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French Pages 552 [505] Year 2006
Les cancers ovariens
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Jean-Paul Guastalla Isabelle Ray-Coquard
Les cancers ovariens
Jean-Paul Guastalla Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec, 69008 Lyon
Isabelle Ray-Coquard
Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec, 69008 Lyon
ISBN-10 : 2-287-25168-5 Springer Paris Berlin Heidelberg New York ISBN-13 : 978-2-287-25168-9 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
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Maquette de couverture : Nadia Ouddane Avec l’aimable autorisation des docteurs Pascal Pujol et Pascal Roger pour les images de couverture.
Liste des auteurs Balleyguier Corinne Service de radiologie diagnostique Institut Gustave Roussy 36, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif
Camatte Sophie Service de chirurgie cancérologique Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif
Bay Jacques-Olivier Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert – BP 392 63011 Clermont-Ferrand
Canis Michel Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction Centre hospitalier universitaire Place Henri Dunant 63003 Clermont-Ferrand
Bertrand Pierre Clinique Clémentville 25, rue Clémentville 34070 Montpellier Binon Pierre Centre Léon Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Blay Jean-Yves Unité Inserm 590 Centre Léon-Bérard 69008 Lyon Hôpital Édouard Herriot Hospices Civils de Lyon Place d’Arsonval 69008 Lyon Bobin Jean-Yves Centre hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex France Kuwait Control Cancer Center – Hupain Maki Al Juma p.o box : 42 262 – al shuwaikh code 70 653 – state of Kuwait Borg Christophe Centre hospitalier de Besançon 25000 Besançon Botchorishvili Révaz Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand
Castaigne Damienne Service de chirurgie gynécologique Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Chollet Philippe Université d’Auvergne 49, boulevard François Mitterrand 63001 Clermont-Ferrand Choufi Bachra Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Claude Line Département de radiothérapie Centre Léon Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Colombo Pierre-Emmanuel Service de chirurgie A1 CRLC Val d’Aurelle Rue de la Croix Verte 34298 Montpellier Cedex 5 Coupier Isabelle Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 5
Curé Hervé Centre Jean-Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Delnatte Capucine Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 5 Droz Jean-Pierre Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Dufour Patrick Centre Paul Strauss 3, rue Porte de l'Hôpital 67000 Strasbourg Duvillard Pierre Service d’anatomo-pathologie Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Fayette Jérôme Hôpital Édouard Herriot Hospices Civils de Lyon Place d’Arsonval 69008 Lyon Unité Inserm 590 Centre Léon-Bérard 69008 Lyon Ferrero Jean-Marc Centre Antoine Lacassagne 33, avenue Valombrose 06100 Nice Ferron Gwenaël Institut Claudius Regaud 20, rue Pont-Saint-Pierre 31052 Toulouse Cedex 3 Fléchon Aude Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon
Floquet Anne Institut Bergonié 229, cours de l'Argonne 33000 Bordeaux Freyer Gilles Service d’oncologie médicale CH Lyon-Sud Hospices Civils de Lyon Université Lyon I Gauthier-Villars Marion Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 5 Geay Jean-François Département d’hématologie et d’oncologie médicale Hôpital Hôtel-Dieu 75004 Paris Giammarile Francesco Service de médecine nucléaire Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69373 Lyon Cedex 08 Gilly François-Noël Service de chirurgie générale, thoracique et endocrinienne Centre hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex Gladieff Laurence Centre Claudius Regaud 20, rue Pont-Saint-Pierre 31300 Toulouse Glehen Olivier Service de chirurgie générale, thoracique et endocrinienne Centre hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex Gramont (de) Aimery Oncologie médicale Hôpital Saint-Antoine 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75571 Paris Cedex 12
Guardiola Emmanuel Centre hospitalier de Besançon 25000 Besançon Guastalla Jean-Paul Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Haie-Meder Christine Comité de Gynécologie Institut Gustave-Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Houlle Céline Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand Jardon Kris Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand Joly Florence Oncologie médicale Centre François Baclesse 3, avenue Général Harris 14076 Caen Cedex 5
Lejeune-Dumoulin Sophie Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 5 Lescaut Willy Centre Antoine Lacassagne 33, avenue Valombrose 06100 Nice Lhommé Catherine Service d’oncologie médicale Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Litor Magali Service d’oncologie médicale Centre hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cecex Lotz Jean-Pierre Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75970 Paris Mage Gérard Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand
Largillier Rémy Centre Antoine Lacassagne 33, avenue Valombrose 06100 Nice
Mathevet Patrice Pavillon L Hôpital Édouard Herriot 5, place Arsonval 69437 Lyon Cedex 03
Lasset Christine Département de santé publique Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon
Meeus Pierre Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon
Leblanc Éric Centre Oscar Lambret 3, rue Frédéric Combemale 59000 Lille
Mignot Laurent Hôpital Foch 40, rue Worth 92150 Suresnes
Mithieux François Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Mognetti Thomas Service de médecine nucléaire Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69373 Lyon Cedex 08 Morice Philippe Service de chirurgie cancérologique Comité de Gynécologie Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Neidhardt Ève-Marie Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Pautier Patricia Service d’oncologie médicale Comité de Gynécologie Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Penault-Llorca Frédérique Département de pathologie Centre Jean Perrin 63011 Clermont-Ferrand Plantade Anne Service d’oncologie médicale Hôpital Saint-Antoine 184, rue du faubourg-Saint-Antoine 75571 Paris Cedex 12 Pomel Christophe Service de chirurgie générale Institut Gustave Roussy 36, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Pouly Jean-Luc Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand
Pujade-Lauraine Éric Département d’hématologie et d’oncologie médicale Hôpital Hôtel-Dieu 75004 Paris Pujol Pascal Service de biologie cellulaire et hormonale CHU Arnaud de Villeneuve 34295 Montpellier Cedex 5 Querleu Denis Institut Claudius Regaud 20, rue Pont-Saint-Pierre 31052 Toulouse Cedex 3 Rabischong Benoît Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction CHU Polyclinique Boulevard Léon Malfreyt 63033 Clermont-Ferrand Raudrant Daniel CHU Lyon Hôpital Hôtel-Dieu 1, place de l’Hôpital 69288 Lyon Cedex Ray-Coquard Isabelle Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Rey Annie Comité de Gynécologie Institut Gustave-Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Rouanet Philippe Département de chirurgie oncologique CRLC Val d’Aurelle 208, rue des Apothicaires 34298 Montpellier Cedex 5 Saba Chadi Centre Léon Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon
Schneider Marc Centre hospitalier Lyon-Sud 69 495 Pierre Bénite Cedex France Stoeckle Eberhard Institut Bergonié 229, cours de l'Argonne 33000 Bordeaux Stoppa-Lyonnet Dominique Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’UPM 75248 Paris Sunyach Marie-Pierre Département de radiothérapie Centre Léon Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon This Pascale Service de génétique oncologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 5
Thomas Laurence Service de radiothérapie Institut Bergonié Centre régional de lutte contre le cancer 229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex Tournigand Christophe Service d’oncologie médicale Hôpital Saint-Antoine 184, rue du faubourg-Saint-Antoine 75571 Paris Cedex 12 Treilleux Isabelle Centre Léon-Bérard 28, rue Laënnec 69008 Lyon Zinzindohoué Cécile Clinique Clémentville 25, rue Clémentville 34070 Montpellier Weber Béatrice Centre Paul Strauss 3, rue Porte de l'Hôpital 67000 Strasbourg
SOMMAIRE
Préface .......................................................................................................
15
Jacques Dauplat
Épidémiologie .......................................................................................... Épidémiologie du cancer de l’ovaire ......................................................................... Christine Lasset
17 19
Tumeurs ovariennes communes .........................................................
27
Prédispositions génétiques ........................................................................ Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire................................................... Isabelle Coupier, Capucine Delnatte, Sophie Lejeune-Dumoulin, Pascale This, Marion Gauthier-Villars et Dominique Stoppa-Lyonnet
29 31
Données biologiques ................................................................................... Hypothèses physiopathologiques dans les tumeurs épithéliales de l’ovaire ............... Christophe Borg et Emmanuel Guardiola Hormonosensibilité des cancers ovariens épithéliaux ............................................... Pascal Pujol
45 47 57
Anatomopathologie .................................................................................... Les différents types histologiques des cancers ovariens ............................................ Isabelle Treilleux Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes.......................................... Frédérique Penault-Llorca
71 73
Facteurs pronostiques ................................................................................. Facteurs pronostiques des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire ........................ Rémy Largillier, Willy Lescaut, Jean-Marc Ferrero et Jean-Paul Guastalla
111 113
Le dépistage ................................................................................................ Le dépistage du cancer ovarien ................................................................................ Patrice Mathevet
125 127
Imagerie ....................................................................................................... Interaction radiologue-chirurgien pour la prise en charge des cancers de l’ovaire ...... Corinne Balleyguier et Christophe Pomel Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles....................................................... Michel Canis, Révaz Botchorishvili, Kris Jardon, Benoît Rabischong, Céline Houlle, Jean-Luc Pouly et Gérard Mage Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers de l’ovaire..................................................... Thomas Mognetti et Francesco Giammarile
143 145
Les stades précoces ..................................................................................... Chirurgie programmée des cancers ovariens au stade précoce par cœlioscopie ......... Denis Querleu, Éric Leblanc et Gwenaël Ferron
99
153
175 183 185
Place de la chimiothérapie adjuvante dans les formes précoces des cancers épithéliaux de l’ovaire ............................................................................................. Jean-Paul Guastalla et Isabelle Ray-Coquard
193
Les stades avancés ......................................................................................
201
Chirurgie.................................................................................................. Chirurgie optimale des formes avancées : techniques chirurgicales ........................... Pierre Meeus et François Mithieux Chirurgie optimale des stades avancés : aspects oncologiques.................................. Pierre-Emmanuel Colombo et Philippe Rouanet Place du curage ganglionnaire lombo-aortique et pelvien dans les cancers épithéliaux de l’ovaire ............................................................................................. Jean-Yves Bobin et Marc Schneider Le « second look » un concept dépassé ?.................................................................. Cécile Zinzindohoué et Pierre Bertrand Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante ............................ Eberhard Stoeckle et Anne Floquet
203 205
Chimiothérapie ............................................................................................ Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées des cancers épithéliaux de l’ovaire ............................................................................................. Isabelle Ray-Coquard et Jean Paul Guastalla La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? ................. Laurence Gladieff Le traitement de consolidation .................................................................. Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire .......................................... Jean François Geay, Isabelle Ray-Coquard, Hervé Curé et Éric Pujade-Lauraine Radiothérapie de clôture ......................................................................................... Line Claude et Marie-Pierre Sunyach La chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation ................................................ Christophe Tournigand, Anne Plantade et Aimery de Gramont Intensification de la chimiothérapie en consolidation ............................................... Hervé Curé, Jacques-Olivier Bay, Bachra Choufi et Philippe Cholet La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie ............................................. Olivier Glehen et François-Noël Gilly
217
239 251 259 275 277 301 315 317 325 335 341 361
La radiothérapie .......................................................................................... La radiothérapie dans les cancers ovariens............................................................... Laurence Thomas La radio-immunothérapie dans les cancers ovariens ................................................. Francesco Giammarile et Thomas Mognetti
373 375
Les récidives ................................................................................................ La chirurgie des récidives......................................................................................... Damienne Castaigne et Christophe Pomel Traitement médical des rechutes (récidives) précoces ............................................... Béatrice Weber
397 399
389
405
La chimiothérapie des rechutes au-delà de six mois .................................................. Jean-François Geay, Isabelle Ray-Coquard et Éric Pujade-Lauraine Chimiothérapie intra-ascitique palliative ................................................................. Patrick Dufour
417 427
Traitement des cancers ovariens chez la femme âgée de plus de 70 ans. Traitement des cancers ovariens chez la femme âgée de plus de 70 ans..................... Magali Litor, Gilles Freyer
431 433
Les tumeurs à malignité atténuée (« bordeline ») ........................
445
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » de l’ovaire ................................................................................................................... Philippe Morice, Sophie Camatte, Catherine Lhommé, Patricia Pautier, Pierre Duvillard et Damienne Castaigne Place de la chimiothérapie dans le traitement des tumeurs de l’ovaire à la limite de la malignité......................................................................................... Catherine Lhommé, Patricia Pautier, Philippe Morice, Damienne Castaigne, Christophe Pomel, Annie Rey, Corinne Balleyguier, Christine Haie-Meder et Pierre Duvillard
447
465
Les tumeurs ovariennes rares .............................................................
475
Les tumeurs germinales .............................................................................. Biologie des tumeurs germinales ............................................................................. Aude Fléchon et Jean-Pierre Droz Traitement des tumeurs germinales de l'ovaire......................................................... Patricia Pautier et Catherine Lhommé
477 479
Les autres tumeurs rares ............................................................................. Traitement des tumeurs rares de l’ovaire. Expérience de l’observatoire francophone des tumeurs malignes rares de l’ovaire..................................................................... Isabelle Ray-Coquard, Pierre Binon, Jean-Yves Blay, Hervé Curé, Aude Fléchon, Jean-Paul Guastalla, Jean-Pierre Lotz, Pierre Meeus, Laurent Mignot, Éric Pujade-Lauraine, Daniel Raudrant, Isabelle Treilleux et Christophe Tournigand
499
Les perspectives ...................................................................................... Les thérapeutiques ciblées ou le traitement des mécanismes moléculaires de la progression tumorale ...................................................................................... Jean-Yves Blay, Jérôme Fayette et Isabelle Ray-Coquard L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le cancer de l’ovaire............................ Ève-Marie Neidhardt Nouvelles tentatives médicamenteuses ................................................................... Florence Joly
La surveillance ......................................................................................... Surveillance du cancer de l’ovaire ............................................................................ Chadi Saba
485
501
513 515 529 535 547 549
Préface Le cancer de l’ovaire conserve une réputation redoutable, d’abord parce qu’il est la quatrième cause de mortalité par cancer chez la femme en France où il provoque chaque année 3 500 décès (après le sein, le côlon, le rectum et le poumon), ensuite parce que la plupart des malades rechutent au niveau de la cavité abdominale, ce qui les conduit à une phase terminale particulièrement pénible dominée par l’occlusion intestinale. Le challenge est donc toujours d’actualité pour améliorer la prise en charge de cette maladie et justifie pleinement un ouvrage tel que celui-ci et il faut remercier Jean-Paul Guastalla de l’avoir initié et coordonné. Dix ans après celui que nous avions écrit ensemble, il était important de faire le point et d’envisager l’avenir. C’est avec regret que je constate que d’autres fonctions m’ont sans doute éloigné de la pointe de la connaissance médicale, mais cela me permet peut-être d’avoir un peu de recul par rapport à cette pathologie qui me passionne toujours. Il me semble en réalité que depuis 25 ans, les progrès sont continus et sensibles, et aujourd’hui j’ai le sentiment que l’espoir est réel qu’ils deviennent décisifs dans les prochaines années. Un diagnostic trop tardif fait toujours la gravité du cancer épithélial de l’ovaire, car il impose d’avoir à traiter un volume tumoral considérable parfois mesuré en kilogramme. Cependant, si en 1996 nous écrivions dans notre « Avant-propos » que les cancers ovariens étaient diagnostiqués trois fois sur quatre à un stade avancé, des chiffres plus récents montrent que cette proportion est en réalité, aujourd’hui réduite à environ 60 %. Il y a donc un progrès dans le diagnostic, sans nul doute grâce au développement de l’échographie et de la cœlioscopie et même si le dépistage de masse n’est toujours pas préconisé, les expériences anglaises, associant les dosages du CA 125 et l’échographie selon des algorithmes décisionnels bien définis, se rapprochent d’une valeur prédictive positive acceptable en particulier dans des populations à risque. Par ailleurs, le développement des nanotechnologies laisse entrevoir des possibilités diagnostiques intéressantes par l’étude des profils protéiques sériques. Enfin, on progresse également dans la compréhension de la cancérogenèse ovarienne et des éventuels états précancéreux ovariens grâce notamment à l’étude des ovariectomies prophylactiques du risque génétique. On peut donc raisonnablement espérer une amélioration des possibilités de diagnostic précoce de cette maladie qui sera décisive puisque plus de 80 % des stades limités sont curables. La prise en charge des stades précoces est aujourd’hui bien codifiée : les grands essais internationaux ICON 1 et ACTION ont montré à la fois l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante et celui d’une stadification chirurgicale adéquate. Pour les stades avancés, on ne peut plus dire que le traitement est décevant dans la mesure où l’on assiste à une progression linéaire des médianes de survie qui ont quadruplé en vingt ans au fil des essais thérapeutiques passant de douze à quarante-huit mois. Ces progrès sont dus à l’amélioration de la chimiothérapie de première ligne qui a atteint un haut degré de consensualité : l’association de carboplatine et de paclitaxel s’est révélée à la fois la plus efficace et la mieux tolérée. Ils sont également
dus à la maturation du concept de chirurgie de réduction tumorale maximale qui fait aujourd’hui figure de standard bien qu’il ne soit pas passé et qu’il ne passera sans doute jamais sous les fourches caudines de la randomisation. Deux idées résument aujourd’hui la conception de la chirurgie du cancer avancé des ovaires : l’exérèse chirurgicale doit être complète, le résidu tumoral postchirurgical optimal est macroscopiquement nul, sinon la chirurgie incomplète (sub-optimale) est une demi-mesure inutile et peut-être même délétère qui devrait être proscrite. Mais, cette chirurgie d’exérèse doit être raisonnée et raisonnable et peut le devenir dans les cas les plus évolués grâce à une préparation par trois ou quatre cures de chimiothérapie première. Cela suppose une sélection des malades sur des critères de résécabilité tumorale qui commencent à être bien connus. Cette chirurgie dite « d’intervalle » semble plus en vogue en Europe qu’aux États-Unis. Peut-être son bien-fondé sera-t-il démontré par l’essai 55971 de l’EORTC, ce qui donnera l’occasion à nos collègues d’Outre-Atlantique de monter un contre-essai ! Dans le domaine chirurgical, en France en tout cas, le progrès viendra de l’organisation des soins qui, sous l’égide de l’Institut national du cancer, réservera cette prise en charge à des équipes chirurgicales expertes ayant une activité soutenue dans ce domaine. Chirurgie de qualité et chimiothérapie efficace contribuent à placer une proportion croissante de malades en rémission complète donnant ainsi l’impression au thérapeute de toucher au but. Le problème est bien aujourd’hui de trouver le moyen de consolider les acquis du traitement de première ligne pour éviter qu’une proportion toujours importante de malades ne récidive. C’est le domaine où l’investigation clinique doit être développée pour tester différentes modalités de consolidation dont le spectre pourrait être très large, allant de la poursuite d’une chimiothérapie identique à celui des nouvelles biothérapies ciblées dont là comme ailleurs, la communauté cancérologique attend beaucoup. Il est tentant de privilégier la voie intrapéritonéale pour ces thérapeutiques puisque la plupart des récidives se font dans cette cavité. À côté des cancers épithéliaux, cet ouvrage fait le point sur des aspects plus rares de la maladie et sur l’entité de mieux en mieux comprise des tumeurs à malignité atténuée. On peut se demander aujourd’hui si ce sujet devrait figurer dans un livre sur le cancer de l’ovaire puisqu’il est de plus en plus évident que c’est une maladie complètement différente dans sa genèse et dans son évolution. En effet, elle ne met pas les malades en danger et ne « fait pas le lit du cancer ». Il importe donc de ne pas être trop agressif à son égard à condition de savoir la reconnaître avec certitude ainsi que ses éventuels éléments péjoratifs. C’est encore une affaire d’expertise en particulier anatomo-pathologique. Plus que jamais nous devons croire, dans le domaine du cancer de l’ovaire, aux Bonnes Pratiques médicales qui seront soulignées dans cet ouvrage et qui sont propres à donner le maximum de chances aux malades, et aux vertus de la recherche clinique pour améliorer et consolider les résultats acquis en première ligne. Enfin, nous devons insister sur la nécessité d’une prise en charge globale de qualité de ces femmes soumises à des traitements agressifs et à une maladie qui les emporte encore trop souvent dans des circonstances douloureuses.
Professeur Jacques Dauplat
Épidémiologie
Épidémiologie du cancer de l’ovaire C. Lasset
Fréquence En France, avec 4 488 nouveaux cas en 2000 (tableau I), le cancer de l’ovaire représente 3,8 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers chez la femme et se place au cinquième rang des cancers féminins (fig. 1). Avec un taux standardisé annuel de 9,0 pour 100 000, sa fréquence est voisine de celles du cancer de l’endomètre et du cancer du poumon (respectivement 9,2 et 8,6 pour 100 000). Elle est moindre que celle des cancers colorectaux (24,6 pour 100 000) et beaucoup plus faible que celle du cancer du sein qui reste à la première place des tumeurs féminines avec un taux annuel de 88,9 pour 100 000 (1). Le taux d’incidence du cancer de l’ovaire est considéré comme stable et n’a progressé que de + 0,55 % par an entre 1978 et 2000. Le taux cumulé 0-74 ans est de 1,08 % pour les femmes nées en 1930, soit une femme sur 93. Il diminue pour les cohortes plus jeunes. Il est estimé à 0,92 % pour la cohorte 1950. Le risque dépend fortement de l’âge : le taux d’incidence augmente régulièrement de 15 à 74 ans jusqu’à un taux de 43 pour 100 000, puis il décroît lentement jusqu'à 36 pour 100 000 après 85 ans (fig. 2 et tableau II). En 2000, l’âge médian au diagnostic était de 65 ans. Seulement 7 % des cas de cancer de l’ovaire surviennent avant 40 ans et environ 10 % entre 40 et 50 ans. Le cancer de l’ovaire est donc pour l’essentiel une tumeur de la femme ménopausée (tableau I). Comparée aux autres pays européens, la France est un pays à faible risque de cancer de l’ovaire. La Suède, la Finlande, l’Angleterre et le Danemark Tableau I – Nombre de cas incidents et de décès par tranches d’âge en 2000. Âge
0- 15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 8014 19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84
85 Total +
Incidents
7
14 29 53 80 122 185 307 495 432 470 575 595 528 269 327 4 488
Décès
0
1
2
4
10 26
58 120 215 221 304 427 538 588 361 633 3 508
20
Les cancers ovariens
B. Femmes Nombre de nouveaux cas (2000)
Nombre de décès (1999)
42000 17000 5000 4600 4500
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
Sein Côlon et rectum Endomètre Poumon Ovaire Lymphome non hodgkinien Mélanome Col utérin Rein Thyroïde Bouche, pharynx et larynx Leucémies Estomac Encéphale Pancréas Vessie Myélome Foie Œsophage Hodgkin 10 000 Source : Inserm
Fig. 1 – Incidence et mortalité par cancer chez la femme en France.
présentent des taux d’incidence de 67 à 47 % supérieurs à ceux de la France. L’Espagne est le pays européen qui semble le moins touché par ce cancer (14 % d’incidence en moins que le taux français). La très grande majorité des cas sont des tumeurs épithéliales (80 % à 90 %) et les types histologiques habituels sont les cystadénocarcinomes séreux (50 %) ou mucineux (5-10 %) et des tumeurs endométrioïdes (10-25 %) et, plus rarement, des tumeurs à cellules claires (4-5 %), indifférenciées (5 %). Les tumeurs germinales de l’ovaire sont très rares et atteignent plutôt les enfants et adolescentes.
Mortalité Avec 3 210 décès observés en 2000 (2) pour 3 508 décès estimés (tableau I), le cancer de l’ovaire se situe au quatrième rang si l’on considère les décès féminins, après le cancer du sein (10 950 décès), le cancer du côlon-rectum (7 604 décès) et le cancer du poumon (4 246 décès) (fig. 1). Le taux de mortalité standardisé est de 5,4 pour 100 000. Entre 1978 et 2000, le taux annuel moyen de progression de la mortalité par cancer de l’ovaire est + 0,93 %. La mortalité du cancer de l’ovaire reste forte : le ratio mortalité sur incidence est de l’ordre de 0,8 (il n’est que de 0,3 pour le cancer du sein) et près de 6 % des décès par cancer chez la femme sont dus à cette localisation.
Épidémiologie du cancer de l’ovaire
21
Une femme née en 1940 à une diminution de 19 % du risque de décéder d’un cancer de l’ovaire par rapport à une femme née en 1930 pour laquelle le risque cumulé 0-74 ans est de 0,73 %, soit une femme sur 137. En 2000, le taux de mortalité augmente avec l’âge régulièrement jusqu’à un taux de 69 pour 100 000 après 85 ans (fig. 2). La mortalité dans les cinq ans après le diagnostic de cancer de l’ovaire est estimée à 68 %.
Facteurs de risque Âge Comme pour la plupart des cancers, l’âge est un facteur de risque important puisque l’incidence annuelle est multipliée par six entre 40 et 70 ans (de 5,6 à 39,7 pour 100 000 femmes) (tableau II).
Antécédents familiaux Les femmes ayant des antécédents familiaux de cancer de l’ovaire apparaissent plus à risque de développer elles aussi cette tumeur. Plusieurs études de type cas-témoins ont mis en évidence cette composante familiale : si l’observation de plusieurs cas de cancers de l’ovaire dans une famille est rare (moins de 10 % des cas incidents), la fréquence d’un cancer de l’ovaire chez une parente au premier degré (c’est-à-dire la mère, la sœur ou la
Fig. 2 – Taux d’incidence et de mortalité selon l’âge.
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Les cancers ovariens
Tableau II – Taux pour 100 000 personnes-années par tranche d’âge en 2000. Âge
0- 15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 8014 19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84
85 Total +
Incidence 0,1 0,8 1,5 2,6 3,8 5,6 8,6 14,6 23,5 30,4 34,1 39,7 42,6 42,0 40,2 35,8 14,9 Mortalité
0 0,1 0,1 0,2 0,5 1,2 2,7 5,7 10,2 15,5 22,0 29,5 38,5 46,8 54,0 69,1 11,6
fille) est significativement multipliée par quatre chez les femmes présentant un cancer de l’ovaire par rapport à une population témoin indemne et de même structure d’âge. Le risque semble le même, qu’il s’agisse de la mère ou de la sœur. Cette même fréquence est trois fois plus grande si l’on tient compte des apparentées de premier et de deuxième degré (c’est-à-dire la grand-mère, la tante, la nièce ou la petite-fille) (3). Le risque cumulé sur la vie passe de 1 % environ en l’absence d’antécédents à près de 5 % si une personne apparentée au premier degré a eu un cancer de l’ovaire et atteint 7 % s’il existe deux cas chez des personnes apparentées au premier degré (3). Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’observation de contextes familiaux de cancers de l’ovaire. Dans la majorité des cas, ce sont des modes de vie et d’alimentation « à risque » identiques au sein des mêmes familles qui semblent en cause. Dans un petit nombre de cas, il existe une prédisposition héréditaire au cancer de l’ovaire transmise sur un mode autosomique dominant et en relation avec les gènes BRCA1 et BRCA2. Les concentrations familiales sont alors particulières, permettant d’isoler des groupes à très haut risque de cancer de l’ovaire (cf. chapitre spécifique).
Facteurs hormonaux endogènes et exogènes Le cancer de l’ovaire partage avec le cancer du sein certains facteurs de risque liés à la fertilité et à la reproduction. En effet, le risque de cancer de l’ovaire est augmenté chez les femmes nullipares (4-6), ainsi que chez celles ayant eu une puberté précoce et une ménopause tardive (mais les résultats sont discordants). Il est en revanche clairement établi que le risque de cancer de l’ovaire diminue à chaque nouvelle grossesse (de l’ordre de 10 à 16 %) (6) et avec un âge plus avancé à la première naissance (6, 7) ou à la dernière naissance (7). Le risque de cancer de l’ovaire diminuerait avec l’allaitement (5) et les grossesses gémellaires (8), ainsi qu’après une hystérectomie ou une ligature des trompes (4-6). L’effet des hormones synthétiques exogènes a été beaucoup étudié. Il est maintenant reconnu que la prise d’une pilule contraceptive pour plus de cinq ans diminue le risque de cancer de l’ovaire de 30 à 50 % (6, 9). Cet effet serait expliqué par le blocage de l’ovulation entraîné par ce traitement. L’effet favorable a été observé dix à quinze ans après la fin de la prise de pilule (6, 10) et la protection pourrait persister plus longtemps, au-delà de 20-25 ans (4, 11).
Épidémiologie du cancer de l’ovaire
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En revanche, des études récentes montrent qu’un traitement hormonal substitutif de la ménopause prolongé (plus de cinq ou dix ans) augmente le risque de cancer de l’ovaire de 1,5 à 2 (12, 13). Le risque de cancer de l’ovaire serait majoré dans le syndrome des ovaires polykystiques (14) et dans l’endométriose, pour les tumeurs endométrioïdes ou à cellules claires (15). L’infertilité n’augmenterait le risque de cancer de l’ovaire que chez les femmes n’ayant jamais eu de grossesse (5, 6). Mais, plusieurs études récentes, dont une méta-analyse (16), tendent à montrer que les traitements de la stérilité n’augmentent pas le risque de cancer de l’ovaire.
Risques environnementaux Plusieurs études sur des femmes asiatiques ayant immigré aux États-Unis, en Australie ou au Canada ont montré qu’elles-mêmes et leur descendance développent plus fréquemment un cancer de l’ovaire que les femmes restées en Asie, même si les risques restent moins importants que ceux des femmes américaines. La comparaison des modes de vie entre les deux pays permet d’incriminer une alimentation riche en graisses animales (17). Cette hypothèse a été confortée par des études cas-témoins mettant en évidence une consommation plus forte de graisses d’origine animale et de produits laitiers (6). L’excès de poids entraîne un risque modérément élevé de cancer de l’ovaire (18), en particulier à l’adolescence ou chez l’adulte jeune (19).
Hypothèses physiopathologiques L’explication physiopathologique du lien entre cancer de l’ovaire et facteurs hormonaux serait le nombre total de cycles ovulatoires. Chaque ovulation entraîne une rupture de l’épithélium ovarien avec un phénomène secondaire de cicatrisation. La répétition successive de ces « microtraumatismes » ovariens pourrait augmenter le risque de transformation maligne à ce niveau. Comme présenté dans le tableau III, beaucoup de facteurs de risque (ou de protection) de cancer de l’ovaire sont concordants avec cette hypothèse, alors que d’autres le sont moins. En particulier, l’effet protecteur des grossesses et de la pilule est supérieur à celui lié à la seule suppression de cycles ovulatoires. D’autres mécanismes hormonaux sont donc possibles. Le rôle de taux élevés d’androgènes et d’estrogènes et de taux bas de progestérone est une hypothèse actuellement retenue (20). La contribution relative de la synthèse ovarienne et des taux circulants d’hormones sexuelles dans le développement et la progression du cancer de l’ovaire doit être étudiée ; de même que l’effet des gonadotrophines et des IGF (insulin growth factors).
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Les cancers ovariens
Tableau III – Accord entre l’association de facteurs épidémiologiques avec le cancer de l’ovaire et l’effet prévu sous différentes hypothèses étiologiques (d’après 20). Facteur épidémiologique
Lien observé avec le risque
Accord entre effet observé et effet prévu selon le facteur hormonal O
G
↑ Âge puberté Grossesses Grossesses multiples
~ ↓↓ ~↓
+ -
+ -
Allaitement
~↓
+
LH +/FS H-
Pilule ↑ Âge ménopause TSH Estrogènes seuls TSH combiné
↓↓ ~
+ -
+ -
Excès de poids
~↑
~ (-)
-
Endométriose SOPC Ligation tubaire/ hystérectomie
↑ ~↑
-
+
~↑ ~↑
↓
A
P
E
+ +
-
IGF
I
+ + -
-
+
~ (+)
+ -
+
+ +
-
~ (+) ~ (+) pre ~ (+) post
~ (+)
+ +
+
+ +
↑/ ↓/~ : augmentation du risque / diminution du risque /association faible avec le risque, +/- : accord / désaccord entre l’association observée avec le risque et l’hypothèse étiologique O : ovulation ; G : gonadotrophines ; A : androgènes ; P : progestérone ; E : estrogènes ; IGF : Insulin-growth factor ; I : insuline
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Épidémiologie du cancer de l’ovaire
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Tumeurs ovariennes communes
Prédispositions génétiques
Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire I. Coupier, C. Delnatte, S. Lejeune-Dumoulin, P. This, M. Gauthier-Villars et D. Stoppa-Lyonnet
Résumé Les prédispositions génétiques aux tumeurs épithéliales de l’ovaire peuvent se présenter sous deux formes : (1) les formes familiales de cancer du sein et/ou de l’ovaire, (2) les formes familiales de cancers du côlon, de l’endomètre et de l’ovaire ou syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer). Plus rarement, il s’agit de cas familiaux de dysgerminomes ovariens, de tumeurs des cordons sexuels survenant dans le syndrome héréditaire de Peutz-Jeghers, de carcinomes ovariens à petites cellules ou de rares syndromes génétiques, qui peuvent être associés à un risque de cancer de l’ovaire comme le complexe de Carney. Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont impliqués dans les formes familiales de cancer du sein et/ou de l’ovaire. Leurs altérations sont associées à un risque cumulé à l’âge de 70 ans de cancer de l’ovaire de l’ordre de 39 % pour BRCA1 et 11 % pour BRCA2. Les altérations de ces deux gènes pourraient rendre compte d’environ 5,5 % (2 %-7 %) des cas de cancers de l’ovaire. Les altérations des gènes hMLH1, hMSH2, et hMSH6 sont impliquées dans le syndrome HNPCC, celles des deux premiers étant responsables de la majorité des cas étudiés. Le risque cumulé à l’âge de 70 ans de cancers de l’ovaire est estimé à 10 %. Le syndrome HNPCC pourrait rendre compte de 1 à 2 % des cas de cancers de l’ovaire. Les tests génétiques restent limités à certaines indications prenant en compte l’histoire personnelle et familiale du patient. Leur prescription a lieu dans le cadre d’une consultation d’oncogénétique. La prise en charge du risque de cancer de l’ovaire dépend de la situation de prédisposition dans laquelle on se trouve, allant de la surveillance échographique jusqu’à l’annexectomie prophylactique, notamment en cas de mutation des gènes BRCA1/2.
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Les cancers ovariens
Introduction En France, le risque cumulé à 74 ans de cancer de l’ovaire pour une femme est de 1,1 % (1). Le risque relatif pour une apparentée au premier degré d’une femme atteinte d’un cancer de l’ovaire est de 2,8 (1,8-4,2) (2). Nous verrons que ces risques sont plus importants en cas de prédisposition héréditaire. Les cas héréditaires de cancer de l’ovaire représentent 5 à 10 % des cas. Il s’agit le plus souvent de formes familiales de carcinomes épithéliaux seuls ou associés à des cancers du sein, ou à des cancers du côlon ou de l’endomètre, et dont la distribution des cas est compatible avec un mode de transmission autosomique dominant (fig. 1). Plus rarement, il s’agit de cas familiaux de dysgerminomes ovariens associés à des cancers testiculaires (3), de tumeurs des cordons sexuels survenant dans le syndrome héréditaire de Peutz-Jeghers (4) ou encore de cas familiaux exceptionnels de carcinomes ovariens à petites cellules (5). Enfin, quelques rares syndromes génétiques peuvent être associés à un risque de cancer de l’ovaire, comme le complexe de Carney (6) ou de rares maladies génétiques associées à des dysmorphies qui ne seront pas développées dans ce texte.
Prédisposition au cancer de l’ovaire associée à un risque de cancer du sein Les études de liaison génétique menées dans des formes familiales sévères de cancer du sein ont conduit à l’identification de deux gènes de prédisposition aux cancers des ovaires et/ou du sein BRCA1 (BReast CAncer 1) et BRCA2 localisés respectivement sur les chromosomes 17 et 13 (17q21 et 13q14) (7, 8). Les études de liaison génétique menées dans des familles réunissant au moins quatre cas de cancer du sein diagnostiqués avant 60 ans et un cas de cancer de l’ovaire et appartenant à la même branche parentale ont permis de retenir que BRCA1 et BRCA2 sont impliqués dans respectivement 80 % et 15 % de ces familles (9). Il n’y a donc pas ou peu de place pour d’autres gènes conjuguant une prédisposition au cancer du sein et au cancer de l’ovaire. De plus, les formes familiales de cancer de l’ovaire seul sont liées dans la quasi-totalité des cas à BRCA1 (10). La fréquence des mutations de ces gènes dans la population générale, estimée à partir de l’analyse de cas consécutifs de cancer du sein, est pour BRCA1 de 0,102 % (IC : 0,042 %-0,25 %), soit 1 individu porteur sur 974 (IC : 1/2381-1/400), et pour BRCA2 de 0,136 % (IC : 0,066 %-0,282 %), soit 1 individu porteur sur 734 (IC : 1/1515-1/354) (11). Ainsi, une personne sur 420 serait porteuse d’une altération d’un gène BRCA1/2. En retenant qu’une femme sur 974 et une femme sur 734 sont porteuses respectivement d’une mutation BRCA1 et BRCA2, et en retenant que le risque moyen de cancer de l’ovaire à 70 ans est de 39 % (18 %-54 %) pour BRCA1, de 11 %
Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire
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Homme indemne
Homme avec un cancer
Femme indemne
Femme avec un cancer
Couple
Frère et sœur
A : Famille sein/ovaire B : Syndrome HNPCC T = tumeur, âge au diagnostique du cancer
Figure 1 – Exemples caractéristiques de prédisposition aux tumeurs épithéliales de l’ovaire.
34
Les cancers ovariens
(2,4 %-19 %) pour BRCA2 et de 1 % dans la population générale, on peut estimer que la contribution1 des altérations des gènes BRCA1/2 aux cas de cancer de l’ovaire est de l’ordre de 4 % (1,8 %-4,4 %) pour BRCA1 et 1,5 % (0,3 %-2,5 %) pour BRCA2, soit, pour l’ensemble des deux gènes, 5,5 % (2 %7 %). Cette estimation théorique des mutations BRCA1 chez les femmes atteintes de cancer de l’ovaire est compatible avec celle observée par Stratton à partir de l’analyse de 374 cas consécutifs de cancer de l’ovaire : 3 % (2 %-6 %) (12). Une seconde étude qui a porté sur 515 cas a cependant observé un taux plus élevé de mutations BRCA1/2 : 11,7 % (9,2 %-14,8 %), 7,5 % pour BRCA1 et 4 % pour BRCA2 (13). Dans cette seconde étude, par ailleurs, 134 cas de tumeurs borderline ont été analysés et aucune mutation n’a été identifiée. Enfin, au risque ovarien est associé un risque d’adénocarcinome des trompes de Fallope. Il a été estimé dans la seule étude réalisée que la contribution des mutations BRCA1 et BRCA2 au cancer des trompes est respectivement de l’ordre de 11 % et 5 % (14). Les gènes BRCA1 et BRCA2 codent pour des protéines impliquées physiologiquement dans la réparation des lésions de l’ADN. BRCA1 est une protéine clé dans la détection de lésions de différentes natures : cassures simple et double-brin, anomalies nucléotidiques. Au-delà de la détection de ces lésions, BRCA1 a un rôle clé dans l’adaptation du cycle cellulaire à la phase de réparation. BRCA2 apparaît avoir un rôle plus spécifique dans la recombinaison homologue. En effet, cette macromolécule semble contrôler la localisation de RAD51 (protéine-clé de la réparation des cassures double-brin par recombinaison homologue) sur les sites de cassure double-brin de l’ADN. Les premières estimations des risques tumoraux ont été faites à partir des familles qui avaient contribué à l’identification des gènes BRCA1 et BRCA2. Les critères de recensement des familles ont été pris en compte dans l’estimation des risques, limitant ainsi les biais de recensement et la surestimation des risques (tableau I) (9, 15, 16). Les risques ont été ré-estimés à partir d’études dites de population, c’est-à-dire de cas consécutifs de cancers de l’ovaire. Les estimations des risques se sont avérées un peu plus faibles, mais avec des intervalles de confiance chevauchant entre les études familiales et les études de population. Une méta-analyse de 22 études de population a estimé que le risque de cancer de l’ovaire cumulé à l’âge de 70 ans est de 39 % (IC 22 %51 %) pour BRCA1 et de 11 % (4,1 %-18 %) pour BRCA2. Le risque associé aux altérations de BRCA2 est plus faible et retardé (1 % avant 50 ans). Avant l’âge de 40 ans, le risque est très faible pour les deux gènes ; avant 30 ans, il est quasi nul (tableaux I et II) (16). Ces différences d’estimation des risques entre les études de familles et les études de population peuvent refléter l’influence de facteurs modificateurs. Ces facteurs modificateurs peuvent être 1. Estimation de la contribution des gènes BRCA au cas de cancer de l’ovaire : Pr (mutation BRCA si cancer ovaire) = Pr (mutation BRCA) x Pr (cancer ovaire si mutation BRCA) / Pr (mutation BRCA) x Pr (cancer ovaire si mutation BRCA) + Pr (pas mutation BRCA) x Pr(cancer ovaire si pas mutation BRCA).
Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire
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Tableau I – Risques de cancer de l’ovaire estimés dans différentes études. () intervalle de confiance. BRCA1 (Ford 94)15
BRCA2 (Ford 98)9
BRCA1 BRCA2 Méta-analyse de Méta-analyse de 22 études de population 22 études de population (Antoniou 2003) 16 (Antoniou 2003) 16
Risque à 50 ans
29 % (16-40)
0,4 % (0-1)
13 % (8-18)
1 % (0-3)
Risque à 70 ans
44 % (28-56)
27 % (0-47)
39 % (22-51)
11 % (4-18)
Tableau II – Risques de cancer de l'ovaire par an en pourcentage (‰) chez une femme porteuse d'une mutation BRCA1 ou BRCA2, d'après la méta-analyse d'Antoniou et al., 16. Âge (ans)
BRCA1
BRCA2
20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69
0,001 0,002 0,18 0,28 0,87 1,49 0,96 1,19 2,26 2,49
0,001 0,002 0,004 0,01 0,08 0,14 0,6 0,75 0,38 0,42
environnementaux (en prenant aussi en compte les facteurs hormonaux) et/ou génétiques (17). Les caractéristiques histologiques et histopronostiques des cas liés à BRCA1 ou BRCA2 n’apparaissent pas différentes de l’ensemble des cas de cancers de l’ovaire (18). Il s’agit le plus souvent de formes séreuses. Notons qu’il y a une sous-représentation des formes mucineuses 18-20. La seule étude réalisée a rapporté un meilleur pronostic des cancers de l’ovaire survenant chez des femmes porteuses d’une mutation BRCA1. Cela n’a pas été observé chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA2 18. Rappelons cependant que, globalement, les cancers de l’ovaire restent de mauvais pronostic.
Prédisposition au cancer de l’ovaire et syndrome HNPCC L’observation de formes familiales de cancers du côlon, de l’endomètre, de l’ovaire, de l’estomac, des voies biliaires et des voies urinaires, distribuées dans la même branche parentale (compatible avec une transmission dominante) a
36
Les cancers ovariens
conduit Henry Lynch à définir, en opposition à la polypose adénomateuse, le syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) ou encore syndrome de Lynch (21). On assimile souvent le diagnostic d'un syndrome HNPCC à la réunion des critères (22) d'Amsterdam2. Aujourd’hui, les critères d’Amsterdam ont été redéfinis : ils incluent des tumeurs non coliques3 (23). Le cancer de l’ovaire n’est pas au devant du tableau dans ce syndrome de prédisposition. C'est l'approche « gène-candidat » qui a permis l’identification des gènes impliqués dans ce syndrome. En effet, en 1993, recherchant des régions chromosomiques remaniées dans les adénocarcinomes du côlon ou de l'endomètre développés dans le cadre de cas de familles répondant aux critères du syndrome HNPCC, deux équipes ont observé qu'il existait une instabilité du génome tumoral (24, 25). Cette instabilité est caractérisée par des erreurs de réplication de l'ADN (RER : Replication ERror) conduisant dans des zones de répétitions de nucléotides (locus microsatellites, par exemple) à la délétion ou à l'insertion d'une unité répétée ou de plusieurs et, ainsi, à la génération de nouveaux allèles. Lorsque la région répétée est située dans la partie codante d'un gène dont la protéine est impliquée dans le contrôle de la division cellulaire, cette instabilité est à l'origine de mutations contribuant au processus tumoral. De façon surprenante, cette instabilité était analogue à une anomalie génétique déjà caractérisée chez des mutants de bactéries présentant l'altération d'un gène de réparation des mésappariements de l’ADN (gène RecA). Cette observation conduisit à la recherche du gène homologue dans la levure, puis chez l'homme. Le génome humain étant plus complexe, plusieurs gènes différents ont été identifiés. Ces derniers devenaient des candidats pour être responsables du syndrome HNPCC. Trois gènes, hMLH1 (human Mutant L Homologue1), hMSH2, hMSH6 ont pu être effectivement incriminés, des mutations constitutionnelles ayant été identifiées (26). On désigne souvent ces gènes comme gènes du système MMR (MisMatchRepair). hMLH1 et hMSH2 sont à l’origine de 50 à 70 % des cas familiaux répondant aux critères d’Amsterdam ; hMSH6 est à l’origine de moins de 5 % des cas (27). Bien que ces estimations n’aient pas pris en compte la sensibilité incomplète de détection de mutations et que, par là, la contribution de ces gènes soit sous-estimée, d’autres gènes sont encore à identifier dans le cadre du syndrome HNPCC. La recherche au niveau de la tumeur d’une instabilité des microsatellites ou phénotype RER tumoral (ou MSI = MicroSatellile Instable) ou celle de la perte d’expression en immuno-
2. Critères d'Amsterdam : trois sujets atteints d'un cancer colorectal, dont l’un est uni par un lien de premier degré aux deux autres, appartenant au moins à deux générations et au moins un cas dont le diagnostic a été fait avant l'âge de 50 ans ; exclusion du diagnostic de polypose adénomateuse. 3. Nouveaux critères d’Amsterdam : trois sujets atteints d'un cancer du spectre HNPCC (côlon, rectum, endomètre, grêle, uretère et bassinet), dont l’un est uni par un lien de premier degré aux deux autres, appartenant au moins à deux générations et au moins un cas dont le diagnostic a été fait avant l'âge de 50 ans ; exclusion du diagnostic de polypose adénomateuse.
Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire
37
histochimie des protéines hMLH1, hMSH2 ou hMSH6 est une aide à l’indication de l’étude moléculaire des gènes MMR. Dans des familles présentant les critères d’Amsterdam stricts ou élargis, trois études ont évalué le risque relatif de cancer de l’ovaire. Ce risque varie entre 3.5 et 13. L’âge moyen au diagnostic a été estimé à 47 ans (28). Les risques cumulés à 70 ans varient entre 10 % et 12 % (28, 29). La contribution du syndrome HNPCC aux cas de cancer de l’ovaire a été peu examinée jusqu’à maintenant. Mentionnons néanmoins l’étude de Stratton qui a porté sur 101 femmes atteintes avant l’âge de 30 ans de formes épithéliales de cancer de l’ovaire et qui a recherché des altérations des gènes BRCA1, BRCA2, hMLH1 et hMSH2 (30). Les deux seules patientes porteuses d’une mutation présentaient une mutation hMLH1 (2 %, IC 1-8 %). La prise en compte des risques de cancer de l’ovaire chez les femmes prédisposées et non prédisposées et la fréquence dans la population des altérations des gènes hMLH1 et hMSH2 permet de calculer la fréquence des mutations attendues dans les cancers de l’ovaire. En retenant que le risque de cancer de l’ovaire est de l’ordre de 10 % en cas de syndrome HNPCC et de 1 % dans la population générale et en retenant que la fréquence du syndrome HNPCC est de 1 pour 1000 à 1/500 dans la population générale (31,32), on peut estimer que la contribution4 des altérations des gènes MMR aux cas de cancer de l’ovaire est de 1 à 2 %.
Prédispositions aux cancers de l’ovaire : situations peu fréquentes Nous pouvons retenir quatre autres formes de prédispositions au cancer de l’ovaire : – les dysgerminomes ovariens seuls ou associés à des cancers testiculaires ; – les tumeurs de l’ovaire survenant dans le syndrome de Peutz-Jeghers ; – les cas familiaux exceptionnels de carcinomes ovariens à petites cellules ; – le complexe de Carney.
Dysgerminomes ovariens associés à des cancers testiculaires Les cancers des cellules germinales de l’ovaire sont très rares (moins de 5 % des cancers de l'ovaire). La probabilité qu’une femme développe au cours de la vie ce type de cancer est de l’ordre de 0,05 %. Ces cancers se développent chez les 4. Estimation de la contribution des gènes MMR au cas de cancer de l’ovaire : Pr (mutation HNPCC si cancer ovaire) = Pr (mutation HNPCC) x Pr (cancer ovaire si mutation HNPCC) / Pr (mutation HNPCC) x Pr (cancer ovaire si mutation HNPCC) + Pr (pas de mutation HNPCC) x P(cancer ovaire si pas de mutation HNPCC).
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Les cancers ovariens
enfants ou les adultes jeunes. Quelques cas familiaux de part le monde ont été décrits avec une association de tumeurs des cellules germinales des ovaires (33). Ces familles se présentent, soit sous la forme d’une association familiale de cancer des cellules germinales de l’ovaire, soit sous forme d’une association de cancers des ovaires chez la femme et de cancer du testicule chez l’homme. Les tumeurs des ovaires retrouvées sont de type tératome immature ou choriocarcinome ; les tumeurs du testicules sont de type séminome ou tératome, dysgerminome. Le (ou les gènes) responsable(s) de ces formes familiales de cancer de l’ovaire ou formes familiales cancer de l’ovaire et des testicules n’est (ne sont) pas encore identifié(s).
La maladie de Peutz-Jeghers ou lentiginose péri-orificielle La maladie de Peutz-Jeghers est une pathologie très rare touchant de l’ordre d’1 personne sur 100 000. Elle est transmise selon le mode autosomique dominant. Elle est caractérisée par la présence de taches pigmentées de 1 à 5 mm touchant les muqueuses buccales, vulvaires, anales, les doigts et les genoux. Ces taches ont tendance à s’atténuer avec l’âge. Il existe des polypes hamartomateux du tractus digestif siégeant le plus souvent sur le grêle, le duodénum, l’estomac et parfois le côlon. Ces polypes volumineux sont à l’origine de syndromes occlusifs et d’hémorragies souvent distillantes. Il existe un risque de tumeurs digestives, pancréatiques, mammaires et de tumeurs ovariennes. Les tumeurs ovariennes peuvent être de type épithélial ou de type stromal (34). Il existe des tumeurs de la granulosa. La tumeur ovarienne la plus fréquente est la tumeur des cordons sexuels avec tubes annulaires (SCTAT pour Sex Cord Tumours with Annular Tubules). Il s’agit d’une tumeur de type histologique intermédiaire entre les tumeurs de la granulosa et les tumeurs des cellules de Sertoli chez l’homme. Les SCTAT sont des tumeurs sécrétrices et calcifiantes. Parmi les patientes avec une SCTAT, 36 % ont une maladie de Peutz-Jeghers. Un gène a été identifié, STK11, gène codant pour une kinase dont les protéines cibles ne sont pas encore connues. Les mutations de STK11 rendent compte de seulement 50 % des cas de Peutz-Jeghers, suggérant l’existence d’une hétérogénéité génétique (35).
Cancer de l’ovaire à cellules claires avec hypercalcémie Le cancer de l’ovaire à cellule claire associé à une hypercalcémie a été décrit pour la première fois en 1982 (36). Ces tumeurs sont dans deux tiers des cas unilatérales, de mauvais pronostic, et se développent chez des femmes très jeunes. De rares formes familiales ont été décrites avec un mode de transmission qui semble être autosomique récessif (5). Le ou les gènes impliqués ne sont pas encore identifiés.
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Complexe de Carney Le complexe de Carney décrit en 1985 est une association de lentiginose pigmentaire, de mixomes subcutanés, de fibro-adénomes mixoïdes mammaires, de mixomes cardiaques et de néoplasies gonadiques et endocrines (37). Le complexe de Carney existe sous deux formes, sporadique ou familiale et alors compatible avec une transmission autosomique dominante. Le tableau clinique est identique dans les deux formes. Les patients sont prédisposés à certaines tumeurs bénignes et malignes, comme les polypes et les cancers du côlon, de l’estomac, de la thyroïde et des ovaires. L’atteinte ovarienne se présente le plus souvent sous forme de lésions bénignes : cysadénomes séreux, kystes complexes, kystes dermoïdes ou tératomes. Dans de rares cas elle se présente sous forme de lésions malignes, adénocarcinomes endométrioïde ou séreuse. L’atteinte ovarienne, quel que soit son caractère (bénin ou malin), est présente dans 58 à 67 % des cas. Il n’y a pas plus de kyste et de cancer des ovaires dans les formes familiales que dans les formes sporadiques. Une analyse rétrospective de 178 cas de complexe de Carney a mis en évidence que le risque de cancer épithélial de l’ovaire est de 1,12 % (2/178) (6). Les deux cas de cancer de l’ovaire sont survenus dans la cinquième décade. Le risque de cancer de l’ovaire est trop faible pour justifier une surveillance régulière, mais l’échographie pelvienne à la recherche de lésion ovarienne pourrait faire partie du bilan initial de la maladie. Si une lésion ovarienne est identifiée, alors une surveillance régulière est mise en place (6). Il existe une hétérogénéité génétique du syndrome de Carney avec des formes liées au chromosome 17p et d’autres liées au chromosome 2p. Des mutations inactivatrices ont été identifiées dans le gène PRKARIA localisé en 17p22 (38). PRKARIA est un gène codant pour la sous-unité régulatrice de type Ia de la protéine kinase A (PKA).
Diagnostic moléculaire des deux formes majeures de prédisposition Les mutations des gènes BRCA1/2 et MMR associées à un risque tumoral sont de type inactivateur. Il s’agit dans la majorité des cas de mutations conduisant à une protéine tronquée : mutations stop, délétions ou insertions de quelques nucléotides rompant le cadre de lecture, anomalies d’épissage ou, enfin, réarrangements de grande taille. Ces mutations sont distribuées sur l’ensemble de la séquence codante des différents gènes. Devant la diversité des mutations et leur distribution, la première recherche de mutation dans une famille est particulièrement difficile et laborieuse (plusieurs semaines de travail). La signification d’un résultat négatif lors d’une première étude reste limitée, n’éliminant pas le diagnostic de prédisposition.
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Les cancers ovariens
En effet, nous avons vu que les altérations de ces différents gènes ne rendent pas compte de 100 % des prédispositions héréditaires. De plus, la sensibilité des techniques de détection de mutation est estimée à 80 %. En revanche, la recherche de mutation effectuée chez les apparentés après identification de la mutation dans la famille est simple car ciblée sur l’altération identifiée et expérimentalement rapide (quelques jours). La signification d’un résultat négatif est claire : si l’altération identifiée dans la famille n’est pas détectée, ceci élimine le diagnostic de prédisposition. C’est afin de pouvoir donner un résultat de qualité chez les apparentés que la première étude génétique dans une famille est réalisée chez la personne la plus susceptible d’être prédisposée, c’est-à-dire en général une personne qui a été malade ou « cas index ».
Indications d’études moléculaires Les indications des études des gènes BRCA1/2 et MMR sont fonction de la probabilité d’identifier une mutation. Le seuil d’une probabilité supérieure ou égale à 10 % a été retenu en 2004 par le groupe d’experts réunis par la DGS pour la mise à jour de l’expertise collective INSERM-FNCLLC sur la prise en charge des femmes à risque de cancer du sein et de l’ovaire et, par le second groupe d’experts pour une expertise collective sur la prise en charge du syndrome HNPCC (39,40). Concernant les études des gènes BRCA1/2, une probabilité d’identifier une mutation supérieure ou égale à 10 % correspond, à titre d’exemple, aux situations suivantes : – au moins trois cas de cancers du sein ou de l’ovaire chez des femmes apparentées par un lien de premier ou second degré et appartenant à la même branche parentale ; – deux cas de cancers de l’ovaire chez deux femmes apparentées au premier degré ; – un cas de cancer du sein et un cas de cancer de l’ovaire chez deux femmes apparentées au premier degré ; – une femme ayant été atteinte d’un cancer du sein et d’un cancer de l’ovaire, les deux tumeurs étant primitives. Concernant les études des gènes MMR, la situation est un peu différente. En effet, en plus des critères familiaux, des critères liés aux caractéristiques des tumeurs sont une aide aux indications des études moléculaires : phénotype RER et tests immuno-histochimiques. Les indications peuvent être résumées en trois situations : devant la présence des nouveaux critères d’Amsterdam, des critères d’Amsterdam élargis associant deux apparentés au premier degré ayant un cancer du spectre HNPCC avec un cas dont le diagnostic a été fait avant 50 ans, de critères individuels (comme un cancer du côlon avant 40 ans ou à un cancer du côlon avec un antécédent personnel de cancer du côlon ou de l’endomètre). En dehors de ces trois situations, devant un tableau clinique incomplet, la
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présence d’une instabilité tumorale (phénotype RER) ou la perte d’expression d’une protéine hMLH1, hMSH2 ou hMSH6 (test immuno-histochimique) conduira à l’indication d’une analyse moléculaire des gènes MMR. Enfin, rappelons que toute situation familiale doit être discutée dans le cadre d’une consultation de génétique et que c’est le médecin consultant qui retiendra en dernier lieu l’indication d’une étude génétique. Les études génétiques sont réalisées après une consultation d’information et l’obtention du consentement libre et éclairé des patients. Un soutien psychologique doit être proposé.
Prise en charge La prise en charge dépend de la situation de prédisposition dans laquelle on se trouve. Dans le cas d’une mutation BRCA1/2 avérée, qu’il y ait ou non un cas de cancer de l’ovaire dans la famille, l’expertise collective INSERM-FNCLCC recommande une annexectomie prophylactique à partir de 40 ans ou dès 35 ans, si le projet parental a été accompli (39). Dans notre pratique, à l’institut Curie, l’annexectomie est recommandée dans les mêmes conditions devant une altération du gène BRCA1 ou devant une altération de BRCA2 et la présence d’un cas de cancer de l’ovaire dans la famille. L’annexectomie est différée vers l’âge de 50 ans devant une altération de BRCA2 en l’absence d’antécédents de cancer de l’ovaire dans la famille (tableau II). Lorsque, à l’issue des études moléculaires, aucune altération BRCA1/2 n’a été mise en évidence, il reste licite, sous réserve d’une histoire familiale vérifiée, de discuter dans certains cas l’annexectomie prophylactique comme, par exemple, chez une femme apparentée au premier degré avec une femme atteinte de cancer de l’ovaire, voire chez une apparentée de second degré lorsque l’intermédiaire est un homme. L’annexectomie prophylactique est une décision pluridisciplinaire. Ce geste est assez bien accepté par les femmes. Néanmoins, il peut exister, en dehors des répercutions physiologiques des répercutions psychologiques qui doivent être anticipées et prises en compte. La surveillance des ovaires par échographie pelvienne annuelle à partir de l’âge de 35 ans est proposée. Cependant, l’efficacité de la surveillance par échographie étant discutable, l’expertise collective INSERM-FNCLCC laisse à l’appréciation du clinicien l’indication de cette surveillance (39). En dehors de la prise en charge du risque ovarien, une surveillance mammaire doit être mise en place par un examen clinique des seins deux à trois fois par an à partir de l’âge de 20-25 ans, associée à une mammographie plus ou moins échographie annuelle à partir de l’âge de 30 ans, voire avant 30 ans lorsqu’un cas est apparu avant l’âge de 35 ans (cinq ans avant l’âge du diagnostic de cancer du sein le plus précoce dans la famille). Il est important de mentionner que l’annexectomie prophylactique diminue, non seulement le risque de cancer de l’ovaire, mais également le risque de cancer du sein (diminution de l’ordre de 50 %) (41). Après une annexectomie prophylactique chez une femme qui n’a pas développé de cancer
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Les cancers ovariens
du sein se discute la place d’un traitement hormonal substitutif (THS). Le THS est indiqué si la femme présente des effets secondaires invalidants de la ménopause (troubles importants du climatère altérant la qualité de vie). Le THS est possible jusqu’à l’âge physiologique de la ménopause, soit environ 50 ans. Après 50 ans, son indication est plus discutable, la patiente discutera avec son gynécologue pour évaluer le rapport bénéfice/risque d’un THS ; cette évaluation doit être réalisée tous les ans. Dans un contexte HNPCC, l’expertise collective ne retient pas de surveillance ovarienne car le risque de cancer de l’ovaire est jugé faible (40). L’attitude retenue par l’expertise est différente de la surveillance proposée par Lynch et al., qui recommandent une échographie annuelle dès l’âge de 30 ans et un dosage sérique du CA125 (42). Dans tous les cas, l’ovariectomie seule n’est pas recommandée ; en revanche, elle est discutée à l’occasion d’une intervention chirurgicale abdomino-pelvienne. Par ailleurs, le diagnostic de syndrome HNPCC conduit également à la mise en place, d’une part, d’un suivi annuel de l’endomètre par échographie ou hystéroscopie à partir de l’âge de 30 ans et, d’autre part, d’un suivi biennal du côlon par coloscopie débuté entre 20 et 25 ans. Il est recommandé de compléter la coloscopie en utilisant un colorant de type indigo-carmin afin de détecter des polypes qui seraient passés inaperçus lors de la coloscopie standard.
Conclusion Des progrès considérables ont été faits au cours de ces dix dernières années sur la compréhension des prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire. Il existe une variabilité inter- et intrafamiliale des risques tumoraux chez les patients porteurs d’une mutation d’un gène BRCA1/2 ou MMR. Cette variabilité pourrait être due à l’existence de facteurs modificateurs dont des facteurs génétiques. L’identification de ces facteurs génétiques est difficile mais d’un grand intérêt. En effet, elle devrait permettre une meilleure compréhension des risques tumoraux et par-là l’amélioration de la prise en charge des femmes à risque. La prise en charge du risque ovarien chez les femmes porteuses d’une mutation d’un gène BRCA1/2 peut aller jusqu’à l’annexectomie prophylactique. Il s’agit d’un geste mutilant qui n’est pas satisfaisant. Des études récentes par spectrométrie de masse ont permis de mettre en évidence des profils protéiques spécifiques des cancers de l’ovaire à des stades I (43). Ces études très prometteuses permettraient, chez les patientes à risque, de faire des diagnostics à des stades très précoces qui sont de meilleur pronostic que les formes de cancer de l’ovaire dépistées par une surveillance échographique. Remerciements Les auteurs remercient le Dr Anne Vincent-Salomon pour le partage de ses connaissances en anatomo-pathologie.
Prédispositions génétiques aux cancers de l’ovaire
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Données biologiques
Hypothèses physiopathologiques dans les tumeurs épithéliales de l’ovaire C. Borg et E. Guardiola
Les tumeurs épithéliales de l’ovaire représentent la première cause de mortalité par cancer gynécologique chez la femme. Le cancer de l’ovaire représente en France, chaque année, 4 000 patientes dont 70 % des cas sont diagnostiqués à des stades tardifs. Le traitement des tumeurs épithéliales de l’ovaire de stade III ou IV, essentiellement basé sur la chirurgie et l’administration de chimiothérapies associant le plus souvent des sels de platine et des taxanes, ne permet la guérison que de 20 % à 30 % des patientes. 90 % des cancers de l’ovaire sont décrits comme ayant une origine épithéliale. L’ovaire est une structure complexe constituée de nombreux types cellulaires, assurant les fonctions de l’ovulation et une production hormonale. L’épithélium ovarien se différencie à partir de l’épithélium cœlomique, au cours de la phase précoce de l’embryogenèse. De nombreuses études ont permis de mieux comprendre les processus de l’oncogenèse des cancers. Les travaux de Fearon et Volgenstein ont permis d’établir un modèle de cancérogenèse multi-étapes, montrant que la transformation de lésions bénignes de l’épithélium colique en cancer est le fait de l’accumulation d’altérations génétiques (1). Cependant, si ces travaux ont suscité de nombreux progrès dans la biologie du cancer, les mécanismes spécifiques de l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire restent méconnus et ces cancers sont toujours actuellement de mauvais pronostic. Une meilleure compréhension des mécanismes de l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire reste nécessaire pour l’introduction de thérapies ciblées dans cette pathologie. Néanmoins, l’étude de la biologie de ces cancers est entravée par leur découverte clinique tardive, la diversité des présentations histologiques et l’absence de modèles animaux. Ainsi, ce chapitre est dédié à la synthèse des données qui permettent l’identification des principaux gènes impliqués dans la genèse des cancers de l’ovaire. Dans un premier temps, nous rapporterons quels sont les gènes « candidats » identifiés dans les principales formes de cancers héréditaires de l’ovaire, puis nous exposerons quelles sont les anomalies génétiques récurrentes dans les formes sporadiques de cancers de l’ovaire, et enfin, nous décrirons les modèles
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Les cancers ovariens
murins élaborés récemment où sont analysées les différentes étapes impliquées dans l’oncogenèse des cancers de l’ovaire.
Existe-t-il des lésions ovariennes tumorales de différents stades de malignité ? L’histoire naturelle des tumeurs épithéliales de l’ovaire explique en partie la complexité de l’étude des mécanismes oncogénétiques. On distingue cinq types histologiques distincts : les tumeurs séreuses papillaires, les tumeurs endométrioïdes, les tumeurs mucineuses, les tumeurs à cellules claires, les carcinomes à cellules transitionnelles. Par ailleurs, on peut également distinguer plusieurs catégories de tumeurs de l’ovaire correspondant à des lésions de différents stades de malignité : les tumeurs bénignes, les tumeurs « borderline » et les tumeurs malignes. Une filiation entre une prédisposition à des lésions pré-cancéreuses ou à faible degré de malignité et des lésions malignes invasives n’a jamais été démontrée. Resta et al. ont étudié une cohorte de 200 patientes opérées de cancers ovariens unilatéraux et observé la présence de lésions hyperplasiques ou métaplasiques de l’épithélium de surface des ovaires controlatéraux dans 92 % des cas, suggérant la possibilité de l’existence de lésions prédisposant aux cancers ovariens (2). L’analyse comparative des remaniements génétiques des tumeurs ovariennes de différents stades de malignité pourrait permettre l’identification des anomalies communes aux différentes entités nosologiques. Cette approche pourrait orienter la recherche des altérations génétiques impliquées dans l’oncogenèse des cancers ovariens. Ainsi, l’étude génétique des cancers ovariens à l’échelle chromosomique par technique d’hybridation génomique comparative (CGH) a mis en évidence des gains ou des pertes de matériel génétique récurrents dans les grandes entités des tumeurs épithéliales. Cheng et al. ont montré qu’il existait une perte d’hétérozygotie affectant le bras q du chromosome X, dans les tumeurs « borderline ». L’étude de la méthylation de l’ADN a montré que cette perte d’hétérozygotie affectait le chromosome X inactivé (3). Ce profil de CGH différait des observations élaborées à partir de l’analyse de tumeurs épithéliales invasives, suggérant que ces entités ont des histoires naturelles distinctes. Ainsi, les techniques d’analyse des remaniements chromosomiques n’ont pas abouti à l’identification d’altérations génétiques communes aux tumeurs ovariennes de différents stades de malignité. Les mécanismes de l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire sont longtemps restés méconnus. La caractérisation des mécanismes physiopathologiques des cancers ovariens a nécessité la synthèse de données émanant de trois axes différents : – l’étude des anomalies génétiques germinales prédisposant aux cancers de l’ovaire ;
Hypothèses physiopathologiques dans les tumeurs épithéliales de l’ovaire
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– l’observation anatomo-pathologique par immuno-histochimie ou biologie moléculaire des altérations moléculaires récurrentes, dans les tumeurs sporadiques ; – les données apportées par les modèles murins.
Les formes héréditaires de cancers ovariens. L’étude des cancers ovariens familiaux permet d’identifier des candidats impliqués dans l’oncogenèse de ces tumeurs. En effet, si 90 % des tumeurs épithéliales de l’ovaire sont sporadiques, 10 % d’entre elles sont héréditaires. On distingue, parmi ces dernières, deux maladies héréditaires à transmission autosomique dominante.
Syndrome des cancers héréditaires du sein et de l’ovaire. Les cancers du sein et de l’ovaire héréditaires sont associés le plus souvent à des mutations des gènes BRCA1 (Breast Cancer 1) et BRCA2 (respectivement dans 65 % et 75 % des cancers ovariens héréditaires). BRCA1 (chromosome 17q) et BRCA2 (chromosome 13q) sont deux gènes suppresseurs de tumeurs. La probabilité de développer un cancer de l’ovaire pour des patientes porteuses de mutations de ces gènes est de 10 à 63 %. La variabilité de cette pénétrance rend compte de l’importance de facteurs environnementaux, hormonaux ou de l’acquisition d’événements génétiques supplémentaires (4). Des mutations de BRCA1 sont aussi identifiées dans les formes sporadiques de cancer de l’ovaire, suggérant une fonction suppressive de tumeur dans ce contexte (5). BRCA1 et BRCA2 ont majoritairement une activité d’activateur transcriptionnel et de régulateur de la réparation de l’ADN. BRCA1 est une protéine impliquée dans la détection des anomalies nucléotidiques, des cassures simple-brin et double-brin. BRCA1 intègre le complexe de l’ARN polymérase II pour identifier précocement les anomalies de la réplication de l’ADN. BRCA2 pourrait interagir avec la protéine RAD51 impliquée également dans la réparation de l’ADN.
Le syndrome des cancers colorectaux non polypoïdes héréditaires (HNPCC) Le syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer) est caractérisé par l’apparition de cancer du cadre colique droit, de l’endomètre et des ovaires. Ce syndrome implique des anomalies des gènes codant pour le système de réparation des mismatch (MMR) (6). La plupart des cancers ovariens de ces
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syndromes héréditaires sont des tumeurs séreuses. Les tumeurs « borderline » et mucineuses sont rarement observées dans ce contexte. Ces données suggèrent encore une distinction dans l’initiation de l’oncogenèse entre ces différentes entités. Le syndrome HNPCC implique une anomalie germinale d’un gène impliqué dans la réparation de l’ADN comme MSH2, MLH1, MSH6, PMS1 ou PMS2. La perte de fonction de ces gènes est associée à une instabilité du génome tumoral, caractérisée par l’insertion ou la délétion de nucléotides dans des loci du génome comprenant des séquences répétées. Cette instabilité génétique favorise l’accumulation de mutations favorables à l’évolution maligne des processus tumoraux. L’altération des fonctions contrôlées par ces gènes pourrait être importante pour l’oncogenèse ovarienne.
Anomalies génétiques observées dans les cancers sporadiques de l’ovaire D’une manière générale, l’oncogenèse associe des remaniements génétiques permettant la perte de la fonction d’un gène suppresseur de tumeur, l’activation d’un oncogène et l’apparition d’un phénotype d’instabilité génétique favorisant l’accumulation de mutations au sein de certains gènes qui peuvent conférer aux cellules tumorales les capacités de prolifération, d’invasion, de migration, d’angiogenèse et de résistance à l’apoptose.
Perte de gènes suppresseurs de tumeur L’étude de marqueurs polymorphiques permettant l’analyse de la perte d’allèles dans les tumeurs a révélé de fréquentes pertes d’hétérozygotie affectant les régions chromosomiques 6p, 11p, 13q, 14q, 17p, 17q, 18q, 22q et Xp. Cela peut signifier l’implication de nombreux gènes suppresseurs de tumeurs dans l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire ou une instabilité chromosomique (3, 7). On note la fréquence des altérations du bras court du chromosome 17 dans la séquence codant pour p53 dans les tumeurs épithéliales de l’ovaire à fort potentiel de malignité, contrairement aux formes bénignes ou « borderline » (8). De même, les altérations du locus 17q22-23 codant pour BRCA1 sont fréquentes. Pieretti et al. ont montré que l’absence du chromosome 17 dans des tumeurs épithéliales séreuses de l’ovaire était associée à un haut grade nucléaire. Ces données suggéreraient que la perte du chromosome 17 pourrait conférer aux cellules tumorales un avantage sélectif lors de la progression tumorale correspondant à un phénotype tumoral plus agressif (9). A l’inverse, les pertes du chromosome 17 ne sont pas fréquentes dans les tumeurs mucineuses de l’ovaire.
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Les pertes d’hétérozygotie observées sur d’autres chromosomes ont permis de suspecter que la perte d’autres gènes suppresseurs de tumeur pourrait être impliquée dans l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire. Ainsi, PTEN, une phosphatase codée par un gène sur le locus 10q23.3, est mutée dans un certain nombre de cancers endométrioïdes. PTEN contrôle négativement l’activation de la voie AKT/mTOR. On a également observé des mutations des gènes codant pour les protéines contrôlant négativement les cyclines, qui permettent la progression du cycle cellulaire. Ainsi, il est possible d’observer des délétions homozygotes de P16 dans 15 % des tumeurs épithéliales de l’ovaire (10). P16 est une protéine de la famille INK4 (cyclin-dependent kinase-4 inhibitor genes), qui contrôle négativement la progression du cycle cellulaire. D’autres inhibiteurs du cycle cellulaire comme P15, P18 et P19 peuvent être altérés dans les cancers ovariens. Disabled homolog 2 (DAB2) est une protéine impliquée dans l’organisation des cellules épithéliales ovariennes. Des études immuno-histochimiques ont montré la perte de l’expression de DAB2 dans 80 % des cancers ovariens (11).
Gain d’un oncogène Les oncogènes codent pour des molécules favorisant la transformation et la progression des cellules cancéreuses. Ces molécules peuvent être des peptides ou protéines interagissant avec des récepteurs aux facteurs de croissance, des molécules de signalisation intracellulaire ou des facteurs de transcription favorisant la prolifération, la survie ou la migration des cellules tumorales. Le récepteur c-erb2 est surexprimé dans moins de 25 % des cancers de l’ovaire. Cependant, une étude comparant les tumeurs primitives et les lésions obtenues au décours de la progression de ces cancers sous forme d’ascite, montre que la majorité des maladies évolutives expriment c-erb2 (12). Ceci peut signifier que l’acquisition de c-erb2 est corrélée à un avantage sélectif pour la prolifération de certaines cellules tumorales. Néanmoins, l’implication de l’expression de c-erb2 dans le pronostic et la prédiction de la réponse thérapeutique est toujours un point controversé. La protéine RAS est une protéine intracytoplasmique liée à la membrane plasmique. RAS a une activité GTPasique. Certaines mutations de RAS induisent une activation constitutive de cette molécule qui engendre la phosphorylation de la sérine thréonine kinase sous-jacente et l’activation chronique des voies de signalisation intracellulaire. Des mutations activatrices des gènes de la famille RAS ont été observées dans les tumeurs mucineuses de l’ovaire (13). Ortiz et al. ont étudié les mutations survenant dans le gène codant pour K-RAS dans une cohorte de tumeurs à faible potentiel de malignité et de tumeurs épithéliales séreuses invasives survenant secondairement. Ces auteurs décrivent des mutations de K-ras différentes dans ces deux entités. Ces données suggèrent que l’oncogenèse des tumeurs séreuses « borderline » et
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invasives est distincte et confirment l’absence de filiation évidente entre ces deux maladies (14). AKT1 et 2 sont des serine threonine kinases activées en réponse à des facteurs de croissance et stimulées par la PIK3C (phosphatidyl inositol kinase 3C). L’expression de AKT1 et 2 est augmentée dans les cancers ovariens et associée à un haut grade nucléaire et à un mauvais pronostic (15). Certains oncogènes codant pour des facteurs de transcription peuvent également être impliqués dans l’oncogenèse des cancers ovariens. Ainsi, les oncogènes de la famille MYC peuvent être surexprimés ou amplifiés dans 25 à 35 % des tumeurs épithéliales de l’ovaire (16). Une autre voie potentiellement impliquée dans l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire est la voie de signalisation de WNT induite par la libération de la β-catenin, qui interagit normalement avec la E-cadhérine. La β-catenin est codée par le gène CTNNB1. La voie de signalisation induite par WNT permet la transcription d’élément génomique du groupe TCF (T-cell factor). Ces éléments comprennent, entre autres, APC et la cycline D1. Dans les cancers de l’ovaire de type endométrioïde, des mutations de CTNNB1 et une localisation nucléaire de la β-catenin ont été observées (17).
Les anomalies géniques associées aux tumeurs ovariennes peuvent être liées aux mécanismes d’inactivation du chromosome X Il existe une répartition inégale des protéines codées par les gènes des chromosomes X entre les hommes (XY) et les femmes (XX). Des mécanismes d’inactivation du chromosome X permettent la régulation du dosage génique des molécules codées par le chromosome X. Ces mécanismes impliquent la reconnaissance d’un des chromosomes X par un ARN non codant (Xist), qui se lie à un chromosome X pour initier des remaniements épigénétiques. Ainsi, l’inactivation du chromosome X repose sur des processus de méthylation et l’intervention d’histones spécialisés (Macro H2A) qui bloquent l’expression de nombreux gènes sur ce chromosome X. Ganesan et al. ont montré que BRCA1 pouvait interagir spécifiquement avec le chromosome X inactif. Les cellules dépourvues de BRCA1 perdent l’expression de Xist et de MacroH2A, ce qui signifie l’absence du mécanisme permettant l’inhibition d’un chromosome X et l’altération possible du contrôle du dosage génique des allèles portés par les chromosomes X (18). Ainsi, les femmes portant des mutations de BRCA1 pourraient être exposées préférentiellement au développement de cancers liés à une augmentation de l’expression de protéines oncogéniques portées par le chromosome X (19). Cheng et al. (3) ont rapporté que les pertes d’hétérozygotie observées dans les cancers ovariens affectent préférentiellement le chromosome X inactivé.
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Ainsi, l’étude des fonctions antioncogéniques des gènes portés par le chromosome X et spécifiquement régulés par les mécanismes d’inactivation pourrait permettre de mieux comprendre la biologie des cancers de l’ovaire.
Contribution des modèles tumoraux à la définition des mécanismes de l’oncogenèse ovarienne Des modèles physiopathologiques suggérant une origine inflammatoire ou traumatique du cancer de l’ovaire ont longtemps résumé nos connaissances dans le domaine de l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire (20, 21). Les données permettant la démonstration formelle de l’implication d’oncogènes ou de gènes suppresseurs de tumeurs sont récentes et reposent sur l’élaboration de modèles murins. Ces modèles constituent une avancée majeure dans la compréhension de l’oncogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire et dans le développement des thérapies ciblées. Orsulic Sandra et al. ont utilisé un modèle murin exprimant un récepteur pour un Rétrovirus aviaire. Les cellules ovariennes de souris wild type ou déficientes pour p53 furent infectées ex vivo avec les oncogènes c-myc, K-ras, AKT seuls ou en combinaison, puis réinjectées à des souris. Ces auteurs rapportent d’abord que la perte de fonction de p53 est nécessaire à l’initiation de la transformation en tumeur épithéliale ovarienne. L’intégrité de p53 prévient la transformation en cancer ovarien quelle que soit la combinaison d’oncogènes transférée aux souris. Ces travaux incluent l’oncogenèse des tumeurs ovariennes dans le cadre du modèle de cancérogenèse multi-étapes décrit par Volgenstein. La transformation en cancer de l’ovaire nécessite, dans ce modèle, l’absence de p53 et l’augmentation de l’expression de deux oncogènes (c-myc, K-ras ou AKT) (22). Dans les cancers endométrioïdes, Dinulescu DM et al. ont identifié le rôle de PTEN et K-ras. Ces auteurs ont modulé l’expression du gène suppresseur de tumeur PTEN ou de l’oncogène K-ras par injection d’Adénovirus dans l’environnement ovarien murin (23). Dans ce modèle, la perte de PTEN ou l’augmentation de l’expression de K-ras engendre des lésions dysplasiques. L’association de la perte de la fonction de PTEN et de l’activité oncogénique de K-ras induit l’apparition de tumeurs malignes endométrioïdes. Le développement de tels modèles est indispensable pour analyser au mieux l’intérêt des thé-rapeutiques ciblées. Ainsi, les délétions de PTEN étant associées à une augmentation de l’activité PI3K, AKT, mTOR, les tumeurs endométrioïdes pourraient être des cibles de la rapamycine. Des inhibiteurs de PI3K peuvent également cibler ces voies de transduction. D’autres molécules inhibant le récepteur à l’EGF (epidermal grow factor) et le VEGF sont en cours de développement clinique.
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Conclusion Les récents progrès émanant de l’élaboration de modèles murins pertinents montrent que l’oncogenèse des tumeurs de l’ovaire répond à un modèle multiétapes. L’altération de la fonction de p53 est probablement un événement oncogénique précoce, suivi de l’activation d’un oncogène. Ces modèles vont permettre de rechercher et d’évaluer des thérapeutiques ciblées. L’analyse protéomique des tumeurs épithéliales de l’ovaire permettra la description fonctionnelle des voies de signalisation activées et la prescription adaptée de ces thérapeutiques ciblées. L’inhibition de la transduction des signaux moléculaires d’activation peut également se concevoir en association avec les traitements cytotoxiques pour prévenir les mécanismes de chimiorésistance.
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Hormonosensibilité des cancers ovariens épithéliaux P. Pujol
Introduction La majorité des tumeurs épithéliales ovariennes exprime les récepteurs des hormones stéroïdes sexuelles : récepteurs des estrogènes (RE), de la progestérone (RP) et des androgènes (RA, 1). Le faible taux de réponse aux thérapeutiques anti-hormonales (environ 10 %), proposées initialement dans les formes avancées après échec de la chimiothérapie, a fait longtemps considérer ce cancer comme peu hormono-dépendant. Cependant, des données expérimentales et cliniques récentes confirment que les estrogènes peuvent promouvoir la progression tumorale dans un sous-groupe de cancers ovariens. Ces données nouvelles font réexaminer le rôle des estrogènes dans la progression tumorale ovarienne et envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques anti-hormonales. Nous aborderons successivement les données cliniques et biologiques sur l'hormono-sensibilité des cancers ovariens.
Aspects cliniques THS et risque de cancer de l'ovaire : un rôle promoteur des estrogènes ? Les études épidémiologiques analysant l'effet du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS) sur le risque de cancer ovarien (cas-témoins, cohortes ou méta-analyses, fig. 1) ont donné jusqu'à présent des résultats contrastés (2-15). Trois études prospectives récentes indiquent cependant une augmentation significative du risque d’incidence ou de mortalité de cancer chez les utilisatrices (13-15). La première, réalisée sur une population de 211 500 femmes américaines, montre que les estrogènes utilisés en postménopause dans le cadre d’un THS augmente la mortalité par cancer de l’ovaire (fig. 2a) (13).
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Cas contrôle Weiss, 1982 Booth, 1989 Purdie, 1995 Hempling, 1997 Purdie, 1999 Parrazini, 1994 Riman, 2002 Risch, 1996 Prospective Hunt, 1987 Adami, 1989 Rodriguez, 1995 Rodriguez, 2001 Lacey, 2002 Anderson, 2003
Fig. 1 – Risque relatif de cancer de l’ovaire dans les études épidémiologiques cas-contrôles ou prospectives. Les points représentent le risque relatif pondéré par le nombre de patientes. Les barres indiquent l’intervalle de confiance à 95 %.
L'étude de Lacey et al. (14), qui porte sur une cohorte de 44 241 femmes, semble confirmer une augmentation de l’incidence et ce, de façon dépendante de la durée d'utilisation du THS (fig. 2b). Ainsi, chez les femmes qui utilisent depuis dix-neuf ans ou plus un traitement par estrogènes, le risque relatif est de 3,2. L'étude randomisée du WHI (Women’s Health Initiative) confirme que l'association estrogènes et progestatifs pourrait augmenter le risque relatif de cancer de l’ovaire (15). L'étude anglaise portant sur un million de femmes ayant eu un THS n'a pas encore étudié cette question (16).
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Fig. 2 – Risque relatif de mortalité (A) et d’incidence (B) par cancer de l’ovaire sous THS en fonction de la durée d'utilisation des estrogènes.
Hormonothérapie des cancers épithéliaux de l'ovaire Les progestatifs à forte dose et l'anti-estrogène tamoxifène sont les traitements hormonaux qui ont été les plus étudiés dans le cancer de l'ovaire (17). Leur taux de réponse tumorale varie considérablement selon les études (de 0 à 56 % pour le tamoxifène, tableau I, 18-37). Le taux global de réponse objective a été estimé à 8 % pour le tamoxifène et à 7 % pour les progestatifs sur l'ensemble des études (17). Un pourcentage plus important de patientes (20-75 %) bénéficient d'une stabilisation de la progression tumorale. Paradoxalement, la réponse au tamoxifène ne semble pas dépendante du statut en récepteurs hormonaux dans certaines études (21, 25, 23), ni de la réponse préalable aux sels de platine (35). Les évaluations de la réponse-dose (33) ou du traitement séquentiel progestérone/tamoxifène (26, 32) n'ont pas permis d'obtenir des résultats significatifs. Enfin, les carcinomes endométrioides seraient plus sensibles aux thérapeutiques hormonales que les autres sous-types histologiques épithéliaux (20). Il faut rappeler que le tamoxifène a toujours été évalué en seconde ou troisième ligne, après échec de la chimiothérapie (17, 37, 38). De plus, il n'est pas clairement établi que le tamoxifène se comporte comme un antagoniste pur au niveau du tissu ovarien. Un effet agoniste partiel au niveau ovarien, tel que celui observé au niveau de l’endomètre, n'est pas exclu. Ainsi, de nouvelles stratégies thérapeutiques, pourraient être étudiées in vitro ou en traitement de formes avancées.
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Vers de nouvelles stratégies anti-hormonales ? De nouvelles thérapeutiques anti-œstrogéniques, telles que les anti-œstrogènes purs et les inhibiteurs de l’aromatase (IA) sont à l’étude. Après la ménopause, période habituelle du diagnostic, la conversion des androgènes par l’aromatase est la source majeure des estrogènes. En outre, l'aromatase intratumorale pourrait produire localement des concentrations significatives d’estradiol. Une activité aromatase a ainsi été mise en évidence dans les cellules épithéliales ovariennes normales (85, 86) et cancéreuses (87, 88). L’activité aromatase des lignées épithéliales ovariennes BG-1 (89) et NIH : OVCAR-3 (90) est inhibée in vivo par les IA. Récemment, nous avons confirmé l'expression de l'aromatase dans un sous-groupe de cancers épithéliaux de l'ovaire et montré que les IA pouvaient inhiber la prolifération cellulaire de lignées cellulaires exprimant l'aromatase (42). Deux études cliniques de phase II montrent que le létrozole peut induire une réponse tumorale (15 %), une réponse biologique (chute du marqueur CA125, 15 à 50 %) ou une stabilisation du marqueur (18 à 25 %) (39, 40).
Aspects biologiques Œstrogènes, récepteurs des œstrogènes et protéines œstrogéno-induites L’ovaire a la particularité d'être à la fois un tissu producteur et un tissu cible des œstrogènes. Comme l’épithélium normal, les cancers épithéliaux ovariens expriment généralement les RE (67 % des cas dans l'étude poolée regroupant 47 séries de Rao et Slotman) (1). La prolifération épithéliale ovarienne et la régulation d’un certain nombre de gènes exprimés dans la cellule épithéliale pourraient donc se trouver sous la dépendance des œstrogènes produit par l'ovaire lui-même (fig. 3) (41). Après la ménopause, la principale source d'œstrogènes est la conversion des androgènes circulants par l'aromatase. Récemment, nous avons pu confirmer l'expression de l'aromatase par la cellule épithéliale ovarienne normale et cancéreuse (42).
Les œstrogènes induisent la prolifération des lignées cellulaires de cancers ovariens L’effet prolifératif des œstrogènes a été démontré dans différentes lignées de cancer de l’ovaire exprimant les REs (43, 44) (fig. 4). Cet effet mitogène peut être inhibé par l’utilisation d’anti-œstrogènes tels que le tamoxifène (45). Le 17bœstradiol (E2) pourrait également agir sur d’autres étapes de la carcinogenèse,
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Estrogènes Androgènes Autres hormones Fibroblates Cathepsine D
Cellule ovarienne
Fibronectine Laminine Fibuline-1 Kallikreine
Fig. 3 – Événements moléculaires impliqués dans la progression tumorale ovarienne et rôle potentiel des estrogènes. ECM : matrice extracellulaire, TGFα : transforming growth factor α, EGF : epidermal growth factor, IGF : insulin-like growth factors, TGFβ : transforming growth factor β, PDGF : plate-letderived growth factor, FGF : fibroblast growth factor, VEGF : vascular endothelial growth factor.
Fig. 4 – Polifération cellulaire de lignée de cancer de l’ovaire BG-1 induite par l’estradiol. Les cellules ont été cultivées 4 jours en l’absence ou en présence d’estradiol [1nM] (x 20. D’après Cunat et al. 40).
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telles que l’invasion et la motilité cellulaire (46, 47). Ce rôle des œstrogènes dans la progression tumorale ovarienne fait reconsidérer le rôle respectif des REα et REβ et les gènes cibles impliqués.
Les RE α et β : un mode d’action revisité La plupart des cancers de l’ovaire expriment les REs au niveau du contingent cellulaire épithélial (48-50). Cependant, à la différence du cancer du sein, le taux d'expression des RE dans le cancer de l’ovaire a peu de valeur prédictive de la réponse à l’hormonothérapie (17). Le clonage du REβ (51, 52) a fait réexaminer le rôle des REs dans la physiopathologie de la cellule épithéliale ovarienne. Le REβ est présent de façon majoritaire dans les ovaires normaux et les tumeurs bénignes de l’ovaire, alors que le REα est plus fortement exprimé dans les cancers (50, 53, 47). De façon plus générale, l’augmentation du rapport d’expression α/β est retrouvée dans différents cancers, ceux du sein, de la prostate, du poumon et du côlon (54). Ceci suggère un rôle protecteur du REβ contre l’activité mitogène du REα. Sur le plan fondamental, l’activité anti-mitogène du REβ a pu récemment être mise en évidence dans notre laboratoire dans un modèle cellulaire de cancer de l'ovaire (47). Des observations similaires ont été faites dans le cancer du sein et de la prostate (54). Des molécules activant spécifiquement le REα ou la réexpression du REα dans la cellule cancéreuse ovarienne pourraient donc permettre d'inhiber la prolifération ou l’invasion cellulaire.
Des protéines œstrogéno-induites interviennent dans la carcinogenèse ovarienne La fonction de régulateur transcriptionnel des RE suggère que l’effet de l’œstradiol dans les cellules épithéliales cancéreuses s’exerce par l'intermédiaire de protéines œstrogéno-régulées. L'étude de la plupart de ces gènes a été envisagée dans le cancer du sein avant de l’être dans celui du cancer de l’ovaire. Cependant, on constate que de nombreux gènes sont régulés différemment par l'estradiol dans ces deux cancers.
Gènes de la réponse classique aux œstrogènes Environ 50 % des cancers de l’ovaire expriment le RP (1). Comme pour les RE, les différentes études cliniques disponibles n’ont pas permis de dégager une valeur pronostique ni prédictive de la réponse hormonale en fonction de l'expression des RP (17). La synthèse du récepteur à la progestérone (RP) reste sous le contrôle des œstrogènes dans les lignées de cancers de l’ovaire exprimant
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les RE (43, 45). Dans les tumeurs ovariennes, le RP est exprimé fortement dans le compartiment stromal (55). Le protéine pS2 est régulée par les œstrogènes dans les cellules de cancer du sein RE-positives et sa présence est corrélée positivement avec les RE dans les tumeurs mammaires (56). La protéine pS2 est exprimée dans certaines tumeurs ovariennes (57, 58). En revanche, les œstrogènes ne régulent pas pS2 dans différentes lignées RE-positives de cancers ovariens, y compris dans les cellules pour lesquelles les RPs sont induits et la croissance régulée par les œstrogènes (43).
Gènes impliqués dans la prolifération cellulaire L’expression du proto-oncogène c-myc, impliqué dans la réponse précoce de la prolifération cellulaire, est rapidement et transitoirement induite dans les cellules de cancer du sein par divers mitogènes, dont les œstrogènes (59, 60). Une surexpression de la protéine c-myc, liée à une amplification génique, a été retrouvée dans 17 à 37 % des cancers de l’ovaire (61, 62). La surexpression d’HER2 (human EGF receptor 2 / c-erbB-2 / neu) est retrouvée dans environ 20 % des cancers de l’ovaire (63). Cette surexpression a pu être associée à la progression tumorale et à un mauvais pronostic (64, 65). À la différence des autres gènes régulateurs de croissance induits par les œstrogènes, HER2 est régulé négativement par les œstrogènes dans des lignées de cancers du sein (66). Cependant, de la même façon que pour pS2, les œstrogènes ne régulent pas HER2 dans des lignées de cancers de l’ovaire (67). Les gènes cibles de l’induction par les œstrogènes dans la cellule épithéliale ovarienne sont donc différents de ceux mis en jeu dans la cellule épithéliale mammaire.
Gènes impliqués dans la motilité et l’invasion Notre laboratoire s’est particulièrement intéressé à une protéine de la matrice extracellulaire (MEC), la fibuline-1 (68). Son interaction avec d’autres composants de la MEC, comme la fibronectine, la laminine et le nidogène, suggère qu’elle ait un rôle dans la morphologie, l’adhésion et la motilité cellulaire. Notre équipe a montré que la sécrétion de la fibuline-1 par les cellules épithéliales de cancer ovarien est régulée par les œstrogènes (68, 69). Par ailleurs, les niveaux d’expression de la fibuline-1 augmentent au cours de la carcinogenèse ovarienne, la protéine sécrétée s’accumulant au niveau du stroma ovarien (70) (fig. 5). Quatre variants d’épissage de la fibuline-1 humaine sont connus : les variants A, B, C et D. Nous avons montré que le variant C est impliqué dans l’augmentation de l’expression de la forme totale de la fibuline 1, alors que l’expression du variant D reste stable (69, 71). Cette observation suggère un mécanisme d’épissage différentiel de la forme C ou de dégradation de la forme D propre au cancer (71). La forme C pourrait
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Fig. 5 – Expression de la fibuline-1 dans le cancer de l’ovaire. Expression de l’ARNm dans l’épithélium tumoral par hybridation in situ (A) et expression protéique dans le stroma par immuno-histochimie (B). D’après Roger et al. (70).
constituer un marqueur de diagnostic précoce ou de pronostic du cancer de l’ovaire, lié aux œstrogènes. La cathepsine D est une enzyme lysosomale sécrétée en excès par les cellules épithéliales de cancer du sein et impliquée dans le processus métastatique (72). Comme dans les lignées de cancers du sein, son expression est induite par les œstrogènes dans les lignées de cancers de l’ovaire RE-positives (44, 67). Des études montrent que la cathepsine D est détectée dans le cytosol de tumeurs ovariennes, mais non corrélée à la présence du RE ou du RP (73, 74). Son expression est plus élevée dans les métastases péritonéales que dans la tumeur primaire correspondante (73, 74). Les kallikréines sont une famille de protéines à activité sérine protéase pouvant intervenir dans le processus d'invasion cellulaire. Certaines kallikréines sont exprimées dans de nombreux cancers et sont sous la régulation des stéroïdes (75). Ainsi, la kallikréine 4 qui est induite par les œstrogènes est associée à la progression tumorale du cancer de l’ovaire (76). De nombreuses et récentes études portant sur l’expression tissulaire ou circulante des kallikréines (formes 5, 6, 8, 9, 10 et 11) ont également montré une association au pronostic du cancer de l’ovaire (75).
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Des modulateurs de l’action des RE : les cofacteurs transcriptionnels Au cours des dix dernières années, les mécanismes par lesquels les RE contrôlent l’expression des gènes cibles ont été précisés par la caractérisation d’une nouvelle classe de molécules appelée cofacteur transcriptionnel. Ces cofacteurs se lient directement sur les récepteurs et agissent généralement comme médiateurs du signal d’activation (coactivateurs) ou de répression (corépresseurs) de la transcription. Ainsi, les effets tissu-spécifiques que présentent certains ligands des récepteurs des œstrogènes (anti-œstrogènes tels que le tamoxifène) pourraient s’expliquer par des différences d’expression des cofacteurs. Le gène AIB1 a été identifié comme un coactivateur des récepteurs nucléaires. Sa surexpression contribuerait au développement de cancers hormono-dépendants (77). Dans les cancers de l’ovaire, l’amplification d'AIB1 est corrélée à la présence des RE (78) et associée à un mauvais pronostic (79). Les mutations constitutionnelles qui affectent le gène BRCA1 sont impliquées dans prés de 70 % des formes héréditaires de cancer du sein et de l’ovaire (80). Le gène BRCA1 participe au mécanisme de réparation des lésions de l’ADN. Il peut être induit par les œstrogènes (81). Il a, de plus, été montré que la protéine BRCA1 est un modulateur négatif de l’activité des RE (82). BRCA1 interagit directement avec la protéine coactivatrice BRG1 exprimée dans les cancers de l'ovaire et avec certains membres de la famille de SRC1 (83). Les mutations constitutionnelles de BRCA1 sont associées à une perte de l’allèle sauvage dans plus de 90 % des cancers héréditaires, confirmant son rôle suppresseur de tumeur. L’incidence des mutations somatiques retrouvée dans les tumeurs sporadiques est très faible (environ 8 %), mais l’inactivation somatique de BRCA1 pourrait se produire par des mécanismes différents, tels que la microdélétion ou la méthylation (84).
