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French Pages 420 [424] Year 2015
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Coordonné par L. ZITVOGEL, D. HANNANI et F. MARTIN
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Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-1110-6 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2014
PRÉFACE
Par Laurence Zitvogel et Jacques Rouëssé L’immunothérapie des cancers n’était qu’un concept théorique sans substance clinique pratique jusqu’à récemment, 2011, date à laquelle trois évènements majeurs se sont précipités. Tout d’abord, la Food and Drug Administration (FDA) approuve le premier vaccin dans le traitement des cancers prostatiques métastatiques, indolents et hormono-résistants. Ce vaccin est personnalisé en ce sens qu’il réinjecte les propres cellules dendritiques du patient en association avec une protéine de fusion (cytokine+antigène tumoral prostatique) et ses lymphocytes activés. Parallèlement, les travaux pionniers de James Allison, MSKCC(USA) montrant le rétrocontrôle majeur des lymphocytes T par un récepteur inhibiteur puissant, le CTLA4, aboutissent à une démonstration d’efcacité dans les mélanomes métastatiques dont 15-20% nissent par être contrôlés voire guéris après 3 à 7ans de recul. La FDA suivie par l’Agence médicale européenne approuve donc l’indication de cet anticorps monoclonal
bloquant le CTLA4 dans le mélanome avancé. En octobre 2011, le prix Nobel de Physiologie et Médecine est décerné à trois scientiques ayant découvert le rôle et les ligands des récepteurs Toll-Like (TLR) ainsi que les cellules dendritiques. En effet, trois ligands de TLR sont actuellement indiqués comme adjuvants de vaccination et/ou traitements de cancers cutanéomuqueux et vésicaux. Dans ce domaine le maître à penser de ces dernières décennies, Steve Rosenberg, a probablement été le pionnier le plus contesté mais aussi le plus protagoniste et provocateur de cette ère nouvelle de l’immunothérapie. En effet, la «Surgery Branch» du National Cancer Institute, Bethesda, a lancé le pavé dans la marre consistant à apporter la preuve de principe de l’efcacité de la réinjection passive de lymphocytes activés, guérissant un grand nombre de mélanomes métastatiques désespérés. Les travaux de Carl June et d’autres «ingénieurs» du récepteur T à l’antigène ont depuis démontré l’efcacité
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
spectaculaire de lymphocytes T armés par un anticorps reconnaissant un antigène dominant des lymphocytes B, guérissant ainsi des leucémies lymphoblastiques et lymphoïdes chroniques. Rappelons que l’immunothérapie antitumorale vise à générer une réponse lymphocytaire effectrice et mémoire contre certains antigènes dominants du cancer du patient. Pour être efcace, cette immunité doit comporter l’activation spécique de lymphocytes T CD4+ et CD8+ et probablement la stimulation de l’immunité innée. Certaines tumeurs sont intrinsèquement «immunogéniques» et contiennent déjà une immunité puissante antitumorale associée au pronostic favorable du patient. Dans ces cas précis, la réactivation de lymphocytes préexistants est probablement sufsante pour progressivement endiguer la croissance tumorale. Bien que les données sur un rôle des lymphocytes B et d’une réponse humorale soient présentes (surtout au niveau des tissus tumoraux), il n’y a pour l’instant ni consensus ni démonstration de cause-effet sur l’action antitumorale de certains anticorps neutralisants générés à partir d’un vaccin antitumoral. L’immunothérapie des cancers a essuyé un bon nombre d’échecs sur les cinquante dernières années, en partie dus au fait que (i) l’immunosuppression «tolérisante» exercée par la tumeur sur la majorité des acteurs du système immunitaire actifs n’était pas prise compte, (ii) les succès de la greffe allogénique n’avaient à tort pas été attribués au phénomène de rejet du greffon contre hôte (tumoral), (iii) les succès des anticorps monoclonaux à fraction Fc douée d’action cytotoxique n’étaient pas interprétés comme des phénomènes immunitaires (alors qu’ils dépendent des macrophages et/ou NK), (iv) la réalisation que les effets de la chimiothérapie et IV
radiothérapie conventionnelles pouvaient, dans certains cas, passer par l’activation efcace du système immunitaire, (v) enn, le lobbying des industries pharmaceutiques s’est attaché à défendre la thérapie ciblée personnalisée. Le monde de la biotechnologie et de l’industrie pharmaceutique incorpore maintenant ces notions non seulement dans l’arsenal thérapeutique du mélanome métastatique mais aussi dans d’autres tumeurs solides (comme le cancer bronchique) et hématopoïétiques. De nombreux anticorps monoclonaux dirigés contre des récepteurs agonistes ou bloquant des récepteurs antagonistes sont en phase de développement clinique. De nouveaux journaux scientiques ont été récemment créés pour permettre les publications rapides et ciblées des avancées dans le domaine. Cependant, des dés importants sont encore devant nous. Les vaccins antitumoraux demandent une mise au point certaine (dénition des antigènes les plus pertinents au plan immunologique et du rejet tumoral, association d’adjuvants, formulations antigéniques). Les effets secondaires immuno-inammatoires ou autoimmuns pourraient limiter les indications. Le rationnel des meilleures combinaisons cliniques associant l’immunothérapie est parfois difcile à défendre ou anticiper en l’absence d’arguments précliniques solides. La toxicité «économique» est à prévoir en ce sens que ces anticorps monoclonaux ont un coût important en l’absence de facteurs prédicteurs de réponse. Le succès de l’immunothérapie de phase III a été conditionné par le changement des pratiques cliniques d’évaluation, avec notamment l’intégration des «immune response criteria» prenant en compte la cinétique lente de la montée d’une
Préface
activation immunitaire et de l’importance de l’équilibre hôte-tumeur (stabilité des lésions) dans le mode d’action de ces nouveaux médicaments. La discipline de l’immunologie antitumorale n’est donc enseignée que depuis peu de temps dans les universités francophones. La génération des praticiens actuels n’a donc pas été exposée à ces notions jugées complexes au premier abord. Cet ouvrage est le fruit d’un travail passionné, écrit par des experts français en immunologie antitumorale et immunothérapie, destiné à tous les cliniciens, chercheurs et à tous les patients désireux d’en savoir plus sur notre système
immunitaire face à une tumeur. C’est le premier ouvrage de ce type, suscité dans son élaboration par une réexion au sein de la commission «cancérologie» de l’Académie Nationale de Médecine. Il abordera les principales thématiques de la discipline, offrira de nombreux rappels et redondances au l des chapitres pour faciliter la compréhension du lecteur n’absorbant qu’un chapitre d’intérêt et illustrera les points majeurs par certaines gures didactiques. Nul doute qu’il convaincra les plus incrédules au bénéce attendu des associations de thérapies conventionnelles et ciblées aux immunothérapies. Cet ouvrage annonce «que l’Immuno-Oncologie est née!».
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SOMMAIRE
PRÉFACE par Laurence Zitvogel et Jacques Rouëssé ......................................
III
1. Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale François Martin ........................................................................................
1
2. Les grandes stratégies d’immunothérapie antitumorale Lionel Apetoh ...........................................................................................
19
3. Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers Franck Pagès, Guy Zeitoun, Wolf Herman Fridman, Jérôme Galon ...................
37
4. Rôle pronostique des lymphocytes NK dans les cancers Isabelle Cremer, Catherine Sautès-Fridman .............................................
53
5. Vaccination antitumorale par peptides/protéines Christine Sedlik, Sebastian Amigorena, Olivier Lantz ...............................
69
6. Vaccination par cellules dendritiques Caroline Aspord, Joël Plumas, Laurence Chaperot....................................
85
7. Inhibitions des lymphocytes T régulateurs et immunothérapie antitumorale François Ghiringhelli, Christophe Caux ..................................................... 109 8. Blocage des rétrocontrôles inhibiteurs Stéphane Champiat, Judith Michels, Alexander Eggermont ...................... 123 9. Lymphopénie, divpénie et IL-7 Christine Ménétrier-Caux, Jean-Yves Blay................................................. 149 10. Thérapie allogénique et cellules Natural Killer D. Blaise, F. Romagné, S. Ugolini, C. Chabannon, D. Olive, E. Vivier ......... 177 11. Utilisation des cellules cytotoxiques naturelles en thérapie cellulaire Romain Loyon, Olivier Adotevi, Yann Godet, Christophe Borg ................... 189
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
12. Thérapie cellulaire T adoptive N. Labarriere ............................................................................................ 209 13. Potentialisation des anticorps ciblant la tumeur par des anticorps stimulant le système immunitaire Roch Houot, Aurélien Marabelle ............................................................... 221 14. Mobilisation des effecteurs de l’immunité par les anticorps anticancéreux nus Jérémy Pottier, Gilles Thibault, Hervé Watier ............................................ 233 15. Thérapies conventionnelles cytotoxiques immunogènes Dalil Hannani, Laurence Zitvogel .............................................................. 247 16. Immunogénicité des inhibiteurs de tyrosines kinases : exemple de l’imatinib dans le GIST Sylvie Rusakiewicz, Aurélie Perier, Axel Lecesne, Laurence Zitvogel.......... 261 17. Virus oncolytiques dans le traitement du cancer Johann Foloppe, Laetitia Fend, Xavier Préville, Philippe Erbs, Jean-Marc Limacher ................................................................................. 277 18. Techniques d’immunomonitoring en oncologie Nathalie Chaput ....................................................................................... 295 19. Immunothérapies des cancers du rein Aurélie Perier, Anne Caignard ................................................................... 305 20. Place de l’immunothérapie dans le cancer de la prostate Dalil Hannani, Laurence Zitvogel, Karim Fizazi ......................................... 325 21. Immunothérapie dans le cancer bronchique Magali Terme, Hélène Roussel, Éléonore De Guillebon, Stéphane Oudard, Elizabeth Fabre, Éric Tartour..................................................................... 337 22. Immunothérapie dans le cancer du sein Sylvain Ladoire ........................................................................................ 355 23. Immunothérapie en oncologie pédiatrique : l’exemple du neuroblastome et des sarcomes osseux Michaela Semeraro, Véronique Minard-Colin ........................................... 373 24. Personnalisation de l’immunothérapie du cancer ? Déjà une réalité en 2014 Nathalie Malherbe, Sophie Cotteret, Laurence Zitvogel ............................ 395 GLOSSAIRE.................................................................................................... 411
VIII
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LES GRANDS PRINCIPES DE L’IMMUNOSURVEILLANCE ANTITUMORALE
François Martin Professeur émérite à l’université de Bourgogne, INSERM UMR866, Dijon, France.
Les données expérimentales obtenues chez la souris et les observations effectuées chez l’Homme montrent que le système immunitaire inné et adaptatif est capable d’exercer une surveillance du processus tumoral. Cette surveillance implique la reconnaissance d’antigènes tumoraux par les cellules de l’immunité adaptative, notamment les lymphocytesT, mais aussi l’activation par des signaux danger des cellules de l’immunité innée, cellules dendritiques, cellules NK et macrophages. Cette immunosurveillance peut éradiquer complètement des tumeurs naissantes ou les maintenir de façon prolongée à l’état de tumeurs dormantes non évolutives. Les tumeurs peuvent cependant échapper à
cette surveillance, notamment à l’issue d’un processus de sélection darwinienne qui élimine les cellules cancéreuses les plus immunogènes ou les plus sensibles à l’immunosurveillance pour «éditer» des tumeurs constituées préférentiellement de cellules peu immunogènes et/ ou plus résistantes. Ce sont donc à ces tumeurs éditées qu’est confronté le médecin lorsqu’il tente de recourir à l’immunothérapie pour éliminer ces cancers. Il sait aujourd’hui qu’il peut aussi compter sur l’effet immunogène des traitements conventionnels du cancer, chimiothérapie, radiothérapie et exérèse chirurgicale pour mobiliser les fonctions antitumorales du système immunitaire et commencer le travail.
SOMMAIRE 1. Le système immunitaire est-il capable dereconnaître et de détruire lescellules cancéreuses? L’immunosurveillance existe-t-elle?
2
2. L’immunosurveillance existe bien, au moins chez la souris
3
3. L’immunosurveillance des cancers s’exerce aussi chez l’Homme
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4. Les mécanismes de l’immunosurveillance des cancers. Immunité adaptative ou immunité innée? 6 5. Les limites de l’immunosurveillance: l’édition immunitaire des cellules cancéreuses. Hétérogénéité des cancers et sélection darwinienne
8
6. Immunosurveillance et traitement des cancers
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7. Conclusion
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8. Références bibliographiques
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Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
1 LE SYSTÈME IMMUNITAIRE EST-IL CAPABLE DE RECONNAÎTRE ET DE DÉTRUIRE LES CELLULES CANCÉREUSES ? L’IMMUNOSURVEILLANCE EXISTE-T-ELLE ? La capacité du système immunitaire à reconnaître et à éradiquer les cellules tumorales est une hypothèse évoquée dès le début du vingtième siècle par Paul Ehrlich et formalisée sous l’appellation d’immunosurveillance par Lewis Thomas puis Sir Macfarlane Burnet au cours des années 1960 [1]. Ce concept reposait initialement sur des données expérimentales montrant la possibilité d’immuniser des souris appartenant à des lignées consanguines contre des tumeurs provenant de souris appartenant à ces mêmes lignés [2]. Ces résultats ont donné naissance à la notion d’antigènes spéciques de tumeur susceptibles d’être reconnus par le système immunitaire et de provoquer le rejet tumoral [3]. Cette notion reposait cependant sur un paradoxe puisque les cellules cancéreuses exprimant ces antigènes constituent des tumeurs qui néanmoins progressent et nissent par tuer leur hôte sans rejet apparent. Mais le système immunitaire pourrait détecter les cellules tumorales dès leur apparition, les détruire avant toute manifestation pathologique et assurer ainsi le rejet de nombreuses tumeurs naissantes, seules les cellules échappant à ce processus produisant des cancers cliniquement détectables. En l’absence de cette immunosurveillance, les cancers devraient être beaucoup plus nombreux. Dans cette hypothèse, le processus de reconnaissance des antigènes tumoraux et d’élimination des tumeurs naissantes pouvait être analogue à celui permettant la reconnaissance et le rejet des allogreffes. Cette conception de l’immunosurveillance a été mise en échec par les travaux d’Osias Stutman montrant que par rapport aux souris immunocompétentes ni la fréquence des tumeurs spontanées ni celle des sarcomes induits par un carcinogène chimique, le 3’méthylcholanthrène, n’augmentaient chez les souris nude, le meilleur modèle d’animal immunodécient disponible à l’époque [4,5]. Les souris nude sont dépourvues de thymus, site considéré alors comme nécessaire à la différenciation des lymphocytesT. Cette absence d’augmentation de l’incidence des cancers spontanés ou chimio-induits chez la souris nude, contrastant avec la capacité de ces souris à accepter sans rejet non seulement des allogreffes mais aussi des xénogreffes, a conduit à récuser pendant plusieurs décennies le concept même d’immunosurveillance [6].
