Une diplomatie au cœur de l'histoire européenne: La France en Allemagne depuis 1871 / Diplomatie im Herzen der europäischen Geschichte: Frankreich in Deutschland seit 1871 3515118659, 9783515118651

L'histoire de la diplomatie française en Allemagne est un objet de recherche exceptionnellement riche. L'ambas

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French, German Pages 201 [206] Year 2017

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Table of contents :
SOMMAIRE / INHALTSVERZEICHNIS
AVANT-PROPOS
VORWORT
INTRODUCTION
EINLEITUNG
LA DIPLOMATIE FRANÇAISE EN ALLEMAGNE: OBJET DE RECHERCHE / DIE FRANZÖSISCHE DIPLOMATIE IN DEUTSCHLAND: STUDIENOBJEKT
« SE DEMANDER CHAQUE MATIN SI QUELQUE POUTRE CACHÉE NE VA PAS VOUS ÉCRASER LA TÊTE »
DIE FRANZÖSISCHE GESANDTSCHAFT IN MÜNCHEN IN DEN JAHREN DER WEIMARER REPUBLIK
LES ADMINISTRATIONS FRANÇAISES À BERLIN (1941–1945)
LE HAUT-COMMISSARIAT FRANÇAIS ET LA NOUVELLE ALLEMAGNE (1949–1955)
LES AMBASSADEURS DE FRANCE À BONN (1955–1999)
FORMEN UND SPEZIFISCHE HERAUSFORDERUNGEN FRANZÖSISCHER PRÄSENZ IN DER DDR
DAS FRANZÖSISCHE GENERALKONSULAT IN MÜNCHEN 1945–1980
UNE HISTOIRE DE LA MAISON DE FRANCE À BERLIN
SOUVENIRS ET RÉFLEXIONS DE QUATRE AMBASSADEURS DE FRANCE EN ALLEMAGNE / ERINNERUNGEN UND ÜBERLEGUNGEN VON VIER FRANZÖSISCHEN BOTSCHAFTERN IN DEUTSCHLAND
L’EUROPE DE MAASTRICHT : NAISSANCE ET VIEILLISSEMENT
ENTRETIEN AVEC MME JOËLLE TIMSIT, AMBASSADEURE DE FRANCE À BERLIN-EST (1986–1990)
BONN 1992–1993
SOUVENIRS D’UNE AMBASSADE RHÉNANE DISPARUE
RETOUR A BERLIN : L´AMBASSADE DE FRANCE EN ALLEMAGNE AUJOURD´HUI
INDEX / PERSONENREGISTER
LISTE DES CONTRIBUTEURS
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Une diplomatie au cœur de l'histoire européenne: La France en Allemagne depuis 1871 / Diplomatie im Herzen der europäischen Geschichte: Frankreich in Deutschland seit 1871
 3515118659, 9783515118651

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Geschichte Franz Steiner Verlag

h i s to r i s ch e m it te i lu ng en – b e i h e f t 1 0 1

Une diplomatie au cœur de l’histoire européenne / Diplomatie im Herzen der europäischen Geschichte La France en Allemagne depuis 1871 / Frankreich in Deutschland seit 1871 Édité par Marion Aballéa et Matthieu Osmont

Une diplomatie au cœur de l’histoire européenne / Diplomatie im Herzen der europäischen Geschichte Édité par Marion Aballéa et Matthieu Osmont

h i s to r i s c h e m it t e i lu ng e n – b e i h e f te Im Auftrage der Ranke-Gesellschaft. Vereinigung für Geschichte im öffentlichen Leben e.V. herausgegeben von Jürgen Elvert

Wissenschaftlicher Beirat: Winfried Baumgart, Michael Kißener, Ulrich Lappenküper, Ursula Lehmkuhl, Bea Lundt, Christoph Marx, Sönke Neitzel, Jutta Nowosadtko, Johannes Paulmann, Wolfram Pyta, Wolfgang Schmale, Reinhard Zöllner

Band 101

Une diplomatie au cœur de l’histoire européenne / Diplomatie im Herzen der europäischen Geschichte La France en Allemagne depuis 1871 / Frankreich in Deutschland seit 1871 Édité par Marion Aballéa et Matthieu Osmont

Franz Steiner Verlag

Publié avec le soutien de / Mit freundlicher Unterstützung des Instituts français Deutschland

Umschlagabbildung: Die Französische Botschaft in Berlin © Thomas Osmont Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek: Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. Dieses Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. © Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2017 Druck: Laupp & Göbel, Gomaringen Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier. Printed in Germany. ISBN 978-3-515-11865-1 (Print) ISBN 978-3-515-11866-8 (E-Book)

SOMMAIRE / INHALTSVERZEICHNIS

S.E. Philippe Étienne Avant-propos / Vorwort .................................................................................... 7 Marion Aballéa et Matthieu Osmont Introduction / Einleitung ................................................................................. 11 La diplomatie française en Allemagne : objet de recherche Die französische Diplomatie in Deutschland: Studienobjekt Marion Aballéa L’ambassade de France à Berlin, expérience de diplomatie en terrain hostile (1871–1933) ........................................................................ 29 Andrea Müller Die französische Gesandtschaft in München in den Jahren der Weimarer Republik ................................................................................... 45 Christian Brumter Les administrations françaises à Berlin (1941–1945) ..................................... 57 Françoise Berger Le haut-commissariat français et la nouvelle Allemagne (1949–1955) ......... 75 Matthieu Osmont Les ambassadeurs de France à Bonn (1955–1999) ......................................... 99 Christian Wenkel Formen und spezifische Herausforderungen französischer Präsenz in der DDR .................................................................................................... 117 Alexandra Scherrer Das Französische Generalkonsulat in München 1945–1980 ........................ 133 Jean-Pierre Ostertag Une histoire de la Maison de France à Berlin ............................................... 149

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Sommaire / Inhaltverzeichnis

Souvenirs et réfléxions de quatre ambassadeurs de France en Allemagne Erinnerungen und Überlegungen von vier französischen Botschaftern in Deutschland Serge Boidevaix L’Europe de Maastricht : Naissance et vieillissement .................................. 169 Joëlle Timsit Entretien avec Mme Joëlle Timsit, ambassadeure de France à Berlin-Est (1986–1990).............................................................................. 175 Bertrand Dufourcq Bonn 1992–1993 ........................................................................................... 183 François Scheer Souvenirs d’une ambassade rhénane disparue .............................................. 187 Retour à Berlin : l’ambassade de France en Allemagne aujourd’hui ........... 195 Index / Personenregister................................................................................ 197 Liste des contributeurs .................................................................................. 201

AVANT-PROPOS Cela a été pour moi un grand plaisir d’accueillir le 7 octobre 2016 à l’Ambassade de France à Berlin une journée d’étude consacrée à l’histoire de 150 ans de présence diplomatique française en Allemagne. L’ouvrage que vous avez entre les mains, résultat et prolongement de cette journée d’étude, tient les promesses que s’étaient faites les deux organisateurs, Marion Aballéa et Matthieu Osmont : faire connaître des lieux, des acteurs et des événements souvent peu connus du public, et apporter un regard nouveau, au plus près du métier et de l’action quotidienne, sur l’histoire diplomatique. Grâce également au témoignage de quatre anciens ambassadeurs, cet ouvrage est en vérité une histoire des diplomates autant qu’une histoire diplomatique : que leurs excellences soient ici remerciées de leur contribution. Je voudrais aussi remercier les institutions ayant permis la tenue de la journée d’études : je pense particulièrement à l’Institut français d’Allemagne, à l’Université de Strasbourg, au centre Marc Bloch de Berlin, au groupe de recherches interdisciplinaires « Dynamiques européennes » et bien sûr aux services de l’Ambassade qui ont accueilli les intervenants. Je salue enfin tous les scientifiques pour leur participation et pour leur intérêt pour l’action de mes illustres prédécesseurs. L’intérêt que je porte au sujet a une composante très personnelle, non pas seulement en tant qu’Ambassadeur de la France en Allemagne de 2014 à 2017, mais aussi parce que j’ai été entre 1985 et 1987 premier secrétaire à Bonn, et que j’ai donc eu un aperçu direct de ce qu’était la diplomatie française en Allemagne avant la chute du mur. J’ai été très heureux de pouvoir partager cette expérience lors de la journée du 7 octobre et d’échanger sur ce qu’est la diplomatie française en Allemagne aujourd’hui, et sur ce que je souhaite et espère qu’elle sera demain. L’histoire de la diplomatie française en Allemagne est, de fait, un thème particulièrement riche : les premières relations diplomatiques entre la France et des États allemands remontent au XVIIe siècle et des personnalités aussi brillantes que Châteaubriand, au début du XIXe siècle, ont représenté la France à Berlin. L’Ambassade actuelle est située sur le lieu de l’hôtel particulier acquis par Napoléon III en 1860, à la prestigieuse adresse Pariser Platz 5, au cœur de Berlin. C’est ce bâtiment qui servira, onze ans plus tard, d’Ambassade de France auprès de l’Empire allemand unifié en 1871 après la victoire prussienne : c’est le début de cette histoire qui fait l’objet de cet ouvrage. Les descriptions de l’ambiance qui régnait entre le gouvernement allemand et les diplomates français avant la Première Guerre mondiale, et encore plus entre les deux guerres, sont édifiantes. On a peine à imaginer aujourd’hui ce que signifie concrètement, pour les diplomates, le statut de représentant de l’ « ennemi héréditaire », comme le voulait l’expression de l’époque : entre méfiance, isolement, et

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même menaces physiques sous la République de Weimar et sous le troisième Reich, la situation des diplomates français n’était pas enviable. L’ouvrage montre aussi combien, même après 1945, les relations ont été longues à se normaliser : il a fallu toute l’énergie des gouvernements et de leurs relais en Allemagne pour transformer des relations marquées par l’animosité et le ressentiment. On doit ici saluer l’action du Ministre des Affaires étrangères Robert Schuman, et bien sûr les signataires du traité de l’Élysée, le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer. Enfin, on mesure la chance de vivre et de travailler dans un Berlin uni et libre en redécouvrant l’action de la France à Berlin-Est et dans la zone d’occupation française au Nord de Berlin. Comme beaucoup de bâtiments historiques, l’Ambassade de France a été détruite pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’il en restait a ensuite été rasé, l’Ambassade étant situé dans le « no man’s land » des installations frontalières du Mur de Berlin, côté Est. Lorsque la décision a été prise de transférer la capitale de l’Allemagne unifiée de Bonn à Berlin, l’emplacement a été rendu à la France qui y a construit le bâtiment actuel, conçu par Christian de Portzamparc et terminé en 2002. Celui-ci se veut digne de sa prestigieuse adresse, à proximité immédiate de la porte de Brandebourg, tout en donnant une image moderne de la France. Il se veut également l’Ambassade de l’amitié entre les deux pays, France et Allemagne, à l’heure où le projet européen et le couple franco-allemand ont plus que jamais besoin de l’engagement et de l’enthousiasme de tous. Au-delà de son très grand intérêt scientifique et historique, et du véritable renouvellement qu’il apporte, je souhaite que cet ouvrage soit un rappel du chemin parcouru par ces deux pays et de la nécessité cruciale de leur coopération, aujourd’hui encore, pour une Europe démocratique et en paix. Philippe Étienne Ambassadeur de France en Allemagne (2014–2017)

VORWORT Es war mir ein großes Vergnügen, am 7. Oktober 2016 in der Französischen Botschaft in Berlin einen Studientag zur 150-jährigen Geschichte der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland zu empfangen. Das Werk, das Sie in Ihren Händen halten und das sowohl das Ergebnis als auch die Fortsetzung dieses Studientages darstellt, hält die Versprechen, welche sich die beiden Organisatoren, Marion Aballéa und Matthieu Osmont, gegeben haben: einerseits Orte, Personen und Ereignisse bekannt zu machen, die der Öffentlichkeit oft weniger bekannt sind, und andererseits eine neue Sichtweise auf die diplomatische Geschichte zu geben, die sich nah am Beruf des Botschafters und seiner alltäglichen Arbeit orientiert. Ein großer Dank gilt ebenfalls den vier ehemaligen Botschaftern, die uns als Zeitzeugen wertvolle Informationen geliefert haben. Dieses Werk ist somit ebenso eine Geschichte der Diplomaten wie eine Diplomatiegeschichte: Es sei an dieser Stelle für die hervorragende Qualität ihrer Beiträge gedankt. Ich möchte mich ebenso bei den Institutionen bedanken, die das Abhalten des Studientages ermöglichten: Insbesondere denke ich dabei an das Institut français Deutschland, an die Universität Straßburg, an das Centre Marc Bloch in Berlin, an die interdisziplinäre Forschungsgruppe « Dynamiques européennes » und selbstverständlich an die Bediensteten der Botschaft, die die Beteiligten empfangen haben. Schließlich möchte ich alle Wissenschaftler für ihre Beteiligung und für ihr Interesse an der Tätigkeit meiner verehrten Vorgänger würdigen. Mein Interesse an diesem Thema hat eine sehr persönliche Komponente. Nicht nur wegen meiner Tätigkeit als französischer Botschafter von 2014 bis 2017 in Deutschland, sondern auch deshalb, weil ich zwischen 1985 und 1987 als Erster Sekretär in Bonn tätig war und damit einen direkten Einblick bekommen konnte, was die französische Diplomatie in Deutschland vor dem Mauerfall ausmachte. Ich war sehr glücklich, diese Erfahrung im Rahmen des Studientages vom 7. Oktober teilen zu können und sich darüber auszutauschen, was die französische Diplomatie heutzutage in Deutschland ausmacht und darüber, was sie nach meinen Wünschen und Hoffnungen ausmachen wird. Die Geschichte der französischen Diplomatie in Deutschland ist tatsächlich ein außerordentlich reicher Forschungsgegenstand: Die ersten diplomatischen Beziehungen zwischen Frankreich und den deutschen Kleinstaaten reichen bis ins 17. Jahrhundert zurück und zu Beginn des 19. Jahrhunderts haben solch brillante Persönlichkeiten wie Chateaubriand Frankreich in Berlin vertreten. Die gegenwärtige Botschaft befindet sich am Ort dieses besonderen Anwesens, das 1860 von Napoleon III. erworben wurde: an dessen prominenter Adresse, dem „Pariser Platz 5“,

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im Herzen Berlins. Es ist dieses Gebäude, das elf Jahre später als französische Botschaft im Deutschen Reich, das 1871 nach dem Sieg Preußens vereint wurde, dient: Es ist der Beginn dieser Geschichte, die den Gegenstand dieses Werks ausmacht. Die Beschreibungen der Stimmung, die zwischen der deutschen Regierung und den französischen Diplomaten vor dem Ersten Weltkrieg herrschte (und mehr noch zwischen den beiden Weltkriegen), sind beispielhaft. Man hat Schwierigkeiten, sich vorzustellen, was der Status als Vertreter des „Erbfeindes“, wie es die damalige Ausdrucksweise wollte, konkret für die Diplomaten bedeutete: Zwischen Misstrauen, Isolierung und sogar körperlicher Drohungen unter der Weimarer Republik und dem Dritten Reich war die Situation der französischen Diplomaten nicht beneidenswert. Das Werk zeigt auch, wie viel Zeit es sogar noch nach 1945 brauchte, bis sich die Beziehungen normalisiert hatten: Es benötigte alle Energie der Regierungen und ihrer Vermittler in Deutschland, um die von Feindseligkeit und Groll geprägten Beziehungen umzugestalten. Hier gilt es, das Vorgehen des Außenministers, Robert Schuman, und natürlich die Unterzeichner des Élysée-Vertrags, General de Gaulle und Kanzler Konrad Adenauer, zu würdigen. Schließlich bewerten wir das Glück in einem vereinten, freien Berlin, leben und arbeiten zu können, im Wiederentdecken des Wirkens Frankreichs in Ost-Berlin und in der französischen Besatzungszone im Norden Berlins. Wie so viele historische Gebäude, wurde auch die französische Botschaft während des Zweiten Weltkrieges zerstört. Das, was davon übrig blieb, wurde anschließend dem Erdboden gleich gemacht. Die Botschaft befand sich dabei im Niemandsland der Grenzanlagen der Berliner Mauer, auf östlicher Seite. Nachdem die Entscheidung getroffen worden war, die Hauptstadt des vereinigten Deutschlands von Bonn nach Berlin zu verlegen, wurde der Standort an Frankreich zurückgegeben, das daraufhin dort das aktuelle Gebäude errichten ließ, das von Christian Portzamparc entworfen und 2002 fertiggestellt wurde. Dieses erhebt den Anspruch, seiner namhaften Adresse in unmittelbarer Nähe zum Brandenburger Tor würdig zu sein und vermittelt dabei gleichzeitig ein modernes Bild Frankreichs. Es gibt sich auch als Botschaft der Freundschaft zwischen beiden Ländern, Frankreich und Deutschland, in einer Zeit, in der das europäische Projekt und das deutsch-französische Tandem meh als je zuvor Engagement und Begeisterung aller benötigt. Ich wünsche mir, dass dieses Werk zusätzlich zu dem enormen wissenschaftlichen und historischen Interesse und der wahrhaften Erneuerung, die es mit sich bringt, eine Erinnerung an den von beiden Ländern durchlaufenden Weg und von der entscheidenden Notwendigkeit ihrer Zusammenarbeit darstellt, die auch heute noch für ein demokratisches und friedliches Europa grundlegend ist. Philippe Étienne Französische Botschafter in Deutschland (2014–2017)

INTRODUCTION Marion Aballéa et Matthieu Osmont Longtemps décriée, l’histoire diplomatique connaît depuis une vingtaine d’années un renouveau remarquable, qui s’affirme, tant en Europe que dans le reste du monde, comme une forme de réhabilitation. Devenue « histoire de la diplomatie », ou « new diplomatic history » dans le monde anglo-saxon, elle a vu ses objets d’étude s’élargir bien au-delà de la seule négociation minute par minute des traités, ou des comportements d’un corps à l’image figée, à grand renfort de clichés, dans une posture souvent parasitaire. Enrichie des apports de l’histoire culturelle, de l’histoire sociale, voire de l’anthropologie, elle s’est affirmée comme l’histoire complexe d’hommes – et plus tardivement de femmes – que leur vocation professionnelle plaçait, par définition, au cœur des relations internationales. Le présent ouvrage, résultat et prolongement d’une journée d’étude organisée à l’ambassade de France à Berlin le 7 octobre 2016, s’inscrit pleinement dans ce renouveau épistémologique, tout en resserrant les questionnements sur un terrain précis. Au travers de contributions balayant presque un siècle et demi d’histoire, il vise à éclairer le sens de la présence diplomatique française en Allemagne à la période contemporaine. Depuis 1862, où la légation du Second Empire en Prusse est élevée au rang d’ambassade, puis 1872, où la première « Ambassade de France en Allemagne » ouvre officiellement ses portes, la relation franco-allemande a été portée et accompagnée par une présence diplomatique française à la fois dense et mouvante chez le voisin allemand. Il ne s’agira pas alors ici d’écrire une histoire diplomatique de cette relation, mais d’interroger la manière dont on vit et dont on met en œuvre la diplomatie lorsque l’on est un agent français envoyé outre-Rhin, de questionner le rapport entre la relation franco-allemande et la pratique de la diplomatie, et par extension la place que prend la diplomatie dans cette relation. À l’image de la journée d’octobre 2016 qui avait été pensée comme un moment d’échange entre chercheurs et praticiens, le présent ouvrage rassemble huit contributions d’historiens, français et allemands, explorant différents terrains et différentes périodes de la présence diplomatique française en Allemagne, et les témoignages de quatre grands acteurs, ambassadeurs de France à Bonn ou Berlin-Est à l’heure où se tournait la page du XXe siècle et où l’Allemagne connaissait les bouleversements de la chute du Mur, puis de la réunification. Nous sommes particulièrement heureux d’avoir pu donner toute sa place dans ce livre à ce dialogue nécessaire et fructueux, qui souligne à nos yeux la grande complémentarité des approches. Quels que soient leur nature, leur objet ou leur auteur, chacun des textes apporte en effet sa part de réponse à une même question : la relation, souvent tourmentée mais incontestablement « particulière » qu’ont entretenue la France et l’Allemagne depuis 150 ans, a-t-elle façonné, chez les émissaires français en mission

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auprès du voisin germanique, des manières spécifiques de vivre et de pratiquer la diplomatie ? L’histoire contemporaine de la diplomatie française en Allemagne eut pour point de départ un naufrage retentissant : celui de l’ambassade berlinoise du comte Benedetti, achevée à l’été 1870 sur le fiasco de la Dépêche d’Ems précipitant la France vers la guerre et la défaite. Elle se construisit ensuite, successivement, dans une immersion chez celui qui était vu, par le peuple comme par le gouvernement français, comme son principal ennemi ; puis chez celui qui devint bruyamment célébré comme son principal ami. Les deux postures bouleversaient l’expérience des émissaires français. L’une comme l’autre interrogeaient le fondement et l’utilité même de la diplomatie de résidence. Servait-elle encore à quelque chose alors que l’adversité entre le pays d’envoi et le pays d’accueil était pensée comme indépassable, qu’il n’y avait rien à espérer d’eux et qu’on ne cherchait en rien un rapprochement ? Au tournant du XXe siècle, à la tête du Quai d’Orsay, Delcassé affirme sans ménagement l’inutilité totale de l’ambassade berlinoise... Mais à l’inverse, avait-elle plus d’utilité lorsque l’amitié entre les pays qu’elle reliait était célébrée comme un acquis, lorsqu’on pouvait se parler sans la médiation de l’artifice diplomatique, et que la relation paraissait si harmonieuse qu’il ne semblait plus y avoir de différend à apaiser ? « La relation franco-allemande se porte si bien que l’on pourrait se demander à quoi cela sert d’avoir des ambassadeurs à Bonn et à Paris » déclarait ironiquement François Seydoux, alors ambassadeur à Bonn, en 1960 à l’hebdomadaire Der Spiegel. Adversité et amitié, qui marquent presque sans transition la relation francoallemande depuis 1870, seraient ainsi deux pôles opposés rendant la diplomatie de résidence également inutile ? Elles bouleversent en tout cas le sens de l’immersion diplomatique : l’expérience quotidienne des émissaires français dans leur environnement allemand tout autant que le contact – politique mais aussi culturel – qu’implique par définition cette diplomatie. Dispositif diplomatique français en Allemagne Le dispositif diplomatique français en Allemagne a été pensé, depuis 150 ans, pour répondre à ces défis. Il repose avant tout sur une permanence remarquable : le balancement entre la multiplicité des lieux de la présence française d’un côté, et la place particulière occupée par Berlin, et plus particulièrement par l’adresse historique Pariser Platz 5, de l’autre, dans un réseau et une histoire mouvants et complexes. Le retour de l’ambassade, en 2003, sur le site qu’elle avait abandonné en 1939, souligne la force symbolique cette adresse et la continuité historique qui s’y rattache. Dans le texte qui ouvre ce livre, Marion Aballéa nous rappelle que là où s’élève aujourd’hui l’ambassade de l’amitié franco-allemande se dressait de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930 une ambassade de l’adversité, qui réservait bien des pièges à ses agents. Le retour Pariser Platz rappelle aussi l’enjeu spécifique qu’a constitué Berlin, durant plus d’un siècle, pour la diplomatie française : après

Introduction

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la première période, glorieuse si ce n’est dorée, de la Pariser Platz, le relais fut pris dès 1949 par les hauts-commissaires français à Bonn, endossant en même temps que ce titre les fonctions de haut-commissaire à Berlin ; puis par le travail du Quai d’Orsay pour revenir à Berlin-Est, concrétisé dans les années 1970 par l’ouverture d’une nouvelle ambassade, sur les Linden, à quelques centaines de mètres seulement du vieil hôtel de France dont ce qui avait survécu aux bombardements de 1945 avait été entre temps rasé. Cette polarisation se combina toutefois toujours avec la multiplicité des lieux et la diversité des formes de la présence diplomatique française en Allemagne. La longue prétention du Quai d’Orsay à se faire accréditer auprès des cours puis des gouvernements secondaires du Reich, son insistance à maintenir jusqu’au milieu des années 1930 une légation à Munich, son choix durable d’entretenir, des rives du Rhin à la Prusse orientale, un très dense réseau consulaire, l’obligation dans laquelle il se trouva pendant la Guerre froide d’ouvrir deux ambassades à Bonn et à Berlin-Est, ou l’effort qu’il fit pour déployer une diplomatie culturelle reposant sur la multiplication des centres et instituts français nourrirent cette soif d’ubiquité. Laissant place à des interprétations radicalement divergentes – et sans doute également vraies selon les périodes : effort d’adaptation au fédéralisme germanique, ou volonté d’exploiter sur le terrain la faille que représentaient les particularismes allemands ? Se penchant sur la légation française à Munich sous la République de Weimar, ouverte par le Quai d’Orsay en contradiction à la fois avec la constitution du Reich, le gouvernement de Berlin et les autorités bavaroises, Andrea Müller éclaire un épisode éloquent où la seconde logique paraît, du moins dans les premières années, très nettement l’emporter. D’importantes ruptures historiques contribuèrent également à façonner le réseau français en Allemagne. À commencer, évidemment, par les deux guerres mondiales, qui entraînèrent la rupture des relations diplomatiques entre la France et l’Allemagne, et donc la fermeture des consulats comme de l’ambassade berlinoise. Les deux conflits viennent ainsi briser la linéarité de cette histoire. Sans que la coupure soit totale pourtant : durant la Première Guerre mondiale, le consul Grégorie, placé sous l’autorité et la protection de l’ambassade d’Espagne, était demeuré dans les murs de l’ambassade de la Pariser Platz pour veiller aux intérêts français ; durant la Seconde, la France de Vichy, vaincue par l’Allemagne et n’ayant pas signé de traité de paix, est pourtant représentée dans le Reich par une administration dont la contribution de Christian Brumter souligne le caractère à la fois inédit et pour le moins problématique du point de vue du droit international. La défaite de l’Allemagne nationale-socialiste consommée, l’installation du régime d’occupation interalliée débouche pour la France sur une forme d’expérience diplomatique tout aussi inédite, sur laquelle revient Françoise Berger : de 1949 à 1955, le haut-commissariat français en Allemagne fut le moment de mise en œuvre d’une diplomatie transitionnelle, entre état de guerre et état de paix. Son action s’inscrivait déjà dans le contexte de la division politique de l’Allemagne qui, jusqu’en 1990, devait constituer l’autre bouleversement majeur de la représentation diplomatique française, dont il entraîna un dédoublement asymétrique : deux ambassades, à la tête de deux réseaux, installées dans des chronologies

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différentes et n’ayant jamais joui du même statut. Matthieu Osmont présente l’ambassade ouverte à Bonn en 1955 : si les hommes qui la dirigent l’inscrivent dans une forte continuité avec l’ambassade berlinoise d’avant-guerre, elle s’affirme vite, à l’inverse d’elle, comme l’ambassade de la réconciliation. Christian Wenkel nous rappelle en revanche qu’il fallut attendre 1973 pour voir l’ouverture d’une ambassade française à Berlin-Est, et que celle-ci ne fut jamais une ambassade « en » République démocratique allemande, mais « près » cette république ; une nuance de poids... Acteurs et pratiques Comment fut incarnée et mise en œuvre la diplomatie inscrite dans ce dispositif complexe ? Répondre à cette question amène à glisser des lieux aux acteurs : qui furent les hommes et les femmes envoyés représenter la France en Allemagne ? Les ambassadeurs et leurs équipes constituent évidemment les figures les plus visibles. De la Pariser Platz à la Pariser Platz en passant par Bonn et Berlin-Est, les différentes ambassades connurent une inflation continue de leur personnel, multipliant les effectifs par plus de 20 en 150 ans – d’une douzaine d’agents dans les années 1870 à près de 300 agents aujourd’hui. Cette croissance eut une conséquence décisive et relativement précoce : dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, le monopole diplomatique, auquel on s’était accroché en Allemagne plus qu’ailleurs, est définitivement rompu, et à la fin des années 1920, les diplomates sont devenus minoritaires dans le personnel de l’ambassade. Ils le resteront dans toutes ses déclinaisons, jusqu’aujourd’hui. À côté, en collaboration et parfois en concurrence avec le personnel de l’ambassade, les consuls français en Allemagne font vivre depuis le XIXe siècle un des réseaux consulaires les plus importants de la diplomatie française, héritier des légations accréditées avant 1870 dans les différents États allemands. L’histoire de ce réseau et de certains de ses principaux postes – à l’image du très actif consulat général à Hambourg, ville portuaire jouissant à ce titre d’une longue tradition consulaire – reste encore largement à écrire. L’étude du poste munichois entre 1945 et 1980 que nous livre Alexandra Scherrer n’en apparaît que plus précieuse : elle montre la diversité et la spécificité du travail consulaire à l’heure de la réconciliation franco-allemande, tout en le replaçant dans le contexte d’une relation francobavaroise à l’histoire séculaire. Mais, si ambassade(s) et consulats constituent les deux faces classiques de la représentation diplomatique à l’étranger, une des spécificités de la présence française en Allemagne sur la durée réside sans doute dans le fait qu’elle ne se limita que rarement à ce diptyque. Avec l’administration vichyste comme avec le hautcommissariat, elle développa, on l’a dit, des formes inédites de représentation, démontrant le flou qui entoure, dans des circonstances exceptionnelles, la qualification d’une « action diplomatique ». Dans des temps moins troublés, elle a multiplié les figures de ses représentants : à travers l’exemple de la Maison de France de

Introduction

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Berlin, Jean-Pierre Ostertag revient ainsi sur une diplomatie culturelle qui trouva en Allemagne, jusqu’aujourd’hui, un terrain d’éclosion particulièrement fertile. Cette multiplicité des formes et des figures pose in fine la question des missions dévolues aux émissaires diplomatiques français en Allemagne. Le célèbre triptyque représentation / négociation / information couvre-t-il l’ensemble de leur action ? Comment est-il mis en œuvre sur les différents terrains outre-Rhin ? Il importe ici de toucher au quotidien des agents, à la « cuisine interne » du fonctionnement de chaque poste, pour tenter de saisir ce qui caractérise l’expérience d’expatriation de chacun, diplomate ou assimilé, jeune secrétaire en début de carrière ou ambassadeur expérimenté... Chacune des contributions présentées dans ce livre souligne les colorations très différentes que put revêtir ce quotidien. Partout, il fut marqué par la qualité du contact avec le pays d’accueil, c’est-àdire à la fois avec les autorités locales et avec la population allemande. Le dialogue avec les premières est par nature politique, et dès lors étroitement dépendant du climat de la relation franco-allemande dans lequel il s’inscrit ; mais il est aussi, à toutes les époques, l’occasion d’un échange interculturel, avec son corollaire d’ignorance réciproque et de malentendus à surmonter pour rendre la discussion possible. Quant au contact avec la société d’accueil, il imprègne les souvenirs de tous ceux qui ont exercé une mission en Allemagne. L’immersion en pays « ennemi » ou « ami » a construit des expériences individuelles contrastées ; au-delà de la vie quotidienne des individus, son influence sur le travail diplomatique doit être questionnée. Pour les diplomates français en Allemagne, l’impératif de sécurité vint ainsi précocement contredire les velléités d’une ouverture croissante sur la société allemande, posant avant l’heure un dilemme auquel l’ensemble des représentations diplomatiques de la planète allait devoir se confronter. Diplomatie française en Allemagne et politique allemande de la France Reste à interroger l’articulation entre la présence diplomatique française en Allemagne et la définition, sur la durée, de la politique allemande de la France. Dans quelle mesure les hommes que le Quai d’Orsay envoyait outre-Rhin ont-ils pesé sur la vision qui s’imposait, en France, de la relation franco-allemande ? Depuis le milieu du XIXe siècle au moins – c’est-à-dire depuis l’apparition du télégraphe – les diplomates en résidence à l’étranger, partout sur la planète, se plaignent du « syndrome de la boîte-aux-lettres » : ils seraient devenus des facteurs de luxe. Les émissaires français en Allemagne – même ceux que la mémoire diplomatique a retenus comme des figures d’influence, à l’image d’un Jules Cambon avant la Première Guerre mondiale ou d’un André François-Poncet de part et d’autre de la Seconde – n’échappent pas à cette complainte de la dépossession qui fantasme systématiquement un passé consacrant l’influence des « grands ambassadeurs ». Quelle réalité derrière ce discours convenu ? Y-eut-il effectivement un âge d’or des diplomates en Allemagne murmurant à l’oreille des ministres, voire des présidents, ou une telle nostalgie relève-t-elle du mythe ? Si Françoise Berger souligne l’audience dont bénéficiait le haut-commissaire François-Poncet à Paris au tournant des années 1950,

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Matthieu Osmont, s’intéressant à une ambassade rhénane pourtant à bien des égards héritière du haut-commissariat, conclut plutôt à l’autonomie d’une ligne parisienne sur laquelle les résidents d’Ernich avaient une influence très variable selon les ambassadeurs en poste. Les témoignages de Joëlle Timsit, Serge Boidevaix, Bertrand Dufourcq et François Scheer, faisant écho à des réflexions que leurs devanciers développaient déjà il y a plus d’un siècle, posent finalement la même question ; il est significatif de voir que, comme les historiens qui s’expriment dans ce livre, ils y apportent des réponses sensiblement différentes, peut-être liées aux circonstances différentes dans lesquelles ils ont exercé leur mission. Ces témoignages soulignent en tout cas la convergence des questionnements réflexifs entre praticiens et chercheurs. Ils donnent surtout vie et chair à des expériences que l’historien ne pénètre, par définition, que par procuration. Nous ne pourrions dès lors conclure cette introduction sans dire toute notre reconnaissance à ces quatre témoins privilégiés qui ont, dès ses premières heures, considéré notre projet avec bienveillance, honoré de leur présence et éclairé de leurs souvenirs et de leurs analyses la journée du 7 octobre 2016, et accepté de prendre la plume pour poser sur le papier les réflexions que leur inspirait, avec quelques années de recul, leur expérience de diplomatie en Allemagne. Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés. Leur héritier direct, l’ambassadeur de France à Berlin, S.E Philippe Étienne, est à bien des égards celui qui a rendu possible ce travail, tant par l’intérêt personnel qu’il y portait que par le soutien matériel qu’il y apporta. Il a d’abord permis à nos travaux de se dérouler dans le cadre qui leur était à la fois le plus naturel et le plus signifiant : nous pûmes grâce à lui échanger dans la nouvelle ambassade de la Pariser Platz, entourés des fantômes de certains de ceux que nous évoquions. Il soutint ensuite la publication de cet ouvrage et accepta d’en rédiger l’avant-propos. Nous en sommes à la fois honorés et profondément reconnaissants. Nos remerciements vont aussi à tous ceux et celles qui ont soutenu et rendu possible notre voyage diplomatique franco-allemand. Les professeurs Sylvain Schirmann et Maurice Vaïsse l’ont accompagné de leur bienveillance et de leur expertise, tant lors de la journée d’étude que dans la mise en œuvre de cette publication. Le Centre Marc Bloch à Berlin et le service de coopération universitaire de l’ambassade de France à Berlin n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire de la journée du 7 octobre un succès. Quant au laboratoire « Dynamiques Européennes » de l’Université de Strasbourg (UMR 7367), il a apporté à ce chantier un soutien financier sans lequel il n’aurait pu voir le jour. Nous voulons, enfin, adresser nos plus vifs remerciements à tous les contributeurs de cet ouvrage, chercheurs comme diplomates, qui se sont pliés aux exigences de la publication, et ont répondu avec patience à nos nombreuses sollicitations depuis plus d’un an. Ils ont pu enrichir leurs réflexions des échanges que le public, venu en nombre à l’ambassade, avait nourris. Il ne nous reste alors qu’à espérer que les lecteurs de ce livre prolongent ce dialogue, et s’emparent à leur tour de l’histoire

Introduction

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que nous n’avons ici qu’esquissée : une histoire de la présence diplomatique française en Allemagne qui est aussi, à bien des égards, une histoire, bien vivante, de l’Europe contemporaine.

EINLEITUNG Marion Aballéa et Matthieu Osmont Lange verunglimpft, erfährt die Diplomatiegeschichte seit etwa zwanzig Jahren ein bemerkenswertes Wiederaufleben, das sich ebenso in Europa wie im Rest der Welt unter der Form einer Rehabilitierung äußert. Im angelsächsischen Raum zur „Geschichte der Diplomatie“ oder „new diplomatic history“ geworden, hat sie miterlebt, wie sich ihr Studienobjekt über die einfache, minutengetreue Verhandlung von Verträgen oder der Erforschung des Verhaltens eines sich nicht verändernden, Klischees erfüllenden und aus einer parasitären Haltung agierenden Diplomatenkorps hinausentwickelte. Von den Beiträgen der Kulturgeschichte, Sozialgeschichte, ja sogar der Anthropologie, bereichert, hat sie sich als eine vielschichtige Geschichte der Männer gefestigt – und später der Frauen – deren berufliche Neigung sie per Definition ins Herz der internationalen Beziehungen stellt. Das vorliegende Werk ist das Resultat und die Fortsetzung des Studientages, der am 07. Oktober 2016 in der französischen Botschaft in Berlin organisiert wurde. Es folgt vollkommen dieser epistemologischen Erneuerung und möchte dabei die Fragestellungen auf einem präzisen Gebiet weiter eingrenzen. Anhand der Beiträge, die beinahe eineinhalb Jahrhunderte betreffen, zielt dieses Werk darauf ab, den Sinn der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland in der Gegenwart zu beleuchten. Seit 1862, als die Gesandtschaft des Zweiten Kaiserreichs in Preußen offiziell zum Rang einer Botschaft erhoben wurde und anschließend 1872, als die „Botschaft Frankreichs in Deutschland“ offiziell ihre Tore öffnet, wurden die deutsch-französischen Beziehungen von einer diplomatischen Präsenz Frankreichs getragen und begleitet, die zugleich komplex und unbeständig beim deutschen Nachbarn waren. Es geht im vorliegenden Werk also nicht darum, eine Diplomatiegeschichte dieser Beziehung zu schreiben, sondern darum, die Art und Weise davon zu hinterfragen, wie wir die Diplomatie als französische Vertreter, auf die andere Seite des Rheins geschickt, leben und umsetzen. Es gilt, Fragen bezüglich des Zusammenhangs zwischen der deutsch-französischen Beziehung und der Praxis der Diplomatie zu stellen und im weiteren Sinne danach zu fragen, welchen Platz die Diplomatie in dieser Beziehung einnimmt. Ganz genau so, wie der Studientag im Oktober 2016, der als Moment des Austausches von Forschern und Diplomaten konzipiert wurde, vereinigt das vorliegende Werk acht Beiträge von deutschen und französischen Historikern, die sich gründlich mit verschiedenen Gebieten und Perioden der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland befasst haben, sowie die Zeugnisse von vier großen Akteuren, nämlich der Botschafter Frankreichs in Bonn und Ost-Berlin zu dem Zeitpunkt, an dem sich das Blatt des 20. Jahrhunderts wendete und Deutschland

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grundlegende Veränderungen durch den Mauerfall und die Wiedervereinigung erfahren hat. Wir sind besonders glücklich, dass wir diesem notwendigen und fruchtbaren Dialog, der unserer Meinung nach die große Komplementarität der Ansätze unterstreicht, in diesem Buch seinen ganzen Raum geben konnten. Unabhängig seiner Natur, seines Forschungsgegenstandes oder seines Autors, trägt jeder Text seinen Teil zur Antwort derselben Frage bei: Hat die Beziehung, die seit 150 Jahren zwischen Frankreich und Deutschland unterhalten wird, und die oft Sorgen bereitete, aber unbestreitbar „besonders“ ist, bei den französischen Abgesandten im Dienst beim deutschen Nachbarn spezifische Art und Weisen geformt, die Diplomatie zu leben und zu praktizieren? Die zeitgenössische französische Diplomatie in Deutschland hatte ein Aufsehen erregendes Scheitern als Ausgangspunkt: das Scheitern der Berliner Botschaft des Grafen Benedetti, vollendet im Sommer 1870 mit dem Fiasko um die Emser Depesche, die Frankreich in den Krieg und die Niederlage stürzte. Sie hat sich im Folgenden sukzessive in einem Eintauchen in die Gesellschaft bei demjenigen manifestiert, der ebenso vom Volk wie von der französischen Regierung als wichtigster Feind betrachtet wurde; dann bei demjenigen, der lautstark als wichtigster Freund gefeiert wird. Diese beiden Haltungen veränderten die Erfahrung der französischen Abgesandten vollständig. Der eine wie der andere hinterfragte die Grundlagen und den Nutzen der Diplomatie mit permanentem Aufenthalt vor Ort selbst. War sie noch für irgendetwas zu gebrauchen während die Feindschaft zwischen dem Entsende- und Aufnahmeland als unüberbrückbar gedacht wurde, sodass von ihnen nichts zu erhoffen war und man nirgends eine Annäherung suchte? Um die Wende des 20. Jahrhunderts beteuert Delcassé, am Kopfe des französischen Außenministeriums, schonungslos die vollständige Nutzlosigkeit der Berliner Botschaft. Aber gab es umgekehrt mehr Nützlichkeit als zu dem Zeitpunkt, als die Freundschaft zwischen den Ländern, die sie verband, wie eine Errungenschaft gefeiert wurde, als man ohne die Schlichtung der diplomatischen Künstlichkeit miteinander sprechen konnte und die Beziehung so harmonisch erschien, dass es keine Streitigkeit zu beschwichtigen zu geben schien? „Das deutsch-französische Verhältnis ist so gut, dass man sich fragen könnte: Wozu brauchen wir in Bonn und Paris eigentlich Botschafter?“, fragte François Seydoux, Botschafter in Bonn, 1960 ironisch in der Wochenzeitschrift Der Spiegel. Feindschaft und Freundschaft prägen die deutsch-französische Beziehung seit 1870 fast ohne Übergang; wären dies somit zwei entgegengesetzte Pole, die die Diplomatie vor Ort ebenfalls nutzlos machen? Sie verändern zumindest den Sinn des diplomatischen Eintauchens in das Land grundlegend: Die alltägliche Erfahrung der französischen Gesandten in ihrem deutschen Umfeld ebenso wie ihr Kontakt – politisch sowie kulturell – der per Definition diese Diplomatie impliziert.

Einleitung

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Der diplomatische Apparat Frankreichs in Deutschland Der diplomatische Apparat Frankreichs in Deutschland wurde vor 150 Jahren erdacht, um auf diese Herausforderungen zu antworten. Er beruht vor allem auf einer bemerkenswerten Kontinuität. Die Ausgewogenheit der Vielzahl der Orte, an denen Frankreich präsent ist, einerseits und dem von Berlin eingenommenen besonderen Platz und insbesondere die historische Adresse des Pariser Platz 5 andererseits, in einem Gewirr und einer Geschichte, die beide unbeständig und komplex sind. Die Rückkehr der Botschaft im Jahre 2003 zu dem Ort, den sie 1939 aufgegeben hatte, unterstreicht die symbolische Kraft dieser Adresse und die historische Kontinuität, die daran gebunden ist. In dem Text, der dieses Buch eröffnet, erinnert uns Marion Aballéa daran, dass sich dort, wo sich heute die Botschaft der deutschfranzösischen Freundschaft erhebt, am Ende des 19. Jahrhunderts bis in der 1930er Jahre eine Botschaft der Feindschaft befand, die einige Fallen für ihre Bediensteten bereit hielt. Die Rückkehr zum Pariser Platz erinnert auch an die spezifische Herausforderung, die Berlin länger als ein Jahrhundert für die französische Diplomatie ausgemacht hat: Nach der ersten ruhmreichen, wenn nicht goldenen, Periode des Pariser Platzes, wurde diese Station ab 1949 von französischen Hohen Kommissaren in Bonn in Anspruch genommen, die darüber hinaus die Funktion als Hoher Kommissar in Berlin ausübten; später von den Anstrengen des französischen Außenministeriums, um nach Ost-Berlin zurückzukehren. Dies wurde in den 1970er Jahren durch die Eröffnung der neuen Botschaft bei den Linden konkretisiert, nur einige hundert Meter von der alten französischen Botschaft entfernt, bei dem das, was 1945 die Bombardierungen überstanden hatte, zwischenzeitlich dem Erdboden gleichgemacht wurde. Diese Polarisation verband sich jedoch mit der Vielfalt der Orte und der Vielfältigkeit der Formen der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland. Die lange Überheblichkeit des französischen Außenministeriums, sich am Hofe und später bei den Regierungen zweiten Ranges des Reichs zu akkreditieren, seine Beharrlichkeit, bis in die 1930er Jahre eine Gesandtschaft in München aufrechtzuerhalten, seine dauerhafte Wahl von den Ufern des Rheins bis ins östliche Preußen ein sehr dichtes konsularisches Netz zu unterhalten, die Verpflichtung, in der es sich befand, jeweils eine Botschaft in Bonn und Ost-Berlin während des Kalten Krieges zu eröffnen, oder der Aufwand, den es betrieb, um eine kulturelle Diplomatie einzusetzen, die auf der Vermehrung der französischen Zentren und Institute beruhte, stillte diesen allgegenwärtigen Durst. Aber lassen wir Raum für radikal abweichende Interpretationen – und zweifelsohne ebenso wahre, je nach gewähltem Zeitraum: War es die Bemühung, sich an den deutschen Föderalismus anzupassen, oder der Wille, die Schwachstelle auszunutzen, die die deutschen Partikularitäten repräsentieren? Sich mit der französischen Gesandtschaft in München, vom französischen Außenministerium geschaffen, unter der Weimarer Republik befassend, im Widerspruch mit der Verfassung des Reichs einerseits und der Regierung in Berlin und den bayrischen Autoritäten andererseits, beleuchtet Andrea Müller eine Episode, bei der die zweite Logik in Erscheinung tritt, zumindest war dies in den ersten Jahren unmissverständlich der Fall.

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Einige historisch bedeutsame Brüche trugen ebenfalls zu der Festigung des französischen Netzwerkes in Deutschland bei. Beginnend offensichtlich mit den beiden Weltkriegen, die den Abbruch der diplomatischen Beziehungen zwischen Deutschland und Frankreich zur Folge hatten, und damit die Schließung der Konsulate wie der Berliner Botschaft. Die beiden Konflikte zerstören damit die Linearität dieser Geschichte. Ohne, dass dieser Schnitt jedoch vollständig ist: Während des Ersten Weltkrieges bewohnt der Konsul Grégorie die Mauern der Botschaft des Pariser Platzes, um über die französischen Interessen zu wachen, während er sich unter dem Schutze und der Autorität der Botschaft Spaniens befindet; während des Zweiten Weltkrieges wurde das Frankreich Vichys, besiegt von Deutschland und ohne einen Friedensvertrag unterschrieben zu haben, jedoch im Reich von einer Administration repräsentiert, bezüglich welcher der Beitrag von Christian Brumter den einerseits ganz neuen und zumindest problematischen Charakter des Standpunktes des internationalen Rechts unterstreicht. Nach Eintreten der Niederlage des national-sozialistischen Deutschlands, führt die Errichtung der Regierung der alliierten Besatzungsmächte für Frankreich zu einer gänzlich neuen Form diplomatischer Erfahrung, auf die Françoise Berger eingeht: Von 1949 bis 1955 bot die Zeit der Hohen Kommission in Deutschland die Gelegenheit für das Einsetzen einer Übergangsdiplomatie zwischen Kriegs-und Friedenszustand. Seine Handlung war bereits im Kontext der politischen Teilung Deutschlands eingeschrieben, die bis 1990 die andere grundlegende Veränderung der diplomatischen Repräsentation Frankreichs ausmachte und dabei eine asymmetrische Spaltung zur Folge hatte: zwei Botschaften, am Kopfe zweier Netzwerke, eingebettet in verschiedene zeitliche Abfolgen und welche niemals denselben Status genossen. Matthieu Osmont stellt die 1955 in Bonn eröffnete Botschaft vor: Wenn die Männer, die sie führten, sich einer starken Kontinuität der Berliner Botschaft aus Vorkriegszeiten verschrieben, so behauptete sie sich schnell, im Gegensatz zur vorherigen als eine Botschaft der Versöhnung. Christian Wenkel erinnert uns andererseits daran, dass bis 1973 gewartet werden musste, bis eine französische Botschaft in Ost-Berlin eröffnet wurde und dass diese niemals eine Botschaft „in“ der Deutschen Demokratischen Republik war, sondern „nahe“ dieser Republik; ein nicht unbedeutendes Detail... Akteure und Praktiken Wie wurde die in diesen komplexen Apparat eingeschriebene Diplomatie verkörpert und umgesetzt? Um diese Frage zu beantworten, muss man von den Orten auf die Akteure zu sprechen kommen: Wer waren diese Männer und Frauen, die nach Deutschland entsandt wurden, um Frankreich zu repräsentieren? Die Botschafter und deren Stab machten dabei offensichtlich die sichtbarsten Persönlichkeiten aus. Vom Pariser Platz zum Pariser Platz, von Bonn nach OstBerlin, erfuhren die Botschaften eine unaufhörliche Zunahme ihres Personals. Dabei multiplizierte sich die Belegschaft innerhalb von 150 Jahren um den Faktor 20

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– von einem Dutzend Bediensteter in den 1870er Jahren auf ungefähr 300 heutzutage. Dieses Wachstum hatte eine entscheidende und relativ frühzeitige Konsequenz: Von der Zeit nach dem Ersten Weltkrieg an hat sich das diplomatische Monopol, an dem man sich in Deutschland mehr als anderswo festklammerte, endgültig aufgelöst. Ende der 1920er Jahre waren die Diplomaten daraufhin im Personalstab der Botschaft in der Minderheit. Sie bleiben es auch bis heute in all ihren Formen. Darüber hinaus, in Zusammenarbeit und manchmal in Konkurrenz mit dem Personal der Botschaft, rufen die französischen Konsuln in Frankreich seit dem 19. Jahrhundert eines der wichtigsten konsularischen Netzwerke der französischen Diplomatie ins Leben; beerbt von der bevollmächtigten Gesandtschaft in den verschiedenen deutschen Kleinstaaten vor 1870. Die Geschichte dieses Netzwerks und von einigen seiner wichtigsten diplomatischen Vertretungen, sowie des außerordentlich aktiven Generalkonsulats in Hamburg, der Hafenstadt, die in dieser Hinsicht eine lange konsularische Tradition genießt, bleibt noch zum Großteil zu schreiben. Die Studie der Münchener Vertretung zwischen 1945 und 1980, die uns Alexandra Scherrer bereitstellt, erscheint nur umso wertvoller: Sie zeigt die Vielfalt und die spezifische Besonderheit der konsularischen Arbeit zum Zeitpunkt der deutsch-französischen Versöhnung und sieht dies dabei im Kontext der jahrhundertealten Geschichte einer französisch-bayrischen Beziehung. Wenn aber die Botschaft(en) und Konsulate die beiden klassischen Seiten der diplomatischen Vertretung im Ausland darstellen, dann besteht eine Besonderheit der französischen Präsenz in Deutschland auf Dauer zweifelsfrei in der Tatsache, dass sie sich nur sehr selten auf dieses zweiteilige Bild beschränkte. Mit dem VichyRegime sowie der Hohen Kommission entwickelte sie, wie bereits erwähnt, neuartige Formen der Repräsentation und zeigt dabei in außergewöhnlichen Umständen die Verschwommenheit dessen auf, was als „diplomatische Handlung“ bezeichnet wird. In weniger unruhigen Zeiten, hat sie die Gesichter ihrer Vertreter vervielfacht: Anhand des Beispiels des Maison de France in Berlin kommt Jean-Pierre Ostertag auf eine kulturelle Diplomatie zurück, die in Deutschland bis zum heutigen Tage den Boden für ein besonders fruchtbares Erblühen fand. Diese Vielfalt an Formen und Persönlichkeiten stellt letztendlich die Frage nach den Aufgaben, die den diplomatischen Gesandten Frankreichs in Deutschland zukommen. Deckt das berühmte dreiteilige Bild der Vertretung / Verhandlung / Information die Gesamtheit ihrer Tätigkeit ab? Wie werden sie in den verschiedenen Gebieten Deutschlands umgesetzt? Es ist hier wichtig, sich mit dem Alltag der Bediensteten zu befassen, mit der „internen Küche“ der Funktionsweise jeder Vertretung, um zu versuchen, zu begreifen, was die Erfahrung der Emigration von einem jedem charakterisiert, ob Diplomat oder Assimilierter, junger Sekretär zu Beginn der Karriere oder erfahrener Botschafter. Jede der in diesem Buch vorgestellten Beiträge unterstreicht eine unterschiedliche Einfärbung, die dieser Alltag annehmen kann. Überall war er von der Qualität des Kontaktes mit dem Aufnahmeland geprägt, das heißt zugleich mit den lokalen Behörden und der deutschen Bevölkerung. Der

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Dialog mit den ersteren ist von Natur aus politisch und infolgedessen direkt abhängig von dem Klima der deutsch-französischen Beziehung, in die er eingeschrieben ist; aber er stellt ebenso zu allen Zeiten die Gelegenheit eines interkulturellen Austausches mit seiner gegenseitigen Konsequenz der Unwissenheit und den Missverständnissen, die es zu überwinden gilt, um das Gespräch zu ermöglichen, dar. Der Kontakt mit der Aufnahmegesellschaft seinerseits erfüllt die Erinnerung von all denen, die einen Dienst in Deutschland praktiziert haben. Das Eintauchen in das „Feindes- oder Freundesland“ hat miteinander kontrastierende Erfahrungen geschaffen; über das alltägliche Leben der Individuen hinaus soll der Einfluss auf die diplomatische Tätigkeit hinterfragt werden. Für die französischen Diplomaten in Deutschland hat das Gebot nach Sicherheit frühzeitig der wachsenden Anwandlung von Offenheit gegenüber der deutschen Gesellschaft widersprochen. Dies hat vorzeitig ein Dilemma dargestellt, mit dem sich die Gesamtheit aller weltweiten diplomatischen Vertretungen konfrontiert sehen musste. Französische Diplomatie in Deutschland und Deutschlandpolitik Frankreichs Damit bleibt das Zusammenspiel zwischen der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland und der dauerhaften Definition der Deutschlandpolitik Frankreichs zu hinterfragen. In welchem Ausmaß haben die vom französischen Außenministerium nach Deutschland entsandten Männer die Vision beeinflusst, die sich in Frankreich von den deutsch-französischen Beziehungen durchsetzte? Seit spätestens der Mitte des 19. Jahrhunderts, das heißt seit der Erfindung des Telegrafen, beschwerten sich alle im Ausland wohnhaften Diplomaten weltweit über das „BriefkastenSyndrom“: Sie seien zu Luxus-Briefträger geworden. Die französischen Gesandten in Deutschland – sogar diejenigen, die das Diplomatische Gedächtnis als einflussreiche Persönlichkeiten in Erinnerung behielt, wie etwa Jules Cambon vor dem Ersten Weltkrieg oder André François-Poncet vor und nach dem Zweiten Weltkrieg – entkommen diesem Klagelied der Enteignung nicht, das systematisch von einer Vergangenheit fantasiert, die sich dem Einfluss der „großen Botschafter“ widmet. Wie viel Realität steckt hinter diesem Standarddiskurs? Gab es wirklich ein goldenes Zeitalter der Diplomaten in Deutschland, in dem sie den Ministern, ja sogar den Präsidenten, ins Ohr flüsterten, oder stellt eine solche Nostalgie nur einen Mythos dar? Wenn Françoise Berger die Beachtung unterstreicht, die der Hohe Kommissar François-Poncet in Paris um die Wende der 1950er Jahre genießt, kommt Matthieu Osmont, sich für eine rheinische Botschaft interessierend, die jedoch in vielerlei Hinsicht die Hohe Kommission beerbt, zu dem Schluss einer Entscheidungshoheit der Pariser Regierung, auf die die Bewohner des Schlosses Ernich einen, je nach Botschafter im Dienst, unterschiedlichen Einfluss hatten. Die Zeitzeugenberichte von Joëlle Timsit, Serge Boidevaix, Bertrand Dufourcq und François Scheer, die an die Überlegungen anknüpfen, die ihre Vorgänger bereits vor über einem Jahrhundert entwickelten, stellen letztendlich dieselbe Frage; es ist von Bedeutung, zu sehen, dass sie, wie die Historiker, die in diesem Buch zu Wort kommen, deutlich unterschiedliche Antworten mitbringen. Das ist vielleicht

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an die unterschiedlichen Umstände gebunden, unter denen sie ihren Dienst ausübten. Diese Berichte unterstreichen in jedem Falle die Übereinstimmung der reflexiven Fragestellungen zwischen den Praktikern und Forschern. Sie geben vor allem den Erfahrungen Fleisch und Leben, die die Historiker per Definition nicht durchdringen, sondern ausschließlich indirekt stellvertretend erleben. Wir können infolgedessen diese Einleitung nicht abschließen, ohne all unsere Dankbarkeit gegenüber diesen vier idealen Zeitzeugen auszudrücken, die unser Projekt seit der ersten Stunde mit Wohlwollen bedacht haben, den Studientag vom 07. Oktober 2016 mit ihrer Anwesenheit geehrt und mit ihren Erinnerungen und Analysen erhellt haben und es akzeptierten, die Feder in die Hand zu nehmen, um ihre Betrachtungen zu Papier zu bringen, zu denen ihre Diplomatieerfahrung in Deutschland sie, mit einigen Jahren Abstand, inspirierte. Ihnen sei an dieser Stelle herzlich gedankt. Ihr direkter Nachfolger, S.E Philippe Étienne, Botschafter Frankreichs in Deutschland, ist in vielerlei Hinsicht derjenige, der diese Arbeit ermöglicht hat. Sowohl durch das persönliche Interesse, dass er mitbrachte, als auch durch die materielle Unterstützung, die er gewährte. Zunächst einmal ermöglichte er uns, dass wir unsere Arbeit in einem Umfeld durchführen konnten, das sowohl das naheliegendste, als auch das bedeutendste war: Wir konnten uns dank ihm in der neuen Botschaft am Pariser Platz, umgeben von den Geistern derer, die wir beschreiben, austauschen. Darüber hinaus förderte er die Veröffentlichung dieses Werkes und verfasste das Vorwort. Dadurch fühlen wir uns geehrt und sind ihm zutiefst dankbar. Unser Dank geht auch an all diejenigen, die unsere deutsch-französische diplomatische Reise unterstützt und ermöglicht haben. Die Professoren Sylvain Schirmann und Maurice Vaïsse haben sie mit ihrem Wohlwollen und ihrer Expertise sowohl im Rahmen des Studientages als auch bei der Umsetzung der Veröffentlichung begleitet. Das Centre Marc Bloch in Berlin und die Dienstelle für universitäre Zusammenarbeit der französischen Botschaft in Berlin haben keine Mühen gescheut, um den Studientag vom 07. Oktober einen Erfolg werden zu lassen. Was das Forschungszentrum „Dynamiques Européennes“ der Universität Straßburg betrifft, so hätte dieses Projekt ohne deren finanzielle Unterstützung nicht das Licht der Welt erblicken können. Wir möchten schließlich unseren größten Dank an all diejenigen Mitwirkenden, Forscher und Diplomaten dieses Werkes richten, die sich den Anforderungen dieser Veröffentlichung gefügt und unseren zahlreichen Gesuchen seit über einem Jahr mit Geduld geantwortet haben. Sie konnten ihre Reflexionen durch die Austausche bereichern, die die Besucher, die zahlreich zur Botschaft kamen, genährt haben. Es bleibt uns nur zu hoffen, dass die Leser dieses Buches den Dialog fortsetzen und sich der Geschichte annehmen, die wir hier skizziert haben: Eine Geschichte der diplomatischen Präsenz Frankreichs in Deutschland, die in vielerlei Hinsicht auch eine überaus lebendige Geschichte des zeitgenössischen Europas ist.

LA DIPLOMATIE FRANÇAISE EN ALLEMAGNE : OBJET DE RECHERCHE

DIE FRANZÖSISCHE DIPLOMATIE IN DEUTSCHLAND: STUDIENOBJEKT

« SE DEMANDER CHAQUE MATIN SI QUELQUE POUTRE CACHÉE NE VA PAS VOUS ÉCRASER LA TÊTE » L’ambassade de France à Berlin, expérience de diplomatie en terrain hostile (1871–1933) Marion Aballéa « L’atmosphère de Berlin est lourde pour un diplomate français. Les souvenirs de 1870 y dominent toutes les relations, jusque dans les incidents les plus vulgaires de la vie officielle. L’art suprême consiste à se demander chaque matin, en affectant le calme, la simplicité, la rondeur, suivant le tempérament de l’ambassadeur, si quelque poutre cachée ne va pas vous écraser la tête. »1

C’est par ces mots que, vingt-cinq ans après la fin de la Guerre de 1870, Le Figaro dépeint pour ses lecteurs les pièges inhérents à une mission diplomatique française en Allemagne. Une « poutre » vient alors d’écraser la tête de l’ambassadeur Jules Herbette : alors qu’un conflit personnel l’opposait à son attaché naval, Guillaume II avait soufflé sur les braises en prenant ostensiblement le parti de l’officier contre celui du diplomate2, déclenchant un scandale dont la presse, des deux côtés des Vosges, se délecta.3 Discrédité, Herbette est rappelé à Paris par une décision ministérielle qui met un terme précipité à dix années passées à la tête de l’ambassade de la Pariser Platz. L’analyse du Figaro est donc ici toute conjoncturelle. Mais le billet touche assez juste : il saisit ce qui fait pour un émissaire français, bien au-delà de l’année 1896, la difficulté d’une mission berlinoise. D’un côté, le système diplomatique dans lequel elle s’inscrit induit par nature, en tant que cadre mutuellement accepté de relations policées, « calme, simplicité, rondeur » ; de l’autre, le terrain d’immersion berlinois signifie, pour les diplomates français, un poste de combat où il faut effectivement éviter les poutres, réelles ou fantasmées. Cet équilibre subtil fonde, sur la durée, la spécificité de l’ambassade de la Pariser Platz au sein du réseau diplomatique français de la Troisième République : des lendemains de la Guerre de 1870 à ceux de la Première Guerre mondiale, elle est le

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Le Figaro, 27 mai 1896. Sur l’affaire Grancey, cf. Centre des archives diplomatiques de Nantes (ci-dessous CADN), 83PO/B/74 et 79 ; ainsi que Politisches Archiv des Auswärtigen Amts (ci-dessous PAAA), R 1706. Cf. entre autres Gazette de France du 9 février 1896, Le Figaro du 7 février 1896 ou Kleine Journal du 17 février 1896.

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décor d’une diplomatie en terrain hostile qui implique des façons peut-être spécifiques de pratiquer ou de penser le métier de diplomate. Exercer ce métier sur un terrain peu accueillant ne constitue évidemment pas une expérience foncièrement nouvelle si on la replace dans la longue histoire de l’institution diplomatique.4 Mais la confrontation à l’hostilité prend, pour les diplomates français en poste sur les bords de la Spree à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, un caractère inédit. D’abord parce qu’en ce demi-siècle qui va des années 1870 aux années 1920, elle est contemporaine d’une implication croissante des opinions publiques dans les relations internationales. À l’heure de l’affirmation des nationalismes comme force populaire, la diplomatie n’est plus un cocon : elle est chaque jour un peu plus exposée aux mouvements d’humeur des populations dans lesquelles elle se trouve immergée. Ensuite parce que, même si les codes de la diplomatie mutuellement acceptés demeurent théoriquement les garanties d’une discussion apaisée entre honnêtes hommes, le dialogue franco-allemand n’est alors plus cette conversation entre monarques plus ou moins apparentés qui marque toujours les relations diplomatiques entre la majorité des États européens, mais un dialogue marqué par une histoire conflictuelle et, au moins jusqu’en 1914, par les idéologies différentes sur lesquelles sont construits les deux États. Ces deux éléments déterminent une forme moderne de l’hostilité diplomatique, et c’est à elle que l’ambassade française à Berlin doit faire face : le risque n’est pas tant pour ses agents d’être poignardés dans une alcôve du Palais impérial – motif dont regorgent les récits plus ou moins mythiques de la tradition diplomatique – mais de se retrouver confrontés au quotidien à une population malveillante et à des interlocuteurs peu coopératifs. Il s’agira dès lors, dans les lignes qui suivent, de tenter d’éclairer les caractéristiques de l’expérience vécue par les diplomates français à Berlin de 1871 au tournant des années 1930 : elles ont déterminé tant une réflexion originale sur le métier de diplomate à l’étranger qu’une lecture peut-être spécifique du problème francoallemand. HUMILIATIONS HISTORIQUES ET QUARANTAINE SOCIALE Évacuée et fermée en juillet 1870, l’ambassade de la Pariser Platz – ancienne ambassade de l’Empire français auprès du roi de Prusse devenue ambassade de France5 auprès de l’Empire allemand – rouvre ses portes en juillet 1871, et est pleinement restaurée en janvier 1872 lorsque le vicomte de Gontaut-Biron s’assoit dans le fauteuil d’ambassadeur. Conformément au droit international, les deux États ont attendu la signature du traité de Francfort, le 10 mai 1871, et donc le retour juridique 4

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Cf. notamment Geoff R. Berridge, Diplomacy: Theory and Practice, Londres, Harvester Wheatsheaf, 1995 et Embassies in Armed Conflict, New-York, Continuum, 2012 ; Keith Hamilton et Richard Langhorne, The Practice of Diplomacy: its Evolution, Theory and Administration, Londres/New-York, Routledge, 1995. Elle devient officiellement « ambassade de la République française » en avril 1880.

L’ambassade de France à Berlin (1871–1933)

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à l’état de paix, pour rétablir leurs relations diplomatiques. Pourtant, dans la capitale du nouvel Empire allemand en pleine célébration de sa victoire et de son unité, le souvenir de la guerre, omniprésent, verse quotidiennement du sel sur les blessures d’orgueil patriotique des représentants français. Au début des années 1870, il leur faut contempler, sur les Linden, les canons français pris sur les champs de bataille et exposés comme autant de trophées glorieux6 ; à partir de 1874, malgré des stratégies d’évitement7, ils ne peuvent se dérober au spectacle du Sedantag (2 septembre), érigé en fête nationale marquée par une procession grandiose entre la Porte de Brandebourg et le Palais impérial – passant donc sous les fenêtres de l’ambassade française. Ces rappels douloureux persistent bien au-delà de l’éphémère euphorie de la Reichsgründung. En 1895–1896, six mois de célébrations fastueuses marquent le vingt-cinquième anniversaire de la victoire et de l’unité allemandes, obligeant l’ambassade de France au repli face à des manifestations qui, pour l’ambassadeur Jules Herbette, « brillent par une complète absence de tact et de courtoisie internationale ».8 Au même moment, ce dernier s’efforce, en vain, d’obtenir le retrait d’une toile d’Anton Werner ornant le salon diplomatique du Palais impérial et représentant Guillaume Ier foulant à cheval un soldat français.9 Les relations non-officielles ne mettent pas les représentants français davantage l’abri : chez leur voisin, le prince Henckel von Donnersmarck, ils peuvent admirer des tapisseries beauvaisiennes que celui-ci se vante de n’avoir « pas payées cher » à Paris en 187110 ; chez le banquier Robert Mendelssohn, l’ambassadeur Jules Cambon peut encore déguster à la veille de la Première Guerre mondiale un grand cru de Bordeaux, ingénument vanté par son hôte : « pensez-donc, du 1870, une si bonne année... ».11 Le jeune Robert de Billy, faisant ses classes diplomatiques à Berlin dans les années 1890, résume dans son journal : « Le sujet de conversion auquel on revient toujours, c’est la guerre de 1870. Nous indiquer nos défauts, c’est, pour [les Allemands], faire preuve de largesse d’esprit ».12 Sous la plume d’un jeune homme né en 1869 et n’ayant aucune mémoire personnelle du conflit, la remarque apparaît d’autant plus significative ; elle souligne l’impossibilité durable pour les diplomates français sur la Spree d’échapper au souvenir de la défaite, les enfermant, pour plusieurs décennies, dans la posture du vaincu. Le rappel constant de la victoire allemande est en effet aussi

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Joseph Cadoine de Gabriac, Souvenirs diplomatiques de Russie et d’Allemagne (1870–1872), Paris, Plon, 1896, p. 119. 7 Les ambassadeurs français prennent ainsi traditionnellement leurs congés estivaux entre le 15 août et le 15 septembre, ce qui leur permet d’échapper aux célébrations du Sedantag ; les chargés d’affaires les remplaçant ne peuvent, toutefois, se soustraire aux festivités. 8 Documents diplomatiques français relatifs aux origines de la Guerre de 1914, 1ère série, vol. 12, n° 223, Herbette à Ricard, 5 décembre 1895. 9 Archives du ministère des Affaires étrangères – Centre de la Courneuve (ci-dessous AMAELa Courneuve), 21PAAP/3, journal de Robert de Billy, f° 37. 10 Octave Homberg, Les coulisses de l’histoire : souvenirs 1898–1928, Paris, Fayard, 1938, p. 58. 11 Geneviève Tabouis, Jules Cambon par l’un des siens, Paris, Payot, 1938, p. 175. 12 AMAE-La Courneuve, 21PAAP/3, f° 87.

