Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel: Investigation historique et archéologique (French Edition) 9782140324925, 2140324927

La rivalité historique entre ces deux hauts lieux, sentinelles respectives des régions normande et bretonne, fut tant sp

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Préface
Introduction
I. Le Mont-Dol, un haut lieu spirituel, dans l’ombre du Mont-Saint-Michel
II. Saint-Michel : de l’Asie à l’Occident chrétien
III. Mithra versus Jupiter, guerre des cultes païens en forme de choc des titans
IV. Mithra et l’archange Saint-Michel : un syncrétisme ?
V. Les deux sanctuaires du Mont-Saint-Michel et du Mont-Dol se sont-ils livré concurrence ?
Conclusions et Hypothèses
Bibliographie
Remerciements
Table des matières
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Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel: Investigation historique et archéologique (French Edition)
 9782140324925, 2140324927

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La rivalité historique entre ces deux hauts lieux, sentinelles respectives des régions normande et bretonne, fut tant spirituelle que politique. Les auteurs, après une enquête archéologique et une analyse critique des sources anciennes, démontent une idée développée au xviiie siècle : la présence d’un mithraeum au sommet du MontDol. Mais si la présence d’un culte dédié au dieu perse n’a pu être démontrée, il n’en demeure pas moins que le Mont-Dol fut un haut lieu de la spiritualité, avant une récupération par les promoteurs du sanctuaire du Mont-Saint-Michel, Pippinides puis Carolingiens, dont les motivations furent spirituelles et politiques. L’analogie avec le dieu perse Mithra n’est cependant pas abandonnée, et les auteurs abordent la récupération de son culte par le christianisme en la personne de l’archange Michel, dieu des armées et des frontières, notamment chez les Carolingiens. Laurent Garreau, docteur en études cinématographiques (université Panthéon-Sorbonne), est ingénieur de recherche. Philosophe de formation, il est auteur de nombreux articles scientifiques et pédagogiques dans le domaine de l’éducation au patrimoine et aux images et très investi auprès des associations patrimoniales de Bretagne et de Normandie. Jean-Claude Voisin, docteur en histoire et archéologie, membre de la Société asiatique (Paris), chercheur associé près l’université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), est un spécialiste de l’architecture militaire de l’antiquité tardive au Proche et au Moyen-Orient. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages consacrés tant à l’Iran qu’à la Perse.

ISBN : 978-2-14-032492-5

14€

Laurent Garreau et Jean-Claude Voisin

Investigation historique et archéologique

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel

Laurent Garreau et Jean-Claude Voisin

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel Investigation historique et archéologique

Préface de Delphine Davy

COLLECTION L’IRAN EN TRANSITION

Dirigée par Ata Ayati Les dernières parutions

Un discours sur l’Orient. La leçon de JosephFrançois Michaud, 2023. ninou garabaghi, La quête d’alter ego. Pérégrinations d’une âme franco-iranienne. Préface de Bertrand Badie et Postface de Françoise Dastur, 2023. mohamad askari , Saj, Fuir la solitude. Poésie, Traduit du persan par Emma Peiambari. Préface de Philippe Tancelin. 2022. patricia pic - sernaglia, La Révolution iranienne dans le quotidien irakien Ath-Thawra, Préface de Pierre-Jean Luizard. 2022. hossein dowlatabadi, Marie de Mazdala. Une femme au pays des ténèbres. Roman. Traduit du persan par Hamid Saba et Thierry Fournier. 2022. joris cuynet, L’Iran sous sactions. Une société sous pression. Préface de Michel Makinsky, 2022. reza rokoee, L’intelligentsia iranienne moderne. Un paradigme reconsidéré. 2022. abbas echraghi, Le mythe persan des jumeaux. Bien et Mal, fraternité inattendue. Préface de Céline Redard, 2022. morgan lotz, Les Iraniennes. Permanence et métamorphose de la Femme en Iran. Préface de Lucie Barraud, 2022. ata ayati et david rigoulet-roze (dir.), La République islamique d’Iran en crise systémique. Quatre décennies de tourments, 2022. jean donnadieu,

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Laurent Garreau et Jean-Claude Voisin

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel Investigation historique et archéologique

Préface de Delphine Davy

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Chez le même éditeur Voisin, Jean-Claude, Forteresses de la route de la soie, de l’Hindoukouch à la Méditerranée, Paris, L’Harmattan, 2017, 418 pages (trilingue persan, anglais, français) Voisin, Jean-Claude, La Perse et l’Occident chrétien, Histoire des martyrs perses Abdon et Sennen, Paris, L’Harmattan, 2019, 150 pages.

En couverture : la légende de Saint Samson sur la verrière de la cathédrale de Dol de Bretagne : Samson accompagné de deux moines, vogue vers l’Armoriale. @ Patrick Amiot, président de l’association François Duine

© L’HARMATTAN, 2023 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-14-032492-5 EAN : 9782140324925

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Préface

Ce texte, construit sur une démarche d’investigation, place science et recherche au centre du propos, permettant d’aller au-delà de la « croyance ». Quand je parle de « croyance », je ne parle pas seulement de croyance religieuse mais bien aussi de « croyance historique » se colportant de bouche à oreille, de publication en publication ou en reportage télé... Nous avons là, et c’est assez rare pour le souligner, un exemple de véritable recherche historique et archéologique, très bien décrite, entre théorie et observation. Démarche qu’il me tient à cœur de développer auprès de nos élèves même les plus jeunes. On a bien sûr très envie de connaître la suite de cette enquête avec les potentielles fouilles à venir du site du MontDol qui pourraient encore un peu lever le voile sur les différents mythes, rêveries, espoirs, histoires que l’on aime se raconter sur ce lieu – que ma grand-mère bretonne aimait me raconter enfant – et nous amener à comprendre mieux comment vivaient nos ancêtres.

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Ce texte permet en effet de vivre une « expérience » de rencontre avec eux, avec leur logique et leur organisation. Il permet de ressentir une certaine intimité avec ceux qui nous ont précédés. On suit l’évolution de l’installation des cultes au travers de choix humains rythmés par l’influence des déplacements de population. On comprend comment des liens culturels ont pu se tisser sur une même période mais aussi au fil des époques en s’étendant progressivement de l’Orient vers l’Occident. On touche là le concept d’universalité, primordial au Mont-SaintMichel, bien commun à toute l’humanité inscrite sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO. Alors, on aurait pu s’attendre à la sempiternelle rivalité bretonne normande, or ce texte est tout sauf ça : il est une description historique de deux territoires « frères » à la culture commune mais séparée par une frontière depuis toujours et éloignée par les pouvoirs politiques. Les deux Monts sont frères, ils se sont développés en parallèle mais le cadet a eu la préférence, condamnant l’autre. Cette découverte a profondément touché ma propre identité floue de native frontalière, née de deux familles issues des deux rives du Couesnon. Enfin, ce texte m’a donné l’occasion de faire de nouvelles découvertes : la plus marquante est sûrement cette explication, enfin raisonnée, relative au mur cyclopéen de NotreDame-sous-Terre et à l’utilisation de ses deux nefs. Le positionnement même de départ dans l’écriture de ce texte est novateur : analyser le Mont-Dol pour mieux comprendre le Mont-Saint-Michel. Cette prise de recul, ce changement d’angle sont véritablement éclairants.

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Préface

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Il renverse l’idée d’une évolution progressive de la fréquentation du Mont-Saint-Michel (en 850 déjà un des plus grands centres de l’Occident), il révèle l’intérêt de sites beaucoup moins remarquables et pourtant ô combien mythiques, il redéfinit même les limites temporelles du Moyen Âge et montre la fragilité des fondements du monde chrétien. La lecture de ce texte a déjà modifié ma façon de présenter le site aux petits élèves qui viennent chaque jour le découvrir ! Delphine Davy Maître formateur au Service éducatif du Centre des Monuments nationaux (Mont-Saint-Michel)

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Introduction 

Notre propos, dans le présent ouvrage, est de partager, avec les lecteurs et les lectrices, une investigation historique et archéologique, qui a pour cadre la baie du Mont-Saint-Michel et pour époque le haut Moyen Âge armoricain. Cette enquête trouve son origine dans une vue cavalière devant le cimetière du Mont-Dol aux marches de la Bretagne, dans la baie du Mont-Saint-Michel. Le touriste peut y lire la mention d’un culte dédié à la divinité indo-iranienne Mithra au sommet du tertre du village. Le regretté Paul Veyne disait avancer « par pure curiosité pour le spécifique ». Notre état d’esprit est proche du sien devant cette découverte. Puis nos lectures sont justifiées par plusieurs de nos premières questions, auxquelles la science de l’archéologie du xxie siècle pourra, espère-t-on, répondre à la faveur des progrès technologiques : le Mont-Dol a-t-il été un lieu sacré aux époques préromaines puis romaines ? le culte de Mithra, le dieu iranien, a-t-il pu exister sur le site. La fondation d’un oratoire Saint-Michel sur le Mont-Dol est-il antérieur ou postérieur à la création du site proche du MontSaint-Michel ? Dans une vision politique, le Mont-Dol a-t-il

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été concurrencé par le Mont-Saint-Michel, tous deux situés de part et d’autre d’une frontière entre Normandie et Bretagne ? Pourquoi depuis la fin du xviiie siècle, la polémique, née des interprétations d’un abbé local dans lesquelles il mit toute sa conviction et sa science, et associant les deux sites très proches de la baie du Couesnon, le Mont-Dol et le MontSaint-Michel, fera-t-elle couler autant d’encre et donnera-t-elle naissance à de multiples mythes et légendes, dont la région est friande ? L’analyse que nous vous proposons n’a d’autre but que de chercher à travers les emballements, les enthousiasmes, les critiques, à approcher au plus près la vraisemblance de l’importance réciproque qu’ont joué les deux sites, au gré du développement du Christianisme en Armorique et en Normandie, enjeu aussi politique sur une zone de frontières entre duchés. Les récits vont mettre en présence un dieu romain, Jupiter ; un dieu iranien, Mithra, un ange, le chef des anges ; saint Michel et même des personnages historiques objets de mystification tels que l’enchanteur Merlin et le roi Arthur. Tous, depuis plus de 1000 ans s’en disputent l’antériorité, à travers deux sites, le Mont-Dol et le Mont-Tombe devenu Saint-Michel. Un aspect peu abordé jusqu’alors est l’aspect politique qui interfère dans la spiritualité des espaces. Enfin, si le Mont-Saint-Michel a toujours été isolé du continent sous les effets des marées, il n’en a pas toujours été de même du Mont-Dol, dont l’assise fut souvent épargnée par la mer. Les études récentes publiées à l’initiative du Centre Régional d’Archéologie d’Alet à Saint-Malo, dont celles de

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Introduction

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J.-P. Lautridou, M. Clet-Pellerin (et coll.), Évolution de la baie du Mont-Saint-Michel, Pléistocène et Holocène ; de Catherine Bizien, Les Sites domestiques de la Baie du Mont-Saint-Michel au début de notre Ère, nous montrent comment le littoral stable émergé commence à Dol, laissant le rocher du MontDol insulaire ou continental selon les époques. La mer, par intermittence, inonde la zone côtière jusqu’à Dol et fait du Mont-Dol une île semblable à ce qu’est le Mont-Saint-Michel à ce jour. C’est pendant les périodes « de répit » que le site est récupéré à des fins sacrées. Le socle rocheux du Mont-Dol restera toujours un élément de référence au centre du marais dolois. Nous vous proposons de parcourir les écrits qui, depuis le haut Moyen Âge, s’intéressent à cette région et de tenter ensemble d’identifier le vrai, ou le possible, du faux. Notre propos n’est pas d’affirmer des vérités historiques mais de conduire le lecteur (ou la lectrice) au cœur du dédale des preuves historiques, des croyances populaires, des hypothèses tant farfelues que scientifiques, de nos propres observations tant sur le terrain breton qu’au Proche-Orient ou en France. Chacune et chacun pourra ainsi se faire sa propre image de ces deux hauts lieux chargés en histoire : le Mont-Dol et le Mont-Saint-Michel. Avec Mithra et Saint-Michel, nous abordons un chapitre de la guerre, de la protection mais aussi de l’intercession auprès de Dieu, qu’il s’agisse du Christianisme ou du Mazdéisme. Parmi les saints « guerriers » l’archange tient une place de choix car il est le seul « saint de la Bible », à l’inverse de Saint-Georges et saint Maurice, « saints construits », tel que le souligne Esther Dehoux. Ce rapprochement entre saint Michel et Mithra vaut pour le développement du culte qui

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se fait à partir du Moyen et du Proche-Orient pour s’installer en France, où le culte de Mithra porté par l’armée romaine avait connu déjà un certain succès, jusqu’à l’arrivée du culte de Saint-Michel à Monte Gargano. L’analogie entre les deux personnages ne fut pas aussi systématiquement développée ; rien n’indique que si le culte mithriaque était présent en Armorique, le développement du culte de l’archange se soit fondé sur cette analogie. D’autant plus si le culte mithriaque ne fut peut-être jamais implanté dans ces contrées bretonnes. Cette enquête bénéficie des éditions critiques sur tous les sujets évoqués, culte de Mithra en Europe, site du Mont-Dol, histoire de la création de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, histoire des relations entre la Bretagne et la Normandie avec Jérusalem ou avec la France au haut Moyen Âge, diffusion du culte de Saint-Michel en Occident, analyse critique des textes fondateurs de la baie de Cancale ou de l’embouchure du Couesnon. Depuis une vingtaine d’années, les colloques scientifiques se sont multipliés, les connaissances des chercheurs des pays de la Méditerranée se sont échangées. Mais si les recherches tant archéologiques que textuelles ont été favorisées sur le Mont-Tombe ou Saint-Michel, le Mont-Dol reste quant à lui abandonné aux récits et explications de ces amoureux. Mais seules des fouilles sur son sommet pourraient définitivement arbitrer d’une occupation paléochrétienne ou plus ancienne.

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I. Le Mont-Dol, un haut lieu spirituel, dans l’ombre du Mont-Saint-Michel

Notre Histoire débute à Dol de Bretagne, autour d’un homme qui va vulgariser des croyances et ses propres observations de terrain pour asseoir la légende d’un culte de Mithra, dans sa paroisse, puis porter la polémique au niveau d’une concurrence entre le sanctuaire sacré du Mont-Dol (Ille et Vilaine) et le prestigieux site du Mont-Saint-Michel. Croire au Dieu Mithra au Mont-Dol ?

Né à Dol de Bretagne (Ille-et-Vilaine), l’abbé Marie-FrançoisGilles Rever revient dans sa ville natale après son ordination, pour y enseigner la philosophie, la physique et les sciences naturelles au collège diocésain. Cofondateur de la Société des Antiquaires de Bretagne, il est en 1819 membre correspondant de L’Institut de France. En 1778, avec deux de ses camarades, Valentin Renoul (1742-1796), avocat et son collègue de collège,

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l’abbé René Leprince (1751-1782), professeur de rhétorique et professeur de Chateaubriand, l’abbé Revers révèle sur le Mont-Dol un monument ruiné qu’il considère comme antique. L’abbé se retire de la vie ecclésiastique en 1794 et ne se consacrera qu’à l’Histoire et à l’Archéologie. En 1812-1813, il parcourt la vallée du Rhône de Lyon à Valence afin de parfaire ses connaissances archéologiques. Il présente son étude sur le Mont-Dol à l’Institut en 1814 ; elle ne sera publiée qu’en 2007 par Théotiste et Alfred Jamaux, dans une édition critique très fouillée, enrichie par le travail de Philippe Guigon en 2010. Jusqu’à Chateaubriand dans le tome I de ses « Mémoires d’Outre-Tombe » qui évoque les sorties des jeudis et samedis sur le Mont-Dol « au sommet duquel se trouvaient des antiquités gallo-romaines ». Cette mention est annotée dans une édition de 1948, par Maurice Levaillant qui décrit « une chapelle Saint-Michel construite à l’emplacement d’un temple païen ». En 1888, Paul Bézier évoque les autels tauroboliques du MontDol dans son inventaire des Monuments mégalithiques d’Ille-et-Vilaine. Il en attribue la découverte à l’abbé Déric dans le tome IV de son Histoire ecclésiastique de la Bretagne, paru en 1780, tout comme la description précise des autels et de la chapelle Saint-Michel, relevés et descriptions que Rever corrigera en 1804 lors d’une visite sur le site. Déric a eu connaissance de ces ruines grâce à Rever qui écrit dans ses propres notes qu’il a largement fait connaître ces vestiges dans tout le pays. Mais la première mention de ce lieu et de l’allusion aux autels sacrificiels se trouve dans le Dictionnaire Historique et Géographique de Jean Ogée, publié en 1779, soit une année après la découverte de Rever. L’auteur évoque les hypothèses « de quelque observateur », probablement Rever. Il en est de même pour le tome II du pouillé de l’archevêché de

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Rennes publié en 1881 qui se contente de recopier Déric (seuls récits publiés à l’époque sur les antiquités du Mont-Dol), tout en restant prudent, usant de la formule « dit-on »... La chapelle Saint-Michel et le prieuré sont déjà en ruine en 1778 lors de la visite de nos abbés. En 1791, Baudoin de Maison-Blanche, avocat et homme politique, dans une lettre écrite de Dol, raconte avec assurance : « ... On m’a conduit au Mont-Dol, monticule isolé, d’une lieue de circuit, qui s’élève au milieu des marais, à peu de distance de la ville ; j’y ai trouvé, sur le plateau du sommet, des vestiges d’un bosquet, un réservoir d’eau qui ne tarit jamais, et un ancien temple du paganisme converti en chapelle de Saint-Michel, à demi ruinée. Au pignon intérieur du sanctuaire sont adossés deux autels couverts de tables en tuffeau brunâtre et très dur. De ces deux pierres plates, l’une est longue de six pieds et demi, l’autre de cinq. Elles sont, dans toute leur étendue, percées de trous carrés de six pouces à leur ouverture, et dans le bas rétréci à un pouce et demi. Un massif de maçonnerie haut de trois pieds et vide intérieurement, supporte chacune de ces tablettes antiques. J’ai pénétré par une fenêtre à l’extérieur du pignon, et j’ai remarqué vis-à-vis des autels une entrée dans leurs cavités : elle n’a que vingt-deux pouces de hauteur sur quatorze de large ; et quoiqu’elle soit aujourd’ hui bouchée, on aperçoit distinctement ses dimensions, ainsi que la trace des gonds et des verrous. C’était par-là que les initiés et ceux qui participaient aux sacrifices expiatoires, s’insinuaient sous les autels pour y recevoir sur tout le corps le sang des tauroboles ». Le 1er septembre 1804 (12 fructidor an XII) des adjoints municipaux dressent un procès-verbal pour reconnaître l’authenticité des dessins que Rever a réalisés des deux « autels » et de la chapelle. Les derniers vestiges, qui selon Rever s’élèvent

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encore à 2 ou 3 m de hauteur, serviront de carrière et disparaîtront peu après pour céder la place à un jardin octroyé aux agents du télégraphe nouvellement construit ; la chapelle se situait dans l’espace actuel compris entre la majestueuse colonne de la vierge et la récente chapelle Notre-Dame de l’espérance (1857). La tour du télégraphe, située au bord du précipice nord-est, fut probablement élevée, en 1798, sur les restes du prieuré. Tout au long du xixe siècle les érudits locaux s’aligneront sans discuter sur les énoncés de Rever, tel Charles Robert dans son Guide du touriste archéologue à Dol, publié en 1892. L’auteur, membre de la Société Archéologique d’Ille-etVilaine, va plus loin que Rever en énonçant que « cette chapelle n’était rien moins qu’un temple païen élevé en l’ honneur de la déesse Cybèle », - dont le culte selon Patrick Galliou était peu développé en Bretagne, avec un seul exemple connu dédié à Cybèle est à Corseul- ou de diane Chasseresse - repris par Bertrand Robidou dans Histoire et Panorama d’un beau Pays en 1852 puis par l’abbé Descottes en 1922 qui avance que « la chapelle Notre-Dame-de-L’espérance est bâtie sur l’emplacement du temple » ; Robert attribue en outre faussement à l’ingénieur des Ponts et Chaussée d’Ille-et-Vilaine, Jean-François-Jacques Anfray, chargé de superviser en 1802 les travaux d’installation d’un relais du télégraphe, les relevés de la chapelle médiévale et des fameux autels, relevés qu’il signale non signés…, il s’aligne alors sur le texte de De Noual de la Houssaye paru en 1811 dans son Voyage au Mont-Saint-Michel, au Mont-Dol et à la Roche aux Fées. Il ajoute quelques précisions mentionnant que la chapelle Saint-Michel se situait au sommet entre la nouvelle chapelle Notre-Dame de l’Espérance et la tour nouvellement élevée dédiée à la Vierge Marie. La présence des fameux doubles autels tauroboliques le questionne. Pourquoi deux ??

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Mais il continue dans ses certitudes en affirmant que l’antique temple païen fut transformé en chapelle Saint-Michel lors de l’accostage de Samson dans les parages au vie siècle et fut modifié par la suite. Le culte chrétien se serait arrêté là en 1750. De Noual de la Houssaye rend à l’abbé Rever une partie de ce qui lui est dû. Il mentionne que les descriptions des fameux autels dits tauroboliques sont de la main de l’abbé Rever qui les a communiquées à Déric pour la rédaction de son Histoire ecclésiastique de la Bretagne. Il fait état de tradition au sujet du diable et de l’archange au Mont-Dol, « tout absurde qu’elle soit » avec de l’esprit critique. François Duine, en 1898, rapporte les légendes liées à saint Michel au MontDol, notamment celle des trois croix grecques gravées dans le rocher par saint Michel lui-même, sans oublier la fameuse empreinte de son pied lors de son envol vers le Mont-Tombe qui allait devenir le Mont-Saint-Michel. Jusque dans les années 1970, ces idées sont colportées à la manière du téléphone arabe. On peut même lire sous la plume de certains auteurs que Rever aurait récupéré les relevés de la chapelle et des autels auprès d’Anfray lui-même, ce qui contredit le témoignage de Rever. Quant à la dédicace du culte païen au dieu iranien Mithra, celle-ci ne fait plus de doute, tout comme l’existence d’une cave mystérieuse sous l’espace dédié au temple. Cette piste est avancée pour la première fois par Tony le Montreer en 1933 dans Les Légendes du Pays de Dol. Les analyses de Rever feront école en Bretagne. En 1901, Léon Maitre reprend à son compte la finalité de ces aménagements, s’appuyant sur les démonstrations de Rever et identifie plusieurs sites dans la Bretagne occidentale, tel à Mur en Carantoir, à Fouesnant, comme des sites tauroboliques.

