hartmann, Tagebuch, p. 364. 52 Ibid., p. 368.

LA LOI SCOLAIRE FRANÇAISE DU 28 MARS 1882 ET LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT LAÏQUE. UN DEBAT DANS LA PRESSE ALLEMANDE Philippe Alexandre « Celui qui a la maîtrise de l’école, a aussi celle de l’avenir. » : Le débat sur l’influence de l’Etat et de l’Eglise dans les écoles a été mené en France et en Allemagne d’une façon assez différente. L’évolution du débat dépendait – comme ses conséquences – aussi bien du contexte historique et de la situation politique que des héritages culturels, scolaires et juridiques. En Allemagne, non seulement les Eglises et les représentants de la laïcisation tiennent une place importante dans la politique scolaire, mais les différences régionales historiques en tiennent une également. De plus, cette polémique a été alimentée par les événements se déroulant dans chacun des deux pays, et par leur ingérence mutuelle. Ceci apparaît clairement dans l’analyse des réactions de la presse allemande face à la loi française du 28 mars 1882, loi qui séparait l’école publique des religions. Mais les réformes laïques en France n’ont pas été seulement discutées par l’Allemagne comme un des grands sujets de l’actualité étrangère. Elles ont aussi été instrumentalisées stratégiquement par tous les partis allemands pour ce débat. „Wer die Schule hat, hat die Zukunft“: Die Diskussion um den Einfluss von Staat und Kirche auf die Schule ist in Frankreich und Deutschland unterschiedlich geführt worden. Der Verlauf war ebenso wie die Resultate abhängig vom Zeitpunkt und der politischen Situation, sowie von den kulturellen, schulischen und juristischen Hintergründen. In Deutschland spielten nicht nur die Kirchen und die Vertreter eines nicht-konfessionellen Unterrichts eine Rolle in der Diskussion, es gab historisch auch große Unterschiede in der regionalen Schulpolitik. Allerdings konnten auch die Ereignisse in diesem Bereich im jeweils anderen Land Auswirkungen auf die Debatte haben. Dies zeigt die Analyse der Reaktionen in der deutschen Presse auf das französische Gesetz vom 28. März 1882, das die Schulen und jeglichen religiösen Unterricht voneinander trennte. Die laizistischen Reformen in Frankreich wurden aber nicht nur als eines der großen Themen ausländischer Politik diskutiert. Sie wurden auch für die politische Auseinandersetzung im eigenen Land instrumentalisiert und spielten in den Strategien aller Parteien und damit im politischen Diskurs eine wichtige Rolle.

En 1881, une revue catholique allemande, les Historisch-politische Blätter, notait à propos de ce que l’on appelait alors « la question scolaire » : « C’est le problème qui, actuellement, dans une grande partie du monde civilisé, agite les esprits, beaucoup plus fortement que toutes les autres questions, et divise chacun des peuples en deux grands camps adverses. »1 La grande querelle qu’allait provoquer 1

Die Schulfrage, Von einem Pädagogen, dans Historisch-politische Blätter, 1881, vol. 88, p. 428–440; ici p. 428.

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en France la loi du 28 mars 1882 s’inscrivait dans un contexte européen, voire occidental si l’on inclut les Etats-Unis. Dans la société moderne semblait s’accélérer cette évolution générale dont parlait Jules Ferry dans son discours du 23 décembre 1880 à la Chambre des députés de Paris.2 A la fin du XVIIIe siècle, on avait « sécularisé le pouvoir civil », au début du siècle précédent, Bacon, Descartes, les grands esprits avaient « sécularisé le savoir humain, la philosophie » ; il s’agissait désormais, selon lui, d’« obéir à la logique de ce grand mouvement » et de « séculariser l’école ». En Allemagne, cette idée figurait dans les programmes politiques des démocrates3 et des socialistes depuis les années 1860.4 Laïciser l’école publique, cela signifiait modifier son statut, réviser le contenu des programmes scolaires, définir rigoureusement la qualité des personnels, dont les religieux devraient être exclus, faire disparaître de l’école les symboles religieux, y interdire la présence de religieux et l’enseignement de doctrines religieuses, repenser la formation des maîtres dans les écoles normales. Le débat se concentrait alors essentiellement sur l’école primaire où était formée la plus grande partie de la population, qui n’allait ni au collège ni au lycée. L’influence de l’instituteur sur les jeunes esprits était considérée comme déterminante, plus que celles des professeurs sur des lycéens qui, souvent, avaient déjà développé leur propre pensée et qui étaient marqués par leur milieu. C’est parce que l’on était conscient de l’enjeu que constituait l’enseignement élémentaire, que l’on entendait souvent dire : « Celui qui a la maîtrise de l’école, a aussi celle de l’avenir. »5 Le débat sur la laïcisation de l’école s’est toujours inscrit dans un contexte national particulier dans la mesure où l’histoire et la situation politique, juridique et culturelle, de l’enseignement sont différentes d’un pays à l’autre. Mais ce débat a été parfois influencé par celui d’autres pays sur le même sujet. C’est ce que mon2

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Ferry, Jules, Discours du 23 décembre 1880, dans Robiquet, Paul (sous la dir. de), Discours et opinions de Jules Ferry, Paris, A. Colin, 1894, t. 4, p. 124 ; voir aussi Mély, Benoît, La question des églises et de l’école dans quelques pays européens. Allemagne, France, GrandeBretagne, Italie 1789–1914, Lausanne, Ed. Page deux, 2004 ; ici Introduction. Süddeutsche Volkspartei, dans Fricke, Dieter (sous la dir. de), Die bürgerlichen Parteien in Deutschland. Handbuch der Geschichte der bürgerlichen Parteien und anderer bürgerlicher Interessenorganisationen vom Vormärz bis zum Jahre 1945, Leipzig, VEB Bibliographisches Institut, 1970, vol. II, p. 290 et suiv. Programm der Sozialdemokratischen Arbeiterpartei. Eisenach, 8. August 1869, dans Treue, Wolfgang (sous la dir. de), Deutsche Parteiprogramme, Göttingen, Musterschmidt-Verlag, 1954, p. 69–70. Les « progressistes de Prusse » n’allaient pas aussi loin ; ils demandaient l’égalité des droits pour toutes les communautés religieuses à l’école, voir Gründungsprogramm der Deutschen Fortschrittspartei, Berlin, 9. Juni 1861, ibid., p. 62 et suiv. « Wer die Schule hat, hat die Zukunft. » On trouve par exemple ce slogan dans l’intervention que fit le prêtre Hammer lors du congrès des catholiques de 1882 (voir Was die Konservativen und Ultramontanen über die heutigen Elementarschulen urteilen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 33–35) ou dans une publication du protestant libéral: Bona Meyer, Jürgen, Die Behandlung der Schule auf den letzten Provinzial-Synoden Rheinlands und Westfalens. Schriften des Liberalen Schulvereins Rheinlands und Westfalens, Bonn, Verlag von Emil Strauß, 1882, p. 3.

La question de l’enseignement laïque. Un débat dans la presse allemande

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tre une analyse des réactions qu’ont suscitées, dans la presse allemande, la loi française du 28 mars 1882, les séances houleuses à l’issue desquelles elle fut adoptée au Sénat le 23 mars, les conditions de son application et la résistance de la droite cléricale. Pour mieux comprendre ces réactions, il convient de rappeler quels sont, à cette époque, les enjeux de la « querelle scolaire » allemande, des enjeux propres au contexte de l’Allemagne de Bismarck, à un moment où se manifeste un mouvement conservateur et national qui entend réagir face à l’influence grandissante des idées progressistes. La querelle scolaire en Allemagne La situation de l’école primaire se caractérise en Allemagne par l’existence de deux grandes communautés religieuses, les protestants et les catholiques, du fait que le Reich bismarckien est un Etat fédéral et que les questions touchant à l’école relèvent de la compétence de chacune de ses composantes, où l’enseignement a une histoire politique et sociale qui lui est propre. Ainsi peut-on parler, dans le cas de l’Allemagne, d’une importante diversité régionale en matière de politique scolaire, comme le montrent les quelques exemples suivants. Dans le duché de Nassau, un édit a mis en place, dès 1817, une instruction publique « utile », permettant à l’individu de progresser dans l’intérêt de l’Etat ; le même édit demandait que l’école soit ouverte aux enfants de toutes les religions et que chacun d’eux puisse avoir, sinon un maître de même religion que la sienne, du moins un enseignement dans sa religion.6 En Prusse la situation apparaît comme plus complexe. Un décret de 1822 montre que dans cet Etat s’est posé, dès cette époque, la question de l’école interconfessionnelle (Simultanschule) à laquelle il était déjà reproché de négliger la religion.7 Comme le montrent les programmes scolaires, la religion a toujours occupé une place importante dans les écoles primaires et les lycées prussiens. En 1849, pourtant, après une année de révolution marquée entre autres par une « guerre scolaire », Frédéric Guillaume IV se voyait obligé de tancer les enseignants parce qu’un courant contraire à la religion affectait les écoles de son royaume. Il leur reprochait de donner à leurs élèves une « pseudo-éducation », une « sagesse populaire dénuée de tout esprit religieux », de les soumettre aux « influences funestes d’une époque empoisonnée » et de leur inculquer les « doctrines pernicieuses d’une philosophie moderne frivole ».8 La constitution prussienne du 31 janvier 1850, assez souple, plaçait l’inspection des écoles sous la haute surveillance de l’Etat (article 23), et précisait que dans l’organisation des écoles primaires publiques, il fallait le plus possible tenir compte de la situation religieuse locale.9 Le Règlement scolaire de 1854, qui insistait sur le fait que l’enseignement chrétien était une nécessité, laisse deviner que l’on se trouvait confronté à une 6 7 8 9

Nassauisches Schuledikt, dans Bona Meyer, Die Behandlung der Schule, p. 113–115. Ibid., p. 115. Ibid., p. 135 et suiv. Ibid., p. 144.

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crise persistante. Cette crise devait se manifester à l’époque du Kulturkampf, sous le ministère d’Adalbert Falk. La Loi prussienne du 11 mars 1872 sur l’inspection des écoles ne faisait que rappeler la liberté de l’Etat par rapport à l’Eglise dans ce domaine10, mais de nombreux prêtres devaient se voir retirer cette fonction. Dans le Wurtemberg, l’école primaire est financée par la commune, qui reçoit, si nécessaire, une aide de l’Etat. Dans les communes où coexistent plusieurs religions, on tient compte de la majorité. L’école communale est placée sous la surveillance du pasteur ou du prêtre auquel il incombe de dispenser l’instruction religieuse, d’autoriser les programmes, de répartir les élèves dans les classes, de surveiller l’instituteur dans ses fonctions, mais aussi en dehors de l’école. Des membres du conseil paroissial siègent au sein du conseil de l’école, les autorités de l’Eglise sont associées à l’inspection des écoles au niveau des districts. Quant aux écoles confessionnelles (Konfessionsschulen), elles sont financées par ceux qui souhaitent qu’elles existent.11 Ce que l’on appelle « la question scolaire » se situe au-delà des débats liés à ces situations particulières dans chacun des Etats allemands. Les contenus de l’enseignement, l’inspection des écoles et plus particulièrement l’idée de séparation de l’école et des Eglises, tous ces sujets provoquent un grand affrontement idéologique qui oppose chrétiens et athées. Les Historisch-politische Blätter, champions de la lutte menée contre l’irréligion, entendent soutenir l’école primaire chrétienne. Ainsi sont-ils partis en campagne contre les libéraux qui s’acharnent contre ceux qu’ils appellent les « ultramontains », et qui veulent une école « moderne » au sein de laquelle une influence pernicieuse remet en cause l’autorité de l’Eglise.12 Leurs cibles sont les instituteurs du Pays de Bade et de Cobourg-Gotha, de façon générale le « libéralisme des enseignants du sudouest ».13 L’adversaire, c’est aussi la presse pédagogique dont ils affirment qu’elle est, « pour les 9/10èmes », entre les mains des libéraux. Il faut que les enfants continuent à être éduqués dans l’esprit de l’Eglise. C’est pourquoi ils sont favorables à l’« école primaire confessionnelle »14, que les protestants de Prusse en lutte, eux aussi, contre l’irréligion, ont tout intérêt à défendre. Affirmant que 50 à 80 % des instituteurs protestants sont « athées », les Historisch-politische Blätter préconisent, comme solution pour surmonter la crise provoquée par cet état de choses, de confier l’inspection des écoles au clergé protestant dans les campagnes.15 La population des campagnes est le dernier soutien d’une Eglise protestante affaiblie depuis la défection de la classe ouvrière et des milieux dits cultivés. Le ton adopté ici traduit la volonté de réagir qui semble se manifester chez les conservateurs. Une revue pédagogique, la Pädagogische Rundschau, se déclare 10 Bona Meyer, Die Behandlung der Schule, p. 167 et suiv. 11 Das württembergische Volksschulwesen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 4 et suiv. 12 Historisch-politische Blätter, 1881, 2, p. 429. 13 Ils parlent de « südwestdeutscher Pädagogen-Liberalismus ». 14 Konfessionelle Volksschule. 15 Die confessionelle Volksschule in ihrer Bedeutung als Stütze des protestantischen Kirchentums, dans Historisch-politische Blätter, 1881, vol. 87, p. 832–847.

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affligée de constater que le « conservatisme » renaît au sein des conseils municipaux, parmi la population, du côté des pouvoirs publics. Elle observe que la noblesse et le clergé orthodoxe protestant tentent d’inverser une tendance qui a pourtant permis de faire des progrès, qu’ils entretiennent les « vieux préjugés », animés qu’ils sont par la haine des « citoyens », des « paysans intelligents » qui refusent de se soumettre à eux aveuglément. Elle cite, pour la Saxe, le Volksfreund, journal populaire conservateur, qui dénonce la « sagesse moderne » inutile enseignée dans les écoles normales, puis à des paysans dont on pense qu’ils n’ont besoin que de quelques connaissances utiles.16 En Hesse, le Starkenburger Bote, ultramontain, déplore la « fureur » avec laquelle on s’applique à apporter aux enfants des connaissances inutiles, le but étant surtout, affirme-t-il, de leur inculquer des « sentiments libéraux » qui risquent de « ruiner l’école » du pays. En Bavière, la droite ultramontaine proteste à la Chambre contre le monopole que l’Etat moderne a acquis sur l’école, contre le matérialisme et l’indifférentisme qui ont envahi l’école publique. Elle formule un certain nombre de revendications. Il faut, dit-elle, interdire les « doctrines étrangères au christianisme » dans toutes les écoles, restaurer le caractère confessionnel des écoles primaires, réduire les programmes, confier à l’Eglise catholique la direction de l’instruction religieuse, l’associer à l’inspection des écoles et, de façon générale, à la vie de celles-ci. L’Eglise doit conserver son influence, toute son influence sur cette institution, de même que sur le travail et la formation des instituteurs. Le dernier congrès des catholiques, qui s’est déroulé sous le signe de la lutte menée contre la déchristianisation, a dénoncé l’évolution de l’école et les nouvelles théories universitaires. La tendance générale chez les conservateurs, qu’ils soient catholiques ou protestants, est d’affirmer que l’instituteur ne doit être qu’un « fonctionnaire subalterne de second rang » soumis au clergé dont il faut renforcer l’influence17, sousentendu parce qu’il est considéré comme un des garants de l’ordre établi. Le débat n’a pas lieu que dans la presse. On voit des associations, anciennes ou nouvelles, défendre des positions idéologiques sur la question scolaire. Le Deutscher Evangelischer Verein (créé en 1853) demande que soit enseignée à l’école la « vérité protestante », en d’autres termes l’orthodoxie.18 Le Volksverein zur Erhaltung der Evangelischen Schule entend s’opposer non seulement aux catholiques prussiens – dont il affirme que s’ils sont favorables à l’« école paritaire », c’est par hostilité envers l’Eglise protestante –, mais aussi à l’« école libre » qui, seule, pourra sauver la conscience chrétienne.19 Il s’inquiète en particulier de voir qu’en Alsace des tentatives sont faites pour développer les écoles interconfessionnelles, qu’en Hesse l’école protestante fait place à l’école communale où sont à l’œuvre des « forces menaçantes ». Ces forces sont le « radicalisme 16 Was die Konservativen und Ultramontanen über die heutigen Elementarschulen urteilen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 33–35 17 C’est par exemple le point de vue de la Norddeutsche Allgemeine Zeitung (Berlin), cité par la Pädagogische Rundschau, ibid. 18 Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1881, p. 30–31. 19 Ibid., 1881, p. 30 et suiv.

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moderne », la social-démocratie, dont la devise est : « L’école chrétienne doit disparaître ! », le radicalisme modéré, qui pense qu’il n’est plus nécessaire que le « citoyen » soit instruit dans la religion, l’humanisme, qui prône la disparition de l’école primaire confessionnelle remplacée par une école où sera enseigné à l’enfant un « humanisme universel ». Le Volksverein constate que les instituteurs sont acquis à l’esprit du temps. « Partout où triomphe le libéralisme », affirme-t-il, « des parties importantes de la population demandent la suppression de l’école primaire chrétienne, comme c’est le cas en Bade et en Hesse. » En décembre 1881, des « chrétiens patriotes » créent à Cologne un Verein für christliche Volksbildung, à la présidence duquel ils élisent l’aumônier de division Rocholl ; ils se donnent pour mission d’œuvrer au renouveau religieux et de défendre la morale chrétienne contre la morale laïque.20 La Kreuz-Zeitung conservatrice leur apporte son soutien et leur ouvre ses colonnes. En juin 1881, le Congrès général des instituteurs allemands, qui se déroule à Carlsruhe, adopte une résolution dans laquelle ceux-ci affirment leur attachement à une « éducation morale et nationale sur une base religieuse ».21 Ils se déclarent favorables à l’école interconfessionnelle qui donne, selon eux, une instruction moderne et impartiale, et garantit la paix religieuse. Le Reichsbote, organe chrétien-social inspiré par Stoecker, dénonce l’influence libérale qui se fait sentir à travers cette « hypocrisie ». Ce type d’école n’est en réalité, selon lui, qu’une « école laïque dans laquelle on n’enseigne pas l’amour du prince et de la patrie », comme on le voit en pays de Bade où elle répand l’esprit libéral et favorise les Juifs, – ce qui pour lui va de pair.22 Le Reichsbote voit dans ce qu’il appelle la « pédagogie libérale » une conjuration des libéraux, des francs-maçons et des Juifs dont il appelle à combattre les revendications : l’autonomie et la modernisation de l’école, la réorganisation du rapport de celle-ci avec l’Eglise et le clergé. Il s’agit en effet de s’opposer à l’« instruction laïque » (religionslose Bildung), à l’« athéisme » (Unglaube), à la « religion universelle », à l’enseignement des sciences naturelles (Naturunterricht). La nature de ce débat allemand sur les rapports de la religion et de l’Eglise avec l’école publique nous permet de mieux comprendre les réactions que suscite, dans l’Allemagne du début des années 1880, la laïcisation de l’école primaire entreprise à cette époque en France par Paul Bert23 et Jules Ferry.24

20 Verein für christliche Volksbildung, dans Kreuz-Zeitung, 1. Beilage, n° 55, 5 mars 1882, p. 1. 21 Allgemeine Deutsche Lehrerzeitung, dans National-Zeitung, 1. Beilage, n° 264, 9 juin 1881, p. 2. 22 Ibid ; voir aussi Die Lehrerversammlung. Aus Karlsruhe. I, dans Der Reichsbote, n° 139, 17.6.1881, p. 1. 23 Paul Bert est ministre de l’Instruction publique et ministre des Cultes du gouvernement Gambetta du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882. 24 Durant cette période, Jules Ferry est successivement ministre de l’Instruction publique (4 février 1879–23 septembre 1880), président du Conseil (23 septembre 1880–10 novembre 1881), ministre de l’Instruction publique du 31 janvier au 29 juillet 1882.

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Les positions allemandes face à l’école laïque de la France républicaine L’attention de la presse allemande ne se concentre véritablement sur cette question qu’à partir du moment où, après les élections sénatoriales du 8 janvier 1882, favorables aux républicains, le projet de loi est discuté lors de séances houleuses au Sénat où il sera finalement adopté le 23 mars. Après le vote favorable de la Chambre, c’est au Sénat qu’il appartient de se prononcer. Cet événement important pour la République française devient pour un temps l’un des grands sujets de l’actualité étrangère. Le choix et le traitement de l’information qui lui est consacrée ainsi que les commentaires dont il fait l’objet en Allemagne nous permettent de définir les positions des uns et des autres face à la singularité française qui réside ici dans le caractère radical de la législation adoptée pour séparer l’école et les Eglises. La « triple laïcisation »25 qui s’opère en France touche les programmes, les locaux et les personnels de l’école. L’enseignement ne doit contenir aucune incitation à croire, ou à ne pas croire ; aucun membre du clergé ne peut faire partie de l’encadrement ou du personnel enseignant de l’école ; le catéchisme ne sera plus enseigné dans les locaux scolaires d’où les emblèmes religieux doivent disparaître. Cette laïcisation va mener, dans le cas français, à un état de fait institutionnel qui sépare donc totalement l’école publique des religions. C’est cela qui va faire réagir en Allemagne où se dégagent quatre grandes tendances : les conservateurs protestants, attachés à l’école confessionnelle protestante ; les catholiques, qui revendiquent en Bavière une école primaire religieuse autonome face à l’Etat moderne, en Prusse une école paritaire qui permette aux catholiques de conserver leur influence face aux protestants ; les libéraux, favorables à l’école interconfessionnelle qui est une forme de « déconfessionnalisation », de laïcisation partielle de l’école ; les démocrates et les socialistes, partisans de l’école totalement laïque. Leur presse étant victime de la loi coercitive de 1878, les socialistes sont exclus de ce débat. L’intérêt des journaux allemands se focalise plus particulièrement sur les trois premiers articles du projet de loi scolaire français concernant les matières d’enseignement, l’instruction religieuse en dehors des locaux scolaires, l’exclusion des religieux de l’école. La Germania, l’organe catholique berlinois, voit dans le projet de loi de laïcisation discuté au Sénat français une volonté des athées de « proscrire » Dieu de toutes les écoles françaises.26 Reprenant les mots du sénateur Jules Simon, l’un des champions de la résistance, la République a, dit-elle, « déclaré la guerre à Dieu ». Pour discréditer cette loi et ceux qui, en Allemagne, en soutiennent le principe, la Germania adopte une stratégie qui consiste à dramatiser la situation et à radicaliser le ton. Cette loi, applaudie par la presse libérale, est, affirme-t-elle, l’expression d’une haine grandissante envers Dieu, l’Eglise, la religion et le clergé ; elle porte atteinte à la « liberté de conscience ».27 Le ministre Jules Ferry28 et 25 Mély, La question des églises, Introduction. 26 Germania, n° 121, 15 mars 1882, éd. du matin, p. 2. 27 Germania, n° 384, 24 août 1882, éd. du soir, p. 2.

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les francs-maçons n’ont qu’un seul but : « museler l’Eglise »29 et supprimer l’instruction religieuse à l’école, ce que ne souhaitent pas les pères de famille, comme le montrent les résultats d’une enquête demandée par Paul Bert qui est donc désavoué.30 Ces résultats fournissent aux conservateurs allemands un argument qu’ils utilisent de manière récurrente : contraire aux idées de la plupart des Français, cette loi n’aura pas de légitimité. Pour les Historisch-politische Blätter, la loi du 28 mars est une « loi coercitive », inspirée par la haine, dont les auteurs veulent, « avec une ruse consommée, extirper la foi du cœur des enfants ». Aussi risque-t-elle de faire basculer la grande majorité du peuple français dans l’irréligion.31 Pour l’instant, seules les populations ouvrières des villes sont touchées, mais l’influence pernicieuse des pouvoirs publics se fera bientôt sentir dans les campagnes. La Kreuz-Zeitung, l’organe des conservateurs prussiens, reproduit les interventions de Jules Simon, qui au Sénat tente, dit-elle, de préserver la France du « déclin moral », conséquence inévitable de l’« école sans Dieu »32, celles du duc de Broglie qui affirme que les procédés de Jules Ferry et le Manuel d’instruction civique de Paul Bert sont une atteinte à la liberté de conscience33, celles du comte de Saint-Vallier (ancien ambassadeur à Berlin) qui demande que soit maintenue l’instruction religieuse à l’école34, celles de Chesnelong et de Buffet qui disent être les porte-parole d’une France qui veut rester chrétienne.35 Jules Ferry et la République française, organe de presse de Gambetta, répondent aux adversaires du projet de loi que le but est de garantir la « neutralité » de l’école. La KreuzZeitung, comme la Germania, rejette cet argument ; pour elle, l’école laïque de la République sera une école de l’athéisme. Le Reichsbote, qui adopte toujours le ton le plus radical, va jusqu’à parler d’une école « païenne ».36 Les libéraux allemands adoptent une attitude très différente. L’Allgemeine Zeitung d’Augsbourg, tout en donnant la parole aux deux camps qui s’affrontent en France, souligne que la stratégie de la droite au Sénat est de tenter d’ouvrir une brèche dans le projet Ferry et de le faire capoter afin de freiner l’« esprit anticlérical et libre-penseur », l’« esprit laïque » qui domine le parti républicain au pouvoir.37 L’adoption de la loi marquerait, selon elle, la fin d’un conflit entre un « Sénat réactionnaire » et une « Chambre libérale ». Elle donne raison à Jules Ferry quand il affirme que l’école laïque est non pas une école « sans Dieu », mais une école « neutre ». 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37

Elle le qualifie de kulturkämpferisch. Germania, n° 124, 16 mars 1882, éd. du soir, p. 2. Germania, n° 100, 2 mars 1882, éd. du soir, p. 3. Der Culturkampf in Frankreich und seine lachenden Erben, dans Historisch-politische Blätter, vol. 90, 1882, p. 199–224. Kreuz-Zeitung, n° 62, 14 mars 1882, p. 2. Kreuz-Zeitung, n° 64, 16 mars 1882, p. 2. Kreuz-Zeitung, n° 65, 17 mars 1882, p. 2. Kreuz-Zeitung, n° 69, 22 mars 1882, p. 1. Der 23. März im französischen Senat, dans Der Reichsbote, n° 73, 26 mars 1882, p. 1. Allgemeine Zeitung, n° du 13 mars 1882, p. 1087.

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La Vossische Zeitung voit dans la future loi « un événement de la plus haute importance pour l’histoire de la civilisation ». « La France », écrit-elle avant même l’adoption de l’ensemble du projet de loi, « fait ainsi un grand pas en avant qui la conduit vers un des buts essentiels de la République : la sécularisation de l’Etat. Elle est devenue ainsi, avec l’adoption de cette loi, le premier pays d’Europe à instaurer une école primaire laïque (konfessionslose Schule). »38 Cette laïcité, explique le journal libéral, n’a rien à voir avec l’esprit laïque en apparence seulement des écoles interconfessionnelles allemandes ; il y a mille manières d’introduire l’esprit religieux à l’école. En France, tout est mis en œuvre pour empêcher cela. Totalement émancipée de l’Eglise, l’école française pourra donner à ses élèves « une vision du monde indépendante, moderne, fondée sur les sciences de la nature ». Et la Vossische Zeitung de conclure : Si le Sénat adopte le projet de loi, la France permettra l’« émancipation intellectuelle de l’école », et elle pourra, à juste titre, dire qu’elle « marche à la tête de la civilisation ». C’est ce qu’écrit aussi la National-Zeitung. L’organe de l’aile gauche des nationaux-libéraux qui ont fait sécession, défend l’idée de l’école « neutre » comme institution de l’Etat. Sa neutralité n’est pas synonyme d’irréligion officialisée, comme l’affirme le duc de Broglie, elle ne fait que tracer une frontière bien nette entre l’enseignement qui apporte des connaissances sur l’homme et celui qui touche aux choses sacrées, qui relève de l’Eglise et du clergé.39 « L’Etat laïque (religionsloser Staat) ne peut dispenser qu’un enseignement laïque (religionsloser Unterricht) », écrit la National-Zeitung, bien consciente du fait qu’une loi marquant une rupture aussi fondamentale ne pourra être mise en œuvre dans la vie nationale sans provoquer des luttes âpres et difficiles.40 Elle qualifie le processus déclenché par Jules Ferry d’« expérience ». Et si cette expérience réussit, conclutelle, « la victoire de la société des citoyens et de la science sur la hiérarchie ne fera plus de doute ». La loi que Ferry a inspirée marque « la libération définitive et totale de l’école des chaînes de l’Eglise » et « la séparation absolue du savoir et de la foi ».41 La Frankfurter Zeitung voit dans la loi du 28 mars une victoire de la République, une défaite du cléricalisme face à l’Etat libéral. L’organe démocrate a toujours défendu le principe de la laïcité, dont il affirme qu’il est dans l’intérêt de l’Etat comme dans celui des Eglises, et il dénonce la haine des fanatiques du parti clérical réactionnaire qui, par leur résistance, ont déclenché une « querelle scolaire » rappelant celle que l’on a connue durant les années 1860 dans le Pays de Bade.42 L’Allgemeine Chronik des Volksschulwesens affirme que la loi française sur la laïcité de l’école a trouvé un écho favorable à l’étranger, mais que certaines de ses dispositions font l’objet de réserves, même parmi les libéraux. Elle reproduit 38 39 40 41 42

Vossische Zeitung, n° 131, éd. du matin, 18 mars 1882, p. 3. National-Zeitung, supplément, n° 272, 14 juin 1881, p. 7. National-Zeitung, n° 147, 1882., p. 1 National-Zeitung, n° 146, éd. du soir, 27 mars 1882, p. 1. Frankfurter Zeitung, n° 116, éd. du matin, 26 avril 1882, p. 1.

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un article du Elsaß-Lothringisches Schulblatt qui critique le caractère radical de cette loi et rejette l’idée selon laquelle l’instituteur ne serait qu’un « serviteur de l’Etat ». S’agissant de l’instruction religieuse, il pense qu’un compromis aurait été possible : l’école aurait pris en charge l’histoire de la religion et de l’art religieux, le chant, tandis que l’Eglise aurait continué à enseigner le dogme. Il n’imagine pas une éducation sans religion et une morale qui ne s’appuie pas sur la religion.43 L’Allgemeine Chronik des Volksschulwesens a, pour sa part, vanté les mérites de Paul Bert et de Jules Ferry44, mais, la résistance de la droite cléricale française à l’« école sans Dieu », lui inspire des doutes ; elle se demande si la loi du 28 mars sera la pierre angulaire d’une « saine évolution » de l’enseignement primaire en France ou si, comme c’est souvent le cas dans ce pays, il y aura un décalage entre les institutions existant sur le papier et la réalité.45 L’instrumentalisation de la loi du 23 mars 1882 et de l’image de la France Une analyse de la presse allemande montre bien que la politique scolaire de Jules Ferry était perçue en Allemagne comme une étape dans un vaste mouvement tendant vers la laïcisation de l’Etat et de la vie sociale. Des questions fondamentales étaient en effet soulevées dans la France républicaine, comme celle de la séparation des Eglises et de l’Etat ou de l’abolition du concordat. La formule du serment prêté par les témoins devant les tribunaux y était remise en cause, une loi sur les obsèques et une autre sur le divorce faisaient l’objet d’autres débats non moins passionnés. Autant de signes qui semblaient annoncer une évolution des sociétés modernes que les uns combattaient et que les autres appelaient de leurs voeux. La France républicaine semblait être le laboratoire où étaient réalisées des expériences dont on attendait et observait les résultats. C’est pourquoi la République de Jules Ferry a été instrumentalisée dans l’opinion publiée allemande ; elle a joué dans le débat allemand, dans la stratégie de tous les partis, un rôle particulier que nous allons essayer de définir. Et l’on voit bien que les enjeux ne se situaient pas seulement au niveau du débat idéologique, mais aussi au niveau politique, dans le contexte d’un rapport de forces nouveau. Si en 1882 les catholiques allemands accordent une telle importance à la lutte menée par la droite cléricale française contre la politique scolaire de Jules Ferry, ce n’est pas seulement au nom de la solidarité catholique. C’est une stratégie avec laquelle ils poursuivent plusieurs objectifs. Ils s’efforcent de tirer parti du choc provoqué chez les conservateurs allemands par la loi scolaire française pour affirmer la nécessité de former un front uni contre l’influence de la France républicaine. Il s’agit pour eux de contrer les idées de 1789, en particulier l’athéisme des républicains, des libres-penseurs, des francs-maçons, des Juifs, qu’ils désignent comme leurs adversaires. Il s’agit aussi de discréditer les libéraux allemands, comme le montre bien la polémique des Historisch-politische Blätter contre la 43 Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1882, p. 120–131. Cette revue pédagogique publie une traduction des 18 articles de la loi du 28 mars. 44 Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1881, p. 146–166. 45 Ibid., 1882, p. 120–131.

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National-Zeitung.46 La presse catholique répète à l’envi que les libéraux allemands ne font que propager en Allemagne des idées révolutionnaires, dont ils semblent ne pas connaître la logique. Une logique qui se vérifiera en France. Les républicains français s’appuient aujourd’hui sur les « communards », les anarchistes, les nihilistes ; à partir du moment où ils n’auront plus d’emprise sur elles, les masses athées se retourneront contre eux. L’Allemagne doit être préservée du risque de guerre civile qui menace de nouveau la France.47 La stratégie des catholiques consiste en outre à présenter leur Eglise comme une victime, des « rouges » en France et des libéraux en Allemagne, qu’ils confondent dans le même anathème.48 « Vis-à-vis de l’Eglise », affirme-t-on dans les Historisch-politische Blätter, « nos libéraux les plus modérés ne sont en rien meilleurs que les plus rouges des rouges français. »49 La loi du 28 mars 1882 n’est, à les en croire, qu’une des manifestations d’une « persécution » érigée en système, et dont l’Eglise et le clergé font les frais alors qu’ils sont des soutiens de l’Etat.50 En faisant valoir cet argument, en dramatisant et en brandissant le spectre de la révolution, les catholiques font aussi sentir à quel point le Kulturkampf allemand a été une erreur.51 Cette alliance de circonstance avec les protestants orthodoxes dans la défense de l’école chrétienne, leur permet d’affirmer : ce n’est plus être « ennemi de l’Empire » que de défendre l’école chrétienne. Ils se plaisent à citer l’empereur Guillaume Ier qui, après les attentats de Hödel et Nobiling en 1878, répétait : « Le lien entre l’Eglise et l’école doit être maintenu. » Cette récupération d’événements qui ont marqué l’opinion permet aux catholiques de se présenter en alliés indispensables de l’Etat tout en revendiquant une certaine autonomie, en l’occurrence en revendiquant l’« école religieuse libre ». Ils présentent cette école qui élève les enfants dans l’esprit de l’Eglise comme une garantie pour l’avenir de la nation. Si l’école devient un monopole de l’Etat, le pouvoir cherchera peut-être un jour à l’influencer, affirment-ils. Le pouvoir auquel ils font allusion ici, c’est naturellement celui des libéraux.52 En montrant qu’ils sont des alliés indispensables, les catholiques prussiens poursuivent donc un double but. Ils cherchent, d’une part, à hâter la fin du Kulturkampf afin de pouvoir, entre autres, exercer à nouveau leur influence sur l’école et les droits qu’ils disent avoir acquis sur elle au cours de l’histoire ; et, d’autre part, 46 Der französische Kultur- und Schulkampf in den Augen unserer Liberalen, dans Historischpolitische Blätter, vol. 89, 1882, p. 803–812. 47 La Kreuz-Zeitung a un discours semblable quand elle entretient le souvenir de la Commune, voir par exemple Ni Dieu ni maître, dans Kreuz-Zeitung, n° 306, 30 décembre 1880, p. 1. 48 Der Culturkampf in Frankreich und seine lachenden Erben, dans Historisch-politische Blätter, 1882, vol. 90, p. 199–224. Les Historisch-politische Blätter écrivent : « La loi scolaire athée promulguée en France montre, plus que toute autre, avec quelle stratégie diabolique les rouges agissent en vue de déchristianiser le peuple et d’éveiller en lui un esprit révolutionnaire. » 49 Der französische Kultur- und Schulkampf in den Augen unserer Liberalen, p. 805. 50 Ibid. 51 Die Rückkehr der Bischöfe, dans Germania, n° 293, 2 juillet 1882, éd. du matin, p. 1. 52 Ibid.

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ils s’efforcent de discréditer les idées libérales en présentant la France à l’opinion allemande comme un exemple dissuasif. La France qui, depuis la Commune, a sombré selon eux dans la dépravation, apparaît comme la victime d’une « secte fanatique », car les républicains modérés sont débordés par les « rouges » qui préparent la « révolution violente ».53 Quand la Germania souligne qu’en France les libres-penseurs ne constituent qu’une minorité54, c’est pour dénier à leur politique scolaire toute légitimité. Ce que les catholiques allemands leur reprochent aussi, c’est de faire le jeu des pires adversaires de la religion, de l’Eglise et du clergé : les socialistes, les communistes, contre lesquels ils retournent l’accusation que ces derniers portent contre les catholiques : celle d’être des fanatiques intolérants. Surtout, ils veulent mettre en garde leurs lecteurs contre le nihilisme, cette « tendance funeste » qui prétend construire le bonheur sur les ruines du monde.55 Souligner l’« opposition irréconciliable qui existe entre l’Eglise et la République française » est pour eux une manière de mettre en garde les Allemands et de les faire renoncer à l’idée d’instaurer un jour chez eux un Etat républicain.56 Les conservateurs protestants, dont la situation est différente de celle des catholiques prussiens, s’emploient essentiellement à montrer, en s’appuyant sur l’exemple de la France, les conséquences inéluctables de la guerre faite à la religion. Le Reichsbote du 30 mars constate que le spectre de la révolution est « de nouveau visible partout » en Europe. Il s’attarde sur le cas de la France où la Chambre et le Sénat cherchent, selon lui, à chasser la religion et l’Eglise de l’école, de la vie publique, et à fonder l’Etat sur l’athéisme. Il met lui aussi en cause la bourgeoisie libérale française dont il affirme qu’elle fait le jeu des communistes. Usant d’une technique qui lui est familière, consistant à stigmatiser l’adversaire et à le présenter comme l’ennemi de tous, l’organe de Stoecker dénonce en bloc le capital, le positivisme (Naturalismus), les Juifs et tous ceux qui se disent libéraux ou progressistes.57 Par cette rhétorique le Reichsbote cherche moins à convaincre qu’à mobiliser en vue d’une lutte sans merci contre l’adversaire libéral. Il reproche à la Kölnische Zeitung de s’être félicitée de la décision du Sénat français et d’avoir déclaré : « Le 23 mars figurera en lettres rouges dans l’histoire de la Troisième République. » Tirant parti de cette métaphore, le Reichsbote note que ce rouge rappelle celui du sang, sang que l’on a déjà vu couler durant la Révolution française et qui ne manquera pas de couler à nouveau. Ce journal n’affectionne pas seulement les images fortes qui doivent frapper le lecteur, il radicalise le ton, donne dans la simplification et ne recule jamais devant l’amalgame. Ainsi affirme-t-il que le « radicalisme athée » qui sévit en France n’est en rien différent du radicalisme modéré affiché par les progressistes allemands ; il cache un « radicalisme rouge ». Pour pouvoir

53 Ibid. 54 Germania, n° 100, 2 mars 1882, éd. du soir, p. 3 ; voir aussi n° 384, 24 auôt 1882, éd. du soir, p. 2. 55 Germania, n° 384, 24 auôt 1882, éd. du soir, p. 2. 56 Ibid. 57 Die Revolution, dans Der Reichsbote, n° 76, 30 mars 1882, p. 1.

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arriver à cette conclusion, il diabolise la France qui donne, selon lui, « l’exemple de ce qu’est le libéralisme ».58 D’habitude plus modérée, la Kreuz-Zeitung fait, elle aussi, le lien entre la France de 1882, la loi sur la laïcité de l’école, et les idées de 1789. L’athéisme et le matérialisme triomphent aujourd’hui. Pourtant, à l’époque de la Révolution française, ils ont conduit à la destruction de toutes les institutions et, pour finir, au césarisme de Napoléon Ier qui a dompté le tigre. Ce précédent montre bien que la révolution est un « péché » auquel le journal conservateur oppose « une évolution tranquille dans l’esprit de Jésus-Christ ». Pour lutter contre l’« athéisme satanique » et éviter le spectacle de la décadence donné par la France, la Kreuz-Zeitung préconise un « renouveau moral et religieux sur la base du christianisme positif ».59 En décembre 1880 déjà, elle mettait ses lecteurs en garde contre l’image trompeuse d’une société sans Dieu, en affirmant : « La forme actuelle de l’Etat n’est viable que grâce à la religion et à l’armée permanente. »60 Le camp des conservateurs allemands appelle donc à la mobilisation face au danger que représente selon lui la laïcisation de l’Etat entreprise dans la République voisine. La presse libérale et démocrate s’appuie, au contraire, sur l’exemple de la France pour mettre en garde contre le réveil du cléricalisme en Allemagne. La National-Zeitung, naguère favorable à l’école interconfessionnelle et plus modérée, se félicite de voir la France porter un coup fatal aux cléricaux, tandis qu’en Allemagne, dit-elle, le gouvernement et les conservateurs cèdent à leur pression grandissante. L’Etat prussien, comme elle le rappelle, a déjà essayé d’émanciper l’école de l’Eglise, avec des moyens, certes, moins radicaux, mais à présent, les inspecteurs laïques des écoles interconfessionnelles sont « victimes du vent conservateur qui souffle aujourd’hui ».61 L’école prussienne pâtit du contexte politique, du fait que le gouvernement a besoin de faire la paix avec le Zentrum et le pape. Quant à la Frankfurter Zeitung, elle est un cas particulier dans la mesure où elle est idéologiquement très proche des républicains modérés français, de Jules Ferry en particulier qu’elle a soutenu depuis le départ. Sa position consiste à justifier le Kulturkampf inauguré par Jules Ferry, en affirmant que « l’Etat défend son existence en prenant des mesures contre un clergé trop puissant ».62 La loi française du 28 mars 1882 a donc donné une tournure soudain plus polémique au débat allemand sur la question scolaire. Comme le montre une analyse de la presse allemande contemporaine, la loi de Jules Ferry fut perçue comme un danger par les uns et comme un espoir par les autres. Elle pouvait, en outre, être 58 Der 23. März im französischen Senat, dans Der Reichsbote, n° 73, 26 mars 1882, p. 1 ; Atheismus und Unterrichts-Reform in Frankreich, dans Der Reichsbote, n° 75, 29 mars 1882, p. 1 ; Schülerstreike in Frankreich, dans Der Reichsbote, n° 78, 1 avril 1882, p. 1 ; Unsere Arbeit am Vaterlande, dans Der Reichsbote, n° 79, 2 avril 1882, p. 1. 59 Freiheit, Gleichheit, Brüderlichkeit, dans Kreuz-Zeitung, n° 56, 7 mars 1882, premier supplément, p. 1. 60 Ni Dieu ni maître, dans Kreuz-Zeitung, n° 306, 30 décembre 1880, p. 1. 61 National-Zeitung, n° 146, éd. du soir, 27 mars 1882, p. 1. 62 Voir Verlag der Frankfurter Zeitung (sous la dir. de), Geschichte der Frankfurter Zeitung 1856 bis 1906, Frankfurter Societätsdruckerei, Francfort-sur-le-Main, 1906, p. 476 et suiv.

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instrumentalisée par les deux camps qui s’affrontaient pour combattre l’adversaire et convaincre l’opinion. Enfin, le précédent français, en raison de son radicalisme et des conséquences qu’il entraînait, montrait bien qu’à la question du rapport de l’école avec la religion, les Eglises et le clergé, étaient liés des enjeux politiques considérables. Pour les conservateurs, il s’agissait d’endiguer l’influence libérale et socialiste et de prévenir ainsi le danger de la révolution ; le but des progressistes était d’émanciper les esprits de doctrines qui constituaient selon eux un obstacle au progrès. C’est sans doute en Prusse, où le Kulturkampf avait déjà mobilisé les esprits, que le débat fut le plus animé en raison de la situation particulière de cet Etat. La mobilisation des forces conservatrices que nous avons observée ici à travers la presse au moment où la loi scolaire française de 1882 fut discutée et adoptée, permet de comprendre l’une des raisons pour lesquelles le lien entre l’école publique allemande et la religion n’a jamais été rompu. Dans l’Allemagne impériale, les progressistes ne furent pas en mesure de faire passer l’idée de la séparation des Eglises et de l’école qu’ils avaient inscrite dans les programmes de leurs partis politiques. La Frankfurter Zeitung avait peu de chance de changer cet état de choses quand elle montrait, en se fondant sur l’exemple de la France, que la laïcité de l’école était une nécessité dictée par l’époque moderne. Les deux camps se rejetaient mutuellement la responsabilité dans une situation de crise qu’ils disaient inquiétante, mais pour des raisons différentes. Finalement, tout était une question de rapports de forces. Le cléricalisme, même s’il était de plus en plus contesté et combattu, réussit à affermir ses positions et à conserver une bonne partie de son influence. Les conservateurs lui apportèrent leur soutien parce qu’ils considéraient l’action de l’Eglise comme un rempart contre le libéralisme et le socialisme. Ils pouvaient aussi s’appuyer sur les institutions dans les pays protestants où le monarque était le summus episcopus de l’Eglise. C’est ce que devait rappeler Guillaume II lors de la Conférence pédagogique de 1890. Il insista sur la nécessité de moderniser les contenus de l’enseignement, certes, mais rappela qu’il veillerait personnellement à ce que soit préservé le lien étroit existant en Prusse entre la religion, l’Eglise et l’école.63

63 Voir Giese, Gerhardt, Quellen zur deutschen Schulgeschichte seit 1800. Quellensammlung zur Kulturgeschichte 15, Göttingen, 1961, p. 196–205 : Die Schulkonferenz von 1890, en particulier p. 204 et suiv. : Aus der Schlußansprache des Kaisers.

ZWISCHEN RELIGIÖSER KULTUR UND WELTLICHKEIT: DIE HERRNHUTER BRÜDERGEMEINE UND DIE FIRMA ABRAHAM DÜRNINGER & CO IM 19. UND FRÜHEN 20. JAHRHUNDERT Heidrun Homburg Von ihrer Gründung 1727 an war die religiöse Gemeinschaft der Herrnhuter auch als wirtschaftliche Organisation konzipiert. Ihre Einstellung war nicht weltabgewandt, die Auseinandersetzung mit der Außenwelt bedeutete Mission auf vielen Ebenen. Nicht nur das religiöse Leben, wie Gottesdienste und Andachten, sondern alle Lebensbereiche – somit auch die materielle Existenzsicherung – sollten von der christlichen Lebensführung Zeugnis ablegen. Ihre Wirtschaftsbetriebe und ihr unternehmerisches Handeln sicherten der religiösen Gemeinschaft organisatorische und finanzielle Spielräume. Doch im Verlauf des allgemeinen Säkularisierungsprozesses nahmen in der Brüdergemeine die Spannungen zwischen religiöser Kultur und Wirtschaftsorganisation zu. Sollte zum Beispiel eine individuelle Verfügung über Eigentum und Gewinn Vorrang bekommen gegenüber dem Grundsatz des Gemeineigentums? Welche Position bezog die Gemeinschaft im Hinblick auf neue Formen der Arbeitsorganisation im Zug der Industrialisierung? Im Detail schildert der Beitrag den Konflikt um das Unternehmen Abraham Dürninger & Co, wobei es um unternehmerische Autonomie, Eigentumsregelung und Koordination von Unternehmenshandeln und Zielsetzungen der Herrnhuter ging. Dès sa fondation en 1727 la communauté religieuse protestante de « Herrnhut » – née du mouvement des frères moraves – était conçue également comme une organisation économique. La communauté n’était pas détachée du monde, le contact avec le monde extérieur se manifestait à travers des activités missionnaires, dans de nombreux domaines. Ainsi, la vie religieuse, comme les offices et la prière, devaient témoigner de la condition chrétienne, mais aussi tous les autres domaines de la vie quotidienne, surtout celui de subsistance matérielle. Ses entreprises économiques et le mode de leur gestion garantissaient à la communauté religieuse une marge de manœuvre financière et un dynamisme d’évolution. Mais au cours du procès de la sécularisation les différences entre la culture religieuse et la gestion des entreprises s’accrurent dans un cadre de tensions. Fallait-il, par exemple, octroyer la propriété privée et les bénéfices individuels ou conserver le principe de la propriété collective ? Quelle position la communauté devait-elle prendre au regard des nouvelles formes de production liées au développement de l’industrialisation ? La présente contribution décrit en détail le conflit au regard de l’entreprise Abraham Dürninger & Co : un conflit entre l’autonomie de l’entreprise et les objectifs des « Herrnhuter ».

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Die Brüdergemeine – eine Glaubens-, Lebens- und Wirtschaftsgemeinschaft Die Brüdergemeine wurde 1727 als Ortskirche in Herrnhut gegründet, sie war lutherisch und pietistisch inspiriert und ordnete sich dem Augsburger Bekenntnis zu. In verkürzender Redeweise wurde die „Gemeinschaft der Brüder“ bald als Herrnhuter bekannt, seit den 1740er Jahren bezeichnete sie sich auch als Unitas Fratrum (Unität) oder erneuerte Brüderkirche. Die Brüdergemeine wurde von Nikolaus Ludwig Graf von Zinzendorf (1700–1760), dem Patronatsherrn, mit der Ausgabe von Statuten für die Ortschaft Herrnhut und die dortige Kirchengemeinde begründet. Die Statuten umfassten zwei Teile: I. Herrschaftliche Gebote & Verbote; II. Brüderlicher Verein & Willkür. In ihrer Gesamtheit regelten sie das öffentliche, soziale und wirtschaftliche Leben in Herrnhut wie auch das religiöse Leben der Gemeinde. Mit der Annahme und Unterzeichnung dieser Statuten durch die Ortsbewohner im Mai/Juni 1727 konstituierte sich die Brüdergemeine als örtliche Herrnhuter Lebens- und Glaubensgemeinschaft. Unterzeichner waren zum einen die Ortsbewohner, eine kleine Gruppe mährischer Glaubensflüchtlinge, die Zinzendorf seit 1722 in Herrnhut aufgenommenen hatte; zum anderen stieß Zinzendorfs Freundeskreis hinzu. Herrnhut war als religiöse Gemeinschaft und wirtschaftliche Organisation konzipiert. Mit anderen Worten: Religion und Welt (Wirtschaft) standen in der Herrnhuter Brüdergemeine in einer engen, konstitutiven Verbindung.1 Wendet man sich für die Brüdergemeine den Beziehungen und Wechselwirkungen zwischen religiöser Kultur und Weltlichkeit zu, bekommt man es darüber hinaus auch mit der ganzen Welt zu tun. Denn es gehörte zu den Eigentümlichkeiten der Herrnhuter, dass Mitglieder dieser religiösen Gemeinschaft bereits im August 1732 als Zeugen und „Streiter Christi“ zu ersten Missionsreisen in die Karibik aufbrachen und im Verlauf von weiteren sieben Jahren von Herrnhut aus Handwerker- und Siedlermissionare, Männer wie Frauen, in alle bis dahin bekannten Erdteile entsandt worden waren.2 Das „Ausgehen“ in die Welt war keineswegs nur auf die fernen Erdteile und Heiden beschränkt. Bereits 1727 wurden Gemeindemitglieder von Zinzendorf zu erweckten Kreisen und Freunden ausgesandt. Auch Zinzendorf selbst entfaltete zu diesem Behuf eine rege Reisetätigkeit. Sie bereisten deutsche Lande und Europa und wollten Zeugnis ablegen von Gottes rechtfertigender Gnade und von ihrer beglückenden individuellen Erfahrung der Heilsgewissheit.

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Aus Raumgründen werden die Literatur- und Quellennachweise im Folgenden so knapp wie möglich gehalten und beschränken sich auf den Nachweis wörtlicher Zitate. Der folgende Abriss der Geschichte der Herrnhuter (englisch Moravians) stützt sich auf Meyer, Dietrich, Zinzendorf und die Herrnhuter Brüdergemeine, 1700–2000, Göttingen 2000, S. 5–36, S. 59–66, S. 86–91; sowie Mettele, Gisela, Kommerz und fromme Demut. Wirtschaftsethik und Wirtschaftspraxis im „Gefühlspietismus“, in: Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte 92 (2005), S. 301–321. Vgl. Missionsdirektion der Evangelischen Brüderunität (Hg.), Missions-Atlas der Brüdergemeine 1907,, Herrnhut 1907; Beck, Hartmut, Brüder in vielen Völkern. 250 Jahre Mission der Brüdergemeine, Erlangen 1981.

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Die aus der Heilsgewissheit entspringende neue Lebensführung, die der brüderischen Gemeinde in Herrnhut ihren Stempel aufdrückte, sollte aber nicht nur den inneren, sondern auch den äußeren Menschen erfassen. Sie war durchaus nach auswärts, in die Welt gerichtet, galt es doch, das Werk Gottes in der Welt voranzubringen. Zu dieser Lebensführung gehörte keineswegs nur das religiöse Leben wie Gottesdienste, Andachten und Gebet, vielmehr waren im Leben des Einzelnen wie der Gemeinde alle Lebensbereiche nach Prinzipen der Nachfolge Christi zu gestalten. Dazu zählte ganz grundlegend auch der Bereich der materiellen Existenzsicherung, des Wirtschaftens, und somit jede Hand- und Berufsarbeit, die im richtigen Geist der Imitatio Christi ausgeführt – von Zinzendorf wie bereits zuvor von Luther – als Gottesdienst und ein von Christus gesegneter Bereich gefasst wurde. Arbeit, innerweltliche Askese und Rationalisierung des Handelns waren Voraussetzungen für die Fortentwicklung der Gemeinschaft der erweckten Christen.3 Die Beschäftigung der verfügbaren Hände, die Beschaffung der Arbeitsmaterialien, der Vertrieb der eigenen Produkte wie grundsätzlich auch die „Streiteridee“ und das „Ausgehen in die Welt“ implizierten zwangsläufig den Verkehr und die Auseinandersetzung mit der äußeren Welt. Die aus der religiösen Kultur herrührende Arbeitsmotivation und die damit einhergehende Rechtfertigung für den Verkehr der Erweckten mit der äußeren Welt wurden damit zugleich zu einer andauernden Bewährungsprobe. Ihre Auseinandersetzung mit der äußeren Welt und die Einrichtungen der Brüdergemeine, die dem Kampf für den Aufbau des Reiches Gottes galten, sollten Zeugnis von Gottes Gnade und einer Lebensführung in Nachfolge Christi abgeben. Die damit einhergehenden Herausforderungen für „die Kinder Gottes in der Welt“ hat die Brüdergemeine, wie umfängliche Auseinandersetzungen über ökonomische Fragen auf Konferenzen und Synoden belegen, sehr wohl erkannt.4 Die in Herrnhut entstandene Gemeinde war von Anfang an „nicht nur eine religiöse Gemeinschaft, sondern zugleich eine wirtschaftliche Organisation“, sie wurde als „Einheit von geistlicher Verpflichtung und wirtschaftlicher Selbsterhaltung“ konzipiert. Dies machte es unumgänglich, dass sie sich immer wieder der Frage stellte, wie Ausgaben und Einnahmen, wie geistliche Unternehmungen, die aus der „Streiteridee“ erwuchsen, und wirtschaftliche Basis „in das rechte Verhältnis zu bringen waren“.5 Glaubensverständnis und Unternehmungen der Brüderunität Im zeitgenössischen Kontext des 18. und 19. Jahrhunderts hieß diese Abstimmung zwischen gemeinschaftlich gelebtem Glaubensverständnis, ökonomischer Existenzsicherung und Hinausgehen in die „Welt“ nicht zuletzt auch, dass die Brüdergemeine Stellung beziehen musste bei der Anlegung, Verfassung und 3 4 5

Vgl. hierzu und zum folgenden Abschnitt Mettele, Kommerz und fromme Demut, S. 304– 307. Zit. nach ebd., S. 306. Meyer, Zinzendorf, S. 118.

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Erweiterung ihrer Wirtschaftsbetriebe. Sie musste Stellung nehmen zu neuen Formen der Arbeits- und Produktionsorganisation wie Manufaktur und Fabrik, zu Gemein- und Privateigentum und zur Frage der Unternehmensverfassung. Der eigenen religiösen Kultur lagen neben Gleichheit, Bescheidenheit und Demut der einzelnen Gemeindemitglieder Vermögenslosigkeit und die Verpflichtung auf Gemeineigentum im Glaubens- und (bis 1894/97) örtlichen Siedlungsverband zugrunde. Es stellte sich die Frage, ob diese Prinzipien auch für die (erfolgreichen) brüderischen Wirtschaftsbetriebe bindend sein sollten oder das Wachstum der Unternehmen Vorrang erhalten sollte, etwa durch Zugeständnis individueller Verfügung über Eigentum und Gewinn. Denn Ertragssteigerung bei den Unternehmen bedeutete auch höhere Beträge für die kostspieligen geistlichen Aufgaben wie Mission, Diaspora- und Erziehungsarbeit. Die globalen Dimensionen des Kampfes der Erweckten für den Aufbau des Reiches Gottes sowie die seit 1727 nie abgerissene Diskussion über das Verhältnis und die Vereinbarkeit von Christentum und Ökonomie in der Brüderunität, schließlich auch der zur Verfügung stehende knappe Raum erlauben nicht, das Thema in aller Breite und Vollständigkeit anzugehen. Hinzu kommt der für ein solches Unterfangen derzeitig noch völlig unzulängliche Forschungsstand. Über das „religiöse Leben“, die „geistliche“ Seite der Unternehmungen, darunter vor allem die Missionsarbeit der Brüderunität ist viel, vor allem von Herrnhutischen Kirchenhistorikern und auch Missionaren selbst geschrieben worden. Dagegen war die „Ökonomie“ der Brüderunität und die ökonomische Basis ihrer Missionsarbeit, die hier von mir als „Welt“ bzw. Weltlichkeit“ gefasst werden, bislang nur Gegenstand weniger Arbeiten, und diese konzentrieren sich mehrheitlich auf die Frühphase der Herrnhuter Ökonomie bis in die 1760er/1770er Jahre. Im Mittelpunkt stehen dabei zwei charismatische Gründergestalten, zum einen Zinzendorf, zum anderen Abraham Dürninger (1706–1773).6 Zinzendorfs Denken über Wirtschaftsfragen wird von seinen frühesten bis zu seinen letzten Äußerungen (1760) verfolgt, wobei ihm bescheinigt wird, dass er eigentlich recht weltfremd war. Gleichwohl habe er sich zusätzlich zur Aufwertung einfacher Handarbeit und Einforderung allgemeiner Arbeitsamkeit im Verlauf der Zeit immer aufgeschlossener gezeigt gegenüber Anlage und Führung von Handelsunternehmen, „Fabriquen“ und Manufakturen durch Brüder in Gemeindeorten der Brüderunität. Auch habe er Verständnis bekundet für die notwendige Erwirtschaftung von Gewinnen und deren Re-Investition in die Unternehmen anstelle der totalen Abführung an die Gemeindebehörden für geistliche Aufgaben. Abraham Dürninger, der zwischen 1747 und 1773 den „Gemeinladen“ in Herrnhut überaus erfolg6

Vgl. zu diesem Abschnitt Mettele, Kommerz und fromme Demut, S. 307–320; Meyer, Zinzendorf, S. 58f., S. 88–90, S. 118–123; Homburg, Heidrun, Ein kaufmännisches Unternehmen in der Oberlausitz: Abraham Dürninger & Co, in: Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte II (1996), S. 199–221; Sichel, Karsten, „Damit die Brüderliebe nicht aus dem Herzen falle“. 250 Jahre Abraham Dürninger & Co in Herrnhut 1747–1997, Herrnhut 1997; Wagner, Hans, Abraham Dürninger & Co 1747–1939. Ein Buch von Herrnhutischem Kaufmanns- und Unternehmertum, Herrnhut 1940; Hammer, Herbert, Abraham Dürninger. Ein Herrnhuter Wirtschaftsmensch des achtzehnten Jahrhunderts, Berlin 1925.

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reich führte und zu einem der größten Handelsunternehmen Sachsens ausbaute, wird als Musterexemplar eines christlichen Kaufmanns gefeiert. Der aus Straßburg gebürtige, berufs- und welterfahrene Gründer der Firma Abraham Dürninger & Co habe es verstanden, als Herrnhuter Bruder eine Lebensführung in der Nachfolge Christi mit der Führung seines Unternehmens zu vereinbaren. Er habe den Geschwistern Arbeit und Auskommen beschafft und mit seinen Geldzahlungen an die Ortsgemeinde in Herrnhut und die Gesamtunität in erheblichem Ausmaß zur Finanzierung von deren geistlichen Aufgaben beigetragen. Unternehmensverfassung im Wandel der Zeit: Die Abraham Dürninger & Co Religiöse Kultur und unternehmerische Disposition standen bei den Herrnhutern in einem Spannungsverhältnis. Durch die Gründergestalten der brüderischen Wirtschaftsunternehmen im 18. Jahrhundert wurde zeitweilig eine Balance gefunden, indem unternehmerischem Handeln zum Besten der Brüdergemeine gewisse Freiräume zugesichert wurden. Seit dem letzten Drittel des 19. Jahrhunderts und im Zuge von Säkularisierungsprozessen, denen sich auch die Brüderunität nicht verschließen konnte, nahm dieses Spannungsverhältnis jedoch neue Konturen an, die der Kirchenleitung anscheinend andere als nur ‚personale‘ Überbrückungen, also institutionelle Lösungen wünschenswert erscheinen ließen. Anlässe der neu auftretenden Spannungen und Linien der Konfliktminderung sollen im Folgenden aufgezeigt werden. Im Mittelpunkt steht ein Konflikt um Führung und Aufgaben des bedeutendsten Unternehmens in der Brüderunität (Deutsche Provinz), der Abraham Dürninger & Co. Der Konflikt flackerte 1908 auf, zog sich über mehrere Jahre hin und wurde dabei immer grundsätzlicher. Zwar wurde er schließlich 1913/14 durch einen Kompromiss beigelegt, aber das Arrangement vermochte auf Dauer nicht zu befriedigen, wie die erneuten Verhandlungen nach Ende des Ersten Weltkriegs nahe legen, die erst 1925 mit einer weitergehenden Neuordnung einen Abschluss fanden.7 Akteure und Parteien des Konflikts Vorneweg ist zu betonen, dass die am Konflikt der Jahre 1908 bis 1913/14 unmittelbar beteiligten Parteien allesamt Herrnhuter, also Mitglieder der Brüderunität waren. Es handelte sich um einen internen Konflikt, und dieser Umstand bestimmte den Modus der Austragung und Beilegung des Konflikts. Gerungen wurde, wie alle Akteure immer wieder versicherten, um eine „brüderliche Verständigung“.8 Der Konflikt wurde losgetreten von der Ortsgemeinde Herrnhut, vertreten durch den Ältestenrat. Es handelte sich dabei um einen von den Ortsgemeinde7

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Die folgende Darstellung stützt sich überwiegend auf Dokumente der Jahre 1908–1925 aus dem Dürninger-Archiv, ADC 106.1 (Korrespondenz 1898–1924) und ADC 106.2 (Korrespondenz 1896–1917) im Unitätsarchiv Herrnhut (UAH), ergänzt durch Angaben aus der firmengeschichtlichen Literatur. Zusammenkunft in Angelegenheiten des Vertrags vom 6. April 1898 betr. die Firma ADC, Protokoll, UAH, ADC 106.2.