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un rappel de l’infériorité française et, en ce sens, une arme politique savamment maniée et entretenue par l’hôte allemand. À partir des années 1880, une forme de quarantaine sociale vient s’ajouter aux humiliations de l’histoire pour compliquer un peu plus le quotidien des diplomates français à Berlin : à l’heure où le fossé sociologique se creuse entre eux et le « monde » berlinois, le chemin des salons huppés et autres lieux de sociabilité apparaît de plus en plus délicat à trouver. Guillaume II résume le problème par une formule aussi excessive qu’éloquente : « ce n’est plus une ambassade, c’est une avant-garde ! » 13 regrette-il en constatant l’évolution du personnel de la Pariser Platz, placée pour la première fois en 1886 sous les ordres d’un ambassadeur bourgeois en la personne de Jules Herbette. Ce qui se joue ici, ce sont les effets à Berlin de la « républicanisation » des cadres diplomatiques initiée par la Troisième République au début des années 188014 : ils posent sur la Spree le problème de l’insertion dans une société foncièrement aristocratique d’une ambassade de plus en plus républicaine et, surtout, de plus en plus roturière. « L’avant-garde » doit toutefois être nuancée. Comme dans l’ensemble de la diplomatie française15, la surreprésentation aristocratique reste la règle Pariser Platz au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale : on y compte toujours à la Belle Époque environ un tiers d’agents d’extraction nobiliaire.16 Mais ce chiffre doit se comprendre comparativement au monopole aristocratique quasiment inébranlé de la diplomatie allemande jusqu’en 191417, et aux crispations aristocratiques de la Cour impériale allemande – notamment sous Guillaume II – déteignant sur l’ensemble de la société berlinoise.18 Le fossé est donc réel, et débouche implicitement sur une forme de quarantaine sociale pour des diplomates français qui ont le double malheur, d’une part de représenter une république – c’est-à-dire une forme de régime associé à la sobriété et traditionnellement perçu comme rétif aux mondanités –, d’autre part de ne jouir d’aucune ascendance nobiliaire. Dès lors, les portes s’ouvrent moins facilement, les confidences arrivent moins aisément jusqu’à eux. Jules Herbette (Herr Bête dans la presse berlinoise) fut celui qui paya incontestablement le plus lourd tribut au préjugé aristocratique berlinois. Méprisé par un empereur qui

13 Ibid., f° 78. 14 Significativement, elle avait été largement initiée par Jules Herbette, qui, avant d’être nommé à Berlin, avait été le premier directeur du Personnel de l’histoire du Quai d’Orsay entre 1880 et 1882. 15 Cf. les travaux d’Isabelle Dasque ; notamment « Une élite en mutation : les diplomates de la République (1871–1914) », Histoire, économie & société, 4/2007, p. 81–98. 16 L’évolution est toutefois significative, puisque la proportion était de près de 70% dans la décennie 1870. 17 Lamar Cecil, The German Diplomatic Service, 1871–1914, Princeton, Princeton University Press, 1976 ; Klaus Schwabe (hrsg.), Das deutsche diplomatische Korps, 1871–1945, Boppardam-Rhein, Boldt, 1985. 18 John Röhl, « Hof und Gesellschaft unter Kaiser Wilhelm II » in Karl Ferdinand Werner (hrsg.), Hof, Kultur und Politik im 19. Jahrhundert: Akten des 18. deutsch-französischen Historikerskolloquium, Bonn, Röhrscheid, 1985, p. 237–289.

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le qualifie dédaigneusement de « bourgeois voltairien », l’ambassadeur est généreusement ridiculisé par la presse et les chroniqueurs locaux, qui se délectent de chacune de ses « gaffes » ou de ses péripéties familiales19, peintes comme autant de motifs vaudevillesques dignes du théâtre de boulevard. La très francophile – et très conservatrice – Marie Radziwill, qui tient sur la Pariser Platz, en face de l’ambassade, un des salons les plus courus de Berlin, ouvre certes sa porte à l’ambassadeur français ; mais c’est pour en faire, dans sa correspondance, un portrait satirique où le diplomate tient plus de Monsieur Jourdain que de Talleyrand...20 Conscient des impasses mondaines où le conduit son volontarisme républicain sur la Spree, le Quai d’Orsay remplace Herbette en 1896 par Emmanuel de Noailles. Le choix de cet « aristocrate indiscutable qui succédait à un plébéien » n’était en rien dû au hasard : il devait contribuer à restaurer la position de l’ambassade, dans la société berlinoise autant qu’auprès d’un empereur « flatté dans son incommensurable vanité que la République eût accrédité auprès de lui un représentant de la meilleure noblesse française ».21 UN QUOTIDIEN DE VEXATIONS ? Les humiliations liées au souvenir de la défaite comme les effets de cette quarantaine sociale disparaissent du quotidien des diplomates français à Berlin après la Première Guerre mondiale : l’ambassade qui rouvre ses portes, après cinq ans d’inactivité, en 1920 est celle du vainqueur ; elle est accréditée dans une République weimarienne désireuse de rompre avec les traditions aristocratiques.22 Obstructions, vexations, menaces et autres boycotts découlant de l’animosité politique entre les deux pays, persistent en revanche, et même redoublent au lendemain du conflit. Ils viennent parasiter – si ce n’est paralyser – l’action et la vie quotidiennes des émissaires français. L’obstruction discriminante de l’administration prussienne est une pratique à laquelle la Pariser Platz s’était trouvée confrontée dès les années 1870. Elle se traduisait notamment par des délais excessivement longs – bien plus que pour des re-

19 Jules Herbette se trouve à Berlin avec son épouse Mathilde, son fils Maurice, qui débute dans la Carrière sous ses ordres en tant qu’attaché de l’ambassade, et sa fille Adrienne, mariée à l’un des secrétaires de l’ambassade, Henri Allizé ; la chronique de l’ambassade se confond donc, dix années durant, avec celle de la famille Herbette. 20 Marie Radziwill, Une grande dame d’avant-guerre. Lettres de la princesse Radziwill au général Robilant, 1889–1914, Bologne/Paris, Zanichelli/Plon, 1933–1934 ; cf. notamment vol. 1, p. 249 ou 265 et vol. 2, p. 29. 21 Homberg, op. cit., p. 51–52. 22 Cette rupture doit toutefois être nuancée si l’on considère une partie des élites berlinoises et, surtout, du personnel diplomatique allemand, très peu renouvelé et qui cultive un scepticisme durable vis-à-vis du régime républicain. Cf. Marie-Bénédicte Vincent-Daviet, Serviteurs de l’État : les élites administratives allemandes de 1871 à 1933, Paris, Belin, 2006.

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présentations diplomatiques mieux en cour à Berlin – pour le traitement de procédures de routine : il fallait en moyenne près d’un an pour obtenir la transmission d’un acte d’état-civil. À la veille de la guerre, l’ambassadeur Jules Cambon se plaint encore des « difficultés que lui causent la moindre négociation et l’attitude toujours raide des fonctionnaires » allemands23 ; quelques semaines après son arrivée en 1907, il déplorait déjà « les manières habituelles des bureaux qui n’aident pas à la politique de détente entre la France et l’Allemagne ».24 Cette froideur administrative, forme passive d’obstruction, est ravivée après 1920 pour s’apparenter aux yeux des diplomates français à une entreprise de « sabotage ».25 Premier ambassadeur installé après-guerre, Charles Laurent déplore quelques jours après son arrivée « la mauvaise volonté évidente témoignée par les employés allemands des téléphones », empêchant souvent l’ambassade de joindre ses correspondants26 ; un an plus tard, il a pu constater que ce manque de coopération n’était pas l’apanage des administrations téléphoniques, et, dans une longue dépêche consacrée à décrire « les diverses manifestations d’hostilité publique ou administrative », il dénonce « le mauvais vouloir des fonctionnaires de tout rang », qui « jaillit spontanément » et « fai[t] éclater les entraves ».27 La détente relative des relations franco-allemandes à partir de 1924 ne paraît pas changer cette situation : à l’été 1925, l’attaché commercial de l’ambassade accuse les services allemands de « refuser un renseignement qu’ils pourraient donner », voire de donner « volontairement [...] des renseignements inexacts ».28 À ces pratiques administratives pénalisant la mise en œuvre de la diplomatie quotidienne s’ajoutent à partir de 1920 des vexations touchant plus personnellement à la vie des agents français. Les « surprix » qu’appliquent les commerçants allemands à leur égard font, significativement, l’objet de la première dépêche de l’ambassade réouverte en janvier 1920 : « Le commerçant manie l’échelle des prix comme une arme diplomatique [et] les Français sont plus exposés que d’autres à cette forme de représailles » y regrette le chargé d’affaires Henri de Marcilly.29 Dans un marché du logement tendu par la démobilisation, les hommes de l’ambassade doivent également affronter l’hostilité des bailleurs : rares sont les propriétaires allemands qui acceptent de louer leur logement à un diplomate français. Et pour ceux qui ont trouvé où poser leur valise, la pérennité du toit est loin d’être assurée : les contentieux avec les propriétaires sont récurrents, souvent portés de-

23 Eugène-Napoléon Beyens, Deux années à Berlin : 1912–1914, Paris, Plon, 1931, vol. 2, p. 120. 24 CADN, 83PO/4/225, dépêche n° 175, Berlin, 26 août 1907. 25 Selon la plainte du conseiller de l’ambassade René de Saint-Quentin : PAAA, R 70.735, rapport du Staatskommissar für offentliche Ordnung, 23 mars 1922. 26 CADN, 83PO/4/43, Laurent au Cabinet du ministre, juillet 1920. 27 Ibid., 83PO/C/486, dépêche n° 373, Berlin, 12 août 1921. 28 Ibid., 83PO/B/362, rapport d’activité de l’attaché commercial à Berlin, août 1925. 29 Ibid., 83PO/4/230, dépêche n° 1, Berlin, 29 janvier 1920.

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vant les autorités allemandes, et, pendant l’occupation de la Ruhr notamment, ponctués d’épisodes parfois rocambolesques – cambriolages punitifs, expulsions sauvages, occupations illégales...30 Dans ce quotidien d’hostilité, quelques épisodes de violence, physique ou symbolique, marquent l’acmé des tensions. Inédits dans l’histoire de la diplomatie française à Berlin, ils représentent une évolution cruciale : bien que peu graves dans la majorité des cas, ils signent le délitement de l’inviolabilité diplomatique, et plongent les agents français dans un sentiment nouveau de vulnérabilité. Les violences contre les bâtiments furent plus nombreuses que celles tournées vers les individus. L’épisode le plus brutal eut lieu dans le contexte très particulier d’une Silésie disputée entre l’Allemagne et la Pologne : alors que la puissance française était perçue comme pro-polonaise, son consulat à Breslau fut saccagé le 26 août 1920, sans faire de victimes.31 Quelques semaines plus tôt, à Berlin, le vol du drapeau tricolore sur le toit de l’ambassade le 14 juillet avait été le point de départ d’une crise diplomatique aux multiples rebondissements, qui devait empoisonner pendant plusieurs mois les relations entre Paris et Berlin32, et qui, fait inédit, conduisit les autorités allemandes à mettre en place une sécurité policière autour de l’ambassade.33 Les consulats, à travers le Reich, ne bénéficiant pas de telles mesures, devinrent alors les cibles les plus exposées : de Düsseldorf à Nuremberg en passant par Karlsruhe ou Hambourg, on ne compte plus, entre 1920 et 1927, les cambriolages plus ou moins crapuleux, les écussons ou plaques martelés, les fenêtres brisées.34 Si les atteintes aux personnes sont rares, elles marquent d’une empreinte particulièrement forte l’imaginaire des agents français. En mars 1920, le consul suppléant de l’ambassade est, avec deux officiers de la Commission militaire interalliée de contrôle35, molesté au restaurant de l’hôtel Adlon après avoir refusé de se lever au son du Deutschland über alles. Quelques agressions suivent, sans gravité dans la plupart des cas, mais alimentant le sentiment de vulnérabilité des agents français. Les menaces et autres injures qui fleurissent dans le courrier de l’ambassade ont le même effet, tout comme ces colis macabres (restes humains, cadavres d’animaux) adressés à l’ambassade et qui constituent autant de violences symboliques, ressenties comme telles par ses membres.

30 Pour les dossiers de contentieux, CADN, 83PO/B/360 et 678, et 83PO/C/147 ; dans les archives allemandes, PAAA, R 70.737. 31 CADN, 83PO/B/174, 226 et 232, et 83PO/4/146 ; PAAA, R 70.747. 32 Sur le sujet Jean-Jacques Boisvert, Les relations franco-allemandes en 1920, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1977, p. 79 sq. ; dans les archives, notamment CADN, 83PO/B/174 et PAAA, R 70.745. 33 PAAA, R 70.745, Note du Polizeipräsident de Berlin, 13 juillet 1921. 34 AMAE-La Courneuve, 78CPCOM/2, 385 et 386. 35 Ces derniers, incarnant plus encore que les diplomates français la mise en œuvre du traité de Versailles, sont une cible encore plus exposée ; dans l’incident du 6 mars 1920, significativement, le consul suppléant est violemment bousculé puis expulsé du restaurant alors que les deux officiers sont tabassés par plusieurs convives. Cf. CADN, 83PO/B/101bis, télégramme n° 301– 303, Berlin, 7 mars 1920 ; ainsi que 83PO/B/174, rapport du consul Hélouis, 7 mars 1920.

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Ces démonstrations d’animosité, sous leurs différentes formes, connaissent durant l’occupation de la Ruhr leur point culminant, conduisant les diplomates français à Berlin à une réclusion forcée entre janvier et septembre 1923. Alors que les autorités allemandes, entrées en « résistance passive », refusent tout rapport avec la Pariser Platz, les menaces explicites se multiplient envers l’ambassadeur Pierre de Margerie, « premier complice de Poincaré ». Toute sortie d’un agent dans l’espace public devient l’occasion d’insultes ou de quolibets. Et si la situation s’améliore assez rapidement à partir de la fin 1924 avec le réchauffement de la relation entre Paris et Berlin, l’escalade des tensions qui a marqué les années 1920–1923 a laissé des traces durables : un seuil psychologique a été franchi, et la diplomatie française en Allemagne n’est plus inviolable. En novembre 1925, un mois après la signature des accords de Locarno, le train ramenant l’ambassadeur Margerie à Paris est attaqué par des jets de pierres36 ; en juin 1932, après sept années de Verständigung, les deux mains coupées adressées à l’ambassade rappellent les colis de 1923...37 Entre temps, les diplomates français ont pris l’habitude de ces démonstrations d’hostilités, mises à distance par leur étiquetage administratif comme « actes de fous » 38 ; ils ont aussi pris l’habitude de travailler dans une ambassade entourée par un cordon policier, et donc de plus en plus coupée de la population dans laquelle elle est censée être immergée. PENSER L’IMMERSION DIPLOMATIQUE EN TERRAIN HOSTILE La réponse sécuritaire apparaît en effet comme le premier réflexe d’adaptation des diplomates français à ce difficile quotidien. L’ambassade berlinoise, dans l’empire wilhelmien puis surtout dans l’Allemagne weimarienne, est ainsi l’une des premières représentations diplomatiques à l’étranger à avoir été confrontée au défi très actuel de sa sécurité ; elle est une des premières à se barricader, et à réfléchir au bouleversement que cela implique quant au sens de son immersion diplomatique. Jusqu’en 1914, l’obsession sécuritaire de l’ambassade vise la protection de sa production plus que de ses hommes : l’enjeu principal, classiquement, est de préserver la sécurité et la discrétion de sa correspondance, alors que, dès les années 1870, quelques épisodes de vols ou de détournements alimentent sa paranoïa.39 Les mesures prises sont elles-aussi classiques : chiffre, stockage des pièces sensibles

36 AMAE-La Courneuve, 78CPCOM/2 ; PAAA, R 70.748. 37 Armand Bérard, Un ambassadeur se souvient. Au temps du danger allemand, Paris, Plon, 1976, p. 146. 38 D’après le titre donné aux dossiers recensant les incidents et autres lettres d’injures ou de menaces. 39 Cf. notamment l’affaire du paquet de dépêches retrouvé en 1875 dans un hôtel de Hanovre : PAAA, R 6513.

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dans des coffres que l’on fait venir de Paris – il apparait dangereux de faire intervenir « l’industrie locale »40 –, recrutement d’un personnel domestique préférentiellement non allemand. Autant de réponses qui paraissent d’ailleurs parfois excessives face à une menace souvent fantasmée : dès les années 1880, le Quai d’Orsay se plaint de l’abus du chiffre « très secret » dans la correspondance venant de Berlin ; cinquante ans plus tard, le jeune Armand Bérard se moque du cérémonial qui entoure l’ouverture du coffre de l’ambassade – lequel ne contient, d’après lui, qu’une boite à chaussures renfermant les bijoux de l’épouse de l’attaché militaire !41 Toutefois, avec l’accroissement des atteintes physiques visant les intérêts diplomatiques français dans les années 1920, et avec le déploiement de la protection policière de l’ambassade berlinoise, une réflexion plus profonde apparaît dans les murs de la Pariser Platz, qui témoigne des enjeux que revêt la question sécuritaire pour une diplomatie immergée. À l’occasion des travaux de réfection lancés à la fin des années 1920, la correspondance entre l’ambassadeur Margerie et les services parisiens pose une question qui dépasse l’enjeu architectural : pour assurer la sécurité de l’ambassade dans son milieu berlinois, faut-il diminuer ou augmenter le nombre des portes donnant sur la rue ? Le premier choix permettrait, d’après Paris, de filtrer plus efficacement les accès ; le second, répond l’ambassadeur, présente l’avantage d’éviter le dangereux déambulage des visiteurs dans les couloirs – chacun entrant par une porte ouvrant directement sur la partie des bâtiments où il a affaire.42 Technique, le débat a aussi une valeur métaphorique : c’est une réflexion sur les modalités du contact entre la représentation diplomatique et la société qui l’accueille qui est soulevée. Une réflexion, donc, sur le sens de l’immersion à l’heure de la nouvelle vulnérabilité de l’institution diplomatique : faut-il se replier ou à l’inverse s’ouvrir sur l’environnement berlinois ? Si les périodes de repli existèrent, elles furent en général plus subies que choisies et consciemment mises en œuvre par les agents français. Les souvenirs de ceux qui étaient présents en juillet 1914 décrivent la foule hostile, et parfois menaçante, continuellement massée sous les fenêtres de l’ambassade, huant toute sortie d’un agent, et guettant l’ambassadeur Jules Cambon pour l’accompagner d’insultes ou de chants patriotiques.43 La proclamation de l’état de siège, dans les derniers jours de juillet, avait conduit les autorités allemandes à interdire aux diplomates français l’accès aux restaurants – officiellement pour éviter tout incident avec une population enfiévrée. La semaine précédant l’évacuation du 4 août fut donc passée « derrière les volets clos [d’une] ambassade dont on ne sort[ait] plus ».44 Cinq ans plus 40 41 42 43

CADN, 83PO/C/146, Comptabilité à J. Cambon, n° 24, 21 mai 1914. Bérard, op. cit., p. 99. CADN, 83 PO/B/359, cf. notamment Margerie à Harismendy, 30 novembre 1929. Henri de Manneville, « Les derniers jours de l’ambassade de Monsieur J. Cambon à Berlin », Revue d’histoire diplomatique, 4/1935, p. 440–465 ; Auguste Faramond de Lafajole, Souvenirs d’un attaché naval en Allemagne et en Autriche : 1910–1914, Paris, Plon, 1932, p. 204–220 ; Geneviève Tabouis, « C’est arrivé en juillet 1914 à Berlin », Luxembourg Sélection, n° 64, 1962, p. 10–14. 44 Tabouis, art. cit., p. 12.

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tard, la réinstallation de la diplomatie française, dans le contexte d’effervescence politique et révolutionnaire de l’immédiat après-guerre allemand, conduisit également les émissaires français à se tenir prudemment derrière les murs de l’ambassade – et de préférence loin des fenêtres : à l’image des émeutes du 13 janvier 1920, réprimées par le gouvernement socialiste et qui firent 42 victimes sur la Pariser Platz45, certains des affrontements les plus violents de ces temps troublés se déroulèrent sous leurs yeux, les exposant à quelque balle perdue. Le contexte de 1923 n’incite évidemment pas non plus leurs successeurs à une extraversion rendue de toute façon impossible par le boycottage allemand. Observatrice bien placée, l’épouse de l’ambassadeur britannique note alors qu’où qu’on se trouve à Berlin, « il suffit de l’entrée d’un Français dans une pièce pour que tous les Allemands s’alignent, se replient puis disparaissent ». 46 Ces moments apparaissent toutefois comme des exceptions dans l’histoire de l’ambassade, directement liées à un climat international excédant le terrain de son action berlinoise. De manière plus récurrente, des années 1870 au tournant des années 1930, la Pariser Platz fit le choix de l’ouverture sur la ville qui l’accueillait. D’une part parce que c’était, d’après ses agents, la raison d’être d’une mission diplomatique à l’étranger ; d’autre part parce qu’ils y voyaient, paradoxalement peutêtre, un moyen de contourner les difficultés du terrain berlinois. L’ambassade développa alors, de manière à la fois pragmatique, empirique et réfléchie, une double stratégie d’attraction et de projection, où la recherche volontariste des occasions d’interactions avec la société allemande devait permettre de renverser certains obstacles. Puisqu’on ouvrait peu les portes des salons mondains à ses hommes, elle allait ouvrir les siennes et faire venir dans ses murs ceux qui ne l’accueillaient qu’à reculons ; puisque la société berlinoise paraissait frileuse à lui tendre la main, elle allait tisser des réseaux, assis sur quelques cercles, pensés comme plus perméables que les autres à l’influence française, qui devaient lui servir d’introducteurs et lui permettre de pénétrer, malgré tout, ce monde en apparence inaccessible. Disons tout de suite qu’elle connut plus de succès dans le premier volet de cette stratégie que dans le second. Dès la fin des années 1870, malgré l’adversité politique entre Paris et Berlin, malgré l’isolement diplomatique de la France en Europe – qui trouvait son miroir dans l’isolement des diplomates français au sein du corps diplomatique sur la Spree –, l’ambassade de la Pariser Platz parvint à s’affirmer

45 Éclaireur chargé de préparer l’arrivée officielle d’un chargé d’affaires, Émile Haguenin fait le récit en direct des évènements du 13 janvier depuis les bureaux de l’ambassade dans une lettre adressée à son ami Paul Dutasta : AMAE-La Courneuve, 78CPCOM/279, Haguenin à Dutasta, 13 janvier 1920. 46 Helen d’Abernon, Red Cross and Berlin Embassy: 1915–1926. Extracts from the Diaries of Viscounstess d’Abernon, Londres, Murray, 1946, p. 105 : « It is enough for a French man to come into the room for all Germans to line up, edge off and filter away ».

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comme un haut lieu de la sociabilité berlinoise. Les grands travaux lancés au tournant des années 1880 furent pensés à cet effet47 : ils envoyaient tout autant un message politique – investissant dans la durée, la diplomatie française ne comptait pas déserter Berlin à court terme, et donc ne préparait pas une guerre de revanche – qu’ils constituaient un argument mondain : on cultivait le prestige de l’adresse, mettait en place un décor digne de recevoir des hôtes de marque, importait en Allemagne le luxe et le raffinement parisiens, soignait la renommée d’une table – et d’une cave – qui devinrent vite parmi les plus réputées de la ville... et, très concrètement, dans la perspective des bals à venir, on solidifiait les planchers pour s’assurer de leur résistance sous les pas des danseurs !48 Très vite, l’habitude fut prise de faire venir de Paris des artistes français qui constituaient autant d’arguments d’attractivité pour l’ambassade. Comédiens du Français d’abord, puis, de manière plus légère, artistes du Boulevard qui amenaient sur la Spree une légèreté « echt französisch » enchantant les invités allemands49, concertistes de renom à la Belle Époque, avant le défilé, dans la seconde moitié des années 1920, de tout ce que la France de l’entre-deux-guerres comptait de gloires littéraires, d’artistes de musichall, ou de couturiers d’avant-garde. Dans cet âge d’or de l’ambassade mondaine, Paul Valéry, dans une visite historique qui avait attiré, en 1926, plus de 250 invités allemands dans les salons de la Pariser Platz, avait ouvert la voie aussi bien à Claudel qu’à Yvette Guilbert, à Gide qu’à Coco Chanel ou aux danseuses du Moulin Rouge. L’ambassade recueillait là l’héritage de plus d’un demi-siècle d’efforts pour attirer entre ses murs le monde berlinois. Sa réussite fut beaucoup plus nuancée en matière de projection et de constitution de réseaux – soulignant, malgré le volontarisme, le défi que constituait l’interaction avec un milieu durablement réfractaire. Deux raisons expliquent ici, principalement, les limites rencontrées. D’une part, certains milieux ciblés comme stratégiques par les agents français restèrent à peu près imperméables à leur travail d’influence : ce fut le cas, à quelques exceptions près, du grand capitalisme allemand ; du monde intellectuel et de l’Université – à l’exception notable de l’avantgarde intellectuelle weimarienne ; ou, sous le Kaiserreich, de la gauche allemande – progressiste comme socialiste – vue par les diplomates français comme un allié objectif contre le régime impérial mais qui resta à peu près indifférente à leur travail de séduction. D’autre part, la stratégie essentiellement opportuniste qui soutenait le 47 Sur ces travaux, CADN, 83PO/4/285 et 287 ; AMAE-La Courneuve, Comptabilité-Immeubles/Berlin/283 et 284. 48 La crainte d’une « catastrophe » qui résulterait de l’effondrement du plancher de la salle de bal de l’ambassade – située au 1er étage – est un motif étonnamment récurrent de la correspondance des ambassadeurs berlinois : on la retrouve tant sous la plume de Saint-Vallier à la fin des années 1870 (cf. AMAE-La Courneuve, Comptabilité-Immeubles/Berlin/283, Saint-Vallier à la Comptabilité, 15 juin 1879) que sous celle d’André François-Poncet au milieu des années 1930 (cf. CADN, 83PO/4/320, François-Poncet à la direction du Personnel, 4 mai 1937). 49 D’après la formule de Célestin Bouglé, qui, jeune étudiant en Allemagne, a très bien perçu le jeu de construction des imageries nationales qui se déployait dans ces réceptions : Jean Breton (alias Célestin Bouglé), Notes d’un étudiant français en Allemagne : Heidelberg, Berlin, Leipzig, Munich, Paris, Calmann-Lévy, 1895, p. 110–111.

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choix des cibles s’avéra à bien des égards inefficiente. Elle visait en premier lieu ceux qui étaient vus comme devant être naturellement les plus enclins à une sympathie pour la France, et s’appuyait sur les convergences que devait permettre une marginalisation ou une hostilité partagée face aux autorités allemandes. Un travail spécifique fut ainsi mené, dès la période du Kulturkampf, auprès des milieux catholiques, ou, tout au long du Kaiserreich, dans les cercles de la haute-finance juive, influente mais en partie ostracisée par le pouvoir impérial. Si des relations durables et étroites furent ici effectivement tissées, leur capacité à pallier les difficultés rencontrées dans le monde officiel fut souvent limitée : l’ambassade s’était liée avec des « outsiders » au sens premier du terme, peu à même de peser sur les destinées allemandes, de lui fournir les relations sociales lui faisant défaut ou les informations qu’elle ne pouvait recueillir ailleurs. La projection n’en demeure pas moins un des piliers de son action. Rationnalisée et bureaucratisée sous la République de Weimar avec la mise en place d’un système de fiches recensant les interlocuteurs, contacts et autres relais de son influence, elle perpétue la volonté d’extraversion qui caractérise durablement la Pariser Platz, tout en rappelant les entraves parfois indépassables qu’induit la pratique de la diplomatie en terrain hostile. CONFRONTATION À L’HOSTILITÉ ET CONSTRUCTION DES REPRÉSENTATIONS La délicate immersion de l’ambassade française, durant près de six décennies, au cœur de la capitale du Reich l’a ainsi obligée tout autant à faire le dos rond face aux humiliations qu’à réfléchir aux modalités de son interaction avec son environnement. Reste à interroger la ligne diplomatique qui ressort de cette double dynamique, et notamment la perception de l’Allemagne d’une part, de la relation francoallemande de l’autre, qui se construit au fil des ans entre les murs d’une ambassade à la fois exposée aux vexations et aux menaces, épisodiquement ostracisée, et refusant de se couper du bain berlinois. La construction des représentations subjectives est évidemment indissociable des expériences individuelles vécues sur la Spree, et varie fortement selon que les agents aient dû y affronter une période de tensions ou y aient bénéficié d’un calme relatif. Toutefois, la récurrence des mêmes motifs et la grande stabilité des perceptions apparaissent remarquables. Construisant une vision institutionnelle du problème allemand, elles dépassent le jugement subjectif des individus pour prendre alors une valeur prescriptive : elles participent à l’affirmation, au sein de l’appareil diplomatique français, d’une voix propre à l’ambassade berlinoise, laquelle a prétention à peser sur la politique allemande de Paris. Cette voix apparaît à bien des égards comme celle du paradoxe : elle peint d’un côté un tableau très noir de Berlin, de l’Allemagne et des Allemands, évoluant peu du Kaiserreich à la République de Weimar car brossé à la lumière du caractère immuable de « l’âme allemande » ; de l’autre côté, elle défend avec une remarquable constance, du rapprochement colonial du début des années 1880 aux velléités de négociation bilatérale pour le désarmement au début des années 1930, une

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ligne de dialogue qui fut toujours plus ouverte que celle portée au Quai d’Orsay. Cette apparente contradiction peut être lue comme le reflet – ou le résultat ? – des difficultés de l’immersion berlinoise de ses agents. L’hostilité quotidienne les pousse indéniablement peu à la germanophilie. À la froideur de l’environnement berlinois répond sous leur plume une peinture très sombre – et largement nourrie de stéréotypes – de la capitale du Reich : ville-caserne, sans histoire, sans goût, sans art. Aux brimades et vexations fait écho un portrait sévère du peuple allemand, dont l’ambassadeur Laurent n’hésite pas à dénoncer, à l’occasion de l’assassinat de son ami Walter Rathenau en juin 1922, la « barbarie foncière » 50, et plus généralement décrit, là encore à grand renfort de clichés, comme brutal, grégaire et aveuglément soumis à l’autorité. Même chez des figures supposément mieux disposées, à l’image du germaniste François-Poncet que l’Allemagne « attirait autant qu’elle [le] repoussait »,51 l’ambigüité des perceptions et une noirceur certaine demeurent. Les plaintes qui remontent des consulats en 1923 lient explicitement le mauvais traitement dont sont l’objet les agents français et les instincts primaires voire, à nouveau, « barbares » de la nation allemande52 : la confrontation à l’hostilité induit un discours violemment dépréciatif. Mais cette même confrontation à l’hostilité est également sans doute ce qui pousse les émissaires français en Allemagne, et les agents de l’ambassade berlinoise en particulier, à plaider plus souvent que leurs collègues parisiens pour la conciliation.53 Il ne s’agit là ni d’une posture idéologique pour la promotion d’une « réconciliation franco-allemande » considérée dans les murs de la Pariser Platz comme « illusoire et d’ailleurs peu souhaitable » 54, ni de l’opportunisme peu avouable d’agents dont la détente des relations franco-allemandes rendrait la vie quotidienne plus facile. La raison en tient plutôt à une forme de pragmatisme professionnel. Si les difficultés berlinoises rendent sans doute les diplomates de l’ambassade plus à même que les Parisiens de percevoir le caractère intenable, à long terme, d’une opposition systématique, ces derniers sont surtout très conscients du fait qu’une telle opposition les exclut, de facto, du jeu diplomatique. Soit parce qu’ils sont alors, comme sous l’Ordre Moral ou durant l’occupation de la Ruhr, boycottés par les

50 CADN, 83PO/B/360, Laurent à Poincaré, 30 juin 1922. 51 André François-Poncet, Souvenirs d‘une ambassade à Berlin (septembre 1931–septembre 1938), Paris, Flammarion, 1946, p. 18. 52 Cf. notamment la très violente diatribe du consul à Hambourg Albéric Neton : CADN, 83PO/C/1, Neton à Laurent, 8 mars 1923. 53 Outre le dossier colonial des années 1880 ou celui du désarmement des années 1931–1932 déjà évoqués, cela se vérifie notamment alors que Guillaume II tend la main à la France au tournant du XXe siècle pour la mise en place d’une « alliance continentale » entre Berlin, Paris et SaintPétersbourg, lors des négociations consécutives aux deux crises marocaines de 1905 et 1911, ou lors des ouvertures allemandes de 1921 sur le versement en nature d’une partie des réparations. 54 Oswald Hesnard, Notes inédites publiées par la petite-nièce de l’auteur sur bernard.hesnard.free.fr/Hesnard/ohesnard.html.

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autorités allemandes ; soit parce qu’ils sont considérés à Paris comme inutiles puisque ne pouvant rien changer à une situation immuable d’adversité.55 Les poutres menaçant la tête des ambassadeurs de France à Berlin débouchent alors à la fois sur un discours développant une vision très noire de l’Allemagne, et sur une diplomatie prônant, sans illusion ni sentimentalisme, la nécessité d’une concertation, ou du moins d’un dialogue. L’immersion en terrain hostile avait ainsi non seulement bouleversé les conditions de l’exercice quotidien de la diplomatie, obligé les émissaires français à une adaptation pragmatique et à une forme d’introspection sur la pratique de leur métier ; elle avait également contribué à construire une lecture autochtone de la relation franco-allemande et de ses enjeux. De la capacité de l’ambassade à faire entendre sa voix, et donc à faire prévaloir cette lecture souvent paradoxale, dépendit pendant plus d’un demi-siècle son influence sur le jeu diplomatique franco-allemand.56 ZUSAMMENFASSUNG Die französische Botschaft in Berlin war zwischen den 1870er und den 1930er Jahren eine Botschaft auf feindlichem Gebiet. Sie war nach dem deutsch-französischen Krieg von 1870 die Botschaft des glanzlosen Besiegten in dem triumphierenden und auf französischen Aschen erbauten deutschen Reich; nach dem ersten Weltkrieg wurde sie die Botschaft des allmächtigen Siegers, dessen Anwesenheit im Herzen der deutschen Hauptstadt als Salz in die Wunden der deutschen Nation empfunden wurde. Zwei sehr verschiedene Lagen, aber eine gleiche Folge für die Männer, die sechs Jahrzehnte lang am alten Pariser Platz im Palais Beauvryé Frankreich vertraten und Diplomatie übten: eine Mission in Berlin war kein Zuckerschlecken, und die Hindernisse, mit denen sie zu kämpfen hatten, änderten die Bedeutung des diplomatischen Berufs im Ausland und auch vielleicht die deutsch-französische Beziehung. Erstens mussten sie Demütigungen ertragen, die Folgen der französischen Niederlage von 1870 und des deutschen Triumphs waren: überall waren Spuren und Erinnerungen der französischen Katastrophe zu sehen. Allein die Tatsache, dass sie in Berlin lebten, d. h. in einer Stadt, die ihre neue Stellung als Hauptstadt des deutschen Reiches laut und stolz feierte, machte es ihnen unmöglich, die bitteren Erinnerungen zu vergessen. Die Einführung der Dritten Französischen Republik sowie ihre Bemühung um eine „Republikanisierung“ ihres diplomatischen Corps bedeutete für die französischen Diplomaten an der Spree eine neue Schwierigkeit: der ideologische Graben zwischen dem Staat, den sie vertraten, und demjenigen, in dem 55 Telle est notamment, au début du XXe siècle, la position de Delcassé qui considère qu’il n’y a rien à faire à Berlin pour la diplomatie française, et qu’il suffit d’y envoyer des « enfants sages » qui s’abstiennent d’y faire des « bêtises ». 56 C’est ici un enjeu beaucoup plus vaste, développé dans la thèse de l’auteur à paraître à l’automne 2017 : Marion Aballéa, Un exercice de diplomatie chez l’ennemi. L’ambassade de France à Berlin, 1871–1933, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.

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sie akkreditiert waren, wurde immer größer; Dies hatte unter anderen zur Folge, dass Frankreich durch gutbürgerliche Diplomaten in Berlin vertreten war, die nicht besonders gut von der sehr aristokratischen Berliner Gesellschaft empfangen wurden. Nach dem Ersten Weltkrieg verschwanden natürlich diese Probleme: Frankreich war nicht mehr der ohnmächtige Besiegte, und die Weimarer Republik wurde auf demokratischen Werten erbaut. Die Schwierigkeiten, die für die französische Botschaft das Erlebnis der Feindseligkeit, oder zumindest der Unfreundlichkeit, zwischen den beiden Ländern und Völker waren, erreichten ihren Höhepunkt. Die 1920er Jahre waren ohne Zweifel die schwierigste Zeit, die die französischen Diplomaten in Berlin erlebten: täglich wurden sie bedroht und beschimpft, von der deutschen Verwaltung harsch behandelt, und mit höheren Preisen oder Renten diskriminiert. Auch wenn es nur einige gewältigen Übergriffe gab, wurden diese sehr schwerlich empfunden: Die französischen Gesandten fühlten sich des Öfteren in Berlin in Gefahr; 1921 wurde zum ersten Mal die französische Botschaft durch die deutsche Polizei beschützt. Diese sehr besondere diplomatische Erfahrung hatte zur Folge, dass die französischen Diplomaten in Berlin viel – und vielleicht mehr als auf anderen Posten – über ihre Aufgabe nachdachten. Ihr wichtigstes Anliegen waren ihre Kontakte mit der Berliner Gesellschaft: was wäre die Bedeutung und der Sinn einer diplomatischen ausländischen Mission, wenn sie hinter geschlossenen Türen bliebe. Wie sollten sie mit den Deutschen leben, und sich zugleich vor ihnen schützen? Diese Fragen klingen natürlich sehr aktuell... Sie hatten auch einen starken Einfluss auf die Art und Weise, wie französische Diplomaten in Berlin die deutsch-französische Beziehung einschätzten. Ihre Wahrnehmung war etwas paradox: Einerseits malten sie ein sehr dunkles Bild Deutschlands, in dem sie lebten, aber forderten andererseits immer auch einen intensiveren Dialog zwischen Deutschland und Frankreich. Damit war die französische Botschaft in Berlin eine besondere Stimme innerhalb des französischen diplomatischen Apparats in Deutschland. ABSTRACT From the 1870’s to the 1930’s, the French Embassy in Berlin was an embassy set on hostile ground. Embassy of a piteously defeated power in a triumphant Reich built on its ashes after the Franco-Prussian War, it became after the First World War the embassy of a country seen as a merciless victor, whose presence in the heart of the German nation was felt as salt put by the persecutor on the wounds of its victim. Two very different situations, but one shared consequence for the men who, during six decades, had to represent France and to practice diplomacy in the old “Palais” set on Pariser Platz 5: a mission in Berlin was no bed of roses, and the obstacles they had to face led them to reflect, with a somewhat original way, on what it meant to be a diplomat positioned abroad, as well as on the French-German relationship. They first had to face the humiliations that resulted from the French defeat of 1870 and, as a mirror, of the German triumph: everywhere around them they found

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reminders of the French debacle, and the only fact of living in Berlin, i.e. in a city proudly celebrating its new position as capital of a German Reich built in the war meant that there was no escape from these painful memories for the French diplomats. As the Third Republic grew more and more steady in France and tried to “republicanize” its diplomatic corps, the French agents on the Spree were put in face of a new challenge: they had not only to deal with the deepening ideological gap between the regime they represented and the one they were accredited to, but, coming less and less from aristocrat extraction, they also had to face a kind of sociological quarantine in the very aristocratic Berlin society. If these two challenges disappeared after the First World War, as France became the powerful winner and as the Weimarer Republic, based on democratic values, settled in Germany, the difficulties resulting for the French Embassy in Berlin from the adversity of the two countries, and of the hateful reciprocal feeling of the populations would on the other hand reach a new peak. The 1920’s were without a doubt the hardest time that the French diplomats knew in Berlin: they were the target of anonymous threats and insults, had to deal with uncooperative administration and face discrimination in their daily life, and a few violent episodes fed a new feeling of unsafety. It was not entirely new, but it reached a point where, for the very first time in 1921, the Embassy had to be protected by the Berlin police. This very peculiar experience of diplomatic expatriation led the French diplomats in Berlin to think about their mission, and especially about its meaning in terms of immersion in an unfriendly environment: should they retreat behind close protective doors, what would be the use of being sent abroad? A question that has obviously strong implications today. Their daily confrontation with Berlin and the German population and authorities also influenced their way of perceiving the French-German relationship: they developed a somewhat paradoxical line, painting a very dark picture of Germany and pleading nonetheless for an improved dialogue. The French Embassy in Berlin, because it was set on hostile ground, made a peculiar voice heard in the French diplomatic system.

DIE FRANZÖSISCHE GESANDTSCHAFT IN MÜNCHEN IN DEN JAHREN DER WEIMARER REPUBLIK Bayern und Frankreich zwischen Konfrontation und Verständigung Andrea Müller Die deutsch-französischen Beziehungen des neunzehnten und frühen zwanzigsten Jahrhunderts standen in einem komplexen Spannungsverhältnis. Das Erleben der napoleonischen Expansionsversuche prägten diese ebenso1, wie die Ausbildung eines deutschen Nationalstaates neue Loyalitäten schuf2 und der Krieg 1870/71 im Empfinden beider Länder die Macht zu Ungunsten Frankreichs neu ausbalancierte.3 Den bayerisch-französischen Beziehungen wurde und wird gerne eine besondere Tiefe und Exklusivität in der zwischenstaatlichen Zusammenarbeit zugeschrieben. Bayern, eines der mittelgroßen deutschen Länder, lag zwischen zwei mächtigen Staaten: Frankreich im Westen sowie dem Habsburgerreich im Osten. Beide sahen in Bayern einen strategisch wichtigen Nachbarn. Bayern – selbstbewusst – war fester Bestandteil der internationalen Netzwerke. Die Intensität der jeweiligen nachbarschaftlichen Beziehungen konnte stark schwanken. Das lag einerseits an den unterschiedlichen Zielen der jeweiligen Außenpolitik und andererseits an dem Zusammenhalt der deutschen Staaten untereinander. Seit der Reichsgründung 1871 war Bayern fest in den deutschen Bundesstaat eingebunden – eine eigene, nur auf Bayern gerichtete Politik, wurde nicht mehr verfolgt. Das Königreich Bayern setzte nach der Reichsgründung keine eigenen Akzente in der deutschen Außenpolitik, auch nicht in der Beziehung zu Frankreich4, obwohl Bayern seitdem den Vorsitz im Ausschuss für auswärtige Angelegenheiten innehatte und damit die Außenpolitik führend hätte gestalten können.5

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Thomas Nipperdey: Deutsche Geschichte. 1800–1866. Bürgerwelt und starker Staat, München 1998. Franz J. Bauer: Das lange 19. Jahrhundert. Profil einer Epoche, Stuttgart 2004, S. 50ff. Thomas Nipperdey: Deutsche Geschichte. 1866–1918. Band II Machtstaat vor der Demokratie, München 1998. Sylvia Krauss: Die politischen Beziehungen zwischen Bayern und Frankreich 1814/15–1840, München 1987; Johann Pörnbacher: Zwischen politischem Kalkül und persönlicher Freundschaft – Die ständigen diplomatischen Beziehungen zwischen Bayern und Frankreich (1670– 1934), in: France Bayern. Bayern und Frankreich. Wege und Begegnungen. 1000 Jahre bayerisch-französische Beziehungen, S. 137–141, München 2006, S. 138f. Dieter Albrecht: Von der Reichsgründung bis zum Ende des Ersten Weltkrieges (1871–1918), in: Handbuch der bayerischen Geschichte. Vierter Band. Das neue Bayern. Von 1800 bis zur

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Der Blick nach Osten zeigte Frankreich nach 1871 ein wirtschaftlich prosperierendes und technologisch sich rasch entwickelndes Deutsches Reich, welches, Frankreich überdies anfänglich außenpolitisch isolierend, tief empfundene Abneigung hervorrief und Revanchegelüste förderte.6 Zwei Generationen lang. Trotzdem sah Paris am Ende des neunzehnten Jahrhunderts auf die deutschen Kleinstaaten herab: Glanzvoll leuchtete die diplomatische Arbeit Frankreichs in den Hauptstädten Europas – in Wien, London und später auch Berlin – doch das Leben an den kleinen Höfen erschien provinziell: „L’histoire des rapports de la Bavière et du Palatinat avec la France [...] n’a ni l’unité, ni les nobles allures qui caractérisent l’œuvre des ambassades de France à Vienne, à Londres et plus tard à Berlin; elle est sans éclat et sans gloire”, schrieb der Historiker und Politiker André Lebon 1889.7 Ein französischer Diplomat sah das anders: Graf André Lefèvre d’Ormesson – ab 1925 Gesandter in München. Seine Familie hielt Berlin für eine Stadt von Emporkömmlingen, dagegen sei München von Grund auf aristokratisch. An den Wittelsbachern schätzten sie die internationale Aufgeschlossenheit und die glanzvollen Feste in der Residenz.8 Bayerns Bedeutung, wie auch die der anderen deutschen Kleinstaaten, bestand für Frankreich in der Möglichkeit, dort die eigene Politik auf Belastbarkeit und Konsistenz zu überprüfen, zur Sicherstellung und damit Wahrung der Kohäsion in der französischen Diplomatie. Tatsächlich galt München im Selbstverständnis des Außenministeriums am Quai d’Orsay nach dem ersten Weltkrieg als ein für die französische Außenpolitik bedeutender Posten, obwohl in Paris bekannt war, dass die Regierung in Berlin endgültig, und in allgemeiner Übereinstimmung, die Verantwortung für die deutsche Außenpolitik in ihren Händen bündelte. Auf das französische Selbstverständnis wirkten die neuen Realitäten verheerend: Hatte man schon den lockeren Zusammenschluss nicht beherrschen können, so schien das neue Deutschland trotz der Niederlage über nicht zu kontrollierende Kraft zu verfügen: „Le colosse germanique demeurait menaçant“, schrieb ein französischer Zeitgenosse entsetzt.9 Im Quai d’Orsay trauerte man offen den alten Zuständen nach.

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Gegenwart. Erster Teilband: Staat und Politik. Begründet von Max Spindler. Neu herausgegeben von Alois Schmid. S. 318–438, München 2. Aufl. 2003; Ernst Deuerlein (Hg.): Der Bundestagsausschuss für die auswärtigen Angelegenheiten 1870–1918, Regensburg 1955, S. 11, 15f; Ernst Deuerlein (Hg.): Briefwechsel Hertling-Lerchenfeld 1912–1917. Dienstliche Privatkorrespondenz zwischen dem bayerischen Ministerpräsidenten Georg Graf von Hertling und dem bayerischen Gesandten in Berlin Hugo Graf von und zu Lerchenfeld, Boppard/Rhein 1973, S. VII. Claude Digeon: La crise allemande de la pensée française, 1870–1914, Paris 1959, S. 95. André Lebon: Recueil des Instructions données aux Ambassadeurs et Ministres de France. Tome 7. Bavière, Palatinat, Deux-Ponts, Paris 1889, S. VII. Philippe Dufay: Jean d’Ormesson, Paris 1997, S. 18; Wladimir d’Ormesson: La Révolution allemande, Paris 1933, S. 140f. Pierre-Étienne Flandin: Politique française. 1919–1940, Paris 1947, S. 11.

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Denn das deutsche Gesuch um einen Waffenstillstand im November 1918 hatte, so schien es, Frankreich die entscheidende Wende gebracht. Gegen britischen und amerikanischen Willen wurden die Friedensverhandlungen in Paris, nicht um neutralen Ausland, abgehalten. Organisation, Durchführung und Pressearbeit lagen in französischer Verantwortung.10 Symbolträchtig waren Zeit und Ort. Der französische Ministerpräsident Clemenceau wollte „abrechnen“: „Sie haben um Frieden gebeten, wir sind geneigt, ihn Ihnen zu geben“.11 Und als der erste französische Gesandte nach dem Krieg, Émile Laurent Joseph Dard (1871–1947), 1920 in München sein Beglaubigungsschreiben übergab, berichtete er umgehend triumphierend nach Paris, dass nun endlich die Schmach von 1871 ausgelöscht sei.12 Frankreich griff, wie wir jetzt aus dem Schriftverkehr genauer wissen, zu unkonventionellen Mitteln: Aus der Überlegung heraus, Frankreich habe zu Zeiten der deutschen Kleinstaaten die Hegemonie über Europa gehabt, versuchte das Quai d’Orsay, aktiv in die innenpolitische Gestaltung Deutschlands einzugreifen, indem sehr bald die nach dem Krieg auftretenden separatistischen Gruppierungen wie im Rheinland oder Bayern ideell und materiell unterstützt wurden. Gegen Berlin gerichtete Rhetorik, unter anderem aus Bayern nahm man beim Wort, übersah jedoch, dass im Regelfall der deutsche Bundesstaat nicht aufgelöst werden sollte. Überschätzt wurden sowohl die deutsche Bereitschaft durch illegale Handlungen politische Veränderungen herbeizuführen, als auch die Tatsache, dass nur wenige Separatisten auf französische Hilfe setzten. Zu offiziellen Kontakten auf Regierungsebene kam es nie, ein Phänomen, das offensichtlich in Paris ignoriert wurde, obwohl man es hätte besser wissen können. Denn die Pariser Regierung war über die Verhältnisse in Deutschland genauestens informiert. Dieses war verdeckt mit viel Mühen in Erfahrung gebracht worden, aber auch die Münchener Regierung machte immer wieder ihre verfassungskonforme Einstellung deutlich sichtbar. Trotzdem schritt Frankreich zur Wiedereröffnung der Gesandtschaft in München. Eine ordnungsgemäße Akkreditierung des ersten Gesandten Dard scheiterte an Frankreich selbst, weil die bayerische Regierung unter Ministerpräsident von Kahr der Reichsregierung keinesfalls das Primat der Außenpolitik absprechen wollte, das Quai d’Orsay jedoch unbedingt bei der bayerischen Regierung akkreditieren wollte. Die Regierung von Kahr, die sich gefangen sah zwischen Höflichkeit und Reichsverfassung, kam überein, die Anwesenheit Dards zu dulden, um dem Diplomaten keine unnötigen Schwierigkeiten zu machen, der schließlich weisungsgebunden war und nach München reisen musste. Die Reichsregierung billigte diese Haltung, hatte doch der französische Schritt Befürchtungen um die nationale Sicherheit verstärkt.

10 Antony Lentin: Lloyd George and the Lost Peace. From Versailles to Hitler, 1919–1940, New York 2001, S. 17f. 11 Grundlegend Eberhard Kolb: Der Frieden von Versailles, München 2005, S. 48f, 73–75. 12 Archives du ministère des Affaires étrangères de La Courneuve (im Folgenden zitiert als AMAE-La Courneuve), 53PAAP/13, Bericht Dards an das Außenministerium vom 21. Juli 1920 Nr. 1, als geheim (secret) klassifiziert.

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Bis 1925 war die französische Deutschlandpolitik die Fortsetzung des Krieges mit anderen Mitteln. Einmischungen in die inneren Verhältnisse in Deutschland, im Besonderen die Unterstützung separatistischer Strömungen im Rheinland und in Bayern13, sollten Schutz vor Deutschland schaffen und die französische Hegemonie in Europa sichern.14 Bayern entwickelte sich in den Pariser Vorstellungen von einer erfolgreichen Deutschlandpolitik zu einem Meilenstein auf dem Weg zu einer neuen Nachkriegsordnung, weil erstens eine Herauslösung aus dem deutschen Bundesstaat möglich schien15, und zweitens, als sich herausstellte, dass weder eine Gesandtschaft in Stuttgart noch eine in Dresden bei den Verbündeten und dem deutschen Nachbarn durchzusetzen war.16 Freilich überschätzten die französischen Stimmen nach Paris die tatsächliche deutsche Bereitschaft17, durch illegale Handlungen grundlegende politische Änderungen herbeizuführen18, was auch mit daran lag, dass die deutschen Gesprächspartner nicht immer die offizielle Politik der Berliner Regierung vertraten.19 Die offensichtlich verfassungskonformen Äußerungen in der Frage der außenpolitischen Verantwortung der bayerischen Regierung wurden an der Seine ignoriert und man übersah, dass bayerische ‚Außenpolitik’, wenn überhaupt dieser Begriff gebraucht werden kann, während der Weimarer Jahre vor allem Österreichpolitik war.20

13 Walter A. McDougall: France’s Rhineland Diplomacy, 1914–1924. The last Bid for a Balance of Power in Europe, Princeton, New Jersey 1978, S. 195–197; David Stevenson: France and the German Question in the Era of the First World War, in: Stephen A. Schuker (Hg.): Deutschland und Frankreich. Vom Konflikt zur Aussöhnung. Die Gestaltung der westeuropäischen Sicherheit 1914–1963, München 2000, S. 10,14. 14 Anthony Adamthwaite: Grandeur and Misery. France’s Bid for Power in Europe 1914–1940, London, New York, Sydney, Auckland 1995, S. 91. 15 Peter Claus Hartmann: Die Mission Haguenin im Frühjahr 1919. Ein schwieriges Kapitel deutsch-französischer Beziehungen, in: Wolfgang Elz, Sönke Neitzel (Hg.): Internationale Beziehungen im 19. und 20. Jahrhundert. Festschrift für Winfried Baumgart zum 65. Geburtstag. S. 217–228, Paderborn, München, Wien, Zürich 2003, S. 221; Stefan Martens unter Mitarbeit von Martina Kessel: Documents diplomatiques français sur l’Allemagne 1920. Band 1, Bonn, Berlin 1992, S. 9,45f; Hans Mommsen: Aufstieg und Untergang der Republik von Weimar: 1918–1933, Berlin 1989, S. 37. 16 David Dutton (Hg.): Statecraft and Diplomacy in the Twentieth Century, Liverpool 1995, S. 61. 17 Klaus Hildebrand: Der deutsche Nationalstaat als Großmacht 1871–1918, in: Walther L. Bernecker, Volker Dotterweich (Hg.): Deutschland in den internationalen Beziehungen des 19. und 20. Jahrhunderts. S. 109–124, München 1996, S. 124. 18 Walter A. McDougall: France’s Rhineland diplomacy, 1914–1924. The Last Bid for a Balance of Power in Europe, Princeton, New Jersey 1978, S. 118. 19 Bayerische Staatsministerium des Äußern, MA 103007, Deutsch-französische Beziehungen 1917–1926, Zifferntelegramm des bayerischen Gesandten Friedrich Wilhelm Foerster in Bern an das Bayerische Staatsministerium des Äußern vom 28. März 1919. 20 Michael Weigl: Das Bayernbild der Repräsentanten Österreichs in München 1918–1938. Die diplomatische und konsularische Berichterstattung vor dem Hintergrund der bayerisch-österreichischen Beziehungen, Frankfurt/M u.a. 2005, S. 385.

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In diese spannungsgeladene Zeit entfiel die Entsendung eines französischen Gesandten, nicht lediglich eines Konsuls, nach Bayern. Das widersprach der Weimarer Verfassung, nach der die Beziehungen zu den auswärtigen Staaten in die ausschließliche Zuständigkeit der Reichsregierung fielen. In Berlin und München war die Aufregung groß: „Wir waren damals lebhaft erschrocken wegen des historischen Symbolgewichtes“.21 Wiederholt betonte die bayerische Regierung ihren festen Willen, an der Reichsverfassung festzuhalten, zumal der französische Gesandte ohne deren Mitwirkung oder Einwilligung nach München entsandt wurde. Das gegenseitige Übereinkommen, den Gesandten, sollte er tatsächlich anreisen, zu empfangen und zu ihm geschäftliche Beziehungen aufzunehmen, war eine rein pragmatische Lösung. DIPLOMATISCHER NEUANFANG IN MÜNCHEN Émile Laurent Joseph Dard (1871–1947) kam im Juli 1920 in München an. Mit großem Elan und in der festen Überzeugung, machtvoll als Repräsentant Frankreichs auftreten zu können, trat er seinen Posten an. Hauptaufgabe der wiedereröffneten Vertretung war die umfassende Berichterstattung an das Quai d’Orsay über alle Veränderungen der öffentlichen Meinung und in der bayerischen Parteienlandschaft, sowie über die wirtschaftliche Lage. Gewünscht war der Aufbau normaler bis vertrauensvoller Kontakte zur bayerischen Regierung. Separatisten sollten, allerdings nur im Verborgenen, unterstützt werden. Das gleichzeitig eröffnete Konsulat hatte eine eigene Paßabteilung und nahm die Handels- und Wirtschaftsinteressen wahr. Mit dem Tag der Wiedereröffnung bezog der neue Gesandte aktiv Stellung. Bayern wollte er zu einem Junior-Partner Frankreichs abwerten und forderte nachdrücklich seine Regierung zu einer harten und unnachgiebigen Haltung gegenüber Deutschland und Bayern auf. Freilich finden sich in seinen Berichten immer wieder auch Beispiele dafür, dass er ausdrücklich das Quai d’Orsay zur Akzeptanz bayerischer Vorstellungen und Wünsche aufforderte. Das offizielle Bayern hielt ihm gegenüber Abstand, blieb aber höflich und zuvorkommend. Aber die Bevölkerung handelte, vorsichtig formuliert, weniger diplomatisch: Übergriffe sind aktenkundig, die sehr wohl auch gewalttätig sein konnten. Und als im Hungerjahr 1923 ein Mitarbeiter der Gesandtschaft für die bedürftigen Kinder Münchens spendete, wurde die Herkunft der Spende vom Ministerium des Äußern verschleiert, damit sie überhaupt ihren Zweck erfüllen konnte. Auch zu den Einwohnerwehren, hastig nach dem Krieg gegründete paramilitärische Organisationen, die sich vor allem in Bayern länger halten konnten, hatte er eine eigene Meinung. Entgegen der allgemeinen Stimmung in Deutschland und im Ausland unterstützte er die bayerische Regierung in ihren Bemühungen, diese zu erhalten und übernahm im August 1920 die Fürsprache für das bayerische Begehren

21 Theodor Heuss, Erinnerungen 1905–1933, Tübingen 1963, S. 275.

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bei seiner Regierung in Paris. Eine Großveranstaltung der Einwohnerwehren Anfang September 1920, die überall, teilweise selbst in Bayern starke Proteste provozierte, gefiel ihm ganz vorzüglich und er schlug noch im November seiner Regierung vor, die Frage der Entwaffnung ruhen zu lassen. Allem Anschein profitierte die katholische Kirche Bayerns, und das ist neu, von Dards Präsenz. Es war Dard, der sich in Paris beim dortigen Erzbischof, offensichtlich von Kardinal Faulhaber um Hilfe gebeten, um Wiederaufnahme der Gespräche bemühte. Bislang ging die Forschung einseitig vom französischen Interesse aus, weil eigentlich sowohl deutschlandweit als auch im Vatikan eine deutsch-französische Verständigung nicht gebilligt wurde. Dards Einmischung in die inneren Verhältnisse Deutschlands wurde von Anfang an zu Recht gefürchtet. Er hatte ein Faible für Konspirationen und war der Ansicht, sich politisch keinerlei Zurückhaltung auferlegen zu müssen. Die bayerische Regierung musste ihn, solange wie französische Zahlungen an und Unterstützung von Separatisten nicht nachweisbar waren, gewähren lassen. Während seiner gesamten Münchener Zeit stand er in Kontakt zu Personen, die die staatsrechtliche Ordnung Bayerns und damit Deutschlands angreifen wollten. Die schillerndste Figur war wohl der Journalist Hubert von Leoprechting, an den Dard nachweislich Geld übergeben hatte. Die Enthüllungen im Hochverratsprozess gegen den Journalisten untergruben seit Juli 1922 die Bereitschaft der bayerischen Regierung, seinen Aufenthalt weiter zu dulden und sie verlangte wiederholt seine Abberufung. Dard wusste um die Unhaltbarkeit seiner Anwesenheit in München, konnte sich mit seiner Ansicht jedoch im Quai d’Orsay nicht durchsetzen. Dort wurde gefürchtet keinen Nachfolger mehr entsenden zu können und Dard stritt sich mit seine Vorgesetzten um seine künftige Verwendung. Auch gesellschaftlich hatte sich Dard isoliert, wichtige berufliche Kontakte bestanden allerdings zu Nuntius Eugenio Pacelli (1876–1958; Papst Pius XII 1939–1958), der in München gut vernetzt war. Mitte April 1923 verließ Dard ohne Genehmigung seiner Regierung und gegen deren Willen München. Daher bemühte man sich, den Konflikt mit Dard nicht in der Öffentlichkeit bekannt werden zu lassen und machte das Interesse an der französischen Vertretung in München deutlich, indem er offiziell nicht abberufen wurde und seine Versetzung 1924 in den Innendienst erfolgreich verschleiert werden konnte. Obwohl seine Abwesenheit wahrgenommen wurde, waren bislang weder die internen Auseinandersetzungen bekannt, noch, dass sich das Quai d’Orsay um Verschleierung bemühte. Daher konnte der französische Botschafter in Berlin die Warnung aussprechen, werde kein neuer Gesandter akkreditiert in Bayern, komme Dard zurück. DAS KRISENJAHR 1923 Aber 1923 war das Leben in München allgemein für Franzosen, wie auch für die übrigen französischen Diplomaten, hart. Die Ausrufung des passiven Widerstandes als Reaktion auf die Besetzung des Ruhrgebietes durch belgische und französische Truppen im Januar 1923 vergällte den französischen Diplomaten das Leben in

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München: Der Dolmetscher der Gesandtschaft war auf offener Straße angegriffen worden und nur noch wenige Hotels und Restaurants waren für Franzosen zugänglich. Gesandtschaftsmitarbeitern wurde ihre Hotelunterkunft fristlos gekündigt – sie standen buchstäblich auf der Straße. Die öffentlichen Plätze waren unsicher geworden: „Sauf trois ou quatre restaurants ou hôtels internationaux on peut dire que tous les lieux publics sont actuellement dangereux pour les Français“22 schrieb der französische Gesandte im Januar 1923 an das Quai d’Orsay. Zwei der Gesandtschaftsmitarbeiter wandten sich um Hilfe an das bayerische Staatsministerium des Äußern. Bitter enttäuscht waren sie, denn sie waren beide der Ansicht gewesen, im Rahmen ihrer Möglichkeiten für die deutsch-französische Verständigung gearbeitet zu haben. Tatsächlich griff die bayerische Regierung zu Gunsten der Franzosen ein; hatte aber selbst Mühe, elementare Formen der Höflichkeit bei ihren bayerischen Landsleuten gegenüber den französischen Diplomaten einzufordern. Anfang Februar 1923 stellten sich die Lebensverhältnisse der Mitarbeiter von Gesandtschaft und Konsulat folgendermaßen dar: Sie nahmen in einem eigenen Raum zu deutlich überhöhten Preisen im Hotel ‚Vier Jahreszeiten’ und streng von den übrigen Gästen getrennt, ihre Mahlzeiten ein. Lebensmittel zur Selbstversorgung konnten sie nur kaufen, wenn sie einen deutschen Einkäufer fanden. Die Unterkunftsfrage war geklärt, auch weil ein Diplomat in der Gesandtschaft wohnte, ein anderer seine Nationalität seinem Vermieter nicht offenbarte. Das Gesandtschaftsgebäude stand kontinuierlich unter Polizeischutz. Immerhin fanden sie, hatte sich die Situation wieder gebessert, doch trotzdem „malgré cette amélioration de la situation“, blieben sie vom öffentlichen Leben ausgesperrt. „En somme la situation des membres de la Légation et du Consulat de France à Munich continue d’être précaire et humiliante“ schrieb Dard im Februar 1923.23 Das galt auch für die noch ungefähr zwanzig anderen französischen Staatsbürger in München. Sie litten unter tätlichen Angriffen durch Hitlers Truppen, die sie aus Theater und Kinos verjagten und selbst der Gebrauch der französischen Sprache auf der Straße wurde lebensgefährlich: „Les théâtres, thés, cinémas, etc. sont étroitement surveillés par les gens d’Hitler pour en expulser les Français s’il s’en trouvait. Dans la rue, même attitude. S’il ne se produit plus d’incidents, c’est qu’il n’y a plus à Munich qu’une vingtaine de Français parlant la langue et usant de prudence”.24 Nach Dards Abreise führte die Gesandtschaft ihre Arbeit trotz der widrigen Umstände weiter. Plakate an Hotels, Restaurants und Läden riefen weiter dazu auf, Franzosen den Zutritt zu verweigern. Dem Konsul in Nürnberg wurden wichtige

22 AMAE-La Courneuve, 53PAAP/18, Schreiben Dards an das Außenministerium vom 6. Januar 1923 Nr. 3. 23 AMAE-La Courneuve, 53PAAP/18, Schreiben Dards an das Außenministerium vom 7. Februar 1923 Nr. 32. 24 AMAE-La Courneuve, 53PAAP/18, Schreiben Dards an das Außenministerium vom 18. Februar 1923 Nr. 39.

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Bezugskarten für den Bedarf des täglichen Lebens (wie für Kohle und Zucker) verweigert; Betrügereien im Gaststättengewerbe waren notorisch. Schon vorher hatte Jean Félix Anne Pozzi (1884–1967) stillschweigend repräsentative Aufgaben wahrgenommen, wie er auch den Kontakt zum Staatsministerium des Äußern hielt. Frühe Forschungen zur französischen Gesandtschaft hatten zu Recht seine Beobachtungen zum Hitlerputsch im November 1923 und die anschließende unzulängliche Aufarbeitung in den Mittelpunkt des wissenschaftlichen Interesses gerückt.25 Pozzi scheiterte schließlich weniger an bayerischer Ablehnung, sondern an der Uneinsichtigkeit in seiner vorgesetzten Dienstbehörde. Paris wollte die gestiegenen Lebenshaltungskosten in Deutschland, die auch die Diplomaten trafen, nicht zur Kenntnis nehmen. Heute wissen wir außerdem, dass er vorsichtig einen Weg zu gegenseitiger Rücksichtnahme in den bi-nationalen Beziehungen suchte. Das war damals auf dem Höhepunkt der deutsch-französischen Nachkriegskrise außerordentlich weitsichtig und mutig. Das spiegeln seine nach Paris geschickten Berichte wider, in denen er, wann immer möglich, für Verständnis für die bayerisch-deutsche Haltung warb. Auf jeden Fall war er der Ansicht, über gute Kontakte im Staatsministerium des Äußern zu verfügen. PARADIGMENWECHSEL – GRAF ANDRÉ LEFÈVRE D’ORMESSEON Im Februar 1925 übernahm mit Graf André Lefèvre d’Ormesson (1877–1957) ein Mann die Leitung der Gesandtschaft, der Deutschland und den Deutschen gegenüber außergewöhnlich aufgeschlossen war. Vor allem für Bayern hatte er ein Faible und setzte sich in seiner bayerischen Zeit engagiert für gegenseitigen kulturellen Austausch und Verständigung ein. Vorsichtig fasste er politisch und gesellschaftlich in München Fuß. Pazifist, unterstützte er vorbehaltlos die Briand´sche Versöhnungspolitik. Besonderen prägend war sein jansenistisch- moralischer Rigorismus, der ihn von Anfang an die nationalsozialistische Bewegung verurteilen ließ und der er klar- und weitsichtig die Brutalisierung der Politik seit dem Beginn der 1930er Jahre vorwarf. D’Ormesson begriff bald nach seiner Ankunft, dass politische Kontakte zum Staatsministerium des Äußern nicht gewollt waren. Er ging auf die bayerischen Wünsche ein und hielt sich diesbezüglich zurück. Politisch blieb die Gesandtschaft isoliert – zu französisch-bayerischen politischen Kontakten kam es nicht, er schaute zu. In seinen Berichten thematisierte er die wenig souveräne Tagespolitik unter Ministerpräsident Held ebenso wie die fehlende republikanische Überzeugung in weiten Kreisen der Bevölkerung und die fehlende moralische Prinzipientreue gegenüber dem aufstrebenden Nationalsozialismus und der damit einhergehenden Brutalisierung der Politik. Vor allem letzteres beklagte er lebhaft an der Bayerischen

25 Peter-Claus Hartmann: Der Hitlerputsch (1923) im Urteil der französischen Gesandtschaftsund Botschaftsberichte, in: Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte. Hrsg: DHI Paris Band 5(1977/78), S. 453–472.

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Volkspartei sowie dem Ministerpräsidenten, dem er vorwarf, der nationalsozialistischen Agitation nicht überzeugend genug entgegenzutreten, sondern vielmehr deren Impakt auf die Innenpolitik zuzulassen. Seit den Tagen der Wiedereröffnung war die Gesandtschaft Zielscheibe der nationalsozialistischen Agitation und Aggression. Immer wieder musste sie von der Polizei vor Angriffen geschützt werden. Dennoch hielten sich hartnäckige Gerüchte, dass Frankreich eine Weile auch Hitlers Bewegung finanziell unterstützt habe. Gegen diese Behauptung klagte Hitler mehrfach erfolgreich, aber auch in der Gesandtschaft wurde überlegt, ob nicht doch Gelder an die, in der Gesandtschaft so bezeichneten ‚hitléristes’ geflossen seien. Obwohl man es sich wegen der ausgeprägten Frankreichfeindlichkeit der Bewegung eigentlich nicht erklären konnte, wurde vermutet, dass vielleicht doch einmal versehentlich Unterstützung gewährt worden sei. Dafür brillierte d’Ormesson bei seinem Aufbau eher inoffizieller gesellschaftlich-kultureller Kontakte. Gleichfalls gelang ihm, während seiner siebenjährigen Zeit in München in weiten Kreisen der Bevölkerung Interesse an Land und Leuten zu wecken. Allein das öffentliche Bayern zeigte sich zurückhalten. Daher blieb der kulturelle Austausch vornehmlich einseitig, allerdings in vielfältigen Formen: das waren Buchgeschenke an Münchener Bibliotheken (wie beispielsweise die Staatsbibliothek), Besuchsprogramme für französische Volksschullehrer und künstlerisch-intellektuelle Veranstaltungen. Paris erklärte er, dass nicht jede deutsche Kritik an Frankreich Ausdruck einer tiefsitzenden Frankreichfeinlichkeit sei. In Bayern veränderte sich nach der Machtergreifung Ende Januar 1933 zunächst wenig, konstatierte d’Ormesson. Das änderte sich schlagartig mit der Reichstagswahl Anfang März. Die Gesandtschaft sah mit Entsetzen dem unverzüglichen Auf- und Ausbau einer Terrorherrschaft zu. Die Berichte und vor allem nun Telegramme vermitteln ein eindringliches Bild der politischen Zustände: „Il est facile d’imaginer l’atmosphère de terreur qui pèse sur Munich, la moindre délation pouvant faire de chacun – vieillard ou non, aristocrate ou ouvrier, monarchiste, catholique ou communiste – un apprenti de Dachau“.26 D’Ormesson warnte eindringlich vor der Unterschätzung Nazideutschlands und er wies pausenlos auf die Verfolgung der jüdischen Bevölkerung hin und unterstrich deren Gefährdung, indem er um die Möglichkeit bat, beschleunigt und ohne vorherige Anfrage in Paris, Visa ausstellen zu dürfen: „J’estime que le seul service que nous puissions rendre aux israélites allemands persécutés est d’accueillir dans un esprit très libéral leurs demandes d’autorisation de se rendre en France“.27 Schon im April musste der Gesandte mit seiner Familie selbst München verlassen und nach Frankreich zurückkehren, weil seine Sicherheit nicht mehr gewährleistet war.