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Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
2 L’IMMUNOSURVEILLANCE EXISTE BIEN, AU MOINS CHEZ LA SOURIS Le concept d’immunosurveillance a été tiré de l’oubli par des constatations effectuées dans des modèles expérimentaux de tumeurs chez des souris porteuses de perturbations sélectives du système immunitaire. L’interféron-gamma (IFN-) est la cytokine principale produite par les lymphocytesT auxiliaires CD4 dans leur différenciation Th1. Une des propriétés majeures de cette cytokine est l’induction d’un effet anti-tumoral. L’IFN- est capable d’augmenter l’effet cytotoxique des TCD8+ mais aussi des macrophages et des cellules NK sur les cellules tumorales. L’IFN- est produit non seulement par les Th1 mais aussi par d’autres cellules immunitaires dont les lymphocytes T CD8+ et les cellules NK. Le groupe de Robert Schreiber a montré que des injections d’un anticorps monoclonal neutralisant spéciquement l’IFN- accélèrent la croissance d’un brosarcome chez la souris et que l’inactivation du récepteur de l’IFN- dans des cellules de sarcomes induits par le 3’méthylcholanthrène réduit leur immunogénicité et augmente leur tumorigénicité [7]. De plus, l’induction de tumeurs par administration de 3’méthylcholanthrène est signicativement majorée chez des souris après blocage de l’expression du récepteur à l’IFN- ou du facteur de transcription STAT1 nécessaire à la transmission du signal généré par les interférons [8]. Une augmentation signicative des tumeurs spontanées ou induites par rapport aux souris témoins immunocompétentes a aussi été observée chez des souris génétiquement décientes en perforine, un constituant des granules cytolytiques présents dans les lymphocytes CD8+ et NK, et impliqués dans l’effet tumoricide de ces cellules [9]. La capacité du système immunitaire à reconnaître et détruire les cellules tumorales dépend à la fois de l’immunité adaptative –particulièrement des lymphocytes T reconnaissant de façon spécique les antigènes tumoraux– et de l’immunité innée. Le rôle de l’immunité adaptative a été mis en évidence par le groupe de Schneider en utilisant des souris chez lesquelles l’un des gènes RAG1 ou RAG2, tous deux nécessaires à la recombinaison des récepteurs lymphocytaires B (BCR) et T (TCR), était inactivé par mutation. L’action simultanée de ces deux gènes, exclusivement exprimés dans les lymphocytes, est indispensable au réarrangement des récepteurs antigéniques caractérisant les lymphocytes B et T, donc à la génération de lymphocytes fonctionnels. Les souris décitaires dans l’un de ces deux gènes sont donc complètement dépourvues de ces lymphocytes. Lorsque les souris sont sacriées à 15mois et autopsiées, aucun cancer n’est trouvé chez les souris témoins exprimant les deux gènes RAG fonctionnels. Par contre, la moitié des souris RAG2-/- chez lesquelles RAG2 a été inactivé par mutation, présente un adénocarcinome intestinal ou pulmonaire et les autres sont porteuses d’adénomes intestinaux, donc de lésions précancéreuses. Les souris RAG2-/- développent aussi signicativement plus de sarcomes après administration de 3’méthycholanthrène, par rapport aux témoins immunocompétents [10].
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Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Ces résultats montrent que l’immunosurveillance existe bien chez la souris et qu’elle réduit signicativement l’incidence des cancers spontanés ou chimio-induits chez les souris immunocompétentes.
3 L’IMMUNOSURVEILLANCE DES CANCERS S’EXERCE AUSSI CHEZ L’HOMME Les méthodes utilisées pour mettre en évidence l’immunosurveillance des cancers chez la souris ne sont pas applicables chez l’Homme. Il n’existe pas chez l’Homme de populations de sujets syngéniques similaires sur le plan de la génétique et de l’immunologie, a fortiori de populations dont le patrimoine génétique a été modié à des ns expérimentales. Des arguments en faveur d’une immunosurveillance des tumeurs chez l’Homme peuvent néanmoins être tirés d’observations effectuées chez des patients atteints de décits immunitaires ou traités par des médicaments immunosuppresseurs. D’autres arguments peuvent être obtenus à partir des constatations immunohistologiques effectuées sur les cancers humains.
3.1. Incidence des cancers chez les patients immunodéprimés La fréquence des cancers est signicativement accrue chez les patients atteints du syndrome de décience immunitaire acquise (SIDA) [11]. Cependant la majorités des cancers observés chez ces patients sont d’origine virale (herpes virus pour le sarcome de Kaposi, virus d’Epstein-Barr pour les lymphomes, papilloma virus pour le cancer du col utérin) et peuvent être attribués à un décit de l’immunité infectieuse antivirale plutôt qu’à une défaillance de l’immunosurveillance antitumorale. On note cependant chez les malades atteints d’un SIDA une augmentation signicative de l’incidence de cancers d’origine non virale, notamment des adénocarcinomes du poumon, et ce indépendamment du facteur tabagique [12]. La fréquence des cancers est aussi très élevée dans les syndromes de décit immunitaire primaire de l’enfant notamment dans le syndrome de Chediak-Higashi et l’ataxie-télangiectasie [13]. Le risque de cancer a aussi été analysé chez des patients recevant un traitement immunosuppresseur au long cours après transplantation d’un organe provenant d’un donneur allogénique. Après transplantation rénale, l’incidence de différents cancers (côlon, pancréas, poumons, reins) est augmentée, notamment celle des carcinomes cutanés [14,15]. Une augmentation signicative de certains cancers, notamment de lymphomes non Hodgkiniens, de carcinomes cutanés, de carcinomes de la tête et du cou, a aussi été notée après transplantation cardiaque ou hépatique [16]. 4
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
3.2. L’infiltration des cancers humains par des cellules immunitaires et sa relation avec le pronostic Histologiquement, les cancers se présentent comme des tissus complexes associant aux cellules tumorales un stroma, des broblastes, des vaisseaux sanguins et lymphatiques et des cellules immunitaires relevant de l’immunologie innée (macrophages et autres cellules myéloïdes, cellules dendritiques, cellules NK) et de l’immunologie adaptative (lymphocytes T CD4+ et CD8+, lymphocytes NKT, lymphocytes B). Si l’immunosurveillance s’applique aux tumeurs humaines, ces cellules immunitaires doivent jouer un rôle positif ou négatif dans les mécanismes d’immunosurveillance des cancers. Chez l’Homme, ces effets peuvent être explorés en déterminant les relations entre la densité de l’inltration des tumeurs par un type donné de cellule immunitaire et la survie des patients. Cependant la variété des cellules immunitaires inltrant les tumeurs et la complexité de leurs interactions incitent à la prudence: ce n’est pas parce que la densité d’une population cellulaire est positivement ou négativement corrélée à la survie que cette cellule intervient directement dans le processus de l’immunosurveillance. Les premiers résultats signicatifs ont été obtenus dans les mélanomes invasifs où la survie des patients est signicativement corrélée à la densité de l’inltration tumorale par les lymphocytes et notamment par les cellulesT [17]. La même relation a été découverte pour d’autres cancers, dont les carcinomes de l’ovaire [18] et les adénocarcinomes colorectaux [19]. L‘effet favorable sur la survie des patients est lié à la densité de l’inltration tumorale en lymphocytes T mémoire, en lymphocytesTh1 et en lymphocytes cytotoxiquesCD8+. Une inltration dense par des cellules NK (cellules CD57+) a été aussi associée à une survie prolongée chez les patients atteints d’un cancer colorectal au stadeIII [20]. Récemment, un travail considérable du groupe de Jérôme Galon a consisté en une analyse spatio-temporelle de trois séries totalisant 365cancers colorectaux. Une étude génomique et phénotypique de 28variétés ou sous-types de cellules immunitaires adaptatives ou innées inltrant ces cancers a été réalisée à différents stades de l’évolution tumorale [21]. Cette étude a conrmé le rôle pronostique favorable d’une inltration dense par les cellules Th1 et CD8+, a conrmé l’effet défavorable des lymphocytes Th17, effet qui pourrait être en partie expliqué par la capacité de ces cellules à produire une molécule immunosuppressive, l’adénosine, sous l’effet d’ectonucléotidases [22, 23]. Par contre, Bindea et al. n’ont trouvé aucun effet signicatif des T régulateurs caractérisés par leur expression de Foxp3. Un point important apporté par ce travail est la mise en évidence d’un effet pronostique favorable des lymphocytes B et des cellulesT folliculaires (Tfh), une sous classe de lymphocytes CD4+ qui interagit avec les lymphocytesB en permettant leur différenciation et leur survie. Les lymphocytesB pourraient alors agir sur les Th1 en activant leurs propriétés anti-tumorales. Une relation entre une inltration tumorale en lymphocytes B et une évolution clinique favorable avait déjà été montrée pour les cancers de l’ovaire, du sein, du pharynx et pour les mélanomes (revu par Linnebacher [24]). Une autre conclusion importante du travail de Bindea et al. est la démonstration d’une évolution en fonction du stade invasif de la tumeur de l’inltrat 5
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
cellulaire capable de modier le pronostic des patients: un effet pronostique favorable est essentiellement lié à la densité de l’inltration par les lymphocytes Th1 et CD8+ dans les tumeurs non encore invasives, alors que cet effet favorable est lié à la densité de l‘inltration en cellules myéloïdes (macrophages, cellules dendritiques) et en lymphocytes B dans les cancers colorectaux arrivés au stade invasif et métastatique. Il est donc certain que l’immunosurveillance n’est pas limitée aux tumeurs expérimentales des rongeurs mais qu’elle exerce aussi son effet sur l’évolution des cancers chez l’Homme.
4 LES MÉCANISMES DE L’IMMUNOSURVEILLANCE DES CANCERS. IMMUNITÉ ADAPTATIVE OU IMMUNITÉ INNÉE ? Les résultats expérimentaux obtenus chez la souris et que nous avons présentés plus haut tendraient à attribuer préférentiellement l’immunosurveillance à l’immunité adaptative puisque la fréquence des tumeurs est augmentée chez les souris RAG-2-/incapables de construire les récepteurs reconnaissant les antigènes, récepteurs caractérisant les lymphocytes T et B. En fait les tentatives de dissection fonctionnelle de la réponse immunitaire impliquée dans l’immunosurveillance des tumeurs montrent que cette réponse met en jeu un réseau complexe de cellules intervenant dans la réponse immunitaire innée, dont les cellules NK et les macrophages, et dans la réponse immunitaire adaptative, dont les lymphocytes T CD4+ ou CD8+ exprimant le récepteur ou et les cellules NKT (voir [6], tableI). L’immunosurveillance, déjà altérée chez les souris RAG2-/- par rapport aux souris immunocompétentes, est encore plus déciente lorsque les souris RAG2-/- sont aussi porteuses d’une altération du gène codant la chaine gamma commune aux récepteurs de plusieurs cytokines dont les interleukines 2, 4, 7, 9,15 et 21 (souris Rag2-/- x c-/- ), ce qui se traduit par une incidence plus élevée des sarcomes induits par le 3’méthylcholanthrène chez les souris Rag2-/- x c-/- que chez les souris RAG2-/- [25]. À la différence des souris RAG2-/-, les souris Rag2-/- x c-/- sont totalement dépourvues de cellulesNK [26]. L’importance des cellulesNK dans l’immunosurveillance des cancers avait déjà été mise en évidence par l’augmentation signicative des sarcomes induits par le 3’méthylcholanthrène chez des souris sélectivement déplétées en cellulesNK par un anticorps anti-asialoGM1 [27]. Contrairement aux lymphocytesT qui peuvent identier les cellules cancéreuses en reconnaissant les antigènes tumoraux présentés par les molécules du CMH, les cellulesNK ne reconnaissent pas ces antigènes mais peuvent être activées par des signaux de stress ou de danger comme les protéines de surface RAE1 et H60 chez la souris, MICA et MICB chez l’Homme. Ces protéines sont absentes des cellules saines mais exprimées par les cellules cancéreuses en réponse aux altérations de leur ADN et reconnues par des récepteurs activateurs des 6
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
NK dont le récepteur NKG2D [28]. L’importance de NKG2D dans les mécanismes de l’immunosurveillance est montrée par l’augmentation de fréquence des sarcomes induits par le 3’methylcholanthrène chez des souris recevant un anticorps neutralisant NKG2D [29] et celle des tumeurs spontanées chez des souris transgéniques spéciquement décitaires en ce récepteur mais ne présentant pas d’autre anomalie des cellulesNK [30]. Activées par ces récepteurs, les cellules NK acquièrent la capacité de lyser les cellules tumorales par l’intermédiaire de granules cytotoxiques contenant perforine et granzymes ou en libérant les ligands de récepteurs de mort exprimés par les cellules tumorales, comme FAS ligand, TRAIL ou le facteur de nécrose tumorale TNF, reconnus respectivement par FAS, TRAIL ligand et TNF-R1, et induisant la mort par apoptose des cellules cancéreuses. Un autre mécanisme de l’immunosurveillance médié par les cellules NK est la libération de cytokines dont l’IFN-, le TNF et le GM-CSF (granulocyte-macrophage colony stimulating factor) qui peuvent activer les NK en boucle autocrine mais aussi d’autres cellules cytotoxiques dont les T CD8+ et les macrophages [31]. Chez les souris immunocompétentes et chez les souris RAG2-/-, les cellules NK ne lysent pas directement les cellules tumorales mais produisent de l’IFN- qui active les macrophages inltrant les tumeurs et les différencie en macrophages M1. À la différence des macrophages M2 pro-tumorigènes, les macrophages M1 expriment la NO-synthase inductible et produisent ainsi de l’oxyde nitrique et des dérivés nitrés qui détruisent les cellules cancéreuses en contact direct de ces macrophages. Ces macrophagesM1 localisés dans la tumeur pourraient être, plus encore que les lymphocytes CD8 cytotoxiques ou les cellulesNK, les effecteurs majeurs capables de détruire les cellules cancéreuses et donc impliqués dans l’immunosurveillance des cancers [25]. L’immunosurveillance des cancers met donc en jeu chez la souris au moins deux grands mécanismes de destruction des cellules tumorales distincts l’un de l’autre bien que fortement intriqués: la voie des lymphocytesT, reconnaissant spéciquement les antigènes tumoraux et activant les T cytotoxiques, et la voie des cellules NK, reconnaissant des signaux de stress ou de danger émis par les cellules cancéreuses et activant la cytotoxicité de macrophages inltrant les tumeurs. Il est intéressant de souligner que les cellulesNK et les macrophages responsables de ce deuxième mode d’immunosurveillance sont présents et fonctionnels chez la souris nude athymique et peuvent ainsi contribuer à la persistance de l’immunosurveillance chez ces souris. Les deux voies ont en commun l’implication de l’IFN- qui agit à la fois sur les effecteurs lymphocytaires (lymphocytesT cytotoxiques, cellules NK) et sur les macrophages. D’autres cellules productrices d’IFN- peuvent aussi être impliquées dans l’immunosurveillance des cancers, comme les cellules dendritiques IKDC qui expriment certains marqueurs des cellulesNK, produisent activement l’IFN-, et sont capables de lyser directement les cellules tumorales [32]. On doit aussi rappeler que l’activation des cellulesNK, traduite par leur capacité de détruire les cellules tumorales, dépend d’un système complexe de récepteurs comprenant des récepteurs activateurs mais aussi des récepteurs inhibiteurs activés par l’expression des molécules de classeI du CMH à la surface de la cible. C’est l’expression défectueuse de ces molécules souvent déciente à la surface des cellules tumorales qui lève cette inhibition et autorise les mécanismes de destruction. 7
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Nous ne disposons pas d’informations aussi complètes concernant les mécanismes de l’immunosurveillance des tumeurs humaines. Cependant les données obtenues en analysant l’effet pronostique des différentes lignées de cellules immunitaires inltrant ces tumeurs conrment le rôle de l’immunité adaptative et notamment des lymphocytesTh1 dans ce contrôle. En montrant l’effet pronostique favorable de l’inltration par les lymphocytesTfh et B, le groupe de J.Galon [21] a ouvert une autre voie explicitant l’immunosurveillance: l’inltration de la tumeur par les cellules folliculaires Tfh permettrait le recrutement et l’activation de lymphocytesB dans la tumeur. Ceux-ci provoqueraient la destruction des cellules tumorales par un mécanisme mettant en jeu les lymphocytesT: présentation des antigènes, costimulation, production de cytokines [33]. D’autres équipes ont montré l’effet pronostique favorable d’une inltration par les lymphocytesB des mélanomes [34] et des cancers mammaires [35] ou d’une inltration par des lymphocytes Tfh dans les cancers mammaires [36] mais sans rechercher d’interaction entre lymphocytesTfh et lymphocytesB.