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mitgliedern gewählten Ausschuss, der die Gemeinde in geistlicher und vermögensrechtlicher Hinsicht vertrat. Auslöser war ein dem Ältestenrat zugegangenes Gutachten eines Gemeindemitglieds, das die Eigentumsfrage und das Besitzrecht der Herrnhuter Ortsgemeinde an der Firma Abraham Dürninger & Co (ADC) historisch nachzuweisen unternahm. Als zweiter Akteur trat die Deutsche Unitätsdirektion (DUD) hinzu. Sie wurde 1894 als eigenständige Leitung (Provinzialältestenkonferenz) für die Deutsche Provinz innerhalb der Gesamtunität eingesetzt. Sie war formal aufgrund einer im Jahre 1893 von der Provinzialsynode beschlossenen Neuordnung der Vermögensverhältnisse zwischen Gesamtunität und Einzelgemeinden – als Nachfolgerin der Ortsgemeinde Herrnhut – Eigentümerin der Firma ADC. Die neuen Verhältnisse hatten in einem Vertrag der DUD mit der Firma vom 6. April 1898 ihren Niederschlag gefunden. Dritter Akteur war schließlich die Firma Dürninger selbst bzw. deren Leitung. Das waren in den untersuchten Jahren 1908–1914 insgesamt drei Männer, allesamt „Brüder“. Die drei selbst meldeten sich als Kollektiv und „Chefs der Handlung“ zu Wort, von den anderen Akteuren wurden sie dagegen als „Leiter“ oder „Vorsteher“ angesprochen. Hinsichtlich der Dynamik des Konflikts verdient Beachtung, dass diese „Leiter“ – anders als im Innenverhältnis – nach außen als „Inhaber“ bzw. „Gesellschafter“ der Handlung firmierten. Gegenstand und Dimensionen des Konflikts Was war der Stein des Anstoßes, der das lange Ringen, um eine „brüderliche Verständigung“ in Gang setzte? Was waren die Dimensionen des Konflikts? Wenn ich es richtig sehe, lassen sich drei Dimensionen des Konflikts ausmachen: 1. Unternehmerische Autonomie und Aufsichtsrecht 2. Eigentumsregelung in der Unität und Unternehmensverfassung 3. Koordination von Unternehmenshandeln und Zielsetzungen der Unität Unternehmerische Autonomie und Aufsichtsrecht Der Herrnhuter Ältestenrat gelangte 1908 in den Besitz einer Denkschrift, welche die Firma Dürninger eindeutig und vollumfänglich als Eigentum der Ortsgemeinde Herrnhut auszuweisen schien. Der Verfasser dieser Denkschrift berief sich dabei auf ein Revers, das Abraham Dürninger 1752 zugunsten der Ortsgemeinde Herrnhut ausgestellt hatte. Der Herrnhuter Ältestenrat wollte zwar die im Vertrag von 1898 zwischen der Firma ADC und der DUD gefundene Regelung, welche die Ortsgemeinde als Eigentümerin ausschloss, nicht grundsätzlich in Frage stellen. Als ‚virtuelle‘ Eigentümerin drängte die Ortsgemeinde Herrnhut jetzt jedoch darauf, den Vertrag von 1898 abzuändern und ihr ein Aufsichtsrecht über die Geschäftsführung der Firma einzuräumen. Die Unitätsdirektion war sich sicher, dass dieses Revers von 1752 nicht belegen konnte, was es belegen sollte, da sich Dürninger mit diesem Revers nur gegen etwaige Ansprüche seiner Erben habe absichern wollen. Dies sei „sachlich ganz durchsichtig“ und gerade deshalb sei das Dokument „später als nicht maßgebend

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für das Verhältnis der Handlung zur Gemeine Herrnhut betrachtet worden“. Aus diesem Grund sei auch dessen Veröffentlichung bislang unterblieben. Um etwaigen Missverständnissen und Fehldeutungen durch die „öffentliche Meinung“ vorzubeugen, sollte es nach Auffassung der Unitätsdirektion weiterhin unveröffentlicht bleiben.9 Freilich wies die Unitätsdirektion die Herrnhuter Ortsgemeinde nicht rundweg ab. Vielmehr benutzte sie die in den Händen der Ortsgemeinde ihrer Überzeugung nach ‚stumpfe Waffe‘, um sie nun selbst gegen die Firma Dürninger zu richten. Obwohl nach Überzeugung der DUD die Ortsgemeinde Herrnhut ohne Besitztitel war, drängte sie die „Chefs“ der Firma, sich gegenüber der Forderung der ‚virtuellen‘ Eigentümerin entgegenkommend zu zeigen und der Ortsgemeinde ein Aufsichtsrecht über das Unternehmen einzuräumen. Kurz, das Unternehmen sollte sich – trotz leerer Rechtstitel der Ortsgemeinde – zu einer „brüderlichen Verständigung“ bereit finden. Die „Leiter der Handlung“ wiesen dieses Ansinnen als völlig haltlos zurück. Zur Abwehr des geforderten Aufsichtsrechts, das sie als Angriff auf ihre Autonomie begriffen, brachten sie zwei Geschütze in Stellung. Die Munition lieferte ihnen zum einen die „Welt“, also die Bestimmungen des Handelsrechts, zum anderen die Tradition. Sie stellen fest: – Ein Aufsichtsrecht der Gemeinde Herrnhut setze die Klärung der Besitzfrage voraus. Ohne Eigentum am Unternehmen keine Vertretung im bzw. keine Kontrolle über das Unternehmen. – Auch sie verwiesen auf den Firmengründer. Dürninger habe die Selbständigkeit des Unternehmens ausdrücklich gewünscht; auch sie ständen in der Pflicht, eine Tradition zu wahren. – Durchaus in der Tradition des Unternehmensgründers lag auch ihr Angebot, durch höhere freiwillige Abgaben an die Unitätsdirektion und die Ortsgemeinde Herrnhut Übergriffe in die Unternehmensleitung abzublocken. Durch diese Art Tauschgeschäft hatte bereits Abraham Dürninger seine unternehmerische Autonomie gewahrt, als in den frühen 1750er Jahren Zinzendorf und die Brüdergemeine nicht zuletzt aufgrund der umfangreichen Missionsarbeit und Gründung neuer Ortsgemeinden in Europa und Übersee in erdrückende Schuldenlast geraten waren.10 Weder der Ältestenrat noch die Unitätsdirektion waren bereit, der Unternehmensleitung in dieser Argumentation zu folgen und sie aus der Pflicht zur „brüderlichen Verständigung“ zu entlassen. Beide setzten ihrerseits mit Argumenten nach, welche auf den geschichtlichen Werdegang und die gegenwärtige Verfassung von Unität und Unternehmen abhoben, um das freiwillige Einverständnis der Unternehmensführung zum erweiterten Aufsichtsrecht und damit zur Beschränkung ihrer Autonomie herbeizuführen.

9 DUD, Kölbing an Leiter der ADC, 13. Dezember 1909, UAH, ADC 106.2. 10 Vgl. ADC, Erklärung an die Brüder der DUD und des Aeltesten-Rates in Herrnhut, 19. Januar 1911, UAH, ADC 106.2.

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Eigentumsregelung in der Unität und Unternehmensverfassung Auseinandersetzungen über die Regelung der Eigentumsfrage in der Unität hatten eine lange Tradition. In ihnen hatten sich zumal in den Anfangsjahrzehnten der Brüdergemeine Grundsatzfragen nach der Vermögensordnung in der Unität als Glaubens- und Wirtschaftsgemeinschaft gestellt. Die Frage, wer eigentlich Eigentümer der Firma Dürninger sei und das Dispositionsrecht habe, war gerade deshalb so schwierig und eine überaus empfindliche, stark besetzte Materie, weil hier eine Grundfrage brüderischen Selbstverständnisses ins Spiel kam. Die Firma Dürninger hatte mit den vom Unternehmen erwirtschafteten Überschüssen in erheblichem Umfang zur Finanzierung der geistlichen Aufgaben der Unität beigetragen und tat dies auch weiterhin. Zudem hatte die Eigentumsfrage nicht nur eine Innenseite, sondern auch eine Außenseite. Man hatte sich im Falle der Firma Dürninger im Innenverhältnis darauf verständigt, dass die Leiter der Handlung nur „Verwalter eines anvertrauten Vermögens“ seien, die Handlung selbst aber als Fideikommiss und damit als eine Art „Stiftung“ zu betrachten sei. Die Firma sollte – mit anderen Worten – in ihrem gesamten Vermögenswert (Vermögensbestand) unangetastet und gesichert sein, wobei allerdings – nach Auffassung der Unität und der Ortsgemeinde Herrnhut – diesen beiden Körperschaften „die eigentlichen Nutzungsrechte und das volle Erbrecht“ zustanden.11 In der Unität gab es um die Jahrhundertwende drei verschiedene Vermögensmassen: 1) das deutsche Unitäts-Vermögen, 2) die Gruppen der Gemeinvermögen der einzelnen selbständigen Brüdergemeinden, 3) das Vermögen der ADC. Die Selbständigkeit dieser Vermögen zeige sich – so DUD und Herrnhuter Ältestenrat – darin, dass „das juristische Eigentum daran den verschiedenen Körperschaften allein zustehe und eine gegenseitige Haftbarkeit“ nicht stattfinde. Auch unterscheide sich der Zweck dieser Vermögensmassen: Zweck des Unitäts-Vermögens sei „der Gesamtheit, ihren Werken und Einzelgemeinen zu dienen“; Zweck der einzelnen Gemeinvermögen sei „der jedesmaligen Einzelgemeine und der Gesamtheit zu dienen“; Zweck des Handlungsvermögens, also der Firma ADC, sei „der Gesamtheit der Unität und der Einzelgemeine Herrnhut zu dienen“. Unklarheiten bzw. Unzulänglichkeiten der Regelung bestanden allerdings noch Anfang des 20. Jahrhunderts im Innenverhältnis insoweit, als das Unternehmen von den drei verschiedenen selbständigen Vermögensmassen in der Unität die einzige Masse war, die nicht der Kontrolle und Verwaltung durch die kirchlichen Organe unterworfen war, noch nicht „synodaliter“ durch Unitätsverfassung bzw. die brüderische Kirchenordnung geregelt war.12 Nach außen stellten sich die Besitzverhältnisse des Unternehmens freilich anders dar: Unter den Auflagen des Allgemeinen Deutschen Handelsgesetzbuchs von 1869 firmierte die ADC als offene Handelsgesellschaft und die „Chefs“ bzw. „Inhaber der Handlung“ waren als Eigentümer ausgewiesen. Dies implizierte 11 DUD u. Ältestenrat Herrnhut, Denkschrift betr. Handlung ADC, 22. April 1911, UAC, ADC 106.2. 12 Alle Zitate, ebd.

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Rechte sowie Pflichten der Unternehmensführung, darunter auch Haftung für Transaktionen und Außenstände des Unternehmens. Nach Auffassung der DUD und der Ortsgemeinde Herrnhut gingen mit der kirchenrechtlichen Sonderstellung der Vermögensmasse ADC und mit der – die innerkirchliche Eigentumsregelung nicht wiedergebenden – Außendarstellung des Unternehmens Unsicherheiten einher. Diese wogen für die ‚Geistlichkeit‘ offenbar umso schwerer, je dynamischer sich das Unternehmen entwickelte. Sie lösten Besorgnis, wenn nicht sogar Misstrauen aus, als sich die Unternehmensführung durch strategische Innovationen neu am Markt zu positionieren versuchte und Änderungen in der Kirchenverfassung die bisherige Gewissheit über die Dienerrolle des Unternehmens bzw. der Unternehmensführung gegenüber Unität und Ortsgemeinde außer Kraft gesetzt hatten. Eben diese Entwicklungen kamen um die Jahrhundertwende zusammen und schürten den lang anwährenden Konflikt zwischen den drei Akteuren. Koordination von Unternehmenshandeln und Zielsetzungen der Unität Zunächst zu den kirchenrechtlichen Veränderungen: Bis 1897 wurde bei der Rekrutierung der „Leiter der Handlung“ das Los befragt. In den Augen von Unitätsdirektion und Ältestenrat der Ortsgemeinde Herrnhut markierte 1897 einen gravierender Einschnitt, da damit die „Geschäftsgrundlage“ für die weitere Duldung einer unabhängigen Verwaltung der Vermögensmasse Abraham Dürninger & Co wegbrach. Nach Wegfall des Losentscheids schien ihnen die von der Unternehmensleitung geforderte Autonomie in der Führung des Unternehmens kaum mehr tragbar. Der (gemeinsame) Boden, die Verbundenheit im brüderlichen Glauben und Amt, bot keine Gewissheit mehr, selbst wenn diese zuvor ‚nur‘ eine Gewissheit über die Gemeinsamkeit der Ziele war, die aus dem Glauben und der Praxis des Losentscheids gestiftet war. Die „Leiter der Handlung“ setzten sich gegen ein erweitertes Aufsichtsrechts und eine vermehrte Kontrolle ihrer geschäftlichen Tätigkeit mit Verweis auf angestammte Rechte, auf Tradition, auf ihre Verantwortung für das Unternehmen und dessen Beschäftigte, aber auch die mangelnde Qualifikation der Kontrolleure zur Wehr. Daraufhin bemerkten die kirchlichen Verhandlungsführer kühl, „diese Unabhängigkeit [habe] früher ihr Gegengewicht in dem amtlichen Los [gehabt], das bei der Berufung angewandt werden musste. Beides – Unabhängigkeit und Losentscheidung – war für unsere Väter eine unzertrennliche Einheit; mit dem Aufhören des Loses ist eine völlige Unabhängigkeit unverträglich und wäre auch von den Vätern nie zugegeben worden.“13 Zu dieser Verunsicherung kamen unternehmerische Innovationen. Im Januar 1908 war Alfred Beck neu in die Unternehmensführung berufen worden. Beck rückte für Alfred Gemuseus nach, eine Art Urgestein und persönlicher Garant der Tradition. Nach 59 Jahren bei der Firma Abraham Dürninger & Co, davon 32 Jahre als deren „Mitinhaber“, war der „Seniorchef“ mit 73 Jahren in den Ruhe13 DUD u. Ältestenrat Herrnhut, Denkschrift betr. Handlung ADC, 22. April 1911, UAC, ADC 106.2.

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stand getreten. Beck, bei seiner Berufung im besten Mannesalter von 40 Jahren, hatte eine kaufmännische Ausbildung in brüderischen Unternehmen in Gnadenfeld, Görlitz, Herrnhut und Gnadenfrei absolviert. 1891 reiste er als einer der ersten „Missionskaufleute“ der Brüdergemeine nach Surinam und übernahm dort die Leitung der Manufakturwaren-Abteilung von C. Kersten & Co, eines brüderischen Missionsunternehmens, das er sanierte und modernisierte. Die Nachfolge auf Becks ehemaligen Surinamer Posten bei Kersten & Co trat Ende 1907 sein jüngerer Bruder Siegfried Beck an. Offenkundig war Alfred Beck bei seiner Ankunft in Herrnhut voller Schwung und Tatendrang. Insbesondere schwebte ihm vor, einen ausgedehnten Handel mit Produkten der brüderischen Plantagen in Surinam aufzuziehen. Ein erster Schritt in diese Richtung erfolgte im August 1908, als die Firma Dürninger eine Bananentrocknerei in Surinam anlegte. Die Produkte sollten in Deutschland und andernorts als neues Volksnahrungsmittel vermarktet werden. Die Firma schaltete hierzu große Werbekampagnen. Die Surinamer getrockneten Bananenschnitzel wurden als gesunde Kost und vielfältig einsetzbare Leckerei lanciert und in Wort und Bild angepriesen. Die Anzeigen atmeten ganz den Geist der Zeit. Sie nahmen den Reformkostgedanken auf und lieferten amtliche Atteste zum Nährwert sowie Verarbeitungsmöglichkeiten (Kochrezepte) gleich mit. Auch wurde einer der Mitdirektoren der Firma Dürninger auf eine mehrwöchige Geschäftsreise nach Surinam entsandt. Die unvermeidlichen Zwischenaufenthalte in New York auf der Hin- und Rückfahrt sollte er nutzen, um in Sachen Aufbereitung, Absatz und Versand von Trockenbananenschnitzeln Kooperationsformen und Geschäftsbeziehungen mit Amerikanern und Briten zu sondieren. Diese Vorstöße in Neuland bzw. – wenn man Abraham Dürningers früheren Handel mit Kolonialwaren in Betracht zieht – die Wiederbelebung einer alten, später freilich abgebrochenen Tradition rief offenkundig in Herrnhut allergrößte Beunruhigung hervor. Die Unternehmensleitung wurde angehalten, eingehend über ihr Vorhaben zu berichten, auch die anstehende Reise ihres Seniorchefs nach Surinam ausführlich zu begründen. Als nach Anfangserfolgen das Geschäft ausgeweitet und die Anlagen in Surinam modernisiert werden sollten, wurde seitens der Unitätsdirektion ein detaillierter Bericht bei der Firmenleitung angefordert. Trotz einer insgesamt eher geringfügigen Investitionssumme für verschiedene Verbesserungen der Surinamer Bananentrocknerei (darunter auch Anlage von Wohnhütten für die Arbeiter, die offenbar bislang dort unter den denkbar erbärmlichsten Bedingungen hausten) wurde die Unternehmensleitung mit Hinweis auf die „öffentliche Meinung Herrnhuts“, die in heller Unruhe sei, zurückgepfiffen. Der weitere Ausbau unterblieb. Statt einer durchaus viel versprechenden Diversifikation, die gewiss nicht nur zum Vorteil des Herrnhuter Stammhauses, sondern auch zum Vorteil der Plantagen und der Missionsarbeit in Surinam gereicht hätte, verblieben dem Unternehmen nach diesem Aufbrausen der „öffentlichen Meinung“ nur seine angestammten, durchaus krisengeplagten Tätigkeitsbereiche in der Textilindustrie (Spinnerei, Weberei und Appretur) sowie im Detailhandel in Herrnhut.

Zwischen religiöser Kultur und Weltlichkeit: Die Herrnhuter Brüdergemeine

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Institutioneller Wandel und unternehmerischer Autonomieverlust Das Verhältnis zwischen religiöser Kultur und Weltlichkeit bei den Herrnhutern wurde hier vor allem diskutiert als Spannungsverhältnis zwischen den Wirtschaftsunternehmen einerseits und den geistlichen Unternehmungen (etwa Mission) andererseits, die – solange sie auf die Selbstfinanzierung aus Selbsterwirtschaftetem und auf Zuschüsse seitens der Brüdergemeine angewiesen waren – auch der Ökonomie bzw. einer ökonomischen Basis und unternehmerischer Disposition bedurften. Die Gewissheit im Glauben stand in einem grundsätzlichen Spannungsverhältnis zu den unsicheren ökonomischen Konjunkturen, zu der Unruhe und den spekulativen unternehmerischen Dispositionen in Handel und Produktion. 1741 hatte Zinzendorf nach Losbefragung Jesus Christus als Generalältesten eingesetzt. Die Einsetzung machte die theokratische Struktur der Brüdergemeine sichtbar. Der Gebrauch des Loses galt in der Brüdergemeine als ein Mittel des unsichtbaren Regiments des Heilands. Der Losentscheid garantierte so gewissermaßen zugleich die Einheit der Ziele im Handeln aller Amtsträger in der Unitas Fratrum.14 Als 1898 – alle anderen Provinzen der Brüderkirche waren vorausgegangen – schließlich auch für die Deutsche Provinz der Unität der Gebrauch des amtlichen Loses aufgehoben wurde, wurde der Zweck, dem die Unternehmen der Unität dienen sollten, übersetzt in eine Wirtschaftsethik. Für deren Einhaltung konnte freilich nicht der Unternehmer (die Unternehmensleitung) einstehen, dies war Aufgabe und Vorrecht der Kirchenleitung. Unter diesen Vorzeichen bedurfte die unternehmerische Dispositionsfreiheit einer klaren formalen Bindung und institutionellen Einhegung. Am Ende des Konflikts um die Autonomie der Unternehmensführung der ADC stand eine neuartige institutionelle Regelung. Mit der neu gefundenen Rechtsform und Umgründung des Unternehmens als Abraham Dürninger-Stiftung sicherte sich die Kirchenleitung (DUD) ein maßgebliches Aufsichtsrecht über die Führung ihres wichtigsten Wirtschaftsbetriebs. Der Firmengründer Abraham Dürninger blieb auch deshalb eine Ausnahmegestalt in der Vermittlung zwischen geistlichen Aufgaben und ökonomischer Organisation, weil den Leitern des von ihm begründeten Unternehmens nach der Wende zum 20. Jahrhundert die selbständige Disposition über das ihnen „zur Verwaltung anvertraute Vermögen“ und die eigenständige Vermittlung zwischen religiöser Kultur und Weltlichkeit entzogen waren. 1913/15 wurde die Firma Abraham Dürninger & Co in eine Stiftung umgewandelt. Es wurde ein DürningerAusschuss eingesetzt, der sich – in Abstimmung mit der Ortsgemeinde Herrnhut – aus Mitgliedern der Finanzdirektion der Unität rekrutierte und dem nun Aufsicht und Kontrolle des Unternehmens oblag. Strategische Entscheidungen waren nun nicht mehr alleinige Sache der Unternehmensleitung. Stärker als je zuvor wurde die Unternehmensentwicklung durch den Filter kirchlicher Belange und religiöser Kultur bestimmt, allenfalls das operative Geschäft verblieb den „Chefs“ als autonomer Bereich. 1925 wurde diese Konstruktion in einer neuen Stiftungssatzung fortgeschrieben; übrigens auch in der – vergeblichen – Hoffnung, so die Gemein14 Vgl. Meyer, Zinzendorf, S. 46, S. 69–70, S. 113–116.

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nützigkeit bei der Verwendung der erwirtschafteten Erträge zu betonen und das Unternehmen von Steuerlasten zu befreien.15 Die großen Zeiten des Unternehmens gehörten der Vergangenheit an. Mit der nachlassenden Dynamik und Wirtschaftskraft der Firma Abraham Dürninger & Co nahmen freilich auch deren Gewinnabführungen an die Ortsgemeinde Herrnhut und an die Unitätsdirektion ab, darunter vor allem die Zuschüsse der Firma für die Missionsarbeit, die früher so reichlich geflossen waren. Wie die Brüderkirche Ausgleich für diese Ausfälle suchte und fand, muss einer künftigen Studie vorbehalten bleiben. Ein Ansatz – dies sei hier schon eingefügt – war die Hebung der Wirtschaftlichkeit der Eigenbetriebe ihrer Missionsstationen, unter anderem durch Rekrutierung kaufmännisch ausgebildeter „Missionskaufleute“, die den Missionaren als Wirtschaftsfachleute zur Seite gestellt wurden. Damit aber standen – im Erfolgsfall – auch die alten Probleme einer christlichen Wirtschafts- und Unternehmensführung neu ins Haus.

15 Vgl. Satzung der Abraham Dürninger-Stiftung in Herrnhut, 20./31. Dezember 1925, UAH, R6. A.a.66. 5.b; Wagner, Abraham Dürninger & Co 1747–1939, S. 109, S. 229–230; Sichel, 250 Jahre Abraham Dürninger & Co, S. 53.

LE COMBAT POUR LA LAÏCITE DANS UN VILLAGE DE BOURGOGNE (1871–1906) ET LE « KULTURKAMPF » Jean Philippon Un lecteur des ouvrages consacrés à la séparation de l’Eglise et de l’Etat aura souvent l’impression que le combat pour ou contre la laïcité n’a été qu’une joute intellectuelle. L’essai ci-dessous tend à démontrer le contraire : il dépeint ce conflit, avec de nombreux détails concrets, au sein d’un village de Bourgogne, il en montre les effets sur l’espace public, sur l’église, les écoles et le bureau de bienfaisance. En outre, les tensions qui découlent de la séparation sont mises en perspectives avec la révolution de 1789, que les communautés et les individus avaient encore en mémoire au XIXe siècle. La presse de l’époque voyait, en effet, un parallèle entre le combat pour ou contre la laïcité les évènements de 1789. Dans une dernière partie, cet essai compare ce conflit avec le « Kulturkampf » : opposition de l’église catholique romaine à l’état prussien et à l’empire allemand. Malgré de multiples différences en ce qui concerne l’origine et le déroulement, les deux controverses firent naître, chacune à sa façon, une nouvelle relation entre l’état et les Eglises, et elles contribuèrent, facteur parmi tant d’autres, au développement de l’état moderne. Liest man die Untersuchungen, die sich mit der Trennung von Staat und Kirche auseinandersetzen, drängt sich häufig der Eindruck auf, dass der Kampf für oder gegen den Laizismus in erster Linie ein intellektuelles Gefecht war. Der vorliegende Beitrag zeichnet dagegen den Konflikt mit vielen konkreten Details vor dem Hintergrund eines Dorfes in der Bourgogne nach: er beschreibt die Auswirkungen auf den öffentlichen Raum, die Kirche, die Schule, die Wohlfahrt. Die Spannungen werden auch in den Zusammenhang der Geschehnisse der Revolution von 1789 gestellt, die im 19. Jahrhundert teilweise noch als familiäre, wenn nicht sogar noch als persönliche Erinnerungen präsent sind. Auch die Presse jener Zeit zog die Parallele zwischen dem Kampf für oder gegen den Laizismus und der Revolution von 1789. In einem letzten Abschnitt vergleicht die Studie den Kampf um den Laizismus mit dem Kulturkampf, der Auseinandersetzung der römischkatholischen Kirche mit Preußen bzw. dem Deutschen Reich. Trotz zahlreicher Unterschiede in Entstehung und Verlauf sorgten doch beide Kontroversen jeweils auf ihre Art für eine neue Beziehung zwischen Staat und Religionen und trugen damit, als ein Faktor unter vielen, zur Entstehung des modernen Staates bei.

Un lecteur des ouvrages consacrés à la séparation de l’Eglise et de l’Etat aura souvent l’impression que le combat pour ou contre la laïcité a été en fait une joute intellectuelle : pour ou contre l’avènement de la raison comme fondement de la politique, pour ou contre un pouvoir sans Dieu et peut-être sans morale. C’est le principal et sans doute le seul mérite de ce travail d’avoir fait descendre l’Histoire du ciel des idées sur la terre et de la confronter à des intérêts très matériels. Où les saisir mieux que dans le cadre étroit d’un village ? Le danger, c’était d’extrapoler

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implicitement et de faire de l’exception un paradigme. Aussi avant d’avancer telle ou telle assertion, avons-nous pris quelques précautions. Nous avons procédé à des sondages dans un certain nombre de communes de l’arrondissement d’Autun. La lecture approfondie de la presse départementale et régionale, alors très riche, nous a montré que les convictions des maires républicains et anticléricaux de Saint-Sernin du Plain : Brossard et Godillot, étaient partagées par une grande partie de l’opinion. Resterait à étendre ce genre d’enquête à la France entière1. Saint-Sernin du Plain est un village situé entre Autun et Chalon-sur-Saône, à peu près à mi-distance de l’une et l’autre ville, en retrait de quelques kilomètres à l’ouest de la route qui unit ces cités. Il comprend quatre agglomérations : le bourg ou Saint-Sernin du Plain proprement dit, au rebord du plateau qui ceinture le Rome-Château, une « Montagne » de 547 mètres, et domine la large vallée de la Dheune, à l’ouest deux hameaux Cromey et Mazenay, localisés de part et d’autre d’une vallée profonde et au sud, près de la Dheune, Nion. En 1870, c’était un village de vignerons, de petits propriétaires ou de métayers à côté desquels vivaient quelques cultivateurs, quelques artisans, des rentiers et des commerçants nombreux à Mazenay. C’est seulement vers 1845 que la Compagnie du Creusot (Schneider) avait ouvert dans ce hameau une mine de fer qui fournissait à certaines périodes plus de 60 % de la consommation du Creusot. Après 1870, la mine commença à perdre de son importance. Exode rural, crise du phylloxéra et déclin de la mine déterminèrent l’évolution démographique. La population comptait 2361 individus en 1872, puis 2170 en 1881, 2005 en 1891, 1757 en 1901, 1380 en 1911, l’année de fermeture de la mine. En 39 ans, la commune avait perdu 42 % de sa population et avait été ramenée au niveau de 1840. Clochemerle Le rideau se lève sur un coup d’éclat, sinon un coup d’Etat. Des élections municipales avaient eu lieu le 7 et le 14 août 1870. Le conseil municipal avait été renouvelé. Au premier tour, il y eut 507 votants, les 4 élus recueillirent entre 208 et 204 voix, au second tour le nombre des votants tomba à 388. Les élus recueillirent de 350 à 246 voix. Magnien-Theureau, ancien maire, bonapartiste de raison sinon de cœur, président de la fabrique, ne s’était apparemment pas présenté. Laplanche-Petit, conseiller municipal sortant, trésorier de la fabrique ne rassembla que 54 voix. Seuls 7 conseillers sur 16 de la précédente municipalité avaient été reconduits. Le 28 août eut lieu l’installation du conseil. Pierre Brossard fut élu maire et Antoine Duby premier adjoint. Cette élection était remarquable à trois titres. Le 19 août, le préfet avait envoyé aux maires une circulaire : les élections municipales devaient avoir lieu dans les communes en exécution de l’arrêté préfectoral du 23 juillet ; il importait d’installer le plus tôt possible les conseils élus. Quatre jours plus tard, le 23 août, nouvelle circulaire selon laquelle le gouvernement avait résolu d’ajourner le renouvellement de tous les maires et adjoints. Soit 1

Voir Schiappa, Jean-Marc (sous la dir. de), 1905 ! La loi de séparation des Eglises et de l’Etat, Paris, Syllepse, 2005. La 3e partie : Le « tour de France » de la libre pensée permet une première approche. Les documents cités sans référence sont tirés des archives communales.

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que cette information ne fût pas parvenue dans la commune ou qu’elle y parvint trop tard, soit que le nouveau conseil décida de ne pas en tenir compte, toujours est-il que Brossard et Duby furent élus respectivement maire et premier adjoint le 28 août. L’élection du conseil était parfaitement légale puisqu’elle avait eu lieu comme le prescrivait l’arrêté du 23 juillet et comme le confirmait la circulaire du 19 août. L’élection du maire et de son adjoint était beaucoup plus contestable. Elle était postérieure à la circulaire du 23 août qui suspendait la désignation des maires et des premiers adjoints. Il y avait là un acte d’indépendance à l’égard du pouvoir légitime qui était remarquable. Enfin, c’était à coup sûr une manifestation politique. Elle marquait un revirement. Magnien-Theureau et Laplanche-Petit, très conservateurs, fervents catholiques, désignés par un préfet de Napoléon III étaient écartés, et un « Républicain » comme Pierre Brossard porté à la tête de la commune. Pour commencer, Magnien-Theureau fit de la résistance. Si l’on admettait la validité de la circulaire du 23 août, le maire et les adjoints n’auraient pas dû être renouvelés, les anciens gardaient de droit toutes leurs compétences. MagnienTheureau ouvrit les hostilités. Le secrétaire de mairie avait préparé un arrêté convoquant la Garde nationale, le 8 septembre, pour l’élection des officiers. Il y avait signé : « le maire Pierre Brossard », Magnien-Theureau raya la mention et mit son nom à la place. Les actes d’état-civil2 furent également paraphés par Magnien-Theureau jusqu’au 24 septembre. Il ne semble pas que Brossard ait opposé de violence au fait accompli si ce n’est, peut-être, verbalement, cependant il ne resta probablement pas inactif. Le 17 septembre, le sous-préfet d’Empire avait été remplacé par un homme nouveau. Le 19 septembre, une circulaire invitait les communes à élire de nouveaux conseils municipaux. La situation du village était paradoxale. Le conseil avait été renouvelé le 7 et le 14 août. Une nouvelle majorité dominait le conseil. Le maire avait été élu par celle-ci. Ce n’était pas régulier. Les autorités s’en tirèrent par une pirouette. Brossard fut « maire provisoire ». Il fut légitimé par l’élection du 30 août 1871 qui, bien qu’elle fît entrer de nouveau Magnien-Theureau et Laplanche-Petit dans le conseil, confirma la majorité républicaine. A peine la République était-elle établie, quoique encore fragile, que le nouveau maire allait s’attaquer aux autorités ecclésiastiques. Dans cette véritable guerre intestine qui opposa activement, laïques et cléricaux, les coups bas ne furent ménagés ni d’un côté ni de l’autre. Elle se déroula sur de multiples champs de bataille : 1° la laïcisation de l’espace public, 2° le contrôle des comptes de la fabrique, 3° la restauration de l’église, 4° les écoles, 5° la laïcisation de l’étatcivil, 6° l’activité du Bureau de bienfaisance, 7° le 14 juillet et 8° (en manière de conclusion) l’acceptation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat depuis longtemps réclamée par les laïques.

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Mariages, 30 août ; naissances, 1er et 24 septembre ; décès, 24 septembre. Dans un acte du 21 novembre, le secrétaire de mairie avait écrit par inadvertance « François Magnien maire », puis barré et inscrit Pierre Brossard et avait mentionné en marge « trois mots barrés ».

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La laïcisation de l’espace public Elle prit différentes formes. Le 4 juin 1871, le conseil municipal interdit à l’instituteur d’exercer les fonctions de chantre à l’église. Pour le dédommager, il lui accorda une indemnité de 100 Fr. Le même jour avait été prononcée l’interdiction de la quête du vin ou « quête en vin ». Le desservant passait chez les vignerons et recueillait leurs dons en vin non sans laisser entrevoir qu’en cas de refus, les enfants des récalcitrants auraient quelques difficultés au catéchisme. Selon certaines estimations la quête rapportait dans les bonnes années jusqu’à dix hectolitres de vin. Ce n’était pas négligeable. Le produit était destiné en principe aux finances de la paroisse. Après l’interdiction, le prêtre ou l’évêque intervint. L’arrêté fut rapporté par le préfet le 12 août 1875. Brossard ne se tint pas pour battu. Il s’adressa au ministre de l’Instruction publique qui fit une réponse analogue (22.8.1878). Le maire renouvela l’interdiction le 1er septembre 1882. Il eut alors gain de cause ou presque, car le 16 mai avait modifié le paysage administratif. Pas tout à fait cependant. L’abbé Gadant, vicaire de Mazenay, fit valoir que l’arrêté était adressé à l’abbé Philibert, curé de Saint-Sernin, et ne le concernait pas. Il continua de quêter du vin dans son hameau. La fête du village était à la Saint Parnay, un saint problématique. Elle était célébrée à la Quasimodo sur la place du Haut. Elle débutait par une messe. Cette cérémonie religieuse en guise d’ouverture gâtait le plaisir de tout bon laïque. Le maire voulut la remplacer par un divertissement profane. Il fallait un repère, une date. Elle aurait lieu le jour de la Saint Saturnin. Encore un saint ! Une justification philologique était toute prête. Sernin est la contraction de Saturnin. L’ennui, c’était que la Saint Saturnin tombe le 29 novembre. Le temps se prête rarement, à cette date, aux ébats en plein air. Elle fut célébrée en octobre, puis en septembre. Selon l’état de la récolte, il y avait le risque de collision avec les vendanges. Finalement, il fallut se rabattre sur juin. Certaines processions furent interdites, notamment pendant les Rogations et la Fête-Dieu. Celle de l’Assomption fut maintenue. Les fidèles chantaient « Sauvez Rome et la France au nom du Sacré-Cœur ». La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, recommandée par Marguerite Marie Alacoque, une visitandine de Paray-leMonial, au XVIIe siècle, reçut en France, à partir de 1873, une signification politique. Le cantique attribuait implicitement les malheurs de la France à la République comme un juste châtiment de son infâme neutralité entre le Saint-Père et Victor Emmanuel I. Brossard interdit par arrêté du 24 juin 1879 le cantique qu’il déclara « subversif ». Philibert ne se décourageait pas facilement. En novembre 1879, il annonça au maire qu’il allait organiser une grande fête, un lundi. Par lettre en date du 24, Brossard émit des réserves. L’affaire en resta là. Deux fanfares existaient à Saint-Sernin. « La Persévérance », fondée par ce « maudit Philibert » et « Les enfants de l’Indépendance ». La première était catholique, non autorisée, c'est-à-dire qu’elle n’avait pas le droit de jouer en public. L’autre était laïque, dirigée par Delorme et protégée par Brossard. Elles furent créées toutes les deux en 1882. Il semble bien que l’antériorité revienne à « La Persévérance ». Sans aller jusqu’à interdire la procession de l’Assomption, Bros-

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sard, par arrêté municipal, n’autorisa pas la nouvelle fanfare du curé à jouer dans les rues du village. Il adressa une lettre à Philibert et donna copie à l’évêque d’Autun. Le curé aurait déclaré au marguillier : la musique fait partie du cortège des processions, elle accompagnera celle du 15 août malgré le maire. Brossard commentait : « La division qui est son œuvre prend des proportions de plus en plus regrettables et menace de nous amener la discorde à bref délai. » Mgr Perraud répondit sans se départir de l’onction ecclésiastique, mais il ne condamnait pas l’abbé Philibert. « La Persévérance » a-t-elle joué en 1882 ? En tout cas, elle ne s’en priva pas deux ans plus tard. En 1883, « Les enfants de l’Indépendance » prirent part au concours de fanfares à Macon. Sous la direction de Delorme, 19 musiciens jouèrent dans la salle d’asile (école maternelle). La société obtint le 2è prix et la médaille d’argent, ex aequo avec Perrecy-les-Forges. L’année suivante, « La Persévérance » participa au concours et remporta un prix à Macon. Le 11 novembre, dès que les musiciens furent descendus du train et parvinrent à Nion, ils se mirent en rangs et « se perm(irent) de jouer en public, le long des rues, au hameau de Nyon ». Deux rudes côtes leur coupèrent le souffle et ils ne s’époumonèrent pas pour les moineaux. Arrivés au bourg, ils s’alignèrent et entonnèrent un chant de triomphe « malgré la défense légale qui leur en avait été faite ». C’en était trop. Quelques bons Républicains, dont deux conseillers municipaux, se plaignirent au maire. Brossard rédigea un procès-verbal. « Cette société non autorisée et excédant le nombre 20 ayant contrevenu à l’arrêté municipal qui lui interdit de jouer en public, nous demandons que les membres qui la composent soient poursuivis selon les voies de droit. Nous observons en même temps qu’on a détourné de l’école les élèves dénommés sous les numéros 20 à 24 inclus et cela en contravention avec la loi du 28 mars 1882… pour servir et valoir ce que de droit. » Il ne semble pas que l’affaire ait eu de suites judiciaires. Le curé Philibert avait bravé impunément le maire. Il y eut deux missions dans la commune durant cette période. Aucun incident n’a été noté. Peut-être furent-elles d’une discrétion exemplaire ? Les calvaires et croix de mission sont antérieurs à 1870. Les comptes de la fabrique Brossard avait, dans la mesure de ses moyens, mais non sans succès, « nettoyé » l’espace public de l’empreinte du christianisme. Il eut un autre cheval de bataille : les comptes de la fabrique. En 1859, Madame Lamboeuf avait fait don au conseil de fabrique de 2000 Fr destinés à financer les réparations de l’église. L’abbé Jouhaut avait chargé M. Sauvageot, un notable, propriétaire du « château », de les convertir en rentes sur le crédit foncier. L’ancien maire, MagnienTheureau, avait été président de l’administration paroissiale. Son gendre aurait « empoché » des papiers dans la cure après la mort du prêtre. Brossard tenta de démontrer que les 2 000 Fr avaient été détournés. Il saisit le procureur. MagnienTheureau prit un avocat. Brossard répliqua par un abondant mémoire (22 octobre 1873). Le maire qui sans doute savait fort bien combien son argumentation était spécieuse, n’en poursuivit pas moins l’affaire. Il voulait déconsidérer MagnienTheureau en le faisant passer pour un voleur. « Calomniez, calomniez, il en reste-

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ra toujours quelque chose. » Employer de tels procédés n’était pas sans excuse. Tant que la République n’était pas consolidée, qu’elle demeurait menacée d’une restauration par un parlement dans lequel les monarchistes, voire les bonapartistes étaient appuyés par une partie de la bourgeoisie conservatrice, Magnien-Theureau demeurait un concurrent redoutable. Voilà pour le fond du conflit. Il donna lieu à des manœuvres d’une subtilité florentine que Machiavel n’eût pas désavouées. Le premier adjoint, Etienne Brazey-Chifflot fut circonvenu par l’abbé Philibert qui le fit entrer au conseil de fabrique dont il devint le trésorier. En 1875, Brazey sollicita l’avis du conseil municipal sur la tenue des comptes de fabrique par son prédécesseur, Claude Laplanche-Petit qui entre temps s’était rapproché de Brossard. Le premier adjoint, nouveau trésorier de la fabrique reprenait les accusations de Brossard en les détournant sur un homme qui s’était éloigné de Philibert. Le 16 avril, le conseil donna une réponse évasive. Brossard imagina une parade efficace. Il rédigea un arrêté qui mettait en cause la fabrique dans sa composition actuelle. Il prétendit n’avoir pu le signer faute de temps et le fit porter par le garde-champêtre pour signature au premier adjoint. Brazey, premier adjoint, aurait contesté la gestion de Brazey, trésorier, et aurait sommé ce dernier de présenter les comptes de la fabrique. Brazey protesta. Il aurait déclaré qu’il ne voulait plus se mêler de rien ni même remplir les fonctions d’adjoint. Brossard n’en espérait pas plus. Le 22 janvier 1875, le nouveau trésorier demanda au conseil de fabrique l’autorisation de suivre devant le tribunal de première instance d’Autun, l’instance formée contre Laplanche. Celui-ci offrit de rendre compte devant le tribunal ou par un acte extra-judiciaire de l’huissier Chapuis (1.2.1875). Le 19 août 1875, le conseil forma une plainte contre Brazey, trésorier de la fabrique. Laplanche-Petit devint premier adjoint. Le conflit n’était pas clos. Le 11 octobre 1879, le maire demanda au sous-préfet de dissoudre le conseil de fabrique dont la gestion demeurait opaque. A partir de 1883, cette comptabilité cessa de mobiliser les deux camps. L’affaire qui avait duré dix ans, perdait une bonne partie de son intérêt. La République était plus assurée d’elle-même. Le retour d’un clérical à la tête de la commune n’était plus à craindre. En 1893, Pierre Doreau étant curé de Saint-Sernin, les comptes de la fabrique fournirent cependant de nouveau matière à contestation. Une demoiselle Darque avait par testament légué à la commune une somme destinée à la construction d’une chapelle à Cromey. Une partie du revenu devait être versée à la fabrique. Le 14 mars 1893, l’abbé Doreau se plaignit de « l’inexécution » de cette clause. Il revint à la charge le 27 avril en acceptant d’ailleurs « le contrôle de l’emploi par le conseil municipal ». Il ajoutait : « La personnalité du desservant quel qu’il soit n’a rien à voir dans cette affaire. » Le 13 mai, le préfet rappela Godillot à l’ordre : « En prétendant ignorer les charges que le testament impose à la commune, vous êtes en contradiction avec vous-même. » Nous pourrions explorer les autres champs de bataille où la lutte ne fut pas moins âpre et tout aussi sournoise. Nous collectionnerions moult anecdotes clochemerlesques sans que notre jugement en soit altéré.

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Der Ernst des Lebens Un homme, un fonctionnaire d’autorité avait pris l’affaire très au sérieux. C’était le sous-préfet d’Autun, bien placé pour en juger. Dans une lettre au préfet, il écrivait, le 3 octobre 1893 : « Si M. Doreau reste à Saint-Sernin, la commune est absolument perdue, et avant longtemps, au point de vue politique. J’ai arraché deux fois déjà au conseil Municipal tout entier, le retrait de sa démission collective, mais je ne me sens plus la force et l’autorité nécessaire pour obtenir semblable résultat si la légitime satisfaction qu’il réclame ne lui est pas accordée. Proposer la suppression du traitement de M. l’abbé Doreau serait une mesure inutile et dont lui-même se rit déjà par avance : il a déclaré en chaire ‹ qu’il serait beaucoup plus riche qu’auparavant. › Je l’ai dit et je le maintiens, c’est le déplacement de ce desservant que doit poursuivre l’autorité civile et qu’elle se doit à elle-même d’obtenir. » 3 Les péripéties souvent bouffonnes de ce combat ne sauraient dissimuler le fait que, à travers la farce, se manifestaient des forces qui ont agi dans la longue durée. Nous en distinguons trois principales, profondément enracinées dans la société française et notamment dans les campagnes : l’anticléricalisme rural et le gallicanisme qui souvent se confondaient, la fidélité du peuple des campagnes à 1789 – si l’on excepte des régions comme la Vendée, une partie de la Bretagne, de la Flandre, etc. – et enfin le rejet de la dictature de type bonapartiste. C’est le jeu de ces forces qui a défini le champ politique de 1870 à 1914. Il s’agissait bien d’une lutte pour le pouvoir : contre Mac Mahon, contre Boulanger, contre Déroulède. La Révolution française (1789–1794) Les histoires récentes de la laïcité, notamment celles qui ont paru à l’occasion du centenaire de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ont établi une filiation intellectuelle et morale entre celle-ci et la Révolution de 1789. Le combat des années 1877–1906 aurait été le couronnement de l’œuvre entreprise cent dix-sept ans plus tôt. Aux ‹ valeurs › : liberté-égalité-fraternité se serait ajoutée la laïcité. L’ennui, c’est que les ‹ valeurs › s’accommodent à toutes les sauces. Sont-elles, comme les idées platoniciennes, les éléments constitutifs et hiérarchisés de l’être ? Sont-elles des symboles sociaux consacrés par l’expérience historique ? Ou bien sont-elles de simples mots d’ordre partisans utilisés par une propagande plus ou moins habile ? Ce flou, commode aux spéculations, rend suspectes les valeurs et notamment la laïcité. Le curé Antoine Masson fut envoyé à la guillotine en 1793, par les jacobins du village. A peine une vie d’homme séparait de cet événement la proclamation de la IIIe République. Les plus jeunes avaient recueilli de leurs parents ou de leurs grands-parents le récit de cette tragédie : l’élection du premier maire de SaintSernin, ses foucades, ses arrestations successives, les huées qui avaient couvert la voix du prêtre alors qu’on le conduisait à Autun. Avant tout, personne n’ignorait qui avait poursuivi, accablé l’infortuné, et qui l’avait défendu ou du moins plaint 3

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en son for intérieur. Personne n’ignorait le rôle d’un Brossard, d’un Godillot, d’un Dépernon dans cette affaire. Et les deux malheureuses, Reine Narjollet et Jeanne Nectoux, servantes de Masson, qui avaient tenté de défendre leur curé devant le tribunal révolutionnaire, sous les glapissements des tricoteuses, n’avaient-elles pas gardé leur vie durant, dans leur mémoire, une image de terreur et d’effroi de ce Paris révolutionnaire ? Dans les villes, l’anonymat des foules avait facilité l’oubli. Dans la commune, la tradition orale entretenait le souvenir. Et ce n’était pas seulement le destin de Masson qui était présent aux esprits. En 1855, la Société des médaillés de Sainte-Hélène comptait dans le village une quinzaine de membres. L’un d’eux s’était battu à Fleurus, un autre à Austerlitz, un troisième à Iéna, les autres avaient fait les campagnes d’Espagne, de Russie, de 1813 ou avaient lutté à Waterloo. En 1870, les survivants avaient entre 73 et 80 ans. La Révolution et l’Empire étaient aussi proches aux contemporains que le sont pour nous le Front Populaire ou les débuts de la République fédérale. Mais ce n’étaient pas uniquement les personnes qui demeuraient dans la mémoire collective, deux intérêts, l’un politique et l’autre économique, étaient en jeu. La Révolution avait institué l’élection du maire : le village se gouvernant luimême par le libre choix du premier magistrat doté de pouvoirs étendus en matière de politique administrative et de police. Ce ne fut d’ailleurs qu’un instant de lumière entre deux nuits obscures. Les syndics d’Ancien Régime étaient choisis par les électeurs, mais leurs compétences étaient limitées et ils demeuraient sous la tutelle étroite des subdélégués et des intendants. La constitution de l’an VIII (15 décembre 1799) mit la désignation du maire à la discrétion du préfet. Le premier magistrat de la commune pouvait même être pris en dehors du conseil municipal. La loi du 21 mars 1831, plus libérale, abolit cette disposition, rétablie par la loi du 5 mai 1855. Selon la loi du 14 avril 1871, le maire était pris dans le sein du conseil municipal et élu par celui-ci. Une loi du 20 janvier 1874 revint sur l’élection du maire et des adjoints qui fut rétablie en 1876 (loi du 12 août 1876). Ce n’était plus l’élection du maire au suffrage universel direct, le village se gouvernant lui-même par lui-même. Mais la IIIe République marquait un retour vers l’idéal de 1792. La longue lutte pour l’élection du maire et pour sa relative indépendance envers les autorités administratives prouve combien cet intérêt était enraciné dans la vie politique française. Voilà pour les institutions ! Enfin la propriété. La Révolution avait confisqué et vendu par lots les grands domaines de l’Eglise et des émigrés, déclarés « biens nationaux ». Un des meilleurs analystes de la société du XIXe siècle, Balzac, a employé à plusieurs reprises l’expression « la grande question des biens nationaux ». Il y avait ceux qui voulaient rétablir les anciens propriétaires dans leurs droits et fonder une hiérarchie sociale stable appuyée sur la grande propriété foncière héréditaire, et ceux qui refusaient toute restitution et considéraient que les biens nationaux avaient été acquis régulièrement. Qu’une restauration de l’ordre ancien ait été à craindre lors du retour des Bourbons, certes, mais en 1870 ? N’était-ce pas une crainte dépassée ? Au sud de la commune, à la limite de Saint-Léger-sur-Dheune, existe un bois de la Garenne qui avec ses alentours, les Barraques, appartenait à une famille noble. En échange de servitudes qui consistaient en corvées grâce auxquelles le

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seigneur exploitait son domaine propre, les tenanciers avaient été autorisés à construire des maisons et à cultiver pour leur compte des parties du fief. Pour ramener à l’essentiel une affaire qui exerça la subtilité des juristes pendant plus d’un demi-siècle, les tenanciers firent valoir qu’en 1789 les droits féodaux avaient été abolis et qu’ils n’étaient plus corvéables, qu’en revanche il y avait prescription en ce qui concernait leur occupation du sol dont ils étaient devenus de légitimes propriétaires. A la Restauration, les anciens seigneurs tentèrent de faire valoir leurs droits et entamèrent un procès ; lassés des chicanes, ils cédèrent leurs prétentions à un gros entrepreneur de Chalon-sur-Saône, Coste. La commune intervint pour soutenir les tenanciers. Sur cette contestation initiale vinrent s’en greffer d’autres : les défendeurs étaient-ils les particuliers qui occupaient le terrain ou y avait-il cantonnement ? Interprétation qui prévalut. Finalement, Coste se découragea lui aussi et accepta un compromis avec la commune. C’était le 6 novembre 1853. Plus de soixante ans après la nuit du 4 août, les habitants de Nion recevaient confirmation de l’abolition des droits féodaux et de la légitime propriété des biens nationaux par leurs acquéreurs. Ainsi, la Révolution de 1789 continuait d’habiter la pensée des ruraux dans la France de 1870. C’étaient des réminiscences personnelles, des souvenirs de famille, c’était aussi une réalité liée à des intérêts matériels. Il ne faudrait pas cependant croire que ces vignerons se soient contentés de regarder le passé par le petit bout de la lorgnette. Les histoires de la Révolution publiées par Thiers, Mignet, Michelet, Edgar Quinet sans parler des œuvres populaires n’étaient pas inconnues de l’un ou de l’autre. Aussi n’est-il pas surprenant que dans leur lutte contre le curé les plus humbles acteurs se soient identifiés avec les Grands Ancêtres. Nous en avons la preuve. Au mois d’août 1892, le conseil municipal avait menacé de démissionner si Doreau n’était pas déplacé. Il n’en fit rien, bien que Doreau restât en place. Un des partisans du curé ironisa lors d’une séance du conseil : « Alors cette démission ? » Il s’attira une fière réplique dont nous ne pouvons identifier l’auteur de manière plus précise : « Monsieur, nous sommes ici par la volonté du peuple et nous ne démissionnerons pas ! » Et Doreau qui rapporte l’incident de dauber sur « le Mirabeau du conseil ». Enfin, dans la presse de l’époque, la lutte pour ou contre la laïcité était dépeinte par les uns et les autres, laïques ou cléricaux, comme une continuation de 1789 ou de 1793. Rien d’étonnant ni de bien original en cela ! N’était-ce pas la pensée même de l’Eglise et notamment de Pie IX ? Une réaction contre le Second Empire Le Second Empire avait tenté de réconcilier les partis et de rétablir la concorde dans la Nation. Brandissant la menace d’un complot anarchiste ou socialiste et d’une subversion totale, il se ralliait les conservateurs, par une politique sociale hardie, il avait essayé avec moins de succès de conquérir les ouvriers de l’industrie, et, par les symboles, le rappel des gloires militaires de la Révolution et de l’Empire, il espérait séduire une partie des Républicains. Cette volonté de rassembler se traduisait par des manifestations emblématiques. Imaginez la petite église posée au rebord du Plain, dont le clocher se découpe sur le ciel et attire le

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regard de tous les points de l’ample vallée de la Dheune. Le porche extérieur franchi, vous passez sous la tribune de bois qui occupe la première travée et vous pénétrez dans la nef froide et humide sans grand caractère. Nous sommes le 17 juin 1858. La population est réunie pour célébrer la victoire de Magenta. Aux places d’honneur, dans le chœur, le maire ceint de son écharpe tricolore, entouré du corps municipal, l’adjoint, les conseillers, les principaux fonctionnaires, secrétaire de mairie, garde champêtre, instituteurs et institutrices, les notables, gros propriétaires fonciers, le directeur de la mine. Les vétérans sont là. Maurice Treney, jadis capitaine, aujourd’hui receveur buraliste, a lutté sur tous les champs de bataille d’Europe de 1793 à 1814. Le prêtre célèbre les armes victorieuses et le souverain généreux, « les armées alliées à la tête desquelles a voulu se mettre notre illustre et magnanime Empereur ». A l’issue de la cérémonie, des médailles de Sainte-Hélène et des brevets sont remis à quelques vétérans. De semblables cérémonies ont été répétées à de nombreuses occasions : le 20 janvier 1858 après l’attentat d’Orsini contre Napoléon III, le 3 juillet après la victoire de Solférino, le 17 juin 1860 pour fêter le rattachement de Nice et de la Savoie à la France. Ces cérémonies insolites et en grandes pompes dans un petit village, séduisaient-elles la population ? C’était en fait un marché de dupes. L’hommage rendu aux soldats de Valmy et d’Austerlitz ne modifiait pas les rapports de force. Le pouvoir local était dans les mains des conservateurs catholiques : les maires Magnien, Mathieu MagnienTheureau, épaulés par les directeurs de la mine. Celle qui en retirait le principal bénéfice dans cette affaire, c’était l’Eglise. C’était à elle que le pouvoir civil demandait la consécration de ses triomphes militaires. L’autorité morale du curé l’emportait sur celle du maire. Tous ceux qui, pour une raison ou une autre, demeuraient fidèles à 1789 se sentaient floués et leurs rancunes se retournaient d’abord contre le prêtre. L’Empire libéral arriva trop tard et ne changea rien. Pire, il fut interprété comme un signe de faiblesse. Certes, le plébiscite du 8 mai 1870 semblait indiquer que la majorité des Français demeurait fidèle à l’Empereur. A Saint-Sernin, les oui l’emportèrent par 477 voix contre 129 non. Plus du quart (27 %) des électeurs était passé dans l’opposition. Faudrait-il accuser les électeurs d’inconséquence ? Auraient-ils, par versatilité, donné leur adhésion à l’Empire le 8 mai pour la lui retirer le 28 août, dans le village, et le 4 septembre à Paris ? Nous n’en croyons rien. Le 8 mai, il fallait choisir entre l’Empire ou l’aventure. Le 28 août, le choix était différent : soutenir Napoléon III qui avait jeté le pays dans la guerre, la défaite et l’humiliation ou s’en détacher pour parvenir à une paix la moins mauvaise possible. A l’horizon de Saint-Sernin, l’ennemi véritable, c’était celle qui depuis 1789 avait combattu sans relâche et sans concession le mouvement républicain, c’était l’Eglise catholique. La lutte pour la laïcité était là contenue en germe. Et si ridicule que les péripéties puissent nous paraître, quelles qu’aient été les passions qui ont animés les adversaires, nous devons reconnaître aux laïques un sûr instinct politique.

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La revanche des cléricaux Ce conflit eut un aspect, secondaire à l’époque, dont les conséquences ultérieures furent tragiques et qui est à peu près occulté par les historiens : le développement d’une culture du nationalisme, voire du chauvinisme. Certes, le pays était tombé du faîte de la gloire dans le bourbier d’une humiliante défaite. Combien d’amertume devant tant d’illusions brisées, de blessures dans la chair vive du pays. Les conservateurs, les monarchistes et même les bonapartistes avec une impudence rare attribuèrent l’effondrement du Second Empire à la République, au socialisme, à l’anarchie. Ils soutinrent non seulement que ces partis, ces hommes l’avaient provoqué, qu’ils s’en seraient réjouis, voire qu’ils auraient été de connivence avec les Prussiens.4 J.-B. Dumay5, maire républicain du Creusot aurait crié « Vive la Prusse ! » en apprenant les victoires de l’ennemi ; les « bombes à pétrole » dont s’étaient servi les Communards auraient été fournies par les Prussiens, d’ailleurs des Allemands avaient combattu dans les rangs des insurgés. La droite ne cessa de mettre en doute le patriotisme des hommes de gauche. En 1891, « Le Matin » accusait Jules Ferry d’avoir préconisé l’alliance allemande.6 Le mal aurait eu des causes lointaines. L’irréligion avait détruit l’esprit de sacrifice, la proclamation de la République avait brisé la volonté de résistance. Ces allégations étaient tout à fait invraisemblables. Certains y prêtèrent foi. La thèse qui faisait de l’impiété la cause des maux qui frappèrent la France en 1870 reçut une sanction officielle. Le 24 juillet 1873, une loi déclarait d’utilité publique la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. L’habitude a fini par nous faire admirer cette espèce de pièce montée aux formes lourdes et molles qui domine le panorama de la capitale. Nous en avons oublié la signification première : attirer sur la France meurtrie les bénédictions du Sacré Cœur de Jésus, pour cela il suffisait de rétablir le pape dans toute sa puissance temporelle, de rendre à la hiérarchie catholique sa prééminence en France et accessoirement d’étrangler la République. On le dit aussi en chansons. Nous avons déjà cité le cantique : « Sauvez Rome et la France au nom du Sacré-Cœur ». Les Républicains étaient implicitement et ouvertement accusés de manquer de patriotisme. Ils tombèrent dans le piège, ils relevèrent le défi. « Les hussards noirs de la République », les instituteurs de l’école laïque dont cet 4 5

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Le Peuple de Saône-et-Loire, 26 février 1871. C’était la feuille de Charles Boysset. Elle répliquait aux monarchistes. J.-B. Dumay était le fils d’un mineur du Creusot tué d’un coup de grisou en 1841. Il entra à « l’usine » Schneider à 13 ans, devint mécanicien-ajusteur. Il fut « congédié » pour « injures à ses supérieurs », fit son Tour de France, revint au Creusot où il animait un comité républicain de propagande et diffusait des journaux clandestins comme « Le Sifflet ». Il soutint la grève de 1870 et appela au boycott du plébiscite organisé dans l’usine par Schneider au sujet de la caisse de prévoyance. Il s’installa comme serrurier, armurier, mécanicien. Après la proclamation de la République, il fut nommé par le préfet maire du Creusot. En mars 1871, il reçut des émissaires de la Commune, hissa le drapeau rouge sur la mairie. Le préfet, Charles Ferry, frère de Jules, envoya la troupe dans la ville. Assiégé dans la mairie, Dumay fut libéré par le sous-préfet, il se réfugia à Genève et fut condamné à la déportation par contumace. D’après La Dépêche de Saône-et-Loire, 7 novembre 1891, journal républicain qui prenait la défense de Jules Ferry.

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aspect de l’enseignement est trop souvent occulté, inculquèrent à leurs élèves l’amour de la patrie, voire le chauvinisme. Pour étayer cette assertion, nous nous contenterons de citer un document inédit. Un notable de Saint-Sernin, conseiller municipal, Adolphe Menot, offrait chaque année de bons ouvrages qui étaient attribués aux meilleurs élèves lors d’une distribution des prix solennelle en fin d’année. En septembre 1885, les lauréats adressèrent à leur bienfaiteur une lettre inspirée, peut-être même dictée par le maître d’école : « Monsieur et cher bienfaiteur « Depuis longtemps vous daignez récompenser notre travail. « Les années précédentes nous vous écrivions pour vous remercier ; aujourd’hui nous ne voulons pas laisser passer cette petite solennité sans vous témoigner notre reconnaissance. « Puisque vous tenez tant à récompenser parmi nous les travailleurs, il est juste, Monsieur et cher bienfaiteur que nous prenions des engagements envers vous. « Nous vous promettons plus que jamais de travailler à l’école pour acquérir cette instruction pour laquelle vous témoignez tant de sympathie. « Nous vous promettons plus que jamais de travailler à l’école pour devenir plus tard après avoir appris à connaître la France sur les bancs de l’école, pour devenir de bons soldats d’abord, de bons citoyens ensuite, enfin des hommes dévoués à la France, à la Patrie, à la République. Saint-Sernin du Plain, le 6 septembre 1885 Les élèves délégués Duvernois F., Boudot J., Monnot Claude, Duchemin Claude, Magnien, Martin Laplanche, Rossigneux François J. Nectoux » Laïcité et /« Oder Kulturkampf » Dans cette dernière partie, qui est en fait une conclusion, nous établirons, à partir des constatations que nous avons faites dans un village de Bourgogne, un parallèle entre laïcité et Kulturkampf. Pour ne pas dépasser les limites imposées à cette communication, nous nous en tiendrons à des constatations d’évidence. Le combat pour la laïcité a été d’abord une réaction populaire contre l’Eglise et secondairement contre les forces politiques qu’elle patronnait. Le parlement modéra souvent les ardeurs des combattants et, après 1905, devant la montée du socialisme, nombre d’élus laïques cherchèrent des accommodements avec les conservateurs cléricaux. En Allemagne, en Prusse, l’initiative vint d’en haut, du chancelier d’Empire, de Bismarck.

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Les finalités étaient différentes. En France le véritable objectif était d’ordre constitutionnel : république parlementaire ou restauration de la monarchie, de l’Empire, voire établissement d’un régime autoritaire. En Allemagne Bismarck craignait que les minorités catholiques, Polonais, Alsaciens, Lorrains, soutenues par le Souverain Pontife auquel l’infaillibilité était reconnue par le dogme, ne missent en danger l’unité nationale. Selon la formule de Virchow, c’était un combat des cultures : la tradition protestante, humaniste, éclairée, contre l’obscurantisme romain. Cet aspect demeura secondaire en France. La plupart des anticléricaux comme Brossard et Godillot étaient baptisés, avaient fait leur première communion, s’étaient mariés à l’église et eurent un enterrement religieux. Succès ou échec ? Les laïcs auraient triomphé, Bismarck échoué ? Les premiers ont chèrement payé leur succès. Le prix fut le sacre de l’« esprit de revanche » qui fit accepter si légèrement la guerre. Echec de Bismarck ? Le jugement de François-Georges Dreyfus nous paraît beaucoup plus pertinent : « Il [le Zentrum] prépare les voies définitives de l’intégration des catholiques dans la société allemande ».7 Cependant l’évolution du monde nous oblige finalement à rapprocher laïcité et Kulturkampf. Quelles que soient les différences que nous avons énumérées, ces deux combats entre l’Eglise et l’Etat ont agi de façon analogue dans la longue durée, en déterminant un nouveau rapport entre la politique et la morale. Autrefois, les uns croyaient à la force seule. C’étaient les cyniques. Les autres affirmaient que la morale finissait toujours par triompher. C’étaient les aveugles. Ces deux réactions constituaient un hommage du vice à la vertu. Les uns et les autres constataient la réalité d’une exigence morale, ce faisant les premiers niaient son efficacité et affirmaient, par une sorte d’acte de foi, que la force seule guide le monde. Les seconds niaient le spectacle qu’ils avaient sous les yeux et le transformaient en une légende dorée. L’une et l’autre attitude supposaient une part d’engagement personnel. En attribuant à l’Etat un rôle de fondateur dans le domaine éthique, supérieur à celui de la religion, les partisans de la laïcité comme les Kulturkämpfer ont contribué pour une part à créer le monde et l’homme moderne. Certes pour une part seulement ! Ils ont aidé, de manière négative, à sacraliser l’Etat. Tout, même la religion, devait lui être subordonné, ou bien, cette dernière devait être considérée comme une affaire privée dont se désintéressait la volonté collective. L’Etat incarnait à la fois la force et la justice. Bien sûr ! Laïcité et Kulturkampf n’ont été qu’un facteur parmi tant d’autres. Mais… Das ist ein weites Feld. Cela nous entraînerait trop loin. Cependant il n’est pas mauvais d’y songer.

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Dreyfus, François-Georges, Histoire des Allemagnes, Paris, Colin, 1970, p. 279.

DAS RELIGIÖSE LEBEN DER JÜDISCHEN GEMEINDEN IN LOTHRINGEN UND DER PREUßISCHEN RHEINPROVINZ IM 19. JAHRHUNDERT Stephanie Schlesier Der vorliegende Beitrag vergleicht die staatlichen Vorschriften in Frankreich und Preußen, die im 19. Jahrhundert den organisatorischen und finanziellen Rahmen für die Ausübung der jüdischen Religion vorgaben. Die Autorin analysiert ihre Auswirkung auf die jüdischen Gemeinden in den untersuchten Gebieten Lothringens und der Preußischen Rheinprovinz. Die Bedingungen waren weder in Frankreich noch in Deutschland optimal für verstreut lebende Landgemeinden, sondern eher an den Bedürfnissen städtischer Gemeinden orientiert. Bau und Unterhaltung von Synagogen und die Bezahlung ihrer Würdenträger gestaltete sich für die jüdischen Bewohner Lothringens etwas einfacher als für ihre Glaubensgenossen in der Rheinprovinz, die in Preußen kein Anrecht auf staatliche Zuwendungen hatten. Außerdem beschäftigt sich der Beitrag mit den Unterschieden in der Religiosität und der Bereitschaft zu kultischen Reformen in der jüdischen Bevölkerung der beiden Gebiete. Zwar unter verschiedenen politischen Systemen aber geografisch nah, kam es durch Zuwanderung zu gegenseitiger Beeinflussung der Gemeinden, besonders in Hinsicht auf Reformimpulse. La contribution ci-dessous compare les décrets qui réglaient, au XIXe siècle, en France et en Prusse le cadre organisationnel et financier de l’exercice de la religion juive. Il analyse leurs effets sur les communautés juives de la région Lorraine et de la Rhénanie prussienne. Les conditions n’étaient idéales ni en France ni en Prusse pour les communes dispersées dans la campagne et plutôt dépendantes des communautés urbaines. La construction et la maintenance des synagogues et la situation financière de leurs dignitaires étaient un peu plus faciles pour les habitants juifs de Lorraine que pour leurs coreligionnaires de la Rhénanie prussienne, lesquels n’avaient pas droit à des aides financières. L’essai se penche aussi sur les différences entre ces deux populations juives en ce qui concerne leur religiosité et leur capacité à accepter les réformes. Ainsi, dans des conditions politiques différentes, et en dépit d’une proximité géographique, les communautés s’influençaient-elles mutuellement par des migrations, particulièrement dans le cas de la mise en place de réformes.

