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French Pages 294 [296] Year 1998
Nachkriegsgesellschaften in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert Sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne au 20e siècle
Nachkriegsgesellschaften in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert Sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne au 20e siècle
Im Auftrag des Deutsch-Französischen Historikerkomitees herausgegeben von lija Mieck und Pierre Guillen
R. Oldenbourg Verlag München 1998
Gedruckt mit Unterstützung der Asko Europa-Stiftung, des Ministère des Affaires étrangères und des Mémorial de Verdun.
Die Deutsche Bibliothek - CIP Einheitsaufnahme Nachkriegsgesellschaften in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert = Sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne au 20e siècle / im Auftr. des Deutsch-Französischen Historikerkomitees hrsg. von lija Mieck und Pierre Guillen. - München : Oldenbourg, 1998 ISBN 3-486-56314-9
© 1998 R. Oldenbourg Verlag GmbH, München Rosenheimer Straße 145, D-81671 München Internet: http://www.oldenbourg.de Das Werk einschließlich aller Abbildungen ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Dies gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Bearbeitung in elektronischen Systemen.
Umschlaggestaltung: Dieter Vollendorf Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier (chlorfrei gebleicht). Satz und Lithos: Grond Satz GmbH, Berlin Druck und Bindung: WB-Druck, Rieden am Forggensee ISBN 3-486-56314-9
Inhalt
Préface des éditeurs
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Pierre Guillen et lija Mieck Introduction
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Joseph Rovan Le deuxième après-guerre en France et en Allemagne: Un témoignage —
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Wirtschaft - Economie Michel Hau Les entreprises alsaciennes et les changements d'espace douanier de 1871 et de 1918
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Stefan Fisch Die .Nationalität' internationaler Unternehmen nach Kriegsende 1918. Ein Problem bei der Rückkehr des Elsaß nach Frankreich
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Albert Broder Un aspect des mouvements de capitaux en Europe entre 1917 et 1925: Les relations Etats-Unis/Allemagne et l'attitude de la France
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Werner Biihrer Die Reorganisation der deutsch-französischen Wirtschaftsbeziehungen nach 1918 und 1945
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Béatrice Dedinger Le rôle de la politique commerciale allemande dans la reprise économique des deux après-guerres
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Gesellschaft - Sociétés Elisabeth Bokelmann Die demographische Frage nach dem Ersten Weltkrieg. Diskurse und legislative Maßnahmen
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Michel Fabréguet Le retour et la réinsertion sociale des concentrationnaires après 1945 en France et dans les pays germaniques (R.F.A., R.D.A., Autriche)
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Hartmut Kaelble Die Nachkriegszeit in Frankreich und Deutschland (1945-1955/57)
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Kultur - Culture Jacques Gandouly La réponse à la défaite dans le système éducatif en France et en Allemagne après 1870 et 1918: Jules Ferry und Carl Heinrich Becker
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Monique Mombert L'enseignement de l'allemand en France et du français en Allemagne après 1871,1918 et 1945
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Ursula Koch „L'Horreur et et le Rire." Politik und Gesellschaft in Deutschland und Frankreich aus der Sicht der Karikaturisten 1918-1933
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Beate Gödde-Baumanns Die Auseinandersetzung der Historiker mit der Niederlage: Frankreich nach 1870/71 - Deutschland nach 1918/19
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Corine Defrance La sélection des nouvelles élites dans les universités de l'Allemagne occupée, 1945-1949
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Politik und Militär - Politique et Militaire Jacques Bariéty Les appareils diplomatiques de la France et de l'Allemagne dans les années 1920
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Jean-Claude Allain Le rétablissement des relations diplomatiques franco-allemandes après les deux guerres mondiales
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Gottfried Niedhart Revisionismus und friedlicher Wandel in der deutschen Politik nach den Kriegsniederlagen
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Klaus-Jürgen Müller Deutsches und französisches Militär nach den beiden Weltkriegen
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Bilanz - Bilan Beatrix Bouvier Nachkriegsgesellschaften im 20. Jahrhundert. Deutschland und Frankreich zwischen Tradition und Moderne
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Teilnehmer am Kolloquium in Otzenhausen
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Personenregister
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Préface des éditeurs Faisant suite aux deux volumes concernant Eliten in Deutschland und Frankreich im 19. und 20. Jahrhundert. Strukturen und Beziehungen/Élites en France et en Allemagne aux XIXème et XXème siècles. Structures et relations et au volume Dritte in den deutsch-französischen Beziehungen/Les tiers dans les relations francoallemandes, le présent volume publie les actes du 5ème colloque du Comité francoallemand de Recherches sur l'histoire de la France et de l'Allemagne aux XIX ème et XXème siècles/Deutsch-franzôsisches Komitee für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts. Cette conférence, tenue du 15 au 18 septembre 1996 à l'Europäische Akademie Otzenhausen, fut consacrée aux Nachkriegsgesellschaften in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert/Sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne au XXime siècle. Elle a été organisée par Louis Dupeux, Président du Comité de 1994 à 1996, Beatrix Bouvier et Rainer Hudemann. Pour le soutien financier de cette conférence le Comité remercie vivement toutes les institutions concernées, surtout l'Asko Europa-Stiftung pour la subvention principale, puis l'Ambassade de France à Bonn, la Mission Historique française en Allemagne à Göttingen, le Centre Marc Bloch à Berlin, l'Institut des Hautes Études Européennes de l'Université de Strasbourg III, le Mémorial de Verdun et les Universités de Paris IV et de la Sarre pour d'autre supports financiers. Le colloque avait été ouvert par un passionnant témoignage de Joseph Rovan qui évoqua la période d'après-guerre en France et en Allemagne après 1945, telle qu'il l'avait vécue et telle qu'il l'avait vue personnellement. Les communications suivantes ont été regroupées en quatre sections, traitant les grands secteurs de l'économie (coordinateur François Roth), des sociétés (coordinateur Horst Möller), de la culture (coordinateur Pierre Guillen), et le domaine politique et militaire (coordinateur Rainer Hudemann). Le colloque se termina avec un débat de conclusion centré autour d'un bilan provisoire présenté par Beatrix Bouvier.
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Préface des éditeurs
La publication des Actes de cette conférence qui envisageait une étude croisée, voire comparée des deux pays lors de certaines périodes-clés, est rendue possible grâce au soutien généreux de l'Asko Europa-Stiftung, ainsi que, du côté français, du Ministère des Affaires étrangères et du Mémorial de Verdun. Au nom du Comité les éditeurs de ce volume expriment leur gratitude surtout envers l'Asko Europa-Stiftung et, en même temps, aux autres institutions qui ont participé au financement du colloque et de la publication. Pour leur assistance dans l'organisation le Comité remercie cordialement Christine Louis (de l'Académie Européenne d'Otzenhausen), Martina MüllerKalmes, Deniz Erdem et Antje Schlamm (de l'Université de la Sarre). Les éditeurs du présent volume remercient également tous les contribuants d'Otzenhausen d'avoir préparé leurs manuscrits pour l'impression. Ainsi, la structure scientifique donnée au colloque a pu être gardée pour la publication des Actes. Pierre Guillen, lija Mieck
Pierre Guillen et lija Mieck
Introduction Pour étudier les sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne, les organisateurs du colloque ont posé la problématique suivante: quelles transformations, d'ordre démographique, économique, social, culturel, politique et militaire, ont été apportées dans les deux pays par les conflits qui les ont opposés? Comment mesurer les effets des situations et des statuts d'après-guerre sur les structures politico-sociales, sur les consciences collectives, sur les identités des deux peuples? Assiste-t-on à des changements décisifs, ou bien la continuité l'emporte-t-elle? Le cadre du colloque ne permettait pas, évidemment, d'embrasser l'ensemble des problèmes ainsi soulevés, mais seulement d'examiner quelques aspects.
I.
Dans le domaine de l'économie, les deux premières communications concernent l'Alsace. Mais elles analysent l'économie alsacienne non pas en elle-même, mais en tant que révélateur des différences entre espaces économiques français et allemand. Etudiant les changements d'espace douanier en 1871 et en 1918, Michel HAU se penche sur les efforts des responsables économiques pour reconstituer un marché intérieur dans le cadre nouvellement imposé, et sur les différences d'orientation entre les deux après-guerres: après 1871, la politique suivie est de favoriser les exportations industrielles, ce qui n'est pas le cas après 1918. Prenant pour exemple l'usine électrique de Strasbourg, régie municipale dans laquelle l'AEG détenait une participation par le biais de l'Elektrobank de Zurich, Stefan FISCH examine les problèmes posés par la nationalité des entreprises en Alsace, après 1918, et relève, d'autre part, les changements dans le style de management avec le nouveau patron polytechnicien de „L'Électricité de Strasbourg". Comment l'industrie allemande a-t-elle retrouvé, après 1918, des capitaux pour financer la reprise de l'expansion? Albert BRODER souligne le rôle des Pays-Bas, deuxième investisseur extérieur derrière les Etats-Unis, et analyse les mécanismes de financement qui ont permis à l'Allemagne de retrouver et de
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développer son influence économique en Europe centrale et orientale, mécanismes devant lesquels la France s'est montrée impuissante. Assiste-t-on, après 1918 et 1945, à une réorganisation des relations économiques franco-allemandes? La conjoncture générale semblait annoncer une réorganisation au profit de la France; en fait, comme le montre Werner Β ÜHRER, la politique de force que la France a tenté de mettre en œuvre surtout de 1919 à 1924 et après 1945 s'est heurtée, dans les deux périodes d'après-guerre, à un ensemble de données économiques et de contraintes internationales qui empêchaient d'atteindre les objectifs fixés du côté français. La „multilatéralisation" des relations économiques pesait de tout son poids. Dans le redémarrage de l'économie allemande, à partir de 1924, puis à partir de 1950, Béatrice DEDINGER souligne le rôle de la politique commerciale, placée sous le signe du libéralisme; les économies de guerre n'ont été que des parenthèses, l'économie allemande revenant à l'ouverture vers le marché mondial, qui avait marqué l'avant 1914, et qui s'affirme à nouveau dans le second après-guerre.
II. En ce qui concerne l'état des sociétés, les conséquences démographiques des guerres ont été considérables. Analysant et comparant les discours et les mesures législatives, en France et en Allemagne, dans le premier après-guerre, Elisabeth BOKELMANN relève que devant l'hémorragie et l'évolution démographique qui en découle, les réactions dans les deux pays sont différentes: la France cherche des solutions dans la mise en œuvre d'une politique familiale, l'Allemagne adopte une attitude plus libérale, fondée sur la libre détermination de l'individu, attitude qui va de plus en plus susciter des critiques au nom des intérêts communs de la collectivité nationale. Un autre problème spécifique qui s'est posé est celui de la réinsertion sociale des personnes „expatriées" de force pendant la guerre. Michel FABREGUETse penche sur le retour des déportés après 1945, retours progressifs et selon des modalités diverses, en raison de situations différentes en France, en RFA, en RDA, en Autriche. En France, un ministère spécialisé est chargé de l'ensemble du problème; en Allemagne et en Autriche, la disparition de l'Etat dans l'immédiat après-guerre rend les choses plus compliquées. Bientôt, les enjeux de la guerre froide brouillent la mémoire de la déportation. Quant au génocide des juifs, sa spécificité est occultée en France où l'accent est, alors, mis sur le rassemblement, le redressement, l'unité de la communauté nationale. La situation est différente en Allemagne; dès sa création la RFA entre en négociation avec les représentants de la communauté juive; en Autriche et en RDA, un statut de victime du nazisme est reconnu officiellement. Pour terminer cette deuxième demi-journée des travaux Hartmut KAELBLE développait quelques vues d'ensemble: L'après-guerre de 1945 était-il pour les so-
Introduction
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ciétés française et allemande une période de crise ou un nouveau départ? Si les contemporains ont eu, alors, une vue plutôt pessimiste des choses, d'importants changements étaient quand-même à l'œuvre, dans les représentations collectives et dans les conceptions sur l'organisation des rapports sociaux: rejet du nationalisme, aspiration à la démocratisation et à des réformes sociales, à la libéralisation des échanges économiques dans le cadre d'un marché européen en voie d'unification, à l'établissement de nouvelles relations interétatiques, sur la base de la solidarité et de la coopération.
III.
Le vaste champ culturel, thème de la troisième section du colloque, recouvre de nombreux aspects. Les défaites entraînent des changements dans l'enseignement, qu'ils résultent de réflexions sur la défaite ou de modifications imposées par les vainqueurs. En analysant la situation en France après 1871 et en Allemagne après 1918, Jacques GANDOULY peut montrer que l'on débat ici et là de l'ouverture ou de la fermeture aux modèles éducatifs étrangers. Mais dans l'élaboration et la mise en application de réformes de l'enseignement, il n'y a pas vraiment transfert du modèle culturel du pays vainqueur; dans les deux pays la préoccupation principale a été d'apporter des ajustements sans compromettre l'identité nationale, et de rassembler la nation autour de son héritage culturel. Quelle a été l'évolution de l'enseignement de l'allemand en France et du français en Allemagne après 1871,1918,1945? Étudiant la place de cet enseignement, ses effectifs, son contenu (présentation du pays voisin, discours sur la langue de l'ennemi), Monique MOMBERT relève de fortes variations dans le statut et les effectifs, et une grande continuité dans les stéréotypes. L'impact des guerres sur les produits culturels, notamment dans la représentation du pays ennemi, est naturellement considérable. Ursula KOCH en fait l'illustration à propos des caricatures reproduites dans les journaux et revues des deux pays, qui montrent une persistance, voire un renforcement des clichés xénophobes sur l'autre peuple. Les réflexions sur la défaite sont un élément important du paysage intellectuel de la France après 1871 et de l'Allemagne après 1918. Dans les deux pays les historiens polémiquent entre eux, et polémiquent avec les historiens du pays exennemi. Partant des exemples d'Albert Sorel et de Hermann Oncken, Beate GÖDDE-BA UMANNS montre, que les origines et les responsabilités du déclenchement des guerres font l'objet de présentations manichéennes: ici et là l'historiographie reste très subjective, en particulier dans ses réponses aux thèses du pays d'en face. L'effondrement de 1945 a entraîné en Allemagne des bouleversements dans l'enseignement supérieur, puisque les vainqueurs ont pris en main la réorganisation des universités. Corine DEFRANCE examine les politiques suivies dans leurs zones par les quatre puissances occupantes, en ce qui concerne la réouver-
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ture des universités, l'épuration du corps enseignant et les critères de sélection des étudiants. Elle insiste sur les disparités entre les quatre zones, malgré les efforts de coordination du Comité allié de l'Éducation.
IV. La quatrième séance du colloque était consacrée au domaine politique et militaire. Victoire ou défaite ont naturellement affecté le système diplomatico-militaire des deux pays. Jacques BARIETY relève, dans les années vingt, une évolution assez semblable dans les deux pays: restructuration des Ministères des Affaires étrangères, importance accrue des questions économiques prises en compte par la diplomatie, recrutement de personnels dotés de qualifications nouvelles; en revanche, grande stabilité dans le petit cercle des groupes dirigeants, au Quai d'Orsay comme à l'Auswärtiges Amt dans la Wilhelmstraße. Après les deux guerres mondiales, le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et l'Allemagne s'est fait dans des conditions bien différentes. L'analyse présentée par Jean-Claude ALLAIN dessine un tableau très détaillé des petits pas qui mènent enfin à un rétablissement diplomatique complet. Bien différentes également, comme le montre Gottfried NIEDHART, sont les conditions dans lesquelles, après 1918 et après 1945, la politique extérieure allemande cherche à se libérer des entraves imposées par les vainqueurs et de recouvrer une certaine liberté d'action. Le plus souvent, la situation envers la France était plus délicate qu'avec les trois autres alliés. Les guerres et leur issue ne peuvent manquer d'avoir des incidences sur le milieu militaire. Dans les deux pays, le corps des officiers s'est trouvé confronté à des conflits de loyauté, à des crises de légitimité, à des problèmes d'intégration. Après 1945, la diminution du statut social et l'unité brisée ont contribué à entraîner un affaiblissement du poids des militaires dans les prises de décisions politiques. A côté de ce constat négatif, Klaus-Jürgen MÜLLER relève un aspect positif: la disparition, chez les militaires français et allemands, les uns à l'égard des autres, du concept d'ennemi héréditaire. Après les quatre séances de travail, traitant des problèmes spécifiques des sociétés d'après-guerre en France et en Allemagne après 1871,1918 et 1945, Beatrix BOUVIER a présenté un bilan des conférences et discussions. Il ne peut être que provisoire, parce que les contributions ici rassemblées, sur divers aspects des après-guerres, ne sauraient épuiser la question. Néanmoins, elles permettent une approche des changements apportés par les guerres, et des limites de ces changements; car, à chaque moment important de l'évolution des sociétés humaines, se mêlent tradition et novation.
Joseph Rovan
Le deuxième après-guerre en France et en Allemagne: Un témoignage Le privilège de l'âge me vaut la mission si honorable de parler ce soir devant vous. Je suis certainement le doyen de cette assemblée, puisque je suis né en 1918 et que, d'une certaine manière, je suis moi-même un peu d'histoire. Il y a quelques années, j'avais 75 ans à l'époque, une télévision allemande m'a interrogé et m'a demandé: „Mr. Rovan, au fond, est-ce que vous vous sentez davantage français ou allemand?" Je dis: „Je me considère comme un Français de 75 ans qui se souvient qu'il avait été allemand les quinze premières années de sa vie". Je crois que c'est une façon d'avoir été associé à l'histoire. Par dessus le marché, j'ai vécu les premières années de ma „vie consciente" de 1921 à 1929, à Vienne. On m'a chargé de réfléchir, en tant que témoin, sur le deuxième après-guerre, en France et en Allemagne, de 1945 à 1955. Mais je ne pourrai pas m'empêcher de dire aussi quelques mots sur le premier après-guerre. Cependant, je veux rappeller d'abord que lafinde la guerre, je l'ai vécue dans le camp de Dachau où j'étais depuis moins d'un an, le 29 avril 1945, lorsque nous avons été libérés par les Américains. Le lendemain je suis sorti pour me promener pour la première fois, en homme libre. Et dans les environs, j'ai vu un peu partout sur les fermes allemandes flotter le drapeau français. Pourquoi? Parce que ces fermes, depuis trois ou quatre ans, étaient en fait gérées par des prisonniers de guerre français, qui avaient succédé aux exploitants allemands, disparus en Russie, ou en captivité. C'est une façon de rappeler ici qu'il n'y a pas d'autre exemple, dans nos histoires jumelées, de cette espèce de migration énorme des peuples, qu'ont été les quatre millions de Français qui ont passé quatre à cinq ans en Allemagne, et le million d'Allemands qui a passé trois à quatre ans en France entre 1945 et 1948. Rien de pareil ne s'était produit depuis les grandes invasions, et vous savez qu'à cette époque, les peuples qui ont envahi la Gaule ne se comptaient pas par millions, mais par quelques milliers ou tout au plus quelques dizaines de milliers. Cette confrontation avec l'après-guerre a donc commencé pour moi ce jour-là, et j'ai compris dès ce premier jour de liberté que tout serait différent désormais
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Joseph Rovan
entre la France et l'Allemagne. Je l'avais déjà su un peu plus tôt à vrai dire: en 1943, dans le cadre de mes fonctions dans la Résistance, j'avais été chargé d'animer un „cours" pour de jeunes bourgeois lyonnais devant partir au maquis, et qui en raison de leur formation, avaient vocation pour y exercer des commandements. Nous avons parlé du sens de cette guerre, et je leur ai dit: „II faut que vous compreniez que cette guerre n'est pas une guerre comme les précédentes; ce n'est pas 1870, ce n'est pas 1914, ce n'est pas un affrontement entre Français et Allemands. Hier soir j'ai écouté la radio anglaise, et j'ai appris la fin du groupe des étudiants de Munich, „La Rose blanche"; il se trouvait, par dessus le marché, qu'un des garçons du groupe était mon cousin. J'ai dit à ces jeunes Lyonnais: „Voilà des garçons et des filles qui sont morts pour la même cause que nous". Et quand j'ai été à Dachau, j'ai constaté que sur les 4 000 Français qui étaient au camp, très peu avaient été arrêtés directement par la Gestapo; la plupart d'entre eux avaient été arrêtés par la police française, par la gendarmerie française et ensuite transférés à la Gestapo. J'avais compris de toute évidence, aussi par ma propre carrière personnelle, que cette fois-ci, c'était une guerre civile internationale. Et évidemment, quand j'ai trouvé à Dachau d'anciens communistes, démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates, d'Autriche et d'Allemagne, je retrouvais des camarades, des gens qui avaient mené le même combat que nous, et parfois plus tôt, puisqu'il y en avait qui étaient là depuis dix ans. Avant le premier Français, 100 000 Allemands et Autrichiens avaient été enfermés à Dachau. Je crois que c'est une chose importante à réaliser que cette guerre n'a pas été vécue par beaucoup d'entre nous comme une guerre nationale traditionnelle, mais comme une grande guerre civile internationale. Je me souviens, en 1937, quand pour une fois l'armée républicaine espagnole avait remporté une victoire sur les fascistes, j'ai remonté les Champs-Elysées en pleurant, parce que pour la première fois depuis l'arrivée de Hitler „nous" avions remporté une victoire; hélas, elle n'a pas été longue. Mais la conscience que c'était une guerre civile internationale, nous l'avions très fortement. Mon ami (et longtemps mon patron) Edmond Michelet j'ai servi comme membre ou responsable de son cabinet dans cinq ministères - , bien qu'il eût vingt ans de plus que moi, avait le même sentiment à Dachau. Quand nous avons été libérés, les Américains avaient des instructions très simples: ceux des détenus qui viennent d'un pays où ils ont été déportés par les Allemands: ils rentrent chez eux; ceux qui ne veulent pas rentrer chez eux, pour des raisons politiques ou autres, sont à ranger dans la catégorie des „personnes déplacées"; et nos braves Américains ont mis sur le même pied les Polonais qui ne voulaient pas rentrer dans un régime communiste, les Espagnols „rouges", comme disaient les nazis, qui ne voulaient pas rentrer chez Franco; ils devaient tous être traités comme des „personnes déplacées". Mon ami Michelet s'est arrangé pour faire inscrire tous les Espagnols arrêtés en France sur la liste des Français et les faire rentrer en France. J'ai constaté quand j'étais enfant, à Vienne, que le premier après-guerre avait été raté. La première année où j'ai été à l'école primaire, en 1924, on y nous enseignait encore les royaumes et les duchés de la monarchie austro-hongroise, puisqu'elle avait pris fin juste six ans auparavant. J'ai appris beaucoup plus tard
Témoignage
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que non seulement l'Autriche1 avait demandé à être rattachée à l'Allemagne, puisque la monarchie austro-hongroise avait disparu, mais les Sudètes l'avaient également demandé par un vote; les Alliés n'ont pas accepté alors qu'à la population de l'Autriche et aux Sudètes soit appliqué le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Si nous avions, par exemple, imposé après 1918 une structure fédéraliste à l'Etat de Bohême, Moravie, Slovaquie, comme le „Compromis morave" en 1912, qui prévoyait de donner dans cette province2 les mêmes droits et les mêmes possibilités aux Allemands et aux Tchèques pour se gérer eux-mêmes, avec cette idée géniale d'avoir un Parlement culturel par nationalités, un Parlement économique par conditions sociales, et un Parlement politique pour les partis: ce fut là le Compromis de Bukovine3 d'abord, et ensuite le Compromis de Moravie; cela n'a pas pu être adopté alors en Bohême parce que les Allemands extrémistes et les Tchèques extrémistes s'y sont opposés; si donc l'on avait imposé cela à Versailles au lieu de laisser se créer une République tchécoslovaque centralisée, l'histoire de l'Europe aurait évolué autrement. L'historien sait qu'il y a des choses qu'il faut faire à temps; si elles ne sont pas faites à temps, c'est ensuite trop tard. J'ai vécu cela, toujours avec Edmond Michelet, quand nous avons contribué à la négociation avec les Algériens en guerre. Si ce que nous avons concédé aux révolutionnaires en 1962, nous l'avions concédé en 1956, non seulement le destin de l'Algérie, mais le destin de la France auraient été très différents. Je l'ai dit il y a quelques mois à Jérusalem, à des gens du Likoud, en leur citant cet exemple: „Faites attention, vous ne voulez pas céder sur le partage de Jérusalem comme capitale de deux Etats, vous ne voulez même pas admettre l'existence d'un Etat palestinien; vous le ferez dans cinq ans, et à ce moment là ce sera trop tard, cela ne vous rapportera plus rien." C'est là une des leçons essentielles que je peux, dans mon grand âge, rapporter à notre réunion, à la fois comme acteur et comme historien: il faut faire les choses à temps.
Tant de choses, après 1918, ont été concédées trop tard. Pensons à la querelle de Poincaré et de Briand. Il y a un admirable roman de Giraudoux, qui s'appelle Bella, et qui raconte les tensions au Quai d'Orsay entre la famille spirituelle de Poincaré et celle du secrétaire général Berthelot, qui voulait, lui, l'entente avec l'Allemagne. Nous l'avons ratée à ce moment là, nous avons essayé de la faire, à partir de 1926, trop tard bien entendu. C'est en 1932 que nous avons supprimé les Réparations; comme cela aurait été différent si nous les avions supprimées en 1925! C'est là un problème des rapports des gouvernants avec leur propre peuple, et avec leur propre vision de l'histoire. Briand n'a pas été capable de convaincre la
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Ce qui en restait, selon le mot de Clemenceau: „L'Autriche, c'est ce qui reste". En réalité, la Moravie était un „Margraviat". Royaume oriental de l'Autriche, pris sur la Turquie au XVIIIe siècle et qui appartient aujourd'hui à l'Ukraine, après avoir été roumain entre 1918 et 1940.
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Joseph Rovan
majorité des Français des erreurs de Poincaré, ou tout au moins la majorité de la classe politique. Nous retrouvons tout cela dans l'histoire, que je vais aborder maintenant, du deuxième après-guerre. Quand je suis rentré de Dachau, j'ai écrit dans la revue Esprit un petit article intitulé „L'Allemagne de nos mérites". Quelle était son intention? Je voulais dire: il n'y a plus de gouvernement allemand, plus d'Etat allemand, l'Allemagne a capitulé entre les mains des Alliés; tout ce qui se passera désormais en Allemagne sera donc de notre mérite ou de notre faute; c'est nous qui sommes les maîtres de l'Allemagne, voyons ce que nous allons faire d'elle. Et ce que je voulais qu'on en fît, c'était évidemment un peuple qui redeviendrait luimême et qui, avec nous, ferait la communauté des nations européennes démocratiques. C'était difficile parce que, comme après 1918, mais sans doute pas dans la même répartition politique, il y avait ceux qui voulaient se venger de l'Allemagne, tirer d'elle des réparations, à travers le charbon et l'acier de la Ruhr, à travers la séparation de la Sarre et assurer définitivement le morcellement du Reich. Il y avait ceux qui pensaient qu'il fallait, dans notre intérêt, construire la démocratie allemande avec ceux des Allemands qui voulaient et pouvaient le faire et qui avaient été, directement ou indirectement, nos alliés pendant la Deuxième guerre mondiale. Les hommes du 20 juillet avaient été vaincus, ils n'étaient qu'une minorité. Mais combien étions-nous dans la Résistance française à la fin de 1941, et combien aurions-nous été si Vichy avait duré douze ans? C'est là aussi une réflexion qu'à chaque instant, en 1945, j'ai soumise à ceux qui voulaient discuter avec moi ou m'écouter: nous avons tellement de mal à nous sortir de l'héritage de Vichy au bout de quatre ans seulement, nous avons tellement de problèmes avec l'épuration; comment voulez-vous qu'après douze ans de nazisme ces problèmes ne soient pas, en Allemagne, difficiles à résoudre? L'épuration est quelque chose à la fois nécessaire et impossible. Quand, il y a trois ans, le gouvernement allemand m'a demandé de faire le discours de célébration de l'insurrection est-berlinoise de juin 1953, j'ai dit, en changeant un peu les mots de Sieyès sur les constitutions: les épurations doivent être brèves et sanglantes. Si elles ne sont pas sanglantes, elles ne seront pas brèves et l'on les traînera pendant des années. Les épurations sont des choses impossibles à gagner et des choses nécessaires à faire. Voyez la gestion des dossiers de la STASI par Mr. Gauck, qui est un homme admirable, mais qui ne peut pas, lui non plus, résoudre cette contradiction; nous l'avons vécue en France, nous l'avons vécue en Allemagne après 1945; comme j'ai été à cheval sur la France et l'Allemagne depuis 1946, je l'ai vécue dans les deux camps, et on la revoit maintenant en ex-RDA. Au retour de Dachau, Edmond Michelet a été appelé par le général de Gaulle pour être ministre des Armées. Le lendemain, il a découvert qu'il y avait plus de 800 000 prisonniers de guerre allemands en France. Personne d'entre nous ne le savait. Il m'a dit: „Vous allez venir à mon Cabinet. Il faut qu'on fasse en sorte que leurs camps ne deviennent pas des petits Dachau". Ce n'était pas facile. On a eu près de 30 000 morts de faim et de misère, dans le premier hiver. Cette histoire n'a
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pas été suffisamment écrite; elle l'a été par des gens qui en rajoutaient, et par d'autres qui voulaient l'enjoliver. Je me suis trouvé, à 27 ans, responsable du sort de 800 000 personnes; évidemment il y avait une administration qui en était chargée, mais politiquement c'était le ministre et moi, son collaborateur, qui étions les vrais responsables. C'est là une chose que je n'oublierai jamais. A partir de 1946, les choses ont été plus normales, et à partir de là, la mortalité dans les camps n'était pas plus grande que dans la vie civile. Mais que d'erreurs commises! Par exemple, comment pouvait-on contrecarrer le recrutement forcé de jeunes S.S. dans la Légion étrangère, pour l'Indochine, à qui on disait: si vous rentrez en Allemagne, vous irez en prison pour des années. Alors ces malheureux partaient à la Légion pour faire „notre" guerre d'Indochine. Je suis allé ensuite en Allemagne diriger, pendant cinq ans, à Baden-Baden et à Mayence, le service de l'Education populaire, l'éducation des adultes, l'éducation extra-scolaire. C'était un service important, j'avais 25 lecteurs français qui travaillaient dans les diverses universités populaires, plus un certain nombre de collaborateurs allemands; nous agissions dans un cadre très flexible, qui se combinait très bien avec les rencontres de jeunes. Mais là aussi, il y avait tant de choses à dépasser. La première fois que mon collègue et ami de Fribourg est venu chercher des étudiants français qui, en été 1946, allaient passer deux semaines avec des étudiants allemands à l'Auberge de la Jeunesse de Titisee en Forêt-Noire, on a vu arriver 30 polytechniciens en grand uniforme, parce que le général commandant l'Ecole leur avait dit: les Allemands aiment bien l'uniforme; vous allez leur montrer que les Français aussi savent le porter. Je cite cet exemple pour montrer à quel point les idées qu'on se faisait les uns sur les autres pouvaient alors être aberrantes, et cela encore pendant des années après la fin de la guerre. Si je devais résumer l'histoire que j'ai vécue dans l'occupation française en Allemagne, je dirais que nous avions quatre types d'acteurs. Les premiers étaient des résistants. Ils étaient en majorité désireux de reconstituer une Allemagne démocratique; mais il y avait parmi eux des communistes qui ne donnaient pas la même définition à la démocratie que les autres. Il y avait ensuite les anciens prisonniers de guerre; parmi ceux là, la moitié voulait se venger, l'autre moitié était là pour aider à la reconstruction d'une Allemagne membre de la communauté des nations. Il y avait ensuite les Vichyssois, qui n'étaient pas tous des collaborateurs farouches; un de mes chefs, qui avait servi dans un poste non politique à Vichy, avait tenu à se faire oublier à Baden-Baden; il a été un chef magnifique. Puis il y avait les Alsaciens, se partageant entre revanchards et compréhensifs. Rien de comparable ne se trouvait dans les structures américaines; on venait du Far-West, ou l'on était ancien émigré allemand, qui revenait interroger les prisonniers de guerre allemands. Chez les Anglais, c'était encore tout différent. Mais cette interpénétration de destins qui a caractérisé l'après-guerre français et allemand n'était pas compréhensible ni pour nos amis anglais ni pour nos amis américains. Ils n'avaient pas été occupés, il n'y avait pas eu Vichy chez eux, il n'y avait pas eu la Milice. Et il n'y avait pas, à l'arrière-plan, une bonne vingtaine de guerres „franco-allemandes", depuis François 1er et Charles-Quint.
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Nous étions, nous aussi, nous autres Français, dans des fortes contradictions avec l'Allemagne, parce que nous avions finalement, grâce à de Gaulle, participé à la victoire, alors que les Allemands avaient subi une défaite irrémédiable. Comme historien, je me suis souvent interrogé à ce sujet: nous autres résistants, nous avons eu tout à fait raison de faire ce que nous avons fait; mais en même temps, nous sommes responsables de ce que les Français aient refoulé de leur conscience la défaite de 1940. Moi, je ne peux pas l'oublier, puisque j'ai couru pendant quinze jours devant les soldats nazis, et j'ai eu la chance de me trouver le jour de l'Armistice, au sud de la Ligne de démarcation. Mais la plupart des Français d'aujourd'hui ne savent pas que leur histoire moderne commence en 1940 et non en 1945. C'est en 1940 que nous avons cessé d'être une grande puissance mondiale, et c'est en 1945 que l'Allemagne a cessé d'être une grande puissance. Dans un certain sens, nous, les gens de ma génération, avons tous contribué à faire oublier cela. Finalement beaucoup de jeunes Français aujourd'hui pensent (dans la mesure où ils s'intéressent à un tel sujet) que c'est la Résistance qui a libéré la France, ce qui n'est quand même qu'un pieux mensonge. Il est donc important que nous ayons conscience - et nous l'avons eue, mes amis et moi-même, dès le départ - du fait que s'il y avait d'énormes différences entre la société française et la société allemande de 1945, il y avait fondamentalement en commun entre nous que nous étions tous les deux des pays qui avaient perdu la guerre, même si nous, les Français, avons fait semblant, ou si l'on a bien voulu faire semblant que nous soyons dans le camp des vainqueurs. Ce n'est pas par hasard que nous n'avons pas été invités à Potsdam, et qu'ensuite on nous a, ni plus ni moins, sommés d'épouser les décisions de la Conférence. Ce que dans certains cas, nous n'avons pas fait, je dirais grâce à Dieu, mais pas pour de bonnes raisons. Je parle de la décision prise à Potsdam de créer des administrations allemandes pour les quatre zones et qui siégeraient à Berlin. Il est évident qu'elles seraient tombées immédiatement sous le contrôle soviétique. Nous avons bloqué cette décision qui aurait très vite reconstitué l'Allemagne unie; c'est une bonne chose que nous l'ayons bloquée, mais ce fut pour de mauvaises raisons par crainte de la remontée d'une Allemagne à l'ancienne. Nous avons tout fait avec retard. Dans notre zone, nous avons admis des partis politiques avec retard, nous avons fait faire des élections avec retard, par rapport aux Anglais et aux Américains; nous avons ensuite tardé à entrer dans la Bizone, nous avons fait la Trizone tout à fait à lafinde la période d'Occupation; nous avons aussi, et c'est là, à mon avis, une partie positive, veillé à ce que les règles imposées par les Alliés pour l'élaboration de la Loi fondamentale contiennent une forte dose de fédéralisme; nous avons été en partie soutenus par les Américains dans cette affaire. Mais mon sentiment, mon souvenir de cette période, où j'étais suffisamment mêlé à l'Histoire pour savoir à peu près ce qui se passait, c'est cette lancinante idée que nous avons fait les choses qu'il fallait faire, mais toujours trop tard. Nous les avons faites trop tard parce que nous n'avions pas le courage de rompre avec les idées de vengeance, l'idée d'utiliser à notre profit les ressources allemandes, l'idée qu'il fallait empêcher un retour offensif d'une Allemagne dangereuse.
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Le grand moment du retournement majeur des positions françaises sur l'Allemagne fut la Conférence de Moscou au printemps 1947. Nous avons alors proposé aux Soviétiques de soutenir notre revendication visant au détachement de la Sarre, au détachement de la rive gauche du Rhin, à la création d'une structure qui enlèverait aux Allemands la disposition du charbon et de l'acier de la Ruhr. Les Soviétiques ont refusé; c'est à ce moment là que les Américains et les Anglais ont au moins accepté notre revendication sur la Sarre qui n'était peut-être pas ce que nous avions de plus urgent à faire. De toute façon, pour peu de choses, parce que nous ne pouvions pas faire autrement, nous avons accepté d'aligner progressivement, et toujours avec retard, nos positions sur celles des Anglo-Saxons, avec des retours en arrière, avec des échecs comme cette chose effarante qu' a été le rejet de la CED en 1954 par l'alliance des communistes, des gaullistes, d'une partie des socialistes, mais en gros, le ralliement s'est fait. Il y a donc eu longtemps en France une sorte de fondamentale incapacité de choisir carrément entre une politique de vengeance et une politique d'entente et de coopération avec l'Allemagne. C'est le grand mérite du général de Gaulle d'avoir fait le Traité de 1963. Mais comment notre histoire aurait été différente si le Traité de 1963, nous l'avions signé en 1950! N'oubliez pas que la CED, le plan Pleven, c'était au départ une concession française, puisque nous étions, au fond, opposés à toute espèce de réarmement allemand. Nous avons dû céder, l'on a donc proposé une forme d'intégration militaire, d'ailleurs profondément absurde. Mais n'oubliez pas que pendant ce temps où nous étions encore en partie les maîtres de l'Allemagne, nous étions à fond engagés dans la guerre d'Indochine, l'une des entreprises les plus désastreuses de l'histoire moderne de la France. Et je l'ai vécue directement, parce que avec mon ministre, nous avons eu affaire successivement à l'amiral d'Argenlieu et au général Ledere, chacun plaidant pour une politique radicalement différente, et nous avons aussi reçu Ho Chi Minh. Vous n'imaginez pas aujourd'hui à quel point il était difficile, vis-à-vis des Allemands qui étaient nos alliés, les démocrates allemands, les socialistes, les chrétiens-démocrates, de plaider la politique française quand, pendant si longtemps, pendant plus de neuf ans l'on pouvait, quand nous prêchions la démocratie, nous objecter l'Indochine, et ensuite pendant huit ans l'Algérie. Et n'oubliez pas que pendant que l'Allemagne tirait tout le profit que vous savez de l'aide économique américaine, l'aide économique américaine pour la France, qui n'était pas du tout négligeable, nous l'avons dépensée en Indochine et en Algérie avec les résultats que vous savez. La difficulté de notre après-guerre, et je crois que c'est encore aujourd'hui une difficulté majeure de la France, ce fut l'impossibilité d'un accord profond des Français sur les options fondamentales de leur politique extérieure. Si je regarde aujourd'hui le débat sur l'Europe en France, j'ai l'impression que je suis en 1950 et qu'on discute du plan Pleven, ou en 1957 et qu'on discute des traités de Rome. Et là encore, qu'hommage soit rendu au général de Gaulle pour avoir accepté que les traités de Rome entrent en application le 1er janvier 1959, contre la plupart de ses conseillers, et d'avoir conclu le Traité de 1963 même s'il pensait que l'Aile-
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magne, de cette manière, serait éloignée de l'Amérique, et que l'entente francoallemande jouerait un rôle essentiel dans une Europe où l'influence française serait déterminante. Cependant de Gaulle, également, ne voulait pas admettre cette évidence majeure: il est manifeste, en effet, que nous avons été tous, Français, Allemands, Italiens, le pape, et même l'Autriche et la Finlande neutres, des protectorats américains après 1945; et nous l'avons été jusqu'en 1990, sous des formes diverses. Parce que c'est l'Amérique qui nous a sauvés de Staline, nous avons été les protégés de l'Amérique; l'alternative, c'était de devenir des satellites soviétiques. Mais ce n'est jamais une situation agréable, être un protectorat; ce n'est pas agréable, même dans une famille, de dépendre entièrement d'un frère aîné. Je me souviens de mes entretiens avec Adenauer; il savait que l'Amérique était la protectrice essentielle de l'Allemagne, mais en même temps il souhaitait ardemment renforcer l'Europe, pour que l'Europe, ensemble, ait avec l'Amérique des relations plus saines. Il vient de paraître un livre sur Adenauer et Kennedy, qui explique très bien cette ambivalence profonde de la position d'Adenauer, qui voulait à fond l'alliance américaine, mais qui voulait en même temps à fond l'Europe, pour que le dialogue entre l'Europe et les Américains fût plus sain. Là aussi, que de temps perdu, que de choses oubliées et que nous avons maintenant tant de mal à reconstituer! De mon expérience de ces cinquante ans, je retire la conviction, à travers toutes les différences, de la similitude profonde de nos situations et de nos sociétés. Parce que finalement, par rapport à la société anglaise et à la société américaine, à quel point Mayence, Berlin, Hambourg me paraissaient donc proches de ma vie à Paris, à quel point je me retrouvais facilement chez moi entre la Bavière et l'Auvergne! Parce que nous avons vécu tant d'expériences à deux, et que le résultat nous a profondément façonnés. Bien sûr il y a d'immenses différences. Quand Edmond Michelet a été nommé ministre de la Justice, une des premières choses que je lui ai proposée, c'était d'introduire la Mitbestimmung (la „Cogestion") en France. Michel Debré s'y est opposé en disant que nous allions livrer les entreprises françaises au communisme (nous avions alors à refaire la vieille loi sur les sociétés qui datait de ... Napoléon III!). C'est parce que les choses qui se passent dans les deux pays ont, maintenant, tellement de ressemblances, qu'il n'est plus possible de résoudre séparément nos problèmes majeurs. Depuis un an, nous avons le problème du changement du service militaire. Nous avons traité cela en France, tout seuls, puis nous avons eu la gentillesse de communiquer nos décisions prises à nos amis allemands, qui sont pourtant profondément affectés par elles, et qui ont, dans ce domaine aussi, les mêmes problèmes que nous. A ceci près qu'ils ont pris une grande avance. Comme me le disait le général Naumann, quand il était encore inspecteur général (c'est-à-dire Chef d'Etat-Major) 4 : „Moi, je suis pour le maintien du service mili-
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II est maintenant le numéro 2 de l'OTAN.
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taire obligatoire, parce que si nous n'avions plus de service obligatoire, nous n'aurions plus d'objecteurs de conscience". Or une grande partie du système social et sanitaire allemand repose sur les 80 000 objecteurs de conscience qui travaillent comme aides-soignants dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite. En France, nous avons à peine 10 000 objecteurs de conscience, et quand ils font quelque chose, ils abattent des arbres dans les forêts de Provence. Mais le pourcentage de ceux qui font réellement leur service militaire est le même dans les deux pays. De toute façon, nous allons avoir à résoudre, d'une manière ou d'une autre, le problème du service dû à la communauté. J'ai eu, il y a quelques mois, un entretien avec le Premier Ministre; je lui ai dit: il faudrait instaurer un service obligatoire civil ou militaire de trois ans, pour les garçons et pour les filles. Cela lui a paru un peu ambitieux... Les situations générales de la France et de l'Allemagne sont tellement semblables maintenant, que tout grand problème qui se pose aux deux pays, nous sommes obligés de le résoudre en même temps. Il serait peut-être mieux de l'étudier déjà en commun avant de prendre des décisions. On peut toujours, si nous avons résolu ensemble le problème du service militaire, garder la Légion étrangère pour nous, si cela nous fait plaisir. Mais dans l'ensemble, on ne peut plus résoudre un grand problème en France sans le résoudre en même temps en Allemagne, et inversement. Actuellement, les lois concernant l'économie et la santé que Mr. Kohi a fait passer, ne se distinguent pas tellement dans leur intention et même dans leur contenu de ce que Mr. Juppé a voulu faire à la fin de l'année dernière et de ce qu'il fait actuellement. Si l'on avait, ensemble, fait élaborer un projet par un Secrétariat général commun, et présenté ce projet aux opinions comme quelque chose que les deux pays doivent faire en même temps, avec des différences qui viennent de situations concrètes, nous serions dans un tout autre monde, un monde où nous compterions davantage que maintenant, chacun pour soi. Je suis convaincu que les similitudes de nos sociétés ont été telles, et le deviennent de plus en plus, que nous sommes condamnés à marcher ensemble. En 1955, j'ai écrit un petit livre sur l'Allemagne, et je l'ai envoyé au général de Gaulle. Il m'a répondu par une lettre manuscrite dont je suis très fier et dans laquelle il disait: „Mon cher Rovan, la France et l'Allemagne sont désormais obligées de marcher la main dans la main, comme un alexandrin avec un autre". Ce qui implique l'égalité parfaite, parce que tous les alexandrins ont le même nombre de pieds. Cette lettre, je trouve, est un formidable programme pour l'entente franco-allemande, et écrite non par un historien de métier, mais par un façonneur d'histoire incomparable, et qui en plus connaissait l'histoire. De Gaulle a été un façonneur d'histoire. Mais il avait ses limites, lui aussi. Notre problème maintenant, c'est de faire en sorte que, Français et Allemands, nous puissions façonner une histoire commune. Cela implique évidemment des décisions extrêmement dures dans une période de difficultés majeures. Nous avons en commun, dans nos deux pays, le fait que nous avons une société avec une énorme masse de vieillards de mon âge, ce qui n'existait pas il y a encore trente ans. En 1800 en France et en Allemagne, le pourcentage des gens de plus
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de 60 ans était de 5 à 6 %. Il est aujourd'hui de l'ordre de 20 %, et d'ici le milieu du siècle prochain, on ne sera peut-être pas très loin de 30 %. C'est une situation qui n'a jamais été vécue par l'humanité. Elle est entièrement nouvelle, et il est évident que nous ne pouvons pas la maîtriser séparément. Autre problème commun: pendant les vingt ou trente années qui viennent, en attendant que les syndicalistes chinois et coréens fassent ce que les syndicalistes français et allemands ont fait au XIXe et au XXe siècles, le coût de notre travail restera beaucoup trop élevé. Il est évident qu'on ne pourrait pas le baisser dans un seul pays d'Europe, et surtout pas séparément dans les deux pays-clés que sont la France et l'Allemagne. Ce sont là des choses qu'on ne peut plus décider qu'ensemble. L'expérience historique que j'ai vécue aboutit à la nécessité d'une union franco-allemande comme cellule de la construction européenne. Et c'est pourquoi ce qui se passe actuellement à la Conférence intergouvernementale est si important pour l'historien qui voudrait bien savoir ce qui en sortira, et qui a bien peur, parce que c'est une des leçons que nous avons tous apprises, qu'aucun succès n'est jamais garanti dans l'histoire. Tout peut tourner court, tout peut échouer. Et par conséquent, c'est à nous de ne pas faire échouer ce qui ne doit pas échouer. Est-ce que nous serons capables de le faire? Je voudrais ajouter encore qu'il y a eu une communauté intellectuelle francoallemande dans l'après-guerre, qui a été formidable parce que nous avons senti que nous étions du même parti. Moi, j'ai appartenu à la revue Esprit, j'ai été proche de Mounier, j'ai été pendant trente ans membre du comité directeur d'Esprit et j'ai trouvé dans Eugen Kogon et Walter Dirks, les créateurs des Frankfurter Hefte, des frères, des gens qui étaient totalement identiques dans leur entreprise à la nôtre. Il y a eu quantité de relations de ce genre. Bien sûr, il y a certes, dans nos deux pays, beaucoup d'affinités avec l'Amérique, tellement riche et tellement complexe. Mais cette espèce d'imbrication réciproque entre la France et l'Allemagne, qui s'était déjà ébauchée dans l'entre-deux-guerres et qui s'est surtout faite après 1945, a été quelque chose de probablement unique dans l'histoire. C'est comme cela que, à la fois comme acteur et comme regardeur de l'histoire, comme interprète de l'histoire, j'ai vécu ce moment franco-allemand. Je pense que c'est là une chose que nous n'avons pas le droit de laisser disparaître. En 1950, quand il s'agissait de l'armée européenne, il y avait en France des militaires très importants qui disaient: il ne faut pas sacrifier l'armée française, c'est un élément essentiel de notre identité. Mais qu'est-ce que c'est que l'identité d'un pays qui n'est plus capable d'être indépendant? Il faut que nous le sachions - c'est la leçon de l'histoire - l'indépendance est quelque chose qui passe. Qu'est-ce qui reste du rôle de grande puissance de la Hollande des XVIe et XVIIe siècles, qu'est-ce qui reste de la formidable puissance espagnole? Les puissances n'ont qu'un temps, et aujourd'hui la France et l'Allemagne sont des pays de deuxième zone, qui ne peuvent être indépendants qu'ensemble. C'est la grande leçon à tirer de la période dont je traite ici. Des gens parlent encore, avec des trémolos dans la voix, de l'indépendance nationale et de la souveraineté
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nationale. Regardons cela de plus près. On se gargarise avec la politique arabe de la France. Quand je vais à Jérusalem, j'aime mieux ne pas trop dire ce que je ressens quand je dis que je suis français. Nous ne comptons guère et je voudrais bien que nos dirigeants le sentent. Nous compterons de moins en moins. Les Allemands, après la guerre, n'avaient pas de prétentions. Ils avaient été obligés, par les coups reçus sur la tête, de renoncer à tout rêve de ce genre, et même aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup d'Allemands qui rêvent d'une Allemagne puissance mondiale. Je prends un exemple. A la fin de la guerre, et par la grâce de l'Amérique, nous avons obtenu, l'Angleterre et nous, un siège permanent au Conseil de Sécurité. Qui peut croire que dans dix ans la France et l'Angleterre auront encore un siège au Conseil de Sécurité, chacune pour elle? C'est impossible, parce qu'il faudrait y introduire l'Inde, le Japon, etc. Donc si nous avions un peu de bon sens, aujourd'hui nous proposerions aux Allemands de gérer ensemble notre siège, pour éviter à l'Allemagne de rechercher son propre siège, qu'elle n'aura jamais, à mon avis, parce que le vrai problème, c'est que tout le monde a intérêt à bloquer l'Inde. Et on ne peut pas bloquer l'Inde si l'on donne un siège à l'Allemagne. Donc, notre politique devrait être de partager notre siège avec l'Allemagne. Nous devons avoir pleinement conscience à la fois d'une formidable espérance, et d'une formidable possibilité, mais aussi de la possibilité de l'échec; c'est comme cela que j'ai vécu toute notre après-guerre, en vivant le rapprochement de nos sociétés. Pensons à l'OFAJ: aujourd'hui encore, 150000 jeunes, Français et Allemands, sont réunis chaque année par ses soins. Il n'y a aucun exemple dans l'histoire humaine d'une migration annuelle pacifique de ce genre, uniquement pour vivre ensemble, pour faire des choses ensemble. Et aucun autre pays au monde n'a fait une chose de ce genre avec un autre pays. L'année dernière, nous avons supprimé 5 % du budget de l'OFAJ, contre la volonté des Allemands. Et cette année, notre ministère a imposé une nouvelle restriction de 5 %; à raison de 5 % par an, dans dix ans il ne restera plus grand'chose. Et les Allemands sont obligés de suivre, parce que l'accord sur l'OFAJ dit que chaque pays donne la même somme. Si nous insistons pour diminuer notre part, les Allemands sont obligés de suivre, même s'ils ne le veulent pas. Donc balayons devant notre porte. Je me soucie beaucoup de voir comment l'Allemagne vit le binôme franco-allemand. En ce qui concerne la politique européenne de la France, l'expérience des cinquante ans dont je vous ai parlé montre que l'histoire nous oblige à faire l'Europe. Mais rien ne nous oblige à écouter l'histoire. Nous sommes toujours libres d'échouer.
I. Wirtschaft Economie
Michel Hau
Les entreprises alsaciennes et les changements d'espace douanier de 1871 et de 1918 Par l'effet des rectifications de frontières, l'Alsace a subi en 1871 et 1918 deux changements brutaux d'espace douanier qui, chaque fois, ont modifié le cours de son développement économique. En même temps, elle apparaît comme une région-témoin des différences qui existent entre les espaces économiques français et allemand et ses changements d'appartenance à l'un ou à l'autre éclairent non seulement sa propre histoire économique, mais également celles de la France et de l'Allemagne.
1. Les répercussions économiques des chocs politiques: Les chocs politiques qu'ont représenté l'annexion de 1871 puis le retour à la France en 1918 ont eu des effets très différents sur la conjoncture économique alsacienne, essentiellement en raison des attitudes politiques développées dans la population alsacienne, notamment dans la bourgeoisie urbaine, et, en son sein, les élites commerciales et industrielles de la région; cette dernière expression doit être entendue au sens le plus large, c'est-à-dire non seulement le patronat, mais les détenteurs de compétences plus ou moins recherchées.
A. L'hostilité des élites économiques alsaciennes au Reich après 1871:
La bourgeoisie alsacienne est massivement et profondément hostile au Reich allemand en 1871. De cette attitude découlent deux comportements qui auront l'un et l'autre des répercussions économiques: le départ pur et simple hors d'Alsace; ou le maintien sur place, mais dans une attitude de réserve à l'égard de l'Administration allemande.1 1
Michel Hau, L'industrialisation de l'Alsace (1803-1939), Strasbourg 1987, p. 239; Heinrich Herkner, Die oberelsässische Baumwollindustrie, Straßburg 1887, S. 402.