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Depuis ces déclarations sont toutes remises en cause, notamment par les archéologues contemporains. Les analyses les plus pertinentes jusqu’alors furent formulées ces dernières années par Théotiste et Alfred Jamaux et par Philippe Guigon. Ainsi remettant en cause la véracité du culte de Mithra, P. Guigon interprète les tables des autels, considérées par Rever comme des plans de sacrifice, comme d’antiques vestiges des époques de fabrication du sel ignigène dans la baie. L’auteur met en cause les dessins de Rever et leur reproduction des parements dits gallo-romains les trouvant peu conformes aux réalités. Mais les dessins de Rever restent très schématiques. De nombreuses interrogations subsistent. L’arrivée de Samson au Mont-Dol ne sous-entend pas qu’un culte païen ait été encore en activité. Le culte de Mithra disparaît au ive siècle. Donc rien ne contredit que l’on ait récupéré là les ruines d’un établissement ancien, sans en comprendre le sens. La position topographique du Mont-Dol fut tout à fait propice à la naissance d’un culte païen aux époques protohistoriques. Le site, fort de son image exceptionnelle dans le paysage, a pu être récupéré par les différentes religions, jusqu’à sa dernière affectation au culte chrétien. Pour comprendre les conditions nécessaires mais peut-être pas suffisantes de l’accueil au Mont-Dol d’un culte à l’époque gallo-romaine, examinons le contexte géographique et historique local à cette époque, dans l’antiquité tardive et les premiers siècles du haut Moyen Âge.

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Les autels tauroboliques, preuve de l’existence d’un culte de Mithra ?

Quand Mithra apparaît-il dans les récits historiques relatifs au Mont-Dol ? Pourquoi les érudits de la fin du xviiie siècle ont-ils émis l’hypothèse de la présence d’un temple dédié à une divinité païenne ? Qu’est-ce qui a orienté Rever en 1778 à voir, sur ce lieu, les vestiges d’un lieu sacré qu’il attribue à une divinité païenne : à cette époque la déesse romaine Cybèle ? Rappelons qu’au xviiie siècle et au début du xixe siècle on ne connaissait pas encore le culte de Mithra en Europe. C’est dans les années 1820 que les découvertes archéologiques faites dans la vallée du Danube, de son embouchure au Rhin, vont faire connaître la présence du culte du dieu iranien Mithra en Occident. Les travaux de Fr. Creuzer donneront un coup de projecteur à cette propagation vers l’ouest d’un culte oriental. Félix Lajard en 1839 publie un mémoire intitulé Mémoire sur deux bas-reliefs mithriaques qui ont été découverts en Transylvanie. La situation topographique du site, qui domine de ses 65m toute la contrée environnante, marécageuse, tout comme la présence d’une source, au sommet du relief, source qui ne tarit jamais et dont la présence paraît tout à fait surnaturelle, accrédite cette interprétation. L’étude géologique du socle du mont n’était pas aussi précise qu’à ce jour et l’alimentation de cette source au sommet ne s’expliquait pas. Jean Ogée, en 1779, met en avant ces deux observations. Mais plus encore, l’aménagement souterrain de la fontaine de Gotebourg, à laquelle on accède par des escaliers pourrait alimenter cette thèse mithriaque. De plus l’environnement historique du secteur de Dol est riche en mégalithes et conforte la vigueur

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de cultes païens dans la zone. Autre légende qui rend ce mont si attrayant : Tony Le Montreer, dans l’édition du Dolois du 26 août 1933, n’hésite pas à exciter la curiosité des habitants en lançant l’hypothèse d’une vaste salle souterraine à entrée secrète sous l’esplanade de la chapelle ! Christophe Deceneux, quant à lui, défend la thèse d’une localisation des légendes arthuriennes et situe l’action des légendes du Graal sur les terres de la Seigneurerie des Dol-Combourg aux alentours du Mont-Dol où l’on aurait retrouvé une grotte qu’il interprète comme le tombeau de Merlin... Mais cela suffit-il pour faire du Mont-Dol un sanctuaire mithraïque ? L’affirmation de Rever répond à un mouvement qui veut voir des cultes orientaux dans toute la Bretagne. Louis Richard, en 1969, réfute ces allégations. Plus près de nous, Patrick Galliou dans son Armorique romaine, trouve ces attributions mythraïques, à Mur en Carantoir dans le Morbihan et à Fouesnant (Ille-etVilaine), « insuffisamment infondées ou totalement échevelées ». Les mêmes hypothèses ont été émises depuis le xixe siècle pour le Mont-Saint-Michel, où un ancien peuplement néolithique, orchestrant les alignements de menhirs jusqu’aux environs de Dol. Marc Déceneux, dans son Mont-SaintMichel, Histoire d’un mythe, développe cette théorie. Le Mont-Dol et son environnement, haut lieu de spiritualité

Culminant à 65 mètres, le Mont-Dol correspond à une ancienne île autour de laquelle se sont développées des zones marécageuses. La baie qui l’entourait était autrefois le site de la forêt de Scissy, engloutie par la mer au viiie siècle et, selon la tradition, par la légendaire marée de 709. Dol désignerait

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en brittonique une plaine, une zone de marais, un « lieu bas et fertile », dont le nom aurait été reporté sur la hauteur du mont, tandis que Dauzat et Rostaing suggèrent un pré-latin *tull-, « hauteur ». On a aussi pu évoquer le breton taol,  « table », qui a donné « dolmen », en référence à un monument mégalithique qui se serait autrefois dressé au sommet du mont. La tradition préfère évoquer le dol, la douleur : celle d’un homme profondément affligé par la lèpre dont est atteinte sa femme et par le démon dont est possédée sa fille ; il accueille saint Samson qui arrive dans la région et qui en retour guérit l’une et l’autre. De même le menhir du Champ-Dolent, en tombant là, vient à bout d’un douloureux conflit qui depuis longtemps opposait deux frères. C’est en 1870 que les roches sédimentaires du Mont-Dol ont révélé des os fossiles, que l’on a d’abord attribués à des baleines avant d’y reconnaître des os de mammouth. Le site présente en fait des traces très anciennes d’occupation humaine. C’est un des rares lieux d’implantation paléolithique en Bretagne, où l’on a trouvé les restes de quelque 500 animaux, et il est apparemment demeuré un lieu consacré, puisqu’on a pu y déceler les traces d’un ensemble mégalithique formant une structure circulaire, avant que ne s’y développe un lieu de culte druidique. Avec l’arrivée des Romains, le Mont-Dol s’est vu consacré aux cultes importés par ceux-ci, lesquels se sont superposés aux anciennes croyances et pratiques, jusqu’à ce que, sous l’influence de saint Samson, une certaine christianisation vienne y ajouter son propre vernis. Le Mont-Dol a été très tôt, dès le vie siècle, consacré à Saint-Samson et à Saint-Michel, et ce n’est qu’ensuite, en 708, que ce culte s’est déplacé vers le MontSaint-Michel. Marc Déceneux met en rapport le Mont-Dol

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avec le Mont-Saint-Michel ; ces deux lieux s’inscriraient dans un mythe de fondation faisant intervenir, conformément à la conception que le philologue Georges Dumézil se fait des trois fonctions, les personnages complémentaires de saint Aubert, « haut dignitaire de la classe sacerdotale », et de Bain, un « hercule gaulois », une « figure préchrétienne » à connotation militaire et guerrière. Il convient également de noter la présence de saint Samson, qui s’installe en ermite sur le MontDol, en compagnie de son disciple Saint-Magloire. Yannick Delalande interprète la présence des croix latines gravées sur le rocher, preuve légendaire de cette présence. Évêque au vie siècle de la ville voisine de Dol-de-Bretagne – la cathédrale lui est dédiée –, il reviendrait, à Samson, l’initiative de consacrer à Saint-Michel un sanctuaire sur ce sommet en réinvestissant les ruines du temple mithraïque. Et il y perpétue, ou du moins fait écho au combat de saint Michel, puisque lui-même s’affirme comme un puissant sauroctone en maîtrisant notamment avec sa ceinture, dans l’île de Bretagne, un serpent dévastateur qu’il précipite dans les profondeurs de la mer. Châteaubriand, entre autres, parlait ainsi du Mont-Dol : « Du haut de ce tertre isolé, la France plane sur la mer et sur les marais où voltigent pendant la nuit des feux follets, lumière des sorciers. » Et il est vrai que, de par sa situation même, il s’agit d’un lieu remarquable – mont isolé dans la plaine, au milieu des marais ou sur une île, avec la présence à son sommet d’un étang toujours en eau, alimenté par une mystérieuse source intarissable qui n’a pas manqué de susciter, à travers l’histoire, légendes et pratiques cultuelles. C’est en 1872 que, sous l’impulsion des abbés du secteur, seront entreprises les premières fouilles archéologiques ; elles concerneront la paléologie et la préhistoire. En 1872, Simon

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Sirodot fouille le pied du site, à l’emplacement du cimetière actuel. Il y découvre des tas d’ossements d’animaux, comme s’ils avaient été précipités là du haut de la falaise, dépecés sur place avant que leur viande ne soit emportée vers les campements des hommes du paléolithique. Ses fouilles seront continuées en 1920 par l’abbé Descottes, puis actualisées en 1995, par une équipe de chercheurs qui réanalysent les relevés de Sirodot et les complètent par des analyses fines du matériel recueilli par Sirodot. Les archéologues sont interpellés par la source qui alimente une fontaine au sommet du mont. Cette source a-t-elle fait l’objet d’aménagements particuliers à une période antique ? Seule l’archéologie pourra le dire. À ce jour, une mare, aménagée au xixe siècle par les fermiers installés sur le mont pour abreuver leur bétail, a noyé tout indice historique de l’antique fontaine source. Des diaclases présentes dans le socle granitique du relief stockent les eaux de pluie qui alimentent cette source. Mais ceci n’était pas compris au xixe siècle et encore moins sous l’antiquité et au haut Moyen Âge. Dans les environs, comme cela est fréquent en Bretagne, une présence importante de mégalithes est attestée. D’aucuns ont imaginé un culte païen, protohistorique au sommet du mont. Dans l’état actuel, rien ne le prouve même si de nombreux indices vont dans ce sens : site dominant, présence de l’eau, qui apparaît comme inexpliquée, nombreux mégalithes dans les alentours. Dans les fouilles de Descottes, un morceau de tuile ou tegula a été identifié, témoignant d’une présence romaine dans les parages. Mais aucune fouille n’ayant été réalisée sur le sommet du Mont-Dol, nul ne peut avancer une présence romaine avant l’arrivée du Christianisme. Les noms de dieux et déesses du panthéon gallo-romain apparaissent

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souvent dans les écrits des xixe et xxe siècles, tels Taranis, Cybèle, Vénus, Jupiter. Nous verrons plus loin que plusieurs indices convergent vers l’un d’eux. Néanmoins, au MontSaint-Michel, la Revelatio mentionne l’existence de dolmens à l’arrivée des premiers moines. La région fut aussi active à l’époque gallo-romaine, comme l’indique la présence de voies romaines qui traversaient la baie de Cancale aux environs du Mont-Dol. Pierre Bouet et Olivier Desbordes rappellent les découvertes de vestiges d’occupation romaine dans la région de Dol. En 1841, vers Pontaubault, on découvre un trésor de 300 monnaies datant du 1er siècle, puis en 1878, ce sont les traces d’une chaussée romaine, large de 10m, reliant Corseul, Dol à Avranches, qui sont mises à jour. Elles sont recouvertes par 3,5m de tangue (sédiments calcaires du littoral déposés après dessalage). D’autre part une activité côtière de fabrication du sel ignigène est attestée entre le ier et le ive siècle de notre ère, tant à Roz sur Couesnou qu’à Hirel, étudiées par Catherine Bizien. La présence gallo-romaine est intense dans tous les environs de Alet-Hirel, selon les changements du niveau des eaux, qui selon les dernières observations scientifiques ont envahi plus ou moins la bordure littorale. Pierre Bouet et Olivier Desbordes dressent un bilan très précis des régressions et transgressions marines sur la baie de Cancale. Ainsi pour la période dite gallo-romaine, soit entre le Ier et le iiie siècle le niveau de la mer recule et rend les terres littorales accessibles. Elles sortaient alors d’une période de grande transgression, commencée au viiie siècle av. J.-C. qui avait submergé la région du Mont-Dol entre 2m et 6m selon les siècles et fait disparaître les grandes chênaies qui peuplaient le territoire dolois. La limite de la transgression marine bordait la zone marécageuse aujourd’hui à la hauteur de Dol. Procope,

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qui écrit au vie siècle, évoque le stationnement de nombreuses garnisons romaines sur le littoral de ce qui sera l’Armorique. Pour Patrick Galliou, dans son Armorique romaine, le littoral était surveillé par un important réseau de forteresses ou de fortins. Dans le secteur de Dol, les fouilles de la cité d’Alet (antique Saint-Malo) ont mis en valeur une enceinte datée des années 270-280, enceinte de 1800 m épaisse de 1,50m à 1,95m et flanquée d’une dizaine de tours. Contigu, le plateau rocheux du Solidor, d’une surface de 1200 m2, abritait la garnison d’Alet, composée de soldats dits Martenses, issus de la légion pseudo comitatentis. À cette époque, les archéologues notent de nouveaux travaux de fortifications. Il en va de même sur Avranches. Cette légion, stationnée originellement sur le limes germanique vers Speyer/Spire vers 368, là où le culte de Mithra était fervent, a pu importer ce culte oriental en Armorique. Mais seule l’archéologie à venir pourra nous le dire. Ce n’est pas encore le cas. Mettant fin à l’occupation romaine, d’importantes migrations de Bretons insulaires vont déferler sur ces rivages nord de la Bretagne continentale., dès la fin du Ve siècle et le début du VIe siècle Irlandais, Gallois, Bretons de Cornouaille allaient former le gros des contingents. Ils allaient participer au repeuplement de cette région, qui avait souffert d’un dépeuplement dû à des épidémies répétées. Ces migrations participeront tant à la christianisation de la région, qu’au dynamisme du secteur de Dol dans ces années du haut Moyen Âge. Dans la vita Turiavi, largement légendée, il est question d’un portus, situé par l’abbé Duine entre Dol et Carfantin. Ceci alimente l’hypothèse du dynamisme de la région de Dol au haut Moyen Âge. La question est de savoir quel était l’environnement tant du Mont-Dol que du Mont-Tombe au milieu

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du VIe siècle L’un des deux était-il plus facilement accessible ou plus simplement la présence d’un antique culte païen justifiait-il l’aménagement d’un lieu de culte populaire sur place ; au Mont-Saint-Michel rien n’indique un culte païen, hors ce dolmen. Une légende voulut y voir un culte de Mithra, faisant allusion au taureau développé dans la Revelatio mais tout droit venu de la tradition italienne du Monte Gargano. Il en est autrement au Mont-Dol. Cette question sera développée plus loin. Il semble que le site du Mont-Dol ait été assez symbolique pour que l’on y voit un édifice religieux édifié par le Gallois Samson au vie siècle. Les débuts de la christianisation dans la région de Dol

Au-delà des légendaires Maximien et de son lieutenant Conan Meriadec, héros de l’Historia Brittonum, publiée aux Monumenta Germania Historica, une immigration anglosaxonne débute à la fin du ive siècle en Armorique après le départ des Romains. Interrompue ensuite au ve siècle pour plusieurs décennies, par l’irruption des peuples du nord et de l’est, dont les Alains et les Sarmates, sur lesquels nous reviendrons plus loin. Le ve siècle restera un moment de crépuscule. Les Romains chassés d’Armorique au début du ve siècle, Eugène Halléguen, dans le volume I de l’ouvrage L’Armorique bretonne, celtique, romaine et chrétienne, tente de démontrer qu’il faut attendre le début du vie siècle pour assister au démantèlement du paganisme, grâce à l’action conjuguée des Bretons qui débarquent sur la Bretagne et de saints régionaux tels saint Martin, saint Germain, mais

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aussi des évêques tels Gatien et Litorius, saint Martin de Pannonie, Eustichius, à Tours, Maclian à Vannes, Félix à Nantes, qui seront actifs sur toute la péninsule. Il constate que les monastères commencent à se multiplier au début du vie siècle dans les évêchés de Vannes, Saint-Malo (Alet) et Brest (Osisme), dotés par des préfets romains ou gallo-francs, nés eux dans la 2eme moitié du ve siècle. L’auteur développe essentiellement la géographie administrative romaine puis chrétienne avec les évêchés. Il insiste sur l’évangélisation par les Bretons mais passe sous silence l’apparition des paroisses, tout comme l’importance des cultes païens celtiques ou romains, qui ont précédé cette évangélisation. C’est à Alet (Saint-Malo) que l’on trouve le plus ancien évêché fixe de cette région, dénommée la Domnonée ou pays de Curiosolites. Corseul apparaît aussi comme une cité importante. L’évêché d’Avranches est cité en 511 mais le paganisme demeure encore actif. La vita de saint Pair, rédigée par l’italien Venantius Fortunat (530-609), ami des souverains mérovingiens Sigebert 1er et de son épouse la célèbre Brunehaut, évêque de Poitiers, raconte les débuts de la mission de saint Pair dans le Contentin. Le missionnaire y rencontre encore des fidèles célébrant des cérémonies païennes. La vita de saint Sever, successeur de saint Pair, évoque elle-aussi, dans les années 570-580, ces pratiques. En Armorique, le salut viendra de France. Les populations du Pays de galles, de Cornouailles, du Devon, fuient les razzias des Irlandais mais aussi font face à un surpeuplement qui les incite à fuir à la recherche d’autres contrées. À la fin du ve siècle, l’Armorique, dépeuplée, offre ce lieu d’accueil. Au vie siècle la région de Dol sera christianisée par l’un de ces immigrés, Samson, venu du Pays de Galles ; et Dol,

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proche de la frontière avec le royaume franc, saura acquérir une aura, qui pendant le haut Moyen-Âge fera de cette petite cité un élément d’enjeu crucial dans la région. L’arrivée d’un moine gallois, saint Samson (v. 495-565), de son cousin Magloire, qui accostent à l’embouchure du Guyoult après avoir remonté jusqu’au portus de Dol, s’explique probablement par la présence d’une immigration massive de leurs compatriotes dans cette région, et qui donnera à Dol et au Mont-Dol une importance augurant le développement futur du MontSaint-Michel. La superficie de la paroisse de Dol atteste de son ancienneté. Samson, à son arrivée, fait l’objet de mesures bienveillantes de la part du très puissant évêque saint Germain d’Auxerre et du souverain franc mérovingien, Childebert (496-558). Est crée pour lui l’évêché de Dol, reconnu au concile de Tours en 567, et qui deviendra trois siècles plus tard un archevêché grâce à l’action du souverain breton Nominoé (845-851) qui en fait le gardien des marches de Bretagne sur la frontière avec les Francs. L’état de la question est présenté dans le travail de synthèse de Joseph-Claude Poulin, L’Hagiographie bretonne du haut Moyen Âge. La Vita Sancti Samsonis a déjà donné lieu à de nombreuses éditions critiques, qui visent toutes, non seulement à déterminer l’époque et les conditions de sa rédaction, mais aussi à faire la part de la réalité possible et des aspects légendaires. Pierre Flobert, philologue, latiniste du CNRS, publie en 1997 sa « La Vie ancienne de saint Samson de Dol » traduite et commentée. Mais Joseph-Claude Poulin en 2009, en donnera une présentation critique dans laquelle il aborde tous ces aspects, soulignant les manques. Cette dernière version repose les

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vraies questions sur l’écriture de cette vie, qui depuis Robert Fawtier en 1912 et Joseph Loth en 1923 est remise en cause dans sa quasi-totalité. Si la datation de la rédaction de la vie de saint Samson reste encore sujet à controverse, certains avançant les dates de 610-620, d’autres, plus prudents, penchent pour le tout début du viiie siècle, enfin Poulin argumente pour une datation au milieu du viiie siècle. La vie de saint Samson est écrite selon les mémoires d’un proche de Samson, Henocus/Henoc, diacre à Dol, qui aurait recueilli des informations auprès de sa tante, mère de Samson. Ce texte, remanié puis légendé par la suite, fait état de caractéristiques chrétiennes celtiques proches de traditions orientales, proches du monde copte, dans lequel le culte de Saint-Michel occupait une place importante. La situation du Mont-Dol haut-lieu de cultes païens, tout proche du nouveau monastère fondé par Samson puis dirigé par Magloire, n’est peut-être pas étrangère à cette volonté de Samson de récupérer le site et d’en faire un nouveau sanctuaire dédié à Saint-Michel. La situation topographique du lieu, les croyances qui y étaient attachées, l’existence d’un culte antique, l’accessibilité topographique somme toute facile en ce milieu du vie siècle, créaient là les conditions idéales pour développer un nouveau culte, s’inspirant d’un mouvement né en Asie Mineure, dont la présence était avérée sur les côtes de part et d’autre de l’Adriatique, et commençait à être connu des pèlerins faisant le voyage terrestre vers Constantinople et Jérusalem. La Vita Sancti Samsonis évoque une lutte de Samson avec un dragon dans une caverne... Nous rejoignons Marc Déceneux pour penser que le culte de SaintMichel se développa de manière embryonnaire au Mont-Dol mais fut très vite récupéré par le site plus impressionnant

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du Mont-Saint-Michel, enjeu de pouvoir tant spirituel que politique. Quelque temps après, les relations conflictuelles entre le petit royaume breton et les Francs allaient se focaliser de part et d’autre du cours du Couesnon. Au xe siècle, les incursions vikings lancées depuis le camp de Saint-Suliac dans l’estuaire de la Rance, la concurrence du Mont-Saint-Michel, imprenable et choyé par les souverains francs, feront disparaitre peu à peu le rayonnement du Mont-Dol dans le paysage religieux régional malgré les efforts locaux pour mettre en valeur les reliques de saint Samson, de saint Magloire, de saint Thuriau/ Turiau/Turiavus dans la cathédrale de Dol. Rien n’indique que l’oratoire Saint-Michel du Mont-Dol n’ait été un lieu de pèlerinage, si ce n’est localement. Ainsi dès le viiie siècle le Mont-Saint-Michel devenait un sanctuaire mythique au sens propre. L’historique de sa création a été remarquablement analysé par Pierre Bouet et Olivier Desbordes.