Der folgende Artikel beschäftigt sich mit dem religiösen Leben der in den Territorien von Lothringen und der Preußischen Rheinprovinz lebenden jüdischen Bevölkerungen. In beiden Regionen lebten sie bis in die zweite Hälfte des 19. Jahrhunderts hinein mehrheitlich in kleinen Gemeinden auf dem Land.1 Diesen länd1

Vgl. Kastner, Dieter, Einführung, in: Ders. (Bearb.), Der Rheinische Provinziallandtag und die Emanzipation der Juden 1825–1845. Eine Dokumentation (Bd. 1), Köln 1989, S. 29–31; Benbassa, Esther, Histoire des Juifs de France, Paris 1997, S. 156f; Neher-Bernheim, Rina, Documents inédits sur l’entrée des juifs dans la société francaise (1750–1850), (Bd. 2), Tel Aviv 1977, S. 140f.

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lich bzw. kleinstädtisch geprägten Bevölkerungen stand eine im Verlauf der zweiten Hälfte des Jahrhunderts allmählich anwachsende jüdische Bevölkerung gegenüber, welche die wenigen städtischen Zentren Lothringens und der Rheinprovinzen bewohnte.2 Zwar lagen beide Regionen an der Peripherie der Staaten, zu denen sie gehörten, allerdings differierte ihre Bedeutung innerhalb des Judentums ihrer Länder: Während die lothringischen zusammen mit elsässischen Juden den numerisch wichtigsten Teil der französischen Judenheit im 19. Jahrhundert bildeten und Metz mit seiner Rabbinerschule bis 1859 ein spirituelles Zentrum war, stellte die Rheinprovinz innerhalb des preußischen Judentums bevölkerungsmäßig sowie in intellektueller Hinsicht ein Randgebiet dar.3 In einem ersten Schritt beschäftigt sich der Artikel mit den staatlichen Vorschriften, die den organisatorischen und finanziellen Rahmen für die Ausübung der jüdischen Religion vorgaben. Anschließend werden die Auswirkungen dieser Gesetzgebung auf die jüdischen Gemeinden der beiden Regionen betrachtet. Danach wird die Religiosität, besonders die Bereitschaft zu Reformen innerhalb der beiden Judenheiten in den Blick genommen. Die gesetzliche Stellung des jüdischen Religion und ihre Organisation Zu Beginn des 19. Jahrhunderts gehörte der Großteil der späteren Rheinprovinz infolge der napoleonischen Eroberungen zu Frankreich, so dass die dortigen Juden wie ihre lothringischen Glaubensgenossen den christlichen Mitbürgern gleichstellt waren.4 Die jüdische Emanzipation bedingte die Auflösung der traditionellen jüdischen Gemeindestrukturen, die als korporative Institutionen das Leben ihrer Mitglieder zuvor umfassend reglementiert hatten, sowie deren Beschränkung auf den religiösen Bereich. In den jüdischen Gemeinden herrschten anarchische Zustände, da die bisherigen Führungsschichten keine Autorität mehr besaßen.5 Ein Ende des ungeregelten Zustands brachte erst das durch ein Dekret vom 17.3.1808 in Kraft tretende „Règlement organique du culte mosaique“, welches 2

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Vgl. Benbassa, Histoire des Juifs, S. 156f; Neher-Bernheim, Documents inédits (Bd.2), S. 140–142; Barkai, Avraham, Jüdische Minderheit und Industrialisierung. Demographie, Berufe und Einkommen der Juden in Westdeutschland 1850–1914 (Schriftenreihe wissenschaftlicher Abhandlungen des Leo-Baeck-Instituts, Bd. 46), Tübingen 1998, S. 98–104. Vgl. La rédaction, Introduction, in: Archives juives 2/32 (1999), S. 4–9; Neher-Bernheim, Documents inédits (Bd. 2), S. 100; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 38f. Vgl. Kasper-Holtkotte, Cilli, Juden im Aufbruch. Zur Sozialgeschichte einer Minderheit im Saar-Mosel-Raum um 1800 (Forschungen zur Geschichte der Juden, Bd. 3), Hannover 1996, S. 99–103. Vgl. Zittartz-Weber, Susanne, Zwischen Staat und Religion. Die jüdischen Gemeinden in der preußischen Rheinprovinz (Düsseldorfer Schriften zur Neueren Landesgeschichte und zur Geschichte Nordrhein-Westfalens; Bd. 64), Essen 2003, S. 48–51; Benbassa, Histoire des juifs, S. 137f; Meyer, Pierre André, Un survol historique, in: Archives juives 2/27 (1994) S. 10; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 1, S. 88, S. 240f; Marx, Albert, Die Geschichte der Juden im Saarland. Vom Ancien Régime bis zum Zweiten Weltkrieg, Saarbrücken 1992, S. 118f; Becker, Jean-Jacques, De la Révolution aux années 1880, in: Ders.; Wieviorka, Annette (Hg.), Les juifs de France. De la Révolution française à nos jours, Paris 1998, S. 32.

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eine zentralistische, hierarchische Organisation etablierte. In jedem Departement mit mehr als 2000 Juden sollte ein Konsistorium eingerichtet werden, das sich aus einem Großrabbiner sowie drei Laien zusammensetzte und dessen Mitglieder von einer Notabelnversammlung zu wählen waren. Den Departementskonsistorien war das Pariser Zentralkonsistorium überergeordnet, das ihre Tätigkeit überwachte. Die Aufgaben der Konsistorien bestanden darin, die Juden zu verwalten, auf deren „Verbesserung“ hinzuarbeiten, die Ordnung in den Gemeinden ihres Bezirks zu überwachen und die Einnahme der Kultuskosten zu regeln.6 Für die hier betrachteten Gebiete wurden Konsistorien in Metz, Nancy, Trier, Koblenz und Krefeld eingerichtet.7 Problematisch war, dass das Konsistorialsystem eher für städtisch geprägte Departements mit großen jüdischen Gemeinden geeignet war, als für ländlich geprägte Gebiete mit vielen, zerstreuten Landgemeinden. In den Landgemeinden ließ sich die neue Verwaltung nur mit Schwierigkeiten umsetzen. Da für die Organisation der kleinen jüdischen Gemeinden keine Regelungen vorgesehen waren, ernannten die Konsistorien in Lothringen für jede von ihnen einen „commissaire surveillant“, der das Konsistorium repräsentieren und dessen Aufgaben wahrnehmen sollte.8 In der späteren Rheinprovinz wurden keine „commissaires surveillants“ eingesetzt, da die dortigen Präfekten keine gesetzliche Grundlage für dieses Vorgehen sahen.9 Von der Mehrheit der jüdischen Einwohner wurden die Konsistorien zunächst ablehnend betrachtet, vor allem von den zerstreuten Landgemeinden. Ihnen wurden keine Dienste erwiesen, sie mussten sich aber trotzdem an der finanziellen Unterhaltung der Konsistorien beteiligen, da der Staat generell keine Kultuskosten übernahm.10 Die Landjuden 6

Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 1, S. 431 und Bd. 2, S. 226; Halphen, AchilleEdmond, Recueil des lois, décrets, ordonnances, avis du conseil d’Etat, arrêtés et Règlements concernant les Israélites depuis la Révolution de 1789 suivi d’un appendice, Paris 1851, S. 37–44; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 51–53; Roos, Gilbert, Les Juifs dans le Nord-est de la France sous la Restauration (Bibliothèque d‘études juives, 17), Paris 2003, S. 52; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 143–145; Kasper-Holtkotte, Juden im Aufbruch, S. 271f, S. 307. 7 Die Verwaltungsbezirke erstreckten sich meist über das eigene Departement hinaus, da nicht in jedem Departement genügend Juden zur Bildung eines Verwaltungsbezirks lebten. Vgl. Halphen, Recueil des lois, S. 55–57; das Konsistorium von Koblenz wurde 1811 nach Bonn verlegt, vgl. Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 15. 8 Die Einrichtung einer Partikularsynagoge auf lokaler Ebene mit zwei Notabeln und einem Rabbiner an der Spitze kam lediglich für große städtische Gemeinden in Frage. Vgl. Halphen, Recueil des lois, S. 38f; Urbah, Marianne, Le contrôle de l’administration sur les ministres du culte au XIXe siècle, in: Archives juives 2/32 (1999) S. 102; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 1, S. 457–464. 9 Vgl. Werner, Kristine, Organisation und Rechtsstellung der jüdischen Gemeinden, in: Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz (Hg.): Die Juden in ihrem gemeindlichen und öffentlichen Leben (Dokumentation zur Geschichte der Juden in Rheinland-Pfalz und dem Saarland, Bd. 3), Koblenz 1972, S. 5; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 1, S. 457; ZittartzWeber, Zwischen Staat und Religion, S. 178f. 10 Die „commissaires surveillants“ wurden als ungeliebte Kontrollinstanz wahrgenommen. Vgl. Roos, Les Juifs dans le Nord-est de la France, S. 57; Werner, Organisation und Rechtstellung,

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fühlten sich auch nicht von den Laienmitgliedern der Konsistorien, den wohlhabenden städtischen Geschäftsleuten, repräsentiert, die sich bereitwillig der Aufgabe annahmen, die in ihren Augen rückständigen Glaubensgenossen im Sinn der Regierung zu „verbessern“. Zahlreiche Gemeinden verfassten daher nach der Gründung der Konsistorien Reklamationen, besonders die kleinen auf ihre Traditionen achtenden Landgemeinden.11 Die preußische Regierung entschied 1816, dass in den linksrheinischen Gebieten, welche 1815 größtenteils zur neugegründeten Rheinprovinz kamen, die bestehenden, die Juden betreffenden Gesetze bis zu einer Regelung im gesamtpreußischen Rahmen weitergelten sollten. Daher blieben die Konsistorien – ohne Kontakt zum Pariser Zentralkonsistorium – weiterhin bestehen. Der preußische Staat verzichtete allerdings darauf, sie in den eigenen Staatsapparat einzubinden, weswegen den Konsistorien der Rückhalt einer Autorität fehlte, die ihren Entscheidungen Durchsetzungskraft hätte verleihen können. Daher akzeptierten die jüdischen Gemeinden Weisungen der Konsistorien nur insoweit, wie sie freiwillig dazu bereit waren.12 Rechtlich gesehen sprach der preußische Staat den einzelnen jüdischen Gemeinden den Status von privaten geduldeten Religionsgesellschaften ohne korporative Rechte zu. In die innere Verwaltung griff er nicht ein. Diese übernahm wie bisher ein von der Gemeinde gewählter Vorstand, dem die Einnahme der Gelder für den Kultus, die Einstellung der Gemeindebediensteten, die Überwachung der Ordnung in der Synagoge und die Repräsentation der jüdischen Gemeinde nach außen oblag. Bei der Durchsetzung ihrer Autoritätsansprüche konnten die jüdischen Vorsteher in der ersten Jahrhunderthälfte nicht auf staatliche Unterstützung hoffen. Die fehlende finanzielle Unterstützung durch den Staat stellte eine Benachteiligung des Judentums gegenüber den christlichen Kirchen dar, welche in Preußen nie abgeändert wurde.13 S. 5; Kasper-Holkotte, Juden im Aufbruch, S. 271–317; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 95; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 229–231. 11 Vgl. Lang, Jean-Bernard; Rosenfeld, Claude, Histoire des Juifs en Moselle, Metz 2001, S. 145; Kasper-Holtkotte, Juden im Aufbruch, S. 368f–420; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 1, S. 458f und Bd. 2, S. 70–76; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 11; Roos, Les Juifs dans le Nord-est de la France, S. 57. 12 Da die Rheinprovinz nicht nur aus den zuvor französischen Gebieten bestand, galten in einigen Gebieten andere Gesetze und waren nicht überall Konsistorien tätig. Vgl. Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 18–21; Brammer, Annegret H., Judenpolitik und Judengesetzgebung in Preußen 1812 bis 1847. Mit einem Ausblick auf das Gleichberechtigungsgesetz des Norddeutschen Bundes von 1869, Berlin 1987, S. 116; Fehrs, Jörg H., Der preußische Staat und die jüdischen Gemeinden in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts, in: Jütte, Robert; Kustermann, Abraham P. (Hg.), Jüdische Gemeinden und Organisationsformen von der Antike bis zur Gegenwart (Aschkenas Beiheft; Bd. 3), Wien 1996, S. 206f; ZittartzWeber, Zwischen Staat und Religion, S. 96–117, S. 260. 13 Die Behörden der Rheinprovinz waren sich in der Praxis oft unsicher, wie sie die jüdischen Gemeinden behandeln sollten. Vgl. Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 74–180; Werner, Organisation und Rechtstellung, S. 4; Toury, Jacob, Soziale und politische Geschichte der Juden in Deutschland. Zwischen Revolution, Reaktion und Emanzipation, Düsseldorf 1977, S. 287, S. 357.

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Ein einheitliches Gesetz bezüglich der Juden in Preußen kam erst zustande, nachdem Wilhelm IV vorgeschlagen hatte, dass die Juden wieder eigene, von der übrigen Bevölkerung abgesonderte Korporationen bilden sollten. Seiner Idee lag die Meinung zugrunde, dass die Juden eine eigene Nation bildeten und in einen „christlichen Staat“ keinen gleichberechtigten Status genießen könnten.14 Der Vorschlag Wilhelms traf auf Ablehnung, weil er im Widerspruch zur modernen Staatspolitik stand, die versuchte, Korporationen zurückzudrängen, um die direkte Kontrolle über alle Einwohner zu erlangen.15 An den Diskussionen beteiligten sich auch jüdische Einwohner, ohne allerdings wirklich Einfluss nehmen zu können. Das Ergebnis war das bis 1933 in Kraft bleibende „Gesetz über die Verhältnisse der Juden“ vom 23. Juni 1847, welches die Rechte der jüdischen Bevölkerung in Preußen vereinheitlichte.16 Für die jüdischen Gemeinden bedeuteten die Bestimmungen einen Einschnitt, da sie ihnen eine bestimmte Organisationsstruktur vorschrieben. Alle innerhalb eines von der Regierung festgelegten Synagogenbezirks wohnenden Juden waren gehalten, sich zu einer Synagogengemeinde zusammenschließen, deren Aufgabe darin bestand, den jüdischen Kultus zu organisieren. In jeder musste eine Repräsentantenversammlung gewählt werden, die einen Vorstand bestimmte, dessen Aufgaben im Wesentlichen denen der bisherigen Vorsteher entsprachen. Mit rein religiösen Angelegenheiten, beispielsweise der Feier der Gottesdienste, befasste sich das Gesetz nicht.17 Die Konsistorien verloren durch das Gesetz ihre Existenzberechtigung, aber ihre Auflösung zog sich hin, da sie erst nach der Gründung der Synagogengemeinden stattfinden sollte. Diese Gründungen nahmen in der Rheinprovinz mehr Zeit in Anspruch als in den anderen Gebieten Preußens, da das Gesetz von 1847 nicht auf zerstreute kleine Gemeinden zugeschnitten war.18 Nach dem Willen der Behörden sollte nur eine Synagogengemeinde pro Landkreis gebildet werden. Dies hätte in der Rheinprovinz oft die Zusammenlegung mehrerer bestehender jüdischer Gemeinden zu einer Synagogengemeinde bedeutet.

14 Vgl. Brammer, Judenpolitik, S. 153–158, S. 251f; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 41–43; Clark, Chris, The “Christian“ State and the “Jewish Citizen“ in Prussia, in: WalserSmith, Helmut (Hg.), Protestants, Catholics and Jews in Germany 1800–1914, Oxford 2001, S. 78f. 15 Vgl. Brammer, Judenpolitik, S. 253–289; Toury, Soziale und politische Geschichte, S. 285; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 157–174. 16 Nur für Posen galt es nicht. Vgl. Brammer, Judenpolitik, S. 335–371; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 67f; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 191. Abgedruckt ist das Gesetz in: Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz (Hg.), Der Weg zur Gleichberechtigung der Juden (Dokumentation zur Geschichte der Juden in Rheinland-Pfalz und dem Saarland, Bd. 2), Koblenz 1979, S. 140–152. 17 Vgl. Brammer, Judenpolitik, S. 369; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 190– 192. 18 Vgl. Werner, Organisation und Rechtstellung, S. 5–8; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 206–250; Marx, Geschichte der Juden im Saarland, S. 128f.

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Dagegen wehrten sich die Betroffenen meistens, weil sie ihre bisherige Unabhängigkeit nicht verlieren wollten.19 In Frankreich zog der Fall Napoleons einen Wandel in der Behandlung der Religionen nach sich. Die „Charte constitutionelle“ von 1814 hielt zwar an der Religionsfreiheit fest, aber sie erklärte den Katholizismus zur Staatsreligion und legte fest, dass nur die christlichen Kulte vom Staat finanziert würden. Erst infolge der Revolution von 1830 wurde die Charte einer Revision unterzogen, so dass der Katholizismus aufhörte, Staatsreligion zu sein. Ein vom Zentralkonsistorium verfasster Änderungsantrag führte zu dem Gesetz vom 8. Februar1831, welches die Bezahlung des jüdischen Kultus dem Staat übertrug. Die Ordonnanzen vom 22. März und vom 6. August 1831 präzisierten es, indem sie die Gehälter der Rabbiner und „ministres officiants“ (Vorsänger) festlegten und bestimmten, dass jüdische Gemeinden mindestens 200 Mitglieder haben müssten, um Anrecht auf eine Bezahlung ihrer Kultusbeamten zu haben.20 In seinen Grundzügen blieb das Konsistorialsystem das gesamte 19. Jahrhundert in Frankreich bestehen, wenn es auch einigen Modifikationen unterzogen wurde, die hauptsächlich auf Initiativen der jüdischen Gemeinschaft selbst zurück gingen. Eine in den 1820er Jahren begonnene Diskussion mündete in die Ordonanz vom 24. Mai1844, die, von einigen Änderungen des Wahlrechts abgesehen, bis 1905 ihre Gültigkeit behielt.21 Die Ordonnanz stärkte die Position der Laien und machte sie zum dominierenden Element im Konsistorialsystem, indem sie einerseits ihre Anzahl in den Konsistorien erhöhte und andererseits die Wahl der Großrabbiner und Rabbiner sowie der Vorsänger Notabeln übertrug.22 Indem den Notabeln mehr Einfluss eingeräumt wurde, trug man dem Verlangen der Laien des Zentralkonsitoriums nach Reformen Rechnung. Allerdings war man gezwungen gewesen, auch den Protest der Rabbiner zu berücksichtigen: Die von den Konsistorien getroffenen religiösen Entscheidungen mussten die Unterstützung des zuständigen Großrabbiners haben.23 Außerdem wurden die Kriterien für die 19 Im Kreis Simmern sollten beispielsweise fünf Gemeinden vereinigt werden, wogegen diese so vehement protestierten, dass die Zusammenlegung von den Behörden verworfen wurde. Vgl. LHAK (Landeshauptarchiv Koblenz) Bestand 441, Nr. 9740, S. 3–8; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 214–245; Werner, Organisation und Rechtstellung S. 9f; Marx, Geschichte der Juden im Saarland, S. 125–129. 20 Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 6, 227–256; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 112; Halphen, Recueil des lois, S. XLII–XLV, 66–89, S. 431; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 145. 21 Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 258; Halphen, Recueil des lois, S. XLV, S. 119–137; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 146; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 105. 22 Rabbiner mussten über ein Diplom des Rabbinerseminars von Metz verfügen und Vorsänger ein Zertifikat des zuständigen Großrabbiners über ihre religiösen Kenntnisse besitzen; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 146; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 104f; Halphen, Recueil des lois, S. 123–130. 23 Vgl. Cahen, Gilbert, Les Juifs lorrains. Du Ghetto à la nation 1721–1871, Metz 1990, S 118 ; Meyer, Pierre André, Présentation historique, in: Ders.; Schuman, Henry, Mémoire des communautés juives de la Moselle, Metz 1999, S. 23.

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Notabilität geändert, sie war nun nicht mehr vom Vermögen, sondern von der Ausübung bestimmter Ämter abhängig. In Lothringen zog dies eine Stärkung der religiös traditionell gesinnten ländlichen Elemente nach sich, da in vielen Dörfern jüdische Einwohner Gemeinderäte waren.24 In organisatorischer Hinsicht ist hinzuzufügen, dass eine Ordonanz von 1823 das Verhältnis zwischen den Bezirkskonsistorien und den kleinen jüdischen Gemeinden regelte. Sie bestätigte die Praxis der Bezirkskonsistorien, in den Gemeinden „commissaires surveillants“ einzusetzen, und übertrug diesen offiziell die Aufstellung der Budgets und Rechenschaftsberichte sowie die Überwachung der Kultusangestellten, die von den jüdischen Gemeinden unter ihrem Vorsitz gewählt wurden. Die stark kontrollierten Gemeinden forderten teilweise mehr Mitspracherechte, so dass sich das Metzer Konsistorium 1846 genötigt fühlte, ihnen mehr Einfluss auf die eigenen Angelegenheiten zuzugestehen. Nach Auseinandersetzungen mit der Gemeinde von Forbach wurde jedem „commissaire surveillant“ eine von den Hauptbeitragszahlern der Gemeinde gewählte Verwaltungskommission zur Seite gegeben.25 Nach der deutschen Annexion der östlichen Teile Lothringens, in denen die meisten Juden der Region lebten, und nach der ihr folgenden jüdischen Migration nach Frankreich, wurde eine Neugliederung der Konsistorialbezirke vorgenommen. Das Bezirkskonsistorium von Nancy übernahm die Verwaltung des neuen Departements Meurthe-et-Moselle und das von Vesoul diejenige des Departements Vosges.26 Für Elsass-Lothringen bestimmte ein Reglement von 1872 die Beibehaltung der Kultusorganisation sowie der finanziellen Unterstützung des jüdischen Kultus.27 Als 1905 Frankreich das Gesetz über die Trennung von Staat und Kirchen erließ, war ausschließlich der zu Frankreich gehörige Teil Lothringens davon betroffen: Es entzog dem Konsistorialsystem das Monopol auf die Organisation des Judentums und die finanzielle Unterstützung.28 Als 1918 der 24 Infolge der Revolution von 1848 wurde das allgemeine Wahlrecht für die Wahl der Konsistorien eingeführt. Es wurde allerdings schon im Zweiten Kaiserreich wieder abgeschafft. Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 170–174, S. 259; Halphen, Recueil des lois, S. 125–154, S. 200; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 124–130; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 146; Uhry, Isaac, Recueil des lois, ordonnances, avis du conseil d’Etat, arrêtés, règlements et circulaires concernant les israélites depuis 1850, Bordeaux 1887, S. 5, S. 45f. 25 Vgl. Halphen, Recueil des lois, S. 75f; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 124. 26 Vgl. Uhry, Recueil des lois, S. 68f; Meyer, Pierre-André, Remarques sur l’émigration judéomessine (1791–1871), in: Archives juives 2/32 (1999), S. 24; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 115. 27 Aufgrund der Abtrennung vom Zentralkonsistorium übernahmen die einzelnen Bezirkskonsistorien nun auch dessen Kompetenzen; Dienemann, Max, Die jüdischen Gemeinden in Elsaß-Lothringen 1871–1918, in: Zeitschrift für die Geschichte der Juden in Deutschland 2 (1937) S. 77–79; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 138; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 115. 28 An die Stelle der Konsistorien traten nach 1905 „associations cultuels“, welche für die Unterhaltung des Kultus über Beiträge ihrer Mitglieder sorgen sollten. Vgl. Benbassa, Histoire des Juifs, S. 149f; Weil, Patrick, De l’affaire Dreyfus à l’Occupation, in: Becker, Jean-Jacques;

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annektierte Teil Lothringens zu Frankreich zurückkehrte, wurde das Gesetz von 1905 nicht eingeführt, so dass dort bis heute die Konsistorien sowie die finanzielle Unterhaltung des jüdischen Kultus bestehen.29 Die Unterhaltung der Gemeindebediensteten und der Synagogen Zur Ausübung ihrer Religion waren die jüdischen Gemeinden auf die Ausübung bestimmter Funktionen durch Kultusbedienstete angewiesen. In der Rheinprovinz bildete in der Regel ein Vorsänger das religiöse Oberhaupt der Gemeinden, leitete die Gottesdienste und nahm Trauungen vor. Der Vorsänger war außerdem meistens auch als Religionslehrer tätig und übernahm zudem noch die Funktionen des Synagogendieners, des Beschneiders sowie des Schächters. Diese Multifunktionalität war die Regel, da vor allem die kleinen Landgemeinden – 1834 hatte eine jüdische Gemeinde in der Rheinprovinz durchschnittlich lediglich 94 Mitglieder – finanziell nicht in der Lage waren, mehrere Kultusbedienstete zu unterhalten. In den kleinsten Gemeinden versah teilweise sogar eines der Mitglieder die Ämter.30 Aufgrund der beschränkten Mittel konnte sich kaum eine jüdische Gemeinde der Rheinprovinz einen eigenen Rabbiner leisten. Allerdings waren sie für die Kultusausübung auch nicht auf sie angewiesen. Die den Rabbinern vor der Emanzipation obliegende Funktion der zivilen Rechtssprechung war ebenfalls entfallen.31 Da der preußische Staat den jüdischen Gemeinden keine finanzielle Unterstützung zukommen ließ, mussten diese alleine für die Unterhaltung ihres Kultus sorgen. Die Aufbringung der Gelder wurde meistens durch eine Kombination mehrerer Einnahmearten, nämlich die Verpachtung der Sitze in der Synagoge, die Beiträge der Gemeindemitglieder sowie die Versteigerung der „Mizwot“, der Ehrenrechte im Gottesdienst, gewährleistet.32 Als einziges Druckmittel stand den jüdischen Vorstehern bis 1847 der Entzug von Ehrenrechten im Gottesdienst zu Verfügung, der besonders bei den Landjuden aufgrund ihrer Religiosität wirksam

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Wieviorka, Annette (Hg.), Les juifs de France. De la Révolution francaise à nos jours, Paris 1998, S. 121–123; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 105f. Vgl. Benbassa, Histoire des Juifs, S. 150; Caron, Vicky, La mémoire israélite et les provinces perdues (1871–1914), in: Archives juives, 1/33 (2000) S. 31; Meyer, Survol historique, S. 19. Vgl. Epperstedt, Joachim, Jüdische Schulen, in: Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz (Hg.), Die Juden in ihrem gemeindlichen und öffentlichen Leben (Dokumentation zur Geschichte der Juden in Rheinland-Pfalz und dem Saarland 3), Koblenz 1972, S. 186; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 37f; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S.180; Löwenstein, Steven M., Jüdisches religiöses Leben in deutschen Dörfern. Regionale Unterschiede im 19. und frühen 20. Jahrhundert, in: Richarz, Monika; Rürup, Reinhard (Hg.), Jüdisches Leben auf dem Lande. Studien zur deutsch-jüdischen Geschichte (Schriftenreihe wissenschaftlicher Abhandlungen des Leo-Baeck-Instituts 56), Tübingen 1997, S. 222. Auch zum Wandel der Funktionen der Rabbiner vgl. Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 91, S. 292–298; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 37f. Vgl. Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 110–118, S. 180; Heyen, Franz Josef, Aufklärung, Gleichstellung, Reform und Selbstbestimmung, in: Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz (Hg.), Dokumentation zur Geschichte der Juden in Rheinland-Pfalz und dem Saarland 4, Koblenz 1974, S. 24f.

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war.33 Diese Maßnahme konnte allerdings zu Konflikten innerhalb der Gemeinden, meist zwischen den armen Zahlungsrückständigen und dem in der Regel wohlhabenden Vorstand, führen.34 Erst nach dem Gesetz von 1847 war es den Vorstehern möglich, bei Zahlungsverweigerung die lokale Verwaltung zur Einnahme der Kultusbeiträge hinzuziehen.35 Die meisten jüdischen Gemeinden der Rheinprovinz verfügten in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts noch nicht über eigene Synagogen, sondern waren auf die Nutzung eines kleinen Betraums oder eines gemieteten Bethauses, welches auch anderen Zwecken diente, angewiesen. Nach der Jahrhundertmitte kam es – aufgrund des Bevölkerungswachstums und der steigenden Mitgliederzahlen der jüdischen Gemeinden vermehrt zum Bau von Synagogen. Die Finanzierung der Bauvorhaben stellte die Gemeinden vor eine schwierige Aufgabe. Im Vorfeld wurden meist Verträge geschlossen, die die gemeinsame Finanzierung durch die Mitglieder regelten, indem sie die zukünftigen Plätze in der Synagoge verkauften oder Beitragszahlungen der einzelnen Mitglieder bestimmten.36 In Lothringen gab es neben den Großrabbinern nur wenige in einzelnen Gemeinden tätige Rabbiner.37 Wie in der Rheinprovinz erfüllten auch in den meisten Gemeinden Lothringens die Vorsänger die religiösen Funktionen. Die lothringischen Juden, die mehrheitlich kleinen ländlichen Gemeinden angehörten, profitierten nur teilweise von der 1831 gewährten staatlichen Finanzierung der jüdischen Kultusbeamten. Die Mehrzahl von ihnen bekam kein staatliches Gehalt, weil sie nicht die nötige Mitgliederzahl von 200 erreichten. Daher war der größte Teil der jüdischen Gemeinden darauf angewiesen, das Geld für die Kultusausübung weiterhin über die Vermietung von Plätzen, die Versteigerung von Mizwot und freiwillige Beiträge aufzubringen.38 Die meisten jüdischen Vorbeter Lothringens waren oft gleichzeitig Schächter und übten darüber hinaus kommerzielle Nebentätigkeiten aus, um ihren Lebensunterhalt zu bestreiten. Zudem erteilten sie des Öfteren den Religionsunterricht, wenn die jüdischen Kinder für den allgemei33 Vgl. Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 181. Der Landrat des Kreises Simmern sah im Entzug der Ehrenrechte „das wirksamste Exekutionsmittel gegen renitente GemeindeGlieder.“ Vgl. LHAK, Bestand 441 Nr. 9719, S. 202. 34 In Gemünden kritisierten beispielsweise die rückständigen Beitragszahler den Vorstand als ungerecht, da das Vorbeten aus der Thora ihnen genauso zustünde wie jedem reichen Mann. Vgl. LHAK, Bestand 441 Nr. 9719, S. 203–274. 35 Vgl. Barkai, Jüdische Minderheit, S. 59, S. 85; Werner, Organisation und Rechtstellung S. 11; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 191. 36 Vgl. Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 29; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 139–149. 37 Vgl. Cahen, Les Juifs lorrains, S. 106. Die Tätigkeit der Rabbiner verlagerte sich infolge der Emanzipation auch in Frankreich in den rein religiösen Bereich. Vgl. Ayoun, Richard, Une nouvelle conception du métier de rabbin. Le rabbin consistorial en France au XIXe siècle, in: Archives juives 2/35 (2002), S. 124–126; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 101f. 38 Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 246; Meyer, présentation, S. 20; Ayoun, Une nouvelle conception, S. 124; Cahen, Les Juifs lorrains, S. 106. Zunächst erhielten nur 21 der insgesamt 259 Vorbeter ein staatliches Gehalt. Vgl. Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 113.

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nen Unterricht die Kommunalschulen besuchten. Nur in wohlhabenderen Gemeinden übte der Vorsänger nicht mehrere Tätigkeiten aus. Wie in der Rheinprovinz kam es auch in Lothringen vor, dass in einer Gemeinde kein Vorsänger angestellt war, sondern ein oder mehrere Familienväter dessen Aufgaben wahrnahmen.39 Für die Gemeinden, deren Mitgliederumfang sich an der Grenze der Maßzahl von 200 befand, setzte sich das Metzer Konsistorium ein. Dies galt besonders für die Gemeinden, die sich aus den Einwohnern mehrerer Orte zusammensetzen, wie beispielsweise diejenige von Grosbliederstroff, welche auch die Juden des nahe gelegenen Rouhling einschloss.40 Hinsichtlich solcher Gemeinden beschloss die Regierung, dass die Mitgliederzahl für die staatliche Finanzierung ausschlaggebend sein sollte, wovon im Departement Moselle 1834 sechs jüdische Landgemeinden profitierten.41 Einen Grenzfall – im wahrsten Sinne des Wortes – stellte die jüdische Gemeinde von Bliesbruck mit ihren 204 Mitgliedern dar, die kein staatliches Gehalt für ihren Vorbeter erhielt, da 20 ihrer Mitglieder im bayerischen Gersheim ansässig waren.42 Aufgrund ihrer Grenzlage wurden die jüdischen Gemeinden Lothringens damit konfrontiert, dass der Staat besoldete Funktionen nur an Franzosen vergab: Ausländische Vorsänger mussten sich einbürgern lassen, um in den Genuss eines staatlichen Gehalts zu kommen.43 Selbst wenn alle Bedingungen erfüllt waren, konnte es vorkommen, dass das staatlich garantierte Gehalt des Vorbeters nicht geleistet wurde, wenn das Gesamtbudget der jüdischen Gemeinde nicht ausreichend war, um alle zu entlohnen, die ein Anrecht auf Bezahlung hatten.44 Beispielsweise erhielt der Vorsänger von Vantoux aus finanziellen Gründen jahrelang kein staatliches Gehalt, obwohl das grundsätzliche Anrecht darauf nicht bestritten wurde.45 Seit der Herrschaft Louis-Philippes hatten die Gemeinden die Möglichkeit, beim Kultusministerium Hilfszahlungen für ihre Religionsbeamten zu beantragen, allerdings erhielten sie diese während der Julimonarchie kaum, da die Regierung die Zerstreuung des Judentums in viele kleine ärmliche Gemeinden nicht fördern wollte. Relativ häufig wurden Hilfszahlungen erst unter dem Zweiten Empire

39 Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 144–159, S. 274; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 104–116; Heymann, Claude, Les chantres de la campagne alsacienne: Une profession mal connue, in: Archives juives 2/33 (2000), S. 21–28. 40 Vgl. Aufstellung der jüdischen Kultusbeamten im Departement Moselle, 6.3.1834, in: ADM (Archives Départementales de la Moselle), V152. 41 Vgl. ebd.; vgl. Brief des Metzer Konsistorium an den Präfekten in Metz, 25.11.1833, in: ADM V152; Brief des Kultusministers an den Präfekten in Metz, 21.1.1834, in: ADM V152. 42 Vgl. Brief des Präfekten in Metz an das Konsistorium, 13.2.1834, in: ADM V152. 43 Vgl. Halphen, Recueil des lois, S. 132; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 116. 44 Vgl. Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 104–108; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 113. Das Zentralkonsistorium schätzte die jüdischen Kultuskosten 1831 auf 100.000 Francs, forderte 85.000 und bekam 60.000 bewilligt. Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 255f. 45 Vgl. Brief des Präfekten in Metz an den Kultusminister, 6.3.1834 und 21.12.1838, in: ADM V 152; Brief des Kultusministers an den Präfekten in Metz, 9.1.1836, in: ADM V152.

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gewährt.46 Eine Hilfsleistung wurde bewilligt, wenn die Bürgermeister die Bedürftigkeit der Antragsteller bezeugten und ihnen gutes moralisches sowie politisches Betragen bescheinigten. Anträge auf Hilfe stellten verschiedene Personengruppen: Vorsänger von Gemeinden, die zu klein waren, um ein staatliches Gehalt zu bekommen, staatlich entlohnte Vorbeter, die eine besonders große Familie zu ernähren hatten, Vorsänger, die aufgrund ihres Alters oder ihrer Gesundheit ihre Tätigkeit nicht mehr ausüben konnten, sowie Witwen von Vorbetern und Rabbinern.47 Die Hilfszahlungen stellten besonders für die in kleinen jüdischen Landgemeinden angestellten Vorbeter eine Erleichterung dar. Manchen von ihnen wurden relativ regelmäßig finanzielle Zuschüsse gewährt, beispielsweise dem als Vorbeter und Religionslehrer tätigen Nathan Nausson in Rémilly, der von 1861 bis 1870 fast durchgängig Hilfszahlungen bekam.48 Bei den in den ersten drei Jahrzehnten des 19. Jahrhunderts errichteten Synagogen in Lothringen handelte es sich meistens um bescheidene Bauten, deren Kosten mithilfe von Subskriptionen, dem Verkauf oder der Vermietung von Sitzplätzen und Krediten sowie über Schenkungen wohlhabender Glaubensgenossen aufgebracht wurden. Erst danach verteilte der französische Staat finanzielle Zuschüsse für den Bau und die Reparatur von Synagogen. Besonders hervorzuheben ist die Epoche des Zweiten Empires: Während dieser Zeit wurden im Departement Moselle 18 von 22 Gesuchen um staatliche Bezuschussung bei der Errichtung oder der Restaurierung von Synagogen bewilligt.49 Beispielsweise erhielt die jüdische Gemeinde von Boulay einen Zuschuss von 8.000 Francs zur Erbauung ihrer neuen Synagoge, was den von der Gemeinde erhofften Zuschuss von 6.000 Francs übertraf.50 Die Annexion verschlechterte grundsätzlich nicht die finanzielle Situation der Gemeinden und des Metzer Konsistoriums, da die Unterstützung des jüdischen Kultus beibehalten wurde und die neuen Behörden sehr liberal auftraten, um die Sympathien der jüdischen Bevölkerung zu gewinnen. Die Regierung erhöhte sogar die Gehälter des Konsistorialpersonals und gewährte großzügige Subsidien zur Errichtung neuer Synagogen und jüdischer Schulen, so dass die Juden proportional gesehen mehr finanzielle Unterstützung als jede andere konfessionelle Gruppierung vom Staat erhielten. Auch wenn viele jüdische Einwohner Frankreich nachtrauerten, so waren sie doch zu Konzessionen bereit, wie beispielsweise zu Gebeten für den Kaiser.51

46 Vgl. Meyer, Présentation historique, S. 20; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 116; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 113. 47 Vgl. dazu die Gesuche in: ADM V152. 48 Vgl. die diesbezüglichen Dokumente, 1861–1870, in: ADM V152. 49 Vgl. Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 133; Meyer, Présentation historique, S. 19f. 50 Vgl. Brief des Kultusministers an den Präfekten in Metz, 3.8.1859, in: ADM V156. 51 Vgl. Caron, La mémoire israélite, S. 27; Meyer, Survol historique, S. 17f; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 137f.

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Zwischen Tradition und Reform: Die Religiosität der jüdischen Bevölkerungen Eine geistige Wurzel der sich im 19. Jahrhundert auch in der Rheinprovinz auswirkenden jüdischen Reformbewegung war Mendelssohns Aufteilung der jüdischen Religion in eine allgemeine unveränderliche Vernunftreligion und das historisch bedingte, spezifisch jüdische Religionsgesetz. Diese Unterscheidung lieferte die theoretische Voraussetzung für Reformen im Judentum, indem sie das Zeremonialgesetz als anpassbar an historische Situationen begriff. Ein Grund für die Pionierrolle der deutschen Juden bei der Entwicklung eines modernen, reformierten Judentums war die nur schrittweise erfolgende Emanzipation, die von jahrzehntelangen Debatten begleitet wurde. Die sich entwickelnde bürgerliche Gesellschaft forderte als Gegenleistung für gleiche Rechte eine Anpassung des jüdischen Lebens – auch der Religion – an ihre Maßstäbe von Vernunft, Bildung und Ästhetik.52 Einige reformorientierte Juden kritisierten das von ihnen als rückständig empfundene Kultuswesen in der Rheinprovinz schon in den 1820er Jahren, beispielsweise den Gebrauch von „verdorbenem“ Hebräisch. Eingriffe lehnten die Behörden jedoch ab, da sie sich als nicht zuständig betrachteten. Seit dem Ende der dreißiger Jahre bildeten sich in fast allen städtischen jüdischen Gemeinden Kreise, die sich gegen das traditionelle Judentum aussprachen und in ihren Reformbemühungen teilweise von den Großrabbinern unterstützt wurden, beispielsweise von Joseph Kahn aus Trier. Die Gruppe dieser Juden setzte sich vor allem aus verbürgerlichten sozialen Aufsteigern zusammen. In den Städten existierten allerdings auch Gruppen, die an den traditionellen Glaubensformen festhalten wollten.53 Das ländliche Judentum, also die Mehrheit der jüdischen Bevölkerung, blieb während des 19. Jahrhunderts im Allgemeinen den althergebrachten religiösen Traditionen und Gebräuchen treu. Allerdings wurden seit den vierziger Jahren auch hier manche Gebete nicht mehr auf Hebräisch gesprochen und Predigten in deutscher Sprache gehalten. Der Gebrauch der deutschen Sprache war teilweise auch auf pragmatische Überlegungen zurückzuführen: Im 19. Jahrhundert ließen die hebräischen Sprachkenntnisse der Landjuden nach. Der Grund für die Loyalität gegenüber der traditionellen Religionsausübung lag teilweise darin begründet, dass die Landbewohner weniger als ihre Glaubensgenossen in den Städten den fortschrittlichen Impulsen ausgesetzt waren, dafür aber umso mehr dem Konformitätsdruck innerhalb ihrer Gemeinden. Falls jüdische Landgemeinden mit Reformideen konfrontiert wurden, so geschah dies meist über die nicht aus den Gemeinden stammenden Vorsänger.54

52 Die Reformbewegung ist allerdings nicht als reine Reaktion auf die langsame Emanzipation zu begreifen. Vgl. Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 252–259. 53 Vgl. Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 39, Marx, Geschichte der Juden im Saarland, S. 123; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 255–302. 54 Vgl. Heyen, Aufklärung, S. 52; Löwenstein, Jüdisches religiöses Leben, S. 220; Kastner, Der Rheinische Provinziallandtag, S. 39f; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 273– 285.

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Die Einführung von Chören traf unter den jüdischen Einwohnern der Rheinprovinz kaum auf Widerstand. Dagegen reformierten nur wenige jüdische Gemeinden die Feier der Bar Mizwa durch eine Predigt und eine Art Religionsprüfung. Die Versteigerung der Mizwot während des Gottesdienstes, die von den Reformern als eine Störung der Andacht empfunden wurde, schafften nur die wenigsten Gemeinden ab, da sie eine wichtige finanzielle Einnahmequelle darstellte.55 In Paris bildete sich Anfang der dreißiger Jahre eine kleine Gruppe von Reformanhängern, die beeinflusst von den in deutschen jüdischen Gemeinden zirkulierenden Ideen war und der einige Laien des Zentralkonsistoriums angehörten. Ihr Ziel war es, über eine verbesserte religiöse Ausbildung und eine Anpassung der Form des jüdischen Kultus an den Katholizismus der jüdischen Religion ein höheres Ansehen zu verschaffen.56 In den Provinzen des Ostens lösten die Reformvorhaben allerdings Proteste aus. Dort wurden religiöse Traditionen gepflegt und es bestand eine starke Verbundenheit zu Rabbinern, die den Reformen gegenüber nicht aufgeschlossen waren. 57 Das lothringische Judentum war gegenüber der Frage einer Kultusreform gespalten. Auf der einen Seite befanden sich die Notabeln, vor allem die Laien der Konsistorien, welche eine Anpassung des Kultes an das moderne Leben anstrebten. Auf der Gegenseite stand das Rabbinat, welches die religiösen Traditionen bewahren wollte. Die Debatte konzentrierte sich auf die Frage der Pijutim, Litaneien ähnelnde Einschübe, welche die Reformer unterdrücken wollten, sowie auf die von ihnen gewünschte Einführung der Orgel in die Synagogen. Die Auseinandersetzungen führten dazu, dass Anfang 1841 die Laien des Metzer Konsistoriums zurücktraten, da sie feststellten mussten, dass sie nicht einmal auf die jüdische Bevölkerung ihrer Stadt großen Einfluss ausüben konnten, und teilweise beschuldigt wurden, irreligiös zu sein. Das Rabbinat konnte sich bei seinem Widerstand gegen Reformversuche auf die breite Unterstützung der Bevölkerung verlassen, beispielsweise bei von ihm initiierten Petitionen.58 Das lothringische Landjudentum kann als eine Stätte der Bewahrung alter Traditionen gelten. Noch 1843 berichtete der Präfekt von Metz, dass sich die Religionsausübung nicht geändert habe und noch dieselbe wie vor der Emanzipation sei: Keiner wolle dem gemeinsamen Gebet fernbleiben. Die Religion und der 55 Widerstand gab es gegenüber gemischten Chören. Vgl. Marx, Geschichte der Juden im Saarland, S. 130–132; Zittartz-Weber, Zwischen Staat und Religion, S. 280–283. 56 Der in Metz geborene Olry Terquem gehörte zu den führenden Köpfen der Reformer und veröffentlichte in Metzer Zeitungen seine Ideen, die von der Verlegung des Sabbats auf den Sonntag bis zur Abschaffung der Beschneidung reichten. Vgl. Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 123f; Benbassa, Histoire des Juifs, S. 147f; Roos, Les Juifs dans le Nordest, S. 63f; Cahen, Les Juifs lorrains, S. 116–118; Meyer, Survol historique, S. 15. 57 Vgl. Cahen, Les Juifs lorrains, S. 116; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 124–126; Roos, Les Juifs dans le Nord-est, S. 63; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 290–297. 58 Vgl. Meyer, Survol historique, S. 9–15; Cahen, Les Juifs lorrains, S. 118; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 123f.

Jüdische Gemeinden in Lothringen und der preußischen Rheinprovinz im 19. Jahrhundert

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mit ihr zusammenhängende Lebensrhythmus prägte weiterhin das Alltagsleben der jüdischen Landbevölkerung: Die traditionellen religiösen Vorschriften wurden streng befolgt. Jüdische Hausierer, die während der Woche umherzogen, kehrten rechtzeitig zum Sabbat zurück, und der Viehhändler, der vor dem Aufbruch zu den Kunden jeden Morgen seine Gebetsriemen anlegte, blieb lange Zeit eine geläufige Erscheinung. Die jüdischen Landbewohner dachten nicht daran, ihre religiösen Gebräuche der modernen Zeit „anzupassen“. Von der für gemäßigte Reformen plädierenden Metzer Elite trennte sie ein tiefer Graben.59 Als generell irreligiös können die Stadtbewohner allerdings nicht eingestuft werden: Lediglich in der gehobenen Schicht fand sich die Tendenz, religiöse Praktiken zu vernachlässigen.60 Erst als die Rabbiner Frankreichs den Prozess der religiösen Abkehr eines immer größeren Teils der Juden – allerdings nicht der von Lothringen –, sowie den langsamen Verfall ihrer eigenen Autorität wahrnahmen, waren sie zu einigen Reformen bereit. Sie wurden 1856 unter dem französischen Großrabbiner Salomon Ullmann, der bis 1854 als Großrabbiner von Nancy tätig gewesen war, verabschiedet.61 Die Reformen sahen eine Reduzierung der Pijutim, die Einführung von Chören und Orgeln unter bestimmten Umständen sowie eine Amtstracht für Rabbiner vor und beinhalteten eine Aufmunterung zu Predigten in französischer Sprache. Die geplante Einführung der Orgel rief im Departement Moselle allerdings einen so großen Widerstand hervor, dass diese in der Konsistorialsynagoge von Metz erst 1888 – unter dem Einfluss der hinzugezogenen liberalen deutschen Juden – geschah. Der Gebrauch der Landessprache im Gottesdienst blieb auch nach den Reformen eine Ausnahme. Beispielsweise wurde 1871 in der Gemeinde von Toul lediglich das Gebet für die Republik auf Französisch gesprochen. 62 Die armen Juden Lothringens gehörten zu den entschiedensten Verteidigern des traditionellen Judentums, allerdings sank ihre Zahl aufgrund der Auswanderung und des sozialen Aufstiegs in den sechziger Jahren so stark, dass Proteste gegen die Reformen unterdrückt werden konnten.63 Der religiöse Frieden fand im östlichen Teil Lothringens infolge der Annexion allerdings schon bald wieder ein Ende: Infolge der Zuwanderung von liberalen deutschen Juden in die lothringi59 Vgl. Meyer, Présentation historique, S. 23; Meyer, Remarques, S. 24–31; Meyer, Survol historique, S. 14; Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 205, 367–386; Becker, De la Révolution, S. 50. 60 Vgl. Neher-Bernheim, Documents inédits, Bd. 2, S. 368–371. Beispielsweise berichtete der Mediziner Robert Debré, dessen Vater zeitweise als Rabbiner in Sedan tätig war, dass der Sabbat und die Nahrungsgesetze gewissenhaft eingehalten wurden, vgl. Becker, De la Révolution, S. 57. 61 Vgl. Cahen, Les Juifs lorrains, S. 186; Urbah, Le contrôle de l’administration, S. 105; Uhry, Recueil des lois, S. 9–19. 62 Vgl. Benbassa, Histoire des Juifs, S. 148; Cahen, Les Juifs lorrains, S. 120; Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 129–139. 63 Vgl. Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 130–136; Meyer, Présentation historique, S. 24.

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schen Städte bildeten sich zwei jüdische Gemeinschaften, die zwar die Gebäude teilten, aber bis zum Anfang des 20. Jahrhunderts kaum zusammenarbeiteten. In ihren religiösen Ansichten ähnelten die Zugewanderten den französischen Reformern der vierziger Jahre, an welche besonders die lothringischen Landjuden schlechte Erinnerungen hatten. Dass einige immigrierte jüdische Familien in Metz sogar Bat Mizwa einführten, eine Art Bar Mizwa für Mädchen, irritierte die vergleichsweise traditionellen einheimischen Juden. Der aus dem Deutschen Reich importierten „Vereinigung für das liberale Judentum“ gelang es nicht, sich in Lothringen zu etablieren. 64 Fazit Zusammenfassend lässt sich festhalten, dass die jüdische Religion in Preußen nie gleichberechtigt mit den christlichen Konfessionen war, so wie es in dem – im 19. Jahrhundert nicht als säkular einzustufenden – Frankreich der Fall war. Während die lothringischen Juden über das Konsistorialsystem in den französischen Staat eingebunden wurden, nutzte der preußische Staat nicht die in dieser Organisation angelegten Möglichkeiten zur Kontrolle und Erziehung der jüdischen Bevölkerung. Eine Koordinierung der Einzelgemeinden durch den Staat fand nach der Abschaffung der Konsistorien nicht statt. Für die jüdischen Einwohner Lothringens gestaltete sich die Unterhaltung des Kultus seit den dreißiger Jahren einfacher als für ihre Glaubensgenossen in der Rheinprovinz, die im „christlichen Staat“ Preußen kein Anrecht auf staatliche Zuwendungen hatten. In Lothringen mussten zwar die kleinen Gemeinden auch das Gehalt für ihre Vorsänger aufbringen, aber sie konnten immerhin mit staatlichen Hilfszahlungen sowie Zuschüssen für ihre Synagogenbauten rechnen. Die Aufrechterhaltung der Gemeindeeinrichtungen in der Rheinprovinz kann als Ausdruck einer tiefen Religiosität gedeutet werden. Diese gestaltete sich aufgrund der allgemeinen Stellung der Juden in der Gesellschaft allerdings aufgeschlossener gegenüber Reformen als in der Nachbarregion, wo die jüdischen Einwohner mehrheitlich keinen Grund für die Veränderung ihrer religiösen Sitten sahen.

64 Die Juden, die das Religionsverständnis der Zuwanderer eventuell verstanden hätten – die sozialen Eliten – optierten für Frankreich. Vgl. Lang; Rosenfeld, Histoire des Juifs en Moselle, S. 139; Meyer, Survol historique, S. 17; Dienemann, Die jüdische Gemeinde, S. 81–84.

LA RIVALITE POLITICO-RELIGIEUSE FRANCO-ALLEMANDE AU LEVANT, 1855–1948 Dominique Trimbur L’essai ci-dessous se penche sur la présence catholique de France et d’Allemagne en Palestine avant la Première Guerre mondiale et jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les activités et les buts se ressemblaient : la fondation des institutions caritatives, religieuses, culturelles, scientifiques et scolaires remplaçaient souvent des projets territoriaux non réalisables pour obtenir ainsi au moins une certaine influence. Même si l’approche de cette politique « culturello-religieuse » des deux pays était semblable, les prémisses en étaient assez différents : au XIXe siècle le catholicisme en France jouait un rôle dans tous les domaines de la politique — politique extérieure comprise —, qui était bien différent du rôle que jouait le catholicisme dans la politique de la Prusse, plutôt protestante, ou dans l’Empire allemand. L’essai compare les efforts français et allemands, dans leurs intentions et leurs effets, et il analyse les conséquences des événements de politique régionale et mondiale sur les différentes étapes et les différentes formes qui ont marqué leur tentative d’influence. Der vorliegende Artikel befasst sich mit den katholischen Aktivitäten in Palästina, die von der Zeit vor dem Ersten Weltkrieg bis zum Ende des Zweiten Weltkrieges von Frankreich und Deutschland ausgehen. Die Aktivitäten und das Ziel ähneln sich: die Einrichtung karikativer, religiöser, kultureller, wissenschaftlicher und schulischer Institutionen sind vielfach die Ersatzhandlung für nicht realisierbare territoriale Interessen, um auf diese Weise wenigsten Einflussgebiete zu erhalten. So ähnlich diese kulturell-religiöse Politik in ihrem Vorgehen, so unterschiedlich die Voraussetzungen: der Katholizismus nimmt im 19. Jahrhundert in allen Bereichen der Politik in Frankreich eine ganz andere Rolle ein als im eher protestantischen Preußen bzw. im Kaiserreich, so auch in der Außenpolitik. Der Beitrag vergleicht die französischen und deutschen Bemühungen in ihrer Intention und Auswirkung, und er analysiert, welche Folgen die regionalpolitischen und weltpolitischen Ereignisse der Zeit auf die verschiedenen Phasen und Formen der Einflussnahme hatten.

Dans le présent article nous nous concentrerons sur la Palestine, en nous focalisant sur la présence catholique. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, elle devient le principal centre des activités catholiques françaises et allemandes. Dès lors, une telle comparaison franco-allemande est-elle possible ? Théoriquement la réponse serait oui, puisqu’il s’agit de comparer deux politiques culturelloreligieuses. Dans la pratique, il s’agit pourtant d’une comparaison entre deux positions très différentes. Pour la France, le catholicisme est le cœur même du dispositif religieux, dans la lignée d’une action pluriséculaire, comme cela est répété à satiété par ses divers acteurs, que cela soit en métropole ou en Palestine. En ce qui concerne

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l’Allemagne, il s’agit d’un aspect en apparence marginal, Berlin incarnant le protestantisme. Mais dans les faits, à partir de la fin du XIXe siècle, le catholicisme est pleinement intégré dans la politique étrangère allemande, notamment pour mettre à mal les prétentions monopolistiques françaises – elles-mêmes concurrencées par les aspirations italiennes – comme pour mettre en valeur les aspirations universelles, géographiques et spirituelles de la Weltpolitik de Guillaume II. La présentation qui suit ne peut qu’esquisser un panorama, avec des analyses qui trouvent leur sens dans le cadre d’un projet d’ensemble bien plus vaste. Cadre général : la Palestine avant la Première Guerre mondiale Que représente la Terre Sainte pour les deux pays ? La France et l’Allemagne participent à l’intérêt, au regain d’intérêt que suscite cette région pour les pays européens. Nouvel intérêt que l’historien israélien Yeoshuah Ben Arieh a qualifié de « redécouverte », et que l’historien français Henry Laurens a appelé « invention » de la Terre Sainte.1 Cela se traduit par une exploration scientifique, une forte prise de conscience religieuse, un vif intérêt politique, qui aboutissent finalement à des aspirations territoriales non concrétisées et qui demeurent, en règle générale, limitées à la mise en place de sphères d’influences.2 Sur le terrain, après la création de représentations consulaires à Jérusalem et Jaffa, cela passe par le développement de réseaux d’établissements religieux, notamment à caractère caritatif, à partir du milieu du XIXe siècle.3 Pour la France c’est la reprise de l’idée communément admise selon laquelle elle est la « fille aînée de l’Eglise » : elle est la puissance catholique, avec une responsabilité particulière envers la Terre Sainte. Elle s’inscrit, en effet, et de manière tout à fait affichée et décomplexée, dans la lignée de l’époque des croisades et d’une politique étrangère séculaire, cela depuis François 1er et son arrangement avec la Sublime Porte pour la protection des chrétiens établis dans l’Empire ottoman. Au fil des siècles, l’option catholique s’impose comme l’expression de la politique officielle. En ce qui concerne l’Allemagne, cette option catholique est d’abord l’émanation d’une initiative privée, des catholiques allemands, qui ne sont pas majoritaires au sein du 1

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Ben Arieh, Yeoshuah, The Rediscovery of the Holy Land in the Nineteenth Century, Jérusalem-Detroit, Magnes Press, 1979; Laurens, Henry, La question de Palestine, t. 1, 1799–1922. L’invention de la Terre Sainte, Paris, Fayard, 1999. Goren, Haïm, « Zieht aus und erforscht das Land ». Die deutsche Palästina-Forschung im 19. Jahrhundert, Göttingen, Wallstein, 2003 ; Kirchhoff, Markus, Text zu Land. Palästina im wissenschaftlichen Diskurs 1865–1920, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht (Schriften des Simon-Dubnow-Instituts, t. 5), 2005. Voir Trimbur, Dominique ; Aaronsohn, Ran (sous la dir. de), De Bonaparte à Balfour. La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799–1917, collection « Mélanges » du CRFJ, vol. 3, Paris, CNRS-Éditions, 2001 (nouvelle édition : 2008) ; Trimbur, Dominique (sous la dir. de), Europäer in der Levante. Zwischen Politik, Wissenschaft und Religion (19.–20. Jahrhundert) – Des Européens au Levant. Entre politique, science et religion (XIXe–XXe siècles), Munich, Oldenbourg, 2004 (Pariser Historische Studien 53).

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Reich, lui-même principalement protestant et dirigé par la dynastie éminemment protestante que sont les Hohenzollern.4 Quelles sont les motivations, et les moyens d’agir ? Du côté français, il en va du respect d’une tradition pluri-centenaire, dans le but d’étendre l’influence française par le biais de la charité. Pour l’Allemagne, il s’agit aussi du retour à une certaine tradition, remontant également aux croisades, mais il s’agit surtout d’une volonté d’émancipation vis a vis du protectorat français, en ce qui concerne les relations avec les Latins (catholiques) d’Orient. Protectorat, qui, en effet, dans la pratique, fait que les catholiques allemands de l’Empire ottoman sont dépendants des diplomates français dans tous leurs contacts avec les autorités ottomanes.5 D’un point de vue de politique intérieure, l’activisme catholique allemand se veut une illustration supplémentaire de la fin du Kulturkampf, avec une pleine intégration des catholiques allemands dans leur société, ce qui est hautement affirmé lors du « pèlerinage » de Guillaume II en Orient, en octobre–novembre 1898.6 Ces motivations respectives trouvent leur aboutissement dans l’élaboration de réseaux d’établissements religieux, en Palestine en particulier, dans l’Empire ottoman en général. En ce qui concerne la France, la constitution de ce réseau est progressive, sans réelle idée de base quant à la logique qui doit organiser la création d’un établissement ou d’une communauté religieuse. Au bout du compte toutefois, le réseau qui se met en place est raisonné, avec une série d’établissements « utiles ». Ce réseau est à la fois officiel et officieux, explicite et implicite, puisque, si les établissements français bénéficient d’allocations de la part du ministère des Affaires étrangères, ils ne dépendent pas directement de celui-ci et ainsi ne représentent pas officiellement la France. Dans le cas de l’Allemagne, la mise en place du réseau semble s’effectuer de manière plus systématique : on utilise le moyen le plus efficace, à savoir la mise en place d’institutions religieuses, ce qui est aussi une manière de dissimuler quelque peu les intentions politiques ouvertement affichées par ailleurs. Concrètement, comment cette politique est-elle organisée ? Comme on vient de le mentionner, pour ce qui est de la France on ne note pas d’initiative combinée. Chaque requête visant à établir une nouvelle institution est reçue et examinée par le ministère français des Affaires étrangères, qui en juge la valeur selon ses propres critères. Il n’existe pas de bureau central décidant de l’installation, ou non, d’un ordre ou d’un autre ou d’une congrégation en Terre Sainte : on note l’existence de groupements, de groupes d’intérêt, en lien avec des corrélations traditionnelles (à l’instar du lien qui unit Lyon au Levant). Des bulletins et des journaux, plus ou moins constants et réguliers, émanent des groupements tels que 4 5

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Kohler, Oliver, Zwischen Zionssehnsucht und kaiserlicher Politik. Die Entstehung von Kirche und Kloster Dormitio Beatae Mariae Virginis in Jerusalem, St. Ottilien, EOS, 2005. Tout contentieux opposant un catholique étranger installé en Orient à un Ottoman ne peut être réglé que par la médiation du diplomate français du lieu, seul habilité à entrer en contact avec les autorités ottomanes. Voir entre autres Meier, Axel, Die kaiserliche Palästinareise 1898 : Theodor Herzl, Großherzog Friedrich I. von Baden und ein deutsches Protektorat in Palästina, Constance, HartungGorre, 1998.

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l’Œuvre de la Propagation de la Foi, l’Œuvre des écoles d’Orient, le Comité des intérêts français en Orient, le Comité de l’Asie française, et leurs thèses peuvent être reprises par de grands organes de presse (comme le Journal des Débats, Le Temps, la Revue des deux Mondes). Il existe régulièrement des appels visant à l’établissement d’un secrétariat central, permettant la coordination de l’effort catholique français en direction de la Terre Sainte, émanant d’officiels ou de porte-parole, attitrés ou officieux, de la cause française. C’est le cas du consul de France à Jérusalem, Charles de Ledoulx, en 1888 ; et en 1898 du cardinal de Reims Langénieux, ardent défenseur de la cause catholique et française ; ainsi que du député catholique Denys Cochin, en 1911 ; et du publiciste et émissaire du Comité des intérêts français en Orient, Maurice Pernot, en 1913. Toutefois, rien n’aboutit dans ce sens, ce qui souligne l’absence de cohérence de l’action française. A ce titre, deux exemples sont particulièrement éloquents : en ce qui concerne les domaines nationaux de Sainte-Anne et Abou Gosh, une longue période s’écoule entre le don des terrains et/ou immeubles/édifices à la France par les Ottomans et l’établissement effectif de communautés religieuses françaises (1856–1878 et 1873–1899 respectivement).7 Inconséquence d’une part, mais d’autre part on note aussi des considérations très pragmatiques, avec de fortes réticences face à des projets d’institutions dont l’aspect religieux semble par trop prédominant.8 Dans le cas de l’Allemagne, dès le départ des comités coordonnant les initiatives existent : le Verein vom Heiligen Grabe zur Förderung katholischer Interessen im Heiligen Lande et le Palästinaverein der Katholiken Deutschlands, qui fusionnent en 1895, pour former le Deutscher Verein vom Heiligen Lande (DVHL). Cette unification précoce des efforts, imitée par l’Italie catholique9 et la Russie orthodoxe10, est jalousée par la France. Les catholiques allemands intéressés par la Terre Sainte disposent, de plus, d’un périodique, Das Heilige Land, lui non plus sans réel équivalent en France. En l’occurrence l’élément de comparaison est important, dans la mesure où effectivement la France et l’Allemagne observent leurs activités respectives : le trio action/réaction/interaction est fondamental dans la pratique des deux pays. Ainsi, le recours à certains religieux et leur instrumentalisation au service d’un

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Voir Trimbur, Dominique, Religion et politique en Palestine : le cas de la France à Abou Gosh, dans Trimbur ; Aaronsohn (sous la dir. de), De Bonaparte à Balfour, p. 265–293 ; Trimbur, Dominique, Sainte-Anne : lieu de mémoire et lieu de vie français à Jérusalem, dans Chrétiens et sociétés. XVIe–XXe siècles, Centre André Latreille (Université de Lyon 2)/Institut d’Histoire du Christianisme (Université de Lyon 3), n° 7, 2000, p. 39–69. 8 Cas des débats relatifs à l’installation de Clarisses, en 1890, dont la vocation contemplative ne semble guère peser en faveur d’un soutien à tout prix de la part de la France ; l’installation a tout de même lieu, du fait de l’appui de l’évêque du Puy à ce projet. 9 Grange, Daniel J., L’Italie et la Méditerranée (1896–1911). Les fondements d’une politique étrangère, Rome, Collection de l’École française de Rome, 197, 1994. 10 Hopwood, Derek, The Russian Presence in Syria and Palestine 1843–1914. Church and Politics in the Near East, Oxford, Clarendon Press, 1969.

