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French Pages [308] Year 1985
IL ALLAIT,
PAREIL
À LA
NUIT
FRANÇOISE
LÉTOUBLON
IL ALLAIT, PAREIL À LA NUIT Les verbes de mouvement
en grec :
supplétisme et aspect verbal
Publié avec le concours du Centre national de la Recherche scientifique
1985 KLINCKSIECK PARIS
à EMILE
BENVENISTE et
PIERRE
CHANTRAINE
Je remercie de l’aide qu'ils m'ont apportée par leurs remarques et leurs conseils les membres de mon jury de thèse, MM. Casevitz, Ducrot, Monteil,
Pouilloux et Taillardat. Je remercie particulièrement Monsieur Jean Irigoin qui a accepté de prendre la direction de mon travail quand Pierre Chantraine, qui se savait malade, a demandé
à en être déchargé. Tous m'ont aidée constamment
jusqu'à la soutenance le 18 juin 1981, et m'ont encouragée depuis à mener à bien la publication de ce livre. J'ai trouvé dans les Sessions de linguistique et de Littérature d'Aussois la «conversation» et l'échange amical nécessaires pour faire sortir ce type de recherche de l'érudition personnelle: j'en remercie particulièrement A.M. Chanet, G. Devallet et J. Lallot. A l'Institut Courby de Lyon et à la Maison
de l'Orient Méditerranéen Classique, j'ai toujours tence, aussi bien à la Bibliothèque qu'au Secrétariat. et Michel Casevitz ont bien voulu assurer le travail soient remerciés, sans que les fautes qui restent
rencontré chaleur et compéEnfin, Renée Flore-Thébaut ingrat de relecture : qu'ils en leur soient attribuées.
J'ai eu la chance d'être Attachée puis Chargée de Recherche au C.N.R.S.
pour l'essentiel de ce travail. Je souhaite que beaucoup
d'autres chercheurs
puissent comme moi mettre à profit une situation privilégiée qui devrait rester essentiellement temporaire afin de rester transmissible.
Eh bien, dans notre pays à nous, répondit Alice, encore un peu haletante, si l'on courait très vite pendant longtemps, comme nous venons de le faire, on arrivait généralement quelque part, ailleurs. Un pays bien lent! dit la Reine. Tandis qu'ici, voyez-vous bien, il faut courir de toute la vitesse de ses jambes pour simplement rester là oà l'on est. Si l'on veut aller quelque part, ailleurs, il faut alors courir au moins deux fois plus vite que ça! Lewis CARROLL.
Las!
le temps non, mais nous nous en allons. Pierre de RoNSARD.
PRÉFACE
En français, je vais et j'irai sont respectivement les formes de 1" personne du
singulier du verbe aller au présent et au futur. En anglais, le prétérit de to go est I went.
Ainsi,
dans
les deux
langues,
ces deux
verbes
de mouvement
ont
une
conjugaison bátie sur des radicaux différents, porteurs du méme sens dans le système où ils sont associés. Ce phénomène, qu'on dénomme supplétisme verbal, se rencontre aussi en grec ancien : en attique classique, le verbe ἔρχομαι « aller » a pour futur εἶμι et pour aoriste ἦλθον. Véritable fossile en grec, le supplétisme verbal remonte à un temps oà la conjugaison telle que la présentent les grammaires n'est pas encore constituée : chaque thème verbal est indépendant des autres et peut donc étre formé sur un radical particulier, mieux adapté, par sa
nuance sémantique, à l'aspect verbal correspondant. Dans la langue homérique, antérieure de quelques siécles à l'attique classique, le supplétisme verbal joue un rôle plus important et le joue avec plus de souplesse. Madame Françoise Létoublon, sur une suggestion de Pierre Chantraine, a entrepris d'en étudier la nature à l'intérieur d'un champ lexical limité, celui des verbes de mouvement, et
dans une perspective synchronique, celle de la jangue homerique. 1981