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La notion des anges, intermédiaires entre Dieu et les hommes, apparaît très tôt au Moyen-Orient. Dans les civilisations de la Babylonie, de la Perse antique, dans le Judaïsme, des figures célestes apparaissent : Michel (Mikhael), Gabriel (Djebrail), Raphael, Uriel. Le Christianisme naissant va faire de Michel le chef des armées célestes, l’ange de la lumière, qui se bat contre Satan. Un syncrétisme avec la figure et les symboles du culte du dieu iranien Mithra, qui ne peut que nous troubler. Vincent JUHEL écrit au sujet de saint Michel : « saint guerrier, chef de la milice céleste et défenseur d’Israël, Michel est par définition un saint protecteur, triomphateur du mal, peseur des âmes ». On le retrouve associé au culte marial comme dans le binôme perse Mithra-Anahita. On ne peut aborder le culte de Saint-Michel sans se référer à l’orient byzantin.

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Le culte de Saint-Michel en Orient

Tous les sites originels étudiés au Proche-Orient sont datés des ve ou vie siècle. Le travail de Pierre Maraval, Lieux saints et Pèlerinages d’Orient, nous permet d’esquisser une carte des régions d’expansion du culte : en Turquie moderne, citons une église en Bythinie (sud de Constantinople), une église Saint-Michel, à Brochtoi, une église Saint-Michel restaurée par Justinien ; il en va de même à Pythias bâtie par l’empereur byzantin Justinien. En Galatie (sud d’Ankara), une église Saint-Michel et son sanctuaire est attestée à Lagania et daterait du vie siècle, tout comme celle de Germia. En Carie (rivage ouest vers Milet), à Didymes, on a repéré un oratoire élevé en 602., tout comme en Lycie (rivage le plus méridional de la Turquie vers Korikos et le golfe d’Adana), à Néa, Komé, Treberda, Tragalassos, Troba. Toujours dans cette région, en Pamphylie (golfe de Tarsus, sud de la Turquie), à Pergé où susbiste un hospice Saint-Michel restauré par Justinien. À Chonai près de Colosses (Phrygie, entre Antalya et Izmir dans la partie montagneuse) est l’un des sites dédiés à l’archange le plus connu. Il est élevé en l’honneur de l’archange ; sa datation reste difficile ; une légende datant du ive siècle évoque l’existence d’un sanctuaire à Saint-Michel. Mais il ne connaît sa publicité qu’au ixe siècle. Enfin dans la capitale de l’Empire byzantin, à Constantinople, saint Michel était vénéré dans 3 sanctuaires : au mont le Michaelion de Hestia attesté dès 440 sur la rive gauche du Bosphore ; le Michaelion du Sosthenion, du VIe siècle, au nord du premier et le Michaelion rebâti par Justinien près des Arcadianae. À la fin du vie siècle, on comptait près

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d’une quinzaine d’églises ou d’oratoires dédiés à Saint-Michel dans l’Empire byzantin. Peu à peu via les pèlerins de Jérusalem, le commerce en Méditerranée, le culte de Saint-Michel franchit le Bosphore et arrive sur les côtes de l’Adriatique, tant côté Croatie que côté italien. Ainsi à Daphné en Grèce, une église Saint-Michel existe avant 540, comme à Mesopotam ou à Sant-Platon vers Osor mais aussi du côté italien à Donoratico en Toscane ou à Palanzano vers Otranto dans les Pouilles. Sur l’itinéraire terrestre vers Constantinople, signalons l’église SainteParasève en Roumanie, dans l’embouchure du Danube, dont la base serait datée du iiie siècle. Ces premiers édifices dédiés à Saint-Michel présentent très souvent deux nefs, deux vaisseaux, ouvrant sur deux absides, séparées par une colonnade souvent constituée de deux ou trois piliers massifs quadrangulaires. À travers cet agencement, les chercheurs suggèrent une double fonction, avec une église martyriale et une église funéraire. N’est-ce pas cette forme que l’on retrouve dans l’antique chapelle du Mont-Saint-Michel dénommée de nos jours, Notre-Dame-Sous-Terre ? Nous reviendrons sur cet aspect dans un prochain chapitre consacré aux origines du culte de Saint-Michel au Mont-Saint-Michel. Saint-Michel de la France à la France de l’ouest

Pour les pèlerins qui reviendront conquis par le culte de SaintMichel, le voyage se faisait le plus souvent par la terre, via la France puis l’Europe centrale et orientale, Constantinople, la Cappadoce, le Liban. Le long de leur itinéraire, il leur était possible de visiter des églises déjà dédiées à l’archange. Ainsi, le culte de Saint-Michel se développera en France selon trois

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axes : celui du nord, qui correspond à l’itinéraire terrestre de Jérusalem, via la Dalmatie, Constantinople puis la Bithynie, la Cilicie et Tarsus, puis la Syrie d’Alep, Homs, le Liban via le col de la Bolée, le rivage de Phénicie, la Palestine, Jérusalem ; celui du sud, qui depuis Venise s’oriente vers Tarente-BariBarletta-Brindisi ou un autre, maritime, qui longe les côtes de la France occidentale, traverse le détroit de Messine d’où les pèlerins se rendaient sur les rivages du Levant via Chypre. En Occident, Vincent Juhel et Catherine Vincent, Jean-Michel Picard dans le colloque consacré au culte de Saint-Michel, reviennent sur la diffusion du culte aux viie siècle et viiie siècles en suivant les courants d’échanges tant méridionaux qu’orientaux, tant d’origines économique, spirituelle que politique. En France le culte s’intensifie à compter du début du ve siècle. On dénombre, dès 430, des sanctuaires en Ombrie (Pérouse, Mandorleto, Spolète), en France centrale (Rome avec plusieurs sanctuaires au ve-vie siècle.), dans les Pouilles (Monte Gargano). L’arrivée du culte de Saint-Michel dans la baie a pu se faire selon plusieurs axes : via l’Austrasie, via la vallée du Rhône, dès le ve siècle., puis le centre de la France, Poitiers avec le témoignage de l’évêque Simon en 591, Tours, soit via la Galice, l’Orléanais, soit via la France. Pierre Bouet, dans ses Chroniques latines puis dans ses commentaires sur la Revelatio du Mont-Saint-Michel aborde cet aspect. Il insiste, côté Normandie, sur les relations intenses qui existaient au viie siècle entre les souverains pépinides et la France, notamment avec Rome. De même que du côté des évêques normands. Aubert, le fondateur du Mont-SaintMichel, aurait lui-même visité le mont Gargan dans les Pouilles, au point de vouloir en imiter les contours. Nous savons aussi qu’aux viie siècle et viiie siècles, nombreux furent

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les clercs, tant d’origine normande qui faisaient le voyage de Rome, que d’origine italienne, envoyés par le pape pour évangéliser les campagnes de Neustrie. Beaucoup venaient d’Ombrie, où des sanctuaires dédiés à Saint-Michel existaient dès le ve siècle. L’étude des relations de pèlerinages à Jérusalem au haut Moyen Âge nous donnent des indications précieuses, quant aux rencontres que les pèlerins pouvaient faire avec des sanctuaires michaéliques. Ce sont peut-être certains de ces clercs qui rapportèrent des Pouilles les fameuses reliques déposées au Monte Gargano, un morceau de manteau rouge et un bout de rocher, qui allaient participer au rayonnement du rocher qui, en 870 était déjà un des plus grands centres de pèlerinage d’Occident mais restait identifié comme « le Mont-Tombe ». Sur la route terrestre vers Jérusalem, Constantinople restait le premier grand rendez-vous avec le culte michaélique et offrait les sites mentionnés ci-dessus puis les pèlerins traversaient la Phrygie et à Chonai, déjà cité. Ainsi se retrouvaient-ils, aux ive-vie siècle, tel le pèlerin de Bordeaux en 333, face à l’un des sanctuaires parmi les plus réputés pour ses eaux chaudes curatives. C’est en effet à partir du ive siècle que les pèlerinages se multiplient depuis l’Occident, la Gaule ou la péninsule ibérique telle la Galice. Fait étonnant, au ve siècle une importante colonie de Bretons s’installe en Galice ! Elle était concentrée autour du monastère de Santa Maria de Bretoña près de Mondoñedo. Et Pierre Maraval de signaler les Galiciens parmi les plus nombreux pèlerins de l’Europe de l’Ouest. Est-ce via la Galice que le culte se répand dans un premier temps en France et Pays de Galles puis de là arrive en Armorique ? André Vauchez, le grand spécialiste de l’Église au haut Moyen Âge, qui a édité et commenté la Revelatio

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du Mont-Saint-Michel, expose la véracité de ce récit. Nous développerons cet aspect plus loin. René De Lespinasse, dans ses Pèlerinages en terre Sainte avant les Croisades, évoque le développement des voyages en terre Sainte dès le vie siècle et le grand nombre de Britanniques parmi les Occidentaux de l’ouest. L’auteur cite pour le vie siècle saint David, originaire du Pays de Galles, comme Samson, qui part à Jérusalem avec deux coreligionnaires, saint Téliac et saint Patern. Dans son étude sur le culte de Saint-Michel en France, Graham Jones nous décrit un culte de Saint-Michel qui affectionne les reliefs, la proximité de l’eau et qui très souvent fait suite, à partir du viie siècle, à d’antiques sanctuaires romains ou antérieurs. De nombreuses études régionales françaises illustrent aussi ce propos. La recherche de reliefs est fréquente. Citons parmi les sites les plus renommés de France, les sanctuaires de Saint-Michel-enl’Herm en Vendée, Montaigu en Mayenne, Locmiquel dans le Morbihan, Puy-Saint-Michel dans la Creuse. Autre spécificité du culte de Saint-Michel, son association à Saint-Pierre : au Mont-Dol, au Mont-Saint-Michel, à La Lande-de-Goult dans l’Orne, par exemple. Il est aussi admis dans la sphère des scientifiques qu’une influence de clercs italiens et orientaux en Angleterre au VIe siècle est avérée. Saint Samson, saint Magloire tout comme saint Boniface, saint Colomban ont transmis la tradition ou les influences proche-orientales ou italiennes, même si le culte de Saint-Michel connaîtra son plein développement entre 730 et 750 en France. En France le culte de Saint-Michel apparaît aux mêmes dates qu’en Armorique. Donc deux pistes de circulation du culte sont envisageables via la Galice ou directement via

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des pèlerins gallois ou irlandais revenant de Jérusalem ou de Rome, sachant par ailleurs que le rayonnement du mont Gargan ne se fit véritablement qu’à partir du viie siècle. Les chercheurs s’accordent pour reconnaître le rôle non négligeable des moines bretons, irlandais et anglo-saxons dans l’extension du culte de Saint-Michel. C’est déjà la position qu’O. Dobiache-Rojdestvensky soutient dans sa thèse Le Culte de saint Michel et le Moyen Âge latin en 1918. Le choix des sites n’est pas fortuit. La présence de l’eau, de sources ou de fontaines reste fondamentale, comme sur les sites michaéliques d’Asie Mineure décrits dans notre paragraphe ci-devant. Le relief joue souvent un grand rôle, à tel point que l’on évoque le culte « aérien » de l’archange. Pour revenir à la région de Dol et du Mont-Saint-Michel, il semble raisonnable de penser que c’est sur le Mont-Dol, antique sanctuaire païen, celte puis romain que le culte a été installé à la fin du vie siècle sous le gouvernement de Childebert Ier, souverain mérovingien (511-558), auprès de qui Samson va chercher appui. La Revelatio du Mont-Michel n’affiche que le début du viiie siècle comme départ de la vie monastique sur le rocher. Doit-on imaginer qu’auparavant l’accès au MontSaint-Michel est trop épisodique pour favoriser un pèlerinage permanent ? L’on sait que la fin du viie siècle marque le retrait progressif de la mer sur le littoral de la baie et probablement la création d’un prieuré de douze chanoines annonce-t-elle l’usurpation du culte de Saint-Michel au détriment du petit oratoire du Mont-Dol, qui avait rayonné à plus de 60km et favorisé la multiplication des lieux de culte consacrés à SaintMichel. Cette usurpation sera consacrée par l’aménagement d’un nouveau sanctuaire au début du viiie siècle et l’arrivée de reliques du Monte Gargano sur le rocher, l’implication des

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souverains carolingiens et surtout par l’installation de moines bénédictins au ixe siècle et la donation du prieuré du MontDol à l’abbaye du Mont-Saint-Michel en 1158 ? C’en est fini de l’aura du Mont-Dol. Juliane Hervieu confirme l’apparition du culte michaélique en Basse-Normandie au viiie siècle. À cette époque, la renommée du site du Monte Gargano, dans les Pouilles en France méridionale, se confirme. Le sanctuaire italien devient un archétype que l’on va s’empresser d’imiter, comme au Monte Aureus à Olevano sul Tusciano, en Campanie. Nous devons revenir sur l’authentification de la Revelatio, qui permet de connaître les débuts de la spiritualité et des pèlerinages au Mont-Saint-Michel. Les analyses critiques de Pierre Bouet, dans son travail publié par l’École française de Rome en 2003 et consacré au culte et pèlerinages à saint Michel, complété en 2009 par la remarquable analyse des Chroniques latines du Mont-Saint-Michel qu’il corédige avec Olivier Desbordes, permettent d’avancer un certain nombre de remarques. La rédaction de cette Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli ne fait plus de doute. Rédigée vers le milieu du ixe siècle, ce texte permet de connaître les conditions de l’apparition d’un sanctuaire monastique sur le rocher. La Revelatio mentionne la position stratégique du rocher, une île dénommée alors Mont-Tombe, « qui sépare le pagus (circonscription du haut Moyen Âge) avranchin de la Bretagne » et qui permet de situer l’écriture, non pas après 851 comme précédemment admis, s’inscrivant dans un vaste mouvement de réforme canoniale entreprise par Louis le Pieux, qui régna de 816 à 840. On apprend qu’un évêque d’Avranches, du nom d’Aubert, peut-être encouragé par le maire du palais d’Austrasie et de Neustrie, Pépin II (635-714), crée, en 708,

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sous le règne de Childebert III (695-711), un sanctuaire avec 12 chanoines, venus de Huisnes (autrefois Itier) sous la férule d’un certain Bain et qu’il dédie ce lieu à l’archange. Selon les scientifiques, cette date paraît à ce jour vraisemblable, même si on ne peut écarter une fondation du sanctuaire plus tardive, vers 725-730. Dans la même période, on connaît la création de sanctuaires dédiés à Saint-Michel à Saint-Michel-en-l’Herm en 682, à Reims en 696. Rappelons que dans cette province dite de Neustrie, en 687, la reprise en main du pouvoir franc par les Austrasiens avec Pépin de Herstal renforce la domination politique sur les évêques. Le sanctuaire, dont Aubert raconte la création, fait suite à un oratoire plus ancien. La présence alors de clercs sur le rocher peut être mise en corrélation avec ces démarches fréquentes de communautés monastiques du littoral qui recherchent des sites pour y vivre une vie érémitique, tels saint Marcouf de Bayeux dans les îles du Cotentin ou encore saint Pair et saint Scubilion sur l’île de Chaussey. Ils s’installent dès le vie siècle à proximité du rivage et y édifient cabanes et oratoires. Au Mont-Dol, comme au Mont-Tombe, il ne s’agit pas d’ermites anachorètes mais de moines intégrés à une petite communauté monastique. Dans les décennies qui suivent, le nombre des chanoines du MontTombe diminue et avec lui les activités sur le rocher. On peut évoquer alors une faible présence et une activité frileuse des premières décennies. Charlemagne porte un intérêt particulier à l’archange saint Michel, associé aux armées impériales, à la garde des frontières. Il apparaît probable que le moine qui rédige le texte de la Revelatio le fasse peu après 816, au début du règne de l’empereur carolingien Louis le Pieux. Une reprise en main de la déliquescence de la vie monastique alors en place aboutirait à la restauration d’une première église, établie

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à flanc de rocher, complétant les deux autres églises primitives Saint-Symphorien et Saint-Étienne, bâties respectivement en bas et près du sommet du mont bien antérieurement. Ce nouvel édifice aurait alors été conçu, comme une crypte, à la manière du Mont Gargan en France pour abriter les reliques de l’archange, offerte par le sanctuaire du Mont Gargan. Le moine Bernard, un pèlerin de l’est de la Francia – surpris par le phénomène des marées de la baie – revenant d’un périple à Jérusalem via les monts Gargano dans les Pouilles et Aureo en Campanie -copie du Gargano – passe au Mont-Saint-Michel vers 870, et qui dès lors s’apparente au sanctuaire italien. Ce nouveau sanctuaire, ancêtre de la crypte Notre-Dame-SousTerre, de plan rectangulaire, semble s’apparenter aux églises à deux nefs dédiées à Saint-Michel et présentes en France, en Dalmatie, en Roumanie. Lors de la rédaction de la Revelatio, l’auteur connaissait la renommée du mont Gargan, dont il va s’inspirer dans sa rédaction. Nous savons aussi que les moines bénédictins, qui remplacent les chanoines de la première installation sous Aubert, arrivent sur le site en 965-966. Le xe siècle marque dans tout l’Occident médiéval un tournant dans la part active du Christianisme et du développement des reliques. Le développement du culte des martyrs perses Abdon et Sennen, l’apparition du culte de Saint-Michel en 938 à Cuxa, toujours dans cette marche frontière avec la France et l’aménagement dès 953 d’une nouvelle abbatiale consacrée aux deux saints, Saint-Germain, le saint initial du sanctuaire du viiie siècle et Saint-Michel, en sont des exemples caractéristiques. Mais revenons dans la France de l’Ouest. À l’origine, à quel saint était voué le premier oratoire aménagé sur le MontSaint-Michel ? On mentionne les chapelles Saint-Étienne et Saint-Symphorien. Est-ce à partir de la reprise en main par

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les Carolingiens, notamment sous Pépin le Bref (714-768), qui par ailleurs est lié à des créations de sites dédiés à l’archange à Reims, à Saint-Wandrille, qu’un nouvel édifice dédié aux reliques de l’archange a consacré le rocher à l’archange en référence au Monte Gargano, quelque temps avant la rédaction qui y fait référence ? Au vu des analyses scientifiques récentes, nous constatons que ni la fondation du prieuré du Mont-Dol, ni celle du Mont-Saint-Michel ne peuvent être datées précisément. Les enjeux du culte du Monte Gargano

Les récentes recherches de Giorgio Otranto sur les influences du site du Monte Gargano en Europe médiévale nous permettent de comprendre comment le sanctuaire du MontSaint-Michel a été fortement marqué par le rayonnement du site italien, situé sur l’un des itinéraires de pèlerinages vers Jérusalem. La légende de l’intervention de l’archange Michel sur le mont Gargano est née au milieu du Ve siècle, dans la région des Pouilles, sur la côte Adriatique de la France méridionale, non loin des principaux ports, d’où les pèlerins s’embarquaient pour Constantinople ou la Palestine. Elle nous est connue par le Liber de apparitione sancti Michaelis in monte Gargano, rédigé dans la seconde moitié du viiie siècle. L’attractivité du mont Gargano est telle, que la chronique de fondation du Mont-Saint-Michel rédigée près de cent ans après celle du Gargano, se réclamera comme l’héritière du Monte Gargano, héritage qui sera conforté par l’envoi à Gargano de deux émissaires du fondateur Aubert, afin d’en rapporter des reliques, un fragment du manteau rouge que l’archange aurait déposé sur le rocher et un fragment du

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rocher : la filiation était ainsi assurée, le développement des pèlerinages allait suivre. Les rédacteurs de la chronique dédiée à l’installation du culte sur le rocher normand suivront à la lettre la légende du Gargano, jusqu’à l’empreinte d’un pied de l’archange dans le rocher. Légende quelque peu modifiée mais récupérée aussi au Mont-Dol. La notion de grotte, de source miraculeuse et du taureau caché, donne l’architecture de la légende de la fondation du Mont-Saint-Michel. Le rayonnement du Gargano s’étend très vite à toute la France du sud, puis à la Péninsule ; des reliques originaires du Gargano se retrouvent, via les cols des Alpes ou la Vallée du Rhône, à l’abbaye lorraine de Saint-Mihiel et à Gueret dans la Creuse dès le viiie siècle, plus tard au xe siècle à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa dans les Pyrénées, puis au xie siècle dans l’abbaye royale de Saint-Riquier dans la Somme. La roche est symbolique et jouera un grand rôle. Le Mont-Saint-Michel qui n’en possède pas se devra d’en fabriquer une. Certains la voient dans l’aménagement architectural des cryptes qui donnent cette impression ; mais ne peut-on pas l’imaginer dans l’assemblage artificiel des morceaux de rocher qui apparaissent au fond du chœur de l’une des absides de Notre-Dame-Sous-Terre ? Tout semble réuni pour faire de cet espace un élément lié à la fondation et proche de la symbolique du Gargano. Cette chapelle à deux nefs s’apparente à l’église Sainte-Parasève en Roumanie dans l’embouchure du Danube (ancienne province de Dacie), située sur l’itinéraire terrestre des pèlerins sur le chemin de Jérusalem et datée entre le viiie siècle et le xe siècle, construite sur un édifice antérieur du iiie siècle. On y relève aussi la présence d’une croix pattée dite croix grecque très proche de NotreDame -Sous-Terre mais aussi du Mont-Dol. Les deux nefs de