Conclusion Les études épidémiologiques récentes (tableau I), qui portent sur de grandes cohortes, semblent confirmer l’augmentation du risque de cancer ovarien sous THS. Parallèlement, des données expérimentales montrent que des protéines œstrogéno-induites interviennent dans les différentes étapes de la progression tumorale de ce cancer, telles que la prolifération, la motilité et l’invasion. Certaines de ces protéines sont proposées comme marqueurs de diagnostic précoce ou de pronostic. Ainsi, la perte d’expression du REβ et la surexpression de la fibuline-1 pourraient constituer des marqueurs précoces de la cancérogenèse ovarienne ou d'agressivité. Des études en cours devraient permettre de préciser la valeur clinique de ces marqueurs. Le cancer de l’ovaire a longtemps été considéré comme peu hormonosensible, en raison notamment du faible taux de réponses cliniques observé après
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Les cancers ovariens
traitement par le tamoxifène. La connaissance des mécanismes moléculaires de la carcinogenèse ovarienne liée aux œstrogènes permet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques antihormonales, dont pourrait bénéficier un sousgroupe de cancers ovariens. Tableau I – Traitement par tamoxifène dans le cancer de l'ovaire avancé. Auteur (réf.)
Tamoxifène (dose mg/j)
Nombre de patientes
Réponse tumorale* (%)
Quinn (18) Rolski (19) Marth (20) Schwartz (21) Landoni (22) Shirey (23) Slevin (24) Weiner (25) Belinson (26) Hatch, Markman (27) Osborne (28 Pagel (29 Hammerlynck (30) Cambell (31) Jakobsen (32) Ahlgren (33) Jäger (34) Van Der Velden (35) Gennatas (36) Tropé (37)
20 40 20 20 40 20-40 40 20 20 40 40 non précisé 40 20 30 40 30 40 40 30-40
40 47 65 13 55 22 22 31 19 102 53 29 36 13 17 29 37 30 50 66
9(23) 3(6) 4(6) 1(8) 0 0 0 3(10) 0 17(17) 1(2) 8(28) 2(6) 1(8) 0 5(17) 0 2(7) 28(56) 4(6)
776
88(11)
Total
*Réponse partielle + complète. Seules les études comprenant 10 patientes ou plus ont été incluses.
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Anatomopathologie
Les différents types histologiques des cancers ovariens I. Treilleux
Introduction Les types histologiques découlent directement des types cellulaires qui constituent la gonade indifférenciée après la cinquième semaine de gestation : épithélium cœlomique, mésenchyme/mésonéphros et cellules germinales (1-3). Le développement de l’ovaire et du testicule étant très voisins jusqu’au quatrième mois de gestation, des éléments plus spécifiques de la gonade masculine sont observés dans des tumeurs ovariennes, et inversement. On classe habituellement les tumeurs de l’ovaire en fonction de la structure normale qu’elle reproduit : épithélium de surface (tumeur épithéliale avec différents sous-types), cordons sexuels/stroma (tumeur de la granulosa, fibro-thécome, tumeur de Sertoli ou de Sertoli/Leydig, tumeur à cellules stéroïdiennes) et cellules germinales (dysgerminome, tumeur vitelline, carcinome embryonnaire, choriocarcinome et tératome). Certaines tumeurs telles que les tératomes matures sont toujours bénignes et, bien qu’assez fréquentes (25 % des tumeurs de l’ovaire), seront exclues de ce chapitre. Les tumeurs épithéliales qui représentent environ 60 % des tumeurs de l’ovaire sont classées selon trois critères : – leur potentiel évolutif : adénomes de comportement bénin (60 %), tumeurs « borderline » ou proliférantes mais non infiltrantes ou à malignité atténuée de bon pronostic (10 à 15 %) ou carcinomes infiltrants de comportement plus agressif (25 à 30 %) ; – la présence d’une composante stromale d’accompagnement (adénofibrome sans autre précision qui est bénin, adénofibrome « borderline » à malignité atténuée, carcinosarcome agressif ) ; – le type de différenciation épithéliale : séreuse, mucineuse, endométrioïde, à cellules claires, à cellules transitionnelles ou indifférenciée (4-6). Les tumeurs primitives du revêtement péritonéal de description plus récente sont rattachées aux tumeurs ovariennes épithéliales en raison de leur parenté morphologique et de leur origine cœlomique commune. Pour les identifier, on
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Les cancers ovariens
utilise les mêmes critères que pour les tumeurs de l’ovaire qui sont représentés par leur caractère infiltrant (carcinome) ou non (tumeur « borderline ») et leur ligne de différenciation. Ces tumeurs péritonéales étant prises en charge comme des tumeurs ovariennes (bien que les ovaires soient peu ou pas atteints), elles ne seront pas abordées de façon spécifique. Seront aussi traitées, dans ce chapitre, les tumeurs des cordons sexuels/stroma qui sont parfois malignes, mais pour lesquelles il n’y a pas de critères diagnostiques fiables permettant de déterminer le pronostic, ainsi que les autres tumeurs germinales (dysgerminomes, tumeurs vitellines, carcinomes embryonnaires, choriocarcinomes et tératomes immatures) qui sont toujours malignes. Enfin, nous regrouperons un certain nombre de tumeurs exceptionnelles.
Tumeurs fréquentes : les tumeurs épithéliales/stromales C’est à cette catégorie de tumeurs qu’appartiennent 90 % des cancers ovariens. Comme nous l’avons déjà signalé, les tumeurs « borderline » sont deux à trois fois moins fréquentes que les adénocarcinomes. Elles ont des caractéristiques histologiques (prolifération épithéliale) et cytologiques (atypies cytonucléaires) intermédiaires entre celles d’une tumeur bénigne et celles d’une tumeur maligne, et leur distinction repose sur le caractère non infiltrant et non destructeur de la prolifération épithéliale. Les carcinomes intra-épithéliaux et les carcinomes micro-invasifs sont donc classés avec les tumeurs « borderline » et non avec les carcinomes infiltrants (7). Parce que les tumeurs malignes et les tumeurs « borderline » avaient une évolution clinique très différente et qu’elles n’étaient pas nécessairement associées, on les a longtemps considérées comme des entités différentes sans forme de passage de l’une vers l’autre. Les données plus récentes montrent que certaines tumeurs « borderline » s’accompagnent de carcinome infiltrant ou peuvent récidiver sous une forme infiltrante souvent au-delà de dix ans. Les études moléculaires de I. Shih et R. Kurman (8), mais aussi de G. Singer et al. (9) permettent de distinguer des adénocarcinomes de type I de bas grade qui se développeraient progressivement à partir de précurseurs « borderline » et des adénocarcinomes de type II de haut grade qui se développeraient de novo sans précurseur. Les anomalies moléculaires dans les tumeurs de type I seraient, soit des mutations de BRAF, KRAS, bêta-caténine ou PTEN, soit une activation de KRAS avec délétion de PTEN (10), alors que des mutations de p53 seraient en cause dans les tumeurs de type II. Sur le plan morphologique aussi, il existe un continuum lésionnel entre les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes passant par les tumeurs « borderline » et les carcinomes intra-épithéliaux avec ou sans micro-invasion. Comme ce continuum lésionnel se manifeste à l’intérieur de chaque groupe de diffé-
Les différents types histologiques des cancers ovariens
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renciation et que les critères diagnostiques ne sont pas les mêmes, les différents types histologiques de tumeurs épithéliales seront présentés selon leur fréquence, en commençant dans chaque catégorie par les moins agressives.
Tumeurs séreuses Parmi les tumeurs épithéliales/stromales, les tumeurs à différenciation séreuse sont et de loin les plus fréquentes puisqu’elles représentent environ 50 % des tumeurs épithéliales (1-3). Elles se répartissent de la façon suivante : 70 % de tumeurs bénignes, 10 % de tumeurs « borderline » et 20 % d’adénocarcinomes. Par définition, les cellules dans ces tumeurs ressemblent à celles du revêtement tubaire et comportent souvent des cils. Les tumeurs dites séreuse sont volontiers bilatérales, souvent associées à des localisations péritonéales (implants ou « gâteaux péritonéaux ») et comportent des végétations à leur surface.
Tumeurs séreuses « borderline » Elles s’observent entre 40 et 50 ans et sont bilatérales dans un tiers des cas (7, 11, 12). Au moment du diagnostic, elles sont confinées aux ovaires dans 70 % des cas. Cependant lorsqu’un diagnostic de tumeur séreuse « borderline » est porté, il est impératif de procéder à une exploration chirurgicale complète de la cavité pelvienne et abdominale. S’il faut réséquer tout ce qui est macroscopiquement suspect, la place des curages ganglionnaires reste discutée. En revanche, des biopsies péritonéales multiples devront être réalisées : elles seront orientées en cas de lésions visibles et systématiques dans tous les cas afin de préciser le stade anatomique. En effet, dans 30 à 40 % des cas, les tumeurs ovariennes séreuses s’accompagnent d’implants péritonéaux. Certains d’entre eux correspondent probablement à des foyers tumoraux primitifs indépendants concomitants, développés dans le cadre d’une maladie du péritoine (implants non invasifs situés à la surface péritonéale), d’autres à de possibles greffes métastatiques à point de départ ovarien (implants invasifs qui infiltrent les structures normales sous-péritonéales). Seuls les implants invasifs auraient une valeur pronostique péjorative (rechutes sous une forme plus agressive, décès). Malheureusement, comme le montrent les différentes études, les pathologistes parviennent difficilement à faire la distinction entre ces deux types d’implants. Ainsi, selon les séries, les taux d’implants invasifs varient de 10 % à 30 % et la valeur pronostique péjorative n’est pas toujours retrouvée, ce qui pose problème pour proposer un traitement complémentaire. Macroscopiquement, les tumeurs séreuses « borderline » sont souvent kystiques, d’assez petite taille (moins de 10 cm) et comportent toujours des végétations papillaires intrakystiques. Elles s’accompagnent aussi de végétations
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exokystiques dans 50 % des cas, ce qui leur donne parfois un aspect macroscopique inquiétant que l’on ne peut distinguer d’un carcinome infiltrant (figs. 1-2).
Fig. 1 – Vue macroscopique d’une pièce d’hystérectomie totale non conservatrice comportant une tumeur ovarienne séreuse « borderline » bilatérale avec nombreuses végétations exokystiques.
Fig. 2 – Vue macroscopique d’une pièce d’hystérectomie totale non conservatrice comportant un adénocarcinome séreux ovarien bilatéral solide avec végétations exokystiques.
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Histologiquement, ces tumeurs sont caractérisées par une prolifération de papilles plus moins arborescentes revêtues de cellules modérément atypiques qui se détachent dans la lumière. Dans certains cas, la prolifération épithéliale est plus marquée, se traduisant par des branchements complexes de micropapilles très fines sur les axes papillaires principaux. Lorsque ces zones micropapillaires mesurent plus de 5 mm dans une tumeur « borderline » séreuse par ailleurs typique, un diagnostic de carcinome micropapillaire doit être porté. Cette tumeur correspond à l’équivalent séreux du carcinome intraépithélial bien connu dans les tumeurs mucineuses. Elle est souvent associée à des implants péritonéaux invasifs et à un risque de transformation sous la forme d’un carcinome séreux infiltrant. Dans un carcinome micropapillaire, le pathologiste doit échantillonner largement la tumeur (au moins deux blocs par centimètre de tumeur) à la recherche de foyers invasifs associés. C’est une micro-invasion (foyer infiltrant sans remaniement stromal important mesurant moins de 10 mm2) qui est le plus souvent retrouvée, parfois sous la forme de plusieurs foyers (la taille de chacun doit rester inférieure à 10 mm2). La microinvasion ne semble pas aggraver le pronostic. Dans certains cas cependant, grâce à un échantillonnage plus important de la tumeur, le diagnostic initial de tumeur « borderline » devra être infirmé au profit de celui de carcinome séreux de faible grade. Le pronostic des tumeurs séreuses « borderline » est en général très favorable puisque les taux de rechute à dix ou quinze ans sont de l’ordre de 7 % et les décès liés à une transformation carcinomateuse de moins de 1 %. Dans les séries antérieures, les décès étaient d’ailleurs plus souvent dus aux complications du traitement adjuvant par chimiothérapie qu’à l’évolution de la maladie.
Tumeurs séreuses malignes ou adénocarcinomes séreux Ce sont de loin les tumeurs malignes les plus fréquentes puisqu’elles représentent 50 % des cancers de l’ovaire (1-3). Elles s’observent entre 50 et 60 ans et sont bilatérales dans les deux tiers des cas. Malheureusement, leur diagnostic est le plus souvent fait à un stade avancé de la maladie (73 % de stades III et IV). Macroscopiquement, il s’agit de tumeurs solides et kystiques avec de nombreuses végétations intra- et extra-kystiques dont les caractères friable, nécrotique et hémorragique sont évocateurs. Histologiquement, les adénocarcinomes séreux sont infiltrants par définition, mais l’architecture de la prolifération carcinomateuse et l’importance des atypies cytonucléaires varient en fonction de la différenciation. Les adénocarcinomes séreux bien différenciés sont volontiers papillaires, riches en calcosphérites et faits de petites cellules régulières : le psammocarcinome représente une de ces formes, ainsi que les autres adénocarcinomes séreux dits de
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faible grade. Les tumeurs peu ou non différenciées, dites de haut grade, sont d’architecture solide, renferment peu de calcosphérites et comportent des atypies cytologiques marquées, parfois responsables d’aspects pseudo-syncitiotrophoblastiques. Le pronostic de ces tumeurs est mauvais dans l’ensemble avec des taux de survie de 40 % à cinq ans tous stades confondus. Le taux de survie à cinq ans est de l’ordre de 10 à 20 % dans les stades III et IV contre 80 % dans les stades I. Le grade histologique des adénocarcinomes séreux intervient aussi dans le pronostic pour les stades localisés de la maladie. Le psammocarcinome caractérisé par sa richesse en calcosphérites et sa pauvreté en cellules tumorales a un pronostic voisin de celui des tumeurs séreuses « borderline ». Le pronostic des carcinomes séreux de faible grade est meilleur que celui des tumeurs de haut grade, mais il reste moins bon que celui des psammocarcinomes.
Tumeurs mucineuses Les tumeurs mucineuses sont beaucoup plus rares que les tumeurs séreuses puisqu’elles ne représentent que 25 % des tumeurs épithéliales ovariennes (1-3, 13-18). Elles se répartissent de la façon suivante : 80 à 85 % de tumeurs bénignes, 10 à 15 % de tumeurs « borderline » et 10 % d’adénocarcinomes. Elles sont caractérisées par la présence de cellules mucosécrétantes qui ressemblent le plus souvent (neuf fois sur dix) à celles de l’épithélium intestinal (type intestinal) parfois à celles de l’épithélium endocervical (type endocervical ou müllérien). Ces tumeurs, qu’elles soient bénignes, malignes ou « borderline », sont unilatérales et en général de grande taille. Elles ont une surface externe lisse sans végétation (figs. 3-4). Elles s’accompagnent rarement de localisation péritonéale en dehors de l’exceptionnel pseudo-myxome péritonéal qui est décrit comme une accumulation de mucus acellulaire disséquant le péritoine. Dans le pseudomyxome péritonéal ou maladie gélatineuse du péritoine, la tumeur ovarienne est bilatérale et correspond à la localisation métastatique d’une tumeur mucineuse d’origine appendiculaire : il ne s’agit donc pas a priori d’une tumeur ovarienne primitive. Le pathologiste n’a en général pas trop de mal à identifier la différenciation mucineuse d’une tumeur ovarienne. En revanche, en dehors des tumeurs mucineuses bénignes, il est confronté à une double difficulté : – prendre à tort un adénocarcinome mucineux pour une tumeur « borderline » car les critères d’invasion sont souvent ténus sans réaction stromale et qu’ils nécessitent un échantillonnage large de la tumeur (deux blocs par centimètre de tumeur) ; – méconnaître le caractère métastatique de la tumeur mucineuse et la prendre pour une tumeur mucineuse primitive de l’ovaire, certaines métastases revêtant un aspect histologique peu inquiétant comme celles d’origine pancréatique ou appendiculaire. Pour toutes ces raisons, lorsqu’une tumeur ovarienne
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Fig. 3 – Vue macroscopique d’une tumeur mucineuse « borderline » de type intestinal constituée de kystes multiloculaires avec une surface externe lisse.
Fig. 4 – Vue macroscopique d’un adénocarcinome mucineux fait de kystes multiloculaires à surface externe lisse, mais avec des remaniements nécrotico-hémorragiques et des cloisons plus épaisses.
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est étiquetée mucineuse, il conviendra au cours du geste chirurgical d’explorer la cavité abdominale à la recherche d’une autre tumeur (tube digestif, pancréas…), mais surtout de rechercher l’appendice. Même si son aspect macroscopique est normal, une appendicectomie sera systématiquement pratiquée en cas de tumeur ovarienne bilatérale ou lorsque la tumeur ovarienne s’accompagne d’un pseudomyxome péritonéal. Récemment, K. Lee et R. Young (15), d’une part, et J. Seidman et al. (16), d’autre part, ont défini les critères permettant de mieux dinstinguer les tumeurs mucineuses primitives de l’ovaire des tumeurs mucineuses métastatiques. Les arguments en faveur d’une tumeur mucineuse ovarienne primitive sont cliniques (unilatéralité, taille de plus de 10 cm) et anatomo-pathologiques (absence de végétation à la surface de la tumeur, aspect kystique prédominant avec très peu de stroma, architecture peu infiltrante, coexistence d’aspects mucineux bénins et « borderline »). Les immunomarquages avec les anticorps anti-cytokératines 7 et 20 sont de peu d’utilité en cas de tumeur mucineuse (17, 19). En revanche, l’expression d’ACE, de Dpc4 ou de MUC2, mais pas de MUC5AC, plaiderait pour une origine métastatique.
Tumeurs mucineuses « borderline » Elles s’observent entre 35 et 45 ans (7, 14, 17, 18) et sont souvent diagnostiquées à un stade localisé (82 % de stade I). Leur pronostic est excellent quel que soit le sous-type avec 96 % de survie à dix ans, y compris en cas de micro-invasion lorsque la maladie est confinée aux ovaires. Les stades II, III et IV décrits dans la littérature correspondent vraisemblablement, soit à des localisations métastatiques avec ou sans pseudomyxome péritonéal, soit à des adénocarcinomes mucineux ovariens méconnus. Deux entités anatomo-cliniques de tumeurs « borderline » ont été décrites : celles de type intestinal qui sont les plus fréquentes (90 %) et celles de type endocervical ou müllérien (10 %).
Tumeurs mucineuses « borderline » de type intestinal Elles sont unilatérales dans 90 % des cas et leur taille est importante, en général de plus de 17 cm. Leur surface externe est lisse et elles sont constituées de kystes multiloculaires contenant un mucus peu épais. L’échantillonnage macroscopique de la tumeur doit être large (au moins deux blocs par centimètres de tumeur) en prélevant les parois kystiques les plus épaisses et les zones solides. Histologiquement, ces tumeurs sont caractérisées par des kystes et des glandes bordées par un épithélium de type intestinal (présence de cellules caliciformes et de cellules de Paneth) avec des stratifications cellulaires limitées à deux ou trois assises et des atypies cytologiques modérées. Lorsque la stratifi-
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cation nucléaire est supérieure ou égale à quatre assises ou que les atypies cytonucléaires sont trop marquées, un diagnostic de carcinome mucineux intra-épithélial doit être porté. La micro-invasion est retenue lorsque de véritables foyers infiltrants avec stroma réactionnel sont observés, à condition que la taille de chacun de ces foyers soit inférieure à 10 mm2. À la différence des tumeurs séreuses, un diagnostic de micro-invasion pourra être retenu lorsque les kystes ou glandes sont tassés les uns contre les autres sans interposition de stroma et en cas d’architecture épithéliale complexe (forme expansive), mais il faut que la taille de chacun de ces foyers soit inférieure à 10 mm2. La présence de plusieurs foyers de ce type dans une tumeur est habituelle, mais ne la fait pas pour autant considérer comme un carcinome infiltrant.
Tumeurs mucineuses « borderline » de type endocervical Ces tumeurs ont une présentation clinique et anatomo-pathologique différente de celle des tumeurs mucineuses « borderline » de type intestinal et partagent certains aspects des tumeurs séreuses « borderline ». Elles sont bilatérales dans 40 % des cas, de petite taille (environ 8 cm), comportent des végétations intrakystiques et s’accompagnent de greffes péritonéales. Histologiquement, les stratifications nucléaires sont très marquées, pouvant aller jusqu’à vingt assises sans que ce critère puisse être retenu pour porter un diagnostic de carcinome intra-épithélial. Enfin, un infiltrat inflammatoire à polynucléaires neutrophiles est souvent présent dans le mucus et dans les projections papillaires.
Tumeurs mucineuses malignes ou adénocarcinomes mucineux Ces tumeurs s’observent souvent au-delà de 60 ans et sont diagnostiquées dans 80 % des cas à un stade I. Sur le plan macroscopique et clinique, ces tumeurs partagent les mêmes caractéristiques que les tumeurs mucineuses « borderline » (unilatéralité, grande taille, surface lisse), mais les zones solides seraient plus étendues et les remaniements nécrotiques et hémorragiques plus fréquents. Histologiquement, le caractère invasif de la tumeur est souvent difficile à mettre en évidence. Il peut prendre deux aspects : – de type infiltrant, de plus mauvais pronostic, qui se caractérise par des remaniements du stroma au contact de cellules carcinomateuses disposées sans ordre ;
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– de type expansif plus difficile à identifier, mais de meilleur pronostic, se présentant sous la forme de glandes et kystes tassés les uns contre les autres avec une architecture épithéliale complexe, la taille de chaque foyer dépassant 10 mm2. Par rapport aux adénocarcinomes séreux, le pronostic des adénocarcinomes mucineux est en général favorable car leur diagnostic est souvent porté à un stade précoce. Des rechutes métastatiques sont cependant observées pour les stades I dans environ 20 % des cas. Lorsque les patientes sont prises en charge à des stades avancés, elles décèdent le plus souvent de l’évolution de leur maladie.
Tumeurs endométrioïdes Elles sont beaucoup plus rares que celles des deux groupes précédents, ne représentant que 5 % des tumeurs épithéliales (1-3, 20). Elles se répartissent de la façon suivante : 20 % de tumeurs bénignes et « borderline » et 80 % d’adénocarcinomes. Dans ce groupe endométrioïde, le pronostic des tumeurs « borderline » est aussi bon que celui des tumeurs bénignes. Par définition, les tumeurs endométrioïdes sont constituées de cellules qui ressemblent à celles de l’épithélium endométrial. Elles s’observent volontiers dans un contexte d’endométriose extrautérine (40 %) ou d’hyperplasie, voire d’adénocarcinome de l’endomètre (40 %). Quel que soit le degré de malignité de la tumeur ovarienne, il est donc conseillé de contrôler l’endomètre par échographie et/ou par curetage utérin et, en cas de traitement conservant la fertilité, de vérifier l’ovaire controlatéral.
Tumeurs endométrioïdes « borderline » Les tumeurs endométrioïdes « borderline » sont souvent en partie solide car elles comportent volontiers une composante conjonctive (adénofibrome) (7, 20). Elles ressemblent aux hyperplasies atypiques de l’endomètre et renferment souvent des foyers de métaplasie malpighienne. Il y a des formes micro-invasives qui se caractérisent par des aspects infiltrants mesurant moins de 10 mm2. Le pronostic des tumeurs endométrioïdes « borderline » est excellent, mais il existe un risque accru de développer un adénocarcinome du même type dans l’ovaire controlatéral et/ou dans l’endomètre.
Tumeurs endométrioïdes malignes ou adénocarcinomes endométrioïdes Les adénocarcinomes endométrioïdes se voient entre 50 et 60 ans et sont bilatéraux dans 30 % des cas. Au moment de leur diagnostic, ces tumeurs peuvent être plus ou moins évoluées : 31 % de stade I, 20 % de stade II et 49 % de
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stades III et IV. Dans 25 % des cas, elles s’accompagnent d’un adénocarcinome de l’endomètre qui correspond en général à une deuxième tumeur primitive dont le pronostic est meilleur. Macroscopiquement, il s’agit de tumeurs solides avec des excroissances friables et hémorragiques (fig. 5).
Fig. 5 – Vue macroscopique d’un adénocarcinome endométrioïde d’architecture solide développé dans un foyer d’endométriose hémorragique.
Histologiquement, ces tumeurs ressemblent aux adénocarcinomes endométrioïdes de l’utérus. Elles sont difficiles à différencier d’un adénocarcinome métastatique d’origine digestive. L’étude immuno-histochimique peut permettre de les distinguer : les tumeurs ovariennes n’expriment que la cytokératine 7, les tumeurs digestives uniquement la cytokératine 20 (19). Le taux de survie à cinq ans est d’environ 80 % pour le stade I, 60 % pour le stade II, 25 % pour le stade III et 5 % pour le stade IV. Ce taux de survie serait meilleur pour les grades 1 et 2 que pour les grades 3 qui sont moins bien différenciés et plus atypiques.
Tumeurs à cellules claires Les tumeurs à cellules claires de l’ovaire sont rares (moins de 5 % des tumeurs épithéliales) et volontiers associées à des lésions d’endométriose (1-3). Elles sont malignes dans plus de 90 % des cas, les tumeurs « borderline » et les
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tumeurs bénignes représentant les 10 % restants. Par définition, ces tumeurs sont faites de cellules claires dites en clou de tapissier. Il s’agit le plus souvent de tumeurs unilatérales se développant entre 50 et 70 ans.
Tumeurs « borderline » à cellules claires Macroscopiquement, elles sont en général d’architecture solide car leur composante conjonctive est assez marquée (7). Histologiquement, elles sont caractérisées par la présence de cellules claires groupées sous la forme de nids, glandes ou kystes dans un stroma fibreux, mais sans caractère infiltrant destructeur. Leur pronostic est excellent après résection s’il n’y a pas de contingent d’adénocarcinome à cellules claires associé.
Tumeurs à cellules claires malignes ou adénocarcinomes à cellules claires Au moment de leur diagnostic, les adénocarcinomes à cellules claires se répartissent de la façon suivante : 33 % de stade I, 19 % de stade II et 38 % de stades III et IV (1-3). Macroscopiquement, ils se présentent sous forme d’un kyste uniloculaire à paroi épaisse contenant du mucus ou de kystes multiloculaires, parfois de tumeurs solides de couleur jaune (fig. 6). À stade égal, ces tumeurs ont un plus mauvais pronostic que celui des adénocarcinomes séreux.
Fig. 6 – Vue macroscopique d’un adénocarcinome ovarien à cellules claires d’architecture solide, de couleur jaune, mais focalement mucoïde.
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Tumeurs à cellules transitionnelles Par définition, les cellules qui composent ces tumeurs ont un aspect voisin de celui des cellules urothéliales ou transitionnelles qui tapissent la vessie (cellules en raquette avec des incisures nucléaires) (1-3). Ce groupe de tumeur englobe une majorité de tumeurs bénignes, appelées tumeurs de Brenner, qui sont le plus souvent de découverte fortuite. Les tumeurs « borderline », encore appelées tumeurs de Brenner proliférantes, représentent 5 % des tumeurs à cellules transitionnelles (7). Elles sont unilatérales et s’observent chez des femmes ménopausées. Leur pronostic est en général favorable après annexectomie unilatérale. Deux entités anatomo-cliniques résument les tumeurs malignes de ce groupe (1-3). On distingue, d’une part, les tumeurs de Brenner malignes comportant un contingent bénin de tumeur à cellules transitionnelles qui, parce qu’elles sont diagnostiquées à un stade localisé dans 80 % des cas, sont de bon pronostic, et d’autre part, des carcinomes à cellules transitionnelles qui n’ont pas de contingent de tumeur de Brenner bénin et sont de plus mauvais pronostic car leur diagnostic est porté à un stade avancé dans plus de 80 % des cas. Cependant, il semblerait que ces derniers répondent mieux à la chimiothérapie que les autres tumeurs épithéliales.
Tumeurs épithéliales indifférenciées ou carcinomes indifférenciés Par définition, les carcinomes indifférenciés de l’ovaire n’ont pas de ligne de différenciation clairement identifiable permettant de les rattacher aux groupes décrits ci-dessus (1-3). 75 % des tumeurs indifférenciées de l’ovaire sont vues à un stade avancé et étendues au-delà du pelvis. Elles peuvent revêtir des aspects sarcomatoïdes à grandes cellules et peuvent alors être confondues avec un sarcome ou avec une tumeur mixte müllérienne maligne de type carcino-sarcome. Parfois, elles ressemblent à un carcinome à petites cellules, avec flexion neuro-endocrine. Pour le pathologiste, elles posent un problème de diagnostic différentiel avec un sarcome ou un lymphome. Les immuno-marquages montrant une expression de cytokératine et d’EMA permettent le plus souvent de trancher.
Tumeurs mixtes müllériennes Par définition, ces tumeurs ont une double composante tumorale, épithéliale et conjonctive (2, 3). Deux types de tumeurs sont décrits dans ce groupe : – les tumeurs mixtes müllériennes malignes appelées encore carcinosarcomes ou carcinomes métaplasiques ; – les adénosarcomes.
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Ces tumeurs sont très rares puisque la plus fréquente (carcinosarcome) représente moins de 1 % des cancers de l’ovaire. Les tumeurs mixtes müllériennes malignes dont les deux contingents (épithélial et conjonctif ) sont malins peuvent comporter, en outre, des éléments hétérologues de type chondrosarcome ou rhabdomyosarcome. Elles sont habituellement de très mauvais pronostic (25 % de survie à cinq ans). Leur prise en charge thérapeutique est identique à celle des carcinomes. Les adénosarcomes ont une composante épithéliale bénigne et une composante conjonctive maligne. Ils seraient de meilleur pronostic avec des taux de survie de 64 % à cinq ans.
Valeur pronostique des types histologiques de carcinomes ovariens Comme on a pu le voir, les aspects histologiques que revêtent les carcinomes ovariens sont variés (1-3). Cependant, certains types histologiques prédominent largement : les adénocarcinomes séreux (50 %) et endométrioïdes (20 %). Les autres types histologiques sont représentés par les carcinomes indifférenciés (de 10 à 15 %), les carcinomes mucineux (10 %), et les carcinomes à cellules claires (5 %). Les 5 % restant englobent tous les autres sous-types. La revue de 8 000 adénocarcinomes ovariens publiés dans la littérature a montré que le pronostic des adénocarcinomes mucineux et endométrioïdes était meilleur que celui des adénocarcinomes séreux et que les carcinomes indifférenciés étaient les plus agressifs, tandis que le pronostic des adénocarcinomes à cellules claires restait indéterminé (21). Plus récemment, C. Gilks (22) a fait une nouvelle proposition de classification des tumeurs épithéliales de l’ovaire (carcinomes et tumeurs « borderline ») en prenant en compte les sous-types histologiques usuels et les anomalies moléculaires, ce qui permettait d’identifier six catégories de tumeurs épithéliales de pronostic différent. Le groupe le plus représenté et qui a aussi le plus mauvais pronostic inclut les adénocarcinomes séreux et endométrioïdes de hauts grades et les carcinomes indifférenciés. Ces tumeurs, qu’elles soient familiales ou sporadiques ont en commun un taux élevé de mutations de p53 et une inactivation de BRCA1 et/ou de BRCA2 aboutissant à un défaut de réparation de l’ADN double brin endommagé. Le deuxième groupe de tumeurs comporte les adénocarcinomes séreux de faible grade et les tumeurs séreuses « borderline » qui partagent le même profil d’expression génétique et ont une évolution clinique voisine (faible évolutivité, mauvaise réponse à la chimiothérapie), avec des formes de passage de l’une à l’autre. Leurs anomalies moléculaires sont caractérisées par des mutations fréquentes de BRAF et de KRAS, mais il n’y a pas de mutation de p53. Le troisième groupe inclurait les adénocarcinomes mucineux et les tumeurs mucineuses « borderline » de type intestinal qui ont souvent la même présentation clinique, répondent tous deux mal à la chimiothérapie et
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dont les aspects histologiques coexistent souvent. Les mutations de KRAS seraient précoces dans l’évolution (taux élevés de mutations dans les tumeurs « borderline »). Le quatrième groupe est représenté par les adénocarcinomes endométrioïdes et les tumeurs « borderline » endométrioïdes qui surviennent dans un contexte d’endométriose et sont caractérisées par des mutations du gène de la bêta-caténine. Leur pronostic serait favorable. Dans le cinquième groupe, il y a les carcinomes à cellules claires qui surviennent surtout sur des terrains d’endométriose et chez des patientes porteuses de mutations BRCA1 ou BRCA2. À stade égal, leur pronostic serait moins bon que celui des autres types histologiques. Le sixième groupe correspond aux carcinomes à cellules transitionnelles pour lesquels des taux de réponse à la chimiothérapie seraient plus élevés. Leur caractérisation moléculaire n’est pas connue.
Grades histologiques des carcinomes ovariens Depuis les années 1970, plusieurs grades histologiques ont été proposés pour les tumeurs épithéliales de l’ovaire (21). Ils restent difficilement comparables, non seulement parce qu’ils analysent des paramètres différents et/ou des combinaisons variées de paramètres, mais aussi parce que certains grades s’appliquent aux carcinomes tandis que d’autres s’appliquent aux carcinomes et aux tumeurs « borderline ». Parmi les différentes propositions de grade histologique, trois étaient plus particulièrement utilisées : – le grade de la FIGO (International Federation of Gynecology and Obstetrics) utilisant des critères architecturaux ; – le grade de la WHO (World Health Organization) s’appliquant aux tumeurs « borderline » et aux carcinomes et utilisant des critères architecturaux et cytologiques ; – le grade du GOG (Gynecologic Oncology Group) utilisant les grades histologiques propres à chaque type de différenciation épithéliale (endométrioïde, cellules transitionnelles...), s’ils existent (absence de grade pour les tumeurs à cellules claires). Plus récemment, S. Silverberg (21) a proposé un nouveau grade histologique qui s’appliquerait uniquement aux carcinomes, indépendamment du type de différenciation épithéliale, à la manière du grade de Scarff-BloomRichardson dans les carcinomes mammaires infiltrants. Trois paramètres sont évalués : l’architecture, le pléomorphisme nucléaire et l’activité mitotique. Un score de 1 à 3 est attribué pour chacun des paramètre, puis les trois scores obtenus sont additionnés. Ceci permet de définir des tumeurs bien différenciées (scores de 3 à 5 inclus), moyennement différenciées (scores de 6 et 7) et peu différenciées (scores de 8 et 9). En ce qui concerne le premier paramètre, un score de 1 est attribué pour une architecture glandulaire, de 2 lorsqu’elle est papillaire et de 3 pour les formes solides. Le pléomorphisme nucléaire est évalué dans les régions les plus atypiques selon le schéma suivant : scores de
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1 (pas d’anisocaryose), 2 (variations de taille nucléaire de 1 à 2) ou 3 (variations de taille nucléaire de 1 à 4). L’activité mitotique est comptée en périphérie de la tumeur dans dix champs consécutifs à l’objectif x 40 trois fois de suite et le plus haut compte est retenu. Les scores suivants sont attribués en fonction du chiffre obtenu : 1 (moins de 9 mitoses), 2 (entre 10 et 24 mitoses incluses) ou 3 (de 25 mitoses et au-delà). Dans une série de plus de 400 carcinomes ovariens, les paramètres précédents pris isolément ont permis de classer efficacement les tumeurs en fonction de leur pronostic, quel que soit le stade pour l’architecture et le pléomorphisme, mais seulement dans les stades I et II pour l’activité mitotique. De plus, le grade combinant ces trois paramètres était corrélé à la survie, quels que soient le stade de la tumeur et son type histologique (à l’exception des adénocarcinomes à cellules claires). Comme pour les carcinomes mammaires, ce grade histologique prédisait mieux le pronostic des tumeurs que la détermination du sous-type histologique. Dans cette étude, le type histologique était plutôt corrélé à la réponse à la chimiothérapie : les tumeurs séreuses et endométrioïdes de haut grade, ainsi que les carcinomes à cellules transitionnelles, avaient bien répondu à des chimiothérapies à base de cyclophosphamide/doxorubicine/cisplatine contrairement aux tumeurs mucineuses.
Autres marqueurs pronostiques dans les carcinomes ovariens Parmi les quelques études pronostiques analysant l’expression de certains gènes dans les carcinomes ovariens, nous n’avons retenu que celles concernant les membres de la famille HER car elles offrent des perspectives thérapeutiques. La surexpression de HER2 retrouvée dans 7 % des tumeurs par E. Riener et al. (23), n’était par corrélée à la survie dans sa série. En revanche, elle représentait un facteur pronostique péjoratif dans la série de S. Camilleri-Broët et al. (24) qui objectivait une surexpression de HER2 dans 16 % des tumeurs. Les résultats concernant l’expression d’EGFR sont, elles aussi, contradictoires, l’une montrant que l’expression de ce récepteur est un facteur pronostique péjoratif (25), l’autre non (26).
Tumeurs rares : tumeurs des cordons sexuels/ stroma Elles représentent environ 6 à 7 % des cancers de l’ovaire (1-3). Ces tumeurs comportent en proportion variable des cellules stromales fibroblastiques ou thécales, des cellules de la granulosa, des cellules de Sertoli et
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des cellules de Leydig. Elle sont classées en fonction du type cellulaire le plus différencié en quatre groupes : les tumeurs de la granulosa, les tumeurs fibro-thécales, les tumeurs de Sertoli+/-Leydig et les tumeurs à cellules stéroïdiennes produisant des hormones. Bien souvent, ces tumeurs ont une présentation morphologique suffisamment typique, mais, dans certains cas, elles peuvent être confondues avec des tumeurs épithéliales comme les adénocarcinomes endométrioïdes ou les adénocarcinomes de type séreux. Toute une batterie d’anticorps permet actuellement de mieux individualiser ces tumeurs qui expriment en général l’inhibine et le MelanA/MART1 et, de façon moins spécifique, la calrétinine et le CD99 (19). Les cytokératines sont souvent présentes dans les tumeurs des cordons sexuels/stroma, mais, à la différence des carcinomes, l’EMA (epithelial membrane antigen) n’est pas exprimé.
Tumeurs de la granulosa Par définition, les cellules composant ces tumeurs ont l’aspect des cellules situées dans les follicules ovariens autour des cellules germinales (1-3). Ce sont les plus fréquentes des tumeurs des cordons sexuels/stroma. Elles se divisent en deux entités anatomo-cliniques : – les tumeurs de la granulosa de type adulte ; – les tumeurs de la granulosa de type juvénile.
Tumeurs de la granulosa de type adulte Elles représentent 95 % des tumeurs de la granulosa et se voient chez des patientes ménopausées qui présentent des signes d’hyperœstrogénie. Elles sont découvertes dans 80 % des cas à un stade I. Ces tumeurs souvent unilatérales sont à la fois solides et kystiques et comportent des remaniements hémorragiques (fig. 7). Les cellules qui les composent sont caractérisées par des incisures nucléaires. Les facteurs pronostiques péjoratifs sont représentés par une taille tumorale de plus de 5 cm, par des atypies cytonucléaires et surtout par une activité mitotique supérieure à cinq mitoses pour dix champs à l’objectif x 40. Le pronostic de ces tumeurs est habituellement bon si elles sont diagnostiquées au stade I avec une survie de 90 % à dix ans, mais des récidives au-delà de trente ans ont été décrites. Pour les stades avancés de la maladie ou lorsqu’il y a eu une rupture de la tumeur au cours du geste chirurgical, le pronostic est plus péjoratif, avec des taux de survie à dix ans de seulement 36 %.
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Les cancers ovariens
Fig. 7 – Vue macroscopique d’une tumeur de la granulosa de type adulte d’architectures solide et kystique avec importants remaniements hémorragiques.
Tumeurs de la granulosa de type juvénile Elles sont beaucoup plus rares que les formes adultes, ne représentant que 5 % des tumeurs de la granulosa. Elles s’observent souvent avant la puberté et sont alors responsables de pseudo-puberté précoce. Elles sont caractérisées histologiquement par l’absence d’incisures nucléaires et par un nombre élevé de mitoses. Dans 80 % des cas, comme elles sont diagnostiquées à un stade I, elles ont un pronostic favorable. Les rechutes sont rares et précoces (moins de trois ans) et le taux de mortalité de 1,5 % seulement. Cela n’est pas vrai à un stade plus évolué.
Tumeurs fibro-thécales Les tumeurs de ce groupe sont composées d’un mélange en quantités variables de fibroblastes et de cellules thécales (1-3). Ces tumeurs surviennent en général chez des femmes ménopausées et elles sont unilatérales. En fonction de leur teneur en cellules lutéïnisées, elles peuvent s’accompagner d’une hyperœstro-
Les différents types histologiques des cancers ovariens
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génie. La majorité d’entre elles a un comportement bénin. La seule tumeur maligne de ce groupe est le fibrosarcome. Il se différencie du fibrome par une forte cellularité, des atypies cytonucléaires et surtout par la présence de plus de quatre mitoses pour dix champs à l’objectif x 40.
Tumeurs de Sertoli-Leydig Ces tumeurs comportent en proportion variable des cellules de Sertoli, des cellules de Leydig, des cellules stromales de la gonade primitive et parfois des composantes hétérologues telles que des glandes mucosécrétantes, des éléments chondroïdes ou rhabdomyoblastiques (1-3). Dans ce groupe, les tumeurs de Sertoli sont presque toujours bénignes. En revanche, ce n’est pas le cas des tumeurs de Sertoli-Leydig à proprement parler qui surviennent principalement entre 25 et 35 ans et sont unilatérales dans 97 % des cas. Dans 50 % des cas, elles s’accompagnent de manifestations endocriniennes, virilisation pour plus de la moitié des cas ou hyperœstrogénie. Histologiquement, ces tumeurs sont classées en fonction du degré de différenciation tubuleuse de la composante sertolienne. Seules les tumeurs moyennement et peu différenciées peuvent donner des métastases, respectivement dans 11 % et 59 % des cas. Outre l’absence de différenciation, seraient aussi en faveur d’une évolution métastatique, une rupture intra-abdominale de la tumeur et l’existence d’un contingent hétérologue. Il existe une forme particulière de tumeur de Sertoli-Leydig dite rétiforme qui se voit dans des tumeurs moyennement à peu différenciées et dont le diagnostic est difficile car elle ressemble à un adénocarcinome séreux. Des évolutions métastatiques ont été rapportées dans 25 % des cas pour ce type de tumeur.
Tumeurs à cellules stéroïdiennes Par définition, ces tumeurs sont faites à plus de 90 % par des cellules produisant des hormones stéroïdiennes. Dans ce groupe, le lutéome stromal et les tumeurs à cellules de Leydig sont bénignes. Seul un tiers des tumeurs à cellules stéroïdiennes sans autre précision sont malignes. Elles surviennent le plus souvent chez des femmes en période d’activité génitale et peuvent s’accompagner de manifestations endocriniennes androgéniques, d’un syndrome de Cushing ou parfois d’une hyperœstrogénie. Les formes malignes se traduisent par une taille tumorale de plus de 7 cm et par des remaniements hémorragiques et nécrotiques. Histologiquement, il n’existe pas de critère formel permettant de séparer les formes malignes des formes bénignes. Cependant, les atypies cytonucléaires sont en général plus marquées et les figures mitotiques plus nombreuses (plus de deux mitoses pour dix champs à l’objectif x 40) dans les formes malignes.
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Les cancers ovariens
Tumeurs des cordons sexuels à cellules mixtes ou non classées Ce groupe de tumeur englobe des tumeurs des cordons sexuels qui n’ont pas pu être classées dans les trois groupes précédents. Le gynandroblastome et les tumeurs des cordons sexuels inclassées qui appartiennent à ce groupe ont en général un comportement bénin. En revanche, les tumeurs des cordons sexuels à tubules annelés, lorsqu’elles ne s’intègrent pas dans un syndrome de Peutz-Jeghers, sont malignes dans 25 % des cas. Bien qu’il n’existe pas de critère histologique formel, les tumeurs ayant une activité mitotique de plus de trois à quatre mitoses pour dix champs à l’objectif x 40 et des aspects franchement invasifs auraient plus souvent un comportement agressif.
Tumeurs très rares : tumeurs germinales malignes Un peu moins du tiers des tumeurs ovariennes est d’origine germinale et 95 % d’entre elles correspondent à des tératomes matures. Les tumeurs germinales malignes ne représentent en fait que 2 à 3 % des cancers de l’ovaire. Elles sont observées dans 60 % des cas avant 21 ans ou chez des femmes jeunes de moins de 30 ans. Elles se présentent en général comme des tumeurs unilatérales de grande taille, souvent solides, avec des remaniements nécrotiques et hémorragiques. Contrairement aux tumeurs testiculaires, les différents types de tumeurs germinales coexistent rarement au niveau de l’ovaire (à peine 10 %). Ces tumeurs ont des caractéristiques morphologiques assez spécifiques qui permettent de les identifier le plus souvent. Pour les cas plus délicats, il est possible de s’aider des techniques immuno-histochimiques avec la batterie d’anticorps suivante (19) : cytokératines, PLAP (Placental-Like Alkaline Phosphatase), AFP (Alpha Foeto Protein), bêta-hCG (human Chorionic Gonadotrophin), CD117, CD30 et récemment OCT-4. Les profils immunohistochimiques sont variables selon le type de tumeur germinale, mais le point commun est l’absence d’expression de l’EMA. Ce marqueur permet donc de distinguer les tumeurs germinales qui expriment les cytokératines des carcinomes qui sont, en règle générale, EMA+. Comme pour les tumeurs testiculaires, les tumeurs germinales de l’ovaire sont agressives (élévation des LDH) et peuvent être suivies par le taux sérique des marqueurs tumoraux (AFP, hCG). Des rémissions prolongées, voire des guérisons, y compris à des stades évolués, peuvent être obtenues en raison de leur chimiosensibilité.
Les différents types histologiques des cancers ovariens
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Dysgerminomes ou séminomes Ce sont les tumeurs germinales malignes les plus fréquentes (50 % environ des tumeurs de ce groupe) (1-3). Elles se voient plutôt entre 20 et 30 ans et se présentent comme des masses ovariennes unilatérales dans 90 % des cas. L’ovaire controlatéral peut cependant, dans 20 % des cas, comporter une atteinte macroscopique ou microscopique. Histologiquement, elles sont faites de cellules germinales primitives souvent mêlées à des lymphocytes et à des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires. Leur phénotype immuno-histochimique est le suivant : PLAP+, CD117+, CD30-, AFP- et parfois cytokératine focalement +. Ces tumeurs très radio-sensibles, comme le séminome testiculaire, ont des taux de survie à cinq ans de l’ordre de 80 %. Les critères pronostiques péjoratifs sont représentés par le stade anatomique surtout.
Tumeurs vitellines ou tumeurs du sac vitellin ou tumeurs du sinus endodermique Elles représentent le deuxième type de tumeur germinale maligne de l’ovaire (environ 20 %) et s’observent aussi entre 20 et 30 ans. Elles associent des taux sériques très élevés d’AFP et une masse abdomino-pelvienne de croissance rapide. Histologiquement, ces tumeurs sont faites de cellules germinales qui récapitulent les différents stades de développement du sac vitellin au cours de l’embryogenèse. De ce fait, elles prennent des aspects très variés et parfois trompeurs (diagnostic différentiel avec des adénocarcinomes endométrioïdes ou à cellules claires). L’identification de corps de Schiller-Duval, de « boules hyalines » colorées par le PAS (Periodic Acid Schiff ) et d’une architecture réticulée sont typiques de ce type de tumeur. Le diagnostic peut être conforté par des immuno-marquages qui montrent que les cellules tumorales sont PLAP+/, cytokératine+ et AFP+. Les taux de survie à cinq ans après chimiothérapie sont de 80 % pour les stades I/II et de 60 % pour les stades III/IV.
Carcinomes embryonnaires Ces tumeurs sont exceptionnelles (environ 3 % des tumeurs germinales malignes) et se voient chez des enfants, la moyenne d’âge étant de 12 ans. Le tableau clinique inclut une masse tumorale volumineuse, des signes endocriniens à type de pseudo-puberté précoce ou de virilisation et des taux sériques augmentés d’AFP et/ou d’hCG. Histologiquement, ces tumeurs sont faites de grandes cellules très indifférenciées qui ressemblent à celles du disque
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Les cancers ovariens
embryonnaire. Leur profil immuno-histochimique est le suivant : PLAP+/-, cytokératine+, CD30+ et parfois AFP+. Parce qu’elles répondent bien à la chimiothérapie, ces tumeurs comme les tumeurs vitellines peuvent être guéries à un stade avancé.
Choriocarcinomes non gestationnels Ils représentent moins de 1 % des tumeurs germinales malignes de l’ovaire et s’observent chez des enfants ou des adultes jeunes. Les taux sériques d’hCG sont toujours élevés, responsables d’une pseudo-puberté précoce chez l’enfant, de virilisation ou de symptômes évocateurs d’une grossesse extra-utérine chez l’adulte. Cette tumeur très hémorragique et nécrotique se compose de cellules syncitiotrophoblastiques, cytotrophoblastiques et trophoblastiques intermédiaires intimement mêlées. L’expression d’hCG par les éléments syncitiotrophoblastique est pathognomonique. Ces tumeurs dites non gestationnelles sont de moins bon pronostic que les choriocarcinomes de type gestationnel et sont donc traitées par des chimiothérapies plus agressives.
Tératomes immatures Ils représentent environ 20 % des tumeurs germinales malignes de l’ovaire et s’observent en général entre 10 et 20 ans. Il n’est pas rare que ces tumeurs s’accompagnent de taux sériques d’AFP ou de bêta-hCG modérément élevés. Par définition, les tératomes comportent des tissus issus des trois feuillets embryonnaires. Ces éléments tumoraux divers peuvent être, soit matures, soit immatures et ils ressemblent alors aux tissus de l’embryon avant le troisième mois de gestation. Les tératomes dits immatures sont en général mixtes et comportent un mélange des deux types d’éléments (fig. 8). La nature de la ou des composantes immature(s) est variable, mais, le plus souvent, il s’agit d’un contingent de type neuro-ectodermique L’évaluation de son importance permet de classer ces tumeurs en trois grades. Les tumeurs de grade 1 qui comportent un contingent immature très focal ont une survie globale à cinq ans de 82 % et ne reçoivent pas de chimiothérapie si elles sont confinées à l’ovaire. En revanche, une chimiothérapie pourrait être proposée pour les tumeurs de grades 2 et 3 dans lesquelles le contingent immature est plus étendu. Ce type de prise en charge aurait fait passer les taux de survie des grades 2-3 de 30-60 % à 90-100 %, mais cela reste discuté.
Les différents types histologiques des cancers ovariens
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Fig. 8 – Vue macroscopique d’un tératome multitissulaire mature et immature de l’ovaire avec du sébum, des poils et des éléments nerveux.
Tumeurs exceptionnelles Ce paragraphe regroupe des tumeurs tellement rares qu’elles n’ont fait l’objet que de très petites séries dans la littérature. Elles représentent en tout 5 à 6 % des cancers de l’ovaire. Parmi elles, nous ne détaillerons que le carcinome à petites cellules hypercalcémique qui est une tumeur agressive de la jeune fille pouvant être confondue avec une tumeur de la granulosa de type juvénile. Les autres tumeurs appartiennent aux carcinomes (carcinome à petites cellules de type pulmonaire, carcinome neuroendocrine à grandes cellules, cylindrome, carcinome hépatoïde), d’autres à la cancérisation d’un tératome sous la forme d’un carcinome (adénocarcinome, carcinome malpighien, carcinoïde, goitre ovarien malin), d’un mélanome, d’un sarcome ou d’une tumeur neuro-ectodermique. Des sarcomes du stroma endométrial ont aussi été décrits, ainsi que des sarcomes comme ceux des parties molles, des mésothéliomes malins, des lymphomes ou des leucémies. Enfin, on rattache aux tumeurs ovariennes les adénocarcinomes du rete ovari.
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Les cancers ovariens
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Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes F. Penault-Llorca
Généralités Les tumeurs ovariennes représentent un ensemble complexe de tumeurs caractérisées par une grande variété de groupes tumoraux et de types histopathologiques. Pour les tumeurs épithéliales, il existe plusieurs catégories de tumeurs : les tumeurs bénignes, à malignité limite et les adénocarcinomes. L’immuno-histochimie (IHC) et les colorations spéciales peuvent aider à résoudre de nombreux problèmes de diagnostic différentiel. La microscopie électronique n’est pratiquement plus utilisée, pour des raisons techniques. Elle apportait cependant une aide précieuse dans certaines situations. Les situations dans lesquelles les techniques spéciales peuvent aider le pathologiste sont les suivantes : – un diagnostic différentiel entre une tumeur primitive et une métastase ovarienne ; – un diagnostic de groupe tumoral (tumeur épithéliale, tumeur germinale, tumeur du stroma et des cordons sexuels…) ; – au sein d’un même groupe tumoral, un diagnostic du type de tumeur (tumeur endométrioïde ou séreuse, tumeur du sac vitellin ou choriocarcinome…). En revanche, l’immuno-histochimie et les colorations spéciales ne seront d’aucune aide pour différencier une tumeur bénigne d’une tumeur maligne (comme d’ailleurs pour pratiquement tous les autres types tumoraux, à l’exception de la pathologie prostatique).
Marqueurs utilisés Marqueurs épithéliaux communs L’utilisation des pan-cytokératines (AE1/AE3) n’a d’intérêt que dans quelques situations particulières comme l’identification d’une différenciation épithéliale dans une tumeur indifférenciée, la distinction entre une tumeur germinale
100 Les cancers ovariens
séminomateuse et une tumeur germinale non séminomateuse (qui exprimera diffusément les pan cytokératines à l’opposé des tumeurs séminomateuses dans lesquelles l’expression est absente ou bien focale et faible [1]). L’expression de l’EMA (antigène épithélial de membrane) est utile pour distinguer une prolifération épithéliale d’une tumeur du stroma et des cordons sexuels mimant une tumeur épithéliale. L’EMA est beaucoup plus spécifique d’une prolifération épithéliale que les pan cytokératines qui peuvent être exprimées dans les tumeurs épithéliales primitives et secondaires, les tumeurs de la granulosa, les tumeurs de Sertoli-Leydig et les tumeurs germinales à l’exception des séminomes (ou dysgerminomes (2)). D’autres marqueurs peuvent être utilisés (CK7-CK20, CD15…), ils seront développés plus loin dans la section « diagnostic différentiel entre tumeurs épithéliale ovarienne primitive et métastatique » (3).
Marqueurs associés aux tumeurs germinales Alpha-fœto-protéine : ce marqueur est exprimé principalement par les tumeurs du sac vitellin, mais aussi par les tumeurs à différentiation hépatoïde comme la tumeur du sac vitellin hépatoïde, l’exceptionnel carcinome ovarien hépatoïde et les hépatocarcinomes métastatiques à l’ovaire (4). Bien qu’exceptionnellement positif focalement dans des carcinomes embryonnaires, un marquage par l’alphafœto-protéine signe en général un tumeur du sac vitellin (utile pour le diagnostic différentiel avec une tumeur endométrioïde présentant des aspect du tumeur vitelline) (5).
β HCG : son expression est limitée aux cellules syncytiotrophoblastiques et à une population de trophoblastes extravilleux. L’expression de β HCG est donc caractéristique des tumeurs renfermant des cellules syncytiotrophoblastiques comme les choriocarcinomes (par définition), certains séminomes et carcinomes embryonnaires. En revanche, une expression de β HCG peut être retrouvée de façon non spécifique dans de nombreux carcinomes indifférenciés en l’absence de tout caractère germinal (6, 7). PLAP (phosphatase alcaline placentaire) : son expression est reconnue comme spécifique d’une tumeur séminomateuse (où son absence d’expression est inhabituelle). Cependant, des tumeurs non séminomateuses, et de nombreux carcinomes peuvent exprimer la PLAP.
Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes 101
Marqueurs des cellules du stroma et des cordons sexuels La réticuline : son aspect est caractéristique dans les tumeurs de ce groupe puisqu'elle enserre chaque cellule tumorale (8). Inhibine : marqueur spécifique des tumeurs de ce groupe tumoral marque naturellement les cellules lutéinisées du stroma ovarien accompagnant certains carcinomes ce qui impose lors de l’interprétation de l’IHC de bien distinguer le type cellulaire impliqué par le marquage (9). Le CD99 ou MIC2 bien que non spécifique de ces tumeurs est exprimé dans les tumeurs de la granulosa et les tumeurs de Sertoli et Leydig, de même que le Melan A qui est plutôt exprimé dans les tumeurs à cellules de Sertoli (10).
Autres marqueurs Ils seront développés dans les sections appropriées de diagnostic différentiel (marqueurs lymphoïdes, marqueurs de mélanome malin, marqueurs endocriniens, marqueurs musculaires…).
Diagnostic différentiel entre un adénocarcinome ovarien primitif et une métastase Problématique des tumeurs séreuses Elles posent un diagnostic différentiel avec une métastase sauf dans le cas où le diagnostic clinique s’oriente plutôt vers un mésothéliome malin avec extension ovarienne (contexte d’exposition à l’amiante). Le profil immuno-histochimique « de base » étant commun (KL1, EMA, Vimentine positivité), c’est Tableau I – Panel suggéré d’anticorps distingant adénocarcinome ovarien et mésothéliome malin. Anticorps
Adénocarcinome ovarien
Mésothéliome malin
CD15
+/-
-
BerEP4
+
-
B72.3
+
-
CK5/CK6
-
+
Calrétinine
Rares cellules +
+
102 Les cancers ovariens
l’utilisation d’un panel d’anticorps tels que CD15 (LeuM1), BerEP4, B72.3 pour la différentiation épithéliale, et les cytokératines CK5/CK6 et la calrétinine pour la différentiation mésothéliale qui permet de trancher (11).
Tumeurs mucineuses ou endométrioïdes Le diagnostic différentiel se pose fréquemment pour ces tumeurs, en particulier lorsqu’elles sont bilatérales (en faveur d’une métastase). Les métastases peuvent provenir principalement du tractus digestif : côlon, estomac, pancréas, de la glande mammaire, du poumon. Tous les aspects histopathologiques peuvent s'observer au niveau d’une métastase ovarienne d’un carcinome mucineux, notamment les aspects de tumeur « borderline » et de cystadénome. Les aspects de nécrose glandulaire en guirlande sont assez évocateurs d’un processus métastatique. Les panels immuno-histochimiques les plus utilisés renferment les cytokératines 7 et 20, l’ACE monoclonal, les récepteurs hormonaux, le TTF1 (3, 12-15). Tableau II – Panel suggéré d’anticorps pour distinguer tumeurs mucineuses et endométrioïdes. Anticorps
Ovaire mucineux
Ovaire non mucineux
Côlon
Pancréatobiliaire Estomac
Sein
Poumon
CK7
+
+
-
+, +/-,-/+,-
+
+
CK20
+ /-
-
+
+, +/-,-/+,-
-
-/+
ER/PR
+/-
+ /-
-
-
+ /-
-
mACE
+ /-
-/+
+
+
Quelques cell +
+
GCDPF
-
-
-
-
+/-
-
TTF1
-
-
-
-
-
+ /-
CK7CK7-
Côlon Côlon
CK20+ CK20+
CK20+ CK20+
RE/RP+ RE/RP+
Ovaire Ovairemucineux mucineux
RE/RPRE/RP-
Pancréato-biliaire Pancréato-biliaire Estomac Estomac
mACE+ mACE+
Poumon Poumon
mACEmACE-
Ovaire non Ovaire nonmucineux mucineux
CK7+ CK7+ CK20CK20-
Fig. 1 – Algorythme diagnostique adénocarcinome primitif ovarien - métastase d’un adénocarcinome.
Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes 103
La négativité de CK7 exclut a priori un primitif ovarien par rapport à un carcinome digestif. Le profil immuno-histochimique des métastases des carcinomes gastriques et pancréatobiliaires sont le plus souvent non contributifs car toutes les combinaisons CK7/CK20 sont possibles ; par exemple, les tumeurs gastriques présentent des profils variables : 40 % des cas : C7/CK20+, 10 % : CK7-/ CK20-, 30 % CK7 +/CK20+, 20 % : CK7+/CK20-. Une diffusion tumorale importante fait penser à un processus métastatique, par exemple devant des métastases hépatiques, associées à une tumeur mucineuse ovarienne bilatérale de phénotype non digestif (en particulier, avec une positivité du CK7 et une faible positivité du CK20). Certains anticorps comme le WT1 (16), la bêta caténine (17), HAM56 (18) ont été rapportés dans la littérature comme plus ou moins spécifiques d’une origine ovarienne primitive. Cependant, ils restent peu utilisés en routine.
Tumeurs à cellules claires Les adénocarcinomes primitifs ovariens à cellules claires (CCC) expriment fortement et de manière diffuse les cytokératines, l’EMA et le CD15. Ils sont cytokératine 7 positive et cytokératine 20 négative. L’ACE est positif dans 38 à 63 % des cas et le CA125 dans 50 à 72 % des cas selon les auteurs. L’alpha-fœtoprotéine (AFP) est rarement positive. Le CD10 est toujours négatif (19, 20). Le diagnostic différentiel se porte principalement dans les cas suivants : Tumeurs germinales (tumeur vitelline, dysgerminome) : cliniquement, ces tumeurs touchent des femmes jeunes à l’inverse des carcinomes à cellules claires qui sont observés après 50 ans et la tumeur vitelline s’accompagne d’une augmentation de l’alpha-fœto-protéine sérique : – comme les tumeurs du sac vitellin, les carcinomes à cellules claires peuvent avoir une architecture papillaire ou réticulaire, des cellules claires et des globules hyalins. L’AFP est exprimée dans toutes les tumeurs vitellines et rarement dans les carcinomes à cellules claires et c’est l’inverse pour le CD15 (21) ; – certains carcinomes à cellules claires possèdent un stroma inflammatoire séparant des amas de cellules claires comme les dysgerminomes ou séminomes ; cependant, il s’agit d’un infiltrat à prédominance plasmocytaire. Les dysgerminomes ont un profil immuno-histochimique caractéristique PLAP+ (phosphatase alcaline placentaire) et CD119+ et n’expriment pas l’EMA et peu ou pas la kératine à l’inverse des carcinomes à cellules claires (22). Métastases de carcinome à cellules claires d’origine rénale ou digestive (variété à cellules en « bague à châton ») : elles sont rares (11 cas de métastases ovariennes de carcinomes à cellules claires rénaux) et peuvent précéder, parfois de plusieurs années, la découverte du primitif. Les métastases sont généralement bilatérales,
104 Les cancers ovariens
alors que seuls 2 à 4 % des carcinomes à cellules claires primitifs ovariens de stade I le sont. La coexistence d’une endométriose plaide pour une origine primitive. L’utilisation d’un panel d’anticorps (dont les CK7 et 20) est très utile (23). Tableau III – Panel suggéré d’anticorps pour distinguer cancer à cellules claires (CCC) ovarien, CCC rénal et carcinome digestif en bague à chaton. Anticorps
CCC ovarien
CCC rénal
Carcinome digestif en bague à chaton
CK7
+
-
-
CK20
-
-
+
CytoK 903
+
-
-
CD10
-
+
+
RE/RP
+ 80 %
-
-
CA 125
+ 60-70 %
-
-
Tumeurs stéroïdes : elles peuvent renfermer un abondant cytoplasme clair, riche en lipides ; mais elles sont plus petites que les carcinomes à cellules claires, bien limitées, leurs noyaux sont d’aspect bénin ou de bas grade nucléaire et elles expriment fortement l’alpha-inhibine (9). Carcinome endométrioïde de type sécrétoire : les deux types de carcinomes, endométrioïde et à cellules claires, peuvent être associés, on peut observer des foyers de métaplasie malpighienne dans l’adénocarcinome endométrioïde et il n’y a pas de différence immuno-histochimique permettant de trancher.
Tumeurs à différenciation urothéliale Un diagnostic différentiel entre une tumeur de Brenner maligne et une métastase ovarienne d’un carcinome urothélial ne se pose qu’en absence de contingent Brenner bénin. Le profil immuno-histochimique d’une Brenner maligne est différent du carcinome urothélial : CK7 et CA125 positifs, CK20, CK 13, thrombomoduline et uroplakine négatifs (24).
Aide au diagnostic d’un groupe tumoral Les différents groupes tumoraux ont des caractéristiques immuno-histochimiques qui leur sont particulières et qui sont en rapport avec leur origine embryologique. Un recours à l’immuno-histochimie est rarement nécessaire pour faire un diagnostic de groupe tumoral car la morphologie des types
Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes 105
épithéliaux, germinaux et cordons sexuels est en général très caractéristique. Néanmoins, l’immuno-histochimie est utile dans les tumeurs présentant des aspects évocateurs de tumeurs germinales ou des cordons sexuels en l’absence d’un contexte clinique évocateur et dans le cas de tumeurs indifférenciées à petites cellules rondes, pour lesquelles de nombreuses hypothèses diagnostiques sont possibles et où la prise en charge thérapeutique est différente.
Carcinome ovarien primitif versus tumeur du stroma ou des cordons sexuels Les tumeurs endométrioïdes peuvent assez souvent présenter des aspects de tumeurs du stroma et des cordons sexuels. Ces dernières sont immuno-réactives pour l’inhibine et le CD99 ou MIC2 et le mélan A (9, 10, 25). De même, une tumeur de la granulosa peut en imposer pour une tumeur carcinoïde (la chromogranine doit être négative et CK 8-18 positive dans les tumeurs de la granulosa). Une tumeur de Sertoli-Leydig peut présenter de nombreuses variantes histopathologiques de diagnostic positif souvent difficile, aidé par un panel d’anticorps incluant, outre les anticorps présentés dans le tableau ci dessous, la chromogranine, la synaptophysine, l’A103 et l’alphafœto-protéine (24). Tableau IV – Panel suggéré d’anticorps permettant de distinguer cancer de l'ovaire épithélial, thécome, tumeurs de la granulosa et de Sertoli-Leydig. Anticorps
Ovaire épithélial
Thécome
Granulosa
Sertoli-Leydig
EMA
+
- ou qq cell +
-
-
Inhibine
- ou qq cell +
+
+
+/-
CD99 (MIC2)
-
?
+
+
MelanA
-
?
+/-
+
Carcinome ovarien primitif versus tumeur germinale Les problèmes diagnostiques peuvent se poser pour des tumeurs très indifférenciées avec un carcinome embryonnaire, pour un carcinome endométrioïde prenant dans certains cas des aspects de tumeur vitelline et devant des aspects de cellules claires avec un dysgerminome (CD117 ou cKit +) comme exposé précédemment. Le CD 30 est discrimant pour le diagnostic positif du carcinome embryonnaire (26). Récemment, l’utilisation de l’anticorps OCT4 a été préconisée comme marqueur des séminomes et des carcinomes embryonnaires (27).
106 Les cancers ovariens
Tableau V – Panel suggéré d’anticorps. Anticorps
Ovaire épithélial
Séminome
Vitelline
Carcinome embryonnaire
Choriocarcinome
Cytokératine
+
- ou qq cell +
+
+
+
AFP
-
-
+
-/+
-
BHCG
-/+
- ou qq cell +
- ou qq cell +
- ou qq cell +
+
CD 30
-
- ou qq cell +
- ou qq cell +
+
-
Tumeur ovarienne à petites cellules (24) Il existe plusieurs hypothèses diagnostiques différentes : Tumeurs à petites cellules avec hypercalcémie (CPC) : le profil immunohistochimique n’est pas spécifique : les carcinomes à petites cellules expriment généralement l’EMA et, de manière variable, la vimentine, la cytokératine, la NSE et la chromogranine, mais pas l’inhibine (28). De rares tumeurs sont marquées par l’anticorps anti-PTH, mais le marquage n’est pas spécifique (28). Les carcinomes à petites cellules possèdent des caractéristiques ultrastructurales de tumeurs épithéliales : des jonctions intercellulaires (desmosomes), des membranes basales, des microvillosités, un réticulum endoplasmique abondant et dilaté avec formation de grosses vésicules remplies d’un matériel protéique caractéristique, mais pas de granule de neurosécrétion (29). Tumeurs de la granulosa adulte (TGA) et juvénile (TGJ) : elles représentent le principal piège diagnostique. Cependant, les aspects cytologiques diffèrent et d’un point de vue immunohistochimique, elles expriment l’inhibine et l’EMA au contraire des carcinomes à petites cellules avec hypercalcémie (9). Tumeurs germinales : dans la tranche d’âge des carcinomes à petites cellules avec hypercalcémie, on peut également évoquer une tumeur du sinus endodermique, un dysgerminome ou un carcinome embryonnaire. Les aspects histologiques diffèrent le plus souvent et l’étude immunohistochimique et les marqueurs tumoraux (bêta-HCG, alpha-fœto-protéine, ACE) établissent facilement le diagnostic. Autres tumeurs posant des problèmes diagnostiques : lymphomes, tumeurs à cellules rondes de l’enfant primitives ou métastatiques (PNET, neuroblastome, tumeur desmoplasique intra-abdominale à cellules rondes, Ewing, rhabdomyosarcome alvéolaire), métastase de mélanome : toutes ces tumeurs ont des caractéristiques histologiques et surtout immunohistochimiques et ultrastructurales qui les différencient du carcinome à petites cellules avec hypercalcémie. On peut s’aider d’un panel d’anticorps : ALC, PS100, CD99, Desmine, HMB45 (24).
Techniques d’aide au diagnostic des tumeurs ovariennes 107
Tableau VI – Panel suggéré d’anticorps permettant de distinguer carcinome, lymphome, mélanome, granulosa, cancer à petites cellules pulmonaire, cancer à petites cellules avec hypercalcémie, tumeur desmoplastique. Anticorps
Carcinome Lymphome Mélanome Granulosa CPC pul m
CK
+
-
-
CPC Tumeur Ca + desmoplastique +
+/-
+
+/-
+
EMA
+
-/+
-
-
+
+/-
+
CD45
-
+
-
-
-
-
-
S-100
-/+
-
+
-/+
R+
-
R+
Inhibine
R+
-
-
+
-
-
-
-/+
-
-
-
+/-
-
-/+
Desmine
-
-
-
-/+
-
-
+/-
CD99
-
-/+
-
+/-
-/+
-/+
-/+
Chromogranine
R+ : de rares cellules peuvent être positives.
Métastase de CPC pulmonaire ou extrapulmonaire et CPC de type neuroendocrine primitif de l’ovaire (30) : Ces tumeurs atteignent des femmes plus âgées, après la ménopause et sont souvent associées à une tumeur épithéliale de surface. Elles expriment classiquement la NSE et, plus rarement, la chromogranine A.
Conclusion Les techniques spéciales et tout particulièrement l’immuno-histochimie sont d’une grand aide au diagnostic positif de certaines tumeurs ovariennes primitives. Elles sont également très utiles au diagnostic différentiel des tumeurs mucineuses de l’ovaire pour lesquelles un diagnostic de primitif ovarien est un diagnostic d’élimination. Ces techniques apportent dans la plupart des cas un diagnostic de certitude permettant une prise en charge adaptée de la patiente. L’immuno-histochimie est également utilisée en recherche pour la détermination du pronostic ou de marqueurs biologiques utiles pour la prise en charge « ad hoc » des patientes.
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Facteurs pronostiques
Facteurs pronostiques des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire R. Largillier, W. Lescaut, J.-M. Ferrero et J.-P. Guastalla
Introduction La détermination de facteurs pronostiques est une étape essentielle à la mise en évidence de profils évolutifs variés de tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire (1, 2) et à leur prise en charge thérapeutique. Elles restent le cancer gynécologique de plus mauvais pronostic avec seulement 30 à 40 % de survie globale à cinq ans (3, 4) en raison d’un diagnostic à un stade avancé dans 75 % des cas. Le traitement associant une prise en charge chirurgicale et une chimiothérapie à base de sels de platine n’est que partiellement efficace (5). La détermination de facteurs pronostiques fiables permettrait de sélectionner les patientes bénéficiant réellement de traitements coûteux et toxiques. Un facteur pronostique est défini comme une variable corrélée à la survie globale. Il doit répondre aux critères habituels de contrôle de qualité (fiabilité, reproductibilité) et l’information donnée doit influencer la décision thérapeutique. Chaque variable doit être confirmée en analyses multivariées et doit être indépendante des autres facteurs déjà identifiés (6, 7). Le facteur pronostique doit être validé par plusieurs études concordantes pour généraliser les résultats. Quand la variable étudiée répond à cet ensemble de critères, elle est alors utilisable en pratique clinique. Il faut remarquer, dans le cas particulier des tumeurs épithéliales de l’ovaire, que c’est principalement dans les formes précoces de la maladie, aux stades IA et IB, que les facteurs pronostiques influencent la décision du traitement adjuvant à proposer (8). En effet, dans les stades avancés, toutes les patientes nécessiteront une chirurgie d’exérèse associée à une chimiothérapie par carboplatine – paclitaxel, et, dans ce cas, il n’y a donc pas d’alternative thérapeutique entre les patientes de bon ou de mauvais pronostic, en dehors de protocoles de recherche (5). Les facteurs pronostiques initiaux influencent donc peu la décision. En revanche, les variables prédictives de la réponse ou de la résistance aux différents traitements peuvent être déterminantes dans les choix thérapeutiques.
114 Les cancers ovariens
Ces informations peuvent également être très utiles pour stratifier les patientes dans les essais cliniques testant un traitement de maintenance ou de consolidation. Les facteurs pronostiques peuvent être subdivisés en trois groupes : – facteurs liés à la tumeur (stade FIGO, histologie, grade, HER2, EGFR…) ; – facteurs liés aux patients (âge, performans status) ; – facteurs liés au traitement (taille du résidu tumoral après exérèse chirurgicale initiale, chimiothérapie à base de platine ou normalisation précoce du CA125) (9).
Facteurs liés à la tumeur Stade Le diagnostic de tumeur épithéliale maligne de l’ovaire se fait dans plus de deux tiers des cas à un stade avancé de la maladie avec ascite et carcinose péritonéale. Bien entendu, l’extension de la maladie est un facteur pronostique établi dans l’ensemble de la littérature. La classification de cette extension utilise les stades FIGO (Fédération internationale des gynécologues obstétriciens) (10, 11). Ce facteur pronostique influence fortement la survie à cinq ans avec 80 % de survie globale dans les stades I et moins de 20 % pour les stades IV (fig. 1). On comprend alors l’importance de la détermination correcte du stade d’extension initial de la maladie en termes pronostique et thérapeutique. Elle implique que la chirurgie initiale soit complète notamment au niveau des curages ganglionnaires. Les « sous-stades » de la classification FIGO ont également une valeur pronostique : – dans les stases I et II, les sous-stades A (unilatéralité), B (bilatéralité) et C (cytologie péritonéale positive, tumeur à la surface de l’ovaire ou rupture capsulaire) ont une valeur pronostique mal établie (12-15), à cet effet la FIGO suggère de préciser si la rupture capsulaire est per-opératoire ou préexistante à l’intervention ; – dans le stade III, il est rapporté par de nombreux auteurs le plus mauvais pronostic du stade IIIC par rapport aux stades IIIA et IIIB, ces deux derniers ne présentant pas de différences significatives de survie à cinq ans après chirurgie initiale (16, 17). L’importance de l’ascite n’est pas clairement identifiée dans la classification de la FIGO. Cependant, certains auteurs lui ont accordé une valeur pronostique (18).
Facteurs pronostiques des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 115
Pourcentage de survie
Stade Ia (n = 421) Stade Ib (n = 46) Stade Ic (n = 436) Stade Stade Stade Stade
IIa (n = 55) IIc (n = 154) IIb (n = 108) IIIa (n = 118)
Stade IIIb (n = 264) Stade IIIc (n = 1330) Stade IVc (n = 396)
Nombre d’années après diagnostic Fig. 1 – Heintz APM, Odicino F, Maisonneuve P et al. (2001) Carcinoma of the ovary. FIGO Annual Report. J Epid Biostat 6: 107-38
Grade Le grade histologique concernant les tumeurs épithéliales est un facteur pronostique important identifié comme indépendant dans de nombreuses études multivariées (19). Il est certainement particulièrement déterminant chez les patientes de stade I. Cependant, le grade est un facteur qui manque de reproductibilité ; il n’est pas identifié de manière systématique et l’emploi de multiples systèmes de grading rend son utilisation difficile en pratique (9).
Type histologique Le type histologique n’est pas retrouvé de manière systématique comme un facteur pronostique indépendant. Les tumeurs malignes mucineuses et endométrioïdes sont considérées comme étant de meilleur pronostic par rapport aux tumeurs séreuses. Les cancers indifférenciés ont plus mauvais pronostic. Les adénocarcinomes à cellules claires ont souvent été identifiées en analyse multivariée comme un facteur indépendant de mauvais pronostic, mais cela reste controversé. Il serait plus souvent résistant à la chimiothérapie (19).
116 Les cancers ovariens
Facteurs biologiques Facteurs biologiques sériques (CA125) Le marqueur sérique CA125 est exprimé dans près de 80 % des cancers ovariens et son élévation au diagnostic est corrélée avec le stade d’extension et l’histologie (20).
HER2 Le taux de surexpression d’HER2 en immuno-histochimie (IHC) rapporté dans la littérature est de l’ordre de 25 %. Dans une étude du groupe GINECO (21) concernant 117 patientes présentant un cancer ovarien de stade III ou IV, incluses dans un protocole prospectif (cisplatine, épirubicine, cyclophosphamide), il a été retrouvé un taux de surexpression d’HER2 de 16 %. En analyse multivariée, la surexpression d’HER2 était un facteur de mauvais pronostic indépendant. Ceci n’a pas été confirmé par une étude multicentrique allemande (22) où le taux de surexpression en IHC était encore plus faible (25/361 tumeurs, soit 6,9 %) et où l’influence pronostique du statut d’HER2 n’était pas indépendante des paramètres classiques anatomo-cliniques. En revanche, dans l’étude danoise MALOVA (23) regroupant 181 cas, 13,3 % était 2+ ou 3+ en IHC, et la surexpression HER2 était corrélée avec la survie et conservait sa valeur pronostique en analyse multiparamétrique. Dans une autre étude de 401 carcinomes séreux (24), la présence d’une amplification (> 5 copies) détectée par CISH (chromogenic in situ hybridization), qui était rapportée dans 7 % des cas, s’est montrée être un facteur prédictif de plus mauvais pronostic et de moins bonne réponse thérapeutique que la présence d’une surexpression révélée par IHC. Les expériences cliniques avec le trastuzumab sont encore très limitées. Les résultats d’une étude de phase II d’Herceptin® en monothérapie du GOG (Gynecologic Oncology Group) ont été récemment publiés dans le Journal of Clinical Oncology (25). Sur un total de 837 tumeurs testées, 11,4 % (n = 95) avait une surexpression 2+ ou 3+. Sur les 41 patientes traitées (toutes avaient reçu une chimiothérapie antérieure), le taux de réponse a été seulement de 7,3 % (1RC, 2 RP). L’intérêt pronostique de HER2 ne peut donc être reconnu et seules les études randomisées d’association avec la chimiothérapie en première ligne permettront d’évaluer l’intérêt potentiel du trastuzumab dans les cancers ovariens.
R-EGF (epidermal growth factor receptor) La surexpression de REGF est de l’ordre de 32 à 62 % selon les études (26-28). Tous stades confondus dans une large étude de plus de 700 patientes, il n’a pas été mis en évidence d’intérêt pronostique pour la survie en analyse
Facteurs pronostiques des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 117
multivariée (26). En revanche, dans une étude limitée aux stades I et II de la FIGO réalisée sur 226 patientes, le REGF posséderait une valeur pronostique indépendante (27). La surexpression de REGF dans les cancers ovariens est à l’origine d’études cliniques, de thérapeutiques ciblées inhibitrice à venir (29).
Récepteurs hormonaux pour les œstrogènes et la progestérone Dans une étude portant sur 322 patientes opérées au MD Anderson entre 1990 et 2000, les récepteurs aux œstrogènes étaient exprimés dans 77 % des cas et les récepteurs à la progestérone dans 26 %. Seule la surexpression des récepteurs à la progestérone était associée à une évolution favorable en analyse multivariée et cette expression était liée au type histologique endométrioïde dans 64 % des cas (30). La valeur pronostique des récepteurs à la progestérone a été également démontrée en analyse multivariée sur d’autres études (31).
Micro-array et génétique moléculaire Les altérations génétiques (mutations, amplification ou hyperexpression d’oncogènes) tiennent une place importante dans la progression de la maladie tumorale, mais également dans la réponse aux thérapeutiques. Ils peuvent donc influencer le pronostic des patientes. De nombreux gènes ont été étudiés et leur intérêt clinique reste débattu. La fonction du gène TP53 contribue à la résistance aux sels de platine et à la sensibilité aux taxanes. Cependant son polymorphisme n’influence pas la survie globale des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire (32, 33). Dans une étude récente utilisant des oligonuclotides micro-arrays à partir de l’expression de 115 gènes, un profil pronostique a été identifié et cette signature génétique conserve une valeur pronostique indépendante en analyse multivariée (34). Ces techniques récentes prometteuses demandent à être validées par d'autres études.
Facteurs liés aux patients Âge et indice de performance L’âge et l’indice de performance sont souvent corrélés au stade de la FIGO du fait de l’histoire naturelle de la maladie. Ils ne sont pas toujours identifiés comme des facteurs pronostiques indépendants dans les études multivariées (35-37).
118 Les cancers ovariens
Pour les stades III de la classification de la FIGO, l’âge moyen de découverte augmente régulièrement avec l’extension de la maladie : – 40 ans → stade IIIA ; – 50 ans → stade IIIB ; – 60 ans → stade IIIC. Il semblerait que l’extension tumorale soit plus importante en fonction de l’âge (38). Les patientes de plus de 70 ans seront également moins souvent traitées de manière optimale. La survie spécifique ne serait alors que de 13 % à cinq ans contre 53 % pour les patientes plus jeunes. Après ajustement sur les autres variables, les patientes âgées présenteraient un risque relatif de décès pour cancer de l’ovaire de 1,8 par rapport aux patiente plus jeunes (39). L’âge et le performance status doivent impérativement être pris en compte dans la mesure où ils conditionnent la morbidité opératoire et limitent parfois les possibilités de l’administration des traitements adjuvants. Lorsque la mise en œuvre optimale des traitements est compromise, l’efficacité thérapeutique l’est également, avec des conséquences lourdes pour le pronostic. L’indice de performance resterait un facteur pronostique indépendant (40).
Facteurs liés au traitement La taille du résidu tumoral après exérèse initiale La qualité de l’exérèse chirurgicale initiale a été pressentie comme étant de première importance depuis de nombreuses années. Le rôle de la résection chirurgicale lors de la prise en charge initiale a été établi par Griffith en 1975 (41). Un résidu inférieur à 2 cm est un facteur pronostique indépendant dans de nombreuses études. Ce résidu est déterminé à la fois par la qualité de la chirurgie d’exérèse, et donc de l’expérience du chirurgien, mais également par le volume et l’extension de la maladie (42). La médiane de survie évolue en fonction de la quantité de résidu tumoral après la chirurgie initiale : quarante mois en cas de reliquat inférieur à 0,5 cm, dix-huit mois en cas de reliquat entre 0,5 et 1,5 cm et six mois en cas de reliquat supérieur à 1,5 cm (43). La notion d’impact du reliquat tumoral laissé après chirurgie initiale a été confirmée à l’ère de la polychimiothérapie à base de platine. L’analyse de 637 cas du Gynecologic Oncology Group confirme l’impact relatif du reliquat tumoral sur la médiane de survie à quatre ans : 60 % en cas de reliquat microscopique, 35 % en cas de reliquat macroscopique inférieur à 2 cm et moins de 20 % en cas de reliquat supérieur à 2 cm (44). L’impact de la cytoréduction chirurgicale maximale sur la survie globale a été confirmée en analyse multivariée dans une méta-analyse récente publiée par Bristow portant sur plus de 6 000 patientes traitées entre 1989 et 1998 (45).
Cumulative Survival
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Survie (mois) Fig. 2 – Stratification de la survie en fonction du reliquat postopératoire (ligne continue : pas de reliquat, ligne discontinue : reliquat entre 1 et 10 mm, ligne en pointillé : reliquat supérieur à 10 mm, (d'après 46).
Dans une série rapportée par Eisenkop de 408 patientes, il a été mis en évidence que la cytoréduction chirurgicale complète est plus importante sur la survie que l’extension initiale de la maladie métastatique avant l’acte opératoire (46) (fig. 2). Il est à noter que dans une étude de l’EORTC publiée par Van der Burg (47), une cytoréduction tumorale lors d’une chirurgie d’intervalle après chimiothérapie améliore également la survie sans rechute et la survie globale. Cependant, s’il est évident qu’il existe un lien entre la taille du résidu tumoral après exérèse initiale et la survie, Rose a récemment mis en évidence que l’addition d’une seconde chirurgie de cytoréduction n’améliorait pas la survie (48). S'il est donc maintenant clairement démontré que la qualité de l’exérèse initiale influence la survie, il n’est pas certain que ce soit également vrai lorsque l’exérèse est pratiquée lors d’une chirurgie d’intervalle. Parmi les patientes traitées pour un cancer de l’ovaire au stade avancé (au moins de stade III), avec une réponse complète attestée par une exploration de deuxième regard, la moitié présente une récidive loco-régionale à cinq ans (46, 49).
Chimiothérapie à base de sels de platine Les deux méta-analyses regroupent plus de 3 000 patientes dans la série de Voest et près de 7 000 pour Hunter, identifient la chimiothérapie postchirurgicale à base de platine comme un facteur pronostique indépendant (50, 51).
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Ce traitement est donc considéré comme indispensable à la prise en charge initiale associant chirurgie et chimiothérapie.
Facteurs biologiques sériques (CA125) La décroissance du CA125 peut être utilisée pour prédire la réponse à la chimiothérapie. Son élévation est associée à une rechute dans un délai moyen de deux mois. Récemment, le nadir de décroissance du CA125 en cours de chimiothérapie postopératoire a été corrélé à la survie globale. Si le nadir de CA125 en fin de chimiothérapie est ≤ 10 UI/ml, la survie est alors nettement augmentée, 2 968 jours contre 537 si le nadir est > à 11 UI/ml. Dans cette étude, le nadir de CA125 ≤ 10 UI/ml était la seule variable pronostique de la survie globale en analyse multivariée (52).
Conclusion Les facteurs pronostiques indépendants établis ayant un impact sur la décision thérapeutique sont l’extension tumorale selon le stade de la FIGO, la taille du résidu tumoral après exérèse initiale, le type histologique et le grade de différenciation (notamment dans les stades précoces), l’âge et l’indice de performance. Pour les patientes traitées par chimiothérapie, on retiendra le rôle bénéfique des sels de platine et la valeur prédictive de la décroissance du CA125 en cours de traitement. La recherche de nouveaux facteurs biologiques reste un impératif afin d’éviter un traitement inutile ou, au contraire, d’inciter à un traitement plus agressif ou innovant dans les groupes de mauvais pronostic. Néanmoins, force est de constater que sur les deux cents dernières publications testant de nouveaux facteurs pronostiques (P53, HER2, REGF, MDR…), aucune n’a modifié nos pratiques cliniques (10). L’avenir est à la détermination de facteur prédictif de réponse aux traitements, et en particulier aux nouvelles thérapies ciblées : anticorps monoclonaux et inhibiteur des tyrosines kinases.
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Le dépistage
Le dépistage du cancer ovarien P. Mathevet
Dans le cadre de la médecine préventive, de nombreux outils de dépistage ont été mis en place pour des pathologies graves (cancéreuses ou autres). Le cancer ovarien a la particularité d’être malheureusement très souvent diagnostiqué à un stade avancé (70 à 75 % des cancers ovariens sont diagnostiqués au stade III ou plus), or à ce stade, le pronostic du cancer ovarien malgré les progrès de la chimiothérapie reste catastrophique (1,2). Il semble donc logique et intéressant d’essayer de dépister les cancers ovariens en vu d’en diminuer la mortalité et éventuellement d’en réduire l’incidence. Ainsi, il a été estimé que la mise en place d’un dépistage permettant d’améliorer la détection des cancers ovariens (en passant de 25 % de stade I à 75 % de ces mêmes stades), le nombre de décès par cancer ovarien serait réduit de moitié (3). Cependant, comme tout programme de dépistage, un certain nombre d’impératifs et de contraintes sont incontournables pour assurer l’efficacité et la rentabilité de ce dépistage.
Quels sont les critères qui permettent d’espérer un dépistage efficace ? La pathologie à dépister doit être assez fréquente et sévère pour que le dépistage soit d’une part rentable pour la société, et permette d’autre part à l’échelon individuel, l’amélioration de la qualité de vie des patientes. On touche déjà une des limites du dépistage du cancer ovarien. La fréquence du cancer ovarien est relativement faible (risque de cancer ovarien égal à 1 % par femme pour toute sa vie) dans la population générale et on risque donc de mobiliser des moyens financiers importants pour un bénéfice absolu faible en nombre de patientes bénéficiaires du dépistage. Les bénéfices du dépistage pour une pathologie cancéreuse se font habituellement dans le sens d’une réduction du stade. La détection de la maladie à un stade plus précoce doit permettre d’améliorer la survie et la qualité de vie de la population dépistée. Cependant, il est nécessaire que l’histoire naturelle
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de la pathologie permette de détecter celle-ci à un stade précoce (voire précancéreux), stade où un dépistage permet de guérir la patiente par un traitement facilement accessible. Le dépistage doit donc se traduire par une amélioration de la survie spécifique dans la population dépistée.
Quels sont les tests de dépistage utilisables ? Les critères essentiels d’un bon test de dépistage sont connus : ce test doit être simple, reproductible, peu coûteux, le moins invasif possible (et donc acceptable pour la patiente). Il doit assurer une sensibilité et une spécificité les plus élevées possibles. Les deux principales méthodes étudiées ont été le dosage du CA 125 et l’échographie pelvienne (de préférence par voie endovaginale) (4). Les performances limitées de ces méthodes ont amené à l’utilisation conjointe du CA 125 et de l’échographie selon un mode simultané ou séquentiel.
Dosage isolé du CA 125 Deux études relativement anciennes ont étudié a posteriori le taux de CA 125 chez des patientes présentant un cancer ovarien. Ces études ont été réalisées en Suède (5) et dans l’état du Maryland (6) à partir de banques de sang : les femmes présentant un cancer ovarien avaient une détermination du CA 125 sur les prises de sang réalisées antérieurement et conservées dans des banques. Dans l’étude suédoise (5), 12 patientes avec cancer ovarien avaient eu un dosage du CA 125 dans les dix-huit mois précédant ; ce dosage était supérieur à la normale dans six cas (50 %). Si, on élargissait l’intervalle jusqu’à cinq ans avant l’apparition du cancer, 14 patientes sur 59 (25 %) avaient un dosage anormal. Dans l’étude américaine (6), le dosage du CA 125 dans les trois ans précédant l’apparition de 37 cancers ovariens, était positif dans 21 cas (57 %) et aurait permis de dépister le cancer. Reprenant de manière prospective l’étude suédoise, et explorant cliniquement et radiologiquement les patientes avec un CA 125 élevé, Einhorn (7) a évalué la valeur du CA 125 chez 5 500 femmes asymptomatiques. Six cancers ovariens ont été détectés pour 175 taux élevés de CA 125, et trois autres ont été manqués par le dépistage (taux de CA 125 normal). A la suite de ces études, il apparaît que le dosage isolé du CA 125 présente de nombreuses limites. Il existe de nombreux faux positifs, plus particulièrement en préménopause (8) : lors d’endométriose, de menstruations… De plus, ce dosage est source d’un taux élevé de faux négatifs : près de deux tiers des cancers ovariens au stade I ont un taux de CA 125 normal (9). On ne peut
Le dépistage du cancer ovarien 129
donc espérer obtenir une diminution efficace du stade des cancers ovariens dépistés par le dosage isolé du CA 125. Ces notions ont amené des auteurs à évaluer, plutôt qu’un dosage isolé du CA 125, les variations de dosages séquentiels. Ainsi, en reprenant les résultats de l’étude d’Einhorn, Skates (10) a construit un algorithme qui permet d’améliorer grandement la valeur prédictive du CA 125. Le principe de cet algorithme est qu’en cas de pathologie ovarienne cancéreuse le taux du CA 125 a tendance à augmenter, alors qu’en l’absence de cancer et/ou en présence de pathologie bénigne le taux du CA 125 reste stable ou diminue. Plus précisément, en prenant en compte des dosages faits à plusieurs intervalles de temps, Skates détermine une courbe d’évolution du taux du CA 125. L’algorithme est constitué de deux données principales : le taux basal du CA 125 et la pente de la courbe d’évolution. Ainsi, l’algorithme classe comme patientes à risque de cancer ovarien, celles présentant un taux basal de CA 125 élevé ou une pente positive de la courbe d’évolution du CA 125 (accroissement de ce taux). Avec cet algorithme, Skates obtient une sensibilité de 85,7 % pour le dépistage des cancers ovariens avec une spécificité excellente (99,7 %). Ainsi, dans le cadre d’un dépistage multimodal, l’utilisation de l’algorithme de Skates permet d’envisager la réalisation de dosages du CA 125 comme modalité première de triage des patientes.