Son travail, présenté comme thèse de doctorat d’État, a été soutenu le 18 juin devant l’Université de Paris-Sorbonne. Le jury a été unanime pour en
souhaiter la publication, mais, compte tenu des difficultés d'impression, l’auteur a dà condenser sa rédaction et renoncer aux pièces justificatives, utiles mais encombrantes. La táche était délicate, parfois cruelle ; elle a été menée à bien de
la maniére la plus heureuse. Le titre donné au livre, «Il allait, pareil à la nuit... », par sa double référence
à un verbe de mouvement et à Homere (c'est la traduction du second hémistiche
du vers A 47 de l'Iliade), annonce le sujet traité, que précise le sous-titre. Madame Létoublon a un goût certain pour les formules qui piquent la curiosité du lecteur, comme on le verra par la suite, mais jamais elle ne trompe son attente. Plus que sur les résultats, je voudrais insister ici sur la méthode mise en œuvre qui combine avec bonheur les techniques de la philologie et celles de la linguistique. Le relevé de tous les exemples, la description de tous les emplois attestés, la détermination du sens à partir de l'ensemble des emplois —
l'emploi qui refléte le parce qu'objectif, sur n'est rien sans l'autre. (p. 10) : « Autant que
c'est
sens —, voilà le soubassement philologique, solide et sür lequel pourra s'édifier l'explication linguistique : celle-ci Madame Létoublón le dit fort bien dans son introduction possible, on s'efforcera de ne pas méler la description et
6
PRÉFACE
l'explication, afin de distinguer la réalité linguistique, constatable et vérifiable par tous, de ce qui n'est qu'hypothétique, que l'hypothése soit de nous ou reprise à d'autres : méme s'il s'agit d'explications raisonnables, ou trés vraisemblables, on ne peut les assimiler à des vérités scientifiques. Il est parfois tres difficile de distinguer entre un fait objectif et une explication à laquelle on est si habitué qu'elle paraît évidente.» Partant des faits et se refusant à tout dogmatisme, Madame Létoublon, qui connait fort bien les développements récents de la linguistique, pratique l'éclectisme grammatical : « Certains types de solutions sont
mieux adaptés que d'autres à certains types de problèmes spécifiques : le traitement de tout un champ lexical fait donc surgir des problémes divers, qui appellent des types de solution différents» (p. 12). Aussi, n'écartant a priori aucune méthode, elle propose des explications qui relévent tantót de la grammaire générative et transformationnelle,
tantôt de la théorie de l'énonciation
et de la
présupposition, et elle n'hésite pas, au besoin, à faire appel au calcul statistique ou
à l'analyse numérique. Mais jamais, quel que soit le moyen ou l'outil utilisé, elle n'oublie que ces explications restent du domaine de l'hypothèse, si vraisemblables qu'elles paraissent, et que seul un faisceau convergent d'indices formels peut en garantir
la véracité,
sinon
en
prouver
la vérité.
Sans chercher à résumer le livre, füt-ce en reproduisant les conclusions, je me
contenterai d'appeler l'attention du lecteur sur certains points qui me paraissent particulièrement neufs ou significatifs. En intitulant « Allées et venues» la premiére partie de son ouvrage, Madame Létoublon montre d'emblée l'importance
qu'elle
attache
à la direction
du
mouvement.
homériques, elle met en évidence que les divers constituer ce qui est, pour nous, la conjugaison forment deux groupes qui s'opposent par leur grammairiens grecs pour exprimer l'orientation du de référence de l'énoncé.