26 AMAE-La Courneuve, 129PAAP/3, Bericht d’Ormessons an das Außenministerium vom 22. März 1933 Nr. 53. 27 AMAE-La Courneuve, 129PAAP/3, Bericht d’Ormessons an das Außenministerium vom 29. März 1933 Nr. 64.

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D’Ormessons Nachfolger, der bis 1934 in München Dienst tat, hatte deutlich mehr Probleme zu einer realistischen Einschätzung des nationalsozialistischen Deutschlands zu kommen. Obwohl auch er von den Verfolgungen wusste, in Einzelfällen setzte sich die Gesandtschaft für die schwer Bedrängten ein, suchte er doch die Harmonie. Aus unterschiedlichen Gründen wurde die Gesandtschaft 1934 in ein Generalkonsulat zurückgestuft, ihre politische Funktion war damit beendet. Mit Kriegsausbruch 1939 verliessen die Konsulatsangehörigen München. RÉSUMÉ À la fin de la Première Guerre Mondiale, la France espérait en vain que la Bavière se proclame État autonome. C’est pourquoi elle proposa à plusieurs reprises de financer de supposés mouvements séparatistes. Il est probable qu’Adolf Hitler en profita, bien que la France veillât à ne pas subventionner son mouvement, vu l’hostilité de ce dernier envers elle. Le gouvernement français, ayant du mal à définir le rôle du futur diplomate à Munich, choisit d’y envoyer le ministre plénipotentiaire Émile Dard en juillet 1920, malgré l’interdiction de la nouvelle constitution allemande. En effet, la Bavière, ainsi que le gouvernement allemand à Berlin, craignaient une ingérence dans leurs affaires intérieures. Après un accord mutuel, les lettres de créance furent toutefois acceptées à Munich. Dard pensait pouvoir contrôler la politique bavaroise. Il n’en fut rien. La Bavière se montra hostile envers les diplomates français en mission à Munich, surtout après un procès pour haute-trahison auquel le nom de Dard fut mêlé. Cette attitude s’intensifia encore après l’occupation de la Ruhr en 1923 par des troupes françaises et belges. Les plaintes de Dard auprès du ministère des Affaires étrangères à Paris sur la quasi-impossibilité d’exercer ses fonctions étaient bien fondées. En 1923, Dard quitta Munich. Après que Gustav Stresemann eut renoncé à la résistance passive et que le « Cartel des Gauches » eut remporté les élections françaises au printemps 1924, les relations entre Berlin et Paris s’intensifièrent. Elles influencèrent par la suite les relations franco-bavaroises. Paris fit preuve d’une certaine prudence en envoyant, à la tête de la légation, le comte André Lefèvre d’Ormesson qui aimait sincèrement l’Allemagne et surtout la Bavière. Il lutta pour une bonne entente entre les deux nations et put convaincre les Munichois qu’il souhaitait ardemment la réconciliation des deux peuples. La Bavière et la France furent toutes deux satisfaites de cette mission. L’influence de plus en plus considérable du parti d’Hitler à Munich bouleversa la situation. D’Ormesson dénonça avec ferveur le sentiment anti-républicain largement répandu en Allemagne. En mars 1933, les national-socialistes prirent également le pouvoir en Bavière. D’Ormesson fut rapidement accablé de soucis. Horrifié de la brutalité gouvernementale, il informa sans cesse Paris des mesures prises par le nouveau pouvoir qui semait la terreur à travers le pays. Il insista auprès de son ministère pour permettre à la population juive de trouver refuge en France.

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D’Ormesson quitta hâtivement Munich avec sa famille dès la fin d’avril 1933 après avoir reçu des menaces. Son successeur, Gaston Amé-Leroy, entra en fonctions quelques semaines plus tard. Mais les jours de la légation étaient comptés. ABSTRACT After World War I, France hoped that Bavaria would proclaim itself an independent state, thereby repeatedly offering financial help for separatist movements. Even Adolf Hitler may have benefited from it, despite France’s caution against subsidizing his movement since he was hostile to the latter. Defining the exact duties of the future diplomat in Munich proved to be difficult for the French Government. In July 1920, the plenipotentiary Émile Dard was sent to the Bavarian capital. This happened without the permission of the new German Constitution since both Bavarian and German Government feared foreign interference in national matters. After an agreement was reach, his letter of credence was accepted in Munich. Dard believed that he would be able to control Bavarian politics. But this was not the case. Bavaria was hostile to French Diplomats in Munich, especially after Dard’s name appeared in a high treason case. Bavaria was even more hostile after the Ruhr occupation by French and Belgian troops in 1923. Dard was rightly complaining to the Ministry of Foreign Affairs about the near impossible task to fulfill his duties. He left Munich in 1923. With Gustav Stresemann ending the passive resistance campaign, and the “Cartel des Gauches” winning the French Parliament elections in 1924, the relationship between Berlin and Paris intensified, thereby influencing the French-Bavarian relationship. France proved its cautiousness by sending Count André Lefèvre d’Ormesson as the new diplomat to Munich. He sincerely appreciated Germany, especially Bavaria, and fought for a good understanding between the two nations, persuading the inhabitants of Munich that he wanted the reconciliation between the nations. Both Bavaria and France were satisfied with the work of the legation. Everything went out of control with Hitler’s party rising in influence. D’Ormesson denounced the anti-republican inclinations that could be found in many parts of Germany. The National Socialists came to power in Bavaria as well in March 1933. D’Ormesson was very worried. Horrified by the brutality of the new government, he informed Paris about the new measures which were terrorizing the whole country. He insisted that the Ministry of Foreign Affairs should allow the Jewish population to find shelter in France. Around the end of April 1933, d’Ormesson hastily left Munich together with his family after having received threats. Gaston Amé-Leroy became the new diplomat in Munich a few weeks after. But the days of the legation were numbered.

LES ADMINISTRATIONS FRANÇAISES À BERLIN (1941–1945) Christian Brumter Avant de quitter Berlin le 3 septembre 1939, l’ambassadeur Robert Coulondre confia, comme il est de coutume entre chancelleries, la défense des intérêts français dans le Reich à l’ambassade d’un pays tiers1 qui assura ainsi la continuité de la présence de la France en territoire ennemi. Ce qui, par la suite, devint insolite fut que la France revint à Berlin et dans le Reich, à partir de novembre 1940. UNE PRÉSENCE FRANÇAISE MAINTENUE Conformément au droit international, la France dut d’abord faire assurer la protection de ses intérêts et de ceux de ses ressortissants chez l’adversaire. À partir de juin 1940, il lui fallut, en plus, s’assurer que ses prisonniers de guerre soient traités conformément à la convention de Genève du 27 juillet 1929 qui prévoyait la mise en œuvre de cette protection « avec le concours et sous le contrôle de Puissances protectrices chargées de sauvegarder les intérêts des Parties au conflit ». La France décida donc de confier cette autre responsabilité aux États-Unis. Des intérêts nationaux à défendre Les États-Unis exercèrent ainsi la protection des intérêts français jusqu’au 11 décembre 1941, date de leur entrée en guerre contre les puissances de l’Axe. Toutefois, un an auparavant, le 3 novembre 1940, le Reich demanda que la protection des prisonniers de guerre soit assurée par la France elle-même2, résultat tangible de la politique de Collaboration annoncée le 30 octobre 1940. Pour les services américains, cette responsabilité entraîna assurément un accroissement de la charge de travail puisqu’ils durent entretenir, dans le Reich, 116 propriétés, 54 gardiens, 56 garde-meubles et une flotte de voitures officielles ou

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En l’occurrence les États-Unis, qui représentèrent les intérêts français en Allemagne et en Italie ainsi que dans les pays occupés, en Norvège, en Belgique, dans les Pays-Bas et en Yougoslavie pour la partie annexée par l'Italie. Georges Scapini, Mission sans gloire, Paris, Morgan, 1960. Le jurisconsulte du Quai d’Orsay, le professeur Basdevant, souligna qu’une telle pratique était coutumière au XVIIIe et au début du XIXe siècle lorsque chaque belligérant entretenait, chez l’autre, un ou plusieurs agents qui avaient à s’occuper de l’échange des prisonniers, de leur traitement et parfois de questions politiques relatives au rétablissement de la paix.

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privées. La tâche la plus importante fut toutefois, durant plus d’un an, la protection des quelque 1.500.000 prisonniers de guerre. Ce travail fut des plus difficiles car il fut entravé par la mauvaise volonté des autorités nazies. L’entrée en guerre des États-Unis posa la question de la dévolution de ces responsabilités. Logiquement, les États-Unis envisagèrent de les transmettre à l’ambassade de Suisse qui avait accepté, le 12 décembre 1941, de prendre à sa charge la défense de leurs intérêts en Allemagne et en Italie, et qui fut disposée à assumer ceux de la France et du Royaume-Uni. Or, le 16 décembre 1941, les autorités allemandes s’y opposèrent, désireuses de les confier à la France elle-même, pour les mieux contrôler. À Vichy, la protection des prisonniers de guerre avait pris une dimension politique affirmée. Ce qui ne fut, le 31 juillet 1940, qu’une « mission » de « traiter avec le gouvernement allemand les questions relatives aux prisonniers de guerre » avec rang de ministre plénipotentiaire, devint, le 20 août 1940, le Service diplomatique des prisonniers de guerre (SDPG) placé sous l’autorité de Georges Scapini, auquel le Maréchal Pétain conféra, le 22 septembre 1940, le titre d’Ambassadeur3 afin, sans doute, de le mettre au même niveau protocolaire qu’Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne en France.4 Il reçut ainsi, en février 1942, autorité sur les futurs « Services officiels français en Allemagne », dépendant du secrétariat d’État aux Affaires étrangères.5 Une présence française disparate Sitôt la fin des hostilités, la France envoya en Allemagne des délégués pour la représenter auprès de la Commission allemande d’armistice (CAA) siégeant à Wiesbaden6 et assumant le rôle de plaque tournante pour la mise en œuvre de la convention d’armistice du 22 juin 1940. Traitant de questions de tous ordres, diplomatiques7, économiques, monétaires, logistiques, juridiques et de circulation entre les deux zones, cette Commission assura non seulement un rôle de coordination administrative mais fut aussi le « premier rempart de résistance » aux prétentions allemandes. Placée au cœur des relations franco-allemandes, la délégation se tint donc en relation avec les services implantés à Berlin. 3 4 5 6 7

Cf. décrets des 20 août et 22 novembre 1940. Le 7 septembre 1944, le Gouvernement provisoire de la République française lui retira ce titre. Roland Krug von Nidda puis Cecil von Renthe-Fink furent, quant à eux, ambassadeurs, chefs de l’antenne de l’ambassade d’Allemagne à Paris auprès du maréchal Pétain à Vichy. Le Service diplomatique des prisonniers de guerre était installé au 16 rue Cortamberg à Paris 16ème et non pas au Quai d’Orsay. Au ministère des Affaires étrangères, la liaison était assurée par Armand Bérard puis, à partir du 20 septembre, par Roger Lalouette appartenant à la section « Armistice » créée le 4 juillet 1940 et placée sous la direction de Guy Le Roy de la Tournelle, consul général. Le futur ambassadeur Tarbé de Saint Hardouin fut chef du service de presse de la délégation française à Wiesbaden et président de la section des affaires étrangères auprès de la délégation.

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La France réapparut à Berlin à la fin de l’année 1940, Georges Scapini voulant en effet y ouvrir une antenne avant d’y installer ses services. Jacques Benoist-Méchin, nommé en août 1940 chef de la délégation des prisonniers de guerre à Berlin, y revint8 pour des missions exploratoires menées en vue de l’établissement d’autres services officiels, notamment diplomatiques. Menées par l’ambassadeur Fernand de Brinon, les discussions franco-allemandes furent difficiles. Berlin ne chercha qu’à étendre son emprise en s’installant à Vichy et en ouvrant des consulats en zone occupée et dans l’Empire. La France quant à elle proposa, le 29 octobre 1941, un échange entre l’ouverture d’une délégation du Reich à Vichy et de consulats à Lyon, Marseille, Casablanca et Alger d’un côté, et le droit, de l’autre côté, d’envoyer à Berlin une délégation de « caractère diplomatique » chargée de « traiter toutes les questions relatives à la sauvegarde des intérêts français en Allemagne et dans les territoires étrangers occupés par l’armée allemande » ainsi que l’ouverture de trois consulats à Cologne, Stuttgart et Hambourg.9 L’ « Office Ribbentrop » se refusa évidemment à reconnaître à la délégation un libre exercice de ses fonctions dans les mêmes conditions que les autres missions diplomatiques ou à lui conférer les compétences reconnues par le droit des gens aux consuls. Tout au plus était-il disposé à lui reconnaître des responsabilités en matière de protection des prisonniers de guerre et de la main-d’œuvre française en Allemagne. La question de la compétence territoriale fut un autre sujet, très politique, de discussion. Alors que l’administration allemande avait souhaité que la compétence territoriale s’étendît à tous les pays occupés, Vichy n’accepta, le 31 octobre 1941, que de la circonscrire au Reich, étendu au Gouvernement général de Pologne et au protectorat de Bohême-Moravie où se trouvaient des camps. À la satisfaction de la Wilhelmstrasse car cela constituait une reconnaissance de facto des annexions opérées par le Reich ! Benoist-Méchin dut aussi accepter le refus d’accréditer le chef de la délégation française auprès du chef de l’État allemand10 et de conférer l’exequatur aux consuls. À cela s’ajouta l’interdiction du pavoisement du drapeau tricolore au fronton des immeubles.11 Les immunités furent également débattues. La demande française du 29 octobre 1941 à l’Allemagne de se porter garante du respect de la liberté de circulation et de déplacement des agents, de celle d’entretenir des rapports normaux avec les ressortissants français résidant ou de passage et de la liberté pour ceux-ci d’accéder et de recourir à la délégation ou aux services consulaires fut accueillie avec réserve. Réticences accrues lorsque la France demanda l’usage des moyens de communication

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En tant que secrétaire général adjoint à la vice-présidence du Conseil, nommé le 25 février 1941. 9 Archives du ministère des Affaires étrangères – Centre de La Courneuve (ci-dessous AMAELa Courneuve), 10GMII/2. 10 En effet, en l’absence d’un traité de paix cela eût été difficile et l’ambassadeur Abetz ne fut pas non plus accrédité en France. 11 AMAE-La Courneuve, 10GMII/2, note du 30 décembre 1941.

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cryptée et de liaisons avec le Département (chiffre, valise) et avec les consulats. Les négociations progressèrent difficilement car Abetz n’accepta, le 11 décembre, que d’accorder au seul chef de délégation les immunités de juridiction et contre l’action de la police allemande. Enfin, il fallut négocier la mise en place de l’administration de la main-d’œuvre française en Allemagne12, administration autonome placée sous l’autorité de Gaston Bruneton. Trouver des bureaux fut difficile dans le Reich.13 Y installer des Français souleva aussi de nombreuses questions de principe. Dépêché en éclaireur, Jacques Benoist-Méchin, accompagné du médecin-commandant Brucker et du capitaine Roussane, vint le 8 décembre 1940 à Berlin pour examiner les conditions d’installation. Les dix délégués du service diplomatique des prisonniers de guerre (SDPG) autorisés à inspecter les camps dans le Reich s’installèrent donc en mai 1941 au 12 Standartenstrasse, à proximité de l’ambassade de France. L’installation des consulats fut d’une portée plus politique car le Reich y attacha une grande importance.14 À juste titre15, l’amiral Darlan craignit une trop grande implantation des Allemands en zone libre16 puisqu’ils revendiquèrent, outre une délégation à Vichy, l’implantation de consulats à Lyon et Marseille, Casablanca et Alger. Pour la France, au début décembre 1941, Abetz n’envisagea que l’ouverture de trois consulats à Cologne, Stuttgart et Hambourg. Pourtant, à la fin de l’année, l’on arriva à cinq : Berlin, Hanovre, Francfort-sur-le-Main, Munich et Dresde.17 Les Allemands y ajoutèrent sept délégués autorisés pour le service de la main-d’œuvre française en Allemagne. Lier les aspects diplomatiques à la protection des prisonniers de guerre puis à l’administration de la main-d’œuvre française en Allemagne

12 Le Service de la main-d’œuvre française en Allemagne, institué le 20 mars 1942, deviendra, le 6 février 1943, le Commissariat général à la main-d'œuvre française en Allemagne puis, en janvier 1944, Commissariat général à l’action sociale pour les travailleurs français en Allemagne. 13 Fin 1944, les administrations françaises employaient près de 1200 personnes, dont 938 pour les services de la main-d’œuvre, y compris les employés allemands. 14 Par exemple, soixante agents devaient être affectés à Vichy ! 15 Le 9 septembre 1940, l’Allemagne demanda la réouverture de ses anciens consulats dans les colonies, supprimés par le traité de Versailles : Alger, Beyrouth, Tunis, Hanoï et Brazzaville/Matadi – la France ayant rejeté, avant 1914, la demande présentée pour des installations au Maroc et au Cameroun. Berlin disposait aussi d’agents consulaires à Alexandrette et à Tripoli en Syrie ; le consul d’Allemagne à Calcutta avait juridiction sur les comptoirs de l’Inde française. 16 Le 19 août 1926, la France avait autorisé l’ouverture de consulats à Alger, Bordeaux, Épinal, Le Havre, Lyon, Marseille et Rouen (vice-consul). 17 En 1939, la France disposait dans le Reich de 19 consulats et de 7 antennes consulaires : Berlin, Cologne, Aix-la-Chapelle, (Coblence et Krefeld), Dresde, Düsseldorf, Francfort, Mayence, (Ludwigshafen et Trèves), Hambourg et Brême, Innsbruck, Karlsruhe, (Kehl et Mannheim), Königsberg, Leipzig, Munich, Nuremberg, (Karlsbad), Sarrebruck, Stuttgart, Vienne, Graz.

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fut en effet la technique de négociation utilisée par la Wilhelmstrasse18 pour éloigner les services du champ diplomatique. En mai 1942, Roger Lalouette19, secrétaire d’ambassade, commença, alors une tournée des villes concernées afin de vérifier l’état des locaux des anciens consulats. Finalement, l’on nomma Noël Henry puis Alexis-Léon Véquaud à Berlin, Daniel Lamazière à Dresde, Émile Dufresne de la Chauvinière à Francfort, Maurice Ardiet à Hanovre, remplacé par Véquaud, et Gontran Begöugne de Juniac à Munich. L’installation des services de la main-d’œuvre française en Allemagne (SMOFA) rencontra plus de difficultés car il fallut trouver des locaux pour y installer leurs 57 antennes. En effet, travaillant au profit de l’économie allemande, le SFMOA se devait d’établir les contacts les plus étroits avec, d’une part, le Front allemand du travail (Deutsche Arbeitsfront – DAF) et, d’autre part, les services de l’agriculture et du ravitaillement (Reichsnährstand – RNST). Pour resserrer ces liens, on créa en mai 1943, la Délégation officielle française (DOF) près du Deutsche Arbeitsfront. Juridiquement indépendante du Commissariat Bruneton, la DOF faisait de fait partie intégrante des institutions corporatistes nazies, position qui lui permit de se rapprocher de toutes les entreprises locales employant de la main d’œuvre française. UNE ACTION LIMITÉE Les compétences des différents services installés en Allemagne furent précises mais limitées. Elles touchèrent toutefois, inégalement, un nombre significatif de personnes, estimé, en 1945, à 1.696.000.20

18 Abetz avait déjà proposé, en novembre 1941, de compléter le SDPG par un service chargé d’administrer la main-d’œuvre civile française en Allemagne pour obliger la partie française à se concentrer sur des tâches de gestion de personnels. 19 Roger Lalouette fut 2ème secrétaire à Berlin d’août 1935 au 22 octobre 1936. Après trois mois comme consul général à Cologne, il rejoignit la Résidence générale au Maroc le 22 juillet 1942 et fut nommé, le 18 avril 1945, membre de la délégation française au tribunal international de Nuremberg. 20 Soit : 500 à 540.000 travailleurs (60 à 80.000 travailleurs volontaires et 430 à 460.000 requis), 16.000 des Chantiers de Jeunesse, 890.000 prisonniers de guerre, 200.000 prisonniers de guerre « transformés » en travailleurs civils et 10.000 jeunes Alsaciens-Lorrains de 17 à 25 ans astreints au Reichsarbeitsdienst et 40.000 déportés. D’autres sources comptabilisent, à la fin 1944, environ deux millions de Français, dont un million de prisonniers de guerre.

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Les compétences D’un point de vue diplomatique, la première activité déployée par le SDPG fut naturellement la libération de prisonniers.21 Une première libération importante concerna, fin 1940, les 28.000 hommes du général Daille internés en Suisse ; 160.000 prisonniers furent ensuite mis en congé de captivité ainsi que 100.000 blessés et les membres du service de santé. D’autres libérations intervinrent : 223.000 en 1941, 85.000 en 1942, 92.000 en 1943 et 27.000 en 1944. 427.000 prisonniers furent donc libérés de manière anticipée. Les inspections des camps furent, quant à elles, fondamentales pour vérifier la bonne application des mesures prévues dans la convention de Genève. Tâche énorme que d’inspecter les Oflags, Stalags, quelques forteresses-prisons, les lieux de travail (Arbeitskommando), et les bataillons mobiles de travailleurs, chargés de réparer les dégâts causés par les bombardements, dispersés en Allemagne, Autriche, Pologne, Tchécoslovaquie, ainsi que les quatre camps maintenus en France. Mission essentielle, aussi, de maintenir durant la guerre des liens étroits avec les 83.000 « hommes de confiance » représentant les prisonniers, ou avec leurs familles en France. Parmi les résultats obtenus par le SDPG, la défense des prisonniers de guerre de confession israélite doit être soulignée. Suite à une intervention de Léon Blum, les prisonniers de guerre juifs furent soustraits à l’application des lois raciales nazies, Scapini s’étant toujours opposé à ce qu’ils soient regroupés dans des camps spéciaux. Pour les prisonniers des troupes coloniales, il obtint aussi en 1941, soit le rapatriement soit le renvoi en France occupée où existaient encore quatre camps de prisonniers qui servaient de main-d’œuvre. Enfin, le SDPG s’attacha à assister les prisonniers condamnés22, en obtenant qu’ils soient regroupés dans des lieux où leurs conditions de détention pouvaient être aisément contrôlées.23 Les compétences des « Services officiels français » (SOF) en Allemagne ou « consulats »24 furent délicates à définir du fait de la dualité des fonctions exercées par 21 Cf. Jean Védrine, Les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance, 1940–1945, Paris, Fayard, 2013 ; Patrice Arnaud, Les STO, histoire des Français requis en Allemagne nazie 1942–1945, Paris, CNRS Éditions, 2014. 22 Il y eut au fil de la guerre de 70 à 700 condamnations par an (333 en 1943). Dans 77% des cas, le motif de la condamnation fut l’entretien de relations avec des femmes allemandes, très sévèrement punies ; 10% pour voies de fait, 5% pour vol, 3% pour braconnage et 9% pour des actes de sabotage. 23 Ils furent dans les prisons (Zuchthaus) : 150 à Ichterhausen, 179 à Untermassfeld, et près de 200 à Brandenburg-Görden. Le camp disciplinaire de Lübeck regroupait 580 officiers français. 24 Cédant aux injonctions allemandes, Scapini rappela, le 24 décembre 1942, qu’il y avait lieu d’éviter l’appellation d’« office consulaire » et de la remplacer par « service officiel français à... ». Ce qui fut confirmé par de Brinon, lequel informa Abetz le 17 février 1943 du changement de la dénomination (en allemand « Französische Dienststelle »). L’affaire alla plus loin. Comme les consuls continuèrent à porter leur titre, la Wilhelmstrasse demanda, le 12 janvier 1943, que ce titre ne leur fût plus attribué au motif qu’« ils n’[avaient] aucun pouvoir consulaire et ne [pouvaient] déployer d’activité diplomatique » !

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Georges Scapini, à la fois investi d’une charge « diplomatique » et responsable de la protection des prisonniers. Non seulement la demande de la France de leur conférer les compétences dévolues aux consulats25 ne fut pas été acceptée, mais la Wilhelmstrasse envisagea même de limiter à quatre le nombre des bénéficiaires des immunités consulaires. L’accord signé le 5 février 1942 entre Benoist-Méchin et Abetz sur les services français en Allemagne chargés des travailleurs accrut encore cette ambiguïté en prévoyant que les services de la main-d’œuvre seraient composés, d’une part, de fonctionnaires des Affaires étrangères qui assureraient des fonctions administratives et, d’autre part, du service de la main-d’œuvre, compétent en matière sociale. Principe d’ailleurs rappelé par décret du 17 mai 1942 qui disposait que le SDPG recevait délégation générale du gouvernement français pour traiter de toutes les questions concernant les biens et intérêts français ainsi que la main-d’œuvre française en Allemagne. Mais Gaston Bruneton pouvait-il être subordonné à Georges Scapini ? Les deux hommes avaient des rapports avec l’Allemagne des conceptions opposées ! Finalement, les services de la main-d’œuvre fonctionnèrent indépendamment, ce qui n’empêcha pas les « consulats » d’aider les travailleurs. La Wilhelmstrasse continuant à vouloir limiter les compétences des services officiels, Scapini entama, le 30 novembre 1942, une campagne qui perdura jusqu’en 1945 dans le but de garantir aux services les attributions habituellement reconnues aux consulats.26 De fait, pour la Wilhelmstrasse, les « services officiels français » ne furent chargés que de certains aspects – état-civil, actes authentiques notamment – de la protection des travailleurs français et des immeubles appartenant à l’État. Le système agréé par l’Allemagne laissa donc sans protection les intérêts de ceux des ressortissants français qui n’entraient pas dans l’une des deux catégories des prisonniers de guerre ou de la main-d’œuvre française, ainsi que les biens mobiliers de l’État. Conscient de ces insuffisances – les biens mobiliers de l’État et les biens privés27 restèrent sans protection –, Scapini proposa le 27 juin 1943, avec l’assentiment de Pierre Laval, ou bien d’élargir ses compétences conformément au droit international, ou bien de désigner une puissance protectrice pour remédier aux lacunes. L’assistance aux détenus fut également limitée. Il fut évidemment impossible aux services français d’assister des détenus en camps de concentration. Si la police

25 Assistance judiciaire, protection des résidents français, chancellerie (état-civil, mariages par procuration, passeports, pièces d’identité), versement de pensions, établissement d’actes authentiques, protection générale des intérêts français (personnes et biens) et attributions notariales. 26 Furent ainsi nommés officiers d’état-civil, par la loi n° 961 du 4 novembre 1942: M. Proth à Berlin, M. Carrier à Dresde, M. Eymard à Francfort, M. Coste à Munich jusqu’au 15 août 1942 puis M. Pierre. 27 Les biens des étrangers belligérants furent placés sous séquestre et leur gestion confiée à un curateur nommé par les autorités

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judiciaire, la « Kripo », répondait généralement aux demandes sur les motifs d’arrestation et sur le lieu d’incarcération, la Gestapo refusait de répondre sur les motifs d’arrestation, les jugements prononcés ou les durées de peine et ne donnait d’indication sur le lieu de transfert des détenus que dans 27% des cas.28 L’accompagnement des détenus durant leur procès devenant de plus en plus difficile, les administrations françaises s’entraidèrent. Elles décidèrent d’introduire systématiquement des recours en grâce en cas de prononcé de la peine capitale à l’encontre de tout compatriote, et d’en informer immédiatement les familles en France. La répression s’accentuant, tous les canaux d’information possibles furent utilisés : le 18 juin 1944, les services officiels, sanctionnés temporairement du fait du débarquement en Normandie, indiquèrent qu’ils solliciteraient le service de la maind’œuvre pour connaître le sort des détenus. En juillet 1944, ce fut la délégation auprès du Front du travail qui communiqua des renseignements sur les travailleurs libres aux « consulats ». Conscients de l’importance du suivi du sort des personnes arrêtées, ceux-ci explorèrent toutes les procédures : le 19 juillet 1944, la DSOFA intervint directement auprès du parquet de la Cour spéciale (Oberreichsanwalt beim Volksgerichtshof) qui commua une peine de mort en dix ans de travaux forcés ! Ces limitations conférèrent néanmoins aux services officiels français moins de prérogatives que n’en eut à l’époque l’ambassade des États-Unis. Ce fut donc avec amertume que Noël Henry souligna dans son rapport de fin de mission du 14 mai 1945 : « Le droit d’assurer la protection proprement dite des compatriotes leur ayant été dénié [...] [les services officiels], cantonnés presque exclusivement dans les questions d’état civil [...] n’ont jamais refusé leur concours pour intervenir en faveur de leurs compatriotes arrêtés ou condamnés et, quand leur intervention a été admise, ont pu obtenir quelques acquittements, réductions de peine ou grâce. » 29

Une politisation et une résistance croissantes Les services français ne pouvaient pas rester en dehors de l’évolution du conflit. Ils furent quelquefois un enjeu. Si certains de leurs membres prirent parti en faveur des nazis, il apparait que la grande majorité des fonctionnaires voulut plutôt servir l’État français. La Collaboration eut naturellement ses adeptes. Pourtant, dès l’été 1941, se créèrent dans les camps, avec l’assentiment des « délégués Scapini », des « cercles d’étude de la révolution nationale » ou « cercles Pétain » dont le but fut d’écarter

28 Archives Nationales (ci-dessous AN), 3W/117, Compte-rendu du 4 juin 1945 de deux membres du service juridique du SMOFA. 29 AMAE-La Courneuve, 28CPCOM/16, Notes du 14 mai 1945 de Noël Henry. Se considérant comme dans un « avant-poste de combat » à Berlin, le consul général avait la réputation d’être « la bête noire » de son homologue à la Wilhelmstrasse, le Dr. Friedrich Bran, ancien responsable du comité France-Allemagne avant la guerre.

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les prisonniers des « cercles de collaboration » ou « Jeune Europe », trop inféodés aux Allemands. De fait, seuls des membres du SMOFA, appelés à travailler étroitement avec les administrations allemandes, furent tentés de manifester des sympathies nazies. Nombre de fonctionnaires entreprirent de résister au nazisme. Avec leurs faibles moyens. Dès avril 1942, des délégués du SDPG commencèrent à se préparer aux combats de la fin de la guerre dans le double but d’assurer la protection des camps et de faire, en Allemagne, du renseignement militaire et du sabotage. À Vichy déjà, des évadés ou rapatriés amorcèrent la résistance et créèrent le « Front intérieur allemand » (FIA) qui fut constitué par Maurice Pinot.30 Voltaire Ponchel31 en fut une cheville ouvrière. Sa tâche fut facilitée en novembre 1943, lorsqu’il obtint de Scapini sa prise en charge sous la couverture administrative d’un « service historique des camps ». LA FIN DE LA PRÉSENCE DE VICHY EN ALLEMAGNE Les derniers mois de la guerre furent des plus confus. Au fur et à mesure que la France se libérait, que les autorités de la Collaboration se délitèrent et que les combats se rapprochèrent de l’Allemagne, il fallut continuer à défendre les ressortissants français. Le Gouvernement provisoire de la République française s’en préoccupa dès le 5 septembre 1944 lorsqu’il demanda à la légation de Suisse d’assurer la protection des intérêts français en Allemagne. Sans résultat car, d’une part, le Conseil fédéral n’avait avec le GPRF que des relations de fait alors qu’elle en avait de droit avec Vichy et, d’autre part, Berlin continua à vouloir ménager les prérogatives de la « Commission gouvernementale » de de Brinon.32 Après l’installation du GPRF à Paris, la délégation française auprès de la Commission d’armistice fut consignée le 9 septembre, près de Rudesheim, aux pieds de la statue Germania ! Six mois plus tard, la délégation fut évacuée vers les Sudètes près de Marienbad. Après avoir vécu plus de dix jours entre les lignes soviétiques et américaines, la délégation – soit cinquante personnes et deux wagons d’archives – rentra fin mai 1945 en France. Après une enquête de deux mois, la Sécurité militaire arrêta, le 25 juillet 1945, son rapport qui donna satisfecit aux membres de la délégation et leva toute suspicion à leur égard.

30 Maurice Pinot fut l’initiateur de la fusion de trois mouvements, qui recrutaient principalement parmi les prisonniers de guerre, évadés ou rapatriés : le Mouvement de résistance des prisonniers de guerre et déportés (MRPGD), le Comité national des prisonniers de guerre (CNPG), et le Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG) qu’il fonda avec François Mitterrand. 31 Il fut le créateur et le directeur de la Maison du prisonnier d’Arras. 32 La France répliqua, le 13 février 1945, en refusant à la Confédération le droit de défendre les intérêts allemands sur son territoire.

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La fin des « consulats » fut plus chaotique car il fallut les maintenir en activité, le plus longtemps possible, pour ne pas porter préjudice aux compatriotes. Ces services furent cependant, du fait des bombardements, placés en lieux sûrs. Ainsi, en avril 1944, de la Chauvinière fut obligé, après le bombardement de Francfort, d’établir un bureau de repli à Wiesbaden, Lortzingstrasse 7. Il s’attacha cependant à maintenir une antenne provisoire près de son ancien immeuble pour y recevoir les Français. Le 3 août 1944, suite aux bombardements de Hanovre, Véquaud, commença un long périple qui le mena à Lüneburg, puis à Bad Harzburg, Obere Krodostrasse 28, d’où il fut déplacé pour rejoindre le sud de l’Allemagne. Regroupés à Garmisch-Partenkirchen puis à Kitzbühel, les personnels des « consulats » se préparèrent à justifier leur action. Ainsi, le 14 mai 1945, Noël Henry, directeur à Berlin, souligna que Jean Chauvel33, responsable du réseau « Noyautage des administrations publiques » (NAP) au ministère des Affaires étrangères, approuva leur action et demanda à ces personnels de rester à leur poste. L’intensité des bombardements obligea aussi le SDPG à se replier, en mars 1944, sur Kunersdorf, près de Wriezen-sur-Oder, et ses services sur Letschin-surOder, dans l’Oderbruch, près de Francfort-sur-Oder.34 Malgré les difficultés de circulation, les inspections des camps continuèrent. Toutefois, à la précarité de la situation dans le Reich s’ajouta la difficulté de maintenir des liens avec la France. Resté fidèle au Maréchal Pétain et n’ayant pas consenti à se mettre sous l’autorité de la Commission gouvernementale présidée par de Brinon35, Scapini fut, le 29 novembre 1944, démis de ses fonctions par les Allemands36 et interné en BasseSilésie à Oberschreiberhau après avoir donné sa démission de représentant de la « puissance protectrice » des prisonniers de guerre ; il n’en continua pas moins ses activités37, conservant des liens avec de nombreux hommes de confiance et certains contacts à la Wilhelmstrasse. Ainsi s’enquit-il, le 27 janvier 1945, auprès de l’ambassadeur Pfeiffer du sort de résistants. Il continua par ailleurs ses inspections en allant visiter, par exemple le 21 avril, un commando de travail à Berlin-Lichterfelde

33 Il créa, en septembre 1940, un « bureau d’études », ancêtre du Centre d’analyse et de prévisions du Département. Il rejoignit Alger au début de 1944. 34 Une antenne subsista à Berlin, Pariserplatz 5. 35 Tous les membres du SDPG refusèrent de la reconnaître. Scapini demanda toutefois au capitaine Chaperon, chargé du service juridique, de demeurer à son poste pour assurer la défense des prisonniers devant les tribunaux allemands. Ce qu’il fit jusqu’en mai 1945, le Gouvernement provisoire de la République française lui ayant communiqué son accord via la CroixRouge ! 36 Scapini, op. cit. ; une instruction du 19 janvier 1945 du général Westhoff de l’OKW modifia l’appellation du nouveau SDPG en « Französische Dienststelle der Kriegsgefangene » et l’installa à Saalfeld, en Thuringe, près d’Erfurt. Il fut dirigé par le général Bridoux, ancien secrétaire d'État à la Guerre, nommé « délégué à la protection des prisonniers de guerre » par Fernand de Brinon. 37 Il quitta Berlin le 6 mai 1945. Arrêté́ , inculpé puis remis en liberté́ provisoire en 1946, il fut acquitté en 1952.

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regroupant plus de 1500 prisonniers. Devant l’avance soviétique, il retourna à Berlin en février 1945. Coupé de sa délégation réfugiée à Kitzbühel, puis à Innsbruck, il tenta de poursuivre la mission de protection des prisonniers en essayant de nouer un contact avec le Gouvernement provisoire. Le service de la main-d’œuvre française ayant implosé, coupé de tout contact avec les autorités allemandes et françaises, un « comité d’assistance aux prisonniers, déportés et travailleurs » 38 se créa spontanément, le 4 mai 1945, dirigé par Christian Louit qui put se réclamer de la plus authentique résistance puisqu’il avait été déporté au camp d’Oranienburg.39 Cette création spontanée fut dictée par un besoin urgent de répondre aux sollicitations des Français vivant – survivant ? – à Berlin. Louit reconnut d’ailleurs lorsqu’il reçut Georges Scapini que, si ce comité avait été créé avec l’accord tacite du gouvernement français, il n’avait aucun titre pour discuter avec les Soviétiques. Ayant fait flotter, dès l’arrivée des Soviétiques, le drapeau à Croix de Lorraine et agissant de concert avec les services de santé militaire, le comité prit en charge le matériel et les fonds ayant appartenu aux organismes vichyssois et demanda, le 21 juin 1945, des instructions à Paris. La situation était en effet des plus dramatiques : chaque jour environ 150 Français venaient demander des renseignements et de l’aide !40 Le dernier rapport de Scapini souligna la grande violence des combats qui conduisit à disperser tous les commandos de travail aux alentours de Berlin. Dans un tel chaos, encore aggravé par les exécutions sommaires et les sévices lors de l’évacuation des camps, il fallut parer au plus pressé. L’urgence fut alors d’assurer la subsistance des personnes et de les regrouper en vue de leur évacuation ou rapatriement. Peu enclins à subvenir à leurs besoins, les Soviétiques donnèrent aux étrangers, le 17 mai 1945, l’ordre d’évacuer immédiatement Berlin. Le général Berzarine fit toutefois une exception en accordant au comité le droit de rester jusqu’au 15 juillet 1945 pour regrouper les quelque 70.000 Français se trouvant toujours dans la capitale. Tout en subvenant à leurs besoins, les Soviétiques hâtèrent leur évacuation. Des liaisons d’information vinrent alors de France, telles celle, le 26 mai 1945, du colonel Repiton-Preneuf et du capitaine Betz, tous deux de la « Division Leclerc ». L’appui le plus significatif au comité vint cependant de Christian Fouchet, délégué du GPRF auprès du gouvernement polonais d’unité nationale établi à Lublin.41 Son envoyé, le capitaine Verges, confirma le 9 juin 1945 que le comité 38 Il devint « comité d’action pour la subsistance et le rapatriement des prisonniers et ouvriers français en Allemagne ». 39 Christian Louit, ancien commissaire de police à Paris, relevé de ses fonctions à la demande des Allemands, fut arrêté et emprisonné à Berlin le 2 avril 1942. Son adjoint, Paul Szigeti, fut avocat au Barreau de Paris. Arrêté le 13 mai 1941, il fut l’unique prisonnier ayant passé quatre années dans les geôles de la Gestapo et fut libéré le 17 avril 1945. 40 AN, 3W/118, Rapport au ministre du 21 juin 1945, suite des rapports du commandant Radoux du 16 mai et du 29 mai transmis par le capitaine Verges de Varsovie. 41 Christian Fouchet fut le premier occidental à entrer dans Varsovie avec l'Armée rouge fin janvier 1945. Il organisa le regroupement des milliers de prisonniers et déportés français libérés des camps allemands en territoire polonais.

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« Louit » était le seul organe français représentant les intérêts français à Berlin et prit en main son administration. CONCLUSION Le service « diplomatique » n’en fut pas un puisqu’il fut hors de question pour la Wilhelmstrasse de discuter d’État à État. Tout au plus, Georges Scapini, accompagné de Noël Henry, alors directeur des Services officiels français, put-il obtenir des audiences, comme le 2 septembre 1944 auprès du baron Gustav Adolf Steengracht von Moyland, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, pour lui remettre la protestation formelle du maréchal Pétain après le massacre d’Oradour-sur-Glane, laquelle avait auparavant été refusée par l’ambassadeur Cecil von Renthe-Fink à Vichy. De même, les services « officiels » ne furent pas vraiment pleinement « consulaires » puisqu’ils ne furent autorisés qu’à délivrer, sous conditions et sous contrôle, des passeports ou visas aux seuls ressortissants français. L’activité des services de la main-d’œuvre s’inscrivit dans le cadre de la collaboration économique, agricole et industrielle, entamée avec les structures corporatistes nazies : la France en retira peu et le Service de la main-d’œuvre française en Allemagne ne put qu’atténuer le sort réservé aux travailleurs, volontaires ou requis. Quant à la protection des prisonniers de guerre, son action, très souvent efficace, fut particulièrement délicate puisque le Service diplomatique des prisonniers de guerre fut à la fois garant d’une convention internationale et représentant du gouvernement d’un pays occupé. La nouvelle convention de Genève de 1949 corrigera cela en disposant que la Puissance protectrice des prisonniers de guerre ne pourrait désormais être exercée que par un pays neutre. ANNEXE Services officiels (« consulats ») de France en Allemagne Berlin : Pariserplatz 5 et Standartenstrasse 12 – Noël Henry42 puis Alexis-Léon Véquaud (à partir du 15 décembre 1944) Dresde : Lindengasse 9 – Daniel Lamazière43, jusqu’au 30 novembre 1942

42 Nommé après-guerre ambassadeur en Nouvelle-Zélande. Il sauva les tapisseries de la Savonnerie, des Gobelins et d’Aubusson qui se trouvèrent dans l’ambassade en les restituant au Mobilier national juste avant le bombardement de novembre 1943 qui détruisit, entre autres, une statue de la Diane chasseresse qui se trouvait dans l’escalier monumental. 43 Ancien chancelier à Cologne et Karlsruhe dans les années 1920, consul à Berlin en 1938, membre de la délégation française à la CAA à Wiesdaden en 1941, il quitta Dresde le 15 mars 1943 où il fut remplacé par M. Carrier. Il devint administrateur civil après la guerre.

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Munich : Widenmayerstrasse 51 – Gontran Begöugne de Juniac44 Francfort : Zeppelin Allee 69 – Émile Dufresne de la Chauvinière45 ; Hanovre : Wedekindstrasse 26 – Maurice Ardiet46 remplacé par Véquaud47 Service diplomatique des prisonniers de guerre (SDPG) Direction des services français : Pariserplatz 5 et Standartenstrasse 12, Berlin Service de la main-d’œuvre française en Allemagne (SMOFA)48 Berlin, Office central, Kurfürstendamm 96 – M. Castagnet Dél. à Berlin : Memhardstrasse 12 Dél. à Hannovre : 20 Nikolaistrasse 7 Dél. à Dresde : Kleinzschachwitzer Ufer 82 Dél. à Hambourg : 1 Besenbinderhof 57 Dél. à Berlin auprès Gau Mark-Brandenburg N4, Johannistrasse 14/15 Dél. pour la Thuringe et la Saxe-Anhalt-Weimar : Schwanseestrasse 11 et Bureau de liaison Am Platz Adolf Hitler : Weimar 1. Délégations régionales auprès du Deutscher Arbeitsfront (effectifs au 29 février 1944) Augsbourg, Gau Schwaben, Judenberg 8 – Jean Esterlin, 10 personnes Bayreuth, Gau Ostmark, Richard Wagner Platz 51 – M. André Dutreux, 4 personnes Berlin, Fr. Verbindungstelle bei Amt fur Arbeiteinsatz der DAF (Délégation française, direction de l’amicale) Neue Grünstrasse 10/11 Berlin Gau, Engeldamm 62 – William Deghaye, 25 personnes Berlin Reichsverbindungstelle, Wilhelmstrasse 140 – M. Castagnet, 72 personnes Berlin Service social, Fontanestrasse 136, Grunewald 44 Il fut nommé après la guerre, ministre plénipotentiaire et premier conseiller à Londres. 45 Ancien du service des réparations de la Ruhr, à Francfort d’avril 1942 à mai 1943, puis en Tunisie ; administrateur civil après la guerre puis directeur du protocole et ambassadeur à Stockholm. Il s’opposa à une perquisition de la Gestapo, attitude d’ailleurs approuvée par la Wilhelmstrasse ! 46 Ancien consul à Brême et à Nuremberg dans les années trente, consul à Karlsruhe puis à Hanovre jusqu’en mars 1943, révoqué par Vichy le 7 décembre 1943 et attaché à la délégation du GPRF à Stockholm ; il fut administrateur civil après-guerre, puis consul à Constance et à Hanovre. 47 Ancien chancelier à Düsseldorf, Munich et Hambourg ; il retourna ensuite en retraite. 48 AN, 3W/117, 2ème bobine. Cet organigramme du SMOFA, inédit à ce jour ne figure pas dans les archives du Ministère du Travail mais dans celles de la Haute-Cour de Justice qui eut à juger du sort de Gaston Bruneton en 1948.

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Berlin, Mark-Brandenburg, Johannistrasse 14 – Charles Bochter 18 personnes Bielefeld, Gau Munster (effectif inconnu) Bochum, Gau Westfalen Süd, Wiemelhauserstrasse 38/42 – Gérard Douru, 12 personnes Brême, Nordstrasse 45 Breslau, Gau Niederschlesien, Klostersrrasse 8 – Louis Gasser, 15 personnes Coblence, Gau Moselland, Hochaus (après 2 changements) – Maurice Granché, 3 personnes Cologne, Gau Köln-Aachen, An den Dominikanern 2 – Pierre Chatel, 5 personnes Dantzig, Gau Westpreussen, Heinrich Scholzweg 23 – Pierre Chevallier, 12 personnes Dortmund, Gau Westfalen Süd, Schillingstrasse 13 Dresde, Gau Sachsen, Platz der SA 14 – Georges Marchand, 22 personnes Düsseldorf, Gau Düsseldorf, Kruppstrasse 110 (a changé 6 fois de domicile) – Roger Dieterlé, 6 personnes Essen, Gau Essen, Adolf Hitlerstrasse 64 – Jacques Guise, 7 personnes Francfort-sur-le-Main, Gau Hessen-Nassau, Bürgerstrasse 69/77 – André Granet, 6 personnes Graz, Gau Steiermark, Mariengasse 8 – Pierre Daguenet, 4 personnes Guben, Gau Brandebourg, Cottbusserstrasse 1 et Auslieferunglager à AdolfHitlerPlatz 76/78 – M. Guy Sazvy Halle, Gau Halle-Merseburg, Harzstrasse 42/44 – Francisque Brazier, 6 personnes Hambourg, Gau Hamburg, Besenbinderhof 57 – Jean Meuvielle, 3 personnes Hanovre, Gau Sud-Hannover, Nikolaistrasse 7 (3 changements) – Robert Dauté, 6 personnes Innsbruck, Gau Tirol Adamgasse 3 – Jacques Lenglet, 7 personnes Karlsruhe, Gau Baden, Gartenstrasse 15 Kassel, Gau Kurhessen, Wilhelmshöhe (Palmenbad) Kurhausstrasse – Georges Dumont, 7 personnes Kattenitz, Gau Oberschlesien, Lindendorfstrasse Barake 3 – Francis Gilbert, 23 personnes Kiel, Gau Schleswig-Holstein, Fährstrasse 22 – Gérard Fontaine, 14 personnes Klagenfurt, Gau Kernten Königsberg, Gau Ost-Preussen, Vor den Rosegarten 61/2 – Michel Bihr, 5 personnes Linz, Gau Oberdonau, Volksgartenstrasse 40 – Jean Wittner, 10 personnes Leipzig, Gau Saxen, Adolf Hitlerstrasse 30 – Robert Guerreau, 4 personnes Ludwigshafen, Gau Neustadt, Kaiserstrasse 28b Lünebourg, Gau Ost-Hannover, Schiessgrabenplatz 1 – Paul Gricourt, 5 personnes Magdebourg, Gau Magdeburg-Anhalt, Rastwaageplatz 14 – Roger Delattre, 5 personnes Munich, Gau Oberbayern, Prinz Ludwigstrasse 8 – Alexandre Cantegrel, 9 personnes Münster, Gau Westfalen-Nord, Fürstenbergstrasse 7 – André Bainard, 5 personnes Nuremberg, Gau Franken, Sanstrasse 29 – Jean Luce, 8 personnes

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Oldenbourg, Gau Weser-Ems, Kaiserstrasse 22 – Jean Perette, 7 personnes Oslo – Norvège, Hubert Bauduin (payé directement par le DAF) Reichenberg, Gau Sudetenland, Strasse der SA 27 – Henri Dentant, 6 personnes Salzbourg, Gau Salzburg, Strasse der SA 13 – Henri Lombard 4 personnes Sarrebruck, Gau Westmark, St Johannerstrasse 46 – Henri Keffurus, 8 personnes Schwerin, Gau Mecklenburg, Hagenowerstrasse 5 – Noël Plauhinec, 5 personnes Stettin, Gau Pommern, Augustastrasse 17 – Jean Drillon, 7 personnes Strasbourg, Gau Baden, Lessingsrasse 22 – Edmond George, 6 personnes, et Paul Bardet bei Bodenkamp, Horst Wesselin 42, Kehl-am-Rhein Stuttgart, Gau Würtemberg, Rote Strasse 2A – Guy de Cartassac, 4 personnes Uttendorf Helpfrau (Danube supérieur) Zentrallanzlieferungenlager der FR Dienststelle Vienne, Gau Wien, Drachengasse 3 – Étienne Marcel, 7 personnes Vienne, Gau Niederdonau, Einfallstrasse 7 – Joseph Le Bras, 6 personnes Weimar, Gau Thuringen Adolf Hitler Platz 1 – Émile Lemonnier, 7 personnes Würzbourg, Gau Mainfranken, Oberer Mainkai 2 – Henri Magnaschi, 6 personnes Délégations régionales auprès du Reichsnährstand (RNST) (Organisations agricoles) Berlin, Office central : Louis Mathurin Bas-Danube, Wipplingerstrasse 12, Vienne, Armand Machabey Basse-Saxe : Bernwardstrasse 9, Hildesheim, Marcel Pére Basse-Silésie : Bismarkstrasse, 2, Breslau, Bernard Papin Bavière : Prinz Ludwigstrasse 1, Munich, Jean Noirot Bayerischer Ostmark, Kulmbacher Strasse 105, Bayreuth, M. Sanet (?) Hesse-Nassau : Hauptstrasse 25, Francfort-sur-le-Main, Marcel Potier Kurmark : Karlstrasse 89, Berlin, Marcel Cario Mecklembourg : Am Wall 3, Güstrow, Georges Bailly Moselle : Rheinstrasse 1/3, Coblence, Achille Parlange Poméranie : Werderstrasse 25, Stettin, Maurice Liet Prusse occidentale : Krebsmarkt 1/5, Danzig, Marcel Cordier Prusse orientale : Beethovenstrasse 1, Königsberg, Roger Brunet Saxe : Ammonstrasse 8, Dresden, Eugène Vigneron Thuringe : Schwannseestrasse 1, Weimar, François Blanc Tyrol-Vorarlberg/Salzbourg/Kärnten Steiermark : Gaisbergstraße 7, Salzbourg, M. Gautier Wurtemberg : Marienstrasse 33, Stuttgart, René Jean

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ZUSAMMENFASSUNG Nach dem Treffen von Montoire vom 24. Oktober 1940 zwischen Marschall Pétain und Reichskanzler Hitler entwickelte sich eine Art Kollaboration in Deutschland auf der Verwaltungsebene. Wie in jedem Konflikt galt es auch hier, die französischen Interessen zu schützen: Im Allgemeinen geschieht dies durch ein neutrales oder nichtkriegführendes Land; im konkreten Fall waren dies zunächst die Vereinigten Staaten. Hier wünschte sich jedoch Deutschland – so seltsam dies auch klingen mag – dass Frankreich seine Güter und Landsleute, welche sich auf deutschem Boden befanden, selbst verteidigt. Im Juni 1945 zählte man im Reich ca. 890.000 Kriegsgefangene, 540.000 Freiwillige oder Zwangsarbeiter, 10.000 Elsass-Lothringer und 40.000 Deportierte, d.h. eine Gesamtzahl von etwa 1.480.000 Personen! Daher wurden französische Verwaltungen gegründet, um ihre Rechte zu schützen und um ihnen in dieser gefährlichen Zeit zu Hilfe zu kommen. Der diplomatische Dienst der Kriegsgefangenen (SDPG) wurde am 30. Juli 1940 unter der Führung von Botschafter Georges Scapini (1893–1976) eingerichtet. Ein GeneralKommissariat der Französischen Arbeitskraft in Deutschland (CGMOFA) wurde am 20. März 1942 gegründet. Dessen Leiter war Gaston Bruneton (1882–1961). Außerdem gestand das Deutsche Reich dem Vichy-Regime die Möglichkeit zu, in Deutschland eine gewisse Anzahl von "Ämtern" einzurichten, die mit deutschen „Konsulaten“ vergleichbar waren, aber keinen diplomatischen Status besaßen. Die französische Delegation der Kommission für den Waffenstillstand in Wiesbaden wirkte auch in zahlreichen wirtschaftlichen, politischen, diplomatischen und militärischen Fragen im Rahmen der Umsetzung der Vereinbarungen des Waffenstillstands mit. Diese französischen Dienststellen wurden auch im Reich dezentralisiert. Der SDPG verfügte über 82.000 « Vertrauensleute » in den Lagern. Der CGMOFA verfügte seinerseits über eine fest regionalisierte Verwaltung, um mit den deutschen Diensten und den Unternehmen in Verbindung zu bleiben. "Konsulate" wurden in Berlin, Frankfurt am Main, München, Dresden und Hamburg eröffnet. Diese Zusammenarbeit der Verwaltung führte zu vielen Fragen: Zunächst über die Natur der Beziehungen zwischen den Diensten von Vichy einerseits und den unterschiedlichen deutschen Verwaltungen andererseits. Weiterhin jedoch auch über den Grad der Involvierung der französischen Dienste in die deutsche Kriegsführung: Insgesamt scheint es, dass sie eher "Pétainisten " waren, anstatt die Ideologie der Nazis zu fördern. Aktionen des Widerstands – manchmal auch größeren Umfangs – wurden geplant oder sogar durchgeführt. Schließlich zeigte sich während des Zusammenbruchs in den letzten Monaten des Krieges die Mehrdeutigkeit ihrer Stellung gegenüber den fanatischen Nazis, der "Pseudo-Regierung" von Sigmaringen sowie gegenüber der Übergangsregierung der Französischen Republik, nachdem diese am 31. September 1944 in Paris gebildet worden war. Während des gesamten Krieges operierten diese französischen Verwaltungen – die ungefähr 1.200 Personen umfassten – in einem feindlichen Territorium, gesetzlich legitimiert als Vertreter von zahlreichen Franzosen in Deutschland.

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ABSTRACT Following the meeting of Montoire on October 24th, 1940 between Marshal Pétain and Chancellor Hitler, an "administrative" form of the Collaboration developed in Germany. Like in any conflict, the national interests had to be protected by a neutral or non-belligerent country, which was done, in a first step, by the United States. However – and this is singular – the Reich itself wanted France to take care of its own properties and its nationals living on German territory. Indeed, in June, 1945, some 890.000 war prisoners, 540.000 voluntary or required workers, 10.000 Alsatians and 40.000 deportees or internees, in total about 1.480.000 people were living in the Reich! French administrations were created to that end: The diplomatic Service for War prisoners (SDPG) was established on July 30th, 1940, and placed under the authority of Ambassador Georges Scapini (1893–1976). A Service for the French Workforce in Germany (CGMOFA), headed by Gaston Bruneton (1882–1961), was also created on March 20th, 1942. The Reich recognized as well the possibility for Vichy of establishing in Germany a limited number of "Official Offices", in reality "consulates", which did not possess that status. The French delegation to the Armistice Council in Wiesbaden responsible for the implementation of the armistice agreements and therefore in charge of various economic, political, diplomatic, military questions contributed as well to the protection of the prisoners and French nationals. The French administrations were widely spread within the Reich: The SDPG worked along with 82.000 representatives of prisoners of war; The CGMOFA had delegations at regional and local level in order to ensure the closest contact with the German departments and the organs employing French workers. And "consulates" were opened in Frankfurt/Main, Munich, Dresden, Berlin and Hanover. That "administrative collaboration" raises multiple questions: At first, on the nature of the relations between the various Vichy’s Departments and the German administrations; then, on the degree of implication of the administrations into the German war effort: altogether, it seems that they were more "Pétainist" than promoting the Nazi ideology. A significant number of members even committed or planned acts of resistance; finally, on their position towards the Nazis “hard liner”, the so-called “government” of Sigmaringen and the Gaullist « Provisional Government of the French Republic ». All over the war, French administrations, approximately 1200 people, operated legally and with an obvious political legitimacy in adversary territory, supporting the daily life of a large number of nationals.

LE HAUT-COMMISSARIAT FRANÇAIS ET LA NOUVELLE ALLEMAGNE (1949–1955) Françoise Berger Avec la création de la République fédérale d’Allemagne (RFA)1, le 23 mai 1949, la situation diplomatique n’est pas pour autant normalisée. Une Haute Commission alliée est mise en place et André François-Poncet est nommé haut-commissaire pour la France. Cette période s’achève en mai 1955 avec le rétablissement d’une ambassade de France en Allemagne fédérale. Il s’agit donc d’un moment de transition, sous un statut nouveau et unique dans l’histoire, au cours duquel le gouvernement français, par l’intermédiaire de son haut-commissaire, fait face à la nouvelle Allemagne. Or l’on sait que, dès 1950, Robert Schuman met en place une politique européenne dans lequel il inclut l’Allemagne de manière prioritaire, et qui débouche, après la proposition Schuman du 9 mai 1950, sur le premier traité européen, celui de la CECA (18 avril 1951). Quels sont les enjeux et les difficultés diplomatiques de cette période pour la France, puissance occupante du nouvel État allemand ? La personnalité et le positionnement personnel d’André François-Poncet et de son adjoint Armand Bérard infléchissent-ils la politique pratiquée sur place ? Ces hommes ont-ils des marges de manœuvre par rapport à la politique préconisée par Paris ? Un certain nombre d’ouvrages couvrent cette période essentielle, mais également de nombreuses sources du ministère des Affaires étrangères, dont une partie a déjà été publiée à travers la série des Documents diplomatiques français2 et Les

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L’adoption de la Loi fondamentale, le 8 mai 1949, met fin à l'existence du Conseil parlementaire, le 23 mai, date d'entrée en vigueur de la loi. Elle prévoit la tenue d'élections des représentants à l’Assemblée fédérale (Bundestag) et au Conseil des Länder (Bundesrat). Les élections législatives, le 14 août, donnent la majorité aux chrétiens-démocrates (CDU-CSU). Le nouveau gouvernement est en place 20 septembre 1949, avec à sa tête le chancelier Konrad Adenauer. Documents diplomatiques français 1944–1954, Vol.11 à 15 ; Documents diplomatiques français depuis 1954, vol.1 à 6, Imp. nationale/ P. Lang, div. dates.

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Rapports mensuels3, une publication rare et quasi-exhaustive sur la position et l’action du haut-commissaire français.4 Pour permettre une approche un peu plus distanciée, il nous a semblé intéressant de nous appuyer principalement sur des témoignages, en particulier, ceux d’Armand Bérard et de Vincent Auriol.5 Nous aborderons tout d’abord la mise en place du haut-commissariat français et la complexité de son fonctionnement. Nous nous intéresserons ensuite à l’action du haut-commissariat et à ses éventuelles marges de manœuvres par rapport aux gouvernements français et alliés. Nous tenterons enfin de dresser un bilan de cette action, en particulier quant au poids du haut-commissaire et de son adjoint dans l’orientation et l’évolution de ce premier poste diplomatique d’un genre inédit, dans l’Allemagne vaincue. LES DÉBUTS DU HAUT-COMMISSARIAT FRANÇAIS Le contexte précédant la création de la RFA La création de la Haute Commission alliée (HCA) se situe dans la suite de l’occupation quadripartite de l’Allemagne en vertu des accords de Potsdam (2 août 1945). Après avoir tardé à rejoindre la bizone anglo-américaine, créée le 1er janvier 1947, la France finit par lui adjoindre la zone française d’occupation (ZFO) pour créer la trizone, le 1er juin 1948. C’est déjà une première étape marquante vers la création d’une unité allemande occidentale. Le blocus de Berlin (24 juin 1948–12 mai 1949)6 accélère cette évolution qui débouche le 8 mai 1949 sur l’approbation de la Loi fondamentale, constitution de la RFA. Le haut-commissariat français est donc à la fois partie prenante de la Haute Commission alliée, entrée en vigueur le 21 septembre 1949 et responsable, administrativement, de la zone française d’occupation, précédemment placée sous le contrôle militaire et civil du général Koenig, gouverneur de la ZFO (juil. 1945-sept. 1949). Il s’agit désormais d’un pouvoir entièrement civil, à l’exception du cas de Berlin qui garde un statut spécial.7

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Hans-Manfred Bock/ MAE, Les rapports mensuels d’André François-Poncet haut-commissaire français en Allemagne 1949–1955. Les débuts de la République fédérale d’Allemagne, Paris, Imprimerie nationale, 1996, 2 vol. Cf. la présentation exhaustive de Hans-Manfred Bock, « Zur Perzeption der frühen Bundesrepublik Deutschland in der französischen Diplomatie: Die Bonner Monatsberichte des Hochkommissars A. Francois-Poncet», Francia, 1987, p. 579–658. Armand Bérard, Un Ambassadeur se souvient. t.2 Washington et Bonn (1945–1955), Paris, Plon, 1978. Vincent Auriol, Journal du septennat, 1947–1954, Paris, A. Colin, 1970. Cf. Jacques Bariéty, « La France et la crise internationale du blocus de Berlin », Histoire, économie et société, 1994/1, p. 29–44. Berlin reste sous commandement militaire (Gouvernement militaire français de Berlin), sous la direction du général Ganeval.

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Sans développer cet aspect, on peut cependant rappeler qu’il existe alors des tensions entre la politique française gouvernementale envers l’Allemagne et le développement de l’administration de l’Allemagne sur place, mais également entre l’administration militaire et l’administration civile au sein même de la ZFO.8 Depuis 1945, cette occupation française a suscité quelques tensions avec la population allemande, mais elle a, dans le même temps, permis de tisser de nouveaux liens, sur le terrain.9 Quatre ans après le début de l’occupation française en Allemagne, un nouveau pays voit le jour. Sa constitution a été très influencée par les pressions françaises qui voulaient éviter une forme centralisée de l’État allemand : elle sera donc fédérale.10 Une inflexion importante de la politique allemande de la France Le changement fondamental ne s’effectue pas au moment de la création de la RFA, mais un an avant, la nomination de Robert Schuman au ministère des Affaires étrangères marquant une inflexion conséquente de la politique allemande de la France. Schuman arrive en effet avec une vision très différente de la politique à mener à l’égard de l’Allemagne. Tout en poursuivant la fermeté qu’il estime justifiée, il est guidé avant tout par sa vision européenne, au moins à moyen terme. Robert Schuman est en effet un européiste de la première heure. Il a milité pour une Europe fédérale dans l’entre-deux-guerres, ce qui ne l’empêche pas, en tant que Lorrain, de garder une méfiance certaine pour l’Allemagne dont il a subi, au cours de sa jeunesse, l’occupation militaire. Mais les choses ont évolué assez vite depuis la fin de la guerre, et en 1948, des initiatives européennes ont déjà vu le jour. Dès 1946, Winston Churchill avait appelé à la création des États-Unis d’Europe. L’année 1948 marque une accélération, la conférence de La Haye (7–20 mai) 8

Cf. Alain Lattard, « À propos de l’occupation française en Allemagne 1945–1949. Le conflit Laffon-Koenig », in Gilbert Krebs (dir.), Sept décennies de relations franco-allemandes 1918– 1988, Asnières, PIA, 1989, p. 227–262 ; Françoise Berger, « Economic and Industrial Issues in France’s Approach to the German Question in the Post-War Period », in Frédéric Bozo et al. (eds), France and the German Question, 1945–1990, Berghahn (USA), à paraître. 9 Parmi une littérature assez importante, on peut se référer à : Claus Scharf et Hans-Jürgen Schröder, Die Deutschlandpolitik Frankreichs und die französische Zone, 1945–1949, Stuttgart, Steiner, 1983 ; Dietmar Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik », 1944–1950, Berlin, Duncker & Humblot, 1996 ; Rolf Badstübner, Vom « Reich » zum doppelten Deutschland, Berlin, Dietz, 1999 ; Rainer Hudemann, « L’Occupation française en Allemagne. Problèmes généraux et perspectives de recherche. », in Henri Ménudier (dir.), L’Allemagne occupée 1945–1949, Bruxelles, Complexe, 1990, p. 221–242 ; Rainer Hudemann, « La France face à l’émergence de la RFA. Réflexions méthodiques sur une politique à multiples volets », in Michel Dumoulin, Jürgen Elvert et Sylvain Schirmann (dir.), Ces chers voisins. L’Allemagne, la Belgique et la France (XIXe - XXe siècles), Stuttgart, Steiner, 2010, p. 45–61. 10 Roman Herzog, Strukturmängel der Verfassung? Erfahrungen mit dem Grundgesetz, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 2000.

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étant l’événement majeur. Au cours de celle-ci se sont retrouvées plus de 600 personnes représentant les gouvernements et la société civile européenne, et, pour la première fois, l’Allemagne participe aux débats.11 Si la question allemande est au cœur du projet de Robert Schuman, elle est aussi au cœur des débats de la conférence de La Haye. En effet comment reconstruire l’Europe, et une Europe en paix, sans y intégrer une Allemagne apaisée ? Parmi les intervenants, l’ancien ambassadeur de France en Allemagne, André François-Poncet12, grand connaisseur de ce pays, germaniste émérite, s’est fait remarquer par des propositions concrètes et ouvertes pour un avenir européen. C’est un homme qui connaît bien Robert Schuman pour l’avoir fréquenté dans les milieux européistes. C’est donc naturellement vers lui que Robert Schuman se tourne quand il revient au gouvernement, le 26 juillet 1948. Il le nomme chargé de mission spéciale auprès du général Koenig, le 1er novembre 1948. En effet, le gouverneur militaire de la ZFO est de plus en plus critiqué pour son attitude extrêmement rigide. Or le contexte a changé et, en 1948, il est désormais temps de construire un avenir européen dans lequel l’Allemagne jouera un rôle. François-Poncet vient donc prendre le pouls sur le terrain et préparer une transition rapide à la politique de Koenig considérée comme trop agressive.13 Il est rapidement nommé conseiller diplomatique du gouvernement pour les Affaires allemandes (15 décembre 1948).14 Après la création de la Haute Commission alliée, il est nommé haut-commissaire pour la France, le 2 août 1949. Selon le discours qu’il fait à Mayence, le 19 août 1949, devant la population allemande15, le temps est venu de remplacer l’administration militaire par une administration civile, préparatoire à une plus grande autonomie allemande. Ce sera sa tâche principale. La création de la HCA va de pair avec la création de la RFA Le blocus de Berlin a contribué à rapprocher encore les Alliés occidentaux. Après une période de flottement et surtout de forte tension, les trois Alliés occidentaux forment une Haute Commission alliée (HCA), composée non plus de gouverneurs militaires, mais de hauts-commissaires civils, qui remplace le Conseil de contrôle quadripartite. 11 Cf. Jean-Michel Guieu et Christophe Le Dréau, Le « Congrès de l’Europe » à la Haye (1948– 2008), Bruxelles, P. Lang, 2009 ; Jenny Raflik, « Autour du « Congrès de l’Europe » à La Haye (1948–2008) », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, octobre 2008, p. 147–155. 12 Pour en savoir plus sur son parcours : Françoise Berger, « André François-Poncet, un acteur de l’histoire franco-allemande et européenne », Questions internationales, no 56, août 2012, p. 108–114. 13 Cf. Cyril Buffet, Mourir pour Berlin. La France et l’Allemagne (1945–1949), Paris, A. Colin, 1991. 14 Il est réintégré dans les cadres actifs de la diplomatie le 15 janvier 1949 (il s’était mis en disponibilité – plutôt qu’à la retraite – en octobre 1946). 15 Les rapports mensuels, op. cit., p. 179–188.