Échographie endopelvienne Les premières études consacrées à cette technique utilisaient une approche échographique par voie abdominale. Les études récentes utilisent l’échographie par voie endovaginale dont on sait la plus grande performance. L’étude principale utilisant cette technique échographique est celle de Van Nagell Jr (11). Elle s’est déroulée dans le Kentucky. Cette étude a concernée 14 469 femmes entre 1987 et 1999. Un dépistage était considéré comme positif lorsque le volume ovarien était augmenté (> 10 cm3 après la ménopause et > 20 cm3 avant la ménopause). En cas de dépistage positif, un contrôle échographique était réalisé 4 à 6 semaines plus tard ; si ce contrôle était positif, une évaluation échographique plus poussée avec étude Doppler et dosage du CA 125 était pratiquée puis une éventuelle exploration chirurgicale. Les résultats de cette étude sont relativement décevants puisque 17 cancers ovariens ont été détectés dont 11 au stade I ; mais l’analyse des cancers de stade I montre que : 6 tumeurs étaient des lésions borderline (3) ou des tumeurs de la granulosa (3). Aussi, on peut estimer que ce dépistage n’a probablement été bénéfique que pour les 5 véritables cancers ovariens détectés au stade I (patientes n’ayant pas présenté de récidive), données qui sont à mettre en balance avec quatre cas de faux négatifs (cancers ovariens apparus entre deux dépistages) et trois cancers ovariens stade III apparus entre quatorze et vingt mois après un dépistage négatif. Ces données sont d’autant plus médiocres qui s’agissait globalement de patientes sélectionnées puisqu’elles étaient âgées de
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plus de 50 ans (n = 11 370) ou avaient une histoire familiale de cancer ovarien (n = 3 299) pour augmenter la fiabilité de l’examen échographique. Cette étude a le mérite de donner plusieurs éléments d’information : le coût du dépistage échographique est estimé à 35 dollars par examen, la valeur prédictive positive de l’échographie pour le dépistage est très basse (< 10 %), la valeur prédictive négative est moyenne (les cancers ovariens à ovaire de taille normale et les tumeurs à dissémination péritonéale ne sont pas détectées), et l’intervalle optimal entre les examens de dépistage est à déterminer. En conclusion, les auteurs reconnaissent que l’utilisation seule de l’échographie endovaginale est insuffisante pour le dépistage et proposent de combiner échographie et dosage des marqueurs tumoraux. La deuxième étude importante est celle réalisée par l’équipe de Sato (12) dans la préfecture d’Aomori au Japon. De 1989 à 1999, 51 550 femmes de plus de 30 ans ont bénéficié d’une échographie pelvienne annuelle (initialement par voie abdominale, puis par voie endovaginale). En cas de résultat positif (masse ovarienne > 30 mm), une démarche similaire à l’étude américaine était réalisée. 22 tumeurs ovariennes ont été détectées (+ 2 tumeurs métastatiques) dont 18 de stade I. En excluant les tumeurs borderline et les lésions de type tumeur de la granulosa, il n’a finalement été dépisté que 13 cancers ovariens véritables au stade I. Cependant, pendant la même période, les auteurs n’ont observé aucun faux négatif du dépistage échographique. Les résultats principaux de ces deux études ont été confirmés par d’autres études, avec cependant des effectifs plus faibles (13-19). Deux notions ressortent : l’échographie endovaginale permet de réduire le stade des cancers ovariens détectés et ainsi améliore le pronostic de ces cancers (tendance à une diminution de la mortalité par cancer ovarien dans le groupe dépisté), mais au prix d’un taux élevé de faux positifs (environ 12 femmes opérées de lésions bénignes pour 1 cancer ovarien dépisté) (4). Une estimation du coût de dépistage a été réalisée par Pavlik (20). A partir des données de cette étude, en prenant un coût de 25 € par examen, et avec une rentabilité du dépistage de 1/1000, on peut estimer à 25 000 € le coût de chaque cancer dépisté. À ce chiffre, il faut ajouter les dépenses créées par l’évaluation complémentaire des résultats positifs du dépistage et le coût de la prise en charge des faux positifs, soit 50 000 €, ainsi que le coût du traitement d’un cancer ovarien au stade I : 20 000 €. Le total s’établit donc à 95 000 € par cancer ovarien dépisté. Cependant cette valeur est très largement inférieure au coût de la prise en charge d’un cancer ovarien au stade III (coût de plus de 200 000 €). Les données de l’histoire naturelle du cancer de l’ovaire sont relativement limitées (21). Ces données sont importantes pour déterminer les caractéristiques optimales du dépistage : tranche d’âge des patientes à dépister, rythme des explorations… Ces données confirment une incidence non négligeable du cancer ovarien chez la femme avant la ménopause et elles ne permettent donc pas de restreindre le dépistage aux patientes de plus de 50 ans. Elles permettent
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d’estimer que, pour certaines formes de cancer ovarien, le temps de progression est rapide, imposant donc un intervalle de dépistage raccourci. Comme nous l’avons vu dans les deux études précédentes (11-12), l’utilisation de l’échographie pour le dépistage était cantonnée à la détermination de la taille ou du volume des ovaires. Afin de réduire le taux de faux positifs, et augmenter la spécificité du dépistage échographique, plusieurs auteurs (22-26) ont proposé la création d’un index morphologique (pour différencier tumeurs bénignes et malignes) ou l’adjonction d’une étude Doppler couleur (27-37), voire, plus récemment l’utilisation de l’échographie 3D (38). Concernant les index morphologiques, de nombreuses variations ont été proposées (39). Ces scores échographiques prennent en compte différents critères dont : l’existence de cloisons intrakystiques, de végétations, un contenu ovarien échogène, des parois épaisses et irrégulières… Plusieurs auteurs (22, 25, 26) montrent ainsi une amélioration de la spécificité et de la valeur prédictive positive. Cependant, cette amélioration se fait au détriment d’une baisse faible mais notable de la valeur prédictive négative. L’index semblant le plus fiable (mais aussi le plus complexe) est celui proposé par Tailor (26). Mais cet index n’a pas été étudié dans le cadre du dépistage, et encore moins dans des séries importantes de cas et de témoins. L’utilisation du Doppler couleur semble a priori intéressante. En effet, les tumeurs malignes ont une néo-vascularisation qui pourrait être distinguée par Doppler au sein des masses ovariennes ; de plus, ces néo-vaisseaux ont une résistance abaissée par rapport aux vaisseaux normaux et à ceux observés dans les tumeurs bénignes. Si les premières études menées par Kurjak (28-30) retrouvaient une bonne sensibilité (96,4 %) et une excellente spécificité (99,8 %) pour la différenciation bénin-malin, des publications ultérieures (3133) n’ont pas retrouvé d’aussi bons résultats. Aussi plusieurs auteurs (30, 34-36) ont proposé d’intégrer les résultats de l’évaluation Doppler aux données d’un score échographique afin d’en améliorer la spécificité et la sensibilité. Leurs résultats montrent une amélioration de la spécificité, avec cependant la persistance de faux négatifs. La principale lacune des ces études est leurs faibles effectifs, requérant une validation sur une grande échelle par des études prospectives avant d’envisager l’utilisation de cette approche en tant qu’outil de dépistage. Ainsi, les données actuelles concernant l’utilisation des index morphologiques échographiques et du Doppler couleur sont trop restreintes pour pouvoir préconiser leur utilisation en tant que méthode de dépistage des cancers ovariens (40).
Le dépistage multimodal C’est un peu artificiellement qu’ont été opposés le dépistage échographique et le dosage du CA 125. Nous avons vu que, dans les études de Van Nagell (11) et de Sato (12), un dosage du CA 125 était réalisé lors d’un test échographique positif, et dans l’étude d’Einhorn (7) lors d’un taux de CA 125 élevé, une écho-
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graphie était pratiquée. Jacobs (41) a formalisé ce dépistage à deux niveaux, il propose d’utiliser le dosage du CA 125 comme premier test de dépistage, puis, en cas de positivité du dosage, de faire pratiquer une échographie pelvienne. Il définit donc une stratégie de dépistage à deux niveaux qu’il dénomme dépistage multimodal. Jacobs (41) a mené une étude sur 22 000 femmes ménopausées de plus de 45 ans, en utilisant le dosage annuel du CA 125, puis en seconde ligne l’échographie pelvienne. Ainsi, 11 cancers ovariens ont été détectés chez 41 femmes opérées du fait de tests positifs. En comparaison, 8 cancers ovariens sont apparus chez les femmes ayant eu un dosage du CA 125 normal. La sensibilité du dépistage est de 78,6 % et sa spécificité de 99,9 %. Cette étude a le mérite de montrer que la réalisation d’un dépistage du cancer ovarien est réalisable, que le taux d’adhésion des femmes au programme est élevé (mais il s’agit de femmes motivées qui avaient accepté de participer à l’étude), et que les résultats sont encourageants. Pour mieux déterminer l’impact du dépistage, Jacobs a réalisé une étude randomisée (42) comparant chez des femmes ménopausées de plus de 45 ans, un groupe dépistage selon les modalités précitées (10 997 femmes) et un groupe sans dépistage (10 958 femmes suivies). Les patientes du groupe dépistage ont eu trois tests annuels et l’ensemble des femmes a été suivi sept ans. Dans le groupe dépistage, 6 cancers ovariens ont été détectés (pour 29 femmes opérées, soit une valeur prédictive positive de 20,7 %) et 10 cancers sont apparus dans les sept ans du suivi, pour un total de 16 tumeurs malignes. Dans le groupe sans dépistage, 20 cancers ovariens ont été observés. Il est à noter que les tumeurs « borderline » ont été exclues. Les résultats de cette étude comparative permettent de retrouver une amélioration significative de la survie des cas de cancers ovariens du groupe détecté par rapport aux cancers du groupe sans dépistage (survie médiane de 72,9 mois versus 41,8 mois). Cette amélioration est obtenue grâce à un grade tumoral plus faible des cancers dans le groupe dépistage, alors qu’il n’y a pas de différence significative pour les stades tumoraux (4 stades I dans le groupe avec dépistage contre 1 stade I dans le groupe sans dépistage). Les auteurs concluent donc à l’efficacité de cette stratégie et en son rapport coût-bénéfice favorable par l’utilisation du dosage du CA 125 comme première ligne du dépistage. La confirmation du bénéfice du dépistage multimodal passe par la réalisation d’études de plus grande envergure, c’est ce que propose Jacobs en mettant en place une étude randomisée chez 200 000 femmes en Angleterre (43). L’efficacité du dépistage multimodal peut être optimisée par l’utilisation de l’algorithme de Skates (10). L’application de cet algorithme, a posteriori, sur la première étude de Jacobs (41), permet de détecter 16 cancers ovariens sur les 19 cas observés. La sensibilité obtenue est de 86 %, bien supérieure à celle du dosage du CA125 isolé (44). Une réduction importante du nombre de faux négatifs peut être obtenue avec une spécificité conservée. Jacobs (45) propose d’appliquer au programme de dépistage du cancer de l’ovaire qu’il vient de mettre en place, l’algorithme de Skates sur le dosage annuel du CA 125 ; en cas
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de positivité du dosage, une échographie endovaginale serait préconisée. Cet essai est en cours et va inclure 200 000 femmes à travers le Royaume-Uni. Cette étude randomisée comporte trois bras : un bras sans dépistage correspondant à un groupe contrôle de 100 000 femmes, un bras avec dépistage par un dosage annuel du CA 125 et application de l’algorithme de Skates pour la prise en charge des patientes, et un troisième bras utilisant l’échographie endovaginale comme méthode de dépistage de première ligne. La période d’inclusion est actuellement terminée, les résultats de cet essai seront connus prochainement. Jacobs espère montrer qu’il est rentable de réaliser un dépistage du cancer ovarien, et que la méthode de dépistage présentant le meilleur rapport coût-efficacité est le dosage du CA 125. Le protocole de dépistage du cancer de l’ovaire préconisé par I. Jacobs repose sur un dosage du CA 125 annuel, avec un dosage de contrôle dans le cas où le taux de base est élevé ou dans tous les cas où il existe une élévation du taux du CA 125 (selon l’algorithme de Skates). Ensuite, une échographie endovaginale est pratiquée si le test biologique est positif, et finalement une cœlioscopie est réalisée en cas d’anomalie échographique (volume ovarien augmenté et/ou masse ovarienne présentant des caractéristiques échographiques anormales). Par contre, si l’échographie est normale, il est préconisé une surveillance trimestrielle par dosage du CA 125 et étude échographique pelvienne. Une autre étude de grande envergure a été initiée aux États-Unis (46). Ce projet initié par le National Cancer Institut (NCI) américain se dénomme PLCO. Il s’agit d’une étude ayant pour but d’évaluer le dépistage des cancers de l’ovaire, mais aussi des cancers de la prostate, du côlon et du poumon. Il est prévu que cet essai inclut pour le dépistage des cancers ovariens 74 000 femmes entre 55 et 74 ans. Ces femmes sont randomisées entre deux bras : – un groupe contrôle sans dépistage ; – un groupe avec dépistage comportant à la fois un dosage du CA 125 et une échographie annuelle pendant trois ans, puis ensuite simplement un dosage du CA 125 annuel pendant deux ans. Il est prévu que ces patientes aient ensuite une surveillance pendant treize ans, si bien que les résultats définitifs de cet essai ne seront pas connus avant 2012. Le but de cet essai est de démontrer avec une puissance de 90 % que ce type de dépistage permet de réduire la mortalité par cancer de l’ovaire. Les objectifs accessoires de cette étude seront l’évaluation du coût de la procédure et, bien sûr, la détermination du rapport coût-bénéfice.
Utilisation d’autres marqueurs tumoraux Plusieurs études récentes (47-50) font état de l’intérêt de la recherche de nouvelles molécules dans le sérum de patientes présentant un cancer de l’ovaire débutant. Dans ce domaine, cinq publications peuvent être retenues du fait de résultats préliminaires intéressants.
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Skates (47) a proposé d’associer au CA 125, 3 autres marqueurs afin d’améliorer la sensibilité et la spécificité du dosage du CA 125. Les marqueurs étudiés par Skates sont le CA 15-3, le CA 72-4 et MCSF (macrophage colony-stimulating factor). Pour cette évaluation, Skates a repris les données de plusieurs études dont celles de Jacobs, avec cependant des effectifs assez réduits (60 cancers ovariens de stade I ou II et 98 sujets sains). Skates a pu montrer qu’en combinant l’utilisation du CA 125 au CA 72-4 et au MCSF, on pouvait augmenter la sensibilité pour la détection du cancer ovarien de 45 % (correspondant au dosage du CA 125 seul) à une valeur de 70 %, tout en maintenant une spécificité de plus de 98 %. L’intérêt essentiel de l’association de ces marqueurs est de pouvoir détecter des cancers de l’ovaire à un stade précoce, cancer qui était mal détecté avec le dosage du CA 125 seul. Skates propose d’utiliser ces trois marqueurs comme test de triage dans le programme de dépistage de cancer de l’ovaire avec, en cas de positivité de ce test, la réalisation d’une échographie endovaginale. Des conclusions identiques peuvent être proposées au vu des résultats obtenus avec deux autres marqueurs étudiés par Saito (CA 602 et CA 546) (48). La combinaison de ces deux marqueurs semble donner une excellente sensibilité pour le dépistage du cancer de l’ovaire. L’intérêt principal de cette étude est qu’elle a été réalisée sur des effectifs importants de patientes. Ainsi une évaluation du marqueur a été faite initialement sur 1189 patientes présentant une tumeur ovarienne (diagnostic histologique définitif : 645 cas de lésions bénignes et 544 cas de tumeurs cancéreuses). Puis une validation de ce marqueur a été réalisée de manière prospective sur 21 374 sujets asymptomatiques participant à un programme de détection du cancer ovarien. Un cancer ovarien a été détecté chez 9 de ces femmes (dont 4 stades précoces). Ces résultats semblent prometteurs mais ils nécessitent confirmation par d’autres équipes. De même, récemment, une équipe américaine (49) a présenté les résultats d’un nouveau marqueur dénommé YKL-40. Ce nouveau marqueur serait intéressant pour le dépistage des cancers de l’ovaire car il est souvent élevé dans les stades débutants (65 % de positivité pour le YKL-40 en comparaison de 35 % de positivité pour le CA 125). Cependant, les résultats de cette étude sont très préliminaires : ils portent sur 50 cancers ovariens débutants et 140 sujets contrôles (sains ou avec pathologie gynécologique bénigne) et nécessitent bien sûr des investigations sur des effectifs plus importants pour pouvoir être validés. L’équipe de Skates (50) a identifié récemment un marqueur tissulaire et sérique qui serait très spécifique du cancer ovariens : l’ostéopontine. Mais il s’agit pour le moment d’une étude préliminaire portant sur 51 patientes porteuses d’un cancer ovarien et 107 témoins sains.
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Utilisation des techniques de biologie cellulaire et moléculaire La voie de recherche plus prometteuse fait intervenir les développements les plus récents des techniques de biologie cellulaire. Il s’agit des techniques de protéomique et de génomique. La technique de protéomique consiste, par des moyens technologiques sophistiqués, à évaluer le contenu en protéines du sérum (ou tout autre liquide biologique) de patientes porteuses ou non de cancer ovarien. Grâce à une spectroscopie laser, il est possible d’évaluer le contenu protéomique du sérum, la différenciation des protéines se faisant par leur poids moléculaire et leur charge électrique. On obtient ainsi un profil sérique de protéines, et l’on compare le profil des patientes ayant une tumeur de l’ovaire avec des patientes témoins (normaux ou présentant une pathologie ovarienne bénigne ou tout autre pathologie gynécologique). Selon ce principe, Petricoin (51) a, sur un premier groupe de 100 patientes présentant pour moitié un cancer ovarien et pour moitié une pathologie bénigne ou une absence de pathologie, déterminé un profil sérique qui était caractéristique et tout à fait spécifique des patientes présentant un cancer ovarien. Il a ensuite appliqué de manière prospective ce profil protéomique un autre groupe de 116 patientes. Celui-ci comportait 50 cancers ovariens (dont 18 cancers au stade I), 25 tumeurs ovariens bénignes, 10 pathologies gynécologiques bénignes, et 31 patientes à risque (antécédents familiaux comportant des cancers ovariens ou antécédents personnels de cancer du sein). L’application de ce profil protéomique à ce groupe de patientes a permis de dépister tous les cas de cancer ovarien sauf un (sensibilité = 94 %) pour une spécificité de 100 % (aucun résultat faussement positif dans le groupe sans cancer). Ces résultats apparaissent donc particulièrement intéressants du fait du caractère très discriminant du profil protéomique et aussi des conditions particulières du groupe contrôle (patientes particulièrement à risque de résultats faussement positifs comme cela pourrait être observé avec le CA 125 dans ce groupe). Cependant, l’effectif reste relativement faible. À la suite de ces données, un test de dépistage sanguin dénommé OvaCheck a été élaboré. Ce test est en cours d’évaluation sur des effectifs de population plus importants en vue d’un agrément par la FDA américaine. Cependant, des analyses préliminaires semblent montrer des résultats moins favorables que sur l’étude initiale de Petricoin, et il n’est pas certain que le test OvaCheck soit assez efficace et rentable pour être commercialisé. Une équipe autrichienne (52), en utilisant les principes de la protéomique, a identifié dans le liquide kystique et dans le sérum des patientes porteuses d’une tumeur ovarienne la présence de protéines très spécifiques de cette tumeur cancéreuse puisque non détectable dans un autre groupe de patientes porteuses de lésion bénigne. Ces protéines dénommées calgranulines semblent, sur les effectifs relativement réduits de cette étude, pouvoir discriminer complètement les patientes porteuses d’une tumeur maligne de l’ovaire de patientes porteuses de kystes bénins. Les effectifs sont faibles (11 patientes dans chaque groupe) mais les résultats prometteurs doivent permettre d’envisager
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d’autres études pour évaluer l’intérêt des calgranulines dans le dépistage des cancers de l’ovaire Une étude récente a aussi utilisé des techniques de biologie moléculaire pour évaluer la présence d’anomalies génétiques dans le sérum de patientes présentant un cancer ovarien, en particulier débutant (53). C’est ainsi que ces auteurs ont retrouvé un déséquilibre allèlique qui pourrait être beaucoup plus fiable que le dosage du CA 125. L’étude portait sur 54 cas de cancers ovariens et 31 sujets contrôles.
Dépistage dans les populations à risque accru Situation actuelle du dépistage Du fait de la faible incidence dans la population générale du cancer ovarien, il pourrait apparaître intéressant de limiter le dépistage aux populations à risque accru. Ainsi l’efficacité du dépistage serait optimisée avec un coût économique diminué. Actuellement les populations à surrisque clairement identifiable de cancer ovarien sont les femmes ayant des antécédents familiaux de cancer de l’ovaire et/ou du sein (54). Ainsi, il est estimé qu’environ 5 % des cancers ovariens surviennent dans un contexte de mutation délétère constitutionnelle (55). Les principales mutations entraînant un risque accru de cancer ovarien sont les mutations de BRCA1 et BRCA2 (55, 56). La fréquence des patientes porteuses d’une mutation constitutionnelle délétère est estimée à 1/300 pour BRCA1 et 1/800 pour BRCA2 (55). Le risque de cancer de l’ovaire est évalué à 39 % pour une mutation de BRCA1 (risque associé de cancer du sein estimé à 65 %), et 11 % pour BRCA2 (avec un risque de cancer du sein à 45 %) (54, 55). De plus les mutations de BRCA1 sont associées à un surrisque de cancer tubaire (risque x 50 par rapport à l’absence de mutation) et, bien que les données soient manquantes, il est probable que le surrisque existe aussi pour les mutations de BRCA2 (55). En revanche, les mutations de BRCA1 et BRCA2 ne semblent pas être associées à un surrisque de tumeur ovarienne à malignité atténuée. Une recherche de corrélation génotype-phénotype a été menée pour savoir si le risque de cancer ovarien était rattaché à certaines mutations. Cette étude n’a pas donné de résultat pour BRCA1 mais pour BRCA2, certaines études ont retrouvé que des mutations situées dans la zone OCCR (Ovarian Cancer Cluster Region) étaient probablement associées à un risque accru de cancer ovarien. Il s’agit de données préliminaires qui nécessitent d’être confirmées par des évaluations sur de plus grands effectifs. D’autres syndromes génétiques associés à un risque de cancer ovarien ont été décrits (57), ils sont très rares et leur individualisation ne semble pas être utile, à l’exception du Syndrome de Lynch II ou HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer). Ce syndrome associe un risque très accru de cancer colorectal, de cancer endométrial et un surrisque modéré de cancer ovarien ou
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tubaire. Le syndrome de Lynch II est lié à des mutations d’un des gènes intervenant dans le contrôle de l’appariement de l’ADN. Sur le plan gynécologique, le risque est surtout endométrial, aussi le dépistage de cette tumeur doit être préconisé. De même, certains auteurs conseillent une hystérectomie prophylactique dont on doit privilégier le caractère non conservateur du fait du surrisque de cancer tubo-ovarien. Chez les patientes à risque accru de cancer ovarien, des protocoles de dépistage ont été proposés, avec cependant une efficacité médiocre (58-61). Le dépistage par imagerie, éventuellement associé au dosage du CA 125, a montré un intérêt réduit dans ces populations à risque avec un taux élevé de faux positifs et des tumeurs de stade évolué apparaissant dans l’intervalle des examens de dépistage (55). Les différents protocoles proposés utilisaient l’échographie pelvienne (de préférence endovaginale) associée éventuellement au Doppler pulsé et couplée au dosage du CA 125. Aucun des différents protocoles proposés n’a montré une efficacité satisfaisante dans une population à risque génétique de cancer ovarien. Il n’en reste pas moins qu’en l’absence d’alternative efficace, certains auteurs continuent de préconiser un dépistage échographique et biologique (60). La recommandation la plus souvent proposée est un dépistage double semestriel (échographie endovaginale et dosage du CA 125 tous les six mois. Il reste à noter qu’aucune étude n’a évalué, dans ces populations à risque, les nouveaux marqueurs cités précédemment (profil protéomique, déséquilibre allélique plasmatique…). Dans cette population de patientes à risque accru de cancer ovarien, le NCI a mis en place une étude prospective visant à évaluer la mini-laparoscopie en tant qu’outil de dépistage des cancers ovariens et péritonéaux (46).
Prophylaxie Devant l'insuffisance des moyens de dépistage, la prévention revêt un intérêt particulier dans les populations où le risque est majeur du fait d'une mutation génétique prédisposante. La contraception orale est associée à une réduction du risque de cancer ovarien dans la population générale. Cet effet bénéfique semble être retrouvé chez les patientes porteuses d’une mutation de BRCA (54, 55). Cependant les données de la littérature sont trop parcellaires pour préconiser de manière systématique cette thérapeutique. C'est la chirurgie prophylactique (annexectomie bilatérale) qui a le plus retenu l'attention chez ces patientes. Le niveau de protection atteint est environ de 90 % (61). Les critères de réalisation de cette chirurgie prophylactique sont assez bien définis (55) : – Approche chirurgicale par cœlioscopie dont on sait la faible morbidité et un taux de mortalité voisin de zéro. – En raison du surrisque de cancer tubaire, une annexectomie bilatérale doit être réalisée et non une simple ovariectomie.
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– Des études récentes ont montré un intérêt à la réalisation de coupes semisériées sur les trompes et les ovaires afin de détecter des cancers microscopiques ; cependant les données actuelles sont insuffisantes pour préconiser la réalisation de ces techniques histologiques de manière systématique sur toute pièce d’annexectomie prophylactique. – Une cytologie péritonéale doit être pratiquée lors du geste chirurgical. – Il n’y a pas d’indication à réaliser de manière systématique une hystérectomie associée à l’annexectomie, en raison d’une morbidité accrue et d’un bénéfice très réduit. – L’indication doit avoir été validée par une réunion de concertation pluridisciplinaire (comportant au moins un oncologue, un oncogénéticien, un chirurgien et un psychologue). – Le bénéfice de la chirurgie prophylactique est présent dès qu’il y a un risque de cancer ovarien de l’ordre de 2 à 3 %, ce qui inclut bien sûr les patientes porteuses d’une mutation de BRCA1 et BRCA2. – L’espérance de vie de la patiente doit être d’au moins 15 ans. – Le projet parental doit être terminé, ce qui, associé à l’estimation du risque d’être atteint par un cancer ovarien, amène à recommander l’intervention à partir de 40 ans et de toute façon pas avant 35 ans. – Une information complète sur les avantages, les risques et les alternatives doit avoir été donnée à la patiente. – Une consultation avec une psychologue est conseillée en préopératoire. – Un suivi clinique, gynécologique et psychologique doit être offert. – Cette chirurgie prophylactique doit ne pas altérer la qualité de vie. Une des conséquences de l'annexectomie bilatérale est l'induction d'une ménopause précoce et un sur-risque d’ostéoporose, de progression d’athérosclérose et probablement de cancer colique. Cependant, malgré les effets secondaires potentiels du traitement hormonal substitutif (THS), celui-ci peut raisonnablement être prescrit jusqu’à l’âge de 50 ans. D’autres données sont en faveur de l’annexectomie bilatérale prophylactique chez les patientes à risque. Ainsi il a été démontré qu’il existe une réduction très probable du risque de cancer du sein lors d’une ovariectomie prophylactique chez les patientes porteuses d’une mutation de BRCA1 (63). De plus, bien qu’un pronostic défavorable du cancer du sein soit en théorie une limitation aux indications de l’annexectomie prophylactique, l’impact de cette chirurgie sur la survie du cancer du sein semble être positif (63). Aussi, chez les patientes à risque de cancer ovarien (porteuses d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2), en l’absence actuelle de techniques de dépistage performantes, l’annexectomie bilatérale prophylactique doit être recommandée dès que le projet parental est terminé.
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Conclusion Le cancer ovarien présente un taux de mortalité important, qui pourrait, malgré la relative faible incidence de ce cancer, justifier un programme de dépistage efficace. Les études les plus abouties ont utilisé un dépistage par le dosage sérique du CA 125, puis par une échographie endovaginale. Elles ont pu démontrer une réduction de la mortalité par cancer ovarien dans le groupe dépisté par rapport à un groupe contrôle sans dépistage. Cependant, le rapport coût-efficacité est peu favorable et la spécificité de ces tests de dépistage reste médiocre, avec un taux élevé de faux positifs débouchant sur une morbidité non négligeable. L’avenir semble prometteur avec l’apparition et le développement de nouveaux marqueurs et tests sériques (génomiques, protéomiques…) qui devraient permettre d’obtenir de meilleures spécificité et sensibilité. Mais, dans l’état actuel de nos connaissances, le dépistage dans les populations à risque accru de cancer ovarien doit être privilégié en place des programmes de dépistage dans la population générale. Chez ces patientes à haut risque, une surveillance accrue et surtout une chirurgie prophylactique (annexectomie bilatérale laparoscopique) doivent être préconisées.
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Imagerie
Interaction radiologue-chirurgien pour la prise en charge des cancers de l’ovaire C. Balleyguier et C. Pomel
Introduction Le bilan diagnostique et d’opérabilité est essentiel pour une prise en charge optimale du cancer de l’ovaire, en particulier dans les stades avancés. Il implique donc une excellente coopération entre le radiologue et le chirurgien. Ce travail d’équipe doit intervenir à deux niveaux : au cours du bilan diagnostique initial, où l’imagerie peut tenter de caractériser une masse annexielle, de différencier une lésion bénigne d’une lésion maligne et d’orienter ainsi le chirurgien vers une prise en charge chirurgicale ou non, puis, dans un deuxième temps, dans le cadre d’un bilan d’extension, pour préciser au chirurgien les critères de non-résécabilité des lésions.
Caractérisation d’une lésion ovarienne La détermination de suspicion de malignité d’une masse ovarienne est l’étape la plus difficile après l’identification de la masse. On estime que 5 à 10 % des femmes qui ont une lésion annexielle sont opérées, mais que seulement 13 à 21 % de ces lésions sont malignes (1). Ainsi, le nombre de lésions bénignes suspectes est beaucoup plus élevé que le nombre de lésions réellement malignes.
Échographie La plupart des lésions annexielles ne nécessitent pas d’examens invasifs. Dans un premier temps, les patientes ayant des masses annexielles suspectes bénéficient d’une échographie pelvienne, par voies sus-pubienne et endovaginale. L’examen est non invasif, peu coûteux, et facilement disponible. Les critères
146 Les cancers ovariens
morphologiques pour distinguer les lésions bénignes des lésions malignes sont nombreux. Cependant, la combinaison des différentes techniques échographiques semble plus importante que les critères morphologiques ou Doppler pris isolément (2). La sensibilité de l’échographie avec analyse morphologique pour déterminer la malignité varie de 85 à 97 %, alors que la spécificité est de 56 à 95 % (3, 4). Les critères morphologiques de malignité à rechercher en échographie sont les suivants : – composant solide intra kystique (fig. 1) ; – épaississement de la paroi kystique de plus de 3 mm ou irrégularité pariétale ; – présence de septas irréguliers et épais ; – perte du caractère trans-sonore d’un kyste ovarien ; – présence d’un niveau hétérogène dans le kyste ovarien, kyste échogène et/ou hétérogène ; – présence de calcifications pariétales grossières, etc. Les lésions bénignes développent plutôt des vaisseaux en périphérie des vaisseaux prééxistants, alors que les lésions malignes initient des néovaisseaux en position centrale (5). L’analyse des spectres se base sur le fait que les vaisseaux des lésions malignes sont morphologiquement anormaux : ils ont un défaut de muscle lisse dans leur paroi, ont des trajets irréguliers et forment des shunts artério-veineux (6). De plus, les vaisseaux des lésions malignes ont généralement une impédance faible, avec des diastoles élevées et de faibles variations systole-diastole (6). Deux index Doppler sont utilisés pour analyser les spectres : l’index de pulsatilité et l’index de résistance. Un index de résistance de 0,4-0,8 et un index de pusatilité inférieur à 1 sont généralement considérés comme des signes de malignité (7). L’échographie peut cependant être d’interprétation difficile, lorsque l’épaisseur de la paroi est importante ou lorsque l’examen est gêné par la présence de gaz digestifs ou de fibromes atténuants. Dans ce cas, l’IRM est l’examen de choix à réaliser pour tenter de caractériser une masse annexielle et d’orienter le chirurgien. La décision de la réalisation ou non de l’IRM doit se prendre en équipe, idéalement lors des concertations multidisciplinaires.
Fig. 1 – Échographie endovaginale. Masse d’échostructure mixte, liquidienne et tissulaire avec des végétations, correspondant à un adénocarcinome ovarien.
Interaction radiologue-chirurgien pour la prise en charge… 147
IRM Le principal avantage de l’IRM est que cet examen combine les avantages de l’échographie et du scanner. La performance de l’IRM pour les lésions annexielles bénignes est bien établie grâce à sa résolution en contraste et ses possibilités de caractérisation tissulaire (8, 9). La valeur prédictive positive de l’IRM pour la caractérisation d’une masse ovarienne maligne varie de 60 à 97 % selon les études (10, 11). Les séquences doivent être réalisées dans au moins deux plans différents. Les séquences pondérées en T1 sans injection sont utiles pour visualiser les adénopathies et pour caractériser le signal hémorragique ou graisseux. Les images pondérées en T2 sans suppression de graisse permettent de caractériser les liquides et d’obtenir la meilleure étude des contrastes entre les différents organes, de caractériser une lésion annexielle et d’en préciser l’extension loco-régionale (12). Les lésions solides et kystiques sont hypo-intenses en séquences pondérées en T1 et hyperintenses en T2. En général, les lésions ovariennes épithéliales bénignes sont principalement kystiques, alors que les lésions malignes ont plus souvent un contenu mixte. L’injection de chélate de gadolinium permet la détection de septas internes et est utile pour différencier des lésions kystiques des lésions solides, et les lésions malignes des lésions bénignes. L’injection de produit de contraste peut également permettre de détecter des végétations sur la paroi d’un kyste, ce qui est fortement évocateur d’une lésion maligne de l’ovaire. Les lésions mucineuses sont très souvent des kystes multiloculés, alors que les lésions séreuses sont uniloculées. Les lésions mucineuses ont également un signal interne variable en fonction du contenu protéique, mucineux ou hémorragique et sont fréquemment associées à des pseudomyxomes péritonéaux.
Bilan d’extension du cancer de l’ovaire La place de l’imagerie est fondamentale pour le bilan d’extension du cancer de l’ovaire. Les conclusions des examens d’imagerie déterminent la chronologie de la prise en charge thérapeutique, et il est donc essentiel que le radiologue et le chirurgien revoient ensemble les images et discutent ensemble la pertinence de l’interprétation. Trois territoires intéressent particulièrement le chirurgien car ils sont à eux seuls des éléments justifiant une chimiothérapie de première intention. – Premièrement l’intestin grêle : une atteinte diffuse des tuniques de l’intestin grêle nécessitant une résection digestive avec moins de 2 mètres de grêle résiduel ne peut se concevoir en première intention (fig. 2). – Deuxièmement le pédicule hépatique : la dissection objective une carcinose infiltrante et rend illusoire toute exérèse complète, en particulier lorsque le bloc tumoral fait « masse » vers le tronc cœliaque.
148 Les cancers ovariens
Fig. 2 – Cœlioscopie. Carcinose d’origine ovarienne avec atteinte diffuse des tuniques du grêle, non résécable en première intention.
Fig. 3 – Cœlioscopie. Atteinte diffuse et rétractile de l’hypochondre droit. L’épaisseur reste inférieure à 5mm.
– Troisièmement, le confluent cavo-sushépatique : dans les carcinoses dites recouvrantes et peu infiltrantes, et ce quels que soient leurs volumes, la dissection sus-hépatique est réalisable. Dans certaines carcinoses infiltrantes et rétractiles, cette dissection peut s’avérer impossible (fig. 3). Ce n’est donc pas le volume des lésions qui conditionnent la non résécabilité mais plutôt l’infiltration en profondeur non dissécable. En effet à volume égal la carcinose est parfois très facilement résécable (fig. 4). L’épiploon, le pelvis et les autres régions de l’abdomen sont résécables dans l’extrême majorité des cas. La difficulté pour l’imagerie est de reproduire l’impression à la fois visuelle et tactile du chirurgien. Aujourd’hui, c’est le scanner et surtout le scanner multibarrettes qui est l’examen clé du bilan d’extension du cancer de l’ovaire. L’échographie est insuffisante pour la détection des petites lésions de carcinose. L’IRM est, quant à elle, plus performante que le scanner pour évaluer l’extension tumorale pelvienne à l’utérus, à la vessie, au rectum ou à la paroi pelvienne et pour déterminer si la lésion peut être facilement « débulkée » à ce niveau (13). Mais en cas d’artefacts techniques comme les mouvements intestinaux, l’IRM peut être moins sensible que le scanner pour la détection d’implants péritonéaux ou
Interaction radiologue-chirurgien pour la prise en charge… 149
Fig. 4 – Cœlioscopie. Carcinose de l’hypochondre gauche facilement résécable.
Fig. 5 – Scanner multibarrettes. Reconstruction sagittale. La carcinose pelvienne est bien visible au niveau du péritoine antérieur (flèche) sur cette reconstruction.
mésentériques (13). La TEP et surtout la TEP couplée au scanner peuvent permettre aujourd’hui de détecter avec une haute spécificité les récidives locales ou péritonéales des cancers ovariens (14). Cependant, le risque de faux négatifs pour des lésions de moins de 10 mm est élevé. Le scanner est donc plutôt réalisé dans le cadre du bilan d’extension d’une tumeur pour détecter l’extension locale des lésions ou des nodules de carcinose péritonéale et rechercher des métastases extra-abdominales (15). Les critères scannographiques de non-résécabilité sont les suivants : atteinte splénique, nodules mésentériques supérieurs à 2 cm, atteinte de la capsule ou du hile du foie, du diaphragme, des ganglions suprarénaux et de la plèvre (16). Le radiologue doit donc s’astreindre à une analyse et une description très précises de ces localisations dans son compte rendu. Aujourd’hui, les scanners de dernière génération permettent d’obtenir des coupes millimétriques du thorax au pelvis en moins de 40 secondes. Ces scanners multibarrettes permettent également de fournir au chirurgien des reconstructions multiplanaires, en particulier dans les plans coronal et sagittal (fig. 5) ; ces reconstructions permettent de s’amender de l’imagerie en coupe et sont souvent plus faciles à appréhender par les chirurgiens.
150 Les cancers ovariens
Fig. 6 – IRM. Séquence sagittale pondérée en T2. Récidive pelvienne d’une carcinose ovarienne visible en avant et en arrière de l’utérus (flèches).
Les signes d’extension à distance de la maladie ovarienne peuvent aussi être détectés en TDM. La présence d’ascite est un des signes de l’atteinte péritonéale, facilement visible en TDM. Les implants péritonéaux doivent être recherchés. Si leur taille est supérieure à 10 mm, ils peuvent être discrètement nodulaires en projection des surfaces péritonéales. Ces implants peuvent se rehausser après injection de produit de contraste iodé. Les sites métastatiques peuvent également être kystiques. Les cystadénocarcinomes séreux contiennent des calcifications dans 30 % des cas et la TDM peut détecter des métastases péritonéales ou des adénopathies calcifiées dans ces cas-là (17). Il faut également rechercher des adénopathies rétropéritonéales ou iliaques. Pour le diagnostic de récidive de cancer ovarien, des explorations non invasives sont actuellement recommandées. L’IRM a dans cette indication un rôle important, surtout pour la re-cherche de récidive pelvienne (fig. 6). La performance de l’IRM pour le diagnostic de réci-dives de moins de 2 cm est généralement faible (< 40 %), mais est, en revanche, bonne pour des lésions de plus de 2 cm (> 82 %). Ces performances s’améliorent par ailleurs constamment en raison de l’amélioration des machines et des techniques. Si la récidive peut être détectée de façon fiable, l’indication de la chirurgie est alors évidente. La TEPTDM a un rôle à jouer pour affirmer une suspicion de récidive, surtout lorsque l’IRM est normale. Cependant, le nombre de faux négatifs pour des lésions de moins de 10 mm, ou de faux positifs générés en particulier par le péristaltisme intestinal, est important (14).
Conclusion L’interaction radiologue-chirurgien dans le cancer de l’ovaire intervient à plusieurs niveaux. Le radiologue doit connaître les principes du traitement chirurgical, ainsi que les critères de non-résécabilité des lésions. Le chirurgien doit avoir des notions techniques d’imagerie et s’initier à l’imagerie en coupes. Il doit également pouvoir faire confiance à l’imagerie, en particulier l’IRM pour la caractérisation des masses annexielles, et éviter ainsi parfois la programmation inutile d’une chirurgie radicale non réalisable.
Interaction radiologue-chirurgien pour la prise en charge… 151
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Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles M. Canis, R. Botchorishvili, K. Jardon, B. Rabischong, C. Houlle, J.-L. Pouly et G. Mage
Introduction Au moment où il termine le traitement d’une masse annexielle, le chirurgien doit avoir répondu à un certain nombre de questions. Les réponses doivent permettre un traitement adapté à chaque lésion et à chaque patiente. Pour cela, le chirurgien dispose d’éléments cliniques, d’éléments fournis par l’imagerie et de la macroscopie chirurgicale. Toute cette démarche doit préciser au mieux la macroscopie ovarienne dont l’interprétation dépend des données cliniques (âge, activité ovarienne, taille de la lésion, antécédents familiaux, signes de dissémination péritonéale, etc.). Le chirurgien accède facilement aux données extra-kystiques, mais doit initialement se référer aux données de l’imagerie pour la macroscopie intra-kystique. Le chirurgien doit décider : – si l’intervention est indispensable ; – dans quel délai elle doit être programmée ; – où et par quel type de chirurgien elle doit être pratiquée ; – quelle voie d’abord doit être utilisée pour accéder à l’abdomen ; – si une ponction de la lésion est possible ou formellement contre-indiquée ; – si le traitement de la tumeur doit être une kystectomie ou une annexectomie ; – si un examen histologique extemporané est nécessaire ; – si des gestes complémentaires permettant le staging de la lésion doivent être réalisés immédiatement ; – si l’annexectomie controlatérale et l’hystérectomie sont indispensables.
154 Les cancers ovariens
Qui opérer et quand ? Prise en charge préopératoire Les signes cliniques qui conduisent à la découverte d’une masse annexielle sont banals (tableau I). La conduite chirurgicale se décide quasiment toujours à la suite d’un premier examen échographique. Deux situations sont possibles : la patiente consulte pour un syndrome douloureux aigu de l’abdomen ou le tableau clinique est chronique. Tableau I – Signes cliniques révélateurs d’une masse annexielle dans une série continue de 840 patientes opérées par cœlioscopie. Signes cliniques
Lésions bénignes N = 808
Lésions malignes N = 32
N
%
N
%
Aucun
428
52,9
16
50,0
Douleurs chroniques
276
34,2
10
31,3
Troubles menstruels
56
6,9
2
6,3
Augmentation du volume de l’abdomen
15
1,8
3
9,8
5
0,6
0
0,0
28
3,5
1
3,1
Autres Syndrome abdominal aigu
Les syndromes aigus de l’abdomen (diagramme 1) Devant un syndrome douloureux aigu, trois situations sont possibles : – les complications de l’évolution d’une tumeur maligne évidente (occlusion, compression…) ; – les complications d’une masse annexielle le plus souvent bénigne (torsion, grossesse extra-utérine) ; – les complications hémorragiques d’un kyste fonctionnel. La conduite à adopter devant un cancer évident qui se complique d’un syndrome douloureux aigu de l’abdomen est discutée dans d’autres parties de cet ouvrage. La prise en charge d’un syndrome aigu de l’abdomen associé à une masse annexielle a priori bénigne impose d’éliminer une grossesse extra-utérine (dosage de βHCG) et une torsion d’annexe. La torsion, véritable urgence chirurgicale, est difficile à affirmer et à distinguer d’une complication hémorragique. La valeur du Doppler dans ce cadre fait l’objet de publications quelques fois contradictoires (1-5). L’intérêt de l'évaluation de la vascularisation de l’ovaire paraît logique dans une pathologie qui aboutit à une occlusion des vaisseaux. Mais les anomalies du Doppler sont
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 155
Diagramme 1 – Syndrome douloureux aigu.
inconstantes, probablement parce que toutes les torsions n’induisent pas une ischémie aiguë. Le diagnostic de torsion reste difficile. Si le Doppler affirme l’absence de flux vasculaire dans l’annexe, le diagnostic est probable et il faut faire la cœlioscopie en urgence. Dans les cas où le diagnostic n’est pas affirmé par le Doppler, l’évolution clinique peut aider au diagnostic. Si la douleur diminue au repos de manière nette, il s’agit plus probablement d’une hémorragie due à un kyste fonctionnel et la cœlioscopie peut être évitée. Si la douleur reste identique après un délai d’une heure, il faut faire la cœlioscopie en urgence. En cas de doute, la cœlioscopie est indispensable. Une fois la grossesse extra-utérine et la torsion éliminées, il s’agit le plus souvent d’un kyste fonctionnel hémorragique dont l’aspect échographique peut être inquiétant, en raison de l’aspect de pseudo-végétations souvent réalisé par les caillots intrakystiques (fig. 1). Ces lésions, parfois volumineuses, peuvent paraître inquiétantes. L’évolution clinique et échographique répond rapidement aux questions du chirurgien. L’image se transforme en huit à dix jours (fig. 1). Du fait des modifications spontanées du caillot, une image pseudo solide de végétation intrakystique devient huit à dix jours plus tard un kyste à contenu liquide échogène, puis un kyste liquidien pur qui disparaît spontanément quelques semaines plus tard. Si le tableau clinique initial n’impose pas une intervention chirurgicale immédiate, l’évolution des images échographiques permet de rassurer rapidement ces patientes.
156 Les cancers ovariens
Fig. 1 – Aspects échographiques de kystes fonctionnels hémorragiques. a) caillot réalisant un aspect hypo-échogénique non liquidien ; b) et c) aspect de pseudo-végétation intra kystiques ; d) liquide à contenu échogène qui témoigne de la résolution du caillot de la figure 1c.
Si, au bout de dix jours, les images ne se modifient pas comme attendu, le diagnostic doit être remis en cause. Les végétations reprennent leur caractère inquiétant et les images en nid d’abeille peuvent correspondre à ce que l’on observe dans une tumeur de la granulosa, dont le contenu jaunâtre peut être difficile à distinguer d’un corps jaune, même au moment de l’intervention chirurgicale (fig. 2).
Conduite à tenir devant un tableau clinique chronique Le rôle diagnostique de la cœlioscopie est incontournable Dans le cadre des masses annexielles, l’échographie reste la principale technique d’imagerie. Mais il n’est pas possible de réaliser une sélection préopératoire parfaite qui permettrait par exemple de réserver la cœlioscopie aux seules masses quasi certainement bénignes comme le proposait récemment Vergote à la suite de son étude qui montre que la ponction d’un cancer de stade I influe sur le pronostic des patientes (6). La ponction doit être évitée autant que possible, mais refuser la cœlioscopie à toute lésion qui n’est pas absolument non suspecte à l’échographie, c’est faire de nombreuses laparotomies inutiles. De même, refuser toute ponction à ces lésions lors d’une intervention chirurgicale, c’est accepter de nombreuses annexectomies inutiles chez les patientes de moins de 40 ans (7).
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 157
Fig. 2 – Tumeur de la granulosa. a) aspect échographique ; b) aspect cœlioscopique ; c) aspect macroscopique de la tumeur après section en deux parties.
De nombreux scores échographiques ou modèles mathématiques ont été proposés pour permettre un diagnostic histologique préopératoire précis. Malheureusement, le diagnostic histologique préopératoire n’est pas encore possible. En effet, les scores échographiques sont moins fiables lorsqu’ils ne sont pas utilisés par le groupe qui les a mis au point (8). De plus, Boll et al. ont comparé la valeur diagnostique des scores échographiques à l’impression clinique de différents types de chirurgiens, impressions établies au vu des données cliniques, échographiques et du dosage du CA 125 (9). La fiabilité diagnostique des modèles les plus sophistiqués n’est pas meilleure que celle de l’impression des cliniciens. De plus, les conséquences de l’impression clinique d’un résident, d’un gynécologue et d’un oncologue ne sont pas statistiquement différentes (9). Tous feraient de nombreuses laparotomies inutiles pour des lésions bénignes et tous opéreraient quelques cancers par incision de Pfannenstiel. Ces données montrent qu’il reste une place pour le diagnostic chirurgical. La cœlioscopie apparaît comme la méthode de choix dans cette indication, elle permet une inspection de la cavité péritonéale, de la tumeur et du pelvis avant de décider de la voie d’abord chirurgicale que l’on va utiliser pour le traitement. Si elle est conçue comme une intervention qui comporte un temps diagnostique et un temps thérapeutique, la cœlioscopie paraît incontournable dans la plupart des situations. Un diagnostic cœlioscopique n’impose pas un traite-
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ment endoscopique (7). De même, la ponction n’est souvent pas utile au diagnostic de la nature de la lésion et doit autant que possible être évitée dans les masses suspectes.
La conduite à tenir en préopératoire À la suite de l’échographie, on peut distinguer plusieurs situations : la lésion paraît quasi certainement bénigne à l’échographie, le cancer paraît très probable, la lésion est complexe, mais le cancer n’est pas évident. La lésion paraît quasi certainement bénigne à l’échographie (diagramme 2) Avant la ménopause Cela correspond aux lésions liquidiennes pures dont le liquide peut être échogène, aux lésions qui comporte moins de trois cloisons, et/ou dont les cloisons font moins de 3 mm d’épaisseur (10, 11). Dans cette situation, le taux de lésions malignes ou à malignité atténuée est très faible, inférieur ou égal à 1 %. En pratique, l’échographie est prise en défaut (faux négatifs du diagnostic de malignité) du fait de lésions végétantes de petite taille situées en dehors ou à distance de la lésion kystique ou de végétations intra-kystiques de moins de 1 mm de diamètre (7). Cette situation est simple. Il faut s’assurer que la lésion n’est pas fonctionnelle et ne va pas disparaître dans les jours qui viennent, puis organiser l’exérèse par voie cœlioscopique. L’intervention peut être réalisée sans prévoir d’examen extemporané. Une compétence oncologique n’est pas indispensable. La laparotomie est très improbable, mais le consentement éclairé doit comporter cette possibilité.
Diagramme 2 – Lésion non suspecte à l’échographie.
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 159
Seule l’évolution de la lésion dans le temps peut confirmer qu’elle n’est pas fonctionnelle (diagramme 2). Pour cela, un délai de trois mois paraît nécessaire. Deux questions restent posées. Quelle surveillance pendant ce délai ? Un blocage de l’activité ovarienne est-il indispensable pendant cette période ? La réponse est complexe, partagée entre les données de la médecine factuelle et la réalité clinique qui nous confronte à des patientes qui ne se font pas toujours suivre de manière très soigneuse, et à l’évolution rapide et surprenante de lésions malignes initialement très peu inquiétantes à l’échographie. Deux études, dont un travail prospectif randomisé, montrent que le fait d’utiliser un blocage ovarien ne favorise pas la disparition des kystes fonctionnels (12, 13). Mais ne pas donner de traitement expose, si les échographies ne sont pas mensuelles, à opérer une image « persistante » qui serait en fait une nouvelle lésion fonctionnelle apparue entre les deux examens. Par ailleurs, donner un traitement peut aussi faciliter le suivi de la patiente, plus encline à revenir pour l’échographie de contrôle si on lui prescrit un traitement. Enfin, un délai de trois mois peut être très long dans l’histoire naturelle d’une tumeur maligne de l’ovaire. Pour cela, nous utilisons l’attitude suivante : – en dehors des situations d’urgence, éviter les échographies diagnostiques prémenstruelles pour éviter le diagnostic en excès de kystes fonctionnels ; – prescrire un blocage ovarien pour une durée de trois mois ; – faire une échographie de contrôle au bout d’un mois de traitement et, si la lésion persiste et n’augmente pas de volume, refaire l’examen à trois mois ; – opérer les patientes dont la lésion augmente de volume à un mois ; – opérer les patientes dont la lésion persiste à trois mois. Le contrôle à 1 mois permet d’arrêter rapidement le traitement des patientes dont la lésion a disparu dans ce délai, et d’opérer plus vite les lésions qui augmentent rapidement de volume. Après la ménopause Une même attitude reste valable chez les patientes qui sont ménopausées depuis peu de temps, à condition de réaliser une échographie mensuelle. Les kystes fonctionnels ne sont pas rares chez ces patientes, ils sont souvent accompagnés de signes fonctionnels typiques qui évoquent, chez la patiente, ceux qu’elle éprouvait lorsqu’elle était réglée. De nombreuses études montrent que les lésions liquidiennes pures disparaissent le plus souvent spontanément même chez les patientes ménopausées (14). Par exemple, parmi 256 masses annexielles entièrement kystiques identifiées chez des patientes de plus de 50 ans dans le cadre d’un programme de dépistage de cancer de l’ovaire, 125 disparaissent spontanément en quatre à six semaines. Le pourcentage de résolution spontané dépend de l’âge des patientes dans cette étude, il était de 54 % avant 60 ans et de 23 % après cet âge (14). Les lésions qui persistent et dont le diamètre est supérieur à 3 cm doivent être opérées et traitées au moins par annexectomie bilatérale. L’intervention peut être réalisée sans prévoir d’examen extemporané. Une compétence oncologique n’est
160 Les cancers ovariens
pas indispensable. La laparotomie est très improbable, mais le consentement éclairé doit comporter cette possibilité.
Le cancer paraît évident ou très probable (diagramme 3) L’intervention doit être programmée aussi rapidement que possible dans un centre où l’examen extemporané est possible et ou un staging chirurgical complet pourra être réalisé dans le même temps. Le bilan préopératoire va avoir trois buts principaux : – faire le bilan d’extension de la lésion ; – guider le chirurgien dans le « debulking » en identifiant les lésions les plus volumineuses, en particulier dans la région rétropéritonéale ; – évaluer l’opérabilité de la carcinose, afin de savoir si une chirurgie optimale est possible au prix de gestes chirurgicaux incluant une seule résection digestive. L’échographie abdominale peut participer à ce bilan, mais il faut aussi une imagerie en coupe pour répondre à ces questions. Le scanner reste la méthode la plus employée, la grande vitesse d’acquisition des images permet d’obtenir une meilleure définition et un diagnostic plus fiable des végétations péritonéales. Mais la définition de l’IRM s’améliore et elle permet une meilleure évaluation de la tumeur ovarienne et du pelvis (15, 16). Un bilan urologique est possible avec ces méthodes pour dépister une atteinte urétérale. Les marqueurs sont prélevés la veille de l’intervention. Ils sont essentiels pour suivre la réponse de la patiente aux traitements postopératoires. Il est également de bonne clinique de stocker des prélèvements sanguins pour réaliser des dosages particuliers (hormones, neuro-médiateur…) dans le cas où la tumeur ne serait pas une tumeur épithéliale.
Diagramme 3 – Lésion suspecte à l’échographie.
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 161
La lésion est plus complexe, mais n’est pas un cancer évident (diagramme 3) Cette situation plus difficile est fréquente. Dans une série de 1808 patientes opérées dans le service par cœlioscopie après une échographie, 756 avaient une image solide ou complexe à l’échographie, parmi lesquelles 76 étaient des lésions invasives ou à malignité limite (10 %). Cette situation comporte des lésions très suspectes avec de volumineuses végétations (figs 2, 3, 4) et des situations simples ou le diagnostic de kyste dermoide est probable après l’échographie. Quelle que soit la technologie que l’on emploie, l’apport du Doppler n’est pas ce que l’on avait espéré au début des années 90. Il peut s’agir d’un élément supplémentaire de suspicion si les vaisseaux sont situés au centre de la tumeur et si les index mesurés à ce niveau sont bas (17). Dans cette situation, l’accès à une technique d’imagerie en coupe est très importante pour répondre à trois questions : – s’agit-il d’un kyste dermoïde ? – quel est le degré de suspicion de cette lésion, où et par qui doit-elle être opérée ? – existe-t-il des signes de dissémination péritonéale ?
Fig. 3 – Tumeur séreuse à malignité limite. a) aspect échographique ; b) couleur trouble brunâtre du liquide ; c) aspect cœlioscopique ; d) aspect intrakystique après ouverture de la pièce opératoire.
162 Les cancers ovariens
c
a
d b
Fig. 4 – Tumeur mucineuse à malignité limite. a) aspect échographique ; b) liquide filant visqueux typique de cette pathologie ; c) aspect cœlioscopique ; d) aspect intrakystique après ouverture de la pièce opératoire.
Le scanner répond bien et facilement à la première question si les mesures de densité de la graisse sous-cutanée et de la tumeur sont effectuées correctement. Mais il est moins performant que l’IRM dans le bilan des autres tumeurs pelviennes (15). Pour cette raison, l’IRM devient l’examen de référence dans cette situation. Elle fait le diagnostic de kyste dermoïde, si des clichés en suppression de graisse sont réalisés, et elle permet un bilan plus précis de la masse annexielle. Le principal problème reste l’accès aux machines d’IRM encore rares dans notre pays. La plupart de ces patientes doivent être opérées rapidement, avec la crainte de ne pas laisser évoluer un cancer. Cependant, il faut savoir que, parmi 250 masses annexielles non liquidiennes pures découvertes, dans le cadre d’un programme de dépistage du cancer de l’ovaire chez la femme ménopausée, 135 (55 %) ont disparu spontanément en moins de soixante jours (14). Parmi les 114 masses opérées, seulement 7 étaient des lésions malignes. Dans ce programme de dépistage, en cas d’anomalie échographique, une deuxième échographie était prévue seulement quatre à six semaines après l’examen initial. En dehors des lésions très volumineuses ou très suspectes, il n’y a pas lieu d’opérer en urgence.
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 163
En pratique, plusieurs situations sont possibles : – le degré de suspicion est très important, on programme l’intervention avec examen extemporané et compétence oncologique, on essaie d’obtenir une IRM dans l’intervalle ; – la lésion n’est pas retrouvée lors d’un deuxième examen réalisé quelques jours plus tard, un nouveau contrôle est prévu à un mois, les images solides ou complexes peuvent être difficiles à retrouver à l’échographie ; – la deuxième technique d’imagerie confirme le diagnostic de kyste dermoïde, l’intervention est prévue sans urgence, mais la patiente doit être informée du risque de torsion et de la conduite à tenir dans ce cas. Le chirurgien essayera de réaliser une kystectomie en plaçant le kyste dans un sac avant la dissection et en évitant la rupture pour limiter la contamination péritonéale et la formation d’adhérences post-opératoires (7). L’intervention ne requiert pas de compétence oncologique ; – la suspicion est importante, la deuxième imagerie n’apporte pas d’élément décisif, l’intervention doit être prévue aussi rapidement que possible. Il est souhaitable qu’elle se déroule dans un centre où examen extemporané et staging d’un cancer sont possibles. Ces deux conditions semblent indispensables si la patiente est ménopausée, dans la mesure où plus de 20 % des lésions seront malignes (7) et où l’on sait qu’un pourcentage non négligeable de patientes peuvent refuser le restaging si celui-ci n’a pas été réalisé lors de la première intervention (18). De même, l’examen extemporané est capital chez les femmes jeunes opérées pour une lésion suspecte et qui ont déjà subi une ovariectomie ou qui ont une lésion suspecte bilatérale. Dans ce cas, l’examen extemporané peut guider le chirurgien quant à la possibilité de préserver une partie de l’ovaire. Dans cette dernière situation, le groupe oncologique qui prend en charge la patiente doit pouvoir entrer en contact avec un centre de procréation médicalement assistée pour décider les modalités du traitement conservateur.
L’information préopératoire L’information qu’il faut donner aux patientes est complexe vu la multiplicité des situations possibles. Mais il faut informer les patientes d’une possible laparotomie et d’un traitement radical comprenant tous les gestes du staging d’un cancer de l’ovaire. En pratique, deux contextes sont possibles. Tout en avertissant la patiente de l’ensemble des traitements possibles, on insistera différemment en fonction du contexte : – les femmes de moins de 40 ans qui ont une lésion unilatérale, où le traitement conservateur peut être envisagé même en cas de cancer, avec qui il faut discuter la possibilité d’une ré-intervention qui serait réalisée quelques jours plus tard au vu des résultats de l’examen anatomo-pathologique définitif ;
164 Les cancers ovariens
– les patientes de plus de 40 ans avec qui on envisage le traitement en un seul temps, en incluant le traitement radical de l’appareil génital et le staging complet. Cette étape est capitale sur le plan médico-légal, mais elle est surtout très importante pour la bonne organisation et la bonne observance du traitement. Un restaging prévu avant l’intervention sera quasiment toujours accepté par la patiente et réalisable dans des délais brefs, un restaging dont la patiente est prévenue huit jours après l’intervention est mal accepté et réalisé dans des délais beaucoup plus longs.
L’intervention chirurgicale Dans notre pratique, elle débute quasiment toujours par une cœlioscopie diagnostique. Ce diagnostic chirurgical concerne la lésion, son extension éventuelle, elle vient le cas échéant compléter le bilan d’opérabilité d’une carcinose péritonéale.
La mise en place de la cœlioscopie La mise en place de la cœlioscopie s’adapte à chaque situation. Les buts sont : – permettre une évaluation correcte de la lésion et du péritoine ; – éviter la ponction aveugle de la lésion ; – éviter autant que possible les risques de métastases pariétales sur les trajets de trocart. La technique traditionnelle de cœlioscopie (création du pneumopéritoine et mise en place du premier trocart dans l’ombilic) n’est utilisée que pour les lésions de moins de 7 cm de diamètre. Si le diamètre est plus important, la création du pneumopéritoine, ou les deux gestes sont réalisés dans l’hypochondre gauche, surtout si la distance ombilico-pubienne est courte. Dans ce cas, nous utilisons un cœlioscope de 5 mm de diamètre, ce qui limite les conséquences d’un point de vue esthétique. Si la masse est très suspecte et ou si une carcinose est présente, il semble souhaitable de réaliser une open laparoscopie qui permet de fermer l’aponévrose en fin d’intervention, ce qui, d’après un travail de van Dam, permet de diminuer le risque de greffe tumorale sur la cicatrice de trocart (19). Cette technique peut, en cas de volume tumoral très important, être réalisée dans l’hypochondre gauche. Il est souhaitable, là aussi, de disposer d’un cœlioscope de 5 mm qui peut être introduit dans plusieurs trocarts, ce qui facilite le bilan de la cavité péritonéale si la masse est très volumineuse ou si existent des adhérences étendues.
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 165
Le diagnostic chirurgical (diagramme 4) La cœlioscopie est une méthode de diagnostic chirurgical (10, 11). Le diagnostic chirurgical comporte deux temps opératoires : une étape d’inspection de la cavité péritonéale et de l’ovaire, puis éventuellement une étape d’inspection endokystique, qui complète au besoin l’évaluation endokystique débutée avant l’intervention grâce à l’imagerie.
Diagramme 4 – Cœlioscopie.
Le bilan de la cavité péritonéale et des annexes Ce bilan débute par la cytologie péritonéale, qui comporte à la fois l’aspiration du liquide présent dans la cavité et le lavage-aspiration avec un faible volume, du pelvis et des gouttières pariéto-coliques. Ce temps essentiel, au moment de la prise en charge des tumeurs malignes, ne doit pas être oublié. Pour cela, il est bon de demander aux infirmières du bloc de rappeler ce geste aux chirurgiens. Le deuxième temps est l’inspection de la cavité péritonéale et des annexes. La cœlioscopie dans ce cadre a un avantage majeur, c’est l’effet loupe que l’on obtient si l’on approche l’extrémité du coelioscope à moins de 1 cm de la surface du péritoine. Cette loupe permet de voir des végétations que l’on ne voit pas en laparotomie (fig. 5). Par ailleurs, Possover a montré que, malgré ces
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Fig. 5 – Aspects de péritoine. a) taches blanches à la surface d’un péritoine normal ; b) microvégétations correspondant à de l’endométriose chez une patiente opérée pour une tumeur à malignité limite ; c) microvégétations correspondant à des métastases d’un cancer ovarien lors d’une intervention de second look.
limites dans l’évaluation du mésentère, l’inspection cœlioscopique est fiable dans le diagnostic de dissémination d’une tumeur de l’ovaire (20). En effet, il est exceptionnel de rencontrer des métastases mésentériques chez une patiente qui n’a aucune métastase sur le péritoine pariétal ou sur l’épiploon. Le troisième temps est l’inspection des annexes, qui doivent être manipulées avec précaution pour prévenir toute rupture involontaire. Si des végétations ou des zones suspectes sont identifiées, elles sont biopsiées et adressées à l’examen extemporané.
L’évaluation intra-kystique L’inspection péritonéale va permettre d’identifier des situations simples. – les lésions non ovariennes (séquelles postopératoires, kystes péritonéaux, séquelles infectieuses…) qui peuvent être complexes et suspectes à l’échographie, mais qui sont quasiment toujours bénignes. Leur diagnostic chirurgical
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 167
est généralement simple, en se méfiant des associations possibles, et leur traitement peut le plus souvent être réalisé par voie endoscopique (fig. 6). Dans notre expérience, elles sont significativement plus fréquentes parmi les lésions complexes à l’échographie (10, 11) ;
Fig. 6 – Pyosalpinx chez une patiente ménopausée. a) aspect initial de l’annexe ; b) microvégétations diaphragmatiques vues lors de l’inspection du péritoine ; c) aspect de pseudovégétations intrakystiques dues à la muqueuse de la trompe et qui expliquait l’image échographique très suspecte.
– les lésions ovariennes qui sont apparues complexes à l’échographie, mais dont le diagnostic macroscopique est simple et élimine tout doute quant à la bénignité de la lésion. Ce sont les kystes hémorragiques associés à des adhérences et les endométriomes qui peuvent contenir des débris solides qui ont un aspect de pseudo-végétations à l’échographie (figs 1 et 7). Pour ces situations, le traitement peut être conservateur et la ponction comporte peu de risque. Il est important de connaître la séméiologie chirurgicale qui permet de distinguer kyste organique et kyste fonctionnel (tableau II) ; – les cancers évidents devant la présence d’une carcinose péritonéale et d’un gâteau épiploïque et qui posent malheureusement peu de problèmes diagnostiques (fig. 8) ;
168 Les cancers ovariens
Tableau II – Comparaison kyste fonctionnel/kyste organique. Organique
Fonctionnel
Ligt Ut. Ovarien
Allongé
Normal
Paroi
Epaisse
Fine
Peigne au niveau du hile
Coraliforme
Vaisseaux Aspect liquide
Variable
Safran
Paroi interne
Lisse
Rétinoide
Kystectomie
Possible
« Impossible »
– les lésions a priori bénignes au vu de l’ensemble des données opératoire et préopératoire (fig. 9) pour lesquelles le traitement peut être conservateur et la ponction ne comporte pas a priori de risque particulier. La fréquence des lésions malignes dans ce groupe échographique est inférieur à 1 % ; – les images complexes à l’échographie pour lesquelles l’imagerie en coupe a montré du tissu graisseux intra-ovarien et posé le diagnostic quasi certain de kyste dermoïde qui sera traité dans un sac par kystectomie sans ponction si le diamètre est inférieur à 8 cm. La kystectomie transpariétale reste une méthode utile si le kyste est plus volumineux (10).
Fig. 7 – Endométriome ovarien : zones solides intrakystiques dues à des pigments d’hémosidérine qui peuvent réaliser des aspects de végétation à l’échographie.
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 169
Fig. 8 – Ponction à l’aiguille d’un kyste d’aspect échographique et cœlioscopique bénin.
Fig. 9 – Carcinose péritonéale.
À côté de ces situations simples, il reste des masses a priori bénignes lors de l’inspection endoscopique initiale, mais pour lesquelles l’imagerie préopératoire suggérait la présence de zones suspectes intra-tumorales et où se pose la question de faire ou de ne pas faire une ponction, d’envisager un traitement par kystectomie ou par annexectomie. Dans cette situation, la ponction est décidée au cas par cas en fonction de l’ensemble des données fournies par la clinique, l’imagerie et l’inspection chirurgicale. Schématiquement, il existe deux extrêmes :
170 Les cancers ovariens
– les lésions qui comportent de nombreuses végétations intra-kystiques ou des végétations très volumineuses et très vascularisées, ou une image très complexe pour laquelle un traitement conservateur de l’ovaire n’est pas envisageable et où la ponction est inutile et dangereuse (figs 2, 3, 4) ; – les lésions essentiellement liquidiennes qui comportent une seule végétation intra-kystique de petite taille. Granberg a montré que le taux de lésions malignes est inférieur à 10 % dans ce groupe, et un traitement conservateur de l’ovaire est possible (21). La ponction qui va permettre de confirmer les données de l’échographie et d’envisager le traitement conservateur, après examen extemporané, de la végétation est logique. La ponction ne doit pas être un geste automatique, mais elle ne doit pas être redoutée par le chirurgien. Chez les femmes âgées de moins de 40 ans, la crainte de la ponction ne doit pas faire pratiquer une annexectomie systématique. Les données publiées par Vergote, qui suggèrent un risque pronostique de la ponction, ont des limites déjà évoquées (6). Elles ne démontrent pas un risque pronostique lié à une ponction cœlioscopique bien faite. Actuellement, la ponction est réalisée après avoir chaque fois que cela est possible placé l’ovaire dans un sac. Nous utilisons un système de 5 mm avec aspiration-lavage pour toutes les lésions volumineuses et nous refermons le site de ponction avec une endoloop après l’inspection endokystique toutes les fois que le contenu du kyste paraît suspect. Il est illusoire de dire que cela évite toute contamination péritonéale, mais ces précautions limitent au maximum la contamination (figs 10, 11). De la même manière, il serait illusoire de proposer une tentative de kystectomie sans ponction. En effet, si la lésion est un cancer, elle infiltre le plan de clivage et la kystectomie sans rupture est quasi certainement impossible.
Utilisation de l’examen extemporané Cet examen est le dernier instrument du chirurgien dans sa décision opératoire. Cet examen est fiable, mais il comporte un certain nombre de faux négatifs dans le diagnostic de cancer et des cas où le diagnostic histologique per-opératoire est difficile et ne permet pas de guider le geste chirurgical. Les faux négatifs du diagnostic de malignité sont plus souvent les conséquences de prélèvements inadaptés que de difficultés d’interprétation des lames histologiques (22, 23). L’examen histologique per-opératoire ne doit donc pas être utilisé pour décider du traitement de l’annexe. Si une annexe est macroscopiquement suspecte, le traitement chirurgical sera l’annexectomie. Cette règle, comme toutes les règles, a des exceptions. La première est l’existence d’une végétation unique chez une femme jeune. Si l’inspection est complète et fiable, la zone qu’il faut biopsier est unique, le risque de faux négatif quasi nul. Dans cette situation, l’examen extemporané de la zone suspecte peut permettre de réaliser une kystectomie si la lésion est effectivement bénigne, ce qui est le cas dans plus
Imagerie et cœlioscopie des masses annexielles 171
Fig. 10 – Kyste dermoïde très suspect à l’échographie, les végétations sont visibles à travers la paroi du kyste avant la ponction et correspondent aux dépôts de sébum.
Fig. 11 – Techniques de ponction cœlioscopique. a) ponction dans un sac placé dans le péritoine ; b) ponction dans un sac dont l’extrémité a été extériorisée, il est important de bien voir la surface du kyste pour ponctionner dans le sac et non à travers le sac ; c) et d) ponction au trocart d’un kyste trop volumineux pour être placé dans un sac, après kystoscopie, fermeture du site de ponction avec une endoloop.
172 Les cancers ovariens
de 80 % quand la végétation est unique et de petite taille (21). La deuxième exception se rencontre chez les femmes jeunes qui ont une lésion suspecte bilatérale ou unilatérale, mais avec une annexe unique. Dans cette situation, la décision d’annexectomie est particulièrement lourde de conséquences et ne doit être prise qu’après un examen extemporané. L’examen extemporané est surtout utilisé pour confirmer qu’il s’agit d’une lésion maligne et qu’un staging immédiat est indispensable. Là encore, les décisions doivent être plus prudentes chez les femmes jeunes et, dans le doute, il faut savoir différer les gestes radicaux. Cette attitude, qui suppose un traitement en deux temps opératoires, peut même être envisagée en cas de cancer confirmé. En effet, le décision définitive d’un traitement conservateur n’est possible qu’en fonction du type histologique précis de la tumeur et du grade histologique. Ces données ne sont souvent établies qu’après les résultats histologiques définitifs. Cette démarche conservatrice doit aussi prendre en compte les possibilités des techniques de procréation médicalement assistée. Cette attitude n’est acceptable qu’à la condition absolue que la tumeur ait été enlevée complètement et immédiatement lors de la première intervention.
Conclusion Le diagnostic chirurgical d’une tumeur annexielle est un problème fréquent, qui est souvent très simple. Cependant, la plus grande vigilance est toujours indispensable, car certaines situations sont très complexes et les erreurs de diagnostic peuvent conduire à des retards thérapeutiques importants ou à des disséminations postopératoires graves pour la patiente. Les complications de la cœlioscopie ont confirmé les données observées après laparotomie et on sait de manière certaine que la ponction ou la biopsie d’une lésion maligne qui est laissée en place expose à un risque de dissémination postopératoire (7). Pour résoudre ces situations difficiles et éviter ces complications, le chirurgien doit tenir compte des données de l’imagerie. Tous les chirurgiens espèrent que les progrès de l’imagerie faciliteront leur travail dans le futur. Mais, pour le moment, le diagnostic histologique préopératoire n’est pas fiable. Il est possible dans des situations évidentes que le chirurgien pourrait gérer seul, mais il répond mal aux questions complexes qui rendent le chirurgien perplexe. Les arbres de décisions que nous proposons visent à limiter les risques de ponctions, tout en ne multipliant pas les indications d’annexectomie inutiles chez les femmes jeunes.
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Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers de l’ovaire T. Mognetti et F. Giammarile
Introduction La TEP-FDG (Tomographie par Émission de Positons après injection de 18FFluoro-2-Déoxy-Glucose) est un des examens d’imagerie les plus récemment mis à disposition des cliniciens. Il s’agit d’un examen scintigraphique, qui consiste donc, comme toute scintigraphie, à injecter un traceur (en l’occurrence le FDG), à le laisser circuler dans l’organisme pendant le temps nécessaire à sa métabolisation, puis à dresser une cartographie de ses zones d’accumulation et, enfin, à en tirer des conclusions sur le fonctionnement de l’organisme. Chaque traceur a sa distribution physiologique spécifique et ses variations pathologiques. Il se distingue des examens conventionnels de médecine nucléaire par le type de rayonnements émis par le radionucléide (β+ au lieu de γ), ce qui impose le recours à des appareils de détection spécifiques, les caméras TEP, encore peu répandues en France (75 caméras projetées pour 2005). En outre, les caméras TEP les plus récentes sont couplées à un scanner TDM classique, ce qui permet la fusion des images de la modalité scintigraphique et de la modalité radiologique, pour profiter à la fois de l’information métabolique de l’une et de la précision anatomique de l’autre. Il est à noter que, pour des raisons qui sortent du cadre de cet exposé, ces examens sont réalisés le plus souvent sans injection de produit de contraste iodé et ne peuvent donc pas remplacer l’examen TDM classique dans les situations où l’injection de produit de contraste est indispensable. Le FDG est le premier et, à ce jour, le seul traceur émetteur de positons disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France, ce qui explique que l’on assimile souvent TEP et FDG, alors que le premier désigne une technologie et le second un traceur exploitant cette technologie. Dans un avenir relativement proche, de nouveaux traceurs émetteurs de positons verront sans doute le jour. Afin d’éviter toute confusion, nous désignerons l’examen par son traceur (« scintigraphie au FDG » ou « TEP-FDG ») plutôt
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que de parler seulement de « TEP ». De la même façon, ce chapitre traite de l’intérêt de la scintigraphie au FDG et non de l’intérêt de la TEP en général. Le FDG est un analogue du glucose, qui s’en distingue seulement par la substitution du radical -OH en position 2 par un isotope du fluor. Cette dénaturation chimique, si elle lui permet bien de diffuser librement dans les cellules et de subir la première étape du métabolisme glucidique, lui interdit en revanche aussi bien de suivre les étapes ultérieures du métabolisme glucidique que de ressortir des cellules. Il s’accumule donc dans toutes les cellules de l’organisme, de façon proportionnelle à leur consommation de glucose, par un mécanisme d’impasse métabolique. C’est tout le paradoxe de ce traceur qui, tout en étant parfaitement ubiquitaire, permet de repérer les cellules tumorales grâce à leur métabolisme habituellement très supérieur à celui des cellules saines. Ce mécanisme explique aussi les faux positifs liés à des foyers inflammatoires ou infectieux et les faux négatifs liés à des tumeurs d’évolution lente, un traitement anti-tumoral trop récent ou encore des perturbations du métabolisme glucidique.
Méthodologie et réalisation de l’examen L’accès à l’examen se fait après concertation entre le clinicien demandeur et le médecin nucléaire qui réalisera l’examen, afin de valider la pertinence de la demande, l’adéquation entre le bénéfice attendu et les indications de l’examen. La réalisation de la scintigraphie au FDG est soumise à trois types de contraintes : – celles des traceurs émetteurs de positons en général (demi-vie courte, environ deux heures pour le 18F, coût, approvisionnement en flux tendu donc soumis à des aléas logistiques) ; – celles spécifiques du FDG (interférence possible des perturbations du métabolisme glucidique, tout particulièrement dans les situations d’hyperinsulinisme) ; – celles de la caméra TEP (difficulté d’accès à l’examen, risque de panne d’un matériel de haute technologie donc très sensible). En pratique, le patient doit se présenter à jeun de six heures (seules les boissons non sucrées sont autorisées, mais thé et café sont déconseillés pour limiter les manifestations du stress). La grande majorité des traitements médicamenteux est compatible avec cette scintigraphie. Il faut toutefois prendre des précautions en cas de traitement interférant avec le métabolisme du glucose, donc tout particulièrement les traitements du diabète. Dans ce cas, il n’y a alors pas d’attitude systématique et il faudra discuter au cas par cas avec le médecin nucléaire. Comme pour tous les examens d’imagerie, le patient doit se munir de ses examens les plus récents, particulièrement des examens TEP, TDM ou IRM, et si possible de son dossier clinique complet. Un entretien médical préalable à
Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers de l’ovaire 177
l’examen permet de vérifier le respect du jeûne, de rechercher des sources possibles de faux positifs ou faux négatifs, de dépister une claustrophobie, d’expliquer le déroulement de l’examen, de réaliser l’information sur les rayonnements ionisants. Le risque de grossesse doit être écarté (mais c’est une préoccupation assez théorique dans les cancers ovariens !). Enfin, la plupart des centres ne fournissent aucun résultat immédiat car les temps de traitement informatique et d’interprétation sont souvent longs. Le patient doit absolument en être avisé avant l’examen. Les résultats sont transmis au médecin demandeur sous vingt-quatre heures. Une période de repos allongé est observée 15-20 minutes avant injection IV du FDG et 60 minutes après. Ce produit est totalement dénué d’effet pharmacologique et ne produit aucune sensation désagréable. Comme l’objectif est de permettre au patient de se détendre, d’éviter les sollicitations musculaires source de faux positifs, il n’est pas possible de lire ou de se déplacer pendant ce temps-là, mais il est envisageable d’utiliser un baladeur musical. Après cette période d’attente et après une miction, l’examen dure environ 40-45 minutes. La caméra se présente extérieurement comme un gros scanner. Elle ne produit guère que le bruit des ventilateurs de refroidissement et ne cause aucune sensation perceptible.
Indications Le travail de synthèse le plus systématique et le plus complet concernant les indications de la TEP-FDG dans le cancer de l’ovaire a été réalisé par la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer en 2002 et mis à jour en novembre 2003 (1). Il est basé sur l’étude de la littérature internationale. Il nous servira donc de base et nous le compléterons des données publiées depuis ce rapport.
Diagnostic initial et bilan d’extension Les techniques d’imagerie conventionnelle ne sont pas suffisamment sensibles et spécifiques pour effectuer le diagnostic de cancer de l’ovaire et le bilan d’extension tumorale. Dans les études qui ont servi de support à l’établissement des SOR, la sensibilité de la TEP-FDG variait de 55 à 100 %, la spécificité de 50 à 100 %, la valeur prédictive positive de 80 à 100 % et la valeur prédictive négative de 17 à 100 %. Ces valeurs très disparates s’expliquent notamment par la forte incidence de la carcinose péritonéale, dont les granulations microscopiques ne sont détectées que dans 7 cas sur 16 (sensibilité 44 %) (2). Ainsi, la scintigraphie au FDG ne présente à ce jour pas d’intérêt pour le diagnostic initial ou le bilan
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d’extension des cancers ovariens. L’immuno-scintigraphie pourrait constituer une piste pour améliorer cette sensibilité (3). Cependant, une étude récente et modeste (15 patientes) suggère que l’ajout de la TEP-FDG au bilan d’extension initial par TDM fait passer la sensibilité de 46 à 68 %, la spécificité de 90 à 92 %, la corrélation avec le stade chirurgical de 53 à 87 % (4). Cette étude mérite d’être confortée par une autre plus significative.
Évaluation de la réponse thérapeutique La chirurgie de deuxième regard est la méthode de référence dans l’évaluation de la réponse au traitement initial et pour la recherche de maladie résiduelle. Deux études prospectives récentes ont évalué l’apport de la scintigraphie au FDG dans cette indication par rapport à la chirurgie. La première (5), portant sur 55 patientes qui ont été évaluées par l’une seule des deux méthodes, a montré que la TEP-FDG et la chirurgie de second regard avaient des valeurs pronostiques similaires après chirurgie et chimiothérapie adjuvante, au point de proposer de substituer la TEP-FDG à la chirurgie (30 malades ont bénéficié d'un « second look » et 25 d'une TEP-FDG, la survie sans récidive n'est pas significativement différente entre les deux groupes, respectivement 40,5 +/- 11,6 mois, et 48,6 +/- 12,1 mois). La seconde (6), portant sur 31 patientes évaluées par les deux méthodes, a montré une bonne corrélation entre les données histologiques et TEP-FDG, avec notamment une sensibilité de 78 %, une spécificité de 75 % et une valeur prédictive positive de 89 %. Toujours selon cette étude, toutes les lésions non vues correspondaient à des lésions de moins de 5 mm, ce qui semble bien constituer le seuil de détection de la TEP-FDG. Des lésions pathologiques peuvent être mises en évidence même lorsque le CA-125 est normal, mais l’étude n’a pas approfondi ce point. Si des études similaires (réalisées sur des échantillons comparables ou supérieurs) venaient conforter ces résultats, il s’agirait probablement d’une évolution stratégique significative pour la prise en charge de ce cancer. En revanche, il n’y a pas actuellement d’utilité de la TEP-FDG dans l’évaluation de la réponse au traitement au-delà du traitement initial, en dehors d’études prospectives.
Recherche de récidive Plusieurs études, mais portant sur de petits effectifs, ont montré la supériorité en terme de sensibilité et de spécificité de la scintigraphie au FDG par rapport à l’imagerie conventionnelle (7-9). La sensibilité semble également augmenter
Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers de l’ovaire 179
lorsque le taux de CA-125 est élevé (10), mais l’analyse de la littérature ne permet pas de retenir de seuil du CA-125 justifiant le recours à la TEP-FDG. L’intérêt de la TEP-FDG pour le diagnostic de récidive locale ou métastatique semble ainsi validé par ses performances supérieures à celles de l’imagerie conventionnelle. La carcinose péritonéale microscopique est la principale source de faux négatifs, la chirurgie de second regard restant ici plus sensible.
Exemples Cas n° 1 Élévation du CA-125 de 60 à 280 en l'espace de six mois chez une patiente aux antécédents d'adénocarcinome de l'ovaire qui a déjà reçu deux lignes de chimiothérapie. La TEP-FDG retrouve plusieurs foyers pelviens, dont certains (fig. 1) étaient difficilement discernables des anses digestives.
Fig. 1 – Cas n° 1.
Cas n° 2 Adénocarcinome ovarien avec carcinose péritonéale initiale, ayant bénéficié d'une CHIP associée à une résection rectale, une hémicholectomie droite et une splénectomie en 07/2004. Actuellement, réascension rapide du CA 125. TDM thoraco-abdomino-pelvienne considérée comme normale. Mise en évidence en TEP-FDG d’une récidive de localisation atypique de l’angle cardiophrénique (fig. 2).
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Fig. 2 – Cas n° 2.
Conclusion La principale indication de la TEP-FDG dans la prise en charge du cancer de l’ovaire (et la conclusion actuelle des SOR) est que la scintigraphie au FDG peut être proposée en cas de suspicion de récidive locale ou métastatique, généralement devant une élévation confirmée du CA-125. Le remplacement de la chirurgie de deuxième regard par la TEP-FDG est une indication dont on peut raisonnablement espérer la validation dans un avenir proche.
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Les stades précoces
Chirurgie programmée des cancers ovariens au stade précoce par cœlioscopie D. Querleu, E. Leblanc et G. Ferron
La chirurgie est un élément essentiel dans la prise en charge des cancers de l’ovaire. En effet, elle intervient à tous les stades de la maladie : le diagnostic, la stadification, le traitement, la surveillance du traitement complémentaire et, enfin, la palliation. Toutefois, les enjeux sont différents selon que l’on s’adresse à une forme débutante et donc guérissable ou à une forme avancée dont on va essayer de retarder l’échéance, en améliorant si possible le confort de survie de la malade. La chirurgie cœlioscopique prend une place dans la restadification des stades précoces insuffisamment explorés au cours d’une première intervention. Son utilisation dans le traitement de la tumeur primaire reste limitée par l’impossibilité d’extraire des volumes tumoraux significatifs sans prendre le risque de malfaçon chirurgicale, soit par inadéquation du geste, soit par rupture per-opératoire de tumeurs autrement localisées, soit par contamination de la paroi abdominale au cours de l’extraction de la pièce opératoire (1). Le risque est multiple : aggravation du stade par le simple effet de la rupture, aggravation de la maladie péritonéale, survenue de métastases pariétales. C’est ce rôle limité, ainsi que la prévention de ces risques, qui est exploré dans ce chapitre, en incluant les impératifs de la chirurgie pour en discuter les possibilités de réalisation par cœliochirurgie. L’objectif, pour le chirurgien qui se trouve devant une tumeur ovarienne suspecte ou maligne apparemment débutante, est de prouver sa nature cancéreuse, d’en faire l’exérèse complète et d’évaluer son extension microscopique.
Le diagnostic Le diagnostic et l’exérèse de la tumeur primaire repose sur l’annexectomie assortie, si possible, de l’examen extemporané de la pièce. Une cytologie péritonéale débute l’intervention par prélèvement de l’ascite ou par lavage péritonéal. Elle sera suivie d’une exploration de l’ensemble de la cavité abdominale. Le complément thérapeutique sera fonction de l’examen extemporané ou, à défaut,
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de l’examen anatomo-pathologique. Canis a rapporté une série de 819 masses annexielles traitées par laparoscopie. La sensibilité du diagnostic laparoscopique de malignité a été de 100 %, la spécificité de 96,6 %, la valeur prédictive négative de 100 %, alors que la valeur prédictive positive était de 41,3 % (27 faux positifs). Parmi les 8 complications, on note 3 ruptures per-opératoires sans conséquences cancérologiques (2). L’association examen clinique, échographie, laparoscopie a une sensibilité élevée puisque le risque de faux négatifs est estimé à 1,5 % des cas dans l’étude multicentrique française comportant 5 307 masses ovariennes traitées laparoscopiquement (3). L’équipe de Clermont-Ferrand a complété utilement l’information en concentrant son étude sur les masses annexielles échographiquement suspectes, dans une série de 141 patientes évaluées par cœlioscopie et examen extemporané de la pièce opératoire (4). Ce dernier était fiable dans cette série pour ce qui concerne le diagnostic de malignité dans 89 % des cas, surtout en cas de kyste de diamètre inférieur à 10 cm, l'examen extemporané des lésions volumineuses étant aléatoire. Or, et d’autant plus que le volume est important, une des complications possibles est la rupture per-opératoire de la pièce. Ses conséquences à long terme sont diversement appréciées. Pour certains, elle ne semble pas altérer le pronostic ; en revanche, pour d’autres, l’opinion est à l’opposé, ce qui justifierait, surtout en cas de formes peu différenciées, un traitement complémentaire comme dans un stade IC (5). Éviter la rupture est donc un enjeu important dans le diagnostic cœlioscopique. En outre, l’extraction de la pièce opératoire doit se faire sans morcellement et sans contamination directe de la paroi abdominale par une tumeur possiblement maligne, et la prise en charge doit être obtenue sans délai car il existe un risque réel et connu de longue date d’aggravation rapide de l’état d’extension de la maladie (1). En tout état de cause, l’extraction de la tumeur ne peut être conçue que protégée par un sac, sans ponction ni rupture, ce qui impose de se limiter à un volume tumoral compatible avec les sacs existants, d’une part (4 à 5 cm pour les plus courants, 10 cm pour certains sacs de grande contenance), et avec une extraction atraumatique, d’autre part. La voie vaginale, si une hystérectomie est réalisée dans le même temps opératoire, permet d’extraire des tumeurs de 5 à 6 cm. L’extraction à travers la paroi abdominale de la composante solide de tumeurs malignes impose une incision égale au diamètre tumoral, ce qui fait perdre un des intérêts de la cœlioscopie, d’ordre esthétique, mais sans altérer son bénéfice en termes de suites opératoires. Dans cet esprit, la chirurgie cœlioscopique manuellement assistée, qui combine la vision cœlioscopique à la palpation à travers une incision étanche admettant la main, peut trouver une application intéressante (6). L’hystérectomie totale intrafasciale avec annexectomie controlatérale, dont l’objectif est d’évaluer et traiter une extension possible à l’utérus ou à la trompe controlatérale, surtout en cas de forme endométrioïde, est associée au traitement de la tumeur primitive dans la majorité des cas, tout en connaissant les possibilités de traitement conservateur chez la femme jeune. Elle est réalisée en routine par cœliochirurgie ou chirurgie vaginale cœlio-assistée.
Chirurgie programmée des cancers ovariens au stade précoce par cœlioscopie 187
Le bilan d’extension Le bilan d’extension fait immédiatement suite au geste précédant l’annonce du résultat de l’examen extemporané ou, à défaut, secondairement, après réception du résultat anatomo-pathologique définitif. Il vise à rechercher une extension extra-ovarienne dont la présence modifie le stade FIGO de la maladie et indique généralement une chimiothérapie adjuvante. Le bilan d’extension standard comporte une évaluation péritonéale et ganglionnaire. Elle comporte, outre l’étude cytologique du liquide ou du lavage péritonéal déjà citée, une exploration de l’ensemble des viscères avec biopsie systématique de toute lésion suspecte, ainsi que des prélèvements péritonéaux pariétaux multiples du cul-de-sac de Douglas, des gouttières pariéto-coliques et des coupoles diaphragmatiques. Ces divers prélèvements et l’observation minutieuse du péritoine sont possibles par cœlioscopie, avec des secteurs plus faciles à observer que par laparotomie (diaphragme) et des secteurs moins directement accessibles, mais observables avec une technique adaptée (mésentère). Une omentectomie infra-colique est systématiquement réalisée. À condition d’utiliser des sites de trocarts et une position du chirurgien adaptée à la chirurgie de l’étage supérieur de l’abdomen, l’omentectomie infra-colique, voire totale, est possible par cœliochirurgie, en utilisant les diverses méthodes d’hémostase à disposition. La coagulation bipolaire suivie de section, fastidieuse, est toujours possible, mais supplantée par l’usage de clips bloquants (Hemolock®) ou des instruments de fusion-section tissulaire modernes. L’appendicectomie peut également être associée à ce bilan abdominal. Son indication est plus controversée, en raison d’un rendement très variable d’une série à l’autre.
Les lymphadénectomies La réalisation systématique de lymphadénectomies exhaustives reste encore un sujet controversé dans les stades précoces. Pourtant, cette atteinte n’est pas rare puisque la fréquence de l’envahissement ganglionnaire para-aortique est de l’ordre de 14 % dans les stades apparemment I et 28 % dans les stades II. Par ailleurs, certains pensent que la lymphadénectomie pourrait jouer un rôle thérapeutique : en effet, l’envahissement ganglionnaire « résisterait » à la chimiothérapie puisque des ganglions para-aortiques positifs ont été retrouvés dans 77 % des interventions de second regard après traitement initial complet (7). Tous ces éléments plaident en faveur d’une lymphadénectomie réglée et non, une aléatoire « adénectomie » sélective. Il a été montré qu’il n’existe pas de zone sentinelle dans l’envahissement ganglionnaire des cancers de l’ovaire avec 50 % environ d’atteinte mixte pelvienne et para-aortique contre 25 % d’atteinte isolée pelvienne ou para-aortique sans distinction de côté. Au total, il faut donc, dans les stades précoces, effectuer une lymphadénectomie systématique, exhaustive et réglée, menée de la veine rénale gauche aux anneaux
188 Les cancers ovariens
fémoraux. La lymphadénectomie pelvienne cœlioscopique est publiée et pratiquée de longue date (8). En 1994, nous avons publié la technique du curage para-aortique sous-rénal, donc de la lymphadénectomie standard pour initier l’utilisation de la cœliochirurgie dans la stadification exhaustive des tumeurs de l’ovaire (9). L’ensemble de ces techniques remplit donc le cahier des charges d’une stadification complète des tumeurs de l’ovaire par cœlioscopie. Lecuru et al. ont cependant montré que, dans la pratique réelle, et bien que la survie n’en soit pas affectée, la qualité de traitement chirurgical des tumeurs de l’ovaire en condition laparoscopique n’est pas toujours adéquate (10). On doit donc insister sur le fait que la prise en charge cœlioscopique ne peut se concevoir que dans le respect absolu des bonnes pratiques de cette technique. En synthèse, on peut donc envisager, dans certains cas sélectionnés de tumeur au stade I apparent, d’effectuer le traitement complet par voie laparoscopique et vaginale combinée, afin de faire profiter la patiente d’un abord mini-invasif sans sacrifier la qualité carcinologique du geste. Dans notre expérience, 4 patientes ont été traitées de cette manière. Elles étaient atteintes d’une tumeur au stade I clinique, 3 étaient épithéliales (tumeur de la granulosa). Le geste radical et la stadification complète intra- et rétropéritonéale ont été pratiqués dans tous les cas. La durée opératoire a été de cinq heures en moyenne, la durée de séjour n’a pas excédé trois jours, et aucune complication péri-opératoire n’est survenue. 2 patientes qui avaient des implants microscopiques péritonéaux ont reçu une chimiothérapie complémentaire ; avec douze mois de recul moyen, une d’entre elles a récidivé. Dans la littérature, une publication déjà ancienne rapporte trois traitements complets laparoscopiques sans complication pour des durées opératoires de 5 h 30 et de séjour de trois jours (11). Plus récemment, l’équipe de Iéna a publié une série comportant 13 cas de tumeur infiltrante de l’ovaire, incluant un nombre non précisé mais majoritaire de traitements complets laparoscopiques en un temps, sans effet défavorable carcinologique observé (12). Dans cette série, 5 cas ont fait l’objet d’une chimiothérapie, après un délai de sept jours seulement, ce qui est un argument supplémentaire en faveur de l’approche cœlioscopique. Enfin, une intervention chez 17 patientes porteuses de cancers ovariens précoces utilisant la technique de chirurgie laparoscopique manuellement assistée a été décrite, avec une hospitalisation moyenne de 1,8 jour, sans information sur le devenir (6).
Laparoscopie de restadification La laparoscopie a plus souvent été proposée pour réaliser la stadification secondaire de patientes ayant été opérées pour une tumeur ovarienne présumée bénigne qui s’est révélée être maligne à l’examen définitif. Le geste réalisé est strictement identique à celui de la laparotomie de restadification et comporte donc une cytologie péritonéale, une omentectomie infracolique, des prélèvements péritonéaux étagés, une appendicectomie, la résection des cicatrices de la cœlioscopie antérieure et les lymphadénectomies pelviennes bilatérales et
Chirurgie programmée des cancers ovariens au stade précoce par cœlioscopie 189
para-aortique jusqu’en sous-rénal gauche. La revue de la littérature dans ce domaine est assez pauvre en raison d’une pratique limitée à quelques rares institutions (9, 13, 14). Une seule publication rapportant un nombre important de patientes avec un suivi à long terme est maintenant disponible (15). De décembre 1991 à décembre 2001, Leblanc et collaborateurs ont restadifié 53 patientes par cœliochirurgie, 42 (31 cancers ovariens dont 4 dysgerminomes et 4 tumeurs de la granulosa, ainsi que 8 tumeurs de la trompe) après la chirurgie initiale, et 11 après une chimiothérapie de première ligne justifiée par le type histologique ou la cytologie péritonéale. L’intervention a pu être menée à bien par cœlioscopie dans tous les cas sauf un. La durée opératoire moyenne a été de 238 minutes, incluant pour certains cas l’hystérectomie et l’ovariectomie controlatérale. 20 ganglions ont en moyenne été prélevés dans la région aortique et 14 dans le pelvis. La durée postopératoire moyenne a été de 3,1 jours. 4 complications directement liées sont survenues : deux lymphocèles, un hématome par plaie d’une artère épigastrique, et, dans le groupe des restadifications post-chimiothérapie, une plaie uretérale sur ganglion adhérent. Dans le groupe des restadifications primaires, 8 patientes (19 %) ont été classées aux stades IIA (4 cas), IIIA (1 cas) et IIIC (pN1) (4 cas). Dans le groupe des restadifications post-chimiothérapie, 4 patientes (36 %) ont été classées au stade IIIC (3 cas pN1) ou IIA. Le suivi moyen des patientes a été de 54 mois. Aucune complication tardive n’a été observée. Dans le groupe des 35 patientes considérées comme au stade IA après stadification cœlioscopique, 3 patientes ont récidivé après 12, 48 et 60 mois et sont décédées. Au total, la laparoscopie offre dans les stades précoces l’opportunité de réaliser, pour des opérateurs expérimentés dans ce type de chirurgie, une stadification exhaustive et, dans des cas très sélectionnés, un traitement cœliovaginal complet, à une patiente pour laquelle les séquelles esthétiques et fonctionnelles seront minimes et la récupération rapide. Des séries et un recul plus importants sont nécessaires pour légitimer son emploi en cancérologie ovarienne. La sélection des cas repose donc sur des critères macroscopiques (stade I apparent, tumeur de petit volume, idéalement de moins de 4 cm) et d’un facteur indépendant de la maladie qui est la disponibilité impromptue rare d’un bloc opératoire pour plusieurs heures d’intervention et d’un chirurgien exercé aux techniques d’omentectomie et de curage ganglionnaire. La restadification cœlioscopique, qui ne relève pas de l’urgence, peut être réalisée par des chirurgiens expérimentés avec une bonne fiabilité en bénéficiant d’une chirurgie comparativement moins lourde.
Les tumeurs à malignité limitée Même si ces tumeurs ne peuvent être au sens strict dénommées cancers de l’ovaire, leurs circonstances de diagnostic sont analogues et leur aspect macroscopique parfois similaire. La distinction entre tumeur invasive et tumeur
190 Les cancers ovariens
frontière n’est souvent attestée à titre définitif qu’à l’examen histopathologique définitif. Le traitement chirurgical exclusif est la règle, et la qualité de sa réalisation n’en est que plus déterminante. Il repose sur les mêmes principes que ceux appliqués aux tumeurs invasives, à cette différence près que les prélèvements ganglionnaires sont considérés comme inutiles. On notera qu’il s’agit là d’une indication de plus en plus largement acceptée, en traitement primaire, de la cœliochirurgie (16), sous réserve de respecter les mêmes contraintes volumétriques que pour les cancers (17). La restadification est actuellement considérée comme inutile si l’intervention et l’exploration initiale ont été réalisées dans les meilleures conditions de qualité (16), mais elle peut être envisagée sur les mêmes bases que celles décrites pour les tumeurs invasives (18).