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Michel Hau
Le nombre de personnes qui quittent l'Alsace-Lorraine au moment de l'Annexion peut être estimé à 128 000, soit 8,5 % de la population. Plus de la moitié des partants sont originaires de villes dépassant 4000 habitants et ils appartiennent notamment au milieu des ouvriers ou des artisans et à la bourgeoisie. De nombreux membres des grandes familles mulhousiennes se réinstallent, avec leurs capitaux et parfois leurs usines, au-delà des Vosges. La perte en termes d'investissements, de savoir-faire est impossible à évaluer. Ce qu'il y a de sûr, c'est que les autorités allemandes s'inquiètent de cette hémorragie au point d'appliquer avec une certaine souplesse la disposition interdisant à ceux qui ont opté pour la France de séjourner en Alsace. Il faudra attendre 1884 pour qu'une circulaire du Statthalter revienne à plus de rigueur. L'émigration se poursuivra longtemps: une partie de ceux qui seront restés en Alsace continueront à émigrer en France avant leur seizième année pour éviter de servir dans l'armée allemande et la classe dirigeante industrielle continuera à perdre une partie de sa substance du fait de l'émigration de ses fils.2 Quant aux Alsaciens restés sur place, ils adoptent une attitude réservée qui aboutit à freiner le mouvement des affaires. Les industriels alsaciens refusent les prises de participation des Allemands dans leurs affaires, se privant ainsi de précieux concours financiers et techniques. Les seules branches où les Allemands peuvent pénétrer sont celles qui sont délaissées par le capitalisme alsacien: mines, production d'électricité et sociétés de commerce ou de transport. Les grandes banques commerciales allemandes renoncent à ouvrir des succursales en Alsace. Le milieu patronal local suscitera lui-même la mise en place de structures bancaires propres à la région. Ainsi verront le jour la Sogénal, la Banque de Mulhouse et la Banque d'Alsace et de Lorraine. L'attitude réservée ou hostile du milieu industriel alsacien le met en position défavorable sur les marchés contrôlés par l'Etat, notamment celui des matériels ferroviaires, grande spécialité de l'industrie alsacienne. De Dietrich, qui produit des wagons et des roues, diversifie sa production et délocalise à Lunéville un atelier de construction pour conserver un débouché en France. La SACM, qui construit des locomotives à Graffenstaden, doit exporter une grande partie de sa production et créer, elle aussi, une usine à Belfort.
B. Après 1918: de l'euphorie à l'inquiétude:
Après 1918, le climat politique peut se caractériser par une brève euphorie suivie d'un sentiment de profonde inquiétude. Le climat politique de 1918 est très différent, par ses effets sur l'économie, de celui de 1871. Les Allemands qui sont expulsés d'Alsace après 1918 appartiennent largement au milieu de l'administration. Il y a cependant parmi eux quelques industriels, souvent de confession juive, comme Wolf, Netter et Jacobi, créateurs d'une importante entreprise métallurgi-
2
Fritz Kiener, Die elsässische Bourgeoisie, Straßburg 1910, S. 35.
Alsace et l'espace douanier 1871 et 1918
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que employant près de mille ouvriers. Leurs usines sont mises sous séquestre et rétrocédées à des groupes français, ou bien, comme les Mines de Potasse d'Alsace, nationalisées. Le patronat alsacien est resté francophile. Il participe à la mise en place des structures administratives françaises et seconde activement les autorités françaises, non seulement en Alsace mais en Europe. Ainsi, De Dietrich répond à l'appel des autorités pour prendre une participation dans les chantiers navals de Dantzig (les futurs chantiers Lenine où s'illustrera plus tard Lech Walesa), afin de ne pas laisser les capitaux anglais seuls dans l'opération. Chez les ouvriers, les années 1919 et 1920 sont une période d'agitation sociale stimulée par l'influence des idéologies d'extrême gauche, répandues chez les nombreux Alsaciens qui ont servi dans la Kriegsmarine. Mais cette agitation retombe, car les restrictions du temps de guerre prennent vite fin en Alsace, contrairement à ce qui se passe en Allemagne. Les autorités monétaires françaises acceptent de changer le Mark à sa parité d'avant-guerre pour les habitants des départements recouvrés, soit un taux de 1 Mark pour 1,25 Francs, ce qui amplifie encore l'accroissement du pouvoir d'achat d'une grande partie de la population alsacienne. Cette euphorie est de courte durée. Dès la première victoire électorale des nazis, en septembre 1930, les Alsaciens redoutent une reprise du conflit entre la France et l'Allemagne. L'exemple des destructions subies par la ville de Thann leur montre ce qu'il advient des industries situées dans des zones frontalières. Dès ce moment, les entrepreneurs cherchent des terrains industriels au-delà des Vosges pour une éventuelle réinstallation. Ainsi, la firme De Dietrich achète en 1934 une usine à Vendôme, pour servir de site de repli en cas de guerre. Mathis acquiert un terrain en Normandie, à Athis-de-l'Orne, la Société Alsacienne de Filature et de Tissage de Jute à Saint-Jean d'Angély, etc.3 En même temps, les investissements extérieurs cessent en Alsace.
2. La brièveté des transitions: Ni en 1871, ni en 1918, les entreprises alsaciennes n'ont un poids suffisant pour faire valoir leur point de vue par rapport aux puissants intérêts qui entendent tirer pleinement parti des modifications de frontière.
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Michel Hau, „Les entreprises alsaciennes", in: Alain Beltran, Robert Frank et Henri Rousso (éds.), La vie des entreprises sous l'occupation, Paris 1994, pp. 237-249.
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A. Une période transitoire limitée à deux ans après le traité de Francfort: Sitôt connues les conditions imposées au traité de Francfort, les industriels mulhousiens demandent au gouvernement de Bismarck des mesures de transition devant s'étaler sur une vingtaine d'années pour s'adapter au régime douanier allemand et au gouvernement français l'entrée en franchise en France de leurs marchandises pendant cette période. Mais les industriels normands, représentés au gouvernement par l'un des leurs, Pouyer-Quertier, ministre des Finances, font pression pour une période transitoire aussi courte que possible. De son côté, Bismarck tient à rendre complètement effective le plus tôt possible l'annexion de l'Alsace.4 La convention additionnelle au traité de Francfort, signée le 12 octobre 1871, stipule que les articles fabriqués en Alsace-Lorraine seront admis en France en franchise jusqu'au 31 décembre et qu'ensuite les droits seront, en un an, portés au niveau des tarifs français en vigueur. Mais on ne saurait faire disparaître en si peu de temps des échanges aussi intenses: pendant de nombreuses années encore, l'Alsace continue à expédier de grandes quantités de marchandises au-delà des Vosges. Malgré tous leurs efforts, les imprimeurs des autres régions françaises ne parviennent pas totalement à évincer les tissus de couleur alsaciens sur la place de Paris. Les imprimeurs alsaciens conservent l'habitude de passer par l'intermédiaire des commissionnaires parisiens pour exporter leurs produits outre-mer et l'indiennerie mulhousienne continue à fournir le marché français dans ses variétés les plus riches. Après la hausse des tarifs douaniers français en 1892, les exportations alsaciennes en France accélèrent leur recul. L'industrie alsacienne réagit à cette situation en s'adaptant au marché allemand. A la veille de la guerre de 1914, l'évolution est achevée: les échanges de l'Alsace avec la France sont devenus moins importants qu'avec la Belgique ou la Suisse.
B. Des dispositions transitoires perturbées par les troubles monétaires après 1918: Le souci des industriels alsaciens est, en 1918, de ne pas perdre les débouchés allemands qu'ils ont mis beaucoup de temps à conquérir. Ils rejoignent en cela les préoccupations des hommes d'affaires du reste de la France, sensibles aux perturbations considérables que la concurrence alsacienne pourrait causer sur le marché intérieur: le retour de l'Alsace à la France accroît en effet le potentiel de production de l'industrie française de 23 % pour les tissus de laine, de 27 % pour les filés de coton, de 33 % pour les tissus de coton et de 123 % pour les tissus imprimés. La commission sur l'Alsace-Lorraine qui, sous la présidence de Jules 4
Raymond Poidevin, „Les industriels alsaciens entre la France et l'Allemagne", Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, 1970; derselbe, „Aspects économiques des relations franco-allemandes, juin-octobre 1871", Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, avr.-juin 1972.
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Siegfried, examine pendant la guerre les modalités d'un éventuel retour des provinces perdues, estime qu'il faudrait désaffecter certaines usines contre un dédommagement et encourager les exportations alsaciennes par un système de primes. Le financement nécessaire serait tout trouvé: il suffirait de l'exiger de l'Allemagne vaincue, en compensation des droits de douane qu'elle percevrait désormais sur les importations d'Alsace-Lorraine, ces dernières étant calculées sur la base des quantités introduites avant la guerre. Le gouvernement français adopte un plan différent, plus modéré, visant à maintenir aussi longtemps que possible une franchise douanière pour les produits alsaciens entrant en Allemagne. En fait, les difficultés ne viennent pas des industriels français, mais des industriels anglais. Les négociateurs français du traité de Versailles se heurtent aux réticences de leurs homologues britanniques, qui cherchent à écarter toute disposition de nature à empêcher l'industrie d'Outre-Manche de prendre la place de l'industrie alsacienne sur le marché allemand. Ils parviennent à obtenir un régime transitoire d'une durée de cinq ans. Les articles 68 et 268 du traité de paix stipulent que, durant cette période, les produits naturels ou fabriqués originaires ou en provenance des territoires alsaciens et lorrains réunis à la France entreront en franchise en Allemagne, dans la limite des quantités moyennes qui y avaient été expédiées de 1911 à 1913. A la conférence de Londres d'août 1924, la délégation française s'efforcera, sans y parvenir, de négocier l'évacuation de la Ruhr contre une prolongation des dispositions de l'article 268 au-delà de la date limite du 10 janvier 1925. Elle n'obtiendra que quelques franchises pour des produits spécifiques et des contingents limités.5 En fait, les événements évoluent d'une façon que les négociateurs n'avaient pas prévue: en 1922, par suite de la dépréciation accélérée du mark, les expéditions d'étoffes imprimées, de filés et de produits semi-finis alsaciens sur le marché allemand s'effondrent. Seuls se maintiennent les exportations de tissus légers. Les ventes en Allemagne ne reprennent qu'après la création du Rentenmark, en novembre 1923, et elles atteignent pendant l'année 1924, qui est la dernière de la période transitoire, un volume égal à la moitié de celui de 1911-1913. Les tissages de laine peignée exportent cette année-là en Allemagne la quasi-totalité de leur production. Rien n'est prévu, durant la période transitoire, pour les exportations allemandes en Alsace: celles-ci sont assujetties au tarif douanier français intégral, exception faite de quelques dérogations qui seront vite supprimées, dès 1921. Or l'industrie alsacienne achète en 1918 bon nombre de ses fournitures en Allemagne: la papeterie, qui s'y approvisionne en pâte à papier, doit désormais payer ce produit 5
Jacques Bariéty, „Les conséquences pour l'économie française du retour de Γ Alsace-Lorraine à la France en 1919", Francia, 3 (1975). Christian Baechler, „L'Alsace-Lorraine dans les relations franco-allemandes de 1918 à 1933", in: J. Bariéty, A. Guth et J. M. Valentín (éds.), La France et l'Allemagne entre les deux Guerres Mondiales, Nancy 1987, pp. 68-109.
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à un prix plus élevé, alors que le tarif français est très modeste pour le papier destiné à la presse et à l'édition. Les industriels alsaciens éprouvent des difficultés à se procurer des pièces de rechange pour leurs machines allemandes après le relèvement des tarifs douaniers français, le 29 mars 1921.6
C. L'accord franco-allemand de 1927 ruiné par la Crise:
Après l'expiration de la franchise d'exportation vers l'Allemagne et l'institution du nouveau tarif douanier allemand du 17 août 1925, on pourrait s'attendre à une grave crise de mévente, d'autant que la reconstruction industrielle du Nord-Est français est achevée. La dépréciation du franc sur le marché des changes permet aux exportations alsaciennes de se développer à nouveau à la fin de l'année 1925, mais il est clair qu'un courant d'exportation vers l'Allemagne ne peut se maintenir durablement sans une réduction des tarifs douaniers allemands. La mesure paraît s'imposer d'autant plus que, dans le domaine textile, la surcapacité française correspond à une insuffisance de moyens de production en Allemagne: la République de Weimar a en effet donné une priorité absolue au développement de la sidérurgie, qui a reçu des aides de l'Etat pour compenser la perte des usines lorraines, et n'a rien fait pour compenser la perte des capacités de production textile alsaciennes. C'est pourquoi le gouvernement français engage dès 1925 des négociations commerciales avec le gouvernement allemand. Un accord provisoire, d'une durée d'un an, conclu le 5 août 1926, permet d'obtenir quelques baisses sur les droits frappant les textiles français. Les négociations durent encore un an et se concluent le 17 août 1927. Le traité de commerce signé par les deux pays accorde aux filés français une réduction sur le tarif général du même montant que celle qui a déjà été consentie à l'Angleterre, à la Suisse et à la Tchécoslovaquie. Particulièrement intéressante pour l'industrie alsacienne est une réduction de 30 % sur les droits frappant les tissus légers. Le traité de 1927 permet une reprise des exportations françaises de filés et de tissus vers l'Allemagne, qui devient ainsi le principal marché pour le premier produit français d'exportation de l'époque, les articles textiles. Avantagée par sa position géographique, sa connaissance du marché allemand et son orientation vers les toiles fines, l'Alsace récolte une bonne part des commandes de l'Allemagne adressées à l'industrie textile française: les consommateurs allemands apprécient toujours les tissus de Mulhouse et dé Sainte-Marie-aux-Mines, tandis que la confection allemande continue à se fournir en tissus légers auprès de l'industrie haut-rhinoise. En 1927, l'industrie cotonnière alsacienne parvient ainsi à exporter en Allemagne 72 % de sa production.7 Mais la 6
7
Iris Heinz, „Les problèmes de la reconversion économique en Alsace, 1918-1926", mém. Maîtrise, Université Strasbourg II1975. Henry Laufenburger, „Les répercussions du traité de commerce franco-allemand", Revue des Études coopératives, oct.-déc. 1927.
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prospérité sera de courte durée. A la fin de 1927, les entreprises vosgiennes, dont
les coûts salariaux sont inférieurs, commencent à grignoter les positions des entreprises alsaciennes sur le marché allemand. Au printemps 1928, l'économie allemande entre en récession, plus d'un an avant le déclenchement de la crise boursière new-yorkaise, et le marché textile allemand s'enfonce dans une crise profonde et durable.
D. L'importance du débouché sarrois: Après une période où il est soumis à un régime de libre-échange, le territoire de la Sarre est rattaché à l'espace douanier français, à partir de janvier 1925, pour une durée de dix ans. Les relations commerciales qui se sont nouées avant 1918 entre l'Alsace et la Sarre peuvent ainsi se prolonger durablement. Elles s'intensifient même en raison de la perte par l'une et l'autre région de leurs autres débouchés allemands. Vers 1930, la Sarre absorbe 9,2 % des ventes de textiles alsaciens, 30 % de la production des minoteries du Bas-Rhin, 40 % de celle de ses malteries, 20 à 60 % de celle de sa construction électrique et jusqu'à 75 % de celle de certaines de ses entreprises de confection.8 Enfin, l'Alsace bénéficie d'un quasi-monopole pour les livraisons de sucre en Sarre. Les deux régions sont complémentaires: en échange de ses expéditions de produits fabriqués, l'Alsace s'approvisionne en charbon et en produits sidérurgiques sarrois. Quand, en 1929, s'ouvrent des négociations franco-allemandes à propos du régime douanier de la Sarre, les milieux d'affaires alsaciens manifestent leur inquiétude. Mais le gouvernement français paraît résigné à la perte du marché sarrois pour les produits industriels et son action s'exerce surtout en faveur des produits agricoles. Quand, en 1935, la Sarre sera rattachée au Reich, aucun régime particulier n'y sera prévu pour les textiles alsaciens.9
3. La conquête deux fois répétée d'un nouveau marché intérieur: A. L'adaptation au marché allemand après 1870:
L'espace économique allemand diffère du français, en 1871, par un pouvoir d'achat par habitant plus bas, mais en croissance plus rapide. En l'absence d'une capitale qui impose des modes dispendieuses à l'ensemble du pays, les consom8 9
Henry Laufenburger, Cours d'économie alsacienne, vol. 1, Paris 1930, p. 205. Michel Hau, L'industrialisation, p. 270.
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mateurs allemands se contentent, à cette époque, de produits moins raffinés. A l'exposition internationale de Philadelphie en 1876, les fabrications allemandes sont classées „billig und schlecht", c'est-à-dire „bon marché et mauvaises". Les industriels alsaciens doivent apprendre à être en compétition permanente sur les prix et les conditions de vente. Ils doivent consentir des crédits de longue durée et remanier leurs gammes de produits. Les indienneurs mulhousiens laissent reculer l'impression à main devant l'impression mécanique. 10 Mais le marché allemand offre aussi à l'industrie alsacienne de grandes opportunités, en raison de sa croissance rapide durant le dernier quart du XIXe siècle, sous les effets conjugués de la croissance démographique, de l'élévation du niveau de vie moyen et de l'urbanisation. L'Alsace peut profiter de son rattachement à l'économie la plus dynamique d'Europe, à condition de savoir s'adapter aux goûts et aux besoins de la clientèle populaire. L'industrie alsacienne apprend à se fournir en houille et en produits sidérurgiques en Sarre et dans la Ruhr. Son industrie textile fait effectuer à Krefeld certaines opérations d'apprêt. Elle vend des quantités croissantes de produits de grande consommation dans les grandes villes rhénanes. En 1896, le trafic de marchandises par chemin de fer est dirigé à 47,5 % vers l'Allemagne et à 1,91 % seulement vers la France. 11 A la veille de la Première Guerre mondiale, l'Alsace expédie 95 % de ses cotonnades vers l'Allemagne et le négoce berlinois assure la redistribution de deux tiers des articles textiles alsaciens. Des industries se sont développées, en Basse Alsace surtout, pour répondre à la demande du marché intérieur allemand: industries alimentaires (confiserie, chocolaterie), fabrication de semelles de cuir pour chaussures, production d'ustensiles de ménage, confection, etc.
B. L'adaptation au marché français après 1918: a. Un problème différé par la dévastation des régions du champ de bataille: Les problèmes de réadaptation sont différés de quelques années: jusqu'à l'achèvement de la reconstruction dans les régions dévastées du Nord et de l'Est de la France, le marché intérieur français offre des débouchés considérables. En raison du passage à la journée de huit heures, les entreprises alsaciennes ne parviennent même pas à honorer toutes les commandes émanant des maisons de commerce parisiennes. Les dépenses de reconstruction des régions dévastées offrent des débouchés importants aux industries du bâtiment et aux industries métallurgiques alsaciennes. Dans le secteur de l'équipement, la construction de machines textiles et le matériel pour brasserie atteignent un haut degré d'activité; la firme De Dietrich développe sa production d'appareils de chauffage central. 10 11
Ibid., p. 241. Albert Bleicher, Elsaß und Lothringen wirtschaftlich gesehen, Berlin 1942, S. 53.
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Ungerer, fabricant d'horloges d'édifices, agrandit ses ateliers; les Forges de Strasbourg réalisent de nombreuses charpentes métalliques et la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques remplit en 1920 son carnet de commandes de locomotives pour trois ans. Les industriels alsaciens souffrent seulement d'être payés avec retard par l'Office des Régions libérées.12 Des industries exposées jusque là à une vive concurrence allemande prennent un essor remarquable: l'extraction de la potasse, dont la production décuple entre 1919 et 1929, la fabrication de chaussures, la production d'alcool et la brasserie. Certaines industries se créent même pour remplacer des fournisseurs allemands, notamment dans la production de bois contreplaqués, d'appareils de signalisation pour les chemins de fer, de meubles de bureau (dont la fabrication permet à De Dietrich de valoriser son patrimoine forestier) et de jouets. Enfin, les industries alsaciennes concurrentes de celles des régions dévastées, notamment la minoterie, la sucrerie, la brasserie, le textile et les matériaux réfractaires, obtiennent pour quelques années des débouchés assurés. b. Les handicaps de l'industrie alsacienne sur le marché français: La reconstruction industrielle des départements dévastés s'achève en 1925. A partir de ce moment, leurs entreprises entrent en compétition avec l'industrie alsacienne. Or les conditions de la concurrence sur le marché intérieur français ne jouent pas en faveur de l'Alsace. Cette dernière doit supporter des charges fiscales et sociales supérieures à celles des autres régions françaises. Au moins jusqu'au vote de la loi française sur les assurances sociales, en 1930, les charges sociales héritées du système bismarckien sont plus lourdes que dans le reste de la France. Une autre disparité entre l'Alsace et le reste de la France réside dans la fiscalité locale: à l'ancien système allemand d'imposition sur les revenus, les lois des 25 juin 1920 et 31 mars 1923 substituent un système complexe séparant les impôts locaux des impôts d'Etat. Pour ces derniers, c'est le système français, fondé désormais sur l'impôt sur le revenu, qui est introduit en Alsace. Mais, pour les premiers, on n'ose pas remettre en vigueur le système français, trop archaïque, et on laisse en place le système fiscal allemand, plus lourd, en maintenant à la charge des collectivités locales des dépenses qui incombent, dans le reste de la France, à l'Etat.13 L'industrie alsacienne doit affronter la concurrence de l'industrie vosgienne, qui travaille avec des coûts salariaux inférieurs. Lorsque l'industrie cotonnière lilloise achève de reconstituer ses équipements, la concurrence s'intensifie sur le marché national et l'industrie vosgienne y défend mieux sa place que l'industrie alsacienne. L'industrie roubaisienne de la laine peignée travaille à des coûts in-
12
Werner Wittich, „Caractères généraux de l'économie alsacienne et lorraine avant et depuis la guerre", Revue d'Économie Politique, 1924, pp. 920-932. 13 Bleicher, Elsaß, S. 152.
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férieurs à son homologue alsacienne et l'une des plus grandes entreprises de cette branche, la firme Rogelet, de Buhl, préfère se reconvertir dans la soie artificielle. c. Les déconvenues enregistrées sur le marché colonial: Le retour dans l'espace français signifie aussi un accès privilégié au deuxième empire colonial du monde. Les entrepreneurs alsaciens s'intéressent à ce débouché et créent à Mulhouse un „Office colonial" ayant pour but de diffuser des renseignements de nature économique sur les territoires de l'empire français et une „Compagnie textile d'exportation aux Colonies" pour y commercialiser leurs tissus de coton. Mais l'empire français est loin de constituer un bloc commercial monolithique avec la métropole. Les territoires d'Afrique, l'Algérie exceptée, frappent de droits modérés les produits provenant de France et sont mal protégés contre la contrebande des produits anglais introduits à partir de territoires voisins. Au Maroc, l'acte d'Algésiras de 1906 interdit tout traitement préférentiel des produits français. La convention du Niger conclue en 1898 avec l'Angleterre a le même effet au Dahomey et en Côte d'Ivoire. Partout la concurrence japonaise se fait sentir dans le domaine du textile. A partir de 1935, une concurrence industrielle vient des colonies elles-mêmes, l'Indochine et Pondichéry, qui commencent à produire des filés et tissus de coton.14 Sur ces marchés, la concurrence est donc plus vive que ce que l'on serait tenté de croire. L'industrie vosgienne dépasse par ses ventes l'industrie alsacienne à partir de 1931. Le débouché colonial s'avère moins décevant pour l'industrie mécanique. De Dietrich, avec ses autorails vendus en Afrique du Nord et en Syrie, la SACM avec ses locomotives vendues aux chemins de fer franco-éthiopien et indochinois, y font une partie substantielle de leur chiffre d'affaires à la veille de la Seconde guerre mondiale.15
4. L'Alsace, région témoin des différences entre la France et l'Allemagne: A. Une diplomatie allemande qui favorise les exportations
industrielles
La Prusse ayant fait prévaloir sa tradition libre-échangiste, le Zollverein a été en mesure de signer avec les différents pays des accords commerciaux avantageux pour ses industries exportatrices. Une nouvelle loi douanière, votée en 1879, relève les droits, jusque là assez bas. Mais, si l'on compare ce tarif à ses équiva14
15
Henri Zuber, „La situation du textile alsacien", Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, 1938. Chambre de Commerce de Strasbourg, Bulletin, 1938, p. 185, et 1939, p. 179.
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lents étrangers, on constate qu'il reste en deçà de la pratique douanière d'un pays comme la France. En outre, à partir de 1891, sous l'impulsion du chancelier Caprivi, l'Allemagne passe de nombreux accords commerciaux qui multiplient les dérogations à la loi de 1879. Le nouveau tarif allemand voté en 1902 et appliqué à partir de 1906 est, dans l'ensemble, et à l'exception des produits agricoles, sensiblement en retrait sur celui de 1879 et des accords commerciaux passés postérieurement avec la plupart des autres pays d'Europe se traduisent par des réductions supplémentaires.16 Ajoutons que le système de l'admission temporaire (réception en franchise de produits destinés à être réexportés après transformation) bénéficie en Allemagne, depuis la création du Zollverein, d'une très large application. Or ce système intéresse particulièrement les imprimeurs de tissus alsaciens, auxquels il donne des possibilités de conquérir des marchés supplémentaires. La politique de Caprivi avantage assez nettement les producteurs de produits transformés aux dépens des producteurs de produits bruts. Elle est fortement critiquée, pour cette raison, par les agrariens allemands. Une faible taxation des produits bruts ou semi-finis importés et une politique dynamique de conclusion d'accords commerciaux concourent à l'essor des exportations industrielles allemandes. L'Allemagne sait que la réalisation d'un Etat commercial fermé ferait régresser son économie, avec le risque qu'une partie croissante de la population active disponible, faute de trouver un travail rémunérateur, choisisse d'émigrer. C'est cette menace d'une amplification du courant d'émigration que Caprivi fait planer très explicitement dans son exposé des motifs du 7 décembre 1891: „L'Allemagne doit exporter, soit des marchandises, soit des hommes".
B. Le retour à la France et le poids des régions à vocation agricole:
Le climat est plus protectionniste en France, ce qui défavorise les industries les plus transformatrices et empêche d'obtenir des concessions des autres pays en matière de tarifs douaniers. D'autre part, il y existe une volonté nettement affirmée de développer les exportations agricoles à l'occasion des négociations commerciales. Le retour de l'Alsace à la France en 1918 se traduit par la confrontation avec des régions à vocation agricole, dont les intérêts, puissamment défendus, sont antagonistes des siens dans le domaine des tarifs douaniers. La crainte d'un retour des troubles qui ont agité le Midi viticole en 1907 pousse les divers gouvernements français à accorder une importance disproportionnée aux problèmes des marchés viticoles. Dans la politique douanière qu'ils mènent vis-à-vis des pays d'Europe méridionale, leur refus d'ouvrir le marché intérieur aux vins espagnols, grecs et portugais se traduit par des mesures de rétorsions contre les produits industriels français, pour le plus grand avantage des pays d'Europe du Nord
16
Handelskammer zu Mühlhausen, Jahresbericht, 1902, S. 20.
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jusque là handicapés par Péloignement géographique. Quant aux rapports avec ces derniers, ils sont largement influencés par la volonter d'y exporter les vins et spiritueux français, quitte à accorder des concessions en matière tarifaire sur les produits industriels. 17
C. L'Alsace, vecteur du modèle allemand en France: Dans le climat d'antagonisme franco-allemand de l'époque et la dévalorisation de l'Allemagne après sa défaite, il faut une certaine audace intellectuelle pour affirmer qu'il y a des exemples à prendre dans les institutions et les pratiques sociales allemandes. Pourtant, les Français les plus clairvoyants savent combien l'Allemagne a été un adversaire efficace dans la guerre industrielle. Ils sentent plus ou moins confusément que, dans l'organisation de l'enseignement professionnel, dans le droit commercial, dans les structures d'organisation des métiers, l'Allemagne peut en remontrer aux vainqueurs du moment. La redécouverte, notamment à l'occasion de congrès nationaux tenus à Strasbourg après 1918, de ΓΑ1sace-Lorraine transformée par un demi-siècle d'appartenance au Reich, est l'occasion pour de nombreux décideurs français de mieux s'initier à certaines règles de fonctionnement de l'économie et de la société allemandes. L'expression „droit local" appliquée aux divers aspects juridiques originaux légués par la présence allemande rend ceux-ci plus assimilables aux Français les plus germanophobes. Ainsi, la loi Astier sur l'apprentissage de 1919, ou la loi sur les Sociétés à responsabilité limitée de 1925, ou encore l'organisation des Chambres de métiers, procèdent pour une part d'une prise en considération de ce qui a pu être observé dans les provinces recouvrées. Dans une époque antérieure, l'introduction du Code Napoléon sur la rive gauche du Rhin s'était aussi avérée un facteur de modernisation de la société allemande. Il y aurait ainsi beaucoup à dire sur le rôle assumé en Europe continentale par les provinces disputées, devenues par la force des choses les vecteurs de réformes conçues dans les pays qui s'y étaient affrontés. Si l'on veut faire un bilan des effets économiques des changements d'appartenance de l'Alsace, on peut mettre en négatif les chocs politiques et en positif les difficultés créatrices qu'a représenté la nécessité de s'adapter à de nouveaux marchés. Politiquement, le choc de 1871 a heurté le sentiment très vivace d'attachement à la France et conduit une partie des élites économiques à émigrer. C'est une des raisons pour lesquelles, malgré la persistance d'un certain dynamisme économique, l'Alsace n'a plus retrouvé par la suite le poids relatif qu'elle détenait dans les débuts de l'industrialisation. Sur le plan douanier, les changements répétés d'appartenance de l'Alsace ont été une source de difficultés pour ses entreprises mais les ont conduites à développer autant que possible l'exportation hors des marchés français et allemand.
17
Claude-Joseph Gignoux, L'après-guerre et la politique commerciale, Paris 1933, p. 89.
Stefan Fisch
Die „Nationalität" internationaler Unternehmen nach Kriegsende 1918 Ein Problem bei der Rückkehr des Elsaß nach Frankreich Vor der „Wiedervereinigung" Deutschlands im Jahre 1990 kam es 1918 in Frankreich schon einmal zu einer Art Wiedervereinigung', auch wenn dieser Begriff als offizielle Bezeichnung für die Rückkehr des ehemaligen Reichslandes ElsaßLothringen vermieden wurde. 1 Welcher Nationalität man als Einwohner des Elsaß 1918 angehörte, war nicht nur essentiell für die Entscheidung der französischen Behörden über eine eventuelle Ausweisung, sondern bestimmte wegen der Währungsumstellung auch die Behandlung aller finanziellen Ansprüche. Auch diese Wiedervereinigung begann nämlich mit einer Währungsumstellung, von Mark auf Franc. Dabei wurden die Elsässer aus politischen Gründen gegenüber den Deutschen bevorzugt, indem allein sie ihr Bargeld und ihr Geldvermögen zum erheblich besseren Vorkriegskurs tauschen durften. Auch für juristische Personen wie Wirtschaftsunternehmen im Elsaß wurde die Frage nach ihrer Nationalität dann wichtig. Denn von der Antwort, die die neuen französischen Behörden darauf gaben, hing es ab, ob Betriebe als feindlicher Besitz sequestriert (beschlagnahmt) wurden oder nicht, und zu welchem Kurs Guthaben und noch schwebende Zahlungen von Mark in Francs umgerechnet wurden. Die Frage nach ihrer Nationalität wurde schließlich sogar an Unternehmen gerichtet, die 1
Vgl. zu meiner noch ungedruckten Habil.-Schrift „Wiedervereinigung von Fremdgewordenem. Studien zur Verfassungs- und Verwaltungsgeschichte des Elsaß zwischen deutschem Kaiserreich und französischer Dritter Republik" zwei erste Aufsätze: Dimensionen einer historischen Systemtransformation. Zur Verwaltung des Elsaß nach seiner Rückkehr zu Frankreich (1918-1940), in: Staat und Verwaltung. Fünfzig Jahre Hochschule für Verwaltungswissenschaften Speyer, Hg. Klaus Lüder, Berlin 1997, S. 381-398; Assimilation und Eigenständigkeit - Zur Wiedervereinigung des Elsaß mit dem Frankreich der Dritten Republik nach 1918, in: Historisches Jahrbuch der Görres-Gesellschaft 117 (1997), S. 111-128.
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ihren Sitz weder im Elsaß noch in Deutschland hatten, zum Beispiel an internationale Unternehmen mit Sitz in der neutralen Schweiz, die im Elsaß durch Tochterfirmen tätig waren und zu deren Aktionären auch Deutsche gehörten. Damit ist eine Problemlage umrissen, die im folgenden etwas näher entfaltet werden soll,2 wobei die enge Verflechtung zwischen dem Straßburger Elektrizitätswerk und der Elektrobank in Zürich als Beispielfall dient. Dazu werden zunächst kurz die deutsche und elsässische Elektrizitätswirtschaft und die damit verflochtenen internationalen Spezialbanken vor 1914 erläutert, dann einige Besonderheiten der Währungsumstellung im Elsaß 1918 und ihre Folgen dargestellt und schließlich die Sequestration und Liquidation von deutschem Vermögen im Elsaß nach 1918 näher betrachtet. Wegen des älteren Monopols eines Gaswerks für die Straßenbeleuchtung erhielt die Stadt Straßburg erst 1890 ihr erstes kleines Elektrizitätswerk. Als „Elektrizitätswerk Straßburg AG" (EWS) wurde es 1895 von der „Allgemeinen Elektrizitäts-Gesellschaft" (AEG) in Berlin übernommen und durch Emil Rathenau und seinen Sohn Walther zielstrebig erweitert. Im Zuge des Ausbaus der kommunalen Leistungsverwaltung beteiligte sich die Stadt Straßburg bald mit 40 % des Aktienkapitals an dieser Gesellschaft. Im Jahre 1909 erhöhte Bürgermeister Rudolf Schwander den Anteil der Stadt auf 50 % plus eine Aktie - zur verblüfften Verärgerung der Rathenaus, die das gut getarnte Manöver der Stadt an verschiedenen Schweizer Börsen nicht bemerkt hatten. Doch der Stadt ging es keineswegs um eine .feindliche Übernahme', und man einigte sich dann doch recht rasch auf eine enge Kooperation von Stadtverwaltung und AEG in der Form eines „gemischtwirtschaftlichen" Betriebs. Die Dividenden auf ihren Aktienbesitz am Elektrizitätswerk und eine zusätzliche Abgabe auf die Bruttoeinnahmen aus dem gesamten Stromverkauf wurden zu einer der wichtigsten Einnahmequellen der Stadt Straßburg. Der vergleichsweise frühe und intensive Ausbau eines Stromversorgungsnetzes auch für die ländlichen Gebiete im ganzen nördlichen Elsaß3 ließ die Abgaben des Werks an die Stadt stetig steigen und senkte damit indirekt die Steuerbelastung der in Straßburg lebenden Bevölkerung.4
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Eine ergänzende Arbeit über die Elektrizitätswirtschaft im Elsaß vor und nach 1918 und ihren institutionell-rechtlichen Rahmen bereite ich vor. Zur hohen Zahl ländlicher Gemeinden in den beiden elsässischen Departements, die an das Stromnetz angeschlossen waren, vgl. Joseph Rossé u.a. (Hg.), Das Eisass von 1870-1932, Bd. IV, Colmar 1938, Tabelle 90, S. 191. Wenig genau informiert über die Frühzeit die offizielle Broschüre Electricité de Strasbourg 1900-1950, Strasbourg 1950; gut dagegen die Arbeiten von Marcel Hauswirth, L'Electricité de Strasbourg, [dact.] Mémoire D.E.S.S. d'Administration des Collectivités locales, Université de Strasbourg III 1977-78; Camille Janton, L'Electricité de Strasbourg pendant l'entre-deux-guerres, [dact.] Mémoire de maîtrise, Université des Sciences Humaines de Strasbourg 1991; Camille Janton, L'Electricité de Strasbourg de 1899 à nos jours, [dact.] Mémoire de D.E. Α., Université des Sciences Humaines de Strasbourg 1992 [tatsächlich eine Fortsetzung der ersten Arbeit für den Zeitraum 1937-1945]; ich danke Herrn Kollegen Michel Hau, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, der mich auf diese beiden von ihm mitbetreuten Arbeiten aufmerksam gemacht hat.
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Im Aufsichtsrat des Elektrizitätswerks waren die wichtigsten Partner der Stadt Straßburg neben Walther Rathenau von der AEG die Vertreter der Zürcher Elektrobank. Diese „Bank für elektrische Unternehmungen AG", wie sie offiziell hieß, war 1895 gegründet worden und stand von 1897 bis 1915 weitgehend im Besitz der AEG. Emil Rathenau 5 wollte die Elektrobank zu einer „Trustgesellschaft von internationalem Gepräge" 6 ausbauen, die weltweit den überaus kapitalintensiven Aufbau der jungen Elektroindustrie und Elektrizitätsversorgungsunternehmen finanzieren sollte. Durch ähnliche Gründungen griffen auch die großen mitteleuropäischen Konkurrenten der AEG auf den ergiebigen Kapitalmarkt der neutralen Schweiz zurück; so waren Siemens eng mit der Basler INDELEC und Brown-Boveri mit der Badener Motor-AG verbunden.7 Die Besonderheit der Zürcher Elektrobank bestand in der engen Koppelung von klassischem Industriefinanzierungsgeschäft und detaillierter technischer Prüfung und Beratung; Bankiers und Ingenieure arbeiteten in ihr eng zusammen. Gerade das schätzte die Stadtverwaltung von Straßburg, in der es für diese Fragen keine ausgewiesenen eigenen Experten gab. Die Stadt arbeitete im Aufsichtsrat des Elektrizitätswerks besonders intensiv und gut mit den Vertretern der Elektrobank zusammen, seitdem die Zürcher als Tochterfirma der AEG einen Teil von deren Aktienbesitz am EWS übernommen hatten. Mit kriegsbedingten Abstrichen galt das bis zum Ende des Ersten Weltkriegs; mit dem Waffenstillstand am 11.11.1918 entstand jedoch eine völlig veränderte Lage. De facto wurde das Elsaß sofort der Französischen Republik angeschlossen, und das bedeutete nicht nur eine staatlich-administrative Eingliederung, sondern auch die schnelle Einführung etlicher das Wirtschaftsleben bestimmender Institutionen Frankreichs, allen voran der französischen Währung. Der Décret zur Umstellung der Währung von Mark auf Franc vom 26.11.1918 wurde in äußerster Eile, in kaum mehr als drei Wochen, konzipiert. Mit der subventionierten Währungsumstellung zum Vorkriegskurs wollte die Regierung Clemenceau den .wiedergewonnenen' Elsässern ein politisches Geschenk machen. Die Deutschen im Elsaß aber blieben als frühere Feinde davon ausgeschlossen; sie mußten wie die Deutschen in Deutschland zum jeweiligen Tageskurs am freien Markt tauschen. Für die Bewohner des Elsaß gab es somit einen faktisch gespaltenen Umwechslungskurs, der von dem erst noch näher zu bestimmenden Kriterium
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Albrecht Strobel, „Die Gründung des Zürcher Elektrotrusts. Ein Beitrag zum Unternehmergeschäft der deutschen Elektroindustrie 1895-1900", in: Geschichte - Wirtschaft - Gesellschaft. Festschrift für Clemens Bauer zum 75. Geburtstag, Hg. Erich Hassinger, J. Heinz Müller und Hugo Ott, Berlin 1974, S. 303-332. Heinrich Grossmann, Die Finanzierungen der Bank ßr elektrische Unternehmungen in Zürich, Zürich 1918, S. 2. Peter Hertner, „Les sociétés financières suisses et le développement de l'industrie électrique jusqu'à la Première guerre Mondiale", in: 1880-1980. Un siècle d'électricité dans le monde, François Cardot (éd.), Paris 1987, S. 341-355; Peter Hertner, „Espansione multinazionale e finanziamento internazionale dell'industria elettrotecnica tedesca prima del 1914", in: Studi storici 28 (1987), S. 819-860.
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der Nationalität abhing; damit begann eine Welle zahlloser Verwicklungen. Von den undeutlichen technischen Regelungen dieser Umtauschvorschriften war auch das Elektrizitätswerk Straßburg betroffen, wie die beiden folgenden, noch einigermaßen leicht gelösten Probleme zeigen. (1) Beim Aktienumtausch war nach Art. 11 des Décret vom 26.11.1918 lediglich klar geregelt, daß aus einer 1000-Mark-Aktie des Elektrizitätswerks Straßburg eine 1250-Franc-Aktie werden würde, sofern sie in elsässischem Besitz war. Unklar war dagegen, was aus einer Aktie in schweizer Besitz oder gar aus einer in deutschem Besitz werden würde. Bei Aktien als anonymen Inhaberpapieren war eine Unterscheidung nach der Nationalität des Eigentümers praktisch nicht durchführbar; und die Banken weigerten sich allgemein, Nachforschungen in dieser Frage vorzunehmen. Deshalb wurde schließlich der Nennwert aller Aktien zum Vorzugskurs von 1,25 Franc : 1 Mark umgestellt. (2) Zur Verbesserung seiner Liquidität hatte das Elektrizitätswerk Straßburg seinen Kunden die Möglichkeit gegeben, über ihre Stromrechnung hinaus Markbeträge auf eine Art verzinstes Sparkonto einzuzahlen. Gerade im Krieg war das eine interessante Möglichkeit für die elsässische Bevölkerung gewesen, den Kauf der deutschen Kriegsanleihe zu vermeiden und ihr Geld statt dessen einer im Elsaß verankerten Institution anzuvertrauen. Am Kriegsende standen auf diesen sogenannten „Einlegerkonten" mehr als 10 Millionen Mark. Nach dem Décret vom 26.11.1918 war jedoch durchaus unklar, ob die französische Regierung die deutschen Wertpapiere, in denen das Elektrizitätswerk Straßburg einen Teil dieser Kundengelder angelegt hatte, ohne Währungsverlust tauschen würde. Erst nach mehr als sechs Monate dauernden Verhandlungen gelang es, wenigstens denjenigen Anteil aus dem gesamten Besitz des Werks an deutschen Wertpapieren, der dem Betrag dieser Kundengelder entsprach, zum Vorzugskurs zu wechseln. Gleichzeitig mit der Währungsumstellung schritt die französische Regierung nach dem Ende des Weltkrieges auch zur Sequestration und Liquidation feindlichen Vermögens, wozu auch das tief empfundene Gefühl der victoire beitrug. Für diese Maßnahmen gab es ein unmittelbares ,Vorbild' im Handeln der deutschen Obersten Heeresleitung. Sie hatte noch Mitte 1917 damit begonnen, vor allem in Lothringen Großgrundbesitzer französischer Nationalität zu enteignen, um an ihrer Stelle national zuverlässige deutsche Kolonisten anzusiedeln; ähnlich hatte Jahrzehnte zuvor schon die preußische Verwaltung die Zurückdrängung polnischen Grundbesitzes in den Provinzen Westpreußen und Posen eingeleitet. 8 Die französische Sequestration und Liquidation nach dem Sieg von 1918 traf im Elsaß in erster Linie deutschen Besitz. Er sollte in Hände übergehen, die vom point de vue national zuverlässig erschienen. Bei derartigen Verkäufen von enteignetem deutschem Besitz sollten Elsässer und französische Kriegsgeschädigte, die es vor allem im Norden Frankreichs in Massen gab, ausdrücklich bevorzugt 8
Vgl. zum preußischen Ansiedlungsgesetz vom 26.4.1886 Martin Broszat, Zweihundert deutsche Polenpolitik, Frankfurt 1972, S. 148-161.
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werden. Unausgesprochen blieb, daß alle Ausländer, selbst solche aus den mit Frankreich alliierten Staaten, davon ausgeschlossen bleiben sollten. Der Verkaufserlös fiel an den französischen Staat, der ihn auf die deutschen Reparationen anrechnen wollte; er pflegte sorgfältig die weithin erkennbare Fiktion, die deutsche Regierung werde die enteigneten deutschen Besitzer entschädigen. In den Führungskreisen der neuen Electricité de Strasbourg sah man sich dank der weiterhin bestehenden Aktienmehrheit der Stadt Straßburg als rein elsässisches Unternehmen an und glaubte, von Sequestration und Liquidation nicht betroffen zu sein. Im Gegenteil: Im Mai 1919 schmiedete man Pläne zur Erweiterung des eigenen Stromversorgungsnetzes auch auf das südliche Elsaß und wollte sequestrierte Konkurrenzfirmen, die als deutsches Eigentum zur Liquidation standen, aufkaufen. Das sollte in engem Bündnis mit der Zürcher Elektrobank und den Forces Motrices, den früheren „Oberrheinischen Kraftwerken" in Mülhausen geschehen, an denen die Elektrobank ebenfalls beteiligt war. Doch bald entwickelten sich die Dinge in eine andere Richtung. Im Juni 1919 kam es zur Gründung der Société Alsacienne et Lorraine d'Electricité SALE(C) als Tochterfirma aller Elektrizitätsunternehmen im Elsaß und in Lothringen. Die neue Gesellschaft brachte erstmals die Unternehmen aus dem Kreis um Elektrobank und A E G (Electricité de Strasbourg) mit solchen aus dem mit ihr schon immer konkurrierenden Kreis um die Motor-AG und Brown-Boveri zusammen. Schließlich waren an ihr auch Firmen aus Nancy im stets französisch gebliebenen Teil Lothringens beteiligt. Daraus ergab sich indirekt eine Verflechtung der SALE(C) mit großen Pariser Elektrizitätsunternehmen und deren Banken, die insgesamt ein Drittel ihres Kapitals hielten und immer mehr Einfluß gewannen. In der Gründung und der Geschäftspolitik der SALE(C) wurde das Vordringen französischer Traditionen des Großunternehmertums 9 in das Elsaß deutlich: Branchenweite Über-Kreuz-Verflechtung aller Gesellschaften durch gegenseitige Beteiligungen, dadurch Förderung von Absprachen, etwa zum Ausschluß von Konkurrenz beim Erwerb von Gesellschaften, die zur Liquidation anstanden, und schließlich die herausgehobene Position einzelner ,starker Männer', die durch ihre Herkunft aus den grands corps zugleich der staatlichen Verwaltung recht nahe stehen. Parallel zu diesen neuen Entwicklungen traten deutsche Traditionen zurück, etwa eine größere Distanz der Unternehmen zu Staat und Behörden, die kollegiale Form der Unternehmensführung in einem mehrköpfigen Vorstand und, speziell in der Elektrizitätswirtschaft, die Ausbildung von deutlich begrenzten Gebietsmonopolen. Auch in Straßburg war ein solcher Wandel der Führungsstrukturen und des Managementstils zu beobachten: Beim alten Elektrizitätswerk Straßburg hatte noch ein Ausschuß des Aufsichtsrates, dem führende Vertreter der Stadt Straß9
Erst in unserer Zeit hat ihre allmähliche Auflösung durch den Abbau der gegenseitigen Beteiligungen und die Stärkung des Verwaltungsrats begonnen, vgl. Gerald Braunberger, „Das Ende des Kapitalismus à la française steht bevor", in: Frankfurter Allgemeine Zeitung, Nr. 208 vom 6.9.1996, S. 22.
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burg, der Elektrobank und der AEG angehörten, gemeinsam die Geschäftsstrategie entwickelt und bestimmt. Bei der neuen Electricité de Strasbourg verlagerte sich das Entscheidungszentrum gleich nach 1918 auf eine einzige Person, auf Albert Malle. Als Offizier hatte er nach der Novemberrevolution anfangs nur die Ordnung der Betriebsabläufe sichern sollen. Als polytechnicien stieg er jedoch schnell zum administrateur-délégué auf, der die im deutschen Recht strikt getrennten Funktionen eines Vorstandes und eines Aufsichtsratspräsidenten zugleich wahrnahm. Malle betonte nun viel mehr als zuvor das bürokratische Prinzip der unité de direction; und allmählich riß der Faden einer kontinuierlichen Diskussion mit den technischen und ökonomischen Experten der Elektrobank ab, die bis in die Details der Geschäftspolitik gereicht hatte. Während die Bedeutung der Elektrobank bei der strategischen Ausrichtung der neuen Electricité de Strasbourg so von innen her schwand, wurde von außen auch ihre Rolle als Miteigentümerin in Frage gestellt. Die französische Verwaltung intensivierte die Suche nach feindlichem Vermögen im eigenen Lande, um es zugunsten der Staatskasse zu liquidieren. Die übereilte Währungsumstellung im Elsaß und der subventionierte Vorzugskurs für die Elsässer hatte den französischen Fiskus nämlich viel Geld gekostet und auch der Wiederaufbau des vom Krieg zerstörten Nordens war teuer, während die Hoffnungen auf gewaltige deutsche Kriegsentschädigungen dahinschmolzen. Und hinzu kam, daß manche Sequester-Verwalter ihr einträgliches, geradezu zu einem Beruf gewordenes Geschäft nur ungern aufgeben wollten. So wurde Ende 1920 ein „indirekter" deutscher Besitz an der Electricité de Strasbourg konstatiert, den man beschlagnahmen und zugunsten der Staatskasse liquidieren wollte. Die weiterhin bestehende Beteiligung der Zürcher Elektrobank am Kapital der Electricité de Strasbourg von 18,6 % sei nämlich keineswegs allein der Schweiz zuzuordnen; vielmehr sei die Elektrobank ein Unternehmen, das sich zu einem gewissen Anteil im Besitz der AEG und damit in deutschem Besitz befinde. Augenfällig werde das daran, daß sie auch Aufsichtsräte aus Deutschland habe, ζ. B. Walther Rathenau. Ein entsprechender Anteil an den Aktien der Electricité de Strasbourg im Besitz der Elektrobank sei deshalb als „deutsch" anzusehen; er müsse nun beschlagnahmt und zwangsweise enteignet werden. Mit dieser offiziellen französischen Auffassung waren aber die Besitzverhältnisse an der Elektrobank korrekt lediglich bis zum Jahre 1915 erfaßt. Seitdem war die Bank jedoch wegen der kriegsbedingten Wertverluste gerade ihrer deutschen Beteiligungen bis in die Nähe des Konkurses geraten. Nur durch einen drastischen Kapitalschnitt konnte sie saniert werden, und dabei sank der Anteil deutscher Aktionäre erheblich.10 Ein langwieriger Streit vor den französischen Stellen über das wahre Ausmaß der deutschen Beteiligung an der Elektrobank folgte. Aus Zürich argumentierte man mit der Einheit der juristischen Person; sie könne nicht 36 Nationalitäten zugleich haben. Und wenn neutrales Eigentum im 10
Zu den insgesamt drei Sanierungen der Elektrobank bis 1924 vgl. Robert Debes, Die Reorganisation der Elektrobank Zürich, St. Gallen 1924.
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Kriegsfalle unverletzlich sei, dann gelte das erst recht im Frieden. Geradezu in der Natur der Sache liege es schließlich, daß die nationale Zusammensetzung der Eigentümer bei einer Aktiengesellschaft schwierig, wenn nicht unmöglich festzustellen sei; ganz zu recht heiße sie in Frankreich deshalb société anonyme. Genau dieser Grund überzeugte am Ende den Tribunal de Strasbourg, als er schließlich Ende 1922 alle Ansprüche des Liquidators ablehnte und der Elektrobank ihren Aktienbesitz an der Electricité de Strasbourg in vollem Umfang bestätigte. In diesem besonderen, bis zu einem Gerichtsurteil durchgekämpften Fall wurde damit die interessengeleitete Frage der französischen Verwaltung nach der Nationalität internationaler Unternehmen für irrelevant erklärt. Das vorgestellte Beispiel illustrierte einen nach dem Ersten Weltkrieg auf die Spitze getriebenen Konflikt um den Versuch, die individuelle Kategorie der Nationalität auf abstrakte Einheiten wie Wirtschaftsunternehmen zu übertragen. Daran war die Überbetonung des Nationalen sicher zeitbedingt und sehr typisch für diese Nachkriegszeit. Zugleich wurde am Übergang vom deutschen „Elektrizitätswerk Straßburg" zur französischen Electricité de Strasbourg aber auch die langfristig wirkende Ablösung einer ,Unternehmer'mentalität durch eine andere ersichtlich. Zwar produzierten beide Firmen vor und nach 1918 dasselbe Produkt Elektrizität, taten dies mit gleichbleibender Technik, nutzten denselben Rohstoff, nämlich Kohle von der Ruhr, und bedienten sich zur Verteilung des produzierten Stroms derselben Infrastruktur. Sogar die förmliche Unternehmensverfassung blieb zunächst unverändert, denn noch bis 1930 war die Electricité de Strasbourg eine Aktiengesellschaft nach deutschem Recht; erst dann wurden die als Teil eines droit local noch fortgeltenden entsprechenden Bestimmungen des deutschen Handelsgesetzbuchs (HGB) abgeschafft. Und doch verschoben sich in der Nachkriegszeit sofort ganz grundlegend die inneren Strukturen des Unternehmens: der Mehrheitsaktionär, die Stadt Straßburg, wurde aus den Entscheidungsprozessen im Aufsichtsrat ebenso verdrängt wie die Zürcher Elektrobank; und an die Stelle kollegialer Führung im Aufsichtsrat und im Vorstand trat die französische Praxis der unité de direction unter e i n e m administrateur-délégué, in dem die beiden nach deutschem Recht getrennten Organe einer Aktiengesellschaft miteinander verknüpft waren.
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Un aspect des mouvements de capitaux en Europe entre 1917 et 1925: Les relations Etats-Unis /Allemagne et l'attitude de la France 1. Quelques remarques préliminaires sur le mouvement des capitaux aux cours des années d'illusion: 1919-1931
Les bouleversements apportés par la guerre aux mouvements internationaux de capitaux doivent s'analyser à plusieurs niveaux. La présente étude découle d'un projet portant sur les effets de la nouvelle donne monétaire sur les pays structurellement déficitaires du monde ibérique 1 . Or ce dernier est directement victime de la remise en question des flux et plus encore de l'effondrement des structures de financement international des grands investissements. Une étude approfondie du financement des grands équipements en Europe non industrielle et en Amérique Latine (services publics urbains, électricité, électrotechnique, pétrole.), fait ressortir le rôle d'institutions financières consacrées au placement du papier financier sur les grands marchés de capitaux. La plupart de ces institutions: Banque suisse des chemins de fer, Elektro-Bank (Zurich) S.S.I.E (Bâle) Sofina (Bruxelles), „Tractions" (Toronto et Londres) sont dans les années vingt en état de cessation de paiements, soit du fait de la crise monétaire des pays d'application des investissements2, soit de l'effondrement des Etats concernés 3 . En particulier l'absence de revenus ou des revenus libellés en monnaies fongibles et généralement 1
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Les empires coloniaux européens et la plus grande partie de l'Asie sont également dans cette situation, mais ne font pas partie du projet en cours. Autriche-Hongrie, France, Italie, Espagne. Empires Ottoman et Russe.