5 LES LIMITES DE L’IMMUNOSURVEILLANCE : L’ÉDITION IMMUNITAIRE DES CELLULES CANCÉREUSES. HÉTÉROGÉNÉITÉ DES CANCERS ET SÉLECTION DARWINIENNE Les limites de l’immunosurveillance sont objectivées, tant chez l’Homme que chez l’animal, par l’existence de cancers, qu’ils soient induits ou d’apparence spontanée, même lorsque le système immunitaire de l’hôte est intact et fonctionnel [37]. L’échappement d’une tumeur à l’immmunosurveillance résulte de modications des cellules cancéreuses elles-mêmes ou du système immunitaire qui les contrôle. La majorité des cancers provient de la transformation d’une seule cellule et a donc une origine monoclonale. Cependant sous l’effet des mutations génétiques liées à l’instabilité génomique, et des modications épigénétiques de l’ADN et des histones, ces cellules se diversient en sous-populations qui diffèrent dans leur capacité invasive, leur propension à générer des métastases, leur sensibilité ou leur résistance au traitement, mais aussi dans leur capacité à induire une réponse immunitaire et leur sensibilité à cette réponse [38].
5.1. Les cellules tumorales sont « éditées » par le système immunitaire Le groupe de Schreiber a montré que l’immunosurveillance pouvait moduler l’immunogénicité des tumeurs chez la souris en détruisant sélectivement les cellules les plus sensibles à l’immunosurveillance, donc en sélectionnant la survie des variants 8
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
cellulaires les plus résistants [39]. Lorsque des tumeurs obtenues en exposant au 3’methylcholanthrène des souris normales immunocompétentes ou des souris immunodéprimées Rag2-/- sont greffées soit à des souris normales, soit à des souris Rag2-/-, les souris Rag2-/- acceptent toutes les tumeurs, qu’elles proviennent de souris Rag2-/- ou de souris immunocompétentes. Par contre, les souris normales rejettent fréquemment les tumeurs provenant des souris Rag2-/- alors qu’elles acceptent toutes les tumeurs induites chez des souris normales. Ces résultats montrent que le système immunitaire des souris normales est capable de sélectionner («d’éditer») les tumeurs en supprimant les cellules tumorales exprimant fortement les antigènes reconnus par les lymphocytesT. Ces cellules sont de ce fait les plus sensibles à la réponse immunitaire mais aussi les plus immunogènes. Lorsque la tumeur initiale contient un contingent de cellules qui n’expriment pas, ou faiblement, ces antigènes, cette sous-population prendra le pas sur les autres sous-populations plus immunogènes donc plus sensibles à l’immunosurveillance [40,41]. Une conséquence soulignée par Schreiber et ses collaborateurs est importante: les cancers apparus chez des sujets immunocompétents sont des tumeurs éditées, provenant de cellules qui ont résisté à l’immunosélection et dont les descendantes ont hérité de cette résistance. Cette propriété doit logiquement limiter l’efcacité de l’immunothérapie conventionnelle des cancers.
5.2. Les mécanismes de l’échappement des tumeurs à l’immunosurveillance L’immunogénicité et la sensibilité des tumeurs conditionnant leur acceptation ou leur rejet dépendent de l’expression des antigènes tumoraux et des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) qui permettent la présentation de ces antigènes aux lymphocytesT, mais aussi de l’expression des signaux de stress et de danger et de l’expression de molécules favorisant ou bloquant l’apoptose des cellules cancéreuses. La majorité des cellules tumorales exprime des antigènes reconnus par le système immunitaire. Certains de ces antigènes sont communs aux cellules tumorales présentes dans de nombreux types de tumeurs, mais sont aussi exprimés par certaines cellules normales et sont donc facilement tolérés par le système immunitaire. D’autres antigènes résultent des mutations géniques aléatoires affectant les cellules cancéreuses au cours de l’oncogénèse. À la différence des antigènes communs, ces antigènes sont restreints à des tumeurs individuelles et peuvent générer une réponse immunitaire beaucoup plus puissante que les antigènes communs, mais leur détection est rendue plus difcile du fait de leur caractère privé [42]. La stimulation prolongée des lymphocytesT provoquée par leur exposition permanente aux antigènes tumoraux peut induire un état de tolérance consécutif à la disparition ou à l’inactivation des lymphocytesT capables de reconnaître ces antigènes ou à leur conversion en lymphocytesT régulateurs immunosuppresseurs [43]. Mais surtout le système immunitaire peut détruire sélectivement les cellules tumorales exprimant fortement les antigènes tumoraux ou des molécules du CMH nécessaires à leur présentation au système immunitaire [44]. Elles peuvent aussi réduire l’expression des ligands de NKG2D ou diminuer l’expression du récepteur NKG2D à la surface des cellulesNK [31]. Les cellules tumorales peuvent perdre leur 9
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
capacité à répondre à l’interféron-gamma en n’exprimant plus son récepteur ou les signaux dont STAT1 induits par l’activation du récepteur [45]. Les cellules tumorales peuvent aussi échapper à la lyse induite par le système immunitaire en augmentant leur expression en protéines anti-apoptotiques comme BCL-XL et FLIP [46]. Elles peuvent exprimer l’indolamine-2,3-dioxygénase (IDO), une enzyme qui catabolise activement le tryptophane, un acide aminé nécessaire à la survie des lymphocytes T, et génère la kinurénine qui altère les fonctions antitumorales de ces lymphocytes [47]. Les cellules tumorales peuvent exprimer à leur surface d’autres molécules inhibant l’action cytotoxique des lymphocytesT et des cellulesNK, comme HLA-G [48] ou HLA-E [49]. À la différence des cellules normales, les cellules cancéreuses expriment souvent le ligand PDL-1 dont l’association avec le récepteur PD-1 exprimé par les lymphocytesT effecteurs et les NK inhibe les fonctions de ces cellules et notamment leur production de cytokines [50]. Les cellules tumorales peuvent aussi sécréter des cytokines et des facteurs comme le TGF- [51] et l’interleukine-10 [52] qui suppriment les fonctions anti-tumorales des lymphocytesT et des cellulesNK. L’échappement des cellules tumorales à l’immunosurveillance peut aussi être favorisé par la génération de cellules immunosuppressives dont les deux populations les mieux étudiées sont les lymphocytesT régulateurs (Treg) [53] et les cellules myéloïdes immunosuppressives (MDSC) [54]. Induits par le TGF- produit par les cellules tumorales, les lymphocytes T régulateurs expriment fortement les marqueurs de surface CD4 et CD25, ainsi que le facteur de transcription Foxp3. Ils inhibent les fonctions des T cytotoxiques, mais aussi celles d’autres cellules intervenant dans la réponse immunitaire anti-tumorale comme les NK, les macrophages, les cellules dendritiques et les lymphocytesB, prévenant ainsi la destruction des cellules tumorales. Les Treg expriment constitutivement CTLA-4, un récepteur des moléculesB7 apparenté au co-récepteur CD28 mais qui inhibe la réponse lymphocytaireT au lieu de l’activer. Chez les sujets porteurs d’un cancer, l’expression de CTLA-4 peut aussi être induite sur les lymphocytes T CD4+ et CD8+ effecteurs et contribuer à leur anergie [55]. Les MDSC sont des cellules myéloïdes immatures induites par les cytokines proinammatoires produites par les cellules tumorales, telles que le GM-CSF, l’IL-1 et le VEGF. Les MDSC constituent une population hétérogène rassemblant des cellules monocytaires ou polymorphonucléaires qui inhibent l’activation des lymphocytes T effecteurs et favorisent la génération des Treg à partir des lymphocytes T indifférenciés.
5.3. Immunosurveillance ou échappement : les scénarios possibles La mise en jeu respective de l’immunosurveillance et de l’échappement des cellules tumorales à la destruction peut aboutir à des scénarios variés que le groupe de Schneider a classiés comme constituant les trois «E» de l’immunosurveillance: Elimination – Equilibre – Echappement [56]. L’élimination peut aboutir à l’éradication complète de la tumeur lorsque la totalité des cellules cancéreuses a été détruite. Cette éventualité est bien mise en évidence chez les rongeurs lorsque l’on compare l’incidence des tumeurs spontanées ou 10
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
induites chez les sujets immunocompétents ou porteurs de décit immunitaire comme les souris RAG2-/-. Cette éradication survient généralement à un stade précoce de l’oncogenèse, avant que la tumeur ne puisse être mise en évidence [57]. Il est probable, mais non formellement prouvé que des éradications comparables surviennent dans l’espèce humaine. Des cas exceptionnels, mais incontestables, de régression complète spontanée de cancers établis ou même métastatiques ont été rapportés chez l’Homme, notamment dans les mélanomes [58,59]. Un autre scénario possible est l’instauration d’un équilibre entre le renouvellement des cellules cancéreuses et leur destruction du fait de leur échappement à la surveillance immunitaire. Cet équilibre peut se prolonger pendant toute la vie de l’animal chez lequel le cancer restera méconnu puisque la tumeur bloquée occupe en général un volume limité. Mais l’équilibre peut être rompu par une évolution de la population des cellules cancéreuses ou par une défaillance des mécanismes immunitaires impliqués dans la surveillance [60]. Ces tumeurs en sommeil, mais susceptibles de reprise évolutive, peuvent consister en foyers métastatiques de cellules tumorales dormantes qui peuvent se réveiller longtemps après l’éradication complète de la tumeur primitive. Dans un modèle de mélanome spontané de la souris, l’apparition de métastases détectables peut être bloquée pendant plusieurs mois après l’exérèse tumorale sous l’effet d’une cytostase induite par les lymphocytes CD8+ cytotoxiques [61]. Une troisième possibilité est l’échappement des cellules cancéreuses qui s’évadent du contrôle de l’immunosurveillance, se multiplient et envahissent les tissus voisins ou constituent des métastases à distance de la tumeur primaire. Il est probable que cet échappement ne soit que relatif et que le système immunitaire continue à exercer un contrôle sur l’évolution des tumeurs. Les modalités et les mécanismes de cet échappement varient d’une espèce à l’autre (Homme-souris), suivant le type et la localisation de la tumeur, mais aussi d’une tumeur à l’autre pour un même type de cancer en fonction des antigènes tumoraux exprimés et de la réactivité du système immunitaire à ces antigènes. Pour une tumeur donnée, le contrôle de l’échappement peut mettre en jeu des mécanismes qui varient en fonction de l’évolution et de l’extension de la tumeur comme cela été montré par le groupe de Galon pour les cancer coliques humains [21]. Une immunosurveillance mettant en jeu les interférons de type I produits par les cellules tumorales intervient sélectivement dans le contrôle des métastases dans un modèle de cancer mammaire chez la souris. La suppression de la production de ces interférons permet aux cellules tumorales d’échapper à cette surveillance et de constituer des métastases évolutives dans différents tissus [62]. L’immunosurveillance ne contrôle donc pas seulement les tumeurs naissantes dont elle peut provoquer l’avortement, mais freine aussi la croissance des cancers qui lui ont échappé et peut limiter le facteur essentiel de létalité dans les cancers: la dissémination métastatique de la tumeur. Il faut aussi noter que toutes les tumeurs ne sont pas sujettes à l’immunosurveillance. Pour que le système immunitaire détruise efcacement les cellules cancéreuses, il faut qu’il soit activé. Les lymphocytes T ne reconnaissent les antigènes tumoraux que s’ils leur sont présentés par des cellules présentatrices activées par des signaux de stress ou de danger [63]. Ces signaux interviennent aussi dans l’activation des propriétés 11
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
antitumorales des cellules de l’immunité innée. En l’absence de ces signaux, les cellules cancéreuses échappent à l’immunosurveillance d’autant qu’elles peuvent induire une tolérance qui inhibe l’activité des cellules effectrices [64].
5.4. Chaque tumeur a son individualité et sa réponse propre à l’immunosurveillance Si l’on prend l’exemple des cancers chez l’Homme, chaque type de tumeur a son individualité immunologique et l’inltrat immunitaire d’un adénocarcinome du côlon n’a ni la même composition, ni la même disposition que celui d’un cancer du sein ou d’un mélanome. Dans un même type de tumeur, chaque cancer résulte de plusieurs mutations individuelles, variant d’une tumeur à l’autre dans leur nature et dans leur enchaînement et conditionnant l’expression des antigènes exposés au système immunitaire. Le système immunitaire lui-même varie d’un individu à l’autre en fonction de sa génétique (complexe majeur d’histocompatibilité) et du passé normal et pathologique de l’individu. Il ne faut donc pas s’étonner de la variabilité des réponses obtenues et de la nécessité d’études portant sur des nombres élevés d’individus et de tumeurs pour déterminer les facteurs intervenant dans la réponse ou la résistance des cancers à l’immunosurveillance.
6 IMMUNOSURVEILLANCE ET TRAITEMENT DES CANCERS Deux questions peuvent être posées: l’immunosurveillance joue-t-elle un rôle dans le traitement conventionnel des cancers, notamment dans l’efcacité de la chimiothérapie? la notion d’immunosurveillance permet-elle de mieux comprendre et d’optimiser l’immunothérapie des cancers?
6.1. Intervention de l’immunosurveillance dans l’efficacité des traitements conventionnels des cancers L’efcacité antitumorale de plusieurs agents utilisés en chimiothérapie conventionnelle des cancers est supprimée ou réduite chez les souris immuno-décientes. C’est le cas d’agents comme les anthracyclines, l’oxaliplatine, le 5-uorouracile, ou la gemcitabine dont l’effet thérapeutique sur différents types de cancers est réduit ou aboli chez les souris nude athymiques par rapport aux souris immunocompétentes ([65],[66, tableI]). Cet effet immuno-dépendant de la chimiothérapie peut relever de mécanismes divers (revus par Zitvogel et al. [66]). La chimiothérapie peut agir directement sur les cellules tumorales et modier leur immunogénicité, en augmentant l’expression des antigènes tumoraux à leur surface ou leur capacité à présenter ces antigènes aux lymphocytes T. Ces modications peuvent impliquer des processus 12
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
variés associés à l’effet toxique des agents sur la cellule cancéreuse, induisant l’apoptose et la mort immunogène de ces cellules [67]. Cette mort immunogène est caractérisée par l’émission de signaux de stress et de danger par les cellules cancéreuses mourantes. Ces signaux sont exposés à la surface de la cellule tumorale (calréticuline, un signal incitant à la phagocytose de ces cellules par les macrophages et les cellules dendritiques immatures) ou émis dans son environnement (ATP dont la libération est favorisée par l’autophagie de la cellule et qui recrute activement les cellules phagocytaires; HMGB1, un ligand endogène du récepteur toll-like TLR4 exprimé par les cellules dendritiques). Les agents utilisés en chimiothérapie conventionnelle des cancers, et notamment ceux d’entre eux qui endommagent l’ADN des cellules tumorales, peuvent aussi accroître la susceptibilité de ces cellules à la destruction par le système immunitaire en augmentant l’expression des récepteurs de mort dont FAS et les récepteurs R1 et R2 de TRAIL, ainsi que celle du récepteur NKG2D qui active la lyse des cellules tumorales par les cellulesNK. La chimiothérapîe peut aussi exercer ses effets sur les cellules immunitaires inltrant les tumeurs. À doses élevées, les agents utilisés en chimiothérapie des cancers ont pour la plupart un effet immunosuppresseur résultant de leur toxicité pour les cellules hématopoïétiques lymphoïdes ou myéloïdes. Cependant, aux doses utilisées dans le traitement des cancers, de nombreux agents chimiothérapiques ont au contraire la capacité de restaurer ou de renforcer les mécanismes participant à l’immunosurveillance des tumeurs [66]. Certains agents peuvent activer les acteurs de la réponse immunitaire anticancéreuse comme les cellules dendritiques (doxorubicine, methotrexate, mitomycine-C, paclitaxel, biphosphonates) ou les lymphocytes Th1 (taxanes) et Th17 (cyclophosphamide). Certains agents peuvent aussi inhiber ou détruire les cellules immunosuppressives activées par les cellules cancéreuses ou par les cellules immunitaires inltrant les tumeurs: cellules T CD4+ régulatrices (cyclophosphamide) [68] ou cellules myéloïdes suppressives MDSC (gemcitabine) [69]; (5-uorouracile) [70]. Les effets antitumoraux de l’irradiation des tumeurs, comme ceux résultant de la chimiothérapie, dépendent en partie de l’activation de la réponse immunitaire par les radiations ionisantes [71]. L’irradiation locale de tumeurs expérimentales chez la souris provoque une activation des cellules dendritiques résultant de la libération d’HMGB1 et de sa liaison à TLR4 [72]. Enn la résection chirurgicale d’une tumeur primitive, traitement induisant la réduction des cellules cancéreuses donc de leur effet immunosuppresseur, restore la réponse immunitaire dans des modèles de tumeurs expérimentales même lorsque des métastases sont encore présentes après la chirurgie [73,74]. Cependant l’exérèse de la tumeur primaire n’a généralement pas d’effet signicatif sur l’évolution des métastases.