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Sainte-Parasève mesurent 14m de long sur 8,60m de largeur. À Notre-Dame-Sous-Terre, étudiée très minutieusement par Michel De Bouärd, Yves-Marie Froidevaux et Jean ValleryRadot, les nefs mesurent 11,80m de longueur sur 8/8,50m de largeur. Les archéologues, qui se sont intéressés aux églises d’Europe centrale, orientale et de France voient en ces églises à deux nefs du haut-Moyen Âge, des fonctions martyriales pour une nef et funéraire pour l’autre, séparées toutes deux par deux ou trois piliers massifs. Ne faut-il pas voir ici les fonctions premières de Notre-Dame-Sous-Terre ? Le décor était dressé. La simulation de la grotte avec le mur de blocage (dit cyclopéen) du fond de l’une des France confortait le sens de cet édifice. Pour Florence Margo, il s’agirait plus simplement d’un mur de soutènement. Mais les remaniements successifs rendent la lecture et l’interprétation difficiles. Par contre, il n’en est pas de même au Mont-Dol. Le relevé de Rever consacré aux vestiges de l’antique chapelle SaintMichel donne une nef de 17,02m de long sur 6 m de large qui pourrait s’apparenter à ce type d’édifice, si ce n’est la dimension du bâtiment contigu qui semble plus avoir été une sacristie qu’une autre nef. On se trouverait là face à un site classique de chapelle ou de sanctuaire primitif dédié au saint mais sans apparentement avec le Gargano. La légende du Gargano récupérée est recopiée et adaptée à chaque site ; chacune des filiations tentant de s’approcher le plus possible des réalités italiennes. Les textes fondateurs, les grands auteurs, tel Jacques de Voragine avec sa Légende Dorée, écrite au milieu du xiiie siècle, mettent en scène, tant la légende du Gargano que sa transposition au Mont-SaintMichel. À Gargano, en 490, un taureau s’est enfui au sommet du mont et un jeune garçon le trouve agenouillé devant une

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grotte. Au même moment lui apparaît l’archange, qui lui ordonne de consacrer ce lieu à son culte. Pour Voragine, saint Michel apparaît en 710, et pour la deuxième fois, à l’évêque d’Avranches. Voragine décrit l’épisode à Tumba, qui désignait alors le Mont-Saint-Michel. Il y décrit l’apparition de l’archange qui ordonne à l’évêque d’élever une église, « là où il trouvera un taureau ». L’archange pousse du pied deux immenses rochers (probablement les tables d’un dolmen) qui se trouvaient là et les fait rouler vers le bas. La trace de son pied restera imprimée à jamais ! Au Mont-Dol, la trace du pied de saint Michel est née d’une autre mise en scène. Ce rocher remplace le géant du Gargano. De cette mystique légendaire, un immense rayonnement naîtra, qui s’étendra à tout l’Occident médiéval. Si le culte de Saint-Michel se développe dans la péninsule ibérique wisigothique dès le milieu du viie siècle, la légende du Monte Gargano se répand en France à compter des xe et xie siècles. La relation du pouvoir avec le culte de Saint-Michel est très vivace dans les Asturies, en Navarre, en Castille, associé à un contexte guerrier. À Oviedo, Alphonse II (783-842) crée un sanctuaire à Saint-Michel. Les relations privilégiées qu’entretient alors le souverain espagnol avec la dynastie carolingienne aurait-elle joué un rôle de diffusion ?

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III. Mithra versus Jupiter, guerre des cultes païens en forme de choc des titans

Née de l’imagination de l’abbé Rever à la fin du xviiie siècle, l’hypothèse d’un temple dédié au dieu iranien Mithra au Mont-Dol n’a cessé de faire courir l’imagination. En Occident, le culte du dieu Mithra n’est connu que depuis peu. Il a longtemps été assimilé à Jupiter, à Cybèle. Origines du culte de Mithra

Ranimé en Perse lors de la période achéménide, héritier de cultes païens probablement d’origine sumérienne-mésopotamienne, le culte se développe particulièrement en Cilicie (sud-ouest de la Turquie actuelle) aux époques hellénistiques et parthes. On le rattache parfois aussi aux Mèdes. C’est dans ces régions de Syrie, de Mésopotamie que les légions romaines auraient été en contact avec des adeptes de ce culte martial

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et l’auraient adopté. Le culte aurait ensuite été transporté en occident, notamment dans des zones à fortes concentrations de troupes, tel le limes germanique mais aussi les provinces extérieures comme la Numidie, la France, où l’on dénombre 10 mithraea. C’est au cours des IIe et IIIe siècles que ce culte se développe en dehors de l’Asie Mineure. Il est souvent associé à une grotte, à une source. Najdenova recense en Bulgarie 130 temples dédiés à Mithra ou mithraea. L’examen des créations ou réparations de temples mithraïques montrent que le développement du culte de Mithra en Gaule occidentale est plutôt tardif, soit postérieur à 271, voire dans le courant des années 331-370. Le culte subit alors de profondes transformations dans sa liturgie et les rituels de sacrifices disparaissent au profit des offrandes de type monétaire ou vaisselles. La récupération de tels sites au profit de futures églises ou chapelles chrétiennes peut être le cas, comme en Pannonie (ancienne province d’Europe centrale) et Noricum (France orientale). Ainsi la seule idée d’une superposition, telle que l’avance Rever, peut s’entendre. Les principaux agencements des temples mithraïques ou mithriaques (selon Franz Cumont) restent la nef et ses deux banquettes latérales, un podium sur lequel reposent les autelsstalles dédicacés au dieu, une niche, ornée à l’origine d’une effigie ou d’un bas-relief du dieu Mithra. À proximité un bassin ou piscine alimenté par une source. L’interprétation que Rever donne des deux tables de granit ajourées, qu’il définit comme des autels tauroboliques, fait débat. Ces tables, transformées, mesuraient en longueur, pour l’une 2,24 m originellement et l’autre, plus petite, semblait fortement détériorée, pour une largeur de 0,837m.

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Le culte de Mithra véhiculé par l’armée romaine, particulièrement par des contingents de renforts venus de Cilicie (Turquie du sud-ouest) et de Commagène (Province de Turquie s’étendant jadis au nord d’Edesse), va se développer à proximité des villes de garnison des frontières de l’Empire ou sur les littoraux. Selon Roger Beck, c’est en Commagène même que le culte de Mithra aurait vu le jour. La présence du culte de Mithra en Gaule a surtout été étudiée dans la partie orientale du territoire. Les découvertes à Angers ou à Bordeaux sont récentes. Mithra : une expansion européenne fulgurante

On découvre régulièrement des temples qui lui sont dédiés en Suisse, en France, en Angleterre. La présence de ce culte est liée en premier lieu à la guerre, à la protection des frontières, portée par des hommes éloignés de leurs familles, de leurs contrées, en tout premier lieu des militaires. Ce peut être le cas aussi de commerçants. Ces adeptes confortent ainsi la camaraderie au sein d’un groupe, d’une communauté. Quelles sont les caractéristiques nécessaires a minima pour définir les sites de mithraea ? Spécificités qui se répètent : présence d’une source et d’une grotte. Ils sont peu en hauteur, généralement au cœur ou proche d’une agglomération d’essence romaine ou vicus, au niveau des habitations ou vers la fin du culte aux iiie et ive siècles dissimulés dans des aménagements souterrains, de type cave. La présence de mithraea en milieu rural reste exceptionnelle, sauf quelques fois en France de résidences aristocratiques ou à proximité de bâtiments militaires, tels des forts. Mais là aussi certaines exceptions confirment la règle, tel le mithraeum de Pons Aeni en France

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aménagé sur une colline proche d’une rivière ou encore à St. Urban, où le temple est connecté à une grotte sur les bords du lac St. Urban. Cette occupation à l’époque romaine est signalée, ainsi que des objets liturgiques ou de dévotion. Les mithraea se présentent toujours sous la forme d’un parallélépipède avec nef centrale et deux banquettes latérales. David Walsh, dans son The Cult of Mithras in late Antiquity, nous donne plusieurs plans des mithraea les plus célèbres et les mieux conservés. Walsh appuie son étude sur une soixantaine de mithraea situés à l’ouest de la Perse antique. La liste est loin d’être complète. Les dimensions des mithraea les mieux étudiés varient entre Housesteads (12,80 x 4,80m), Carrawburgh (7,92 x 5,58m), Londres (19,27m x 7,84m), tous en France, Biesheim (11,50m x 7,25), en France. Sur ce point les relevés de la chapelle Saint-Michel que Rever nous livre, si tant est que la chapelle se soit appuyée sur les bases des murs du temple antique, rentrent dans cette fourchette. Mais cela ne suffit pas. Si les sanctuaires mithraïques découverts sont nombreux en France, le long du limes germanique, parmi la soixantaine de sites recensés par Philippe Roy, les sites les mieux connus de mithraea, situés dans notre pays, sont ceux de Lyon, Sarrebourg, Koenigshoffen/Strasbourg, Migné-Auxances/ Poitou, Nuits-Saint-Georges, Bourg-Saint-Andeol, Angers, Septeuil, Bordeaux, Mandelieu-la-Napoule, Lucciana (Corse), découverts respectivement dans les années xvie siècle, 1895, 1911, 1923, 1940, 1980, 1990 et en 2017 à Lucciana proche de Bastia. Si la plus grande densité est relevée dans la vallée du Rhône et dans les provinces de l’Est, Angers reste donc à cette heure-là découverte la plus occidentale sur le continent d’un temple de Mithra dans l’espace européen.

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Les temples se caractérisent souvent par des localisations urbaines, légèrement enterrées. L’espace liturgique était constitué d’une grande nef, bordée de banquettes, se terminait par l’autel qui consistait en un socle surmontant un petit autel, placé dans une abside au fond de laquelle était représenté le dieu Mithra égorgeant un taureau, selon une esthétique d’influence grecque. À Ostie, dans le temple de Fructosas dédié à Mithra subsistent les deux piliers sur lesquels reposait l’autel, aujourd’hui disparu. En Bretagne, la présence de garnisons romaines sur le littoral de l’Armorique est attestée, et ainsi il ne serait pas étonnant de découvrir des vestiges de mithraeum, proches des établissements militaires. Les grandes cités, telle Avranches, Alet/ Saint-Malo, ont peut-être encore des secrets à livrer. Si l’on revient au Mont-Dol, les dimensions relevées par Rever de l’édifice chrétien, qui selon lui aurait remplacé le temple de Mithra, les dimensions auraient pu s’adapter aux fondations d’un mithraeum. À Ostie par exemple, les mithraea découverts mesurent 11,20 X 4,37 ; 14,26 X 5,82 ; 16,75 x 5,30 ; 15,37 x 4,55. Ou encore 14m x 6,4m à Caerafon au Pays de Galle ; ici au Mont-Dol, la chapelle Saint-Michel, mesurée par Rever, possédait une nef principale de 17,2m x 6,00m, qui aurait pu en effet s’appuyer sur des fondations antiques. Mais cela ne suffit pas. Bien évidemment beaucoup d’éléments pourraient jouer en faveur d’un culte à Mithra au Mont-Dol : occupation romaine militaire dans les environs, à Corseul, présence d’une source, voire de plusieurs. Sur ce point, le bassin qui existe au niveau de la fontaine, au centre du sommet du mont peut rappeler les piscines nécessaires au rituel du culte de Mithra, mais sans découvertes de monnaies, offertes au dieu, de

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vaisselle, de fragments d’inscription ou d’ex-voto, il est difficile de prouver cette thèse. D’autres points laissent perplexe : pourquoi deux tables ? pourquoi cet autel ajouré ? Aucun équivalent n’a été trouvé dans les découvertes de l’Asie à la France. Toutes les hypothèses ont été formulées, jusqu’à d’éventuelles grilles d’évaporation du sel ignigène, apportées des ateliers du marécage de Dol. À l’instar de Phlippe Guigon qui voit dans ces tables ajourées des éléments dans la fabrication du sel ou du garum (sorte de pâte provenant de la décomposition du poisson -sardines, maquereaux, huîtres- dans l’eau salée), qui se développe du 1er au IIIe siècle romain, et qui ne serait probablement pas étrangère à ces formes de pierres taillées. La prudence doit être de mise. Ces deux pierres granitiques, servant d’autel, ont été très probablement transplantées ici mais quelle était leur fonction première. Là, reste l’inconnue. Et pourtant cette notion d’autels tauroboliques va faire son chemin après la publicité des idées que Rever défend devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Des auteurs voient alors, dans certains vestiges du Morbihan, des restes de mithraeum. Ce sont souvent des temples dédiés au dieu romain Mars, comme à Mur en Carentoir, datés il est vrai du IIe siècle, époque d’expansion du culte de Mithra. L’existence de bâtiments octogonaux, peut-être une citerne ou un bassin, faisaient pencher vers cette interprétation mithraïque. Mais l’on sait depuis ces interprétations du xixe siècle que ces temples étaient dédiés au dieu Mars, comme à Corseul, à Mordelles en Ille et Vilaine, à Avenches, à Tours, à Périgueux, au Haut-Bécherel, etc. Dans sa description de la Bretagne romaine, Philippe Tourault fournit une description du cadre administratif de la province, partagée en pagi et civitates. Pour la région qui nous intéresse,

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faisant le pendant normand de cité romaine d’Avranches, Corseul possède tous les équipements d’une cité romaine. La cité s’effacera à la fin de la période au profit d’Alet (SaintMalo) pour retrouver pour un temps la renommée autour des activités thermales. Si des traces du culte de Mithra pouvaient être encore retrouvées, c’est probablement là qu’il faudrait être attentif. Reprenons les différents éléments qui pourraient caractériser un lieu dédié au culte oriental de Mithra. La présence d’une grotte. Le culte de Mithra est souvent associé à une grotte, naissance du dieu dans les entrailles de la terre. Vers la fin du culte, soit aux iiie et ive siècles en Occident, le culte est souvent clandestin, souterrain, pour échapper aux persécutions. Qu’en est-il au Mont-Dol. Nous pouvons recenser 4 grottes. Celles-ci ne paraissent pas naturelles mais creusées de main d’homme, probablement des carrières, ou pour le moins elles étaient à l’origine des abris sous roche. L’eau, qu’elle provienne d’une source naturelle, d’un puits ou d’un réservoir, a joué un rôle déterminant dans le culte de Mithra. Mais dans bon nombre d’autres panthéons occidentaux, l’eau jouait un rôle tout aussi important, tel pour les cultes de Taranis, Jupiter, Diane, Cybèle, puis plus tard saint Michel. Qu’en est-il de la présence sur le rocher. Nous développerons ci-après la notion de l’eau dans le paragraphe consacré à l’identification du Mont-Dol avec le mons Jovis des textes anciens. Un élément, qui n’est jamais cité, aurait pu jouer une influence notoire dans l’installation ou le développement du culte de Mithra : la présence de colonies d’Alains en Bretagne, en Basse-Seine.

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Depuis les études de Vladimir Kouznetsov et de Iaroslav Lebedynsky, nous connaissons mieux ces peuplades venues des steppes d’Europe centrale au milieu du ve siècle. Originaires du nord de l’Iran, tout comme les Sarmates, les Alains transitent par l’Europe centrale pour s’installer quelque temps en Basse-Seine et dans la vallée de la Loire. L’on sait également que de petites colonies séjournèrent en Armorique. Ces peuples adoraient une triade composée des dieux perses Mithra, Mazda et Anahita. Mais quoique adorateurs d’un panthéon païen, auquel appartient le culte de Mithra, les Alains durant leur présence dans la vallée de la Loire et au milieu du ve siècle en Bretagne, n’ont pu avoir d’influence sur un quelconque développement du culte mithriaque en Armorique. Nous ne le pensons pas mais signalons des toponymes étranges tel celui de Roz sur Couesnon, dans lequel nous pourrions y voir la racine alano-sarmate de Khors (qui se prononce Rorz), qui désignait chez ces populations une divinité solaire. Cette allusion vient juste pour explorer toutes les pistes, tout en restant très prudente. Laissons à Kouznetsov et Lebedynsky la liberté de penser que la cavalerie bretonne devait sa réputation aux influences apportées par les Alains, eux-mêmes excellents cavaliers. Par ailleurs, les descriptions de plus en plus nombreuses de mithraea découverts du Proche-Orient jusqu’en France, nous permettent de comprendre les agencements des temples dédiés à Mithra. Attardons-nous quelques instants sur le mithraeum découvert à Doura-Europos, en bordure de l’Euphrate en Syrie orientale et étudié très précisément par MikhailIvanovith Rostovtzeff. Ce temple urbain, dont les matériaux serviront à la construction d’une synagogue et d’une chapelle, se composait d’une chambre centrale de 5,75m sur 3,50m.

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L’autel principal, parlons alors de base d’autel, se situait au centre de l’espace, complété par deux plus petits au sud. Sur les deux petits autels étaient disposés deux brûle-parfums, percés chacun de 12 orifices de 4mm de diamètre chacun, afin d’y disposer des bâtons d’encens. Nous sommes loin des descriptions de Rever. Les énigmes du Mont-Dol

Nous avons déjà montré comment un culte de Mithra au Mont-Dol restait globalement mystérieux. Et cependant de très nombreux auteurs font allusion à un culte païen antérieur au culte de Saint-Michel. La légende d’une salle souterraine, ancienne hypogée du temple, « remplie de trésors inestimables », serait accessible via le « trou du diable », qui désigne l’entrée d’une petite cavité au nord, au sommet de la butte. Mais rien de comparable à un véritable endroit sacré, dans lequel pouvait se dérouler quelque cérémonie sacrée. La tradition est persistante, qui allègue l’existence d’un complexe druidique pour certains, la présence d’un temple sous le prieuré Saint-Michel, temple dédié tantôt à Diane, à Cybèle, peu adorée en Bretagne, ou à Mithra, encore inconnu à ce jour en Bretagne. Certains ont évoqué un temple dédié au dieu gaulois Taranis, le Jupiter gaulois. Marc Déceneux écrit « l’argument qui me semble le plus décisif est d’ordre théologique. Le dieu Mithra, souverain céleste et juriste, guerrier garant du maintien de l’ordre cosmique, est fonctionnellement le très proche parent d’une autre divinité, celtique cette fois, [Taranis]dont le culte est attesté sur le Mont-Dol par deux toponymes anciens et, peut-être, par un témoin archéologique. Les nombreux points communs entre ces deux figures divines rendent

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vraisemblable l’idée d’un glissement, entre le 1er et le iiie siècle, d’un culte gaulois à un culte gallo-romain puis romano-oriental ». Au-delà d’un glissement peu probable ici, la présence d’un culte à Taranis-Jupiter peut paraître vraisemblable. La présence de monuments mégalithiques est évoquée. En 1823 un érudit local écrivait : « ... rappelons-nous que ce Mont [...] était situé dans une forêt immense, et que, par conséquent, il réunissait tout ce que les Gaulois désiraient pour leurs exercices de piété. Rappelons-nous encore qu’on y a trouvé des restes d’autels celtiques, et que la tradition veut qu’il y ait eu un collège de prêtres gaulois ». Vingt ans plus tard, les auteurs de la réédition du Dictionnaire Historique et Géographique d’Ogée, se voulaient plus prudents : « On a prétendu qu’il y avait en cet endroit un collège de druides, mais cette opinion n’a été appuyée par aucune observation sérieuse ». Lors de notre première visite sur le mont en été 2021 nous avons fait remarquer à nos guides une grande auréole circulaire que dessinaient des herbes jaunies à l’est de la colonne dédiée à Marie. Est-ce là le vestige des bases d’un édifice plus ancien, comme ceux qui existent en Bretagne ? Nous ne pouvons le dire. Au-delà le site aurait été réoccupé à l’époque romaine. Chateaubriand écrit dans Mémoires d’Outre-Tombe que le dimanche les responsables du collège les emmenaient sur le Mont-Dol qui recelait des ruines gallo-romaines. Nous sommes en 1778, les fouilles de la grande cité romaine de Pompéi faisaient déjà rêver. Il n’y a qu’un pas pour que le vicaire général du diocèse de Dol, Gille Deric, dans sa fameuse Histoire Ecclésiastique de Bretagne dont les premiers tomes sont publiés en 1780, attribue l’origine des fameux autels découverts et décrits par Rever comme des vestiges d’un temple romain. Les interprétations vont bon train. Tous les dieux et déesses du panthéon romain liés au