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inconvertibles ne peuvent être opposés au service d'une dette libellée le plus souvent en francs suisses ou en sterling. A cela s'ajoutent des liaisons financières étroites, qui échappent souvent aux observateurs contemporains comme, parfois, aux historiens actuels, en l'absence de mouvements de capitaux traçables ou de documents comptables visibles. Ainsi en est-il des participations américaines dans des entreprises allemandes: (General Electric chez AEG) où, au moyen d'une série d'échanges complexes de droits et de titres, réalisée à Bruxelles, la participation statutaire d'AEG aux marchés de la Thomson Française et de la constitution d'une société mixte Schneider-Siemens destinée à réaliser l'électrification des chemins de fer. La méthode est encore plus fréquemment utilisée en France et dans les péninsules de la Méditerranée occidentale4. L'intervention germano-américaine en Amérique Latine est plus mal connue et réalisée à l'aide de capitaux britanniques, français et belges, recueillis par des sociétés ad-hoc (les „Tractions") enregistrées à Londres via Toronto pour des raisons juridiques et financières qu'explique la législation d'Ottawa sur les sociétés exerçant hors du dominion. Tout récemment la presse française (Le Monde), faisant l'historique des investissements étrangers au Brésil à l'occasion du voyage du président Chirac, indiquait une origine canadienne erronée des investissements en ne s'appuyant que sur la localisation des sièges sociaux. En 1919 ce maillage à la fois efficace et discret est en apparence paralysé. La situation en Europe centrale se stabilise lentement et celle des pays d'application du monde ibérique et latino-américain n'a pas été profondément modifiée. Mais la disparition des sources de financement extérieur, à l'exception encore modeste de la Suisse, n'est pas encore compensée par les Etats-Unis, dont l'arriération bancaire internationale limite les capacités de prêteur universel. Dans ces conditions les responsables des groupes industrialo-financiers dominants en 1913, se trouvent devant l'exigence de consolider des structures de production liées à des réseaux de contrôle que l'évolution du conflit et les conditions politiques de l'immédiat après-guerre paralysent, quand elles ne sont pas en danger de rupture. Il ne s'agit pas, dans le cadre de cette étude, de reconstituer les choix et les mesures pris au cours de la période considérée. Au demeurant si nombre de sources industrielles et bancaires sont relativement accessibles, elles sont loin d'avoir été étudiées; et les travaux historiques sont le plus fréquemment inspirés des questions de politique internationale. Plus modestement, dans le cadre d'une première approche de la question et dans le contexte indiqué 5 , nous nous intéressons aux mécanismes par lesquels l'Allemagne a pu attirer une part importante des capitaux disponibles, limitant les effets de la guerre et de la défaite; pénalisant indirectement la croissance du monde sous-industrialisé, en particulier les sociétés ibériques. Conjointement, nous envisageons les réactions de la France, pour qui 4
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Voir nos différentes publications à ce sujet. Concernant les intérêts allemands dans l'électricité voir également les travaux très informés de Peter Hertner. La recherche, coordonnée par l'Institut J. B. Say de l'Université de Paris XII, est le fait de cinq équipes: française (1), espagnoles (2) latino-américaines (2). Le texte ci-dessus correspond à un aspect de notre participation personnelle au projet.
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les liens industriels privilégiés entre les milieux industriels et financiers allemands et américains, constituent un obstacle devant son ambition de conquérir des positions industrielles que l'on croit, à tort, temporairement accessibles. La complexité de la situation (hors problèmes liés directement aux réparations allemandes et dettes interalliées) apparaît dans l'extrême irrégularité des prix, changes et politiques financières des Etats. Entre mars 1921 et mars 1922, les prix de gros ont reculé de 50 % en Grande-Bretagne et de 41 % en France. Cette crise bien connue, conjuguée à l'instabilité politique allemande et à l'incertitude concernant le nouvel équilibre balkanique, n'est pas favorables à un rétablissement du mouvement des capitaux. Il est tout aussi difficile de porter un jugement positif sur les quatre années qui suivent la conférence de Gênes. Les „tendances longues" que certains y ont décelé sont difficilement compatibles avec la brièveté de la période. L'opposition des politiques britanniques et françaises, qui correspondent à des réalités économiques nationales différentes, voire contradictoires, aboutit à des résultats doublement négatifs. Le retour à la parité-or 1914 de la livre bloque jusqu'au delà de 1931 le grand et tardif effort de modernisation industrielle entrepris dès 1915. S'il facilite le retour de Londres comme centre de financement international, ce n'est que dans le cadre de l'Empire et de certains pays traditionnellement dépendants(Argentine). En outre, les disponibilités financières sur Londres correspondent, dès 1923, pour une part non négligeable, à la contre-valeur des capitaux flottants français réfugiés (dépôts de précaution, montants non rapatriés des exportations pour éviter les pertes au change). Ces dépôts, difficilement chiffrables6, ne peuvent être employés que pour des opérations à court terme, sauf à prendre des risques exagérés donc coûteux. Dès 1927, avec la stabilisation du franc, les soldes positifs sont rapatriés et le mouvement s'inverse. D'où les virulentes critiques des historiens économistes britanniques dont l'analyse est souvent unilatérale. En France, la fragilité du système financier et les incertitudes d'une balance des paiements encore largement ignorée des responsables, limitent toute ambition d'intervention extérieure durable7. Comme la croissance des exportations s'explique, pour une bonne part, par la dépréciation exagérée du franc, il s'ensuit une détérioration visible des comptes d'exploitation des entreprises et donc de l'investissement qui se réduit dès 1926; le plan Tardieu de 1931 étant à la fois insuffisant et tardif8. Cette faiblesse structurelle se révèle dès la stabilisation du franc. La dévaluation des 4/5 est insuffisante pour maintenir nos exportations compte tenu 6
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II est évident que les archives des Finances ou de la Banque de France ne donnent qu'une image incomplète d'un volume naturellement instable. D'autre part nous n'avons pas encore rencontré d'estimation britannique digne de foi. En dehors des nouveaux États d'Europe orientale et balkanique qui sont l'objet d'une intervention politique et stratégique. Sur une illustration de cet aspect: Albert Broder „Le commerce international des matériels électrotechniques, 1890-1939", Revue du Nord, LXVII, (1985), pp. 357-390. On lit dans un rapport américain: „It is remarkable that their workmen(n.p. dans l'industrie automobile, alors la 2° du monde) still turn on fairly good work with their machine tools; but they are near breaking point
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du niveau de modernisation de l'industrie française et de la faiblesse de sa compétitivité hors prix (innovation, réseaux de vente, avance technique ...). Ce que révèlent le retour au déficit commercial et les archives des entreprises 9 . L'ensemble étant brièvement masqué par le maintien d'une forte demande intérieure et les capitaux flottants en provenance de Londres. Dans un cas comme dans l'autre, ce hot money ne peut permettre de construire une politique financière internationale à moyen terme. L'horizon financier est d'autant plus obscur que le retour à la normale économique en Allemagne se fait, en Europe centrale et en Amérique latine, au détriment de positions gagnées par la France et le Royaume-Uni. Pour la France, la situation est très préoccupante car ses deux principaux clients sont l'un en crise (Royaume-Uni), l'autre en plein renforcement du protectionnisme (tarif Fordney-Mac Cumber). Elle est aggravée par un déséquilibre visible entre de modestes investissements américains en France et leur importance à l'est du Rhin estimée en 1929 à 217 millions de dollars 10 A partir de 1931 la question des mouvements internationaux de capitaux va se modifier profondément. La crise joue un rôle essentiel, mais déchire aussi le voile qui masquait la fragilité des courants rétablis au cours des années vingt. En effet, on ne peut la considérer comme la seule responsable de la rupture des flux, dans la mesure où les grandes crises antérieures, telles celles de 1866 ou 1873 n'ont fait que ralentir temporairement les courants. La décision prise en 1931 de faire flotter le sterling en le détachant de l'étalon-or s'accompagne d'une directive du Trésor, approuvée par la Banque d'Angleterre, et prohibant toute émission étrangère publique ou privée11. Interdiction juridiquement illégale, mais que les banques ne peuvent se permettre d'ignorer 12 . Dès janvier 1933 la règle est assouplie au profit de la zone sterling. Pour les autres, seuls sont autorisés les emprunts destinés à importer des produits britanniques. Et cela à condition qu'au moins 50 % de la valeur ajoutée soit effectivement britannique. La France ne peut suivre une politique aussi complexe. Jusqu'en 1926 la balance des paiements (ou ce qu'on en connaît) est déficitaire. L'absence quasi (Fortsetzung Fußnote8) and need to be replaced. While french manufacture, along with french industry, have made considerable progress in both production and technique, modern production methods are practically unknown, and much hand labor and antiquated machinery are still used". Franklin.P Waller, „French market for industrial machinery",Special agent papers, N° 543, Dept. Of Commerce, Washington D. C„ 1927. 9 Les documents à usage interne (correspondance des filiales avec la maison mère) de la Compagnie Générale d'Electricité: Alsthom-Alcatel sont révélateurs de ces difficultés. Voir notre contribution dans Alsthom-Alcatel, Histoire de la C.G.E., Paris, 1994. Et surtout dans notre ouvrage La C.G.E. un siècle d'Histoire, en cours d'achèvement. L 'analyse des exportations textiles hors de l'Empire est tout aussi suggestive. 10 Automobile, pétrole, grands magasins, caoutchouc mais aussi Dupont chae I.G. Farben et même Coca-Cola. Foreign Investments of the U.S, Washington, Officie of business economics, dept. Of commerce, 1953. 11 R.W.Stewart, Great Britain's foreign loans policy, Economica, feb. 1938, pp. 45-60. 12 The Economist, 11-04-1936, pp. 86-87.
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totale de revenus financiers extérieurs, les besoins permanents du Trésor en avances à court terme et l'inflation réduisent fortement les capacités d'intervention extérieure. Cette faiblesse est en partie exploitée par les Anglo-Saxons pour peser sur la politique française. Celle-ci en est fragilisée comme le fait ressortir la question des choix énergétiques confrontés à la faiblesse des moyens financiers du Trésor 13 . Si la situation, s'améliore après 1926, certaines des recettes sont peu sûres, difficiles à comptabiliser (le tourisme) ou aléatoires (capitaux spéculatifs). L'investissement étranger s'affirme, anglais dans le pétrole (rachat de Jupiter par B.P.), hollandais (Philips) et américain (automobile, mécanique, électricité), mais son ampleur est sans commune mesure avec le cas allemand et il consiste souvent en cession de brevets, fusion de filiales, réduisant flux financiers réels. Même si la balance des paiements reste officiellement positive jusqu'en 1935, elle ne permet pas la mise en place d'un flux durables de capitaux.
2. Le problème allemand, les Pays-Bas et le crédit à court terme:
Confrontées à la réalité d'une guerre au cours de laquelle les exacerbations nationalistes atteignirent une intensité jusque-là inconnue, les banques et entreprises allemandes, dont le réseau international s'est constitué en symbiose avec des structures financières extérieures, ont échafaudé des hypothèses sur l'aprèsguerre intégrant l'éventualité d'une défaite dès 1917. Certes, l'épargne germanique fut, dans la décennie qui précède la première guerre, plus abondante que la française et se situe au 3° rang mondial, cependant l'importance des besoins de financement à l'intérieur et une balance des paiements déficitaire ont justifié un système d'association internationale, s'appuyant sur les plates-formes helvétique et belge à partir desquelles l'accès aux ressources de Londres et Paris était facilité 14 . C'est ce qui ressort en particulier de la documentation bancaire néerlandaise disponible. C'est le relais belge qui suscite le plus d'inquiétude pour l'avenir, tant que les liens avec les maisons «cousines» de Londres et surtout New-York ne sont pas officiellement rétablis. Dans l'immédiat après-guerre, le rôle de clearing House joué jusque là par Londres, et dans une moindre mesure Paris, dans le financement à court terme des échanges, et à long terme des investissements allemands, n'est plus assuré. L'hypothèse que nous avons rencontrée le plus fréquem13
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II est presque impossible, certaines années, de financer la construction de barrages hydroélectriques faute d'un financement à moyen terme à des taux supportables. Or c'est la politique officielle en fonction d'impératifs militaires (barrages loin de l'Allemagne sauf Kembs) et économiques (limiter les importations de charbon). Albert Broder: „Le rôle des intérêts étrangers dans la croissance économique de l'Espagne, 1760-1923", Thèse Microf. Paris 1981, Microf. Lille 1982.
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ment ne porte ni sur la rupture durable de ces relations, encore moins sur celle des liens industriels15. Ce qui a attiré notre attention c'est la recherche intense et la mise en place de nouveaux circuits financiers prêts à fonctionner avec la ratification de la paix et qui se révéleront durables jusqu'à la crise de 1929. C'est l'installation du nazisme qui sera la cause d'une rupture durable de relations que la crise de 1929 n'a pas affectées. Le cas des holdings suisses, rapidement évoqué au sujet des effets de l'effondrement des monnaies, n'est pas isolé. Rien qu'à Londres, le conflit à fait perdre aux trois premières banques allemandes plus de 3 milliards de marks or. Handicap aggravé par l'application du „Trading with the ennemy act", au titre duquel les banques allemandes sont interdites dans le Royaume -Uni jusqu'en 1924, tout comme elles le sont en Belgique et en France16. D'où l'importance des ex-neutres chez qui la situation est très contrastée. En Suisse, en raison du rôle joué par la banque alémanique (SBS, UBS, Basler Handelsbank) dans les trusts financiers utilisés par les grandes entreprises chimiques, mécaniques et surtout électriques allemandes, la prudence est de règle. Bien que l'Allemagne soit rapidement redevenue le premier partenaire commercial et financier, les engagements sont limités jusqu'à la réforme monétaire de 1929. Pour les banques allemandes le problème n'est pas essentiel, car les liens de la finance helvétique avec le monde anglo-saxon sont encore ténus. Mais la stabilité du franc suisse, les liens historiques avec Zurich alors que la Suisse est un des rares pays à avoir gardé des relations confiantes avec Vienne, expliquent que les places financières alémaniques attirent les financiers germaniques. Sur les 21 sociétés d'investissements établies hors frontières par les banques allemandes au cours des années 1920,7 se trouvent en Suisse. Ce qui contraste avec la réserve des banques. Ces sociétés sont moins de véritables centres dynamiques que des structures d'entente où se retrouvent les Dresdner, Berliner Handels, Deutsche Union, Dreyfus, Lazard-Speyr-Ellissen, Oppenheim ... avec des partenaires suisses mais aussi américains et français. C'est ainsi que la Société Internationale de Placements, établie à Bâle en 1930 se compose de 6 associés dont le banquier allemand fondateur (Sal.Oppenheim), et des maisons suisses, françaises, anglaises, danoises, et néerlandaises. Des sociétés de même type sont établies aux Etats-Unis (8), dans le RoyaumeUni (2), les Pays-Bas (3) et le Luxembourg. Dans ce dernier cas, l'entreprise est à contrôle français absolu (75 %), les autres étant Warburg, associé au new-yorkais Manhattan C° et le Créditanstalt de Vienne. L'évolution de la position des places néerlandaises est intéressante dans la mesure où elles n'occupent qu'une place mineure dans les réseaux européens à la veille de la guerre. Le rôle international d'Amsterdam n'est que l'ombre lointaine de son passé. Au début de la guerre tant la livre que le franc ou le mark ne peuvent y être cotés que deux fois par semaine, faute de transactions. Les dépôts étrangers 15
Les archives de la General Electric font ressortir en 1917-1918 la décision de mise en sommeil des liens contractuels et financiers avec A.E.G. Mais il n'est pas fait mention de rupture. 16 Karl Strasser, Die deutschen Auslandsbanken, München 1925, S. 56 ff.
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en compte courant dans la première banque du pays, la Rotterdamsche Bank, n'atteignent que 62 millions de francs or, soit à peine 10 % de son bilan. Ils quintupleront en 1920 (312,5 millions de francs or soit 25 % du bilan)17. Cette faiblesse s'explique aisément. Malgré l'importance du transit commercial allemand via les ports néerlandais, les acceptations, dont le commerce allemand fait un usage intense, se négocient presque exclusivement à Londres. DISPONIBILITES EN MOYENS DE PAIEMENTS ÉTRANGERS DANS LES GRANDES BANQUES NEERLANDAISES (Amsterdam et Rotterdam) en millions de florins 1913:1083
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Source: M.T. Houwink, document de travail- voir sources générales. Il n'est donc pas surprenant de ne compter à Amsterdam qu'un seul établissement sous contrôle allemand: Teixeira de Mattos, ancienne maison d'origine juive-portugaise, acquise en 1870 par la maison Lazard-Speyr-Ellissen (LSE) de Francfort, elle même liée à Speyr Bros de Londres (1836) et Speyr & C° de NewYork (1837). Or en 1917, peu avant l'entrée en guerre des Etats-Unis, L.S.E. acquiert une part dans la commandite Speyr & C° de New-York18. Le sort des armes et le maintien du blocus financier des Alliés vont inciter les banques allemandes a réagir dès la fin de 1917. Avec les événements de Russie et la paralysie financière en Autriche-Hongrie, il s'agit de se garantir de nouvelles lignes de crédit et sauver l'encadrement germanique du système financier d'Europe centrale, quelles que soient les conclusion du conflit. Il est en effet évident pour les responsables financiers que le plus favorable serait une paix de compromis. Mais celle-ci ne pourra, dans les circonstances les plus favorables, éviter une redéfinition des rapports de force en Europe balkanique et orientale. D'où la nécessité de mettre en place des circuits financiers que l'on activera en tant que de nécessité. Si, comme l'indique la politique de Speyr u Sohn, mais aussi de Siemens aux Pays-Bas et les négociations poursuivies par ce dernier avec Philips19, les préliminaires sont visibles dès 1917, les négociations s'intensifient en 1919 et se concluent en 1920. A ce moment la désorganisation monétaire de l'Allemagne commence à inquiéter sérieusement. La faillite du vénérable Banco de Barcelona qui avait 17
Nous devons ces données chiffrées à Mlle C. Witte qui prépare une thèse sur les relations économiques et financières entre la France et les Pays-Bas 1919-1938. 18 Le principal commanditaire de Speyr & C°, la maison Gordon Leith de New-York, rachètera toute les autres parts en 1927. 19 La General Electric et Westinghouse sont aussi partie aux négociations. Leur but principal semble être l'inclusion de la firme d'Eindhoven à l'accord de cartel international compte tenu de l'expansion de l'entreprise pendant la gueire. On retrouvera ces mêmes négociateurs dans l'activation du cartel Phoebus à Genève. Cf. Broder, La multinationalisation de l'industrie électrique française, Loc. Cit. Annales, 1982.
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Albert Broder
joué le retour du mark à sa parité de 1913 opère comme un révélateur. D'autant plus que les exigences des vainqueurs déçoivent et inquiètent les milieux financiers germaniques. En 1920 la Disconto-Gesellschaft transfère d'Anvers à Amsterdam le siège se sa filiale Albert de Bary, tandis que Fritz Mannheimer, agent de la Reichsbank à Amsterdam y active la filiale néerlandaise de Mendelssohn. Pour des raisons non indiquées, mais entrant sans doute dans la stratégie de protection contre les projets de l'Entente, la maison d'Amsterdam n'est pas rattachée à Berlin mais figure juridiquement comme une succursale de la filiale viennoise de Mendelssohn. Il pourrait également s'agir de mettre en place un instrument financier utile pour des transferts directs de fonds vers l'Autriche en fonction de la situation encore confuse dans l'ancienne Double Monarchie. Cette opération réalisée ouvertement ne peut avoir été ignorée des Français. La création de la Société anonyme hollandaise au capital de 5 millions de florins se fait avec le concours de deux banques allemandes (?) et de la Banque de Paris et des Pays-Bas, à partir de son agence de Bruxelles qui dispose d'une certaine autonomie. La prise de contrôle, toujours par Mendelssohn Vienne, de la maison Kux, Bloch & C° de Vienne et New-York, spécialisée dès cette époque dans la transaction de titres industriels semble, comme la précédente, destinée à faciliter la sauvegarde d'intérêts financiers et industriels dans les pays successeurs de l'Autriche-Hongrie. C'est ce que nous paraît justifier l'accent mis sur son statut américain, la possibilité d'accès au marché financier new-yorkais, garantie de liberté d'action, dans les rares indications que nous a fourni la presse financière. Le mouvement lancé par Mendelssohn va s'amplifier entre 1922 et 1924 avec une série d'acquisition dont les plus remarquables sont: - En 1922 de la Mij. Voor Bank en Handelsondern (Amsterdam) par l'association de la Bayerische Vereinbank et de Kleinworth (Londres). - En 1924 de la Nederland'sche Accept Mij afin de compenser partiellement l'impossibilité de négocier les acceptations allemandes à Londres. La participation de la Reichsbank à l'opération semble assurée, mais la source directe n'est pas claire dans l'état de nos études comme de celles d'Houwink et de Witte. Un des problèmes qui restent sans solution, tant que les archives comptables de la société restent inconnues, réside dans l'origine des ressources nécessaires aux crédits d'acceptation: soit dépôts, soit garantie par des tiers établissements financiers. En effet ce type d'opérations ne peut fonctionner que dans un système de garanties internationales. La même année Mendelssohn récidive en créant avec d'autres établissements de la place (mais la maison de Berlin est majoritaire) Vinternational Kredit Mij. d'Amsterdam, laquelle, une fois ses statuts déposés, ouvre une banque commerciale classique la Nederland'schen Mij. voor Handels. La politique de Mendelssohn n'est pas isolée. Pratiquement, tout ce qui compte dans la banque allemande agit de même, tout comme les grandes entreprises à vocation internationale, soit individuellement, soit en association avec des banquiers anglais et américains. Mais en dehors de ces structures financières, une autre construction s'élabore en 1920-1921. Les Treuhand Gesellschaften dont le
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Le financement de l'industrie allemande 1917-1925
nombre dépasse rapidement 100 aux dires du Consul d'Allemagne à Amsterdam20. Dépendant de grandes banques qui ne possèdent qu'un bureau de représentation, elles permettent de masquer une partie des valeurs du commerce allemand tout en facilitant le financement externe des échanges. CREATIONS BANCAIRES ALLEMANDES
AUX PAYS-BAS
1920-1924
Liste non limitative N.B. La mention Warburg indique toujours l'association des maisons de Hambourg et de NewYork(P.M.Warburg). En outre les entreprises gérées en premier par Mendelssohn et détaillées dans le texte, ne sont pas indiquées dans le tableau WARBURG + MANHATTAN C°
BLEICHRÖDERDELBRÜCK-SCHICKLER
(Berlin) +
Κ. G. Amsterdam'sehe Comité (1928) Banque d'intermédiation de court terme entre le marché financier américain et les entreprises allemandes. Schönberger (Amsterdam) avec Van der Heydt (Köln) et le Barmer Bankverein. Rhoodius Bank (Amsterdam-1920)
DELBRÜCK VAN DER HEYDT DREYFUS (Francfort)
1919 et contrôle en 1923 Nederland'scher Standard Bank I. G. avec Kredit Ν. V Amsterdam Filiale en nom propre NV Hamburgers Bankiers Kantoor
Albert LEVY (Köln) DEUTSCHE BANK DARMSTÄDTER THYSSEN
Bank voor Handel en Scheepvaart (associée à Bank de Francfort) et la Kontinentale Handelsbank (Amsterdam). On retrouve aussi la Commerzbank dans les efforts de Thyssen.
LES SOCIETES D'INVESTISSEMENT ALLEMANDES 1920-30
A UX PAYS-BAS
Nederland'sche Hand. Mij. maison mère de Nederland'sche Credit en Financiering Mij.
Mendelssohn, Warburg, S. Hirschland, A. Levy
Mij. Tot. Van Electr. Ondereemingen
Dresdner, Danat,Warburg,Teixera de Mattos (Lazard Speyr-Ellissen) Majorité Lazard Frères Paris + Danat, Dresdner, Warburg + associés suisses (Internat. Bodenkredit, Bàie), anglais et néerlandais.
Compagnie Centrale des Prêts Fonciers
QUELQUES
CAS DE
TREUHAND
Hollandsche maatschappij vor Industrie, Cosmopolit, Metropolis. Ces sociétés disparaissent lorsque ces sociétés, créées avec des prête-noms, sont remplacées par des Treuhand installées dans les locaux de leurs filiales hollandaises par les grandes banques allemandes: Danat: Bataafsche Trust Mij., Deutsche Bank: Heerengracht et Eindhoven. Sources: Howing et Witte cités ainsi que: Archives Paribas, Crédit Lyonnais, Société Générale de Belgique. 20
Howink, op. cit. Lettre du Consul à A. A. Berlin, 26.5.1921.
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Albert Broder
3. La mise en place d'une structure bancaire allemande aux Pays-Bas Notons d'abord une lacune importante dans cette étude et que la documentation en notre possession ne permet pas de combler: l'ignorance où nous sommes des modalités et du taux de libération du capital des entreprises ainsi que du montant effectif des emprunts. La question se pose tout autant pour les travaux de Robert Kuckzinski21 au sujet des emprunts allemands aux Etats-Unis, lequel nous fournit certes les taux nominaux et d'offre, mais non les montants réellement perçus par les émetteurs allemands. Or, avec le rétablissement progressif des relations économiques internationales, la quête de capitaux extérieurs à court terme est un souci dominant d'une exportation allemande dont la reprise est essentielle pour l'approvisionnement du pays. Dès l'été 1919 l'agent de la Reichsbank, Fritz Mannheimer, intervient à la demande d'Erzberger auprès de van Aalst, président de la plus importante banque néerlandaise: la Nederland'sche Handels Mij. Ainsi qu'auprès de ses filiales Tredefina (crédit) et Ruilverker (négoce) afin de dégager un énorme crédit de 500 millions de florins. L'importance du crédit devant, dans l'esprit des négociateurs berlinois, engager la participation de banquiers américains. Malgré la situation intérieure de l'Allemagne et les risques d'opposition de la France, Mannheimer obtient 200 millions de florins dont 60 pour l'achat de produits alimentaires locaux (surtout des céréales) et 140 pour l'acquisition de matières premières industrielles. Ce dernier montant étant renouvelable pendant trois ans sous la forme d'un crédit reconstitué par les remboursements (revolving). Les 200 millions sont cautionnés par des livraisons de charbon allemand aux Pays-Bas, en particulier des mines d'Erkelenz dont les actionnaires sont néerlandais22. La publicité de l'accord, contraire aux intentions des négociateurs français à Versailles, ne provoque cependant aucune réaction de ce côté. Aucune archive publique n'en mentionne l'existence. Tout se passe comme si, du côté français, on s'abstenait d'intervenir dans les intérêts néerlandais. Sans doute pour des raisons financières. D'autant plus que, jusqu'en 1922, l'industrie allemande utilise fort peu cette source de financement. Cette absence de réaction française est d'autant plus étonnante que l'accord est à l'origine de la mise en place d'une société d'investissement dont on peut penser qu'elle a des intentions à long terme en raison de la qualité des partenaires allemands (voir encadré ci-dessus). Par contre, une fois engagé le processus des réparations, le rôle des créations bancaires allemandes aux Pays-Bas apparaît pleinement. Elles permettent la mise en place de lignes de crédit commerciaux à court terme en provenance ou 21 22
Robert Kuckzinski, American loans to Germany, New York 1927. Art. 266. Pour les détails: Econom.Statist.Berichten, 1922, p. 898 et suivantes. Houwink note également ce fait.
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Le financement de l'industrie allemande 1917-1925
organisés à Londres23. Chronologiquement, le mouvement apparaît dès 1919 avec un crédit d'acceptation de 60 millions de florins, arrangé par les deux Treuhand du groupe van Aalst en faveur des opérations du groupe Thyssen en Amérique latine. Jusqu'en 1922, ce crédit renouvelé permit au groupe de financer plus de 100 millions de marks-or d'exportations de produits sidérurgiques. Seule la mise en place de structures autonomes associant Thyssen et la Nederland'sche Handels explique la fin du crédit. Les opérations étant transférées dans les nouvelles Treuhand. Parallèlement aux opérations Thyssen-Van Aalst, des accords de crédits de la Rotterdam'sche Bank à l'armateur- financier Kröller permettent à ce dernier, qui a constitué une flotte sous pavillon néerlandais et argentin, de bénéficier pour 180 millions de florins en crédits commerciaux. CREDITS COMMERCIAUX AU GROUPE KRÖLLER en 1919. 60 millions de florins 57,3 (achats de produits alimentaires) 7,5 (crédits privés à des importateurs industriels)
5,3 (garantie d'importations du gouvernement allemand)
Ces crédits apparaissent comme des exemples d'un mouvement qui va s'accélérer à partir de 1921 et dont les Pays-Bas ne sont qu'un des exemples parmi les moins étudiés. Au 30 juin 1925, selon les données de l'Office statistique du Reich, le montant des crédits à court terme accordés par l'étranger à l'Allemagne s'élève à 1600 millions de RM. Malgré les réactions négatives du gouverneur de la Reichsbank Schacht, le mouvement ne fait que s'accélérer au point qu'en 1927 la très sérieuse Wirtschaft und Statistik évalue la dette extérieure à court terme entre 4,6 et 5,1 milliards de RM dont 1/6 (0,8 milliard) en provenance des Pays-Bas24. Ce qui fait de ce pays la seconde source de financement de l'économie allemande DETTE A COURT TERME DE L'ALLEMAGNE(1927) en pourcentage Crédits bancaires
ETATS-UNIS PAYS-BAS
32,6 % 10,9 %
Crédits au commerce et a l'industrie
PAYS-BAS ETATS-UNIS
Crédits des banques au commerce et a l'industrie
PAYS-BAS ETATS-UNIS
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Deutschland, Frankreich und die Karikaturisten 1918-1933
Der Preis 2 5 Pfg.
Nr. 5 53. Jahrgang Berlin, den 27. 2. 3 2
. . . und halte Ich mich einem p. t. Publlkuir für alle vorkommender Feile besten· empfohlen.*
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Ursula E. Koch
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Le Canard Enchaîné 2.7.1930 Guilac N o s troupes repassent le pont de Kehl et les allemands, en pleurs, voient nos soldats rentrer en France définitivement. Abbildung 4
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Beate Gödde-Baumanns
Die Auseinandersetzung der Historiker mit der Niederlage: Frankreich nach 1870/71 Deutschland nach 1918/19 Der spezifische Beitrag von Historikern zur geistigen Auseinandersetzung mit nationalen Niederlagen besteht darin, Rückschau in die Vergangenheit zu halten mit der Zielsetzung, - die tieferen Ursachen des Geschehens aufzudecken, - nach Traditionen zu fragen, die dem Wiederaufstieg der Nation dienlich sein könnten, oder nach den Lehren zu fragen, die aus dem Geschehenen für die Gestaltung einer besseren Zukunft abzuleiten seien, - historisch begründete Vorwürfe der siegreichen Gegenseite auf ihre Stichhaltigkeit zu überprüfen. I Trotz des gewaltigen Unterschiedes zwischen der faktischen Dimension des Deutsch-Französischen Krieges und des Ersten Weltkrieges ist es statthaft und sinnvoll, die Reaktionen französischer Historiker auf die Niederlage von 1870/71 und deutscher Historiker auf die Niederlage von 1918/19 zu vergleichen. Ist für die Reaktion doch weniger das objektive Ausmaß als vielmehr der subjektive Eindruck von der Dimension des Geschehens bedeutsam. Seinen Zeitgenossen Franzosen wie Deutschen - ist der Deutsch-Französische Krieg als „der schrecklichste Krieg aller Zeiten" erschienen.1 Daß er es nicht war, zeigte sich 1914 und 1
Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel, Paris 1866-1876, Bd. VIII, S. 1599: „... la plus effroyable guerre qu'on ait jamais vue." Vgl. Julius ν. Pflugk-Harttung (Hg.), Krieg und Sieg 1870-71 - Ein Gedenkbuch, Berlin 1895, Bd. I, S. 1: „Die Weltgeschichte berichtet von unzähligen Kriegen, aber sie weiß von keinem, der sich mit dem Völkerringen von 1870/71 zu messen vermag."
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Beate Gödde-Baumanns
ist seitdem bewußt. Aber diese Einsicht späterer Generationen ändert nicht die Tatsache, daß die Zeitgenossen vermeinten, mit 1870/71 den größten aller Kriege erlebt zu haben. In Frankreich wurden die Niederlage und der Commune-Aufstand als zwei Seiten einer Katastrophe empfunden -1870/71 blieb lange Zeit als „l'année terrible" in Erinnerung.2 Die militärische Niederlage und die Notwendigkeit, die Friedensbedingungen zu akzeptieren, wurden als das nationale Desaster empfunden, weil sie als Niedergang Frankreichs erlebt wurden. 1918 trafen militärische Niederlage und Novemberrevolution zusammen. Nach der Dauer des Krieges, angesichts der materiellen Friedensbedingungen und wegen des als Schmach empfundenen Kriegsschuldartikels des Versailler Vertrages erlebten die Deutschen ihre Niederlage im Weltkrieg als die Katastrophe. Von daher ist die Basis für einen Vergleich von Reaktionen französischer Historiker auf die Niederlage von 1870/71 und Reaktionen deutscher Historiker auf die Niederlage von 1918/19 gegeben. Hingegen entzieht sich die Situation nach 1945 bei dem hier zu behandelnden Thema einer vergleichenden Betrachtung: Mit der militärischen und politischen Niederlage des Deutschen Reiches im Jahre 1945 ging die Aufdeckung des Holocaust überein. Die Konfrontation mit der fortan offenkundigen Tatsache, daß dieses ungeheure Verbrechen in und von Deutschland unter der nationalsozialistischen Herrschaft begangen worden war, bildete eine singulare Herausforderung zur geistigen Auseinandersetzung mit der nationalen Geschichte. Ein Bestandteil der Suche nach den tieferen Ursachen der Niederlage ist die Auseinandersetzung mit historisch begründeten Vorwürfen und Anschuldigungen der Gegenseite. Für die Deutschen waren sie in einem völkerrechtlich offiziellen Text, Artikel 231 des Versailler Friedensvertrages, komprimiert. Den Franzosen waren „les griefs historiques" der Deutschen aus der Argumentation vertraut, mit der in der publizistischen Auseinandersetzung und in persönlichen Unterredungen, wie zum Beispiel zwischen Leopold von Ranke und Adolphe Thiers im November 1870, die Forderung nach Abtretung des Elsaß und lothringischer Gebiete begründet worden war. Außerdem fanden in der zweiten Hälfte des 19. und in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts die deutsche Geschichtsschreibung bei den französischen und die französische Geschichtsschreibung bei den deutschen Historikern große Beachtung. Das galt insbesondere für Darstellungen der eigenen Geschichte von Autoren des anderen Landes und Werke über die Geschichte der deutsch-französischen Beziehungen. So waren die historisch begründeten Vorwürfe der anderen Seite wechselseitig wohlbekannt.3 2
3
So der Titel einer Gedichtsammlung von: Victor Hugo, „L'année terrible", Paris 1871. - Vgl. Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française, 1870-1914, Paris 1959; zur Verschmelzung von „la défaite" und „la Commune": S. 48. Aus Gründen der Platzersparnis werde ich hier nur wörtliche Zitate belegen und verweise für alle anderen Aussagen auf die grundlegenden Darstellungen von Digeon ( Anm. 2) und HeinzOtto Sieburg, Deutschland und Frankreich in der Geschichtsschreibung des 19. Jahrhunderts, 2 Bde., Wiesbaden 1954-58, sowie eigene frühere Untersuchungen mit detaillierten Belegen: Beate Gödde-Baumanns, Deutsche Geschichte in französischer Sicht. Die französische Historio-
Die Historiker und die Deutung der Niederlage
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Die rege Auseinandersetzung mit geschichtlichen Interpretationen der Gegenseite im Rahmen der Auseinandersetzung mit der Niederlage des eigenen Landes wurde jedoch keineswegs immer als solche explizit kenntlich gemacht. Vielfach erschließt sich erst bei der Lektüre der Geschichtsschreibung beider Seiten, was bei einseitiger Betrachtung entweder der französischen oder der deutschen Geschichtsschreibung verborgen bleibt: Bedeutende Werke namhafter Autoren enthielten implizit die Antwort auf ein Werk aus dem anderen Land, das entweder gar nicht oder nicht in diesem Zusammenhang beim Namen genannt wurde. Diese Verbindung von allgemeiner Auseinandersetzung mit der Niederlage und spezifischer Reaktion auf ein historisches Werk aus dem gegnerischen Lager sei hier exemplarisch am Beispiel des französischen Historikers Albert Sorel und des deutschen Historikers Hermann Oncken erläutert. Albert Sorel verknüpfte das primäre Anliegen seines Hauptwerkes L'Europe et la Révolution française4 - die Erforschung jener Epoche französischer Außenpolitik, die er für besonders bedeutsam hielt - mit einer implizit bleibenden Antwort auf die Geschichte der Revolutionszeit von Heinrich von Sybel.5 Hermann Oncken verknüpfte das Hauptanliegen seiner wichtigsten Nachkriegsschriften 6 - die Widerlegung der These von Deutschlands Kriegsschuld - mit einer Antwort auf die Histoire de deux peuples von Jacques Bainville,7 ohne je expressis verbis darauf zu verweisen. Da Albert Sorel und Hermann Oncken auch hinsichtlich ihrer zeitgenössischen Reputation als Historiker, ihres weltoffenen Erfahrungshintergrundes, ihrer politischen, konservativ-liberalen Grundeinstellung und ihres patriotischen Engagements vergleichbar sind, läßt sich an ihrem Beispiel neben solchen Gemeinsamkeiten zugleich ein wesentlicher Unterschied der geistigen Verarbeitung der Niederlage aufzeigen.
4 5
6
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graphie von 1871 bis 1918 über die Geschichte Deutschlands und der deutsch-französischen Beziehungen in der Neuzeit, Wiesbaden 1971; „La France et l'Allemagne: L'éclosion d'une historiographie et ses échos", in: Storia della Storiografia 12 (1987), S. 72-88; „Ansichten eines Krieges. Die „Kriegsschuldfrage" von 1870 in zeitgenössischem Bewußtsein, Publizistik und wissenschaftlicher Diskussion 1870-1914", in: Eberhard Kolb (Hg.), Europa vor dem Krieg von 1870, München 1987, S. 175-202; „Nationale Elemente in der deutschen Auseinandersetzung mit der französischen Revolution", in: Heiner Timmermann (Hg.), Die Französische Revolution und Europa 1789-1799, Saarbrücken 1989, S. 147-168; „La Révolution française dans la vision de Heinrich von Sybel et d'Albert Sorel", in: Atti dei Convegni Lincei 89 (1991), S. 37-47; „Frankreichbilder deutscher Historiker - Kontinuität und Wandel", in: Helga Abret u. Michel Grunwald (Hg.), Visions allemandes de la France /Frankreichbilder aus deutscher Sicht (1871-1914), Bern, Berlin etc. 1995, S. 17-33. Auch greife ich meine Formulierungen aus diesen früheren Untersuchungen hier zu einem Teil wieder auf. Albert Sorel, L'Europe et la Révolution française, 8 Bde., Paris 1885-1904. Heinrich von Sybel, Geschichte der Revolutionszeit von 1789 bis 1795 (1800), 5 Bde., Düsseldorf 1853-1879. Hermann Oncken, „Die historische Rheinpolitik der Franzosen" (1922), zit. nach: ders., Nation und Geschichte. Reden und Aufsätze 1919-1935, Berlin 1935, S. 135-184; ders., Die Rheinpolitik Kaiser Napoleons III. von 1863 bis 1870 und der Ursprung des Krieges von 1870/71,3 Bde., Stuttgart 1926; ders., Das Deutsche Reich und die Vorgeschichte des Weltkrieges, 2 Teile (mit fortlaufender Seitenzählung), Leipzig 1933. Jacques Bainville, Histoire de deux peuples. La France et l'Empire allemand, Paris 1915.
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II Albert Sorel, 1842-1906, gehörte zu jenen Franzosen, die erst in Reaktion auf Frankreichs Niederlage von 1870/71 den Beruf des Historikers wählten.8 Er hatte die diplomatische Laufbahn eingeschlagen und war in den Monaten nach Sedan bei der provisorischen französischen Regierung, dem Gouvernement de la Défense nationale, als Sekretär des Beauftragten für die Auswärtigen Angelegenheiten tätig. In dieser Funktion gewann Sorel einerseits konkrete Einblicke in die damalige diplomatische Isolation Frankreichs in Europa - diese Eindrücke sollten für sein Lebenswerk von Bedeutung werden. Andererseits zog der junge Diplomat die Aufmerksamkeit der späteren Gründer der École libre des Sciences politiques auf sich, - was für seinen Lebensweg entscheidend werden sollte. Die École libre des Sciences politiques wurde 1872 von Privatpersonen ins Leben gerufen, die von der Notwendigkeit einer geistigen Erneuerung Frankreichs überzeugt waren und den langwierigen Prozeß einer Universitätsreform nicht abwarten wollten. Sie richteten unter anderem einen Lehrstuhl für Diplomatiegeschichte ein, damals eine Innovation, und boten ihn Albert Sorel an. Er zögerte anzunehmen, da er nicht zum Historiker ausgebildet war, aber der Altmeister der französischen Historiker, François Guizot, sprach ihm Mut zu. Er werde diesen Beruf erlernen, indem er ihn ausübe: „Vous apprendrez votre cour en le faisant." 9 Seine erste Vorlesung soll Sorel schüchtern vom Blatt gelesen haben. Ab der zweiten hat er seine Zuhörer fasziniert. Nicht nur französische Studenten, sondern Nachwuchsdiplomaten aus vielen Ländern haben in den folgenden 35 Jahren Sorels Vorlesungen besucht. Der gute Ruf, den die private Hochschule bald gewann, war neben ihrem Mitbegründer und Leiter Emile Boutmy vor allem Albert Sorel zu verdanken. Als später Gambetta Sorel in die praktische Politik zurückholen wollte und ihm wahlweise anbot, als politischer Direktor ins Außenministerium zu kommen oder als Botschafter nach Berlin zu gehen, hat Sorel beide Angebote zugunsten seiner Lehrtätigkeit und historischen Forschung ausgeschlagen. Allerdings hielt er durch ein Amt, das sich mit seiner Haupttätigkeit verbinden ließ, eine unmittelbare Beziehung zu praktischer Politik aufrecht: 25 Jahre lang war er als Sekretär der Präsidentschaft des französischen Senats tätig. So war Sorels gesamte Lebensgeschichte ab 1871 wesentlich durch den in Reak-
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Das trifft z. B. ebenfalls auf seine Altersgenossen Ernest Lavisse (*1842) und Ernest Denis (*1849) zu. Aus der älteren Generation ist insbesondere der Fall Hippolyte Taine (* 1828) in diesem Zusammenhang erwähnenswert. Taine, der 1870 als Literaturphilosoph bereits hohes Ansehen genoß, brach seine bisherigen Arbeiten unter dem Eindruck der Ereignisse von 1870/71 abrupt ab und konzentrierte sich fortan auf die historischen Forschungen, aus denen sein Werk Les Origines de la France contemporaine, 6 Bde., Paris 1875-1893, hervorging. Zit. nach: Jacques Chastenet, „Un grand historien, un grand artiste - Albert Sorel", in: Revue des deux mondes, 15. Nov. 1956, S. 198.
Die Historiker und die Deutung der Niederlage
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tion auf die Niederlage gefaßten Entschluß geprägt, als Historiker einen Beitrag zur geistigen und moralischen Reform Frankreichs zu leisten.10 Von Sorels Werken seien hier nur zwei erwähnt: Seine Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande,11 die 1875 erschien und wegen ihrer damals als außergewöhnlich empfundenen Unparteilichkeit Aufmerksamkeit erregte, sowie sein vielfach ausgezeichnetes, international renommiertes Hauptwerk L'Europe et la Révolution française.12 Es bereitete auch den Weg für Sorels Wahl in die Académie Française. In seiner Geschichte des Deutsch-Französischen Krieges vertrat Sorel die These, Bismarck habe diesen Krieg gewollt, weil er zur Vollendung der deutschen Einheit unentbehrlich gewesen sei.13 Im Schlußwort behauptete Sorel sogar, die Deutschen hätten in diesem Krieg die Hegemonie über Frankreich erstrebt: „II ne suffisait pas aux Allemands d'affaiblir la France, ils entendaient établir la suprématie des peuples germaniques sur la nation française."14 Dennoch übte Sorel harte Kritik am Verhalten der französischen Regierung. Obwohl Bismarck den Krieg gewollt habe, sei er keineswegs unvermeidlich gewesen. Die preußischen Politiker hätten lediglich die Umstände genutzt, die sie vorfanden.15 Erst das Ungeschick und die Anmaßung der französischen Politiker hätten die Erfolge der Gegner ermöglicht.16 Sarkastisch beschrieb Sorel die Inkompetenz der französischen Regierung: „... die Macht lag in den Händen unsicherer Geister und mittelmäßiger, aber eingebildeter Politiker.... Die führenden Minister glaubten an ihre Kollegen so wie sie an sich selbst glaubten: der Herzog von Gramont hielt den Marschall Le Boeuf für einen großen Feldherrn; der Marschall Le Boeuf hielt den Herzog von Gramont für einen großen Diplomaten; der Kaiser träumte, und der Ministerrat hätte aus lauter Respekt vor den Geheimnissen der Diplomatie und den Mysterien der Strategie befürchtet, diesen großen Staatsmännern Unrecht zu tun, wenn er verlange, der eine möge seine Arsenale kontrollieren und der andere seine Bündnisverträge prüfen."17 Auf sein Hauptwerk L'Europe et la Révolution française hat Sorel dreißig Jahre seines Lebens verwandt und das Thema auch häufig in seinen Vorlesungen 10
Der Titel der Aufsatzsammlung von Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, Paris 1871, hat weit über den Kreis der politischen Gesinnungsfreunde Renans hinaus programmatische Bedeutung gewonnen. 11 Albert Sorel, Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, 2 Bde., Paris 1875. 12 Vgl.Anm.4. 13 Sorel, Guerre, Bd. I, S. 49. 14 Ibid., Bd. II, S. 368. 15 Ibid., Bd. I, S. VIII f. 16 Ibid., Bd. I, S. I. 17 Ibid., Bd. I, S. 173: „... le pouvoir était aux mains d'esprits incertains et de politiques médiocres infatués de leur génie,... Les ministres dirigeants croyaient à leurs collègues comme ils croyaient à eux-mêmes; le duc de Gramont tenait le maréchal Le Boeuf pour un grand homme de guerre; le maréchal de Boeuf tenait le duc de Gramont pour un grand diplomate; l'empereur rêvait, et le conseil, respectueux du secret diplomatique et des mystères de la stratégie, aurait cru faire injure à ces grands hommes d'Etat en demandant à l'un de visiter ses arsenaux, à l'autre d'examiner ses traités."
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Beate Gödde-Baumanns
behandelt.18 Sorel weitete Tocquevilles Leitgedanken von der inneren Verbindung zwischen Ancien Régime und Französischer Revolution auf die Außenpolitik aus und stellte die europäische Geschichte zwischen 1789 und 1815 als „die natürliche und notwendige Folge" der vorherigen Geschichte Europas dar.19 Gleichzeitig suchte er in dieser Epoche den Schlüssel zum Verständnis der Beziehungen zwischen den großen Nationen Europas im 19. Jahrhundert, also auch die tieferen Ursachen für jene Isolation Frankreichs in Europa, die er Ende 1870 im Rahmen seiner beruflichen Tätigkeit unmittelbar miterlebt hatte. Als Sorel die Arbeit an diesem Werk aufnahm, war ihm die 1879 abgeschlossene Geschichte der Revolutionszeit von Heinrich von Sybel wohlvertraut. Er hatte sowohl die Originalfassung wie die französische Übersetzung ausführlich rezensiert.20 Um erkennbar zu machen, worauf und wie Sorel antwortete, gilt es, zunächst Sybels wichtigste Thesen zu resümieren.21 Laut Sybel stand die „demokratische Revolution des französischen Volkes ... nach ihrem positiven Gehalte" mit dem „Weltprozess" des Strebens nach Freiheit und voller Entfaltung des Menschen in Einklang. Jedoch sei dieses Ziel in Frankreich von Beginn an verfälscht worden, so daß die französische Revolution „die Forderungen unseres Völkerlebens nicht erfüllt, sondern vernichtet" habe. Die Ursachen, „aus denen in Frankreich eine für das ganze Jahrhundert... verhängnisvolle Wendung entsprungen" sei, lägen in der sittlichen Verderbnis des alten Frankreich begründet: „... die französische Revolution mißlang, nicht weil die Zerstörung der alten Ordnung ein verkehrtes Beginnen war, sondern weil die Nation mit einem tiefen Bestände alter Sittenlosigkeit in die Bewegung eintrat." Da zudem der alte französische Eroberungsgeist rasch in die Revolution eingedrungen sei, habe diese sich „mit schrankenloser Begehrlichkeit zu einer Umwälzung der ganzen bestehenden Weltordnung" erhoben. Solange der innere Zustand des revolutionären Frankreich und des zaristischen Rußland währten, habe es „keine Hoffnung auf Rechtssicherheit und Frieden in Europa" gegeben.22 Das waren historische Vorwürfe, die eine geistige Herausforderung darstellten, - umso mehr als sich 1870 die politischen Folgen der weit verbreiteten Vorstellung 18
Auf der letzten Seite des achtbändigen Werkes sagt er es selbst: Sorel, Rev., Bd. VIII, S. 512: „.. .ce livre, compagnon de ma jeunesse, ami de mon âge mûr, où j'ai mis trente années de mon existence." 19 Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, Paris 1856. - Zitat: Sorel, Rev., Bd. I., S. 8. 20 H. de Sybel, Histoire de l'Europe pendant la Révolution française, 6 Bde., Paris 1869-1888. Sorels Rezensionen erschienen in: Revue historique 5 (1877), S. 439-442; 10 (1879), S. 469-474. Obgleich er den antifranzösischen Tenor des Werkes mit Bedauern vermerkte, hob Sorel dessen „unbestreitbare" Qualitäten hervor und würdigte Sybels große wissenschaftliche Leistung. 21 Die Verfasserin ist sich bewußt, daß die folgenden äußerst knappen Zusammenfassungen der großen historiographischen Bedeutung der Revolutionsgeschichten von Sybel und Sorel keine Rechnung tragen, und verweist diesbezüglich auf frühere Arbeiten (vgl. Anm. 3). Hier geht es lediglich darum, in aller gebotenen Kürze einen Zusammenhang aufzuzeigen, der nicht Gegenstand dieser Untersuchung ist, aber in ihrem Kontext erwähnt werden muß. Das gilt sinngemäß auch für die weiter unten folgenden Resümees. 22 Sybel, Bd. II, S. 7-14.
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von Frankreich als Störenfried Europas gezeigt hatten. Sorel nahm die intellektuelle Herausforderung an und entwarf in L'Europe et la Révolution française das Gegenbild zu Sybels Darstellung.23 Während er häufig auf Sybel verwies, wo er Details anders beurteilte, nannte Sorel seinen Widerpart nicht beim Namen, wo es um den Stellenwert der Französischen Revolution in der Geschichte Europas ging. Aber für jeden, der Sybel gelesen hatte, war die Antwort unverkennbar, wenn Sorel betonte, Sittenverderbnis habe nicht nur im Frankreich des Ancien Régime, sondern im ganzen alten Europa geherrscht. Die Ursache für den Ausbruch der Revolution in Frankreich liege nicht darin, daß hier die Zustände schlimmer und unerträglicher als andernorts gewesen wären, sondern vielmehr darin, daß Staat und Nation bereits moderner strukturiert und die Bevölkerung kultivierter gewesen sei als in den anderen Ländern. Und es sei dem großherzigen Nationalcharakter der Franzosen zu verdanken, daß die Französische Revolution ein europäisches Ereignis wurde. Denn ihre tragenden Ideen seien überall in Europa verbreitet gewesen, „aber keine andere Nation wäre jemals auf den Gedanken gekommen, daraus ein Evangelium für die Menschheit zu machen, und noch viel weniger, einen Kreuzzug für die Bekehrung und Befreiung der Nationen zu unternehmen." Allerdings habe nur allzu bald der verderbte Geist des alten Europa das neue Denken der französischen Revolutionäre korrumpiert.24 Die Pervertierung des Idealismus war der Punkt, an dem Sorel der Übergang von der nationalbewußten Verteidigung gegen fremde Vorwürfe zur selbstkritischen Erforschung der nationalen Geschichte gelang. Legte er doch dar, die französischen Revolutionäre hätten sich desto leichter vom Zynismus der alten europäischen Mächte anstecken lassen, als im französischen Nationalcharakter auch die Eroberungslust zutiefst verankert sei. Nüchtern und schonungslos schilderte er, wie die anfänglichen Ideale der französischen Revolutionäre rasch in nackte Eroberungssucht umschlugen: „Sie haben den Krieg begonnen, um ihre Unabhängigkeit zu verteidigen, sie haben ihn fortgesetzt, um ihre Prinzipien zu verbreiten; dann hat der diesem Volke eingeborene klassische Amtsgeist, beflügelt vom revolutionären Denken, unter dem Druck der Verhältnisse, der Tradition und des nationalen Interesses die nationale Verteidigung, die Propaganda, die Vorherrschaft, die Größe Frankreichs und das Glück der Menschheit mit einem einzigen Ziel identifiziert: Eroberung."25 Es sei vor allem um die Eroberung 23
Ohne es hier näher ausführen zu können, sei zumindest vermerkt, daß Sybel seinerseits mit seinem Werk ein Gegenbild zur liberalen französischen Revolutionshistoriographie von Thiers, Mignet und Michelet entworfen hatte. In erster Linie ging es bei der großen europäischen intellektuellen Debatte über die Französische Revolution, die im ganzen 19. Jahrhundert geführt wurde, um eine ideologische Auseinandersetzung, ihre nationalen Aspekte waren zweitrangig. 24 Sorel, Rev., Bd. I, insbesondere: S. 1-8,89-91,143-146,537-552, Zitat: S. 538. 25 Ibid., Bd. IV, 462: „Iis ont commencé la guerre pour défendre leur indépendance; ils l'ont continué pour propager leurs principes; puis, par la force des choses, par la poussée de la tradition et de l'intérêt national, l'esprit de magistrature classique inné dans la race, exalté par l'esprit révolutionnaire, a identifié la défense nationale, la propagande, la suprématie, la grandeur de la France et le bonheur de l'humanité dans un seul dessein, celui de conquête."