Certains thémes
A
partir des
exemples
thémes verbaux utilisés pour supplétive du verbe «aller », deixis, terme emprunté aux mouvement par rapport au lieu
sont «centrifuges », comme
le verbe
français partir ; d'autres sont «centripétes », comme venir ; dans d'autres, enfin, l'opposition est neutralisée. Madame Létoublon est ainsi amenée à restituer chez
Homère une double conjugaison supplétive : la première, centripète, est complète avec la série ἔρχομαι, ἐλεύσομαι, ἦλϑον, εἰλήλουθα ; la seconde, centrifuge, comporte un présent modalisé εἶμι (qui deviendra en attique le futur) et fait appel
à divers artifices pour les autres thèmes temporels : utilisation de la racine *weipour le futur εἴσομαι, neutralisation de l'orientation centripéte de ἦλθον à l'aoriste, affectation au parfait du présent d'état οἴχομαι. Ce bref résumé ne peut laisser transparaitre ni la finesse des analyses ni la rigueur des démonstrations. Il
faudrait aussi souligner
la maniére
judicieuse
dont
Madame
Létoublon
intervenir la diachronie dans cette étude synchronique, notamment à
fait
travers la
notion d'états de langue successifs qui ont laissé leurs traces, comme autant de strates, sous la forme de faits devenus aberrants dans les états ultérieurs. La «nébuleuse » qui donne son titre à la seconde partie est constituée, autour
du paradigme supplétif avec sa double deixis, par un groupe de verbes de mouvement qui ont un sens spécifique encore sensible chez Homére, comme Qaí(vo «faire un pas, faire des pas, marcher », χωρέω «faire place à», ou στείχω «marcher droit, en ligne », mais tendent, au cours de l'évolution de la langue, à
devenir des verbes de sens neutre, «aller». La représentation figurée que Madame Létoublon propose de ce phénomène (p. 223) est très claire ; une autre
PRÉFACE
comparaison
7
serait peut-être plus exacte : en raison d'une force d'attraction
(tendance vers le sens neutre) supérieure à la force d'inertie (persistance dans leur
propre sens), le sort des verbes qui gravitent autour du verbe « aller » est celui de ces satellites artificiels qui finissent par retomber dans l’atmosphère terrestre, rejoignant ainsi l'astre autour duquel ils tournaient et avec lequel ils arrivent à se confondre. « Comme cette eau courante... », telle est la formule qui annonce la troisiéme
partie du livre, la plus courte, mais aussi la plus prometteuse par les perspectives qu'ouvre cet essai de généralisation. D'abord par l'extension au verbe «courir » et à son paradigme supplétif des principales conclusions auxquelles avait mené l'étude
du
verbe
«aller»,
et par
la démonstration,
déjà
présentée,
avec
la
collaboration de Ch. de Lamberterie, dans un article de 1980, que le sens primitif de τρέχω
est «tourner»
(avec τροχός
«la roue»)
et non
«courir».
Puis par
l'analyse des emplois métaphoriques des verbes de mouvement appliqués au déroulement du temps — la relation espace-temps a toutes chances d'étre un universal linguistique — et à d'autres domaines oü la notion d'espace est sous-jacente ; par l'étude des emplois opérateurs de ces verbes, comme en francais devenir à côté de venir ; par celle de leur usage comme auxiliaires — dernier terme d'un processus d'abstraction — sur lequel Madame Létoublon a publié récemment dans la revue Glotta deux articles relatifs l'un au grec, l'autre au latin. Enfin et
surtout, à propos du probléme si difficile de l'aspect verbal, le chapitre final apporte des observations et des remarques qui, à elles seules, justifieraient, s'il en
était besoin, l'utilité de la longue enquéte qui a précédé la rédaction du livre : en introduisant la notion de « révélateur aspectuel », terme forgé par elle à l'imitation
de la chimie, Madame Létoublon dispose d'un instrument avec lequel elle décèle et distingue, dans le paradigme supplétif, les oppositions aspectuelles d'ordre grammatical qui s'entremélent aux oppositions d'ordre sémantique entre les racines ; ainsi, loin d’être embarrassée devant le nœud de relations que recouvre le terme d'aspect et sans céder à la tentation de le trancher, elle en dénoue
patiemment les fils avec cet instrument de son invention. Si j'ai insisté sur l'intérét linguistique du livre, il ne faudrait pas en déduire qu'il est réservé aux grammairiens. Quantité d'observations et de remarques, dont certaines sont
capitales,
doivent
étre appréciées
par ceux
des hellénistes qui