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culte de l’eau ont eu leur heure de gloire. En 1852, Bertrand Robidou dans Histoire et panorama d’un beau pays récidive : « Au douzième siècle, une chapelle chrétienne couvrit, sur ce mont, les débris d’un temple de Diane-la-Chasseresse, qui avait lui-même succédé au dolmen élevé au milieu des forêts primitives ». Charles Robert, éminent membre de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, n’hésite pas à écrire en 1912 dans son Guide du Touriste à Dol au sujet de la chapelle SaintMichel du Mont-Dol : « [...] cette chapelle n’ était rien moins qu’un ancien temple païen, élevé en l’honneur de la déesse Cybèle ou de Diane-la-Chasseresse [...]. Cet édifice se trouvait sur la pointe orientale, entre la petite chapelle actuelle et la tour. En se portant sur cette partie, on remarquera encore des restes de substructions ; et, en descendant à mi-coteau, on constatera toute une maçonnerie de pierres sèches, régulièrement posées sur le rocher et semblant avoir servi de base à des tourelles [...] ». Ces affirmations seront encore de mise chez l’abbé Julien Descottes en 1922, qui écrit : « La petite chapelle de Notre-Dame de l’Espérance est située sur l’emplacement d’un temple élevé jadis en l’ honneur de Diane la chasseresse... » S’appuyant sur la découverte des fameux autels dits « tauroboliques », Marc Déceneux, en 1999, dans ArMen émet l’hypothèse suivante : « La présence de ces autels-passoires – on s’y glissait depuis l’extérieur par des percements dans le mur – prouve que la chapelle consacrée à l’archange avait été aménagée dans l’enceinte d’un temple romain, édifié dans le contexte d’une religion à mystères, pratiquant un rituel taurobolique (sacrifice de taureau) ou cryobolique (sacrifice de mouton) et l’initiation des mystes [fidèles], enfermés sous les autels, par l’aspersion du sang sacrificiel coulant au travers des trous des tables. Deux hypothèses peuvent rendre compte de telles pratiques : les cultes de Cybèle (cryobole et taurobole) et Mithra

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(taurobole) ». Ce culte originaire d’Asie Mineure est importé à Rome vers 200 après J.-C. C’est le début de l’aura des cultes dits « orientaux » à Rome. Ce culte se propagera dans toutes les provinces de l’Empire romain jusqu’à la fin du ive siècle. Il en est de même pour le culte de Mithra, autre culte oriental. Les auteurs hésitent entre l’un ou l’autre de ces deux cultes d’origine orientale. Louis Pape, dans La Bretagne romaine, penche pour Cybèle : « [...] la chapelle dédiée à saint Michel surmontait un temple païen, tout à fait différent des fana, comportant plusieurs salles et surtout deux autels à 9 séries de 3 entonnoirs qui permettaient au sang des victimes de s’écouler sur les fidèles, ceux-ci pouvaient se glisser sous l’autel en venant de l’extérieur et ensuite gagner l’ intérieur du sanctuaire. Ces cérémonies d’initiation sont conformes à ce que nous savons du culte de Cybèle, divinité phrygienne introduite à Rome en 204 av. J.-C. ; ses grandes fêtes se déroulaient en mars, on y célébrait la mort et la résurrection d’Attis, compagnon de la déesse [...] L. Langouet pense que ces cérémonies du mois de mars pouvaient, sur le site du Mont-Dol, correspondre non seulement au renouveau printanier de la nature mais en plus à la marée d’équinoxe, l’eau venant tout près du Mont-Dol. Cette hauteur caractéristique, comparable au Mont-Saint-Michel, ne pouvait qu’attirer les cultes anciens ; la conjonction du site “insulaire” et de la mer, avec ses formidables marées redoutées, sont la base géographique de ces manifestations religieuses ». D’autres adoptent l’hypothèse de Rever et veulent y voir un mithraeum. Dans les années soixante, un petit guide consacré à Dol de Bretagne reprend : « À toutes les époques, le Mont-Dol [...] exerça son attraction religieuse sur les populations voisines. Ici les vieux Gaulois élevèrent un temple en l’ honneur du dieu des moissons. Plus tard, après la conquête romaine, les soldats

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de la garnison y construisirent un temple en l’ honneur du dieu Mithra. Son culte très populaire fut longtemps le principal rival d’une religion nouvelle, le Christianisme... » André Dufief dans le magazine Le Rouget de Dol, n° 2 de 1973, y souscrit encore : « Le “temple” [...] ressemble davantage à une église primitive. Il est possible cependant que l’on ait gardé seulement le mur du temple avec ses deux autels (transformés en autels chrétiens) et édifié une église chrétienne en avant du mur ». Mais de l’évocation du dieu gaulois Taranis au dieu romain Jupiter, il n’y a qu’un pas qui est abordé par plusieurs auteurs. Jupiter a-t-il été vénéré au Mont-Dol ?

C’est probablement l’élément clé de l’énigme. Nous sommes en phase totale avec Jean-Jacques Chartier, l’un des meilleurs connaisseurs du site. L’abbé Lecarlatte écrira dans son Histoire des Monuments de Dol en 1864, « Sur le Mont-Dol, [nos aïeux] érigèrent un sanctuaire à Jupiter, le premier des dieux des païens, et ce Mont ne fut plus appelé que montagne de Jupiter, et par corruption Mont-Jou, Mons Jovis. Cette divinité infâme vit son culte se propager dans les environs du Mont [...] La plus ancienne mention d’un montis Jovis, est rapportée dans Historia Brittonum, publiée dans les Monumenta Germanicae Historica, cité comme limites du territoire que l’empereur de France attribuerait à ses compagnons et qui s’étend de « l’étang qui est au sommet du mont Jovis jusqu’aux villes appelées Cantguic et Cruc Ochidient (Sed dedit illis multas regiones, a stagno quod est super verticem Montis Jovis usque ad civitatem quæ vocatur Cantguic et usque...) ». Cette histoire des Bretons écrite par un moine local, Nennius, est datée du ixe siècle complétée au xie siècle. Cette appellation est remise

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au goût du jour par Alexandre de Noual de la Houssaye dans les Mémoires de l’Académie celtique en 1809, qui francise la dénomination en Mont Jou ; appellation que nous retrouvons dans le col du Petit Saint-Bernard où un lieu de culte dédié à Jupiter est connu sous le toponyme « Mont Joux ». Pour les archéologues suisses, ce nom est la déformation de Jovis/ Jupiter. Jacques Berruchon, dans la revue Mythologie française de 2011, énonce avec certitude la présence d’un culte de Jupiter sur le Mont-Dol, dénommé mons Jovis, mais sans arguments scientifiques. Plus sérieux, Michelle Salitot dans la revue Ethnologie française, reprend la théorie de Marc Déceneux quant à l’existence d’un culte à Jupiter sur le Mont-Dol, par lequel passe Samson lors de son accostage en Armorique en 548. En effet Marc Décéneux avance que « le tertre était autrefois un lieu de culte du dieu gaulois que les Romains assimilaient à Jupiter. Ce dieu, comme toutes les divinités celtiques, avait plusieurs formes et plusieurs noms [...]. Le “Jupiter gaulois” honoré au Mont-Dol était Taranis... ». Comment identifier le mons Jovis de l’Historia Brittonum ? Tout reposerait sur la mention d’un étang/stagno situé au sommet d’une colline appelée mons Jovis dans cette Historia Brittonum. Les auteurs s’appuient tous sur cette information pour faire du Mont-Dol cet antique mons Jovis. Toujours Marc Déceneux interprète la citation et voit dans les limites territoriales, mentionnées par le texte ancien, les limites de la péninsule armoricaine sur laquelle auraient débarqué les soldats bretons ; un territoire borné à l’ouest par le Cap SaintMathieu (ou le Menez-Hom), au sud-est, Nantes (CantguicCondevincum.) et au nord-est, le Mont-Dol. Pour bon nombre d’auteurs, dont Marc Déceneux, l’étang cité ne

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fait aucun doute, c’est « l’espace lacustre » qui existe encore au sommet du Mont-Dol, dont l’existence pour les populations locales suscitait émoi, frayeur et croyances. Depuis le xixe siècle, cette mention est reprise et fait l’objet de toutes les interprétations possibles. L’espace lacustre devient un étang, une fontaine, une source, un puits. Déjà au xviie siècle, Dubuisson-Aubenay dans son  Itinéraire de Bretagne en 1636  écrivait : « Le Mont-Dol ou Petit Mont-Saint-Michel, ainsi dit pour être un mont au milieu d’un marais tout seul, ayant un bourg avec son église tout autour, et sur le sommet un ermitage avec un puits. Au bas c’est le bourg épandu tout autour et qui a des fontaines... » Pour Marc Déceneux « L’argument est décisif pour deux raisons. L’étang du Mont-Dol est une curiosité qui fait du rocher un lieu assez marquant pour servir de repère géographique et son existence est attestée aux époques anciennes, notamment en 1181 dans la fameuse “enquête par tourbe” ordonnée par le roi d’Angleterre Henri II. D’autre part, la ligne Nantes Mont-dol est une figuration exacte de la limite orientale de l’Armorique... Le voyageur placé sur le Mont y aperçoit une flaque d’eau qui ne tarit jamais et qu’il reconnaît sans peine pour l’étang dont parle saint Nenne, qui écrivait sur la fin du sixième siècle, et l’avait connue... Le doute n’a donc plus de raison d’ être et il convient de reconnaître avec Paul Gout que le nom ancien du MontDol était Mons Jovis, le “Mont de Jupiter”... ». L’architecte en Chef des Monuments Historiques, responsable des travaux de restauration des monuments du Mont-Saint-Michel de 1898 à 1923 publia en 1910 un volumineux ouvrage sur l’histoire et l’architecture du célèbre îlot, dans lequel il énonce : « ... la dénomination de Mons Jovis s’applique non au Mont-SaintMichel, mais au Mont-Dol. L’ historien Nennius nous apprend qu’en 383 le Tyran Maxime donna aux Bretons ou Gallois et

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à leur chef Conan Mériadec, de nombreuses terres s’ étendant depuis l’étang qui est le Mont-Jou jusqu’ à Nantes. Or le MontSaint-Michel ne possède aucun étang tandis que sur le Mont-Dol il en existe un intarissable. Le Mont-Jou dont parle Nennius est donc le Mont-Dol et non le Mont-Saint-Michel comme beaucoup d’ historiens l’ont cru jusqu’ici ». Signalons que l’enquête de 1181 mentionnée par Marc Décéneux ne mentionne pas l’étang du Mont-Dol mais une fontaine, probablement la fontaine Godebourg, située au pied de la colline. Par ailleurs, le puits et l’ermitage mentionnés par Dubuisson-Aubenay figurent bien dans la vie antique de Saint-Samson, mais il s’agit plutôt du site de Dol, où le saint personnage fondera un monastère. Le texte est très explicite sur ce fait. Citons des extraits de La Vita Sancti Samsonis : « (Samson) monta en Mer avec ceux qui le voulurent suivre, et, d’un bon vent, fut, en peu de temps, porté au rivage de la Bretagne Armorique. Ayant posé l’ancre à l’embouchure d’une rivière (probablement le Guyoult), descendit à terre. » Très vraisemblablement à hauteur de Dol. Il fonde alors dans ce lieu « où il y avait un puits tout couvert de ronces et brossailles, y édifia un Monastère, lequel, en peu de temps, fut achevé, et s’y logea avec ses Religieux, et ce Monastère s’appella Dol ». La vie d’un autre évêque, saint Thuriau, successeur de Samson à Dol, à la fin du viiie ou au début du ixe siècle, rédigée dans la seconde moitié du ixe siècle, est connue par plusieurs versions ; Marc Déceneux évoque l’une d’elles, recopiée au xiiie siècle dans un monastère de Clermont-Ferrand, publiée par l’abbé Duine et qui nous montre Thuriau faisant un prêche public sur le mont Leoteren, qui ne peut être, que le Mont-Dol (unique sommet des environs de Dol, et présentant là encore une pièce d’eau poissonneuse, mentionnée

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explicitement dans le texte) . Ce terme de Leoteren, mal orthographié par un clerc auvergnat, serait en fait Lecteren, de Lex(o) Tarani (s) soit locus Taranis, le lieu de Taranis ; cette expression corroborerait l’antique dédicace du MontDol à Jupiter/Taranis. Saint Thuriau aurait ainsi au sommet du Mont-Dol nourri la foule pendant trois jours avec deux poissons pêchés dans la fameuse source, selon la traduction de l’abbé Duine en 1912. Cependant, d’autres auteurs emboitent le pas à DubuissonAubenay. Tel Jean Ogée, en 1778, dans son « Dictionnaire Historique et Géographique de la Province de Bretagne », qui écrit  : « ... les bénédictins du Mont-Saint-Michel ont un hospice, une chapelle, un bois de haute futaie et une source d’eau, qui, malgré son élévation, ne tarit point. » Lors de la réédition de 1845, on ajouta : « On montre sur le sommet du Mont-Dol une fontaine qui, dit-on, ne tarit jamais... » Au début du xixe siècle, le chevalier Denoual de la Houssaye, dans son Voyage au saint, au Mont-Dol, ajoute : « L’abbaye du MontSaint-Michel possédait autrefois à son sommet (Mont-Dol) un hospice, une chapelle et un bois de haute futaie [...]. Le bois est actuellement réduit à une vingtaine de châtaigniers, aussi la source d’eau vive qui passait pour l’une des curiosités du MontDol, et que ces arbres contribuaient sans doute à entretenir, est-elle tarie une partie de l’année ». Huit années plus tard, le 4 mai 1819, l’abbé Blanchard, curé du Mont-Dol, répond aux demandes de François Rever : « On peut compter quatre sources d’eau dont trois à l’occident de la montagne. Celle de la Grand Cour [...] ; celle dite fontaine du Rocher et enfin celle appelée fontaine St Samson, à mi coteau et la 4e au nord, appelée fontaine de Godebourg avec des marches pour y descendre ». De toutes ces sources, en l’absence de pouvoir visiter la fontaine

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Godebourg-probablement la plus intéressante-, dont l’accès privatif en interdit l’accès, seule la fontaine Saint-Samson et la source du sommet donnent encore de l’eau, selon les saisons. Theotiste et Alfred Jamaux rapportent la légende que Rever rédige pour une vue du Mont-Dol qu’il fait réaliser : « Sur le plateau, entre les châtaigniers et les constructions, on voit les vestiges d’un bassin creusé de main d’ homme, où l’on trouve toujours un peu d’eau, quelles que soient les chaleurs de l’ été. Il y avait en outre près de ce bassin, vers le sud, un puits qui maintenant est comblé ». Les auteurs, dans une autre publication, mentionnent également une lettre de Nadaud, avocat à la Cour royale de Bretagne, dans laquelle il écrit : « On me fit remarquer sur la montagne une source qui ne tarit jamais ». En 1829, l’abbé François Manet, établi à Saint-Malo, dans son étude, De l’ état ancien et de l’ état actuel de la baie du Mont-Saint-Michel insiste encore : « On y voit aussi, sur la partie nord, un télégraphe qui entre dans la ligne de paris à Saint-Malo ; les restes d’un sémaphore ; un corps de garde ; une sorte de petit vivier ou d’étang [...] ». En 1842, le maire de Dol écrit au procureur royal au sujet d’une tentative de suicide : « Elle a essayé de se noyer dans la rivière du bied Guyoul, hier, ainsi que dans une pièce d’eau profonde située sur le rocher de cette commune. Sans les secours prompts qui lui furent portés, elle aurait péri en peu d’instant ». Les touristes s’en mêlent, telle la Britannique Fanny Bury-Palliser en 1869 qui témoigne : « Les guides nous ont montré une source qui ne tarit jamais » alors que dans le même temps, le professeur Sirodot qui fouille le gisement préhistorique du Mont-Dol, écrit dans son rapport de fouilles : « Au sommet du tertre, il existe une fontaine qui n’a jamais été trouvée à sec ; elle donne pendant l’ hiver un volume d’eau assez considérable et produit un ruisselet aujourd’ hui situé

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sur le versant Est ; mais ce n’est qu’une dérivation, le cultivateur qui l’a exécutée, il a à peine vingt ans, peut encore l’attester. La pente naturelle de ce ruisselet était le versa t Sud [...] ». La source du sommet fait encore à la fin du xixe siècle le bonheur des pèlerins qui « se hâte d’aller boire quelques gorgées d’eau à une source qui, paraît-il, ne tarit jamais » ; tel que le rapporte Vattier d’Ambroyse en 1892 dans le magazine Le Littoral de la France, Côtes bretonnes, du Mont-Saint-Michel à Lorient. Les indices de la présence d’un culte à Jupiter 

Tous les lieux de culte jupitériens possédaient des autels et plus particulièrement des colonnes, posées sur un socle historié et surmontées d’une sculpture de Jupiter, dans plusieurs figurations, dont la plus travaillée est dite « du Cavalier à l’Anguipède » ou « Jupiter au géant », représentant un cavalier maîtrisant un monstre, dont le haut du corps est un géant (ou une femme comme à Plouaret) et le bas une queue de serpent... Placé au sommet de la colonne cette représentation du dieu renforçait le sentiment de hauteur mais aussi il symbolisait « la victoire du dieu sur les forces du chaos ». Et Marc Déceneux d’ajouter : « Rien, donc, n’ interdit d’ émettre l’ hypothèse selon laquelle le « Jupiter » du Mont-Dol aurait été honoré sur le tertre sous sa forme de cavalier héroïque maîtrisant l’anguipède [...]. Cette hypothèse permet de mieux comprendre l’ implantation sur le Mont-Dol d’un culte de Saint-Michel, certainement fort ancien, puisqu’une chapelle dédiée à l’archange existait sur le plateau en 1158 alors que les moines du Mont-Saint-Michel n’y étaient pas encore possessionnés. Le guerrier céleste, vainqueur du dragon, aurait donc pris là une place préparée pour lui depuis des siècles par son confrère celtique ».

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Ces colonnes jupitériennes ont été excellemment étudiées depuis le xixe siècle jusqu’à nos jours. Dans son remarquable travail consacré au culte de Jupiter, Jupiter dans les Gaules et les Germanies, du Capitole au Cavalier à l’Anguipède, Florian Blanchard dresse une liste de 45 colonnes partielles ou entières répertoriées à ce jour, malheureusement l’essentiel se trouve dans l’ancienne Germanie. La Bretagne est absente des lieux de découvertes. Cependant l’une d’elles fut découverte à Corseul dans un jardin situé dans l’espace urbain romain. Mais les archéologues ont émis l’hypothèse qu’elle n’était pas en place, compte tenu de son environnement. Il en est de même à Saint-Meloir-des-Bois dans les Côtes-d’Armor. Pour Jean-Yves Eveillard, la concentration de légions romaines originaires du limes germanique explique probablement cette présence. Et Charles Picard penche pour une diffusion de simples colonnes de Jupiter dans un premier temps avant de voir l’apparition de formes plus édulcorées ; tel semble être le cas en Narbonnaise, en Lyonnaise, en France et en Germanie Supérieure. L’Armorique appartenait à la province de Lyonnaise. De manière plus générale, les archéologues allemands ont une approche très intéressante. Cette forme dite le Jupiter au géant serait d’après eux d’influence celtique. Ils ajoutent que dans les vallées de la France supérieure, on a pu étudier l’adoption progressive du Chêne dans le culte de Jupiter, que les Allemands lient aussi à la relation menhir-Jupiter. Chez Carl Schuchhardt, Vorgeschichte von Deutschland tout comme dans la très complète étude de Bauchhenss et Noelke de 1981, Die Jupitersäulen in den germanischen Provinzen, les auteurs soulignent la relation étroite de continuité entre l’usage des menhirs comme signal de la sacralité

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et les colonnes de Jupiter, notamment dans les régions de Hessen, Pfalz, Trier, mais aussi dans la vallée du Neckar, en Alsace, en Lorraine, où l’on recense de très nombreux menhirs et de très nombreux temples de Jupiter. Pour les chercheurs allemands, ils y voient la même signification. Carl Shuchhardt évoque les nombreuses réutilisations aussi de menhirs par la chrétienté. Cette hypothèse a été également soutenue par C. Schuchhardt, F. Sprater et H. Kirchner. Mais étonnamment, les auteurs attirent l’attention qu’il n’existe pas de colonnes de Jupiter dans la France de l’Ouest. Depuis ces publications, Jean-Yves Eveillard et Yvan Maligorne nous ont livré leur étude consacrée à trois colonnes jupitériennes de Bretagne, dont celle de Corseul. Il reste probablement des découvertes à faire. Le Mont-Dol participe peut-être de ces ajouts. En effet, dans l’antique église paroissiale Saint-Pierre du Mont-Dol, un des piliers de la nef interpelle. Sur le côté gauche de la nef, à la limite de l’ancien chœur une colonne en granite, détonne avec les autres piliers supports des voûtes. Des sondages sur le cœur des autres piliers de forme carrée, constitués de parpaings, n’ont pas permis de découvrir ce type de « colonne granitique » qui aurait pu être incluse dans les nouveaux piliers de la restauration du début du xixe siècle, renforcés pour l’aménagement d’une nouvelle toiture. À la base de ce pilier gauche de la nef, des croix pattées identiques à celles du Mont-Dol décorent le socle. Le fût de la colonne, de 1,80m de diamètre, et qui mesure 1,35 de haut, constitué de deux modules monolithes de 1,07m et 0,28m, est terminé par un chapiteau de style corinthien très usé. C’est sur ce petit module de base que figurent quatre croix pattées : une volonté

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probable de christianiser ce support auquel était attachée une tradition païenne... Sa base constituée d’un socle carré est séparée de la première partie du fût, mais solidaire, par un tore de facture plus récente que le chapiteau. Tout indique que lors de l’exécution de ce pilier, on a récupéré un mégalithe païen auquel on a ajouté une base nouvelle, qui affirme la christianisation. Étrangement, en vis-à-vis, de l’autre côté de la nef, un pilier semblable, quoique plus volumineux, avec un diamètre de 1,88m, constitué de trois éléments mégalithiques, possède une base carrée avec 4 empâtements ou griffes symbolisant des feuilles de lotus. Il est probable que les aménageurs de Saint-Pierre ont réutilisé des éléments plus anciens trouvés dans l’environnement et réajustés là dans un ordre dispersé mais créant une symétrie entre les deux piliers. La Vita du saint fait état de croix que Samson aurait gravées sur le rocher, non loin d’une source intarissable. Nous reviendrons sur les différentes vies de Saint-Samson et leur véracité. Mais le processus de christianisation d’éléments païens est fréquent. Pour le Mont-Dol, Marc Déceneux écrit dans ArMen que la présence de croix gravées sur le socle de la colonne relèverait de cette christianisation du secteur de Dol, attribuée à Samson et ajoute que la partie supérieure des croix manque « ce qui prouve que leur gravure a été exécutée avant la réutilisation dans l’église, construite au xiie siècle : sans doute a-t-on tenu, lors de l’ édification du sanctuaire, à réemployer pieusement ce vestige sanctifié par sa christianisation aux temps héroïques. Or ce fragment de colonne n’est pas, en haute Bretagne, un cas isolé : dans les Côtes-d’Armor, les églises de Pléboulle et Hénanbihen conservent des éléments de colonnes romaines gravées de croix semblables à celles du Mont-Dol... » L’abbé Duine, dans ses Légendes du Pays de Dol en Bretagne, arrange à sa façon la vie

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de saint Samson et décrit l’arrivée du missionnaire non pas à Dol mais au Mont-Dol et le met en scène : « À l’époque où saint Samson quittait les Anglais pour venir chez nous, le MontDol était entouré de la mer. Notre saint évêque débarqua sur le tertre après une difficile navigation, car Lucifer avait surveillé le voyage et fait tous ses efforts pour renverser le bateau [...]. Samson visita le monticule et, tout auprès d’une source intarissable que saint Michel avait fait jaillir jadis, il grava sur le rocher culminant du Mont trois croix grecques que l’on peut voir encore aujourd’ hui ». Rien ne figure de tel dans le texte de la Vita Sancti Samsonis. Mais au-delà de l’imagination de Duine, il n’y aurait rien d’exceptionnel d’avoir là la christianisation d’un sanctuaire païen. La description des fameux autels de Notre-Dame-de-l’Espérance décrits par l’abbé Rever, dénommés « autels tauroboliques » auraient pu servir de socle à une colonne de Jupiter. Nous avons un exemple de ce type à Cussy en Bourgogne, où le socle de la colonne jupitérienne retrouvée là est constitué de deux grandes tables de 2m chacune, assez comparables aux autels du Mont-Dol, dont la plus grande intacte mesure selon Rever 2,27m. Mais ici les deux tables sont aménagées en trémies, ce qui n’aurait aucun sens.

