Cancers de l'oropharynx 9782842542061

En novembre 1976, se réunissait à Paris le IXe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale sous la p

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French Pages 241 [238] Year 2000

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Table of contents :
Sommaire
Avant-propos
I. Historique
Cancers de l’oropharynx : historique du traitement
II. Lymphomes malins non hodgkiniens de l’oropharynx
Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx : deux cas cliniques emblématiques
III. Bilan d’extension et facteurs pronostiques
Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes buccaux et oropharyngés
Intérêt de l’imagerie par tomodensitométrie dans l’exploration de l’envahissement mandibulaire des cancers oropharyngés
Facteurs de pronostic s’agissant du cancer de l’oropharynx
Carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx classés N0 : peut-on limiter le traitement des aires ganglionnaires cervicales ?
IV. Radiothérapie et chimiothérapie dans les carcinomes de l’oropharynx
Radiothérapie exclusive dans le traitement des carcinomes précoces de la région amygdalienne : à propos de 95 cas
Le concept de préservation d’organe est-il applicable au cancer de l’amygdale ?
Cancers de l’oropharynx stades III et IV : résultats d’une étude randomisée du GORTEC comparant radiothérapie exclusive et radiothérapie avec chimiothérapie concomitante
Essai randomisé de chimiothérapie d’induction dans les carcinomes de l’oropharynx : essai sur 318 patients (GETTEC)
Chimothérapie dans les cancers de l’oropharynx : étude bibliographique
V. Traitement chirurgical : techniques
Exérèse par les voies naturelles des tumeurs oropharyngées
Tumeurs T1 T2 N0 de l’oropharynx opérées sans radiothérapie complémentaire : à propos de 19 patients de 1995 à 2000
La chirurgie par voie de mandibulotomie dans les cancers de l’oropharynx : résultats carcinologiques et fonctionnels à propos de 69 cas
Buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire et reconstruction par lambeau libre : résultats oncologiques et fonctionnels sur 43 cas de première main
VI. Traitement chirurgical : lambeaux
Variante technique du lambeau chinois
Reconstruction de la voûte palatine par lambeau cutané antébrachial libre en cancérologie
VII. Traitement en fonction des localisations
Facteurs de risques carcinologiques des patients opérés en première intention d’un carcinome de l’oropharynx latéral : étude rétrospective de 182 malades (1989-1999)
Les carcinomes épidermoïdes de base de langue : résultats du traitement
Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais : le problème des deuxièmes cancers : à propos des 98 cas traités à l’Institut Gustave-Roussy de 1986 à 1992
La buccopharyngectomie transmandibulaire suivie de radiothérapie : traitement de première intention des cancers de l’oropharynx, à propos de 71 cas
VIII. Complications et séquelles des traitements
Place et rôle de l’odontologie dans la prise en charge des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale : expérience du CHU de Limoges
Prise en charge des ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie : résultats d’une étude rétrospective portant sur 2000 et 2001
Chirurgie de revascularisation (précoce et tardive) dans les ostéoradionécroses mandibulaires
IX. Surveillance
La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL
Index des auteurs
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Cancers de l'oropharynx
 9782842542061

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CANCERS DE L’OROPHARYNX

Éditions E.D.K. 10, villa d’Orléans 75014 PARIS Tél. : 01 40 64 27 49 © Éditions E.D.K., Paris, 2002

ISBN : 2-84254-072-7 Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage – loi du 11 mars 1957 – sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français du copyright, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

CANCERS DE L’OROPHARYNX Coordonnateur CLAUDE BEAUVILLAIN DE MONTREUIL XXXIVe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale Nantes, 9-10 novembre 2001

XXXIVe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale Nantes, 9-10 novembre 2001

SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CARCINOLOGIE CERVICO-FACIALE Président d’Honneur : Y. GUERRIER Président : P. GEHANNO Vice-Président : L. TRAISSAC Secrétaire Général : J. RODRIGUEZ Secrétaires Généraux Adjoints : F. BAILLET J.C. BERTRAND Trésorier : B. MEYER

Sommaire Avant-propos C.H. Beauvillain de Montreuil ................................................................................

IX

I. Historique Cancers de l’oropharynx : historique du traitement C.H. Beauvillain de Montreuil ................................................................................

3

II. Lymphomes malins non hodgkiniens de l’oropharynx Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx : deux cas cliniques emblématiques M. Barbieri, F. Perottino, M.P. Cordone, A. Casazza, A. Bernardini, F. Mora, R. Mora ....................................................................................................................

9

III. Bilan d’extension et facteurs pronostiques Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes buccaux et oropharyngés O. Malard, M. Gayet-Delacroix, E. Bardet, C. Toquet, C. Ferron, C.H. Beauvillain de Montreuil ................................................................................

21

Intérêt de l’imagerie par tomodensitométrie dans l’exploration de l’envahissement mandibulaire des cancers oropharyngés E. Babin, E. Edy, A. Valdazo, V. Lemarchand, J.P. Rame, D. De Raucourt, E. Chesnay, F. Comoz, M. Hamon .........................................................................

37

Facteurs de pronostic s’agissant du cancer de l’oropharynx F. Gallegos, H. Cortes, S. Labastida, J. Resendiz, F. Granados, S. Barroso, F. Gomez, F. Torres, S. Rodriguez .........................................................................

43

V

Carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx classés N0 : peut-on limiter le traitement des aires ganglionnaires cervicales ? P.O. Védrine, L. Coffinet, M. Lapeyre, G. Dolivet, B. Toussaint, C. Bodino, P. Henrot, L. Geoffrois, M.C. Kaminsky, C. Simon ...............................................

51

IV. Radiothérapie et chimiothérapie dans les carcinomes de l’oropharynx Radiothérapie exclusive dans le traitement des carcinomes précoces de la région amygdalienne : à propos de 95 cas O. Cuisnier, C. Righini, M. Bolla, M. Colonna, E. Reyt .......................................

57

Le concept de préservation d’organe est-il applicable au cancer de l’amygdale ? J. Percodani, O. Duffas, V. Woisard, E. Serrano, J.J. Pessey ..............................

73

Cancers de l’oropharynx stades III et IV : résultats d’une étude randomisée du GORTEC comparant radiothérapie exclusive et radiothérapie avec chimiothérapie concomitante G. Calais, M. Alfonsi, E. Bardet, C. Sire, T. Germain, P. Bergerot, B. Rhein, J. Tortochaux, P. Oudinot, P. Bertrand..................................................................

79

Essai randomisé de chimiothérapie d’induction dans les carcinomes de l’oropharynx : essai sur 318 patients (GETTEC) P. Marandas, D. De Raucourt, J.L. Lefebvre, B. Rhein, P. Wibault, B. Coche-Dequeant, C. Domenge, B. Luboinski ....................................................

91

Chimothérapie dans les cancers de l’oropharynx : étude bibliographique F. Rolland ................................................................................................................

101

V. Traitement chirurgical : techniques Exérèse par les voies naturelles des tumeurs oropharyngées G. Le Clech, S. Feat, E. Mohr, B. Godey ..............................................................

107

Tumeurs T1 T2 N0 de l’oropharynx opérées sans radiothérapie complémentaire : à propos de 19 patients de 1995 à 2000 J.C. Pignat, M. Poupart, A. Cosmidis ....................................................................

113

La chirurgie par voie de mandibulotomie dans les cancers de l’oropharynx : résultats carcinologiques et fonctionnels à propos de 69 cas C. Ferron, N. Emam, O. Malard, C.H. Beauvillain de Montreuil ........................

117

Buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire et reconstruction par lambeau libre : résultats oncologiques et fonctionnels sur 43 cas de première main A.M. Jortay, P. Bisschop, G. Verougstraete, B. Coessens.....................................

125

VI

VI. Traitement chirurgical : lambeaux Variante technique du lambeau chinois H. Benateau, Y. Bencheman, F. Crasson, T. Alix, D. Labbé, J.F. Compère ........

133

Reconstruction de la voûte palatine par lambeau cutané antébrachial libre en cancérologie B. Guelfucci, A. Bizeau, R. Gras, A. Giovanni, D. Casanova, M. Zanaret ..........

137

VII. Traitement en fonction des localisations Facteurs de risques carcinologiques des patients opérés en première intention d’un carcinome de l’oropharynx latéral : étude rétrospective de 182 malades (1989-1999) J.M. Prades, A. Timoschenko, R. Mayaud, X. Perron, C. Martin, L. Chelikh, N. Merzougui, T. Schmitt, C. Martin ......................................................................

145

Les carcinomes épidermoïdes de base de langue : résultats du traitement N. Zwetyenga, C. Majoufre-Lefebvre, F. Siberchicot, H. Demeaux, J. Pinsolle ..

153

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais : le problème des deuxièmes cancers : à propos des 98 cas traités à l’Institut Gustave-Roussy de 1986 à 1992 P. Marandas, J.B. Charrier, S. Temam, J. Bourhis, G. Mamelle, M. Julieron, A.M. Le Ridant, F. Janot, F. Eschwege, G. Schwaab............................................

163

La buccopharyngectomie transmandibulaire suivie de radiothérapie : traitement de première intention des cancers de l’oropharynx, à propos de 71 cas C.A. Righini, E. Soriano, O. Cuisnier, M. Bolla, E. Reyt......................................

173

VIII. Complications et séquelles des traitements Place et rôle de l’odontologie dans la prise en charge des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale : expérience du CHU de Limoges B. Sarry, S. Michlovsky, M. Collineau, J.P. Bessede, S. Orsel, B. Rhein.............

183

Prise en charge des ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie : résultats d’une étude rétrospective portant sur 2000 et 2001 B. Piot, P. Huet, V. Souday, J. Mercier .................................................................

191

Chirurgie de revascularisation (précoce et tardive) dans les ostéoradionécroses mandibulaires B. Devauchelle, S. Testelin, C. Gbaguidi, V. Wolff, F. Taha, C. D’Hauthuille....

199

VII

IX. Surveillance La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL D. Lazard, B. Baujat, B. Barry, J. Depondt, C. Guedon, D. Leguludec, P. Gehanno ..............................................................................................................

213

Index des auteurs.........................................................................................................

221

VIII

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, p. IX

Avant-propos

En novembre 1976, se réunissait à Paris le IXe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale sous la présidence d’Yves Cachin et le thème adopté était les Cancers de l’Oropharynx. Vingt-cinq ans plus tard, en 2001, la Société française de carcinologie cervico-faciale tenait son XXXIVe Congrès à Nantes. Durant ces vingt-cinq dernières années, malgré les progrès thérapeutiques, le pronostic des carcinomes de l’oropharynx ne s’est pas radicalement transformé et les statistiques de survie sont là pour le confirmer. La chirurgie bénéficie actuellement des progrès de la chirurgie réparatrice et en particulier des lambeaux pédiculés et des lambeaux libres qui permettent d’obtenir des reconstructions aussi anatomiques et fonctionnelles que possible, ces lambeaux libres sont également utilisés pour réparer les séquelles de la radiothérapie et en particulier l’ostéoradionécrose. La place de la chimiothérapie apparaît actuellement mieux cernée ; la chimiothérapie d’induction n’a pas fait la preuve de son efficacité dans les cancers de l’oropharynx. En revanche, les protocoles de chimioradiothérapie concomitante dans les cancers inopérables augmentent le taux de rémission complète de façon notable avec une survie indiscutablement améliorée dans ces cas difficiles. C.H. Beauvillain de Montreuil

IX

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I Historique

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 3-5

Cancers de l’oropharynx : historique du traitement Claude BEAUVILLAIN DE MONTREUIL Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France

Au début du XIXe siècle, la médecine était impuissante devant les cancers de l’oropharynx ; quelques tentatives de glossectomie avaient été faites par Louis. Le traitement des cancers de l’oropharynx comporte schématiquement trois périodes : - la phase chirurgicale fin XIXe, début XXe siècle, - la phase radiothérapique entre les deux Guerres mondiales, - la phase radiochirurgicale après la Seconde Guerre mondiale.

Phase chirurgicale La phase chirurgicale de la fin du XIXe siècle bénéficie des progrès de la médecine : - les progrès de l’hémostase : celle-ci était faite d’abord par des « écraseurs » puis par des serre-nœuds, enfin par des pinces ou des ligatures ; - les progrès de l’asepsie dus aux travaux de Pasteur et de son école ; - les progrès de l’anatomie pathologique avec les écoles allemandes et en particulier Virchow ; - les progrès de l’anesthésie : le protoxyde d’azote est utilisé pour la première fois vers 1850 pour des extractions dentaires. La cocaïne sera utilisée pour certaines anesthésies locales. Un des premiers chirurgiens, Billroth, qui avait aussi réalisé en 1873 la première laryngectomie totale, s’est également intéressé au traitement chirurgical des tumeurs de l’oropharynx et avait proposé une résection de la mandibule associée. D’autres auteurs doivent être rappelés : Sédillot, Kronlein, Jean-Louis Faure, Vallas et en 1906 Latarjet, élève du précédent, fait sa thèse sur la pharyngectomie transmandibulaire. On peut citer le mémoire original de Jean-Louis Faure [4] dans une communication faite à l’Association française de chirurgie de 1902 et publiée dans les Annales des maladies de l’oreille et de larynx de mars 1903. « Je ne veux pas discuter ici des indications de l’extir3

C.H. Beauvillain de Montreuil

pation des tumeurs malignes de l’arrière-gorge, amygdales, pharynx, base de langue, voile du palais. Je comprends que l’on refuse systématiquement de les opérer ; mais je n’ai pas encore le courage de m’en abstenir et lorsque j’ai quelques espoirs de pouvoir faire une extirpation complète je préfère tenter la fortune »... ... « Je suis plus convaincu que jamais que pour mener à bien ces opérations et se donner un jour suffisant sur l’arrière-gorge, il est absolument indispensable de supprimer la branche montante de la mâchoire inférieure »... « elle demande à peine une minute et parfois moins... » « L’incision que j’ai toujours faite et que, malgré de nombreuses recherches, je n’ai, à mon grand étonnement, trouvée décrite nulle part, est d’une simplicité extrême : elle part de la commissure, descend directement en décrivant une ligne à concavité antérieure vers le bord inférieur du maxillaire qu’elle croise en avant du masséter... ». « L’exérèse terminée, on place ces ligatures mais pour peu que celles-ci soient difficiles à mettre, surtout dans la région parotidienne, on laisse des pinces à demeure ; une bonne pince qui tient bien étant infiniment préférable à une ligature incertaine »... « Cette opération est donc des plus simples mais, comme toutes les opérations analogues, elle est malheureusement des plus graves et je crois qu’il faut s’attendre à perdre dans les jours qui suivent l’opération au moins le tiers des opérés, ceux-ci peuvent mourir d’hémorragie secondaire mais c’est l’infection qui les tue presque tous, infection qui se manifeste presque toujours sous forme de broncho-pneumopathie “et pour conclure” beaucoup de malades triompheront de cette formidable secousse mais ici, comme dans toute la chirurgie du cancer, les résultats définitifs sont médiocres ». À cette phase chirurgicale du traitement local, il faut associer le curage ganglionnaire qui est habituellement réalisé dans un temps dissocié du traitement local : le curage ganglionnaire a été pour la première fois décrit par Crile de Cleveland en 1906 dans le Journal of American Medical Association ; en France, Morestin a réalisé les premiers évidements du cou pour cancer. Au stade palliatif, des badigeonnages d’adrénaline à 1/1000 [6] seront proposés pour limiter les hémorragies et lutter contre l’infection.

Deuxième phase : phase de radiothérapie C’est en 1895 que Roentgen découvrit le rayon X et très rapidement les premières applications furent proposées pour le traitement des cancers. Parallèlement, Pierre et Marie Curie isolèrent le radium et ses propriétés radioactives. En France, dès 1904, Beclère et Biolet publient les premiers cas de radiothérapie profonde. Coutard [2] traite à l’Institut du Radium de l’Université de Paris (fondé en 1913), dirigé par Claudius Regaud, 46 patient atteint d’un cancer épithélial de la région amygdalienne. Les résultats en sont malheureusement bien décevants mais l’auteur insiste, dans son article de 1929, sur le fait que les patients consultent fort tard avec des tumeurs très étendues. Sur 46 patients il note 34 « insuccès » et 12 « succès » avec des survies comprises entre 18 mois et 2 ans. Les techniques de radiothérapie proposées par cet auteur sont des doses fractionnées et étalées, la source d’irradiation ayant 180 kV avec des champs de 100 à 250 cm2 et des durées d’irradiation comprises entre 15 et 30 h. La durée de l’irradiation s’échelonne entre 17 et 40 jours. La radium-puncture [1] est également réalisée sous forme d’aiguilles radifères dont la longueur varie entre 1 et 2 cm et contenant 1 à 2 mg de radium-élément. La radium-thérapie externe sous forme de collier de radium est également proposée par plusieurs auteurs (Gunsett du Centre anticancéreux de Strasbourg). 4

Cancers de l’oropharynx : historique du traitement

Ces colliers sont faits à l’aide d’appareils moulés en cire, la source radifère étant située entre 4 et 8 cm de la peau, et agissent principalement sur les ganglions métastatiques.

La troisième phase est l’association radiochirurgicale ou la chirurgie du rattrapage après radiothérapie C’est en 1942 que Hayes-Martin réalise une buccopharyngectomie interruptrice après radiothérapie intitulée intervention dite « commando » en référence au débarquement manqué des canadiens à Dieppe la même année [5]. En 1952, cette chirurgie est reprise par Dargent qui propose un lambeau de peaucier pour tenter d’assurer la reconstruction du pharynx réséqué. Cette chirurgie va bénéficier dans les décennies qui vont suivre des progrès de la chirurgie réparatrice assurés par les lambeaux pédiculés permettant d’amener en tissu irradié un tissu sain avec son pédicule vasculaire. Il s’agit du lambeau delto-pectoral, du lambeau temporo-frontal de Mac Gregor puis en 1979 c’est le lambeau myopectoral d’Aryan et d’autres lambeaux myocutanés dont le lambeau du grand dorsal. Le développement de la microchirurgie permet enfin le recours à des lambeaux libres. Les indications radiothérapiques vont également se modifier passant du tout radiothérapie proposé dans les années 1940-1950 à la chirurgie première lorsque le cancer envahi le sillon amygdaloglosse et la base de langue. Les tentatives de chirurgie dite « en sandwich » faites à des doses de 50 grays en cas de non réponse à la radiothérapie seront vite abandonnées après des essais décevants. Quant aux protocoles de chimiothérapie, ils ont été jusqu’à présent bien décevants au niveau de l’oropharynx.

Références 1. Camunt. Traitement du cancer de l’amygdale. Annales des maladies de l’oreille et du larynx 1929 ; 725-32. 2. Coutard H. Traitement des cancers épithéliaires de la région amygdalienne par les rayons X. Annales des maladies de l’oreille et du larynx 1929 ; 407-10. 3. Dargent M, Gignoux M. La pharyngectomie latérale transmaxillaire dans le traitement des cancers de la base de langue et de l’amygdale. Lyon Chir 1954 ; 49 : 759-66. 4. Faure JL. Traitement des cancers de l’arrière-gorge. Mémoire original. Annales des maladies de l’oreille et du larynx 1903 ; TXXIX, vol. 3 : 213-6. 5. Guernier Y, Mounier-Kuhn P. Histoire des maladies de l’oreille, du nez et de la gorge. Paris : Éditions Dacosta, 1980. 6. Mahu G. Traitement d’épitheliaire ulcéré des voies aeriennes supérieures par des badigeonnages d’adrénaline. Annales des maladies de l’oreille et du larynx 1904 ; XXX, 18 : 256-62.

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II Lymphomes malins non hodgkiniens de l’oropharynx

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 9-17

Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx : deux cas cliniques emblématiques Marco BARBIERI, Flavio PEROTTINO, Maria Paola CORDONE, Alessandro CASAZZA, Alessandro BERNARDINI, Francesco MORA, Renzo MORA Service d’ORL, Faculté de Médecine, Université de Gênes, Largo Rosanna Benzi 10, 6-16132 Gênes, Italie

L’oropharynx peut être le siège de nombreuses variétés de tumeurs. Les auteurs rapportent leur expérience à propos de deux cas de lymphomes malins non hodgkiniens de l’oropharynx diagnostiqués et traités entre 1997 et 2000 : un lymphome de la base de la langue et un lymphome s’étendant au palais dur et aux fosses nasales. Plus de 50 % des cas de lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) sont localisés au niveau de la tête et du cou et en ce qui concerne les LMNH extra-ganglionnaires la localisation la plus fréquente est l’anneau du Waldeyer mais d’autres sites peuvent être intéressés. Les différents aspects clinique, pathologique et thérapeutique de cette maladie sont revisés dans le texte. Une symptomatologie banale peut cacher un lymphome malin de très mauvais pronostic, on souligne donc l’importance d’un examen attentif des malades, d’une précoce et précise analyse histologique voire la nécessité d’études immuno-histologiques de volumineux fragments. Les auteurs proposent l’association de la chirurgie laser aux protocoles radiochimiothérapeutiques connus et indiquent comme absolue la nécessité de contrôles des suites étroites pour le risque de récidive locale et à distance de cette maladie.

Introduction L’oropharynx peut être le siège de nombreuses variétés de tumeurs, et ceci en rapport avec la grande variété des tissus qui définissent sa structure histologique. Un certain nombre de tumeurs malignes se développent aux dépends du tissu lymphoréticulaire, soit nodulaire soit diffus dont est riche cette région : c’est le cas des lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH). 9

M. Barbieri et al.

Plus de 50 % des cas de LMNH sont localisés au niveau de la tête et du cou [1, 2] et parfois sont extra-nodulaires, sans localisations ganglionnaires évidentes. La localisation la plus fréquente est l’anneau du Waldeyer (5-10 % de localisation primaire sur toutes les localisations de lymphomes) avec une prépondérance de l’amygdale (60 %), mais d’autres sites peuvent être intéressés : nasopharynx (35 %) fosses nasales (2 %), tissu para-orbitaire, thyroïde, sinus (2 %), langue mobile, larynx [3]. Le LMNH est une des tumeurs les plus fréquentes chez l’enfant mais dans 95 % des cas, les lymphomes malins non hodgkiniens s’observent chez l’adulte [1, 2]. Le LMNH est la 5e tumeur par fréquence chez l’homme [1, 2]. À l’origine de cette maladie, il y a toujours une translocation chromosomique : BCL-1, BCL-2,C-Myc, BCL-6. 85 % sont de type B et 15 % de type T. Aux États-Unis on prévoit que plus de 54 900 personnes auront un diagnostic de LMNH en 2001 (31 700 Ms et 23 200 Mm) [11-12].

Signes cliniques Deux catégories de signes cliniques peuvent être observées au cours de cette maladie lymphomateuse extra-nodulaire de la sphère ORL. - Des signes précoces, tels que des algies pharyngées, une dysphagie, une fièvre prolongée, une sinusite maxillaire chronique, une rhinite chronique ou une obstruction nasale souvent unilatérale. Ces signes d’appel n’ont rien de spécifique tant dans l’anamnèse que dans l’examen clinique et font toute la difficulté diagnostique initiale. - Des signes tardifs, tels qu’une rhinorrhée sanglante, une ulcération avec nécrose de la zone atteinte, voire une extériorisation à la face par envahissement tumoral, une rhinolalie postérieure, des paralysies des nerfs crâniens, un trismus, des signes méningés. Ces manifestations sont plus évocatrices mais traduisent un stade avancé de la maladie souvent polyviscéral (stade III ou IV de Ann Arbour) [13, 14]. Selon le type de présentation initiale, des signes généraux peuvent exister et représentent les signes d’évolutivité du lymphome malin non hodgkinien : amaigrissement > 10 % dans les 2 mois précédents, fièvre > 38 oC depuis plus de 8 jours, sueurs nocturnes abondantes (B lymphomes) [14].

Histologie Du point de vue histologique, on peut retrouver toutes les variétés de lymphome avec une distribution égale à la distribution générale mais avec des différences topographiques, selon le site primaire [15]. L’histologie est souvent difficile à définir parce que l’histogenèse et la variété des lymphomes sont liées aux nombreuses étapes caractérisant la différenciation des populations lymphoïdes, qui ne se résume pas en la dualité en lymphocytes B et T. Elle se traduit dans la diversité morphologique, biologique, clinique et évolutive des LMNH que reflète l’apparente complexité des classifications histopathologiques modernes. Celles-ci constituent néanmoins des outils indispensables pour prédire l’évolutivité et guider le choix thérapeutique. La biopsie de la lésion tumorale est le geste sur lequel repose le diagnostic qui est fondé sur l’analyse cyto-histologique soutenue par l’étude phénotypique et parfois les données de la génétique classique ou moléculaire. Ces investigations complémentaires soulignent la nécessité d’obtenir, pour chaque lymphome, du matériel frais et/ou congelé.

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Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx

Classement de LMNH et pronostic La formulation internationale à usage clinique ou Working formulation (WF) [16], née en 1982 d’un compromis entre plusieurs classifications, reposait uniquement sur des critères morphologiques. Elle est désormais dépassée. La classification de Kiel, réactualisée en 1988 [17] est la première à avoir intégré les données de l’immunologie, en séparant les lymphomes B et T, et les données de la physiologie du tissu lymphoïde normal. De nombreuses entités de la classification de Kiel se retrouvent dans la classification récemment publiée, mieux connue sous le terme de REAL classification [18] et dans la classification OMS actuellement en cours de publication [19]. Schématiquement, les critères sur lesquels reposent ces classifications sont : - l’architecture (folliculaire ou diffuse) et la cytologie (cellules de taille petite ou grande, contours nucléaires ; cytoplasme) ; - le phénotype B ou T, et souvent une analyse phénotypique plus précise ; - les données de la cytogénétique et de la biologie moléculaire ; - à ces données, il convient d’ajouter la localisation tumorale et pour le domaine ORL cela peut changer beaucoup d’une localisation à une autre : on voit par exemple plus de lymphomes T/NK dans les fosses nasales que dans les sinus paranasaux que dans les autres sites. Dans les cavités paranasales, on retrouve un majorité de cas de lymphomes diffus à grandes cellules [11, 13]. Le pronostic dépend également du stade initial de la maladie (Tableau I). Tableau I. Classification de Ann Arbour. Classement LMNH Formes localisées

Stade I

(peut être un viscère isolé)

Formes locorégionales

Stade II

= 2 territoires contigus (viscère ±)

Formes disséminées

Stade II Stade III Stade IV

= 2 territoires non contigus ou > 2 territoires

Les facteurs de plus mauvais pronostic sont représentés dans le Tableau II.

Tableau II. Facteurs de mauvais pronostic. Mauvais pronostic Âge Stades anatomocliniques Performance status (ECOG) Dosage LDH Volume tumoral Nb sites extra-ganglionnaires Réponse thérapeutique

> 60 ans Disséminé >2 > 290 Ul/l 1 site 3 cm >1 Absente ou incomplète

En général, nous pouvons synthétiser la situation pronostique devant un LMNH : LMNH de forte malignité du sujet jeune : guérison pour 2/3 des malades. Paradoxalement, les LMNH de faible malignité, quelque soit l’âge, guérissent difficilement même s’ils ont une survie médiane de plusieurs années. Les LMNH de forte malignité du sujet âgé sont de mauvais pronostic (médiane de survie < 1 an) car la tolérance des traitements potentiellement curateurs est trop souvent incompatible avec l’âge [10-13]. 11

M. Barbieri et al.

Diagnostics différentiels en ORL Il est habituel d’évoquer un LMNH devant des adénopathies cervicales, mais moins fréquemment le LMNH se présente sans adénopathie initiale comme dans les cas cliniques ici présentés ; les hésitations diagnostiques pour les tumeurs des fosses nasales et du rhinopharynx concernent quatre pathologies différentes : les carcinomes épidermoïdes des fosses nasales, l’exceptionnelle tuberculose nasale, la granulomatose de Wegener et les granulomes malins centofaciaux [12, 19]. Pour les autres localisations (amygdale, base de langue, pharynx, glotte) on recherche d’abord un carcinome épidermoïde, éventuellement un sarcome, une tumeur vasculaire. Les lymphomes des fosses nasales ont fait l’objet d’un faible nombre de publications [12, 20-25], toujours sur de petites séries sur des longues périodes. L’apport de la bibliographie pour ces autres localisations ORL extra-nodulaires est donc majeur [26-32]. Nous rapportons ici deux cas cliniques traités dans le CHU San Martino de Gênes, pris en charge en 1998 et 1997 qui peuvent témoigner des problèmes posés au spécialiste ORL devant cette pathologie, surtout quand elle est extra-ganglionnaires et donc inattendue.

Présentation de cas cliniques Cas no 1 Il s’agit d’une femme de 60 ans qui consulte en août 1998 pour une dysphagie grave et une dyspnée d’aggravation progressive. Dans ses antécédents, on retrouve une atopie et une intoxication tabagique. À l’examen clinique, on note une néoformation de la base de langue étendue en arrière de 1,5 cm environ vers l’hypopharynx. Une naso-fibroscopie a été effectuée sans autre anomalie. L’examen du cou est négatif (N0). L’imagerie par tomodensitométrie (TDM) et par résonance magnétique (IRM) confirme une tumeur occupant la base de la langue. Une biopsie, réalisée sous anesthésie locale, montre une parakératose et du tissu lymphocytaire inflammatoire. Une intervention sous anesthésie générale à but histologique et de désobstruction avec vaporisation au laser CO2 de la lésion de la base de langue est effectuée ; la tumeur étant opérable. En effet, malgré l’implantation large au niveau de la base de langue, elle n’infiltre pas de manière importante les muscles. Les suites opératoires sont simples. L’étude histologique de la pièce opératoire révèle un lymphome non hodgkinien immunologique à grandes cellules de Type B, de haut grade de malignité. Le bilan d’extension initial ne montre aucune autre localisation et une première classification stade IE est retenue. Le traitement chimiothérapique de type CHOP-like est effectué dans le Service d’hématologie de l’Hôpital San Martino : 3 cures à base de cyclophosphamide, vincristine, adriamycine, prednisone. L’examen clinique et radiologique se normalise 2 mois après le début du traitement ; après 42 mois, la patiente est encore vivante et indemne de maladie : les derniers contrôles montrent une rémission complète de la maladie.

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Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx

Cas no 2 En août 1997, une femme de 46 ans consulte pour une obstruction nasale avec douleur sinusale après plusieurs traitements pour sinusite. À l’examen clinique sous optique des fosses nasales, on observe une dégénérescence du cornet moyen gauche. Dans la cavité orale, on note une dysplasie de la paroi muqueuse du palais dur. Le reste de l’examen clinique ORL est normal. Aucun signe général n’est noté (fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes). L’examen radiologique par tomodensitométrie (TDM) confirme la présence d’une lésion tumorale intéressant le cornet moyen et le sinus maxillaire gauches, respectant le septum, l’ethmoïde et la paroi orbitaire. Ce scanner confirme aussi l’absence d’invasion osseuse et d’adénopathie (N0). Une intervention de Caldwell-Luc sous anesthésie générale est réalisée pour effectuer deux biopsies de la paroi inférieure du sinus maxillaire et de la fosse nasale gauche. La première histologie s’étant avérée non concluante (maladie proliférative), une deuxième puis une troisième approches chirurgicales sont effectuées et le résultat définitif est : maladie lymphoproliférative et lymphome malin non hodgkinien. Le bilan d’extension initial ne montre pas d’autre localisation et une première classification stade IE est retenue comme probable, la tumeur étant un lymphome de type B, de grade intermédiaire de malignité. Le traitement consiste en : - une radiothérapie externe au Cobalt du site tumoral (50 Gy) ; - 4 cures de chimiothérapie (cyclophosphamide, vincristine, adriamicine, prednisone). En 1999, la patiente subit une chirurgie plastique reconstructrice du palais pour réparation de séquelles de la radiothérapie. Après 4 ans d’évolution, l’examen clinique et radiologique s’est normalisé, la patiente est en parfait état général sans signes d’évolution ou de reprise de maladie.

Analyse synthétique des observations cliniques Cette étude portant sur 2 cas de lymphomes non hodgkiniens extra-ganglionnaires de la tête et du cou nous montre la grande aspécifité de la symptomatologie et la grande variabilité clinique et histologique de ces localisations extra-ganglionnaires. Le délai diagnostic entre la première consultation ORL et le résultat immuno-histologique définitif autorisant une thérapie adaptée est souvent important [19-22, 26-31]. Le diagnostic histologique est obtenu par des biopsies mais souvent le premier résultat n’est pas déterminant, voire erroné. Il nous a fallu 3 biopsies des fosses nasales pour avoir un résultat définitif et la première biopsie de la base de langue nous avait plutôt fait penser à un carcinome épidermoïde en phase initiale [12, 28, 26]. La survie de ces patients est jusqu’à aujourd’hui bonne, et c’est probablement lié au diagnostic précoce de la pathologie, à la diffusion exclusivement locorégionale de celle-ci à l’absence de B symptômes, voire à l’histologie des lymphomes traités. Il ne faut cependant jamais réduire la vigilance de la surveillance de ces patients.

Lymphome nasal Le lymphome non hodgkinien de la fosse nasale est une pathologie rare mais qui survient plus particulièrement chez les sujets âgés, cet élément limitant considérablement les possibilités thérapeutiques trop agressives. 13

M. Barbieri et al.

Le mode de révélation de cette pathologie est malheureusement très peu spécifique et l’otorhinolaryngologiste doit être alerté devant une symptomatologie nasosinusienne infectieuse ou tumorale survenant chez un patient âgé sans aucun antécédent ORL de ce type [19-21].

Lymphome de la base de langue Le lymphome non hodgkinien de la base de langue fait partie des lymphomes de l’anneau du Waldeyer mais est moins fréquent que celui de l’amygdale. Le mode de révélation de cette pathologie est rarement local seul car souvent il existe déjà une localisation ganglionnaire quand on découvre le site primaire lingual. L’otorhinolaryngologiste doit être alerté devant une symptomatologie dysphagique banale, une augmentation du tissu lymphatique de la base de langue, parfois des petits saignements chez un patient âgé sans aucun antécédent ORL de ce type [4, 5, 26-28, 33].

Problème du délai Le délai entre la première consultation ORL et le début du traitement apparaît important. Il a été dû dans nos deux cas à la difficulté d’obtenir le diagnostic histologique, notamment sur des biopsies sous anesthésie locale et au délai d’obtention des résultats immunologiques et immuno-histochimiques.

Diagnostic histologique Le diagnostic histologique de cette lésion s’avère particulièrement difficile car il n’est pas aisé de pratiquer des biopsies de dimensions suffisantes sans arriver à des interventions larges. La biopsie de deuxième ou troisième intention devient effectivement un debulking, une exérèse d’une grosse partie de la lésion, une vraie vaporisation chirurgicale. Cela parceque la biopsie sous anesthésie locale a démontré dans notre expérience mais aussi dans la littérature une insuffisante capacité diagnostique. La biopsie réalisée après un examen tomodensitométrique doit donc impérativement être d’un volume suffisant et être adressée immédiatement pour permettre la congélation immédiate et le bilan immunologique indispensable.

Traitement et pronostic D’un point de vue thérapeutique, chirurgie laser plus chimiothérapie ont été effectuées chez le patient no 1, et chimiothérapie plus radiothérapie dans le lymphome de la cavité nasale. Nos deux patients sont toujours vivants et indemnes de maladie ; les complications post thérapeutiques restent limitées à une petite nécrose de la muqueuse du palais du patient no 2 qui a donc bénéficié d’une plastie. Nous savons, d’après les données de la littérature, que le pronostic de cette maladie reste très mauvais [2, 9, 14, 23, 26, 28, 33]. La malignité histologique en particulier reflète la survie. Nous avons eu la chance de traiter, pour le lymphome du nez, la tumeur à meilleur pronostic, le type B, sans B symptômes, stade IE. Pour le lymphome de la base de langue, la classification a été elle aussi initiale, le lymphome étant un type B de haut grade de malignité, donc plus chimiosensible. À la lecture de la littérature, il apparaît que le traitement à effectuer n’est pas parfaitement codifié [26-33]. 14

Traitement multidisciplinaire des lymphomes de l’oropharynx

Les trois possibilités thérapeutiques sont la chimiothérapie seule (CHOP, CHOP like, polychimiothérapie selon différents protocoles), la chimiothérapie associée à la radiothérapie (COMT) ou la radiothérapie seule. L’autogreffe de moelle est pratiquée pour les histologies les plus malignes [34]. Kondo et al. [28], sur une étude rétrospective de 69 lymphomes malins non hodgkiniens stade I et II de l’anneau de Waldeyer avec localisations ganglionnaires, utilisaient chez la majorité des cas (65 patients) la radiothérapie avec des doses moyennes de 50 Gy mais estimaient avoir les meilleurs résultats chez les patients ayant bénéficié d’une chimiothérapie adjuvante (43 patients). P. Dunn et al. [28], sur une étude rétrospective chez 667 adultes, ne remarquent pas de différences pronostiques entre les stades I et II des lymphomes de l’anneau du Waldeyer, avec une survie à 4 ans de 55 % chez les patients traités par chimiothérapie seule. C.D. Ruijs et al. [32], sur une étude rétrospective chez 53 adultes, observent des différences pronostiques entre les stades I et II des lymphomes de la tête et du cou (92 % à 5 ans contre 60 % respectivement). L’extension de la tumeur est donc le majeur facteur pronostique. Il préfère la radiothérapie seule pour les stade I et la chimiothérapie seule pour les stade II, la RTE restant à disposition comme traitement des rechutes. Aviles et al. [30], sur un étude rétrospective de 316 lymphomes malins non hodgkiniens stade I traités par chimiothérapie CHOP ou CHOP-like ou par radiothérapie seule ou COMT, concluaient que la COMT donnait une meilleure survie à 5 ans (83 % contre 45 % pour la chimiothérapie seule, et 48 % pour la RTE seule). Ezzat et al. [27], sur une étude rétrospective chez 130 adultes, ne remarquent pas des différences pronostiques entre les stades I et II des lymphomes de l’anneau du Waldeyer, et sur le plan thérapeutique, la COMT est « probablement supérieure » à la monothérapie. Les études retrouvées en littérature sont des études rétrospectives, non randomisées et incapables de donner une réponse uniforme, même si finalement on suspecte, sans certitude, un meilleur pronostic pour les patients ayant été traités par COMT. Il faudra des études prospectives pour avoir une réponse définitive. En général on peut parler d’une survie moyenne de 60 % à 5 ans pour toutes les localisations tête et cou stade I et II mais on sait qu’il faut toujours apporter des précisions par patient et par maladie [26]. Il devient important de préciser le pronostic selon le site tumoral, la présence au moins de deuxièmes ou troisièmes localisations, d’adénopathies cervicales, l’histologie et le stade de la tumeur. Pour le lymphome des fosses nasales par exemple, il y a une différence importante de pronostic entre le stade I et II (90 % contre 50 %) [32] et le pronostic est pire pour les lymphomes T ou les lymphomes de la fosse nasale versus le sinus maxillaire [33].

Conclusions Nous avons jugé intéressant de rapporter ces deux observations de lymphomes extra-ganglionnaires de la tête et du cou. Dans un des cas, le temps écoulé depuis le traitement est de 4 ans, dans un autre il est de 3 ans et demi. Étant donné que pour ces types de localisation des lymphomes, le premier site de récidive reste locorégional, nous pensons important de suivre nous même en consultation ORL, ces types de patients, en coopération avec le service d’onco-hématologie de l’hôpital. Le pronostic des lymphomes non hodgkiniens de la tête et du cou est d’ailleurs lié principalement à la structure histologique de la tumeur et au stade initial. L’évolution dépend aussi de la précocité du diagnostic, de l’état général du malade, de son âge, etc.

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M. Barbieri et al.

Il faut remarquer la difficulté du diagnostic histologique, la particularité de la localisation, la grande banalité de la symptomatologie qui peut conduire facilement en erreur même le spécialiste ORL. Il est donc important de toujours se méfier des symptômes banals, surtout si résistants aux thérapies habituelles, ou persistants depuis plus de deux mois ; il vaut mieux passer un examen radiologique de plus, souvent négatif, plutôt qu’attendre des évolutions de ces maladies rares mais malheureusement de très mauvais pronostic. Il est justifié un examen clinique et fibroscopique minutieux de fosses nasales et du rhinopharynx des patients consultants. Il ne faut pas avoir trop confiance en un premier résultat histologique négatif si l’aspect clinique est d’autre avis. Il est indispensable de se méfier des diagnostics histologiques pré-opératoires (carcinome épidermoïde, dysplasie, hyperplasie lymphocytaire, etc.) et la prudence impose éventuellement d’autres biopsies, voire des extemporanés per-opératoires. En cas de suspicion de syndrome tumoral, les biopsies sous anesthésie locale doivent être réalisées le plus largement possible, et adressées fraîches pour examen anatomopathologique. Malgré ces précautions, elles ne sont décisives que dans 30 à 40 % des cas [8].

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III Bilan d’extension et facteurs pronostiques

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 21-35

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes buccaux et oropharyngés Olivier MALARD1, Marie GAYET-DELACROIX2, Étienne BARDET3, Claire TOQUET4, Christophe FERRON1, Claude BEAUVILLAIN DE MONTREUIL1 1

Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, 2 Service de radiologie et d’imagerie médicale, Service de radiothérapie, CRLCC Nantes Atlantique, 4 Laboratoire d’anatomo-pathologie, CHU de Nantes, Hôtel-Dieu, place Alexis-Ricordeau, BP 1005, 44093 Nantes Cedex 01, France

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La qualité du diagnostic pré-thérapeutique est un facteur primordial du pronostic des patients atteints de cancers [1, 2]. C’est un facteur pronostique qui dépend du praticien. Le stade TNM, la présence d’un envahissement mandibulaire [3], et la présence d’adénopathies métastatiques sont également des facteurs essentiels du pronostic [4]. Aussi minutieuse que soit l’évaluation pré-thérapeutique des lésions, le praticien se heurte parfois à des incertitudes au terme de son examen clinique [5]. Dans 20 % des cas, le diagnostic pré-thérapeutique serait mal estimé [6] ce qui conduit le praticien à poser une indication thérapeutique parfois mal adaptée. La généralisation de la tomodensitométrie pré-opératoire a amélioré la prise en charge à long terme des patients [7], et les indications thérapeutiques [8]. Les recommandations proposées par Mukherji et Castillo en 1998 préconisent sa réalisation systématique en première intention [9] dans les cancers buccaux et oropharyngés. Des questions persistent concernant les corrélations entre les données de l’examen clinique, radiologique, et anatomo-pathologique, leur valeur prédictive sur l’envahissement tumoral, osseux et ganglionnaire. Dans cette étude, les examens cliniques et tomodensitométriques pré-thérapeutiques de 40 patients traités chirurgicalement pour un carcinome buccal ou oropharyngé ont été analysés. Les résultats ont été confrontés aux conclusions anatomo-pathologiques post-opératoires afin de préciser la pertinence et les limites de l’examen clinique et de l’imagerie.

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O. Malard et al.

Matériels et méthodes Critères d’inclusion Les dossiers des patients traités pour un carcinome épidermoïde de la cavité buccale ou de l’oropharynx au CHU de Nantes durant les quarante-huit derniers mois ont été analysés. Les patients traités par chirurgie première comportant de façon concomitante un temps d’exérèse de la tumeur et des aires ganglionnaires ont été inclus dans l’étude. Afin d’apprécier a posteriori les données de la classification pré-thérapeutique, les patients préalablement traités par chimiothérapie ou radiothérapie préalable ont été exclus. Durant la période d’étude, quatre-vingt-huit patients atteints d’un carcinome épidermoïde de la cavité buccale ou de l’oropharynx ont été suivis dans le service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale de Nantes. Les dossiers de quarante patients qui répondaient aux critères définis précédemment ont été retenus. Parmi les quarante dossiers analysés, vingt-quatre possédaient un examen d’imagerie TDM pré-thérapeutique avec injection de qualité satisfaisante. Ces dossiers ont été confrontés rétrospectivement aux résultats des analyses anatomo-pathologiques post-opératoires.

Méthode statistique Chaque fois qu’il était nécessaire de comparer des valeurs, qualitatives ou quantitatives, une recherche de significativité statistique a été effectuée. Pour les comparaisons de variables quantitatives, un test de Student a été réalisé. Pour les comparaisons de variables qualitatives, un test du Chi-deux a été réalisé. Pour dégager des tendances ou calculer des valeurs prévisionnelles, une analyse de régression et une ou plusieurs courbes de tendance ont été réalisées. Le niveau de significativité statistique retenu était de 5 % (p < 0,05).

Caractérisation de la population étudiée L’âge moyen des patients et leurs facteurs de risques ont été rapportés.

Caractérisation clinique du cancer La localisation et la classification tumorale ont été précisées selon la quatrième version de la classification TNM décrite en 1987 par l’UICC [10]. La maladie a également été classée selon les stades de la classification AJCC [11]. L’analyse des territoires ganglionnaires a été effectuée selon la classification de l’Official Report of the Academy’s Committee for Head and Neck Surgery and Oncology [12, 13]. Les traitements réalisés dans la série ont été détaillés : type d’exérèse locale réalisé, nature des évidements ganglionnaires cervicaux, type de reconstruction pratiqué et radiothérapie post-opératoire.

Étude anatomo-radio-clinique du site tumoral La dimension tumorale constatée cliniquement était notée et comparée avec la mesure réalisée par le médecin anatomo-pathologiste. L’envahissement ganglionnaire a été évalué en fonction du stade tumoral T ; la présence de corrélations entre l’évolution locale et la fréquence des métastases ganglionnaires ont été recherchées. L’extension et les limites tumorales ont été analysées puis confrontées aux résultats de l’examen anatomo-pathologique. 22

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes

L’envahissement osseux a été recherché, puis la sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives de l’examen clinique et TDM ont été précisées.

Étude anatomo-radio-clinique des aires ganglionnaires L’existence d’un envahissement métastatique et d’une rupture capsulaire dans les curages ganglionnaires a été précisée. Trois sous-groupes cliniques ont été définis en fonction de la taille des adénopathies palpées : moins de 2 cm, entre 2 et 3 cm, et plus de 3 cm de diamètre. La qualité de l’examen clinique et le seuil prédictif d’envahissement ganglionnaire ont été évalués. L’analyse topographique TDM des adénopathies a été réalisée selon la classification décrite par Som (American Roentgen Ray Society) [14, 15]. Plusieurs sous-groupes ont été constitués en retenant quatre seuils de mesure des adénopathies : 6 10 mm, 6 12 mm, 6 15 mm, 6 20 mm et 6 25 mm. Les données de l’examen TDM ont été évaluées par confrontation avec les données anatomo-pathologiques. Une analyse de régression a permis de rechercher l’existence de corrélations et le seuil prédictif d’envahissement des adénopathies, en fonction de leur taille à l’examen TDM. Les critères qualitatifs de forme et de densité tomodensitométrique ont été appréciés. Lorsque le rapport des deux diamètres orthogonaux était supérieur à 2/3, l’adénopathie était considérée comme ovalaire. Dans le cas contraire, l’adénopathie était considérée comme arrondie. Les deux groupes ont été comparés en fonction de leur envahissement ganglionnaire constaté par l’examen anatomo-pathologique. Une analyse de la densité tissulaire a été effectuée (prise de constraste, hypodensité centrale), afin de rechercher d’éventuelles corrélations entre densité et envahissement ganglionnaire.

Résultats Population étudiée La moyenne d’âge de la série était de 59,6 ± 11,3 ans (extrêmes 26 à 79 ans). Trente-six patients étaient de sexe masculin, soit 90 %, et 10 % de sexe féminin. L’âge moyen du sous-groupe féminin était inférieur de 9,7 ans (p < 0,05). La répartition de l’âge dans les deux groupes en fonction de la réalisation ou non d’un examen TDM n’était pas statistiquement différente (Figure 1). L’intoxication alcoolo-tabagique était notée chez 87,5 % des patients. Lorsque la consommation tabagique a pu être quantifiée (61 %), elle était en moyenne de 39,5 paquet-années. Dans quatre cas, il n’existait aucune intoxication tabagique. Parmi ces quatre cas, deux patients (un homme et une femme) possédaient des antécédents d’allogreffe rénale et étaient traités par immunosuppresseurs. La relecture du compte rendu anatomo-pathologique pour ces deux patients révélait la présence de lésions papillomateuses au sein du carcinome.

Caractérisation clinique du cancer La localisation tumorale la plus fréquente était amygdalienne (37,5 %), et les adénopathies étaient le plus fréquemment dans le groupe IIA. La classification TNM/AJCC des patients de la série est rapportée dans le Tableau I. La plus importante fraction des patients inclus dans la série était classée T3 (50 %) et N0 (40 %) de la classification TNM et stade 4 (45 %) de la classification AJCC. 23

O. Malard et al.

Figure 1. Répartition de l’âge dans les sous-groupes masculin et féminin (* p < 0,05). Tableau I. Répartition clinique des patients dans la série selon les classifications TNM et AJCC. Stade

AJCC

T (TNM)

N (TNM)

0

n = 16 (40 %)

1

n = 12 (30 %)

2

n = 5 (12,5 %)

n = 13 (33 %)

a n = 6 (15 %) b n = 3 (7,5 %) } n = 11 (27,5 %) c n = 2 (5 %)

3

n = 17 (42,5 %)

n = 20 (50 %)

n = 1 (2,5 %)

4

n = 18 (45 %)

n = 7 (18 %)

TOTAL

n = 40 (100 %)

n = 40 (100 %)

Les différentes interventions chirurgicales pour le traitement du site tumoral étaient une bucco-pharyngectomie non interruptive (50 %), une glossectomie ou pelvi-glossectomie (25 %), une pelvi-mandibulectomie (17,5 %) et une bucco-pharyngectomie interruptive (7,5 %). La réparation du site d’exérèse a été assurée dans 72,5 % des cas (n = 29), par un lambeau musculo-cutané de grand pectoral. Chez les autres patients, la réparation était effectuée par fermeture directe. Dans les différents stades, les taux de fermeture par un lambeau étaient : T2 : 42,5 %, T3 : 89 %, T4 : 71 %. Le traitement des aires ganglionnaires était toujours réalisé dans le même temps opératoire que celui du site tumoral. Dans 62,5 % des cas (n = 25), l’évidement ganglionnaire était homolatéral : fonctionnel (30 %, n = 12) ou radical (32,5 %, n = 13). Dans 37,5 % des cas (n = 15), l’évidement ganglionnaire était bilatéral : fonctionnel (35 %, n = 14) ou radical homolatéral et fonctionnel contro-latéral (2,5 %, n = 1). Une radiothérapie post-opératoire sur le site tumoral et sur les aires ganglionnaires a été effectuée dans 95 % des cas (n = 38). Dans deux cas, cette radiothérapie a été délivrée par curiethérapie.

Étude anatomo-radio-clinique du site tumoral La dimension du site tumoral était analysable, à la fois d’un point de vue clinique et anatomo-pathologique, dans 26 cas (65 %). Les dimensions tumorales mesurées par l’anatomo24

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes

pathologiste étaient statistiquement moins élevées que celles effectuées par le clinicien (p = 0,0006). L’étude de l’envahissement ganglionnaire en fonction de l’extension tumorale est rapportée dans le Tableau II. L’envahissement métastatique ganglionnaire et l’envahissement tumoral bucco-pharyngé se sont révélés deux paramètres statistiquement indépendants (p = 0,28). Tableau II. Comparaison de l’envahissement ganglionnaire métastatique en fonction du stade T.

N+N+ ou N+RTest Khideux

Stade T2

Stade T3

Stade T4

54 % n = 13

60 % n = 20

29 % n=7

p = 0,45 (ns) p = 0,28 (ns)

La sensibilité de l’examen tomodensitométrique pour l’étude du site tumoral était de 81,8 %. Quatre cas de tumeurs superficielles n’étaient pas visualisables par tomodensitométrie (deux tumeurs de la langue mobile, classées T2N0/N- et deux tumeurs du sillon amygdalo-glosse classées T2N0, dont une N+ et l’autre N-). La valeur prédictive positive de l’extension tumorale par l’examen tomodensitométrique était de 94 % (signes radiologiques effectivement prédictifs d’un envahissement confirmé par l’anatomo-pathologie). La spécificité et la valeur prédictive négative n’étaient pas calculables puisque aucun patient vrai négatif ne rentrait dans cette étude. Pour évaluer l’envahissement osseux, les examens cliniques et tomodensitométriques possédaient une spécificité respective de 66,7 et 95,2 %, différence statistiquement significative (p = 0,008). Les valeurs prédictives positives de l’envahissement osseux étaient respectivement, par l’examen clinique et tomodensitométrique, de 22,3 et 66,7 % (p < 0,001).