«connaissent mieux la langue classique qu'Homeére, et (...) s'imaginent que la prolifération lexicale chez Homère est un trait poétique, alors que l'examen attentif des emplois montre que les mots de ia langue archaïque ont un sens, et
sont rarement choisis pour des raisons purement métriques» (p. 232). Sur un sujet complexe, mais limité et qu'on pouvait croire déjà bien connu, Madame
Létoublon,
gráce à une méthode
rigoureuse, à une information trés
large, en toute absence de dogmatisme et avec ce regard neuf qui décape les prétendues évidences et découvre des relations restées inaperçues, a su écrire un livre qui, pour la langue homérique
et les développements
ultérieurs du grec,
éclaire et organise des faits jusqu'alors obscurs ou disparates, et offre de plus l'avantage d'ouvrir, pour d'autres langues et pour la linguistique générale, de nouvelles voies de recherche. L'ouvrage mérite d'étre lu et médité par beaucoup :
il ne décevra pas. Jean
IRIGOIN
INTRODUCTION
Le point de départ de cette étude est un problème grammatical et morphologique, celui de l'existence en grec de paradigmes supplétifs, en particulier pour le verbe «aller» : pourquoi εἶμι et ἦλθον ne sont-ils pas formés sur la méme racine verbale ? L'existence d'un paradigme supplétif pour ce lexème est-elle à rapprocher de celle d'autres paradigmes supplétifs en grec (φέρω —
ἤνεγκον, ἔδω ou ἐσϑίω --- Epayov...)? Si, comme la structure des paradigmes sanskrit et latin le laisse supposer,
l'état grec supplétif reflète, sinon un état
supplétif en indo-européen, du moins une ancienne indépendance des divers thèmes verbaux, quelles conclusions peut-on en tirer sur la notion de mouvement en indo-européen ? Le paradigme des verbes «aller» est supplétif en français (aller, vais et irai
appartiennent
à trois radicaux
différents; à l'intérieur méme
l'indicatif, le supplétisme entre singulier va- et pluriel exemple) comme en anglais (to go,1 went) : comme directement un état antérieur, puisque les paradigmes radicaux frangais semblent avoir existé pour les trois
respectivement ambuläre,
du présent de
all-/v- semble sans autre cet état ne prolonge pas correspondants aux trois verbes latins (à l'infinitif
uadere et ïre),il doit y avoir dans le sémantisme de
« aller » quelque chose qui empéche la régularisation grammaticale du paradigme :
tout se passe comme si cette notion était si rétive à une «conjugaison » réguliére sur un radical unique que le frangais, ayant à sa disposition plusieurs verbes latins conjugués ou au moins conjugables, aurait retrouvé l'ancien supplétisme antérieur au latin en amalgamant ces verbes en un méme paradigme.
1.
BUTS
ET
MÉTHODES
1.1. Description Le premier but de cette étude sera de décrire la langue grecque dans un état donné, en essayant de mettre en évidence les paradigmes verbaux, supplétifs ou non, et les problèmes qu'ils peuvent poser. Descriptif et synchronique, ce travail a
pour matériau
privilégié la langue homérique,
considérée comme
le premier
corpus suffisamment abondant et cohérent attesté en grec, puisque les inventaires mycéniens contiennent très peu de verbes. La description portera éventuellement
10
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
sur d'autres états de langues, comme la langue classique, mais seulement dans la
mesure où cela apporte des éléments intéressants. Nos relevés portaient en fait sur des corpus beaucoup plus importants qu'il n'apparaîtra peut-être : outre l’Iliade, l'Odyssée et les Hymnes homériques, on a relevé tous les exemples d'Hérodote, de Thucydide, des tragiques et d'Aristophane. Pour la poésie, d'Homére à la période alexandrine, comme pour Démosthène, on s'est servi des Index. Les exemples des Inscriptiones Graecae ont
aussi été relevés au cours d'une lecture systématique. Pour les autres auteurs, ou les périodes tardives, et pour les inscriptions non publiées dans les /.G., on s'est reporté aux exemples qui paraissaient présenter quelque intérét à partir des indications des dictionnaires ou de la bibliographie. Tous ces exemples ont été classés de diverses manières ; la plupart des tableaux qui ont été établis n'ont pas donné de résultats intéressants : on ne retiendra ici que les faits qui ont quelque valeur, soit pour expliquer un état de langue ou une évolution linguistique, soit, si l'on ne voit pas d'explication satisfaisante, pour mettre en évidence un probléme.