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pays trouve-t-il systématiquement sa réplique de la part de l’autre pays.11 L’enjeu est d’importance pour des pays intéressés par des prises d’influence, directes ou indirectes, sur la région et ses populations. Car, à travers leurs multiples domaines d’activité (écoles, orphelinats, hôpitaux, archéologie, exploration scientifique…), les institutions concernent des clientèles vastes et variées, qu’il s’agisse des classes moyennes ou supérieures, des représentants des élites locales, voire de la puissance souveraine12 ; et les clientèles des établissements catholiques sont loin d’être seulement des chrétiens, puisque les élèves juifs ou musulmans les fréquentent. La présence sur le terrain est également assurée par le passage de pèlerins : le déplacement et le séjour de tels groupes sont autant d’affirmations de la présence française, ou allemande, selon le cas. Les actions culturelles des deux pays à l’étranger dans le domaine catholique profitent de réseaux. En France ou en Allemagne, les ministères des Affaires étrangères entretiennent des liens avec des prélats (c’est le cas du cardinal Langénieux, investi par le Quai d’Orsay pour contrer l’offensive de Guillaume II, en 1898). Ces prélats sont utilisés dans leur pays respectif, et, a fortiori, lorsque ceux-ci se rendent en Terre Sainte (c’est le cas du cardinal Langénieux en 1893, en tant que légat pontifical participant au congrès eucharistique international ; ainsi que du cardinal Dubois en 1919–1920 ; et de Mgr Baudrillart, recteur de l’Institut catholique de Paris, en 192313). De ce fait, les deux pays peuvent se servir des bonnes relations qu’ils entretiennent avec de hauts prélats en poste à Rome (le cardinal Rampolla, secrétaire d’Etat du Vatican, et le cardinal Tisserant – tout au long de sa longue carrière au Saint-Siège, pour la France ; et le cardinal Ledochowski, préfet de la Congrégation pour la propagation de la Foi, pour l’Allemagne). Les deux pays peuvent mettre à leur profit les communautés françaises et allemandes, mais aussi des organismes catholiques à vocation internationale, telles que la (très italienne) Custodie franciscaine de la Terre Sainte, ou les institutions pontificales (à Rome ou installées en Terre Sainte, comme l’Institut biblique pontifical, tenu par les Jésuites et perçu comme un instrument aux mains de l’Allemagne dirigé contre l’Ecole biblique dominicaine, d’obédience française) ; ils peuvent aussi passer par le biais de prélats en poste à Jérusalem (les Patriarches latins – évêques catholiques – de Jérusalem : comme Mgr Braco [1873–1889], considéré comme pro-français, à la différence de Mgr Piavi [1889– 1905], réputé pro-allemand). De même, le clergé des Églises orientales unies à Rome peut servir de médiation en faveur de chacune des influences. C’est particulièrement le cas de la France avec les séminaires orientaux destinés aux diverses 11 Installation de Bénédictins français à Abou Gosh (1898), allemands à la Dormition (1906), par exemple. 12 À l’instar de l’« école des Effendis », cours de français dispensés dans le cadre de l’établissement de Sainte-Anne, géré par les Pères blancs. 13 Voir Trimbur, Dominique, Une appropriation française du Levant : la mission en Orient du cardinal Dubois, 1919–1920, dans Cabanel, Patrick (sous la dir. de), Une France en Méditerranée. Écoles, langue et culture française, XIXe–XXe siècles, Paris, Créaphis, 2006, p. 109– 128 ; Trimbur, Dominique, L’Orient de Monseigneur Baudrillart, dans Christophe, Paul (sous la dir. de), Cardinal Alfred Baudrillart, Paris, Éd. du Cerf, 2006, p. 235–272.

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Églises catholiques orientales confiés à des religieux français : destinés à « régénérer » ces Eglises en assurant une éducation de qualité à leurs futurs clergés respectifs, comme le dit un fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères, ces séminaires sont leurs « meilleurs centres de propagande ».14 Ayant pour vocation de créer un milieu francophone et francophile capable de diffuser les valeurs françaises, ce sont de véritables « têtes de pont » permettant d’atteindre d’autres populations, comme les musulmans de Palestine, ou d’autres parties de l’Empire ottoman. Pour les deux pays, il s’agit là d’un moyen très pratique et bon marché d’exercer une influence. De fait, particulièrement avant la Première Guerre mondiale, on a l’impression que la religion devient un prétexte, et l’on observe un fossé croissant avec la vocation religieuse initiale des institutions catholiques. Quels sont les buts de ces institutions ? Pour la France, c’est la conquête spirituelle ou matérielle de la Terre Sainte : incarnée par des lieux de mémoire et des lieux de vie français, avec des vues sur l’intégralité de la Terre Sainte, c’est une appropriation mentale, qui veut précéder une appropriation concrète. Comme le dit l’un des plus ardents partisans des communautés catholiques, Maurice Barrès, la France « poss[è]d[e] les âmes » des populations locales.15 Pour l’Allemagne, il en va de l’établissement d’institutions indépendantes du protectorat français : l’objectif est de disposer d’institutions d’obédience allemande, qui ne soient pas seulement protestantes, vouées à prouver l’universalité des aspirations germaniques. Jalouse de ses prérogatives, la France est soucieuse de marquer la continuation de son protectorat. Elle a ainsi la possibilité d’imposer son point de vue face à l’activisme allemand : juste avant la Première Guerre mondiale elle doit accepter l’établissement à Jérusalem d’une annexe de l’Institut biblique pontifical, émanation d’un souhait allemand – ou du moins perçu comme tel par la France – mais Paris parvient à éviter la nomination d’un Jésuite allemand16 à sa tête. La France agit en vertu d’idées clairement monopolistes, en dépit des mesures anticléricales qui la caractérisent durant cette période.17 C’est d’ailleurs au nom de cette contradiction que les prétentions françaises sont disputées par les puissances rivales sur le champ catholique, en l’occurrence par l’Allemagne. On note le souhait des deux pays de disposer dans les institutions en Terre Sainte de leur obédience respective de communautés religieuses qui leur soient liées : des Bénédictins français à Abou Gosh, des Bénédictins allemands à la Dormition. Quelle est la « réception » respective de l’action culturelle à l’étranger ? Chez les catholiques français il y a enthousiasme face à l’alignement de la France répu14 Archives du ministère des Affaires étrangères, dépôt de Nantes, série D : 172 Palestine 1924/1929, lettre du consulat général de France à Jérusalem (118) au MAE-Service des Œuvres Françaises à l’Étrangers (SOFE), 25 novembre 1929, d’Aumale. 15 Barrès, Maurice, Enquête aux pays du Levant, Paris, Plon, 1923 ; ici t. 2, p. 182. 16 Pour plus de détails, voir Trimbur, Dominique, Une École française à Jérusalem. De l’École pratique d’Études bibliques des Dominicains à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, dans Mémoire dominicaine, t. V, Paris, Éd. du Cerf, 2002, p. 31–33. 17 Durand, Jean-Dominique ; Cabanel, Patrick (sous la dir. de), Le grand exil des congrégations françaises 1901–1914, Paris, Éd. du Cerf, 2005.

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blicaine et laïque sur les plus anciennes traditions initiées par l’Ancien régime. On idéalise ainsi le rôle français (avec la reprise du slogan « Gesta Dei per Francos »), et les catholiques hexagonaux ont le souci de l’installation d’une « vraie France » en Terre Sainte. Cette installation, incarnée par les établissements français, doit représenter la fidélité à une conception traditionnelle, mise à mal par les excès anticléricaux de la Troisième République. Une fois établie, les catholiques français espèrent d’ailleurs que cette « vraie France » pourra inspirer la métropole. Quant aux catholiques allemands, il est clair qu’ils ne peuvent qu’apporter leur soutien à une politique patriotique, qui promeut la restauration de l’unité nationale après les troubles du Kulturkampf. En ce qui concerne le Saint-Siège, il accepte le rôle prépondérant de la France, en vertu de l’ancienneté du protectorat. Par ailleurs, il ne peut guère se mettre à dos une France qui est alors le plus important terreau de missionnaires. Dans ces conditions, le Vatican doit accepter cette situation aussi longtemps qu’il n’existe pas d’alternative et que la Terre Sainte demeure sous domination ottomane musulmane. En ce qui concerne l’Allemagne, le Saint-Siège admet l’existence d’un protectorat allemand de facto sur les institutions catholiques allemandes ; mais le Vatican ne peut accepter de jure cette protection, comme il le répète officiellement – à la demande instante de la France – en 1898. Quant aux autorités locales, avant et pendant la Première Guerre mondiale, on observe de la part des Ottomans à la fois résignation et acceptation à l’égard d’institutions dont la vocation caritative est réelle : il s’agit, certes, d’instruments au service d’états et d’idéologies exogènes, mais ces institutions revêtent un aspect pratique, puisqu’elles pallient les lacunes des infrastructures ottomanes. Comme l’indique l’observateur précis qu’est Maurice Pernot, sur un budget global du système éducatif à Jérusalem de 2 millions de francs, les Ottomans n’y contribuent qu’à hauteur de 25 000.18 Pour la France, c’est la consécration du réseau catholique en 1901, avec l’accord de Mytilène, arrangement douanier obtenu par la pression, reconnaissant l’ensemble des établissements français de l’Empire ottoman, en les dispensant de toute imposition, condition sine qua non de leur existence et de leur survie. 1901 est d’ailleurs l’année où s’installent les derniers arrivés parmi les religieux français, complétant un vaste réseau polyvalent. Pour l’Allemagne, le passage en Orient de Guillaume II est la touche finale, aboutissement et début d’une présence symbolique, avec des institutions couronnant les différentes collines de Jérusalem, et suscitant la jalousie des autres puissances, en particulier de la France19 : à partir du début du XIXe siècle, l’Allemagne dispose ainsi d’un réseau, certes plus étroit

18 Pernot, Maurice, Rapport sur un voyage d’étude à Constantinople, en Egypte et en Turquie d’Asie (janvier–août 1912), Comité de défense des intérêts français en Orient, Paris, FirminDidot, 1913, p. 103–104. 19 Voir Trimbur, Dominique, Intrusion of the « Erbfeind ». French Views on Germans in Palestine 1898–1910 dans Hummel, Thomas ; Hintlian, Kevork ; Carmesund, Ulf (sous la dir. de), Patterns of the Past, Prospects for the Future. The Christian Heritage in the Holy Land, Londres, Melisende Press, 1999.

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que son aîné français, mais très actif et qui ne manque pas de susciter des inquiétudes françaises.20 Dans les faits, ces inquiétudes françaises démontrent l’exagération de certains quant à une rivalité largement surestimée. De fait, à la fin du XIXe siècle, la France compte en Palestine 58 institutions, et plus de 100 institutions protégées ; ces établissements abritent, d’une part, 178 religieux français masculins en charge de 1 000 élèves, et, d’autre part, 300 religieuses françaises, s’occupant de 2 200 élèves et de 80 000 malades. Sur l’ensemble de l’Empire Ottoman, le réseau français est constitué de 300 institutions en tout genre, avec 100 000 élèves représentant toutes les populations : 40% d’élèves chrétiens fréquentant des établissements scolaires, 12% de juifs, 0,55% de musulmans ; et 50% d’ élèves fréquentant des écoles étrangères. Ces chiffres soulignent la concentration des minorités. En comparaison avec les autres institutions étrangères en Palestine, 70% des communautés masculines sont françaises (10% autrichiennes, 10% italiennes et 10% allemandes), et le français est la véritable lingua franca, des établissements, comme de la vie quotidienne en Terre Sainte. La réalité des chiffres indique quant à elle la faiblesse numérique éloquente de l’Allemagne : à Jérusalem les catholiques allemands entretiennent la Paulushaus, la Schmidtschule, et l’établissement bénédictin de la Dormition ; dans les environs de la Ville sainte, des religieux allemands administrent, à Emmaüs Kubeibe, un hospice pour personnes âgées ; et sur les hauteurs du lac de Tibériade, à Tabgah, se situe un couvent bénédictin et une église. Comme l’indique en 1906 un diplomate français : « outre les 8 pères bénédictins de la Dormition et les 82 sœurs de Saint Charles réellement concentrés dans les institutions allemandes, seuls 33 religieux sont répartis dans les différents ordres. »21 La Première Guerre mondiale et les réseaux catholiques allemand et français La Première Guerre mondiale est une période difficile pour le réseau des établissements catholiques français : après le départ des plus jeunes religieux pour la guerre, les plus âgés et les non-mobilisés sont expulsés par les Turcs, une fois entrés en guerre aux côtés des puissances centrales. En revanche, le premier conflit mondial constitue une chance pour l’Allemagne, qui a le champ libre pour ses activités, en s’entendant avec son alliée austro-hongroise. Alors que des mesures strictes sont prises contre les établissements français (et italiens à partir de 1915), l’école des filles du DVHL est autorisée à rouvrir dès 1915 (celle des garçons seulement en 1917). Dans ce contexte, certains catholiques allemands veulent saisir l’occasion de remplacer les religieux français par des homologues germaniques, en s’emparant des locaux et des domaines d’activité de leurs frères 20 Bocquet, Jérôme, Missionnaires français et allemands au Levant. Les lazaristes français de Damas et l’Allemagne, du voyage de Guillaume II à l’instauration du mandat, dans Trimbur (sous la dir. de), Europäer in der Levante, p. 57–75. 21 Archives du ministère des Affaires étrangères, dépôt de Paris, PAAP 240 Doulcet, 3 Protectorat religieux, lettre du ministre des Affaires étrangères aux ambassades françaises, 23 février 1906, à propos d’une statistique diffusée au Reichstag sur les établissements religieux allemands dans le monde.

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mais néanmoins rivaux.22 Les Allemands assurent la continuité d’une vie quotidienne catholique (en dépit de ce que les catholiques français affirment à l’époque), et ils souhaitent même profiter de l’occasion pour démontrer la validité de leur foi en proposant de vastes projets qui devraient bénéficier au SaintSiège.23 Les catholiques allemands envisagent alors des perspectives encourageantes pour l’après-guerre, d’où la nécessité de recruter de nouveaux missionnaires, germanophones.24 Dans l’immédiat, ces projets ne sont pas sans poser problème du fait de l’activisme de l’allié ottoman : sous la férule autoritaire de Djemal Pacha, on assiste à une turquisation et à une islamisation de la Palestine ; tandis que le djihad lancé par les Ottomans contre les Français et les Britanniques est explicitement soutenu par les Allemands et les Austro-Hongrois.25 Après la Première Guerre mondiale Le temps des hostilités et la période immédiatement postérieure ne permettent guère la réalisation des projets catholiques allemands. Le vent tourne une nouvelle fois à l’avantage de ceux qui avaient été chassés en 1914, les Français. Dans ces conditions, la France peut envisager à un moment une sorte de restauration du royaume latin, consécration de l’implication du catholicisme dans l’action culturelle française à l’étranger.26 Ces idées sont régulièrement évoquées, sous couvert de la conférence de San Remo (avril 1920), et par la confirmation du réseau français, en dépit de la perspective, de plus en plus réelle, d’une Palestine sous régime britannique. En l’occurrence, la France a le souci de combiner ses efforts avec le Saint-Siège (en lien avec la nouvelle Congrégation pour l’Église orientale), et elle peut obtenir une certaine restauration de l’ordre préalable, même si le Saint-Siège est désireux de se défaire d’une trop grande dépendance à l’égard de la France et d’imposer l’argument selon lequel le protectorat n’a plus de sens dans un territoire désormais placé sous l’administration d’une puissance chrétienne. Pour ce faire, la France compte sur la Commission des Lieux saints, prévue aux termes de la charte mandataire sur la Palestine, mais qui ne verra jamais le jour. Par la suite, le SaintSiège reste grosso modo attaché à l’importance symbolique de la position française, comme l’atteste l’accord de 1926 sur les honneurs liturgiques, préservant l’apparence d’une place prépondérante de la France dans le milieu catholique de 22 Voir Trimbur, Dominique, Le destin des institutions chrétiennes européennes de Jérusalem pendant la Première Guerre mondiale, dans Mélanges de Science Religieuse, Université catholique de Lille, n° 4, octobre–décembre 2001, p. 3–29. 23 A l’instigation du député du Zentrum Matthias Erzberger, notamment. 24 Lübeck, Konrad, Die Aufgaben der Katholiken im türkischen Orient, dans Das Heilige Land, 1, janvier 1916. 25 Un prêtre catholique austro-hongrois, originaire de Bohême, Alois Musil, est chargé d’exercer auprès des populations arabes un rôle parallèle à celui de Lawrence d’Arabie : Prochazka, Theodore, Alois Musil vs. T.E. Lawrence ? , dans Archiv Orientalny, 63, 1995, p. 435–439. 26 Voir Trimbur, Dominique, Les Croisades dans la perception catholique française du Levant, 1880–1940 : entre mémoire et actualité, dans Cristianesimo nella storia, t. 27 (2006), p. 909– 934.

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la Terre Sainte. Quant à la France, elle continue d’affirmer son exigence de maintien de son monopole. Ainsi, sur le terrain, investit-elle l’établissement allemand de la Dormition en y faisant installer des moines francophones (belges), pour une brève période, au moment où les Bénédictins allemands sont expulsés de Palestine.27 De fait, la présence catholique allemande connaît une éclipse temporaire ; par la suite, l’Allemagne n’a guère les moyens d’exercer une action politique en tant que telle, et dispose seulement d’une marge de manoeuvre dans les domaines économique et culturel : du point de vue catholique, après leur expulsion, les Bénédictins allemands peuvent rentrer d’Égypte dès 1921, et ils se voient attribuer la charge symbolique du séminaire patriarcal de Jérusalem, formant les prêtres du diocèse.28 La communauté bénédictine de la Dormition est érigée au rang d’abbaye, en 1926. Pour les deux pays, la présence catholique trouve son intégration dans l’institutionnalisation des actions culturelles à l’étranger : on passe de services plus ou moins combinés à une réelle administration des deux diplomaties culturelles. Pour la France, c’est la création du Service des Œuvres françaises à l’étranger ; avec à Paris une spécificité, puisque la politique culturelle en direction de la Palestine est aussi du ressort du conseiller technique pour les affaires religieuses, Louis Canet. Pour l’Allemagne, au sein de l’Auswärtiges Amt, le catholicisme est de la seule compétence de la Kulturabteilung. Dans les deux cas, cette stabilisation signifie également une rationalisation, avec une concentration sur les institutions les plus efficaces, car l’élément catholique représente un moyen d’affirmer une présence dans la nouvelle Palestine. Cette concentration est toutefois mise à mal, à cause d’évolutions dues notamment à des facteurs internes. En France, c’est la baisse des effectifs des religieux français s’installant en Terre Sainte, conséquence tardive des mesures anticléricales du tournant du siècle. A ceci s’ajoutent des difficultés économiques hexagonales et des évolutions dues à des restructurations au sein de l’Eglise catholique : la France doit lutter contre l’internationalisation et la dénationalisation des communautés religieuses ou des associations catholiques (à l’instar de Propagation de la Foi, basée originellement à Lyon et délocalisée à Rome), évolution voulue par le pape Pie XI.29 La mise à mal de l’élément catholique est d’autre part le fruit de facteurs locaux : dans le contexte palestinien, en particulier à partir de la fin des années 1920, on enregistre l’affirmation d’éléments non-chrétiens parmi la population, avec une modification dans l’apparence de la société. Pour Paris et Berlin, il y alors nécessité de s’adapter. C’est ce que fait la France, en encourageant la création d’institutions laïques ou d’autres obédiences plus à même d’accompagner la croissance de la population juive : c’est au final une autre France qui s’invente.

27 Egender, Nikolaus, osb, Belgische Benediktiner in der Dormitio in Jerusalem 1918–1920, dans Erbe und Auftrag, t. 77, 2001, p. 155–164. 28 Jusqu’en 1932, date du transfert de cette charge aux Pères français de Bétharram. 29 Prudhomme, Claude, Stratégie missionnaire du Saint-Siège sous Léon XIII (1878–1903). Centralisation romaine et défis culturels, École française de Rome, Rome, Collection de l’École française de Rome, t. 186, 1994.

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De plus, avec la montée des tensions politiques, apparaissent de lourdes conséquences pour le travail et le rayonnement des institutions catholiques : les fouilles archéologiques sont bloquées par les troubles et les grèves, la circulation des pèlerins gênée par les barricades et les checks-points. En ce qui concerne l’Allemagne, outre ces mêmes obstacles, après 1933 s’impose une propagande nazie pure et dure : à partir de ce moment, l’action culturelle à l’étranger n’est plus dirigée que vers les colons allemands installés en Palestine (notamment les Templer, colons protestants), visant à leur mise au pas. C’est moins le cas en ce qui concerne les catholiques, mais cela réduit d’autant la place de leurs institutions dans le cadre général de l’action allemande. De surcroît, le pouvoir nazi réduit drastiquement les exportations de devises, affectant le fonctionnement d’institutions largement dépendantes de flux financiers en provenance de la métropole. Quelles sont enfin les attitudes des acteurs locaux ? Exerçant la responsabilité de la gestion des lieux depuis la prise de la Palestine, en 1917, les Britanniques s’imposent mais se résignent lors de la conférence de San Remo, acceptant les privilèges traditionnels des institutions françaises. Il n’en reste pas moins, qu’à terme les autorités mandataires ont le souhait de contrôler le système éducatif de la Palestine : en 1927 est édictée une ordonnance sur l’éducation, tendant à son uniformisation. De leur côté, de plus en plus présents dans un domaine où les établissements catholiques avaient la main haute avant 1914, les sionistes refusent tout réseau éducatif alternatif au leur (ce qui concerne également les établissements de la très française Alliance Israélite Universelle). Dans la phase finale de la période considérée, au moment de la Deuxième Guerre mondiale, de nouvelles arrestations et expulsions d’Allemands défont le réseau catholique ; tandis que leurs homologues français sont affectés par des embarras financiers, qui s’ajoutent aux difficultés politiques internes au sein de la communauté française. Conclusion Quelle est la situation en 1945 ? Quel est le résultat de ces politiques ? Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, comme en 1918, la France est soucieuse de rétablir son réseau, dans une période où il semble possible de regagner une position de force : les institutions catholiques françaises semblent pouvoir retrouver une place à part entière, ou davantage, au sein du corpus separatum, l’entité envisagée pour la région de Jérusalem aux termes du plan de partage de novembre 1947. Par la suite, du fait d’une situation politique locale de plus en plus tendue, les représentants français doivent lutter contre toute démission de la part des congrégations françaises, effectivement tentées d’abandonner le terrain.30

30 Les Bénédictins, partagés entre Abou Gosh et Jérusalem, affectés par les combats, se retirent de la charge du séminaire syrien-catholique ; les Pères blancs, pour les mêmes raisons, délocalisent leur séminaire grec-catholique au Liban.

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En ce qui concerne l’Allemagne, la difficulté résulte de l’arrestation et de l’expulsion des citoyens allemands au cours des années 1939–1945, avec le placement des institutions catholiques sous custodie britannique. Pour les deux pays s’impose alors une nouvelle accélération de l’histoire avec un bouleversement – la création de l’Etat d’Israël et le conflit qui s’en suit – ayant de lourdes conséquences pour les deux réseaux. Dans tous les cas, la situation de 1948, au-delà des difficultés matérielles (dégâts subis par certaines des institutions catholiques) et politiques, ne montre-il pas qu’il est temps de prendre ses distances avec des habitudes qui relèvent d’une certaine forme de colonialisme ? Pour sa part, l’influence de l’éducation dispensée par les établissements français tend elle-même à l’émancipation des populations locales : cette donnée révèle le succès éclatant de la culture française. Mais elle montre aussi la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve le statut politique de la France dans la région, lorsque, fortes de leurs épanouissements respectifs, les populations locales rejettent finalement les instruments de pénétration que furent et restent à leurs yeux les établissements européens, en l’occurrence catholiques. Au-delà de ce rejet, demeurent aujourd’hui des bâtiments, des institutions, et des noms célèbres.

ECOLE CONFESSIONNELLE, ECOLE SIMULTANEE, ECOLE LAÏQUE : LA CONFRONTATION DES MODELES ALLEMANDS ET FRANÇAIS DANS LA ZONE D’OCCUPATION FRANÇAISE (1945–1949) Caroline Doublier Après la fin de la Seconde Guerre mondiale il était urgent de rouvrir les écoles en Allemagne, même avec des moyens provisoires, et de supprimer le système instauré pendant la période nazie. Le gouvernement militaire de la zone d’occupation française introduisit de nombreuses reformes inspirées du modèle scolaire français, même si, pour diverses raisons, il n’installa pas un système scolaire laïque. Le choix d’un système, entre l’école confessionnelle et interconfessionnelle, s’avéra toutefois : fallait-il revenir à la situation d’avant 1933 ? Ou reconnaître le Concordat de 1933 ? L’école simultanée fut finalement préférée, parce qu’elle proposait un programme d’études dans lequel figurait une instruction religieuse et parce qu’elle n’était pas attachée à une seule confession. L’église catholique réagit particulièrement à cette décision, elle batailla pour la mise en place d’écoles publiques et privées confessionnelles. Ainsi, la question de l’école confessionnelle resta-t-elle, jusqu’en 1949, un des principaux sujets de débat et de contestation dans la politique scolaire en zone d’occupation française. Nach dem Ende des Zweiten Weltkrieges war es in Deutschland dringend notwendig, die Schulen auch unter provisorischen Bedingungen wieder zu öffnen und das unter der NaziHerrschaft eingerichtete System abzuschaffen. Zwar wurden in der französisch besetzten Zone im schulischen Bereich von der Militärregierung zahlreiche Reformen nach französischem Vorbild eingeführt, jedoch kein laizistisches Schulsystem. Die Wahl eines Schulsystems – zwischen konfessioneller und interkonfessioneller Schule – war ein heikles Problem: Sollte man zu der Situation von vor 1933 zurückkehren? Das Konkordat von 1933 anerkennen? In den Verordnungen wurde schließlich die so genannte Simultanschule bevorzugt, in der zwar im Rahmen des Lehrplans Religionsunterricht erteilt wurde, die jedoch nicht an eine Konfession gebunden war. Besonders die katholische Kirche bemühte sich allerdings um die Einrichtung konfessionell gebundener öffentlicher und privater Schulen. Die Frage der konfessionellen Schulen blieb bis 1949 eines der Hauptthemen in der Debatte rund um die Schulpolitik in der französisch besetzten Zone.

Dès le 1er août 1945, le gouvernement militaire annonce la réouverture des écoles et la rentrée scolaire pour le 17 septembre puis pour le 1er octobre 1945 au plus tard. Après avoir dans un premier temps préconisé seulement la réouverture des écoles communales laïques et la fermeture des écoles confessionnelles, le Gouvernement militaire prit davantage en considération la tradition scolaire locale. En 1945 il était urgent de rouvrir les classes, même avec des moyens provisoires, et de supprimer le système instauré pendant la période nazie. Le choix d’un système de remplacement s’avérait toutefois délicat : fallait-il revenir à la situation d’avant 1933 ? Reconnaître le Concordat de 1933 ? Se référer au système français, c’est-à-

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dire tenter d’imposer une école laïque et la séparation entre l’Eglise et l’Etat dans le domaine scolaire ? Si cette dernière solution fut rapidement exclue, la question de l’école confessionnelle resta jusqu’en 1949 un des principaux sujets de débat et de contestation dans la politique scolaire en zone d’occupation française. Les écoles dans la zone d’occupation française en 1945 Une note sur l’enseignement religieux dans les écoles allemandes du 20 août 1945, précise la situation dans les différentes provinces de la zone.1 La situation en 1945 est complexe : la constitution de Weimar prévoyait, dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, deux types d’écoles, confessionnelles ou simultanées. Les parents pouvaient opter pour l’une ou l’autre forme d’école. Dans les deux cas la religion était enseignée à l’école, inscrite au programme. Les écoles confessionnelles chrétiennes, Bekenntnisschulen, accueillaient les enfants d’une même confession, elles étaient donc soit catholiques, soit protestantes. Il s’agissait d’écoles publiques qui ne pouvaient être comparées avec les écoles libres françaises, qui correspondraient plutôt aux établissements privés soumis à une autorisation préalable, en très petit nombre dans la zone. Les écoles confessionnelles pouvaient être créées légalement dans toute localité groupant un nombre suffisant d’élèves sur simple demande des familles et pouvaient coexister avec une école d’une autre confession ou avec une école ouverte aux enfants de toutes les confessions. L’enseignement religieux y était obligatoire (mais on pouvait en faire dispenser ses enfants sur demande) et il était effectué par les maîtres de l’école qui devaient appartenir à la confession de l’école. Les écoles « simultanées » ou « interconfessionnelles », Simultanschule, regroupaient des enfants de toutes confessions (essentiellement des deux confessions chrétiennes) ou sans confession. L’enseignement religieux y était aussi obligatoire, mais il était dispensé dans les bâtiments scolaires par les ministres des cultes représentés à l’école et non par les maîtres. Les enfants pouvaient être dispensés de cet enseignement religieux sur demande des parents et ne recevaient aucun enseignement à la place. Dans les villages dont la composition religieuse était homogène, l’école simultanée était de fait confessionnelle. La zone d’occupation française comportait des régions de tradition scolaire différente : alors que le pays de Bade avait adopté en principe l’école chrétienne simultanée (ou « mixte ») depuis 1876, en Rhénanie-Palatinat et dans le Wurtemberg, il existait à la fois des écoles simultanées et des écoles confessionnelles. C’est en Rhénanie que les écoles confessionnelles étaient les plus nombreuses et que leur réouverture a constitué un enjeu important pour les églises. Des différences notables existaient même à l’échelle des districts : alors que les districts de Trèves et Coblence n’avaient pratiquement connu que l’école confessionnelle, en Hesse rhénane le système simultané avait été imposé depuis 1874, en Hesse1

Note de la Direction de l’Education publique sur l’enseignement religieux, 20 août 1945, Archives de l’Occupation Française en Allemagne et en Autriche (plus loin AOFAA), AC 73, et lettre de Koenig au CIAAA du 1er septembre 1945, AOFAA, AC 118/1.

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Nassau l’école interconfessionnelle (simultanée) était la règle depuis 1817 et le Palatinat avait un système mixte d’écoles confessionnelles et simultanées. La situation avait également varié dans le temps. D’après l’article 146 de la constitution de Weimar, il suffisait que les parents d’un nombre suffisant d’élèves (en général une vingtaine) demandent l’ouverture d’une école confessionnelle pour que celle-ci soit ouverte aux frais de l’Etat. L’article 23 du Concordat de 1933 garantit de la même façon le maintien ou l’ouverture d’une école confessionnelle catholique partout ou un nombre suffisant de parents en ferait la demande. Les écoles élémentaires étaient très majoritairement confessionnelles : en 1931 sur 52 961 écoles élémentaires en Allemagne, 44 379 étaient confessionnelles et 295 mixtes. Il existait toutefois aussi des écoles séculières. Selon l’article 24 du Concordat, les professeurs des écoles confessionnelles étaient nommés par les autorités publiques mais devaient être membres de l’Eglise qui contrôlait l’école et les membres des ordres ou des congrégations religieuses pouvaient être employés dans ces écoles. De ce fait, les églises contrôlaient aussi la formation des maîtres et beaucoup d’institutrices des écoles confessionnelles catholiques étaient en fait formées dans des écoles normales catholiques tenues par des religieuses. Le régime nazi a supprimé les écoles séculières, préférées par les sociauxdémocrates, puis a combattu les écoles confessionnelles, finalement interdites en 1941. A ce moment là, il n’y avait plus d’écoles élémentaires contrôlées par l’Eglise et elles étaient toutes non confessionnelles c'est-à-dire en fait simultanées, mais avec un recul de plus en plus fort de l’enseignement religieux remplacé par un enseignement idéologique : une école unique, athée et antidémocratique. Le régime avait donc supprimé les écoles confessionnelles et simultanées chrétiennes pour les remplacer par des écoles laïques d’un type unique.2 Il existait d’autre part des écoles privées appartenant à l’église. En ce qui concerne les écoles élémentaires, leur nombre et leurs droits ont été limités sous la République de Weimar : elles étaient soumises à autorisation et ne pouvaient être créées que si elles avaient un intérêt éducatif particulier, ou s’il n’existait pas d’école publique: il en existait encore 476 en 1936 (240 catholiques, 120 évangéliques, 60 juives). Elles étaient plus nombreuses dans l’enseignement secondaire, et pour la plupart tenues par des ordres religieux enseignants. Elles suivaient les mêmes programmes que les écoles confessionnelles de l’Etat. Mais la quasitotalité des écoles privées a disparu sous le régime nazi.3 L’enseignement de la religion a toujours été présent à l’école, mais avec des différences selon les types d’écoles et selon les périodes. Dans le système de Weimar, l’instruction religieuse faisait partie du programme dans les écoles élémentaires, moyennes, secondaires et professionnelles. Tous les enfants devaient suivre les cours d’instruction religieuse sauf si les parents en avaient fait la demande. A partir de 1933, c’est l’Eglise qui déterminait le programme de 2 3

Manuel technique pour l’instruction et les affaires religieuses de la Mission Militaire pour les Affaires allemandes, juillet 1945, AOFAA. Essentiellement pour des raisons fiscales : les écoles n’ayant pas pu faire face à la loi de 1938 sur les impôts fonciers.

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l’instruction religieuse et qui désignait les professeurs qui en dispensaient l’enseignement dans les écoles confessionnelles.4 Dans ces écoles confessionnelles les maîtres assuraient l’enseignement religieux, dans les écoles simultanées les deux églises fournissaient des professeurs d’instruction religieuse qui intervenaient dans l’école, souvent en fin de journée. Dans les grandes classes c’étaient souvent des prêtres de la paroisse qui venaient donner quelques heures de cours par semaine dans les écoles. Sous le troisième Reich, l’enseignement religieux a été progressivement supprimé des écoles : le nombre d’heures a été diminué, passant de quatre à deux, puis à une heure par semaine – les heures étant placées en fin de journée, incitant ainsi les familles à s’en faire dispenser pour rentrer plus tôt –, finalement, il est devenu facultatif. Les familles et les enseignants ont été victimes de pressions, les programmes ont été modifiés. De fait dans l’Allemagne de 1945, la seule expérience d’une école a-religieuse, se rapprochant d’un modèle laïc, était celle de la période nazie. Le choix français : promouvoir l’école « interconfessionnelle » ou « simultanée » C’est dans ce contexte que les autorités françaises chargées de l’éducation ont cherché à réformer l’école dans leur zone. S’il était acquis qu’il fallait détruire le système nazi, les choix s’avéraient difficile : « laïciser » l’école allemande ? Revenir à une tradition antérieure ? Et dans ce cas, laquelle ? Si dans beaucoup de domaines les Français ont essayé d’introduire dans l’enseignement allemand primaire et secondaire des réformes inspirés du modèle et des débats scolaires français du début du XXe siècle, il n’en demeure pas moins une différence essentielle : l’école publique française était fondamentalement laïque, aucun enseignement religieux n’y était dispensé. Le Gouvernement militaire n’essaya jamais d’imposer ce modèle en Allemagne. D’une part les Français auraient été accusés de vouloir exporter leur propre modèle et préférèrent – dans ce domaine, car ce n’est pas le cas des autres points de leur politique scolaire – tenir compte des traditions allemandes. D’autre part, la politique menée par le régime nazi en faveur de l’école unique et contre l’enseignement religieux rendait la situation complexe : l’imposition d’un système laïc aurait été fort malvenue dans le contexte d’une politique de dénazification et de démocratisation. Les autorités françaises avaient également conscience du rôle que pouvaient jouer les Eglises dans l’œuvre de rééducation et de démocratisation. Poser la question de la laïcité de l’enseignement de ce côté de la frontière aurait eu, en outre, pour effet de raviver la question scolaire dans les départements alsaciens et mosellans, où les débats avaient été très vifs dans l’entre-deux-guerres.5 Enfin les Français devaient aussi se plier aux promesses faites par les Alliés et consignées dans le Military Handbook : la liberté religieuse est rendue aux Allemands, liberté du culte à l'inté4 5

Article 21 du Concordat de 1933. Le gouverneur de Rhénanie-Hesse-Nassau évoquait ce problème dès l’été 1945 : « Il est certain que la solution que nous adopterons aura une vive résonance en France et plus particulièrement en Alsace. C’est pourquoi il conviendra de peser avec soin les termes de la décision qui sera prise. » Rapport Billotte, 14 août 1945, AOFAA 118/1.

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rieur des églises, liberté de la prédication sans censure, liberté des publications sous réserve du contrôle préalable et des disponibilités de papier. Dès 1946 la reconnaissance de la validité du concordat par le Conseil de Contrôle donna des arguments supplémentaires à l’Eglise catholique. Dans un premier temps, la réouverture des écoles fut envisagée telle quelle en 1945, lorsque les conditions matérielles le permettaient : « rien ne devra être tenté pour fonder de nouveaux genres d’écoles, reconstituer d’anciens genres d’écoles, ou faire des transformations d’un genre à l’autre ».6 Sur le plan de la confessionnalité, on restait très prudent : « il se peut que le clergé catholique et les pasteurs protestants (et peut-être aussi les communautés israélites) souhaitent rétablir très vite le contrôle confessionnel qui existait avant le 30 janvier 1933. Les officiers du gouvernement militaire ne devront prendre position ni pour, ni contre le principe du contrôle confessionnel ».7 Il s’agissait pour l’heure d’éviter tout conflit avec les Eglises : lorsque les autorités ecclésiastiques avaient repris possession des locaux, elles étaient autorisées à y rester à titre provisoire sous réserve d’en faire « bon usage », et la reprise de l’instruction religieuse était prévue dans toutes les écoles, avec possibilité de créer des classes séparées lorsque les écoles n’étaient pas confessionnelles. C’est au cours du mois d’août 1945 que le Gouvernement militaire opta pour le retour à la situation de 1933. La question du Concordat fut débattue. Il fut décidé que sa validité ne pouvait pas être reconnue (elle le sera plus tard) mais qu’il fallait la garder à l’esprit. Dans sa lettre au Comité Interministériel des Affaires Allemandes et Autrichiennes, Koenig écrit qu’il faudrait tenir compte du Concordat et « satisfaire les croyants en leur rendant une partie de ce que le régime national-socialiste leur avait enlevé ».8 Il définissait un programme scolaire en sept points dont trois incitaient pour le moment, au retour à la situation d’avant 1933 : « 2. Toute école maintenue dans la même forme depuis 1933 conservera son caractère et son statut. 3. Il ne sera pas créé de nouvelles écoles confessionnelles là où elles n’existaient pas avant 1933. 4. Les écoles confessionnelles fermées depuis 1933 seront rouvertes là où la population le demandera et sur autorisation particulière ». Il s’en écartait toutefois sur plusieurs points : le troisième point était en contradiction avec l’article 23 du concordat qui prévoyait l’ouverture d’écoles confessionnelles chaque fois que les parents le demanderaient ; la sixième proposition indiquait que « les parents spécifieront si leurs enfants doivent recevoir l’enseignement religieux ou en être dispensés », contrairement à la tradition : avant 1933 les enfants suivaient les cours de religion sauf en cas de dispense écrite des parents. 6 7 8

Instructions du manuel technique pour l’instruction et les affaires religieuses de la mission militaire pour les Affaires allemandes, juillet 1945, AOFAA. Ibid, chapitre 14. Lettre de Koenig au CIAAA, AOFAA, 118/1.

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Ces variantes par rapport à la situation d’avant 1933 témoignent de la préférence des autorités françaises pour l’école simultanée, préférence justifiée par des considérations matérielles : compte tenu de la situation économique catastrophique, il était plus économique d’ouvrir une école simultanée pour tous les enfants d’un village plutôt que deux écoles confessionnelles ou une école confessionnelle et une école simultanée. Il s’agissait aussi de développer chez les jeunes allemands un esprit d’ouverture et de tolérance : le choix de l’école simultanée se fait aussi par crainte du pouvoir des Eglises et notamment de l’Eglise catholique au sein des écoles. Le gouvernement militaire s’en tint à ce programme, repris dans les directives d’août 1945 et dans toutes les notes concernant la réouverture des écoles dans cette zone9, puis au niveau des délégations supérieures.10 Cette position de principe se voulait modérée. Elle montre que l’idée de ne rouvrir que des écoles laïques dans la zone si elle a jamais été évoquée, était d’ores et déjà écartée en août 1945. Inversement elle témoigne de la volonté de ne favoriser aucune confession. Dans la note du 8 octobre, Laffon rappelait la nécessité de mener la même politique dans l’ensemble de la zone : « il ne peut y avoir qu’une seule politique scolaire pour toute la zone française d’occupation. Je vous prie de bien vouloir veiller à son application stricte et de ne pas admettre que des instances inférieures interprètent cette politique selon leurs idées personnelles », référence à la promesse de rétablissement de l’école confessionnelle faite à l’évêque de Spire par le Général Bouley, gouverneur de Hesse Palatinat, en juin 1945.11 Après le remplacement de Bouley par Brozen-Favereau en mai 1946, le gouvernement militaire local se rallia toutefois à la politique scolaire définie par Baden-Baden et si le général de Gaulle a pu donner des assurances aux évêques catholiques rhénans concernant la réouverture des écoles confessionnelles catholiques, la politique menée par la direction de l’Education publique ne confirme pas cette orientation. De fait, avant même la réouverture des écoles, le catéchisme fut autorisé en dehors des locaux scolaires, ce qui fit craindre à certains ecclésiastiques l'élimination de l'instruction religieuse de l'école. Dès le mois d’août 1945, le général 9

La note de la direction de l’éducation publique du 2 septembre 1945 concernant la procédure de réouverture des écoles allemandes au plus tard le 1er octobre 1945 précise « en principe et jusqu’à nouvel ordre, toute école ayant été maintenue dans la même forme depuis 1933 continuera de conserver son même caractère et d’appliquer les mêmes horaires (en matière de religion). Celles qui auront été fermées ou transformées ultérieurement ne pourront être rétablies qu’après décision spéciale, sur demande motivée. En tout état de cause, les élèves qui ne suivent pas l’enseignement religieux recevront un enseignement complémentaire de même importance horaire, portant sur la morale individuelle, familiale et sociale », AOFAA, AC 72. 10 Note du 8 octobre 1945 de l’Administrateur général Laffon aux délégués supérieurs, AOFAA, AC 73. 11 En réponse à la note du 8 octobre, Bouley fit référence à la visite du Général de Gaulle du 4 octobre 1945 en Hesse-Palatinat, au cours de laquelle de Gaulle se serait prononcé aussi en faveur du rétablissement des écoles confessionnelles en présence de l’évêque de Spire et de celui de Mayence, lettre citée par Defrance, Corine, La politique culturelle de la France sur la Rive Gauche du Rhin, 1945–1955, Mondes Germaniques, PU de Strasbourg, 1994, p. 110– 111.

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Billotte, Commandant de la zone française de Rhénanie et Hesse Nassau rappelait que dans cette province l'enseignement religieux, traditionnellement obligatoire dans toutes les écoles, a été battu en brèche par le régime hitlérien et qu'il faut prendre des mesures "conciliant les aspirations des fervents chrétiens et l'opposition des libres-penseurs".12 L’enseignement religieux fut réintégré au programme et donné à l'école dès la rentrée des classes en octobre 1945. Le Gouvernement militaire donna des directives très claires à ses officiers de l'éducation publique, leur demandant de tenir compte de l'évolution des esprits, de la liberté religieuse, en demandant éventuellement aux parents quels étaient leurs désirs en matière religieuse, et en revenant le plus possible à la situation d'avant 1933. Les principes de base de cette politique furent réaffirmés en octobre 194513, avec quelques éléments nouveaux interdisant toute expérience locale, précisant notamment que l'enseignement religieux est une matière obligatoire du programme, sans que personne soit obligé d'y assister, et que les écoles garderaient à la rentrée leur statut de 1944 et ne pourraient reprendre le statu quo de 1932 que sur demande des parents. Ceci favorisait l’école simultanée. Le Gouvernement militaire reconnaît, d'autre part, comme valables les prescriptions du Concordat de 1933 et le droit de la population allemande de fonder des écoles confessionnelles. Il rappelle également l'égalité absolue de traitement entre les diverses confessions. Entre août 1945 et le printemps 1946, la politique scolaire du Gouvernement militaire s’infléchit dans le sens d’un soutien de plus en plus affiché à l’école simultanée. Après avoir, dans un premier temps, prétendu revenir à la situation de 1933, l’opposition à l’école confessionnelle était de plus en plus nette. Probablement par réaction à l’intervention de plus en plus pressante de l’Eglise catholique dans les affaires scolaires.14 Peu de temps après la reconnaissance de la validité du concordat par les alliés, la Direction de l’Education publique présenta le projet de création des écoles normales, de statut interconfessionnel. Elle imposa également un délai très court pour la transformation des écoles simultanées en écoles confessionnelles et une note du 15 mars 1946 interdit le changement de statut des écoles en cours d’année scolaire. De plus le changement de statut ne pouvait se faire que si 75 % des parents en faisaient la demande. Tout cela visait à maintenir le plus d’écoles simultanées possible et à freiner le développement des écoles confessionnelles. La réaction allemande : la défense de l’école confessionnelle Les réactions des Eglises ne se firent pas attendre et une sorte de bras de fer s’engagea avec l’administration française sur les questions scolaires. Dès juillet 1945, l’archevêque de Trèves prenait position en faveur de la seule école confes12 Rapport du Général Billotte, commandant de la zone française en Rhénanie et Hesse Nassau sur la situation des écoles allemandes de Rhénanie, AOFAA, AC 73 ; Rapport Billotte, 14 août 1945, AOFAA, AC116/2. 13 Note du 8 octobre 1945 de l'Administrateur général Laffon aux délégués supérieurs, AOFAA, AC 73. 14 Defrance, La politique culturelle, p. 110.

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sionnelle d’état, puisque 90 % des enfants suivent l’enseignement religieux et se disaient favorable à une déclaration des évêques de Cologne et de Paderborn, en zone britannique, du 15 juillet 1945 en faveur de l’ouverture d’écoles privées catholiques non subventionnées. En Août 1945, les évêques catholiques allemands, toutes zones confondues, réunis à Fulda prirent position sur la question scolaire. Les « principes catholiques concernant l’éducation et l’école », un texte en 16 points, rédigés par la conférence épiscopale de Fulda15 allaient à l’encontre du choix français de l’école simultanée. Le point central de cette déclaration est l’exigence de l’école confessionnelle catholique comme « idéal scolaire » des enfants catholiques, tout en conservant la possibilité d’ouvrir des écoles catholiques privées. Pour que l’enseignement confessionnel fonctionne correctement dans toutes les écoles primaires, l’Eglise revendiquait aussi la formation des maîtres dans des établissements confessionnels catholiques ce qui allait à l’encontre du projet du gouvernement militaire d’ouvrir des écoles normales interconfessionnelles. L’Eglise évangélique fut plus nuancée. Depuis 1918 elle avait accepté la séparation relative de l’Eglise et de l’Etat et refusait de faire de la question scolaire un cheval de bataille. Elle demandait une école chrétienne (non laïque) et se prononça pour l’école simultanée avec deux réserves : la possibilité d’ouvrir des écoles confessionnelles privées et, dans les régions où l’église catholique avait agité l’opinion publique, la réouverture d’écoles confessionnelles publiques. Les principales résistances vinrent donc de l’Eglise catholique. Dès septembre 1945, les évêques manifestèrent leur inquiétude. L'archevêque de Cologne et l'évêque de Trêves adressèrent des lettres au Général Koenig, les 3 et 8 septembre 1945, protestant contre la déclaration du Commandant de Rhénanie et de Hesse Nassau selon laquelle "les écoles subventionnées par des fonds publics seront de type interconfessionnel avec enseignement religieux facultatif, l'enseignement général étant neutre (...), les écoles confessionnelles seront autorisées mais sans avoir de subvention de la part des fonds publics." Ils fondèrent cette protestation sur le fait que cette décision maintient "le régime de l'école simultanée introduit sous le régime national-socialiste" et ne rétablit pas l'école confessionnelle dans la situation dont elle jouissait avant 1933.16 Les responsables français expliquent d'ailleurs l'absence de réaction analogue dans les autres provinces par le fait qu'en Hesse et en Bade, contrairement à ce qui se passait dans les anciennes provinces prussiennes de Rhénanie, l'école interconfessionnelle avait une base légale avant 1933.

15 Principes catholiques concernant l’éducation et l’école, conférence épiscopale de Fulda, 1946, AOFAA, AC 73. Rappelant que la responsabilité de l’éducation des enfants devait être partagée entre les parents au nom du droit naturel, l’Etat, qui forme les citoyens, et l’Eglise, considérée comme « la mère de tous les enfants baptisés », ce texte plaçait l’école confessionnelle au centre des revendications catholiques. 16 Rapport de l'abbé Virrion sur la politique scolaire du Gouvernement Militaire au regard des questions religieuses du 5 décembre 1946, AOFAA, AC 73. L'abbé Virrion était chargé, au sein du Gouvernement Militaire, des relations avec l'Eglise catholique allemande, et en particulier de visiter les écoles allemandes.

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Les évêques mettent en avant la contradiction entre le fait de soumettre la réouverture des écoles confessionnelles à la demande des parents et l’article 23 du Concordat, dont la validité avait été reconnue par les Alliés17 :"le maintien et la réorganisation des écoles confessionnelles catholiques restent garantis. Dans toutes les communes où des parents ou autres personnes capables d'éducation le demandent des écoles primaires catholiques seront créées". Ils rappellent d’autre part que « les évêques ont maintenu, contre vents et marées, pendant les années de l'oppression nazie, le principe de l'école confessionnelle, et la déclaration de Fulda du 23 août 1945 réclame encore une fois l'école confessionnelle pour les enfants catholiques ». Considérant d’autre part que la population catholique représentait une majorité écrasante et était très fermement attachée à l'école confessionnelle, les évêques utilisaient aussi l'argument suivant: les Alliés répétaient qu'ils luttaient pour le retour de la démocratie, au nom de cette lutte, ils devraient tenir compte de la volonté de la population. Après la reconnaissance du concordat par les Alliés, l’Evêque de Spire insista sur la contradiction entre le point 4 (réouverture des écoles sur demande expresse des parents) et le Concordat (article 23). Comme le gouvernement militaire ne changea pas de position, le clergé catholique décida d’organiser lui-même une consultation des parents. Dans une autre lettre, l'évêque de Spire considère que plus de 97% des parents catholiques demanderaient l'école confessionnelle si on les consultait.18 L'évêque de Trêves, Mgr Bornewasser, s'étonne également de l'obligation faite aux parents de déclarer s'ils souhaitent que leurs enfants suivent l'instruction religieuse, alors que la religion était traditionnellement une matière obligatoire: il aurait mieux valu selon lui considérer que l'enseignement religieux était la règle et dresser la liste de ceux qui demandaient à en être dispensés, conformément à l’article 21 du Concordat. Plusieurs évêques s’inquiétèrent sur ce point, s’opposant ainsi au sixième point du programme français. Toutefois la déclaration d’intention des familles restait dans la tradition de la vie scolaire allemande et répondait au besoin d'information du Gouvernement militaire. Selon le résultat de cette consultation, la position de l'Eglise catholique pouvait même être renforcée : « la plus grande majorité se fit inscrire au cours d'enseignement religieux, et les prêtres n'eurent aucune difficulté à entrer en toute liberté à l'école pour y donner les deux heures de cours intégrées au programme au lieu d'être placées en fin de journée ».19 Enfin le sixième argument avancé par Mgr Bornewasser était le rôle que l'école confessionnelle pourrait jouer dans "l'extirpation" du nazisme.20 Le Gouvernement militaire reconnaît que ces arguments ne manquent pas de poids et qu'ils « traduisent évidemment l'émotion considérable soulevée dans une région très catholique, où le clergé a toujours exercé sur la population la plus forte autorité, non seulement en matière religieuse, mais aussi en matière politique. »21 17 18 19 20 21

AOFAA, AC 116(2) Lettres des évêques allemands, question scolaire, AOFAA, AC 73 Rapport de l'abbé Virrion, 5 décembre 1946, AOFAA, AC 73. Lettres des évêques allemands, question scolaire, AOFAA, AC 73. Rapport de l'abbé Virrion, cité plus haut.

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Compte tenu de l’importance politique de la question et du rôle dévolu au clergé dans l’immédiat après-guerre, le gouvernement militaire évita un affrontement direct. Après avoir tenté d’obtenir une intervention du Vatican auprès des évêques allemands, favorisant un rapprochement entre catholiques allemands et français, après avoir rappelé que les écoles confessionnelles supprimées depuis 1933 pouvaient être rétablies à la demande des intéressés (à condition que ces demandes soient régulières et ne prennent pas « l’allure d’un plébiscite susceptible de provoquer de l’agitation politique » ) , le gouvernement militaire s’en tint aux principes établis le 23 août 1945, n’acceptant qu’une concession : l’instruction religieuse faisant partie des programmes scolaires, seule la liste des enfants qui ne la suivraient pas serait dressée. L'opposition catholique se déplaça ensuite sur le terrain de la formation des maîtres, dès l'annonce par le Gouvernement militaire du remplacement des anciens instituts par des écoles normales d'un nouveau type, composé de deux cycles d'études, gratuites et interconfessionnelles. Cette réforme présentée à partir de mars 1946 souleva une violente opposition des évêques catholiques.22 Ceux-ci mirent en avant la contradiction entre la décision de fonder des écoles normales interconfessionnelles et l'article 24 du Concordat, selon lequel les maîtres affectés aux écoles primaires catholiques devaient appartenir à l'Eglise catholique et offrir la garantie de répondre aux exigences particulières de l'école confessionnelle catholique, par conséquent recevoir une formation en accord avec ces exigences. Avant 1933, les écoles normales étaient confessionnelles comme en Prusse, en Wurtemberg ou en Bavière, ou simultanées comme par exemple au Pays de Bade. Le régime nazi avait d'abord suivi la tendance de l'époque qui était de former les instituteurs à l'université, mais plus tard il était revenu à la formule du Lehrerbildungsanstalt, ne permettant pas la confessionnalité. La Direction de l'Education publique a supprimé tous les établissements de type ancien pour les remplacer à partir de juin 1946 par les écoles normales23 auxquelles elle n'a pas donné de caractère confessionnel. Le Gouvernement militaire estimait qu'il fallait donner la priorité à la rééducation, or il ne disposait pas d'éléments suffisants pour apprécier la volonté de la population dans ce domaine, ni d'ailleurs de locaux et de maîtres pour multiplier le nombre d'écoles. S'il était prêt à accepter la collaboration de l'Eglise, le Gouvernement militaire ne pouvait lui abandonner la direction suprême des écoles normales, l'appartenance à l'Eglise catholique n'étant pas une garantie contre le nationalisme exagéré! Il a donc créé des écoles normales interconfessionnelles, séparées en premier et second cycle et entre jeunes gens et jeunes filles, représentant déjà quatre écoles par province.24 A propos de la protestation de l'Eglise catholique sur l'infraction vis-à-vis du Concordat, l'abbé Virrion répondit que l'article 24 « ne dit pas que l'école normale doit être confessionnelle, 22 AOFAA, AC 73. 23 L'étude de la mise en place des écoles normales et de leur fonctionnement fera l'objet d'un paragraphe particulier. 24 Rapport de l'abbé Virrion, 6 mai 1948, AOFAA, AC 73.

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mais qu'il doit y avoir possibilité de qualifier les maîtres qui le voudront à donner l'instruction religieuse ».25 Le Gouvernement militaire ne s'est jamais opposé à ce que les évêques fassent donner, outre le cours de religion normal, une série de cours particuliers préparant à la "mission canonique". Toutefois ces cours ne pouvaient pas avoir lieu dans les écoles normales. Aux évêques qui se plaignaient des difficultés que cela entraînerait pour la formation des futurs prêtres, les autorités françaises répondirent qu'ils avaient toujours la possibilité d'ouvrir des séminaires sur le modèle français. Quelques écoles normales catholiques privées furent également autorisées pour la formation des maîtres de l'enseignement privé. Ces concessions ne suffirent pas à apaiser les protestations du clergé.

La consultation scolaire Pour mettre un terme à l'agitation politique, les autorités françaises organisèrent une consultation des parents sur le statut de l'école. Pour le Palatinat, BrozenFavereau transmit en septembre 1946 les résultats du « référendum scolaire ».26 Pour réaliser les promesses faites lors de la conférence du 4 octobre 1946 et tenir compte des résultats de la consultation des parents, il fallait selon lui prévoir la réouverture de 190 écoles catholiques, ce qui correspondrait au statu quo. Par contre, si l'on suivait le même principe pour les écoles protestantes, il n'y en aurait plus que 90 au lieu des 200 déjà ouvertes, du fait de l'abstention très forte des parents protestants au référendum scolaire. Cette situation rendait pratiquement inutilisable le résultat du vote. Les positions des autorités allemandes et celle du Gouvernement militaire divergeaient nettement. La Direction de l'Education publique ne tint que modérément compte de ces résultats. Le projet transmis établissait une situation très différente de celle de 193327: trois fois plus d'écoles simultanées, 40% d'écoles confessionnelles catholiques et 57% d'écoles confessionnelles protestantes en moins. Il fut envisagé à plus long terme de transformer une centaine d'écoles simultanées en écoles confessionnelles protestantes. On a l’impression que plus la pression catholique en faveur de l’école confessionnelle se renforçait, plus le gouvernement militaire accentuait sa politique en faveur de l’école simultanée. Dans le Wurtemberg Hohenzollern28, le Gouvernement militaire prévoyait pour 1946–1947 50% d'écoles catholiques, 35% d'écoles protestantes et 15% d'écoles interconfessionnelles, sachant que les écoles confessionnelles

25 Rapport de l'abbé Virrion, 6 mai 1948, AOFAA, AC 73. 26 Rapport du gouverneur Brozen-Favereau, 10 octobre 1946, AOFAA, AC 73. 27 Rapport « confessionnalisation des écoles du Palatinat», Commissariat pour le Land de Rhénanie-Palatinat, décembre 1949, AOFAA, AC 198. 28 Résultat d'un accord entre l'abbé Virrion et l'évêque de Rottenburg, le 6 septembre 1946, AOFAA, AC 118. L'évêque avait alors émis de grandes inquiétudes pour les villes protestantes où il y avait de petites minorités catholiques, et ne semblait faire aucune confiance à l'école simultanée. Il proposait également que certaines écoles officiellement simultanées puissent fonctionner comme des écoles confessionnelles lorsque la minorité de l'autre confession est très réduite, et si l'instituteur appartient à la confession majoritaire.

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pouvaient ouvrir à partir de 80 élèves.29 En septembre 180 écoles confessionnelles avaient été autorisées, plus 35 pour le cercle bavarois de Lindau, mais le 15 octobre 1946, l'abbé Virrion constatait que sur ces 180 écoles prévues, seules 37 étaient réellement confessionnelles, en raison de l'absence de maîtres. Le référendum scolaire eut lieu le 12 décembre 1946.30 Ce référendum donna lieu à une véritable campagne électorale des deux Eglises. Les partis politiques n'y participèrent pas, sauf la CDU, qui prit position pour l'école confessionnelle. Les résultats montrent une forte participation dans les cercles majoritairement catholiques, moins forte dans les cercles protestants. L'école confessionnelle catholique recueillit 55,19% des voix, l'école confessionnelle protestante 23,20% et l'école simultanée 21,61% (dont beaucoup de protestants), ce qui représente 78,39% en faveur de l'école confessionnelle. Les résultats étaient donc en contradiction avec la volonté affichée de la direction de l'Education publique. La prise de position des autorités françaises en faveur de l'école simultanée traduisait aussi la volonté de réduire le rôle du clergé dans l'enseignement.31 C'est bien sur le terrain politique que se place la note du 10 juin 1947, signée Schmittlein, résumant les raisons pour lesquelles il ne fallait pas accéder aux réclamations des évêques de Spire, de Trêves et de Fribourg: « Cette revendication est d'ordre politique. Du point de vue religieux, les Eglises ont entière satisfaction et il n'entre nullement dans nos idées d'entraver le développement de l'enseignement religieux. Mais si l'école devient confessionnelle, on garantit par là aux Eglises un droit d'intervention dans ces écoles. Ce droit peut se manifester de plusieurs façons: nomination du directeur et des maîtres, éducation des élèves, choix des programmes et des manuels. Si de notre côté nous pouvons garantir que rien ne viendra blesser la conscience religieuse des élèves, nous sommes en mesure d'affirmer au contraire que la main-mise de l'Eglise se traduira immédiatement par une action politique tendant à ne mettre en place que des gens sûrs et à ne faire enseigner que la bonne vieille doctrine pangermaniste. »32 Le rétablissement de l’école confessionnelle A partir de 1947, la question de la confessionnalité des écoles s’efface devant l’opposition plus générale à toutes les réformes engagées par l’occupant dans le domaine scolaire. La France s’est lancée dans une tentative de réforme de l’enseignement allemand dans la zone, concernant à la fois les programmes, les manuels, la pédagogie, la transformation des structures de l’enseignement se29 Rapport du 4 avril 1946 de la section enseignement du Gouvernement militaire pour le Wurtemberg, AOFAA, AC 73. 30 Rapport du 28 décembre 1946 sur le référendum scolaire organisé le 12 décembre 1946 conformément à l'article 114 de la constitution du Wurtemberg-Hohenzollern, AOFAA, AC 73. 31 Voir sur ce sujet les conclusions de Defrance, La politique culturelle, p 112–118. 32 Note du 10 juin 1947 signée Schmittlein, et accompagnant le rapport de l'abbé Virrion, conseiller religieux, sur les écoles normales, du 6 mai 1946, AOFAA, AC 73.

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condaire, puis elle concerna les modalité d’évaluation, et enfin la réforme de l’Abitur et l’accès aux études universitaires. L’ensemble de ces réformes a fait l’objet d’une résistance forte de la part des autorités scolaires allemandes, des parents d’élèves, des partis politiques et des églises, allant au-delà de la question de la confessionnalité.33 L’Eglise catholique s’est en particulier inquiétée de la réforme de l’enseignement secondaire, de la création d’un enseignement secondaire « unique » identique pour les filles et les garçons, de l’introduction du système d’examen et de notation français (jugée comme une importation pure et simple du système français). Et surtout, les Eglises réagirent fortement contre la réduction des heures de latin dans l’enseignement secondaire.34 Cette opposition des églises aux réformes de l’enseignement fut très vite relayée par les partis politiques, et en particulier par la CDU (CDP/CDU) favorable à l’école publique confessionnelle et au maintien de la tradition chrétienne dans les écoles. La CDU insistait sur le droit des parents à déterminer le type d’enseignement à donner à leurs enfants, tout en prônant le choix de l’école confessionnelle. La revendication d’une école confessionnelle semblait paradoxale, alors que le parti chrétien démocrate était lui-même interconfessionnel. Le SPD, comme d’ailleurs les libéraux, revendiquait aussi le droit des parents, mais en affirmant que c’est l’Etat et non l’Eglise qui doit avoir la responsabilité de l’éducation. Il soutint l’école simultanée pour des raisons civiques et financières. De fait, une fois le pouvoir scolaire remis entre les mains des autorités allemandes, le débat sur l’école confessionnelle se poursuivit. Les difficultés d’élaboration des articles scolaires dans la constitution du Land rhéno-palatin en sont un bon exemple. La rédaction et le vote des articles 32 (sur le statut des écoles) et 39 (sur la formation des maîtres) est révélatrice de la position de la CDU. La première formulation de l’article 32 prévoyait que les écoles primaires publiques seraient « confessionnelles ou simultanées », de même que la formation des maîtres pouvait être confessionnelle ou interconfessionnelle. L’Eglise évangélique avait proposé d’ajouter un paragraphe pour assurer aux enfants des confessions minoritaires l’instruction dans un établissement confessionnel de confession différente, là où ils seraient trop peu nombreux pour ouvrir leur propre école confessionnelle. La CDU modifia ensuite la proposition : il était précisé que l’école simultanée devait être chrétienne et que la formation des maîtres était prévue dans des établissements confessionnels. Les autorités françaises renoncèrent à bloquer le projet mais proposèrent un vote séparé sur la constitution et sur les articles scolaires. Lors du vote du 18 mai 1947, seuls 52,4 % des électeurs rhéno-palatins approuvèrent les articles concernant l’école, toutefois la structure confessionnelle de la région ressortit très nettement: les régions à majorité catholique votèrent très largement en faveur de ces articles, alors que les régions à majorité protestante les

33 Pour d’autres aspects de la question, voir Doublier, Caroline, L’enseignement dans la zone française d’occupation en Allemagne, 1945–1949, thèse, 1997, non publiée. 34 Entretien de l’Abbé Virrion avec Mgr Stohr évêque de Mayence, AOFAA, AC 64/2.

