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French Pages 96 [100] Year 1980
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PLANTES ET FLEURS RENCONTREES
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Marcelle Conrad
PARC NATUREL REGIONAL DE
LA CORSE
PLANTES ET FLEURS RENCONTREES
PRESENTATION
La Corse, l'île la plus septentrionale de l'archipel tyrrhénien est aussi la plus belle, la plus variée de la M éditerranée occidentale. Située à 160 km des côtes provençales, à 82 de la Toscane et à 12 km au nord de la Sardaigne sa toute proche voisine, elle évoque le soleil, les plages dorées, les senteurs d 'un impénétrable maquis mais aussi de prestigieux sommets. D e récents travaux de géologues font supposer que le bloc corso-sarde primitivem ent adjacent aux côtes françaises, est parvenu à la position qu'il occupe aujourd'hui, en effectuant au cours d 'une p ériode de l'ère tertiaire, un mouvem ent de rotation vers le sud-est. Cette nouvelle théorie remplace celle qui fais ait de la Corse et de la Sardaigne des fragments d 'un ancien continent effondré : la Tyrrh énide. "Montagne dans la m er ", la Corse dresse brusquem ent au-dessus des flots le profil aigu et chaotique de ses monts colorés, de ses crêtes vives, de ses "calanches" enserrées. Vers l'ouest italien, un bouquet d'îles claires l'accompagne : Elbe, Capraia, Pian.osa, Monte Cristo ... , des noms de légende ! Ici et là, serrées en guirlandes autour de l'architecture cyclopéenne de l'île, fidèles et immuables, des sentinelles veillent : les Sanguinaires dans le golfe d 'Ajaccio, les rochers des Moin es au large de Rocapina, les Cerbicale face à Porto- Vecchio, les Lavezzi proches de Bonifacio, les îlots de Finocchiarola, au nord- est du Cap, et, plus septentrionale encore, la Giraglia ... 3
SCHEMA STRUCTURAL SIMPLIFIE DE LACORSE d' après
Reille 1975
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Légende
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alluvions anciennes
corse schisteuse ou alpine
bassins sedimentaires
corse granitique ou hercynienne
miocène calcaire
Vingt sommets de plus de 2.000 m ètres, 900 kilomètres de côtes qui semblent sculptées par le ciseau d'un géant ivre de soleil, le long ruban de sable de la plaine orientale, des vallées prof ondes, des plaines miniatures, des villages nids d 'aigle, des plages serties dans le roc, des villes dou ces et, sur l'horizon, la m er "toujours recommencée", fo nt de l'île un unique, un m erveilleux kaléidoscope. GEOLOGIE
L 'île, dans sa structure géologique, compte trois régions d 'inégale étendue : une zone cristalline, une autre schisteuse et, entre les deux, une dépression centrale.
La Corse cristalline
A l'ouest et au sud-ouest, c'est la Corse cristalline ou hercy nienne, "/'Au-delà des Monts ", comme on disait jadis ... T ourmentée, burinée, elle porte les plus hauts sommets de l'île : le Cinto culmine à 2. 710 m ètres d'altitude, le Rotondo à 2.625 m ètres, le R enoso à 2.357 m ètres, le Monte d 'Oro à 2.397 m ètres .. . C'est le domaine des terrains primaires aux roches colorées et souvent fort belles : granites à amphibole et à biotite, granulites de couleur rouge, célèbre diorite orbiculaire de San ta Lucia de Tallano. La Corse schisteuse
Au nord-est, c'est la Corse schisteuse, moins élevée et moins grandiose que la région cristalline - 1. 726 m ètres d 'altitude au San Pietro dans la Castagniccia - ses roches, que l'on p eut retrouver dans les Alpes internes, lui ont valu le nom de Corse alpine. Avec la dépression centrale, elle constitue l'en-deçà des Monts. Dans ces schistes m étamorphiques, se trouvent des roches vertes, des calcaires cipolins, et quelques minerais comme le f er, l'amiante, le cuivre... La dépression centrale.
Coincé entre la Corse cristalline et la Cors e schisteuse et orienté nord-ouest - sud- est, un sillon étroit et long d'une centaine de kilomètres, est constitué de terrains sédimentaires secondaires et tertiaires. Cette dépression centrale dont l'altitude ne dépasse pas 600 m comprend le N ebbio, la Balagne sédimentaire, les bassins de Ponte-L eccia et de Corte, la cuvette de Vezzani... 5
Extrait de la carte « La France vue de satellite », coédition B.R.G.M. - B.E.I.C.I.P.
D'autres formations sédimentaires analogues existent à Macinaggio ; au sud, un plateau calcaire a servi d'assise à la ville de Bonifacio. A ces grandes régions, il faut ajouter la plaine orientale constituée d'une part de dépôts tertiaires et, d'autre part d'alluvions récentes apportées par les cours d'eau. 6
CLIMAT.
Le climat est méditerranéen mais pas uniforme ; il est fortement influencé par l'altitude, par le relief, qui en partie arrête les vents chargés de pluie. D'une manière générale, l'ensoleillement est grand - près de 2.500 heures par an sur la côte - les précipitations très faibles en juillet et en août ont lieu surtout en automne, à la fin de l'hiver et au début du printemps. L'altitude va modifier ces données et nous amener à considérer non pas un climat de l'île, mais quatre.
Sur le littoral.
L'hiver est doux : les températures minimales des mois les plus froids varient entre 3°3 et 6°9 ; les jours de gelées sont rares. En été, les températures maximales oscillent entre 29° et 33°, mais elles peuvent atteindre plus de 36°. Les brises marines heureusement les tempèrent quelqu e peu et les rendent supportables. Il tombe environ de 500 à 800 mm d'eau par an ; c'est en automne et à la fin de l'hiver que les pluies parfois extrêmement violentes, sont les plus abondantes. De 600 à 900 mètres.
Par rapport au littoral, les températures maximales en juillet-août sont déjà faibles - de l'ordre de 29° - alors que les minimales durant les nuits sont voisines de 12°. Les précipitations dans l'année sont plus importantes 7
- de 600 à 1.000 mm environ - et les jours de gelée sont déjà plus nombreux, 28 à Vivario. De 900 à 1.700 mètres.
Les températures estivales diurnes restent toujours élevées, les nocturnes sont de 4 à 8 °. Il pleut fort peu en été - à peine 100 mm en juillet et août mais beaucoup en novembre et février, il neige souvent de décembre jusqu'en mars.
Au -dessus de 1.700 mètres.
Dans les étages subalpin et alpin, les observations météorologiques sont rares les précipitations, surtout sous forme de neige, sont supérieures à 1.500 mm voire à 2.000 mm par an sur certains versants. Durant la nuit, à partir de la mi-octobre, le froid est vif et la neige fait son apparition ; l'enneigement pourra atteindre plusieurs mètres d'épaisseur et le blanc manteau recouvrira le sol durant de longs mois. Il n'est pas rare de voir les sommets blanchir ,au cours des mois d'avril et de mai. LES VENTS
Ils sont irréguliers, et leur action, par suite du relief; est différente selon les régions. Le "libeccio", fréquent, vient du sud-ouest et de l'ouest, il amène la pluie sur la façade occidentale de l'île et devient sec sur la côte orientale. L'inverse se produit avec le "gregale" qui souffle du nord-est, le "levante" de l'est et surtout le "sirocco" du sud-est. 8
Ce demier, humide et tiède en hiver, donne la pluie au contact des montagnes ; en été sec et chaud, il fait "grimper" la température déjà haute. L'EXTRAORDINAIRE RICHESSE EN EAU DE LA CORSE
Conséquence du régime des précipitations, les cours d'eau, très nombreux, ont leur lit presqu e sec durant les mois d 'été et deviennent dès les pluies d 'automne, des torrents importants. Ils sont alimentés par la fonte des neiges jusqu'en juillet. Leurs crues soudaines - après un orage - peuvent être d 'une violence inouïe. VEGETATION ET FLORE.
A son arrivée, le voyageur est agréablem ent surpris par l'étendue et la densité du manteau végétal, qui constitue l'un des élém ents importants du paysage. Cette végétation n'est évidemment pas uniforme: les plantes herbacées, les buissons et les arbres ne sont pas répartis au hasard mais s 'établissent là oû les conditions générales de vie propres à leur espèce, leur p ermettent de s'implanter, de prospérer. La répartition des plantes sera donc liée aux conditions topographiques pente, exposition, altitude - aux conditions climatiques - précipitaà la structure et la tions, vent, température composition chimique du sol c'est-à-dire aux conditions écologiques.
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Déboisement
Incendies
En Corse, comme dans tout milieu naturel fragile, l'activité des hommes, coupes d e forêts, incendies, élevages ou grands travaux, joue un rôle important en favorisant la dégradation voire la disparition de grands lambeaux du couvert végétal. Compte tenu des différences d'altitude - de O à 2.710 m - qui influent sur les conditions climatiques et par voie de conséquence sur la répartition de la végétation, il est admis de diviser l'île en cinq étages dont les limites sont plus ou m oins nettes. En fait ces étages s'interpénètrent. 1. L'étage méditerranéen inférieur,
D e 0 à 600 m. Près de la m er. dan s les sables. gazons et rochers maritimes. au bord des étangs plus ou m oins saumâtres. vivent des espèces herbacées ou arborescentesJTamaris) qui supportent une fo rt e proportion de sel dans le sol : elles sont dit es halophiles. Un peu plus loin à l'intérieur des terres, souvent mêm e sur les talus littoraux. c'es t déjà le maquis : Pista chiers-len tisqu es, Myrt es. Oliviers sauvages et sur les sols siliceux profonds. les Chênes-lièges. Sur les autres sols. m êm e su r calcaire. poussent les Ch ênes-verts, bien souvent buissonnants ou en taillis ... rares sont les Chênaies-vertes et les arbres plusieurs fois cent enaires épargnés par les incendies: très fréquents sont les maquis dégradés : cistaies ou p euplem ents d' es pèces épin euses qui s'accomm odent ces demières sont dites x érophytes. de la sécheresse, li n'es / cependan l pas 1rès rare de voir un maquis arborescenl - avec des Arbousiers et des Bruyères 11
- non loin des rivages. De très nombreuses plantes herbacées aux jolies fleurs vivent dans le maquis et sous les chênes. Cette végétation de maquis tend à reconstituer le "climax" c'est-à-dire, les forêts originelles dites "climaciques". En effet, si l'évolution naturelle de cette végétation n'était pas perturbée, nous aurions à longue échéance, entre 0 et 800 m d'altitude, une Chênaie verte ou, jusqu'à 350 m, une Suberaie si le sol le permet. Au maquis sont rattachées de nombreuses "histoires '' et légendes mais il ne faut pas oublier qu'il tient une place non négligeable dans l'économie de l'île : parcage naturel pour les caprins, refuge pour la faune, terrain de chasse, fournisseur inépuisable de bois de chauffage, producteur de fruits utiles, il est encore et surtout une couverture végétale qui retient l'eau, freine l'érosion et produit de l'oxygène. Pour tout cela il doit être respecté partout où les cultures ne sont pas possibles par suite du relief et du peu d'épaisseur de la terre végétale. 2. Etage méditerranéen supérieur,
De 600 à 900 m. ou, suivant l'exposition, de 800 à 1100m. Cet étage est caractérisé par la présence de chênes pubescents, de Châtaigniers, de Pins mésogéens - et d'Aulnes cordés plus rares ; on y trouve encore des arbustes du maquis et quelques chênes-verts, deux espèces de Frênes, des Chênes à fleurs sessiles et des Charmes-houblon. En sous-bois, beaucoup de belles espèces herbacées sylvatiques ; de grands peuplements de Fougères-aigle dans les espaces dénudés. 3. Etage montagnard,
De 900 à 1650 m. ou, suivant l'exposition, de 1100 à 1800 m. Voici les forêts d'altitude: Pins laricio et Hêtres (ces forêts climaciques sont toujours composées de plusieurs essences), moins fréquemment des Sapins blancs, des Bouleaux ; çà et là des pelouses riches en espèces de petite taille ou bien des garrigues d'épineux - Le Cap Corse qui culmine à 1.300 mètres, très dégradé, offre comme le massif du Tende, les Céraistes de Baissier et des Violettes cyrno-sardes qui ne vivent pas dans le reste de la Corse. Des arbres et des plantes herbacées montagnardes peuvent être observées à une altitude très basse dans cet étrange Cap. 4. Etage subalpin ,
De 1650 à 2100 m . ou. suivant l'exposition, de 1800 à 2300 m. Il n'y a plus d'arbres : c'est le domaine des Aulnes odorants, "Bassu", en buissons couchés sur le sol. 12
Par places des tourbières : les pozzines, des p elouses, des rochers, des parois fleuries. 5. Etage alpin ,
D e 2.100 à 2.710 m. de 2.300 à 2.710 m. Dans les rocailles, les éboulis, les .fissures des parois, fleurissent de petites espèces presque toutes spéciales à la Corse ; elles sont dites endémiques ce qui n'est pas forcément synonyme de rareté car elles p euvent être très abondantes dans leurs biotopes resp ectifs. LA FLORE
La fl.ore insulaire a fait l'objet de nombreuses études. Comme celle de la plupart des îles, elle présente un grand intérêt par suite de l'isolement géographique, notamment par les problèmes que posent les espèces de haute montagne. Sur 2.000 espèces environ que compte la Corse, 8% sont endémiques pour l'ensemble de l'île. Cependant d 'après J. Gamisans, dans l'étage alpin., leur proportion atteint sur l'adret de 47 à 52% des esp èces recensées à cette altitude. Ou tre les endémiques corses, cyrno-sardes ou tyrrhéniennes, de nombreuses espèces de la flore de Corse vivent aussi en Espagne, en Italie ou bien en Afrique du Nord, mais sont étrangères à la flore continentale français e. Un grand pourcentage des espèces de la flore insulaire sont d 'origine méditerranéenne, d'autres peuvent être observées dans les régions tempérées au nord de l'Europe, quelques-unes sont atlantiques comme la belle Digitale pourpre ; la My rtille assez rare dans l'île fait partie des boréo-montagnardes. Dans les éboulis de nos grands massifs, près des combes à neige, des artico-alpines comme la Fougère Allosore crispée d'un. vert si clair, vivent à l'aise tandis qu'un peu plus bas maintes plantes des montagnes du centre et du sud de l'Europë sont présentes dans l'Ile. L'absence dans les hautes montagnes corses de très nombreuses espèces répandues dans les Alpes, incite à supposer, comme l'ont déjà fa it plusieurs botanistes, que l'extension de ces espèces alpines vers les montagnes sud-européennes a eu lieu après l'isolem ent, très ancien, du bloc Corse-Sardaigne. La flore endémique se serait alors différenciée à partir d 'ancêtres disparus, par suite des conditions écologiques différentes. Ajoutons à cette rapide présentation, que la Corse compte environ 1.200 espèces de lichens, plusieurs centaines d'espèces de mousses et plus d'un millier d 'espèces ou variétés de champignons supérieurs ... 13
Au fil de ces pages sans même que vous vous en rendiez compte toute une année défilera.