6.2. L’immunothérapie des cancers Elle a comme objectif le rétablissement d’une réponse immunitaire antitumorale sufsamment efcace pour permettre l’éradication complète de la tumeur. Cet objectif a longtemps semblé irréaliste malgré de nombreuses tentatives chez l’animal et chez l’Homme, mais a récemment été concrétisé par des succès inespérés. À titre d’exemple, 13
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
et en se limitant au domaine des mélanomes métastatiques non éradicables, on peut retenir l’obtention d’une réponse complète chez 20 des 93patients ayant reçu un traitement lymphodépléteur associant chimiothérapie et irradiation corporelle totale, puis une immunothérapie adoptive par transfert des propres lymphocytesT du malade après séparation, sélection et multiplication en culture. Point important, 19 des 20patients survivaient sans récidive apparente pendant des périodes allant de 57mois à plus de 8ans [75], ce qui rend plausible l’hypothèse d’une guérison. Des rémissions complètes et prolongées sans récidive pendant de nombreuses années ont aussi été observées chez des patients recevant un anticorps monoclonal dirigé contre CTLA-4, le récepteur immunosuppresseur exprimé par les lymphocytesT (Schadendorf D et al., cités par Weintraub et al. [76]). Mais l’immmunothérapie des cancers, objet de plusieurs chapitres de ce traité, ne sera pas analysée ici.
CONCLUSION Les résultats expérimentaux obtenus chez l’animal et les observations pathologiques et cliniques effectuées chez l’Homme montrent clairement que l’immunosurveillance, c’est-à-dire le contrôle des cancers par le système immunitaire, existe bien. Elle ne conditionne pas seulement le rejet des tumeurs naissantes ou leur maintien prolongé sous forme de tumeurs dormantes, mais intervient tout au long de l’histoire évolutive des cancers et régule notamment leur avatar le plus dangereux, leur potentiel métastatique. Elle fait intervenir des mécanismes complexes qui mettent en jeu l’immunité innée (reconnaissance des signaux de stress et de danger), l’immunité adaptative (reconnaissance d’antigènes spéciques de tumeur exprimés par les cellules cancéreuses), mais aussi l’interaction entre ces deux modes de réponse immunitaire, l’interféron-gamma étant un facteur prédominant de cette interaction. Cependant l’efcacité de cette immunosurveillance est limitée par l’hétérogénéité des cellules cancéreuses et la capacité de certaines cellules tumorales à échapper à une sélection darwinienne, favorisant la survie des cellules tumorales les plus résistantes ou les moins immunogènes. Ce sont donc ces cellules «éditées» qui constitueront les tumeurs reconnues cliniquement et que cherchera à éradiquer le traitement. Comme on pouvait s’y attendre, ces cellules, vétérans des guerres livrées à la tumeur par le système immunitaire, ont acquis la capacité d’échapper aux attaques déployées par le thérapeute. Il faut donc découvrir des voies nouvelles pour vaincre ces cancers. La mise en évidence des effets immunitaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie conventionnelles [66], la découverte récente de nouveaux mécanismes de l’immunosurveillance, impliquant les lymphocytesTfh et les lymphocytesB [21], peuvent ouvrir ces voies nouvelles et permettre de ranger l’immunothérapie dans les moyens majeurs de traitement des cancers.
Remerciements Je remercie François Ghiringhelli et Lionel Apetoh pour leur lecture critique et constructive du manuscrit de cet article. 14
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Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
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LES GRANDES STRATÉGIES D’IMMUNOTHÉRAPIE ANTITUMORALE
Lionel Apetoh INSERM, UMR866, Dijon, France. Centre Georges François Leclerc, Dijon, France. Université de Bourgogne, Dijon, France.
La compréhension des mécanismes responsables du développement d’une réponse immunitaire antitumorale et des raisons expliquant la résistance des cellules tumorales à l’action cytotoxique des cellules immunitaires effectrices permet d’agir sur l’interaction cellules tumorales/cellules immunitaires dans un but thérapeutique. Les progrès récents effectués dans les domaines de l’immunologie et de la cancérologie ont contribué à l’amélioration de l’efcacité des immunothérapies anticancéreuses. La pertinence clinique des stratégies d’immunothérapie est aujourd’hui clairement démontrée dans le traitement de plusieurs types de cancers. Le sipuleucel-T et l’ipilimumab ont en effet tous les deux été approuvés par
l’Agence européenne du médicament pour traiter les cancers métastatiques de la prostate et les mélanomes. Les outils utilisés dans le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapies sont les cytokines, les vaccins, les anticorps monoclonaux, et les thérapies cellulaires. La prise en compte du statut immunitaire chez les patients atteints de cancer et l’utilisation de combinaisons thérapeutiques adaptées associant l’immunothérapie et des thérapies anticancéreuses conventionnelles permettraient de renforcer encore davantage l’efcacité thérapeutique de l’immunothérapie antitumorale.
SOMMAIRE Introduction
20
1. Utilisation des peptides et des protéines en immunothérapie du cancer
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2. Utilisation des cellules dendritiques en immunothérapie du cancer
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3. Utilisation d’outils génétiques en immunothérapie du cancer
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4. Utilisation des anticorps en immunothérapie du cancer
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Conclusion
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Références bibliographiques
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Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
INTRODUCTION Le traitement des pathologies cancéreuses chez l’Homme a traditionnellement reposé sur quatre modalités principales: la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et l’hormonothérapie. Pourtant, une autre modalité de traitement du cancer a été mise en évidence dès la n du xixesiècle. En effet, en 1890, Coley avait pu démontrer que des dérivés bactériens (les toxines de Coley) avaient des effets bénéques sur des cancers inopérables [1]. Il a été depuis démontré que des médiateurs possédant la propriété de stimuler le système immunitaire comme le bacille de Calmette-Guérin (BCG) exerçaient une activité antitumorale [2]. Le traitement par le BCG est ainsi un traitement d’immunothérapie actuellement approuvé dans le traitement du cancer de la vessie [2]. Pourtant, l’immunothérapie n’a pas été considérée comme une approche thérapeutique valable jusqu’à la n du xxesiècle. La théorie de l’immunosurveillance qui postule que le système immunitaire peut contribuer à limiter le développement tumoral a été très contestée jusqu’en 1980 (voir Chapitre1). C’est uniquement après de nombreuses conrmations expérimentales chez les rongeurs et après l’observation de régressions tumorales spontanées chez l’Homme que la possibilité de manipuler le système immunitaire dans un but thérapeutique a été envisagée (revu dans [3] et [4]). Dans les années 1980, les immunologistes ont montré que les lymphocytes activés in vitro en présence d’IL-2 avaient la capacité de lyser les cellules tumorales [5]. L’efcacité antitumorale des cytokines a ensuite été testée dans le cadre d’essais cliniques dans différentes pathologies. Il a ainsi été montré que l’interféron2, appartenant à la famille des interférons de type I et possédant des propriétés antitumorales in vitro et dans des modèles précliniques, induisait aussi des réponses antitumorales chez l’Homme [6]. L’interféron2 a été en 1995 la première stratégie d’immunothérapie approuvée par l’Agence américaine du médicament (FDA) pour le traitement du mélanome non métastatique[7]. Il a été mis en évidence qu’une autre cytokine l’IL-2 exerçait une activité antitumorale contre des tumeurs solides comme le mélanome et le cancer du rein. L’IL-2 a ainsi été approuvée par la FDA pour le traitement du mélanome métastatique. L’IL-2 est une glycoprotéine initialement décrite comme un facteur de croissance des cellulesT jouant un rôle essentiel dans la régulation des réponses immunitaires et de la prolifération cellulaireT [8]. De fortes doses d’IL-2 administrées en une seule fois par voie intraveineuse ont déclenché des effets antitumoraux marqués chez des patients atteints de mélanome métastatique. Une analyse rétrospective de différentes études de phaseII font apparaître un taux de réponse objectif de 16% dont 4% de réponses durables qui suggèrent la mise en place d’une mémoire immunitaire [9]. Les toxicités associées à ce type de traitement étaient fortes mais gérables en milieu hospitalier. Il a été proposé que le développement de réponses autoimmunes et de dérèglements thyroïdiens correspondaient à des marqueurs associés à une amélioration de la survie chez les patients recevant ce type de traitement. Bien que ce point n’ait pas été clairement conrmé dans des analyses ultérieures, l’observation des réponses autoimmunes associées aux réponses antitumorales dans d’autres contextes ont également été observées avec l’utilisation de l’anticorps anti-CTLA4 ipilimumab dans le cadre du traitement du mélanome métastatique. Comme l’utilisation de cet anticorps a démontré dans un essai clinique 20
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
de phase III son efcacité dans cette pathologie [10], cela suggère que les réponses autoimmunes contre des antigènes non tumoraux de l’hôte peuvent être associées aux réponses antitumorales et à la rupture de tolérance provoquée par la tumeur. Les exemples venant d’être cités illustrent clairement l’évolution des stratégies d’immunothérapies qui reposaient au départ sur des observations empiriques et qui sont maintenant issues des résultats de travaux de la recherche fondamentale. Dans ce chapitre transversal, nous présenterons les grandes stratégies d’immunothérapies anticancéreuses. Nous nous limiterons ici à une présentation générale car les stratégies d’immunothérapies spéciques à certaines pathologies cancéreuses sont présentées en détail dans d’autres chapitres. De même, l’utilisation de la thérapie cellulaire adoptive, technique qui a donné des résultats thérapeutiques remarquables dans le traitement du mélanome métastatique mais dont la mise en œuvre n’a pas été établie hors des institutions de recherche [11, 12], sera discutée dans d’autres chapitres.
1 UTILISATION DES PEPTIDES ET DES PROTÉINES EN IMMUNOTHÉRAPIE DU CANCER L’identication d’antigènes exprimés sélectivement sur les cellules tumorales est essentielle pour orienter la réponse immunitaire spéciquement contre ces cellules et ainsi obtenir des effets antitumoraux marqués. Les antigènes tumoraux peuvent être classés en cinq catégories: les antigènes de différenciation, les antigènes germinaux, les antigènes viraux, les antigènes mutants et les antigènes surexprimés. Les antigènes tumoraux induisent des réponses cellulaires et humorales chez les patients atteints de cancer [13]. La présentation des antigènes tumoraux par les cellules présentatrices d’antigènes dans un contexte de CMH de classeI etII peut respectivement conduire à l’activation des cellules T CD8 et CD4. À la différence des protéines entières qui contiennent tous les épitopes potentiels de classeI et II pouvant activer les cellules T CD8 et CD4, chaque peptide se xe à une molécule du CMH dénie et n’a par conséquent d’intérêt que pour les patients exprimant cette molécule du CMH à laquelle le peptide est lié. Un grand nombre de peptides dérivés de multiples antigènes tumoraux et capables de se xer aux molécules du CMH de classeI etII ont été identiés ce qui a permis le développement de vaccins peptidiques et protéiques pour différents types de cancers [14]. Les peptides sont constitués par des fragments très courts de protéines tumorales qui peuvent être synthétisées dans des conditions GMP, permettant ainsi leur utilisation en clinique. Ils sont faciles à produire et présentent une faible toxicité. De nombreux vaccins basés sur l’utilisation de peptides ou protéines ont été testés en clinique dans différents types de cancers. Les premières générations de vaccins peptidiques et protéiques n’ont pas montré de bénéce réel pour le traitement de patients atteints de cancers avancés [11,15]. Toutefois, les essais cliniques menés ont permis de mieux comprendre comment les cellules tumorales échappent aux réponses cytotoxiques induites par la vaccination. 21
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Ces informations sont importantes pour l’optimisation de ce type de vaccins en modiant par exemple l’antigène et les adjuvants utilisés. Les peptides peuvent être modiés pour augmenter leur afnité aux molécules du CMH et ainsi stimuler des réponses T CD8 effectrices plus fortes. Ceci a été réalisé avec succès avec les antigènes GP100 et MART-1 (melanoma antigen recognized by T cell) exprimés par les cellules de mélanome [16, 17]. Cependant, ces analogues peptidiques induisent parfois des réponses T CD8 spéciques du peptide utilisé mais pas du peptide tumoral et n’améliorent donc pas le rejet tumoral [18, 19]. Comme il a été montré que les cellules T CD4 jouent un rôle important dans la persistance des réponses T CD8 mémoire qui contribuent à éliminer les cellules tumorales [20, 21], l’introduction d’épitopes T CD4 en plus des épitopes T CD8 permettra certainement de renforcer l’efcacité de cette deuxième génération de vaccins. Bien que les épitopes T CD4 dérivés d’antigènes tumoraux puissent contribuer à activer les T CD8 via les cellules présentatrices des antigènes (CPA) leur supériorité thérapeutique par rapport à d’autres épitopes induisant des réponses immunitaires comme la toxine tétanique n’est pas établie. Il apparaît néanmoins que les épitopes T CD4 peuvent jouer un rôle critique dans l’induction de réponses antitumorales chez l’Homme. En effet, un essai clinique avec des longs peptides comprenant la séquence complète des protéines oncogéniques E6 et E7 du papilloma virus humain HPV-16 a induit des réponsesTCD4 et CD8 spéciques de HPV-16 et généré des réponses cliniques chez des femmes atteintes de cancer [22]. La limite principale des vaccins basés sur l’utilisation d’une protéine entière est leur trop faible capacité à induire des réponses T CD8 spéciques des antigènes tumoraux [23, 24]. Pour augmenter la capacité des CPA chargées avec une protéine entière à effectuer une présentation croisée des antigènes tumoraux, de nouvelles approches thérapeutiques sont actuellement menées dans des essais pilotes en associant par exemple une protéine couplée à un anticorps ciblant le récepteur du mannose ou encore DEC-205 [25, 26] (voir Chapitre6). Les peptides et les protéines administrés seuls comme agents vaccinaux n’induisent que de faibles réponses immunitaires in vivo. L’utilisation d’adjuvants permettant une libération lente de l’antigène et l’augmentation de la présentation par les CPAs des antigènes tumoraux aux cellules immunitaires est reconnue comme une méthode essentielle pour induire des réponses immunitaires plus efcaces. Parmi les adjuvants actuellement utilisés avec les vaccins anticancéreux, on note les sels d’aluminium, les émulsions huile dans l’eau (MF59), les dérivés non toxiques de Salmonellas (MPL) et les émulsions eau dans huile (Montanide ISA 51 et ISA 720) et des saponines (ISCOM, QS-21, AS01 et AS02). Une avancée importante dans le domaine des vaccins peptidiques et protéiques a été l’introduction des ligands des récepteurs de type Toll (TLR) qui activent fortement les CPA in vivo, comme les ligands de TLR3, TLR4, TLR7/8 (imiquimod et resiquimod) et TLR9 (CpG). En outre, certains ligands de TLRs comme les ligands de TLR3 ont des effets pléiotropiques comme l’activation des CPA et des NK et une cytotoxicité directe sur les cellules tumorales [27]. Beaucoup de ces ligands de TLR sont actuellement testés en combinaison avec de nouveaux vaccins anticancéreux. Le CpG est un ligand de TLR qui agit comme un puissant adjuvant pour les vaccins protéiques et peptidiques. Il stimule les réponses antitumorales TCD8 spéciques chez des patients atteints de cancer [17, 18]. 22
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