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IV. Mithra et l’archange Saint-Michel : un syncrétisme ?

Comment l’idée d’une présence du culte du dieu iranien Mithra tant sur le Mont-Dol que sur son alter ego le MontSaint-Michel, a-t-elle pu germer dans la tête des érudits de la fin du xviiie siècle ? Pour cela, nous allons nous intéresser à l’origine proche-orientale des deux mythes, en comprendre les processus de développement ainsi que les symbolismes cultivés par les deux religions. Nous verrons que tout cela est troublant. Une influence orientale et italienne

L’origine du culte de Mithra remonte aux premières religions indo-européennes des tribus des steppes eurasiatiques, dont certaines dans leurs grandes migrations débouchent sur les territoires de l’actuel Iran et de la Mésopotamie vers le milieu du 2eme millénaire av. J.-C. C’est l’époque où ces fidèles croient

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que l’univers a été créé en sept étapes, chiffre qui occupera une place incontournable dans toutes les religions du MoyenOrient. Ces étapes de la création sont le ciel, l’eau, le sol, les plantes, les animaux, les humains et enfin le feu. L’univers est considéré à l’origine comme statique puis une plante fut sacrifiée, puis un bœuf, puis un humain. Leurs semences furent dispersées : c’est là l’origine du cycle de la mort et de la renaissance. Selon Georges Dumézil, grand spécialiste mondial de l’histoire des religions païennes, les peuples primitifs classaient leurs dieux en trois groupes, qui reflétaient les trois classes sociales des Indo-européens : les prêtres ou les souverains, les guerriers et enfin les producteurs. Mithra, né d’un rocher, représente la première classe. Mithra signifie aussi le pacte, un accord entre deux personnes. Dans une époque, voilà plus de 4000 ans, où la notion de gouvernement n’existait pas, la cohésion et la stabilité sociale reposait sur des conventions sociales. Certains esprits divins ou dieux étaient identifiés comme des facilitateurs de ces pactes. Mithra était l’un d’eux. Le mythe du sacrifice d’un bœuf ou d’un taureau signifie alors le mythe originel de la création. Peu à peu le rôle de Mithra se singularise. Son culte se développe via les Mèdes. Il paraît probable que dès Darius I (540-486 av. J.-C.), son culte bénéficie déjà d’une certaine aura. Il apparaît dans des inscriptions gravées de Suse et d’Hamedan, à l’époque des empereurs achéménides Darius II (424-405 av. J.-C.) et Artaxerxès II (405-359 av. J.-C.). Puis l’intrusion des Grecs avec la conquête de la Perse achéménide par l’empereur Alexandre de Macédoine en 334 av. J.-C. assimile Mithra au dieu gréco-romain Apollon. Les premières représentations du dieu Mithra seront grecques. Le culte se répand peu à peu dans tout l’espace indien, mésopotamien, anatolien, syrien, méditerranéen oriental, égyptien,

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via des communautés de marchands perses. La conquête de ces régions par les Grecs puis par les Romains participera à la diffusion du culte. C’est sous la dynastie des Parthes (247 av. J.-C.-224 apr. J.-C.) que le culte de Mithra va connaître sa plus grande diffusion. Renan d’écrire « si le Christianisme avait été arrêté dans sa croissance par une maladie mortelle, le monde aurait été mithriaque ». On retrouve alors le culte en Cappadoce (ouest de la Turquie actuelle), en Cilicie (sud de la Turquie) à Šîs, résidence des rois de Médie puis lieu de pèlerinage des souverains sassanides, puis en Arménie, dont le souverain Tiridate Ier est un adepte de Mithra (28-72 apr. J.-C.). Les valeurs portées par ce culte réservé aux hommes, encourageant la camaraderie entre ses adeptes, seront vite adoptées par les légionnaires romains, qui le découvrent lors de l’occupation des territoires byzantins du Proche-Orient et surtout lors des affrontements en Mésopotamie qui vont opposer les deux empires, perse et romain, depuis le IIe siècle av. J.-C. Son analogie avec le dieu gréco-romain Apollon facilite son adoption. La diffusion du culte se fait ainsi à partir de la Mésopotamie et de l’Asie Mineure. Elle s’étendra très vite à tout l’Empire romain, essentiellement dans les points de stationnement des légions mais pas seulement. Ernest Will l’a montré. Si le culte, par ses valeurs, a séduit en priorité les militaires, il ne fut pas absent des milieux urbains civils. On retrouve des sanctuaires, là où étaient établies des sociétés privées liées au grand commerce, Ostie, Londres, Mérida. C’est sous la dynastie des Flaviens entre 40 et 70 apr. J.-C., que le culte fait son apparition à Rome. La connaissance des temples dédiés au culte de Mithra est extrêmement récente. À la fin du xixe siècle seuls trois sites étaient connus à Ostie,

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l’ancien port de Rome. Actuellement sur le seul site d’Ostie, 14 temples ont pu être identifiés mais aussi à Rome, en France, en Suisse, : soit près d’une centaine dans la seule Europe occidentale. Pourquoi cette méconnaissance ? Contrairement aux sites paléochrétiens, souvent clandestins eux-aussi mais répertoriés par les communautés ou les toponymes, les mithraea apparaissent régulièrement grâce à des travaux d’urbanisme ou à des fouilles globales sur un territoire urbain. La densité des mithraea à Rome, et dans sa banlieue, fait dire à Ernest Will que l’on peut considérer cette cité comme la « papauté » du Mithraïsme en Occident. L’arrivée au pouvoir de l’empereur Constantin, en 272 apr. J.-C., met fin aux religions païennes au profit de la seule religion chrétienne. Son arrivée sonne le glas du Mithraïsme, même si Dioclétien et Galère en 307 déclarèrent Mithra « protecteur de l’empire romain », et que quelques adeptes s’en réclamèrent jusqu’à l’époque moderne. Quelles en sont les raisons ? La christianisation de l’armée et de la cour impériale est fatale au Mithraïsme. Avec le dernier empereur romain, farouche combattant du paganisme, Théodose (347-395 apr. J.-C.) s’en était fini durablement avec le Mitraïsme à la fin du ive siècle. Le culte du dieu iranien s’était bel et bien imposé au détriment des autres religions. Sa religion à mystères détrôna progressivement les vieilles pratiques païennes. Alors que tout souriait au Mithraïsme, qui partageait de nombreux rituels et traditions en commun avec le Christianisme naissant, ses rituels se sont retrouvés « récupérés » par les Chrétiens. L’assimilation de Mithra au dieu du soleil connut ses lettres de noblesse avec ce traité de l’empereur Julien (331-363 apr. J.-C.), disciple lui-même, le roi Soleil, qui mettait en exergue

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l’association des divinités de l’Orient et de l’Occident pour ne former qu’une seule intelligence, incarnée par Mithra. Pourquoi ce culte « clandestin » connut-il un tel retentissement ? Ses fidèles se recrutaient parmi les commerçants, les marchands ambulants, les fonctionnaires, les voyageurs commerçants et les migrants de toutes sortes, isolés de leur communauté et de leur milieu d’origine. Ils retrouvaient lors des cérémonies dans ses lieux dérobés, la chaleur et l’intimité d’une famille religieuse ainsi qu’une raison collective de vivre. De la Perse à la France, une communauté mithraïque pouvait les accueillir. Robert Turcan écrivait en 1981 : « la religion de Mithra fournissait à ses adeptes une explication de l’ homme et de l’univers, de leur histoire et de leur raison de vivre. Il introduisit même de nouveaux mystères et sciences dans la vie des gens. L’astrologie fut alors le dernier mot de la science à l’époque. L’astrologie mithraïque renforçait la foi en permettant l’accomplissement de la victoire des volontés célestes. De même, il satisfaisait l’exigence profonde du cœur humain. Mais par contre, il ignorait les angoisses de l’ homme à propos de la mort ». La propagation en Occident du culte de l’archange saint Michel

Dans le même temps, naissait en Asie Mineure, le culte de l’archange saint Michel, l’un des trois archanges reconnus par le Christianisme, mais également vénéré dans le Judaïsme et l’Islam. En hébreu son nom signifie « qui est comme Dieu » et en grec, « archange » est un mot composé de ἡγέ� ομαι « commander » et ἄγγελος « messager ». Chez les Byzantins et les Lombards, on le compare au dieu Odin, dont il conserve les vertus guerrières.

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Présent dans la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testaments, le saint est l’envoyé de Dieu, le messager, le porteur de la Nouvelle. Il y est désigné « comme le protecteur attitré du peuple hébreu ». Dans le Livre de Daniel, l’ange Gabriel apparaît au prophète Daniel pour lui expliquer ses visions et lui révèle également comment combattre le roi des Perses qui lui impose une forte résistance. Sans l’intervention de Michel en personne, Gabriel ne pouvait prendre le dessus. Étonnant que cette entrée en scène du roi des Perses. Si certains veulent voir un alignement des lieux de culte qui lui sont dédiés de la France à Israël, en passant par la Grèce, l’expansion de son culte est beaucoup plus importante que cela. Nous avons déjà expliqué comment le culte prend naissance en Asie Mineure. Mais c’est en Égypte et en Asie Mineure, comme à Constantinople et à Chonai (actuelle Honaz, dans l’antique province de Phrygie, au sud-est d’Izmir) que l’on trouve les plus anciens lieux de culte dédiés à l’archange. À Constantinople, Raymond Janin ne dénombre pas moins de 32 lieux de culte consacrés à Saint-Michel, tant dans la capitale byzantine que dans ses banlieues. Les édifices se multiplient dès le milieu du ive siècle à Anaplous (actuelle Arnavutköy) sur la rive occidentale du Bosphore, où l’empereur Constantin édifie un sanctuaire circulaire dédié à SaintMichel. Justinien dans les années 570 en fait construire un autre pour son fils Michel qui vient de décéder. En Isaurie ou Pisidie (ancienne province de l’Anatolie), aux ve et vie siècles on assiste à la multiplication des lieux de culte voués au saint dans tout l’Empire byzantin. Souvent les nouveaux sanctuaires occupent des lieux dédiés à des cultes païens, tel à Symi (île grecque de la mer Égée), où le nouveau sanctuaire

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Saint-Michel fait suite à un temple dédié au dieu gréco-romain Apollon. De l’Asie Mineure, le culte se propage et arrive jusqu’au sud de l’Italie, alors occupé par les Byzantins. C’est à partir des Pouilles, récemment conquises au vie siècle par les rois lombards, et la conversion de leur roi et de son épouse Théodelinde (570-627), que le culte se diffuse dans le nord de la France, le Piémont, le Val de Suse, puis vers l’Europe occidentale via les cols des Alpes et la vallée du Rhône. Dans le Piémont, l’abbaye de Saint-Michel-de-la-Cluse à Pirchiriano dans le val de Suse, au débouché du col du Grand-SaintBernard, à l’ouest de Turin, et située sur l’axe de pèlerinage terrestre vers Jérusalem via l’actuelle Slovénie, Grèce, Turquie, était régulièrement visitée par les pèlerins. Mais chacun reconnait à ce jour l’influence qu’a jouée le sanctuaire du Monte Gargano dans les Pouilles, qui réunissait tous les attributs du mythe accroché à l’archange. Ces attributs présentent des analogies troublantes avec celles du culte de Mithra. Argumentée par Engelbert Winter, la concurrence féroce qui existait entre le culte de Mithra et le Christianisme, empoisonne la diffusion de cette dernière religion. Les nombreuses analogies qui existent entre les deux religions sèment le doute. Nous reviendrons sur ces analogies, qui même si elles ne sont que fortuites, ne peuvent laisser les fidèles indifférents. Les historiens, tel Socrate le scolastique (389-440), rapportent les persécutions massives des adeptes de Mithra et des lieux de culte par les chrétiens principalement dans les provinces occidentales et septentrionales. Le cas de reconstruction d’édifices cultuels chrétiens sur d’anciens emplacements de mithraea est fréquent dans les provinces orientales, mieux étudiées, comme à Hawarti (Huarte) en Commagène (centre de l’actuelle

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Turquie, contigüe à l’Euphrate) fouillé à la fin des années 90 par Engelbert Winter. Troublantes analogies

Les valeurs et symboles qui entourent Mithra : il est le garant de l’ordre terrestre. On lui attribue la fonction de médiateur de la révélation divine, d’intercesseur entre les Hommes et le dieu suprême Ahura Mazda ; il joue un rôle d’arbitre. Selon la tradition, Dieu passa un contrat entre la lumière et les ténèbres le jour de la fête du Nouvel An (21 mars) et le jour du Mithragân, fête de Mithra le 21 décembre. Dans le panthéon iranien, Mithra est celui qui va combattre Ahriman, le dieu du Mal. Mithra représente les vertus du devoir, de la justice, de la vérité. À Mithra est lié dans la Perse ancienne l’aspect juridique de la fonction de souveraineté. Geo Widengren le définit comme le dieu-juge qui veille, chez les anciens Perses, sur les serments et les contrats. Autre image se rattachant à Mithra, celle du soleil. Ainsi Darius III (381-330 J.-C.-l.) avant une bataille, prie le soleil, Mithra et le feu de lui donner du courage et la victoire. Sous le géographe romain Strabon (60 av. J.-C.–20 apr. J.-C.), il est identifié au soleil. Sa fête est célébrée dans la Perse antique avec solennité, le 21 décembre ; fête qui sera reprise par la chrétienté et assimilée à Noël. Parmi les symboles propres au culte du dieu iranien Mithra, que l’on retrouve dans le développement du culte de Saint-Michel en Occident dès l’époque carolingienne, retenons les principaux. Outre les fonctions célestes dédiées à l’archange Michel, ses valeurs guerrières, sa fonction de chef de la milice céleste, de juge, de messager, son association avec

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le culte marial telle l’association Mithra-Anahita chez les Perses, les lieux de cultes présentent des caractéristiques qui interpellent. William Abruzzi reprend les 12 rapprochements entre ce culte perse et le Christianisme : Mithra représentait un dieu incarné sous une forme humaine ; sa naissance le 21 décembre, devenu le 25 décembre à la suite d’une erreur de calendrier, sera reprise par la chrétienté ; Mithra était né d’une naissance virginale miraculeuse dont des bergers ont été témoins ; Mithra était né dans une grotte ; Mithra était considéré comme un Dieu Sauveur qui a racheté les croyants par sa mort et résurrection ; Mithra était connu comme la « lumière du monde » ; on rapportait que Mithra avait accompli des miracles ; le Mithraisme prêchait une doctrine dualiste du bien et du mal et du ciel et de la terre ; Mithra était un dieu chaste qui resta célibataire tout au long de sa vie terrestre ; les baptêmes étaient considérés comme un rituel d’initiation au culte mithraïque ; les initiations mithriaques étaient célébrées avec un repas eucharistique ; Mithra était adoré le dimanche (le jour du Dieu Soleil), le même jour de la semaine finalement choisit pour l’adoration de Jésus. Nommé dans la Bible, l’archange Michel est le chef des armées célestes. Une guerre éclate dans les cieux, Michel combat alors un dragon qui commande les démons. Michel devient ainsi le punisseur de tous ceux qui combattent contre Dieu. Ses attributs, l’épée ou la lance ou l’armure. C’est un guerrier, qui commande les armées des anges. Pour Mahomet, c’est celui qui transmet les messages de Dieu ; il est aussi celui qui juge et pèse les âmes. Nous retrouvons là les attributs de Mithra. Mais Michel c’est encore plus. Chez les Hébreux, il est le protecteur du peuple juif, protecteur des malades, des

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militaires, des pompiers, des épiciers, des pharmaciens, des confiseurs, qui utilisent des balances. À Constantinople/Byzance, il était considéré comme le protecteur de l’armée impériale. Il est ainsi souvent représenté en empereur byzantin ou romain. Selon la légende, lors de la bataille de Sipontum (actuelle Manfredonia- port des Pouilles), le 8 mai 663, saint Michel serait intervenu aux côtés des armées lombardes afin de repousser les Arabes qui cherchent à s’emparer des Pouilles. Certains chercheurs suggèrent aussi que cette image de l’archange du Gargano, « donnant la victoire sur les champs de bataille », portée par les familles aristocratiques lombardes, ait séduit les souverains d’Austrasie, liés par de multiples alliances entre eux. C’est ainsi que le pouvoir carolingien en fait son idole. Le Mont-Saint-Michel sera au cœur de la problématique. Nous développerons cet aspect dans la prochaine partie. André Vauchez, l’un des plus grands historiens de l’histoire de l’Église au haut Moyen Âge insiste sur le caractère tardif des conversions chrétiennes en Occident qu’il date pour l’essentiel du début du viiie siècle et ajoute : « Il est bien difficile de dire, pour ce qui touche la vie spirituelle, quand finit l’Antiquité et quand a commencé le Moyen Âge...beaucoup d’éléments cependant conduisent à penser que le passage d’un type de religiosité à l’autre fut assez tardif ». Ainsi la présence de nombreux emprunts ne doit pas surprendre. La présence d’une grotte et de l’eau. D’après une tradition chrétienne, rapportée par Geo Widengren dans son ouvrage fondamental Les Religions de l’Iran, les Mages de Perse, tous les ans après la récolte du foin, montaient sur une montagne qui, dans leur langue, s’appelait le « Mont de la victoire » ; « au

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sommet se trouvait une caverne et des sources, avec des arbres d’une rare beauté. Là, ils se lavaient, priaient et, trois jours durant, louaient Dieu par une prière silencieuse. Cette caverne est celle que nous connaissons par les mystères de Mithra, et dont le philosophe Porphyre de Tyr (234-310 apr. J.-C.) dit qu’il s’agit d’une grotte naturelle des montagnes perses, où il y avait des fleurs et des sources... Le rite de ces Mages se reproduisait chaque année. Ils attendaient toujours que l’étoile de la chance se lève et leur apparaisse au moment où elle se couchait sur le Mont de la victoire ». Étonnante tradition qui sera remaniée par le Christianisme. La naissance de Mithra dans une caverne, avec des sources à proximité, est rapportée par de nombreux textes. On retrouve ce mythe chez les Ossètes. Ce qui fait dire à Widengren que les cérémonies d’initiation connues sous le nom des « Mystères de Mithra » auraient leur origine dans une région au contact du nord-ouest de l’Iran, de l’Arménie et du Caucase. La création de la légende de la caverne, dans laquelle serait né Mithra, serait attribuée au prophète Zoroastre (vers 1000 av. J.-C.). Dans cette grotte naturelle, sacrée, on y aurait célébré des cérémonies d’initiation. Les temples dédiés au dieu, dénommés mithraeum/mithraea, étaient censés reproduire la grotte sacrée originelle. C’est là que Mithra aurait capturé puis tué un taureau. Dans les deux cultes, on retrouve la présence de l’eau, qui joue déjà un grand rôle dans la Bible, telle cette source que Dieu fait jaillir d’un rocher pour épancher la soif de Moïse. Elle est un attribut incontournable du culte de Mithra. Au Gargano, la première église – crypte est aménagée dans une grotte, qui rappelle les salles souterraines des mithraea. La présence d’une source sacrée conforte l’impression. Les