Conclusion Il existe un consensus sur la nécessité dans les stades précoces, guérissables, d’une prise en charge rigoureuse pour définir les candidates à un traitement conservateur et/ou à un traitement complémentaire. La cœliochirurgie peut s’intégrer dans l’arsenal des techniques chirurgicales au temps diagnostique seulement, au temps de la stadification seulement, ou rarement dans les traitements complets. Dans les stades avancés, la chirurgie de cytoréduction secondaire après chimiothérapie néo-adjuvante est un espoir pour les cas où la cytoréduction optimale ne peut être réalisée d’emblée. Dans ces cas, l’exploration cœlioscopique décisionnelle peut fournir des arguments précis lorsque l’imagerie pré-opératoire ne permet pas de conclure.
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Chirurgie programmée des cancers ovariens au stade précoce par cœlioscopie 191
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Place de la chimiothérapie adjuvante dans les formes précoces des cancers épithéliaux de l’ovaire J.-P. Guastalla, I. Ray-Coquard
Introduction Le pronostic des formes précoces de cancer ovarien épithélial qui regroupent les stades I et IIA est meilleur que celui des stades avancés qui concernent les stades IIB, C III et IV. Cependant, en dehors des tumeurs bien différenciées au stade I qui sont guéries dans plus de 90 % des cas par la seule chirurgie, le risque de rechute est non négligeable, de 10 % à plus de 50 % selon les études, ce qui soulève la question d'une chimiothérapie adjuvante. Les résultats statistiques sont rapportés dans la suite de l'exposé en exprimant le risque relatif par le « Hazard Ratio » (HR = 0,..) et entre crochet l'intervalle de confiance à 95 % suivi du degré de significativité p [IC = 0,.. 0,.. ; P = 0,..] ; les doses en mg/m2 des molécules composant les associations de chimiothérapie sont indiquées en indice.
Études randomisées initiales Les premières études randomisées réalisées n'ont pas montré de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante, mais elles sont peu démonstratives par le faible nombre de malades incluses. Ces essais ont utilisé des chimiothérapies variables : – du melphalan : 81 malades, aux stades Ia et Ib, bien ou moyennement différenciés ont reçu per os, à quatre semaines d'intervalle, 12 cycles de melphalan 0,2 mg/kg/j x 5 j, ou ont été surveillées ; aucune différence de survie sans récidive n'a été observée à six ans (91 % vs 98 % ; p = 0,41) ni de survie globale (94 % vs 98 % ; p = 0,43) (1) ;
194 Les cancers ovariens
– du cisplatine : 41 malades, aux stades IA-B, G2-G3 ont reçu six cycles de cisplatine 50 mg/m2 tous les vingt-huit jours et 42 aucun traitement ; à cinq ans, la survie sans récidive est similaire, respectivement 83 % et 65 % (p = 0,117), ainsi que la survie globale, 88 % et 82 % (p = 0,712) (2) ; – du carboplatine : 81 malades, aux stades I grade 1 aneuploïde ou grade 2 ou 3, à cellules claires ou non, ont reçu six cycles de carboplatine AUC 7 tous les vingt-huit jours et 81 pas de traitement ; à cinq ans il n'y a pas de différence de survie sans récidive (respectivement 70 % et 71 %) ni de survie globale (86 % et 85 %) (3).
Études ICON1 et ACTION Plus récemment, l'étude ICON-1 et l'étude ACTION ayant rassemblé conjointement 923 malades ont apporté une contribution majeure sur la place de la chimiothérapie adjuvante dans les formes précoces.
Étude ICON-1 Dans l'étude ICON-11 (4), le critère d'inclusion, très pragmatique, correspond aux cancers ovariens opérés où l'investigateur doute de l'intérêt d'une chimiothérapie complémentaire2. Trois centres ont participé à cette étude, l'Istituto Mario Negri à Milan, le Swiss Group for Clinical Cancer Research à Berne et le Clinical Trials Unit of the Medical Research Council à Londres. La chimiothérapie recommandée consistait toutes les trois semaines en 6 cycles de carboplatine seul AUC-5, ou de cisplatine seul 70 mg/m2 ou de l'association C500A50P500 (d'autres associations à base de platine ont rarement été utilisées). 2 000 malades auraient du être incluses pour démontrer une amélioration de survie hypothétique de 60 % à 67 %. Entre 1991 et 2000, 477 malades ont été incluses dans 84 centres, 241 traitées par chimiothérapie (171 carboplatine seul, 32 chimiothérapie non précisée et 12 non traitées), 236 dans le groupe contrôle (6 malades ayant reçu une chimiothérapie). L'étude a été interrompue devant le faible taux d'inclusion. Répartition des malades (voir tableau I) : l'âge médian est de 55 ans ; 473 malades (99 %) ne présentaient aucun résidu tumoral, 4 (1 %) un résidu inférieur à 2 cm et aucune supérieur à 2 cm ; stade I = 13 malades (3 %), Ia = 186 (39 %), Ib = 52 (11 %), Ic = 190 (40 %), II = 29 (6 %), III = 6 (1 %) et par type histologique : séreux = 144 malades (32 %), mucineux = 103 (23 %),
1. « ICON-1 » : International Collaboration on Ovarian Neoplasms. 2. Si la chimiothérapie était nécessaire, la malade se voyait proposé de participer à l'étude simultanée ICON2 comparant carboplatine seul à l'association CAP : voir chapitre chimiothérapie des formes avancées.
Place de la chimiothérapie adjuvante dans les formes précoces des cancers épithéliaux de l’ovaire 195
Tableau I – Caractéristiques des malades de l'étude ICON-1 (4). n
%
II III
13 186 52 190 29 6
3 39 11 40 6 1
type histologique séreux mucineux endométrioïde cellules claires indifférencié autres
144 103 103 67 8 26
32 23 23 15 2 6
Résidu tumoral postchirurgical aucun < 2 cm > 2 cm
473 4 0
99 1 0
stade FIGO I Ia Ib Ic
endométrioïde = 103 (23 %), à cellules claires = 67 (15 %), tumeurs indifférenciées = 8 (2 %), autres = 26 (6 %). La survie sans récidive à cinq ans est significativement améliorée de 62 % à 73 % par la chimiothérapie, HR = 0,65 [IC = 0,46 - 0,91, p = 0,01], ainsi que la survie globale de 70 % à 79 %, HR = 0,66 [IC = 0,45 - 0,97, p = 0,03]. Conclusion : la chimiothérapie adjuvante améliore la survie sans récidive et la survie globale des stades précoces.
Étude ACTION Dans l'étude ACTION de l'EORTC (5), les critères d'inclusion sont précisément définis : tumeurs stade FIGO Ia-Ib et de grade II ou III, tous stades Ic et IIa, et tous stades I et IIa à cellules claires. Entre novembre 1990 et janvier 2000, 448 malades ont été randomisées dans 40 centres sur les 1 000 prévues, 224 dans le groupe chimiothérapie et 224 dans le groupe observation ; six cycles à base de platine étaient recommandés, avec une dose de cisplatine de 75 mg/m2, ou de 350 mg/m2 pour le carboplatine. La stadification était considérée : – « optimale » quand étaient réalisés : une inspection et palpation de la cavité péritonéale, des biopsies des lésions suspectes, un lavage péritonéal, une omentectomie infracolique, des biopsies à l'aveugle du diaphragme droit, des gouttières para-coliques droites et gauches, des parois pelviennes, du péritoine vésical et du cul-de-sac de Douglas et des prélèvement ganglionnaires iliaques et péri-aortiques ;
196 Les cancers ovariens
– « minimale » en cas seulement d'inspection et palpation de la cavité péritonéale, de biopsies des lésions suspectes, de lavage péritonéal et d'une omentectomie infracolique ; – « Intermédiaire » entre « optimale » et « minimale » et « inadéquate » si seules étaient réalisées une inspection et une palpation de la cavité péritonéale et des biopsies des lésions suspectes. Les caractéristiques des malades sont décrites dans le tableau II. Après un suivi médian de 5,5 ans, la différence de survie globale n'est pas significativement différente HR = 0,69 [IC = 0,44 – 1,08 ; p = 0,10], alors que la survie sans récidive est meilleure dans le groupe chimiothérapie, HR = 0,63 [IC = 0,43 – 0,92 ; p = 0,02]. En l'absence de chimiothérapie, la survie globale et la survie sans récidive sont significativement meilleures chez les 151 malades où la stadification était optimale par rapport à celles où elle était sous-optimale, respectivement HR = 2,31 [IC = 1,08 – 4,96 ; p = 0,03] et HR = 1,82 [IC = 1,02 – 3,24 ; p = 0,04] ; à l'inverse, chez les malades ayant reçu une chimiothérapie, la survie n'est pas différente, que la stadification ait été optimale ou non. Par contre, dans le groupe où la stadification est non optimale, la chimiothérapie améliore significativement la survie globale et la survie sans récidive, respectivement HR = 1,75 [IC = 1,04 – 2,95 ; p = 0,03] et HR = 1,78 [IC = 1,15 – 2,77 ; p = 0,009] et il n'y a pas de différence de survie dans le groupe qui n'a pas reçu de chimiothérapie. Conclusion : le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante pourrait être limité au groupe de malades où la stadification chirurgicale n'a pas été optimale, c'està-dire quand le résidu tumoral est imprécis.
Tableau II – Caractéristiques des malades de l'étude ACTION (5).
Stade FIGO Ia Ib Ic tumeur à la surface de l'ovaire capsule rompue cellules malignes dans l'ascite ou liquide de lavage IIa Type histologique séreux mucineux endométrioïde cellules claires indifférencié autres Type de stadification optimal intermédiaire minimal inadéquat
n
%
155 37
34 8
50 116 55 31
12 26 13 7
156 77 120 63 8 16
34 17 26 15 2 4
151 138 114 43
34 30 25 10
Place de la chimiothérapie adjuvante dans les formes précoces des cancers épithéliaux de l’ovaire 197
Analyse combinée Ces deux études parallèles ont donné lieu à une analyse regroupant toutes les malades ; les caractéristiques sont décrites dans le tableau III (6) : dans 13 pays et 124 centres, 925 malades au total ont été incluses, 465 ont reçu une chimiothérapie adjuvante à base de platine et 460 représentent le groupe contrôle qui a reçu une chimiothérapie seulement en cas de rechute. Avec un recul médian de 4,5 ans, 245 malades ont rechuté et 181 sont décédées. La chimiothérapie améliore significativement la survie sans récidive HR = 0,64 [IC = 0,50 – 0,82 ; p = 0,001) et la survie globale HR = 0,67 [IC = 0,50 – 0,90 ; p = 0,008] ; grâce à la chimiothérapie, la survie sans récidive à cinq ans passe de 65 % à 76 % (différence absolue = 11 % [IC = 5 % à 16 %]) et la survie globale de 74 % à 82 % (différence absolue = 8 % [IC = 2 % à 12 %]). Le bénéfice de la chimiothérapie ne diffère pas dans les sous-groupes étudiés : âge, stade et type histologique, sous réserve que le nombre de malades dans chacun de ces sousgroupes est faible. Il est intéressant de noter que les différences de survie sont similaires dans chacun des deux essais : survie sans récidive HR = 0,65 Tableau III – Caractéristiques des malades des études ICON-1 et ACTION regroupées (6). Chimiothérapie adjuvante
Oui (n = 465) Non (n = 460) n
%
n
%
âge
< 55 55 - 65 > 65 médiane
233 126 105 55
50 27 23 55
233 147 80
51 32 17
stade
I Ia Ib Ic II III
9 168 46 208 31 2
2 36 10 45 7 1 cm) n’est pas confirmé. Cette différence peut être expliquée après analyse des différents sous-groupes illustrés dans le tableau VI. Dans l’étude de
Chirurgie optimale des stades avancés : aspects oncologiques 229
Fig. 1 – Chirurgie des cancers ovariens avancés : notion de chirurgie chronologique. (CD1 : chirurgie de debulking initiale ; CT : chimiothérapie ; CDI : chirurgie de debulking d’intervalle (précédée et suivie de CT) ; Second look : laparotomie de second look à la fin de la séquence thérapeutique initiale ; CD2 : chirurgie de debulking secondaire : maladie persistante ou récurrente à la fin du premier traitement.
l’EORTC, on retrouve un plus grand pourcentage de stade IV et de patientes en mauvais état général au moment de la laparotomie initiale. Ces paramètres sont associés à une hétérogénéité importante lors de la chirurgie initiale avec un fort pourcentage de chirurgie exploratrice (ovaires laissés en place dans 30 % des cas) et de résidus tumoraux volumineux. À l’inverse, dans l’étude de Rose, la majorité des patientes ont bénéficié selon les auteurs d’un effort chirurgical maximal lors de la chirurgie première par un chirurgien spécialisé, bien que la moitié des femmes conservait une maladie résiduelle supérieure à 5 cm. De plus, dans cet essai plus récent, les patientes ont reçu une chimiothérapie optimisée à base de paclitaxel associé au platine. La chirurgie d’intervalle après trois cures de chimiothérapie semble donc bénéficier aux patientes ayant été opérées initialement de façon incomplète, soit par un chirurgien non spécialisé, soit à cause d’un état général précaire. Par contre, en cas de chirurgie non optimale, malgré un effort initial maximal, la chirurgie d’intervalle semble inutile. Ces données ne permettent pas de conclure de façon définitive, elles confirment la Tableau VI – Comparaison entre les essais de l’EORTC et du GOG 152. n EORTC
Stade IV OMS = 2
chimiothérapie
MR < 5 cm MR = 1-2 cm
140/138
22 %
17 %
CDDP + cyclophosph.
20 %
3,5 %
GOG 152 216/208
5%
7%
CDDP + Paclitaxel
56 %
12,5 %
(N : effectif groupe chirurgie/groupe sans chirurgie ; MR : taille des lésions résiduelles après chirurgie initiale ; Chimiothérapie : molécule de chimiothérapie associée au platine en première ligne.)
230 Les cancers ovariens
Progression
Progression
Figs 2 et 3 – Schéma de l’essai de l’EORTC (40) et de l’essai 152 du GOG (48). CT : chimiothérapie cisplatine 75 mg/m2 + cyclophosphamide 750 mg/m (J1 = J21). CT : Taxol (paclitaxel) 135 mg/m2 et cisplatine 75 mg/m2 (J1 = J21).
valeur d’un debulking chirurgical initial maximal dans la prise en charge des carcinoses ovariennes. Pour les patientes présentant une maladie non résécable d’emblée, la chimiothérapie néo-adjuvante permet d’éviter une laparotomie inutile, voire délétère et de débuter sans retard une première ligne de chimiothérapie. La non-résécabilité doit donc être appréciée avant la chirurgie initiale. Elle peut être évidente en cas de maladie péritonéale ou métastatique très évoluée ou alors en présence d’un état général précaire. Elle est le plus souvent difficile à estimer et la prescription d’une chimiothérapie néo-adjuvante peut constituer une perte de chance théorique pour une patiente qui aurait pu bénéficier d’un debulking chirurgical optimal premier. La valeur du Ca-125 au diagnostic,
Chirurgie optimale des stades avancés : aspects oncologiques 231
reflet de la masse tumorale, a été corrélée pour certains aux possibilités de résection chirurgicale optimale (49). Un Ca-125 préopératoire supérieur à 500 a été associé à une probabilité élevée de chirurgie non optimale (chirurgie optimale dans 73 % des cas si Ca-125 < 500 et 22 % si > 500) (49). Cependant, ces données ne sont pas toujours retrouvées dans la littérature et l’utilisation unique d’une valeur seuil de Ca-125 est difficilement applicable en pratique. L’exploration radiologique par scanner a cherché à définir des critères de résécabilité. Cependant, cette évaluation de la non-résécabilité semble difficile en l’absence de lésions péritonéales extrêmement volumineuses ou de métastases parenchymateuses. La cœlioscopie a été utilisée pour évaluer les possibilités d’un debulking optimal. Pour Vergote et al. (50), une chirurgie d’intervalle après chimiothérapie néo-adjuvante doit être réalisée en cas de mauvais état général (WHO à 2 ou 3) ou en présence d’une carcinose avancée à l’exploration cœlioscopique : présence d’implants péritonéaux disséminés ou supérieurs à 10 g, volume tumoral estimé supérieur à 1 000 g, présence d’une ascite abondante supérieure à 5 l. Les métastases sur les sites de trocarts étant fréquentes, la mise en place des trocarts sur la ligne médiane a été proposée pour pouvoir réséquer facilement leurs sites d’insertion lors de la laparotomie d’intervalle. Les réponses concernant l’intérêt de cette chirurgie d’intervalle pourraient être connues au terme de l’essai prospectif EORTC 55971. Cette phase III débuté en septembre 1998 randomise la chirurgie de debulking initiale suivie de chimiothérapie et la chirurgie d’intervalle après trois cures de cisplatine paclitaxel. L’objectif principal est de comparer la survie globale et sans récidive et parallèlement d’évaluer la morbidité et la qualité de vie entre les deux groupes.
Chirurgie de second look ou de « second regard » et chirurgie de debulking secondaire La chirurgie de second look Par définition, le second look est une chirurgie de réévaluation systématique réalisée après réponse clinique complète à une première séquence thérapeutique comprenant une chirurgie de réduction tumorale et une première ligne de chimiothérapie (minimum six cures). Le principe d’évaluation de la réponse au premier traitement des cancers ovariens est très ancien. Le premier temps comporte un prélèvement du liquide péritonéal pour analyse cytologique. Une adhésiolyse complète est nécessaire pour explorer l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne et de la région rétropéritonéale. En l’absence de lésion macroscopique décelable, des biopsies péritonéales pour analyse histologique sont indispensables (coupoles diaphragmatiques, gouttières parito-coliques, pelvis…). Un pourcentage important de second look était classé positif uniquement sur les résultats de quelques biop-
232 Les cancers ovariens
sies. Le pourcentage de second look positif après rémission clinique augmente avec la détermination de l’exploration chirurgicale. Dans l’étude de Friedmann, la réalisation systématique de biopsies multiples (109 biopsies en moyenne analysées par patientes) est associé à un taux plus élevé de second look positif (41,4 %) compte tenu d’une chirurgie initiale optimale et à un plus faible taux de récidive (27,9 %) après second look négatif (51). La morbidité et les complications de cette chirurgie ne sont pas négligeables et l’impact sur la qualité de vie de ces interventions itératives justifie la sélection de ces patientes. L’utilisation de la cœlioscopie lors du second look est actuellement étudiée. Son intérêt théorique est d’obtenir une approche peu invasive avec magnification par l’optique des surfaces péritonéales explorées. Cependant, son utilisation est limitée par la présence d’adhérences postopératoires importantes. Ainsi, dans l’étude de Clough et al., la laparoscopie n’a permis d’obtenir une exploration complète de la cavité abdominale que dans 41 % des cas contrairement à 95 % après laparotomie (52). La cœlioscopie dans ce contexte est dangereuse, ses complications propres (de 1 à 10 %) sont principalement des plaies intestinales secondaires aux adhérences rendant indispensable la réalisation de la technique d’« open »-cœlioscopie. Le taux de second look positif (lésions microscopiques ou macroscopiques) après réponse clinique complète est élevé de l’ordre de 50 % et stable dans le temps malgré l’amélioration des examens d’imagerie et des chimiothérapies de première ligne (51, 53, 54). Dans ce cas le pronostic est mauvais, malgré les possibilités d’une chimiothérapie de deuxième ligne ou d’une chirurgie de debulking secondaire. La probabilité d’une exploration positive lors du second look est d’autant plus élevée que la chirurgie initiale a été non optimale. L’âge > 50 ans, un grade indifférencié et un stade initial élevé sont également associés à des taux importants de second look positif (53). En cas de second look négatif ou de rémission pathologique complète (absence de lésion macroscopique et biopsies négatives), le pronostic est meilleur, avec une médiane de survie variant de 76 à 149 mois et des taux de survie à cinq ans dépassant 50 % (53-56). Cependant, malgré une exploration négative, les risques de récidive à distance sont grands, de l’ordre de 50 % (56). Ce risque de récidive est d’autant plus élevé que la chirurgie initiale a été incomplète et que le grade est indifférencié (51, 56). La réalisation systématique d’une chirurgie de second look ne semble pas avoir de bénéfice en terme de survie. L’étude de Nicoletto et al. a randomisé en deux groupes 102 patientes en rémission clinique complète en fonction de la réalisation ou non d’une chirurgie de second look (57). Après un suivi de soixante mois, les taux de survie n’étaient pas significativement différents dans les deux groupes malgré la prescription précoce d’une chimiothérapie de seconde ligne aux patientes en récidive dans le groupe opéré. Le protocole 158 du GOG comparant de manière randomisée l’efficacité de protocoles de chimiothérapie (cisplatine/paclitaxel versus carboplatine/paclitaxel) chez 798 patientes stade III opérées de manière optimale a également
Chirurgie optimale des stades avancés : aspects oncologiques 233
évalué l’intérêt d’une réévaluation chirurgicale systématique. Dans cette étude, un second look a été réalisé dans 75 % des cas et en présence d’une maladie persistante un second debulking et une nouvelle chimiothérapie étaient effectués. Aucune différence n’a été retrouvée en terme de survie sans récidive et globale parmi les patientes ayant eu ou non un second look (58, 59). Compte tenu des pourcentages élevés de récidive après rémission pathologique complète, de l’absence d’amélioration de la survie par une chirurgie de debulking secondaire ou par le début précoce d’une chimiothérapie de sauvetage, les indications de second look sont donc devenues limitées. Selon le consensus du NIH (National Institute of Health consensus of ovarian cancer), il ne doit être réalisé que dans le cadre d’essai clinique ou en cas de modification potentielle de la prise en charge thérapeutique par les résultats de l’exploration chirurgicale (60). Les indications possibles de second look se résument aux protocoles thérapeutiques, aux protocoles de recherche avec intensification intra-péritonéale de fermeture ou à la réalisation d’une exérèse systématique non pratiquée auparavant (lymphadenectomies).
Chirurgie de réduction tumorale secondaire (CD2) La chirurgie de debulking secondaire CD2 est une laparotomie de cytoréduction réalisée pour une maladie récurrente après une séquence thérapeutique initiale complète (chirurgie et six cycles de chimiothérapie de première ligne). L’impact sur la survie d’une chirurgie secondaire chez ces patientes est controversé et les indications de ces gestes sont discutées. Plusieurs séries rétrospectives (61-65) et prospectives (66) ont étudié les possibilités de chirurgie des récidives des cancers ovariens ; elles sont résumées dans le tableau VII. Les taux de debulking optimal varient de 40 à 80 % au prix d’une morbidité acceptable permettant d’obtenir des médianes de survie globale de seize à trente-cinq mois après la chirurgie. Le facteur pronostique le plus important en terme de survie est la taille de la maladie résiduelle après le second debulking (62, 63-66). Seules les patientes ayant eu une chirurgie complète peuvent espérer une survie prolongée de l’ordre de quarante mois après la récidive (62, 66, 67). L’intervalle libre entre la fin de la première séquence thérapeutique et le diagnostic de rechute est également important. Les médianes de survie sont significativement prolongées lorsque cet intervalle est supérieur à douze voire vingt-quatre mois (61-66). Les patientes candidates à un second debulking doivent être sélectionnées en fonction du résultat attendu de la chirurgie, des alternatives thérapeutiques possibles (intensification thérapeutique) et de leurs conséquences sur la qualité de vie. La chirurgie sera d’autant plus utile et indiquée que l’intervalle libre est supérieur à douze mois après la fin du premier traitement, que l’extension de la maladie permettant une résection tumorale est complète, que l’ascite est modérée ou absente, que la femme est jeune et en bon
234 Les cancers ovariens
Tableau VII – Principales séries de chirurgie secondaire (CD2) pour récidive de la maladie après la fin d’une séquence thérapeutique initiale. Tolérance Auteur Année
n
Tay, 2002
46
Scarabelli, 149 2001
survie DC globale (mois) 23
20
2%
définition MR
n%
8,7 %
=0
19 (41 %)
3,30 % 26,2 % > 1 cm
Eisenkop, 106 35,9 1,90 % 15 % 2000
Zang, 2000 Segna, 1993 Morris, 1989
Chirurgie optimale
Morb.
=0
≤1
60
100
17
1%
18 %
12 mois MR, ILR > 12 mois, protocole de CT = 1 ILR > 12 mois, MR nulle, CT de sauvetage = 0 taille récidive 2 cm avaient une médiane de survie de 22, 17, et 15 mois respectivement (p = 0.3). Ainsi, dans le groupe des patientes qui avaient eu une réduction tumorale au moment de la CSL, l’importance du résidu tumoral après CSL et donc la qualité de la réduction tumorale pratiquée au second look n’influençaient pas la survie. D’autres auteurs font état d’un bénéfice significatif sur la survie grâce à la cytoréduction du second look (35, 36). Ainsi Lippman et al. (37), sur une série de 70 patientes, rapportaient une survie prolongée pour les patientes qui subissaient une réduction tumorale maximale lors de la CSL par rapport aux patientes qui n’en subissaient pas (p < 0,001). Hoskins et al. (38) ont publié
Le « second look » un concept dépassé ? 255
des résultats allant dans le même sens. Sur une série de 67 patientes, ils ne trouvaient pas de différence de survie à cinq ans entre un groupe de patientes qui avaient un résidu microscopique lors de la CSL et un groupe de patientes dont le résidu était rendu microscopique par la cytoréduction de la CSL (62 % versus 51 % respectivement ; p = 0,55). Williams et al. (39) rapportent, avec une série de 153 patientes dont le second look était positif, une médiane de survie comparable pour des patientes dont la maladie était microscopique au second look et des patientes dont la maladie était réduite à un statut microscopique par le second look (médiane de survie : 26 versus 23 mois respectivement ; p > 0,05). Récemment, Dowdy et al. (2) ont publié une étude rétrospective portant sur 150 patientes avec un suivi médian de plus de quinze ans. Dans cette série, les résidus tumoraux avant et après CSL étaient des facteurs pronostiques déterminants pour la survie, mais seules les patientes dont les résidus tumoraux étaient inférieurs ou égaux à 1 cm au second look avaient un bénéfice significatif à subir une cytoréduction réduisant la maladie à un résidu microscopique. Il faut noter que, dans cette série de 150 patientes majoritairement de stades III et IV, seulement 21 patientes avaient un résidu de moins de 1 cm complètement réductible et donc seulement 14 % des patientes avaient un bénéfice significatif en terme de survie à subir une CSL. Comme dans toutes ces études rétrospectives, il est difficile de déterminer si le bénéfice ainsi démontré était attribuable à la réduction chirurgicale du volume tumoral ou si la résécabilité de ces tumeurs était l’élément pronostique déterminant témoignant de leur moindre agressivité. Il semble que la chirurgie de réduction tumorale secondaire prolonge la survie des patientes et que le bénéfice en terme de survie qu’on peut en attendre augmente avec la durée de l’intervalle libre qui sépare ce debulking secondaire de la chirurgie initiale (2, 34, 40, 41). Il est possible qu’en ce qui concerne la CSL, la date à laquelle elle intervient puisse également influencer significativement son efficacité. Or le délai varie de moins de six mois à plus de douze mois selon les publications et ces variations pourraient être responsables de la disparité des résultats rapportés (2, 42). Quoi qu’il en soit, les difficultés à mettre en évidence un bénéfice significatif en termes de survie chez ces patientes proviennent également de notre incapacité actuelle à consolider ce résultat chirurgical par un traitement médical de rattrapage efficace. Au total, on ne peut exclure qu’un petit nombre de patientes puissent bénéficier d’une réduction tumorale maximale pratiquée lors d’une CSL, mais la caractérisation précise de ces patientes reste problématique. En l’absence de stratégie thérapeutique de rattrapage validée, il ne paraît pas raisonnable de proposer cette procédure dont la morbidité n’est pas négligeable et dont on ne parvient pas clairement à démontrer le bénéfice en termes de survie.
256 Les cancers ovariens
Quelles indications pour une chirurgie de second look en 2005 ? Il existe un consensus sur la valeur diagnostique de la chirurgie de second look qui reste la procédure la plus fiable pour caractériser la réponse tumorale réelle des patientes en réponse clinique complète. Mais la valeur thérapeutique de cette procédure est controversée. Les indications de la CSL ne peuvent donc être que diagnostiques et confinées aux situations où les informations pronostiques recueillies conduiront à des adaptations thérapeutiques, c’est-à-dire dans le cadre d’essais cliniques.
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Le « second look » un concept dépassé ? 257
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Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante E. Stoeckle et A. Floquet
Introduction La réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante est également appelée chirurgie d’intervalle (ou « interval debulking surgery » selon le terme anglais). Elle s’inscrit dans le cadre général de la chirurgie de réduction tumorale des cancers de l’ovaire avancés, déjà abordée dans ce livre (voir chirurgie de réduction tumorale). La chirurgie d’intervalle est censée réaliser cette réduction tumorale précocement, après quelques cycles (en général trois) de chimiothérapie d’induction, chez des patientes inopérables d’emblée. Elle s’adresse donc à des tumeurs de l’ovaire très avancées, en général de stades IIIC et IV, dont l’inopérabilité initiale est définie par l’impossibilité d’obtenir une réduction tumorale optimale. En ayant comme objectif de réaliser un effort d’exérèse chirurgical dès qu’une réponse à la chimiothérapie s’amorce, la chirurgie d’intervalle se distingue de la chirurgie de second regard (« second look surgery »), couramment réalisée dans les années 1970-1980 et dont la vocation était diagnostique en réalisant un inventaire abdominal en fin de chimiothérapie chez des patientes en rémission complète. Le concept de la chirurgie d’intervalle après chimiothérapie d’induction est donc plus récent (1-5), avec comme objectifs, à l’instar de traitements néoadjuvants dans d’autres pathologies (sein, digestif, ORL, sarcome…) de réduire l’extension tumorale et permettre secondairement une chirurgie moins agressive, moins mutilante, plus fonctionnelle. Dans le cancer de l’ovaire, il s’appuie sur les arguments régissant l’indication de la chirurgie d’exérèse initiale (faciliter la chimiothérapie par la remise en cycle des cellules, l’amélioration de la vascularisation tumorale et l’élimination des clones chimiorésistants) en reportant simplement la chirurgie à un moment où la tumeur devient opérable. Ceci implique sur le plan théorique qu’elle ne survienne pas trop tard au cours du traitement, avant l’apparition de clones chimiorésistants. Deux conditions sont
260 Les cancers ovariens
nécessaires à cette approche : une certaine efficacité de la chimiothérapie d’induction et l’obtention d’une exérèse optimale. Cela soulève plusieurs questions : – comment définir et établir l’opérabilité ? – qu’est-ce une chirurgie optimale ? – que faire en cas de progression sous chimiothérapie ? – combien d’opérations ? – qui opérer ? – quand opérer ? Certaines de ces questions, notamment la définition de l’opérabilité et de la chirurgie optimale, ont déjà été abordées dans cet opuscule. Nous allons tenter de répondre aux autres après revue de la littérature ayant trait à la chirurgie d’intervalle dans le cancer de l’ovaire.
Études de faisabilité (tableau I) Les résultats thérapeutiques de neuf études, cumulant 370 patientes traitées par chimiothérapie néo-adjuvante en vue d’une chirurgie d’intervalle, sont résumés Tableau I – Chirurgie d’intervalle dans les cancers de l’ovaire stade III/IV - études de faisabilité. Auteur Époque
Patientes Chimio néo-adj. N % % nb. StadeIV taxane cycles
Lawton (3) 1984-1986
36
22 %
0
Lim (6) 1986-1988
30
33 %
Surwit (7) 1987-1993
29
Vergote (8) 1993-1997 Tate (9) 1993-1999
Chirurgie Survie RC chirurgie médiane d’emblée complète optimale
critère chir. optimale
% OP
3-4
2 cm
78 %
NP
57 %
89 %
NP
0
3-6
NP
37 %
NP
18 %
NP
10,2 m
28 %
0
2-3
1 cm
86 %
NP
NP
66 % 22,5 m
31
41 %
30 %
3
0,5 cm
63 %
NP
NP
84 %
NP
50
16 %
2%
4
1 cm
91 %
NP
64 %
92 %
59 % /3 ans
Recchia (10) 34 1993-2000
100 %
29 %
4
NP
82 %
32 %
100 %
100 % 28 m
Ansquer (11) 54 1996-1999
15 %
54 %
4
2 cm
85 %
9%
50 %
85 %
22 m
Mazzeo (12) 45 1995-2002
20 %
80 %
4
2 cm
87 %
0
62 %
79 %
29 m
Le (13) 1997-2002
2%
100 %
3
2 cm
NP
NP
26 %
80 % 41,7 m
RC : NP :
61
rémission complète non précisé
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 261
dans le tableau I. Il s’agit d’études rétrospectives, incluant des tumeurs ovariennes avancées, de stades III et IV, jugées inopérables d’emblée de façon optimale. Les critères de chirurgie optimale ont été variables selon les séries (définis selon la taille des nodules résiduels, allant de 0,5 à 2 cm) et les indications de la chimiothérapie néo-adjuvante ont varié dans le temps. Dans les séries plus anciennes (3, 6), l’inclusion dans un protocole de chimiothérapie néo-adjuvante résultait d’un échec de l’opération initiale, n’ayant pas permis d’obtenir de cytoréduction satisfaisante. Une seconde intervention après chimiothérapie était censée tenter une nouvelle réduction tumorale plus satisfaisante. Par la suite, des critères d’inopérabilité cliniques et paracliniques (stades IV, extension au scanner, taux de CA 125), aidés le cas échéant par des laparotomies exploratrices, ont fait indiquer une chimiothérapie première (7, 9). Plus récemment encore, l’indication d’opérabilité a été basé essentiellement sur les résultats de la laparoscopie exploratrice (8, 10-13) en plus des explorations radiologiques. Dans ces deuxièmes approches, les patientes étaient amenées d’emblée vers un programme de chimiothérapie première sur des critères d’inopérabilité initiale, sans tentative d’exérèse chirurgicale première. La chirurgie d’intervalle, partie intégrante du programme, était prévue après trois cycles de chimiothérapie en l’absence de progression tumorale. Ce délai, en fait, a été souvent légèrement dépassé, avec la réalisation de la chirurgie d’intervalle plutôt après quatre cycles qu’après trois. Cette tendance se confirme dans les séries récentes. Serait-ce dû à la constatation d’une meilleure opérabilité après un supplément de chimiothérapie ? Ansquer et al. (11) constatent qu’après six cycles de chimiothérapie le taux de rémissions complètes obtenues est meilleur qu’après trois cycles (61 versus 45 %), sans que cela n’ait d’impact sur la survie. Les résultats de ces séries sont variés. Ainsi, le taux de stades IV inclus va de 2 à 100 % et la proportion de patientes ayant réellement une chirurgie d’intervalle après chimiothérapie s’échelonne entre 37 et 91 %. Ces résultats sont probablement liés davantage aux critères de sélection des patientes qu’aux réponses à la chimiothérapie, tous les protocoles faisant appel à un dérivé de platine. En moyenne, 50 % environ des patientes ont une chirurgie complète (incluant les rémissions complètes d’emblée et secondaires à la chirurgie d’intervalle) avec de larges extrêmes de 18 à 100 %, tandis que le taux de chirurgie optimale se situe autour de 85 % (extrêmes : 66 - 100 %). Quant aux résultats thérapeutiques, on remarque qu’ils paraissent davantage corrélés à la période de prise en charge des patientes qu’aux résultats de la chirurgie obtenus (taux de chirurgies complètes ou optimales), avec des survies médianes entre dix et vingt mois dans les années 1980 et entre vingt et trente mois dans les années 1990. Dans l’ensemble, ces études confirment la bonne faisabilité d’une chirurgie d’intervalle après chimiothérapie néo-adjuvante, avec une tendance à la moindre morbidité de la chirurgie d’intervalle par rapport à ce qui est rencontré lors de la chirurgie première (3, 7-8, 11-12). Cette réduction de la
262 Les cancers ovariens
morbidité proviendrait d’une diminution des gestes digestifs lors de la chirurgie d’intervalle (7). L’efficacité de l’approche néo-adjuvante par rapport à la prise en charge standard comportant chirurgie de réduction tumorale suivie de chimiothérapie ne peut être établie d’après ces études rétrospectives, hétérogènes et d’interprétation difficiles. Les auteurs dans leur ensemble remarquent que seules les patientes dont les tumeurs répondent à la chimiothérapie initiale retirent un bénéfice de cette approche (7, 9, 11-13), permettant de définir un sous-groupe de patientes au pronostic défavorable, avec une maladie stable ou progressant sous chimiothérapie et pour qui la chirurgie d’intervalle n’a pas d’indication. Quant aux stades IV, qui ne constitueraient pas une bonne indication à la chirurgie d’intervalle pour certains (13, 25), sont pour d’autres (8, 10, 12) l’indication princeps de la chirurgie d’intervalle. La part des stades IV dans la majorité de ces études de faisabilité est élevée, confirmant la tendance d’inclure ces stades dans l’approche néo-adjuvante (tableau I).
Comparaisons historiques (tableau II) Les premières comparaisons entre l’approche néo-adjuvante avec chimiothérapie première suivie de chirurgie d’intervalle et le traitement standard avec chirurgie première ont été faites avec des séries historiques. Les constatations Tableau II – Chirurgie d’intervalle dans les cancers de l’ovaire stade III/IV – comparaisons historiques. Auteur
Époque
Neijt (15) Intervalle 1981 Primaire 1979
N Stades Chimiothérapie Chirurgie Survie (p) IV type nb. complète optimale morbidité cylces (définition) 30 NP 62 NP
CHAP/CP NP CHAP/CP NP
(< 1 cm) NP 64 % NP NP
NP NP
(S) # 23 m # 56 m
Schwartz (14) Intervalle 1991-1992 11 54 % PC Primaire 1989-1992 18 28 % PC
6 6
NP 0
(< 2 cm) NP 0
NP NP
(NS) # 15 m # 28 m
Morice (16 )* Intervalle 1996-1999 34 12 % TC Primaire 1985-1993 34 12 % CP/CAP
3+5 6
65 % 22 %
(< 2 cm) 94 % 94 %
12 % 53 %
(NS) 26 m 22 m
* étude cas – témoin CHAP : cyclophosphamide – hexamethylmélamine – doxorubicine – cisplatine CP : cyclophosphamide – cisplatine PC : carboplatine – cyclophosphamide CAP : cyclophosphamide – doxorubicine - cisplatine TC : paclitaxel – carboplatine S: significatif NS : non significatif NP : non précisé
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 263
sont contradictoires. Pour Neijt et al. (15) la chirurgie d’intervalle apporte des résultats inférieurs à ceux de la chirurgie primaire. Ceci en particulier en cas de chirurgie optimale (reliquats < 1 cm) avec une survie significativement moins bonne chez 30 patientes opérées lors d’une chirurgie d’intervalle en comparaison avec 62 patientes opérées d’emblée. Ces mêmes auteurs soulignent que la chirurgie d’intervalle est probablement utile uniquement chez les patientes chez qui aucune tentative de réduction tumorale n’a été réalisée initialement. Pour les autres (14, 16), la survie après chirurgie d’intervalle est la même qu’après chirurgie initiale, mais il y a moins de complications. Dans l’étude de Schwartz et al. (14), la chirurgie d’intervalle est réalisée après six cycles de chimiothérapie. L’étude de Morice et al. (16), qui est une étude cas - témoin, montre qu’à résultats carcinologiques comparables, le taux de résection digestive nécessaire est nettement inférieur en cas de chirurgie d’intervalle que lors de la chirurgie primaire (6 résections digestives versus 24 résections respectivement). Les comparaisons historiques comportent un double risque de biais : celui de la sélection des patientes, différentes dans les cohortes respectives par inclusion rétrospective et celui des modifications diagnostiques et thérapeutiques intervenues dans le temps, rendant ces comparaisons aléatoires. Une amélioration des résultats dans le temps est constamment rapportée dans les comparaisons historiques (8, 17).
Comparaisons contemporaines (tableau III) Il existe une littérature relativement abondante dans laquelle sont comparés les résultats de la chirurgie d’intervalle à ceux de la chirurgie primaire. Ces comparaisons, toutes rétrospectives, impliquent évidemment un biais important lié à la sélection des patientes dans les deux catégories, sélection habituellement consécutive à des indications différentes. Les résultats sont donc à interpréter avec prudence. Néanmoins, l’avantage des comparaisons contemporaines sur les comparaisons historiques est d’utiliser des protocoles thérapeutiques similaires et d’effacer l’influence du décalage de période de traitement sur les résultats thérapeutiques. Comme on peut le voir dans le tableau III, il existe une tendance à l’amélioration des survies aux périodes de traitement plus récentes avec des survies médianes passant de vingt mois environ dans les années 1980 à trente mois dans les années 1990. À l’exception de deux études avec des résultats contradictoires (26, 16), la plupart des études ne montrent pas de différences significatives en terme de survie entre les groupes de patientes avec chirurgie primaire versus chirurgie d’intervalle. Ainsi, les auteurs concluent en général que l’approche par chimiothérapie néo-adjuvante suivie d’une chirurgie d’intervalle n’est pas délétère pour les patientes. Lorsqu’un troisième groupe de patientes, celles des « non opérées » après chimiothérapie première est comparé
264 Les cancers ovariens
Tableau III – Chirurgie d’intervalle dans les cancers de l’ovaire stade III/IV – comparaisons contemporaines. Auteur
Époque
Griffiths (18) Intervalle Primaire
1974-1977
N Stades Chimiothérapie Chirurgie Survie (p) IV type nb. complète optimale morbidité cylces (définition) NP NP
(< 1 cm) 78 % 0 80 % 13 %
6m 18 m
Jacob (4) 1977-1988 CDDP+ Intervalle 22 12 % Primaire 18 11 % Primaire suboptim. 22 12 %
3+6 9 % 6 5% 7 0
(< 2 cm) 77 % 23 % 39 % 33 % 36 %
(NS) 16 m 19,3 m 18 m
Wils (2) Intervalle Primaire Non opérée
1980-1984
3+3 29 % 6 50 % 6 0
(< 1,5 cm) NP 0 NP 0 0 0
50 % 3 ans 60 % 3 ans 25 % 3 ans
Onnis (19) Intervalle Primaire
1965-1995
NP NP
19 % 13 %
(< 2 cm) 42 % NP 29 % NP
(NS) 27 % 3 ans 31 % 3 ans
Schwartz (20) 1979-1996 CDDP+ Intervalle 59 68 % Primaire 206 20 %
5 6
NP 7%
(< 2 cm) NP NP 51 % NP
(NS) 13 m 26 m
Shibata (21) Intervalle Primaire
6 6
NP NP
(< 2 cm) 81 % NP NP NP
(NS) 23 m 20 m
Ushijima (22) 1986-2000 CDDP+ Intervalle 45 22 % T : 24 % 3,7+3 24 % Primaire 63 22 % 6 NP
(< 1 cm) 36 % NP NP NP
(NS) 21 m 23 m
Kayikçiog (23) 1991-2000 Intervalle 45 53 % T : 69 % 3+x Primaire 158 35 % T : 49 % 6
49 % 14 %
(< 2 cm) 76 % NP 64 % NP
(NS) 34 m 38 m
4+2 40 % 6 11 %
(< 1 cm) 60 % NP 22 % NP
(NS) 25 m 26 m
(< 1 cm) NP NP NP NP NP NP
30 m 24 m 17 m
T : 100 % TC 3+3 32 % TC 6 13 %
(< 2 cm) 84 % 27 % 63 % 56 %
42 m 23 m
T : 100 % 57 17 % TC 3+5 51 % 28 18 % TC 6 54 %
(< 2 cm) 84 % 11 % 100 % 39 %
# 29 m # 44 m
9 0 CC 15 13 % CM
25 % CAP 18 38 32 P/A/C 88 28 % 284 NP
1987-1996
CDDP+ 23 22 % 96 14 %
Ursic Vrscaj (24)1996-1998 CDDP+ Intervalle 20 15 % Primaire 55 13 % Deval (25) Intervalle Primaire Non opérée
1995-2000
Kuhn (26) Intervalle Primaire
1996-2000
Morice (27) Intervalle Primaire
1996-2001
NP NP
15 54 33
100 % T : 100 % TC NP TC NP TC NP 0
30 32
CP : cyclophosphamide – cisplatine CM : cyclophosphamide - melphalan CDDP+ : combinaison à base de cisplatine CAP : cyclophosphamide – doxorubicine – cisplatine P: cisplatine
A: C: T: TC : NP : NS :
NP NP NP
(S)
(S)
doxorubicine cyclophopshamide paclitaxel paclitaxel - carboplatine non précisé non significatif
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 265
aux autres groupes, la survie de ces patientes s’avère inférieure à celle des autres patientes (2, 25), soulignant le caractère défavorable de ces groupes où les conditions initiales nécessaires (chimiothérapie efficace, chirurgie optimale) n’ont pas été réunies. Le moment de réalisation de la chirurgie d’intervalle est habituellement fixé après trois cycles de chimiothérapie (2, 4, 16, 23, 26), mais certains la réalisent après quatre cycles (22, 24), voire après cinq ou six cycles (20, 21). La majorité des auteurs, sauf deux (2, 16), rapportent des taux supérieurs d’exérèse complète lors de la chirurgie d’intervalle que lors de la chirurgie primaire, avec des taux compris entre 9 et 51 % ; une même supériorité est retrouvée pour les taux de chirurgie optimale, bien que les définitions en soient très variables. Lorsqu’elle est rapportée, la morbidité s’avère constamment inférieure pour la chirurgie d’intervalle que pour la chirurgie primaire (4, 16, 18, 26). De façon générale, les auteurs insistent sur la meilleure faisabilité de la chirurgie d’intervalle en comparaison avec la chirurgie initiale, permettant d’obtenir des survies semblables avec moins de complications que lors de la chirurgie initiale. Il ne faut pas oublier, néanmoins, que ces comparaisons rétrospectives portent sur des populations différentes. Il est vrai que les patientes ayant bénéficié d'une chirurgie d'intervalle n’étaient pas opérables d’emblée et a priori porteuses de maladies plus avancées ; cependant il serait imprudent de conclure à la supériorité de l’approche néo-adjuvante sur l’approche standard du fait de l’égalité des résultats, l’exclusion des patientes non opérées, majoritairement celles progressant sous chimiothérapie, venant biaiser les résultats.
Études randomisées (tableau IV) Trois études randomisées ont été réalisées à notre connaissance. Il s’agit d’une étude anglaise (28), une émanant de l’EORTC (29) et une du GOG américain (30), détaillées dans le tableau IV. Ces trois études ont été réalisées successivement, celles du GOG étant la plus récente. Il s’agit dans tous les cas d’études multicentriques. Les critères d’inclusion dans les trois études comportaient des cancers de l’ovaire de type épithélial, de stades III et IV, ayant eu une chirurgie première s’avérant non optimale suivie d’une chimiothérapie « néo-adjuvante » ne montrant pas de progression tumorale. La chimiothérapie a comporté un sel de platine dans tous les cas, associé au paclitaxel seulement dans l’étude de Rose et al. La randomisation a comparé la réalisation d’une chirurgie d’intervalle après trois cycles de chimiothérapie suivie de trois autres cycles à une chimiothérapie exclusive par six cycles de la même chimiothérapie. La durée globale de traitement dans les trois études a été prolongée entre deux et quatre semaines dans les bras chirurgie avec une dose - intensité de chimiothérapie non affectée par cette prolongation. Le suivi médian a été d’environ quatre ans dans les trois études.
266 Les cancers ovariens
Tableau IV – chirurgie d’intervalle dans les cancers de l’ovaire stades II/IV - essais randomisées.
Époque
Redman (28)
Van de Burg (29)
Rose (30)
1986-1990
1987-1993
1994-2001
Critères de sélection : chirurgie suboptimale initiale, absence de progression tumorale sous chimiothérapie définition chirurgie suboptimale > 2 cm > 1 cm > 1 cm effort de cytoréduction initiale oui +/oui par chirurgien spécialisé 10 % peu (NP) 95 % randomisation avant chimio après chimio après chimio nombre de cycles avant chirurgie 3 3 3 Patientes : N initial randomisées éligibles et évaluées : âge carcinome séropapillaire stade IV grade 3 ascite initiale lésions ≤ 2 cm
(335) 86 79 50-60 ans 41 % 14 % 47 % NP 0
425 319 278 59 ans 58 % 22 % 58 % 75 % 5%
550 448 424 57 ans 76 % 6% 51 % 79 % 12 %
Chimiothérapie : accomplissant 6 cycles initiaux chimiothérapie consolidation
CP/PAB (8 cycles) 0
CP 84 % 35 %
TP 95 % 11 %
Chirurgie d’intervalle : Randomisées Réalisées par chirurgien spécialisé Etat lésionnel : RC d’emblée RC post-opératoire Chirurgie optimale Chirurgie suboptimale Complications chirurgie d’intervalle : plaie viscérale transfusion complications postopératoires dont sévère Chirurgie second look
37 pts 140 pts. 25 (68 %) +1 cas 127 (91 %) 50 % NP
216 pts. 201 pts (93 %) 99 %
4 (15 %) 5 (20 %) 14 (53 %) 7 (27 %)
22 (17 %) 48 (38 %) 33 (26 %) 46 (36 %)
NP NP 168 (84 %) * 33 (16 %)
2 (8 %) 11 (42 %) 9 (35 %) 4 (15 %)
6 (5 %) 28 (22 %) 18 (14 %) 4 (3 %)
NP NP NP
0
37 %
2%
Prolongation de durée de traitement dans le groupe chirurgie 14 j Suivi médian 48 mois Survie globale médiane : Survie chirurgie d’intervalle 15 mois ** Survie chimiothérapie seule 12 mois ** p NS
24 j 24 j 50 % > 42 mois 47 mois 26 mois ** 20 mois ** 0,012
36,2 *** mois 35,7 ***mois NS
CP : cisplatine – cyclophosphamide PAB : cisplatine - doxorubicine - bléomycine TP : cisplatine - paclitaxel * incluant les RC postopératoires ** survie calculée à partir du début de la chimiothérapie *** survie calculée à partir du troisième cycle de chimiothérapie
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 267
À côté de ces similitudes, plusieurs différences sont constatées : La première concerne les critères d’inclusion initiale. La chirurgie optimale a été définie selon la taille des nodules péritonéaux résiduels, inférieure à 2 cm pour Redman et al., mais inférieure à 1 cm dans les deux autres études. De ce fait, l’étude anglaise inclut davantage de patientes avec des lésions de gros volumes, mais aucune avec des lésions de 1 à 2 cm qui représentent, par contre, 12 % des cas de l’étude du GOG. L’inclusion des stades IV a été la plus importante dans l’étude de l’EORTC avec 22 % des cas, suivi de l’étude anglaise avec 14 % des cas (uniquement stades IV pleuraux) et seulement 6 % dans l’étude du GOG. La seconde différence concerne « l’effort » de cytoréduction initial. Il peut être supposé maximal dans l’étude du GOG, car l’intervention a été réalisée dans 95 % des cas par un chirurgien spécialisé, ce qui influence directement les résultats chirurgicaux (31, 32). L’effort chirurgical initial a également été maximal dans l’étude anglaise, car il s’agissait d’un critère d’inclusion. Les patientes ayant eu une chirurgie initiale jugée non maximale n’ont pas été incluses dans cette étude (27 exclusions). Dans l’étude de l’EORTC, par contre, la chirurgie initiale, réalisée par des chirurgiens toutes spécialités confondues, n’a certainement pas été maximale pour toutes les patientes, comme en témoigne le taux de 30 % d’ovaires laissés en place (33). De plus, on note au moment de la chirurgie d’intervalle un taux d’exérèses optimales de 62 % dans l’étude EORTC contre 73 % et 84 % dans les études anglaise et américaine respectivement (tableau IV). Il n’y a pas eu de traitement de clôture au terme du traitement initial après la sixième cure de chimiothérapie dans l’étude anglaise. Dans l’étude de l’EORTC, 37 % des patientes dans l’ensemble du groupe ont eu une chirurgie de second look, suivie fréquemment d’un traitement de clôture (35 % des cas, plus fréquent dans le bras chimiothérapie que dans le bras chirurgie). Des traitements de clôture, également répartis dans les deux bras, ont été réalisés hors protocole dans 11 % des patientes de l’étude du GOG. Sur le plan méthodologique, dans l’étude anglaise, la randomisation a été réalisée initialement en intention de traiter, ce qui la distingue des deux autres études et qui explique que seulement 25 des 37 patientes (68 %) allouées à la chirurgie d'intervalle ont été réellement opérées (plus une patiente dans le bras controlatéral) ; surtout, les faibles effectifs ne permettent pas de distinguer les deux stratégies. Dans les études de l’EORTC et du GOG, la randomisation après le troisième cycle de chimiothérapie a permis la réalisation de la chirurgie d’intervalle dans 91 % et 93 % des cas ; cependant, dans ces deux études, les exclusions de patientes ont eu lieu avant randomisation, essentiellement du fait de progression tumorale, ne laissant respectivement que 278/425 (65 %) et 424/550 (77 %) éligibles et évaluées. Dans une mise à jour de l’étude de l’EORTC à 6,3 ans (33), finalement 142 patientes ont été opérées (sur 159 patientes randomisées dans ce bras) et 160 patientes ont été incluses dans le bras chimiothérapie, aboutissant à un taux d’inclusion dans l’étude de 71 % (302/425 patientes).
268 Les cancers ovariens
Au terme des analyses, l’étude de l’EORTC est positive, montrant une prolongation significative de la survie sans rechute et de la survie globale dans le bras chirurgie d'intervalle, alors que les deux autres études ne montrent pas cette différence. L’amélioration du pronostic dans l’étude de l’EORTC est attribuée en premier lieu au sous-groupe de patientes ayant pu avoir une chirurgie de réduction tumorale optimale. Au contraire, dans l’étude du GOG, ce sousgroupe de patientes ne retire pas de bénéfice de l’intervention : identité de survie entre 79 patientes ayant une cytoréduction < 1 cm et 33 patientes gardant des lésions résiduelles > 1 cm malgré l’effort de cytoréduction parmi 112 patientes présentant initialement des lésions > 1 cm au moment de commencer la chirurgie d’intervalle. L’amélioration significative de la survie dans le bras chirurgie de l’étude EORTC a été confirmée dans la mise à jour à 6,3 mois avec 24 % de survie à cinq contre 13 % dans le bras chimiothérapie (p = 0,0032) ; (33). De plus, l’auteur signale qu’au terme d’une analyse multivariée des risques, il ne leur a pas été possible d’identifier un sous-groupe de patientes ne bénéficiant pas de la chirurgie d’intervalle (29, 33). Comment analyser ces résultats ? Il convient d’abord de souligner le faible effectif de l’étude anglaise avec 79 patientes incluses, et le petit nombre de patientes randomisées effectivement opérées (25/37 patientes = 68 %), rendant l’étude insuffisamment puissante pour mettre en évidence une différence de survie. Il peut s’agir d’une étude faussement négative. Les deux autres études, du fait de leur effectif, risquent moins ce problème de puissance. Néanmoins, toutes les patientes initialement prévues n’ont pas été incluses ou analysées, ce qui peut biaiser les résultats du fait de la sélection des patientes. Cependant, la répartition des caractéristiques entre patientes est équilibrée dans les deux bras des deux études. Est-ce que la différence entre l’étude de l’EORTC et celle du GOG proviendrait de l’utilisation du paclitaxel dans l’étude du GOG ? On note dans cette étude de meilleurs taux de survie que dans les autres. Le paclitaxel peut y avoir contribué, mais alors de façon égale dans les deux bras car la dose intensité y a été comparable. De plus, cet argument ne peut expliquer les résultats comparables de l’étude anglaise. Par contre, l’effort chirurgical, initial et secondairement, ne semble pas avoir été le même dans ces différentes études. Cet effort a été important de façon explicite dans l’étude anglaise, car il s’agissait d’un critère d’inclusion. Il a été important de façon implicite dans l’étude du GOG, étant donné la spécialisation des chirurgiens avec 95 % de spécialistes lors des interventions initiales et 99 % lors des interventions secondaires, ce qui témoigne de l’importance de l’effort chirurgical d’ailleurs souligné par l’auteur (30). Par contre, l’étude de l’EORTC, du fait du type de recrutement, a inclus des patientes jugées non opérables essentiellement par des équipes chirurgicales non spécialisées.
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 269
Si l’on retient cette hypothèse, il est force de constater que lorsque l’effort chirurgical a été porté lors de l’intervention initiale (études anglaise et américaine), un second effort lors de la chirurgie d’intervalle n’apporte pas de bénéfice supplémentaire. Par contre, chez les patientes n’ayant pas eu l’effort de cytoréduction maximale lors de la chirurgie initiale (étude EORTC), le deuxième geste de cytoréduction semble bénéfique. Dans cette deuxième situation, est-ce que toutes les patientes peuvent bénéficier de la chirurgie d’intervalle ? ME van der Burg et al. semblent le penser en insistant sur le bénéfice ubiquitaire pour toutes les patientes du groupe chirurgie et sur la faible morbidité de la chirurgie d’intervalle (29, 33). Ceci corroborait l’idée que la chirurgie d’intervalle, quel que soit son résultat, quelqu'ait été l’effort chirurgical initial, améliorerait le pronostic des patientes par rapport à celles non opérées, toujours de mauvais pronostic (2, 25). À l’analyse des résultats de l’EORTC, cette affirmation ne peut pas être retenue : parmi 127 patientes opérées, 22 étaient d’emblée en rémission complète, sans cytoréduction nécessaire. 46 patientes n’ont pas eu de chirurgie optimale < 1 cm et leur survie s’avère médiocre, comparable à celle justement des patientes non opérées, et l’utilité de la chirurgie pour ces 68 patientes (54 %) paraît discutable. Seules les 59 patientes (46 %) restantes ayant eu une chirurgie devenue complète ou optimale semblent réellement avoir tiré bénéficie de cette opération.
Discussion - Conduite pratique Chirurgie d’intervalle ou chirurgie primaire ? Cette question ne peut être résolue par la littérature analysée. Celle-ci peut simplement confirmer que la chirurgie d’intervalle est faisable, avec, chez des patientes sélectionnées, une morbidité inférieure à celle observée lors de la chirurgie première. Les études randomisées citées posaient la question de la place de la chirurgie d’intervalle à l’intérieur d’une approche de traitement néoadjuvant. Elles n’ont pas comparé cette approche néo-adjuvante à la prise en charge standard par chirurgie suivie de chimiothérapie. Cette question est actuellement traitée dans un essai de l’EORTC (étude 55971) en cours, qui permettra, nous l’espérons, après l’échec d’un premier essai américain (GOG 80) faute d’inclusion, d’apporter des éclaircissements sur la meilleure stratégie à adopter face à une tumeur ovarienne avancée de stades IIIC et IV. D’ici là, la chirurgie première suivie de chimiothérapie reste de règle dans la prise en charge des tumeurs de l’ovaire avancées mais opérables.
270 Les cancers ovariens
Qui opérer ? La chirurgie d’intervalle s’adresse aux tumeurs de l’ovaire avancées inopérables d’emblée. L’inopérabilité est définie par l’impossibilité de réaliser une chirurgie optimale. La chirurgie non optimale laisserait en place une carcinose péritonéale importante en nombre de nodules péritonéaux (34) et en taille (17), la taille limite des nodules se situant entre 1 et 2 cm. L’évaluation de l’opérabilité, que nous n’avons pas traitée dans ce chapitre, repose sur des critères cliniques, radiologiques, biologiques et biopsiques. Ces critères peuvent actuellement être supportés par la cœlioscopie exploratrice (8, 10, 11, 13), permettant d’obtenir un inventaire abdominal détaillé, probablement la meilleure source pour évaluer l’opérabilité. Le bilan cœlioscopique est surtout utile pour définir l’opérabilité des stades III. Sauf exception (13, 25), les stades IV constituent, pour la plupart des auteurs, l’indication idéale de la chirurgie d’intervalle. En effet, dans ces stades, les exérèses optimales sont des plus rares, mais la morbidité est majeure. Fréquemment, la chimiothérapie postopératoire ne peut être réalisée dans les délais, expliquant en partie le faible taux de survies dans ces stades (< 10 % en cinq ans). L’approche néo-adjuvante dans les stades IV permettrait de réaliser une chirurgie d’intervalle dans de meilleures conditions avec plus de chance de succès.
Que faire en cas d’échec de la chimiothérapie néo-adjuvante ? Cette question est d’importance car l’approche néo-adjuvante sélectionne des patientes répondeuses à la chimiothérapie. Environ 30 % des patientes sont en échec thérapeutique avec une progression tumorale ou une maladie stable sous chimiothérapie. La stabilité tumorale a été dans quelques études (29) une indication à la chirurgie d’intervalle. Cependant, nous voyons mal comment une maladie initialement inopérable et qui reste stable, soit devenue opérable secondairement. Seuls d’autres modes d’explorations ou un nouveau regard sur l’opérabilité (appréciée par un chirurgien spécialisé par rapport à un chirurgien non spécialisé) peuvent encore inciter à ré-opérer dans cette situation. Il s’agit de situations d’exception et rarement suivies de succès. Pour notre part, nous considérons qu’une maladie stable sous chimiothérapie classique est un échec thérapeutique et une contre-indication à la chirurgie d’intervalle. Est-ce qu’il y a eu perte de chances pour ces 30 % de patientes en échec thérapeutique et chez qui une chirurgie potentiellement bénéficiaire n’a pu être réalisée ? Cette hypothèse paraît peu probable, car la chirurgie première se serait soldée par une exérèse sub-optimale, donc non utile sur le plan carcinologique. Éviter à ces patientes une opération inutile mais potentiellement morbide et les amener précocement à une chimiothérapie de deuxième ligne, ou à une alternative thérapeutique (traitements ciblés) dans un cadre d’essai thérapeutique, est probablement plus avantageux pour ces patientes. Tout est dans la qualité
Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 271
de l’évaluation d’opérabilité initiale, devant faire appel à la cœlioscopie exploratoire en cas de doute pour éviter la perte de chance.
Combien d’interventions ? L’enthousiasme suite aux résultats de l’étude de l’EORTC (29), préconisant l’indication large de la chirurgie d’intervalle du fait de sa faible morbidité et du supposé bénéfice pour toutes les patientes sélectionnées a clairement été à l’origine d’un excès chirurgical chez ces patientes de mauvais pronostic, rappelons-le. L’addition de la morbidité d’une nouvelle intervention, même inférieure, à celle d’une première intervention, n’est pas négligeable et certainement dommageable si l’indication n’a pas été bonne. Les résultats des trois études randomisées juxtaposées nous permettent d’affiner les indications : pas de chirurgie d’intervalle après échec d’une première intervention si cette dernière a comporté un effort d’exérèse maximale par un chirurgien spécialisé. Dans cette situation, c’est la biologie tumorale qui prend le dessus sur l’action thérapeutique chirurgicale. Par contre, la chirurgie d’intervalle paraît effectivement indiquée lorsque l’effort chirurgical initial a été insuffisant, situation plus fréquente après intervention par un chirurgien non spécialisé dans cette pathologie. La meilleure approche serait certainement d’éviter la chirurgie initiale lorsque le bilan conclut à l’inopérabilité et de réaliser la chirurgie d’intervalle après chimiothérapie néo-adjuvante : « Mieux vaut opérer une fois bien que deux fois ! »
Quand opérer ? Les arguments qui sous-tendant l’indication de la chirurgie d’intervalle reprennent ceux de la chirurgie première : réduire la masse tumorale pour faciliter la chimiothérapie de lésions résiduelles moindres en volume, mieux vascularisées, comprenant moins de clones chimiorésistants. Dans ces conditions, il faut opérer précocement, dès que la tumeur devient opérable et avant l’apparition de la chimiorésistance. Ainsi, il a été préconisé de réaliser cette intervention au bout de trois cycles de chimiothérapie (8, 29). Ce délai a été respecté dans la majorité des études, mais des interventions plus tardives, après quatre cycles (voir tableaux I et III) ou cinq (14), voire six cycles de chimiothérapie (20, 21) ont été réalisées. Ce délai supplémentaire semble ajouter de la résécabilité supplémentaire (11), sans qu’on puisse déterminer, à partir de ces études rétrospectives, si le report de la chirurgie a fait exclure de la chirurgie d’intervalle davantage de patientes qui n’ont pas pu bénéficier alors de la chirurgie. Aucune donnée de la littérature actuelle ne supporte les arguments théoriques en faveur de la précocité de la chirurgie d’intervalle.
272 Les cancers ovariens
Au contraire, outre une meilleure faisabilité de la chirurgie d’intervalle retardée, d’autres constatations plaideraient plutôt en faveur d’une intervention après six cycles qu’après trois : (1) certitude de pouvoir délivrer toute la série de chimiothérapie, en évitant les interruptions dues aux complications postopératoires ; (2) confort des patientes. Contrairement aux postulats de la chirurgie première, argumentant en faveur d’une amélioration du confort des patientes par la réduction tumorale chirurgicale, l’expérience au quotidien montre que, dans ces formes très avancées de tumeurs de l’ovaire, l’amélioration du confort est assurée chez 70 % des patientes par la chimiothérapie initiale efficace, permettant alors de réaliser la chirurgie d’intervalle dans des conditions de vie (« performance status ») meilleures. Lors de la chirurgie d’intervalle, logiquement moins agressive (moins de résections digestives, moins de colostomies, moins de transfusions), la morbidité est moindre que ce qui est observé habituellement après chirurgie première (cf. tableaux II et III). La qualité de vie dans l’approche néo-adjuvante a été évaluée dans une seule étude (35), confirmant son amélioration sous chimiothérapie. D’autres études sont cependant nécessaires, car cette étude, calquée partiellement sur une autre (36), ne permet pas d’apporter la conviction de la justesse de ses résultats. Le meilleur moment d’opérer reste encore à déterminer.
Conclusion Il existe une place certaine pour la chirurgie d’intervalle dans les tumeurs de l’ovaire. Cette chirurgie d’intervalle doit prendre en compte la biologie tumorale, fréquemment agressive, et la sensibilité tumorale à la chimiothérapie, fréquente aussi. Elle est indiquée au mieux devant une tumeur de l’ovaire avancée, inopérable de façon optimale. Il s’agit soit de stades IV, soit de stades III où l’inopérabilité a été confirmée de préférence par des investigations miniinvasives, évitant ainsi de multiplier les laparotomies potentiellement morbides. L’objectif est de ne réaliser qu’une intervention, mais la plus complète possible, au meilleur moment. Classiquement, la chirurgie d’intervalle est réalisée après trois cycles de chimiothérapie, mais il n’y a pas d’argument dans la littérature contre-indiquant sa réalisation plus tardive, par exemple après six cycles.
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Réduction tumorale différée après chimiothérapie néo-adjuvante 273
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Chimiothérapie
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées des cancers épithéliaux de l’ovaire I. Ray-Coquard et J.-P. Guastalla
Introduction Les cancers épithéliaux de l'ovaire sont redoutés à juste titre. L'évolution des formes avancées, les plus fréquentes, est en effet le plus souvent défavorable, mais en même temps, dans un faible pourcentage de cas, des survies très prolongées apparentées à des guérisons sont observées après chimiothérapie. Ceci justifie tous les efforts de recherche de nouvelles molécules efficaces. Devant la relative rareté des cancers ovariens, les essais cliniques font de plus en plus appel à des collaborations nationales et internationales afin d'évaluer rapidement les nouvelles thérapies ; en ce sens la création du GCIG1 est une réussite pleine d'avenir. Dans la suite de l'exposé, les doses en mg/m2 des molécules composant les associations de chimiothérapie sont indiquées en indice2.
Trente années de recherche en chimiothérapie Ce sont les études réalisées ces trente dernières années qui ont abouti au standard actuel, l'association carboplatine-paclitaxel. À l'ère des alkylants, la première avancée dans les années 1970 a été la découverte des sels de platine dont la molécule de référence, le cisplatine, a cédé définitivement la place au carboplatine, également efficace dans les cancers épithéliaux de l'ovaire et mieux toléré, et les taxanes, le paclitaxel,
1. GCIG (Gynecologic Cancer InterGroup) : associe les principaux groupes mondiaux de recherche clinique sur les cancers ovariens (AGO, ANZGOG, EORTC-GCG, GEICO, GINECO, GOG, JGOG, MRC/NCRI, NCI-US, NCIC-CTG, NSGO, RTOG, SGCTG). 2. Exemple : A50C500 : adriamycine 50 mg/m2 - cyclophosphamide 500 mg/m2.
278 Les cancers ovariens
secondé par le docetaxel, représentent le dernier progrès réalisé. Aujourd'hui, le traitement standard associe le carboplatine et le paclitaxel, association qui a significativement amélioré la survie des malades avec une tolérance convenable, tout en reléguant au second plan les alkylants et les anthracyclines. Ce raccourci abrupt des deux principaux progrès réalisés en trente ans masque la vivacité d'une recherche clinique bouillonnante, brouillonnante diraient certains. Il faut saluer avant tout l'amélioration au fil du temps de la qualité des essais réalisés de part et d'autre de l'Atlantique, ainsi que la généralisation du professionnalime anglo-saxon axé sur l'« evidence-based medicine » qui représente désormais le fondement de la décision médicale cancérologique institutionnelle et individuelle. Dans cette optique, changer de traitement standard exige un niveau de preuve qui ne peut résulter que d'études randomisées. Les méta-analyses, comme celle de l’Advanced Ovarian Cancer Trialists Group pour les platines (AOCTG), qui regroupe des études randomisées similaires, sont précieuses et démonstratives, mais reflètent avant tout l'insuffisance de puissance propre à chaque essai. Pour le paclitaxel, deux études de qualité et de puissance suffisante, l'une réalisée aux États-Unis, l'autre en Europe et au Canada, ont suffi pour introduire le nouveau standard sans qu'il ait été besoin de méta-analyse. Des études ultérieures également de qualité sont cependant venues controverser ce résultat et nuancer la place respective des taxanes et des platines, les discordances observées s'expliquent par des différences de schéma d'étude et de bras de référence, ainsi que de possibles biais méthodologiques. En effet, la chimiothérapie de première ligne est déterminante pour la survie, cependant on sait que les rechutes restent sensibles à des « lignes » ultérieures de chimiothérapie qui influent sur la survie. Fâcheusement, au moment des rechutes, les traitements sont très variables, ce qui rend délicat l'analyse de l'impact d'une première ligne expérimentale sur la survie. C'est particulièrement vrai quand les malades du groupe contrôle bénéficient au moment de la récidive de la nouvelle drogue : l'avantage éventuel est gommé et devient même parfois impossible à mettre en évidence. Parallèlement, le recueil des multiples traitements reçus par les malades après la rechute est un obstacle supplémentaire dans l'analyse de la survie après la première ligne. Pour cette raison, le jugement principal repose souvent sur la survie sans récidive, ce qui ne va pas sans difficulté d'interprétation non plus. Pour considérer le futur, notons que les essais actuels testent l'adjonction à l'association standard platine-taxane de nouvelles molécules de chimiothérapie (topotecan, doxorubicine liposomiale, gemcitabine…), l'étape suivante devrait être l'étude des thérapies ciblées.
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 279
Principaux résultats avant les taxanes Les platines Le rôle du cisplatine et du carboplatine a été établi par la méta-analyse de 49 essais réalisée par l'AOCTG3, regroupant les données individuelles de 8 763 malades et mise à jour par le groupe Cochrane en mai 2001. Les principales conclusions sont les suivantes : Les associations sans platine ne démontrent pas d'avantage par rapport à une monochimiothérapie non platine : 16 essais, 3 146 malades, 2 817 décès, RR = 0,98 [0,91-1,05], p = 0,42. Les associations avec platine apportent par rapport à une monochimiothérapie non platine, un bénéfice absolu de survie de 3 % à cinq ans (de 25 % à 28 %) non significatif : 11 essais, 1 329 malades, 1 169 décès, RR = 0,93 [0,831,05], p = 0,23 ; les doses de platine dans ces études sont moindres que celles actuelles. L'adjonction de platine à une association sans platine améliore significativement la survie de 5 % à cinq ans (de 25 % à 30 %) : 9 essais, 1 704 malades, 1 428 décès, RR = 0,88 [0,79-0,98], p = 0,02 ; remarques : ce résultat est définitif, les doses sont souvent inférieures à celles actuelles et beaucoup de malades ont reçu un platine lors des rechutes, ce qui suggère que l'administration immédiate de platine est supérieure à une administration retardée. Les associations avec platine apportent, par rapport à un platine seul, un bénéfice de survie, non significatif, de 3 % à cinq ans (de 25 % à 28 %) : 9 essais, 1 095 malades, 894 décès, HR = 0,91 [0,79-1,05], p = 0,21 ; les essais avec cisplatine sont plutôt en faveur des associations (HR = 0,86, p = 0,07) alors que ceux avec carboplatine pourraient plutôt favoriser le carboplatine seul (HR = 1,05, p = 0,21). La comparaison cisplatine carboplatine ne montre pas de différence significative entre les deux drogues, 2 219 malades, 1 745 décès, RR = 1,02, p = 0,74 ; les 12 essais sont concordants ; globalement on note un modeste bénéfice de 2 % pour le cisplatine par rapport au carboplatine mais dans le détail le bénéfice absolu est de 3 % à deux ans pour le cisplatine et de 4 % à cinq ans pour le carboplatine ; les « cross-over » sont comparables pour chaque drogue et la comparaison porte en réalité sur cisplatine en premier ou carboplatine en premier. La future mise à jour de l'AOCTG inclura les essais associés aux taxanes. Conclusion : les platines ont amélioré de façon significative la survie des malades par rapport au standard empirique et historique à base d'alkylants.
3. AOCTG : Advanced Ovarian Cancer Trial Group.
280 Les cancers ovariens
Doses de carboplatine en fonction de l’AUC Aujourd'hui, les doses de carboplatine à administrer sont déterminées non pas selon la surface corporelle, mais à partir de l'AUC, ce qui prend en compte rationnellement la pharmacocinétique du carboplatine. La toxicité du carboplatine est corrélée à la fonction rénale : l’aire sous la courbe de décroissance de la concentration sérique4 du carboplatine est d’autant plus élevée que la filtration glomérulaire rénale est basse, ce qui témoigne d'une élimination plus lente. Cette relation linéaire permet d’adapter la posologie du carboplatine à la fonction rénale de chaque patiente. Calvert a établi, à partir de la filtration glomérulaire (FGR) mesurée par EDTA, la formule5 déterminant la dose de carboplatine à administrer (1) ; les doses conventionnelles de carboplatine correspondent à des AUC cibles variant de 5 mg/ml.mn à 7,5 mg/ml.mn. Cependant, la mesure de la FGR par [51Cr]-EDTA étant contraignante, de nombreux cliniciens la remplacent par la clairance de la créatinine calculée à partir de la créatininémie ; en France, la formule de Cockroft et Gault6 tend à s'imposer, alors que d'autres sont disponibles, celle de Jelliffe7 (2), de Wright8 qui tient compte de la mesure de la créatinine kinase et de la technique de dosage de la créatininémie (méthode de Jaffe ou méthode enzymatique) (3), la formule de Martin9 et Chatelut (4) et la formule de Egorin qui tient compte du taux de plaquettes circulantes (5) ; des écarts notables sont constatés selon que l'on utilise la FGR mesurée ou bien calculée par telle ou telle formule, surtout dans les valeurs extrêmes (tableau I) (6). Dans une étude rétrospective chez des malades de plus de 70 ans traités pour cancer, la clairance de la créatinine obtenue par la formule de Wright se révèle plus précise que celles de Cockcroft-Gault et que celle de Jelliffe (7). Commentaire : le calcul de la dose de carboplatine à partir de la fonction rénale pose de sérieux problèmes de standardisation.
Place des anthracyclines L'adriamycine Plusieurs essais ont comparé l’association cisplatine-cyclophosphamide (CP) à l’association cisplatine-cyclophosphamide-adriamycine (CAP). L'analyse groupée de ces essais par l'OCMP (Ovarian Cancer Meta-analysis Project), sur 4. Aire sous la courbe de décroissance de la concentration sérique, en abrégé AUC (Area Under the Curve). 5. Formule de Calvert : dose de carboplatine (mg) = AUC cible x (FGR + 25) mg où FGR est la filtration glomérulaire rénale. 6. Formule de Cockroft et Gault chez la femme [sexe : femme = 1, homme = 0] : clairance de la créatinine (ml/min) = (140 – âge) x poids (kg) x [1 – (0,15 x sexe)]/(0,814 x créatininémie (µmol/l). 7. Formule de Jelliffe : clairance de la créatinine (ml/min) = [98 – 0,8 x (âge – 20)] x [1 – (0,01 x sexe)] x (surface corporelle/1,73)/[créatininémie (µmol/l) x 0,0113] 8. Formule de Wright (créatinine sérique dosée par la méthode de Jaffe) : FGR = [6580 – (38.8 x âge)] x surface corporelle x [1 – 0,168]}/ créatininémie (µmol/l). 9. Formule de Martin et Chatelut (sexe : homme = 0, femme = 1) : FRG (ml/min) = 163 x poids (kg) x [1 – (0,00496 x âge)] x [1 – (0,252 x sexe)]/créatininémie (µmol/l).
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 281
Tableau I – Écarts observés du taux de filtration glomérulaire selon la méthode de calcul utilisée (6). FRG par EDTA (ml/min)
< 50
50-100
> 100
83
30
Nombre de patientes
total 122
9
Formule
∆ (%)* p
∆ (%)* p
∆ (%)* p
∆ (%)* p
Wright
+2
0,11
+ 39
0,03
+5
0,15
–18
< 0,001
Martin et Chatelut
+1
0,14
+ 30
0,05
+4
0,33
–16
< 0,001
Cockcroft et Gault
- 10
< 0,001 + 11
0,38
–7
0,002
–24
< 0,001
Jelliffe
– 17
< 0,001 + 14
0,34
–15
< 0,001 –32
< 0,001
FRG = filtration glomérulaire rénale. * ∆ (%) = différence en pourcentage par rapport à la FRG mesurée par EDTA.
données individuelles, montre un gain de survie à six ans de 7 % pour les malades du groupe CAP : 4 essais, 1 194 malades, p = 0,02 ; le bénéfice est surtout net dans le sous-groupe de malades n'ayant pas de résidu tumoral postopératoire (8). Dans trois essais sur quatre, l’adriamycine est additionnée à l’association CP, créant une disproportion dans l’intensité globale de chimiothérapie d'autant plus remarquable que les doses de cisplatine dans ces études sont non optimales et, au total, ces résultats ne permettent pas de conclure clairement sur l'avantage de la molécule adriamycine. Cependant, dans la méta-analyse globale de l’AOCTG, l'étude de tous les essais ayant randomisé l’adriamycine, y compris les quatre essais précédents, confirme un bénéfice sur la survie : 10 essais, 1 702 malades, gain à cinq ans = 5 %, p = 0,003 (9) ; les auteurs, en suggérant que la chimiothérapie de référence aurait du être adriamycine-platine (AP), laissent planer un doute sur l'association cyclophosphamide-platine (CP) choisie comme référence dans les études ultérieures. Il faut noter cependant qu'une étude a justement comparé AP à CP chez 216 malades, 3 cycles de A60P contre C800P, avec une dose de P (cisplatine) identique dans les deux groupes, de 1 mg/kg/semaine pendant sept semaines : il n'y a pas de différence de survie à cinq ans 32 % versus 31 % (10), mais la puissance statistique de cette étude est relativement faible. Commentaire : l'adriamycine est bénéfique quand elle est associée à des doses « sub-optimales » de platine, ce qui n'est pas démontré pour des doses « optimales ».
Comparaison épirubicine – adriamycine Trois essais randomisés ont comparé épirubicine et adriamycine (11-13). Une toxicité cardiaque est moins fréquemment observée avec l'épirubicine aux doses utilisées ; cette différence est significative dans l’étude de Homesley (13).
282 Les cancers ovariens
Cependant les effectifs de ces études sont insuffisants pour conclure valablement sur la supériorité de l'une ou l'autre de ces deux anthracyclines. Conclusion : la place des anthracyclines associées au platine reste controversée. Les études ultérieures montreront l'absence de bénéfice pour l'épirubicine associée au standard carboplatine-paclitaxel (voir plus loin).
À la recherche d'un standard : l'errement avant les taxanes En l'absence d’étude randomisée comparant chimiothérapie versus rien, on ne connaît pas l’impact de la chimiothérapie sur l'évolution naturelle des stades avancés. Les premiers cytotoxiques, les alkylants tel le melphalan per os en monothérapie, ont servi de standard comparatif pour étudier les molécules découvertes ultérieurement, notamment le cisplatine, mais divers chemins ont été empruntés.
Expérimentation du « Gynecologic Oncology Group » (GOG10) Le GOG a comparé en trois bras (formes avec résidu tumoral ≥ 3 cm, 233 malades) melphalan seul versus melphalan-hexaméthylmélamine versus adriamycine-cyclophosphamide (A50C500), administrés pendant dix-huit mois ; la survie des trois groupes n’est pas différente ; l’association AC fut adoptée par la suite comme référence en raison d'un taux de réponse complète plus élevé (14) (tableau II). L'étude suivante a randomisé chez 227 malades l'adjonction de cisplatine (50 mg/m2) à l'association adriamycine-cyclophosphamide précédente (8 cycles) ; le taux de réponse est significativement amélioré dans le groupe avec Tableau II – Comparaison melphalan versus melphalan-hexaméthylmélamine versus cyclophosphamide-adriamycine, traitement de dix-huit mois, étude du GOG (14). Chimiothérapie
Nombre Dose de (mg/m2) malades
Jours
Intervalle semaines
RC (%)
RP (%)
Survie médiane (NS*)
Melphalan
64
7 PO
J 1-5
4s
20,3
17,2
12,3 mois
Melphalan + Hexaméthylmélamine
97
7 PO 150 PO
J 1-5 J 1-14
4s 4s
27,8
23,8
13,5 mois
Adriamycine + Cyclophophamide
72
50 IV 500 IV
J1 J1
3s 3s
31,9
16,7
14,2 mois
PO = per os RC = réponse complète RP = réponse partielle NS = différence non significative entre les trois groupes
10. GOG : Gynecologic Oncology Group, groupe de recherche clinique aux États-Unis.
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 283
cisplatine (76 % contre 48 %) ainsi que la survie médiane dans le sous-groupe de malades avec maladie mesurable (19,7 mois contre 15,7 mois) ; bien que la survie globale ne soit pas significativement améliorée (19,3 mois contre 16,4 mois) et que la toxicité soit plus importante (hématologique, digestive et rénale), l'association C500A50P50 devint la référence pour les études suivantes (tableau III) (15). Tableau III – Comparaison cyclophosphamide-adriamycine versus cyclophosphamide-adriamycine-cisplatine, étude du GOG, traitement de six mois (huit cycles) (15). Chimiothérapie
Nombre de malades
Dose (mg/m2)
Jours
Intervalle RC semaines (%)
Cyclophophamide
120
500
J1
3s
50
J1
3s
Adriamycine Cyclophophamide
500
J1
3s
Adriamycine
107
50
J1
3s
Cisplatine
50
J1
3s
RP (%)
Médiane de survie (NS)
25,8 % 21,7 % 16,4 mois 51,4 % 24,3 % 19,3 mois
RC = réponse complète RP = réponse partielle NS = différence non significative entre les trois groupes
L’intérêt de l’adriamycine restant douteux, la dernière étude compare l'association CAP (8 cycles) à cisplatine-cyclophosphamide (malades stades III, résidu tumoral < 1 cm) ; la dose de cisplatine est la même dans les deux bras, mais celle de cyclophosphamide est plus élevée (1 000 mg/m2) dans CP par souci d'équitoxicité hématologique (tableau IV) ; bien qu'il n'y ait pas de différence de réponse ni de survie, l’association C50P1000 est devenue le standard en raison du risque cardiaque attribué à l'adriamycine (16). Tableau IV – Doses utilisées dans la comparaison des associations cisplatine-adriamycinecyclophosphamide (CAP) versus cisplatine-cyclophosphamide (CP) équitoxiques, huit cycles, étude du GOG (16). CAP
CP
Cisplatine
50 mg/m
50 mg/m2
Cyclophosphamide
500 mg/m2
1 000 mg/m2
Adriamycine
50 mg/m2
-
2
Commentaire : la démarche du GOG est exemplaire : le changement de standard repose sur une étude randomisée dont le bras de référence résulte de l'étude précédente. Cependant, comme nous allons le voir, l'étude de l'association cisplatine-paclitaxel prendra bien comme référence l'association cisplatine
284 Les cancers ovariens
cyclophosphamide, mais avec une posologie différente de l'étude précédente, C75P750 et non pas C50P1000.
Expérience hollandaise Par un cheminement différent l'association CP devint également le standard de certains centres européens. Avant les platines, une étude du National Cancer Institute ayant montré la supériorité11 de l'Hexa-CAF12 au melphalan seul (17), l'Hexa-CAF fut choisi comme référence pour tester le cisplatine dans l'association CHAP-513 (172 malades randomisées, stades III et IV, jusqu’à 12 cycles) ; dans l'association CHAP-5, le cisplatine (100 mg/m2) est administré en perfusion de cinq jours, le cyclophosphamide, ainsi que l'HMM sont prescrits per os pendant quatorze jours et les cycles durent trente-neuf jours ; le taux de réponse et la survie sont significativement améliorés par la chimiothérapie avec platine, au prix d’une toxicité hématologique digestive rénale et neurologique plus marquée (18) (tableau V). Tableau V – Résultats de la comparaison Hexa-CAF versus CHAP5 (18). Hexa-CAF Nombre de malades
CHAP5
p
88
84
Réponse complète pathologique
19 %
40 %
< 0,05
Maladie microscopique
7%
10 %
< 0,05
Réponse partielle
24 %
30 %
Médiane sans progression
6,8 mois
19,5 mois
< 0,0001
Médiane survie
19,6 mois
30,7 mois
< 0,002
L'étude suivante, dans le but de réduire la toxicité, compara l'association CHAP-5 à l’association C75P750, plus commode à administrer en un seul jour toutes les trois semaines (191 malades randomisées, 9 à 12 cycles) (tableau VI) ; devant un taux de réponse, une survie sans récidive et une survie globale identiques, l’association C75P750 devint la référence pour sa facilité d’administration et sa meilleure tolérance (sauf une toxicité rénale supérieure) (19). Commentaire : ces études ont eu le mérite de montrer la supériorité d'une chimiothérapie avec platine, d'écarter l'adriamycine dont on redoutait la cardiotoxicité et de parvenir à un schéma d'administration simplifié, J1 toutes les trois semaines. 11. Ce fut la seule étude positive de ce type : rappelons que la méta-analyse de l'AOCTG est négative sur la comparaison d'une poly-chimiothérapie à une mono-chimiothérapie sans platine, voir plus haut. 12. Hexa-CAF = hexaméthylmélamine-cyclophosphamide-méthotrexate-5-fluoro-uracile. 13. CHAP-5 = cisplatine 20 mg/m2 J1-5, adriamycine 35 mg/m2 J1, cyclophosphamide 100 mg/m2 J15-29 PO, hexaméthylmélamine 150 mg/m2 J15-29 PO, reprise des cycles à J 39.
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 285
Tableau VI – Doses utilisées dans la comparaison des associations cisplatine-hexaméthylmélamine-adriamycine-cyclophosphamide (CHAP5) et cisplatine-cyclophosphamide (CP) (19). CHAP5 / J 36 Cisplatine Adriamycine Cyclophosphamide Hexaméthylmélamine
20 mg/m 35 mg/m2 100 mg/m2 150 mg/m2 2
CP / J21 J 1-5 J1 J 15-29 PO J 15-29 PO
75 mg/m2 750 mg/m2 IV
J1 J1
PO = per os
Expérience du groupe ICON14 Avec les mêmes préoccupations de tolérance, ce groupe international compara toutes les trois semaines l'association C500A50P50 au carboplatine seul (1 526 malades où une chimiothérapie était indiquée) ; les survies sont identiques, la CAP entraîne plus d'alopécie, de leucopénie et de nausées-vomissements, le carboplatine plus de thrombopénie (20). Le carboplatine AUC5 devint un standard, la dose étant calculée directement par la formule de Calvert quand la filtration glomérulaire rénale est établie par la formule de Cockroft et Gault, et réduite de 10 % quand la clairance rénale est obtenue par méthode isotopique. Ces résultats sont inattendus : la méta-analyse de l'OCMP montre que CAP (cyclophosphamide - adriamycine - cisplatine) est supérieur à CP (cyclophosphamide cisplatine) et la méta-analyse de l'AOCTG montre que cisplatine et carboplatine ne sont pas différents en efficacité : on attendrait que CAP soit supérieur au carboplatine seul. Cependant, une confirmation de ce résultat imprévu a été donnée par la comparaison indirecte des données individuelles de ICON2 et de l'AOCTG (21), étude dont nous rapportons schématiquement les principales conclusions en terme de survie dans le tableau VII : Tableau VII – Comparaison indirecte des résultats du carboplatine seul aux associations CAP et CP (21). CAP (AOCTG)
> CP (AOCTG)
RR = 0,84 ; p = 0,009
CAP (ICON2)
= CAP (AOCTG)
courbes superposées
Carboplatine (ICON2)
= CAP (ICON2)
RR = 1,00 ; p = 0,98
Carboplatine (ICON2)
> CP (AOCTG)
p < 0,01
> : survie supérieure = : pas de différence de survie (AOCTG) : résultats de la méta-analyse de l'AOCTG (ICON2) : résultats de l'étude ICON2
La conclusion est déroutante, mais logique et cohérente : le carboplatine seul est supérieur à l'association cisplatine-cyclophosphamide. La comparaison 14. ICON = International Collaborative Ovarian Neoplasm regroupant 132 centres mondiaux.
286 Les cancers ovariens
est indirecte, mais confortée par une référence commune, l'association CAP, dont les résultats sont superposables dans l'étude ICON2 et la méta-analyse réalisée dix ans plus tôt (21). L'explication pourrait relever d'une dose de cisplatine insuffisante par rapport à celle du carboplatine ; en effet, il a été constaté que la dose-intensité de platine est corrélée à la réponse tumorale jusqu'à un certain seuil : pour le cisplatine en association, il existe un maximum d'efficacité aux alentours de 25 à 30 mg/m2/semaine soit 75 à 90 mg/m2 toutes les trois semaines (22, 23), et, pour le carboplatine en monochimiothérapie, la dose seuil toutes les trois semaines correspond à une AUC de 5 à 7 mg/ml x mn (24). Dans la méta-analyse les associations CP comportent des doses de cisplatine de 50 à 60 mg/m2 administrées toutes les trois semaines, inférieures à la dose seuil ; dans l'étude ICON2, au contraire, le carboplatine est administré à la dose-intensité correspondant à la dose seuil. Remarque : l'étude ICON2 comporte presque dix fois plus de malades que les études précédentes et ouvre l'ère moderne des essais collaboratifs de grande puissance statistique. Conclusion : au moment où va être introduit le paclitaxel, il n'y a pas de protocole de référence garanti, ce qui ne manquera pas d'embarrasser l'interprétation des essais suivants.
Le paclitaxel améliore la survie des formes avancées Comparaison cisplatine-paclitaxel à cisplatine-cyclophosphamide Dans deux essais, le paclitaxel associé au cisplatine améliore la survie des malades. L'étude GOG 111 (25) a comparé chez 410 patientes de stade III avec un résidu postopératoire ≥ 1 cm ou de stade IV, l'association cisplatine 75 mg/m2 et paclitaxel 135 mg/m2 en perfusion de vingt-quatre heures (Px135P75) à C750P75, six cycles à intervalle de trois semaines ; la médiane de survie sans récidive est améliorée de treize à dix-huit mois (p < 0,001) et la survie de vingt-quatre à trente-huit mois (p < 0,001) ; le nombre de malades du groupe contrôle ayant reçu du paclitaxel lors de la rechute n'est pas connu avec précision, mais considéré comme faible, le paclitaxel n'ayant été commercialisé que très tard (de l'ordre de 30 %). L’essai OV-10 (26) a comparé chez 680 patientes, de stades IIb-c III et IV, résidu < 1 cm ou > 1 cm, l’association cisplatine 75 mg/m2 et paclitaxel 175 mg/m2 en perfusion de trois heures (Px175P75) à la même association C750P75 que l'étude GOG111, de six à dix cycles (médiane 6). La médiane de survie sans récidive est améliorée de 11,5 mois à 15,5 mois (p < 0,0005) et de
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 287
survie de 25,8 mois à 35,6 mois (p < 0,001) ; au moment de la rechute, 48 % des malades du groupe CP ont reçu du paclitaxel (26). Dans ces deux études, la tolérance de l'association cisplatine-paclitaxel est convenable par rapport à celle de CP, avec cependant une neurotoxicité plus forte dans le groupe paclitaxel à 175 mg/m2 (il est préférable en cas de toxicité neurologique de perfuser le paclitaxel associé au cisplatine, à 135 mg/m2 en vingt-quatre heures (27)). Conclusion : à la suite de ces deux études concordantes et démonstratives, l'association cisplatine-paclitaxel devint la chimiothérapie standard des formes avancées, aux États-Unis et dans une majorité de pays européens.
L'association carboplatine-paclitaxel En association au paclitaxel, trois études ont comparé carboplatine et cisplatine, toutes trois confirmant l'équivalence d'efficacité des deux drogues (28) (29, 30). Les doses utilisées et les résultats sont rapportées dans le tableau VIII. Tableau VIII – Études comparant carboplatine-paclitaxel à cisplatine-paclitaxel. Référence
GOG-158 (28)
(29)
(30)
Nombre patientes
798
213
786
Chimiothérapie Carboplatine
AUC 7,5 *
AUC 5 **
AUC 6 *
/paclitaxel
175 mg/m2/3 h
175 mg/m2/3 h
175 mg/m2/3 h
Cisplatine
75 mg/m2
75 mg/m2
75 mg/m2
/paclitaxel
135mg/m2/24 h
175 mg/m2/3 h
175 mg/m2/3 h
SSR cisplatine SSR carboplatine
19,4 mois 20,7 mois NS°
HR = 1,07 [0,78-1,48] NS°
19,1 mois (16,7-21,5) 17,2 mois (15,2-19,3) NS°
SG cisplatine SG carboplatine
48,7 mois 57,4 mois NS°
HR = 0,85 [0,59-1,24] NS°
44,1 mois (40,2-49,4) 43,3 mois (37,2-47,8) NS°
Résultats
* Filtration glomérulaire rénale calculée par la formule de Jelliffe ** FGR mesurée par EDTA ou la formule de Cockcroft-Gault ° NS = non significatif
Commentaire : on constate qu'à la fois la dose de carboplatine à utiliser (AUC de 7,5 à 5 mg/ml x mn) et la méthode d'évaluation de la filtration glomérulaire rénale (formules de Jelliffe, de Cockcroft-Gault ou mesurée par EDTA) ne sont pas standardisées.
288 Les cancers ovariens
Dans ces trois études, la tolérance de l'association carboplatine-paclitaxel est globalement meilleure que celle de cisplatine-paclitaxel, et la qualité de vie est significativement meilleure dans l'étude de l'AGO (30).
Intérêt du docetaxel : l'association carboplatine-docetaxel L'étude SCOTROC15 a montré l'intérêt de remplacer le paclitaxel par un autre taxane, le docetaxel : l'association docetaxel 75 mg/m2 – carboplatine AUC5 (FGR mesurée par EDTA) a été comparée au standard paclitaxel 175 mg/m2 – carboplatine AUC5, six cycles, chez 1 077 malades de stade Ic à IV (80 % de stades III/IV ; résidu < 2 cm = 63 %, > 2 cm = 37 %). Après un suivi médian de vingt-trois mois, la survie sans récidive est similaire dans les deux groupes, respectivement quinze mois contre quatorze mois et huit jours, HR = 0,97 [IC 95 % = 0,83-1,13, p = 0,707], ainsi que la survie médiane 64,2 % contre 68,9 %, HR = 1,13 [IC 95 % = 0,92-1,39, p = 0,238]. L'association docetaxel-carboplatine entraîne significativement plus de neutropénie grade 3-4 : 94 % contre 84 %, p < 0,001 et moins de neuropathie sensitive grade ≥ 2, 11 % contre 30 % p < 0,001 et de neuropathie motrice grade ≥ 2 : 3 % contre 7 % p < 0,001 ; la qualité de vie est meilleure avec docetaxel sans toutefois atteindre la significativité statistique (31). Commentaire : il est précieux en pratique clinique de disposer de deux taxanes de même efficacité avec des toxicités différentes.