2 UTILISATION DES CELLULES DENDRITIQUES EN IMMUNOTHÉRAPIE DU CANCER Les cellules dendritiques (CDs) jouent un rôle fondamental dans l’induction de la réponse immunitaire adaptative [28]. Lors de l’administration de vaccins anticancéreux, les CDs sont activées mais de manière incomplète en raison de l’environnement tumoral immunosuppresseur. Le développement d’approches permettant de générer et d’activer des CDs ex vivo a permis de contourner l’immunosuppression présente dans le microenvironnement tumoral et de contrôler le milieu dans lequel les cellules dendritiques sont générées et chargées avec des antigènes [28, 29]. Ce processus peut ainsi assurer une immunisation efcace in vivo. Les signaux requis pour obtenir l’induction d’une réponse adaptative sont la capture et la présentation des antigènes des CDs aux lymphocytesT (signal1), l’expression des molécules de costimulation (signal2) et la sécrétion de cytokines par les CDs qui vont inuencer la nature et la qualité de la réponse adaptative induite (signal3). La production des CDs ex vivo permet également de contrôler la nature de la réponse immunitaire effectrice qui sera induite in vivo avec une induction préférentielle d’une immunité de type T CD4 de type Th1 ou encore T CD8 cytotoxique [30]. Enn, cette méthode de production des CDs permet de générer in vivo des cellules T spéciques capables de migrer au niveau des sites tumoraux [31]. Les vaccins administrés dans un but prophylactique ou thérapeutique doivent ainsi induire un nombre important de cellulesT spéciques d’un antigène tumoral. Toutefois, il existe une difculté supplémentaire pour les vaccins utilisés dans un but thérapeutique. En effet, la vaccination doit être efcace dans le contexte d’une tumeur établie et donc en présence de cellules immunosuppressives comme les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) et les cellules T régulatrices (Treg) qui bloquent la maturation des cellules dendritiques [32]. Ainsi, les CDs maturées ex vivo, plus résistantes aux facteurs immunosuppressifs, ont été utilisées dans les stratégies thérapeutiques [33]. Cependant non seulement les Tregs présents avant la vaccination peuvent limiter l’efcacité de celle-ci, mais leur nombre peut être amplié par la vaccination [34]. Une seconde difculté pour envisager la vaccination comme option thérapeutique est la nécessité de remplacer les signaux moléculaires normalement induits par un pathogène lors d’une réponse immunitaire inammatoire [35, 36]. En effet, les infections bactériennes ou virales induisent la sécrétion de chimiokines qui recrutent des cellules immunitaires effectrices au niveau du lieu de l’infection [35]. Par contre, les vaccins thérapeutiques anticancéreux doivent être particulièrement efcaces pour induire des lymphocytesT sensibles aux chimiokines produites par les cellules tumorales ou doivent être combinés à des immunomodulateurs permettant de changer le panel de chimiokines sécrétées par les tumeurs [37]. Dans les années 1990, les premiers essais thérapeutiques de vaccins de première génération utilisant des CDs effectués dans le lymphome folliculaire et le mélanome 23
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
ont donné des résultats prometteurs [38, 39], ce qui a conduit à la mise en œuvre de cette approche thérapeutique dans d’autres types de cancers. Ces CDs expriment des niveaux faibles de molécules de costimulation et sont donc moins immunogènes que les CDs matures utilisées dans les vaccins de seconde génération [40, 41]. Bien que ces vaccins aient présenté dans l’ensemble de faibles capacités à induire des réponses cliniques objectives, deux essais cliniques de phaseIII récents ont démontré l’efcacité d’un vaccin basé sur l’utilisation des CDs de première génération [42]. En effet, le sipuleucel-T augmente modérément mais signicativement la survie globale des patients atteints de cancer métastatique de la prostate hormono-résistant [43] (voir Chapitre19). La vaccination utilisant le sipuleucel-T consiste à prélever par leucaphérèse les cellules dendritiques du patient, à les purier et à les cultiver in vitro en présence d’une protéine de fusion obtenue à partir de phosphatase acide prostatique et de GM-CSF, avant une réinjection in vivo des cellules dendritiques ainsi activées et sensibilisées. Le coût est estimé à 70000€ pour un allongement de survie médian estimé à 4mois. Ces résultats montrent que les CDs immatures peuvent avoir un rôle thérapeutique potentiel même dans des cancers très avancés et soulève la question de la pertinence des critères classiquement utilisés pour établir une réponse clinique. Les modes d’action des thérapies cytotoxiques et des vaccins anticancéreux sont en effet très différents. Les premières exercent une activité cytotoxique directe et rapide sur les cellules tumorales alors que les seconds ont une action plus lente car ils modient tout d’abord les interactions entre le système immunitaire du patient et les cellules tumorales. Ceci explique l’absence fréquente de rejet tumoral aigu malgré un bénéce en termes de survie qui est observé à plus long terme. Pour favoriser la maturation des CDs utilisées en vaccination, différentes approches ont été utilisées. Un cocktail de cytokines comprenant l’IL-1, le TNF, l’IL-6 et la prostaglandine E2 a permis d’obtenir des CDs matures exprimant fortement des molécules de costimulation, CCR7 et répondant aux chimiokines CCL19 et 21 présentes dans les ganglions [44-46]. Il a été montré que les CDs dérivées avec ce cocktail possédaient une immunogénicité accrue in vitro et in vivo chez des volontaires sains et des capacités de migrations augmentées par rapport à des CDs immatures [45, 46]. Ces CDs ont donc été testées dans différents essais cliniques et contre toute attente une étude de phase III dans le mélanome métastatique a démontré leur totale inefcacité [47]. Une hypothèse expliquant ces résultats décevants serait que la PGE2 limiterait la sécrétion d’IL-12p70 par les CDs et favoriserait l’interaction des CDs avec les cellules Tregs [48]. En se fondant sur les résultats obtenus précédemment, différentes équipes de recherche essaient de dénir des stratégies visant à induire la maturation des CDs de manière complète mais pas maximale an de ne pas épuiser totalement leurs capacités à sécréter de l’IL-12 et à activer les lymphocytes T CD4 et T CD8. Ceci a été réalisé en cultivant les CDs immatures en présence d’IFN type I et II en association avec des ligands de TLR et du TNF ou encore en exposant les CDs à des cellules NK activées ou des cellules CD8 mémoire [49-51]. Les CDs ainsi obtenues (CD1s) présentent une capacité remarquable à induire des réponses effectrices T CD8, Th1 et NK dans des modèles murins in vivo et chez l’Homme in vitro. Les CD1s induisent en moyenne 20 à 70fois plus de cellules T CD8 spéciques des tumeurs que les CDs maturées avec 24
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
de la PGE2 [49, 52]. Ce type de CDs peut être obtenu à partir de patients atteints de mélanome, de leucémie chronique lymphocytaire et de carcinome de la tête et du cou, ce qui indique que cette approche peut être utilisée pour induire une immunité antitumorale spécique dans différents types de cancers. Il a été également montré que les CD1s pouvaient être induites par une combinaison d’IFN et de MPL [53-55]. Même si les CDs non polarisées peuvent induire la conversion des cellules TCD8 naïves en cellules T CD8 mémoire, seules les cellules CD1s sont capables d’induire des cellules T CD8 exprimant le granzyme B et la perforine et exerçant une activité cytotoxique [56]. Chez des patients HLA-A2+ atteints de mélanome, les cellules T CD8 spéciques de l’antigène MART1 activés par les CD1s expriment de hauts niveaux d’expression de CCR5 et CXCR3 [56], récepteurs de chimiokines impliqués dans la migration lymphocytaire T vers les sites tumoraux [57, 58]. Un autre avantage de l’élimination de la PGE2 et de l’inclusion de l’IFN dans le cocktail de maturation des CD immatures permettant d’obtenir des DC1 est une production accrue de CXCL9, CXCL10, CXCL11, et CCL5 et une production réduite de CCL22 par les CDs matures, ce qui permet ensuite leur interaction préférentielle avec des cellules T CD8, Th1 ou NK exprimant le CCR5. Ces propriétés permettraient une prolifération sélective de ces trois sous-types in vivo tout en limitant l’action régulatrice des cellules exprimant le CCR4 [33]. L’activité clinique des CD1s induites en présence d’IFN est actuellement testée dans de nombreux types de cancers et notamment dans les mélanomes, les gliomes et les cancers du côlon et de la prostate dans le cadre d’essais cliniques [59]. Dans un essai clinique de phaseI/II dans les gliomes, des patients HLA-A2 ont été traités avec des CD1s chargées avec des peptides synthétiques d’antigènes associés au gliome [59]. Sur 22patients traités, 9survies sans progression ont été observées.
3 UTILISATION D’OUTILS GÉNÉTIQUES EN IMMUNOTHÉRAPIE DU CANCER De nombreuses approches d’immunisation génétiques de tumeurs solides ont été tentées. Les tentatives initiales d’injecter directement des tumeurs avec de l’ADN plasmidique et des vecteurs codant pour des cytokines dans le but de déclencher une réponse immunitaire antitumorale dirigée contre la tumeur n’ont pas été efcaces. En effet, cette approche n’induit pas de réponse immunologique systémique. C’est pourquoi une stratégie alternative a consisté à utiliser des vecteurs plasmidiques ou viraux pour immuniser directement les individus. Cette stratégie est peu couteuse, simple à mettre en œuvre et permet d’immuniser en utilisant des gènes multiples. L’immunisation réalisée en utilisant des ADNs plasmidiques est par exemple une méthode efcace d’immunisation contre des antigènes microbiens et viraux et génère des réponses humorales et cellulaires chez la souris [60-62]. Chez l’Homme, la capture d’antigènes protéiques produits par les cellules localement transfectées par les CPAs endogènes du patient constitue le mécanisme principal responsable de la génération d’une immunitéT [63-66]. Dans des modèles animaux immunisés avec des antigènes tumoraux, cette approche n’a généré que de faibles réponses antitumorales [67, 68]. 25
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Différentes stratégies ont ainsi été mises en œuvre an d’augmenter les réponses immunitaires consécutives à une immunisation avec des ADN plasmidiques comme l’administration de GM-CSF pour attirer les CPAs endogènes ou encore l’ajout de plasmides codant pour des molécules immunostimulatrices (CD40-L, IL-2, and IL-12) [69]. L’efcacité d’une immunisation avec un ADN plasmidique a été testée en immunisant des patients atteints de cancer colorectal contre l’antigène carcino-embryonnaire (ACE). Une construction conduisant à l’expression de l’ACE et de la protéine virale exogène du virus de l’hépatite B a été administrée par voie intra-musculaire à 17patients [70]. L’immunisation n’a pas entraîné d’effets secondaires et six patients sur huit ont été immunisés contre la protéine virale exogène du virus de l’hépatite B mais seulement 4 sur 17 présentaient des réponses contre l’antigène ACE, ce qui indique que l’immunisation ADN plasmidique seule ne peut induire chez tous les patients une réponse contre les antigènes du Soi. Une stratégie similaire testant un vaccin ADN plasmidique MART-1 injecté en intramusculaire chez des patients atteints de mélanome n’a induit aucune réponse immunitaire [71]. L’immunisation directe résultant d’une injection dans la peau ou les ganglions n’induit qu’une faible immunogénicité et illustre les limites de cette stratégie thérapeutique chez l’Homme [72, 73]. Certaines cellules comme les cellules tumorales autologues du patient peuvent être transfectées et êtres ainsi utilisées comme vaccins exprimant ainsi tous les antigènes tumoraux mais également un transgène tel que le GM-CSF facilitant l’induction d’une réponse immunitaire. Des vecteurs viraux et de l’ADN plasmidique ont été utilisés pour incorporer des molécules responsables de l’induction d’une réponse immunitaire dans des cellules utilisées ensuite dans une stratégie d’immunothérapie génétique. Les cellules tumorales transduites avec des virus ont été testées en combinaison avec du GM-CSF (GVAX) [74-76]. Les résultats montrent que cette combinaison peut être immunogène et induire des réponses cliniques in vivo [74-76]. Toutefois, la nécessité d’obtenir sufsamment de matériel biologique (tumeur autologue) pour générer le vaccin reste un obstacle majeur dans la mise en place de cette stratégie.
4 UTILISATION DES ANTICORPS EN IMMUNOTHÉRAPIE DU CANCER Une approche thérapeutique qui a profondément modié le traitement du cancer repose sur l’utilisation des anticorps monoclonaux. Ces anticorps peuvent être dirigés contre des antigènes tumoraux ou encore contre des récepteurs ou des ligands exprimés par les cellules tumorales. Les mécanismes expliquant les effets anticancéreux des anticorps monoclonaux sont très variés et peuvent être classés entre des effets cytotoxiques directs et des effets cytotoxiques impliquant une participation du système immunitaire (gure1). Ainsi, ils bloquent des signaux d’activation essentiels à la prolifération et/ou la survie de ces cellules. Ces effets peuvent résulter du blocage direct de l’interaction du ligand avec son récepteur ou encore d’une absence de dimérisation du récepteur après interaction avec son ligand. Certains anticorps peuvent en outre 26
Les grands principes de l’immunosurveillance antitumorale
être modiés pour convoyer des toxines, des radioisotopes ou des cytokines dans le microenvironnement tumoral. Nous donnerons ici quelques exemples utilisés en routine dans le traitement des cancers. Le bévacizumab est un anticorps recombinant humanisé qui se xe et neutralise l’action du VEGF en empêchant son association avec ses récepteurs endothéliaux Flt1 et KDR [77]. La neutralisation du VEGF inhibe la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et bloque donc le processus d’angiogenèse tumorale. Le bévacizumab est utilisé dans le traitement de différents types de cancers dont les cancers du sein, du côlon et les glioblastomes [77-79]. Le cetuximab est un anticorps recombinant chimérique qui cible l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) et bloque par inhibition compétitive la xation de l’EGF. Il bloque ainsi la phosphorylation et l’activation de kinases impliquées dans la transduction des signaux de croissance, ce qui entraîne un arrêt de la prolifération cellulaire et l’apoptose des cellules tumorales. Le cetuximab est efcace dans le traitement du cancer colorectal et les cancers de la tête et du cou [80-82]. Le panitumumab est un anticorps recombinant humain anti-EGFR [83]. De manière similaire au cetuximab, il bloque la liaison des ligands de l’EGFR à leur récepteur [83]. Cet anticorps est utilisé dans le traitement du cancer colorectal métastatique [84]. Toutefois, dans ce type de cancer, les effets bénéques du cetuximab et du panitumumab ne sont observés que chez 40% des patients ne présentant pas de mutation de K-ras [85]. Le transtuzumab est un anticorps monoclonal (AM) se xant au domaine extracellulaire de la protéine HER-2. Cet anticorps exerce également une action cytotoxique dépendante de l’action du système immunitaire. En effet, il exerce une cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps contre les cellules tumorales surexprimant la protéine HER-2 [86]. Cet anticorps est utilisé dans le traitement du cancer de sein [86, 87]. Le rituximab est un AM dirigé contre l’antigène CD20 exprimé par les lymphocytes B. Il entraîne une lyse des cellulesB consécutive à l’activation du complément et à une cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps. Cet anticorps est utilisé dans le traitement des lymphomes de Hodgkin, des lymphomes non hodgkiniens et des leucémies lymphoïdes chroniques [88, 89]. L’importance thérapeutique des mécanismes immunologiques engagés par ces anticorps a été suggérée dans plusieurs études cliniques. En effet, des associations ont été établies entre les polymorphismes des récepteursFc, responsables des interactions entre les cellules effectrices comme les monocytes et les cellules NK et les cellules tumorales, et l’évolution clinique des patients traités par ces anticorps [90]. Enn, l’ibritumomab et le tositumomab sont des AM couplés à des radioisotopes qui permettent de libérer directement au niveau des cellules tumorales un isotope radioactif et qui sont indiqués pour le traitement des lymphomes B non hodgkinien. Le tositumomab conjugué à l’iode 131 est un anticorps murin IgG2a qui se xe à l’antigène CD20 présent dans plus de 90% des lymphomes B non hodgkiniens [91]. L’ibritumomab est un AM anti-CD20 qui reconnaît le chélateur tiuxétan, un site spécique de chélation pour l’indium-111 ou l’yttrium-90 [92]. Récemment une nouvelle catégorie d’anticorps a été utilisée avec succès en thérapeutique humaine. Il s’agit d’anticorps monoclonaux capables d’agir sur des points de contrôles immunologiques et qui restaurent ainsi l’activation des lymphocytesT. Le premier anticorps approuvé en clinique et qui est destiné à lever 27
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
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Figure 1 : Principes expliquant l’efficacité thérapeutique des anticorps monoclonaux en immunothérapie antitumorale. Les mécanismes expliquant l’efcacité des anticorps dans le traitement des pathologies cancéreuses sont divers. Les anticorps en se xant à des antigènes tumoraux peuvent(a) induire la mort des cellules tumorales comme dans le cas des anticorps radiomarqués (exemple de l’ibritumomab) et (b) bloquer des voies de signalisation qui favorisent la croissance des cellules tumorales (exemple du cetuximab). D’autres anticorps comme le bevacizumab peuvent également bloquer l’angiogenèse et limitent donc la croissance tumorale. Les cellules du système immunitaire peuvent directement contribuer à l’efcacité des anticorps thérapeutiques. Les cellules tumorales peuvent ainsi être directement éliminées par des cellules NK activées selon un mécanisme de cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps comme dans le cas du trastuzumab. Enn, de nouveaux anticorps thérapeutiques comme les anti-CTLA4, anti-PD-1 et anti-Tim-3 ont été conçus pour restaurer les fonctions effectrices des cellules lymphocytaires T non fonctionnelles, ce qui permet de lutter contre la progression tumorale.