Il ne dépendra que de vous de la revivre sur le terrain.
PROMENADES EN JANVIER ET FEVRIER.
En hiver. si nous désirons voir des .fleurs. il nous fàudra rester au voisinage du littoral. Nous explorerons un peu plus tard, en saison. monts et vallées de l'intérieur. En janvier et f évrier, entre 1.600 et 2. 700 m ètres, nous ne verrions que neige et glace. L es contrées situées entre 1.000 et 1.600 m d'altitude sont 14
Larici
souvent, elles aussi, ennetgees durant la p ériode hivernale. Mais sous la neige, les forêts des m ontagnes corses sont fort belles : grands hêtres aux branches nues, abritant dans leurs troncs un petit peuple invisible endormi pour des mois, pins magnifiques ... LES RESINEUX Le Pin laricio, "lariciu".
L e géant de la flore insulaire es t le Pin laricio corse. Il peut atteindre cinquante m ètres de hauteur. Malh eu reusem ent, dès l'ouverture de certaines routes, vers 1860. des coupes in considérées ont eu lieu en fo rêt : des pins, qui étaient les plus gros conifères 15
Le Pin laricio - Pina cea nigra sspc laricio variété corsicana - a des cônes, ou pommes de pins, ovo1des, longs de 6 à 8 cm, disposés presque horizontalement sur les bran ches. Les "aiguilles" ou feuilles, sont groupées par deux, leur extrêmité n'est pas piquante. Il existe d'autres espèces de Pins Laricio dans le sud du Massif Central, dans les Pyrénées Orientales, en Espagne, ce sont les Pins dits des Cévennes ; en Autriche et dans le sud-est de l'Europe, ce sont les Pins d'Autriche. Mais la variété corsicana n'est spontanée qu'en Corse. En Calabre, c'est une variété spéciale à cette région la variété calabrica. Ne commettez pas l'imprudence de secouer les "sacs", nids de chenilles processionnaires qu'on voit souvent sur ces arbres. Ces insectes Cnetho campa pithyocampa - ont des poils urticant s.
On pouvait voir encore, en 1973, dans cette forêt, le "roi des arbres", abattu en juillet 1955 et resté sur place; vieux de onze siècles environ, il mesurait 6 m de circon férence à un mètre trente du sol et près de 5 m à vingt et un . Frappé par la foudre, il était creux à l'intérieur et ne mesurait plus que 40 m de hauteur sa cime ayant disparu . Les Pins laricio ont été recherchés dès l'antiquité et tout le temps de la marine à voile pour faire des mâts de navire. Actuellement , cette essence, la plus noble des forêts de l'île, est très appréciée comme bois d'œuvre .
Pin laricio, cône Pinus nigra, ssp larî cio lariciu
d'Europ e "furent abattus, mais non enlevés et ne serviren t qu'aux ins ectes xylophages" comme le rappelle la Société botaniqu e d e France en 1877. On p eut voir encore cependant d es Pins lan·cio dont le diam ètre dépasse d eux m ètres! Le fût est très droit , dégarni d e branch es jusqu e sous la cime; celle-ci est d'abord py ramidale, puis, chez les arbres âgés, courte, aplatie, étalée. Le vent agite fréqu emment leu r feuillage d ont la chanson se confond avec celle des torrents. Dans la forêt d e Valdoniello, près de Ciaterrino, au lieu-dit "Chieni' ' un pin relativem ent jeune, mesurant près de cinq mètres d e circonférence, au fût d épassant 30 mètres, pourrait d evenir, dans quelques siècles, un d es rois d e la forêt corse. Près du Col de Cocavera, un autre sujet, vieux d e 800 ans, est l'un des plus remarquables d e l'Ile. Le Pin maritime ou Pin mésogéen.
Il fait aussi partie de nos forêts. le plus souvent entre 400 et 900 m d'altitud e. comme dans la vallée de la R estonica et. plus haut. sur les versants chauds. Certains ont été plantés près d'Ajaccio et de Calvi. 16
Le Pin pignon et le Pin d'Alep.
Sur le littoral vit le pin pignon, à la cime en parasol. Les cônes, très gros et larges, mûrissent la troisième année et donnent les "pignons si appréciés : ces graines aux amandes savoureuses ont deux centimètres de long. Quant au Pin d'Alep, aux cônes plus petits et plus étroits, on le connaît spontané dans une localité des Agriates et près de St-Florent.
Les Sapins blancs.
Le Pin maritime mésogéen - Pinus pinaster - bien différent du Pin des Landes, a des feuilles, ou aiguilles géminées, de 10 à 20 cm de long, d'un beau vert franc souvent tordues sur ellesmêmes. Ses cônes renversés et oblongs ont de 12 à 15 cm de long. Le Pin pignon pinus pinea - est aussi appelé Pin parasol. Sa patrie inconnue - est peut-être la Corse. Le Pin d' Alep pinus halepensis - aux feuilles vert clair, fines, groupées par deux, donne des cônes atténués en pointe, de 8 à 12 cm.
"Ghjallicu ", se montrent rarement en peuplements purs dans !'Ile. Ils font partie des forêts d'Aïtone et de Valdoniello et sont nombreux dans le Monte Lecciu. L eurs cônes longs et étroits sont dressés et se désagrègent à matun'té; vous n'en trouverez pas sur le sol. Une magnifique et étrange sapinière a été découverte dans le massif de Cagna par J. Gamisans.
Sapin blanc Abies alba ghjalicu ou ghjalgu
Les Genévriers.
Dans la forêt de Marmano, une . petite piste balisée, partant du Col de Verde, permet d 'aller admirer un sapin - Abies alba, - haut de 56 m.
A partir de 1.000 mètres vit une variété rampante du Genévrier commun. Son bois résineux brûle bien, mêm e mouillé. qualité appréciable, mais dangereuse, au bivouac en montagne. Ses branches mortes ont les form es étranges et torturées de silhouettes fantastiques. Le Genévrier oxycèdre, "Ghjineparu" en Corse. est célèbre pour les qualités de son bois. C'est en Ghjineparu que
Le Genévrier commun, variété al pine, - Juni perus alpina - a des "fruits" noir bleuâtre, l/
gros comme un pois. Ses feuilles courtes, terminées par une pointe aiguë, mesurent un centimètre. Les pseudo fruits de l'Oxycèdre - juniperus oxycedrus sont de couleur brun rouge. On rencontre parfois su r les côtes une très belle variété, Juniperus macrocarpa, aux "fruits" plus gros.
Gen évri e r oxycèdre
Le célèbre seau des mariages d' Asco, que le prêtre posait sur la tête de l'épouse au cours de la cérémonie, était en Genévrier oxycèdre.
Le Genévrier porteencens - Juniperus thurifera - a des "fruits" "galbules" - de galbulum, ;ésine - globuleux, noir bleuâtre, à chair assez molle ; ses feuilles très petites sont imbriquées sur quatre rangs.
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sont faits, dans la regwn d'Evisa, d'Asco et d e Ponte-L eccia. divers ustensiles : "cocchja" ou cuillère, "caghjinu" ou petite seille à une seule poignée pour la traite. Les gros troncs étaient réservés à la fabrication de la seille à eau "secchja", et à la cuillère plate pour agiter le lait dans le chaudron à bruccio "rompulu". Ce genévrier est très abondant sur les collin es dénudées d'Asco. mais on le trouve aussi bien à 1.000 m. au col de Tende, qu'aux environs de PonteLeccia. à moins de 200 m. Petits arbres plusieurs fois centenaires. les Genévriers porte-encens sont la curiosité botanique de la région. Cette es pèce vénérable s'est maintenue dans la région d'Asco et de Corscia d epuis l'ère tertiaire. Enfin, sur le littoral vivent les G enévriers de Ph énicie. aux cônes fructi_fères simulant des baies rouges ; ils peuvent atteindre six mètres d e hauteur. Les vents marins malmènent leurs buissons épais. formant d es voûtes sous lesquelles les voitures s'abritent du soleil. comme sur la mute de la Castagna avant Mare Sole. dans la région d'Ajaccio.
L'if.
Jusqu'à 1.500 m ètres, très disséminé, vit l'If à baies, "tassu" en langue corse. Vénéneux dans ses j eunes ram eaux, ses graines et ses feuilles, il ne l'est pas dans ses fausses baies rouges, en coupe ouverte. Jadis , il était très abondant, comme en témoignent certains noms de villages, de torrents. de montagnes.
L'if à baies - Taxus baccata - a été accusé, peut-être à tort par des bergers du Cap Corse, d'être la cause des naissances prématurées des cabris, non viables le plus souvent ; les chêvres se bornant à broûter quelques feuilles ne sont pas, ellesmêmes, incommodées. Cette mise en accusation a entraîné sa raréfaction en plusieurs régions de l'île.
Le Cyprès.
Des arbres, ou des arbustes d'un genre voisin non autochtone. tiennent une grande place dans les paysages de l'île : ce sont 'les Cyprès plantés près des tombeaux disséminés dans la campagne ; ils poussent volontiers jusqu'à une altitude assez élevée. comme à Lugo de Venaco. Dans les plaines. en rangs serrés, ils protègent les cultures des vents dominants.
Les feuilles du Cyprès Cupressus sempervirens - minuscules écailles vert noirâtre, revêtent entièrement les rameaux. Ses petits cônes arrondis gris brun luisant, sont formés de grosses et dures écailles. Son fuseau étroit peut atteindre une quinzaine de mètres. C'est la variété pyramidalis plantée autour des tombeaux.
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Les espèces introduites.
L e Pin sylvestre, /'Epicéa aux longs cônes pendants et lustrés, les Sapins de Douglas. les M élèzes et les Cèdres. sont étrangers à la flore de Corse. mais ont été souvent plantés. Près du trou d'a ération du tunnel de la voie f errée. en forêt de Vizzavona, quelques Cèdres sont naturalisés ; nombreux sont les j eunes pieds issus de sem ences des cônes ; la partie supérieure de ceux-ci, d'un joli brun, est en form e de rose. LES FEUILLUS TOUJOURS VERTS. QUELQUES ARBRES
Le Chêne-vert et le Chêne-liège
Chêne vert Ouercus ilex leccia
_... Le Chêne-liège Ouercus suber - vi t sur des sous-so ls siliceux, alors que le Chêne-vert Ouercus ilex - s'accommode de tous les sols; ils survivent fréquemment aux incen dies.
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L e chêne-vert. Chêne faux -houx. ou Y euse. est le seul arbre véritable du maquis. Il peu t atteindre JO à 15 m ètres de hau t. 2.50 m de circonférence ; mais il est le plus souvent buissonnant, car fréquemment victime du f eu et concurrencé par les arbousiers et les lentisques. Autrefois, il devait constituer la majeure partie des forêts de Corse jusqu'à 800 m ètres d'a ltitude. Ses f euilles persistantes, sont velues et cotonneuses en dessous. L es glands, plus ou moins amers, m ûrs à l'automne sont appréciés par le bétail · et les pigeons ramiers de passage. Ils étaient jadis récoltés par les éleveurs. D es glands doux sont fournis par l'hybride du Chêne-vert et du Chêne-liège. Ce dernier est abondan t sur le pour-
Chêne liège Ouercus suber Suera
tour de !'Ile, mais il manque entre Ajaccio et Calvi ; exploité pour son liège. il a été autrefois plus répandu. La chênaie-verte la mieux conservée en Corse couvre tout le flanc sud de la vallée du Fango sur 1.500 hectares. L'Oiivier.
Sur le littoral, jusqu'à 600 mètres d'altitude environ, admirons le maquis si vert et les effets de lumière dans le feuillag e argenté des Oliviers aux troncs sombres. Certains sont très vieux. plusieurs fois centenaires. Souvent ébranchés, taillés à outrance, ils repoussent inlassablement, malgré leur âge vénérable. La mise à nu d 'une partie de leurs racines témoigne des ravages de l'érosion pluviatile ou éolienne durant leur vie. Les petites olives noires provenant des .fleurs de mai jonchent le sol ; dans plusieurs régions, on les récolte jusqu · en mars pour faire de l'huile. On peut encore voir, dans de nombreux villages. d'antiqu es pressoirs. En février, aux pieds de ces mêmes oliviers. ou le long des gazons maritimes, nous ferons la cueillette des délicieuses asperges sauvages. E lles sont surtout abondantes le long des innombrables p etits murs des jardins en terrasse, abandonnés de nos jours ; ces murs en pierres sèches retiennent la terre et délimitent les propriétés. En outre leur construction déban·assait le sol de beaucoup de pierres !