Étude anatomo-radio-clinique des aires ganglionnaires L’examen clinique des aires ganglionnaires a été analysé et confronté aux données anatomo-pathologiques post-opératoires (Tableau III). Les valeurs prédictives positives et négatives de l’envahissement ganglionnaire cliniquement suspecté étaient faibles (54 et 56 %), la sensibilité et la spécificité de 65 et 45 %. Si l’on s’intéressait au paramètre rupture capsulaire, la sensibilité de l’examen clinique était significativement meilleure (p = 0,0065), de même que sa valeur prédictive positive (p < 0,001). Cela signifie qu’en cas d’absence d’adénopathie cliniquement palpable, la probabilité d’envahissement histologique était élevée, mais que la probabilité de rupture capsulaire était faible (p = 0,0026). La spécificité de l’examen clinique pour évaluer un envahissement ganglionnaire ou une rupture capsulaire n’était pas significativement différente. L’envahissement ganglionnaire et la rupture capsulaire ont été évalués au sein des sousgroupes de patients en fonction de la taille des adénopathies constatées avant traitement. Le résultat des courbes de tendance a montré que le seuil d’envahissement carcinologique de 50 % des adénopathies palpées se situait à un diamètre 2,5 cm. Le seuil de rupture capsulaire de 50 % des adénopathies se situait à un diamètre de 3,8 cm. Les patients présentant une palpation cervicale normale avaient un envahissement ganglionnaire anatomopathologique infra-clinique dans 30 % des cas et une rupture capsulaire dans 10 %, quel que soit le stade tumoral T. La comparaison statistique de la qualité de l’examen clinique en fonction de la taille des adénopathies palpées a montré que la sensibilité augmentait non significativement (p = 0,2) au fur et à mesure de l’augmentation de la taille des adénopathies 25

O. Malard et al. Tableau III. Sensibilité, spécificité, VPP et VPN de l’examen clinique pour l’appréciation de l’envahissement ganglionnaire et de la rupture capsulaire. Valeur prédictive Valeur prédictive positive négative

Examen clinique

Sensibilité

Spécificité

Envahissement ganglionnaire

65 %

45 %

54 %

56 %

Rupture capsulaire

75 %

46 %

38 %

81 %

Test Khideux

p = 0,0065 (s)

p = 0,92 (ns)

P < 0,001 (s)

P = 0,0026 (s)

jusqu’à un maximum de 61,9 % pour des adénopathies de plus de 3 cm. La spécificité diminuait non significativement (p = 0,5) avec la taille des adénopathies, possédant un maximum de 60 % pour les adénopathies de moins de 2 cm (Figure 2). L’examen tomodensitométrique des aires ganglionnaires a été évalué en fonction des différents seuils retenus pour la prise en compte des adénopathies. Pour un seuil de mesure des adénopathies de 10 mm, la sensibilité était élevée (90 %), mais la spécificité basse (14 %). Ce seuil de prise en compte tomodensitométrique bas des adénopathies s’accompagnait en effet de la prise en compte d’adénopathies proches de leur taille physiologique (nombreux faux positifs). Pour un seuil de prise en compte de 15 mm, la sensibilité et la spécificité étaient respectivement de 90 et 71 %. Les valeurs prédictives positives et négatives étaient également maximales, respectivement à 67 et 83 %. La sensibilité était statistiquement maximale pour une valeur-seuil de 15 mm puis diminuait significativement avec l’augmentation seuil de mesure (p = 0,0019). La spécificité augmentait significativement avec le seuil de mesure des adénopathies de 10 à 15 mm (p = 0,005), mais plus au-delà (Figure 3). Le résultat des courbes de tendance a montré que pour un seuil de prise en compte à 15 mm, 65 % des adénopathies notées étaient envahies, 50 % présentaient une rupture capsulaire. L’envahissement carcinologique de 50 % des adénopathies se situait à 1,35 cm et le seuil de rupture capsulaire à 1,65 cm par mesure tomodensitométrique. En retenant le seuil de prise en compte de 15 mm, un peu moins de 30 % d’adénopathies envahies étaient méconnues. La comparaison des résultats cliniques et tomodensitométriques est rapportée dans le Tableau IV. Les paramètres de sensibilité, spécificité et les valeurs prédictives ont été comparés entre eux, en fonction de différents seuils de prise en compte TDM des adénopathies cervicales. Pour une prise en compte des adénopathies à partir de 15 mm, les paramètres de l’examen TDM étaient toujours supérieurs à ceux de l’examen clinique, mais de façon statistiquement significative seulement pour la spécificité. Lorsque les adénopathies étaient prises en compte à un seuil inférieur (12 mm ou inférieur), la sensibilité de l’examen TDM par rapport à l’examen clinique était significativement supérieure. La comparaison de ces résultats a été rapportée dans le Tableau IV.

Étude tomodensitométrie qualitative des aires ganglionnaires Les adénopathies métastatiques étaient arrondies dans 75 % des cas, et ovalaires dans 37,5 % (valeurs non statistiques). Une hypodensité centrale a été constatée dans trois cas d’adénopathies métastatiques, dont deux présentaient une rupture capsulaire (valeurs non statistiques) (Figure 3).

26

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes

Figure 2. Évolution en fonction de la taille des adénopathies palpées : de la sensibilité et de la spécificité de l’examen clinique (A), des valeurs prédictives de l’examen clinique (B).

27

O. Malard et al.

Figure 3. Évolution en fonction de la taille TDM des adénopathies : des valeurs prédictives de l’examen tomodensitométrique (A), de la sensibilité et de la spécificité de l’examen tomodensitométrique (B).

28

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes Tableau IV. Comparaison statistique de l’examen clinique et de l’examen TDM pour le diagnostic des adénopathies métastatiques, en fonction du seuil de mesure TDM des adénopathies. Clinique

TDM avec seuil de mesure 6 10 mm

Test χ2

Sensibilité

65 %

90 %

p = 0,01 (s)

Spécificité

45 %

14 %

p = 0,003 (s)

VPP

54,2 %

43 %

p = 0,34 (ns)

VPN

56,2 %

67 %

p = 0,39 (ns)

A Clinique

TDM avec seuil de mesure 6 12 mm

Test χ2

Sensibilité

65 %

90 %

p = 0,01 (s)

Spécificité

45 %

36 %

p = 0,18 (ns)

VPP

54,16 %

50 %

p = 0,53 (ns)

VPN

56,25 %

83 %

p = 0,003 (s)

B Clinique

TDM avec seuil de mesure 6 15 mm

Test χ2

Sensibilité

65 %

80 %

p = 0,09 (ns)

Spécificité

45 %

71 %

p = 0,002 (s)

VPP

54,16 %

67 %

p = 0,11 (ns)

VPN

56,25 %

83 %

p = 0,06 (s)

C

Discussion Les cas inclus dans cette série correspondent à des patients atteints de carcinome épidermoïde de la cavité buccale ou de l’oropharynx traités en première intention chirurgicalement, à la fois sur le site tumoral et sur les aires ganglionnaires dans le service d’ORL du CHU de Nantes. La localisation et le stade tumoral concordent avec les données classiques de la littérature [16]. L’intoxication éthylo-tabagique classique [17] est présente dans la série sauf chez deux patients immunodéprimés greffés rénaux. La relecture de leur compte rendu anatomo-pathologique révèle la présence de lésions condylomateuses et papillomateuses sous-jacentes au carcinome. Ces lésions sont évocatrices de lésions virales comme cela est suggéré par les travaux de Brash [18], qui met en avant le virus HPV dans la carcinogenèse des tumeurs buccales. L’âge moyen des patients est comparable à celui retrouvé dans la littérature, les femmes de la série sont atteintes par les carcinomes buccaux et oropharyngés significativement plus jeunes que les hommes comme cela est classiquement décrit [19, 20]. Ces caractéristiques confèrent à la série une bonne cohérence. 29

O. Malard et al.

L’évaluation de la taille et des limites tumorales sur le T a montré une bonne corrélation entre l’examen clinique et l’examen tomodensitométrique. La sensibilité de l’examen TDM était de près de 82 %. Pour quatre cas de tumeurs très superficielles, la tomodensitométrie était faussement négative. Pour la plupart des auteurs, l’examen TDM est un bon examen pour l’étude de la taille et des limites tumorales bucco-pharyngées [7, 14, 21, 22], mais l’IRM serait supérieure pour les localisations linguales et pharyngées postérieures [23]. L’analyse de la littérature est en accord avec ces constatations. L’examen tomodensitométrique, même réalisé avec une injection de bonne qualité, peut totalement méconnaître certaines tumeurs, principalement lorsqu’elles sont superficielles [24]. Pourtant leur caractère superficiel ne peut pas être totalement rassurant : l’absence de palpation d’adénopathies ne permet pas d’éliminer un envahissement ganglionnaire occulte, notamment si le grade histologique est élevé, comme cela a bien été décrit par Umeda [25]. Pour ces petites tumeurs, l’examen tomodensitométrique revêt tout son intérêt dans l’étude des aires ganglionnaires. Pour Rassekh [6], 23 % de ces patients posséderaient des adénopathies cliniquement occultes mais histologiquement envahies. Dix pour cent posséderaient déjà une rupture capsulaire, qui justifierait théoriquement la réalisation d’un curage radical. Dans ces cas, un examen extemporané des aires ganglionnaires peut se discuter. Les dimensions du site tumoral calculées a posteriori par l’anatomo-pathologiste sont significativement inférieures (de près de 30 %) à celles mesurées cliniquement. Il n’existe pas de constatation identique dans la littérature. Cependant, il est possible de supposer que les pièces opératoires se rétractent sur elles-mêmes après fixation, durant le laps de temps qui précède leur analyse. La taille tumorale mesurée lors de l’examen anatomo-pathologique ne nous semble donc pas fiable, car sous-estimée. Pour évaluer l’envahissement osseux, l’examen clinique s’est révélé significativement moins performant que l’examen tomodensitométrique dans cette série. L’examen clinique permettait facilement de suspecter mais insuffisamment d’écarter un envahissement (sa spécificité était de 66 %, contre 95 % avec l’examen TDM). Dans notre série, l’examen TDM a permis d’écarter, dans de bonnes proportions, l’envahissement osseux (permettant de préciser l’attitude chirurgicale vis-à-vis de la mandibule). Cet examen se révèle indispensable à chaque fois que l’envahissement osseux est suspecté, il est plus apte à éliminer l’atteinte osseuse qu’à l’affirmer. En effet, la valeur prédictive positive de l’examen TDM n’est « que » de 67 % (contre 22 % pour l’examen clinique). La décision de réaliser une chirurgie interruptive de la mandibule sur les constatations de l’examen TDM pré-opératoire nous semble carcinologiquement raisonnable, car cet examen n’omet que très peu d’os envahis, au prix de la réalisation d’une interruption mandibulaire dans un tiers des cas lorsque l’os est sain. L’envahissement mandibulaire a été largement étudié, et les avis sont assez convergents. Dans le début des années 1990, certains auteurs considéraient l’échographie comme le meilleur examen pour apprécier l’envahissement osseux [26, 27]. Depuis les progrès réalisés par la tomodensitométrie, la majorité des auteurs considèrent l’examen TDM comme l’examen de choix pour apprécier l’envahissement osseux [9, 24, 28, 29]. Tsue considère que la valeur prédictive de l’examen TDM atteint 73 %, et que ses performances sont indépendantes de la taille tumorale [3]. Ses limites sont liées aux artéfacts dentaires [30] et aux biopsies récentes [30, 31] qui devraient, au mieux, être réalisées après l’imagerie. Pour de nombreux auteurs, l’IRM ne permettrait d’améliorer ni la prévision de l’envahissement osseux, ni son absence [32, 33]. Ator et al. [34] considéraient en 1990 que l’IRM permettait une meilleure analyse de l’envahissement médullaire de la mandibule. Les principaux travaux publiés depuis présentent des résultats contradictoires. Quand il existe d’importants artéfacts dentaires perturbant l’examen TDM, Shaha [30] considère que le cliché panoramique dentaire se révèle le meilleur moyen diagnostique de l’envahissement osseux. Sa valeur prédictive serait surtout bonne pour la région corticale [28]. Les résultats de l’analyse des aires ganglionnaires dans cette série révèlent à la fois une faible spécificité et une faible sensibilité de l’examen clinique, qui comporte de nombreux faux-positifs et faux-négatifs. Cet examen se révèle ici peu apte à prévoir l’envahissement (54 %), ou l’absence d’envahissement ganglionnaire (56 %). Le fait de ne prendre en compte 30

Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes

que des adénopathies de plus de 2 cm de diamètre n’améliore pas statistiquement les valeurs prédictives de l’examen. En revanche, en cas de rupture capsulaire, l’examen clinique est rarement normal donc plus sensible. À partir de 2,5 cm de diamètre à l’examen clinique, 50 % des adénopathies étaient envahies et un tiers des adénopathies de plus de 2 cm présentaient une rupture capsulaire. D’autre part, on pouvait estimer à 30 % le nombre d’adénopathies occules envahies histologiquement, et à 10 % celles qui présentaient déjà une rupture capsulaire. À partir de cette série, nous considérons que l’examen clinique est imprécis, et possède une corrélation médiocre avec le stade anatomo-pathologique de la maladie ; c’est en outre un examen partiellement dépendant du praticien. Sa normalité permet au plus d’écarter, non pas l’envahissement ganglionnaire, mais une grande partie des ruptures capsulaires. Cela constitue une appréciation très insuffisante de l’extension régionale de la maladie, à moins de pratiquer une dissection ganglionnaire radicale chez tous les patients. L’examen TDM des aires ganglionnaires présente deux intérêts qualitatifs dans l’imagerie pré-thérapeutique des cancers buccaux et oropharyngés : l’hypodensité ganglionnaire, qui est en faveur d’un envahissement métastatique de l’adénopathie [35]. Cette éventualité est rare [36] ; la forme ganglionnaire arrondie, bien que contestée par certains [37] serait en faveur d’un envahissement métastatique de l’adénopathie. L’examen tomodensitométrique quantitatif dans cette série montre que sa sensibilité diminue et que sa spécificité augmente lorsque le seuil de prise en compte des adénopathies mesurées est élevé. Pour une valeur-seuil de mesure des adénopathies à 15 mm, l’examen TDM était significativement à son meilleur niveau de sensibilité, de spécificité et de prédiction de l’envahissement ganglionnaire. Nous considérons que les adénopathies ne devraient pas être prise en compte à des tailles inférieures dans le cadre du bilan pré-thérapeutique TDM des carcinomes buccaux ou oropharyngés. La détection tomodensitométrique des adénopathies infra-centimétriques altère en effet considérablement la spécificité de cet examen. Les anatomopathologistes découvrent également de nombreuses adénopathies indemnes, de petite taille chez des patients N-. Leur aspect est alors normal, ou le siège d’une adénite banale, qui correspond à une réaction ganglionnaire de surinfection tumorale [38], ou après la réalisation récente de biopsies [31]. La prise en compte des adénopathies à partir de 15 mm à l’examen TDM, a procuré une sensibilité de 80 %, une spécificité de 71 %, une valeur prédictive positive de 67 % et une valeur prédictive négative de 83 %. Ce seuil de mesure à 15 mm fait méconnaître moins de 9 % d’adénopathies en réellement envahies. Ces résultats font de l’examen TDM un examen plus sensible, plus spécifique (significativement) et plus prédictif que l’examen clinique pour l’analyse des aires ganglionnaires, à condition de sensibiliser l’examen TDM par un seuil de mesure des adénopathies. L’extrapolation des résultats a montré qu’à partir d’une taille TDM de 1,35 cm, 50 % des adénopathies étaient envahies (contre 2,5 cm à l’examen clinique), et qu’à partir de 1,65 cm, 50 % présentaient une rupture capsulaire (contre 3,8 cm à l’examen clinique). Cette taille prédictive de la rupture capsulaire devrait être prise en compte comme argument en faveur de la réalisation d’un évidement radical des aires ganglionnaires. De nombreux travaux ont été réalisés afin de définir le meilleur moyen d’analyser les adénopathies dans les cancers buccaux et oropharyngés. La TDM, la plus pratiquée, est pour beaucoup le meilleur examen [39], à la fois sensible et spécifique en technique spiralée [40]. L’analyse des principaux articles publiés comparant l’examen clinique à l’examen TDM montre des résultats en apparence contradictoires. En fait, certains auteurs ne mettent pas en évidence de supériorité de la TDM par rapport à l’examen clinique [21, 41, 42]. Mais, dans ces études, aucune restriction en fonction de la taille des adénopathies n’est effectuée, et toutes les adénopathies visualisées sont comptabilisées. Pour d’autres auteurs [43], les données TDM sont plus prédictives que les données cliniques, à condition que les adénopathies ne soient prises en compte qu’à partir d’une taille (ou d’une surface) donnée. À cette condition sa spécificité devient élevée, et permet d’écarter la majeure partie des adénopathies envahies. Si un examen d’imagerie des aires ganglionnaires est effectué, la TDM doit être choisie. Sa corrélation anatomo-radiologique [44, 45] et la visualisation des 31

O. Malard et al.

hypodensités au niveau des aires ganglionnaires [35] est meilleure que par l’IRM. D’autres articles considèrent qu’IRM et TDM sont des examens équivalents [46] pour l’étude ganglionnaire. Pour certaines équipes, l’échographie des aires cervicales est un examen qui égale la TDM [47], mais repose sur l’expérience du praticien. La recherche de corrélations entre l’envahissement ganglionnaire et le stade tumoral T montre que dans cette série le stade tumoral T et l’envahissement métastatique ganglionnaire N sont deux paramètres statistiquement indépendants. L’envahissement ganglionnaire, dans notre série, n’est pas moindre pour les stades T2 que pour les stades T3 et T4. Cette constatation peut sembler surprenante, pourtant Giacomarra [48] l’a bien montré en 1999 dans une étude portant sur une série de plus de 60 patients atteints de cancers de la bouche et de l’oropharynx. Dans cette étude, il apparaît clairement que le risque de métastases ganglionnaires n’est pas lié à la taille de la tumeur, mais à son grade histologique. L’envahissement ganglionnaire occulte, largement étudié par Umeda en 1998 [25] se révèle aussi fréquent pour les grosses que pour les petites tumeurs, avec le risque supplémentaire de les négliger davantage dans ce dernier cas. Pour ces petites tumeurs buccales ou pharyngées, l’intérêt de l’examen tomodensitométrique réside avant tout dans l’analyse des aires ganglionnaires, alors que le site tumoral peut passer inaperçu à l’imagerie. Pour Rassekh [6], 23 % de ces patients N0 possèdent des adénopathies cliniquement occultes mais histologiquement envahies, et 10 % posséderaient déjà une rupture de la capsule ganglionnaire, qui justifierait théoriquement la réalisation d’un curage radical. Pour ces patients N0, plusieurs équipes insistent sur l’importance de l’imagerie pré-opératoire au niveau des aires ganglionnaires dans la décision thérapeutique [48]. La décision d’une abstention thérapeutique sur les aires ganglionnaires dans le cas de lésions limitées de la cavité bucco-pharyngée requiert deux conditions simultanées : l’absence d’adénopathies à l’examen TDM pré-opératoire [22] et une forme histologique « favorable », c’est-à-dire un grade I ou II, responsable de moindre envahissement ganglionnaire [25] et présentant une meilleure réponse au traitement radiothérapeutique [49]. Chez ces patients, certains proposent la réalisation d’examen anatomo-pathologique extemporané des aires ganglionnaires avant l’exécution de l’évidement ganglionnaire [6].

Conclusion et perspectives L’enjeu thérapeutique des cancers buccaux et oropharyngés repose sur la qualité du diagnostic pré-opératoire. L’examen tomodensitométrique apporte des informations indispensables au clinicien, qui dépassent les possibilités de l’examen clinique, moins précis et moins spécifique. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire apporte de meilleures informations que la tomodensitométrie pour l’étude pharyngée postérieure et pour la région linguale, mais pas pour l’étude des aires ganglionnaires. La tomodensitométrie est particulièrement indispensable pour apprécier l’envahissement osseux et les aires ganglionnaires. Il permet de déceler des adénopathies infra-cliniques, présentes dans près de 30 % des cas. La tomodensitométrie est donc particulièrement incontournable lorsque se pose la question du traitement des aires ganglionnaires, en cas de petite lésion bucco-pharyngée dans les cous N0, et pour décider du type d’évidement cervical à réaliser.

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Bilan pré-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes

Résumé Cette étude a cherché à évaluer rétrospectivement la qualité de l’examen pré-thérapeutique des cancers de la bouche et de l’oropharynx. Quarante dossiers de patients opérés en première intention pour ce type de cancer ont été analysés. La sensibilité de l’examen TDM pour l’analyse du site tumoral était de 82 %. La valeur prédictive de l’envahissement osseux par TDM était de 67 %, contre 22 % pour l’examen clinique (supériorité statistiquement significative). Concernant les aires ganglionnaires, l’examen clinique est apparu à la fois peu apte à prévoir leur envahissement (54 %), et peu apte à prévoir leur absence d’envahissement (56 %). La pertinence de l’examen clinique n’était pas meilleure pour les adénopathies de grosse taille. L’examen TDM était le plus performant, à condition de prendre en compte les adénopathies à partir de 15 mm de diamètre (sensibilité 80 %, spécificité 71 %, valeur prédictive positive 67 % et valeur prédictive négative 83 %). Le seuil d’envahissement métastatique de 50 % des adénopathies se situait à 2,5 cm pour l’examen clinique et à 1,35 cm pour l’examen TDM. L’examen clinique couplé à celui de l’examen TDM n’était pas statistiquement plus performant que celui de l’examen TDM seul. Lorsque l’examen clinique des aires ganglionnaires était négatif, 30 % des adénopathies étaient en fait histologiquement envahies, alors que seulement 9 % l’étaient en cas d’examen TDM négatif. Enfin, la taille de la tumeur buccale ou oropharyngée n’apparaît pas être une composante pronostique de l’envahissement ganglionnaire, qui dépend avant tout du grade histologique des tumeurs.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 37-42

Intérêt de l’imagerie par tomodensitométrie dans l’exploration de l’envahissement mandibulaire des cancers oropharyngés Emmanuel BABIN1, Éric EDY1, André VALDAZO1, Vincent LEMARCHAND2, Jean-Pierre RAME2, Dominique DE RAUCOURT2, Éric CHESNAY3, François COMOZ4, Michèle HAMON5 Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale du CHU1 et du CAC2 de Caen, Service de médecine nucléaire du CHU de Caen3, Service d’anatomopathologie du CHU de Caen4, Service de neuroradiologie du CHU de Caen5, avenue Côte-de-Nacre, 14000 Caen, France

Les cancers de l’oropharynx c’est-à-dire localisés à la base de la langue, à la loge amygdalienne, aux piliers de l’amygdale, au palais mou et aux parois pharyngées latérales et postérieures représentent environ 7 000 nouveaux cas par an en France [1]. Le diagnostic des carcinones épidermoïdes T3 (tumeur de plus de 4 cm dans sa plus grande dimension) et T4 (tumeur envahissant des structures adjacentes ; muscles ptérygoïdiens, mandibule, palais dur, muscles profonds de la langue, larynx) de cette région pose peu de difficultés cliniques. Une des caractéristiques des tumeurs oropharyngées est de jouxter l’os mandibulaire. L’appréciation de l’envahissement osseux, estimé entre 11 et 39 % [2-5] est souvent source d’erreur. Comme la nécessité d’un geste chirurgical carcinologique impose une distance de sécurité entre la tumeur et les tissus sains d’au moins un centimètre [6], l’oropharyngectomie est bien souvent associée à une hémimandibulectomie suivie d’une radiothérapie complémentaire. L’objectif de notre travail est d’évaluer l’intérêt de l’imagerie médicale par tomodensitométrie (TDM) pour préciser l’invasion de la mandibule dans cette pathologie néoplasique de l’oropharynx.

Population et méthode Il s’agit d’une étude rétrospective menée chez vingt et un patients hospitalisés dans les services d’ORL du CHU et du CAC. Tous les patients ont bénéficié d’une TDM cervico37

E. Babin et al.

faciale avec injection de produit de contraste avant l’opération. Les auteurs ont retenu tous les dossiers où existait un contact voire une lyse osseuse entre la tumeur et l’os mandibulaire. Tous ces patients ont subi une oropharyngectomie avec hémimandibulectomie. Les résultats de l’examen tomodensitométrique sont comparés aux résultats histologiques effectués sur la pièce d’exérèse.

Résultats Cette chirurgie concernait 17 hommes et 4 femmes. Le point de départ lésionnel était l’amygdale dans 15 cas et la base de langue dans 6 cas. La classification TNM retrouvait quatre T3 et dix-sept T4. Le Tableau I compare les résultats tomodensitométriques à ceux de l’anatomopathologie. Tableau I. Comparaison tomodensitométrie-anatomopathologie. TDM+ (lyse mandibulaire)

TDM(pas de lyse mandibulaire)

Histologie + (mandibules envahies)

4

1

Histologie + (mandibules saines)

1

15

La sensibilité de la TDM est calculée à (4/5) 80 % et sa spécificité à (15/16) 94 %. Le taux de faux positif est égal à (1/5) 20 % et le taux de faux négatif à (1/16) 6 %.

Discussion L’appréciation de l’envahissement de la mandibule au cours d’un cancer de l’oropharynx peut être appréciée par l’examen clinique ou radiologique.

L’examen clinique À l’inspection de la cavité bucco-pharyngée, l’existence d’une paralysie du nerf hypoglosse à l’origine d’une diminution de la protraction linguale, et la présence d’un trismus sont des éléments en faveur d’une infiltration locorégionale de la tumeur oropharyngée [7]. La palpation bidigitale du plancher de la bouche et de la région oropharyngée donne des informations sur l’adhérence de la tumeur à la mandibule. Dans une étude rétrospective de 43 dossiers de tumeurs des cavités bucco-oropharyngées avec 11 envahissements mandibulaires, cet examen clinique a une sensibilité de 81 % (9/11). Cette appréciation clinique est à l’origine d’un nombre important de faux positifs [8] évalués à un cas sur trois [3] voire 40 % (6/15) [7].

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Imagerie par tomodensitométrie et envahissement mandibulaire des cancers oropharyngés

La radiographie standard avec le panoramique dentaire Cet examen recherche une lyse osseuse visualisée par une solution de continuité de la corticale de l’os. Sa sensibilité est estimée à 63 % (7/11), sa spécificité égale 96 % (31/32) et son nombre de faux positifs est de 12 % (1/8) [7].

La scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse au Technétium Tc99m a surtout été utilisée au début des années 80 [9]. La sensibilité de cet examen est supérieure à celle du panoramique dentaire [9]. Le nombre de faux positifs égal à 50 % (3/6) pour Gilbert constitue un frein à son utilisation [2]. Cette technique d’exploration ne permet pas de différencier inflammation, infection ou envahissement tumoral.

La tomodensitométrie faciale (TDM) La TDM constitue un bon examen pour apprécier l’envahissement de la corticale osseuse [1, 8]. À l’heure actuelle, il apporte le meilleur rapport bénéfice/coût [1]. La découverte d’une lyse osseuse est fortement évocatrice de l’invasion tumorale de l’os. Sa sensibilité est calculée à 92 % (11/12) [7]. Elle n’est que de 80 % dans notre série (4/5). La spécificité de la TDM varie de 94 à 96 % [3, 7, 10]. Le nombre de faux négatifs est inférieur à 15 % [3, 7] mais avec un nombre de faux positifs entre 8 % et 53 % [3, 7]. Ce chiffre est de 20 % (1/5) dans notre étude. Le manque de reproductibilité dans la technique tomodensitométrique utilisée dans ces différents travaux explique la grande variabilité de ces résultats. En effet certains résultats sont basés sur une analyse de coupes épaisses effectuées sans algorithme osseux. Dans notre série, l’acquisition a été réalisée en mode spiralé avec des coupes fines de 3 mm d’épaisseur reconstruites tous les 1,5 mm, en algorithme osseux et parties molles, afin de permettre une analyse précise de la corticale osseuse. L’évaluation de l’atteinte du rebord alvéolaire constitue une des difficultés de la TDM, et se révèle une source d’erreur dans l’appréciation de l’invasion mandibulaire. Enfin, les artéfacts d’origine dentaire peuvent gêner l’évaluation de la corticale osseuse en TDM.

La résonance magnétique nucléaire (IRM) La plupart des auteurs s’accordent sur la supériorité de l’IRM sur la TDM pour dépister un envahissement de la médullaire de l’os mandibulaire [4, 8, 11, 12]. En effet, l’IRM, en raison de son excellente résolution en constraste fournit une analyse précise de l’extension tumorale au sein des parties molles. En ce qui concerne l’évaluation de l’invasion mandibulaire elle permet de détecter un envahissement de la médullaire osseuse en montrant en pondération T1, un remplacement de l’hypersignal graisseux normal par une zone en hyposignal. Cet examen jouit d’une sensibilité minimale égale à 66 % (2/3) [11] et maximale de 100 % [4]. En revanche, sa spécificité est médiocre égale à 40 % pour Chung [4]. Ce résultat est dû au nombre important de faux positifs calculé jusqu’à 73 % [4]. En effet, les atteintes infectieuses ou inflammatoires d’origine dentaire peuvent présenter exactement les mêmes caractéristiques de signal qu’une tumeur. Ainsi, selon Chung, seul un examen IRM négatif est fiable [4]. En résumé, l’ensemble des investigations cliniques et paracliniques pour juger l’envahissement de la mandibule dans les cancers de l’oropharynx a une sensibilité variant de 66 % à 100 %, une spécificité supérieure à 90 %, un nombre de faux négatifs (exception faite de l’examen clinique) inférieur à 15 %. Le problème principal réside dans le nombre 39

E. Babin et al.

de faux positifs calculé de 8 % à 73 % et à l’origine de l’exérèse d’un nombre non négligeable de mandibules saines. La place d’autres explorations comme la TEP est encore d’ordre expérimental.

La tomographie par émission de positons (TEP) La TEP utilisant le 18fluoro-déoxy-glucose (18FDG) est une technique d’imagerie fonctionnelle nucléaire. Cette technique nécessite des installations lourdes : cyclotron pour la production du 18FDG et caméra TEP dédiée pour la réalisation des images. Le principe de l’utilisation du 18FDG en cancérologie est le suivant : – la cellule cancéreuse est caractérisée par une glycolyse accrue, liée à une augmentation de l’expression des transporteurs transmembranaires du glucose et à une augmentation de l’activité des principales enzymes glycolytiques ; – le déoxyglucose (analogue du glucose) et le 18FDG pénètrent dans la cellule par transport actif mettant en jeu des transporteurs du glucose, principalement GLUT 1, dans les cellules tumorales ; – l’hexokinase, première enzyme glycolytique, permet la phosphorylation du FDG en FDG-6P. Mais contrairement au glucose, le 18FDG n’est pas un substrat pour la glucose6-isomérase et il reste donc piégé dans la cellule et s’y accumule ; – le 18fluor émet un positon (β+) qui va s’annihiler avec un électron en émettant deux photons γ de 511 keV, diamétralement opposés. C’est la détection simultanée de ces 2 photons qui permet de réaliser l’image de la fixation du 18FDG. Actuellement l’utilisation de la TEP reste limitée au bilan d’extension des cancers des voies aéro-digestives supérieures et à la recherche des métastases [13]. Dans notre étude, un parmi nos vingt et un patients, porteur d’un cancer oropharyngé au contact de la mandibule a bénéficié de cet examen. La concentration de 18FDG est massive au centre de la tumeur et s’atténue en périphérie vers la mandibule (Figure 1). Ce patient a comme les autres bénéficié d’une oropharyngectomie avec hémimandibulectomie. Sur le compte rendu histologique définitif la distance entre la tumeur et l’os mandibulaire était supérieure à un centimètre. La TEP est reconnue pour avoir une sensibilité et une spécificité meilleure que la TDM et l’IRM [13]. Toutefois, cette spécificité n’est pas absolue puisque les tissus inflammatoires ou infectés fixent également le 18FDG. Elle ne supplante pas ces examens actuellement en raison de son défaut de résolution anatomique. Le couplage TDM/TEP doit permettre le contournement de cette difficulté.

Conclusion La TDM est actuellement le meilleur examen pour dépister l’envahissement de la corticale mandibulaire. La lyse osseuse massive traduit une invasion tumorale et doit faire proposer une oropharyngectomie avec une hémimandibulectomie. En cas de doute sur l’existence d’un envahissement, fidèle aux recommandations de Ward de 1951, le sacrifice osseux est recommandé. La conservation mandibulaire est proposée si la distance entre la tumeur et l’os est au minimum d’un centimètre (Ward). Cette attitude doit évoluer car un nombre non négligeable de mandibules saines histologiquement sont enlevées. Dans le but d’améliorer les fonctions et de préserver l’apparence des individus, notre recherche actuelle doit s’orienter vers une réduction des oropharyngectomies avec hémimandibulectomie. La place du Pet scan couplé à la TDM faciale représente une de ces voies de recherche. 40

Imagerie par tomodensitométrie et envahissement mandibulaire des cancers oropharyngés

Figure 1. TDM faciale et TEP au 18FDG* du patient no 20, porteur d’un cancer de l’oropharynx au contact de la mandibule.

Résumé Objectif : Les auteurs se proposent d’évaluer l’intérêt de l’imagerie médicale par tomodensitométrie (TDM) pour préciser l’invasion de la mandibule en présence d’un cancer T3 ou T4 de l’oropharynx (tumeur de la loge amygdalienne, tumeur de la base de langue). Méthode : Étude rétrospective de vingt et un cancers oropharyngés T3 et T4 opérés par oropharyngectomie avec hémimandibulectomie. Les auteurs ont retenu uniquement les dossiers où existait un contact entre la tumeur et l’os mandibulaire. Les résultats de l’examen tomodensitométrique sont comparés aux résultats histologiques effectués sur la pièce d’exérèse. Résultats : La sensibilité de la TDM est calculée à (4/5) 80 % et sa spécificité à (15/16) 94 %. Le taux de faux positif est égal à (1/5) 20 % et le taux de faux négatif à (1/16) 6 %. Conclusion : La découverte d’un contact entre la tumeur et la mandibule à la TDM ne permet pas de déterminer avec certitude l’envahissement osseux. La place d’autres examens comme la TEP plus ou moins associée à la TDM reste à évaluer pour préciser au mieux les limites de la tumeur et diminuer le nombre de faux positifs.

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E. Babin et al.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 43-49

Facteurs de pronostic s’agissant du cancer de l’oropharynx Francisco GALLEGOS1, Hector CORTES2, Sonia LABASTIDA3, Jaime RESENDIZ1, Fernando GRANADOS1, Sinuhé BARROSO1, Fernando GOMEZ1, Felipe TORRES1, Sergio RODRIGUEZ1 Département de chirurgie de la tête et du cou1, de radiothérapie2 et de statistique3, Hospital de Oncologia CMN IMSS, Avenida Cuauhtémoc 330, Col. Doctores, Mexico, DF Mexique 06725

Le cancer de l’oropharynx est peu fréquent parmi la population mexicaine puisqu’il ne représente que 0,6 % de l’ensemble des tumeurs [1], proportion que l’on retrouve un peu partout en Amérique latine sauf en Argentine où il représente 21,5 % des cancers de VADS [2]. On l’associe couramment à la consommation de tabac et d’alcool avec laquelle il existe une relation de cause à effet [3-5]. Du fait que la symptomatologie est peu alarmante au début et qu’il s’agit d’une maladie qui se présente surtout chez les grands buveurs, les patients ont tendance à se rendre tardivement chez leur médecin pour une première consultation, et le diagnostic s’effectue alors sur une maladie déjà bien avancée [6]. On traite habituellement le cancer de l’oropharynx soit exclusivement par la radiothérapie soit par une intervention chirurgicale suivie de radiothérapie ; il n’en reste pas moins que ces traitements ne débouchent sur la guérison que dans 15 à 40 % des cas [6-9] avec un résultat fonctionnel qui laisse à désirer. Le pronostic dépend plus de la localisation de la tumeur et de son stade de développement que du type de traitement ou de l’étendue de l’intervention chirurgicale [4, 7, 10, 11].

Objectif L’objectif de cette étude est de mettre en évidence les facteurs de pronostic qui peuvent influencer la survie et le suivi des patients atteints de cancer de l’oropharynx et d’analyser les résultats obtenus avec radiothérapie pendant une période de 10 ans à l’Hôpital d’Oncologie.

43

F. Gallegos et al.

Matériel et méthode Une analyse rétrospective a été effectuée sur une période de 10 ans, sur un total de 70 patients consécutifs soumis à un traitement de radiothérapie conventionnelle à l’Hôpital d’Oncologie dépendant de la Sécurité Sociale, à Mexico. Les étapes du traitement des patients ont été définies en fonction de la classification de la AJCC et de la UICC [12] de 1992. Au début du traitement, tous les patients ont été soumis à la radiothérapie (RT) ; 64 ont été exclusivement soignés par ce moyen, tandis que pour 4 patients, ce traitement s’associait à la chimiothérapie et que seulement 2 patients étaient soumis à une intervention chirurgicale ultérieure en raison de la résistance des tumeurs. Les doses RT-tumeur varient entre 3 500 et 8 600 rads, c’est-à-dire 6 625 rads en moyenne et la dose-ganglion atteint de 3 500 à 6 500 rads soit 5 587 rads en moyenne. La moyenne de protraction est de 25 jours. La localisation de la tumeur : on a ainsi défini les localisations suivantes : amygdales, voile du palais, base de la langue, paroi latérale et postérieure. Les variables étudiées sont la localisation anatomique de la tumeur, le TNM de la tumeur au moment du diagnostic, le degré histologique et les caractéristiques macroscopiques de la tumeur (bourgeonnante ou ulcéreuse). La survie des patients est évaluée grâce à la méthode Kaplan-Meier.

Résultats L’étude concerne 70 patients dont la moyenne d’âge est de 62 ans, parmi lesquels 19 femmes et 51 hommes (soit une proportion de 2,6:1). Localisation de la tumeur : 35 patients présentent des tumeurs situées sur la base de la langue (50 %), 24 patients sur les amygdales (34,2 %). Le Tableau I fait apparaître la répartition des patients en fonction de la localisation des tumeurs. Tableau I. Répartition de patients en fonction de la localisation des tumeurs. Localisation

N (%)

Base de langue

35 (50)

Amygdale

24 (34,2)

Voile du palais

8 (11,4)

Parois postérieur

3 (4,2)

Total

70

Caractéristiques des tumeurs : 38 tumeurs ulcéreuses-infiltrantes et 32 tumeurs bourgeonnantes. La répartition en fonction de l’état des tumeurs apparaît sur la Figure 1. La plupart des patients (81 %) ont été diagnostiqués T3 ou T4 au moment du diagnostic alors que seuls 12 % d’entre eux étaient classés T1 ou T2. Quinze patients (soit 21 %) sont N0 et 55 (soit 78 %) N(+) ; 23 sur 70 (soit 32,9 %) sont N3 (Figure 2). 44

Facteurs pronostiques du cancer de l’oropharynx

Figure 1. Répartitions de tumeurs en fonction du « T ».

Figure 2. Métastases ganglionnaires au moment du diagnostic.

On a pu contrôler le développement local des tumeurs chez 33 patients seulement (soit 47,1 %), tandis que 53 % des patients présentaient des tumeurs persistantes après le traitement, soit sur le site primaire soit dans le cou. Le plus fort taux de réponse se présente au niveau local puisque 37 des 70 patients ont répondu complètement au traitement local (53 %) ; il faut toutefois préciser que 44 % des tumeurs sont réapparues pendant la première année de traitement. Neuf patients (soit 13 %) sont morts des suites du traitement, soit par infection soit en raison de complications. Complications : 62 des 70 patients (soit 89 %) ont présenté une complication secondaire due au traitement ; la plus fréquente reste la dysphagie (67,2 %), suivie par la mucite (37,1 %) et l’ostéoradionécrose (8,6 %). Pour 29/92 (46 %) des patients, la complication a pu être médicalement contrôlée. Quarante-sept patients ont présenté une dysphagie due au traitement, 13 (soit 19 %) d’entre eux n’ont pas retrouvé leur capacité de déglutition et ont dû être équipés de sondes nasogastriques ou gastrotomie permanentes ; 53 patients (soit 75 %) ont récupéré leur capacité de déglutition au bout d’une période de 1 à 3 mois. La survie dans les 5 ans est de 28 % pour l’ensemble du groupe. La moyenne de survie est de 9,5 mois, la cause la plus fréquente des décès se devant à la récurrence locale qui se présente dans 44 % des cas, tandis que les métastases à distance se présentent chez 3 % des patients. 45

F. Gallegos et al.

Les facteurs qui permettent un pronostic optimiste statistiquement mesurable sont : la localisation des tumeurs sur les amygdales et tumeurs peu développées (T1 et T2). Le taux de survie et sa signification statistique figurent dans le Tableau II. Tableau II. Facteurs de pronostic. Facteur pronostique

Survie 5 ans

p

T1 et T2

58 %

0,0025

T3 et T4

21 %

Amygdale

43 %

Autre localisation

24 %

< 0,0025

Discussion La faible symptomatologie au début de la maladie et les retards éventuels du traitement [6] font que les patients atteints de CAO se présentent lorsque la maladie est déjà bien avancée. C’est le cas de 81 % des patients étudiés ici, ce qui limite les possibilités de guérison. Malheureusement, le pronostic concernant les patients atteints de cancer avancé de la tête et du cou est pessimiste puisque leur survie sur une durée de 5 ans dépasse rarement 15 % [13]. En ce qui concerne le cancer de l’oropharynx, le pronostic dépend de l’état de développement de la maladie et de la localisation des tumeurs. Les patients atteints de tumeurs des amygdales ont de meilleures chances de survie en raison de la bonne réaction à la radiothérapie constatée. S’agissant des étapes I et II, la survie est de 61 % à 83 %, tandis qu’aux étapes III et IV, elle tombe à 60 % et 21 % respectivement [11, 13, 14] ; il semble donc que le traitement le plus efficace soit la radiothérapie, puisqu’en effet les résultats obtenus par l’association radiothérapie-chirurgie ne montrent aucune amélioration du contrôle local de la maladie ni des chances de survie [15, 16]. Il existe cependant une catégorie de patients atteints de tumeurs des amygdales pour lesquels le pronostic est moins favorable ; il s’agit des patients dont les tumeurs atteignent le pilier amygdalien antérieur ou postérieur [17]. Chez ces patients, la survie dans les 5 ans est de 54 %. En raison des mauvais résultats obtenus par le traitement standard, plusieurs groupes ont été soumis à un traitement associant radiothérapie et chimiothérapie ; on constate une très légère amélioration de la survie dans les 5 ans (elle passe de 51 à 55 %) [18, 19], tandis que la réponse complète au niveau local passe de 36 à 70 % [18, 20, 21]. La radiothérapie accélérée fait apparaître une augmentation des complications et en particulier des mucites et peu de différence en ce qui concerne le contrôle au niveau local et les chances de survie [22-24]. La chimiothérapie néoadjuvante a récemment montré une amélioration des résultats du traitement [25] ; l’étude du GETTEC montre en effet que les patients traités à l’aide de la chimiothérapie néoadjuvante basée sur le cisplatine et 5-FU ont survécu plus longtemps que ceux qui n’avaient pas été soumis à la chimiothérapie [26]. Cependant, la méta-analyse de Pignon et al. [27] qui concerne 63 tests et plus de 10 000 patients atteints de cancer de la tête et du cou montrent que bien qu’il existe une amélioration en ce qui concerne la survie des patients traités à l’aide de la chimiothérapie néoadjuvante (4 % de plus sur 5 ans), cette amélioration est si légère qu’on ne peut considérer la chimiothérapie néoadjuvante comme un traitement standard et qu’il est nécessaire d’évaluer ses résultats grâce à des 46

Facteurs pronostiques du cancer de l’oropharynx

essais cliniques comprenant l’évaluation de la qualité de vie des patients du rapport avantages/inconvénients de ce traitement. Dans notre étude, les résultats obtenus par la radiothérapie conventionnelle sur les cancers avancés de l’oropharynx sont mauvais s’agissant du groupe de patients atteints de tumeurs situées hors de la région des amygdales ; les facteurs qui jouent favoralement sur la survie des patients sont la localisation dans la région amygdalienne et le diagnostic précoce. Pour les patients atteints de tumeurs qui s’étendent au-delà de l’oropharynx ou au-delà de la région amygdalienne, il faut envisager un protocole de traitement comprenant la chimiothérapie néoadjuvante.

Résumé Le cancer de l’oropharynx se présente rarement au Mexique, puisqu’il ne représente que 0,6 % des tumeurs identifiées. Les alternatives quant à son traitement sont la radiothérapie ou encore un traitement combinant à la fois la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie. Le pronostic dépend de l’étape de la tumeur et de l’état anatomique d’origine. Objectif : reconnaître les facteurs de pronostic chez les patients atteints d’un cancer de l’oropharynx (CAO), sous traitement radiothérapeutique à l’Hôpital d’Oncologie du Mexique. Matériel et méthode : analyse rétrospective d’historique médical des patients atteints de CAO et traités à l’Hôpital d’Oncologie au cours des 10 dernières années. Les variables examinées par les chercheurs sont : localisation anatomique d’origine, T, N et caractéristiques de la tumeur. La survie à 5 ans a été calculée en employant la méthode de Kaplan-Meier. Résultats : 70 patients d’une moyenne d’âge de 62 ans ont été examinés, parmi lesquels 19 femmes et 51 hommes. Localisation des tumeurs : 24 amygdales, 35 bases de langue, 8 voiles du palais et 3 parois postérieure et latérale. Trente-deux tumeurs se sont révélées bourgeonnantes, 38 ulcéro-infiltrantes, 81 % présentaient un T3 ou T4 et 18 % un T1 ou T2. Traitement : 64 ont été traités par RT, 2 par une combinaison RT/chir. et 4 par une combinaison chimio-RT ; en moyenne la dose employée a été de 5,625 rads. Le contrôle loco-régional a été atteint chez 35 malades (50 %), la mortalité consécutive au traitement est de 12,9 %, la survie globale atteint 28 % avec une moyenne de 9,5 mois. La cause de mortalité la plus fréquente est la récidive loco-régionale (44 %), les métastases systématiques ne se sont présentées que chez 3 % des patients. Le problème consécutive au traitement la plus fréquente est due à la dysphagie (66 %) qui entraîne le recours à une sonde naso-gastrique dans 18 % des cas. Parmi les patients ayant présenté une récidive des tumeurs, seuls 48 % ont été candidats à une tentative de traitement. Les variables de pronostic significatives du point de vue statistique en ce qui concerne la survie ont été les suivantes : étape (T1-T2 versus T3-T4 ; 58 % versus 21 %, p = 0,0025) et tumeur localisée sur les amygdales versus autres localisations (43 % versus 24 %, p = 0,0025). Conclusion : la plupart des malades atteints de CAO soignés à l’hôpital se présentent lorsque la maladie est déjà fort avancée. Le pronostic reste pessimiste. Les facteurs qui jouent sur le pronostic sont : étape et localisation. L’état ganglionnaire clinique n’a pas été un facteur de pronostic au niveau statistique.

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F. Gallegos et al.

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Facteurs pronostiques du cancer de l’oropharynx 24. Magne M, Marcy PY, Chamorey F, Guardiola E, Pivot X, Schneider M, Demand F, Bensadoun RJ. Concomitant twice-a-day radiotherapy and chemotherapy in unresectable head and neck cancer patients : a long-term quality of life analysis. Head and Neck 2001 ; 23 : 678-82. 25. Calais G, Alfonsi M, Bardet E et al. Stage III and IV cancers of the oropharynx : results of randomized study of Gortec comparing radiotherapy alone with concomitant chemotherapy. Bull Cancer 2000 ; 87 (no spécial) : 48-53. 26. Domenge C, Hill C, Lefebvre JL, De Raucurt D et al. Randomized trial of neaodjuvant in oropharyngeal carcinoma. French Groupe d’Étude des tumeurs de la Tête et du Cou (GETTEC). Br J Cancer 2000 ; 83 : 1594-8. 27. Pignon JP, Bourhis J, Domenge C, Designe L. Chemotherapy added tomolocoregional treatment for head and neck squamous-cell carcinoma : three meta-analyses of updated individual data. Lancet 2000 ; 355 : 949-55.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 51-54

Carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx classés N0 : peut-on limiter le traitement des aires ganglionnaires cervicales ? Pierre-Olivier VÉDRINE1, Laurent COFFINET1, Michel LAPEYRE2, Gilles DOLIVET2, Bruno TOUSSAINT1, Christophe BODINO1, Philippe HENROT2, Lionel GEOFFROIS2, Marie-Christine KAMINSKY2, Claude SIMON1 1

Service d’ORL, Hôpital Central, 29, avenue du Maréchal de Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy Cedex, France Centre de Lutte contre le Cancer, Centre Alexis-Vautrin, 6, avenue de Bourgogne, 54500 Vandœuvre-les-Nancy, France

2

Dans les carcinomes épidermoïdes (CE) de l’oropharynx, la place du traitement des aires ganglionnaires cervicales est essentielle (chirurgie, radiothérapie externe (RTE), chirurgie + RTE). Le but de l’étude a été d’évaluer l’atteinte ganglionnaire histologique des patients N0 opérés d’un CE de l’oropharynx T1-T4 en fonction de l’extension initiale, ceci afin de tenter d’optimiser le traitement cervical.

Matériel et méthode Cette étude rétrospective a porté sur 30 patients sans antécédent carcinologique, tous opérés sur T et N à visée curative entre 1995 et 2000 dans le service ORL de l’Hôpital central et au Centre Alexis-Vautrin. Il s’agissait dans tous les cas de carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx, quel que soit T, N0 clinique et scanographique (ganglion < 12 mm dans le groupe II, < 10 mm dans les autres groupes) [1]. Le statut tumoral était : 4 T1, 11 T2, 6 T3, 9 T4. Les localisations tumorales étaient : 19 parois latérales, 7 vallécules et/ou bases de langue, 2 voiles, 2 commissures inter-maxillaires. Il y avait 4 femmes et 26 hommes, d’âge moyen 57 ans (37-77). Le sexe ratio était de 1 pour 8. 51

P.O. Vedrine et al.

L’ensemble des ganglions prélevés a été analysé groupe par groupe selon la classification de Robbins [2].

Résultats Résultats carcinologiques La survie globale selon Kaplan Meyer était de X à 2 ans, et 67 % à 4 ans. 9 patients sur 30 (30 %) sont décédés : - 2 de cause extra-carcinologique (arrêt cardiaque à J3 et cachexie à 6 mois). - 7 de cause carcinologique (récidive locale ou 2e localisation ou métastase). Le taux de récidive locale était de 3/30 (10 %) : il s’agissait d’1 T4 de la loge amygdalienne, 1 T4 de la base de langue, 1 T2 du pilier antérieur. Aucune récidive ganglionnaire n’a été observée. Seul un patient a eu des métastases osseuses et pulmonaires. Le taux de deuxième localisation était de 13 % (4/30) : 2 cancers de l’œsophage, 1 cancer de l’oropharynx, 1 cancer du larynx.

Analyse ganglionnaire Le taux de N+ était de 6/30 (20 %). Sur les 6 patients N+ il existait : 5 N+ homolatéraux (16 %) et 1 N+ controlatéral (3 %). Sur les 5 patients N+ du côté homolatéral il y avait 3 N+ en rupture capsulaire au niveau du groupe II, 1 N+ sans rupture capsulaire au niveau du groupe III et N+ avec rupture capsulaire au niveau des groupes II, III et IV. Les localisations tumorales étaient situées dans 3 cas au niveau des vallécules, dans 1 cas au niveau de la base de langue, dans 1 cas au niveau du pilier antérieur de l’amygdale. Le patient N+ sans rupture capsulaire du côté contro-latéral à la tumeur présentait une tumeur centrée sur la vallécule-base de langue, jouxtant la ligne médiane (groupe II). Au total, sur 6 patients N+ il y avait 2 T2, 2 T3, 2 T4. Le taux de N+ pour les T1 - T2 était de 2/15 et pour les T3 - T4 de 4/15 (p non significatif).

Discussion Dans la littérature, quel que soit le statut TN du carcinome oropharyngé, il n’existe aucun standard thérapeutique [3]. À l’exception de certaines tumeurs classées T1 N0, le traitement systématique des aires ganglionnaires est recommandé. Dans notre étude, aucun T1 n’a eu de N+ mais nous ne rapportons que 4 patients T1 dans la série. L’examen scanographique (TDM cervical) est aujourd’hui indispensable dans le cadre du dépistage des adénopathies (rétro-pharyngées). Il complète l’examen clinique dans la stadification du N. Alors qu’il est très spécifique pour les adénopathies de plus de 20 mm de diamètre, sa spécificité n’est que de 13 % pour les adénopathies de 5 mm [4]. Cependant, cet examen complémentaire n’est pas suffisant pour dicter à lui seul la conduite à tenir au niveau ganglionnaire. 52

Carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx

Dans notre série, le taux de métastases ganglionnaires occultes est de 20 % (6/30). Ce chiffre est comparable aux données de la littérature [5]. Il semble être lié au statut T (26 % pour les T3 T4, versus 13 % pour les T1 T2) et doit impérativement être pris en compte dans l’attitude thérapeutique initiale, le taux de survie étant corrélé au contrôle ganglionnaire [6]. Ce risque ganglionnaire est surtout homolatéral (16 % versus 3 %). Dans la littérature le risque d’adénopathie occulte semble lié au stade tumoral, au site tumoral et à l’épaisseur tumorale [7, 8]. Dans notre série, le faible effectif ne permet pas de dégager un site pronostic. Cependant, une tumeur médiane doit faire discuter un traitement contro-latéral. Ces critères pourraient, dans certaines situations, faire discuter une limitation du traitement ganglionnaire qu’elle soit chirurgicale ou radiothérapique : curage limité au premier relais, absence de curage, volume d’irradiation limité. En effet, à résultat carcinologique identique, la prise en compte dans la décision thérapeutique des effets indésirables du traitement et les facilités de prise en charge d’une éventuelle seconde localisation sont des critères à ne pas négliger.

Conclusion Nous devons rester prudents dans les conclusions compte tenu du faible effectif. En fonction de certains critères, comme par exemple le statut tumoral initial ou la localisation de T, nous posons la question d’une éventuelle limitation du traitement des aires ganglionnaires. Le niveau II est le plus souvent atteint et doit en cas de curage toujours faire partie du traitement de principe. Les niveaux III et IV sont inconstamment atteints, le niveau V jamais touché. Les propositions à discuter pourraient être les suivantes : - Tumeur T1 N0 : surveillance ganglionnaire ? - Tumeur T2 N0 latéralisée : curage homolatéral des niveaux II, III et IV et si N- histologique pas de radiothérapie ? - Tumeur T3 T4 N0 : curage bilatéral. Si N- histologique, radiothérapie limitée au lit opératoire et aux groupes II.

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IV Radiothérapie et chimiothérapie dans les carcinomes de l’oropharynx

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 57-71

Radiothérapie exclusive dans le traitement des carcinomes précoces de la région amygdalienne : à propos de 95 cas Olivier CUISNIER1, Christian RIGHINI1, Michel BOLLA2, Marc COLONNA2, Émile REYT1 1 Service d’ORL, 2 Service de radiothérapie, CHU de Grenoble, BP 217, 38100 Grenoble Cedex 09, France.