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l’immunorégulation induite par la progression tumorale est l’anticorps anti-CTLA-4, une molécule diminuant l’activation lymphocytaireT. À l’origine, CTLA-4 est essentiel pour empêcher le développement de réponses autoimmunes et maintenir la tolérance aux auto-antigènes [93]. Les AM anti-CTLA4 dont l’ipilimumab et le tremelimumab bloquent la voie de signalisation de CTLA-4, prolongent l’activation lymphocytaire T, restaurent la prolifération lymphocytaireT et amplient l’immunité T dépendante et la capacité de l’hôte à développer une réponse immunitaire antitumorale [93, 94]. L’efcacité de l’ipilimumab a été démontrée dans plusieurs essais cliniques de phaseIII. Il a ainsi été démontré chez des patients atteints de mélanome métastatique que l’ipilimumab en combinaison avec une vaccination peptidique contre gp100 était plus efcace que la vaccination seule ou l’ipilimumab administré seul [10]. Un autre essai clinique de phaseIII a montré que l’ipilimumab associé à la dacarbazine avait un effet thérapeutique supérieur en termes de survie globale à la dacarbazine administrée seule dans le traitement de première ligne du mélanome métastatique. D’autres anticorps bloquant des points de contrôle immunologiques sont en cours de développement comme l’anti-PD-1. PD-1 est un récepteur inhibiteur exprimé sur les cellules T activées, les lymphocytes B et les monocytes [95, 96]. PD-1 est aussi exprimé sur les Tregs et est associé à l’échappement tumoral [97, 98]. PD-1 est induit par la voie de transduction du signal du TCR et son expression est augmentée sur les cellules non fonctionnelles, épuisées dans les infections virales chroniques et les cancers. Les ligands de PD-1 sont PD-L1 et PD-L2 (aussi appelés B7-H1 et B7-H2, respectivement). PD-L1 est exprimé sur de nombreuses cellules immunitaires et tumorales et PD-L2 est principalement exprimé sur les macrophages et les cellules dendritiques [99, 100]. L’interaction PD-L1/PD-1 est impliquée dans l’échappement tumoral et l’expression de PD-L1 et PD-L2 sur les cellules dendritiques induit l’anergie des cellulesT de manière PD-1 dépendante [100, 101]. Les études précliniques murines ont par ailleurs clairement démontré que l’administration d’un anticorps anti-PD-1 à des animaux porteurs de tumeurs induisait un bénéce thérapeutique [102]. Chez l’Homme, un essai clinique de phaseI a montré récemment qu’une thérapie combinée utilisant l’ipilimumab et le nivolumab, un anticorps anti-PD-1, a été non seulement bien tolérée mais a permis d’obtenir des effets anticancéreux très marqués chez les patients [103]. Ces résultats illustrent l’intérêt potentiel d’une combinaison thérapeutique entre ces deux anticorps. Par ailleurs, une association thérapeutique basée sur la neutralisation de PD-1 combinée à celle de Tim-3 (T cell immunoglobulin mucin-3 [TIM-3]) pourrait être envisagée. Il a en effet été montré que la coexpression de Tim-3 et de PD-1 identiait des cellules T CD8 épuisées in vivo et qu’une thérapie associant la neutralisation de Tim-3 et de PD-1 chez la souris limitait fortement la progression tumorale [104]. En outre, il a été montré chez des patients atteints de mélanome métastatique que des cellules T CD8 spéciques des antigènes tumoraux expriment fortement les molécules Tim-3 et PD-1 et le blocage de ces molécules inhibitrices restore les fonctions effectrices antitumorales des cellules T CD8 [105]. L’ensemble de ces données incite à combiner le blocage de TIM-3 et PD-1 avec une administration de vaccins contenant un adjuvant an de restaurer la fonctionnalité des cellules T et d’améliorer les réponses cliniques chez les patients. 29
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
CONCLUSION Les nombreux exemples donnés dans ce chapitre illustrent que les différentes modalités d’immunothérapie sont maintenant matures et ont clairement prouvé leur efcacité dans différents types de cancers solides. Les applications de l’immunothérapie sont maintenant constatées dans de nombreux types de cancers comme cela sera discuté dans d’autres chapitres de cet ouvrage. Les progrès réalisés au cours de ces trente dernières années s’expliquent largement par une compréhension accrue des mécanismes gouvernant les relations entre le système immunitaire et les cellules cancéreuses. Les anticorps monoclonaux dirigés contre les points de contrôles immunologiques peuvent avoir un impact majeur sur le traitement des mélanomes et le récent développement d’anticorps dirigés contre les points de contrôles immunologiques ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques en immunothérapie antitumorale. L’utilisation des anticorps anti-CTLA4 restaure les réponses cellulaires T et cette immunothérapie a permis d’améliorer pour la première fois signicativement la survie de patients atteints de mélanome. L’existence d’autres molécules candidates bien caractérisées comme Tim-3 et PD-1 laissent entrevoir d’excellentes perspectives en thérapie antitumorale. Il sera intéressant d’évaluer l’efcacité de combinaisons thérapeutiques d’immunothérapies comme de vaccins avec des immunomodulateurs. La détermination des réponses immunitaires consécutives à l’administration de thérapies combinées sera importante pour préciser les biomarqueurs pouvant dénir la réponse au traitement et identier les patients les plus susceptibles d’en bénécier.
Remerciements Les travaux de recherche de l’auteur sont soutenus par la Fondation de France, l’Association pour la recherche sur le cancer, le Conseil régional de Bourgogne, le FEDER, l’Agence nationale de la recherche [ANR-13-JSV3-0001], la Ligue régionale contre le cancer Comité Grand-Est, et la Commission européenne (Bourse Marie Curie PCIG10-GA-2011-303719).
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3
RÔLE PRONOSTIQUE DES LYMPHOCYTES T DANS LES CANCERS
Franck Pagès1,2,3,6, Guy Zeitoun4, Wolf Herman Fridman3,5,6, Jérôme Galon2,3,6 Dans l’équilibre entre l’invasion de la tumeur et nos systèmes de défense, le rôle joué par la réaction immunitaire adaptative au site de la tumeur pourrait être déterminant pour l’évolution clinique des patients présentant un cancer. En dépit du fait que l’ensemble des composantes immunitaires de la réponse innée et adaptative peuvent être observées à des degrés divers dans le microenvironnement tumoral, il apparaît qu’une forte densité en lymphocytes
T cytotoxiques et mémoires dans un contexte d’orientation immunitaire Th1 au sein de la tumeur et son front d’invasion fournit un marqueur pronostique de première importance pour le cancer colorectal et plus généralement l’ensemble des tumeurs solides. Ces données éclairent d’un jour nouveau la compréhension de l’évolution des cancers, l’évaluation pronostique des patients et leur prise en charge tant pour le suivi que pour les indications thérapeutiques.
1
Service d’immunologie biologique, HEGP, Paris, France. INSERM UMRS1138, équipe 15 «Immunologie et cancérologie Intégratives», 75006 Paris, France. 3 Université Paris Descartes, Paris, France. 4 Service de chirurgie digestive, HEGP, Paris, France. 5 INSERM UMRS1138, équipe 13, Micro-environnement immunitaire et tumeurs, 75006 Paris, France. 6 Centre de recherche des Cordeliers, université Pierre et Marie Curie, Paris 6, Paris, France. 2
SOMMAIRE Introduction
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1. Dénition du cancer: le paradigme centro-cellulaire
38
2. Vers un changement de paradigme: intégration du microenvironnement tumoral
39
3. Le système immunitaire dans le microenvironnement tumoral
39
4. Vision actuelle du paysage lymphocyaireT
40
5. L’inltrat lymphocytaire T inuence-t-il l’évolution tumorale?
41
6. De l’importance des régions tumorales : la «contexture» immunitaire
45
7. Vers l’élaboration de tests immunologiques pour la pratique clinique: l’Immunoscore comme marqueur pronostique?
46
Conclusion
47
Références bibliographiques
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Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
INTRODUCTION En 1971, le premier plan cancer lancé aux États-Unis se donnait pour objectif de gagner la guerre contre le cancer en 5ans [1]. Quarante ans plus tard, l’effort intensif de recherche se poursuit et les fondements même de la dénition du cancer semblent être bouleversés [2]. Cette dénition du cancer est fondamentale car de cette vision découle une perception différente des facteurs inuençant l’évolution tumorale et donc son pronostic ainsi que le développement de stratégies thérapeutiques adaptées [3]. La place prise par le microenvironnement tumoral et la composante immunitaire des cancers est devenue prépondérante. Les données expérimentales qui attestent de ce changement de paradigme et les conséquences cliniques associées seront discutées dans ce chapitre.
1 DÉFINITION DU CANCER : LE PARADIGME CENTRO-CELLULAIRE Les différents concepts biologiques qui ont dominé le xxe siècle ont amené à avoir une vision strictement cellulaire du cancer [4]. La théorie qui en découlait, dénommée théorie de la mutation somatique, dénissait le cancer comme la maladie d’une cellule par atteinte de son ADN. Les mutations ou modications du génome confèrent à la cellule un avantage sélectif, au sens darwinien, permettant le développement d’un clone cellulaire «muté». La découverte du chromosome Philadelphia dans la leucémie myéloïde chronique [5] laissa envisager qu’il pourrait être possible de dénir le cancer comme la résultante d’un nombre limité d’altérations de gènes clés [6]. Au terme d’un processus multi-étapes d’acquisition de mutations aléatoires successives, des clones cellulaires de plus en plus agressifs seraient sélectionnés faisant émerger un phénotype tumoral [4]. Dans ce paradigme «centro-cellulaire», la cellule devenue cancéreuse devient autonome et évolue indépendamment de son microenvironnement. En conséquence, les altérations génétiques devaient dicter l’évolution clinique du cancer, accompagner la progression tumorale: atteinte locale, régionale ganglionnaire puis métastatique et être fortement corrélées au pronostic du patient. Le traitement du cancer pouvait quant à lui s’envisager selon une approche de thérapie génique pour corriger des altérations génétiques et supprimer le phénotype tumoral ou par thérapies ciblées sur des anomalies génétiques et leurs conséquences fonctionnelles an d’éliminer les cellules tumorales [7]. Les progrès majeurs survenus dans la connaissance de la biologie moléculaire du cancer ont progressivement mis en évidence les limites de l’approche génomique du paradigme «centro-cellulaire» [7]. L’extrême complexité du génome cellulaire, la diversité et le nombre d’altérations génomiques observées dans les cellules cancéreuses et l’instabilité génomique associée empêchent toute vision structurante du cancer [8]. À titre d’exemple, les cellules cancéreuses des tumeurs colorectales contiennent jusqu’à 11000 altérations génomiques [9]. Sur un plan pronostique, aucun gène ni 38
Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers
signature génomique n’a permis à ce jour en pratique clinique d’optimiser de façon drastique la classication pronostique fournie par le TNM, dont les fondements datent de plus de 80ans [10, 11]. Dans le cancer colorectal, seule la mise en évidence d’une instabilité microsatellitaire (tumeurs MSI+) permet une discrimination cliniquement utile car associée à un bon pronostic malgré une résistance à la chimiothérapie. Cependant, ces tumeurs MSI+ ne représentent que 15% des cancers coliques et moins de 3% des cancers rectaux [12].
2 VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME : INTÉGRATION DU MICROENVIRONNEMENT TUMORAL Ces observations ont amené Hanahan et Weinberg [13] à proposer, à la n du deuxième millénaire, une modication du paradigme «centro-cellulaire» où la cellule cancéreuse n’était plus dénie par l’acquisition d’altérations génomiques clés mais par l’acquisition de caractéristiques comportementales secondaires aux modications génomiques, ces caractéristiques pouvant s’exprimer indépendamment les unes des autres. Six caractéristiques clés étaient proposées: (i) échappement à l’apoptose; (ii) autosufsance pour les signaux de croissance; (iii) insensibilité aux signaux anti-prolifératifs; (iv) stimulation de l’angiogenèse; (v) potentiel illimité de réplication; (vi) capacité d’évasion tissulaire et de métastases. En 2011, deux nouvelles caractéristiques s’ajoutaient aux précédentes: la reprogrammation du métabolisme énergétique (effet Warburg) et l’évasion à la surveillance immunitaire [2]. Au-delà de la reconnaissance du rôle essentiel du système immun dans l’évolution des cancers, cet article marquait une rupture conceptuelle. La vision centro-cellulaire du cancer était remplacée par une vision holistique incluant l’environnement comme véritable acteur dans la survenue, l’évolution et donc la dénition d’un cancer [14]. Le microenvironnement se dénit comme un ensemble de compartiments cellulaires associés aux cellules cancéreuses: vasculaire, neuro-endocrine, stromal, épithélial, et immunitaire. Ces compartiments forment un ensemble hétérogène, dynamique et communicant [2]. Cette nouvelle dénition de la sphère tumorale va sans doute encore évoluer en intégrant en particulier la composante microbiotique [15, 16].
3 LE SYSTÈME IMMUNITAIRE DANS LE MICROENVIRONNEMENT TUMORAL L’histoire naturelle du cancer implique des interactions au sein du microenvironnement tumoral entre la tumeur et les mécanismes de défenses de l’hôte, tout particulièrement avec le système immunitaire, et ceci à tous les stades du développement tumoral 39
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
(local, régional et métastatique). La capacité du système immunitaire à reconnaître et à détruire des cellules anormales présentant à leur surface des antigènes associés à la transformation tumorale, empêchant ainsi l’émergence d’un cancer, a été postulée en 1970 [17]. Il a fallu attendre l’avènement de souris génétiquement invalidées pour des gènes associés à la réponse innée ou adaptative pour démontrer le rôle de la réponse immune dans l’émergence et le contrôle des cancers, conrmant le concept d’immunosurveillance énoncé 30ans auparavant. Ce concept a depuis été intégré dans la théorie de «l’immunoediting» prenant en compte les interactions entre les cellules cancéreuses et les cellules du système immunitaire, chacune inuençant et modiant le comportement de l’autre [18]. Ainsi, la réponse immunitaire antitumorale se développerait en trois phases successives [19], (i) une phase d’élimination où les cellules immunitaires reconnaissent et détruisent la majorité des cellules tumorales, (ii) une seconde phase d’équilibre où les cellules tumorales persistantes sont en état de dormance, ou continuent d’accumuler des anomalies génétiques, (iii) une phase nale d’échappement où la tumeur prolifère et dissémine dans l’organisme. Cette dernière phase est la résultante d’un épuisement ou d’une inactivation de la réaction immunitaire et/ou de l’émergence de variants tumoraux d’échappement à la réponse immunitaire antitumorale. Chez l’Homme, un faisceau d’arguments cliniques [20, 21] atteste de l’existence d’une réaction immunitaire naturelle contre le cancer et de son impact bénéque dans le contrôle du processus tumoral [22, 23]. Ces données ont été obtenues grâce à l’amélioration de nos connaissances sur la diversité phénotypique et fonctionnelle des sous-populations lymphocytaires et à l’émergence de nouvelles technologies facilitant l’étude de ces populations in situ au site tumoral.