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refusèrent.35 Fortes de cette courte majorité, qui ne réglait pas réellement le problème, et de l’ordonnance n° 95 du 9 juin 1947 qui rendait les pouvoirs dans le domaine culturel aux allemands – malgré la mention du contrôle par l’occupant de ce qui concerne l’éducation (article 4) – les autorités allemandes pouvaient instaurer leur propre réforme.36 Dès qu'elles reprirent la responsabilité des affaires scolaires, les autorités allemandes commencèrent effectivement à remettre en cause les réformes "françaises". On constate ainsi dès 1947 un mouvement de "reconfessionnalisation" des écoles et le recul de l'école simultanée. La constitution du Land rhéno-palatin prévoyait désormais que l'école simultanée devait être chrétienne et que la formation des maîtres aurait lieu dans des établissements confessionnels. Dès l'annonce dès résultats, le gouvernement du Land entreprit de transformer les écoles normales en établissements confessionnels. Le Gouvernement militaire essaya d’abord de s’y opposer mais fut contraint d’accepter cette transformation en décembre 1948, et celle-ci fut réalisé en 1949.37 La décision de rétablir l'école primaire confessionnelle suivit la même année: de nombreuses écoles simultanées du Palatinat devinrent des écoles confessionnelles.38 Même si la question scolaire souleva encore bien des protestations, la CDU majoritaire réussit à faire appliquer son programme. En Rhénanie-Palatinat, la séparation par confessions eut lieu en octobre 1949, les élèves ayant commencé leur scolarité avaient la possibilité sur demande des parents de rester dans leur établissement. Ce Land est le seul où la mesure ait été appliquée dans les deux types d'établissements (Pädagogien et Akademien). Dans le Wurtemberg, seules les écoles normales de premier cycle sont devenues confessionnelles, alors que dans le Pays de Bade toutes les écoles sont restées interconfessionnelles39, même si on pouvait relever que, pour l'année 1949–1950, celles de Meersburg et de Gengenbach avaient un personnel enseignant presque exclusivement de confession catholique.40 L’année 1949 marque donc l’échec définitif des tentatives françaises de réforme de l’enseignement dans la zone d’occupation en Allemagne et le retour à l’école confessionnelle, tant dans l’enseignement primaire et secondaire que dans 35 Avec de grandes variations régionales : Coblence 65 %, Trèves 82,8 % (districts de tradition confessionnelle), Montabaur 55,5 %, Hesse rhénane 33 %, Palatinat 36,8 %. 36 Voir Defrance, La politique culturelle, p. 168–170, en ce qui concerne le Land rhéno-palatin. 37 A la fois par nécessité, n’ayant plus le pouvoir de s’y opposer, également par ce que le ministre des affaires étrangères, R. Schuman se prononça lors de son voyage dans la zone pour l’application des réformes scolaires prévues par la constitution de Rhénanie-Palatinat et pour la confessionnalisation des écoles. 38 Note du Commissariat pour le Land de Palatinat, datée de décembre 1949, sur la « confessionnalisation des écoles du Palatinat », AOFAA, AC 198. 39 Rapport récapitulatif de l'activité du bureau des Ecoles Normales pour l'année 1949–1950, partie C : Modifications apportées à l'organisation des Ecoles Normales depuis l'entrée en vigueur du statut d'occupation, 15 pages, AOFAA, AC 87–7. 40 Situation des Ecoles Normales dans le Pays de Bade, début de l'année scolaire 1949–1950, Commissariat pour le Pays de Bade, note 8006/EDU du 14 octobre 1949, AOFAA, AC 169– 4. Cette note précise: « A Meersbourg sur 16 professeurs 14 sont catholiques, alors qu'à Gengenbech 2 seulement sur 13 sont protestants ».

Les écoles dans la zone d’occupation française (1945–1949)

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la formation des maîtres. La question scolaire n’en était pas pour autant résolue en Allemagne et elle connut encore des soubresauts dans les années 50. Si l’on a pu objecter à la politique scolaire française d’avoir voulu imposer le modèle français d’enseignement en Allemagne, en faisant le choix de favoriser l’école simultanée chrétienne, il est un aspect fondamental du modèle français qu’elle n’a pas tenté d’exporter : la laïcité.

LES EGLISES PROTESTANTES DE RDA ET LE 17 JUIN 1953 Frédéric Hartweg Au début des années 1950 la situation politique et économique en RDA devint de plus en plus restrictive, dureté que les membres des Eglises ressentaient également. Le but de cette contribution est de décrire et d’analyser la situation de l’Eglise protestante dans la zone d’occupation soviétique et en RDA entre 1945 et 1953. Le gouvernement tentait de manipuler, d’infiltrer et d’intimider les Eglises. D’un côté, il existait des propositions officielles de coopération, et d’un autre côté, les dirigeants politiques avaient pour objectif de bannir la présence ecclésiastique de l’espace publique. L’état discréditait surtout les jeunes chrétiens regroupés au sein de la « Jeune communauté » et dans les paroisses universitaires, parce qu’ils menaçaient la situation de monopole de la FDJ (« Jeunesse libre allemande » organisation de masse pour les jeunes en RDA). En outre, l’auteur étudie les événements et les décisions politiques de cette époque, qui aboutirent aux émeutes du 17 juin 1953 : leurs effets sur l’Eglise et ses membres, et la position que l’Eglise adopta face à ces événements. Die zunehmend restriktive Atmosphäre in der DDR Anfang der 1950er Jahre bekamen auch die Mitglieder der Kirchen zu spüren. Der vorliegende Artikel beschreibt und analysiert die Situation der Kirche in der sowjetisch besetzten Zone und der DDR zwischen 1945 und 1953. Die Regierung versuchte, die Kirchen zu manipulieren, zu infiltrieren und einzuschüchtern. Gab es einerseits öffentliche Angebote der Kooperation, so liefen parallel parteiinterne Bestrebungen der SED, die Kirche aus dem öffentlichen Raum zu verdrängen. Besonders angegriffen wurden die „Junge Gemeinde“ und die „Evangelische Studentengemeinde“, auch weil sie die Monopolstellung der FDJ als Jugendorganisation in Frage stellten. Des Weiteren betrachtet der Autor die Ereignisse und politischen Beschlüsse, die im Volksaufstand vom 17. Juni 1953 kulminieren: ihre Auswirkung auf die Kirchen, die Auswirkungen auf einzelne Mitglieder sowie die Standpunkte, die die Kirchen in diesem Prozess einnahmen.

Après avoir brossé à grands traits une évolution complexe comportant plusieurs césures idéologiques et institutionnelles entre 1945 et 1953 je concentrerai mon propos sur le 17 juin 1953, non sans avoir donné quelques indications générales sur la situation de l’Eglise protestante – terme utilisé pour désigner les Eglises territoriales regroupées au sein de l’Eglise évangélique en Allemagne (EKD) – en Allemagne de l’est. Dans ces terres qui constituent le berceau historique de la Réforme, avec les hauts lieux de mémoire que sont Wittenberg, Erfurt, Eisleben, la Wartburg, Eisenach et Leipzig pour associer J. S. Bach à Luther, le recensement de 1950 fait apparaître 81,3 % de la population déclarant son appartenance à l’Eglise protestante. En raison de son importance quantitative, mais aussi du fait de sa volonté affichée d’être présente dans l’espace public, l’Eglise protestante va supporter l’essentiel de l’affrontement avec le SED et le régime de la RDA. Pour

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appréhender le phénomène dans la relative longue durée, et pour éviter une analyse monocausale, il convient de relever que ces régions d’Allemagne ont connu dès avant 1914 un fort recul de la pratique religieuse. Si les Eglises étaient, certes, sorties en 1918 de l’ère constantinienne, la séparation ‹ boiteuse › de la Constitution de Weimar leur maintenait cependant de fortes positions publiques. En contribuant à l’affaiblissement des bases culturelles et institutionnelles du protestantisme – en particulier du vecteur de transmission qu’est l’enseignement religieux scolaire et des structures associatives de jeunesse – le IIIe Reich a diminué les capacités de résistance des Eglises protestantes contaminées par ailleurs par les positions des Chrétiens allemands. C’est donc avec des positions passablement affaiblies que l’Eglise abordait, en Allemagne de l’est, la période de l’aprèsguerre. La vulgate marxiste, encore véhiculée en 1989 dans le volume 9 dirigé par Rolf Badstübner de la Deutsche Geschichte, préconisait une alternative simple pour la population allemande en 1945, qui, « une fois la perte de la foi en le Führer consommée, se répartissait en deux camps, les uns se tournant vers la vision du monde rationaliste du mouvement ouvrier ou les forces de progrès bourgeoises issues de l’Aufklärung, tandis que les autres, nécessitant une foi nouvelle, acceptaient volontiers l’offre de l’Eglise. » 1 En l’absence d’un modèle soviétique transposable, il fallait très largement improviser, tout en se situant dans la continuité d’une idéologie et d’une pratique du Parti communiste allemand d’avant 1933, athée et anticlérical virulent. Malgré l’incompréhension et l’ignorance manifestes et souvent réciproques de deux cultures religieuses aussi différentes que l’orthodoxie russe et le luthéranisme allemand qui procédaient, par-delà les différences théologiques et ecclésiologiques, de deux conceptions peu compatibles du rôle de l’Eglise dans l’espace public, malgré le fondement athée de la puissance occupante qui n’avait mis ses campagnes de propagande et ses persécutions antichrétiennes en veilleuse que pour la brève période de l’union sacrée de « la grande guerre patriotique », le choc fut moins rude qu’escompté. En l’absence d’interlocuteurs communistes ou antifascistes avérés, les représentants de l’administration militaire soviétique SMAD s’adressaient à des gens d’Eglise sur le terrain, considérant que celle-ci avait été dans son ensemble moins contaminée que les élites par l’idéologie nationalsocialiste. Ceux-ci se voyaient promus au rang de médiateurs et d’intercesseurs pour une population privée de la possibilité de s’articuler librement dans l’espace public, l’institution ecclésiale étant elle-même perçue comme un facteur d’ordre. Des pasteurs ou des prêtres furent ainsi nommés dans des fonctions de liaison dans l’administration municipale, souvent avec un rôle d’alibi et de paravent de la gestion du pouvoir réel par le PC puis le SED. Si c’est l’arbitraire qui déterminait souvent le comportement soviétique, dans de nombreux cas cependant, ce fut l’occupant qui tempéra parfois les initiatives de militants communistes zélés contre des chrétiens et les Eglises, en constituant une sorte d’instance d’appel. La période correspondant au statut de Zone d’occupation soviétique (ZOS) de 1945 à 1949 voit la mise en place de conditions d’existence modifiées pour 1 Badstübner, Rolf, Deutsche Geschichte, Berlin (Est), 1989, p. 49.

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l’Eglise protestante tandis que celle-ci conserve assez largement sa structure et sa mentalité multitudinistes, étant donné le nombre relativement faible des sorties d’Eglise. Ainsi confortée dans un statut, pourtant entamée par l’élimination de l’enseignement religieux du système scolaire, elle est peu portée à remettre en question son mode de fonctionnement. Elle est fortement tentée par une stratégie d’hibernation, comptant sur une durée réduite d’existence de la ZOS puis de la RDA. Le renouvellement des structures de direction des Eglises territoriales est rapide, effectué sur le mode de l’auto-épuration sans trop de frictions, mais les structures de direction synodales du modèle des Conseils fraternels de l’Eglise confessante ne parviennent à s’imposer nulle part. Le travail diaconal connaît une grande ampleur dans des territoires accueillant 24,2 % d’expulsés et de réfugiés (18 % en zone US, 13 % en zone britannique et 3 % en zone française !). L’attitude du SED face aux Eglises et aux religions est dictée par des considérations de principe, ceux du matérialisme historique et des patrimoines athées et anticléricaux des communismes allemand et soviétique. Ce principe est disputé à des conduites simplement tactiques, guidées par la volonté d’éviter des heurts susceptibles de nuire au maintien d’une façade de tolérance démocratique. Ceci conduit à des alternances ou des chevauchements chronologiques qui varient également en fonction du niveau d’opération, qui font apparaître des tentatives d’intégration, de manipulation, d’infiltration par « entrisme », d’intimidation, d’offres publiques de coopération, de mesures de confrontation radicale. Dans le secret des délibérations des organes dirigeants du SED, il y avait la volonté de parvenir, à terme, à la liquidation de la présence ecclésiale dans l’espace public. Ces divers procédés tactiques et stratégiques se retrouvent dans un ensemble de textes publiés ou à usage interne2, où l’on relève le double langage, particulièrement manifeste dans les échanges avec Arthur Rackwitz, « socialiste religieux » entré au SED avec quelques pasteurs via le SPD.3 Dans son manifeste de fondation le SED proclame en 1946 sa volonté de tolérance à l’égard des communautés religieuses, attitude dictée par le fait que deux tiers de ses membres ont encore des attaches religieuses, même ténues. La chance d’un dialogue authentique que présentait la présence des « socialistes religieux » ne fut pas saisie. Ils furent d’abord instrumentalisés puis rapidement marginalisés. Le SED ne prêta pas plus attention à la Déclaration des Conseils fraternels de l’Eglise confessante de Darmstadt de 1947 qui, contrairement à celle de solidarité dans la culpabilité de Stuttgart de 1945, amorçait une analyse politique prenant en compte l’histoire du mouvement ouvrier, l’avertissement du marxisme et l’alliance des Eglises avec les possédants et les pouvoirs établis. Le langage utilisé au sein du SED témoigne 2

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Hartweg, Frédéric (sous la dir. de), SED und Kirche. Eine Dokumentation ihrer Beziehungen, t. 1, 1946–1967, Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1995 ; voir également : Seidel, Johannes J., « Neubeginn » in der Kirche ? Die evangelischen Landes- und Provinzialkirchen in der SBZ/DDR im gesellschaftspolitischen Kontext der Nachkriegszeit (1945–1953), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989 ; Seidel, Johannes J., Aus den Trümmern 1945. Personeller Wiederaufbau und Entnazifizierung in der evangelischen Kirche der SBZ Deutschlands, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1996. Hartweg, SED und Kirche, p. XXIII et suiv.

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d’une grande inculture religieuse, de l’incompréhension manifeste du phénomène ecclésial non assimilable ou réductible à un parti ou à un syndicat, d’un mélange « d’arrogance et d’ignorance ».4 C’est ainsi qu’un catalogue de mesures du 6 avril 1949 préconisait la nécessité d’endiguer l’influence des « Eglises et des sectes » sur les femmes, les jeunes et les réfugiés et expulsés (Umsiedler), considérés sans doute comme particulièrement influençables. Considérant, non sans raisons, que la CDU constituait une concurrence non négligeable dans la population, conservant des attaches ecclésiales fortes et se référant à l’éthique chrétienne, le SED répondit à un article de J. Kaiser dans Die Neue Zeit du 11 août 1946. Dans son texte SED und Christentum du 27 août 1946 il rejetait la prétention de la CDU de se poser en sauveur de l’Eglise ainsi que toute confrontation entre marxisme et christianisme. Il situait l’antagonisme et le rejet de l’Eglise, qui ne visait pas la foi chrétienne elle-même, par le mouvement ouvrier dans la perspective historique d’une Eglise, instrument d’oppression. Avec une proportion élevée de femmes (40 %) et avec 95 % de ses membres sans attache partisane avant 1933, la CDU représentait, avec son mot d’ordre d’un socialisme procédant de la responsabilité chrétienne, une innovation considérable dans le paysage partisan. Elle opposait la coopération à la lutte des classes du marxisme, voyant en celui-ci une forme historique du socialisme parmi d’autres et sans position de monopole. Considérant le christianisme comme moteur de progrès, la CDU se voyait en septembre 1947 comme un brise-lame du marxisme dogmatique et des tendances totalitaires.5 La volonté du SED de dépasser la séparation ‹ boiteuse › de 1919 et d’obtenir une séparation radicale de l’Eglise et de l’Etat inspire les textes du projet provisoire de constitution d’une future RDA, présentés par ce parti le 14 novembre 1946, et des constitutions des Länder, en matière de liberté religieuse et de conscience et dans le domaine de l’enseignement religieux. L’article 135 du projet de 1946 ajoute un § 2 au texte de la Constitution de Weimar qui interdit aux Eglises d’abuser de leur position au nom de la foi6, ces dispositions étant reprises avec des variantes dans des constitutions des Länder.7 L’article 38 contient des dispositions sur la sortie d’Eglise, autre entorse à la séparation, et l’article 39 fixe la majorité religieuse à 14 ans. Le texte de la constitution de la RDA de 1949, qui reprend très largement les dispositions du projet de 1946, reconnaît expressément le droit des Eglises à des prises de position publiques, non sans avoir stipulé l’interdiction de tout abus (Art. 41.2). La période 1945–1953 révèle, si l’on cherche à qualifier par ressemblance cet avatar des relations conflictuelles entre Eglise et Etat, un mélange d’aspects du

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Gespräch zwischen dem ehemaligen DDR-Kulturminister und Staatssekretär für Kirchenfragen, Klaus Gysi, und Oberkirchenrätin Christa Lewek am 24. April 1990, dans Kirchliche Zeitgeschichte (KZG) 3, 1990/2, p. 440–468, p. 465 et suiv. Richter, Michael, Die Ost-CDU 1948–1952. Zwischen Widerstand und Gleichschaltung, Düsseldorf, Droste, 1991 ; Wirth, Günther, Die Beteiligung der CDU an der Umgestaltung der DDR in den fünfziger Jahren, dans KZG 3 (1990), p.125–151. « Der Mißbrauch der Kirche oder des Glaubens für politische Zwecke ist verboten. » Hartweg, SED und Kirche, p. VIII et suiv.

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Kulturkampf de Bismarck et du Kirchenkampf du IIIe Reich.8 Faisant allusion au poids dominant des Eglises de l’ouest au sein de l’EKD, le SED et la police politique (Stasi) ont essayé de reprendre l’argument polémique contre l’ultramontanisme pour stigmatiser des Eglises dirigées de l’extérieur, en l’occurrence de l’Ouest. C’est pourtant à Eisenach que l’EKD avait, en juillet 1948, adopté ses statuts, acte fondateur à haute charge symbolique. Elle avait, pour éviter de nourrir une tentation irrédentiste, situé son action en Allemagne en fonction des personnes y résidant et non par rapport à des territoires historiques. La lettre pastorale de l’évêque de Berlin Otto Dibelius à la Pentecôte 1949 qui stigmatisait certains comportements du SED et de la police politique, comme semblables selon lui à celles qui avaient suscité la résistance des Eglises sous le IIIe Reich, constitue plutôt une exception dans la mesure où Eglise et SED tentent surtout d’éviter une confrontation ouverte trop bruyante. Dans le processus de distanciation de l’Eglise, et sans entrer dans un débat plus général qui peut être ancré dans des termes comme « sécularisation, modernisation, séparation radicale Eglise/Etat, laïcisme, désenchantement du monde, perte de la transcendance, déchristianisation, non transmission, etc. », les années 1949– 1953 constituent un seuil pertinent. Il est difficile, voire impossible de procéder à une hiérarchisation des causes de cette désaffection dont l’asymétrie avec la situation en Allemagne de l’ouest est évidente. Afin d’éviter la tentation d’explications monocausales, téléologiques ou privilégiant trop exclusivement certains phénomènes par rapport à d’autres, nous avons souligné la base historique du recul précoce de la pratique religieuse dans cette partie de l’Allemagne centrale. Pour la période d’après 1945 il convient de relever l’impact considérable du départ largement forcé des couches sociales qui constituaient l’assise sociologique principale des Eglises et les piliers de la vie ecclésiale. Il y a ainsi la catégorie, numériquement faible certes, mais longtemps sociétalement déterminante, les hobereaux qui, à travers l’institution du patronat, transposition à l’échelle locale du principe du summus episcopus, ont exercé une influence séculaire et profonde sur la population rurale jusqu’en 1918. Expropriés dans le cadre de la réforme agraire, ils ont de plus été sommés de quitter leur arrondissement de résidence pour éliminer cette influence. Or, contrairement aux clichés de la vulgate marxiste qui les intégrait globalement dans le pacte liant les castes militaire, industrielle et latifundiaire comme vecteurs du nazisme, ils avaient dans leur ensemble davantage résisté aux sirènes fascistes et fait preuve d’une plus grande lucidité à leur égard que les classes moyennes. Nombre d’entre eux se sont engagés dans les rangs de l’Eglise confessante, dans les cercles de l’opposition à Hitler, et la liste des victimes de la répression après l’attentat du 20 juillet 1944 est éloquente à ce sujet. Plus grand est le nombre de paysans qui quittent leur exploitation et la 8

Stappenbeck, Christian, Kulturkampf oder Liquidierungsfeldzug. Überlegungen zur historischen Bewertung antikirchlicher Pressionen in der frühen DDR, dans Dritter Weg 3, 4 décembre 1993, p. 105–111; Stappenbeck, Christian, Öffentlichkeitsanspruch und Wächteramt der evangelischen Kirche beim staatlichen Beginn der DDR, dans Scherstjanoi, Elke (sous la dir. de), Provisorium für längstens ein Jahr, Berlin, Akademie-Verlag, 1993, p. 353– 362.

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RDA. Avant même le début de la collectivisation ils sont victimes de la « lutte des classes à la campagne », propagée par le SED contre les prétendus « koulaks », caractérisée par un harcèlement incessant, par des discriminations, par des procès spectacles et par des condamnations iniques pour sabotage. S’y ajoutent les départs des patrons de petites et moyennes entreprises, de l’artisanat et du commerce, touchés par la socialisation ou des interdictions professionnelles. Victimes de discrimination dans l’enseignement secondaire et supérieur, les enfants de ces catégories sociales quittent également le territoire de la ZOS/RDA, tout comme ceux qui entendent valoriser une formation professionnelle à l’époque encore tout à fait compétitive dans une RFA engagée dans le cycle de croissance du miracle économique. Cette mobilité, largement opérée sous la contrainte, provoque une hémorragie considérable qui concerne non seulement ceux qui constituaient les effectifs traditionnels des Eglises, mais aussi ceux qui sont habités par l’énergie et le dynamisme nécessaires pour s’extraire d’un enracinement, avant de se lancer, à l’ouest, dans l’entreprise d’édification d’une nouvelle existence, et qui d’une certaine manière feront défaut à une Eglise, soumise d’abord à l’affrontement ouvert, puis à une tactique d’érosion plus lente. La politique du régime – le comportement de ses composantes et ses organes – n’est pas exempte de discontinuité, elle fait preuve à la fois de dogmatisme rigide, de pragmatisme et d’opportunisme. Mais l’objectif final reste, avec des variations quant à la durée du processus, l’extinction de la religion considérée comme fondamentalement incompatible avec une société communiste. Pour le SED les Eglises constituent des vestiges de l’ordre ancien et la foi religieuse une manière de déficit intellectuel auquel il convient de remédier à la lumière du matérialisme historique, d’où l’utilisation de formules dépréciatives comme « noch Christen » ou « prétendus pasteurs ». En dehors des périodes d’offensive frontale le régime procède par un harcèlement constant, en portant son atteinte par des saisies, des confiscations arbitraires, des menaces de municipalisation d’œuvres caritatives et diaconales, des entraves au fonctionnement des institutions, par des campagnes de diffamation et de calomnies.9 C’est ainsi qu’est exigé 9

Sur les rapporte Eglise-Etat, voir : Besier, Gerhard, Der SED-Staat und die Kirche. Der Weg in die Anpassung, München, Bertelsmann, 1993 ; Mau, Rudolf, Der Protestantismus im Osten Deutschlands (1945–1990), Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2005 ; Maser, Peter., Glauben im Sozialismus. Kirchen und Religionsgemeinschaften in der DDR, Berlin (Ouest), Holzapfel, 1989 ; Nitsche, Helmut, Zwischen Kreuz und Sowjetstern. Zeugnisse des Kirchenkampfes in der DDR (1945–1981), Aschaffenburg, Pattloch, 1983 ; Nowak, Kurt, Christentum in politischer Verantwortung. Zum Protestantismus in der sowjetischen Besatzungszone (1945–1949), dans Kaiser, Jochen-Christoph ; Doering-Manteuffel, Anselm (sous la dir. de), Christentum und politische Verantwortung. Kirchen im Nachkriegsdeutschland, Stuttgart, Kohlhammer, 1990, p. 42–62 ; Onnasch, Martin, Die Situation der Kirchen in der sowjetischen Besatzungszone 1945–1949, dans KZG 2 (1989), p.210–220 ; Onnasch, Martin, Konflikte und Kompromiß. Die Haltung der evangelischen Kirchen zu den gesellschaftlichen Veränderungen in der DDR am Anfang der fünfziger Jahre, dans KZG 3 (1990), p. 152–165 ; Heidtmann, Günter (sous la dir. de), Hat die Kirche geschwiegen ? Das öffentliche Wort der Evangelischen Kirche aus den Jahren 1945–1957, Berlin (Ouest), Lettner, 1958 ; Heidtmann, Günter, Kirche im Kampf der Zeit, Berlin (Ouest), Lettner, 1954 ; Fenzel, I., Zu einigen As-

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en 1950 le déplacement de la direction de l’Eglise de Berlin-Brandebourg de Berlin (ouest) à Brandenburg/Havel. Au centre des attaques du régime, et avec une continuité évidente, se trouve le statut des jeunes chrétiens regroupé dans la « Jeune communauté » (Junge Gemeinde, JG) et dans les paroisses universitaires (Evangelische Studentengemeinde ESG) au sujet desquels s’exacerbent les antagonismes. Pour le régime, il s’agit d’organismes qui par leur offre d’activités attrayantes mettent en péril le monopole voulu par lui de la Freie Deutsche Jugend (FDJ), pluraliste au départ, mais devenue de plus en plus courroie de transmission du parti dans la jeunesse. L’Eglise a, quant à elle, toujours réaffirmé avec force que la JG était non pas une organisation autonome mais une manifestation de la vie ecclésiale à l’intention des jeunes dans les paroisses et que l’ESG représentait un service pastoral dans l’enseignement supérieur. Les attaches organisationnelles de la JG avec la Jugendkammer de Berlin-ouest et le Bundesjugendring servent de prétexte aux attaques virulentes qui culminent dans l’accusation d’être une « organisation de camouflage, de sabotage, d’espionnage, belliciste au service de l’impérialisme US et de ses suppôts ouest-allemands », prononcée par l’organe de la FDJ Junge Welt.10 Après diverses escarmouches, comme celle de l’annonce dans une lettre pastorale de l’évêque L. Müller (Kirchenprovinz Sachsen) d’une rencontre des dirigeants d’Eglise avec le Ministre-président Grotewohl, afin d’explorer les voies d’un modus vivendi (28 avril 1950), les tensions ne s’atténuaient guère. Ceci révélait également le Kirchentag de Berlin de 1951 avec ses 300 000 participants venus de l’est et de l’ouest et dont le régime avait cependant permis l’organisation matérielle. C’est la décision du SED (juillet 1952), consécutive au rejet de la note de Staline proposant un traité de paix avec une Allemagne neutralisée, de procéder à une accélération de l’édification planifiée du socialisme et à l’accentuation de la lutte des classes, qui enclencha une offensive frontale et généralisée contre des Eglises, traitées d’agences de l’Ouest. La réduction unilatérale des subventions, la suspension de l’assistance à la collecte de l’impôt d’Eglise, les arrestapekten der Kirchenpolitik der KPD/SED im Verlauf der antifaschistisch-demokratischen Umwälzung in der SBZ in Deutschland, dans Beiträge zur Theorie und der Geschichte der Religion und des Atheismus, 4, Berlin (Est), 1989, p. 41–65 ; Baron, Udo, Die fünfte Kolonne ? Die evangelische Kirche in der DDR und der Aufbau des Sozialismus, dans Kowalczuk Ilko-Sascha (sous la dir. de), Der Tag X – 17. Juni 1953. Die « Innere Staatsgründung » der DDR als Ergebnis der Krise 1952/54, Berlin, Links, 1995, p. 311–334 ; Goerner, Martin G., Die Kirche als Problem der SED. Strukturen kommunistiescher Herrschaftsübung gegenüber der evangelischen Kirche 1945 bis 1958, Berlin, Akademie-Verlag, 1997. 10 Noack, A., Die evangelischen Studentengemeinden in der DDR. Ihr Weg in Kirche und Gesellschaft, Merseburg, 1984 (autographié) ; Wensierski, Peter, Evangelische Jugendarbeit in der DDR, dans Henkys, Reinhard (sous la dir. de), Die evangelischen Kirchen in der DDR, München, Kaiser, 1982, p. 243–283 ; Wentker, Hermann, « Kirchenkampf » in der DDR. Der Konflikt um die junge Gemeinde. 1950–1953, dans Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 42/1, janviér 1994, p. 95–127 ; ici p. 126 et suiv. ; Ueberschär, Ellen, Junge Gemeinde im Konflikt. Evangelische Jugendarbeit in SBZ und DDR 1945–1961, Stuttgart, Kohlhammer, 2003, p. 198.

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tions et détentions arbitraires et les mesures discriminatoires contre les jeunes chrétiens (JG, ESG) conduisirent les dirigeants d’Eglise, devant le refus de dialogue du gouvernement à s’adresser au général Tschujkow, directeur de la Commission de contrôle soviétique, pour mettre en garde contre un Kirchenkampf à grande échelle (14 avril 1953). Face aux graves conséquences des décisions de juillet 1952, les dirigeants soviétiques enjoignirent à la RDA, début juin 1953, d’opérer un spectaculaire changement de cours pour enrayer les suites des erreurs, dont celle de sous-estimer l’influence rémanente des Eglises. Ignorant ces faits la Conférence orientale des Eglises proposait le 4 juin 1953 une rencontre avec le gouvernement de RDA, proposition acceptée le 9 pour le lendemain 10 juin. La rencontre avec le Ministre-président Grotewohl conduisit celui-ci à retirer l’essentiel des mesures discriminatoires, notamment quant à la JG, à l’ESG et à l’enseignement religieux, afin de pacifier et de normaliser les relations Eglise/Etat. Le communiqué commun du 11 juin, reconnaissant les erreurs commises, entérinait ces résultats, ce dont se félicitaient les Eglises, l’EKD s’y associant dans la joie et l’espérance ! Les Eglises protestantes face au soulèvement11 Pour comprendre le rôle, l’attitude et les réactions des Eglises en amont des, pendant et après les événements du 17 juin, le décalage chronologique entre les décisions, leur diffusion et réception, et le niveau d’information des différents acteurs sont à prendre en compte. Ceci est le résultat de processus de décision dont le centre est d’abord Moscou, ensuite Berlin-est, et seulement en fin de chaîne les directions d’Eglise. S’y ajoute la volonté, pour un système édifié sur le mode conspiratif, de maintenir le secret comme élément de pouvoir et l’insuffisance patente des relais de diffusion dans un modèle de fonctionnement caractérisé par des cercles d’information fortement hiérarchisés et compartimentés. De plus, le caractère largement spontané du soulèvement, malgré la théorie du complot échafaudée par le régime, et la défaillance manifeste de la police politique s’ajoutent à un enchevêtrement qui masque les causes réelles et les conséquences et expliquent aussi que les Eglises satisfaites par les concessions du régime après une période de dures confrontations aient attribué à leur capacité de 11 La bibliographie sur le 17 juin 1953 est immense et ne peut être reproduite ici. Sans entrer dans le débat sur la nature et l’ampleur du soulèvement, contentons-nous de citer ici Hernann Weber. « Es war ein Aufstnad gegen die SED-Diktatur, vorrangig getragen von Industriearbeitern, die weitergehende Forderungen erhoben und dabei von breiten Bevölkerungsgruppen unterstützt wurden. Insofern war der Volksaufstand auch ein Arbeiteraufstand. » (cité par Eisenfeld, Bernd ; Kowalczuk, Ilko-S. ; Neubert, Erhart (sous la dir. de), Die verdrängte Revolution. Der Platz des 17. Juni 1953 in der deutschen Geschichte, Bremen, Temmen, 2004, p. 712) et Jürgen Kocka : « Wem war am Ende der 80er Jahre bewußt, daß der 17. Juni nicht nur ein relativ begrenzter Arbeiterprotest, sondern ein breiter Volksaufstand mit ökonomischen, sozialen und politischen Zielen war, der die Systemfrage stellte ? », voir Bilanz und Perspektiven der DDR-Forschung, dans Deutschland-Archiv, 5 (2003), p. 765. Sur les Eglises et le 17 juin voir : Tischner, Wolfgang, Die Kirchen im Umfeld des Volksaufstands vom 17. Juni 1953, dans Historisch-Politische Mitteilungen 7 (2000), p. 151–181 ; Engelbrecht, Sebastian, Die Kirche und der 17. Juni, dans Zeitzeichen 6/2003, p.11–13.

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résistance et à leur habileté négociatrice des résultats découlant en réalité d’une injonction de l’URSS. Cette surestimation de ses propres moyens et de la force de leur ancrage dans la population caractérise également la démarche des Eglises dans une confrontation d’une autre nature, celle déclenchée plus tard par la généralisation de la consécration de la jeunesse (Jugendweihe). A l’issue de la rencontre au sommet entre le gouvernement et les dirigeants d’Eglise du 10 juin ceux-ci exprimaient leur volonté d’œuvrer prioritairement, non dans l’intérêt d’organisations ecclésiales ou du régime, mais dans celui du peuple et de la responsabilité pour les hommes.12 Dibelius saluait le début d’une ère nouvelle dans les relations Eglise-Etat en assurant : « Es geht nicht um die Organisation der Kirche, sondern um die Menschen, für die wir glauben, auch eine Mitverantwortung zu haben. Ich bitte also, davon überzeugt zu sein, daß auch wir alle bereit sind, aus dem was gesagt ist, Folgerungen zu ziehen für die Sicherung des Friedens. »13 Ce faisant il réaffirmait la position d’une responsabilité de l’Eglise multitudiniste pour l’ensemble du peuple et reprenait en partie la langue des slogans du régime. Une appréciation globale, qui appelle cependant quelques nuances, permet d’affirmer que les directions d’Eglise, la majorité des pasteurs et des paroisses ne se sont pas solidarisées avec les manifestants, leur attitude balançant entre la passivité, la neutralité ou le loyalisme à l’égard des autorités. Il y eut certes – et les rapports destinés au ministère de l’Intérieur émanant des Bezirke ainsi que ceux de la police politique (Stasi)14 le signalent – nombre de membres de paroisses et aussi de pasteurs participant aux diverses formes de protestation, sans qu’il soit possible pour autant, d’y reconnaître globalement une motivation chrétienne ou qu’ils aient reçu un soutien ouvert de leur Eglise. Un rapport de hauts responsables soviétiques, bons connaisseurs de l’Allemagne de l’est pour y avoir exercé ou y ayant encore en 1953 des fonctions de tout premier plan, de W. Sokolowski, W. Semjonow et P. Judin, mentionne l’attitude loyaliste des Eglises protestantes (et catholique), respectueuses de l’accord du 10 juin, censé mettre un terme à la confrontation Eglise-régime, et évitant tout appel ou proclamation hostiles au gouvernement. Il ajoute cependant que des membres de la JG et quelques pasteurs particulièrement hostiles au système en place, constituent une exception à ce

12 O. Grotewohl justifiait la fin surprenante du « Kirchenkampf » dans les termes suivants : « Wir kämpfen in diesen Fragen nicht, weil wir nicht gegen unser Volk kämpfen wollen. […] Wir müssen mit unserem Volk weitergehen. Der unerträgliche Zustand muß beseitigt werden, nicht für die Kirche und nicht für uns, es muß verschwinden im Interesse unseres Volkes.», cité par Besier, Der SED-Staat und die Kirche, p. 125 et suiv. 13 Kirchliches Jahrbuch für die EKD ( KJb), Gütersloh, Mohn, 1953, p. 178. 14 Besier, Gerhard, Die Rolle des MfS bei der Durchsetzung der Kirchenpoltik der SED und Durchdringung der Kirchen mit geheimdienstlichen Mitteln, dans Deutscher Bundestag (sous la dir. de), Materialien der Enquete-Kommission « Aufarbeitung von Geschichte und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland », Baden-Baden, Nomos, 1995, p. 509–558 ; Besier, Gerhard ; Wolf, Stephan (sous la dir. de), « Pfarrer, Christen und Katholiken ». Das Ministerium für Staatssicherheit der ehemaligen DDR und die Kirchen, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1992.

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comportement.15 Le message lu en chaire lors des cultes du 21 juin, mentionné dans le rapport, relatif à l’accord du 10 juin, appelle à l’humilité et à l’obéissance due aux autorités, dans le but d’éviter des difficulés dans la mise en œuvre du nouveau cours du gouvernement. Dans son mémorandum pour le KGB le superintendant général de Berlin F. W. Krummacher, résumant la situation, confirme l’attitude d’une Eglise protestante attachée à tout mettre en œuvre pour atténuer les antagonismes, ses évêques et dirigeants faisant tout leur possible en faveur du calme et de l’ordre, afin de préserver, fidèles à l’objectif primordial de l’Eglise, les hommes de la discorde et du chaos.16 Il exprimait sa compréhension pour les revendications ouvrières et sa critique du gouvernement, qui de ce fait avait subi une perte d’autorité, le changement de cours était intervenu trop tard pour empêcher le soulèvement. Pour stabiliser la situation en RDA la force militaire était insuffisante à long terme. Il plaidait aussi pour un traitement judiciaire clément, l’indulgence et une compréhension plus profonde. C’est dans ce contexte qu’il convient également de replacer la position du plénipotentiaire de l’EKD auprès du gouvernement de RDA H. Grüber.17 Considérant que le soulèvement populaire constituait un événement négatif, puisque amplifié par les réactions occidentales, notamment dans les médias, il mettait en danger la relative détente obtenue dans les relations Eglise/Etat, difficilement obtenue par la diplomatie ecclésiale du dialogue.18 Cette analyse révèle une certaine proximité avec la propagande du régime accusant les médias occidentaux, et en particulier le RIAS de Berlin-ouest d’attiser le soulèvement. Dans son analyse rétrospective des événements du 17 juin Grüber estime qu’ils sont intervenus dans le plus mauvais contexte imaginable, constituant un revers pour l’Eglise et la population. La porte « entrebâillée » grâce à la stratégie ecclésiale venait d’être « brutalement enfoncée par d’autres. »19 Dans une lettre à M. Niemöller du 22 juin

15 Ostermann, Christian F. (sous la dir. de), Uprising in East Germany. The Cold War, the German Question, and the First Major Upheaval Behind the Iron Curtain, Budapest, Central Europe University Press, 2001, p. 274 et suiv. 16 Voir Greschat, Martin ; Kaiser, Jochen Chr. (sous la dir. de), Die Kirchen im Umfeld des 17. Juni 1953., Stuttgart, Kohlhammer, 2003, p. 240. 17 Des liens personnels entre Grüber et le vice-ministre-président et président de la CDU O. Nuschke auprès duquel était rattaché le département principal des relations du gouvernement avec les Eglises en 1950 avait conduit le bureau politique du SED à considérer celui-ci comme une tête de pont écclésiale au sein du gouvernement de la RDA. 18 Rink, Sigurd, Der Bevollmächtigte. Probst Grüber und die Regierung der DDR, Stuttgart, 1996, p. 195 ; Köhler, Günter (sous la dir. de), Pontifex, nicht Partisan. Kirche und Staat in der DDR von 1949 bis 1958. Dokumente aus der Arbeit des Bevollmächtigten des Rates der EKD bei der Regierung der DDR, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk, 1974 ; Grüber, Heinrich, Erinnerungen aus sieben Jahrzehnten, Köln, Kiepenheuer und Witsch, 1968. 19 Grüber, Erinnerungen, p. 343 et suiv: « Für die Kirche bedeuten diese Ereignisse einen Rückschlag, wahrscheinlich auch für die Bevölkerung der DDR […] Mir war auch klar, daß unsere Bemühungen um einen grundsätzlichen Ausgleich mit dem Staat jetzt als fehlgeschlagen gelten mußten. Wir hatten versucht, die Tür einen Spalt weit zu öffnen. Aber andere hatten sie brutal aufstoßen wollen ».

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il exprimait ses craintes quant à une aggravation de la situation, car selon lui, derrière l’apparent calme le feu continuait à couver.20 Les interventions en faveur des victimes de la répression après le 17 juin auprès du Haut commissaire Semjonow et du ministère de la justice, émanant des dirigeants d’Eglise21 contrastent avec la grande réserve observée pendant le soulèvement. Plaidant pour la réconciliation, la paix et l’humanité, pour un traitement juste et équitable pour les personnes incarcérées, elles témoignent d’une profonde compréhension pour les motivations des ouvriers, Dibelius allant même jusqu’à les assurer de son soutien moral dans ses sermons des 28 juin et 5 juillet 1953.22 Nous nous contenterons ici de quelques aperçus des réactions régionales dans les Eglises aux événements du 17 juin. Nous nous fondons sur l’analyse effectuée par A. Strübind23 et des rapports des informateurs dans les Bezirke au ministère de l’Intérieur, en privilégiant ce qui est signalé à propos de la JG à Güstrow. Un pasteur manifeste en compagnie de membres de la JG à Potsdam, deux pasteurs investissent un club de jeunes. Un autre demande que l’on accueille avec des fleurs les élèves exclus et que le 17 juin les cours soient interrompus pour permettre la participation aux manifestations. A Francfort-sur-l'Oder, des membres de la JG se seraient manifestés dans le cortège par des violences. En Thuringe, c’est le loyalisme de l’évêque M. Mitzenheim qui est souligné, et ce malgré l’incarcération de son frère Edgar, pasteur. Il tentera en vain d’obtenir des améliorations pour l’enseignement religieux, mais enjoignit aux pasteurs de s’engager pour le calme et l’ordre, qualifia le 17 juin de provocation fasciste et contribua grandement à la fin des désordres. Une exception est constituée par le superintendant Gerhard Stammler, désigné comme un adversaire déclaré de la RDA et de l’URSS et qui aurait conduit un cortège de manifestants et pris la parole pour annoncer le début d’une ère nouvelle. Il est condamné à un mois de prison avec sursis. En Saxe un appel des autorités ecclésiales est lancé le 19 juin pour demander aux chrétiens protestants de s’abstenir de toute manifestation et de s’engager pour le calme et l’ordre. Ayant constaté le grand nombre de manifestants portant l’insigne de la JG24, on ordonne à ses membres de ne pas le porter ostensiblement. Dans le Bezirk de Karl-Marx-Stadt des pasteurs interrogés se réclament du devoir de loyalisme fondé théologiquement à l’égard des autorités temporelles. Dans un constat d’ensemble le SED remarque la neutralité des directions d’Eglise et l’engagement de celles de Saxe et de Thuringe pour le maintien du calme, de l’ordre et de la sécurité publics. Les membres de la JG sont mentionnés comme 20 Rinck, Der Bevollmächtigte, p. 215. 21 KJb 1953, p. 182 ; Grüber, Erinnerungen, p. 344. Dans un appel à Semjonow non rendu public les dirigeants d’Eglise de la Conférence Est critiquent la vague d’arrestation, demandent un traitement clément et expriment leur profonde compréhension humaine pour les revendications ouvrières que des déclarations lénifiantes et des demi-mesures ne sauraient satisfaire. 22 Rink, Der Bevollmächtigte, p. 215 ; Tischner, Die Kirchen im Umfeld, p.178. 23 Strübind, Andrea, Die Religionsgemeinschaften und der Volksaufstand vom 17. Juni 1953, dans KZG 17 (1/2004), p. 63–99. 24 Il s’agit d’un petit globe terrestre surmonté d’une croix.

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fauteurs de troubles dans le Kreis Finsterwalde, à Bitterfeld, Halle, Leipzig, dans des écoles, où sont enlevés des portraits de Pieck et de Staline. Ceci contraste singulièrement avec la retenue dominant chez les pasteurs et les dirigeants d’Eglise, appelant au respect des accords du 10 juin. On constate un large éventail d’opinions, à la fois fruit et levier de la politique de « différenciation » du régime. Certains pasteurs reprennent le slogan de la propagande du SED (tentative de putsch fasciste), d’autres voient dans l’intervention soviétique la prévention d’une guerre civile ou même d’une guerre mondiale, d’autres encore interprètent le communiqué du 11 juin comme un signe de la faiblesse du système. Prudence et réserve, neutralité, volonté de non immixtion le disputent à la compréhension pour les manifestants et à l’intercession pour les victimes de la répression ou encore à l’indifférence. Certains pasteurs s’expriment en faveur d’une démocratie de type occidental, d’autres se réfèrent à Niemöller et à la coexistence nécessaire des deux systèmes. Dibelius, Mitzenheim et Grüber soutiennent des positions très divergentes. Ce dernier voit son projet d’un appel de l’Eglise de Berlin-Brandebourg aux quatre Hauts commissaires alliés en faveur de la fin de la guerre froide et d’une compréhension réciproque rejeté par les dirigeants d’Eglise le 24 juin. Dans son sermon du 26 juin à la Marienkirche de Berlin, il taxe le projet d’aide des USA à la population de RDA, qui serait distribuée par les Eglises, d’élément de leur guerre psychologique. Quelques semaines plus tard, il épouse pratiquement les thèses du régime sur les provocations occidentales comme déclencheurs du 17 juin et s’élève contre ceux qui dramatisent une détresse et des difficultés réelles pour proposer leur aide, afin de susciter le désordre et la discorde, et de ce fait provoquer de nouveaux malheurs.25 L’organe du SED Neues Deutschland publia des extraits de la prédication, et le 8 août Grüber en reprit pour Die Neue Zeit, organe de la CDU-est, les idées directrices. Les médias occidentaux s’en saisirent, ce qui conduisit Dibelius, sommé par Adenauer, de se prononcer sur cet épisode, à prendre ses distances vis à vis de Grüber. Le soulèvement du 17 avait pris les dirigeants d’Eglise de court, d’autant plus, qu’à la suite des 10 et 11 juin ils avaient appelé au calme. Conclusion La rencontre au sommet et le communiqué commun des 10 et 11 juin marquent à bien des égards, avec le soulèvement du 17 juin, une nouvelle césure dans les relations antagonistes Eglise/régime en RDA. L’accord qui veut œuvrer pour la pacification des esprits désamorce pour un temps un conflit ouvert, aggravé en 1952, et apporte à l’Eglise un soulagement après les traumatismes subis. En échange de concessions notables elle s’engage à s’abstenir « d’ingérences contraires à la Constitution dans la vie économique et politique du peuple ».26 Quand on connaît la faible pertinence juridique effective de la constitution de 1949, les interprétations à géométrie variable dont elle est l’objet, on mesure la portée de l’abandon implicite de l’article 41/2, déjà précédé de l’interdiction de tout abus, 25 Grüber, Erinnerungen, p. 349 et suiv. 26 KJb 1953, p. 95 et suiv.

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stipulant le droit des Eglises à des prises de position publiques sur les questions d’intérêt vital pour le peuple. L’Eglise renonce, au moins partiellement, à sa fonction de vigile pour l’ensemble de la population qu’elle exerçait dans les années 1949/51 lorsqu’elle s’exprimait sur le non respect des principes démocratique et les manipulations électorales. Elle accepte de fait de limiter son champ d’intervention à la vie ecclésiale puisque le régime reste maître de la définition de ce qui est contraire à la Constitution. Ceci est patent lorsque l’on compare les rencontres au sommet des 28 avril 1950 et 10 juin 1953. Cette auto-restriction, gage de neutralité, fut en 1953 le prix à payer pour la levée des mesures discriminatoires les plus manifestes. Conjuguée avec l’expérience existentielle de la puissance militaire soviétique comme facteur décisif, les jours de 10 et 11 juin instaurent une diplomatie du « dialogue », qui deviendra rapidement un pseudodialogue, qui privilégie la prudence de la conduite tactique et renonce à l’affrontement ouvert, contribuant de ce fait à la stabilisation du système. Avec l’hémorragie, croissante jusqu’en 1961, des forces vives de son socle sociologique, l’Eglise perdra progressivement sa capacité de résistance. En acceptant de fait que la question du détenteur du pouvoir était réglée, l’Eglise acceptera, au fur et à mesure, de passer d’une phase déterminée par des accords officiels publics à celle des arrangements informels souvent conditionnés par leur caractère secret. Les événements de juin 1953 marquent également le renforcement et la visibilité des lignes de partage au sein de l’Eglise, perceptibles notamment à travers la démarche de dirigeants comme Dibelius, M. Mitzenheim et Grüber. Le régime mettra à profit ces brisures comme levier de sa stratégie de différenciation. En définissant le 17 juin comme une protestation ouvrière, les dirigeants d’Eglise récusent, certes, la thèse du complot d’origine extérieure, mais la compréhension qu’ils témoignent pour les revendications et leurs demandes de clémence montrent bien qu’ils perçoivent le monde ouvrier comme un ensemble qui leur est largement extérieur, voire étranger. La solidarisation du pasteur Edgar Mitzenheim, frère de l’évêque de Thuringe, avec les paysans enrôlés dans la LPG et condamné à six ans de réclusion, reste un phénomène isolé. Ce faisant ils entérinent en quelque sorte une prise de distance par rapport à la dimension sociale globale des événements et confirment la perte de prise des Eglises sur le mouvement ouvrier, réformiste ou révolutionnaire, perceptible dès le XIXe siècle. Malgré la perte de substance analysée plus haut, l’Eglise persiste à surestimer ses forces réelles et la solidité de son enracinement dans la population. Elle maintient des modèles de comportement peu appropriés aux situations, dont les exemples patents sont l’analyse de la crise du 17 juin 1953 et le bras de fer qu’elle engagera avec le régime à l’occasion de l’introduction généralisée de la Jugendweihe. Cette occassion réduira son implantation, non pas tellement par désadhésion ou sortie d’Eglise, mais plutôt par érosion du fait de la non réadhésion volontaire par la confirmation, première forme de non transmission intergénérationnelle soumise à validation par l’Eglise. Elle perd ainsi un rite de passage ancestral au

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bénéfice du régime.27 La crise paroxystique du 17 juin 1953 et la reculade passagère d’un régime aux abois ressemblent fort à une victoire à la Pyrrhus pour l’Eglise. La césure que constituent ces événements ne réside pas tant dans l’attitude fondamentale du régime à l’égard de l’Eglise – ce que confirme la poursuite de l’activité de la police politique –, que dans l’expérience existentielle de toute une génération de citoyens de la RDA qui, les premiers dans le bloc soviétique, constateront l’inanité de leur volonté de changement face à la répression militaire soviétique. L’effet collatéral du 17 juin 1953 est un revirement tactique de la politique du régime à l’égard d’une Eglise qui, certes sevrée d’informations, procède à des analyses insuffisantes, et de l’action du régime et de ses propres évolutions internes. Elle a bien résisté à l’assaut frontal comme en témoignent le maintien et même l’augmentation des chiffres d’appartenance à la JG : 108 417 au 1 juin 52, 125 025 au 1 juin 1954. Elle n’a pas accepté, au grand dam du régime, d’être confinée dans les lieux de culte et elle a toujours revendiqué comme relevant de son ministère, la présence et l’activité dans la sphère publique. Avant et pendant la crise de mai–juin elle a manifesté la capacité de l’appareil ecclésial de réagir avec promptitude, car elle dispose à l’époque d’un accès relativement direct aux sphères dirigeantes de l’appareil d’Etat, malgré toutes les manœuvres dilatoires de celui-ci, via le plénipotentiaire Grüber et la CDU-est. Elle n’hésite pas à en faire usage, y compris de l’ultime recours aux autorités soviétiques. Le débat reste encore relativement public et se distingue donc nettement de la diplomatie secrète qui s’instaurera peu à peu par la suite, le régime posant même la confidentialité stricte comme condition sine qua non d’entretiens afin de régler des problèmes particuliers sans toucher aux principes généraux. C’est cette incontournable diplomatie secrète qui sera reprochée par la suite à M. Stolpe. Dans la crise qui précède le 17 juin l’Eglise semble cependant réduire sensiblement sa voilure dans l’affrontement et se positionne davantage sur un ensemble de problèmes, certes fondamentaux, mais moins sur les principes généraux de la démocratie. Dans leur argumentation et leur démarche les dirigeants d’Eglise se réfèrent volontiers à la légalité, alors que le régime a cessé depuis longtemps d’être un Etat de droit, préfigurant ainsi la stratégie de la fin des années 80 qui consistait à mesurer le « socialisme réellement existant » à l’aune de ses propres prétentions. En 1953, les différences dans la stratégie proposée par divers dirigeants d’Eglise sont cependant, à cette époque, plus le résultat de tempéraments et de biographies individuelles que le fruit de la politique de « différenciation », c’est-à-dire de division du régime. Le maintien du modèle organisationnel et comportemental de type multitudiniste, préféré au type confessant d’une partie de l’Eglise sous le IIIe Reich, bénéficie alors encore du toit commun de l’EKD, structure dont le fonctionnement est certes peu à peu entravé par le régime. Le constat du maintien inadéquat à la situation nouvelle du vêtement trop ample de la « conception constantinienne du christianisme », la mise en question radicale de celle-ci, y compris dans ses fondements théologiques, ne sera formulée qu’au 27 Voir Urban, Detlef ; Weinzen, Hans W., Jugend ohne Bekenntnis ? 30 Jahre Konfirmation und Jugendweihe im anderen Deutschland 1954–1984, Berlin (Ouest), Wichern, 1984.

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début de 1956 par Günter Jacob, Generalsuperintendent de Cottbus devant le synode de l’EKD à Berlin-Spandau et repris dans une émission du Süddeutscher Rundfunk le 30 novembre1968. Nous ajoutons ici le témoignage de H. Baumgärtel, étudiant en mathématiques à l’Université Humboldt, membre de la JG et de l’ESG, sommé de s’en détacher et menacé individuellement par le prorecteur Robert Havemann d’exclusion en cas contraire le 4 juin 1953 et infomé en groupe le 11 juin par le même, qu’avec le « nouveau cours » « tout était en ordre » et que rien ne s’opposait à la poursuite de ses études. Le témoignage de Hellmut Baumgärtel « Zur Kampagne der SED gegen die « Junge Gemeinde » (JG) und die « Evangelische Studentengemeinde » (ESG) an der Humboldt-Universität Berlin (HU) 1952/53. Persönliche Erinnerungen und nachträgliche Recherchen für die Zeit von Januar bis Juli 1953 von Hellmut Baumgärtel. 1934 geboren, bin ich in einem Dorf der Oberlausitz aufgewachsen, in einem christlichen Elternhaus in einfachen Verhältnissen. Der Besuch der Oberschule in Zittau ab 1948 war nur mit kommunaler Unterstützung möglich. Bereits in dieser Zeit hatte ich eine enge Bindung an die JG, vor allem im Heimatort. Der damalige Ortspfarrer Husar hatte während der Nazizeit im KZ Dachau gesessen und dort Propst Grüber kennengelernt. Diese Zeit hatte ihn sehr geprägt. Im September 1952 begann ich mit dem Studium der Mathematik an der HU und fand bald Anschluß an die ESG der HU. Studentenpfarrer war Eberhard Bethge. Von ihm erfuhren wir von Leben, Werk und Schicksal Bonhoeffers. 27. Januar 1953: Beschluß des Politbüros der SED über das konkrete Vorgehen gegen die JG (Tarnorganisation für Kriegshetze, Sabotage und Spionage). Unmittelbare Folge: Propagandaveranstaltungen gegen die ESG, auch schon erste Exmatrikulationen und Verhaftungen. – Hetzartikel (Extrablatt) der « Jungen Welt » im April 1953 (« Junge Gemeinde » – Tarnorganisation für Kriegshetze, Sabotage und Spionage im USA-Auftrag). April 1953: Veranstaltung der Math.-Nat.-Fakultät in einem großen Hörsaal (2038 im Hauptgebäude Unter den Linden 6), ca. 100 Anwesende. Zunächst: die üblichen Hetzreden gegen die ESG. Dann werden Namen genannt von Studenten, darunter auch meiner, mit der Aufforderung, jetzt Stellung zu nehmen und sich von der ESG zu distanzieren. Ich stehe auf und verweigere die Distanzierung mit dem Argument, die ESG und die JG seien keine Tarnorganisationen, sondern « Gemeinde in der Kirche ». 30. April 1953: Brief der Vertrauensstudenten der ESG der HU an die Regierung der DDR, Parteileitung der CDU, Zentralrat der FDJ, in dem gegen das Vorgehen gegen die ESG protestiert wird. – Es gab schon im 1. Studienjahr ein obligatorisches Studienfach « Gesellschaftswissenschaften » (Gewi) und am Ende des Studienjahres Prüfungen in diesem Fach. Diese Prüfungen wurden nun als weiteres Druckmittel gegen die ESG-Leute benutzt. – Eine allgemeine Einschätzung (aus einem Bericht des Reisesekretariats über die ESG der HU): « ... Zu Beginn der gesellschaftswissenschaftlichen Prüfungen werden etwa 1/3 der Stu-

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dentengemeindeglieder um Stellungnahmen gebeten und bei positiver Stellungnahme zur ESG nicht weiter geprüft. Das bedeutet nach Aussagen des Prorektors (für Studentenangelegenheiten) Havemann nachfolgend Exmatrikulation... » – In der Woche von Montag, 11. Mai bis Sonnabend 16. Mai fand meine GewiPrüfung als 1. Prüfung statt. Seit meiner JG-Zeit trug ich das christliche Abzeichen des « Kugelkreuzes ». D.h. ich trug es auch, als ich zur Gewi-Prüfung ging, denn ich hatte keinerlei Veranlassung, es ausgerechnet aus diesem Anlaß zu « verstecken ». Der Prüfer war Heinrich Saar. Gleich zu Beginn, ich hatte höchstens 3 Worte gesprochen, unterbrach mich Saar und nahm Anstoß am Kugelkreuz. Er verlangte von mir eine sofortige Distanzierung von der ESG der HU und auch von meiner Heimat-JG. Ich verweigere dies: das kommt für mich nicht in Frage, denn die Anschuldigungen sind falsch, die ESG ist keine « Organisation », sondern Gemeinde als Teil der Ev. Kirche (EK), schon gar keine Spionageorganisation und am allerwenigsten würde ich mich von meinen Mitchristen aus der JG zu Hause distanzieren. Daraufhin hat mich Saar von der Prüfung ausgeschlossen. Danach hatte ich Angst, ob wohl die nächsten Prüfungen überhaupt stattfinden würden. Am Dienstag, 19. Mai, war die Prüfung « Analytische Geometrie » bei Prof. Kaloujnine, der nicht auf den Ausschluß von der Gewi-Prüfung Bezug nahm. Nach dieser Prüfung bemühte ich mich um ein Gespräch mit Herrn Saar. Dieses Gespräch fand statt in der Zeit von Mittwoch 20. bis Sonnabend 23. Mai. In diesem Gespräch habe ich gesagt: Nur wenn jemand aus der ESG nachweislich « Kriegshetze oder Spionage etc. » betrieben hat, käme in einem solchen konkreten Fall eine Distanzierung von der Person in Frage. Keinesfalls eine Distanzierung von JG und ESG allgemein. Das Ergebnis war, daß ich sofort zur « Wiederholungsprüfung » bei ihm (Saar) antreten mußte, die mit « 3 » endete. –Ich konnte später (bei Durchsicht eines Dokuments « Aussprache zwischen Vertretern der FDJ, anwesend Honecker u.a., und der EK, Grüber u.a. ») feststellen, daß mein Argument in dem Gespräch mit Saar konform war mit Bemerkungen von Propst Grüber, der folgendes sagte: « ...Kirchliche Jugend legt keinen Wert auf Leute, die bei ihr unterkriechen. ... Wenn wirklich antidemokratische Elemente in der JG seien, dann solle man nicht auf die ganze JG schließen, das täte man auch nicht bei dem Rausschmiß von 2 Ministern von 22 und das seien dann 10 Prozent, während soviel für die JG nie infrage kämen. Er bittet um Aussprache, wo solche Fälle auftauchten und verbittet sich Information darüber in der Presse in agressiver Form... » Donnerstag, 28. Mai 1953: Senatsversammlung der HU. Ein Tagesordnungspunkt ist « JG ». Der « Sekretär der Hochschulgruppe der FDJ », Frl. Schönfelder, hält ein Hetzreferat gegen die ESG. Prof. Steiniger (Dekan der Juristischen Fakultät) hat eine Entschließung verfaßt, die zum Senatsbeschluß wird (mit einer Änderung, die Magnifizenz vorschlägt). Dieser Beschluß hängt mit einer « Feststellung » des Generalstaatsanwalts der DDR zusammen, daß die ESG und die JG « als Organisationen nicht registriert seien », also staatsfeindlich sind und das Problem auf juristischem Weg zu erledigen sei. Dadurch war die ESG staatlicherseits kriminalisiert. Der Senatsbeschluß bezog sich wohl darauf, diese Bewertung des Generalstaatsanwalts zu übernehmen und in der HU zu praktizieren, d.h. ein

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staatliches Verbot der ESG für den Bereich der HU auszusprechen. Der Theologe Elliger, der sich in der Diskussion gegen die Hetzrede von Frl. Schönfelder wandte und zu Bedenken gab, gegen die Feststellung des Generalstaatsanwalts sei Einspruch erhoben worden, wurde von Havemann und Steiniger scharf angegriffen. – Dieser Senatsbeschluß brachte eine nochmalige Verschärfung der Situation. Ich erhielt eine Vorladung zum Prorektor für Studentenangelegenheiten, Prof. R. Havemann, zu Donnerstag, 4. Juni 1953. Es war eine Einzelvorladung, jedoch waren noch etliche andere Leute aus der ESG zu ähnlicher Zeit vorgeladen. Kern der Vorladung war ein Ultimatum von Prof. Havemann: Entweder Distanzierung von der ESG oder Exmatrikulierung. Er gab eine Woche Bedenkzeit. Diese Vorladung ist für mich und viele andere ein schwerer Schlag gewesen. Wir fanden aber Rat und Hilfe bei Pfarrer Bethge in Eichkamp, den wir anschließend aufsuchten. Dienstag, 9. Juni 1953. Der Generalsuperintendent von Berlin Krummacher schreibt einen Brief an den Rektor der HU Neye. In diesem Brief nahm er Bezug auf die Vorladungen am 4. Juni, das Ultimatum, die eine Woche Bedenkzeit und den Senatsbeschluß, der nicht veröffentlicht und den Studenten nicht bekannt wäre. Zu diesem Zeitpunkt war (uns) nicht bekannt, daß seit Anfang Juni 1953 aufgrund einer « Weisung aus Moskau » eine Änderung der Politik der SED anstand, darunter « … Die Verfolgung einfacher Teilnehmer der Jungen Gemeinde ist einzustellen... » Mittwoch, 10. Juni 1953: Der « Neue Kurs » wird öffentlich verkündet. An diesem Tag findet ein Gespräch zwischen Vertretern des Ministerrats (u.a. Grotewohl) und Vertretern der EK statt. Von Grotewohl wird in Bezug auf die ESG zugesagt: « Alle im Zusammenhang mit der Zugehörigkeit zur ESG oder sonstigen Studentengemeinden ausgesprochene Exmatrikulationen sind sofort vom Staatssekretär für Hochschulwesen zu überprüfen und bis zum 20. Juni 53 zu entscheiden. » Donnerstag, 11. Juni 1953: An diesem Tag lief das Ultimatum von Havemann ab. Das erste, was wir vom « Neuen Kurs » merkten, war, daß es diesmal eine Sammelvorladung bei Havemann war, an der nach meiner Erinnerung ca 20–25 Leute versammelt waren. Havemann verkündete, wir wüßten ja vom Neuen Kurs, wir könnten alle weiterstudieren, es wäre alles in Ordnung. Von Bedauern über dieVerdächtigungen und das Ultimatum etc. war keine Rede. – In der ersten Zeit danach habe ich, und viele andere auch, gedacht, daß sich nun etwas verändern würde. Doch das war eine Illusion. Schon bald stellten sich die alten Verhältnisse wieder ein, es gab zwar keine groben Bedrohungen (wie Exmatrikulation etc.) mehr, aber es war insofern "« schlimmer », da man nun endgültig als « Schwarzes Schaf » identifiziert war. Die Partei vergaß nichts. Aber das merkte man erst viel später. H. Baumgärtel.»