Les lésions précoces de l’oropharynx sont des lésions de bon pronostic. Fletcher [1] a montré dans les années 1970 l’intérêt de l’irradiation exclusive pour ce type de lésion en termes de contrôle local et de survie. La chirurgie, traitement plus « mutilant » étant dès lors réservée aux échecs de la radiothérapie ou aux lésions avancées [2]. Une précédente étude rétrospective sur les résultats de ces rattrapages, nous a montré les limites de cette chirurgie en terme de résultats carcinologiques, avec une survie à 5 ans inférieure à 20 % [3]. Il nous est donc apparu nécessaire de préciser les indications de la radiothérapie exclusive pour limiter les situations d’échecs. Nous présentons une étude rétrospective de 95 dossiers traités au CHU de Grenoble sur une période de 15 ans.

Matériel et méthode Population Nous présentons une série de 95 patients traités sur une période de 15 ans, entre 1982 et 1997 par radiothérapie exclusive pour des carcinomes précoces de la région amygdalienne. Les critères d’inclusion étaient : un diagnostic confirmé histologiquement de carcinome épidermoïde, une lésion classée T1 ou T2, une absence d’extension métastatique viscérale clinique et radiologique (classement M0). Les localisations retenues pour l’étude étaient : la loge amygdalienne (fosse, piliers antérieur et postérieur), le sillon amygdaloglosse, la 57

O. Cuisnier et al.

base de langue et la zone de la jonction, le trigone rétro-molaire et la commissure intermaxillaire. Les autres localisations de l’oropharynx, en particulier le voile, ont été exclues. Nous avons exclu les patients avec des lésions classées T3 ou T4, les stades d’emblée métastatiques M1, ainsi que les localisations multiples au moment du diagnostic. Nous avons aussi exclu les patients n’ayant pas eu un des schémas d’irradiation thérapeutique complet. Toute chimiothérapie (néoadjuvante ou concomitante), toute chirurgie sur la tumeur ou un antécédent de cancer dans les 5 dernières années excluaient les patients. Les 95 patients inclus (84 hommes pour 11 femmes) étaient âgés de 57,9 ans en moyenne (36-78). On dénombrait 95 % de patients tabagiques (> 20 paquets année) et 91 % avouaient une consommation alcoolique régulière.

Lésion tumorale Il s’agissait dans 89 cas d’un carcinome épidermoïde plus ou moins bien différencié et dans 6 cas d’un carcinome « basaloïde ». Ces carcinomes étaient bien différenciés dans 60 cas, moyennement différenciés dans 21 cas et peu différenciés dans 14 cas. L’aspect macroscopique était le plus souvent bourgeonnant ou ulcéré. On retrouvait 32 aspects bourgeonnants, 5 ulcéro-bourgeonnants, 16 ulcéro-infiltrants, 12 ulcérants purs, et 12 infiltrants purs. Dans les 18 derniers cas l’extension était superficielle et serpigineuse. La lésion était localisée à gauche dans 52 cas et à droite dans 43 cas. La loge amygdalienne était la localisation la plus fréquente (57 cas soit 60 %) avec 14 amygdales pures, 14 piliers antérieurs, 6 piliers postérieurs et 23 loges complètes. Le sillon amygdalo-glosse représentait 18 cas, la base de langue 14 cas, la zone de la jonction 2 cas, le trigone rétromolaire 3 cas et la commissure intermaxillaire 1 cas. La classification TNM est représentée Tableau I. Chez les 34 patients classés N1 ou plus, on dénombrait 36 adénopathies cliniques et radiologiques homolatérales à la lésion, et seulement 3 territoires contrôlatéraux envahis. Le territoire II (sous-digastrique) homolatéral regroupait 72 % des localisations métastatiques au moment du diagnostic. Il faut noter qu’un seul patient a présenté une atteinte cervicale exclusivement controlatérale. Toutes les métastases ganglionnaires controlatérales correspondaient à des lésions étendues à la base de langue. Tableau I. Répartition TN des patients selon la classification TNM de 1997. Selon la classification TNM de l’UICC de 1997, une lésion T1 mesure moins de 2 cm dans son plus grand axe, une lésion T2 est supérieure ou égale à 2 cm et inférieure à 4 cm. T/N

N0

N1

N2

N3

Total

T1

18

3

6

2

29 (31 %)

T2

43

12

10

1

66 (69 %)

61 (64 %)

15 (16 %)

16 (17 %)

3 (3 %)

95

Total

Traitement par radiothérapie exclusive Tous les patients ont bénéficié d’une irradiation exclusive première sur la lésion tumorale (T) et les aires ganglionnaires. Le schéma d’irradiation habituel, préconisé par Fletcher [1], délivre une dose de 70 Gy, soit 2 Gy par jour en une fraction, 5 jours par semaine, pendant 7 semaines. La dose est délivrée à mi-épaisseur par deux portes opposées et parallèles jusqu’à 50 Gy, puis par une porte d’entrée homolatérale à la tumeur pour une surimpression de 20 Gy calculée à la profondeur de la tumeur. 58

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

Quatre-vingt-dix patients ont été traités par radiothérapie externe exclusive. Quatrevingt-un (90 %) patients ont bénéficié d’un schéma conventionnel (70 Grays, 35 fractions, 7 semaines), 7 (8 %) d’un schéma hyperfractionné (2 fractions quotidiennes de 1,2 Gy, 70 fractions, 7 semaines). Seuls 2 patients (2 %) ont été traités par un schéma accéléré (70 Grays sur 5,5 semaines). Cinq patients ont bénéficié d’une irradiation externe jusqu’à 50 Grays avec un complément de dose par curiethérapie interstitielle (fils Irridium). Tous les patients, ayant nécessité des soins dentaires, ont été opérés au moins 15 jours avant le début de l’irradiation.

Traitement du N Les premiers relais ganglionnaires (sous-digastriques homolatéraux) étaient traités selon les mêmes modalités que la lésion initiale jusqu’à la dose de 50 Gy avec les mêmes sources d’irradiation. En cas d’adénopathie clinique ou radiologique (N1 ou plus), une surimpression de 20 à 30 Gy était réalisée sur les aires ganglionnaires envahies en fonction du volume de l’adénopathie. Pour les patients ayant reçu une irradiation conventionnelle ou accélérée, la dose moyenne était de 63,0 Gy (médiane 70 Gy) du côté de la lésion avec une dose controlatérale de 61,1 Gy (médiane 60,2 Gy). Pour les 6 patients ayant bénéficié d’un schéma bifractionné, la dose d’irradiation homolatérale moyenne atteignait 73,5 Gy (de 56,4 à 84 Gy) pour les patients N0, de 79,9 Gy (de 79,4 à 80,4 Gy) pour les 2 patients N1, et 87,2 pour 1 patient N2b. La dose controlatérale moyenne était de 75,6 Gy (de 56,4 à 80,4 Gy). Afin de protéger les structures neurologiques postérieures, une partie de la dose d’irradiation était délivrée par des électrons (6 à 10 MeV) pour les territoires cervicaux postérieurs, permettant un contrôle de la dose en profondeur. Une éventuelle surimpression (audelà de 50 Gy est également réalisée par électronthérapie). La dose homolatérale moyenne délivrée était de 52,3 Gy (44-70) avec une médiane à 50 Gy. La dose controlatérale délivrée est de 49,1 Gy (40,1-55,9) avec une médiane à 50 Gy. Seuls les patients N1, N2 ou N3 ont bénéficié d’une surimpression dans les territoires postérieurs. Devant la faible incidence des métastases ganglionnaires dans les territoires cervicaux transverses et jugulo-carotidiens inférieurs, l’irradiation était le plus souvent « prophylactique » pour atteindre la dose de 50 Gy de façon bilatérale. L’irradiation était conduite avec le même fractionnement que la lésion T. Dans notre série, tous les patients ont reçu une dose identique à gauche et à droite indépendamment du côté de la lésion. La dose totale était en moyenne de 52,1 Gy avec des extrêmes entre 45 et 60 Gy pour une médiane à 50 Gy. Dix patients ont bénéficié de 11 évidements cervicaux comme premier traitement sur le N. Nous avions pratiqué 7 évidements complets non conservateurs et 4 évidements complets conservateurs. Un seul patient avait donc bénéficié d’un évidement bilatéral. Ces curages ont été réalisés pour des adénopathies de plus de 3 cm, ou pour des patients ayant plus de 3 adénopathies envahies. Cette attitude n’a cependant pas été systématique pour l’ensemble de la série. Dans tous les cas, les curages réalisés ont permis de retrouver un envahissement histologique d’au moins un ganglion par le processus tumoral. Le délai entre la chirurgie et la radiothérapie était en moyenne de 21,3 jours avec des extrêmes de 11 à 42 jours. Tous ces patients ont ensuite bénéficié d’une radiothérapie avec une surimpression (de 20 à 25 Gy) des territoires présentant une ou plusieurs adénopathies histologiquement envahies (N+) ou en rupture capsulaire (R+) pour atteindre la dose totale de 70 à 76,6 Gy.

Analyse statistique Les données ont été analysées en mode univarié (Log Rank test) et multivarié (modèle de Cox [4]) après avoir calculé les différentes survies selon la méthode de Kaplan Meir. 59

O. Cuisnier et al.

Résultats L’analyse des 95 dossiers nous amène, avec un recul de trois ans minimum, à étudier successivement : la survie brute, la survie spécifique, la rémission loco-régionale, les décès, les échecs locaux, les échecs régionaux, les métastases, les autres localisations néoplasiques et les complications du traitement.

Les taux de survies (Log Rank test) Le taux de survie brute et les facteurs pronostiques en analyse univariée Le taux de survie brute de notre série de 95 patients est de 88 % à 1 an, de 69 % à 3 ans et de 57 % à 5 ans. Du fait de notre faible effectif de patients, nous n’avons pas analysé les facteurs : sexe, âge, étalement, fractionnement. Les facteurs qui influencent statistiquement la survie brute sont : le « stade T » et « l’aspect macroscopique ». Les facteurs « localisation tumorale » et « stade N » semblent influencer cette survie, mais ils n’atteignent pas le seuil de significativité. En revanche, la différenciation tumorale, la présence d’une anémie et la dose totale ne modifient pas directement la survie brute dans notre série. La médiane de survie globale est de 38 mois. Les résultats sont illustrés par le Tableau II et la Figure 1.

Tableau II. Taux de survie brute en fonction des différents paramètres pronostiques analysés (Log rank test). Survie brute T

N

Localisation

Différenciation

Aspect macroscopique

Dose totale

Anémie

1 an

3 ans

5 ans

Log rank p =

1

100 %

89 %

75 %

0,0101

2

83 %

61 %

49 %

0

93 %

77 %

66 %

1, 2, 3

78 %

55 %

40 %

Loge

93 %

78 %

67 %

Autres

84 %

62 %

50 %

Bien

88 %

68 %

55 %

Peu-Moy

88 %

71 %

66 %

UI

80 %

48 %

35 %

BS

94 %

86 %

76 %

< 70 Gy

86 %

71 %

71 %

> 70 Gy

88 %

69 %

56 %

Oui

88 %

60 %

60 %

Non

82 %

69 %

65 %

60

0,0817

0,0869

0,3665

0,0011

0,4910

0,4253

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

Figure 1. Courbes de survie des deux facteurs pronostiques significatifs : les lésions T1 et les lésions bourgeonnantes et superficielles (BS) ont une survie meilleure que les lésions T2 ou ulcéro-infiltrantes (UI).

61

O. Cuisnier et al.

Le taux de survie spécifique et les facteurs pronostiques en analyse univariée La survie spécifique pour notre série est respectivement de 91 %, 77 % et 73 % à 1, 3 et 5 ans. De même, nous n’avons pas analysé les facteurs : sexe, âge, étalement, fractionnement. Pour la survie spécifique, le stade T (p = 0,0293) et l’aspect macroscopique (p = 0,001) sont des facteurs pronostiques significatifs. Les autres facteurs ne semblent pas influencer cette survie dans notre série. Analyse multivariée et survies : modèle de Cox [4] L’analyse multivariée permet l’analyse de l’apport « complémentaire » de plusieurs facteurs pronostiques dans la connaissance de la survie. Dans le contexte de cette étude, seule l’analyse de la survie brute apporte des éléments de connaissance supplémentaires par rapport aux analyses univariées. Ainsi, nous avons isolé deux variables, le « stade T » et « l’aspect macroscopique ». Ces deux variables influencent statistiquement la survie brute, spécifique et le taux de contrôle local. Le taux de rémission locale Les taux de rémission locale sont respectivement de 76 %, 68 % et 68 % à 1, 3 et 5 ans dans notre série. Statistiquement, ce taux est significativement influencé par trois facteurs. • Le stade T (p = 0,0452) avec pour les stades T1 un taux de contrôle local de 86 % à 1, 3 et 5 ans, contre respectivement 71 %, 60 % et 60 % pour les stades T2. • La localisation initiale (p = 0,0325) avec pour les tumeurs localisées à la loge amygdalienne un taux de contrôle local de 79 % à 1, 3 et 5 ans. Pour les lésions situées en dehors de la loge, ce taux est respectivement de 68 %, 60 % et 60 %. • L’aspect macroscopique apparaît comme étant le facteur pronostique le plus significatif (p = 0,001). Le taux de contrôle local est respectivement à 1, 3 et 5 ans de 90 %, 86 %, 86 % pour les formes bourgeonnantes ou superficielles contre 58 %, 46 %, 46 % pour les formes ulcérées ou ulcéro-infiltrantes. Les autres facteurs étudiés (stade N, différenciation tumorale, dose totale et taux d’hémoglobine) ne sont pas des facteurs pronostiques de contrôle local, pour notre série. Le taux de rémission locorégionale Les taux de rémission locorégionale sont respectivement de 74 %, 66 % et 66 % à 1, 3 et 5 ans dans notre série, pratiquement superposables aux taux de contrôle local. Statistiquement, le taux de contrôle local est influencé par le stade T (p = 0,0218), la localisation initiale (p = 0,0276) et l’aspect macroscopique (p = 0,001) selon les mêmes critères que pour le contrôle local. Les autres facteurs (anémie, dose totale, stade N et la différenciation tumorale) ne sont pas des facteurs pronostiques.

Analyse des échecs Les échecs locaux (T) : 32 patients Dans notre série, nous avons 27 échecs T (28,5 %) et 5 échecs T + N (5,3 %) soit 32 échecs T au total (33,7 %) après radiothérapie. En fonction de leur délai d’apparition par rapport au traitement, nous retrouvons 16 poursuites évolutives (ou non stérilisation ayant récidivé dans les 6 mois) et 16 rechutes (ayant récidivé après 6 mois). La moyenne de survenue de la récidive T est de 12,4 mois, avec des extrêmes de 1 à 64 mois. La médiane est de 13 mois. 62

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

L’analyse du délai de rechute T montre que 90 % des échecs surviennent dans les 2 ans après la prise en charge. Les échecs tumoraux sont influencés par la taille de la tumeur. Pour les T1 nous observons 24 % d’échecs contre 38,5 % pour les lésions T2. Les lésions de l’amygdale pure ou de la loge amygdalienne sont les lésions qui exposent le moins à la récidive tumorale (respectivement 14,3 et 27,6 %). Les lésions avec extensions inférieures et en particulier celles du sillon amygdaloglosse sont les lésions les plus résistantes à la radiothérapie (près de 50 % d’échecs). Les extensions antérieures récidivent également fréquemment (44,4 %). Il apparaît très nettement que l’ulcération est un facteur de radiorésistance puisqu’une lésion partiellement ulcérée récidive dans plus de la moitié des cas. Par opposition, l’aspect bourgeonnant n’entraîne que 16 % de récidive T. En fonction de l’histologie, nous rapportons 40 % d’échecs si la lésion est bien différenciée, contre respectivement 33 % et 7 % si la lésion est moyennement ou peu différenciée. L’analyse du facteur « anémie » ne porte que sur 65 patients ayant eu un dosage d’hémoglobinémie en début de radiothérapie. Nous ne pouvons donc pas conclure pour l’ensemble des 95 patients. Nous avons défini comme anémiques les patients avec un taux d’hémoglobine inférieur à 13,5 g/dl chez l’homme et < 12 g/dl chez la femme. On retrouve ainsi 26 % de patients anémiques. Le nombre d’échecs T est également corrélé avec la présence d’une anémie. En effet, on dénombre 41 % d’échecs T en cas d’anémie, contre 29 % en l’absence d’anémie. Cette différence n’est cependant pas significative en termes de contrôle local ou de survie. Les différents schémas de radiothérapie utilisés donnent des résultats identiques en termes de survie, et de contrôle local ou locorégional. Si l’on considère le volume cible, la plupart des récidives tumorales T sont situées dans le volume d’irradiation. Nous retrouvons 4 récidives dans le voile (dont une en limite de champ), 6 récidives en avant du pilier antérieur, 5 récidives dans la loge amygdalienne et surtout 20 récidives en bas vers le sillon et la base de langue (avec une récidive valléculaire en limite de champ). Les récidives ne peuvent donc pas s’expliquer par des erreurs techniques. L’étalement (durée totale du traitement) n’influence pas dans notre série le taux de récidive T. Si l’étalement est inférieur à 45 jours, on observe 35 % de récidive (28 patients sur 80). Si l’étalement dépasse 45 jours de traitement, on observe une récidive dans 27 % de cas (4 patients sur 15). La dose totale ne semble pas influencer le taux d’échecs locaux de façon importante pour l’irradiation de lésions précoces. En effet, si la dose est inférieure à 70 Gy, le taux d’échecs est de 33,3 %. Si la dose est comprise entre 70 et 75 Gy on observe 37 % d’échecs. Par contre, si la dose dépasse 75 Gy le taux d’échecs n’est que de 22 %. Les patients ayant reçu une dose supérieure à 75 Gy sont ceux qui ont bénéficié d’une irradiation bifractionnée ou d’une association radiothérapie conventionnelle et curiethérapie. La plupart des échecs ont reçu la dose de 70 Gy ou plus. On montre donc que les échecs locaux ne s’expliquent pas par un sous-dosage. Le rôle du fractionnement n’a pas pu être étudié, du fait d’effectifs très différents dans les différents sous-groupes. L’analyse du rattrapage des échecs locaux par bucco-pharyngectomie n’est pas étudié ici. Les résultats ont été précédemment publiés [3]. Les échecs régionaux (N) : 10 patients Au total, 10 échecs ganglionnaires ont été recensés. Ils se répartissent en échec N isolés dans 5 cas et en échecs T + N dans 5 cas. Nous n’avons pas constaté dans notre série de récidive N dans le cadre d’une évolution sur seconde localisation. Il semble donc s’agir, dans tous les cas, de métastases ganglionnaires en rapport avec la lésion initialement traitée. Nous n’avons jamais observé d’échec ganglionnaire controlatéral à la lésion initiale. En effet, les 10 récidives sont homolatérales : quatre dans le territoire II, 2 dans le III, 1 dans le IV et 3 dans le V. L’analyse du délai d’apparation moyen des 10 échecs N retrouve 7 poursuites évolutives (2 évolutions N et 5 T + N) et 3 rechutes ganglionnaires (2 N et 1 T + N). Par ailleurs, la médiane de récidive se situe à 4 mois avec une moyenne à 5,4 mois 63

O. Cuisnier et al.

(extrêmes 1 à 18 mois). Il apparaît que les échecs N sont 3 fois plus fréquents pour les lésions initialement T2 avec 13,8 % d’échecs contre 3,4 % pour les lésions T1. De même, les récidives N sont 6 fois plus fréquentes si il existe une adénopathie initiale supérieure à 3 cm (31,6 % contre 5,3 %). La radiothérapie permet de stériliser 100 % des adénopathies N1 dans notre série. La différenciation initiale semble peu influencer les récidives tumorales, alors qu’elle influence la présence de métastases ganglionnaires au moment du diagnostic. En effet, les lésions peu différenciées sont plus lymphophiles que les tumeurs bien différenciées (6 cas sur 10 échecs). La lymphophilie initiale dépend de la localisation de la lésion primitive. Les carcinomes de la loge amygdalienne présentent d’emblée des métastases ganglionnaires cliniques dans 37 % des cas. On retrouve 44 % d’atteinte en cas d’extension vers la langue (sillon, base de langue et zone de la jonction) contre seulement 17 % en cas d’envahissement antérieur (pilier antérieur, commissure et trigone). Cette lymphophilie influence peu le taux d’échec N, même s’il semble que la loge amygdalienne soit la localisation qui donne le moins de récidive N (25 %) contre 33,3 % pour les localisations avec extension antérieure ou inférieure. Malgré le faible nombre de récidives N, il semble que le caractère ulcéré soit un critère déterminant dans la radiorésistance des métastases ganglionnaires. Elle est, en effet, 4 fois plus fréquente si la tumeur est en partie ulcérée. Ce facteur paraît néanmoins beaucoup plus important pour le contrôle local que régional, avec un taux de récidive N 2,5 fois moins important (respectivement 54,5 % et 21,2 %). Pour les 34 patients N1 ou plus au moment du diagnostic, 10 ont bénéficié d’un curage ganglionnaire avant radiothérapie. Ces patients, tous N+ histologiques, ont reçu la même surimpression que les patients cN1 n’ayant pas eu de chirurgie. On n’observe qu’une seule récidive N après curage (10 %). Les patients N1 ou plus, traités par radiothérapie seule, ont récidivé dans 21 % des cas (5 sur 24) soit 2 fois plus. Quatre patients ont récidivé sur le plan ganglionnaire en étant N0 initial, donc n’ayant pas bénéficié ni d’un curage, ni d’une surimpression de radiothérapie sur les aires ganglionnaires. Les récidives régionales sont trop rares pour étudier l’impact pronostique des facteurs d’irradiation. Sept patients ont bénéficié d’un curage de rattrapage. Deux évidements complets non conservateurs ont été réalisés devant une évolution N isolée. Un patient présentait un reliquat ganglionnaire 2 mois après la fin de la radiothérapie, et l’autre patient a présenté une poursuite évolutive à 4 mois. Dans 1 cas le patient était N+ R-, dans l’autre N+ R+. Les deux patients n’ont pas présenté de récidive N, l’un est en rémission complète à 3 ans, l’autre est décédé d’une seconde localisation en rémission N. Cinq évidements ont été réalisés avec un geste chirurgical sur la tumeur (BPTM pour récidive T + N). Ces 5 patients ont bénéficié d’un curage complet non conservateur. Ils étaient tous pN+ et 3 d’entre eux étaient pR+. Un seul est en rémission à 14 mois. Les quatre autres ont récidivé dont deux au niveau ganglionnaire. Au total, le taux d’échecs ganglionnaires est de 10,5 % (10 cas sur 95) après radiothérapie seule ou parfois radiothérapie précédée d’un curage (9 cas). Les tentatives de rattrapage, essentiellement par évidement ganglionnaire traditionnel, ont permis 43 % de rémission N. Néanmoins, seuls 2 patients sont en vie, sans récidive N, avec 24 mois de recul. Les métastases : 7 cas chez 5 patients Le délai de survenue est en moyenne de 24,4 mois avec des extrêmes entre 7 et 66 mois. La médiane est de 15 mois. L’incidence des métastases est de 5 % (5 sur 95 patients suivis). Il semble que plus la lésion est indifférenciée, plus elle est susceptible d’évoluer vers le stade métastatique même si l’analyse statistique est impossible du fait du faible effectif. L’apparition d’une métastase semble dépendre du contrôle locorégional. En effet, sur les 5 métastases, une seule est apparue en l’absence de récidive T ou N. Quatre ont été diagnostiquées en présence d’un échec T, N ou T et N. 64

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

On retrouve 2 métastases pulmonaires, 1 pleurale, 2 cérébrales, 1 hépatique, 1 cutanée représentant 7 localisations chez les 5 patients en évolution métastatique (M1). Deux d’entre eux ont en effet présenté plusieurs localisations secondaires. Les 5 patients sont décédés rapidement, 4 mois en moyenne après le diagnostic. Les deuxièmes localisations métachrones : 8 cas chez 7 patients Rappelons que les patients présentant plusieurs localisations de carcinomes, synchrones ou dans les 5 années précédant l’étude, ont été exclus de cette étude. Dans ces conditions, l’incidence des secondes localisations est de 7,5 %. La médiane de survenue est de 48 mois, avec des extrêmes entre 7 et 108 mois (moyenne 47,5 mois). Toutes les localisations des cancers des VADS sont retrouvées : dans 3 cas l’arbre trachéo-bronchique, dans 3 cas le pharynx (oropharynx controlatéral, cavité buccale ou paroi pharyngée postérieure) et dans 2 cas l’œsophage. Tous les patients sont décédés de leur seconde localisation malgré des tentatives de rattrapage par chirurgie, radiothérapie (sur des territoires non irradiés pour la lésion initiale) et chimiothérapie. Les décès : 42 patients Sur les 95 patients inclus dans l’étude, 42 sont décédés ou perdus de vue en évolution (44 %), 8 sont perdus de vue en rémission (recul médian 34 mois) et 45 sont en vie. Pour les patients décédés en évolution (25 patients), 14 étaient en évolution locale, 2 en évolution locale et régionale, 1 en évolution locale et métastatique, 4 en évolution régionale, 1 en évolution régionale et métastatique et 3 en évolution métastatique seule. Neuf patients sont décédés en évolution néoplastique d’une seconde localisation, 7 pour une seconde localisation de carcinome épidermoïde des voies aérodigestives supérieures, 1 d’une leucémie aiguë et le 9e d’un histiocytofibrome cervical. Six patients sont décédés d’une cause intercurrente : 2 d’accidents vasculaires cérébraux, 2 de pathologies pulmonaires (pneumopathie, insuffisance respiratoire), 1 d’infarctus du myocarde et 1 de cirrhose. Deux patients, décédés de cause inconnue, étaient indemnes de lésion cancéreuse à leur décès.

Les complications de la radiothérapie Les complications aiguës L’épidermite radique est pratiquement systématique. Les formes moyennes à sévères (stade II et III) ne représentent que 8 % des patients. L’intensité des épidermites semble augmenter avec la dose totale d’irradiation. Les stades I ont en moyenne reçu une dose de 70 Gy (de 68,2 à 79,6 Gy), les stades II la dose de 71,1 Gy en moyenne (68,2 à 71,4 Gy) et les stades III la dose de 75,3 Gy (70 à 80,6 Gy). Le fractionnement ne semble pas influencer la survenue d’une dermite radique dans notre série. La mucite post-radique est fréquente. Elle concerne 38 % (36/95) de nos patients. Il est important de noter que tous les patients traités par l’association radiothérapie externe jusqu’à 50 Gy - curiethérapie interstitielle (20 à 30 Gy en surimpression locale) ont présenté une mucite, moyenne à sévère (stade II-III), ayant nécessité nécessité une alimentation entérale par sonde naso-gastrique pendant au moins 7 jours. On retrouve 15 % de mucites stade I, 15 % de stade II et 8 % de stade III. Un seul patient (un homme de 45 ans) a présenté une mucite stade IV avec un pharyngostome post-radique. Il avait bénéficié d’une radiothérapie conventionnelle à la dose de 70 Gy pour une lésion T1N2aM0 du sillon amygdaloglosse, avec un surdosage de 20 Gy sur l’adénopathie. Une intervention réalisant l’exérèse du tissu nécrotique et la mise en place d’un lambeau musculocutané de grand pectoral a permis la fermeture du pharyngostome et une rémission à plus de 60 mois de recul. 65

O. Cuisnier et al.

Dix-huit pour cent des patients se sont alimentés transitoirement par sonde naso-gastrique pendant au moins une semaine (entraînant dans 10 cas l’augmentation de l’étalement de l’irradiation d’au moins 7 jours). Les complications tardives (> 6 mois) Elles sont rares, avec une incidence inférieure à 5 %. Un seul patient a présenté une radionécrose mandibulaire. Il s’agit d’un homme de 36 ans, traité pour une lésion T1N2aM0 en 1985. Il a bénéficié d’une radiothérapie conventionnelle à la dose de 70 Gy sur la tumeur avec une surimpression de 20 Gy sur l’adénopathie après édentation complète. La nécrose osseuse est survenue 6 mois après une bucco-pharyngectomie de rattrapage pour récidive T, 11 mois après la fin de l’irradiation. L’exérèse était alors jugée carcinologiquement satisfaisante sans envahissement ganglionnaire histologique. Depuis l’apparition des accélérateurs linéaires et des soins dentaires systématiques, nous n’avons pas observé d’autre ostéo-radionécrose (ORN) pour les patients de l’étude. En particulier, la radiothérapie bifractionnée n’a pas entraîné d’ORN dans notre série. L’hyposialie est constante. Si l’on ne prend en compte que les asialies durables (plus de 6 mois après le traitement chez les patients en vie), elles représentent environ 2/3 des patients traités. Une laryngite radique a été observée dans 3 cas, sans aucune forme grave de dyspnée nécessitant un geste pour la ventilation (trachéotomie ou laser endoscopique). Deux patients ont présenté des trismus sévères avec fibrose cervicale. Il s’agissait dans un cas d’une irradiation conventionnelle, et dans l’autre d’un schéma bifractionné. Aucun cas de myélite n’est à déplorer dans notre étude.

Discussion Les critères de notre population sont conformes aux autres séries sur les cancers de l’oropharynx en termes de sex-ratio (7,6 hommes pour 1 femme), d’âge moyen 57,9 ans et de comportement éthylo-tabagique (supérieur à 90 %) [1, 5-7]. Le fait que nous ayons limité notre étude aux cancers précoces n’a pas modifié la répartition épidémiologique par rapport aux séries incluant les cancers avancés T3T4.

Caractéristiques de la tumeur Pour les cancers précoces, nous retrouvons comme d’autres [6, 8] une prédominance de lésions bien différenciées. L’aspect macroscopique n’est pas toujours rappelé dans les séries. Ce critère nous apparaît cependant comme un facteur pronostique primordial. Les formes ulcérées ou infiltrantes représentent de 56 à 78,5 % dans les principales séries [6, 7], 56 % dans la notre. Il semble que les lésions basi-linguales ou du sillon soient plus fréquemment ulcérées, alors que les lésions de la loge amydalienne sont plus volontiers bourgeonnantes [9]. La plupart des séries étudient l’ensemble des stades tumoraux des lésions T1 à T4. Tous notent la faible incidence des lésions T1 (8 à 20 %) avec une majorité de lésion T2 et T3. Nous retrouvons également une prédominance de lésions T2, tout comme Lusinchi sur sa série de T1T2 [6]. La majorité des lésions T1 est découverte fortuitement ou par un examen systématique devant leur caractère longtemps asymptomatique. Malgré la classique lymphophilie des cancers de l’oropharynx, la majeure partie de nos patients (64 %) sont classés N0 à la prise en charge. Pour les lésions précoces, Hicks [10] rapporte 52 % de patients N0. Il retrouve, en cas d’envahissement, 67 % de localisations 66

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

sous-digastriques. Ce territoire est envahi dans 85 % des cas pour Lusinchi [6], dans 84 % des cas pour Johansen [11], et dans 72 % dans notre série. Nous insistons sur la rareté des métastases cliniques et radiologiques controlatérales. Les données de la littérature sont en accord avec ces constatations (5 à 11 % d’adénopathies controlatérales [6, 10-13], et 3 % d’adénopathies controlatérales isolées [6]). L’envahissement ganglionnaire semble corrélé à la différenciation tumorale, et à sa localisation. Plus la lésion est indifférenciée, plus les atteintes ganglionnaires sont fréquentes ce que retrouvait déjà Remmler [13] sur une série de 160 T1-T4. Les lésions du sillon et de la base de langue sont accompagnées d’adénopathie dans plus d’1/3 des cas contrairement aux lésions du pilier antérieur, siège de lésions moins infiltrantes que les localisations précédentes pouvant expliquer cette différence de lymphophilie. La taille de la tumeur n’est pas corrélée au statut ganglionnaire. Plusieurs études, par des analyses systématiques de pièces de curage ganglionnaire, montrent que des patients classés N0 (clinique et radiologique) présentent souvent des métastases ganglionnaires histologiques. En effet, l’étude de Hicks [10] retrouve 27 % de N+ sur des patients N0, avec une atteinte possible de tous les territoires, et confirme l’intérêt d’une irradiation cervicale complète, même chez les patients N0.

Les résultats carcinologiques Nos résultats sur la survie sont tout à fait comparables à 3 ans avec les autres séries (Tableau III). À 5 ans, la survie spécifique de notre série est superposable aux résultats de Perez [12] et légèrement meilleure que celle des autres séries. Globalement, la radiothérapie exclusive avec la chirurgie réservée pour le rattrapage des échecs est un traitement efficace qui permet la survie de près de 3 patients sur 4 à 5 ans. Le contrôle local est obtenu dans 68 % des cas à trois ans. Quatre-vingt-dix pour cent de nos récidives tumorales surviennent dans les deux ans après la fin du traitement initial, conformément aux résultats de Bataini [7], Bentzen [14], Lee [15], Hoffstetter [16]. Cette donnée est classique, et confirme l’intérêt d’une surveillance rapprochée les 3 premières années. Quel que soit le schéma de radiothérapie réalisé, le pourcentage d’échecs locaux est environ de 30 %, tous stades confondus. Néanmoins, comme nous l’avons retrouvé dans notre série, les récidives augmentent avec la taille tumorale, l’atteinte de la base de langue, et l’aspect macroscopique de la lésion. Notre taux de récidive à 40 % pour les stades T2 a plusieurs explications. Notre étude a en effet inclus une proportion non négligeable de lésions T2 de la commissure intermaxillaire et du trigone rétromolaire appartenant à la cavité buccale. Ces localisations ne sont pas retenues dans les cohortes importantes de l’oropharynx et sont habituellement radiorésistantes [1]. De plus, nous avons rarement eu recours à la curiethérapie interstitielle malgré un nombre conséquent de lésions T2 de la base de langue. Plusieurs publications [16, 17] ont montré l’intérêt de ce type de traitement dans cette localisation ce qui semble « pénaliser » notre étude, comparée aux séries utilisant régulièrement ce complément d’irradiation. Nous avons de plus insisté sur le rôle péjoratif du caractère ulcéro-infiltrant. Notre série rapporte un taux de lésions ulcéro-infiltrantes plus important que le reste des séries publiées, en partie pour les lésions T2, ce qui peut également expliquer un taux de récidive plus important dans ce sous-groupe. Après radiothérapie exclusive, les principales études et notre travail montrent que les échecs sont situés essentiellement au niveau du site tumoral initial et sont influencés par : - La taille tumorale : Lee [15], Bataini [7] et Dubois [18] relèvent comme nous, une différence significative des échecs tumoraux qui augmentent avec le stade T. - Le site tumoral initial : Bataini [7] note une plus grande fréquence des récidives lorsque la tumeur siège sur le pilier antérieur (44 % à 3 ans), ou envahit le sillon amygdaloglosse (52 %) contre seulement 28 % pour l’amydale et le pilier postérieur. Lee [15] fait état des mêmes constatations. La base de langue est la localisation la plus péjorative pour Hoffstetter [16], Regueiro [5], Wang [19] et Mak Kregar [20]. 67

O. Cuisnier et al. Tableau III. Survie à 3 et 5 ans en fonction du stade T dans la littérature. Auteurs

Année

Patients

Lusinchi [6]

1989

193

Bataini [7]

1989

465

Johansen [11]

1990

Perez [12]

Survie 3 ans T1

Survie 5 ans

T2

T1

T2

73 %

64 %

56 %

90 %

80 %

-

-

213

-

-

57 %

51 %

1991

296

-

-

76 %

54 %

Lee [15]

1993

243

-

-

44 %

57 %

Regueiro [5]

1994

254

-

-

43 %

39 %

Grenoble

2001

95

89 %

71 %

83 %

68 %

- L’aspect macroscopique : nous avons montré que les tumeurs bourgeonnantes sont plus radiosensibles que les tumeurs infiltrantes ou ulcérées. Bataini [7] rapporte la même expérience puisqu’il obtient respectivement 69 % de contrôle local à 3 ans contre 51 %. - L’histologie : les tumeurs différenciées donnent plus de récidives locales [7]. Lusinchi [6] obtient un contrôle local dans 93 % des tumeurs peu différenciées contre seulement 73 % pour celles bien différenciées. Nous rapportons 40 % d’échecs si la lésion est bien différenciée contre 33 % et 7 % respectivement pour les lésions moyennement et peu différenciées. Cette différence, bien que non significative, va dans le même sens. - L’extension tumorale : certaines extensions entraînent une différence significative sur le taux de récidive : base de langue (55 % si envahie contre 28 % en l’absence d’envahissement), en avant du pilier antérieur (55 % contre 29 %) [7]. - La technique d’irradiation : un étalement supérieur à 40 jours est un élément péjoratif pour le contrôle local pour Bataini [7]. Le stade T, la localisation et l’étalement sont régulièrement isolés par les études comme étant des facteurs pronostiques. Nous avons montré l’importance de la variable « aspect macroscopique ». L’ulcération et l’infiltration représentent les deux critères pronostiques péjoratifs en termes de contrôle local et régional. Cette notion avait déjà été notée par Bataini sur son importante cohorte [7]. Notre analyse n’a pas permis de montrer que l’anémie et la différenciation tumorale influençait le taux de contrôle local contrairement aux séries de Bentzen [14] et Bataini [7]. Le contrôle régional est influencé par trois facteurs principaux : le contrôle de la lésion primitive, la taille et le nombre des adénopathies. La plupart des auteurs réalisent une irradiation exclusive cervicale en réservant la chirurgie pour les reliquats à distance de l’irradiation. Les récidives apparaissent dans la grande majorité des cas dans les deux ans suivant le traitement initial. Le contrôle régional global (89 % dans notre série) est satisfaisant dans la plupart des séries, entre 78 % et 93 % [21, 22]. Les patients N0 sont contrôlées dans 94 % dans notre série (de 75 à 98 % dans la littérature [5, 22]) confirmant que les micrométastases sont stérilisées par une dose d’irradiation de 50 Gy. Le schéma d’irradiation ne semble pas modifier le taux de contrôle régional dans notre expérience comme dans la littérature. La place de la chirurgie dans la prise en charge initiale est affaire d’écoles. Dans notre expérience, les adénopathies de moins de 3 cm sont traitées par radiothérapie exclusive. Pour les adénopathies de plus de 3 cm, nous n’avons pas observé de différence majeure entre la réalisation d’un curage premier suivi de radiothérapie, et la réalisation de l’irradiation première suivie d’un curage sur les reliquats en fin d’irradiation. Cependant, les patients ayant bénéficié d’un curage avant radiothérapie n’ont récidivé que dans 10 % des cas, tandis 68

Radiothérapie exclusive et carcinomes précoces de la région amygdalienne

que les patients N1, 2, 3 traités uniquement par radiothérapie ont récidivé dans 21 % des cas. L’avantage du protocole « radiothérapie puis chirurgie » est qu’il ne retarde pas la prise en charge thérapeutique de la lésion pharyngée en réalisant d’emblée le traitement locorégional. Fein montre que pour des adénopathies de moins de 3 cm la radiothérapie seule est efficace. En revanche, pour des adénopathies plus importantes, il rapporte un bénéfice statistique à associer une radiothérapie à un curage ganglionnaire systématique 4 à 6 semaines plus tard [17]. Perez ne retrouve pas de différence entre la radiothérapie seule et la radiothérapie suivie d’un curage systématique pour les cancers de la loge amygdalienne [12]. Dans des cas sélectionnés (adénopathie supérieure à 3 cm et/ou nécrotique), il semble que la réalisation d’un curage ganglionnaire 1 à 2 mois après la fin de l’irradiation apporte un bénéfice sur le contrôle locorégional et donc potentiellement sur la survie. En effet, des facteurs d’hypoxie tissulaire, dont on connaît le rôle dans la radiorésistance tumorale [23], n’ont pas été étudiés dans notre série sur le plan statistique par manque de dossiers exploitables. Il semble cependant que les adénopathies à centre hypodense en TDM, stigmate d’une hypoxie ou d’une nécrose tumorale soient moins fréquemment stérilisées par une radiothérapie exclusive. Les échecs régionaux restent rares (10/95 soit 11 % dans notre série) du fait de l’irradiation prophylactique de toutes les aires ganglionnaires cervicales. D’autres auteurs ont la même expérience [6, 21, 22]. Les récidives régionales sont le plus souvent accompagnées de récidives locales. Nous ne traiterons pas ici des possibilités de rattrapage, déjà publiées par ailleurs [3].

Les événements péjoratifs Nous retrouvons dans notre série 5 % de métastases. Ce taux plus faible (10 % dans la plupart des séries) est sans doute dû au fait que notre étude porte sur des carcinomes précoces (< 4 cm). Les métastases sont dans notre série, et classiquement [24], par ordre décroissant de fréquence : pleuropulmonaires, hépatiques, osseuses et cérébrales. La différenciation tumorale semble influencer la survenue de métastases dans notre étude. Plus la tumeur est différenciée, moins son potentiel métastatique est important. Lusinchi ne retrouvait pas de différence significative pour ce facteur [6]. Le contrôle local (87 % des métastases surviennent chez des patients en évolution locorégionale) influence la survenue de métastases. De même, Fein [17] a montré que l’incidence des métastases passe respectivement de 11 % à 28 % pour les malades contrôlés et non contrôlés localement (p = 0,001). Du fait de la faible incidence des métastases, nous n’avons pas pu étudier les facteurs taille tumorale, stade N dans la survenue de celle-ci. La médiane de survenue est pour nous de 13 mois, ce que confirment toutes les séries qui rapportent plus de 80 % de survenue des métastases dans les 24 mois [24]. La survenue d’une métastase reste un événement très péjoratif puisque tous les patients sont rapidement décédés sans possibilité de rattrapage. Le cancer de l’oropharynx est celui des VADS qui est le plus souvent associé à une ou plusieurs autres localisations néoplasiques métachrones. L’incidence des secondes localisations dans notre série est de 7,5 % (8 localisations chez 7 patients). Ces chiffres sont légèrement inférieurs à ceux de la littérature (11,5 % à 15 % [5, 25]), mais confirment l’importance de la panendoscopie initiale et du suivi régulier à long terme. Notre plus faible taux d’indicence peut s’expliquer par l’exclusion des patients ayant présenté un carcinome dans les 5 ans précédant l’étude. Les progrès thérapeutiques des trente dernières années ont montré que l’augmentation des doses et l’amélioration de la survie sont souvent liées à une augmentation de la gravité et de la fréquence des complications. Actuellement, il semble que les schéma 70 Gy, 1 fraction quotidienne sur 7 semaines soit le plus performant, en terme de rapport efficacité/complication. Avec les schémas thérapeutiques actuels, pour le traitement des lésions précoces de l’oropharynx, les complications aiguës graves sont rares (< 10 %) et les complications tardives sont devenues exceptionnelles (ORN inférieure à 2 %), sous réserve d’une parfaite 69

O. Cuisnier et al.

prise en charge dentaire et du respect des contre-indications de la curiethérapie. Tous les schémas modifiant le fractionnement (trifractioné [26]), la dose par fractionnement [27] et l’étalement (radiothérapie accélérée [28]) ont montré une augmentation des complications principalement tardives. La curiethérapie augmente le taux de complications aiguës, mais elle permet de diminuer l’incidence des asialies [29].

Conclusions Nous confirmons par cette étude l’efficacité de la radiothérapie exclusive dans le traitement des cancers précoces de la région amygdalienne. Il apparaît néanmoins que pour les lésions T2, ulcérées, dépassant la loge amygdalienne stricte, ce traitement est en échec dans 50 % des cas. Puisque nous avons insisté sur les difficultés de la chirurgie de rattrapage [3], il nous semble licite de proposer une attitude thérapeutique plus agressive pour ce sous-groupe de lésions et proposons d’emblée une bucco-pharyngectomie suivie de radiothérapie en attendant la validation de nouveaux protocoles de chimio-radiothérapie concomitante pour les lésions précoces et leur supériorité sur la séquence thérapeutique chirurgie-radiothérapie.

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70

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71

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 73-77

Le concept de préservation d’organe est-il applicable au cancer de l’amygdale ? Josiane PERCODANI, Olivier DUFFAS, Virginie WOISARD, Elie SERRANO, Jean-Jacques PESSEY Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU de Rangueil, avenue du Professeur Jean-Poulhes, 31403 Toulouse Cedex 4, France

Le concept de préservation d’organe est défini par la préservation des fonctions de phonation et de déglutition dans le but d’améliorer la qualité de vie sans aggraver la survie. Il est à la base des indications de traitements conservateurs, notamment dans les cancers laryngés. Si la chimiothérapie est actuellement préconisée en traitement d’induction des cancers du larynx, elle n’est pas recommandée, en dehors d’essais cliniques, pour le traitement d’induction des cancers de l’oropharynx. En effet, aucune étude n’a permis de mettre en lumière d’amélioration de la survie ou de la qualité de vie avec son utilisation [1, 5, 9, 10]. Le but de cette étude rétrospective préliminaire est d’apporter des éléments en faveur ou en défaveur du concept de préservation d’organe dans les cancers de l’amygdale. Il s’agit dans cette localisation, plus d’un concept de préservation de fonction que d’organe. Pour cela, nous avons effectué des mesures de qualité de vie chez des patients traités pour un cancer de l’amygdale, soit par chimiothérapie d’induction, soit par chirurgie première type bucco-pharyngectomie trans mandibulaire. Les fonctions de phonation et de déglutition ainsi que la qualité de vie globale ont été comparées dans les deux populations.

Patients et méthodes De décembre 1983 à décembre 1993 nous avons traité 110 patients par chimiothérapie d’induction pour un carcinome épidermoïde de l’oropharynx selon le protocole d’Al-Sarraf (utilisant le cisplatine et le 5-fluoro-uracile). 51 patients présentaient un carcinome épidermoïde de l’amygdale et ont reçu 3 cures. L’âge moyen des patients de cette série était de 56 ans (avec des extrêmes allant de 39 à 76 ans). La série comportait 47 hommes pour 4 femmes. La répartition des patients en fonction du stade était la suivante : 1 stade I, 8 stades II, 12 stades III, 30 stades IV. Le suivi moyen des patients était de 5,2 ans avec 73

J. Percodani et al.

des extrêmes allant de 3 mois à 12 ans (sans aucun perdu de vue, en tenant compte des patients décédés). Dans cette série, nous avions obtenu une réponse tumorale complète dans 56,9 % des cas (29 cas) et une réponse ganglionnaire complète dans 55,2 % des cas (11 cas sur 29 patients porteurs de ganglions). La survie actuarielle était de 52,6 % à 3 ans, 42,1 % à 5 ans, 24,7 % à 10 ans. Parmi les patients traités par chimiothérapie d’induction suivie d’une radiothérapie externe complémentaire, 7 patients sont vivants, sans récidive et interrogeables. La répartition de ces patients en fonction du stade tumoral était la suivante : 3 T2, 2 T3, 2 T4. Le suivi moyen est de 10,9 ans. Nous avons essayé d’apparier cette série de 7 patients traités par chimiothérapie d’induction à une série de 5 patients porteurs d’un carcinome épidermoïde de l’amygdale non métastatique, traités par chirurgie première (bucco-pharyngectomie trans-mandibulaire) suivie de radiothérapie externe complémentaire, vivants, sans récidive et interrogeables. La répartition de ces patients en fonction du stade tumoral était la suivante : 1 T2, 3 T3, 2 T4. Le suivi moyen est de 3,5 ans. Les mesures de qualité de vie sont obtenues à partir de l’analyse des réponses des sujets à des questionnaires standardisés [8]. Nous avons utilisé quatre questionnaires de qualité de vie : l’échelle d’évaluation du handicap vocal (voice handicap index), l’échelle d’évaluation du handicap de la dysphagie, le questionnaire de qualité de vie de l’EORTC QLQC30 et l’échelle de communication verbale mise au point à Bordeaux. L’échelle d’évaluation du handicap vocal est une adaptation du voice handicap index (VHI) [7, 13]. Elle comporte un inventaire psychométrique de l’incapacité et du handicap vocal. Elle se compose de 40 questions cotées de 0 à 4 (0 = jamais, 1 = presque jamais, 2 = parfois, 3 = presque toujours, 4 = toujours). La qualité vocale est d’autant meilleure que le score obtenu est faible. Les questions sont réparties en trois sous-groupes qui ciblent les aspects fonctionnels de la voix (les questions 1 à 10 correspondant aux caractéristiques de la voix, les questions 11 à 20 correspondant aux difficultés à produire la voix), l’impact de la voix sur la communication (questions 21 à 30) et les aspects émotionnels de la voix et leur impact psychologique (questions 31 à 40). L’échelle d’évaluation du handicap de la dysphagie est élaborée sur la même conception que le VHI [4]. Elle comporte 30 questions cotées de la même manière que celles du VHI de 0 à 4. Les questions sont de même divisées en trois sous-groupes qui ciblent les aspects fonctionnels et les caractéristiques de la dysphagie (questions 1 à 10), les conséquences nutritionnelles et respiratoires de la dysphagie (questions 11 à 20) et les aspects émotionnels et psychologiques de la dysphagie (questions 21 à 30). Le questionnaire de l’EORTC QLQ-C30 est un questionnaire global de qualité de vie comportant 28 items côtés de 1 à 4 (total sur 112) et deux échelles visuelles analogiques cotées de 1 à 7 (total sur 14) [6, 8]. L’échelle de communication verbale mise au point à Bordeaux analyse le comportement des sujets dans différentes situations de la vie courante : expression des intentions, conversation (avec des proches ou avec des inconnus), téléphone, achats, relations sociales, lecture, écriture. Chaque item est coté de 0 à 3. Elle comporte 34 items (total sur 102). La qualité de vie est d’autant meilleure que le score total est élevé. Nous avons donc comparé les réponses aux quatre questionnaires de qualité de vie chez les sept patients traités par chimiothérapie suivie de radiothérapie externe et chez les cinq patients traités par chirurgie et radiothérapie externe.

Résultats Aucune différence en matière de handicap vocal, de handicap de la dysphagie ou de qualité de vie globale n’est statistiquement significative. Toutefois, des tendances méritent d’être notées en fonction du traitement. 74

Concept de préservation d’organe et cancer de l’amygdale

En ce qui concerne l’évaluation du handicap vocal (Tableau I) : - les patients du groupe chirurgie ont globalement une meilleure qualité vocale que les patients du groupe chimiothérapie ; - si on détaille les résultats en fonction des différents aspects de la fonction vocale : les patients du groupe chirurgie ont de moins bons résultats si l’on considère l’aspect fonctionnel de la voix et son impact sur la communication ; en revanche, ils ont de meilleurs résultats si l’on prend en compte l’aspect psychologique et émotionnel de la voix. En ce qui concerne l’évaluation du handicap de la dysphagie (Tableau II) : - les patients du groupe chimiothérapie ont globalement une meilleure qualité de déglutition que les patients du groupe chirurgie ; - si on détaille les résultats en fonction des différents aspects de la fonction de déglutition : les résultats sont identiques dans les deux groupes si l’on considère les caractéristiques de la dysphagie, les conséquences des troubles de la déglutition sur la nutrition et sur la respiration ; en revanche, les résultats sont meilleurs dans le groupe chimiothérapie si l’on prend en compte l’aspect psychologique et émotionnel des troubles de la déglutition. En ce qui concerne l’évaluation de la qualité de vie globale, les scores sont meilleurs pour le groupe de patients traités par chirurgie que pour le groupe de patients traités par chimiothérapie, et ce que l’on utilise le questionnaire de l’EORTC (42 pour le groupe chirurgie, 50 pour le groupe chimiothérapie) ou l’échelle de communication verbale de Bordeaux (81 pour le groupe chirurgie, 73 pour le groupe chimiothérapie). Tableau I. Évaluation du handicap vocal. VHI

Chimiothérapie

Chirurgie

Aspect fonctionnel

26,5

28,2

Communication

12,5

14,2

Aspect émotionnel

12

VHI global

51/160

5 47,4/160

Tableau II. Évaluation du handicap de la dysphagie. Handicap de la dysphagie

Chimiothérapie

Chirurgie

Caractéristiques de la dysphagie

15

15,4

Aspect fonctionnel

17

17

Aspect émotionnel

14,5

19

Total global

46,5/120

51,4/120

Discussion Nous n’avons pris en compte que les patients traités pour cancer amygdalien, il semble en effet que l’analyse de la qualité de vie soit d’autant plus pertinente que les localisations sont envisagées séparément [12]. La durée du suivi est différente dans les deux groupes de patients (10,9 ans pour le groupe chimiothérapie, 3,5 ans pour le groupe chirurgie). Toutefois, les déficiences de qualité de vie semblent stables en fonction du temps chez un même patient. Rogers et al. 75

J. Percodani et al.

montrent qu’elles sont identiques à un an et à long terme [11]. La durée du suivi semble donc peu influencer l’appréciation de la qualité de vie. Dans les deux groupes de patients, la gêne sur le plan vocal peut être considérée comme légère à modérée. Sur le plan de la déglutition, la gêne peut être qualifiée de modérée dans les deux groupes de patients. La gêne à la déglutition est donc plus marquée que la gêne vocale dans les deux groupes de patients traités pour un cancer de l’amygdale. La gêne vocale est moindre chez les patients du groupe chirurgie alors que leur gêne sur le plan de la déglutition est plus marquée. On a le sentiment, lors de l’interrogatoire des patients que la gêne à la déglutition « masque » la gêne vocale. En matière de phonation, comme en matière de déglutition, c’est le côté émotionnel et psychologique qui fait la différence des scores globaux. En effet, en matière de handicap vocal, les patients du groupe chirurgie sont globalement plus satisfaits que les patients du groupe chimiothérapie alors que l’aspect fonctionnel de la voix et l’impact de la dysphonie sur la communication sont moins bons. De même, en matière de handicap de la dysphagie, les patients du groupe chimiothérapie sont globalement plus satisfaits, alors que les caractéristiques de la dysphagie et ses conséquences sur la nutrition et sur la respiration sont identiques dans les deux groupes de patients. Les caractéristiques de la dysphagie ainsi que ses conséquences nutritionnelles et émotionnelles sont identiques dans les deux groupes de patients, en revanche le retentissement émotionnel est plus marqué dans le groupe chirurgie. Cela conduit à se poser la question de l’impact de l’aspect esthétique chez les patients opérés d’une bucco-pharyngectomie trans-mandibulaire. Ceci avait été mis en évidence dans l’étude de Deleyiannis et al. [3] qui comparaient la qualité de vie de patients traités par chirurgie et par radiothérapie exclusive pour un cancer de l’oropharynx. Si la qualité de vie était identique dans les deux groupes de patients, la plainte esthétique était plus marquée dans le groupe chirurgie que dans le groupe radiothérapie exclusive. La gêne à la déglutition, plus marquée dans le groupe de patients traités par chirurgie n’aggrave pas les scores de qualité de vie globale et les scores de communication verbale. Un phénomène d’adaptation intervient probablement dans l’appréciation par le patient de sa qualité de vie. De Graeff et al. [2] ont montré une amélioration de la composante émotionnelle et psychologique de la qualité de vie en rapport probable avec ce phénomène d’adaptation.