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Le blocus a également pour résultat le début d’un indéfectible lien entre la RFA et les États-Unis. Ceci a des conséquences pour le gouvernement français et ses représentants en Allemagne, car le gouvernement allemand va jouer très souvent sur cette corde sensible et utiliser les Américains pour obtenir des Français de plus en plus de concessions. La HCA16 siège à l’hôtel Petersberg, près de Bonn17 et a pour rôle d’établir des règlements dans les domaines militaire, économique et diplomatique, autrement dit dans tous les domaines ressortant des relations extérieures de la nouvelle république, mais également d’exercer un contrôle sur certains aspects des affaires intérieures allemandes. Chaque zone d’occupation est confiée au haut-commissaire représentant son pays à la HCA, avec un statut civil et non plus militaire. Les accords du Petersberg (22 nov. 1949) constituent une première modification du statut d’occupation. Ils étendent le droit du gouvernement fédéral (relations consulaires et commerciales) et permettent son entrée à part entière dans l’Autorité internationale de la Ruhr. Considérés comme un premier pas vers la souveraineté, ils marquent « le début d’une phase nouvelle ». 18 Le haut-commissariat français : l’équipe de direction C’est donc le retour officiel d’André François-Poncet au premier poste diplomatique français en Allemagne. Comment aborde-t-il cette nouvelle fonction ? Son expérience ancienne l’oriente vers une grande méfiance. Pour beaucoup d’Allemands et de Français, il peut représenter le passé, lui se targue pourtant de vouloir préparer l’avenir, et un avenir européen. Il a des idées précises sur les évolutions qui doivent avoir lieu en Allemagne. Il a publié de nombreux articles, depuis 1945, ayant trait au sort futur de l’Allemagne, mais aussi à l’avenir européen. Qu’attend-t-on à Paris de ce haut-commissariat et de son chef ? Les choses ne sont guère clairement formulées, et les attentes vont varier sous l’effet des gouvernements successifs et de la conjoncture. Hans-Manfred Bock a montré que deux projets de directives avaient été rédigés à l’attention du haut-commissaire, afin de fixer la ligne générale tout comme le détail de la politique française d’occupation, mais qu’aucun des deux ne semble avoir été finalement envoyé.19 Il l’explique par la proximité de François-Poncet avec Robert Schuman et son poste de conseiller

16 Sur le fonctionnement de la HCA et sur le rôle et l'action du haut-commissaire français, nous nous appuyons essentiellement sur l’introduction exhaustive de Hans-Manfred Bock, « Zur Perzeption der frühen Bundesrepublik ... », op. cit., sur les commentaires d'Armand Bérard, Un Ambassadeur se souvient, op.cit., et bien entendu sur les Rapports mensuels (Bock, op. cit.), ou encore d'autres documents du haut-commissariat français (MAE). Voir aussi Helmut Vogt, très précis sur les personnes, les lieux et l’organisation de la HCA (H. Vogt, Wächter der Bonner Republik, Paderborn, Schöningh, 2004). 17 Dans une enclave au statut spécial. 18 Bérard, op. cit, p. 253, citant K. Adenauer. 19 Les rapports mensuels, op. cit., p. 36.

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politique qui lui permettait d’être informé du détail des orientations, à court et moyen terme, de son ministre et du gouvernement. C’est probable, mais cela peut aussi refléter les tensions internes au Quai d’Orsay et au gouvernement. François-Poncet est évidemment épaulé par une large équipe, mais seuls ses conseillers proches ont pu avoir une certaine influence sur l’activité du haut-commissariat. Il a évidemment eu son mot à dire dans ces choix, en particulier pour celui qui va l’accompagner au quotidien, Armand Bérard, le numéro deux du hautcommissariat. Bérard connaît extrêmement bien à la fois l’Allemagne et François-Poncet, auprès duquel il a travaillé de 1931 à 1936. Sa formation de normalien a contribué à sa proximité avec François-Poncet qui l’estime beaucoup, même si leurs relations ne sont pas chaleureuses.20 Il a également des positions très européistes qu’il partage avec son chef, ce qui le positionne de façon assez modérée sur la question allemande, avec une Europe vue comme solution d’encadrement – assez stricte cependant – de l’Allemagne. Le 30 août 1949, il arrive alors d’un poste à Washington, où il s’occupait des affaires allemandes.21 On ne peut donc trouver second plus qualifié pour ce poste... même si – parce qu’il a fréquenté l’Allié américain de près – il semble assez sceptique sur les chances de réussite de la politique française de contrôle et de revendications, en particulier sur la question de la Ruhr.22 Son rôle est important puisque, adjoint du haut-commissaire, il le remplace en son absence, mais le représente également dans de nombreuses réunions alliées, et il traite certains dossiers seul, en particulier la question de la Sarre. Il a une certaine influence sur François-Poncet et parvient parfois à infléchir ses décisions.23 Pour les autres membres de l’équipe, François-Poncet a recruté des jeunes gens prometteurs, parmi lesquels Claude Cheysson, Alain Peyrefitte, Jean-François Deniau. Le directeur général des Affaires politiques est Louis de Guiringaud. Le haut-commissariat français : une organisation complexe Le haut-commissariat français comprend deux entités, le haut-commissariat en Autriche (siégeant à Innsbruck) et le haut-commissariat en Allemagne (siégeant d’abord à Baden-Baden), composé de l’actuel Land de Rhénanie-Palatinat, des an-

20 Hélène Miard-Delacroix, Question nationale allemande et nationalisme, Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2004, p. 37–41. 21 Ibid. 22 Hüser, op. cit., p. 348. 23 Par ex. a/s de la visite de Schuman à Berlin (Bérard, op. cit., p. 266).

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ciens Länder de Wurtemberg-Hohenzollern et de Bade, du district de Lindau (Bavière) ainsi que des districts ouest-berlinois de Reinickendorf et Wedding24 qui forment la ZFO.25 Le travail principal du haut-commissaire est celui qu’il effectue dans le cadre de la HCA. Son cabinet gère les autres aspects de l’occupation. Les services du haut-commissariat sont d’abord installés dans l’hôtel Brenner à Baden-Baden, où ils prennent la succession de l’administration militaire. Les services militaires resteront à Baden, mais les services politiques devront aller à Bonn, les services administratifs à Coblence, les services financiers et culturels à Mayence. Avec la Haute Commission alliée qui siège à Berlin – mais peut aussi se réunir en d’autres lieux, souvent à Francfort26 ou au Petersberg – cette dispersion des services va rendre évidemment cette organisation plus difficile à diriger.27 Cette complexité implique donc de multiples lieux de travail et de réunion, mais aussi des résidences multiples pour le haut-commissaire et son adjoint, souvent en déplacement. Selon Bérard, « on ne cesse d’être sur les routes ».28 Pour les trajets entre Bonn et Berlin, François-Poncet dispose d’ailleurs de « son » propre train.29 À Berlin, c’est le Centre Jeanne d’Arc (en fait une caserne) qui accueille les bureaux berlinois du haut-commissariat. Le personnel français y est « d’excellente tenue » et « d’excellent esprit », selon Bérard.30 Quand il se trouve à Berlin, François-Poncet réside, dans un premier temps, dans la villa Borsig, un énorme bâtiment qui nécessite un personnel de plus de 80 personnes ! Magnifique, « mais si nous restons à la villa Borsig, les Américains nous accuseront de vivre sur un trop grand pied aux frais de l’Allemagne ».31 Il faudra donc aviser pour l’avenir. À Bonn, les bureaux du haut-commissariat sont situés à l’hôtel Dreesen, à BadGodesberg, où travaillent une centaine de fonctionnaires. Le haut-commissaire français est logé au Château d’Ernich, au sud de Bonn. Il est situé sur les bords du Rhin, tout comme l’est la villa Hentzen où loge son bras droit. Les rapports entre hauts-commissaires alliés Si les qualificatifs de « vice-roi » ou de « proconsul » ont parfois été attribués à François-Poncet, tous les hauts-commissaires ont été qualifiés de la sorte.32 Il faut

24 MAE, ZFO, Notice générale d’orientation et d’aide à la recherche, 2013, p. 3. 25 La Sarre, détachée de l'Allemagne, n’appartient pas à la ZFO ; elle constitue une entité politique autonome, avec un gouvernement militaire, puis un haut-commissariat français. Le colonel Gilbert Grandval y a été nommé en 1945, gouverneur militaire, il y reste ensuite comme hautcommissaire, dix ans au total. 26 Ville où les Américains ont transféré leur centre précédemment situé à Berlin. 27 Bérard, op. cit., p. 195. 28 Ibid., p. 197. 29 Ibid., p. 215. 30 Ibid. p. 199. 31 Ibid., p. 201. 32 Vogt, op. cit., respectivement p. 24, 90, 119, 219 et 256.

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bien dire que leurs pouvoirs – essentiellement de contrôle – sont véritablement ‘extraordinaires’, c’est une situation totalement inédite pour un pays ayant son propre gouvernement et une constitution. De très nombreux documents attestent que les rapports entre les hauts-commissaires alliés sont libres, empathiques et se font dans un « esprit de collaboration » qui, selon Bérard, « avait souvent fait défaut entre les commandants en chef anglosaxons et leurs collègues français ». 33 Si ceci n’empêche pas quelques tensions et discussions vives, il est vrai que la HCA se serre les coudes vis-à-vis des Allemands. En novembre 1949, le secrétaire d’État Acheson, en visite en Allemagne, insiste sur le fait que « la Haute Commission est une unité. [...] Quelles que puissent être les dissensions en son sein, les Allemands ne doivent pas escompter pouvoir en profiter. Ils trouveront toujours en face d’eux un front uni des Alliés. »34 François-Poncet est le doyen des hauts-commissaires, et il est le seul des trois à assurer la mission sur toute la durée. Côté américain, quatre hauts-commissaires se succèdent : John J. McCloy – sans doute celui qui a le plus marqué (21 septembre 1949–1er août 1952), Walter J. Donnelly (1er août 1952–11 décembre 1952), Samuel Reber, par intérim (11 décembre 1952–10 février 1953) et enfin James B. Conant (10 février 1953–5 mai 1955). Côté britannique, le général Sir Brian Hubert Robertson, arrivé comme gouverneur militaire de la zone d’occupation britannique, le 1er novembre 1947, voit son poste transformé en haut-commissaire (21 septembre 1949- 24 juin 1950). Selon François-Poncet, « Robertson frappe comme intelligent, mesuré, très au courant de son sujet et ne s’y laissant pas cependant noyer. » 35 Lui succède Sir Ivone Kirkpatrick (24 juin 1950–29 septembre 1953), puis Sir Frederick Hoyer Millar (29 septembre 1953–5 mai 1955). La première réunion entre les hauts-commissaires se tient le 2 septembre 1949 à Francfort. Les trois hauts-commissaires se retrouvent une fois par semaine, ils se connaissent donc très bien et travaillent dans une certaine harmonie, d’autant plus que la Haute Commission alliée doit aboutir à un consensus, même si un vote à la majorité reste possible.36 Ceci n’empêche pas que chacun doit défendre la position spécifique de son propre gouvernement, qui, dans le cas français, est évidemment celle d’une très grande fermeté et de méfiance vis-à-vis de l’Allemagne nouvelle. Dans les rencontres avec les Allemands, seuls François-Poncet et son adjoint Armand Bérard – qui le remplace régulièrement dans les rencontres tripartites et celles avec le chancelier ou son équipe – maîtrisent la langue allemande. Les deux autres hauts-commissaires sont donc accompagnés systématiquement de leurs interprètes. Ceci explique qu’Adenauer, qui ne parle ni français, ni anglais, se trouve souvent à discuter seul à seul avec François-Poncet. Selon Bérard, très connu pour son ambassade d’avant-guerre à Berlin, « François-Poncet dispose auprès des Allemands d’un énorme prestige. C’est ce capital dont il faut tirer parti ».37 En outre, sa 33 34 35 36 37

Bérard, op. cit., p. 197. Ibid., p. 247. Ibid., p. 197. Cf. Les rapports mensuels, op. cit., p. 30. Bérard, op. cit., p. 204.

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grande connaissance de l’Allemagne lui donne des atouts considérables par rapport aux autres hauts-commissaires. Le chancelier Adenauer est presque toujours – et presque uniquement – accompagné de Herbert Blankenhorn qui est chargé des relations avec la Haute Commission alliée. Celui-ci comprend le français. Par la suite, Walter Hallstein, désigné pour conduire la représentation allemande lors des négociations du traité de la CECA, sera également très fréquemment à ses côtés. En marge des réunions hebdomadaires, les hauts-commissaires prennent ensemble de nombreux déjeuners et dîners – y compris fréquemment avec Adenauer – au cours desquels les conversations et les négociations continuent.38 Le haut-commissaire français a également à gérer – avec ses collègues de la HCA, les relations avec les Soviétiques, en l’occurrence essentiellement avec le général Tchouikov, commandant la partie soviétique d’occupation à Berlin. LE HAUT-COMMISSAIRE FACE À LA NOUVELLE ALLEMAGNE Des rapports assez tendus avec les Allemands Le 7 septembre 1949 a lieu à Bonn la première séance du nouveau Bundesrat (Conseil fédéral), avec les membres des gouvernements des Länder, devant les trois hauts-commissaires alliés. Dès cet instant, pourtant solennel, les tensions sont perceptibles. L’élection du président du Bundesrat commence par un coup d’éclat, puisque qu’au lieu d’Hans Erhard (Bavière) dont l’élection semblait acquise par avance39, est choisi un représentant de la Rhénanie-Westphalie, Karl Arnold (CDU) qui « attribue sa désignation au fait que son Land est celui qui souffre le plus de la création de l’autorité de la Ruhr ainsi que des démontages. Il parle de la situation internationale de l’Allemagne comme si la politique étrangère n’était pas du domaine réservé. Il ne souffle pas mot de la puissance occupante et ne salue pas leurs représentants ».40 Le ton est donné ! L’ambiance est fraîche. L’après-midi, même cérémonie au Bundestag, élu le 14 août 1949, devant 402 députés. La tension retombe un peu, grâce à un discours apaisant du doyen de l’assemblée. Mais quelques instants avant la fin de la séance, communistes et socialistes réclament l’inscription à l’ordre du jour de la question des démontages. François-Poncet est prêt à se lever et à quitter la salle si cette demande est accordée. Ce n’est pas le cas, mais l’avenir s’annonce donc difficile... Et François-Poncet a très certainement le rôle plus difficile des trois hauts-commissaires car il doit défendre la politique allemande la plus exigeante, voire intransigeante.

38 Ibid., nombreuses occurrences. 39 Il sera élu l’année suivante. 40 Bérard, op. cit., p. 206.

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Le sort de l’Allemagne nouvelle Parmi les événements marquants, très nombreux en cette période de Guerre froide « chaude » et des débuts de la RFA, plusieurs négociations difficiles vont attiser durablement les tensions franco-allemandes, mais également entre les Alliés américano-britanniques et les Français. Toutes touchent bien évidemment à la question de la sécurité – pour la France et pour l’Europe – question sur laquelle les positions françaises restent extrêmement sensibles et ont du mal à évoluer. S’il n’est pas question de traiter ici l’ensemble de ces événements, nous en présentons ici brièvement quelques-uns parmi les plus emblématiques. Le haut-commissariat français est évidemment au premier plan dans ces négociations, tant avec les Allemands qu’avec les deux Alliés occidentaux qui, chacun de leur côté, tentent d’arracher des concessions auxquelles les Français ne sont pas encore prêts. La question du statut de Berlin ne pose guère de problème. Elle concerne avant tout les rapports avec les Soviétiques : pour une fois, la position des Français est aussi celle d’Adenauer et elle emporte l’adhésion du Bundestag (21 octobre 1949).41 Le choix de la capitale fédérale n’est pas non plus difficile, Bonn étant préférée, par le Bundestag, à Francfort, la ville « américaine ».42 En revanche, la question de la propriété des mines et des usines de la Ruhr (qui se situent dans la zone britannique d’occupation) et de leur gestion se pose depuis le début de l’occupation, et elle génère de fortes tensions avec les Allemands. Le gouvernement français avait toujours dit son opposition totale à ce que toute décision à ce sujet soit confiée au futur gouvernement allemand. Le 20 novembre 1948, Robert Schuman obtient l’engagement que cette question ne serait réglée qu’au moment du traité de paix. 43 Le 28 décembre, l’accord des Six (avec le Benelux) prévoit la création d’une Autorité internationale de la Ruhr (AIR), chargée de répartir les matières premières, et d’un Office de sécurité, chargé de veiller à la démilitarisation de l’Allemagne. La France ne peut qu’être satisfaite de ces arrangements. Sur place, François-Poncet, alors plein d’optimisme (janvier 1949), y voit bientôt les bases de la création d’un futur consortium européen du charbon et de l’acier et d’une organisation européenne dans laquelle l’Allemagne doit reprendre toute sa place. Ces paroles, si elles ne sont pas dictées par le Quai d’Orsay, y sont entendues avec sympathie et rencontrent l’assentiment de certaines personnalités allemandes. Elles n’empêchent pas la poursuite des protestations allemandes à la fois contre le statut de la Ruhr et contre les démontages44, qui vont durer tout au long de l’année 1949.

41 Ibid., p. 235. 42 Ibid., p. 240. 43 Raymond Poidevin, Robert Schuman : Homme d’État, 1886–1963, Paris, Imprimerie nationale, 1986, p. 210. 44 Déclaration du 31 janvier 1949 de François-Poncet à la presse. Cité ibid., p. 211–212.

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Les conséquences de la CECA Après l’annonce de la proposition Schuman, le 9 mai 1950, l’heure est à l’optimisme, mais la France n’accepte cependant pas beaucoup plus facilement de concessions, ni au cours des négociations45 sur la future Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), ni dans les autres questions relatives à l’Allemagne. C’est ainsi que, malgré les négociations en cours sur la CECA, les tensions francoallemandes sont très sensibles à la fin de l’année 1950. Adenauer, inquiet des manœuvres soviétiques – au sens propre et au figuré –, a demandé l’établissement d’une police fédérale allemande de 70 000 hommes. Dans le même temps, alors que depuis le début de la guerre de Corée (juin 1950), les Américains poussent à l’incorporation d’une force armée allemande dans les forces occidentales et que les Français rejettent cette hypothèse, Adenauer, tout comme son principal opposant Schumacher, se déclarent opposés au rétablissement d’une armée allemande. Ceci devrait donc convenir aux Français, mais la pression américaine est grande, ainsi que le relève le haut-commissaire qui, d’une manière générale, se montre assez virulent contre les Américains : « Quelle que soit notre attitude, les Américains poussent les Allemands à s’armer et l’affaire se fait sous nos yeux. »46 Pourtant la tension a augmenté, car les Français sont également opposés à la création d’une force de police, réclamée par le chancelier, essentiellement par crainte qu’elle n’outrepasse ses attributions et ne devienne le noyau d’une force armée. Dès le mois d’août, le haut-commissaire avait attiré l’attention du président Auriol sur les inquiétudes d’Adenauer à propos des agissements russes. Sa position semble ambigüe, comme s’il était très tenté de croire Adenauer totalement sincère, mais restait en même temps méfiant – même s’il l’est beaucoup moins que d’autres membres du gouvernement et que le président lui-même. C’est un positionnement qu’il a fréquemment depuis son retour en Allemagne. Mais on peut comprendre qu’en face de lui, il a des interlocuteurs très différents, et que, si très vite il fait confiance à Adenauer, il n’en est pas de même pour son entourage. En août 1950, il estime donc, à propos d’Adenauer, qu’il est « Sans doute, [...] de bonne foi quand il déclare s’opposer à la constitution de la Wehrmacht. Il serait d’ailleurs la première victime de l’état-major rétabli dans toute sa force ».47 Deux mois plus tard, évoquant une forme de chantage fait par les Allemands, il réclame une réaction forte sur la question de la police fédérale : « On se demande ce que veut Adenauer. En

45 Sur ces difficiles négociations, cf. Françoise Berger, « Le compromis franco-allemand dans l’industrie sidérurgique », in Mareike König et Matthias Schulz (Hrg.), Die Bundesrepublik Deutschland und die europäische Einigung, 1950–2000. Bewegende Kräfte und politische Akteure, Stuttgart, Steiner, 2004, p. 379–399. 46 Auriol, op. cit., T. 4, 16 oct. 1950, p. 359–362. 47 Ibid., T. 4, 18 août 1950, p. 292–293 ; ibid., 22 août 1950, p. 300.

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tout cas, il faut réagir brutalement et ne pas laisser faire ce chancelier qui agit en bon Allemand, pour jouer des Russes contre nous et de nous contre les Russes. »48 On sent donc François-Poncet compréhensif du point de vue d’Adenauer et en même temps partisan de la manière forte, d’une façon générale, avec les Allemands (tout comme son adjoint Armand Bérard, et même plus modéré que ce dernier). Au cours du temps, avec diverses nouvelles sources de tensions, il reproduit ce même type de « double » réaction, en ménageant relativement le chancelier, tout en portant la ligne assez dure réclamée par Paris. Tout ceci le rend souvent « inquiet », « pessimiste », « découragé » et son second Bérard a parfois du mal à lui remonter le moral.49 Mais Bérard est parfois, lui aussi, porté au découragement.50 On ne présentera pas ici la question de l’occupation de la Sarre,51 même si celleci vient souvent et durablement empoisonner les relations franco-allemandes. Armand Bérard est chargé de toutes les négociations dans ce domaine avec les Allemands,52 mais à partir de 1952, cette négociation se fait directement entre le chancelier et Robert Schuman.53 François-Poncet accuse Grandval, le haut-commissaire en Sarre, d’être « la pierre d’achoppement de toute solution, par son intransigeance ».54 Vers la fin de l’occupation alliée ? Sur fond d’une Guerre froide alors très tendue, les négociations qui doivent conduire à la fin de l’occupation alliée en Allemagne sont doubles : d’une part, les négociations d’un traité de Communauté européenne de défense, qui s’ouvrent à Paris le 15 février 1951 (avec l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et la RFA, les autres pays européens invités n’ayant envoyé que des observateurs) et, en parallèle, des discussions menées par les hauts-commissaires avec les seuls Allemands, à Bonn. Surviennent finalement la signature du traité de Bonn le 26 mai 1952 (accords contractuels sur l’abrogation du statut d’occupation) et, le lendemain, celle du traité de la CED à Paris. Selon Schuman, c’est le moment de « la normalisation » des relations avec l’Allemagne. Après la réunion constitutive de la Haute Autorité de la CECA et la reprise des pourparlers pour la CED, à Paris, Bérard note :

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Ibid., 16 octobre 1950, p. 359–362. Bérard, op. cit., p. 208, 229, 231, 233, etc. Ibid., p. 254. Cf. Rainer Hudemann et Raymond Poidevin, Die Saar 1945–1955: Ein Problem der europäischen Geschichte, Munich, Oldenbourg, 1992 ; Armin Heinen, Saarjahre. Politik und Wirtschaft im Saarland 1945–1955, Stuttgart, Steiner, 1996. 52 Bérard, op. cit., p. 536, 583. 53 Ibid., p. 415. 54 Ibid., p. 491.

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« Tout se passe désormais à Paris. La négociation a quitté Bonn. Notre activité y est redevenue essentiellement d’information. Le haut-commissariat a vécu. Combien de temps devrai-je y rester encore ? »55

Le gouvernement français estime cependant que la garantie américano-britannique est insuffisante.56 En France, on continue à redouter la puissance belliqueuse allemande, à commencer par le président Auriol lui-même. Schuman est plus serein que ce dernier. Mais les deux traités sont interdépendants et doivent être ratifiés par le Parlement. L’échec de la CED, prévisible dès 1952, et confirmé en août 1954 par le vote de l’Assemblée nationale française57, a des conséquences fâcheuses sur l’occupation alliée qui se prolonge très au-delà des prévisions. Elle met plus particulièrement le haut-commissaire français en position difficile face à Adenauer. Pourtant, dès l’année 1951, on a déjà en vue la fin de l’occupation, surtout après la signature du Traité de Paris instituant la CECA. À ce moment, on a bon espoir que la signature du traité de la CED et sa ratification suivent bientôt. Le gouvernement diligente en ZFO une mission d’archives, chargée de préparer la fin de l’occupation et le rapatriement sur le sol national des documents de la zone française.58 De son côté, le haut-commissaire commence à préparer son départ, évoquant à plusieurs reprises, au cours de l’année 1952, cette fin de mandat. N’étant pas homme à souhaiter une retraite passive, il a mis en action ses réseaux littéraires et, le 15 mai 1952, se fait élire à l’Académie française... Mais c’est sans compter la crise de la CED qui s’éternise. Il faut désormais trouver une autre solution pour l’intégration de l’Allemagne à la défense occidentale et ce, sous une pression américaine toujours plus forte : « Ils sont prêts à accepter toutes les demandes allemandes », peste Armand Bérard.59 Une attitude ferme face aux revendications allemandes et des craintes Si François-Poncet critique très fréquemment – et parfois de manière dure – le chancelier Adenauer, il est souvent prêt à lui trouver des excuses, expliquant que « l’intransigeance du chancelier Adenauer s’explique par les difficultés que rencontre sa coalition gouvernementale ».60 Il est tenté de lui faire confiance. Ainsi, à propos de craintes exprimées par le chancelier de voir de jeunes officiers céder aux offres de

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Ibid., p. 411, 15 août 1952. Poidevin, op. cit., p. 327. Sur une question préalable. Une mission de même type a lieu dans la zone d’occupation française en Autriche en 1952. Dès juillet 1952, la ville de Colmar est choisie pour accueillir le bureau des Archives de l’occupation française en Allemagne et en Autriche (MAE, Notice générale d’orientation, op. cit., p. 4). 59 Bérard, op. cit., p. 578. 60 Auriol, op. cit. octobre 1952, note 161 a/s tél. du 22 oct. 1952.

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la RDA : « On pourrait supposer que le chancelier a forcé les choses et intentionnellement noirci le tableau afin de pousser à la création d’une force armée allemande. Je ne crois pas, pour ma part, qu’il ait été insincère ».61 Cependant quand le chancelier joue un peu trop de son opinion publique ou de son opposition politique pour tenter d’obtenir des concessions, les termes deviennent plus déplaisants. Le chancelier Adenauer agite souvent la menace socialiste pour justifier son durcissement.62 « Konrad Adenauer cherche à obtenir des ministres ce que lui refusent les hauts-commissaires ».63 Vincent Auriol parle de « chantage », à propos des démontages. Le chancelier mettrait en avant une opinion publique qui pourrait être rendue « perméable à la propagande soviétique ». Auriol annote le rapport de François-Poncet ainsi : « Le chantage commence et cela risque de continuer par la "menace soviétique" ! » 64 Si l’attitude reste donc ferme face aux Allemands, elle doit l’être aussi face aux positions américaines et britanniques. Mais il est difficile, dans la situation française de l’époque, de s’opposer totalement à la volonté américaine, aussi beaucoup de compromis sont nécessaires. « La conciliation est donc la loi qui régit l’existence de la Haute Commission. Hors d’elle point de salut. Il ne s’en suit pas que la France, en cas de désaccord, doive nécessairement céder à l’opinion de son ou de ses contradicteurs [...] Il ressort seulement de l’expérience [du premier problème survenu, celui du taux de baisse du deutsche mark] [...] qu’un compromis vaut encore mieux qu’une rupture ».65

C’est une position très fréquente pour François-Poncet. D’une manière générale, il ménage ses deux autres collègues hauts-commissaires. Et les accords signés sur place – donc négociés par François-Poncet ou Bérard, dépassent parfois les instructions du Quai d’Orsay. François-Poncet joue bien un rôle important dans l’évolution de la position française envers l’Allemagne. Selon Bérard,66 lors de ses voyages à Paris, il s’affaire dans les milieux du Parlement, de la diplomatie (où il rencontre une forte opposition des services), de la presse, pour pousser à de larges concessions à l’Allemagne. François-Poncet défend la sincérité d’Adenauer, tout en utilisant un vocabulaire qui a souvent fait bondir ses détracteurs. Mais il s’adapte aussi à son interlocuteur. « V.A. : À travers tout cela je persiste à croire : 1° qu’ils ne sont pas de bonne foi, 2° qu’ils ne tiennent pas tant que ça à ratifier les accords. A.F.-P. : Si, ils y tiennent, car ils veulent rester dans les bonnes grâces de l’Amérique. [...] A.F.-P. : Sa politique reste axée sur une entente franco-allemande au sein d’une communauté européenne, et il veut essayer de détendre l’atmosphère qui est actuellement mauvaise. Je ne

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Ibid. oct. 1949, note 9. Ibid. février 1952, note 13, a/s tél. du 31 janv. 1952. Mots rapportés par V. Auriol, ibid. fév. 1952, note 55. Ibid. nov. 1952, note 48. Les rapports mensuels, op. cit., vol. I, p. 194. Bérard, op. cit., p. 247.

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crois pas que jamais on puisse trouver un chancelier meilleur que celui-là, malgré tous les défauts qu’il a. Ils sont tous boches, nous n’y pouvons rien, et ils sont déjà débordants d’optimisme sur l’avenir, heureux d’être demandés et bien accueillis partout. Nous avons comme voisin ce peuple insupportable et incurable, mais il faut tout de même vivre avec lui. [...] V.A. : Oui, mais dans une fédération européenne comprenant l’Allemagne et soutenue par les États-Unis, l’Allemagne l’emportera, car nous sommes de braves bougres et eux sont hypocrites et violents. » 67

Le haut-commissaire et le chancelier Comment François-Poncet évalue-t-il le chancelier Adenauer ? Dès son entrée en fonction en 194968, on constate une certaine admiration pour le nouveau chancelier : « Les mérites de M. Adenauer. [...] Cet homme étrange, étonnamment sûr de lui [...], a réussi à surmonter tous les obstacles et à imposer son autorité. Il ne sera pas ‘un chancelier commode’. Il l’a dit et on peut l’en croire. ». On sent ici l’admiration pour celui qui, dans les circonstances difficiles et sur fond de tensions intra et inter partis politiques, « tient les rênes ». « C’est un chef qui [dépasse ses ministres] de beaucoup » ; « la déclaration ministérielle de M. Adenauer (20 septembre 1949) a mis en relief sa supériorité. Elle a été intelligente, habile, et ferme, sans intransigeance ». À propos de l’affaire de Berlin, François-Poncet écrit : « le chancelier [...] se comporte [...] en homme d’État clairvoyant, courageux et plein de sang-froid ».69 L’homme qui écrit ces mots est pourtant habituellement très avare de ce type de compliments... François-Poncet décrit donc un chancelier et un gouvernement courageux qui luttent contre la démagogie du Parlement. Il est immédiatement persuadé de la bonne volonté d’Adenauer « dont le désir de vivre en bonne intelligence avec les Alliés peut être tenu pour sincère » 70 (sans que ceci ne l’empêche de tenter d’obtenir toujours plus). À propos de ses relations avec le Parlement et sur la question de Berlin, François-Poncet souligne que « M. Adenauer est tenace et il n’est pas malhabile dans l’art de manœuvrer son Parlement ».71 Quelques jours après, effectivement, Adenauer parvient à faire plier le Parlement. « Il s’était montré plein de sang-froid et de clairvoyance. Il avait été aussi courageux et énergique que persuasif et habile. Sa supériorité s’était affirmée, cette journée du 21 octobre [1949] avait consacré son autorité ».72 Mais il se trouve qu’il avait adopté très fermement l’attitude par ailleurs préconisée par la France – à savoir le refus de faire de Berlin le 12e Land.

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Auriol, op. cit., 5 déc. 1953, p. 622–623. Les rapports mensuels, op. cit., vol. I, 10 sept. 1949, p. 187. Ibid., p. 197. Ibid., 20 nov. 1949, p. 192 et 198. Ibid., p. 200. Ibid.

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Ce qui peut expliquer cet a priori positif, c’est que le chancelier est un homme typiquement rhénan, selon son propre collaborateur Herbert Blankenhorn.73 Il représente l’Allemagne proche et paisible, par rapport à l’Allemagne « prussienne », terme que François-Poncet utilise assez souvent pour des personnalités qu’il considère comme néfastes.74 Cependant, il est surpris quelque temps plus tard de découvrir « un aspect plus troublant de son caractère ». Donnant « des signes d’impatience, de nervosité », c’est un homme « excité, irrité, violent, auquel échappait le sens de la mesure » 75, qui reproche à la HCA les « humiliations » qu’elle inflige à son gouvernement, propos qui éclatent à l’évocation d’une campagne en faveur de la neutralisation de l’Allemagne, campagne qui visiblement a fait sortir Adenauer de ses gonds. François-Poncet évoque un « fonds de nationalisme arrogant » qui ressurgit dans cette attitude. S’il lui trouve quelques excuses, arguant qu’il « était dans un mauvais jour », il lui répond cependant « assez rudement » en rappelant les fautes de l’Allemagne. Il constate qu’Adenauer est très critiqué, y compris dans son propre parti : « il y en avait aussi chez les chrétiens-démocrates qui regrettaient les aspérités du caractère d’Adenauer, son autoritarisme méprisant, sa propension au secret, l’ignorance dans laquelle il laissait à dessein le Bundestag et sa commission des Affaires extérieures, de sa pensée et de ses initiatives ».76 Il va jusqu’à évoquer son « « autoritarisme », son « mépris ».77 Mais ce sont là les premiers mois de la Haute Commission, chacun se cherche encore... D’une manière générale, Adenauer le surprend. C’est visible dans certaines interrogations qu’il formule. Il ne comprend pas encore toutes les facettes de cet homme qui lui semble parfois « singulier ». Par exemple, lui semble remarquable le fait qu’Adenauer a « toujours ouvertement professé le souci de la sécurité, particulièrement ressentie par la France » et a toujours cherché à lui « fournir des apaisements »78 à ce sujet. Par la force, les contacts sont très fréquents, au minimum une fois par semaine79, dans le cadre du travail de la Haute Commission, et ils deviennent rapidement « extrêmement proches ».80 Au final, les relations conflictuelles n’ont pas empêché une forte estime réciproque.

73 „Man kann Konrad Adenauer eigentlich nur aus der rheinischen Landschaft heraus verstehen. Er war im wahrsten Sinn des Wortes Westdeutscher. Er fühlte sich als Teil der rheinischwestlichen Kulturwelt“, Herbert Blankenhorn, Verständnis und Verständigung: Blätter eines politischen Tagebuchs, Propyläen, 1980, p. 43. 74 Par ex. à propos du chef du SPD, Kurt Schumacher. 75 Les rapports mensuels, op. cit., 20 nov. 1949, p. 200. 76 Ibid., 18 déc. 1949, p. 217. 77 Ibid., 20 nov. 1949, p. 211. 78 Ibid., p. 209. 79 Dans une note nécrologique pour Adenauer, en 1967, François-Poncet évoque des « contacts presque quotidiens » (AN, 462AP/87). 80 AN, 462AP/87, article de 1963 sur Adenauer.

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Quant à ses relations avec les autres membres du gouvernement et le président, François-Poncet, qui n’est guère amène, arrive cependant à reconnaître à un petit nombre d’entre eux quelques qualités, bien qu’« [Adenauer se soit] entouré, dans son gouvernement, ‘d’hommes moyens’». Seul échappe à cette qualification le ministre de l’Économie, Ludwig Erhard, qui « est certainement l’un des meilleurs d’entre eux ».81 Les mémoires de Blankenhorn laissent à penser que les relations entre eux furent bonnes.82 Quant au premier président de la République fédérale, Theodor Heuss, « la nouvelle république allemande semble avoir fait un assez bon choix. M. Heuss est sincèrement libéral, pacifique et attaché à l’idée européenne ».83 On reconnaît là aussi les propres attributs de François-Poncet... La position complexe de François-Poncet François-Poncet semble toujours pris dans cette ‘fascination/répulsion’ envers l’Allemagne, comme beaucoup d’autres intellectuels germanistes de sa génération. Il faut cependant faire une différence assez sensible entre la position officielle qu’il prend, sur ordre du gouvernement français, et ses états d’âme personnels. Or sa principale crainte, c’est le danger russe et son anticommunisme, qu’il partage avec le chancelier et son entourage, dépasse largement sa méfiance envers l’Allemagne. Certains ont pu évoquer un François-Poncet très « anti-boche » ; en réalité, il a vite pris la mesure à la fois de l’affaiblissement réel de la puissance allemande et de la bonne volonté du chancelier Adenauer. Si selon Vincent Auriol, « l’Allemagne continue, par ses gémissements, ses chantages, ses manœuvres, à vouloir reprendre sa puissance » 84, le point de vue de Konrad Adenauer touche une corde sensible chez François-Poncet. Ceci a sans doute contribué à ce que François-Poncet, pourtant peu poussé à l’indulgence vis-à-vis des Allemands, au vu de sa propre expérience et de ses préjugés, accepte assez facilement des compromis successifs et tente de les faire accepter par les gouvernements français. Sur ce point, sa position diffère de celle de Robert Schuman : « [...] il n’y a pas de danger allemand, il y a un danger russe. [...] Schuman ne croit pas au danger russe. Moi j’y crois. »85 DES CRAINTES PERSISTANTES ? L’Allemagne est-elle toujours un danger ? Dès qu’il prend ses fonctions (et même bien avant), André François-Poncet est largement d’avis que non seulement l’Allemagne ne constitue plus un danger, mais que, de plus il faut répondre positivement

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Les rapports mensuels, op. cit., vol. I, 19 oct. 1949, p. 190. Blankenhorn, op. cit., plusieurs pages. Les rapports mensuels, op. cit., vol. I, p. 185. Ibid. Ibid. vol. 3, 28 déc. 1949.

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à la volonté de rapprochement d’Adenauer, mais aussi des partis, associations et presse allemande.86 Or au Parlement français, il n’est question que du danger allemand.87 Les craintes d’une résurgence du « nationalisme allemand » La crainte d’une résurgence du « nationalisme » allemand revient souvent dans les messages de François-Poncet, et tout autant dans ceux de son adjoint. Ce qualificatif assez vague renvoie essentiellement à la nouvelle attitude allemande – et à celle d’Adenauer – qui émet de plus en plus de prétentions et laisse peu à peu émerger le visage d’un Allemagne économiquement reconstruite qui veut retrouver toute sa place. Cette nouvelle fierté est évidemment difficile à admettre, si tôt après la guerre. D’où ce qualificatif. Mais dans d’autres bouches, ce qualificatif est beaucoup plus ambigu, il renvoie à l’Allemagne guerrière et belliqueuse. Vincent Auriol, très virulent contre les Allemands en général, utilise ce terme dans son acception la plus péjorative : « Nous ne devons pas dissimuler que nous sommes très inquiets de la renaissance du nationalisme allemand. Je ne dis pas seulement d’une persistance dans certains milieux de l’hitlérisme, mais du nationalisme allemand qui est beaucoup plus vaste, semble être une donnée constante de la psychologie allemande et s’exprime dans un militarisme tôt ou tard agressif. »88

La crainte du président ne diminue pas avec la mise en œuvre de la CECA et les négociations sur la CED : « Je ne vous cache pas que je suis très inquiet de la renaissance du nationalisme allemand ; j’ai très peur du réarmement allemand et des militaires allemands qui ont le culot de demander qu’on réhabilite l’honneur de l’armée allemande. » 89

Sur cette question, Armand Bérard a exactement la même position que celle de son chef et utilise les mêmes expressions ou presque : « Il a suffi de la première éraflure pour faire reparaître leur nationalisme sous le vernis européen. » 90 Au-delà du « nationalisme », quelques faits divers font craindre le risque de résurgence nazie. Quand François-Poncet, au début des années 1950, reste très méfiant des agissements de certains groupes « néo-nazis », ce n’est pas de la paranoïa, certains événements en apportent la preuve.91 Plusieurs affaires traitées par le hautcommissariat français justifient cette inquiétude. Il travaille d’ailleurs en collaboration avec les autorités allemandes à ce propos.

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Les rapports mensuels, op. cit., 18 décembre 1949, p. 219. Cf. J.O. n° 102 et 103, Débats des 24 et 25 nov. 1949, « Politique à l’égard de l’Allemagne ». Auriol, op. cit., T.5, 20 juillet 1951, p. 263‑264. Ibid., T. 6, 12 juin 1952, p. 175. Bérard, op. cit., p. 579. Cf. Kristian Buchna, Nationale Sammlung an Rhein und Ruhr, Munich, Oldenbourg, 2010 ; Norbert Frei, Vergangenheitspolitik, Munich, Beck, 1996.

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Des craintes finalement apaisées, malgré les critiques François-Poncet a paru tour à tour inquiet, pessimiste, voire découragé. S’il a craint – comme d’autres – le retour d’un extrémisme finalement très limité, il reconnait en mai 1955, au moment où s’achève sa mission, que l’hitlérisme est bien mort. Ceci ne l’empêche pas de dénoncer une nouvelle forme du nationalisme allemand, en réalité, une question nationale qui se pose en termes nouveaux dans l’Allemagne qui se perçoit comme démocratique, mais que les autres pays perçoivent encore à travers l’histoire tragique du nazisme.92 « À cet égard, il est bien vrai que l’hitlérisme soit mort avec Hitler et qu’il ne revivra pas. Mais le nationalisme, tel Protée, a plus d’une forme. La vieille outrecuidance, « l’Überhebung », reparaît, et, avec elle, le désir de figurer parmi les nations de premier rang, de jouer un grand rôle, de battre les records, d’exercer une influence prépondérante, ce que l’on appelle la volonté de puissance. »93

Mais cette dénonciation n’est nullement de son seul fait : à de multiples reprises, le haut-commissaire adjoint, Bérard, reprend le même couplet, tout aussi virulent, voire plus. Pour autant, ce sont deux hommes qui se sont énormément investis pour faciliter cette transition démocratique en Allemagne. Tous deux sont des européistes convaincus, et ils toujours tenté de convaincre le Quai d’Orsay – où la résistance était souvent très forte – du bienfait du développement de la coopération franco-allemande. En particulier, François-Poncet, malgré ses aigreurs ponctuelles face aux revendications d’Adenauer ou aux réactions de l’opinion allemande, a toujours tenté d’emporter le plus de concessions possible pour accélérer les processus de négociation, tout en pestant contre les demandes incessantes du chancelier. Quitte à plusieurs reprises à se faire rappeler à l’ordre par le Quai qui estime qu’il s’est trop engagé sur tel ou tel point. Comme tout Français, il a évidemment du mal à admettre que le vainqueur tente de relever la tête aussi vite, et plus encore ait des exigences, si peu de temps après la défaite. Mais en même temps, c’est un européiste94 et un pacifiste profondément convaincu et, dans la situation du moment, seule la menace soviétique est réelle (« la révélation, de plus en plus angoissante, du péril soviétique »95). Tout faire pour la paix, tel a donc été son objectif tout au long de sa dernière mission en Allemagne, comme cela avait d’ailleurs déjà été le cas dans l’Entredeux-guerres. En ce sens, il est satisfait à la fois de l’état de l’Allemagne et des relations franco-allemandes, au moment de la fin de sa mission. Il met – à juste titre – les rapides concessions faites à la RFA sur le dos de la Guerre froide. Et l’on sent souvent poindre une certaine admiration qui fait pendant à ses critiques parfois acerbes. 92 Cf. Miard-Delacroix, op. cit., dont nous ne partageons pas toutes les démonstrations, mais qui est centré sur cette question. 93 Les rapports mensuels, op. cit., vol. II, 3 mai 1955, p. 1400. 94 Il est vice-président du Mouvement européen France depuis 1948. 95 Les rapports mensuels, op. cit., vol. II., p. 1395.

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Françoise Berger « L’Allemagne de M. Adenauer offre, en définitive, l’image d’un régime stable dans un pays prospère. Elle connaît de petites crises politiques, mais elle ignore, jusqu’ici, les crises ministérielles. Le pouvoir central s’y est affermi, sans écraser les autonomies locales. Les Länder, en effet, dont la France avait proposé la création comme un antidote contre les excès du centralisme, se sont révélés non seulement viables, mais vivants. »96

QUEL BILAN POUR LA PÉRIODE DU HAUT-COMMISSARIAT FRANÇAIS ? Le haut-commissariat a-t-il eu un rôle marquant dans l’évolution des relations franco-allemandes entre 1949 et 1955 ? Cette expérience, totalement inédite dans l’histoire de la diplomatie, s’appuie particulièrement sur la continuité des deux dirigeants du haut-commissariat français, François-Poncet et Bérard. Même si elles ont été moins rapides que prévu, des évolutions importantes se sont produites dans les relations franco-allemandes, malgré les problèmes posés par la situation de Guerre froide, et grâce à un contexte de début d’une construction européenne incluant l’Allemagne. François-Poncet a été, à cet égard, le chantre du rapprochement franco-allemand, parfois plus vite que les responsables politiques français ne l’admettaient. Ainsi, Vincent Auriol, en février 1951, reproche finalement à FrançoisPoncet son attitude trop compréhensive : « Vous me parlez du rapprochement franco-allemand ; eh bien ! le rapprochement se fera à la condition que l’Allemagne d’aujourd’hui ne veuille pas se solidariser avec l’Allemagne criminelle d’hier, s’ils veulent faire une sorte de pardon du crime il n’y a rien à faire. »97

François-Poncet, très critiqué par certains, mais très apprécié par d’autres Beaucoup d’auteurs allemands et français ont critiqué l’action de François-Poncet à diverses périodes de son activité diplomatique.98 Sur la période du haut-commissariat, le principal reproche est qu’il n’aurait pas compris la nouvelle Allemagne et le changement profond qui s’y était produit, et aurait continué de l’analyser à l’aune de son expérience antérieure et avec de gros préjugés. Si la lecture de certains écrits ou comptes-rendus d’entretiens de François-Poncet peuvent en effet faire sursauter aujourd’hui et semble faire preuve d’un « anti-germanisme primaire », il faut aller au-delà de cette première impression. Certes, l’ambassadeur, profondément pacifiste, est hanté par les deux guerres et par ses souvenirs du régime nazi. Il est aussi, comme toute l’élite germaniste

96 Ibid., p. 1399. 97 Auriol, op. cit., T. 4, 6 fév. 1951, p. 51–52. 98 En particulier, pour la période nazie, Claus Schäfer, André François-Poncet als Botschafter in Berlin (1931–1938), Munich, Oldenbourg, 2004 ; pour la période du haut-commissariat, MiardDelacroix, op. cit. ; Alfred Grosser, l’un des plus virulents contre François-Poncet qu’il avait connu après-guerre en Allemagne (entretiens personnels).

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française depuis 1870, à la fois fasciné par l’Allemagne de Goethe et craintif de l’Allemagne prussienne. En ce sens, il ne fait que refléter des préjugés largement partagés par sa génération. Mais connaissant parfaitement la culture allemande, il est souvent beaucoup plus fin que la plupart de ses coreligionnaires, ce qui prête à des ambiguïtés révélatrices d’une sorte de balance permanente entre méfiance et attraction. On a vu que dans le personnel politique ou diplomatique, tous ne sont pas aussi subtils quand il s’agit de dénigrer l’Allemagne qui se redresse. Il nous semble donc que le point de vue de ses interlocuteurs allemands permet de dévoiler une autre facette de ce personnage : il était très apprécié – malgré la vigueur de certaines discussions qui relevait plus de son caractère que de ses convictions – et a laissé au final de très bons souvenirs, à tel point que Konrad Adenauer tout comme Herbert Blankenhorn se targuaient par la suite d’être de ses amis et ne manquaient pas l’opportunité d’une visite à l’ancien ambassadeur. François-Poncet a été apprécié en particulier par Adenauer lui-même : « M. François-Poncet, haut-commissaire de France, a grandement contribué à clarifier les rapports entre nos deux pays. Nous avons souvent lutté l’un contre l’autre et cherché ensemble, au cours de franches conversations, de nouvelles voies de solution. M. François-Poncet, qui connaissait bien l’Allemagne, a essayé, chaque fois qu’il l’a pu, d’aplanir les divergences d’opinion entre l’Allemagne et la France et d’établir une bonne entente entre nos deux pays. Je tiens à lui en exprimer ma profonde gratitude. » 99

Blankenhorn a lui aussi une excellente appréciation du haut-commissaire français, qu’il qualifie « d’ami ».100 Côté français, même si au Quai d’Orsay il était de tradition de se plaindre de la longueur de ses dépêches, par lesquelles François-Poncet cherchait évidemment à influencer les décisions, il est pourtant lu très attentivement, au ministère des Affaires étrangères et dans les grands postes à l’étranger, mais aussi à la présidence de la République. À Henri Bonnet qu’il reçoit en juin 1952, Vincent Auriol déclare : « Au regard de ces télégrammes de François-Poncet, que vous lisez attentivement comme moi [...] »101 et l’ensemble de son Journal du septennat l’atteste. On peut donc estimer qu’il a eu une certaine influence. Vers une nouvelle diplomatie en Allemagne en 1955 ? La HCA cesse ses fonctions le 5 mai 1955, le statut d’occupation est abrogé, conformément aux termes des accords de Paris conclus le 23 octobre 1954, et la RFA

99 Konrad Adenauer, Mémoires, tome 2 : 1953–1956, Paris, Hachette, 1967, p. 361. 100 Blankenhorn, op. cit., p. 588. 101 Auriol, op. cit., 26 juin 1952, p. 332.

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accède à la souveraineté.102 Le haut-commissariat est dissous par décret du 17 août 1955 qui crée une ambassade auprès de la RFA.103 Dès le début de l’année 1955, les relations franco-allemandes sont entrées dans une nouvelle phase. Les accords signés avec Pierre Mendès-France, même s’ils sont modestes, mettent en avant la coopération culturelle.104 L’intérêt pour ces questions n’est pas nouveau et le haut-commissariat français a, à cet égard, fait montre d’une politique culturelle engagée et active.105 Mais il s’agit désormais d’une politique bilatérale. Cette question constitue l’illustration de l’entrée dans une nouvelle phase des relations franco-allemandes. 1955 est aussi l’année où, dans le domaine commercial, la France et l’Allemagne deviennent respectivement premier partenaire commercial de l’autre. Malgré la période d’incertitude quant à l’évolution de la construction européenne, la phase de l’occupation en Allemagne est bien achevée. Quelques mois plus tard, la normalisation diplomatique s’achève, avec l’ouverture de la nouvelle ambassade de France en Allemagne fédérale (5 mai).106 Qu’elle soit confiée, pour quelques mois, de manière symbolique, à André François-Poncet, montre à l’évidence que la période du haut-commissariat français, malgré les tensions et les crises qui l’ont parcouru, est bien considérée comme une réussite ayant permis la transition souhaitée dans les relations franco-allemandes. Cette transition s’est avérée plus longue que prévue et a donc suscité plus de tensions aussi, mais la faute en est essentiellement au rejet français de la CED et non au haut-commissaire et à son adjoint qui ont fait le maximum avec les contraintes auxquelles ils étaient soumis. Elle fut finalement efficace et la création de l’ambassade marque officiellement un retour à la normale. François-Poncet, lors de ses adieux au chancelier le 30 septembre 1955, résume ainsi sa vision de celui qui fut à la fois son adversaire et son partenaire, et qui est devenu son ami : « Sie, Herr Bundeskanzler, haben Deutschland die Achtung der Welt wieder erworben. » 107

102 Limitée par la notion de « puissances protectrices », en l’absence de traité de paix. Celui-ci n’intervient que le 12 sept. 1990 (Traité 2+4), il rétablit la pleine souveraineté pour l’Allemagne réunifiée (3 oct.) qui a reconnu définitivement ses frontières. 103 Cf. Matthieu Osmont, « De nouvelles relations ? L’ouverture de l’ambassade de France à Bonn en 1955 », Relations internationales, no 129, 2007/1, p. 67–83. Application rétrospective au 5 mai pour la prise d’effet. 104 Les rencontres de La Celle-Saint-Cloud, le 19 octobre 1954, comprenaient, entre autres, un accord de coopération culturelle. 105 Cf. Corine Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, 1945– 1955, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1994. ; Emmanuelle Picard, Des usages de l’Allemagne. Politique culturelle française en Allemagne et rapprochement franco-allemand, 1945–1963, thèse, IEP de Paris, 1999. 106 Une grande de cérémonie est organisée, avec plusieurs allocutions de François-Poncet et du président Theodor Heuss, en présence du chancelier (MAE/Occupation fr. en All./Papiers personnels du haut-commissaire/284–7). 107 « M. le chancelier, vous avez permis à l’Allemagne d’être à nouveau respectée dans le monde », cité in Discours de Eugen Gerstenmaier, président du Bundestag, lors des adieux à Konrad Adenauer, 19 avril 1967, Konrad Adenauer Stiftung.

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ZUSAMMENFASSUNG Mit der Gründung der Bundesrepublik Deutschland am 23. Mai 1949 endet die militärische Besatzung durch die Gouverneure der Alliierten. Sie wird durch eine Zivilregierung ersetzt, die von einer Alliierten Hohen Kommission koordiniert und in jeder Besatzungszone durch einen Hohen Kommissar verwaltet wird. Für Frankreich wird im August 1949 André François-Poncet ernannt, der seine Mission, die im Mai 1955 mit dem offiziellen Ende der Besatzung und die Wiederherstellung der Botschaft von Frankreich in Deutschland, bis zum Ende erfüllte. Diese Übergangsperiode ist einzigartig in der Geschichte. Besonders schwierig ist es für die französischen Vertreter, da sie ständig Kompromisse mit den Deutschen und den Alliierten verhandeln müssen, und gemeinsam eine sehr kompromisslose deutsche Politik der französischen Regierung unterstützen. Jedoch wurde ein erster Schritt im Juli 1948 unternommen, als Robert Schuman das Außenministerium übernimmt. Natürlich misstraut er Deutschland, aber weil er so lange proeuropäisch war, wollte er einen Kompromiss finden, der sowohl eine Kontrolle über Deutschland, als auch eine europäische Integration für den Frieden ermöglicht. Deshalb wählte er Francois-Poncet, der eben diese Ziele unterstützte, und der zudem die Situation in Deutschland und in Berlin besonders gut kannte, wo er zwischen 1931 und 1938 französischer Botschafter gewesen war. Neben der Erläuterung der konkreten Umsetzung des französischen Hohen Kommissariats und der Komplexität dieser Institution sind insbesondere die Handlungsspielräume und –möglichkeiten sowohl des Hohen Kommissars, als auch seines Hauptkollaborateurs, Armand Bérard, zu untersuchen. Außerdem sollen deren Beziehungen zur französischen Regierung und zu anderen verbündeten Regierungen analysiert werden. Haben ihre Persönlichkeit und ihre persönliche Positionierung dazu beigetragen, die vor Ort geführte Politik zu beeinflussen? In dieser Übergangszeit glauben viele Menschen in Frankreich, dass von Deutschland eine Gefahr ausgeht. Nicht jedoch Francois-Poncet, der vielmehr die Gefahr durch die Sowjetunion fürchtet. Insofern fühlt er sich den Vorstellungen Konrad Adenauers nahe, der die gleiche Sorge teilt. Er blieb aber sehr kritisch gegenüber Adenauer und seine Regierung, die immer versuchten, im Kontext des Kalten Krieges, neue Zugeständnisse zu erhalten und wachsenden Spannungen zu ihren Gunsten zu manipulieren. Der Hohe Kommissar und sein Stellvertreter zögerten über die beste Handlungsmethode mit der deutschen Regierung. Doch in den sechs Jahren der Alliierten Hohen Kommission und des französischen Hoch-Kommissariats, haben Beide sowohl die Mission wirklich zu Herzen genommen als auch erfolgreich dazu beigetragen, langfristig gute und faire deutsch-französische Beziehungen zu ermöglichen. Trotz der gegenseitigen Kritik bewerten sowohl André Francois-Poncet, als auch Konrad Adenauer diese Zeit im Rückblick sehr positiv.

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ABSTRACT With the creation of the Federal Republic of Germany, on May 23rd, 1949, the military occupation by the governors of the allied powers ended. It was replaced by a civilian occupation, coordinated at the allied level by an Allied High Commission and managed, for each zone of occupation, by a high commissioner. For France, it was André François-Poncet, appointed in August 1949, who carried out this mission until the official end of the occupation and the re-establishment of the French Embassy in Germany in May 1955. This transitional period, by its statute, is unique in history. It was especially tricky for the French representatives who unceasingly had to negotiate compromises with the Germans and the allies while defending the very intransigent German policy of the French government. However, a first step was taken in July 1948 when Robert Schuman joined the Ministry of Foreign Affairs. He had, of course, prejudices against Germany, but as a long-time Europeanist, he also wanted to reach a compromise that would secure both the control of Germany and the European construction for peace. He chose François-Poncet because he was fully in the same perspective, and because he was particularly well acquainted with the German situation and Berlin, where he had been ambassador from 1931 to 1938. In addition to the presentation of the setting up of the French High Commission and the complexity of its functioning, it is important to question the leeway that the High Commissioner and his main collaborator, Armand Bérard, enjoyed in relation to the Government and the Allied governments. Did their personality and their personal positioning influence the policies that were put into motion on the scene? In this period of transition, many in France still believed in a German danger. This was no longer the case with François-Poncet, who feared the Soviet danger much more, and felt close to Konrad Adenauer, who shared the same concerns. This did not, however, prevent him from being very critical towards Adenauer and his government, who were constantly seeking new concessions, using the growing tension of the Cold War to try to manipulate the American ally in their favor. The High Commissioner and his deputy seemed to hesitate on the best method to be applied with the German Government. Nevertheless, during the six years of the High Allied Commission and the French High Commission, both of them took this mission seriously and made it possible to achieve a certain degree of success in establishing fair and lasting Franco-German relations. Despite their reciprocal criticism, André François-Poncet and Konrad Adenauer, in hindsight, looked back to this period to consider it in a very positive way.

LES AMBASSADEURS DE FRANCE À BONN (1955–1999) Matthieu Osmont « La relation franco-allemande se porte si bien que l’on pourrait se demander à quoi cela sert d’avoir des ambassadeurs à Bonn et à Paris. »1 Cette phrase, prononcée en juin 1960 par l’ambassadeur François Seydoux, résume bien l’enjeu de cette période d’après-guerre pour les diplomates en résidence des deux côtés du Rhin. Le rapprochement franco-allemand et la construction européenne – qui se développent continuellement des années 1950 aux années 1990 – transforment le rôle des ambassades dans la relation entre les deux pays. Les ambassadeurs ont-ils encore un rôle à jouer dès lors que les chefs d’État et de gouvernement, les ministres, mais aussi les hauts fonctionnaires français et allemands se rencontrent fréquemment et tiennent le devant de la scène ?2 Nous nous intéresserons ici spécifiquement au cas français. Entre 1955 et 1999, treize ambassadeurs français se succèdent en République fédérale d’Allemagne – d’André François-Poncet à François Scheer.3 Le cadre dans lequel ils agissent reste par bien des aspects inchangé tout au long de la période : héritier du haut-commissaire français en Allemagne, l’ambassadeur vit dans une résidence splendide sur les hauteurs du Rhin et représente – jusqu’en 1990 – l’une des quatre puissances responsables de Berlin et du sort de l’Allemagne dans son ensemble. Toutefois, le prestige inchangé de la fonction masque des évolutions significatives du rôle des ambassadeurs parallèlement à l’institutionnalisation de la coopération franco-allemande et à la multiplication des contacts directs au sommet de l’État. Les diplomates successifs nommés au poste de Bonn tireront des conséquences différentes de cette évolution du contexte des relations franco-allemandes. Une analyse des structures et du contexte ne suffit pas à cerner le rôle des représentants français en République fédérale d’Allemagne. La fonction d’ambassa-

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Citation de François Seydoux, Der Spiegel, 29 juin 1960, page 13 [traduction de l’allemand]. Cet article s’appuie sur une thèse de doctorat d’histoire soutenue par l’auteur le 12 décembre 2011 à l’Institut d’Études politiques de Paris sous la direction du professeur Maurice Vaïsse, intitulée « Les ambassadeurs de France à Bonn (1955–1999) ». Les ambassadeurs français suivants ont été en poste à Bonn : André François-Poncet (1955), Louis Joxe (1956), Maurice Couve de Murville (1956–1958), François Seydoux (1958–1962 puis 1965–1970), Roland de Margerie (1962–1965), Jean Sauvagnargues (1970–1974), Olivier Wormser (1974–1977), Jean-Pierre Brunet (1977–1982), Henri Froment-Meurice (1982– 1983), Jacques Morizet (1983–1986), Serge Boidevaix (1986–1992), Bertrand Dufourcq (1992–1993) et François Scheer (1993–1999).

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deur se confond en effet avec la personne de l’ambassadeur. Or, la vision des relations internationales et la manière dont ceux qui ont occupé la place perçoivent leur rôle ne sont pas les mêmes d’un diplomate à l’autre. Il y a eu par conséquent autant de manières de penser et d’incarner cette fonction qu’il y a eu d’ambassadeurs français. Nous examinerons ainsi les changements qui modifient le rôle des ambassadeurs français à Bonn des années 1950 aux années 1990 sous une double perspective : tout d’abord celle du contexte dans lequel ils agissent, qui évolue fortement au cours de ces quatre décennies, et ensuite celle des personnes et des trois générations successives de diplomates qui ont accédé au poste de Bonn. Pour comprendre le cadre de leur action, nous reviendrons dans un premier temps sur le fonctionnement de cette ambassade particulière installée sur les bords du Rhin. LA FRANCE REPRÉSENTÉE À BONN : CADRE ET CONTEXTE L’héritage du haut-commissariat L’ambassade de France à Bonn naît de la normalisation des relations franco-allemandes après l’entrée en vigueur des accords de Paris, le 5 mai 1955. Le dispositif alors en place est largement hérité de celui du haut-commissariat de la République Française en Allemagne (HCRFA).4 Le cadre ainsi fixé au milieu des années 1950 connaît quelques évolutions jusqu’en 1999 mais reste dans les grands traits inchangé. L’ambassade s’installe dans les murs du haut-commissariat : la chancellerie reste à Bad Godesberg (dans la banlieue de Bonn), et la résidence de l’ambassadeur à Remagen (à 15 kilomètres au sud de Bonn, à l’intérieur de l’ancienne zone d’occupation française). La résidence, qui a été celle d’André François-Poncet depuis l’été 1949, est une propriété imposante : le château d’Ernich. Ce lieu exceptionnel est devenu propriété de l’État français en 1956. Le château, construit au début du XXe siècle et d’architecture néobaroque, est surtout réputé pour sa situation sur les hauteurs de Remagen, dominant une boucle du Rhin. Il est entouré d’un parc de cinq hectares, lui-même enchâssé dans une vaste forêt, donnant à cette résidence diplomatique un air champêtre apprécié par la plupart des ambassadeurs. Cette « grande maison », qui comporte une trentaine de pièces, offre un cadre prestigieux pour recevoir des invités. Les déjeuners en petit comité, les dîners pour dix à cinquante personnes et les cocktails accueillant plusieurs centaines de participants font ainsi partie du quotidien des ambassadeurs en résidence sur les bords du Rhin.5

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Matthieu Osmont, « De nouvelles relations ? L’ouverture de l’ambassade de France à Bonn en 1955 », Relations internationales, n°129, avril 2007, p. 67–83. Cf. le reportage de Pierre Halphen sur « Son excellence Jean Sauvagnargues », émission télévisée « Plein Cadre » sur le Canal 1, le 17 novembre 1972, archives Institut National de l’Audiovisuel.

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L’organisation du travail de l’ambassade est également héritée du haut-commissariat. Si certains services du haut-commissariat disparaissent avec l’entrée en vigueur des accords de Paris le 5 mai 1955, notamment l’office militaire de sécurité, le secrétariat général allié ou encore l’office tripartite de circulation, d’autres services sont intégrés dans la nouvelle ambassade, mais avec des effectifs réduits, à l’image de la direction politique – reconvertie en chancellerie politique –, de la direction des Affaires culturelles – qui devient le service culturel de l’ambassade –, ou encore la direction de l’Information – transformée en service de presse.6 Par ailleurs, neuf consulats et quatre chancelleries détachées sont officiellement ouverts en mai 1955.7 Mais il s’agit le plus souvent d’une simple transformation des anciens « commissariats de Land » et de certains postes « d’observateurs politiques » en consulats. Dans la majorité des cas, le personnel consulaire reste le même. Enfin, les services français à Berlin et les centres culturels français en Allemagne continuent à fonctionner à l’identique après l’ouverture de la nouvelle ambassade en 1955. Ce dispositif reste préservé tout au long de la période. Un rapport de l’inspection générale du ministère indique ainsi en 1973 que l’ambassade « dispose dans les domaines politique, administratif, économique et culturel d’un dispositif considérable ».8 En 1987, la République Fédérale d’Allemagne se situe au deuxième rang mondial pour le coût des actions diplomatique et consulaire françaises – derrière les États-Unis.9 Un rang inchangé en 1999 – le budget de fonctionnement des services dépendant du Quai d’Orsay en Allemagne est évalué alors à 23,33 millions d’euros.10 L’ambassadeur de France en République fédérale reste ainsi des années 1950 aux années 1990 le « chef d’orchestre » d’un dispositif diplomatique complexe dont le centre est Bonn, où travaillent environ deux cents personnes, auxquelles il faut ajouter les personnels d’une dizaine de consulats, d’une vingtaine d’instituts et centres culturels français et de plusieurs postes d’expansion économique en Allemagne.

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Archives du ministère des Affaires étrangères – Centre de la Courneuve (ci-dessous AMAELa Courneuve), Europe, RFA, 131, télégramme de François-Poncet envoyé à tous les services français en Allemagne le 7 mai 1955. 7 Dans un courrier daté du 4 mai 1955, la direction du Personnel du Quai d’Orsay envoie à André François-Poncet la liste des futurs postes consulaires, tels qu’ils doivent être réorganisés à partir du 6 mai suivant. Les consulats suivants sont prévus : Düsseldorf, Munich, Hambourg, Stuttgart, Coblence, Hanovre, Francfort, Mayence, Fribourg. Des chancelleries détachées sont prévues à Kiel, Nuremberg, Baden-Baden et Brême (AMAE-La Courneuve, Europe, RFA, 131). 8 AMAE-La Courneuve, Europe, RFA, 2997, rapport de l’inspection des postes diplomatiques et consulaires sur l’ambassade de France à Bonn, septembre 1973. 9 AMAE-La Courneuve, Série Personnel, Budget, document publié en janvier 1989 par le service du budget et des affaires financières du Quai d’Orsay, intitulé « Répartition des dépenses des ministères des Affaires étrangères et de la coopération pour l’année 1987 ». 10 Yves Tavernier, Rapport d’information fait au nom de la Commission des Finances, de l’Économie Générale et du Plan sur le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs, Paris, Assemblée Nationale, n° 3620, février 2002, p. 78.

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Le poste de Bonn : tremplin, couronnement d’une carrière ou prison dorée Cette ambassade constitue dès ses débuts l’un des postes les plus en vue de la diplomatie française dans le monde, une position confortée par la suite. Une spécificité du poste de Bonn jusqu’en 1990 y a fortement contribué : l’ambassadeur français n’est alors pas seulement le représentant de son pays auprès du gouvernement ouest-allemand ; il est aussi le représentant de l’une des quatre puissances responsables pour l’Allemagne depuis 1945, détenteur à ce titre de pouvoirs civils et militaires à Berlin qui sortent des compétences habituelles d’un diplomate.11 Ce rôle spécifique de l’ambassadeur se manifeste concrètement par sa présence régulière à Berlin, par des réunions régulières avec les ambassadeurs britannique et américain à Bonn, par des rencontres avec l’ambassadeur soviétique à Berlin-Est et par un travail permanent d’information et d’analyse sur les dossiers berlinois, sur les relations interallemandes et sur la question de l’unité allemande. C’est également en tant que représentant d’une des quatre grandes puissances que l’ambassadeur Jean Sauvagnargues a négocié et signé au nom de la France l’accord quadripartite sur Berlin du 3 septembre 1971, une étape importante de la Détente dans les années 1970.12 Ces responsabilités exceptionnelles n’ont pas empêché les deux ambassadeurs qui ont succédé à André François-Poncet, Louis Joxe13 et Maurice Couve de Murville14, de considérer leur nomination à Bonn comme une diminutio capitis. Après avoir été en poste à Moscou pour le premier, à Washington pour le second, Bonn leur semblait au milieu des années 1950 une capitale périphérique dans les relations internationales. L’intérêt de « passer par Bonn » s’affirme réellement après 1958 avec le renforcement sous de Gaulle et Adenauer d’un partenariat franco-allemand à nul autre pareil. Pour François Seydoux comme pour Roland de Margerie, les deux ambassadeurs du général de Gaulle à Bonn, leurs missions sur les bords du Rhin correspondent au couronnement de leur carrière.15 Jean Sauvagnargues quant à lui tirera bénéfice de son ambassade à Bonn en devenant ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 – suivant en cela la trajectoire de

11 Aux termes du décret n°55–1273 du 15 septembre 1955, l’Ambassadeur de la République Française auprès de la République Fédérale d’Allemagne a autorité sur le Général, gouverneur militaire français à Berlin ; il est, entre autres, « responsable de la sécurité intérieure et du maintien de l’ordre dans le secteur de Berlin occupé par les forces françaises ». 12 Sur le rôle de Jean Sauvagnargues dans cette négociation, voir Georges-Henri Soutou, « La France et l’accord quadripartite sur Berlin du 3 septembre 1971 », Revue d’Histoire Diplomatique, 2004–1, p. 45–73. 13 Entretien de l’auteur avec Pierre Joxe (sur son père Louis Joxe), le 19 mai 2006. 14 Jean-Philippe de Garate, Couve de Murville, 1907–1999, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 202. 15 Voir François Seydoux, Mémoires d’Outre-Rhin, Paris, Grasset, 1975 et Dans l’intimité francoallemande. Une mission diplomatique, Paris, Éditions Albatros, 1977 ; et Roland de Margerie, Tous mes adieux sont faits. Mémoires inédits de Roland de Margerie, édités par Laure de Margerie-Meslay, New-York, 2012, vol. 4.