„WENDE ZUR WELT“? DIE POLITISIERUNG DER RELIGION IN DER BUNDESREPUBLIK DEUTSCHLAND UM 1968 Pascal Eitler Als Symptome eines vehementen und rapiden Bedeutungsverlustes von Kirche und kirchengebundener Religion in Deutschland wurden die zunehmenden Kirchenaustritte und gesellschaftliche Entwicklungen wie ansteigende Scheidungszahlen in der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts gesehen. Der vorliegende Beitrag rekonstruiert dagegen die Diskurse der Zeit, um die Stellung der Kirche in der Gesellschaft kommunikationsgeschichtlich zu analysieren. Dabei werden zum einen die Politische Theologie und ihre zentralen Deutungsmuster, Leitbegriffe und Argumentationsweisen und daraus resultierende semantische Verschiebungen betrachtet. Zum anderen werden die historischen Bedingungen in den Blick genommen, unter denen die „Wende zur Welt“ der Kirche zu einem gesellschaftlich relevanten Thema wurde. Die Präsenz des Themas in der damaligen Presse wird zu einem Beleg für die gesellschaftliche Relevanz von Kirche und Religion um 1968. Dans la deuxième moitié du XXe siècle des tendances sociales en Allemagne, comme la diminution du nombre de pratiquants ou le nombre croissant de divorces, sont interprétées comme des symptômes d’une rapide et forte perte d’importance de l’Eglise et de la religion en tant qu’institution. L’essai ci-dessous relate les débats de l’époque et analyse la position de l’Eglise dans la société, au regard de ses discours. D’une part, l’auteur observe la théologie politique et ses concepts, ses modèles centraux d’interprétation et sa manière d’argumenter, et les déplacements sémantiques qui en résultent. D’autre part il étudie les conditions historiques dans lesquelles « Die Wende zur Welt », le « tournant vers le monde » de l’Eglise est devenu un sujet majeur du discours social. La présence de ce sujet dans la presse de l’époque devient une preuve de l’importance sociale de l’Eglise et de la religion à la fin des années soixante.

„Mitten in dieser Welt“ − so das Motto des ebenso berühmten wie berüchtigten Essener Katholikentages von 1968. Sich der Welt, sich dieser Welt zuzuwenden, war das erklärte Ziel der Kirche − nicht nur der katholischen, sondern auch der evangelischen − in den 60er und 70er Jahren, sowohl von inoffizieller als auch von offizieller Seite. In eben dieser Welt, so die herrschende Meinung, drohte die Kirche ihren überlieferten und hervorgehobenen Platz zu verlieren. Ein thesenfreudiger Kommentar zum Essener Katholikentag im „Monat“ bringt die zeitgenössische Wahrnehmung auf den Punkt: „Kein Zweifel, diese Kirche befindet sich

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in einer Krise“.1 Allerorten wurde diese Krise der Kirche um 1968 konstatiert und diskutiert. Die traditionelle Gegenüberstellung von Kirche und Welt indes wurde in diesem Zusammenhang sowohl verstetigt als auch verschoben. Die historische Forschung hat sich mit dieser semantischen Grenzverschiebung zwischen Kirche und Welt und der öffentlichen Debatte um sie bislang kaum auseinandergesetzt − weder die Kirchengeschichte noch die Zeitgeschichte. Kirchengeschichte und Religionsgeschichte − jenseits der Säkularisierungsthese Die Kirchengeschichte, vor allem die kirchliche Zeitgeschichte zur zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts, erweist sich in dieser Hinsicht nicht selten als methodisch veraltet. Sie hat zahlreiche Entwicklungen auf dem Gebiet der Sozial- und Kulturwissenschaften häufig nicht oder nur unzureichend aufgenommen.2 Von einer Religionsgeschichte, die Anschluss an die jüngeren Perspektivenwechsel findet, kann daher in dreifacher Hinsicht erst ansatzweise die Rede sein. Immer noch konzentriert sich das gros der Forschung − erstens − auf ideengeschichtliche oder aber − zweitens − auf institutionengeschichtliche Fragen, nicht selten in hagiografischer Form. Die Kirchengeschichte zum 20. Jahrhundert, vor allem zur Geschichte der Nachkriegszeit, unterscheidet sich in dieser Hinsicht zwar mehr und mehr von der Forschung zum 19. Jahrhundert. Zahlreiche Arbeiten haben hier − in Fortführung der Untersuchungen von Thomas Nipperdey und anderen3 − Anschluss gefunden an sozial- und kulturgeschichtliche, geschlechter- und körpergeschichtliche Problemstellungen.4 Indes: Auch im Fall der Forschung zum 19. Jahrhundert betreiben die weitaus meisten Studien noch immer − drittens − Konfessionsgeschichte und noch zu selten Religionsgeschichte im Sinne einer transkonfessionellen shared history, wie sie seit geraumer Zeit Wolfgang Schieder und inzwischen vor allem Friedrich Wilhelm Graf einfordert.5 1 2

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Heigert, Hans, Die „Sünde“ von Essen. Katholische Kirche zwischen Freiheit und Autorität, in: Monat 244 (1969), S. 16–28, S. 17. Zu diesem Befund auch: Graf, Friedrich Wilhelm, Die Wiederkehr der Götter. Religion in der modernen Kultur, München 2004, S. 15–67; Altermatt, Urs; Metzger, Franziska, Religion und Kultur − zeitgeschichtliche Perspektiven, in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte 98 (2004), S. 158–208. Vgl. insbesondere Nipperdey, Thomas, Religion im Umbruch. Deutschland 1870–1918, München 1988; Altermatt, Urs, Katholizismus und Moderne. Zur Sozial- und Mentalitätsgeschichte der Schweizer Katholiken im 19. und 20. Jahrhundert, Zürich 1989; Hölscher, Lucian, Weltgericht oder Revolution. Protestantische und sozialistische Zukunftsvorstellungen im deutschen Kaiserreich, Stuttgart 1989; Blackbourn, David, Marpingen. Apparitions of the Virgin Mary in Bismarckian Germany, Oxford 1993. Vgl. unlängst Geyer, Michael; Hölscher, Lucian (Hg.), Die Gegenwart Gottes in der modernen Gesellschaft. Transzendenz und religiöse Vergemeinschaftung in Deutschland, Göttingen 2006; Freytag, Nils; Sawicki, Diethard (Hg.), Wunderwelten. Religiöse Extase und Magie in der Moderne, Paderborn 2006. Demnächst erscheint Pernau, Margrit; Juneja, Monica (Hg.), Religion und Grenzen. Studien auf dem Weg zu einer transnationalen Historiographie. Vgl. Schieder, Wolfgang, Sozialgeschichte der Religion im 19. Jahrhundert. Bemerkungen zur Forschungslage, in: ders. (Hg.), Religion und Gesellschaft im 19. Jahrhundert, Stuttgart 1993, S. 11–28, S. 11; Graf, Wiederkehr, S. 30–50.

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Nach wie vor und trotz stetig wachsender Kritik ist es die Säkularisierungsthese, die in diesem Zusammenhang insbesondere die Auseinandersetzung mit der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts prägt und den Krisendiskurs um 1968 perpetuiert. Die 60er und 70er Jahre geraten erst seit kurzem6 in den Fokus der historischen Forschung, weil man lange wie selbstverständlich davon ausging, dass die beiden großen Kirchen seit Ende der 50er Jahre und erst recht um 1968 rapide und vehement an gesellschaftlicher Relevanz verloren hätten. Man konzentrierte sich dabei zu häufig auf sinkende Gottesdienstbesuche und zunehmende Kirchenaustritte und diagnostizierte mehr oder weniger stereotyp das Ende konfessioneller Milieus und einen epochalen Niedergang von Kirche und wenn nicht von Religion an sich, so doch jedenfalls von kirchengebundener Religion.7 Ob man an dieser Stelle den Begriff der Säkularisierung, der Entsakralisierung oder der Dechristianisierung bemüht, macht in diesem Zusammenhang keinen nennenswerten Unterschied.8 Es war vor allem Thomas Luckmann, der mit einer Vielzahl religionssoziologischer Studien eine solche Sichtweise zwar nicht eingeleitet, aber doch vielfach direkt oder indirekt angeleitet hat. Für den Zeitraum der 60er und 70er Jahre verzeichnet Luckmann eine vermeintlich einschneidende Entwicklung hin zur Privatisierung von Religion, die er mit dem anschaulichen Begriff der „unsichtbaren Religion“ umschreibt. Zwar richtet Luckmann seine Überlegungen, indem er religiöse Erfahrungen zur anthropologischen Konstante erklärt, explizit gegen die Säkularisierungsthese. Er konstatiert allerdings für die zweite Hälfte des 20. Jahrhunderts einen rapiden und vehementen Bedeutungsverlust von Kirche und kirchengebundener Religion und reproduziert auf diese Weise − wenngleich unintendiert − die Säkularisierungsthese.9 Die 60er und 70er Jahre geraten vor diesem Hintergrund nachhaltig ins Zentrum des Interesses. Im vorliegenden Beitrag jedoch richtet sich dieses Interesse weniger auf sinkende Gottesdienstbesuche oder steigende Scheidungsraten. Es 6

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Vgl. Schmidtmann, Christian, Katholische Studierende 1945–1973. Eine Studie zur Kulturund Sozialgeschichte der Bundesrepublik Deutschland, Paderborn u.a. 2006; Hermle, Siegfried u.a. (Hg.), Umbrüche. Der deutsche Protestantismus und die sozialen Bewegungen in den 1960er und 70er Jahren, Göttingen 2006. Regelrechte Pionierstudien stellen dar: Damberg, Wilhelm, Abschied vom Milieu? Katholizismus im Bistum Münster und in den Niederlanden 1945–1980, Paderborn u.a. 1997; Großbölting, Thomas, „Wie ist Christsein heute möglich?” Suchbewegungen des nachkonziliaren Katholizismus im Spiegel des Freckenhorsterkreises, Altenberge 1997. Vgl. die kürzlich eingerichtete Forschergruppe „Transformation der Religion in der Moderne. Religion und Gesellschaft in der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts” an der Universität Bochum. Einen Überblick aus katholischer bzw. protestantischer Perspektive bieten Gabriel, Karl, Zwischen Aufbruch und Absturz in die Moderne. Die katholische Kirche in den 60er Jahren, in: Schildt, Axel u.a. (Hg.), Dynamische Zeiten. Die 60er Jahre in den beiden deutschen Gesellschaften, Hamburg 2000, S. 528–543; Greschat, Martin, Protestantismus und Evangelische Kirche in den 60er Jahren, in: ebd., S. 544–581. Vgl. Lehmann, Hartmut (Hg.), Säkularisierung, Dechristianisierung, Rechristianisierung im neuzeitlichen Europa. Bilanz und Perspektiven der Forschung, Göttingen 2000. Vgl. Luckmann, Thomas, The Invisible Religion, New York 1967.

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begnügt sich weder mit den Ideen einiger weniger, noch reduziert es Religion auf Kirche und Kirche auf kirchliche Entscheidungsträger. Es richtet sich andererseits aber auch nicht auf das viel zitierte Milieu, da der Milieubegriff für die 60er und 70er Jahre − wie zurecht betont wird − seine Erklärungskraft sukzessive einbüßt.10 Ich schlage vor, stattdessen in verstärktem Maße Deutungsmuster und Deutungskämpfe zu rekonstruieren und die vermeintliche Differenz zwischen Kirchengeschichte und so genannter Profangeschichte auf diese Weise zu dekonstruieren. Nicht um einzelne Ideen geht es bei diesen Deutungsmustern und Deutungskämpfen, sondern um Diskurse und Semantiken. Diese sind eingebunden in gesellschaftliche Auseinandersetzungen, die weit über den Kreis einzelner Theologen, Bischöfe oder Päpste hinausgehen, sich aber andererseits keineswegs erschöpfen in stereotypen Verweisen auf „die“ Gesellschaft oder „die“ Moderne. Nicht derartige Allgemeinplätze, sondern die durchaus unterschiedlichen und sich wandelnden Bedingungen und Kontexte von öffentlichen Debatten geraten in diesem Rahmen in den Fokus, wechselnde Akteurskonstellationen und deren rekonstruierbares Kommunikations- und das heißt auch Konfliktpotential. Dieses Konfliktpotential wird im Folgenden jedoch weniger auf einer sozialgeschichtlichen als auf einer kommunikationsgeschichtlichen Ebene verortet. Die Forschung − nicht nur die historische, sondern auch die soziologische − hat sich nach meinem Dafürhalten oft zu einseitig mit Kirche und Religion als Sozialform beschäftigt, sei es in Form der Konfessionsgeschichte, sei es in Gestalt der Milieuforschung. Der Krisendiskurs um und nach 1968 nahm, wie José Casanova verdeutlicht hat, stets Bezug auf den Wandel der Sozialform von Kirche und Religion und setzte dabei vorschnell Mitgliederschwund und Bedeutungsverlust in eins.11 Im Folgenden wird daher versucht, Kirche und Religion in verstärktem Maße als Kommunikationseffekte zu betrachten, jedoch nicht in einem funktionalistischen, sondern in einem konstruktivistischen Sinne. Der vorliegende Beitrag verzichtet daher auf eine Definition dessen, was Kirche und Religion wohlmöglich sind oder nicht sind, und wendet sich stattdessen den zeitgenössischen Aushandlungsprozessen zu, die dokumentieren, was unterschiedliche Akteure in unterschiedlichen Situationen und mit unterschiedlichem Erfolg als kirchlich oder religiös definiert oder nicht definiert haben.12 Eine solche Herangehensweise begreift Kirche und Religion zwar nicht als relative, wohl aber − im Sinne Pierre Bourdieus13 − als relationale und das heißt als historisch umkämpfte Größe. 10 Vgl. Ziemann, Benjamin, Der deutsche Katholizismus im späten 19. und im 20. Jahrhundert, in: Archiv für Sozialgeschichte 40 (2000), S. 402–422, S. 419f. 11 Casanova, José, Public Religions in the Modern World, Chicago 1994. 12 Eine vergleichbare Perspektive wählen: Kippenberg, Hans G., Diskursive Religionswissenschaft, in: ders.; Gladigow, Burkhard (Hg.), Neue Ansätze in der Religionswissenschaft, München 1983, S. 9–28; Tyrell, Hartmann, Religionssoziologie, in: Geschichte und Gesellschaft 22 (1996), S. 428–457; Geyer, Michael; Hölscher, Lucian, Einleitung, in: dies. (Hg.), Gegenwart, S. 9–17; Altermatt; Metzger, Religion, S. 187–191. 13 Vgl. Bourdieu, Pierre, Das religiöse Feld. Texte zur Ökonomie des Heilsgeschehens, Konstanz 2000; ders., Über einige Eigenschaften von Feldern, in: ders., Soziologische Fragen, Frankfurt am Main 1993, S. 107–114.

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Im Rahmen einer solchen als Kommunikationsgeschichte ausgewiesenen Religionsgeschichte lässt sich auch für die 60er und 70er Jahre der Bundesrepublik Deutschland die gesellschaftliche Relevanz von Kirche und Religion aufzeigen − fernab von sinkenden Gottesdienstbesuchen und milieuspezifischen Lebensstilen. Statt den Krisendiskurs der Zeitgenossen zu verstetigen, sollte die Forschung die Produktivität dieses Diskurses in den Blick nehmen: Kirche und Religion gewannen um 1968 an gesellschaftlicher Aufmerksamkeit, gerade insofern sie zum viel umkämpften Verhandlungsgegenstand einer öffentlichen Debatte wurden. Die Säkularisierungsthese gerät in diesem Zusammenhang nicht mehr als Analysemittel, sondern als Analysegegenstand in den Blick − als Deutungsmuster der Zeitgenossen. Die Politisierung der Religion − ein Massenphänomen Die zahlreichen Kontroversen über Kirche und Religion um 1968 kreisten, so die These, vor allem um die Unterscheidung zwischen Religion und Politik bzw. um die Politisierung der Religion zwischen Mitte der 60er und Mitte der 70er Jahre. Für diese Politisierung kursierten zahlreiche Bezeichnungen: Alles in allem durchgesetzt hat sich schließlich der vom katholischen Theologen Johann Baptist Metz zur Diskussion gestellte Begriff der Politischen Theologie − erst in der zweiten Hälfte der 70er Jahre wird der Begriff der Befreiungstheologie teilweise an seine Stelle treten.14 Zu den Referenzgrößen und Leitfiguren der Politischen Theologie in der Bundesrepublik Deutschland gehörten neben Metz unter anderem die katholischen Theologen Giulio Girardi oder Norbert Greinacher, teilweise auch Karl Rahner sowie die protestantischen Theologen Jürgen Moltmann, Helmut Gollwitzer und die protestantische Theologin Dorothee Sölle. Es macht nach meinem Dafürhalten wenig Sinn und wurde von den Zeitgenossen auch überwiegend abgelehnt, nach den katholischen bzw. protestantischen Anteilen der Politischen Theologie zu fragen. Die Politisierung der Religion um 1968 stellte weitgehend ein transkonfessionelles Phänomen dar − eine shared history. Die gesellschaftlichen Auseinandersetzungen um die Politische Theologie gewannen um 1968 nicht nur in Deutschland, sondern in den meisten westeuropäischen und teilweise auch osteuropäischen Ländern, in Nord-, Süd- und Mittelamerika ein beeindruckendes Ausmaß.15 Die Politisierung der Religion war ein Massenphänomen nicht nur im transkonfessionellen, sondern auch im transnationalen Sinne des Wortes. Nicht erst in den 80er und 90er Jahren, sondern bereits in den 60er und 70er Jahren, so gilt es José Casanova16 zu korrigieren, gewann Reli14 Vgl. Metz, Johann Baptist, Zum Begriff der neuen Politischen Theologie (1967–1997), Mainz 1997; Peukert, Helmut (Hg.), Diskussion zur „Politischen Theologie“, München 1969; Wiedenhofer, Siegfried, Politische Theologie, Stuttgart 1976. 15 Eine zeitgenössische Zusammenstellung von deutschen, französischen, italienischen und englischen Publikationen weist 1969 bereits über eintausend Titel aus. Vgl. van der Bent, Ans, Der Dialog zwischen Christen und Marxisten. Eine kommentierte Bibliographie, Genf 1969. 16 Vgl. Casanova, Public Religions.

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gion wieder an öffentlicher Aufmerksamkeit und trat in ein spezifisches, wenngleich nicht vollauf neuartiges Verhältnis zur Politik. Ich behaupte nicht, dass diese Politisierung der Religion ein gänzlich unbekanntes Phänomen darstellt. Zu erinnern gilt es an dieser Stelle etwa an den Religiösen Sozialismus der 20er Jahre und den so genannten Linkskatholizismus der 50er Jahre − im Falle Frankreichs zum Beispiel an die katholischen Arbeiterpriester und die nouvelle théologie. Aber niemals zuvor, so die These, wurde Religion quantitativ so massenhaft und selten qualitativ so tiefgreifend politisiert wie in diesem Zeitraum. Nicht nur auf politischer Ebene, auch auf religiöser Ebene erfuhr die Bundesrepublik Deutschland um 1968 eine „Umgründung“.17 Die Politische Theologie löste zwischen Mitte der 60er und Mitte der 70er Jahre eine öffentliche Debatte aus, die nicht nur − wie man glauben könnte − in theologischen Fachzeitschriften und unter den kritischen Blicken der Amtskirche, sondern in allen meinungsbildenden und überregionalen Tagesblättern, Wochenzeitungen, Monatsschriften und Nachrichtenmagazinen geführt oder rezipiert wurde − nicht nur im Spiegel oder im Stern, in der Frankfurter Allgemeinen oder in der Süddeutschen Zeitung, auch in der Konkret und in der Twen, in den Frankfurter Heften ebenso wie in den Marxistischen Blättern, im Merkur ebenso wie im eingangs zitierten Monat. Zwar nehme ich im vorliegenden Rahmen notgedrungen eine Engführung vor und konzentriere mich dabei im Folgenden auf die theologischen Stellungnahmen innerhalb der gesellschaftlichen Auseinandersetzung. Indes: Nicht die Theologen, sondern die große Breite der öffentlichen Debatte um sie und die von ihnen eingeleitete „Wende zur Welt“ dokumentiert die gesellschaftliche Relevanz von Kirche und Religion um 1968.18 Im Folgenden möchte ich stichpunktartig − erstens − die Politische Theologie und einige zentrale Deutungsmuster, Leitbegriffe und Argumentationsweisen rekonstruieren, die einer Politisierung der Religion und den semantischen Grenzverschiebungen zwischen Kirche und Welt in den 60er und 70er Jahren Vorschub leisteten. Anschließend werden − zweitens − ebenso stichpunktartig die historischen Bedingungen in den Blick genommen, unter denen die „Wende zur Welt“ zu einem gesellschaftlich relevanten Thema wurde. Semantische Grenzverschiebungen − Kirche und Welt um 1968 Politik und Religion werden in der Moderne tendenziell als Gegensätze konstruiert. Eindeutige Unterscheidungen, traditionelle Gegenüberstellungen von Welt und Kirche, Diesseits und Jenseits, Geschichte und Eschatologie, Revolution und Erlösung markieren dabei üblicherweise die semantische Grenze zwischen 17 Vgl. Görtemaker, Manfred, Geschichte der Bundesrepublik Deutschland, Frankfurt am Main 2004, S. 475ff. Bezeichnenderweise kommt Görtemaker in diesem Zusammenhang nur auf den Bereich der Politik, aber nicht auf den Bereich der Religion zu sprechen − die Zeitgeschichtsforschung zur Bundesrepublik Deutschland übt sich nach wie vor und nicht nur in diesem Fall in Religionsabstinenz. 18 Ausführlich: Eitler, Pascal, „Sehnsucht nach dem ganz Anderen“? Max Horkheimer und die Politisierung der Religion in der Bundesrepublik Deutschland um 1968, Diss. Bielefeld 2008.

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Politik und Religion. Die Politische Theologie, so die These, verschob bzw. verwischte diese Grenze − in Deutschland überaus hartnäckig und öffentlich rezipiert seit Mitte der 60er Jahre. Traditionelle Gegenüberstellungen von Politik und Religion sollten nunmehr dialektisch überwunden und gesellschaftlich vermittelt werden. Politische Theologen wie Metz oder Moltmann zielten in diesem Sinne auf eine Hinwendung zur Welt, die gleichbedeutend war mit einer Hinwendung zur Gesellschaft und einer Hinwendung zur Praxis. Beobachten lässt sich an dieser Stelle ein − unlängst vor allem von Benjamin Ziemann thematisierter19 − systematisch vorangetriebener Anschluss von Kirche und Theologie an die im wissenschaftlichen Feld der 60er und 70er Jahre immens an Bedeutung gewinnenden Sozialwissenschaften. Schwerwiegender und energischer als jede andere traditionelle Unterscheidung zwischen Politik und Religion wurde innerhalb der Politischen Theologie die Differenzierung zwischen Welt und Kirche in Frage gestellt. Metz stellte in diesem Sinne und im Rahmens seiner 1968 erschienenen und vielzitierten Theologie der Welt fest: „Die Kirche ist nicht einfach Nicht-Welt.“20 Für Sölle bedeutete dies das Ende der ehemals vorherrschenden „Trennung in Horizontale und Vertikale“.21 Mit der „Annahme der Welt in Christus“, so die Argumentation, „erscheint die Welt erst ganz als weltlich und Gott erst ganz als göttlich.“ Die angenommene Menschwerdung Gottes in Christus also erlaubte es Politischen Theologen, die Welt als „Mitwelt“, „als gesellschaftliche Wirklichkeit in einem geschichtlichen Prozeß“ zu begreifen und zu behandeln. Die Kirche, so die Forderung, müsse sich dem Gebot der Nachfolge entsprechend „auf die Welt als Gesellschaft und auf die weltverändernden Kräfte in dieser Gesellschaft beziehen.“22 Gollwitzer sprach in eben diesem Sinne von der „Weltverantwortung der Kirche“.23 Eng verknüpft mit dieser „Wende zur Welt“ war eine viel rezipierte „Wende zur Praxis“. Metz propagierte und diagnostizierte in diesem Sinne 1969 ein „neues Theorie-Praxis-Verhältnis“ innerhalb des Christentums.24 Das „Verhältnis von Theorie und Praxis“, von „eschatologischem Glauben und gesellschaftlicher 19 Vgl. Ziemann, Benjamin, Auf der Suche nach Wirklichkeit. Soziographie und soziale Schichtung im deutschen Katholizismus 1945–1970, in: Geschichte und Gesellschaft 29 (2003), S. 409–440; ders., Katholische Kirche und Sozialwissenschaften 1945–1975, Göttingen 2007. 20 Metz, Johann Baptist, Zur Theologie der Welt, Mainz 1968, S. 85; vgl. Schultz, Hans Jürgen, Konversion zur Welt. Gesichtspunkte für die Kirche von morgen, Hamburg 1964; Lüthi, Kurt, Theologie als Dialog mit der Welt von heute, Freiburg im Breisgau 1971. 21 Sölle, Dorothee, Einleitung, in: dies.; Schmidt, Klaus (Hg.), Christen für den Sozialismus, Bd. 1, Stuttgart 1975, S. 7–21, S. 16. 22 Metz, Theologie der Welt, S. 25, 38, 44, 76 und 105ff.; ders., Theologisches zum Marxismus, in: Dokumente der Paulus-Gesellschaft, Bd. XIII, München 1966, S. 246–260, S. 255f. 23 Gollwitzer, Helmut, Die Weltverantwortung der Kirche in einem revolutionären Zeitalter, in: Wilkens, Erwin (Hg.), Die Zukunft der Kirche und die Zukunft der Welt. Die Synode der EKD 1968 zur Weltverantwortung der Kirche in einem revolutionären Zeitalter, München 1968, S. 69–96. 24 Metz, Johann Baptist, „Politische Theologie“ in der Diskussion, in: Peukert (Hg.), Diskussion, S. 267–301, S. 282ff.

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Praxis“, erschien ihm als das „Grundproblem“ von Kirche und Religion, wobei er dialektisch von einer „Verquickung von Theorie und Praxis, Reflexion und Revolution“ sprach.25 Die biblischen Verheißungen galten nicht länger als „regulative Idee“, sondern als „befreiender Imperativ [...] ihre Wahrheit muß getan werden.“26 Moltmann erklärte in diesem Zusammenhang: „Nachfolge heißt Glauben, und Glauben ist tatsächlich eine existentielle Einheit von Theorie und Praxis“.27 Mit dem allerorten eingeforderten Praxisbezug von Kirche und Religion wuchs auch − und wie man meinen darf: folgerichtig − deren Öffentlichkeitsbezug. Das Christentum als weltzugewandt, so Metz, „steht nicht im privatissimum des rein persönlichen Bereichs, es steht auch nicht im sanctissimum des rein religiösen Bereichs, es steht jenseits der Schwelle des behüteten Privaten oder des abgeschirmten Religiösen“.28 Die Politischen Theologen begriffen sich daher „als kritisches Korrektiv gegenüber gewissen Privatisierungstendenzen“ innerhalb des Christentums. Das Gebot der Nachfolge, so die Argumentation, verpflichte die beiden großen Kirchen nicht nur zu einem Humanismus „im privaten Sinn, sondern im politischen Sinn“.29 Das Private wurde innerhalb der Politischen Theologie also der Politik in pejorativer Weise gegenübergestellt − durchaus vergleichbar mit der „Politisierung des Privaten“ innerhalb der Außerparlamentarischen Opposition.30 Die Politischen Theologen wendeten sich der Welt zu, der Gesellschaft und der Geschichte – sie zielten in diesem Zusammenhang allerdings weniger auf die Vergangenheit als auf die Zukunft. „Das gesuchte Heil, die vollendete Humanität“, so Metz, „liegt nicht mehr über uns, sondern vor uns.“31 Im Fall der Politischen Theologie lässt sich eine regelrechte − mit der Planungseuphorie der 60er Jahre32 keineswegs identische aber durchaus korrespondierende − „Entdeckung

25 Metz, Theologie der Welt, S. 104, S. 90; ders., Christliche Religion und gesellschaftliche Praxis, in: Kellner, Erich, (Hg.), Schöpfertum und Freiheit in einer humanen Gesellschaft, Wien 1969, S. 31–42, S. 34. 26 Metz, Theologie der Welt, S. 106ff., 114f. 27 Moltmann, Jürgen, Der gekreuzigte Gott. Das Kreuz Christi als Grund und Kritik christlicher Theologie, München 1972, S. 62. 28 Metz, Johann Baptist, Wille zum Dialog, in: Garaudy, Roger, Johann Baptist Metz und Karl Rahner. Der Dialog oder: Ändert sich das Verhältnis zwischen Katholizismus und Marxismus?, Reinbek 1966, S. 121–138, S. 137f. 29 Metz, „Politische Theologie“ in der Diskussion, S. 275–278; ders., Theologie der Welt, S. 101–105, S. 49. 30 Vgl. Gilcher-Holtey, Ingrid (Hg.), 1968. Vom Ereignis zum Gegenstand der Geschichtswissenschaft, Göttingen 1998; Schmidtke, Michael, Der Aufbruch der jungen Intelligenz. Die 68er in der Bundesrepublik und den USA, Frankfurt am Main 2003; Siegfried, Detlef, Time is on my Side. Konsum und Politik in der westdeutschen Jugendkultur der 60er Jahre, Göttingen 2006. 31 Metz, Zur Theologie der Welt, S. 79f.; ders., Wille zum Dialog, S. 124; vgl. Rahner, Karl, Zur Theologie der Zukunft, München 1971. 32 Vgl. Haupt, Heinz-Gerhard u.a. (Hg.), Aufbruch in die Zukunft. Die 1960er Jahre zwischen Planungseuphorie und kulturellem Wandel, Weilerswist 2004.

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der Zukunft“ beobachten.33 Kennzeichnend ist dabei, wie der Zukunftsbegriff auf die traditionelle Unterscheidung zwischen Diesseits und Jenseits bezogen wurde, auch wenn Metz wiederholt erklärte, dass es der Politischen Theologie nicht darum gehe, „Zukunft gegen Jenseits“ auszuspielen. Insofern der Zukunftsbegriff in den 60er und 70er Jahren in das Zentrum der gesellschaftlichen Auseinandersetzung geriet, unter anderem unter Verweis auf Ernst Bloch und dessen „Philosophie der Hoffnung“, geriet der Begriff des Jenseits sukzessive ins Abseits. Vereinzelt ist hierbei offen von einer „Wende vom Jenseits in das Später“ die Rede.34 An die Stelle einer räumlichen Unterscheidung trat auf diese Weise eine zeitliche Differenzierung. Im Rahmen der vieldiskutierten „Orthopraxie der Veränderung“ ging es dezidiert, so Gollwitzer, um „Veränderungen im Diesseits“.35 Ohne den mehr oder weniger ausgeprägten Widerstand der Amtskirche zu unterschätzen, gilt es in diesem Zusammenhang und in Hinblick auf die Wirkungsgeschichte zu konstatieren: Die sich zwischen Mitte der 70er und Anfang der 80er Jahre konstituierende Friedensbewegung wurde nicht zuletzt von dieser sich der Welt, der Praxis und dem Diesseits zuwendenden Kirche getragen. Die semantische Grenze zwischen Politik und Religion, die ihren Ausdruck traditionell in eindeutigen Unterscheidungen zwischen Welt und Kirche oder Diesseits und Jenseits fand, verschob bzw. verwischte sich demnach innerhalb der Politischen Theologie. Anstatt Politik und Religion grundlegend voneinander zu differenzieren, wurden Politik und Religion um 1968 hier in verstärktem Maße miteinander identifiziert. Vor diesem Hintergrund erklärte Moltmann 1972: „Gott und Welt, das Absolute und das Relative, das Letzte und das Vorletzte recht zu unterscheiden, ist eine Sache [...] Müssen wir nicht darüber hinausgehen und von vornherein Gott in der Welt, das Jenseitige im Diesseits, das Universale im Konkreten und das Eschatologische im Geschichtlichen begreifen [...]?“36 Deutlich wird: Betrachtet man die Politische Theologie kommunikationsgeschichtlich, so wagte und bewirkte sie keine Revolution im strengen Sinne des Wortes. Vielmehr bemühte sie sich − im Sinne Pierre Bourdieus37 − um „ständige Teilrevolutionen“ und ließ die „Grundaxiomatik“ von Kirche und Religion dabei weitestgehend unberührt. Sie vollzog weniger den einen großen Bruch, der mit jeder Form kirchengebundener Religion abgeschlossen hätte, als zahlreiche Verschiebungen − semantische Grenzverschiebungen, die häufig auf der Ebene der Rhetorik funktionierten und faszinierten. Auf diese Weise produzierte und repro33 Vgl. Hölscher, Lucian, Die Entdeckung der Zukunft, Frankfurt am Main 1999; Zahrnt, Heinz, Die Sache mit Gott. Die protestantische Theologie im 20. Jahrhundert, München 1966, S. 259. 34 Metz, Johann Baptist, Zukunft gegen Jenseits?, in: Kellner, Erich (Hg.), Christentum und Marxismus – heute, Wien 1966, S. 218–228; ders., „Politische Theologie“ in der Diskussion, S. 292f.; ders., Gott vor uns. Statt eines theologischen Arguments, in: Unseld, Siegfried, (Hg.), Bloch zu Ehren, Frankfurt am Main 1965, S. 227–241, S. 231, vgl. Wiedenhofer, Politische Theologie, S. 32f. 35 Gollwitzer, Helmut, Veränderung im Diesseits. Politische Predigten, München 1973. 36 Moltmann, Der gekreuzigte Gott, S. 297, 313. 37 Bourdieu, Über einige Eigenschaften, S. 109f.

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duzierte die Politische Theologie ein Mindestmaß an kommunikativer Anschlussfähigkeit. Im Rahmen der Politisierung der Religion um 1968 bezogen sich Religion und Kirche auf die Welt, auf diese Welt, die Gesellschaft und ihre Geschichte, sie zielten auf das Diesseits, auf Veränderungen im Diesseits, und wurden als praxisbezogen und öffentlichkeitsorientiert begriffen und behandelt – eine im Sinne der Säkularisierungsthese eindeutige Unterscheidung zwischen Welt und Kirche war mithin keineswegs selbstverständlich. Stark geprägt wurde die öffentliche Debatte um die Politische Theologie und die Politisierung der Religion durch den so genannten „Dialog zwischen Christentum und Marxismus“ − also durch die Auseinandersetzung mit dem Marxismus und den führenden Vertretern der Frankfurter Schule.38 Um 1968 stellte der Marxismus die zentrale Bezugsgröße der Politischen Theologie dar: nicht nur in Deutschland, auch in Frankreich, nahezu global und am folgenreichsten in Lateinamerika.39 Die gesellschaftliche Auseinandersetzung kreiste in diesem Zusammenhang nicht nur um die Deutung und Bedeutung von Kirche und Religion, sie kreiste ebenfalls um die Deutung und Bedeutung des Marxismus.40 Vor diesem Hintergrund ging es auch und nicht zuletzt um die in den 60er und 70er Jahren sich im wissenschaftlichen Feld zuspitzende Konkurrenz zwischen Marxismus auf der einen und Strukturalismus bzw. Poststrukturalismus auf der anderen Seite.41 Aus eben diesem Grund setzten sich Politische Theologen wie Metz oder Sölle nicht nur mit Ernst Bloch, Max Horkheimer und Roger Garaudy, sondern ebenfalls mit Louis Althusser oder Michel Foucault auseinander und kritisierten den auf dieser Seite auf unterschiedliche Weise postulierten „Tod des Menschen“.42 Ein Teil der Politischen Theologen stellte sich seit Ende der 60er Jahre zunehmend in den Dienst des Marxismus bzw. Sozialismus. Sie solidarisierten sich nicht nur mit der Außerparlamentarischen Opposition, sondern auch mit den Befreiungsbewegungen in der so genannten Dritten Welt. Sölle – die einfluss38 Vgl. Eitler, Pascal, Politik und Religion. Semantische Grenzen und Grenzverschiebungen in der Bundesrepublik Deutschland 1965–1975, in: Frevert, Ute; Haupt, Heinz-Gerhard (Hg.), Neue Politikgeschichte. Perspektiven einer historischen Politikforschung, Frankfurt am Main 2005, S. 268–303. 39 Vgl. Gerling, Axel Ulrich; Scholl, Erhard (Hg.), Kirche der Armen? Neue Tendenzen in Lateinamerika, München 1972; Kern, Bruno, Theologie im Horizont des Marxismus. Zur Geschichte der Marxismusrezeption in der lateinamerikanischen Theologie der Befreiung, Mainz 1992. 40 Vgl. Spieker, Manfred, Neomarxismus und Christentum, München 1974; Spülbeck, Volker, Neomarxismus und Theologie. Gesellschaftkritik in Kritischer Theorie und Politischer Theologie, Freiburg im Breisgau 1977. 41 Vgl. Schmidt, Alfred, Geschichte und Struktur. Fragen einer marxistischen Historik, München 1971; Schaff, Adam, Strukturalismus und Marxismus, Wien 1974; Poster, Mark, Existential Marxism in Postwar France. From Sartre to Althusser, Princeton 1975; Dosse, François, Geschichte des Strukturalismus, 2 Bde, Frankfurt am Main 1999. 42 Vgl. Althusser, Louis, Marxismus und Humanismus, in: ders., Für Marx, Frankfurt am Main 1968, S. 168–201; Foucault, Michel, Die Ordnung der Dinge. Eine Archäologie der Humanwissenschaften, Frankfurt am Main 1971, S. 410–413.

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reichste Vertreterin der Gott-ist-tot-Theologie in Deutschland43 – erklärte in diesem Sinne, dass „Aufstand und Auferstehung zusammen gehören [...] Aufstand ist das Auferstehen aus politischem Schlaf“. Sie war der Überzeugung: „Ist der kritische Gehalt des Satzes ‚Gott ist tot‘ verstanden, so ist der Weg zu ‚Gott ist rot‘ nicht mehr weit.“ Vor diesem Hintergrund fand sie volles Verständnis für den „revolutionären Haß“ der Unterdrückten im Kampf gegen ihre Unterdrücker.44 In ähnlicher Hinsicht klagte auch Gollwitzer um 1968 eine radikalere „Politisierung der Kirche“ ein.45 Der andere und letztlich einflussreichere Teil der Politischen Theologen hingegen, darunter Metz, Moltmann und Rahner, versuchte, als kritisches Korrektiv auf den Marxismus bzw. Sozialismus einzuwirken. In diesem Sinne betonte Metz, dass im Angesicht der Eschatologie „Geschichte primär als Endgeschichte“ zu begreifen sei. Keine menschliche Ordnung dürfe daher, so die Argumentation, mit biblischer Verheißung verwechselt werden – keine Revolution mit Erlösung.46 Die Handlungsorientierung, welche die Politische Theologie in diesem Fall ermöglichen sollte, sollte – wie im Fall der Frankfurter Schule47 – eher indirekt sein. Jenseits dieser mehr oder weniger ausgeprägten Konflikte innerhalb der Politischen Theologie gilt es indes festzuhalten: Zum zentralen Thema der öffentlichen Debatte um die Politisierung der Religion wurde um 1968 die so genannte Dritte Welt, vor allem deren zunehmende Armut. Zur wachsenden Herausforderung für die beiden großen Kirchen wurde in diesem Sinne in den 60er und 70er Jahren die „Kirche der Armen“ − die Ausrichtung der Kirche auf die Armen.48 Die Politisierung der Religion stellte mithin nicht nur ein transnationales Phänomen dar, sie antwortete auch auf transnationale Probleme. In eben diesem Sinne lässt sich Religionsgeschichte als Allgemeingeschichte begreifen und betreiben.

43 Vgl. Herzog, Dagmar, The Death of God in West Germany, in: Geyer; Hölscher (Hg.), Gegenwart, S. 431–466. 44 Sölle, Einleitung, S. 15; dies., Aufstand und Auferstehung, in: dies.; Schmidt, Klaus (Hg.), Christentum und Sozialismus. Vom Dialog zum Bündnis, Stuttgart 1974, S. 49–53, S. 49; dies., Gibt es einen kreativen Haß?, in: Debus, Gerhard; Juhre, Arnim (Hg.), Almanach für Literatur und Theologie 6. Thema: Gewalt, Wuppertal 1972, S. 10–19, S. 12. 45 Gollwitzer, Weltverantwortung, S. 86, S. 91ff.; ders., Klassenherrschaft – Klassenkampf, in: Sölle; Schmidt (Hg.), Christentum und Sozialismus, S. 13–26, S. 25f. 46 Metz, Theologie der Welt, S. 76, S. 83, S. 115; ders., „Politische Theologie“ in der Diskussion, S. 268, S. 280f; vgl. Rahner, Karl, Zur Theologie der Hoffnung, in: Internationale DialogZeitschrift 1 (1968), S. 67–78; ders., Marxistische Utopie und christliche Zukunft des Menschen, in: ders., Zur Theologie der Zukunft, München 1971, S. 149–159. 47 Vgl. Eitler, Pascal, Max Horkheimer’s Supposed „Religious Conversion“. A Semantic Analysis, in: Geuss, Raymond; Kohlenbach, Margarete (Hg.), The Early Frankfurt School and Religion, New York 2005, S. 15–28, S. 191–194. 48 Vgl. Gollwitzer, Helmut, Die reichen Christen und der arme Lazarus. Die Konsequenzen von Uppsala, München 1968; Gerling, Axel Ulrich; Scholl, Erhard (Hg.), Kirche der Armen? Neue Tendenzen in Lateinamerika, München 1972. Rückblickend: Greinacher, Norbert (Hg.), Leidenschaft für die Armen. Die Theologie der Befreiung, München 1990.

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Kirche im Kontext − Religionsgeschichte als Allgemeingeschichte Kirche im Kontext zu betrachten sollte jedoch nicht heißen, den innerkirchlichen − auch institutionengeschichtlichen − Kontext aus dem Blick zu verlieren. Den innerkirchlichen Kontext, innerhalb dessen die Politisierung der Religion in den 60er und 70er Jahren zur Herausforderung für die beiden großen Kirchen wurde, markiert in erster Linie − und nicht nur auf Seiten des Katholizismus − das Zweite Vatikanische Konzil zwischen 1962 und 1965. Es leitete seit seiner Ankündigung 1959 eine öffentliche Debatte um die Veränderung der Kirche und jene „Wende zur Welt“ ein, für die Papst Johannes XXIII. den Begriff des aggiornamento prägte.49 Das Konzil setzte einerseits den „Dialog zwischen Christentum und Marxismus“ auf die Tagesordnung und darf andererseits als ein transnationales Großereignis der 60er und 70er Jahre gelten. Niemals zuvor waren so viele Vertreter, Bischöfe und Kardinäle, aus Ländern der so genannten Dritten Welt an einem Konzil beteiligt und nie zuvor wurden deren Ansprüche innerhalb der katholischen Kirche so deutlich vertreten wie auf diesem Konzil. Auf Seiten des Protestantismus gilt es an dieser Stelle und in vergleichbarer Weise an die beiden Weltkirchentage von 1966 in Genf und von 1968 in Uppsala zu erinnern, die unter anderem dem so genannten Nord-Süd-Konflikt gewidmet waren. In der Bundesrepublik Deutschland kam zwischen Mitte und Ende der 60er Jahre den Tagungen der katholischen Paulus-Gesellschaft, die dem unmittelbaren Zusammentreffen zwischen Politischen Theologen und Marxisten dienten, eine strategische Funktion zu.50 Zum spektakulärsten Ausdruck dieses Zusammentreffens wurde jedoch der Essener Katholikentag von 1968. Der „Kritische Katholizismus“, der sich dort öffentlichkeitswirksam formierte, begriff und beschrieb sich selbst als Teil der Außerparlamentarischen Opposition und setzte sich vehement nicht nur für einen „liberaleren“ Umgang mit der Pille, sondern auch für die Befreiungsbewegungen in der so genannten Dritten Welt ein.51 Ohne den fortdauernden Eurozentrismus innerhalb der beiden großen Kirchen zu beschönigen, kann man in diesem Kontext einen tiefgehenden Wandel des Missionsbegriffes und der traditionellen Unterscheidung zwischen „okzidentalen“ Mutter- und „orientalen“ Tochterkirchen beobachten.52 Nicht nur die Außerparlamentarische Opposition gilt es in diesem Sinne in ihrem transnationalen Zu-

49 Vgl. Pesch, Otto Hermann, Das Zweite Vatikanische Konzil, Würzburg 1994; Kaufmann, Franz-Xaver; Zingerle, Arnold (Hg.), Vaticanum II und Modernisierung, Paderborn 1996; Hünermann, Peter (Hg.), Das II. Vatikanum. Christlicher Glaube im Horizont globaler Modenisierung, Paderborn 1998; Wolf, Hubert; Arnold, Claus (Hg.), Die deutschsprachigen Länder und das II. Vatikanum, Paderborn 2000. 50 Vgl. Eitler, Politik und Religion, S. 276–279. 51 Vgl. van Onna, Ben; Stankowski, Martin (Hg.), Kritischer Katholizismus. Argumente gegen die Kirchen-Gesellschaft, Frankfurt am Main 1969. 52 Vgl. Schmitz, Josef, Die Weltzuwendung Gottes. Thesen zu einer Theologie der Mission, Freiburg 1971; ders., Das Ende der Exportreligion. Perspektiven einer künftigen Mission, Düsseldorf 1971; Potter, Philip A. (Hg.), Das Heil der Welt heute. Ende oder Beginn der Weltmission? Dokumente der Weltmissionskonferenz in Bangkok von 1973, Stuttgart 1973.

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sammenhang zu untersuchen53 − auch und nicht zuletzt die beiden großen Kirchen. Die „Wende zur Welt“, die als „Wende zur Gesellschaft“ spezifiziert wurde, war − im Sinne Niklas Luhmanns und Rudolf Stichwehs54 − tatsächlich eine weltgesellschaftliche. Den außerkirchlichen Kontext der Politisierung der Religion und des wachsenden Transnationalismus innerhalb der Kirche stellt zum einen das zeitweilige Ende des Kalten Krieges dar, die vielzitierten Klimaverbesserungen in den OstWest-Beziehungen zwischen Mitte der 60er und Mitte der 70er Jahre.55 Die unter Kennedy und Chruschtschow bereits zu Beginn der 60er Jahre eingeleitete Deeskalationspolitik, die auf eine weitgehende Koexistenz der konkurrierenden „Blöcke“ zielte, prägte in seinem Verlauf insbesondere den christlich-marxistischen Dialog. Von mindestens ebenso großer Bedeutung war jedoch das allmähliche Ende des Kolonialismus zwischen Ende der 50er und Anfang der 60er Jahre. Der so genannte Nord-Süd-Konflikt trat erst mit dem weltweiten Niedergang des Kolonialismus verstärkt an die Stelle des so genannten Ost-West-Konflikts und rückte die „Dritte-Welt-Problematik“ um 1968 ins Zentrum des öffentlichen Interesses. In seiner paradigmatischen Bedeutung für die wachsende Kritik am Kolonialismus − nicht nur in Frankreich, sondern auch in Deutschland − erst annähernd erschlossen ist in dieser Hinsicht vor allem der Algerienkrieg zwischen 1954 und 1962. Recht gut erforscht ist in diesem Punkt bislang lediglich die öffentliche Signalwirkung des Vietnamkrieges.56 Die große Breite der öffentlichen Debatte um die Politische Theologie erschließt sich nur innerhalb dieses innerkirchlichen wie außerkirchlichen Kontextes. Ihre gesellschaftliche Relevanz gewann die Politisierung der Religion um 1968 in Wechselwirkung mit der Studentenbewegung und angesichts der allgegenwärtigen und hartnäckigen Konflikte um Kolonialkriege und Koexistenzweisen. Fazit Zieht man die beeindruckende Präsenz der Politischen Theologie und die semantischen Grenzverschiebungen in Betracht, die im Rahmen der Politisierung der Religion verhandelt wurden, so gilt es festzuhalten: Kirche und Religion gewannen zwischen Mitte der 60er und Mitte der 70er Jahre an gesellschaftlicher 53 Vgl. Gilcher-Holtey, Ingrid, Die 68er Bewegung. Deutschland − Westeuropa − USA, München 2001; Juchler, Ingo, Die Studentenbewegungen in den Vereinigten Staaten und der Bundesrepublik Deutschland der sechziger Jahre. Eine Untersuchung hinsichtlich ihrer Beeinflussung durch Befreiungsbewegungen und -theorien aus der Dritten Welt, Berlin 1996. 54 Vgl. Stichweh, Rudolf, Die Weltgesellschaft. Soziologische Analysen, Frankfurt am Main 2000. 55 Vgl. Dülffer, Jost, Europa im Ost-West-Konflikt 1945–1990, München 2004; Hummel, KarlJoseph (Hg.), Vatikanische Ostpolitik unter Johannes XXIII. und Paul VI. (1958–1978), Paderborn 1999. 56 Zum Algerienkrieg: Kalter, Christoph, Dekolonisierung und Antikolonialismus in Texten der frühen Neuen Linken in der BRD. Eine Zeitschriftenanalyse (1958–1962), Unveröffentlichte Magisterarbeit an der Freien Universität Berlin 2004.

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Relevanz, gerade weil Religion in einem bis dahin unbekannten Ausmaß politisiert wurde. Von einer Privatisierung der Religion im Sinne Thomas Luckmanns kann auf der Ebene der gesellschaftlichen Auseinandersetzung um 1968 schlicht keine Rede sein: Die Welt wendete sich nicht von der Kirche ab, sondern die Kirche wendete sich der Welt zu. Kirche und Religion verloren dabei nicht an gesellschaftlicher Relevanz − sie veränderten vielmehr ihre historische Bedeutung. Die im Rahmen der Säkularisierungsthese postulierte Trennung zwischen Welt und Kirche bzw. Politik und Religion war zwischen 1965 und 1975 keineswegs selbstverständlich, eindeutig und unumkehrbar.

LE ROLE DES EGLISES AUPRES DES FAMILLES. UNE COMPARAISON FRANCE – ALLEMAGNE Anne Salles Que cela soit en France ou en Allemagne, le soutien des familles est d’une importance particulière pour les Eglises, ainsi que la défense des institutions du mariage et de la famille. En effet, les Eglises voient la famille comme un lieu important de transmission des valeurs chrétiennes. A travers des niveaux divers – individuels, locaux, nationaux – les Eglises exercent une influence sur les familles et la politique familiale. D’une part, les positions de l’Eglise catholique se distinguent de celles de l’Eglise protestante. D’autre part, en ce qui concerne la participation à la politique familiale, on constate pourtant plus de points communs entre l’Eglise catholique et l’Eglise protestante d’Allemagne qu’entre l’Eglise catholique en France et en Allemagne. En France, la loi de 1905 de séparation de l’Eglises et de l'Etat joue un grand rôle, alors qu’en Allemagne on peut observer une coopération plus directe entre l’Etat et les Eglises dans la politique familiale, pour le développement des crèches, par exemple. Cela s’explique aussi par la structure très différente des deux Etats en général et de leur politique familiale en particulier. Die Unterstützung der Familien sowie die Verteidigung der Institutionen Ehe und Familie sind für die Kirchen sowohl in Frankreich als auch in Deutschland von großer Bedeutung. Die Kirchen sehen die Familie als den Raum an, in dem die christlichen Werte hauptsächlich weitergegeben werden. Sie nehmen auf unterschiedlichen Ebenen Einfluss auf Familien und Familienpolitik – individuell, lokal und national. Zwar unterscheiden sich einerseits die Positionen der beiden Konfessionen. Betrachtet man allerdings die Partizipation der Kirchen an der Familienpolitik, so findet man andererseits zwischen der katholischen und der evangelischen Kirche in Deutschland mehr Gemeinsamkeiten als zwischen der katholischen Kirche in Frankreich und der in Deutschland. Dabei spielt in Frankreich das Gesetz von 1905 zur Trennung von Religion und Staat eine große Rolle. In Deutschland dagegen ist die direkte Kooperation des Staates in der Familienpolitik mit den Kirchen zu beobachten, zum Beispiel in der Einrichtung von Betreuungsmöglichkeiten für Kinder. Die Gründe dafür liegen auch in der in beiden Staaten strukturell sehr verschieden ausgeprägten Familienpolitik, die der vorliegende Beitrag untersucht.

Face à la crise démographique qui sévit en Allemagne depuis plus de trente ans et se traduit par un net recul de la famille parmi les foyers allemands, les Eglises catholique et protestante se mobilisent pour apporter aux familles un soutien concret. Que ce soit par la prise en charge des enfants dans les jardins d’enfants catholiques ou protestants ou la participation croissante de l’Eglise aux alliances locales pour la famille (lokale Bündnisse für die Familie) initiées par le gouvernement fin 2003, l’action des Eglises semble s’inscrire dans une volonté de parte-

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nariat avec le gouvernement. Plus encore, on peut se demander dans quelle mesure elle ne vient pas se substituer au rôle que jouent en France les institutions publiques. Car en France, non seulement l’Eglise catholique semble privilégier le dialogue à l’action concrète, mais encore se retranche-t-elle, dans une large mesure, derrière des associations, notamment la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) – dont les débuts remontent précisément à l’année 1905 et qui bénéficie d’une réelle autonomie – ou des congrégations religieuses telles que Les Petites Sœurs des maternités catholiques. Ainsi, en France, l’Eglise coopère peu avec l’Etat et se maintient en retrait. Il s’agira ici d’analyser les différences qu’on observe aussi bien dans la forme que dans le contenu de l’action des Eglises auprès des familles en France et en Allemagne, et d’étudier ainsi dans quelle mesure l’Eglise tend en Allemagne, à assumer un rôle traditionnellement dévolu en France à l’Etat et aux collectivités territoriales. Se pose ainsi la question de savoir en quoi ce positionnement illustre des attentes différentes des acteurs sociaux et, donc, une perception autre des relations entre Eglise(s), société et Etat dans les deux pays. La présente étude porte sur l’Eglise catholique en France, et sur les Eglises catholique et protestante en Allemagne. En France, en effet, la religion catholique est nettement majoritaire, bien qu’en recul. Les catholiques représentent encore 64% de la population française, soit environ dix fois plus que la deuxième religion (l’islam), les Eglises protestantes représentent quant à elles seulement 2%.1 En Allemagne, en revanche, on dénombre à peu près autant de catholiques que de protestants (respectivement 26,1 millions et 25,8 millions2). Il existe différents courants protestants en Allemagne, qui sont cependant, pour une large part, fédérés dans l’Eglise évangélique d’Allemagne (Evangelische Kirche in Deutschland) dont le conseil est présidé depuis 2003 par l’évêque de Berlin, Wolfgang Huber.3 Après avoir présenté les objectifs que se fixent les Eglises, nous étudierons les moyens mis en œuvre pour les atteindre, puis le rôle que la loi de 1905 joue dans les différences observées entre les deux pays. Positions des Eglises sur le soutien aux familles Indéniablement, la famille est au cœur des préoccupations de l’Eglise, catholique comme protestante. Comme le souligne Mgr Olivier de Berranger, évêque 1

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Chiffres cités d’après un sondage CSA réalisé en 2004, et mentionné dans le journal La Croix, 23 décembre 2004. Le sociologue Jean-Paul Willaime définit ainsi la France comme un « pays laïc de culture catholique ». Willaime, Jean-Paul, Laïcité et religion en France, dans Davie, Grace ; Hervieu-Léger, Danièle (sous la dir. de), Identités religieuses en Europe, Editions la Découverte, Paris, 1996, p. 154. Statistisches Bundesamt 2005. Chiffres pour 2003. Voir pour plus d’informations le site www.ekd.de. La présente étude se base en particulier, côté allemand, sur le discours de l’EKD et celui de la Conférence des évêques d’Allemagne présidée par Mgr Karl Lehmann, Cardinal de Mayence (www.dbk.de) et, côté français, sur celui de la Conférence des évêques de France, présidée par Mgr Jean-Pierre Ricard, Cardinal de Bordeaux (www.cef.fr).

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de Saint-Denis, « La famille, bien plus qu’une simple unité juridique, sociologique ou économique, constitue une communauté d’amour et de solidarité, apte de façon unique à enseigner et à transmettre des valeurs culturelles, éthiques, sociales, spirituelles et religieuses essentielles au développement de ses propres membres et de la société ».4 Si la famille est donc « la cellule fondatrice de la vie en société »5, elle est aussi et surtout le lieu par excellence où se transmettent les valeurs chrétiennes, et donc le lieu le mieux à même d’assurer la permanence (pérennité) des cultes. Les Eglises attachent d’autant plus d’importance à la famille qu’elles la voient menacée. Face à la baisse de la natalité et à la multiplication des familles non conventionnelles (unions libres, familles monoparentales, recomposées, etc.), il leur paraît de première importance d’intervenir pour défendre la famille unie par les liens du mariage.6 Le discours du Saint-Siège Et pourtant, les positions du Saint-Siège sur la famille, l’aide à lui apporter et le rôle de la politique familiale ne manquent pas de surprendre. Certes, le SaintSiège se prononce en faveur d’une politique familiale active. Le Pape Jean-Paul II avait ainsi demandé aux gouvernements d’aider les familles pour la mise au monde des enfants, ainsi que pour leur éducation. De même, il souhaitait que l’Etat assure un revenu suffisant aux familles par le biais d’allocations familiales, d’un salaire maternel ou de toute autre mesure de politique familiale appropriée.7 Mais l’Eglise s’est longtemps opposée à toute intervention de l’Etat dans les affaires familiales.8 De fait, elle rejette toute politique familiale autoritaire et souhaite que l’action de l’Etat reste limitée. Par ailleurs, si le Saint-Siège demande à ce que tout gouvernement garantisse la liberté des couples, il souhaite néanmoins que l’Etat limite l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, à la stérili4

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De Berranger, Mgr Olivier, La famille otage du jeu électoraliste, dans Documentation catholique n°2233, 1 octobre 2000, p. 832 ; voir aussi Valin, Pierre, Discours de l’Eglise catholique, dans Projet, n°239, automne 1994, p. 26–33 Thomazeau, Mgr Guy (président de la Commission épiscopale de la Famille), La France débat de la famille. Conférence des évêques de France, dans Documentation catholique n°2183, 7 juin 1998, p. 535. Voir l’intervention de Mgr Celestino Migliore, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies : Migliore, Mgr Celestino, Défendre et protéger la famille, dans Documentation catholique, n°2313, 2 mai 2004, p. 422. Mgr Bernard Panafieu souligne également l’importance de « promouvoir la famille [et] renforcer l’institution qui lui permet de s’épanouir ». Panafieu, Mgr Bernard, Pour une famille heureuse, dans Documentation Catholique n°2258, 18 novembre 2001, p. 1006. Voir pour les positions du Saint-Siège : Actes du Saint-Siège : Charte des droits de la famille, dans Documentation catholique n°1864, 18 décembre 1983, p. 1153–1157 ; Conseil pontifical pour la famille (sous la dir. de), Evolutions démographiques et dimensions éthiques et pastorales. Présentation par le Père Philippe Laurent, Editions du Cerf, Paris, 1994, p. 81–86 ; Valette, René, Le catholicisme et la démographie. Eglise, population mondiale, contrôle des naissances, Editions de l’atelier, Paris, 1996, p. 165. Cova, Anne, « Au service de l’Eglise, de la patrie et de la famille » : Femmes catholiques et maternité sous la IIIè République, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 212.

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sation et à certains modes de contraception, intra-utérins notamment comme le stérilet.9 De fait, garantir la liberté des couples signifie pour le Saint-Siège avant tout celle d’avoir des enfants. Malgré cette prise de position quelque peu ambiguë, le Saint-Siège incite, par la charte des droits de la famille, élaborée en 1983, les Eglises catholiques à prendre position sur la politique familiale. Or on constate des différences notables entre les discours de l’Eglise catholique en France et en Allemagne, a fortiori entre ceux de l’Eglise catholique en France et ceux des deux grandes Eglises en Allemagne. Certes, ils s’articulent dans les deux pays autour des deux mêmes axes : mariage et famille, mais ils sont formulés de manière très différente. Que signifie en premier lieu soutenir le mariage et la famille ? Soutenir le mariage signifie défendre l’institution, c’est-à-dire lutter contre un alignement juridique des choix de vie dit non conventionnels, tels que l’union libre, avec le mariage. Le mariage doit conserver en tant qu’institution toute sa particularité, son caractère unique, et par là, son importance. Soutenir la famille implique soutenir la natalité, en d’autres termes faciliter le choix des couples en faveur des enfants. Si donc les Eglises s’accordent sur ce double objectif, elles divergent cependant sur la forme que doit prendre ce soutien. Un objectif commun : l’action sociale Certes, on observe un noyau commun aux trois Eglises, catholique en France, catholique et protestante en Allemagne, qu’est l’action sociale. Elle constitue en effet l’une des pierres angulaires de l’action des Eglises, qui vient se substituer à la tradition de la charité chrétienne.10 Elle s’articule autour de deux priorités : le soutien aux familles les plus démunies et l’aide apportée aux personnes en situation de détresse psychologique (grossesse malvenue, drogue, couples en crise, etc.). Dans les deux cas, il s’agit d’une aide qui s’adresse en priorité à des familles en situation difficile, donc à une frange plus marginale de la population, par exemple les familles monoparentales, qui sont plus touchées par la pauvreté, ou bien des adolescents issus d’un contexte familial difficile. Mais au-delà de cette première acception du terme « action sociale », on observe aussi une réflexion plus générale sur la situation des familles dans la société : le coût induit par la descendance engendre un déséquilibre entre la situation financière des familles et celle des couples sans enfant que l’Eglise considère comme une forme de discrimination qu’il s’agit de surmonter. En Allemagne : une prise de position sur la politique familiale Comment faciliter le choix des couples en faveur des enfants ? C’est la question que se posent l’Eglise protestante et l’Eglise catholique en Allemagne. Ainsi, soutenir les naissances, c’est avant tout, pour les Eglises en Allemagne, améliorer la politique familiale, afin de créer des conditions favorables à la natalité. Quelles

9 Conseil pontifical pour la famille (sous la dir. de), Evolutions démographiques, p. 86–87. 10 Cova, Femmes catholiques et maternité, p. 218–219.

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solutions faut-il envisager ? Les propositions des Eglises s’articulent en Allemagne autour de quatre axes. En premier lieu, il s’agit de permettre une meilleure conciliation entre travail et famille, afin de tenir compte du nombre croissant de femmes qui souhaitent rester en activité, que ce soit pour des raisons financières ou professionnelles.11 Aussi, les deux grandes Eglises se prononcent en faveur d’un développement des infrastructures d’accueil pour la petite enfance et d’un accueil en journée dans les écoles. En outre, les Eglises s’adressent plus particulièrement aux pères, qui doivent s’impliquer davantage dans la vie familiale et permettre ainsi une répartition plus équilibrée des tâches entre hommes et femmes. Une telle évolution favoriserait le maintien en activité des mères. Enfin, les Eglises demandent aux entreprises d’agir également en proposant un environnement professionnel adapté aux familles, en permettant notamment aux salariés d’accéder à des aménagements des horaires de travail, à des offres de travail à temps partiel, sans être pénalisés dans leur carrière. Ces positions constituent un véritable tournant dans l’histoire des deux Eglises en Allemagne, L’Eglise – catholique notamment – a longtemps milité, en particulier au début des années 1980, contre le développement des crèches, qualifiées de lieux de perdition (« Verwahranstalten ») et pour une prise en charge des enfants exclusivement par la mère. L’Eglise avait ainsi, dans le passé, souligné le rôle irremplaçable de la mère et la nécessité d’un renoncement au moins temporaire à toute activité professionnelle. On constate ainsi un certain « réalisme » des Eglises qui tiennent compte des changements observés dans la société et reconnaissent la nécessité, pour soutenir la natalité, de prendre en considération le souhait d’un nombre croissant de femmes de rester en activité, et par conséquent de rééquilibrer les rôles entre les deux sexes. En second lieu, l’Eglise catholique souhaite que la politique familiale garantisse le libre choix des mères entre activité et maintien ou retour au foyer. En d’autres termes, la politique de conciliation entre travail et famille ne doit pas pénaliser les femmes qui font le choix de se consacrer à l’éducation de leurs enfants. A titre d’exemple, l’Eglise catholique demande la possibilité pour les mères de choisir entre le nouveau congé parental d’un an qui a été introduit au 1er janvier 2007 et l’ancien congé parental de trois ans.12 Elle requiert aussi la prise en compte du congé parental pour la retraite. 11 Kock, Manfred, Wert und Bedeutung der Familie für unsere Gesellschaft, Vortrag zum Rittertag der Rheinischen Genossenschaft des Johanniterordens, 17 mai 2003 Kaiserswerth, voir http://www.ekd.de/vortraege/kock/kock_030517_familie.html, consulté le 2 juin 2008 ; et Mehr Kinderfreundlichkeit und Generationensolidarität, table ronde organisée par l’Eglise catholique dans le cadre de l’initiative Hier beginnt die Zukunft – Perspektiven für Ehe und Familie le 26 mai 2006, voir http://www.katholisch.de/9752.html, consulté le 2 juin 2008. 12 Pour les naissances jusqu’au 31 décembre 2006, les parents peuvent souscrire un congé parental de trois ans, rémunéré pendant deux ans par l’Etat – la troisième année étant versée par certains gouvernements régionaux – à hauteur de 300 euros par mois. Ils peuvent alternativement opter pour un congé parental limité à une durée maximale d’un an, mais associé à une allocation parentale d’éducation de 450 euros. Pour toute naissance à partir du 1er janvier 2007, le congé parental est limité, selon le modèle suédois, à une durée d’un an, prolongeable de deux mois au profit de l’autre parent uniquement. Il est rémunéré à hauteur des deux tiers

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En outre, les Eglises souhaitent améliorer les conditions financières des familles. Wolfgang Huber, le président du conseil de l’EKD, s’est prononcé en mars 2006 en faveur de la gratuité des jardins d’enfants, ce qui a suscité beaucoup de réactions dans la classe politique. De plus, il s’agit de prévenir les risques de pauvreté chez les familles en menant une action ciblée sur les bas salaires. Les deux Eglises critiquent ainsi la nouvelle allocation parentale d’éducation qui représente un pourcentage du salaire, dans la mesure où elle favorise selon eux les salaires élevés au détriment des familles démunies.13 Wolfgang Huber a au contraire proposé une allocation parentale d’éducation soumise à condition de ressources, ce qui libérerait des fonds pour développer les infrastructures d’accueil pour la petite enfance et permettrait aux couples dont les salaires sont bas de se maintenir en bi-activité. Enfin, les deux Eglises se prononcent en faveur d’un développement des allègements fiscaux pour les familles. Le dernier grand axe de la politique familiale concerne le domaine de l’éducation et de la formation. Suite aux mauvais résultats enregistrés dans le cadre de l’étude PISA, menée par l’OCDE dans une trentaine de pays sur le niveau scolaire des élèves en compréhension, en mathématiques et en biologie, les Eglises sont favorables à l’élaboration d’un programme éducatif adapté pour les enfants dès le jardin d’enfants. Celui-ci a pour vocation, avec le développement d’un accueil en journée dans les écoles, de soutenir en particulier les enfants issus de milieux défavorisés – notamment de l’immigration – afin de leur donner de meilleurs moyens pour réussir dans la vie et d’atténuer les écarts observés entre les très bons et les très mauvais élèves.14 Ce programme doit être élaboré avec la coopération des pouvoirs publics, des parents et d’éducateurs. Mais au-delà des enfants, les Eglises s’attachent aussi au problème de la formation des parents, de l’aide à apporter aux parents confrontés à des problèmes éducatifs spécifiques. Plus généralement, Wolfgang Huber propose que tous les projets de lois soient soumis à une sorte de « contrôle technique » familial (« InstitutionenTÜV »)15, c’est-à-dire à des critères de respect et de soutien aux familles. Les points de vue défendus par les Eglises catholique et protestante sont très proches en Allemagne, ce qui les amène à faire nombre de déclarations communes. L’Eglise catholique affiche simplement des positions quelque peu plus traditionalistes, en particulier par le biais d’une défense accrue des droits des mères au foyer. Elle met également plus particulièrement l’accent sur l’importance du du salaire perçu dans la limite de 1800 euros net par mois et ne peut être inférieur à 300 euros, afin de ne pas pénaliser les femmes inactives. Il s’adresse donc surtout aux mères actives. 13 Huber, Wolfgang, Familien haben alle – für eine Zukunft mit Kindern, 28 mars 2006, http://www.ekd.de/vortraege/060328_huber_berlin.html, consulté le 2 juin 2008 ; Mehr Kinderfreundlichkeit und Generationensolidarität, paroles du Cardinal Georg Sterzinski à l’occasion d’une table ronde organisée par l’Eglise catholique dans le cadre de l’initiative Hier beginnt die Zukunft – Perspektiven für Ehe und Familie, le 26 mai 2006, http://www.dbk.de/aktuell/meldungen/00971/index.html, consulté le 2 juin 2008, . 14 Conseil de l’EKD (sous la dir. de), Was Familien brauchen. Eine familienpolitische Stellungnahme des Rates der EKD, EKD-Texte 73, 2002. 15 Huber, Familien haben alle, 28 mars 2006.