Conclusion Il serait intéressant de compléter cette série de patients en augmentant le nombre de cas. Mais les résultats de cette étude préliminaire montrent qu’il n’y a pas d’amélioration des scores de qualité de vie chez les patients traités par chimiothérapie d’induction pour un cancer de l’amygdale.

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Concept de préservation d’organe et cancer de l’amygdale 3. Deleyiannis FW, Weymuller EA Jr, Coltrera MD. Quality of life of disease-free survivors of advanced (stage III or IV) oropharyngeal cancer. Head Neck 1997 ; 19 : 466-73. 4. Ekberg O, Hamdy S, Woisard V, Wuttge-Hanni A, Ortega P. The social and mental impact of dysphagia in the elderly : a pan ueropean sudy. Dysphagia 2002 ; 17 : 139-46. 5. Elsayed S, Nelson N. Adjuvant and adjunctive chemotherapy in the management of squamous cell carcinoma of the head and neck region : a meta-analysis of prospective and randomised trials. J Clin Oncol 1996 ; 14 : 838-47. 6. Epstein JB, Emerton S, Kolbinson DA, Le ND, Phillips N, Stevenson-Moore P, Osoba D. Quality of life and oral function following radiotherapy for head and neck cancer. Head Neck 1999 ; 21 : 1-11. 7. Jacobson B, Johnson A, Grywalski C, Silbergleit A, Jacobson G, Benninger M, Newman CW. The voice handicap index (VHI) : development and validation. Am J Speech-Language Pathol 1997 ; 21 : 66-70. 8. Leplege A. Les mesures de la qualité de vie. Que sais-je ? Paris : PUF, 1999 : 128. 9. Pignon JP, Bourhis J. Meta-analysis of chemotherapy in head and neck cancer : individual patient data versus literature data. Br J Cancer 1995 ; 72 : 1062. 10. Renaud-Salis JL, Blanc-Vincent MP, Brugère J, Demard F, Faucher A, Gory-Delabaère G, Pinsolle J. Standards, options et recommendations pour la prise en charge des patients atteints de cancers épidermoïdes de l’oropharynx. Paris : Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer, 1999. 11. Rogers SN, Hannah L, Lowe D, Magennis P. Quality of life 5-10 years after primary surgery for oral and oro-pharyngeal cancer. J Craniomaxillofac Surg 1999 ; 27 : 187-91. 12. Weymuller EA, Yueh B, Deleyiannis FW, Kuntz AL, Alsarraf R, Coltrera MD. Quality of life in patients with head and neck cancer : lessons learned from 549 prospectively evaluated patients. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2000 ; 126 : 329-35. 13. Woisard-Bassols V. Bilan clinique de la voix. Encycl Med Chir Oto-Rhino-Laryngologie 20-753A-10, 2000, 12p.

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 79-89

Cancers de l’oropharynx stades III et IV : résultats d’une étude randomisée du GORTEC comparant radiothérapie exclusive et radiothérapie avec chimiothérapie concomitante Gilles CALAIS, Marc ALFONSI, Étienne BARDET, Christian SIRE, Thierry GERMAIN, Philippe BERGEROT, Béatrix RHEIN, Jacques TORTOCHAUX, Patrick OUDINOT, Philippe BERTRAND Clinique d’Oncologie et de Radiothérapie, Hôpital Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours, France

La radiothérapie est le traitement habituel des cancers de l’oropharynx non résécables. Le pronostic de la maladie reste néanmoins le plus souvent assez péjoratif. La chimiothérapie a été testée pour tenter d’améliorer les résultats. Si la chimiothérapie d’induction permet de sélectionner les bons répondeurs qui peuvent bénéficier d’un traitement conservateur non mutilant [1, 2], aucune étude n’a montré qu’elle permettait d’améliorer les résultats par rapport à la radiothérapie exclusive [3]. L’administration concomitante de la chimiothérapie et de la radiothérapie a été évaluée dans de nombreuse études de Phase I et II suggérant la faisabilité de l’association au prix d’un accroissement de la toxicité et particuliérement de la mucite. Les études randomisées avec le Cisplatine et ou le Carboplatine ont donné des résultats discordants [4, 5]. En revanche, les études évaluant une polychimiothérapie selon un mode alterné rapide ont suggéré la supériorité de ce schéma par rapport à la radiothérapie exclusive [6, 7]. Institutions : Centre Hospitalier Universitaire Tours (GC), Clinique Sainte-Catherine Avignon (MA), Centre RenéGauducheau, Nantes (EB), Centre Hospitalier, Lorient (CS), Centre Hospitalier Universitaire, Poitiers (TG), Centre Étienne-Dolet, Saint-Nazaire (PB), Centre Hospitalier Universitaire, Limoges (BR), Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand (JT), Centre Guillaume-Le-Conquérant, Le Havre (PO), Département de Biostatistiques, Université de Tours (PB). Les autres auteurs sont : Ph. Maillard (Centre Paul-Papin, Angers), A. Favre (Centre Hospitalier Régional, Orléans), P. Desprez (Centre Saint-Yves, Vannes), J.M. Ardiet (Centre Hospitalier Universitaire, Lyon Sud), S. ChaibRassou (Centre Hospitalier, Metz), C. Alavena (Centre C. de Sienne, Nantes), A. Delpon (Centre J. Bernard, Le Mans), P. Gesta (Centre Hospitalier, Niort), J.J. Auregan (Centre G. de Varye, Saint-Doulchard), P.E. Cailleux (Clinique Fleming, Tours), Y. Raoul (Centre de Radiotherapie, Saint-Grégoire). Cette étude a fait l’objet d’un contrat dans le cadre du Programme hospitalier de recherche clinique.

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G. Calais et al.

Enfin comparé au schéma séquentiel, le schéma concomitant s’est révélé plus actif [8]. Trois méta-analyses récentes ont suggéré que le bénéfice global sur la survie apporté par la chimiothérapie dans le traitement des tumeurs de la tête et du cou était modéré mais hautement corrélé à la chronologie de l’administration de la chimiothérapie. L’administration concomitante des deux traitements permettant d’obtenir un bénéfice absolu de près de 10 % sur le taux de survie à 5 ans [9-11]. En 1994 nous avons mis en place une étude multicentrique de phase III pour tester l’hypothèse qu’une chimiothérapie administrée de façon concomitante à la radiothérapie de cancers de l’oropharynx de stades III et IV permettait d’améliorer le taux de survie sans récidive.

Méthodes Critères de sélection Les patients ont été évalués dans le cadre de structures de concertation pluridisciplinaires. Le bilan initial a comporté la panendoscopie avec oesophagoscopie, la radiographie de thorax, le scanner de la tête et du cou. Les tumeurs ont été classées selon les critères de la classification TNM de l’UICC (4e édition). Les critères d’inclusion ont été les suivants : carcinome de l’oropharynx histologiquement prouvé, stade III ou IV sans métastase à distance, âge inférieur à 75 ans, indice de Karnofsky supérieur à 60. Les patients n’ont pas été inclus en cas d’amaigrissement supérieur à 20 % du poids corporel, en cas de traitement préalable pour cette tumeur ou pour tout autre cancer excepté un carcinome basocellulaire de la peau. Les patients porteurs de lésions carcinomateuses multiples n’ont pas été inclus. Les autres critères d’inclusion ont été : un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 1 500/mm3, un taux de plaquettes supérieur à 120 000/mm3, une créatinine sérique inférieure à 1,4mg/dl. Le consentement éclairé écrit a été recueilli pour tous les patients avant randomisation.

Traitement Radiothérapie La radiothérapie a été identique dans les deux bras de l’étude selon les recommandations de l’ICRU [12]. La radiothérapie a été délivrée en utilisant des photons du cobalt ou de 4 à 6 MV. L’oropharynx et les aires ganglionnaires cervicales supérieures ont été traitées par deux faisceaux latéraux opposés. Les ganglions cervicaux moyens et inférieurs ont été irradiés par un faisceau antérieur avec protection médiane. Les champs latéraux et le champ antérieur étaient jointifs. Tous les faisceaux ont été traités à chaque séance. La dose totale délivrée à la tumeur a été de 70 Gy à raison de 2 Gy par séance, une séance par jour et 5 séances par semaine sans interruption programmée. La dose a été prescrite à mi-épaisseur pour les faisceaux latéraux et à 3 cm de profondeur pour le faisceau antérieur. 44 Gy ont été délivrés par le faisceau antérieur et dans les ganglions spinaux chez les patients classés N0. La dose délivrée à la moëlle cervicale a été inférieure à 45 Gy. Une dosimétrie à partir des coupes scanner a été faite pour évaluer les doses tumorales maximale et minimale. 80

Cancers de l’oropharynx de stades III et IV

Chimiothérapie Dans le bras expérimental, les patients ont reçu 3 cycles de chimiothérapie de façon concomitante à l’irradiation pendant les première, quatrième et septième semaines. Il s’agissait d’une association de Carboplatine et de 5-fluoro-uracile. Le 5-fluoro-uracile a été administré à la dose de 600 mg/m2 en perfusion continue sur 24 h pendant 4 jours consécutifs. Le Carboplatine a été administré à la dose de 70 mg/m2/j en perfusion courte pendant 4 jours. La chimiothérapie a été débutée à J1, 22 et 43.

Suivi-contrôle de qualité Pendant la durée du traitement les patients ont été examinés toutes les semaines. La toxicité aiguë a été rapportée en utilisant les scores de l’EORTC. La première évaluation a été faite 6 semaines après la fin du traitement puis tous les 4 mois pendant 5 ans. Un scanner a été réalisé à la première évaluation. Une radiographie de thorax et une échographie hépatique ont été faites une fois par an. La récidive locale, ganglionnaire ou la métastase à distance ont été considérés comme des échecs. Après échec le traitement de deuxième intention a été laissé au libre choix de chaque investigateur. Un programme de contrôle de qualité a été mis en place. Une revue de tous les dossiers a été effectuée par un groupe d’experts indépendants avec contrôle de l’ensemble du dossier technique de la radiothérapie.

Randomisation et analyse statistique La randomisation a été faite de façon centralisée, stratifiée selon le stade et selon le centre. Les caractéristiques des deux groupes ont été comparés en utilisant le test t pour les variables continues et le chi-deux pour les variables catégorielles. Pour mettre en évidence un accroissement du taux de survie globale à 3 ans de 25 à 40 % avec une erreur de type I de 0,05 et une puissance de 80 %, l’inclusion de 220 patients était nécessaire. Les taux de survie globale et de survie sans maladie ont été calculés selon la méthode de Kaplan-Meier et comparés à l’aide du test du Log-rank. Toutes les données ont été analysées selon les principes de « l’intention de traiter ». Les survies ont été calculées à partir de la date de randomisation jusqu’à la date de la plus récente information, de la récidive ou du décès. Aucun patient n’a été exclus de l’analyse.

Résultats Patients Entre juillet 1994 et septembre 1997, 226 patients ont été inclus. Quatre patients (2 dans chaque bras) ont été déclarés inéligibles en raison d’un deuxième cancer synchrone dans l’œsophage dans deux cas et de métastases à distance dans deux cas. 222 patients ont donc été analysés (113 dans le bras radiothérapie exclusive et 109 dans le bras radiothérapie + chimiothérapie. Deux patients ont été randomisés dans le bras de traitement combiné mais ont été traité par radiothérapie seule. Deux patients sont décédés avant tout traitement (un dans chaque bras). Ces 4 patients ont été analysé selon le principe de l’intention de traiter. Les deux groupes sont équilibrés au regard des caractéristiques principales (Tableau I). 81

G. Calais et al. Tableau I. Caractéristiques des patients*.

Homme/Femme Âge moyen (ans) Stade III - no (%) Stade IV - no (%) Karnofsky - no (%) 90-100 80 70 Histologie - no (%) Bien différencié Modérément différencié Peu ou indifférencié Non précisé Site Anatomique - no (%) Région amygdalienne Base de langue Voile du palais Paroi postérieure Non précisé Classification T - no (%) T1 T2 T3 T4 Classification N - no (%) N0 N1 N2a N2b N2c N3

RT (N = 113)

RT + CT (N = 109)

101/12 54,4 35 (31) 78 (69) 72 (64) 25 (22) 16 (14) 52 (46) 34 (31) 11 (10) 16 (13) 42 (37) 39 (34) 11 (10) 7 (6) 4 3 (2) 13 (12) 58 (51) 39 (35) 27 (24) 27 (24) 15 (13) 22 (19) 11 (10) 11 (10)

99/10 55,7 36 (33) 73 (67) 58 (53) 36 (33) 15 (14) 53 (48) 24 (22) 14(13) 18 (17) 43 (39) 40 (37) 12 (11) 8 (7) 5 5 (4) 9 (9) 52 (48) 42 (39) 29 (27) 25 (23) 18 (17) 12 (11) 8 (7) 16 (15)

* Du fait des chiffres arrondis, le total ne fait pas toujours 100.

Compliance au traitement Dans le bras radiothérapie exclusive, un patient est décédé avant tout traitement ; 3 patients ont reçu une dose inférieure à 10 Gy (2 par décès précoce, 1 par refus). Dans le bras de traitement combiné 2 patients ont été traités par radiothérapie exclusive (1 refus de la chimiothérapie, 1 par erreur). 1 patient est décédé avant tout traitement. La dose totale moyenne délivrée a été respectivement de 69,2 et 69,6 Gy dans le bras radiothérapie seule et dans le bras de traitement combiné. La compliance à la radiothérapie se trouve dans le Tableau II. Aucune différence n’a été observée en ce qui concerne la fréquence des interruptions de la radiothérapie. Cependant, en cas d’interruption pour toxicité, la durée moyenne a été significativement plus longue dans le bras de traitement combiné (8,9 jours versus 6,2 jours). Soixante-et-onze patients (65 %) ont reçu les 3 cycles de chimiothérapie prévus. 97 % et 94 % des patients ont respectivement reçus 1 et 2 cycles. La dose-intensité relative a été de 0,78 et 0,76 pour le Carboplatine et le 5-fluoro-uracile. La compliance à la chimiothérapie se trouve dans le Tableau III.

82

Cancers de l’oropharynx de stades III et IV Tableau II. Compliance à la radiothérapie. Paramètre de la radiothérapie

RT (N = 113)

RT + CT (N = 109)

Durée totale du traitement (jours) Interruptions (> 3 jours) Durée moyenne des interruptions (jours) Arrêt de la RT avant son terme Dose tumorale maximale (moyenne) (Gy) Dose tumorale minimale (moyenne) (Gy)

49,8 16 (14 %) 6,2 6 (5 %) 71,5 66,8

51,6 19 (17 %) 8,9 6 (5 %) 72,7 67,7

Tableau III. Compliance à la chimiothérapie*. Cycle Chimiothérapie Doses 5-fluoro-uracile (mg, dose moy) Carboplatine (mg, dose moy) Administration Pleine dose, pas de retard - no de patients Pleine dose avec retard Réduction de dose Réduction dose + retard Non administré**

no 1

no 2

no 3

4 047 469 104 0 2 0 3

3 615 441 80 8 11 4 6

2 759 315 51 5 13 2 38

* La compliance a été évaluée en incluant tous les patients traités dans le bras radiochimiothérapie. ** Non administré chez 32 patients sur 38 du fait que la radiothérapie était terminée.

Toxicité aiguë Un patient est décédé d’infection au décours d’une neutropénie fébrile après le deuxième cycle de chimiothérapie. Le Tableau IV résume les événements toxiques. La toxicité hématologique a été plus marquée en cas de traitement combiné. L’incidence des mucites grades 3 et 4 a été plus importante en cas de chimiothérapie associée (71 % versus 39 %). De ce fait l’état nutritionnel des patients recevant la chimiothérapie a été moins satisfaisant avec une plus grande proportion de patients ayant perdu plus de 10 % du poids du corps et de patients nécessitant une nutrition par voie entérale ou parentérale.

Survie Avec un suivi médian de 35 mois, 116 patients sont décédés, 69 dans le bras radiothérapie, 47 dans le bras radiothérapie et chimiothérapie. Les médianes de survie sont respectivement de 15,4 et 29,2 mois dans chacun des 2 bras. Les taux de survie à 3 ans sont significativement meilleurs en cas de traitement combiné (51 % versus 31 % pour la survie globale, p = 0,022, 42 % versus 20 % pour la survie sans maladie, p = 0,043) (Figures 1 et 2).

Causes des échecs Dans le bras radiothérapie exclusive 65 patients ont rechuté. Il s’agissait dans 58 cas d’un récidive au site tumoral initial (89 %). 35 patients (54 %) ont eu une évolution ganglionnaire et 12 patients (18 %) ont développé des métastases à distance. Le pourcentage des récidives dépasse 100 du fait de la combinaison chez certains patients de plusieurs types d’échecs. 83

G. Calais et al. Tableau IV. Toxicité aiguë et tardive. Toxicité Toxicité aiguë Mucite Non confluente Confluente fibrineuse Peau Érythème. Prurit. Desquamation Épithélite exsudative État nutritionnel Perte de poids > 10 % poids corps Sonde gastrique Hématologie Neutrophiles < 0,9 Plaquettes < 50 Hémoglobine < 8 g/100 ml Décès toxique Toxicité Tardive Hyposialie grade 3 ou 4 Fibrose cervicale sévère

RT (N = 113)

RT + CT (N = 109)

p value

32 7 47 12 6 15 0 1 0 0 6 3

57 14 44 23 14 36 4 6 3 1 10 12

0,005

0,02 0,03 0,01 0,03 0,04 0,04 0,1 0,08

Figure 1. Survie globale des patients traités par radiothérapie exclusive ou par association radiothérapie et chimiothérapie.

84

Cancers de l’oropharynx de stades III et IV

Figure 2. Survie sans maladie des patients traités par radiothérapie exclusive ou par association radiothérapie et chimiothérapie.

Dans le bras associant radiothérapie et chimiothérapie un échec a été observé chez 40 patients. Le type d’échec a été local (36 cas), régional ganglionnaire (21 patients) et métastatique (12 patients). Le statut actuel des patients, les causes des échecs et des décès sont dans le Tableau V. Tableau V. Causes de décès et causes d’échecs. Catégorie Vivant Décédé Cause du décès Cancer de l’oropharynx Complication du traitement Maladie intercurrente Second cancer Cause inconnue Cause d’échec Récidive tumorale Récidive ganglionnaire Métastases à distance

RT (N = 113)

RT + CT (N = 109)

44 (39) 69 (61) 56 (81) 0 9 (13) 1 3 58 (51) 35 (31) 12 (11)

62 (57) 47 (43) 32 (68) 1 9 (19) 2 3 36 (33) 21 (19) 12 (11)

Toxicité tardive Avec un recul médian de 35 mois, le taux global de toxicité tardive sévère (grades 3 et 4) a été de 9 % chez les patients traités par radiothérapie exclusive et de 14 % en cas de chimiothérapie associée. Il y a une tendance à observer plus de fibroses cervicales sévères dans le bras de traitement combiné. 85

G. Calais et al.

Discussion Dans cette étude nous avons observé une amélioration du taux de survie globale et du taux de survie sans récidive grâce à l’adjonction d’une chimiothérapie pendant la radiothérapie chez des patients porteurs de cancers de l’oropharynx stades III et IV. Ce bénéfice a été obtenu par une amélioration du taux de contrôle locorégional au prix d’un accroissement de la toxicité aiguë et particulièrement de la mucite. L’irradiation et la chimiothérapie peuvent être associées de différentes façons dans le traitement des tumeurs de la tête et du cou. Les deux traitements peuvent être administrés de façon concomitante ou de façon alternée. La radiothérapie peut être délivrée avec un fractionnement conventionnel ou avec un shéma hyperfractionné et ou accéléré. L’irradiation avec fractionnement conventionnel et chimiothérapie concomitante a été testée dans plusieurs essais randomisés. Les études les plus anciennes ont utilisé une monothérapie avec de la Bléomycine [13, 14], du Méthotrexate [15], du 5-fluoro-uracile [16] de la Mitomycine [17] et de faibles doses de Cisplatine [5]. Quelques-uns de ces essais ont suggéré un bénéfice en termes de contrôle local et ou de survie à l’utilisation du traitement combiné. Cependant, les résultats de ces études restent controversés et l’association radiochimiothérapie n’a pas été utilisée comme un traitement standard des cancers avancés non résécables. L’association Cisplatine et 5-fluoro-uracile est une des combinaisons les plus actives dans le traitement des tumeurs de la tête et du cou. Il a été évalué en administration concomitante dans le cadre d’une étude randomisée par l’équipe de Cleveland [18]. Le taux de survie sans maladie à 3 ans a été significativement amélioré par l’adjonction de la chimiothérapie (67 % versus 52 %). Dans notre étude, nous avons utilisé le Carboplatine pour trois raisons : la moindre toxicité digestive et rénale comparée au Cisplatine, la possibilité d’administrer le médicament en ambulatoire et son pouvoir radiosensibilisant suggéré par certains travaux [19]. Dans l’étude à 3 bras de Jérémic [4] une amélioration du taux de survie à 5 ans a été rapportée avec l’utilisation de la chimiothérapie en comparaison à la radiothérapie exclusive. Aucune différence n’a été notée entre le Cisplatine et la Carboplatine. Dans notre étude, seuls les patients porteurs de carcinomes de l’oropharynx ont été inclus. L’homogénéité de la population étudiée est un critère majeur pour l’interprétation des résultats. De nombreuses études ont inclus des patients porteurs de tumeurs aussi variées que celles du nasopharynx ou des sinus de la face. La fiabilité des données paraît beaucoup plus certaine lorsque l’on s’adresse à des patients porteurs de tumeurs d’un seul site anatomique. Le schéma de radiothérapie et chimiothérapie alterné a été proposé avec l’espoir de réduire la toxicité muqueuse mais il a l’inconvénient de prolonger la durée totale de l’irradiation et donc d’exposer le patient au risque de repopulation tumorale. Les études italiennes [6, 7] ont rappporté une amélioration significative des résultats en comparant ces schémas alternés à la radiothérapie exclusive. Cependant, les mauvais résultats observés dans le bras témoin (taux de survie à 5 ans de 9 %) peuvent être expliqués par un allongement du temps total et l’administration d’une dose totale moyenne de 62 Gy. Basés sur les avantages théoriques et les résultats cliniques de la radiothérapie hyperfractionnée et/ou accélérée utilisée seule [20, 21], des essais randomisés ont été initiés pour comparer une radiothérapie avec fractionnement modifié avec ou sans chimiothérapie concomitante [22-24]. L’étude la plus importante par le nombre de patients a été conduite en Allemagne [22] comparant radiothérapie hyperfractionnée seule et radiothérapie hyperfractionnée avec chimiothérapie (Cisplatine, 5-FU et Acide Folinique). Les taux de survie globale à 3 ans ont été de 24 % et 48 % en faveur du traitement combiné. Une autre étude de l’Université de Caroline du Nord a abouti à des conclusions similaires en utilisant une radiothérapie accélérée avec interruption programmée [23]. Dans ces deux études des interruptions de la radiothérapie ont été incluses dans le schéma de traitement afin de tenter de réduire la toxicité aiguë. L’étude de Brizel a comparé un schéma de radiothérapie accélérée continue à un schéma hyperfractionné avec interruption plus chimiothérapie conco86

Cancers de l’oropharynx de stades III et IV

mitante avec Cisplatine et 5-FU. Le taux de survie a été significativement meilleur avec l’utilisation de la chimiothérapie (55 % versus 34 %) [24]. L’irradiation avec chimiothérapie concomitante apparaît plus efficace que la radiothérapie conventionnelle seule. Cependant, de nombreuses questions demeurent non résolues concernant le schéma optimal de radiothérapie à combiner avec la chimiothérapie. La toxicité muqueuse est manifestement le facteur limitant de ce type de traitement. Des techniques permettant de réduire ces effets toxiques permettraient d’envisager une meilleure compliance à ces traitements.

Résumé Objectifs : évaluer l’apport d’une chimiothérapie concomitante administrée pendant la radiothérapie chez des patients porteurs d’un carcinome de l’oropharynx localement avancé. Méthodes : 226 patients ont été inclus dans une étude randomisée multicentrique de phase III comparant la radiothérapie exclusive (bras A) à l’association radiothérapie et chimiothérapie (bras B). La radiothérapie était identique dans les 2 bras délivrant sur un mode conventionnel 70 Gy en 35 fractions. Dans le bras B, les patients ont reçu 3 cycles de 4 jours d’une chimiothérapie associant carboplatine (70 mg/m2/j) et 5-fluoro-uracile (600 mg/m2/j) en perfusion continue. Les deux bras étaient équilibrés au regard de l’âge, du sexe, de l’état général, de l’histologie et du site anatomique de la tumeur primitive. Résultats : la compliance à la radiothérapie a été bonne et comparable dans les deux bras. L’incidence des mucites de grade 3 et 4 a été significativement plus élevée dans le bras B (67 % versus 36 %). La toxicité cutanée n’a pas été différente. La toxicité hématologique a été plus marquée dans le bras B sur les taux de neutrophiles et d’hémoglobine. Les taux de survie globale et de survie sans maladie à 3 ans ont été respectivement de 51 % versus 31 % et de 42 % versus 20 % chez les patients traités par radiochimiothérapie versus radiothérapie seule (p = 0,022 et 0,043). Le taux de contrôle local et locorégional a été significativement amélioré dans le bras B (66 % versus 42 %). Conclusion : l’amélioration du taux de survie obtenue par l’adjonction de la chimiothérapie concomitante à l’irradiation permet de recommander cette association comme traitement de référence des cancers de l’oropharynx stades III et IV non résécables.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 91-99

Essai randomisé de chimiothérapie d’induction dans les carcinomes de l’oropharynx : essai sur 318 patients (GETTEC) Patrick MARANDAS, Dominique DE RAUCOURT, Jean-Louis LEFEBVRE, Béatrice RHEIN, Pierre WIBAULT, Brigitte COCHE-DEQUEANT, Christian DOMENGE, Bernard LUBOINSKI Département de carcinologie cervico-faciale, Institut Gustave-Roussy, 94805 Villejuif Cedex, France

La France est le pays où les cancers oropharyngés sont proportionnellement les plus fréquents. Le traitement repose essentiellement sur la radiothérapie ; la chirurgie n’a acquis une place notable que depuis 1977. La chimiothérapie n’avait que peu de place. En 1983 la première publication [2] puis en 1985 celle de Weaver, de la même équipe d’Al Sarraf [5], apportant des résultats sur la régression tumorale après chimiothérapie par Cisplatine et 5-fluoro-uracile, des espoirs sont nés de voir une amélioration du contrôle local et de la survie des patients porteurs de cancers des voies aéro-digestives supérieures. Le Groupe français d’Étude des Tumeurs de la Tête et du Cou (Gettec) a décidé en 1985 de réaliser un essai randomisé de chimiothérapie d’induction dans les carcinomes de l’oropharynx. Cet essai s’est déroulé de 1986 à 1992 dans 4 services hospitaliers : Institut Gustave-Roussy de Villejuif, Centre Oscar Lambret de Lille, Centre Antoine Baclesse de Caen et le Centre Hospitalier Régional Universitaire de Limoges. À l’occasion du Congrès de la Société Française de Carcinologie Cervico-Faciale de novembre 2001, un point des résultats à distance de l’essai a été fait mais la mise à jour des données n’a pu être faite que sur 195 dossiers.

Objectif de l’essai et sa réalisation L’essai avait pour objectif de comparer l’efficacité de la chimiothérapie d’induction par CDDP + 5 FU dans les cancers de l’oropharynx que le choix thérapeutique protocolaire soit la radiothérapie ou la chirurgie. 91

P. Marandas et al.

Cet essai avait soulevé un certain enthousiasme des nombreux membres du Gettec. Sur le plan pratique, seuls les 4 Centres déjà cités ont inclus des malades dans cet essai randomisé. Les malades étaient traités selon le protocole du lieu où ils étaient traités. En règle relevaient de radiothérapie les carcinomes de l’amygdale, du voile du palais et les tumeurs bourgeonnantes de la base de langue. Ont été traités par chirurgie par voie externe selon la technique classique de la bucco-pharyngectomie transmaxillaire les carcinomes du sillon glosso-amygdalien, du pilier antérieur et les tumeurs ulcérées et infiltrantes de la base de langue. Cette chirurgie tumorale était associée à une chirurgie ganglionnaire et toujours suivie de radiothérapie post-opératoire. La randomisation était réalisée après s’être assurée que le patient remplissait tous les critères d’inclusion et ne présentaient pas de contre-indication (Tableau I). Cette randomisation se faisait par appel téléphonique auprès du service de statistique de l’Institut Gustave-Roussy qui disait si le patient devrait recevoir de la chimiothérapie ou non. Tableau I. Critères d’inclusion dans l’essai oropharynx. -

Carcinome épidermoïde certifié par la biopsie Toutes localisations oropharyngées sauf face antérieure d’épiglotte et paroi postérieure T2, T3, T4 (pas T1) No, N1, N2A, N2B, N2C (pas N3) Âge : > 18 ans et < 70 ans Pas de traitement antérieur Pas de tumeur multiple

Les critères d’exclusion, bien que n’étant pas sévères, ont conduit à exclure à l’Institut Gustave-Roussy 60 % des malades vus durant la même période, soit qu’ils présentent une autre localisation, soit qu’ils présentent une contre-indication médicale à la chimiothérapie ; parmi ces contre-indications la cause la plus fréquente a été l’existence d’antécédents cardio-vasculaires.

Matériel et méthodes Le protocole thérapeutique La chimiothérapie La chimiothérapie était une association de Cisplatine (CDDP) à la dose de 100 mg/m2 administrée en IV sur 1 heure au jour 1 suivie de 5 fluoro-uracil (5 FU) administrée en perfusion continue sur 24 heures aux jours J1, J2, J3, J4, J5. L’administration de Cisplatine était précédée d’une hyperhydratation par voie veineuse sur 24 heures de façon à éviter une possible insuffisance rénale. La prévention des nausées et des vomissements était assurée par l’injection de Kytril ou de Zophren. Cette chimiothérapie était répétée à J22 et J43 à moins qu’une progression tumorale soit constatée entre 2 cures. Le traitement par radiothérapie ou chirurgie était programmée 2 ou 3 semaines après la fin de la chimiothérapie.

92

Chimiothérapie d’induction et carcinomes de l’oropharynx

La chirurgie Au niveau de la tumeur, la chirurgie standard était la bucco-pharyngectomie transmaxillaire avec sacrifice de la continuité mandibulaire. Les exérèses par voie transmandibulaire avec ostéosynthèse n’étant pas encore habituelle à l’époque de l’essai. L’importance de l’exérèse dépendait de l’importance des extensions tumorales avant la chimiothérapie. La chirurgie ganglionnaire était toujours associée à l’exérèse tumorale. L’évidement était sélectif avec extemporané pour les malades No et un évidement complet radical classique en cas de ganglion supérieur à 3 cm ou radical modifié en cas de ganglion de moins de 3 cm. La radiothérapie 1. La radiothérapie seule. La radiothérapie délivrée a toujours été une radiothérapie à fractionnement classique, c’est-à-dire à la dose de 70 Gy en 7 semaines à raison de 5 séances hebdomadaires de 2 Gy. Les champs couvraient le lit tumoral et les aires ganglionnaires des deux côtés du cou. Les aires ganglionnaires cervicales inférieures recevaient 50 Gy en 5 semaines par un champ inférieur avec un complément en cas de ganglion palpable. 2. En cas de radiothérapie post-opératoire, celle-ci débutait dès que la cicatrisation complète était obtenue, c’est-à-dire entre 3 et 4 semaines après l’intervention. Cette radiothérapie délivrait sur le lit tumoral une dose de 50 Gy en cas de résection suffisante et de 65 Gy en cas de résection limite ou insuffisante. Sur les aires ganglionnaires la dose délivrée était de 50 Gy des 2 côtés du cou avec un supplément de 15 Gy sur les zones histologiquement envahies et en rupture capsulaire. Les aires spinales étaient traitées par un champ postérieur de 42 Gy délivré par le télécobalt avec un supplément de 8 Gy aux électrons.

Le bilan Le bilan chez les malades recevant de la chimiothérapie Il était réalisé à chaque cycle appréciant d’une part la toxicité de la chimiothérapie et les résultats observés au niveau du lit tumoral et les aires ganglionnaires. Le bilan final de la chimiothérapie était apprécié juste avant le début de la radiothérapie ou de l’intervention ; ce bilan final comportait un examen clinique minutieux ainsi qu’un examen tomodensitométrique. Le bilan à distance Il a été réalisé lors des consultations de suivi. Ce bilan était clinique et comportait 6 mois après la fin du traitement un scanner et une radio de thorax chaque année. La survie globale a été calculée à partir de la date de randomisation jusqu’au décès ou à la dernière date de suivi. La survie sans événement a été calculée depuis la date de randomisation à la date du 1er événement carcinologique (récidive locale ou ganglionnaire, métastase, deuxième cancer) ou du décès ou de la dernière date de consultation. Initialement Il était prévu d’inclure 760 patients/400 dans la strate (bras) chirurgie, 360 dans la strate radiothérapie.

93

P. Marandas et al.

Étude de la population incluse dans l’essai L’essai a commencé début 1986 et a été clos en 1992. Trois cent dix-huit patients ont été inclus dans l’étude : 157 ont reçu de la chimiothérapie et 161 n’ont pas eu de chimiothérapie. Il y a eu 144 malades dans le groupe chirurgie et 174 dans le groupe radiothérapie (Tableau II). Tableau II. Schéma de l’essai avec dénombrement des groupes.

Caractéristiques des patients Les caractéristiques des patients sont réparties de façon égale dans les deux groupes chimiothérapie et pas chimiothérapie (Tableau III et IV). Traitement Des remarques sont à faire sur le traitement réellement pratiqué. • Dans la strate chirurgie : parmi les 71 patients randomisés chimio suivie de chirurgie : onze patients (15,5 %) n’ont pas été opérés ; 5 par refus du malade, 5 autres étant en RCC (réponse clinique complète), le médecin n’a pas estimé éthique de proposer une intervention agressive et un patient est décédé d’infarctus du myocarde entre 2 cures de chimiothérapie. De plus, un patient n’a pas eu de radiothérapie post-opératoire. Parmi les 73 patients randomisés sans chimiothérapie, 2 patients n’ont eu qu’une intervention sur les aires ganglionnaires et aucun geste sur l’oropharynx. • Dans la strate radiothérapie : six patients du bras chimiothérapie n’ont pas eu de radiothérapie : deux malades étant décédés avant le début des rayons dont un de chimiotoxicité, deux malades ont été jugés incapables médicalement de subir une radiothérapie, Tableau III. Caractéristiques des patients : âge, sexe, topographie tumorale. Les topographies « autre » correspondent à un petit groupe de patients opérés de BPTM pour des lésions non strictement oropharyngées et randomisés à tort : zone de jonction linguale, commissure intermaxillaire. Pas de chimio

Chimiothérapie

Âge moyen Sexe masculin

54,2 149-93 %

52,4 141-90 %

Topographie tumorale : Amygdale Base de langue Voile du palais Autre

79-49 % 53-33 % 15-9 % 14-9 %

76-49 % 54-34 % 17-11 % 10-6 %

94

Chimiothérapie d’induction et carcinomes de l’oropharynx Tableau IV. Classification T/N, stade et classification de l’état général. Pas chimio

Chimiothérapie

T : T2 T3 T4

64 82 15

40 % 51 % 9%

63 82 12

40 % 52 % 8%

N : No N1 N2

81 46 34

50 % 29 % 21 %

80 45 32

51 % 29 % 20 %

Stade : 2 3 4

42 76 43

26 % 47 % 27 %

40 77 40

25 % 49 % 45 %

EcoG : 0 1 2

71 80 10

44 % 50 % 6%

72 77 8

46 % 49 % 5%

un patient a refusé tout traitement et chez un patient un 2e cancer a été dépisté avant le début du traitement. Dans le bras sans chimiothérapie : un patient s’est suicidé avant la 1re séance de radiothérapie. Au total, 21 patients (6,6 %) n’ont pas eu le traitement prévu dans le protocole lors de la randomisation, dont 18 dans le bras chimiothérapie (11,4 %). • Réalisation de la chimiothérapie : 97 % des patients reçurent 1 cycle de chimiothérapie et 78 reçurent les 3 cycles prévus. Toxicité de la chimiothérapie Parmi les 152 patients ayant eu de la chimiothérapie, un sur deux présenta un signe de toxicité. La toxicité fut classée grade 1 ou 2 pour 32 % des patients, grade 3 dans 14 % et grade 4 chez 4 %. Ces toxicités ont été principalement hématologique (26 %), digestive (22 %) et muqueuse dans 13 % des cas (Tableau V). Tableau V. Toxicité induite par la chimiothérapie par CDDP + 5 FU. Type de toxicité Nausées, vomissements Leucopénie Thrombopénie Mucite Épithélite Asthénie Ins. rénale Infection

Grade 1

2

3

4

11 8 2 4 1 6 5 2

17 17 6 8 3 2 1 0

4 10 3 5 2 0 2 1

2 2 1 3 1 1 1 0

Réponse à la chimiothérapie Dans 20 % des cas la réponse clinique a été estimée complète (RCC) et en plus dans 36 % des cas la réponse était évaluée comme supérieure à 50 % (RP). 95

P. Marandas et al.

Résultats de l’étude Au moment de la première analyse, 4 ans après l’inclusion du dernier malade, 165 décès avaient été enregistrés, 73 dans le bras chimiothérapie et 92 dans le bras sans chimiothérapie. En octobre 2001, une mise à jour a été réalisée mais les données n’ont été obtenues que pour la moitié des patients : il y a 226 décès dont 109 dans le groupe chimiothérapie (69,4 %) et 117 dans le groupe sans chimiothérapie (72,6 %). Quarante patients étaient en poursuite évolutive au 1er bilan à 6 mois, 15 dans le bras chimiothérapie, 25 dans le bras sans chimiothérapie. La survie sans événement est considérée à 0 pour ces 40 patients. Le Tableau VI indique le premier événement évolutif survenu en fonction du bras de randomisation. Parmi les patients dont le décès est le premier événement, la moitié de ces décès était en rapport avec une cause intercurrente. La cause du décès restait méconnue dans 35 % des cas mais il n’y avait aucun signe évolutif lors de la consultation précédant le décès. Sept décès étaient iatrogènes (3 %) dont 4 dans le bras chimiothérapie. Tableau VI. Type de premier événement évolutif.

Récidive T ou N Métastase 2e K - VADS 2e K hors VADS Décès Total

Pas chimio

Chimio

Total

49 20 13 15 26

46 18 21 15 20

95 38 34 30 46

123

120

243

L’étude des récidives tumorale (RT) ou ganglionnaire (RN) comme premier événement selon la topographie initiale et le bras chimiothérapie ou non est consignée dans le Tableau VII. Tableau VII. Étude des récidives en fonction de la topographie tumorale et de la chimiothérapie.

L’étude des 2es cancers ORL ou extra-ORL ainsi que de la survenue de métastases comme premier événement figurent dans le Tableau VIII.

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Chimiothérapie d’induction et carcinomes de l’oropharynx Tableau VIII. Fréquence des 2es cancers et des métastases comme premier événement évolutif en fonction de la topographie tumorale et la chimiothérapie.

Étude des survies (Figures 1 à 5) La survie globale à 3 ans et à 5 ans est dans le bras chimiothérapie de 63 % et 50 % et dans le groupe sans chimiothérapie de 51 % et de 40 %. Selon le T elle est pour les T2 bras chimiothérapie 48 % et 40 % pour le groupe avec chimio et de 73 % et 60 % pour le groupe chimiothérapie. Pour les T3T4 groupe sans chimio : 54 % et 39 %, groupe chimio 57 % et 42 %. Les survies en fonction du T et de la topographie tumorale sont résumées dans le Tableau IX. Tableau IX. Survie à 3 et 5 ans en fonction du T, de la topographie tumorale et de l’administration ou non de chimiothérapie. 3 ans

5 ans

T2T3T4 chimio T2T3T4 pas chimio

63 % 51 %

50 % 40 %

T2 chimio T2 pas chimio

73 % 48 %

60 % 40 %

T3T4 chimio T3T4 pas chimio

57 % 54 %

42 % 39 %

Amygdale chimio Amygdale pas chimio

68 % 57 %

57 % 45 %

BdL chimio BdL pas chimio

55 % 46 %

41 % 30 %

La médiane de survie est de 4,9 ans dans le groupe chimiothérapie et de 3,3 ans dans le groupe sans chimiothérapie. 97

P. Marandas et al.

Figure 2. Courbes de survie des malades classés T2. Figure 1. Courbes de survie pour l’ensemble des malades inclus dans l’essai.

Figure 3. Courbes de survie des malades classés T3T4.

Figure 4. Courbes de survie des malades atteints de carcinome de l’amygdale palatine.

Figure 5. Courbes de survie des malades atteints de carcinome de la base de la langue.

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Chimiothérapie d’induction et carcinomes de l’oropharynx

Discussion Cet essai semble montrer une meilleure survie dans le groupe traité par chimiothérapie première mais cette amélioration n’est pas significative. L’orientation de cet essai montre un discret bénéfice pour les malades traités par chimiothérapie première. Cet essai a été pris en compte par Pignon [4] dans le cadre d’une méta-analyse de tous les essais randomisés. Cette méta-analyse montre un bénéfice de 4 % de la survie chez les malades traités par chimiothérapie première. Néanmoins, il est important de dire que les résultats d’un essai ne donnent qu’une orientation et ne peuvent pas être transposés exactement dans la pratique quotidienne car les malades des essais sont particulièrement sélectionnés et leur surveillance est particulièrement rigoureuse. Reste un point à soulever et qui n’est jamais pris en compte est le coût financier de cette chimiothérapie qui risque de nous être opposé par les autorités de tutelle. Il aurait été utile de proposer aujourd’hui un autre essai avec en associant une taxane (Taxol ou Taxoter) ; les difficultés liées aux contraintes actuelles, aux embûches posées par la coordination d’une essai pluricentrique et surtout à l’orientation actuelle des radiothérapeutes pour inclure les patients dans des essais de radiochimiothérapie concomitante rend impossible actuellement la réalisation d’un nouvel essai de chimiothérapie d’induction.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 101-104

Chimiothérapie dans les cancers de l’oropharynx : étude bibliographique Frédéric ROLLAND Centre René-Gauducheau, site hospitalier Nord, boulevard Jacques-Monod, 44805 Saint-Herblain Cedex, France

Il existe 3 façons de délivrer une chimiothérapie dans le cadre du traitement d’un carcinome localement avancé de l’oropharynx : 1. La chimiothérapie néo-adjuvante (ou d’induction), 2. La chimiothérapie concomitante (à la radiothérapie), 3. La chimiothérapie adjuvante. Les questions posées pour les deux premiers modes d’administration sont, à peu de choses près, les mêmes : • La chimiothérapie permet-elle d’améliorer le contrôle local, la survie sans récidive voire la survie globale des patients ? • Peut-elle participer à une stratégie de préservation d’organe, sur le modèle de ce qui se fait dans les cancers du pharyngo-larynx ? Pour la chimiothérapie adjuvante, la question concerne essentiellement l’amélioration de la survie sans récidive et de la survie globale.

Chimiothérapie néo-adjuvante et préservation d’organe À l’inverse de ce qui existe pour les cancers du pharyngo-larynx, il n’y a pas de grand essai randomisé publié sur le sujet. Pourtant, les premières publications sur ce thème sont anciennes (équipe du M.D. Anderson) et de nombreuses études rétrospectives ainsi que des essais de phase II ont abordé ce concept (Tableau I). On ne peut bien sûr pas tirer de conclusions définitives de ces études ; il semble toutefois que cette technique soit possible et qu’elle ne compromette pas la survie.

101

F. Rolland Tableau I. Chimiothérapie néo-adjuvante. Type

Nombre de patients

% Oropharynx préservation

Survie %

SSR %

Urba [1]

Prosp.

89

55

58

40 3 ans

ND

Khan [2]

Rétro.

19

14

68

ND

57 3 ans

Marmiroli [3]

Prosp.

56

ND

33

ND

54 2 ans

Percodani [4]

Rétro.

293

ND

46

ND

ND

Urba [5]

Prosp.

42

ND

83

ND

ND

Chimiothérapie concomitante et préservation d’organe Très peu d’études ont été publiées sur le sujet ; citons toutefois celle de Koch [6] : il s’agissait d’une étude prospective sur 22 patients ; le taux de rémission complète γ est de 86 %, et la survie à 2 ans de 64 %. À noter qu’un projet de phase III est en gestation du côté de l’EORTC.

Préservation d’organe : aspects fonctionnels En termes de préservation, le plus important est, non pas l’organe, mais la fonction ; or, certaines études tendent à montrer que cette dernière peut être médiocre après un traitement dit conservateur ; 2 publications récentes illustrent ce problème : • Celle de Smith [7] qui a étudié 10 patients traités par radio-chimio concomitante ; tous avaient une déglutition anormale, 1 an après le traitement ; 8 sur 10 avaient une sténose pharyngée et 3 patients présentaient des fausses routes tardives. • Celle de Murry [8] qui concernait 58 patients traités par radiothérapie et chimiothérapie intra-artérielle (étude de la déglutition et de la qualité de vie) ; la qualité de vie diminuait pendant le traitement, mais était à 6 mois, meilleure qu’avant traitement ; néanmoins, les résultats fonctionnels étaient moins bons pour les cancers de l’oropharynx, ces résultats étant corrélés à la qualité de la déglutition. La question est donc : est-il intéressant d’appliquer aux cancers de l’oropharynx une stratégie de « préservation d’organe » si les résultats fonctionnels doivent être décevants ?

Chimiothérapie et survie globale La méta-analyse publiée par Pignon dans le Lancet [9] montre une amélioration de 4 % de la survie globale (qui passe de 32 à 36 % à 5 ans) pour les patients qui reçoivent une 102

Chimiothérapie et cancers de l’oropharynx

chimiothérapie en plus du traitement loco-régional par rapport à ceux qui n’en reçoivent pas ; cette différence est très significative (p < 0,0001). Cela correspond à une réduction du risque relatif de 11 %. Si l’on détaille ces résultats en fonction du type de chimiothérapie administrée, le bénéfice est surtout net pour la chimiothérapie concomitante avec un bénéfice de survie à 5 ans de 8 % (p < 0,0001) alors que ce bénéfice n’est que de 1 à 2 % pour la chimiothérapie adjuvante ou néo-adjuvante (p = NS). La réduction du risque relatif avec la chimiothérapie concomitante est de 19 %. À noter que la plupart des grands essais randomisés récents testant une chimiothérapie concomitante, sont positifs [10, 11]. En ce qui concerne la chimiothérapie néo-adjuvante, si le bénéfice de survie à 5 ans n’est globalement que de 2 %, ce taux monte à 5 % quand on ne considère que les essais utilisant l’association Cisplatine - 5 FU ; cette différence devient alors significative (p = 0,01). Toutefois, ces résultats sont à pondérer par le fait que aucune grande étude n’est positive, hormis l’essai récent du GETTEC [12]. Au total, l’impact précis de cette chimiothérapie néoadjuvante sur la survie reste difficile à préciser. Pour la chimiothérapie adjuvante, on ne dispose en fait que d’études anciennes. Toutefois, une publication récente vient relancer l’intérêt d’une telle chimiothérapie, délivrée de façon concomitante à l’irradiation ; il s’agit des résultats de l’essai EORTC 22931 qui comparait une radiothérapie post-opératoire classique, à la même irradiation couplée à 3 cures de Cisplatine. Les résultats sont significativement meilleurs dans le bras chimiothérapie tant en ce qui concerne le contrôle local que la survie sans récidive et la survie globale [13].

Conclusion • Intérêt de la préservation d’organe pour les cancers de l’oropharynx : la question reste posée puisque aucun essai de phase III n’a été réalisé pour le moment sur ce sujet ; de plus, il persiste de nombreuses interrogations sur les résultats fonctionnels. • Place de la chimiothérapie dans la stratégie thérapeutique : - Tumeurs opérables : il n’y a pas de place pour une chimiothérapie néo-adjuvante en standard ; la chimiothérapie adjuvante concomitante va peut-être trouver sa place en cas de facteurs de mauvais pronostic. - Tumeurs inopérables : la radio-chimio concomitante est devenu un standard ; la chimiothérapie néo-adjuvante garde peut-être un intérêt pour les très grosses tumeurs ou les N3.

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104

V Traitement chirurgical : techniques

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 107-111

Exérèse par les voies naturelles des tumeurs oropharyngées Guy LE CLECH, Stéphane FEAT, Éric MOHR, Benoît GODEY Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie maxillo-faciale, CHU Pontchaillou, 1, rue Henri-Le Guilloux, 35000 Rennes, France

Le traitement des tumeurs oropharyngées repose encore en grande partie sur la radiothérapie. Cependant un certain nombre de ces tumeurs vont bénéficier de traitements chirurgicaux très divers, la buccopharyngectomie transmaxillaire (BPTM) et la mandibulotomie représentant l’essentiel des techniques. Ces interventions nécessitent un geste mandibulaire pouvant être à l’origine de complications ou de séquelles. C’est pourquoi nous avons analysé la place de l’exérèse de ces tumeurs par les voies naturelles à propos d’une série de patients traités dans le service ORL du CHU de Rennes.

Matériel et méthodes Deux cent quarante-trois cas de tumeurs oropharyngées à type d’épithéliomas traités dans le service entre 1991 et 1999 ont été revus. Parmi les 243 cas, 89 ont été traités par radiothérapie exclusive (36,6 %), 65 par buccopharyngectomie transmaxillaire (27,5 %), 34 par exérèse après mandibulotomie (14 %), 48 par exérèse par voie endobuccale (19,8 %), 7 par d’autres procédés en particulier par curiethérapie (Tableaux I et II). Dans cette série, il y avait 229 hommes (94,3 %) et 14 femmes (5,7 %) avec un âge moyen de 58 ans pour des extrêmes de 34 et 83 ans. Il s’agissait dans tous les cas d’épithéliomas épidermoïdes avec un terrain tabagique dans 96 % des cas et éthylique dans 91 % des cas. Les répartitions suivant le T et le N sont représentées dans les Tableaux I et II avec pour les voies endobuccales 30 T1, 16 T2, 1 T3 et 1 T4. Pour l’atteinte ganglionnaire on retrouvait toujours pour les voies endobuccales 27 N0 (56,2 %), 11 N1 (22,9 %), 8 N2 (16,6 %) et 2 N3. Le point de départ lésionnel était pour les 48 patients opérés par voie buccale, l’amygdale dans 30 cas, la base de langue dans 7 cas, le sillon amygdalo-glosse dans 5 cas, la paroi pharyngée postérieure dans 2 cas et un point de départ impossible à déterminer dans 4 cas. 107

G. Le Clech et al. Tableau I. Atteinte tumorale. Radiothérapie

BPTM

Mandibulotomie

Voies endobuccales

T1

14

30

T2

16

36

17

16

T3

31

4

11

1

T4

28

25

6

1

Total

89

65

34

48

Tableau II. Atteinte ganglionnaire. BPTM

Mandibulotomies

Voies endobuccales

N0

41 (63 %)

14 (41,1 %)

27 (56,2 %)

N1

20 (30,7 %)

14 (41,1 %)

11 (22,9 %)

N2

4

6

8

N3

2 65

34

48

Pour ces 48 patients le geste a consisté après un traitement ganglionnaire classique en une exérèse par les voies naturelles après mise en place d’un ouvre-bouche de type Doyen ou Boyle-Davis, avec hémostase rigoureuse et fermeture primaire sans lambeau et sans trachétomie la plupart du temps (36 cas). Les 12 malades trachéotomisés l’ont été pour une durée moyenne de 8 jours. La sonde nasogastrique a été utilisée de façon systématique chez les 48 patients avec une durée moyenne de 12 jours. Finalement la durée moyenne du séjour (c’est-à-dire d’hospitalisation avant retour à domicile) a été de 12 jours pour l’ensemble de ces malades. La radiothérapie post-opératoire a été proposée pour 38 patients (70,8 %) avec une dose variant de 45 à 65 grays en fonction de l’atteinte ganglionnaire histologique. Le contrôle local à 2 ans a été de 42,3 % pour les patients traités par radiothérapie, de 67,4 % pour les BPTM, de 43,7 % pour les mandibulotomies et de 75,6 % pour les exérèses par les voies naturelles. La guérison à 3 ans a concerné 25 % des patients radiothérapés ; 61 % des BPTM ; 41 % des mandibulotomies et 71 % des voies endobuccales. Les complications et séquelles importantes (ostéoradionécrose, trismus, dysphagie, fistules) sont survenues chez 36,4 % des patients après radiothérapie ; 72,3 % après BPTM ; 59,1 % après mandibulotomie et 23 % après voie endobuccale.