L'addition d'épirubicine à l'association carboplatine-paclitaxel n'améliore pas les résultats Deux études non encore publiées mais abouties montrent l'absence d'avantage à l'addition d'épirubicine à l’association carboplatine-paclitaxel. L'étude AGO-GINECO (30) compare chez 1 230 malades de stades IIb à IV, l'association carboplatine AUC5 (formule de Jelliffe)-paclitaxel 175 mg/m2 (CbPx) à la même association, à laquelle est ajoutée épirubicine 60 mg/m2 (CbEPx), six cycles ; la survie médiane est de quarante et un mois [38,2-46,1] pour CbPx contre quarante-cinq mois et huit jours [39,9-49,6] pour CbEPx, HR = 0,93 [IC 95 % = 0,83-1,07], Test Logrank : p = 0,365 ; dans la strate ≤ 1 cm la survie est respectivement de cinquante-sept mois [48,7-62,5] contre cinquante-neuf mois et huit jours [51,7- x] HR = 0,91 [0,73-1,12], p = 0,369 et dans la strate > 1 cm de vingt-huit mois et un jour [25,3-33,7] contre vingt15. SCOTROC = Scottish Randomised Trial in Ovarian Cancer.
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 289
huit mois et sept jours [24,9-33,7] HR = 0,96 [0,79-1,17], p = 0,691. L'association avec épirubicine entraîne significativement plus de toxicité hématologique de grades 3-4, anémie (18 % contre 5 %), neutropénie (74 % contre 54 %) et thrombopénie (17 % contre 4 %) et plus de neutropénies fébriles (6 % contre 1 %), ainsi que de nausées et vomissements (10 % contre 4 %). L'étude intergroupe NSGO-EORTC-NCIC-CGC (32) respecte chez 807 malades le même schéma CbP versus CbEP, sauf que la dose d'épirubicine est de 75 mg/m2 contre 60 mg/m2 dans l'étude précédente : la survie sans récidive médiane est de dix-sept mois avec CbEPx contre seize mois pour CbPx (p = 0,99) ; et dans le groupe de malades avec un résidu tumoral ≤ 1 cm respectivement vingt-cinq mois contre vingt-quatre mois (p = 0,94) et le groupe avec résidu > 1 cm quinze mois contre quatorze mois (p = 0,75) ; plus de neutropénies fébriles sont observées avec CbEPx (18 % contre 4 %) et de stomatite (4 % contre 1 %). Conclusion : il n'y a pas de bénéfice à l'administration épirubicine-carboplatine-paclitaxel par rapport à l’association carboplatine-paclitaxel.
L'apport des taxanes est relativisé Le cisplatine reste la molécule de référence L'étude GOG 132, à la suite de l'étude GOG 111, prit comme bras de référence l'association paclitaxel 135 mg/m2 en vingt-quatre heures-cisplatine 75 mg/m2 (Px135P75) et compara en trois bras chez 648 malades avec résidu tumoral non optimal (> 1 cm) cette association au cisplatine seul (100 mg/m2) et au paclitaxel seul (200 mg/m2 en perfusion de vingt-quatre heures), six cycles. Le cisplatine seul se révèle significativement plus efficace en terme de survie sans récidive que le paclitaxel seul et aussi efficace que l'association cisplatine-paclitaxel (tableau IX) (33).
Tableau IX – Événements observés dans l'étude GOG 132 (suivi à soixante et un mois) (33).
Cisplatine 100 mg/m2
Nombre de malades
Nombre de rechutes
Médiane SSR mois
Nombre de décès
Médiane SG mois
200
175
16,4
158
30,2
p = 0,001 Paclitaxel 200 mg/m
2
NS
213
200
11,2
213
25,9
201
179
14,0
201
26,3
Cisplatine 75 mg/m2 Paclitaxel135mg/m2 24 h
p = 0,310
290 Les cancers ovariens
On constate dans cette étude l'importance des traitements administrés après la « première ligne » de chimiothérapie, recueillis ici a posteriori : 52 % des malades du groupe cisplatine ont reçu du paclitaxel, 69 % des malades du groupe paclitaxel ont reçu un platine (cisplatine ou carboplatine) et 39 % des malades du groupe cisplatine-paclitaxel ont reçu une chimiothérapie ne comportant ni platine ni paclitaxel ; plus important encore, respectivement 47 %, 46 % et 48 % des malades ont reçu la « deuxième ligne » de chimiothérapie avant progression de la maladie en déviation par rapport au protocole d'étude. On peut dire que, pour une majorité de malades, a été comparé un traitement séquentiel, cisplatine suivi de paclitaxel versus paclitaxel suivi de cisplatine, ces deux attitudes se révélant équivalentes en terme de survie globale à l'association cisplatine paclitaxel d'emblée. La toxicité est différente pour les trois traitements : les toxicités digestive, érythrocytaire et plaquettaire sont plus fréquentes et plus sévères avec le cisplatine en général ; dans le groupe paclitaxel seul, l'alopécie et les épisodes de fièvre en aplasie sont plus fréquents et plus sévères qu'avec l'association cisplatinepaclitaxel (p = 0,008) ; les toxicités digestive, rénale et neurologique sont plus sévères dans le groupe cisplatine seul. Commentaire : cette étude confirme le cisplatine comme molécule de référence en efficacité, révèle que la dose efficace du cisplatine est excessivement toxique et montre que l'association cisplatine-paclitaxel a la meilleure tolérance digestive, rénale et neurologique ; en outre, l'association est moins longue à administrer que les deux drogues en séquentiel.
Une étude discordante : le carboplatine seul se révèle aussi efficace que l'association carboplatine paclitaxel Dans l'étude ICON 3 qui comporte 2 074 malades, l'association paclitaxel 175 mg/m2-carboplatine (710 malades ont reçu cette association) est comparée à la chimiothérapie de référence résultant de l'étude ICON 2, les centres investigateurs ayant le choix entre C500A50P50 (653 malades ont reçu cette association) et carboplatine seul (943 malades) ; la dose de carboplatine, seul ou en association, est AUC5 si la mesure de la filtration rénale glomérulaire est déterminée par EDTA et AUC6 si est utilisée la formule de Cockroft et Gault. La randomisation a été effectuée indépendamment dans quatre pays, dans un rapport 2/1 au Royaume-Uni et en Italie, et 1/1 en Suisse et au Danemark ; une stratification identique dans les quatre centres a porté sur l'intervalle depuis la chirurgie, le choix de la chimiothérapie contrôle, le stade FIGO et le résidu tumoral postopératoire. Cette étude, après un suivi médian de 51 mois, ne montre aucune différence de survie entre le bras contrôle et l'association carboplatine-paclitaxel : HR = 0,98 [IC 95 % = 0,87–1,10] p = 0,74, ni de survie sans récidive :
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 291
HR = 0,93, [IC 95 % 0,84–1,03] p = 0,16 ; la survie médiane est de 36,1 mois pour carboplatine-paclitaxel et 35,4 mois pour le groupe contrôle, la survie sans récidive respectivement de 17,3 mois et 16,1 mois ; le résultat est retrouvé dans tous les sous-groupes étudiés : âge, stade FIGO, type et grade histologiques, résidu tumoral, centre de traitement. L'association paclitaxel-carboplatine entraîne plus d'alopécie, de fièvre et de neuropathie sensitive que le carboplatine seul et plus de neuropathie que CAP ; l'association CAP entraîne plus de fièvre que l’association paclitaxel-carboplatine. Commentaire : cette étude vient contredire les deux études de référence GOG111 et OV10 : l'association paclitaxel-carboplatine n'est pas supérieure à une chimiothérapie à base de platine et, pour les auteurs, le carboplatine est une option raisonnable du traitement de première ligne. Le traitement reçu au moment de la récidive est connu pour 1 218 malades, 287 malades du groupe contrôle (18 %) ont reçu du paclitaxel au moment de la progression de la maladie et il est improbable que l'effet « séquence » explique le résultat négatif de l'essai. La comparaison statistique des quatre essais GOG111, OV10, GOG132 et ICON3 montre une hétérogénéité significative des résultats (34) : une explication plausible serait que le protocole de référence des études GOG111 et OV10, l'association C750P75, serait inférieur en terme d’efficacité au carboplatine seul AUC5-6, ou à C500A50P50, ou au cisplatine seul 100 mg/m2 (tableau X). Tableau X – Hétérogénéité des résultats selon les protocoles de référence (34). Hétérogénéité entre groupes A
B
Protocole de référence Survie sans récidive
GOG111 versus OV10
C750P75
ICON3 versus ICON3 versus GOG132
CarboplatineAUC 5-6 C500A50P50 Cisplatine100
A versus B
Survie globale
p = 0,42
p = 0,28
p = 0,51
p = 0,99
p = 0,023
p = 0,009
C750P75
Il n'y a pas d'hétérogénéité entre les études « positives » GOG111 et OV10 où le protocole de référence est l'association C750P75, ni entre les études « négatives » ICON3 et GOG132 où les protocoles de référence sont carboplatineAUC 5-6 ou C500A50P50 ou cisplatine100 ; par contre, il y a une hétérogénéité significative entre le groupe des études positives et le groupe des études négatives : le protocole C750P75 apparaît comme sous-optimal.
Adoption d'un standard consensuel : l'association carboplatine-paclitaxel La conférence de consensus d'experts qui s'est tenue du 3 au 5 septembre 2004 sous l'égide du GCIG a retenu comme protocole standard de référence pour les formes avancées (stades IIb-IV), l'association carboplatine AUC 5 à 7,5 mg/ml.mn paclitaxel 175 mg/m2/3 h toutes les trois semaines, six cycles.
292 Les cancers ovariens
Cette décision permet d’aborder l'avenir avec un protocole de référence reconnu par tous, évitant ainsi un écueil récurrent en cancérologie.
Nombre de cycles à administrer en première ligne Cette question a été peu étudiée. Une étude rétrospective suggère un bénéfice sur la survie sans progression avec douze cycles par rapport à six cycles (35). Trois études randomisées ne montrent pas de différence en terme de survie lorsque l’on augmente la durée du traitement au-delà de cinq ou six cycles (3638) (tableau XI). Tableau XI – Études comparant des nombres de cycles de chimiothérapie différentes. Référence Traitement Nombre de Nombre cycles de randomisés patients
RC Cycles histologique supplém.
Médiane p survie (mois)
Hakes
CAP
5 / 10
41 / 37
48 / 55
10 c / 9 *
25 /40
Bertelsen
CAP
6 / 12
136 / 66
23 / 25
12 c / 34 ** 23 / 27
NS
Lambert
Cb /P
5/8
118 / 115 NP
NP
0,48
23
0,34
* 9 malades des 41 du groupe « 5 cycles » de chimiothérapie ont reçu en réalité 10 cycles. ** 34 malades sur les 136 du groupe « 6 cycles » de chimiothérapie ont reçu en réalité 12 cycles. NP : non précisé.
La durée de six cycles est considérée par certains comme optimale (39, 40) en tout cas c'est le nombre minimal de cycles admis dans les essais randomisés internationaux. Commentaire : le nombre optimal de cycles de chimiothérapie à administrer reste mal défini. Ce point important est ravivé par la question d'un traitement d'entretien (voir ci-dessous).
Traitement d'entretien : la chimiothérapie de maintenance Comme nous venons de le dire, il n'y a pas d'avantage démontré à poursuivre la chimiothérapie initiale au-delà de cinq à six cycles, et nous avons insisté sur la qualité insuffisante des études pour définir précisément la durée du traitement. En même temps, le pronostic des formes avancées reste très mauvais après chimiothérapie standard : une majorité de malades récidivent rapidement de leur maladie, la médiane de survie est de trente-six mois et seulement une malade sur quatre est vivante à cinq ans. Par ailleurs, même si la chimiothérapie
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 293
des rechutes améliore sensiblement la survie, c'est d'emblée que les traitements ont le plus de chance d'être efficaces, ce qui conduit, pour les malades n'ayant pas progressé sous chimiothérapie, au concept empirique de traitement de « maintenance ». Ce concept encore flou est en concurrence avec ceux tout aussi vagues de traitement d'« entretien », de « consolidation », de « clôture » qui ont eux-mêmes justifié des essais thérapeutiques variés. Nous considérerons ici la seule chimiothérapie de « maintenance », le lecteur est prié de se reporter aux chapitres traitant de la chimiothérapie intensive, la chimiothérapie intrapéritonéale, la radiothérapie de clôture, la radiothérapie métabolique, l'utilisation des anticorps monoclonaux où sont abordés d'autres possibilités de traitement complémentaire après chimiothérapie de première ligne. Deux types de chimiothérapie de maintenance peuvent être proposés, chacun ayant des avantages et des inconvénients : – soit utiliser une molécule différente de celles de la première ligne, avec la perspective d'une absence de résistance croisée (plus souvent présupposée que démontrée cliniquement) et d'une toxicité différente, mais avec une incertitude sur l'efficacité réelle ; – soit poursuivre les mêmes drogues initiales, avec l'avantage d'en connaître l'efficacité, mais avec un risque de toxicité cumulative rédhibitoire. Dans le premier cas, nous disposons de deux essais où les malades n'ayant pas progressé après six cycles de carboplatine-paclitaxel sont randomisées chimiothérapie de « maintenance » versus contrôle. L'une montre que quatre cycles supplémentaires d'épirubicine 120 mg/m2 n'améliorent pas la survie sans récidive ni la survie globale (41). L'autre montre de même, chez 273 malades, que quatre cycles supplémentaires de Topotecan 1,5 mg/m2/j pendant cinq jours toutes les trois semaines, n'améliorent pas la survie sans récidive : HR = 1,18 (0,86 - 1,63), test log-rank p = 0,83, médiane 18,2 mois avec topotecan contre 28,4 mois, ni la survie globale : test log-rank p = 0,30 (42). Ce résultat est à rapprocher d'une étude similaire également négative, comportant quatre cycles supplémentaires de topotecan versus contrôle, mais où la randomisation a lieu sur la population avant toute chimiothérapie et non sur les malades sélectionnées après six cycles de carboplatine-paclitaxel (43), ici les quatre cycles de topotecan font partie intégrale du traitement initial et ne réalisent pas vraiment une « maintenance ». Les études ci-dessus comportent une « maintenance » très brève, quatre cycles de chimiothérapie ; une étude positive a testé une chimiothérapie plus prolongée pendant douze mois, ce qui correspond mieux à un concept de maintenance : après six cycles de carbopatine-paclitaxel, les patientes non en progression ont été randomisées douze cycles supplémentaires de paclitaxel 175 mg/m2/3 h toutes les quatre semaines versus trois cycles complémentaires seulement. L'analyse intermédiaire programmée a montré un bénéfice significatif pour la survie sans rechute en faveur du traitement de maintenance prolongé : médiane de vingt-huit mois contre vingt et un mois, HR = 2,31 [1,08-4,94], p = 0,0023 ; il n'y a pas de différence pour la survie globale, mais
294 Les cancers ovariens
avec peu d'événements au moment de l'analyse (17 décès). Ce résultat a conduit le comité scientifique indépendant à recommander l'arrêt de l'étude pour permettre aux malades de recevoir les douze cycles de paclitaxel de maintenance (44). La toxicité neurologique est un frein à l'utilisation du paclitaxel en maintenance (tableau XII), d'autant que l'arrêt prématuré de l'étude ne permettra pas de préciser l'impact du traitement sur la survie. Tableau XII – toxicité neurologique de douze cycles de paclitaxel administrés après six cycles de carboplatine-paclitaxel (44). Neuropathie périphérique sensitive Neuropathie
3 cycles (n = 109)
12 cycles (n = 97)
Grade 2
14 %
18 %
Grade 3
1%
5%
Pour cette raison, une étude confirmative est programmée sur le même schéma par le groupe GINECO-AGO, la survie globale étant un objectif. Conclusion : ces résultats ne permettent pas de recommander un traitement de maintenance après les six cycles de chimiothérapie standard, mais sont très encourageants et invitent à approfondir cette voie thérapeutique où une bonne tolérance est le préambule à tout traitement prolongé. À côté de la chimiothérapie classique, les nouveaux agents biologiques devraient trouver ici une place de choix.
Chimiothérapie néo-adjuvante Rationnel de la chimiothérapie néo-adjuvante Plusieurs auteurs ont attiré l'attention sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à administrer une chimiothérapie avant tout geste chirurgical. Cette proposition repose sur le constat que le geste chirurgical est non optimal dans de nombreux cas (lésions résiduelles > 1 cm). On a pu remarquer dans des études pilotes que les malades ayant eu une laparotomie exploratrice sans aucune réduction tumorale avaient, après chimiothérapie, une survie similaire à celle de patientes traitées par réduction tumorale et chimiothérapie (45-48). Ces études pilotes suggèrent que dans certaines situations une chimiothérapie exclusive pourrait suffire ou bien que le geste chirurgical gagnerait à être proposé après que la maladie a été améliorée par chimiothérapie. Les enjeux de cette stratégie, chimiothérapie suivie de chirurgie, sont importants en termes de résultats et de morbidité.
Les résultats de la chimiothérapie initiale des formes avancées… 295
Randomisation de la chirurgie après chimiothérapie On ne dispose pas d’étude randomisée fiable de chimiothérapie néo-adjuvante ; par contre, dans deux études, une chirurgie a été randomisée après une brève chimiothérapie pour des malades dont le résidu tumoral après la chirurgie initiale n’était pas optimal : concept d'une « chirurgie de l'intervalle » insérée dans le cours de la chimiothérapie. L’essai de l’EORTC montre l’intérêt d’une réduction tumorale chirurgicale en cours de chimiothérapie : 278 malades dont la première chirurgie était non optimale (résidu > 1 cm) ont reçu trois cycles de chimiothérapie cisplatine75cyclophophamide750 ; les malades n’ayant pas progressé sont randomisées entre chirurgie d'intervalle ou poursuite de la chimiothérapie ; dans tous les cas, les malades ont reçu au total six cycles de chimiothérapie et une laparotomie de « second look » a été réalisée pour toutes les malades en réponse complète clinique (troisième laparotomie pour le groupe ayant bénéficié de la laparotomie intermédiaire) ; la survie sans progression et la survie globale sont significativement meilleures dans le groupe « chirurgie intermédiaire » (p = 0,01), la médiane de survie est améliorée de six mois ; la réduction du risque de décès est de 0,33 [ 0,10 - 0,50, p = 0,008] ; il n’a pas été noté de morbidité sévère de cette chirurgie supplémentaire (49). Un essai analogue a été réalisée aux États-Unis par le groupe GOG16 avec cependant deux différences avec l'étude européenne, d'une part l'effort de réduction chirurgicale initiale se devait d'être optimal et maximal, d'autre part la chimiothérapie était une association cisplatine75-paclitaxel135/24 h au lieu de cisplatine-cyclophosphamide : dans cet essai la survie médiane n'est pas modifiée par la chirurgie de l'intervalle, trente-deux contre trente-trois mois (50). En conclusion : ces deux essais randomisés ne permettent pas de répondre à la question du concept de chimiothérapie néo-adjuvante. Cependant, quand une chirurgie non optimale a d'emblée été réalisée par un opérateur entraîné, un nouvel effort chirurgical après chimiothérapie est inutile. En ce qui concerne les résultats positifs de l’étude de l’EORTC, ils peuvent s'interpréter en faveur du concept de chimiothérapie néo-adjuvante ou, au contraire, inviter à une exérèse radicale immédiate en considérant que le bénéfice observé relève d'une plus grande efficacité de la chimiothérapie quand le résidu tumoral est faible. La véritable question reste donc posée de savoir si un effort maximal doit être demandé au chirurgien quand le résultat, de façon certaine, sera non optimal ou, au contraire, s’il faut retarder la chirurgie après chimiothérapie néo-adjuvante. Une étape préliminaire serait de codifier les critères prévisionnels d'une chirurgie inadéquate, critères non parfaitement définis à ce jour. Au total, le concept de chimiothérapie néo-adjuvante repose sur des bases empiriques fragiles. Une étude randomisée en cours à l'EORTC permettra de préciser sa place.
296 Les cancers ovariens
Conclusion La chimiothérapie améliore la survie des malades atteintes de cancer ovarien avancé, l'administration intrapéritonéale, bien qu'elle procure un bénéfice supplémentaire, n'est pas un standard recommandé du fait des difficultés de mise en œuvre et des effets secondaires liés à la technique elle-même (cf. chapitres suivants). Les platines (cisplatine et carboplatine) sont les molécules de référence et sont utilisées de préférence en association. L'association carboplatine-paclitaxel, six cycles, est un standard consensuel.
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La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne? L. Gladieff
Introduction « Intraperitoneal therapy for stage III ovarian cancer : a therapy whose time has come ! » Malgré l’enthousiasme manifesté dans cet éditorial du Journal of Clinical Oncology d’octobre 2002 (1) par les plus grands spécialistes nordaméricains de la chimiothérapie intrapéritonéale, cette modalité thérapeutique peine à trouver sa place. Plusieurs essais de phase III en première ligne ont été conduits, et les résultats des principaux d’entre eux sont en faveur de la voie péritonéale. Malgré cet avantage, la complexité apparente de la technique et les problèmes de toxicités restent des obstacles majeurs à son développement.
Les bases rationnelles d’utilisation de la voie péritonéale Tout l’intérêt de l’administration intrapéritonéale des médicaments anticancéreux réside dans l’obtention de fortes concentrations locales, donc directement au site de la maladie, associées à des concentrations plasmatiques au moins équivalentes à celles qui sont obtenues après administration intraveineuse et conditionnant la toxicité systémique.
Données pharmacologiques Le rationnel pharmacocinétique d’utilisation des médicaments par voie intrapéritonéale a été établi dés la fin des années 70 par Dedricks et ses collaborateurs (2). Dans ce modèle mathématique bi-compartimental, le gradient de concentration entre les deux compartiments est conditionné par le
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rapport des clairances et/ou des aires sous la courbe (AUC) : plus un médicament est lentement éliminé de la cavité péritonéale et rapidement éliminé de l’organisme, plus le gradient sera élevé et meilleur sera le gain pharmacocinétique. Le médicament « idéal » pour cette voie d’administration doit être hydrosoluble, de poids moléculaire suffisant, avoir une faible clairance péritonéale et une forte clairance plasmatique, être rapidement et totalement métabolisé en métabolites non toxiques par le foie. Les cellules cancéreuses présentes dans la cavité péritonéale peuvent alors être exposées à des concentrations dix à mille fois supérieures à celles de la circulation générale (tableau I) (3). Une autre caractéristique importante est l’absence de toxicité locale du médicament, ce qui peut autoriser une incrémentation de dose jusqu’à obtention d’une toxicité limitante systémique. Ainsi, sont combinés l’augmentation d’exposition locale et le maintien d’une concentration plasmatique efficace (4). Tableau I – Avantage pharmacocinétique de l’administration intrapéritonéale de certains médicaments anticancéreux. Drogues
Rapport des pics de concentration cavité péritonéale/plasma
Carboplatine Cisplatine Mitomycine Methotrexate Melphalan 5-fluoro-uracile Doxorubicine Mitoxantrone Paclitaxel
18 20 71 92 93 298 474 620 1 000
Volume de distribution Un médicament administré par voie péritonéale gagne les sites tumoraux par deux voies : capillaire, secondaire au passage systémique par diffusion passive à travers la membrane péritonéale, et directe, par diffusion à partir de la périphérie tumorale. Pour que cette diffusion, qui fait tout le sens de cette voie d’administration, soit possible, il faut que le médicament administré arrive partout au contact de la tumeur, ce qui peut être rendu difficile par les volumes tumoraux eux-mêmes et par l’existence fréquente d’adhérences post-chirurgicales. Cette répartition intra-cavitaire n’est possible que si cette administration se fait dans un volume liquidien suffisant. La plupart des auteurs recommandent un volume d’au moins 2 litres (3, 4).
Pénétration intra-tumorale et exposition péritonéale La diffusion intra-tumorale des médicaments à partir de la périphérie reste limitée : la plupart des études expérimentales suggèrent que cette pénétration
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ne concerne que les premières couches cellulaires, sur une épaisseur maximale de 1 à 3 mm (3). On conçoit donc aisément que cette modalité thérapeutique n’a pas d’intérêt dès lors qu’il existe des volumes tumoraux importants. Les données manquent chez l’homme, mais certaines études expérimentales chez l’animal suggèrent une exposition incomplète de la surface péritonéale lors d’une dialyse péritonéale (5) et il s’agit là certainement d’une question à prendre en considération.
Accès à la cavité péritonéale Les modes d’accès les plus usuels sont le cathéter de Tenckhoff ou le cathéter avec chambre implantable. Tous deux nécessitent une mise en place chirurgicale. L’utilisation de cathéter à usage unique, ou tout simplement d’une aiguille, est plus rare. L’utilisation du cathéter de Tenckhoff s’accompagne d’une péritonite dans 7 % des cas, d’une obstruction dans 6,5 % des cas, d’une perforation digestive dans 2 % des cas et de complications pariétales dans 3 % des cas, en compilant les différents résultats rapportés dans la littérature (6). Dans l’expérience du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, rapportée par Makhija (7), sur 301 patientes porteuses d’un cathéter avec chambre implantable de type Bardport® pour administration intrapéritonéale, le taux d’obstruction est de 6,3 % et d’infection de 3,6 %. Seulement 7 % des patientes ont vu leur traitement interrompu du fait de ces complications. L’utilisation de matériel à usage unique ne s’accompagne dans des mains entraînées que d’un taux très faible de complications : péritonite : 0 à 4 %, perforation : 0 à 1,3 %, diffusion pariétale de liquide ou hématome de paroi : 15 % (6, 8, 9).
Les médicaments De nombreux médicaments ont été étudiés par voie péritonéale, mais nous nous limiterons volontairement à ceux qui constituent actuellement le standard de première ligne par voie intraveineuse.
Cisplatine Si le cisplatine (CDDP) est largement supplanté par le carboplatine en administration intraveineuse, il n’en reste pas moins une molécule clé, en particulier pour l’utilisation intrapéritonéale. Ses caractéristiques pharmacocinétiques sont adaptées à cette voie de prescription : avec une clairance plasmatique de 23,3 ± 15,2 l/m2/h et une clairance péritonéale de 2,6 ± 1,4 l/m2/h, le rapport des AUC est proche de 12,5. Sa concentration intra-tumorale après adminis-
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tration intrapéritonéale est supérieure à celle obtenue après administration intraveineuse : à la diffusion centrale par voie capillaire, s’associe une pénétration périphérique sur environ 1,5 mm (10). Sa tolérance locale est bonne, et les toxicités dose-limitantes sont liées aux effets systémiques de la molécule. À la dose de 100 mg/m2, l’AUC plasmatique du platine ultrafiltrable est tout à fait comparable à celle obtenue après administration intraveineuse de la même dose de CDDP (11). Enfin, l’utilisation d’un agent complexant, le thiosulfate de sodium, autorise la délivrance de 270 mg/m2 toutes les trois semaines sans toxicité rénale, les toxicités auditive et neurologique deviennent alors limitantes. La dose maximale recommandée est de 200 mg/m2 (12). En monochimiothérapie, le taux de réponse chirurgicalement documenté est de 20 à 30 %, après une chimiothérapie de première ligne et en présence de résidus tumoraux minimes. De façon plus précise, 30 à 40 % des patientes sont en réponse histologique complète si la taille des résidus est au maximum de 5 mm, contre seulement moins de 10 % si la taille d’au moins un des résidus est supérieure à 10 mm (3).
Carboplatine Le carboplatine (CBDCA) est également utilisable par voie intrapéritonéale, l’avantage pharmacocinétique alors observé étant à peu prés semblable à celui du CDDP. Si on compare expérimentalement l’exposition en platine ultrafiltrable après administration intrapéritonéale d’une dose équimolaire de CBDCA et de CDDP, le rapport des AUC péritonéale et plasmatique est en faveur du CBDCA, mais la concentration intra-tumorale est sept fois supérieure pour le CDDP. Ceci s’expliquerait par la très faible pénétration intra-tumorale du CBDCA. Pour l’obtention d’une même activité intra-tumorale, il faudrait administrer par voie intrapéritonéale cinq fois plus de CBDCA que de CDDP (13). Sa tolérance locale est bonne et, comme on pouvait s’y attendre, la toxicité dose-limitante est hématologique. Le taux de réponse chirurgicalement documenté dans les essais de phase II est de l’ordre de 25 % (3).
Paclitaxel Le paclitaxel est à ce jour la molécule pour laquelle l’avantage pharmacocinétique lié à l’administration intrapéritonéale est le plus évident, avec une exposition cavitaire mille fois supérieure par rapport à la voie intraveineuse (14). Avec ce schéma d’administration toutes les trois semaines, la dose limitante est la douleur abdominale aux doses supérieures à 175 mg/m2. La tolérance locale semble meilleure avec un schéma hebdomadaire, la dose recommandée étant de 60 mg/m2/semaine. Selon ce schéma, non seulement le
La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? 305
pic de concentration péritonéale reste élevé, mais des concentrations péritonéales significatives persistent une semaine après l’injection, suggérant une forme d’exposition continue au médicament (15). Selon ce schéma d’administration, un taux de réponse chirurgicalement documenté de 25 % est observé, taux qui atteint 61 % si on considère uniquement la sous-population des patientes présentant un résidu microscopique à l’initiation du traitement intrapéritonéal (16).
Les résultats cliniques Les études rétrospectives Fujiwara (17) rapporte l’expérience de trois équipes japonaises utilisant le carboplatine par voie péritonéale, quel que soit le stade de la maladie. Entre 1990 et 2000, 165 patientes ont ainsi été traitées. Les doses de carboplatine étaient variables selon les institutions et associées dans 70 % des cas à du cyclophosphamide intraveineux. Des complications locales liées au cathéter péritonéal et obligeant à l’arrêt du traitement sont survenues chez un peu moins de 10 % des patientes. La médiane de survie des stades FIGO III/IV est de cinquante et un mois si la chirurgie a été optimale et si la dose de carboplatine administrée est au moins de 400 mg/m2 versus vingt-cinq mois si elle est inférieure.
Les études de phase II Le premier essai a été publié par Howell (18) en 1990. Cet essai porte sur 23 patientes porteuses d’un cancer de l’ovaire de stade FIGO III ou IV, dont 56 % ont un résidu tumoral infra-centimétrique. Six cycles de CDDP, 200 mg/m2 et de VP 16, 350 mg/m2 sont délivrés par voie péritonéale exclusive tous les vingt-huit jours. Les auteurs ne rapportent ni péritonite ni adhérence. La toxicité principale reste hématologique (39 % de neutropénie grade 3, 16 % de grade 4), la toxicité rénale est rare grâce à l’utilisation systématique de thiosulfate de sodium par voie intraveineuse et 35 % des patientes ont développé une neurotoxicité grade 1-2. Le taux de réponse clinique complète est de 56 %, et la survie estimée à vingt-sept mois de 68 %. En 2002, Hofstra (19) rapporte l’expérience hollandaise d’un protocole associant par voie intraveineuse du CBDCA prescrit selon la formule de Calvert avec une AUC cible de 5 à J1, du cyclophosphamide, 750 mg/m2 à J1 et, par voie intrapéritonéale, du paclitaxel, 75 mg/m2 à J1 et J8. Le traitement est renouvelé toutes les quatre semaines pour un total de six cycles. Les 25 patientes incluses dans cet essai sont porteuses d’une maladie de stade FIGO Ic à IV ; 60 % d’entre elles ont un résidu de moins de 10 mm. Le taux
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de réponse clinique complète est de 72 %, au prix d’une toxicité locale acceptable, avec 8 % de douleurs abdominales de grade 3-4 et seulement 4 % de complications infectieuses liées au cathéter. Les toxicités systémiques sont celles attendues, avec 74 % de leucopénie de grade 3-4, 20 % de neurotoxicité de grade 1-2. La survie médiane est de vingt-huit mois pour les patientes ayant eu une chirurgie initiale optimale contre seulement treize mois en cas de résidus. L’objectif de la phase II rapportée par Rothenberg (20) est d’évaluer la faisabilité et la survie obtenue à deux ans avec une association de CDDP intrapéritonéal, 100 mg/m2 J1, et de paclitaxel par voie péritonéale, 60 mg/m2 à J8, et intraveineuse, 135 mg/m2/24 h à J1, chez des patientes ayant bénéficié d’une chirurgie optimale pour un carcinome ovarien de stade FIGO III. Pour les 68 patientes évaluables, la médiane de survie sans rechute est de trente-trois mois et de survie globale de cinquante et un mois. La toxicité locale reste acceptable, avec des douleurs de grade 2-4 chez 35 % des patientes et 16 % d’infection liée au cathéter. La toxicité principale reste hématologique avec 79 % de neutropénie de grade 2-4, les autres toxicités les plus fréquentes de grade 3-4 étant les nausées (50 %), les vomissements (34 %) et la fatigue (24 %). Enfin, sur une population plus ciblée de stade FIGO IIIc, Zylberberg (21) propose un schéma associant par voie intrapéritonéale, du paclitaxel à 125 mg/m2 à J1 et du CDDP 200 mg/m2 administré en trois jours avec protection rénale par thiosulfate de sodium intraveineux, et par voie intraveineuse de l’ifosfamide, 1 300 mg/m2 en trois jours. Les cycles sont renouvelés tous les vingt-huit jours jusqu’à dix cycles. L’accès à la cavité péritonéale se fait par ponction à l’aiguille. Vingt-six patientes ont été traitées selon ce protocole : 77 % avaient eu une chirurgie initiale incomplète et 30 % n’ont eu qu’une biopsie. Malgré le nombre de cycles réalisés, la tolérance locale est excellente, sans aucune infection locale et avec seulement 23 % de douleurs abdominales. L’administration d’un anesthésique local est systématique, et un protocole antidouleur basé sur le paracétamol est systématiquement appliqué en cas de douleurs, et préventivement ensuite. La toxicité hématologique est très modérée, avec seulement 35 % de leucopénie grade 3-4. Le taux de réponse clinique complète est de 81 %, la médiane de survie sans rechute est de quarante mois, et la médiane de survie globale non atteinte à cinquante-trois mois. Que nous apprennent ces phases II ? Si la voie péritonéale est source de complications supplémentaires, celles-ci ne sont jamais rédhibitoires. Zylberberg (21) et Howell (18) ne rapportent aucun arrêt de traitement pour toxicité locale, et lorsque une réévaluation chirurgicale a pu être réalisée, leur taux d’adhérences intra-abdominales majeures sont respectivement de 13 et 30 %. Dans l’expérience hollandaise (19), le traitement n’a dû être interrompu pour complications locales que chez 2 patientes sur 25 (péritonite : 1 cas ; douleurs abdominales grade 3 : 1 cas) et dans l’essai intergroupe américain (20), 71 % des patientes ont pu recevoir les six cycles prévus.
La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? 307
L’administration de 200 mg/m2 de CDDP est faisable, sous couvert d’une néphroprotection par thiosulfate de sodium intraveineux, ceci même en association avec d’autres médicaments, administrés par la même voie (18) et/ou par voie intraveineuse (21). L’intérêt de cette intensification est toutefois actuellement remis en question par certains résultats de la littérature, en particulier cette méta-analyse récente montrant que la survie des cancers de l’ovaire de stade FIGO III/IV était significativement influencée par la qualité de la cytoréduction chirurgicale initiale, mais pas par la dose-intensité du platine (22). L’utilisation de la voie péritonéale ne paraît d’ailleurs pas de nature à « compenser » une cytoréduction initiale insuffisante : à l’exception de la série de Zylbelberg (21), les résultats de survie sont, dans les trois autres séries (18, 19, 20), meilleurs si la cytoréduction initiale est optimale. Les résultats les plus prometteurs sont rapportés par Rothenberg (20), avec une survie à deux ans de 100 % en cas de résidus microscopiques versus 85 % en cas de résidus macroscopiques. Enfin, chacun des protocoles étudiés paraît efficace, mais doit être confronté au traitement de référence par voie intraveineuse dans le cadre d’un essai de phase III, comme l’ont été les protocoles de Howell (18) et de Rothenberg (20).
Les essais de phase III Nous disposons actuellement de sept essais randomisés. Nous insisterons plus particulièrement sur trois d’entre eux : l’essai du SWOG rapporté par Alberts en 1996 (23), l’essai intergroupe SWOG/GOG/ECOG rapporté par Markman (24) en 2001 et l’essai GOG 172 présenté en communication orale au congrès de l’American Society of Clinical Oncology en 2002 (25). Les quatre autres essais sont résumés dans le tableau II. Aucune différence de résultats n’est observée dans la première série randomisée publiée par l’équipe de Howell (26) en 1994, faisant suite à leur essai de phase II (18). La dose-intensité du cisplatine par voie péritonéale est pourtant le double de celle par voie intraveineuse (47,4 mg/m2/semaine versus 24,6 mg/m2/semaine), mais nous avons déjà évoqué le rôle controversé de la dose de cisplatine. Un autre facteur interférant dans les résultats pourrait être le choix du VP 16 dans le bras expérimental, et il faut également tenir compte du très petit nombre de patientes incluses dans cet essai. Aucune différence statistiquement significative n’est observée non plus dans l’expérience italienne (27), malgré une différence de dix-sept mois pour la survie sans rechute et de seize mois pour la survie globale en faveur de la voie intrapéritonéale. La leçon certainement la plus intéressante de cette publication est la difficulté à mener un essai incluant un bras avec chimiothérapie intrapéritonéale : seulement 113 patientes ont été incluses sur les 330 théoriquement nécessaires pour mettre en évidence une réduction de mortalité de 33 %, avec
308 Les cancers ovariens
Tableau II – Les essais de phase II. Stade
Nombre Protocole patientes 33
Kirmani
IIc à IV
(26) 29
Gadduci (27)
Polyzos (28)
II à IV r < 20 mm
III mesurable ou évaluable
III
(29)
r < 10 mm
CDDP100 iv CPM600 iv J1 = J21 x 6
10 mm
CDDP200 ip VP16350 ip J1 = J21 x 6
10 mm
RCC %
SLL
RH %
SSR SG mois mois
52
19/25
58
14
-
48
16/21
56
12
-
-
33/58
43
25
51
-
34/57
39
42
67
> 51 %
>38 %
56 (sur 165 prévues)
Epi60 iv CPM600 iv CDDP50 iv J1 = J28 x 6
macro : 78,9 %
57 (sur 165 prévues)
Epi60 iv CPM600 iv CDDP50 ip J1 = J28 x 6
macro : 71,4 %
46
CPM600 iv > 20 mm CBDCA350 iv 46 % J1 = J21 x 6
48
6
0
19
25
44
CPM600 iv CBDCA350 ip J1 = J21 x 6
>20 mm 41 %
45
4
2
18
26
CPM500 iv Anthra50 iv CDDP50 iv J1 = J21 x 6
-
-
24
38
-
48
CPM500 iv Anthra50 iv CDDP50 ip J1 = J21 x 6
-
-
20
36
-
43
63 Yen
Taille résidus
55
RCC : réponse clinique complète ; SLL : laparotomie de « second look » ; RH : réponse histologique complète ; SSR : survie sans rechute ; SG : survie globale. CPM : cyclophosphamide ; Epi : épirubicine ; Anthra : anthracyclines.
seulement un tiers des centres déclarés actifs, avant que l’essai ne soit finalement interrompu. Les résultats des voies intrapéritonéale et intraveineuse sont tout à fait similaires dans la série grecque de Polyzos (28). Dans les deux bras, environ 40 à 45 % des patientes ont un résidu tumoral supérieur à 20 mm à l’inclusion. Tenant compte des données expérimentales (13), cette taille tumorale pourrait être un obstacle à l’efficacité du carboplatine administré par voie locale, par défaut de pénétration directe. Enfin, aucune différence n’est observée non plus dans la série de Yen (29). L’essai du SWOG, conduit en collaboration avec le GOG (23) a comparé le cisplatine administré par voie intrapéritonéale ou intraveineuse, à la même dose, et associé à du cyclophosphamide administré par voie intraveineuse dans
La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? 309
les deux bras (tableau III). Entre juin 1986 et juillet 1992, 546 patientes atteintes d’un adénocarcinome ovarien de stade FIGO III ont été éligibles, les deux tiers d’entre elles avaient un résidu tumoral à l’inclusion inférieur à 5 mm. Une réévaluation chirurgicale était protocolairement prévue pour les patientes en réponse clinique complète à l’issue du traitement. Sur les 400 réévaluations qui auraient dû être faites, 103 ne l’ont pas été ou l’ont été de façon incorrecte. Les taux de réponse histologique complète ne sont donc donnés qu’à titre indicatif, sans possibilité de comparaison statistique : 36 % dans le bras intraveineux et 47 % dans le bras intrapéritonéal. La survie médiane est significativement plus longue dans le bras expérimental : quarante-neuf versus quarante et un mois, avec une réduction du risque de décès de 24 %. En considérant uniquement le sous-groupe des femmes ayant un résidu tumoral de moins de 5 mm, la survie est de cinquante et un mois dans le bras intrapéritonéal et de quarante-six mois dans le bras intraveineux, le risque de décès restant inférieur dans le bras expérimental avec un hazard ratio de 0,8.
SWOG 8501 (23)
Stratification ≤ 5 mm 5 à 20 mm
Cancer de l’ovaire GOG 114 (24)
Stade III Résidu < 10 mm
GOG 172
Cancer de l’ovaire Stade III Résidu < 10 mm
(25) Stratification Taille résidu Réévaluation chir.
RANDOMISATION
Cancer de l’ovaire Stade III
RANDOMISATION
GOG 104
RANDOMISATION
Tableau III – Les trois principaux essais de phase III. Cisplatine 100 mg/m2 IV Cyclophosphamide 600 mg/m2 IV J1 = J21 x 6 Cisplatine 100 mg/m2 IP Cyclophosphamide 600 mg/m2 IV J1 = J21 x 6 Cisplatine 75 mg/m2 IV Paclitaxel 135 mg/m2/24h IV J1 = J21 x 6 Carboplatine AUC 9 IV J1 = J28 x 2 puis Cisplatine 100 mg/m2 IP Paclitaxel 135 mg/m2/24h IV J1 = J21 x 6 Cisplatine 75 mg/m2 IV Paclitaxel 135 mg/m2/24h IV J1 = J21 x 6 Paclitaxel 135 mg/m2/24h IV J1 Cisplatine100 mg/m2 IP J2 Paclitaxel 60 mg/m2 IP J8 J1 = J21 x 6
Ces résultats ont été « balayés » par ceux du GOG 111, rapportés quelques mois plus tôt dans la même revue (30), l’association cisplatine-paclitaxel permettant un gain de survie globale de quatorze mois par rapport à la classique association cisplatine-cyclophosphamide. L’absence de paclitaxel est donc la critique qui a été immédiatement faite à cet essai. Le SWOG s’est ensuite associé au GOG et à l’ECOG pour mettre en place un nouvel essai, comparant cette fois l’association cisplatine-paclitaxel selon le schéma de McGuire (30) à
310 Les cancers ovariens
la même association avec administration intrapéritonéale du cisplatine et précédée de deux cycles de carboplatine « haute dose » (24). Le schéma initial de l’essai prévoyait un troisième bras cisplatine-cyclophosphamide intraveineux, qui a été fermé dès l’obtention des résultats du GOG 111 (tableau III). Cet essai s’adressait à des patientes porteuses d’un adénocarcinome ovarien de stade III FIGO, avec une maladie résiduelle n’excédant pas 10 mm. Afin d’optimiser l’efficacité de la voie péritonéale, deux cycles de carboplatine « haute dose » (AUC 9) étaient administrés en premier, l’idée étant de faire suivre la cytoréduction chirurgicale d’une « cytoréduction chimique ». Mais la toxicité générée par ce traitement a diminué la compliance à la chimiothérapie péritonéale lui faisant suite, puisque 18 % des patientes n’ont reçu qu’au plus deux cycles. Et s’il existe un gain significatif de six mois pour la survie sans rechute en faveur du bras expérimental, cette significativité ne se retrouve pas pour la survie globale, qui est de soixante-trois mois pour le bras intrapéritonéal versus cinquante-deux mois pour le bras contrôle. Tenant compte des résultats des essais de phase I-II, une autre façon d’optimiser les résultats de la série d’Alberts était de faire appel au paclitaxel intrapéritonéal. Le schéma proposé par Rothenberg (20) est ainsi confronté au traitement de référence intraveineux qu’est devenu l’association cisplatinepaclitaxel, mais toujours selon le schéma nord-américain, dans lequel le paclitaxel est administré à la dose de 135 mg/m2 sur vingt-quatre heures (tableau III). Les critères d’inclusion concernant le stade et la taille des résidus post-chirurgicaux sont les mêmes que dans l’essai de Markman (24). Les résultats préliminaires ont été communiqués durant le congrès l’American Society of Clinical Oncology en 2002 (25). Outre les données de toxicité, seuls les résultats de survie sans rechute ont été rapportés : la médiane est de 24,3 mois pour les patientes recevant le traitement intrapéritonéal versus 19,3 mois pour le bras contrôle, et cette différence est statistiquement significative. Si on analyse de façon globale les toxicités observées dans l’ensemble de ces essais (tableau IV), il est clair que la voie péritonéale rajoute des toxicités locales, mais qui ne sont jamais rédhibitoires. Alberts (23) rapporte moins de toxicité auditive et neuromusculaire par voie péritonéale. Les toxicités systémiques, qu’elles soient hématologiques ou extra-hématologiques, sont au contraire plus importantes par voie péritonéale dans les séries de Markman (24) et d’Armstrong (25). Que nous apprennent ces phases III ? La toxicité locale n’est pas un obstacle à la compliance du traitement : le pourcentage de patientes ayant reçu les six cycles de traitement programmés par voie péritonéale est de 60 % dans la série de Kirmani (26), 58 % dans celle d’Alberts (23), 81 % dans celle d’Armstrong (25) et 71 % malgré les deux cycles précessifs de carboplatine dans l’essai GOG 114 (24), versus respectivement 76 %, 58 %, 87 % et 86 % pour la voie intraveineuse. À titre comparatif, les six cycles planifiés ont pu être administré chez 87 % des patientes recevant l’association cisplatine-paclitaxel et chez 78 % de celles recevant du cisplatine et du cyclophosphamide dans le GOG 111 (30).
La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? 311
Tableau IV – Toxicités locales et générales observées dans les essais de phase III. Les résultats sont exprimés en pourcentage. Kirmani Alberts Gadduci (26) (23) (27) Toxicité locale Douleurs abdominales Infections Obstruction cathéter
Polyzos (28)
Yen (29)
Markman Armstrong (24) (25)
-
18 -
22 2 (peau)
-
42 9 (peau)
-
-
Toxicité hématologique ≥ G III (ip/iv) Leucopénie Thrombopénie Anémie
19/21 0/5 3/7
40/50 8/9 26/25
24/13 0/2 9/6
11/39 7/22 0/0
18/33 13/16 13/19
77/62 49/3 -
31/14 12/4 -
Toxicité extra-hématologique ≥ GII (ip/iv) Gastro-intestinale Rénale Auditive Neurologique
47/67 15/27 12/25 12/28
5/15 15/25
37/26 0/2 0/0 2/2
-
-
37/17 5/2 12/9
46/24 6/1 19/9
La question de l’impact de la dose-intensité par voie péritonéale reste complètement ouverte. La plupart des séries, incluant celle d’Alberts (23), comparent strictement le même protocole, la seule variable étant la voie d’administration du cisplatine. La dose-intensité des médicaments est donc la même dans les deux bras. Dans trois essais, les protocoles ne sont pas strictement superposables dans les deux bras ; nous avons déjà évoqué le doublement de la dose du cisplatine et l’utilisation inhabituelle en première ligne du VP16 dans la série de Kirmani (26). La dose-intensité du paclitaxel est la même dans les deux groupes dans l’essai de Markman (24), dans lequel il est plus difficile de comparer celle du platine, tenant compte de ces deux cycles de carboplatine « semi-intensif ». Si on considère le seul cisplatine, la dose intensité est légèrement supérieure dans le bras péritonéal : 33,3 mg/m2/semaine contre 25 mg/m2/semaine par voie veineuse. La différence est la même dans le dernier essai du GOG (25), mais s’y ajoute une différence également pour le paclitaxel : 45 mg/m2/semaine dans le bras intraveineux et 65 mg/m2/semaine dans le bras intrapéritonéal. Cependant, comme pour le CDDP, il n’est pas prouvé actuellement que l’augmentation de la dose délivrée du paclitaxel soit bénéfique. Omura (31) a montré que si l’administration intraveineuse de 250 mg/m2 de paclitaxel toutes les trois semaines augmente le taux de réponse par rapport à 175 mg/m2 et ceci n’a aucun impact, ni sur la survie sans rechute ni sur la survie globale. Si la réévaluation chirurgicale est discutable en pratique quotidienne par son absence d’impact pratique en termes de décision thérapeutique, elle reste une des meilleures façons d’apprécier l’efficacité thérapeutique par l’évaluation de la réponse histologique. L’ensemble de ces essais nous montre la difficulté de
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réalisation de ce geste, et donc la difficulté d’interpréter les résultats rapportés en termes de réponse histologique, qui varient de 36 (29) à 56 % (26) pour la voie péritonéale et de 38 (29) à 58 % (26) pour la voie veineuse. Les résultats ne sont donnés qu’à titre indicatif par Alberts (23), aucune analyse statistique n’a été faite pour éviter le biais lié à 103 chirurgies non ou mal faites sur les 400 prévues : 47 % pour la voie péritonéale et 36 % pour la voie veineuse. Quant à Markman (24), il a essuyé plus de refus que prévu de cette chirurgie – 15 % des patientes traitées par voie veineuse et 22,6 % par voie péritonéale – et préfère donc ne communiquer aucun résultat. Il n’est donc pas possible de dire clairement si cette voie péritonéale permet ou pas d’augmenter le taux de réponse histologique, et il faut espérer que l’étude GOG 172 (25) apportera une réponse à cette importante question. Enfin, à l’heure où la significativité statistique fait loi dans l’interprétation des résultats, rappelons qu’elle est atteinte dans deux essais. Alberts (23) rapporte un gain en survie globale de huit mois, soit une réduction de 24 % du risque de décès (hazard ratio : 0,76 [0,61- 0,96], p = 0,02). Le gain est certes moins significatif que dans l’essai de McGuire (30) (p < 0,001 pour la survie globale), mais incontestable. Dans l’essai le plus récent du GOG (25), il existe un gain significatif pour la survie sans progression, avec une réduction du risque de rechute de 33 % dans le bras expérimental, p = 0,029. Dans l’essai de Markman (24), seule la survie sans progression est significativement supérieure pour le bras péritonéal (risque relatif : 0,78, p = 0,01). Au moment de l’analyse, la différence observée en survie globale pour le bras expérimental n’atteignait pas la significativité (p = 0,05).
Conclusion Trois essais randomisés de bonne qualité ont montré un avantage pour la voie intrapéritonéale chez des patientes ayant eu une réduction chirurgicale optimale. Même si le bénéfice obtenu n’atteint pas celui observé avec l’introduction du paclitaxel intraveineux, il paraît difficile d’ignorer ces résultats. L’expérience aidant, la manipulation des cytotoxiques par voie péritonéale n’est pas si complexe que d’aucuns veulent bien le croire. L’utilisation de ponctions itératives à l’aiguille et l’adaptation des traitements antalgiques d’accompagnement peuvent faciliter l’observance par la diminution des complications locales. Les données pharmacologiques et cliniques permettent de limiter l’indication de cette voie aux seules patientes porteuses de résidus tumoraux de très petite taille, au moins inférieurs à 1 cm, et n’ayant pas ou peu d’adhérences intra-abdominales. Si l’idée de tenter d’améliorer l’exposition péritonéale, par exemple par l’utilisation de vasodilatateurs, est intellectuellement séduisante, son application en clinique paraît limitée.
La chimiothérapie intrapéritonéale a-t-elle une place en première ligne ? 313
Enfin, la meilleure association médicamenteuse à privilégier reste à déterminer, et devra être confronté au protocole de référence actuel associant carboplatine et paclitaxel 175 mg/m2 en trois heures. L’association cisplatine par voie intrapéritonéale-cyclophosphamide par voie intraveineuse a ouvert la voie, mais n’a plus sa place. L’utilisation du paclitaxel par voie péritonéale pourrait être optimisée, par exemple avec un schéma hebdomadaire, de même que pourrait être discutée une association exclusivement intrapéritonéale. Les résultats de survie globale de l’essai GOG 172 (25) et des essais en cours des groupes coopérateurs américains (GOG, SWOG) devraient nous aider à définir enfin la place exacte de cette modalité thérapeutique en première ligne.
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314 Les cancers ovariens
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Le traitement de consolidation
Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire J.-F. Geay, I. Ray-Coquard, H. Curé et É. Pujade-Lauraine
Pourquoi un traitement de consolidation ? Le standard de traitement de première ligne d’une patiente atteinte d’un cancer de l’ovaire de stade IC-IV est une chirurgie d’exérèse maximale suivie ou encadrée par six cycles de chimiothérapie à base de platine. Cette stratégie permet d’obtenir une rémission complète clinique chez 7580 % des patientes. Malheureusement, ce bon résultat initial ne se maintient pas dans le temps et globalement 70 % des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire avancé vont rechuter dans les cinq ans, avec une médiane de durée de survie sans progression de seulement dix-huit mois. C’est cette frustration née du contraste entre un résultat thérapeutique initial de qualité et un résultat global médiocre qui explique la recherche dans les cancers de l’ovaire d’un traitement de consolidation efficace, complémentaire au traitement d’induction.
Traitement de consolidation ou traitement de maintenance ? Actuellement les deux termes, consolidation ou maintenance, sont employés indifféremment. L’imprécision sémantique souligne celle de la notion de consolidation. En effet, sous ce terme, se cache diverses conceptions. Le renforcement du traitement initial comprenant six cycles de chimiothérapie peut se faire par : – la prolongation ou l’intensification du traitement chimiothérapique initial. Dans ces cas, le traitement de consolidation reprend l’essentiel des médicaments efficaces de la chimiothérapie de départ ;
318 Les cancers ovariens
– l’administration de traitements cytotoxiques différents du traitement initial : drogues différentes de chimiothérapie, ou radiothérapie, ou traitement biologique, dans l’espoir d’agir directement sur les clones tumoraux résistants ; – L’administration de traitements d’immunothérapie pour moduler les défenses de l’hôte vis-à-vis des cellules tumorales La variété des concepts du traitement de consolidation se retrouve également dans la durée de ce traitement qui varie entre un cycle (intensification) et plusieurs mois étalés jusqu’à la progression. Nous prendrons les définitions suivantes : la maintenance est un traitement prolongé administré jusqu’à progression, tandis que la consolidation est un traitement de durée limitée. Dans les deux cas, le traitement est indiqué après une réponse à la première ligne de chimiothérapie. Les différentes traitements utilisés en maintenance/consolidation seront présentés successivement.
La radiothérapie Radiothérapie abdominale totale L’analyse de la radiothérapie en consolidation des cancers de l’ovaire souffre du faible nombre d’essais randomisés et du petit nombre de patientes dans les études. C’est la conclusion de la méta-analyse de G.M. Thomas réalisée à partir de 28 essais réunissant un total de 713 patientes traitées par radiothérapie après laparotomie de deuxième regard (1). Le tableau I montre la corrélation entre le résidu à la laparotomie de deuxième regard et le pronostic, ce qui ne donne pas d’indication sur l’efficacité de la radiothérapie. Selon l’auteur, les données ne sont pas en faveur d’un rôle curatif de la radiothérapie. Néanmoins, les patientes qui pourraient bénéficier le plus d’une évaluation de la radiothérapie de consolidation sont celles qui n’ont plus de résidu ou seulement des résidus microscopiques. Tableau I – Résultats de la méta-analyse de la radiothérapie en consolidation après la chimiothérapie dans les cancers de l’ovaire (1). Taille du résidu
Survie sans progression
Nombre de patientes
Pas de résidu < 5 mm > 5 mm
76 % 43 % 17 %
(83/113) (77/158) (34/202)
Plus récemment, Sorbe et al. ont rapporté les résultats d’une étude randomisée comparant radiothérapie abdominale totale, chimiothérapie ou absence de traitement chez 172 patientes FIGO de stade III en rémission complète chirurgicale après le traitement initial (2). Les 98 patientes en rémission
Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire 319
complète histologique ont été randomisées entre radiothérapie (n = 32), chimiothérapie (n = 35) et absence de traitement (n = 31), tandis que les 74 patientes qui avaient des lésions microscopiques recevaient de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. La survie sans progression des patientes en rémission complète histologique traitées par radiothérapie (116 mois) était supérieure à celle des patientes traitées par chimiothérapie (37 mois) ou par simple observation (32 mois). Le faible effectif des bras comparés incite à garder quelques réserves sur ces résultats néanmoins encourageants en faveur de la radiothérapie de consolidation chez les patientes en rémission complète histologique à la laparotomie de deuxième regard. À noter une incidence de 10 % de toxicité intestinale sévère, principalement des occlusions.
Radiothérapie par voie intrapéritonéale La radiothérapie sous forme de 32P administré par voie intrapéritonéale a été évaluée au cours d’une large étude de 267 patientes atteintes d’adénocarcinome ovarien de stade III en rémission complète chirurgicale à la laparotomie de deuxième regard (3). Aucune différence n’a été observée, aussi bien en terme de survie sans progression (43,3 mois pour le 32P versus 32,9 mois pour la surveillance) qu’en terme de survie à cinq ans. Une autre technique de radiothérapie consiste à administrer par voie intrapéritonéale un anticorps monoclonal anti-mucine (antigène MUC1) pour pouvoir mieux cibler l’administration d’yttrium-90 couplé à l’anticorps (HMFG1). L’étude SMART de Seiden et al. comprenant 447 patientes n’a pas montré de différence en terme de survie et de qualité de vie entre les patientes traitées par HFMG1-Y-90 par voie intrapéritonéale ou celles soumises à une simple surveillance (4). Au total, un seul essai avec seulement 32 patientes dans le bras expérimental a démontré une augmentation de la survie sans progression grâce à la radiothérapie abdominale totale chez les patientes en rémission complète histologique à la laparotomie de deuxième regard. Ces données restent insuffisantes pour que la radiothérapie soit un standard en consolidation des cancers de l’ovaire.
La chimiothérapie Poursuite de chimiothérapie Huit essais randomisés ont exploré la prolongation de la chimiothérapie audelà des six cycles standards (tableau II). Dans quatre essais, le traitement de consolidation a consisté à poursuivre la chimiothérapie à base de platine à raison de trois à six cycles supplémentaires (5-7, 11). Le platine pouvait être
320 Les cancers ovariens
Tableau II – Corrélation entre le résidu à la laparotomie de deuxième regard et le pronostic. Référence
Nombre de patientes
Traitement
Résultats
Hakes et al. (5)
78
5 versus 10 cycles de CAP
Pas de différence avec 10 cycles
Bertelsen et al. (6)
202
6 versus 12 cycles de CAP
Pas de différence en réponse, médiane de survie
Lambert et al. (7)
233
5 versus 8 cycles de cisplatine ou carboplatine
Pas de différence de survie sans progression et globale
Scarfone et al. (8)
162
Observation versus epirubicine x 4 Pas de différence de survie
Pfisterer et al. (9)
1,308
Observation versus topotecan x 4
Pas de différence de survie sans progression et globale
Pignata et al. (10)
273
Observation versus topotecan x 4
Pas de différence de survie sans progression
Piccart et al. (11)
153
4 cycles de cisplatine intrapériPas de différence de survie sans toneal (90 mg/m2) ou observation progression et globale
Markman et al. (12)
277
3 or 12 cycles de paclitaxel tous les 28 jours
Survie sans progression en faveur de 12 cycles (28 m versus 21 m ; p < 0,005)
administré en monothérapie par voie intraveineuse, ou par voie intrapéritonéale, ou en association avec l’administration de doxorubicine et de cyclophosphamide. Aucun de ces essais n’a démontré de bénéfice en faveur de la prolongation de la chimiothérapie avec platine. Néanmoins, en raison du faible nombre de patientes incluses dans ces essais (de 78 à 233), il est difficile d’affirmer que la question est parfaitement close. Dans deux essais, les patientes ont été randomisées après six cycles de carboplatine-paclitaxel pour recevoir quatre cycles de topotecan ou être soumises à une simple surveillance (9, 10). L’essai AGO-GINECO est l’essai de consolidation le plus important à ce jour (1 308 patientes). Aucun avantage n’a été observé chez les patientes traitées par quatre cycles de topotécan supplémentaires. Un autre essai de taille modeste (n = 162) n’a pas montré de gain à l’addition de quatre cycles d’epirubicine (8). Contrairement à tous les essais précédents dont les résultats étaient négatifs, l’essai randomisé du SWOG a montré une différence significative de survie sans progression pour les patientes traitées par douze cycles de paclitaxel à la dose de 135 mg/m2 par mois par rapport à celles traitées par seulement trois cycles supplémentaires (11). Les 277 patientes incluses dans cet essai étaient en rémission clinique complète après les cinq à six cycles initiaux de carboplatinepaclitaxel. Le traitement prolongé par paclitaxel a entraîné une plus grande fréquence de neurotoxicité, mais a permis un retard significatif de la rechute (28 mois versus 21 mois ; p < 0,005). Malheureusement, étant donné que l’objectif principal était atteint, le Comité indépendant de surveillance a arrêté
Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire 321
l’essai avant que le nombre de patientes nécessaires pour détecter une différence de survie aient pu être incluses. En l’absence de données sur la survie, l’intérêt de traiter par paclitaxel les patientes douze mois supplémentaire pour retarder la rechute de sept mois reste discuté en regard des effets secondaires du paclitaxel (alopécie, neurotoxicité). Au total, un seul essai randomisé de poursuite de la chimiothérapie au-delà des six cycles standards a montré un bénéfice significatif en terme de survie sans progression. Ce résultat est à ce jour insuffisant pour que la poursuite de la chimiothérapie au-delà de six cycles soit considérée comme un standard.
Chimiothérapie de consolidation à hautes doses Dans cet essai du GINECO-FNCLCC-SFGM, H. Curé et al. ont inclus 110 patientes très sélectionnées (moins de 60 ans, répondeurs à la chimiothérapie, résidus > 2 cm à la laparotomie de deuxième regard) pour recevoir, soit un cycle à hautes doses de carboplatine (1600 mg/m2)-cyclophosphamide (6g/m2) avec support de cellules souches, soit trois cycles de la même association à dose standard. La survie sans progression (17, 5 mois versus 12,2 mois) et la survie globale (54 mois versus 42 mois) sont supérieures chez les patientes traitées par la chimiothérapie à hautes doses, mais la différence n’est pas significative (13).
Traitement de maintenance par immunothérapie La modulation des défenses immunitaires ou la stimulation des défenses dirigées contre les cellules tumorales sont deux voies particulièrement séduisantes pour tenter de maintenir la réponse anti-tumorale obtenue par l’association de la chirurgie et de la chimiothérapie. Dans un premier essai randomisé, 300 patientes en rémission complète clinique ou stable après la chimiothérapie ont été randomisées entre surveillance ou traitement par interféron alpha administré trois fois par semaine en sous-cutané jusqu’à progression (14). Aucun bénéfice en termes de survie sans progression ou de survie globale n’a été observé chez les patientes traitées par interféron. L’activité de l’anticorps MAab B4313 dirigé contre le CA 125 a été évaluée en traitement de maintenance au cours d’un essai randomisé qui a inclus 345 patientes en rémission complète clinique après la chirurgie et la chimiothérapie initiale (15). Le MAab B4313 est un anticorps monoclonal de souris qui génère chez les patientes des anticorps antisouris (HAMA) dont on peut espérer qu’il vont cibler les cellules tumorales où s’est fixé le MAab B4313. Le MAab B4313 est administré par voie intraveineuse aux semaines 0, 4, 8, 12, puis toutes les douze semaines jusqu’à la progression. Aucune différence signi-
322 Les cancers ovariens
ficative de survie sans progression n’a été détectée entre les patientes traitées par le MAab B4313 ou celles soumises à une simple surveillance. Néanmoins, dans la branche immunothérapie, les patientes (60 %) qui ont généré des HAMA ont un temps jusqu’à rechute significativement supérieur à celles qui n’ont pas eu de réponse immunologique au MAab B4313. Au total, il n’existe pas à ce jour de données positives en faveur d’une efficacité d’un traitement de maintenance par immunothérapie.
Nouvelles molécules ciblées L’efficacité de l’inhibition des métalloprotéinases, impliquées dans les processus d’invasion et de métastases, a été évaluée dans un essai randomisé de 243 patientes où les patientes dans le bras expérimental étaient traitées par le BAY 12-9566 per os et celles dans le bras standard recevaient un placebo (16). Aucune différence de survie sans progression n’a été détectée entre les deux bras. Tous les espoirs actuels des traitements de maintenance dans les cancers de l’ovaire sont portés par les molécules qui ciblent les voies initiées par les facteurs de croissance ou les voies de l’angiogenèse. Au cours des années 2005-2006, devraient être activés plusieurs essais. Un essai EORTC/GINECO doit évaluer deux ans de traitement par erlotinib (Tarceva™) versus surveillance chez des patientes atteintes de cancer ovarien FIGO stade III en rémission complète clinique après la chirurgie et la chimiothérapie initiale. Par ailleurs, le GOG et les groupes européens rassemblés sous l’étiquette ICON (essai ICON 7) devraient explorer l’association de l’anticorps monoclonal bevacizumab (Avastin™) avec la chimiothérapie dans différents schémas, y compris l’évaluation d’un traitement de maintenance.
Conclusion Le désir des patientes et de leurs médecins de disposer d’un traitement permettant de consolider ou de maintenir dans le temps les bons résultats, mais éphémères, de la stratégie thérapeutique initiale des cancers de l’ovaire avancés n’est actuellement pas exaucé. Aucune thérapeutique (radiothérapie, chimiothérapie, immunothérapie, molécules ciblées) n’a pu atteindre à ce jour le standard scientifique nécessaire, c’est-à-dire deux essais randomisés de haute qualité démontrant les mêmes résultats. Lors de la Conférence de consensus sur les cancers ovariens qui s’est tenue en septembre 2004 à Baden-Baden (en cours de publication), le constat a été
Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire 323
le suivant : les données actuelles ne sont pas en faveur d’une recommandation d’un traitement de maintenance/consolidation dans le bras standard des futurs essais thérapeutiques.
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324 Les cancers ovariens
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Radiothérapie de clôture L. Claude et M.-P. Sunyach
Radiothérapie externe La radiothérapie a été utilisée comme traitement adjuvant jusque dans les années 1970. Elle se limitait alors le plus souvent à la région pelvienne, alors que le risque de récidive intéresse la totalité de la cavité péritonéale. De plus, la dose totale de radiothérapie est limitée par la radiosensibilité des organes à risque, principalement l’intestin grêle, les reins et le foie. Depuis l’apparition de chimiothérapies efficaces à base de sels de platine, de nombreuses équipes ont abandonné la radiothérapie en tant que traitement adjuvant des tumeurs ovariennes. Une revue des indications, des doses et des volumes est proposée en fonction des données de la littérature.
Indications Stades I et II Cinq études randomisées ont été publiées pour évaluer la place de la radiothérapie dans le cancer de l’ovaire. Elles ont été colligées dans une revue systématique des traitements adjuvants conduite par Elit et al. (1).
Radiothérapie adjuvante postopératoire versus abstention thérapeutique Deux de ces études comparent la radiothérapie avec l’abstention (2, 3). Elles ont été menées antérieurement à l’arrivée de la chimiothérapie par sels de platine. L’étude du Gynecologic Oncology Group (GOG) a randomisé le traitement postopératoire des patientes traitées pour des cancers de stade I : surveillance, radiothérapie pelvienne ou melphalan étaient proposés. Les conclusions sont difficiles à tirer en raison d’un staging initial médiocre et de l’analyse possible de 50 % des patientes environ seulement (2). La seconde étude randomisait 54 patientes traitées pour stade I entre irradiation pelvienne
326 Les cancers ovariens
postopératoire (45 Gy en 20 fractions) et surveillance (3). Les deux études suggèrent une diminution des rechutes pelviennes en faveur de la radiothérapie, mais aucune incidence ni sur la survie ni sur la survie dans progression (toutes formes confondues) n’a été mise en évidence, du fait des localisations péritonéales des rechutes le plus souvent.
Radiothérapie adjuvante postopératoire (pelvienne ou abdominale totale) versus chimiothérapie postopératoire Trois études randomisées comparent la chimiothérapie et la radiothérapie (2, 4, 5). Seule la plus récente de ces études comporte un bras incluant des sels de platine (36 patientes), comparé à un bras proposant une radiothérapie abdominale totale (34 patientes recevant 43,2 Gy en 24 fractions sur le pelvis et 30,2 Gy sur l’abdomen total) (4). Les deux autres études incluant respectivement 65 et 57 patientes de stade I ont randomisé une radiothérapie pelvienne versus une chimiothérapie sans platine. Aucune de ces trois études ne dégage un bénéfice en terme de survie de la radiothérapie en tant que traitement adjuvant du cancer de l’ovaire de stade I. Cependant, plusieurs réserves doivent être émises : d’une part, la radiothérapie est inadéquate dans les deux dernières études (pelvis seul). D’autre part, seule l’étude de Chiara et al. répond aux critères de bonnes pratiques chirurgicales. Les deux autres études randomisées sont en effet antérieures à la publication par l’European Organization for Reasearch and Treatment of Cancer (EORTC) des critères de qualité de résection chirurgicale optimale dans les cancers de l’ovaire (1). Ceux-ci sont définis par une hystérectomie par voie abdominale, associée à une annexectomie bilatérale avec curage lomboaortique, un examen minutieux de la cavité péritonéale avec palpation et biopsie des lésions suspectes éventuelles, un lavage péritonéal et un examen de la capsule tumorale. En l’absence de ces recommandations chirurgicales, le stade peut être sous-évalué et biaiser les conclusions des études. Aucune étude de la littérature ne compare la chimiothérapie seule et la chimiothérapie suivie d’une irradiation abdominale in toto dans cette indication. Au total, d’après les données actuelles, il n’y a pas d’indication de radiothérapie adjuvante dans les cancers de stades I et II de l’ovaire.
Stades III et IV Le traitement standard du cancer de l’ovaire de stades III ou IV comporte une chimiothérapie et une chirurgie. Le taux de récidives après chirurgie et chimiothérapie reste très élevé, même en cas de maladie résiduelle évaluable minime ou nulle. Plusieurs études rétrospectives ont retrouvé un intérêt pour la radiothérapie de « consolidation » chez les patientes présentant une tumeur de l’ovaire à un stade avancé, mais ces résultats sont controversés. Dans toutes ces
Radiothérapie de clôture 327
études, la présence d’un résidu microscopique ou macroscopique est un facteur pronostique particulièrement défavorable. Dès le milieu des années 1980, il a été suggéré dans des études rétrospectives que l’irradiation abdominale totale pourrait avoir un intérêt en cas de résidu nul ou minime (6-9). Plusieurs études prospectives randomisées récentes corroborent cette hypothèse.
Radiothérapie après chimiothérapie versus chimiothérapie exclusive après chirurgie Lambert et al. ont publié une étude randomisée sur 117 patientes traitées pour cancers ovariens (stades IIB à IV), présentant une maladie résiduelle nulle ou minime (< 2 cm) après chirurgie, ayant reçu cinq cures de chimiothérapie à base de carboplatine (400 mg/m2 par cure). La randomisation proposait, soit la poursuite du carboplatine (cinq cures supplémentaires à la même dose), soit une radiothérapie abdominale totale (24 Gy). Aucune différence en terme de survie globale ou en survie sans récidive n’a été démontrée (10). Une autre étude prospective randomisée multicentrique à été réalisée entre 1988 et 1993 dans les pays scandinaves : parmi 742 patientes inclues présentant un carcinome épithélial de l’ovaire de stade III traité par chirurgie première et chimiothérapie de type CAP (cisplatine, doxorubicine, épirubicine), 172 présentent une maladie résiduelle nulle ou minime (résidu microscopique). Le traitement de « consolidation » de ces 172 patientes a été randomisé entre irradiation abdominale totale (20 Gy en 20 fractions + boost pelvien de 20,4 Gy en 12 fractions), chimiothérapie (CAP aux mêmes doses que précédemment) et surveillance. Dans le sous-groupe des patientes présentant une rémission histologique complète, la survie sans récidive est significativement meilleure dans le groupe radiothérapie (médianes de survie sans récidive respectives de 116 mois, 37 mois et 32 mois ; p = 0,034), sans retentissement sur la survie globale. En revanche, aucune différence n’a été observée dans le sous-groupe de patientes présentant un résidu microscopique (11).
Chimiothérapie versus radiothérapie En traitement de consolidation après chirurgie de second look, quatre essais randomisés ont comparé chez des patientes sans résidu ou avec des résidus inférieurs à 2 cm, la radiothérapie externe abdomino-pelvienne à une chimiothérapie à base de platine (tableau I). Un seul essai, ayant inclus peu de malades, était en faveur de la chimiothérapie en termes de survie globale (statistiquement non significatif ) (12) (cf. tableau I) ; les trois autres ont observé des résultats similaires pour les deux traitements (10, 13, 14). L’essai de Berlie n’a été publié que sous forme d’abstract. – Les critères d’inclusion dans ces études sont variables (stades, sans résidu ou avec résidus minimes). – Le staging chirurgical est hétérogène.
328 Les cancers ovariens
Tableau I – Essais randomisés de radiothérapie externe versus chimiothérapie en traitement de consolidation dans les formes avancées Références
Traitement N Caractéristiques SSR
(13) publié uniquement sous forme d’abstract
RAP (TGC) vs CT
II, III, IV 43 RsdSL vs < 2 cm 38
NP
p
SG
p
Toxicité et observance
Suivi médian
NP
à 5 ans NP NP 18 % vs 13 %
72 mois
(12)
RAP (TGC) vs CT
20 III-IV à 2 NP vs RsdSL < 2 cm ans : 21 38 % vs 76 %
à 3 ans 0,08 Occlusion : 5 % Leuco Gr4 50 % 7,2 % vs vs 10 % 92 %
22 mois
(14)
RAP (TBM) vs CT
53 IIB, III, IV vs 56
NP
3 ans
NP
(10)
RAP (TGC) vs CT
58 IIB-IV RsdSL vs < 2 cm 59 18 % vs 12 %
à 5 0,92 à 5 ans NS Occlusion (décès) 48 ans (SL) 1,7 % mois (SL) 24 % Leucopénie 5,1 % vs vs 30 % Neurosév : 25,4 % Neutrosév : 8,4 %
(11)
RAP vs CT vs Obs
32 RCp vs Après SL 35 vs 31
SSR 0,03 5 ans : NS Plus effets 10 116 69 % secondaires dans le ans vs vs bras radiothérapie 37 m 57 % vs vs 32 m 55 %
SG = survie globale SSR = survie sans récidive RAP = radiothérapie abdomino-pelvienne pCR = réponse complète pathologique
NP
0,32 NP vs Observance = 32,1 % 55 % vs MyélotoxicitéGr3 12,5 % 9,5 % Occlusions 9,5 %
RsdSL = résidu après second look CT = chimiothérapie Neurosév = neuropathie sévère Neutrosév = neutropénie sévère
Radiothérapie versus surveillance après chimiothérapie et second look chirurgical Pickel et al. ont inclus dans une étude randomisée 64 patientes présentant une tumeur ovarienne (stades IC à IV) traitées chirurgicalement avec une chimiothérapie adjuvante (carboplatine et adriamycine). Les 32 patientes qui n’avaient pas de résidu postopératoire ont été randomisées entre surveillance et radiothérapie abdominale totale (30 Gy sur l’abdomen + 21,6 Gy sur le pelvis et 12 Gy en lombo aortique). La survie globale et la survie sans progression à cinq ans sont significativement améliorées par la radiothérapie (49 % versus 26 % pour la survie globale et 59 % versus 33 % pour la survie sans progression (15).
Radiothérapie de clôture 329
Au total, dans les stades avancés de cancers ovariens, la radiothérapie externe parait être efficace en l’absence de résidu tumoral post-chirurgical, en terme de survie sans récidive. La survie globale n'est pas améliorée dans ces études par l’irradiation, mais la petitesse des effectifs ne permet pas de conclure. Dans les situations où persiste un résidu tumoral, la limite principale de l’irradiation est probablement la dose-intensité : l’existence d’une maladie résiduelle rend nécessaire des doses élevées d’irradiation, qu’il est impossible de délivrer sur de grands volumes abdominaux et pelviens compte tenu de la toxicité radique.
Volumes et doses de radiothérapie externe Voir également le chapitre général sur la radiothérapie, de Laurence Thomas.
L'irradiation doit intéresser la totalité de la cavité abdominale Il a été démontré que le volume cible de l’irradiation doit être étendu à la cavité péritonéale en totalité et ne doit pas se limiter à la région pelvienne (6, 16). Le volume comprend donc l’ensemble de la cavité péritonéale, du cul-de-sac de Douglas jusqu’aux coupoles diaphragmatiques, avec une marge de sécurité de 2 cm. Ainsi, dans une série rétrospective de 106 patientes, traitées pour cancers ovariens de stades I à IIIA, opérées sans résidu post-chirurgical ou avec résidu minime, la survie sans récidive à dix ans est de 40 % en cas d’irradiation localisée contre 70 % en cas d’irradiation de l’abdomen in toto (6, 17).
Effet dose Certains auteurs ont émis l’hypothèse d’un effet-dose, que ce soit au niveau du pelvis ou au niveau de l’abdomen. Par exemple, dans la série rétrospective de Kapp et al., 46 patientes traitées pour cancer ovarien de stade III par chirurgie puis chimiothérapie, suivie d’une irradiation externe de la cavité péritonéale, la dose totale de radiothérapie (plus de 30 Gy versus moins de 30 Gy sur la cavité abdominale) est un facteur prédictif de survie sans progression en analyse univariée. Quoi qu’il en soit, la tolérance des organes critiques est le facteur limitant principal à l’escalade de dose, la dose maximum tolérable d’irradiation sur l’ensemble de l’intestin grêle est de 30 Gy environ, alors qu’il est nécessaire de délivrer au moins 45 Gy pour espérer contrôler un résidu macroscopique carcinomateux (18).
330 Les cancers ovariens
Intérêt d'une irradiation bifractionnée Plusieurs équipes ont réalisé des irradiations bifractionnées de façon à tenter de limiter la toxicité aiguë et tardive (19, 20). Dans une étude rétrospective, 34 patientes traitées par chirurgie première, chimiothérapie (à base de platine), puis laparotomie seconde, ont reçu une irradiation abdominale totale de 30 Gy, à raison de deux fractions quotidiennes de 1 Gy, en split-course (deux séries de 15 Gy avec trois semaines de repos entre les séquences). Outre des résultats décevants (médianes de survie de 11,7 mois et 5,5 mois pour des patientes opérées avec respectivement des résidus microscopiques ou entre 0,5 et 2 cm), la toxicité reste importante, en particulier les sténoses du grêle (38 % des patientes), y compris en l’absence de récidive (19). Randall et al. ont publié plus récemment une étude prospective de phase II incluant 52 patientes traitées pour cancers ovariens de stade III, par chirurgie optimale (résidu < 1 cm), chimiothérapie à base de sels de platine, deuxième laparotomie, puis radiothérapie abdominale totale bifractionnée (30,4 Gy en 38 fractions bi-quotidiennes +/-surdosage pelvien (63 % des patientes) de 14,4 gy en 18 fractions sur neuf jours) (20). Seules 35 patientes ont pu recevoir la radiothérapie. Après radiothérapie, la survie globale est jugée intéressante à quarante-six mois, pour une survie sans progression à vingtquatre mois. Dans cette étude, la toxicité est acceptable, essentiellement digestive (occlusion intestinale chez 8,3 % des patientes en l’absence de rechute tumorale, malabsorption plus rarement), significativement plus importante en cas de surdosage pelvien. La toxicité hématologique est également fréquente (29 % de grades III et IV) mais gérable. Au total, il n’y a pas de preuve actuelle de l’intérêt de l’irradiation bifractionnée. En cas d’irradiation de la cavité péritonéale, il apparaît néanmoins licite d’utiliser de faibles fractions de doses (1,8 Gy probablement) pour limiter les toxicités.
Radio-isotopes : curiethérapie isotopique Principe d’administration La curiethérapie métabolique représente une autre méthode d’irradiation de la cavité abdomino-pelvienne. Elle utilise majoritairement le phosphore 32 (P32*), émetteur bêta pur, qui possède un trajet d’action court (2-3 mm), susceptible en conséquence d’agir sur une maladie microscopique superficielle au sein de la cavité abdominale. L’injection intrapéritonéale de P32* (12-20 mCie) est effectuée en présence d’une ascite abondante (2 litres environ), suivie d’une mobilisation de la patiente alternativement en décubitus latéral droit et gauche pour optimiser la répartition du produit. La dosimétrie est imprévisible et la répartition de la dose est difficile à contrôler, probablement
Radiothérapie de clôture 331
très hétérogène. L’intérêt de cette technique reste controversé, et a fait l’objet de plusieurs études randomisées, soit dans un contexte de maladie localisée, soit dans le cadre de cancers ovariens de stade III sans résidu lors de la laparotomie de contrôle.
Résultats Cinq études randomisées sont disponibles dans la littérature.
Maladie localisée : stades I, II ou III limités au pelvis Trois études randomisées ont étudié l’intérêt d’une curiethérapie isotopique au P32* isolée après chirurgie première, versus : – une chimiothérapie (melphalan (21) ou platine (22)) ; – une radiothérapie externe abdomino-pelvienne (22, 23). L'étude de Klaasen comportait trois bras : – curiethérapie isotopique au P32* ; – radiothérapie externe pelvienne + melphalan (23) ; – radiothérapie externe pelvienne + curiethérapie au p32* (23). Aucune différence en terme de survie globale ou de survie sans progression n’a été mise en évidence dans l’ensemble de ces essais.
Cancers ovariens de stade III sans résidu chirurgical Deux études randomisées sont disponibles. Vergote et al. ont proposé une surveillance versus une curiethérapie au P32* après laparotomie seconde de contrôle négative (pas de résidu) chez 50 patientes porteuses de cancers ovariens de stade initial I-III. La survie actuarielle à cinq ans est identique dans les deux bras de traitement (24). Dans une étude rétrospective, sur 57 patientes traitées pour cancer ovarien de stade III, en rémission complète lors de la laparotomie de contrôle, 45 ont reçu du P32. La survie sans maladie dans ce groupe (89 % à quatre ans) est meilleure que dans le groupe des 14 patientes non traitées (67 %) (25). Une étude randomisée a donc été menée chez 202 patientes présentant une tumeur de stade III traitées par chimiothérapie puis chirurgie, sans résidu postopératoire. Cette étude n’a pas confirmé les résultats obtenus en rétrospectif puisque ni la survie globale ni la survie sans récidive (42 % avec curiethérapie versus 36 %) ne sont significativement augmentées dans le groupe comportant une curiethérapie isotopique (26). Au total, aucune étude randomisée dans la littérature d’étude ne met en évidence de bénéfice à l’utilisation de P32* par rapport à la chimiothérapie, que ce soit en comparaison aux traitements adjuvants connus (chimiothérapie
332 Les cancers ovariens
et/ou radiothérapie abdomino-pelvienne), ou en consolidation après laparotomie seconde négative.
Conclusion La radiothérapie externe, aujourd'hui délaissée par la majorité des équipes, pourrait avoir un intérêt en « consolidation », dans le groupe de malades présentant une maladie microscopique résiduelle ou en rémission histologique complète après chimiothérapie.
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Radiothérapie de clôture 333
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La chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation C. Tournigand, A. Plantade et A. de Gramont
Le concept La chimiothérapie intrapéritonéale a été étudiée depuis plus de cinquante ans. Ce traitement régional a été essentiellement développé chez les patientes atteintes d’une tumeur épithéliale de l’ovaire avancée (stade III-IV). Le rationnel est solide : – environ 75 % des patientes ayant une tumeur de l’ovaire ont une maladie disséminée au péritoine lors du diagnostic ; – le principal site de rechute est péritonéal chez les patientes ayant une réponse pathologique complète à la fin de la séquence chirurgie puis chimiothérapie systémique, avec un taux de récidive élevé (de 30 à 50 %) ; – la voie intrapéritonéale augmente l’exposition des cellules tumorales aux médicaments cytotoxiques, sans augmenter la toxicité générale, et le cancer de l’ovaire est chimiosensible, avec un large éventail de médicaments actifs.
Historique Les premiers essais de chimiothérapie intrapéritonéale, réalisés au milieu des années 1950, ont utilisé des moutardes azotées ou de l’or colloïdal radioactif. L’objectif était d’obtenir un effet direct sur les masses tumorales (1, 2). En 1978, Dedrick pose les principes de la chimiothérapie intrapéritonéale. À partir de modèles mathématiques, il observe que, pour certaines drogues, la clairance du péritoine est inférieure à la clairance du plasma (3). Il émet déjà l’hypothèse selon laquelle la pénétration d’une drogue de la périphérie de la tumeur vers le centre est limitée. Les patientes « ayant une maladie résiduelle microscopique sans masse tumorale macroscopique, après un traitement systémique efficace » seraient donc les plus à même de bénéficier de la chimiothérapie intrapéritonéale.
336 Les cancers ovariens
Diffusion de la chimiothérapie intrapéritonéale La diffusion de la chimiothérapie intrapéritonéale au sein de la tumeur est effectivement limitée, et l’efficacité est inversement proportionnelle à la taille tumorale. Ceci a été démontré par les travaux de Los chez le rat (4) : du cisplatine marqué était injecté, soit dans la cavité péritonéale, soit par voie intraveineuse. Les concentrations de platine étaient ensuite mesurées au sein de fragments tumoraux péritonéaux. Les résultats confirment que, par voie intrapéritonéale, des concentrations nettement plus importantes de platine sont obtenues, mais que cet avantage ne s’observe que sur une épaisseur de 1 à 2 mm. La pénétration de la chimiothérapie à la surface des lésions tumorales est donc ténue. Ceci est l’une des principales limites de la chimiothérapie intrapéritonéale puisque une concentration efficace ne sera obtenue que pour des lésions microscopiques ou des résidus tumoraux de petite taille. En outre, la clairance péritonéale permet d’avoir un effet systémique non négligeable.
Chimiothérapie de consolidation chez les patients ayant une réponse complète pathologique Sept études de phase II ou études rétrospectives ont été publiées à ce sujet. Menczer et al. ont traités 17 patientes avec trois cycles de cisplatine intrapéritonéal à forte dose (200 mg/m2), associé) à du thiosulfate. La médiane de survie sans progression était de quarante et un mois (5). En 1993, Tarraza et al. ont publié les résultats de 56 patients traités par une administration intrapéritonéale, soit de cisplatine (80 mg/m2), soit de mitoxantrone, à la suite d’un second look négatif. La médiane de survie sans récidive était de dix-huit mois dans les deux groupes de malades (6). L’étude de Dufour et al. A consisté à traiter 50 patientes ayant un stade II-IV avec six cycles de mitoxantrone en intrapéritonéal en consolidation. À cinq ans, la survie globale estimée est de 59,8 %, avec 47,3 % de patientes sans récidive à cinq ans (7). Toujours dans la même indication, Barakat et al. ont comparé 36 patients traités par cisplatine et VP16 en consolidation, à une série contrôle de 46 patientes n’ayant pas reçu de traitement de consolidation. Dans le groupe traité, 39 % des patients ont eu une récidive, contre 54 % dans le groupe contrôle. La survie sans maladie médiane n’était pas atteinte dans le groupe intrapéritonéal, et il était de 28,5 mois dans le groupe contrôle (8). La même équipe a également étudié le devenir à long terme de 89 patientes traitées par chimiothérapie intrapéritonéale en consolidation. La survie globale médiane était de 8,7 ans (9). Plus récemment, une étude de phase II chez 30 patientes en réponse complète pathologique traitées par trois cycles de cisplatine intrapéritonéal rapporte une survie sans progression de cinquante mois et une survie globale non atteinte à trente-sept mois (10). Enfin, le groupe GERCOR a rapporté les résultats à long
La chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation 337
terme de la chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation par cisplatine et étoposide. Sur une population de 219 patientes traitées pour un cancer de stade III ou IV par une association cisplatine-anthracycline, 68 patientes étaient en réponse complète pathologique à l’issue de la chimiothérapie intraveineuse. Trois cycles de chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation ont été administrées. La survie sans progression médiane a été de trente-quatre mois et la survie globale de soixante-treize mois, avec 58 % des patientes en vie à cinq ans (11). De plus, 21 patientes ont également été traitées par six cycles de chimiothérapie intrapéritonéale en consolidation, alors qu’elles avaient un résidu tumoral microscopique au second look. La survie sans progression n’a été que de seize mois et la survie globale de quarante-neuf mois (12). En 1988, l’EORTC a initié un essai de phase III comparant, chez des patientes en réponse complète pathologique après chimiothérapie systémique, quatre cycles de cisplatine intrapéritonéal (90 mg/m2/trois semaines) à une surveillance (13). Malheureusement, l’étude a été interrompue avant la fin prévue, en raison d’un faible recrutement : 153 patientes incluses entre 1988 et 1997 sur les 312 patientes prévues initialement. Les résultats des patientes incluses ont néanmoins été publiés récemment. Sur les 77 patientes du bras intrapéritonéal, 56 % ont pu recevoir la totalité du traitement prévu. Les principales raisons d’interruption étaient la neuropathie (15 % de grade 2-3) ou le refus des patientes de poursuivre. Après un suivi médian de huit ans, 55 % des patientes non traitées ont eu une rechute, contre 49 % dans le groupe traité. On ne peut que regretter que l’étude n’ait pas pu aller jusqu’à son terme, car elle aurait pu répondre à une question importante sur l’intérêt de la chimiothérapie intrapéritonéale.
Immunothérapie intrapéritonéale L’immunothérapie peut être grossièrement divisée en trois catégories : spécifique, non spécifique et adoptive. Les traitements sont dits spécifiques lorsque leur but est d’augmenter une réponse immunitaire spécifique dirigée contre la tumeur par les lymphocytes B et T. Ceci se fait par l’intermédiaire d’anticorps monoclonaux. L’immunothérapie non spécifique consiste à utiliser des cellules NK, des cellules T-LAK (T lymphocytes activated killer) ou des monocytesmacrophages activés. L’immunothérapie adoptive consiste à utiliser des cellules immunitaires autologues activées et multipliées in vitro. Il s’agit de lymphocytes activés (LAK), de TIL (tumor infiltrating lymphocytes) ou de cellules dendritiques. L’interleukine-2 stimule les voies spécifiques et non-spécifiques. L’interféron stimule essentiellement la voie non spécifique, mais a aussi un effet anti-prolifératif. L’interféron-α a été testé en intrapéritonéal chez des patients ayant un faible volume tumoral résiduel après une chimiothérapie cytotoxique. Le plus souvent, il ne s’agit donc pas d’un véritable traitement de consolida-
338 Les cancers ovariens
tion, puisque certaines patientes sont traitées avec une tumeur macroscopique en place. Lorsqu’une évaluation est faite à l’issue de l’interféron-a, les taux de réponse sont de l’ordre de 30 à 50 % (14, 17). Des résultats équivalents ont été obtenus avec l’interferon-g dans des situations comparables (18). Une étude de phase III a comparé du carboplatine seul à une association carboplatine/interféron-α en intrapéritonéal chez des patientes ayant une persistance de la maladie à l’issue de la chimiothérapie de première ligne (19). Les survies globales ne sont pas significativement différentes (respectivement vingt-deux et vingt-neuf mois en médiane), mais la tolérance de l’interféron est médiocre (fièvre, syndromes pseudo-grippaux). L’Interleukine-2 a également été largement testée dans les cancers de l’ovaire, par voie intra-péritonéale, seule ou en association avec des LAK (lymphocytes activés) (20, 21) ou des TIL (22). La toxicité de l’IL-2 est importante d’un point de vue général (fièvre, nausées, vomissements, diarrhées) et s’associe souvent à une fibrose intra-abdominale importante. Bien que séduisants en théorie, ces essais d’immunothérapie adoptive ont été décevants en pratique clinique, avec une technique lourde et toxique, sans réel bénéfice pour les patientes. Un essai d’immunothérapie adoptive en consolidation a également été effectué à partir de macrophages autologues activés (MAK) par IFN-γ ainsi qu’un anticorps bi-spécifique dirigé contre HER2-neu chez les patientes surexprimant la protéine (23). 14 patientes ont été incluses lors du second look, 8 patientes avec un résidu microscopique et 6 avec des nodules macroscopiques. 11 patientes ont eu un troisième look pour juger de l’efficacité du traitement : 5 avaient une réponse complète pathologique, 2 avaient toujours des biopsies positives, 2 avaient toujours des nodules péritonéaux et 2 avaient progressé. Avec un recul de trente-trois mois depuis le début de l’immunothérapie, la survie à 2 ans est de 64 %. Malheureusement, le suivi à long terme a montré que la totalité des patientes a rechuté et dans des délais peut-être même plus courts que les patientes traitées par chimiothérapie intrapéritonéale.
Conclusion Il n’y a aucune preuve que la chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation puisse guérir les patientes ayant une maladie résiduelle microscopique. Il n’y a pas de preuve non plus que la chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation puisse augmenter la survie des patientes en réponse complète pathologique. Pour ces raisons, malgré un rationnel solide, les auteurs ont abandonné le concept de la chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation, préférant intégrer la chimiothérapie intrapéritonéale à la stratégie initiale après une réévaluation chirurgicale précoce, afin de réserver la technique aux patientes sans maladie résiduelle après trois cycles seulement, et d’éviter une procédure délicate et des cycles supplémentaires après la chimiothérapie intraveineuse.
La chimiothérapie intrapéritonéale de consolidation 339
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340 Les cancers ovariens
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Intensification de la chimiothérapie en consolidation H. Curé, J.-O. Bay, B. Choufi et P. Chollet
Résumé La chimiosensibilité du cancer de l’ovaire est reconnue depuis plus de trente ans. Pourtant, les résultats à long terme de cette pathologie restent médiocres avec moins de 20 % de survie à cinq ans pour les formes évoluées. C’est pourquoi l’intensification de la chimiothérapie dans cette maladie extrêmement chimiosensible doit être considérée. Les auteurs rapportent ici les expériences française, européenne et américaine de la chimiothérapie à haute dose en situation de consolidation après obtention d’une réponse complète ou d’une bonne réponse partielle après la chimiothérapie de première ligne. Les résultats définitifs de l’essai multicentrique français prospectif de phase III randomisée de chimiothérapie de consolidation (intensif versus standard) sont présentés dans cet article. Même si une tendance se dégage pour le bras intensif, les auteurs ne recommandent pas l’intensification de la chimiothérapie en consolidation pour compléter l’effet anti-tumoral obtenu après quatre à six cycles d’une chimiothérapie à base de platine. Mots-clés : cancer de l’ovaire, stade avancé, chimiothérapie intensive.
Introduction Le cancer de l'ovaire, en raison d'une extension longtemps asymptomatique, est découvert chez plus de deux tiers des femmes à un stade évolué (stades III et IV de la classification de FIGO, Fédération internationale des gynécologues et obstétriciens). Malgré la réelle efficacité du traitement multidisciplinaire mis en œuvre après le diagnostic, la durée médiane de survie des patientes atteintes d'un cancer avancé est de vingt à trente-huit mois dans la plupart des études et le taux de survie globale à cinq ans n'excède pas 15 % (1).
342 Les cancers ovariens
Ces résultats ne se sont guère améliorés dans les dernières décennies. Pourtant, la chirurgie d'exérèse est aujourd’hui mieux réglée : soit agressive d’emblée, soit après une chimiothérapie première (2) en cas de non-résécabilité immédiate (3) avec comme objectif d’obtenir, le plus tôt possible dans la prise en charge thérapeutique des malades, le résidu tumoral minimum admis par tous comme un facteur de bon pronostic. Par ailleurs, la chimiothérapie complémentaire s'est améliorée grâce à l’association d’un organo-platine et du paclitaxel : dans l’usage, Taxol®-carboplatine, devenu le standard depuis la publication de l’essai 111 du Gynecology Oncology Group (GOG) en 1996 (4). Malgré cela, la médiane de survie n'est que de douze à seize mois chez les patientes présentant encore des lésions tumorales actives au cours de l'opération dite de « second look » (SLO). Et même lorsque la SLO est négative, la probabilité de rechute de la maladie est évaluée à 10 % par an, avec un taux de survie à cinq ans, de l’ordre de 50 % (5). Face à un devenir aussi sombre, plusieurs stratégies ont été envisagées pour compléter ou consolider l'effet antitumoral obtenu par le traitement de première ligne. Parmi ces moyens, la chimiothérapie intensive, en augmentant la concentration intracellulaire des agents anticancéreux, pourrait augmenter la cytotoxicité vis-à-vis des cellules tumorales et surmonter les résistances potentielles des cellules aux drogues (6).