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fondateurs du Mont-Saint-Michel tenteront de reprendre tout cela à leur compte, telle cette source qui jaillit sur le mont, et qui est identifiée avec la fontaine Saint-Aubert. Cette notion de grotte correspond dans les débuts du culte à des récupérations de lieux de cultes païens. Mais ce symbole finira par l’emporter et dès les xie siècle et xiie siècle de très nombreuses cavités naturelles vierges, souvent en altitude, en France méridionale et centrale, abriteront de nouveaux sanctuaires michaéliques. Pierre Bouet, grand spécialiste du culte de Saint-Michel énonce : « cette « récupération » à laquelle nous pensons vivement du culte de Mithra par l’Église de Rome s’inscrit dans cette affirmation de la Bible qui énonce « un transfert voulu par Dieu, du pouvoir suprême de l’Orient vers l’Occident. L’archange s’est ainsi trouvé des lieux privilégiés, où les humains puissent trouver secours et assistance ». Le mythe du taureau et du dragon. À Gargano, qui deviendra l’archétype et la métropole du culte de Saint-Michel dans l’Occident chrétien, saint Michel aurait pourchassé un taureau jusqu’à l’entrée d’une grotte. Cette grotte naturelle allait devenir un sanctuaire chrétien, halte de très nombreux pèlerins. Même si ce lieu présente tous les éléments pour en faire un sanctuaire de Mithra, la tradition l’attribue au culte des divinités Calchas, fils d’Apollon et Podalyre, auxquelles on attribue des vertus de médecin et de voyant, deux caractéristiques attribuées à l’archange et dont le culte était très répandu dans les Pouilles. Néanmoins, revenons sur les attributs réciproques attribués à Mithra et à saint Michel. Le sacrifice d’un bœuf ou d’un taureau n’est pas uniquement réservé au culte de Mithra dans l’Antiquité. Déjà à l’époque celte, les sacrifices de taureaux étaient aussi courants lors des grandes cérémonies. Les Romains y mettront un arrêt

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devant la menace politique que représentaient les druides. Toutes les cultures méditerranéennes antiques sont imprégnées de cette idée selon laquelle l’homme s’approprie la force de cet animal – le plus puissant connut à l’époque – en le tuant. Des représentations figurées représentent la queue de l’animal de laquelle émerge un épi de blé et le sang de l’animal est versé dans le sol pour le fertiliser : deux symboles de vie. Le culte de Mithra, importé par les légions romaines, apportait un élément de substitution en livrant certains gestes symboliques, tel le sacrifice de taureau puis de là le passage ou la récupération par saint Michel. Pina Belli D’Ellia, qui a minutieusement étudié l’iconographie michaélique, donne de très nombreux exemples de représentations montrant saint Michel poursuivant un taureau. Mais l’image traditionnelle, qui va se diffuser, est celle de l’archange saint-michel terrassant un dragon. Samson, le saint fondateur de l’évêché de Dol, du culte de Saint-Michel sur le Mont-Dol est lui aussi représenté terrassant un dragon, telle cette représentation du saint sur le tympan de l’église SaintJacques à Perros-Guirec. Là encore, on retrouve des emprunts à des pratiques païennes très répandues. Dans la liturgie des mystères de Mithra, apparaît la mise à mort d’un dragon. Le grand-maître des mystères tuait ce dragon avec des flèches ou en utilisant une massue. À Bordeaux, lors des fouilles d’un mithraeum, on a retrouvé plusieurs statuettes et autels, qui associent Mithra à des serpents ou des dragons. Le dragon ou griffon fait partie de la mythologie mésopotamienne, notamment on la retrouve chez les Assyriens, chez les Scythes, chez les Alains, puis plus tard chez les Parthes, chez les Sassanides on en retrouve des représentations dès la fin du 2eme millénaire av. J.-C. Des représentations sassanides montrent des

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cavaliers portant des bannières en forme de dragons. Le Moyen Âge occidental adoptera ces pratiques. Ces bannières servaient d’enseigne de cavalerie. Mithra au Mont-Saint-Michel

Et que dire d’un culte de Mithra au Mont-Saint-Michel, comme le laisse percevoir Marc Déceneux dans son Histoire d’un mythe ? Pour l’historien, le culte de saint-Michel aurait pris la relève d’un culte de Mithra. Cette hypothèse avait déjà été avancée dans les années 1987 par Jean Markale, dans Le Mont-Saint-Michel et l’Enigme du Dragon. Markale s’appuie alors sur la constatation que « dans tout le pays de Dol et de Saint-Malo, les vestiges mithraïques ne manquent pas ». Cette thèse était née de la tradition doloise des autels tauroboliques et de l’existence d’une grotte, dont l’existence n’est pas confirmée. N’oublions pas que les premiers sanctuaires chrétiens établis sur le rocher du Mont-Saint-Michel étaient dédiés à Saint-Symphorien et Saint-Étienne selon Guillaume de SaintPair, moine au Mont-Saint-Michel au xiie siècle, dans son Roman du Mont-Saint-Michel, traduit par Francisque Michel et actualisé par Catherine Bougy : « En la forest aveit un mont, en un planistre, alques roünt. Dunc capeles aveit es leiz del mont, feites beles asseiz ; de seint Estienvre l’une esteit, qui vers le haut del mont seieit ; aval el bas, cen seijen bien, resteit la seint Simphoriein. En ermitage illuec esteient moigne plusor qui Deu serveient ». Un élément qui ne fait qu’embrumer les analyses : la fête de saint Etienne a lieu un 25 décembre, alors que la fête dédiée à Mithra, dénommée en persan Shab’e yalda, a lieu le 21, jour du solstice d’hiver.

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Le mythe du taureau intervient dans la légende médiévale du Mont-Saint-Michel. Celle-ci raconte qu’après « la troisième apparition de l’Archange, Aubert se rendit enfin sur le mont Tombe et découvrit que l’emplacement du futur sanctuaire avait été marqué par saint Michel, ainsi que l’Ange le lui avait annoncé en rêve : un taureau volé par un larron et caché là pour le revendre attendait l’ évêque au centre d’un grand cercle dessiné par la rosée du matin, où se dressaient deux grosses pierres : là devait être érigé l’oratoire dédié au premier des anges. Là, saint Aubert l’érigea ». Mais nous sommes là dans l’adoption la plus parfaite du mythe attaché au Monte Gargano et sans allusion aucune à Mithra. Comme nous l’avons vu précédemment, le culte de Mithra est déjà en Occident un culte urbain. Qu’il y ait eu, précédant l’abbaye chrétienne, un sanctuaire païen, cela peut paraître plus vraisemblable.

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V. Les deux sanctuaires du Mont-Saint-Michel et du Mont-Dol se sont-ils livré concurrence ?

La documentation, les sites

La comparaison tant topographique, archéologique, manuscrite que littéraire entre les évocations du Mont-Dol ou du Mont-Saint-Michel est troublante. Une véritable concurrence semble s’être établie dès le haut Moyen Âge entre les deux sites voisins, enjeux de domination territoriale entre Bretagne et Normandie. Si la part de la légende reste encore prégnante, de nouvelles approches scientifiques permettent d’y voir un peu plus clair sur cette « concurrence ». Les historiens locaux veulent voir sur les deux sites la présence de cultes païens, celtes ou romains, la présence de sources miraculeuses, de grottes initiatrices. La documentation reste elle-même sujette à caution. La rédaction des relations d’installation du

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Christianisme à travers le culte de Saint-Michel sur les deux sites, date des milieux des viiie siècle et ixe siècles, souvent remaniées au xie siècle. La présence de cultes païens, orientaux ou romains au Mont-Dol, celtes au Mont-Saint-Michel n’ont pas été démontrés scientifiquement. Nous avons développé notre argumentaire au sujet de ce qui aurait pu être un culte dédié à Mithra ou à Jupiter sur le Mont-Dol, quant au Mont-Saint-Michel, tout indiquerait qu’un culte celte ait pu exister. La Revelatio mentionne deux gros rochers qui doivent être déplacés pour aménager la première abbaye, ainsi que la présence d’un cercle dessiné sur le sol. Il pourrait s’agir alors de dolmens établis sur le rocher du mont et le tertre circulaire. Cette hypothèse est elle-même ruinée par une autre explication, la référence à un phénomène identique, puisée dans les Dialogues du pape Grégoire le Grand, rédigés vers 593-594 et cité par Pierre Bouet. Ces reprises de textes anciens, qui servent de modèles, sont fréquentes, notamment dans les vies de saints rédigées au haut Moyen Âge. En 870 lors de sa visite au Mont-Saint-Michel lors de son périple occidental le ramenant de Jérusalem via le Monte Gargano en Bourgogne, le moine Bernard évoque ad duas tumbas, probablement les châsses renfermant les reliques du fondateur Aubert et celles rapportées du Monte Gargano. Ce qui sous-entendrait que déjà en 870 le Mont-Saint-Michel s’était engagé sur la voie d’un rayonnement, qui dépassait les limites du seul secteur local. Cela ne semble pas être le cas au Mont-Dol. Le modèle du Gargano reproduit sur le Mont-Saint-Michel consacrera la renommée future de l’île normande. La dénomination de Mont-Tombe (Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli in Monte Tumba), qui apparaît

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dans les textes médiévaux avant la dédicace à Saint-Michel qui n’apparait qu’au xie siècle, peut également être un emprunt au Monte Gargano, dont l’un des sanctuaires, le baptistère, est dénommé Battistero di San Giovanni in Tumba. Ce qui va à l’encontre des traditions, aussi diverses que fantaisistes, qui voudraient y voir une origine celtique ou indo-européenne avec le mot « t’um » signifiant tertre, butte. Nous avons vu aussi comment la présence de grottes qui auraient pu accréditer la thèse d’un culte mithraïque est fragile. Au Mont-Dol, les cavités dénommées « grottes » ne sont que des failles naturelles, plus ou mains agrandies par des carriers au xixe siècle ; quant au Mont-Saint-Michel, on aurait aménagé de manière artificielle la paroi d’une des absides de Notre-Dame-Sous-Terre pour donner une impression de grotte, afin de coller au plus près au schéma du Monte Gargano. À la suite des restaurations des années 1960-1968 conduites par l’architecte en chef des monuments historiques, A.-M. Flambart-Hericher rapporte l’événement ainsi : « derrière le mur du fond du chœur de Notre-Dame-sous-terre, un mur formé de gros blocs de granit grossièrement appareillés, qui pouvait appartenir au premier sanctuaire de saint Aubert » ; elle ajoute : « d’un point de vue technique on peut le rapprocher aujourd’ hui de l’appareil du mur découvert dans le second oratoire breton de Saint-Urnel-en-Plomeur (Finistère), lui-même comparable aux sanctuaires celtiques insulaires ». L’intervention du taureau dans la relatio consacrée au Mont-Saint-Michel n’est là que pour imiter le Gargano, tout comme la source vive découverte par Aubert sur les conseils de l’archange. Quant à l’antériorité du culte de Saint-Michel, nous penchons pour le site du Mont-Dol, plus facilement accessible

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aux premières années de la christianisation que l’île du MontSaint-Michel. Pierre Bouet et Olivier Desbordes fournissent des éléments très scientifiques sur la transgression marine qui affecte tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord entre les iiie et viiie siècles, et qui commence ensuite à se stabiliser selon les zones. Nous rappelions dans notre introduction comment le Mont-Dol fut alternativement insulaire et continental jusqu’au haut Moyen Âge. On peut alors penser que peu à peu le Mont-Dol, plus à l’intérieur des terres, ait été plus facilement accessible que le site du Mont-Tombe ; ce qui pourrait aussi expliquer le développement d’un culte de Jupiter là durant la présence romaine et non au Mont-Tombe, profitant d’une période de régression marine. La création du Mont-Saint-Michel au début du viiie siècle coïnciderait alors avec la régression maximale au haut Moyen Âge, même si en 870 le rocher n’est accessible que certains jours et à certaines heures. Les deux auteurs, précédemment cités, démontrent par ailleurs l’inexactitude d’un raz de marée survenu en 709, à l’origine de la disparition de la légendaire forêt de Scissy. De plus, l’analogie entre les cultes de Jupiter et de SaintMichel, étudiés notamment par Esther Dehoux, nous laisserait penser que le Mont-Dol offre de sérieux indices. La présence d’une source énigmatique pour les populations, sur le sommet du Mont-Dol, a probablement aussi été à l’origine du développement de tous ces cultes, avant qu’ils soient l’enjeu de prétentions territoriales et politiques. Car il faudra toute l’énergie politique des Carolingiens pour faire du Mont-SaintMichel un outil de leur politique territoriale. Au Mont-Dol, tout comme au Mont-Saint-Michel, une église Saint-Pierre est aménagée. Sur le Mont-Saint-Michel, cette église n’est toutefois pas le premier édifice dédicacé.

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En effet nous connaissons les sanctuaires aménagés dans les premières années du Christianisme sur le Mont-Saint-Michel ; il s’agit selon le trouvère Guillaume de Saint-Pair qui rédige vers 1160 son Romanz del munt Sent Michiel, de l’existence ancestrale des deux chapelles St Etienne et St Symphorien. Puis un édifice, dédié à Saint-Martin, aurait abrité après 708 le corps de Aubert, le fondateur de l’abbaye. Ne doit-on pas voir les restes de ces deux chapelles dans l’église à deux nefs du Mont-Saint-Michel, dénommée de nos jours NotreDame-Sous-terre ? Rappelons aussi que le culte marial est très souvent associé au culte de Saint-Michel. De plus, l’importance du territoire de la paroisse SaintPierre du Mont-Dol affirme son caractère très ancien. Mais là aussi on a certainement voulu imiter le Mont-Dol afin de créer la confusion. Mais la singularité s’exprimerait déjà par les courants spirituels qui conduisirent le culte de Saint-Michel sur le MontDol et sur le Mont-Saint-Michel. Les deux christianisations seraient arrivées l’un au Mont-Dol via un courant irlandais, l’autre au Mont-Saint-Michel via la France. La date de la création d’une fondation monastique sur le Mont-Saint-Michel a fait l’objet d’une analyse très fine de Pierre Bouet et Olivier Desbordes dans leur article consacré aux Chroniques latines du Mont-Saint-Michel. Pour ces deux universitaires, la création du premier monastère, sans pouvoir être actuellement assurée à cent pour cent, paraît vraisemblable sous les souverains Childebert II ou Childebert III, soit en 708-709 ou en 725-730. Le mouvement monastique qui serait à l’origine de cette fondation est également sujet à interrogation : s’agit-il du vaste mouvement de christianisation de ces provinces, initié à la fin du vie siècle et originaire

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d’Aquitaine, de Picardie, ou de France, comme ce fut le cas du Mont-Dol ? Quant à l’identité du véritable fondateur du Mont-Saint-Michel les recoupements dans les sources du haut Moyen Âge laissent planer le doute : s’agit-il d’Aubert, évêque d’Avranches ou (et) de Ban, collaborateur d’Aubert, et lui-même évêque de Thérouanne ? La foi, otage des enjeux politiques et frontaliers

La deuxième moitié du vie siècle sera marquée par de violents affrontements entre Mérovingiens et nobles bretons. Cette mésentente perdure jusqu’au viiie siècle, à l’arrivée des Carolingiens, entrecoupée d’une période de calme sous Dagobert 629-638. Pour Bouet et Débordes, la concurrence que se livrent les souverains mérovingiens et leurs Maires du palais (intendant général des domaines royaux) à la fin du viie siècle et au début du viiie siècle, aboutit à de nombreux changements de dignitaires religieux sur toute l’ancienne province de Neustrie, à laquelle appartenait l’actuelle Normandie. Les souverains choisissent alors des dignitaires fidèles, soit dans leurs rangs familiaux, soit dans ceux de leurs partisans originaires d’Austrasie. Notamment sous Pépin II de Herstal (679-714), un tel changement a pu conduire à la nomination d’Aubert, un Austrasien, sur le siège de l’évêché d’Avranches et au développement du culte de Saint-Michel. La mort de Pépin, en 714, rebat les cartes mais pour retrouver la situation préalable sous Charles Martel (718-741). L’emprise des Pipinides sur la Normandie pourrait être à l’origine du développement du mont. Cette dynastie est connue pour son attachement au culte de Saint-Michel, venu par ailleurs de Lombardie. Les

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exemples dédicaces sont nombreux. C’est ce que suggère aussi Jacques Le Maho. Saint-Michel participait ainsi au renforcement du pouvoir des Carolingiens. La nomination d’un fidèle, en la personne d’Aubert, à l’extrémité de la Neustrie, participait de cette volonté d’assurer le contrôle de toute la province et d’avoir un œil sur les marges voisines. Ainsi nos deux auteurs Bouet et Desbordes reviennent sur les motivations de la nomination d’un fidèle comme Aubert à Avranches et sur l’encouragement d’un développement du culte de SaintMichel. Il s’agissait d’une part, pour les Carolingiens de se rapprocher de l’archange, haut dignitaire de la Cour céleste, porteur des valeurs guerrières et d’autre part de contrôler depuis Avranches l’extrémité de la Neustrie et une partie de la Bretagne, jusqu’à l’évêché du Mans. Par ailleurs, en 725 Charles Martel confie à l’un de ses neveux l’administration des plus importantes abbayes de Neustrie, dont Avranches. De 750 à 820, les Carolingiens multiplient les incursions militaires. Pépin le Bref assoie son autorité. Nous pensons que dans ce contexte du viiie siècle, au cours duquel s’affrontent Francs et seigneurs bretons, les deux sites ne sont pas encore des outils au service d’une politique. On assiste à un certain désintérêt de la part des évêques d’Avranches pour le Mont. De 818 à 825, 4 expéditions militaires, commandées par l’empereur Louis le Pieux lui-même, s’en prennent à l’Armorique. La situation trouve une sérénité dans les relations avec la reconnaissance de Nominoé pour gouverner la Bretagne. De 843 à 851, Nominoé sera en conflit avec Charles le Chauve. Il renforce l’autorité de l’évêché de Dol en l’élevant au rang d’archevêché. Mais devant la multiplication des raids vikings, Charles le Chauve confie en 867 la gestion du Cotentin à un Breton, Salomon (857-874), qui se voit attribué aussi le titre de rex. Ainsi le duc

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de Bretagne s’imposait dans cette zone frontière et une partie de la Neustrie, au détriment du pouvoir impérial et réalisait l’expansion maximale de la Bretagne. Le mont sera séparé de la Normandie durant toute la deuxième moitié du ixe siècle. Dans le même temps, le mont a déjà acquis quelque aura puisqu’en 870 le moine Bernard, originaire de la France de l’Est, au retour de son pèlerinage à Jérusalem, fait le détour par la Normandie pour visiter le Mont-Saint-Michel, peutêtre encouragé dans cette visite par la papauté, après son arrêt à Rome. Doit-on imaginer dès lors que le rayonnement du mont répondait à une volonté des souverains carolingiens ? Nous ne le pensons pas. La nomination de 12 moines bénédictins en 965 annonçait la volonté impériale de reprendre la main sur le sanctuaire. Jusqu’en 907, les ducs-rois de Bretagne exercèrent leur autorité sur le mont. Les cadres ecclésiastiques des évêchés normands étaient échangés au profit de cadres bretons. Durant cette période, Dol affirme son autorité sur le mont, via le responsable de la communauté, qui relève de lui. Les Normands retrouvent leur autorité sur le mont vers 931. Dans la période 910-965, les affrontements entre Normands et Bretons, entre Seine et Loire, reprennent de plus belle. Les raids vikings sur la Bretagne font fuir les élites, qui s’exilent soit vers l’intérieur du territoire franc, soit vers la France. Cette rupture fut-elle fatale au rayonnement de Dol et du MontDol ? Le nouveau duc de Normandie, Rollon, fraichement converti, fait des dons importants au Mont-Saint-Michel. Il s’agit, selon Bouet et Desbordes, « d’actes autant religieux que politiques, conduisant à une revendication territoriale ». Les territoires normands et bretons retrouvent leurs anciennes limites carolingiennes, sur le cours du Couesnon, avec

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l’évêché d’Avranches, côté normand et les évêchés de Dol et de Rennes, côté breton. Après la nomination des Bénédictins sur le Mont-Saint-Michel par Richard I (930-996) en 965, le duc Richard II (996-1026), fit d’importantes donations au profit du sanctuaire. De plus, en 1158, Hugues, archevêque de Dol donne aux religieux du Mont-Saint-Michel la chapelle Saint-Michel de Dol avec toutes ses dépendances (capellam sancti Michaelis supra montem Doli sitam cum universis pertinenciis suis). Cette donation sera confirmée en 1179 par les ducs de Normandie. S’en était fini du rayonnement du culte michaélique au Mont-Dol. Le Mont-Saint-Michel devient ainsi plus qu’un phare spirituel mais une sentinelle avancée à la frontière de ce territoire irréductible. L’attractivité du site de Dol, qui dès la fin du viiie siècle subit les razzias des Vikings, subit certainement les effets d’une disparition du pouvoir central breton en tout comme les querelles intestines qui empoisonnent les relations entre les nobles bretons. Son aura en fera certainement les frais et disparaitra définitivement au profil du Mont-SaintMichel, qui bénéficiera dès lors de toute la protection des rois de France. Du Mont Gargano au Mont-Saint-Michel

L’influence dans un premier temps du sanctuaire du Mont Gargan dans les pouilles semble sans équivoque. Selon le texte de la Revelatio, c’est l’arrivée de reliques offertes par les gestionnaires italiens du mont Gargan que le sanctuaire du Mont-Saint-Michel ouvrit ses portes aux pèlerins. Le sanctuaire aurait toujours selon le texte fondateur voulut imiter la topographie du site, déjà célèbre, des Pouilles. On pourrait en

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déduire alors que la détermination de dédier le Mont-SaintMichel au culte de l’archange et d’en faire une copie du site italien aient été les premières composantes de l’ouverture du futur site de pèlerinage. Ceci parait pour le moins étonnant. Pourquoi sur le Mont-Saint-Michel, alors que le sanctuaire du Mont-Dol est, selon toute vraisemblance, déjà en activité ? Comment et quand la publicité du Monte Gargano est-elle arrivée jusqu’en Normandie ? Le texte de la Revelatio sous-entend que le fondateur, Aubert, connaissait l’importance du mont Gargan. Y était-il allé lui-même ou était-ce via les témoignages de pèlerins ? Ce qui est acquis, c’est la réputation du Mont-Saint-Michel avant 867. Le détour qu’y fit le moine Bernard l’atteste. Plusieurs voies semblent avoir pu fonctionner. Très nombreux étaient les pèlerins normands, dont des responsables ecclésiastiques, qui se rendaient à Jérusalem mais a minima à Rome. Les figures des archevêques, des abbés Filibert, Wandrille, Ouen, Harduin, Austrulf, restent les plus marquantes. À Rome, ils pouvaient être sensibilisés au culte de Saint-Michel au viie siècle. Dès le pape Boniface IV (608-615), une chapelle Saint-Michel existait au sommet du Mausolée d’Hadrien et rappelait le songe du pape Grégoire 1er quelque temps avant. En 773 Charlemagne, lui-même, se rend en Lombardie et prend le titre de roi des Lombards en 774. Le royaume de Lombardie incluait vers le sud, jusqu’en 847, l’actuelle province des Pouilles et le site du Gargano. Dans l’autre sens, les Italiens sont nombreux en Normandie au haut Moyen Âge. Ce mouvement se poursuivra jusqu’au xie siècle. Des Italiens participent à l’évangélisation de la Normandie, dès le ve siècle. On cite régulièrement Venance Fortunat de Vénétie au vie siècle, Taurin de Rome, Mauxe, Vénérand de Bresciapis au VIIe siècle, Senericus de Spolete et

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aux viiie siècle et ixe siècles, Laurent et Trasarus, tous deux de Bénévent, peu éloigné d’un autre sanctuaire michaélique célèbre, celui du Monte Aureus à Olevano sul Tusciano. Les souverains pontifs ont pu aussi participer au rayonnement du Mont-Saint-Michel, tel Grégoire III (731-741), mais plus encore Adrien Ier (772-795). Mais qu’en était-il de la renommée du Gargano ? Le mythe né sur le mont Gargano, qui met en scène l’archange saint Michel et le berger Gargan est daté de 490. Le berger Gargan, la disparition de son plus beau taureau, qu’il retrouve agenouillé près d’une grotte dédiée à un culte païen, probablement celui de Mithra. Le berger tente de tuer le taureau rebelle avec une flèche ; celle-ci est détournée. L’épisode est rapporté à l’évêque de Siponto, qui décrète trois jours de prières et de pénitences. Au terme de ces trois jours, saint Michel apparait au berger et lui signifie que cette grotte est sacrée, que lui-même, Michel, en est le gardien et que les hommes qui viendront y prier verront leurs péchés pardonnés. Saint-Michel imprime son empreinte dans la roche de la grotte. Le mythe connaitra une véritable publicité dès la parution du Liber de apparitione sancti Michaelis in monte Gargano dans la seconde moitié du viiie siècle. Nous savons que dès le milieu du ixe siècle le site du Gargano, sa grotte en particulier, ont largement pénétré les milieux monastiques et aristocratiques. La diffusion du culte de Saint-Michel s’est fait alors selon plusieurs itinéraires, le long des côtes adriatiques mais aussi le long de la fameuse via sacra Langobardorum ou via Francigena/francisca, qui remontait vers le nord de la France via Bénévent mais aussi par les grandes voies consulaires via Appia, via Traiano, via Herculia.