Commentaires Les cas traités par voie endobuccale représentent pratiquemment 20 % des patients dans cette série par ailleurs habituelle en ce qui concerne l’âge, le sexe et le terrain. Parmi ces patients, il faut évidemment noter la prédominance des petites tumeurs T1 et T2 (46 cas sur 48) avec une origine préférentiellement amygdalienne (30 cas). L’importance de l’envahissement ganglionnaire n’a pas influencé le type de traitement chirurgical de la tumeur primitive puisqu’on trouvait entre 70 % et 80 % de N0 et de N1 dans les trois techniques utilisées (BPTM, mandibulotomie, voie endobuccale). 108

Exérèse par les voies naturelles des tumeurs oropharyngées

Pour un certain nombre de patients, le choix de la voie endobuccale s’est fait au détriment de la radiothérapie externe en raison des lésions potentiellement plus sévères (base de langue, sillon amygdaloglosse, paroi pharyngée postérieure) malgré une extension locale limitée. Les indications de la radiothérapie complémentaire pour les patients traités par voie endobuccale ont été variables mais liées, soit à l’envahissement ganglionnaire, soit à l’existence d’une tumeur de moins bon pronostic (localisation à la base de langue par exemple) de tumeurs dépassant l’amygdale ou de deuxième localisation tumorale. Pour les suites opératoires, les complications et les séquelles, l’intérêt des voies endobuccales paraît incontestable par rapport aux autres traitements même si le stade évolutif était différent. Cela paraît évident si on analyse la durée moyenne de séjour, la durée de la trachéotomie, la durée de l’alimentation par sonde nasogastrique. Enfin, l’intérêt des voies endobuccales apparaît clairement dans le contrôle local à 2 ans et la survie à 3 ans mais là encore le stade lésionnel était différent.

Discussion Dans les tumeurs oropharyngées les facteurs influençant la survie sont le site tumoral et le stade [2], le T et le N [17], l’extension basilinguale [8] ou antérieure [14]. Pour ces tumeurs, la radiothérapie exclusive reste le traitement le plus utilisé car considéré comme étant le plus efficace dans les T1 et T2 de l’amygdale [17], la chirurgie n’étant proposée que pour les échecs [13]. La plupart des auteurs sont favorables à une association de chirurgie et de radiothérapie dans les stades évolués T3 et T4 [20] ou pour les lésions de base de langue [11]. Pour certains, dans les stades peu avancés, la chirurgie et la radiothérapie apportent les mêmes résultats [10, 19]. En ce qui concerne les traitements chirurgicaux la buccopharyngectomie transmaxillaire qui était l’intervention de base s’est vue peu à peu supplantée par l’exérèse après mandibulotomie dont les séquelles fonctionnelles et esthétiques sont évidemment bien moindres. Cette attitude s’est développée à partir des travaux de Marchetta [15] montrant que la résection osseuse n’était pas nécessaire en l’absence d’atteinte périostée. Les travaux ultérieurs de Beauvillain [3] et Gehanno [8] ont retrouvé moins de 10 % d’atteinte mandibulaire sur les pièces de mandibulectomie. D’autres auteurs ont conforté ces chiffres avec 9,7 % d’atteintes mandibulaires histologiques [4]. La mandibulotomie a suscité des interrogations sur son innocuité puisque des taux de complications importants ont été retrouvés dans la littérature allant jusqu’à 19 % [6]. Les séquelles étaient d’importance très variable avec des douleurs, des troubles de sensibilité, des pertes dentaires, des troubles de l’articulé dentaire, des troubles de l’ouverture buccale [18]. Les douleurs de l’articulation temporo-maxillaire (ATM) sont retrouvées dans 17 % des cas pour Christopholous [5] et 50 % pour Riddle [18]. Les complications des ostéosynthèses sont également importantes dans la série de l’Institut Gustave-Roussy [9] avec 23,4 % de complications à 6 mois. Dans une autre série Jacques [12] retrouve 72 % de limitation de l’ouverture de bouche, 30 % de douleurs de l’ATM, 5 % d’ostéite et 52 % de troubles sensitifs. Ces difficultés sont à mettre en balance avec la satisfaction globale des patients sur l’aspect esthétique post-opératoire. Les résultats de la chirurgie sans abord mandibulaire (voies cervicales ou voies naturelles) sont relativement limités dans la littérature. Il faut citer l’intéressant travail de Agrawal [1] qui compare deux séries de 41 patients traités par voie transhyoïdienne ou par mandibulotomie. Ces deux séries étaient comparables en ce qui concerne le T, le N et le point de départ amygdale ou base de langue. Les taux d’envahissement des marges et de survie à 109

G. Le Clech et al.

5 ans sont identiques dans les 2 séries mais il existe de grandes différences pour les fistules (2 après voie transhyoïdienne, 10 après mandibulotomie) le lambeau myocutané (7 % après voie transhyoïdienne et 31 % après mandibulotomie), les ostéonécroses (1 après voie transhyoïdienne et 7 après mandibulotomie). C’est donc bien la technique de mandibulotomie qui est responsable de ces complications et séquelles et c’est dire de l’intérêt de l’éviter si possible. Les critères de la chirurgie des tumeurs oropharyngées par voie orale ont été décrits par Galati [7] avec d’excellents résultats pour les lésions à point de départ amygdalien : - tumeurs T1 ou T2 ; - extension à la base de langue limitée à deux centimètres ; - marges avec un à deux centimètres en périphérie de muqueuse normale ; - inclusion dans la pièce d’exérèse du constricteur supérieur du pharynx ; - fermeture primaire ou secondaire. Les contre-indications de ces voies endobuccales sont pratiquement celles des mandibulotomies : atteinte de la commissure intermaxillaire, du plancher buccal postérieur, tumeurs de la fosse infratemporale, tumeurs étendues aux ptérygoïdiens.

Conclusion En conclusion, le traitement des tumeurs oropharyngées a été réalisable dans cette série dans pratiquement 20 % des cas. Pour ces cas sélectionnés de tumeurs peu évoluées T1 et T2 avec un traitement ganglionnaire classique les résultats carcinologiques paraissent très satisfaisants et il faut souligner la supériorité des résultats fonctionnels de cette technique par rapport aux interventions classiques BPTM et mandibulotomies. Il paraît donc possible pour des tumeurs oropharyngées localisées d’utiliser une voie d’abord endobuccale plutôt qu’une voie d’abord par mandibulotomie.

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110

Exérèse par les voies naturelles des tumeurs oropharyngées 9. Genty E, Marandas P, Beautru R, Schwaab G, Luboinski B. La chirurgie par voie de mandibulotomie dans les cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2001 ; 118 : 26-34. 10. Hicks WL, Kuriakose A, Loree TR, Orner JB, Schwartz G, Mullins A, Donaldson C, Winston JM, Bakamjian VY. Surgery versus radiation therapy as single modality treatment of tonsillar fossa carcinoma. The Roswell Park Cancer Institute Experience (1971-1991). Laryngoscope 1998 ; 108 : 1014-9. 11. Hoffstetter S, Malissard L, Pernot M, Luporsi E, Peiffert D, Lapeyre M. Étude rétrospective d’une série de 136 carcinomes épidermoïdes de la base de langue traités au Centre Alexis-Vautrin de 1978 à 1992. Bull Cancer Radiother 1996 ; 83 : 90-6. 12. Jacques B, Bron L, Monnier P. Anterior mandibular osteotomy for tumor extirpation : a critical evaluation. Head Neck 2000 ; 22 : 323-7. 13. Johansen LV, Grau C, Overgaard J. Squamous cell carcinoma of the oropharynx. An analysis of treatment results in 289 consecutive patients. Acta Oncol 2000 ; 39 (8) : 985-94. 14. Lee WR, Mendenhall WM, Parsons JT, Million RR, Cassisi NJ, Stringer SP. Carcinoma of the tonsillar region : a multivariate analysis of 243 patients treated with radical radiotherapy. Head Neck 1993 ; 15 : 283-8. 15. Marchetta FC, Sako K, Murphy JB. The periostum of the mandible and intraoral carcinoma. Am J Surg 1971 ; 122 : 711-3. 16. Mendenhall WM, Amdur RJ, Stringer SP, Villaret DB, Cassisi NJ. Radiation therapy for squamous cell carcinoma of the tonsillar region : a preferred alternative to surgery ? J Clin Oncol 2000 ; 18 : 2219-25. 17. Perez CA, Patel MM, Chao KS, Simpson JM, Sessions D, Spector GJ, Haughey B, Lockett MA. Carcinoma of the tonsillar foss : prognostic factors and long-term therapy outcome. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1998 ; 42 (5) : 1077-84. 18. Riddle SA, Andersen PE, Everts EC, Cohen JI. Midline mandibular osteotomy : an analysis of functional outcomes. Laryngoscope 1997 ; 107 : 893-6. 19. Truc G, Horiot JC, Maingon Ph, Barillot I. Le cancer épidermoïde de l’oropharynx. Bull Cancer 2000 ; 5 (suppl.) : 9-19. 20. Wang MB, Kuber N, Kerner MM, Lee SP, Juillard GF, Abemayor E. Tonsillar carcinoma : analysis of treatment results. J Otolaryngol 1998 ; 27 (5) : 263-9.

111

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 113-116

Tumeurs T1 T2 N0 de l’oropharynx opérées sans radiothérapie complémentaire : à propos de 19 patients de 1995 à 2000 Jean-Christian PIGNAT, Marc POUPART, Alain COSMIDIS Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital de la Croix-Rousse, 93, rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon Cedex 04, France

Nous présentons une série de 19 patients porteurs de carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx classés T1 ou T2, N0, traités dans le service d’ORL de la Croix-Rousse par chirurgie exclusive de 1995 à 2000. Nous exposerons les objectifs de cette option thérapeutique et en présentons les résultats carcinologiques. Nous pensons que ce traitement chirurgical permet d’apporter la même sécurité que la radiothérapie, tout en préservant cette arme thérapeutique pour les fréquentes récidives locales ou secondes localisations que présentent souvent ces patients. Enfin, cette technique permet d’éviter au patient les effets secondaires non négligeables de la radiothérapie externe.

Objectifs L’objectif principal de cette étude est de montrer que ce traitement chirurgical apporte les mêmes résultats carcinologiques que le traitement traditionnel radiothérapique. Les buts recherchés sont tout d’abord d’éviter au patient les séquelles de la radiothérapie. Nous pensons ensuite éviter au chirurgien d’avoir à opérer une récidive ou deuxième localisation en territoire irradié, et donc de simplifier ce geste opératoire et ses suites. Par ailleurs, nous préservons ainsi pour le futur une arme thérapeutique. Enfin, ce traitement chirurgical exclusif permet de réaliser une économie, aussi bien directe en évitant les 30 à 35 transports remboursés que nécessite la radiothérapie car les coûts des deux traitements sont comparables, mais aussi indirecte car nos patients peuvent reprendre rapidement leur travail au décours d’une courte hospitalisation et rester ainsi dans leur environnement socioprofessionnel. 113

J.-C. Pignat et al.

Matériel et méthodes Cette série comprend 19 patients sur six ans, c’est-à-dire très peu en regard des 521 lésions de l’oropharynx prises en charge dans notre service dans la même période. Cette technique intéresse en effet uniquement les T1 et T2 N0. Elle se compose de 17 hommes et de 2 femmes d’âge moyen 55 ans, avec des extrêmes de 46 et 73 ans. La grande majorité de ces patients est éthylo-tabagique, c’est donc une population tout à fait classique pour la carcinologie. Neuf lésions étaient classées T1 et 10 T2. Tous les patients étaient N0. Les localisations les plus fréquentes étaient la loge amygdalienne, le sillon amygdalo-glosse et la luette (Tableau I). Un patient présentait une double localisation, luette et vallécule, et une triple localisation, loge amygdalienne, parois pharyngées latérale et postérieure. Tableau I. Série de patients. Loge amygdalienne

7

Sillon amygdalo-glosse

5

Luette

5

Voile

2

Vallécule

1

Paroi pharyngée postérieure

1

Paroi pharyngée latérale

1

Sur le plan chirurgical, 18 patients sur les 19 ont bénéficié d’une exérèse par voie endobuccale, et le dernier d’une pharyngectomie partielle par voie sus-hyoïdienne. Dix-sept patients ont eu un curage ganglionnaire. Nous avons réalisé un évidemment fonctionnel jugulo-carotidien et supra-hyoïdien emportant la glande sous-mandibulaire le plus souvent et les ganglions du pédicule facial dans tous les cas. Le principe est d’enlever les aires ganglionnaires qui sont habituellement dans les champs d’irradiation d’un traitement radiothérapique. Deux malades n’ont pas eu de geste ganglionnaire. Le premier présentait une lésion T1 N0 de la loge amygdalienne ; il s’agissait d’une personne âgée, en mauvais état général, chez qui l’anesthésie devait être courte. Le deuxième avait bénéficié deux ans auparavant d’un curage ganglionnaire. Les résultats anatomo-pathologiques ont montré que toutes les lésions avaient des tranches de section saines. Seize curages sur les 17 étaient négatifs et le dernier comportait un seul ganglion envahi, sans rupture capsulaire. C’est sur ces deux arguments, exérèse in sano et négativité du curage ou absence de rupture capsulaire sur un ganglion unique envahi que nous avons décidé de ne pas faire irradier nos patients. Le suivi moyen de ces patients est de 40 mois, avec des extrêmes de 5 et 63.

Résultats Nous avons à déplorer un décès sur 19. Deux patients ont eu une récidive locale et 2 une seconde localisation traitée de sorte qu’aucun des patients n’est évolutif actuellement. 114

Tumeurs de l’oropharynx opérées sans radiothérapie complémentaire

Le patient décédé Le patient décédé était porteur d’un T2 N0 de la loge amygdalienne. Il est mort 14 mois après l’intervention de métastases pulmonaires.

Les récidives locales La première concernait un patient porteur d’un T1 N0 in situ de la loge amygdalienne traité dans un premier temps en juin 1998 par laser seul car il s’agissait d’une très petite lésion, intra épithéliale. Il a présenté une première récidive traitée par chirurgie endobuccale et curage ganglionnaire en février 1999, soit huit mois plus tard. Ce curage était négatif et le patient n’a pas été irradié. Il a présenté une nouvelle récidive 9 mois plus tard, traitée par voie transmandibulaire conservatrice. Il a été irradié car les tranches de résection étaient au contact de la tumeur. Le second patient présentait un T2 N0 de la loge amygdalienne traité par chirurgie endobuccale et curage en décembre 1999. Il a présenté six mois plus tard une petite récidive traitée par laser puis encore six mois après une nouvelle récidive pour laquelle nous l’avons fait irradier.

Les secondes localisations Le premier patient avait au départ trois lésions synchrones, T1 de loge amygdalienne, T1 de la paroi pharyngée postérieure et T1 de la paroi pharyngée latérale. Il avait bénéficié en septembre 1998 d’une pharyngectomie partielle pour la paroi latérale associée à une exérèse endobuccale des deux autres lésions et à un curage ganglionnaire. Il a présenté un an plus tard une lésion de la face laryngée de l’épiglotte traitée par laryngectomie horizontale susglottique avec vérification ganglionnaire. Celle-ci était négative, la résection était in sano. Huit mois après cette intervention, le patient a présenté une récidive ganglionnaire, sans rupture capsulaire. Il a été irradié et reste non évolutif depuis février 2000. Le deuxième patient a été opéré en 1997 par voie endobuccale et curage pour une lésion T2 N0 de la loge amygdalienne gauche. Il a été réopéré en septembre 2001 pour une lésion de la luette par voie endobuccale. Il a bénéficié au cours du même temps d’un curage du côté droit. Au total, 18 patients sur 19 sont vivants, aucun n’est évolutif et nous n’avons eu aucune poursuite évolutive dans cette série.

Discussion Le traitement habituel des cancers T1 et T2 de l’oropharynx est la radiothérapie externe [1-5] et/ou la curiethérapie. Elle apporte des résultats intéressants quant à la survie, mais au prix de séquelles non négligeables, en particulier l’hyposialie et les complications odontologiques. Le taux de contrôle local est de l’ordre de 70 % dans les T1-T2 [7]. Notre série est bien sûr de faible effectif, mais le contrôle local a été obtenu chez tous les patients. Les deux récidives locales se situent à six et huit mois et les deux patients ont pu être rattrapés. Cependant, la radiothérapie représente un traitement long et fatigant pour le patient et le maintient pendant plusieurs semaines en dehors de son environnement socioprofessionnel. À l’inverse, le traitement chirurgical réclame une hospitalisation de 4 à 6 jours et permet une reprise précoce du travail. 115

J.-C. Pignat et al.

Par ailleurs, ce traitement chirurgical permet d’éviter d’utiliser la radiothérapie [6, 7]. L’histoire naturelle du cancer ORL est émaillée d’épisodes de récidives ou de secondes localisations. Notre technique permet lors du premier traitement d’éviter le recours à la radiothérapie. Celle-ci sera donc tout à fait utilisable en cas de besoin lors du premier événement carcinologique. Le patient pourra également dans ce cas bénéficier d’une chirurgie sur des tissus non irradiés. Nous avons dans cette série été amenés à utiliser secondairement la radiothérapie pour quatre de nos patients.

Conclusion Au total, nous pensons que cette technique de chirurgie exlusive apporte la même sécurité carcinologique que la radiothérapie. Elle représente par contre pour le patient un traitement plus léger et moins contraignant et générant beaucoup moins de séquelles. Enfin, cette technique permet de préserver pour l’avenir l’option thérapeutique de la radiothérapie. Ces résultats encourageants méritent bien sûr d’être confirmés par une série plus importante.

Références 1. Baris G, van Andel JG, Hop WC. Carcinoma of the tonsillar region. A review of 78 cases. Strahlentherapie 1983 ; 159 (3) : 138-42. 2. Gonzalez Gimeno MJ, Perez Carretero M, Poch Broto J. Retrospective study of cancer in the tonsillar area. Acta Otorrinolaringol Esp 1997 ; 48 (6) : 461-6. 3. Lacosta JL, Calzada G, Infante JC, Ramalle-Gomara E. Cancer of the tonsillar region. Retrospective study and review of the literature. Acta Otorrinolaringol Esp 2000 ; 52 (1) : 33-7. 4. Leemans CR, Engelbrecht WJ, Tiwari R, Deville WL, Karim AB, van der Waal I, Snow GB. Carcinoma of the soft palate and anterior tonsillar pillar. Laryngoscope 1994 ; 104 (2) : 1477-81. 5. Wang MB, Kuber N, Kerner MM, Lee SP, Juilliard GF, Abemayor E. Tonsillar carcinoma : analysis of treatment results. J Otolaryngol 1998 ; 27 (5) : 263-9. 6. Foote RL, Schild SE, Thompson WM, Buskirk SJ, Olsen KD, Stanley RJ, Kunselman SJ, Schaid DJ, Grill JP. Tonsil cancer. Patterns of failure after surgery alone and surgery combined with postoperative radiation therapy. Cancer 1994 ; 73 (10) : 2638-47. 7. Galati LT, Myers EN, Johnson JT. Primary surgery as treatment for early squamous cell carcinoma of the tonsil. Head Neck 2000 ; 22 (3) : 294-6.

116

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 117-123

La chirurgie par voie de mandibulotomie dans les cancers de l’oropharynx : résultats carcinologiques et fonctionnels à propos de 69 cas Christophe FERRON, Nadya EMAM, Olivier MALARD, Claude-Henri BEAUVILLAIN DE MONTREUIL CHU Nantes, Hôtel-Dieu, 1, place A.-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex

La chirurgie par voie de mandibulotomie n’est pas récente puiqu’elle fut décrite par Roux en 1836, puis reprise par Trotter [1] en 1929 pour l’exérèse de tumeur de la base de langue. Cette technique a ensuite été peu utilisée, la mandibulectomie avec sacrifice de l’angle mandibulaire étant devenue systématique dans la résection des tumeurs de l’oropharynx. C’est surtout depuis le milieu des années 1980 que la notion de conservation de la continuité mandibulaire dans la chirurgie des cancers de l’oropharynx est apparue sous l’impulsion de Spiro [2] aux États-Unis et Gaillard [3] et Gehanno [4] en France. Cette conservation semblait possible du fait de l’étude histologique des pièces opératoires qui montraient, dans un grand nombre de cas, l’absence d’envahissement osseux. Par ailleurs, les progrès techniques et, notamment, l’apparition des mini-plaques vissées de titane permettaient une ostéosynthèse plus simple et plus sure. Le but de cette technique est d’obtenir de meilleurs résultats fonctionnels et cosmétiques qu’avec une mandibulectomie tout en préservant les résultats carcinologiques. Dans le service d’ORL du CHU de Nantes, 69 patients ont été opérés d’un cancer de l’oropharynx par voie de mandibulotomie entre le 1er janvier 1983 et 31 décembre 1996. Le but de ce travail est de rapporter nos résultats carcinologiques et fonctionnels concernant cette série.

Patients et méthodes Entre 1983 et 1996, 195 buccopharyngectomies ont été réalisée dans le service d’ORL du CHU de Nantes pour réséquer des tumeurs de l’oropharynx. Soixante-neuf patients ont 117

C. Ferron et al.

bénéficié d’une conservation de la continuité mandibulaire avec réalisation d’une mandibulotomie ostéosynthésée en fin d’intervention. Le Tableau I montre l’évolution du rapport mandibulectomie/mandibulotomie sur la période 1983/1996 avec progressivement une inversion de ce rapport en faveur de la mandibulotomie. À titre indicatif, en 2001, nous avons réalisé 9 mandibulotomies pour 1 mandibulectomie. Soixante-neuf patients ont donc été opérés par voie de mandibulotomie. Il s’agissait de 64 hommes et 5 femmes, la médiane d’âge était de 54 ans. Tous les patients sauf 2 (un carcinome adénoïde kystique de la base de langue et un carcinome papillaire d’une thyroïde ectopique) étaient porteurs d’un carcinome épidermoïde de l’oropharynx. Vingt patients (28,9 %) ont été opérés en terrain irradié. Pour 11 cas, il s’agissait de l’échec d’une irradiation première pour un carcinome de l’oropharynx et les 9 autres avaient été irradiés pour une autre localisation. Les localisations tumorales concernaient la base de langue dans 26 cas (38 %), le sillon glosso-amygadalien dans 14 cas (20 %), l’amygdale 12 cas (17 %) et associaient plusieurs localisations dans 17 cas (25 %). Tableau I. Rapport mandibulotomie/mandibulectomie entre 1983 et 1996. Années

Mandibulotomie

Mandibulectomie

1983-1988

10

12 %

73

88 %

1989-1991

15

32 %

31

68 %

1992-1993

18

62 %

11

38 %

1993-1996

26

70 %

11

30 %

69

36 %

126

64 %

Le Tableau II résume la classification TNM des tumeurs traitées. Il s’agissait surtout de T2 et T3 avec un statut ganglionnaire N0/N1. Les 4 T1 correspondaient à des tumeurs de la partie basse de la base de langue ou du sillon glossoamygdalien inaccessible par voie endobuccale. Tous les patients avaient bénéficié d’une endoscopie pré-opératoire, d’une radiographie pulmonaire, d’un panoramique dentaire et d’un examen tomodensitométrique systématique à partie de 1994 pour compléter le bilan d’extension tumorale et ganglionnaire. Tableau II. Classification TNM des tumeurs traitées par voie de mandibulotomie. N0

N1

N2

N3

T1

1

1

2

-

4

T2

14

7

2

1

24 (34,7 %)

T3

26

8

3

3

39 (56,5 %)

T4

1

1

-

-

2

Technique chirurgicale La technique comportait une trachéotomie systématique et la pose d’une sonde naso-gastrique en début d’intervention. 118

Chirurgie par mandibulotomie et cancers de l’oropharynx

La voie d’abord cervicale était un incision de Sébileau-Carrega avec éventuellement refend vertical pour les besoins de l’évidement ganglionnaire. L’incision était ensuite prolongée vers la lèvre inférieure en contournant la houppe de menton. L’ostéotomie mandibulaire, verticale dans tous les cas, était réalisée après réalisation des trous nécessaire à l’ostéosynthèse. De même, les plaques étaient conformées avant la section mandibulaire permettant une ostéosynthèse parfaite en fin d’intervention. Deux types d’ostéotomie ont été réalisées : - latérale antérieure entre la canine et la première prémolaire en avant du trou mentonnier : 41 cas (59,4 %) ; - paramédiane entre incisive latérale et médiane : 28 cas. La réalisation de l’ostéotomie permettait ensuite la section du plancher buccal et l’exérèse tumorale en arrière. La fermeture muqueuse a été réalisée par simple suture des berges de résection dans 25 cas soit 27,5 % des cas. Le plus souvent la mise en place d’un lambeau s’avérait nécessaire et 42 lambeaux musculo-cutanés pédiculés de grand pectoral ont été utilisés. Deux lambeaux libres (1 grand dorsal et 1 antébrachial) ont été réalisés chez 2 femmes. La mise en place d’un lambeau était systématique en cas de chirurgie en terrain irradié. La technique d’ostéosynthèse a évolué au fil du temps utilisant au début de notre expérience les fils d’acier bicorticaux et les plaques d’acier. Actuellement, nous utilisons exclusivement les plaques en titane 4 trous associées à des vis de 7 mm de long. Les types d’ostéosynthèse utilisées sont résumés dans le Tableau III. Tous les patients opérés en première intention (49 cas) ont été irradiés en post-opératoire. Tableau III. Types d’ostéotomie. Types d’ostéotomie 2 fils d’acier bicorticaux

9

1 plaque d’acier et 1 fil d’acier bicortical

5

2 plaques d’acier

3

2 plaques de titane 4 trous

52

Résultats Suites opératoires Les suites opératoires locales et générales ont été simples dans 46 cas (66,6 %). Il n’y a pas eu de décès en per- ou post-opératoire. Cinq patients (7 %) ont eu des complications générales réversibles après traitement adapté : 3 syndromes confusionnels post-opératoires, 1 pneumopathie et un syndrome septicémique. La durée moyenne de décanulation a été de 7 jours (extrêmes 3-30 jours), l’ablation de la sonde naso-gastrique a été effectuée en moyenne au 20e jour (extrême 7-180 jours). La durée moyenne d’hospitalisation était de 12 jours, les patients revenant en hospitalisation de jour pour la reprise alimentaire. Sur le plan local, 18 patients (26 %) ont présenté une complication notable ; il s’agissait de : 119

C. Ferron et al.

- 3 orostomes dont 2 survenant en cas de chirurgie post-cobalt ; - 9 (13 %) désunions/nécrose partielle de lambeau dont 4 en chirurgie post-cobalt ; - 5 (7,2 %) ostéites mandibulaires (3 en post-cobalt) ; - une ostéosynthèse instable avec mobilité anormale. Sur le plan mandibulaire, 6 patients ont présenté des complications : - 5 ostéites (7,2 %) nécessitant la réalisation de 3 hémimandibulectomies et 2 déposes du matériel d’ostéosynthèse aboutissant à une pseudarthrose ; - une ostéosynthèse instable nécessitant une reprise à J 20 avec réalisation d’une nouvelle ostéosynthèse. Au total, le taux d’ostéosynthèse définitive a été de 92,6 %.

Résultats carcinologiques Sur le plan anatomo-pathologique, l’exérèse a été considérée comme complète dans 82,7 % des cas (n = 57). Dans 12 cas (17,3 %) l’exérèse a été jugée limite ou insuffisante. Il s’agissait alors de tumeurs classées T3 ou T4 largement étendues dans la musculature linguale. L’évolution carcinologique a été marquée par la fréquence des récidives locales (18 cas : 25 %) surtout en cas de chirurgie post-cobalt (7 cas sur 20 : 35 %). En cas de résection limite ou insuffisante, le taux de récidive était de 41,6 % (5 cas sur 12). Au total, le bilan global réalisé avec un recul de 5 ans trouvait : - 28 patients vivants dont 24 opérés en première intention ; - 18 récidives locales (25 %) avec un délai moyen d’apparition de 17 mois ; - 9 récidives ganglionnaires avec un délai moyen d’apparition de 21 mois ; - 10 métastases ; - 9 seconds cancers des VADS ; - 3 perdus de vus. La survie actuarielle globale à 5 ans était de 41 % et de 49,5 % pour les patients opérés en première intention.

Résultats fonctionnels Les résultats fonctionnels ont été appréciés sur l’ensemble des patients. Un score de déglutition a été attribué pour chaque patient en fonction de la qualité de celle-ci : Score 1 = liquide ou semi-liquide ; Score 2 = mixé ; Score 3 = normale. Le taux de déglutition normale était de 42 % (n = 29) ; mixée dans 30 % des cas (n = 21) soit 72 % de bons résultats. Deux patients ont du garder une gastrostomie définitive. Il s’agissait de tumeurs éténdues nécessitant une résection large à la fois sur la base de langue et le voile du palais responsables de fausses routes importantes. Lors de l’analyse des résultats 3 facteurs influençaient la qualité des suites fonctionnelles : les antécédents d’irradiation pré-opératoire, et la présence d’un lambeau. En cas d’irradiation pré-opératoire le taux de bons résultats (scores 2 et 3) était de 52 % alors qu’il était de 74 % en cas de chirurgie première. En cas de lambeau le taux de bons résultats était de 60 % alors qu’il était de 79 % en cas de fermeture muqueuse simple. D’autres complications, en dehors des troubles de déglutition, étaient observées chez les patients porteurs d’une ostéosynthèse définitive (64 cas) : - limitation de l’ouverture buccale dans 8 cas (12,5 %) ; - trouble de l’articulé dentaire avec retentissement sur l’articulation temporo-mandibulaire dans 4 cas (6,2 %) ; - problèmes dentaires (douleurs, mobilité, mortification) : 2 cas. 120

Chirurgie par mandibulotomie et cancers de l’oropharynx

Discussion L’intérêt de la mandibulotomie pour la résection des tumeurs de l’oropharynx n’est actuellement plus remise en cause alors qu’il y a encore 10 à 15 ans la mandibulectomie faisait partie intégrante de la buccopharyngectomie. Il apparaît en effet que le sacrifice systématique de la mandibule était inutile dans la grande majorité des cas puisque l’os mandibulaire est en fait rarement envahi par le processus tumoral. Beauvillain et al. [5], en 1990, retrouvaient, sur 73 pièces de buccopharyngectomie avec mandibulectomie, seulement 8 envahissement de l’os mandibulaire (10,9 %). Dans tous les cas l’envahissement avait été diagnostiqué lors du bilan pré-opératoire. Ce chiffre de 10 % d’envahissement est aussi cité par Gehanno et al. [4]. Les indications et contre-indications de cette voie de mandibulotomie prête encore à discussion. La seule contre-indication absolue est, bien entendu, l’envahissement osseux mandibulaire dépisté lors du bilan pré-opératoire sur l’examen tomodensitométrique. Luboinski y ajoute l’envahissement de la partie haute de loge amygdalienne [6]. Pour Gehanno et al. [4] c’est la possibilité de décoller le périoste de la face interne de la mandibule qui signe la faisabilité de la conservation de la mandibule. La mobilité de la masse tumorale par rapport au plan osseux est aussi un bon signe signant la présence de tissu sain entre la tumeur et la mandibule [2, 7, 8]. À côté de ces critères cliniques, le bilan radiologique pré-opératoire est fondamental et permet de préciser les rapport de la tumeur avec la mandibule et de ne pas méconnaître un envahissement osseux [9]. Dans tous les cas, s’il persiste un doute quant aux possibilités de conserver la mandibule, le plus simple est de débuter l’intervention par voie de mandibulotomie éventuellement en appréciant les possibilités de décollement telle que la décrit Gehanno [4]. Les meilleures indications de mandibulotomie sont constituées par les tumeurs de la partie basse de l’oropharynx (base de langue, sillon glosso-amygdalien et 1/3 inférieur de la loge amygdalienne) qui sont les plus éloignées de la mandibule [6, 9]. Malgré tout, pour nous, l’infiltration de la partie haute de la loge amygdalienne ne constitue pas une contre-indication à cette technique. En revanche, en cas de tumeurs très évoluées et infiltrantes débordant en avant vers la commissure inter-maxillaire, la mandibulectomie peut s’avérer nécessaire facilitant l’exérèse. Le siège et le type d’ostéotomie peut aussi être le sujet de discussion. Il apparaît qu’une ostéotomie verticale en position latérale antérieure entre la canine et la première pré-molaire ou entre l’incisive latérale et la canine en avant du trou mentonnier présente plusieurs avantages : - le respect des dents [10] ; - la possibilité de sacrifier la mandibule si l’on constate un envahissement osseux peropératoire. La situation latérale de l’ostéotomie permet alors un sacrifice osseux minimal en gardant le relief symphysaire ce qu’une ostéotomie médiane ou paramédiane n’aurait pas permis [9] ; - la possibilité de réaliser, en cas de complication, une hemimandibulectomie avec les même avantages que ceux cités ci-dessus [9] ; - une situation suffisamment antérieure pour permettre une irradiation en toute sécurité. L’utilisation des plaques de titane est satisfaisant. Ces plaques sont facilement malléables et de pose facile. Elles permettent par ailleurs la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique si celle-ci s’avère nécessaire dans la surveillance ultérieure. La complication principale de l’ostéosynthèse est l’ostéite. Notre taux de 7,2 % est comparable à ceux de la littérature. Le Tableau IV résume les principales séries et leur taux de complication. 121

C. Ferron et al. Tableau IV. Taux de complications et d’ostéite dans les principales séries de la littérature. Séries

n

Complications

Ostéite

Gaillard

1983

34

25 %

15 %

Gehanno

1990

38

21 %

8%

Dubner

1991

196

16 %

16 %

Shah [11]

1993

56

25 %

?

Singh [12]

1993

39

25 %

13 %

Genty [9]

2001

107

23 %

14 %

69

26 %

7,2 %

Notre Série

Pour nous, l’irradiation pré-opératoire a été une cause de complications plus fréquentes. Ceci a aussi été retrouvé par plusieurs auteurs [9, 13]. Sur le plan fonctionnel, il est certain que la voie de mandibulotomie apporte de meilleurs résultats fonctionnels qu’une mandibulectomie. Les facteurs influençant la qualité des suites sur le plan fonctionnel sont difficiles à caractériser. Les facteurs qui pour nous influencent la qualité des suites sont l’utilisation d’un lambeau qui rend souvent compte d’une exérèse étendue en particulier en base de langue et l’irradiation pré-opératoire. Il est certain que la mise en place d’un lambeau est toujours rendue nécessaire par l’étendue de la résection en particulier dans la base de langue. On remplace alors une zone mobile (muscle lingual) par une zone inerte parfois volumineuse du fait de la palette musculo-cutané. Ceci devrait inciter à n’utiliser les lambeaux que lorsque la suture directe est impossible. Si la suture directe est impossible, la palette cutanée doit occuper le moins de place possible. Les lambeaux fascio-musculaires pourratent être une alternative. En dehors des troubles de la déglutition, la limitation de l’ouverture buccale est la gène fonctionnelle le plus souvent alléguée. Elle peut être la conséquence de l’exérèse proprement dite, de la radiothérapie post-opératoire, de phénomène de rétraction en cas de cicatrisation plus ou moins dirigée et peut être aussi de lésion de l’ATM lors de l’abduction forcée de la mandibule pendant la temps de résection. Enfin sur le plan carcinologique, notre taux de survie globale de la série de 41 % est comparable aux autres séries de la littérature [6, 8-10]. La survie de 49,5 % pour les tumeurs opérées en première intention est là encore classique pour des tumeurs opérables classées T3.

Conclusion La chirurgie des tumeurs de l’oropharynx par voie de mandibulotomie permet une exérèse satisfaisante sur le plan carcinologique tout en améliorant les résultats fonctionnels. Le bilan pré- et per-opératoire ne doit pas méconnaître un envahissement osseux mandibulaire. Les résultats fonctionnels semblent influencer par le type de reconstruction utilisé. Les lambeaux, s’ils sont nécessaires, doivent être les plus fins possibles et éviter les palettes épaisses. L’utilisation de lambeaux pédiculés essentiellement fascio-musculaire pourrait être une solution.

122

Chirurgie par mandibulotomie et cancers de l’oropharynx

Références 1. Trotter W. Operation for malignant disease of the pharynx. Br J Surg 1928-1929 ; 16 : 485-95. 2. Spiro RH, Gerold FP, Shah JP, Sessions RB, Strong EW. Mandibulotomy approach to oropharyngeal tumors. Am J Surg 1985 ; 150 : 466-9. 3. Gaillard A, Sapanet M, Hofmann B, Jacquemaire D. La conservation de la mandibule par ostéotomie-ostéosynthèse dans l’oropharyngectomie trans-mandibulaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1983 ; 84 : 76-9. 4. Gehanno P, Coste A, Depondt J, Guedon C, Viallard D. Pharyngectomie latérale conservatrice (PLTC) dans le cancer de la paroi oropharyngée latérale. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1990 ; 107 : 101-6. 5. Beauvillain C, Carara P, Korb G, Banus C, Legent F. Intérêt de la conservation de la continuité mandibulaire dans les bucco-pharyngectomies transmandibulaires : À propos de 11 observations. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1990 ; 107 : 1-5. 6. Luboinski B, Marandas P. Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies). Éditions techniques ; Encycl Med Chir (Paris France). Techniques Chirurgicales Tête et cou, 46-320, 1994, 11 p. 7. Depondt J, Guedon C, Cohen B, Nallet E, Gehanno P. La pharyngectomie latérale transmandibulaire conservatrice. Résultats fonctionnels sur une série de 68 patients. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1993 ; 110 : 456-61. 8. De Santo LW, Whicker JH, Devine KD. Mandibular osteotomy and lingual flaps. Arch Otolaryngol 1975 ; 101 : 652-5. 9. Genty E, Marandas P, Beautru R, Schwaab G, Luboinski B. la chirurgie par voie de mandibulotomie dans les cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx : résultats fonctionnels et carcinologiques sur une série de 107 patients. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2001 ; 118 (1) : 26-34. 10. Dubner S, Spiro RH. Median mandibulotomy : a critical assessment. Head and Neck 1991 ; 13 : 389-93. 11. Shah JP, Kumaraswamy SV, Kulkarni V. Comparative evaluation of fixation methods after mandibulotomy for oropharyngeal tumors. Am J Surg 1993 ; 166 : 431-4. 12. Singh AM, Bahadur S, Tandon DA, Pande RM. Anterior mandibulotomy for oral and oropharyngeal tumors. J Laryngol Otol 1993 ; 107 (4) : 316-9. 13. Altmann K, Bailey BM. Non union of mandibulotomy sites following irradiation for squamous cell carcinoma of the oral cavity. Br J Oral Maxillofac Surg 1996 ; 34 : 6-65.

123

7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 125-130

Buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire et reconstruction par lambeau libre : résultats oncologiques et fonctionnels sur 43 cas de première main Albert M. JORTAY1, Pierre BISSCHOP1, Georges VEROUGSTRAETE1, Bruno COESSENS2 Service d’ORL1, de chirurgie plastique2, CHU Brugmann, place Van-Gehuchten, 4, 1020 Bruxelles, Belgique

À la suite des problèmes fonctionnels occasionnés par l’interruption mandibulaire lors de la BPTM par voie latérale et l’utilisation des lambeaux musculocutanés pédiculés peu malléables, nous recourons depuis 1989 à l’abord antérieur par mandibulotomie parasymphysaire et reconstruisons les muqueuses au moyen de lambeaux libres fasciocutanés microanastomosés [1]. Nous rapportons notre expérience par la présentation des résultats à long terme ainsi qu’une appréciation de la récupération des fonctions de déglutition et de phonation.

Matériel Notre série comprend 43 cas de buccopharyngectomie comme premier traitement chez 33 hommes et 10 femmes, d’âge moyen de 57 ans et répartis en 18 T2, 14 T3 et 11 T4 ; 27 N0 et 16 N1-N3 (Tableau I). Dans 39 cas, il s’agit de tumeurs de l’oropharynx, dont 9 extensions extrapharyngées vers la cavité buccale, le larynx ou l’hypopharynx, et chez 4 patients ce sont des cancers de la cavité buccale postérieure (Tableau II). L’importance de la résection chirurgicale a été fonction de l’extension tumorale et a souvent débordé sur les autres structures anatomiques afin d’obtenir des marges suffisantes, ainsi il y a eu 38 résections de loges amygdaliennes pour seulement 32 envahies, 29 résections de voile pour 18 envahies ; 22 bases de langue réséquées pour 17 envahies (Tableau III). Relevons 4 mandibulectomies interruptrices dont une a été reconstruite par un 125

A. Jortay et al. Tableau I. Répartition par stade TNM. T1

T2

T3

T4

Total

NO

-

12

11

14

27

N1

-

4

1

5

10

N3

-

2

2

2

6

18

14

11

43

Tableau II. Extension tumorale. Oropharynx. 1 site

2 sites

3 sites

4 sites

11

17

9

2

dont 9 extensions extrapharyngées : cavité buccale

hypopharynx

larynx

6

2

1

Tableau III. Oropharynx. Sites réséqués/sites envahis. f. amygdale

voile

b. langue

paroi post.

38/32

29/18

22/17

10/9

lambeau libre de péroné. La reconstruction des muqueuses a été faite 37 fois par un lambeau libre radial (LLR), 3 fois par un lambeau libre brachial (LLB) (Tableau IV). La résection ganglionnaire a consisté en 16 évidements complets en cas de N1-N3 et en 27 curages jugulocarotidiens pour les N0. Tableau IV. Reconstruction par lambeau. Lambeau libre radial (LLR)

37

Lambeau libre brachial (LLB)

3

Lambeau libre péroné (LLP)

1

Lambeau pédiculé gd dorsal (LPGD)

1

Résultats Sur le plan des complications, il faut déplorer 2 décès, l’un au 11e JPO d’embolie pulmonaire et l’autre au 76e JPO suite à un ARDS. Les complications locales ont été au nombre de 29 dont 7 majeures (Tableau V) ; celles liées aux lambeaux libres ont été au nombre de 5 dont une seule majeure par nécrose totale d’un LLR remplacé par un autre LLR (Tableau VI). 126

Buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire Tableau V. Complications locales (majeures). • infection

9

(1)

• nécrose plaie

7

(3)

• hématome

6

(1)

• ostéite MB

3

(1)

• fistule

2

(0)

• hémorragie

1

(1)

• abcès

1

(0)

29

(7)

Tableau VI. Complications dues aux lambeaux 5/41 dont 1 majeure*. • • • • •

nécrose totale LLR* nécrose superficielle hématome ss LLR hématome ss LLP infection site LLP

1 : 2d LLR 1 : épluchage 1 : révision 1 : révision 1 : drainage

Concernant les séquelles fonctionnelles, la dysphagie a affecté 7 patients (16 %), tous appartenant au groupe des radiothérapies post-opératoires et dont 3 sont toujours tributaires d’une gastrostomie d’alimentation. Quant au nasonnement, il est présent chez 11 patients sur les 30 résections vélaires (36 %) et s’est accompagné d’un reflux nasal dans un cas. Ces effets ont été partiellement corrigés par l’interposition du LLR plicaturé sur lui-même dans les 5 derniers cas. Les résultats oncologiques montrent un taux global de 51 % de survie à 3 ans et de 37 % à 5 ans (Tableau VII). La comparaison des groupes avec et sans radiothérapie post-opératoire n’est pas significative, mais représente malgré tout le sauvetage d’un malade sur deux au total. Les récidives locales représentent 18 % et les récidives ganglionnaires 27 % des 33 patients ayant un recul minimum de 3 ans. Selon le T, les rechutes sont plus fréquentes dans les T4 où leur taux atteint 40 % (Tableau VIII). Relevons encore l’incidence négative des seconds cancers primitifs (4/33) la plupart d’origine pulmonaire, qui viennent grever les survies globales. Tableau VII. Survies au long cours. T2

T3

T4

Total (%)

3 ans

9/14

5/9

3/10

17/33 (51 %)

5 ans

5/10

3/8

2/9

10/27 (37 %)

127

A. Jortay et al. Tableau VIII. Récidives locales/TNM. 6/33 patients à 3 ans (18 %) • 2 T2/14 T2 (14 %) • 4 T4/10 T4 (40 %)

Discussion La buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire et reconstruction par lambeau libre présente plusieurs avantages par rapport à celle que nous utilisions avant 1989 et qui consistait en la résection de l’angle de la mâchoire [2]. Ce qui provoquait une instabilité et une latérodéviation de l’arc mandibulaire vers le côté opéré avec comme conséquence des difficultés de mastication et de déglutition. Et autre conséquence : une distorsion de l’articulation temporomaxillaire (ATM) génératrice de douleurs et de trismus. Certes, la technique de mandibulotomie parasymphysaire avec l’écartement généreux des branches mandibulaires doit tenir compte des ATM et si l’on est trop brutal, des douleurs maxillofaciales peuvent survenir. Pour notre part, nous n’avons pas rencontré de telles complications algiques dans notre série. La fermeture de la mandibule par ostéosynthèse sur plaques de titane vissées est considérée comme la méthode la plus sûre [3, 4], cependant elle a donné lieu à 3 ostéites dans des bouches à l’hygiène buccodentaire déficiente et en cas de tumeurs nécrotiques surinfectées. Pour remédier à ces problèmes, nous procédons à un frottis systématique des muqueuses buccales et nasales en vue de mettre en évidence d’éventuelles contaminations par germes anaérobies et aussi par staphylocoques multirésistants. Nos patients sont systématiquement adressés aux stomatologues afin d’extraire toutes les dents cariées et de soigner la denture si une radiothérapie est prévue par après [5]. Par ailleurs la technique de l’ostéosynthèse peut être, à l’occasion, responsable de nonunion des moignons osseux et par exemple dans un cas, il y eut fracture de la plaque de titane et désunion osseuse. Nous recommandons, depuis lors, de fixer deux plaques vissées en parallèle et ainsi renforcer la stabilité de la synthèse osseuse. Certains utilisent une mandibulotomie en marche d’escalier comme élément stabilisateur de l’ostéosynthèse [6]. Un autre point positif de notre méthode est l’utilisation du lambeau libre radial (LLR) qui a amplement démontré sa plasticité et sa fiabilité même dans les territoires précédemment irradiés [7]. Nous avons eu à déplorer 1 cas de nécrose totale sur les 41 lambeaux libres ce qui est en accord avec les résultats rapportés par d’autres auteurs [8, 9]. Avantage également déterminant est l’accès large et direct sur l’oropharynx, le rhinopharynx, l’hypopharynx et la fosse ptérygomaxillaire grâce à l’écartement des branches mandibulaires, ce qui permet de délimiter à vue de bonnes marges de résections. Ce fut déjà noté par Tollefsen [10] et aussi par Spiro [11]. Cela se traduit aussi par notre taux de récidive locale de 18 % qui est comparable à ceux de Marandas (19 %) et bien inférieur à ceux de Pinsolle (44 %) et de Gallegos, de Mexico (44 %) qui sont rapportés dans cet ouvrage. Concernant les séquelles fonctionnelles, elles résultent évidemment des résections mais se voient souvent aggravées du fait de l’irradiation post-opératoire. Car il est remarquable de noter que les 7 cas de dysphagie persistante appartiennent tous au groupe qui a reçu une radiothérapie post-opératoire. On peut certes nous rétorquer que c’est à cause de l’extension importante des lésions initiales, donc de l’importance des résections que la radiothérapie a été appliquée. 128

Buccopharyngectomie par mandibulotomie parasymphysaire

Il n’en demeure pas moins que les phénomènes postradiques de fibrose et d’asialie peuvent être tenus pour responsables de l’aggravation des troubles de déglutition. À ce propos, on notera avec intérêt les efforts des radiothérapeutes pour protéger les glandes parotides. Quant au nasonnement qui est associé aux résections du voile du palais, relevons qu’il est présent seulement dans 1/3 (11/30) des résections vélaires ce qui s’explique par la capacité d’adaptation des stuctures résiduelles aux fonctions de déglutition (reflux pharyngonasal) et de phonation (voix nasale). Nous avons innové à partir de 5 cas récents en plicaturant le lambeau libre sur lui-même de façon à reconstituer une doublure qui nous est apparue efficace pour diminuer le nasonnement. Abordons maintenant les résultats oncologiques : si nous avons obtenu des résultats très honorables sur le plan des récidives locales, il faut reconnaître que l’adjonction d’une radiothérapie de consolidation dans 2/3 de nos cas contribue de façon évidente à ces bons résultats par rapport à Gallegos qui affiche 41 % de récidive sans irradiation complémentaire. Il faut également reconnaître que les survies à long terme montrent une altération nette des taux à 5 ans (37 %) par rapport aux résultats à 3 ans (51 %). Cette tendance est générale comme pour Pinsolle (61 % à 2 ans et 39 % à 5 ans) et pour Righini (45 % à 3 ans et 30 % à 5 ans) qui ont rapporté ces résultats au présent congrès. Ceci peut trouver son explication d’une part par l’incidence des décès par maladies intercurrentes (25 %) dans cette population aux problèmes respiratoires, cardiaques et vasculaires consécutifs à l’alcoolo-tabagisme et d’autre part par l’apparition de seconds primitifs (12 % avant l’affection actuelle et 12 % après l’affection actuelle). Seules des mesures préventives par des campagnes antitabac efficaces pourraient modifier cette sorte de malédiction supportée par les patients affectés d’un cancer des voies aérodigestives supérieures.

Conclusion Nous considérons que la voie d’abord antérieure permet un accès très large aux structures de l’oropharynx et de la cavité buccale postérieure ce qui se traduit par des marges de résection plus généreuses et une diminution du risque de récidive locale. La reconstitution immédiate de l’arc mandibulaire et l’emploi des lambeaux libres fasciocutanés permettent de meilleures conditions de restauration de la déglutition que les autres méthodes chirurgicales. Le nasonnement peut être minimisé par le recours à des plasties vélaires que nous expérimentons avec le lambeau libre radial plicaturé.

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VI Traitement chirurgical : lambeaux

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 133-136

Variante technique du lambeau chinois Hervé BENATEAU, Yacine BENCHEMAM, Fabrice CRASSON, Thomas ALIX, Daniel LABBÉ, Jean-François COMPÈRE Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, CHU de Caen, Côte-de-Nacre, 14033 Caen Cedex

Le lambeau antébrachial radial ou lambeau chinois est un des lambeaux de prédilection pour la reconstruction de l’oropharynx, particulièrement celle du voile ou après pharyngolaryngectomies circulaires. Pour diminuer le risque de thrombose veineuse en terrain irradié ou dans d’autres circonstances particulières, les auteurs proposent de laisser le lambeau antébrachial radial pédiculé sur la veine céphalique. Utilisée pour des reconstructions dans des localisations considérées comme « extrêmes » telles la langue et la région frontale, cette technique paraît aussi adaptée à la reconstruction à l’oropharynx.

Rappel anatomique Par l’intermédiaire d’anastomoses veineuses entre le réseau superficiel du lambeau et les veines profondes satellites de l’artère radiale, la veine céphalique draine les deux réseaux veineux du lambeau chinois.

Historique Nakayama [1] en 1986, le premier, a décrit le lambeau chinois « semi-libre » (pédiculé en veineux et libre en artériel). Par la suite, deux autres équipes [2, 3] ont publié leur expérience portant à neuf le nombre de cas rapportés dans la littérature. Chaque fois l’indication était posée du fait d’un évidement cervical radical ne laissant aucune veine receveuse disponible.

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H. Benateau et al.

Matériel et méthodes La thrombose veineuse constitue la cause majeure des échecs des lambeaux micro-anastomosés [4-10]. Il nous a semblé judicieux, d’utiliser cette technique de lambeau antébrachial radial « semi-libre » notamment sur terrain irradié où le risque de thrombose est majoré [8, 9, 11-14]. La technique de prélèvement du lambeau antébrachial « semi-libre » diffère de la technique classique par la dissection de la veine céphalique menée jusqu’au sillon delto-pectoral (Figure 1). Le lambeau est ensuite acheminé sur le site receveur par un tunnel sous-cutané. L’anastomose artérielle est réalisée de façon classique.

Figure 1. Lambeau antébrachial radial pédiculé sur la veine céphalique disséquée jusqu’à la racine du bras. La longueur du pédicule permet d’atteindre l’extrêmité céphalique sans traction.

Nous avons appliqué cette technique en carcinologie dans deux circonstances. • 1er cas : homme de 53 ans - exérèse hémi-linguale et pelvi-buccale antérieure avec curage cervical radical homolatéral pour récidive d’un carcinome épidermoïde irradié deux ans auparavant ; - reconstruction, par un lambeau chinois « semi-libre » pour diminuer le risque de thrombose veineuse du fait de l’antécédent de radiothérapie. • 2e cas : femme de 92 ans - perte de substance frontale avec lyse corticale interne dans les suites d’un carcinome spino-cellulaire multi-opéré et irradié ; - reconstruction par un lambeau chinois « semi-libre », du fait des antécédents de radiothérapie. 134

Variante technique du lambeau chinois

Résultats Dans les deux cas : - la dissection du lambeau et de son pédicule veineux s’est faite sans difficulté particulière ; - la longueur du pédicule veineux a été suffisante, permettant la montée facile du lambeau et sa suture sans tension sur le site receveur ; - le temps opératoire n’a pas été prolongé par rapport à celui de la technique en lambeau libre ; - aucune souffrance du lambeau n’a été constatée.