En 1932, il y avait " " encore plusieurs centaines de mille de pieds d'Oliviers. Ils sont bien moins nombreux aujourd' hui, par suite des incendies, de l'urbanisation et de l'extension des vig nobles, mais ils sont encore l'ornement de beaucoup de prop riétés.
On trouve deux espèces d'asperges : les Asperges à feuilles aiguës, - Asparagus acuti folius qui sont vendues en bottes sur les marchés d'Ajaccio et de Bastia et qui sont très appréciées, et I' Asperge blanche - Asparagus albus - étrangère à la flore de la France continentale . Cette dernière espèce, que l'on trouve, entre autre, dans la région de Cargèse et de Porto-Vecchio a de très fortes épines.
LES PETI TS ARBRES ET LES ARBUSTES
Le Houx.
Dans les for êts. des Houx magnifiques sont parés. en hiver, de leurs baies écarlates. L eur fe uillage sombre est tellem ent luisant au soleil que. dans le contre-jour, ces arbres hauts de 8 à 10 m ètres semblent auréolés de blanc. Le Viorne t in . Les fruits du Viorne tin - Viburnum tinus - sont des petites baies d'un bleu presque noir à reflets métalliques. Ses fleurs, minuscules, blanches ou rosées, sont réunies en corymbes.
En janvier et f évrier, dans les vallées en basse altitude, le Viorne tin est en fleurs. Cet arbuste, appelé parfois Lau rier tin, "Erba di tramontana" dans le Cap, atteint trois m ètres de haut et vit sur les talus des chemins creux, avec les chênes-verts et les chèvrefeuilles. Les Arbousiers .
Arbousier Arbutu s unedo arbitru
Les Arbousiers - Arbutus undo ont des fleurs en grappes, sembl ables à des petits grelots blanchâtres et de jolis fruits globuleux d'un jaune oran gé, rouge éclatant à maturité ; leur chair a un goût un peu fade. Le feu illage abondant, vert sombre à la face supérieure, brille au soleil. On faisait jadis, avec les Arbousiers, un exce llent charbon de bois. En Grèce, le tannin contenu dans leurs feuilles et leur écorce, était utilisé pour le tannage des cuirs. Mais cet usage n'a pas été connu en Corse.
Enjanvier. les Arbousiers qui peuvent atteindre 7 m ètres, ont encore leurs .fleurs et leurs fruits. Il f aut se garder de consommer une grande quantité de ces f ruits crus : ils contiennent des granulations f ormées d 'ox alate de calcium ou d'acide oxalique; débarrassés de ces granulations. ils permettent de faire une excellente gelée ; par distillation on obtient une très bonne eau de vie. Les m erles et les renards sont f riands des arbouses ; les vaches errantes mangent avec avidité celles qui sont à terre parmi les f euilles sèches. tandis que les abeilles butinent les fl.eurs de ces arbustes. parure du maquis d 'octobre à fé vrier. parfois jusqu'à 5 ou 600 m ètres d 'altitude. Fi laria ou Ph ilaria.
L 'espèce à fe uilles étroites atteint 3 m ètres de hauteur tandis qu e celle à fe uilles plus ou moins larges dépasse 6 m ètres mais est moins répandue. Ne rp ru n alaterne
"Alaternu" il a des fleurs insignifiantes mais très précoces, fort utiles aux abeilles ; il atteint 5 m et n 'est pas abondant dans la Corse cristalline. 22
Les Bruyères.
A cette époqu e de l'année, de grandes étendues de Bruyère arborescente blanche sont en fleurs dans le maquis . .fleurs un peu tristes au doux parfum de miel. Ces plantes buissonnantes Erica arborea - peuvent atteindre jusqu'à cinq m ètres. Elles sont le plus souvent hautes de un à deux m ètres ; mais leurs longues inflorescences, parfois rosées. ne sont pas dédaignées. lorsqu e l'herbe est rare. par les bovins errants en liberté. Les souches de ces bruyères ont servi à .faire des pipes appréciées. Il y a peu de temps. les navettes. employées par les pêcheurs pour réparer leurs .filets étaient taillées dans les tiges de cet arbuste. Au siècle dernier. lorsque /'élevage des vers à soie était pratiqu é en Corse. on plaçait des rameaux de bruyère dans les magnaneries. pour perm ettre aux insectes d'y accroch er leurs cocons. li y a quelques années. on chauffait encore le four près des bergeries avec cette espèce ; les balais en bruyère étaient employés pour nettoyer le four avant d 'y placer le pain. Aujourd'hui. ils servent toujours à faire le m énage dans ces m êm es bergeries. On emploie aussi une espèce voisine, à laquelle cet usage a valu son nom : Erica scoparia, Bruyère à balai, "scopa" en langue corse.
Bruyère arborescente
Erica arborea scopa
Les Bruyères, en Corse, ont mauvaise réputation ; elles personni fient la traîtrise. Pour les uns, ce sont de jeunes enfants maltraités qu'elles ont trahi ils fuyaient leur marâtre et les Bruyères ont révélé leur cachette. Pour les autres, c'est Judas, qu' elles ont renseigné .. Les rameaux, légèrement agités par la brise sont toujours à la base des histoires racontées. Ils sem blent, en effet, faire des gestes signifiant "venez, les fugitifs que vous cherchez sont cachés là" ..
Les Myrtes.
La chair des m erles est fort agréablement parfumée par les baies bleu noir des Myrtes et la liqueur, faite avec ces mêmes baies, est une bonne spécialité de l'île. Mais c'est seulement en juin que les fleurs blanches des buissons de Myrte, mêleront leur parfum poivré à celui des feuilles coriaces pourvues de glandes internes qui renferment une huile essentielle.
Myrte communis commun
Morta
Les pêcheurs utilisent pour la capture des langoustes, des nasses en rameaux écorcés de Myrte - Myrtus communis - . Ils les tressent sur les quais au soleil de la fin de l'hiver.
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Les Lauriers roses
Ces arbustes vivent à l'état sauvage près de St-Florent et du torrent de Luri. Jadis, les Corses se servaient de leurs rameaux pour éloigner les rats. Sur la côte occidentale du Cap. le so uvenir d'une m ésaventure dont jurent victimes des soldats anglais. s'est perpétué j usqu 'à nos jours ces soldats, lors d'un bivouac.. firent rôtir des agneaux volés sur des broches en la urier rose : ils en moururent! LES
PLANTES
HERBACÉES
L'Hellébore de Corse
Les botanistes écri vent Hellébore avec un h.. Dans le langage cou rant, on écrit: Ellébore .. Des bergers se servent en core d'une décoction de cette plan te ; "Nocca", cy rno-sarde, pour soigner les plaies de leurs brebis.
Les feuilles de l' Hellébore de Corse - Helleborus lividus, ssp cors icus - sont g randes, raides et luisantes, d'un vert fonçé dessus, blanchâtre dessous ; elles ont trois folioles ovales inégalement dentées. Les fleurs ve rtes, la rges de 6 cm, aux cinq pétales en cornets nectarifères sont insérées sur la hampe dans une posit ion inclinée ce qui les protège de la neige.
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E11 hiver aussi, jusqu'à 1.600 m ètres, les touffes vertes de !'Hellébore de Corse sont d'un bel effet sur le sol jonché de f euilles mortes, sous les châtaigniers et les hêtres. Cette plante décorative, mais vénéneuse et un peu f étide. croît en Corse et en Sardaigne. Dans la montagne, sa floraison hiver11ale est une agréable surprise pour le promeneur : on voit son f euillage coriace tout au long de l'année, mais on le remarque davantage sous les arbres dénudés, entre les fougères rousses ou sur les talus des routes. On le trouve parfois au niveau de la m er.
Lavande stœchas Lavandu la stœchas
La Lavande stœchas, le Capuchon la Fougère laineuse
Dans le maquis . .fleurit la Lavande sloechas. d e novembre à avril. Son f euillage grisâtre. très aromatiqu e. rappelle /' odeur d e certaines pastilles pharmaceutiqu es contre le toux. Nous rencontrerons souvent une p etite pla11te toxique. très voisine d e !'Arum. 11 ommée vulgairement Capuchon-Arisarum vu/gare dont les fleurs étranges, verdâtres ou brunâtres, sont rayées d e pourpre. Dans les environs d e Bonifacio, d e décembre à févrie r, nous pourrons voir, près de nombreuses mares cernées par du maquis, une esp èce voisine, abondante en Algérie Ambrosinia bassii dont la fleur ressemble à un p etit sabot posé sur le sol, et près d'Ajaccio, vers le Monte Cacalo, sur le chemin d es crêtes. une rare p etite Fougère lain euse qu e nous avons rencontrée une seule fois en qu elqu e trente années d e rec herches .. Ces trois espèces sont d esséchées d ès qu 'arrive mai.
La Lavande stoechas Lavandula stoechas - a de très petites fleurs d'un violet presque noir, surmontées de grandes bractées mauves . Les feuilles du Capuchon Arisarum vulgare - sont parfois parasitées par une algue verte, fait rare dans le monde végétal. La petite Fougère laineuse Notholaena vellea très rare chez nous, vit aussi en Afrique et dans les Pyrénées Orientales, témoin de connexions bien lointaines dans le passé entre les Pyrénées et la Corse.
Arisarum capuchon Arisarum vu lgare
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DES ARBRES A FEUILLES CADUQUES QUI COMMENCENT A FLEURIR Aulnes, Saules.
Au bord des ruisseaux et des torrents. les A ulnes glutineux. "alzu" en langue corse. ont déjà d'élégants chatons pendants. Certaines de nos nombreuses espèces de Saules ornent leurs branches encore nues de ravissants chatons dressés, en " velours" gris pâle. Parmi les Saules que nous trouvons sur l'île, il en est un méditerranéen Salix pedicellata. très rare. LES FLEURS , AU BORD DE LA MER . Les Crocus .
Dans les gazons maritimes roussis par les embruns et sur les rochers. s 'épa nouissent de frêles Crocus. Crocus minimus. aux feuilles filiformes. Leurs petites graines rondes seront rouges. tandis que les Crocus aux fleurs plus grandes. Crocus corsicus. auront des graines brun pâle. On peut voir aussi ces derniers en basse altitude dans le · Cap Corse, mais ils vivent surtout de 300 à 2.600 m ètres. Nous observerons en juillet leurs étroits boutons mauves sous la voûte translucide des névés en haute montagne : ils attendent que la glace soit fondue pour s'ouvrir. Ces deux espèces sont cyrno-sardes. Crocus corse Crocus corsicus
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Les Romarins.
On p eut admirer tout l'hiver sur les talus proches de la m er dans le nord de la Corse les Romarins aux fleurs de tous les tons de mauve, de violet, mais pa,fois aussi, roses ou blanches ; ils parent les rochers de gracieuses guirlandes. E n vérité. suivant les régions et les versants. on peut en voir e11 fleurs toute l'an.née. Leur essence aromatique. si volatile. · se répand da vantage dans l'air surchauffé du printemps qu'en plein hiver... mais il faut dire égalem ent que les composc111ts de cette essence varient avec les saiso11s. Les Romains brûlaient le R omarin comme de l'encens - c'est le L iba notis des anciens - et en tressaient des couronnes. Nous nous contenterons d 'en cueillir qu elques brins pour aromatiser nos sauces.
lllr\ Léon Binet a affirmé que les décoctions de fleurs de cet aimable arbrisseau peuvent retarder l'apparition de la vieillesse.
Le Genêt à feuilles de lin.
Vers le 15 jan vier. sur la colline du fort de Girolata. cette rare espèce au f euillage argenté. commence à .fleurir. C'est la seule station con.nue en Corse et il serait fo rt regrettable de m utiler ces arbu stes pour en faire des bouquets. Les Anémones étoilées.
C'est aussi en janvier que f leurissent les premières Anémones étoilées Anémone hortensis, sous-esp èce stellata. Elles manquent par place ; là où elles étaient abondantes, les envahisseurs végétaux, tels les Ox alis penchés, les évincent de plus en plus. Il est f ort heureux que l'altitude puisse freiner la prolifération de ces Oxalis partis à la conquête du littoral corse... et m êm e de l'Europe m éditerranéenne.
A nemone stellata cunnaciu la
Les Posidonies.
Le rivage. les rochers et les plages sont souvent encombrés. après les tempêtes d 'hiver, par les débris des pla11tes sous-marin.es : les Posidon.ies de /'O céan. "erba marina" en lang ue 27
Les Posidonies de l'océan - Posidonia oceanica - ont des fleurs peu visibles sans calice ni corolle. Par contre, leurs fruits, détachés de la plante, vont et viennent au gré des vagues, en mai, le long des rivages. Ils ressemblent à des olives vertes mais sont munis d'une petite pointe. Les pelotes feutrées que l'on trouve, semblables à des balles, sur les plages, proviennent des fibres de la souche. Leur nom scientifique est "aegagropyle" ce nom est aussi employé en médecine vétérinaire et humaine.
corse. Ce dernier nom désigne aussi des Algues rn.arin.es connues en pharmacie sous le nom de "Mousse de Corse ··. L es Posidon.ies ne sont pas des algu es ; commun.es en M éditerranée. i·ares dans l'Atlantique. elles form ent des "prairies" jusqu'à 30 m ètres de profondeur ; elles sont particulièrem ent favorables à la reproduction de nombreuses espèces de poissons. Mais la pollution leur est néfaste elles se raréfient sur la côte d'a zur elles se sont maintenues jusqu'ici abondantes le long des côtes corses.. . mais pour combien de temps encore ? LES ESPECES INTRODUITES. Amandiers, Aloès, Agaves , Dattiers .