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Maurice Couve de Murville au lendemain du retour au pouvoir du Général de Gaulle en 1958. À partir du milieu des années 1970, l’intérêt du poste de Bonn est davantage débattu. Pour Olivier Wormser, successeur de Jean Sauvagnargues en 1974, Bonn est une « prison dorée » où il ne retrouvera jamais l’influence qu’il avait eue sur la politique extérieure française sous de Gaulle et Pompidou.16 Plus tard, si Henri Froment-Meurice, ancien ambassadeur à Moscou et à Bonn, peut affirmer qu’au début des années 1980 « Washington, Moscou et Bonn étaient les trois ambassades stratégiques » 17, le sentiment d’autres diplomates est différent. Ainsi, Bertrand Dufourcq regrette d’avoir dû quitter Moscou pour Bonn en 1992, car « les changements radicaux que connaissait la Russie durant cette période rendaient [sa] mission à Moscou passionnante ».18 De son côté, François Scheer, après avoir été représentant permanent auprès des Communautés européennes puis ambassadeur en République fédérale considère a posteriori que « le multilatéral était la filière la plus intéressante ».19 Ces jugements pour le moins différenciés sur l’intérêt du poste de Bonn nous invitent à regarder de plus près le contenu de la mission des ambassadeurs français en poste en République fédérale et la manière dont celui-ci a pu évoluer au cours de quatre décennies. DES CHANGEMENTS STRUCTURELS QUI MODIFIENT LE RÔLE DE L’AMBASSADEUR Entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1990, des évolutions significatives modifient les missions de l’ambassade de France à Bonn et le quotidien des diplomates qui la dirigent. On observe ainsi un affaiblissement progressif du rôle proprement « politique » de l’ambassadeur, dont la mission de médiation au plus haut niveau n’est plus centrale ; parallèlement, on voit l’ambassadeur investir des fonctions nouvelles, notamment dans la diplomatie culturelle et économique, mais aussi en tant que « chef d’orchestre » d’un dispositif diplomatique de plus en plus complexe.

16 Sur le rôle-clé joué par Olivier Wormser au sein du ministère des Affaires étrangères entre 1958 et 1966, voir notamment Maurice Vaïsse, La Grandeur, Politique étrangère du Général de Gaulle (1958–1969), Paris, Fayard, 1998, p. 173. Sur « l’exil » vécu par Olivier Wormser à Bonn, entretiens de l’auteur avec Jacques Morizet (numéro deux de l’ambassade entre 1971 et 1975), le 23 mai 2006, ainsi qu’avec Bernard Nuss, attaché de presse de l’ambassade, le 25 mai 2011. 17 Entretien de l’auteur avec Henri Froment-Meurice le 20 décembre 2005. 18 Entretien de l’auteur avec Bertrand Dufourcq le 10 décembre 2007. 19 Entretien de l’auteur avec François Scheer le 15 juillet 2009.

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Un rôle politique au plus haut niveau qui tend à diminuer La relation franco-allemande est depuis les années 1950 marquée par une personnalisation des échanges interétatiques au plus haut niveau (les fameux « couples » franco-allemands : de Gaulle – Adenauer, Giscard d’Estaing – Schmidt, Mitterrand – Kohl, etc.). Cette spécificité renforce des tendances à l’œuvre dans l’ensemble du champ diplomatique qui écartent les ambassades du champ de la « haute politique ». Le développement d’une diplomatie de sommet contribue à cette évolution, à la fois au sein des Communautés européennes mais aussi à l’échelle mondiale avec le développement des G6 puis G7 à partir des années 1970. Dans le cadre des relations franco-allemandes, le traité de l’Élysée de 1963 institutionnalise des rencontres périodiques au plus haut niveau (chefs d’État et de gouvernement, ministres des Affaires étrangères), selon un rythme qui s’intensifie au fil des décennies. À l’inverse, dans les années 1980–1990 l’ambassadeur de France à Bonn n’est plus consulté aussi régulièrement par le chancelier allemand ou son ministre des Affaires étrangères qu’il ne l’était dans les années 1950–1960. À titre d’exemple, François Seydoux est reçu quatre fois par le chancelier Konrad Adenauer en 1961 ; on ne relève aucun entretien officiel entre l’ambassadeur Jean-Pierre Brunet et le chancelier Helmut Schmidt en 1981.20 Tandis que les rencontres entre l’ambassadeur français et le ministre allemand des Affaires étrangères étaient mensuelles en 1961, une seule rencontre entre Jean-Pierre Brunet et Hans-Dietrich Genscher est mentionnée dans les agendas de l’ambassadeur en 1981. Ces chiffres demandent toutefois à être nuancés. En effet, si la pratique des « audiences officielles » de l’ambassadeur auprès des membres du gouvernement allemand tend à tomber en désuétude, les occasions de rencontres plus informelles ne manquent pas dans la capitale rhénane. Serge Boidevaix témoigne ainsi de ses contacts fréquents à la fin des années 1980 avec Hans-Dietrich Genscher lors de repas chez des amis communs. De la même manière, il croisait fréquemment le chancelier Kohl lors de concerts mensuels organisés pour les jeunes talents du Conservatoire de musique de Bonn. 21 De manière sans doute plus décisive, le rôle politique de l’ambassadeur est affaibli par les pratiques des décideurs politiques français. Ainsi, tandis que Charles de Gaulle et Georges Pompidou ont systématiquement consulté leurs représentants à Bonn avant tout entretien avec le chancelier allemand, leurs successeurs ont eu d’autres pratiques. L’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing et d’Helmut Schmidt en 1974 inaugure ainsi un changement notable dans la communication aux sommets de l’État. Les contacts téléphoniques directs et les entretiens en tête-à-tête entre les deux hommes provoquent à certains moments un « court-circuitage » des réseaux diplomatiques traditionnels. Selon Jacques Morizet, alors numéro deux de 20 Étude réalisée à partir des agendas des ambassadeurs de France à Bonn conservés pour la période 1960–1982 au Centre des archives diplomatiques de Nantes (ci-dessous CADN), 105PO/1999038/433 et 434. 21 Entretien de l’auteur avec Serge Boidevaix le 31 juillet 2009.

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l’ambassade de France à Bonn, « on listait [à l’ambassade] toutes les questions qui nécessiteraient une discussion ou une décision au prochain sommet, mais on ne savait jamais si cette liste serait retenue car on apprenait après coup que les deux hommes s’étaient téléphonés pour décider de ce dont ils voulaient parler ».22 Sous François Mitterrand et Helmut Kohl, les entourages des deux dirigeants gagnent en importance et interviennent de plus en plus dans la préparation des sommets franco-allemands. À la fin des années 1980, les contacts sont ainsi quotidiens entre Joachim Bitterlich, conseiller d’Helmut Kohl pour les questions européennes et Hubert Védrine, conseiller diplomatique puis porte-parole de l’Élysée.23 Le nouveau président de la République française abandonne également la tradition des conseils des ministres restreints avant chaque sommet, auxquels participait l’ambassadeur de France.24 Enfin, la présence des ambassadeurs lors des entretiens ministériels devient plus rare dans les années 1980–1990, ce qui complique le suivi des dossiers après les sommets franco-allemands. Cette diplomatie de sommet n’exclut pas entièrement non plus les diplomates en résidence à Bonn. L’ambassade reste une source d’information essentielle pour les participants aux sommets franco-allemands. L’ambassadeur lui-même est l’auteur de « télégrammes d’ambiance » qui sont lus attentivement à Paris car ils donnent une vue d’ensemble des relations franco-allemandes et permettent aux membres de la délégation française de connaître l’état d’esprit de leurs interlocuteurs allemands avant chaque sommet. Ces informations contribuent à dessiner le cadre dans lequel les participants à chaque sommet vont discuter et négocier avec leurs interlocuteurs.25 Des missions variées adaptées au contexte allemand Le rôle des ambassades n’est pas seulement de préparer les entretiens au plus haut niveau. Il est aussi celui d’un intermédiaire entre la société politique et la société civile. Les ambassadeurs sont ainsi les représentants de leur pays auprès de tous ceux qui n’ont pas un accès direct aux décideurs politiques nationaux. Les ambassadeurs sillonnent en permanence les différentes régions du pays où ils sont en poste pour aller à la rencontre des publics les plus divers : responsables politiques régionaux et locaux, chefs d’entreprise, directeurs d’institutions culturelles, patrons de presse, étudiants, membres d’associations franco-allemandes, etc. Auprès d’eux, ils

22 AMAE-La Courneuve, Archives Orales (ci-dessous AO) 16 – Jacques Morizet. 23 Entretien de l’auteur avec Serge Boidevaix le 31 juillet 2009. 24 L’ambassadeur Jean-Pierre Brunet s’en plaint d’ailleurs amèrement auprès du ministre Claude Cheysson dans une lettre envoyée de Bonn le 28 juillet 1981 (CADN, 105PO/1999038/421). 25 Matthieu Osmont, « Pratiques diplomatiques : le rôle des ambassades lors des sommets francoallemands », Dokumente/Documents, 4/2012, p. 65–68.

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sont chargés de relayer et d’expliquer les décisions prises au niveau des gouvernements, au travers de conférences, de débats ou d’entretiens avec les médias locaux. Mais ces rencontres doivent aussi leur permettre de « prendre le pouls » du payshôte et de mieux saisir l’état de l’opinion publique afin de fournir à leur gouvernement une information complète, qui ne se limite pas à la sphère politique. Cette mission est particulièrement importante dans le cadre de l’Allemagne fédérale, où les centres de pouvoir et d’influence sont nombreux. « Comprendre et expliquer le fédéralisme allemand »26 constitue ainsi une des tâches essentielles de l’ambassadeur de France à Bonn. Les représentants français en République fédérale d’Allemagne ont tous été des « ambassadeurs itinérants », un phénomène qui s’est accentué au fil des décennies. Ainsi, Jean-Pierre Brunet a passé 53 jours en déplacements extérieurs en 1981 contre 34 jours pour François Seydoux en 1961.27 La première ville où l’ambassadeur séjourne en dehors de Bonn est Berlin. En tant que haut-commissaire, il y dispose d’une résidence dans le quartier de Reinickendorf et a autorité sur le gouverneur militaire français. En l’absence de l’ambassadeur, le ministre délégué à Berlin est son « représentant personnel » au sein du gouvernement militaire français de Berlin (GMFB), où il remplit la fonction de conseiller politique. Les services civils du GMFB constituent ainsi le principal observatoire français sur la RDA avant l’ouverture d’une ambassade française à Berlin-Est en 1973 et ils ne cesseront jusqu’en 1990 de délivrer des informations précieuses sur l’évolution de la situation à Berlin. L’ambassadeur de France à Bonn participe également jusqu’en 1990 à une forme de négociation permanente sur Berlin et sur l’Allemagne dans son ensemble, en lien avec les autorités allemandes (fédérales et berlinoises), ainsi qu’avec les autorités soviétiques. Le « quadripartisme » des grands vainqueurs de la guerre en 1945 ne disparaît ainsi jamais complètement entre 1955 et 1990, malgré le contexte de Guerre froide. Il se manifeste par des rencontres bilatérales régulières entre les ambassadeurs occidentaux à Bonn et leur homologue soviétique à Berlin-Est. Il est aussi réactivé lors de la négociation quadripartite sur Berlin en 1970–1971. Au quotidien, il cède toutefois la place à une négociation à « 3+1 » entre les représentants des puissances occidentales et les représentants ouest-allemands. Le « Quad » permet de coordonner leur action dans les affaires berlinoises et plus généralement dans tout ce qui concerne leurs rapports avec la RDA et avec l’URSS. Ce dispositif de consultation permanente, « quadripartite » lui aussi, relativement peu connu, contribue à faire de Bonn « un poste de travail et d’observation privilégié » au cœur des enjeux de Guerre froide.28 Ces dispositifs sont dissous le 2 octobre 1990, au moment où s’éteint le statut quadripartite de Berlin. Cette date marque la fin du rôle

26 Comme en témoigne notamment François Scheer, lors d’une audition auprès de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, réunion du mardi 21 janvier 2003, consultable sur le site internet http://www.senat.fr. 27 Ces chiffres sont tirés de l’étude des agendas mentionnés plus haut. 28 Sur ce quadripartisme à « 3+1 », voir notamment Helga Haftendorn, « The "Quad": dynamics of institutionnal change » in Helga Haftendorn et Robert O. Keohane (dir.), Imperfect Unions, Security Institutions over Time and Space, Oxford University Press, 1999, p. 162–194.

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spécifique de l’ambassadeur à Bonn en tant que haut-commissaire à Berlin, mettant un terme à un pan important de son activité négociatrice. Enfin, les ambassadeurs compensent en partie une moindre influence politique par un investissement croissant dans le champ de la diplomatie économique et dans celui de la diplomatie culturelle. Les ambassadeurs de la seconde moitié des années 1970, Olivier Wormser et Jean-Pierre Brunet, deux spécialistes de la diplomatie économique, se sont intéressés ainsi de près aux développements de la coopération économique et monétaire franco-allemande durant cette période. Les ambassadeurs suivants, formés à l’ENA, maîtrisent également mieux ces dossiers « techniques » que leurs prédécesseurs et s’y investissent pleinement. En matière économique, chaque succès est toutefois le résultat d’un travail collectif où les conseillers techniques de l’ambassade, disposant d’une grande autonomie, jouent souvent un rôleclé. Jean-Pierre Brunet le signale dans son rapport de fin de mission, en évoquant « le rôle déterminant de l’Ambassade [...] dans l’appui donné au programme Ariane, dans la définition et le lancement de l’Airbus 310, dans l’adoption par les Allemands d’une norme Antiope améliorée et "européisée" ; dans la construction en commun des satellites de télévision directe, que chaque pays s’apprêtait à faire séparément ; dans le projet de char enfin ». 29 La diplomatie culturelle a toujours joué quant à elle un rôle important dans le travail de l’ambassade – dans l’entre-deux-guerres déjà, mais encore plus après 1945. La promotion de la langue française comptant parmi les priorités de la diplomatie française, les ambassadeurs français à Bonn sont en première ligne dans cette « bataille du français ». Le développement de l’enseignement du français dans les établissements scolaires justifie un travail de « lobbying » permanent de l’ambassadeur et de son conseiller culturel auprès des responsables politiques des Länder (souverains en matière éducative). D’autres enjeux de la diplomatie culturelle mobilisent l’ambassade : le développement de la coopération universitaire, la promotion du livre, du cinéma, de l’art contemporain français, l’accroissement de la présence audiovisuelle de la France en Allemagne, etc. L’ambassade peut s’appuyer dans ce travail sur un vaste réseau d’Instituts et de Centres culturels, créé dans l’après-guerre et dont le maintien a été un leitmotiv chez les ambassadeurs successifs. Dans son rapport de fin de mission en 1986, Jacques Morizet souligne ainsi son « inquiétude » pour l’avenir alors qu’il est question « d’alléger » le réseau des instituts français en Allemagne.30 Quelques jours avant son départ de Bonn, François Scheer explique quant à lui que « vouloir réduire à tout prix l’importance de notre réseau d’instituts et de centres culturels en Allemagne [...] est certainement l’une des idées les plus contraires à la nécessité de renforcer notre relation avec

29 CADN, 105PO/1999038/343, rapport de fin de mission de Jean-Pierre Brunet, daté du 25 janvier 1982. Antiope est le système français de télétexte et de Vidéotex utilisé en radiodiffusion dans les années 1980. 30 AMAE-La Courneuve, Europe, RFA, 6741, rapport de fin de mission de Jacques Morizet, daté du 25 mars 1986.

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l’Allemagne ».31 Étendu aux nouveaux Länder après la réunification, ce réseau a été dans l’ensemble préservé et reste aujourd’hui l’un des plus denses au monde. DES PERSONNALITÉS QUI ONT INCARNÉ DIFFÉREMMENT LA FONCTION Parallèlement à ces évolutions structurelles, les individus jouent un rôle déterminant. Il y a autant de manières d’être ambassadeur de France en Allemagne qu’il y a de titulaires du poste. On observe ainsi des différences notables entre les ambassadeurs successifs tant du point de vue de leur conception du métier diplomatique que de leur vision des relations franco-allemandes. Des différences générationnelles Trente-cinq années séparent le diplomate le plus âgé parmi les successeurs d’André François-Poncet à Bonn, Roland de Margerie, né en 1899, du plus jeune, François Scheer, né en 1934. Si cette différence d’âge est assez réduite pour que toutes les personnes concernées aient eu l’occasion, à un moment de leur carrière, de se rencontrer, elle influence malgré tout la façon dont chacun aborde sa mission en Allemagne. En tenant compte des trajectoires individuelles ainsi que du contexte de leur nomination à Bonn, trois groupes générationnels peuvent être distingués : les ambassadeurs nés avant 1907, ceux nés dans les années 1910 et ceux nés dans les années 1920 et 1930. Les ambassadeurs des années 1950 et 1960, en particulier Roland de Margerie et François Seydoux, incarnent les dernières figures « classiques » de la diplomatie française.32 Ayant eu pour modèle les ambassadeurs de l’entre-deux-guerres, ils ont intégré les valeurs aristocratiques du corps diplomatique de l’époque. À l’image de leurs aînés ou de leurs pères, ils ont l’ambition d’exercer une influence sur la politique étrangère de la France.33 Leur perception de l’Allemagne, d’autre part, est profondément marquée par l’entre-deux-guerres. R. de Margerie et F. Seydoux ont été sensibles à « l’esprit de Locarno » dans les années 1920 et font souvent référence, dans leurs discours sur l’Europe d’après-guerre, à cette période de leur vie. Ils ont également été les témoins directs de la montée du nazisme en Allemagne, étant en poste à Berlin dans les années 1930. Cette expérience, conjuguée à celle de l’Occupation, peut expliquer une inquiétude persistante vis-à-vis de l’évolution de

31 Note de réflexion de François Scheer sur « la relation franco-allemande » jointe à son rapport de fin de mission, 30 mars 1999, archives privées F. Scheer. 32 Nous reprenons ici les termes utilisés par Yvan Bazouni dans son chapitre consacré au « diplomate classique » dans Yvan Bazouni, Le métier de diplomate, Paris, L'Harmattan, 2005, p. 37– 65. 33 Sur l’influence durable des enseignements de son père Jacques Seydoux, lui-même diplomate de carrière, voir François Seydoux, Le Métier de diplomate, Paris, France-Empire, 1980.

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l’Allemagne dans l’après-guerre, malgré un ralliement que l’on peut juger sincère à la politique de rapprochement franco-allemand menée par la France à partir de 1950. Les ambassadeurs des années 1970, s’ils partagent en grande partie les valeurs de la « Carrière », font néanmoins figure de « diplomates modernes », grâce notamment à leur maîtrise des nouveaux outils de la diplomatie d’après-guerre : la diplomatie économique pour Olivier Wormser et Jean-Pierre Brunet, la « berlinologie » pour Jean Sauvagnargues. Leurs compétences sont mises à contribution dans le cadre de leur mission à Bonn. Ainsi Jean Sauvagnargues négocie-t-il l’accord quadripartite sur Berlin, tandis qu’Olivier Wormser et Jean-Pierre Brunet sont confrontés aux problèmes posés par les deux chocs pétroliers et le dérèglement monétaire dans les années 1970. Par ailleurs, tous trois ont participé aux combats de la France Libre durant la Seconde guerre mondiale. Ils en ont hérité une « identité résistante » qui les conduit à soutenir le projet européen après-guerre, mais aussi à défendre un certain « encadrement de l’Allemagne », notamment en préservant les droits réservés des vainqueurs de 1945.34 Les ambassadeurs des années 1980 et 1990 appartiennent à une nouvelle génération de hauts fonctionnaires, celle formée à l’École Nationale d’Administration après 1945.35 Entrés au Quai d’Orsay dans une période de démocratisation du corps diplomatique, ils ne partagent pas entièrement les valeurs de leurs aînés. Ayant pris acte du fait que les diplomates ne sont plus au premier rang de la scène publique – en particulier durant la présidence de François Mitterrand, sous lequel ils servent, ils se présentent comme des experts au service du politique. Par ailleurs, leur socialisation à l’Allemagne est davantage marquée par les débuts de la Guerre froide que par la Seconde Guerre mondiale (que seul Jacques Morizet a vécue en tant que combattant). La République fédérale est d’emblée perçue comme un partenaire et un allié face à l’URSS. Plusieurs d’entre eux ont vécu intensément les débuts du rapprochement franco-allemand, en participant dans l’après-guerre aux premiers échanges de jeunes des deux côtés du Rhin. Ces expériences peuvent expliquer une approche plus apaisée et moins méfiante des relations franco-allemandes à l’époque où ils sont en poste à Bonn. Des différences individuelles mais aussi des traits communs L’analyse générationnelle a toutefois ses limites. Au-delà de certains traits communs, la personnalité de chaque diplomate influence considérablement son rôle en

34 L’engagement européen de Jean Sauvagnargues se double ainsi d’un souci permanent de voir la France conserver un contrôle sur l’Allemagne – notamment par le biais des « droits réservés ». Cf. AMAE-La Courneuve, AO 41 – Jean Sauvagnargues. 35 Selon Jean-François Kesler, « l’ENA a permis d’apporter un sang neuf au ministère des Affaires étrangères, auquel elle a fourni des hauts fonctionnaires ayant une vue relativement cohérente de la chose économique », in L’ENA, la société, l’État, Paris, Berger-Levraut, 1985, p. 371.

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tant qu’ambassadeur. Ainsi, François Seydoux et Roland de Margerie, tous deux dignes représentants de la « Carrière », en poste à Bonn sous Charles de Gaulle, conçoivent leur mission de manière très différente. Tandis que F. Seydoux voyage beaucoup en Allemagne et s’exprime souvent en public sur des sujets variés, se considérant comme un « porte-parole » du chef de l’État français, R. de Margerie limite autant que possible ses apparitions publiques et se concentre sur le dialogue avec les responsables politiques allemands. Le premier, très apprécié par la presse allemande, est présenté par le journal Die Welt lors de son départ de Bonn en 1962 comme « l’ambassadeur le plus aimé de la scène diplomatique bonnoise ».36 À l’inverse, le second est présenté par le même journal lors de ses adieux en 1965 comme un ambassadeur « distant », « aristocratique » et « conservateur ».37 Le jugement des diplomates allemands sur Roland de Margerie est toutefois différent. Ils apprécient sa connaissance des dossiers et son esprit de synthèse.38 Et lui-même justifie dans son rapport de fin de mission la rareté de ses prises de parole en public, considérant que « les chefs de mission – outre qu’ils se démonétisent – s’exposent, bien souvent, à des polémiques fâcheuses pour avoir été mal compris ou avoir vu leurs propos intentionnellement déformés ». 39 Sur le fond, la défense des intérêts français reste la préoccupation principale de tous les ambassadeurs français en poste à Bonn. Mais celle-ci prend des formes différentes lorsqu´il s’agit de construire l’Europe unie. Certains ambassadeurs défendent une approche intergouvernementale de la construction européenne, là ou d’autres se prononcent en faveur d’une intégration plus poussée. Henri FromentMeurice considère ainsi, un an après son rappel à Paris, en 1984, que « la construction de l’Europe n’a pas encore été poussée assez loin »40 et dit avoir été profondément influencé par la pensée de Jean Monnet.41 À l’inverse, Serge Boidevaix admet avoir des sentiments réservés sur l’intégration européenne. Partageant la « foi gaulliste d’un François Seydoux » dans les années 1960, il était alors très favorable au plan Fouchet et à une « Europe des États », dans la lignée de la politique du général de Gaulle.42 Malgré ces différences individuelles, des éléments de continuité sont perceptibles si l’on considère les représentations de l’Allemagne des ambassadeurs en poste à Bonn. Le souvenir de la guerre – qui les concerne tous (mais à des âges

36 [„Der beliebste Diplomat auf dem Bonner Parkett“], Die Welt, 17 juillet 1962, article intitulé „Dieser Mann hat keine Feinde. Abschied von Botschafter Seydoux“. 37 Die Welt, 5 janvier 1965, article intitulé „Botschafterwechsel in Bonn. Zwei Artisten des blanken Parketts“. 38 Politisches Archiv des Auswärtigen Amts (ci-dessous PAAA), B8, 984, dépêche signée von Maltzan, ambassadeur de RFA à Paris, le 22 octobre 1956, sur « le nouvel ambassadeur français auprès du Saint-Siège, Roland de Margerie ». 39 CADN, 105PO/1999038/421, « Examen de conscience de fin de mission », signé Margerie, daté du 31 janvier 1965. 40 Henri Froment-Meurice, Une puissance nommée Europe, Paris, Julliard, 1984, p. 176. 41 Entretien avec l’auteur le 16 mars 2006. 42 Entretien avec l’auteur le 31 juillet 2009.

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différents) – crée, même chez les plus « européens », une forte conscience de la fragilité de l’édifice construit et la crainte récurrente de voir l’Allemagne prendre ses distances avec la construction européenne. Le maintien d’un certain « équilibre » entre la France et l’Allemagne – tant d’un point de vue économique que politique, est également un objectif partagé. Les événements susceptibles de modifier cet équilibre – ce fut le cas de la réunification allemande – suscitent des inquiétudes communes, même chez les « Européens » les plus convaincus. De ce point de vue, la vraie rupture générationnelle n’est sans doute pas à chercher au sein du groupe étudié, mais plutôt avec les ambassadeurs suivants. Claude Martin, premier « ambassadeur à Berlin » à partir de 1999, est ainsi né après 1940. Selon lui, il appartenait à une génération nouvelle, « pour qui l’Europe est une évidence ».43 C’est aussi un diplomate qui n’a jamais été en poste à Bonn, un élément de sa biographie qui a joué en faveur de sa nomination à Berlin. En effet, d’après lui, « ce n’est pas un hasard si le président de la République a choisi, en 1999, pour représenter la France auprès d’une Allemagne redevenue totalement elle-même, dans sa capitale retrouvée, un diplomate qui n’avait jamais servi dans la petite ville au bord du Rhin ».44 L’alchimie complexe d’une ambassade réussie Parmi les facteurs qui permettent à un ambassadeur de « réussir sa mission » à Bonn, la relation personnelle qu’il entretient avec le chef de l’État et avec le ministre des Affaires étrangères est déterminante. Cela se joue dès la nomination. Le choix des personnalités envoyées à Bonn relève toujours d’une décision politique prise au plus haut niveau. Toutefois, certaines nominations n’ont pas la même signification que d’autres. Certains diplomates sont envoyés à Bonn pour remplir une mission importante, à l’instar de Jean Sauvagnargues, nommé par Georges Pompidou en 1970 afin de participer aux pourparlers sur Berlin. À l’inverse, certaines nominations prennent des allures de punition, à l’image de celle d’Olivier Wormser, contraint en juin 1974 de démissionner de son poste de gouverneur de la Banque de France pour cause de divergence de vues avec Valéry Giscard d’Estaing. Dans le premier cas de figure, l’ambassadeur peut estimer qu’il dispose de la confiance du chef de l’État. Dans le second cas, c’est beaucoup moins évident. Un autre élément important est la manière dont l’ambassadeur français est perçu par ses interlocuteurs allemands. Ces derniers cherchent toujours à savoir dans quelle mesure l’ambassadeur est écouté à Paris. Les débats qui animent la diplomatie allemande au moment de la nomination de Roland de Margerie à Bonn en 1962, pour savoir s´il dispose de la confiance du général de Gaulle, sont de ce point de vue exemplaires. La question posée est de savoir si oui ou non C. de Gaulle a gardé rancune à R. de Margerie de ne pas être resté auprès de lui à Londres en 43 Entretien de l’auteur avec Claude Martin le 30 mai 2011. 44 Idem.

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1940.45 L’ambassadeur allemand en poste à Madrid en 1962, Wolfgang von Welck, est formel : l’attitude du général de Gaulle à l’égard de R. de Margerie a changé du tout au tout [von Grund aus geändert] entre 1958 et 1962. Le Général lui a fait d’abord de lourds reproches [heftige Vorwürfe] lors d’une première rencontre à l’Élysée en juin 1958. Mais ensuite, il n’a cessé de lui témoigner « bienveillance et confiance » lors de ses déplacements en Espagne, où R. de Margerie est alors en poste.46 Le débat est clos lorsque R. de Margerie s’installe à Bonn. Sur son bureau à l’ambassade, il conservera durant toute la durée de sa mission une photographie du général de Gaulle avec la dédicace suivante : « À l’ambassadeur Roland de Margerie enfin retrouvé » 47, témoignage visible du lien personnel qui unit le chef de l’État à son représentant. La maîtrise de l’allemand et la connaissance de l’Allemagne sont d’autres critères qui peuvent contribuer à la réussite d’une mission en Allemagne. Certains ambassadeurs ont été reconnus par leurs interlocuteurs allemands comme de véritables experts de l’Allemagne – à l’exemple de Roland de Margerie48, Jean Sauvagnargues49 ou de Jacques Morizet.50 Tous trois avaient en effet une longue expérience de l’Allemagne avant leur nomination à la fonction d’ambassadeur. La durée d’une mission est également un élément important. Il est plus facile d’imposer sa marque en six ans de présence sur le sol allemand (durée des missions de Serge Boidevaix et de François Scheer) qu’en six mois (durée du bref séjour de Louis Joxe à Bonn). Indépendamment des hommes, c’est aussi et surtout le climat de la relation franco-allemande au moment où il est en poste qui permet à un ambassadeur d’apporter sa contribution à la coopération entre les deux pays. François Seydoux fait ainsi la différence dans ses mémoires entre ses deux ambassades. Le premier volume, centré sur les années 1958–1962, décrit ainsi le « moment où le rapprochement franco-allemand atteignait son apogée », tandis que le second aborde « le récit d’une mésentente » contre laquelle les initiatives de l’ambassadeur ne pouvaient pas grand-chose.51

45 Cf. Roland de Margerie, Journal, 1939–1940, Paris, Grasset, 2010. 46 PAAA, B8, 984, dépêche signée Welck, ambassadeur de RFA à Madrid, le 7 juin 1962 sur « l’ambassadeur Roland de Margerie ». 47 AMAE-La Courneuve, AO 45 – Christian D’Aumale. 48 L’ambassadeur allemand à Madrid appréciait particulièrement le fait que R. de Margerie s’adressait à lui dans un allemand parfait (dépêche signée Welck le 7 juin 1962, op. cit.). 49 Jean Sauvagnargues était agrégé d’allemand et parfaitement germanophone, ce qui est systématiquement relevé par la presse allemande. 50 Dans une dépêche de l’ambassade de RFA à Rome, rédigée le 26 janvier 1972, quelques jours après la nomination de J. Morizet au poste de ministre-conseiller à Bonn, il est indiqué que ce dernier est « visiblement intéressé par l’Allemagne » (PAAA, B8, Zwischenarchiv, 102115). 51 François Seydoux, Dans l’intimité franco-allemande, op. cit., p. 7.

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Conclusion : l’ambassade de Bonn à Berlin L’année 1999 marque officiellement le déménagement de l’ambassade de France de Bonn à Berlin, parallèlement au transfert des institutions allemandes d’une ville à l’autre. En réalité, le dispositif diplomatique français en Allemagne avait déjà été sensiblement transformé aux lendemains de la réunification. Premier concerné, le réseau consulaire français en Allemagne connaît son extension maximale aprèsguerre en 1991 après l’ouverture d’un consulat général à Leipzig, dans l’ancienne RDA.52 On compte alors dix consulats français en Allemagne – à Berlin, BadenBaden, Düsseldorf, Francfort-sur-le-Main, Fribourg, Hambourg, Leipzig, Munich, Sarrebruck et Stuttgart – et deux chancelleries détachées – à Mayence et à Trèves. Très vite cependant, la voilure va être réduite avec la fermeture en 1992 des consulats français de Baden-Baden et de Fribourg et de la chancellerie détachée de Trèves – des postes qui perdaient largement leur raison d’être après le départ des garnisons françaises de la région.53 Le dispositif culturel est lui aussi adapté au nouveau contexte. Dès la fin de l’année 1990, il est question ainsi de l’ouverture prochaine d’instituts français dans les nouveaux Länder – « à Leipzig, Dresde et peut-être à Erfurt », selon l’ambassadeur Serge Boidevaix.54 Leipzig et Dresde accueilleront en effet quelques années plus tard un Institut français, tandis que des centres culturels seront ouverts à Erfurt et Rostock – tous fonctionnent encore aujourd’hui. L’ambassade elle-même ouvre un « bureau » à Berlin à l’automne 1990. Dirigé par Francis Beauchataud, ancien conseiller politique du GMFB (lui-même dissous), ce bureau est installé au 40 avenue Unter den Linden, dans les anciens locaux de la représentation française à Berlin-Est. Le bureau berlinois de l’ambassade intègre de nombreux agents de la division politique du gouvernement militaire et de l’ancienne ambassade de France en RDA.55 On envisage très tôt la construction d’une nouvelle ambassade sur la Pariser Platz, c’est-à-dire sur l’emplacement de l’ancienne ambassade de France à Berlin, évacuée en 1939, lourdement endommagée par bombardements alliés à la fin de la guerre puis définitivement démolie en 1959 sur décision unilatérale de la RDA.56 Serge Boidevaix fait confirmer en 1991 les titres de propriété de l’État français sur

52 Plusieurs télégrammes et notes de l’ambassade à la fin de l’année 1990 concernent l’ouverture imminente de ce poste consulaire (AMAE-La Courneuve, Europe, RFA, 6741). 53 Yves Tavernier, op. cit., p. 83–84. 54 AMAE-La Courneuve, Europe, RFA, 6741, télégramme de Serge Boidevaix le 24 novembre 1990. 55 Voir notamment une note de l’ambassade de France à Bonn le 18 juillet 1990, non signée, sur « Berlin après l’unification allemande » (CADN, 105PO/1999038/178) et un télégramme de Beauchataud le 12 octobre 1990 sur « l’organisation du bureau de l’ambassade » (AMAE-La Courneuve, Paris, Europe, RFA, 6741). 56 Sur l’histoire et l’architecture du bâtiment de l’ambassade de France à Berlin, voir notamment Ambassade de France, Berlin Pariser Platz 5, ouvrage collectif édité par Alain Finet, Paris, Éditions Internationales du Patrimoine, 2010.

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le terrain qu’occupait l’ancienne ambassade.57 Un concours d’architecture est lancé en décembre 1995 pour la construction du nouveau bâtiment, qui devra servir à la fois de chancellerie et de résidence pour l’ambassadeur. Ce concours est remporté en septembre 1997 par l’architecte français Christian de Portzamparc. La pose de la première pierre a lieu le 10 juillet 1998 en présence d’Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères. Les travaux ne seront achevés qu’en 2002. À la fin du mois de juin 1999, on fête « le retour de l’ambassade de France à Berlin, soixante ans après sa fermeture » 58 dans des locaux provisoires situés Kochstrasse 6. En définitive, l’ambassade de France déménage sur la Pariser Platz en septembre 2002. Et le 23 janvier 2003, le bâtiment est inauguré en grandes pompes par le Président de la République, Jacques Chirac, dans le cadre des célébrations du quarantième anniversaire du traité de l’Élysée. Le retour de l’ambassade de France sur la Pariser Platz est célébré comme un symbole fort de la normalisation des relations francoallemandes. ZUSAMMENFASSUNG „Das deutsch-französische Verhältnis ist so gut, dass man sich fragen könnte: Wozu brauchen wir in Bonn und Paris eigentlich Botschafter?“ Dieser Satz war im Juni 1960 vom Botschafter Francois Seydoux geäußert worden und fasst das Thema dieses Beitrags treffend zusammen. Vor dem Hintergrund der deutsch-französischen Annäherung, die zwischen den 1950er und 1990er Jahren ohne Unterbrechung vorangetrieben worden war, muss die Rolle dieser ständigen Repräsentanten für die Beziehungen der beiden Länder zueinander hinterfragt werden. Haben die Botschafter überhaupt noch eine Rolle zu spielen ab dem Moment, wo sich Staats- und Regierungschefs, Minister, sowie deutsche und französische Beamte höheren Dienstes regelmäßig austauschen und im Vordergrund stehen? Die genaue Untersuchung des Handelns der französischen Botschafter in Bonn widerspricht der These eines « Niedergangs der Botschafter ». Während die deutsch-französische Partnerschaft institutionalisiert wird, verteidigen die insgesamt dreizehn französischen Diplomaten zwischen 1955 und 1999 in Bonn stets ihre traditionelle Rolle bei der Informationsbeschaffung, bei Verhandlung und der Repräsentation ihres Landes nach außen. Dabei müssen sie diese Aufgaben unter sich stetig verändernden Bedingungen wahrnehmen. Dieser Artikel wirft ebenfalls ein neues Licht auf die aktuellen Entwicklungen einer hoheitlichen Institution, die staatliche Gewalt ausübt: dem Quai d’Orsay. Trotz der Last eines bestimmten historischen Erbes und einer bestimmten Vorstellung von Deutschland ist das diplomatische Korps alles andere als unbeweglich und

57 Entretien de l’auteur avec Serge Boidevaix le 31 juillet 2009. 58 „Retour: Champagner nach sechzig Jahren. Französische Botschaft wieder da“, Tageszeitung du 29 juin 1999.

Les ambassadeurs de France à Bonn (1955–1999)

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jeder Diplomat hat seine eigenen Vorstellungen davon, wie die internationalen Beziehungen und die Ausgestaltung seiner Mission auszusehen haben. Insbesondere stellt dieser Beitrag verschiedene Ansichten hinsichtlich des europäischen Integrationsprozesses unter den französischen Botschaftern in Bonn in den Vordergrund, die sich auf den Entscheidungsprozess in Paris auswirken konnten. Diese Untersuchung basiert in erster Linie auf Quellen deutscher und französischer diplomatischer Archive, sowie auf Privatarchiven und Interviews. ABSTRACT "The Franco-German relationship is doing so well that one might wonder what the point is of having ambassadors in Bonn and Paris". This sentence, pronounced in June, 1960, by Ambassador François Seydoux, epitomizes the challenge of this paper. Since France and Germany developed increasingly close relations between the 1950s and the 1990s, the place of the permanent representatives in the relationship between the two countries should be examined. Do the ambassadors still have a role to play when the heads of state and of government, the Ministers, but also the French and German senior officials meet frequently and occupy the centre stage? The close examination of the action of the French ambassadors in Bonn however contradicts the thesis of a "decline of the embassies". Accompanying the institutionalization of the Franco-German partnership, the thirteen French diplomats who worked in Bonn between 1955 and 1999 did not cease to perform their traditional functions of information, negotiation and representation. However, they constantly reinvented this role. This paper also casts a new light on the recent evolutions of an important administration, the French Ministry of Foreign Affairs. Despite the weight of certain traditions and the persistence of a certain idea of Germany, the diplomatic corps is far from being immovable and the vision of the international relations or the conception of their mission are not the same from one diplomat to another. In particular, this article brought to the fore many different ways of considering the European integration process among the French ambassadors in Bonn that had consequences on the decision-making process in Paris. This research is mainly based on the French and German diplomatic archives as well as on private archives and interviews.

FORMEN UND SPEZIFISCHE HERAUSFORDERUNGEN FRANZÖSISCHER PRÄSENZ IN DER DDR Von der informellen Messepräsenz in Leipzig zu Botschaft und Kulturzentrum in Ost-Berlin Christian Wenkel Eine französische Botschaft hat es in der DDR zumindest aus französischer Sicht nie gegeben. Dennoch gab es von 1974 bis 1990 eine französische Botschaft in OstBerlin, unweit jenes Geländes am Pariser Platz, auf dem das im Krieg zerstörte Palais Beauvryé bis 1939 die französische Botschaft beherbergt hatte. Aufgrund des Vier-Mächte-Status gehörte der Ostteil Berlins im Verständnis der West-Alliierten nicht zum Territorium der DDR, sondern unterstand sowjetischer Verantwortung. Frankreich setzte sich bis 1990 nicht nur gegenüber der DDR und der Sowjetunion für eine besonders strikte Auslegung des Berlin-Status ein. Das formaljuristische Beharren französischer Diplomaten und Politiker auf den alliierten Vorbehaltsrechten war ein wesentliches Element französischer Deutschlandpolitik im Kalten Krieg.1 Bei einer Pressekonferenz einen Monat vor der Aufnahme offizieller Beziehungen mit der DDR, antwortete Staatspräsident Georges Pompidou auf die Frage nach dem Ort der künftigen Vertretung: „Cela n’a l’air de rien, n’est-ce pas ! Je pourrais vous répondre... en Allemagne de l’Est. Il y a aussi les commodités, de la sorte qu’il n’est pas impossible que ce soit à Berlin-Est. Mais cela ne change pas quoi que ce soit aux positions traditionnelles de la France en ce qui concerne Berlin, de même que d’ailleurs rien de ce qui a été fait et dit ne change rien aux positions traditionnelles de la France en ce qui concerne Berlin-Ouest. Ce qui contrarie quelquefois d’ailleurs un peu tout le monde, et notamment nos amis de République fédérale.“2

Allein aus praktischen Erwägungen kam die Eröffnung einer Botschaft auf dem Gebiet der DDR, das heißt außerhalb von Berlin, nicht infrage. Um Ost-Berlin als

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Dieses Kapitel basiert auf Christian Wenkel, Auf der Suche nach einem „anderen Deutschland“. Das Verhältnis Frankreichs zur DDR im Spannungsfeld von Perzeption und Diplomatie, München 2014; zu den Beziehungen zwischen Frankreich und der DDR aus deutsch-deutscher Sicht, vgl. auch Ulrich Pfeil, Die „anderen“ deutsch-französischen Beziehungen. Die DDR und Frankreich 1949−1990, Köln 2004. Archives nationales (im Folgenden zitiert als AN), 5AG/2, 633: Text der Pressekonferenz vom 9. 1. 1973; zu Pompidou und Deutschland, vgl. Sylvain Schirmann, Sarah Mohamed-Gaillard (Hrsg.), Georges Pompidou et l’Allemagne, Brüssel 2012; sowie Claudia Hiepel, Willy Brandt und Georges Pompidou. Deutsch-französische Europapolitik zwischen Aufbruch und Krise, München 2012.

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Standort der neuen Vertretung mit den Grundprinzipien französischer Deutschlandpolitik in Einklang zu bringen, bemühte man dementsprechend eine untypische, nach internationalem Recht aber durchaus gebräuchliche Bezeichnung: Anstelle einer „Ambassade de France en RDA“ (Französische Botschaft in der DDR) wurde am 15. März 1973 eine „Ambassade de France près la RDA“ (Französische Botschaft bei der DDR) eröffnet. Im Zuge der Entspannungspolitik und insbesondere des KSZE-Prozesses hatte Frankreich am 9. Februar 1973 mit dem zweiten deutschen Staat offizielle Beziehungen aufgenommen, auch wenn dies nur sehr bedingt der französischen Deutschlandpolitik entsprach.3 Um die Détente zu befördern, bestand zwar in Paris ein großes Interesse am Ausbau kultureller und wirtschaftlicher Beziehungen mit der DDR, die Aufnahme offizieller politischer Beziehungen galt es hingegen auf das unvermeidbare Minimum zu beschränken. Dementsprechend beherbergte die in Ost-Berlin eröffnete Botschaft eine im Verhältnis zu ihrer Größe besonders umfangreiche Wirtschaftsabteilung. Denselben entspannungspolitischen Interessen folgend, wurde nach langwierigen Verhandlungen 1984 zudem ein französisches Kulturzentrum in Ost-Berlin eröffnet – es sollte bis zum Mauerfall das einzige westliche Kulturzentrum in der DDR bleiben. Die Widersprüche, die sich aus der französischen Deutschlandpolitik auf der einen Seite und der Notwendigkeit offizieller Beziehungen mit der DDR auf der anderen Seite ergaben, belasteten nicht nur das Verhältnis zwischen Frankreich und der DDR nach 1973 erheblich, sie erschwerten und verzögerten auch die Eröffnung der Botschaft selbst. Dies führte zu der paradoxen Situation, dass die Aufnahme offizieller Beziehungen am Umfang der Beziehungen auf wirtschaftlicher und kultureller Ebene kaum etwas veränderte. Die Beschäftigung mit der französischen Präsenz in der DDR kann aufgrund des spezifischen Charakters des französisch-ostdeutschen Verhältnisses mithin nicht auf die Zeit nach 1973 beschränkt werden, sondern muss gleichfalls die vorangegangene Entwicklung miteinbeziehen. Die französische Diplomatie verfügte bis 1973 und zum Teil auch darüber hinaus über verschiedene Ersatzkanäle, über die eine indirekte Präsenz in der DDR gewährleistet wurde. Dazu zählte unter anderem die Französische Militärregierung in Berlin, die französische Präsenz auf der Leipziger Messe sowie die zahlreichen Delegationen französischer Parlamentarier.4 Im Folgenden gilt es zu zeigen, wie Frankreich seine Präsenz in der DDR organisierte ohne über offizielle Beziehungen zu verfügen, wie Frankreich seine Botschaft in Ost-Berlin eröffnete ohne Ost-Berlin als Teil der DDR anzuerkennen und wie

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Zur französischen Entspannungspolitik im Kontext des KSZE-Prozesses, vgl. Angela Romano, From Détente in Europe to European Détente. How the West shaped the Helsinki CSCE, Brüssel 2009; Nicolas Badalassi, En finir avec la guerre froide. La France, l’Europe et le processus d’Helsinki 1965−1975, Rennes 2014; sowie Veronika Heyde, Frankreich im KSZEProzess. Diplomatie im Namen der europäischen Sicherheit, München 2017. Zur parlamentarischen Diplomatie, vgl. Christian Wenkel, La marge de manœuvre des parlementaires en l’absence de relations officielles. Le cas de la RDA 1967−1976, in: Parlement[s] 17 (2012), S. 72−87.

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Frankreich nach 1973 seine Präsenz im zweiten deutschen Staat ausbaute, ohne die deutsche Teilung anzuerkennen. DIE FRANZÖSISCHE PRÄSENZ IN DER DDR VOR 1973 Mangels offizieller Vertretung auf ostdeutschem Territorium übernahm bis 1973 vor allem die Französische Militärregierung im Westteil Berlins die Vertretung französischer Interessen in den Wirtschafts- und Handelsbeziehungen mit der DDR. Bereits vor Gründung der DDR am 7. Oktober 1949 fanden erste Gespräche über ein Handelsabkommen zwischen den deutschen Verwaltungsbehörden der Sowjetisch besetzten Zone und dem Handelsattaché der Militärregierung statt.5 Begleitet wurde er dabei nicht selten vom Handelsrat des französischen Hochkommissariats in Bonn. Neben der kontinuierlichen Präsenz des französischen Handelsattachés in OstBerlin waren französische Diplomaten auch recht regelmäßig auf der Leipziger Messe anzutreffen, einem zentralen Platz für den Austausch nicht nur von Waren, sondern auch von Informationen zwischen Ost und West. Die Messe war in den ersten Jahrzehnten des Kalten Krieges in mehrfacher Hinsicht eine Kontaktbörse, die es westlichen Diplomaten ermöglichte, sich über die Entwicklungen jenseits des Eisernen Vorhangs zu informieren und mit Vertretern der DDR informell ins Gespräch zu kommen: „Elle [la foire de Leipzig] maintient la tradition des grandes foires du Moyen Âge. Elle constitue, en particulier, une place où des contacts utiles sont établis entre pays dont les gouvernements sont contraints, pour des raisons politiques, de s’ignorer.“6

Es ist daher nicht verwunderlich, dass das Interesse der französischen Politik in den 1950er Jahren an dieser Messe stärker war, als das der französischen Wirtschaft. André François-Poncet, erster französischer Botschafter in Bonn, sprach sich Mitte der 1950er Jahre für einen Ausbau der französischen Präsenz auf der Leipziger Messe aus: „La Foire de Leipzig, excellent poste d’observation de l’évolution de l’Allemagne orientale, est également un point de contact très intéressant avec les pays de l’Est. À ce double titre, il est nécessaire que la France participe largement à chacune de ces manifestations. Le programme de notre Comité permanent des foires et expositions à l’étranger devrait tenir tout particulièrement compte de cette nécessité.“7

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Centre des archives économiques et financières (im Folgenden zitiert als CAEF), DREE, B 60396/1: Note von Grenet vom 17. 1. 1949 für den Conseiller commercial in Bonn. Archives du ministère des Affaires étrangères in La Courneuve (im Folgenden zitiert als AMAE-La Courneuve), Europe 1945–1955, Allemagne de l’Est, 731, f. 222 ff.: Undatierte Note des Conseiller commercial, Lefort, über die Leipziger Herbstmesse. Ibid., 732, f. 134 f.: Schreiben der französischen Botschaft in Bonn, François-Poncet, vom 30. 9. 1955 an das MAE, DAEF.

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Die DDR bemühte sich ihrerseits nach Kräften, französische Diplomaten zu umwerben. So war der Handelsrat der französischen Botschaft in Bonn nach erfolgreicher Unterzeichnung des ersten bilateralen Handelsabkommens im Dezember 1953 Ehrengast der ostdeutschen Kammer für Außenhandel bei der Frühjahrsmesse im darauffolgenden Jahr: „Un rang de choix, le plus haut, nous avait été réservé dans la hiérarchie des sympathies occidentales de la République démocratique [...].“8 Die Messe bot auch den Rahmen für eine der ersten Initiativen französischer Kulturpolitik in der DDR. In Zusammenarbeit mit der Kulturabteilung des Hochkommissariats in Mainz unterhielt die französische Association nationale du livre français à l’étranger in Leipzig über viele Jahre einen Stand.9 Der Erfolg dieses Standes – man hätte die ausgelegten Bücher und Zeitschriften jeden Tag mehrfach ersetzen können – diente wiederum als Argument für den Ausbau der französischen Präsenz insgesamt. Im Laufe der 1950er Jahre wuchs das Interesse französischer Diplomaten an der Messe in einem solchen Maße, dass sich Maurice Couve de Murville als neuer Botschafter in Bonn 1957 gezwungen sah, diese Präsenz auf das notwendige Minimum zu beschränken.10 Bereits wenige Monate später sorgte dann der politische Kontext dafür, dass jegliche offizielle Beteiligung an der Messe unmöglich wurde. Da die Sowjetunion der DDR die Befugnis übertragen hatte, die für die Einreise erforderlichen Visa auszustellen – was die französischen Diplomaten genötigt hätte, mit Vertretern eines nicht anerkannten Staates offiziell in Kontakt zu treten −, delegierte man die Organisation der französischen Präsenz in Leipzig an das Comité national du commerce extérieur (CNCE), eine halbstaatliche Institution.11 Im Zuge der sich zuspitzenden Berlin-Krise verschärfte sich die Situation weiter. Nach dem Bau der Berliner Mauer suchte man schließlich sogar französische Aussteller mit dem Verweis auf mangelnden diplomatischen Schutz von einer Teilnahme in Leipzig abzuhalten.12 Tatsächlich hätte dieser Schutz aber auch in den Jahren zuvor nicht gewährleistet werden können. Ende August 1961 wurde die Grenze zwischen dem Ost- und dem Westteil Berlins für den französischen Handelsattaché gänzlich unpassierbar. Die seitens der DDR nunmehr durchgeführten Kontrollen durch ostdeutsche Grenzsoldaten wurden als unilaterale Verletzung des Berlin-Status interpretiert und waren mithin für

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Ibid., 731, f. 222 ff.: Undatierte Note des Conseiller commercial, Lefort, über die Herbstmesse 1954. 9 Ibid., 733, f. 009 ff.: Note der DRC vom 1. 10. 1953 für die DEU, de Margerie, mit einem Bericht der Association nationale du livre français à l’étranger über die Teilnahme an der Herbstmesse 1953. 10 AMAE-La Courneuve, RDA 1956–1960, 20, f. 012: Telegramm aus Bonn, Couve de Murville, vom 15. 2. 1957 für das GMFB. 11 CAEF, Trésor, B 55827: Schreiben des MAE, DAEF, vom 19. 2. 1958 an das MinEF, Kabinett. 12 AMAE-LA Courneuve, RDA 1961–1970, 93: Telegramm der S/DEUC vom 30. 8. 1961 an die französische Botschaft in Bonn.

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Vertreter der Französischen Militärregierung inakzeptabel.13 Die Suspendierung seiner Aktivitäten jenseits der innerdeutschen Grenze erschwerte das Wirken französischer Aussteller in Leipzig ganz erheblich. Vor allem auf der Frühjahrsmesse 1962 zeigte sich, dass die harte französische Haltung in dieser Frage vor allem der westeuropäischen Konkurrenz zugutekam.14 Erst im Zuge der beginnenden Entspannungspolitik konnte 1963/64 das Problem der Einreise des französischen Handelsattachés in die DDR gelöst werden. Das Fehlen einer offiziellen französischen Messepräsenz wurde im Laufe der 1960er Jahre sowohl in Wirtschaftskreisen als auch unter den für Wirtschaftsfragen zuständigen Politikern und Diplomaten zunehmend als Problem angesehen. Verbunden mit der Forderung nach einer strukturellen Verbesserung der eigenen Präsenz betonte der Handelsattaché in seinen Berichten den Botschaftscharakter der Leipziger Messe: „Ville où le monde entier se rend deux fois par an, Leipzig n’est pas loin d’être la plus grande et la plus active ambassade du monde: elle venge ainsi Pankow de tous les refus essuyés dans le domaine des relations diplomatiques et consulaires.“15

Nur langsam veränderten sich im Kontext der Entspannungspolitik jedoch die politischen Rahmenbedingungen für die Beteiligung an der Messe: 1968 verfügte Frankreich zum ersten Mal über ein offizielles Informationsbüro und 1970 waren nach vierzehnjähriger Unterbrechung auch französische Diplomaten wieder in Leipzig zugegen.16 Aus Sicht der französischen Industrie waren derartige Zugeständnisse jedoch nicht ausreichend, um der westdeutschen Konkurrenz auf dem ostdeutschen Markt gewachsen zu sein.17 Unter der Leitung von Georges Villiers begab sich deshalb 1969 eine offizielle Delegation des Comité national du patronat français (CNPF) in die DDR, um die Idee eines Büros der französischen Industrie in Ost-Berlin zu konkretisieren.18 Unterstützt durch das französische Wirtschafts- und Finanzministerium und toleriert vom französischen Außenministerium entwickelte sich dieses Bureau économique de l’industrie française (BEIF) seit seiner Eröffnung im April 1970 zusehends zu einer offiziellen Struktur. Mit ausdrücklicher Zustimmung des französischen Außenministers arbeitete hier seit September 1972 für zehn Tage im

13 CAEF, DREE, B 60409/2: Schreiben des Attaché commercial, Wetzel, vom 31. 8. 1961 an die KfA, Merkel. 14 AMAE-La Courneuve, RDA 1961–1970, 93: Note der S/DEUC, Mille, vom 14. 5. 1962 für REPAN. 15 Ibid.: Schreiben des GMFB, Winckler, vom 29. 3. 1966 an das MAE, DEU. 16 Ibid.: Note der DAEF, de Courson, vom 9. 2. 1968 für die DEU; AMAE, RDA 1961–1970, 94: Schreiben des GMFB, Toffin, vom 18. 3. 1970 für das MAE, DEU. 17 AN, 5AG/2, 69: Note des MinEF, Kabinett, vom 18. 6. 1971. 18 AMAE-La Courneuve, RDA 1961–1970, 84: Telegramm aus Bonn, Seydoux, vom 27. 9. 1969, und ibid., Note der DAEF vom 19. 12. 1969.

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Monat sogar ein Beamter des Wirtschafts-und Finanzministeriums, der die Aufgaben eines Handelsrates ohne den dazugehörigen Titel erfüllte.19 Gleitet wurde dieses Berliner Büro von jenem Achille Astolfi, der in den 1960er Jahren im Auftrag des CNCE bereits das französische Informationsbüro auf der Leipziger Messe organisiert hatte. Mit dem BEIF verfügte die französische Außenpolitik lange vor der Aufnahme offizieller Beziehungen mit der DDR über ein Fundament für die künftige Botschaft. Bereits im Herbst 1971 wurde im Quai d’Orsay darüber nachgedacht, wie sich das BEIF im entscheidenden Moment in eine offizielle Handelsvertretung umwandeln lasse.20 Die Unterstützung privatwirtschaftlicher Initiativen und die Gewährung weitgehender Konzessionen betrachtete man in den frühen 1970er Jahren als eine Art Vorschuss auf die bevorstehende Organisation der offiziellen französischen Präsenz in Ost-Berlin. Mit Eröffnung der Botschaft im März 1973 wurde aus dem BEIF-Mitarbeiter des Wirtschafts- und Finanzministeriums ganz offiziell ein Handelsrat. Er übernahm die Leitung des im Verhältnis zur Größe der Botschaft besonders umfangreich ausgestatteten Service d’expansion économique, in dem das BEIF aufgegangen war. DIE ERÖFFNUNG DER BOTSCHAFT IN OST-BERLIN Der Zeitplan für die Aufnahme diplomatischer Beziehungen mit der DDR und für die Eröffnung der Botschaft in Ost-Berlin entsprach nicht der Entwicklung der bilateralen Beziehungen zwischen den beiden Staaten, sondern dem Fortgang der Ostund Entspannungspolitik in Europa insgesamt, die seit Herbst 1969 maßgeblich durch Willy Brandt und Egon Bahr geprägt wurde.21 Die Frage des Umgangs mit der Aufnahme von offiziellen Beziehungen mit der DDR wurde im französischen Außenministerium erstmals im Mai 1970 thematisiert.22 Nach einem Gespräch der westalliierten Botschafter mit Egon Bahr im Juli 197223, bat der französische Außenminister Maurice Schumann seinen Amtskollegen vom Wirtschafts- und Finanzministerium für die Eröffnung einer Botschaft in Ost-Berlin entsprechende Gelder im Budget für 1973 zurückzuhalten. Es handele

19 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3076: Note der DAEF vom 31. 5. 1972. 20 Ibid.: Note der DAEF vom 4. 10. 1971. 21 Zur westdeutschen Ostpolitik von Brandt und Bahr und dem Verhältnis zwischen westdeutscher und französischer Ostpolitik, vgl. u.a. Carole Fink, Bernd Schaefer (Hrsg.), Ostpolitik 1969−1974. European and Global Responses, Cambridge 2009; Horst Möller, Maurice Vaïsse (Hrsg.), Willy Brandt und Frankreich, München 2005; sowie Gottfried Niedhart, Partnerschaft und Konkurrenz. Deutsche und französische Ostpolitik in der Ära Brandt und Pompidou, in: Ilya Mieck, Pierre Guillen (Hrsg.), Deutschland – Frankreich – Russland. Begegnungen und Konfrontationen, München 2000, S. 345−371. 22 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3081: Note der S/DEUC vom 6. 5. 1970. 23 AN, 543AP/26: Kurzfassung verschiedener Telegramme aus Bonn vom 3./4. 7. 1972 für Pompidou.

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sich zwar nur um eine Arbeitshypothese, auch könne dieser Posten nicht offiziell eingeplant werden, man müsse aber im Falle einer Anerkennung vorbereitet sein. Der Umfang der neu zu schaffenden Botschaft, die umgehend einsatzfähig sein müsse (es wurde mit 20 Stellen und einem Budget von 4,7 Millionen Francs gerechnet), erlaube es darüber hinaus nicht, auf bereits bewilligte Gelder zurückzugreifen: „L’importance du poste à créer m’interdit en effet d’envisager la mise en place des emplois et crédits de fonctionnement nécessaires par prélèvement sur les dotations existantes de mon budget. L’hypothèse d’une ouverture symbolique n’impliquant dans un premier temps que la présence d’un chargé d’affaires sans collaborateur et sans moyens doit être par ailleurs formellement écartée dans le cas présent. C’est donc une ambassade disposant de tous ses moyens en effectifs et en crédits que j’aurai le devoir de mettre immédiatement en place en Allemagne orientale dès que des relations officielles auront été établies entre les deux pays.“24

Die Verhandlungen über die Aufnahme offizieller Beziehungen und damit auch über die Eröffnung von Botschaften in Paris und Ost-Berlin begannen am 17. Januar 1973, knapp einen Monat nach der Unterzeichnung des „Vertrages über die Grundlagen der Beziehungen zwischen der Bundesrepublik Deutschland und der Deutschen Demokratischen Republik“. Der französischen Delegation gehörten unter anderem der künftige Geschäftsträger der französischen Botschaft, Jacques Jessel, sowie die spätere Botschafterin Joëlle Timsit an. Als Grundprinzip der Verhandlungen wurde vom Quai d’Orsay strikte Parallelität bei der Eröffnung der Botschaften und beim Austausch der Botschafter angeordnet.25 Aufgrund des abwartenden Verhaltens der Vereinigten Staaten gegenüber der DDR und aufgrund der besonderen Nähe zur Bundesrepublik kam Frankreich in den folgenden Wochen eine Führungsrolle bei der Aufnahme offizieller Beziehungen zwischen den NATO-Mitgliedsstaaten und der DDR zu. Gegenüber Dritten verwiesen selbst bundesdeutsche Diplomaten auf das Vorgehen Frankreichs als nachahmenswerten Maßstab.26 Diese Vorbildfunktion reduzierte den Handlungsspielraum der französischen Diplomaten jedoch erheblich, da man auf Seiten der DDR dementsprechend davon ausging, in den Verhandlungen mit Frankreich Grundsatzfragen klären zu können. Eines der zentralen Probleme für die französische Delegation bestand in der Absicht der DDR, die ostdeutsche Botschaft in Paris mit etwa doppelt so vielen Mitarbeitern auszustatten, wie die französische Außenpolitik für die eigene Vertretung in Ost-Berlin vorgesehen hatte.27 Man hielt an der Parallelität als Grundprinzip fest und billigte der ostdeutschen Botschaft zunächst nur 35 Mitarbeiter zu (davon

24 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3101: Schreiben des MAE, Schumann, vom 24. 7. 1972 an das MinEF, Giscard d’Estaing. 25 Ibid.: Note der S/DEUC, Boyer, vom 12. 1. 1973. 26 Ibid.: Note der S/DEUC vom 28. 12. 1972 mit handschriftlichen Anmerkungen. 27 Ibid.: Telegramm der S/DEUC vom 19. 1. 1973 an die franz. Botschaft in Bonn.

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18 Diplomaten).28 Bei den eigenen Planungen hatte man sich an anderen Botschaften im Ostblock namentlich jenen in Prag und Warschau orientiert.29 Ein wesentlicher Unterschied bestand jedoch im Verzicht auf einen Militärattaché, dessen Ernennung für die Ost-Berliner Botschaft von der zuständigen Abteilung des Quai d’Orsay als „contradiction flagrante avec nos positions“ bezeichnet wurde.30 Es sind derartige Details, die die Durchsetzung französischer Deutschlandpolitik gegenüber der DDR etwa im Unterschied zur britischen oder amerikanischen Deutschlandpolitik der 1970er und 1980er Jahre charakterisieren. Während viele Fragen, die künftige Ausgestaltung der bilateralen Beziehungen betreffend, in den Verhandlungen offen blieben, konnte die Frage des ehemaligen Botschaftsterritoriums am Pariser Platz geklärt werden. Es ging mit der Aufnahme offizieller Beziehungen wieder in französischen Besitz über.31Aus den Verhandlungen herausgehalten hatte man vor allem den Berlin-Status, indem man sich im Rahmen der Bonner Vierergruppe bereits im Vorfeld auf einen offiziellen Text („déclinatoire“) geeinigt hatte, wonach die Wahl von Berlin als Sitz der Botschaften keinen Einfluss auf den Berlin-Status habe: „Le gouvernement français part du principe que l’établissement et le fonctionnement de l’ambassade de France à Berlin-Est, où ce serait commode pour les services gouvernementaux avec qui elle sera en rapport, n’affecteront pas le statut juridique spécial de la région de Berlin.“32

Die gewählte Botschaftsbezeichnung „Ambassade de France près la RDA“ diente ebenfalls der Wahrung des Berlin-Status und sorgte dementsprechend für einen schwierigen Start der am 15. März 1973 mit einem Geschäftsträger eröffneten Botschaft. Die DDR suchte diese Bezeichnung zunächst mit allen Mitteln zu verhindern und blockierte etwa einfachste administrative Formalitäten mit dem Verweis auf die Siegelinschrift.33 Erschwert wurde die französische Position zusätzlich

28 Ibid.: Telegramm der S/DEUC vom 5. 1. 1973 an die franz. Botschaft in Bonn. 29 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3102: Note der S/DEUC, Boyer, vom 25. 1. 1973 für den stellvertretenden Leiter der politischen Abteilung des MAE; vorgesehene Zusammensetzung der französischen Botschaft zum Zeitpunkt ihrer Eröffnung: 1 ministre plénipotentiaire hors classe (ambassadeur), 1 conseiller des Affaires étrangères 1ère classe (conseiller d’ambassade 1re classe), 1 conseiller des Affaires étrangères 2e classe (conseiller d’ambassade 2e classe), 1 secrétaire des Affaires étrangères (secrétaire d’ambassade 1ère classe), 1 secrétaire adjoint des Affaires étrangères de 1ère classe (consul adjoint de 1ère classe), 1 secrétaire adjoint des Affaires étrangères de 2e classe (secrétaire d’ambassade de 2e classe), 1 secrétaire adjoint des Affaires étrangères de 2e classe (vice-consul archiviste), 1 secrétaire de Chancellerie de classe normale (vice-consul), 1 chiffreur de classe exceptionnelle, 3 adjoints de Chancellerie, 5 sténo-dactylo de Chancellerie, 1 chargé de mission d’enseignement de 1ère catégorie, 1 chargé de mission d’enseignement de 2e catégorie und vor Ort rekrutiertes Hilfspersonal. 30 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3101: Note der S/DEUC vom 5. 1. 1973. 31 Ibid.: Note der S/DEUC vom 7. 2. 1973 für MAE, Kabinett. 32 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3102: Note der S/DEUC vom 5. 1. 1973 für MAE, Kabinett. 33 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3081: Telegramm aus Berlin, Giordani, vom 9. 5. 1973.

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durch eine deutlich weniger restriktive Haltung der beiden anderen Westalliierten in dieser Frage. Erst allmählich etablierte sich im offiziellen Schriftverkehr zwischen französischer Botschaft und ostdeutschem Außenministerium eine Praxis, bei der beide Parteien die Haltung der jeweils anderen Seite unvermindert kritisierten, die Noten selbst jedoch annahmen. Man einigte sich schließlich darauf, die unterschiedlichen Bezeichnungen in der jeweiligen Landessprache zuzulassen – nicht zuletzt auch deshalb, weil sich die französische Botschaftsbezeichnung gar nicht adäquat ins Deutsche übertragen ließ. Die Verwendung des „près“ wurde auf das Siegel beschränkt, im restlichen Schriftverkehr begnügte man sich mit der Kurzform „Ambassade de France“. Mit Eröffnung der amerikanischen Botschaft im darauffolgenden Jahr wurde diese Praxis dauerhaft übernommen.34 Erhebliche Differenzen zwischen Paris und Ost-Berlin gab es auch beim Austausch der Botschafter. Die DDR fürchte in dieser Frage erneut eine versteckte Diskriminierung. Mit der Durchsetzung strikter Parallelität bei der Aufnahme offizieller Beziehungen bis hin zum Austausch der Botschafter hatte sich Frankreich jedoch ein erhebliches Maß an Handlungsfreiheit gesichert: einerseits um diesen Prozess in einem multilateralen Rahmen, das heißt vor allem unter Berücksichtigung der Entwicklung der innerdeutschen Beziehungen, weiterführen zu können; andererseits aber auch, um materielle Interessen bei der Ausstattung der eigenen Botschaft durchsetzen zu können.35 Nachdem der bundesdeutsche Außenminister den Austausch der Ständigen Vertreter zwischen Bonn und Ost-Berlin für Ende August 1973 angekündigt hatte, benannte der französische Außenminister Michel Jobert gegenüber seinem ostdeutschen Amtskollegen erstmals ein mögliches Datum für den Austausch der Botschafter zwischen Paris und Ost-Berlin.36 Aber noch im Laufe des Sommers 1973 wurden die politischen Querelen um den Botschafteraustausch von den materiellen Problemen dieser Angelegenheit abgelöst. Mit den ostdeutschen Vorschlägen für die künftige Residenz des Botschafters war man in Paris nicht zufrieden und erhob ein adäquates Angebot zur Bedingung für den Austausch.37 Zwar hatte die DDR nach der Anerkennungswelle die Wünsche zahlreicher Staaten zu befriedigen, es ist jedoch auffällig, dass sich die zuständigen Stellen im Falle Frankreichs mehr Zeit ließen als bei anderen westeuropäischen Staaten. Erst mit dem im November 1973 gemachten Angebot, das einen ab 1975 verfügbaren Neubau sowie eine provisorische Residenz vorsah, zeigte sich der Quai d’Orsay grundsätzlich einverstanden, nicht ohne präzise Anforderungen an den Neubau zu stellen. Die Residenz

34 Ibid.: Telegramm aus Berlin, Jessel, vom 26. 6. 1973 und Telegramm aus Berlin, de Chalvron, vom 28. 3. 1974. 35 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3100: Note der S/DEUC vom 16. 7. 1973. 36 Ibid.: Undatierter Bericht über ein Gespräch zwischen Winzer und Jobert im Juli 1973 sowie das Telegramm aus Berlin, Jessel, vom 20. 6. 1973; vgl. auch AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3069: Telegramm der DEU, de Courcel, vom 12. 7. 1973. 37 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3102: Nicht näher spezifizierte Note vom 8. 8. 1973.