Discussion et conclusion Le lambeau antébrachial radial « semi-libre » est adapté pour les reconstructions crâniomaxillo-faciales. La technique ne comporte pas de difficulté spécifique. Le temps passé à la dissection de la veine céphalique est récupéré par la non réalisation de l’anastomose veineuse. Les avantages résident dans l’obtention d’un drainage veineux double, superficiel et profond sans réalisation d’anastomose veineuse ce qui diminue le risque de thrombose. Les inconvénients sont liés à la nécessité de disséquer la veine céphalique ainsi qu’à la cicatrice supplémentaire qui en découle. Ces inconvénients doivent être tempérés par le contexte carcinologique. Les indications sont les antécédents de radiothérapie du fait des risques élevés de thrombose veineuse et l’évidement cervical radical sans veine receveuse disponible. Dans cette dernière situation, des alternatives certes existent, notamment l’utilisation d’un greffon veineux, mais la réalisation de deux anastomoses veineuses majore le risque de thrombose, ou bien encore la transposition de la veine céphalique décrite avec de nombreux lambeaux libres [15-17] mais pas avec le Chinois qui justement est drainé par cette veine céphalique d’où son utilisation en semi-libre telle que nous l’avons proposée.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 137-142

Reconstruction de la voûte palatine par lambeau cutané antébrachial libre en cancérologie Bruno GUELFUCCI1, Alain BIZEAU2, Régis GRAS1, Antoine GIOVANNI1, Dominique CASANOVA3, Michel ZANARET1 1

Fédération ORL, CHU Timone, 1, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille, France Service ORL, HIA Sainte-Anne, boulevard Sainte-Anne, 83000 Toulon, France 3 Service de chirurgie plastique et reconstructrice, CHU Conception, 147, boulevard Baille, 13006 Marseille, France 2

Les suites fonctionnelles des pertes de substance de la voûte palatine sont marquées par des troubles de la déglutition liés à un reflux pharyngo-nasal, une rhinolalie par fuite vélaire et des troubles de la mastication en cas de perte d’une portion dentée. À ces complications s’ajoutent des sinusites maxillaires chroniques liées à la communication avec la cavité buccale. De multiples procédés de reconstruction chirurgicale ont été décrits afin de restaurer un palais hermétique et fonctionnel. Nous avons réalisé la reconstruction du palais par lambeau fascio-cutané libre antébrachial de préférence aux méthodes prothétiques, en reconstruction primaire ou secondaire.

Matériel et méthodes De 1989 à 2001, nous avons réalisé 26 lambeaux antébrachiaux libres pour la reconstruction immédiate ou secondaire du palais. Nous avons réalisé, chez les 26 patients de notre série, la résection du plateau palatodentaire pour exérèse large d’une tumeur de l’infrastructure de la région faciale maxillaire supérieure. Les détails techniques de la prise du lambeau antébrachial sont bien codifiés [1-3] et nous ne les rappelons pas. La moyenne d’âge était de 55 ans (extrêmes : 19-73 ans). Le sex ratio était de 9 femmes pour 17 hommes. Les pathologies se répartissaient en 13 carcinomes épidermoïdes, 11 carcinomes adénoïdes kystiques, 1 fibrosarcome et 1 angiome caverneux vélaire. Huit patients ont été opérés en rattrapage. L’exérèse et la reconstruction ont été réalisées dans le même temps pour 24 patients. Nous avons effectué une reconstruction secondaire par lambeau libre chez 2 patients qui 137

B. Guelfucci et al.

présentaient un mauvais résultat prothétique. En moyenne, la surface du lambeau libre était de 35 cm2. Nous avons utilisé le versant cutané du lambeau pour reconstruire le défect muqueux de la voûte palatine, la face profonde constituée du fascia était laissée sans couverture à l’intérieur des fosses nasales. Nous n’avons jamais plicaturé le lambeau. Le passage du pédicule nourricier était réalisé en trans-jugal, à la face externe de la mandibule. Le branchement artériel du lambeau était réalisé dans tous les cas sur l’artère faciale, le retour veineux étant assuré par une anastomose avec les branches du tronc veineux thyrolinguo-facial.

Résultats Nous comptons, dans notre série, 88,5 % de bons résultats. Nous rapportons 3 échecs (11,5 %) survenus chez des patients traités par chirurgie première Il s’agissait de deux carcinomes adénoïdes kystiques de l’infrastructure et d’un carcinome spinocellulaire. La nécrose était immédiate pour un cas et le lambeau a été retiré en per-opératoire. Les deux autres cas sont apparus entre les 3e et 4e jours post-opératoires, la nécrose était due à un infarcissement par mauvais retour veineux. Une réhabilitation prothétique s’est avérée nécessaire chez ces 3 patients.

Résultats fonctionnels Le délai de reprise de la déglutition était de 14 jours. Aucun patient n’a présenté de fausse route séquellaire après rééducation orthophonique. La phonation était jugée satisfaisante, mais une étude objective de la voix est actuellement en cours. Nous avons noté chez un patient une rétraction du lambeau. Cette complication s’est manifestée par une rhinolalie ouverte et des fausses routes par fuite vélaire. Cette rétraction a été réparée par un lambeau local (Figures 1 et 2). Nous avons réalisé un appareillage prothétique dentaire au niveau du maxillaire restant chez 4 patients. Aucun appareillage prothétique dentaire n’a été effectué au niveau de la zone reconstruite. Le trismus séquellaire était la complication retrouvée le plus fréquemment (7 cas).

Discussion La réhabilitation maxillo-faciale après chirurgie de l’infrastructure peut faire appel à 2 types de techniques : les prothèses obturatrices et les lambeaux. La réhabilitation prothétique est un procédé ancien qui nécessite trois étapes successives échelonnées sur plusieurs mois [4]. La prothèse immédiate est portée pendant 3 semaines, elle est suivie d’un obturateur secondaire adapté à l’évolution cicatricielle par des retouches successives. L’obturateur définitif est réalisé au 3e mois [4]. Les résultats fonctionnels sont variables et dépendent de plusieurs facteurs : la qualité de la prothèse, l’extension du défect aux secteurs dentés et la motivation du patient. La prothèse obturatrice autorisait une surveillance oncologique plus aisée par rapport à une plastie par lambeau. Actuellement, les techniques d’imagerie modernes permettent une surveillance fiable du site opératoire. La prothèse reste un procédé contraignant qui nécessite une hygiène rigoureuse pour éviter les surinfections sinusiennes. 138

Reconstruction de la voûte palatine par lambeau cutané antébrachial

Figure 1. Résultat endobuccal (vue endobuccale de la reconstruction).

De nombreux lambeaux pédiculés locaux peuvent être utilisés, tels que le lambeau pharyngien, les lambeaux muqueux jugaux ou le lambeau naso-génien, mais leur utilisation reste limitée à la réparation des petits défects du palais. La synarcoplastie avec ou sans greffe de peau mince est utilisable si la boule de Bichat n’a pas été sacrifiée et si la perte de substance ne dépasse pas 4 cm [5]. Ces lambeaux ne seront pas détaillés dans cette série car l’étendue de l’exérèse était trop importante. Les lambeaux de langue, par leur proximité et leur excellente vascularisation sont des lambeaux de choix pour la réparation des défects du palais, mais ils sont rendus inconfortables par la nécessité de 2 temps opératoires [6]. Parmi les lambeaux pédiculés régionaux, le lambeau de muscle temporal, pédiculé sur les vaisseaux temporaux profonds, offre la possibilité de combler le sinus maxillaire et une éventuelle exentération. Il autorise la réparation de pertes de substance importantes du palais [7, 8] mais il a pour inconvénient l’apparition d’une dépression temporale inesthétique, le risque d’une diminution de l’ouverture buccale et la possibilité de parésie du rameau frontal du nerf facial. Le lambeau de fascia temporalis, vascularisé par les vaisseaux temporaux superficiels présente une grande plasticité, une vascularisation fiable et des séquelles esthétiques et fonctionnelles moindres par rapport au lambeau musculaire temporal [7, 9, 10]. Ses inconvénients sont liés à sa faible épaisseur qui contre-indique son utilisation comme lambeau de comblement et au risque de lésion du rameau temporo-facial. Il a prouvé son efficacité en carcinologie dans le revêtement des pertes de substance modérées de la paroi latérale de la cavité buccale et de l’oropharynx [9]. Le lambeau temporal fascio-osseux apporte un os de membrane qui autorise une reconstruction anatomique de la voûte palatine [10]. Son prélèvement augmente considérablement le temps opératoire et présente un risque de lésion du rameau temporal du nerf facial, pour ces raisons nous le réservons pour la reconstruction de vastes pertes de substance maxillo-palatines. 139

B. Guelfucci et al.

Figure 2. Aspect IRM du résultat (reconstruction) (la flèche visualise le lambeau).

Les lambeaux libres ont représenté un apport remarquable dans le développement de la chirurgie carcinologique cervico-faciale [11]. Le lambeau libre de grand dorsal est rapporté par différents auteurs dans la reconstruction de défect combiné palatin et de la face résultant d’hémi-maxillectomies étendues [12, 13]. Il est alors utilisé en double palette cutanéomusculaire permettant la fermeture palatine et cutanée avec des résultats fonctionnels satisfaisants. Son volume est trop important pour la reconstruction isolée de la voûte palatine. Dans notre série, nous n’avons pas utilisé de lambeau ostéo-musculaire. Le lambeau libre ostéo-musculaire de péroné est choisi si le défect est important et si l’on envisage un appareillage prothétique par fixture. Le lambeau jéjunal employé dans la reconstruction palatine isolé ou associé à un greffon osseux libre [14], comporte, malgré sa finesse, des inconvénients : lourdeur de prélèvement du greffon, variabilité du pédicule et nécessité d’un traitement anti sécrétoire. Le lambeau ostéo-cutané scapulaire [15] présente l’avantage d’apporter un contingent osseux. Par contre son prélèvement est rendu malaisé par la nécessité d’un décubitus latéral compliquant l’installation du patient. Les séries qui font état de l’utilisation du lambeau ostéo-cutané scapulaire [15] le réservent surtout aux défects mandibulaires ou aux maxillectomies totales. Le lambeau fascio-cutané antébrachial libre a été utilisé pour la première fois au début des années 80 [1, 2, 16]. Son emploi pour la reconstruction de l’oro-bucco-pharynx a été codifié par Soutar [17]. La finesse de ce lambeau lui confère une grande plasticité, ce qui le rend particulièrement adapté à la reconstruction anatomique du palais [18-24]. Le branchement dans la région cervicale est facilité par la longueur du pédicule radial. Le calibre de ce pédicule assure au lambeau une vascularisation excellente. Cette fiabilité est retrouvée dans les séries de la littérature qui font état de 90 % de lambeaux viables [17, 18]. Les séquelles esthétiques au niveau du site de prélèvement antébrachial représentent le seul 140

Reconstruction de la voûte palatine par lambeau cutané antébrachial

inconvénient. Le trismus, complication retrouvée chez 7 patients, est imputable à l’exérèse tumorale et non au procédé de reconstruction. La reconstruction du maxillaire supérieur par lambeau fascio-cutané libre antébrachial est indiquée après hémi-maxillectomie supérieure plus ou moins étendue en arrière et au niveau de la ligne médiane.

Conclusion Au terme de ce travail, la reconstruction des pertes de substances partielles palatines en cancérologie, par lambeau libre antébrachial, semble une alternative valable à la réalisation d’une prothèse obturatrice. Dans cette indication, le lambeau cutané seul est suffisant pour assurer une phonation et une déglutition normales. Il n’y a pas lieu de lui adjoindre un contingent osseux dans la mesure où l’on envisage pas la restauration dentaire par fixtures ostéo-intégrées. L’appareillage prothétique est possible en fonction de l’anatomie restante et de l’état dentaire résiduel. En cas d’échec de la reconstruction chirurgicale, la reconstruction prothétique reste possible.

Résumé La reconstruction chirurgicale des défects de l’hémi-infrastructure du maxillaire supérieur, plus ou moins étendus au voile et aux régions adjacentes, pose des problèmes fonctionnels, et la réhabilitation prothétique entraîne des suites contraignantes. Depuis 1989, nous utilisons le lambeau antébrachial cutané libre. Nous présentons une série de 26 patients. Il s’agit de 25 patients opérés d’un carcinome du massif facial, un seul patient présentait une tumeur bénigne.Vingt quatre patients ont été traités par exérèse-reconstruction en 1 temps. Deux cas ont bénéficié d’une réhabilitation secondaire. Sept patients ont été opérés en rattrapage. Trois échecs par nécrose du lambeau sont rapportés (11,5 %). Tous les patients ont une phonation et une déglutition normales. La complication la plus fréquente est le trismus (7 cas). Le lambeau cutané antébrachial libre représente la méthode de choix pour la réparation des défects de l’infrastructure du maxillaire supérieur. Pour ces indications, le lambeau cutané est suffisant et il n’est pas nécessaire d’associer un contingent osseux.

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142

VII Traitement en fonction des localisations

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 145-152

Facteurs de risques carcinologiques des patients opérés en première intention d’un carcinome de l’oropharynx latéral : étude rétrospective de 182 malades (1989-1999) Jean-Michel PRADES1, Andrée TIMOSCHENKO1, Régis MAYAUD2, Xavier PERRON3, Caroline MARTIN4, Larbi CHELIKH1, Nassim MERZOUGUI1, Thierry SCHMITT5, Christian MARTIN1 1

Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale et plastique, CHU de Bellevue, 27, boulevard Pasteur, 42100 Saint-Étienne, France 2 Clinique Nouvelle du Forez, route Nouvelle, 42600 Montbrisson, France 3 Polyclinique de Beaulieu, 101, cours Fauriel, 42100 Saint-Étienne, France 4 Service de santé publique et de statistiques, CHU de Saint-Étienne, 27, boulevard Pasteur, 42100 Saint-Étienne, France 5 Service de radiothérapie, CHU de Bellevue, 27, boulevard Pasteur, 42100 Saint-Étienne, France

La buccopharyngectomie trans-maxillaire de Vallas-Latarjet a été conçue en 1906 à Lyon [15], modifiée techniquement par Hayes Martin aux États-Unis [10], dans les années 1940 (intervention de commando) puis par Dargent en France une décennie plus tard [6]. Elle représente actuellement la procédure chirurgicale préférentielle pour le traitement des volumineux carcinomes épidermoïdes ulcéro-infiltrants de l’oropharynx latéral [3]. Sur le plan anatomique, celui-ci est composé de l’amygdale palatine et sa loge, l’hémi-base de langue et le sillon amygdaloglosse, l’hémi-voile et l’étage moyen de la paroi pharyngée postérieure. Le but de ce travail rétrospectif a été une analyse statistique univariée des facteurs de risques carcinologiques de patients opérés en première intention, d’un carcinome épidermoïde oropharyngé latéral. Une population à haut risque est ainsi définie, pouvant dans l’avenir bénéficier d’une optimisation thérapeutique.

145

J.M. Prades et al.

Population étudiée - Méthode L’étude rétrospective a concerné 182 patients d’âge moyen 57 ans (extrêmes 35-87 ans) comprenant 167 hommes et 15 femmes, opérés durant la période 1989-1999. Tous les patients étaient porteurs d’un carcinome épidermoïde ulcéro-infiltrant de l’oropharynx latéral dont la classification TNM UICC 1997 est donnée sur le Tableau I. La tumeur était unique, non antérieurement traitée, notamment par radiothérapie et/ou chimiothérapie. Tableau I. Patients. TNM (UICC 1997). T1

T2

T3

T4

Total

N0

6

48

34

5

93

N1

0

13

23

2

38

N2

0

5

18

6

29

N3

2

5

9

6

22

Total

8

71

84

19

Une buccopharyngectomie trans-mandibulaire a été chaque fois réalisée. Un curage cellulo-ganglionnaire cervical homolatéral est dans tous les cas associé, soit radical soit radical modifié préservant au moins une structure non lymphatique [22, 23]. Le geste ganglionnaire intéresse donc l’ensemble des groupes lymphatiques I, II, III, IV et V [23]. La buccopharyngectomie trans-mandibulaire conserve la mandibule pour 63 malades avec 42 cas d’ostéotomies et ostéosynthèses, 21 cas sans ostéotomie (buccopharyngectomie infra-mandibulaire). Pour 119 malades, la buccopharyngectomie désarticule et sacrifie le ramus mandibulaire. Un lambeau myocutané de grand pectoral, plus rarement de grand dorsal, est employé pour la reconstruction oropharyngée chez 65 patients. Une radiothérapie post-opératoire mono-fractionnée conventionnelle est délivrée sur la loge d’exérèse tumorale et les aires ganglionnaires opérées (55 à 65 Gy avec un étalement de 10 Gy par semaine). Les doses de l’irradiation sont modulées par les résultats histopathologiques de la pièce opératoire. Aucune chimiothérapie n’a été associée. Quatre-vingt-seize malades (53 %) de notre population sont décédés. Aucun patient vivant ne présente actuellement une récidive loco-régionale ou des métastases. Douze malades (13 %) sont décédés dans la période post-opératoire (< 1 mois), 16 (17 %) de causes intercurrentes, essentiellement cardiaque ou neurologique, 68 (71 %) de causes carcinologiques. Parmi ce dernier groupe, une récidive loco-régionale est survenue dans les 18 mois postthérapeutique pour 40 patients (22 %), isolée (23 patients), associée à des métastases (15 patients) ou associée à une seconde localisation et à des métastases (2 patients). Des métastases à distance sont apparues malgré un contrôle carcinologique loco-régional chez 22 malades (12 %). Calculée suivant la méthode de Kaplan-Meier, la survie globale à 2 ans et 5 ans est respectivement de 60 % et 39 %, la survie spécifique de 72 % et 56 %. L’analyse statistique univariée des facteurs de risques carcinologiques a utilisé le logiciel BMDP. Trois événements ont été pris en compte : la récidive loco-régionale, la survenue d’une métastase à distance, le décès du patient.

146

Facteurs de risques carcinologiques d’un carcinome de l’oropharynx latéral

Résultats Ont été statistiquement analysés l’âge des patients, la topographie basi-linguale de la tumeur, le status tumoral et ganglionnaire suivant la classification TNM, la technique chirurgicale, enfin, les données histopathologiques de la pièce opératoire.

L’âge des patients opérés Soixante-quatre patients avaient moins de 50 ans, 118 un âge supérieur. Une récidive locorégionale est survenue pour 15 malades dans le premier groupe, 25 dans le deuxième groupe. p = 0,7 non significatif (ns). Une métastase a été notée pour 13 patients du premier groupe, 26 du deuxième groupe. p = 0,8 (ns). Trente et un malades du premier groupe sont décédés contre 65 dans le deuxième groupe. p = 0,4 (ns). Ainsi, dans notre population un âge inférieur à 50 ans n’apparaît pas comme un facteur de mauvais pronostic.

Le volume tumoral (T) Soixante-dix-huit patients (43 %) étaient porteurs d’une tumeur classée T1-T2, 104 patients (57 %), présentaient une tumeur classée T3-T4. Une récidive loco-régionale est survenue chez 10 patients du premier groupe, 30 patients du second groupe. p = 0,01 significatif (s). Une métastase à distance a été observée pour 16 patients du premier groupe, 23 du deuxième groupe. p = 0,8 (ns). Trente-deux patients du premier groupe sont décédés contre 64 du deuxième groupe. p = 0,08 (s). Ainsi, la survenue d’une récidive loco-régionale et/ou d’un décès est corrélée à la classification tumorale clinique T.

L’envahissement tumoral de la base de la langue Soixante-dix-sept patients présentaient une atteinte de la base de la langue proprement dite et 34 une atteinte du sillon amygdaloglosse, constituant le premier groupe. Soixante et onze patients étaient porteurs d’une tumeur n’atteignant ni la base de la langue, ni le sillon amygdaloglosse, formant le deuxième groupe. Une récidive loco-régionale est survenue chez 26 patients du premier groupe, 14 du deuxième groupe. p = 0,6 (ns). Une métastase est apparue chez 24 patients du premier groupe, 15 du deuxième groupe. p = 0,8 (ns). Le décès est noté pour 59 patients du premier groupe et 37 du deuxième groupe. p = 0,9 (ns). Ainsi, dans notre population de patients opérés puis irradiés, l’atteinte de la base de la langue n’apparaît pas comme un facteur de mauvais pronostic.

La technique chirurgicale • Cent dix-neuf patients ont été opérés avec désarticulation-sacrifice du ramus mandibulaire. Soixante-trois patients ont bénéficié d’une conservation mandibulaire. Une récidive locorégionale est survenue pour 31 patients du premier groupe, 9 du second groupe. p = 0,07 (ns). Une métastase à distance est apparue pour 31 patients du premier groupe, 8 du deuxième groupe. p = 0,04 (s). Soixante-quatorze malades du premier groupe sont décédés contre 22 du deuxième groupe. p = 0,0004 (s). Ainsi, la conservation mandibulaire n’est pas corrélée à une récidive loco-régionale. Métastases et décès sont associés au sacrifice mandibulaire, traduisant a priori les indications préférentielles de ce geste pour les plus volumineuses tumeurs. • Cent dix-sept patients n’ont pas bénéficié d’une reconstruction oropharyngée par lambeau myocutané. Soixante-cinq patients ont nécessité un tel geste. Vingt et un malades du 147

J.M. Prades et al.

premier groupe et 19 du second ont présenté une récidive loco-régionale. p = 0,08 (ns). Dix-neuf malades du premier groupe et 20 du second ont présenté une métastase à distance. p = 0,02 (s). Un décès est survenu pour 52 patients du premier groupe et 44 du deuxième. p = 0,003 (s). Ainsi, la mise en place d’un lambeau myocutané de reconstruction ne favorise pas la récidive loco-régionale, par contre sa présence est corrélée avec la survenue d’une métastase et/ou d’un décès, traduisant a priori le volume tumoral imposant un tel geste de reconstruction.

La classification ganglionnaire clinique (N) Le Tableau II objective la corrélation hautement significative entre la présence d’adénopathies classées N2-N3 par rapport aux adénopathies classées N0-N1 et la survenue d’une récidive loco-régionale (p = 0,007) d’une métastase (p = 0,015) ou du décès (p = 0,0004). Tableau II. Classification ganglionnaire clinique. Récidive

Métastase

Décès

N0 93

13

13

39

N1 38

9

9

18

N2 29

13

10

24

N3 22

5

7

15

40 p = 0,007 (s)

39 p = 0,015 (s)

96 p = 0,0004 (s)

Total 182

Les résultats histopathologiques de la pièce opératoire • Le Tableau III analyse la signification des recoupes muqueuses pathologiques de la loge d’exérèse tumorale. Celles-ci apparaissent comme un élément de mauvais pronostic en corrélation avec la survenue d’une récidive loco-régionale (p = 0,01) ou du décès (p = 0,006) mais pas avec l’apparition d’une métastase à distance (p = 0,1). Tableau III. Résultats. Récidive

Métastase

Décès

Recoupes (-) 105 patients

16

18

46

Recoupes (+) 77 patients

24 p = 0,01 (s)

31 p = 0,1 (ns)

50 p = 0,006 (s)

• Le Tableau IV montre la valeur significative de mauvais pronostic, d’un envahissement ganglionnaire cervical (N+) et surtout d’une rupture des capsules ganglionnaires (R+) tant pour la récidive loco-régionale (p = 0,003), la survenue d’une métastase (p = 0,004) que pour le décès (p = 10-4). 148

Facteurs de risques carcinologiques d’un carcinome de l’oropharynx latéral Tableau IV. Résultats. Récidive

Métastase

Décès

7

8

24

N+ 119

33 p = 0,01

31 p = 0,04

72

R+ 85

27 p = 0,003 (s)

28 p = 0,0004 (s)

60 p = 10-4 (s)

N- 63

• Le Tableau V révèle également le mauvais pronostic des emboles vasculaires veineux et/ou lymphatiques vis-à-vis d’une récidive loco-régionale (p = 0,04), de la survenue d’une métastase (p = 0,02) ou du décès (p = 0,01). Tableau V. Résultats. Récidive

Métastase

Décès

Emboles vasculaires (-) 124 patients

22

20

57

Emboles vasculaires (+) 57 patients

18 p = 0,04 (s)

18 p = 0,02 (s)

38 p = 0,01 (s)

Discussion Si les petites tumeurs de l’oropharynx latéral (< 2 cm) peuvent être traitées de façon équivalente par une exérèse chirurgicale trans-orale ou une radiothérapie isolée [8, 11, 20], les lésions ulcéro-infiltrantes plus volumineuses nécessitent la plupart du temps une chirurgie réglée trans-mandibulaire suivie d’une radiothérapie complémentaire [11, 17, 21]. • La récidive loco-régionale post-opératoire malgré l’irradiation complémentaire reste la plus grande cause d’échec apparaissant le plus souvent avant 18 mois [17, 21]. Pour Lefèvre et al. [17] sur 274 patients opérés en première intention puis irradiés d’une tumeur oropharyngée, une récidive loco-régionale survient dans 31 % des cas, avec une survie globale de 42 % à 5 ans, identique à la nôtre. Pour la région amydgalienne, Piquet et al. [21] observent 28 % de récidive loco-régionale, Laccoureyre et al. 17 % [16]. Dans la série récente rapportée par Johansen et al. [12] sur 276 patients traités par radiothérapie première à visée curative, la poursuite évolutive est observée chez 173 malades (63 %) avec 12 % de métastases à distance, 72 % de récidive locale, 38 % de récidive ganglionnaire cervicale. • La localisation initiale de la tumeur oropharyngée ne semble pas influencer l’évolution bien que deux éléments sémiologiques soient particulièrement péjoratifs, le trismus et l’ostéolyse mandibulaire [21]. L’atteinte du trigone rétro-molaire et surtout de la base de la langue est classiquement considérée comme un facteur de mauvais pronostic, en raison de la difficulté d’appréciation du volume tumoral [2, 18, 26]. En 1987, Gehanno et al. [9] avaient montré que la survie à 5 ans des patients porteurs d’une tumeur de la base de la langue variait de 26 à 56 % selon le degré d’infiltration basi-linguale après traitement radio-chirurgical. Le taux de contrôle local à 2 ans d’une tumeur de la base de la langue irradiée est de 84 % si la lésion est exophytique, de 58 % si elle est ulcéro-infiltrante [27], 149

J.M. Prades et al.

soulignant la gravité de l’atteinte de la base de la langue et l’intérêt du traitement chirurgical des tumeurs ulcéro-infiltrantes. En 1992, Zelefsky et al. [28] montrent chez des patients opérés puis irradiés pour des tumeurs de stades avancés de la base de la langue ou de la loge amygdalienne, un contrôle local à 7 ans identique respectivement de 81 et 83 %, ne démontrant pas le mauvais pronostic de l’atteinte basi-linguale. En 1993, Kraus et al. [14] retrouvent également après chirurgie et radiothérapie complémentaire, un taux de contrôle local basi-lingual supérieur à 80 % [14]. • La classification TNM de la tumeur oropharyngée latérale et des adénopathies cervicales satellites représente un facteur pronostic essentiel conditionnant le contrôle locorégional et la survie [2, 20]. Le taux de récidive loco-régional est de 10 % pour les patients N0, 25 % pour les N1 et N2, 40 % pour les N3 [20]. Les métastases à distance (par fréquence décroissante : poumon, os, foie, cerveau) sont 4 fois plus fréquentes en cas de N2-N3 (24 %) qu’en cas de N0-N1 (6,3 %) [2]. L’atteinte ganglionnaire métastatique lors d’une tumeur de la base de la langue ou de la loge amygdalienne intéresse respectivement le groupe II (jugulaire supérieur) dans 88 % et 97 % des cas, le groupe III (jugulaire moyen) dans 40 % et 24 % des cas, le groupe V (triangle postérieur) dans 12 % et 23 % des cas [19]. La présence d’un envahissement ganglionnaire des groupes II et III est un facteur prédictif d’atteinte du groupe V [5]. • Le status histopathologique des adénopathies cervicales est un facteur pronostic majeur toute localisation tumorale confondue [3, 13, 24, 25]. Certains travaux récents ne trouvent pas de différence significative sur la survie des patients classés N+, mais le nombre de malades est faible et les modalités thérapeutiques variées [1]. La valeur pronostique péjorative de l’extension extra-capsulaire (N+ R+) est associée à une réduction significative de la survie et à une augmentation significative des récidives loco-régionales [13, 25]. La rupture des capsules ganglionnaires (R+), même pour des tumeurs de petites tailles, est retrouvée chez 60 % des patients classés N1, toute localisation tumorale confondue. Pour les tumeurs de l’oropharynx, une adénopathie palpable est envahie dans 80 % des cas (N+), présente une rupture capsulaire dans plus de 50 % des cas (R+) et un embole vasculaire (E+) dans près de 20 % des cas [2, 3]. Chez les patients de stade III-IV opérés puis irradiés, une récidive loco-régionale est observée pour 42 % à 45 % d’entre eux, si une rupture ganglionnaire est présente contre 14 % à 21 % si elle est absente [13].

Conclusions Dans ces conditions, les patients porteurs de facteurs péjoratifs, notamment histopathologiques (N+R+, recoupes +, E+) représentent une population à haut risque, fortement corrélée à une récidive loco-régionale, la survenue d’une métastase à distance ou d’un décès. Ils devraient dans l’avenir bénéficier d’une optimisation thérapeutique, en particulier grâce aux associations de chimioradiothérapie concomitante [4, 7].

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 153-161

Les carcinomes épidermoïdes de base de langue : résultats du traitement Narcisse ZWETYENGA1, Claire MAJOUFRE-LEFEBVRE1, François SIBERCHICOT1, Hélène DEMEAUX2, Jacques PINSOLLE1 1

Service de chirurgie maxillo-faciale, Centre Hospitalier Universitaire, Hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux Cedex, France 2 Service de radiothérapie, Hôpital Saint-André, Centre Hospitalier Universitaire, 33076 Bordeaux Cedex, France

Les cancers de la base de langue sont connus pour leur mauvais pronostic [1-7]. Leur traitement varie selon les équipes et fait appel selon les auteurs à la radiothérapie isolée [2, 3, 8, 9], à la chirurgie isolée [10, 11] ou à une association chirurgie et radiothérapie [4, 5, 9, 12-16]. Dans le Service de Chirurgie Maxillo-Faciale du CHU de Bordeaux, les carcinomes épidermoïdes de la base de langue représentent environ 18 % des cancers de langue traités. Le but de notre étude était de faire le point sur les carcinomes épidermoïdes de la base de langue traités en première intention à but curatif et d’en évaluer les éventuels facteurs prédictifs de survie et de récidive.

Patients et méthodes Entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1999, 309 patients atteints d’un cancer de la langue ont été traités à but curatif dans notre service. De ces 309 patients, 55 étaient atteints d’un carcinome épidermoïde de la base de langue et traités en première intention à but curatif. Ont été exclus de cette étude les patients ayant présenté d’autres types histologiques de cancers, ceux dont les lésions de base de langue envahissaient d’autres régions (cavité buccale, région tonsillaire, larynx) et ceux non traités en première intention. Les données étudiées ont été extraites du logiciel MEDLOG™ : l’âge, le sexe, la classification TNM de la tumeur (UICC 88), le grade histologique, le traitement de la tumeur primitive effectué et le statut clinique et histologique ganglionnaire cervical. Les probabilités de survie et de non-rechute liées à la taille de la tumeur, au statut ganglionnaire et au traitement ont été également étudiées. Les probabilités de survie ont été calculées à partir de la date de la première consultation jusqu’à la date de la dernière consultation ou du décès du patient et 153

N. Zwetyenga et al.

celles de la non-rechute à partir de la date du premier traitement jusqu’à la première récidive locale et ou ganglionnaire et ou à distance. Les résultats fonctionnels ont été appréhendés à partir du 10e mois post-opératoire et comprenaient la déglutition et l’élocution. La déglutition a été jugée par rapport au type d’alimentation : normale, mixée ou liquide et l’élocution par rapport à l’appréciation du médecin lors de la consultation de suivi et en interrogeant le patient sur l’impression qu’il a de se faire comprendre par son entourage et dans la vie quotidienne. Lorsque le patient est compris, mais avec difficulté dans la vie quotidienne, les séquelles sont considérées comme mineures ; lorsqu’il n’est compris que par son entourage elles sont considérées comme modérées et lorsqu’il n’est compris ni dans la vie quotidienne, ni a fortiori par son entourage elles sont considérées comme majeures.

Résultats Il s’agissait de 48 hommes (soit 87,3 %) et de 7 femmes (soit 12,7 %) avec un sex ratio homme/femme de 6,8. L’âge moyen était de 54,9 ans avec des extrêmes de 34 à 87 ans. Les tumeurs ont été classées selon la classification TNM (Tableau I). Les tumeurs classées T3 ou T4 ont représenté 74,5 % des cas et 62 % des patients ont présenté au moins une adénopathie clinique. Le délai moyen de diagnostic a été de 3,5 mois. Une intoxication chronique alcoolique a été notée dans 87 % des cas et une intoxication tabagique chronique dans 92 % des cas. Tableau I. Classification des tumeurs selon le TNM. N\T

T1

T2

T3

T4

Total

N0

1

6

9

5

21

2

9

5

16

4

1

5

1

1

3

3

7

N1 N2A N2B

1

N2C

1

1

2

N3

1

1

1

Total

4

10

26

3 15

55

La décision thérapeutique a été prise collégialement par un comité de mise en route de traitement rassemblant chirurgiens, oncologues et anesthésistes en fonction de l’extension tumorale et de l’état général de chaque patient. Quarante-six patients ont bénéficié d’une intervention chirurgicale (Tableau II). Les actes chirurgicaux isolés ont concerné 10 patients et 36 patients ont bénéficié d’une association chirurgie-radiothérapie. Les techniques de l’exérèse chirurgicale sont exposées dans le Tableau II. Les pertes de substances ayant nécessité une reconstruction par lambeau ont concerné 31 patients : 17 lambeaux myocutanés de grand pectoral, 7 lambeaux microchirurgicaux antébrachiaux, 7 lambeaux myocutanés de grand dorsal. Dix-neuf patients ont bénéficié d’une trachéotomie dont 11 provisoires avec un délai moyen de décanulation de 13 jours. Tous les patients ayant été opérés ont bénéficié d’un évidement cervical de principe même chez les patients classés N0, du fait de risque de faux négatifs [11, 17-20]. Soixante154

Les carcinomes épidermoïdes de base de langue

quatre évidements cervicaux ont été réalisés (Tableau II) dont 28 évidements bilatéraux (7 sus omo-hyoïdiens homolatéraux, 15 fonctionnels homolatéraux, 6 radicaux homolatéraux, 23 sus omo-hyoïdiens controlatéraux, 5 évidements fonctionnels controlatéraux). Tableau II. Données statistiques concernant la série de patients. Technique d’exérèse chirurgicale Glossectomie partielle base langue Glossectomie totale base langue Glosso-mandibulectomie Bucco-pharyngectomie transmaxillaire

29 (63 %) 7 (15,2 %) 5 (11 %) sans hémimandibulectomie avec hémimandibulectomie

Total Évidement homolatéral Explorateur Fonctionnel Radical Évidement bilatéral Total Site récidive Locale Ganglionnaire

2 (4,3 %) 3 (6,5 %) 46 18 7 5 6 28 64 12

Homolatéral Controlatéral Bilatérale

2 1 1

Pleuro-pulmonaires Cutanées Multiples

6 1 1 24

À distance

Total

Neuf patients ont été traités par radiothérapie seule ou en association avec une chimiothérapie. La dose moyenne globale de radiothérapie post-opératoire délivrée a été de 54,5 Gy (50-72 Gy) avec une dose moyenne de 57 Gy au niveau du site d’exérèse et de 52 Gy au niveau cervical. Le grade histologique des cancers se répartissait comme suit : 42 (76,4 %) de carcinomes épidermoïdes bien différenciés, 9 (16,4 %) moyennement différenciés et 4 (7,2 %) peu ou pas différenciés. Les marges d’exérèse de la pièce opératoire étaient négatives dans 34 cas (81 %), douteuses dans 5 cas (12 %) et positives dans 3 cas (7 %). Dix-neuf (41,3 %) évidements cervicaux ont présenté un résultat histologique négatif et 27 (58,7 %) au moins un ganglion positif parmi ces derniers, 63 % étaient en rupture capsulaire (17 cas). Parmi les patients classés N0 et qui ont bénéficié d’un évidement cervical (n = 21), 5 (23,8 %) ont présenté au moins une adénopathie positive dont 80 % en rupture capsulaire. Lorsque l’évidement cervical a été bilatéral chez les patients dont le cou a été classé N0 (n = 20), 25 % (5 patients) ont présenté au moins une adénopathie controlatérale positive à l’histologie dont un patient classé T2N0. La topographie en fonction des niveaux de l’envahissement ganglionnaire des tumeurs classées N0 est exposée sur la Figure 1. Un patient (2,2 %) atteint d’un carcinome épidermoïde classé T4N2c est décédé en période post-opératoire immédiate au 5e jour d’un arrêt cardio-respiratoire. En ne tenant pas compte de ce patient décédé en cours de traitement, les complications post-opératoires ayant influencé la durée d’hospitalisation ont représenté 39 % des cas. Six patients ont présenté une fistule cervicale (dont 2 ayant nécessité une reprise chirurgicale avec plastie par lambeau du muscle grand pectoral), 6 une surinfection locale, 4 une nécrose de lambeau (dont 1 nécrose totale et 3 nécroses partielles) et 2 un delirium tremens sévère. 155

N. Zwetyenga et al.

Figure 1. Topographie des localisations ganglionnaires histologiques cervicales (chiffres exprimés en pourcentage ; les pointillés indiquent les limites de l’évidement sus-omohyoïdien des patients classés N0).

Le délai moyen d’ablation de la sonde gastrique a été de 18 jours (9-61) et la durée moyenne d’hospitalisation a été de 17 jours (11-52 jours). Tous les patients ont été suivi régulièrement tous les 3 mois jusqu’à 18 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à 5 ans et ensuite annuellement. Trois patients (5,5 %) patients n’ont pas été contrôlés et 24 (44,4 %) ont présenté une récidive dont les localisations sont exposées dans le Tableau II. Vingt-trois patients (96 %) ont récidivé dans les premiers 24 mois. Le délai moyen de récidive a été de 13,4 mois (7-55). Sept patients (13 %) ont présenté une seconde localisation de cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS). À la fin de l’étude, 24 patients (44,4 %) étaient vivants dont 18 (33,3 %) en rémission complète et sans signe de récidive et 6 (11,1 %) en récidive. Les 7 patients qui avaient présenté une seconde localisation de cancer des VADS durant notre étude sont décédés. Le délai moyen de suivi a été de 54 mois (13-158 mois). Deux patients ont été perdus de vue alors qu’ils étaient en rémission complète, le premier au 13e mois post-opératoire et le second au 68e mois. Le cancer a été responsable de 53,3 % des décès ; 23,3 % ont été dus à une seconde localisation et 23,4 % des décès ont été liés à des causes intercurrentes. Les probabilités de survie globale à 2 ans et à 5 ans ont été de 61,3 % et 39 % respectivement. Les probabilités survie à 2 ans et 5 ans des patients atteints d’un carcinome épidermoïde classé T1-T2 ont été respectivement de 61,9 % et 46,4 % et celles des patients atteints d’une tumeur classée T3-T4 ont été respectivement de 64,4 % et 39,4 % (test de Fisher, p = 0,35). Les probabilités de survie des patients classés N0 à 2 ans et à 5 ans ont été de 56,4 % et 40,4 % respectivement, celles des patients classées N1, 79 % et 55,3 % respectivement et la probabilité de survie des patients classées N2 à 2 ans a été de 21,4 % (tous ces patients étant décédés avant 5 ans). Les comparaisons n’ont pas montré de différence (test de Fisher, p = 0,27 pour N0-N1 ; p = 0,45 N0-N2 ; p = 0,22 pour N1-N2). Il n’existait pas de différence de survie pour les patients n’ayant pas d’adénopathie palpable cliniquement et ceux en ayant (test de Fisher, p = 0,34). Neuf patients dont l’histologie de 156

Les carcinomes épidermoïdes de base de langue

l’évidement cervical ne montrait pas de ganglions envahis étaient décédés et 16 dont l’histologie montraient la présence d’au moins une adénopathie positive étaient décédés. La différence a été non significative (test de Fisher, p = 0,3). Il n’existait pas non plus de différence de survie en fonction de l’existence d’une rupture capsulaire ou non (test de Fisher, p = 0,12). Les probabilités de non-rechute globale à 2 ans et à 5 ans ont été respectivement de 76,5 % et 56 %. Les probabilités de non-rechute des tumeurs classées T1-T2 à 2 ans et 5 ans ont été de 80,2 % et 68,7 % respectivement et celles des tumeurs classées T3-T4 ont été de 75,1 % et 56,2 % respectivement (test de Fisher, p = 0,75). Les probabilités de non-rechute à 2 et à 5 ans des patients n’ayant pas d’adénopathie à l’examen clinique ont été de 88,7 % et 80,6 % respectivement et celles des patients en ayant ont été de 69 % et 51 % respectivement (test de Fisher, p = 0,5). Les probabilités de non-rechute pour les patients classées N0 à 2 ans et à 5 ans ont été de 88,7 % et 80,6 % respectivement ; celles des patients classés N1 de 80,2 % et de 72,2 % respectivement et celles à 2 ans des patients classés N2 ont été de 40 % (tous les patients ont présenté une récidive avant 5 ans). Les comparaisons ne montraient pas de différence significative (test de Fischer, p = 0,5 pour N0-N1 ; p = 0,7 N0-N2 ; p = 0,3 pour N1-N2). Il n’existait pas de différence significative en ce qui concerne la non-rechute (test de Fischer, p = 0,8) pour les patients n’ayant pas d’adénopathie palpable cliniquement et ceux en ayant. L’histologie de l’évidement cervical ne montrait pas de différence quant à la non-rechute (test de Fischer, p = 0,2). Parmi les patients ayant bénéficié d’au moins une intervention chirurgicale, 42 ont pu être évalués à partir du 10e mois post-opératoire. Douze patients (28,6 %) présentaient des troubles mineurs de l’élocution, 5 (12 %) modérés, 5 (12 %) majeurs et 2 (4,8 %) ont perdu la fonction. En ce qui concerne l’alimentation, 6 patients (14,3 %) avaient toujours une alimentation mixée et 8 (19 %) ont conservé une sonde de gastrostomie définitive. Le délai moyen d’ablation de la sonde gastrique était de 16 jours.

Discussion Les carcinomes épidermoïdes de la base de langue sont de mauvais pronostic. Notre étude a porté sur les carcinomes épidermoïde de base de langue traités à but curatif. Elle confirme les facteurs de risques bien connus (alcool-tabac) [5, 17], ainsi que le sex ratio montrant une prédominance masculine [3, 5, 7, 9, 12, 22]. Près des trois-quarts de nos patients ont été vus à un stade avancé (T3 ou T4) avec plus des deux-tiers ayant au moins un ganglion palpable cliniquement. Dans la littérature ce pourcentage de tumeur de base de langue vu à un stade avancé et varie entre 58,4 % et 83 % [3-5, 7, 9, 17, 22-25]. Ces résultats pourraient s’expliquer par des raisons anatomiques, la base de langue étant moins facilement accessible pour alerter le patient et le conduire à consulter et à bénéficier d’un acte diagnostique et thérapeutique plus rapide ; ainsi le délai de consultation de plus de 3 mois entre les premiers signes et le diagnostic est proche de celui de certaines études [17, 23] et par une absence de fibres conduisant la douleur nerveuses au niveau de la base de langue [2, 22]. La probabilité de survie à 5 ans, faible se situe dans la moyenne supérieure de la littérature (entre 23 % et 55 % quelque soit les modalités de traitement) [3, 5, 7, 11, 17, 23]. Plusieurs études ont montré que la taille tumorale ne constitue pas un facteur certain de survie et de récidive [5, 9, 11, 12, 17, 22] contrairement à d’autres études sur les cancers de la tête et du cou [3, 7, 14, 16, 26, 27]. Cependant dans ces derniers cas, la taille tumorale à partir de laquelle elle constitue un facteur péjoratif est toujours controversée. Ainsi pour Platz et al. [26] et Moore et al. [27], toutes les tumeurs supérieures à T1 des cancers de la tête et du cou ont un pronostic loco-régional équivalent. Dans notre étude, la taille n’est pas statistiquement influente sur la probabilité de survie ou de non-rechute. Ces résultats sont à 157

N. Zwetyenga et al.

interpréter avec précautions compte tenu de l’effectif réduit de notre série. Plusieurs études ont montré que la différenciation histologique est un facteur prédictif [8, 7, 24] ; moins la tumeur est différenciée, plus le pronostic serait péjoratif contrairement à d’autres [3, 12, 14, 17]. Dans notre étude, les carcinomes épidermoïdes bien différenciés ont été nettement prédominants et l’étude des probabilités de survie ou de non-rechute en fonction du grade histologique ne montrait pas de différence. Il est largement admis qu’une exérèse carcinologique incomplète conduit à une récidive locale précoce [28], sachant qu’une résection avec des marges saines ne garantit pas de l’absence d’une récidive locale. Nous n’avons pas trouvé de différence de survie ou de récidive en fonction du statut des limites d’exérèse comme certains auteurs [9, 14]. Nous pensons que ces résultats peuvent être mis sur le compte d’une part, de l’effectif réduit de notre série et d’autre part, de l’effet bénéfique de la radiothérapie post-opératoire dont la plupart des patients ont bénéficié (plus de 78 % des patients ayant bénéficié d’une intervention chirurgicale) [14]. Nous sommes d’accord avec la plupart des auteurs [29-32] qui préconisent des marges d’exérèse d’environ 2 cm pour les cancers de langue, car d’une part, les muscles de la langue représentant une faible barrière [30] et d’autre part la relation étroite avec l’anneau de Waldeyer constituent autant de facteurs de risque. Les cancers de langue sont connus pour leur capacité à métastaser au niveau cervical, même en cas de tumeurs vues à un stade précoce (T1-T2) [19, 20, 31, 33-36]. Le pourcentage d’adénopathie(s) clinique(s) controlatérale(s) se situe dans la moyenne de la littérature, entre 13,7 % et 36,7 % [5, 8, 11, 16, 25, 34], montrant ainsi une tendance des carcinomes épidermoïdes de la base de langue à métastaser bilatéralement au niveau cervical. Les résultats des spécimens histologiques des évidements cervicaux ont montré plus de 60 % de ganglions envahis dont les 2/3 en rupture capsulaire. Ce pourcentage important se retrouve dans la littérature [5, 9, 11, 12, 15, 25, 34]. Au niveau des cancers de base de langue, le pourcentage des ganglions occultes envahi est important et varie entre 30 % et 44 % [11, 34] et en cas de curage bilatéral ce pourcentage est compris entre 14,3 % et 24 % [11, 34] ; nous obtenons sensiblement les mêmes résultats. Ces résultats peuvent s’expliquer d’une part par le stade avancé avant traitement et d’autre part par le fait que la base de langue est en relation avec un important réseau lymphatique. Si pour certains auteurs [3, 5, 11, 12], la présence d’un envahissement ganglionnaire représente un facteur de risque péjoratif de survie, nous n’avons pas, pour notre part, trouvé de différence significative comme dans d’autre études [9], même en cas de rupture capsulaire. Ces résultats ne sont pas étonnants car ils sont à mettre sur l’effet bénéfique de la radiothérapie post-opératoire qui associe une surimpression sur la région cervicale en cas de ganglion(s) envahi(s) [14, 17, 37, 38]. La survie à 5 ans des patients atteints d’un cancer classé N0 est relativement faible (40,4 %) et 25 % des patients dont le cou a été classé N0 et qui ont bénéficié d’un évidement cervical bilatéral ont présenté au moins un ganglion envahi. Plusieurs auteurs ont préconisé un évidement cervical pour les carcinomes épidermoïdes de la langue mobile classés N0 ; cependant, les niveaux de cet évidement et la taille tumorale à partir de laquelle doit être effectué cet évidement sont actuellement controversés [20, 34, 36, 39, 40-46]. Si cet évidement est recommandé au niveau de cette localisation il se justifie d’autant plus au niveau des carcinomes épidermoïdes de la base de langue du fait de leur lymphophilie plus importante [28]. Ainsi, pour les cancers de base de langue, Califano et al. [34] recommandent un évidement systématique cervical postéro-latéral et Foote et al. [11] recommandent quant à eux un évidement bilatéral. Les récidives controlatérales en l’absence de traitement varient entre 22 % et 27 % [11, 16] et les métastases à distance varient entre 10 % et 62 % [3, 4, 9, 11, 15-17, 22, 25]. Notre taux de récidive ganglionnaire et métastatique est de 16,7 % et de 33,3 % des récidives respectivement. Si le premier taux est relativement bas, le second est important alors que la plupart des patients ont bénéficié d’une modalité associant exérèse tumorale, évidement cervical et radiothérapie. Les cancers de base de langue récidivent souvent à distance, même lorsque un traitement agressif initial a été effectué. 158

Les carcinomes épidermoïdes de base de langue

Au vu de nos résultats, nous préconisons un évidement cervical explorateur sus-omohyoïdien bilatéral systématique pour tous les patients atteints d’un cancer de base de langue et classés N0. Cet évidement concernera les niveaux I, II, III et la partie supérieure du niveau V ; laissant seulement le niveau IV et la partie inférieure du niveau V (Figure 1) [37]. Le caractère bilatéral de cet évidement est justifié d’une part par le fait que près de 21 % des adénopathies cliniques dans cette étude ont été classées N2c et les 25 % des ganglions controlatéraux à la tumeur de base de langues ont été histologiquement positifs chez les patients classés N0 (dont un patient avec une taille tumorale réduite, T2N0). Cet évidement pourrait s’adapter en fonction des constations per-opératoires et éventuellement suivie d’une radiothérapie post-opératoire en fonction des résultats histologiques. Dans tous les autres cas, un évidement fonctionnel ou radical homolatéral sera réalisé en fonction de l’état clinique et des constations per-opératoires et associé à un évidement explorateur controlatéral. Bien que la chirurgie de la base de langue soit relativement lourde, la mortalité opératoire ne représente que 2,1 % conforme aux donnés de la littérature [4, 11, 25]. En revanche, le pourcentage de complications, souvent infectieuses et fistulaires cervicales, bien qu’important est plus bas que dans certains séries [9] et peut s’expliquer par le terrain alcoolique souvent retrouvé chez ces patients [48]. La chirurgie de la base de langue est source d’importants retentissements fonctionnels. Près d’un tiers des patients présentaient des troubles d’élocution au moins modérés. Un peu moins de la moitié des patients évalués à partir du 10e mois présentaient des troubles alimentaires notables dont 19 % des patients ont une alimentation définitive par sonde de gastrostomie. Les complications de la chirurgie de la base de langue sont donc importantes et s’expliquent par le fait que ces tumeurs sont souvent vues à des stades évolués, imposant une exérèse large responsable de troubles fonctionnels. Ces résultats nous ont orientés vers une radiothérapie première sur le site tumoral et les aires ganglionnaires bilatérales pour les tumeurs de la base de langue classées T4 avec une chirurgie de rattrapage en cas de nécessité. La prise en charge des carcinomes épidermoïdes de la base de langue repose donc sur la radiothérapie, la chirurgie et l’expérience de chaque équipe. Notre attitude actuelle est : - une exérèse tumorale avec des marges de sécurité entre 1,5 cm et 2 cm lorsque la tumeur est opérable y compris au niveau cervical et jusqu’à T3 inclus associant lorsqu’il est nécessaire une reconstruction myocutanée ou ostéomyocutanée ; - un évidement cervical explorateur bilatéral systématique pour les cous classés N0 lorsque les patients sont opérés ; - un évidement fonctionnel ou radical en cas d’envahissement ganglionnaire homolatéral associé à un évidement explorateur ou fonctionnel systématique controlatéral lorsque cela est chirurgicalement faisable ; - la radiothérapie associée à une chimiothérapie concomitante en cas de contre-indication chirurgicale du fait de la non-opérabilité ou de l’état général du patient ou lorsque la tumeur est classée T4. Dans ces cas lorsque cela est indiqué et que l’état du patient le permet plus tard, une chirurgie de rattrapage peut être proposée ; - la radiothérapie post-opératoire est effectuée en cas de limites douteuses ou envahies, d’envahissement ganglionnaire et pour les tumeurs classées T3.

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161

7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 163-171

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais : le problème des deuxièmes cancers : à propos des 98 cas traités à l’Institut Gustave-Roussy de 1986 à 1992 Patrick MARANDAS, Jean-Baptiste CHARRIER, Stéphane TEMAM, Jean BOURHIS, Gérard MAMELLE, Morbize JULIERON, Anne-Marie LE RIDANT, François JANOT, François ESCHWEGE, Guy SCHWAAB Département de carcinologie cervico-faciale, Institut Gustave-Roussy, 94805 Villejuif Cedex, France

Les tumeurs du voile du palais sont des tumeurs de fréquence modérée (5 %-7 % environ des tumeurs de l’oropharynx). Elles posent le difficile problème de la très grande fréquence de deuxième localisation observée en cours d’évolution, du fait d’un bon contrôle local et ganglionnaire obtenus par les traitements loco-régionaux actuels.

Matériel et méthodes En 7 ans, 98 carcinomes épidermoïdes du voile du palais ont été suivis à l’Institut GustaveRoussy. Parmi eux, il y avait 84 hommes (85,7 %) et 14 femmes (14,3 %). L’âge s’étale de 32 à 83 ans avec une médiane à 53 ans. Dans les antécédents de ces patients, on retrouve un premier cancer chez 15 patients (15,3 %). L’intervalle entre ce premier cancer et le cancer du voile du palais a été en moyenne de 27,8 mois. Quinze patients ont présenté 16 cancers des VADS : plancher buccal : 3, base de langue : 4, langue mobile : 2, larynx : 2, amygdale : 2, paroi postérieure du pharynx : 1, œsophage : 1, une patiente avait dans ses antécédents un cancer de l’utérus. Un patient sur deux avait comme signe révélateur une gène pharyngée, 32 % une douleur pharyngée et pour 8 patients, le signe révélateur était un ganglion cervical. 163

P. Marandas et al.

Le point de départ de la tumeur au premier examen était : - la luette : 28 cas ; - le bord libre : 24 cas ; - le voile : 48 cas ; - et 3 fois l’importance de la tumeur interdisait d’apprécier le point de départ. Les extensions locales de cette tumeur intéressaient les structures proches : - la partie supérieure de l’amygdale : 35 ; - le pilier antérieur seul : 7 ; - la loge amygdalienne : 28 ; - la voûte palatine : 11 ; - le cavum : 4. L’aspect macroscopique de la tumeur était bourgeonnant dans 48 cas, infiltrant dans 22 cas, ulcéré dans 12 cas, serpigineux dans 7 cas et ulcéro-bourgeonnant dans 9 cas. L’examen clinique des aires ganglionnaires montrait que 69 malades n’avaient pas de ganglion suspect. La présence d’un ganglion était relevée dans 29 cas, 7 malades seulement avaient des ganglions bilatéraux (7,2 %). L’atteinte sous-digastrique était constante. Il y avait un ganglion sous-maxillaire dans 3 cas et spinal supérieur chez 3 patients. Le bilan local a comporté une pan-endoscopie dans tous les cas et un scanner pour 43 patients. Ce scanner a apporté des données précieuses dans 6 cas et était comparable à l’examen clinique dans tous les autres cas. Le bilan local a permis de mettre en évidence 41 deuxièmes localisations chez 34 patients (Tableau VII). Au terme de ce bilan, les 98 patients ont été classés selon la classification UICC (Tableau I). Tableau I. Classification TN UICC des 98 carcinomes du voile du palais.