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der Rheingrenze und damit um die Verwirklichung eines alten Zieles gegangen. Seit Jahrhunderten habe Frankreich danach gestrebt, die natürlichen Grenzen zu erreichen und diesen Expansionsdrang mit dem nicht minder traditionellen Glauben an seine Mission gerechtfertigt, das Glück der Menschheit zu besorgen. Die anderen europäischen Mächte seien stets bestrebt gewesen, eine solche Ausdehnung Frankreichs zu verhindern oder rückgängig zu machen und gleichzeitig sich selbst zu vergrößern. Alle französischen Friedensversuche seien zum Scheitern verurteilt gewesen, solange Frankreich im Besitz der Rheingrenze war. Alle weiteren Eroberungen des revolutionären und napoleonischen Frankreich seien notwendig gewesen und unternommen worden, um diese eine Eroberung zu sichern. Trotz dieser Interpretation und seiner Meinung, daß die Absichten der Gegner noch weit furchtbarer gewesen seien als die gefährlichsten Ambitionen Frankreichs, legte Sorel jedoch mit großem Nachdruck dar, daß die Französische Revolution von dem Augenblick an, als sie in Eroberung umschlug, unweigerlich feindselige Reaktionen der anderen Nationen habe hervorrufen müssen. Allerdings wußte er auch bei dieser, in aller Deutlichkeit ausgesprochenen Erkenntnis nationale Selbstkritik und nationale Selbstgewißheit zu verbinden: Es sei für Frankreich eine Ehre und ein Trost, daß Europas Völker sogar in ihrer Erhebung gegen Frankreich den französischen Ideen von nationaler Unabhängigkeit und Freiheit gefolgt seien.26 Als er sein Lebenswerk vollendet hatte, bekannte Sorel offen, daß er jede Seite im Gefühl der Liebe und Verbundenheit zu seinem Vaterland geschrieben habe.27 Sein Verständnis von Patriotismus hatte ihn nicht gehindert, sondern vielmehr bewogen, nach Irrtümern und Fehlern der eigenen Nation zu fragen und deren Wirkung auf Andere kritisch in den Blick zu nehmen.
III Hermann Oncken (1869-1945) war, anders als Sorel, bereits ein gestandener Historiker, als der Erste Weltkrieg sein Wirken in eine neue Richtung lenkte.28 Gleich Sorel besaß er einen Erfahrungshintergrund, der über die Gelehrtenstube hinausreichte. Er war ebenfalls politisch tätig gewesen und hatte zeitweise einen Lehrstuhl in Chicago innegehabt. Gleich Sorel wußte er in seinen Vorlesungen 26
Ibid., Bd. I, S. 551: „C'est l'honneur et la consolation de la France de penser que ... les peuples de l'Europe ... dans le moment même où ils retournaient contre elle les idées d'indépendance nationale et de liberté qu'elle avait semées dans le monde, ... suivaient encore l'impulsion généreuse de son génie." 27 Jean-Albert Sorel, „La vocation historique d'Albert Sorel", in Hommes et mondes, Revue mmsuelle, Dez. 1950, S. 487 f. 28 Klaus Schwabe, „Hermann Oncken", in: Hans-Ulrich Wehler (Hg.), Deutsche Historiker, Bd. II, Göttingen 1971, S. 81-97.
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seine Zuhörer zu fesseln und fand als Historiker große Resonanz. Er lehrte seit 1907 in Heidelberg, seit 1923 in München und seit 1928 in Berlin. 1935 wurde er von den Nationalsozialisten zwangsemeritiert. Nachdem Oncken bereits während der Kriegsjahre als Mitherausgeber des Sammelbandes „Deutschland und der Weltkrieg" hervorgetreten war,29 befaßte er sich ab 1919 hauptsächlich mit der Kriegsschuldfrage. Die größte Herausforderung bildete für ihn wie für andere politische Historiker Deutschlands die Aussage im Versailler Friedensvertrag, „daß Deutschland und seine Verbündeten für alle Verluste und Schäden verantwortlich" seien, die die alliierten Regierungen und ihre Staatsangehörigen „infolge des ... durch den Angriff Deutschlands und seiner Verbündeten aufgezwungen Krieges erlitten" hätten.30 Jedoch kannte Oncken offenbar auch wichtige Kriegsschriften der französischen Historiker. Auf einen Bestseller der französischen Kriegspublizistik, die Histoire de deux peuples von Jacques Bainville,31 nahm Oncken sowohl in seinem Aufsatz Die historische Rheinpolitik der Franzosen aus dem Jahre 192232 als auch in der gut 120 Seiten starken Einführung zu seiner Aktenedition Die Rheinpolitik Kaiser Napoleons III. ... 33 vielfach Bezug, ohne Autor und Werk beim Namen zu nennen. 34 So gilt es auch hier, zunächst kurz Bainvilles Histoire de deux peuples zu betrachten, um den verborgenen Zusammenhang erkennbar zu machen. Jacques Bainville, ein Publizist, der sich in den Kreisen der Action française einen Ruf als Historiker erworben hatte, gab seine Histoire de deux peuples, die 1915 erstmals erschien und zahlreiche Auflagen erfuhr, als wissenschaftlich fundierten „Kommentar zum Großen Krieg 1914-15" aus.35 Er baute darin seine rudimentär bereits vor dem Ersten Weltkrieg entwickelte These von einer schicksalhaften Erbfeindschaft zwischen Frankreich und Deutschland zu einem geschlossenen Geschichtsbild aus. Der Kern des Gegensatzes sei der Kampf um den Rhein. Frankreich strebe nach dieser Grenze um der klassischen und vernünftigen Vollendung seiner territorialen Staatsform willen und bedürfe ihrer als Schutzwall gegen ständig drohende Einfälle der Deutschen. Deutschland verteidige den Rhein und glaube sich seinerseits verletzt und angegriffen, wenn es hinter ihn zurückge29
Vgl. Christoph Cornelißen, „Politische Historiker und deutsche Kultur. Die Schriften und Reden von Georg v. Below, Hermann Oncken und Gerhard Ritter im Ersten Weltkrieg", in: Wolfgang J. Mommsen (Hg.), Kultur und Krieg: Die Rolle der Intellektuellen, Künstler und Schriftsteller im Ersten Weltkrieg", München 1996, S. 119-142. 30 Artikel 231. 31 Vgl. Anm. 7. 32 Vgl. Anm. 6. Nach Onckens eigenen Angaben handelte es sich um einen Vortrag, den er „im Janar 1922 in einem geschlossenen Kreise in Essen hielt", und der im gleichen Jahr in Gotha veröffentlicht wurde: Oncken, Rheinpol. Nap., Bd. I, S. VII. 33 Vgl. Anm. 6, Vorwort und Einführung: Bd. I, S. VII- XII, 1-121. 34 Zuweilen erwähnte Oncken Bainville mittelbar, z. B.: Hist. Rheinpol., S. 170: „...wenn die extremen Nationalisten auch heute noch nicht müde werden, die Zerstückelung Deutschlands zu predigen,..." Auf Jacques Bainville und sein Buch Bismarck et la France, Paris 1907, bezieht sich m. E. auch die Bemerkung von Oncken, Rheinpol. Nap., S. 3: „Noch kurz vor Beginn des Weltkriegs hat ein französischer Publizist..." 35 Bainville, S. 10.
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drängt werde. Aus der unabänderlichen Tatsache, daß Frankreich nicht in Sicherheit sei, solange die Nachbarschaft eines mächtigen Deutschland auf ihm laste, ergebe sich das oberste Gebot jeder französischen Politik: Deutschland im vitalen Interesse Frankreichs unschädlich zu machen. Die französischen Könige hätten das begriffen, über Jahrhunderte Deutschlandpolitik als ein „methodisches Unternehmen zur Schwächung und Spaltung des Reiches" betrieben und so zum Segen aller den „germanischen Koloß" außer Gefecht gesetzt.36 Der Westfälische Friede sei „das Modell jedes wirklichen und dauerhaften Friedens mit den germanischen Ländern", da er alle Elemente enthalten habe, die Deutschland „für Frankreich und für Europa" unschädlich machten, insbesondere die territoriale und politische Zerstückelung. Die französischen Revolutionäre hätten zwar mit der Eroberung der Rheingrenze ein wichtiges Ziel der Monarchie verwirklicht. Zugleich aber hätten die Revolutionäre und Napoleon das kunstvolle Werk zunichte gemacht, indem sie durch ihre rücksichtslose Politik das deutsche Nationalbewußtsein weckten und Deutschlands territoriale Zersplitterung teilweise rückgängig machten, weil sie nicht verstanden, „daß dieses Chaos im Interesse Frankreichs und für die Ruhe Europas ersonnen" gewesen sei.37 Napoleon III. habe das Unheil vollendet, da er durch sein Aufbegehren gegen die Bestimmungen von 1815 den Weg zur deutschen Einheit eröffnet habe. Seit 1870 und erst recht seit 1914 büßten die Franzosen gemäß einem biblischen Wort wahrhaft für die Sünden ihrer Väter. 38 Erlösung sei nur zu erwarten von einer Rückbesinnung auf das ewig gültige Vorbild des Westfälischen Friedens. Der deutsche Einheitsstaat müsse wieder zerstückelt werden. 39 Damit lieferte Bainville deutschen Lesern eine überzeugende und willkommene Bestätigung alter historischer Klagen gegen Frankreich - ein ebenfalls in den kulturellen Austauschprozessen zwischen den beiden Ländern öfter anzutreffendes Phänomen. Hermann Oncken machte sich dieses Geschichtsbild zu eigen und kehrte den Spieß um: Frankreich habe von altersher mit allen Mitteln danach gestrebt, die Rheingrenze zu erobern und Deutschlands Einheit zu verhindern. Die Notwendigkeit, das Daseinsrecht der deutschen Nation gegen die französische Machtsucht zu verteidigen, sei die moralische Rechtfertigung aller deutschen Politik. Zu Unrecht mache die Welt Deutschland für das verantwortlich, was Frankreich verschuldet habe: „Das Problem der letzten Ursachen des Weltkrieges datiert ja nicht etwa seit dem Frankfurter Frieden, wie die Welt sich seit Jahren glauben machen läßt, sondern reicht in die tiefsten Gründe zurück, die den Krieg von 1870 veranlaßt haben: da aber stoßen wir auf die historische Rheinpolitik der Franzosen. In dieser napoleonischen Politik vor 1870 lag letztlich auch die historische und moralische Rechtfertigung unseres Erwerbs von El-
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Ibid., S. 13. Ibid., S. 196 f. Ibid., S. 264 ff. Das war das „cetero censeo" aller Kriegs- und Nachkriegsschriften von Jacques Bainville, deren Widerhall bei Oncken auf Schritt und Tritt begegnen sollte.
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saß-Lothringen."40 Angesichts der französischen Deutschlandpolitik nach 1919 klagte Oncken, es solle „so etwas wie ein Verbrechen an der deutschen Nation begangen werden", und es kümmere die Welt nur wenig, „daß dieses Verbrechen an einem Volke begangen wird, das nach furchtbarer Heimsuchung eine neue Lebensform anstrebt und für sich nur das sucht, was selbst der kleinsten und kaum erwachten Nationalität heute zugebilligt wird, das aber bei jedem Versuche, sich wieder aufzurichten, von dem Stiefelabsatz des Siegers niedergetreten wird - während wie zum Hohne die Welt immer noch von den abgetanen Schlagworten der deutschen Gefahr und des deutschen Militarismus widerhallt."41 „Der Franzose" werde nicht zögern, bei günstiger Gelegenheit die alte Gewaltpolitik wiederaufzunehmen. Die Aufgabe der Deutschen aber sei es, „die Fahne des Rechtes gegen die Gewalt ungebrochen hoch zu halten, einen neuen Staat auf der Selbstbestimmung einer freien Nation aufzubauen, ... und die Kräfte der sittlichen Erneuerung zu pflegen, durch die ein Volk auch im Unglück unüberwindlich wird."42 Der letzte Gedanke entsprach voll und ganz dem, was in Frankreich nach der Niederlage von 1871 oft gesagt und geschrieben worden war. Hier wäre es ein Leichtes, die Zitate auszutauschen. Der Unterschied lag in der Rolle, die der kritischen Rückbesinnung auf die eigene Geschichte für die Erneuerung beigemessen wurde. Hermann Oncken hielt auch in der ausführlichen Einführung zur Aktenedition über Die Rheinpolitik Kaiser Napoleons III. und den Ursprung des Krieges von
1870/71, in der er auf Albert Sorel verwies,43 die einfache Antithese aufrecht, derzufolge alles Recht auf deutscher, alles Unrecht auf französischer Seite lag. Napoleon habe „eine Machtpolitik verwerflichen Stils" betrieben, Bismarck „nur Pflicht und Recht der Selbstverteidigung" geübt.44 Nur Frankreich sei für „den verhängnisvollen Zusammenstoß zwischen der historischen Rheinpolitik der Franzosen und dem Selbstbestimmungsrecht der deutschen Nation" im Jahre 1870 und für die „Weltspannung" verantwortlich, die zum Weltkrieg geführt habe.45
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Oncken, Hist. Rheinpol., S. 158 f. Ibid., S. 182 f. 42 Ibid., S. 184. 43 Oncken, Rheinpol. Nap., Bd. I, S. 4,120. 44 Ibid., Bd. I, S. 83 f. Vgl. auch S. 41: „Die Politik Bismarcks war, bei aller ihrer preußischen Sonderfarbe, doch eng verbunden mit dem Drang einer Nation, sich nach innen und außen neu zu gestalten und alles dieser neuen Lebensform Widerstreitende abzulösen und zu überwinden: sie war sittlich, weil sie eine geschichtliche Notwendigkeit vollstreckte, aber sie hatte den Weg zum Ziele mit den Mitteln zurückzulegen, wie die europäische Umwelt, so wie sie war, wie vor allem die französische Nachbarschaft sie erforderte. Die Künste Napoleons dagegen, triefend von schönen Schlagworten und im Kerne von tiefer Verlogenheit, dienten allein dem Zwecke, in den Lebensprozeß einer anderen Nation mit gewissenlosen Spiele einzugreifen.... das zweideutige Spiel, in dem hier die Geschicke einer großen Nation der nachbarlichen Begehrlichkeit ... geopfert werden sollten, wird immer das ungeschriebene Sittengesetz verletzen, das das Leben der Staaten und Völker regiert." 45 Ibid., S. 121. 41
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Etwas differenzierter ging Hermann Oncken in seinem Werk Das Deutsche Reich und die Vorgeschichte des Weltkrieges vor, das 1933 erschien und den Höhepunkt seiner Arbeiten über das große Thema darstellt, dem er seit 1914 seine Arbeitskraft widmete.46 Wiederum sprach er Frankreich, jetzt aber ebenso England die eigentliche Verantwortung für den Weltkrieg zu. Diesen deutete er als „Vernichtungskrieg des größten Teiles der Welt gegen das Reich". 47 Für keine andere Nation habe im Weltkrieg soviel auf dem Spiele gestanden wie für die Deutschen: „Es ging ... - und das unterschied ihre Schicksalslage von fast allen ihren großen und kleinen Gegnern - in ganz anderem Umfange um das Ganze ihrer Existenz, nicht nur um die Höhenlinie ihrer Macht und ihrer Wohlfahrt, sondern um die Behauptung fast aller Grundlagen ihres historisch erwachsenen Daseins." 48 Aber jetzt hielt Oncken auch den Deutschen ein wenig den Spiegel vor. „Fast zu rasch ... zu Reichtum, Macht und Selbstgefühl gelangt", habe das deutsche Volk „nicht gerade die Tagenden" entwickelt, „die Anderen mit seiner Erscheinung auszusöhnen,,.49 Es sei den Deutschen nicht gelungen, „durch die Geistigkeit und Beherrschtheit ihrer Machtausübung mit der Tatsache der Macht auszusöhnen." 50 In gewisser Hinsicht hätten Deutschlands führende Politiker 1914 versagt, vergebens suche man „nach der Figur des großen Staatsmannes". 51 Nach Oncken glaubten die Mittelmächte, einen kriegerischen Konflikt mit Serbien lokalisieren zu können. Das war nach seinem Urteil „ein weltgeschichtlicher Irrtum". 52 Jedoch zeigte sich an dieser Stelle besonders deutlich der Unterschied in der Grundauffassung. Während Albert Sorel mit Blick auf 1870 betonte, wenn Bismarck auch den Krieg gewollt habe, so enthebe das doch keineswegs die französischen Politiker ihrer Verantwortung, sah Oncken die Verantwortung der deutschen Politiker durch den Kriegswillen der Anderen entlastet: „Aber selbst wenn die Lokalisierung eine Utopie war, die man in der Weltlage von 1913/14 als einen schweren Fehler der politischen Einsicht bezeichnen muß, wenn damit auch die deutsche Politik belastet werden müßte, so sind, auf dieser Ebene der Verteilung der Verantwortlichkeiten, diejenigen Staatsmänner noch schwerer zu belasten, die diese Lokalisierung von vornherein unmöglich machten und ... sofort auf den großen Brand lossteuerten." 53
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Vgl. Anm. 6. Dem Vorwort zufolge handelte es sich dabei um Bd. 9 und 10 einer Reihe mit dem Obertitel „Der Weltkampf um Ehre und Recht". 47 Oncken, Dt. Reich, S. 824. 48 Ibid., S. 827 f. 49 Ibid., S. 827. 50 Ibid., S. 659. 51 Ibid., S. 793. 52 Ibid., S. 795. 53 Ibid., S. 795.
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IV Unter zwei Aspekten sind die hier ausgewählten Beispiele meines Erachtens für die Auseinandersetzung französischer Historiker mit der Niederlage von 1870/71 und deutscher Historiker mit der Niederlage von 1918/19 repräsentativ: hinsichtlich der nationalen Selbstbilder, die sie enthalten, und der unterschiedlichen Bereitschaft zur selbstkritischen Rückschau, die sie widerspiegeln. Zwar lassen sich auf beiden Seiten Gegenbeispiele finden, aber nicht von Autoren, die bezüglich der zeitgenössischen Reputation als Historiker und der Resonanz, die ihre Werke zur Zeit des Erscheinens fanden, mit Albert Sorel und Hermann Oncken vergleichbar wären. Aus Sorels Werk trat das Selbstbild von „la France généreuse" hervor. Dieser Teil eines alten nationalen Selbstverständnisses hatte den Zusammenbruch von 1870 überdauert und wurde durch das neue Gegensatzbewußtsein zu Deutschland bestätigt. Aus Onckens Werk trat das Selbstbild eines Deutschland als stetes Opfer fremder Mißgunst hervor. Ebenfalls sehr alt, war es durch die Vorstellung von der „Einkreisung",54 durch den Weltkrieg und durch den Versailler Friedensvertrag eindrucksvoll bestätigt worden. Die unterschiedliche Bereitschaft zur nationalen Selbstkritik erklärt sich kaum aus der Person der Autoren: Sorel und Oncken standen einander weder in dem Willen, ihren Beitrag zur „sittlichen Erneuerung" der Nation zu leisten, noch an Intelligenz oder geistiger Unabhängigkeit nach. Es erhebt sich die Frage, ob die Ursache für das unterschiedliche Maß an Selbstkritik im realen Unterschied zwischen den Niederlagen von 1870/71 und 1918/19 zu suchen ist, oder ob die beiden repräsentativen Charakteristika in einem inneren Zusammenhang miteinander stehen. Das kann hier nicht näher erörtert werden. So seien, statt einer Zusammenfassung, drei Fragen an den Schluß dieser Betrachtung gestellt: Wog Artikel 231 des Versailler Friedensvertrages als moralische Anklage und wegen seiner gravierenden Konsequenzen so schwer, daß alle intellektuelle Kraft für die Gegenrede aufgebracht werden mußte und keine geistige Energie für nationale Selbstkritik übrig blieb? Oder wog die deutsche Niederlage von 1918/19 nicht schwer genug, um einen Prozeß selbstkritischer Reflexion in Gang zu setzen, weil sie trotz ihres katastrophalen realen Ausmaßes das Bild intakt ließ und sogar bestätigte, das sich die Deutschen seit langem von sich selbst als einem sittlich überlegenen, aber stets fremder Mißgunst ausgesetztem Volk gemacht hatten? Dagegen hatte die Niederlage von 1870 das „Dogma" von Frankreichs Beliebtheit und machtpolitischer Überlegenheit und damit den einen Teil eines alten nationalen Selbstbildes zunichte gemacht.55 Wäre es unter diesem Gesichtspunkt gar sinnvoll, die Niederlagen von 1870 und 1945 zu vergleichen, weil ihnen bei aller sonstigen Diskrepanz 54 55
Oncken, Rheinpol. Nap., S. 83, sprach von einer „Einkreisung von 1869". Digeon, S. 13.
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die Wirkung gemeinsam war, daß sie trügerische Selbstbilder zerstörten? 1945 war das alte Selbstbild der Deutschen von der sittlichen Überlegenheit ihres Volkes zunichte gemacht. Gab erst das den Blick auf eigene Fehler frei? Oder war auf dem Boden der selbstgewissen Überzeugung von der positiven Rolle einer Nation, die sich als „la France généreuse" verstand, Selbstkritik leichter zu üben als auf dem Hintergrund der Überzeugung, stets von fremder Mißgunst bedroht zu sein? Blockierte das Selbstbild von Deutschland als Opfer fremder Machtentfaltung die Entwicklung von Sensibilität für die Wirkung eigener Handlungen auf Andere? Mit anderen Worten: war die geringere Neigung zur nationalen Selbstkritik ein Zeichen größerer Überheblichkeit oder vielmehr schwächeren Selbstvertrauens?
Corine Defrance
La sélection des nouvelles élites dans les universités de l'Allemagne occupée,
1945-1949 Au sein du système éducatif allemand, les Alliés accordèrent une importance fondamentale à l'Université en raison du rôle qui lui incombait dans la formation des élites d'un pays à reconstruire. Dans le contexte de la guerre froide naissante, elle assuma à la fois une fonction éducative et politique. Nous voudrions ici étudier non les problèmes de formation proprement dits, mais les modalités de sélection de ces futurs cadres de la société allemande. L'après-guerre fut-il mis à profit pour former des élites radicalement nouvelles ou devait-on assister à la restauration d'une communauté estudiantine traditionnelle? Après une première phase, où le choix des étudiants s'effectua surtout par la négative (dénazification et „démilitarisation" des esprits), furent mises en place de véritables politiques de recrutement dont nous tenterons de dégager les critères. Furent-ils imposés par les Occupants ou établis par les autorités universitaires allemandes? Varièrent-ils sensiblement d'une zone d'occupation à l'autre, d'une université à l'autre? Enfin, nous traiterons des efforts entrepris pour engager l'Université dans le processus de promotion, d'intégration et de cohésion sociales. Sans négliger le point de vue soviétique, l'analyse porte essentiellement sur les parties occidentales de l'Allemagne et en particulier sur les universités de Bonn, Heidelberg et Fribourg choisies comme établissements témoins des zones britannique, américaine et française respectivement.
I. L'épuration des étudiants 1. Les premières mesures liées à la réouverture des universités
Ayant décidé de rouvrir rapidement les universités de leur zone d'occupation, les Alliés durent d'emblée faire face au problème du recrutement des étudiants. En cette fin d'été 1945, il ne pouvait s'agir de sélectionner prioritairement les „meilleurs", mais d'interdire l'accès des établissements d'enseignement supérieur aux éléments qui s'étaient lourdement compromis sous le Troisième Reich.
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Corine Defrance
Ces premières réglementations furent prises unilatéralement par chacun des occupants pour sa propre zone. Ainsi, à l'été 1945, l'Education Branch du Gouvernement militaire américain prépara-t-elle une directive concernant la réouverture des établissements d'enseignement supérieur.1 Promulguée à l'automne, elle confirma que le choix des étudiants devait être du ressort des universités. Il était précisé qu'aucun étudiant ne pouvait être exclu en raison de sa race, de son sexe, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques (sauf les tenants du nazisme) ou de l'aide qu'il aurait pu fournir aux forces alliées. Des comités représentatifs, composés d'étudiants fiables et d'un membre du corps enseignant, devaient être mis en place au sein de chaque faculté. Leur tâche était de procéder à un premier examen des questionnaires et de soumettre leurs propositions de sélection au recteur de l'université, responsable des exclusions.2 En septembre 1945, les autorités britanniques définirent elles aussi le processus d'épuration des étudiants. Comme en zone américaine, la sélection devait être établie sur la base d'un questionnaire et confiée aux autorités universitaires allemandes. L'établissement des critères politiques d'exclusion n'était pas davantage précisé par le gouvernement militaire britannique que par l'OMGUS. 3 En zone française d'occupation, les instructions provisoires sur la réouverture des universités, du 4 septembre 1945, prescrivirent: „Les étudiants ne seront admis à s'inscrire qu'après une enquête destinée à éliminer les éléments qui se seraient compromis en faveur du III e Reich. Cette enquête se fera sous l'autorité du recteur assisté du doyen et d'un professeur de la faculté intéressée".4 Quelques semaines plus tard, la Direction de l'Education publique (DEP) précisa qu'elle n'entendait pas exclure a priori tous les étudiants ayant été membres du parti nazi ou de ses organisations de jeunesse, mais seulement ceux qui y avaient occupé des fonctions élevées.5 On note donc de nombreuses similitudes dans les processus mis en place par les trois Occidentaux: partout l'épuration des étudiants fut confiée aux Allemands eux-mêmes mais l'occupant se réserva un droit de contrôle. C'est en zone française que furent données les consignes les plus précises quant aux critères politiques d'exclusion.6 Dans les zones anglo-américaines, les universités établirent elles-mêmes les critères politiques de filtrage des étudiants. Jusqu'à la fin décem-
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Bundesarchiv (BA), Coblence, OMGUS 5/304-1/43, "draft directive in opening universities", Hartshorne, 20 juin 1945. La date exacte de la promulgation de cette directive est incertaine. La version datée du 29 septembre semble être encore un projet. On trouve d'autres exemplaires datés du 25 octobre et du 21 novembre 1945 (BA, Coblence, OMGUS 5/309-1/28 etl945^6/6/4). Public Record Office(PRO)/Londres, Foreign Office (FO) 1050/1268, „statement on the progress of denazification in the field of education", Education Branch, 10 septembre 1945. Ministère des Affaires étrangères (MAE)/Colmar, AC 70 (1), „Instructions provisoires sur la réouverture des universités", signé Laffon, 4 septembre 1945. MAE/Colmar, AC 108(3), „admission des anciens chefs de la Jeunesse Hitlérienne aux écoles secondaires et supérieures", 24 novembre 1945, Laffon. Universitätsarchiv (UA)/Fribourg, „SenatsprotokoUe", séance dul3 décembre 1945.
Nouvelles élites en Allemagne 1945-1949
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bre 1945, il n'y eut aucune harmonisation de ces principes entre les universités.7 Les disparités au sein d'une même zone et entre les zones incitèrent les Alliés à rechercher au plus haut niveau une ligne directrice commune. A l'automne 1945 avait été instauré un Comité allié de l'Education au sein de l'Autorité de Contrôle à Berlin. C'est à cet échelon quadripartite que furent élaborées de nouvelles directives concernant l'épuration et la sélection des étudiants.
2. La recherche d'une politique répressive
commune
En décembre 1945, les Français proposèrent un projet concernant la non-admission des anciens membres du parti nazi comme étudiants.8 Il fut accepté en janvier. Plusieurs catégories d'exclusion furent établies en fonction des degrés de responsabilité dans les diverses organisations nationales-socialistes. Néanmoins, les anciens membres du parti qui n'avaient pas été „actifs" pouvaient être admis dans la mesure des places disponibles. Leurs cas devaient être soumis à des comités universitaires spéciaux, composés d'éléments antifascistes.9 Ils ne devaient pas excéder 10 % du nombre total d'étudiants.10 Le Comité allié de l'Education se préoccupa parallèlement du problème des anciens officiers de la Wehrmacht et de la démilitarisation. Les premières directives émises par les Alliés en 1945 n'avaient rien spécifié en la matière. Les statistiques recueillies à l'été 1946 illustrent la grande variabilité des pratiques d'admission de ces officiers dans les quatre zones. On comptait alors 19,1 % d'anciens officiers en zone américaine, 23,8 % en zone britannique, 16,5 % en zone française et seulement 3,1 % en zone russe11, mais les Soviétiques n'avaient accepté aucun officier d'activé dans les universités, les Français n'en avaient admis qu'un faible pourcentage (1,4 %), deux fois moins élevé que celui observé en zones britannique (2,8 %) et américaine (2,3 %).12 Constatant l'hétérogénéité des situations, les Soviétiques proposèrent au Conseil de Contrôle un projet tendant à éliminer les officiers des universités. Ils entendaient exclure tous les ex-officiers d'activé et n'admettre pas plus de 5 % d'anciens officiers de réserve par fa-
7
Cf. Joachim Horn, „Der Wiederaufbau der Universität Bonn, 1945-1947", mémoire rédigé pour l'obtention du Staatsexamen, Universität Bonn, sans date, p. 56. 8 MAE/Colmar, Groupe français du Conseil de Contrôle (GFCC), 1945, C.110 p. 1 d.8, procèsverbal de la cinquième réunion du Comité allié de l'Education, 19 décembre 1945. 9 Β A/Coblence, OMGUS, 5/301-3/29,10 janvier 1946 (17ème séance). 10 MAE/Colmar, GFCC, 1946, DPA 22, „Non admission des personnes ayant des antécédents nazis en qualité d'étudiants dans les institutions d'enseignement supérieur", 23 janvier 1946. 11 MAE/Colmar, GFCC 1946, cllO pl d l l , procès-verbal de la 14ème réunion du Comité allié de l'Education, 21 août 1946. 12 ΒΑ/Coblence, OMGUS 5/298-1/12, rapports pour le Conseil des Ministres des Affaires étrangères, datés des 24 et 31 janvier 1947 concernant respectivement la dénazification et la démocratisation dans le secteur de l'éducation.
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cuité. Examinons quelles étaient les conceptions des Alliés en matière de reclassement des cadres de la Wehrmacht.13 Le représentant soviétique exprima sa conviction que ces anciens militaires n'étaient pas „rééducables" et qu'ils constituaient une menace pour la future démocratie: „25 % des étudiants des établissements d'enseignement supérieur sont anciens officiers. Ainsi, il y a lieu de prévoir que 25 % environ des personnes qui occuperont à l'avenir des postes dirigeants en Allemagne seront animés d'un esprit militariste et de sentiments de revanche".14 Les Anglo-Américains ne partageaient aucunement le point de vue soviétique. Ils rejetaient catégoriquement l'équation „armée allemande = armée nazie" comme la confusion militaire/militariste. De surcroît, ils estimaient qu'interdire la reconversion des anciens officiers à des activités civiles constituait en soi un risque pour la démocratie: „Ecarter les officiers de l'Université, c'est les empêcher de se reclasser dans la vie civile, c'est-à-dire les transformer en éléments hostiles à la politique démocratique des Alliés et les amener éventuellement à la résistance contre les Alliés".15 La délégation française proposa, en octobre 1946, une façon radicalement nouvelle de traiter le problème. Elle suggéra d'offrir des possibilités de reclassement aux anciens militaires, mais de contrôler leur orientation vers des professions inoffensives: „II n'est pas souhaitable de punir les officiers simplement parce qu'ils ont fait leur carrière dans la Wehrmacht; cependant, si l'on admettait des officiers dans les universités sans leur limiter le choix des études, cela pourrait présenter un certain danger".16 La liste proposée de ces disciplines „interdites" est particulièrement instructive. Outre les matières scientifiques susceptibles de conduire à la recherche en matière militaire, furent cités les sciences de la société (sciences politiques, droit, histoire) et l'enseignement. En revanche, pouvaient être autorisés „l'architecture, l'urbanisme, l'agronomie, les eaux et forêts, la médecine, les arts décoratifs et le commerce".17 Aucun accord quadripartite n'ayant finalement été trouvé, chacun des occupants procéda à son gré dans sa zone. On peut incontestablement parler du premier grave échec du Comité allié de l'Education en matière universitaire.
13
MAE/Colmar, GFCC, 1946, c.110 p . l d.13, proposition soviétique DIAC/AEC/P(46) 25, 16 juillet 1946. 14 MAE/Colmar, GFCC, 1946, DPA 22, „Restrictions à l'admission des anciens officiers des forces années allemandes en qualité d'étudiants dans les établissements d'enseignement supérieur", 16 novembre 1946. 15 Ibid. 16 MAE/Colmar, GFCC, 1946, DPA 22, „Restrictions à l'admission des anciens officiers des forces armées allemandes en qualité d'étudiants dans les établissements d'enseignement supérieur", Extrait du document ,,DIAC/M(46)424" du 29 octobre 1946. 17 Ibid.
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II. Les critères de sélection Outre la mise à l'écart des éléments politiquement compromis, une sélection des candidats s'avéra nécessaire afin de tenir compte des capacités d'accueil des universités (de nombreux locaux avaient été détruits et le corps enseignant se trouvait réduit), des possibilités d'hébergement des étudiants dans les villes universitaires et des besoins immédiats ou futurs de la société allemande.18 Les Alliés et les universitaires allemands se montrèrent très soucieux d'éviter la reconstitution d'un prolétariat intellectuel.19 Aussi se posa la question de l'orientation des étudiants vers les secteurs déficitaires et d'un éventuel „numerus clausus".
1. La nécessité d'une sélection et la question du Numerus Clausus.
Les Américains se refusèrent à l'imposer eux-mêmes sans y être toutefois hostiles.20 Les Français préférèrent limiter le nombre d'étudiants en relevant notamment le niveau de l'Abitur.21 Seuls les Britanniques imposèrent le numerus clausus à partir de 1946.22 Ils justifièrent leur position en précisant que le numerus clausus devait aider au relèvement de l'Allemagne en assurant la formation de nouveaux cadres en nombre adéquat.23 Les plafonds devaient être négociés avec chaque faculté au sein des universités, afin de pouvoir orienter les étudiants vers certains types particuliers d'études.24 L'instauration de ce numerus clausus valut aux occupants britanniques l'hostilité des étudiants et d'une large partie des enseignants.25 A Bonn, la situation devint véritablement conflictuelle. La crise culmina lors de la démission forcée du recteur Konen accusé d'avoir volontairement outrepassé les plafonds fixés.26 De surcroît, le fait que le Royaume-Uni ait été la 18
PRO, FO 1050/1037, lettre de Robert Birley (Educational Adviser) à la „Manpower Division" du Gouvernement militaire britannique, 19 février 1948. 19 Β A/Coblence, OMGUS, 1945^16/27/8, „rapport Zook", 1946. 20 PRO, FO 1050/1233, procès-verbal de la 9ème conférence des „University officers" de zone britannique, 4/5 juin 1947, Berlin. 21 Ibid. 22 PRO, F01050/1037, „Brief for the Educational Adviser for discussion with the chief of staff; revision of numerus clausus", non signé, 24 avril 1948. 23 PRO, FO 1051/619, „A statement on the numerus clausus in Hochschulen in the British zone", non signé, 16 octobre 1946. 24 Le numerus clausus était fixé en accord avec les doyens des facultés de chaque université. Il reposait sur des estimations du marché de l'emploi dans la zone. Procès-verbal de la 9ème conférence des „University officers" de zone britannique, 4/5 juin 1947, Berlin, PRO, FO 1050/1233. 25 Le numerus clausus était d'autant plus mal perçu qu'il s'inscrivait en rupture avec la tradition universitaire allemande. PRO, FO 1050/1037, lettre de Birley à la „Manpower Division", 19 février 1948. 26 Le numerus clausus avait été dépassé de plus de 2000 places au semestre d'hiver 1947/48, PRO, FO 1050/1037, lettre de R. Birley à la „Manpower Division", 19 février 1948.
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seule puissance occidentale à imposer ce système, ruinait son efficacité puisque les étudiants refoulés pouvaient partir dans d'autres zones.27 Pourtant, certains établissements de zone américaine, comme à Heidelberg, établirent également des restrictions à l'admission.28 On commença par la faculté de médecine car, comme dans la plupart des autres universités, les étudiants s'étaient précipités vers ces études pensant qu'il y avait carence de médecins dans la société.29 Toutefois les universitaires allemands se divisèrent au sujet du bien-fondé de ce numerus clausus. Le recteur Bauer s'y montra favorable30 tandis que le professeur Hess, s'il reconnaissait qu'une telle mesure permettrait de contenir le chômage des diplômés, estimait qu'il n'y avait pas de concordance directe entre les perspectives professionnelles et le nombre des étudiants. Il soulignait que de nombreuses femmes, une fois les études achevées, n'entraient pas dans le vie active. Selon lui, il fallait donc au moins assouplir ce numerus clausus afin de préserver le principe de concurrence sur le marché du travail.31
2. L'établissement des critères de sélection.
Qu'il y ait eu ou non instauration d'un numerus clausus, le nombre des candidats fut, dans toutes les universités, bien supérieur aux places disponibles. Il fallut opérer des choix et établir des critères de priorité pour le recrutement. On distingue des critères politiques, sociaux et scientifiques qui allaient façonner la composition des futures classes dirigeantes. Les modalités du recrutement furent tantôt établies par les autorités universitaires allemandes, tantôt par les Alliés qui fixèrent notamment certaines des grandes orientations politiques. a. Les critères politiques. Exclure les étudiants nazis ne constituait qu'un premier pas que les quatre Alliés considéraient insuffisant. Au delà de l'épuration, il fallait assurer le caractère démocratique des futures élites. Les Alliés disposaient en la matière d'une base commune constituée par les documents de janvier 1946 du Conseil de Contrôle qui avaient classé les étudiants en plusieurs catégories, donnant la priorité à ceux qui n'avaient jamais été membres du parti nazi, de ses organisations annexes ou des mouvements de jeunesse du IIIe Reich. 27
PRO, FO 1051/619, „A Statement on the numerus clausus in Hochschulen in the British zone", non signé, 16 octobre 1946. 28 ΒΑ/Coblence, OMGUS, 5/303-3/10, Rektoren-Konferenz zu Heidelberg vom 25.-27. November 1946. 29 UA/Heidelberg, Β 8010/6, lettre de Bauer au Regierungspräsident de Hesse rhénane, 3 décembre 1945. 30 ΒΑ/Coblence, OMGUS 5/298-1/23, lettre du recteur Karl Bauer au colonel Lisle, Gouvernement militaire, Mannheim, 9 septembre 1945. 31 UA/Heidelberg, Β 203/3, „Bedenken gegen den Numerus clausus", Gerhard Hess, 26 novembre 1946.
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En juillet 1947, un projet d'origine soviétique s'attela à définir les principes généraux d'admission des étudiants dans le supérieur. La partie concernant les critères politiques établit l'ordre suivant de priorité: 1. les antifascistes actifs; 2. les personnes qui ne furent pas membres ou candidats du parti nazi ou d'organisation affiliée; 3. ceux qui furent seulement membres nominaux de la Hitler Jugend ou du Bund Deutscher Mädel.32 Entre temps, faute d'accord au sein du Conseil de Contrôle, chacun des trois Occidentaux avait promulgué un décret d'amnistie de la jeunesse dans sa propre zone. Celle-ci s'appliquait à tous les Allemands nés depuis le 1er janvier 1919.33 Aussi, en novembre 1947, les Alliés demandèrent-ils d'insérer les personnes exonérées dans la troisième catégorie ci-dessus mentionnée. Le délégué soviétique fit alors savoir que de telles lois n'avaient pas été promulguées dans sa zone.34 Malgré ces divergences, les quatre occupants parvinrent néanmoins à trouver un compromis au sujet des critères politiques de sélection des étudiants. b. Les critères sociaux Alors que les Alliés s'engagèrent dans la réglementation des conditions politiques d'admission, ils laissèrent une très grande autonomie aux autorités universitaires allemandes dans le choix des catégories sociales ou démographiques à admettre. Globalement, les universités affichèrent un double souci: donner la priorité aux victimes de la guerre et restaurer un „corps estudiantin" analogue, dans sa composition par sexe et par âge, à ce qu'il était avant la guerre. Les mutilés de guerre se virent souvent attribuer une priorité à l'inscription. Ainsi, à Heidelberg, le recteur Bauer établit dès septembre 1945 une liste de critère d'admission qui spécifia que les invalides de guerre, les anciens combattants, mais aussi les veuves de guerre chargées de famille devaient être admis en priorité.35 Les jeunes gens qui avaient dû interrompre leurs études supérieures pour rejoindre le front, ou qui n'avaient même pas pu les commencer en raison de la guerre, furent également favorisés lors de l'inscription à l'Université.36 Cela eut deux conséquences: la moyenne d'âge des étudiants, dans l'immédiat aprèsguerre, fut particulièrement élevée (à Heidelberg, la moyenne d'âge des étudi-
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MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.3, proposition soviétique DIAC/AEC/P(47)9,14 juiUet 1947. 33 Les Américains avaient ouvert le chemin le 2 juillet 1946, suivis en août 1946 par les Britanniques, tandis que les Français attendirent le 2 mai 1947. 34 MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.l, procès-verbal de la 37ème réunion du Comité allié de l'Education, 19 novembre 1947 et c.110 p. 2 d.2, „annexe à DIAC/AEC/Memo (47)38, 26 novembre 1947. 35 UA/Heidelberg, note du recteur Bauer concernant l'admission des étudiants pour le semestre d'hiver 1945/46,14 septembre 1945. 36 UA/Heidelberg, note du recteur Bauer concernant l'admission des étudiants pour le semestre d'hiver 1945/46,14 septembre 1945. Voir aussi, UA/Bonn, WA 1, „Matriculation Committees", signé Konen, 18 octobre 1945.
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ants était estimée à 26 ans37) et l'on encouragea l'inscription des étudiants aux dépens des étudiantes. Il ne s'agissait pourtant pas véritablement d'une discrimination sexiste, mais de combler un déséquilibre qui s'était instauré en raison de la guerre.38 En effet, à la fin de 1944,50 % environ des immatriculés étaient des femmes, un pourcentage tout à fait exceptionnel pour l'époque.39 A Bonn, au début de 1947, on évoqua la possibilité d'exmatriculer les étudiants les plus jeunes, et en particulier les jeunes filles, pour dégager des places en faveur des prisonniers de guerre qui rentraient au pays.40 c. Les exigences scientifiques Le choix des étudiants, parmi les „politiquement acceptables", s'établit au vu de leur niveau d'études. Occupants et occupés s'accordèrent pour donner priorité aux étudiants déjà très avancés dans leur cursus afin qu'ils puissent achever leurs études.41 Cette stratégie devait permettre un renouvellement rapide des anciennes élites décimées par la guerre ou écartées du fait de l'épuration. Le problème du niveau scientifique fut beaucoup plus délicat quand il fut question de recruter de nouveaux étudiants en début de cursus. Par le passé, l'obtention de l'Abitur avait constitué le critère d'admission à l'Université et il devait le redevenir quelques années plus tard. Mais la guerre avait bouleversé le déroulement habituel des études secondaires. Les lycéens furent envoyés toujours plus jeunes au combat, sans avoir eu le temps d'achever le cycle complet d'études. On leur délivra le plus souvent un diplôme totalement dévalorisé par rapport à l'Abitur.42 Aussi les universités s'inquiétèrent-elles de la possible arrivée dans le supérieur de ces jeunes gens.43 Soucieuse de préserver sa renommée scientifique, l'Université allemande risquait de créer de nouveaux exclus et de marginaliser les classes d'âges qui constituaient l'avenir du pays. Le problème se posa dès la première rentrée universitaire et les Alliés laissèrent aux autorités allemandes le soin de le régler. A Bonn, le Sénat décida de renvoyer ceux qui avaient effectué moins de sept années d'études sur les bancs des écoles. Pour les autres, les Kriegsabiturienten disposant d'un „Reifevermerk", des Vorsemesterkurse furent organisés au sein même de l'Université.44 Ces cours devaient les préparer à une sorte de baccalauréat sommaire.45 37
Β A/Coblence, OMGUS, 5/301-3/6. PRO, F01050/1055, „Minutes of Conference with AUT's Delegation", Berlin, 14 janvier 1947. 39 Cf. Manfred Heinemann, „The German Universities after the second World War", in: Ipoteri politici e il mondo universitario (XIII-XXsecolo), Rubbettino 1994, p. 268. 40 UA/Bonn, Senatsprotokolle, séance du 6 février 1947. 41 PRO, F01050/1055, „Minutes of Conference with AUT's Delegation", Berlin, 14 janvier 1947. 42 UA/Bonn, dossier „Nachrichten-Kommission; Kommission Übergang", non coté, rapport sans date ni signature, „Zur Frage des Übergangs der Scheinabiturienten zur Universität". 43 UA/Heidelberg, note du recteur Bauer concernant l'admission des étudiants pour le semestre d'hiver 1945/46,14 septembre 1945. 44 U A/Bonn, Senatsprotokolle, séance du 3 août 1945. 45 „abgekürztes Abitur", organisé autour de quatre disciplines: allemand, latin, histoire, mathématiques. Cf. UA/Bonn, Senatsprotokolle, séance du 10 août 1945. 38
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3. Les commissions de sélection
Les commissions de sélection, composées d'Allemands non compromis, s'étaient constituées dès l'automne 1945, selon les instructions des Alliés. Leur composition fut à l'origine d'un nouvel antagonisme entre les quatre occupants. En 1947, les Soviétiques demandèrent la présence de „professeurs démocratiques" ainsi que de représentants des syndicats, des partis politiques et des organisations d'étudiants.46 Lors de la discussion de ce projet au Conseil de Contrôle, en août 1947, le délégué américain posa la question de fond: l'admission des étudiants devaitelle être contrôlée par un corps universitaire ou par une assemblée de personnalités extérieures à l'université? Les délégués soviétique et britannique se prononcèrent en faveur de la participation des représentants des syndicats et des partis politiques. Une fois de plus, le conseil quadripartite entendait tardivement statuer dans un domaine où chacun des Alliés, unilatéralement, avait déjà dû prendre des mesures. Or le projet soviétique, s'il s'accordait avec la pratique britannique47, était en parfaite contradiction avec les principes américains qui refusaient catégoriquement l'immixtion des partis politiques dans les affaires de l'Université.48 A l'issue de cette réunion, la „ligne de front" séparait les Etats-Unis d'une part, des Russes, Anglais et Français de l'autre.49 A la session de novembre, le Comité de l'Education adopta une double formulation du paragraphe. Celle-ci témoignait à la fois de l'incapacité de parvenir à un accord à quatre et de la volonté des trois Occidentaux de trouver entre eux un compromis. Aussi aboutit-on au résultat suivant: maintien du paragraphe dans sa rédaction initiale pour la délégation soviétique; pour les Occidentaux, le texte suivant: „des représentants des organisations démocratiques et des organisations d'étudiants doivent faire partie de la Commission". Ainsi chacun des Trois était-il libre d'interpréter à sa guise les termes „organisations démocratiques".50 La question des commissions de sélection illustre le retournement d'alliance au sein des Quatre. Celui-ci ne fut pas le produit d'un revirement d'opinion d'un des Alliés sur le fond du problème, mais il résulta de la volonté des trois Occidentaux de faire front commun face aux Russes. 46
MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.l, procès-verbal de la SO4™ réunion du Comité allié de l'Education, 22-23 juillet 1947. 47 MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.l, procès-verbal de la 31ème réunion du Comité allié de l'Education, 25 août 1947. 48 Les Américains avaient notamment été amenés à prendre parti dans cette affaire suite à la crise que la composition du comité de sélection déclencha à Heidelberg. Le recteur de cette université, Karl H. Bauer, refusa d'y admettre des représentants syndicaux et rechercha le soutien du Gouvernement militaire. Cf. Renato de Rosa, „Politische Akzente im Leben eines Philosophen, Karl Jaspers in Heidelberg, 1901-1946", in: Karl Jaspers, Erneuerung der Universität. Reden und Schriften, 1945^46, Heidelberg 1986, pp. 392 sq. 49 MAE/Colmar, GFCC, Berlin, 1947, c,110/p.2/d.2. Document DIAC/AEC/MEMO(47)25, „principes d'admission des étudiants dans les établissements d'enseignement supérieur allemands", 2 septembre 1947. 50 MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.l, procès-verbal de la 37ème réunion du Comité allié de l'Education, 19 nov. 1947 et c.110 p. 2 d.2, „annexe à DIAC/AEC/Memo (47)38,26.11.1947".
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III. L'Université comme lieu d'intégration et de promotion sociales 1. L'intégration des réfugiés et des personnes déplacées. Dès l'été 1945, Britanniques et Américains furent confrontés à un problème supplémentaire: celui de l'arrivée massive des réfugiés et personnes déplacées. Les Français, qui contrôlaient les régions les moins étendues et les moins développées économiquement, n'accueillirent que très peu d'expulsés et de réfugiés dans leur zone d'occupation. Les Anglo-Saxons s'engagèrent en faveur de l'intégration de ces nouveaux arrivants dans la société allemande et voulurent faciliter leur accès à l'Université: 10 % des places leur furent réservées.51 Le nombre des „étrangers" ou apatrides inscrits dans les universités allemandes s'accrut considérablement au fur et à mesure de l'arrivée des personnes réfugiées et déplacées. Au semestre d'hiver 1946/47, on recensa 16,3 % d'étudiants étrangers en zone américaine, 10 % en zone britannique, moins de 5 % en zone française et un pourcentage voisin de zéro en zone soviétique.52 Aussi l'URSS soumit-elle un projet au Conseil de Contrôle en décembre 1946. L'admission de citoyens étrangers devait être conditionnée à une demande émanant du gouvernement de l'Etat d'origine. Il s'agissait d'exclure de l'enseignement supérieur tous ceux qui ne seraient pas en mesure de présenter les requêtes de leur gouvernement „actuellement existant".53 Explicitement, l'objectif consistait à tenir à l'écart les anciens „collaborateurs des nazis en Allemagne et dans les pays occupés".54 Ce projet se heurta à l'opposition radicale des trois Occidentaux.55 Anglais et Américains réfutèrent l'assimilation des personnes déplacées aux nazis et aux militaristes. Ils soulignèrent que la demande d'autorisation représentait une obligation irréalisable pour les „déplacés" mais qu'ils restaient néanmoins vigilants
51
PRO, F01050/1055, „Education of Displaced People (DP) in the British Zone", 13 octobre 1947. En 1945, la population allemande de zone britannique était estimée à 19 785 000 personnes et l'on comptait environ 2 250 000 déplacés et réfugiés. C'est pourquoi le „quota" de 10 % fut retenu par les Anglo-Saxons. 52 MAE/Colmar, GFCC, Berlin, 1947, c.ll0/p.2/d.l, procès-verbal de la 24ème réunion du Comité allié de l'Education, 25 février 1947 et MAE/Colmar, GFCC, 1947, DPA 22, „Admission des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur allemands", GFCC, note du 22 août 1947. 53 MAE/Colmar, GFCC, Berlin, 1946, c.ll0/p. l/d.13, document DIAC/AEC/P(46)33,13 décembre 1946. 54 MAE/Colmar, GFCC, Berlin, 1946, C.110/p. 1/d.ll, procès-verbal de la 19ème réunion du Comité allié de l'Education, 18 décembre 1946. 55 Ibid. Voir aussi MAE/Colmar GFCC, Berlin, 1947, c.U0/p.2/d.l, procès-verbal de la 24ème réunion du Comité allié de l'Education, 25 février 1947.
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dans l'examen des candidats à l'admission à l'Université.56 La délégation française au Comité de Coordination se rallia totalement au point de vue anglosaxon.57 Elle commenta: „la réglementation soviétique est essentiellement faite (...) dans l'intention d'interdire l'accès des universités aux étudiants [réfugiés et aux apatrides]. La position française étant libérale à leur égard, nous ne pouvons accepter cette réglementation".58 Ainsi le but inavoué des Soviétiques était-il démasqué. Par cette réglementation, Moscou entendait interdire l'accès à l'Université à ceux qui avaient fui la mainmise communiste dans leurs anciens pays. L'enjeu était donc éminemment politique. La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, au nom du libéralisme, mais aussi par anticommunisme, firent bloc contre le projet russe. Finalement, Britanniques et Américains avaient continué de réserver 10 % des places disponibles à l'Université aux personnes déplacées.59 En 1948, ce contingent fut ramené à 2 % pour les nouveaux inscrits. Les occupants de la bizone estimaient alors que les personnes déplacées désirant rester en Allemagne étaient alors intégrées à la société et à l'économie allemandes.60
2. La démocratisation sociale du recrutement
estudiantin
Outil d'intégration pour des milliers de réfugiés, l'Université allemande devint timidement, après 1945, un vecteur de la promotion sociale. Dans la société d'avant-guerre, elle était restée l'apanage de la bourgeoisie et avait contribué à la reproduction endogène des élites. Dès la réouverture des universités, la question de la démocratisation des études supérieures préoccupa les autorités universitaires. Le recteur de Heidelberg prôna immédiatement la mise en place d'un système d'assistance aux étudiants doués issus de familles pauvres.61 Il ne s'agissait pas encore de promouvoir l'égalité des chances mais de lever les obstacles financiers qui s'opposaient à la promotion sociale individuelle des plus brillants éléments issus des milieux peu fortunés. La situation préoccupa également les quatre occupants qui parvinrent à établir une résolution commune au Conseil de Contrôle, fin 1947: „Des mesures particulières doivent être prévues pour faciliter l'accession des établissements d'enseignement supérieur auxfilsd'ouvriers et de paysans-travailleurs qui n'ont pas eu la 56
MAE/Colmar, GFCC, 1947, DPA 22, „Admission des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur allemands", GFCC, note de Péchoux du 22 août 1947. 57 MAE/Colmar, GFCC, 1947, DPA 22, „Admission des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur allemands", 12 septembre 1947. 58 MAE/Colmar, GFCC, 1947, DPA 22, „Admission des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur allemands", GFCC, 12 septembre 1947. 59 PRO, F01050/1055, „Education of Displaced People (DP) in the British Zone", 13 octobre 1947. 60 PRO, F01050/1217, procès-verbal de la 15ème conférence des officiers d'éducation auprès des universités, 30 août 1948. 61 Β A/Coblence, OMGUS 5/298-1/23, lettre du recteur Karl Bauer au colonel Lisle, 9 septembre 1945.