4 VISION ACTUELLE DU PAYSAGE LYMPHOCYAIRE T Au cours de leur développement, maturation et différenciation, les cellules immunitaires acquièrent à leur surface des antigènes (ou CD pour clusters de différenciation) reconnus par des anticorps monoclonaux. Cette démarche d’analyse phénotypique et fonctionnelle des sous-populations immunitaires va profondément remodeler le paysage biologique des lymphocytes T au-delà du concept original divisant les cellules T CD3+ (lymphocytes T totaux) en sous-population CD4+, caractérisée par ses fonctions d’assistance (T auxilliaire ou helper), et sous-population CD8+ caractérisée par ses fonctions cytotoxiques. Ainsi, en 1986, Tim Mosmman et Bob Coffman [24] mettaient en évidence que les lymphocytes T CD4 matures pouvaient être subdivisés en deux populations cellulaires distinctes par leurs productions de cytokines correspondant à des fonctions spéciques, dénissant ainsi le concept bipolaire Th1/Th2 [25]. Les cellules Th1, qui sécrètent l’INF et l’IL-2, contrôlent l’immunité à médiation cellulaire, en particulier les réactions cytotoxiques et d’hypersensibilité retardée ainsi que l’activation des macrophages. Les cellules Th2, qui sécrètent de l’IL-4, IL-5, IL-6 et IL-10, contrôlent l’immunité à médiation humorale en activant les lymphocytes B et la sécrétion d’anticorps. En 2005, Park et al. [26] montrent 40
Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers
l’existence d’une troisième population lymphocytaire dénommée Th17 qui n’exprimait pas les cytokines classiques Th1/Th2 mais sécrétait de l’IL-17 [27]. Les lymphocytes Th17 ont des fonctions effectrices particulières en éliminant des pathogènes qui ne sont pas détruits par les lymphocytes Th1 ou Th2 et sont de puissants inducteurs de l’inammation tissulaire [28]. Une autre orientation fonctionnelle des lymphocytes T est représentée par les lymphocytes T régulateurs (Treg) [29]. On distingue les lymphocytes T régulateurs naturels (nTreg) produits par le thymus, et les lymphocytes T régulateurs induits (iTreg) qui sont générés dans les tissus périphériques. Les T régulateurs naturels expriment la molécule CD4, la chaîne alpha du récepteur à l’interleukine2, (CD25) et le facteur de transcription FoxP3 (Forkhead box3) [30,31]. Le niveau d’expression de FoxP3 corrèle avec leur fonction suppressive, bien que l’expression de FoxP3 ne semble pas limitée aux T régulateurs naturels. La fonction suppressive des nTreg implique un contact cellulaire direct. Plusieurs populations de lymphocytesT régulateurs induits, issus notamment des lymphocytes T CD4+ naïfs, ont été décrites. Ainsi, les lymphocytes Th3 présents dans le système immunitaire muqueux produisent du TGFß et les lymphocytes TR1 périphériques sont des lymphocytes T CD4+ produisant de fortes concentrations d’IL-10 [32]. D’autres populations lymphocytaires T CD4-/ CD8- ou T CD8+, T et NKT pourraient également dans certaines circonstances avoir un potentiel régulateur. Il est important de noter que ces marqueurs identient des comportements et des stades de maturation à un instant donné mais que d’une part, la plupart des marqueurs phénotypiques et fonctionnels sont imparfaits et que d’autre part, les lymphocytes T ont un pouvoir d’adaptabilité et de plasticité. Ainsi, il a été montré que cette plasticité confère aux lymphocytes Th17 la capacité de se re-différentier en cellules Treg suppressives ou de façon alternative en lymphocytes Th1-like pro-inammatoires capables d’activer les effecteurs immunitaires cytotoxiques [33, 34].
5 L’INFILTRAT LYMPHOCYTAIRE T INFLUENCE-T-IL L’ÉVOLUTION TUMORALE ? Plusieurs méthodes basées sur la reconnaissance des CD ont été développées an d’identier et de dénombrer les sous-populations lymphocytaires au site tumoral. Les plus utilisées sont: (i) le couplage d’un anticorps avec des colorants uorescents (ex.: uorescéine ou rhodamine) permettant de repérer au microscope à uorescence les cellules marquées sur une coupe de tissu; (ii) le couplage d’un anticorps avec une enzyme telle que la phosphatase alcaline ou la peroxydase an de colorer, après ajout du substrat, la cellule immunomarquée sur une coupe tissulaire par une méthode immunohistochimique; (iii) le couplage des anticorps par des uorochromes 41
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
permettant en cytométrie de ux de réaliser des analyses phénotypiques précises de populations immunitaires extraites des tumeurs. Ces méthodes ont permis de montrer que les tumeurs solides humaines présentent un inltrat immunitaire polymorphe et variable d’un patient à l’autre. Tous les types de cellules immunitaires peuvent être observés dans l’inltrat tumoral; granulocytes, cellules Natural Killer (NK), macrophages, mastocytes, cellules suppressives myéloïdes (MDSC), cellules dendritiques, lymphocytes B et lymphocytes T. L’ensemble des populations T CD4 «auxiliaires» ou «helper» (T CD4 de type Th1, Th2, Th17, Tfhet Treg) ainsi que les lymphocytes TCD8 effecteurs cytotoxiques peuvent s’observer au sein du microenvironnement tumoral. Les différentes orientations fonctionnelles lymphocytaires T sont associées à des signications pronostiques différentes, parfois opposées pour une même orientation fonctionnelle suivant le type histologique tumoral, voire pour un même cancer suivant le stade d’évolution tumoral [23]. La «photographie» immunitaire in situ d’un cancer se complique encore par la coexistence fréquente au sein d’une tumeur d’orientations fonctionnelles différentes parfois antagonistes. Récemment, une analyse intégrative de l’ensemble des populations immunitaires inltrant les tumeurs colorectales a montré l’importance des lymphocytesT cytotoxique, Th1 et T folliculaire-helper (Tfh) pour la survie à long terme des patients [35].
5.1. Les TIL, l’orientation immunitaire de type Th1 Un grand nombre de publications attestent depuis les années 1980 de la valeur pronostique favorable de la présence au site tumoral d’une forte densité en lymphocytes (TIL; lymphocytes inltrant les tumeurs). Les premières tumeurs étudiées sur de grandes cohortes montrant un effet bénéque de l’inltrat immunitaire ont été les mélanomes primaires ou métastatiques avec plus de 900patients étudiés [36-38]. Dès 1986, Jass et al. [39] démontraient pour la première fois qu’une forte densité lymphocytaire évaluée sur coupe histologique dans le front d’invasion de tumeurs rectales était un facteur pronostique indépendant de la classication TNM. En d’autres termes, la connaissance du niveau d’inltration immunitaire tumoral permettait de préciser le pronostic des patients par-delà les critères d’extension tumoraux. La forte valeur pronostique associée à la présence de TIL a été conrmée dans un grand nombre de tumeurs solides; les cancers de l’ovaire [40], de la tête et le cou [41], de la vessie [42], du sein [43], du foie [44], de la prostate [45], du poumon [46, 47] et du côlon [48-51]; pour une review extensive voir l’article de Fridman [23]). Concernant le phénotype des TIL, il apparaît très nettement que tous les composants lymphocytaires T ne portent pas la même signication pronostique. Ainsi, une forte inltration intra-tumorale en lymphocytes T CD3+, T CD8+ cytotoxiques et en T CD45RO+ mémoires sont corrélés à une survie sans récidive (DFS) prolongée et un accroissement de la survie globale (OS) de façon quasi constante quel que soit le type de tumeur solide analysée [23]. Seuls les cancers du rein semblent faire exception, une valeur pronostique positive n’étant retrouvée que si l’on prend en compte les lymphocytes TCD8 prolifératifs [52]. Nous avons montré dans les cancers du colon que le prol d’inltration tumoral CD8+ et CD45RO+ était associé à une orientation 42
Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers
immunitaire des lymphocytes T CD4+ de type Th1 [50]. Dans ce contexte immunitaire, les facteurs de transcription T-bet, STAT-1 et IRF1 (IFN-facteur de régulation1) sont mis en jeu, aboutissant à la production locale d’interleukine (IL)-12, d’interféron gamma (IFN-) et la présence de marqueurs d’activation et de cytotoxicitédes lymphocytes T CD8 (granzymes, perforine et granulysine). Ces données chez l’Homme corroborent les informations fournies par les modèles de souris décientes pour des gènes ou des cellules immunitaires de la réponse adaptative de type Th1, où l’on notait une plus grande fréquence de tumeurs spontanées ou induites par des carcinogènes [19].
5.2. Les lymphocytes Th2 L’orientation immunitaire T CD4 de type Th2 favorise l’activation des lymphocytes B, la production d’anticorps et la synthèse d’IL-10 immunosuppressive. Le rôle de la réponse humorale naturelle contre les tumeurs n’est pas clairement établi, bien que le succès des anticorps thérapeutiques en cancérologie ait représenté une importante avancée thérapeutique de ces dernières décennies [53]. Seules quelques rares publications dans les cancers du sein [54] et les lymphomes folliculaires ou hodgkiniens [55] mentionnent une association bénéque entre un inltrat immunitaire de typeTh2 et la survie. Il faut garder à l’esprit que les populations immunitaires TCD4 Th1 et Th2 sont mutuellement antagonistes: les cytokines Th1 (IFN) inhibent le développement des lymphocytes Th2 et réciproquement, les cytokines Th2 (IL-4) inhibent le développement d’une réponse Th1. Ainsi, une forte réponse immunitaire polarisée de type Th2 au site tumoral va altérer le développement d’une réponse Th1 cytotoxique et les chimiokines présentes sur le site ne seront pas propices à l’attraction de lymphocytes Th1.
5.3. Les lymphocytes Th17 Bien que le rôle des lymphocytes T Th17 dans les maladies auto-immunes et les infections ait été relativement bien documenté, l’impact des Th17 au cours du processus tumoral reste difcile à établir [56]. Des lymphocytes Th17 ont été détectés chez des patients atteints de différents cancers; ovaire, pancréas, cancers gastriques ou colorectaux. La valeur pronostique associée à cet inltrat est variable suivant les cancers et les stades de la maladie. Ainsi, chez les patients atteints de cancer de la prostate, une forte inltration en cellules Th17 est associée à une progression plus lente de la maladie [57], alors qu’un résultat inverse est observé si le cancer de prostate est hormono-résistant [58]. Les lymphocytes Th17 ont été associés à un mauvais pronostic dans le cancer colorectal [59], du poumon et le carcinome hépatocellulaire et à un bon pronostic dans les cancers œsophagiens ou gastriques. Cette dichotomie observée pourrait être liée à la nature «versatile» de ces cellules. En effet, la plasticité des lymphocytes Th17 leur confère la capacité de se re-différentier en cellules Treg suppressives ou de façon alternative en lymphocytes Th1-like pro-inammatoires capables d’activer les effecteurs immunitaires cytotoxiques [60]. Ainsi le phénotype fonctionnel Th17 pourrait être diversement inuencé par la nature variable du microenvironnement tumoral. 43
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
5.4. Les lymphocytes Treg L’existence d’une valeur pronostique associée à une forte densité de lymphocytes Treg au site tumoral est un sujet de controverse. Une publication pionnière de Curiel et al. [61] a rapporté que la présence d’un nombre élevé de cellules CD3+, CD4+, CD25+ et FoxP3+ dans les ascites malignes de carcinome ovarien était positivement corrélée au degré d’extension tumoral et à une survie réduite. Cette valeur pronostique péjorative a été également observée dans d’autres tumeurs solides, telles que les cancers pancréatiques [62], les cancers primaires du foie [63] et les tumeurs du sein [64]. Ces informations laissaient supposer que la présence de Treg naturels ou induits au site tumoral pourrait constituer un mécanisme d’échappement majeur des tumeurs à la réponse immune cytotoxique. La mise en évidence de ce mécanisme d’échappement laissait présager de l’intérêt clinique d’une immunothérapie ciblée sur les Treg. Depuis lors, des données contradictoires sont venues compliquer le tableau. Ainsi, un pronostic favorable associé à une forte densité en cellules T CD3+ CD25+ FoxP3+ intratumorales a été rapporté dans les lymphomes folliculaires et les lymphomes de Hodgkin [65-67], les cancers ORL [41] et les cancers du côlon [68-71, 59]. Dans les tumeurs de la tête et du cou, nous avons observé que l’inltration en lymphocytes Treg (CD4+, FOXP3+) était associée à une moindre incidence de récidives locales [41]. De même une forte densité en lymphocytes T FoxP3+ est observée dans des tumeurs colorectales avec instabilité des microsatellites (MSI+) [68, 69], une caractéristique génétique associée à un pronostic favorable. Dans les cancers colorectaux, nous n’avons pas observé d’évolution tumorale particulière en présence d’un prol d’expression au site tumoral de gènes codant des molécules à fonction immunosuppressive (FoxP3 , CTLA-4 , GITR , IL-10 , TGF-) [59]. Au niveau protéique, une forte densité tumorale en cellules FoxP3+ était même associée à un bon pronostic [59]. Dans une récente étude portant sur 907patients atteints de cancer colorectal, Salama et al. [70] ont rapporté que la présence au site tumoral de cellules FoxP3+ avait une signication pronostique favorable, celle-ci étant encore plus forte que celle portée par les lymphocytes CD8+ ou CD45RO+. Ainsi, la question de l’impact des Treg sur l’évolution tumorale n’est pas tranchée [72]. Les raisons pouvant expliquer ces observations contradictoires semblent complexes et sans doute multiples. Il est souvent observé que l’inltrat en Treg est concomitant de celui des T effecteurs. La bonne valeur pronostique associée pourrait être en partie un reet indirect de la présence bénéque au site tumoral des cellules effectrices. La bonne valeur pronostique associée au Treg dans les cancers ORL pourrait également être la conséquence d’un meilleur contrôle d’une composante inammatoire chronique protumorale fréquemment retrouvée au sein du microenvironnement de ces cancers[41]. De façon plus générale, les marqueurs phénotypiques et fonctionnels identiant les Tregs sont imparfaits. La diversité des populations régulatrices complique encore les analyses. Une analyse plus approfondie des différentes sous-populations de cellules exprimant FoxP3 (CD4 ou CD8) serait souhaitable [86] et la fonctionnalité de ces cellules sera un élément important à prendre en compte, étant donné que l’expression de FoxP3 n’est pas restreinte au Treg [73] et les Treg peuvent perdre l’expression de FoxP3 [74]. 44
Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers
Ainsi, l’analyse de la littérature concernant l’impact pronostique des différentes populations immunitaires T révèle que les cellules Th1, les cytokines qu’elles produisent (comme l’IFN) et les lymphocytes T CD8 et T mémoires qui sont associés à cette orientation immune sont fortement corrélés à une bonne évolution clinique et ce, quel que soit le type de cancer étudié [75, 22]. Cette observation n’est pas retrouvée pour les autres orientations immunitaires, Th2, Th17, ou Treg, où la valeur pronostique est inconstante et versatile suivant le type de cancer et le stade d’évolution tumoral (revue de la littérature [23]).