N0

T1

T2

T3

T4

29

27

11

2

7

3

2

1

N1 N2A

1

N2B

3

N2C

3

N3

1

NX

3

69

(70,4 %)

10

(10,2 %)

1

5%

1

4

(4,1 %)

1

7

(7,2 %)

1

2%

1

1%

31

43

19

5

31,6 %

43,8 %

19,4 %

5%

98

Le traitement Le protocole thérapeutique des carcinomes du voile du palais repose dans cette série sur la radiothérapie externe exclusive sur la tumeur et les aires ganglionnaires. La dose délivrée au niveau de la tumeur a été de 65 à 70 gy et au niveau des aires ganglionnaires : 50 gy sur les N0 et 65 gy en cas de ganglion palpable. L’étalement a été pour tous les malades l’étalement classique de 2 gy par fraction à raison de 5 séances par semaine. 164

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais

Quelques patients T1N0 ont été traités par l’association de radiothérapie externe à la dose de 50 sur la tumeur et les aires ganglionnaires avec un complément de 30 grays délivré par curiethérapie sur le lit tumoral. Les patients ayant dans les antécédents une irradiation externe pour une première localisation, ont été traités soit par curiethérapie soit par exérèse chirurgicale. Il est à noter qu’un patient de cette série de 98 malades est décédé de syndrome hémorragique à la suite des biopsies multiples réalisées lors de l’endoscopie. L’ensemble des traitements du lit tumoral et des aires ganglionnaires est résumé dans le Tableau II. Tableau II. Traitement réalisé sur le lit tumoral et les aires ganglionnaires. Traitement de la tumeur

Traitement des aires ganglionnaires

Radiothérapie externe

71

76

Radiothérapie + curiethérapie

11

Curiethérapie seule

8

Chirurgie

5

3

Chirurgie + radiothérapie

2

7

Abstention

1

12

Dix patients ont eu un évidement ganglionnaire. Cet évidement a été quatre fois un évidement sélectif (aires I + IIA + III) car les extemporanées étaient négatives, trois fois un évidement radical modifié et quatre fois un évidement radical classique, chez trois malades seulement l’évidement a été bilatéral. Treize patients ont reçu une chimiothérapie d’induction avant la radiothérapie par trois cures de CDDP 100 mg/m2 à J1 et de 5FU 1 000 mg/m2 de J1 à J5. La réponse clinique a été six fois une réponse complète, trois fois une réponse partielle supérieure à 50 % et quatre fois la réponse a été jugée faible ou nulle (3 cas). Le traitement des doubles localisations simultanées a toujours été conduit dans l’optique d’un traitement curatif des diverses localisations.

Résultats Le traitement initial a été évalué à six mois Il a permis un contrôle local dans 92 cas et un contrôle chez 94 malades. Les cinq patients présentant une poursuite évolutive locale ont été opérés, permettant le contrôle secondaire chez trois des cinq patients. Trois patients ont présenté une poursuite évolutive au niveau ganglionnaire, aucun n’a pu être repris chirurgicalement.

165

P. Marandas et al.

Les récidives locales et ganglionnaires Dix-huit patients ont présenté une récidive locale ou ganglionnaire (Tableau III). Tableau III. Les récidives et/ou N. Récidive T

11

Récidive N

5

Récidive T + N

3

1. Une récidive locale seule a été observée chez 11 patients. - 3/31 T1 ; 7/43 T2 ; 1/19 T3. - Le délai moyen du diagnostic de cette récidive a été de 19 mois avec des extrêmes à 7 et 72 mois. - En fonction du traitement initial, une récidive a été observée : • après radiothérapie externe : dans 9/71 cas (12,6 %) ; • après radiothérapie plus curiethérapie dans 1/11 cas 9 % ; • après curiethérapie seule dans 1/8 cas (12,5 %). - Neuf récidives locales ont bénéficié d’une exérèse chirurgicale permettant un contrôle secondaire quatre fois sur neuf. - Les deux autres n’ont pu avoir qu’une chimiothérapie palliative. 2. Une récidive ganglionnaire isolée a été observée cinq fois : quatre fois chez des patients traités par radiothérapie externe et une fois chez un patient dont les aires ganglionnaires bénéficiaient d’une surveillance simple, le lit tumoral ayant été traité par curiethérapie. Deux patients seulement ont pu être contrôlés secondairement. 3. Trois patients ont présenté une récidive locale associée à une récidive ganglionnaire ; chez deux d’entre eux, des métastases ont été retrouvées lors du bilan de récidive. Tous trois n’ont pu être traités que par chimiothérapie palliative.

L’apparition d’une métastase a été observée chez 15 patients Au niveau des poumons : 9, os : 7, foie : 5, cerveau : 2, surrénale : 1.

La survenue d’une deuxième localisation après le cancer du voile a été très fréquente Trente-huit patients soit 38,7 % ont présenté 43 cancers métachrones. Ces cancers ont intéressé l’ensemble des différentes localisations des voies aéro-digestives supérieures. Les différents accidents évolutifs sont résumés dans le Tableau IV. Tableau IV. Les accidents carcinologiques des carcinomes du voile du palais. RT

RN

RT + RN

M

2e K

11

5

3

15

38

11,2 %

5,1 %

3%

15,3 %

38,7 %

166

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais

Le Tableau V résume les dates d’apparition des accidents évolutifs carcinologiques après la carcinome du voile du palais ainsi que la survie moyenne après les découvertes de cet accident. Tableau V. Délai d’apparition des accidents évolutifs et survie après leur découverte. RT

RN

M

2e K

Délai minimum d’apparition

6 m.

7 m.

7 m.

2 m.

Délai maximum d’apparition

19 m.

22 m.

24 m.

108 m.

Délai moyen d’apparition

19 m.

22 m.

24 m.

32 m.

21,8 m.

27 m.

3,7 m.

15 m.

Survie moyenne tous malades Survie moyenne si traitement curatif

29 m.

34 m.

Les décès Vingt patients seulement sont en vie lors du pointage. Les causes de décès sont rapportées dans le Tableau VI. Tableau VI. Causes de décès. Évolution T ou N ± M

14

Deuxième cancer

29

Métastase

11

Iatrogène

3

Intercurrence

14

Sans précision

7

Les trois décès iatrogènes sont : - accident hémorragique après endoscopie : 1 ; - accident hémorragique lors de chirurgie de rattrapage : 1 ; - accident de gastrostomie : 1. Il est important de signaler le devenir des six patients en RCC après chimiothérapie : - deux sont en vie avec plus de 13 ans de recul ; - 4 sont décédés, tous les quatre de deuxième localisation (œsophage, base de langue, plancher buccal, sinus piriforme).

Le problème des deuxièmes cancers La fréquence très importante de ces deuxièmes cancers justifie que l’on y insiste (Tableau VII). Ces cancers ont été observés avant le cancer du voile, en même temps ou après. Nous avons observé 100 cancers différents chez 63 patients (64,2 %).

167

P. Marandas et al. Tableau VII. Les localisations multiples associées au cancer du voile. K avant

K simultanés

K après

Total

16 cancers

41 cancers

43 cancers

100

15 patients

34 patients

38 patients

63

3

5

3

6

12

2

1

3

Langue

2

Plancher

3

FIJ Amygdale

2

2

1

5

BdL

4

3

5

12

Larynx

2

10

5

17

14

7

21

5

8

14

1

5

6

Sinus piriforme PPP

1

Œsophage

1

Bronche Utérus

1

1

Estomac

1

1

Rectum

1

1

Les séquelles liées au traitement sont tout à fait acceptables Tous les patients avaient une asialie en rapport avec la radiothérapie, son importance était variable. Quarante-trois patients ne se plaignaient d’aucun autre ennui, les autres signalaient différents symptômes regroupés dans le Tableau VIII. Tableau VIII. Séquelles liées au traitement. Pas de séquelle signalée

43

Rhinolalie

3

Reflux de liquide par le nez

4

Gêne pour avaler

39

Douleurs

4

Trismus

3

Nécrose muqueuse

9

Nécrose osseuse

7

Décès iatrogène

3

Divers

12

168

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais

La survie des patients La survie des patients calculée selon la méthode de Kaplan-Meier est de 56,5 % à 3 ans et de 39,5 % à 5 ans. Le Tableau IX indique la survie selon le T, le N et l’administration de chimiothérapie. Tableau IX. Survie selon la méthode de Kaplan-Meier des 98 patients, selon le T, le N et l’administration de chimiothérapie. 3 ans

5 ans

56,5 %

39,5 %

Survie des T1

76 %

52 %

Survie des T2

41,8 %

32,4 %

Survie des T3

57,8 %

36,8 %

Survie des N0

68,9 %

47,6 %

Survie des N1

40 %

20 %

Survie des N2 N3

22 %

Survie groupe chimio (13 patients)

46 %

39 %

Survie groupe sans chimio

45 %

39 %

Survie des 98 patients

Discussion Notre étude porte sur 98 carcinomes du voile du palais traités sur une période de 7 ans par radiothérapie externe pour 71 patients, curiethérapie seule pour 8 patients et par association de radiothérapie externe suivie de curiethérapie. Le contrôle local (86 %) est similaire à toutes les séries utilisant la radiothérapie. Erkal 85 %, Behar [2] 95 % ou l’association de radiothérapie externe complétée par de la curiethérapie Mazeron [3] 91 % et Hoffstetter [4] de l’école de Nancy, qui en fonction de l’intervalle entre la radiothérapie externe et la curiethérapie trouve une petite différence dans le contrôle local : 85 % si l’intervalle est inférieur à trois semaines et 73 % si le délai est supérieur à trois semaines. La chirurgie seule donne un moins bon contrôle local 57 % pour ces derniers (Tableau IX). Notre survie à 5 ans : 39,5 % s’est améliorée par rapport à l’étude d’Eschwege (23 %), la tumeur étant traitée essentiellement par l’association de radiothérapie externe suivie de curiethérapie. Elle est voisine des études françaises. Point [7] : 30 % ; Mazeron : 42 et 53 % ; Hoffstetter : 59 et 38 %. Les études françaises qui sont toutes des séries très importantes en nombre : Hoffstetter : 370 cas, Point : 270 cas, Perrin : 135 cas, sont identiques à la série Turque d’Erkal 42 % de survie à 5 ans. En revanche, elles ont des survies très inférieures à celles publiées aux États-Unis : Behar de Stanfford 64 % sur 37 cas, Colligès en 15 ans, Medini [8] de Mineapolis 81 % de survie mais sur 24 cas en 15 ans. 169

P. Marandas et al.

Le dernier point sur lequel il convient d’insister est la fréquence des deuxièmes cancers. Dans notre série nous avons 63 patients qui ont présenté un deuxième cancer soit avant (15), simultanément (34) ou après (38). Ce chiffre de 64 % est le chiffre le plus élevé jamais rapporté dans la littérature. Dans l’étude d’Eschwege de 1983 il était de 27 %. Les différentes séries rapportent des chiffres moindres : Perrin : 16 %, Point : 45 %, Behar : 24 %, Erkal : 28 %. D’autres séries n’en parlent pas (Hoffstter et al. [4], Mazeron et al. [3], Medini et al. [8]). Notre chiffre inhabituellement élevé, s’explique d’une part par le fait que dans notre série, nous n’avons pas écarté les patients ayant présenté avant ou simultanément un deuxième cancer et d’autre part par le suivi de nos patients, tous ont plus de 8 ans de recul, ce qui n’était pas le cas de la série du GETTEC publiée par P. Marandas en 1995 [9].

Conclusion Le contrôle local et ganglionnaire est très bien assuré (86 %) par la radiothérapie externe de la tumeur et des aires ganglionnaires. Ce bon contrôle local ne s’accompagne que d’une survie médiocre (39,5 %) car l’histoire évolutive des carcinomes du voile est marquée par la survenue d’un deuxième cancer rendu plus difficile à traiter par l’irradiation large reçue. Cela peut conduire à proposer une désescalade thérapeutique dans les petites lésions accessibles, soit à la chirurgie soit à la curiethérapie et N0. La meilleure connaissance de l’extension ganglionnaire (29,6 % de ganglions cliniquement perceptibles dans notre étude), grâce à l’utilisation systématique du scanner aujourd’hui, devrait permettre de mieux sélectionner ces patients, pouvant justifier d’une désescalade thérapeutique.

Références 1. Erkal HS, Serin M, Amdur RJ, Villaret DB, Stringer SP, Mendonhall WM. Squamous all carcinomes of the soft palate trected with radiation therapy alone or folowed by planned neck dissection. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1994 ; 50 (2) : 359-66. 2. Behar RA, Martin PJ, Fee WE, Coffinet DR. Iridium 192 intersitial implant and external bean radiation therapy in the management of squamous all carcinomes of the tonsil and soft palate. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1994 ; 28 (9) : 221-7. 3. Mazeron JJ, Belkacemi Y, Simon JM, Le Pechoux C, Martin M, Haddad E, Piedbois P, Calitchi E, Strunski W, Peynegre R, Le Bourgeois JP, Pierquin B. Place de l’implantation d’iridium dans la radiothérapie des carcinomes T1T2 du voile du palais. Bull Cancer Radiother 1996 ; 83 (1) : 47-53. 4. Hoffstetter S, Marchal C, Peiffert D, Lupoin E, Lapeyre M, Perrot M, Bey P. Treatment duration as a prognostic factor for local control and survival in epidermoid carcinoma of the tonsillar region treated by combined external bean irradiation and brachytherapy. Radiother Oncol 1997 ; 45 (2) : 141-8. 5. Perrin A, Brasnu D, Menard M, Fabre A, Lacau St Guily J, Fernandez G, Tedaldi R, Laccourreye H. Les cancers du voile du palais, à propos de 135 cas. Ann Oto-Laryngol 1986 ; 103 : 105-12. 6. Eschwege F, Reynaud A, Wibault P, Marandas P. Résultats de la radiothérapie du cancer du voile du palais. À propos de 55 malades traités à l’Institut Gustave-Roussy de 1969 à 1975. J Eur Radiother 1983 ; 4 (3) : 133-7.

170

Les carcinomes épidermoïdes du voile du palais 7. Point D, Rodriguez J, Ferrante B, Brugère J. Cancers du voile du palais. Résultats de la chirurgie de rattrapage. Ann Oto-Laryngol 1987 ; 104 : 395-9. 8. Medini E, Medini A, Gapany M, Levitt SH. Externed bean radiation therapy for squamous all carcinome of the soft palate. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1997 ; 389 (3) : 507-11. 9. Marandas P, Rodriguez J, Banal A, Vallicioni J, David JM, Colleaux J, Ton Van J. Les tumeurs malignes du voile du palais. Bilan de 201 cas traités de 1986 à 1989. Rev Soc Fr ORL 1995 ; 30 : 11-5.

171

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 173-179

La buccopharyngectomie transmandibulaire suivie de radiothérapie : traitement de première intention des cancers de l’oropharynx, à propos de 71 cas Christian-Adrien RIGHINI1, Édouard SORIANO1, Olivier CUISNIER1, Michel BOLLA2, Émile REYT1 1 Service d’ORL, 2 Service de radiothérapie, CHU A.-Michalon, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09, France

La buccopharyngectomie transmandibulaire (BPTM), développée dès 1954 sous l’impulsion de Dargent, est une technique chirurgicale utilisée actuellement en pratique courante. L’association BPTM-radiothérapie reste le traitement de référence des tumeurs localement évoluées de l’oropharynx [1]. Le but de notre étude était d’analyser les suites opératoires, la tolérance de la radiothérapie, les échecs carcinologiques et la survie des patients traités pour un cancer de l’oropharynx par l’association BPTM-radiothérapie.

Matériel et méthode Il s’agit d’une étude rétrospective couvrant la période 1984-1999, concernant 71 patients, 68 hommes et 3 femmes, d’un âge moyen de 54 ans (24-74). Soixante-huit patients étaient éthylotabagiques ; un patient avait une sérologie HIV positive ; 1 (5,6 %) avait déjà été traité pour un carcinome malpighien du plan glottique par radiothérapie exclusive en champ étroit 7 ans auparavant ; 3 autres patients avaient des antécédents carcinologiques en dehors de la sphère ORL : adénocarcinome du côlon (2), lymphome malin non hodgkinien (1). Dans tous les cas la localisation tumorale oropharyngée, au moment du traitement chirurgical, était unique. Les patients déjà traités pour une première localisation oropharyngée, 173

C.A. Righini et al.

quelque soit le traitement, ou qui avaient une deuxième localisation tumorale synchrone ont été exclus. Les localisations concernées étaient les suivantes : sillon glosso-amygdalien (23), loge amygdalienne (22), jonction basse de langue - langue mobile (13), commissure intermaxillaire (9), base de langue (4). La classification initiale des tumeurs est résumée dans le Tableau I. Tous les patients avaient une tumeur classée T2 ou T3 avec une nette prédominance des tumeurs T3 (54), soit 76 % des patients traités. Tous les patients avaient un statut ganglionnaire { N2 ; 36 (51 %) étaient N0. Dans 39,5 %, la tumeur était ulcéro-infiltrante ; dans 35 % des cas, elle était ulcéro-bourgeonnante ; dans 14 % des cas, elle était infiltrante et dans 11,5 % des cas, la tumeur était ulcérante. Tableau I. Classification TNM. N

0

1

2

3

Total

1

-

-

-

-

2

10

6

1

-

17 (24 %)

3

26

16

12

-

54 (76 %)

4

-

-

-

-

Total

36 (51 %)

22 (31 %)

13 (18 %)

-

T

71

Dix-sept patients (24 %) ont bénéficié d’une chimiothérapie d’induction (association 5 FU/Cisplatine) : 2 cures (7), 3 cures (10) ; il s’agissait de patients traités avant 1991. Tous les patients ont bénéficié d’une chirurgie (BPTM) suivie de radiothérapie. L’intervention a consisté en une BPTM non conservatrice pour 51 patients (71,8 %) et conservatrice (BPTMC) pour 20 patients (28,2 %). Tous les patients ont eu un évidement ganglionnaire ; 68 patients (96 %) ont eu un évidement ganglionnaire unilatéral, homolatéral à la lésion pharyngée ; dans 82 % des cas, cet évidement a été complet non conservateur (de la veine jugulaire interne et/ou du muscle sterno-cléido-mastoïdien) et dans 18 % des cas, un évidement complet conservateur a été réalisé ; 3 patients (4 %) ont eu un évidement ganglionnaire bilatéral sélectif ou complet conservateur ; pour ces 3 patients, la tumeur atteignait massivement la base de langue, avec un envahissement proche de la ligne médiane. Dans 66 cas (93 %), la reconstruction pharyngée a été faite par un lambeau musculo-cutané (LMC) : grand pectoral (62), grand dorsal (4) ; dans 5 cas (7 %), une suture-rapprochement a permis la fermeture pharyngée (5 lésions classées T2). Tous les patients ont été trachéotomisés. Une sonde naso-gastrique d’alimentation a été mise en place pendant l’intervention pour une alimentation entérale débutée progressivement le lendemain de l’intervention. Tous les patients ont eu une radiothérapie post-opératoire, dans un délai de 4 à 6 semaines après l’intervention chirurgicale. Il s’agit dans tous les cas d’une radiothérapie étalée sur 6 semaines, faite sur un mode monofractionné, sans potentialisation par chimiothérapie. Les doses moyennes délivrées sur le site tumoral étaient de 61 Grays (50-70) et de 54 Grays (50-70) au niveau du premier relais ganglionnaire.

174

Buccopharyngectomie transmandibulaire et radiothérapie

Résultats Réponse à la chimiothérapie Pour les 17 patients qui ont eu une chimiothérapie d’induction, dans 10 cas (60 %) une stabilisation tumorale et ganglionnaire a été obtenue ; une fonte tumorale [ 75 % et une stabilisation ganglionnaire ont été obtenus dans 7 cas (40 %). Dans 3 cas (18 %) une neutropénie est survenue ; dans les 3 cas, celle-ci a été spontanément résolutive. Quatorze patients n’ont présenté aucune complication.

Suites opératoires (locales et générales) Un patient est décédé 10 jours après l’intervention chirurgicale d’une embolie pulmonaire massive, soit une mortalité post-opératoire immédiate de 1,5 %. La durée moyenne d’hospitalisation (décès post-opératoire exclu) a été de 25 jours (12-75). Le délai moyen de décanulation a été de 13 jours (5-63). La reprise de l’alimentation s’est faite, en moyenne, au 18e jour (8-60) avec une réalimentation satisfaisante (> 1 500 kcal et ablation de la sonde naso-gastrique) au 20e jour (10-60). Huit patients ont présenté des complications locales (11 %) : 5 hématomes cervicaux, 2 nécroses partielles du LMC sans orostome, et 1 nécrose complète avec orostome. Pour les 3 cas de nécrose partielle ou totale du LMC, il s’agissait d’une BPTMC avec reconstruction par LMC du grand pectoral, dont l’épaisseur musculaire était importante. Dans les 2 cas de nécrose partielle, il s’agissait d’une nécrose de la palette cutanée dans sa partie antérieure (en regard de la zone de section mandibulaire). Les 2 cas de nécrose partielle ont évolué favorablement avec des soins locaux ; les 6 autres patients ont dû être ré-opérés : 5 évacuations d’hématome, 1 excision large avec prélèvement d’un LMC de grand dorsal. Douze patients (17 %) ont eu une complication générale : pneumopathie (9), maladie thrombo-embolique (2), ulcère gastrique perforé (1).

Tolérance de la radiothérapie La tolérance de la radiothérapie a pu être évaluée chez 60 patients. Celle-ci a été : bonne pour 39 patients (65 %), correcte (mucite grade I, II) pour 4 patients (6,7 %), mauvaise (mucite grade II, III) pour 17 patients (28,3 %). Quatre patients ont eu une complication : ostéoradionécrose (3), ulcération trophique (1). L’évolution a été favorable pour ces 4 patients. Trois ont bénéficié de soins locaux exclusifs et 1 a bénéficié de 50 séances de caisson hyperbare en plus des soins locaux.

Résultats carcinologiques L’exérèse a été jugée carcinologiquement satisfaisante dans 43 cas (61 %). Dans 28 cas (39 %), la résection pharyngée a été insuffisante : recoupe(s) positive(s) (10), limite d’exérèse inférieure à 5 mm (18). Pour ces 28 patients, le site tumoral initial était : loge amygdalienne (10), sillon glosso-amygdalien (6), jonction base de langue-langue mobile (5), base de langue (2), pilier antérieur (5). Le site des recoupes envahies était les muscles de la base de langue dans 21 cas (75 %), les muscles de la langue mobile dans 4 cas (14,3 %), le voile dans 3 cas (10,7 %). Parmi les 51 patients traités par BPTM non conservatrice, 7 (14 %) présentaient un envahissement osseux histologique. Un envahissement ganglionnaire a été retrouvé dans 46 cas (N+ : 62,2 %), 17 sans rupture capsulaire (N+, R- : 23 %) et 29 avec rupture capsulaire (N+, R+ : 39,2 %). L’envahissement ganglionnaire en fonction du statut ganglionnaire clinique est résumé dans le Tableau II. On notera que 44,5 % (16/36) des patients classés N0 cliniquement avaient au moins un ganglion envahi à l’analyse histologique. 175

C.A. Righini et al. Tableau II. Statut histologique ganglionnaire. Total*

N0 (36)

N1 (22)

N2 (13)

N-

20

5

3

28 (38 %)

N+ R-

7

8

2

17 (23 %)

N+ R+

9

9

11

29 (39 %)

* Analyse de 74 pièces de curages (3 patients avec curage bilatéral).

Les causes d’échec Trente patients sont décédés dont 1 en post-opératoire immédiat d’une embolie pulmonaire massive et 1 d’une cause intercurrente (infarctus du myocarde). Pour 28 patients, la cause du décès a été : apparition d’un second cancer des VADS (13), rechute locale ou locorégionale (11), apparition d’une ou plusieurs métastases (4). La répartition des cancers métachrones était la suivante : broncho-pulmonaire (7), sinus piriforme (4) et œsophage (2). L’incidence des seconds cancers est élevée si l’on considère la survie globale à 3 ans qui est de 52 %. Par ailleurs, ces secondes localisations représentent la première cause de décès (43 %) dans notre série. Parmi les patients qui ont présenté une rechute locale ou locorégionale, 9 (82 %) avaient au moins 1 ganglion envahi avec rupture capsulaire, pour 3 (17 %) d’entre eux au moins une recoupe était envahie à l’analyse histologique de la pièce opératoire.

Les taux de survie Le suivi moyen est de 48 mois. Les courbes de survie globale et de survie sans rechute sont représentées dans la Figure 1 A ; la survie globale est de 52 % à 3 ans et 45 % à 5 ans. Le facteur pronostic principal est représenté par la rupture capsulaire du ou des ganglions envahis avec p : 0,0153 (test de Log Rank) (Figure 1 B). La localisation tumorale, le stade T et la qualité des recoupes n’apparaissent pas influencer la survie des patients (p > 0,05).

Discussion Dix-sept patients ont eu une chimiothérapie d’induction. Ces 17 patients n’ont pas été exclus car la chimiothérapie n’a pas modifié l’indication thérapeutique qui avait été retenue initialement, à savoir une BPTM suivie de radiothérapie. Les cas de BPTMC représentent un faible pourcentage (28,2 %) des patients opérés dans cette série. Le sacrifice systématique de la mandibule n’est pas justifiée car l’os mandibulaire est rarement atteint [2]. Dans la littérature, l’envahissement de l’os mandibulaire varie pour les cancers de l’oropharynx de 10 % à 33 % selon les auteurs [2-5]. L’envahissement osseux n’est pas corrélé à la taille, par contre la localisation tumorale est un facteur déterminant [2] ; le pourcentage d’envahissement mandibulaire est significativement plus important lorsque la tumeur est située au niveau de la commissure inter-maxillaire, du pilier antérieur de la loge amygdalienne et du trigone rétro-mollaire. Ces observations sont confirmées par notre étude puisque seulement 14 % des patients opérés avec sacrifice mandibulaire présentaient un envahissement osseux ; dans tous les cas la localisation tumorale initiale était la commissure inter-maxillaire. Ceci nous a conduit grâce à un bilan clinique et radiologique plus rigoureux à être plus 176

Buccopharyngectomie transmandibulaire et radiothérapie

Figure 1. Courbes de survie (A et B).

177

C.A. Righini et al.

conservateur vis-à-vis de la mandibule ; actuellement 70 % des BPTM dite de « première intention » que nous pratiquons pour des tumeurs de l’oropharynx sont conservatrices de la mandibule. La mortalité post-opératoire dans notre série est de 1,5 %, ce qui est le taux habituel rapporté dans la littérature [6, 7]. Actuellement la première cause de mortalité post-opératoire en cas de chirurgie première de l’oropharynx est la survenue d’une complication viscérale avec, en premier lieu, une complication cardiovasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, maladie thrombo-embolique) en rapport avec le tabagisme des patients opérés [7]. Le seul décès post-opératoire que nous avons à déplorer dans notre étude est lié à une embolie pulmonaire massive au dixième jour post-opératoire. Ceci est à opposer à la chirurgie de rattrapage pour laquelle la première cause de mortalité post-opératoire reste la rupture carotidienne, même si la fréquence a été abaissée de façon significative depuis l’emploi des lambeaux musculo-cutanés [8, 9]. La reconstruction muqueuse par LMC du grand pectoral s’avère d’une grande fiabilité avec, dans notre série, un taux de nécrose (partielle ou totale) de 4,8 % ; ce taux est réduit à 1,6 % si l’on exclut les cas de nécrose partielle. Ces chiffres sont comparables à ceux de la littérature : 0 % pour Biller, 3,3 % pour Shah [10, 11]. Ce lambeau du fait de son épaisseur, permet un bon comblement du pharynx, particulièrement en cas de résection pharyngée importante. Cette qualité peut être un inconvénient en cas de BPTMC ; en effet, dans ce cas, l’épaisseur de la palette musculaire peut rendre difficile le passage du lambeau entre la mandibule et les muscles du plancher de bouche, particulièrement en regard de la zone d’ostéosynthèse, avec une compression du pédicule à l’origine d’une nécrose partielle ou totale du lambeau. Les 3 cas de nécrose partielle ou totale du LMC que nous avons à déplorer dans notre série trouvent là vraisemblablement leur explication. Le délai moyen de port de la sonde nasogastrique est un excellent reflet des suites opératoires [7]. Le chiffre moyen de 20 jours que nous rapportons est comparable aux chiffres retrouvés dans la littérature [7, 12-14]. La radiothérapie a été globalement bien tolérée pour 71,7 % des patients. Parmi les 17 patients pour lesquels la tolérance a été mauvaise, 8 entretenaient un tabagisme actif ; celui-ci a très probablement contribué à la mauvaise tolérance du traitement. 5,6 % des patients ont eu une complication grave, ce qui est à peine supérieur au chiffre (5 %) rapporté par Mendenhall en cas de traitement par radiothérapie exclusive des tumeurs de la loge amygdalienne [15]. Les résultats anatomopathologiques confirment la difficulté d’obtenir une exérèse satisfaisante lorsqu’il existe un envahissement tumoral de la base de langue : 75 % des recoupes positives dans notre série étaient situés au niveau des muscles de la base de langue. Le pourcentage élevé (44,5 %) d’envahissement ganglionnaire chez les patients N0 nous conforte dans la pratique d’un curage systématique homolatéral à la lésion pharyngée. Les chiffres de survie globale ou sans rechute sont comparables à ceux publiés dans la littérature [16, 17]. Les deux premières causes d’échec sont la survenue d’un cancer métachrone (18,3 %) et une rechute locale ou loco-régionale (15,5 %) dont le facteur déterminant est la rupture capsulaire. Il n’est donc pas surprenant de retrouver comme facteur pronostic principal pour le taux de survie ce même facteur. La localisation tumorale ne ressort pas comme facteur déterminant en matière de survie dans cette série, alors que nous nous attendions au contraire, ce qui aurait été conforme aux données de la littérature [16, 17]. Ceci s’explique très probablement par un biais statistique, compte tenu que nous avons un faible effectif de patients pour chacune des sous-localisations anatomiques.

Conclusion L’association BPTM-radiothérapie semble un traitement bien adapté des tumeurs localement avancées de l’oropharynx. La mortalité et la morbidité (qualité d’alimentation exclue) de ce traitement sont acceptables. Ce type de traitement devra être, dans le futur, comparé aux 178

Buccopharyngectomie transmandibulaire et radiothérapie

nouveaux traitements dits conservateurs notamment les protocoles associant chimiothérapie et radiothérapie de façon concomitante.

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VIII Complications et séquelles des traitements

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 183-190

Place et rôle de l’odontologie dans la prise en charge des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale : expérience du CHU de Limoges Bernard SARRY1, Stephan MICHLOVSKY1, Michel COLLINEAU1, Jean-Pierre BESSEDE1, Stéphane ORSEL1, Béatrix RHEIN2 1 Service d’odontologie, 2 Service de chirurgie cervico-faciale et ORL, 3 Service de radiothérapie, CHU-Hôpital Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges Cedex, France

Le rôle des odontologistes dans la prise en charge des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale est actuellement bien reconnu. La prise en charge bucco-dentaire du malade cancéreux comprend non seulement la préparation initiale de la cavité buccale en prévision des traitements spécifiques mais aussi le suivi per- et post-thérapeutique. Dans cet exposé, nous nous limiterons volontairement à la préparation initiale de la cavité buccale chez les malades adultes traités en première intention pour un cancer de l’oropharynx et de la cavité buccale, en insistant sur l’aspect pratique centré sur l’indispensable collaboration entre odontologistes, médecins et chirurgiens cancérologues. Nous présentons ainsi le schéma organisationnel, adopté au CHU de Limoges : il permet d’intégrer plus facilement cette prise en charge dans la stratégie thérapeutique globale.

Odontologie et comité interdisciplinaire de cancérologie-ORL Pour nous, odontologistes, la préparation de la cavité buccale avant les traitements carcinologiques doit être planifiée et réalisée le plus précocement possible. Elle est le résultat d’une démarche réglée et systématique et débute avec le Comité Interdisciplinaire de Cancérologie ORL, appartenant à l’Unité de Concertation Pluridisciplinaire, au sein duquel l’Odontologie est parfaitement intégrée. 183

B. Sarry, et al.

La réunion est hebdomadaire et permet : - à tout nouveau malade, d’être pris en charge sur le plan bucco-dentaire dès que possible, en fonction de la décision et du programme thérapeutique ; - à l’odontologiste, de recueillir les informations indispensables concernant le malade et sa pathologie et de réaliser la mise en état bucco-dentaire dans les délais les plus brefs possibles sans « interférences » sur le programme thérapeutique dans des conditions de sécurité optimales. Ces informations sont centrées plus particulièrement sur : Le malade : - son état général : les antécédents médicaux (diabète, affections cardiovasculaires, hépatiques...) ; - les traitements en cours (Anti Vit. K, Aspirine...) ; - l’âge, le profil psychologique, ainsi que sa disponibilité. La pathologie : - l’état loco-régional : la (les) localisation(s) tumorale(s) ; la classification TNM ; - l’histologie ; - la décision thérapeutique.

La préparation initiale de la cavité buccale Elle a pour objectifs essentiels de : - Prévenir les complications d’origine bucco-dentaire pendant et après les traitements. - Améliorer la qualité de vie des malades (par exemple, dans le cadre d’une réhabilitation prothétique maxillo-faciale). - Faciliter, parfois, le geste chirurgical d’exérèse et/ou de chirurgie reconstructrice. Généralement, les malades sont convoqués dans notre service dès le lendemain du Comité (pour les hospitalisés) au plus tard dans les 3 jours qui suivent (pour les malades externes). Le bilan bucco-dentaire est réalisé : il comprend un examen clinique minutieux complété par un examen radiographique (panoramique dentaire systématique et clichés rétro-alvéolaires) et le cliché de « repérage dentaire ». À l’issue du bilan, la mise en état buccale est programmée et réalisée dans les jours suivants, en accord avec le programme thérapeutique décidé et en fonction de l’état général du malade.

Avant chimiothérapie Quel que soit le type de chimiothérapie institué, néo-adjuvante ou à visée palliative, qu’elle soit peu ou très aplasiante, notre objectif est de prévenir les accidents infectieux aigus (favorisés par la leucopénie chimio-induite) et les algies dentaires pouvant survenir en cours de traitement. Il est très difficile (parfois impossible) d’intervenir pendant le traitement chez un malade asthénique, algique, qui présente fréquemment une leucopénie et/ou thrombopénie. De plus, en intervenant avant toute chimiothérapie nous pouvons épargner au malade le cortège des douleurs accompagnant une infection dentaire, une « pulpite » ou une ulcération traumatique de la muqueuse buccale qui se surajoutent à la pénibilité liée aux effets généraux ou locaux des drogues (mucite). Cette mise en état buccale consiste à : - Éradiquer les foyers infectieux aigus ou chroniques dentaires et parodontaux. 184

Odontologie et cancers de l’oropharynx

- Traiter les caries si nécessaire, même provisoirement. - Supprimer tous les facteurs irritants (dentaires, prothétiques) et réaliser un détartrage. Elle se déroule en une séance si possible, sous antibioprophylaxie pendant toute la durée de la cicatrisation muqueuse. Aucun délai n’est nécessaire entre la fin de la préparation de la cavité buccale et le début de la première cure de chimiothérapie.

Avant radiothérapie externe L’étiopathogénie des ostéoradionécroses n’est pas abordée ici. Une ostéite post-radique qu’elle soit d’origine infectieuse (dentaire ou parodontale...) ou traumatique (extraction dentaire intempestive, ulcération prothétique...) représente l’une des complications majeures de la radiothérapie surtout quand elle touche la mandibule. Elle peut être déclenchée parfois plusieurs années après la fin de l’irradiation avec, comme conséquences, de graves séquelles tant sur le plan fonctionnel qu’esthétique chez des malades considérés comme guéris sur le plan carcinologique. On doit donc attacher une importance particulière à la préparation initiale de leur cavité buccale. Elle doit être considérée comme une démarche préventive à long terme. Ainsi, le but essentiel de la mise en état buccale est de supprimer autant que possible les risques d’une ostéite post-radique. L’indication des extractions dans le cadre de la mise en état buccale doit être soigneusement « pesé ». Pour nous, elle doit tenir compte, non seulement du malade (son état local, évalué lors du bilan bucco-dentaire, son état loco-régional et général), de la décision thérapeutique mais aussi des modalités de l’irradiation : la limite des faisceaux et la dose totale administrée, essentiellement. Connaître les territoires anatomiques inclus dans le « volume-cible » (bases osseuses maxillaire et mandibulaire, glandes salivaires principales, dents...) est d’une importance capitale tant pour la préparation de la cavité buccale que pour le suivi régulier postthérapeutique. Au CHU de Limoges, lors du bilan bucco-dentaire, ces renseignements nous sont transmis grâce au « cliché de repérage dentaire » réalisé juste avant notre consultation par le médecin radiothérapeute, indiquant les limites des faisceaux et la situation des caches éventuels (Figure 1). Il préfigure le centrage précédent la première séance d’irradiation. Pour nous, le délai nécessaire entre la fin de la mise en état buccale (avec chirurgie dans les « champs ») et le début de l’irradiation est de 3 semaines, pour obtenir une cicatrisation muqueuse complète. Néanmoins, en cas de chirurgie particulièrement « délabrante », un contrôle de cicatrisation est réalisé juste avant la première séance d’irradiation. Ce délai invariable est rendu possible par la collaboration active avec le service de radiothérapie, la précocité de la prise en charge bucco-dentaire et de sa rapidité : la mise en état buccale est réalisée soit en un temps sous anesthésie générale, soit sous anesthésie locale en 2 ou 3 séquences espacées d’un ou deux jours, sous couverture antibiotique et en commençant par les secteurs mandibulaires. Sont éradiqués systématiquement après détartrage : - les dents qui sont le siège d’une infection apicale ou parodontale ; - les kystes radiculo-dentaires et résiduels ; - les dents délabrées ou présentant des caries profondes ; - les dents en désinclusion ; - les dents très mobiles ; - les dents en malposition. 185

B. Sarry, et al.

Figure 1. Cliché de « repérage dentaire » en prévision du traitement d’un carcinome du plancher buccal post-gauche (T4 N0) par radio-chimiothérapie concomitante.

Les prothèses irritatives (fixes ou amovibles) sont déposées. Mais, parfois, l’indication d’extractions des dents en futur territoire irradié doit être « modulée » en fonction de l’état général et loco-régional du malade (pronostic), de son âge, du profil psychologique, de sa disponibilité et de la nécessité d’une réhabilitation prothétique maxillo-faciale... Il s’agit donc d’une décision pouvant être « lourde » de conséquences même à long terme. À noter que lorsque l’indication d’une chimiothérapie première est posée, la préparation initiale de la cavité buccale en prévision d’une radiothérapie pourra être réalisée ou terminée en début de 2e cure si l’état hématologique le permet. Enfin, une prophylaxie fluorée est instituée systématiquement quand on prévoit une xérostomie post-radique (par l’atteinte des glandes salivaires principales). Celle-ci est souvent définitive et la denture résiduelle devient particulièrement vulnérable aux caries à évolution rapide. Avant le début de l’irradiation, après contrôle de cicatrisation des sites d’extractions, l’empreinte des arcades dentaires est réalisée à partir desquelles sont confectionnées des gouttières souples thermoformées. Il est très important d’expliquer aux malades les raisons de cette hyposialie et surtout les conséquences sur la denture en l’absence d’une hygiène rigoureuse et de l’application quotidienne de gel de fluor à 2 % à l’aide des gouttières dès l’amendement d’une mucite éventuelle. Cette intervention s’inscrit dans le cadre de la prévention des ostéoradionécroses avant irradiation et fait partie de la préparation initiale de la cavité buccale avant radiothérapie externe. 186

Odontologie et cancers de l’oropharynx

De même il est essentiel d’informer le praticien habituel du malade sur la conduite à tenir et les précautions à prendre pour les soins dentaires conservateurs futurs et les traitements prothétiques éventuels.

Avant curiethérapie Toujours dans le cadre de la prévention des ostéoradionécroses avant irradiation, nous sommes parfois amenés, à la demande du médecin radiothérapeute, à réaliser un appareil de protection plombée en prévision d’une curiethérapie dans le cadre du traitement d’une tumeur bien limitée de la lèvre, parfois du bord libre de la langue ou du plancher buccal... À l’issue du bilan bucco-dentaire, une mise en état de la cavité buccale est réalisée. Elle se résume surtout par l’élimination de foyers infectieux potentiels et chroniques situés « en regard » de la lésion (donc du volume-cible) et des facteurs irritatifs. La prise d’empreinte des arcades dentaires est réalisée puis l’essayage de la maquette, les retouches et l’adaptation définitive de l’appareil. Au total, le délai nécessaire ne doit pas excéder 8 jours (y compris le temps de travail au laboratoire). Objectifs et indications - Réduire l’intensité de l’irradiation au niveau des tissus sains par la présence d’un écran de plomb de 2 mm d’épaisseur interposé entre les sources radioactives et les tissus situés en regard : os, dents, muqueuses... - Éloigner les sources des tissus sains (d’où la nécessité de réaliser un duplicata conforme à l’appareil définitif, radiotransparent, permettant de réaliser les calculs d’isodoses sans risques d’erreurs inhérentes aux déformations tissulaires). Il doit être parfaitement bien toléré car son port est continu (en dehors des repas) pendant toute la durée d’application des sources d’Ir 192 (de 5 à 7 jours en hospitalisation pour une curiethérapie à bas débit de dose).

Avant chirurgie « Assainir » la cavité buccale L’éradication systématique des foyers infectieux bucco-dentaires, l’avulsion des dents non récupérables, associées à un détartrage, constituent des mesures élémentaires de prophylaxie à l’encontre des risques de complications infectieuses post-opératoires, en particulier au niveau de la cavité buccale et de l’oropharynx. D’autre part, si l’indication formelle d’une radiothérapie complémentaire est déjà posée, c’est aussi à ce moment que nous réalisons la préparation de la cavité buccale dans cette perspective. • Pour des raisons « techniques » Après la chirurgie, le malade est bien souvent limité dans ses mouvements et algique : limitation de l’ouverture buccale, des mouvements du cou, présence d’une sonde nasogastrique, d’une canule de trachéotomie... • Pour des raisons « psychologiques » En période post-opératoire immédiat, le malade est particulièrement inquiet et vulnérable. Au « traumatisme » lié à l’intervention carcinologique, nous pouvons éviter, si possible, d’éventuelles extractions dentaires réalisées dans « l’urgence », en prévision d’une radiothérapie complémentaire imminente (sauf dans les cas où la décision d’irradiation ne peut être prise qu’après la chirurgie d’exérèse). 187

B. Sarry, et al.

Faciliter la chirurgie d’exérèse Nous pouvons être amenés, à la demande du chirurgien, afin de faciliter son geste, à réaliser une ou des avulsions dentaires, à « déposer » des éléments de prothèses fixes (bridge) : en prévision d’une mandibulectomie non interruptrice, d’une voie d’abord par mandibulotomie, d’une mandibulectomie interruptrice avec ou sans reconstruction... Préparer des dispositifs prothétiques et appareillages, en pré-opératoire • Dans le cadre d’une résection du massif facial, d’une maxillectomie ou d’une résection vélo-palatine : Les prothèses obturatrices « immédiates » Objectifs et indications - Permettre au malade de s’alimenter par voie orale et de recouvrer la phonation 8 à 10 jours après l’intervention. - Faciliter la réhabilitation prothétique définitive en évitant les rétractions tissulaires survenant pendant les jours qui suivent l’intervention. Principes Il s’agit de mettre en place, en per-opératoire, immédiatement à l’issue de la résection, une masse de silicone (de haute viscosité) qui occupe une grande partie du volume de la cavité opératoire (et qui en prend l’empreinte après polymérisation). Elle est soutenue et stabilisée par une plaque de résine acrylique transparente préparée à l’avance comportant des crochets de rétention sur quelques dents maxillaires. Pour le malade édenté, nous prévoyons un système de ressorts inter maxillaires solidarisés à une gouttière mandibulaire : C’est l’ensemble de ce dispositif qui assure le maintien de la masse(ou « balle ») de silicone. Selon les situations cliniques et/ou anatomiques, elle est solidarisée (« monobloc ») ou indépendante de la plaque de résine. Procédure et mise en œuvre avant l’intervention Elle fait partie de la préparation initiale de la cavité buccale avant chirurgie (en tenant compte d’une éventuelle radiothérapie complémentaire). Lors du bilan bucco-dentaire, l’empreinte des arcades dentaires est réalisée. Le moulage maxillaire est modifié en fonction des indications du chirurgien : suppression des dents qui seront « emportées » avec la pièce opératoire, limites postérieures et médianes de l’exérèse... Le moulage sert à la réalisation de la plaque de résine acrylique (éventuellement solidarisée à un gouttière mandibulaire par des ressorts, si le malade est édenté). Ce dispositif doit être prêt pour l’intervention : le délai de réalisation ne doit pas excéder 8 jours. Suites opératoires Entre J5 et J7 post-opératoires, avec l’accord du chirurgien, sous AG de courte durée, la balle est déposée, la cavité d’exérèse contrôlée. La balle est « transformée », sans modifications volumétriques en silicone thermopolymérisable, matériau biocompatible dans le temps. Ce temps de laboratoire ne doit pas excéder 24 heures, période durant laquelle la cavité opératoire est comblée de « Tulle Gras* » maintenue par la plaque de résine. La nouvelle balle strictement identique à la première, en volume et en forme, peut être replacée dans la cavité, à l’état vigile. À partir de ce moment, les tests de déglutition peuvent débuter et la sonde naso-gastrique déposée dès que possible. Le malade pourra dès lors, après apprentissage, déposer, nettoyer et remettre seul sa prothèse. Des contrôles rapprochés sont nécessaires pour vérifier la cicatrisation en cours et apporter éventuellement les corrections nécessaires au dispositif prothétique. 188

Odontologie et cancers de l’oropharynx

• Dans le cadre d’une mandibulectomie interruptrice : Les appareils et prothèses « guide » Objectifs et indications - Réduire la latérodéviation mandibulaire, consécutive à la chirurgie interruptrice, limiter les séquelles esthétiques, et à moindre mesure fonctionnelles, en s’opposant à l’action des muscles abaisseurs de la mandibule et à la rétraction cicatricielle qui les majore et les pérennise. - Faciliter le traitement prothétique définitif après la période de cicatrisation et de radiothérapie complémentaire éventuelle. - Limiter les douleurs au niveau de l’ATM opposée, très sollicitée. - Ce dispositif ne peut être réalisé que chez le malade denté. Principes Le dispositif est mis en place en post-opératoire immédiat, au réveil du malade. Il s’agit d’une plaque palatine comportant un « volet » controlatéral sur lequel les dents mandibulaires prennent appui pour glisser lors de la fermeture buccale jusqu’à obtention d’une occlusion dentaire presque normale. Sa mise en place doit être la plus précoce possible. Procédure et mise en œuvre avant l’intervention Elle s’intègre dans la préparation initiale de la cavité buccale avant chirurgie et doit tenir compte des traitements complémentaires. Après empreintes et modification du moulage de l’arcade mandibulaire en fonction des données de l’intervention, on fait réaliser par le laboratoire une simple plaque palatine de résine acrylique sur laquelle est ajouté un volet de cire qui est réglé en fonction de l’occlusion dentaire avant l’intervention, il préfigure le volet-guide qui est transformé définitivement en résine. Ce dispositif simple dans sa réalisation doit être prêt pour l’intervention dans un délai de 8 jours. Suites opératoires Il est rare quand le malade, immédiatement après l’intervention, perçoit spontanément et sans aide les avantages du « guide » mandibulaire. Après quelques heures, les nouveaux repères dents/guide sont trouvés. Hormis le fait qu’il réduise précocement la latérodéviation mandibulaire, il constitue un élément de confort pour le malade durant cette période.

Conclusion La préparation initiale de la cavité buccale est indispensable pour tout malade en instance de traitement pour un cancer des VADS (plus particulièrement de la cavité buccale et de l’oropharynx). À Limoges, elle est réalisée dans les meilleures conditions possibles en s’intégrant dès que possible dans le programme thérapeutique. Cela implique une coordination et une collaboration sans faille entre toutes les disciplines impliquées et l’odontologie. Elle débute avec le Comité Pluridisciplinaire de Cancérologie ORL et requiert de notre part, odontologistes, non seulement des facilités d’adaptation organisationnelle, une grande disponibilité accordée aux malades mais aussi quelques compétences spécifiques.

189

B. Sarry, et al.

Résumé L’organisation de la prise en charge des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale, au CHU de Limoges permet aux odontologistes de préparer la cavité buccale nécessaire, en prévision des différents traitements, de programmer les prothèses obturatrices « immédiates » et certains dispositifs particuliers en prévision de la chirurgie d’exérèse, dans des conditions optimales, grâce à une volonté consensuelle des différentes équipes thérapeutiques, facilitant ainsi les suites et le confort des malades. Cette collaboration débute avec le Comité Interdisciplinaire de Cancérologie-ORL au sein duquel les odontologistes sont parfaitement intégrés. Les auteurs exposent cette démarche organisationnelle et les avantages qui en résultent sur le plan pratique.

Références 1. Benoist M. Réhabilitation et prothèse maxillo-faciale. Paris : Prélat, 1978. 2. Borowski B. Les soins dentaires du malade cancéreux. Paris : Masson, 1986. 3. Dambrain R et al. La pathogénie de l’ostéoradionécrose. Rev Stomatol Chir Maxillo-Fac 1994 ; 3 : 140-7. 4. Kornblith et al. Quality of life of maxillectomy patients using an obturator prosthesis. Head Neck 1996 ; 18 (4) : 323-34. 5. Lartigau E, Dubray B, Mornex F. Mécanismes biologiques des effets tardifs des radiations ionisantes. Cancer Radiother 1997 ; 1 (6). 6. Maire F et al. Standards, options et recommandations pour une bonne pratique odonto-cancérologie. Bull Cancer 1999 ; 86 (7-8) : 640-65. 7. Margainaud JP, Sarry B, Simart S. Bilan bucco-dentaire et conduite à tenir en fonction des traitements carcinologiques. XXXIe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale. In : Luboinski B, ed. Cancers des voies aérodigestives supérieures : l’avant et l’après-traitement, quel bilan, quel suivi. Paris : Éditions EDK, 1998 : 29-32. 8. Margainaud JP, Sarry B. Prothèses obturatrices après résection du massif facial : intérêt de la prothèse immédiate. XXXe Congrès de la Société française de carcinologie cervico-faciale. In : Jortay A, ed. Réhabilitation anatomique et fonctionnelle après les traitements des cancers buccopharyngés. Paris : Éditions EDK, 1997 : 103-13. 9. Marker M et al. Immediate obturation of the surgical defect after partial maxillectomy in the edentulous patient. Acta Oncol 1997 ; 36 (7).

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 191-197

Prise en charge des ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie : résultats d’une étude rétrospective portant sur 2000 et 2001 Benoît PIOT1, Pascal HUET1, Vincent SOUDAY2, Jacques MERCIER1 1

Clinique de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale, CHRU de Nantes, Hôtel-Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France 2 Réanimation médicale - Médecine Hyperbare, CHRU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers Cedex 01, France

Les théories de Dambrain [1, 2] qui mettent en avant les phénomènes infectieux et ischémiques (les deux I) sont souvent opposées à celles de Marx [3] qui insistent sur l’hypoxie, l’hypocellularité et l’hypovascularisation (les trois H). Elles ont en commun de reconnaître l’ischémie comme mécanisme principal, mais s’opposent sur le rôle de l’infection.

Physiopathologie de l’ostéoradionécrose (ORN) et rôle de l’oxygénothérapie hyperbare - Hypovascularisation : l’irradiation entraîne des lésions d’endartérite, affectant l’artère alvéolaire et les vaisseaux d’origine périostée, aboutissant à une hypoxie par raréfaction vasculaire. - Hypoxie : la diminution de la pression partielle en oxygène est proportionnelle à la dose d’irradation [4]. Cette hypoxie est la justification théorique de l’oxygénothérapie hyperbare (OHB). - Hypocellularité : l’irradiation affecte directement les ostéocytes et les cellules souches osseuses. Les ostéoblates semblent moins touchés, ce qui peut expliquer l’augmentation de 191

B. Piot et al.

la résorption ostéoclastique observée. La synthèse de collagène par les fibroblastes est diminuée, et la moelle osseuse se raréfie [3]. - Infection : mise en avant par Dambrain [2], elle est contestée par Marx [3]. Toutefois, le rôle aggravant ou déclenchant des phénomènes infectieux apparaît évident d’autant que les conditions locales sont favorables (milieu buccal septique favorisé par l’asialie, os ischémique et barrière muqueuse ou cutanée fragile). Les tissus irradiés sont donc en équilibre instable entre leurs besoins physiologiques et leurs apports pathologiquement diminués. La moindre stimulation tissulaire augmentant les besoins va rompre l’équilibre et aboutir à une nécrose du tissu, comme par exemple une extraction dentaire qui abouti à une ORN extensive. Ainsi Clayman [5] a défini ORN comme une lésion osseuse non septique, non cicatrisée dans laquelle le volume et la densité ne peuvent être maintenus en raison d’une hypovascularisation, d’une hypoxie et d’une hypocellularité qui ne permettent pas de couvrir les besoins métaboliques (Figure 1).