Fleurs d'amand ier
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Alors que, soigneusement cultivés, Orangers. Mandariniers , Citronniers sont couvens de fruits superbes. les Amandiers sont déjà fleuris. Leurs pétales voltigent dans l'air vif et form ent un tapis blanc sur l'herbe verr e.
Plusieurs espèces étrangères font bien partie des paysages littoraux : ainsi les Aloès. plantés devant les vieux tombeaux. L eurs fleurs d 'un rouge orangé éclatant, portées par d es hampes rigides. jaillissent, telles des flammes, de leurs rosettes de f euilles charnues aux dents épineuses, aux courbes harmonieuses. Les Agaves d'Am ériqu e naturalisés. fleuriront en mai sur les talus. En hiver. nous verrons leurs imm enses inflorescences de l'ann ée passée. dressées vers le ciel, comm e de grands candélabres. portant encore quelqu es capsules. brisées et ployées vers le sol par le vent: nous pourrons compter jusqu'à 2.400 pédoncules de fleurs sur certaines d 'entre elles. Une telle profusion épuise la plante. qui ne fleurit qu 'après douz e ou quinze ans. et en m eurt. Les divers Palmiers ne sont pas spontanés dans l'île. mais introduits depuis longtemps. L eurs immenses f euilles qui se balancent. toutes nimbées de lumière. font partie des traditions corses. Les fruits des Dattiers. Phoenix dactylifera, ne mûrissent pas ici mais leurs semences sont f écondes ; les minuscules et abondantes .fieurs blanches éclosent en juin et juillet.
L' Agave
Agave a pour patrie le Mexique où, comme le dit P. Fournier, il porte le nom d"'arbre des merveilles". Les alentours des anciens temples en étaient ornés. On sait qu'un Agave fut cultivé pour la première fois en Europe, à Padoue, en 1561 .
"If? americana
Les jeunes palmes des Phoenix, dans les jardins, sont souvent relevées et liées ensemble au cours de l'hiver. Pour les Rameaux, leurs folioles devenues blanches sont tressées en forme de poissons, d'étoiles ou pliées en croix. Vendues sur les marchés et dans les rues, elles sont fixées dans des rameaux d'Olivier. Ces bouquets bénis sont ensuite suspendus dans de nombreuses maisons.
Les Figuiers de Barbarie, les M imosas , les Eucalyptus.
Entre les massifs bas de Pistachiers lentisques torturés par les vents , les raquettes ornées d'aiguillons plus ou moins redoutables des Figuiers de Barbarie et Figuiers d'Inde sont bordées de lumière. Les fruits ou figuesde Barbarie, débarrassés de leur dangereux péricarpe sont vendus dans les rues des villes par de vieilles f emmes au noir costum e. Le nom de Figuier d'Inde pour le Figuier de Barbarie provient d'une erreur. En effet, le Cactos et le Ficus indica des anciens, n'ont aucun rapport avec les Figuiers de Barbarie - Opuntia monocanet Opuntia ficus tha -
lentisque Pistacia lentiscus listincu
indica, originaires du Mexi que et du Guatemala. Introduits vers la moitié du XVIe siècle, ils se sont rapidement répandus sur les rivages méditerranéens. Leurs grandes et belles fleurs jaunes apparaissent aux mois de mai et de juin.
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Figu ie r de Barbarie , raqu ette s
En janvier et février. le parfum capiteux des "Mimosas" - Acacia dealbata - porté par la brise, sous le soleil déjà chaud, viendra vers nous alors que nous sommes loin encore de ces grands buissons ou de ces arbres aux feuilles divisées en une infinité de folioles. Les branches ploient parfois jusqu'au sol, alourdies par la multitude des petites sphères jaunes parfumées . Trahissant aussi de loin leur présence par un pénétrant parfum, de grands Eucalyptus - Eucalyptus globulus forment, à Porto et à l'embouchure de la Solenzara, des bois remarquables. Cette espèce a été introduite en 1865 par le Docteur R . Carlotti pour assainir les contrées marécageuses. Elle n'atteint pas en Corse la hauteur qu'elle a en Australie. son pays d 'origine. soit 100 m ètres, ce qui en fait un des géants du monde végétal. Le Seneçon grimpant.
Un Séneçon étranger, Senecio angularus. aux f euilles entières. charnues. festonne les murs et couvre en automne. les rochers littoraux. de ses 30
fleurs jaune d'or. Il n'est pas naturalisé. ses semences sont stériles mais il se répand par hn11111res provenant des jardins. L'Oxalis penché .
Les innombrables corolles jaune citron de /'Oxa!is penché s'ouvrent le long des talus. vers 9 heures en janvier. un peu plus tôt en février. si le soleil brille. Lorsque la journée s'achève ou qu'elle devient maussade. les fleurs se ferment. L es feuilles ressemblent à celles d es trèfles et contiennent de /'acide oxalique. Leur goût acidulé plaît aux enfants : c'est "erba zitellu" ou "erba aceta". stérile en Cors e. Cette étrangère. qui nous vient du Cap de Bonne Espérance. se reproduit avec quelle abondance ! - grâce à des bulbilles comestibles. Cet Oxalis est devenufort envahissant. li transforme par les journées lumineuses, parfois d ès le mois de d écembre. les talus du littoral en longs massifs fleuris. mais supplante la végétation autochtone. N'ayant pas d'ennemis sous notre climat parmi les insectes. n'étant pas broûté par les herbivores. il va devenir. en Corse. u11 e véritable "peste " comme à Chypre oû les moyens les plus modernes ont été employés sans résultats durables pour tenter d e le détruire.
Oxalis
penché Oxalis cernua erba aceta
D'introduction relativement recente en Europe, l'Oxalis penché, Oxalis cernua, fut signalé, pour la première fois en Corse, en avril 1833 par un botaniste M. Romagnoli, près du jardin botanique situé à l'époque, non loin de la place De Gaulle et disparu depuis. Quelques talus sont ornés d'une va riété de cette espèce à fleurs doubles, lavées de rougeâtre.
1
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Vous a-t-on déjà dit qu'il serait préférable, si tentant que ce soit, de ne pas cueillir de fleurs, elles mourront dans votre main. Mais par contre
vous devriez les photographier et nous en faire parvenir une épreuve. Pourquoi pas? Merci d'avance ...
PROMENADES EN MARS ET AVRIL PRES DE LA MER, SUR LE LITTORAL Pâquerettes, Passerages, Romulées, Narcisses et Orchis .
Malgré les embruns imprégnant de sel l'herbe courte, les talus sont blancs de petites Pâquerettes annuelles, de Passerages maritimes ou "Corbeilles d'argent". Comme les Soucis des champs 32
d 'un jaune orangé vif, ces plantes fleurissent souvent tout l'hiver. Par centaines dans les gazons maritimes, les R omulées de R equien ouvrent leurs minuscules corolles violettes. D es Narcisses tazette, aux bouquets de fleurs nombreuses, violemment parfumées, vivent dans les infractuosités des rochers, dans les prés humides près de l'étang de Biguglia ; une autre variété de cette esp èce fleurit dans les châtaigneraies encore dénudées. On la trouve à la Punta Pozzo di Borgo, près d'Ajaccio, avec !'Orchis à l'odeur de sureau d'une variété insulaire aux fleurs très pales. Près d e Bonifacio, le rare Orchis à
Romulée de requien Rom ulea requienii
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Orchis sureau variété insulaire Orchis sambucina var . insularis
longues cornes s'hybride avec l'Orchis papillon. L es fleurs nées de ce mariage sont très belles dans le maquis. Les espèces d'Ail.
Une quinzaine d'espèces d'Ail vivent en Corse dont l'Ail à 3 angles aux clochettes blanches, très décoratif. L 'Ail de Naples, avec ses ombelles blanches aussi, orne les vieux murs, les talus et parfois plus curieusement les autels, le jour de Pâques.
L' Ail à trois angles Allium triquetrum fleurit au bord des routes à la fin mars ; durant la dernière guerre, on vendait sur les marchés des bottes de ces plantes dont les enfants sont friands. Quant à l'Ail de Naples - Allium neapolitanum - son odeur caractéristique disparaît très vite après la cueillette. L' Ail à odeur de poireau Allium holmense - et l'Ail à fleurs multiples - Allium multiflorum ou polyanthenum - qui fleurissent en juin, ont des tiges nues, 34
Des espèces sont bien connues dans l'île sous le nom de "poireaux sauvages". Leur nom insulaire est le même que celui du poireau cultivé : porru. Une variété de l'Ail faux-poireau et l'Ail à fl eurs multiples. à forte odeur de poireau. sont extrêmement répandus au bord de la mer. et ont donné leur nom à l'Isolele del Porro de l'archipel des Sanguinaires. Ces Porri sont abondants sur les îlots de Finocchiarola , sur la Giraglia, aux Cerbicale et aux Lavezzi. hautes de 80 cm à 1 mètre, portant des inflorescences en têtes rondes ; la présence en Corse d'Allium commutatum endémique de la région de Naples est à l'étude.
Cyclamens , Iris de Florence.
Sur le litt oral. les Cyclam ens élalés aux .feuilles précoces. au x corolles pourpre violacé. parfum ent légèremenl ralus el sous-bois. Plus rard. dans les forê1s, on les verra m êlés aux viole /l es communes. aux "Boulons d'arge111 ', nom populaire en Fran ce continentale, des R enon cules à feuille de pla1an e. L es 1ris de Florence à fleurs blanches, sont parfois spontanés sur le littoral, mais sont aussi très cultivés.
Cyclamen étalé
Cyclamen repandurn pipetta
Les Mésembryanthèmes.
Au bord des plages et sur les rochers du littoral, fleurissent deux esp èces étrangères, plantées à profusion pour
Mésembryanthème « griffe de sorcière »
la beauté de leurs grandes fleurs. Toutes les deux sont connues sous le nom vernaculaire de ''griffes de sorcières mais aussi sous celui de M ésembryanthèm e. L es fruits des deux espèces sont comestibles, mais ceux de la seconde esp èce sont appréciés dans leur pays d 'origine sous le nom de figues des Hottentots. Pour un palais sont d 'un goût européen, ils détestable ! Toujours en bord de m er, à Bonifacio, vit une étrange plante annuelle, le M ésembryanthèm e cristallin qui scin tille au soleil de toutes ses papilles semblables à des gouttes de rosée. On
Carpobro tus acinaciformis
Le nom vernaculaire de "griffes de sores" désigne des Ficoides naturalisées, Carpobrotus acinaciformis et edulis. La première espèce a des fleurs larges de 12 cm, d'un pourpre violet éclatant ; la seconde, appelée aussi Figue marine, également originaire d'Afrique du Sud, présente des fleurs moins grandes rose pâle ou jaunâtre.
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la trouve en compagnie de jaunes Astérolides maritimes, non loin de la Chapelle Saint-Roch au bord . de l'étroit sentier qui aboutit près du "grain de sable". A la Parata d'Ajaccio, c'est le Mésembryanthème à fleurs nodales aux feuilles linéaires givrées, qui brille dans la lumière au pied de la tour. Il voisine avec la Jusquiame blanche et Certains auteurs ayant la Rue aux feuilles étroites dont les "f(? remarqué l'abondan- pétales frangés sont jaunes. Cette ce des Frankénies - Frankenia laevis aux lies plante dégage une odeur violente et Sanguinaires, ont supposé désagréable. que le feuillage de cette espèce avait valu aux lies leur nom évocateur : or ce nom est plus simplement une déformation de San G,iovani, ancien nom de l'archipel.
Vers l'extrémité de la Parata, de petites plantes, les Frankénies lisses, couchées sur le sol sont peu spectaculaires au printemps, car leurs menues fleurs roses commencent à peine à s'ouvrir. Mais en automne, leurs feuilles étroites deviennent rouge vif et se voient de très loin. Sur tout le littoral, on peut observer un certain nombre d'espèces plus communes : le Cakile maritime dont les racines, par leur longueur, concurrencent celle du joli Liseron Soldanelle, atteignant deux mètres dans les sables ; le Perce-pierre ou Crithme maritime, aux feu illes en lanières charnues qui peuvent se manger confites dans le vinaigre.
Cakile maritime Cakile maritimus
Matthiole à trois pointes Matthiola tricuspidata Matthiole blanchâtre Matthiola in cana
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Matthioles, Silènes, Statices ...
Trois espèces de Matthioles vivent dans les sables et les rochers maritimes : la Matthiole à trois pointes, ainsi nommée parce que ses fruits présentent trois cornes elle est abondante à la Parata d'Ajaccio ; la Matthiole à feuilles blanchâtre dont les fleurs violettes décorent les vieux murs, à Bonifacio, à Girolata, et, la troisième, la Matthiole sinuée, qui exhale le parfum de ses corolles mauves, près de la mer, parmi les Othanthes maritimes et les Luzernes marines aux fleurs jaunes et au feuillage cotonneux poudré de sable. Le Silène corse, aux fleurs blanc verdâtre, a des feu illes charnues si visqueuses que des grains de sable y
sont fixés ; malheur aux petits insectes qui s'aventurent sur ce silène : ils ne pourront plus s'en détacher. Les Silènes soyeux ondulent sous la brise. On les trouvait également, jadis, sur de nombreuses plages aux environs de Nice! ... L'urbanisation les a fait dis paraître. Une petite plante couverte de verrues, aux rameaux souvent orangés ou rouges au printemps et en articles plus ou moins renflés, forme des touffes fragiles sur les rochers affieu rant le sable des plages peu fréquentées. C'est la Statice articulée ou Violette de mer qui fleurira en été mais qui intrique, dès à présent, le promeneur par les coloris de ses rameaux stériles. Ornithogale d'Arabie, Iris.