Justification des intensifications thérapeutiques Les données expérimentales Le concept d'intensification thérapeutique a émergé progressivement des données expérimentales, montrant l'existence d'une relation dose-effet pour la plupart des agents cyto-toxiques. La forme de la courbe dose-réponse est habituellement de type sigmoïde, avec un seuil, une phase linéaire, puis une phase en plateau. Skipper a bien mis en évidence chez l'animal l'importance de la dose en cancérologie en montrant qu'une réduction de dose dans la phase linéaire de la courbe dose-réponse entraînait une chute du taux de guérison avant même que l'on note une diminution significative du taux de rémission complète (7). Norton et Simon ont élargi le modèle en émettant l'hypothèse que le taux de régression tumorale était directement proportionnel à la dose de chimiothérapie administrée et au taux de croissance de la tumeur (8). Enfin, Goldie et Goldman ont suggéré que plus la réponse thérapeutique est longue à se dessiner, plus le taux de mutation et de résistance aux drogues s'accroît (9).
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 343
Le cancer de l'ovaire est chimiosensible La chimiothérapie de première ligne du cancer épithélial de l’ovaire comprend, depuis l’essai 111 du GOG, six cycles d’une combinaison Taxol® et sel de platine (4). Le cancer est bien une maladie chimiosensible dès lors que la première ligne thérapeutique permet d’obtenir un taux de réponse clinique complète de 75-85 % avec 40 % de SLO négative et 25 % de réponse complète pathologique pour les patientes atteintes d'un stade avancé FIGO III-IV (10).
Le concept de dose-intensité s'applique au cancer de l'ovaire L'effet de l'intensité de dose d'une chimiothérapie majeure sur l'issue clinique a été analysé rétrospectivement par Hryniuk et Levin dans le cancer ovarien. Cette analyse rétrospective, certes un peu ancienne car publiée en 1987, mais à ce jour non contestée, a porté sur 75 essais randomisés. Elle a comparé la dose-intensité relative des drogues administrées par rapport à celles d’un protocole de référence de l’époque, le CHAP de Gréco (11). Un lien étroit entre la réponse clinique ou la médiane de survie et la dose-intensité du cisplatine a été observé. L’effet de la dose-intensité du platine en monochimiothérapie sur la réponse est statistiquement significatif (p < 0,02) ; l’effet dose-intensité relatif du platine en polychimiothérapie s’atténue au-delà d’un seuil situé vers 25 à 30 mg/m2 de cisplatine par semaine ; et il n’a pas été observé de différence statistiquement significative entre platine en association et platine seul pour une dose-intensité donnée de platine, mais l’association CAP ou CHAP entraîne un taux de réponse significativement plus élevé que le platine seul. Quant à l’effet dose-intensité du cyclophosphamide et l’effet dose-intensité de l’adriamycine, ils sont apparus à la limite de la significativité statistique. Un seuil de l’effet dose-intensité est également retrouvé pour le carboplatine (12) : chez 128 malades traitées par carboplatine seul, dont deux tiers ont reçu 300 à 400 mg/m2 (extrêmes 40-1 000 mg/m2), on observe que le taux de réponse n’augmente plus significativement au-delà d’une AUC de 5 à 7 mg/ml x min, alors que les toxicités augmentent (près de 100 % de leucopénie et thrombopénie pour une AUC ≥ 10 mg/ml x min).
L'effet-dose du cisplatine est toutefois limité Méta-analyse Une méta-analyse portant sur 61 essais prospectifs (4 118 patientes), randomisés ou non, publiés entre 1976 et 1993, a étudié le rôle relatif de la dose-intensité du sel de platine, de la dose-intensité des drogues associées et de la dose globale administrée (13). Il n’y a pas de lien entre la survie médiane et la dose-intensité du cisplatine à chaque cycle ou la dose-intensité globale du
344 Les cancers ovariens
cisplatine (tenant compte de la totalité des cures administrées). En revanche, la dose-intensité globale de chimiothérapie (tenant compte de l’ensemble des drogues et des cures administrées) a une forte valeur pronostique : une doseintensité globale inférieure à six cures de cisplatine 75 mg/m2 associée au cyclophosphamide 750 mg/m2 toutes les trois semaines est associée à un risque de rechute significativement plus élevé.
Études randomisées De nombreuses études randomisées prospectives testant la dose-intensité de platine et, pour certaines d’entre elles, la dose totale de platine ont été réalisées. Si l’on ne retient que les essais ayant comporté une dose-intensité minimale de 50 mg/m2 toutes les quatre semaines (ou équivalent carboplatine), même si l’augmentation de la dose-intensité de platine est souvent modeste, de l’ordre d’un facteur deux au maximum, la médiane de survie des malades est toujours améliorée par des doses plus fortes de platine. Cependant, les différences de survie ne sont pas toujours statistiquement significatives du fait d’effectifs de malades parfois trop faibles. Seuls quatre essais sont statistiquement significatifs (14-17) (tableau I). Parmi ceux-ci, l’étude de Kaye (14) a montré que le bénéfice sur la survie de la dose-intensité du platine s’estompait avec le temps, surtout pour le groupe de malades à résidu tumoral inférieur à 2 cm (à quatre ans survie du bras cisplatine 100 = 44 % versus 41 % pour le bras cisplatine 50), le bénéfice se maintenant mieux dans le groupe où le résidu est supérieur à 2 cm (survie à quatre ans de 24 % versus 14 %). L’étude de Murphy à Manchester (16) a diminué la dose-intensité de moitié tout en conservant la même dose totale ; le taux de réponse est de 76 % dans le bras pleine doseTableau I – Études randomisées statistiquement significatives de dose-intensité de platine. Références Dose n (mg/m2)
Nombre Intervalle Dose totale Taux de réponse Survie médiane de cyles (sem.) identique objective (%)
Ngan 1989 (15)
CDDP 120 vs 60
50
---
Kaye 1996 (14)
CDDP 100 vs 50
Bella 1994 (17)
CDDP 100 vs 100
Murphy 1993 (16)
CBDCA 99 300 vs 150
3-4 vs 3-4
non
55 vs 30
SG à 3 ans 60 % vs 30 % (différence significative)
159 6 vs 6
3 vs 3
non
61 vs 34
114 vs 69 sem. SG à 4,9 ans 32.4 % vs 26,6 % (NS)
99
(3) x 2 vs 6
1 vs 3
oui
55 vs 48
SG à 8 ans p = 0,03
6 vs 12
8 vs 12
oui
76 vs 48
recul insuffisant
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 345
intensité versus 48 % dans le bras mi dose-intensité (p = 0.009) et le taux de progression en cours de chimiothérapie est respectivement de 8 % versus 42 % (p = 0,0003). Enfin, l’étude de Bella (17) qui a étudié l’augmentation de la dose-intensité sans modifier la dose totale du cisplatine, décrit un bénéfice à très long terme (à huit ans, p = 0,03). Quant à l'essai du GOG qui a traité 485 patientes, soit dans un bras intensif (100 mg/m2 de cisplatine et 1 000 mg/m2 de cyclophosphamide, quatre fois), soit dans un bras conventionnel (50 mg/m2 de cisplatine, 500 mg/m2 de cyclophosphamide, huit fois), il n'a montré aucune amélioration de survie (18). De plus, les tentatives d'intensification de dose de platine sont freinées par les effets secondaires, notamment la neurotoxicité. C'est ainsi que la majorité des 50 malades traitées sous l'égide du National Cancer Institute par le cisplatine à la dose double de 40 mg/m2 et le cyclophosphamide à la dose de 200 mg/m2, pendant 5 jours, toutes les quatre à six semaines, n'ont pu recevoir que trois cycles en raison de l'apparition d'une neuropathie périphérique invalidante (19). Une autre voie possible est celle de l’association de cisplatine et de carboplatine.
Association cisplatine-carboplatine La toxicité très différente du cisplatine (neurologique et rénale) de celle du carboplatine (hématologique) rend possible l’association de ces deux médicaments en vue d’une intensification des doses totales de platine. Plusieurs essais ont démontré la faisabilité de cette association. La toxicité est surtout hématologique (leucocytes et plaquettes) et neurologique, notamment auditive (20-22). Une étude randomisée comparant cisplatine 100 et cyclophosphamide 600 à l’association cisplatine 100, carboplatine 300 et cyclophosphamide 300 a été réalisée par le groupe gynécologie de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC). De février 1992 à décembre 1996, 195 patientes conservant une maladie résiduelle après chirurgie de première intention ont été incluses dans cette étude. L’intensification de la dose de platine obtenue par la combinaison des deux sels de platine a permis d’augmenter la médiane et la probabilité de survie sans rechute à trois ans (17,4 mois et 22 % versus treize mois et 11 %) d’une façon significative (p = 0,01) mais sans impact sur la survie globale, au prix d’une toxicité hématologique et auditive qui aboutit à ne pas recommander cette combinaison de deux sels de platine pour le traitement ultérieur des patientes atteintes de cancer de l’ovaire (23).
La chimiothérapie intensive avec support de cellules souches hématopoïétiques peut s'appliquer au cancer de l'ovaire (24) La chimiothérapie intensive a été principalement étudiée dans les lymphomes non hodgkiniens, la maladie de Hodgkin, le cancer du testicule et, plus récemment, le cancer du sein. Dans ces pathologies, un taux élevé de réponse
346 Les cancers ovariens
complète a été observé chez les patientes en réponse partielle d'une chimiothérapie de première et de deuxième ligne, démontrant ainsi l'augmentation de la cytotoxicité antitumorale obtenue par cette approche. Le cancer de l'ovaire est un bon modèle pour étudier le bénéfice de l'intensification thérapeutique : il s'agit d'une tumeur chimiosensible, spécialement aux agents alkylants, et où une relation dose-effet est démontrée, en particulier avec les organo-platines. Il s'agit également d'un cancer où les facteurs de pronostic et les résultats à long terme des traitements standards sont bien établis, et où une contamination de la moelle et du sang périphérique par les cellules malignes n'est pas détectée par les moyens conventionnels (25). Ce point mérite cependant d'être tempéré par la détection, par des méthodes immuno-histochimiques plus fines, de micro-métastases médullaires et sanguines circulantes dans trois études assez récentes (25-27). En fait, les métastases circulantes n’ont jamais freiné la pratique de l’autogreffe dans les tumeurs solides ; et la purge des cellules souches hématopoïétiques n’a jamais été réellement validée. Dans le cancer de l’ovaire, l’analyse des données de la chimiothérapie intensive de rattrapage permet d’affirmer que cette procédure permet d’obtenir un taux élevé de réponses voisin de 70 %, dont 30 % de réponse complète, alors que la probabilité de réponse à une chimiothérapie de deuxième ligne n’excède pas les 30 %. Cependant, la morbidité précoce est forte (5-20 %) dans cette population prétraitée et la durée de réponse est courte, de l’ordre de 3 à 8,5 mois (28). C’est pourquoi la chimiothérapie intensive dans le cancer épithélial de l’ovaire ne s’est développée qu’en situation de consolidation.
Résultats cliniques des intensifications thérapeutiques en situation de consolidation L’expérience française (29) L'expérience rétrospective du centre anticancéreux de Clermont-Ferrand Entre août 1984 et décembre 1999, 80 greffes ont été réalisées au centre anticancéreux de Clermont-Ferrand chez 77 patientes (3 doubles greffes à plus d'un an d'intervalle pour rechute). Toutes les malades (âge moyen : 49 ans ; extrêmes : 23 et 65 ans) étaient atteintes de cancer évolué de l'ovaire (60 au stade III, 16 au stade IV et 1 au stade IIC multirécidivant). Elles avaient toutes reçu la même thérapeutique initiale comprenant une tentative de chirurgie cytoréductrice première (15 complètes, 26 optimales, 22 sub-optimales, 14 incomplètes) suivie de six séquences en moyenne de chimiothérapie à base d'un sel de platine (un tiers des patientes environ avait reçu du paclitaxel).
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 347
La SLO a été réalisée 71 fois car il y a eu six refus mais la chirurgie initiale était alors, soit complète (3), soit optimale (3). 43 sur 71 SLO étaient positives (60,5 %), permettant de plus, et le plus souvent, une deuxième réduction tumorale satisfaisante. 26 SLO étaient négatives (39,5 %), mais les patientes présentaient alors des facteurs bien connus de mauvais pronostic : grade histopronostique élevé et/ou masse résiduelle après chirurgie première ≥ 2 cm faisant redouter une probable récidive. Si bien qu'avant chimiothérapie intensive, la grande majorité des patientes présentait la maladie résiduelle la plus réduite possible (28 SLO négatives, 37 lésions complètement excisées ou ≤ 2 cm, seulement 6 ≥ 2 cm et 6 non évaluées, mais ces 6 patientes étaient en rémission complète clinique). La chimiothérapie intensive a comporté, soit du melphalan haute dose à la posologie de 140 mg/m2 (26/80 greffes), soit la combinaison de carboplatine (1 000 à 1 500 mg/m2/cure) et cyclophosphamide (6 000 mg/m2/cure) fractionnée sur quatre jours (54/80 greffes). Le support hématologique à cette chimiothérapie à haute dose n’a comporté que des cellules souches hématopoïétiques. Il n’a pas été utilisé de facteurs de croissance hématopoïétique en post-autogreffe. Jusqu’en 1992, le prélèvement de la moelle osseuse sous anesthésie générale au niveau des ailes iliaques postérieures (environ 1 litre de moelle par malade) a été couramment utilisé (37 fois/80). Depuis 1992, les cellules souches hématopoïétiques sont recueillies au niveau du sang périphérique par cytaphérèses (en moyenne 2 par patiente) après une mobilisation comportant une chimiothérapie par cyclophosphamide 3 gr/m2 en J1 ou combinant etoposide 200 mg/m2/j en J1 et J2 et cyclophosphamide 2 g/m2/j en J3 et J4 suivie de G-CSF à la posologie de 5 µg/kg/j jusqu’au jour de la dernière cytaphérèse (39 fois/80). Pour quatre patientes, un prélèvement de moelle osseuse a dû compléter le greffon sanguin périphérique insuffisant. Aucun échec de prise de greffon n'a été observé. La restauration hématologique complète (polynucléaires neutrophiles ≥ à 1 x 109/l et plaquettes ≥ 50 x 109) après moelle osseuse a nécessité un délai médian de trois semaines avec un support transfusionnel de 5 culots globulaires et 5 concentrés unitaires de plaquettes en moyenne par patiente ; avec les CSP, ce délai s'est raccourci à onze jours et les besoins transfusionnels ont été divisés par deux ou trois. Il faut toutefois signaler trois thrombopénies prolongées (avec le régime melphalan haute dose). Au cours de cette aplasie obligatoire, il ne sera enregistré que quatre épisodes infectieux sévères sans séquelle : trois méningites à cytomégalovirus et une cellulite périnéale à entérocoques. Toutefois, il faut déplorer un décès toxique cinq jours après la fin de la chimiothérapie intensive par défaillance multiviscérale (taux de décès toxique de 1,25 %) et deux cardiomyopathies aiguës dues à l'Endoxan® haute dose, fort heureusement complètement résolutives. Quant aux résultats à long terme : avec un recul médian après greffe de plus de sept ans (87 mois exactement, extrêmes : de 2 à 186 mois), 16 patientes (21 %) sont toujours vivantes en rémission complète apparente sans traitement
348 Les cancers ovariens
complémentaire avec une bonne qualité de survie, 7 patientes (9 %) ont rechuté, mais sont toujours vivantes, et 54 patientes (70 %) sont décédées par progression tumorale sauf 3 (un décès toxique et deux leucémies aiguës secondaires au melphalan). À signaler que la rechute (58 patientes/77) apparaît en moyenne dix-neuf mois après la greffe, laquelle n'empêche pas la reprise du traitement spécifique qui permet d'obtenir une survie de dix-huit mois en moyenne également, avec même de nouvelles réponses complètes. Au total, avec une médiane de survie globale de quarante-quatre mois et de survie sans rechute de dix-neuf mois après greffe, la survie globale à cinq ans est de 39 %, la survie sans rechute est de 18 % (fig. 1). Si la survie est calculée à partir du diagnostic, à cinq ans la survie globale est de 51 % avec une médiane de 60,5 mois et la survie sans rechute est de 23 % avec une médiane de trente et un mois. Parmi les facteurs pronostiques, le plus significatif est l'état de la maladie constaté au second look : lorsque la rémission complète pathologique est obtenue (SLO négative), la survie à cinq ans est de 54 % avec une médiane de soixante-deux mois ; elle n'est plus que de 27 % avec une médiane de trente et un mois lorsque la SLO est positive (fig. 2). Les résultats actualisent les données précédemment publiées par M. Legros† et al. en 1997 (30).
Survie
Médiane (mois)
3 ans
globale
44
58 %
39 %
sans rechute
19
27 %
18 %
Fig. 1 – Chimiothérapie de consolidation (n = 80 ptes) à Clermont-Ferrand. Survie à partir de la date de la greffe : survie globale versus survie sans rechute.
5 ans
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 349
Survie
Médiane (mois)
3 ans
5 ans
SLO négative
62
78 %
54 %
SLO positive
31
p value
44 %
27 %
0,004
0,045
Fig. 2 – Chimiothérapie de consolidation à Clermont-Ferrand. Survie globale en fonction du résultat au second look (n = 71 ptes) = négatif versus positif.
L'expérience rétrospective française (hôpital Saint-Louis, hôpital Tenon et institut Curie, Paris; institut Paoli-Calmettes, Marseille; centre LéonBérard, Lyon; centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand) 181 dossiers de patientes greffées de 1982 à 1995 ont été colligés dans les six centres mentionnés ci-dessus (âge médian : 47 ans, 137 stades III, soit 76 % et 44 stades IV, soit 24 %). Cette étude rétrospective complète et actualise les données de l'expérience française en matière de greffe dans le cancer de l'ovaire publiée en 1993 (31). La date d'arrêt de cette étude en 1995 a été décidée par rapport à la date d'initiation en juillet 1995 de l’étude prospective de phase III randomisée de chimiothérapie de consolidation (intensif versus standard) du GINECO (Groupe des investigateurs nationaux pour l’étude des cancers ovariens).
350 Les cancers ovariens
Même s'il est difficile de tirer des conclusions précises de ce travail du fait des indications de greffe variables d'un centre à l'autre (consolidation versus rattrapage) et du fait de la multitude des conditionnements utilisés (dix au total avec toutefois deux régimes principaux, le melphalan et l'association carboplatine-Endoxan®) et même pour 23 % des patients une irradiation (uniquement réalisée à l'hôpital Saint-Louis), cette étude fournit certaines données intéressantes : – un taux de décès toxique de 2,5 %, donc acceptable, considérant la gravité de la pathologie et la lourdeur du traitement intensif ; – 3 décès à soixante-dix, quatre-vingt-deux et cinquante-quatre mois après greffe par second cancer (1 cancer du sein et 2 leucémies aiguës) ; – un recul médian après greffe de cent deux mois (61-209 mois) ; – une médiane de survie globale et de survie sans rechute de trente-trois mois et seize mois respectivement (quarante-six mois et vingt-huit mois après diagnostic) ; – une survie globale et une survie sans rechute à cinq ans de 37 % et 21 % respectivement (41 % et 23 % après diagnostic) ; à dix ans la survie globale et sans rechute est à 14 % après greffe (fig. 3).
Survie globale
Survie sans progression
mois Fig. 3 – Expérience française (n = 181 ptes). Survie globale et survie sans progression à partir de la date de la chimiothérapie intensive.
Une analyse des facteurs pronostiques a été réalisée parallèlement et seuls ressortent, comme critères statistiquement significatifs influençant favorablement la survie globale à cinq ans, la qualité de la chirurgie initiale, l'obtention d'une réponse clinique complète avec la chimiothérapie de première ligne et la constatation d'une réponse histologique complète au SLO. Ces mêmes facteurs
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 351
pronostiques sont déterminants également pour la probabilité de survie sans rechute à cinq ans. Trois groupes pronostiques peuvent être ainsi distingués : – les formes de bon pronostic (46 pts) chez qui le second look est complètement négatif : la survie à cinq ans est de 54 % et la survie sans rechute de 43 %. Il n'y a pas de différence quelle que soit la qualité de la chirurgie initiale (optimale : survie à cinq ans de 58 % versus sub-optimale : 50 %). Par contre, parmi les 18 patientes intensifiées par melphalan, 76 % étaient encore vivantes à cinq ans, contre 39 % pour les autres conditionnements (fig. 4) ; – les formes à chirurgie initiale optimale, mais dont le second look est positif (48 pts) : la survie à cinq ans reste encore de 44 % mais la survie sans rechute n'est plus que de 25 % ; – les formes à chirurgie initiale sub-optimale et second look positif (71 pts) : la survie globale et sans rechute est à 18 % et 6 %, respectivement. pCR / MPH+
(n = 18)
pCR / MPH-
(n = 28)
non pCR / MPH- (n = 92) non pCR / MPH+ (n = 27) p=
mois pCR : réponse complète pathologique MPH + : conditionnement par melphalan haute dose MPH- : conditionnement par une chimiothérapie intensive autre que par melphalan haute dose. Fig. 4 – Expérience française (n = 181 ptes). Survie sans progression à partir de la date de la chimiothérapie intensive en fonction de la réponse pathologique au second look et du type de chimiothérapie intensive.
L’étude prospective de phase III randomisée de chimiothérapie de consolidation (intensif versus standard) Dans la prise en charge des cancers épithéliaux évolués de l'ovaire, la chimiothérapie intensive de consolidation avec support hématopoïétique est une option à considérer qui permet d'espérer un taux de survie à cinq ans de 40 %
352 Les cancers ovariens
dans les formes les plus graves de ces cancers. Cependant, ces résultats encourageants se devaient d’être confirmés. C'est pourquoi une étude contrôlée a été initiée au cours de l'été 1995 au sein du GINECO. Cette étude a fédéré le GINECO, la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) et la SFGM-TC (Société française de greffe de moelle et thérapie cellulaire). Il s'agit d'une étude multicentrique française (+ Naples) de phase III de chimiothérapie de consolidation randomisant trois cycles de carboplatinecyclophosphamide à dose conventionnelle (300 et 600 mg/m2 respectivement) contre un cycle à haute dose (1 600 mg/m2 de carboplatine et 6 000 mg/m2 de cyclophosphamide) avec autogreffe de cellules souches périphériques (CSP) à une concentration de 2 x 106 cellules/kg. Cette randomisation intervient après second look pour les tumeurs ayant fait preuve de leur sensibilité à la chimiothérapie de première ligne. Après 111 inclusions, l’étude a été stoppée en novembre 2000 par défaut de recrutement faisant suite à l’affaire Bezwoda, alors même que l’analyse statistique initiale prévoyait 124 patientes éligibles pour observer une augmentation de survie sans rechute à trois ans de 25 % : 50 % pour le bras contrôle et 75 % pour le bras expérimental (avec une puissance de 80 % et un test bilatéral avec un α à 0,05). Les caractéristiques des 111 patientes selon le bras de randomisation (I pour intensif et S pour standard) sont mentionnées dans le tableau II. Cette étude a donc concerné des patientes jeunes (49 ans d’âge médian dans le bras intensif et 50 ans dans le bras standard), ce qui représente environ 10 % des malades atteintes d’un cancer évolué de l’ovaire. La grande majorité des patientes de l’étude avait un stade IIIC, séreux, de grade élevé 2-3, lorsque le grading histologique était connu. Toutes avaient reçu une chimiothérapie de première ligne avec platine, mais seulement 50 % d’entre elles avec du Taxol® du fait que l’étude a débuté en 1995 avant la publication de l’essai 111 du GOG (4). Et certains investigateurs ont conservé leur pratique de chimiothérapie de première ligne par cyclophosphamide-cisplatine (CP) avec parfois même adjonction d’anthracyclines (CAP ou CEP) au-delà de la fin des années 1990 ce qui explique la prescription d’Endoxan® chez près de 50 % des patientes et d’anthracyclines chez presque un tiers d’entre elles. Le second look chirurgical ou cœlioscopique a permis de confirmer que la procédure de chimiothérapie complémentaire a bien été réalisée en situation de consolidation puisque seules 9 patientes sur 57 (bras intensif ) et 10 patientes sur 53 (bras standard) avaient des résidus tumoraux supérieurs à 2 cm, lesquels ont été réduits au cours de la SLO. Quant à la faisabilité de l’étude, elle est de 75 %, soit 43 patientes intensifiées car : 7 échecs de mobilisation des CSP, 3 refus secondaires de traitement, une rechute précoce et deux décès par la procédure, l’un de myocardite et l’autre d’insuffisance rénale aiguë. Ce taux de faisabilité de 75 % est tout à fait satisfaisant considérant la lourdeur et la complexité du bras expérimental et le caractère multicentrique de l’étude. D’ailleurs, l’essai américain initié par le South-Western Oncology Group de chimiothérapie
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 353
Tableau II – Caractéristiques des patientes dans l’étude de phase III randomisée du GINECO–FNCLCC-SFGM-TC. Patientes Nombre
Intensif
Standard
57
53
48 (26-59)
50 (28-60)
Stade FIGO III A-B III C IV
9 43 5
6 42 5
Type histologique Séreux Endométrioïde Autres
43 9 5
43 5 5
Grade 1 2-3 Inconnu
6 40 11
9 38 6
Performance Status 0 1-2
37 20
34 19
Première ligne platine paclitaxel cyclophosphamide anthracyclines
57 29 27 17
53 26 26 19
Stadification (au SLO) Stade III pas de lésion microscopique < 2 cm > 2 cm Stade IV
19 12 12 9 5
20 8 11 10 4
Âge médian (extrêmes)
intensive de consolidation pour maladie résiduelle après une chimiothérapie d’induction à base de sel de platine (SWOG 9106) a été stoppé prématurément pour défaut d’inclusions. La toxicité observée, quant à elle, est habituelle à celle attendue aussi bien en cas de poursuite de trois cycles de chimiothérapie à dose conventionnelle que dans le bras intensif : hospitalisation d’une durée médiane de vingt et un jours (extrêmes : 17 à 30 jours) pour une récupération hématologique (neutrophiles > 1 x 109 L et plaquettes > 20 x 109/l) en 11 jours en médiane de temps avec un support transfusionnel médian de 3 culots plaquettaires (1 à 20) et une poche de sang (0 à 6). Il est observé bien sûr plus de nauséesvomissements de grade 3-4 (42 % versus 12 %) et de mucites (25 % versus 2 %) avec la chimiothérapie intensive. Mais pas plus de neuropathie malgré la dose de 1 600 mg/m2 de carboplatine (16 % versus 12 %). Quant aux deux décès toxiques sur les 43 patientes intensifiées (4,6 %), ils ont été déplorés
354 Les cancers ovariens
dans deux équipes pourtant entraînées à l’autogreffe de longue date. Ces deux décès représentent un taux inférieur à 5 % admis par tous comme acceptable dans les études d’intensification thérapeutiques avec support de CSP. Les résultats préliminaires en 2001, avec une recul médian de trente-six mois (fig. 5), semblaient indiquer la supériorité du bras intensif en terme de médiane de survie sans rechute pour les 102 premières patientes analysées : 22 mois versus 11 mois pour le bras standard (32). Avec un recul plus long, proche du double (65 mois), et sur la population totale de 110 patientes, l’avantage statistiquement significatif en terme de survie sans rechute s’est estompé (fig. 6), même s’il persiste un gain de cinq mois pour les patientes du bras intensif (17,5 mois versus 12,2 mois). En survie globale (fig. 7), malgré douze mois de différence (54 mois versus 42 mois) à l’avantage de la chimiothérapie intensive de consolidation, les courbes de survie de KaplanMeier ne s’écartent pas d’une façon statistiquement significatives (p = 0,47). Les résultats définitifs ont été présentés au congrès de l’ASCO 2004 (33) et sont sur le point d’être publiés.
Survie (%)
Survie sans rechute
mois Traitement
Nombre
Survie sans rechute (médiane)
p
Dose standard
50
10 mois
0,033
Haute dose
52
22 mois
Fig. 5 – Essai du GINECO/FNCLCC/SFGM-TC. Trois cures de carboplatine/Endoxan® à la dose standard versus une cure de carboplatine/Endoxan® haute dose. Résultats préliminaires – recueil médian de 36 mois.
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 355
mois
Fig. 6 – Essai du GINECO/FNCLCC/SFGM-TC. Trois cures de carboplatine/Endoxan® à la dose standard versus une cure de carboplatine/Endoxan® haute dose. Résultats définitifs – médiane de survie de 65 mois.
mois
Fig. 7.
356 Les cancers ovariens
L’expérience européenne Les données de l'European Bone Marrow Transplant Solid Tumour Registry ont été publiées par Jonathan Ledermann à Londres (34). Il s'agit d'un collectif de 254 patientes, d'âge moyen de 46 ans (de 22 à 63) issues de 39 centres européens et traitées de 1982 à 1996 essentiellement pour des stades III (70 %) ou des stades IV (21 %). 105 patientes ont été intensifiées en rémission complète ou en très bonne rémission partielle, 27 en deuxième rémission et plus de 50 % des patientes présentaient une maladie macroscopique avant chimiothérapie intensive. La médiane de survie des patientes intensifiées en rémission complète et bonne rémission partielle est de trente-trois mois versus quatorze mois pour les autres. Avec une médiane de suivi de soixante-seize mois à partir du diagnostic, la médiane de survie sans rechute et globale est de quarantedeux et cinquante-neuf mois respectivement pour les stades III, et de vingt-six et quarante mois pour les stades IV.
L’expérience américaine E. Shpall a rapporté au congrès de 1995 de l'American Society of Clinical Oncology, à Los Angeles, l'expérience américaine de chimiothérapie intensive pour cancer ovarien (35). Grâce aux données fournies par l'ABMTR (Autologous Blood and Marrow Transplant Registry), 249 greffes étaient recensées en janvier 1995 dans 51 centres américains. Dans seulement 17 % des cas, l'intensification thérapeutique a été réalisée en consolidation (soit 83 % des cas avec maladie présente). 9 % de décès sont déplorés. La probabilité de survie à deux ans est de 68 % pour les patientes greffées en rémission complète et de 33 % pour celles intensifiées avec maladie évidente. E. Shpall avait également indiqué qu'il était débuté un essai de phase II par le South-Western Oncology Group de chimiothérapie intensive de consolidation pour maladie résiduelle après une chimiothérapie d'induction à base de sel de platine (SWOG 9106). Les patientes devraient être randomisées pour recevoir, soit thiotepa/cyclophosphamide/cisplatine (conditionnement de Duke University of Colorado), soit mitoxantrone/cyclophosphamide/carboplatine (conditionnement de la Loyola University) (36). Cet essai a été stoppé prématurément par défaut d'inclusions. En fait, on doit à P. Stiff la seule étude rétrospective américaine publiée à ce jour (37). Elle porte sur 100 patientes (âge médian 48 ans, extrêmes 23-65) traitées de 1989 à 1996 pour 66 de stades III et 16 de stades IV. Au moment de l'intensification, 13 malades étaient considérées comme étant « sans maladie », 6 avaient une maladie microscopique, 20 un résidu de moins de 1 cm et 61 un résidu de plus de 1 cm. Les durées de médianes de survie sans rechute et de survie globale ont été respectivement de sept et treize mois pour l'ensemble de la population ; pour les patientes sensibles au platine et avec un
Intensification de la chimiothérapie en consolidation 357
résidu ≤ 1 cm, les médianes de survie sans rechute et de survie globale sont de dix-neuf et trente mois.
Conclusion Les intensifications thérapeutiques en consolidation de la chimiothérapie de première ligne du cancer épithélial évolué de l’ovaire sont encore limitées à de petites séries de patientes sélectionnées. Globalement, environ 180 malades ont été incluses dans ces études en France (29), 132 en Europe (34), 100 aux ÉtatsUnis (37) et environ le même nombre au Japon (38). L'analyse des données permet toutefois d'affirmer que la chimiothérapie de consolidation pour cancer de l'ovaire chimio-sensible permet d’espérer une survie globale et une survie sans rechute à cinq ans qui avoisinent les 40 % et 20 % respectivement, sans pour autant couper les ponts à une chimiothérapie ultérieure en cas de rechute. Ces résultats paraissent supérieurs à ceux des traitements conventionnels, mais ils demandaient à être confirmés dans des études contrôlées. Cela vient d’être réalisé par l’étude prospective multicentrique française de phase III randomisée du GINECO-FNCLCC-SFGM-TC qui s’est terminée en novembre 2000. Les résultats définitifs sont maintenant disponibles (33) et ne semblent pas établir la place des hautes doses de chimiothérapie pour compléter l’effet anti-tumoral obtenu après le traitement de première ligne. Même si une différence de douze mois en terme de médiane de survie globale (cinquante-quatre versus quarantedeux mois) est constatée au bénéfice de la consolidation intensive, les courbes de survie ne s’écartent pas d’une façon statistique. Aussi, le problème encore trop fréquent des rechutes pour une maladie pourtant très chimio-sensible n’est pas réglé par cette approche de chimiothérapie intensive. De toute façon, elle n’aurait concerné qu’environ 10 % des patientes atteintes d’un cancer évolué de l’ovaire (malades âgés de moins de 65 ans et en réponse après la chimiothérapie de première ligne). Il convient donc de s’intéresser à toute thérapeutique innovante pouvant éradiquer définitivement la « dernière cellule tumorale » (39) : immunothérapie cytokinique par Interféron gamma par voie intra-péritonéale (40) ou interleukine 12, immunothérapie cellulaire adoptive par monocytes, macrophages activés par voie intrapéritonéale (41), vaccinations, agents anti-angiogéniques…
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La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie O. Glehen et F.-N. Gilly
Introduction Le cancer épithélial ovarien constitue une des principales causes de décès par cancer chez la femme après le cancer du sein et du côlon et est souvent diagnostiqué à un stade évolué (1). La stratégie thérapeutique standard pour une maladie limitée à la cavité péritonéale associe la chirurgie de cytoréduction lorsqu’elle est possible, suivie d’une chimiothérapie systémique associant paclitaxel et dérivé du platine. Cette stratégie permet d’obtenir 60 à 80 % de rémission complète pour une médiane de survie comprise entre 35 et 38 mois (2, 3). La radicalité de la chirurgie de cytoréduction constitue sans doute le principal facteur pronostique comme l’a rapporté une méta-analyse sur plus de 7 000 patientes présentant un cancer ovarien de stade III ou IV (4). Toutefois, en plus des patients ne répondant pas complètement à la stratégie thérapeutique initiale, un certain nombre de patientes récidivent. Elles constituent une population au pronostic beaucoup plus réservé et pour laquelle une prise en charge thérapeutique à visée curative devient beaucoup plus aléatoire. Plusieurs modalités thérapeutiques ont été proposées comme la chirurgie de cytoréduction de deuxième intention, les chimiothérapies de deuxième ligne, ou encore les chimiothérapies avec intensification de dose, la chimiothérapie intrapéritonéale, la radiothérapie, l’immunothérapie, l’hormonothérapie. Mais aucune de ces modalités thérapeutiques ne s’est réellement imposée dans la prise en charge des cancers ovariens récidivants ou chimio-résistants. Au cours des quinze dernières années, plusieurs équipes ont développé un nouveau concept de traitement loco-régional (pour une maladie dont l’extension est essentiellement loco-régionale) : la chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP). Elle peut être envisagée : – à titre palliatif devant une carcinose péritonéale avérée et non accessible à une chirurgie de cytoréduction macroscopiquement complète ; – à visée curative en association à une chirurgie de cytoréduction macroscopiquement complète ;
362 Les cancers ovariens
– à visée adjuvante pour prévenir la récidive d’une carcinose après réponse macroscopique complète dans les suites d’une chimiothérapie systémique. Le développement de cette nouvelle modalité thérapeutique s’est fait essentiellement dans le traitement des carcinoses péritonéales d’origine digestive au cours des dix dernières années et constitue pour certains le traitement de référence pour des patients strictement sélectionnés dans le pseudomyxome et le mésothéliome péritonéal (5, 6) dans les carcinoses d’origine colorectale (7, 8) et gastrique (9).
Rationnel et principe de la CHIP La chimiothérapie délivrée par voie intrapéritonéale a l’avantage de mettre les tissus tumoraux intrapéritonéaux (pas ou peu vascularisés au début de leur croissance) en contact avec des concentrations élevées d’agents cytotoxiques en limitant les concentrations systémiques et donc le risque de toxicité. Les avantages pharmacologiques de la chimiothérapie intrapéritonéale reposent sur l’existence d’une barrière anatomique responsable d’un gradient de concentration entre la cavité péritonéale et la circulation sanguine (10). Le gradient de concentration varie de 20 à plus de 600 selon l’agent considéré. Il dépend principalement du poids moléculaire et de la lipophilie de l’agent considéré (11, 12). L’effet cytotoxique direct de la chaleur à 42,5 °C a été démontré in vitro (13). Cet effet se produit à plusieurs niveaux : au niveau cellulaire où elle induit une destruction des lipides membranaires, une désorganisation du cytosquelette, une dénaturation des protéines intracellulaires et la formation de radicaux libres (14, 15) ; au niveau tissulaire où elle induit des micro-thromboses qui perturbent la vascularisation (16) et activent les défenses immunitaires antitumorale (17). L’hyperthermie a également démontré qu’elle augmentait l’efficacité de certaines molécules (mitomycine C, cisplatine, oxaliplatine), soit en augmentant leur cytoxicité, soit en augmentant leur pénétration dans les tissus tumoraux (18, 19). Son action n’est cependant pas constante et varie selon les drogues. Pour les platines, principalement utilisés dans le traitement des cancers ovariens, plusieurs mécanismes peuvent expliquer la potentialisation par la chaleur : l’augmentation de l’alkylation de l’ADN, de la formation de métabolites actifs, de l’activité à pH bas (moins de 6,5) (20, 21), de la production de radicaux libres (22). L’hyperthermie réduit ainsi les mécanismes de résistance cellulaire au cisplatine (23, 24). Le maintien d’une température dépassant 41 °C dans toute la cavité péritonéale semble essentiel car la diminution d’un degré de température divise par deux l’efficacité de l’hyperthermie (25). La CHIP est un « lavage péritonéal post-chirurgical » qui se déroule en fin d’acte opératoire, sous anesthésie générale et qui véhicule la chimiothérapie intrapéritonéale et la chaleur à l’aide d’un vecteur liquidien. La première CHIP
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 363
chez l’homme a été décrite par Spratt et al. (26) en 1980 pour le traitement d’un pseudomyxome péritonéal. Au cours des années 80, elle a principalement été développée au Japon en association aux techniques de cytoréduction pour le traitement des CP d’origine gastrique sous l’impulsion de Koga (27) et Fujimoto (28). C’est au centre hospitalier Lyon-Sud, en 1989, que la première CHIP a été réalisée en Europe (29), pour une jeune patiente présentant une carcinose massive d’origine gastrique. Par la suite, en France, en Europe, en Asie et en Amérique du nord, sous l’impulsion de quelques chirurgiens comme Gilly (30), Elias (25), Zoetmulder (31), Yonemura (32) et Sugarbaker (33), un nouvel intérêt dans le traitement des CP est apparu, de la même façon que se sont développées et améliorées les techniques de CHIP et de chirurgie de cytoréduction. En 2000, on dénombrait plus de trente centres dans le monde ayant rapporté l’utilisation des techniques de CHIP (34).
Modalités techniques de la CHIP Plusieurs modalités techniques de CHIP ont été décrites (18). Il y a, dans la littérature, autant de techniques que d’équipes, ce qui suggère que nous sommes encore au stade de la standardisation de la technique de CHIP, et loin du stade de validation réelle par des essais prospectifs comparatifs. Les particularités techniques concernent : a) le circuit d’instillation ; b) la procédure sur le péritoine (fermeture pariétale, exposition de la séreuse péritonéale, quantité de liquide, température, durée) ; c) les molécules utilisées ; d) les gestes chirurgicaux associés.
Le circuit d’instillation du liquide et des molécules de chimiothérapie Après des études de standardisation technique, le circuit actuellement retenu par la majorité des équipes est le circuit stérile fermé à l’aide d’une pompe qui permet de maintenir des températures intra-péritonéales entre 42 et 43 °C (fig. 1). La température d’entrée est de 46-48 °C. Le débit est homogène, les risques septiques sont évités (34, 35).
La procédure de CHIP (18, 34-37) Plusieurs techniques de CHIP ont été utilisées : technique « à ventre fermé » (fermeture complète de la paroi ou simple fermeture cutanée) et deux techniques « à ventre ouvert » (technique du « Coliseum » de Sugarbaker avec expandeur du péritoine, technique de suspension pariétale). Dans toutes les
364 Les cancers ovariens
Fig. 1 – CHIP à circuit stérile fermé.
techniques des drains tubulaires sont placés dans les différents cadrans et permettent d’instiller et de recueillir le liquide chauffé contenant les molécules de chimiothérapie. Des capteurs thermiques sont aussi disposés pour contrôler la température intrapéritonéale réelle. Elias et al. (37) ont mené une étude prospective de phase I-II comparant sept techniques différentes chez 32 patients. Les conclusions de cette étude étaient les suivantes : la technique fermée ne permet pas une diffusion homogène de la température et des produits de chimiothérapie ; la technique ouverte avec un expandeur cutané donne une homogénéité thermique parfaite, mais l’expandeur plaqué contre la paroi (et empêchant l’effet de la CHIP à ce niveau) a été à l’origine de récidives pariétales ; la technique ouverte avec suspension cutanée s’est avérée être la technique la plus efficace, le brassage répété des anses par la main du chirurgien permettant de les faire baigner dans le liquide et d’avoir une parfaite homogénéité thermique. Elle pose par contre comme les autres techniques « à ventre ouvert », le problème de l’exposition du personnel soignant. Les défenseurs de la technique « à ventre fermé » ont réalisé des études expérimentales de modélisation pour optimiser l’homogénéité thermique en fonction du débit qui doit être élevé (0,9 l/mn) (38). Ensuite, il a été rapporté que la réalisation d’une chimiothérapie intrapéritonéale à pression positive augmentait la pénétration intra-tissulaire et intra-tumorale de certaines drogues (39). Par ailleurs, a été mis au point un prototype (le Cavitherm) capable de programmer, d’autoréguler et de recueillir les variables débit-température-pression intra-abdominale, ce qui limite les problèmes techniques, facilite la reproductibilité entre les équipes chirurgicales, et permet de standardiser la CHIP et son
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 365
contrôle (18). Le choix de la technique la plus adaptée reste donc encore discuté. La quantité de liquide utilisée dans les différents protocoles est adaptée à la surface corporelle des patients : 2 l/m2 en perfusion continue grâce à la pompe branchée sur le circuit fermé pendant soixante à quatre-vingt-dix minutes. La plupart des équipes utilisent un liquide isotonique, une étude de pharmacocinétique ayant suggéré qu’un liquide hypotonique n’améliorait pas la diffusion des molécules de chimiothérapie et était même à l’origine d’hémorragies intrapéritonéales inexpliquées (40). Mais de récentes études menées par l’équipe du Washington Cancer Institute de Sugarbaker ont montré que l’utilisation d’un liquide hypertonique pourrait augmenter l’exposition des surfaces péritonéales et donc des cellules tumorales résiduelles aux molécules de chimiothérapie (41, 42). La température doit être maintenue à 42-43 °C (niveau de cytotoxicité optimum) dans tous les cadrans de la cavité abdominale.
Les molécules de chimiothérapie Le rationnel du choix d’une molécule est fondé sur sa pharmacocinétique dans la séreuse péritonéale. Les molécules les plus adaptées doivent avoir un poids moléculaire élevé, être hydrosolubles, être rapidement éliminées de la circulation systémique, et surtout avoir une efficacité améliorée par l’hyperthermie (35). La mitomycine C est la molécule la plus adaptée. Son activité est multipliée par 40 quand elle est associée à une hyperthermie à 43 °C. Son absorption pendant la première heure atteint 75-90 % selon les études (43). La dose rapportée par la majorité des équipes est de 10 mg/l. Le cisplatine est la deuxième molécule utilisée (34). Elle est administrée seule ou en association à la mitomycine C. D’autres molécules ont aussi été testées (oxaliplatine, TNFa, doxorubicine, carboplatine, irinotecan, gemcitabine, etc.) (18, 25, 34, 40). Cependant, à l’exception de la mitomycine C et du cisplatine, peu de protocoles thérapeutiques ont été validés par des études de phase II-III et aucune dose de référence n’a été définie, d’autant que plusieurs paramètres peuvent modifier la pharmacocinétique de la molécule et interviennent dans l’efficacité de la CHIP (concentration, volume total, durée, température).
Les gestes chirurgicaux de réduction tumorale Pour être efficace, la CHIP doit être précédée par une chirurgie de réduction tumorale optimale. Les molécules de chimiothérapie, lorsqu’elles sont associées à l’hyperthermie, ne peuvent pénétrer des nodules mesurant plus de 3 à 6 mm (30). Le principe est de réséquer ou de coaguler tous les implants tumoraux supra-millimétriques. Cela peut aboutir à des résections du péritoine pariétal
366 Les cancers ovariens
ou gestes de péritonectomie décrits par Sugarbaker (péritonectomies pariétales, résection de la capsule hépatique, douglassectomie) (44) et à des résections viscérales étendues d’organes pleins (épiploon, rate) ou de tube digestif (intestin grêle, côlon, rectum). La principale limite de cette approche est le risque de retentissement sur la qualité de vie postopératoire du fait de résections étendues (grêle court, etc.) et le risque de mortalité et morbidité, intimement lié à l’agressivité du geste chirurgical (45). La durée moyenne de ces procédure peut atteindre neuf heures (46, 47).
Mortalité et morbidité de la CHIP La toxicité de la CHIP associée à une chirurgie de réduction tumorale est d’ordre chirurgical (désunion anastomotique, complications septiques intrapéritonéales) ou médical (toxicité hématologique, insuffisance rénale). L’hétérogénéité des séries (carcinose d’origine multiple parfois dans la même série sans analyse en sous-groupes), la multiplicité des protocoles et des gestes chirurgicaux associés, et la variation de la présentation des résultats rendent l’analyse et l’interprétation des données difficiles.
Mortalité péri-opératoire La mortalité opératoire varie de 0 % (dans les séries de faible effectif ) à 9,3 % (48). Elle était significativement liée dans une analyse univariée à l’âge des patients et à la température intra-abdominale (49). Après analyse multivariée, seul l’âge pouvait être considéré comme facteur indépendant.
Morbidité « chirurgicale » Il s’agit surtout de lâchage anastomotique, perforation digestive, hémorragie intrapéritonéale, pancréatite aiguë, éviscération. Cette morbidité survenait dans les grandes séries chez un patient sur trois environ. La gastroplégie est très fréquente, imposant souvent une aspiration gastrique de plusieurs jours, et est vraisemblablement liée à la résection complète systématique du grand épiploon parfois associée à celle du petit épiploon, entraînant une dévascularisation et une dénervation partielle de l’estomac. Trois analyses multivariées (49-51) ont montré que les facteurs indépendants de morbidité étaient : la durée de la chirurgie, l’importance et l’étendue de la péritonectomie et le nombre d’anastomoses. Il semble que c’est plus le geste chirurgical de réduction tumorale qui est à l’origine de cette morbidité, mais la CHIP a vraisemblablement son influence sur ces complications. Le stade et l’étendue de la carcinose péritonéale a également été retrouvé comme facteur prédictif de morbidité (47, 52).
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 367
Les patients présentant une carcinose évoluée ont plus de complications que les patients présentant une carcinose limitée.
Morbidité « médicale » ou toxicité de la CHIP Elle est essentiellement hématologique, avec une toxicité de grades 3-4 pouvant survenir dans 8-31 % des cas, en particulier chez des patientes ayant été traitées par de multiples cycles de chimiothérapie systémique. Les autres complications sont essentiellement pulmonaires (jusqu’à 56 % dans la série d’Elias et al.) (47), mais aussi cardiaques et digestives. L’absence d’homogénéité des protocoles de chimiothérapie (CHIP ouverte ou fermée, dosage de la mitomycine C, autres molécules) ne permet pas cependant de comparer les résultats des séries et d’interpréter ces données avec un bon niveau de preuves.
Résultats carcinologiques Les études ayant évalué l’association d’une chirurgie de cytoréduction à une CHIP dans le traitement des carcinoses ovariennes sont principalement des études de phase I-II et de faible effectif (tableau I). Les patientes incluses au sein de ces études étaient le plus souvent strictement sélectionnées, mais la plupart présentaient des carcinoses le plus souvent soit évoluées, soit chimiorésistantes, soit récidivantes, autrement dit des carcinoses de mauvais pronostic pour lesquelles aucun traitement aujourd’hui n’a réellement fait la preuve de son efficacité. Les résultats carcinologiques ont été publiés selon des critères variés (médiane de survie, taux de survie à 1-3 ans) qui ne permettent pas de comparer leurs résultats, d’autant que tous les patients n’étaient pas contrôlés, que peu de séries ont évalué leurs résultats selon la qualité de la chirurgie de cytoréduction (complète ou incomplète) et que le recul moyen est très variable. La multiplicité des protocoles rend l’interprétation encore plus difficile. La qualité de vie a été rarement évaluée dans les études. Les médianes de survie obtenues après l’association d’une chirurgie de cytoréduction et d’une CHIP sont comprises entre dix-neuf et quarante-six mois avec des taux de survie à deux ans proches ou supérieurs à 50 %. Les résultats sont encore plus encourageants lorsque la chirurgie de cytoréduction précédant la réalisation de la CHIP a pu être complète ou sub-complète. Zanon et al. (53) ont rapporté des médianes de survie et de survie sans récidive respectivement de 37,8 et 24,4 mois sur une population de patientes présentant des carcinoses ovariennes récidivantes, lorsque la chirurgie avait permis un debulking optimum ne laissant en place que des nodules de moins de 2,5 mm. Dans notre expérience non encore publiée, avec un recul médian de trente-sept mois, la médiane de survie en cas de chirurgie macroscopiquement complète atteint
368 Les cancers ovariens
Tableau I – Résultats carcinologiques des carcinoses ovariennes chimiorésistantes ou récidivantes traitées par CHIP. Auteurs
Année Nombre Chimiothérapie Recul Médiane médian de survie
Survie
Hager et al. (59)
2001
19
Cisplatine
-
Deraco et al. (60) - chirurgie complète
2001
27
Cisplatine – mitomycine C
-
De Bree et al. (61)
2003
19
Doxitaxol
30 mois
79 % à 1 an/ 63 % à 3 ans
Look et al. (62) - chirurgie complète
2003
28
Cisplatine – doxorubicine
27 mois
46 mois 55 % à 3 ans 55 mois
Piso et al. (63) - chirurgie complète
2004
11
Cisplatine – mitoxantrone
-
33 mois 15 % à 5 ans 44 mois
Zanon et al. (53) - chirurgie complète
2004
30
Cisplatine
-
28 mois 37 mois
Série du CHLS (non publiés) - chirurgie complète
2005
60
Cisplatine
37 mois
19 mois 65 % à 1 an/ 16 % à 5 ans -
55 % à 2 ans 77 % à 2 ans
21 mois 49 % à 2 ans/ 55 mois 12 % à 5 ans 70 % à 2 ans/ 35 % à 5 ans
cinquante-cinq mois. La radicalité de la chirurgie de cytoréduction avant la CHIP apparaît donc être un facteur pronostique majeur. En cas d’importants résidus tumoraux, l’intérêt de la CHIP est très discutable. Sa place comme traitement palliatif de confort de l’ascite néoplasique a été peu évaluée. Deux études (54, 55) ont suggéré que la CHIP améliorait le confort de fin de vie et la qualité de vie des patients ayant une ascite néoplasique. Elle semble permettre un tarissement de l’ascite néoplasique d’origine gastrique dans près de 70 % cas (56). Une étude récente rapporte chez 17 patients, survivant à long terme après chirurgie de cytoréduction et CHIP, une bonne qualité de vie, aucun patient ne regrettant la lourde séquence thérapeutique subie (57). Mais des études prospectives de toxicité-bénéfice doivent être menées pour confirmer ces résultats. Au sein d’une étude rétrospective non contrôlée, Ryu et al. (58) ont comparé deux groupes de patientes présentant un cancer ovarien : un groupe contrôle de 57 patientes traitées par l’association conventionnelle d’une chirurgie et d’une chimiothérapie systémique et un groupe expérimental de 60 patientes bénéficiant en plus d’une chirurgie de cytoréduction et d’une CHIP au carboplatine et à l’interféron. Une analyse multivariée a permis d’identifier la CHIP comme facteur indépendant de bon pronostic avec, pour les cancers ovariens de stade III, un taux de survie à cinq ans de 53,8 % dans le groupe CHIP et de 33,3 % dans le groupe contrôle (p = 0,0015). Bien que la méthodologie de cette étude et donc son interprétation restent très discutables, elle suggère une évaluation nécessaire de cette modalité thérapeutique au sein d’études de phase III.
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 369
Quelle place pour la CHIP en 2005 ? Nous disposons vraisemblablement aujourd’hui de suffisamment d’arguments scientifiques sur l’intérêt potentiel de la CHIP, et les centres spécialisés dans la prise en charge des carcinoses péritonéales maîtrisant la technique de CHIP sont suffisamment nombreux pour que l’on puisse envisager à courte échéance d’évaluer cette modalité thérapeutique au sein d’études contrôlées de phase III. Une étude de phase II évalue actuellement la CHIP avec oxaliplatine en consolidation du traitement de première ligne et devrait être suivie d’une étude de phase III. Un projet d’étude de phase III pour les récidives tardives comparant une chimiothérapie de deuxième ligne à la même chimiothérapie plus CHIP est en cours.
Conclusion La CHIP associée à une chirurgie de cytoréduction optimale est un outil thérapeutique en voie de développement dans la prise en charge des carcinoses ovariennes. Les modalités techniques (mode d’instillation, chimiothérapie) de la CHIP, tout comme les gestes chirurgicaux de cytoréduction et les indications, ne sont pas pour le moment standardisées. Les résultats des séries provenant de centres spécialisés sont prometteurs, mais demandent à être confirmés par des études prospectives de phase III de bonne qualité méthodologique. La morbidité reste lourde et semble surtout le fait de la chirurgie extensive de réduction tumorale, ce qui souligne l’importance et la nécessité d’une stricte sélection des patients. Reste à souligner que la prise en charge des carcinoses ovariennes demande des équipes pluridisciplinaires (chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, oncologues médicaux, radiologues, anatomopathologistes et pharmaco-cinéticiens) et qu’à ce jour, ceci ne peut être réalisé qu’en centre spécialisé.
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La radiothérapie
La radiothérapie dans les cancers ovariens L. Thomas
Introduction La place de la radiothérapie dans le traitement des cancers ovariens reste controversée. Cette question est-elle encore d’actualité ? Son utilisation sous ses deux moyens, curiethérapie isotopique et radiothérapie externe, a longtemps été palliative, pour assécher les ascites. Le développement des hautes énergies et la mise au point par Delclos (1) de techniques particulières pour irradier l’abdomen, a permis de transformer les indications de la radiothérapie. La radiothérapie est restée longtemps un traitement largement utilisé après la chirurgie. Elle s’est intégrée dans le cadre d’une stratégie thérapeutique pluridisciplinaire où la chirurgie constituait la pièce maîtresse. Progressivement, à partir du milieu des années 80, sa place n’a fait que décroître, d’une part du fait de l’éclosion des sels de platine et plus encore de l’arrivée des taxanes, d’autre part, devant la mise en avant de sa toxicité immédiate et à long terme, considérée comme inacceptable. La place de la radiothérapie reste controversée pour deux raisons : La première raison est d’ordre technique, tant pour la curiethérapie isotopique que pour la radiothérapie externe. La curiethérapie isotopique utilise le phosphore 32 et pose des problèmes de distribution au sein de la cavité abdominale et donc des problèmes de dosimétrie. La radiothérapie externe, du fait de l’importance du volume cible et de la présence d’organes critiques pour lesquels le seuil de la dose toxique est relativement bas, ne peut être réalisée à une dose théoriquement efficace sur la maladie résiduelle. La dose délivrée est une dose de compromis entre dose efficace et dose toxique qui entraîne des interrogations, tant sur l’efficacité elle-même de la radiothérapie que sur sa toxicité. La deuxième raison concerne l’absence d’étude randomisée permettant d’asseoir la validité de la radiothérapie dans le traitement des cancers ovariens (problèmes méthodologiques, études anciennes, faible nombre de patientes incluses). De plus, les études randomisées évaluant la radiothérapie par rapport aux références chimiothérapiques aujourd’hui utilisées sont actuellement
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absentes, ni en cours de réalisation ni en prévision, du fait de la diminution de l’utilisation de la radiothérapie par de nombreuses équipes.
Rationnel de la radiothérapie À partir de la tumeur ovarienne, l’extension naturelle se fait par voie intrapéritonéale, par migration cellulaire et par extension ganglionnaire lombo-aortique et pelvienne, iliaque externe. Cette extension explique que la localisation des rechutes après chirurgie soit située dans 85 % des cas dans la cavité abdominopelvienne. La curiethérapie isotopique, du fait de la nature du radioélément utilisé, est potentiellement efficace sur une maladie microscopique superficielle. La radiothérapie externe est également théoriquement efficace sur une maladie microscopique résiduelle, mais non sur des résidus inférieurs à 2 cm ou résidus minimes, sauf s’ils sont situés dans le pelvis où des doses de l’ordre de 45 Gy peuvent être délivrées. Les différentes techniques d’irradiation vont être successivement décrites ainsi que leurs résultats.
La curiethérapie isotopique Elle a été utilisée dès les années 1950 dans le traitement des ascites malignes. Actuellement, elle fait appel au phosphore 32, émetteur β pur, dont le trajet d’action se situe entre 2 à 3 mm. L’or 198, émetteur β et γ, a été abandonné du fait des problèmes de radioprotection. Le lieu d’action du P32 est constitué par une cavité abdomino-pelvienne libre d’adhérences pour assurer une bonne répartition du produit. Du fait des propriétés physiques inhérentes au radioélément utilisé, cette action ne peut s’exercer que sur une maladie microscopique superficielle.
Technique d’administration • Création d’une ascite de 2 litres. • Vérification par injection de technétium 99 m de la bonne répartition du produit. • Injection de la dose de P32 variant de 12 à 20 mCi. • Demander à la patiente une mobilisation active, alternativement sur chaque côté de l’abdomen, afin de bien répartir le produit. Les inconvénients de cette technique sont : – une dosimétrie imprécise et imprévisible ; – une dose considérée comme négligeable ;
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– une répartition assez hétérogène du radioélément même en l’absence de cloisonnement. Dans la littérature, la distribution du P32 est jugée inadéquate dans 3 à 35 % des cas (2, 3). Pour Goodman (4), une étude tomodensitométrique avec injection intrapéritonéale du produit de contraste hydrosoluble réalisée chez 13 patientes a montré une distribution complète du produit chez une patiente, sans zone d’exclusion ni floculation. La toxicité immédiate existe, mais elle est peu rapportée dans la littérature. Pour Tharp (5), elle est de 21 %. La toxicité à long terme est d’ordre digestif. Le taux d’occlusions digestives sévères (nécessitant une chirurgie) varie dans la littérature de 5 à 25 % (5, 8). Deux points sont à noter : la toxicité digestive sévère est majorée en cas d’irradiation pelvienne associée (2, 5) ; elle n’est pas majorée lorsque le P32 est administré après deux laparotomies (7, 9). Pour Peters (8), la toxicité serait dose-dépendante (dose conseillée de 12 mCi) et, pour Spanos (6), le délai d’administration après chirurgie devrait être inférieur à douze heures.
Résultats Concernant les formes localisées, nous avons à notre disposition quatre essais randomisés (tableau I). Les trois premiers essais comparent après chirurgie Tableau I – Traitement des cancers ovariens par phosphore 32 (essais randomisés). Références
Young (10)
Vergote (12)
Klaassen (2)
Vergote (3)
Type d’étude
Phase III
Phase III
Phase III
Phase III
Nombre de patientes
n = 140
n = 347
n = 257
n = 50
Extension tumorale
Ib G3/Ic/II
I/II sans résidus
Ia/II/III limite pelvis
Ia G2 G3 Ib → III pas de résidus chir. initiale
Type de traitement après chirurgie initiale
Melphalan (1) P32 (1) ® ® chimiothérapie P32 (2) cisplatine 50 mg/m2 (2) bras non R → RAP (3)
RAP (1) (n = 107) ® pelvis + melphalan (2) (n = 106) pelvis + P32 (3) (n = 44)
P32 (1) cisplatine LAP 2° – ® surveillance (2)
Recul M (mois)
72
62
96
Survie actuarielle
81 % (1) à 5 ans 78 % (2)
83 % (1) à 5 ans (81 % (2)) 94 % (3)
62 % (1) à 5 ans (61 %) 66 % (3)
73 % (1) à 5 ans 73 % (2)
Tolérance et complications
NP
11 % d’occlusion (1)
5 % complic. dig. sévères (1) 4 % leucémies (2) 25 % complic. dig. sévère (3)
7 % occlusion (1) 0,6 % → DC
Bénéfice global
Équivalence des traitements
Équivalence des traitements Toxicité ++ (1)
Équivalence des traitements Bras (3) arrêté pour toxicité
Équivalence des traitements
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initiale le P32 à du melphalan ou à une chimiothérapie à base de platine ou à une irradiation abdomino-pelvienne. Ces essais montrent une équivalence des traitements, les taux de survie actuarielle à cinq ans allant de 62,6 à 82 % avec des taux de toxicité variables. Concernant l’utilisation du P32 après chirurgie de contrôle, nous avons à notre disposition dans la littérature un essai randomisé pour des stades limités et des études rétrospectives. L’essai randomisé de Vergote (3) a comparé après laparotomie de contrôle un traitement par P32 contre une simple surveillance. Les résultats étaient équivalents. La conclusion possible de cet essai est de dire que lorsqu’il n’existe pas de résidus à l’issue de la chirurgie initiale, un seul traitement adjuvant est suffisant (tableau I). L’essai randomisé de Young (11) publié en 1999 a comparé après chirurgie pour des stades I-IIA de haut risque, de grade 2 et grade 3, phosphore 32 intrapéritonéal et chimiothérapie adjuvante avec cyclophosphamide et cisplatine. Il n’existe pas de différence au niveau de la survie sans rechute à cinq ans, avec 66 % pour le premier bras avec phosphore 32 et 77 % dans le groupe avec chimiothérapie adjuvante. Néanmoins, 2 patientes sur 98 ont présenté une perforation intestinale dans le premier groupe. Les études rétrospectives concernant l’utilisation du P32 après laparotomie de contrôle ont intéressé des stades variables initialement allant du stade I au stade III. Les patientes après chirurgie initiale, chimiothérapie et laparotomie de contrôle négative ont reçu du P32. Les résultats sont discordants avec des taux favorables de survie à cinq ans de 90 et 100 % pour Rogers (7) et Spencer (9) et de 40 % pour Peters (8). Cette discordance peut être expliquée par une plus forte proportion de stades III dans l’étude de Peters. Au total, les résultats obtenus avec le P32 dans les formes localisées ne permettent pas d’être catégorique quant à son efficacité et ce avec des toxicités sévères de l’ordre de 11 %. Après laparotomie de contrôle négative, l’intérêt du P32 reste à démontrer dans le cadre d’essais randomisés. Il faut souligner que le P32 ne doit jamais être associé à une irradiation pelvienne et que certaines règles d’administration doivent être suivies scrupuleusement, afin de maintenir un taux de toxicité digestive grave de l’ordre de 5 %. De plus, l’efficacité potentielle du P32 est amoindrie par une distribution jugée le plus souvent inadéquate, même en l’absence de cloisonnement (4). En conclusion, la curiethérapie isotopique n’est pas recommandée (niveau de preuve B) (13, 14).
La radiothérapie dans les cancers ovariens 379
La radiothérapie externe Dès 1912, les rayons X ont été utilisés dans le traitement des cancers ovariens, mais, du fait de la faible énergie du rayonnement 200 KV, son utilisation était palliative. En 1960, Delclos (1) à Houston, en utilisant les hautes énergies et en inventant la technique dite « en bandes mobiles » (moving strip) pour irradier l’abdomen, a permis le développement de la radiothérapie externe dans le traitement des cancers ovariens, car les appareils de radiothérapie de l’époque ne permettaient pas de traiter des grands volumes en un seul champ. L’histoire naturelle des cancers ovariens (dissémination péritonéale et lombo-aortique) et l’essai de Dembo (15) ont définitivement indiqué que le volume à irradier consistait en l’ensemble de la cavité péritonéale allant du culde-sac de Douglas jusqu’aux coupoles diaphragmatiques en haut avec une marge de sécurité de 2 cm. La dose théorique qu’il faudrait administrer pour traiter une maladie microscopique est de l’ordre de 45 Gy (16). La dose maximum tolérable pour l’ensemble de l’intestin grêle est de 30 Gy. On sait donc que la probabilité de contrôler la maladie microscopique peut être estimée à 60 % environ. Un autre compromis entre efficacité et toxicité au niveau de la dose est réalisé en cachant certaines zones, en particulier le foie et les reins, d’où une hétérogénéité de dose et un sous-dosage par rapport à la dose prescrite délivrée en zone non protégée. La radiothérapie externe, du fait de l’importance du volume à irradier et de la présence d’organes critiques est donc nécessairement un compromis entre efficacité et toxicité, et n’est donc pas au maximum de son efficacité potentielle.
Techniques à notre disposition pour irradier la cavité abdomino-pelvienne La technique initiale est celle de Delclos (1), dite « en bandes mobiles » (moving strip), nécessitant un étalement important de l’irradiation. De plus, pour Dembo (17), sa toxicité est plus importante que la technique des grands champs. La technique des grands champs utilise deux ou quatre faisceaux. La technique princeps est celle réalisée par Dembo, utilisant deux faisceaux opposés, sans cache hépatique et des caches rénaux postérieurs à 15 Gy. La dose délivrée est de 22,5 Gy, les patientes recevant systématiquement au préalable 22,5 Gy en dix fractions sur le pelvis. Certaines variantes sont utilisées, comme par l’équipe de l’institut GustaveRoussy qui délivre 20 Gy sur l’abdomen, sans aucun cache (18). La cavité abdomino-pelvienne peut également être irradiée par quatre faisceaux orthogonaux. Cette technique décrite par Delouche (19) a été modifiée
380 Les cancers ovariens
à l’institut Bergonié (20). Le volume d’irradiation est le même que celui décrit par Dembo avec caches hépatique, rénaux et au niveau du rachis dorsolombaire et du sacrum. Par cette technique, il est délivré une dose de 30 Gy en zone non protégée à raison de 1,5 Gy par jour, cinq fois par semaine. Du fait de la présence de caches, nécessaires pour la tolérance des organes critiques (foie et reins), il existe une hétérogénéité de la distribution de dose. Par la technique des quatre faisceaux, la dose délivrée en zone protégée au niveau du lobe droit du foie varie de 3 Gy en arrière à 14 Gy en avant ; le rein reçoit une dose de 10 Gy. Ces différentes techniques ne parviennent donc pas à éviter le problème du sous-dosage des zones protégées et ne délivrent à la plus grande partie de l’abdomen qu’une dose de 20 Gy, même si la dose prescrite est de 30 Gy. L’irradiation de l’abdomen avec la modulation d’intensité en arc-thérapie a été utilisée et rapportée (21). Cette technique d’irradiation a été réalisée en 13,8 minutes pour une dose de 1,5 Gy par fraction. La dose prescrite au niveau PTV (du volume cible de planification) était de 33 Gy et il a été constaté que le V90, c’est-à-dire le volume de PTV recevant plus de 90 % de la dose prescrite, était supérieur à celui obtenu par des plans plus conventionnels avec quatre faisceaux. De plus, la distribution de dose était plus homogène que celle obtenue avec une technique d’irradiation conventionnelle, avec une protection équivalente des organes critiques tels que les reins et le foie.
Tolérance et complications La majorité des patientes (93 % des cas) présentent une intolérance digestive à type de nausées et vomissements motivant exceptionnellement l’arrêt du traitement. Actuellement, ces troubles sont bien calmés par la prise de médicaments antagonistes de la sérotonine. Les interruptions transitoires sont liées en majorité à une intolérance hématologique (thrombopénie) : le taux varie dans la littérature de 8 à 37 % (22, 23), survenant le plus souvent chez des patientes traitées par chimiothérapie antérieure. L’interruption définitive est rapportée de façon variable dans la littérature (de 1,4 à 30 %). Elle est liée à une intolérance hématologique (thrombopénie) dans la majorité des cas. Le taux d’arrêt définitif varie de 1,4 à 10,5 % pour les patientes traitées par chirurgie et radiothérapie (22-24), alors qu’il varie de 13,3 à 30 % lorsqu’une chimiothérapie a précédé l’irradiation (22, 23, 24).
La radiothérapie dans les cancers ovariens 381
Complications tardives Elles sont essentiellement d’ordre digestif. Les complications telles que l’hépatite radique ou la néphrite radique sont rarissimes du fait des protections mises en place et des niveaux de dose délivrés. Les taux d’occlusion digestive sévère nécessitant une chirurgie varient dans la littérature de 1,4 à 14 % (23, 24). Le taux moyen rapporté dans la littérature est de 5 % si les patientes sont traitées par chirurgie et radiothérapie et de 10 % si une chimiothérapie et deux laparotomies ont précédé la radiothérapie (23, 24). Pour certains, le nombre d’interventions chirurgicales est un facteur favorisant dans la genèse des complications digestives graves (24, 25). Le rôle favorisant de la surimpression pelvienne a été rapporté par Whelan (24) et Thomas (20). Whelan rapporte également qu’une dose totale au niveau de l’abdomen supérieure à 22,5 Gy est un facteur favorisant. Les complications intestinales dépendent de la dose totale, de la dose par fraction et du nombre d’interventions antérieures (24). Une étude récente de Firat (26) a montré qu’en augmentant la dose au niveau de l’abdomen, à plus de 36 Gy, on augmentait l’efficacité mais également les complications de façon notable : pour cet auteur, une dose abdominale supérieure à 30 Gy et une dose sur le pelvis supérieure à 50 Gy étaient associées à une augmentation significative des complications intestinales type occlusion (21 % des patientes ont développé des complications digestives intestinales de grade 3 ou 4 et 11 % ont présenté des occlusions nécessitant une chirurgie).
Résultats Après chirurgie initiale, nous avons à notre disposition dans la littérature cinq essais randomisés. L’essai princeps de Dembo (15) a montré la supériorité de l’irradiation abdmino-pelvienne (RAP) par rapport à l’irradiation pelvienne associée ou non à du chlorambucil. Cet essai a comparé, pour 190 patientes porteuses de stades IB à III avec résidus minimes, les trois types de traitement précités. Il existe une différence significative au niveau de la survie actuarielle à cinq ans (p = 0,006) et une survie à 78 % pour les patientes traitées par RAP après chirurgie complète et 51 % avec une irradiation pelvienne + chlorambucil. Le bénéfice avec la RAP était donc démontré pour des patientes opérées, même avec des résidus minimes, c’est-à-dire inférieurs à 2 cm, mais situés dans le pelvis. Les essais de Klaasen (2) et Sell (27) n’ont pas montré de supériorité de la RAP par rapport à l’irradiation pelvienne + melphalan ou P32, ou à l’irradiation pelvienne + endoxan. Les survies à cinq ans variaient de 62 et 66 % pour Klaasen et de 63 à 65 % pour Sell, mais ces études ont montré la toxicité des associations irradiation pelvienne + P32 et irradiation pelvienne + endoxan.
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Le dernier essai de Chiara, plus récent, a comparé pour des stades I et II à haut risque (28), après chirurgie première, une RAP versus une polychimiothérapie de type CP (cisplatine 50 mg/m2 et cyclophosphamide 600 mg/m2). Il n’y a pas de différence de survie significative à cinq ans (p = 0,16) : 71 % pour le bras chimiothérapie et 53 % pour le bras RAP. Aucune conclusion ne peut être tirée de cet essai quant à la supériorité de la polychimiothérapie par rapport à la RAP. Cependant, l’étude de Chiara est critiquable avec un faible effectif dans chaque bras de traitement (36 et 34 patientes), des violations protocolaires et également une toxicité importante dans le bras radiothérapie puisque 28 % des patientes ont présenté une diarrhée. L’étude randomisée de Kojs (29) a comparé une chimiothérapie à base de sels de platine (cisplatine, doxorubicine, cyclophosphamide) à une radiothérapie abdmino-pelvienne (30 + 20 Gy) après chirurgie initiale pour des stades Ib de grade 2, grade 3, Ic et IIA sans résidus. Il existe une équivalence des deux traitements complémentaires, avec un taux de survie sans rechute de 80 % à cinq ans et un taux de complications digestives graves de 3 % dans le bras radiothérapie. 71 patientes ont été incluses dans chaque bras. Au total, au vu de l’ensemble de ces études, celles-ci montrent une efficacité indiscutable de l’irradiation abdomino-pelvienne comparée à une chimiothérapie à base de sels de platine, montrant tout au plus une équivalence des traitements avec cependant 3 % de complications digestives graves avec la radiothérapie. Pour les stades précoces, au vu des derniers essais publiés – ICON 1 (30) et ACTION (31) – les SOR (14) ont basé leurs recommandations : pour les tumeurs de stades I et IIA, la chimiothérapie apporte un bénéfice en terme de survie sans récidive dans les deux études et en terme de survie globale à cinq ans dans l’étude ICON 1. Le bénéfice de la chimiothérapie par rapport à une surveillance n’est plus retrouvé lorsque les patientes ont une stadification chirurgicale complète (ACTION). Les SOR recommandent une chimiothérapie complémentaire à base de sels de platine pour les stades précoces : les tumeurs de grade 3, les tumeurs à cellules claires, les stades IC et IIA. La radiothérapie abdomino-pelvienne n’a pas été évaluée par rapport à une chimiothérapie à base de taxanes. Dans le cadre des SOR, la radiothérapie abdomino-pelvienne reste une option à ne réaliser que dans le cadre d’essais thérapeutiques et en prévenant les patientes de la toxicité spécifique de la radiothérapie abdomino-pelvienne. Le Swedish Council préconise qu’il n’y a pas d’indication de radiothérapie pour les stades précoces à bas risque, qu’il n’y a pas d’essai comparant une radiothérapie à l’abstention thérapeutique dans les stades précoces à haut risque et qu’il n’y a pas de preuve scientifique de la différence d’efficacité entre chimiothérapie adjuvante et radiothérapie, mais sans étude ayant comparé la radiothérapie abdomino-pelvienne à des chimiothérapies à base de taxanes et sans référence par rapport à des effets à long terme de l’irradiation (32). Dans les formes avancées : – la radiothérapie n’est pas indiquée après chirurgie (SOR) ;
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– après chirurgie initiale et polychimiothérapie à base de sels de platine, des chirurgies de second regard ont permis d’évaluer l’action de la chimiothérapie. La survie est corrélée à la présence de résidus ou non et de leur taille. Après chirurgie de contrôle, se pose la question ou non d’un traitement de consolidation. La valeur d’un traitement de consolidation et son type ne sont pas clairement définis, chimiothérapie intrapéritonéale (33), chimiothérapie par voie systémique, radiothérapie abdomino-pelvienne, voire abstention thérapeutique (34, 35). On sait en effet que, même après laparotomie de contrôle négative, avec des rémissions complètes histologiques, les taux de rechute varient de 40 à 60 % (36).
Dans quelle situation la radiothérapie abdomino-pelvienne estelle considérée comme efficace ? Les études rétrospectives ont montré des survies de 76 et 63 % pour des patientes en rémission complète histologique ou avec des résidus millimétriques (22, 37). En cas de résidus macroscopiques inférieurs à 2 cm, la survie varie de 18 à 30 %, ce qui peut être expliqué par les doses limitées qu’il est possible de délivrer au niveau de l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne. Thomas (38), colligeant 713 cas provenant de 28 séries différentes, a constaté une survie liée à l’existence ou non de résidus avant consolidation : pas de reliquat : survie de 76 % ; microscopiques inférieurs à 5 mm : 49 % ; macroscopiques : 17 %. Ceci permet de constater que la radiothérapie abdomino-pelvienne ne peut être appliquée en consolidation que s’il n’existe pas de résidus macroscopiques (14).
Quelle est sa place par rapport aux autres traitements de consolidation ? Les essais randomisés ont comparé, après laparotomie de contrôle négative ou avec résidus dits « minimes » (inférieurs à 2 cm), la RAP versus une polychimiothérapie à base de platine pour Bruzzone (39) et de carboplatine pour Lambert (40) (tableau II). L’essai de Bruzzone a été arrêté prématurément du fait d’une différence significative en faveur du bras polychimiothérapie (p = 0,02) : 9 décès sur 20 dans le bras RAP, et 3 décès sur 21 dans le bras chimiothérapie. Pour Lambert, il y a équivalence des traitements. Quant à l’essai de Mangioni (41), il est d’interprétation difficile en raison d’un manque de données statistiques. L’essai randomisé de Sorbe publié récemment (42) a comparé en consolidation, après second look négatif, pour des stades III, une irradiation abdomino-pelvienne à une chimiothérapie versus abstention thérapeutique. La survie sans rechute à cinq ans est significativement meilleure dans le bras radiothérapie (56 % versus 36 % et 35 % dans le bras chimiothérapie-
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Tableau II – Radiothérapie abdomino-pelvienne des cancers ovariens après chirurgie, chimiothérapie et laparotomie de second look (essais randomisés). Références
Bruzzone (39)
Lambert (40)
Type d'étude
Phase III
Phase III
Nombre de patientes
n = 41
n = 117
Extension tumorale
III/IV Pas de résidus ou résidus < 2 cm à la laparotomie (2°)
IIbc/III/IV Pas de résidus ou résidus < 2 cm à la laparotomie (2°)
RAP n = 20 (1) Type de traitement
LAP 2° ®
RAP n = 58 (1) LAP 2° ®
Polychimiothérapie cisplatine (2) n = 21
Carboplatine n = 21 (2)
Technique RAP
« Grand champ » 30 Gy (2 faisceaux) + SI pelvis 14 Gy
« Grand champ » 24 Gy (2 faisceaux) + SI pelvis 16 Gy non systématique
Recul M (mois)
22
48 (MIN)
Survie actuarielle
Décès liés à la maladie 9/20 (45 %) (1) 3/21 (14,2 %) (2) p = 0,02
RC HISTO ou micro ≈ 40 % Résidus < à 2 cm : 15 %
Tolérance et Complications
5 % complic. digestive sévère (chirurgie) (1)
94 % ttt complet 1 % † par fistule digestive (1) 5 % neuropathie périphérique (2)
Bénéfice global
Avantage chimiothérapie – Inefficacité de la RAP → arrêt de l'essai
Équivalence des traitements Une consolidation est-elle nécessaire ?
abstention ; p = 0,032). Cependant, il existe 10 % de complications digestives sévères à type d’occlusion dans le bras radiothérapie. La radiothérapie abdomino-pelvienne comportait une irradiation de l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne à la dose de 20 Gy, suivie d’une surimpression de 20,4 Gy au niveau du pelvis. La place du traitement de consolidation, quel qu’il soit, reste à définir dans le cadre d’essais randomisés à plusieurs bras en cas de second look négatif. L’essai randomisé de Sorbe (42) a conforté le rôle de l’irradiation abdominopelvienne en cas de second look montrant une rémission complète histologique.
Évolution Une étude rétrospective de Debby (43) a rapporté des taux de survie de 78,7 % à cinq ans et une survie actuarielle de 63,3 % à dix ans, avec un traitement pour des stades II à IV de cancer ovarien, ayant reçu une chirurgie initiale et une
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chimiothérapie à base de sels de platine et pour lesquels, après second look négatif, une irradiation abdominale totale avait été réalisée à une dose unique de 8 Gy. Des complications modérées ont été observées chez 9,4 % des patientes, avec simplement des diarrhées persistant pendant quatre mois chez deux patientes et un épisode de cystite persistant pendant six mois.
Conclusion La radiothérapie externe abdomino-pelvienne a une efficacité certaine dans les cancers ovariens en cas d’absence de résidus. Actuellement, les données la concernant sont le plus souvent anciennes, sans comparaison avec les chimiothérapies à base de taxanes et sels de platine. De plus, la radiothérapie abdomino-pelvienne est redoutée du fait des complications digestives observées. Néanmoins, les facteurs de risque de complications digestives sont actuellement bien délimités. Son rôle ne pourra perdurer que si des études randomisées sont effectuées, permettant de valider sa place par rapport aux molécules de chimiothérapie actuellement utilisées.
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386 Les cancers ovariens
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La radiothérapie dans les cancers ovariens 387
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La radio-immunothérapie dans les cancers ovariens F. Giammarile et Th. Mognetti
Introduction L’utilisation thérapeutique des radioéléments en source non scellée est fondée sur l’action destructrice des cellules tumorales par les rayonnements ionisants émis par un radiopharmaceutique concentré sur les sites de fixation. La radiothérapie métabolique ou interne est donc un traitement systémique qui peut agir à la fois sur la tumeur primitive et sur ses métastases, mais qui ne peut être proposé que dans les cas de rétention élevée, sélective et prolongée du radiopharmaceutique par la tumeur. Son objectif est d’administrer une irradiation maximale des cellules tumorales, en garantissant un minimum de toxicité au niveau des cellules saines. Les prérequis d’un tel traitement sont la présence d’une haute affinité entre radiopharmaceutique et cible avec liaison rapide et internalisation du produit jusqu’aux étapes de dégradation dans les lysosomes, une activité hautement spécifique au site récepteur, une stabilité du radiomarquage guidant le choix du chélateur et du vecteur et un rayon d’action des particules radioactives adapté à la dissémination tumorale (1). Le principe est le même que celui de l'exploration in vivo (explorations fonctionnelles ou scintigraphiques) et repose sur la spécificité des radiopharmaceutiques vis-à-vis d'un organe ou d'une pathologie. La différence fondamentale réside dans le type d'émetteur considéré. Alors que le diagnostic in vivo impose, pour des raisons liées aux impératifs de détection externe, le recours à des radioéléments qui émettent des rayonnements pénétrants de type gamma (ou β+), la radiothérapie doit mettre en œuvre des rayonnements dont le parcours moyen est faible, afin de déposer l'essentiel de leur énergie au contact du tissu cible, c'est-à-dire généralement des émetteurs β- (tableau I). La radiothérapie métabolique ne se limite pas aux traitements thyroïdiens par l’iode radioactif et bien d’autres applications existent actuellement ou sont en voie de développement : traitement des tumeurs neuro-endocrines non opérables par la MIBG iodée ou par l’Octreotide marqué à l’yttrium, traite-
390 Les cancers ovariens
Tableau I – Caractéristiques physiques des radioéléments utilisés en radiothérapie métabolique (en gras les principaux radioéléments utilisés dans le cancer de l’ovaire). R
D
E
P
G
M
m
M
m
P
14,3
β-
1,71
0,70
8,7
1,85
-
Cu
2,58
β-
0,57
-
-
0,27
92,185
Sr
50,5
β-
1,49
0,58
8,0
-
-
Y
2,67
β-
2,28
0,94
12,0
2,76
-
Sn
13,6
β-
0,16
-
-
-
159
I
60,3
E.C
0,4 KeV
-
10 nm
-
-
32 67
T
89
90
117m
125
I
8,04
β-
0,61
0,20
2,4
0,4
364
Sm
1,95
β-
0,81
0,23
3,0
0,53
103
Lu
6,7
β-
0,50
0,13
-
-
208
Re
3,77
β-
1,08
0,35
5,0
0,92
137
Re
0,71
β-
2,12
-
10,8
2,43
155
-
< 0,1
-
670
131 153
177
186 188
At
0,3
α
6 + 7,5
212
Bi
60 min
α
6+9
-
< 0,1
-
727
213
Bi
45 min
α
8
-
2 cm < 2 cm
27 9
1995
14 24 19
< 0,5 cm > 0,5 cm Chir = O
41 23 9
Vacarello (11)
p < 0.0001
p < 0.0001
Morris (10)
1998
18 1
< 2 cm > 2 cm
18 13
p < 0.2
Eisenkop (9)
2000
87 19
Micro Macro
44 19
p < 0.007
Scarabelli (14)
2001
149
< 1 cm 70 %
-
-
Zang (13)
2004
117
< 1 cm 62 %
26
-
La chirurgie des récidives 401
Facteurs pronostiques de la chirurgie des récidives Le délai Le facteur le plus fréquemment objectivé est le délai de survenue de la récidive (14,16,17). Le bénéfice est d‘autant plus important que la récidive est tardive. Pour Eisenkop le délai pour envisager une chirurgie est au minimum de six mois (18). Dans la plupart des séries, le délai minimal est de douze mois.
La localisation Le nombre de sites impliqués influence la survie. Plus ce nombre est faible, meilleure est la survie (13, 16). Seule la présence d’une carcinose ou la présence d’une ascite aggrave le pronostic (13, 18).
Le reliquat post-chirurgical Le volume résiduel après chirurgie de rattrapage est déterminant et l’absence de reliquat tumoral s'accompagne de façon statistiquement significative d'une meilleure survie des patientes. (tableau II).
Indications de la chirurgie des récidives Une chirurgie de réduction secondaire ne peut s’envisager que chez des patientes en rechute intra-abdominale isolée. Toute métastase extra-abdominale doit faire renoncer à la chirurgie. L’association CT-Scan et PET-Scan semble être le meilleur outil de détection et d’évaluation pré-opératoire de la récidive et de la résécabilité. Chez 18 patientes en situation de récidive, Bristow a montré que l’association CT-Scan-Pet-Scan permet de détecter des tumeurs de plus de 1 cm dans 82 % des cas avec une sensibilité de 83 % et une valeur prédicitive positive de 94 % (p = 0,046). Une chirurgie à reliquat nul a pu être obtenue chez 72 % des patientes (19). La présence d’une carcinose péritonéale avec implants tumoraux de petit volume est rarement détectée par imagerie et, dans ce cas, la laparoscopie première est sans doute le meilleur outil pour évaluer la résécabilité des patientes en situation de récidive. Elle est réalisable sur des ventres multiopérés (20). Le bénéfice de la chirurgie étant incertain, le clinicien doit évaluer au mieux les patientes éligibles à une approche chirurgicale.
402 Les cancers ovariens
L’indication opératoire est posée sur les critères suivants : – délai suffisant entre la fin du traitement initial et la récidive (si possible supérieur à douze mois) ; – état général conservé ; – absence d’extension extra-abdominale ; – absence de carcinose péritonéale ; – absence d’irradiation abdominale totale ; – tumeur limitée à un ou deux sites et dont l’exérèse apparaît techniquement possible. Une chimiothérapie doit pour voir être proposée dans des délais raisonnables après la chirurgie. L’effort chirurgical est d’autant plus efficace que le territoire concerné par la récidive n’a pas été initialement intéressé par la chirurgie de première intention. C’est le cas par exemple des récidives lombo-aortiques chez des patientes qui n’avaient pas eu de curage.
Conclusion Le traitement des récidives de cancers de l’ovaire peut nécessiter un acte chirurgical. Dans les standards, options et recommandations (SOR) de la FNCLCC, l’alternative chirurgicale peut être retenue dans les circonstances suivantes (21) : – masse unique ou quelques masses dont l’exérèse peut être complète ; – maladie ne progressant pas sous chimiothérapie ; – rechute tardive. Nous pensons que, chez des patientes bien sélectionnées, une récidive tardive doit être prise en charge de la même manière que de première intention par une chirurgie complète suivie d’une chimiothérapie (2). Actuellement, deux essais prospectifs randomisés évaluent l’impact de la chirurgie chez les patientes en situation de récidive : – EORTC 55963 : rechute minimum un an après la fin du traitement initial, six cures de platine versus trois cures-chirurgie-trois cures (environ 700 patientes) ; – GOG 213 : rechute minimum six mois après la fin du traitement ; – chirurgie versus chimiothérapie sans chirurgie. Dans l’attente des résultats de ces essais, la chirurgie doit être appliquée à des patientes rigoureusement sélectionnées par une équipe multidisciplinaire.
La chirurgie des récidives 403
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Traitement médical des rechutes (récidives) précoces B. Weber
Quelques définitions La rechute ou la récidive d’un cancer de l’ovaire se traduit par une ou des masses tumorales cliniques et/ou radiologiques avec ou sans symptômes (douleurs, occlusion intestinale…), voire uniquement par l’élévation persistante du taux de Ca-125 (élévation du marqueur à plus de deux fois la normale confirmée par un deuxième prélèvement un mois plus tard (1). La progression tumorale peut s'observer en cours de chimiothérapie. La définition du caractère précoce de la rechute n’est pas univoque : moins de douze, six, quatre ou trois mois après la dernière cure de chimiothérapie selon les auteurs. Ceci rend particulièrement difficile l’interprétation des données de la littérature. La rechute précoce est interprétée comme une résistance à la chimiothérapie. Il s’agit d’une résistance au platine et/ou aux taxanes qui sont le plus souvent utilisés en association lors du traitement initial, même si on parle abusivement de « résistance au platine ». Il faut noter qu'une poursuite évolutive sous traitement ou une reprise évolutive moins de six mois après le dernier cycle de chimiothérapie n’ont pas la même signification surtout si, dans ce dernier cas, une réponse partielle clinicoradiologique ou biologique (décroissance du taux de Ca 125) a été observée. La population des patientes « rechutant précocement » est donc hétérogène sur le plan tumoral. On distingue un peu artificiellement : les tumeurs dites « réfractaires » au platine qui progressent sous traitement, les « résistantes » qui ne répondent pas ou récidivent moins de trois ou quatre mois après la dernière cure de chimiothérapie et les tumeurs de « sensibilité intermédiaire » qui répondent de façon fugace au traitement, la récidive survenant entre quatre et six voire douze mois après la dernière cure. Cette terminologie n’est pas utilisée dans toutes les publications et la nuance entre réfractaire et résistante n’est pas toujours établie, les termes sont parfois synonymes.
406 Les cancers ovariens
Pour résumer, les rechutes dites précoces concernent les tumeurs résistantes ou réfractaires au platine regroupant les situations cliniques suivantes : progression d'emblée sous platine, ou absence totale de réponse, ou réponse fugace et progression, ou réponse tumorale suivie d'une rechute dans un délai de moins de six mois.
Réversion de la résistance au platine De nombreux travaux ont été réalisés dans le but de lever ou contourner la résistance au platine (2) et au paclitaxel (3) en sachant que les mécanismes de cette résistance ne sont pas totalement élucidés : la glycoprotéine 170 de la pompe MDR a été impliquée, conduisant à des tentatives thérapeutiques d'inhibition (voir chapitre « Nouvelles tentatives médicamenteuses »). Certains produits ont été proposés pour contourner la résistance au platine : gemcitabine (4), topotecan (5), celocoxib (6), mifepristone (7). L’association du tamoxifène au carboplatine ne permet pas de lever la résistance MDR (8). D’autres produits sont en expérimentation (9, 10). On a également proposé pour contourner une résistance relative de modifier le rythme d’administration du cisplatine ou du paclitaxel (en hebdomadaire par exemple) ou d'augmenter la dose de cisplatine (200 mg/m2 toutes les trois semaines (11)) Ces moyens se révèlent peu efficaces et souvent très toxiques.
Quels médicaments en cas de rechute précoce ? Le traitement de la première rechute d’une tumeur résistant au platine et/ou paclitaxel fait appel à des molécules en principe sans résistance croisée avec le platine : en particulier, il ne semble pas y avoir de résistance croisée entre platine et paclitaxel comme en témoigne l’efficité du paclitaxel après échec du platine (12) et l’efficacité du platine après échec du paclitaxel en monothérapie (13). Il n’y a pas de standard reconnu pour le traitement des tumeurs « résistant » au platine. Les produits les plus fréquemment utilisés sont : topotecan, paclitaxel, etoposide, gemcitabine doxorubicine liposomale pégylée et docetaxel. Topotécan, paclitaxel et doxorubicine liposomale pégylée ont montré leur intérêt dans des essais randomisés de phase III (17, 36) : à ce sujet on peut citer les recommandations anglaises du National Institute for Health and Clinical Excellence (http://www.nice.org.uk) : le paclitaxel est recommandé en monochimiothérapie en cas de tumeur réfractaire ou résistante au platine ou en cas d'allergie au platine, la doxorubicine liposomale pégylée est recommandée en option en cas de tumeur réfractaire, résistante ou partiellement sensible (intervalle libre de 6 à 12 mois) au platine ou en cas d'allergie au platine, le topotécan est recommandé en cas de tumeur réfractaire ou résistante au platine ou en cas d'allergie au platine pour les malades où paclitaxel et doxorubicine liposomale sont considérés inappropriées.
Traitement médical des rechutes (récidives) précoces 407
Les taux de réponse à différentes molécules sont rapportés dans le tableau I, où a été précisé chaque fois que possible : le type de résistance au platine ou Tableau I – Taux de réponse à différentes drogues selon l'état de résistance au platine. PRODUIT
Chimio thérapie
Nb Réfr. Rés. Délai RÉPONSE ptes Rechut. /DURÉE
Docetaxel
Pt Px
30
Doxo liposomale pégylée Pt Px
49
+
Doxo liposomale pégylée Pt Px
78
+
Doxo liposomale pégylée Pt
130
+ 85 ans
5503
73,7
15,8
8,8
1,7
819
63,4
22,6
11,7
2,3
III-IV
14 863
54,8
26,3
15,3
4,2
Inconnu
1 037
38,5
23,5
22,7
15,2
Prise en charge thérapeutique Les principales raisons évoquées pour un traitement « allégé » chez les patientes âgées, ce que l'on peut constater dans le tableau III pour les stades précoces, (1, 3-5, 7, 8) sont les suivantes : – stades plus avancés au diagnostic ; – âge chronologique, par crainte de la iatrogenèse ; – un moins bon état général du fait de la présence de co-morbidités qui sont fréquentes chez les patientes âgées (55 % ont trois pathologies en plus du cancer, 37 % en ont une ou deux, 8 % seulement n’ont pas de co-morbidité significative) (9,10). Mais il est impossible de se baser uniquement sur ces deux paramètres – l’âge et l’état général, dont l’appréciation est totalement subjective et Tableau III – Traitement des cancers de l’ovaire au stade précoce en fonction de l’âge, d’après les données du NIH (8). Stades I et II Chirurgie Chimiothérapie Chimiothérapie Chirurgie + Chirurgie + 2 143 cas seule (%) seule (%) + radiothérapie chimiothérapie chimiothérapie (%) (%) + radiothérapie (%) < 45 ans
66,4
0,4
4,1
27,8
0,8
45-54
51,1
0
7,5
39,4
2
55-64
52
0,7
7,8
37,9
1,4
65-74
55,1
1,8
6,9
34,6
1,6
> 75 ans
79
1,2
3,5
15,4
0,4
436 Les cancers ovariens
médecin-dépendant – pour définir quelle catégorie de patientes peut bénéficier d’un traitement optimal. L’ensemble des auteurs s’intéressant actuellement au domaine de la géronto-oncologie considère qu’il est nécessaire de faire une évaluation gériatrique complète pour définir au mieux le projet thérapeutique adapté à chaque patiente.
Traitement chirurgical Une chirurgie de cytoréduction maximale est un des facteurs les plus déterminants pour la survie des patientes ayant un cancer de l’ovaire avancé. Selon les données du SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results programm), 43,7 % des patientes de moins de 60 ans ont un traitement chirurgical optimal contre 29,5 % et 21,7 % pour respectivement celles de 60 à 79 ans et celles de plus de 80 ans (1-4). Les principales raisons évoquées sont des stades au diagnostic plus avancés, mais aussi et surtout le risque de morbidité et de mortalité plus important en raison de la présence de co-morbidités (plus nombreuses que chez les sujets jeunes). Susini et al. (11) ont publié une étude rétrospective s’intéressant à la morbidité et à la mortalité de la chirurgie chez les patientes âgées avant et après l’introduction de nouvelles techniques chirurgicales et de nouvelles prises en charge péri-opératoires : celles-ci consistaient en une mobilisation postopératoire précoce, des transfusions sanguines autologues, une antibiothérapie per-opératoire prophylactique, le rétropéritoine laissé ouvert, l’absence d’utilisation de drains après lymphadénectomie pelvienne et aortique, l’utilisation de clips et de forceps hémostatiques pour une coagulation méticuleuse. Les principaux résultats significatifs avec les techniques actuelles, sont la réalisation plus fréquente d’une chirurgie optimale (p < 0,01), une réduction des morbidités sévères (p < 0,002) avec un taux de mortalité de 2 %, alors que près de la moitié des patientes étaient à haut risque chirurgical. Un geste chirurgical optimal est tout à fait possible chez les personnes âgées s’il existe une prise en charge péri-opératoire adaptée, comme le soulignaient déjà Lichtinger et al. (12) : la mise en place de soins intensifs péri-opératoires a permis de réduire la mortalité de 8,9 % à 3,2 % chez des patientes âgées de plus de 75 ans hospitalisées pour traitement chirurgical de pathologies gynécologiques.