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possibilité de recevoir une formation donnant droit au baccalauréat".62 Les données concernant la composition du „corps estudiantin" justifiaient leurs inquiétudes. Fin 1946, on comptait moins de 10 % d'étudiants issus des couches populaires. Selon l'association britannique des enseignants du supérieur, la démocratisation sociale de l'Université devait impérativement passer par la démocratisation préalable de l'enseignement secondaire. Aussi se prononça-telle en faveur de la gratuité des études secondaires et de la création d'un large système de bourses à l'Université.63 Mais il s'agissait là de mesures à moyen ou long terme. A titre transitoire, l'Association conseilla de réserver environ 10 % des places à l'Université à des étudiants non bacheliers ayant suivi pendant un ou deux ans des cours propédeutiques.64 Au sein du Gouvernement militaire américain, on partageait le même point de vue sur la nécessité de démocratiser d'abord les premiers cycles d'enseignement. L'Education Branch se prononça pour un élargissement du recrutement qui n'impliquât aucun infléchissement du niveau scientifique de l'institution universitaire.65 Parmi les Occidentaux, les Français furent ceux qui s'engagèrent le plus avant en faveur de l'égalité des chances. Ils voulaient briser la ségrégation en substituant à l'élitisme social une sélection fondée sur le mérite.66 La DEP mit au point un système de bourses, mais concentra ses efforts sur les réformes de l'enseignement secondaire et de l'Abitur qu'elle imposa aux Allemands de la zone française. La durée des études primaires fut doublée et un lycée unique, le Gymnasium fut instauré à la place de la douzaine de types différents d'établissements secondaires qui existait jusqu'alors dans la zone. Cette réforme fut appliquée dès la rentrée 1946-1947.67 Les meilleurs résultats furent obtenus à Mayence, université nouvellement créée par l'occupant, tandis que l'Université traditionnelle de Fribourg avait plus de peine à secouer les barrières sociales: on dénombra 23,3 % de fils d'ouvriers, employés et agriculteurs à Mayence contre seulement 10,9 % à Fribourg.68 C'est sans conteste en zone soviétique que les progrès de la démocratisation sociale à l'Université furent les plus flagrants. Des „Vorstudienanstalten", cours propédeutiques à destination des étudiants qui n'avaient pu suivre une formation secondaire complète, furent créés puis bientôt rattachés aux universités sous le nom de „Arbeiter-und-Bauern 62
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MAE/Colmar, GFCC, 1947, c.110 p. 2 d.2, „annexe à DIAC/AEC/Memo (47)38,26 novembre 1947. Ibid. Ibid. ΒΑ/Coblence, OMGUS, 5/303-3/10, Rektoren-Konferenz zu Heidelberg vom 25.-27. November 1946. Les experts universitaires américains se prononcèrent très clairement en faveur d'une démocratisation sociale au sein de l'Université, cf. rapport de Frederic Lilge ( BA/Coblence, OMGUS, 5/298-3/33,19 juin 1947). „Ce n'est pas le porte-monnaie du père qui [devrait] jouer le rôle décisif, mais les dons, l'intelligence et le savoir de tout homme quelle que soit sa classe sociale", in AE/Colmar, A C 70(1), „Synthèse générale sur les universités de la zone française", 1er avril 1947 (rapport Fritz). Cf. Corine Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, Strasbourg 1994, pp. 114-115. Id., p. 323.
Nouvelles élites en Allemagne 1945-1949
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Fakultäten". Il s'agissait là de véritables sas de sélection idéologique et sociale.69 Le Gouvernement militaire américain ne se laissa pas abuser et mit en garde contre le cours forcé de la démocratisation pratiquée en zone soviétique et ses visées politiques.70
Conclusion Deux phases se distinguent clairement dans les politiques de recrutement des étudiants pratiquées dans les universités allemandes de l'après-guerre. Lors des premières rentrées universitaires, le critère politique constitua la référence ultime dans les quatre zones d'occupation. Il s'agissait d'écarter de l'Université les éléments qui s'étaient compromis en faveur du III e Reich et de favoriser l'inscription de ceux qui s'étaient engagés dans la lutte contre le nazisme. A partir de la fin de 1946, les qualités intellectuelles des candidats devinrent le premier critère dans l'échelle des priorités. Dans les trois zones occidentales, la promulgation des lois d'amnistie de la jeunesse marqua le passage entre ces deux périodes. Il apparaît également que, dès la fin de l'été 1945, les occupants accordèrent une large autonomie aux autorités allemandes pour réglementer la sélection des étudiants. De manière fort inhabituelle, les Britanniques s'avérèrent être les moins libéraux. Ils furent les seuls à imposer un numerus clausus. Généralement, les Alliés se contentèrent de tracer les grandes lignes de la politique de recrutement. Les trois Occidentaux parvinrent même à s'accorder avec les Soviétiques sur certains principes, qu'il s'agisse de la dénazification ou de la nécessité de briser la ségrégation sociale. Pourtant, les quatre occupants se divisèrent à propos de deux problèmes fondamentaux: celui de l'admission des anciens officiers de la Wehrmacht et celui de l'inscription des personnes déplacées et réfugiées à l'Université. La ligne principale de rupture entre les Alliés ne doit pourtant pas masquer les divergences perceptibles entre les trois zones occidentales en matière de sélection des élites. Les universités de zone française se fermèrent largement aux anciens officiers de la Wehrmacht et s'ouvrirent progressivement aux enfants issus des classes populaires. Dans les zones anglo-saxonnes, les établissements d'enseignement supérieur eurent plus de mal à se mettre au service de la promotion sociale. En revanche, en zone britannique, les universités se montrèrent soucieuses de favoriser le reclassement des militaires dans la société civile. Au total, la moyenne d'âge très élevée des étudiants et la préférence accordée aux étudiants de sexe masculin
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Cf. Kurt J. Reinschke, „Bolschewisierung der ostdeutschen Universitäten nach dem Zweiten Weltkrieg, dargestellt am Beispiel der Universität Leipzig und der TH Dresden", in: Die deutsche Universität im 20. Jahrhundert, Hg. Karl Strobel, Greifswald 1994, pp. 116-163. 70 PRO, FO 1050/1233, procès-verbal de la 9ème conférence des „University officers" de zone britannique, 4/5 juin 1947, Berlin.
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Corine Defiance
traduisent le souci des universités de donner leurs chances aux victimes de la guerre et de restaurer la composition traditionnelle de la communauté estudiantine. Il n'y eut de véritable bouleversement de cette communauté qu'en zone soviétique. Bien plus que les premiers frémissements d'un décloisonnement social, ce fut la volonté affichée d'intégrer les expulsés et réfugiés qui constitua l'événement majeur dans la politique de recrutement des universités des zones angloaméricaines.
IV. Politik und Militär Politique et Militaire
Jacques Bariéty
Les appareils diplomatiques de la France et de l'Allemagne dans les années 1920 Précisons d'entrée de jeu de quoi l'on entend parler ici: il ne s'agit nullement des systèmes de relations internationales de la France et de l'Allemagne dans les années 1920, mais des instruments diplomatiques - ministères et postes à l'étranger - à la disposition de l'Etat français et de l'Etat allemand, pour la mise en service de leurs politiques extérieures, au cours de ces années. De façon très concrète, il s'agit de voir si, et dans quelles mesures, des événements aussi considérables que la guerre de 1914-1918, la révolution russe de 1917 et les traités de paix de 1919 et 1920 ont, par leurs immenses conséquences politiques, économiques et sociales, nécessité des transformations des appareils diplomatiques. Une comparaison des systèmes français et allemand est légitime, non seulement parce que nous sommes dans un comité franco-allemand d'historiens, mais d'abord par le sujet lui-même: la France et l'Allemagne, après la Grande Guerre et le traité de Versailles, ont été, pendant les années 1920, les principales puissances impliquées dans l'application ou non du traité, sans oublier les autres traités de 1919-1920. Leurs appareils diplomatiques ont donc eu à faire face aux mêmes problèmes, même si ce fut dans des camps différents, voire souvent opposés. Comment ont-ils répondu aux défis nouveaux de la politique extérieure? La bibliographie est nombreuse, mais plusieurs ouvrages récents doivent retenir l'attention. Du côté français, mentionnons la grande synthèse préparée par le ministère des Affaires étrangères: Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, Editions du CNRS; le tome II, 1018 pages, publié en 1984, couvre les années 1870-1980; c'est actuellement, et sans doute pour longtemps encore, l'ouvrage de référence irremplaçable sur l'appareil diplomatique français du dernier siècle; on pourra le compléter par le recours à une autre publication du ministère des Affaires étrangères, Les archives du Ministère des Relations extérieures depuis les origines, Histoire et Guide, Tome I, Paris, Imprimerie Nationale, 1985. Du côté allemand, la publication internationale et monumentale des documents diplomatiques allemands des années 1918-1945, Akten zur deutschen auswärtigen Politik, 1918-1945 (67 volumes) s'est achevée en 1995 par un livre com-
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plémentaire, Ergänzungsband zu den Serien A-E, Gesamtpersonenverzeichnis, Portraitphotos und Daten zur Dienstverwendung, Anhänge, 598 pages, Göttingen, 1995. On y trouvera toutes les informations souhaitables sur les organigrammes de l'Auswärtiges Amt et leur évolution entre 1918 et 1945, la liste de toutes les personnes, Allemands et autres, citées dans les 67 volumes de la collection avec renvois aux volumes (chaque volume possède son propre index avec renvois aux documents), et des notices biographiques des principales personnalités allemandes citées. Je viens d'apprendre que l'Auswärtiges Amt prépare en outre actuellement un volume complémentaire qui rassemblera les biographies de tous les diplomates allemands de 1918 à 1945.1 Enfin mention particulière doit être faite de la biographie de Stresemann, que notre collègue Christian Baechler vient de publier.2 On y trouvera, aux pages 470-473, une analyse des réformes de l'Auswärtiges Amt entre 1919 et 1923, et la bibliographie mentionne les nombreuses publications antérieures sur l'Auswärtiges Amt, notamment celles de nos collègues Peter Grupp, Franz Knipping et Peter Krüger, qui furent tous trois des éditeurs de la grande collection des Akten zur deutschen auswärtigen Politik, ainsi que Christian Baechler et moi-même d'ailleurs. I
Structure des ministères et de l'action diplomatique On constate un parallélisme entre les modifications des organigrammes du Quai d'Orsay et de l'Auswärtiges Amt, consécutives à l'élargissement de l'action diplomatique, surtout aux questions économiques, commerciales et financières, mais aussi aux affaires culturelles et aux problèmes de la presse et des opinions publiques. Je vais présenter successivement les transformations des deux ministères, en commençant par le Quai d'Orsay, car la réforme du ministère français fut antérieure à celle de l'allemand. 1-La réforme du Quai d'Orsay en 19073 et ses suites: En 1906, Stephen Pichón, vieil ami de Clemenceau, est nommé par celui-ci ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement qu'il constitue le 25 octobre. Dès le 6 novembre, Pichón crée par arrêté une commission chargée de proposer
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Information donnée par notre collègue Peter Grupp en novembre 1996. Christian BAECHLER, Gustave Stresemann, 1878-1929. De l'impérialisme à la sécurité collective, Strasbourg 1996,926 pages. Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, vol. II, Paris 1984, pp. 37-40, 55-59, 197-198. Les archives du Ministère des Relations extérieures depuis les origines. Histoire et Guide, vol. I, Paris 1985, pp. 51-57,72.
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de profondes réformes dans le fonctionnement du Quai d'Orsay; commission composée de diplomates et dont l'actif rapporteur est Philippe Berthelot, jeune diplomate promis à l'avenir le plus brillant.4 D'une intelligence aussi vive que son ambition est grande, il a séjourné de 1902 à 1904 en Asie, aux frais de son frère André, entreprenant homme d'affaires; il a pris en Chine une conscience aiguë des rivalités entre les grandes puissances et acquis la conviction que la politique extérieure des grands Etats ne peut pas ne pas prendre en compte les problèmes économiques, financiers et commerciaux. Cette expérience marque profondément les travaux de la commission, qui préconise le développement des affaires commerciales et la conjonction des affaires politiques et commerciales par divisions géographiques. Le rapport final souligne: „Le départ (la division) entre affaires politiques et affaires commerciales est le plus souvent artificiel et nuit à la pleine compréhension d'une question par l'agent qui la traite concurremment avec un autre service sans la voir dans son ensemble." Ces propositions sont acceptées et un nouvel organigramme du Quai d'Orsay est défini par un décret du président de la République du 29 avril 1907; il est créé une „Direction des Affaires politiques et commerciales" dépendant directement du ministre et comportant cinq sous-directions géographiques: Europe, Afrique-Océanie, Asie, Amérique, Levant, responsables, chacune dans sons secteur, de toutes les affaires avec la collaboration de conseillers techniques. Il n'est pas sans intérêt pour l'histoire de remarquer que la réforme prévoit d'autre part de fournir aux diplomates des instruments de travail auxquels ils n'avaient pas toujours coutume d'avoir recours: presse, dossiers d'information, livres et archives: „Les archives du Ministère des Affaires étrangères doivent lui servir à faire de la politique plutôt que de l'histoire; leur personnel doit participer à la vie de la direction politique." En 1910 est créé un „Bureau des Ecoles et des Œuvres françaises à l'étranger", ancêtre de la Direction générale des Relations culturelles, qui ne recevra ce nom qu'en 1945. En octobre 1915, Briand, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, crée le poste de Secrétaire général du Ministère, ayant la signature et remplaçant le ministre en son absence, et y nomme Jules Cambon, ambassadeur de France à Berlin jusqu'en août 1914, et pour l'heure sans emploi par la force des choses.5 Le poste tombera en désuétude en 1919, sera recréé en janvier 1920 pour Maurice Paléologue, ancien ambassadeur à Saint-Petersbourg, remplacé en septembre 1920 par Philippe Berthelot lui-même, qui occupera le poste jusqu'à sa démission le 28 février 1933, avec l'interruption que l'on sait en 1923-1924.
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Jean-Luc BARRÉ, Le seigneur-chat, Philippe Berthelot, 1866-1934, Paris 1988. Cf. aussi Auguste BRE AL, Philippe Berthelot, Paris 1937, et Richard D. CHALLENER, „The French Foreign Office; The Era of Philippe Berthelot, The Diplomats, 1919-1939, in: Gordon A. CRAIG et all (éds.), Princeton 1984. Les Affaires étrangères, pp. 324-325 et 277-280.
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En décembre 1916 fut créé un „Sous-secrétariat d'Etat au blocus", dépendant du Ministère. Jacques Seydoux en est la cheville ouvrière.6 Le 28 mai 1919, pendant la Conférence de la Paix, et du fait de l'importance des questions économiques à traiter, il est créé au Quai d'Orsay une „Sous-direction des Affaires politiques et commerciales", confiée à Seydoux. Cette création nouvelle s'ajoute à l'organigramme de 1907 sans le modifier. Seydoux est en principe l'adjoint du Directeur des Affaires politiques et commerciales, mais avec une grande autonomie de gestion des affaires économiques, et avec autorité sur les sous-directions géographiques, en tant que les affaires qu'elles traitent sont de son domaine d'activité. Enfin, les nécessités de l'application des traités justifient la création de quelques services spécialisés, dont le plus important fut le „Service français de la Société des nations". Ainsi la France aborda la Conférence de la Paix et la gestion de l'application des traités dans les années 20 avec un instrument de politique extérieure rénové, moderne et efficace qui avait été mis en place dès avant la fin de la guerre.
2 - Les réformes de l'Auswärtiges Amt, 1919-1923Ί: En Allemagne aussi, dès avant la guerre, certains s'étaient inquiétés de la nécessité de moderniser les structures de l'Auswärtiges Amt. En mars 1909, le jeune député national-libéral Gustav Stresemann, dont on sait combien il était proche des milieux d'affaires, avait critiqué à la tribune du Reichstag le recrutement presque exclusivement nobiliaire des diplomates allemands, disant que ce n'était pas satisfaisant pour un Etat industriel et commercial, et demandant notamment le recrutement de journalistes expérimentés.8 Le 15 mars 1910, dans un grand discours, Stresemann dit l'importance des affaires commerciales et la nécessité, pour la politique extérieure, de les prendre mieux en compte. Avait-il été informé de la réforme que venait d'accomplir le Quai d'Orsay? À plusieurs reprises il développe à nouveau ce thème au Reichstag pendant la guerre. Il faut toutefois attendre le choc des bouleversements que connaît l'Allemagne dans l'hiver 1918-1919 pour que l'Auswärtiges Amt fasse sa mutation. En janvier
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Ibid., pp. 521-528. Diplomate qui avait été en poste à Berlin avant la guerre, Jacques Seydoux était un excellent connaisseur des questions économiques. Klaus SCHWABE (Hg.), Das diplomatische Korps als Elite, 1871-1945, Boppard am Rhein 1985. Peter GRUPP, Deutsche Aussenpolitik im Schatten von Versailles, 1918-1920, Paderborn 1988. Paul G. L A U R E N , Diplomats and Bureaucrats, the first institutional responses to Twentieth-century Diplomacy in France and Germany, Stanford 1976. Kurt DOSS, Das deutsche Auswärtige Amt im Übergang vom Kaiserreich zur Weimarer Republik. Die Schiilersche Reform, Düsseldorf 1977. Peter KRÜGER, Changing Structures of German Foreign Office between the World Wars, in: Opinion publique et politique extérieure 1915-1940, Milano 1984. Cf. ΒAECHLER, op cit.
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1919 est créé un comité de réforme à la tête duquel est placé Edmund Schüler.9 Né à Berlin en 1873, Schiller était entré à l'Auswärtiges Amt en 1900, où il avait rempli diverses fonctions administratives et de gestion du personnel. En août 1919, il est nommé Directeur du personnel, pour mettre en application les réformes qui vont entrer en vigueur au printemps 1920. En premier lieu il y a unification des carrières diplomatique et consulaire, jusqu'alors distinctes, tant dans leur recrutement que dans leur déroulement; distinction dans laquelle les critères sociaux paraissaient importants. Ensuite, et peutêtre surtout, l'organigramme de l'Auswärtiges Amt est transformé, comme cela avait été le cas pour le Quai d'Orsay, sur une base géographique. Avant la réforme, il y avait cinq directions thématiques: politique, personnel, commerce, affaires juridiques, information. La réforme crée dix directions; six géographiques: Europe occidentale, Europe sud-orientale, Europe nord-orientale, Grande-Bretagne et Dominions, Amérique, Asie orientale; et quatre thématiques: administration et personnel, affaires juridiques, culture et germanité à l'étranger10, commerce extérieur11. Modifications aussi au sommet de l'organigramme. En 1918 l'Auswärtiges Amt était dirigé par un „Secrétaire d'Etat" et deux „Sous-secrétaires d'Etat". En février 1919, Brockdorff-Rantzau inaugure le titre de „Reichsminister des Auswärtigen" secondé par deux „Sous-secrétaires d'Etat", l'un pour les affaires politiques, l'autre pour les affaires économiques. En 1922 ces deux postes vont être supprimés et remplacés par un seul poste de „Secrétaire d'Etat", adjoint direct du ministre, coiffant l'ensemble de l'administration, et choisi parmi les hauts fonctionnaires du Ministère, en quelque sorte comme le Secrétaire général du Quai d'Orsay. En 1922 encore, simplification de l'organigramme. Les dix directions sont ramenées à six (administration et personnel, Europe occidentale et sud-orientale, Grande-Bretagne, Amérique et Orient, Europe orientale, nordique et ExtrêmeOrient, affaires juridiques, culture et germanité à l'étranger), auxquelles s'ajoutent des bureaux spécialisés, notamment pour la presse (service commun au gouvernement du Reich et à l'Auswärtiges Amt) et, à partir de 1923, pour la Société des Nations. Ainsi, on le voit, après la phase d'adaptation de l'immédiat après-guerre, l'Auswärtiges Amt présente dans les années 1920 une structure tout à fait comparable à celle du Ministère français des Affaires étrangères.
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L'Auswärtiges Amt est alors dirigé par Ulrich von Brockdorff-Rantzau, le célèbre diplomate et futur ambassadeur à Moscou auquel le „Conseil des Commissaires du Peuple" avait fait appel le 20 décembre 1918. 10 Kurt DÜWELL, „Die Gründung der kulturpolitischen Abteilung im Auswärtigen Amt 1919 bis 1920 als Neuansatz", in: Hg. Kurt DÜWELL et Werner LINK, Deutsche auswärtige Kulturpolitik seit 1871, Köln 1981. 11 Cette division sera supprimée dès 1921 et les questions du commerce extérieur seront rattachées aux directions géographiques.
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II
Réforme du recrutement. Vers une „démocratisation"? Ici aussi, je commence par la France, car les réformes en France furent nettement antérieures à la Grande Guerre, alors qu'elles lui furent consécutives en Allemagne.
1 - Le recrutement des diplomates en France12
Les grandes réformes datent des années 1880, de la „conquête républicaine". Charles Freycinet, devenu ministre des Affaires étrangères en décembre 1879, procéda aussitôt à une véritable „épuration" dans le personnel du ministère, en chassant les agents qui n'étaient pas républicains ou ne se „ralliaient" pas à la République (il s'était heurté à son arrivée à une véritable fronde). Pour remplacer les exclus, et assurer l'avenir en faisant appel à des candidats venant des „couches nouvelles", il institua, par décret du 10 juillet 1880, un concours obligatoire de recrutement. Ce concours, commun aux carrières diplomatique et consulaire, comportait une composition écrite de six heures, permettant une première sélection, puis des épreuves d'histoire diplomatique et de langues. Les épreuves étaient anonymes et étaient soumises à une double correction par un jury composé de diplomates et d'universitaires. À la suite de ces épreuves était établi un classement par ordre de mérite. Les candidats retenus devaient alors travailler en stage pendant trois années, soit à Paris, au Ministère, soit dans un poste diplomatique à l'étranger. La titularisation ne pouvait intervenir qu'après le stage qui était sanctionné par une „note de stage" à la discrétion des supérieurs hiérarchiques, qui était établie selon les critères les plus divers, et qui comptait pour beaucoup dans le résultat final. En 1894 le stage fut placé avant le concours, dont les résultats devinrent dès lors décisifs. La préparation au concours se fit, à partir de 1890, à „l'École libre des sciences politiques": histoire, droit international, géographie économique, langues étrangères. Le niveau du concours était très élevé. Bien que, s'agissant d'un concours, toute personne ait pu s'y présenter, on remarque que la base sociale du recrutement se limite pratiquement à l'aristocratie, ralliée à la République, et à la grande bourgeoisie. On constate aussi que ce recrutement est uniquement masculin et qu'il y a des „dynasties" familiales de diplomates. C'est là le système de recrutement qui devait fonctionner jusqu'à la création de l'École Nationale d'Administration en 1945. Dans ce domaine, la guerre de 1914-1918 n'apporte donc aucune nouveauté. 12
Les Affaires étrangères, pp. 110-116, 135-171 et 408-411. Jean-Baptiste DUROSELLE, La décadence, 1932-1939, chapitre IX, Le Quai d'Orsay, Paris 1979.
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Il n'en faut pas moins ne pas oublier que le personnel travaillant dans les postes comprend aussi des „attachés" de diverses spécialisations, et surtout que le gouvernement garde toujours la liberté de nommer qui il veut, en dehors de la carrière diplomatique, comme chef de poste. Mentionnons enfin que la „carrière" diplomatique en France est très souvent marquée à l'époque par les attaches mondaines et parisianistes, ainsi que par les ambitions et, il faut le reconnaître, les talents littéraires, ce qui est tout à fait étranger au monde diplomatique allemand. 2-La
réforme du recrutement en Allemagne13
Une réforme radicale intervient en 1921 suivant les recommandations du comité de réforme présidé par Edmund Schiller en 1920-1921. La distinction entre carrière diplomatique et carrière consulaire est supprimée. Un concours de recrutement est institué. On doit s'y préparer par des études supérieures, comprenant notamment des études économiques. Le jury est constitué de diplomates, d'universitaires et de personnalités des milieux économiques. On constate ainsi que la formation des futurs diplomates allemands en économie est plus intense que celle des futurs diplomates français. Ces deux nouveautés (fusion des carrières et concours de recrutement) vont incontestablement amener du sang neuf dans le personnel diplomatique allemand: en 1923, presque tous les directeurs du Ministère viennent de l'ancienne carrière consulaire ou de l'extérieur; seulement seize des vingt-six chefs de mission en Europe viennent de l'ancienne carrière diplomatique.14 La rapidité de ces transformations occasionne quelques troubles dans le fonctionnement de la machine diplomatique allemande dans les premières années de la République de Weimar: tensions entre les personnes, tensions entre conservateurs et réformateurs, mais aussi tensions entre les partisans d'orientations différentes, voire opposées, à donner à la politique allemande; „orientation à l'Ouest", relations privilégiées avec la Russie soviétique, application ou refus du traité de Versailles?15 Il faudra attendre l'arrivée au pouvoir du tandem StesemannSchubert en 1923-1924, comme on le verra ci-dessous, pour que l'unité de vues et d'action s'impose à l'Auswärtiges Amt et à son personnel. Constatons toutefois que, si les réformes de 1919-1921 ont apporté un sang nouveau, les grands noms de la diplomatie allemande des années 1920 sont encore 13
Cf. Akten zur deutschen auswärtigen Politik. Ergänzungsband; BAECHLER, pp. 470-471 et les ouvrages cités à la note 7. 14 On verra même un ancien militant et journaliste socialiste, personnage au demeurant assez étrange, être dans les années 1920 le chef de la mission diplomatique allemande à Berne, d'où il se livre à des activités qui ne sont pas toutes de la diplomatie traditionnelle. Karl Heinrich POHL, Adolf Müller, Geheimagent und Gesandter im Kaiserreich und Weimarer Republik, Kiel 1982. 15 Voir par exemple Ingmar SÜTTERLIN, Die „russische Abteilung" des Auswärtigen Amtes, Berlin 1994.
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des noms de l'aristocratie; il n'est que justice de constater que ces aristocrates sont des diplomates d'une qualité exceptionnelle et qu'ils remplissent parfaitement leurs fonctions; pensons seulement au Secrétaire d'État Carl von Schubert et à l'ambassadeur à Paris Leopold von Hoesch. La question fondamentale reste ouverte et fait l'objet d'un débat entre historiens allemands spécialistes de la diplomatie de Weimar: les réformes de 1919-1921 ont-elles amené une „démocratisation", non seulement dans le recrutement, mais aussi dans la mentalité des diplomates allemands? On sait que presque tous les diplomates de l'époque de Weimar ont servi le régime nazi, au moins jusqu'au tournant de 1938: un seul ambassadeur, Prittwitz, ambassadeur à Washington, a donné sa démission après la „prise de pouvoir"; Schubert a pris sa retraite, Hoesch, devenu entre temps ambassadeur à Londres, est mort rapidement dans des conditions qui ne permettent pas d'exclure un geste de désespoir. Mais les autres, tous les autres? Il y a là pour l'historien matière à réflexion.16
III Rôles des personnalités Quelles que soient les structures et les modes de recrutement, les diplomates sont en définitive des hommes et, comme toujours, de fortes personnalités donnent leurs marques aux institutions. Il importe d'abord de constater que les diplomates d'alors constituent un milieu quantitativement restreint, beaucoup plus qu'aujourd'hui, mais politiquement important, car ils représentaient alors leurs gouvernements de façon réelle et avec de véritables responsabilités: le téléphone, la télécopie et l'avion n'avaient pas alors exercé leurs ravages sur le métier de diplomate. François Seydoux, ambassadeur de France à Bonn au début des années 1960, et qui était né à l'ambassade de France à Berlin avant 1914, me dit un jour: „il n'y a plus d'ambassadeurs; nous sommes devenus des aubergistes pour les chefs d'Etat et les ministres; heureux encore s'ils nous disent ce qu'ils font". Milieu quantitativement restreint. Jean-Baptiste Duroselle a calculé qu'en 1935 encore, le corps diplomatique français, toutes classes et catégories confondues, comptait 686 personnes, dont 120 en poste à Paris (il est vrai, aidées par 110 spécialistes issus d'autres corps de l'Etat). Ce monde restreint se connaissait donc bien, et il y avait une grande homogénéité.17 16
Charles BLOCH, Le IIIe Reich et le monde, Paris 1986, surtout les pages 76-113. Jacques BARIETY, „La politique extérieure allemande au début des années 30: continuité ou rupture?" in Gilbert KREBS et Gérard SCHNEILIN (éds.), Weimar ou de la démocratie en Allemagne, Institut allemand d'Asnières, 1994. 17 DUROSELLE, chapitre IX, Le Quai d'Orsay.
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Pour l'Allemagne et la France des années 1920, deux noms s'imposent à l'évidence: Gustav Stresemann, chancelier et ministre des Affaires étrangères dès 1923, puis ministre des Affaires étrangères sans interruption jusqu'à sa mort à la tâche en octobre 1929; Aristide Briand, président du Conseil et/ou ministre des Affaires étrangères en 1921-1922, puis de 1925 à la veille de sa mort, en février 1932. Sur le premier nous disposons désormais de la biographie monumentale due à Christian Baechler, déjà mentionnée; sur le second l'oeuvre de Georges Suarez reste malheureusement encore la plus complète; malheureusement, parce qu'elle est ancienne, marquée d'un „briandisme" systématique et n'a pas bénéficié du progrès de la recherche depuis cinquante ans.18 L'action des deux ministres n'a été rendue possible que par la coopération constante de leurs collaborateurs les plus directs, le Secrétaire d'Etat von Schubert et Philippe Berthelot, Secrétaire général, „patrons" de l'une et l'autre machines diplomatiques. Carl von Schubert appartient à la carrière diplomatique depuis 1907.19 Il reçoit en 1920 la responsabilité de l'une des directions géographiques nouvellement créées, celle de Grande-Bretagne et de l'Empire britannique, et participe efficacement à la mise en oeuvre des réformes du Ministère. La seconde réforme, celle de 1922-1923, réduisant le nombre des directions, fut faite en grande partie sur ses conseils; tout en menant ces réformes de structures, Schubert veille au recrutement du personnel; sous son contrôle, le fonctionnement de la machine diplomatique allemande est marqué par un professionnalisme de grande qualité. Aussi est-ce tout naturellement que Stresemann le choisit en 1924 comme Secrétaire d'Etat unique, fonction qu'il occupera jusqu'en 1930. Tenant solidement la machine en main, et suivant toutes les affaires (les utilisateurs des archives de la Wilhelmstrasse savent qu'il faut commencer, pour les années Schubert, par lire les dossiers „Staatssekretär,,), Schubert libère Stresemann des soucis quotidiens de gestion, le rendant disponible pour la grande politique. C'est donc la réussite de la réforme du Quai d'Orsay de 1907 qui assura la gloire et le pouvoir de Philippe Berthelot.20 Chef de cabinet de Briand dans le gouvernement que celui-ci constitua en octobre 1915, il se rendit indispensable par ses énormes capacités de travail, épargnant à son patron l'étude des dossiers. Titularisé en 1919 à la tête de la prestigieuse „Direction des affaires politiques et commerciales", à un moment où le Secrétariat général tombe en désuétude, il est déjà en fait le collaborateur direct du ministre. C'est donc tout naturellement qu'il sera le Secrétaire général quand Briand redeviendra ministre des Affaires étrangères, en 1921, puis de 1925 à 1932. Son rôle à Paris est comparable à celui de 18
Georges SUAREZ, Briand, sa vie, son oeuvre, 6 vol., Paris 1938-1941. Les biographies publiées depuis en France n'ont rien apporté de définitivement nouveau sur son rôle comme ministre des Affaires étrangères dans les années 1920. 19 Peter KRÜGER, Die Aussenpolitik der Republik von Weimar, Darmstadt 1985. Il est sans doute aujourd'hui l'historien qui connaît le mieux Schubert. Cf. aussi Christian BAECHLER, pp. 472-474. 20 Voir ci-dessus et les ouvrages cités note 4.
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Jacques Bariéty
Schubert à Berlin, mais peut-être plus marqué par l'esprit de „clan". A partir de 1928, Alexis Léger, qu'il avait fait entrer au cabinet de Briand en 1921, le supplantera dans la faveur du maître, avant de lui succéder en 1933 dans les fonctions de Secrétaire général, qu'il occupera jusqu'en 1940.21 Il faut penser aussi aux grands ambassadeurs. A Paris, Leopold von Hoesch, dont on est persuadé qu'il a largement inspiré la politique de Stresemann à l'égard de la France22; à Berlin, Pierre de Margerie, ambassadeur en Allemagne de 1922 à 193123; il convient de ne pas oublier que, durant les années 1925 à 1931, un ami personnel de Briand et son interprète, le professeur Hesnard, fit de la diplomatie parallèle entre le Quai d'Orsay et la Wilhelmstrasse24; en diplomate de grande tradition, Pierre de Margerie affecta de ne pas s'en apercevoir. Une telle pratique paraît inimaginable dans la diplomatie allemande. Ces quelques pages ont pour seule ambition d'attirer l'attention sur l'intérêt qu'il y a à étudier les appareils diplomatiques et d'apprendre à connaître les personnalités de la diplomatie pour mieux comprendre les relations internationales. Puissent-elles inciter à de nouvelles recherches dans ce domaine.
21
La biographie la plus récente est celle d'Etienne de CROU Y-CHANEL, Alexis Léger ou Vautre visage de Saint-John Perse, Paris 1989. 22 Le personnage mériterait une biographie. On ne dispose guère jusqu'à présent que de Ernst GEIGENMÜLLER, „Botschafter von Hoesch und die Räumungsfrage", in: Historische Zeitschrift 200 (1965), S. 606-620. 23 Bernard AUFFRAY, Pierre de Margerie, Paris 1976. 24 Jacques BARIETY, „Un artisan méconnu des relations franco-allemandes, le Professeur Oswald Hesnard, 1877-1936", in: Recueil de Mélanges offerts à Karl-Ferdinand Werner, Institut Historique allemand de Paris, 1989.
Jean-Claude Allain
Le rétablissement des relations diplomatiques franco-allemandes après les deux guerres mondiales
Les deux guerres, commencées en Europe en 1914 et en 1939 et devenues mondiales, ont été, selon l'ancien usage, ouvertes officiellement par une déclaration de l'état de guerre entre les parties, suivie d'une rupture des relations diplomatiques; les missions accréditées ont été rapatriées par la voie d'un territoire neutre, leurs biens immobiliers et mobiliers, placés sous la sauvegarde d'un Etat neutre. L'arrêt des combats (armistice en 1918, capitulation en 1945) clôt le volet militaire de la guerre mais ne met pas fin à l'état de guerre qui dépend de la conclusion d'un traité de paix entre les belligérants; alors, seulement, peuvent être renouées les relations officielles avec échange de représentations accréditées. Ce processus classique commande la relation franco-allemande à l'issue des deux guerres et même, plus largement, la réintégration de l'Allemagne dans la communauté internationale; il aurait donc dû être semblable dans les deux cas or, bien que le droit en la matière fût le même, il ne l'a pas été1.
Similitudes et différences La situation de l'Allemagne en 1918 et en 1945 présente pourtant des similitudes apparentes: elle a perdu la guerre et la relation de puissance militaire qui a consacré la défaite de ses armes, se prolonge temporairement et classiquement après 1
Cette étude procède des archives du ministère français des Affaires étrangères, Paris, MAE, mention qui ne sera pas rappelée dans les références des séries citées: Europe 1918-1940, Europe 1944-1960, sous-série Allemagne, Y Internationale 1944-1949, ci-après indiquées Eur. 18-40, Eur. 44-60, Y suivis du numéro de volume (certains volumes sont microfilmés).
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les hostilités; la défaite entraîne un changement du régime politique (comme, du reste, cela s'était produit en France en 1870 et en 1940), ouvrant ainsi une phase de gouvernement provisoire; au terme de cette double transition (sujétion à l'autorité militaire du vainqueur et mise en place d'un nouveau pouvoir légal), la paix se rétablit par un traité, suivi d'un échange d'ambassadeurs. L'évolution chronologique montre alors une distorsion majeure entre les deux processus. Après l'armistice de novembre 1918, en six mois la République de Weimar se met en place; après mai 1945, il faut plus de quatre ans pour que naisse la République Fédérale d'Allemagne, ayant en vis-à-vis une République Démocratique Allemande. Vingt à vingt-deux mois après l'armistice de 1918, les ambassades française et allemande sont rétablies; il faut dix ans après la Deuxième Guerre mondiale pour qu'elles le soient stricto sensu. En 1919, le traité de paix de Versailles est signé au bout de sept mois après l'arrêt des combats; le traité „2 + 4 ", quarante-cinq ans après la fin de la guerre en Europe. Cette différence de durée, bien connue pour l'après-1945, procède de la définition de l'Allemagne par ses vainqueurs et de leurs relations mutuelles dans l'immédiat après-guerre. En 1918-1919, l'Allemagne, impériale ou républicaine, demeure pour les Alliés un Etat apte à exercer sa souveraineté, fût-elle ponctuellement ensuite limitée par le traité de paix, et à se donner, elle-même, de nouvelles institutions, fût-ce initialement à l'instigation du président des Etats-Unis. Un parallèle pourrait être établi ici avec le comportement de Bismarck en 1870/71 à l'égard de la France vaincue, se dotant d'un nouveau pouvoir, habilité à signer et valider la paix de Francfort, comme le sera celle de Versailles. En 1945, l'Allemagne demeure un Etat pour ses vainqueurs mais l'exercice de sa souveraineté est suspendu car „l'autorité suprême" (die höchste Regierungsgewalt) y „sera exercée, sur instructions de leurs gouvernements, par les commandants en chef français, américain, britannique et soviétique, chacun dans sa propre zone d'occupation et aussi conjointement pour les questions intéressant l'ensemble de l'Allemagne" au sein du Conseil de contrôle. Cette Déclaration du 4 juin 19452, confirmée ensuite à la conférence de Potsdam, -et, nous semble-t-il, fort peu évoquée avant 1990 - , fonde le statut temporaire de l'Allemagne et par là même la différence essentielle avec la fin de la Première Guerre mondiale. Cette contrainte juridique doit durer aussi longtemps que l'occupation, liée à l'exécution des exigences de la capitulation sans conditions et dont la fin sera déterminée par un accord ultérieur. La restauration d'un Etat allemand, successeur en matière de souveraineté de celui qui avait été vaincu, est donc reportée à cette échéance et, avec elle, le rétablissement des relations diplomatiques classiques.
2
Journal officiel du Conseil de contrôle en Allemagne, supplément n°l, p. 10. Konrad Adenauer la cite et la commente dans ses Mémoires, vol. 1, trad, française, Paris 1965, p. 84-87. Ajoutons pour mémoire le régime spécial de Berlin, détaché de l'Etat allemand et placé sous l'autorité des commandants supérieurs, suivant un dispositif analogue à celui-ci.
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Cette situation est sans précédent: elle ne relève pas de la debellatio (soumission complète du vaincu avec effacement de son existence comme entité politique) mais se rapproche de la deditio (le vaincu s'en remet à la discrétion du vainqueur); en tout état de cause, une fin a été mise aux actes de guerre mais non à l'état juridique de guerre entre les anciens belligérants3. On peut penser qu'elle découle à la fois de l'intense perception des cruautés de cette guerre par les vainqueurs, de leur plus grande détermination qu'en 1918 de mettre fin définitivement à un système politique allemand belliciste et de l'ampleur aussi de la défaite militaire allemande, plus évidente pour tous qu'en 1918 et qui permet une occupation totale du territoire, alors qu'en 1918 ce territoire n'avait pas été atteint et que les zones d'occupation avaient été tracées postérieurement à la guerre. Certes, ce régime était transitoire mais le retour à une situation de diplomatie classique dépendait de la volonté des Quatre d'estimer remplies les conditions de la capitulation sans conditions, donc de cesser l'occupation, de rétablir l'Etat allemand dans l'exercice de sa souveraineté et de conclure avec lui un traité de paix. Nul en 1945 ne prévoyait qu'il y faudrait un demi-siècle ou même pour un échange régulier de missions diplomatiques entre la France et l'Allemagne dite de l'Ouest, la RFA, de quatre à dix ans; même pour cette période, la question s'imbrique dans la trame des relations générales entre l'Est et l'Ouest qu'il serait hors de propos de reprendre ici. Dernière différence enfin dans une situation internationale de la France analogue en apparence par le fait qu'elle appartient au groupe dirigeant des vainqueurs des deux guerres. En 1919, elle est le principal vainqueur européen et en position de leader par sa contribution territoriale, humaine et économique au conflit et, à ce titre même, la plus directement intéressée aux règlements de la paix avec son voisin, partenaire historique obligé, - une caractéristique qui demeure en 1945 -; elle dispose d'une certaine latitude d'initiative et d'entraînement à l'égard de ses Alliés et ce, d'autant mieux que l'Associé américain, dont le rôle avait été pourtant décisif dans l'élaboration du traité de Versailles, se retire de la partie et que la Russie, devenue soviétique, n'est pas encore reconnue et se trouve donc tenue à l'écart des règlements de la guerre. En 1945, rien de tel: la France figure assurément, grâce à la stratégie réussie du général de Gaulle, parmi les quatre Grands mais elle n'est véritablement que le Quatrième Grand 4 et d'un moindre poids que les autres. Certes, elle doit et peut gérer la zone d'occupation qui lui a été attribuée mais sa relation officielle avec les autorités allemandes est subordonnée au régime quadripartì, ci-dessus évoqué, et sur la nature et l'évolution duquel elle n'a guère d'influence majeure mais dont elle ne peut cependant ni se retirer, ni se démarquer sans risques politiques. La forme de la représentation française en Allemagne suivra donc ou accompagnera les fluctuations internationales qui nouent 3 4
Eur. 44-60, vol. 987,31 mars 1950, avis du jurisconsulte André Gros. Pour une approche globale de cette situation, cf. Jean-Claude Allain, „Le quatrième Grand", Armées d'aujourd'hui, n° 199, numéro spécial ,La victoire et ses lendemains', (1995), pp. 100-103.
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la guerre froide dans la bipolarità et spécialement dans son aspect de la „question allemande", qu'il n'est pas non plus envisageable de réexaminer: aussi cette communication se limitera-t-elle pour cette période à 1949. Dans cette structure internationale différente d'une fin de guerre à l'autre, comment la France a-t-elle résolu ou géré la question du renouement de ses relations officielles avec l'Allemagne?
Après la Grande Guerre: 1918-1921 De novembre 1918 à janvier 1920, la France n'a pas de représentation à Berlin. La mission du professeur Haguenin, qui avait dirigé à Berne le Bureau de presse pendant la guerre, s'y est transportée pour continuer sur place sa collecte d'informations sur la presse et sur l'opinion allemandes mais elle est „sans caractère officiel ". La mission du général Dupont, chargée du rapatriement des prisonniers de guerre et qui, en janvier 1919, s'est installée dans une partie de l'ambassade de France - suscitant quelques objections émues du quai d'Orsay - est de même nature 5.Toutes deux relèvent du fait de la guerre et de l'armistice. La question d'un retour à des relations officielles avec la nouvelle Allemagne ne se pose qu'après la signature du traité de Versailles (28 juin 1919) et à deux niveaux: celui des rapports directs des vainqueurs avec le gouvernement allemand, celui des rapports indirects à l'échelon des représentants français en poste dans les Etats (d'abord les neutres ou les nouveaux, puis les alliés), où ils ont à côtoyer, puis rencontrer ceux de l'Allemagne: dès juillet 1919, ils demandent des instructions sur le comportement à tenir à leur égard. Le rétablissement des relations officielles ne soulève aucune opposition de principe chez les vainqueurs, parce qu'il rentre dans l'ordre habituel, sinon naturel, des rapports internationaux. Seule, la procédure qu'on entend suivre collectivement fait problème entre les Alliés de l'Entente, car l'Associé américain continue à se comporter en franc-tireur et ne manque pas d'agacer le gouvernement français, en particulier „par les retards apportés à la ratification du traité de paix", - le Sénat vient d'émettre le 11 novembre précédent son premier vote de rejet du traité - , et parce qu'il „se refuse à assumer la moindre responsabilité et à prendre aucune part dans les décisions du Conseil suprême"6.
5
6
Eur. 18-40, respectivement vol. 395,29 décembre 1919, A E à Washington, n°2582 et vol. 1,8 et 30 décembre 1918, Pichón à Clemenceau, 10 janvier 1919, général Dupont, qui rassure les diplomates en disant que toutes les missions alliées de cet ordre sont dans leurs ambassades respectives et que l'ambassadeur d'Espagne avait préparé l'accueil: on n'a touché ni au bureau, ni à l'appartement de l'ambassadeur toujours sous scellés. Ibid., 28 décembre 1919, A E à Washington, n°2555.
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Une fois les ratifications acquises (Allemagne, 9 juillet; Royaume-Uni, 24 juillet; Italie, 7 octobre; France, 12 octobre), on se demande combien de temps il convient d'attendre pour rouvrir les représentations à Berlin et à quel niveau, comment rouvrir les représentations secondaires (Saxe et Bavière) et les consulats. Le 21 août, une note interne retrace la chronologie suivie en 1871: on y voit que cinq semaines après la signature du traité de Francfort (10 mai), ratifié en une semaine (le 15 par les Länder du Sud, le 18 par l'Assemblée nationale française), avec échange des instruments de ratification le 21 mai, Bismarck nommait, le 13 juin un chargé d'affaires, remplacé deux mois plus tard (24 août) par un envoyé en mission extraordinaire, le comte d'Arnim, qui reprenait le 27 décembre le rang d'ambassadeur. Par réciprocité, Thiers accréditait un chargé d'affaires, puis, le 15 décembre, donc avant l'Allemagne, un ambassadeur, le vicomte de GontautBiron qui rejoignait son poste le 4 janvier 18727. En un peu plus d'un semestre après le traité, la vie diplomatique normale a repris son cours. En 1919, d'autres considérations interfèrent sur cet objectif. En septembre, Londres préconise que les Alliés suivent une même démarche et nomment tout d'abord un chargé d'affaires, puis „après un intervalle", un ambassadeur. Pichón, ministre des Affaires étrangères, communique aux ambassadeurs à Londres, Rome, Washington et Bruxelles la réponse, certes positive mais nuancée qu'il a faite le 17 septembre: l'envoi d'un ambassadeur qui est „considéré comme un acte de courtoisie particulière marquant l'importance qu'on attache à l'établissement de relations confiantes entre deux pays", lui paraît tout à fait justifié pour Berlin. La concertation interalliée sur le calendrier est d'autant plus indispensable qu'il faut éviter qu'un Etat neutre ne prenne le premier l'initiative de cet envoi car son ambassadeur aurait la préséance. Dans un paragraphe „confidentiel", il ajoute: „il est évident que nous avons intérêt à être les premiers à envoyer un ambassadeur qui pourrait être ainsi le doyen et se prévaloir des initiatives et de l'autorité que permet d'exercer cette situation8." Les ambassadeurs Barrère (Rome), Jusserand (Washington) et Paul Cambon (Londres) contestent vivement cette justification protocolaire; l'enjeu du décanat est dérisoire: l'ancienneté ne confère ni avantage politique, ni plus de prestige (Barrère), „ce qui compte est avant tout le pays qu'il représente et ensuite sa propre personnalité" (Jusserand). Quant à l'évaluation politique du rétablissement de la relation, elle est empreinte d'une volonté justicière, dans l'esprit de l'article 231 (non évoqué pourtant), de sanctionner la responsabilité allemande: un chargé d'affaires marquera la „distance envers l'Allemagne" et devra être maintenu un bon moment (non quantifié!), sinon ce choix n'aura „aucune signifiaction morale" (Barrère); „le moment ne saurait être déjà venu pour nous de passer l'éponge et de traiter l'Allemagne comme n'importe quel pays" (Jusserand); un 7
8
Ibid., note du 21 août 1919. Gontaut-Biron évoque cette nomination et sa prise de fonctions dans Mon ambassade en Allemagne (1872-1873), Paris 1906, p. 6-11. Ibid., 13 septembre 1919, note de l'ambassade britannique; 18 septembre, Pichón aux postes indiqués.
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échange d'ambassadeurs serait „aussi contraire à la dignité de la France qu'à ses intérêts. Avant de faire à l'Allemagne les politesses qu'elle ne mérite pas, il faut savoir si elle remplira ses obligations et comment elle exécutera le traité" (Paul Cambon) [souligné par nous]9. Ce sentiment résolument hostile et annonciateur de i'Erfüllungspolitik n'est pas celui du Conseil suprême, plus nuancé et plus réaliste mais se retrouvera en juin 1920 dans les instructions de Millerand au premier ambassadeur nommé. Le Conseil suprême arrête, le 25 octobre 1919, les principes de la procédure à suivre, dont une commission détermine les modalités pratiques et en adopte, le 22 novembre suivant, l'ensemble qui suit, en fait, le projet britannique initial: un chargé d'affaires d'abord, un ambassadeur ensuite, ces étapes permettant le maintien temporaire d'une „distance" envers l'Allemagne par le protocole choisi; le nom du chargé d'affaires lui sera notifié par l'Etat neutre, protecteur des intérêts de l'accréditant pendant la guerre, donc sans demande d'agrément préalable, comme il le sera exigé de l'Allemagne, afin de souligner la disparité. Les lettres de créance dont la rédaction est arrêtée (ainsi que celle de la lettre destinée au neutre médiateur) seront „suffisamment empreintes de la courtoisie en usage dans les relations internationales" mais omettront quelques formules usuelles: „il serait déplacé et inopportun d'employer actuellement vis-à-vis de l'Allemagne les formules contenant des assurances d'amitié et de confiance." Cette procédure sera respectée par les Alliés, soucieux encore d'afficher un front commun, mais en l'absence des Etats-Unis. Le 22 décembre 1919, Clemenceau avise l'ambassadeur d'Espagne, Quinones de León, de la nomination comme chargé d'affaires à Berlin de Henri Chassain de Marcilly, ministre plénipotentiaire; notification en est faite le 11 janvier 1920 au gouvernement allemand qui accrédite parallèlement à Paris un chargé d'affaires, Wilhelm Mayer, dont l'agrément a été préalablement demandé par l'intermédiaire du ministre de Suisse (20 janvier) et qui remet ses lettres de créance à Millerand, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères (et non de chef de gouvernement), le 29 janvier 192010. Le passage à la seconde étape, le rétablissement de l'ambassade, est retardé par la tentative de coup d'Etat de Kapp en mars 1920 qui échoue devant la détermination du nouveau gouvernement (Bauer) et l'absence de soutien extérieur. Réunis à Boulogne, le 21 juin, les représentants de la France, du Royaume-Uni, de la Belgique, de l'Italie et du Japon décident de notifier conjointement le 24 juin à Berlin l'accréditation d'un ambassadeur (un ministre plénipotentiaire pour la Belgique), mais dont l'agrément préalable sera demandé, signe du retour à la parité internationale. Charles Laurent, agréé puis nommé, présente ses lettres de créance au président du Reich, Ebert, le 1 er juillet 1920. Par voie de réciprocité, le chargé d'affaires allemand recevait son agrément comme ambassadeur et Wilhelm Mayer remettait ses lettres de créance au président Deschanel le 10 septem9 10
Ibid., 25 septembre et 13 octobre, Barrère, 29 septembre, Jusserand, 2 octobre, Paul Cambon. Ibid., aux dates indiquées. Ancien ministre du Trésor, Myer, né au Palatinat en 1876, a fait carrière d'avocat à Munich et a été élu député en 1907; il est francophone.
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bre11. Premier ambassadeur des Alliés, Charles Laurent avait cependant été devancé, la veille, le 30 juin, par le représentant du Saint-Siège à Munich, Eugenio Pacelli, venu remettre ses lettres de créance en toute hâte, pour s'assurer le bénéfice de l'ancienneté et donc le décanat. Ce petit camouflet de la diplomatie vaticane n'avait pu être qu'avec la connivence du ministère allemand des Affaires étrangères, pour contrecarrer les intentions alliées, connues, de laisser à la France le décanat. Formellement, la question était ainsi tranchée par surprise mais l'essentiel, pour Paris, était que la priorité dans ce processus lui avait été réservée par les Alliés12. Cette ambition protocolaire, de portée plus formelle que réelle si l'on en croit les ambassadeurs, mais qui préoccupait le ministre Pichón, n'avait, à vrai dire, suscité d'émoi que du côté italien, bien qu'on sût que le comte Sforza n'était pas hostile au décanat français; mais on redoutait que cette intention fût victime des manoeuvres de l'ambassadeur d'Italie à Paris, de Martino, qui intriguait pour avoir le poste de Berlin et n'acceptait pas tout d'abord d'y être affecté comme chargé d'affaires: aussi militait-il activement pour qu'on rétablît au plus vite les ambassades. Espoir déçu par la décision du Conseil suprême du 25 octobre et celle du gouvernement italien de s'y conformer (26 janvier 1920) mais pour la plus courte durée possible, afin de montrer „qu'on est vraiment en paix avec l'Allemagne" (Nitti, 28 janvier). L'éventualité d'une nomination du comte Aldovrandi comme chargé d'affaires ulcérait profondément de Martino qui craignait que ce rival ne le prédiscréditât auprès des autorités allemandes quand viendrait le temps de sa désignation à l'ambassade, donc de son agrément préalable. Barrère trouve encombrant ce personnage („nous avons intérêt à ne plus [Γ] avoir à Paris et à Rome, à Rome surtout") et suggère de le nommer chargé d'affaires et, le moment venu, ambassadeur; cette idée dût convenir à Nitti (ou rejoindre son opinion), car c'est avec ce titre qu'il part à Berlin le 13 avril, tout en gardant son rang d'ambassadeur, d'où le problème, qu'il soumet à Marcilly, du titre à porter sur la carte de visite: le chargé d'affaires français s'en sort par un mot d'esprit: qu'il inscrive ,chargé d'affaires' mais chacun saura qu'il est l'ambassadeur potentiel, „vous aurez l'élégance d'une jolie femme qui ne porte pas ses bijoux." Encore fallait-il qu'après la conférence de Boulogne le gouvernement italien ne se hâtât de le nommer à ce rang et devançât ainsi la France. Barrère fut chargé de s'en assurer et une démarche semblable fut faite à Tokyo; les réponses furent apaisantes. De Martino remettra ses lettres de créance le 31 juillet et restera en fonctions jusqu'en janvier 1921; à cette date, arrivait à Berlin l'ambassadeur du Japon, Hioki13. 11
Eur.18-40, vol. 396,21 juin 1920, AE à Berlin, n°1370; vol. 397,1er juillet, Berlin, n°1192,20 août, AE à Millerand, 10 septembre, allocution de Mayer. Deschanel démissionne le 21 septembre. 12 Ibid., vol. 396,26 et 30 juin 1920. Sur cet impromptu du nonce Pacelli, cf. la pertinente analyse du ministre de Suisse à Berlin, von Planta, le 1er juillet, Documents diplomatiques suisses, vol. 7-11, doc. 320. 13 Sur cet épisode protocolaire, Euv. 18-40, vol. 395, AE à Rome, 16 septembre 1919,21,26 et 28 janvier 1920, Rome, 24 janvier, AE à Rome; vol. 396,13 avril, Rome, 26 avril Berlin, 25 juin, AE à Romez et Tokyo, 26 juin, Rome (n°1355); vol. 397, 1er août 1920, 18 janvier 1921 (Giolitti nomme le directeur de La Stampa, le sénateur Frassati), 25 janvier 1921.