1.2 Explication Dans certains cas, il est possible d'expliquer l'état de langue décrit, soit par
des faits synchroniques (rapprochements avec d'autres faits à l'intérieur du méme état de langue) soit par la linguistique générale, soit par l'histoire des mots, en grec méme ou en indo-européen, quand se présentent des rapprochements avec
d'autres langues que le grec. La reconstruction n'est pas notre but, qui est l'étude de la langue grecque elle-méme,
avec un parti-pris synchronique : mais les rapprochements
hors du
grec ont toujours de l'intérét, et peut-étre d'autant plus que l'étude en grec méme permet souvent d'écarter des fausses pistes, où les comparatistes se sont égarés par
des rapprochements hátifs : ainsi pour le rapport entre τρέχω et τροχός en grec, qui a des conséquences pour l'analyse des noms de la «roue» en i.e. (voir Létoublon-de-Lamberterie, 1980). Plus généralement, la comparaison permet de
supposer que le verbe «aller» était déjà supplétif en indo-européen, ou qu'il y avait déjà plusieurs verbes, différemment défectifs, sans qu'ils fussent liés par des relations de complémentarité paradigmatique évidentes. Pour une vue générale de
l'indo-européen et des problémes de la reconstruction, on renverra à J. Haudry, L'indo-européen, Paris, 1979, avec la bibliographie. Autant
que
possible,
on
s'efforcera
de
ne
pas
méler
la description
et
l'explication, afin'de distinguer la réalité linguistique, constatable et vérifiable par tous, de ce qui n'est qu'hypothétique, que l'hypothèse soit de nous ou reprise à d'autres : méme s'il s'agit d'explications raisonnables, ou très vraisemblables, on ne peut les assimiler à des vérités scientifiques. Il est parfois tres difficile de distinguer entre un fait objectif et une explication à laquelle on est si habitué
qu'elle parait évidente. 1.3. Méthodes : empirisme et formalisme Comment
déterminer
le paradigme
d'un verbe?
Si «le sens d'une forme
linguistique se définit par la totalité de ses emplois, par leur distribution et par les types de liaisons qui en résultent »!, on peut considérer inversement que des
INTRODUCTION
11
emplois, une distribution et des types de liaisons syntagmatiques identiques entre deux thèmes verbaux différents, e.g. entre un présent et un aoriste tous deux
défectifs, attestent un même «sens», ou plutôt garantissent que ces deux thèmes appartiennent au même paradigme verbal?, et sont en distribution complémen-
taire. Comme
Benveniste ou Lyons?, pour limiter la bibliographie, nous pensons
que l'emploi reflète le sens, et qu'une opposition d'emploi implique une opposition sémantique ; aussi les hypothèses sémantiques ne pourront-elles venir qu'aprés
une étude formelle aussi compléte et aussi rigoureuse que possible du point de vue philologique. L'étude formelle des emplois consistera en des relevés complets des divers types syntagmatiques que l'on essaiera ensuite de mettre en relation d'un théme à l'autre pour vérifier ou infirmer des relations paradigmatiques, ou d'un verbe à l'autre pour appuyer des hypothèses sur leur analogie ou leur opposition sémantiques‘. Nous n'avons guère trouvé d'exemples de ce type de travail, d'enquéte systématique sur les constructions verbales du grec : voulant traiter toute la syntaxe du verbe dans les langues indo-européennes, Simenschy (1949) reste beaucoup trop général; d'ailleurs, malgré les auteurs qui en ont rendu compte, son ouvrage ne semble guére avoir rencontré d'écho. C'est dans des
études linguistiques sur le frangais que nous avons trouvé l'exemple d'une recherche systématique sur les constructions verbales, chez M. Gross et les chercheurs du Laboratoire d'Automatique Documentaire et Linguistique (Gross, 1968, 1975 ; Boons-Guillet-Leclére,
du travail du LADL
1976 a et b). Evidemment,
toute adaptation
au grec ancien rencontre d'abord l'obstacle, dont nous ne