En pleine ville d'Ajaccio, durant le mois d'avril, sur les remparts de la Citadelle, fleurissent les blanches Ornithogales d'Arabie. L'ovaire semblable à une perle noire, brille comme du jais au centre de la corolle. Ces plantes étaient abondantes il y a quarante ans sur les crêtes qui dominent la route des Sanguinaires. On en trouve encore aujourd'hui sur certaines falaises de Bonifacio. En avril, dans le sud de la Corse, à Santa Manza, de gracieux Iris nains méditerranéens, violets et jaunes, fleurissent dans les sables maritimes.
Silène so yeux Silene Sericea
Limonium articulatum est une belle espèce qui ne vit pas en France continentale. Une autre espèce, très voisine, Limonium dictyocladum est aussi cyrno-sarde. L'Ornithogalum arabicum est une magnifique espèce mais l'Ornithogalum exscapum, Ornithogale sans tige, est une plante méditerranéenne assez surprenante par sa localisation dans les régions de Bonifacio et de Calvi. Clematite cirrhosa à fleurs d'un blanc pur, a été découverte à Bastelicaccia ; dans le Cap Corse et près de St-Florent, les fleurs sont pointillées de pourpre.
Iris sisyrinchium
Centranthe et Clématite.
La région de Bonifacio est non seulement pittoresque, mais aussi un paradis pour les amateurs de plantes peu banales. Dans les rochers presque cyclopéens de la Trinité se trouve le rarissime Centranthe à trois nervures, proche parent du banal "Lilas d'Espa gne". Sur les murs en pierres sèches, en allant vers le plateau de Pertusato, s'épanouit, de la fin décembre à avril, une Clématite méditérranéenne à fleurs blanches souvent tachées de pourpre.
Le Centranthus trinervis ne peut être observé en Sardaigne qu'au Mont Gennargentu.
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BASSES VALLEES ET PLAINES . Les Figuiers de Carie.
C'est à la fin mars qu'éclatent les bourgeons d es Figuiers d e Carie. L es Figuiers cultivés sont originaires d 'Orient ; les Figu es mûrissent en deux fois : en juin, on cueille celles des rameaux d e l'ann ée précédente, dites figu es-fleurs, en août, celles qui se sont f ormées en avril. L es Figuiers sauvages sont indigènes. Pervenches, Violettes.
A
Outre
les
Violettes Viola odorata-silvestris-hirta nous admirerons, fin mai, les Violettes corses - Viola corsica - cyrno-sardes, de tous les tons de mauve. Elles ont un long éperon et se cachent dans les buissons épineux des montagnes du Cap. Les Violettes à feuilles de Nummulaire - Viola nummulariaefolia - si rares, et celles à deux
9'.Communes -
Sous les Pruniers epmeux "épine noire ", la neige de leurs minuscules pétales commence à tomber. Les Ficaires d'un jaune d'or très brillant se mêlent aux violettes communes. Près d es tomb eaux diss éminés dans la campagne et au bord d es sentiers fleurissent les Pervenches aux pâles corolles en hélice -Vinca media-. fleurs jaunes ra - seront tamment au cension du en juillet.
- Viola bifloobservées nocou rs de l'asMonte d'Oro
Roseaux à quenouilles.
En terrain humide, en plaine surtout, le long d es cours d 'eau, à leur embouchure, les longu es inflorescences en plumets des Cannes de Provence ou Roseaux à quenouilles se balancent à quatre ou cinq mètres du sol, se Cannes de Provence A rundo d onax
Les Roseaux à quenouilles Arundo donax fleurissent en automne. Ils sont naturalisés depuis très longtemps. Au XIe siècle, les tiges de cette graminée, la plus grande d'Europe étaient utilisées pour la construction de la voûte de l'abside des chapelles romanes. On peut voir encore les traces de ce 38
désagrégeant dans les bourrasques de mars ou brûlés par les embruns. Appelés "Canna" en Corse, ces roseaux sont employés dans l'île, comme en Provence, pour servir de palissades et de tuteurs, mais aussi pour faire des enduits à la chaux grasse : on les fend en deux sans les détacher complétement de leur épiderme et, une fois aplatis, on en fait des treillis qui servent de coffrage. Ce procédé est encore employé actuellement dans certains villages.
treillis dans la chapelle San Qu ilico près de Saint Florent (d'après J. Pietri et P. Casalonga). En outre, jusqu'en 1930, c'est avec les tiges taillées en petites lamelles qu'on faisait les dents des métiers à tisser, Castaspécialement en gniccia (F. Floril. Les Roseaux à balai Arundo phragmites moins hauts, mais aussi communs, vivent au bord des marais avec les Massettes - Thypha latifolia.
Les Renoncules.
En plaine et jusqu'à 1000 m , fleurissent certaines espèces de Boutons d'or: Renoncules à fleurs jaunes dont les plus communes sont la Renoncule
Fleur d' Eglantier
âcre, toxique, aux feuilles non velues, la Renoncule bulbeuse, la Renoncule veloutée... Dans les fossés, c'est la Renoncule flammette qui montre ses petites fleurs jaunes ; à l'embouchure des rivières, voici la blanche Renoncule aquatique, la Renoncule à feuilles capillaires, etc ... Signalons aussi la Renoncule gondolée du littoral. Elle fleurit en avril, mais aussi en octobre ; son parfum suave rappelle celui de !'Eglantine. L'été, en haute montagne, nous verrons d'autres Renoncules, spéciales à la Corse. 39
Calycoto me velu
LE MAQUIS. Calycotomes et Cytises. Mûres en juin, les gousses argentées, soyeuses, des Calycotomes velus - Calycotome villosa - seront d'une douceur surprenante sur des rameaux aussi cruels. Dans le nord fleurissent, en avril, d'autres Calycotomes épineux à gousses nues Calycotome spinosa - Les Ajoncs d'Europe - Ulex europaens - sont peu répandus ; on en trouve près de Ponte-Leccia et dans la vallée de Cagnano.
Calycotome velu :alycotome villosa Ghjnestra
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Sous le soleil plus chaud, dans le maquis, de robustes épineux m éditerranéens, les Calycotomes velus, se couvrent de fleurs odorantes d 'un jaune d'or éclatant. Ils form ent, par place, des fourrés impénétrables comme sur les crêtes qui bordent la route des Sanguinaires. D epuis la disparition des bandits d 'honneur, de grandes étendues couvertes presque exclusivem ent de Calycotomes ne seraient plus parcourues si le Parc Naturel R égional ne f aisait nettoyer et baliser d'anciens sentiers disparus sous la végétation épineuse. Le maquis n'est pas toujours malaisé à parcourir. D 'aimables espèces ont, elles aussi, une floraison précoce : les Cy tises de Montpellier -Cy tisus monsp essulanus- aux bouquets de 3 à 8 fleurs, aux corolles papilionacées, comme les espèces précédentes, mais d'un jaune plus pâle et les Cy tises à trois fleurs, Cytisus tr(fiorus, dont le f euillage noircit en séchant. vivent souvent près des premiers, mais aussi en forêt d'altitude comme à Bavella. Un maquis très bas est parfois entièrem e,tt composé de Globulaires Aly pum fleurissant en automne et en hiver, parfois même au printemps . comme sur la plage d es Olcanais aux environs de Nonza. L eurs f euilles très purgatives ont été employées en tisane jadis, à Bastia, pour enrayer les accès de paludisme c'était "l'Erba poghiola".
Les Cistes .
En avril, dans les nuits déjà tièdes, se répand le parfum des Orangers. Malgré la beauté des vergers du littoral, où l'on voit encore des oranges mêlées aux fl eurs, où les savoureuses nèfles du Japon, sont mûres, malgré la suave odeur des fèves fleuries dans les jardins, le roi incontesté d e la Corse au printemps est le maquis constellé des innombrables corolles des Cistes. Les Cistes de Montpellier, arbrisseaux
Ciste de Montpellier
Cistus monspeliensis mucch1u
Ciste à feu illes de Sauge
buissonnants qui donnent pendant un mois et demi une multitude inimaginable de fleurs blanches. Au printemps, à leur pied, apparaissent des Cytinets, étranges petites plantes parasites aux écailles rouges ou jaune vif, fixées sur les racines dans lesquelles elles ont pénétré fort avant. Les Cistes à feuilles de Sauge, que le touriste confond parfois avec les Eglantines blanches, sont d'élégants arbrisseaux de cinquante centimètres à un m ètre. _.. Les Cistes de Montpellier - Cistus monspeliensis - ont des feuilles longues, étroites, enroulées au bord ; ils sont un peu visqueux, surtout à l'extrêmité des rameaux ; leurs fleurs blanches ont environ 3 cm de large . Très communs, ils se trouvent par-
Ciste à feuilles de Sauge
Cistus salvifolius mucchiu
fois jusqu'à 800 mètres. Les Cistes à feuilles de Sauge - Cistus salvifolius - mesurent de 50 cm à 1 m. Les feuilles sont ovales, les fleurs, isolées sur un long pédoncule, sont larges de 4 cm ; leurs 5 pétales blancs sont jaunes à l'onglet. 41
var. corsicus mu cchiu
Hélianthème à feuilles d' Arroche Halimium hamifolium mucchiu marinu
Le Ciste de Crête - Cistus incanus sous espèce creticus, a des coro lles de 7 cm de largeur. Les ra meaux rougeâtres et les inflorescences glanduleuses caractérisent la variété corse au feuillage très par-
La troisième espèce est le Ciste de Crête à fleurs mauves, roses dans le soleil, aux corolles chiffonnées comme celles des coquelicots. Il existe une sous espèce corse dont le feuillage peu velu est délicieusement parfumé. Les Cistes sont rares dans le Niolo et la Castagniccia. Une belle espèce que les Corses désignent sous le nom . de Mucchiu marinu est l'Hélianthème à feuilles d'Arroche. On peut suivre la côte occidentale, notamment entre Ajaccio et Porto, sans cesser de voir le maquis fleuri. Mais la féérie se termine en fin d'après-midi, quand tombent des millions de pétales. fumé . Arb uste au feuillage argen té, l' Halimium hal imifol ium a des corolles ja une pâle dont les cinq pétales sont dans l'une des deux variétés qu'on peut admirer marqués de pourp re à l'ong let.
LE MAQUIS DEGRADE , LES FRICHES, LES PACAGES . Les Asphodèles.
Les Asphodèles à petits fruits, "tallavellu, candellu '' couvrent de grandes étendues jusqu'à 600 m d'altitude. Il flotte autour d'elles sinon le frais parfum dont parle Victor Hugo dans Booz endormi, mais une odeur bien caractéristique. Emergeant d'un bouquet de longues et étroites feuilles qui leur a valu sur le continent le nom de 42
"poireau de chien", Les hampes floraLes, très ramifiées, mais aussi très raides sont hautes d'un m ètre cinquante. Par temps maussade, les .fleurs aux six p étales d'un blanc gris rosé, avec nervure dorsale foncée, sont un peu tristes, mais vienne Le soleil et elles semblent, à contre-jour, nacrées et ourlées de Lumière. Elles poussent en masse su r Les terrains jadis cultivés, par exemple à l'extrémité du Cap Corse, aux envi-
I \ ,
Asphodèle à petits fruits
rons de Macinaggio, où La tour Santa Maria est voisine d'une chapelle du mêm e nom, qui pourrait être "NotreDame des Asphodèles". Plus haut, de 700 à 1300 m environ, vit /'Asphodèle porte-cerise. L es deux espèces croissent souvent côte à côte et donnent un hy bride assez commun. Les tubercules de ces plantes, d'une grande âcreté, sont dédaign és par les porcs errants et les sangliers. Cette âcreté disparait à la cuisson, mais seul n'est pas fibreux, sur la dizaine que comporte le pied, le tubercule de l'année ! L eur goût rappelant celui des topinambours, ils furent consomm és en p ériode de disette et dernièrement dans le cadre d'opérations "survie ", par des hommes grenouilles du Centre des Instructeurs des nageurs de combat de la base d'Aspretto d'Ajaccio. 43
Dans les régions où l'huile d'olive était rare, ces "luminelli" furent même fichés en terre et allumés autour des tombes au crépuscule de la Toussaint. Ces petites lumières éphémères sont remplacées, de nos jours, par des bougies. Dans la nuit, si tôt venue, qui précède le jour des Morts, elles illuminent les ténèbres de leurs flammes vacillantes. Si l'on croit une légende insulaire, les "Mazzeri", ces étranges sorcières, se sont jadis battues dans les montagnes avec des hampes d' Asphodèles .. Une gra·cieuse petite espèce, Asphodelus fistulosus est beaucoup moins commune que les deux autres.
Asphodèle porte-cerise
Les Asphodèles porte-cerises . s'appelleurs lent en Corse, "luminelli" hampes florales sèches donnant en brûlant, une vive lumière. Elles ont servi la nuit au cours de processions et de déplacements. Dans les maisons, onjetait une brassée dans le ''fucone" lorsqu'on avait besoin d'y voir plus clair. En Sardaigne, nombreux sont les objets de vannerie d'art tressés avec les tiges et les feuilles de ces plantes. Les Fougères aigle.
Elles apparaissent en foule sur les terrains non calcaires, à l'avant dernier stade de la dégradation de la végétation primitive : après la destruction des forêts, puis du maquis. Elles se mêlent aux ronces et aux Clématites sur l'emplacement des cultures abandonnées, déroulant en avril leurs crosses innombrables ... La Fougère aigle Pteridium aquilinum - est ainsi nommée parce que la section de ses robustes feuilles montre plus ou moins une aigle héraldiaue.