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Les Etats-Unis, du fait du rejet sénatorial du traité de Versailles (19 mars 1920), ne pouvaient menacer l'ambition prioritaire française, une fois rétablies les relations au niveau des chargés d'affaires. C'est précisément à ce seuil, en décembre 1919 que Paris avait manifesté son agacement - ci-dessus indiqué - à l'idée qu'avant tout le monde ils pourraient envoyer à Berlin un représentant, de surcroît „sans mission, ni titre spécial et uniquement à titre d'observateur" (28 décembre 1919) et afficher de la sorte leur divergence avec les Alliés. Il n'en fut rien. Drexel ne partit pas à Berlin avant les autres, fut nommé commissaire jusqu'à l'échange des ratifications (8 novembre 1921) du traité de paix germano-américain signé en août, devint alors chargé d'affaires jusqu'à la nomination d'un ambassadeur en avril 1922. Les Allemands qui semblent avoir eu quelque peine à trouver un candidat pour Washington, y envoyèrent aussi un commissaire, puis un ambassadeur en mai 192214. La question des représentations secondaires, les légations dans les Etats confédérés de Bavière et de Saxe, quoique connexe à celle du rétablissement des relations diplomatiques avec le pouvoir central, retient l'attention parce qu'elle reflète la perception alliée, et française en particulier, de la nature réelle et souhaitée de l'Etat allemand avec lequel on renoue. L'unification allemande accomplie en 1871 avait laissé à quelques Etats du Reich leur personnalité internationale antérieure, notamment en matière de représentation, ce qui leur permettait d'envoyer et de recevoir des missions diplomatiques (droit de légation actif et passif): tel était le cas des royaumes de Bavière (Munich) et de Saxe (Dresde), auprès desquels la France entretenait une légation (depuis 1907 en Saxe), le Royaume-Uni, également mais non les Etats-Unis. Ils avaient été partie à la signature de la paix de Francfort mais Wilson avait exigé un seul signataire pour le traité de Versailles, rejetant ou méconnaissant la structure confédérale de l'ancien Reich; ainsi le représentant allemand est déclaré „agissant au nom de l'empire allemand et au nom de tous les Etats qui le composent et de chacun d'eux en particulier „(Préambule du traité). La nouvelle république était ainsi poussée dans la voie d'un Etat unitaire dont précisément se méfiait la France. Sa constitution le montrait sur ce point, en supprimant aux anciens Etats confédérés, obligatoirement transformés en républiques, le droit de légation actif, ce qui, en raison du principe de la réciprocité, stérilisait fortement celui de légation passif. Ce renforcement de l'Etat central allait à l'encontre du souhait français d'une Allemagne faible ou affaiblie, qu'on apercevait telle dans un système au minimum fédéral. Dans cette perspective, les représentations secondaires, consacrant et „favorisant le particularisme" (Jules Cambon), avaient un sens sécuritaire. Leur rétablissement avait aussi un caractère de revanche historique, souligné par Cambon, Barrère et Jusserand: „le moment est venu de reprendre un droit qui nous a été contesté depuis 1870" par le gouvernement impérial qui, sauf pour la Bavière, 14
Ibid., vol. 395,28 décembre 1919, AE à Washington (cf. note 3); vol. 397, entre août 1921 et mai 1922,passim. Alanson Β. Houghton, représentant de l'Etat de New York, prit ses fonctions à Berlin le 20 avril 1922 et Otto Wiedfeldt remit ses lettres de créance le 27 mai au président Harding.
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s'opposait à l'envoi de représentations dans les Etats confédérés; c'est „par surprise" (Cambon) qu'elle avait été rétablie à Dresde grâce à la complaisance du secrétaire d'Etat, lui-même saxon (von Tschirsky und Bögendorf) mais la France n'avait pas osé renouveler l'opération pour le grand-duché de Bade (Karlsruhe) qui le souhaitait ou, même pour le Wurtemberg (Stuttgart) quand le Souabe Kiderlen Wächter était secrétaire d'Etat. Barrère, qui était du même avis, ajoutait la représentation à Hambourg 15 . Dans ce programme maximum, le minimum envisageable avec quelque chance de succès était la légation en Bavière, et éventuellement en Saxe. Londres et Rome y étaient favorables et le Conseil suprême du 25 octobre 1919 décida de leur réouverture, en fixa même la procédure (une lettre donnée au chargé d'affaires à Berlin et portée aux ministres-présidents par un courrier commun aux Alliés) et adopta le texte de la lettre d'accréditation: prudente dans sa rédaction, elle se bornait à annoncer qu'on „se propose" d'envoyer une mission, de façon à pouvoir affronter un refus et se replier honorablement après l'échec de ce ballon d'essai. L'éventualité n'était pas illusoire: rien ne garantissait que les Länder, successeurs des monarchies, accepteraient cet héritage, par ailleurs anticonstitutionnel. Au début de 1920, seul restait à Munich le représentant du Saint-Siège qui, comme le notait curieusement et aimablement Haguenin (31 octobre 1919) „n'est pas considéré comme une puissance étrangère"16. De plus, on ne pouvait avec un chargé d'affaires à Berlin accréditer à Munich qu'un gérant provisoire de légation, un niveau bien modeste! Le temps passe en hésitations et interrogations, nul n'osant prendre l'initiative de la démarche collective prévue par le Conseil suprême; l'annonce par le journal Germania de la prochaine suppression du ministère bavarois des Affaires étrangères détermina Paris, le 5 mars 1920, à y inviter Londres, Rome et Bruxelles, ce qui permit d'apprendre que la Belgique avait cru bon de notifier aussitôt cette intention aux gouvernements de Saxe et de Bavière et „par erreur" par un courrier postal qui avait été refusé! Le Foreign Office (6 mars) estime inutile la démarche, contraire à la constitution allemande et non souhaitée au moins par la Saxe, et voit la solution dans la nomination dans ces villes d'un consul général. A Rome, le comte Sforza répondra, mais le 15 mars, qu'il y était favorable mais qu'elle vient trop tard. Millerand est embarrassé par la position britannique: fautil s'aligner sur elle et donner aux Allemands le sentiment d'avoir remporté une victoire sur l'Entente ou agir seul et leur manifester la discorde franco-britannique; il interroge les ambassadeurs (7 mars) et leur fait part, le 12, de sa décision: informer Londres que le chargé d'affaires français à Berlin notifierait à Munich, le 20, donc avec un délai „par courtoisie" pour laisser un temps de réflexion aux Britanniques, le prochain envoi d'un chargé d'affaires. 15
Ibid., vol. 395, 29 septembre 1919, Washington, 1er octobre, Rome, 9 décembre, note de Jules Cambon. Le 8 août, Barrère développait déjà un argument semblable: „un intérêt national de premier ordre à revenir au système de représentation diplomatique antérieur à 1870, le plus diversifié possible, sans se soucier de la réciprocité, car on diminuerait ainsi l'importance de la représentation centrale dans la capitale." [souligné par nous], vol. 2, Rome, n°1869. 16 Ibid., vol. 395,31 octobre 1919, Berlin.
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Le jour même du départ de ce télégramme, dans la nuit du 12 au 13 mars, Kapp faisait son coup d'Etat, obligeant le gouvernement Müller à fuir en voiture à Dresde et entraînant la constitution d'un nouveau gouvernement, Bauer, provisoirement installé à Stuttgart jusqu'à l'échec du putsch le 22 mars. Cet épisode imprévu rend caduc le calendrier français de notification et suscite deux types de réflexions: à Londres, le soutien du gouvernement légal prévaut et l'ouverture d'une légation à Munich l'affaiblirait, surtout en ces circonstances; aussi les chargés d'affaires restent à Berlin et, seul, un agent britannique sera détaché pendant quelques jours à Stuttgart pour suivre le gouvernement; à Paris, on y voit une occasion supplémentaire d'ouvrir les représentations secondaires; cependant Marcilly reste à Berlin mais Millerand ne se contente pas d'en détacher un agent à Stuttgart: il y dépêche le consul général Bruère, de Mayence, avec une accréditation comme chargé d'affaires qu'il notifie au représentant allemand à Paris, Mayer (15 mars); aucun commentaire n'accompagne, ni ne suit cette étrangeté d'une double accréditation auprès du gouvernement légal allemand mais qui cesse dès son retour à Berlin. Avait-on espéré maintenir defacto un représentant à Stuttgart et en faire un précédent pour Munich? Pourtant, Bruère avait eu le temps d'apprendre, pendant son séjour à Stuttgart, que le gouvernement bavarois priait instamment de surseoir à tout envoi de chargé d'affaires (19 mars)17. Le titulaire était désigné, Joseph Dard, et ses instructions préparées le 21 mars, visées par Paléologue, secrétaire général, le 2 avril et, destinées à lui être remises18. Elles indiquent la ferme intention de rétablir la légation quand l'ambassade de Berlin sera rouverte; cette opération conjointe paraît la meilleure pour neutraliser simultanément les trois oppositions connues, celles de Berlin pour le principe, de Munich à cause de Berlin, de Londres qui y dénonce un encouragement au séparatisme (présomption qui n'est pas fausse, Jules Cambon écrivait le 9 décembre 1919: „ce sont les sentiments séparatistes de ce pays que nous escomptons le plus") et pour remporter une victoire en restaurant la situation d'avant guerre: c'est là „une question de dignité"19. Dard est nommé ministre plénipotentiaire à Munich pour compter du 12 avril 1920. Les relations consulaires constituent le mode mineur des rapports entre les Etats et sont, en pratique, moins politiques que celles du mode diplomatique mais tout autant indispensables pour les ressortissants. L'article 279 du traité de Versailles impose à l'Allemagne d'agréer les nominations aux postes consulaires qui lui seraient notifiées par les Alliés; la procédure de Y exequatur devenait ainsi une pure formalité, puisqu'elle n'était pas négociable. La réouverture des consulats, demandée par la Belgique en janvier 1920, est aussitôt correlée avec l'envoi à Berlin du chargé d'affaires Marcilly: il notifiera aux autorités allemandes les noms des 17
Ibid., vol. 396, aux dates mentionnées. Ibid., vol. 396 pour le 21 mars, où se trouve une fiche de classement mentionnant cet envoi qui a dû être différé au 2 avril, où une autre fiche l'indique comme „instructions générales" mais le texte correspondant a été inséré, par erreur, en avril 1921, au volume 397 -(f° 97). 19 Ibid., vol. 396,4 mai 1920, note sans en-tête et paraphée peut-être par Jules Laroche. Citation de Jules Cambon, cf. note 12. 18
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titulaires français. La réorganisation administrative du Reich appelle cependant, avant la rédaction des commissions consulaires, une redéfinition des circonscriptions antérieures; il est néanmoins décidé (8 janvier 1920) d'envoyer au plus vite les titulaires dans leurs postes, sans attendre Y exequatur qui ne peut être refusé20. Un arrêté du 10 janvier fixe, sur la foi des renseignements fournis par Haguenin, les nouvelles circonscriptions de 8 consulats (Berlin, Brème, Breslau, Düsseldorf, Francfort, Karlsruhe, Leipzig, Munich) et de 2 consulats généraux (CologneMayence, Hambourg). En août, sera créé un troisième consulat général à Stuttgart, afin d'alléger la tâche du consulat de Karlsruhe. Marcilly demande aussi l'ouverture d'un consulat à Koenigsberg (elle ne se fera qu'en juillet 1922)21. Le réseau consulaire de 1913 est ainsi réactivé quasiment dans son intégralité (Danzig n'est pas rouvert, vu le statut en instance de la ville). Ces réinstallations semblent s'être faites presque partout comme à Mayence: „sans incident"22; à Stuttgart, le consul qui se plaint de ne pas résider dans l'immeuble de service, suggère, en novembre 1920, de négocier la cession par les autorités russes en exil à Paris de leur ancienne légation, alors sous protection espagnole23. C'est à Berlin et à Hambourg que les consuls rencontrent quelques difficultés de réinstallation. Albéric Néton dit avoir été accueilli par les autorités de l'ancienne Ville-Libre d'une façon „correcte [mais] glaciale" et mis en demeure par le propriétaire des locaux, qui refusait de renouveler le bail pourtant honoré depuis une décennie, de les restituer sous quinzaine; ce délai fut incessamment reporté mais il fallut en décembre 1921, après une protestation de l'ambassade, une intervention personnelle du directeur allemand du Protocole auprès du propriétaire pour que les services consulaires ne soient pas expulsés et que le consul, lui-même, aît quelque espoir de trouver un appartement pour se loger ,..24. A cette exception assez notable pour avoir suscité une correspondance, le rétablissement des relations consulaires franco-allemandes en Allemagne était donc accompli dès le printemps 1920, moins d'un an après la signature du traité de paix mais après la reprise des relations diplomatiques à l'échelon intérimaire du chargé d'affaires.
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Ibid., vol. 395,3 janvier 1920, note pour le Directeur, 8 janvier, note pour le service du Personnel. Ibid., vol. 2, passim aux dates indiquées. Ibid., vol. 396,18 mars 1920, tél. de l'armée du Rhin au maréchal Foch, transmis à A E par le Comité militaire allié. Ibid., vol. 2, cession ou location, dont le montant serait inscrit, suivant la proposition de l'ancien ministre de Giers, au chapitre ds avances françaises à la Russie. Le dossier ne précise pas la validité de ce contrat. Ibid., 13 mars 1920 et décembre 1921. Une situation analogue s'est produite à Breslau. A Hambourg, le consul Néton recherche, il est vrai, un appartement de grand „standing": six ou sept pièces, au premier ou deuxième étage, avec chauffage central et à proximité des locaux de service! En décembre 1921, il menace de ne plus délivrer de visas aux Allemands à partir du 15 janvier suivant, s'il n'obtient pas satisfaction.
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Après 1945, les relations avec l'Allemagne occupée Conformément à la Déclaration du 4 juin 1945, la représentation de la France en Allemagne s'exerce à Berlin, - où, du reste, son ambassade a été presque entièrement détruite25 - , au Conseil quadriparti de contrôle par son commandant en chef, le général Pierre Koenig, commandant en chef, (homologue des généraux Lucius Clay pour les Etats-Unis et Brian Hubert Robertson pour le RoyaumeUni), assisté d'un conseiller politique, un diplomate du grade de ministre plénipotentiaire de l è r e classe, Jacques Tarbé de Saint-Hardouin26 (homologue de l'Américain Robert Murphy et du Britannique William Strang). Les rapports interétatiques avec l'Allemagne n'étant pas, pour l'heure, à l'ordre du jour,les relations avec les Allemands et concernant les Français présents en Allemagne à n'importe quel titre, ne peuvent être envisagées qu'à l'échelon secondaire, consulaire, encore que cette nécessaire option ne soit pas aisée à justifier et à formaliser dans le cadre de la Déclaration de 1945 vis-à-vis des Soviétiques.
La voie consulaire
L'inévitable gestion bilatérale concerne d'abord le rapatriement des prisonniers de guerre français, puis les formalités de séjour et de déplacement des Allemands en France, les opérations commerciales et toutes les affaires d'état-civil suscitées par la présence de ressortissants français en Allemagne, un ensemble d'activités relevant habituellement de la juridiction consulaire. Une semaine après la capitulation, le quai d'Orsay dresse l'état des 15 postes consulaires en Allemagne et en Autriche (Innsbriick)27 et, le 14 juin, sonde le gouvernement britannique sur l'intention française de „rouvrir prochainement des consulats dans toute l'Allemagne", ce qui ne paraît pas incompatible avec le statut du 5 juin et se justifierait par le rapatriement des prisonniers28. Cette nécessité est également ressentie par les Britanniques et par les Américains mais les trois conseillers politiques sont aussi unanimes (16 août) à redouter une opposition soviétique à une réouverture institutionnelle de consulats dans toute l'Allemagne; on y procédera donc, comme 25
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Eur. 44-60, vol. 1,5 septembre 1945, Berlin, n°242 F, ce jour-là, Tarbé de Saint-Hardouin s'y est rendu en souvenir du départ, auquel il avait assisté en 1939, de l'ambassadeur et il en décrit l'état ruiniforme. Né en 1899, il a suivi la carrière diplomatique depuis 1921, s'est rallié à la France Libre en 1942 (a été révoqué par Vichy) et faisait fonction de directeur politique au ministère en mai 1945 avant cette affectation. Ibid., 15 mai 1945, note. Il s'agit de Berlin, Brème, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Hanovre (omis ce jour mais évoqué le 25 juillet), Karlsruhe, Koenigsberg, Leipzig, Mayence, Munich, Nuremberg, Stuttgart. Ibid., 14 juin 1945, A E à Londres, n°3424; ce projet est confirmé par les notes de la sous-direction Europe des 13 juillet et 13 août suivants.
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pour les décisions de gestion administrative, dans chacune des trois zones d'occupation et sans donner le titre de „consuls" aux agents qui en effectueront le service et appartiendront, de fait, au corps consulaire. Saint-Hardouin a fait admettre par ses collègues que la France avait besoin d'un plus grand nombre d'agents que le principe de parité réciproque l'exigerait, car Britanniques et Américains n'envisageaient d'avoir qu'un seul agent en zone française (Sarrebruck pour les Britanniques qui élargiraient cependant la compétence de leur consul à Strasbourg à la rive droite du Rhin, Baden-Baden pour les Américains). La réorganisation du réseau consulaire, proposée le 6 octobre par Saint-Hardouin et qui donnera lieu à une décision du commandant en chef, Koenig, le 29 décembre 1945, est conforme à cette orientation. Des consulats dénommés „Offices des intérêts des Français et des étrangers", (ce qui devient vite en raccourci „Offices des intérêts français"), seront ouverts dans six villes de la zone d'occupation française (ZOF) à Baden-Baden, Fribourg, Coblence, Mayence, Tübingen, Sarrebruck et, dans les zones d'occupation britannique, à Düsseldorf et à Hambourg, et américaine, à Francfort et à Munich. On a renoncé à la zone „russe" pour éviter d'ouvrir un débat de fond: Saint-Hardouin avait officieusement sondé sur cette éventualité le représentant soviétique, Sobolev, qui avait répondu d'envoyer une note justificative au maréchal Joukov, commandant en chef. L'extension de la juridiction des consuls en Pologne à la zone d'occupation soviétique, un instant envisagée, fut abandonnée car, d'une part, la Pologne était un Etat souverain et, d'autre part, il n'en faudrait pas moins l'agrément des Soviétiques; le 24 octobre, on décidera de laisser au consul Lavastre, chargé des intérêts français à Berlin, toute latitude d'action pour traiter au cas par cas avec les Soviétiques29. Tous les titulaires de ces postes sont choisis dès novembre; presque tous appartiennent au cadre consulaire, plusieurs étaient en retraite; Hambourg et Munich sont d'abord confiés à deux membres du corps diplomatique, Panafieu, conseiller d'ambassade et „enchanté" de quitter son poste de chargé d'affaires à Copenhague, et Jousset, ministre plénipotentiaire en retraite. Les „offices" ouvrent progressivement leurs portes au cours de l'année 1946 (ex.: Hambourg et Francfort en janvier, Neustadt-Mayence le 23 septembre, Mayence même, le 16 janvier 1947). Les circonscriptions sont délimitées le 7 mars pour les postes des zones britannique et américaine30. Ce réseau s'agrandit d'une création en zone américaine à Stuttgart (1er septembre 1946) et d'agences consulaires: à partir de Fribourg, à Kehl (5 juin 1946) et Constance (16 juin 1947), de Sarrebruck, à Trêves octobre 1947 - (à cette dernière date, l'„office" créé à Mayence s'ouvre au public et Neu-
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Ibid., 14 août 1945, note de Saint-Hardouin pour le secrétaire général Berthelot du Comité interministériel pour les affaires allemandes et autrichiennes (CIAA) et 4 janvier 1946, BadenBaden, n ° l l ; concernant la zone soviétique, 6 septembre 1945, Koenig à CIAA, 6 octobre Baden-Baden, n°571,24 octobre, A E à Saint-Hardouin. Ibid., vol. 1, décret du 20 novembre 1945; voir aux dates des 17 septembre, 3 , 1 1 et 24 octobre 1945, 23 et 26 janvier 1946, 7 mars; vol. 2 , 1 1 mai, 19 juin, 25 juillet, 17 octobre, 21 décembre 1946,18 janvier 1947.
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Stadt où il opérait, devient agence) - , de Stuttgart, à Ravensburg (décembre 1947), à Mannheim et à Duisbourg, enfin31. Les autorités allemandes n'en possèdent pas cependant pour autant le droit de légation passif même à cet échelon. Un échange de notes entre le conseil juridique de Koenig, à Baden-Baden, et la sous-direction Europe, les 11 et 24 octobre 1945, fonde le droit d'établissement consulaire sur la réalité des rapports locaux et non sur l'existence d'un gouvernement central légal, auprès duquel les consuls ne sont du reste pas accrédités; ils reçoivent Yexequatur, qui les autorise à exercer leur mission, de l'autorité locale effective, qu'elle soit de fait ou de droit (la note de Baden-Baden cite le cas des consulats établis en zone franquiste pendant la guerre d'Espagne). Il en ressort pour l'Allemagne que le gouvernement de droit est le Conseil de contrôle et, par délégation de celui-ci pour les zones d'occupation, les commandants en chef, en l'occurrence le général Koenig pour la France. Le décret du 15 juin 1945 qui le nomme, l'autorise à déléguer tel ou tel de ses pouvoirs, par exemple celui qui concerne la sauvegarde des intérêts français aux chefs des „offices" qui en sont chargés. Le 26 novembre, la sous-direction Europe élève des objections à cette conception de la délégation: le commandant en chef n'a pas reçu les pouvoirs des agents diplomatiques et moins encore consulaires, car ceuxci ont des activités, par elles-mêmes indépendantes des autres (officier d'état-civil, notaire, juge) et qui ne sont pas comprises dans les fonctions du commandant en chef; en revanche, il peut agréer et nommer des agents présentés par le ministère des Affaires étrangères pour exercer ces activités et qui seront à son égard dans la même nature de dépendance que celle qu'ils ont, en temps ordinaire, envers le chef de la mission diplomatique 32. Ces acrobaties rhétoriques visent à l'évidence à limiter l'autorité militaire sur les fonctionnaires civils que sont les consuls à la seule justification de leur existence en conformité avec le statut du 5 juin 1945. En pratique, les titulaires sont choisis par concertation entre le conseiller politique du commandant en chef, un diplomate, et le ministère des Affaires étrangères. Point de place, donc, pour la moindre autorité locale allemande. Le confirme l'agrément des consuls d'une puissance occupante, nommés dans une autre zone: il est donné par le commandant en chef de la zone, qui, en pratique toujours, avalise l'avis donné par le ministère des Affaires étrangères de son pays. Le compte rendu de la prise de fonctions du consul général français à Düsseldorf, en décembre 1946, est explicite: il n'a rendu visite qu'aux autorités britanniques de la ville et de celles de Münster et n'a rencontré le bourgmestre que pour une affaire de service; il n'entretiendra de rapports avec le président du nouveau Land de
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Ibid., vol. 1 et 21, passim, notamment aux dates indiquées; au 15 septembre 1946, un tableau des postes et au 25 novembre 1946, la liste des circonscriptions; vol. 3, au 7 mars 1949. 32 Ibid., vol. 1. La sous-direction Europe paraît avoir mal lu la note de Baden-Baden et croit lui apporter contradiction en reprenant en fait le même argument justificatif de la présence consulaire alors que la véritable rectification porte sur la qualification du Conseil de contrôle, défini comme „de fait" et non „de droit".
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Rhénanie-Nord Westphalie que parce que le commissaire britannique l'y a invité33. Les „offices d'intérêts", consulats déguisés, pouvaient-ils subsister sous cet intitulé de conjoncture politique? La validité de leurs actes vis-à-vis du droit interne des Etats, notamment en matière d'état-civil ou de pension, était-elle suffisante? En d'autres termes, des actes consulaires, accomplis par des agents du service consulaire mais sans en posséder officiellement le titre, étaient-ils authentiques? La législation américaine ne l'admettait pas; aussi dès mars 1946, le commandant en chef américain notifia au Conseil de contrôle l'ouverture de consulats de son pays à Berlin et dans quelques villes allemandes. Murphy dit à Saint-Hardouin que les Russes ne réagirent pas, sans doute parce que leur zone d'occupation n'était pas concernée mais il précise que ces consuls sont en même temps définis comme des „représentants du conseiller politique", ce qui les valide au regard du statut de juin 1945. Il ne verrait donc pas d'objection à ce que les „offices" français de Munich et de Francfort prennent le nom de consulat général et consulat, qu'ils sont en réalité34. Une telle décision qui ne pouvait qu'être générale et concerner les 11 postes (plus Berlin et Innsbriick) n'est cependant pas aussitôt prise par les Français qui ne paraissent pas gênés par l'ambiguïté de cette situation. En mars 1948, le service de Comptabilité-Immeubles du Quai d'Orsay signale au consul de Baden-Baden que le terme „office" doit être remplacé par „consulat". Saint-Hardouin, informé, demande confirmation à Paris qui répond d'ajourner ce changement d'intitulé: la raison en est fournie en juin par la direction Europe (relancée par Saint-Hardouin); suivant le ministère de la Justice, une telle modification exige une loi dont le texte est en préparation, afin de valider tous les actes d'étatcivil, établis par des agents diplomatiques et consulaires en Allemagne et en Autriche, alors qu'il n'a pas été mis fin à la rupture diplomatique de septembre 1939 avec ces pays (observons que le cas de l'Autriche n'est pas disjoint). Les pouvoirs consulaires seraient à cette fin conférés aux fonctionnaires chargés des „offices des intérêts français". Le débat sur l'authenticité des actes consulaires, établis par des consuls de carrière mais sans titre doit être fécond. Le 1 er février 1949, le ministère informe Saint-Hardouin que, le Conseil d'Etat ayant, en novembre 1948, rejeté le projet de loi et conseillé de le retirer, les deux ministères s'y refusent et „les échanges de vues continuent" mais, désormais, les „offices" peuvent prendre le nom de „consulats"35. C'est donc avec un titre reconnu et autorisé qu'en septembre 1949 le consul général Keller est élu doyen du corps consulaire que les
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Ibid., Bell, consul britannique à Strasbourg, est agréé par le commandant en chef de la ZOF le 31 octobre 1945, Jousset, à Munich, le 17 novembre, par le commandant américain; vol. 2,21 décembre 1946, Düsseldorf à Baden-Baden. 34 Ibid., vol. 1,27 mars 1946, Berlin, n°100; suivant le consul français à Stuttgart, la régularisation formelle américaine de ce titre daterait du 27 mars 1948 par un acte dont il donne la référence (FM.UM0.0084/HC.C0M), vol. 132,24 novembre 1949, Stuttgart, n°92. 35 Ibid., vol. 3, 13 mars 1948, Baden-Baden, qui précise que le commandant en chef Koenig n'y voit aucun inconvénient, 5 juin, Baden-Baden et réponse 11 juin, AE, direction Europe (lettre particulière de J-C Paris), 1er février 1949, AE à Baden-Baden.
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représentants des onze puissances présentes à Munich ont pris l'initiative de constituer36.
Du commandant en chef au haut-commissaire L'irréductibilité des positions occidentales et soviétiques se révèle en Asie orientale (les deux Corées naissent en été 1948) et, parallèlement, en Europe, avec le test de l'aide Marshall (juillet 1947) qui marque la division idéologique et se traduit par la transformation progressive des zones d'occupation en entités politiques autonomes (RFA et RDA, été 1949) dans le contexte de la crise de Berlin. La restauration d'un Etat allemand, successeur en matière de souveraineté de celui qui avait été vaincu, est reportée à une échéance de plus en plus indéterminée, et donc, avec elle, le rétablissement des relations diplomatiques classiques. Il faut donc aménager, côté occidental, avec la République Fédérale d'Allemagne, dont la création a été à la fois encouragée et contrôlée (différence avec 1919), un mode de relation à inventer qui concilie la réponse pratique aux exigences des rapports avec elle, nouveau partenaire, et la sauvegarde des droits acquis en 1945 sur ce même partenaire, en tant qu'héritier partiel de l'unique Etat allemand antérieur. Ainsi, au terme de la conférence de Washington (l er -8 avril 1949)37, un nouveau statut d'occupation est adopté par les Trois Puissances occidentales, qui prend effet le 21 septembre 1949; le 12, Theodor Heuss avait été élu président de la République et, le 15, Konrad Adenauer, chancelier. Une Haute Commission Alliée réunit trois hauts-commissaires, successeurs des commandants en chef des trois zones d'occupation occidentales, fusionnées pour l'administration allemande mais formellement maintenues38 par référence au statut de 1945: car, individuellement et collectivement, ils sont détenteurs de „l'autorité suprême", détenue par le Conseil de contrôle ajourné sine die mais non dissous. Ainsi en est-il décidé, car, le 7 avril à Washington, Ernest Bevin avait soulevé la question quelque peu scolastique de savoir si cette „autorité suprême", dévolue aux Quatre agissant solidairement, était encore détenue par les Trois, quand ils l'exerçaient dans des domaines institutionnels comme celui-ci39. Le haut-commissaire français nommé le 20 mai 1949 a sa fonction et ses pouvoirs officiellement définis par un décret du 2 août suivant, dont l'article premier 36
. Ibid., vol. 132,17 septembre 1949, Haut-Commissaire à AE-Protocole. Un Annuaire du corps consulaire pour 1950 est aussitôt publié: voir au 9 janvier 1950. Sont représentés, outre les trois puissances occupantes, l'Autriche, Israël, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Suisse, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. 37 Pour mémoire, dans la restructuration du monde occidental, est signé le 4 avril, à Washington, le traité d'alliance de l'Atlantique-Nord. 38 Dans chaque zone, auprès du haut-commissaire responsable, sera envoyé un observateur, désigné par chacun des deux autres hauts-commissaires. 39 Y internationale 44-49, vol. 324,7 avril 1949 (f° 186-204).
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indique expressément que „dans l'exercice des pouvoirs qu'il détient des accords internationaux, [lui sont] dévolues les attributions précédemment assumées à ce titre par le général commandant en chef". Le 22 septembre, il le rappellera aux commissaires, nommés auprès des gouvernements des Länder: „la Haute Commission Alliée conserve le pouvoir suprême dans la RFA; elle exerce à ce titre un contrôle" et les commissaires sont ses représentants40. Il s'ensuit qu'au regard de la pratique diplomatique, le haut-commissaire est nommé par le gouvernement français comme son représentant en Allemagne mais qu'il n'est pas accrédité auprès du gouvernement allemand de Bonn, lequel n'a pas eu à donner son agrément préalable, quand bien même sa résidence administrative est Bonn (Bad Godesberg, en pratique, et Ernisch pour sa résidence privée). Cette absence formelle de parité entre les deux Etats fut cependant atténuée autant que possible dans la manifestation officielle, inaugurant le 21 septembre le nouveau mode de relation. Adenauer le raconte et montre que la Haute Commission Alliée a accepté d'en limiter la solennité à une déclaration de son président, André François-Poncet, et que l'on fit semblant de ne pas voir que, sous prétexte d'aller saluer le président, Adenauer avait pris pied sur le tapis, devant lequel le protocole avait prévu qu'il resterait jusqu'à la fin de l'allocution, et qu'il y demeura pour l'entendre .. ,41. On était cependant entré dans le champ des relations diplomatiques: d'abord, le nouveau statut d'occupation substituait au régime militaire un régime civil42, qui inclinait à penser à une restauration de rapports paritaires; ensuite, le choix français d'André François-Poncet le soulignait plus particulièrement. En novembre 1948, il avait été chargé de mission politique puis conseiller politique auprès du général Koenig dans la zone d'occupation française; des commentateurs allemands y virent „en quelque sorte le début d'une reprise de la représentation diplomatique en Allemagne", eu égard à son rang d'ambassadeur et à son passé franco-allemand, lequel, lorsqu'il fut nommé haut-commissaire comme tous s'y attendaient - , fut aigrement évoqué à l'Est par Neues Deutschland comme un présage néfaste pour l'histoire allemande43. Après la conclusion des accords de Washington, les trois commandants en chef occidentaux avaient, le 14 avril à Francfort, reçu une délégation du Conseil parlementaire et répondu à leurs questions sur le futur statut d'occupation, en particulier, sur la capacité de la future RFA d'ouvrir des représentations consulaires à
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Eur. 44-60, vol. 3,20 mai 1949 et vol. 130,2 août et 22 septembre 1949. Konrad Adenauer, Mémoires, p. 240. 42 Une évolution déjà amorcée par le décret du 1er juillet 1947 réorganisant les services du conseiller politique auprès du commandant en chef et les rendant tangents, sinon interférents, à ceux de la Division politique du commandant en chef: ainsi le chef de cette Division devenait l'adjoint du conseiller politque, Eur. 44-60, vol. 2. Klaus-Dietmar Henke donne l'organigramme du cabinet Koenig et du gouvernement militaire en juin 1947 et en 1948 dans Politik der Widersprüche. Zur Charakteristik der französischen Militärverwaltung in Deutschland nach dem zweiten Weltkrieg, pp. 57-60 et 67. 43 Ibid., vol. 3. Neues Deutschland du 21 mai l'accuse d'avoir préparé l'accession du nazisme au pouvoir en 1933... 41
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l'étranger, de participer aux conférences internationales 44 et (question posée par Adenauer) de recevoir des ambassades accréditées sous le contrôle des Puissances occupantes. Lucius Clay avait répondu affirmativement aux deux premières mais s'était déclaré sans informations sur la troisième 45 . Une demande internationale existait en faveur d'une représentation politique classique de niveau diplomatique (ex.: la Belgique, en août) ou de la transformation des missions de liaison militaires, accréditées auprès de la Commission de contrôle (suivant l'article 5 de la Déclaration du 4 juin 1945) en consulats ou consulats généraux (ex.: la Yougoslavie en juillet 1949). La réponse débordait le cadre politico-juridique par ses conséquences immobilières et financières sur l'autorité reconnue accréditaire (RFA ou Haute Commission Alliée", pour l'installation immobilière des missions, l'exercice des immunités, etc. Une solution combinant les deux niveaux d'instances fut arrêtée dans la charte de la Haute Commission (article 8). Le 15 décembre 1949, douze chefs de mission reçurent l'agrément ou Yexequatur de la Haute Commission Alliée, furent reçus par elle à l'hôtel Petersberg (Bonn) où elle siégeait, ce qui marquait bien sa prépondérance de droit, puis, introduits par le secrétaire général et le chef du protocole de la Haute Commission, rendirent ensemble une „visite de courtoisie" au président Heuss avant d'être reçus enfin, individuellement, par le chancelier Adenauer 46 . En France, la question de la représentation de la RFA se pose en février 1950 avec la proposition d'ouverture à Paris d'un consulat général, dont le titulaire pressenti par Adenauer est alors von Brentano, membre de la CDU, et dont on savait qu'il serait d'une taille „comparable à une importante ambassade" (4 avril 1950). Au Quai d'Orsay, cette perspective souleva des problèmes de procédure (domiciliation de la représentation, définition dans la commission consulaire de la circonscription [Amtsbezirk]: avec ou sans la Sarre, l'Algérie, les DOM-TOM, etc). Wilhelm Hausenstein, critique d'art à la Frankfurter Allgemeine Zeitung, proposé par Adenauer le 20 avril, agréé par le conseil français des ministres le 17 mai, remit le 17 juillet sa commission consulaire au service du Protocole du ministère des Affaires étrangères et s'installa le 30 août avenue d'Ièna 47 . Ainsi se rétablit sur une base inégale la relation mutuelle franco-allemande que la conjoncture intereuropéenne et stratégique Est-Ouest des cinq années suivantes amènera ou autorisera à relever au niveau diplomatique traditionnel paritaire des ambassadeurs avec procédure d'agrément préalable et remise de lettres de créances au chef de l'Etat, comme le firent en 1955 André François-Poncet à Bonn au président Heuss et Herbert Blankenhorn à Paris au président Coty. 44
La question se pose immédiatement pour les conférences techniques de l'OIT (sur la batellerie rhénane), de la FAO (sur la technologie agricole), l'OMS, l'OECE et même un congrès d'historiens sur la seconde guerre mondiale, ibid., vol. 356. 45 Y internationale, vol. 325, (f° 128). 46 Eur. 44-60, vol. 147, 16 décembre 1949 Armand Bérard, Un ambassadeur se souvient, vol. 2: Washington et Bonn (1945-1955), Paris 1978, p. 261, relate l'événement sans le décrire. Au 15 juin 1953, sont accréditées à Bonn 41 missions diplomatiques (21 du rang d'ambassades, 17 du rang de légations, 4 sous forme de missions spéciales, vol. 151. 47 Ibid., vol. 143.
Gottfried
Niedhart
Revisionismus und friedlicher Wandel in der deutschen Politik nach den Kriegsniederlagen
I
Nach beiden Weltkriegen war es ein Ziel der deutschen Politik, die infolge der Kriegsniederlage eingetretenen Veränderungen vollständig oder zum Teil rückgängig zu machen. Während es für die Zwischenkriegszeit allgemein üblich ist, von Revisionismus zu sprechen, ist dies für die ersten vier Jahrzehnte der Bundesrepublik Deutschland nicht der Fall. Dafür sorgte schon die Tatsache, daß der Revisionismusvorwurf lange Zeit von der Sowjetunion vorgebracht wurde. Dennoch handelt es sich um vergleichbare Vorgänge, was freilich nicht heißt, daß sie identisch sind. Dieser Problematik soll im folgenden am Beispiel der Revisionspolitik Gustav Stresemanns in der Locarno-Ära, Konrad Adenauers im Kalten Krieg und Willy Brandts in der Entspannungsphase des Ost-West-Konflikts nachgegangen werden. Der Versailler Vertrag wurde als unangemessenes Diktat empfunden, das unter Zwang hingenommen, dessen Revision aber mit aller Kraft angestrebt werden mußte. Nach dem Zweiten Weltkrieg konnte Scheidemanns Empörung, die Hand müsse verdorren, die den Versailler Vertrag unterzeichne, nicht mehr geäußert werden, weil es keinen Friedensvertrag gab und die staatliche Gewalt auf die Siegermächte als Besatzungsmächte übergegangen war. Anders als nach 1918 war eine Veränderung der politischen Nachkriegslage nur durch völlige Subordination unter die Siegermächte vorstellbar. Deutschland hatte 1945 nicht nur militärisch, sondern auch politisch bedingungslos kapituliert. Von Anfang an war es mit der Realität der Niederlage schonungslos konfrontiert, während nach 1918 die Dolchstoßlegende nicht nur auf der politischen Rechten, sondern bis in die Gewerkschaften hinein eine realitätsgerechte Lagebeurteilung oftmals verhinderte. Wenn die Realität der Niederlage nur widerstrebend anerkannt wurde, er-
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Gottfried Niedhart
schien es um so wichtiger, durch die Revision des Versailler Vertrages einen „Mindestzustand" für Deutschland herzustellen, der die alte Herrlichkeit zwar nicht zurückbringen, aber wenigstens dazu führen konnte, sich „mit der Niederlage von 1918 abfinden" zu können.1 Ein weiterer Unterschied zwischen den Nachkriegszeiten ist vorab herauszustellen. Nach 1945 gab es keine Kriegsschulddebatte wie nach 1918, als man den „Unrechtsfrieden", wie er von Scheidemanns Nachfolger, Gustav Bauer, genannt wurde, auch deshalb ablehnte, weil er mit der deutschen Kriegsschuld begründet wurde. Die Revision des Versailler Vertrages begann mit der Zurückweisung des Artikels 231 des Versailler Vertrages. Sie erwies sich als „die Integrationsklammer der politischen Kultur Weimars".2 Noch 1927 sprach sich Gustav Stresemann entschieden gegen eine Berufung von Hermann Kantorowicz nach Kiel aus. Der renommierte Jurist hatte in einem vom Auswärtigen Amt unterdrückten Gutachten zur Kriegsschuldfrage die deutsche Politik, ohne von Alleinschuld zu sprechen, erheblich belastet. In den Augen Stresemanns war dies nichts weiter als „politischer Masochismus".3 Nach 1945 gab es eine andere Integrationsklammer. Man leugnete nicht die Tatsache der deutschen Kriegsvorbereitung und des Angriffskrieges, brachte sie aber nicht mit den gesellschaftlichen Kräften und politischen Gruppen in Deutschland in Verbindung, sondern allein mit der verbrecherischen Politik Hitlers, so daß Aufrüstung, Kriegsmentalität und Kriegführung allein der engeren NS-Führung angelastet werden konnten. Unter den Faktoren, die die Rahmenbedingungen für Revisionspolitik bildeten, ist schließlich ein Einstellungsmuster auszumachen, das beiden Nachkriegszeiten gemeinsam war. In beiden Fällen wurde der Krieg vor allem unter dem Aspekt seines für die Deutschen verheerenden Ausgangs wahrgenommen. Man sah sich selbst als Opfer und vergaß die Begeisterung, mit der man militärische Erfolge gefeiert hatte. Erst recht vergaß man die Opfer, die die eigene Kriegführung in anderen Ländern zurückgelassen hatte. Daß der Krieg seinen Preis hatte, wurde vielfach ausgeblendet. Das Drängen auf Revision des Kriegsausgangs hing auch damit zusammen, daß für Gewalt und Krieg keine oder nur begrenzte Verantwortung übernommen wurde.4
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So der DVP-Politiker Werner von Rheinbaben in einer Denkschrift „Deutsche Revisionspolitik" vom Dezember 1930. Andreas Rödder, Stresemanns Erbe: Julius Curtius und die deutsche Außenpolitik 1929-1931, Paderborn u. a. 1995, S. 37. Ulrich Heinemann, „Die Last der Vergangenheit. Zur politischen Bedeutung der Kriegsschuldund Dolchstoßdiskussion", in: Die Weimarer Republik 1918-1933, Hg. Karl Dietrich Bracher u. a., Bonn 1987, S. 385. Vgl. auch ders., Die verdrängte Niederlage. Politische Öffentlichkeit und Kriegsschuldfrage in der Weimarer Republik, Göttingen 1983. Stresemann an den preußischen Kultusminister Becker, 5.8.1927. Politisches Archiv des Auswärtigen Amts, Bonn (PA), Stresemann NL, 57. Genauer zu diesen Punkten Gottfried Niedhart u. Dieter Riesenberger (Hg.), Lernen aus dem Krieg? Deutsche Nachkriegszeiten 1918 und 1945, München 1992.
Revisionismus und friedlicher Wandel nach 1918 und 1945
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II Nach beiden Weltkriegen gelang es der deutschen Politik erstaunlich gut, auf die durch die Kriege verursachten Veränderungen des internationalen Systems zu reagieren und sich selbst wieder eine wichtige Rolle darin zu sichern. Nach dem Ersten Weltkrieg blieb das Deutsche Reich ungeachtet territorialer Verluste und sonstiger Belastungen als Nationalstaat in der Mitte Europas erhalten. Darüber hinaus gelang es, das Versailler System in einigen Punkten zu revidieren, so daß die Rückkehr zum Großmachtstatus erfolgen konnte. Nach 1945 hörte der deutsche Nationalstaat zu bestehen auf. Die Bundesrepublik Deutschland stieg aber nach ihrer Gründung binnen kurzem zu einer bedeutenden Mittelmacht im Westen auf, die eine Erweiterung ihres Handlungsspielraums und die Erlangung von Gleichberechtigung anstrebte. Die Revision des Besatzungsstatuts, die weitgehende Gewährung von Souveränität und die Wiederbewaffnung begleiteten die Reintegration des westdeutschen Teilstaats in die internationale Gesellschaft. Wenn die Bundesrepublik auch ein Produkt des Kalten Krieges war, erkannte sie doch niemals in aller Form die Auswirkungen der Ost-West-Konfrontation an, die sich in der Teilung des Landes niederschlugen. Sie blieb bis zur Auflösung der DDR ein Staat mit revisionistischer Zielsetzung. Was alle überraschte und viele, nicht zuletzt ihre westeuropäischen Nachbarn, in Unruhe stürzte: Sie hatte in einer für sie überaus günstigen internationalen Konstellation Erfolg damit, so daß der deutsche Nationalstaat - wenn auch nicht in der alten Form -1990 wiederhergestellt werden konnte. Vergleicht man die Entwicklungsphasen deutscher Revisionspolitik nach den beiden Weltkriegen,5 empfiehlt sich aus Gründen der Vergleichbarkeit für die Zwischenkriegszeit die Konzentration auf den kooperativen Revisionismus der politischen Kräfte, die von ihren auf konfrontativen Revisionismus setzenden Gegnern als Erfüllungspolitiker diffamiert wurden. Die Extremform des konfrontativen Revisionismus stellte der Nationalsozialismus dar, für den Gewalt und Krieg konstitutiv waren. Seine auf Waffengewalt gestützten Erfolge waren nur von kurzer Dauer. Dauerhaften Erfolg dagegen konnte der westdeutsche Revisionismus nach 1945 erringen. Für ihn ging die Nachkriegszeit letztlich erst 1990 zu Ende. Er konnte an Erfahrungen anknüpfen, die Rathenau oder Stresemann in der Weimarer Republik gemacht hatten. Zugleich ging er in wesentlichen Punkten darüber hinaus. In den im folgenden herangezogenen Phasen deutscher Revisionspolitik lassen sich übereinstimmende Merkmale ausmachen. Von grundlegender Bedeu5
Siehe dazu auch Gottfried Niedhart, „Deutschland in Europa: Interessenperzeption und Rollendefinition", in: Deutschland in Europa. Nationale Interessen und internationale Ordnung im 20. Jahrhundert, Hg. Gottfried Niedhart, Detlef Junker u. Michael W. Richter, Mannheim 1997, S. 375-389; Gottfried Niedhart, „Deutsche Außenpolitik: Vom Teilstaat mit begrenzter Souveränität zum postmodernen Nationalstaat", in: Aus Politik und Zeitgeschichte. Beilage zur Wochenzeitung Das Parlamente 1-2/97 (3.1.1997), S. 15-23.
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Gottfried Niedhart
tung war, daß am Anfang jeglicher Revisionspolitik die Anerkennung der Realität stehen mußte, die verändert werden sollte. So unterschiedlich die Realitäten waren, von denen auszugehen war - die Tatsache der Kriegsniederlage und Schwächung Deutschlands für Stresemann, die Teilung des Landes und die Besatzungsherrschaft der Siegermächte für Adenauer, die Existenz eines zweiten deutschen Staates für Brandt - , so übereinstimmend war das als Paradoxie erscheinende Grundmuster angelegt, von dem jede erfolgreiche Revisionspolitik zu starten hatte: Nur durch die vorherige Anerkennung der Realität, die von den Siegern der Kriege gestaltet worden war, konnte man sie verändern. Andernfalls hätte man mit den Siegern nicht ins Gespräch kommen können. Die - wenigstens vorläufige - Anerkennung der Nachkriegsrealität implizierte die Anerkennung der Sicherheitsinteressen der europäischen Nachbarländer, die ihre Sicherheit vor Deutschland gewährleistet sehen wollten; ferner die Bereitschaft zur Einbindung in das bestehende internationale System und zum Verzicht auf außenpolitische Alleingänge und schließlich die Absage an jegliche Form von Gewalt und das unzweideutige Bekenntnis zu friedlichem Wandel. Die Anerkennung von Realitäten vermochte einen Dialog zu eröffnen. Das Prinzip des friedlichen Wandels sorgte dafür, daß die Realität veränderbar war. Zu diesen Kernelementen der außenpolitischen Methode traten zwei inhaltliche Fixierungen hinzu, die den kooperativen Revisionismus beförderten. An die Stelle der militärischen traten wirtschaftliche Machtmittel. Die neue Identität des ,Handelsstaats' eröffnete eine Interessenübereinstimmung nicht zuletzt mit den USA, die zum zentralen Faktor deutscher Revisionspolitik wurde - bis hin zu ihrer ausschlaggebenden Rolle bei der Wiederherstellung des deutschen Nationalstaats 1989/90.6 Deutsche Revisionspolitik nach den beiden Weltkriegen diente einerseits der Rückkehr Deutschlands in die internationale Politik und der Wiederentfaltung deutschen Machtpotentials. Sie war aber keine einfache Rückwendung zur Vorkriegszeit, sondern bewegte sich methodisch und inhaltlich in neuen Bahnen, so daß sie für die Siegermächte akzeptabel erschien. Sie diente nicht nur dem nationalen Sonderinteresse, sondern enthielt auch eine friedenspolitische Komponente. Nationales Interesse und internationale Ordnung waren konzeptionell aufeinander bezogen.
III Stresemann ließ nie einen Zweifel daran, daß seine Politik zur Wiedererlangung einer gleichberechtigten Großmachtrolle für Deutschland führen sollte. Daß sich diese Rolle aber gründlich von der wilhelminischen unterscheiden mußte, 6
Dazu Philip Zelikow und Condoleezza Rice, Germany United and Europe Transformed. A Study in Statecraft, Cambridge, Mass. 1995.
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gehörte zu den Einsichten, die er wiederholt der deutschen Öffentlichkeit und ihren Führungssschichten nahezubringen versuchte. Deutschland müsse eine entschlossene Abkehr von den unilateralen Tendenzen seiner Vorkriegspolitik vollziehen. Diese Politik war gescheitert und hatte in die Kriegsniederlage geführt. Nur eine realistische Sicht der Niederlage und ihrer Konsequenzen konnte aus ihr herausführen. Die illusionslose Beschreibung der realen Lage der Deutschen als „Volk des verlorenen Weltkrieges" verknüpfte Stresemann mit der Festlegung, es könne keine „Wendung der Dinge durch Krieg" geben.7 Er wollte den „Würger, der uns an der Gurgel sitzt"8 abschütteln und damit Frankreichs Rolle als kontinentaleuropäische Führungsmacht demontieren. Stresemann wußte allerdings auch, daß Veränderungen des Versailler Systems (Reparationsfrage, Rheinlandbesetzung, Militärkontrolle, Ostgrenze) nur denkbar waren, wenn das Sicherheitsbedürfnis Frankreichs befriedigt und ihm die „Sorge vor einem wiedererstehenden Deutschland"9 genommen wurde. Mit den Locamo-Verträgen glaubte er diesem Punkt Genüge getan zu haben, so daß das Ziel der deutschen Gleichberechtigung mit allem Nachdruck weiterverfolgt werden sollte. Was aus deutscher Sicht als durchaus legitimes und geradezu unverzichtbares Ziel erschien, geriet aus französischer Perspektive sogleich in die Nähe einer neuen Bedrohungswahrnehmung. Denn ein gleichberechtigtes Deutschland war notwendigerweise ein überlegenes Deutschland. Unabdingbare Voraussetzung für friedlichen Wandel war die Suche nach einem internationalen Interessenausgleich. Die Verträglichkeit von deutscher Großmacht und europäischer Friedensordnung mußte gewährleistet sein.10 Der Wiederaufstieg Deutschlands sollte seinen Nachbarn dadurch schmackhaft gemacht werden, daß Stresemann nach „gleichlaufenden Interessen"11 suchen wollte und sich an der „Solidarität der Interessen"12 zu orientieren versprach. Interessenüberschneidungen schienen sich am besten im wirtschaftlichen Bereich finden zu lassen. Wirtschaftliche Kooperation war allerdings nicht nur ein Mittel, von dem man sich einen Abbau auch politischer Spannungen erhoffen konnte, sondern auch eine Rahmenbedingung, um das deutsche Wirtschaftspotential wirkungsvoller zur Geltung zu bringen. Die Wirtschaft war auch ein „Machtinstrument".13 Sie tötete nicht wie das militärische Machtinstrument des 7
Stresemann in einer Rede am 26.5.1927 vor dem Deutschen Auslandsinstitut in Stuttgart. PA, Stresemann NL, 54. 8 Ausführungen Stresemanns vor der Arbeitsgemeinschaft Deutscher Landsmannschaften in Groß-Berlin am 14.12.1925. Akten zur Deutschen Auswärtigen Politik (ADAP), Serie B, Bd. 1, Teil 1,S. 748. 9 Stresemann in einem Zeitungsartikel vom 15.5.1923. Arnold Harttung (Hg.), Gustav Stresemann. Schriften, Berlin 1976, S. 281. 10 Vgl. dazu auch Christian Baechler, Gustave Stresemann (1878-1929). De l'impérialisme à la sécurité collective, Straßburg 1996. 11 WieAnm. 8, S. 730. 12 Rede Stresemanns in Hamburg, 20.12.1926. PA, Stresemann NL, 48. 13 Stresemann vor dem Übersee-Klub in Hamburg am 16.4.1925. Peter Krüger, Versailles. Deutsche Außenpolitik zwischen Revisionismus und Friedenssicherung, München 1986, S. 186.