négligeons pas l'importance, d'une langue « morte » : les constructions verbales du français sont jugées par le critère de l’acceptabilité * que l'on ne peut utiliser en grec. Mais l'abondance du corpus homérique, et de certains textes (comme Hérodote ou Thucydide) pour des états de langue ultérieurs, nous permet de considérer l'ensemble des constructions relevées pour un verbe donné comme un bon échantillon de constructions acceptables pour un locuteur de langue grecque : en d'autres termes, on pourrait dire que l'on considére un corpus donné comme
un
ensemble
de réalisations
générative) attestant de Quels seront donc Nous avons procédé ici les emplois des verbes tableaux, d'aprés tous
(angl. performance
dans
la terminologie
la compétence de l'inaccessible locuteur du grec ancien 7. les critéres formels définissant l'emploi d'un verbe grec? de maniére purement empirique : aprés avoir relevé tous étudiés, nous avons essayé de les classer dans divers les critéres que nous pouvions imaginer; nous n'avons
retenu que les tableaux qui nous paraissaient donner des résultats : selon les cas,
on verra apparaitre des critéres d'emploi incohérence de méthode, mais cela s'explique qui ont donné un résultat intéressant dans un les tableaux correspondants ont été éliminés :
différents : il ne s'agit pas d'une par ie fait que des critéres d'emploi cas ne donnent rien ailleurs, et que en termes linguistiques, on peut dire
qu'un critére d'opposition pertinent dans un cas est non-pertinent ou neutralisé
dans un autre. Les critéres utilisés le plus souvent seront, on le verra, la nature du sujet verbal,
celle
de
l'objet
(dans
les deux
cas,
animé/inanimé,
humains/animaux,
inanimé concret/inanimé abstrait, dénombrable/non dénombrable etc.). Nous savons que ces catégories sont les nótres, et qu'elles ne correspondent pas nécessairement — en particulier pour animé/inanimé et concret/abstrait — à celles
12
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
de notre « portrait-robot » du locuteur grec ancien, a fortiori du grec homérique : ce sont des moyens commodes de diviser en groupes homogènes de classes d'emploi avec méme sujet/même objet des ensembles numériquement beaucoup trop importants pour notre capacité de mémorisation ; ces critéres retenus à partir d'une recherche empirique rejoignent souvent ce que la grammaire générative et
transformationnelle appelle à la suite de N. Chomsky regles de sous-catégorisation
contextuelles?. Les locutions idiomatiques auront une importance particulière dans ces critéres formels : méme quand elles ne sont plus analysées comme telles dans l'état de langue où elles sont attestées, elles témoignent souvent de particularités sémantiques
essentielles, et qui restent encore
vivantes quand
la locution est
figée ?. Surtout, on attachera une importance capitale à la convergence des indices formels : quand une hypothèse parait raisonnable et vraisemblable, si elle ne peut
pas étre prouvée scientifiquement comme le sont les hypothéses des sciences exactes, l'accumulation d'indices convergents peut servir de preuve. 1.4 L'éclectisme grammatical
L'empirisme de la méthode, et l'utilisation de critères d'emploi tirés des faits eux-mémes aménent à utiliser, dans l'explication, des théories grammaticales et linguistiques diverses, parfois opposées : nous pensons que cet éclectisme est
imposé par la nature complexe du langage : chaque fait de langue est en réalité un nœud de relations, qui requiert dans chaque système théorique une explication différente.
Comme
les théories nouvelles naissent, en général,
de la difficulté des
théories antérieures à rendre compte d'un probléme ou d'un exemple particulier, il va de soi que certains types de solutions sont mieux adaptés que d'autres à certains types de problémes spécifiques : le traitement de tout un champ lexical fait donc surgir des problémes divers, qui appellent des types de solutions différents.