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Ces crosses qui furent consommées en Corse durant les f amines fréquentes du temps jadis, mais la recette en est perdu e, qui rendrait accep table sur nos tables les j eunes fr ondes qu 'une vieille paysanne de Bastelica a, ditelle, mangées ·en salade dans son j eune âge.
Chrysanthème de Myconos Chrysa nthemum Myconis baculi
Les Chrysanthèmes.
L es premières marguerites jaunes de l'une des trois espèces de Chrysanthèm es printaniers fleurissent au bord des routes ; ce sont celles du Chrysanthèm e de M y konos. Bientôt les prés seront couverts de leur or. L es Ch rysanthèm es des moissons et les Ch rysanthèm es couronnés égayeront les frich es de multitudes de fleurs ; les
Chrysanthème
des moissons Chrysanthemum segetum baculi
Mu scari chevelus y m êleront leur houppe violette et les Coqu elicors leur rouge éclatant . L es Bleuets. amis des m oissons, sont fort rares en Corse : il y a qu elqu es ann ées. on pou vait en voir quelques-uns dan s un minuscule champ de blé. entre M orosaglia et le col de Prat o. Le seul animal venimeux de la Corse fréqu entait . lui au ssi. Ies m oissons : c 'est la " malmignata " ou "zin evrica ",
couronné Chrysanthemum coronarîum baculi
Les semences étant désormais sévèrement et mécaniquement triées, on ne voit plus de Bleuet dans les rares champs de céréales de l'ile. 45
une petite araignée dont l'abdomen noir porte treize points rouges. Sa piqûre valait à sa victime, homme ou f emme, un séjour dans le four à pain modérément chauffé "remède eff icace contre le refroidiss em ent causé par le venin''! Orchidées, Arum. D'autres Orchidée s fleuriront durant l'été dans les montagnes. L'Ophrys noir, araignée, abeille, porte -frelon, sont fort jolis. Le plus précieux est l'Ophrys miroir, Ophrys speculum ; ne le cueillez pas, ce serait une mauvaise action, mais une photographie perpétuera la joie de la rencontre . Dans la vallée du Fango à Bastia, les Calla ou Arum d'Ethiopie - Zantedeschia aerhiopica - sont naturalisés ainsi que la "Misère" des suspensions - Tradescantia fluminensis - qui, en Corse, fleurit abondamment mais ne fructifie pas.
Nous avons dans l'Ile, 51 espèces d 'Orchidées. B eaucoup fleurissent en avril, sur les talus. dans le maquis, les friches sans engrais car ceux-ci leur sont néfastes. L 'Orchis à trois dents, l'Orchis bouffon et l'Orchis papillon sont très communs. Bientôt fleuriront les Serapias en cœ ur. si étranges. et les Sérapias lingua qui tirent leurs langues rougeâtres entre les Cistes. Notons que les hy brides des quatre espèces de S érapias sont difficiles à déterminer. Dans Les pacages et Les frich es, communes sont les touffes de l'Aru.m d'Italie Arum italicum : la spathe est d'un vert blanchâtre, La massue Jau.n e.
Orchis papillon Orchis papilionacea
Sérapias en cœur Serapias cordigepa
EN MONTAGNE
Une promenade au Pigno à 950 m d 'altitude. près de Bastia, allie à la splendeur du panorama la joie de voir dans le maquis les Viole/l es de Corse. les Céraistes de Baissier. le Po(vgala de Corse. l'A(vsson de Robert et un e Ja cinthe parji1m ée cyrno-sarde aux petites .fleurs mauve rose, parfois violet fonc é. L'Anémone des Apennins, l'Aconit napel, variété corse Anémone des Apennins An emone apennina cunnaci ula
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Une m erveille d'avril en Corse est la floraison des Anémones des Apennins, malheureusem ent localisées au. su.d de l'Incudine. On les voit dans les
châtaigneraies de San Gavino, au bord des chemins, dans les maquis de Sainte Lucie de Tallano, d'Olivèse, de Petreto de Bicchisano ... Leurs très grandes fleurs blanches, mauves ou bleues, sont aussi charmantes qu 'abondantes : en effet, cette espèce vénéneuse n'est pas broutée par les troupeaux. C'est à la m êm e particularité qu'une variété corse d'Aconit napel doit d'orner de ses hautes inflorescences de fleurs violettes, en juillet ou en août suivant l'altitude, les pozzines du Coscione, leurs environs et l'Ospédale.. .
C'est en avril aussi que des Anémones hepatiques si bleues et des Primevères acaule aux fleurs jaune pâle ornent les talus de la Castagniccia.
Les soupes corses et les beignets aux herbes
Bourrache offic inale
L es amateurs de soupe aux herbes, "erbigli " en Castagniccia, "arbigliule" dans la région d'Evisa, ajoutent à nos faux-poireaux du littoral, un assortim ent "d'herbes" vendues sur les marchés : la R eichardie faux picris, connue dans l'île sous le nom de "lattarepulu ", et dans certaines localités de j eunes f euilles de Bourrache officinale, dont les fleurs bleu fonc é, s'épanouissent en avril dans les lieux secs, parfois aussi une Bourrache cyrno-sarde. Les j eunes pousses du F enouil aromatisent ces soupes auxquelles on adjoint, si l'on peut, des Laiterons, des f euilles de Silène enflé, de Radis sauvages et de Plantain. Un e des espèces de plantain a d es f euilles qui ressemblent à des oreilles de chèvres, d 'où son nom "Orecchiula capruna". Dans les beignets d'herbes, " erbaja ", spécialité de la Castagniccia, on ajoute quelques brins de Matricaire ; dans le Cap Corse pour le Vendredi-Saint, on ne met dans les beignets que des herbes amères : Matricaire et Chicorée sau.vage aux jolies fleurs bleues.
La recette de la soupe aux herbes paraitrait bien savante si l'on donnait aux humbles plantes qui la composent leurs noms latins : la Reichardie faux picris est Reichardia picroides, le Laiteron est le Sonchus oleraceus, le Silène enflé est Silene inflata, le Radis sauvage ou Radis ravenelle est Raphanus raphanistrum. Ajoutez à cela la Bourrache officinale, Borago officinalis et Borago pygmaea, amie cyrno-sarde des sources ; les jeunes pousses du Fenouil dont vous aromatiserez votre soupe peuvent provenir de Foeniculum vulgare ou de Foeniculum piperatum. Un ancien légume, le Macéron, Smyrnium olusatrum, est répandu au voisinage des lieux habités en basse altitude.
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La Corse est habillée de vert. En flânant dans les sentiers, regardez
l'arbre et la fleur, écoutez l'oiseau et le vent.
PROMENADE EN MAI ET JUIN
VEGETATION ET FLORE D'UN ILOT.
Une belle journée de mai permet de parcourir Mezzomare, la grande île de l'archipel des Sanguinaires, alors que les fleurs sauvages accroîssent encore la beauté des paysages. Nous prendrons le matin un de ces bateaux qui partent d'Ajaccio, ou bien nous ferons 48
la traversée, à L'aube naissante, dans la barqu e d'un ami. Il n'y a pas de source sur cette île mais deux points d'eau non potable et -".- Lavatera arborea, livite desséchés. gneux, vivace, a des Après avoir cotoyé un des îlo ts ro- fleurs de 5 cm, groupées à des feuilles comcheux couvert d e belles Malvacées, à l'aisselle me le Lavatère de Crête, grandes fleurs roses, les Lavatères plante herbacée, Lavatera nous d ébarquerons cretica, bisannuel. Le Lavaarborescents, accueillis par d e forts, et agréables tere d'Hyères, Lavatera olbia, ligneux et vivace, a parfums. des fleurs isolées. Les Cistes de Montpellier sont blancs Les Iris fétides, Iris foetidisde fleurs, le feuillage argenté des sima, ont des graines d'un Armoises arborescentes bordent L'étroi- rouge corail très vif. te route du phare. Entre les L entis- La Germandrée marum Teucrium marum vit ques, sur L'herbe qui jaunit d éjà, les depuis le littoral jusqu'à grandes Euphorbes Characias mettent l'étage subalpin. 49
Euph orbe charac ias
des taches sombres tandis qu e bourdonnent et travaillent tout un peuple d'abeilles ... Dirigeons-nous vers une petite grève où gisent des épaves de barqu es. Nous foulons au passage. les Iris fé tides aux fleurs livides; les f euilles, sous nos pas. dégagent une odeur désagréable vite oubliée quand nous passons parmi les Séneçons cinéraires qui répandent un suave parji,m de miel. Intense est celui du " thym de chat", la Germandrée marum , aux touffes basses et aux .fl.eurs d'un p ourpre violet éclatant . Qu elques brins de cette plante suffisent à m ettre un chat Glauc ie nne jaun e ou Pavot cornu
L' Arum mange-mouches, Helicocideros muscivorus, n'est pas carnivore. La fleur ne sécrète pas de diastases, mais dégage une affreuse odeur de cadavre qui attire les mouches : elles descendent dans le tube de la spathe, le long du spadice couvert de poils, entraînant le pollen vers les fleurs femel les .. mais elles ne peuvent plus 50
dans une grande ex citation. L es Glauciennes aux corolles jaunes portent déjà leurs f ruit s dém es urés qui ont jusqu 'à vingt centim ètres de long ! De bien étranges plantes vivent entre les rochers sous la tour carrée en ruines - la tour Castellu ccio - tout comm e dans les anfra ctu osités de l'îlot del Oga. non loin du phare : c'est l'Arum mange-mou ches.
Les boutons, les tiges, l'extérieur de la spathe sont tachés de brun, comme le corps de certains reptiles. La fleur p eut atteindre 5 0 centimètres de long sur 25 de large ; l'intérieur, rosé, porte de longs poils noirs clairsemés. B ergers et paysans nomment cette plante "Orecchia di porcu" ; l'oreille de porc. Un vieux fig uier s'élève des ruines de Lazaret ; c'est le seul arbre de cette île, ravagé par un incendie, il y a près d 'un siècle. Nous nous contenterons de l'ombre des rochers sous lesqu els vivent deux minuscules esp èces qui n 'intéressent
Chardon à fl eurs en tête
que les botanistes ; l'une cyrno-sarde, est la Nananthée très p etite, l'au tre endémique, la Cy mbalaire à trois lob es. L es Chardons à fleurs en tête, semblent en comparaison gigantesques ... Nous reviendrons au rustique embarcadère parmi le tapis jaune d es M élilots élégants, si odorants. Nous quitterons M ezzomare, regrettant d e ne pouvoir y rester jusqu 'au féérique coucher de soleil. L es rayons encore chauds exaspèrent les parfums des Immortelles à feuilles étroites, qui ne fleuriront qu 'en juillet tandis que scintillent de toutes leurs papilles, comme le fe raient d es gouttes de rosée, d es Ficoides glaciales.
sortir et meurent au fond de leur prison; d'alertes petites larves circulent parfois sur les insectes morts. Cette plante, une des plus étranges de la flore de la Corse, vit aussi en Sardaigne et aux Baléares. On peut l'observer sur les îles Lavezzi, dans la vallée de la Restonica, etc.. I' Arum serpentaire, Arum dracunculus, aux fleurs de velours sombre atteignant un mètre, est parfois observé aux environs de Bonifacio, mais y est-il spontané ?
La Nananthée très petite, Nananthea perpusilla, que l'on trouve aussi dans l'archipel des Lavezzi est la plus petite composée d'Europe ; cette infime créature est considérée comme une relique d'une très ancienne époque. En grand nombre, les Nananthées forment un gazon très dense. La Cymbalaire à trois lobes, Cymbalaria aequitriloba, est bien plus prospère dans d'autres stations : la vie est dure sur Mezzomare !
On trouve encore le à fleurs en tête - Cardus cephalanthus - cyrno-sarde, le Mélilot élégant Melilotus elegans - l'immortelle à feuilles étroites - Helichrysum angustifolium - et les Ficoides glaciales - Mesem brya nthem u m nodiflorum - qui sont méditerranéennes.
Y-- Chardon
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SUR LES RIVAGES. Les genêts de Lobel, Genista lobeli, sont de la variété Salzmanni tandis qu'une autre variété un peu épineuse, lobelioides, en montagne, se présente souvent en coussinets. Les exsudations des Tamaris, Tamarix africana et gallica, sont provoquées par les piqûres d'un insecte, Coccus manniparu. Crataegus monogyna est la seule espèce d 'Aubépine que nous trouvons en Corse. Chez Ecbalium elaterium, le Concombre d'âne, le liquide contenu dans le fruit est soumis à deux pressions en sens contraire, ce qui lui permet lorsqu'il est mûr, d'expulser ses cinquante graines avec une force qui incite à la prudence. D'autres arbres sont susceptibles d'exsuder une manne. Oui élucidera le mystère de la manne d' Asco récoltée par les abeilles et qui est parfois à la base du miel de cette région ? Le Gattilier-agneau chaste, Vitex agnus castus, a été nommé Poivre des Moines en raison de l'usage qu'on
A Campo di /'Oro. le manteau d'or des Genêts d e Lobe/ se rétrécit d 'année en année. L es Tamaris d'Afrique et de France. qui vivent bien dans les embruns. sont défleuris. Leurs exsudations sucrées sont parfois d'un e abo11· dance extraordinaire. Les Gattiliers -agn eau chast e· préparent leurs in florescences mauves. Ces arbustes vivent dans les terrains humides litt oraux. souvent aux pieds des tours génoises comme les Ecbalies ou Concombres d'ân e. "Schizzettu" en corse. qui projett en t soudain leurs graines dans un sens tandis qu e /' enveloppe du fruit est envoyée à l'opposé. De longu es feuilles étroit es se dressent. parfois. sur les sables clairs, tandis que des graines noires. ressemblant quelqu e peu à des m enus morcea ux d e char· bon d e bois, gisent çà et là. sur le sol. Ce sont les feuilles et les grain es du Pancrace maritim e ou Lis Matthiole qui fleurira en été. Il est menacé. par suite du piétin em ent es tival, mais ses gros bulbes l'aideront à survivre qu el· ques ann ées encore. en fit dans les couvents. Cette espèce de Verbénacées fut employée en Grèce dans les cérémonies rituelles.