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mariage, tandis que l’Eglise protestante consacre la plupart de ses interventions et discours à la famille. En France : des interventions sur des questions éthiques En France, le soutien aux familles ne prend pas du tout la même forme. Certes, l’Eglise catholique appelle également les pères à s’investir davantage et à opter pour une « paternité responsable ». Mais cet appel s’adresse aux couples, aux individus, non au gouvernement. L’Eglise catholique reste, en France, très en deçà des appels du Saint-Siège. De fait, elle n’intervient pas sur les modes de garde, le soutien financier aux familles, les retraites ou le congé parental. Tout ce qui concerne le quotidien des familles, les aides financières, les infrastructures, ne suscite guère de réaction de la part de l’Eglise catholique en France. En revanche, l’Eglise interpelle le gouvernement sur les débats au parlement pour s’attaquer à des questions comme le clonage, l’avortement, le PACS, le mariage homosexuel ou encore l’euthanasie. En d’autres termes, uniquement sur des questions d’ordre éthique et non proprement politiques. Ainsi, les Eglises se posent, en Allemagne, en interlocuteurs du gouvernement pour toutes les questions relatives à la politique familiale, tandis que l’Eglise catholique n’intervient, en France, que lorsqu’elle estime les valeurs chrétiennes menacées, donc généralement en opposition à un projet (réformes de l’IVG de 2001 et 2004, introduction du PACS, par exemple). De fait, tandis que les Eglises et les associations ecclésiastiques saluent en Allemagne les initiatives du gouvernement, en France, l’Eglise catholique prend le plus souvent la parole pour critiquer les propositions faites.16 De même que les objectifs affichés diffèrent dans une large mesure, les moyens mis en œuvre pour les atteindre ne sont pas les mêmes. Les Eglises interviennent à trois niveaux : un niveau individuel en s’adressant directement aux familles, un niveau local à l’échelle d’une paroisse ou d’une commune, et un niveau national. Un rôle de conseil et d’accompagnement des familles Le premier rôle que jouent les Eglises en France et en Allemagne auprès des familles ne passe pas par le gouvernement, mais s’adresse directement aux personnes intéressées. Il s’agit d’un rôle de conseil et d’accompagnement des familles. On distingue deux domaines d’interventions : une action à dimension religieuse et une action à caractère social. Le premier cas concerne la préparation au mariage ou au baptême, le catéchisme ou le cours de religion, ou tout autre sujet à caractère purement confessionnel. L’action sociale consiste, quant à elle, essentiellement en un travail d’écoute et de conseil à l’attention de toute personne en 16 Voir Diakonie begrüßt Elterngeld, http://www.ekbo.de/7517_18664.php?liste=ja&seiten_id= 17541&nav_id, consulté le 2 juin 2008 ; Bouchex, Mgr Raymond (archevêque d’Avignon), Et l’enfant dans tout cela ? , Documentation catholique n°2234, 15 octobre 2000, p. 881–883.

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difficulté. Les Eglises organisent ainsi des rencontres, des cellules d’écoute téléphonique, des formations pour les parents, ou toute autre action appropriée en direction des familles. On constate cependant une différence entre les deux pays. Si de nombreuses paroisses en France proposent ces services, ils passent en réalité pour une bonne part d’entre eux par les associations. A titre d’exemple, les congrégations comme les Petites Sœurs des maternités catholiques s’adressent plus particulièrement aux femmes confrontées à une grossesse malvenue, l’association Amour et Vérité propose, comme l’Ecole des parents ou le programme Chantiers-éducation de la CNAFC, des écoles pour les couples et les parents, des formations et des maisons d’accueil. Les Equipes Notre-Dame organisent, quant à elles, des rencontres entre couples mariés. Ce phénomène de transfert sur les associations s’observe aussi en Allemagne, mais pas dans les mêmes proportions.17 Une action locale concertée en Allemagne A cela s’ajoute, en l’Allemagne, la participation à des alliances locales pour la famille. Il s’agit là d’une initiative de l’ancienne ministre de la famille, Mme Renate Schmidt, du parti social-démocrate, introduite fin 2003. L’objectif est de réunir autour d’une table tous les acteurs de la vie politique, économique, sociale d’un quartier ou d’une ville, afin de débattre des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour améliorer la situation des familles. Mme Renate Schmidt souligne en effet que toute amélioration de la situation des familles doit passer par l’échelon local.18 Sont concernés les communes, les entreprises, la chambre de commerce, les syndicats, les associations (de parents notamment) et bien évidemment les Eglises, qui se sont immédiatement proposées pour participer à cette action. Les grands axes en sont la conciliation travail – famille, la mise en place d’une offre de garde de qualité, le développement d’un environnement favorable aux familles, des services de conseil et d’information, le domaine des loisirs, du sport et de la culture, et pour finir, l’élaboration d’offres intergénérationnelles.19 A titre d’exemple, la paroisse protestante de Moers-Repelen en Rhénanie du Nord – Westphalie, a ouvert un centre pour les familles dont le service de conseil s’est 17 La rubrique « mariage et famille » du site http://www.katholisch.de/4463.html, consulté le 2 juin 2008, propose, à titre d’exemple, la liste de tous les services de conseils aux familles proposés par les différents évêchés d’Allemagne. 18 Schmidt, Renate : Eine lebens- und liebenswerte Gesellschaft, à l’occasion de la conférence dans la cathédrale de Mayence, le 30 août 2004, http://www.bpjm.bund.de/bmfsfj/generator/ Kategorien/Archiv/15-Legislaturperiode/reden,did=20550.html, consulté le 2 juin 2008. 19 Le gouvernement met beaucoup l’accent depuis un an sur la création de « Mehrgenerationenhäuser », des maisons qui ont pour vocation d’offrir des services et des activités à l’attention de personnes de tous âges de manière à renforcer les liens entre les générations (prise en charge de la petite enfance, formations pour les parents, activités culturelles, informations santé, services aux personnes âgées, etc). Les 59 premiers projets de maison intergénérationnelles viennent d’être sélectionnés, http://www.bpjm.bund.de/bmfsfj/generator/Kategorien/ aktuelles,did=86858.html, consulté le 2 juin 2008.

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progressivement développé avec la participation de la paroisse catholique et des autres acteurs locaux au point d’offrir aux familles toute une palette d’activités et de services. Dans la ville de Bergtheim, en Bavière, c’est la paroisse qui a mis des locaux à disposition de l’alliance locale pour la famille. Cette opération amène les Eglises catholique et protestante à coopérer entre elles, mais aussi avec des organisations qu’elles désapprouvent. Ainsi, à Tübingen, elles sont assises à une même table que l’association Pro Familia, dont les positions en faveur d’une libéralisation de l’avortement sont vivement critiquées par les Eglises. Il est à noter que les Eglises sont quasiment absentes des alliances locales pour la famille est-allemandes. Seule celle de la ville de Gera compte la participation du diaconat. Cette particularité souligne la perte de poids des Eglises dans les nouveaux Länder à la suite de la politique de lutte menée par l’Etat de RDA à l’encontre de toute pratique religieuse. En France, il n’existe qu’une initiative comparable : les ateliers de politique familiale. Ils ont été mis en place par la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) et rassemble les catholiques intéressés par les questions de politique familiale à l’échelle locale. Ils élaborent des propositions et les soumettent au conseil municipal. Il ne s’agit cependant pas d’une action concertée avec d’autres associations, d’autres acteurs locaux. D’autre part, elles sont peu nombreuses (une trentaine actuellement contre 36520 alliances locales pour la famille en Allemagne) et ont, de ce fait, un poids limité. Leurs propositions n’aboutissent par conséquent pas nécessairement. Quelques exemples de réalisations locales : la mise en place d’une carte famille, offrant des réductions aux familles, ou bien la diminution de la taxe d’habitation pour les familles nombreuses. Enfin, cette action n’est pas le fait de l’Eglise, mais d’associations catholiques. Une action nationale Les Eglises en Allemagne s’efforcent dans la mesure du possible de braquer tous les objectifs sur la famille. L’Eglise catholique a créé, en Allemagne, une commission « mariage et famille » qui a pour objectif de renforcer dans la politique et la société le lobby pour la famille.21 Elle étudie les possibilités d’une élaboration d’une politique pour le mariage et la famille et a ainsi lancé sur trois ans l’action « Ici commence l’avenir : le mariage et la famille ». Elle a consisté en 2005 à coordonner les efforts, c’est-à-dire à associer toutes les bonnes volontés dans les paroisses catholiques allemandes et à créer ainsi un réseau. En 2006, elle s’est efforcée de proposer des projets de réformes de la politique familiale ; il

20 Voir http://www.lokale-buendnisse-fuer-familie.de/, nombre cité le 12 janvier 2007. 21 Ursula von der Leyen, Zukunftsperspektiven der Familienpolitik, dans Sekretariat der Deutschen Bischofskonferenz (sous la dir. de), documentation Hier beginnt die Zukunft – Perspektiven für Ehe und Familie, p. 17–23, http://www.dbk.de/ehe-familie-kirche/download/doku_ feb06.pdf, consulté le 2 juin 2008.

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s’agira en 2007 de présenter le mariage et la famille comme un concept d’avenir et donc d’étudier les perspectives du mariage et de la famille sur le long terme. En outre, les Eglises multiplient les conférences, les colloques, les séminaires sur la famille et les aides qu’on peut lui apporter. Y sont conviés des spécialistes des questions familiales, comme le sociologue Hans Bertram, mais aussi et surtout les membres du gouvernement. Renate Schmidt et Ursula von der Leyen ont participé à ces forums, ont tenu des conférences dans des églises, organisées par l’une ou par l’autre des deux grandes Eglises allemandes. En cela, la position des Eglises vis-à-vis de la famille a sensiblement évolué depuis une vingtaine d’années. Tandis qu’elles s’efforçaient, en luttant au début des années 1980 contre les crèches, de ramener la famille dans une sphère purement privée, elles tendent aujourd’hui, au contraire, à lui restituer une dimension publique. C’est ainsi qu’il faut comprendre le discours de M. Wolfgang Huber : « Nous avons tous de la famille ».22 Il souligne par là que cette question concerne l’ensemble de la société et pas seulement les couples qui ont des enfants. Il revalorise ainsi la famille, mais surtout la place au centre de toutes les questions sociales. De même que les Eglises interpellent les représentants politiques du pays, l’Etat s’adresse en Allemagne aux Eglises. De fait, les membres du gouvernement citent les représentants des Eglises, se réfèrent couramment à eux.23 Mme Renate Schmidt, ancienne ministre de la famille, avait ainsi souligné sa satisfaction de pouvoir compter sur l’Eglise catholique et les associations caritatives ecclésiastiques. Elle avait ajouté que les Eglises fournissent un travail remarquable24, un discours repris par Mme Ursula von der Leyen.25 Plus encore, le gouvernement demande la participation des Eglises. Ainsi, non seulement les Eglises ont apporté leur contribution au 7e Rapport sur la famille (ainsi qu’aux précédents), en communiquant aux politiques leur point de vue sur les questions relatives à la famille, mais encore ont-elles participé à des actions communes au niveau national. A titre d’exemple, le gouvernement allemand vient de lancer l’initiative « Responsabilité Education » avec les deux Eglises qui porte en particulier sur les programmes scolaires. On constate donc une interaction très importante entre Etat et Eglises en Allemagne. De fait, on observe, en Allemagne, un large consensus sur les priorités de la politique familiale. Les objectifs que les Eglises fixent à la politique fami22 Huber Wolfgang: Familie haben alle, 28 mars 2006. 23 Discours de l’ancienne ministre fédérale de la famille, Mme Renate Schmidt à l’occasion du 10e Synode de l’Eglise évangélique en Allemagne, le 7 novembre 2004 à Magdebourg. http://www.bpjm.bund.de/bmfsfj/generator/Kategorien/Presse/reden,did=21552.html, consulté le 2 juin 2008. 24 Ibid., et le discours de Mme Schmidt le 18 juin 2004 : Kinder und Familien im Zentrum, http://www.bpjm.bund.de/bmfsfj/generator/Kategorien/Presse/pressemitteilungen,did=18870. html, consulté le 2 juin 2008. 25 Bündnis für Erziehung gestartet, communiqué de presse du 20 avril 2006, http://www.bpjm. bund.de/bmfsfj/generator/Kategorien/Presse/pressemitteilungen,did=73962.html, consulté le 2 juin 2008

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liale correspondent en effet dans une large mesure aux priorités du gouvernement : des thèmes comme le développement des modes de garde pour la petite enfance, l’importance de la transmission de savoirs et de connaissances dès le plus jeune âge, afin de favoriser l’égalité des chances, ou encore une plus grande participation des pères sont autant repris par les Eglises que par le ministère de la famille. Ainsi, le discours de M. Wolfgang Huber du 28 mars 2006 a été salué par des représentants des partis CDU et SPD. Seule une députée des Verts a critiqué ses propositions. Mme Renate Schmidt, social-démocrate, souligne d’ailleurs ses propres valeurs chrétiennes : « Je suis d’avis que nous autres politiques devrions parler plus souvent de nos valeurs chrétiennes sans pour autant faire de la propagande ».26 On observe ainsi un consensus en Allemagne sur les valeurs chrétiennes et leur permanence en politique. En France, la situation diffère du tout au tout. De même que l’Eglise catholique n’interpelle le gouvernement que sur des questions d’ordre éthique et jamais sur des questions de politique familiale ou de soutien aux familles, le gouvernement n’évoque pas les Eglises lorsqu’il est question de politique familiale. A titre d’exemple, l’entrée « Eglise » aboutit sur le moteur de recherche du ministère de la famille en Allemagne à 54 occurrences, en France, il n’en donne aucune. Certes, en 1995, le secrétaire d’Etat chargé des quartiers en difficulté a sollicité explicitement les Eglises pour qu’elles s’associent aux efforts du gouvernement dans ce domaine.27 Mais c’est bien l’une des très rares occasions où cela s’est produit, et de plus, uniquement dans le domaine de l’action sociale, qui est l’un des rares domaines d’action vraiment reconnus par l’Etat ; or celui-ci est également essentiellement le fait des associations (Emmaüs, Le secours catholique,La croix rouge entre autres). De même, Nicolas Sarkozy est bien intervenu lors de la séance inaugurale de la XIXe Rencontre internationale « Hommes et religions », le 11 septembre 2005, mais à seule fin de parler précisément de la laïcité.28 La conférence des évêques de France regrette d’ailleurs que les positions de l’Eglise catholique soient jugées conservatrices, donc associées en politique aux mouvements de droite.29 Loin du consensus national observé en Allemagne, les positions de l’Eglise catholique en France alimente le débat gauche-droite. Cela souligne bien la différence de rapport entre le politique et le religieux dans les deux pays. En bref, on constate en Allemagne une réelle coopération entre les Eglises et les pouvoirs publics, une volonté de ramener la famille dans la sphère publique. En France, au contraire, subsiste une séparation nette entre l’Eglise catholique et l’Etat, mais une séparation qui est d’une certaine façon une façade ; car un transfert s’est opéré de l’Eglise vers les associations. Une bonne part des aides apportées aux familles sont offertes par les associations, qui, elles, sont en relation avec les pouvoirs publics, ne serait-ce qu’au travers des déductions fiscales attribuées 26 Schmidt, Renate, Eine lebens- und liebenswerte Gesellschaft, le 30 août 2004. 27 Willaime, Laïcité et religion en France, p. 166. 28 Sarkozy, Nicolas, La laïcité, facteur de paix entre les citoyens, dans Documentation catholique n°2344, 16 octobre 2005. 29 Berranger, La famille otage du jeu électoraliste, p. 834.

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aux dons accordés aux associations caritatives. De fait, le Saint-Siège incite vivement les laïcs à intervenir à leur niveau.30 Bilan : Le rôle de la loi de 1905 Quel est l’impact de la loi de 1905 sur ces différences observées entre la France et l’Allemagne ? Evidemment, il est de taille. En premier lieu, la loi sur la laïcité a contribué à restreindre considérablement les moyens financiers de l’Eglise catholique en France, et par là ses possibilités d’action, tandis que le denier du clergé est prélevé, en Allemagne, par les services fiscaux, ce qui assure aux deux grandes Eglises des recettes régulières et importantes. En second lieu, la loi sur la laïcité réduit le champ d’action de l’Eglise. L’Eglise catholique a beaucoup abordé cette question en 2005, à l’occasion du centenaire de la laïcité, et confirmé les limites qui lui sont imposées à elle, mais aussi à l’Etat. La Conférence des évêques de France rappelle ainsi que « les pouvoirs publics n’interviennent pas dans la vie interne de l’Eglise, et l’Eglise n’a pas vocation à gérer le politique ».31 Néanmoins, la Conférence des évêques de France souligne aussi que cela n’implique pas pour autant une absence de relations et de dialogue. Ainsi, une instance de dialogue et de concertation a été créée en février 2002 avec les représentants de l’Eglise catholique. Mais au même titre qu’a été créé, l’année suivante, le Conseil français du culte musulman, instance de représentation du culte musulman. Comme le mentionne la sociologue Jacqueline Costa-Lascoux, « la laïcité consiste de moins en moins en une indifférence de l’Etat vis-à-vis des religions qu’en une reconnaissance pluraliste des croyances ».32 Celle-ci permet une interaction entre les cultes et l’Etat qui autorise une action politique et sociale des instances religieuses en France. Ainsi, l’Eglise catholique justifie ses interventions par son droit, par son devoir de faire respecter, à travers les valeurs chrétiennes, les droits de la personne humaine : « L’Etat de droit n’est pas indépendant vis-à-vis de l’éthique, puisqu’il est au service des droits de l’homme. Ainsi l’Eglise ne sort pas de sa responsabilité quand elle interpelle les pouvoirs publics lorsque l’être humain ou les droits de la personne humaine et son aspect transcendant ne sont pas respectés ».33 De plus, cette action politique en30 « En raison de leur statut de citoyens, comme leurs compatriotes, les catholiques ont le devoir de participer, selon leurs compétences et dans le respect de leurs convictions aux différents domaines de la vie publique ». Actes du Saint-Siège, Actes du Pape Jean-Paul II, Une laïcité sereine et respectueuse. Lettre aux évêques de France pour le centenaire de la Loi de 1905, dans Documentation Catholique n°2331, 6 mars 2005, p. 203. 31 Conférence des Evêques de France, L’Eglise catholique et la loi du 9 décembre 1905 cent ans après. Déclaration plénière des évêques de France, dans Documentation Catholique n°2340, 17 juillet 2005, p. 719. Elle rappelle ainsi la « non compétence de l’Etat en matière religieuse et la non ingérence des Eglises dans les questions proprement politiques ». 32 Costa-Lascoux, Jacqueline, L’expression religieuse dans une société laïque. Synthèse par Jacqueline Lebon, Ministère de l’Aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration, Paris, Direction de la population et des migrations. Notes et documents n°28, juin 1996, p. 8– 9. 33 Conférence des Evêques de France, L’Eglise catholique et la loi du 9 décembre 1905, p. 721. « L’Eglise ne souhaite pas s’enfermer dans la défense de ses intérêts communautaires mais

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globe l’ensemble de la population française, et non pas seulement la communauté des catholiques. En outre, la loi de 1905 permet une action sociale, dans la mesure où « la séparation entre Eglises et Etat n’équivaut pas à une séparation entre Eglises et société ».34 La loi de 1905 permet ainsi à l’Eglise une action politique et sociale, qui peut être complétée par le rôle des associations. Mgr. Jean-Pierre Ricard, président du Conseil des évêques de France, souligne ainsi que « Ceux qui veulent écarter les religions de l’espace social et les enfermer dans le seul domaine des convictions privées se trompent de siècle ».35 Comment s’expliquent dans ce cas les limites de l’action de l’Eglise en France ? Des différences culturelles L’action des Eglises auprès des familles en France et en Allemagne s’explique aussi par les différences culturelles qu’on observe dans les deux pays. En Allemagne, l’Etat préfère se maintenir à l’arrière-plan. Il laisse aux familles le soin de se prendre en charge et de pourvoir à leurs propres besoins. En seconde ligne interviennent les acteurs locaux, tels que les entreprises, les associations, et donc les Eglises aussi. Les pouvoirs publics n’interviennent qu’en tout dernier ressort.36 Cette conception de la politique familiale est d’ailleurs partagée par l’Eglise catholique en Allemagne qui considère que la politique familiale doit consister à « aider les familles à activer leurs propres ressources ».37 Par conséquent, la coopération entre Eglises et Etat ne témoigne pas nécessairement d’une relation privilégiée entre les deux institutions, puisque les appels du gouvernement s’adressent à tous, c’est-à-dire autant aux entreprises et aux associations qu’aux Eglises. En témoignent d’ailleurs la participation également de la communauté juive à l’élaboration du 7e Rapport sur la famille, ou l’appel du ministère de la famille aux autres cultes.38 Le gouvernement souligne en effet que la famille est une responsabilité commune : « La politique familiale a besoin de partenaires et

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contribuer à promouvoir la dignité intégrale de chaque personne humaine dans notre vie sociale, ainsi que la paix et la justice dans notre société ». Ibid, p. 719. Ricard, Mgr Jean-Pierre, Conférence des Evêques de France. Discours de clôture, dans Documentation Catholique n°2347, 4 décembre 2005, p. 1133. Le principe de subsidiarité qui s’observe dans ce transfert de la politique familiale vers les acteurs locaux s’explique notamment par l’héritage historique de l’Allemagne, en particulier national-socialiste. L’Etat souhaite en effet se prémunir de toute dérive autoritaire et garantir une liberté de choix aux individus. Voir pour plus d’informations Salles, Anne, La politique familiale allemande: les limites de l’action de l’Etat, dans Critique Internationale n°31, avril– juin 2006, p. 95–117. Mehr Kinderfreundlichkeit und Generationensolidarität, table ronde organisée par l’Eglise catholique voir http://www.katholisch.de/9752.html, consulté le 2 juin 2008. La nouvelle ministre de la famille, Mme Ursula von der Leyen appelle les autres groupes religieux à se joindre à l’alliance nouvellement créée pour l’éducation et la formation. communication de presse, von der Leyen, Bündnis für Erziehung gestartet, 26 avril 2006.

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d’une nouvelle forme de coopération ».39 Aussi, l’Allemagne se caractérise par une interaction très forte entre les différents acteurs politiques, économiques et sociaux. On peut parler ainsi d’une structure horizontale. A titre d’exemple, les Eglises s’adressent aussi bien aux individus qu’aux entreprises, auxquelles elles demandent de prendre en compte les besoins des familles40, et aux pouvoirs publics. Afin d’éviter que trop de pouvoirs soient concentrés dans les mains d’une seule institution, la politique familiale doit être menée sur la base la plus large possible.41 En témoigne cette question que Mme Ursula von der Leyen a adressé à des représentants du monde économique, des Eglises, des communes et des syndicats: « que pouvons-nous faire pour que l’Allemagne devienne un pays favorable aux familles ? ». La question est intéressante à plus d’un titre. Elle dénote une volonté de placer tous les acteurs politiques, économiques et sociaux sur un même plan, et par là de partager la responsabilité de la politique familiale. A travers cet appel aux autres, la question donne en même temps une extraordinaire leçon de modestie, en soulignant que le gouvernement ne sait pas, et qu’il a besoin de tous les conseils qu’on peut lui donner. Mais il en ressort également un sentiment d’impuissance, un aveu d’échec : nous n’avons pas trouvé de solution. Rien de tel en France, bien au contraire. La politique familiale, les aides aux familles relèvent des pouvoirs publics, et non des associations, des syndicats, des entreprises, de l’Eglise. Un exemple tout à fait parlant : il existe en France très peu de crèches d’entreprises et de crèches parentales. On ne dénombre que 15300 places dans les crèches d’entreprises, essentiellement dans les hôpitaux, et seulement 8500 places dans les crèches parentales sur plus de 200 000 places en France.42 De même, seuls 13% des enfants inscrits en école maternelle sont accueillis dans le privé.43 En Allemagne, plus de la moitié des établissements d’accueil préscolaires sont tenus par les Eglises et les associations ecclésiastiques.44 On constate en effet en France un fonctionnement beaucoup plus vertical, les aides partant directement des pouvoirs publics en direction des familles. Le niveau 39 Mme Renate Schmidt souligne ainsi : « la responsabilité pour la famille et l’amélioration des conditions de conciliation entre travail et famille est une responsabilité commune. Les acteurs économiques et les syndicats, les Eglises, les associations, les organisations sociales et les initiatives citoyennes sont aussi appelées à agir aux côtés des parlements et de l’administration. Tous doivent travailler activement et d’emblée au bien-être des enfants, afin de leur donner à eux et au pays, un avenir. », voir Schmidt, Eine lebens- und liebenswerte Gesellschaft, le 30. août 2004. 40 De la même manière, elles considèrent aussi qu’elles ont, en tant qu’employeurs, un rôle à jouer. Voilà bien une différence majeure avec la France, où l’Eglise ne peut guère être un « employeur » de référence. 41 Au sujet des interrelations entre dynamique des systèmes de protection sociale et pacte fédéral, voir Münch, Ursula, Sozialpolitik und Föderalismus. Zur Dynamik der Aufgabenverteilung im sozialen Bundesstaat, Opladen, Leske & Budrich, 1997, 340 p. 42 Hermange, Marie-Thérèse, La Prestation d’accueil du jeune enfant. La Paje en propositions, rapport remis au Ministre délégué à la Famille, février 2003, p. 109–112. 43 Calculé d’après les données de l’INSEE pour l’année scolaire 2003–2004 (www.insee.fr). 44 Schmidt, Kinder und Familien im Zentrum, 18 juin 2004 ; voir également von der Leyen, Bündnis für Erziehung gestartet, 20.4.2006.

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intermédiaire que constituent en Allemagne les acteurs privés locaux est quasiment absent du paysage français, ce qui réduit automatiquement les possibilités d’intervention des Eglises. Cette situation pourrait cependant évoluer, dans la mesure où l’Eglise catholique se prononce, en France, en faveur d’actions communes, comme en témoigne le rôle du CECEF (le Conseil des Eglises chrétiennes en France) qui donne aussi la parole aux Eglises réformée et orthodoxe, ainsi que l’avait montré l’appel lancé par Mgr Jean-Pierre Ricard à l’ensemble de la société : « on a besoin de la participation de tous ».45 Conclusion Les différences qu’on observe dans l’action des Eglises en France et en Allemagne auprès des familles sont nombreuses. Tandis qu’elles coopèrent beaucoup avec l’Etat en Allemagne, s’impliquant tant à l’échelle nationale qu’au niveau local, l’action de l’Eglise catholique en France paraît bien timide. De fait, les Eglises se posent, en Allemagne, en interlocuteurs du gouvernement, proposant un véritable programme de politique familiale, alors que l’Eglise catholique intervient peu en France sur les questions de politique familiale, privilégiant les débats d’ordre éthique. De plus, l’action des Eglises allemandes s’inscrit dans un large consensus sur les objectifs poursuivis : elles partagent ainsi les positions du gouvernement et bénéficient d’un appui important dans la classe politique, de gauche comme de droite. En revanche, les prises de position de l’Eglise en France s’inscrivent davantage dans une logique d’opposition et sont souvent critiquées par la gauche comme conservatrices. La loi de 1905 a incontestablement joué un rôle dans les différences observées. Elle a exercé une influence en limitant les moyens financiers de l’Eglise catholique en France, et, par là, le rôle qu’elle exerce auprès des familles. Elle a notamment restreint les possibilités qui s’offrent à l’Eglise d’agir sur la politique familiale, et l’a amenée à transférer ce domaine aux associations. De fait, on constate plus de points communs entre l’Eglise catholique et protestante d’Allemagne qu’entre l’Eglise catholique en France et en Allemagne. Si la laïcité intervient ainsi dans la forme que prend la coopération entre les Eglises et l’Etat auprès des familles, l’héritage culturel et historique y est aussi pour beaucoup. Il se traduit en effet par une plus grande implication des acteurs locaux en Allemagne qu’en France. Il faut néanmoins nuancer le propos : bien que la politique familiale réunisse en Allemagne un plus grand nombre d’intervenants à tous les niveaux publics et privés, l’aide apportée aux familles reste globalement plus limitée en Allemagne qu’en France, en particulier dans le domaine de la conciliation entre travail et familles, où les pouvoirs publics sont, en France, particulièrement actifs.46 Enfin, 45 Ricard, Discours de clôture, p. 1133. 46 Salles, Anne, Familienpolitische Hilfen zur Arbeitsmarktintegration der Mütter. Ein deutschfranzösischer Vergleich, dans WZB-Paper (Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung) n°P2005–007, octobre 2005, p. 11–25.

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certes la loi de 1905 conduit à restreindre le champ d’action de l’Eglise catholique en France, mais elle lui permet tout de même d’exercer un rôle politique et social, directement ou par le biais d’associations catholiques. Par conséquent, l’Eglise catholique se dit satisfaite de la loi de 1905 qui lui semble avoir abouti à un réel équilibre entre les pouvoirs publics et les cultes, un équilibre qu’elle ne souhaite pas voir remis en cause.47

47 Ibid, p. 1133 ; et Ricard, Mgr Jean-Pierre, Le dialogue nécessaire entre deux humanismes, dans Documentation Catholique n°2344, 16 octobre 2004, p. 971.

LA LAÏCITE A L’EPREUVE DU FOULARD ISLAMIQUE. UNE COMPARAISON FRANCO-ALLEMANDE Gilles Leroux La question du foulard islamique a déclenché en France et en Allemagne des débats socioculturels et des contentieux. Il est vrai qu’en comparant la discussion dans les deux pays apparaissent des parallèles et des points communs. Les débats abordent par exemple, en premier lieu, tous les deux, l’environnement scolaire. Cependant non seulement le moment et l’élément déclencheur diffèrent, mais en plus, au regard des décisions juridiques, de l’interprétation des lois existantes, et de l’évolution des amendements et des propositions de lois, apparaissent bien des différences. La laïcité en France a sur la relation entre l’Etat et les religions des effets différents de ceux que l’on relève en Allemagne. Le mode fédéral de gouvernement de la RFA a pour conséquence une multitude de règlements et de lois qui contrastent avec les lois unitaires françaises. En fin de compte, le traitement de la question du foulard islamique reflète aussi l’attitude de la société française ou allemande, le regard qu’elles portent sur l’immigration et l’intégration, entre multiculturalisme et idée d’une culture de référence. Die Frage des muslimischen Kopftuches hat sowohl in Frankreich als auch in Deutschland heftige gesellschaftliche und kulturelle Debatten und Rechtstreitigkeiten ausgelöst. Zwar gibt es in der Diskussion in den beiden Ländern Parallelen und Gemeinsamkeiten, zum Beispiel nehmen beide ihren Anfang im schulischen Umfeld. Allerdings sind nicht nur Auslöser und Zeitpunkt der Debatte verschieden, auch in den juristischen Urteilen, der Auslegung der vorhandenen Gesetze sowie den Gesetzesvorlagen und -änderungen sind Unterschiede zu sehen. Der Laizismus in Frankreich hat andere Auswirkungen als die Säkularität des Staates in Deutschland, durch die Kulturhoheit der Länder in der föderal organisierten Bundesrepublik kommt es in Deutschland zu einer Vielzahl von Regelungen, im Gegensatz zu einheitlichen Gesetzen in diesem Bereich in Frankreich. Letzten Endes spiegelt der Umgang mit der Frage des muslimischen Kopftuches auch die Einstellung der französischen und der deutschen Gesellschaft zur Einwanderung und Integration und die unterschiedlichen Ansprüche zwischen Multikulturalismus und „Leitkultur“ wider.

Bien qu’avec neuf années d’écart, la France et l’Allemagne furent toutes deux confrontées à des affaires de foulard islamique. En France, le premier contentieux remonte à 1989 à Creil alors qu’en Allemagne, ce ne fut qu’en 1998 que la polémique éclata dans le sud-ouest du pays, plus précisément dans le BadeWurtemberg. Hormis ce décalage temporel, il existe une autre différence, plus fondamentale, entre ces types de cas de part et d’autre du Rhin. En France, les personnes qui déclenchèrent la polémique étaient de jeunes élèves, tandis qu’en Allemagne, ce furent des étudiantes stagiaires qualifiées (Referendarinnen) sur le point d’être recrutées comme enseignantes. Nous étions donc, en France, en quel-

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que sorte en présence d’usagers du service public, alors qu’en Allemagne il s’agissait de futurs ou potentiels personnels agents de la fonction publique. Cette différence n’était pas le fruit du hasard ; elle révélait au contraire deux réalités sociales bien différentes quant aux attitudes française et allemande face aux manifestations religieuses. Le problème du foulard islamique dans les établissements scolaires ne se posa donc pas dans les mêmes termes et en France et en Allemagne. Pourtant, tant les réactions que ces affaires suscitèrent que la façon dont elles furent traitées sont, comme nous allons le voir, assez identiques. Quand les affaires de foulard secouent la France Comme le rappelle le rapport de la Commission Stasi, « la question de la laïcité est réapparue en 1989 là où elle est née au XIXe siècle : à l’école. »1 Le problème du foulard se pose en effet pour la première fois en 1989 dans un collège de Creil. Confontré à une polémique très vive, le gouvernement s’en remet alors au Conseil d’Etat. L’avis rendu par ce dernier en novembre 1989 reconnaît le droit à l’expression des élèves dans un établissement public conformément à la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989.2 Les élèves sont donc autorisés à porter des signes religieux à l’école. Le Conseil d’Etat a toutefois posé quatre conditions à l’exercice de ce droit par les élèves : ils ne devront se livrer à aucun prosélytisme, ne perpétrer aucune atteinte à la dignité humaine, ni causer aucun trouble de l’ordre ou des missions du service public. Dans une première tentative de définir le caractère prosélyte, le ministre de l’Education nationale, François Bayrou, publie très vite un décret dans lequel il introduit la notion de « signe ostentatoire ». L’attitude prosélyte sera avérée et sanctionnée si le signe est porté de façon ostentatoire, c’est-à-dire de manière revendicative ou en cherchant à convertir. L’avenir montrerait qu’en réalité il n’avait fait que déplacer le problème de définition d’un concept à un autre.3 En 1989, les signes religieux ne furent donc pas interdits dans les établissements scolaires, mais ils pouvaient le devenir s’ils étaient ostentatoires. Les rectorats et les établissements eurent beaucoup de mal à faire appliquer ces principes au cas par cas comme le voulait le Conseil d’Etat. De nombreux contentieux naquirent et bon nombre de règlements scolaires interdisant par principe le port de signes religieux furent sanctionnés. Une nouvelle affaire défraya la chronique en 1992 après que les parents de trois élèves exclues de leur collège de Montfermeil eurent saisi la justice. L’arrêt Kheroua, du nom des plaignants, confirma l’avis du Conseil d’Etat sur l’illégalité de toute interdiction générale et absolue des signes d’appartenance religieuse. Deux ans plus tard, une nouvelle circulaire du ministère de l’Education nationale tenta de mieux circonscrire la notion de signe osten1

2 3

Laïcité et République, Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, remis au Président de la République le 11 décembre 2003, La Documentation française, Paris 2004, p. 124. Laïcité et République, p. 66–67. Beaucoup plus tard, et alors qu’il ne sera plus question de signes ostentatoires mais ostensibles, le ministre de l’Education Luc Ferry, quelque peu pris au dépourvu, ne dira-t-il pas que le port de la barbe pourrait être considéré comme ostensible ?

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tatoire. Elle rappelait « qu’il n’était pas possible d’accepter à l’école la présence et la multiplication de signes si ostentatoires que leur signification était précisément de séparer certains élèves des règles de vie commune de l’école. »4 A la fin de l’année 1994, le nombre d’élèves exclues de leur établissement s’élevait à environ quatre-vingts.5 Cette année fut aussi celle de la nomination d’une médiatrice de l’Education nationale. En 1997, le Conseil d’Etat fut contraint de rappeler que le foulard ne saurait être interprété comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire. Ce rappel était une dénonciation de la circulaire Bayrou de 1994. Les exclusions des établissements scolaires étaient certes possibles, mais uniquement si elles étaient fondées sur l’une des quatre conditions énoncées en 1989 ou, plus simplement, si elles résultaient d’un non-respect du règlement scolaire. Le refus de participer à certains cours, le cours d’EPS par exemple, devait être sanctionné. Le Conseil d’Etat était donc resté fidèle à sa position de 1989. Comme le rappelle le Commissaire du gouvernement près la section du contentieux du Conseil d’Etat, David Kessler, le Conseil a traité les contentieux au sujet du foulard islamique dans les établissements scolaires français comme des affaires d’espèce et non de principe et c’est pour cela qu’aucune interdiction d’ordre général ne pouvait être prononcée.6 Il est toutefois utile de rappeler que la jurisprudence du Conseil d’Etat ne vaut que pour les élèves, pas pour le personnel enseignant. Concernant le principe de laïcité, cette jurisprudence stipule qu’une même jeune fille peut, dans les conditions énoncées plus haut, être admise voilée à l’école, mais qu’elle devra s’en abstenir si elle souhaite occuper un emploi de surveillante ou d’enseignante.7 En tout état de cause la position du Conseil d’Etat ne permit pas de mettre fin à la polémique car en renvoyant la balle dans le camp des établissements et des académies, il ouvrait la porte à des solutions différenciées voire inégales. L’application difficile de ces principes par les chefs d’établissement devant décider seuls de la frontière entre des signes ostentatoires illicites et des signes discrets licites, appelait une clarification ultérieure de cette question. Après une courte accalmie, la controverse resurgit sur la scène nationale en février 2003 lorsque des enseignants d’un collège lyonnais menacèrent de faire grève si l’une de leurs élèves ne retirait pas le bandana recouvrant ses cheveux (première affaire de bandana). Cette fois le gouvernement ouvrit le débat et le ministre de l’Intérieur et des Cultes, Nicolas Sarkozy, rappela lors de l’assemblée annuelle de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), l’importance de la laïcité et notamment de la loi qui exige des femmes qu’elles fournissent des photos d’identité 4 5 6 7

Helvig, Jean-Michel (sous la dir. de), La laïcité dévoilée. Quinze années de débat en quarante rebonds, Paris, Editions de l’Aube, 2004, p. 10. Khosrokahva, Fahrid ; Gaspard, Françoise, L’égalité des filles, avec ou sans voile, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 22–25, p. 22. L’islam dans la République, Rapport général du Haut Conseil à l’Intégration, La Documentation française, Paris 2001, p. 66. L’islam dans la République, p. 98.

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sans foulard. Ce simple rappel suffisait à montrer que le problème dépassait désormais le seul contexte scolaire. Deux décisions ressortirent de la réflexion gouvernementale et présidentielle : la Mission Debré fut créée le 4 juin 2003 et la Commission Stasi le 3 juillet. La première fut chargée de tenir le parlement informé sur la question du foulard islamique, tandis que la seconde se vit confier deux missions : réfléchir à la nécessité d’une loi d’interdiction des signes religieux à l’école d’une part, mais aux formes que devrait prendre le modèle français de laïcité à l’avenir d’autre part. La création de ces commissions intervint au lendemain de la première réunion officielle du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui s’était tenue en mai 2003. A la fin de l’année, la Mission Debré (novembre) et la Commission Stasi (décembre) rendirent toutes deux un avis négatif concernant les signes religieux et politiques visibles dans les écoles publiques françaises. Le projet de loi d’interdiction fut soumis au Conseil d’Etat et validé par celui-ci en janvier 2004. Comment expliquer ce revirement du Conseil d’Etat ? Marceau Long et Patrick Weil, tous deux membres du Conseil d’Etat et de la Commission Stasi ont précisé qu’au-moins deux choses avaient changé pour le Conseil d’Etat entre 1989 et 2004 : la première fut sa prise de conscience, à travers les 140 auditions menées par la Commission Stasi, qu’aujourd’hui le port du voile est plus souvent qu’on ne le pense un choix fait sous la contrainte. La seconde était que le droit aussi avait changé : la révision constitutionnelle de 1999 avait entre-temps permis de réaffirmer le principe d’égalité entre hommes et femmes comme un principe essentiel.8 Plus globalement, le Conseil aurait pris conscience qu’il y avait, dans la société française, une volonté croissante de particularisme religieux souhaitant déroger à la règle laïque, pas seulement chez les musulmans. En 1995, le Conseil d’Etat avait par exemple rejeté deux recours émanant du Consistoire central israëlite de France demandant un droit aux absences scolaires le samedi.9 On estime qu’il y avait à l’automne 2003 en France 1256 jeunes musulmanes portant le foulard à l’école.10 La loi d’interdiction fut définitivement adoptée à une très large majorité par le parlement en mars 2004 et elle entra en vigueur à la rentrée scolaire de la même année. Cette loi, qui interdit le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ne concerne pas les universités ni les établissements privés. L’interdiction des signes d’appartenance politique n’a pas été retenue par Jacques Chirac et, en ce qui concerne le choix de l’adjectif « ostensible », il résulte d’un débat au sein de la Commission Stasi. Celle-ci s’était en effet posée la question du remplacement de ce terme par celui de « visible », mais cet adjectif risquait de générer encore plus de confusion quant aux petits signes discrets, licites bien que visibles. En outre, on courait le risque de se mettre en porte-à-faux avec la Cour 8

Long, Marceau ; Weil, Patrick, La laïcité en voie d’adaptation, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 85–90, p. 86–87. 9 Le Monde Dossiers et Documents, N°348, décembre 2005, p. 3. 10 Pape, Elise, Das Kopftuch von Frauen der zweiten Einwanderergeneration. Ein Vergleich zwischen Frankreich und Deutschland, Shaker Verlag, Aix-la-Chapelle 2005, p. 28.

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européenne des droits de l’homme pour laquelle l’adjectif « visible » risquerait d’être insuffisant pour prononcer une interdiction.11 La controverse française qui avait débuté à la fin des années 1980 s’achevait donc (provisoirement ?) sur une interdiction, alors que la première réponse avait été inverse. Nous allons voir que le cheminement fut le même en Allemagne quelques années plus tard. L’Allemagne et l’affaire Ludin Cette affaire ne fut pas la seule, mais c’est elle qui fit naître la polémique en Allemagne. Tout commença en 1998 lorsqu’une jeune étudiante allemande de 24 ans, Fereshta Ludin, d’origine afghane, se vit refuser l’accès à la fonction publique comme enseignante au terme de sa formation dans le Land du BadeWurtemberg. Quelques mois plus tôt, le port de son foulard lui avait déjà valu des ennuis dans la recherche d’un stage en milieu scolaire (Referendariat) et elle n’avait pu poursuivre sa formation pratique que grâce à une intervention de la ministre des Affaires culturelles du Land, Annette Schavan. Au terme de sa formation toutefois, la même ministre se rangea derrière l’avis de l’inspection académique de Stuttgart qui, après avoir mené un entretien avec la candidate, la déclara inapte à l’enseignement parce qu’elle souhaitait conserver son foulard en classe.12 Bien que la candidate eût déclaré lors de son entretien que le foulard n’était pas pour elle un symbole de sa religion mais une caractéristique de sa personnalité, la ministre évoqua la perception que les autres, c’est-à-dire les élèves, les parents d’élèves et les autres jeunes musulmanes auraient de ce symbole. Pour Annette Schavan, en refusant d’ôter son foulard en classe, Fereshta Ludin révèlait son incapacité à tenir compte de l’effet de ses choix, en l’occurrence sur les usagers de l’école. Dans sa déclaration de presse du 13 juillet 199813, Annette Schavan rappela que si l’admission dans la fonction publique était indépendante de la croyance religieuse (article 33, alinéa 3 de la Loi fondamentale), la liberté religieuse garantie par l’article 4 LF trouvait, comme toute autre liberté fondamentale, ses limites là où elle entrait en conflit avec d’autres libertés ou principes de même rang. Comme le stipulait d’abord le droit de religion ou la liberté négative de religion (negative Religionsfreiheit) découlant de ce même article 4. Mais cela apparaît aussi avec le principe d’objectivité et de neutralité inhérents à la fonction publique présents dans l’article 33 alinéa 5 LF, ainsi que dans l’article 7 sur l’enseignement scolaire. Pour la ministre, ce conflit entre différents droits ou différentes libertés rendait toutefois impossible une interdiction générale de port du foulard, c’est-à-dire une interdiction qui ne ferait pas de distinction entre élèves, étudiantes ou enseignantes dans les établissements scolaires ou universitaires. L’interdiction pouvait seulement valoir lorsque la question d’un recrutement dans 11 Long ; Weil, La laïcité en voie d’adaptation, p. 88. 12 Oestreich, Heide, Der Kopftuch-Streit. Das Abendland und ein Quadratmeter Islam, Francfort-sur-le-Main, Brandes & Apsel, 2004, p. 37. 13 „Pressemitteilung Nr.119/98 des Ministeriums für Kultus, Jugend und Sport BadenWürttembergs“ in Oestreich, Der Kopftuch-Streit, p. 37–39.

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la fonction publique d’Etat se posait.14 Cette décision marqua le début d’une bataille juridique de plusieurs années. Un peu moins de deux ans plus tard, le 24 mars 2000, le tribunal administratif de Stuttgart rejeta la plainte de Fereshta Ludin et donna raison à l’Inspection académique du Land invoquant le non-respect des obligations de service sur le port de symboles religieux. Le tribunal énonça également que la liberté négative des élèves, c’est-à-dire le droit de ne pas être exposés à des symboles religieux, l’emportait sur la liberté positive de religion de l’enseignante. Il rappela aussi que les fonctionnaires allemands ne devaient pas générer de conflits.15 Fereshta Ludin, qui avait fait appel de cette décision auprès de la Cour d’appel administrative du Land à Mannheim, fut également déboutée par cette instance un an plus tard, le 26 juin 2001. Dans sa décision, la Cour d’appel de Mannheim insista sur la liberté négative des élèves et se référa à un jugement prononcé quelques années plus tôt (crucifix – 1995). Elle rappela que dans ce cas aussi la Bavière avait défendu la présence de crucifix dans les salles de classe en argumentant qu’il ne s’agissait que d’un « bien culturel insignifiant » (unbedeutendes Kulturgut), mais que ceci n’avait pas empêché la justice de trancher en faveur de la liberté négative de religion des élèves et de leurs parents. La Cour de Mannheim confirma que, certes, l’orientation chrétienne des écoles dans le Bade-Wurtemberg posait bien un problème en matière de neutralité de l’Etat, mais elle rappela toutefois un jugement du Tribunal constitutionnel : ce dernier a par le passé en effet considéré que l’orientation chrétienne de ces établissements ne faisait pas référence à certains contenus religieux propres à cette confession, mais seulement au christianisme comme facteur culturel prépondérant dans la société allemande.16 Le 4 juillet 2002, soit un an après, la Cour suprême administrative fédérale rejeta à son tour la plainte de Fereshta Ludin. Toutefois, la neutralité insuffisante de l’Etat allemand qui ne traitait pas le christianisme et l’islam de la même façon, fut à nouveau montrée du doigt et cette fois de façon plus conséquente. Le tribunal énonça en effet que la plus grande diversité culturelle et religieuse de la société allemande d’aujourd’hui imposait que l’on appliquât à l’avenir le principe de neutralité de façon stricte. Il ne s’agissait cependant pas pour lui d’être permissif envers les autres religions – comme cela avait été traditionnellement concédé aux religions chrétiennes mais, au contraire, compte-tenu du nombre croissant d’élèves sans confession, d’être plus strict vis-à-vis des symboles chrétiens, ou religieux en général, à l’école. Pour Fereshta Ludin, il n’existait plus qu’un dernier recours, celui d’aller devant le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe. Le jugement qui fut rendu le 24 septembre 2003 par ce dernier donna, contre toute attente, raison à la plaignante.17 14 15 16 17

C’est-à-dire pour l’Allemagne, de la Fédération (Bund) et des régions (Länder). Heide Oestreich, Der Kopftuch-Streit, p. 51–52. Ibid., p. 54. En réalité le Tribunal constitutionnel était divisé : seule une majorité de cinq juges sur huit adhérait à cette conclusion, la minorité ayant même exprimé son opinion contraire dans un document plus long que le jugement lui-même, voir Bundesverfassungsgericht, Leitsätze zum

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Le Tribunal constitutionnel rappela en effet que le port du foulard identifiait la plaignante comme appartenant à la communauté religieuse islamique et que ceci ne constituait pas, en l’état actuel de la législation18, un motif pour la considérer inapte à l’enseignement. Il s’agissait donc d’une atteinte à sa liberté de religion selon l’article 4 LF. Plus précisément, sur les quatre points qui étaient sujets à interprétation depuis le début de l’affaire, le tribunal émit les avis suivants :19 1.Symbolique du foulard : Alors que les juridictions précédentes avaient fait du foulard un symbole religieux, voire politique, le tribunal constitutionnel rappela qu’il n’était pas du ressort de l’Etat de définir un morceau d’étoffe qui, contrairement au crucifix, n’était pas en soi un symbole religieux. Le foulard pouvait éventuellement acquérir cette dimension une fois porté par une musulmane, en fonction des raisons qui motivaient son choix. Il n’incombait par ailleurs pas aux élèves ou à leurs parents de définir le sens à donner au foulard mais aux musulmanes qui le portent, et elles le font pour des raisons très diverses. S’il n’était donc pas possible de réduire le foulard à un symbole d’oppression des femmes, il pouvait par contre être considéré comme un moyen pour ces jeunes femmes de conserver un lien avec leur culture d’origine. 2. Liberté de religion : Sur ce point le tribunal considéra qu’il n’était pas possible de restreindre la liberté de religion d’une enseignante sans pouvoir se référer à un texte de loi20 et en s’appuyant simplement sur un trouble de l’ordre public ou sur des plaintes hypothétiques de parents d’élèves, comme l’avaient fait les juridictions précédentes et la ministre Annette Schavan. Selon le tribunal, l’interdiction du port de tenue religieuse à l’école ne frappe pas les membres des différentes communautés religieuses de la même façon car certaines communautés ne connaissent pas de prescription vestimentaire. L’égalité de traitement n’est par conséquent pas garantie quand la décision incombe aux autorités locales ou aux tribunaux. D’où la nécessité d’une loi qui règlerait cette question de façon uniforme pour tous. 3. Devoir de neutralité de l’Etat : Les juges déclarèrent clairement que si l’acception traditionnelle de ce principe en République fédérale était désormais source de conflits dans la société allemande multireligieuse, alors il fallait parvenir à une application plus stricte de ce principe. Ceci n’était toutefois pas du ressort des tribunaux mais du législateur, les Länder pouvant opter pour des solutions différentes selon leurs traditions ou la composition de leur population. 4. Droit des fonctionnaires : La fonctionnaire n’est pas assimilable à l’Etat et inversement : si elle exprime des opinions religieuses à travers le port du foulard, il ne s’agit donc pas d’une émanation de l’Etat. Par ailleurs, il n’existe pour les enseignants aucun règlement concernant une tenue de service. Or, la restriction des droits fondamentaux d’un fonctionnaire ne pourrait découler que d’une telle Urteil des Zweiten Senats vom 24. September 2003, BVerfG, 2 BvR 1436/02 vom 3.6.2003, http://www.bverfg.de/entscheidungen/rs20030924_2bvr143602.htm, consulté le 2 juin 2008. 18 Mise en évidence par l'auteur. 19 Bundesverfassungsgericht, Leitsätze, op.cit. 20 Mise en évidence par l'auteur.

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obligation.21 En énonçant que le foulard était un article vestimentaire avant d’être un symbole religieux et qu’une fonctionnaire pouvait tout à fait le porter, les juges constitutionnels ne mirent pas fin à la polémique. Ils avaient en effet clairement fait entendre que si l’Etat ne pouvait accepter leur verdict, il lui fallait légiférer. Vers une interdiction des signes religieux dans les écoles allemandes ? A la fin de l’année 2003, les positions française et allemande sont donc opposées : la France est sur le point d’interdire les signes religieux à l’école alors qu’en Allemagne le tribunal constitutionnel vient indirectement d’autoriser les enseignantes musulmanes à porter le foulard en classe. A ce stade, il est bon de rappeler l’antériorité de la polémique en France et vue sous cet angle, la position allemande de 2003 ressemble en réalité à celle du Conseil d’Etat de 1989. De même que la décison française de 1989 n’avait pas réglé le problème, celle du tribunal constitutionnel de 2003 n’a pas apaisé les esprits. Les juges de Karlsruhe avaient en effet clairement rappelé que, puisque la Constitution octroyait la liberté d’organiser l’enseignement scolaire aux Länder, ceux-ci étaient libres d’introduire de nouveaux règlements pouvant contraindre les enseignants à renoncer aux signes religieux ostentatoires à l’école. En cela, les Länder étaient autorisés à tenir compte des références chrétiennes, de la tradition scolaire, de la composition de la population, de la force de son ancrage religieux etc., mais dans ce cas, les autres communautés religieuses devaient être traitées de façon égalitaire. Le tribunal constitutionnel renvoyait ainsi la décision au tribunal administratif fédéral qui aurait à trancher si les Länder décidaient de modifier ou promulguer de nouvelles lois scolaires. Le 7 octobre 2003, soit quelques jours seulement après le verdict du tribunal constitutionnel, les ministres de la Culture de chaque Bundesland se réunirent afin de parvenir à une solution homogène, mais la tâche s’avérait difficile car tous n’étaient pas du même avis.22 Alors que le BadeWurtemberg, la Bavière, la Basse-Saxe, la Sarre et la Hesse souhaitaient légiférer contre le port du foulard, et que Berlin évoquait l’interdiction de tous signes religieux dans le service public, Hambourg, le Schleswig-Holstein, la Saxe, le Mec21 Les trois juges dissidents avaient évidemment une autre lecture des choses : En ce qui concerne la symbolique du foulard, ils pensaient qu’en tant qu’employeur, l’Etat (Inspection académique) avait tout à fait le droit de définir ce que représentait le foulard à telle ou telle époque, notamment s’il était considéré comme un défi aux valeurs de la société ou non. En matière de liberté de religion, les droits fondamentaux des élèves et des enseignants ne sont pas égaux. Les premiers sont contraints d’être à l’école et doivent donc être particulièrement protégés tandis que les seconds choisissent cette vocation. En tant que symbole religieux fort (du moins en 2003), le foulard portait par conséquent atteinte à la liberté négative des élèves et de leurs parents. Sur le plan de la neutralité, puisque l’Etat s’octroie à travers l’école une partie des droits parentaux, il doit veiller à être particulièrement neutre et n’exposer l’enfant à aucune religion. Enfin, en ce qui concerne le droit de la fonction publique, ils rappelèrent que le statut de fonctionnaire résultait d’un choix libre et que le fonctionnaire se plaçait librement du côté de l’Etat. Les obligations de service devaient être considérées comme l’envers de la liberté du citoyen, une nouvelle loi n’était donc pas nécessaire, voir Bundesverfassungsgericht, Leitsätze, op.cit. 22 Pape, Das Kopftuch von Frauen, p. 24.

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klembourg-Poméranie occidentale et le Brandebourg, eux, ne voyaient pas l’intérêt d’agir. Enfin, le seul Land à rejeter formellement une interdiction légale du foulard était la Rhénanie-Palatinat pour laquelle le devoir de neutralité de l’enseignant présentait une garantie suffisante. Les autres Länder étaient encore indécis. En décembre, un appel fut lancé par 72 personnalités féminines allemandes, rassemblées autour de Marie-Luise Beck, Barbara John et Rita Süssmuth, contre toute loi visant à interdire le foulard.23 Quatorze mois plus tard, 53 femmes issues pour la plupart de l’immigration et s’autoqualifiant de « migrantes de sensibilité démocratique originaires de pays musulmans et autres » répondirent aux premières en demandant l’application du principe de neutralité et en s’opposant par conséquent au foulard. De nombreux responsables politiques prirent également position sur la question. Il y eut d’abord le chancelier Gerhard Schröder qui se prononça pour une interdiction du foulard chez les fonctionnaires ; puis, quelques jours plus tard, à l’occasion du 275ème anniversaire de Lessing en janvier 2004, le président Johannes Rau fit part de ses craintes qu’une interdiction du foulard puisse être le premier pas vers une société laïque ne correspondant pas au modèle allemand de « sécularité éclairée » (aufgeklärte Sekularität). En mars 2004, le président du Bundestag, Wolfgang Thierse, fit à son tour connaître son opinion. Pour lui, le foulard représentait des valeurs incompatibles avec la constitution et il était donc favorable à une interdiction de principe avec toutefois des tolérances là où ce serait justifié. En juin 2006, seuls huit Länder avait légiféré. Il s’agissait, présentés par ordre chronologique, du Bade-Wurtemberg (loi du 1 avril 2004), de la Basse-Saxe (loi du 29 avril 2004), de la Sarre (loi du 23 juin 2004), de la Hesse (loi du 07 octobre 2004), de la Bavière (loi du 23 novembre 2004), de Berlin (loi du 20 janvier 2005), de Brême (loi du 28 juin 2005) et enfin de la Rhénanie-du-NordWestphalie (loi du 13 juin 2006). Des projets de lois avaient été présentés dans deux Länder, le Brandebourg et la Rhénanie-Palatinat. Dans le Brandebourg, le projet émanant du groupe parlementaire du parti populiste de droite Deutsche Volksunion (DVU) fut rejeté par le Landtag en première lecture le 03 février 2005. En Rhénanie-Palatinat, le projet du groupe CDU fut rejeté en novembre 2005. Le groupe CDU du Schleswig-Holstein présenta également un projet dans ce Land le 27 avril 2004, mais rien n’avait encore été décidé. La loi scolaire devant être amendée, une interdiction du foulard pourrait être incluse et entrer en vigueur en 2007. Aucun projet n’était prévu ou à l’étude dans les cinq Länder restants, dont quatre sont situés dans la partie orientale de l’Allemagne (Hambourg, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe).24

23 « Aufruf wider eine Lex Kopftuch », voir la page Web de la Bundeszentrale für politische Bildung, http://www.bpb.de/, ici, http://www.bpb.de/themen/XUDYWD,0,0,Religi%F6se_ Vielfalt_statt_Zwangsemanzipation%21.html, consulté le 2 juin 2008. 24 Voir Newsletter 6, août 2006 sur http://www.migration-info.de: http://www.migrationinfo.de/migration_und_bevoelkerung/artikel/060602.htm, consulté le 2 juin 2008.

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Ce fut donc le Bade-Wurtemberg, où tout avait commencé, qui promulgua le premier une loi interdisant le port du foulard aux enseignantes dans les écoles publiques. Cette loi scolaire, adoptée à la majorité par le Landtag (sans les Verts et excepté deux députés SPD), et dont la constitutionnalité fut confirmée par le tribunal administratif fédéral le 24 juin 2004,25 interdit tout signe politique ou religieux à l’école, susceptible de menacer la neutralité du Land. Les comportements qui peuvent éveiller l’impression chez les élèves ou les parents d’élèves qu’un membre du personnel enseignant s’élève contre la dignité humaine, l’égalité des hommes, l’ordre démocratique libre et les droits fondamentaux de liberté sont considérés comme particulièrement intolérables. En théorie tous les symboles religieux tombent sous le coup de cette loi, c’est-à-dire même la croix chrétienne ou la kippa juive. Mais la loi modifiée rappelle également que la représentation de valeurs ou traditions éducatives et culturelles chrétiennes (christlichabendländisch) n’est pas en porte-à-faux avec la nouvelle réglementation, conformément à la constitution du Land qui fait elle-même référence à ces valeurs.26 La loi adoptée en Hesse est comparable, à cela près que l’interdiction ne vaut pas que pour le personnel enseignant des écoles publiques mais pour tous les fonctionnaires du Land. Les tenues susceptibles de faire porter un doute sur la neutralité du fonctionnaire dans l’exercice de ses missions de service public sont explicitement interdites, tout comme celles présentant un potentiel de trouble de l’ordre public. La loi bavaroise interdit le port de symboles et tenues exprimant une conviction religieuse ou philosophique à partir du moment où ceux-ci peuvent être perçus par les élèves ou les parents d’élèves comme l’expression d’un comportement incompatible avec les principes fondamentaux de la Constitution, et y compris avec les valeurs éducatives et culturelles chrétiennes et occidentales. C’est donc là aussi une manière d’interdire certains signes religieux et d’en tolérer d’autres. La loi scolaire de Basse-Saxe précise que l’apparence du personnel enseignant ne doit pas être à l’origine de doutes quant à sa capacité à accomplir la mission éducative de l’école. L’alinéa 2 rappelle que cette éducation se fait sur la base du christianisme. Même chose dans la Sarre, où la référence aux valeurs du christianisme dans l’éducation est encore plus explicite. La mission éducative doit être accomplie sans remettre en question la neutralité de l’Etat ni menacer la paix scolaire. 25 Beck, Marie-Luise, Sechster Bericht über die Lage der Ausländerinnen und Ausländer in Deutschland – Unterrichtung der Beauftragten der Bundesregierung für Migration, Flüchtlinge und Integration, Deutscher Bundestag, 15. Wahlperiode, 22. Juni 2005, Drucksache 15/5826, p. 137. La plaignante Fereshta Ludin qui avait fait appel auprès du tribunal administratif fédéral à Leipzig après la promulgation du nouveau règlement scolaire dans le BadeWurtemberg, a donc été déboutée. Pourtant le tribunal administratif fédéral a mis en garde les autorités du Bade-Wurtemberg en rappelant que la référence aux valeurs chrétiennes dans la mission éducative n’autorisait pas pour autant les nonnes à porter leur tenue religieuse en cours. 26 Beck, Sechster Bericht, p. 135.