Figure 1. Déséquilibre entre les besoins, augmentés par un stimulus local, et les possibilités d’apports, limitées par les trois H.

Un processus de cicatrisation nécessite au moins 15 mmHg d’oxygène pour permettre une production de collagène, nécessaire à la mise en place d’une néovascularisation [6]. La tension tissulaire en oxygène à un point d’un tissu dépend (Figure 2) : - de la distance entre ce point et le capillaire le plus proche ; - de la consommation d’oxygène du tissu ; - de la pression partielle en oxygène dans le capillaire. En tissu irradié, la cicatrisation ne peut s’initier en raison d’une hypoxie par augmentation de la distance intercapillaire et diminution de diffusion de l’oxygène liée à l’endartérite sclérosante (Figure 3). L’exposition à l’OHB augmente la pression artérielle en oxygène dans les capillaires existants. Les distances de diffusion de l’oxygène à partir de ces capillaires sont ainsi augmentées compensant l’hypoperfusion, et permettant le rétablissement de l’angiogenèse [7] et des processus de cicatrisation (Figure 4). Enfin, l’OHB a une action anti-infectieuse [8]. L’activité des leucocytes des tissus hypoxiques est augmentée lorsque la tension tissulaire en oxygène atteint 30 mmHg [9], de plus l’oxygène a un effet direct sur les germes anaérobies.

192

Ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie

Figure 2. Normoxie au niveau d’un tissu sain grâce à la diffusion de l’oxygène à partir des capillaires.

Figure 3. Hypoxie au niveau d’un tissu radique par perte capillaire, et diminution de la distance de la diffusion de l’oxygène à partir des capillaires par altération des parois vasculaires.

Figure 4. Normoxie dans un tissu radique par augmentation de la distance de diffusion de l’oxygène sous OHB, compensant la perte capillaire et la difficulté de diffusion à travers les parois vasculaires.

193

B. Piot et al.

Matériel et méthode Classification des ORN Stade I : ulcération gingivale avec dénudation osseuse inférieure à 5 mm. Stade II : dénudation osseuse supérieure à 5 mm, avec image radiologique de séquestre ou d’ostéolyse, mais avec respect du bord basilaire mandibulaire. Stade III : fracture pathologique, fistule ou orostome.

Protocole de traitement Stratégie (Figure 5)

Figure 5. Stratégie de traitement en fonction du stade d’évolution.

Bilan de l’ORN Stade I : le bilan comportait simplement un orthopantomogramme pour vérifier l’absence de signe radiologique. Les patients porteurs de stades II et III étaient systématiquement biopsiés pour éliminer une récidive d’un carcinome épidermoïde. Par ailleurs, l’imagerie comportait un scanner mandibulaire et une IRM. En effet, dans notre expérience, le scanner sous-estime la lésion radique, et l’IRM la surestime. 194

Ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie

Traitement médical associé au geste opératoire Les patients recevaient systématiquement une antibiothérapie associant amoxicilline et acide clavulanique pendant 10 jours. Un traitement par buflomédil (Fonziylane®) était prescrit pendant un mois. Enfin, élément important, l’alimentation était assurée par sonde nasogastrique pendant 10 jours minimum, de façon à contrôler un apport hyperprotidique et calorique de 25 000 kcal/j et d’éviter le passage des aliments sur l’os exposé. Traitement chirurgical • L’exérèse osseuse La séquestrectomie consistait en un fraisage osseux jusqu’à retrouver un os saignant et macroscopiquement sain. La mandibulectomie non interruptrice enlevait le segment osseux pathologique, en respectant le bord basilaire. La mandibulectomie interruptrice emportait un segment mandibulaire, les tranches de section passant en os sain. • La reconstruction La plastie locale consistait en un matelassage à l’aide de la muqueuse gingivale, suturée sans tension. La plastie de voisinage consistait en un décollement du plancher buccal voisin, avec plastie de glissement de la glande sublinguale qui, suturée à la joue, venait recouvrir la tranche osseuse, et complétée par une plastie muqueuse. Les mandibulectomies interruptrices étaient réparées par lambeau osseux microanatomosé de fibula ou de crête iliaque si l’état vasculaire du patient le permettait. Sinon, la réparation se faisait par plaque de reconstruction titane recouverte d’un lambeau musculocutané de grand pectoral. Le résultat Les patients ont été considérés comme guéris lorsqu’il n’y avait aucune exposition osseuse, aucun orostome ou fistule. Toute exposition osseuse, même minime, toute fistule étaient considérées comme un échec.

Statistique Vingt-deux dossiers de patients porteurs d’une ORN et pris en charge entre janvier 2000 et septembre 2001 ont été étudiés rétrospectivement. Dix-huit patients ont suivi le protocole, 4 patients ont refusé l’OHB pour des raisons pratiques d’organisation. Nous avons analysé le stade d’ORN au moment du diagnostic, la durée d’hospitalisation, le type d’intervention réalisée, le nombre d’intervention (hormis chirurgie implantaire), et le résultat de la prise en charge.

Résultats Au moment de la prise en charge, les stades I représentaient 50 % des patients, les stades II et III 25 % chacun (Tableau I). La moyenne d’hospitalisation étaient de 15,5 jours, avec des extrêmes de 2 à 45 jours. Vingt-neuf interventions ont été réalisées, soit une moyenne de 1,4 par patient, avec des extrêmes de 1 à 3 interventions. 195

B. Piot et al.

Résultats selon le type d’intervention Neuf séquestrectomies ont été réalisées. La cicatrisation d’emblée a été obtenue 7 fois. Un patient a nécessité une nouvelle séquestrectomie encadrée d’OHB, avec succès, le deuxième échec a été perdu de vue. Trois mandibulectomies non interruptrices avec plastie de voisinage ont été réalisées, dont 2 encadrées d’OHB. Le patient n’ayant pas eu d’OHB et un patient ayant suivi le protocole n’ont pas cicatrisé. Le troisième patient a présenté une fracture pathologique un an après la prise en charge. Tous sont en attente d’un traitement secondaire. Nous avons réalisé 10 mandibulectomies interruptrices. Six ont été réparées par lambeau libre osseux (5 fibula, 1 crête iliaque), toujours encadrées d’OHB. La durée d’hospitalisation était de 18 jours en moyenne. Cinq cicatrisations primaires ont été acquises. L’échec a été repris avec pose d’une plaque de reconstruction titane et couverture par un lambeau de grand pectoral, avec succès. Les quatre autres mandibulectomies interruptrices ont été réparée d’emblée par plaque de reconstruction (2 encadrées d’OHB), avec échec à chaque fois. La cicatrisation a été acquise après dépose de la plaque, au prix de une à deux interventions supplémentaires.

Résultats selon le stade d’ORN (Tableau I) - Stade I : un échec après 6 prises en charge primaires. - Stade II : 2 succès primaires, un succès secondaire, 3 échecs primaires en attente d’une prise en charge secondaire. - Stade III : 5 succès primaires (tous des reconstructions par lambeaux libres), deux succès secondaires, un succès tertiaire, et deux patients sont en attente d’une prise en charge secondaire. Tableau I. Résultats de la prise en charge primaire en fonction du stade initial d’ORN. Statut Stade initial

Nombre de patients

Succès primaire

Échec primaire

Stade I

6

5

1

Stade II

6

2

4

Stade III

10

5

5

Total

22

12

10

Discussion Si nous comparons les résultats de cette étude à ceux de notre précédente prise en charge sans OHB, nous retrouvons une très nette amélioration du taux de cicatrisation primaire dans les stades I (72 % de cicatrisation primaire versus 19 %). La technique chirurgicale n’ayant pas varié entre les deux périodes, l’amélioration nous semble liée au traitement par Fonzylane® et surtout à l’alimentation entérale garantissant un apport protéique et calorique correct, et évitant le passage des aliments sur les sutures muqueuses. Dans les mandibulectomies interruptrices reconstruites par lambeau libre osseux, l’apport de l’OHB semble intéressant, la cicatrisation étant alors acquise en deux semaines dans 196

Ostéoradionécroses mandibulaires associant oxygénothérapie hyperbare et chirurgie

83 % des cas, contre 25 % sans OHB. Toutefois l’OHB ne semble pas pouvoir éviter la perte de lambeau libre (un cas dans chaque étude). Toujours dans les mandibulectomies interruptrices, mais reconstruites par plaques de reconstruction, l’apport de l’OHB est très limité. Nous avons déposé 3 des 5 plaques. Ces dernières ne pourraient avoir comme seul intérêt que d’éviter temporairement la rétraction des parties molles... Enfin la mandibulectomie non interruptrice avec plastie locale, même encadrée d’OHB, n’offre pas de succès. Il faut probablement y associer l’apport d’un tissu sain de recouvrement, au mieux osseux ou périosté qui apporterait une néovascularisation [10]. Par rapport à notre précédente prise en charge, l’OHB permet de limiter la durée d’hospitalisation en milieu chirurgical (15,5 jours versus 24,8 jours), mais en excluant l’éventuelle hospitalisation liée à l’OHB. De même, le nombre d’intervention par patient est diminué (1,4 versus 2,7).

Conclusion Dans les stades I, l’alimentation par sonde nasogastrique semble améliorer la cicatrisation après séquestrectomie. L’OHB limitait le nombre d’intervention et la durée de cicatrisation dans les stades III reconstruits par lambeaux osseux microanatomosés. Par contre, l’OHB n’apportait pas d’amélioration dans la cicatrisation des mandibulectomies non interruptrices et plastie de voisinage, ainsi que dans la préservation des plaques de reconstruction posées après mandibulectomie interruptrice.

Références 1. Dambrain R, Barrelier P, Billet J, Lecacheux B. Aspect microradiographique de l’ostéoradionécrose mandibulaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1979 ; 80 : 140-5. 2. Dambrain R. La pathogénie de l’ostéoradionécrose. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1993 ; 94 : 140-7. 3. Marx RE. Osteoradionecrosis : a new concept of its pathophysiology. J Oral Maxillofac Surg 1983 ; 41 : 283-8. 4. Aitasalo K, Aro H. Irradiation-induced hypoxia in bones and soft tissues : an experimental study. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77 : 256-65. 5. Clayman L. Management of dental extractions in irradied jaws : a protocol without hyperbaric oxygen therapy. J Oral Maxillofac Surg 1997 ; 55 : 275-81. 6. Anderson LH, Wilson B, Herring RF, Mehm WJ. Influence of intermittent hyperoxia on hypoxic fibroblasts. J Herperbaric Med 1992 ; 7 : 103-14. 7. Marx RE, Ehler WJ, Tayapongsak P, Pierce LW. Relationship of oxygen dose to angiogenesis induction in irradiated tissue. Am J Surg 1990 ; 160 : 519-24. 8. Mehm WJ, Pimsler M, Anderson LH. Effects of hypoxia on phagocytic and adherence functions in splenic macrophages. J Hyperbaric Med 1991 ; 6 : 33-42. 9. Mansfield MJ, Sanders DW, Heimbach RD, Marx RE. Hyperbaric oxygen as an adjunct in the treatment of osteoradionecrosis of the mandible. J Oral Maxillofac Surg 1981 ; 39 : 585-9. 10. Devauchelle B, Testelin S, Bonan C, Souaid G. Réparation secondaire des buccopharyngectomies avec résection mandibulaire et radionécroses. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998 ; 99 (Suppl. 1) : 22-37.

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 199-209

Chirurgie de revascularisation (précoce et tardive) dans les ostéoradionécroses mandibulaires Bernard DEVAUCHELLE, Sylvie TESTELIN, Cica GBAGUIDI, Virginie WOLFF, F. TAHA, Cédric D’HAUTHUILLE Service de chirurgie maxillofaciale, CHU Nord, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens Cedex 1, France

Il y a quelque paradoxe à vouloir user des techniques microchirurgicales pour traiter l’ostéoradionécrose faciale quand on sait la susceptibilité des vaisseaux soumis à une irradiation et la fragilité des transplants en milieu infecté. Néanmoins, et sous certaines conditions, l’apport d’un tissu sain, correctement revascularisé, répond non seulement au défi physiopathologique de l’ostéoradionécrose, mais étendant son action au-delà de la perte de substance qu’il est censé remplacer, revivifie en quelque sorte des structures anatomiques adjacentes qui, à défaut d’être patemment malade, sont déjà moribondes. L’analyse rétrospective de plus de 80 transplantations microchirurgicales à destinée presque exclusivement mandibulaire, dans des indications vérifiées histologiquement d’ostéoradionécrose, assoit cette attitude et la justifie de quelques travaux fondamentaux annexes. Bien plus, elle incite à revoir sous un jour nouveau le traitement des dénudations osseuses faciales post-radiothérapie.

Matériel En quinze années, 81 malades porteurs d’ostéoradionécrose avérée ont bénéficié (le plus souvent dans le même temps chirurgical) d’une excision des tissus infectés et sphacélés et d’une reconstruction par autotransplantation micro-anastomosée. La mandibule est concernée 79 fois, la région maxillo-orbitaire deux fois. Le stade d’évolution de la nécrose fait une part importante aux lésions étendues, algiques, compliquées de fractures pathologiques et d’orostome (Tableau I).

199

B. Devauchelle et al. Tableau I. Répartition des cas selon le stade de gravité et l’étiologie (lambeaux libres pour ostéoradionécrose, 81 patients). Nombre de cas Stade

Grade I

15

Grade II

20

Grade III

46 81

Topographie

maxillo-orbitaires

2

mandibulaires

79 81

Si d’emblée le principe est acquis qu’un apport de tissu sain est nécessaire, la prétention du chirurgien va plus loin, qui s’efforce de choisir le transplant dont la taille, la forme, les propriétés ostéoformatrices le cas échéant, répondent le mieux aux exigences locales ou générales, esthétiques ou fonctionnelles du malade qu’il opère : d’où ce nombre varié de sites donneurs (Tableau II) et le recours à des doubles lambeaux.

Tableau II. Sites donneurs. Quatre doubles lambeaux (simultanés ou successifs). Taux d’échec : 15 %. Dans 5 cas : recours à un 2e lambeau libre. Sites donneurs

%

Fibula

22

Crête iliaque

38

Condyle femoral

8

Serratus

7

Latissimus dorsi

5

Antibrachial

10

Gastrique

10

Doubles lambeaux

5

Taux d’échec

15

C’est délibérément que ne seront pas détaillés l’âge des malades, la topographie des lésions nécrotiques, les traitements (antibiothérapie, oxygénothérapie hyperbare, plasties locales...) qui ont été institués avec des succès mitigés avant le temps microchirurgical. Cette prise en compte permettrait sans aucun doute d’affiner la statistique, d’expliquer certains échecs, mais elle ne remettrait pas en cause fondamentalement l’équation : ostéoradionécrose = transplantation tissulaire. 200

Chirurgie de revascularisation et ostéoradionécroses mandibulaires

Les conditions de la transplantation Le caractère provocateur de cette équation que peu de chirurgiens se décident à faire leur, se résout par la prise en compte de multiples facteurs techniques contingents qu’il faut énumérer. Le respect de chacun d’entre eux est la condition du succès. Les ignorer conduirait à des catastrophes chirurgicales au pire, à des victoires à la Pyrrhus au mieux. Ils ont le mérite de mettre en avant la technique opératoire, la main du chirurgien, et de replacer l’intervention dans un cadre plus large, celle de l’histoire du malade. Quatre points, déclinés sous forme de règles, seront analysés.

Le choix du site récepteur Il dépend bien évidemment de la situation et de la taille de la perte de substance, du lambeau qui va être employé et notamment de la longueur utile du pédicule, des autres pathologies développées par le malade, et du malade lui-même selon qu’il est bréviligne ou longiligne, selon son âge... Topographie des vaisseaux L’imagerie médicale (angioscanner, artériographie) permet de visualiser l’arbre vasculaire carotidien externe, le niveau de la bifurcation carotidienne, une plaque athéromateuse... Elle est utile quand un malade a été antérieurement évidé et que l’on ne dispose pas de compterendu opératoire suffisamment descriptif. Mais elle préjuge mal du flux sanguin et ne renseigne pas sur la sclérose périvasculaire ou l’épaisseur de la paroi des vaisseaux. L’angiographie n’est pas, a priori, indispensable. La qualité de la perfusion L’échographie-Doppler renseigne davantage sur le débit de perfusion. Elle reste cependant difficilement exploitable pour apprécier exactement le flux des branches collatérales de la carotide externe sur un cou parfois blindé, remanié, rétracté. La proximité de la perte de substance La longueur utile des pédicules des transplants osseux reste mesurée. La tension sur les anastomoses vasculaires constitue par ailleurs un facteur augmentant le risque de thrombose ou plus rarement de déchirure. La reconstruction des pertes de substance du massif facial, ou même de la région symphysaire de la mandibule, ou des conditions locales particulièrement défavorables obligeant à des anastomoses controlatérales nécessitent le recours à des pédicules vasculaires utiles longs ou à des pontages (artériel ou veineux). Dans le contexte d’irradiation préalable, il faut privilégier la qualité du débit à la proximité du vaisseau récepteur. L’accessibilité La situation relativement profonde de la carotide externe, surplombée par l’angle mandibulaire, rend la position opératoire du chirurgien parfois inconfortable. La conjugaison d’une radiothérapie et d’une surinfection locale peut rendre impossible, voire dangereuse, une dissection vasculaire utile. La chose est d’autant plus vraie pour le réseau veineux résiduel.

201

B. Devauchelle et al.

La qualité des tissus environnants Partant du principe qu’il faut, dans l’analyse pré-opératoire, privilégier l’étanchéité des sutures muqueuses et la bonne couverture au site d’anastomose vasculaire, l’intelligence permet de choisir le lambeau, dans sa variété (ostéocutané, ostéomusculocutané, double...) la plus adaptée à ces contraintes. La rétraction inéluctable de la peau cervicale, autour d’une fistule ou après résection osseuse préalable par exemple, fait qu’il sera impossible de fermer la voie d’abord, une fois la reconstruction faite. Des artifices plastiques (lambeau de transposition, de rotation) de couverture doivent être prévus, même s’ils sont transitoires. Et même si l’on part du principe qu’un transplant est susceptible de « revasculariser » la région où il est transféré, il ne faut pas céder au désir d’économie quand on doit réséquer les berges d’un oropharyngostome. La visibilité de la voie d’abord Le souci esthétique doit demeurer présent à l’esprit du thérapeute, tout particulièrement chez les malades déjà déformés par les traitements antérieurs. Trouver le juste compromis d’une voie d’abord qui offre un accès confortable, mais qui se cache dans les plis naturels ou reprend une incision de lifting par exemple, est un devoir supplémentaire.

Gestion du site receveur cervical En microchirurgie reconstructrice, les transplantations vivent par l’artère, et meurent souvent par la veine. La gestion du site receveur cervical n’est pas seulement affaire du chirurgien confronté au problème de l’ostéoradionécrose avérée, elle est affaire de toute l’équipe médicale qui prend en charge le malade dès le début de sa maladie carcinologique. C’est dire que, en cancérologie des voies aérodigestives supérieures, les choix thérapeutiques qui sont faits s’inscrivent toujours dans une temporalité. Les règles qui vont suivre n’ont rien d’intangible. Elles se doivent d’être interprétées par chacun. Mais il faudra qu’un jour ces choix soient validés. En matière de gestion du capital vasculaire Les règles préventives s’énoncent comme suit : - éviter les ligatures artérielles non indispensables (la résection de la carotide externe est-elle carcinologiquement nécessaire ?) ; - préserver le capital veineux : la radicalisation d’un évidement a quelque chose d’aveugle ; - intérêt de la couverture des axes vasculaires : la réparation chirurgicale primaire ne peut se contenter de « boucher le trou » de la perte de substance oropharyngée. En pré-opératoire (qu’il s’agisse de chirurgie secondaire ou de traitement de l’ostéoradionécrose) Il faut : - avoir connaissance précise du ou des actes chirurgicaux préalables ; - avoir accès au protocole de radiothérapie ; - évaluer, soit anatomiquement, soit mieux fonctionnellement, l’état du site vasculaire récepteur ; - prendre la mesure de la trophicité cutanée ; - prévoir de principe un second site récepteur, controlatéral ou à distance, quitte à recourir à un pontage. 202

Chirurgie de revascularisation et ostéoradionécroses mandibulaires

En pré-opératoire, l’équipe chirurgicale se doit, avant la levée du lambeau - D’aborder en premier le site récepteur : aucune raison (de temps anesthésique, d’économie, de compétence...) ne peut justifier ici le travail en double équipe simultanée. La réparation par transplant micro-anastomosé est au service du malade. Elle doit être capable de s’adapter. - Si nécessaire, un double lambeau, dans le même temps ou successif, devra être entrepris [2]. Le siège de l’anastomose se situe alors au plus haut et au plus profond pour la reconstruction la plus haute. L’échec de la reconstruction doit également être envisagé. - Sur le plan technique, les anastomoses termino-latérales, à partir d’un gros tronc, seront préférées, sachant qu’il est possible, dans ce cas de figure, de réutiliser une première anastomose (effectuée lors du temps primaire chirurgical) ou exploiter sous certaines conditions carotide primitive ou carotide interne, le bulbe carotidien demeurant cependant une zone à risque compte-tenu des turbulences locales et des plaques d’athérome. En dépit de ces précautions, l’impasse thérapeutique locale oblige à employer un site récepteur distal et donc un pontage vasculaire (artère ou veine pour artère, veine pour veine).

Choix du lambeau Le choix de sites donneurs de transplant microchirurgical est large : à charge pour le chirurgien reconstructeur de puiser à sa convenance dans cet arsenal, d’associer, de modifier, de préparer (prelaminated flap) en fonction de la perte de substance à reconstruire. Le temps de l’anastomose n’est pas le temps majeur ni le plus difficile. S’il est convenu d’admettre que le meilleur transplant est celui auquel on est habitué (se souvient-on des prouesses de Bakamjian ?), il ne faudrait pas devenir prisonnier de ses propres habitudes. L’ostéoradionécrose n’est que rarement une affaire purement osseuse. De petite taille et peu profonde, elle pourra se satisfaire d’un simple recouvrement étanche. Plus étendue, elle s’accompagnera d’une perte de substance muqueuse qu’il faudra reconstruire. Longtemps évoluée, et pour peu qu’elle s’accompagne d’une fracture pathologique, elle induit des rétractions des plans de couverture cutanée. Ici latéralisée, là symphysaire, là encore bilatérale, elle requiert à chaque fois la réparation la plus appropriée. Par ailleurs, les vertus des transplants sont différentes : simple couverture des lambeaux cutanéo-muqueux, capacité ostéoformatrice des lambeaux périostés, propriété « nettoyante » du tissu épiploïque, forme, volume et résistance différents des sites osseux. Tout milite donc pour que la dimension mésoscopique de la reconstruction faciale soit totalement et largement intégrée dans les protocoles des traitement des cancers des voies aérodigestives en général, et des ostéoradionécroses en particulier.

Le choix de l’ostéosynthèse La question n’est pas scientifiquement résolue du choix de l’ostéosynthèse afin de fixer un transplant osseux aux berges de l’os résiduel radionécrotique. Une certaine stabilité est gage de bonne intégration, mais le contexte physiologique est différent de celui des greffes. Une fixation trop contraignante remet en cause la bonne consolidation des moignons (stress shelding effect) ; une fixation trop lâche risque de susciter des déformations secondaires. Sans évoquer tous les cas de figure, fonction des pertes de substance et des transplants osseux choisis, la règle générale prévaut que la synthèse est d’autant plus légère que s’exerce dessus moins de contrainte. En cas de perte de substance interruptrice de la mandibule, les miniplaques suffisent bien souvent, avec la crête iliaque (bien que celle-ci soit moins rétentive pour les vis) car sa forme se prête mieux à la restitution de la mandibule. Les attelles (contraignantes) compensent souvent une insuffisance de forme (fibula) mais elles retardent la constitution du cal osseux et elles doivent secondairement être ôtées car 203

B. Devauchelle et al.

susceptibles de s’extérioriser à travers une peau périmandibulaire rétractée, atrophique et manquant de souplesse. Quand à la reconstruction de l’unité condylienne, la question a déjà été évoquée [3]. Peu d’arguments justifient d’abord que cette unité ait du être sacrifiée pour motif carcinologique ou infectieux. La vascularisation propre du condyle, par les branches issues du réseau terminal de la carotide externe, le protège contre l’extension de l’infection. La résection osseuse le respectera donc, à condition de sectionner les insertions ptérygoïdiennes latérales, au prix bien sûr d’une condamnation des mouvements de propulsion. Si d’aventure le condyle a été entièrement réséqué, il ne faut pas tenter de restituer une hauteur normale au ramus mandibulaire, encore moins interposer une prothèse (le cas échéant fixée sur le lambeau libre). L’expérience montre, en effet, que sous la force des rétractions tissulaires continues, la prothèse peut progressivement laminer le temporal (si elle est correctement placée) ou dévier et s’extérioriser dans une région avoisinante. La sous-correction de la hauteur du ramus mandibulaire est donc recommandée, au prix d’un minimum de déviation du menton lors de l’ouverture buccale.

Règles des micro-anastomoses vasculaires en terrain irradié Privilégier les anastomoses termino-latérales sur les gros troncs cervicaux en prenant en compte le débit de perfusion est la première des règles à appliquer, même si, techniquement, et notamment pour l’artère, cette anastomose est plus difficile. Dans ces conditions, il est parfois impossible de respecter les principes avancés par Guelinckx en 1984 [4] : - utilisation d’un monofilament 10/0 ; - aiguille 70 µn ; - pas de geste de rotation ; - piqûre de la paroi artérielle de l’intérieur vers l’extérieur ; - pas de coagulation des vaisseaux ; - dissection limitée ; - pas de thrombectomie ; - clampage bref. La paroi des artères du site receveur est en effet souvent épaissie au point qu’une aiguille 10/0 a peine à la pénétrer. Les sutures veineuses par surjet sont proscrites. Ce qu’il faut retenir essentiellement de ces recommandations est l’absence de traumatisme intimal surajouté lors du geste chirurgical.

Discussion L’ostéoradionécrose conjugue dans une spirale vicieuse évolutive ischémie et infection pour aboutir à la destruction progressive de l’os et des tissus environnants. L’apport tissulaire libre, dans des conditions précises, diminue l’ischémie (débit vasculaire suffisant), lutte contre l’infection (propriété nettoyante du grand épiploon) et peut produire de l’os (lambeau périosté). Dans ce cadre physiopathologique tout à fait particulier, les lambeaux pédiculés (musculo-cutanés, ostéo-musculo-cutanés) ne répondent pas totalement au cahier des charges, car ils sont, par rapport au site donneur dont ils proviennent, fragilisés en terme de débit et d’indépendance vasculaire (rotation forcée, voire plicature du pédicule). Ils manquent de souplesse en terme de spatialisation et induisent des rétractions cicatricielles dont la direction vers le bas s’oppose à l’effet recherché. Leur volume, enfin, rend problématique leur tunnélisation sous une peau cervicale peu souple. 204

Chirurgie de revascularisation et ostéoradionécroses mandibulaires

Les transplants libres, tels qu’ils sont ici présentés, jouent donc non seulement le rôle de couverture, de comblement et de substitution qu’on leur demande. Ils jouent également un rôle d’assistance vasculaire. La preuve en est apportée par la mesure du débit de reperfusion grâce à la vélocimétrie laser-Doppler [5] (Figure 1).

Figure 1. Courbe de vélocimétrie laser-Doppler de revascularisation d’un lambeau libre de crête iliaque (enregistrement au niveau de la section osseuse de la crête).

Autrement dit, et sous certaines conditions, un transplant périphérique, anastomosé sur un site cervical, bénéficie, même en territoire irradié, d’un meilleur débit de perfusion que sur son site initial. Cliniquement, cette assistance vasculaire et confirmée par la possibilité de cicatrisation spontanée de certaines berges de reconstruction déhiscentes en dépit de l’absence d’étanchéité des sutures. Plus difficile est de prouver le phénomène de revascularisation osseuse. Éthiquement, il est impossible d’imposer une biopsie osseuse à distance du traitement (la chose pourrait être envisagée lors de l’ablation du matériel) ; la scintigraphie osseuse ne vaut qu’effectuée précocement. Quant à l’IRM, on sait combien elle est difficile d’interprétation dans l’évaluation même de l’ostéoradionécrose centromédullaire. Elle n’est pas, à l’heure actuelle, capable de nous renseigner sur le processus de recicatrisation. Il est clair, cependant, que, même ce principe admis, il est exclu, lors du temps de nettoyage ou de résection osseuse initiale, d’être plus économe et l’évaluation de la taille du sacrifice reste affaire subjective de chirurgien. Ces constatations nous ont amenés à développer le concept de lambeau libre de périoste, sur la base anatomique du lambeau de condyle interne de fémur décrit par Masquelet et développé par Martin [6] (Figure 2). Dans des conditions précises, pour des dénudations osseuses limitées, sans solution de continuité, ce lambeau a fait la preuve de sa capacité ostéogénique dans ce terrain particulièrement défavorable (Figures 3 et 4). 205

B. Devauchelle et al.

Figure 2. Lambeau libre de périoste fémoral. A. Anatomie du réseau vasculaire périosté du condyle fémoral. Production osseuse visualisée sur les clichés radiographiques et tomodensitométriques. B. Anatomie chirurgicale du lambeau périosté fémoral et du fragment osseux du condyle interne.

Figure 3. A. Image endobuccale de la production ostéogémique en regard du lambeau périosté. B. Image histologique du tissu osseux correspondant à la biopsie du site ostéogémique.

Le succès du traitement reconstructeur des ostéoradionécroses faciales par autotransplantation tissulaire se mesure en termes de fonction et d’esthétique. Il se mesure surtout en termes de douleur (il n’est pas rare de pouvoir sevrer en quelques jours un malade d’un traitement morphinique lourd), donc en qualité de vie. Il demeure cependant un taux d’échec microchirurgical trop important (15 %) aux conséquences parfois dramatiques (3 décès). En outre, quelques questions ne sont pas encore totalement résolues : • Les impasses techniques : en dépit des précautions pré-opératoires qui auront été prises, le chirurgien peut se trouver en situation d’impossibilité d’effectuer un branchement vasculaire efficace. C’est alors la place des anastomoses à distance ou controlatérales, obligeant 206

Chirurgie de revascularisation et ostéoradionécroses mandibulaires

Figure 4. A. Orthopantomogramme du patient. Cerclage sur la zone de production osseuse. B. Image tomodensitomètrique de la mandibule en vue axiale 3D.

à effectuer un pontage (artériel ou veineux) qui majore le risque de thrombose. Guedon [7] a décrit, dans ces situations ce qu’il a appelé le lambeau captif (branchement libre à distance dans un premier temps, puis transfert pédiculé). • Le déplacement secondaire des reconstructions terminales : cette question a été évoquée plus haut avec la recommandation de ne pas reconstruire dans l’état actuel l’unité condylienne (Figures 5A et 5B). • La fréquence des récidives tumorales : en accord avec d’autres observations, cette série rapporte cinq cas de poursuite évolutive tumorale sur la pièce de résection, récidives qui n’avaient pas été diagnostiquées auparavant. Sans remettre en cause totalement le plan de traitement, leur découverte impose une amputation plus large, sans garantie per-opératoire de la qualité des recoupes osseuses. À moyen terme, le pronostic s’en trouve évidemment aggravé.

Figure 5. Pénétration intratemporale d’une prothèse d’articulation temporo-mandibulaire fixée sur un lambeau libre de crête iliaque à distance d’une reconstruction par ostéoradionécrose.

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B. Devauchelle et al.

Conclusion L’analyse rétrospective d’une série homogène de malades porteurs d’ostéoradionécrose faciale traitée par résection - reconstruction par transplant doit donner à chacun des acteurs concernés par le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures conscience qu’il travaille dans la durée et que son geste peut, à terme, sans bénéfice carcinologique supplémentaire, placer le malade qu’il prend en charge en situation d’impasse thérapeutique alors même que le cancer est en totale rémission. Deux patients, admis pour ostéoradionécrose avérée et évoluée, sont décédés de cachexie avant qu’un geste chirurgical puisse leur être proposé. Chirurgie du iatrogène, mais aussi chirurgie iatrogénique, la réparation par transplant libre des ostéoradionécroses faciales ne se justifie pas seulement en terme de physiopathologie, elle s’impose comme devant être précoce (un échec sur 15 dans les grade I, 9 échecs sur 46 dans les grades III).

Résumé Ischémie et infection sont les dénominateurs communs de l’ostéoradionécrose [1] dont la définition, eu égard aux chiffres disparates de la statistique, repose sur une appréciation clinique subjective, confirmée le cas échéant par l’anatomo-pathologie. Si l’antibiothérapie et l’oxygénothérapie hyperbare sont des traitements non invasifs nécessaires, curatifs parfois, simplement adjuvants souvent, la transplantation tissulaire s’inscrit non seulement comme un acte de remplacement d’une perte de substance, mais encore comme une volonté de revascularisation d’une zone ischémiée. Quatre-vingt-une ostéoradionécroses faciales avérées ont bénéficié de telles transplantations (microchirurgicales), le plus souvent dans le même temps que l’excision du tissu osseux sphacélé. 48 transplants furent osseux (30 crêtes et 18 péronés) rendus nécessaires par l’interruption de la continuité osseuse mandibulaire ; 6 lambeaux prélevés au niveau du condyle interne du fémur furent simplement périostés : dans 2 observations la capacité du périoste à produire du tissu osseux excédentaire a été étonnante. Ailleurs, un simple recouvrement d’une zone osseuse dénudée par un lambeau fasciocutané, gastro-épiploïque ou musculaire, a permis de stopper l’évolution du processus nécrotique. Enfin, deux cas d’ostéoradionécrose maxillo-orbitaire ont bénéficié de transplantations composites avec des fragments de côte. Certes, cette chirurgie, en anastomosant des vaisseaux sains sur des vaisseaux récepteurs pathologiques expose à un taux de complications non négligeable (15 % d’échec pour les lambeaux osseux) aux conséquences parfois dramatiques. Mais même s’il est difficile de l’objectiver fondamentalement, la qualité des résultats obtenus laisse penser que la transposition tissulaire n’agit pas seulement comme couverture d’une déhiscence, mais bien comme agent de revascularisation capable d’inverser la balance ostéoblastique - ostéoclastique. Ces constatations incitent les auteurs à ne plus être attentistes face aux ostéoradionécroses débutantes, à ne pas se contenter d’un recouvrement (souvent voué à l’échec) par un tissu adjacent dont on sait qu’il est lui-même mal vascularisé et fragile, mais à employer rapidement des lambeaux à distance micro-anastomosés, revascularisés sur le site cervical et sain.

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Chirurgie de revascularisation et ostéoradionécroses mandibulaires

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IX Surveillance

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Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 213-220

La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL Diane LAZARD, Bertrand BAUJAT, Béatrix BARRY, Joël DEPONDT, Charles GUEDON, Dominique LEGULUDEC, Pierre GEHANNO Service d’ORL, CHU Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris Cedex 18, France

La littérature en carcinologie ORL multiplie les articles liés à l’utilisation de la tomographie par émission de positon (PET) - méthode scintigraphique connue depuis les années 1970. Les résultats très encourageants, utilisant le 18F-FDG, ont poussé les cliniciens à utiliser cette technique dans leur pratique. La France est très en retard puisque l’on ne dénombre que trois centres (Orsay, Tenon, le Val-de-Grâce), alors que la Belgique en dispose de 15 et l’Allemagne de 70. L’accessibilité est donc réduite d’autant plus que le coût en est très élevé (plus de 1 000 e), les listes d’attente ne proposent donc pas de délais satisfaisants pour des pathologies qui, comme chacun sait, évoluent rapidement. De nouvelles méthodes, d’accès plus aisé, voient le jour, dans les mêmes indications que le PET. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la tomographie d’émission en détection de coïncidence CDET, technique utilisant des structures déjà en place dans les services de médecine nucléaire et donc partiellement amorties.

Principes de base de la scintigraphie au 18F-FDG Le 18F-fluorodésoxyglucose est un traceur dont la radioactivité provient du marquage au fluor 18. Ses propriétés sont les mêmes que le glucose naturel : il est capté de la même façon par les cellules, par les mêmes récepteurs et entre dans la voie de la glycolyse. Sa différence provient de l’arrêt de sa dégradation au cours de la chaîne qui permet une accumulation d’un de ses métabolites radioactifs dans la cellule [1]. Sa captation est proportionnelle à l’activité glycolytique des cellules. 213

D. Lazard et al.

Il est maintenant acquis que la glycolyse est augmentée dans les cellules malignes [2] du fait de la synthèse accrue des acides nucléiques dans ces processus à forte réplication [3]. Plusieurs auteurs ont montré une relation proportionnelle entre degré d’augmentation de la glycolyse et potentiel agressif des cancers [4, 5]. Le 18F-FDG semble donc être un bon marqueur tumoral mais il n’est pas spécifique de la malignité car il est également capté par les tumeurs bénignes et les îlots de processus inflammatoires. Il a donc été développé une méthode d’évaluation semi-quantitative de la quantité de traceur accumulée : Standardized Uptake Value (SUV), qui permettrait de différencier les lésions bénignes des malignes par des taux de captation différents et des profils d’évolution sur 30 à 55 minutes différents [6].

Modalité d’utilisation du 18F-FDG Temp de jeûne minimal, à respecter avant d’injecter le traceur, de 4 heures ; le taux de glucose sanguin circulant modifiant la captation du traceur. Il en découle une contre-indication : le diabète déséquilibré.

Le PET scan en ORL : revue de la littérature Les articles étudiant l’intérêt du 18-FDG PET dans la carcinologie cervico-faciale apparaissent dès les années 1990 en montrant la supériorité de celui-ci par rapport à l’imagerie conventionnelle : scintigraphie, TDM, IRM. Cinq indications s’individualisent nettement.

Diagnostic de malignité : sensibilité de 88 à 100 % [7] Améliorée depuis l’utilisation du SUV, la biopsie reste l’examen de référence et en aucun cas il est possible de la remplacer par le PET mais celui-ci est un bon outil pour guider au mieux le site de prélèvement [1].

Bilan d’extension : sensibilité de 67 à 100 % [7] L’hypermétabolisme des cellules malignes reste vrai pour les lésions tumorales du corps entier, qu’elles soient secondaires ou primitives : métastases à distance, adénopathies cervicales, cancers synchrones. Plusieurs études comparent les résultats obtenus sur des même patients ayant bénéficiés de PET et d’imagerie conventionnelle (IRM) : les sensibilités et spécificités respectives 90 % et 88 à 96 % contre 36 à 78 % et 71 à 94 % sont largement en faveur du PET [8, 9]. Cette supériorité s’explique par une interprétation des IRM dépendant d’un faisceau d’arguments tels une taille minimale, un aspect, des zones de nécrose, qui n’entrent pas en cause dans la scintigraphie puisque la résolution du PET descend à moins de 1 cm.

214

La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL

Recherche de la tumeur primitive d’une adénopathie cervicale métastatique isolée La plupart des recherches de foyer primitif restaient jusqu’à présent négatives. Le PET permet d’en mettre en évidence dans 26 à 30 % des cas [10, 11]. Les zones de fixation ainsi détectées sont biopsiées et, si elles sont positives, permettent d’entreprendre une attitude thérapeutique plus adaptée.

Recherche d’une maladie résiduelle ou d’une récidive dans les situations délicates du post-chirurgical et post-radique L’imagerie conventionnelle est souvent prise en défaut avec des taux de sensibilités de 70 à 90 pour l’IRM versus 90 à 100 pour le PET [7] si des délais d’au moins 4 mois sont respectés, pour celui-ci, après radiothérapie (pour diminuer les faux positifs liés à l’inflammation) [7].

Étude de la réponse à la chimiothérapie Grâce à la quantification par SUV, une évaluation précoce de la réponse thérapeutique peut être obtenue et permettre d’éviter plusieurs cycles inefficaces et non dénués d’effets secondaires et de réorienter la stratégie thérapeutique [1]. Le PET est donc un outil puissant qui va tenir désormais une place importante dans la prise en charge des patients atteints de néoplasies ORL, bien que des progrès soient encore à faire pour affiner sa spécificité. Cependant, comme nous l’avons vu, cette technique a un coût et est très peu disponible. De nouvelles techniques utilisant le matériel déjà en place ont donc été développées.

La tomographie d’émission en détection de coïncidence au 18F-FDG (CDET) : principes de base [12, 13] Le CDET est une technique dérivée de la scintigraphie conventionnelle. La scintigraphie conventionnelle traite en information l’énergie issue de photons émis par des radio-éléments artificiels ; émission due à l’instabilité de leur noyau. Ces photons gamma ont une énergie de 140 kev et sont émis sur 360 degrés, indépendamment les uns des autres : on parle alors d’imagerie monophotonique. Le détecteur utilisé est une caméra à scintillations qui traite cette énergie délivrée et en restitue une image. La caméra est une entité formée : - d’un collimateur, grille à canaux parallèles qui sélectionne les photons émis dans l’axe de chaque canal ; - d’un cristal d’iodure de sodium qui arrête ces rayonnements et dont l’épaisseur est adaptée au traitement d’énergies de 140 kev ; - de tubes photomultiplicateurs qui transforment cette énergie en impulsions électriques. L’image obtenue est donc la projection plane d’une unité de volume émettant des photons peu énergétiques, multidirectionnels et donc par conséquent atténués. À partir de ces principes, on comprend que de nouvelles méthodes aient été élaborées pour tenter de diminuer la superposition des informations. 215

D. Lazard et al.

La première a été le SPECT - single photon emission computed tomography - qui utilise une caméra à scintillation standard en la faisant tourner autour du patient sur 180 ou 360 degrés. La série d’images obtenue est ensuite traitée pour reconstituer des données bidimensionnelles. Dès le début des années 1990, on voit donc apparaître des applications de cette technique à la néoplasie ORL [14, 15], utilisant le 18F-FDG. Outre ses propriétés pharmacodynamiques décrites plus haut, le 18F-FDG diffèrent des radio-éléments artificiels par la façon de l’obtenir et l’instabilité de son noyau. En effet, celui-ci est obtenu grâce à un cyclotron qui crée des isotopes capables d’émettre des positons. L’annihilation de ces positons donne naissance à 2 photons de 511 kev, de haute énergie, à 180 degrés l’un de l’autre : c’est ce qu’on appelle l’annihilation en coïncidence. Le SPECT du fait de son unique caméra perd donc une grande partie de l’information en n’exploitant pas cette énergie déployée simultanément à 180 degrés. La tomographie d’émission en détection de coïncidence au 18F-FDG a donc vu le jour dès 1994 : elle utilise toujours le même mode de détection mais cette fois-ci ce sont 2 caméras à scintillation couplées l’une à l’autre à 180 degrés que l’on fait tourner autour de la zone émettrice. On comprend alors que l’information en coïncidence peut être enfin exploitée. Le PET, quant à lui, a été inventé spécifiquement pour la détection en coïncidence. Il est composé d’un grand nombre de détecteurs placés en anneau autour du patient, ces détecteurs sont des caméras dédiées à la détection des positons (c’est-à-dire donnent des photons de haute énergie) et qui ne mettent pas en jeu la collimation et donc l’atténuation de l’information. Sa résolution spatiale et sa quantification sont donc très supérieures à celles des techniques précédentes. En résumé, les faiblesses du CDET de première génération par rapport au PET sont : - un faible taux de couverture par les 2 caméras : nécessite la rotation de celles-ci autour du patient ; - un temps d’acquisition long : de 30 à 45 minutes, dû à cette rotation ; - des artéfacts produits par les mouvements du patient, conséquence du temps d’acquisition [16] ; - une déperdition d’énergie et donc d’information du fait de l’utilisation de cristaux de 3/8 et 5/8 de pouces, créés pour arrêter des photons de 140 et non 511 kev. Il en résulte une sensibilité et une résolution spatiale moins bonnes, et des données semi-quantitatives.

Expérience personnelle Patients et méthode Étude rétrospective de mars 1997 à avril 2001, de 19 patients atteints de cancers de la sphère ORL ayant bénéficiés d’un CDET, dans le même centre. Cinq patients ont eu des CDET itératifs au cours du temps. Les examens ont pu avoir lieu pour plusieurs indications à la fois : recherche de porte d’entrée et bilan d’extension... Chaque CDET a pu entraîner plusieurs interprétations si plusieurs zones de fixation ont été mises en évidence : ce qui explique que nous ayons plus de 19 résultats. 216

La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL

Nos critères d’exclusion ont été des délais de recul inférieur à 6 mois lorsque l’option thérapeutique choisie était la surveillance des sites tumoraux déjà connus avant l’examen et fixant le 18F-FDG. Trois indications ont été retenues • Recherche d’une maladie résiduelle ou d’une récidive locale ou ganglionnaire en postthérapeutique (post-radique essentiellement). Trois attitudes permettant d’évaluer la technique en ont découlé : soit une chirurgie d’exérèse avec examen anatomo-pathologique définitif, soit simple biopsie sous anesthésie générale lors d’une endoscopie, soit surveillance (1 cas) devant un examen clinique normal et une région facilement accessible à la palpation (plancher buccal antérieur). Dans les cas où aucune fixation n’était mise en évidence, les patients étaient suivis cliniquement et par scanner. • Recherche de la tumeur primitive d’une adénopathie cervicale métastatique isolée. Les réponses positives ont mené à des biopsies ciblées, les négatives à des surveillances de plus de 6 mois. • Bilan d’extension : - avant une chirurgie locale délabrante ; - avant une chirurgie d’exérèse métastatique (s’assurer que la métastase est unique) ; - dans le suivi post-thérapeutique.

Résultats • Recherche de récidive : 7 indications (Tableau I). Tableau I. Histo +

Histo -

Fixation +

3

3

Fixation -

0

1 N=7

• Recherche du foyer primitif : 6 indications (Tableau II). Tableau II. Histo +

Imagerie Histo -

Fixation +

3

1

Fixation -

0

2 N=6

217

D. Lazard et al.

• Recherche d’une métastase : 14 indications (Tableau III). Tableau III. Imagerie Histo +

Imagerie Histo -

Fixation +

4

4

Fixation -

4

2 N = 14

• Interprétation statistique, toutes indications confondues (Tableau IV). Tableau IV. Contrôle + Contrôle Fixation +

VP 10

FP 8

Fixation -

FN 4

VN 5 N = 27

Sensibilité = 10/15 soit 67 %. Spécificité = 5/13 soit 38 %. Valeur prédictive positive = 10/18 soit 55,5 %. Valeur prédictive négative = 5/10 soit 50 %. Nos faux positifs répondent à des fixations digestives et pelviennes qui correspondraient au péristaltisme, fixations désormais connues et n’entrant plus en compte dans l’interprétation ; à des remaniements inflammatoires, erreur qui peut être diminuée par calcul de SUV ; mais aussi à des fixations pour lesquelles nous manquons d’éléments pour fournir des moyens d’améliorer la spécificité. Nos faux négatifs correspondent à : - une métastase pulmonaire d’un cylindrome, type histologique pourtant reconnu au niveau du site primitif ; - une cellulite néoplasique : infiltration trop diffuse pour pouvoir être interprétée comme pathologique ? - une métastase cérébrale : lésion de taille non négligeable, découverte 4 mois après l’examen, au décours d’une crise d’épilepsie ; - un adénocarcinome de prostate : découvert 3 mois après sur les copeaux de résection d’un adénome ; - une métastase osseuse (omoplate, cliniquement parlante).

Discussion La littérature trouve des résultats plus encourageants. En particulier Stokkel trouve une supériorité du CDET par rapport à la tomographie et à la cytoponction écho-guidée dans le diagnostic et la classification des adénopathies cervicales ainsi que dans la découverte de lésions synchrones [17, 18]. Il obtient des sensibilités de 100 % et spécificités de 71 % lorsqu’il étudie les récurrences après traitement par radiothérapie [16]. 218

La tomographie par émission de positons en carcinologie ORL

Il trouve également à cet examen un bon rendement pour la détection de sites primitifs [19]. Trois études comparent PET et CDET, tous cancers confondus [13, 20, 21] et estiment que ces deux techniques se valent si les lésions sont supérieures à 10-15 mm ; pour des dimensions inférieures, la sensibilité du CDET diminue à 80 %. Pourquoi avons-nous des sensibilités et spécificités aussi basses : - notre série n’est pas grande ; - nous avons étendu notre interprétation à tout le corps, or les autres séries s’intéressent à des zones plus circonscrites ; - nous avons fait nos calculs, toutes indications confondues alors que le CDET semble supérieur en post-radique [22] ; - l’appareillage utilisé était de première génération, les doses de marqueur injectées non optimales, sans calcul de SUV, et sans correction d’atténuation [16, 22].

Les CDET de deuxième génération Les CDET de 2e génération offrent un espoir d’acquérir des renseignements pouvant égaler le PET, par les avancées technologiques dont ils bénéficient : - augmentation de l’épaisseur des cristaux pour exploiter les 511 kev dans leur totalité : utilisation de cristaux de 1 pouce ; - calcul de SUV ; - correction d’atténuation ; - association d’acquisition simultanée d’images TDM conventionnelles pour mieux localiser les fixations pathologiques et les dissocier des faux positifs liés à l’activité musculaire de base.

Conclusions Le CDET apparaît comme un examen de dépistage, permettant de visualiser le corps entier d’un seul tenant. Il doit être suivi d’un contrôle, lorsqu’il est positif, par un outil peu invasif : scanner, IRM, biopsie simple avant de se lancer dans un traitement mutilant. Il ne paraît pas être aussi fiable que le PET lorsque la machine utilisée est de première génération. Il est donc intéressant d’attendre que les perfectionnements techniques soient appliqués à tous les centres pour pouvoir réellement comparer ces deux examens.

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220

Cancers de l’oropharynx. C.H. Beauvillain de Montreuil. EDK, Paris © 2002, pp. 221-223

Index des auteurs

A Alfonsi M., 79. Alix T., 133. B Babin E., 37. Barbieri M., 9. Bardet E., 21, 79. Barroso S., 43. Barry B., 213. Baujat B., 213. Beauvillain de Montreuil C.H., IX, 3, 21, 117. Benateau H., 133. Bencheman Y., 133. Bergerot P., 79. Bernardini A., 9. Bertrand P., 79. Bessede J.P., 183. Bisschop P., 125. Bizeau A., 137. Bodino C., 51. Bolla M., 57, 173. Bourhis J., 163.

Charrier J.B., 163. Chelikh L., 145. Chesnay E., 37. Coche-Dequeant B., 91. Coessens B., 125. Coffinet L., 51. Collineau M., 183. Colonna M., 57. Comoz F., 37. Compère J.F., 133. Cordone M.P., 9. Cortes H., 43. Cosmidis A., 113. Crasson F., 133. Cuisnier O., 57, 173. D D’Hauthuille C., 199. De Raucourt D., 37, 91. Demeaux H., 153. Depondt J., 213. Devauchelle B., 199. Dolivet G., 51. Domenge C., 91. Duffas O., 73.

C

E

Calais G., 79. Casanova D., 137. Casazza A., 9.

Edy E., 37. Emam N., 117. Eschwege F., 163. 221

F

M

Feat S., 107. Ferron C., 21, 117.

Majoufre-Lefebvre C., 153. Malard O., 21, 117. Mamelle G., 163. Marandas P., 91, 163. Martin C., 145. Mayaud R., 145. Mercier J., 191. Merzougui N., 145. Michlovsky S., 183. Mohr E., 107. Mora F., 9. Mora R., 9.

G Gallegos F., 43. Gayet-Delacroix M., 21. Gbaguidi C., 199. Gehanno P., 213. Geoffrois L., 51. Germain T., 79. Giovanni A., 137. Godey B., 107. Gomez F., 43. Granados F., 43. Gras R., 137. Guedon C., 213. Guelfucci B., 137.

O Orsel S., 183. Oudinot P., 79.

H

P

Hamon M., 37. Henrot P., 51. Huet P., 191.

Percodani J., 73. Perottino F., 9. Perron X., 145. Pessey J.J., 73. Pignat J.C., 113. Pinsolle J., 153. Piot B., 191. Poupart M., 113. Prades J.M., 145.

J Janot F., 163. Jortay A., 125. Julieron M., 163. K Kaminsky M.C., 51. L Labastida S., 43. Labbé D., 133. Lapeyre M., 51. Lazard D., 213. Le Clech G., 107. Le Ridant A.M., 163. Lefebvre J.L., 91. Leguludec D., 213. Lemarchand V., 37. Luboinski B., 91.

R Rame J.P., 37. Resendiz J., 43. Reyt E., 57, 173. Rhein B., 79, 91, 183. Righini C., 57, 173. Rodriguez S., 43. Rolland F., 101. S Sarry B., 183. Schmitt T., 145. Schwaab G., 163. 222

Serrano E., 73. Siberchicot F., 153. Simon C., 51. Sire C., 79. Soriano E., 173. Souday V., 191.

V Valdazo A., 37. Védrine P.O., 51. Verougstraete G., 125. W

T Temam S., 163. Testelin S., 199. Timoschenko A., 145. Toquet C., 21. Torres F., 43. Tortochaux J., 79. Toussaint B., 51.

Wibault P., 91. Woisard V., 73. Wolff V., 199. Z Zanaret M., 137. Zwetyenga N., 153.

223

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Achevé d’imprimer par Corlet, Imprimeur, S.A. 14110 Condé-sur-Noireau (France) o N d’Imprimeur : 59274 - Dépôt légal : septembre 2002 Imprimé en U.E.

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