DANS LES MARAIS ET LIEUX HUMIDES.
Cette Dauphinelle Dephinium requienii, variété muscodorum est une plante magnifique, haute de 70 cm, qu'il faut absolument respecter. Elle vit aux îles d'Hyères, en Sardaigne, et aux Baléares.
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Ces milieux naturels, si prodigues d'esp èces intéressantes mais souvent p eu spectaculaires, telle la Pilulaire minuscule d es Tré-Padules de Suarto· ne, offrent toutefois les Iris faux acore chers à Mistral enfant, sous le nom de Fleurs de glais. Ils se dressent, jaune d'or, par grandes masses. Beaucoup plus rare est la magnifique Dauphinelle de la lagun e d e l'étang de Crovani. Près d e St Florent, dans les gazons maritimes, le . Lychnis Rose du Ciel, espèce fort capricieuse, est abondant certaines années. H élas, il est alors cueilli à outrance et n'apparaît plus guère p endant plusieurs années.
Pancrace d' lllyrie
DANS LE MAQUIS.
Entre les branches noires d 'un maquis brûlé, les Pancraces d 'Illyrie aux grandes fleurs blanches étoilées, sont d 'un effet saisissant. Ces magnifiques Amaryllidacées, comme le Pancrace maritime, exhalent un parfum violent. Les Glaïeuls aux corolles pourpres se raréfient : les promeneurs en ont fait tant et tant de gerbes, ont arraché tant de bulbes pour les planter -sans succès- dans leurs jardins, que le temps est passé où, sur le marché de Bastia, on en vendait des bottes. L es Cistes étant défleuris sur les versants chauds, c'est au tour des Genêts d'Espagne de réjouir les regards. Admirons leurs grandes étendu es d'or surplombant les flots bleus. L es terribles épineux que sont les Genêts corses n'ont pas leur agréable parfum et leurs petites corolles sont plus orangées.
En Corse, vivent trois e s p è cde es Glaïeuls : Gladiolus communis, Gladiolus segetum et Gladiolus byzantinus. Le Genêt d'Espagne, Spartium junceum, est aussi appelé Spartier à tiges de jonc.
Genêt d'Espagne Spartier à tiges de Jonc Spartium Junceum Ghiuncu
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L es M y rtes sont couverts de jolies f leurs blanches au parf um poivré. L eurs tiges, employées pour le tannage des cuirs, ont été, au XVIIe siècle, l'objet d 'expéditions importantes, tandis que leurs f euilles aromatisaient les poissons marinés qu 'on envoyait en I talie. Pouvant vivre 300 ans environ, ces M y rtes n 'atteignent jamais cet âge en Corse car ils sont condamnés par les incendies. Buplèvre sous ligneux Buplevrum fruti cosum pilistri cu
L' Alysson de Corse, Alyssum corsicum, ne mérite pas son nom d'espèce car il nous est venu, il y a environ cent cinquante ans, d'Asie mineure mais son origine est restée ignorée fort longtemps. Ce mystère éclairci, reste celui de sa localisation absolue dans ces deux vallons.
"lf'
L es Vallons de Fango et de B ertrand étaient colonisés par l'Alysson de Corse. L 'urbanisation f era bientôt disparaître ces arbustes aux centaines de minuscules corolles jaunes, au f euillage vert clair en mai, gris argenté en hiver. Un au tre maquis, en dessous de la chapelle San Angelo d e Lano, est entièrem ent constitué de Buplèvre ligneux, dont les fe uilles coriaces dégagent une odeur peu agréable. A l'extrémité du Cap Corse, près de la tour d 'Agnello, se trouve une garrigue de Bruyères à fleurs multiples dont la rose floraison est hivernale.
UN PEU PARTOUT, SUR LES TALUS ET LES VIEUX MURS , DANS LES HAIES, LE LONG DES RO UTES.
L es Vesces cracca tressent leurs guirlandes violettes au pied des Aubépines en fleurs. L es "Salades de porc ", Hyoseris rayonnantes, offrent par milliers le long des routes, leurs modestes fleurs jaunes composées. B eaucoup d'O eillets roses très parfumés p euplent les talus et les rocailles le long des rou tes ; l'été, nous en verrons d'autres en montagne. Dans les "Calanche" de Piana vit !'O eillet de Madame Gy sperger, dont c'est l'unique station au monde. Dans les Agriates et vers Calvi, L 'Orpin bleu ou Sedum à sept pétales couvre les talus rocheux de ses petites f euilles cylindracées, charnues, rouge écarlate. Ses fleurs sont mauves plutôt que bleues ; cette plante est annuelle. D eux autres Orpins étaient vendus le 54
Orpin bleu
jour de !'Ascension, aux portes des églises, p our être suspendus dans les maisons où, ils continuaient leur végétation sans terre ni eau - ce qui ne surprendra pas les botanistes ... Chacun p eut les récolter dans la campagne et beaucoup de f emmes corses vont cueillir l'Erba di Ascensione en ce jour d e f ête. Tandis que les corolles blanches et menues d es Oliviers tombent sur les murs en pierres sèches, où se f anent d e petites Fougères, - Cheilantes divers, Doradilles - et des Sélaginelles denticulées, les Ch èvrefeuilles amplexicaules et ceux d 'E trurie mêlent leur parfum à celui d es Eglantines. En montagne, de ravissants Rosiers nains, hérissés d'aiguillons crochus, se couvrent d e corolles rose vif ; ils sont communs au Pigno, près de Bastia, au sommet de !'Olmelli, au col d e Viz zavona où leurs buissons aux feuilles minuscules vivent en compagnie d e !'Epine vinette de !'Etna.
Les deux Orpins récoltés comme "Erba di Ascensione" sont le Sedum étoilé, Sedum stellata, et le Sedum pourpier, Sedum Cepaea ; il ne faut pas confondre ce dernier avec le Pourpier "Erba fratesca" des potagers. Si l'on touche avec une brindille ou une épingle, le filet des étamines de l'Epine vinette - en Corse nous n'avons que Berberis aetnensis "Spinitricula" l'anthère s'applique aussitôt dans un mouvement rapide sur le stigmate ...
Chèvrefeuille d' Etrurie
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SUR LES ROCHERS CALCAIRES OU PORPHYRIQUES.
Ce chou qui devrait être protégé comme le sont, dans divers pays, les espèces rares, est, hélas, parfois consommé dans les soupes ; c'est fort dommage pour notre Brassica 1nsularis !
En de rares localités, vit le Chou insulaire. Ses magnifiques touffes de fleurs à quatre pétales blancs, exhalent un parfum d'oranger aussi suave qu'inattendu. H eureusement pour la survie de l'espèce, certains rochers au dessus de La voie ferrée, près d'Omessa ou dans l'lnzecca, sont peu accessibles. EN SOUS BOIS.
Lis safran Lil ium croceum lice
Nous avons deux variétés de Pivoines dans l'ile : l'une, méditerranéenne Paeonia mascula, variété russ1, l'autre spéciale à la Corse, beaucoup plus rare dont les carpelles, sont glabres, Paeonia leiocarpa ou corsica, dont on peut voir en abondance les très grandes fleurs roses dans le massif de l'Uomo di Cagna.
Lis safran
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Trop joli est le Lis Safran, de plus en plus rare, et que l'on doit se garder de cueillir. IL est victime de la beauté de ses_grandes .fleurs orangées, comme Le sont les Pivoines d'un rose· pourpré. En grande masse parfois, on peut les voir dans certaines chataîgneraies comme au-dessus de Piana où elles vivent en compagnie de Nivéoles à longues f euilles, et à Tavera, mais aussi sur des tertres herbeux, ou près d 'un ruisseau aux environs de la tour de Sénèque dans le Cap Corse, comme dans certaines montagnes dans le sud, en tre les énormes rochers du massif de Cagna notamment. L es Pivoines à fleurs blanches, plus encore que les Digitales blanches, sont rares... Dans les clairières, en. étage montagnard, les Fraisiers des bois sont en fleurs alors que, sur le littoral, les frais es commencent à mûrir... Sous Les hêtres, c'est à la fin de mai que les Cyclamens étalés se m êlent aux Ficaires, aux Violettes, aux Aspérules odorantes, à diverses Renoncules pour accueillir le promeneur. En juin., ce seront les Ancolies com. munes, violet fonc é, puis les Orchis tachetés. D e juin à octobre, /'Achillée de Ligurie, "Erba Santa", très commune est fleurie.
ASCENSION DES CRETES DU CAP CORSE , VERS LE MONTE ARPONI, VERS LE STELLO.
On emprunte de vieux sentiers, très parcourus jadis pour aller d'une vallée à une autre : le long de ces chemins en p ente raide, fleurissent les Géraniums sauvages, les Erodium à fleu rettes m enues mais à fruits extraordinaires, qu'on fo ule aux pieds sans les regarder, ce qui est bien dommage, les Fumeterres aux feuillage léger, les Trèfles si nombreux dans l'île. Au retour, nous verrons leurs folioles se fermer pour la nuit. N'est-ce pas Pline l'Ancien qui, le premier, signala des feuilles de Trèfles se pliant à l'appro. che de l'orage ?... Mais voici les crêtes. si riches en
_.. La Morisie à une seule
fleur, Morisia monanes p èces end émiqu es cyrno-sardes. L 'une d'elles peut être qualifiée de thos, jouit de l'étrange possibilité d'enterrer ses fruits. fossile vivant. c·est la Morisie à une Elle partage, en Corse, ce seule .fleur : elle affec tionne les lieux privilège avec le Trèfle souhumides et vit aussi dans le sud. aux terrain, Trifolium subterraet les Cyclamens. environs de Bonifacio, en très basse num, Les Euphorbes sont repréaltitude. sentées dans l'île par près
/'Euphorb e de Gay, très grêle. aux filiformes tiges rouges s ·accommode. comme les Violettes corses. de terrains plus secs ... L es Euphorbes n'ont pas à craindre les herbivores, mais nos délicates Viola ne survivent que dans les buissons épineux ... D e l'autre côté de la chaîne du Cap, au-dessus de Centuri, nous verrons sans dou te encore en juin les premières fleurs blanches, aux nombreuses étamines du Câprier épineux appelé, en corse, "Tappanu ".
de trente espèces, !'Euphorbe de Gay, Euphorbia Gayi, est cyrno-sarde, tandis qu'Euphorbia corsica est spéciale à l'île et localisée dans la forêt du Campotile. Euphorbia insularis vit aussi en Sardaigne et en Ligurie. Une belle espèce méditerranéenne est !'Euphorbe arborescente, Euphorbia dendroides qui n'est pas rare près de Porto, le long de la route en corniche dans les rochers ; elle est abondante dans l'île de Gargalo.
En juin, déjà, hors des lieux humides, l'herbe jaunit et ·devient poussièreuse. L es promenades seront plus agréables en àltitude, à l'ombre des chênes p.ubescents, près des sureaux dont on sent le parfu m de loin, ou sous les châtaigniers, puis dans les fo rêts de "larici" et dans la hêtraie où l'air plus frais est si pur. 57
« Ils ont brûlé nos arbres, ils ont fait des pierres noires. Ils ont déshabillé la montagne, ils ont assoiffé
la montagne ... Ce n'est pas la faute du feu. C'est la faute des gens».
PROMENADES EN JUILLET ET AOUT.
CHATAIGNIERS , PINS ET HETRES.
En juillet, commence la floraison des Châtaigniers. L es longs châtons mâles, blanchâtres et dressés, exhalent une odeur agréable mais un p eu fade, avant de joncher le sol encore encombré de bogues piquantes de l'automne dernier. L es abeilles s'affairent 58
dans les arbres en fleurs. L es Châtaigniers forment encore de vastes forêts qui ont remplacé, il y a bien des siècles, les Chênes verts et les Chênes pubescents originels. Un e des plus belles régions de la Corse leur doit son nom : la Castagniccia. Qui l'a vue, dans presque toute son étendue, du haut du TrePiève, au-dessus de Felce ou du sommet du San Petrone, avec sa cinquantaine de villages ou de ham eaux nichés dans une mer de verdure, ne pourra l'oublier.. . Le long des routes et sentiers montagnards ensoleillés, les grandes Digitales pourpres, gracieusem ent penchées, 59
La Belladone, Atropa belladona, dont les fruits dangereux à saveur douçâtre, peuvent tenter les enfants, n'est pas seule dans la forêt à offrir des fruits noirs et toxiques la Parisette à quatre feuilles, Paris quadrifolia y est aussi, c'est le "raisin de Renard" Le Daphné !auréole, que le promeneur confond parfois avec le Rhododendron nous n'en avons pas en Corse - a des baies également toxiques de la grosseur et de la forme d'une olive. Les Epervières Hierac1um - appartiennent à la famille des Composées. Leurs fleurs jaunes ne sont pas spectaculaires, mais ce genre est très passionnant pour les spécialistes.