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wilhelminischen Deutschland, aber sie war ein Hebel zur Machterweiterung und in Stresemanns Augen durchaus geeignet, „den Dingen seit Versailles eine andere Wendung zu geben".14 Die ökonomische Variante deutscher Machtpolitik mußte Frankreich lieber sein als die militärische, die Stresemann dezidiert ausschloß. Zugleich jedoch erschien das überlegene deutsche Potential aus französischer Sicht auch als „potentiel de guerre". In Verbindung mit der nach Locamo nicht zur Ruhe gekommenen deutschen Revisionspolitik bestätigte es tief sitzende Unsicherheiten, die der deutsch-französischen Annäherung deutliche Grenzen zogen.15 Anders als Stresemann es sich erhofft hatte, folgte aus der Entspannungspolitik von Locamo keine Eigendynamik fortgesetzten friedlichen Wandels mit möglichst rascher Revision des Versailler Vertrages. Thoiry erwies sich als unrealisierbar, was mehrere Ursachen hatte. Die aus Stresemanns Sicht wichtigste war der Einspruch der USA gegen die Abreden, die er und Briand getroffen hatten. Für den deutschen Außenminister kam „keine Regelung in Betracht", „die uns in direkten Gegensatz mit Amerika brächte".16 An der von Anfang an verfolgten Ausrichtung der deutschen Revisionspolitik auf die USA17 wurde auch dann nicht gerüttelt, wenn die deutsch-amerikanische Kooperation eigenen Initiativen Fesseln anlegte. Bis in die Zeit der Weltwirtschaftskrise hinein waren die USA aus Berliner Sicht der für die deutsche Interessenlage entscheidende Faktor im internationalen Kräftefeld. Diese Erwartung stand auch hinter der prompten und uneingeschränkt positiven deutschen Reaktion auf Kelloggs Vorschlag eines multilateralen Kriegsverzichtspakts, mit dem der sicherheitspolitisch motivierten ursprünglichen französischen Initiative eine neue Richtung gegeben wurde. In der Anlehnung an die USA sah das Auswärtige Amt 1928 auch eine Möglichkeit, die revisionspolitische Stagnation vielleicht überwinden zu können.18
IV Nach dem Zweiten Weltkrieg hatte die deutsche Revisionspolitik von völlig anderen Voraussetzungen auszugehen als nach dem Ersten. Das Deutsche Reich war „vergangen".19 Zugleich aber war auch nach der Gründung zweier deutscher "•WieAnm. 8,S.73o. 15 Vgl. auch Gemens Wurm, „Frankreich und die Rolle Deutschlands in Europa während der Ära Briand-Stresemann", in: Deutschland in Europa, S. 162-165. 16 Runderlaß Stresemanns vom 26.10.1926. A D AP, Serie B, Bd. 1, Teil 2, S. 375. 17 Hierzu Manfred Berg, Gustav Stresemann und die Vereinigten Staaten von Amerika. Weltwirtschaftliche Verflechtung und Revisionspolitik 1907-1929, Baden-Baden 1990; Werner Link, Die amerikanische Stabilisierungspolitik in Deutschland 1921-1932, Düsseldorf 1970. 18 Dazu neuerdings Eva Buchheit, Der Briand-Kellogg-Pakt von 1928. Machtpolitik oder Friedensstreben? Münster 1998. 19 Klaus Hildebrand, Das vergangene Reich. Deutsche Außenpolitik von Bismarck bis Hitler 1871-1945, Stuttgart 1995.
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Staaten 1949 die in Potsdam 1945 aufgeworfene Frage, was denn unter Deutschland zu verstehen sei,20 keineswegs gelöst. Während die DDR die Nachkriegsgrenzen anerkannte bzw. anerkennen mußte, weil daran ihre Existenz gebunden war, hielt die Bundesrepublik Deutschland lange an der Vorstellung eines Deutschland in den Grenzen von 1937 fest. Als sich herausstellte, daß dies eine Fiktion war, rückte in der Bundesrepublik der Gedanke der Nation in den Mittelpunkt, der zwei deutsche Staaten zuließ, zugleich aber die deutsche Frage prinzipiell „offen" hielt. Vorrangig artikulierte sich die westdeutsche Revisionspolitik nicht mit einer nationalpolitischen Zielsetzung, die je länger desto mehr auf der deklaratorischen Ebene angesiedelt war. Im Vordergrund stand vielmehr der Versuch, die Beziehungen zu den Siegermächten zu verbessern und das Besatzungsstatut zu revidieren. Adenauer betrieb seine Revisionspolitik primär unter dem Gesichtspunkt der Erlangung von Souveränität und Gleichberechtigung für die Bundesrepublik. Im Interesse dieses Ziels war er bereit, die Realität der Besatzungsherrschaft zunächst einmal anzuerkennen und mit den Besatzungsmächten zusammenzuarbeiten. Geradezu modellhaft hat sich dieses Muster im Petersberger Abkommen vom November 1949 niedergeschlagen. Adenauer war in einem Maß dazu bereit, den Besatzungsmächten in der Frage der Kontrolle der Ruhrindustrie entgegenzukommen, daß er sich seitens Kurt Schumachers, des sozialdemokratischen Oppositionsführers, den Vorwurf einhandelte, er sei der „Kanzler der Alliierten"21. Tatsächlich war Adenauer bereit, Vorleistungen zu erbringen und Souveränitätsverzicht zu leisten, um dadurch eine Eintrittskarte in das Konzert der Mächte und im Laufe der Zeit „fortschreitend mehr staatliche Macht"22 erlangen zu können. Adenauer war in diesem Punkt weitaus moderner als Stresemann, für den der souveräne Nationalstaat der verbindliche Bezugspunkt blieb. Er mußte es freilich auch sein, weil Deutschland seine Souveränität vollständig eingebüßt hatte. Er war aber auch moderner als Schumacher, der erst die Souveränität und möglichst auch den Nationalstaat wiederhergestellt sehen wollte, bevor supranationale Ansätze verfolgt werden konnten. Adenauers Erfolg beruhte auf der vorgängigen Anerkennung der Realität, die Deutschland als „penetriertes System" auswies.23 Weitere Bedingung für Adenauers erfolgreiche Revisionspolitik war seine Fähigkeit zur Empathie für das Verlangen nach Sicherheit vor Deutschland, das die westliche Deutschlandpolitik prägte; ferner die Bereitschaft zur Selbstbindung und Selbstbeschränkung der Bundesrepublik im Rahmen der westeuropäischen Integration und der NATO. Insbesondere erkannte der erste Bundeskanzler, wie wichtig die deutsche Akzeptanz des französischen Sicherheitsbedürfnis20
Ernst Nolte, Deutschland und der Kalte Krieg, Stuttgart 21985, S. 20. Näher dazu Horst Lademacher u. Walter Mühlhausen (Hg.), Sicherheit, Kontrolle, Souveränität. Das Petersberger Abkommen vom 22. November 1949, Melsungen 1985. 22 Konrad Adenauer, Erinnerungen 1945-1953, Stuttgart 1965, S. 246. 23 Hierzu die zahlreichen Arbeiten von Wolfram F. Hanrieder, zuletzt: Deutschland, Europa, Amerika. Die Außenpolitik der Bundesrepublik Deutschland 1949-1994, Paderborn 1995. 21
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ses war. Es nütze nichts, „daß wir tatsächlich ungefährlich sind", äußerte er kurz nach seiner Amtsübernahme in einem Interview. Entscheidend sei vielmehr, „ob Frankreich uns für gefährlich hält". „Ob uns das heutige französische Sicherheitsbedürfnis überholt vorkommt, ob es tatsächlich überholt ist, dies alles ist nicht entscheidend. Auch wenn Frankreich sich im Irrtum befindet, so ist sein Verlangen nach Sicherheit doch psychologisch vorhanden und also eine politische Tatsache, mit der wir zu rechnen haben." 24 Die europäische Integration war die zweite wichtige Abfederung, um die Rückkehr in die internationale Politik und damit die Überwindung der nachkriegszeitlichen Objektrolle erreichen zu können. Adenauers revisionspolitisches Hauptziel war es, im Rahmen der dezidierten Westbindung wieder „Großmacht" zu werden.25 Damit meinte er die Erweiterung von Handlungsspielraum und die Erlangung von Gleichberechtigung. Die Rückkehr zur wirtschaftlichen und auch politischen und militärischen Macht erfolgte unter der Kontrolle supranationaler Strukturen, die aber zugleich den Aufstieg des auf internationale Verflechtung angelegten Handelsstaats Bundesrepublik Deutschland begünstigten. Wesentlich gefördert wurde dieser Prozeß durch die Interessenidentität der Bundesrepublik und der USA, die - wie nach dem Ersten Weltkrieg - an der Wiederherstellung von Stabilität in Deutschland interessiert waren. Das European Recovery Programme der USA sah von vornherein die Einbeziehung Westdeutschlands vor, und unter dem Vorzeichen des Kalten Krieges kam auch der militärische Stellenwert der Bundesrepublik ins Spiel.26 War Adenauers Revisionspolitik im Hinblick auf den Status der Bundesrepublik überaus erfolgreich, so blieb die nationalstaatlich motivierte Revisionspolitik weit hinter den gesteckten Erwartungen zurück. Allerdings ist zu sagen, daß sie niemals mit einer eindeutigen Priorität versehen war. Die Wiedererlangung der nationalen Einheit wurde zwar gefordert und als Resultat der Westintegration und der mit ihr verbundenen ,Politik der Stärke' anfangs illusionärerweise auch erhofft, es tat sich aber eine immer stärker werdende Kluft zwischen der Wiedervereinigungsrhetorik und der Realität auf. Vorankommen konnte man nur, wenn man die Realität anerkannte.
V Dazu war in weitgehendem Maß erst die sozial-liberale Regierung bereit, die nach dem knappen Ausgang der Bundestagswahlen 1969 mit Willy Brandt als 24
Interview Adenauers für Die Zeit vom 3.11.1949. Wieder abgedruckt in: Die Zeit vom 3.11.1989, S. 53. 25 „Das müssen wir Deutsche werden." Adenauer in einem Pressegespräch am 1.6.1951. Hanns Jürgen Küsters (Bearb.), Adenauer. Teegespräche 1950-1954, Berlin 1984, S. 93. 26 Dazu Hermann-Josef Rupieper, Der besetzte Verbündete. Die amerikanische Deutschlandpolitik 1949-1955, Opladen 1991; Klaus Schwabe (Hg.) Adenauer und die USA, Bonn 1994.
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Bundeskanzler und Walter Scheel als Außenminister ins Amt kam. Konsequenter als die Vorgängerregierung der Großen Koalition27 war Brandt bereit, die „Ergebnisse der Geschichte" anzunehmen.28 Seine Formel von den „zwei Staaten in Deutschland", die aber füreinander nicht Ausland waren, signalisierte die „Realitätsbereitschaft"29 der Bundesregierung. Die de facto-Anerkennung der Nachkriegsgrenzen bedeutete zunächst einmal ein Zugeständnis an das Sicherheitsbedürfnis der Sowjetunion und die Anerkennung der sowjetischen Hegemonie in Osteuropa, die eine Realität war, auch wenn sie westlichen Wertvorstellungen widersprach. Die Anerkennung des territorialen Status quo implizierte aus Bonner Sicht jedoch keineswegs die Anerkennung des politischen Status quo. Die Respektierung der Grenzen ging mit der Erwartung einher, sie durchlässiger zu machen, graduelle Veränderungen im sowjetischen Machtbereich erreichen und die Sowjetunion zu friedlichem Wandel bewegen zu können. Schon 1963 hatten Brandt und Egon Bahr in aller Öffentlichkeit davon gesprochen, der Status quo müsse zunächst anerkannt werden, um ihn überwinden zu können. Eine „Transformation der anderen Seite", „Wandel durch Annäherung" seien vorstellbar.30 Dieses Konzept verdichtete sich im Laufe der sechziger Jahre, insbesondere während der Großen Koalition, als Brandt Außenminister war und Bahr die Leitung des Planungsstabs im Auswärtigen Amt übernahm. Im Herbst 1968 präzisierte Bahr die zentrale Einschätzung, von der die Ostpolitik ausging. Während Moskau „die Sicherung und Legalisierung des Status quo" anstrebe, ziele Bonn auf „die Veränderung des Status quo". Bahr sprach damit nicht nur einen „echten Gegensatz der Interessen" an, sondern beleuchtete auch die Chancen für friedlichen Wandel, die Überwindung der Teilung des Landes eingeschlossen. Er gab zu bedenken, „ob es der Durchsetzung unserer Interessen, den Status quo zu überwinden, nicht am dienlichsten wäre, einige Elemente des Status quo zu akzeptieren."31 Das revisionspolitische Kalkül der Ostpolitik mußte verdeckt bleiben, weil seine Offenlegung die Anbahnung von ost-westlicher Kommunikation und die Schaffung von Vertrauen verhindert hätte. Was von vornherein offenlag, war die 27
Dazu Dirk Kroegel, Einen Anfang finden! Kurt Georg Kiesinger in der Außen- und Deutschlandpolitik der Großen Koalition, München 1997. 28 Willy Brandt, Erinnerungen, Berlin u. Frankfurt/M. 1989, S. 213. Ähnlich auch der Fraktionsvorsitzende im Bundestag, Wolfgang Mischnick, am 25.4.1970: „Wir wissen, welches das Ergebnis des Krieges ist." Archiv des Deutschen Liberalismus, Gummersbach (ADL). FDP-Bundesvorstand 161. 29 So der von Helmut Schmidt im Bundestag am 24.2.1972 benutzte überaus treffende Begriff. Stenographische Berichte des Deutschen Bundestags 79 (1972), S. 9920. 30 Brandt, damals Berliner Regierender Bürgermeister, und Bahr, Leiter des Berliner Presse- und Informationsamts, in Ausführungen am 15.7.1963 in Tutzing. Beide Reden finden sich in Dokumente zur Deutschlandpolitik, IV. Reihe, Bd. 9, Frankfurt/M. 1978, S. 565-571 und 572-575. 31 Planungspapier vom 1.10.1968. Andreas Vogtmeier, Egon Bahr und die deutsche Frage. Zur Entwicklung der sozialdemokratischen Ost- und Deutschlandpolitik vom Kriegsende bis zur Vereinigung, Bonn 1996, S. 129 f. Vgl. auch ebd. S. 117 und Egon Bahr, Zu meiner Zeit, München 1996, S. 247.
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Entschlossenheit, die Adenauersche Forderung nach Gleichberechtigung konsequent weiterzuführen. Dies geschah dadurch, daß die Bundesregierung die im NATO-Bündnis implizierte Strategie der Eindämmung der Bundesrepublik als „veraltet"32 betrachtete. Indem sie ihre außenpolitische Selbständigkeit gegenüber den westlichen Verbündeten unterstrich, revidierte sie in den Beziehungen zu ihnen die „letzten Relikte der Nachkriegszeit".33 Washington wurde über die geplanten ostpolitischen Schritte nicht konsultiert, sondern lediglich informiert.34 Zugleich konnte die entspannungspolitische Rolle der Bundesrepublik nur zum Tragen kommen, wenn sie in Westeuropa und in der NATO fest integriert blieb. Westdeutsche Entspannungspolitik mit revisionspolitischen Implikationen weckte nicht zuletzt bei den westlichen Bündnispartnern Sicherheitsängste und belebte den Rapallo-Komplex. Präsident Pompidou dachte ebenso beunruhigt über die möglichen Auswirkungen der Bonner Ostpolitik nach35 wie Henry Kissinger als Sicherheitsberater des amerikanischen Präsidenten, der anfänglich „ernsthafte Vorbehalte" gegen die ,neue' Ostpolitik hatte.36 Kissinger erfaßte im Unterschied zur Bonner CDU/CSU-Opposition mit sicherem Gespür, daß die deutsche Frage im Zuge der Ostpolitik neu aufgerollt wurde, auch wenn er mit seinen Befürchtungen, der nach Osten blickende deutsche Nationalismus könne wiederauferstehen, die Bonner Wirklichkeit gründlich verfehlte.37 Die Bundesregierung wußte, daß die Ostpolitik im Westen zu beginnen hatte und es nicht versäumt werden durfte, die Verbündeten genau informiert zu halten, vor allem die USA. Die USA blieben - wie in den vorherigen Phasen deutscher Revisionspolitik - der unverzichtbare und wichtigste Bezugspunkt. Noch bevor Willy Brandt zum Bundeskanzler gewählt wurde, fand sich Bahr schon in Washington ein, um ein Bild von den bevorstehenden ostpolitischen Initiativen zu geben: „Die Amerikaner wurden früher unterrichtet als alle anderen, Bundestag und deutsche Öffentlichkeit eingeschlossen."38 Die doppelte Zielsetzung der sozial-liberalen Politik - Gewinnung von Handlungsspielraum und Fortschritte in der deutschen Frage - konnte erfüllt werden, weil die Bundesregierung zugleich das Grundprinzip westdeutscher Außenpolitik nicht nur weiterhin beachtete, sondern auch weiterentwickelte: die Verflech32
Wolfram F. Hanrieder, „Deutschland und die USA. Partner im transatlantischen Bündnis der Nachkriegsära", in: Deutschland und der Westen im 19. und 20. Jahrhundert. Teil 1: Transatlantische Beziehungen, Hg. Jürgen Elvert u. Michael Salewski, Stuttgart 1993, S. 131. 33 Bahr, S. 244. 34 So übereinstimmend Brandt, Erinnerungen, S. 189 und Henry Kissinger, White House Years, Boston u. Toronto 1979, S. 411,530. 35 Dazu Georges-Henri Soutou, „L'attitude de Georges Pompidou face à l'Allemagne", in: Georges Pompidou et l'Europe. Colloque 25 et 26 novembre 1993, Hg. Association Georges Pompidou, Brüssel 1995, S. 267-313. 36 Henry Kissinger, Die Vernunft der Nationen. Über das Wesen der Außenpolitik, Berlin 1994, S. 811. 37
Kissinger, White House Years, S. 409-411,528-530; Henry Kissinger, Years of Upheaval, London 1982, S. 147. 38 Bahr, S. 271.
Revisionismus und friedlicher Wandel nach 1918 und 1945
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tung mit westeuropäischen und atlantischen Strukturen und die Betonung multilateraler Diplomatie. Zugleich verfolgte sie im Unterschied zur Ära Stresemann oder zum Beginn der Ära Adenauer keinen territorialen Revisionismus. Vielmehr wurde die Grenzfrage zurückgestellt, so daß sich die Sowjetunion 1970 beruhigt fühlen konnte, während Frankreich 1925 dem fortgesetzten Revisionsverlangen weiterhin ausgesetzt geblieben war. Im Zeitalter technisch-wissenschaftlichen und ökonomischen Wandels respektierte die Ostpolitik territoriale Grenzen, um sie mit überlegenen westlichen Mitteln (Technologie, Finanz, Wirtschaft) zu durchdringen, auf die das sowjetische Imperium angewiesen war.39 Nachdem die Anfangsbedenken in Washington abgebaut schienen, vertraute Bahr auch Kissinger an, welche Erwartungen er mit der Ostpolitik verband: „Die USA und Europa haben das Ziel, die militärische Konfrontation mit Ost-Europa abzubauen. In dem Maß, in dem dies gelingt, wird deutlicher als bisher werden, daß ihr politisches und wirtschaftliches System ihre Interessen gegenüber den kommunistisch regierten Ländern definiert. Eine systematische, aber nicht wahllose Erweiterung der wirtschaftlichen Ost-West-Beziehungen wird die Widersprüche in den kommunistisch regierten Ländern steigern und zu weiteren Modifikationen des Systems beitragen. Es liegt auch im westlichen Interesse, daß diese Entwicklung keinen explosiven und nicht kontrollierbaren Umschlag erfährt." 40 Aus der Sicht der SPD kam die ideologische Sprengkraft des „Sozialdemokratismus" hinzu. In einem langen Prozeß der Erosion sowjetischer Herrschaft und kommunistischer Macht, von dessen zeitlicher Dauer man naturgemäß keine Vorstellung haben konnte, würde die Anziehungskraft der demokratischen Spielart des Sozialismus wachsen.41 Ob die Sozialdemokratie oder das westliche Modell, von dem die Sozialdemokratie ein Teil war, den Prozeß friedlichen Wandels angestoßen hat, muß an dieser Stelle nicht weiter erörtert werden. Wichtig erscheint in unserem Zusammenhang vor allem, daß das deutsche Interesse an friedlichem Wandel und an der Überwindung der Teilung Europas mit der Interessenlage des Westens allgemein und der Reformkräfte im Osten zusammenfiel, so daß die nationale Frage der Deutschen in einem übernationalen Kontext stand.
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So etwa der Vordenker der Ostpolitik in der FDP, Wolfgang Schollwer, im Oktober 1972. Status quo-Politik könne „nicht viel mehr bedeuten als .Respektierung von Grenzen und Territorien' - nicht einmal,Unveränderbarkeit von Grenzen und Territorien' ". ADL, Schollwer Tagebuch 10806/25. 40 Bahr an Kissinger, 14.4.1973. Archiv der sozialen Demokratie der Friedrich-Ebert-Stiftung, Bonn. Depositum Egon Bahr, 439/1. 41 Bahr, S. 244 f. und 547 ff.
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Deutsches und französisches Militär nach den beiden Weltkriegen Unser Thema stellt uns vor etliche Probleme. Zunächst: kann man das jeweilige formelle Ende der beiden Weltkriege - Waffenstillstand, Friedensvertrag, bedingungslose Kapitulation - tatsächlich als Ausgangspunkt eines sinnvollen bilateralen Vergleiches hinsichtlich des Militärs nehmen?1 Die bürgerkriegsähnlichen Zustände in Deutschland, die Kämpfe an seiner Ostgrenze und im Baltikum sowie die Entente-Interventionen in Rußland werfen doch die Frage auf, ob 1918/1919 mit Waffenstillstand und Friedensvertrag wirklich eine Nachkriegszeit begann. In beiden Ländern verzögerte sich die Transformation der Streitkräfte in Friedensarmeen noch erheblich. Sodann ist für den Zweiten Weltkrieg die Lage noch komplizierter: Für Deutschland endete der Krieg gewiß mit dem 8. Mai; für Frankreich aber ging das Ende des Zweiten Weltkrieges doch nahezu bruchlos in die Periode der Dekolonisationskriege über - die „Savage Wars for Peace" wie Alistair Hörne sie charakterisierte2 - eine Phase, die erst 1962 mit dem Abkommen von Evian endete.3 Das Land hat tatsächlich eine nahezu ununterbrochene Kriegsperiode von 1939 bis 1962 erlebt. Schließlich kann man auch fragen: Wurde nicht für Frankreich der Zweite Weltkrieg mit dem Waffenstillstand von 1940 zunächst beendet, und es begann eine bis November-Dezember 1942 reichende (temporäre) Nachkriegszeit? Oder eine Art zweiter „Zwischenkriegszeit"? Aber wie steht es mit der Weiterführung des Krieges durch General de Gaulle und das Freie, später kämpfende Frankreich an der Seite der Alliierten? Kämpfte damit Frankreich weiter oder muß man eher von einer Guerre franco-française zwischen 1940/44 reden?
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Zu den methodischen Implikationen eines bilateralen Vergleiches: Klaus-Jürgen Müller, The Army in Politics and Society in France and Germany, in: Ders. (Hg.), The Military in Politics and Society in France and Germany in the Twentieth Century, Oxford 1995, S. 6 ff. Alistair Home, A Savage War for Peace: Algeria 1954-1962, London 1977. George A. Kelly, Lost Soldiers. The French Army and Empire in Crisis, 1947-1962, Cambridge, Mass. 1965.
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Schließlich gibt es für Deutschland ein weiteres Problem, das einen Vergleich schwierig macht: Seit dem 8. Mai 1945 gab es deutsches Militär als eigenständige Institution nicht mehr. Damit ist uns das Vergleichsobjekt abhanden gekommen.4 Für einen unmittelbaren, strikt auf die Zeit nach November 1918 und nach Mai 1945 abstellenden binationalen Vergleich fehlen also die klaren Konturen. Diese Eingangsüberlegungen führen also zwangsläufig zu folgendem Schluß: Will man das uns gestellte Thema einigermaßen sinnvoll in einem wirklich binationalen Vergleich abhandeln, dann darf es nicht chronologisch-genetisch erfolgen; es muß vielmehr diachronisch und auf einer mittleren Abstraktionsebene systematisch durchgeführt werden; obendrein kann dies nur unter Ausweitung des chronologischen Rahmens geschehen. Es darf auch nicht in einfacher chronologischer Nebeneinanderstellung behandelt werden, sondern der Vergleich muß es auf strukturell bedeutsame Erscheinungen abstellen.5 In dem uns vorgegebenen Rahmen kann dies jedoch nur ausschnittsweise geschehen. Unvermeidlich wird daher die Auswahl der gewählten Ausschnitte unbefriedigend sein und zur Kontroverse einladen. Ich werde unter anderem z. B. nicht das schon mehrfach abgehandelte6 Phänomen der „Sündenbock"-Suche behandeln: die Tatsache, daß zwischen 1871 und 1962 in beiden Ländern das Militär nach einer militärischen Niederlage die Verantwortung für das Desaster auf die Politiker, auf das vorhergehende Regime oder gar auf das Versagen der Nation selbst abzuschieben suchte, nicht aber auf Fehler der militärischen Führung. Damit hängt die in beiden Ländern nach militärischen Niederlagen zu konstatierende Entfremdung zwischen Militär und Nation eng zusammen.7 Fragt man im Sinne des vorstehend dargelegten Ansatzes nach den Phänomenen, die den beiden Militär-Organismen gemeinsamen waren, dann stößt man 4
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1918 wurde die deutsche Armee zwar geordnet in die Heimat zurückgeführt; aber dann fand keine zentral geleitete, geordnete Demobilisierung statt, die Armee lief einfach auseinander. Ein derartiger Vergleich wird versucht von Müller, The Army, 1995 und ders., Militär, Politik und Gesellschaft in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert, Abschiedsvorlesung Hamburg 17.2.1995, hg. von der Universität der Bundeswehr, Hamburg 1995 (= Schriftenreihe des Fachbereichs Pädagogik Nr. 3). Für einen Teilbereich: Michael Geyer, „The crisis of military leadership in the 30s", in: Journal for Strategic Studies, 14 (1991), S. 449-462. Dieses Phänomen behandelt vergleichend: Ernst W. Hansen, „The Military and the military-political breakdown in Germany 1918 and France 1940", in: Müller (Hg.), The Army, S. 89-110. Für Frankreich vgl. John C. Cairns, „International politics and the military mind: The case of the French Republic 1911-1914", in: Journal of Modem History, 25 (1953), S. 273-285; Martin S. Alexander, „Loyalität, Autorität und Disziplin: Die französische Militärelite seit 1914 zwischen Professionalismus und Politik", in: Politischer Wandel, organisierte Gewalt und nationale Sicherheit. Beiträge zur neueren Geschichte Deutschlands und Frankreichs, Hg. Ernst W. Hansen, Gerhard Schreiber u. Bernd Wegner, München 1995, S. 111-130. Das ist die zentrale These von John St. Ambler, Soldiers against the State: The French Army in Politics, 1945-1962, New York 1966. So sagte General Navarre: „Now we know that a French Army, on no matter what territory it fights, will always be stabbed in the back." Zit. in Ambler, S. 109.
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zwischen 1918 und 1962 auf Erfahrungen, die für das Militär beider Länder existentiell bedeutsam waren - nämlich prekäre Siege, militärische Niederlagen und - damit verbunden - politische bzw. politisch-ideologische Systemwechsel (in Deutschland 1918,1933 und 1945; in Frankreich 1940,1944 und 1958).8 Für die Streitkräfte beiderseits des Rheins brachten diese Erfahrungen schwere ideologische und politische Herausforderungen mit sich, nämlich 1. politisch-ideologische Verwirrungen, 2. außen- und militärpolitische Belastungen, 3. Loyalitätskonflikte und Legitimationskrisen und 4. Integrationsprobleme Herausforderungen, welche sie jeweils in der ihnen eigenen Weise zu bewältigen trachteten. I
Politisch-ideologische Verwirrungen Die politisch-ideologische Verwirrung hatte weitreichende Folgewirkungen; ihr Ursprung lag letztlich in einem prägenden Erfahrungssyndrom: das wurde bereits unmittelbar nach dem Ersten Weltkrieg etwa ab 1920/23 sichtbar. Will man dies an einem Ereigniskomplex festmachen, so waren es für das französische Militär die Meutereien der französischen Schwarzmeer-Flotte im Sommer und Herbst 1919 und für die Deutschen natürlich die von der Meuterei in der deutschen Hochseeflotte in Gang gekommene Revolution mit nachfolgenden bürgerkriegsähnlichen Unruhen. Die Analogie beider Ereignisse hinsichtlich der Anlässe, der politischen Hintergründe und der Fernwirkungen ist frappierend. Das soll hier nicht im Detail ausgeführt werden9. In unserem Zusammenhang ist wichtiger, daß diese Ereignisse von 1918/20 Folgewirkungen bedeutender Art hatten: Sie ließen einen virulenten und militanten Antikommunismus entstehen. Dieser wurde zu einem wichtigen strukturellen Faktor für das französische Offizierkorps10 wie für die sich allmählich neu 8
Für Frankreich vgl. Alexander, Loyalität; für Deutschland: Klaus-Jürgen Müller, Militär, Politik und Gesellschaft in Deutschland 1933-1945, Paderborn 31981 sowie ders., Das Heer und Hitler, München 21989. 9 Vgl. dazu André Corvisier (éd.), Histoire militaire de la France, vol.3: Guy Pedroncini (éd.), Paris 1992, S. 251 ff. 10 Diesbezüglich aufschlußreich die Aussage hoher französischer Militärs, abgedruckt bei Johannes M. Becker, Die Remilitarisierung der Bundesrepublik Deutschland und das deutsch-französische Verhältnis. Die Haltung ßhrender Offiziere beider Länder (1945-1959), Marburg 1987, S. 288-313, speziell der Generäle Billotte (S. 295: „... seit 1917 einen neuen Feind ganz anderer Qualität für das französische Offizierkorps, die Sowjetunion ..." und S. 297) und de Buretel de Chassy (S. 298: „... Die bolschewistische Gefahr: das war unser einziger Gedanke,... der uns bewegte und unser Handeln bestimmte.")
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organisierenden deutschen Streitkräfte. Er hat bei den Militärs beiderseits des Rheins tiefgreifende und langfristige innenpolitische wie militärpolitische Folgewirkungen gezeitigt. Für die Offizierkorps beider Länder wurde der Kommunismus zum absoluten Feind. Er gefährdete nicht nur ihre soziale und politische Stellung, sondern war auch die absolute Antithese zu allen ihren politischen, gesellschaftlichen und moralischen Werten. Er mußte daher absolut bekämpft werden. Traditionelle Maßstäbe im Kampf gegen einen solchen Feind, der seinerseits dem „Klassenfeind" gnadenlosen Kampf angesagt hatte, waren für sie völlig unangebracht. Das führte tendenziell dazu, daß im Kampf gegen die vermeintliche oder tatsächliche kommunistische Bedrohung überkommene Moralvorstellungen außer acht gelassen wurden. In Deutschland war der Antikommunismus die Brücke, über die ein erheblicher Teil des Reichswehr-Offizierkorps zunächst ins „Dritte Reich" marschieren konnte; er war auch eine der Ursachen dafür, daß es später in den rasse-ideologischen Ausrottungskrieg Hitlers verwickelt wurde; und nach 1945 war er erneut die Motivationsbasis, welche es deutschen Soldaten ermöglichte, sich in einer neuen Armee in das westliche Bündnis einzufügen. Klassisches Beispiel sind jene hohen deutschen Offiziere, die - an der Spitze der ehemalige Generalstabschef Franz Halder - sich sogleich nach der bedingungslosen Kapitulation der Wehrmacht vom 8. Mai 1945 der amerikanischen Armee als Sachverständige zur Verfügung gestellt haben, um auf diese Weise den „Kampf gegen den Bolschewismus" fortzusetzen. Das geschah zu einer Zeit, als - nota bene - die Alliierten Kriegsverbrecher-Prozesse gegen andere deutsche Generäle durchzuführen begannen! Aber für die Gruppe um General Halder hatten die ersten Anzeichen des Kalten Krieges bereits die alten Frontlinien verwischt.11 Ebenso war der Antikommunismus für manche französischen Militärs in den dreißiger Jahren die Grundlage ihrer anti-parlamentarischen Affekte, Anlaß gar für politisch-militärische Geheimbündelei (Cagoule), und nach 1940 war er eine der Triebkräfte der Zuneigung zu Vichy-Ideologie und Collaboration d'Etat. Ab 1941 haben einige der extremen Antikommunisten unter den französischen Militärs den letzten Schritt getan und kämpften zusammen mit französischen Rechtsextremisten in deutscher Uniform an der Ostfront. Der Antikommunismus bildete auch den Mutterboden für die Theorie vom „Revolutionären Krieg", die den französischen Dekolonisationskriegen nach 1945 gegen Vietminh und algerischen FLN unter anderem ihren schmutzigen Charakter verlieh. Er war aber auch das Element, das zusammen mit der gaullisti11
Vgl. Gerd R. Ueberschär, Generaloberst Halder, Generalstabschef, Gegner und Gefangener Hitlers, Göttingen/Zürich 1991 (= Persönlichkeit und Geschichte 137/138) und vor allem Bernd Wegner, „Erschriebene Siege", in: Politischer Wandel, organisierte Gewalt und nationale Sicherheit, S. 287-304. Als andere Offiziere nach den Nürnberger Urteilen die Arbeit einstellten, erklärte Haider, er sei bereit, für die US-Army weiterzuarbeiten, „... um den Kampf gegen den Bolschewismus fortzusetzen". Charles Burdick, „Vom Schwert zur Feder", in: Militärgeschichtliche Mitteilungen 10 (1971), S. 69-80.
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sehen Idee der nationalen Unabhängigkeit den Streitkräften nach zwei Jahrzehnten bitterer Niederlagen und innerer Spaltungen eine neue Grundlage gab.12 Zugleich war der Antikommunismus einer der Faktoren, die zwischen deutschen und französischen Militärs die Grundlagen eines neuen, die „Erbfeindschaft" überwindenden Verhältnisses legten.13 Alles in allem: Man übertreibt nicht, wenn man feststellt, daß der Antikommunismus in beiden Ländern das ideologische Moment war, welches das Verhältnis von Militär, und Politik seit Ende des Ersten Weltkrieges bis an die Schwelle unserer Zeit in hohem Maß bestimmt hat.14 Insgesamt zeigen diese Ereignisse und deren Auswirkungen in beiden Ländern, daß das Militär ein sekundäres System ist, welches nicht von der Zivilgesellschaft abgeschüttet werden kann, daß deren Krisenbewegungen sich vielmehr auf ein solches System oft verstärkt auswirken.
II Außen- und militärisch-politische Belastungen in Sieg und Niederlage
Der Ausgang des Krieges 1918/19 hat in beiden Ländern im Bereich der Militärpolitik erheblichen Dissens zwischen Militär und Politik über die für notwendig erachteten sicherheitspolitischen Konsequenzen hervorgerufen. Grundlage dessen war in Frankreich ein Sicherheitstrauma, in Deutschland der Revanchegedanke. In Frankreich verlangte die militärische Führung, vertreten durch Foch, bekanntlich maximale Sicherheit gegenüber dem Deutschen Reich u.a. durch Schaffung eines französisch beherrschten Glacis beiderseits des Rheins. Die politische Führung hielt das gegenüber den anderen Alliierten nicht für durchsetzbar.15 Foch und in seinem Sinne General Mangin als Befehlshaber der Besatzungstruppen in Deutschland wollten daher die Politik vor ein fait accompli stellen, indem sie im Rheinland eine Art französischer Militärprovinz und damit ein strategisches Glacis zu schaffen suchten. Sie scheiterten. Innenpolitische Kräfte zur Unterstützung standen dem Militär nicht zur Verfügung. Die dem Militär na12
Vgl. das bei Becker ausgebreitete Material. Vgl. ebd. z. B. S. 300: „Es gab diese grundsätzlichen Gefühle der Zusammengehörigkeit im Kampf gegen den Kommunismus." (General de Buretel de Chassey). 14 Müller (Hg.), The Army. 15 Vgl. Jere C. King, Foch versus Clemenceau: France and German Disarmement 1918-1919, Harvard 1960; und Alistair Hörne, The French Army in Politics 1870-1970, London 1984. 13
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hestehenden Abgeordneten in der Chambre Bleu Horizon und die Veteranenverbände waren kein entscheidender Machtfaktor; letztere entwickelten sich eher wie Antoine Prost gezeigt hat16 - zu einem innerpolitischen Stabilisierungsfaktor.17 Auf deutscher Seite wollte die stärkste Persönlichkeit im Militär, General v. Seeckt, in extremem Revisionismus so rasch wie möglich einen Revanchekrieg vorbereiten, um unter Ausnutzung sich bietender internationaler Konstellationen die Ergebnisse des letzten Krieges grundlegend zu revidieren.18 Zwar gab es innerhalb der Militärelite auch Alternatiworstellungen, aber sie betrafen eher Methode und Zeitpunkt, nicht aber das Ziel einer solchen Revanchepolitik. Wesentlich in unserem Zusammenhang war der langanhaltende Dissens mit der politischen Führung. Diese behielt jedoch trotz mancher Schwächemomente stets die Oberhand. Seeckt drang mit seinen Vorstellungen nie durch; seine Entlassung zeigt schlaglichtartig die Schwäche des Militärs und einer exklusiven militärischen Revisionspolitik. Der Antikommunismus hinderte Seeckt allerdings nicht, außenpolitisch und militärstrategisch eine engere Zusammenarbeit mit der Roten Armee einzugehen, um seine revisionistischen Zielsetzungen zu fördern; innenpolitisch jedoch griff er hart und unnachgiebig gegen den Kommunismus durch. Französische Militärs dagegen wandten sich Mitte der dreißiger Jahre gegen ein engeres Bündnis mit der Sowjetunion, da sie im Zeichen der Volksfront eine Stärkung des Kommunismus im eigenen Land befürchteten. Militärs in herausragender Stellung setzten sich 1940 jedoch für eine kurze Zeit durch, als sie den Abbruch des Krieges und den Sturz der Dritten Republik erzwangen. Danach allerdings fanden sie keine Möglichkeit, den Kriegsverlauf in irgendeiner Weise zu beeinflussen. In beiden Ländern ist die - zum Teil durch antikommunistische Einstellung verursacht - eingeschränkte Realitätsperzeption der militärischen Führung offenkundig. In beiden Ländern vermochten die Militärs nicht, ihre sicherheitsbzw. revisionspolitischen Vorstellungen längerfristig durchzusetzen. Das Militär blieb beiderseits des Rheins ein sekundäres System, es war keine außenpolitisch bestimmende Größe. Nach dem Zweiten Weltkrieg war die Lage unter grundlegend veränderten Rahmenbedingungen noch eindeutiger. In Frankreich war die politische Position des Militärs auf Grund der erlittenen militärischen Niederlagen und teilweiser politischer Kompromittierung geschwächt und zu politischer Einflußnahme überhaupt nicht mehr fähig; in Deutschland war das Militär als Institution vollständig zerschlagen. Grundlegende politisch-militärische Kontroverslagen ka16
Antoine Prost, Les Anciens Combattants et la Société française 1914-1939,3 vol., Paris 1977. Die Differenz in Deutschland und Frankreich ist aufschlußreich: Französische Veteranenverbände agierten unter dem Zeichen des „Nie wieder" (Dernière des dernières), die deutschen dagegen unter dem Banner eines revanchistischen Nationalismus. 18 Hierzu und zum folgenden vgl. Klaus-Jürgen Müller, „Deutsche Militär-Elite in der Vorgeschichte des Zweiten Weltkrieges", in: Die deutschen Eliten und der Weg in den Zweiten Weltkrieg, Hg. Martin Broszat u. Klaus Schwabe, München 1989, S. 226-290. 17
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men daher nach 1945 gar nicht auf. Selbst als ehemalige deutsche Militärs ab 1953/1956 wieder zum Aufbau neuer deutscher Streitkräfte herangezogen wurden, blieben sie - wie die zahlreichen fundierten Studien des letzten Jahrzehnts belegen19 - ohne jeden außen- und sicherheitspolitischen Einfluß. In Frankreich allerdings haben Teile des Militärs einige Jahre später im Verlaufe der Entkolonisationskriege damit begonnen, Einfluß nicht nur auf die Außen- und Militärpolitik zu nehmen, sondern bald darauf sogar die innerpolitischen Machtverhältnisse durch politische Aktionen bis hin zu Putschunternehmungen und Attentaten grundlegend zu verändern; es gelang ihnen zwar zeitweilig, am Sturz der Vierten Republik mitzuwirken; aber in der Konsolidierungsphase der gaullistischen Fünften Republik scheiterten alle ihre Bestrebungen, eine politische Liquidierung des Algerienkonfliktes zu verhindern und das politische System grundlegend zu verändern.20 Als Bilanz bleibt, daß das Militär in beiden Ländern unter den extremen Bedingungen der ersten Nachkriegszeit auf politische Entscheidungen zum Zwecke der sicherheits-, außen- und militärpolitischen Lageveränderung massiv Einfluß zu nehmen versucht hat, damit jedoch völlig gescheitert ist. Die nationale Krisenlage vom Sommerl940 bildet hierin eine auffallende Ausnahme. Das gilt auch für die französischen Militärs am Ende der Dekolonisationskriege.
III Loyalitätskonflikte und Legitimationskrisen Der in Deutschland 1918, 1933 und 1945/49 stattfindende Systemwechsel hat ebenso wie analoge Ereignisse in Frankreich 1940,1944 und 1958 das Militär beiderseits des Rheins in tiefgreifende Loyalitätskonflikte und schwere Legitimitätskrisen gestürzt. In Deutschland löste der politisch-militärische Zusammenbruch der Monarchie 1918 starke innere Auseinandersetzungen im Militär aus; dabei lassen sich drei Richtungen ausmachen21: erstens die radikal-restaurativen Kräfte, sie scheiterten endgültig im Kapp-Lüttwitz-Putsch; sodann eine ebenso vage wie radikale
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Vgl. besonders Militärgeschichtliches Forschungsamt (Hg.), Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956,3 Bde., München/Wien 1982-93. Das lag nicht nur an der Festigkeit der politischen Führung, der Ablehnung eines Großteils der Bevölkerung und vor allem an den internationalen Rahmenbedingungen, sondern auch an der inneren Spaltung des Militärs in politicis. Hierzu vgl. Müller, Militär.
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national-revolutionäre Tendenz, die in manchen Freikorps22 und in einigen Frontsoldaten-Vereinigungen in Erscheinung trat. Sie kam infolge ihrer eigenen gedanklichen Unklarheit und organisatorischen Zersplitterung sowie der relativ raschen Konsolidierung der Republik nicht zum Zuge; manche Vertreter dieser Richtung fanden sich später in SA und SS, aber auch in national-bolschewistischen Konventikeln und spurenweise auch im Widerstand gegen den NS wieder; eine dritte Richtung, Seeckts „Attentismus", setzte sich, massiv kritisiert von den beiden anderen Tendenzen, schließlich durch. Die aus der militär-internen Spaltung resultierende Polarisierung mit ihrem Höhepunkt im Kapp-Lüttwitz-Putsch war relativ kurz, da die militärische wie die politische Führung von vornherein einen (bis heute umstrittenen) Kompromiß anstrebte. Jede dieser drei Richtungen versuchte im übrigen, auf das Legitimationsproblem eine Antwort zu geben: die restaurative Tendenz wollte die alten Legitimitäts- und Loyalitätsstrukturen restaurieren. Die nationalrevolutionäre Richtung suchte unter dem Leitbild des „politischen Soldaten" moderne militärische Professionalität und politisch-ideologisches Führertum zu verbinden und zu neuen, wenngleich höchst vagen politisch-gesellschaftlichen Strukturen zu gelangen und so neue Legitimitäten und Loyalitäten zu begründen. Seeckts Attentismus - dem die Mehrzahl der in den Streitkräften verbleibenden Militärs, wenngleich mit nuancierten Vorbehalten, folgte - war der Versuch, unter den gewandelten politischen und militärischen Rahmenbedingungen das militärische Instrument für eine Übergangszeit zusammenzuhalten und eine formale Loyalität gegenüber der Republik mit der Bewahrung einer der ArmeeTradition eigenen Machtstaatslegitimation zu verbinden. Damit hoffte man zugleich den politisch-sozialen wie den militärisch-professionellen Führungsanspruch des Offizierkorps bewahren zu können. Mit der Fixierung auf einen von der konkreten Republik abgehobenen „Staat an sich", dem die Reichswehr dienen sollte, wollte Seeckt das Legitimitäts- und Loyalitätsproblem lösen.23 Nach seinem Sturz 1926 haben politisch engagierte Offiziere wie Groener und Schleicher sein Konzept modifiziert, ohne die Zielsetzung aufzugeben. Gegen Ende des Zweiten Weltkrieges brach das Loyalitäts- und Legitimitätsproblem unter veränderten Umständen erneut auf: die Militäropposition hatte sich bei ihren schließlich auf Umsturz und Tyrannentötung abstellenden Aktivitäten auf eine höhere Legitimität und auf eine dem „wahren Deutschland" geschuldete Loyalität berufen; analog taten dies auch die Soldaten und Offiziere des NKFD und des BDO in der Sowjetunion. Ebenso sind der einstige Chef des 22
Hagen Schulze, Freikorps und Republik 1918-1920, Boppard 1969 (= Wehrwisenschaftliche Forschungen 8); Hannsjoachim W. Koch, Der deutsche Bürgerkrieg. Eine Geschichte der deutschen und österreichischen Freikorps 1918-1923, Berlin, Frankfurt/M. u. Wien 1978; Rainer Wohlfeil, Reichswehr und Republik (1918-1933), Frankfurt/M. 1970 (= Handbuch zur deutschen Militärgeschichte 1648-1939, Bd VI). 23 Das schützte ihn allerdings nicht vor der heftigen Kritik der reaktionären Ultras: Vgl. Hans Meier-Welcker, Seeckt, Frankfurt/M. 1967, bes. S. 240 f.
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Generalstabes General Halder und die hohen Offiziere, die unter seiner Leitung bald nach der bedingungslosen Kapitulation der Wehrmacht 1945 für die Amerikaner in einer operativ-strategischen Studiengruppe zu arbeiten bereit waren, einer politisch neu definierten Loyalität gefolgt, statt einem überkommenen formalen Loyalitätsdenken verhaftet zu bleiben.24 Das Phänomen der geteilten bzw. wechselnden Loyalitäten im Zeichen eines Legitimitätswandels in Zeiten politisch-militärischer Zusammenbrüche ist auch für Frankreich zu konstatieren. Hier wäre der im Gefolge einer militärischen Niederlage dominierend von Militärs25 getragene Versuch Vichys zu nennen, mit der „Nationalen Revolution" in einem autoritären „Etat Français" neue staatlich-politische Legitimität zu begründen und gleichzeitig die Position der Militär-Elite durch Loyalitätsübertragung neu zu fundieren. Aber auch hier gab es Divergenzen und Unterschiede unter den Militärs in Vichy: eine Gruppe, für die Pétain repräsentativ war, wollte attentistisch abwarten, bis bessere Tage kämen und in der Zwischenzeit in einem alternativ zur Republik zu errichtenden neuen Staatswesen die Einheit des Militärs bewahren und die „Erneuerung der Nation" gewährleisten; andere wie Weygand sahen die „Nationale Revolution" eher als moralisch-politische Grundlage für eine möglichst rasch wiederaufzubauende militärische Stärke, um in der Hoffnung auf eine amerikanische Intervention den Kampf gegen Deutschland wiederaufnehmen zu können; andere schließlich setzten auf einen deutschen Sieg und wollten den neuen, u. a. auch auf das Militär gegründeten autoritären Staat in einen möglichst günstigen Platz in ein deutsch-beherrschtes Europa politisch und ideologisch einpassen. Ebenso war de Gaulies Entschluß, an der Seite der Alliierten den Kampf weiterzuführen, nicht nur Ausfluß einer zutreffenden Perzeption des Krieges als eines ideologisch (und nicht nur machtpolitisch) zu charakterisierenden Konfliktes, sondern auch der Versuch, die republikanische Legitimität aufrecht zu erhalten und damit die bisherigen militärisch-politischen Loyalitätsstrukturen zu bewahren.26 Indes wollte auch General de Gaulle als Konsequenz aus der Niederlage von 1940 eine Erneuerung, allerdings unter Bewahrung der „republikani-
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Zu Halder vgl. Ueberschär. Das Pétain-Kabinett enthielt den höchsten Prozentsatz von Militärs seit jenem von Marschall Soult 1832; einige hohe Offiziere hielten sogar mehrere Ministerposten gleichzeitig. Vgl. dazu und allgemein Robert U. Paxton, Parades and Politics at Vichy. The French Officer Corps under Marshall Pétain, Princeton 1966 sowie Home, The French Army. 26 Vgl. aber die angelsächsischen Verfassungstraditionen entstammende Kritik an de Gaulles Verhalten bei Guy Chapman, „The French Army and Politics", in: Soldiers and Governments: Nine studies in civil-Military Relations, Michael Howard (éd.), London 1957, S. 69: De Gaulle „mag ein noch so guter Franzose gewesen sein, [er war]... ein schlechter Offizier, nämlich disziplinlos und ungehorsam." Und Alexander, Loyalität, S. 124 f.: „Durch seine Appelle an den Geist des Widerstandes spaltete er die Armee ... Das Schisma von 1940 hatte eine Pandora büchse geöffnet." 25
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sehen Moral". Seine berühmte Rede von Bayeux faßte seine diesbezüglichen Vorstellungen zusammen (16. Juni 1946). In der Spannung zwischen der formal legalen Begründung des „Etat français" und der gaullistischen Dissidenz, die formalen Ungehorsam mit dem Anspruch höherer, „eigentlicher" Legitimität verband, zerbrach die Einheit von Nation und Militär. Die politischen Auswirkungen der Spaltung des Militärs von 1940-44 waren mittelfristig erheblich. Sie setzten sich im Zusammenhang mit den Dekolonisationskriegen fort. Raoul Girardet hat sie mit dem Begriff „La Crise Militaire 1945-1962" umschrieben.27 Er spricht vom „désarroi" einer Generation von Militärs28, die von der Niederlage von 1940, von der Aufgabe („l'abandon") Indochinas und Algeriens erschüttert war, die sich aber auch vom Geist der Revolte des de Gaulle von 1940 inspirieren ließ. So wie einige von ihnen 1940 Pétain die Gefolgschaft verweigerten, so beriefen sich andere29 zwischen 1958 und 1962 bei ihrem Widerstand gegen die Aufgabe eines „Algérie française" ebenso auf de Gaulles „Ungehorsam im Dienst einer höheren Legitimität" von 1940, um die Ablösung der Vierten Republik zugunsten eines neuen Systems sowie bald darauf ihren bis zu Staatsstreich und Attentaten gehenden Widerstand gegen de Gaulles Algerien-Politik zu rechtfertigen.30 In beiden Ländern zerbrach also über die jeweilige militärisch-politische Niederlage und den fast gleichzeitig erfolgenden politisch-staatlichen Umbruch die Einheitlichkeit des Militärs. Es kam dabei z.T. zu bürgerkriegsähnlichen Polarisierungen, die in Deutschland relativ kurz waren, in Frankreich sich in zwei Schüben - zwischen 1940-44, und 1958-62 - manifestierten. In Deutschland hat die totale politisch-militärische Niederlage von 1945 das Militär zunächst völlig verschlungen. Treibt man die Analyse noch weiter, so wird deutlich, daß hinter den Versuchen, neue Legitimitäten und Loyalitäten zu begründen, der Anspruch des Militärs stand, die Interessen der Nation am besten, ja allein zu vertreten in der Lage zu sein. Wenn Seeckt einst sagte, die Reichswehr diene nur dem Staat, sie sei der Staat, dann entsprach diesem Ausspruch das analoge Diktum Weygands, die Armee sei nichts anderes als die Nation31 - woraus folgte, daß das Offizierkorps der 27
Paris 1964. Eindrucksvoll geht Pierre Dabezies in seiner exemplarischen Skizze „Nous étions quatre camarades ...", in: Des Étoiles et des Croix, Mélanges offerts à Guy Pedroncini, Jean-Claude Allain (éd.), Paris 1995, S. 337-344, auf diesen „désarroi" ein. 29 In ihren Reihen findet man interessanterweise ehemalige Vichy-Anhänger zusammen mit einstigen „résistants" vereint; vgl. allgemein Ambler. 30 Vgl. Jean-Pierre Rioux, La Guerre d'Algérie et les Français, Paris 1990, Maurice Vaïsse, Alger. Le Putsch, Bruxelles 1983; Anne-Marie Duranton-Cabrol, Le Temps de l'OAS, Bruxelles 1995. 31 Vgl. Zitate bei Müller, The Army, S. 9 und die Analyse bei Alexander, Loyalität, S. 112 unter Bezug auf Bankwitz' These von der „Armée-Nation-Tradition": Philip C. Bankwitz, Maxime Weygand and Civil-Military Relations in Modern France, Cambridge, Mass. 1967 und ders., „Maxime Weygand and the Fall of France: A study in civil-military relations", Journal of Modern History, 31 (1959), S. 225-242. 28
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legitime Führer der Nation und der berufene Hüter ihrer Interessen sei, insbesondere in einer kritischen Phase der Geschichte des Landes. General de Lattre de Tassigny schrieb demgemäß im September 1940: „... II faut créer une armée nouvelle qui... doit avoir une qualité exceptionelle... Il sera plus facile alors de reconstruire les âmes et de fortifier les corps pour faire des soldats ... des bons français ,.."32 Dahinter stand die Vorstellung, die Erziehung guter Soldaten zu guten Franzosen sei der erste Schritt zu einer umfassenden gesellschaftlichen Rekonstruktion der Nation. Diesem Gedankengang entsprachen die Vorstellungen, die General v. Schleicher im März 1931 in einem Memorandum entwickelte mit dem Ziel, die sportliche Jugenderziehung unter die Kontrolle der Reichswehr zu bringen und für die vormilitärische Erziehung nutzbar zu machen. Paxton beschreibt diese Tendenz mit der Formel „Officiers turned into schoolmasters" nur ungenügend; denn dieser fragwürdige Erziehungsauftrag war gleichsam nur die operative Seite der Militär-Ideologie einer Identität von Nation und Armee. Die historischen Wurzeln dieser Vorstellung lagen im Zeitalter des Absolutismus, als das Offizierkorps des stehenden Heeres, gleichsam als verstaatlichte Kriegerkaste unmittelbar dem Monarchen verbunden, den Staat repräsentierte. In Frankreich wie in Preußen hatten Armee und moderner Staat dieselben historischen Wurzeln.33 Diese tief in der Geschichte verankerte Auffassung brach immer wieder in Krisenzeiten durch.34
32
Jean de Lattre, Ne pas subir. Ecrits 1914-1952, Textes rassemblés et présentés par E. du Réau, A. Kaspi, M. Michel et al., Paris 1984, S. 218. Für Frankreich vgl.auch Wilfried D. Halls, The Youth of Vichy France, Oxford 1981. 33 Wie sagte Voltaire: Preußen sei kein Staat mit einer Armee, sondern eine Armee, die einen Staat hat. Und kürzlich wurde für Frankreich die Formel gefunden: „L'armée cette accoucheuse de l'Etat" ... denn „le perfectionnement de l'armée a généré l'Etat et le fait militaire a puissamment contribué à faire de la France une nation". So lautet das Resümee einer Rezension der von André Corvisier herausgegebenen „Histoire militaire de la France" in LE MONDE vom 22. Mai 1992. Zur historischen Tiefendimension vgl. Lucien Febvre, Honneur et Patrie. Texte établi, présenté et annoté par Thérèse Charmasson et Brigitte Mazon, Paris 1996. 34 Am Ende des Algerienkrieges stand sie hinter dem Anspruch der Putschisten und der OAS, die Armee müsse gleichsam treuhänderisch für die Nation den Staatspräsidenten an der Loslösung Algeriens von Frankreich hindern und jene dem Kampf für eine „Algérie française" widerstrebende Bevölkerungsmajorität auf den rechten Weg führen.