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sollte über einen Empfangsbereich, einen Salon von 100 Quadratmetern sowie einen Speisesaal für 24 Personen verfügen.38 Die Konkretisierung dieses Angebots verzögerte sich jedoch und damit auch der Botschafteraustausch. Grund dafür war, dass die DDR hinter diesen technischen Anforderungen erneute Absprachen mit der Bundesrepublik vermutete und schon deshalb keinerlei Anstrengungen unternahm, das Angebot zu konkretisieren. Erst ein Schreiben von Michel Jobert brachte Bewegung in die verfahrene Situation. Er ließ seinem ostdeutschen Amtskollegen ausrichten: „[...] que l’horizon de nos relations est tout bleu, mais qu’il faut un toit convenable pour abriter notre ambassadeur à Berlin-Est.“39 Am 25. März 1974 überreichte schließlich Bernard de Chalvron als erster französischer Botschafter in Ost-Berlin sein Beglaubigungsschreiben. Auf ihn war die Wahl nicht nur aufgrund seines Engagements im Widerstand gefallen, sondern vor allem aufgrund seiner intimen Kenntnis der deutsch-deutschen Entwicklung und der Berlin-Problematik, die er sich als politischer Berater der Französischen Militärregierung in Berlin in den 1950er und 1960er Jahren erworben hatte.40 Die relativ kleine Besetzung, mit der die Botschaft eröffnet worden war, wurde auf Betreiben von Bernard de Chalvron nur ein Jahr nach seiner Einsetzung von 35 auf insgesamt 44 Mitarbeiter, darunter 22 Diplomaten, aufgestockt.41 DIE SPEZIFISCHEN HERAUSFORDERUNGEN DER FRANZÖSISCHEN PRÄSENZ NACH 1973 Die Aufnahme offizieller Beziehungen zwischen der Französischen Republik und der Deutschen Demokratischen Republik am 9. Februar 1973 und die Eröffnung von Botschaften in Paris und Ost-Berlin im darauffolgenden Jahr entsprachen dem Abschluss einer Etappe auf dem Weg der Normalisierung der französisch-ostdeutschen Beziehungen. Abgeschlossen war dieser Normalisierungsprozess, der mit dem Verkauf der französischen SECAM-Technologie an die DDR gegen den Willen der Bundesrepublik 1968/69 begonnen hatte, damit jedoch nicht. Es sollten im Gegenteil weitere sieben Jahre vergehen, bis die in den bilateralen Verhandlungen Anfang 1973 vereinbarten Konsular- und Kulturabkommen unterzeichnet werden konnten.

38 Ibid.: Note der Direction du personnel et de l’administration générale für den Generalsekretär des MAE; vgl. ibid. Telegramm der S/DEUC, de Margerie, vom 20. 11. 1973 sowie Telegramm der S/DEUC vom 14. 12. 1973. 39 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3100: Undatierte Kopie eines Schreibens von Winzer an Jobert, handschriftl. Anmerkung Joberts. 40 AN, 5AG/2, 1009: Undatierte Note für Pompidou sowie AN, 543AP/26: Note von Raimond vom 1. 12. 1972 für Jobert. 41 AMAE-La Courneuve, RDA 19715–1976, 3102: Note der S/DEUC, Plaisant, vom 10. 1. 1975 für den Leiter der politischen Abteilung des MAE mit handschriftl. Anmerkung.

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Tatsächlich entsprach sowohl die Aufnahme offizieller Beziehungen als auch die Eröffnung einer Botschaft in Ost-Berlin nur sehr bedingt der französischen Deutschlandpolitik während des Kalten Krieges: „Une reconnaissance complète et sans réserve de la RDA par les trois puissances aurait nécessairement des incidences sur leurs compétences et leurs droits relatifs à l’Allemagne dans son ensemble. [...] En outre, une telle reconnaissance, aboutissant à consacrer la division de l’Allemagne, porterait atteinte, de ce fait, à l’un des éléments essentiels auxquels est liée la responsabilité quadripartite, c’est-à-dire la perspective d’un règlement de paix avec une Allemagne unifiée.“42

Vor dem Hintergrund der französischen Vorstellung bezüglich der Einheit von Nation und Staat43, hatte sich Frankreich mehrfach zur Wiederherstellung der Einheit der deutschen Nation bekannt, etwa mit seiner Zustimmung zum Grundgesetz der Bundesrepublik Deutschland oder mit der Unterzeichnung des Vier-Mächte-Abkommens 1972 und der damit verbundenen Bekräftigung seiner Verantwortung als alliierter Siegermacht für Deutschland insgesamt.44 Nach dem 9. Februar 1973 sah sich die französische Diplomatie mit einer ganzen Reihe von Problemen konfrontiert, deren Ursache die unveränderte Haltung Frankreichs gegenüber der deutschen Frage vor dem Hintergrund einer sich sprunghaft entwickelnden Normalisierung der Beziehungen mit der DDR war. Und insbesondere die Durchsetzung ihrer deutschlandpolitischen Haltung gegenüber der DDR war nun sehr viel schwieriger geworden. Das Problem der Anerkennung, wie es vor 1973 bestanden hatte, war zwar vordergründig gelöst, trat aber gleichzeitig an den unterschiedlichsten Stellen in veränderter Form wieder zutage.45 Dies zeigte sich bei den Verhandlungen über ein Transportabkommen, vor allem jedoch bei den Verhandlungen über ein Konsularabkommen, die sich bis 1980 hinzogen. Im Normalfall ist die Aufnahme konsularischer Beziehungen eine unmittelbare Folge der Aufnahme diplomatischer Beziehungen; bei den ostdeutsch-französischen Beziehungen war dies nicht der Fall. Das Problem mit dem sich französische Diplomaten konfrontiert sahen war nicht neu und hatte bereits in den Verhandlungen zum Grundlagenvertrag zwischen den beiden deutschen Staaten nicht gelöst werden können. Aus Sicht der Juristen des Quai d’Orsay handelte es sich bei den

42 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3081: Note der S/DEUC vom 6. 5. 1970. 43 Zum französischen Verständnis von Nation, vgl. Brigitte Krulic, La nation. Une idée moderne, Paris 1999, S. 69–82 und 126–136; sowie Jacques Billard, La France et l’idée de nation, in: Philosophie politique. Revue internationale de philosophie politique 8 (1997), S. 161−198 ; zum Verständnis der Nation bei de Gaulle, vgl. Paul-Marie de la Gorce, La nation selon Charles de Gaulle, in: Fondation Charles-de-Gaulle (Hrsg.), Charles de Gaulle et la nation, Paris 2002, S. 193−200; Michel Cazenave, La nation chez de Gaulle, in: Cahiers de la Fondation Charlesde-Gaulle 7 (2000), S. 5−12; sowie Pierre Maillard, La nation et les autres nations, in: ibid., S. 56−73. 44 Zum Vier-Mächte-Abkommen, vgl. Matthieu Osmont, La négociation de l’accord quadripartite sur Berlin 1969−1971. Le rôle du groupe de Bonn, in: Relations internationales 135 (2008), S. 37−52. 45 Wenkel, Auf der Suche nach einem „anderen Deutschland, op. cit., S. 426−428.

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ostdeutschen Bemühungen um dieses eigentlich überflüssige Konsularabkommen um einen Versuch der DDR, die eigenständige DDR-Staatsangehörigkeit völkerrechtlich festzuschreiben. Die dem allgemeinen französischen Sprachgebrauch entsprechende Übersetzung als „nationalité est-allemande“ beförderte noch zusätzlich den Eindruck des Widerspruchs zwischen diesem Ansinnen und der grundsätzlichen Ausrichtung der französischen Deutschlandpolitik.46 Frankreich hatte bereits 1949 der extensiven Definition der deutschen Staatsangehörigkeit im Grundgesetz der Bundesrepublik Deutschland zugestimmt, was Ostdeutsche in Frankreich infolge eines Konsularabkommens, wie es von der DDR gewünscht wurde, zu Personen mit doppelter Staatsangehörigkeit gemacht und Frankreich wiederum genötigt hätte, die tatsächliche Staatsangehörigkeit zu ermitteln – juristisch betrachtet eine Infragestellung der Einheit der deutschen Nation, für die Frankreich als alliierte Siegermacht die Verantwortung trug.47 Erst 1980 gelang es Frankreich, sich mit der DDR auf einen für beide Seiten annehmbaren Kompromiss zu einigen. Im fraglichen Absatz beschränkte man sich auf die Bezeichnung „Staatsangehörige beider entsendenden Staaten“ ohne dies zu präzisieren: „Les dispositions de la présente convention applicables aux ressortissants de l’État d’envoi sont également applicables, lorsque le contexte l’admet, aux personnes morales qui ont leur siège social sur le territoire de l’État d’envoi et qui sont constituées conformément à la législation de cet État.“48

Grundlage für diese Einigung war das Konsularabkommen, das die USA bereits im Dezember 1979 mit der DDR unterschrieben hatten. Mit der Unterzeichnung des ostdeutsch-französischen Konsularabkommens am 16. Juni 1980 war eine Hypothek beseitigt worden, die in den vorangegangenen Jahren insbesondere den Ausbau der kulturellen Beziehungen verhindert hatte. Um das französische Interesse an diesem Bereich wissend und auf Zugeständnisse hoffend, hatte Ost-Berlin seit 1973 auf einer Kopplung der Verhandlungen über das Konsular- und das Kulturabkommen bestanden, die schließlich am selben Tag unterzeichnet wurden. Vor 1973 hatten sich die ostdeutsch-französischen Kulturbeziehungen wie auch die Wirtschafts- und Handelsbeziehungen auf inoffizieller Ebene entwickelt, auf französischer Seite vor allem mit Unterstützung der Échanges franco-allemands,

46 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3103: Note der DCAAC vom 3. 3. 1972 für die S/DEUC; diese Note wurde in Vorbereitung der Aufnahme diplomatischer Beziehungen erstellt, weil man im Quai d’Orsay von Beginn an von einer Aufnahme konsularischer Beziehungen ausging. 47 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3102: Entwurf für eine Note vom 22. 1. 1975. 48 Journal officiel, Anhang zur Sitzung der französischen Nationalversammlung am 2. 4. 1981, Nr. 2256: Gesetzentwurf zur Ratifizierung des Konsularabkommens zwischen der Französischen Republik und der Deutschen Demokratischen Republik, Kapitel I, Absatz 2 des Konsularabkommens.

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einer 1958 gegründeten Association loi 1901.49 Beim Übergang von der inoffiziellen zur offiziellen Ebene war das französische Außenministerium auf diese Gesellschaft mit quasi diplomatischem Aufgabenbereich angewiesen. Die ersten Gespräche zwischen den Vertretern beider Ministerien fanden auf ihre Vermittlung hin statt.50 Nur wenige Monate später übernahm der für das französische Ministerium teilnehmende Thierry Burkard die Funktion des ersten Kulturattachés der neuen Botschaft. Er war der erste westliche Kulturattaché in Ost-Berlin überhaupt, denn Frankreich unterhielt in den 1970er Jahren die einzige westliche Vertretung mit einer Kulturabteilung in der DDR. Allerdings war der für Frankreich langfristig daraus erwachsende Nutzen zunächst nicht erkennbar. Die Strategie der französischen Außenpolitik, sich im Dienste des Helsinki-Prozesses – unter größtmöglicher Umgehung der politischen Ebene – auf den Ausbau der Beziehungen auf kultureller und wirtschaftlicher Ebene zu konzentrieren, scheiterte bis 1980 an den Bemühungen der DDR um möglichst umfangreiche politische Beziehungen.51 Und im Gegensatz zu den Wirtschafts- und Handelsbeziehungen erschwerte die Existenz eines inoffiziellen Akteurs auf dem Feld der Kulturbeziehungen den Übergang hin zu offiziellen Beziehungen erheblich.52 Man war deshalb bemüht, die für den Ausbau der Wirtschafts- und Handelsbeziehungen als erfolgreich befundenen Methoden, wie die im Juni 1973 in Ost-Berlin abgehaltene Semaine technique française, auf die Kulturbeziehungen zu übertragen. Auch wurde die eher ungewöhnliche Zusammenarbeit zwischen den zuständigen Abteilungen von Wirtschafts- und Außenministerium veranlasst.53 Den ersten Kontakt zu den ostdeutschen Fachministerien erhielt Burkard dank einer Delegation des kulturpolitischen Ausschusses im Senat, deren Interesse dem DDR-Schulsystem galt und die für ihren Arbeitsbesuch im März 1974 wie eine quasi offizielle Delegation der französischen Regierung empfangen wurde.54 Allerdings erbrachte erst die Unterzeichnung des Kulturabkommens sowie eines Zusatzvertrages über die Eröffnung von Kulturzentren in Paris und Ost-Berlin 49 Zu Geschichte und Aktivitäten der Échanges franco-allemands, zwischen 1973 und 1990 France-RDA, vgl. Wenkel, Auf der Suche nach einem „anderen Deutschland“, op. cit., S. 35−99 und 210−220. 50 Centre des archives diplomatiques de Nantes (im Folgenden zitiert als CADN), 88PO/47: Note von Burkard vom 18. 12. 1972 für Schumann. 51 Wenkel, Auf der Suche nach einem „anderen Deutschland“, op. cit., S. 442−448 und 479−487. 52 AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3074: Note des Conseiller culturel, Burkard, vom 4. 6. 1973 für den Geschäftsträger der französischen Botschaft in Berlin, Jessel. 53 Ibid.: Telegramm aus Berlin, Jessel, vom 10. 9. 1974 und Schreiben der französischen Botschaft in Berlin, Jessel, vom 12. 9. 1973 an die DGRCST. 54 Archives parlementaires, Sénat, 47 S 17: Protokolle der Sitzungen vom 12. und vom 19. 12. 1973; AMAE-La Courneuve, RDA 1971–1976, 3104: Telegramm der DEU, de Margerie, vom 30. 1. 1974 an die Botschaften in Berlin, Bukarest, Budapest, Moskau, Prag und Warschau und Schreiben der französischen Botschaft in Berlin, Jessel, vom 21. 3. 1974 an das MAE, DGRCST; sowie CADN, 88PO/45: Brief von Sénat, Commission des Affaires culturelles, Baërd, vom 7. 2. 1974 an französische Botschaft in Berlin, Burkard und Brief von Eeckhoutte, Lagatu und Miroudot vom 29. 3. 1974 an französische Botschaft, Jessel.

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eine signifikante Vergrößerung des Handlungsspielraums der französischen auswärtigen Kulturpolitik. Der französischen Diplomatie war es mit der Unterzeichnung dieses Abkommens gelungen, sich vollständig von der privatgesellschaftlichen Ebene zu emanzipieren und die Kontrolle über die Kulturbeziehungen zu übernehmen. Vor allem mit dem Einverständnis zum französischen Kulturzentrum in Ost-Berlin – ebenfalls ein Novum in den Beziehungen des Westens mit der DDR – hatte sich Frankreich nach zähem Ringen ein effizientes Werkzeug nicht nur für das „rayonnement“ französischer Sprache und Kultur im zweiten deutschen Staat, sondern auch für seine Entspannungspolitik geschaffen. Mit rund 700 Teilnehmern pro Semester an den dort stattfindenden Französisch-Kursen sowie jährlich bis zu 800 regelmäßigen Bibliotheksnutzern – Ende der 1980er Jahre wurden alljährlich insgesamt 120.000 Besucher verzeichnet – hatte das 1984 eröffnete Kulturzentrum in der letzten Dekade des Kalten Krieges einen ganz besonderen Anteil an der kulturellen Präsenz Frankreichs in der DDR.55 Vor dem Hintergrund dieses spektakulären Erfolges und um die französische Präsenz in der Provinz auszubauen, wurde Anfang 1989 intern sogar die Eröffnung eines zweiten Kulturzentrums erwogen: „Celui-ci serait assuré, dans un paysage terne, d’un succès foudroyant, et constituerait le relais indispensable de notre action (y compris en faveur du français) dans la ‚RDA profonde’.“56

Das Ende der DDR kam der Konkretisierung derartiger Überlegungen, die im Kontext der Vorbereitungen eines DDR-Besuches von François Mitterrand angestellt worden waren, jedoch zuvor. Als der französische Staatspräsident im Dezember 1989 seine Reise schließlich antrat, hatte sich der zweite deutsche Staat bereits nahezu selbst aufgelöst. Aus einer in weltpolitischer Hinsicht relativ unbedeutenden diplomatischen Vertretung, deren Wirken die längste Zeit ihres Bestehens dem Ausbau der Kultur- und Wirtschaftsbeziehungen gegolten hatte, wurde für die Dauer eines Jahres einer der privilegiertesten Beobachtungsposten der französischen Diplomatie für den weltpolitischen Umbruch. Die Telegramme und Depeschen der letzten französischen Botschafterin in Ost-Berlin, Joëlle Timsit, über die friedliche Revolution in der DDR und über den deutsch-deutschen Einigungsprozess waren in diesem Zeitraum neben jenen aus Washington oder Moskau maßgeblich für die Definition der französischen Außenpolitik.57

55 AN, 5AG/4, CD 189: Note von Boudier vom 6. 1. 1988 für Mitterrand; sowie Archives des Échanges franco-allemands, XIe Congrès national: Note von Deshors vom Oktober 1987 über die Beziehungen zwischen Frankreich und der DDR; zum französischen Kulturzentrum in OstBerlin, vgl. auch Marco Hanitzsch, „Einverstanden, E.H.“. Das französische Kulturzentrum in Ost-Berlin 1983−1989, in: Anne Kwaschik, Ulrich Pfeil (Hrsg.), Die DDR in den deutschfranzösischen Beziehungen, Brüssel 2013, S. 363−380. 56 AN, 5AG/4, CD 187: Note von J[oëlle] T[imsit] vom 16. 1. 1989. 57 Zur Haltung der französischen Diplomatie gegenüber der deutschen Einheit in den Jahren 1989/90, vgl. Maurice Vaïsse, Christian Wenkel (Hrsg.), La diplomatie française face à l’unification allemande d’après des archives inédites, Paris 2011; sowie Frédéric Bozo, Mitterrand, la fin de la guerre froide et l’unification allemande. De Yalta à Maastricht, Paris 2005.

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Am Vorabend des 3. Oktobers 1990, dem Tag des Beitritts der DDR zum Geltungsbereich des Grundgesetzes der Bundesrepublik Deutschland, wurde die französische Botschaft in Ost-Berlin gut 17 Jahre nach ihrer Eröffnung geschlossen. Gleichzeitig endete auch im Westteil der Stadt mit der Verabschiedung der westalliierten Stadtkommandanten der Besatzungsstatus. Die Kommunikation der in der Stadt verbliebenen französischen Diplomaten mit dem Außenministerium in Paris verlief ab dem 3. Oktober wieder über die Französische Militärregierung, die den Abzug der französischen Truppen organisierte, bevor sie 1994 ebenfalls endgültig aufgelöst wurde. Das in den Verhandlungen mit der DDR zurückgewonnene Botschaftsterritorium am Pariser Platz erhielt infolge des Umzugs der Bundesregierung nach Berlin seine alte Funktion zurück und ist seit 2003 erneut Ort französischer Präsenz in Deutschland. RÉSUMÉ L’ouverture d’une ambassade à Berlin-Est en 1973 correspond à la politique de détente dans le cadre du processus CSCE, mais est en même temps en contradiction ouverte avec la politique allemande de la France dans le cadre de la Guerre froide. Les caractéristiques de la présence française en RDA, qui ne se limite pas aux années 1973−1990, découlent ainsi des particularités de la relation bilatérale entre les deux États dans un contexte multilatéral. La contribution s’interroge alors sur la manière dont la France organise sa présence avant 1973 sans disposer de relations officielles, en s’intéressant aux activités du Gouvernement militaire français à Berlin, ainsi qu’à la présence française lors de la foire de Leipzig qui remplissait quasiment les fonctions d’une ambassade. L’organisation de cette présence à Leipzig est confiée à des organismes officieux, tel que le Conseil national du commerce extérieur, et conduit au début des années 1970 à la création d’un bureau de l’industrie française à Berlin-Est, qui servira de base pour le service d’expansion économique de la future ambassade. À travers les problèmes de sa dénomination et de l’échange des ambassadeurs, l’article étudie ensuite comment la diplomatie française réussit à ouvrir son ambassade à Berlin-Est sans reconnaître l’appartenance de cette partie de la ville à la RDA. Enfin, cette contribution ouvre des pistes d’analyse concernant l’organisation de la présence de la France après 1973 en l’absence de reconnaissance de la division allemande. Si l’ouverture de l’ambassade est considérée à Paris comme une étape dans la normalisation des relations économiques et culturelles entre les deux pays, elle révèle également une contradiction entre la volonté de normaliser les relations et l’intransigeance quant à sa politique allemande. Cette contradiction caractérisera ces relations jusqu’à la disparition de la RDA. Dans les négociations pour une convention consulaire, notamment, les diplomates français veillent sur l’intégrité de la nation allemande et la défendent par les détails juridiques les plus pointus. Il a fallu attendre sept ans après l’établissement de relations officielles pour que les conventions bilatérales les plus essentielles soient signées et que les relations prennent un nouvel essor. La mesure la plus spectaculaire pour renforcer la présence française en RDA après 1973 est sans doute

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l’ouverture d’un centre culturel français à Berlin-Est en 1984. Il constitue la seule structure occidentale de ce genre en RDA et sert à la diplomatie française non seulement comme outil de sa politique de détente mais surtout comme outil pour le rayonnement de la culture et de la langue françaises dont les résultats ne se limitent pas aux seules relations franco-est-allemandes. ABSTRACT The opening of an embassy in East Berlin in 1973 matches the policy of détente within the Helsinki process, but contradicts obviously the French policy regarding the German question during the Cold War. Therefore, the characteristics of the French presence in the GDR, that cannot be limited to the years 1973 to 1990, ensue from peculiarities of the bilateral relationship between both countries in a rather multilateral context. The paper deals with the way France organized its presence in the GDR before 1973 without having official relations; with a special focus on the activities of the French Military Government in Berlin, as well as on the French presence at the Leipzig Trade fair. A fair that almost fulfilled the functions of an embassy. The organization of this presence in Leipzig was entrusted to unofficial bodies, such as the Conseil national du commerce extérieur, and led at the beginning of the 1970s to the creation of an office of the French industries in East Berlin, which would serve as a basis for the economic department of the future embassy. The paper analyzes then how French diplomacy manages to open its embassy in East Berlin without recognizing this part of the city as a part of the GDR. It thus explores the issues of how to call the new embassy and how to fulfil the exchange of ambassadors. Finally, it investigates the way France organized its presence in the GDR after 1973 without recognizing the German division. If the opening of an embassy in East Berlin was considered in Paris as a step towards the normalization of the economic and cultural relations between the two countries, it also revealed a contradiction between the desire to normalize relations and the intransigence of the French German policy. A contradiction that would characterize the relationship up to the end of the GDR. Especially during the negotiations for a consular convention, French diplomats were watching over the integrity of the German nation, defending it in the tiniest legal details. After the establishment of official relations, it took not less than seven years before the most essential bilateral conventions were signed and the relationship began to take off once again. The most spectacular measure to strengthen the French presence in the GDR after 1973 was undoubtedly the opening of a French cultural center in East Berlin in 1984. It was the only Western structure of its kind in the GDR, and served French diplomacy as a tool for its détente policy as well as for spreading French culture and language, which continued to have an effect beyond the existence of the second German state.

DAS FRANZÖSISCHE GENERALKONSULAT IN MÜNCHEN 1945–1980 Alexandra Scherrer „Tous sont d’accord pour reconnaître que l’accueil reçu et les contacts personnels qu’ils ont pris les ont amenés à réviser certains de leurs jugements sur l’état d’esprit actuel de ce pays et à admettre la nécessité d’une action en vue d’une amélioration et d’une amplification des rapports franco-allemands.“ 1

So äußerte sich der französische Generalkonsul Robert de Nerciat in einem Schreiben an den französischen Botschafter in Bonn am 19. Februar 1955. Er berichtete hier von den Reaktionen französischer Teilnehmer an der sogenannten Pariser Universitätswoche, einem Austausch zwischen Studenten der Sorbonne in Paris und der Ludwig-Maximilians-Universität in München, und er betonte die Bedeutung persönlicher Kontakte für die deutsch-französischen Beziehungen.2 Dieses Zitat zeigt bereits, wie vielfältig die Rolle des Generalkonsuls war: Er nahm als Repräsentant Frankreichs an der Eröffnungsfeier der Universitätswoche teil; er knüpfte in Gesprächen Kontakte zu anderen Anwesenden, um Eindrücke und Informationen zu sammeln; und er berichtete anschließend an die Französische Botschaft in Bonn, formte also das dort vorherrschende Bayernbild mit. Die Erforschung der Geschichte des Französischen Generalkonsulates in München zwischen 1945 und 1980 ermöglicht somit, einen Blick darauf zu werfen, wie sich die deutsch-französischen Beziehungen nach dem Ende des Zweiten Weltkrieges in der Praxis gestalteten. Dabei rücken vor allem drei Bereiche in den Fokus: die Organisation des Generalkonsulates, die persönlichen Netzwerke, welche die Konsulatsmitarbeiter aufbauten, und die politischen Berichte der Generalkonsuln.

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Centre des Archives diplomatiques de Nantes (im Folgenden zitiert als CADN), 455PO/1/273, De Nerciat an den französischen Botschafter in Bonn vom 19.02.1955. Zur zeitgenössischen Dokumentation der Woche vgl. Jean Sarrailh / Alfred Marchionini (Hg.): Pariser Universitäts-Woche an der Ludwig-Maximilians-Universität zu München vom 14. bis 19. Februar 1955. München-Gräfelfing 1955; weiterführend zum Gegenbesuch 1956 dies. (Hg.): Münchener Universitäts-Woche an der Sorbonne zu Paris vom 13. bis 17. März 1956. München-Gräfelfing 1956. Zum allgemeinen Hintergrund des universitären Austausches vgl. Corine Defrance: Les relations universitaires franco-allemandes avant 1963. Impulsions institutionnelles et initiatives privées, in: Lendemains 27 (2002), S. 202–219.

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DIE WIEDERERÖFFNUNG DES FRANZÖSISCHEN GENERALKONSULATES 1945/1946 Mit der bedingungslosen Kapitulation Deutschlands am 8. Mai 1945 endete zunächst auch jegliche Form offizieller deutscher Politik. Sämtliche Hoheitsrechte auf deutschem Boden gingen auf den Alliierten Kontrollrat über,3 der zum alleinigen Zuständigen für die auswärtigen Beziehungen des ehemaligen Deutschen Reiches wurde.4 Über die Akkreditierung ausländischer Vertreter entschieden die jeweiligen Besatzungsmächte – für Bayern war dies (bis auf den französisch besetzten Kreis Lindau) die US-amerikanische Militärregierung.5 Erst 1951 erlangte die nun seit mehr als einem Jahr tätige westdeutsche Regierung mit einer Revision des Besatzungsstatutes die Erlaubnis, eigenständig nicht nur konsularische, sondern auch diplomatische Beziehungen zu anderen Ländern zu unterhalten und wieder ein Außenministerium zu gründen.6 Es waren also die entsprechenden US-Behörden, an die sich Frankreich wandte, als 1945 erste Pläne zur Wiedereröffnung einer französischen Vertretung auf deutschem Boden aufkamen. Anlass für die Bestrebungen, Konsulate zu gründen, waren dabei keineswegs deutschlandpolitische Überlegungen. Vielmehr galt es, die Belange französischer Staatsbürger zu regeln, welche sich aufgrund von Kriegsgefangenschaft oder Zwangsarbeit in Deutschland befanden und nun schriftliche wie auch mündliche Anfragen zu ihrem Familienstand, zu Nachlassfragen oder Eigentumsrechten stellten.7

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Zum Folgenden vgl. Eckart Conze / Norbert Frei / Peter Hayes / Moshe Zimmermann: Das Amt und die Vergangenheit. Deutsche Diplomaten im Dritten Reich und in der Bundesrepublik. 2. Aufl., München 2010, hier v. a. S. 441–448. Proklamation Nr. 2 des Oberbefehlshabers der amerikanischen Streitkräfte in Europa vom 19.09.1945, Armee-General Dwight D. Eisenhower, über die Errichtung von „Staaten“ und die Bildung von „Staatsregierungen“ innerhalb der amerikanischen Besatzungszone vom 19.09.1945, abgedruckt in: Karl-Ulrich Gelberg (Bearb.): Quellen zur politischen Geschichte Bayerns in der Nachkriegszeit. Band 1. 1944 – 1957. München 2002, Dok. 4, S. 40f. Amtliche Verlautbarung über die Konferenz von Potsdam vom 17. Juni bis 2. August 1945, online abrufbar unter: http://www.hdg.de/lemo/html/dokumente/Nachkriegsjahre_vertragPotsdamerAbkommen/index.html (03.04.2013). Zum Aufbau der US-Militärregierung vgl. Christoph Weisz (Hg.): OMGUS-Handbuch. Die amerikanische Militärregierung in Deutschland 1945 – 1949. München 1994, darin v. a. S. 143 – 316 zu Bayern: Reinhard Heydenreuther: Office of Military Government for Bavaria, sowie die knappe Einführung von Christoph Bachmann: Die amerikanische Militärregierung in Bayern, online abrufbar unter: http://www.erzbistum-muenchen.de/Page005802.aspx (29.09.2012). Revision des Besatzungsstatutes vom 06. März 1951, abgedruckt in: 100 Jahre Auswärtiges Amt 1870 – 1970. Hrsg. vom Auswärtigen Amt. Bonn 1970, S. 191. Zur Entstehungsgeschichte des Auswärtigen Amtes vgl. Conze u. a.: Amt, S. 444–463. Vgl. Archives du Ministère des Affaires étrangères – La Courneuve (im Folgenden zitiert als AMAE-La Courneuve), 178QO/1, Direction des chancelleries et du contentieux, an Direction politique Europe vom 05.06.1945, sowie Koeltz an den Außenminister vom 02.06.1945. Wenig später kamen die Bemühungen deutscher Zivilisten, nach Frankreich einzureisen, hinzu, die es

Das französische Generalkonsulat in München 1945–1980

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Nachdem man am Quai d’Orsay im Juni bereits über den französischen Vertreter in London vorgefühlt hatte, wie sich Großbritannien zum französischen Vorhaben, Konsulate in Deutschland zu eröffnen, positionieren würde8, trug Sir William Strang, der politische Berater Großbritanniens, seinem französischen Amtskollegen Jacques Tarbé de Saint Hardouin im August die Idee vor, gegenseitig französische, britische und US-amerikanische Konsuln in die Besatzungszonen zu entsenden – und zwar ohne eine Einigung mit der UdSSR in dieser Frage abzuwarten.9 Auch die aus Rücksichtnahme auf die Beziehungen zur Sowjetunion vorsichtig gewählte Bezeichnung „office pour les intérêts français“10 wurde im März 1946 nach einer ergebnislosen Kontrollratssitzung aufgegeben und die westalliierten Besatzungsmächte einigten sich auf eine Umbenennung ihrer Interessenvertretungen: Die französischen Konsulate in Deutschland arbeiteten fortan unter dem offiziellen Titel „Consulat (Général) de France“.11 Bereits am 17. November 1945 konnte Tarbé de Saint Hardouin nach Paris telegraphieren: „L’accord américain nous est donné pour l’installation de M. Jousset à Munich et de M. Gaire à Francfort-sur-le-Main. Les autorités locales sont prévenues et nos consuls peuvent prendre (immédiatement) possession de leur poste.“12 Und am 15. Februar 1946 meldete sich Generalkonsul Louis Jousset aus der bayerischen Landeshauptstadt – er sei nun angekommen und habe seine Tätigkeit begonnen.13 Zuständig war Jousset für das gesamte Bayern (ab 1955 wieder inklusive Lindau).14 ORGANISATION UND PERSONAL DES FRANZÖSISCHEN GENERALKONSULATES Das Französische Generalkonsulat in München gab während der ersten Jahre zunächst seine Informationen an den politischen Berater des Militärgouverneurs der französischen Besatzungszone in Deutschland, ab 1955 dann an den Französischen

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ebenfalls zu regeln galt, vgl. Pipien an Fournier vom 09.07.1945 in AMAE-La Courneuve, 178QO/1. AMAE-La Courneuve, 178QO/1, Der Außenminister an de Leusse vom 14.06.1945 AMAE-La Courneuve, 178QO/1, Conseiller politique auprès du Commandant en Chef en Allemagne an Secrétaire Général vom 14.08.1945. Vgl. Bayerisches Hauptstaatsarchiv (im Folgenden zitiert als BayHStA), StK 13310, Schreiben vom Februar 1946. Vgl. die entsprechenden Schreiben an bzw. innerhalb des Außenministeriums vom 27.03.1946 und vom 30.03.1946 (AMAE-La Courneuve,178QO/1). AMAE-La Courneuve, 178QO/1, Tarbé de Saint Hardouin an das Außenministerium vom 17.11.1945. Zum Eintreffen Joussets vgl. die entsprechenden Schreiben, vor allem aus dem Februar 1946 (BayHStA StK 13310). Im Mai kamen dann auch Joussets Frau und seine Tochter nach München, vgl. BayHStA, StK 13310, Jousset an Pfeiffer vom 03.05.1946. Zur circonscription vgl. die jeweiligen Annuaires diplomatiques et consulaires de la République Française.

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Botschafter in Bonn weiter. Eine Kopie der Berichte ging gleichzeitig an die Direction Europe des Pariser Außenministeriums.15 Neben den konsularischen Vertretern arbeitete in den ersten Jahren nach Kriegsende ein französischer Verbindungsoffizier in München, der bei der US-Militärregierung akkreditiert und für die Kontakte zu dieser zuständig war.16 Im November 1949 – nach der Gründung der BRD und den ersten westdeutschen Wahlen – wurde der Posten dann umgewandelt in die Position eines politischen Beobachters, welche allerdings ab 1952 in Personalunion mit dem Amt des Generalkonsuls zusammengelegt und 1955 – nach dem Ende der Besatzungszeit – endgültig wieder aufgelöst wurde.17 Offiziell waren die Zuständigkeitsbereiche des politischen Beobachters und des Generalkonsuls klar getrennt – Ersterer war für die Angelegenheiten der Besatzungszonen und den Kontakt zu den US-Behörden vor Ort zuständig, Letzterer hatte die klassischen Aufgaben des Generalkonsuls inne und unterhielt Kontakte zu den bayerischen Stellen.18 Allerdings stand es den politischen Beobachtern durchaus frei, soziale Kontakte zu allen Personen zu unterhalten, was der politische Beobachter in Bayern, Louis Roché, denn auch tat: Er führte nicht nur mit dem amerikanischen Landeskommissar Gespräche, sondern auch mit Erzbischof Michael Kardinal von Faulhaber, mit dem Bayerischen Ministerpräsidenten, dem italienischen Konsul in München, mit Mitgliedern des Hauses Wittelsbach oder diversen bayerischen Politikern.19 Dies stieß in der Tat auf Widerstand unter den (General-)Konsuln, doch der in München tätige Generalkonsul Louis Keller erklärte seinem – wohl empörten – Kollegen in Stuttgart, Pierre d’Huart, eine Trennung der beiden Aufgabenbereiche

15 Vgl. etwa für die ersten Jahre AMAE-La Courneuve, Archives des services français d’occupation en Allemagne, 1Bonn/54XO/1–6, Charmasse an Keller vom 13.12.1947, sowie CADN, 455PO/1/273, die politischen Berichte des französischen Generalkonsuls in München 1955. 16 Vgl. etwa in AMAE-La Courneuve, 178QO/61, Rapport du Commandant P. Sorbac vom 13.10.1945. 17 Zur Umwandlung 1949 vgl. AMAE-La Courneuve, Archives des services français d’occupation en Allemagne, 1Bonn/54XO/0–1, Louis Keller an d’Huart vom 15.08.1949 sowie François-Poncet an die (General-)Konsuln von Düsseldorf, Hamburg, München, Bremen, Stuttgart sowie an die französischen politischen Beobachter vom 30.11.1949; zur Auflösung der Posten 1955 vgl. CADN, 105PO/1999038/448, Le Directeur Général des Affaires Politiques à Messieurs les Consuls de France, sowie Le Directeur Général des Affaires Politiques à Monsieur l’Observateur français à Hanovre, Kiel, Brême vom 04.05.1955. 18 Vgl. AMAE-La Courneuve, Archives des services français d’occupation en Allemagne, 1Bonn/54XO/0–1, François-Poncet an die (General-)Konsuln von Düsseldorf, Hamburg, München, Bremen, Stuttgart sowie an die französischen politischen Beobachter vom 30.11.1949. 19 Vgl. exemplarisch: AMAE-La Courneuve, 273PAAP/1, Louis Roché an den Botschafter in Bad Godesberg vom 08.11.1950 (Gespräch mit dem Landeskommissar), vom 21.03.1950 (Gespräch mit Kardinal Faulhaber), vom 03.11.1950 (Gespräch mit dem italienischen Konsul), vom 30.03.1950 (Gespräch mit Joseph Müller), sowie 273PAAP/4, Louis Roché an den Botschafter, Telegramm, vom 06.03.1952 (Gespräch mit dem Ministerpräsidenten), und Louis Roché an den Botschafter vom 05.08.1952 (Gespräch mit Adalbert von Bayern).

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sei durchaus positiv: Zwar sei auch ihm nicht entgangen, so Keller, dass die Teilung der Kompetenzen zwischen Konsul und Beobachter eine Einschränkung der politischen Aktivität des Konsuls und damit mögliche Reibungspunkte zwischen beiden Personen mit sich bringen könne. Doch dies sei besser als die Verbindung der Kompetenzen in einer einzigen Person, die zwangsläufig zu Situationen führen müsse, in der sich die Aufgaben und Kompetenzen zuwiderliefen und ein eigenartiges Bild nach außen zeichnen könnten. Er hielte es für besser, eine klare Trennung zu haben: der Konsul als Kontaktperson für die Deutschen, der Beobachter als Anlaufstelle für die Amerikaner. So sei Platz für beide.20 Allerdings kämpfte ausgerechnet Keller immer wieder mit den Vertretern von OMGUS (Office of Military Governement United States), sodass seine Einsicht auch hierin begründet sein mag. Im Zeitraum 1949 bis 1955 lassen sich jedenfalls relativ wenige politische Berichte aus dem Generalkonsulat finden. Es muss jedoch offen bleiben, ob dies daran liegt, dass es eine doppelte französische Vertretung mit einem offenbar gut vernetzten Beobachter gab, oder daran, dass die Zeit von 1950 bis 1955 im Generalkonsulat von personellen Vakanzen und relativ kurzen Amtszeiten geprägt war. Werfen wir noch einen Blick auf die Persönlichkeiten der französischen Generalkonsuln, die zwischen 1946 und 1980 in München tätig waren: Louis Jousset (1946–1947), Louis Keller (1947–1950), Achille Clarac (1953–1954), Robert Andrea de Nerciat (1955–1960), Pierre Saffroy (1960–1965), André Saint-Mleux (1965–1968), Charles Jehannot de Bartillat (1968–1975), Gérard Le Saige de La Villèsbrunne (1975–1978) und Lionel de Warren (1978–1982).21 Von den neun Generalkonsuln waren drei unter 50 (und keiner unter 45). Einige Generalkonsuln gingen nach ihrer Tätigkeit in München in den Ruhestand, und von den anderen stiegen nach ihrem Aufenthalt in Bayern viele in den Rang eines Botschafters auf, etwa in Nicosia (Keller), Syrien (Clarac) oder Nepal (de Warren). All diese Generalkonsuln waren Juristen, de Nerciat und de Warren hatten zudem Geisteswissenschaften studiert. Viele hatten bereits vor ihrem Einsatz in München Erfahrungen in Deutschland gesammelt: Louis Jousset war schon 1938/1939 Generalkonsul in München gewesen, Louis Keller hatte ebenfalls zur Weimarer Zeit in München, Nürnberg und Leipzig gewirkt, Robert de Nerciat war in Wien und Hamburg tätig gewesen, Gérard Le Saige de La Villèsbrunne war in den ersten Nachkriegsjahren in Österreich beschäftigt gewesen und Lionel de Warren hatte nach dem Krieg fünf Jahre unter André François-Poncet in Bonn gearbeitet. München schien also einerseits ein renommierter Posten zu sein, andererseits erwartete man hier keine sich überschlagenden Ereignisse mehr – vielmehr freute

20 AMAE-La Courneuve, Archives des services français d’occupation en Allemagne, 1Bonn/54XO/0–1, Keller an d’Huart vom 15.08.1949. 21 Zu den Biographien der Generalkonsuln vgl. die entsprechenden Einträge in den Annuaires sowie den Überblick im Anhang der diesen Ausführungen zugrunde liegenden Dissertation Alexandra Scherrer: Konsulate in Bayern unter besonderer Berücksichtigung der französischen Vertretungen (1945–1983). Organisation – Netzwerke – Berichterstattung. Univ. Diss. München 2013.

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sich de La Villèsbrunne beispielsweise auf die Segelmöglichkeiten auf den bayerischen Seen, als er 1975 neuer Generalkonsul in Bayern wurde.22 Doch hielten sich nicht nur politische Beobachter und Generalkonsuln in München auf. 1946 arbeiteten bereits 11 Personen im Generalkonsulat23 und in den 1950er-Jahren erreichte die Zahl der Mitarbeiter im Generalkonsulat sowie im angegliederten Institut français mitsamt Familien rund 50 Personen.24 Im Frühjahr 1946 fand sich das Generalkonsulat zunächst noch in der Cuvilliésstraße, zog dann aber im November wie von Beginn an geplant in die Widenmeyerstraße um, wo sich das Generalkonsulat vor dem Zweiten Weltkrieg befunden hatte.25 1949 mietete die französische Regierung zudem Räume in der Kaulbachstraße an, welche in den 1950er-Jahren an das bis heute dort ansässige Institut français übergeben wurden,26 während der Privatwohnsitz des Generalkonsuls nun in die Mauerkircherstraße verlegt wurde.27 Mitte der 1950er-Jahre zog das Generalkonsulat schließlich in die Möhlstraße 10 um28, wo es sich auch in den 1980erJahren noch befand.29 Gerade in den ersten Jahren nach Kriegsende war es dabei nicht immer ganz einfach, den Alltag im vom Krieg noch stark gezeichneten Deutschland zu meistern. Zwar wurden die Konsuln zunächst von der amerikanischen Besatzungsmacht in der Villa des ehemaligen Reichsstatthalters Franz Xaver Ritter von Epp in der Mauerkircherstraße 55 untergebracht30, doch lebten viele Angehörige des Generalkonsulates in privaten Unterkünften, welche diese vor etliche Herausforderungen stell-

22 Vgl. BayHStA StK 16655, Die deutsche Botschaft in Luksana an das Auswärtige Amt vom 22.04.1975. 23 Vgl. BayHStA StK 13310, Jousset an von Herwarth vom 04.12.1946. 24 Vgl. CADN, 455PO/1/355, List of accredited personnel of the French Consulate General Munich. 25 Vgl. BayHStA StK 13310, von Herwarth an das Landeswirtschaftsamt München vom 16.05.1946 in BayHStA StK 13310 sowie Jousset an von Herwarth vom 15.11.1946. 26 BayHStA StK 13312, Mitteilung des Französischen Generalkonsulates vom 06.10.1949. 27 Vgl. die entsprechenden Unterlagen vom März 1953 in BayHStA StK 13312. Auch 1979 befanden sich hier nach wie vor die Räume des Generalkonsuls, vgl. exemplarisch eine Einladungskarte zur Feier des 14. Juli 1979 in BayHStA StK 16157. In den 1960ern entspann sich allerdings ein Streit, da die neu gebaute Autostraße Isarring an der Grenzmauer des Grundstückes entlangführte. Vgl. BayHStA StK 16655, Saffroy an Goppel vom 29.07.1963, sowie BayHStA NL Panholzer 108. 28 Ein genaues Datum lässt sich nicht feststellen, doch als Ende März 1957 der Botschafter nach Bayern kam, besuchte er neben den Privaträumen des Generalkonsuls in der Mauerkircherstraße auch das Generalkonsulat – in der Möhlstraße. Auch folgende Schreiben waren dann an die Möhlstraße adressiert. Vgl. die entsprechenden Unterlagen ab 1957, auch das Programm für den Besuch S. E. des Botschafters Maurice Couve de Murville in München, in BayHStA StK 13313. 29 Beispielsweise 1981, vgl. die entsprechenden Schreiben in BayHStA StK 16655. Heute befindet sich das Generalkonsulat in der Heimeranstraße 31. 30 BayHStA, StK 13310, [Das Französische Generalkonsulat in München an die Bayerische Staatskanzlei] vom 13.04.1946.

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ten. So wohnte etwa Léon Leroux, Angestellter im Generalkonsulat, 1946 mit seiner Familie in einer Notwohnung, die ihm die US-Behörden zur Verfügung gestellt hatten – diese befand sich 20 Minuten vom Starnberger Bahnhof entfernt und war nicht einmal wasserdicht.31 Erst als sich die wirtschaftliche Lage in Deutschland in den 1950er-Jahren verbesserte, entspannte sich auch die Wohnsituation der Konsulatsangehörigen. Lebensmittel bezogen auch Mitarbeiter des Generalkonsulates zunächst über Lebensmittelkarten, die Rationen fielen jedoch weitaus großzügiger aus als dies bei der bayerischen Bevölkerung der Fall war.32 Auch erhielt das Generalkonsulat zu Beginn regelmäßig „Zulagen für repräsentative Zwecke“, darunter zusätzliche Butter- und Fleischrationen.33 Nachdem 1946 offenbar selbst die nötigsten Güter fehlten und man sich im Generalkonsulat darum bemühte, Wolldecken zu erhalten, baten die Konsulatsangehörigen ein Jahr später schon um Kuchenformen und ein Rundfunkgerät.34 Zudem wünschten sie bereits wenige Wochen nach Eröffnung der französischen Vertretung, Karten der Städtischen Theaterbühnen und der Philharmoniker zu bekommen.35 Gleich ob Wohnungsnöte, Lebensmittel oder Güter – Ansprechpartner war stets die Bayerische Staatskanzlei, welche auf deutscher Seite erste Anlaufstelle des Generalkonsulates und somit auch Grundlage des Netzwerkes der Konsulatsangehörigen war. DIE NETZWERKE DER (GENERAL-)KONSULN Qua Protokoll hatten die französischen Vertreter zunächst Kontakt zu den US-Besatzungsbehörden, ab 1949 wurden sie dann von der Protokollabteilung der Bayerischen Staatskanzlei betreut. Mit dieser standen die Konsulatsmitarbeiter wie gesehen bereits seit 1946 in engem Kontakt wenn es um alltägliche Belange ging. Auch tauschten die Angehörigen des Generalkonsulates und die Mitarbeiter der Protokollabteilung von Beginn an gegenseitige Einladungen aus. Mit zunehmender Besserung der wirtschaftlichen Lage in Westdeutschland flaute der enge Kontakt zwischen Generalkonsulat und Staatskanzlei in den alltäglichen Belangen ab. Gleichzeitig wurde die Betreuung des Konsularischen Korps 31 BayHStA, StK 13310, von Herwarth an Gerstl, Hauptwohnungsamt der Stadt München, vom 05.06.1946. 32 Vgl. etwa Jousset an Pfeiffer vom 03.05.1946 in BayHStA StK 13310 sowie die Aufstellung Lebensmittelrationen für Gesandte, Konsuln (in Kilo) [1945/ 1946] in BayHStA StK 13278/II. Zum Vergleich zur bayerischen Bevölkerung siehe Statistisches Jahrbuch für Bayern 1947, S. 25. 33 Vgl. vor allem BayHStA StK 13310 und 13311. 34 Vgl. das entsprechende Schreiben vom April 1946 in BayHStA StK 13310 sowie die Schreiben vom November und Dezember 1947 in BayHStA StK 13311. 35 Vgl. BayHStA StK 13310, von Herwarth an Keim vom 21.03.1946.

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zunehmend geregelt, ab Mitte der 1960er-Jahre gab es neben dem bereits etablierten Neujahrsempfang des Bayerischen Ministerpräsidenten36 meist einmal jährlich gemeinsame Ausflüge des in Bayern akkreditierten Konsularischen Korps und einiger Vertreter der Bayerischen Staatskanzlei, die mehrere Tage dauerten und in verschiedene bayerische Regionen wie etwa in das bayerische Zonenrandgebiet führten.37 Die Verbindungen zu den bayerischen Kommunen waren hingegen nicht protokollarisch geregelt, dementsprechend lassen sie sich in den Quellen nur sehr vereinzelt aufspüren. Die Stadt München unterhielt freilich am ehesten Verbindungen zu den Konsuln, auch wenn man sich hier nicht um völkerrechtliche Begrifflichkeiten sorgte und von „Gesandtschaften“ anstatt von Konsulaten sprach. Außerhalb Münchens konnte sich lediglich Nürnberg als Standort ausländischer Vertretungen profilieren.38 Sehr individuell waren die Kontakte der französischen Konsulatsmitarbeiter zu Persönlichkeiten aus Wirtschaft, Wissenschaft oder Kultur. Am ehesten geregelt war die Praxis, dem Erzbischof von München und Freising einen Antrittsbesuch abzustatten, was nicht nur Frankreichs Vertreter so handhabten.39 Alle weiteren Verbindungen waren von den konsularischen Vertretern abhängig. Besonders bedeutend waren Beziehungen zu Pressevertretern, und auch zu Unternehmern unterhielten die Konsuln persönliche Kontakte, wie im Falle von Konsul Guy de La Bastide, der beispielsweise über äußerst gute Beziehungen zu Ernst Sedlmayr von Spaten-Bräu verfügte.40 Gerade offizielle Einladungslisten, etwa wenn ein Generalkonsul neu in die Landeshauptstadt kam bzw. diese wieder verließ oder der französische Nationalfeiertag am 14. Juli begangen wurde, zeigen einen Querschnitt durch die in München ansässige Gesellschaft – von Konsuln aller Länder, Politikern, Wissenschaftlern, Unternehmern bis hin zu Künstlern oder Vertretern von Banken und Versicherungen. All diese Persönlichkeiten kamen hier zu gemeinsamen Treffen zusammen.41

36 Vgl. etwa Vormerkung von Gumppenberg vom 04.01.1950 in BayHStA StK 13278/I sowie diverse Schreiben in StK 12723/I und StK 12723/II, Vormerkung Huber vom 11.01.1971 in BayHStA StK 13293 sowie die entsprechenden Schreiben in StK 15253. 37 Zur ersten Fahrt 1966 vgl. Fahrt der Leiter der berufskonsularischen Vertretungen entlang der Demarkationslinie und der tschechoslowakischen Grenze in Bayern in der Zeit vom 23.– 24.Mai 1966 in BayHStA NL Brand 19, sowie Brand an Kuchtner vom 16.02.1966 in BayHStA StK 13293 und Saint-Mleux an Seydoux de Clausonne vom 27.05.1966 in CADN, 105PO/1/80. Ein Überblick über die Fahrten von 1966 bis 1976 findet sich in BayHStA StK 13296, zu 1977 vgl. StK 13296, zu den Fahrten von 1978 bis 1980 vgl. StK 16630. 38 Zu den kommunalen Verbindungen vgl. Scherrer: Konsulate, S. 164–174. 39 Vgl. etwa CADN, 455PO/1/385, de La Villèsbrunne an Sauvagnargues vom 06.08.1976. 40 Vgl. Guy de La Bastide: La carrière que j’ai connue. La Charité-sur-Loire 1981, S. 159. 41 Vgl. etwa zum 14. Juli CADN, 455PO/1/273, de Nerciat an Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de la République Française en Allemagne vom 15.07.1955; oder zum Weggang von Generalkonsul Gérard Le Saige de La Villèsbrunne, CADN, 455PO/1/428, Gästeliste zum Empfang vom 01.03.1978.

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Die breite Bevölkerung sprachen die Generalkonsuln hingegen nur indirekt an: durch das organisatorisch zum Generalkonsulat gehörende Institut français42, durch die Förderung der Deutsch-Französischen Gesellschaften43 oder durch die Vermittlung von Städtepartnerschaften.44 Eine Ausnahme stellt der Deutsch-Französische Chor dar. Diesen gründete Konsul Bernard Lallement 1968, und während er selbst Dirigent des Chores war, bestand hier ein gut funktionierender, inoffizieller Kommunikationsweg zwischen Bürgern und Konsulat.45 Eine besondere Rolle spielten die Frauen: Obgleich sie sich nur vereinzelt und erst sehr spät überhaupt als Berufskonsulinnen behaupten konnten, organisierten sich die Konsulngattinnen schon früh selbst.46 Nelle Summerscale, Ehefrau des britischen Generalkonsuls in München, unterhielt bereits in den 1950er-Jahren einen Frauenclub, in dem Vertreterinnen der Münchner Gesellschaft gemeinsam Tee tranken und debattierten.47 Auch Anne de La Bastide, deren Mann von 1956 bis 1962 französischer Konsul in München war, begleitete diesen selbstverständlich bei Empfängen und lud darüber hinaus selbst Vertreterinnen der Münchner Gesellschaft, häufig aus dem Kulturbetrieb, zu gemeinsamen Teestunden ein.48 Seit dem Ende der 1960er-Jahre übernahm dann die Protokollabteilung der Bayerischen Staatskanzlei die Organisation gemeinsamer Aktivitäten. Die Frauen des Protokollchefs und des Staatskanzleichefs luden zu gemeinsamen Veranstaltungen ein und bei den Ausflügen des Konsularischen Korps gab es ein gesondertes Programm für die Gattinnen.49 Wie gut ein Konsul in der Gesellschaft verwurzelt war, schien nicht zuletzt von den sozialen Kompetenzen seiner Frau abzuhängen. DIE POLITISCHEN BERICHTE DER GENERALKONSULN Die politische Berichterstattung aus dem Generalkonsulat sei hier nur grob skizziert, denn die zahlreichen Schreiben im Detail wiederzugeben, würde jeglichen Rahmen sprengen. Allein in den ersten drei Quartalen des Jahres 1958 verfasste der

42 Vgl. zu den französischen Kulturinstituten in München wie auch in Erlangen Scherrer: Konsulate, S. 177–187. 43 Vgl. Scherrer: Konsulate, S. 187–194. 44 Vgl. die entsprechenden Schreiben der Jahre 1970–1972 in CADN, 455PO/1/426. 45 Vgl. Scherrer: Konsulate, S. 194–198 sowie S. 387–389. 46 Vgl. Scherrer: Konsulate, S. 210–217. 47 Vgl. University College of London, Gaitskell’s Papers/D4, Nelle Summerscale an Dora Gaitskell [vom Mai 1953]. 48 Vgl. de La Bastide: carrière, S. 153. 49 Vgl. BayHStA StK 13296 sowie exemplarisch für die Fahrten des Konsularischen Korps Programm für die Informationsfahrt der Leiter der im Freistaat Bayern akkreditierten konsularischen Vertretungen und deren Ehefrauen, 2. Juli 1973, in StK 13294 und Programm der Informationsfahrt für die Leiter der im Freistaat Bayern akkreditierten konsularischen Vertretungen und deren Ehefrauen, Montag, 23. Juni 1975, in StK 13295.

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Generalkonsul in München beispielsweise 150 politische Berichte zu den verschiedensten Themen an den Botschafter.50 Daher seien drei Bereiche herausgegriffen: das Bayernbild im Kontext der bayerisch-französischen Beziehungen, die Darstellung bayerischer Politik und Politiker sowie der Blick auf die Regionen. Unter den ersten beiden Generalkonsuln – Louis Jousset und Louis Keller – beinhaltete der Blick auf die bayerisch-französischen Beziehungen stets eine Kontrastierung mit den bayerisch-amerikanischen Beziehungen. Dabei scheute sich Keller nicht, die französische Besatzungspolitik in diesem Zusammenhang deutlich zu kritisieren. Die Beobachtungen aus Bayern dienten hier also auch einer Selbstreflexion.51 Bayern wurde in diesen ersten Jahren nach Kriegsende als eigenständiges Staatsgebilde wahrgenommen, mit eigener Kultur und Geschichte und mit eigentlich immer guter Verbindung zu Frankreich. Im Fokus stand zu dieser Zeit die Frage nach der künftigen Staatsform Deutschlands. Zwar wurde diese grundlegende Frage mit der Gründung der BRD 1949 dann weitgehend geklärt, eine Konstante in der Berichterstattung blieb aber die Konzentration auf Fragen des Föderalismus – auf französischer Seite sah man in Bayern in den 1960er- und 1970er-Jahren das bedeutendste Land der BRD und den Verfechter des Föderalismus.52 Eine andere Konstante ist das Bild der historisch begründeten guten Beziehungen zwischen Bayern und Frankreich. Hier wurde auch in den 1970er-Jahren noch Bezug genommen auf Napoleon als „Königsmacher“, der Bayern 1806 zum Königreich erhoben hatte. Dass Bayern sich wenig später gegen Frankreich gestellt hatte, wurde dabei ignoriert. Und auch die späteren Kriege wurden konsequent als Niederlage Bayerns gegenüber Preußen dargestellt, nicht als Gegnerschaft zwischen Frankreich und einem ins Deutsche Reich integrierten Bayern.53 Dieses Verständnis der bayerisch-französischen Beziehungen ist auch deshalb erstaunlich, weil der französische Gesandte in München zur Weimarer Zeit, Émile Dard, noch berichtet

50 Vgl. CADN, 455PO/1/274, Register der Berichterstattung im Jahr 1958. Auch 455PO/1/282 zu den Jahren 1968 bis 1974. 51 Vgl. etwa in AMAE-La Courneuve, 178QO/64, Note Keller vom 10.12.1947. 52 Vgl. exemplarisch AMAE-La Courneuve, Archives des services français d’occupation en Allemagne, 1Bonn/143/ZX/2–1–a, Keller an Tarbé de Saint Hardouin vom 30.07.1947; CADN, 455PO/1/400, Note der Direction des Affaires Politiques vom 01.02.1969; sowie in AMAE-La Courneuve, 180QO/3959, Brunet an das Außenministerium vom 26.12.1977 (vorläufige Signatur). 53 Vgl. etwa aus dem Jahr 1946 in AMAE-La Courneuve, 178QO/61, Louis Jousset an Jacques Tarbé de Saint Hardouin vom 27.02.1946; sowie aus dem Jahr 1979 in AMAE-La Courneuve, 180QO/3959, Lionel de Warren an Jean François-Poncet vom 13.06.1979 (vorläufige Signatur).

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hatte, er könne keinerlei Unterschied zwischen den Bayern und den anderen Deutschen feststellen.54 Der Föderalismus spielte also in den Berichten aus dem Generalkonsulat stets eine große Rolle. Anders als in der Weimarer Zeit und auch anders als es die USBehörden vermuteten, unterstützte Frankreich allerdings keine separatistischen oder monarchistischen Bewegungen in Süddeutschland – zumindest nicht gezielt und nicht politisch gelenkt. Auch für den Verdacht der US-Stellen, dass zum Beispiel der CSU-Politiker Alois Hundhammer finanzielle Mittel aus dem Generalkonsulat erhalten habe55, gibt es keinerlei Anhaltspunkte. Der Blick auf einzelne Politiker – meistens aus den Reihen der CSU – war in den ersten Jahren noch sehr stark subjektiv geprägt. Dem CSU-Politiker Josef Müller zum Beispiel traute man nach einem Vertrauensbruch einfach nicht mehr über den Weg.56 In späteren Jahren kann man immer noch eine subjektive Meinung erkennen, allerdings wurde die Distanz zu den Akteuren und zum Geschehen deutlicher. Zwei Faktoren, die durchgängig eine Rolle spielten, waren die Position der Politiker während der NS-Zeit und ihr Verhältnis zu Frankreich bzw. zur französischen Sprache. Beides konnte aber das Verhältnis zu den Konsulatsmitarbeitern nicht gänzlich beeinflussen – Josef Müller mochte man trotz NS-Gegnerschaft nicht und Franz Josef Strauß beäugte man auch trotz seiner frankreichfreundlichen Position von Anfang an bis in die 1980er-Jahre hinein äußerst skeptisch. In beiden Fällen spielten der Charakter und das Auftreten eine weit größere Rolle als die Faktoren NS-Gegnerschaft oder Frankophilie.57 Und der Blick auf die Regionen? Wie schon angedeutet, spielten für die Generalkonsuln bayerische Städte oder Regierungsbezirke kaum eine Rolle, und abgesehen von einigen Schreiben von Generalkonsul Jehannot de Bartillat aus den Jahren 1969/197058 schafften sie es auch nicht in nennenswertem Umfang in die politischen Berichte. Zwar bereisten die Generalkonsuln auf privaten Fahrten oder im

54 Vgl. Andrea Müller: Die französische Gesandtschaft in München in den Jahren der Weimarer Republik. Französische Bayernpolitik im Spiegel der diplomatischen Berichterstattung. München. Diss. Masch. 2008, S. 189. 55 Vgl. etwa OMGUS 10/88–3/15, zitiert nach: Peter Jakob Kock: Bayerns Weg in die Bundesrepublik. 2. Aufl., München 1988, S. 187. 56 Vgl. in AMAE-La Courneuve, 178QO/62, Jousset an Tarbé de Saint Hardouin vom 19.12.1946; in AMAE-La Courneuve, 178QO/65, Frey an Tarbé de Saint Hardouin vom 08.06.1948; in AMAE-La Courneuve, 1SL/31, Note von Sorbac vom 05.06.1946 sowie vom 07.06.1946; BayHStA NL Pfeiffer 362, handschriftlicher Brief von Jousset an Pfeiffer vom 18.08.1948. 57 Zu Strauß vgl. etwa CADN, 455PO/1/276, Saffroy an Seydoux de Clausonne vom 02.07.1960; oder auch den in der Französischen Botschaft in Bonn angefertigten Bericht Moreau (Ambassade) an François-Poncet vom 30.07.1979 in CADN, 455PO/1/391. 58 Vgl. die entsprechenden Berichte von Jehannot de Bartillat an die Botschaft und das Außenministerium vom 13.02.1969 und vom 21.04.1970 in AMAE-La Courneuve, 180QO/1356, vom 11.04.1969, 30.04.1969, 30.05.1969, 27.06.1969 in CADN, 455PO/1/280, vom 13.02.1969 in

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Rahmen der von der Staatskanzlei organisierten Ausflüge des Konsularischen Korps das Land.59 Aber thematisiert wurde dies in den Berichten aus dem Generalkonsulat kaum oder gar nicht. Was Beziehungen zwischen Bayern und anderen subnationalen Einheiten betrifft, so interessierten diese auch nur dann, wenn sie politisch brisant erschienen. Bayerns Verhältnis zu Südtirol beobachtete man im Generalkonsulat nur so lange wie sich Gerüchte hielten, Bayern unterstütze möglicherweise separatistische Bewegungen. Kaum hatte sich die Lage in Südtirol aber zu Beginn der 1970er-Jahre beruhigt, wandte man den Blick ab. Die gerade erst beginnenden, ausgesprochen guten Beziehungen zwischen dem Bayerischen Ministerpräsidenten Alfons Goppel und dem Südtiroler Landeshauptmann Silvio Magnago – bald sogar Duzfreunde – interessierten nicht.60 Schließlich sei die Frage aufgeworfen, inwieweit man hier von „regionalen“ Außenbeziehungen sprechen kann. Dem Land Bayern gelang es von Anfang an, im Rückgriff auf vermeintlich historische Traditionslinien das Bild spezifisch bayerisch-französischer Beziehungen zu entwerfen. Das gemeinsame Ziel, ein stark föderalistisch geprägtes Deutschland, mag dabei geholfen haben. Den Kommunen gelang dieses Kunststück dann schon nicht mehr. Keine Stadt wurde in den politischen Berichten häufiger und ausführlich dargestellt, und selbst Besuche der Generalkonsuln lassen sich heute meist nur mehr über die zeitgenössische lokale Presse nachvollziehen, nicht über die Quellenabgaben des Generalkonsulates. Von einer besonderen Beziehung – sei diese nun historisch oder zeitgenössisch begründet – einer bestimmten Stadt zu Frankreich las man in der Botschaft und am Quai d’Orsay in aller Regel nichts. Und bei den Kontakten jenseits der Politik, bei Annäherungen der französischen Vertreter in Bayern an breitere Bevölkerungsschichten lässt sich nicht feststellen, dass hier die Ansicht herrschte, es handle sich beispielsweise um spezifisch bayerische, fränkische oder oberpfälzische Beziehungen. Das zeigt sich nicht zuletzt in den Bezeichnungen „Deutsch-Französische Gesellschaft“ oder „DeutschFranzösischer Chor“.

455PO/1/281, sowie vom 21.05.1970 in 455PO/1/282. Jehannot de Bartillat hatte hier von seiner „tournée consulaire“ berichtet, auf der ihn teilweise auch Pierre Wurms vom Münchner Institut français begleitet hatte. Vgl. zu dessen Berichterstattung Wurms an den Conseiller culturel vom 02.06.1969 in CADN, 106PO/1/120. 59 Vgl. etwa Schriftliche Auskunft von Bernard Lallement vom 19.03.2013. 60 Vgl. exemplarisch de La Bastide an Couve de Murville vom 02.10.1956 in CADN, 455PO/1/273, de Nerciat an die Botschaft und das Außenministerium vom 22.11.1957 in 455PO/1/274 und Saffroy an die Botschaft und das Außenministerium vom 31.07.1961 in 455PO/1/277 sowie von bayerischer Seite etwa Zelger an Goppel vom 06.03.1974 sowie Goppel an Magnago vom 13.12.1973, beides in BayHStA StK 13176.

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FAZIT Was lässt sich nun abschließend sagen über die deutsch-französischen Beziehungen jenseits der großen staatspolitischen Bühne? Das Beispiel des Französischen Generalkonsulates in München zeigt, dass man im Bereich der Kontakte zum bayerischen Staat und seinen Kommunen bereits kurz nach Kriegsende auf französischer wie auch auf bayerischer Seite um einen freundschaftlichen Umgang und gute Beziehungen bemüht war. Man wurde nicht müde, die historischen Bande zu betonen, die noch zur Weimarer Zeit vergessen schienen. Gerade aus einer längerfristigen Perspektive wird aber vor allem auch eines deutlich: die Angehörigen des Generalkonsulates traten als Mittler zwischen französischem Staat und bayerischer Bevölkerung auf und trugen so einen wesentlichen Teil dazu bei, dass sich Deutsche und Franzosen auch fernab der Regierungssitze wieder näher kamen. RÉSUMÉ Lorsque Louis Jousset prit, le 15 février 1946, ses fonctions de consul général de France à Munich, la page des horreurs de la guerre était à peine tournée ; la situation chaotique des Français qui avaient été prisonniers ou travailleurs réquisitionnés en Bavière, notamment, y rendait nécessaire l’ouverture rapide d’une représentation consulaire qui pût assurer leur protection. L’effort immédiatement entrepris, côté français comme côté bavarois, pour établir de bonnes relations apparaît alors d’autant plus remarquable. Alors que, dans les années 1920 encore, le ministre français en Bavière refusait de faire aucune différence entre les Bavarois et le reste des Allemands, on se mit à reparler, en 1946, des relations traditionnellement privilégiées entre la Bavière et la France, et à peindre les guerres des décennies écoulées comme des affaires essentiellement prussiennes. La vie n’était pas simple pour autant, au départ, pour les agents du consulat : comme le reste de la population bavaroise, ils étaient dépendants, pour leur nourriture et leurs biens courants, des bons de rationnement, et furent confrontés aux difficultés d’un marché du logement qui ne s’améliora que dans les années 1950, avec le redressement économique de l’Allemagne de l’ouest. À la différence de leurs devanciers de la légation weimarienne, les hommes du consulat surent toutefois établir de fructueux contacts avec de nombreuses personnalités issues des milieux politique, économique, scientifique ou culturel. L’épouse du consul entretint elle-aussi son réseau, au sein duquel se retrouvaient aussi bien des Bavaroises que les épouses de diplomates d’autres nations accréditées en Bavière. À partir des années 1960, les rencontres entre consuls de ces nations et agents de la chancellerie bavaroise furent de plus en plus régulières et s’organisèrent, notamment, dans des tournées faites en commun, plusieurs jours durant, dans différentes régions du Land. Ces collaborations fournissaient aux hommes du consulat la matière de leurs rapports politiques, régulièrement adressés à l’ambassade de Bonn et à la Direction Europe du Quai d’Orsay. Ces rapports – on en dénombrait parfois plusieurs par jour

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Alexandra Scherrer

– étaient consacrés aux différents enjeux de la situation bavaroise, des évènements politiques aux mutations économiques en passant par les affaires culturelles. Ils synthétisaient non seulement l’image que se faisait le consulat français de la Bavière, mais purent également servir d’inspirations ou de support de réflexion pour la France des Trente Glorieuses. L’implication du consul général dans l’ouverture d’un Institut français, son soutien aux associations franco-allemandes ou à la conclusion des jumelages francobavarois qui fleurirent à partir des années 1960, firent enfin du consulat plus qu’un simple instrument administratif ou un poste observation du gouvernement français : ils l’érigèrent en un outil de la médiation et du rapprochement franco-allemands. ABSTRACT When Louis Jousset took up his job as French Consul General in Munich on 15 February 1946, the horrors of the Second World War had only ended a few months earlier. The opening of a consular representation had become necessary not least to take care of the needs of those French nationals who were in Bavaria as a consequence of having been prisoners of war or forced laborers. This makes it even more remarkable that great efforts were undertaken right from the start on both the Bavarian and the French side to establish good mutual relations. While in the 1920s the French envoy in Munich had stated that no differences at all were discernible between Bavarians and other Germans, in 1946 one spoke of the traditionally good relations between Bavaria and France and portrayed the wars of the past decades as having been rather a Prussian affair. Nevertheless, life was initially not easy for the consular officials: Just like the Bavarian population, they had to get their food via food ration cards and other items via ration coupons, and the housing situation also only improved in the 1950s when the economy in West Germany was once again in a better state. In contrast to the Weimar period, however, the consular officials managed very well to establish contact with prominent Bavarian figures from government, business, science, and culture. The wives of the consuls also had a network that linked them both with Bavarian women and with the wives of other foreign representatives. Starting in the 1960s, meetings between consuls from many different countries and officials from the Bavarian State Chancellery were arranged more frequently and took place, for instance, during regular multi-day trips all across Bavaria. This is the basis on which the consular officials then also wrote their political reports, which were sent to the French ambassador in Bonn as well as to the Direction Europe of the French Foreign Ministry in Paris. These reports, of which sometimes several were written in one day, addressed all areas of what was happening in Bavaria – from political events via economic developments to cultural happenings. These reports do not only reveal the image of Bavaria that prevailed at the Consulate General, but also served as an opportunity to reflect on developments in the French homeland.