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semblent souhaiter la bienvenue. Elles sont aussi la parure des clairières. comme la dangereuse Belladone dont les baies toxiques, mûres à la fin d'août, et de la grosseur d 'une cerise, sont noires. Sous les Pins laricio à Vizzavon.a, en mon.tant au col de Palmento par un sentier très raide, on peut admirer des Orchidées aux fleurs d'un joli pourpre violacé : ce sont les Céphalan.thères rouges. tan.dis que les Céphalanthères blancs de deux espèces f leurissent plus tôt et ailleurs, comme au Pigno, près d e Bastia. Dans le Cap, on les récolte le 30 avril sous le nom de... Mugu et ! Une autre Orchidée. parasite et entièrement violacée, le Limodore à f euilles avortées, vit aussi bien sous les pins que sous les hêtres de même · que l'étrange Mon.otrope ou Suce Pin : cette p etite plan.te est entièrem ent beige blanchâtre. L es Epervières commencent à fleurir dans les clairières. L es Pins mésogéens aiment les versants chauds. Numbreux dans la R estonica, ils sont souvent m élangés aux Pins laricio, mêm e à Vizzavon.a. Nos plus belles forêts sont celles de Valdon.iello, d'Aïtone, de Vizzavona et de Marmano. D es H êtres, hi-centenaires, ont survécu dans les parties
Hêtraie
inexploitables d'autres, immenses squelettes que des larves changeront en sciure, sont à terre. Par les nuits chaudes, entre les crevasses des écorces des vieux arbres, la luminescence des cordons mycéliens des Armillaires couleur de miel, qui s'attaquent aux fe uillus, paraît bien étrange au campeur solitaire venu chercher le silence et la paix loin des grandes routes ... Il y a seulem ent une vingtaine d'années, les mules servaient au transport du bois des arbres abattus dans les parcelles peu accessibles des forêts exploitées. C'était un beau spectacle que ces animaux lourdem ent chargés, descendant allègrement les pistes raides, coupées par de petits torrents fleuris de Gentianes asclepiade, aux longues tiges feuillées, aux grandes fleurs d'un bleu violacé. Les Gentianes jaunes, dont les racines sont très profondém ent enterrées, ont souvent été arrachées par les bergers. Infusées dans du bon vin, elles donnent un excellent tonique fébrifuge, encore employé de nos jours. L es H êtres ne sont pas très appréciés des forestiers du fait de leur faible valeur marchande, mais la hêtraie est un élément indispensable de l' équilibre biologique : régulateur climatique 61
Doronic de Corse Doronicum corsicum
et hydraulique irremplaçable, elle a, de plus, l'avantage de ne pas acidifier le sol et de ne pas brûler aussi facilement que les résineux. D es loirs à la jolie queue de fourrure nichent dans les Hêtres, le plus souvent assez haut ; les nids, dans les trous des arbres, sont camouflés par quelques f euilles fraîch es, les petits naissent en juillet. D ès la fin août, ils grignotent les faînes, la nuit, inlassablement, laissant tomber à terre les enveloppes coriaces à une cadence rapide. Si l'on veut, par une nuit d'été, dormir en paix à la belle étoile, il vaut mieux ne pas s'installer au pied d'un hêtre! LES RIVES DES TORRENTS EN ALTITUDE .
Cymbalaire à feuilles d'Hépatique Cimbalaria hepaticifolia
Ep iaire corse
Stachys co rsi ca
D es Aulnes glutineux montent jusqu'à 1500 m , mais sont souvent remplacés par les Aulnes cordés. L e Doronic de Corse épanouit au bord des vasques et des cascades ses grandes marguerites jaunes sur lesquelles se posent de nombreux papillons. Les petites Cymbalaires à feuilles d'Hépatique et les Epiaires corses aiment aussi les rives des torrents. L 'Ail ciboulette pousse sur les rochers humides. L es bergers, qui le nomment "Poretto", le mangent dans les omelettes. Dans les suintem ents, vit la Bruyère à fleurs terminales, que l'on voit pa,fois Au lnes glutineux
Du Doronic de Corse, Doronicum corsicum, spécial à l'île, parure des rochers humides, ne faites pas un bouquet ! Il est si vite fané.. Ce serait priver ceux qui passeront après vous d'une des beautés de la montagne . La Cymbalaire à feuilles d'hépatique, Cymbalaria hepaticifol ia et la Grassette, Pingu icula corsica. sont endémiques en corse tandis que la Bruyère à fleurs terminales, Erica terminalis est en Espagne et en Italie.
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en basse altitude. pourvu qu e l'eau et l'ombrage ne lui manquent pas. L e Narth ecium de R everchon , petite Liliacée à port d'iris. est éclaboussé par les cascades, comm e les Pinguicules insulaires ou Grassett es. L eurs gracieuses fleurs d'un mauve rosé. munies d 'un long éperon, sont plu s grandes dans les pelouses tourbeuses ou pozzines. sur les bords du lac de M elo. par exemple: leurs feuilles en rosette, d 'un vert si tendre. sont visqueuses. ce qui leur perm et d'agrém ent er leur régime de petit s mou cherons imprudents dont les débris noirâtres ponctu ent leur surface claire: pour digérer leurs petites proies. les f euilles se roulen t en cigare. Près de certains lacs à l'eau glaciale, dans le sol spongieux des pozzines, parmi les Sphaignes, mousses qui fo rment des tâches claires, on p eut voir une variété corse de Rossolis à feuilles rondes. Ces f euilles portent des tentacules terminées par ce qui semble être une goutte de rosée, et qui est, en fait, de la glu. Cette très petite plante est carnivore : des enzym es lui p ermettent de digérer des proies minuscules.
Rossolis à feui lles rondes Drosera rotund ifol ia
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COURSE VERS LE SOMMET DU MONTE D'ORO .
Une des plus faciles et des plus jolies ascensions est celle du Monte d 'Oro -2389 m- en partant d e Vizzavona à 905 m et en passant par Pozzatello, une ancienne bergerie aujourd'hui en ruines. Au début, le sentier a été remplacé par une route qui serpente sous les larici entre les Immortelles d 'Italie à feuilles étroites, les Fraisiers couverts de fruits mûrs et les grandes masses d 'Ail des Ours, aux larges feuilles imitant celles du Mugu et. L es Fougères aigle, les Bruyères arbores centes, nous accompagnent sur ce versant chaud. Puis apparaissent les
Les Immortelles à feuilles étroites-Helichrysum angustifolium sont très abondantes de 0 à 1.200 mètres ; elles ont des capitules très petits plus longs que larges, jaunes. Cette Immortelle à feuilles étroites, "murza" sert encore à Bocognano, à Tuarelli.. à griller les soies des porcs abattus quand vient l'époque de préparer les salaisons familiales. Pour cet usage on se sert aussi du Genêt corse, "Coria ou Curoglia". Depuis peu on tire du parfum de "murza". 63
COURSE VERS LE SOMMET DU MONTE D'ORO
PUNTA RENOSO 2008m
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lac d'Oro
■
■ ■
• •. • •
....... •.• ..
PUNTA CEPPA
sentier • •.
bergeries du Vittu lu
..
N 0
0,5
1km vers AJACCIO
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Col de Viz
vers BASTIA
gare "CASA Dl NATURA"
du Parc Regiona/
• • vers Palmentu
• •••{f •
•
♦
•••maison forestière pont du Fulminata
hameau de la Foce
I
)
Le sommet du Monte d'Oro n'est plus marqué par un signal comme l'indiquent plusieurs cartes. L'ascension, de Vizzavona gare, en passant par les ruines des bergeries de Pozzatelli nécessite 4 heures 1 /2 de marche. On peut faire la traversée du Monte d'Oro et rejoindre le G.R. 20 près du col de Muratello ; on le suit dans le cirque de Trotello. Après avoir traversé à gué le torrent, on rejoindra la route nationale sous la maison forestière où on quittera le 6.R. 20: un petit sentier mène à la gare sans faire le détour par la R.N . On peut aussi, à partir des bergeries de Trotello - qui ne sont pas sur le G.R. 20 - prendre le sentier muletier qui passe aux bergeries du Vittulu avant d'atteindre le col de Vizzavona. La traversée du Monte d'Oro, plus le retour par le cirque de Trotello se fait en 3 heures 3/4 pour les bons marcheurs.
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Immortelle à feu illes étroites
Une pozzine
plantes montagnardes. Nous n 'avons pas 1c1. comm e sur la Punta Ceppo. proche du Col de Vizzavona. les buissons couvert s d'épines acérées, du redoutable Astragale du Gennargentu. L e Thym H erbe-des-barons. l'"Erba barona" des Corses. embaum e l'air vif. Cette plante a de surprenants parfums individu els : violente odeur de citronn elle ou de m enth e ou de cèpe de Bordeaux. à côté d'individus ayant une odeur normale. Par places. il couvre les rocailles de ses rameaux tellem ent f leuris qu e ses minuscules feuilles en losange sont pres qu e invisibles. On s 'en sert ici comme aromate mais aussi en in(usion.
Les "pozzines" sont des tourbières acides ; leur sous -sol est imperméable. Les racines des Graminées, Carex et Joncs forment un feut rage
A la hauteur des ruines de la bergerie de Pozzatello, on peut voir des pozzines de surface très réduite. Plus haut voici les Céraistes de Soleirol, les Raiponces au parfum de violette. Le
Thym Herbe des barons Thymus herba barona erba barona
Le Thym cyrno-sarde, Thymus Herba barona est un petit sous arbrisseau rampant, aux fleurs à deux lèvres d'un mauve taché de pourpre.
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long des rives des ruisseaux que nous traversons, les Aulnes odorants à partir de 1500 m. se présent ent en fourrés denses. buissons bas, inextricables dans les combes où la neige s'accumu le durant l'hiver. Gardonsnous d e quitter le sentier car parfois le randonneur, égaré hors des étroit es pistes. doit ramper sous les souples bran ches enchevêtrées pour regagner les crêtes dénudées ou atteindre une sou rce, telle celle de la Gravona sous le col de la Cagnone, vers le R enoso : ce col est littéralem ent bouché par les Aulnes. L eur parfum tenace imprègne longtemps les vêtements. Odeur évocatrice de la haut e montagne corse, de ses splendeurs, de son m erveilleux silence. On oublie vite le temps p erdu dans ces fourrés parfumés, un p eu poisseux, épais parfois de 2,50 m si l'on sait combien ils sont utiles. Grâce à ces Aulnes, " bassu" en corse, les avalanches sont rares : ils retiennent la neige fondan te au printemps sur les p entes raides. Grâce à eux, les sources ne tarissent pas, alors que dans les regwns déboisées, comme le Cap Corse, l'eau douce commence à manquer. L 'érosion, si forte sur les surfaces arénacées, est freinée par leur présence. L es bergers corses, ingénieux et adroits, confectionnent avec leur bois, des bâts pour les ânes et les mulets. L es j eunes rameaux flexibles, servent de lien : taillés et placés dans bouche des cabris et retenus derrière la tête par une cordelette en poils de chêvre, ils empêchent les jeunes de téter leur m ère. R eprenons notre ascension. D e p etits arbres aux fleurs blanches, dépassent les Aulnes : ce sont les Sorbiers à folioles courtes ; en septembre leurs corymbes de p etits fruits écarlates attirent de nombreux oiseaux. Un · Erable à feuille d 'Obier, des Erables sycomores représentent encore, avec d'énormes Pins laricio très vieux, le monde des arbres... Nous allons le quitter... Tandis que le sentier contourne d 'assez loin des "Margu erites" blanches, sous-espèce d 'u n Leucan-
sous la pelouse si verte parcourue par des ruisseaux très étroits et sinueux. Des trous ou "pozzi" souvent profonds, sont nombreux et parfois dangereux pour le jeune bétail. Ces formations offrent de petites espèces végétales, très intéressantes pour le spécialiste, et gracieuses pour tous.
Le Céraiste de Soleirol, Cerastium soleirolii, est loin d'être rare mais il est très polymorphe.. La Raiponce, Phyteuma serratum, est endémique corse comme ce Céraiste. Les Aulnes odorants, Alnus suaveolens, sont l'homologue des Aulnes verts des Alpes cette Aulnaie est une des curiosités de la montagne corse. Entre 1.700 et 2.200 mètres ces Aulnes trouvent dans l'at· mosphère assez d'humidité pour s'étendre sur des grands espaces. Ayant des feuilles caduques, ils peuvent passer de nombreux mois ensevelis sous la neige sans en souffrir.
Sorbier à folioles tronquées Sorbus praemorsa
Erable à feuilles d 'Obier Acer Opulifolium
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Menthe de Requien Mentha requienii
La Menthe de Requien, Mentha requienii, qui vit en Corse, en Sardaigne et dans quelques autres petites îles, est - d'après les spécialistes de la flore - très proche d'une autre petite Menthe qui habite la.. Nouvelle Zélande ! L' Ancolie de Bernard, Aquilegia bernardii, monte jusqu'à 2.400 m, mais descend parfois, entraînée par les eaux, jusqu'à 1.0001.100 mètres. C'est une espèce spéciale à la Corse tandis que l' immortelle des frimas, Helichrysum frigidum vit aussi en Sardaigne.
Ancolie de Bernard Aquilegia bernardii
Immortelle des frimas Helichrysum frigidum
thème corse, nous marchons sans la voir, sur une Menthe que son parfum trahit: c'est la Menthe de Requien, la plus petite d'Europe. Dans les mêmes suintements, des Sablines des Baléares aux feuilles très petites, tapissent les pierres ruisselantes, les agrémentant de leurs fleurs blanches. Nous dépassons des rochers sous lesquels nous pourrions bivouaquer et arrivons aux premières plaques de neige. La piste s'engage le long de gigantesques parois, refuge des Ancolies de Bernard, aux superbes fleurs d'un bleu teinté de mauve. Ces fleurs attirent le regard mais, aussi hélas, (es mains! Très vite fanées dès qu'elles seront en basse altitude, et plus vite encore, embarras