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IV Das interne Integrationsproblem des Militärs Dieses Problem steht in engstem Zusammenhang mit den politisch-militärischen Umbrüchen in beiden Ländern zwischen 1918 und 1944/45. In beiden Ländern reagierte das Militär auf militärische Niederlagen und abrupten politischen Wandel mit dem Versuch, die bereits durch Krieg und politischen Umbruch zerfaserte Homogenität wiederherzustellen. Äußerer Anlaß war zunächst 1918 wie 1940 die nach Friedensvertrag bzw. Waffenstillstand erforderliche numerische Reduktion, sodann die zwischen 1943 und 1945 in Frankeich und ab etwa 1953 in Deutschland notwendige Rekonstruktion von Streitkräften. Diese wurden jedoch nicht unter rein professionellen Effizienzgesichtspunkten durchgeführt, sondern nach eindeutig politischen und z.T. auch sozialen Kriterien. Damit stellt sich das Problem des Elitenwechsels im militärischen Bereich. Die Reichswehr reagierte nach 1919/20 mit politisch-sozialer Reduktion beim Wiederaufbau des Offizierkorps.35 Seine soziale Struktur spiegelte viel stärker als vor dem Ersten Weltkrieg die Dominanz der überkommenen Führungsschichten wider. Eine betonte Tendenz zur Selbstrekrutierung ist erkennbar: War beim Führungsnachwuchs der Anteil an Söhnen aus Offiziersfamilien zwischen 1880 bis 1913 von 30 % auf 28 % abgesunken, so stieg er zwischen 1926 und 1930 von 44% auf 55% an.36 Obwohl in den Materialschlachten des Ersten Weltkrieges ein neuer Offizierstyp entstanden war, entstammten die hohen Führungskader der Reichswehr in der gesamten Zwischenkriegszeit nicht diesem Personenkreis sondern dominierend dem Generalstab und oft auch der preußischen Garde. Weder der Typ des sozial egalitären „reinen Kriegers" noch der des „politischen Soldaten" kam in den Führungsetagen der Reichswehr zum Zuge, sondern die Repräsentanten des traditionellen preußisch-deutschen Militärs. Das verweist auf die politische Strukturierung, die nach 1919/20 angestrebt wurde. Die Reduzierung auf das 100 000-Mann-Heer wurde benutzt, um republikanisch gesinnte Offiziere zu eliminieren und unruhige, aber gleichzeitig als ultra-nationalistisch angesehene Elemente durch Integration zu neutralisieren und politisch unliebsame Personen aus seinen Reihen auszuschließen. Daher wurden einerseits 2500 Angehörige der putschistischen Marinebrigaden Ehrhardt und Loewenfeld übernommen, anderseits aber jene Soldaten und 35
Hierzu und zum folgenden vgl. Müller, Militär, S. 24 ff. und ders., The Army, S. 1-26 sowie Hansen (einschlägige Lit. dort S. 108 f.). 36 Zur Beurteilung des Adelsanteils am Offizierkorps vgl. Michal Geyer, „Professionals and Junkers: German Rearmament and politics in the Weimar Republic", in: Social Change and Political Development in Weimar Germany, Richard Bessel and Edgar J. Feuchtwanger (eds.), London 1981, S. 77-133.
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Offiziere eliminiert, die beim Kapp-Lüttwitz-Putsch sich gegen ihre mit den Putschisten sympathisierenden Vorgesetzten gewandt hatten. Dies alles spiegelt das Bemühen, sowohl eine möglichst starke politische und soziale Homogenität des Offizierskorps in Zeiten raschen politisch-gesellschaftlichen Wandels zu gewährleisten als auch den einstigen politisch-sozialen Führungsanspruch in die neue Zeit hinüberzuretten. Das Bemühen scheiterte zwischen 1934 und 1945 unter der doppelten Herausforderung von NS-Regime und Weltkrieg. Interessant aber ist, daß sich beim Aufbau der neuen deutschen Streitkräfte ab 1953/56 innerhalb der obersten militärischen Funktionselite ebenfalls überwiegend Repräsentanten des einstigen Generalstabes des Heeres, speziell der ehemaligen Operationsabteilung, wiederfanden.37 Hierin spiegelt sich nicht nur die sachliche Notwendigkeit, auf die professionelle Fachelite zurückzugreifen - was in bestimmten Grenzen auch bei der Wiederaufrüstung in der SBZ/DDR geschah38 - sondern es war auch ein Indiz für die erfolgreiche Strategie der Angehörigen dieser ehemaligen militärischen Führungselite, den im Generalstab des Heeres überdurchschnittlich vertretenen Anti-Hitler-Widerstand zum Zwecke politisch-moralischer Legitimation zu instrumentalisieren.39 Auf der anderen Seite wurden unter Berufung auf ein Sicherheitsrisiko Soldaten, welche sich in sowjetischer Gefangenschaft im NKFD bzw. im BDO engagiert hatten, nicht in die neuen Streitkräfte übernommen, wohl aber rund 300 Angehörige der einstigen „Waffen-SS".40 Waren beim Aufbau der Reichswehr primär sozio-politische Auslesekriterien maßgebend gewesen, so entfiel beim Aufbau deutscher Streitkräfte in der Bundesrepublik das soziale Auslese-Kriterium nahezu vollständig, dagegen wurde in der DDR die soziale Komponente („proletarische" Herkunft) betont neben die politische Qualifikation (KPD- bzw. NKFD/BDOZugehörigkeit, Spanienkämpfer etc.) gestellt. Insgesamt also spielten bei der Rekonstruktion von Streitkräften nach dem Ersten Weltkrieg - wenngleich graduell verschieden - politische und soziale Kriterien eine entscheidende Rolle; nach
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Dies trifft ζ. B. auf die Generäle Heusinger (ehemaliger Chef der Operations-Abteilung des GenSt d. H.), Speidel, Graf Schwerin, Graf Kielmansegg, de Maizière und auf Oberst v. Bonin zu. 38 Dort waren der Chef des Hauptstabes, dessen Stellvertreter sowie die Chefs der Marine und der Luftwaffe ehemalige hohe Wehrmachtsoffiziere: Militärgeschichtliches Forschungsamt (Hg.), Verteidigung im Bündnis, München 1975, S. 89, sowie Bruno Thoß (Hg.), Volksarmee schaffen - ohne Geschrei. Studien zu den Anfängen einer „verdeckten Aufrüstung" in der SBZ/DDR 1947-1952, München 1994, darin speziell der Beitrag von T. Wenske. 39 Vgl. hierzu Georg Meyer, „Zur Situation der deutschen militärischen Führungsschicht im Vorfeld des westdeutschen Verteidigungsbeitrages 1945-1950/51", in: Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956, Hg. Militärgeschichtliches Forschungsamt, Band 1: Von der Kapitulation bis zum Plevenplan, München u. Wien 1982, S. 577-735. 40 Hans-Jürgen Rautenberg, „Zur Standortbestimmung künftiger deutscher Streitkräfte", in: ibid., S. 795; immerhin wurden 50 % der aus der ehemaligen Waffen-SS stammenden Bewerber abgelehnt. Von 601 Bewerbern aus dem einstigen höheren Offizierkorps der Wehrmacht wurden rund 30 % abgelehnt.
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dem Zweiten Weltkrieg war dies nur in dem einen deutschen Staat der Fall, in dem anderen domininerten politische Kriterien. In Frankreich ist eine analoge Entwicklung festzustellen: Das gilt zunächst und insbesondere für Vichy-Frankreich. Paxton wies nach, daß das Offizierkorps der Waffenstillstandsarmee auf Grund gezielter Personalpolitik einen größeren Anteil an Absolventen der traditionsreichen Militärhochschulen St. Cyr und Polytechnique hatte als die Armee von 1938. Reaktivierte Reserveoffiziere, officiers sortis du rang, jüdische und freimaurerische Offiziere wurden systematisch eliminiert.41 Dies war also nicht nur eine soziale Regression sondern auch eine eindeutig politische. Dieser Versuch der Neubegründung einer ebenso professionellen wie politisch-sozialen Elite bildet eine auffallende Analogie zur deutschen Reichswehr. Dem Vichy-Militär war indes nur eine kurze historische Experimentierphase vom Waffenstillstand 1940 bis zur Totalbesetzung Ende 1942 gewährt. Dagegen ergab sich eine komplizierte, nämlich doppelte Integrationsproblematik bei der Rekonstruktion der französischen Streitkräfte nach dem Wiedereintritt Frankreichs in den Krieg. Sie war primär politischer, aber auch sozialer Natur und ist für die Zeit von Ende 1942 bis etwa Ende 1946 anzusetzen. Es ging dabei um drei Problemkreise: erstens ab Ende 1942 um die Amalgamierung der bislang vichy-loyalen Nordafrika-Armee mit den gaullistischen Streitkräften des Freien Frankreichs. Nach der alliierten Landung in der Normandie kam zweitens hinzu das Problem der Integration der Kampfverbände der Résistance, insbesondere der seit dem 6. Juni 1944 stark angeschwollenen FFI hinzu; schließlich ging es drittens seit der Befreiung Frankreichs um die Behandlung der Offiziere der Waffenstillstandsarmee, die sich ab 1942 weder den neuen Streitkräften noch der Résistance angeschlossen hatten. Erstens: Die „Amalgamierung" der bislang Vichy-loyalen Streitkräfte, die unter Darían, dann unter Giraud den Krieg an der Seite der Alliierten wiederaufzunehmen begannen, mit den Verbänden der France Libre unter de Gaulle erwies sich als ein ganz schwieriges Integrationsproblem.42 Die Freifranzosen verachteten die Afrika-Armee, weil sie 1940 nicht den Krieg weitergeführt hatte, sondern dem Vichy-Regime treu geblieben war. Die AfrikaArmee, die sich - im Sinne der Reichswehr Weimars - stets als Nukleus einer künftigen Revanche-Armee angesehen hatte, hielt die gaullistischen Verbände für irreguläre Krieger, welche das militärische Gehorsams- und Hierarchieprinzip mißachtet hätten.43 Zwischen diesen beiden Gruppen des französischen Militärs hatte sich seit Sommer 1940 nach André Martels Formulierung eine sich ständig vertiefende „cassure idéologique" aufgetan; der ehemalige freifranzösi41
Paxton, S. 44 ff. Allgemein vgl. hierzu Elmar Krautkrämer, Frankreichs Kriegswende 1942, Bern 1989, bes. S. 280 f. 43 Für das sozio-politische Profil des FFL vgl. die Analyse von Jean-Noël Vincent, „Typologie des Forces Françaises Libres", in: Les Armées françaises pendant la Seconde Guerre Mondiale, Jean Delmas (éd.), Paris 1986. 42
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sehe Offizier und spätere Premierminister Pierre Messmer sprach sogar von einer „guerre civile"-Situation.44 Hintergrund dieser Spaltung waren die politisch-militärischen und politischideologischen Divergenzen, aber auch - wie die uns vorliegenden Strukturanalysen zeigen - sozio-psychologische Unterschiede. 1940 hatten sich nur sehr wenige Berufsmilitärs de Gaulle angeschlossen, die Masse der aktiven Militärs blieb viehy-loyal; 1942 gingen die meisten jener Berufs· und Reserve-Militärs, die aus Frankreich nach Nordafrika flüchteten, zu Giraud; die bislang nichtmilitärisch Vorgebildeten aber zu de Gaulle. Die Freifranzosen werden daher als „guerriers loyaux au chef choisi" und als „minorités ... intransigeants" geschildert.45 Zwischen 1943 und 1944 gelang keine befriedigende Integration dieser beiden Gruppen. Die Afrika-Armee blieb antigaullistisch, die freifranzösischen Verbände pflegten innerhalb der neuentstehenden französischen Streitkräfte einen „particularisme ombrageux".46 Nach Martel kam es bestenfalls zu einer „juxtaposition souvent conflictuelle" 47 Die persönliche Abneigung zwischen General Leclerc, dem Symbol der Freifranzosen der ersten Stunde, und dem nicht minder selbstbewußten General de Lattre de Tassigny, der bis 1942 dem Marschall Pétain loyal geblieben war, verstärkte die Problematik noch.48 Zweitens: Der Prozeß der Integration der FFI-Verbände, der für die Neuaufstellung von zusätzlichen Großverbänden zur Weiterführung des Krieges notwendig war, stieß nicht nur auf fachspezifische Probleme, sondern auch auf politischideologische. Auf Seiten der sehr heterogenen FFI-Verbände - vor allem der kommunistisch dominierten - hegte man Vorstellungen von einer „neuen Armee des Volkes", welche den Feind aus dem Land gejagt habe, im Gegensatz zu den „Prätorianern einer Kolonialarmee", deren Führer doch die Verantwortung für die Niederlage von 1940 und die Schande von 1942 trügen - das erinnert stark an die Spannungen zwischen den Männern der Freikorps und den regulären Militärs in Deutschland 1918-1920. Die seit 1943 wieder aufgebauten französischen Streitkräfte und de Gaulle hielten dagegen die „Fifis" bestenfalls für tapfere Kämpfer, aber doch für militärische Amateure, unbrauchbar für einen Einsatz im modernen Krieg. Vor allem mißtrauten sie ihnen politisch. Daher wurde nach mancherlei Schwierigkeiten eine flexible Integrationsmethode praktiziert, die dazu führte, daß von den rund 300 000 FFI zwar knapp die Hälfte individuell in die Kriegsstreitkräfte integriert wurde, die Mehrzahl der FFI-Verbände jedoch aufgelöst bzw. mit regulären Einheiten vermischt wurde; bei der Auswahl derjenigen Verbände, die in corpore übernommen wurden, hat man die eher traditionell geführten ( - wie jene der Ar44
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Histoire militaire de la France, vol 4: De 1940 à nos jours, André Martel (éd.), Paris 1994, S. 95, S. 78 (Zitat Messmer). Martel (éd.), S. 78 Ibid., S. 123: „Giraud ... les traite en amateurs". So Martels (éd.) Formulierung S. 233. Vgl. das Kapitel bei Martel (éd.) „L'impossible intégration de la 2 e D B à la l r e Armée", S. 125.
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mée Secrète /AS oder der Organisation de Résistance de l'Armée/ORA) gegenüber den kommunistisch dominierten (insbesondere der FTP) bevorzugt. Bei letzteren hat man im Laufe der Zeit auch die Führungskader weitgehend ausgewechselt.49 Das dritte große Integrationsproblem bei der militärischen Rekonstruktion ergab sich aus der Frage, wie man die Offiziere der Waffenstillstandsarmee behandelt, von der zahlreiche höhere Offiziere wichtige politische Positionen eingenommen hatten.50 Gegen letztere wurden bereits vor der Befreiung des Mutterlandes von Algier aus Gerichtsverfahren in Gang gesetzt, die dann vor allem die Marine stark trafen. Einige - wie der „Held von Dünkirchen" und Minister unter Laval, Admiral Platon - wurden summarisch exekutiert; die große Mehrzahl der Admiräle wurde verabschiedet bzw ohne Pension entlassen (von 123 blieb nur ein knappes halbes Dutzend im Dienst). Die Marine verlor insgesamt Dreiviertel aller höheren bzw. zu höherer Führung anstehenden Dienstgrade.51 Auch Heeres- und Luftwaffen-Generälen wurde der Prozeß gemacht, die Verfahren endeten meist mit Verurteilungen zum Tode oder zu hohen Gefängnisstrafen, oft zu lebenslänglicher Haft. Soweit sie nicht in der Haft starben - wie General Dentz, Oberbefehlshaber und Hochkommissar in Syrien - oder - wie in wenigen Fällen hingerichtet worden waren, wurden sie bis 1956 amnestiert, die meisten sogar rehabilitiert. Die anderen Offiziere der Waffenstillstandsarmee wurden zunächst kollektiv zur Disposition gestellt,52 sodann (Beschluß des Verteidigungsausschusses vom 7. Februar 1945) aufgefordert, einen Wiedereinstellungsantrag zu stellen. Über sie wurde nach eingehenden Untersuchungen durch Kommissionen entschieden; diese Verfahren zogen sich bis zum Januar 1946 hin. Dabei wurden vier Kategorien unterschieden: des antinationalen Verhaltens und der Collaboration Schuldige, die ohne Pension entlassen wurden; „Nicht-Widerstândler"/non-résistants, die zur Demobilisierungsentlassung vorgesehen waren; für die als ,,peu-résistants" Klassifizierten war eine nochmalige Untersuchung vorgesehen; nur die „résistants" wurden automatisch übernommen. Das Ergebnis: von über 13 000 Offizieren, die nach dem November 1942 in Frankreich geblieben waren, wurden knapp 10 % (1293) entlassen und aus den Ranglisten der aktiven Offiziere gestrichen, 6940 (darunter 131 Generäle) wurden mit Sanktionen belegt. Nahezu gleichzeitig mit diesen Maßnahmen erfolgte die Demobilisierung der Streitkräfte, die im September 1945 begann. Rund 12 000 Offiziere mußten entlassen werden, aber gleichzeitig - und das zeigt die politische Dimension - wur49
Einen guten knappen Überblick über diese Entwicklung findet man bei Martel (Hg.), S. 233 f. Vgl. auch S. 258. Zur ORA vgl. Arnault de Dainville, L'ORA, la Résistance et l'armée, Paris 1974, zur AS: Henri Frenay, La nuit finira. Mémoires de Résistance, Paris 1973. 50 Vgl. Jean Delmas, „Die Offiziere der Waffenstillstandsarmee und die französische Résistance, Frankreich 1940-1944", in: Politischer Wandel, S. 305-313. 51 Jacques Mordal, Unter der Tricolore. Kampfund Untergang der französischen Marine im Zweiten Weltkrieg, Oldenburg 1964, S. 310; vgl. auch ders., La Marine à l'épreuve, Paris 1956 52 Zirkular 1010 des Kriegsministeriums vom 27. August 1944 (Martel (éd.), S. 257).
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den rund 4700 Offiziere (davon 3584 FFI) in ihren in der Résistance geführten Rängen in den aktiven Dienst übernommen (homologisiert) und zugleich über 8800 FFI-Unteroffiziere zu aktiven Offizieren befördert. Bei diesem Prozeß überwogen wiederum die Angehörigen der aus der alten Armee heraus entstandenen Résistance-Gruppen (66,5 %: AS und FFL/Armée d'Afrique du Nord) gegenüber den kommunistisch beeinflußten FTP(25 %).53 Insgesamt kann man eher von einem innerkorporativen Klärungsprozeß statt von einem militärischen Elitenaustausch sprechen.54 Am Ende des Algerienkrieges kam es infolge des mißglückten „Putsches der Generäle" nochmals zu einer politischen Säuberung primär des Heeres-Offizierkorps.55 Doch dies ist ein Kapitel französischer Militärgeschichte, das sich einem binationalen Vergleich entzieht.
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Zusammenfassung 1. Ein Vergleich von deutschem und französischem Militär in der Epoche der Weltkriege ergibt zunächst ein im Grunde banales Ergebnis: der mehrfache abrupte politische Wandel hat in beiden Ländern - wenngleich zu verschiedenen Zeiten - das Militär in hochgradige politische Desorientierung gestürzt. Daran zerbrach zeitweilig die Einheit des Militärs; das Verhältnis Militär - Nation wurde dadurch schwer gestört. 2. Nach den Kriegen kam es zu militärischen Rekonstruktionen, in denen sich in beiden Ländern Elemente der Kontinuität mit denen der Diskontinuität verbanden. Dabei haben Traditionen und Beharrungskraft des militärischen Apparates den Kontinuitätsfaktoren - wenngleich in unterschiedlichem Maße - ein stärkeres Gewicht verschafft. Zwar gab es Säuberungen bzw. stark selektive Einstellungs- oder Übernahme-Methoden, jedoch keinen unmittelbaren und grundlegenden militärischen Eliten-Austausch56; eher fand eine Art innerkorporativer Klärungsprozeß statt.
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Überblick bei Martel (éd.), S. 258, eingehende Analyse bei Jacques Vernet, Le Réarmement et la Réorganisation de l'Armée de Terre française 1943-1946, Paris 1980, bes. S. 121-128. 54 Zurückhaltender diesbezüglich Alexander, Loyalität, S. 125 unter bezug auf Paxton: „Das Neue hat das Alte nicht ersetzt, es wurde allenfalls ergänzend hinzugefügt. Am treffendsten ist es wohl als aufgepfropft zu bezeichnen." 55 Alexander, Loyalität, S. 129, kommt zu dem Schluß, daß de Gaulle damit der im Offizierkorps immer noch verherrschenden „ Armeé-Nation-Tradition" ein Ende bereitet habe und „an ihrer Stelle eine noch ältere Tradition... nämlich die des,citoyen-soldat' wiederbegründet habe. 56 Vielleicht könnte man angesichts des etwa zwischen Ende 1950 und Anfang 1970 festzustellenden Wandels in der sozialen Rekrutierungsbasis der Armeen in den drei Staaten von einem mittelfristigen Elitenwandel sprechen.
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3. Dagegen kam es erkennbar zu einem Mentalitätswandel, der nach 1918 partiell einsetzte, sich später verstärkte und sich zwischen 1945 und 1960 fortsetzte.57 Ein in dem gesamten Zeitraum (1918-1962) durchgehendes Element dieses Mentalitätswandels war bei den Militärs in beiden Ländern - wenngleich zeitlich in unterschiedlicher Intensität ausgeprägt - der Antikommunismus. Er hat zu negativen wie positiven Traditionsbrüchen geführt: einerseits hat er überkommene militärische Moralvorstellungen unterhöhlt, andererseits schuf er deutsch-französische Gemeinsamkeiten, die bisweilen nicht unproblematischer Natur waren. 4. Es kam in beiden Streitkräften zu (allerdings unterschiedlich intensiven) mentalen Veränderungen, unter anderem zu partieller Überwindung der traditionellen antagonistischen Fixierung auf den jeweiligen gegnerischen Nationalstaat zugunsten multilateraler und kooperativer Denk- und Organisationsstrukturen. Die Herausforderung durch den Kommunismus wie auch die beiderseitige Erfahrung militärischer Niederlagen, trügerischer Siege und politischer Umbrüche mag gerade im Militär zu der Überwindung dessen beigetragen haben, was „Erbfeindschaft" und chauvinistischer Antagonismus genannt zu werden pflegte.58 5. Insgesamt muß dieser komplexe Vorgang in eine historische Übergangsphase eingeordnet werden, in der bislang nationalstaatlich verfaßtes und fixiertes Militär zu multinationalen, vielleicht gar post-nationalen Strukturen aufgebrochen zu sein scheint. Aber mit einer solchen Bemerkung hat der Historiker schon die ihm gezogenen Grenze überschritten.
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Die DDR-Streitkräfte machten hierin keine Ausnahme, allerdings waren die Inhalte grundverschieden. Vgl.dazu die Aussagen einiger hoher französischer Offiziere bei Becker, Remilitarisierung, z. B. S. 300: „Es gab diese grundsätzlichen Gefühle der Zusammengehörigkeit im Kampf gegen den Kommunismus" (General de Buretel de Chassey).
V.
Bilanz
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Bilanz: Nachkriegsgesellschaften im 20. Jahrhundert. Deutschland und Frankreich zwischen Tradition und Moderne Das Deutsch-Französische Komitee für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts hat mit dem Otzenhausener Kolloquium eine seit den achtziger Jahren verstärkt interdisziplinär diskutierte Thematik aufgegriffen. Dabei wird in der Regel entweder der Vergleich von zeitlich unterschiedlichen Nachkriegsgesellschaften (1918 und 1945) oder von mehreren Ländern in einer Epoche (etwa nach 1945) angestrebt, aber nur selten als solcher durchgeführt. Von besonderem Interesse für Nicht-Historiker war und ist die deutsche - bzw. lange Zeit ausschließlich die westdeutsche - Nachkriegsentwicklung mit ihren „merkwürdigen" (Broszat 1982) gesellschaftlich-politischen Umbrüchen. Nicht nur in der SBZ/DDR gab es „revolutionäre", d. h. tiefgreifende Veränderungen von wichtigen traditionellen Strukturen. Im Westen waren diese Veränderungen zudem auffallend unprogrammatisch, ohne revolutionäres Bewußtsein und grundverschieden von der Situation nach dem Ersten Weltkrieg. Die westdeutsche Entwicklung war in dieser Sicht nicht so sehr ein Ergebnis planvoller Zukunftsentwürfe, sondern der normativen Kraft von Fakten im Gefolge der Niederlage, durch die Kriegsfolgen und von den alliierten Siegern, d. h. von außen gesetzt. Der Blick auf die manchmal als „Wiederaufbau-Revolution" bezeichnete westdeutsche Entwicklung wird nicht nur durch die inzwischen beträchtliche zeitliche Distanz geschärft, sondern auch durch den Vergleich. Die deutsche Entwicklung nach dem Zweiten Weltkrieg warf dann die Frage auf, ob dieser Krieg und seine Folgen beispielsweise für Frankreich eine ähnliche Bedeutung gehabt hatten wie für Deutschland. In den frühen fünfziger Jahren publizierte der Schweizer Frankreichkenner Herbert Lüthy eine damals viel gelesene Schrift mit dem Titel „Frankreichs Uhren gehen anders", worin das Bild einer im Gegensatz zur Bundesrepublik in überlieferten Strukturen stagnierenden Gesellschaft gezeichnet wurde. Wenig später konnte jedoch auch von außen die
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stürmische Wirtschaftsentwicklung Frankreichs beobachtet werden, die von vielfältigen sozialen Veränderungen begleitet war. Zur Erklärung dieser Entwicklung wurden auch die impulsgebenden Faktoren der Kriegserfahrung angeführt. Im Otzenhausener Kolloquium ging es nicht um den deutsch-französischen Vergleich in der Entwicklung nach 1945 allein, sondern um das 20. Jahrhundert insgesamt, um zwei Nachkriegsgesellschaften mit vielfältigen Rückgriffen auf das 19. Jahrhundert. Ziel war die Erarbeitung eines breiten Themenfeldes, das sowohl für die politischen, ökonomischen, gesellschaftlichen und mentalen Trennungslinien zwischen Frankreich und Deutschland als auch für die allmähliche Annäherung beider Länder in der zweiten Jahrhunderthälfte und damit für das Verständnis der aktuellen Situation von grundlegender Bedeutung ist. Angesichts der gewichtigen Rolle beider Länder im Prozeß der europäischen Integration und - so dürfen wir wohl auch nicht vergessen - der Allgegenwärtigkeit von Krieg und Gewalt wies das Kolloquium sowohl über den selbstgesteckten historischen Rahmen als auch über die bilateralen deutsch-französischen Beziehungen hinaus. Die historischen Erfahrungen und Nachwirkungen der Kriege zwischen Deutschland und Frankreich sind gerade im Vergleich von großer Bedeutung, weil es sich um die Ungleichzeitigkeit von Entwicklungen und um die höchst unterschiedlichen Bedingungen von Siegern und Verlierern handelte. Einige zentrale Fragestellungen waren eine Art Leitlinie für die Einzelbeiträge und Diskussionen: Welche demographischen, politischen, wirtschaftlichen und sozialen Veränderungen haben zunächst den Ersten, dann den Zweiten Weltkrieg in den beiden Gesellschaften ausgelöst? Wie gewichtet man das Spannungsverhältnis zwischen Neuordnungsvorstellungen und dem Festhalten an Traditionen? Welche Traditionsbrüche sind zu beobachten und welche langfristigen strukturellen Kontinuitäten? Welche Folgen hatte dies für die Stabilität bzw. Veränderung von sozialen Schichtungen, politischen Gruppierungen oder auch die Entwicklung von Eliten? Wie wurden - auch im Hinblick auf künftige Konfliktregelungen - die Erfahrungen von Krieg und Gewalt verarbeitet? Waren Kriegserlebnisse und Kriegsfolgen prägend für einen Bewußtseinswandel oder gar für die Veränderung von Identitäten? Wie wirkte sich jeweils die Position des Siegers und Besiegten aus bzw. welche Unterschiede wurden dadurch überhaupt erst hervorgerufen? Hat darüber hinaus eine ähnliche oder unterschiedliche Bewältigung von Kriegsfolgen noch Auswirkungen auf die politisch-gesellschaftliche Situation oder politische Kultur der Gegenwart? Löste das Kriegsende jeweils einen Modernisierungsschub aus oder bereitete es ihn vor? Wie schließlich verhalten sich Wandlungsprozesse in Politik, Wirtschaft, Gesellschaft und Kultur zueinander; bedingen sie sich, überlagern sie sich, oder gehen sie gar in verschiedene Richtungen? Nicht alle Fragen konnten in vollem Umfang entfaltet werden, so daß der exemplarische Charakter vieler Beiträge naheliegt. Gleichzeitig erfüllte das Komitee damit eine weitere wichtige Funktion: die Erarbeitung und das Aufzeigen von Forschungsperspektiven. Mit seinem emphatischen Plädoyer für Europa weist einleitend Joseph Rovan als Historiker und Zeitzeuge bereits über den engeren thematischen Rahmen
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hinaus. Er beschreibt sehr plastisch die unterschiedlichen Wahrnehmungsmuster der frühen Nachkriegsjahre in beiden Ländern angesichts jeweils spezifischer jedoch ähnlich gravierender - Problemlagen. Rovan, schon nach seiner Rückkehr aus dem Konzentrationslager Dachau 1945 einer der Vorreiter der deutsch-französischen Aussöhnung, betont, wie früh spürbar gewesen sei, daß es sich im Vergleich zu 1918/19 um eine völlig andere Nachkriegszeit gehandelt habe. Für ihn persönlich war der Zweite Weltkrieg weniger eine deutsch-französische Auseinandersetzung im engeren Sinn als ein internationaler Bürgerkrieg. Freilich will auch er keineswegs die Einstellungen und Prägungen unterschätzt wissen, die weit über das Kriegsende hinaus wirkten. In der ersten Sektion wurden unter Hervorhebung des elsässischen Grenzraumes - exemplarisch - wirtschafts- und handelspolitische Fragen erörtert, die ungeachtet der speziellen Problemlagen deren zunehmende Bedeutung anschaulich machen. Auch wenn die bedeutsame Funktion von Wirtschaftspolitik in Nachkriegsgesellschaften auf der Hand liegen mag, so muß doch gerade die Wirtschaftsentwicklung über einen längeren Zeitraum hinweg betrachtet werden. Sie ist einer der wichtigen Indikatoren bei den Überlegungen hinsichtlich Kontinuitäten und Brüchen, Tradition und Moderne. Wie wichtig wirtschaftspolitische Probleme und - so möchte ich hinzufügen - die der Finanzpolitik sind, wurde auch im Rahmen anderer Sektionen (ζ. B. am Beispiel der Umstrukturierung der Außenministerien) schon für die Zeit nach dem Ersten Weltkrieg betont. Für unsere Gegenwart sei nur auf die für alle Gesellschaften gleichermaßen folgenreiche sogenannte Globalisierung hingewiesen. Und diese hat mit großer Wahrscheinlichkeit noch viel weitergehende Folgen als die in dieser Sektion angeschnittene Frage der sich aus der Tradition der Bilateralisierung ergebende Multilateralisierung. In der zweiten Sektion standen dann gesellschaftliche Aspekte deutsch-französischer Nachkriegsjahre im Vordergrund. Auch hier wurden die längerfristigen Entwicklungen sichtbar, lagen teilweise Impulse und langfristige Folgen auf der Hand. Dazu gehören beispielsweise die demographischen Probleme oder die der Rückkehr und Wiedereingliederung von Deportierten und Kriegsgefangenen mit den Impulsen für die Sozialpolitik. Doch auch die Unterschiede zwischen den Folgen des Ersten und des Zweiten Weltkrieges waren unübersehbar, denkt man allein an die immer noch bzw. immer wieder aktuellen langfristigen Folgen des Nationalsozialismus. Genannt sei hierfür lediglich der Holocaust. Eine für alle Gesellschaften tiefgreifende Veränderung nach dem Zweiten Weltkrieg soll nicht unerwähnt bleiben, nämlich die Urbanisierung auf Kosten des flachen Landes. Wenn wir schließlich die aktuellen Debatten über den Sozialstaat genauer betrachten, so gehört dessen Ausbau mit in die Debatte über Nachkriegsgesellschaften, in die Diskussion über Tradition und Neubeginn. Weit über Detailfragen hinausgreifend, ging vor allem Hartmut Kaelble in seinem auf einen europäischen Vergleich angelegten Beitrag über „Die Nachkriegszeit in Frankreich und Deutschland" der Frage nach, ob von einer Nachkriegsgeschichte auf westeuropäischer Ebene überhaupt die Rede sein und sie als Neuanfang mit langfristi-
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gen Weichenstellungen gelten könne. Das Fortwirken von Kontinuitätselementen, die Leiden und Traumata der frühen Nachkriegsjahre sowie Pessimismus und Untergangsstimmung sind gewichtige Einwände. Dem werden freilich fünf gleichermaßen bedenkenswerte Argumente zugunsten einer These vom Neuanfang entgegengestellt: Die Diskreditierung von Faschismus bzw. Nationalsozialismus und dadurch bedingte höhere Stabilisierungschancen der Demokratien; der Wandel des Nationalstaates, was nicht mit seiner Schwächung zu verwechseln sei; die Veränderung der europäischen Familie; die Phase des außergewöhnlichen wirtschaftlichen Wachstums in Europa und die Periode seines weltpolitischen Niedergangs. Trotz deutsch-französischer Diskrepanzen in Teilbereichen des Gesellschaftsvergleichs könne nicht zuletzt angesichts der wachsenden Konkretisierung des Europabewußtseins der Europäer selbst von einem Neuanfang nach 1945 gesprochen werden. Der Hinweis auf diese spezifische Form des Neuanfangs in einer Nachkriegszeit kann möglicherweise dazu beitragen, andere - gegenwärtige - Nachkriegsgesellschaften in ihrer Komplexität zu verstehen. Sie sind weit zu fassen, denn auch die gigantischen Transformationsprozesse in Mittel· und Osteuropa nach dem Ende des „Kalten Krieges" gehören in diesen Kontext. Eine Reihe von Beiträgen befaßt sich in einer weiteren Sektion mit Aspekten, die unter dem Begriff „Kultur" subsumiert wurden. Deren Bedeutung für Nachkriegsgesellschaften liegt auf der Hand, bedeutet Krieg doch immer auch „Barbarisierung" und einen Mangel an Kultur. Darüber hinaus ist in Nachkriegszeiten häufig eine kulturelle Blüte zu beobachten. Zu den für den Vergleich fruchtbaren Aspekten gehörten unter Berücksichtigung der beiden Kriege und des Siegerbzw. Verlierer-Aspektes das „Lernen" von dem anderen bei der Neustrukturierung von Bildung und Ausbildung, aber auch die Beschäftigung von Historikern mit der Niederlage, wobei in der Diskussion mit großem Nachdruck noch einmal auf dessen Verantwortung hingewiesen wurde. Ausgewählte und plastische Beispiele von Historikern haben überdeutlich gezeigt, daß es auch den renommiertesten Wissenschaftlern gelegentlich an der gebotenen kritischen Distanz mangelte). Die Leitfragen des Kolloquiums konnten sicherlich nicht in jedem einzelnen Beitrag ausreichend berücksichtigt werden, wurden aber in Kaelbles Beitrag über Krisenzeit oder Neuanfang in vielen Aspekten thematisiert. Gleichermaßen schlaglichtartig deutlich gemacht wurden zahlreiche Probleme in der letzten Sektion (Politik und Militär) beim Vergleich des deutschen und französischen Militärs nach den beiden Weltkriegen (Klaus-Jürgen Müller). Herausgearbeitet wurde, daß es z. B. nicht unbedingt hilfreich ist, das jeweilige formale Ende der beiden Weltkriege zum Ausgangspunkt eines sinnvollen bilateralen Vergleichs hinsichtlich des Militärs zu machen. Ist allein das Problem, wann die Nachkriegszeit begann, für die Zeit nach dem Ersten Weltkrieg schwierig, so war die Lage nach dem Zweiten Weltkrieg noch komplizierter. Für Deutschland war gewiß mit dem 8. Mai 1945 der Krieg beendet; aber damit kam auch das Vergleichsobjekt abhanden; für Frankreich hingegen ging das Ende des Zweiten Weltkrieges bei-
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nahe nahtlos in die Periode der Dekolonisationskriege über, die erst 1962 endete. Derartige Überlegungen führten dazu, daß ein Vergleich vorwiegend systematisch und nur auf einer diachronischen und mittleren Abstraktionsebene durchgeführt werden könne, was die Ausweitung des chronologischen Rahmens beinhaltete. Es mußte demnach um die Jahre zwischen 1918 und 1962 gehen, in denen es für das Militär in beiden Ländern existentiell bedeutsame Erfahrungen gab, prekäre Siege, militärische Niederlagen und - damit verbunden - politische bzw. politisch-ideologische Systemwechsel. Für beide waren damit Belastungen, Loyalitätskonflikte und Legitimitätskrisen sowie Integrationsprobleme verbunden, Herausforderungen demnach, die sie jeweils in der ihnen eigenen Weise zu bewältigen suchten. Auch wenn das Ergebnis des Vergleichs von deutschem und französischem Militär in der Epoche der Weltkriege banal scheinen mag, ist es dennoch wichtig. So hat der mehrfach abrupte politische Wandel in beiden Ländern - wenn auch zeitversetzt - das Militär politisch desorientiert, woran zeitweilig die Einheit des Militärs zerbrach, was wiederum das Verhältnis Militär-Nation störte. In beiden Ländern war zudem eine eingeschränkte Realitätsperzeption der militärischen Führung offenkundig. Und doch gelang es in beiden Ländern den Militärs nicht, ihre sicherheits- bzw. revisionspolitischen Vorstellungen längerfristig durchzusetzen. In beiden Ländern wurde das Militär nicht zur außenpolitisch bestimmenden Größe, sondern blieb ein sekundäres System. Die das Kolloqium prägende Frage nach Kontinuität und Brüchen ist auch beim Militär zu beobachten. Bei der militärischen Rekonstruktion nach den Kriegen lag aufgrund von Traditionen und Beharrungskraft von militärischen Apparaten das stärkere Gewicht zweifellos auf den Kontinuitätsfaktoren. Es kam jedoch zu einem Mentalitätswandel, der partiell bereits 1918 einsetzte, sich später verstärkte und in den Jahren zwischen 1945 und 1960 fortsetzte. Ein durchgehendes Element dieses Mentalitätswandels war bei den Militärs beider Länder der Antikommunismus, der zu unterschiedlichen Traditionsbrüchen geführt hat. Und er schuf auch deutsch-französische Gemeinsamkeiten, die freilich nicht immer unproblematisch waren. Zu den mentalen Veränderungen gehörten schließlich die partielle Überwindung der Fixierung auf den bisherigen „Erbfeind" und die stärkere Akzeptanz von multilateralen und kooperativeren Denk- und Organisationsstrukturen. Ob dies jedoch schon ein Indiz für einen Aufbruch in weitergehende postnationale Strukturen ist, muß dahingestellt bleiben. Das Stichwort von der bedeutenden Funktion des Antikommunismus verweist darüber hinaus auf den größeren Rahmen des Ost-West-Konfliktes und auf den bald nach dem Zweiten Weltkrieg beginnenden sogenannten „Kalten Krieg", ein Rahmen demnach, der für den Wiederaufbau und die Ausgestaltung der deutschfranzösischen Beziehungen keineswegs unwichtig war. Denkt man an das Problem der „Revision" nach beiden Weltkriegen, so wäre dies im Sinn einer Wiederherstellung der deutschen nationalen Einheit beispielsweise eine bis 1989/90 zu verfolgende Entwicklung. Daß dabei die Erfahrungen von zwei Weltkriegen nachwirkten, ist gelegentlich deutlich geworden, ohne immer ausgesprochen
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worden zu sein. Die Thematisierung von historischen Erfahrungen und Nachwirkungen bleibt für das Verständnis der Gegenwart wichtig, weil es sich um die Ungleichzeitigkeit von Entwicklungen und um sehr unterschiedliche Bedingungen von Siegern und Verlierern handelte. Die breitgefächerte Thematik des Kolloquiums war deswegen stets vor dem Hintergrund zu sehen, daß beide Länder im europäischen Rahmen besonders weit auseinanderliegende Wege gingen, die erst nach dem Zweiten Weltkrieg in eine ähnliche gesellschaftliche Situation mündeten. Die schon in der Zeit vor dem Ersten Weltkrieg deutliche Entfremdung und Auseinanderentwicklung machte nicht nur beide sozusagen „unfähig", die Entwicklung des jeweils anderen Landes zu verstehen und aus ihr zu lernen, sondern trug zu einer Grundstimmung bei, die in dem Hurrapatriotismus bei Beginn des Ersten Weltkrieges zu gipfeln schien. Diese spezifische Form der Fremdheit verschwand weder nach dem Krieg noch in der Zwischenkriegszeit, sondern verschärfte sich noch. Erst nach dem Zweiten Weltkrieg änderte sich dies, kam es zu einer Annäherung nicht nur auf der politischen Ebene, sondern auch der Gesellschaften. Das freilich - so betonte der Alt-Präsident Louis Dupeux in der Diskussion - darf nicht blind dafür machen, daß kulturellen und politisch- bzw. soziokulturellen Besonderheiten ein großes Eigengewicht zukommt, daß sie langlebig sind und daß darüber hinaus für den konstatierten ökonomischen und sozialen Wandel eigene - divergierende Wege beschritten wurden und werden. Die Annäherung brach nicht im Sinn einer Stunde Null plötzlich an, sondern setzte sich als Wandel erst allmählich durch, faßbar nicht selten erst in den sechziger und siebziger Jahren, die damit einen tiefen Einschnitt in der Nachkriegsentwicklung markieren.
Teilnehmer am Kolloquium in Otzenhausen Participants au Colloque d'Otzenhausen Allain, Jean-Claude - Paris Ayçoberry, Pierre - Straßburg Baechler, Christian - Straßburg Bariéty, Jacques - Paris Becker, Josef - Augsburg Bender, Karl-Heinz - Trient Bokelmann, Elisabeth - Essen Bouvier, Beatrix - Bonn/Darmstadt Biihrer, Werner - München Bungert, Heike - Köln Cahn, Jean Paul - Paris Dedinger, Béatrice - Paris Defrance, Corine - Paris Dreyfus, François-Georges - Paris Dupeux, Louis - Straßburg Durand, Yves - Orleans Erdem, Deniz - Saarbrücken Fabréguet, Michel - Straßburg Fisch, Stefan - Speyer Freund, Wolfgang - Saarbrücken/ Paris Gandouly, Jacques -Angers Gödde-Baumanns, Beate - Duisburg Götze, Catherine - Berlin Guillen, Pierre - Grenoble Hau, Michel - Straßburg Heil, Peter - Saarbrücken Heinen, Armin - Saarbrücken Hilbert, Lothar - Tübingen Höhne, Roland - Kassel Hudemann, Rainer - Saarbrücken Hüser, Dietmar - Saarbrücken
Jardin, Pierre - Paris Kaelble, Hartmut - Berlin Kimmel, Adolf - Trier Knipping, Franz - Wuppertal Koch, Ursula E. - München Kolboom, Ingo - Dresden Küppers, Heinrich - Wuppertal Louis, Christine - Otzenhausen Metzger, Chantal - Le Mans Martens, Stefan - Paris Mieck, Ilja - Berlin Möhler, Rainer - Saarbrücken Möller, Horst - München Mombert, Monique - Straßburg Müller, Guido -Aachen Müller, Klaus-Jürgen - Hamburg Nishiyama, Akiyoshi - Tokio/ Saarbrücken Overesch, Manfred - Hildesheim Piétri, Nicole - Straßburg Roth, François - Nancy Rovan, Joseph - Paris Schirmann, Sylvain - Straßburg Schlamm, Antje - Saarbrücken Scholz, Werner - Leipzig Schreiner, Reinhard - St. Augustin Spivak, Marcel - Paris Steinert, Marlis - Genf Wilkens, Andreas - Paris Wittenbrock, Rolf - Saarbrücken Ziegler, Joachim - Saarbrücken
Personenregister Index des personnes Aalst, van 56 Adenauer, Konrad 20,72,116f.,234,248f., 251,254,257 f., 260 f. Alphand, Hervé 78 Andler, Charles 171 Antelme, Robert 112 Argenlieu, Georges d' 14 Arnold, Karl 182 Astier, Henri 38 Azaria, Pierre 61 Bahr, Egon 259,261 Bainville, Jacques 201 f. Bairoch, Paul 89,134 Barrère, Camille 237,239 f. Barbusse, Henri 185 Barrés, Maurice 168 Barthel, Walter 120 Bauer, Gustav 252 Bauer, Karl 213 Becker, Carl Heinrich 151-158 Beier-Red, Alfred 179 Bérard, Léon 166 Bérard, Victor 171 Berthelot, André 225 Berthelot, Philippe 15,225,231 Bib (Georges Breitel) 187 Billotte, Pierre 265 Bing, Henry 183 Bismarck, Otto von 30,180,197,203 f., 234, 237 Blankenborn, Herbert 250 Bonin, Bogislaw von 275 Bouchez, Maurice 172 Boutmy, Emile 196 Bouvier, Beatrix 283 Bréal, Michel 146 Brecht, Bertolt 176 Bresciani-Turroni, Constantino 84 Briand, Aristide 15,73,129,189,225,231, 256 Brockdorff-Rantzau, Ulrich von 227 Broszat, Martin 283 Buber-Neumann, Margarete 121
Buisson, Ferdinand 146,148 Buretel de Chassy, Jacques 265,267, 280 Busse, Ernst 120 Cabrol, Raoul 185 f. Captivi, Georg von 37 Cayrol, Jean 121 Chagall, Marc 178 Chancel, Roger 185,187 Chassain de Marcilly, Henri 238,242 f. Clay, Lucius D. 87 Clemenceau, Georges 41,98 Clementis, Vlado 120 Cocteau, Jean 178 Coty, François 186 Dahlem, Franz 120 Daumier, Honoré 186 Daix, Pierre 121 Debré, Michel 20 De Dietrich 28 f., 34 f. Delporte, Christian 175 Dentz, Henri 278 Dirks, Walter 22 Dupeux, Louis 288 Effel, Jean 185 f. Ehrhardt, Hermann 274 Einstein, Albert 186 Erhard, Ludwig 85,91,134,141 Erzberger, Matthias 56 Fai vre, Abel 185,190 Ferry, Jules 148,151-155 Figi, Leopold 119,122 Fips (Philipp Rupprecht) 179 Foch, Fernand 267 Forain, Jean-Louis (Louis-Henri) François-Poncet, André 249 f. Frenay, Henri 110 Freycinet, Charles 228 Fröbel, Friedrich 148 f.
185
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Personenregister
Gambetta, Léon 196 Garvens, Oskar Theodor 180 Gassier (Henri-Paul Deyvaux-Gassier) 185 Gauck, Joachim 16 Gaulle, Charles de 16,18-21,113,263,271 f., 276 f. Girardet, Raoul 272 Giraud, Henri 277 Giraudoux, Jean 15 Goebbels, Joseph 179 Goldmann, Nahum 117 Gramont, Herzog von 197 Grandville (Ignace Isidore Gérard) 186 Gréard, Octave 148 f. Groener, Wilhelm 270 Grosz, George (Georg Ehrenfried Groß) 178,181-184,186,189 Guilac, Henri 185,192 Gulbransson, Olaf 182 Guizot, François 196 Haguenin, Emile 236,241 Hahmann, Wemer 180 Hahn, Kurt 147 Halder, Franz 266,271 Hausenstein, Wilhelm 250 Heartfield, John (Helmut Herzfeld) 178, 181 f., 184 Heine, Thomas Theodor 182,184 Hermann-Paul (Paul Hermann) 187 Herzfelde, Wieland (Wieland Herzfeld) 182 Hesnard, Oswald 232 Hess, Gerhard 212 Heusinger, Adolf 275 Heuss, Theodor 248,250 Hitler, Adolf 14,115,179,252 Ho Chi Minh 19 Hoesch, Leopold von 230,232 Hoffmann, Adolf 155 f. Holtz, Karl 181,191 Hörne, Alistair 263 Humboldt, Wilhelm von 157 Jacobi 28 Johnson, Arthur 180,190 Juel, Lisbet 181 Juppé, Alain 21 Kaelble, Hartmut 285 f. Kantorowicz, Hermann 252
Kapp, Wolfgang 269 f., 275 Karsen, Fritz 147 Kellogg, Frank 256 Kennedy, John F. 20 Keynes, John Maynard 70 Kielmansegg, Johann Adolf Graf von Kissinger, Henry 260 f. Koch-Gotha, Fritz 178 Koenig, Pierre 244,249 Kogon, Eugen 22 Kohl, Helmut 21 Kollwitz, Käthe 178,183,186 Konen, Heinrich 211 Krain, Willibald 181 Kravchenko, Victor 121 Kröller 57 Krutina, Edwin 107 Kuckzinski, Robert 56
275
Lattre de Tassigny, Jean de 273,277 Laurent, Charles 238 f. Le Boeuf, Edmond 197 Ledere, Philippe de Hautecloque 19,277 Leger, Alexis 232 Levy, Albert 55 Lévy, Paul 167 Lichtenberger, Henri 171 Lindloff, Hans 180 Lingner, Max 186 Litt, Theodor 159 Loewenfeld, Wilfried von 274 Loucheur, Louis 70 Lubersac, Guy de 72 Lüthy, Herbert 283 Lüttwitz, Walther Freiherr von 269 f., 275 Maizière, Ulrich de 275 Malle, Albert 44 Mammen, Jeanne 181,183 Mangin, Charles 267 Manhès, Frédéric 114 Mann, Klaus 126 Mann, Thomas 177,183 Mannheimer, Fritz 54-56 Margerie, Pierre de 232 Marin, Louis 98 Martel, André 276 f. Martin-Chauffier, Louis 121 Matejko, Theo 178 Mathis, Emile 29
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Personenregister Mayer, Wilhelm 238 Messmer, Pierre 277 Métivet, Luden 185,189 Michelet, Edmond 14-16,20 Millerand, Alexandre 238,241 f. Minder, Robert 171 Mjölnir (Hans Schweitzer) 179,184 Monnet, Jean 77,79,126,134,141 Mounier, Emmanuel 22 Müller, Adolf 229 Müller, Klaus-Jürgen 286 Münzenberg, Willi 178 f. Napoleon III. 201 f., 203 Naumann, General 20 Navarre, Henri 264 Netter 28 Nob (Marcel Noblet) 185,189 Oncken, Hermann 195,200-205 Oppenheim, Salomon 52 Paléologue, Maurice 225 Pallier, Raymond 187 Paul, Marcel 114 Paxton, Robert 273,276 Pechstein, Max 178 Pem, Paul 189,192 Pétain, Philippe 271 f., 277 Petersen, Peter 147 f. Petzina, Dietmar 84 Pichón, Stephen 237,239 Pieck, Wilhelm 120 Pinloche, A. 163 Piaton, René 278 Pleven, René 19 Poincaré, Raymond 15 f., 166,168 Pompidou, Georges 260 Poulbot, Francisque 187 Pouyer-Quertier, Auguste 30 Prittwitz, Friedrich von 230 Prost, Antoine 268 Ranke, Leopold von 194 Rathenau, Emil 40 f. Rathenau, Walther 40 f., 44,253 Richert, Hans 158 Roulleaux-Dugage, Baron (Georges, Henri M.C). 100
Roure, Rémy 121 Rousset, David 121 Rovan, Joseph 284 f. Rumschöttel, Hermann
175
Saint-Ogan, Alain 187 Schacht, Hjalmar 57,91 Schäffer, Fritz 117 Scheel, Walter 259 Scheidemann, Philipp 251 f. Schiller, Friedrich von 157 Schilling, Erich 182 Schleicher, Kurt von 270,273 Schlichter, Rudolf 178,181 Schneider, Franz 176 Schoenberner, Franz 184 Schubert, Carl von 229 f., 231 f. Schüler, Edmund 227,229 Schulz, Heinrich 147 f. Schulz, Wilhelm 182 Schumacher, Kurt 257 Schwander, Rudolf 40 Schweitzer, Charles 161 f., 170,173 Schwerin, Gerhard Graf von 275 Séailles, André 149 Seeckt, Hans von 268,270,272 Seifert, Willi 120 Sem (Georges Goursat) 185 Sennep (Jean Pennés) 185-187 Seydoux, Jacques 226 Siegfried, André 132 Siegfried, Jules 31 Simmel, Paul 178 Slansky, Rudolf 120 Sorel, Albert 195-200,203-205 Soupault, Ralph (Raphaël) 186 f. Speidel, Hans 275 Spranger, Eduard 158 Staël, Madame de 162,172 Stalin 115 Steinert, Willi 181 Stinnes, Hugo 72 Strauß, Franz-Joseph 117 Streicher, Julius 179 Stresemann, Gustav 73,91,129,189,229, 231,251-257,261 Sybel, Heinrich von 195,198 f. Tarbé de Saint-Hardouin, Jacques 244 f., 247 Thöny, Eduard 182
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Personenregister
Tocqueville, Alexis de 198 Treitschke, Heinrich von 179 Ulbricht, Walter Ungerer 35
Weizmann, Chaijim 115 Warburg, Paul 63-65 Weygand, Maxime 271 f. Wolf 28 Wolff, Theodor 181 Wronkow, Ludwig 179 f., 184
120 f.
Vermeil, Edmond 171 Viëtor, Wilhelm 165 Voltaire, François Marie Arouet de
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Zille, Heinrich
178,182 f., 186