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Not least the dedication of the Consul General regarding the establishment of the associated Institut français, the support of German-French associations, or the brokering of town twinning agreements, which can be found primarily from the 1960s, made the French representation act not only as an administrative instrument of the French government or as its observation post. Rather, its officials additionally acted as intermediaries between France and Bavaria.

UNE HISTOIRE DE LA MAISON DE FRANCE À BERLIN Jean-Pierre Ostertag Les Instituts français sont des institutions peu connues : situées à l’étranger, elles sont hors du champ médiatique hexagonal et peu de Français connaissent leur existence. La France est pourtant le premier pays à avoir créé des institutions à la fois culturelles et diplomatiques, et à avoir par-là modélisé la « diplomatie d’influence » qui servira d’exemple à d’autres pays (Espagne, Chine, etc.). Malheureusement ces établissements ne sont médiatisés que lors de leur mise en vente ; cet héritage patiemment constitué durant plusieurs générations est en effet le plus souvent bradé pour des raisons financières, que ce soit pour économiser des subventions de fonctionnement ou pour un apport financier immédiat. Mais ces gains sont dérisoires au regard de la valeur historique, patrimoniale, artistique de ces propriétés ; il en va ainsi de la vente du palais Clam-Gallas à Vienne, de la maison Descartes à Amsterdam ou de l’Institut français du Portugal. Ces établissements culturels ne sont pas, contrairement à leurs équivalents anglais, allemands ou espagnols, constitués en fondation ou association. Les Instituts français sont un service extérieur du ministère des Affaires étrangères, or ce ministère ne dispose plus des crédits suffisants pour rénover ou construire de nouveaux bâtiments ; pour pouvoir le faire, il doit vendre et affecter le produit de ces ventes à l’entretien ou à l’acquisition d’immeubles. La mise en vente de bâtiments culturels a connu un nouveau développement à compter de 2012–2013 ; le premier sur la liste était alors la « Maison de France » à Berlin. L’annonce officielle de sa mise en vente le 22 avril 2013 s’accompagnait de celle du déménagement de l’Institut français et de son installation dans les locaux de l’ambassade de France située dans le quartier de Mitte, Wilhelmstrasse 69. Cette annonce fut effectuée trois mois après les cérémonies officielles du cinquantenaire du traité de l’Élysée qui ont vu le Congrès français se rassembler avec son homologue allemand dans les locaux du Bundestag à Berlin. Ce traité symbolise l’amitié franco-allemande. Le moment choisi pour faire cette annonce a donc suscité beaucoup de questions et d’incompréhension. La nouvelle de cette mise en vente a attiré l’attention sur l’histoire de cette bâtisse et a révélé l’importance de la place qu’elle occupait à Berlin. Neuf mois plus tard, le 28 janvier 2014, face aux nombreuses protestations politiques françaises, à la mobilisation de la presse hexagonale et de nombreux Berlinois, l’abandon du projet de vente fut annoncé par le ministre fran-

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çais des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Cette nouvelle fut immédiatement saluée sur twitter1 par Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des Affaires étrangères. Dès lors plusieurs questions se posent. Comment un immeuble peut-il susciter des réactions aussi fortes ? En quoi cet édifice est-il important et pourquoi suscitet-il un tel attachement ? En quoi cette maison « appartient » -t-elle aux Berlinois ? Que s’est-il passé pour que cette représentation perde de sa valeur aux yeux des autorités françaises ? C’est à ces questions que je vais essayer de répondre. Je ne suis pas historien et mes propos n’ont pas de valeur scientifique. L’histoire de la Maison de France pourrait à elle seule faire l’objet d’une thèse de doctorat, il reste de nombreuses zones d’ombres, et nombre d’évènements à étudier. C’est un sujet passionnant qui attend d’être révélé ; j’espère que ces quelques pages, donneront l’envie de l’écrire dans ses moindres détails. AUX ORIGINES DE LA MAISON DE FRANCE : LA MAISON ACADÉMIQUE FRANÇAISE DE BERLIN Dans la seconde moitié des années 1920, le ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand et le Chancelier allemand Gustav Stresemann sont de farouches partisans d´un rapprochement franco-allemand. Tous deux reçoivent le prix Nobel de la paix en 1926. Ils décident d’installer à Berlin un centre universitaire d’études sur l’Allemagne. Toutefois « l’idée de créer un point d’appui pour la pénétration culturelle française n’[est] pas absente des esprits ».2 La création de cette « Maison » n’est pas chose naturelle, elle a rencontré une forte résistance à Berlin tant à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche. L’époque de l’entre-deux guerres fut marquée par une difficulté à installer des échanges universitaires. La France occupant la Ruhr, l’Allemagne se sentant humiliée par le traité de Versailles, il y avait un fort ressentiment anti-français. Les échanges ont tout de même repris petit à petit, la création d’institution culturelles françaises ayant pour pendant la création d’institutions allemandes en France.3 Quelques années plus tard, les nazis tirent profit de la création de ces centres culturels. Karl Epting a ainsi utilisé l’Institut allemand à Paris pour travailler à influencer les intellectuels français et à propager l’idéologie nationale-socialiste dans les années 1930.

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„Lieber@Laurent Fabius das sind gute Nachrichten für die deutsche-französische Freundschaft“, Frank-Walter Steinmeier, 28 janvier 2014. René Cheval, « Les relations culturelles franco-allemandes », Documents, n° 2, mars/avril 1969, p. 8. Il en sera de même en RDA avec la création du centre culturel français de Berlin-Est du centre culturel de RDA à Paris.

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Aristide Briand débloque les fonds nécessaires à la réalisation de cette « Maison académique française » à Berlin.4 Elle ouvre ses portes en octobre 1930 et est dirigée par le chef du service de presse de l’ambassade de France, le professeur Oswald Hesnard. Elle est surtout fréquentée par des étudiants de l’École normale supérieure. Devant rester un outil de coopération hors de tout soupçon de propagande, elle est, dès sa création, communément appelée « Institut français de Berlin ». Disposant d’une domesticité importante avec sept personnes occupées à temps plein, elle peut accueillir simultanément de sept à huit pensionnaires. Les plus célèbres d’entre eux furent Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, Roger Ayrault, René Cannac, Eugène Susini, Pascal Copeau. Henri Brunschwig y fut détaché. Le séjour n’est toutefois pas exclusivement consacré à l’étude ; il laisse notamment place à la découverte de la vie culturelle nocturne berlinoise, quelque peu tumultueuse à l’époque. Cette maison fut quittée à l’expiration du bail pour un déménagement au centreville de Berlin. Une fois les nazis au pouvoir, l’Institut vit son action réduite, les manifestations culturelles étant sur invitations. La déclaration de guerre entraîna le départ des diplomates français qui quittèrent ensemble l’Allemagne. Le 3 septembre 1939 il n’y en avait plus un seul présent dans la capitale du Reich. APRÈS LA GUERRE Les troupes françaises entrent à Berlin à l’été 1945 et prennent possession de leurs secteurs d’occupation situés au nord de la ville à Wedding et Reinickendorf. En 1946, le ministère des Affaires étrangères crée la « mission culturelle française de Berlin ». Félix Lusset est nommé directeur de cette institution installée à Frohnau avec pour objectif le rétablissement des relations culturelles entre les deux pays. Un des moments marquants organisé par cette mission fut la lecture, donnée à l’été 1947 par Jean-Paul Sartre, de son livre Les Mouches. Cette mission culturelle reçut l’ordre de quitter Berlin au printemps 1948 pour cause de blocus. Maurice Jordy, lecteur à la Humboldt Universität, resta à Berlin et assura un intérim ; il déménagea les bureaux de la mission et s’installa au 96 Kurfürstendamm. À cette adresse, un Centre culturel français proposait des cours de français, une bibliothèque, une salle de lecture, des groupes de discussions et des projections de films gratuits ; mais ce centre, installé au quatrième étage d’un immeuble, n’était que peu visible de la population berlinoise.

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Dominique Bosquelle, « La Maison académique française à Berlin », in Gilbert Krebs, Hans Manfred Bock (éds.), Échanges culturels et relations diplomatiques. Présences françaises à Berlin au temps de la république de Weimar, Paris, 2005, p. 142.

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Dès 1946, l’idée d’une « Maison de France » existe. Le général Noiret suggère de la nommer « Club français ».5 Cette même année, le général Koenig demande la création d’une « Maison de France » pour faire connaître la culture française aux Alliés et aux Allemands.6 Dès lors, le général Noiret contacte le lieutenant général britannique Robertson et lui fait part de ce projet qui s’inspire de la maison britannique située Schlueterstrasse 45.7 Il exprime le souhait d’obtenir un bâtiment neuf ou à rénover dans le quartier de Charlottenburg, et si possible sur le Kurfürstendamm. Celui-ci doit être suffisamment grand pour abriter une bibliothèque, deux salles de lecture, une salle de projection, des salles d’exposition et des pièces de réception. Un bâtiment situé au n° 211 est proposé par les Britanniques qui le réquisitionnent le 21 octobre 1947 et le remettent aux Français, le général Koenig ayant donné son accord par télégramme le 24 septembre 1947.8 Les commerces qui occupent ce bâtiment sont indemnisés ou transférés au n° 220, dans des bâtiments alors construits en remplacement.9 Ce bien est la propriété de l’État allemand qui l’a acquis en 193810 par adjudication pour la somme de 1.681.000 marks ; aussi, lors de la levée de la réquisition, ce bien devra soit être acheté par la France, soit loué. L’État étant propriétaire, il lui appartient de rénover le bâtiment à ses frais. Alors que le Finanzamt est sollicité, la ville de Berlin refuse de payer la reconstruction d’un immeuble propriété de l’État. Il est donc décidé de financer la reconstruction sur les frais d’occupation. Légalement possible, cette prise en charge des frais de rénovation doit permettre d’obtenir à terme un bail plus avantageux. Le centre culturel français est créé peu après la America Haus et le British information centre. Le projet a différentes orientations : gratuité des cours de français, salle de cinéma de 470 places, qui peut aussi servir à accueillir des pièces de théâtre ou des défilés de mannequins venant présenter la dernière mode parisienne. Il est prévu un café au quatrième étage qui sert des viennoiseries ; le troisième étage accueille des bureaux pour hommes d’affaires français souhaitant s’établir à Berlin. Il est envisagé d’installer un pool de dactylographes avec des machines à écrire et un interprète qui pourront seconder des hommes d’affaires de passage. L’idée est de permettre à cette Maison d’avoir suffisamment de recettes propres pour être financièrement quasi autosuffisante. Une salle d’exposition est prévue ainsi qu’une bi-

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Archives Maison de France (ce fonds est conservé à la Maison de France à Berlin, il n’est ni classé ni public), courrier du général Noiret adressé au Lieutenant Général Robertson le 16 novembre 1946. 6 Archives Maison de France, lettre du général de division R. Noiret au Lieutenant général Sir Brian H Robertson, 16 novembre 1946. 7 Ibid, courrier en date du 16 novembre 1946. 8 Archives Maison de France, télégramme 202/CC/CAC/INF. 9 Archives Maison de France, Note sur la création d’une Maison de France à Berlin, Général Ganeval, 1950. 10 Résolution supplémentaire du Tribunal de première instance de Charlottenburg du 28 juin 1938 (38k.27/38).

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bliothèque. La Maison de France est administrée en 1950 par un conseil d’administration présidé par le chef du gouvernement militaire. En sont membres le conseiller politique du gouvernement militaire, le consul de France et l’attaché commercial français à Berlin. Avant même l’ouverture de la Maison, il est prévu de constituer une société fiduciaire formée par le comité de gestion qui gérera la location du restaurant, des locaux à usage commercial et l’exploitation du cinéma. Une personnalité morale est constituée et le conseil d’administration est transformé en comité de gestion. Comme l’écrit le général Ganeval, « nous pouvons dire aujourd’hui que les activités françaises disposeront au cœur même de Berlin d’un foyer d’une importance et d’un aménagement comme on n’en trouve sans doute guère ailleurs et que la réalisation de cette œuvre n’aura absolument rien coûté à la France ».11 Le coup de Prague en février 1948 accélère la nécessité d’une réconciliation franco-allemande. Le général Ganeval, ancien grand résistant déporté à Buchenwald, en est convaincu. L’année 1949 marque la fin de l’administration directe des quartiers dévolus aux forces d’occupation, soit Wedding et Reinickendorf pour les Français. Leurs bureaux de liaison n’ont plus de raison d’être. La réconciliation avec « l’ennemi héréditaire » devient une priorité. Il faut nouer des contacts avec les élites mais aussi avec le peuple allemand pour éviter une nouvelle guerre entre les deux pays. Ce rapprochement se traduit aussi par l’ouverture d’un petit « centre français » à Reinickendorf dès 1946 ; installé dans une ancienne demeure du NSDAP considérée comme prise de guerre, il sera appelé « Cercle la Bagatelle » et servira de centre culturel accessible aux Allemands dès 1950 ; il deviendra par la suite « Centre culturel de Reinickendorf » plus communément appelé « Centre Bagatelle ». Il faut attendre cependant décembre 1961 pour que le Centre Français de Wedding ouvre ses portes, avec un objectif sensiblement différent de celui de l’Institut français : sa raison d’être est en effet de faire que Français et Allemands échangent et se rencontrent.12 LA MAISON Le bâtiment choisi par les Britanniques et accepté par les Français est une maison construite en 1897 par l’architecte Wilhelm Klopsch dans un style néo-baroque pour être un immeuble de rendement. En 1927–1929, il a été remanié par les frères Hans et Wassili Luckhardt et Alphons Anker dans le style de la Neue Sachlichkeit, créant des parois vitrées au rez-de-chaussée pour des magasins et des balcons en bandes continues.13 L’installation sur le toit de l’enseigne lumineuse Scharlarberg, du nom d’un brandy, lui vaut alors le nom de Haus Scharlarberg. 11 Archives Maison de France, Note sur la création de la Maison de France, Général Ganeval, 1950. 12 Archives du ministère des Affaires étrangères, Centre de La Courneuve (ci-dessous AMAE-La Courneuve), M. Corcelle, Note intitulée « But et histoire du Centre Français de Wedding ». 13 Archives Maison de France, lettre du 28 octobre 1927, Bauakte BWA archiv Bd.5.19.

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Fortement endommagée pendant la guerre – une partie du toit et des étages supérieurs ont été détruits –, la maison accueille au lendemain du conflit un cabaret – le Roxy –, un hôtel, un bar et des commerces. En 1948, l’architecte Hans Semrau est mandaté par les forces françaises pour réaliser la reconstruction du bâtiment. Les travaux sont assurés par la Section Travail du Grand Berlin, service du Gouvernement militaire du Grand Berlin. Le blocus de Berlin (25 juin 1948–12 mai 1949) retarde les travaux et l’ouverture de l’Institut. L’architecte en profite toutefois pour commencer les démolitions et les travaux de mise en sécurité (la façade étant désolidarisée des murs porteurs, elle bougeait de 15 centimètres lors de grands vents). Le bâtiment est très endommagé : les plafonds de bois en solive ont brûlé, il y a d’importantes fissures dans les murs. Dans un premier projet, il était prévu de le raser intégralement. Par souci d’économies, seule la partie la plus endommagée sera effectivement démolie. En février-mars 1949, l’aile du bâtiment donnant sur la Uhlandstrasse est détruite et une structure métallique est utilisée comme squelette, ce qui permet d’installer plus facilement le cinéma avec son balcon. En juin 1949, les plans pour l’aile détruite sont élaborés, les cloisons intérieures sont démolies, les murs extérieurs sont conservés côté Kurfürstendamm pour économiser les matériaux. Pour garantir la stabilité de l’édifice, il est fait appel au professeur de statique Hellmuth Bickenbach de la Technische Universität, qui apporte tout le soin nécessaire à cette tâche. Les travaux bénéficient de l’amélioration de l’approvisionnement en matières premières. Plus de vingt-cinq entreprises allemandes œuvrent sur ce chantier, les ouvriers étant contraints de travailler de 6 à 23 heures en deux équipes. Ils travaillent le soir à la lumière de projecteurs. Le coût du chantier s’élève au total à 2,3 millions de marks ouest. L’architecture extérieure et intérieure est très sobre, sans fioritures, tout en courbe, ce qui deviendra la marque de l’architecture des années 1950. Le rez-dechaussée est entièrement vitré, la lumière occupe une place très importante dans la bâtisse, notamment au rez-de-chaussée et au dernier étage. Le bâtiment apparaît à bien des égards en avance sur son temps.14 Les travaux prennent fin le 13 avril 1950 par une visite officielle de la Maison et du cinéma. La Maison de France est officiellement inaugurée le 21 avril 1950 en présence du général Ganeval qui commande la garnison française à Berlin, du hautcommissaire français pour l’Allemagne André François-Poncet et du maire de Berlin Ernst Reuter. Des tapisseries des Gobelins sont exposées lors de cette inauguration. Le 22 avril 1950, à 16 heures, le cinéma Paris ouvre ses portes à l’invitation du Merkur Filmtheater GmbH et de Prisma Film Verleih. Le film diffusé pour cette inauguration est La beauté du diable de René Clair avec Gérard Philippe, Michel Simon et Nicole Besnard. Il s’agit du premier cinéma à rouvrir à Charlottenburg, avant le Delphi ou le Zoopalast. Fréquenter l’Institut et son cinéma dans les années 1950 est une occasion de se distraire dans un Berlin en ruines, l’Institut étant lui-même entouré de bâtiments

14 Bauheft 1993, n° 40/41.

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détruits. Les Berlinois se rendent alors à l’Institut comme l’on va à une fête, les hommes en costume et les femmes habillées de la plus élégante des façons. Outre le cinéma Paris, qui comprend 435 places et une scène permettant l’organisation de pièces de théâtre, l’Institut accueille une agence « Air France », une agence « France-Voyages » et une librairie française. Au premier étage, il y a une salle d’exposition ; au deuxième étage, l’Institut français proprement dit, avec sa bibliothèque, une salle de conférence et des salles de cours ; au troisième, les bureaux d’une Deutsch-Französische Gesellschaft sont installés ainsi que l’administration de l’Institut et le Bureau d’information pour les rencontres franco-allemandes ; au quatrième, on trouve enfin le restaurant Ile de France, qui présente les spécialités culinaires françaises ainsi que des vins français. Un orchestre divertit agréablement les convives. La cuisine est équipée des matériels les plus modernes. Un bar en S est installé près d’une piste de danse ronde. Le projet initial connaît très vite d’importantes modifications. Dès 1952, le général Carolet souhaite regrouper les services officiels français dans le bâtiment : consulat, mission commerciale, Air France.15 Il souhaite en faire un outil de propagande. À cela s’ajoute le fait que, pour pouvoir bénéficier d’exemption fiscale, le bâtiment ne doit pas abriter d’activités commerciales. Le général propose donc de profiter des congés d’été qui commencent le 15 juillet pour fermer définitivement le restaurant. L’utilisation du rez-de-chaussée évoluera avec le temps, avec notamment l’installation d’une banque en 1975 et du restaurant Le Paris en 1965 (il ferme dans les années 1990 avant de rouvrir en 2011). L’importance de la Maison de France est renforcée à compter d’août 1961 par la construction par le gouvernement est-allemand du « mur de défense antifasciste » qui isole plus encore Berlin-Ouest du reste de l’Allemagne. À la chute du mur, la Maison de France accueille le consulat de France, le poste d’expansion économique, une agence de voyage, une librairie française, une compagnie d’assurance et une banque allemande. L’Institut n’occupe alors que les deuxième et troisième étages. À la création de la Maison de France, la question du statut juridique est pendante : il n’y a de statut que de fait. La question du contrat de location avec l’État allemand n’est pas réglée et plusieurs possibilités sont envisagées : bail de 50 ans, bail emphytéotique – l’exemple de l’Institut de Mayence est évoqué, la municipalité louant la citadelle aux militaires français pour un loyer égal à l’impôt foncier. L’idée de l’achat de la Maison de France est initialement évoquée, un crédit de 333 millions de francs est même prévu en mars 1952 par le ministère des Affaires étrangères (7,14 millions d’euros 2017) pour en permettre l’achat.16 Dans le cadre d’un bail emphytéotique, une clause d’option d’achat est demandée. En attendant un éventuel achat, le budget du ministère des Affaires étrangères et celui du haut-com-

15 Archives Maison de France, courrier du Général Carolet au Sénateur des finances, n°901/SET/52, 10 juillet 1952. 16 AMAE-La Courneuve, Direction du personnel/Service des affaires allemandes et autrichiennes, n°3945/DIR, Bousquet.

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missariat ne sont pas suffisants pour financer le loyer et ce sont les frais d’occupation qui doivent être utilisés à cette fin. L’Institut français est locataire de ses espaces : jusqu’en 1990, il paie le loyer du quatrième étage, le gouvernement militaire français de Berlin payant le reste du loyer sur le budget des frais d’occupation et de dépenses imposées (FODI). Ces locaux sont loués au Sénat de Berlin. Le gouvernement militaire français de Berlin cesse d’exister le 3 octobre 1990, date de l’unification allemande et de l’abrogation du statut d’occupation de Berlin.17 À compter de cette date, l’Institut doit payer pour les trois étages qu’il occupe. Finalement, la Maison de France est « achetée » pour 60 millions de marks en 1991 (31,16 millions d’euros 2017). Le paiement est alors effectué par l’annulation de frais d’occupation non réglés par les Allemands (en échange de la Maison de France et de la villa du ministre-conseiller Mohrungerstrasse). 25 AOÛT 1983 : L’ATTENTAT Le 25 août 1983, vers 11h30, cinq kilogrammes d’explosifs sont déposés au quatrième étage de l’Institut, dans les toilettes du ciné-club situées dans l’aile du bâtiment donnant sur l’Uhlandstrasse. Le plancher s’effondre alors sur le troisième étage où se trouve la salle d’attente du consulat de France. Une délégation de pacifistes est présente ce jour-là, « jeunes pour la paix », menée par Michael Haritz, espoir du cyclisme allemand âgé de 26 ans. Ce dernier est tué dans l’attentat et vingt-trois personnes sont blessées. Michael Haritz était venu au consulat pour déposer une pétition demandant l’arrêt des essais nucléaires français. Depuis l’attentat du 15 juillet 1983 à Orly, la Maison de France était menacée. L’annonce de l’attentat n’est donc pas une surprise, la Maison étant particulièrement surveillée par la police berlinoise. À cette époque, le bâtiment est en rénovation et des échafaudages sont apposés sur la façade. L’explosion projette des ouvriers au bas de l’échafaudage. La charge d’explosif était suffisante pour détruire le bâtiment. Dans les faits, il est partiellement détruit au niveau des troisième et quatrième étages. La salle de spectacle est touchée ainsi que l’escalier. Lors de la reconstruction du bâtiment après-guerre, l’aile sur l’Uhlandstrasse avait été rasée et un squelette en métal installé pour porter la structure. La bombe a été posée sur la jonction de deux poutres métalliques, ce qui a amorti l’explosion et sauvé le bâtiment. Cet attentat est d’abord revendiqué par l’Armée Secrète de Libération de l’Arménie (ASALA). Cette piste est toutefois rapidement abandonnée, l’attentat étant le fait du terroriste Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, qui cherche à faire pression pour libérer sa compagne Magdalena Kopp, arrêtée à Paris le 16 février 1982 avec le terroriste Bruno Bréguet. Le bras droit de Carlos, l’Allemand Johannes Weinrich, s’était rendu plus tôt en Syrie pour chercher des explosifs. Il avait été arrêté en 1982 à l’aéroport de Schönefeld, en RDA, en possession de 24 kilogrammes d’explosifs,

17 Archives Maison de France, note 49/IF-JES/HM 24/01/1991.

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alors confisqués. Titulaire d’un passeport diplomatique syrien, il n’avait toutefois pas été davantage inquiété. En 1983, le major Helmut Voigt, officier du bureau de la Stasi chargé des relations avec les groupes terroristes, lui avait remis les explosifs confisqués dans un hôtel de l’Alexanderplatz. Les explosifs avaient été ensuite transférés à Berlin-Ouest via un véhicule diplomatique libyen et remis à un jeune Libanais qui les déposa au quatrième étage de la Maison de France. Les services secrets français et allemands coopèrent pour trouver les responsables. Helmut Voigt est arrêté en Grèce en septembre 1992. Il est condamné le 11 avril 1994 à quatre ans de prison. Il a cependant toujours refusé de répondre aux questions les plus importantes.18 Savait-il ce que préparait Weinrich ? Comment un simple major de la Stasi peut-il sortir des explosifs des réserves sans que la hiérarchie ne soit prévenue ? Qui lui a donné l’ordre de remettre les explosifs ? Erich Mielke, le chef de la Stasi, était-il au courant ? Erich Honecker savait-il ? Johannes Weinrich est arrêté au Yémen le 4 juin 1995. Il est condamné le 17 janvier 2000 à la prison à vie. Carlos est enlevé par la Direction de la surveillance du territoire (DST) à Khartoum le 14 août 1994. Il est incarcéré depuis et condamné à de multiples longues peines pour ses différents attentats. Il a revendiqué en novembre 2011 l’attentat contre la Maison de France, pour lequel il n’a pas encore été jugé. Après cet attentat, les locaux de l’Institut sont installés temporairement Ludwigkirchstrasse 3 ; certains services sont transférés au Centre Français de Wedding ; le consulat général est installé Stauffenbergstraße. Faute de place, une partie des collections de la médiathèque est entreposée dans des baraques situées près des pistes de l’aéroport militaire de Tegel. Après deux années de travaux, l’Institut rouvre officiellement ses portes le 10 octobre 1985, avec la venue de François Mitterrand, alors accompagné d’Helmut Kohl. La présence de ce dernier fut l’objet d’intenses négociations, le chancelier allemand ne pouvant pas être officiellement à Berlin, ville qui ne faisait pas partie de la RFA. Le chancelier était offensif sur le dossier de Berlin et voulait montrer que Berlin était l’Allemagne, mais la France ne voulait pas se mettre à dos le gouvernement est-allemand et les Soviétiques. La visite du président Mitterrand accompagné du chancelier allemand, invité finalement à titre privé, fut donc un grand moment d’équilibrisme diplomatique. LE CLASSEMENT AU REGISTRE DES MONUMENTS HISTORIQUES En 1993, la Maison de France est classée monument historique. Elle devient le millième monument historique de Berlin. Il s’agit d’une reconnaissance de son importance historique selon l’article 1§2 de la loi berlinoise sur les monuments historiques. Son inauguration dans l’immédiat après-guerre fut un geste de réconciliation vis-à-vis de l’Allemagne et un évènement important pour la ville de Berlin.

18 Film documentaire Maison de France, réalisé par Stefan Suchalla, SWR/RBB, 2003.

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Son importance historique se mesure à la fois par son rôle dans les relations culturelles franco-allemandes et par son architecture novatrice qui en fait un bâtiment significatif de l’après-guerre. C’est un bâtiment unique, représentatif d’une architecture qui commence tout juste à être étudiée. La Maison de France a laissé une empreinte notable dans le paysage urbain par sa dimension et par sa situation géographique sur le Kurfürstendamm. Le bâtiment marque la ville de sa présence et est devenu un des éléments de son identité. Pour toutes ces raisons, la préservation de ce bâtiment est importante pour la ville de Berlin. La Maison de France est un des symboles forts de la relation qui existe depuis plus de 300 ans entre la France, Berlin et le Brandebourg. LA RÉUNIFICATION BERLINOISE Avant même la réunification de la ville, la question de la coexistence de plusieurs instituts à Berlin est posée, y compris par le sénateur à la Culture de Berlin qui souhaite en 1990 que les deux institutions restent, avec un partage des rôles entre une implantation axée sur la culture et une autre sur l’enseignement. Le développement culturel de la ville réunifiée est déjà annoncé et anticipé, les autorités s’attendent à ce que Berlin devienne une capitale culturelle de premier plan. Le Centre culturel français de Berlin-Est, ouvert en 1984, bénéficiait de quatre fois plus de subventions publiques que celui de l’Ouest. Seul centre culturel occidental en RDA, il avait une action politique, était la vitrine de la France et devait présenter ce qui se faisait de mieux. Le dispositif culturel berlinois était complété par le Centre français de Wedding qui dépendait directement du gouvernement militaire français et avait pour mission de rayonner sur Wedding, et par le « Centre Bagatelle » à Reinickendorf. La réunification a également posé des problèmes juridiques. Les agents de droit local (ADL) de l’Institut à l’Ouest étaient engagés par une lettre d’engagement de droit allemand. À l’Est, tous les enseignants étaient mensualisés, à l’Ouest ils étaient vacataires. Quel avenir pour les agents payés par le Gouvernement militaire français ? Quelle visibilité pour la culture française à Berlin avec des budgets réduits ? Le directeur du Centre culturel français de RDA, Dominique Paillarse, quitte ses fonctions en 1991. Il est alors remplacé par Bernard Genton, qui prend également la tête de l’Institut à Berlin-Ouest. La question du devenir des deux institutions se pose alors : peut-on garder deux sites avec des activités identiques. Un site peutil être consacré uniquement aux cours, l’autre à la culture ? Il y a derrière cela des enjeux d’abord financiers. Le Centre culturel à Berlin-Est est installé sur trois parcelles de terrain qui doivent être bientôt rétrocédées à leur propriétaire d’avantguerre. La décision est finalement prise : en septembre 1995, il ferme définitivement ses portes. Ses personnels sont transférés à la Maison de France, certains y sont toujours en poste actuellement. Pour garder une assise à l’Est, il est décidé en compensation de louer des salles de cours dans les Hackesche Höfe à Mitte (entre 1996 et 1999), ce qui explique pourquoi le nom de l’Institut français a longtemps

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été inscrit sur le tableau situé dans l’entrée de ces vastes cours intérieures. Mais cette expérience ne dure pas et l’ensemble des cours de français sont déplacés Schustehrusstrasse 419, près du château de Charlottenburg, dans un collège en activité à l’été 1999. Au début des années 1990, l’ambassade de France était installée à Bonn. La question de la reconstruction de l’ancienne ambassade de France à Berlin, implantée avant-guerre près de la porte de Brandebourg, s’est rapidement posée. Il a existé plusieurs options, dont celle de racheter les locaux de l’ambassade de France en RDA situés sur l’avenue Unter den Linden. Cette option, soutenue par de nombreux diplomates, y compris l’ambassadeur en poste entre 1986 et 1992 Serge Boidevaix, n’a pas été retenue et le site de l’ambassade de France n’a pas été acquis bien que le prix demandé fût raisonnable. L’option choisie fut d’agrandir le terrain de l’ambassade d’avant-guerre sur la Pariser Platz et d’acquérir une parcelle de terrain donnant une ouverture sur la Wilhelmstrasse. Dans ce projet initial, l’Institut français devait disposer de locaux pour ouvrir une antenne dans l’ambassade. Il a souvent été dit que le projet de la nouvelle ambassade prévoyait la fermeture et le transfert de l’Institut ; c’est inexact, l’Institut devait pouvoir y développer une activité culturelle en plus de celle existant sur le Kurfürstendamm. LA PROGRAMMATION DE L’INSTITUT DANS LES ANNÉES 1950–1980 Dès son inauguration l’Institut a fourni une activité riche, dans une ville isolée, avec une programmation cinématographique grand public et la venue de nombreux artistes de renom : Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Evgen Bavcar, Gisèle Freund, René Clair, le commandant Cousteau, Georges Conchon, etc. Toutes les disciplines artistiques y ont été présentées. Le bâtiment a été lui-même un acteur de la vie culturelle berlinoise : il figure par exemple en arrière-plan dans une scène du film Les Ailes du désir de Wim Wenders. Depuis son ouverture en 1950, la vie de l’Institut a été rythmée par une programmation culturelle d’avant-garde. En littérature par exemple, le Nouveau roman, à peine connu en France, était déjà présenté à Berlin. La poésie fut également bien représentée. Aimé Césaire fut ainsi invité en 1964 à donner une conférence sur « le mythe dans la poésie noire ». Il y eut par ailleurs, durant la Guerre froide, des expositions de prestige qu’il serait difficile d’organiser actuellement, comme celles sur Raoul Dufy ou Jean Cocteau. Les conférences eurent lieu indifféremment en français ou en allemand et abordèrent des thèmes très variés – de la littérature contemporaine aux centrales nucléaires ou à l’agriculture française. Il s’agissait avant tout de présenter la société française sous de multiples aspects, qu’ils fussent techniques, scientifiques ou culturels. Le cinéma Paris, en gestion privée, n’a jamais présenté exclusivement des films français, ce qui a pu agacer certains Français se plaignant du fait qu’il n’y avait pas

19 Les cours Schuestehrusstrasse prendront fin en 2002.

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assez de films hexagonaux. Mais ce cinéma devait et doit encore aujourd’hui être rentable pour exister (ce qui implique de diffuser des films qui ont du succès quelle que soit leur nationalité). Cette question de la diffusion de films français est toujours d’actualité en 2017 et il reste des spectateurs qui se plaignent d’une programmation insuffisamment francophone ; elle l’est actuellement à hauteur de 30 à 40%. L’Institut dispense également depuis ses débuts des cours de français. Au début des années 1950, ces cours totalisent entre 1400 et 2000 inscriptions annuelles, chiffre qui reste relativement stable et que l’on constate encore actuellement. En 2016, l’Institut a enregistré ainsi 2009 inscriptions pour 1503 élèves différents, dont 54 % de nouveaux inscrits. Dans les années 1960, il a organisé également des cours à l’Université et dans les Volkshochschule de Berlin (dans 9 des 12 Volkshochschule). Il rayonnait ainsi dans toute la ville et non sur le seul quartier de Charlottenburg. Des cours de français étaient donnés aussi bien à l’ouest qu’au-delà du mur, au Centre culturel français de Berlin-Est. 619 cours y furent dispensés entre 1988 et 1994, et 335 aux Hackesche Höfe entre 1996 et 1999. Le public de l’Institut français de Berlin-Est était assez hétérogène. Les cours étaient très fréquentés malgré un prix élevé, de 80 à 110 marks-est par session. C’était avant tout un public curieux, cultivé issu de la classe moyenne. Le public actuel de l’Institut français de Berlin est quant à lui un public jeune, majoritairement féminin, qui apprend le français pour des raisons surtout professionnelles. C’est un public exigeant qui préfère apprendre à l’Institut plutôt que dans les Volkshochschule, la marque « Institut français » étant un gage de qualité pour les apprenants. LA MAISON DE FRANCE DEPUIS 2008 Cette Maison est un des symboles des relations culturelles entre la France et l’Allemagne. Depuis sa création, l’histoire de cet édifice a été faite de hauts et de bas : la Maison a abrité des commerces privés, des services de l’ambassade, elle a été victime d’un attentat, sur-occupée lors du déménagement de l’ambassade de Bonn vers Berlin puis laissée partiellement en déshérence. C’est une institution vivante qui change continuellement et il est difficile de retracer son évolution. Elle a été dirigée par quinze directeurs successifs depuis 1950.20 L’installation en 2002 de l’ambassade de France à Berlin a entrainé l’arrivée du service culturel et un transfert de certains services vers la Pariser Platz. Dès lors, une présence sur le Kurfürstendamm a pu paraître superflue, le service culturel assurant le rôle de la promotion de la culture française. Au début des années 2000, les

20 Les directeurs de l’Institut français de Berlin ont été tour à tour : Henri Grange (1950–1952), Jean Neurohr (1952–1958), Maurice Besset (1958–1960), Alain Frechet (1960–1966), Georges Mathey (1966–1973), Claude Trochu (1973–1978), Philippe Magère (1978–1987), Bernard Falga (1987–1990), Bernard Genton (1990–1994), Jean-Louis Leprêtre (1994–1998), Jean-Luc Goester (1998–2000), Marc Nouschi (2000–2004), Jean-Claude Crespy (2004–2008), Carine Delplanque (2008–2012), Fabrice Gabriel (2012–2017).

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cours de français se situaient dans la fourchette basse et les charges de fonctionnement étaient disproportionnées. La question de l’utilité de cette Maison sous-occupée et onéreuse pouvait être posée. Mais, à partir de 2008, la Maison de France connaît un nouveau souffle, après avoir bénéficié d’une rénovation complète qui a redonné vie à ses espaces. Parallèlement, ses finances sont assainies et ses cours connaissent un important développement. En 2017, elle accueille un restaurant, une épicerie fine, un cinéma, différentes entreprises installées aux troisième et quatrième étages ; l’antenne d’un journal spécialisé dans la musique classique, une agence artistique et une représentation de l’école de commerce HEC. L’Institut français dispose de plus de la moitié de la superficie totale des 4000 m2 du bâtiment. Il comprend des salles de cours, une salle de spectacle d’environ 180 places où il offre une programmation dans toutes les disciplines culturelles, une médiathèque de 450 m², une galerie d’exposition et des bureaux. Le déménagement de l’ambassade de France de Bonn à Berlin à l’été 1999 a entraîné le regroupement des bureaux spécialisés. Le bureau du cinéma, installé auparavant à Munich, a déménagé à Berlin au 1er janvier 2001 avant de fermer en 2009 ; il était le descendant direct du service cinéma qui, dans les années 1950, était installé dans les locaux de l’Institut français de Mayence, avant de devenir le CICIM. Le bureau de la musique, installé à Cologne, a été rapatrié à Berlin en 2001, tout d’abord dans des locaux en location près de la Senefelderplatz à Berlin-Est, avant de rejoindre la Maison de France. Le bureau des arts plastiques, situé à Cologne, rejoint l’Institut français la même année. Le bureau du théâtre et de la danse ainsi que le bureau des arts plastiques sont transférés dans les locaux de l’ambassade de France à l’été 2014. Depuis cette date, seul le bureau Export de la musique française (plus communément appelé Burex) est encore présent sur le Kurfürstendamm. La reconnaissance de la responsabilité de la France dans la Shoah a entrainé la création de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). Cette structure s’est d’abord installée dans la Maison de France avant de rejoindre les locaux de l’ambassade en 2010. Il en est de même pour l’agence comptable des établissements culturels. Le Centre d’information et de documentation universitaire (CIDU), créé en 1997, devenu en 2009 Studieren in Frankreich avant d’être rattaché au réseau Campus France, dont il prend l’appellation en 2013, est toujours installé dans la Maison de France. L’Institut français de Berlin bénéficie de cette centralisation des services culturels français à Berlin. Nombre d’artistes fréquentent l’établissement, que ce soit des acteurs, des écrivains, des réalisateurs, chorégraphes ou artistes plasticiens. Nous pouvons citer pêle-mêle : Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Vincent Lindon, Yolande Moreau, Catherine Frot, Louise Bourgoin, Juliette Binoche, Ludivine Sagnier, Diane Kruger, Daniel Brühl, Alexandra Maria Lara, Claude Chabrol, Bertrand Tavernier, Françoise Fabian, Bernadette Lafont, etc. La liste des artistes français et francophones, mais aussi allemands, qui se sont rendus dans ses locaux est infinie – nous pourrions aussi bien citer Imre Kertész ou Volker Schlöndorff.

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CONCLUSION Décider dans l’immédiat après-guerre de créer des instituts et centres culturels français en Allemagne demandait un grand courage humain et politique ainsi qu’une vision sur le long terme. Dans chaque ville où ils furent installés, ces instituts ont inlassablement travaillé au rapprochement des deux nations. À l’heure du tout numérique, il ne faut pas croire que ces institutions soient obsolètes. Bien au contraire. Dans un monde dématérialisé, le contact humain a repris une importance considérable. Dans une Europe en proie à des doutes importants et qui doit faire face à des défis identitaires, les instituts français sont des acteurs de la compréhension entre les peuples. La Maison de France, par son histoire et son importance dans Berlin, joue un rôle de tout premier plan dans la construction de cette mémoire commune. Il ne faut pas juger d’une telle institution sur un unique moment, lors d’une visite ; il faut la vivre au quotidien, la mettre en perspective et regarder son action sur le long terme. Il appartient aux directeurs et secrétaires généraux nommés dans cette Maison de l’entretenir, de la préserver, de la développer, mais aussi de l’inscrire dans son histoire politique et culturelle. Cette institution est un acteur à part entière des actions de coopération franco-allemande ; elle en est le symbole, la vitrine ; il est primordial de la valoriser et de la développer. Pour ce faire, il faut travailler à préserver ses archives et à en constituer de nouvelles. Il est du reste assez étonnant de constater qu’il n’y a pas d’archives photographiques ou filmées dans la Maison de France, qu’il n’y a pas non plus de livre d’or, sachant qu’il y en avait toujours dans les années 1950 et qu’ils peuvent contenir des trésors – j’en veux pour exemple l’Institut français de Hambourg dont les livres d’or recèlent des dédicaces exceptionnelles, tel un dessin original de Jean Cocteau ou une partition inédite d’Olivier Messiaen. Il est important de conserver des traces et de valoriser la venue des artistes, c’est un combat capital pour ces établissements qui ne vivent que par et pour l’action culturelle qui constitue leur ADN. Si l’Institut avait gardé trace du passage de chaque artiste dans ses murs, il aurait une collection d’une valeur inestimable qui pourrait à elle seule faire l’objet d’une exposition. Malheureusement, les directeurs ne sont pas responsabilisés et évalués sur cette question, ils changent tous les quatre ans et avec eux une part de l’histoire de l’Institut s’en va. La Maison de France, avec ses 110 mètres de façade sur le Kurfürstendamm et la Uhlandstrasse, est le dernier centre culturel présent sur ce boulevard, copie berlinoise des Champs Élysées. Elle est à la fois le témoignage de la renaissance culturelle de la ville, de la présence séculaire de la communauté française et des militaires qui sont passés du statut de force d’occupation à force de protection pendant la Guerre froide. Après la réunification, le centre artistique, économique, politique s’est déplacé vers l’Est mais l’Institut français est resté en place. Depuis 2012–

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2013, un mouvement inverse se produit : des grandes marques s’installent à nouveau sur le Kurfürstendamm21 et de nombreuses galeries viennent s’implanter à Charlottenburg. Avec son restaurant français, son épicerie fine, son cinéma, sa salle de spectacle, sa médiathèque, sa galerie, la Maison de France est une formidable vitrine sur la France. Elle accueille aujourd’hui plus de 200 000 visiteurs par an, et ce chiffre augmente d’année en année. C’est un outil au service de la politique culturelle française aux coûts de fonctionnement très raisonnables, lieu unique où Français et Allemands peuvent se rencontrer et échanger. Il importe de la conserver, de la valoriser, de continuer son histoire et d’en garder trace. Ce serait là perpétuer l’action entreprise par des généraux français dans l’immédiat après-guerre. Il est du reste remarquable que ce soit des militaires qui aient compris dès 1946 l’importance et le rôle politique que peut jouer la culture. À défaut de faire mieux qu’eux, il appartient aujourd’hui à leurs successeurs de faire au moins aussi bien. ZUSAMMENFASSUNG Der französische Spaziergänger, der den Kurfürstendamm in Berlin entlangschlendert, erlebt an der Ecke zur Uhlandstraße eine Überraschung, wenn er ein beeindruckendes Gebäude erblickt, an dem die Farben der Trikolore leuchten und auf dessen Fassade eine Tafel unmissverständlich den Namen des Hauses bezeichnet: „Maison de France“. Diese Präsenz überrascht denjenigen, der die Geschichte Berlins und die Umbrüche der Stadt nicht kennt. Als Zeugnis der reichen französisch-berlinerischen Geschichte wäre dieses Haus beinahe am 22. April 2013 verschwunden, als nämlich am Tag nach dem 63. Jubiläum der „Maison de France“ der geplante Verkauf in der deutschen und französischen Presse verkündet wurde. Diese Nachricht sorgte für Wirbel, sowohl auf französischer als auch auf deutscher Seite, und aufgrund von zahlreichen Protesten wurde dieser Plan im Januar des darauffolgenden Jahres begraben. Doch warum sind die Berliner 24 Jahre nach dem Fall der Mauer und neun Jahre nach dem Abzug der letzten französischen Soldaten für dieses Haus auf die Barrikaden gegangen? Wie kommt es, dass Frankreich ein wichtiges Schaufenster an der Hauptschlagader in Ost-Berlin besitzt und nicht in der französischen Besatzungszone, in Reinickendorf oder Wedding? Diese Geschichte beginnt nach dem Ende des Ersten Weltkriegs: Zur Völkerversöhnung hatten der deutsche Kanzler Stresemann und der französische Außenminister Aristide Briand entschieden, ein akademisches Haus zu gründen, das seine Türen im Jahre 1930 eröffnete und das der Vorläufer der „Maison de France“ wurde. Unmittelbar nach dem Krieg ist die französische Kulturpräsenz mitten in Berlin Sache von französischen, die in Berlin stationierte französische Militärregierung

21 Bâtiment amiral Apple, magasin Hugo Boss, hôtel Waldorf Astoria, etc.

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befehligenden Generälen und des General Koenig. Neben den in ihrer Besatzungszone in Frohnau und Wedding durchgeführten Aktionen, lag den Offizieren daran, an der renommiertesten Straße in Berlin einen Stammplatz für Frankreich zu sichern. In diesem Gebäude sollte die Sprache vermittelt werden, französische Kultur und Lebensart, sowie französische Unternehmen, die in Berlin eine Firma gründen wollten, gefördert werden. 1984 sollte ein französisches Kulturzentrum in Ost-Berlin die französische Präsenz stärken. Nach dem Mauerfall wurde dieses Zentrum geschlossen und nur das Institut Français auf dem Ku’damm blieb erhalten. Der Umzug der Französischen Botschaft von Bonn nach Berlin im Jahre 1999 und die Einweihung der neuen Botschaft in 2002 haben dann starke Auswirkungen auf das Leben der Maison de France, die nach langen Jahren mit vielen Schwierigkeiten neue Zustimmung von allen Seiten erfährt. ABSTRACT The French passer-by walking along Kurfürstendamm avenue in Berlin will be surprised to see a magnificent building decorated with the colors of the French flag at the corner of Uhlandstraße Street. The façade of the building has an explicit sign saying “House of France”. The location of the building seems surprising for those who are ignorant about both the history of Berlin and its ruptures. On 22nd April 2013 this House, a historical testimony of rich bilateral friendship between France and Berlin, was about to disappear after the announcement by the German and French media that the house was for sale, on the next day, its 63rd anniversary. The announcement provoked a number of protests among French and German civilians who finally managed to postpone the sale of the House until the following January. Why did citizens of Berlin show a sudden interest in saving the building, twenty-four years after the fall of the Berlin Wall and nine years after the departure of the last French soldier? How is it possible that France could dispose of such an important window into the main corridor of West Berlin, which is not occupied by the French forces, in Reinickendorf or Wedding? The history begins after the First World War. In 1930, to reconcile our two nations the German Chancellor Stresemann, in collaboration with the French foreign minister Aristide Briand, opened an Academy, the predecessor of the House of France. Immediately after the War the presence of the French culture in the center of Berlin was possible due to the military activity of the French generals who used to govern the French military base in Berlin and also due to the General Koenig. Moreover, actions undertaken in their occupation zones in Frohnau or in Wedding were able to open a window into one of the most prestigious corridors of Berlin for the French. The building was supposed to promote the French language, culture and way of life and to support the French enterprises who wanted to trade in Berlin. In 1984, the French presence was reinforced by the appearance of the French cultural institution in East Berlin. After the fall of the Berlin Wall the institution

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was closed, only the French institution of Kurfürstendamm is still there. Both relocation of the French Embassy in 1999 and the inauguration of the new one in 2002 significantly influenced the functioning of the House of France that, after having survived the most difficult periods, was greeted anew.

SOUVENIRS ET RÉFLEXIONS DE QUATRE AMBASSADEURS DE FRANCE EN ALLEMAGNE

ERINNERUNGEN UND ÜBERLEGUNGEN VON VIER FRANZÖSISCHEN BOTSCHAFTERN IN DEUTSCHLAND

L’EUROPE DE MAASTRICHT : NAISSANCE ET VIEILLISSEMENT Serge Boidevaix, ambassadeur de France à Bonn, 1986–1992 Des trois séjours que j’ai effectués en Allemagne comme diplomate, je retiens essentiellement le dernier entre 1986 et 1992, moins parce que j’étais ambassadeur à Bonn (et Haut-Commissaire à Berlin) que pour les évènements qui ont bouleversé la situation de l’Europe sous l’impulsion de M. Gorbatchev, qui a accompagné la transformation et la fin de l’Union soviétique : la réalisation de l’unité allemande, l’accélération de l’unification de l’Europe, la fin de la Guerre froide qui avait divisé le monde après la Deuxième Guerre mondiale. C’était une nouvelle période de l’histoire. Je n’étais, lors de mon premier séjour en 1951, qu’un modeste stagiaire de l’ENA, à Berlin auprès du Commandement militaire, puis à Bonn auprès du service de presse de l’ambassade et dans les organismes de contrôle du charbon et de l’acier dans la Ruhr. Berlin sortait de son blocus ; l’affrontement américano-soviétique se mettait en place avec la création de l’OTAN ; l’Europe cherchait à s’organiser, mais la méfiance restait la règle, comme en témoigne l’abandon du projet d’armée européenne ; l’Allemagne fédérale naissait avec les Accords de Paris. Au cours du second séjour, entre 1964 et 1969, je retrouvais la France et l’Allemagne engagées dans les complexités européennes du Marché commun en voie d’organisation. L’avenir politique de l’Europe était un objet de querelle, comme en témoigne le rejet du Plan Fouchet remplacé par le Traité franco-allemand de coopération du 22 janvier 1963. La France et l’Allemagne étaient au cœur du projet d’unité européenne sous l’inspiration du général de Gaulle et du Chancelier Adenauer. Je ne m’attendais pas, en arrivant à Bonn, au printemps de 1986, à vivre le grand changement qui mit à l’épreuve le chancelier Kohl et son ministre Hans-Dietrich Genscher et donna une densité particulière aux relations avec la France du Président Mitterrand, qui rassemblera ses réflexions dans un livre très lucide sous le titre De l’Allemagne, de la France, et du ministre des Affaires étrangères Roland Dumas dont les mémoires ont valeur de document historique. Hans-Dietrich Genscher, que je connaissais depuis les années soixante, m’avait dit peu après mon arrivée : « Il y a après 1917 et après 1987. Chacune de ces dates est la marque d’un bouleversement du monde ». Tout a en effet commencé lors du voyage que M. Gorbatchev a effectué à Berlin-Est, le 7 octobre 1989. Après avoir assisté à une parade militaire, le secrétaire du parti communiste soviétique prononça la phrase devenue célèbre : « Wer zu spät kommt, den bestraft das Leben », celui qui arrive trop tard est puni par les forces de la vie. C’était un appel à la réforme de la RDA ; mais les Allemands de la RDA ont compris le message dans sa portée politique et peut être dans sa vraie dimension. Cela voulait dire que les forces soviétiques (il y avait

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quelque 370.000 soldats soviétiques en Allemagne de l’Est) ne tireraient pas. L’effet est immédiat : le 9 octobre, 70.000 Allemands sont dans la rue à Leipzig et le mouvement gagne en ampleur ; bientôt plus d’une centaine de milliers de personnes prennent part aux manifestations. Le 18 octobre, Honecker est relevé de ses fonctions. Egon Krenz prend les commandes. Le 9 novembre, à Berlin, son adjoint Günter Schabowski déclare ouverte la frontière interallemande à Berlin. Des centaines de milliers d’Allemands passent à l’Ouest. Le Mur est tombé. Le peuple a créé l’évènement. Comment apprécier cette révolution ? À Bonn, les relations de l’ambassade de France avec les autorités allemandes étaient confiantes et très denses. Le Chancelier s’y engageait personnellement. Tous les mois, il organisait une soirée musicale avec les jeunes talents du Conservatoire de musique de Bonn et j’étais régulièrement invité avec un petit groupe d’une trentaine de personnalités avec qui c’était l’occasion de parler politique. Des contacts analogues s’étaient établis avec Hans-Dietrich Genscher que je rencontrais régulièrement chez des amis communs. Au-delà de ces conversations, je bénéficiais de l’amitié de Joseph Rovan, professeur à la Sorbonne de civilisation allemande, proche du Chancelier qu’il rencontrait fréquemment et longuement. Je dînais ensuite avec M. Rovan et c’était pour moi une source incomparable pour sentir ce qui préoccupait l’Allemagne. D’autre part, il m’était facile de discuter avec bon nombre de députés puisque j’avais été chargé, lors de mon second séjour, des contacts avec le Parlement et les Länder. À partir de l’automne 1989, le gouvernement allemand prit l’initiative de réunir les trois ambassadeurs occidentaux plusieurs fois par semaine, autour de ministres et sénateurs d’État allemands, pour faire le point sur la situation à l’Est. Cela se passait à l’allemande, très tôt le matin et les discussions étaient parfois surprenantes. Ainsi, lorsque les Allemands ont été informés qu’en Allemagne de l’Est, les Russes démontaient les plaques de ciment de vieilles autoroutes pour les charger sur des camions ou des wagons de chemin de fer, une analyse plus poussée nous convainquit que les militaires russes, loin de préparer une manœuvre inattendue, s’employaient à rapatrier ce qui pouvait les aider à édifier des abris en Russie, en cas de retrait brutal des forces soviétiques. J’ai pris moi-même la mesure de cette désorganisation en raccompagnant, au début de 1990, à travers l’Allemagne de l’Est, en voiture privée, un sénateur français venu en visite à Berlin : au passage à Weimar, nous fûmes soudain entourés de soldats russes, à ma grande inquiétude qui ne dura pas. Ils voulaient simplement essayer de nous vendre du « cognac » du Caucase. Ceci en dit long sur le trouble d’un pays soumis à de nombreuses manifestations et qui pourtant restait calme et ordonné comme peut l’être l’Allemagne. À Berlin, les contacts étaient organisés plus formellement. Chaque mois, l’ambassadeur soviétique, Kotchemassov et les trois ambassadeurs des Puissances qui détenaient des droits à Berlin se recevaient, un par un alternativement, pour un déjeuner. Je discutais aussi avec le Bourgmestre M. Momper, notamment au lendemain de la chute du Mur, avec mes collègues américain et britannique. Une conversation troublée et édifiante. M. Momper s’efforçait de joindre M. Schabowski qui

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avait déclenché le passage du Mur et qui lui proposait une « diversion » à la Potsdamer Platz pour écarter les foules de la Porte de Brandebourg. C’est ce qui eut lieu, mais ce fut une piètre « diversion ». Naturellement, tous ces renseignements valaient par leur transmission à Paris. J’étais en communication constante et confiante avec les collaborateurs du Président et du ministre : Jean-Louis Bianco, Hubert Védrine, Élisabeth Guigou, sans compter Jacques Attali qui venait régulièrement à Bonn pour s’entretenir avec Horst Teltschik, conseiller du Chancelier. Bertrand Dufourcq, alors directeur politique, était chargé de la négociation 2+4. Joëlle Timsit, une collègue et amie de Bonn lors de mon second séjour, s’activait à Berlin-Est. Nous nous comprenions à demi-mot, ce qui était indispensable pour préparer les rencontres entre le Président et le Chancelier qui avaient lieu au moins chaque mois, sans compter les rencontres multiples de Roland Dumas avec Hans-Dietrich Genscher. La relation franco-allemande se fondait sur un échange ininterrompu. L’aide de Joachim Bitterlich, collaborateur du Chancelier et Sarrois francophone, était permanente. Nous formions une unité et parler de l’Europe n’était pas un problème. Les différences d’appréciation, comme sur les frontières, ont été surmontées par ce dialogue amical. Quant à la relation constante avec Paris, elle a été pour moi essentielle. C’est ainsi que les ambassadeurs qui m’ont formé ont agi. C’est la tradition du Quai d’Orsay. Cependant le processus lancé par M. Gorbatchev suivait son cours. À Berlin, les Soviétiques ont tenté de freiner le mouvement en replaçant les évènements sous l’égide des puissances. Ils ont proposé, le 12 décembre, une réunion à Berlin des quatre ambassadeurs en vue de rétablir le rôle des quatre puissances. J’y ai défendu une compétence strictement berlinoise, sans portée panallemande, ce dont M. Genscher me sera gré dans ses mémoires. La négociation a tourné court : ce qui était les discussions des 4+2 est devenu la négociation des 2+4 qui s’imposera, en 1990 à Ottawa, pour élaborer le traité d’union interallemand. La marche vers l’unité prend alors forme dans le temps court. Le Chancelier Kohl et M. Genscher sont à Moscou le 10 février 1990, où M. Gorbatchev leur déclare qu’il appartient aux Allemands de refaire l’unité du pays en souhaitant que celle-ci soit « imbriquée » dans une structure pour l’ensemble de l’Europe. M. Modrow, à Berlin-Est, emboite le pas. À Bonn, le 18 février, il se voit proposer et forcé d’accepter des négociations immédiates pour la création d’une union économique et monétaire. Le 18 mai, le Chancelier crée l’Union économique et monétaire, tandis que la RDA va être absorbée, sans modification de la Constitution de la RFA, par le jeu de l’article 23 qui a permis l’intégration de la Sarre en 1955. Le Chancelier Kohl prend une décision fondamentale en affirmant que le mark-ouest et le markest s’échangeront au taux de 1 pour 1, décision qui touche l’activité économique et conduit le gouvernement de la RFA à créer la Treuhandanstalt chargée de réorganiser l’industrie de la RDA. Un programme d’aide est mis en place ; il permettra bientôt de transférer 200 milliards de marks par an et de poursuivre sur une décennie. L’autre grand changement est celui de l’Europe. La France de Mitterrand unie à l’Allemagne de Kohl sont à la manœuvre. Sur le plan politique, une fois passée la

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période de tension dans les relations franco-allemandes, au début de juin 1990, car Mitterrand exige du Chancelier une déclaration claire sur la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse, tandis que Kohl tergiverse, attentif aux réactions des mouvements de réfugiés en Allemagne, la voie se dégage. L’accord se fait sur l’unification qui sera effective le 3 octobre tandis que parallèlement, la France et la RFA imposent au sommet européen de Dublin, en avril 1990, la mutation des institutions européennes. Il est alors convenu que l’Allemagne réunifiée ne sera pas coupée de l’Europe au-delà de l’Oder et dans cette perspective, la porte s’ouvre à l’élargissement de la Communauté européenne ; il est décidé que l’Allemagne de l’Est sera intégrée à l’Allemagne de l’Ouest automatiquement, sans recourir à une négociation ou à un accord européen ; enfin pour consolider la cohésion de l’unité européenne, on crée une monnaie commune et donc une banque centrale européenne qui verra le jour quelques années plus tard et deviendra l’instrument principal et symbolique de l’unité de l’Europe. Cette révolution considérable prolonge les travaux entrepris par le Président de la Commission Jacques Delors qui avait déjà créé un comité de gouverneurs des banques centrales. Tout est en place pour le Traité de Maastricht, négocié en 1991 et signé en 1992, qui institue l’Euro monnaie unique (et non commune) et fait donc disparaître, à partir de 1998, les monnaies nationales. L’Europe a changé de nature avec le changement de nature de l’Allemagne. Lorsque le 12 septembre 1990, les puissances renoncent à leurs droits sur l’Allemagne dans son ensemble, on mesure l’ampleur des bouleversements qui résultent des initiatives de M. Gorbatchev. L’Allemagne a retrouvé son unité, le Chancelier Kohl dirige la nouvelle puissance allemande au cœur de l’Europe. Le Président Reagan a maintenu l’Allemagne dans l’OTAN sans préciser les choses audelà. De nouvelles règles ont été établies à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), à Paris, le 14 novembre 1990, pour régir la conduite des États d’Europe et en particulier d’Europe de l’Est tandis que l’Union soviétique va laisser la place à la Fédération de Russie. L’Union européenne s’est structurée et a pris une dimension politique, fondée sur sa cohésion monétaire et économique grâce essentiellement à l’action du Président Mitterrand et du Chancelier Kohl. Un quart de siècle s’est écoulé depuis ce changement d’époque. Comment peut-on aujourd’hui juger le nouveau monde issu de ces évènements ? Que penser de l’Europe de Maastricht qui fait l’objet de bien des assauts et de bien des critiques. Trois changements fondamentaux sautent aux yeux. Le premier changement tient à l’élargissement de l’espace européen. L’Union européenne comptait 12 États en 1992. Ils sont 28 en 2016 avant que le RoyaumeUni ne décide le Brexit. C’est un grand problème pour l’Europe sur le plan institutionnel, surtout après l’échec en 2005 du Traité constitutionnel, problème non résolu par le Traité de Lisbonne. Les grands pays ont perdu une partie de leurs postes à la Commission pour faire place aux nouveaux entrants. Mais c’est aussi un problème politique. L’influence allemande s’est accrue ; l’Europe du Centre et de l’Est lui ont apporté des moyens accrus et une main d’œuvre de qualité. Mais les nouveaux membres, tels la Hongrie, la République Tchèque ou la Pologne, prennent dans l’Union européenne ce qu’il y a à prendre sans trop se soucier du reste. D’où

L’Europe de Maastricht : naissance et vieillissement

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les déceptions de Mme Merkel déjà confrontée au problème de l’immigration en provenance du Moyen-Orient et donc potentiellement à la Turquie. Certes, les Allemands avaient pensé en 1994, avec la proposition Lamers-Schäuble, à un noyau dur européen qui revient aujourd’hui dans la discussion avec l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses. Mais les Français n’ont pas suivi. Une autre grande difficulté vient de la manifestation de disparités fondamentales entre la France et l’Allemagne, disparités qui n’existaient pas à l’époque du général de Gaulle, ni à celle du Président Mitterrand. Au moment où se sont créés l’Euro et la Banque centrale européenne, la France et l’Allemagne connaissaient des difficultés économiques et il faudra le sommet d’Amsterdam en 1995 pour renforcer la règle de la limite à 3% du PIB du déficit public. À partir de ce moment vont naître les difficultés entre les deux pays. Dans l’Allemagne réunifiée, le Chancelier Schröder impose les lois Hartz, du nom de l’ancien dirigeant de Volkswagen : les charges sociales sur les entreprises sont réduites, à commencer par les charges salariales. Les charges budgétaires sont diminuées. Ce programme de compétitivité va séparer la France de l’Allemagne : développement des exportations d’un côté, dépérissement de l’industrie de l’autre et au bout du compte, une forme de déclin qui se traduit dans les chiffres : la France avait un commerce extérieur équilibré en 2001–2002 ; il devient ensuite déficitaire. Jusqu’à la situation actuelle avec 250 milliards d’euros d’excédent de l’Allemagne et 45 milliards d’euros de déficit pour la France. Donc naissent des potentiels d’opposition franco-allemande qui risquent de s’accentuer avec les variations des taux d’intérêt qui traduisent le nécessaire ajustement de la Banque centrale européenne. Le rapport Gallois a mis en valeur les risques de disparités franco-allemandes malgré la baisse de l’euro par rapport au dollar. Enfin, l’Europe mise en place à Maastricht souffre de l’absence de progrès en matière de défense. Cette faiblesse se manifeste dans l’insuffisance du budget militaire. Et lorsque Bruxelles a pris l’initiative d’étendre la zone de coopération économique européenne à l’Ukraine, elle a témoigné d’une mauvaise appréciation de la réaction éventuelle de la Fédération de Russie. Dans l’enchainement des évènements qui ont conduit à l’annexion de la Crimée et à l’occupation du Donbass, l’Union européenne a montré ses faiblesses. Au-delà se pose la question de l’analyse que fait l’Europe de la Fédération de Russie, considérée comme un pays européen par tous les grands acteurs de la période de la Guerre froide, y compris le général de Gaulle et non comme un empire asiatique à traiter par une politique d’embargo. Les ambiguïtés qui pèsent sur le rôle de l’OTAN depuis l’élection de M. Trump n’ont fait que compliquer le problème. Le traité franco-allemand de 1963 évoquait une perspective d’action conjointe en matière de Défense et le Président Mitterrand et le Chancelier Kohl avaient donné un certain contenu à cette perspective avec la constitution d’un corps militaire franco-allemand. Les Français et les Allemands peuvent-ils avoir des ambitions communes dans le domaine de la défense ? La question est posée. Elle reste sans réponse claire.

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Peut-on porter un jugement d’ensemble sur les succès, les difficultés et les échecs de l’Europe de Maastricht et du partenariat franco-allemand ? Dans la période d’unification il a été possible de concevoir un destin commun. Avec le temps, les facteurs de dissociation ont joué. L’Europe élargie est amputée à ses deux extrémités, à l’Ouest par le Brexit, à l’Est par les combats en Ukraine et les orientations dissidentes des États de l’Est et des Balkans. Juger du destin de l’ensemble européen revient, sans se montrer pessimiste, à appliquer le raisonnement des logiciens : le changement qui naît du changement est imprévisible. En va-t-il autrement de la relation franco-allemande, créée par le traité de 1963 ? Le plus grand défi des deux pays est de comprendre de manière juste les attentes du partenaire, car la France et l’Allemagne ont des traditions et des volontés différentes. Si cette compréhension reste forte, l’Europe trouvera naturellement sa cohésion, sa raison d’être et sa confiance dans un avenir satisfaisant pour tous.

ENTRETIEN AVEC MME JOËLLE TIMSIT, AMBASSADEURE DE FRANCE À BERLIN-EST (1986–1990)1

Madame Timsit, vous étiez entre 1986 et 1990 ambassadeure de France à BerlinEst. Une première question en guise d’introduction : quels événements vous ont le plus marqué, en dehors de la chute du mur de Berlin, durant ces quatre années ? Si je fais abstraction des 9 et 10 novembre que vous avez déjà évoqués, les événements dont j’aime particulièrement me souvenir, ce sont bien sûr, en tout premier lieu, des images liées à la période juste avant et après la chute du mur : –





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La commémoration, à la résidence, le 14 juillet 1989, du bicentenaire de la révolution française où les membres du bureau politique, dérogeant aux règles traditionnelles posées par le protocole, transforment l’entretien rituel avec l’ambassadeur en une conversation normale et parfaitement détendue face à la piste de danse installée dans le jardin, et n’estiment pas devoir, à la fin de l’entretien, se retirer collectivement et tous ensemble, d’un même mouvement, comme ils le faisaient d’habitude... L’incroyable dîner au Palais de la République le 7 octobre, pour le quarantième anniversaire de la RDA, où sont rassemblés autour de Gorbatchev, Daniel Ortega, Ceausescu, Yasser Arafat et bien d’autres chefs d’État et de gouvernements de pays amis, et où les ambassadeurs conviés assistent à d’étranges mouvements de personnalités invitées, et notamment d’Erich Mielke, d’une table à l’autre ou vers les baies vitrées du Palais, dans une atmosphère si inhabituelle et si tendue que mon voisin, l’ambassadeur de Pologne, me glisse à l’oreille : « Nous assistons au naufrage du Titanic ». Sortie du Palais de la République où avait lieu le dîner, je constate que c’est bien la rumeur des manifestants massés devant le Palais que j’entendais. Quand je serai rentrée à l’ambassade, ceux de mes collaborateurs présents sur les lieux de la manifestation m’informeront de ce qu’ils ont vu, et je me précipiterai le lendemain pour aller interroger mes interlocuteurs de l’Église évangélique. Le concert du matin de Noël 1989 au Schauspielhaus où Leonard Bernstein dirige la IXe Symphonie de Beethoven et où « l’Ode à la joie » fait venir les

Le texte suivant est la version française d’un entretien publié en allemand par le Thüringische Landeszeitung le 5 septembre 2014. La version allemande est consultable sur http://www.tlz.de/ web/zgt/politik/detail/-/specific/So-haben-die-letzten-Botschafter-Frankreichs-und-der-USAin-der-DDR-die-Wende-er–1977234857.