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Selon nous, il faut séparer la fondation du site du MontSaint-Michel de l’arrivée des reliques. L’arrivée des reliques est antérieure à la visite du moine Bernard et peut se situer entre la fondation 709 ou 725 et la deuxième moitié du ixe siècle. Les interventions des souverains carolingiens, en particulier Charlemagne, n’y sont peut-être pas étrangères. On raconte que ses origines sont empreintes de légendes. Le récit, le plus ancien, remonte à l’an 493 lorsque l’archange Michel est apparu à plusieurs reprises devant l’évêque de Sipontum, près d’une grotte dans les montagnes. Il a consacré la grotte et a indiqué qu’elle devrait être utilisée comme lieu de culte chrétien, ce qui permettrait de protéger la ville de Sipontum contre les envahisseurs païens. Une église a été construite et mille ans plus tard, l’archange s’est présenté devant un autre évêque sur le même site et lui a dit : « Je suis l’archange Saint-Michel. Tous ceux qui utilisent les pierres de cette grotte seront libérés ». De minuscules pierres de la grotte ont depuis été distribuées dans le monde entier en tant que reliques protectrices et peuvent toujours être trouvées là-bas aujourd’hui. Au fil des ans, l’archange a été repéré plusieurs fois dans la région et est profondément connecté au sanctuaire. L’incroyable notoriété du Monte Gargano est-elle spontanée ?

C’est à la fin du ve siècle que le culte de Saint-Michel s’installe au Gargano, dominé par l’un des plus hauts sommets de la façade orientale de la France Adriatique, le Monte Calvo qui culmine à 1055m, au nord des grands ports antiques de Barletta et de Bari sur la côte Adriatique de la France, ports par lesquels on s’embarquait ou l’on accostait sur le chemin

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de pèlerinage de Jérusalem, pèlerinages qui s’amplifièrent, notamment au cours des vie siècle, viie siècle et viiie siècle. C’est à Bari que les reliques de saint Nicolas, sauvées de l’invasion des Seldjoukides à Myre en Asie Mineure, sont débarquées et mises à l’abri quelques siècles plus tard. La chute de l’Empire romain et son partage une première fois en 323 puis définitivement en 395 crée un véritable traumatisme dans l’Église chrétienne, qui va chercher à asseoir sa suprématie sur l’ensemble des anciens territoires. Elle le fera en valorisant des personnages de son épopée, tous originaires d’Orient. Le premier exemple connu est celui des martyrs perses Abdon et Sennen, dont les reliques seront honorées à Rome dès 354 apr. J.-C. Ces deux personnages, d’origine orientale, convertis au Christianisme, semblent avoir été employés dans les entrepôts du port d’Ostie, qui, ne l’oublions pas, était un véritable sanctuaire du culte du dieu iranien Mithra avec ses 14 mithraea découverts à ce jour. Il n’est pas douteux que l’attractivité de la Perse sassanide, admirée et crainte pour sa puissance, a été un ferment important dans l’imaginaire collectif, et l’intégrer à une stratégie de rapprochement de l’Orient à l’Occident pouvait avoir son effet. La récupération très probable du culte de Mithra dans le personnage de saint Michel répondait de cette dialectique. Et cela est déjà plus vraisemblable à Rome, qui va encourager le développement du culte de Michel, alors que la cité est encore une véritable « papauté » du culte perse de Mithra, qui y vit ses dernières années ; tout comme les rivages familiers aux pèlerins occidentaux pour Jérusalem, ou qui en revenaient, situés alors en terre byzantine, dans laquelle le culte de Saint-Michel se développait en ce courant du ive siècle. Un autre axe, la voie terrestre, via la France du Nord et les territoires de l’ex-Yougoslavie, donnera naissance à

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un autre grand sanctuaire celui de Saint-Michel-de-la-Cluse, mais qui n’aura pas l’effet « modèle » du Gargano, qui colle parfaitement avec la récupération du mythe mithraïque. Ainsi l’Église de Rome, avec l’imagerie du Gargano, faisait coup double : d’une part elle développait le culte d’un saint d’origine orientale, qui réunissait le monde chrétien, et par ailleurs récupérait l’audience du culte oriental perse de Mithra, qui devenait très gênant.

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Nous venons de décrire les a priori, les tendances, les intérêts qui ont alimenté des controverses, essentiellement entre les érudits et historiens bretons et leurs confrères normands ou parisiens. Localement, les analyses de Marc Déceneux nous paraissent les plus sensées. À l’issue de nos recherches, la lecture de son article paru dans ArMen en 1999, nous a confortés dans les pistes que nous venons de tracer. Les raisons ou les intérêts politiques qui sont le ferment même du développement de stratégie spirituelle ont été jusque-là très peu abordés. Esther Dehoux les aborde ; elle reste l’un des rares chercheurs à tracer cette nouvelle approche. L’abbé Rever lorsqu’il termine la rédaction de son mémoire sur le MontDol vient d’avoir connaissance des découvertes de mihtraea en France et dans la vallée du Danube. Le modelé des deux autels découverts dans les ruines de l’antique Saint-Michel du Mont-Dol l’interpellent. La foison des sites mégalithiques de la région doloise ne laisse pas indifférente. Toutes les conditions étaient réunies pour imaginer un continuum entre les périodes préhistoriques et le monde chrétien sur un site qui

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marque l’imaginaire par son altitude, par la présence d’une source dont l’alimentation dépasse l’entendement des anciens. Dans les légendes locales, force est de constater que de nombreuses analogies existent entre les deux sites du MontDol et du Mont-Saint-Michel. Tantôt se référant au MontDol, tantôt se référant au Mont-Saint-Michel, les légendes et traditions locales perpétuent le doute. Mais l’analyse critique des sources écrites du haut Moyen Âge, tel que le font Pierre Bouet et Olivier Desbordes de manière très précise, apporte de la sérénité et de l’objectivité au débat. Mais l’archéologie reste encore le parent pauvre dans cette disputatio. Seule elle pourra répondre à la question de fond : le Mont-Dol a-t-il abrité un sanctuaire païen ? Est-il dédié au dieu romain Jupiter ou au dieu perse Mithra ? De quand date la fondation de la chapelle Saint-Michel sur le Mont-Dol ? Une réponse saura alors arbitrer l’antériorité des deux sites dédiés à l’Archange. Au Mont-Dol, de futurs sondages archéologiques souhaités, tant au sommet que dans les contours des pieds du mont, apporteront-ils des témoignages d’une occupation des époques préromaines ou romaines grâce à la découverte d’objets cultuels, tels que ceux qu’Emile Thévenot découvrit aux Bolards à Nuits-Saint-Georges en Côte-d’Or ? La présence de l’eau est incontestable, au sommet, au pied, avec les nombreuses sources, dont la fontaine Godebourg, l’une des 117 fontaines sacrées de Bretagne. S’agit-il là des vestiges d’antiques cultes de l’eau ? Quoiqu’il en soit, la réoccupation de sanctuaires païens locaux par des cultes romains puis transformés en sanctuaires chrétiens sont légion dans tout l’Occident et le Proche-Orient. En Bulgarie orientale, le sanctuaire de Kabilé (actuellement Yambol), étudié par Varbinka Najdenova, spécialiste des cultes antiques en Méditerranée

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antique, illustre parfaitement ce phénomène de la fin orientale du IIe millénaire av. J.-C. jusqu’au IIIe siècle de notre ère. Quant aux enjeux politiques que l’image du Mont-SaintMichel a pu servir, là n’est pas notre propos mais la création en 1470 de l’Ordre de Saint-Michel par le roi Louis XI conforte cette pérennité de l’image à la fois protectrice et militaire qu’incarnera en Occident l’archange Saint-Michel. Cette relation de Saint-Michel avec le pouvoir, nous la retrouvons dans maints exemples comme dans la construction de l’église Saint-Michel édifiée sur le mont Naranco par le roi Ramire 1er (842-850), dans son royaume de Léon. Les chroniques, rapportées par Patrick Henriet, nous apprennent que le souverain « construisit sur le flanc du mont Naranco une belle église dédiée à l’archange saint-michel, ceux qui la voient pouvant attester qu’ils n’ont jamais vu d’autre comparable du point de vue de la beauté. Elle convient très bien au victorieux archange Michel, qui, avec l’aide de Dieu, a partout donné au roi Ramire le triomphe sur ses ennemis ». Cette quête de la vérité historique ne doit en rien enlever le message de spiritualité du Mont-Saint-Michel, sanctuaire planté là, au péril de la Mer. Ainsi, au terme de notre enquête nous pouvons écrire : que le site du Mont-Dol joua un rôle aussi important, sinon plus, dans le monde du sacré que le rocher du Mont-Saint-Michel, moins accessible jusqu’au viiie siècle. Que la succession de cultes aux époques mégalithiques, de l’occupation romaine et de la christianisation semble évidente. Que l’intérêt que portèrent les souverains carolingiens au Mont-Saint-Michel fut fatal au développement du culte de Saint-Michel sur le Mont-Dol, et qu’à partir de cette époque ce dernier site devint un satellite du Mont-Saint-Michel.

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Quels que soient les continents, les époques, ces reliefs dominant leur environnement ont toujours impressionné des populations en marche pour leur développement. De nos jours, il nous plairait de retrouver la place et la fonction divine du Mont-Dol dans le rocher sacré d’Uluru, au sein du parc national d’Uluru-Kata Tjuta en Australie qui domine de ses 348 m la brousse environnante et que les arborigènes adorent, tout comme les Bretons, qui depuis vraisemblablement les temps celtiques, consacrèrent le rocher du Mont-Dol à leurs dieux, quelles que soient les époques.

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Bibliographie

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Remerciements 

À Kevin LOGNONE, qui a su susciter cette enquête, Blaise ROYER pour le partage de références scientifiques et sa relecture, Jean-Pierre MATHIAS pour son partage des sources éditoriales, Olga MOYA, Nicole, Dominique et Claude-Marie LEFRENE pour leur quête dans les archives d’Ille et Vilaine, Théotiste et Alfred JAMAUX, éditeurs critiques de l’abbé Rever pour leurs éclairages, Patricia TRAVERS et Bernard HOMMERIE pour leur accueil et leur encouragement, Jean-Jacques CHARTIER pour sa connaissance du Mont-Dol et nous l’avoir fait partager sur le terrain, Marc LEFR ENE pour son compagnonnage et notre recherche au Scriptorial et à la bibliothèque patrimoniale d’Avranches. Notre gratitude va aussi à Catherine BIZIEN, directrice du Centre d’Archéologie d’Alet (Saint-Malo), excellente experte de l’archéologie dans la région de Dol, pour sa disponibilité, pour le partage de ses connaissances et de ses analyses, à Patrick AMIOT, président de l’association François Duine, et Yves MONTALEMBERT, ainsi que Bérengère JEHAN, Baptiste ETIENNE et David NICOLAS,

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Maire d’Avranches, pour leur aide dans l’accès à une iconographie exceptionnelle, sans omettre la relecture précieuse et méticuleuse faite par Claudine SHAFA.

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Table des matières

Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       5 Introduction .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       9 I. Le Mont-Dol, un haut lieu spirituel, dans l’ombre du Mont-Saint-Michel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       13 Croire au Dieu Mithra au Mont-Dol ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       13 Les autels tauroboliques, preuve de l’existence d’un culte de Mithra ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       19 Le Mont-Dol et son environnement, haut lieu de spiritualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       20 Les débuts de la christianisation dans la région de Dol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       26 II. Saint-Michel : de l’Asie à l’Occident chrétien. . . . . . . . . . . .       31 Le culte de Saint-Michel en Orient. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       32 Saint-Michel de la France à la France de l’ouest. . . . . . . . . . . . .       33 Les enjeux du culte du Monte Gargano.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       41 III. Mithra versus Jupiter, guerre des cultes païens en forme de choc des titans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       45 Origines du culte de Mithra. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       45

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Mithra : une expansion européenne fulgurante.. . . . . . . . . . . . . .       47 Les énigmes du Mont-Dol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       53 Jupiter a-t-il été vénéré au Mont-Dol ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       57 Les indices de la présence d’un culte à Jupiter . . . . . . . . . . . . . .       63 IV. Mithra et l’archange Saint-Michel : un syncrétisme ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       69 Une influence orientale et italienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       69 La propagation en Occident du culte de l’archange saint Michel .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       73 Troublantes analogies.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       76 Mithra au Mont-Saint-Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       82 V. Les deux sanctuaires du Mont-Saint-Michel et du Mont-Dol se sont-ils livré concurrence ?.. . . . . . . . . . . . . .       85 La documentation, les sites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       85 La foi, otage des enjeux politiques et frontaliers. . . . . . . . . . . .       90 Du Mont Gargano au Mont-Saint-Michel.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       93 L’incroyable notoriété du Monte Gargano est-elle spontanée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       96 Conclusions et Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       99 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       103 Remerciements  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       115

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L’IRAN

aux éditions L’Harmattan Dernières parutions LA RÉVOLUTION IRANIENNE DANS LE QUOTIDIEN IRAKIEN ATH-THAWRA Patricia Pic-Sernaglia Préface de Pierre-Jean Luizard

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’Iran connaî t aujourd’hui des soubresauts insurrectionnels. Sans présager de l’aboutissement d’une révolution, il est intéressant d’observer l’attitude et la perception d’un pays limitrophe face à des événements de cette nature, d’autant que la géographie détermine souvent l’histoire. Cet ouvrage appréhende les réactions du pouvoir irakien face au phénomène révolutionnaire naissant, aboutissant en

février 1979 au renversement du régime du Chah. Pour cela, l’auteure a procédé au dépouillement et à la traduction d’articles du quotidien irakien Ath-Thawra (février 1979-septembre 1980) qui montrent les craintes que suscita la Révolution iranienne chez les autorités irakiennes et comment ces dernières ont réagi. D’autant qu’au-delà de la frontière, les enjeux sont importants : pétrolier, religieux, ethnique et nationaliste.

LE MIEL AMER. Une Iranienne à la recherche du bonheur Shabnam Yazdani

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ous suivons le récit de vie d’une jeune Iranienne qui a vécu dans le respect de l’honneur de sa famille et des traditions de son pays. Contrainte au mariage, avec un homme mentalement instable, elle est obligée de courir les tribunaux pour obtenir un divorce qui, dans la loi islamique, exige l’accord du mari. Elle se retrouve piégée dans un second mariage, avec un homme qui cache en réalité son homosexualité, car rejetée par la société iranienne. Dans un monde où l’apparence

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et la respectabilité suscitent mensonges et mises en scène, dans une société où les ombres de la morale et des traditions et la peur du regard des autres nous font créer nos propres démons, ce livre raconte avant tout l’histoire d’une femme qui va se battre pour gagner sa liberté dans le respect de son honneur et de son coeur tout en dépassant ses peurs. Cette histoire pourrait se passer dans n’importe quel pays et toucher n’importe quelle femme se trouvant isolée et abandonnée.

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L’IRAN SOUS SANCTIONS. Une société sous pression Joris Cuynet. Préface de Michel Makinsky es sanctions états-uniennes et conséquences économiques, politiques, internationales prises à l’encontre sanitaires et sociales de ces sanctions de l’Iran depuis 1979 ont affaibli cette dans leur vie quotidienne. Derrière cette économie majeure du Moyen-Orient, qui présentation, l’utilité de ces sanctions vit sous un embargo quasi total depuis est questionnée: et si l’Occident avait les années 2010. Cet embargo, qui a pour manqué sa cible ? Étayé de chiffres et objectif de mettre un terme au programme de témoignages, et au-delà des seules nucléaire et aux activités du régime considérations économiques, cet ouvrage islamique en dehors de ses frontières, s’interroge sur les bouleversements a en réalité particulièrement touché les causés aux Iraniens par ce type de Iraniens. Ce livre dresse un panorama des sanctions.

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LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN EN CRISE SYSTÉMIQUE Quatre décennies de tourments Sous la direction d’Ata Ayati et David Rigoulet-Roze

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résenter une analyse détaillée de l’Iran représente toujours un défi : ce pays, depuis la Révolution de 1979, a immédiatement suscité des prises de position idéologiques tranchées. Qu’on l’accepte ou non, ce pays demeure trop important pour que l’on ne cherche pas à le comprendre dans toute sa complexité. Le futur de la République islamique d’Iran aura à n’en pas douter des conséquences majeures sur l’ensemble de son environnement régional, voire au-delà, sur l’Europe, voisine du Moyen-Orient. L’ambition de ce livre consiste à offrir une perspective claire et d’actualité de la situation diplomatique, économique,

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politique, sociale, intellectuelle et culturelle de l’Iran. Il réunit des spécialistes confirmés dans leurs différents domaines de prédilection. Leurs analyses, approfondies mais qui se veulent tout de même accessibles à un public concerné par la question, seront riches d’enseignements autant pour celles et ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient en simples néophytes que pour les connaisseurs avisés de la région. Quelques documents d’archives précieux car inédits nous éclairent également sur les débuts et les prolongements de la révolution de 1979.

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Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]

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La rivalité historique entre ces deux hauts lieux, sentinelles respectives des régions normande et bretonne, fut tant spirituelle que politique. Les auteurs, après une enquête archéologique et une analyse critique des sources anciennes, démontent une idée développée au xviiie siècle : la présence d’un mithraeum au sommet du MontDol. Mais si la présence d’un culte dédié au dieu perse n’a pu être démontrée, il n’en demeure pas moins que le Mont-Dol fut un haut lieu de la spiritualité, avant une récupération par les promoteurs du sanctuaire du Mont-Saint-Michel, Pippinides puis Carolingiens, dont les motivations furent spirituelles et politiques. L’analogie avec le dieu perse Mithra n’est cependant pas abandonnée, et les auteurs abordent la récupération de son culte par le christianisme en la personne de l’archange Michel, dieu des armées et des frontières, notamment chez les Carolingiens. Laurent Garreau, docteur en études cinématographiques (université Panthéon-Sorbonne), est ingénieur de recherche. Philosophe de formation, il est auteur de nombreux articles scientifiques et pédagogiques dans le domaine de l’éducation au patrimoine et aux images et très investi auprès des associations patrimoniales de Bretagne et de Normandie. Jean-Claude Voisin, docteur en histoire et archéologie, membre de la Société asiatique (Paris), chercheur associé près l’université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), est un spécialiste de l’architecture militaire de l’antiquité tardive au Proche et au Moyen-Orient. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages consacrés tant à l’Iran qu’à la Perse.

ISBN : 978-2-14-032492-5

14€

Laurent Garreau et Jean-Claude Voisin

Investigation historique et archéologique

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel

Laurent Garreau et Jean-Claude Voisin

Le culte de Mithra du Mont-Dol au Mont-Saint-Michel Investigation historique et archéologique

Préface de Delphine Davy