6 DE L’IMPORTANCE DES RÉGIONS TUMORALES : LA « CONTEXTURE » IMMUNITAIRE L’inltration immunitaire au sein des tumeurs n’est pas homogène. La contexture immunitaire représente les paramètres immunitaires associés à une survie prolongée des patients. Elle se dénie par le type de cellules immunitaires inltrant les tumeurs, leurs densités, l’orientation fonctionelle de la réponse immunitaire et la localisation des cellules immunitaires au sein de régions tumorales [23, 76, 77]. Les cellules immunitaires se distribuent au sein des glandes tumorales, dans le stroma environnant, à distance dans la marge d’invasion, ainsi que dans des îlots lymphoïdes tertiaires néoformés localisés à proximité de la tumeur [35, 46, 78]. La nécessité de prise en compte de l’ensemble de ces régions est suggérée par le fait que ces cellules ne se distribuent pas de la même façon dans ces différents secteurs. Ainsi, les cellules NK sont le plus souvent observées dans le stroma à distance des cellules tumorales, les lymphocytes B sont préférentiellement observés dans la marge d’invasion et les îlots lymphoïdes, les lymphocytes T CD8 peuvent à l’inverse se distribuer dans l’ensemble des compartiments. De plus nous avons observé dans les tumeurs colorectales que la densité de ces populations immunitaires variait dans ces régions suivant le degré d’extension tumoral [77]. Ainsi, la densité en lymphocytes T CD3, cytotoxiques (CD8, GranzymeB) mémoires (CD45RO), Treg (FOXP3) et les NK (CD57) diminue dans la tumeur et le front d’invasion durant la progression tumorale (stade T1 à T4). À l’inverse, la densité en lymphocytesB augmente dans le front d’invasion, et la densité en cellules de l’immunité innée semble stable dès le stadeT2. Nous avons alors émis l’hypothèse que la prise en compte de chaque région tumorale pourrait apporter des informations complémentaires sur un plan physiopathologique et possiblement pronostique. Nous avons étudié la densité des cellules immunitaires et leur distribution dans la tumeur (CT) et le front d’invasion (IM) sur trois séries indépendantes rétrospectives de cancers colorectaux (n =609patients) [49]. La détection des lymphocytes T totaux (CD3), des lymphocytes T cytotoxiques (CD8), de leur contenu en molécules cytotoxiques (Granzyme B), et des lymphocytes T mémoires (CD45RO) a été réalisée par une technique d’immunohistochimie. Une quantication des cellules immunomarquées 45
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
a été réalisée par un programme d’analyse d’image dédié. Pour chaque marqueur de l’immunité adaptative, dans chaque région tumorale, était observée une corrélation signicative entre la densité immunitaire et le devenir clinique des patients, en termes de survie sans récidive (DFS) et de survie globale (OS). De plus, la prise en compte simultanée de la densité de cellules marquées dans les deux régions tumorales (CT et IM) augmentait encore les différences observées entre le groupe de patients présentant une forte densité de cellules immunitaires dans les deux régions tumorales et le groupe de patients présentant une faible densité immunitaire dans les deux régions analysées. Nous avons ensuite comparé la performance pronostique du critère immunitaire avec celle de l’extension tumorale (classication UICC-TNM). De façon inattendue, nous avons observé en analyse multivariée que le «poids» statistique du critère immunitaire (exemple: CD3 dans les régions CT et IM) était indépendant et plus important que celui fourni par l’évaluation histopronostique de la tumeur (stade T, stade N, différenciation). Cette analyse des compartiments immunitaires peut se compléter par l’évaluation des structures lymphoïdes tertiaires qui pourraient participer avec les ganglions proximaux à l’initiation et l’éducation des lymphocytes T CD8 du site tumoral. Ces structures associées au cancer pourraient profondément inuencer le microenvironnement immunitaire [35, 78, 79] et en n de compte, la survie des patients, tel que cela a été observé dans les tumeurs pulmonaires [80].
7 VERS L’ÉLABORATION DE TESTS IMMUNOLOGIQUES POUR LA PRATIQUE CLINIQUE : L’IMMUNOSCORE COMME MARQUEUR PRONOSTIQUE ? Un test simple appelé « Immunoscore » a été dérivé de ces investigations de recherche an de faciliter le transfert de cette analyse vers la pratique clinique (http://www. immunoscore.org). Ce score prend en considération les densités immunitaires des lymphocytes T CD3+ et des lymphocytes T cytotoxiques CD8+, à la fois dans la tumeur et dans le front d’invasion. Leur détection est réalisée par une technique d’immunohistochimie sur coupe tissulaire issue de blocs tumoraux xés en formol et inclus en parafne. La quantication des cellules immunomarquées est obtenue par un système d’analyse d’image. Le score immunitaire est réalisé par la sommation du nombre de fortes inltrations immunitaires observées (2marqueurs étudiés; CD3 et CD8 dans les 2régions tumorales; tumeur et front d’invasion). Ainsi, est obtenu un système de cotation allant d’un Immunoscore 0 (I0), lorsque qu’une faible densité des deux types cellulaires est observée dans les 2régions tumorales, à un 46
Rôle pronostique des lymphocytes T dans les cancers
Immunoscore4 (I4), pour des tumeurs présentant une forte densité en CD3 et CD8 dans les deux régions tumorales. Une première étude a été menée sur les cancers colorectaux localisés de stades I-II (deux cohortes rétrospectives représentant plus de 600patients). Vingt-cinq pour cent des patients récidivent de leur cancer après chirurgie. Il n’existe pas à ce jour de biomarqueur permettant d’identier ce groupe de patient à risque de récidive qui pourrait bénécier d’un traitement adjuvant. L’analyse du score immunitaire dans les régions tumorales a permis de classer les patients en 4groupes pronostiques très distincts pour la survie sans récidive, et la survie globale. Ainsi, 5ans après le diagnostic, seulement 4,8% des patients avec un score élevé (I4) récidivaient et 13,8% des patients étaient décédés. À l’inverse, une récidive tumorale était observée à 5ans chez 75% des patients présentant une score faible faible (I0) et 72,5% des patients étaient décédés (Log rank tests p3, PLR160) [48] et le cancer du rein [49] corrèlent à un risque accru de rechute ou de décès. Une altération fonctionnelle des populations immunes en périphérie est observée chez les patients porteurs de tumeurs localisées. Dans le cancer du sein localisé, des données récentes rapportent une réduction de la fonction cytotoxique des NK circulants qui corrèle à une forte réduction des récepteurs activateurs et l’augmentation d’expression des récepteurs inhibiteurs (KIR) [50]. De plus, les lymphocytes T périphériques sont fonctionnellement altérés que ce soit la sous-population CD8+ (sécrétion réduite de TNF et IFN après réactivation polyclonale) ou CD4+ (sécrétion d’IL-2 réduite) [51, 52] (manuscrit soumis pour publication). Une augmentation par rapport aux donneurs sains (3,98% [1,1-5,2%]) de la fréquence des Treg parmi les lymphocytes T CD4+ circulants est retrouvée chez les patients porteurs de tumeurs primaires solides telles que le carcinome colorectal (15,2% [8-28%] [53], le cancer du sein (6,12% [0,02-16,7]) [22], de la prostate (11,3%) [54], le cancer de l’œsophage (19,8±6,9%), le cancer gastrique (14,2±4,9%) [55] et le carcinome hépatocellulaire (7,3±3,1%) [56]. Une étude récente comparant une cohorte de 30patientes porteuses d’un cancer du sein au diagnostic et une cohorte de donneurs sains montre dès le stade primaire une altération quantitative signicative des monocytes, des lymphocytes B, des NK et des lymphocytes T CD4+, alors que la population de lymphocytes T CD8+ n’est pas affectée (données non publiées).
1.3. Polyclonalité et ampleur de la réponse immune Chaque lymphocyte T exprime un TCR qui limite l’activation par un antigène spécique présenté dans le contexte des molécules du Complexe Majeur d’Histocompatibilité. Cette spécicité implique que pour conférer une protection immunitaire sufsante contre les agents infectieux et les cellules malignes, une population de lymphocytes T doit contenir un pool de lymphocytes polyclonaux ayant une large diversité de répertoire TCR pour assurer une gamme diversiée de réponse vis-à-vis des nombreux antigènes pathogènes. Ceci est particulièrement important dans le contrôle des infections par les virus qui, de par leur forte capacité de mutation, peuvent échapper au contrôle du système immunitaire mais aussi dans les tumeurs malignes qui sont connues pour échapper au contrôle du système immunitaire par mutation ou immuno-édition [9]. 153
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
Ainsi, des études montrent qu’un répertoire TCR des lymphocytes T diversié, permet un meilleur contrôle du développement tumoral [57, 58]. Grâce aux technologies de type PCR, il est possible depuis les années 1990 de mesurer la diversité du répertoire des TCR au niveau de l’ARN messager [59] ou de l’ADN génomique [60, 61]. De nombreuses données rapportent une restriction de la diversité TCR des lymphocytesT inltrant les tumeurs avec l’apparition d’une oligoclonalité comparée aux lymphocytes T périphériques [62]. Des données récentes obtenues en collaboration avec la société ImmunID Technologies (Grenoble, France) par PCR multi-N-plex sur ADN génomique de cellules sanguines montrent que la diversité TCR dans le sang périphérique de patientes souffrant de cancer du sein métastatique est très dispersée (médiane: 46,4%, min/max: 1,1%-83,7%) et signicativement réduite par rapport à une cohorte contrôle de donneurs sains (médiane: 67%, min-max: 59%-77%) [63]. Cette restriction de la diversité TCR est aussi observée par d’autres techniques chez les patients ayant développé un SIDA et présentant une lymphopénie TCD4+ [64]. Le faible pourcentage de diversité TCR que nous appellerons divpénie® (70ans), chez qui seule la régénération homéostatique est fonctionnelle, on n’observe qu’une restauration très tardive et très incomplète des lymphocytes T CD4+ naïfs, 12mois après l’arrêt du traitement de chimiothérapie résultant de l’absence de réactivation thymique chez ces patients contrairement à ce qui est observé chez des patients plus jeunes [68]. L’utilisation de molécules de chimiothérapie très largement utilisées telles le cyclophosphamide, le cisplatine, le méthotrexate et les taxanes (Taxol, Taxotère) comptent parmi les molécules les plus lymphopéniantes en oncologie des tumeurs solides. La udarabine a un impact cytotoxique direct sur les lymphocytes T dans les tumeurs hématologiques [69, 70]. Le risque de lymphopénie associé à la capécitabine (Xeloda) est plus faible. Certaines thérapies ciblant des voies de signalisation ou des anomalies moléculaires induisent une lymphopénie chez les patients traités. Le traitement par un inhibiteur de mTOR (Everolimus), de patientes présentant un cancer de l’endomètre métastatique induit une lymphopénie globale chez 81% des patients [71]. De nombreux inhibiteurs de récepteurs à tyrosine kinase dont VEGFR et PDGFR (Sunitib), induisent une lymphopénie globale dans 20% des cas [72]. L’association chimiothérapie et immunothérapie peut aussi induire des lymphopénies sévères. Par exemple, le traitement des lymphomes B à grandes cellules (DLBCL) par une combinaison d’un agent alkylant (bendamustine), et un anticorps anti CD20 (Rituximab), induit une lymphopénie T CD4+, réversible après arrêt du traitement, dans 66% des cas [73] alors que le rituximab induit une lymphopénieB durable. Néanmoins, Les traitements de chimiothérapies peuvent également favoriser le développement de réponses immunes antitumorales. Les équipes de Laurence Zitvogel et Guido Kroemer ont démontré que certaines molécules de chimiothérapie (oxaliplatine, adriamycine/doxorubicine), contrairement à d’autres (cisplatine, mitomycine), induisent une mort cellulaire immunogène favorisant la stimulation du système immunitaire et la mise en place d’une réponse immune antitumorale [74]. Les chimiothérapies cytotoxiques peuvent moduler la polarisation de la réponse immune intratumorale. Par exemple, dans les modèles tumoraux murins, le traitement par gemcitabine ou cisplatine élimine les MDSC dans l’environnement tumoral [75, 76] alors que le traitement par taxanes réduit l’inltration par les Treg au sein des lymphocytes T CD4+ [77], favorisant in ne la polarisation vers un prol de type Th1 favorable au développement d’une réponse antitumorale.
3 AUGMENTATION DE L’INCIDENCE DES CANCERS CHEZ LES LYMPHOPÉNIQUES Une méta-analyse réalisée par le groupe de Grulich dans deux populations de patients immunodéprimés, patients infectés par le VIH, et patients ayant subi une transplantation (immunodépression médicamenteuse) [78] a permis de démontrer une 155
Immunothérapie des cancers au troisième millénaire
augmentation de l’incidence des cancers dans les deux populations, avec une forte incidence des cancers ayant une cause infectieuse (des tumeurs malignes associées au SIDA, celles associées à HPV (col utérin, mélanome), des lymphomes de Hodgkin et des tumeurs gastriques et hépatiques). Une étude multicentrique italienne récente a évalué le risque de développement de tumeurs de novo après immunosuppression médicamenteuse pour transplantation de foie [79]. Comme attendu, l’incidence des cancers viro-induits (sarcome de Kaposi, LNH, et lymphome de Hodgkin) est très fortement augmentée. Néanmoins, on retrouve aussi une augmentation signicative de l’incidence de tumeurs sans étiologie virale telles que les carcinomes de la langue ou du larynx, les carcinomes Tête et Cou et les mélanomes. Ceci suggère fortement que c’est la présence du décit immunitaire qui joue un rôle majeur dans l’accroissement de la fréquence des cancers. La lymphopénie CD4+ associée au syndrome de Sjögren, une maladie autoimmune complexe, augmente de 20fois par rapport à la population générale le risque de développement de LNH [80]. Différentes publications suggèrent une augmentation du risque de développement de tumeurs chez les patients atteints de lymphopénie CD4+ idiopathique [81, 82].
4 LA LYMPHOPÉNIE EST CORRÉLÉE AUX FACTEURS PRONOSTIQUES DE CHAQUE PATHOLOGIE La lymphopénie, observée chez plus de 20% des patients en phase avancée de la maladie et 3% en phase localisée [37-39, 63, 83-88] est corrélée à l’état général des patients (indice d’activité PS), mais aussi à des facteurs pronostiques spéciques de chaque pathologie tumorale, généralement reliés à la masse tumorale, tels que le taux de 2-microglobuline, les symptômes cliniquesB pour les LNH, l’atteinte de la moelle osseuse et de l’os ou le nombre de sites métastatiques et le statut de ménopause pour le cancer du sein [89], ou le grade tumoral, l’envahissement ganglionnaire et la présence de métastases à distance pour le cancer du rein à cellules claires [90].
5 LYMPHOPÉNIE ET RISQUE DE TOXICITÉ DES CHIMIOTHÉRAPIES Depuis le milieu des années 1990, différentes études ont permis d’établir que la lymphopénie observée chez les patients atteints de cancers avancés est un prédicteur puissant des risques de toxicité associés aux traitements de chimiothérapie. En combinaison avec les caractéristiques du patient et de la pathologie, les paramètres biologiques et les traitements antérieurs, la lymphopénie corrèle à un sur-risque de 156
Lymphopénie, divpénie et IL-7
neutropénie fébrile [83, 88, 91-93], de thrombocytopénie nécessitant une transfusion plaquettaire [84], d’anémie sévère requérant la transfusion de globules rouges [85, 86], mais aussi un risque accru de décès précoce [37, 87].
6 VALEUR PRONOSTIQUE DES LYMPHOPÉNIES Une lymphopénie périphérique étant détectée dans de nombreuses tumeurs solides, plusieurs études se sont intéressées à son impact pronostique sur la SSR et la SG des patients (tableau1). Dans le cancer du sein, les carcinomes ovariens, les LNH, les lymphomes T (PTCL, PTCLU), les sarcomes, le cancer du côlon, une lymphopénie globale (