Chimiothérapie Le cancer de l’ovaire est chimiosensible. Or l’utilisation de la chimiothérapie diminue avec l’âge par crainte d’un surcroît de toxicités, ceci pouvant compromettre la survie des patientes.
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Malheureusement, très peu d’études incluent des patientes âgées : les principales informations viennent, soit de séries rétrospectives dont la fiabilité est limitée, soit de l’analyse en sous-groupes d’essais prospectifs. Or il existe manifestement une sélection des patientes âgées participant à de tels essais, de sorte qu’elles ne représentent pas la réalité de la population gériatrique (13). Dans la plupart des études, les personnes de plus de 65 ans ne forment qu’un seul groupe dont l’hétérogénéité en termes « d’âge physiologique » et de co-morbidités n’est jamais prise en compte. Pour pallier ce problème et en attendant de disposer de facteurs plus discriminants que le seul âge civil, on pourrait établir une catégorisation arbitraire, comme par exemple 65-74 ans, 75-84 ans et plus de 85 ans, pour pouvoir proposer des traitements plus adaptés. Ces catégories d’âge ont été proposées notamment par le National Institute of Aging : « old », « older old », « oldest old » et traduisent sans doute le fait qu’il existe une corrélation entre l’âge chronologique et la fragilité intrinsèque des patients, mais la pratique clinique quotidienne nous enseigne les limites d’une telle approche. Le traitement actuel du cancer de l’ovaire en première ligne repose principalement sur les sels de platine, les taxanes et, à un moindre degré, les alkylants ou les anthracyclines. En ce qui concerne la tolérance, aucune différence n’est retrouvée entre les patientes âgées et les plus jeunes dans les principales séries publiées. Cependant, il faut garder en mémoire les limitations méthodologiques que nous avons précédemment évoquées : ces séries se rapportent à des patientes âgées sélectionnées, autonomes, présentant peu de co-morbidités, ayant un accès favorisé aux soins. Il s’agit par conséquent de patientes dont les caractéristiques les rapprochent des plus jeunes, quand elles ne sont pas éventuellement encore plus solides du fait d’un excellent état physiologique, expliquant le vieillissement dit « en bonne santé ». Chiara et al. (14) ont évalué la toxicité de plusieurs schémas à base de cisplatine chez des patientes âgées de plus de 65 ans présentant un cancer de l’ovaire au stade avancé : aucune différence significative n’a été retrouvée entre les patientes âgées et les patientes les plus jeunes, en ce qui concerne les toxicités digestive et hématologique. Zaheer et al. (15) ont étudié la tolérance du paclitaxel chez les sujets âgés : il s’agissait d’une étude rétrospective qui comparait deux groupes, les moins de 65 ans et les plus de 65 ans. La toxicité fut strictement comparable entre les deux groupes. Ceccaroni et al. (16) ont publié un essai qui avait pour but principal la faisabilité d’un traitement par chimiothérapie à doses standards chez 148 patientes âgées de plus de 70 ans et atteintes d’un cancer gynécologique : l’âge médian était de 73 ans ; le traitement standard a été administré dans 97,3 % des cas. Seules 10 patientes ont arrêté leur traitement à cause d’une toxicité hématologique de grades 3 et 4. La conclusion des auteurs est que l’âge ne doit pas être un facteur limitant pour un traitement conventionnel. La principale critique que l’on peut faire à cette étude est l’âge relativement « jeune » des patientes. Les âges variaient de 70 à 84 ans et 37,2 % seulement des patientes avaient plus de 75 ans. Il aurait été plus intéressant d’avoir un âge
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médian plus avancé. G. Freyer et al. (17) ont rapporté les résultats d’une étude prospective conduite par le Groupe d’investigateurs nationaux pour l’étude des cancers de l’ovaire (GINECO), originale de par son analyse pronostique de l’impact de l’évaluation gériatrique (EG) sur la faisabilité d’un traitement standard chez des patientes âgées de plus de 70 ans ayant un cancer de l’ovaire avancé (FIGO III et IV) : sur les 83 patientes incluses dans l’étude, 20 % seulement ont eu un traitement chirurgical initial optimal et 72 % ont reçu six cycles de chimiothérapie sans toxicité sévère. Une des conclusions principales des auteurs est qu’un traitement standard par bithérapie (en l’occurrence cyclophosphamide-carboplatine) est tout à fait possible chez certaines patientes âgées que l’évaluation gériatrique permet de discriminer. Au total, le traitement peut être administré jusqu’à six cycles chez plus de 70 % des patientes sans progression de la maladie et sans toxicité sévère. Les résultats de l’analyse pronostique sont présentés plus loin. Au total, une chimiothérapie paraît réalisable chez certaines personnes âgées et ce, sans réduction de doses (18,19). Mais, répétons-le, les personnes âgées forment un groupe très hétérogène : certaines toléreront un traitement par chimiothérapie aussi bien que les patientes plus jeunes, mais d’autres, à doses identiques, développeront des toxicités sévères, surtout d’ordre hématologique, et cela se vérifie quel que soit le modèle tumoral (20). Pour pallier ces différences, il faudrait trouver des outils pour identifier au mieux les personnes pouvant bénéficier d’un traitement optimal. C’est le cas de l’évaluation gériatrique (EG) qui est en cours d’évaluation. Ainsi, l’indication de chimiothérapie, et plus particulièrement d’une polychimiothérapie, ne se baserait plus uniquement sur l’âge chronologique et sur une appréhension souvent contestable de « l’état général ».
Évaluation gériatrique Son but est de définir pour chaque patiente le meilleur programme thérapeutique, en tenant compte de son état physique, psycho-cognitif et fonctionnel, et de son environnement social (21, 22). Elle comprend cinq phases : La première étape est le recueil des informations ; pour cela, le clinicien dispose d’échelles et d’inventaires dont nous fournissons ci-dessous une liste d’exemples non exhaustive : – évaluation physique (examen clinique complet tenant compte des spécificités gériatriques (23, 24), reconstitution de l’histoire de la maladie, évaluation de l’état nutritionnel par le Mini Nutritionnal Assessment (MNA) (25), évaluation de l’état buccal, des fonctions sensorielles, de la marche et de l’équilibre par des tests cliniques comme le performance-oriented mobility assessment de Tinetti (26), évaluation des fonctions sphinctériennes, de la prise médicamenteuse et de la fonction rénale par calcul de la filtration glomérulaire (27) ;
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– évaluation thymique et cognitive (par les tests suivants : la geriatric depression scale (28) et le mini-mental state de Folstein (29) ; – évaluation environnementale ; – évaluation fonctionnelle (évaluation des activités de base de la vie journalière ou basal activities of daily living définies par Katz (30), les activités instrumentales ou instrumental activities of daily living définies par Lawton (31), les activités habituelles ou advanced activities of daily living définies par Reuben (32). Il va de soi que les instruments que nous avons cités ne représentent en aucun cas le « standard » de l’évaluation gériatrique. S’ils sont les plus couramment cités et validés au niveau international, d’autres questionnaires ou échelles paraissent tout aussi acceptables. Il faut surtout souligner qu’aucune échelle ne remplace une réflexion approfondie à partir de l’interrogatoire et de l’examen clinique. La deuxième étape est l’élaboration du programme de soins médico-social individualisé. La troisième étape est la mise en place de ce programme. La quatrième étape consiste à transmettre les informations aux personnes référentes (médecin de famille et médecins spécialistes). Et la cinquième étape est le suivi des patientes pour un maintien le plus prolongé possible à domicile. Extermann a réalisé une revue des essais étudiant l’intérêt de cette évaluation en oncologie (33). Peu d’études ont été publiées et elles ne portent que sur des séries limitées de patients. Les points principaux qui en ressortent sont : la détection de syndromes gériatriques passés inaperçus lors de l’évaluation standard (33, 34) et une valeur pronostique de certaines variables étudiées à la fois sur la survie et sur la tolérance de la chimiothérapie. L’intérêt d’une telle évaluation serait de pouvoir classer les patients en plusieurs groupes et pour chaque groupe attribuer une attitude thérapeutique. Repetto et al. (22) ont confirmé qu’une évaluation gériatrique « raisonnable » – reposant sur un petit nombre d’échelles – apporte davantage de renseignements sur l’état de santé global d’une personne âgée atteinte de cancer que la seule évaluation du PS. Il apparaît en particulier qu’un PS en apparence favorable (0 ou 1) peut masquer d’importants facteurs de risque gériatriques chez 20 % des patientes, celles précisément qui recevront un traitement standard alors qu’elles ne sont pas à même de le tolérer. Une évaluation gériatrique complète et complexe est difficilement applicable en routine en oncologie, faute de temps et de moyens. Il faudrait utiliser des outils simples et rapides pour dépister les patients en mauvais état qui ne bénéficieraient que de soins de support (best supportive care), les autres relevant d’une EG complète. Les outils en cours d’évaluation sont les mini-EG (35) ou des outils encore plus simples (36-38) comme le physical performance test ou PPT (39, 40), qui permet de mesurer objectivement les capacités fonction-
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nelles de chaque patient. Ce test a l’avantage d’être réalisé en moins de dix minutes et de n’utiliser que quelques accessoires très simples. Il faut cependant bien préciser que ces différents outils ont une certaine validité méthodologique dans le contexte gériatrique, mais qu’ils restent encore largement à évaluer dans le contexte cancérologique. La plus grande difficulté reste l’établissement d’algorithmes de décision thérapeutique en fonction de tel ou tel critère gériatrique ayant un impact démontré sur la tolérance des traitements et la survie des patients. Balducci et al. (41) ont proposé une classification en trois groupes destinée à fonder les attitudes thérapeutiques en pratique quotidienne : le premier groupe comprend toutes les personnes fonctionnellement indépendantes, sans co-morbidité, et qui peuvent donc recevoir un traitement standard ; le deuxième groupe comprend les personnes les plus fragiles (dépendantes pour au moins une des activités quotidiennes au sens de l’ADL2 de Katz, ayant trois comorbidités ou plus, un ou plusieurs syndromes gériatriques tels que dénutrition, troubles de la marche avec chutes, altération intellectuelle, ostéopénie avec fracture ou tassement vertébral…) qui ne relèvent que d’un traitement palliatif ; le troisième groupe ou groupe intermédiaire comprend les patientes dont le traitement devrait être adapté (par exemple, réduction de doses initialement puis, suivant la tolérance, ré-escalade ultérieure). Dans notre étude mentionnée plus haut (17), nous avons évalué la capacité d’une évaluation gériatrique à prédire l’efficacité et la tolérance de l’association cyclophosphamide-carboplatine et ainsi de déterminer quel sous-groupe de patientes âgées pouvait bénéficier d’un traitement à doses standards ou à doses réduites et quel sous-groupe n’en tirerait aucun bénéfice. Les paramètres étudiés étaient : l’autonomie des patientes, les co-morbités (cardio-vasculaires, respiratoires, biologie hépatique et rénale, diabète), les comédications (nombre de médicaments pris par jour), l’état nutritionnel (BMI3, protidémie, albuminémie, cholestérol total), les fonctions cognitives avec le mini-mental test et la présence ou non de signes dépressifs. Cette étude a porté sur 83 patientes de plus de 70 ans ayant un carcinome ovarien avancé. En analyse multi-variée, les facteurs pronostiques indépendants associés à une survie globale obérée sont la dépression (p = 0,003), le stade IV de la FIGO (p = 0,007) et la prise de plus de 6 médicaments par jour (p = 0,04). Sont retrouvés comme facteurs prédictifs d’une toxicité sévère la dépression (p = 0,006), un performance status ≥ 2 (p = 0,026) et l'état de dépendance (p = 0,048). L’utilisation de paramètres simples pourrait ainsi permettre de choisir la meilleure prise en charge thérapeutique pour chaque patiente, en allégeant par exemple la chimiothérapie (carboplatine seul) lorsqu’il existe un risque majeur de toxicité, voire en ne proposant pas de traitement anticancéreux spécifique pour le sous-groupe de pronostic le plus défavorable. 2. ALD : 3. BMI : Body Mass Index.
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Conclusion Le cancer de l’ovaire de la femme âgée n’est pas très différent, du point de vue biologique, de celui de la femme jeune ; en tout cas, il n’est pas moins évolutif. Compte tenu d’un profil de tolérance favorable chez les patientes du groupe I de Balducci, cette population ne doit pas être sous-traitée et la prise en charge thérapeutique doit être optimale. La tolérance d’une chimiothérapie optimale est cependant variable car la population des femmes âgées est hétérogène. Pour appréhender cette hétérogénéité, il faudra trouver des outils permettant d’évaluer de façon objective et globale chaque patiente, pour ne pas tenir compte uniquement de l’âge chronologique et définir au mieux le programme thérapeutique : c’est le but de l’évaluation gériatrique multidimensionnelle. Mais sa réalisation est longue et complexe, d’où l’intérêt d’établir des évaluations gériatriques réduites (comme le Physical Performance Test). Tous ces outils sont en cours d’évaluation et ne sont pas encore validés. Il conviendrait de faire davantage d’essais prospectifs incluant une évaluation gériatrique multidimensionnelle pour dégager des paramètres pronostiques. En particulier, le programme « patientes âgées » du GINECO se poursuit actuellement avec la réalisation d’un nouvel essai prospectif testant la combinaison carboplatine-paclitaxel pour les cancers de l’ovaire avancés (stades III et IV). Les résultats de cette étude, close après inclusion de 75 patientes, devraient être disponibles dans les mois à venir et enrichir les données dont nous disposons aujourd’hui pour améliorer la prise en charge des femmes âgées atteintes de cancer de l’ovaire.
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Les tumeurs à malignité atténuée (« bordeline »)
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » de l’ovaire P. Morice, S. Camatte, C. Lhommé, P. Pautier, P. Duvillard et D. Castaigne
Introduction Les tumeurs ovariennes à la limite de la malignité (TOLM) ou « bordeline1 » représentent 10 à 20 % des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire. Leur incidence est évaluée à 4,8/100 000 par an (1). L’âge moyen de survenue est de dix ans plus jeune que celui des carcinomes. Pendant des décennies, ces tumeurs ont été considérées comme une étape intermédiaire, dans l’oncogenèse, entre les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes. Leur traitement a donc longtemps été basé sur la chirurgie « radicale » (hystérectomie associée à une annexectomie bilatérale). Ces dernières années, ces dogmes ont été largement bousculés. Néanmoins la stratégie thérapeutique de ces tumeurs dépend largement de différents critères histologiques qui ont été précédemment détaillés et des facteurs pronostiques.
Facteurs pronostiques Les tumeurs ovariennes à la limite de la malignité peuvent récidiver sous la forme de tumeur à la limite de la malignité ou, exceptionnellement, sous forme de carcinome invasif. Dans ces derniers cas, il est toujours difficile de savoir s’il s’agit d’une méconnaissance de diagnostic initial (avec une insuffisance de coupes histologiques) ayant négligé un secteur invasif sur la ou les pièces opératoires, ou d’une véritable dégénérescence secondaire d’une lésion péritonéale. Différents facteurs influençant la survenue de ces récidives ont été discutés dans la littérature. Les tumeurs ovariennes à la limite de la malignité étant des tumeurs rares, il n’y a pas d’études prospectives et moins d’une dizaine d’études 1. Les terminologies identiques sont utilisées indifféremment dans le texte.
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rétrospectives (incluant plus de 150 patientes) ont été publiées. L’analyse de l’impact pronostique des différents paramètres étudiés est donc difficile. Néanmoins, certains facteurs semblent pronostiques (2).
Stade d’extension La classification de la FIGO (1987) établie pour les adénocarcinomes ovariens est également utilisée pour les tumeurs à la limite de la malignité. Le stade de découverte des tumeurs à la limite de la malignité est souvent précoce (stade I : 78 à 84 % ; stade II : 4,6 à 11 % et stade III : 10 à 13 %). Le stade de la tumeur est le facteur pronostique le plus important (3, 4). Dans la littérature, le taux de récidive pour les patientes ayant une tumeur de stade I est de l’ordre de 3 % à 4 % et le taux de survie globale à cinq ans de 99 % à 100 % (5). Concernant les tumeurs avec localisations péritonéales (stades II et III), les taux de récidive, de dégénérescence et de décès en phase évolutive cancéreuse sont respectivement de 25 %, 13 % et 3,4 %. Leake retrouvait une différence de survie globale à cinq ans entre les tumeurs à la limite de la malignité de stades II (96 %) et III (73 %) (6). Néanmoins, dans d’autres séries il n’y a pas de différence de survie notable entre les stades II et les stades III (2, 5).
Type d’implants Lorsqu’il existe des localisations péritonéales, c’est leur caractère invasif ou non qui influence le pronostic et donc la survie. Les études analysant l’impact sur la survie selon le type des implants sont assez rares (2, 6-13). Dans la littérature, chez les patientes ayant des implants non invasifs, le taux de récidive et de dégénérescence en cancer sont respectivement de 18 % et 4 %. Chez les patientes ayant des implants invasifs, ces taux sont de 36 % et 25 %. Les tumeurs à la limite de la malignité avec des implants péritonéaux invasifs apparaissent donc comme les tumeurs à la limite de la malignité ayant le pronostic le plus péjoratif.
Existence d’un pseudo-myxome péritonéal Tout comme pour les tumeurs à la limite de la malignité séreuses avec implants péritonéaux invasifs, le pronostic des tumeurs mucineuses associées à un pseudomyxome péritonéal (PMP) est lui aussi péjoratif. Le taux de décès lié au pseudomyxome péritonéal varie dans la littérature entre 20 % et 82 % (moyenne de 50 %) (1, 14, 15).
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Modalités du traitement chirurgical Le traitement chirurgical des tumeurs à la limite de la malignité peut être radical (annexectomie bilatérale +/- hystérectomie) ou conservateur (de l’utérus et d’une partie au moins d’un ovaire). Lors d’un traitement conservateur on peut réaliser une kystectomie (ablation du seul « kyste » de l’ovaire), une ovariectomie ou une annexectomie (ablation de l’ovaire et de la trompe). Aucune différence significative n’est observée en terme de survie entre annexectomie unilatérale et traitement radical en cas de tumeur de stade I (16). Néanmoins, après kystectomie, le taux de récidive est plus important et varie de 12 % à 37 % (16-18). En cas de stade plus avancé, les données de la littérature sont rares. Néanmoins le traitement conservateur semble augmenter le risque de récidive, sans influencer la survie (2, 11, 12).
Résidu tumoral Plusieurs auteurs s’accordent pour considérer le résidu tumoral postopératoire comme un facteur important prédictif de récidive et de survie. Ainsi, Tropé (1), sur 59 stades II et III, trouve un taux de survie à quinze ans de 90 à 95 % en cas de résidu nul et de 35 % en cas de résidu tumoral macroscopique. Tamakoshi (4) établit une relation linéaire entre résidu tumoral (RT) et survie globale à cinq ans : 88 % en cas de RT nul, 50 % en cas de RT < 2 cm, 33 % en cas de RT > 2 cm. Néanmoins, lorsqu’il existe des implants de cette taille, l’échantillonnage est difficile et peut faire méconnaître un implant invasif.
Composante micropapillaire Cette entité histologique particulière des tumeurs à la limite de la malignité séreuses a été décrites pour la première fois en 1996 par Seidman et Kurman (13). Cette lésion sera étudiée plus spécifiquement dans le chapitre concernant l’histologie des tumeurs à la limite de la malignité. L’une de ses caractéristiques est d’être associée fréquemment à une extension extra-ovarienne (en particulier avec des implants invasifs). Lorsque la tumeur reste limitée à l’ovaire (stade I), son pronostic semble comparable à celui des autres tumeurs à la limite de la malignité séreuses (19, 20).
Autres facteurs pronostiques Ils sont plus discutés : l’âge, le type histologique, l’existence d’une micro-invasion stromale, l’existence d’une rupture capsulaire et certains facteurs biologiques (ploïdie). Mentionnons le cas particulier de l’atteinte ganglion-
450 Les cancers ovariens
naire. En effet, il existe une atteinte ganglionnaire (pelvienne et/ou lomboaortique) dans 15 % à 22 % des tumeurs à la limite de la malignité (4, 21-23). Pour Leake et al. (22) et Yazigi et al. (24), le curage ganglionnaire a permis de sur-stader 21 à 31 % des stades IA et 33 % des stades II. Cependant, l’interprétation de cette extension est difficile : réelle métastase ou métaplasie d’inclusions bénignes ? En effet, Prade (25) rapporte deux cas d’atteinte ganglionnaire inguinale et rétropéritonéale de type « borderline » présentant des zones de transition entre endosalpingiose, « borderline » et adénocarcinome, mais en l’absence de tumeur ovarienne ou de tumeur péritonéale (25). D’ailleurs, le statut ganglionnaire, en cas de tumeurs à la limite de la malignité, n’influence pas la survie (21, 22, 26). Néanmoins, des récidives ganglionnaires à distance ont été rapportées (22, 26). Tan et al. décrivent deux récidives ganglionnaires cervicales quatre et sept ans après traitement initial. Ces deux patientes sont en vie sans récidive à deux et quatre ans après le traitement de la rechute ganglionnaire.
Chirurgie Le traitement des tumeurs à la limite de la malignité est chirurgical. La chirurgie permet de confirmer le diagnostic (en s’aidant si besoin de l’examen histologique extemporané), d’évaluer l’extension de la maladie et de réaliser le traitement adapté aux constatations per-opératoires. On distingue trois temps dans l’acte chirurgical : exploration, bilan d’extension et traitement de la tumeurs à la limite de la malignité. L’intervention chirurgicale débute donc par une exploration minutieuse de la tumeur ovarienne et de toute la cavité péritonéale (pelvienne et abdominale). Ce temps est fondamental et ne peut être réalisé en quelques secondes. Avant de manipuler la tumeur une cytologie péritonéale est réalisée. Comme le diagnostic de tumeur à la limite de la malignité est souvent rétrospectif et est rarement évoqué avant une chirurgie pelvienne (en dehors des cas où les patientes ont déjà été traitées pour une tumeur à la limite de la malignité), les étapes précédemment décrites devrait être idéalement réalisée lors de toute chirurgie pratiquée pour une tumeur annexielle même si celle-ci est « a priori » d’aspect très rassurant. Lorsqu’il existe une tumeur macroscopiquement suspecte, un examen extemporané per-opératoire est pratiqué. Cet examen extemporané peut être effectué sur une pièce d’annexectomie ou bien de kystectomie. Néanmoins, la sensibilité de l’examen extemporané est moins bon pour les tumeurs à la limite de la malignité que pour les adénocarcinomes et les cystadénomes : sensibilité de 45 à 60 %, spécificité de 98,6 % avec seulement une valeur prédictive positive de 61 à 75 % et une valeur prédictive négative de 97,3 % (27-30). La sensibilité est encore plus mauvaise pour les tumeurs mucineuses qui sont souvent de grande taille, polylobées, rendant la sélection d’échantillons plus
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » 451
difficile (27, 28, 30). Aussi, chez une patiente jeune, lorsque l’examen extemporané ne permet pas de confirmer le diagnostic, le traitement chirurgical doit être le plus conservateur possible dans l’attente des résultats anatomo-pathologiques définitifs. Si l’examen histologique confirme l’existence d’une tumeur à la limite de la malignité, le traitement chirurgical classique est l’annexectomie du côté de la tumeur. Chez une femme de plus de 40 ans ne souhaitant plus de grossesse, l’annexectomie bilatérale est préférable, associée ou non à une hystérectomie totale. Le bilan d’extension chirurgical est fondamental (dite chirurgie de « stadification »). En effet, deux études américaines montrent que seules 12 à 29 % des patientes bénéficient d’un bilan d’extension complet, alors même que le diagnostic extemporané de tumeur à la limite de la malignité est donné, et que 34 % n’ont aucune biopsie péritonéale systématique (23, 31). Or le résultat histologique d’une évaluation complète majore le stade FIGO dans 24 à 47 % des cas. Ce bilan doit comporter classiquement une omentectomie ou, au minimum, des biopsies épiploïques et des biopsies péritonéales multiples (péritoine pelvien, gouttières pariéto-coliques, coupole diaphragmatique droite). Cette chirurgie permet de modifier 13 à 22 % des stades I par l’existence d’implants microscopiques (24, 32). Une appendicectomie doit classiquement être effectuée dans les tumeurs à la limite de la malignité mucineuses. Les aires ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques doivent être explorées et, en cas d’adénomégalie, une adénectomie sera réalisée. Néanmoins la lymphadénectomie systématique n’est plus réalisée. Quatre études récentes ont été publiées et semblent montrer que même si cette chirurgie de stadification est « rentable » (car elle permet de surstadée un sixième à un quart des patientes), son impact sur la survie est pratiquement nul (33-36). En effet, dans la très grande majorité des cas, cette surstadification est réalisée lors de l’analyse histologique de la cytologie péritonéale ou de l’épiploon (tableau I). La « surstadification » sur une cytologie péritonéale n’a pas la même signification que dans les tumeurs épithéliales malignes. En effet, dans les tumeurs à la limite de la malignité, il s’agit simplement d’une « desquamation » de la tumeur ovarienne et non pas du reflet d’une maladie péritonéale infra-clinique. Cette cytologie péritonéale « positive » ne change donc pas la prise en charge. Lorsque que des implants sont retrouvés sur l’épiploon (plus rarement sur des biopsies péritonéales systématiques), ceux-ci sont pratiquement toujours des implants non invasifs. Leur découverte, là encore, ne modifie pas la prise en charge ultérieure. Le seul cas de figure ou la chirurgie de restadification change la prise en charge thérapeutique ultérieure est la découverte d’implants invasifs sur des biopsies systématiques sans lésions macroscopiquement visibles (épiploon et/ou péritoine). Cette situation est exceptionnelle et n’a été rapportée que deux fois en cas de tumeur à la limite de la malignité de type histologique « habituelle » (mucineuse ou séreuse) (36, 40). La seule entité histologique très particulière où une telle situation doit être recherchée est la tumeur à la limite de la malignité séreuse avec composante
452 Les cancers ovariens
Tableau I – Revue de la littérature sur la « rentabilité » de la chirurgie de (re)stadification. Séries
n n(%) patientes surstadée Localisation stade I
Nation (37)
55
Helewa (38)
9
Yazigi (24)
25
Hopkins (39)
15**
NP
Caractéristiques de la surstadification Macro- Micro- Implants scopique scopique non invasifs
Epiploon = 2 Nodes = 3
Implants invasifs
NP*
NP
NP
NP
1 (12 %) NP
NP
NP
NP
NP
6 (24 %) Cytologie péritonéale = 2 Ganglions = 4
NP
NP
0
0
Ovaire conservé = 2 7 (47 %) Péritoine = 3 Epiploon = 2
5
2
NP
NP
0
5
4
1 (péritoine)
Snider (40)
27
Ovaire controlatéral = 1 5 (18 %) Péritoine = 3 Epiploon = 1
Winter III (36)
31
Epiploon = 2 8 (26 %) Appendice = 2 Séreuse utérine = 1 Ganglions = 3
NP
NP
NP
1 (péritoine)
Querleu (41)
30
Cytologie péritonéale = 5 8 (26 %) Epiploon = 1 Péritoine = 1 Ganglions = 1
NP
NP
2
0
Land (42)
56
4 (7 %)
Cytologie péritonéale = 2 Trompe controlat = 1 Ovaire controlat = 1
NP
4
NP
NP
Camatte (35)
48
8 (17 %) Cytologie péritonéale = 6 Epiploon = 2
0
8
2
0
Fauvet (33)
47
8 (17 %) Ovaire controlat = 3 Autres = 5 (NP)
NP
NP
NP
NP
Rao (34)
143
Cytologie péritonéale = 28 40 (28 %) Epiploon & péritoine = 10 Ganglions seuls = 2
* Non précisé ** Mélange des stades (I & II).
« micropapillaire », où l’extension péritonéale avec des implants invasifs n’est pas exceptionnelle, comme nous l’avons vu. C’est pour ces différentes raisons que certains auteurs préconisent de surseoir à une chirurgie de restadification systématique en cas de chirurgie initiale incomplète (cas fréquent des femmes jeunes ayant bénéficié d’une kystectomie laparoscopique simple) sous réserve d’un certain nombre d’impératifs à respecter : 1. type histologique de la tumeur mucineux ou séreux mais sans composante micropapillaire ; 2. péritoine bien exploré et décrit lors de la première intervention ; 3. patiente parfaitement compliante à un suivi ultérieure régulier (identique a celui réalisé en cas de chirurgie conservatrice). Si un de ces trois critères n’est pas rempli, la chirurgie de restadification reste la règle. Elle peut alors être réalisée par cœlioscopie (41).
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » 453
Cas particuliers Traitement conservateur Les tumeurs ovariennes à la limite de la malignité surviennent chez des patientes beaucoup plus jeunes que celles ayant un cancer de l’ovaire. Le traitement conservateur doit donc être envisagé même si le « gold standard » demeure l’annexectomie bilatérale (associée ou non à une hystérectomie). Le risque de récidive est significativement augmenté après traitement conservateur d’une tumeur à la limite de la malignité (environ 10 % à 15 %). La réalisation d’une kystectomie augmente significativement ce taux de récidive (jusqu’à 30 % dans certaines séries) (tableau II). D’après Lim-Tan et al., la résection non Tableau II – Résultats des traitements conservateurs de tumeurs à la limite de la malignité. Séries Julian et al. (43)
Nombres de cas Stade I
Conservateur *
Kystectomie
Récidive
Décès
34
15
0
0
0
Hart & Norris (44)
97
43
0
1
0
Tazelaar et al. (45)
61
20
4
3
0
Tasker et al. (46)
52
10
2
0
0
Bostwick et al. (47)
87
24
2
3
0 0
Lim Tan et al. (17)
33
33
33
4
Rice et al. (48)
64
30
10
0
0
Massad et al. (32)
18
1
1
0
0
Leake et al. (6)
135
53
16
5
0
Manchul et al. (10)
63
13
2
0
0
Piura et al. (49)
46
17
5
0
0
Barnhill et al. (50)
146
21
0
0
0
Kennedy et al. (9)
38
18
2
0
Tamakoshi et al. (4)
125
58
4
0
0
Darai et al. (16)
24
18
8
4
0
Gotlieb et al. (51)
35**
21
4
0
Morris et al. (52)
43
9
11
1
50
15
7
0
Camatte et al. (53) Zanetta et al. (54)
283
164
Seracchioli et al. (55)
19
19***
Donnez et al. (56)
67
14
Prat & De Nictolis (19)
76
21
Chan et al. (57)
24
25
6
62
28
Maneo et al. (58)
* Conservateur = salpingo-oophorectomie ou kystectomie ** Stade I + patientes « non stadifiées » *** Chirurgie laparoscopique.
20
1
11
1
0
5
3
0
2
0
0
0
18
0
454 Les cancers ovariens
in sano de la tumeur à la limite de la malignité kystique et la multiplication des kystectomies sur un même ovaire sont les principaux facteurs de risque de récidive après un tel geste (17). Ce geste est très souvent nécessaire en complément d’une annexectomie controlatérale, rendant compte du caractère volontiers bilatéral de ces tumeurs, notamment les tumeurs de type séreux, les plus fréquentes. Par ailleurs, pour être in sano, la kystectomie, dans le cadre d’une tumeur à la limite de la malignité nécessite souvent une ovariectomie partielle en regard de la paroi adhérente au cortex ovarien. Mais, quelle que soit la qualité du geste, ce taux de récidive élevé dans la littérature traduit la fréquente multifocalité de la tumeur à la limite de la malignité au sein d’un même ovaire. Ce risque élevé de récidive après kystectomie doit faire considérer l’annexectomie unilatérale comme le traitement conservateur idéal d’une tumeur à la limite de la malignité. La kystectomie doit être réservée à l’ovaire le moins atteint dans les formes bilatérales, ou aux tumeurs à la limite de la malignité survenant sur ovaire unique (antécédents de tumeur à la limite de la malignité sur l’ovaire controlatéral). Pourtant, nous ne recommandons pas une annexectomie complémentaire secondaire à la découverte fortuite postopératoire d’une tumeur à la limite de la malignité sur une pièce de kystectomie réalisée dans le cadre d’un kyste d’allure bénigne macroscopiquement. Cette annexectomie ne s’impose, nous l’avons vu, qu’en cas de restadification, si l’exploration de la cavité abdominale était incomplète lors de l’intervention initiale. En cas de traitement conservateur chez une patiente ayant une tumeur macroscopiquement unilatérale, certains auteurs recommandent la biopsie systématique de l’ovaire controlatéral sain. Néanmoins, plusieurs auteurs ont rapporté des récidives ovariennes homolatérales à une biopsie normale lors du traitement initial (45, 47, 52). Ces biopsies systématiques peu rentables sont source d’adhérences et d’éventuelle infertilité postopératoire. Elle doivent donc être proscrites si l’ovaire contralatéral à la tumeur paraît macroscopiquement et radiologiquement (échographie pré-chirurgicale) sain. Le taux de récidive très élevé après traitement conservateur ne doit cependant pas remettre en question ce dernier. En effet, comme le rapportent de très nombreuses séries de la littérature (tableau II), les décès secondaires à une évolution tumorale après traitement conservateur d’une tumeur à la limite de la malignité de stade I sont très exceptionnels. La très grande majorité des récidives surviennent sur un mode « borderline » et sont donc très accessibles à un traitement chirurgical simple. Ces récidives ne mettent donc pas en jeu le pronostic vital. Par ailleurs, ces « récidives » sont parfois très tardives (72 mois dans la série de Gotlieb et al. et 240 mois dans notre propre série) (51, 53). Dans de tels cas, il peut s’agir plus de « seconde » tumeur que de « récidive » vraie de la première tumeur traitée plus de cinq ans auparavant. En cas de récidive ovarienne isolée, un traitement conservateur pourra d’ailleurs de nouveau être proposé, en fonction du désir de grossesse de la patiente. Dans la série de l’IGR, 4 grossesses ont été observées après traitement conservateur pour une récidive de tumeur à la limite de la malignité (53). Les récidives sous forme d’adénocarcinome ovarien sont très rares (51, 53, 56).
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » 455
Certaines d’entre elles ont été rapportées très précocement après le traitement de la tumeur à la limite de la malignité (cinq mois dans la série de Gotlieb et neuf mois dans la série de Zanetta) (51, 54). On peut alors se demander si cette tumeur est réellement une « récidive » ou bien une tumeur invasive présente déjà lors du traitement de la tumeur à la limite de la malignité, mais alors méconnue. Le traitement conservateur est donc une option acceptable (si ce n’est un standard) chez une patiente jeune présentant une tumeur à la limite de la malignité de stade I compliante à un suivi régulier. La seule limite technique à ce traitement conservateur est le cas de tumeur de stade IB avec envahissement massif des deux ovaires ne permettant pas de préserver une portion de parenchyme macroscopiquement sain dans un des ovaires. Dans ces cas, l’annexectomie bilatérale doit être réalisée, mais avec préservation de l’utérus et tentative de cryopréservation ovarienne. Les résultats du traitement conservateur des tumeurs ovariennes à la limite de la malignité avec lésions péritonéales sont moins bien documentés dans la littérature (tableau III). En cas de tumeur à la limite de la malignité mucineuse avec pseudo-myxome péritonéal, le traitement conservateur est contre-indiqué Tableau III – Résultats des traitements conservateurs en cas de tumeurs à la limite de la malignité séreuses avec implants péritonéaux. Nombre de cas Séries
Patientes
Type d’implants
Récidive
Récidive Traitement ovarienne conservateur invasive (kystectomie) des récidives
Grossesses
Zanetta et al. (54)
25
7 invasif/ 18 non-invasif
5 (ovaire controlatéral)
1 (+ péritoine)
?
?
Beiner et al. (59)
4
NP
3 (borderline/ ovaire controlatéral)
0
2
?
Morris et al. (52)
3
NP
2 (1 borderline/ ovaire controlatéral + 1 péritonéal)
0
?
1
Tamakoshi et al. (4)
4
NP
3 (2 décès)
NP
?
?
Miller et al. (60)
1
non-invasif
0
0
0
1
Donnez et al. (56)
2
non-invasif
0
Camatte et al. (61)
17
3 invasif/ 14 non-invasif
9 (7 borderline/ ovaire controlatéral + 2 péritonéal)
0
?
0
3
7 chez 6 patientes (3 après traitement conservateur récidive)
Chan et al. (57)
1
NP
0
0
0
1
Maneo et al. (58)
1
NP
NP
0
NP
?
456 Les cancers ovariens
et la chirurgie doit être radicale, avec résection des lésions péritonéales. En cas de tumeurs à la limite de la malignité séreuses avec implants, seules deux séries ont rapporté un nombre de cas dépassant le simple « cas clinique » (54, 61). Dans notre étude, parmi nos 18 patientes traitées de manière conservatrice, 3 présentaient des implants invasifs (61). Deux de ces 3 patientes ont récidivé : une sur l’ovaire controlatéral isolément, une est en poursuite évolutive mais présentait d’emblée une carcinose diffuse. Parmi les 15 tumeurs à la limite de la malignité avec implants non invasifs, une seule a récidivé sous la forme d’implants invasifs. La qualité des prélèvements péritonéaux initiaux a été remise en question (biopsies trop superficielles méconnaissant des implants d’emblée invasifs) car cette évolution est rare (2 %) dans notre expérience (2). Zanetta rapportait quant à lui une série de 25 patientes (dont 7 avec implants invasifs). 5 récidives ont été observées sur un mode « borderline » sur l’ovaire contralatéral et une sur un mode invasif (associée à une atteinte d’un ganglion obturateur) (54). Mais aucune patiente n’est décédée. Compte tenu de ces résultats il semble possible de proposer un traitement conservateur chez les femmes jeunes ayant une tumeur à la limite de la malignité avec implants non invasifs. Pour les tumeurs avec implants invasifs, même si nos résultats ne montrent pas un risque de récidive plus important (tableau III), nous ne conseillons pas ce traitement qui est à discuter au cas par cas avec la patiente.
Fertilité et infertilité après traitement conservateur L’objectif du traitement conservateur est de promouvoir la fertilité ultérieure. L’infertilité est un facteur fréquemment associé tant aux tumeurs à la limite de la malignité qu’aux cancers de l’ovaire. Cette association pose bien évidemment le problème de la prise en charge médicale de ces patientes après traitement conservateur. Plusieurs séries ont rapporté un taux de grossesses spontanées important (51-53). Ainsi, Gotlieb rapporte 22 grossesses sur une série de 39 patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur (51). Dans notre série, nous rapportons 15 grossesses chez 42 patientes. Parmi les 12 patientes qui avaient une tumeur de stade II ou III, 4 grossesses ont été obtenues (53). Après l’obtention d’une (ou des) grossesse(s) souhaitées, certains auteurs proposent d’enlever l’ovaire conservé. Chez des patientes qui sont suivies régulièrement, nous ne pratiquons pas cette « totalisation » de manière systématique. Celle-ci n’est effectuée qu’en cas de suspicion de récidive sur l’ovaire controlatéral. Par contre, en cas d’infertilité persistante, l’utilisation des techniques de procréation médicalement assistée (PMA) reste discutée. En effet, certaines études incriminent l’hyperstimulation ovarienne dans la genèse des tumeurs « borderline » comme dans celles des cancers ovariens. Cependant, des études récentes semblent remettre en question ce « dogme » historique, le risque accru de néoplasie ovarienne observé après stimulation étant plutôt en relation avec
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » 457
le terrain (infertilité, pauci-ovulation) que secondaire à un effet direct des substances utilisées pour induire la poly-ovulation. Malgré ces résultats divergents, plusieurs « cas cliniques » ou courtes séries ont été rapportées concernant l’utilisation des techniques de PMA chez des patientes traitées pour une tumeur à la limite de la malignité (tableau IV). Nijman et al., Mantzavinos et al. et Hoffman et al. rapportent un total de 5 patientes traitées pour une tumeur à la limite de la malignité séreuse avec implants péritonéaux non invasifs qui ont bénéficié d’une FIV avec succès (62, 63, 65). Une étude multicentrique rétrospective réalisée en 1998 dénombre 26 cas de stimulation ovarienne après traitement conservateur pour tumeur à la limite de la malignité (16 cas : 14 de stade I, 1 de stade II et 1 de stade III) ou adénocarcinome ovarien de stade I de faible grade (66). Quatre stimulations ont été initiées en postopératoire immédiat et 22 après un délai d’observation moyen de 42 mois (1 à 88 mois) (66). Aucune récidive n’a été observée avec un recul moyen de 46,7 mois après stimulation et de 114,7 mois après traitement initial. Cinq grossesses ont été obtenues chez les 16 patientes traitées pour une tumeur à la limite de la malignité (66). Tableau IV – Revue de la littérature concernant les traitements par procréation médicalement assistées chez des patientes traitées pour une tumeur à la limite de la malignité. Séries
Nombre Induction N FIV Stade II/III de cas ovarienne
Grossesses
Récidive (après stimulation ou FIV)
Nijman et al. (62)
1
0
1
1
1
0
Mantzavinos et al. (63)
2
0
2
2
1
0
Hershkovitz et al. (64)
2
1
1
1
2 (1 spontanée après tentative par stimulation)
0
Hoffman et al. (65)
1
0
1
1
1
0
Madelenat et al. (66)
16
0
16
2
5
0
Beiner et al. (59)
7
0
7
2
5
2
Camatte et al. (61)
5
1
4
2
2
2 (borderline/ ovaire préservé)
Attar et al. (67)
1
0
1
1 (III C)
6 grossesses chez 3 patientes
Progression péritonéale rapide
Fasouliotis et al. (68)
7
0
5
0
3 récidives de TOLM chez 1 patiente
Les techniques de PMA semblent acceptables pour les patientes infertiles traitées pour un stade I, le nombre de cycles de stimulation devant alors rester limité. Nous restons plus réticents pour son utilisation après traitement d’un stade avancé en raison du peu de recul disponible et de l’éventualité d’une
458 Les cancers ovariens
transformation maligne. Notons qu’un « cas clinique », publié récemment par Attar et al., rapportait une progression tumorale rapide péritonéale chez une patiente ayant bénéficié d’un cycle de FIV pour une tumeur à la limite de la malignité séreux de stade IIIC et de composante micropapillaire (67). Cette observation souligne que ce type de traitement devrait être contre-indiqué (sous réserve d’évaluation ultérieure) chez des patientes ayant une tumeur à la limite de la malignité de stade avancé et peut-être aussi chez des patientes ayant une tumeur séreuse de composante micropapillaire. Notons d’ailleurs, qu’il n’y a aucune série publiée dans la littérature rapportant les résultats des traitements conservateurs dans cette dernière entité histologique. Chez les patientes qui présentent des récidives itératives ou, d’emblée, une tumeur exophytique bilatérale, nécessitant la réalisation d’un ovariectomie bilatérale (ou unilatérale sur annexe unique), on peut envisager, comme nous l’avons précédemment évoqué, une conservation utérine et proposer une cryoconservation d’une partie d’ovaire sain dans le but d’une réimplantation qui, actuellement, fait l’objet d’expériences restreintes. Néanmoins, très récemment, Donnez et al. ont rapporté la première grossesse observée dans l’espèce humaine après cryopréservation ovarienne (69). Cette technique devrait donc être proposée systématiquement lorsqu’une annexectomie bilatérale (ou unilatérale sur ovaire unique) est envisagée chez une patiente traitée pour une tumeur à la limite de la malignité. Trois équipes rapportent par ailleurs également une grossesse après don d’ovocytes ou réimplantation d’embryons préalablement congelés chez des patientes ayant eu une annexectomie bilatérale avec conservation utérine pour une tumeur à la limite de la malignité (70-72).
Traitement chirurgical des stades II et III L’existence d’un reliquat tumoral en fin d’intervention est un facteur de plus mauvais pronostic. En cas de tumeurs à la limite de la malignité avec localisations péritonéales (y compris le pseudomyxome péritonéal), l’intervention chirurgicale doit comporter une exérèse des implants péritonéaux macroscopiquement visibles afin d’obtenir un reliquat nul. Ce point est d’autant plus crucial que, comme nous allons le voir dans le prochain chapitre, elles sont peu sensibles aux traitements adjuvants. La régression spontanée d’implants péritonéaux non invasifs après ablation de la tumeur ovarienne a été rapportée dans la littérature (73).
Traitement cœlioscopique des tumeurs ovariennes à la limite de la malignité Quelques séries ont été rapportées de traitement cœlioscopique d’une tumeur à la limite de la malignité et sont synthétisées dans le tableau V. L’avantage théorique de l’utilisation de cette voie d’abord est surtout de réduire le risque
Facteurs pronostiques et traitement chirurgical des tumeurs « borderline » 459
Tableau V – Revue de la littérature concernant le traitement cœlioscopique des tumeurs à la limite de la malignité. Nombre de cas Séries
Darai et al. (16)
Patientes
25
Traitement cœlioscopique Radical : 4 Conservateur : 13 Biopsie : 1
Conversion Stade initial Chirugie de Médiane en (cœlioscopie) second-regard de suivie laparotomie ultérieure 7
Candiani et al. (74)
34
Radical : 7 Conservateur : 19
8
Seracchioli et al. (55)
19
Conservateur : 19
0
74
Radical : 3 Conservateur : 45
20
Camatte et al. (75)
Maneo et al. (58)
30
Biopsie : 6 Ovariectomie : 11 Kystéctomie : 19
0
24 stade I 1 stade III
17 stade IA 2 stade IB 6 stade IC 1 stade II
17 stade IA 2 stade IB
33 stade I 6 stade II 6 stade III
6 stade IA 2 stade IB 21 stade IC 1 stade IIC
5
NP
0
26
NP
41 mois
Récidives Grossesses
4 (borderline sur ovaire préservé)
4 48 mois (3 borderline sur ovaire préservé ; 1 sur le péritoine) 42 mois
1 (borderline sur ovaire préservé)
7 42 mois (5 borderline sur ovaire préservé; 2 sur le péritoine) 11 61 mois (ovaire dans 8 cas +/péritoine dans 6 cas – dont 2 avec implants invasifs)
NS
NS
3
10
?
adhérentiel, source d’une éventuelle infertilité ultérieure, chez des patientes jeunes traitées de manière conservatrice. Ces différentes séries suggèrent que le traitement cœlioscopique des tumeurs à la limite de la malignité de stade I est faisable, sans a priori prendre de risque carcinologique. Le taux de récidive observé n’est pas supérieur à celui rapporté après laparotomie. Néanmoins, cette chirurgie laparoscopique ne doit être réservée qu’aux cas les plus « favorables » : tumeur de taille < 6 à 7 cm et/ou à composante liquidienne prédominante (et non pas solide). Ces deux critères permettent de réduire le risque de morcellement et de contamination péritonéale lors de l’extraction de la pièce. Il n’y a qu’une seule série rapportant des traitements laparoscopiques exclusifs de tumeurs à la limite de la malignité avec implants péritonéaux (76). Cette intervention semble être faisable sans prendre de risque chez des patientes ayant des implants non invasifs de petite taille. Néanmoins, d’autres séries sont nécessaires avant de préconiser définitivement cette voie d’abord. Des « localisations » d’implants « borderline » sur orifice de trocart ont été rapportées après cœlioscopie (77-79). Néanmoins, à la différence des « méta-
460 Les cancers ovariens
stases » sur orifice de trocart rapportées dans les autres pathologies néoplasiques, cette complication ne met pas en jeu le pronostic vital et peut être traitée aisément avec une résection simple (79). Pour réduire ce risque, les spécimens chirurgicaux doivent être retirés dans des sacs endoscopiques.
Surveillance après traitement Elle est basée sur une surveillance clinique, biologique (marqueurs : ACE, CA 125 et 19,9 selon le type histologique) et radiologique (échographie abdominale et pelvienne). Ce dernier examen est le plus important chez les patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur (80). Le rythme de cette surveillance est régulier (par exemple de quatre mois pendant un an, puis six mois pendant deux ans, puis annuelle). Chez les patientes ayant bénéficié d’un traitement radical, on peut proposer une surveillance de six mois pendant deux ans puis annuelle. Cette surveillance sera poursuivie au-delà de cinq ans car des récidives tardives peuvent survenir. Ainsi, dans la série de Kaern, 20 % des récidives surviennent au moins cinq ans après le traitement de la tumeur à la limite de la malignité (3). Les tumeurs à la limite de la malignité ne sont pas une contre-indication en elles-mêmes aux traitements hormonaux substitutifs.
Conclusion Les tumeurs à la limite de la malignité sont des tumeurs rares. Elles sont caractérisées, par rapport aux adénocarcinomes ovariens, par un âge de survenue en moyenne de dix ans inférieur à celui des tumeurs malignes, un très bon pronostic global et des possibilités de récidive tardives (au-delà de vingt ans). Les facteurs pronostiques les plus importants sont le stade, le type d’implants péritonéaux et l’existence d’un reliquat tumoral postopératoire. Le traitement est essentiellement chirurgical. La chirurgie de référence est l’annexectomie bilatérale avec une stadification péritonéale (cytologie, biopsies multiples et omentectomie). Néanmoins, cette chirurgie peut (et même doit) être conservatrice en cas de tumeur limitée survenant chez une femme jeune.
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Place de la chimiothérapie dans le traitement des tumeurs de l’ovaire à la limite de la malignité C. Lhommé, P. Pautier, P. Morice, D. Castaigne, C. Pomel, A. Rey, C. Balleyguier, C. Haie-Meder et P. Duvillard
Introduction Les tumeurs de l’ovaire à la limite de la malignité représentent 10 à 20 % des tumeurs malignes de l’ovaire (1). Leur présentation clinique, leur pronostic et leur traitement différent de ceux des adénocarcinomes ovariens. Elles surviennent chez des patientes plus jeunes (de dix ans en moyenne) et la majorité d’entre elles (80-92 %) sont diagnostiquées au stade I (classification de la FIGO) (2). Leur pronostic est excellent, les taux de survie à cinq ans et à vingt ans étant respectivement de 95 % et de 80 % (3, 4). Leur traitement repose de façon quasi exclusive sur la chirurgie. Cependant, si les taux de survie à cinq ans sont supérieurs à 95 % pour les stades I, ils diminuent dans les études rétrospectives à 40-75 % pour les stades II et à 56-65 % pour les stades III (5). Il faut signaler que certaines études plus récentes ne confirment pas ces chiffres, rapportant des taux de survie plus élevés (survie sans maladie de 89 % pour les stades III (suivi médian de soixante-dix mois) (6). Néanmoins, ils continuent à décroître régulièrement après cinq ans. Ainsi, Leake rapporte des taux de survie à cinq, dix, quinze et vingt ans de 97 %, 95 %, 92 % et 89 % respectivement (tous stades confondus) (7). Une minorité de patientes décèdent donc de leur maladie. La place des traitements postopératoires des tumeurs à la limite de malignité demeure complexe et controversée dans certaines situations. Les cliniciens craignent en effet de sous-traiter certaines patientes ou, à l’opposé, d’en surtraiter d’autres (comme cela a été souvent le cas dans le passé, le traitement dans les stades évolués étant alors calqué sur celui des adénocarcinomes) (8, 9). Au total, la question se pose actuellement de savoir si un traitement adjuvant peut être bénéfique pour certaines malades.
466 Les cancers ovariens
Un traitement adjuvant est-il réellement nécessaire ? De nombreux arguments peuvent être évoqués pour tenter de répondre à cette question.
Arguments allant à l'encontre des traitements adjuvants – Le pronostic global des tumeurs à la limite de malignité est excellent (y compris pour les stades les plus évolués) (6-8, 10, 11). – Les récidives ne sont pas fréquentes (de 10 % à 30 %) et sont dans l’immense majorité des cas sous forme de tumeurs à la limite de malignité, exceptionnellement sous forme de carcinome invasif et peuvent s'observer très tardivement. Leur fréquence est fonction des modalités de la chirurgie initiale pour les petits stades (kystectomie simple, annexectomie unilatérale ou annexectomie bilatérale) (6, 12-14) et du stade d’extension de la maladie (8). Les données concernant l’impact de la nature des implants péritonéaux (invasifs ou non) sur la fréquence des récidives sont contradictoires. Ainsi, dans les publications de Gershenson, la fréquence des récidives est identique, que les implants péritonéaux soient invasifs (15) ou non invasifs (16), et la plupart des patientes présentaient une récidive sous forme de maladie invasive progressive. Au contraire, dans notre expérience (17), l’évolution vers une maladie invasive évolutive est observée principalement chez les patientes ayant initialement des implants péritonéaux invasifs : 31 %, contre 2 % en cas d’implants non invasifs (p < 0,002). – Les récidives sont le plus souvent curables par la chirurgie seule (6, 14, 18). – Les tumeurs à la limite de malignité sont des tumeurs peu chimiosensibles et peu radiosensibles. Ceci est probablement à rapprocher de leur faible activité mitotique (10, 19, 20). – La nécessité de préserver la fertilité ultérieure des patientes jeunes est un point d’importance capitale. En effet, très souvent les femmes affectées par les tumeurs à la limite de malignité sont en âge de procréer, et des traitements conservateurs sont proposés, y compris en cas tumeurs de stades évolués (21). Par ailleurs, certaines d’entre elles sont nullipares, la pauciparité et l’infertilité étant des facteurs de risque de développer une tumeur à la limite de malignité (11). – Il faut également prendre en compte les risques de complications iatrogéniques immédiates et tardives. Ont été rapportés dans les différentes séries des sarcomes radio-induits, des grêles radiques, ainsi que des leucémies secondaires à la chimiothérapie, complications létales dans un certain nombre de cas (3, 10, 17, 22, 23). De plus, il est important de souligner que plusieurs publications rapportent plus de décès secondaires aux traitements adjuvants qu’à la progression de la maladie (10, 17). Par exemple, Kurman et
Place de la chimiothérapie dans le traitement des tumeurs… 467
Trimble (10) dans une compilation des données de 22 publications portant sur 953 patientes rapportent 46 décès dont 9 par complication de la chimiothérapie, 3 par complication de la radiothérapie, 8 par occlusion intestinale, 8 par progression de la maladie et 18 de cause inconnue. – Dans certaines séries, il n’y a pas de différence globale entre les taux de survie des patientes ayant reçu une chimiothérapie et ceux des malades n’ayant pas reçu de traitement adjuvant après la chirurgie (6).
Arguments en faveur des traitements adjuvants – Bien que certaines patientes aient une survie prolongée malgré une maladie initialement évoluée avec des sites tumoraux extra-ovariens, certains cas de tumeurs évolutives malgré une chirurgie de cytoréduction agressive suivie de chimiothérapie sont rapportés (24, 25). Ainsi, si les taux de survie à vingt ans (tous stades confondus) atteignent 89 %, les taux de mortalité sont de 4,2 % pour les stades II et 26,8 % pour les stades III (7). – Surtout, si le risque global de transformation maligne est très faible (0,7 % (10) ; 2 % (6)), le pronostic devient alors défavorable, identique à celui des adénocarcinomes ovariens. L’incidence de cette progression sous forme de carcinome invasif augmente avec le stade d’extension (FIGO), et dans notre expérience lorsqu’il existe des implants péritonéaux invasifs. Pour les stades II et III, à cinq ans les taux de dégénérescence sont de 31 % en cas d’implants invasifs et de 2 % (p < 0,002) chez les patientes ayant des implants non invasifs (17).
L’impact sur la survie des traitements adjuvants est difficile à évaluer – Il n’existe pas d’étude randomisée ayant comparé un traitement postopératoire à une simple surveillance chez une population importante de patientes. De nombreux essais ont rapporté chez peu de malades ayant une tumeur à la limite de malignité des résultats de chimiothérapie adjuvante (mono- ou polychimiothérapies) ou de radiothérapie externe (pelvienne ou abdominopelvienne) ou de radiothérapie intrapéritonéale (colloïdes radioactifs). Les protocoles, les modalités et les indications des traitements sont très différents d’un article à l’autre et au sein de la plupart d’entre eux. Une compilation des données constitue souvent la seule voie pour essayer d’évaluer la place des traitements adjuvants (3, 8). – Un très long recul est nécessaire pour évaluer l’impact réel des traitements sur la survie. Dans l’article de Leake, les taux de survie à cinq, dix, quinze et vingt ans sont respectivement de 97 %, 95 %, 92 % et 89 % (tous stades) (7).
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– Enfin, quelques régressions spontanées d’implants péritonéaux après ablation des tumeurs ovariennes ont été rapportées (26, 27).
Certaines tumeurs à la limite de malignité ont un comportement biologique agressif Il existe peut-être seulement une petite population de malades ayant des facteurs de mauvais pronostic et pouvant bénéficier d’une chimiothérapie (7). Cependant, la détermination des patientes à haut risque nécessitant un traitement adjuvant reste problématique. Le stade d’extension FIGO (facteur pronostique le plus important) (3, 5, 7, 28), le volume tumoral résiduel après chirurgie (1, 5, 22, 29), et l’existence d’un pseudomyxome péritonéal en cas de tumeurs mucineuses (9, 30) ont un impact sur la survie. Tropé et al. ont montré que l’association d’une tumeur séreuse, de petit stade, survenant chez une jeune patiente confère un pronostic particulièrement favorable (11). Il n’y a pas d’impact indépendant sur la survie de l’envahissement ganglionnaire (31-33), des modalités de la chirurgie (conservatrice ou non) (13, 14), de la rupture capsulaire (34, 35), de l’existence de végétations exophytiques à la surface de l’ovaire (36), d’une micro-invasion stromale (37-39), de l’hyperexpression de la p53 (40) ou de Her-2/neu (41) ou de mutations de K-ras (4, 42). Les données sont contradictoires concernant la signification pronostique de l’âge des patientes, du type histologique de la tumeurs à la limite de malignité (2), et de la ploïdie du DNA (3, 43, 44). Seules 5 à 14 % des tumeurs à la limite de malignité sont aneuploïdes, mais en cas d’aneuploïdie les taux de survie à cinq ans des tumeurs à la limite de malignité ne sont que de 15 % (4). Cependant, il n’existe pas de preuve que l’aneuploïdie soit un facteur de risque indépendant. L’impact des caractéristiques des implants péritonéaux (invasifs ou non) a également été discuté (17, 22, 45, 46), mais actuellement la majorité des équipes s’accorde pour leur attribuer un impact péjoratif. Les tumeurs à la limite de malignité séreuses avec composante micropapillaire sont fréquemment associées à des extensions extra-ovariennes, souvent à type d’implants péritonéaux invasifs. Le pronostic de ces tumeurs est identique, à extension tumorale similaire, à celui des tumeurs à la limite de malignité séreuses sans composante micropapillaire (47, 48). Leurs traitements sont similaires. Au total, peu de facteurs sont reconnus comme ayant un impact sur le pronostic. De toutes ces données découlent les indications actuelles de la chimiothérapie.
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Indications des traitements adjuvant Stades I Dans les études rétrospectives, la grande majorité des patientes ayant une tumeur à la limite de malignité de stade I n’ont pas reçu de traitement adjuvant et les taux de survie à cinq ans sont excellents. Une comparaison historique entre 134 patientes ayant reçu un traitement adjuvant et 450 patientes n’en ayant pas reçu (8) et l’analyse des données d’une étude de phase III du GOG qui avait inclus des patientes ayant une tumeur à la limite de malignité (diagnostic fait rétrospectivement lors de la relecture des lames histologiques) (49) et les résultats d’un essai de phase III incluant 55 patientes (50), n’ont pas mis en évidence de bénéfice à la réalisation d’un traitement adjuvant (irradiation pelvienne, melphalan ou P32 intrapéritonéal). Conclusion : aucun traitement adjuvant n’est indiqué pour les tumeurs à la limite de malignité de stade I.
Stades II ou III Il existe de nombreuses controverses concernant le meilleur protocole thérapeutique à proposer à ces patientes. Dans la compilation des données de la littérature publiée par Chambers (8), les pourcentages de décès et de récidives étaient inférieurs dans le groupe traité. Il faut souligner qu’il s’agit d’une étude rétrospective et que les modalités thérapeutiques étaient multiples. Par ailleurs, 10 % des patientes n’avaient reçu aucun traitement adjuvant. Le pronostic pour les patientes ayant des implants péritonéaux non invasifs est très bon (17). En conséquence, aucun traitement adjuvant est indiqué en cas tumeurs de stade II ou III avec implants péritonéaux non invasifs et réséquées en totalité (51). Un traitement adjuvant n’est pas non plus nécessaire en cas d’atteinte ganglionnaire, ni s’il existe une rupture tumorale (17). Il n’existe pas de consensus concernant les traitements adjuvants en cas d’implants péritonéaux invasifs et/ou de tumeur résiduelle macroscopique. Etant donné le taux plus élevé de maladie évolutive en cas d’implants péritonéaux invasifs, leur agressivité (similaire à celle des adénocarcinomes ovariens) (22, 44) et les faibles taux de survie reportés dans certaines séries, beaucoup d’auteurs préconisent un traitement adjuvant dans cette situation (17, 52). Pour d’autres, un traitement adjuvant n’est proposé que si les implants invasifs sont aneuploïdes (46) car ces derniers sont associés à un mauvais pronostic. Cependant, il n’y a pas de preuve que les traitements adjuvants aient un impact sur la survie de ces patientes (4). La majorité des équipes utilise la chimiothérapie, et non la radiothérapie, le plus souvent en utilisant des protocoles incluant un sel de platine (2, 18, 22, 43, 53). Cependant, les
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poly-chimiothérapies à base de cisplatine sont peu actives dans les traitement des tumeurs à la limite de malignité (53 ; 54) et le rôle des chimiothérapies à base de platine dans le management des tumeurs à la limite de malignité des stades évolués est discuté encore actuellement. Il existe peu de publications concernant l’utilisation du paclitaxel. Une réponse complète chirurgicale a été reportée chez 3 patientes avec une association cisplatine-paclitaxel après chirurgie de réduction tumorale maximale (maladie résiduelle microscopique) (55). Il est encore plus difficile de décider si un traitement postopératoire est nécessaire ou non en cas de volumineux résidu tumoral non résécable. Les taux de survie à huit ans pour les malades ayant une maladie résiduelle sont de 60 % alors qu’ils sont proches de 100 % en l’absence de maladie résiduelle (56). Plus à distance, les taux de survie à quinze ans sont respectivement de 35 % et de 90-95 % (1). Dans l’étude de Tamakoshi (5), la survie globale pour les patientes ayant une maladie résiduelle < 2 cm était significativement meilleure que celle des patientes dont le résidu tumoral était, soit de 2 à 5 cm, soit > 5 cm (p < 0,05), mais la chimiothérapie à base de cisplatine n’avait qu’un faible impact chez les patientes ayant une volumineuse maladie résiduelle et ce spécialement en cas de tumeur mucineuse. Plusieurs auteurs n’ont observé aucun bénéfice avec la chimiothérapie (57-60) alors que d’autres ont rapporté des réponses avec la chimiothérapie chez des patientes ayant une maladie de stade évolué et une tumeur résiduelle (61). 12 sur 15 (62), 8 sur 20 (29) et 9 sur 17 (63) malades étaient en rémission complète histologique lors d’une chirurgie de second regard. Cependant, l’administration d’un traitement adjuvant n’a pas augmenté la durée de survie des patientes dans ces études. Au total, même si quelques réponses ont été publiées chez des malades ayant de volumineuses maladies résiduelles, le rôle de la chimiothérapie en cas de maladie résiduelle non invasive et non résécable n’est pas élucidé. Il est nécessaire de prendre en compte la toxicité des traitements, et le fait que certaines patientes ayant une maladie résiduelle après la chirurgie demeurent asymptomatiques dix ans plus tard, sans aucun traitement adjuvant. Une des solutions est peut-être de ne proposer de chimiothérapie qu’en cas de maladie non résécable, évolutive et/ou symptomatique (64). Certains auteurs proposent un traitement adjuvant pour les patientes ayant des implants péritonéaux invasifs aneuploïdes, car ces derniers sont associés à un mauvais pronostic. Cependant, il n’y a pas de preuve que les traitements adjuvants aient un impact sur la survie de ces patientes (4).
Les pseudomyxomes péritonéaux Ils sont à part. Leur pronostic est particulièrement défavorable avec des taux de décès en rapport avec la maladie de 50 % (moyenne) (9, 30). La chimiothérapie systémique n’est pas efficace (65) et quelques équipes proposent une chimio-
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thérapie hyperthermique intrapéritonéale per-opératoire à la fin d’une chirurgie de réduction tumorale (66).
Conclusion Actuellement, nous savons à quelles patientes ayant une tumeur à la limite de malignité il ne faut pas proposer de traitement adjuvant. Des réponses à la chimiothérapie ont été rapportées chez quelques malades ayant des implants péritonéaux invasifs et/ou une maladie résiduelle macroscopique, mais le bénéfice global pour ces patientes n’est pas clair (survie, qualité de vie, toxicités des traitements). Seules quelques malades ayant des facteurs de mauvais pronostic bénéficient peut-être de la chimiothérapie, mais ces facteurs à ce jour ne sont pas clairement définis, qu’ils soient cliniques, histologiques ou biologiques. La question reste ouverte : à quelles patientes un traitement adjuvant peut-il vraiment être bénéfique pour les malades ayant une tumeur à la limite de malignité ?
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Les tumeurs ovariennes rares
Les tumeurs germinales
Biologie des tumeurs germinales A. Fléchon et J.-P. Droz
Introduction Les tumeurs germinales de l’ovaire sont très rares par rapport à l’origine testiculaire plus commune. Elles représentent 2 à 5 % de toutes les tumeurs de l’ovaire et moins de 5 % de toutes les tumeurs germinales. L’incidence annuelle est inférieure à 1/100 000. Le fait important est que la médiane d’âge de survenue est de 20 ans. Leur aspect histologique est riche puisque plusieurs composantes sont décrites et diversement associées. La classification utilisée est celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1). Le séminome (ou dysgerminome) est le plus fréquent (45 %), suivi de la tumeur du sinus endodermique (ou tumeur vitelline) et du tératome immature (20 % des cas respectivement), puis des tumeurs mixtes (10 %). Sont beaucoup plus rares le carcinome embryonnaire, le choriocarcinome et le polyembryome. Le tératome mature est une tumeur bénigne dont la présentation est particulière : il est observé très rarement chez la petite fille, mais est courant chez la femme âgée où il représente un quart de toutes les tumeurs de l’ovaire ; rarement il peut évoluer vers une tumeur maligne de la lignée épithéliale. Dans ce chapitre, nous traiterons des seules tumeurs germinales malignes dont ont été décrits quelques cas familiaux (2) et qui paraissent plus fréquentes en cas de dysgénésie gonadique. Des marqueurs sériques sont souvent présents au cours de l’évolution.
Marqueurs Deux marqueurs principaux sont liés aux tumeurs germinales : l’AFP (alphafœto protéine) et l’hCG (hormone chorionique gonadotrope). L’AFP est une glycoprotéine d’origine embryonnaire (chez le nourrisson elle disparaît du sang en quelques mois) qui peut être élevée au cours de certaines hépatites virales et de l’hépatocarcinome. Elle est souvent élevée dans les tumeurs germinales non séminomateuses, jamais au cours du séminome. Elle est sécrétée par la composante dénommée tumeur vitelline et certains carcinomes embryonnaires. Sa
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demi-vie d’élimination plasmatique est de sept jours. La valeur normale dans le sang est variable (elle est inférieure à 6 ou à 30 ng/ml selon les techniquess de dosage immuno-enzymatique qui sont nombreuses). L’hCG est une hormone sécrétée physiologiquement par le placenta au cours de la grossesse. Dans les tumeurs germinales, elle est sécrétée par la composante de choriocarcinome et par les cellules syncytio-trophoblastiques isolées. Elle peut être élevée dans certains autres cancers, comme le cancer à petites cellules du poumon, le cancer du pancréas et le cancer de vessie. Elle est modérément élevée dans 20 % des cas de séminome pur. Sa demi-vie plasmatique est de trois jours. Elle est constituée de deux sous-unités : α et β. Dans les tumeurs germinales, on observe une sécrétion de la molécule entière ou des sous-unités β libres. Le dosage dénommé βhCG, le plus couramment utilisé, est un dosage radioimmunologique qui concerne à la fois la molécule complète et l’hCG-β libre (on doit donc dénommer ce dosage hCG total, hCGt). La valeur normale de l’hCGt dans le sang est en général inférieure à 2 mUI/ml selon l’anticorps utilisé. La valeur pronostique du seul taux d’hCG-β libre, exprimé en ng/ml, n’est pas clairement établie, alors que le taux d'hCGt a une valeur pronostique certaine. Enfin, la LDH (lactico-dehydrogenase) est un marqueur, non spécifique, de volume tumoral. Le taux des trois marqueurs (AFP, hCGt, LDH) a une valeur pronostique dans les tumeurs germinales non séminomateuses : plus la valeur est élevée, plus grave est la maladie. Toutefois, si les taux de ces marqueurs sériques ont été intégrés dans les modèles pronostiques des tumeurs d’origine testiculaire, ils n’ont pas été validés dans les tumeurs d’origine ovarienne. Ils ont une grande valeur dans la surveillance. Le dosage du CA-125 n’a pas, dans ce cas, l’intérêt qu’il a dans les tumeurs épithéliales. Aucun autre marqueur n’a un intérêt démontré.
Cytogénétique Toutes les tumeurs germinales sont caractérisées par une anomalie cytogénétique pathognomonique : la présence d’un isochromosome du bras court du chromosome 12 l’i(12p) (3). Cette anomalie n’est retrouvée dans aucune autre pathologie. Dans 80 % des cas, elle est mise en évidence par une analyse caryotypique classique, et dans 20 % elle est retrouvée par la technique plus fine d’hybridation in situ (FISH) (4). On retrouve dans toutes les tumeurs germinales ovariennes l’i(12p) (5), excepté dans le tératome immature. Mais, comme dans leur contrepartie testiculaire, il existe dans les tumeurs ovariennes d’autres anomalies cytogénétiques : en particulier le gain des chromosomes 1, 6p, 8, 12q, 21 et 22q et la perte du 13q (comme cela a été démontré par la Comparative Genomic Hybridation, CGH) (6). Néanmoins, dans le tératome immature, c'est le gain des chromosomes 14 et 16q que l'on retrouve le plus souvent (6), ce qui suggère une biologie un peu différente. En fait, il semble que, plus la tumeur a un potentiel malin, plus les anomalies chromosomiques
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soient fréquentes. Cela est d’ailleurs corroboré par l’étude de la ploïdie. Les tératomes (matures et immatures) sont diploïdes et ont un caryotype normal 46 XX, seuls les tératomes immatures de grade 3 sont aneuploïdes (7). Par contre, les séminomes et les tumeurs vitellines sont aneuploïdes ou tétraploïdes (7). Cependant, la connaissance des anomalies est considérablement plus grande pour les tumeurs testiculaires : en particulier, on a mis en évidence un grand nombre d’anomalies chromosomiques à côté de la présence de l’i(12p) (8).
Biologie moléculaire La perte d’hétérozygotie a été bien étudiée dans les tumeurs germinales testiculaires, testant plusieurs dizaines de marqueurs sur un grand nombre de tumeurs (9), et il a été dénombré de nombreuses anomalies. Une telle étude a été menée sur 32 tumeurs germinales ovariennes avec 62 marqueurs microsatellites (10). La fréquence des pertes alléliques est plus grande dans les tumeurs non séminomateuses que dans les séminomes. La répartition des pertes alléliques est aussi différente, ce qui suggère d’ailleurs une progression du séminome vers les tumeurs non séminomateuses, en particulier la tumeur vitelline d’une part et le carcinome embryonnaire et le tératome d’autre part (11). Une instabilité des microsatellites est retrouvée dans 33 % des cas, mais elle concerne moins de 10 % des loci testés (10). L’instabilité est d’autant plus fréquente que la tumeur est maligne et plus près du début de son développement : 57 % des séminomes, 21 % des tératomes immatures. En revanche, peu de gènes (gènes suppresseurs ou oncogènes) ont été étudiés dans les tumeurs germinales ovariennes : il a été seulement montré l’absence d’anomalie quantitative et qualitative de p53 (12). Cela fait contraste avec le grand nombre de données concernant les tumeurs testiculaires (13).
Histogenèse Il faut d’abord envisager l’histogenèse normale de la gonade, et remarquer l’importance du fait que les cellules germinales de l’ovaire stoppent leur développement au stade pré-méïotique. L’embryogenèse est la formation et la différentiation des différents organes (cellules somatiques) de l’embryon. Les cellules totipotentes sont appelées cellules germinales au début de l’embryogenèse et vont prendre le nom de gamètes après maturation dans les gonades. La séparation entre cellules somatiques et cellules germinales maintient la stabilité du patrimoine génétique. Les gonades apparaissent chez l’embryon à la quatrième semaine du développement embryonnaire sous la forme de deux crêtes génitales. Elles viennent d’un épaississement de la somatopleure de part et d’autre du mésentère dorsal
482 Les cancers ovariens
à côté des ébauches rénales, et sont situées de chaque côté de la ligne médiane, entre le mésonéphros et le mésentère dorsal. Les cellules des crêtes génitales à l’origine des cordons médullaires dérivent du mésoblaste intermédiaire. Les cellules germinales primordiales apparaissent, lors de la quatrième semaine de gestation, dans le mésenchyme extra-embryonnaire au niveau du sac vitellin tapissant la paroi postérieure du lécithocèle, au voisinage de l’allantoïde. Durant la cinquième semaine, elles migrent du sac vitellin vers les crêtes génitales, le long du mésentère dorsal de l’intestin. À la sixième semaine, elles pénètrent dans les crêtes génitales qui, chez l’embryon, s’étendent de la sixième vertèbre cervicale à la quatrième vertèbre lombaire. Parallèlement, l’épithélium des crêtes génitales prolifère activement et le tissu mésenchymateux issu du blastème mésonéphritique s’organise en cordons sexuels primitifs qui entourent progressivement les cellules germinales primordiales et restent en connexion avec la surface épithéliale. À ce stade du développement, il est impossible de distinguer la gonade mâle de la gonade femelle : c’est le stade de la gonade indifférenciée. Les cellules germinales exercent ensuite une influence inductrice sur les tissus gonadiques qui se développent selon le sexe génétique en ovaire ou en testicule. C'est l’absence de chromosome Y qui détermine la différentiation ovarienne, ou lorsque la détermination sexuelle masculine liée au gène SRY du chromosome Y est anormale. Les cellules germinales primordiales colonisent le mésenchyme de la gonade primitive et continuent à se diviser. Dans une première étape, les cordons sexuels se fragmentent en amas cellulaires contenant peu de cellules germinales primordiales, puis régressent. Une deuxième poussée de cordons sexuels corticaux se développe alors, renfermant les cellules germinales ou ovogonies qui subissent un certain nombre de divisions mitotiques. De la seizième à la dixhuitième semaine de gestation, elles se disposent en amas entourés de cellules épithéliales plates, les cellules folliculaires, et stoppent leur division en prophase de la première division méiotique. Il semble bien que les tumeurs germinales ovariennes aient une origine préméiotique à partir des cellules germinales primordiales (14). Par contre, les tératomes matures et certains tératomes immatures pourraient dériver par parthénogenèse de cellules après la meïose I (14). Les études dans les tumeurs testiculaires sont en faveur d’une évolution clonale à partir de la tumeur germinale primordiale, d'abord vers le séminome (précédé d’une forme non invasive de carcinome in situ), puis, le carcinome embryonnaire et ,soit le tératome immature (différentiation), soit la tumeur vitelline, soit le choriocarciome (8). L’origine préméiotique de la transformation maligne pourrait expliquer le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens qui pourraient être incriminés dans la genèse de ces tumeurs (15, 16). Cela fait l’objet de recherches qui concernent la morphogenèse gonadique et les tumeurs germinales du testicule, qui sont sans doute applicables à l’ovaire.
Biologie des tumeurs germinales 483
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Traitement des tumeurs germinales de l'ovaire P. Pautier et C. Lhommé
Introduction Les tumeurs non épithéliales de l’ovaire sont des tumeurs rares. Parmi elles, les tumeurs germinales sont les plus fréquentes, représentant 15 à 20 % des tumeurs de l'ovaire. Elles se composent de tumeurs bénignes (kystes dermoïdes), de kystes dermoïdes cancérisés qui sont des tumeurs malignes dérivant de différents contingents de kystes dermoïdes et, enfin, de tumeurs germinales malignes primitives. Ces dernières représentent moins de 5 % de l’ensemble des tumeurs malignes de l’ovaire, et 95 % des tumeurs germinales sont des tératomes kystiques bénins ou kystes dermoïdes. Avec un ratio de 1 pour 10, les tumeurs germinales malignes primitives chez la femme sont également beaucoup moins fréquentes que chez l’homme. Ces tumeurs se différencient des adénocarcinomes par de nombreux points : âge de survenue beaucoup plus précoce, puisqu'il s'agit de tumeurs de la fillette et de la jeune femme (moyenne d'âge comprise entre 18 et 21 ans, selon les séries) (1-4), diagnostic à un stade plus précoce (environ 70 à 80 % de maladies de stade I), bien meilleur pronostic, très grande chimiosensibilité (ce sont des tumeurs le plus souvent chimiocurables), marqueurs spécifiques et différents selon le type histologique et modalités thérapeutiques particulières (chirurgie le plus souvent conservatrice et protocoles de chimiothérapie adaptés). La classification histologique sépare les dysgerminomes (dysgerminomes purs) des tumeurs non dysgerminomateuses (principalement : tumeurs du sac vitellin, tératomes, carcinomes embryonnaires, choriocarcinomes). Chaque type histologique de tumeur peut avoir des particularités cliniques, biologiques et/ou thérapeutiques qu’il est important de connaître. Le pronostic des tumeurs germinales de l’ovaire est bon, transformé ces dernières années par les nouveaux protocoles de chimiothérapie, notamment depuis l’introduction du cisplatine.
486 Les cancers ovariens
Classification et stadification La classification histologique comprend des tumeurs bénignes (tératomes matures), des tumeurs bénignes transformées en tumeurs malignes (tératomes matures cancérisés) et des tumeurs malignes primitives. Elle sépare les dysgerminomes (dysgerminomes purs) des tumeurs non dysgerminomateuses (tumeurs du sinus endodermique (ou tumeurs du yolk sac), carcinomes embryonnaires, tératomes (matures et immatures), tumeurs germinales mixtes, choriocarcinomes). Cette distinction est également importante d’un point de vue clinique et thérapeutique. La stadification de la Fédération internationale des gynécologues obstétriciens (FIGO) (5) définie pour les adénocarcinomes ovariens s’applique aux tumeurs non épithéliales de l’ovaire. La grande majorité des tumeurs germinales malignes sont découvertes à un stade localisé (stade I). Le diagnostic est fait de façon exceptionnelle à un stade II, à un stade III dans 20 à 30 % des cas et dans moins de 10 % des cas à un stade IV (les métastases pulmonaires ou hépatiques sont les plus fréquentes). Une ascite n’est décelée que chez 20 % des patientes. Le volume tumoral explique sans doute la fréquence des ruptures tumorales avant l’intervention (20 % des cas) (6). Le pronostic des tumeurs germinales malignes primitives a été transformé ces dernières années par les nouveaux protocoles de chimiothérapie, notamment depuis l’introduction du cisplatine. Les taux de survie à cinq ans sont actuellement proches de 100 % pour les dysgerminomes et de 85 % pour les tumeurs germinales non dysgerminomateuses, les tumeurs du sinus endodermique étant classiquement de plus mauvais pronostic lorsqu'il s'agit de formes avancées (7).
Présentation clinique Dans 80 à 90 % des cas, la maladie est révélée par des douleurs abdominales ou pelviennes qui font découvrir une masse qui est déjà palpable. Les autres symptômes révélateurs sont : un syndrome abdominal aigu pouvant faire évoquer une appendicite (lié à une rupture, une hémorragie ou une torsion de la tumeur), une augmentation de volume de l’abdomen, des métrorragies, une pseudo-puberté précoce (liée à la sécrétion d'hCG), exceptionnellement des manifestations androgéniques. Un certain nombre de ces tumeurs sont découvertes pendant la grossesse (en particulier les dysgerminomes) ou dans le post-partum immédiat. Les dysgerminomes purs sont de croissance souvent lente et le début des symptômes est parfois difficile à faire préciser. Moins souvent, la masse est asymptomatique et découverte de façon fortuite lors d’un examen gynécologique ou d’une échographie réalisée pour une autre indication.
Traitement des tumeurs germinales de l’ovaire 487
Examens complémentaires L’échographie abdomino-pelvienne est un examen important. Elle permet de mieux préciser les caractéristiques de la tumeur (volume, aspect solido-liquide ou solide), de rechercher un épanchement péritonéal, et d’explorer l’ovaire controlatéral, l’utérus et le foie. Les aires ganglionnaires sont au mieux explorées par le scanner abdomino-pelvien (cela est spécialement important lorsqu’il existe une composante dysgerminomateuse). La radiographie de thorax fait partie du bilan systématique, éventuellement complétée, en fonction du type histologique de la tumeur, par un scanner thoracique systématique. La place de l’imagerie par résonance magnétique et du PET-scan reste à définir dans ces pathologies. Un ou plusieurs marqueurs tumoraux peuvent être exprimés par ces tumeurs. Le dosage sanguin doit donc être fait de façon systématique et, si possible, en pré-opératoire et le plus tôt possible après la chirurgie. Les choriocarcinomes produisent de l’HCG (human chorionic gonadotrophin) et de la bêta-HCG, et les tumeurs du sinus endodermique de l’alphafœtoprotéine. L’élévation d’un ou de ces deux marqueurs peut être également observée en cas de carcinome embryonnaire ou de tumeur germinale mixte. Dans l’immense majorité des cas, les tératomes immatures ne sécrètent aucun marqueur tumoral (exception faite de quelques cas décrits de production d’alphafœtoprotéine). Il n’y a pas de marqueur tumoral spécifique des dysgerminomes. Dans de rares cas, des élévations d’HCG ont été rapportées. Par contre, ont été décrits des taux élevés de LDH (hormone lactico-déshydrogénase) dans cette pathologie. En cas d’élévation initiale, le dosage de LDH, reflet du volume tumoral, peut aider à la surveillance des patientes sous traitement (8). Les marqueurs tumoraux dosés avant l’intervention initiale peuvent orienter le diagnostic. Par ailleurs, les résultats de ces dosages peuvent avoir une incidence sur le traitement après la chirurgie. Enfin, l’évolution de la maladie (pendant le traitement et lors de la surveillance ultérieure) est au mieux suivie à l’aide des marqueurs initialement élevés.
Traitement des tumeurs germinales primitives Objectifs du traitement Le pronostic des tumeurs germinales de l’ovaire a été transformé, tout d'abord par l'introduction de la chimiothérapie, puis par les nouveaux protocoles de chimiothérapie à base de cisplatine. Le but du traitement est quadruple : guérir les patientes tout en préservant la fonction hormonale ovarienne et la fertilité et en minimisant la toxicité des traitements.
488 Les cancers ovariens
Chirurgie initiale (6) À l’opposé des adénocarcinomes ovariens, la chirurgie est conservatrice dans l’immense majorité des cas pour les tumeurs germinales. Le pronostic est la plupart du temps excellent pour ces patientes jeunes, et pour lesquelles on souhaite conserver une fertilité. Tout comme pour les adénocarcinomes, le but de la chirurgie est triple : thérapeutique (ablation de la tumeur), diagnostique (détermination du type histologique de la tumeur) et aide à la détermination du stade d’extension. Le geste consiste donc au minimum en une annexectomie unilatérale, une exploration complète du pelvis et de toute la cavité abdominale, un lavage péritonéal et/ou un prélèvement de toute ascite présente lors de l’ouverture de l’abdomen, des biopsies péritonéales systématiques (y compris au niveau de l’épiploon) et un prélèvement de tout élément suspect. Dans les rares cas où une annexectomie bilatérale est indiquée, il est préconisé de conserver l’utérus (pour un don d’ovocytes ultérieur).
Trois points ne font pas l’objet de consensus L'évaluation de l’extension ganglionnaire Il n’y a pas d’indication à un curage systématique pelvien et lombo-aortique en l’absence d’anomalie ganglionnaire. Certains proposent des prélèvements ganglionnaires systématiques, mais il n’y a pas dans la littérature d’arguments probants pour proposer ce geste en l’absence d’anomalie. Un consensus semble se dessiner pour ne proposer de gestes ganglionnaires qu’en cas d’anomalie visible sur le scanner ou palpable lors de l’exploration chirurgicale. En cas de dysgerminomes, des anomalies ganglionnaires ne sont pas une indication aux curages, ces atteintes étant très radiosensibles et chimiosensibles. La plupart des tumeurs non dysgerminomateuses ont une faible extension ganglionnaire et les taux de rechute ganglionnaire après chimiothérapie sont extrêmement bas, ces tumeurs étant très chimiosensibles.
L'attitude par rapport à l'ovaire controlatéral Le but chez ces jeunes patientes est de préserver la fonction hormonale ovarienne et la fertilité. Il n’est plus réalisé d’annexectomie bilatérale systématique. Par contre, il est indispensable que soit réalisée une inspection soigneuse de l’ovaire controlatéral. Si cet ovaire est normal, il n’y a pas d’indication à réaliser des biopsies systématiques en cas de tumeurs non dysgerminomateuses. En cas de dysgerminomes, il existe un risque de maladie occulte controlatérale. Certains auteurs proposent donc de réaliser dans de tels cas une biopsie controlatérale, mais il n’y a pas de preuve que cette attitude transforme le pronostic. Par contre, elle risque d’être source de stérilité (formation d’adhérences).
Traitement des tumeurs germinales de l’ovaire 489
En cas d’anomalie constatée sur l’ovaire controlatéral, la biopsie ou l’excision de ces zones doit être réalisée (tumorectomie si possible). Lorsqu’un kyste tératomateux est constaté sur l’ovaire controlatéral, une kystectomie doit être pratiquée. Par contre, une annexectomie bilatérale est indiquée lors de la découverte d’une dysgénésie gonadique en pré- ou en per-opératoire.
La place de la chirurgie de réduction tumorale Jusqu'à récemment, la chirurgie de réduction tumorale était appliquée aux adénocarcinomes, ainsi qu’aux tumeurs non épithéliales. Plusieurs essais cliniques du Gynecologic Oncology Group (GOG) ayant évalué différents protocoles de chimiothérapie ont montré des différences de survie en faveur des patientes ayant eu une réduction tumorale complète, mais ces différences ne sont pas toujours significatives (9-11, 26). Dans une autre étude multifactorielle, la présence de reliquats tumoraux après la chirurgie initiale est le seul facteur pronostique ayant un impact sur la survie (12). Les tumeurs germinales sont beaucoup plus chimiosensibles que les adénocarcinomes, ce qui remet en question ces chirurgies de réduction tumorale. Il faut donc, pendant l’intervention, que le chirurgien pèse les avantages et les risques de l’intervention de réduction tumorale réalisée. Dans certains cas, la chirurgie initiale a été incomplète. Il n’est pas nécessaire alors de réintervenir si une chimiothérapie est indiquée. Par contre, en cas de tératome mature pur dont le traitement est uniquement chirurgical, une nouvelle chirurgie est nécessaire pour réaliser une exérèse complète des lésions et s’assurer qu’il n’existe pas une autre composante tumorale (13).
Peut-on proposer une chirurgie conservatrice en cas de tumeur évoluée? Les tumeurs germinales sont le plus souvent des tumeurs unilatérales et de stade I, ce qui permet de proposer un traitement conservateur chirurgical pour préserver la fertilité ultérieure de ces jeunes patientes. Qu’en est-il en cas de tumeurs plus évoluées, avec atteinte bilatérale (10 % à 15 % des dysgerminomes ovariens purs) ou atteinte péritonéale, ganglionnaire ou à distance ? Certaines équipes ont rapporté leurs résultats après traitement conservateur pour une tumeur germinale de stade supérieur à 1. En cas d’atteinte bilatérale, il est possible de proposer un traitement conservateur associant une chirurgie radicale d’un côté et conservatrice (kystectomie) de l’autre, du côté de la tumeur de plus petite taille, tout en conservant l’utérus (14). Low et al. ont réalisé une chirurgie conservatrice chez 74 patientes traitées pour une tumeur germinale, y compris chez celles qui avaient une maladie évoluée (dysgerminomes (42 %), tératomes immatures (22 %), tumeurs du sinus endodermique (18 %), tumeurs germinales mixtes (15 %) et carcinomes embryonnaires (4 %)). La majorité des patientes avaient une tumeur de stade I (76 % dont
490 Les cancers ovariens
29 % de stade Ic), 11 (15 %) une tumeur de stade III (13,5 % au stade IIIc) et 4 une tumeur de stade IV. La chirurgie a consisté en une annexectomie unilatérale (92 %), une kystectomie unilatérale (7 %), une annexectomie unilatérale et kystectomie controlatérale (1,5 %). 13 (18 %) biopsies systématiques de l’ovaire controlatéral ont été réalisées : toutes étaient négatives. Seules 2 patientes avaient une atteinte bilatérale (dysgerminome de stade IIIc, tumeur du sinus endodermique de stade IV). 36 % des patientes ont été traitées par chirurgie seule (toutes avaient une tumeur de stade I). Les autres patientes ont reçu une chimiothérapie adjuvante (30 sur 47 ont reçu une chimiothérapie de type BEP). La médiane de suivi est de cinquante-deux mois. 7 récidives (9,5 %) et 2 décès (2,7 %) sont rapportés. Il n’y a pas eu de récidive chez les 5 patientes qui avaient bénéficié d’une simple kystectomie unilatérale, ni chez celles traitées par annexectomie unilatérale associée à une kystectomie controlatérale. La survie globale est de 98 % pour les patientes ayant une tumeur de stade I et de 94,4 % en cas de tumeur évoluée. Le taux de survie globale est de 97 %. Zanetta et al. ont traité de manière conservatrice 138 patientes ayant une tumeur germinale de stade I (64 %), II (10 %), III (34 %) ou IV (2 %). Les taux de survie en fonction de l’histologie sont respectivement de 98 % pour les dysgerminomes (54 patientes), 90 % pour les tumeurs du sinus endodermique (22 patientes), 100 % pour les tératomes immatures (44 patientes) et les tumeurs mixtes (18 patientes) (15).
Radiothérapie initiale La radiothérapie a été très longtemps le traitement de référence des dysgerminomes ovariens, très radiosensibles, comme le sont aussi les séminomes testiculaires. La plupart des équipes recommandaient une irradiation prophylactique des chaînes iliaques homolatérales ou de l'hémipelvis et para-aortique à la dose de 20 à 30 grays. Cette irradiation pouvait être étendue en médiastinal et sus-claviculaire ou en abdominal in toto pour les stades avancés. Les doses pouvaient aller jusqu'à 35-40 grays en cas d'irradiation à visée curative. Dans la série française rapportée par Gerbaulet (19), 65 patientes ont bénéficié de ce traitement, 52 de stade I (43 de stade Ia), 3 de stade II et 10 de stade III. 13 patientes ont présenté une rechute, dont 1 seule en territoire irradié et 5 patientes une rechute métastatique. La survie globale est de 86 %. Les autres séries de la littérature rapportent globalement les mêmes résultats (20). Le problème essentiel est celui de la conservation d'une fonction ovarienne et de la fertilité. Depuis les années 1980, différentes équipes ont rapporté la grande sensibilité des dysgerminomes aux sels de platine, en particulier après échec de la radiothérapie. C'est pourquoi, à partir de cette époque, une chimiothérapie a été proposée d'emblée dans le traitement des dysgerminomes ovariens, avec d'excellents résultats en terme de survie, mais aussi et surtout de fertilité et de fonction ovarienne.
Traitement des tumeurs germinales de l’ovaire 491
Chimiothérapie initiale Modalités Le pronostic des tumeurs germinales a tout d’abord été transformé par l’avènement de la chimiothérapie, en particulier pour les tumeurs non dysgerminomateuses. En effet, après chirurgie seule, la survie de ces patientes était de 10 à 20 %, malgré la présence de stades I (21), puis elle s’est considérablement améliorée grâce à l’arrivée des polychimiothérapies. Il s'agit de tumeurs rares, ce qui explique le peu d'études prospectives réalisées et l'absence d'essais randomisés. Les traitements ont été la plupart du temps calqués sur ceux des tumeurs germinales du testicule, qui ont des similitudes anatomopathologiques, biologiques, et de réponse à la chimiothérapie. La plupart des séries publiées sont donc rétrospectives. La première polychimiothérapie clairement efficace associait vincristine, dactinomycine D et cyclophosphamide (VAC). Ainsi, dans l’étude du GOG, le protocole VAC a permis d’obtenir un taux de survie sans récidive de 75 % chez les patientes ayant bénéficié d’une chirurgie complète et ce, au prix d’une toxicité acceptable. Cependant, 70 % des patientes qui avaient une maladie évoluée sont décédées de leur maladie (9). La deuxième amélioration est survenue grâce à l’introduction du cisplatine (tableau I). Le premier protocole PVB associait cisplatine, vinblastine et bléomycine. La survie sans récidive à quatre ans avec ce protocole est d’environ 70 %, mais pour les stades III et IV elle n’est respectivement que de 60 et 56 % (11). Dans l’expérience de l’institut Gustave-Roussy, des résultats similaires ont été observés avec une association cisplatine, vinblastine, cyclophosphamide et bléomycine (22). Par analogie avec les TGNS testiculaires, le protocole de référence est actuellement le BEP. Il doit être utilisé aux doses efficaces et associe
Tableau I – Chimiothérapie à base de platine des formes avancées (d'après 8). Auteurs
Protocole
Survie sans progression/total (%)
Williams, 1989
PVB
33/54 (61)
Segelov, 1994
multiple
42/46 (91)
Mayordomo, 1994
PVB ou BEP
15/19 (79)
Gershenson, 1986
PVB
7/11 (64)
De Palo, 1992
PVB
7/14 (50)
Gershenson, 1990
BEP
5/6 (83)
Bower, 1996
POMB/ACE
51/59 (86)
Mitchell, 1999
PVB, BEP, CEB
24/30 (80)
POMB/ACE : cisplatine, vincristine, méthotrexate, bléomycine, actinomycine D, cyclophosphamide, étoposide.
492 Les cancers ovariens
bléomycine (30 unités IV ou IM par semaine), étoposide (100 mg/m2/j J1 à 5) et cisplatine (20 mg/m2/j J1 à 5). Il est moins toxique que le PVB et lui est supérieur chez l'homme en cas de tumeur avec forte masse tumorale (24). Il s’agit d’un protocole très efficace, puisque chez 93 patientes ayant une chirurgie complète et dont la tumeur était diagnostiquée aux stade I, II ou III, 91 sont vivantes à long terme sans récidive (10). Par ailleurs, la survie à long terme est de 60 à 80 % en cas de maladie évoluée (25). Le protocole BEP est donc actuellement le protocole standard pour les tumeurs germinales malignes primitives. Il est important de débuter la chimiothérapie le plus tôt possible après la chirurgie et de respecter la dose intensité du traitement (respecter l’intervalle de trois semaines entre les cures et ne pas faire de réductions « intempestives » des doses). Les modalités de la surveillance des patientes est fonction du type histologique et du stade d’extension. Elles reposent sur l’examen clinique, le dosage des marqueurs et les examens radiologiques.
Indications Tumeurs non dysgerminomateuses En situation adjuvante (résection complète des lésions lors de l’intervention chirurgicale) La chimiothérapie est indiquée, sauf si l’examen histologique conclut à un tératome mature (tumeur bénigne) ou à un tératome immature pur, de grade I et de stade I. En effet, le traitement chirurgical est souvent suffisant chez ces patientes, et en cas de récidive la chimiothérapie est très efficace. Par contre, les tératomes immatures, peu à moyennement différenciés, les tumeurs du sinus endodermiques et autres tumeurs mixtes présentent un risque de récidive de 75 % sans traitement adjuvant. L'étude du GOG, proposant 3 cycles de BEP en adjuvant après exérèse complète chez 93 patientes présentant une TNDO de stade I à III, a permis le contrôle sans récidive chez 91 patientes. En cas de reliquat tumoral (chirurgie initiale incomplète) ou rechute après un traitement initial n’ayant pas comporté de chimiothérapie ou stade IV métastatique et quel que soit le type histologique de la tumeur Une chimiothérapie par BEP doit être instituée. La majorité des auteurs préconisent 4 cures. Des taux de réponse de l’ordre de 80 % ont été rapportés par le GOG dans ces situations, mais sur un faible nombre de patientes (25). L’augmentation des doses de platine ne semble pas apporter de bénéfice (22).