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La loi de neutralité promulguée à Berlin se distingue des précédentes en cela qu’elle ne prévoit aucune exception explicite ou implicite pour les symboles chrétiens. Comme en Hesse, elle ne concerne pas que les enseignants mais tous les fonctionnaires exerçant dans les services des greffes, de l’administration pénitentiaire ou de police.27 Sont interdits : les symboles religieux ou idéologiques qui affichent une appartenance à telle ou telle communanté religieuse ou philosophique, ainsi que les tenues explicitement religieuses. A Brême et en Rhénanie du Nord-Westphalie, les choses ont été un peu plus compliquées et les modifications ont pris plus de temps. Ainsi à Brême, la nouvelle loi scolaire du 28 juin 2005, dans son article 59B, alinéa 4, n’interdit pas vraiment le port de symboles religieux ou « philosophiques », mais fait dépendre l’interdiction de la façon dont ils sont portés : Les écoles publiques doivent préserver la neutralité religieuse et philosophique. Le personnel doit tenir compte, dans chaque discipline, des sensibilités religieuses et philosophiques de tous les élèves et du droit de leurs parents de leur transmettre certaines convictions religieuses et philosophiques. L’apparence des enseignants et du personnel d’encadrement ne doit pas provoquer une gêne vis-à-vis des sensibilités religieuses, ni des sensibilités philosophiques des élèves et de leurs parents.28 Les difficultés rencontrées à Brême étaient dues aux désaccords entre les partis de la grande coalition. Alors que les élus SPD voulaient bannir tous les signes religieux de l’école, tout en envisageant des exceptions (le cas par cas pour le foulard), la CDU s’en prenait uniquement au foulard islamique. Dans un vote inattendu, en septembre 2004, la base du SPD de Brême se prononça contre toute possibilité d’autorisation exceptionnelle du port du foulard. Le SPD dut donc abandonner son projet initial et trouver un compromis avec la CDU. Même chose en Rhénanie-du-Nord-Westphalie où la coalition rouge-verte, qui avait rejeté toute idée d’interdiction, a cédé le pouvoir aux chrétiens démocrates et aux libéraux en mai 2005. La question était particulièrement sensible compte tenu du nombre élevé de musulmans dans ce Land. Un premier projet de loi présenté par le groupe CDU en novembre 2003 fut rejeté en deuxième lecture par les votes SPD, FDP et Verts en mars 2005, parce que les symboles chrétiens étaient épargnés par l’interdiction. En octobre de la même année, les groupes CDU et FDP présentèrent un nouveau projet en commun (conformément à leur accord de coalition) qui fut adopté et qui, contrairement au projet précédent, ne prévoyait plus d’épargner explicitement les symboles chrétiens. La référence à la dignité humaine et à l’égalité des droits permet toutefois de penser que le foulard sera interdit là où d’autres signes religieux seront autorisés. Comme dans le BadeWurtemberg, la représentation de valeurs culturelles et éducatives chrétiennes et occidentales n’entre pas en contradiction avec ce nouveau règlement. Cette loi entra en vigueur le premier août 2006.

27 Beck, Sechster Bericht, p. 136. 28 http://www.bildung.bremen.de (consulté en juillet 2006)

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Marie-Luise Beck, la parlementaire chargée des questions de migration, de réfugiés et d’intégration auprès du gouvernement fédéral, souligna que, certes aucune de ces lois ne mentionnait l’interdiction du foulard islamique, mais que les nombreuses exceptions plus ou moins explicites aboutiraient à une interdiction qui vaudrait surtout pour le foulard islamique. Pour elle, les nouveaux règlements soulevaient plus de questions qu’ils n’apportaient de réponses aux véritables problèmes, sans parler de leur effet dévastateur en matière d’intégration.29 Les affaires de foulard ne sont donc probablement pas des affaires classées en Allemagne, bien qu’Annette Schavan ait déclaré le contraire après que Fereshta Ludin eut jeté l’éponge.30 Et, à l’avenir, en cas de recours au tribunal constitutionnel, il n’est pas exclu que celui-ci dénonce les inégalités de traitement des religions inscrites implicitement dans les nouvelles lois. Ceci pourrait faire évoluer la situation vers un bannissement de tout signe religieux à l’école allemande.31 Les problèmes pourraient aussi émaner de la Commission européenne car les nouvelles lois scolaires allemandes pourraient être considérées comme une atteinte à la loi européenne contre les discriminations. En dépit d’une problématique différente et d’un rapport historique différent entre l’Etat et les cultes, la France et l’Allemagne ont, alors qu’elles étaient confrontées au problème du foulard islamique dans les établissements scolaires, toutes deux finalement opté pour des lois d’interdiction. Néanmoins, ce qui semble à première vue être une approche identique d’un même problème masque en réalité des conceptions très différentes d’un Etat à l’autre. Sécularité allemande versus laïcité française Commençons par rappeler que s’il y a bien séparation entre l’Etat et les Eglises ou les cultes en Allemagne, ce qui signifie qu’il n’y a pas de religion d’Etat32, le rapport entre l’Etat et les cultes est différent de ce qu’il est en France depuis 1905. La réalité allemande est caractérisée par une collaboration régulière entre l’Etat et les Eglises, en l’occurrence les grandes Eglises chrétiennes. Ces coopérations touchent de nombreux domaines, qui vont de l’assistance spirituelle dans les prisons ou à l’armée, à la collecte par l’Etat de l’impôt ecclésial, en passant par l’enseignement religieux dans les écoles publiques.33 29 Beck, Sechster Bericht, p. 137. 30 Der Spiegel, 18 octobre 2004. 31 En juillet 2006, le tribunal administratif de Stuttgart a par exemple autorisé une enseignante à conserver son foulard en classe dans une Hauptschule en dépit de la loi d’interdiction du Land. Cette Allemande de 55 ans convertie à l’islam depuis plus de 20 ans avait porté plainte contre le loi du Land adoptée en 2004 et qu’elle jugeait discriminatoire envers l’islam, voir le communiqué de presse de la part du tribunal administratif de Stuttgart, http://vgstuttgart.de/servlet/PB/menu/1200794/index.html?ROOT=1192939, consulté le 2 juin 2008. Cette décision pourrait ouvrir la voie à une interdiction de tous les signes religieux. 32 Contrairement à ce que beaucoup pensent, il est par exemple tout à fait possible de renoncer à la formule chrétienne usuelle « So wahr mir Gott helfe » lors des prestations de serment, comme le firent d’ailleurs cinq ministres du cabinet Schröder, voir Der Spiegel, 33, août 2005, p. 146. 33 L’article 7 alinéa 3 de la Loi fondamentale réglemente la coopération entre l’Etat et les Eglises et stipule que l’enseignement religieux est un enseignement ordinaire (ordentliches

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La séparation institutionnelle allemande entre Eglises et Etat n’a pas pour objet de refouler les communautés religieuses en dehors de l’espace public, mais plutôt de garantir la non-intervention de l’Etat dans l’exercice religieux individuel ou collectif. L’Allemagne n’a, par conséquent, aucun problème avec les élèves porteuses de foulard en classe et l’intervention d’Annette Schavan pour défendre Fereshta Ludin alors qu’elle était étudiante, le prouve. Il n’est donc pas surprenant qu’en Allemagne le débat ait tout de suite pris une tournure purement, et peut-être excessivement, juridique autour de la liberté de religion (article 4 LF) et du devoir de neutralité de l’Etat séculier, justement garant de la liberté de religion. La liberté de religion étant considérée comme un droit fondamental intangible, des restrictions à celle-ci ne sont envisageables que s’il est avéré que la jouissance sans limite de ce droit porte atteinte à un autre droit fondamental, comme par exemple le droit négatif de religion, qui découle également de l’article 4 (c’est-à-dire le droit de rester à l’écart des manifestations ou des pratiques religieuses). A cette restriction éventuelle s’ajoute celle résultant du devoir de neutralité des fonctionnaires. En première instance, les différentes juridictions allemandes avaient considéré que ceci suffisait à restreindre la liberté de religion des enseignantes et à leur interdire le port du foulard. Le tribunal constitutionnel, bien qu’il ait annulé ces décisions, a tout de même botté en touche en demandant aux Länder de légiférer, s’ils n’étaient pas en accord avec sa décision. Le tribunal constitutionnel a donc seulement rejeté toute interdiction générale du port de foulard, mais il n’a en aucun cas réglé le conflit entre les différents droits fondamentaux. Sa réponse fut même à l’opposé de la jurisprudence allemande34 ce qui permet d’affirmer que les réponses allemandes aux questions de port de tenues religieuses à l’école n’ont pas attendu l’action des Länder à partir de 2004 pour être très hétérogènes et même paraître contradictoires. Il est clair que le fédéralisme allemand joue ici un rôle considérable puisque les questions de droit scolaire et de la fonction publique sont du ressort des Länder. Ceux-ci ont des traditions différentes pouvant par conséquent donner lieu à des interprétations très variées d’un même phénomène ; sans parler des différentes sensibilités politiques au pouvoir. Ceci peut paraître surprenant dans un pays où la société sécularisée ne se sent normalement pas menacée par les symboles religieux en tant que tels. En l’absence d’une loi comparable à la loi française de 1905, l’Allemagne semble avoir plus de difficultés à interdire le port de certains signes religieux alors qu’elle en tolère d’autres. La séparation entre l’Etat et les cultes est en effet souvent qualifiée de « boîteuse » (hinkende Trennung) en raison

Lehrfach) dans les écoles publiques allemandes à l’exception des écoles non-confessionnelles et qu’il est effectué en accord avec les principes des communautés religieuses. Ces communautés sont donc garantes des contenus de l’enseignement. 34 Dans trois affaires comparables entre 1988 et 1995, des interdictions avaient été prononcées (robe Bhagwan, tenue musulmane et crucifix) voir Wiese, Kirsten, Im Namen des Deutschen Volkes, dans Tolmein, Oliver (sous la dir. de), Besonderes Kennzeichen : D. Wahre Deutsche, Staatsbürger zweiter Klasse und die unsichtbaren Dritten, Konkret Texte 30, Hamburg, 2001, p. 72–92, p. 74–75.

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des diverses références à Dieu ou aux valeurs chrétiennes dans la Loi fondamentale ou dans les constitutions des Länder. Le déficit de neutralité de l’Etat allemand donne en effet lieu à de véritables numéros d’équilibre dans la recherche des limites à imposer au principe de sécularité, notamment dans le cas de l’islam. Des voix s’élèvent pour demander la réalisation d’une « sécularité de l’Etat de droit ».35 Pour Bielefeldt, seule la sécularité de l’Etat de droit est à même d’organiser le pluralisme religieux et philosophique sur la base des droits de l’homme et de la liberté de religion. Un Etat démocratique se doit d’être neutre et d’adhérer au principe de « non-identification respectueuse » (respektvolle Nichtidentifikation) avec les courants religieux ou philosophiques. Il ne s’agirait pas pour autant pour l’Etat allemand d’être entièrement neutre du point de vue des valeurs, car la neutralité de l’Etat de droit en matière religieuse et philosophique serait au contraire l’expression d’un engagement éthique et juridique seuls garants de la liberté de religion.36 En France, la loi du 9 décembre 1905 entérine le droit positif de religion37 proclamé à la Révolution, mais instaure la séparation des Eglises et de l’Etat. Avec cette loi, « la France a érigé la laïcité au rang de valeur fondatrice »38, mais comme le rappelle le rapport de la Commission Stasi, la laïcité ne saurait se réduire à la neutralité de l’Etat39, une neutralité qui a souvent été synonyme d’indifférence dans le passé. Comme le souligne Alain Boyer40, bien que la loi de 1905 ait quelque peu privatisé la religion, elle ne l’a pas pour autant exclue de la sphère publique. Il y aurait donc un malentendu français sur ce qu’est la laïcité : «Pour nous le mot séparation revient à ne pas se parler […], la séparation, ce n’est pas ce qui interdit de se parler, c’est ce qui oblige à se parler sur d’autres bases … Lorsqu’on relit les débats de l’époque, le mot séparation avait un sens très précis pour les législateurs : c’était la suppression du budget des cultes. Cela ne va pas très loin… ».41 En France, les affaires de foulard ne pouvaient donc créer une telle polémique que parce qu’elles émanaient justement d’usagers du service public jouissant pleinement de leur liberté de religion. On pouvait voir en elles une remise en question du modèle français qui fait de l’école un sanctuaire où personne, c’est-àdire ni l’Etat, ni ses serviteurs, ni ses usagers, ne peut afficher ses convictions. C’est cette même spécificité qui représente pour d’autres la faiblesse du modèle 35 Bielefeldt, Heiner, Muslime im säkularen Rechtsstaat – Integrationschancen durch Religionsfreiheit, Bielefeld, Transcript, 2003. 36 Ibid., p. 15. 37 C’est-à-dire la liberté individuelle de conscience, la liberté collective d’exercice du culte et l’égalité et la non-discrimination entre les religions, voir L’Islam dans la République, op.cit., p. 22. 38 Laïcité et République, op.cit, p. 21. 39 Ibid, p. 30. 40 Boyer, Alain, La loi de 1905, dans Commission Islam laïcité, 1905–2005. Les enjeux de la laïcité, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 51–59, p. 56. 41 Poulat, Emile, Notre laïcité publique, dans Commission Islam laïcité, 1905–2005. Les enjeux de la laïcité, p. 61–68, p. 65.

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français.42 Le ministre de l’Intérieur et des Cultes Nicolas Sarkozy plaide aujourd’hui pour une vision apaisée des rapports entre la politique et la religion. Interrogé sur son implication dans l’organisation d’un islam de France, le ministre répondait que « croire que l’Etat peut rester totalement indifférent au fait religieux est constamment contredit par la réalité des faits. Bien sûr l’Etat ne doit pas se mêler du dogme, mais il ne peut ignorer les affaires religieuses. Aider l’islam à s’organiser dès lors qu’il en a besoin, ne retire rien aux autres religions, ni aux non-croyants et sert les intérêts de la République. Il n’y a pas atteinte au principe de laïcité».43 En novembre 2005, il a créé la Commission Machelon dite de « réflexion sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics », composée de 14 personnalités (avocats, théologiens, sociologues etc.) chargées de réfléchir à des aménagements à la loi de 1905.44 Il faut aussi citer l’Observatoire de la laïcité et l’Autorité indépendante de lutte contre les discriminations créés par Jacques Chirac. Le modèle français de laïcité, assez unique en son genre puisque ce terme lui est souvent réservé, les autres états préférant parler de sécularité, est donc en train d’évoluer sans pour autant être remis en question sur le fond, comme le montre la réponse française à la question spécifique du foulard islamique porté par des élèves dans les établissements scolaires publics. La loi de 1905 est en effet très claire sur le devoir de neutralité des enseignants et le problème rencontré par l’Allemagne ne se pose pas en principe en France.45 En Allemagne en revanche, c’est la question d’autoriser ou non les élèves à porter des signes religieux à l’école qui surprend, car la RFA est ouverte aux activités religieuses à l’école. Contrairement à la France, l’école allemande n’est pas, de ce point de vue là, considérée comme un refuge. Finalement, les problèmes rencontrés par chacun des deux pays sont assez inconcevables chez l’autre ! On peut bien entendu être pour ou contre le port du foulard islamique dans les établissements scolaires, mais si l’on opte pour une interdiction, la comparaison franco-allemande montre que la loi française de 1905 rend celle-ci plus acceptable, sans pour autant régler tous les problèmes. En effet, alors que fin septembre 2005 la plupart des 639 contentieux français de l’année précédente avaient été réglés, force est de constater que la loi adoptée en 2004 avait bel et bien créé un problème là où il n’y en avait pas auparavant, notamment avec la communauté 42 Jean Baubérot parle d’une double réduction de la laïcité : à la laïcité scolaire d’une part et, d’autre part, de cette dernière à un problème unique (foulard), voir Baubérot, Jean, Ne nous voilons pas les yeux, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 52–58, p. 52. 43 Sarkozy, Nicolas, La République, les religions, l’espérance. Entretiens avec Thibaud Collin et Philippe Verdin, Paris, Les Editions du Cerf, 2004, p. 21 et 77. 44 Nicolas Sarkozy a aussi évoqué la possibilité d’accorder des avantages fiscaux aux fidèles souscrivant au denier du culte ou encore de garantir les emprunts pour la construction d’édifices religieux. 45 Saisi du cas d’une surveillante dont la mission avait été interrompue parce qu’elle refusait de retirer son foulard, le Conseil d’Etat avait rappelé en mai 2000 qu’en vertu du principe de laïcité, les agents de l’enseignement public ne disposaient pas du droit de manifester leurs croyances religieuses, voir Helvig, La laïcité dévoilée, p. 11.

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sikh. En ce qui concerne les élèves musulmanes, le port du foulard islamique avait provoqué l’exclusion de 47 et au départ volontaire de 96 d’entre elles.46 En Allemagne, en juin 2005 la sociologue Yasemin Karakasoglu-Aydin avait recensé une trentaine d’enseignantes ou enseignantes-stagiaires portant le foulard en cours et environ 200 étudiantes se destinant à l’enseignement et comptant conserver leur foulard.47 « Derrière le voile » : La question de l’intégration des cultures étrangères En toile de fond de la problématique du foulard islamique, il y avait bien entendu celle de l’intégration des cultures étrangères. Or, ce point ne fut suffisamment débattu ni en France ni en Allemagne, ce qui ne permit pas de mesurer les enjeux à leur juste valeur. Ce fut comme si les modèles d’intégration français et allemand, pourtant différents, ne pouvaient être remis en question : en Allemagne, l’acceptation du fait que les immigrés se sont installés définitivement est encore toute fraîche alors qu’en France le passé colonial a créé une tout autre situation. Par delà ces différences, les modèles d’intégration théoriques de chaque pays, et bien qu’il faille se garder d’une vision binaire quelque peu simpliste, sont eux aussi plutôt divergents : Comparée à un assimilationnisme français qui craint les communautarismes et où la seule communauté acceptable est celle des citoyens, la République fédérale a longtemps, pour sa part, été caractérisée par une absence de politique en la matière. Ceci avait créé de facto, ou involontairement, une situation de multiculturalité. Or, bien que le multiculturalisme allemand, même involontaire, eût semblé mieux armé pour répondre à la cohabitation de communautés étrangères et/ou religieuses, il y a tout de même eu des affaires de foulard dans ce pays, tout comme en France, même si elles sont apparues plus tard. La question du foulard islamique a-t-elle provoqué une crispation identitaire en France et en Allemagne qui pourrait expliquer la difficulté que ces deux pays ont éprouvée à traiter ces contentieux ? Et à faire en sorte d’ouvrir un débat de société plus général sur l’intégration des cultures étrangères ? Cette évacuation du problème a eu pour conséquence que la dimension culturelle du foulard islamique a été négligée. Le Haut Conseil à l’Intégration, conscient que la question du foulard ne pourrait être réglée par la seule voie juridique, avait préconisé en 2001 un renforcement de la réflexion entre les pouvoirs publics et les enseignants, les parents d’élèves et les élèves. Il lui apparaissait capital de mener une discussion avec les jeunes filles concernées et de s’enquérir des raisons qui leur faisaient porter le foulard. Il fallait s’attaquer aux racines du problème plutôt que d’en

46 Sur les 639 litiges, 2 concernaient des grandes croix, 11 des turbans sikhs et 626 des foulards islamiques, voir Le Monde Dossiers & Documents, N° 348, décembre 2005. A la rentrée 2006, 4 jeunes sikhs étaient privés de cours à cause de leurs turbans, bien qu’accueillis dans leur établissement. 47 Karakasoglu-Aydin, Yasemin, Muslimische Religiosität und Erziehungsvorstellungen. Eine empirische Untersuchung zu Orientierungen bei türkischen Lehramts- und PädagogikStudentinnen in Deutschland, Francfort-sur-le-Main, IKO-Verlag für Interkulturelle Kommunikation, 2000.

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traiter les effets.48 En Allemagne, la sociologue Yasemin Karakasoglu-Aydin, auteure d’une grande étude sur la religiosité musulmane et les conceptions pédagogiques de jeunes enseignantes-stagiaires turques en Allemagne49, a montré que les raisons qui poussent des jeunes filles à se couvrir d’un foulard sont très diverses et pas seulement de nature religieuse ou politique. Le foulard est parfois le moyen de faire le lien entre la culture d’origine et le pays dans lequel elles vivent, la France ou l’Allemagne. Cette théorie de la « troisième chaise » décrit la position des « néo-musulmanes » d’Europe qui ne se définiraient plus exclusivement par rapport à l’une ou l’autre culture. Dilemme qui aurait conduit les générations précédentes à rester assises « entre deux chaises ». Les néo-musulmanes chercheraient désormais leur émancipation dans une réinterprétation du coran, dénonçant les interprétations archaïques qui en sont faites, tout en choisissant de porter le foulard comme symbole de leur lien avec l’islam et leur culture d’origine. Michèle Vianès rapporte que parmi les trois jeunes filles à l’origine de la polémique à Creil en 1989, l’une vit aujourd’hui en Tunisie, est mariée, travaille et ne porte plus le foulard. Tandis que les deux autres, qui vivent en Europe, aux Pays-Bas et en France, sont elles aussi mariées mais n’exercent aucune activité professionnelle et portent toujours le foulard.50 Michèle Vianès, très hostile au foulard qu’elle considère comme symbole d’oppression de la femme, montre bien malgré elle, à travers cet exemple, que la revendication de porter le foulard à l’école était peutêtre plus politique que religieuse. Comme l’est toute revendication identitaire ou culturelle émanant d’une culture minoritaire. On ne peut qu’être d’accord avec Kirsten Wiese qui conclut que le foulard est un symbole ouvert à la fois aux interprétations et aux instrumentalisations.51 Face à ce refoulement de la dimension identitaire du problème, la France et l’Allemagne ne se retrouvent toutefois pas dans la même posture. Vue sous l’angle de la laïcité à la française, la polémique autour du foulard islamique ne pose pas avec la même acuité la question de l’intégration des cultures étrangères en France qu’elle ne le fait en Allemagne. En s’appuyant sur la loi de 1905, la réponse française se focalise sur la laïcité scolaire et évite une remise en question du modèle d’intégration.52 En revanche, la réponse allemande apparaît en contradiction avec son propre modèle d’intégration. En effet, alors que certai-

48 L’islam dans la République, op.cit., p. 22. 49 Karakasoglu-Aydin, Yasemin, Muslimische Religiosität und Erziehungsvorstellungen. Eine empirische Untersuchung zu Orientierungen bei türkischen Lehramts- und PädagogikStudentinnen in Deutschland, Francfort-sur-le-Main, IKO-Verlag für Interkulturelle Kommunikation, 2000. 50 Vianès, Michèle, Un voile sur la République, Paris, Editions Stock, 2004, p. 87. 51 Wiese, Im Namen des Deutschen Volkes, p. 78. 52 Il n’y a pas forcément de quoi s’en réjouir. Si l’on en croit le socio-démographe Patrick Simon, « il y aurait en France une résistance pour reconnaître le caractère multiculturel de la société. Il y aurait même une hantise de l’altérité qui a pour conséquence que l’on tente régulièrement de la renvoyer dans le champ de l’invisible », voir Simon, Patrick, L’encombrante visibilité, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 91–95.

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nes voix s’élèvent pour dénoncer une « xénophilie prescrite »53 qui serait à la fois le fruit du multiculturalisme et du sentiment de culpabilité dû à la période nazie, l’Allemagne peine à admettre la nécessité d’une culture de référence (Leitkultur) pour les immigrés, comme la demandait Friedrich Merz (CDU) à l’automne 2000. Force est de constater que les affaires de foulard, en dépit des différents termes dans lesquels elles furent posées, ont bel et bien ébranlé les certitudes de ces deux Etats dans leur rapport aux cultes, alors que ces questions semblaient définitivement réglées. Il ne serait pas exagéré de dire que ces cas ont révélé les faiblesses des Etats dans lesquels elles se sont manifestées : à savoir un manque d’ouverture à l’islam en tant que grande religion en Allemagne et une ouverture insuffisante aux cultes en général en France. Ces affaires auront finalement aussi agi comme catalyseur. Car la France comme l’Allemagne vont être amenées à revoir leur rapport aux cultes. Paradoxalement pour certains, logiquement pour d’autres, le changement est déjà entamé en France précisément grâce à la laïcité. En Allemagne, les choses sont plus difficiles compte tenu, d’une part, du fédéralisme et de l’ancrage du christianisme, et, d’autre part, à cause de la perte de neutralité de l’Etat. Les lois adoptées par les Länder montrent d’ailleurs que l’on n’évolue pas vers une égalité de traitement des cultes, ni une vraie neutralité de l’Etat. En rejetant à la fois le caractère normatif de la sécularité de l’Etat (de droit) et une laïcité à la française, l’Allemagne se retrouve dans une position inconfortable. Finalement, cette remarque vaut aussi pour la politique d’intégration car l’Allemagne ne semble pouvoir admettre ni le jusqu’au-boutisme du multiculturalisme ni la nécessité d’une culture de référence.

53 « Eine verordnete Fremdenliebe ». L’expression est empruntée à Bassam Tibi, politologue allemand d’origine syrienne.

KONFESSION UND WAHLVERHALTEN IN DEUTSCHLAND Adolf Kimmel Besonders bei katholischen Wählern in Deutschland spielte die Konfessionszugehörigkeit in politischen Entscheidungen lange Zeit eine größere Rolle als die Klassenzugehörigkeit. Der vorliegende Beitrag untersucht die Bedeutung der Konfession im Wahlverhalten der Bürger im Kaiserreich, in der Weimarer Republik, zu Beginn des Dritten Reiches und in der Bundesrepublik. Er analysiert, welche Kontinuitäten erkennbar sind, welche Aspekte sich verändert haben und welche Unterschiede zwischen den Konfessionen zu beobachten sind. Während zum Beispiel die katholisch orientierte Wählerschaft bis 1933 zu großen Teilen die katholische Zentrums-Partei wählte, gab es auf protestantischer Seite keine entsprechend konfessionell ausgerichtete Partei. Erst nach dem Zweiten Weltkrieg etablierte sich die CDU/CSU als überkonfessionelle, christlich orientierte Partei. Zwar haben Konfession und Kirchenbindung im Kontext der Säkularisierung der Gesellschaft an Bedeutung für die Politik verloren. Doch die Konfessionszugehörigkeit ist noch immer von Belang in der Analyse der politischen Einstellungen und des Wahlverhaltens. Depuis longtemps, et particulièrement pour les électeurs catholiques, l’appartenance à une confession jouait un plus grand rôle dans les décisions politiques que l’appartenance à une classe sociale en Allemagne. L’essai ci-dessous analyse l’importance que la confession avait sur leur comportement électoral sous l’empire allemand, sous la république de Weimar, au début du troisième Reich et sous la République fédérale d’Allemagne. Quelle continuité y avait-il, quels changements, quelles différences peut-on observer entre les confessions ? Alors que, jusqu’à 1933, les électeurs appartenant à l’église catholique votaient, en majorité, pour le parti catholique du « Zentrum », les protestants, eux, n’avaient pas de réelle préférence pour un parti. Puis, après la Deuxième Guerre mondiale, la CDU/CSU s’établit comme parti chrétien interconfessionnel. Certes, la confession et le lien à l’église ont perdu de leur influence politique au cours de la sécularisation de la société. Mais aujourd’hui encore l’appartenance à la confession a de l’importance pour analyser les attitudes politiques et le comportement électoral.

Rahmenbedingungen Konfessionszugehörigkeit und Religion haben in der neueren deutschen Geschichte eine herausragende Rolle gespielt – eine Rolle, die wichtiger war als in vielen anderen europäischen Ländern. Ihre Ursache ist in zwei Ereignissen und Entwicklungen festzumachen: Zum einen an der konfessionellen Spaltung, die mit dem Ende des 30jährigen Krieges besiegelt wurde. Sie führte gemäß der Devise „cuius regio eius religio“ zu einer regionalen Aufteilung. Diese erfuhr schon durch die Säkularisation und die Neuordnung des Wiener Kongresses Veränderungen, bevor es nach dem Zweiten Weltkrieg durch Flucht und Vertreibung sowie eine erheblich gesteigerte allge-

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meine Mobilität zu einer weitergehenden konfessionellen Durchmischung kam. Dennoch besteht noch eine Grobstruktur aus protestantischem Norden, katholischem Süden und inzwischen überwiegend konfessionslosem Osten. Zwischen Katholizismus und Protestantismus bestand ein tiefer, lange Zeit nahezu unüberwindlicher Graben. Das galt insbesondere für die kirchengebundenen Mitglieder der beiden Konfessionen, wie etwa an der geringen Zahl der Mischehen sowie – das wird noch näher zu erläutern sein – am Wahlverhalten erkennbar ist. Die Gründung des kleindeutschen Reiches 1871 brachte die Katholiken, im Deutschen Bund unter Einschluss Österreichs noch in der Mehrheit, in eine Minderheitssituation: Sie stellten nur etwa ein Drittel der Bevölkerung. Infolge der auf der Reichsebene sowie in vielen Einzelstaaten bestehenden Bündnissen von Thron und Altar, wie auch infolge der politischen, ökonomischen, gesellschaftlichen und kulturellen Dominanz der Protestanten fühlten sich die Katholiken als eine benachteiligte, ja bedrohte Minderheit. Der Kulturkampf machte aus diesem Gefühl eine akute Gefahr und hatte weit reichende Folgen. Die für mein Thema wichtigste Folge war die Bildung eines geschlossenen, hochintegrierten, sich nach außen abgrenzenden katholischen (Sozial-)Milieus, dessen wichtigste Pfeiler die Amtskirche, ein in weite Bereiche der Gesellschaft eindringendes, gut organisiertes Vereinswesen (am bedeutendsten war der Volksverein für das katholische Deutschland), sowie die Deutsche Zentrumspartei als „politischer Aktionsausschuss“1 dieses Milieus waren. Der Protestantismus bildete kein vergleichbares Milieu. Da er – wie erwähnt – in der Politik und in vielen gesellschaftlichen Bereichen dominant war, ihm auch die Kulturkampferfahrung fehlte, bestand für ihn nicht in gleicher Weise Veranlassung für politische Organisation und Mobilisierung. Selbstverständnis und Verfasstheit des Protestantismus standen dem auch entgegen. Als Pendant zum Zentrum gab es also keine protestantische Partei. Das protestantische Elektorat verteilte sich auf mehrere Parteien. Politisch geeint war der Protestantismus nur negativ: Das Zentrum als katholische Partei war nicht wählbar. Das Ende des Kaiserreiches und die Gründung der Weimarer Republik veränderten diese Gesamtsituation kaum. Die Katholiken blieben weiter eine Minderheit, und es schien durch die Kultur- und Schulpolitik einiger Minister in den Ländern, insbesondere in Preußen, sogar ein neuer Kulturkampf zu drohen. So ist es nicht verwunderlich, dass das katholische Sozialmilieu und „seine“ Partei, das Zentrum, bestehen blieben (nun mit einer bayerischen Variante, der 1918 gegründeten Bayerischen Volkspartei, BVP). Im Protestantismus kam es, obwohl die staatskirchlichen Bindungen nicht mehr bestanden, weiterhin zu keiner vergleichbaren Parteigründung. Die genannten, ihr entgegenstehenden historischen Voraussetzungen führten zum Scheitern jedes derartigen Versuches (etwa mit dem Christlich-Sozialen Volksdienst). Erst in der Bundesrepublik änderte sich die Situation grundlegend. Von kaum zu überschätzender Bedeutung war ein wesentlich durch die deutsche Teilung 1

Vgl. Lepsius, M. Rainer, Parteiensystem und Sozialstruktur, in Ders.: Demokratie in Deutschland. Ausgewählte Aufsätze, Göttingen 1993, S. 25–50.

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zustandegekommener neuer Konfessionsproporz: Die Protestanten waren zwar immer noch in der Mehrheit, aber 1950 übertrafen sie mit 51,2 Prozent die Katholiken (45,2%) nur noch um wenige Punkte. Deren Minderheitssituation war 1976 endgültig beendet, als zwischen den beiden Konfessionen Parität erreicht wurde. Gleichwohl bestand das katholische Milieu fort. Allerdings traten seit den 1960er Jahren die Veränderungen klar zutage: Der Rückgang der Kirchlichkeit bedeutete eine Schrumpfung des Milieus2 und Entwicklungen in der Gesellschaft wie in der katholischen Kirche (Vatikanum II) zogen einen allmählichen Abbau – wenn auch nicht das völlige Verschwinden – der konfessionellen Trennungslinien wie auch eine abnehmende Verbindlichkeit der kirchlichen Wahlnorm nach sich. Die wichtigste politische Veränderung lag natürlich in der Gründung einer nicht mehr katholischen, sondern überkonfessionell-christlichen Partei, der CDU/CSU. Sie konnte sich – nicht zuletzt dank der Parteinahme der katholischen Bischöfe – rasch gegen das wiedergegründete Zentrum durchsetzen. Für die Protestanten bestand damit erstmals eine aussichtsreiche christliche Parteioption. Wie stellt sich in diesem nur grob skizzierten Rahmen das konfessionelle Wahlverhalten dar? Gibt es überhaupt ein solches? Gibt es Unterschiede zwischen den Konfessionen? Wo gibt es, vom Kaiserreich über die Weimarer Republik und die Bundesrepublik bis zum wiedervereinten Deutschland, Kontinuität, wo Wandel? Welches Gewicht kommt Konfession und Kirchenbindung im Vergleich zu anderen Faktoren zu? Unter Verzicht auf Details und Differenzierungen beschränkt sich die Analyse darauf, die Grundlinien der Entwicklung aufzuzeigen. Eine Zwischenbemerkung ist noch nötig: Die für das Kaiserreich und die Weimarer Republik zur Verfügung stehenden Daten (es gab noch keine Umfragen) erlauben nur Aussagen über Größenordnungen (zum Beispiel von Wähleranteilen), aber keine genauen Zahlenangaben. Konfession und Wahlverhalten im Kaiserreich und in der Weimarer Republik Zunächst möchte ich den bekannten Sachverhalt in Erinnerung rufen, dass die konfessionelle Scheidelinie, die oft ein Gegensatz war, schon bestand, bevor sich im Gefolge der Industrialisierung Klassengegensätze bildeten. Die ältere konfessionelle Konfliktlinie war für das politische Verhalten wirksamer, weil die Kirche für das Leben vieler Menschen damals eine besonders wichtige Instanz war. Konfession und Kirche erzeugen „kulturelle Programmierungen“3, die auch in der Politik verhaltensbestimmend wirken und nur schwer und nur über längere Frist verändert werden können. In besonderer Weise gilt dies für die Katholiken und erklärt, warum ein großer Teil quer durch alle sozialen Schichten das Zentrum wählte. Bei den kirchengebundenen, also den regelmäßig praktizierenden Katholiken, war dieser Anteil 2

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Auch die Durchschlagskraft konfessionell unspezifischer Massenmedien, die Auflösung konfessionell homogener Regionen, die Beendigung der Minderheitssituation der Katholiken und die Einebnung des Status- und Bildungsgefälles zwischen den vorher „unterlegenen“ Katholiken und den Protestanten trugen zur Schrumpfung bei. Rohe, Karl, Wahlen und Wählertraditionen in Deutschland. Kulturelle Grundlagen deutscher Parteien und Parteiensysteme im 19. und 20. Jahrhundert, Frankfurt am Main 1992, S. 18.

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noch größer. Sahen Kirche und Katholiken essentielle Interessen bedroht – wie im Kulturkampf –, so erreichte die Mobilisierung einen besonders hohen Grad. Bei den Reichtagswahlen zwischen 1874 und 1884 erhielt das Zentrum über 80 Prozent der katholischen Stimmen.4 Der Anteil sank kontinuierlich bis auf 63,8 Prozent 1907 und lag 1912 nur noch bei 55 Prozent. Dabei ist freilich zu berücksichtigen, dass es sich ausschließlich um Männer handelte, denn es gab ja noch kein Frauenstimmrecht. Man kann mit einiger Plausibilität vermuten, dass es vor allem kirchenferne Katholiken waren, die nicht das Zentrum wählten, deren Wahlverhalten nicht durch die Konfession bestimmt war, sondern durch ihre beruflich bedingte sozioökonomische Lage oder durch politische Überlegungen und Überzeugungen.5 Nach den Berechnungen von Johannes Schauff stimmten „mindestens“ drei Viertel der bekenntnistreuen Katholiken für das Zentrum.6 Die protestantischen Wähler hatten weder Veranlassung noch die Gelegenheit, ihre Stimmen in ähnlicher Weise auf eine Partei zu konzentrieren. Sie verteilten sich auf konservative und liberale Parteien sowie die SPD, wobei ihre Konfession oder ihre Kirchlichkeit meist keineswegs der Faktor war, der ihr Wahlverhalten im Vergleich zu anderen Faktoren bestimmte, jedenfalls nicht so ausschlaggebend war wie bei den Katholiken. Die für das Wahlverhalten, namentlich der Katholiken, wichtigste Veränderung bei der Gründung der Weimarer Republik war die Einführung des Frauenwahlrechts. Auch der Übergang von der Mehrheits- zur Verhältniswahl spielte eine Rolle. Da die katholischen Frauen, stärker kirchengebunden als die Männer, auch in stärkerem Maße das Zentrum (bzw. die BVP, die sich 1919 abgespalten hatte) wählten7, gewann das Zentrum nun wieder um 60 Prozent der katholischen Stimmen. Das hohe Maß an Loyalität seiner Wähler machte das Zentrum in Hinblick auf seine Stärke zur stabilsten Partei. Sein Stimmenanteil schwankte nur zwischen 17,7 Prozent (1920) und 14,7 Prozent (1930).8 Bei den nur noch eingeschränkt freien Wahlen vom 5. März 1933 kamen die beiden Parteien immer noch auf 13,9 Prozent. Besonders eindrucksvoll tritt die Loyalität der katholischen Wähler, die Verbindlichkeit der Wahlnorm zutage, wenn man die Reichspräsiden4

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Bei den Wahlen vom 10. Januar 1874 kam es auf 27,9 Prozent aller Wähler, ein Niveau, das die Partei nie wieder erreichen sollte. Nach den Berechnungen von Schauff, Johannes, Die deutschen Katholiken und die Zentrumspartei. Eine politisch-statistische Untersuchung der Reichtagswahlen seit 1871, Köln 1928, zit. n. Büsch, Otto, Wählerbewegung in der deutschen Geschichte, Berlin 1978, S. 222. Man muss auch berücksichtigen, dass das Zentrum nicht in allen Wahlkreisen Kandidaten aufstellte, so dass nicht alle Katholiken Gelegenheit hatten, „ihrer“ Partei ihre Stimme zu geben. Zit. n. Blankenburg, Erhard, Kirchliche Bindung und Wahlverhalten, Freiburg im Breisgau 1967, S. 145. Allerdings legt Schauff für die Bekenntnistreue einen sehr großzügigen Maßstab an, nämlich die Teilnahme an der Osterkommunion. Von allen Parteien waren in der Zentrumswählerschaft die Frauen am stärksten überrepräsentiert. Der Index lag 1930 bei 159, für die SPD bei 100, für die NSDAP bei 88 und für die KPD bei 75. Blankenburg, Wahlverhalten, S. 102. Bei den Wahlen zur verfassungsgebenden Nationalversammlung gewann es 19,7 Prozent.

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tenwahlen von 1925 und 1932 vergleicht: 1925 siegte Hindenburg als „Kandidat des evangelischen Deutschland“9, während die Katholiken natürlich für den rheinischen Katholiken Wilhelm Marx stimmten. 1932 blieb Hindenburg in den protestantischen Gebieten weit hinter seinen Ergebnissen von 1925 zurück, während seine besten Ergebnisse in den katholischen Regionen lagen. Selbst wenn es galt, einen preußischen Feldmarschall zu wählen – gegen einen katholischen Gegenkandidaten –, befolgten die Katholiken die Wahlnorm, wenn diese von der Wahl des katholischen Kandidaten abriet.10 Drei Aspekte erscheinen mir bemerkenswert: Wie keine andere Partei (bis zum Aufkommen der NSDAP) gewann das Zentrum Wähler aus allen sozialen Schichten, weshalb es gelegentlich als erste deutsche Volkspartei bezeichnet wird. Die Konfession war für das Wahlverhalten wichtiger als sozialstrukturelle Faktoren. Allerdings muss – dies die zweite Bemerkung – hinzugefügt werden, dass diese soziale Heterogenität auf die katholische Minderheit eingeschränkt ist. Auch wenn nicht alle Katholiken das Zentrum wählten, so war seine Wählerschaft doch fast rein katholisch. Die dritte Bemerkung: Die Zentrumswählerschaft zeigte ein außerordentlich hohes Maß an Resistenz gegenüber dem Nationalsozialismus. Jürgen Falter hat in seiner gründlichen Untersuchung über „Hitlers Wähler“ nachgewiesen, dass die Protestanten doppelt so anfällig für den Nationalsozialismus waren wie die Katholiken. Die NSDAP war, bezogen auf ihre Wähler, eine protestantische Partei, namentlich der kirchenfernen Protestanten.11 Ein Blick auf die Wahlkarte zeigt eine verblüffende Entsprechung zwischen der Konfessionsverteilung einerseits und den Wahlergebnissen des Zentrums und der NSDAP andererseits: Je höher der Katholikenanteil und je höher der Grad der Kirchenbindung, desto besser die Zentrums- und desto schlechter die NSDAP-Ergebnisse.12 Auf dem Land erwies sich die Immunität der Katholiken als besonders groß, da hier Beeinflussung und soziale Kontrolle durch das Milieu deutlich stärker waren als in der Stadt.13 „Kein anderes Sozialmerkmal [hat] die nationalsozialistischen Wahlerfolge so stark beeinflusst wie die Konfession.“14 Mit Falter kann man hypothetisch formulieren, dass die NSDAP schon im Juli 1932 die absolute Mehrheit der Reichstagsmandate gewonnen hätte, wenn in Deutschland nur Protestanten gelebt hätten. Hätte es nur katholische Wähler gegeben, wäre es wohl nie zu einer (legalen) Machtübernahme Hitlers gekommen.15 9 Vgl. Falter, Jürgen, Hitlers Wähler, München 1991, S. 173. 10 Vgl. ebd., S. 173ff. 11 Bei den Juliwahlen 1932 bestand die Wählerschaft der NSDAP nur zu 17 Prozent aus Katholiken. Die 83 Prozent Nichtkatholiken waren fast alle Protestanten. Selbst 1933 war nur ein knappes Viertel der NSDAP-Wähler katholisch. Falter, Hitlers Wähler, S. 178f. 12 Vgl. die Karten bei Milatz, Alfred, Wähler und Wahlen in der Weimarer Republik, Bonn 1965. Mit Bezug auf Schauff schätzt Ulrich von Hehl, dass selbst 1933 noch etwa zwei Drittel der bekenntnistreuen Katholiken Zentrum oder BVP wählten. Zit. n Falter, Hitlers Wähler, S. 397, Anm. 202. 13 Ebd., S. 186. 14 Ebd., S. 177. 15 Ebd., S. 179.

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Die katholischen Wähler wollten von der NSDAP nicht deshalb so wenig wissen, weil sie politisch besonders gut informiert, weil sie besonders vernünftig waren oder weil sie eine besonders feste demokratische Gesinnung hatten, sondern weil man als guter Katholik eben Zentrum wählte und das tat man, weil man zum katholischen Milieu gehörte. Zum Milieu gehörte man nicht durch eine frei getroffene Entscheidung. Man war in das Milieu hineingeboren und befolgte mehr oder minder unkritisch die von der kirchlichen Obrigkeit ausgegebene Wahlnorm. Zugespitzt gesagt: Die sehr geringe Anfälligkeit der kirchengebundenen Katholiken beruht auf einem geringen Maß an demokratischer Reife. Natürlich gilt nicht der Umkehrschluss, dass die Hinwendung der Protestanten zur NSDAP das Ergebnis besonderer demokratischer Reife war. Der hervorstechende Zug des Wahlverhaltens der Protestanten war im Übrigen derselbe wie im Kaiserreich: Sie verteilen sich auf alle Parteien, außer auf das Zentrum, das weiterhin unwählbar bleibt. Konfession und Kirchenbindung – die im Übrigen, gemessen am regelmäßigen Gottesdienstbesuch, für die Protestanten nicht die gleiche Bedeutung hat wie für die Katholiken – wirkten sich gewissermaßen nur negativ aus. Es gehörte nicht zur Tradition der protestantischen Kirche, für das politische Verhalten ähnlich feste Regeln und Anweisungen zu geben, wie es die katholische Kirche tat. Konfession und Wahlverhalten in der Bundesrepublik Die Bundestagswahl 1953 zeigt hinsichtlich des Wahlverhaltens der Katholiken ein bemerkenswertes Ergebnis: Wie schon in der Weimarer Republik, gaben drei Viertel der kirchentreuen Katholiken und etwa 55 Prozent der Katholiken überhaupt (also unter Einschluss der so genannten Taufscheinkatholiken) der CDU/CSU ihre Stimme. Die Union wurde von den Katholiken sofort als ihre Partei, als Nachfolgerin des Zentrums, akzeptiert, und sie präsentierte sich in den überwiegend katholischen Gebieten auch als solche. Mentalitäten und Einstellungen, sowie das sich daraus ergebende politische Verhalten haben die verschiedenen Regimebrüche nahezu unbeschadet überstanden. Auch der Nationalsozialismus hatte das Milieupotential und seine politische Mobilisierungsfähigkeit nicht beeinträchtigen können. Das katholische Milieu trug die CDU wie früher das Zentrum. Die Verbindung Milieu / Partei erklärt zum Teil, warum die Union in den 50er – abgeschwächt noch in den 60er Jahren –, noch keine „richtige“ Partei zu sein brauchte: Das katholische Vereinswesen übernahm, unterstützt von der Amtskirche, für die noch nicht so zahlreichen Mitglieder (die SPD hatte dreimal so viele) und den recht dürftigen Parteiapparat die Bestreitung der Wahlkämpfe. Etwas anders stellt sich die Lage für die Protestanten dar. Kontinuität gab es auch hier insofern, als der Pluralismus, d.h. die Verteilung der Wähler auf verschiedene Parteien fortbestand. Neu war aber, dass der Protestantismus nicht mehr politisch negativ geeint war. Während ein „guter“ Protestant das Zentrum nicht wählen konnte, gab nun ein Drittel der protestantischen Wähler und über die Hälfte der kirchlichen Protestanten ihre Stimme der Union. Die Zahlen zeigen aber, dass es im Wahlverhalten keine Nivellierung, sondern weiterhin deutliche konfessionelle Unterschiede gab. Allerdings muss man hier regional differenzie-

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ren: In überwiegend katholischen Regionen, wo die CDU tatsächlich als katholische Partei, als eine Neuauflage des Zentrums, erschien (zum Beispiel Rheinland, Westfalen, Bayern), gab es weiter eine große Zurückhaltung namentlich unter den kirchlichen Protestanten. In überwiegend protestantischen Regionen hingegen wurde die CDU nicht als ein neues – katholisches – Zentrum, sondern tatsächlich als christlich-überkonfessionelle Partei wahrgenommen und gewählt. So erhielt sie 1953 in Schleswig-Holstein bei einem Katholikenanteil von nur 6 Prozent 47,1 Prozent der Stimmen; in Bayern mit einem Katholikenanteil von 79 Prozent auch „nur“ 47,8 Prozent (wobei es hier freilich die Konkurrenz der Bayernpartei gab). Allerdings stimmten viele Protestanten nicht aus konfessionellen oder religiösen Gründen für die CDU, sondern aus genuin politischen, ökonomischen oder sozialen. Sie war in ihren Augen – durchaus zu Recht – eine konservative, bürgerliche, antisozialistische Partei, die vor allem als Nachfolge der DNVP gelten konnte. Noch in den 80er Jahren und nach der Wiedervereinigung stimmen etwa 60 Prozent der Katholiken und zwischen 30 Prozent und 40 Prozent der Protestanten für die CDU/CSU. In den neuen Ländern liegen die Werte sogar noch darüber.16 Von den regelmäßigen katholischen Kirchgängern entscheiden sich nach wie vor rund drei Viertel – mal etwas mehr, mal etwas weniger –, für die Union, auch in den neuen Ländern.17 Die praktizierenden Katholiken bilden seit der Gründung des Kaiserreiches die Kernwählerschaft der katholischen bzw. christlichen Partei. Keine andere soziale Gruppe entscheidet sich mit einer derartigen Geschlossenheit für eine Partei, über Jahrzehnte hinweg. Die Wahlgeografie bestätigt die Umfragen: Der überwiegend katholische Süden gibt der CDU/CSU eine klare Mehrheit; der protestantische Norden der SPD und der überwiegend konfessionslose Osten der SPD und der PDS. Hinter dieser beeindruckenden Kontinuität verbirgt sich aber eine einschneidende Veränderung. Was der Nationalsozialismus nicht erreicht hatte, entwickelte sich in der Bundesrepublik sozusagen von selbst: Das katholische Milieu, für das Kirchenzugehörigkeit und Glaube auch direkt in den politischen Bereich hinein wirken dürfen, ja müssen, verschwand zwar nicht, aber es schrumpfte ganz erheblich. Gingen 1953 noch 60 Prozent der Katholiken regelmäßig zur Messe, so sank dieser Anteil auf 30 Prozent 1980 und unter 20 Prozent heute. Einer ähnlichen Erosion war das katholische Vereinswesen unterworfen. Wenn die regelmäßig praktizierenden Katholiken nur noch 7 Prozent und die der Protestanten sogar nur 2 Prozent der Wählerschaft ausmachen (2002), dann hat diese Entwicklung gravierende Konsequenzen für die Union. Es ist erstaunlich, dass sie in der alten Bundesrepublik nur einen Rückgang auf 44,3 Prozent (1987) zu verzeichnen hat, also um lediglich 4,5 Punkte (wenn man die Wahl 1949 und den „Ausreißer“ von 1957 einmal außer Acht lässt). Die durch den Rückgang der Kirchlichkeit verursachten, sicher höheren Verluste konnte sie offenbar durch andere, hier nicht zu erörternde politische 16 Vgl. die Tabelle 6 bei Thaidigsmann, S. Isabell, Sozialstruktur und Wählerverhalten (KASArbeitspapiere Nr. 126), St. Augustin 2004, S. 23. 17 Vgl. die Grafik in: Bayerische Landeszentrale für politische Bildungsarbeit (Hg.), Bilanz der Bundestagswahl 2005, München 2006, S. 54.

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Faktoren kompensieren. Ein anderer, kaum zu beziffernder Faktor hat ebenfalls eine Rolle gespielt: Die durch Konfession und insbesondere Kirchlichkeit erfolgten „kulturellen Prägungen“ wirken sich eine Zeitlang auch dann noch politisch aus, wenn die Kirchlichkeit geschwunden ist. Allerdings verschwinden sie nach etwa einer Generation. Eine weitere Frage will ich nur anschneiden: Ist das katholische Milieu nicht nur geschrumpft, sondern hat es auch an Prägekraft verloren? Gilt die kirchliche Wahlnorm nicht mehr mit gleicher Verbindlichkeit? Gelegentlich ist zu lesen, selbst kirchengebundene Katholiken seien nicht mehr in gleichem Maße wie früher treue Unionswähler. Dies geschieht mit Verweis auf das vor allem seit dem Godesberger Programm (1959) gewandelte Verhältnis der katholischen Kirche zur SPD sowie Entwicklungen in der Kirche in den frühern 60er Jahren (Papstenzykliken, Vatikanum II). Schon der über Jahrzehnte nahezu unveränderte CDUAnteil unter den praktizierenden Katholiken lässt aber erkennen, dass das Milieu nur marginal an Geschlossenheit verloren hat. Das gilt auch für diejenige Gruppe, die das Godesberger Programm vor allem im Visier hatte: die katholischen, kirchengebundenen Arbeiter. Karl Schmitt18 hat nachgewiesen, dass die SPD ihre Wahlgewinne in den 60er Jahren (bis zum Höhepunkt 1972) nicht primär den „übergelaufenen“ katholischen Kirchgängern unter den Arbeitern verdankte, sondern dem protestantischen „neuen Mittelstand“. In der cross pressureSituation zwischen Kirchlichkeit und Beruf erweist sich namentlich für das katholische Milieu weiterhin die Kirchenbindung als stärker. Der geradezu dramatische Rückgang der Unionsergebnisse der letzten Jahre – dreimal hintereinander unter 40 Prozent, zum Teil sehr deutlich –, ist nicht allein, aber in erheblichem Ausmaß mit dem konfessionellen Faktor zu erklären: Das katholische Milieu ist in den neuen Ländern nur ganz marginal vorhanden (Katholikenanteil 5%), während der Anteil der Konfessionslosen zwei Drittel der Bevölkerung ausmacht (in den alten Ländern nur 8%). Eine konfessionell bzw. kirchlich gebundene Stammwählerschaft der CDU gibt es in den neuen Ländern fast nicht. Konklusion Kann man das Thema Konfession, Kirchlichkeit und Wahlverhalten in Deutschland seit dem Kaiserreich auf einen knappen Nenner bringen? Die Katholiken und insbesondere die regelmäßig praktizierenden wählen konstant mit stabilen Mehrheiten von 60 Prozent bzw. 75 Prozent „ihre“ Partei, das Zentrum und die CDU/CSU. Nichts, kein Regimewechsel, keine Revolution, keine Diktatur haben diese politische Einstellung, wie sie an der Wahlurne zum Ausdruck kommt, nennenswert verändern können. Eine drastische Veränderung hat das katholische Milieu, das der Mutterboden dieses Wahlverhaltens ist, allerdings erfahren: Im Kontext einer allgemeinen Säkularisierung der (west)europäischen Gesellschaften seit dem Ende des Zweiten Weltkriegs ist es erheblich geschrumpft 18 Schmitt, Karl, Konfession und Wahlverhalten in der Bundesrepublik Deutschland, Berlin 1989, bes. S.139ff. Dieser Untersuchung ist der Abschnitt über die Bundesrepublik in vielfacher Weise verpflichtet.

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und wird voraussichtlich weiter schrumpfen, weil insbesondere unter den Jugendlichen die Kirchlichkeit weiter schwindet. Da das katholische Milieu in den neuen Ländern fast völlig fehlt, hat die Wiedervereinigung das Wählerpotential der Union weiter geschwächt19, hat in entscheidender Weise dazu beigetragen, dass sie die strukturelle Mehrheit, die sie in der alten Bundesrepublik nicht zuletzt dank der deutschen Teilung besaß, verloren hat. Das Wahlverhalten der Protestanten hat nach 1945 eine bemerkenswerte Veränderung erfahren. Während das Zentrum als rein katholische Partei für die Protestanten nicht wählbar war, erhielt die CDU/CSU von Anfang an einen beachtlichen Teil der protestantischen Wählerstimmen. Erstmals stimmten Protestanten für eine Partei, die die Mehrheit der Katholiken als „ihre“ Partei betrachtet. Die überkonfessionelle Parteigründung hat sich als erfolgreich erwiesen, aber sie hat keineswegs die Konfessionsunterschiede im Wahlverhalten zum Verschwinden gebracht. Diese Entwicklungen wurden ermöglicht durch das sich entspannende Verhältnis zwischen den Konfessionen, aber auch die Tatsache, dass die Union nicht mehr enge kirchliche (katholische) Interessen vertritt, sondern ein politisches Programm auf der Grundlage eines christlichen Menschenbildes besitzt. Allerdings wirken beim Votum der Protestanten für die Union häufig andere Faktoren als die Kirchlichkeit, primär die Berufszugehörigkeit; die Union wird von ihnen vor allem als antisozialistische bürgerliche Sammlungspartei gewählt. Konfession und Kirchenbindung haben im Kontext der Säkularisierung gewiss an Bedeutung für die Politik verloren. Die Folgen der Säkularisierung sind an der Zusammensetzung der Wählerschaft der Union gut abzulesen: Bei der Bundestagswahl 1953 waren fast 60 Prozent ihrer Wähler kirchennahe Christen; sie konnte sich durchaus zu Recht als eine „christliche Partei“ bezeichnen. 1983 stellten die kirchlich gebundenen Wähler nur noch ein Drittel. Kommt auch dem Faktor für das Wahlverhalten sicher nicht mehr die gleiche Bedeutung zu wie vor 50 oder 100 Jahren, so ist er doch weiterhin wirksam und besitzt für die Analyse der politischen Einstellungen und des Wahlverhaltens nach wie vor eine keineswegs zu vernachlässigende Erklärungskraft.

19 Ihre Wahlergebnisse in den neuen Ländern lagen 2002 und 2005 über 12 Prozentpunkte unter denen in den alten Ländern.

DIE AUTORINNEN UND AUTOREN – LES AUTEURS Philippe Alexandre Professeur de civilisation allemande à l’Université Nancy 2 ; directeur adjoint du Centre d’études germaniques interculturelles de Lorraine (C.E.G.I.L.). Axes de recherche : histoire des idées politiques, l’espace public et l’opinion en Allemagne de 1870 à 1914, communication interculturelle, histoire régionale (perspective franco-allemande). Contact : [email protected] Professor für deutsche Zivilisation an der Universität Nancy 2, stellv. Direktor des Zentrums für interkulturelle germanistische Studien Lothringens (C.E.G.I.L.). Forschungsschwerpunkte: Geschichte der politischen Ideen, öffentlicher Raum und öffentliche Meinung in Deutschland zwischen 1870 und 1914, interkulturelle Kommunikation, Regionalgeschichte (in deutsch-französischer Perspektive). Kontakt: [email protected] Jean-Paul Cahn Professeur de l’Université de Paris IV, UFR d’études germaniques, néerlandaises et nordiques, Président du « Comité franco-allemand de Recherches sur l’Histoire de la France et de l’Allemagne aux XIXe et XXe siècles », Recherche : histoire de l’Allemagne, politique étrangère, relations franco-allemandes, partis politiques et institutions, Coéditeur de ce volume. Contact: [email protected] Professor an der Universität Paris IV, Fakultät für germanistische, niederländische und skandinavische Studien, Präsident des Deutsch-Französischen Komitees für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts; Forschungsschwerpunkte: Geschichte Deutsche Geschichte, deutsch-französische Beziehungen, politische Parteien und Einrichtungen, Mitherausgeber dieses Bandes. Kontakt: [email protected] Caroline Doublier Professeur d’histoire – géographie, responsable de la section européenne « Allemand » au Lycée Jean Monnet – La Queue-lez-Yvelines. Contact : [email protected] Unterrichtet Geschichte und Geographie am Lycée Jean Monnet – La Queue-lezYvelines, und ist verantwortlich für den Bereich „Deutsch“ der europäischen Sektionen. Kontakt: [email protected]

Les auteurs

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Pascal Eitler Dr. des., Promotion am SFB 584 “Das Politische als Kommunikationsraum in der Geschichte” mit einer Arbeit über die Politisierung der Religion in der Bundesrepublik Deutschland zwischen 1965 und 1975. Zurzeit Forschungsstipendiat am Berliner Max-Planck-Institut für Bildungsforschung im Forschungsbereich "Geschichte der Gefühle". Kontakt: [email protected] Dr. des., doctorat au SFB 584 sur les « Aspects politiques comme espace de communication dans l’histoire » avec une thèse sur la politisation de la religion en RFA entre 1965 et 1975. Actuellement boursier à Institut Max-Planck de Développement humain, à la section de recherches « L’histoire des sensations ». Contact : [email protected] Frédéric Hartweg Germaniste, professeur à l'université Marc Bloch de Strasbourg Contact : [email protected] Germanist, Professor an der Universität Marc Bloch in Straßburg. Kontakt: [email protected] Heidrun Homburg Heidrun Homburg, Privatdozentin für Neuere und Neueste Geschichte an der Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, Schwerpunkt: wirtschaftshistorische Forschungen, Industrie, Arbeitsmarkt, Unternehmenskultur. Kontakt: [email protected] Privat-docent d’Histoire moderne et contemporaine à l’Université de Fribourg-enBrisgau ; recherches de l’Histoire de l’économie, de l’industrie, de l’économie du travail et de la culture d’entreprise contact : [email protected] Adolf Kimmel Professor (i. R.) für Politikwissenschaft, zuletzt an der Universität Trier. Forschungsschwerpunkte: Französisches politisches System, französische Zeitgeschichte, deutsch-französische Beziehungen. Kontakt: [email protected] Dr. phil., Professeur (à la retraite) de Sciences politiques, ayant exercé en dernier lieu à l’Université de Trèves. Axe de recherches : le système politique de la France, l’histoire contemporaine de la France, les relations franco-allemand. Contact: [email protected]

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Die Autorinnen und Autoren

Françoise Knopper Professeure à l'Université Toulouse-II – Le Mirail, département des Langues Etrangères, section d’allemand. Elle est associée au CIERA, Centre interdisciplinaire d’études et de recherche sur l’Allemagne. Contact : [email protected] Professorin an der Universität Toulouse II – Le Mirail, Fachbereich Germanistik. Sie ist an einem Forschungs- und Ausbildungsprogramm des CIERA (Interdisziplinäres Zentrum für Deutschlandstudien und -forschung) beteiligt. Kontakt: [email protected] Gilles Leroux Germaniste civilisationniste, Maître de Conférences à l’Université de FrancheComté. Recherches : Les deux Allemagne après 1949 (plus particulièrement : politiques, réformes et mouvements sociaux dans l’Allemagne contemporaine ; aussi populations, immigration, intégration). Contact : [email protected] Germanist und Sozialwissenschaftler, Dozent an der Universität Franche-Comté. Forschungen zu den beiden deutschen Republiken nach 1949 (besonders zu Politik, Reformen und sozialen Bewegungen im gegenwärtigen Deutschland; außerdem zu Bevölkerungen, Immigration und Integration). Kontakt: [email protected] Jean Philippon Né en 1923, études à Caen, long séjour en Allemagne après la Guerre. Thèse sur la contribution de la SA au réarmement de l’Allemagne. Retiré en Bourgogne, il consacre une partie de son temps à l’histoire locale et régionale, notamment les origines du régime républicain et l’histoire de la condition ouvrière. Contact : 71510 Saint-Sernin du Plain Jahrgang 1923, Studium in Caen, langer Aufenthalt in Deutschland nach dem Krieg. Doktorarbeit über den Einfluss der SA bei der Wiederbewaffnung Deutschlands. In seinem Ruhestand in der Bourgogne forscht er über lokale und regionale Geschichte, besonders über die Ursprünge der republikanischen Staatsform und die Geschichte der sozialen Lage der Arbeiter. Kontakt: 71510 Saint-Sernin du Plain Anne Salles Maître de conférences à l’université de Paris IV, axes de recherche : démographie et politique familiale en France et en Allemagne. Contact : [email protected] Dr., Dozentin für Germanistik an der Universität Paris IV, Forschungsschwerpunkte: Bevölkerungsforschung und Familienpolitik in Deutschland und Frankreich. Kontakt: [email protected]

Les auteurs

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Stephanie Schlesier 2003 M.A. in Geschichte und Politikwissenschaft an der Universität Trier; seit 2004 Stipendiatin des BKVGE (Berliner Kolleg für Vergleichende Geschichte Europas), des DHI Paris und des IEG (Institut für Europäische Geschichte) Mainz; Dissertationsprojekt zum Thema: „Bürger zweiter Klasse? Die jüdische Landbevölkerung in preußischer Rheinprovinz, Lothringen und Luxemburg im 19. Jahrhundert“. Kontakt: [email protected] 2003 maîtrise d’Histoire et de Sciences politiques à l’université de Trèves, boursière du BKVGE depuis 2004 (Collège berlinois d’Histoire européenne comparée), de l’Institut historique allemand à Paris et de l’Institut d’Histoire européenne de Mayence ; project de doctorat : « Citoyens de deuxième classe ? La population rurale juive de la Rhénanie prussienne, de la Lorraine et du Luxembourg au XIXe siècle » Contact : [email protected] Dominique Trimbur Historien et germaniste, est chercheur associé au Centre de recherche français de Jérusalem. Thèmes de recherche : Relations RFA-Israël, de 1948-49 à nos jours ; présences européennes (notamment catholiques, françaises et allemandes) en Palestine, XIXe-XXe siècles. Contact : [email protected] Historiker und Germanist, ist assoziierter Forscher am Centre de recherche français in Jerusalem. Forschungsschwerpunkte: Beziehungen zwischen der Bundesrepublik Deutschland und Israel von der Gründung Israels bis heute, die Anwesenheit europäischer Mächte (besonders in der katholischen, deutschen und französischen Ausprägung) in Palästina im 19. und 20. Jahrhundert. Kontakt: [email protected]

In Religion und Laizität besteht bis heute ein tiefer Graben zwischen Frankreich und Deutschland, der das Verständnis zwischen den beiden Ländern erschwert. Eine Vielzahl von Unterschieden lädt zum Vergleich ein: im Kirchenrecht, im Verhältnis von Kirche und Staat, in den Kirchenkonflikten, im Gewicht der Konfessionen, in der öffentlichen Intervention der Kirchen, im Verhältnis von Kirchen und Bildung, im Gewicht der jüdischen und islamischen Kirche.

Bis heute lässt sich der Ausdruck laïcité nur ungenügend in das Deutsche übersetzen. Umgekehrt ist die enge Zusammenarbeit zwischen Staat und Kirche für Franzosen schwer durchschaubar. Das deutsch-französische Historikerkomitee setzte sich daher dieses Thema in der Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts zur Aufgabe und veranstaltete eine Tagung, deren Beiträge Unterschiede behandeln, Transfers über den Rhein hinweg untersuchen – und überraschende Gemeinsamkeiten entdecken.

www.steiner-verlag.de Franz Steiner Verlag

ISBN 978-3-515-09276-0