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larmes aux yeux de beaucoup de ceux qui étaient autour de moi – réformateurs gorbatchéviens ou personnalités de la RFA.... –







La nuit de la Saint Sylvestre, après la Chute du mur, où mêlée à la foule, je regardais pour la première fois sur « Unter den Linden » le feu d’artifice de la fin de l’année. Me souvenant des années antérieures où les feux d’artifices tirés des deux parties Est et Ouest de la ville me semblaient chercher à se répondre, je ressentais physiquement l’émotion de cet instant commun. Reste aussi très présente à ma mémoire la visite du Président de la République François Mitterrand en décembre 1989, et notamment ses entretiens et interventions à Leipzig, particulièrement sa rencontre avec les étudiants de l’Université, qui se bousculaient en masse pour entrer dans l’amphithéâtre où devait parler le Président, jusqu’à occuper les marches conduisant à l’estrade sur laquelle il était installé. Je n’oublie pas non plus, bien sûr, mais de manière moins imagée, la rencontre très forte du Président avec le Chef d’orchestre Kurt Masur, celui qui, avec cinq autres personnes dont trois membres des instances locales du parti SED, avait lancé par haut-parleur un appel à la non-violence lors de la manifestation du 9 octobre – appel qui – aux dires de tous, maintenant – avait conduit Egon Krenz à ne pas utiliser la force. Enfin, comment ne pas encore penser aujourd’hui, au passage du Président par l’église St Nicolas et l’église St Thomas, l’une berceau et symbole de toutes les manifestations qui, depuis des mois, partaient de là sous la protection des Pasteurs Fuhrer et Magirius, l’autre où repose Jean-Sébastien Bach et où avait longtemps officié le pasteur Ebeling. J’évoque encore souvent les grands moments de notre action culturelle en RDA, grâce notamment à notre Centre Culturel, seul centre occidental de cette sorte à Berlin-Est et en RDA et pour lequel nous avions tant combattu. Je me bornerai aujourd’hui à citer ceux des événements qui m’ont le plus marquée : le dialogue entre Heiner Müller et Patrice Chéreau ; Roger Planchon, puis Marcel Maréchal à la Volksbühne ; l’accueil enthousiaste fait à Léo Ferré, Georges Moustaki, Gilbert Bécaud, Isabelle Aubret, Anne Sylvestre, lors de leur venue au Centre, et qui bientôt seront également accueillis hors du Centre. Outre sa salle de spectacle, le Centre disposait aussi de possibilités d’exposition, fussent-elles limitées : cette salle a accueilli beaucoup d’expositions de grands photographes (Cartier-Bresson, Man Ray, Doisneau et même Koudelka qui venait d’accéder à la nationalité française et pour lequel nous étions allés jusqu’aux limites de nos possibilités en exposant une ou deux de ses photos de Prague 68). Je ne peux pas mentionner ici tous les philosophes, écrivains, historiens, tous les spécialistes de science politique ou sociologie qui ont parlé au Centre. Je ferai une place à part à ceux qui, avant la Chute du mur, ont porté un message politique : Alfred Grosser en 1987, Serge July en 1988, Alain Minc et Jean

Entretien : Joëlle Timsit, ambassadeure à Berlin-Est

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Daniel en 1989 et, souvenir prégnant pour moi, la venue au Centre le 19 mai 1989 du publiciste Jacques Séguéla, arrivant de Varsovie où il avait participé à la campagne polonaise, le macaron de Solidarnosc au revers de sa veste et offrant ses services à ses auditeurs pour le jour où ils en auraient besoin.... Quel était votre quotidien à Berlin-Est ? Viviez-vous avec votre famille ? Avec qui travailliez-vous à l’ambassade ? En quoi consistait votre activité durant les semaines et les mois avant et après la chute du mur ? Ma situation familiale : une famille géographiquement partagée entre Paris, Toulouse, Braunschweig et Berlin. Mon mari, professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, était présent à Berlin pendant les vacances universitaires ; mon fils, étudiant à l’École Nationale de l’aviation civile, à Toulouse, était en séjour Erasmus à l’Institut aéronautique de Braunschweig en 1989, et pouvait venir à Berlin de temps en temps. Quant à notre ambassade, elle était de taille moyenne, une toute petite équipe était chargée des travaux proprement politiques et travaillait en liaison quasi-quotidienne avec les services culturels et commerciaux. La section consulaire était particulièrement en charge des visas et de la petite communauté française. En ce qui concerne mon travail dans les semaines avant et après le 9 novembre, il n’était pas différent du travail essentiel d’une ambassade : informer le mieux possible sur le pays de résidence ; agir pour les intérêts de la France. Les changements de l’été et de l’automne 89 nous demandaient naturellement de suivre une situation en extrême accélération, c’est-à-dire de prendre le plus de contacts possibles, d’informer Paris au jour le jour, et d’accueillir de plus en plus de visiteurs (personnalités politiques et journalistes de tous bords). Nous n’avions heureusement jamais négligé la société civile et j’avais toujours cherché, lors de leur séjour à Berlin, à faire se rencontrer à l’ambassade les personnalités françaises, quel que soit leur domaine d’activité, avec des interlocuteurs estallemands qui ne représentaient pas seulement les autorités officielles. Les activités du Centre Culturel auxquelles j’avais toujours accordé beaucoup de mon temps m’étaient d’une grande aide sur ce point. J’avais par ailleurs établi des relations avec le Président de l’Académie des sciences sociales, Otto Reinhold, et avec Koziolek, le Directeur de l’Institut de gestion auprès du parti SED, de même que j’avais aussi très vite après mon arrivée à Berlin pris des contacts avec les églises, et particulièrement l’Église évangélique. Naturellement, le choc des départs massifs des Allemands de l’est vers la RFA via la Hongrie et la Tchécoslovaquie et, parallèlement, la véritable « éclosion » de groupes oppositionnels demandaient de l’ambassade un effort continu de renouvellement de ses interlocuteurs. Aviez-vous pressenti avant le 9 novembre que le mur allait tomber ? Non, et en tout cas pas de cette manière, à cette date et dans ces conditions. En revanche, parce que j’avais été, jeune diplomate, en poste à Bonn dans les années

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où s’opérait l’abandon de la doctrine Hallstein, parce que, de retour à Paris, j’avais suivi le grand tournant de l’Ostpolitik de Brandt et traité de tous ses aspects et effets (traités avec Moscou et Varsovie, accord quadripartite sur Berlin et traité fondamental), et parce que j’avais fait carrière au sein de la direction d’Europe du Ministère, les évolutions de la Guerre froide et, dans ce contexte, les données des questions touchant à Berlin et à l’Allemagne dans son ensemble m’étaient familières. Arrivant à Berlin en mai 1986, j’étais convaincue de la force et de la quasiirréversibilité des relations interallemandes. J’étais persuadée que la question allemande trouverait une solution dont, comme beaucoup d’autres, je n’imaginais pas précisément la forme, ni le calendrier. J’étais sûre cependant que le but de l’Ostpolitik – parvenir à la perméabilité du mur – était véritablement en marche (avec des hauts et des bas). C’est pourquoi, après mon arrivée à Berlin, un an après l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev, j’écrivais que Bonn autant que Moscou dominait la scène est-allemande – le deutschemark était presque devenu une seconde monnaie en RDA. Derrière la façade lisse de la stabilité de la RDA, l’on constatait déjà certains frémissements, que nourrissaient l’adroite politique pragmatique de la RFA à l’égard de la RDA, et les effets de l’Acte final d’Helsinki (des effets plus heureux pour la libération des pays de l’Est qu’on ne l’avait espéré au départ à l’Ouest). Mais la nouvelle pensée de Gorbatchev allait conduire à cette véritable mutation de l’été/automne 1989. En effet, malgré des signes précurseurs de la pénétration des idées gorbatchéviennes – les pancartes exhibées lors des Journées de l’Église évangélique de Berlin-Brandebourg en juin 1987, les appels lancés à Gorbatchev, à la Pentecôte 1987, par de jeunes rockers passant devant l’ambassade soviétique sur Unter den Linden et qui tentaient d’aller écouter, de l’Est, face à la Porte de Brandebourg, le concert de rock organisé à l’Ouest devant le Reichstag, les incidents de l’Église de Sion en décembre 1987, les manifestations lors des commémorations en l’honneur de Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg de janvier 1988 et 1989... – malgré tous ces signes, les autorités de la RDA avaient réussi jusqu’au printemps 1989 à contrôler ces "frémissements", en dépit d’une situation économique qui se dégradait de plus en plus. Dans l’arsenal de contrôle, il y avait un recours intensif à la Stasi, l’expulsion vers la RFA des citoyens les plus contestataires, mais aussi l’augmentation très notable des autorisations de visites et de voyages à l’Ouest dont la RDA espérait qu’elles réduiraient la pression des demandes de départ définitif. Mais c’était oublier l’impact des transformations en cours dans les pays voisins. « Dieu nous garde des évolutions en cours en Pologne et en Hongrie ! », s’était exclamé Hans Modrow lorsque j’étais allée le voir à Dresde le 20 avril 1989. Dans ce contexte, deux événements concomitants modifièrent la situation au début de mai 1989 : l’annonce par les Hongrois de la décision de libérer la circulation entre leur pays et l’Autriche et la falsification – qui était la négation de la transparence prônée par Gorbatchev – des résultats des élections communales en RDA le 7 mai – ce qui déclencha les événements de l’été que l’on sait. Le désir de transparence et de réformes sera le moteur des groupes d’opposition, le désir de quitter la RDA s’exprimera à la face du monde, la base même de l’existence de la RDA,

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qui se retrouve face au problème qui l’avait amenée à la construction du mur en 1961, est de fait remise en cause. Avez-vous remarqué des changements dans les rues de Berlin-Est dans les semaines qui ont suivi le 9 novembre ? Si vous voulez parler de la rue et des magasins à Berlin après le 9 novembre – sauf bien entendu tout le long du mur –, le paysage quotidien n’avait pas vraiment changé. Ce n’est que plus tard et particulièrement le dernier jour avant la mise en œuvre de l’Union Économique et Monétaire, le 1er juillet 90, que le changement sera spectaculaire. En tant que germaniste et experte de l’Europe de l’Est, vous vous êtes intéressée tout particulièrement à la scène culturelle et littéraire en RDA. Qu’est-ce qui vous a le plus impressionnée ou fascinée ? En arrivant en RDA, j’étais sûre que je ne comprendrais jamais ce pays si je ne m’intéressais pas de tout près à la manière dont les habitants vivaient. J’ai donc décidé de m’intéresser d’abord à ce que vous appelez la scène culturelle est-allemande. Certains écrivains de la RDA m’ont d’ailleurs beaucoup aidé à comprendre l’histoire de cet État dont les habitants depuis 1933 n’avaient vécu que sous un régime dictatorial : Stephan Hermlin (ancien secrétaire d’Aragon), Christa Wolf, Stephan Heym, Christoph Hein dont j’avais lu avant de partir à Berlin le roman Drachenblut, véritable introduction à la RDA réelle de 1986. Bien entendu, je suis beaucoup allée au théâtre – et pas seulement pour voir des pièces de Brecht, mais aussi parce qu’au fil de ces quatre années, une plus grande liberté de penser pouvait s’exprimer sur scène et qu’il fallait suivre ces évolutions millimétriques. Plaisirs artistique et politique pouvaient d’ailleurs se rencontrer. Je pense bien sûr à mes visites à Leipzig, chez Werner Tubke et Bernhard Heisig dans l’atelier duquel, à l’automne 1986, j’ai vu l’ébauche du portrait qu’il peignait alors du Chancelier Helmut Schmidt. Avez-vous l’impression d’avoir vécu une période « révolutionnaire » ? La situation était révolutionnaire si on entend par révolution le renversement d’un régime. Cette révolution a eu en tout cas un double visage : celui des réfugiés qui, par tous les moyens, voulaient quitter la RDA, celui des groupes oppositionnels ou de ceux des nouveaux partis qui voulaient, pour le réformer, renverser le régime. Certains d’entre eux ont utilisé le mot « révolution » et se sont référés à la révolution allemande réprimée en 1848 et à la Révolution française. Telle est d’ailleurs la trame du discours prononcé à Leipzig pour le vingtième anniversaire du 9 octobre 1989 par l’un des meilleurs orateurs de Bündnis 90, Werner Schulz, alors membre

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du parlement européen. L’ampleur grandissante des manifestations à Leipzig, la tenue de manifestations sur l’ensemble du territoire, le grand rassemblement de près d’un million de personnes à Berlin le 4 novembre montrent bien qu’à la veille de la Chute du mur on était rentré dans une période révolutionnaire qui prendra fin avec les premières élections libres du 18 mars 1990. Votre bureau était situé au numéro 40 sur Unter den Linden. Vous étiez évidemment au contact des 2000 Français environ qui vivaient à l’époque en RDA. Comme vous l’indiquiez, les membres de la communauté française étaient peu nombreux et dispersés sur l’ensemble du territoire de la RDA. Ils étaient tellement heureux d’être réunis à la Résidence chaque année pour la fête nationale que j’avais pris l’habitude de les réunir également, autour d’un film projeté au Centre culturel et d’un buffet, à l’occasion des fêtes de fin d’année. En décembre 1989, à l’invitation du Président de la République, lors de sa venue à Berlin, la communauté française fut à nouveau rassemblée. La grande salle du Centre était bondée, exubérante et enthousiaste et nous croulions sous les bouquets de fleurs apportés par les invités du Président. C’était la fête. Aviez-vous des contacts avec les défenseurs des droits de l’homme en RDA ? Comme je l’ai indiqué plus haut, l’ambassade avait aussitôt noué des relations avec les figures marquantes des groupes oppositionnels – je me bornerai à citer les plus connues : Bärbel Bohley, Jens Reich, Konrad Weiss, Rainer Eppelmann – et aussi avec les membres fondateurs des nouveaux partis. Certains d’entre eux, d’ailleurs, comme Schnur et Böhme, après avoir été des interlocuteurs de dirigeants français ou allemands, se révèleront après quelques mois avoir été manipulés par la Stasi. Quel impact les événements de 1989 ont-ils eu sur les échanges entre l’ambassade et ses partenaires, notamment les autres ambassades ? La Chute du mur n’a en rien modifié les contacts bilatéraux ou multilatéraux de l’ambassade. Quel est le rôle de la diplomatie dans une période comme celle-ci ? C’est peu dire que l’évolution de la RDA nous occupait pleinement. La période la plus délicate a été bien entendu celle où mes collaborateurs ont eu à observer le déroulement des manifestations tant à Leipzig qu’à Berlin. Après la fin de la phase révolutionnaire, l’ambassade a eu, quant à elle, à faciliter l’accès des personnalités des mondes politiques et industriels français aux nouvelles données d’une RDA en marche vers l’unité, ainsi qu’à organiser la venue des

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ministres français des Affaires européennes et de l’Industrie de même qu’elle a contribué à l’organisation de la visite en France, en juin 1990, du premier Premier ministre de la RDA issu d’élections libres, M. de Maizière. Cette période a-t-elle été l’une des plus passionnantes de votre carrière de diplomate ? Avez-vous vécu d’autres moments aussi forts ? Certainement. Ce fut la période la plus passionnante de ma vie professionnelle. Cela m’a conduite à retourner à Paris, d’abord au Ministère, puis, dès mai 1991, au Cabinet du Premier Ministre Édith Cresson comme conseiller diplomatique. En cette qualité, j’ai eu le privilège de participer à la visite, à l’invitation de M. von Weizsäcker, du Président de la République française dans les nouveaux Länder.

BONN 1992–1993 Bertrand Dufourcq, ambassadeur de France à Bonn, 1992–1993 Fin avril 1992, Roland Dumas m’annonce au téléphone que je dois quitter Moscou pour prendre la direction de notre poste à Bonn. Sans délai, sans transition. Sans préparation. Mardi 12 mai je fais ma visite d’adieu à Boris Eltsine. Le samedi suivant je prends mes fonctions à Bad Godesberg. Pouvait-on imaginer ambassades plus différentes ? –



En Russie, un espace gigantesque (neuf fuseaux horaires) où tout voyage oblige à quitter Moscou pendant plusieurs jours, si ce n’est une semaine lorsque l’on se rend à Sakhaline. Un pays multiculturel, dont la situation politique est en ébullition constante : élection de Eltsine à la Présidence de la Fédération de Russie, tentatives désespérées de Gorbatchev pour maitriser la perestroïka, putsch d’août 1991, échec des projets de traités de nouvelle Union, fin de l’URSS en décembre, et premières improvisations de l’ère Eltsine. Une économie totalement désorganisée. Une administration impuissante à gérer une société déboussolée. Dans un tel contexte, et ne serait-ce que pour des raisons linguistiques, l’ambassade joue un rôle essentiel. Elle est le lieu de passage obligé, pour les dirigeants politiques, les fonctionnaires, les hommes d’affaires français qui cherchent à comprendre ce qui se passe, à nouer des contacts avec les bons interlocuteurs. Pour faire recevoir Pierre Bérégovoy, ministre des Finances, par Boris Eltsine, il m’a fallu demander personnellement à M. Gorbatchev d’intervenir auprès de son rival. Ce qu’il a fait (avec succès). Tout est à l’avenant. Mais, dans cette confusion, l’ambassade a une vraie valeur ajoutée. Nous savons par exemple que notre synthèse de presse quotidienne est attendue par tous ceux qui, à Paris, suivent les évènements de Russie. Nos télégrammes sont lus. À Bonn, c’est un autre monde. D’abord un espace géographique restreint où, grâce aux autoroutes sans limitation de vitesse, on peut se permettre de participer à un dîner de banquiers à Francfort, d’aller écouter un concert à Mayence, ou de visiter la Documenta de Kassel en un après-midi. Mais, donnée beaucoup plus importante, c’est, après la décomposition de l’URSS, la réunification de l’Allemagne en action. Réunification ordonnée, où règne la Règle, le prévisible, un pays où la démocratie fonctionne admirablement (il n’est que d’assister aux travaux du Bundestag !), où la presse est d’une grande qualité. Et, pour la France, un pays ami avec lequel s’est créé depuis quarante ans un tissu de relations extrêmement serré dans tous les domaines, politique bien sûr, mais aussi

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économique et culturel, sans parler des relations humaines toujours plus diversifiées. Notre implantation y est considérable. L’ambassade compte plus de deux cents agents (dont un poste commercial pléthorique, qui me parait dès l’abord surdimensionné), un réseau consulaire bien adapté à un pays fédéral et à une communauté française sans graves problèmes, un ensemble d’instituts culturels, de lycées et de centres de recherches sans égal dans le monde (mis à part les États-Unis), à quoi s’ajoutent quelques reliquats de la présence militaire française bien acceptés par la population. Très vite j’ai pu vérifier ce que je savais depuis longtemps, à savoir que les relations politiques se déroulaient directement entre partenaires français et allemands, sans que l’ambassade y joue un rôle autre que de soutien matériel. Le téléphone fonctionnait quasi quotidiennement entre l’Élysée et la Chancellerie, entre les ministres, et entre les conseillers des uns et des autres C’était souvent grâce à nos interlocuteurs allemands que nous apprenions le contenu de ces conversations. Est-ce à dire que l’ambassadeur était totalement déconnecté de la marche des affaires ? Bien sûr que non. Il participait aux rencontres franco-allemandes aux différents niveaux, sommets, réunions ministérielles, que l’ambassade préparait par la rédaction d’un dossier mettant l’accent sur les préoccupations allemandes. Néanmoins, pour éviter la routine des réceptions, des visites de et aux collègues, des remises de décorations, et pour nourrir le dialogue avec l’Auswärtiges Amt, avec les ministères, les parlementaires, la presse, il fallait choisir quelques terrains d’action et y porter prioritairement notre effort. Je choisis les nouveaux Länder et les relations culturelles. Dès mon arrivée, j’avais été frappé par le peu de connaissance que les Français avaient de l’ex-RDA, de la manière dont la population vivait, de son potentiel économique, de ses atouts culturels. À l’inverse, je constatais combien la France était méconnue dans ces régions anciennement sous régime communiste. Je décidai donc de les visiter systématiquement, ce qui me conduisit, entre autres, à Leipzig, Dresde, Halle (d’où Hans-Dietrich Genscher était originaire), Iéna, Magdebourg, Erfurt, Weimar, Schwerin, Rostock, Francfort-sur-l’Oder, et bien sûr Berlin. Dans chaque ville je m’efforçais de nouer contact avec les autorités locales, les Recteurs d’universités, les responsables économiques, les dirigeants de quelques grandes entreprises. Un domaine retenait particulièrement mon attention, celui des privatisations. Elles étaient menées à l’époque par la Treuhandanstalt, une institution que dirigeait à Berlin une femme remarquable, Mme Birgit Breuel. C’est avec elle que fut lancé le projet de reprise par Elf Aquitaine, et plus tard Total, du complexe pétrochimique de Leuna, projet qui aboutira en 1995 à la construction d’une grande raffinerie, et à la prise en charge d’un certain nombre de stations-service de l’ex réseau Minol. D’autres projets, de moindre importance, intéressèrent les investisseurs. J’ai souvenir, notamment, d’avoir inauguré un hôtel Accor à Erfurt.

Bonn 1992–1993

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Au-delà des réalités économiques, les difficultés psychologiques de la réunification étaient bien visibles : un réel complexe d’infériorité dans la population à l’est et parfois une certaine arrogance des Wessis. À cet égard il n’était que de constater la hâte avec laquelle, le vendredi après-midi, les fonctionnaires de l’ouest détachés à l’est souhaitaient regagner Bonn, Francfort ou Stuttgart... On pressentait qu’il faudrait beaucoup de temps avant que la société allemande ne devienne homogène. En matière culturelle, l’effort consista en premier lieu à défendre à Paris notre réseau d’instituts à l’ouest, en recherchant avec nos partenaires allemands des formules innovantes génératrices d’économies. Je pense par exemple à l’insertion de notre institut au sein même de l’université de Sarrebruck (avec l’appui d’Oskar Lafontaine). En second lieu il fallait être présent à l’est : ce fut l’ouverture des instituts de Leipzig, Dresde et Rostock. Des semaines culturelles furent organisées à Potsdam et Halle. Une attention particulière fut portée à l’enseignement du français, en recul. Un jumelage fut créé entre l’université de Nantes et celle de Düsseldorf. Surtout fut créée, en 1992, la chaîne Arte : ses premiers pas furent difficiles. Le Chancelier Kohl considérait – et il le dit devant moi à François Mitterrand – que ses programmes étaient « beaucoup trop sophistiqués ». Ce n’était là que désaccord mineur. À vrai dire, il me semble que la période 1992–1993 que j’ai vécue à Bonn n’a pas connu de grandes tensions dans les relations bilatérales. Certes, « l’affaire yougoslave », c’est-à-dire la reconnaissance unilatérale, et jugée prématurée à Paris, de la Croatie et de la Slovénie par l’Allemagne, avait laissé des traces. Mais le Président français avait choisi délibérément d’éviter une crise franco-allemande à ce sujet : le traité de Maastricht signé le 7 février 1992 était en cours de ratification. Il allait faire l’objet d’un referendum en France en septembre, attendu à Bonn avec inquiétude, et qui fut gagné de justesse. Le trentième anniversaire du Traité de l’Élysée fut célébré dignement. On créa l’Eurocorps. Bref, après l’intense coopération pour l’élaboration du traité de Maastricht qui avait marqué l’année 1992, les relations franco-allemandes évoluaient de manière apaisée, même si chacun était bien conscient que, depuis de la fin de la Guerre froide, un nouvel équilibre était en train de s’établir entre les deux pays. Dernière image : celle de François Mitterrand marchant dans les rues de Berlin, à l’issue du Staatsakt en hommage à Willy Brandt, au cours duquel Claudio Abbado, dirigeant Schubert, avait fait chanter les cordes incomparables de l’Orchestre Philharmonique. La journée réunissait deux grandes figures de l’histoire européenne.

SOUVENIRS D’UNE AMBASSADE RHÉNANE DISPARUE François Scheer, ambassadeur de France à Bonn, 1993–1999

Dans l’avant-propos de ses Souvenirs d’une ambassade à Berlin publiés en 1946, André François-Poncet, qui représenta la France en Allemagne entre 1931 et 1938, note : « ... ce que je pensais personnellement importait peu. Je donnais, de moi-même, mon avis. On ne me le demandait jamais... Les bureaux du Quai d’Orsay tenaient beaucoup à leur privilège de faire la politique étrangère du pays... Il eût été certainement utile de confronter plus souvent nos opinions, comme aussi de renseigner nos postes plus rapidement et plus complétement sur ce qui se passait loin de leurs vues, à Paris, à Genève et à Londres. En fait, j’étais surtout un informateur et un facteur. Je n’avais aucune part à la rédaction des notes que je transmettais à la Wilhelmstrasse. Il n’était pas rare, non plus, que les indiscrétions de la presse parisienne avertissent les autorités allemandes des instructions qui m’étaient adressées avant même que celles-ci ne me parvinssent. C’était, selon moi, des erreurs... Il n’y a pas avantage à faire en sorte que les ambassadeurs ne soient que des préfets de l’extérieur. »1

On trouvera comme un écho lointain de ces remarques désabusées dans le compterendu de mission que je rédigeai en 1999 au terme de cinq années passées dans la capitale de la République fédérale. Évoquant l’existence entre Bonn et Paris d’un « réseau serré de communications qui vit sans le concours actif de l’ambassade », j’ajoutai : « À charge pour l’ambassadeur et ses collaborateurs de recueillir par tous moyens l’information sur la substance de ces échanges, en faisant leur métier de facteur, télégraphiste, sténodactylographe des débats, agent de voyage, chauffeur ou hôtelier-restaurateur... En diplomatie comme en toute chose, il n’y a pas de sot métier ». Je parle bien d’un écho lointain, car je ne pousserai pas davantage la comparaison avec mon illustre prédécesseur. Je ne fais pas là allusion à la montée des périls dont l’Europe était voici 60 ans le théâtre et qui commandait largement l’activité de nos postes diplomatiques, mais plus simplement à la facilité d’accès aux plus hautes autorités allemandes qui échut au « facteur » François-Poncet. Celui-ci était en effet parvenu au cours de ses sept années de présence à Berlin à établir avec le Chancelier du Reich une relation directe, qui lui donna l’occasion de maints entretiens avec Adolf Hitler.

1

André François-Poncet, Souvenirs d'une ambassade à Berlin, Paris, Flammarion, 1946, p. 12– 13.

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Index / Personenregister « J’étais, parmi mes collègues, l’un des rares qui fussent en état de s’entretenir directement avec lui sans le secours de Schmidt, son interprète. Les démarches que j’étais chargé d’accomplir auprès de lui, les cérémonies nombreuses auxquelles le corps diplomatique était régulièrement prié d’assister nous procuraient l’occasion de fréquentes rencontres. Il s’habitua ainsi, peu à peu, à ma présence. Je lui parlais, d’ailleurs, très ouvertement, avec une liberté qui ne lui déplaisait pas. À l’automne de 1936, nous étions en assez bons termes pour qu’il m’invitât à aller déjeuner avec lui en tête-à-tête à son chalet de Berghof, à Berchtesgaden. »2

Nulle gloriole dans ces propos : le plus récent biographe d’Hitler, Volker Ullrich, confirme le sort particulier réservé à « [...] l’ambassadeur de France, l’un des rares diplomates étrangers que le Chancelier appréciait et dont l’avis lui importait »3. Un demi-siècle plus tard, changement complet de décor. En cinq années de présence à Bonn, je n’ai jamais été instruit de demander audience au Chancelier fédéral, ni prié par ce haut personnage de venir le voir, et encore moins conduit à solliciter de ma propre initiative un entretien. À cela une explication fort simple : à la faveur du Traité de l’Elysée (1963), vont s’établir progressivement entre Présidents de la République et Chanceliers fédéraux des relations personnelles, auxquelles les postes diplomatiques n’auront aucune part, cependant que les principaux membres des deux gouvernements, à commencer par les ministres des Affaires étrangères, prendront l’habitude de communiquer directement par tous moyens (téléphone, lettres, fax), sans parler des nombreuses occasions de se rencontrer que leur offrent les réunions des organisations internationales. Mon irruption dans cette intimité eût été jugée incongrue. Hubert Védrine, qui fut un acteur direct de ce système, décrit ainsi dans Les Mondes de François Mitterrand le fonctionnement du moteur franco-allemand à l’époque de la chute du mur : « François Mitterrand va tirer pendant ces mois déterminants le meilleur parti des fortes relations personnelles qu’il a patiemment tissées avec Helmut Kohl depuis sept ans, au fil d’une quarantaine d’entretiens ; sans compter les messages, les correspondances, les conversations téléphoniques, les contacts entre collaborateurs. Phénomène marquant : une grande continuité a régné, à la Présidence de la République comme à la Chancellerie fédérale, pendant ces longues années, au sein des équipes chargées des questions internationales et européennes, permettant que se nouent entre elles des relations personnelles fortes, presque quotidiennes, et que s’effectuent des passages de relais harmonieux... Des habitudes de travail en commun, une mentalité partagée se sont forgées là en même temps que se développaient et s’exprimaient un respect du partenaire et une meilleure compréhension de son approche, de sa marge de manœuvre, de ses possibilités. Alors qu’en règle générale, les « élites » françaises connaissent beaucoup plus mal l’Allemagne que leurs homologues allemandes ne connaissent la France, ces liens se révèlent on ne peut plus précieux au cours de cette période. »4

2 3 4

Ibid., p. 8–9. Volker Ullrich, Adolf Hitler, une biographie, tome I: L'ascension, 1889–1939, Paris, NRF essais, Gallimard, 2017, p. 885. Hubert Védrine, Les Mondes de François Mitterrand, Paris, Fayard, 1996, p. 425–426.

Souvenirs d'une ambassade rhénane disparue

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Ces « élites » françaises désignent-elles particulièrement les « bureaux du Quai d’Orsay » déjà pointés du doigt par André François-Poncet ? Oui et non. La remarque de l’ancien ministre des Affaires étrangères, si elle n’épargne pas lesdits bureaux, est de portée plus générale. Il est de fait que pour diverses raisons, le monde germanique suscite en France moins d’intérêt ou d’attirance que les mondes latin ou anglo-saxon, et qu’à rebours de certaines données historiques, on retrouve la trace de ces inclinations dans nos traditions diplomatiques. La forte emprise de la Présidence de la République sur les affaires allemandes pourrait au surplus ne pas être du goût de certains « bureaux » du Quai, quand bien même n’aurait-elle rien d’exceptionnel dans le fonctionnement institutionnel de la Cinquième République. Toujours est-il que lors de ma réunion d’instructions, qui intervint plus de trois mois après mon installation à Bonn, je perçus comme une hésitation. Pour certains participants, l’évidence d’une relation franco-allemande privilégiée ne paraissait pas mériter d’être posée en postulat. Cette réserve me conduisit à demander que l’on précisât explicitement dans mes instructions que « l’Allemagne restait pour nous un partenaire incontournable » et que « avec la réunification et les bouleversements intervenus en Europe, la relation franco-allemande était devenue encore plus nécessaire pour l’avenir de l’Europe ». Pourquoi cette insistance de ma part ? D’abord parce qu’au gré des quelque trente années de carrière qui avaient précédé mon arrivée en Allemagne, j’avais eu tout loisir de me forger une conviction : dès lors que la construction d’une Europe unie était inscrite au cœur de notre politique extérieure, elle ne pouvait pas ne pas aller de pair avec le développement d’une relation avec l’Allemagne aussi étroite que possible. La déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 l’entendait déjà, et le Traité de l’Élysée l’avait confirmé. À quoi s’ajoutait une évidence, que mes premiers mois à Bonn n’avaient pas contredite, à savoir que les rapports franco-allemands n’étaient pas sortis indemnes des événements survenus depuis 1989, et qu’il n’était donc pas superflu de réaffirmer explicitement la ligne suivie depuis trente ans. Et ceci d’autant plus que rien n’avait jamais été simple dans une relation qui dès l’origine n’allait pas de soi, et que le nouvel état d’une Allemagne redevenue pleinement souveraine ne pouvait pas ne pas rendre plus ardue. Autant ma foi dans une nécessaire entente franco-allemande demeurait-elle intacte au départ de ma mission, autant étais-je sans illusion sur le profil accidenté du parcours qui m’attendait. J’en donnai confirmation en ces termes cinq ans plus tard dans mon rapport de fin de mission : « Voilà deux pays qui, après des siècles de lutte, ont décidé depuis 50 ans de renverser le cours de l’histoire et se sont donné depuis 35 ans les moyens de développer ensemble une grande ambition qui a nom Europe. On voit bien cependant, une fois au cœur de la place, que la compréhension et la confiance que nourrissent l’un à l’égard de l’autre les deux partenaires ne sont pas à la hauteur de ces moyens et de cette ambition. On se voit fréquemment, on s’écrit abondamment, on se téléphone constamment, et pourtant on s’irrite d’un rien, on se soupçonne, on doute, on s’interroge. Et les médias sont toujours prompts à clamer leur conviction

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que la crise couve entre Paris et Bonn, pour peu que le Président de la République et le Chancelier fédéral aient omis durant quelques semaines de prendre contact et de le faire savoir, ou que des propos un peu vifs aient été échangés entre Français et Allemands dans telle enceinte européenne ou internationale ». L’enceinte européenne, j’en venais tout droit. Que de fois au cours des années passées n’avais-je pas été, à la table du Conseil des Communautés européennes, le spectateur ou l’acteur de confrontations franco-allemandes, qui n’avaient pourtant jamais fait obstacle, une fois retombée la fièvre du débat, à la recherche du nécessaire compromis, tant il allait de soi que de l’accord franco-allemand dépendrait la suite des travaux. Rien de tel à Bonn (non plus d’ailleurs qu’à Paris) : hors du chaudron bruxellois, des décennies de mise en œuvre du Traité de l’Elysée n’avaient pas fondamentalement modifié le comportement des administrations nationales, toujours aussi portées à la défense des intérêts nationaux, sans égard particulier pour un partenaire supposé privilégié. Dès lors, ayant pris la mesure du fil direct qui reliait Bonn à Paris, mais dont je n’avais pas la maîtrise, ma mission première s’énonçait en termes simples : mettre en œuvre une veille permanente, destinée en priorité à détecter autant que faire se pouvait les risques de conflit, et se risquer éventuellement à proposer des éléments de solutions, quitte à parler dans le vide. A priori, rien d’original dans cette mission, sinon que l’intensité du rapport francoallemand imposait un qui vive quasi permanent, et un travail d’analyse et d’explication tout entier fondé sur l’idée que le partenaire allemand, si proche fût-il, était d’abord allemand, proche et pourtant tellement autre : une évidence qui ne s’imposait pas d’emblée sur les bords de la Seine. André François-Poncet conte que durant ses années de présence à Berlin, il a entretenu par la voie télégraphique et la valise diplomatique une correspondance quotidienne, dont l’abondance a fait, selon lui, le désespoir du Quai d’Orsay. Nul doute que la situation internationale dans l’entre-deux-guerres pouvait justifier, surtout vu de Berlin, semblable excès. J’ai pour ma part veillé à alimenter très régulièrement, mais en des formes plus concises, les bureaux parisiens en informations et commentaires destinés en priorité à prévenir le malentendu ou l’incompréhension devant tel événement ou telle déclaration de politique intérieure ou extérieure allemande. Je me suis particulièrement attaché à faire passer le bon message au moment opportun, par exemple à la veille d’une rencontre entre le Président de la République et le Chancelier fédéral, ou de la réunion d’un Conseil des Ministres francoallemand, ou de la session d’un Conseil Européen dotée d’un ordre du jour sensible, ou encore lorsque l’Allemagne abordait de grandes échéances électorales. Malgré les risques que je courais en étendant ma communication aux représentants des médias allemands et français, je n’ai jamais cherché à fuir leur contact, m’attachant tout particulièrement dans les moments de tensions entre les deux capitales à en relativiser l’importance. Ces exercices sur la corde raide ne m’ont pas valu que des triomphes : quatre mois après mon arrivée, ayant livré sans détour à des journalistes allemands, et non des moindres, mon sentiment sur les soubresauts de la relation franco-allemande, j’ai entr’aperçu le spectre de l’incident diplomatique. Ce n’était pas la dépêche d’Ems, mais... Jadis, le secret sur toute chose, fut-

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ce sur le vide, était tenu pour la marque de fabrique du parfait diplomate. La règle s’est heureusement assouplie, la compréhension par le grand public des orientations de la politique extérieure d’un pays ne paraissant plus déplacée dans nos démocraties. Cette pratique de la communication diplomatique comportera toujours une part de risque, à la mesure de l’importance que l’on attache à la bonne perception d’une situation complexe. Je n’ai jamais regretté d’avoir emprunté cette voie tout au long de ma carrière. On me l’a parfois reproché. On avait tort. J’ai également saisi toutes les occasions qui m’étaient proposées de prendre la parole devant les publics allemands les plus divers (universités, chambres de commerce, congrès d’associations, sociétés franco-allemandes, cérémonies commémoratives, inaugurations, remises de décorations, etc.) pour développer le thème des relations nouvelles entre l’Allemagne et la France, rappelant leur origine, leurs raisons d’être, leurs lignes de force, leurs variations conjoncturelles, les périls qu’elles couraient. Ayant, pour les besoins de ce retour à mes années bonnoises, récemment feuilleté cette production oratoire, j’ai été frappé par le changement de ton de ces interventions au fil des années, alors même que le thème n’en variait guère. Autant consacrai-je entre 1994 et 1997 l’essentiel de mes propos à une description, parfois détaillée, des rapports entre les deux pays et de l’importance de leurs efforts croisés en faveur de la construction européenne, autant tout au long de l’année 1998 – année où le rythme de mes prises de parole croît de façon sensible – le ton devient-il plus grave, l’expression plus chargée d’interrogations sur le quotidien des relations entre Bonn et Paris et leurs aspérités. L’une ou l’autre fois, je me risque à dire en termes retenus ma préoccupation, s’agissant de tel infléchissement de la politique du gouvernement fédéral, susceptible selon moi de porter préjudice à la bonne marche de notre entente, ou inversement ma crainte de voir à la longue se banaliser les rapports entre les deux peuples, au point de ne plus susciter d’autre sentiment qu’une indifférence partagée. J’ai souvenir que selon l’auditoire, ces propos critiques suscitèrent parfois surprise ou, beaucoup plus rarement, réprobation. Je n’en avais cure, considérant là encore que le temps du parler pour ne rien dire était révolu en diplomatie. Je dois néanmoins reconnaître que du côté de l’Auswärtiges Amt, cette évidence ne faisait pas l’unanimité... On aura compris que cette politique de communication n’était pas réservée au seul public de la capitale et prenait tout naturellement place dans un volet essentiel de ma mission : la prise en compte du principe fédéral. Aucun ambassadeur n’est tenu de passer le plus clair de son temps entre les murs de son ambassade. À plus forte raison dans un pays où le pouvoir politique ne se trouve pas tout entier concentré en un lieu unique. Et si de surcroit le dialogue avec les plus hautes autorités de l’État fédéral ne requiert pas à tous moments les soins empressés de l’ambassadeur, celui-ci a tout loisir de consacrer une part importante de son temps aux entités fédérées, dont le poids dans la conduite du pays, dans un pays de forte tradition fédérale comme l’Allemagne, est loin d’être négligeable. Or le fédéralisme allemand est à l’origine de maints malentendus entre nos deux pays. Rien n’est en effet plus étranger à notre conception de l’État que cette structure fédérale, expression d’une pluralité qui situe l’organisation étatique de l’Allemagne aux antipodes de la

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nôtre. L’ambassadeur de France a donc le devoir d’approcher d’aussi près que possible, pour la bien connaître et la faire connaître, cette complexité allemande, ses 16 Länder et leurs gouvernements, leurs pôles économiques, leurs universités, leurs richesses culturelles et les réseaux que nous y entretenons. Ai-je à peine besoin de souligner l’écart qui, dans ces années de restauration de la puissance allemande, séparait la modeste capitale fédérale, choisie à dessein par Konrad Adenauer, et les grandes métropoles « provinciales » telles que Munich, Francfort, Stuttgart, Düsseldorf ou Hambourg. C’est donc cette quête de l’Allemagne plurielle, sans laquelle rien de ce qui est allemand n’est compréhensible, qui m’a conduit durant cinq années à sillonner le pays en tous sens, le plus souvent à l’invitation des autorités locales. Car c’est bien l’ambassadeur, éventuellement assisté d’un consul général, dont les ministres-présidents des Länder attendent la visite, et c’est à l’ambassadeur qu’il revient bien souvent d’assurer la présence de la France dans nombre de manifestations politiques, économiques ou culturelles à travers le pays. Je mettais naturellement à profit ces déplacements pour rencontrer tel ou tel membre important d’un gouvernement régional, et particulièrement les ministres de l’éducation et de la culture, introuvables au niveau fédéral, les maires de nombreuses cités, les dirigeants de grandes entreprises allemandes et filiales d’entreprises françaises, les présidents de chambres de commerce et d’industrie, les recteurs d’universités, ou encore les rédactions des grands quotidiens et hebdomadaires de la presse allemande, tous « provinciaux ». Et j’ai consacré chaque année de longues heures à la visite des foires et salons de Cologne, Düsseldorf, Francfort, Munich, Hanovre, Berlin (Semaine verte) ou Leipzig, pour des contacts avec les responsables de ces grandes manifestations et avec les exposants français. C’est aussi dans le contexte de cette Allemagne fédérale que se conçoit le mieux la mise en œuvre quotidienne d’une coopération franco-allemande particulièrement dense dans tous les domaines d’activité. Je pense particulièrement à nos réseaux économiques, culturels et scientifiques, dont je me suis efforcé de rendre plus cohérente l’action, en les incitant notamment à prendre davantage en compte les particularités locales. Convaincu que c’est par la culture que l’on parvient le mieux à faire dialoguer des peuples à l’identité affirmée et peu ouverte à l’échange, je me suis particulièrement attaché à préserver autant que faire se pouvait l’existence d’un réseau d’instituts et centres culturels particulièrement dense. Il y avait là, me semblait-il, l’une des clés pour tenir à bonne distance cette menace d’une indifférence partagée que je m’efforçais de conjurer dans mes prises de parole. Cet effort n’a pas été soutenu après mon départ. Je ne commenterai pas. Alors, Bonn, modeste capitale rhénane loin du mur, condamnée à retomber dans un relatif anonymat lorsque s’écroulerait ce mur, quel souvenir prégnant ? D’abord cette modestie qui, malgré le regard condescendant des grandes métropoles – regard condescendant auquel Berlin, ville-monde, n’échappera pas – a permis l’avènement d’une Allemagne enfin démocratique, solidement ancrée dans un fédéralisme de vieille extraction.

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Et non loin de Bonn, la plus prestigieuse des résidences diplomatiques, dont l’ambassadeur de France avait le privilège d’être l’heureux occupant, Ernich et son superbe parc, qui offrait aux visiteurs la plus belle vue sur la vallée du Rhin. Disposer d’une résidence dont la réputation dépassait largement les limites du canton constituait un atout de taille dont j’ai pu, à l’instar de mes prédécesseurs, tirer tout le parti possible en y recevant et y honorant à longueur d’année nombre d’hôtes de toutes origines. J’ai parfois regretté de n’avoir été que le dernier ambassadeur de France à Bonn, tant représenter la France à Berlin, grande métropole européenne, est un honneur. Mais je n’ai jamais regretté, en bon rhénan que je suis, d’avoir eu le bonheur durant cinq années de recevoir au nom de la France à Ernich.

RETOUR A BERLIN : L´AMBASSADE DE FRANCE EN ALLEMAGNE AUJOURD´HUI

© Ambassade de France

INDEX / PERSONENREGISTER Abbado, Claudio, 185 Abetz, Otto, 58, 59, 60, 61, 62, 63 Acheson, Dean, 82 Adenauer, Konrad, 8, 10, 75, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 102, 104, 169, 192 Allizé, Henri, 33 Amé-Leroy, Gaston, 55 Anker, Alphons, 153 Arafat, Yasser, 175 Aragon, Louis, 179 Ardiet, Maurice, 61 Arnold, Karl, 83 Aron, Raymond, 151 Attali, Jacques, 171 Aubret, Isabelle, 176 Auriol, Vincent, 76, 85, 87, 88, 89, 91, 92, 94, 95 Ayrault, Roger, 151 Bach, Johann Sebastian, 176 Bahr, Egon, 122 Bartillat, Charles Jehannot de, 137, 143, 144 Basdevant, Jules, 57 Bavcar, Evgen, 159 Bécaud, Gilbert, 176 Beethoven, Ludwig van, 175 Benoist-Méchin, Jacques, 59, 60, 63 Bérard, Armand, 36, 37, 58, 75, 76, 79, 80, 81, 82, 83, 86, 87, 88, 92, 93, 94, 97, 98 Bérégovoy, Pierre, 183 Bernstein, Leonard, 175 Berzarine, Nicolaï, 67 Besnard, Nicole, 154 Besset, Maurice, 160 Betz, Alfred, 67 Beyens, Eugène-Napoléon, 34 Bianco, Jean-Louis, 171 Bickenbach, Hellmuth, 154 Billy, Robert de, 31 Binoche, Juliette, 161 Bitterlich, Joachim, 105, 171 Blankenhorn, Herbert, 83, 90, 91, 95 Blum, Léon, 62 Bohley, Bärbel, 180 Böhme, Manfred, 180

Boidevaix, Serge, 16, 24, 99, 104, 105, 110, 112, 113, 114, 159, 169, 201 Bonaparte, Napoléon, 142 Bonnet, Henri, 95 Bouglé, Célestin, 39 Bourgoin, Louise, 161 Brandt, Willy, 117, 122, 178, 185 Brecht, Bertolt, 179 Bréguet, Bruno, 156 Breuel, Birgit, 184 Briand, Aristide, 52, 150, 151, 163, 164 Brinon, Fernand de, 59, 62, 65, 66 Brühl, Daniel, 161 Brunet, Jean-Pierre, 71, 99, 104, 105, 106, 107, 109, 142 Bruneton, Gaston, 60, 61, 63, 69, 72, 73 Brunschwig, Henri, 151 Burkard, Thierry, 129 Cambon, Jules, 15, 24, 31, 34, 37 Cannac, René, 151 Carolet, Pierre, 155 Cartier-Bresson, Henri, 176 Ceausescu, Nicolae, 175 Césaire, Aimé, 159 Chabrol, Claude, 161 Chalvron, Bernard de, 125, 126 Chanel, Gabrielle, dite Coco, 39 Chateaubriand, François-René de, 9 Chauvel, Jean, 66 Chéreau, Patrice, 176 Cheysson, Claude, 80, 105 Chirac, Jacques, 114 Churchill, Winston, 77 Clair, René, 154, 159 Clarac, Achille, 137 Claudel, Paul, 39 Clemenceau, Georges, 47 Cocteau, Jean, 159, 162 Conant, James B., 82 Conchon, Georges, 159 Copeau, Pascal, 151 Coulondre, Robert, 57 Cousteau, Jacques-Yves, 159 Couve de Murville, Maurice, 99, 102, 103, 120, 138, 144

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Index / Personenregister

Crespy, Jean-Claude, 160 Cresson, Édith, 181 D’Abernon, Helen, 38 D’Huart, Pierre, 136, 137 D’Ormesson, André Lefèvre, 46, 52, 53, 54, 55 Daniel, Jean, 177 Dard, Émile, 47, 49, 50, 51, 54, 55, 142 Darlan, François, 60 De Gaulle, Charles, 8, 10, 102, 103, 104, 110, 111, 112, 127, 169, 173 De Maizière, Lothar, 181 Delcassé, Théophile, 12, 20, 42 Delplanque, Carine, 160 Deniau, Jean-François, 80 Depardieu, Gérard, 161 Doisneau, Robert, 176 Donnelly, Walter J., 82 Donnersmarck, Guido Henckel von, 31 Dufourcq, Bertrand, 16, 24, 99, 103, 171, 183, 201 Dufresne de la Chauvinière, Émile, 61, 66 Dufy, Raoul, 159 Dumas, Roland, 169, 171, 183 Duras, Marguerite, 159 Dutasta, Paul, 38 Ebeling, Gerhard, 176 Eltsine, Boris, 183 Epp, Franz Xaver von, 138 Eppelmann, Rainer, 180 Epting, Karl, 150 Erhard, Hans, 83 Erhard, Ludwig, 91 Fabian, Françoise, 161 Fabius, Laurent, 150 Falga, Bernard, 160 Faramond de Lafajole, Auguste, 37 Faulhaber, Michael von, 50, 136 Ferré, Léo, 176 Foerster, Friedrich Wilhelm, 48 Fouchet, Christian, 67, 110, 169 François-Poncet, André, 15, 24, 39, 41, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 108, 119, 136, 137, 142, 143, 154, 187, 189, 190 Frechet, Alain, 160 Freund, Gisèle, 159 Froment-Meurice, Henri, 99, 103, 110 Frot, Catherine, 161 Fuhrer, Christian, 176 Gabriac, Joseph Cadoine de, 31

Gabriel, Fabrice, 160 Gaire, Charles, 135 Ganeval, Jean, 76, 152, 153, 154 Genscher, Hans-Dietrich, 104, 169, 170, 171, 184 Genton, Bernard, 158, 160 Gerstenmaier, Eugen, 96 Gide, André, 39 Giscard d’Estaing, Valéry, 102, 104, 111, 123 Goester, Jean-Luc, 160 Goethe, Johann Wolfgang von, 95 Gontaut-Biron, Élie de, 30 Goppel, Alfons, 138, 144 Gorbatchev, Mikhaïl, 169, 171, 172, 175, 178, 183 Grancey, Guillaume de Mandat-, 29 Grange, Henri, 160 Grégorie, Georges, 13, 22 Grosser, Alfred, 94, 176 Guigou, Élisabeth, 171 Guilbert, Yvette, 39 Guillaume Ier, 31 Guillaume II, 29, 32, 41 Guiringaud, Louis de, 80 Haguenin, Émile, 38, 48 Hallstein, Walter, 83, 178 Haritz, Michael, 156 Hartz, Peter, 173 Hein, Christoph, 179 Heisig, Bernhard, 179 Henry, Noël, 61, 64, 66, 68 Herbette, Jules, 29, 31, 32, 33 Hermlin, Stephan, 179 Hesnard, Oswald, 41, 151 Heuss, Theodor, 49, 91, 96 Heym, Stephan, 179 Hitler, Adolf, 47, 51, 53, 54, 55, 69, 71, 72, 73, 93, 187, 188 Homberg, Octave, 31, 33 Honecker, Erich, 157, 170 Huppert, Isabelle, 161 Jessel, Jacques, 123, 125, 129 Jobert, Michel, 125, 126 Jordy, Maurice, 151 Jousset, Louis, 135, 137, 138, 139, 142, 143, 145, 146 Joxe, Louis, 99, 102, 112 Joxe, Pierre, 102 July, Serge, 176 Juniac, Gontran Begöugne de, 61 Kahr, Gustav von, 47

Souvenirs d'une ambassade rhénane disparue Keller, Louis, 136, 137, 142 Kertész, Imre, 161 Kirkpatrick, Ivone, 82 Klopsch, Wilhelm, 153 Koenig, Pierre, 76, 77, 78, 152, 164 Kohl, Helmut, 104, 105, 157, 169, 171, 172, 173, 185, 188 Kopp, Magdalena, 156 Kotchemassov, Viatcheslav, 170 Koudelka, Josef, 176 Koziolek, Helmut, 177 Krenz, Egon, 170, 176 Krug von Nidda, Roland, 58 Kruger, Diane, 161 La Bastide, Anne de, 141 La Bastide, Guy de, 140, 141, 144 La Villèsbrunne, Gérard Le Saige de, 137, 138, 140 Lafont, Bernadette, 161 Lafontaine, Oskar, 185 Lallement, Bernard, 141, 144 Lalouette, Roger, 58, 61 Lamazière, Daniel, 61 Lamers, Karl, 173 Lara, Alexandra Maria, 161 Laurent, Charles, 34, 41 Le Roy de la Tournelle, Guy, 58 Lebon, André, 46 Leoprechting, Hubert von, 50 Leprêtre, Jean-Louis, 160 Leroux, Léon, 139 Liebknecht, Karl, 178 Lindon, Vincent, 161 Louit, Christian, 67, 68 Luckhardt, Hans, 153 Luckhardt, Wassili, 153 Lusset, Félix, 151 Luxembourg, Rosa, 37, 86, 178 Magère, Philippe, 160 Magirius, Friedrich, 176 Magnago, Silvio, 144 Man Ray, 176 Manneville, Henri de, 37 Marcilly, Henri Chassain de, 34 Maréchal, Marcel, 176 Margerie, Pierre de, 36, 37 Margerie, Roland de, 99, 102, 108, 110, 111, 112 Martin, Claude, 111 Masur, Kurt, 176 Mathey, Georges, 160 McCloy, John J., 82

199

Mendelssohn, Robert, 31 Mendès-France, Pierre, 96 Merkel, Angela, 121, 173 Messiaen, Olivier, 162 Mielke, Erich, 157, 175 Minc, Alain, 176 Mitterrand, François, 65, 104, 105, 109, 130, 157, 169, 171, 172, 173, 176, 185, 188 Modrow, Hans, 171, 178 Momper, Walter, 170 Monnet, Jean, 110 Moreau, Yolande, 161 Morizet, Jacques, 99, 103, 104, 105, 107, 109, 112 Moustaki, Georges, 176 Müller, Heiner, 176 Müller, Josef, 143 Napoléon III, 7, 9 Nerciat, Robert de, 133, 137, 140, 144 Neton, Albéric, 41 Neurohr, Jean, 160 Noailles, Emmanuel de, 33 Noiret, Roger, 152 Nouschi, Marc, 160 Ortega, Daniel, 175 Pacelli, Eugenio, 50 Paillarse, Dominique, 158 Pétain, Philippe, 58, 64, 66, 68, 72, 73 Peyrefitte, Alain, 80 Pfeiffer, Peter, 66, 135, 139, 143 Philippe, Gérard, 154 Pinot, Maurice, 65 Planchon, Roger, 176 Poincaré, Raymond, 36, 41 Pompidou, Georges, 103, 104, 111, 117, 122, 126 Portzamparc, Christian de, 8, 10, 114 Pozzi, Jean, 52 Radziwill, Marie, 33 Rathenau, Walter, 41 Reber, Samuel, 82 Reich, Jens, 180 Reinhold, Otto, 177 Renthe-Fink, Cecil von, 58, 68 Repiton-Preneuf, Paul, 67 Reuter, Ernst, 154 Ricard, Louis, 31 Robbe-Grillet, Alain, 159 Robertson, Brian Hubert, 82, 152 Roché, Louis, 136 Rovan, Joseph, 170 Saffroy, Pierre, 137, 138, 143, 144

200

Index / Personenregister

Sagnier, Ludivine, 161 Saint Hardouin, Jacques Tarbé de, 58, 135, 142, 143 Saint-Mleux, André, 137, 140 Saint-Quentin, René de, 34 Saint-Vallier, Charles-Raymond de, 39 Sanchez Ramirez, Ilich, dit Carlos, 156, 157 Sartre, Jean-Paul, 151 Sauvagnargues, Jean, 99, 100, 102, 103, 109, 111, 112, 140 Scapini, Georges, 57, 58, 59, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 72, 73 Schabowski, Günter, 170 Schäuble, Wolfgang, 173 Scheer, François, 16, 24, 99, 103, 106, 107, 108, 112, 187, 201 Schlöndorff, Volker, 161 Schmidt, Helmut, 104, 179, 188 Schnur, Wolfgang, 180 Schröder, Gerhard, 77, 173 Schubert, Franz, 185 Schulz, Werner, 179 Schumacher, Kurt, 85, 90 Schuman, Robert, 8, 10, 75, 77, 78, 79, 84, 86, 91, 97, 98, 189 Schumann, Maurice, 122, 123, 129 Sedlmayr, Ernst, 140 Séguéla, Jacques, 177 Seydoux, François, 12, 20, 99, 102, 104, 106, 108, 110, 112, 114, 115, 121, 140, 143 Simon, Michel, 154 Steengracht von Moyland, Gustav Adolf, 68

Steinmeier, Frank-Walter, 150 Strang, William, 135 Stresemann, Gustav, 54, 55, 150, 163, 164 Summerscale, Nelle, 141 Susini, Eugène, 151 Sylvestre, Anne, 176 Szigeti, Paul, 67 Tabouis, Geneviève, 31, 37 Talleyrand, Charles-Maurice de, 33 Tavernier, Bertrand, 101, 113, 161 Tchouikov, Vassili, 83 Teltschik, Horst, 171 Timsit, Joëlle, 16, 24, 123, 130, 171, 175, 201 Trochu, Claude, 160 Trump, Donald, 173 Tubke, Werner, 179 Ullrich, Volker, 188 Valéry, Paul, 39 Védrine, Hubert, 105, 114, 171, 188 Véquaud, Alexis-Léon, 61, 66 Villiers, Goerges, 121 Voigt, Helmut, 157 Warren, Lionel de, 137, 142 Weinrich, Johannes, 156, 157 Weiss, Konrad, 180 Weizsäcker, Richard von, 181 Welck, Wolfgang von, 112 Wenders, Wim, 159 Werner, Anton, 31 Wolf, Christa, 179 Wormser, Olivier, 99, 103, 107, 109, 111

LISTE DES CONTRIBUTEURS

Marion Aballéa, maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Strasbourg Françoise Berger, maître de conférences en histoire contemporaine, Institut d’études politiques de Grenoble Serge Boidevaix, ambassadeur de France, ancien ambassadeur de France en RFA (1986–1992) Christian Brumter, ancien conseiller auprès de la Commission européenne et du Service européen d’action extérieure Bertrand Dufourcq, ambassadeur de France, ancien ambassadeur de France en Allemagne (1992–1993) Philippe Étienne, diplomate, ambassadeur de France en Allemagne (2014–2017) Andrea Müller, docteure en histoire contemporaine (Université de Munich) Matthieu Osmont, directeur de l’Institut culturel franco-allemand de Tübingen Jean-Pierre Ostertag, directeur adjoint de l’Institut français de Hambourg François Scheer, ambassadeur de France, ancien ambassadeur de France en Allemagne (1993–1999) Alexandra Scherrer, docteure en histoire contemporaine (Université de Munich) Joëlle Timsit, diplomate, ancienne ambassadeure de France près la RDA (1986–1990) Christian Wenkel, maître de conférences en histoire contemporaine, Université d´Artois

h i s t o r i s c h e m i t t e i lu ng e n



beihefte

Im Auftrage der Ranke-Gesellschaft, Vereinigung für Geschichte im öffentlichen Leben e. V. herausgegeben von Jürgen Elvert. Wissenschaftlicher Beirat: Winfried Baumgart, Michael Kißener, Ulrich Lappenküper, Ursula Lehmkuhl, Bea Lundt, Christoph Marx, Sönke Neitzel, Jutta Nowosadtko, Johannes Paulmann, Wolfram Pyta, Wolfgang Schmale, Reinhard Zöllner.

Franz Steiner Verlag

ISSN 0939–5385

52. Stefan Manz Migranten und Internierte Deutsche in Glasgow, 1864–1918 2003. VI, 317 S., kt. ISBN 978-3-515-08427-7 53. Kai F. Hünemörder Die Frühgeschichte der globalen Umweltkrise und die Formierung der deutschen Umweltpolitik (1950–1973) 2004. 387 S., kt. ISBN 978-3-515-08188-7 54. Christian Wipperfürth Von der Souveränität zur Angst Britische Außenpolitik und Sozialökonomie im Zeitalter des Imperialismus 2004. 473 S., kt. ISBN 978-3-515-08517-5 55. Tammo Luther Volkstumspolitik des Deutschen Reiches 1933–1938 Die Auslanddeutschen im Spannungsfeld zwischen Traditionalisten und Nationalsozialisten 2004. 217 S. mit 5 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08535-9 56. Thomas Stamm-Kuhlmann / Reinhard Wolf (Hg.) Raketenrüstung und internationale Sicherheit von 1942 bis heute 2004. 222 S. mit 3 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08282-2 57. Frank Uekötter / Jens Hohensee (Hg.) Wird Kassandra heiser? Die Geschichte falscher Öko-Alarme 2004. 168 S. mit 6 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08484-0 58. Rainer F. Schmidt (Hg.) Deutschland und Europa Außenpolitische Grundlinien zwischen Reichsgründung und Erstem Weltkrieg. Festgabe für Harm-Hinrich Brandt zum siebzigsten Geburtstag 2004. 159 S., kt.

ISBN 978-3-515-08262-4 59. Karl-Georg Mix Deutsche Flüchtlinge in Dänemark 1945–1949 2005. 230 S. und 35 Abb. auf 29 Taf., kt. ISBN 978-3-515-08690-5 60. Karl-Theodor Schleicher / Heinrich Walle (Hg.) Aus Feldpostbriefen junger Christen 1939–1945 Ein Beitrag zur Geschichte der Katholischen Jugend im Felde 2005. 413 S. mit 55 Abb., geb. ISBN 978-3-515-08759-9 61. Jessica von Seggern Alte und neue Demokraten in Schleswig-Holstein Demokratisierung und Neubildung einer politischen Elite auf Kreisund Landesebene 1945 bis 1950 2005. 243 S., kt. ISBN 978-3-515-08801-5 62. Birgit Aschmann (Hg.) Gefühl und Kalkül Der Einfluss von Emotionen auf die Politik des 19. und 20. Jahrhunderts 2005. 239 S., kt. ISBN 978-3-515-08804-6 63. Gerald Mund Ostasien im Spiegel der deutschen Diplomatie Die privatdienstliche Korrespondenz des Diplomaten Herbert v. Dirksen von 1933 bis 1938 2006. 343 S. mit 21 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08732-2 64. Ralph Dietl Emanzipation und Kontrolle Europa in der westlichen Sicherheitspolitik 1948–1963. Eine Innenansicht des westlichen Bündnisses. Teil 1: Der Ordnungsfaktor Europa 1948–1958 2006. 541 S., kt. ISBN 978-3-515-08915-9

65. Niklas Günther / Sönke Zankel (Hg.) Abrahams Enkel Juden, Christen, Muslime und die Schoa 2006. 145 S., kt. ISBN 978-3-515-08979-1 66. Jens Ruppenthal Kolonialismus als „Wissenschaft und Technik“ Das Hamburgische Kolonialinstitut 1908 bis 1919 2007. 273 S., kt. ISBN 978-3-515-09004-9 67. Ralph Dietl Emanzipation und Kontrolle Europa in der westlichen Sicherheitspolitik 1948–1963. Eine Innenansicht des westlichen Bündnisses. Teil 2: Europa 1958–1963: Ordnungsfaktor oder Akteur? 2007. 430 S., kt. ISBN 978-3-515-09034-6 68. Herbert Elzer Die Schmeisser-Affäre Herbert Blankenhorn, der „Spiegel“ und die Umtriebe des französischen Geheimdienstes im Nachkriegsdeutschland (1946–1958) 2008. 373 S. mit 10 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09117-6 69. Günter Vogler (Hg.) Bauernkrieg zwischen Harz und Thüringer Wald 2008. 526 S. mit 14 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09175-6 70. Rüdiger Wenzel Die große Verschiebung? Das Ringen um den Lastenausgleich im Nachkriegsdeutschland von den ersten Vorarbeiten bis zur Verabschiedung des Gesetzes 1952 2008. 262 S., kt. ISBN 978-3-515-09218-0 71. Tvrtko P. Sojčić Die ,Lösung‘ der kroatischen Frage zwischen 1939 und 1945 Kalküle und Illusionen 2009. 477 S., kt. ISBN 978-3-515-09261-6 72. Jürgen Elvert / Jürgen Nielsen-Sikora (Hg.) Kulturwissenschaften und Nationalsozialismus 2009. 922 S., geb. ISBN 978-3-515-09282-1 73. Alexander König Wie mächtig war der Kaiser?

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Kaiser Wilhelm II. zwischen Königsmechanismus und Polykratie von 1908 bis 1914 2009. 317 S., kt. ISBN 978-3-515-09297-5 Jürgen Elvert / Jürgen Nielsen-Sikora (Hg.) Leitbild Europa? Europabilder und ihre Wirkungen in der Neuzeit 2009. 308 S. mit 8 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09333-0 Michael Salewski Revolution der Frauen Konstrukt, Sex, Wirklichkeit 2009. 508 S. mit 34 Abb., geb. ISBN 978-3-515-09202-9 Stephan Hobe (Hg.) Globalisation – the State and International Law 2009. 144 S., kt. ISBN 978-3-515-09375-0 Markus Büchele Autorität und Ohnmacht Der Nordirlandkonflikt und die katholische Kirche 2009. 511 S., kt. ISBN 978-3-515-09421-4 Günter Wollstein Ein deutsches Jahrhundert 1848–1945. Hoffnung und Hybris Aufsätze und Vorträge 2010. 437 S. mit 2 Abb., geb. ISBN 978-3-515-09622-5 James Stone The War Scare of 1875 Bismarck and Europe in the Mid-1870s. With a Foreword by Winfried Baumgart 2010. 385 S., kt. ISBN 978-3-515-09634-8 Werner Tschacher Königtum als lokale Praxis Aachen als Feld der kulturellen Realisierung von Herrschaft. Eine Verfassungsgeschichte (ca. 800–1918) 2010. 580 S., kt. ISBN 978-3-515-09672-0 Volker Grieb / Sabine Todt (Hg.) Piraterie von der Antike bis zur Gegenwart 2012. 313 S. mit 15 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10138-7 Jürgen Elvert / Sigurd Hess / Heinrich Walle (Hg.) Maritime Wirtschaft in Deutschland

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Schifffahrt – Werften – Handel – Seemacht im 19. und 20. Jahrhundert 2012. 228 S. mit 41 Abb. und 4 Tab., kt. ISBN 978-3-515-10137-0 Andreas Boldt Leopold von Ranke und Irland 2012. 28 S., kt. ISBN 978-3-515-10198-1 Luise Güth / Niels Hegewisch / Knut Langewand / Dirk Mellies / Hedwig Richter (Hg.) Wo bleibt die Aufklärung? Aufklärerische Diskurse in der Postmoderne. Festschrift für Thomas StammKuhlmann 2013. 372 S. mit 12 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10423-4 Ralph L. Dietl Equal Security Europe and the SALT Process, 1969–1976 2013. 251 S., kt. ISBN 978-3-515-10453-1 Matthias Stickler (Hg.) Jenseits von Aufrechnung und Verdrängung Neue Forschungen zu Flucht, Vertreibung und Vertriebenenintegration 2014. 204 S., kt. ISBN 978-3-515-10749-5 Philipp Menger Die Heilige Allianz Religion und Politik bei Alexander I. (1801–1825) 2014. 456 S., kt. ISBN 978-3-515-10811-9 Marc von Knorring Die Wilhelminische Zeit in der Diskussion Autobiographische Epochencharakterisierungen 1918–1939 und ihr zeitgenössischer Kontext 2014. 360 S., kt. ISBN 978-3-515-10960-4 Birgit Aschmann / Thomas Stamm-Kuhlmann (Hg.) 1813 im europäischen Kontext 2015. 302 S., kt. ISBN 978-3-515-11042-6 Michael Kißener Boehringer Ingelheim im Nationalsozialismus Studien zur Geschichte eines mittelständischen chemisch-pharmazeutischen Unternehmens

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2015. 292 S. mit 16 Abb. und 13 Tab., kt. ISBN 978-3-515-11008-2 Wolfgang Schmale (Hg.) Digital Humanities Praktiken der Digitalisierung, der Dissemination und der Selbstreflexivität 2015. 183 S. mit 2 Tab., kt. ISBN 978-3-515-11142-3 Matthias Asche / Ulrich Niggemann (Hg.) Das leere Land Historische Narrative von Einwanderergesellschaften 2015. 287 S. mit 8 Abbildungen ISBN 978-3-515-11198-0 Ralph L. Dietl Beyond Parity Europe and the SALT Process in the Carter Era, 1977–1981 2016. 306 S., kt. ISBN 978-3-515-11242-0 Jürgen Elvert (Hg.) Geschichte jenseits der Universität Netzwerke und Organisationen in der frühen Bundesrepublik 2016. 276 S. mit 8 Abbildungen, kt. ISBN 978-3-515-11350-2 Jürgen Elvert / Lutz Feldt / Ingo Löppenberg / Jens Ruppenthal (Hg.) Das maritime Europa Werte – Wissen – Wirtschaft 2016. 322 S. mit 10 Abb. und 11 Tab., kt. ISBN 978-3-515-09628-7 Bea Lundt / Christoph Marx (Hg.) Kwame Nkrumah 1909–1972 A Controversial African Visionary 2016. 208 S. mit 21 Abbildungen, kt. ISBN 978-3-515-11572-8 Frederick Bacher Friedrich Naumann und sein Kreis 2017. 219 S. mit 8 Abb., kt. ISBN 978-3-515-11672-5 Wolfgang Schmale / Christopher Treiblmayr (Hg.) Human Rights Leagues in Europe (1898-2016) 2017. 323 S. mit 28 Abb., kt. ISBN 978-3-515-11627-5 Jürgen Elvert / Lutz Adam / Heinrich Walle (Hg.) Die Kaiserliche Marine im Krieg Eine Spurensuche 2017. 247 S. mit 18 Abb., kt. ISBN 978-3-515-11824-8

L’ambassade de France à Berlin se trouve aujourd’hui là où la première ambassade française accréditée dans un État allemand unifié ouvrait ses portes en 1871–72. Entre temps, la diplomatie française en Allemagne a reflété le cours mouvementé de la relation franco-allemande autant qu’elle a cherché à y imposer sa marque. S’intéressant au quotidien de ceux qui l’ont servie durant 150 ans, cet ouvrage, mêlant travaux d’historiens et témoignages de diplomates, invite à une histoire dépoussiérée de l’activité diplomatique entre deux voisins dont la relation a façonné le visage de l’Europe. Die französische Botschaft in Berlin befindet sich heute an genau dem Ort, an dem die erste in einem vereinigten deutschen Staat akkreditierte französische Botschaft 1871/72 eröffnet wurde. Seit dieser Zeit ist die französische Diplomatie in Deutschland ein Spiegel der deutsch-französischen Beziehungen. Dieses Buch, mit Beiträgen von Historikern und Zeugnissen von Diplomaten, beschreibt die alltäglichen Erfahrungen französischer Abgesandter auf deutschem Boden über einen Zeitraum von 150 Jahren. Es erzählt zugleich die turbulente Geschichte der Diplomatie zwischen zwei europäischen Nachbarn.

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ISBN 978-3-515-11865-1