Dysgerminomes purs Ces tumeurs sont très chimiosensibles, mais aussi très radiosensibles. Jusqu’à très récemment, les patientes ayant un dysgerminome diagnostiqué à un stade
Traitement des tumeurs germinales de l’ovaire 493
précoce recevaient une radiothérapie sur les aires ganglionnaires iliaques homolatérales et lombo-aortiques après transposition de l’ovaire restant (19). Des taux de survie à long terme compris entre 80 et 100 % et une toxicité minime ont été rapportés. La chimiothérapie a donc été évaluée initialement en situation métastatique, où elle a permis d’obtenir des taux de guérison de 50 à 60 % (7, 21). Actuellement, elle est aussi proposée le plus souvent dans les stades précoces (afin de réduire la toxicité sur la gonade restante). En situation adjuvante Beaucoup d’auteurs ne proposent pas de traitement adjuvant pour les tumeurs de stade IA, les taux de rechute dans cette situation étant de 15 à 25 %, et ces rechutes étant très chimiosensibles et curables. Le volume de la tumeur a souvent été une indication à une chimiothérapie adjuvante pour les stades IA (diamètre supérieur à 10 cm). Il n’y a actuellement pas de consensus à ce sujet. Pour toutes les autres patientes ayant donc une tumeur à un stade IB ou plus évolué, une chimiothérapie est proposée (3 cures de BEP). La survie sans récidive est proche de 100 %. Le GOG a étudié l'intérêt d'un protocole moins toxique, associant carboplatine et etoposide pour les tumeurs de stade IB à III (26). Dans cette étude, cette association est une bonne alternative au protocole BEP, avec une moindre toxicité et un nombre de jours de traitement inférieur. D’autres auteurs, par analogie avec les séminomes testiculaires, proposent une chimiothérapie moins toxique (sans bléomycine) pour les stades I. Il ne faut pas oublier que la radiothérapie garde des indications pour ce type histologique de tumeurs, en particulier en cas de contre-indication à la chimiothérapie ou chez les patientes proches de la ménopause. En cas de reliquat tumoral Trois à quatre cures de chimiothérapie par BEP (selon le volume tumoral et les résultats des examens après trois cures de BEP) sont indiquées.
Existe-t-il une place pour une seconde intervention chirurgicale après chimiothérapie ? (28) Il n’y a pas d’indication à proposer de seconde intervention après la chimiothérapie, lorsque les taux de marqueurs sont normaux et que l’imagerie ne montre pas de lésion résiduelle. Elle est, par contre, souvent préconisée quand les taux de marqueurs sont normaux, alors que persistent des masses résiduelles cliniques et/ou radiologiques. Une seconde intervention est proposée chez les patientes qui avaient initialement une composante tératomateuse, et chez qui les examens radiologiques montrent la persistance de lésions, ou chez qui les lésions étaient initialement de stade III, étant donné le peu de fiabilité de la surveillance radiologique dans ces cas. Il faut, en effet, réaliser la résection de toutes les lésions dans un but
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thérapeutique. Dans la majorité des cas, le tératome immature s’est transformé en tératome mature, lésion ne nécessitant pas de traitement complémentaire, puisque bénigne (7). Dans de rares cas, ces tumeurs bénignes donnent naissance, comme chez l'homme, à un growing teratoma qui, bien que bénin, a une évolutivité locale et nécessite des interventions chirurgicales à répétition lorsque la résection n’est pas complète (13). Une annexectomie controlatérale est malheureusement parfois nécessaire (dans des cas heureusement exceptionnels) quand le tératome se situe sur le second ovaire et que son volume ne permet pas une chirurgie localisée (tumorectomie laissant en place du parenchyme sain). Il faut penser à le rechercher lorsqu'il existe une composante tératomateuse et que survient une progression d'une des lésions ou l'apparition d'une nouvelle lésion en cours de traitement. Pour les autres types histologiques, et lorsque persistent des lésions actives (marqueurs élevés), cette seconde intervention peut avoir pour but de faire un debulking secondaire afin de favoriser l’action d’une deuxième ligne de chimiothérapie. Le bénéfice de cette attitude n’a pas été démontré (12).
Chimiothérapie de rattrapage Il n’existe pas de protocole standard pour ces situations. On différencie les tumeurs sensibles au platine (rechute survenant plus de deux mois après la chimiothérapie initiale) des tumeurs résistantes (progression initiale ou rechute très précoce). Des taux de réponses complètes et durables ont été observés avec des protocoles contenant cisplatine et ifosfamide. Des protocoles d’intensification et des protocoles de chimiothérapie de maintenance ont été évalués, mais sur un petit nombre de malades. On utilise la plupart du temps les protocoles de rattrapage proposés dans les tumeurs testiculaires en rechute (VeIP après BEP notamment).
Fertilité et fonction ovarienne après traitement Comme il s’agit le plus souvent de tumeurs unilatérales permettant la conservation d’un ovaire, l’hystérectomie n’est pas nécessaire. Globalement, les résultats sur les fonctions hormonales ovariennes et sur la fertilité des patientes ayant été traitées par chirurgie conservatrice et chimiothérapie sont bons. Dans l’étude de Low (14), durant la chimiothérapie (47/74 patientes ; protocole BEP : 30 patientes), 61 % des patientes avaient une aménorrhée, mais, chez 91 % d’entre elles, des cycles normaux sont réapparus à distance du traitement. Parmi les 47 patientes qui avaient reçu une chimiothérapie, 20 étaient désireuses de maternité. Une patiente a eu une stérilité définitive (mais a refusé toute investigation pour cette infertilité) et une seconde patiente a présenté une infertilité transitoire. Au total, 19/20 patientes désireuses de maternité et ayant
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reçu une chimiothérapie ont obtenu une grossesse : 14 enfants sont nés à terme sans anomalie congénitale décelée. 5 autres grossesses étaient en cours lors de la rédaction de l’article. Dans la série de Gershenson (40 patientes traitées par chirurgie conservatrice + chimiothérapie), aucune malformation n’a été observée chez 22 enfants vivants nés de 11 patientes (28). Dans la série de Zanetta, les résultats sur la fertilité ne sont pas différents, selon qu’il y ait eu ou non une chimiothérapie (15).
Conclusion Les caractéristiques des tumeurs germinales ovariennes sont très importantes à connaître, au vu des conséquences thérapeutiques qui en découlent. Il ne faut pas hésiter en cas de doute diagnostique à prendre des avis spécialisés. Lorsqu’une tumeur ovarienne est découverte chez une femme jeune, si les dosages de marqueurs ne sont pas réalisés (contexte d’urgence) et si l’examen extemporané est impossible, il est préférable de réaliser uniquement une annexectomie, quitte à réintervenir rapidement s’il s’agit d’un adénocarcinome (on évitera ainsi des chirurgies mutilantes qui ne sont pas nécessaires chez les patientes ayant des tumeurs germinales). Au sein des tumeurs germinales, les modalités diagnostiques et les indications thérapeutiques sont fonction du type histologique et du stade d’extension de la maladie. Il s’agit de tumeurs qui, le plus souvent, sont de très bon pronostic, à condition d’être traitées par un protocole adapté et sans perte de temps.
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Traitement des tumeurs germinales de l’ovaire 497
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Les autres tumeurs rares
Traitement des tumeurs rares de l’ovaire. Expérience de l’observatoire francophone des tumeurs malignes rares de l’ovaire I. Ray-Coquard, P. Binon, J.-Y. Blay, H. Curé, A. Fléchon, J.-P. Guastalla, J.-P. Lotz, P. Meeus, L. Mignot, É. Pujade-Lauraine, D. Raudrant, I. Treilleux et C. Tournigand
Principes de la chirurgie avant chimiothérapie Le geste chirurgical initial est primordial dans les tumeurs rares ovariennes puisqu’il permet le diagnostic, le bilan d’extension de la maladie et le premier acte thérapeutique. Il n’est pas différent techniquement de celui des autres tumeurs malignes ovariennes ; cependant certaines particularités doivent être soulignées qui modifient l’esprit dans lequel la chirurgie doit être abordée : – les tumeurs germinales malignes de l’ovaire sont des néoplasmes à croissance rapide qui peuvent atteindre des dimensions volumineuses en peu de temps ; – la première intervention est souvent pratiquée par un chirurgien non spécialisé en cancérologie gynécologique. En effet, soit la pathologie a été considérée comme bénigne, soit la patiente a été opérée en situation d’urgence (torsion ou rupture du néoplasme) ; – les tumeurs rares malignes de l’ovaire surviennent le plus souvent chez des femmes jeunes (âge médian : 20 ans) avant même la première grossesse et il est primordial de respecter au maximum l’appareil génital pour préserver la fertilité.
Tumeurs des cordons sexuels et du stroma Approximativement, 8 % des tumeurs ovariennes dérivent du stroma et/ou des cordons sexuels. Ces tumeurs sont généralement fonctionnelles puisque la plupart peuvent synthétiser des hormones (œstrogènes, androgènes, corticoïdes). Leur pronostic est difficile à établir, certaines étant de comportement presque toujours bénin (tumeurs de Sertoli, tumeurs de Leydig…), d’autres de
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comportement malin, mais avec des récidives loco-régionales plus ou moins tardives. Les critères histologiques d’agressivité sont mal connus, de telle sorte qu’il est difficile de proposer une classification anatomo-pathologique dichotomique bénin/malin et, s’il n’y a pas de critères cliniques de « malignité », ces tumeurs sont classées comme étant de pronostic incertain. Dans ce groupe de tumeurs, celles qui auraient plutôt un comportement « malin » sont les suivantes : les tumeurs de la granulosa, les androblastomes (ou tumeurs de Sertoli-Leydig), les tumeurs des cordons sexuels avec tubules annelés, les tumeurs à cellules stéroïdiennes sans autre précision et les fibrosarcomes (1).
Tumeurs de la granulosa Les tumeurs de la granulosa concernent environ 2 à 3 % des tumeurs de l’ovaire. Ce sont les tumeurs malignes les plus fréquentes dans le groupe des tumeurs des cordons sexuels et du stroma. Elles sont souvent lentement évolutives, pouvant rechuter tardivement (six ans en moyenne). Les publications portent le plus souvent sur des cas cliniques ou des études rétrospectives étalées sur de nombreuses années où les malades ont reçu des traitements multiples et variés (2, 3). La stadification FIGO doit être utilisée même si un doute persiste sur l’analogie évolutive entre tumeurs de la granulosa et tumeurs épithéliales. On distingue deux formes histologiques, une forme juvénile et une forme adulte qui est la plus fréquente (95 % des tumeurs de la granulosa). Les données de la littérature concernant ces deux entités anatomo-cliniques sont contradictoires. Des études anciennes rapportent un meilleur pronostic des formes juvéniles qui n’a pas été retrouvé dans une série plus récente (4). Les facteurs pronostiques sont connus par des études rétrospectives anciennes, univariées, où souvent la stadification chirurgicale n’était pas aussi précise que celle recommandée actuellement. Le stade FIGO, la rupture tumorale intrapéritonéale et la bilatéralité des tumeurs sont les facteurs pronostiques dont la valeur est le plus souvent rapportée ; l’âge des malades et la taille de la tumeur (> 5 cm) ont une valeur pronostique moins certaine (4). Parmi les facteurs cytologiques, le nombre de mitoses a la plus grande valeur pronostique (pronostic péjoratif au-delà de 5 ou 10 mitoses pour 10HPF selon les auteurs) ; les atypies cellulaires et la mauvaise différenciation (rareté des corps de CallExner), un peu moins (5). Les marqueurs de prolifération cellulaire (ploïdie, contenu en ADN, cytométrie de flux) ainsi que l’expression de p53, c-myc ou C-erb-2 se sont révélés sans valeur pronostique évidente (6-8).
Chirurgie L’exérèse des lésions tumorales reste la base du traitement et de la stadification. La chirurgie peut être conservatrice en cas de désir de grossesse, dans le cas contraire il est préférable de réaliser une hystérectomie totale avec annexec-
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tomie bilatérale. L’épiploectomie, le curage ganglionnaire et des biopsies péritonéales à l’aveugle ont un intérêt à titre d’étude. Dans la mesure où 70 % des patientes présentent un stade I (survie globale à cinq ans de 85 %), la chirurgie représente l’arme thérapeutique la plus importante (4). Pour les femmes jeunes pour lesquelles une chirurgie conservatrice peut être proposée, compte tenu de l’association fréquente avec une hyperplasie endométriale (55 %) voire un adénocarcinome endométrial (4-20 %), un curetage utérin doit être réalisé avant la chirurgie (9, 10). Enfin, l’histoire naturelle prolongée de la maladie plaide pour une chirurgie itérative en cas de récidive (11).
Radiothérapie Les tumeurs de la granulosa sont radiosensibles mais le rôle de la radiothérapie n’est pas défini : le volume à irradier n’est pas déterminé, les doses d’irradiation ne sont pas précisées, aucune donnée sur la survie après radiothérapie n’est disponible. Les études publiées n’apportent aucun élément décisif en faveur d’un traitement par radiothérapie, le volume à irradier n’est pas défini ; dans les publications, les doses utilisées, lorsqu’elles sont rapportées, sont très variables. La radiosensibilité des tumeurs de la granulosa est attestée par les réponses observées en situation palliative, mais les durées de réponse sont brèves ou non rapportées. Il n’y a pas de données en faveur d’un bénéfice éventuel de la radiothérapie adjuvante (10, 12).
Chimiothérapie La chimiosensibilité est attestée par les nombreuses réponses observées en situation palliative : réponse de brève durée aux alkylants, réponse fréquente aux associations adriamycine-bléomycine, actinomycine-fluoro-uracilecyclophosphamide ou à base de cisplatine ; le taux de réponse le plus élevé rapporté est de 80 % avec l’association cisPlatine Velbé bléomycine (PVB) (13), dont certaines réponses complètes très prolongées (2). Le protocole PVB est le même que celui qui était utilisé dans les tumeurs testiculaires, aujourd'hui avantageusement remplacé par l'association BEP (Bléomycine Etoposide cisPlatine), Parallèlement, les résultats de l'association BEP chez 75 patientes de stade II et au-delà, entraînent une survie globale à cinq ans de 69 %, ce qui justifie le choix de cette chimiothérapie pour le traitement des patientes atteintes de tumeurs de la granulosa de l’adulte, mais aussi de type juvénile (14).
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Surveillance Le bon pronostic de certaines patientes, et la possibilité d’un deuxième geste chirurgical curatif (15) rendent la surveillance nécessaire pour ces patientes. En plus d’un suivi clinique, les marqueurs biologiques peuvent jouer un rôle important dans le cadre du suivi. Deux marqueurs sériques sont utiles dans la surveillance du traitement : l’œstradiol en cas de tumeur sécrétante (16) et l’inhibine, hormone peptidique stimulée par FSH (17). L’œstradiol a été proposé comme marqueur de surveillance de la rechute, sachant que 30 % des tumeurs de la granulosa ne sécrètent pas cette hormone (16). L’inhibine, protéine sécrétée par les cellules de la granulosa, paraît est un marqueur de rechute intéressant (18). Enfin, le risque de cancer du sein associé semble non négligeable (notamment pour la forme juvénile), ce qui doit faire proposer un suivi clinique et mammographique réguliers (19).
Tumeurs à cellules de Sertoli-Leydig Une majorité de tumeurs à cellules de Sertoli-Leydig sont bénignes, mais environ 20 % récidi-vent ou donnent des métastases qui peuvent à terme avoir une évolution fatale. Des formes familiales sont souvent décrites et doivent être recherchées (20). Les récidives sont précoces dans les tumeurs de Sertoli-Leydig malignes (de deux à trois ans), contrairement aux tumeurs de la granulosa. Enfin, cliniquement 50 % des patientes présentent des signes de virilisation (4). Ces tumeurs comportent en proportion variable des éléments sertoliens et leydigiens. Les tumeurs ne comportant que le contingent sertolien (tumeurs de sertoli) sont rattachées à ce groupe et sont bénignes. Les tumeurs à deux contingents sont classées en trois groupes en fonction du caractère plus ou moins différencié des deux constituants : – formes bénignes différenciées (androgéniques, sécrétantes dans 60 % des cas) ; – formes à différenciation intermédiaire (cellules de Sertoli immatures) ; – formes peu différenciées (sarcomatoïdes ou rétiformes) ; avec des éléments hétérologues associés dans les formes peu ou moyennement différenciées (épithéliaux surtout ou mésenchymateux). L’expérience thérapeutique dans ces tumeurs très rarement malignes est encore moindre que dans les tumeurs de la granulosa. Les facteurs pronostiques ont été rapportés dans une seule série de 207 cas (21). Ils sont représentés par le stade, le grade histologique (différenciation), la rupture tumorale, et la présence d’éléments hétérologues mésenchymateux. Le nombre de mitoses est un facteur pronostique pour certain (20, 22), mais semble être corrélé à la différenciation. La survie de la maladie à cinq ans au stade I est de 84 % voire 100 % pour les stades IA1. La survie des tumeurs bien différenciées est de 100 %, mais de 89 % pour les formes à différenciation intermédiaire et de 81 %
Traitement des tumeurs rares de l’ovaire… 505
pour les formes avec éléments hétérologues. Dans le groupe des tumeurs peu différenciées, le taux de survie est seulement de 52 %. Les tumeurs avec éléments hétérologues mésenchymateux (os et cartilage) auraient un pronostic extrêmement péjoratif, 8 patientes sur 10 étant décédées de leur maladie dans les sept mois suivant la chirurgie (22).
Chimiothérapie Un certain nombre de protocoles de chimiothérapie ont été utilisés dans les tumeurs de Sertoli-Leydig : alkylants, adriamycine, CAP, B + VAC, PVB. Dans la majorité des cas, l’effet n’est pas évaluable. Actuellement elles sont traitées par le même programme que les tumeurs de la granulosa.
Surveillance Elle est identique à celle des tumeurs de la granulosa. Les patientes présentant des signes de virilisation, c’est-à-dire présentant une tumeur sécrétante, peuvent bénéficier d’un suivi biologique (DHEAS, œstrogène, 17OH progestérone, cortisol) au moment du diagnostic afin d’éliminer une anomalie surrénalienne, puis pour suivre la bonne efficacité du traitement, et enfin dans le cadre de la surveillance post-thérapeutique.
Autres tumeurs rares Gynandroblastomes Ce sont des tumeurs extrêmement rares (< 1 %) dont l’origine cellulaire est controversée, probablement issue du mésenchyme indifférencié, expliquant le potentiel bisexuel de ces tumeurs (23). Les signes de virilisation sont généralement prédominants sur les effets œstrogéniques. Dans la majorité des cas, ces tumeurs sont bénignes et seul un traitement chirurgical adapté est recommandé. Cependant, certaines tumeurs malignes sont décrites dans la littérature et il s’agit généralement de grosses tumeurs de 7-10 cm de diamètre touchant la femme de 30 à 50 ans. Une hyperplasie endométriale est souvent associée et doit être recherchée (24). Les indications de chimiothérapie sont proposées pour les tumeurs de pronostics péjoratifs et en rechute. Aucun facteur pronostique n’est décrit.
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Tumeurs à cellules stéroïdiennes sans autre précision Sont regroupées au sein des tumeurs à cellules stéroïdiennes, le lutéome stromal, les tumeurs à cellules de Leydig et les tumeurs à cellules stéroïdiennes, sans autre précision. Seules ces dernières, qui ont un potentiel malin donc métastatique, seront évoquées dans ce chapitre (25). Cliniquement elles peuvent s'accompagner de signe de virilisation ou de manifestation d'hyperœstrogénie. Le stade, l’âge, la taille tumorale, la présence de nécrose, d'atypies nucléaires et le nombre de mitoses sont rapportés comme ayant un impact sur la survie des patientes. Le traitement rejoint les principes du traitement des tumeurs de la granulosa, notamment concernant les indications de chirurgie (26). La chimiothérapie est proposée pour les tumeurs de pronostics péjoratifs et en rechute, bien qu’aucune donnée scientifique ne soit publiée (27).
Autres tumeurs rares Ces autres tumeurs rares sont classées de façon pragmatique et non nosologique par opposition aux tumeurs du revêtement épithélial qui sont majoritaires. Des lésions très dissemblables sont ainsi répertoriées : les tumeurs des tissus mous non spécifiques, les lymphomes, les tumeurs non classées, et les tumeurs secondaires, parmi lesquelles les tumeurs de Krükenberg.
Tumeurs des tissus mous Les tumeurs des tissus mous non spécifiques peuvent affecter l'ovaire : le rhabdomyosarcome embryonnaire, l’angiosarcome, le leïomyosarcome, le sarcome stromal fibroblastique à cellules fusiformes, enfin, exceptionnellement, le fibrosarcome dont le diagnostic différentiel est difficile à faire avec le syndrome de Demons Meigs (association d'une tumeur solide et bénigne de l'ovaire (fibrome, thécome, ou fibrothécome) (32). De surcroît, certaines situations de double localisation ovarienne et utérine posent des problèmes complexes d'éthiopathogénie : si les métastases ovariennes de leïomyosarcomes utérins sont exceptionnelles, celles des tumeurs mixtes mésodermales (ancien mulléroblastome) et du sarcome stromal endométrial le sont moins. Les techniques immuno-histochimiques et les confrontations entre pathologistes spécialisés de la sphère gynécologique et des sarcomes des tissus mous apportent une aide au diagnostic. Concernant les léïomyosarcomes ovariens, l'origine proviendrait des parois vasculaires, en particulier veineuses, ou des reliquats des canaux wolffiens. Le contrôle de la tumeur primitive et la prévention des rechutes locales dans le lit opératoire et en marge de celui-ci nécessitent d'abord une exérèse chirur-
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gicale complète. Les difficultés du traitement local viennent de la difficulté pour chaque cas d'apprécier, au-delà des volumes tumoraux, souvent importants, les volumes de tissus apparemment sains mais susceptibles d'être déjà affectés par une atteinte microscopique de la maladie, de la nécessité de tenir compte des rapports contractés par la tumeur avec les organes de voisinage et aussi de la diversité des sites tumoraux. Ce contrôle tumoral loco-régional doit aussi respecter autant que possible la fonction. Le traitement loco-régional doit donc intégrer aux possibilités chirurgicales les apports de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Concernant l’analyse des données de survie ou de rechute, les résultats déjà rapportés dans la littérature sont très explicites (33, 34) : il est établi que, si la chirurgie n’est pas optimale carcinologiquement, la rechute locale est plus fréquente. Le traitement chirurgical des sarcomes ovariens s'appuie sur les règles établies pour l'ensemble des sarcomes, à savoir chirurgie monobloc, complète macroscopiquement et microscopiquement. L'intérêt du curage ganglionnaire est encore moins clairement établi que dans le cadre des cancers épithéliaux, il doit être réservé aux tumeurs lymphophiles. L'extension ganglionnaire est rare dans les sarcomes des tissus mous : 5,8 % de N + pendant toute la durée d'évolution de la maladie chez 3 000 malades regroupés dans l'étude de Weingrad, 3,2 % de N + au début de la maladie chez 6 000 malades recensés par Lawrence (35). L'incidence d'envahissement ganglionnaire est plus élevée pour certaines formes histologiques : sarcome épithélioïde, sarcome synovial, sarcomes à cellules claires, rhabdomyosarcome (36). L'intérêt de traitements complémentaires comme la chimiothérapie ou la radiothérapie pelvienne est difficile à établir. Les recommandations actuelles reposent sur des résultats établis pour différents types de sarcomes dans de nombreuses localisations différentes (tronc, membres, viscéraux…). La place de la radiothérapie externe dans le traitement des sarcomes ovariens n’est pas clairement définie. Il n’existe pas dans la littérature d’études randomisées susceptibles de préciser les indications de la radiothérapie externe. Une chimiothérapie adjuvante systématique peut être recommandée uniquement dans le cadre d'essais thérapeutiques. Les données publiées indiquent toutefois un bénéfice probable de la chimiothérapie adjuvante, associant au moins une anthracycline à l’ifosfamide en terme de survie sans rechute et de survie globale pour des malades sélectionnés porteurs de tumeurs à haut risque. Il est recommandé que de telles indications soient discutées dans le cadre de comités multidisciplinaires dédiés (37).
Lymphomes Les lymphomes peuvent se développer dans les sites extra-ganglionnaires, qu'ils possèdent ou non des structures lymphoïdes à l'état normal (c'est le cas des ovaires) (34). Ils sont plus rares que les lymphomes testiculaires. La cotation de l'extension peut se faire selon deux classifications. Cependant, la classification
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d'après Ann Harbor semble préférable à la classification FIGO utilisée en principe pour les tumeurs de l'ovaire (35). Il est important de différencier le lymphome ovarien primaire du lymphome ovarien secondaire à un LNH dont l'atteinte génitale peut être présente d'emblée ou lors d'une rechute (36). Cette extension secondaire aux organes génitaux féminins oscille entre 4 et 40 % des séries publiées. L'extension aux ovaires précède celle de l'utérus et du vagin. Pour retenir le diagnostic de lymphome primaire de l'ovaire, quatre critères sont exigés : – localisation ovarienne au moment du diagnostic ; – absence d'extension simultanée à un autre organe ; – absence de leucémie ; – suivi de plusieurs mois permettant d'éliminer une récidive extra-génitale. Le pronostic dépend du type histologique et de l'extension de la maladie. Quoique imprévisible, l'évolution semble plus favorable en cas de lymphome ovarien primaire qu’en cas de lymphome ovarien secondaire. La thérapeutique comporte une exérèse chirurgicale (annexectomie bilatérale ± hystérectomie totale) et une polychimiothérapie. Au cours des leucémies lymphoïdes et myéloïdes, l'atteinte ovarienne surviendrait dans un tiers des cas (37). La découverte d'une tumeur ovarienne au cours de la leucémie aiguë myéloblastique (LAM) fait évoquer le diagnostic de sarcome granulocytaire. Il peut précéder l'émergence d'un syndrome myéloprolifératif ou succéder à une phase de rémission, constituant alors une rechute isolée ou associée à une localisation neurologique. Le traitement relève de la chimiothérapie, l’aracytine et l’anthracyclines étant les drogues prédominantes. La chirurgie de réduction tumorale pourrait diminuer les complications nécrotiques sous traitement médical.
Tumeurs ovariennes secondaires L'ovaire est plus souvent atteint de métastases que les autres organes génitaux pelviens. Les métastases ovariennes représentent 3 à 5 % des tumeurs malignes de l'ovaire (38). Ces métastases affectant plus volontiers la femme en période d'activité génitale sont bilatérales dans 80 % des cas et s'accompagnent d'une ascite dans 50 % des cas. Toutes les tumeurs malignes, y compris celles du système nerveux central, sont susceptibles de coloniser l'ovaire. Cependant, les tumeurs primitives les plus fréquemment impliquées appartiennent au tractus génital (trompe, utérus, sein) et au tractus gastro-intestinal (estomac, voies biliaires, côlon, rectum).
Les métastases ovariennes d'origine endométriale Elles concernent essentiellement les carcinomes indifférenciés infiltrant le myomètre en profondeur. La localisation simultanée d'une tumeur ovarienne
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et endométriale est un entité ambiguë, bien illustrée par le type histologique endométroïde. Il peut s'agir d'une conjonction de deux tumeurs primitives indépendantes ou d'une dissémination métastatique de l'une ou de l'autre. Plusieurs critères non formels plaident en faveur de la nature secondaire de la tumeur : aspect multi-nodulaire, bilatéralité, envahissement de la lumière tubaire, stigmates d'invasion vasculaire et pénétration intramyométriale de la tumeur utérine.
Les métastases ovariennes d'origine mammaire Leur fréquence serait de 20 à 30 % avec une atteinte bilatérale dans 60 % des cas. Ces métastases sont rarement révélatrices de la tumeur mammaire, mais sont souvent découvertes lors des castrations chirurgicales. Les études consacrées aux différences de comportement métastatique entre le carcinome canalaire invasif et le carcinome lobulaire ont montré de façon univoque le tropisme dominant du lobulaire pour les organes gastro-intestinaux et génitaux internes (43).
Les métastases ovariennes d'origine digestive Les métastases d'origine colique seraient cinq fois plus fréquentes que les métastases d'origine gastrique et seraient observées au cours de l'évolution de 3 à 14 % des cancers colorectaux. La tumeur primitive siège une fois sur deux au niveau du côlon sigmoïde et correspond à un stade C ou D de Duke, ce qui rendrait compte d'un envahissement par contiguïté. Des métastases ovariennes de tumeurs des voies biliaires, du pancréas, des carcinomes appendiculaires, des tumeurs carcinoïdes sont aussi décrites dans la littérature.
La tumeur de Krükenberg Elle est caractérisée par la présence de cellules mucosécrétantes en bague à chaton enchâssées dans le stroma très cellulaire dérivé du stroma ovarien. Cette entité spécifique à composante mucineuse représente 1 à 2 % des tumeurs de l'ovaire. La grande majorité des cas est représentée par les tumeurs secondaires. L'âge moyen est de 40 ans ou moins. Le cancer de l'estomac est le plus souvent responsable de cette tumeur (76 à 100 % des cas). Mais les métastases de cancers coliques ou mammaires peuvent présenter des aspects identiques (39). De très rares cas ont été rapportés pour des cancers de la vésicule, du col utérin, de la vessie. Le pronostic est sombre, la survie médiane est inférieure à deux ans. L'exérèse chirurgicale palliative vient compléter parfois la chimiothérapie. L'ovariotropisme et l'ovariotactisme pourraient être partiellement expliqués par les particularités physico-chimiques et hormonales du micro-environnement ovarien : faible tension superficielle, alcalinité du PH, hyperœstrogénie locale (40).
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Observatoire francophone pour la prise ne charge des tumeurs rares de l'ovaire En 2002, un site Internet www.ovaire-rare.org a été élaboré dans le but d'éclairer les patientes ou les familles concernées par les tumeurs malignes rares de l'ovaire, d’informer le grand public des données scientifiques sur le sujet et de tenir à jour les données bibliographiques. Pour les professionnels de santé, il s’agit de prendre en charge de manière homogène le traitement des tumeurs rares de l’ovaire de l’adulte (tumeurs germinales et des cordons sexuels), aux différents stades de la maladie : un forum de discussion est disponible on line, ainsi qu’un protocole de recherche clinique (essai thérapeutique) avec inclusion directement sur le site Internet. Les cas enregistrés sont suivis afin d'établir les facteurs pronostiques de ces maladies rares. En effet, depuis les années 1980, les plus grandes séries de la littérature scientifique, sur les tumeurs des cordons sexuels, comportent moins de 100 patientes suivies sur des périodes de plus de dix ans, avec dans chacune de ces séries, des gestes chirurgicaux non homogènes (même à stade tumoral identique), des chimiothérapies de première ligne et de deuxième ligne multiples et variées et des taux de survie à dix ans souvent prolongés, ce qui rend l'analyse des résultats hasardeuse et difficile à interpréter. En effet, le peu d’événements (rechute, décès) à dix ans et l’âge jeune des patientes entraînent un taux de perdues de vue important. À la suite de ce constat, il est apparu important de proposer un moyen de prise en charge adapté dans le cadre d'une recherche prospective reproductible et prolongée. Malheureusement, l'extrême rareté de ces tumeurs rend difficile la mise en place d'une recherche centralisée, d'autant que les praticiens sont confrontés à une gestion immédiate complexe de cas a priori de bon pronostic avec le souci de préserver le capital de fertilité de patientes jeunes. Le principe du site Internet avec mise à disposition de l’information scientifique disponible et inclusion immédiate nous a paru un moyen particulièrement adapté à cette problématique ; le nombre important d’inclusions après deux ans de fonctionnement confirme les capacités du site à favoriser la recherche clinique.
Conclusion Au travers de cette revue générale, il paraît difficile de proposer des recommandations thérapeutiques spécifiques s’appuyant sur des essais randomisés s’appliquant à tous les malades. Les tumeurs non épithéliales malignes de l’ovaire et les tumeurs ovariennes secondaires d'origine diverse sont des cancers rares dont l’histoire naturelle est mal connue et dont les facteurs pronostiques ne sont pas précisés. Ce regroupement lésionnel est hétérogène. Le pronostic
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de chaque tumeur est inégal et le traitement spécifique, difficilement protocolaire. Pour ces raisons, toutes les malades devraient être adressées à des centres spécialisés ayant un intérêt spécifique pour ce type de tumeur et disposant d’un département d’anatomo-pathologie adéquate. Un site Internet dédié à la prise en charge de ces tumeurs rares a été élaboré et mis à la disposition de tous, pour des avis concernant la prise en charge chirurgicale et oncologique en première ou deuxième ligne de traitement par l’intermédiaire d’un forum de discussion.
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Les perspectives
Les thérapeutiques ciblées ou le traitement des mécanismes moléculaires de la progression tumorale J.-Y. Blay, J. Fayette et I. Ray-Coquard
Résumé Le terme « thérapeutique ciblée » est potentiellement ambigu en oncologie. Toute thérapeutique active agit de fait sur une cible moléculaire précise, béta tubuline, récepteurs hormonaux, guanine de l’ADN, nucléotides et enzymes régulant leur synthèse, etc. Le terme « thérapeutique ciblée » employé depuis peu désigne en fait des thérapeutiques dirigées contre des cibles moléculaires correspondant à des produits d’oncogènes, supposées jouer un rôle dans la transformation néoplasique de la cellule cancéreuse. Les thérapeutiques ciblées peuvent être classées en plusieurs catégories : 1) les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires causales, directement responsables de la transformation néoplasique, par exemple, l'imatinib pour les leucémies myéloïdes chroniques, pour les GIST, pour les sarcomes de Darier et Ferrand. Ces thérapeutiques donnent en général un taux de réponse élevé en monothérapie. 2) Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires plus en aval, qui contribuent à la progression tumorale, mais qui ne constituent pas l'étape initiale de la transformation, par exemple, le trastuzumab pour l'adénocarcinome du sein avec amplication de HER2. Ces thérapeutiques donnent des taux de réponse limités en monothérapie, mais ont une activité antitumorale additive avec la chimiothérapie dans les modèles actuellement disponibles. 3) En revanche, les thérapeutiques ciblées, lorsqu'elles sont évaluées sur des cibles moléculaires ne jouant pas un rôle direct dans la transformation maligne, n'ont en général pas ou très peu d'activité antitumorale clinique. On peut enfin individualiser une quatrième catégorie, les anticorps monoclonaux dirigés contre des cibles moléculaires ne jouant pas un rôle direct dans la transformation tumorale, par exemple CD20 dans les lymphomes B, dont le mécanisme d’action fait, entre autres, intervenir le système immunitaire, via l’ADCC, réalisant ainsi une immunothérapie passive.
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Introduction Le terme « thérapeutique ciblée » désigne des thérapeutiques dirigées contre des cibles moléculaires présentes et supposées jouer un rôle dans la transformation néoplasique de la cellule cancéreuse ciblée. Il ne s'agit pas d'un concept nouveau en oncologie. Les traitements hormonaux des cancers du sein et de la prostate correspondent à des thérapeutiques ciblées selon cette définition, et sont étudiés de longue date. Depuis trente ans, la mise en évidence d'anomalies caractéristiques de certaines cellules néoplasiques, telles que des translocations spécifiques, des mutations activatrices ou des amplifications géniques, a considérablement modifié les classifications nosologiques des maladies néoplasiques. Cette classification moléculaire de certains cancers a débouché depuis cinq ans sur la mise à disposition et/ou l'évaluation de médicaments capables de bloquer, plus ou moins spécifiquement, la fonction de ces protéines activatrices. Ces nouvelles thérapeutiques ciblées, « modernes », peuvent être classées en plusieurs catégories : – les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires causales, directement responsables de la transformation néoplasique ; – Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires plus tardives, qui contribuent à la progression tumorale, mais qui ne constituent pas l'étape initiale de la transformation ; – les thérapeutiques ciblées sur des cibles moléculaires qui ne jouent pas un rôle direct dans la transformation ; – Les thérapeutiques ciblées par anticorps dirigées contre des antigènes membranaire, réalisant une immunothérapie passive, amenant à la destruction cellulaire via une reconnaissance par le système immunitaire. Dans cet article, nous décrirons quelques exemples de ces différentes situations.
Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires causales Dans cette première catégorie de maladies, les anomalies moléculaires ciblées sont directement responsables de la transformation néoplasique. On peut citer comme exemples de telles altérations génétiques le gène de fusion bcr-abl des leucémies myéloïdes chroniques, les mutations activatrices du gène Kit dans les tumeurs stromales gastro-intestinales, le gène de fusion EWS-Fli1 des sarcomes d'Ewing. Pour les deux premières affections néoplasiques mentionnées, un inhibiteur de la fonction des enzymes tyrosine kinase impliqué dans la transformation néoplasique, bcr-abl et kit, l'imatinib mesylate (ou Glivec®), a été
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développé et possède une activité tumorale établie. Nous prendrons l'exemple des GIST pour illustrer cette première catégorie de maladies (1-9). Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) sont des tumeurs rares, pouvant se localiser à tous les étages du tractus digestif, dont l'incidence estimée est voisine de 2 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an. Les GIST représentent une entité nosologique particulière depuis la découverte de leur lien avec les cellules de Cajal, les cellules pacemakers de la motricité digestive. Sur le plan phénotypique, les cellules tumorales de GIST sont caractérisées par l'expression du marqueur CD34, commun aux cellules de Cajal, et par l’expression du récepteur tyrosine kinase kit (CD117) sous une forme mutée et/ou activée dans 85 % des cas, et de la chaîne alpha du récepteur du platelet derived growth factor (PDGF)- PDGFRα dans 5 % des cas environ. Ces mutations sont de survenue précoce et constituent même possiblement l'événement oncogénétique initial de la maladie (10-13). La protéine kit, produit du proto-oncogène kit, est un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase dont le ligand naturel est le facteur de croissance stem cell factor (SCF) (14). Le gène kit est situé sur le bras long du chromosome 4 (14). Ce récepteur appartient à la famille des récepteurs tyrosine-kinase de type III, et présente d'importantes homologies structurales avec les récepteurs du macrophage colony stimulating factor 1 (M-CSF-1) du PDGF. Les mutations de kit sont classées en deux catégories (14) : – les mutations dans les zones régulatrices portant sur les portions extracellulaires de la molécule ou sur les zones trans-membranaires et juxtamembranaires impliquées dans la dimérisation ; – les mutations dans le domaine kinase, souvent peu sensibles à l'imatinib. Ces mutations impliquent possiblement des voies de signalisations intracellulaires différentes qui sont actuellement à l’étude (11-20). Dans les GIST, les mutations de ce gène, observées dans 85 à 90 %, sont responsables d’une activation spontanée de kit indépendamment de sa liaison avec son ligand spécifique. Ces mutations sont rencontrées dans la lignée germinale dans les rares cas familiaux de GIST, et dans la majorité des tumeurs à un stade précoce ou avancé. Dans les GIST dépourvues de mutations détectables de kit, une activation constitutionnelle de la kinase est observée (13). Les mutations de kit et, d'une manière plus générale, son activation, pourraient jouer un rôle oncogénique initial dans le développement de cette maladie. Dans les GIST, les mutations sont le plus souvent situées dans l’exon 11 de kit, plus rarement dans l’exon 9 et exceptionnellement dans les exons 13, 17 et 14 (14-20). La grande majorité de ces mutations se trouvent de part et d’autre de la région transmembranaire du récepteur, impliquée dans la dimérisation de la kinase après fixation de son ligand. La nature des mutations semble influencer le devenir des GIST, y compris avant l'ère de l'imatinib (21-28). La mise en évidence de ces mutations dans des GIST de petite taille (< 1 cm) et dans des GIST familiaux souligne la précocité, voire la causalité de cet événement génétique, dans la carcinogenèse des GIST (11, 20). D'autres anomalies génétiques apparaissent secondairement cependant, notamment des altérations
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et des pertes de segments du chromosome 14, 22, 1 (18, 29). Une analyse récemment effectuée par micro-array d'expression identifie d'autres gènes surexprimés et potentiellement activés in vivo dans les GIST (30). Leur rôle dans la progression tumorale reste à établir. Avant l'introduction de l'imatinib (STI571, Glivec®), la chirurgie était le seul traitement efficace de cette pathologie, la chimiothérapie restant globalement inopérante et la radiothérapie non applicable. En 2001, ont démarré les premières études de phase I, puis II et III, évaluant l’efficacité de l'imatinib dans le traitement des GIST en phase avancée ou métastatique. Les données disponibles actuellement montrent que l'imatinib induit 60 à 70 % de réponses objectives avec l’imagerie conventionnelle (TDM/IRM), 15 à 20 % de maladies stabilisées et 10 à 15 % de résistance primaire. L'imagerie fonctionnelle par PET-scan est probablement la meilleure méthode d'évaluation de l'efficacité de l'imatinib dans cette affection. Des résistances secondaires (re-progression après réponse initiale) sont désormais rapportées chez 30 % à 50 % des patients. Certains de ces patients vont répondre à d'autres inhibiteurs de tyrosine kinase plus actifs, et à plus large spectre, tels que le SU11248, bloquant également VEGFR2 notamment. La survie à un an des formes avancées était voisine de 35 % avant l'imatinib. Elle est désormais voisine de 90 %. La survie globale, sans progression et la réponse au traitement sont influencées par la nature des mutations de kit sur les cellules tumorales, les mutations de l'exon 11 étant associées à un pronostic plus favorable. L'imatinib n'a, en revanche, pas d'activité antitumorale établie dans les autres sarcomes non-GIST CD117 négatifs et/ou dépourvus de mutations activant une boucle autocrine PDGF. Deux études de phase III majeures, conçues et menées en moins de deux ans et rassemblant respectivement 946 et 756 patients ont été réalisées et publiées : elles comparaient deux doses d'imatinib, 400 mg et 800 mg par jour pour le traitement des GIST avancés. L'étude rapportée par Benjamin et al. (ASCO 2003, abstract 3272) ne met pas en évidence de différence entre les deux doses, en terme de taux de réponse, de survie sans progression et de survie globale. En revanche, l'étude de Verweij et al. (31), avec un nombre de patient supérieur et une durée de suivi légèrement supérieure met en évidence une amélioration significative de la survie sans progression dans le bras 800 mg. À vingt-quatre mois, la survie sans progression est de 55 % dans le bras 800 mg versus 40 % dans le bras 400 mg. Ces deux études étaient destinées dès leur conception à être réunies et analysées ensemble dans une méta-analyse « programmée ». Cette analyse est plus que jamais nécessaire. L'anatomie moléculaire des mutations de kit reste l'élément essentiel corrélé au pronostic et à la réponse à l’imatinib. Heinrich et al. ont démontré que les GIST porteurs de mutation de l'exon 11 ont un taux de réponse, une survie sans progression et une survie globale supérieurs à celle des patients porteurs de mutations situées dans l'exon 9, ou dans dans d'autres parties de la molécule. La nature des mutations du PDGFRα et la réponse à l'imatinib, dans les sites de la publication dans Science de l'article du même groupe, démontrent la présence de mutations du PDGFRα chez 36 % des
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GIST indemnes de mutations de kit. Ici, la présence de mutations de PDGFRα dans l'exon 18, notamment la mutation D842V, est associée à une absence de réponse au traitement par imatinib (29). Récemment rapportée à l’ASCO 2005, l’analyse moléculaire réalisée par M. Debiec Richter réalisée sur 337 patients de l’étude de Verweij et al. a permis d’affiner considérablement cette analyse, démontrant la corrélation entre le site des mutations de l’exon 11, au nucléotide près, et la qualité de la réponse à l’imatinib, et démontrant que certains sous-types moléculaires répondent mieux à une dose de 800 mg/j (33, sous presse, ASCO 2005), tandis que pour la thérapeutique de deuxième ligne SU11248, un taux de contrôle tumoral identique est obtenu quel que soit le sous-type moléculaire (34). Les GIST constituent désormais un modèle en oncologie solide, représentant la première tumeur solide traitée par une thérapeutique ciblée sur une anomalie moléculaire causale. On s’achemine d’ailleurs vers une thérapeutique ciblée variable selon la nature et la topographie des mutations des récepteurs tyrosine kinase, la biologie moléculaire, et le séquençage devenant dans cette perspective, un outil décisionnel essentiel pour le praticien. Les modèles tumoraux rentrant dans cette catégorie sont en nombre limité : on peut citer le Glivec® dans les LMC, les leucémies myélomonocytaires chroniques associées à une translocation impliquant le récepteur du PDGF, les dermatofibrosarcomes de Darier et Ferrand, caractérisés par une translocation impliquant la chaîne bêta du récepteur du PDGF, certains syndromes hyperéosinophiliques (35-39). Lorsque l'oncogène ciblé intervient dans les étapes initiales de la transformation, la thérapeutique ciblée possède une activité antitumorale importante en monothérapie, et cette activité antitumorale est détectable ou démontrable dès les études de phase I/II.
Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires plus tardives Ce sont les anomalies moléculaires qui contribuent à la progression tumorale, mais qui ne constituent pas l'étape initiale de la transformation. Ces anomalies moléculaires ne sont pas observées dans toutes les tumeurs d'un même type histologique, elles ont volontiers une valeur pronostique, généralement défavorable. Les amplifications du gène erb-B2 dans les adénocarcinomes du sein constituent un exemple de ce type de pathologie. Retrouvées dans 15 à 20 % des tumeurs, elles sont associées à un pronostic défavorable et à une moins bonne réponse aux traitements antinéoplasiques (40). Le trastuzumab est un anticorps humanisé dirigé contre la partie extracellulaire de cette molécule. Administré de manière hebdomadaire, il donne des taux de réponse voisins de 10 % en monothérapie, mais permet d'augmenter significativement le taux de
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réponse et la survie chez les patientes dont les tumeurs sont porteuses de l'anomalie moléculaire précitée recevant une chimiothérapie par paclitaxel (41, 42). Dans cette situation de thérapeutique ciblée sur un oncogène inconstamment exprimé, et jouant ainsi un rôle potentiellement plus tardif dans l’oncogenèse, la thérapeutique ciblée sur l’oncogène possède généralement une activité antitumorale plus modeste en monothérapie, avec un taux de réponse limité et peu ou pas de longs survivants sans progression, mais permet d'améliorer la survie sans progression, la survie globale et le taux de réponse en combinaison avec une chimiothérapie conventionnelle. Le traitement par médicament anti-angiogénique constitue un autre exemple de thérapeutique ciblée sur un événement moléculaire tardif (43). La fabrication de néo-vaisseaux sanguins est une étape indispensable à la croissance tumorale lorsque le volume de cellules tumorale doit dépasser 2 mm3. La densité des néovaiseaux, évaluée par immunohistochimie par l'évaluation de l'expression du facteur VIII ou de CD31, est un facteur pronostique pour la rechute et la survie dans de nombreuses affections néoplasiques, notamment l'adénocarcinome du sein, du côlon, du poumon, de la prostate, les sarcomes. La néo-angiogenèse est en outre nécessaire à la croissance des cellules tumorales dans les sites distants, pour donner des métastases. La néo-angiogenèse est sous la dépendance de cellules tumorales qui, en réponse à une situation d'hypoxie ou à l'accumulation d'anomalies moléculaires supplémentaires (p53), vont produire des facteurs de croissance des néovaisseaux qui vont permettre le bourgeonnement, la mise en place, la maturation des néovaisseaux et plus tard assurer la survie des cellules endothéliales. Le vascular endothelial growth factor (VEGF) est le premier facteur contrôlant la fabrication de ces néovaisseaux : il permet notamment l'augmentation de la perméabilité vasculaire, la prolifération et la migration des cellules endothéliales et, lorsque la néo-vascularisation est installée, la survie des cellules endothéliales qui les composent. Le PDGF, FGFb, les angiopoïétines sont d'autres facteurs importants pour le processus de fabrication, de maturation et de maintien des néovaisseaux. Jusqu'à récemment, les thérapeutiques anti-angiogéniques testées, principalement des inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinases des facteurs de croissance, n'avaient pas encore démontré d'efficacité clinique (43). Deux études récentes ont démontré l'intérêt thérapeutique d'inhibiteurs du VEGF. La première étude, rapportée dans le New England Journal of Medecine par Yang et al. était une étude randomisée de phase II comparant deux doses de l'anticorps anti-VEGF bevacizumab, à un traitement par placebo chez 114 patients porteurs d'adénocarcinome du rein métastatique (44). Les patients traités avec une dose de 10 mg/kg/15 j présentaient une survie sans progression significativement supérieure au bras placebo et au bras faible dose avec une survie sans progression à huit mois de 30 % versus 14 % et 5 % dans les deux autres bras. Cette étude démontre l'activité antitumorale d'un inhibiteur de l'angiogenèse et sa capacité à retarder la progression tumorale dans une tumeur pour laquelle la production de VEGF est un facteur pronostique établi (45).
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La deuxième publication importante est celle de Hurwitz et al. (46) qui rapportent une étude multicentrique randomisée, comparant chez 815 patients présentant un cancer colorectal mé-tastatique un traitement de première ligne par 5-FU, leucovorine et CPT11 à la même chimiothérapie associée au bevacizumab (Avastin®). Le bras expérimental s'avère significativement supérieur, en terme de réponse (45 % versus 35 %, p = 0,0029) aussi bien qu'en terme de survie (médiane 20,3 mois versus 15,6 mois, p = 0,00003 et survie sans progression 10,6 mois versus 6,24 mois, p < 0,00001). Une hypertension est observée plus fréquemment avec le bevacizu-mab. Il s'agit de la première étude positive démontrant un gain en survie avec un traitement anti-angiogénique (46). L'ensemble des études évaluant le bevacizumab, la toxicité générale du traitement paraît limitée, avec une possible augmentation de l'incidence des hémorragies et d'accidents vasculaires qui reste inférieure à 1 %. Au total, ces études établissent le bevacizumab comme traitement de référence possible dans le cancer du rein et du côlon, soit en monothérapie, soit en combinaison avec la chimiothérapie standard de l'affection. Ces données établissent que les traitements anti-angiogéniques peuvent avoir une activité antitumorale significative et constituent le deuxième exemple de thérapeutique ciblée sur un événement moléculaire tardif permettant d'améliorer significativement la survie dans deux affections. D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse sont en développement. Des inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase du VEGF, BAY439006, SU11248, PTK787 sont actuellement étudiés dans plusieurs pathologies, notamment le cancer du rein, le GIST, le cancer du sein et le cancer du côlon, avec des résultats également très encourageants, proches de 20 à 60 % de réponse ou de contrôle tumoral prolongé en monothérapie (47-49). Une prolongation de la survie a été rapportée par rapport au placebo pour le SU11248 dans une étude de phase III portant sur les GIST réfractaires à l’imatinib lors de l’ASCO2005. Le troisième exemple que l'on peut citer dans cette catégorie est celui du gefitinib ou de l’erlotinib (Iressa®, Tarceva®) dans le traitement des cancers pulmonaires non à petites cellules de stade avancé. L'expression de la tyrosine kinase HER1, ou récepteur de l'epidermal growth factor (EGF), est là encore inconstante sur les cellules tumorales. En deuxième ou troisième ligne thérapeutique, après échec des médicaments conventionnels, l'administration de gefitinib ou d’erlotinib permet d'obtenir un taux de réponse voisin de 10 % et une amélioration significative de la qualité de vie pour certains patients (5054) ; en revanche, en combinaison avec la chimiothérapie en première ligne, ces molécules n’ont pas permis d'améliorer significativement les paramètres de survie ou la réponse au traitement dans quatre grands essais de phase III. L’absence de corrélation entre l’expression du récepteur en IHC et la réponse au traitement, ainsi que la constatation d’un phénotype particulier des patients répondeurs à ces thérapeutiques (non fumeurs, adénocarcinomes, femmes, japonais…) laissait penser que certains sous-types moléculaires mal caractérisés pourraient plus particulièrement bénéficier de ces thérapeutiques. Plusieurs études ont démontré cette hypothèse en 2004, retrouvant la présence de muta-
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tions activatrices, sensibles à ces inhibiteurs chez 8 à 10 % des cancers du poumon, plus particulièrement dans les populations précitées (55-58). Il faut noter que des mutations portant sur d’autres gènes, HER2, dont la protéine est susceptible de se dimériser avec HER1 pour transmettre un signal, ont été rapportées, associées à une réponse à ces inhibiteurs de HER1 (59). Ce modèle se rapproche ainsi du premier cadre décrit des thérapeutiques ciblées sur les anomalies moléculaires initiales dans le processus de transformation. De manière tout à fait notable, la combinaison de deux thérapeutiques ciblées peu efficaces peut s’avérer synergique ; ceci a été démontré dans le cancer du rein, où la combinaison bevacizumab et erlotinib a permis d’obtenir un taux de réponse de 20 % dans une étude de phase II (60). La combinaison de différentes thérapeutiques de cette classe mérite ainsi d’être étudiée. De multiples essais cliniques d'autres inhibiteurs de l'EGF sont en cours ou ont été rapportés, utilisant des inhibiteurs de tyrosine kinase et des anticorps. Les critères de sélection des patients comportent plus fréquemment l'expression de la cible à la surface des cellules tumorales. Par ailleurs, il semble de plus en plus établi que la toxicité cutanée est corrélée à l'activité antitumorale en clinique, quelle que soit la pathologie considérée. Le cetuximab, un anticorps anti-HER1, est une des premières molécule de cette classe commercialisée. Cunningham et al. ont rapporté les résultats d'une étude de phase III multicentrique randomisée chez 329 patients présentant un cancer colorectal EGFR + échappant à un traitement comportant du CPT11 comparant CPT11 + cetuximab versus cetuximab en monothérapie. Le taux de réponse avec le bras combiné est significativement supérieur (22,9 % versus 10,8 %, p = 0,0074) ainsi que la survie sans progression (4,1 mois versus 1,5 mois, p < 0,0001). L'incidence des diarrhées ainsi que des neutropénies de grade 3-4 est plus importante dans le bras combiné. La survenue d'effets secondaires classiques du cetuximab (rash cutané ou acnéiforme) est un facteur prédictif de bénéfice, tant pour la réponse que pour la survie sans progression. En combinaison avec le FOLFIRI, le cetuximab est bien supporté et confère un taux de réponse encourageant en première ligne, avec surtout un nombre limité de progressions immédiates sous traitement (60). Des résultats encourageants ont également été rapportés en combinaison avec la radiothérapie dans les cancers ORL (61, 62). D'autres anticorps ou inhibiteurs de récepteurs anti-HER1 et/ou HER2 sont en cours de développement (EMD72000, 2C4, GW572016, ABX). Dans ces différents modèles, l'activité antitumorale de la thérapeutique ciblée n'est pas observée chez tous les patients. Il reste donc essentiel d'identifier les paramètres moléculaires (ou d’autres, plus simples, tels que la toxicité) corrélés à la réponse au traitement, afin, d'une part, de mieux sélectionner les patients, et, d'autre part de mieux comprendre les modalités d'action de ces médicaments pour améliorer leur index thérapeutique. C'est l'enjeu de ces prochaines années.
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Les thérapeutiques ciblées sur des cibles moléculaires qui ne jouent pas un rôle direct dans la transformation Deux cas de figure peuvent être envisagés dans ces modèles. 1. Lorsque la thérapeutique ciblée est dirigée contre une enzyme qui n'est pas nécessaire pour la survie d'une cellule, cette thérapeutique va être en général inopérante. Ceci explique que les essais de Glivec® contre des tumeurs kit+, ou PDGF R+ ont globalement été négatifs, à quelques exceptions près, sur des observations cliniques marginales. Ceci a été particulièrement bien illustré dans l'étude 62001 de l'EORTC où les patients porteurs de GIST ou d'autres types de sarcomes recevaient de l'imatinib à la dose de 800 mg/j. En dépit de l'expression constante du récepteur du PDGF (une des cibles de l'imatinib) sur les cellules tumorales conjonctives, aucune réponse n'a été observée pour les tumeurs autres que les GIST (9). La présence de la cible moléculaire n'est donc pas suffisante : il faut que celle-ci contribue à la transformation pour que les thérapeutiques ciblées puissent être efficaces. 2. En revanche, l'immunothérapie adoptive par anticorps monoclonaux peut être dirigée contre des déterminants antigéniques, généralement de surface, qui ne sont pas nécessairement des molécules de survie pour la cellule tumorale. Parmi les cibles utilisées ou actuellement en évaluation, on peut citer les antigènes CD20 ou les mucines exprimées à la surface des cellules épithéliales. Le rituximab, un anticorps anti-CD20, a ainsi permis d'améliorer significativement la survie des patients porteurs de lymphomes B à grandes cellules CD20 + en combinaison avec une chimiothérapie par CHOP, devenant ainsi un standard thérapeutique dans cette affection. Ces anticorps déclenchent alors l'apoptose des cellules tumorales en impliquant des effecteurs du système immunitaire, complément ou cellules effectrices de l'ADCC (6264), ou par le biais de molécules cytotoxiques ou radioactives qui leur sont associées. Des anticorps anti-CD22, CD30, CD33, CD80 sont ainsi en développement en hématologie, tandis que des anticorps anti CA125, mucine, PSA, G250 sont en évaluation dans les tumeurs solides.
Conclusion Les thérapeutiques ciblées sont désormais des standards thérapeutiques pour plusieurs affections néoplasiques (LMC, GIST, adénocarcinome du sein, lymphomes) et plusieurs molécules disposent dès à présent d'une autorisation de mise sur le marché. Plusieurs dizaines de médicaments dirigés vers de nouvelles cibles sont en évaluation. Les inhibiteurs de tyrosine kinase et de leurs ligands auront de toute évidence une place importante dans le traitement
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des tumeurs solides dans les années à venir. Il reste à identifier les paramètres biologiques corrélés à la réponse et à l'efficacité de ces thérapeutiques pour mieux sélectionner les patients. Les techniques d'analyse moléculaire à haut débit, de type micro-arrays d'expression ou protéomique, auront probablement un rôle majeur à jouer dans ce cadre.
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L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le cancer de l’ovaire È.-M. Neidhardt
Introduction Le cancer de l’ovaire est un cancer sensible à de nombreux agents de chimiothérapie, mais malgré l’amélioration de la prise en charge initiale à la fois sur le plan chirurgical et sur celui des traitements de chimiothérapie, la survie à cinq ans de cette affection dans les phases avancées reste seulement de 20 à 30 % (1). Des approches innovantes sont actuellement développées afin d’essayer de contrôler la maladie résiduelle après la première ligne de traitement dans le but de diminuer l’incidence des rechutes. L’immunothérapie paraît représenter une alternative intéressante, en particulier l’utilisation des anticorps monoclonaux qui connaissent actuellement un développement très important dans différents types de cancers (en particulier le rituximab dans les lymphomes malins non hodgkiniens, et le trastuzumab dans le cancer du sein). Des essais de phase II et de phase III ont d’ores et déjà montré que ces agents étaient parfaitement tolérés et capables d’induire une réponse immunologique chez des patientes porteuses de cancer de l’ovaire.
L’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-CA125 Le CA125 est une glycoprotéine de surface mucine like exprimée sur plus de 95 % des carcinomes épithéliaux de l’ovaire de stade III/IV et retrouvé sous forme circulante dans le sang périphérique (2). Des taux sériques élevés de CA125 sont observés dans d’autres types tumoraux (cancer du pancréas, du poumon, du côlon et autres tumeurs digestives), mais également dans des tumeurs bénignes. Le CA125 peut être retrouvé dans certaines sécrétions comme le liquide amniotique, le lait maternel et les sécrétions cervicales. Il est normalement exprimé durant la vie fœtale et a donc à ce stade un rôle physiologique dans la croissance et le développement cellulaire. La structure du gène
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du CA125 vient récemment d’être découverte, mais sa fonction reste encore à déterminer (3, 4). De nombreuses études ont montré l’intérêt du CA125 dans la surveillance de patientes traitées pour un cancer de l’ovaire, une augmentation du CA125 sérique pouvant précéder de quelques mois des signes cliniques de réévolution tumorale. De même, en cours des traitements de chimiothérapie, le taux de CA125 est un bon indice de réponse clinique. Oregovomab (OvaRex) est un anticorps monoclonal actuellement développé par Unither Pharmaceutical. Le composant actif est l'anticorps monoclonal murin modifié B43.13, une IgG1k se liant avec une haute affinité au CA-125 (1.16 x 1010/M). L'oregovomab induit à la fois une réponse immunitaire de type humoral avec induction d’anticorps humain anti-souris (HAMA), d’anticorps anti-idiotypique (Ab2) et d’anticorps anti-CA-125, et aussi de type cellulaire T helper et cytotoxique (5, 6). En effet, le complexe CA125-B43.3 est capable de se lier à des cellules présentatrices d’antigènes (macrophages activés ou cellules dendritiques) de manière beaucoup plus efficace que l’anticorps ou l’antigène seul (7). De multiples récepteurs on été impliqués dans ce processus d’internalisation, en particulier la partie Fc■ du CD64 et du CD32, le CD35 récepteur du complément et le mannose récepteur CD206. Il existe une présentation croisée de ce complexe non seulement dans le contexte des molécules du CMH de classe I mais également de classe II conduisant à l’induction d’une réponse T de type CD4 + et CD8 + à la fois contre B43.13 et le CA 125. Une étude récente a montré, chez des patientes porteuses de cancer de l’ovaire en rechute en phase avancée, l’émergence d’une réponse immunitaire humorale de type HAMA et Ab2, ainsi qu’une réponse immunitaire cellulaire contre le CA-125 et/ou la tumeur autologue qui a pu être corrélée à un bénéfice significatif en terme de survie (8).
Études précliniques et données in vitro L’équipe de Schultes a pu démontrer à partir du modèle murin NIH : OVCAR-3 cell-SCID/bg de cancer ovarien un effet protecteur d’un anticorps B43.13 en utilisant une technique de reconstitution de l’immunité par des lymphocytes T humains du sang périphérique (9).
Études cliniques chez l’homme L’intérêt thérapeutique chez l’homme de l’anticorps monoclonal B43.13 a été suggéré initialement de façon indirecte, par une étude diagnostique qui utilisait cet anticorps couplé au technetium-99m pour détecter par scintigraphie de
L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le cancer de l’ovaire 531
possibles récidives chez des patientes porteuses de cancer de l’ovaire. Un effet net sur la survie a pu être constaté chez certaines patientes (10). L’anticorps monoclonal B43.13 a pu être utilisé en traitement de consolidation après chirurgie et chimiothérapie de première ligne, dans une situation de masse tumorale résiduelle. Elhen rapporte les résultats d’une étude multicentrique randomisée portant sur 342 patientes porteuses d’un cancer de l’ovaire de stade III-IV en rémission complète après une première ligne de traitement (11). Une perfusion d’anticorps ou de placebo était réalisée tous les trois mois jusqu’à la rechute. L’émergence d’une réponse immunitaire de type humoral (HAMA et anti-Ab2) était constatée chez plus de la moitié des patientes et associée de manière significative à une évolution clinique favorable. En prenant la population dans sa totalité, aucune différence statistiquement significative en terme de survie sans progression n’a été constatée entre le bras traitement et le bras placebo. Par contre, en prenant la sous population ayant eu la meilleure réponse après la première ligne de traitement, la survie sans progression a été de 20,2 mois pour l’anticorps B43.13 contre 10,3 mois pour le placebo (p = .029). Le traitement n’a pas entraîné d’altération de la qualité de vie et aucun effet secondaire significatif n’a été constaté. L’étude randomisée en double aveugle placebo/oregovomab la plus récente a porté sur une population de 145 patientes présentant un cancer de stade IIIIV, en rémission complète après une première ligne de traitement comportant chirurgie et chimiothérapie à base de sels de platine (traitement de consolidation) (12). Les patientes ont reçu une perfusion intraveineuse de vingt minutes toutes les quatre semaines pendant deux mois, puis tous les trois mois avec un maximum de 11 injections. L’anticorps était administré à la dose de 2 mg. Il n’a pas été constaté de différence significative entre les deux bras concernant l’objectif principal : le temps jusqu’à progression a été de 13,3 mois dans le groupe traitement et 10,3 mois pour le groupe placebo avec un p = .71. Par contre, un sous-groupe de 67 patientes considérées comme « bonnes répondeuses au traitement intial » a été isolé avec des résultats plus favorables puisque le temps jusqu’à la progression a été de vingt-quatre mois avec l’anticorps contre 10,8 mois avec le placebo. Ces patientes présentaient les caractéristiques suivantes : traitement chirurgical initial optimal, réduction du taux de CA125 à 65 U/ml ou moins au troisième cycle de chimiothérapie et une normalisation du taux de CA125 au moment de la randomisation. Une réponse immunitaire de type humoral (HAMA et Ab2) a été constatée chez plus de 60 % des patientes, avec une corrélation en particulier dans le sous-groupe de pronostic favorable entre l’émergence d’une réponse de type Ab2 et le temps jusqu’à progression (28,2 mois contre 6,4 mois). Là aussi, dans cette étude, peu d’effets secondaires ont été notés, et la qualité de vie était préservée. D’autres études de phase II ont pu être menées chez des patientes en rechute. Une réponse immunitaire cellulaire T a pu être constatée et corrélée à un bénéfice significatif en ce qui concerne le temps jusqu’à la progression et la survie globale (13). Une étude publiée récemment a montré chez des patients
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en rechute une corrélation entre la survie et l’induction d’une réponse immunitaire humorale de type HAMA, anti-idiotype et anti-CA125 (14). L’utilisation de l’anticorps monoclonal B43.13 en première ligne de traitement en association avec la chimiothérapie n’a pas été encore envisagée, probablement du fait de l’idée acquise que la chimiothérapie entraîne une immunosuppression qui empêcherait tout effet immunostimulant d’un traitement par anticorps monoclonal. De plus en plus d’études rapportent au contraire un effet bénéfique de la chimiothérapie qui permettrait l’élimination d’une sous-population de lymphocytes T aux propriétés immunosuppressives qui empêcherait le développement d’une réaction immunitaire antitumorale. D’autres anticorps dirigés contre des antigènes tumoraux spécifiques sont en développement. Il est ainsi possible d’envisager la possibilité de traiter les patientes avec plusieurs types d’anticorps dirigés contre différents antigènes permettant une augmentation du spectre de la réponse immunologique et de la réponse thérapeutique.
L’utilisation de l’anticorps HMFG1 HMFG1 est un anticorps murin de type IgG1 présentant une spécificité contre un épitope de MUC1, glycoprotéine de surface glycosylée de façon aberrante et hyperexprimée par plus de 90 % des cancers de l’ovaire et retrouvée également dans d’autres types tumoraux (en particulier cancer du sein et du pancréas) (15). Des essais de phase I/II utilisant HMFG1 couplé à l’Ytrium 90 ont montré que cet anticorps est particulièrement bien toléré lorsqu’il est administré par voie intrapéritonéale (16). La survie des patientes en première rémission complète semble augmentée comparée à une série historique contrôle. Un essai récent de phase I, réalisé chez une population hétérogène de 26 patientes à différents stades de la maladie, a confirmé la parfaite tolérance et l’absence d’effets secondaires notables au cours de l’administration répétée d’HMFG1 initialement en intaveineux ou en intrapéritonéal, puis en intradermique, avec essentiellement la détection d’anticorps anti-idiotype et une faible émergence d’anticorps anti-MUC1 (17). Aucun effet notable sur la survie n’a pu être observé dans cette étude. Très récemment (SMART study ASCO 2004), une étude de phase III (722 patientes) évaluant cet anticorps en situation de consolidation, n'a pas montré de bénéfice pour le traitement d'entretien versus observation, alors que la qualité de vie des patientes traitées par l'anticorps était altérée (Seiden et al.).
L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le cancer de l’ovaire 533
L’utilisation de l’anticorps anti-HER2 Il est maintenant établi que l’anticorps monoclonal anti-Her2/neu (Herceptin®) représente une arme thérapeutique importante en association avec le paclitaxel chez des patientes en rechute de cancer du sein. Son utilisation semble restreinte chez les patientes porteuses de cancer de l’ovaire du fait de son expression beaucoup moins fréquente, avec des taux de réponse très faible, de moins de 10 % (communication du groupe d’Oncologie Gynécologique, Society of gynecologic Oncologists, 2000). Les expériences cliniques avec le Trastuzumab sont encore très limitées. Les résultats d’une étude de phase II d’Herceptin en monothérapie du GOG (Gynecologic Oncology Group) ont été récemment publiés dans le Journal of Clinical Oncology (18). Sur un total de 837 tumeurs testées, 11.4 % (n = 95) avait une surexpression 2 + ou 3 +. Sur les 41 patientes traitées (toutes avaient reçu une chimiothérapie antérieure), le taux de réponse a été seulement de 7,3 % (1RC, 2 RP). Cet agent est actuellement en évaluation associé à de la chimiothérapie à base de platine ou de taxanes.
Conclusion Les études actuelles avec des anticorps monoclonaux ont montré, en particulier avec l'oregovomab dirigé contre le CA125, une très bonne tolérance clinique et l'induction d'une réponse immunitaire de type à la fois humorale et cellulaire. Leur intérêt en terme de survie reste à établir, l'administration en consolidation chez des patientes en rémission complète semble être la meilleure indication.
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Nouvelles tentatives médicamenteuses F. Joly
Introduction Malgré les progrès des techniques chirurgicales et de la chimiothérapie, le taux de survie à cinq ans du cancer de l’ovaire reste inférieur à 30 %. Une des causes d'échec est, certainement, l'apparition rapide d'une chimiorésistance et, en cas de récidive, la réponse attendue aux traitements par chimiothérapie conventionnelle n’excède pas 35 % (1). D'importants et récents progrès dans la connaissance du fonctionnement moléculaire et génétique de la cellule ont ouvert la porte à de nouvelles perspectives thérapeutiques. Ainsi, dans le cancer de l’ovaire, ont pu être identifiées des modifications spécifiques de la structure du génome, des altérations des récepteurs des facteurs de croissance, ainsi que l’identification d’oncogènes (2). Plusieurs nouvelles molécules ont été évaluées ou sont en cours d’étude. Elles ont pour cibles : – la restauration de la sensibilité de la tumeur à la chimiothérapie ; – la modulation et l’induction d’une réponse immunitaire ; – le remplacement d’une mutation d’un gène ; – une action directe sur une cible cellulaire impliquée dans la régulation cellulaire (récepteur à des facteurs de croissance, voie de la signalisation, inhibition de l’angiogenèse) (tableau I). Ce chapitre est une revue des principales nouvelles approches médicamenteuses dans le cancer de l’ovaire.
Résistance à la chimiothérapie Après une phase initiale, habituelle, de chimio-sensibilité, l’apparition d’une résistance secondaire acquise aux agents cytotoxiques est une des causes d'échec de la chimiothérapie, dans le cancer de l’ovaire (1, 3, 4). Les protéines membranaires, surexprimées, comme la glycoprotéine 170, sont des pompes entraînant un reflux du cytotoxique, du milieu intracellulaire
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Tableau I – Principales nouvelles approches médicamenteuses dans le cancer de l’ovaire. Classes thérapeutiques
Cibles
Principales molécules
Mécanismes de résistance 1. Glycoprotéine GP 170 à la chimiothérapie 2. Gluthatione-S-transferase
1. PSC 833 (Valspodar®) 2. TLK 286 (Telcyta®)
Thérapie génique
3. Cellules P53 mutées 4. Gène régulant HER2/neu 5. Lyse des cellules P53 mutées 6. Cellules exprimant la thymidine kinase- effet bystander
3. Gène P53 non muté ; vecteur : Adénovirus 4. Gène E1A ; vecteurs liposomiques 5. Gène E1B, Adénovirus ONYX - 015 6. Gènes suicides
Immunothérapie
7. Cytokines 8. Anticorps monoclonaux
7. Interleukines 2, interféron α et gamma 8. Oregovomab (Ovarex®) anti CA125 HMFG1, anti human Milk Fat globule Membrane Trastuzumab (Herceptine®), anti HER-2/neu
Petites molécules ciblées
9. Récepteurs à l’EGF
9. Gefitinib (ZD1837, Iressa®) Erlotinib (OSI-774, Tarceva®) Cetuximab (Erbitux®) 10. STI 571 (Gleevec®) 11. Bevacizumab (Avastin®), Thalidomide 12. [anti BCL2] : G3139 (Oblimersen®) [anti protéine kinase C] : ISIS 3521 (Affitak®) [anti-gène raf ] : ISIS 5132 13. Bortezomide (Velcade®)
10. C-Abl, cKIT, PDGF 11. Antiangiogénique 12. Oligonucléotides antisens 13. Inhibiteurs des protéasomes
vers le milieu extracellulaire. La concentration intracellulaire du médicament est donc diminuée, réduisant ainsi son efficacité. Le gène MDR (multi-drug resistance), codant pour la glycoprotéine 170, est amplifié dans la cellule cancéreuse ayant acquis une résistance à la chimiothérapie, aboutissant à la surexpression de cette protéine membranaire (5). Plusieurs études ont été menées avec le PSC 833 (Valspodar®), analogue des cyclosporines, ayant démontré une action inhibitrice de la glycoprotéine 170 (6, 7). Basée sur l’hypothèse que l’association du PSC 833 à une chimiothérapie initiale par platine-taxane pouvait réduire l’émergence de clones cellulaires résistants à la chimiothérapie, une étude multicentrique, internationale de phase III a comparé en première ligne de traitement l’association carboplatine-paclitaxel plus ou moins PSC 833 chez 762 patientes présentant un cancer avancé de l’ovaire (8). Cette étude est négative, aucune différence de survie sans progression n'a pu être mise en évidence entre le groupe traité par chimiothérapie associée à PSC 833 et le groupe chimiothérapie seule (médiane 13,2 versus 13,5 mois) avec des toxicités digestives, hématologiques et cérébelleuses augmentées dans le bras avec le PSC 833. Ces résultats décevants ont conduit à rechercher d'autres cibles parmi les autres mécanismes de résistance à la chimiothérapie comme celle relevant de la gluthation transférase : la résistance aux sels de platine est corrélée à une concentration élevée de gluthation intracellulaire, en rapport avec une hyperexpression de l’enzyme gluthation-S-transférase (9). Le TLK 286 (Telcyta®), est un agent anti-cancéreux qui, une fois activé par le gluthation-S-Transférase,
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induit une apoptose cellulaire (10). Dans les premières études, un taux de réponse de 15 % a été observé chez des patientes réfractaires aux sels de platine (11, 12). Une étude internationale de phase III, l'étude ASSIST-1 (Assessment of Survival in Solid Tumours-1) compare actuellement le TLK 286 en monothérapie au topotecan ou à la doxorubicine pégylée chez des patientes ne répondant pas aux sels de platine (10). D’autres mécanismes de résistance ont été identifiés, portant sur les mécanismes de réparation de l'ADN. Par exemple, certains gènes codant pour des protéines réparatrices de l'ADN sont amplifiés, ce qui accélère la restauration des lésions créées sur l'ADN par les anticancéreux, réduisant leur effet thérapeutique. La protéine P53 a un rôle central dans cette réparation de l'ADN, en modulant la régulation du cycle cellulaire et en induisant l’apoptose (13). Environ 60 % des patientes ayant un cancer avancé de l’ovaire présentent des mutations de la protéine P53. Il a été démontré que ces mutations ont une valeur pronostique péjorative et sont associées à une résistance accrue aux sels de platine (14, 15). Plusieurs études de thérapies géniques visent à restaurer la fonction naturelle de la P53, par l’intermédiaire de vecteurs viraux (les principes et les résultats en sont développés dans le chapitre suivant).
Thérapie génique Le but de la thérapie génique est de corriger les altérations géniques de la cellule tumorale, afin de restaurer une fonction cellulaire normale et d’inhiber la croissance tumorale. Les actions peuvent être dirigées directement au niveau du gène, soit en corrigeant la mutation d’oncogènes ou en bloquant l’expression d’anti-oncogènes, soit en induisant la mort cellulaire par l'utilisation de « gènes suicides ». Les méthodes actuelles pour introduire les gènes correcteurs dans les cellules tumorales utilisent des vecteurs viraux (Adénovirus, Rétrovirus) ou non viraux (plasmides liposomiques) (16). Les rétrovirus infectent les seules cellules en division, et induisent une expression de longue durée. Les Adénovirus infectent aussi bien les cellules en division que celles qui ne sont pas en cycle, mais n’incorporent le matériel génétique que de façon transitoire. L’avantage des vecteurs non viraux est l’absence d’immunogénicité, mais leur utilisation à forte dose entraîne une toxicité cellulaire qui limite cette technique. Les premières études ont été conduites avec des Adénovirus avec pour objectif le transfert soit d’anti-oncogènes non mutés (comme le gène codant pour la P53), soit des gènes exprimant la protéine anti-HER-2/neu, soit des gènes suicides. Plusieurs études préliminaires ont montré que la restauration de l’expression non mutée de la protéine P53, par l’intermédiaire d’un vecteur viral, permettait une induction de l’apoptose et un arrêt du cycle cellulaire ainsi qu’une augmentation de la sensibilité à la chimiothérapie (17, 18). Des résultats prometteurs ont été obtenus chez des patientes réfractaires à la
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chimiothérapie (18 % de taux de réponse partielle et 36 % de stabilisation) (19) et une étude internationale de phase III a été conduite chez des patientes en première ligne de traitement. Après un traitement chirurgical optimal (résidus tumoraux inférieurs à 2 cm), les patientes recevaient, soit 6 cures de chimiothérapie intraveineuse par carboplatine-paclitaxel, soit la même chimiothérapie associée à 5 cycles de thérapie génique administrés par voie intra-péritonéale. Le traitement consistait à délivrer par l’intermédiaire d’un Adénovirus le gène P53, cinq jours consécutifs, en même temps que les cures 2 à 6 de chimiothérapie. Cette étude a été interrompue après la première analyse intermédiaire, en raison de l’absence d’efficacité et de l’augmentation de la morbidité en rapport avec le traitement génique (19, 20). Pour expliquer cette absence d’efficacité, plusieurs hypothèses ont été émises, dont la multitude de gènes mutés et le nombre important d’interactions moléculaires impliquées. Les auteurs conseillent de poursuivre des études en agissant sur plusieurs cibles géniques. Le gène E1A intervient dans la régulation de l’activité HER2/neu, laquelle est surexprimée dans 15 à 20 % des cancers de l’ovaire. L’administration intrapéritonéale de ce gène lié à des vecteurs non viraux liposomiques a été testée dans des études de phase 1 chez 18 patientes, avec une tolérance acceptable, et une diminution des marqueurs tumoraux sériques a été observé chez 5 patientes (21). Des études en association avec la chimiothérapie sont en cours. En se basant sur la capacité de réplication des Adénovirus, Vasey et al. (22) ont développé un Adénovirus (Onyx-015) qui présente une délétion du gène E1B avec la particularité de se répliquer et d’induire une lyse tumorale sélective des cellules cancéreuses ayant une mutation de P53. Les effets secondaires ont été essentiellement des syndromes grippaux, des douleurs abdominales et des vomissements. Sur 16 patientes, 4 ont eu une stabilisation de la maladie, 2 patientes réfractaires aux sels de platine sont redevenues sensibles au carboplatine. Des études de phase I ont montré la faisabilité d’une thérapie par gènes suicides. Le principe consiste à transférer un gène dont la fonction est de sensibiliser les cellules cancéreuses à un agent ordinairement non toxique aboutissant à la mort cellulaire. Le gène de la thymidine kinase du virus Herpès simplex peut être transfecté par un vecteur adénoviral par voie intra péritonéale. La forme virale de la thymidine kinase a une expression sélective dans les cellules cancéreuses et peut activer de façon spécifique le ganciclovir, utilisé usuellement comme agent antiviral. L’introduction de ce dernier induit une toxicité dans les cellules tumorales qui expriment la thymidine kinase, et entraîne même, par un mécanisme de « bystander », la destruction de cellules cancéreuses de voisinage n’exprimant pas la thymidine kinase. In vitro, la transfection de 5-15 % de cellules tumorales par le gène suicide permet d’obtenir 80 à 100 % de mort cellulaire tumorale lors de l’introduction du ganciclovir. (23, 24). Les premiers essais de traitements ont été bien tolérés, mais les réponses tumorales restent modestes (38 % de stabilisation parmi 13 patientes en récidive) (25). D’autres études de phase II sont en cours.
Nouvelles tentatives médicamenteuses 539
Immunothérapie L’immunothérapie a pour but d’induire une réponse immunitaire humorale et cellulaire de l’organisme contre les cellules cancéreuses, soit par des agents immuno-stimulants non spécifiques, soit par des anticorps spécifiques dirigés contre un récepteur ou un antigène ayant une fonction particulière. Dans le cancer de l’ovaire, la recherche sur l’immunothérapie s’est principalement développée selon plusieurs axes : les cytokines, les anticorps monoclonaux et les vaccins. L’interleukine 2, l’interféron alfa et gamma administrés par voie intrapéritonéale ont fait l'objet de plusieurs études de phases II dans le cancer de l’ovaire (26). L’interféron alfa et gamma, administrés en consolidation chez des patientes avec des tumeurs résiduelles de faible volume, obtiennent des réponses histologiquement prouvées de 30 à 50 %, au détriment d’une toxicité non négligeable (27, 28). Les réponses ont surtout été observées en cas de résidus tumoraux minimes (19). Le bénéfice éventuel d’une association interféron-chimiothérapie en première ligne de traitement est en cours d’étude (29). L’efficacité de l’interféron gamma sous-cutané associé à une première ligne de chimiothérapie intraveineuse par cisplatine-cyclophosphamide a été évaluée dans une étude de phase III. Les patientes traitées par inferféron gamma et chimiothérapie avaient une survie sans progression significativement supérieure à celles ne recevant que la chimiothérapie (51 % versus 38 %, p = 0.031), mais sans amélioration de la survie globale (30). Une nouvelle étude de phase III évalue actuellement, l’association de l’interféron gamma 1b au standard actuel de chimiothérapie, carboplatine-paclitaxel. Les anticorps monoclonaux sont la seconde façon d'induire une réaction immunitaire. Ils n’affectent pas les cellules saines et ne s’attaquent qu’aux cellules malades ; ils provoquent, donc moins d’effets secondaires que les cytokines ou que la chimiothérapie classique. Une fois introduits dans l’organisme, ils sont capables de bloquer l’action d’une substance chargée de stimuler la croissance tumorale. Mab B43.13 (oregovomab, Ovarex®) est un anticorps murin, dirigé directement contre l’antigène CA125, exprimé par plus de 95 % des patientes présentant un cancer de l’ovaire à un stade avancé. Ovarex® agit en induisant une réponse immunitaire cellulaire par la formation de complexes immuns avec l’antigène CA125 (31). Son intérêt en traitement de consolidation, après chimiothérapie initiale, a été évalué dans une première étude randomisée qui comparait Ovarex®, administré en intraveineux, à un placebo, chez 145 patientes en réponse clinique complète après la première ligne de chimiothérapie. L’adjonction d’Ovarex® a été très bien tolérée, mais n’a pas permis d’augmenter le délai sans récidive qui était l’objectif principal (médiane de survie sans récidive : 13,3 dans le bras Ovarex® versus 10,3 mois dans le bras placebo, p = 0,71) (32). Les résultats en terme de survie globale ne sont pas encore disponibles. D’autres études randomisées sont en cours dans la même indication ainsi que dans des situations de rechutes (26).
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Un autre anticorps murin, le HMFG1 (Human Milk Fat Globule Membrane, R1549), a été également évalué. Cet anticorps reconnaît de façon spécifique un antigène, associé à une glycoprotéine tumorale, codée par le gène MUC-1, qui est exprimé dans plus de 97 % des tumeurs ovariennes. Associé à de l’Ytrium 90, le HMFG1 a été administré par voie intrapéritonéale avec un bon profil de tolérance (33). L'étude européenne SMART (Study of Monoclonal Antibody RadioimmunoTherapy) a comparé un traitement de consolidation par HMFG1 une seule injection intra-péritonéale versus un traitement standard chez des patientes en réponse clinique complète après une première ligne de chimiothérapie et une chirurgie de « second look » sans lésion macroscopique. 848 patientes ont été incluses, 702 randomisées et finalement 224 ont reçu le HMFG1 versus 223 le traitement standard. L’objectif principal était l’amélioration de 15 % de la survie globale. Il y a eu deux fois plus de toxicité hématologique transitoire dans le groupe avec immunothérapie ; il y a eu également plus de rash, de nausées et vomissements, de douleurs articulaires et abdominales et d'asthénie. Avec un suivi médian de trente-cinq mois, aucune différence n'a été mise en évidence sur la survie sans progression et la survie globale (34). D’autres modalités d’immunothérapie sont en voie de développement comme la vaccination avec différents antigènes dérivés de peptides HER2/neu. Des vaccins contenant des peptides provenant de HER-2/neu associés à du GM-CSF (granocyte-macrophage colony-stimulating factor) peuvent être administrés, par voie sous-cutanée, et induisent, dans plus de 95 % des cas, une réponse immunitaire avec une prolifération de lymphocytes T (35). Des applications sont envisagées pour le cancer de l’ovaire (36).
Molécules ciblées Traditionnellement, les agents cytotoxiques manquent de spécificité et ne distinguent pas les cellules tumorales des cellules non tumorales, entraînant une toxicité parfois importante. Au contraire, les molécules ciblées sont de petites molécules qui agissent de façon spécifique sur un récepteur membranaire extra- ou intracellulaire régulant la prolifération cellulaire, l’apoptose, l’angiogenèse ou la mobilité cellulaire. De par leur nature, elles sont très spécifiques à un mode d’action de la cellule et induisent peu de toxicité. Plusieurs classes de thérapies ciblées sont actuellement à l’étude dans le cancer de l’ovaire Les études les plus avancées concernent les inhibiteurs du signal de transduction avec inhibiteurs des EGFR-thyrosine kinases, le STI571, les anti-angiogéniques, les oligonucléotides antisens, les inhibiteurs de raf-kinases et les inhibiteurs des protéasomes (37). Les inhibiteurs des tyrosine kinases ont été les plus étudiés : plus de 70 % des cancers de l’ovaire expriment un niveau élevé des récepteurs aux epidermal growth factors (EGFR). Le gefitinib (ZD1837, Iressa®), l’erlotinib (OSI-774,
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Tarceva®), et le cetuximab (Erbitux®) sont les inhibiteurs des EGFR les plus développés (38). Ces drogues sont administrées par voie orale et bloquent la transduction du signal impliqué dans la prolifération cellulaire. Plusieurs études de phases II ont évalué l’efficacité et la tolérance du gefitinib en situation de récidive, seul ou associé à une chimiothérapie. Le taux de réponse observé chez les patientes réfractaires aux sels de platine varie de 3 % à 25 % (39-41). Les principales toxicités sont des diarrhées de grade 3 à 4 dans environ 20 % des cas, ainsi que des rashs cutanés acnéiformes, dans plus de 35 % des cas. L’expression de l’EGFR semble nécessaire mais pas suffisante pour obtenir une réponse, et l’efficacité paraît être corrélée à l’intensité de la réaction cutanée (42). In vitro, sur des cellules surexprimant EGFR, le gefitinib a montré une action inhibitrice en présence ou non d’EGF exogène (43). Actuellement, des études complémentaires sont en cours pour identifier des marqueurs biologiques pouvant prédire la réponse au traitement (44). Le trastuzumab (Herceptin®) est un anticorps monoclonal humanisé qui agit sur le domaine extracellulaire de HER-2 et inhibe la croissance tumorale des cellules cancéreuses qui surexpriment HER-2. Seulement 11 % des tumeurs ovariennes surexpriment HER-2 et, chez les patientes en récidive d’un cancer de l’ovaire, les taux de réponse de l’Herceptin® en monothérapie sont modestes (7 % de réponse globale) (45). L’association de l’Herceptin® avec la chimiothérapie reste à évaluer. Le STI 571 (Glivec® imatinib) est une petite molécule, active dans la leucémie myéloïde chronique où elle inhibe BCR-Abl. Elle inhibe également le récepteur des platelet-derived growth factor (PDGFR) et le cKit (46). On retrouve une expression de C-Abl, cKit et ou PDGFR dans plus de 70 % des cellules séreuses ovariennes normales ou tumorales (47). L’efficacité du STI 571 est actuellement à l’étude, en phase II, dans le cancer de l’ovaire. Bloquer la formation de néovaisseaux est une autre voie d’approche. Plusieurs molécules sont en développement. Le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps humanisé, agissant contre un facteur pro-angiogénique, le vascular endothelial growth factor (VEGF). Administré en intraveineux tous les quinze jours, la tolérance est excellente et des résultats encourageants ont été observés dans le cancer du côlon et du rein (48, 49). Il est en cours d’évaluation, dans une étude du GOG, chez les patientes en récidive d’un cancer de l’ovaire. L’atrasentan est une petite molécule qui bloque spécifiquement les récepteurs à l’endothéline. Administré par voie intrapéritonéale en association avec du paclitaxel, il bloquerait la prolifération tumorale ovarienne (50). La thalidomide est une vieille molécule avec une utilisation nouvelle du fait de la découverte récente de son action anti-angiogénique. Elle a été testée chez des patientes présentant des cancers de l’ovaire réfractaires à la chimiothérapie, avec des taux de réponse variant de 0 à 50 % (51, 52). Les oligonucléotides antisens sont une autre voie d’action ciblée. Ils interfèrent sur la transcription de proto-oncogènes et d’oncogènes dans les cellules cancéreuses, en diminuant leur expression et rendant la cellule plus sensible à la chimiothérapie. Plusieurs molécules ont montré une activité antitumorale : le G3139 (Oblimersen®) dirigé contre BCL-2 ; Isis 3521 (Affitak®) dirigé
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contre la protéine Kinase C ; Isis 5132 qui peut, en agissant par hybridation dans la région C-ras mRNA, réduire une expression du gène raf qui agit sur des protéines régulatrices de la prolifération cellulaire (53-55). Les études cliniques précoces avec Isis 5132 ont confirmé son mode d ’action, et ont conduit à proposer une administration en infusion continue, par pompe, à la dose de 2 mg/kg/j sur vingt et un jours suivis de sept jours de repos. Les toxicités notées sont des troubles de coagulation, une thrombopénie, une asthénie et de la fièvre. Les deux molécules Isis sont à l’étude en phase II dans le cancer de l’ovaire en association avec la chimiothérapie, soit en première ligne, soit en situation de récidive. D’autres molécules ciblées pourraient trouver, à l'avenir, une place importante dans le traitement du cancer de l’ovaire. Le Bay 43-9006 est une petite molécule qui bloque l’enzyme RAF kinase, dans la voie de signalisation de RAS. Il agit aussi contre plusieurs récepteurs des tyrosine kinases, impliqués dans la néovascularisation (56, 57). Il peut être administré par voie orale et des réponses ont été observées chez des patientes ayant un cancer de l’ovaire réfractaire à la chimiothérapie (58). D’autres études vont, prochainement, débuter. Le PS-341 (bortezomide, Velcade®) est un inhibiteur des protéasomes, enzymes complexes qui participent à la régulation de la division cellulaire. La voie des protéasomes est aussi responsable de la régulation de la transcription et de l’adhésion cellulaire (59). Administré de façon bi-hebdomadaire, Velcade® montre peu de toxicité. Dans le cancer de l’ovaire, en association avec des sels de platine, des résultats préliminaires encourageants ont été observés chez des patientes en récidive (60).
Conclusion L’amélioration des connaissances dans les mécanismes moléculaires du fonctionnement de la cellule, des voies de signalisation et de régulation cellulaire, ainsi que dans les mécanismes de chimiorésistance, ont permis l'identification de nouvelles cibles et l’émergence de nouvelles thérapeutiques dans le cancer de l’ovaire. De nombreuses molécules ciblées sont en à l’étude, en phases 1 et 2, avec des résultats encourageants. La combinaison de ces thérapies ciblées entre elles et/ou avec les drogues cytotoxiques est un axe de développement futur. La thérapie génique, immunologique, et la vaccination ont montré leur faisabilité, avec une toxicité acceptable. Même si les premières grandes études cliniques n’ont pas apporté les résultats attendus, elles représentent des voies intéressantes. Il reste à mieux connaître les paramètres biologiques, corrélés à la réponse pour mieux cibler leur indication. La place de ces nouvelles thérapeutiques dans la stratégie du traitement du cancer de l’ovaire doit être définie dans des études contrôlées. En situation de récidive, l’association de ces nouvelles thérapeutiques à la chimiothérapie
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conventionnelle permettra, peut-être, une diminution de la résistance aux drogues cytotoxiques classiques, et une augmentation de la survie sans récidive. En première ligne de traitement, leur place pourra s’intégrer dans une stratégie de consolidation pour traiter la maladie résiduelle, ou en association avec la chimiothérapie initiale dans le but d’augmenter la survie.
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La surveillance
Surveillance du cancer de l’ovaire C. Saba
Surveillance sous traitement : bilan de fin de chimiothérapie Le bilan de fin de chimiothérapie repose sur l’examen clinique, les dosages des marqueurs sériques tumoraux, en particulier le CA 125, et l’examen tomodensitométrique abdomino-pelvien (niveau de preuve B) qui recherchent une éventuelle masse résiduelle (standard). En cas de métastases hépatiques ou spléniques initiales, l’examen tomodensitométrique est complété par une échographie. En cas de doute sur la persistance d’implants tumoraux en région sous-diaphragmatique, une imagerie par résonance magnétique complémentaire peut localiser les résidus tumoraux. Un taux de CA 125 normal après six cures de chimiothérapie n’est pas la preuve d’une réponse histologique complète, alors qu’un taux élevé à l’issue des six cures signe l’absence de réponse histologique complète.
Surveillance des rémissions complètes et diagnostic des récidives Plus l'extension tumorale était limitée, plus l'exérèse a été complète et meilleures sont les chances de survie et de guérison. Au cours de ces dernières années, les progrès thérapeutiques ont été considérables, notamment grâce aux importants progrès de la chimiothérapie. Toutefois, malgré l'efficacité des traitements, un suivi s'impose pour s'assurer qu'il n'y a pas de reprise, locale ou à distance, du processus tumoral, et au cas ou il y en aurait une, pour s'assurer de la prendre en charge aussi précocement que possible. Il n’existe pas d’algorithme standard pour la surveillance du cancer de l’ovaire après un traitement adjuvant (1). Barnhill et al. (2) ont conduit une étude auprès des gynécologues et ont répertorié une variété de schémas de surveillance de patients après un traite-
550 Les cancers ovariens
ment adjuvant. Ils ont conclu à l’absence de consensus concernant la stratégie de surveillance. Le CA125 est une glycoprotéine qui est exprimée par les tissus adultes d’origine épithéliale cœlomique. Plus de 80 % des carcinomes ovariens non-mucineux expriment le CA125 et les taux sériques sont élevés. Par contre, les carcinomes ovariens mucineux, les tumeurs germinales et les tumeurs stromales ne sont pas associés a des taux élevés de CA 125 ; dans les tumeurs mucineuses, c'est le CA 19-9 qui est le plus souvent élevé. Le dosage des taux sériques de CA125 a été approuvé par la FDA dans le suivi des traitements. Cependant, le dosage du CA125 n’est pas un bon test de dépistage puisqu’il est élevé dans une multitude de pathologies, y compris de pathologies bénignes comme l’endométriose et le léiomyome. En l’absence de signe d’appel, la surveillance repose sur l’examen clinique standard. Il n’existe pas de consensus sur la nécessité et la fréquence du dosage du CA125 sérique en cours de surveillance étant donné l’absence de traitement curatif lors des rechutes. Examen tomodensitométrique et échographie ne sont indiqués que pour les cas ou la biologie n’est pas fiable. La surveillance par résonance magnétique n’est pas recommandée à ce stade de la maladie. Il n’y a pas de données permettant de définir le rythme de surveillance. En cas de réaugmentation du CA125 après normalisation, il est recommandé de réaliser un second dosage après deux ou trois semaines afin de confirmer l’augmentation et calculer le temps de doublement ou la pente de progression (accord d’experts). En cas de suspicion de récidive sur la présence de signes cliniques et/ou d’une élévation confirmée des marqueurs tumoraux sériques, le premier examen à réaliser est la tomodensitométrie abdominopelvienne, puis, en cas de négativité, l’échographie abdomino-pelvienne. L’immunoscintigraphie n’est indiquée que si ces deux premiers examens sont négatifs (3) (niveau de preuve B). Dans le cas d’un protocole d’essai thérapeutique, examen tomodensitométrique et échographie abdomino-pelvienne peuvent être inclus pour diagnostiquer plus précocement les récidives et permettre l’évaluation (accord d’experts). De nouvelles données concernant l’utilisation du PET-Scan dans la surveillance après un traitement adjuvant sont en cours d’évaluation. Le seul inconvénient est l’impact sur le coût de la santé (4).
Références 1. Markman M (1994) Follow-up of the asymptomatic patient with ovarian cancer. Gynecol Oncol 55: S134-S137 2. Barnhill D, O'Connor D, Farley J et al. (1992) Clinical surveillance of gynecologic cancer patients. Gynecol Oncol 46: 275-80 3. Powell MC, Perkins AC, Pimm MV (1987) Diagnostic imaging of gynaecological tumors using monoclonal antibody 791T/36. Am J Obstet Gynecol 157: 28-34 4. Tammela J, Lele S (2004) New modalities in detection of recurrent ovarian cancer. Curr Opin Obstet Gynecol. 2004 Feb; 16 (1): 5-9