Ainsi,
la
théorie
de
l'énonciation
sera
ici
juxtaposée
à certaines
explications de type fonctionnel ou transformationnel, à des éléments de calcul statistique ou de critique verbale : aucune méthode ne sera écartée a priori. On utilisera
parfois
des
méthodes
empruntées
à
la
grammaire
générative
et
transformationnelle, d'autres fois on s'appuiera sur la théorie de l'énonciation et
de la présupposition, continuant la philosophie anglaise du langage et les hypotheses de Benveniste sur le performatif et sur le délocutif. On cherchera quand c'est possible à garantir une hypothèse linguistique par un calcul statistique, ou au moins une analyse numérique. L'apport de l'archéologie pour la connaissance des realia, celui des études littéraires et philologiques enfin, sont essentiels. 1.5. Les faits inexplicables Si notre but est d'abord descriptif, il se peut que nous rencontrions des faits pour nous inexplicables : ce serait presque une justification, à la fois de la valeur de la description (il faut décrire de maniére assez précise et exacte pour fournir des faits tels qu'ils résistent aux explications et théories existantes, obligeant à les
INTRODUCTION
13
corriger et affiner), et de l'éclectisme (puisqu'une théorie nouvelle peut toujours dans l'avenir en fournir une explication, en restant compatible avec le reste de
l'étude). 2.
Divers
ASPECTS
2.1. Synchronie
DU
SUJET
et diachronie
L'étude des verbes de mouvement en grec (comme dans une autre langue) peut se concevoir de diverses maniéres : en principe, on peut soit se borner à une synchronie donnée, soit essayer de voir l'évolution des paradigmes dans l'histoire
de la langue. En fait, aucune des deux perspectives n'est réalisable : on ne peut pas procéder de maniére purement diachronique parce qu'on ne peut pas parler d'un point de départ, d'une évolution et d'un point d'arrivée sans avoir à l'esprit des états de langue précis. Le point de vue synchronique pur n'est pas davantage
tenable : si les langues sont des systémes vivants, en évolution, cela implique nécessairement que chaque état de langue est un équilibre instable entre l'état précédent et l'état ultérieur; cette condition d'instabilité, qui existe dans les langues naturelles est encore plus forte dans la langue homérique, dont on a assez dit le caractère «composite» et «artificiel»!!. La conscience de ces difficultés ne doit pas empécher d'entreprendre une étude a priori synchronique de la langue d'Homere : considérant l'ensemble des attestations des verbes de mouvement comme
un tout, en principe homogène, on
essaiera d'y distinguer des oppositions linguistiques; ce n'est qu'ensuite, avec
l'aide de la méthode philologique, qu'on peut analyser certains faits linguistiquement aberrants comme des indices de couches historiques ou dialectales différentes, témoignant de l'hétérogénéité diachronique et géographique du
corpus 12, 2.2. Faits réguliers et faits aberrants Un
tel éventail permet
linguistiques,
et que
d'espérer que l'on relévera un maximum
l’on connaîtra
donc
les régularités
de faits
de la langue,
puis
expliquera les faits aberrants en les rapportant à la norme : si un fait statistiquement prépondérant révèle l'usage vivant dans un état de langue donné,
l'exception s'explique en général comme un point de résistance de l'usage ancien au nivellement analogique ; l’archaïsme linguistique appelle naturellement une explication historique, mais il faut parfois aussi le justifier synchroniquement !*. Les locutions idiomatiques (cf. ci-dessus, 1.3), souvent syntaxiquement aberrantes
par
rapport
aux
autres
emplois
du
mot
—
emplois
«libres»
ou
« vivants» — sont parmi les faits aberrants les plus intéressants, parce qu'elles révélent des particularités sémantiques. 3.
LES
DIVERSES
DÉFINITIONS
DES
VERBES
«ALLER »
Partant de la constatation de l'existence en grec d'un paradigme supplétif pour le verbe «aller», on se propose d'étudier l'ensemble du champ lexical de
14
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
«aller » et des notions voisines en grec ancien. On pourrait se contenter de donner
la liste des verbes qui seront étudiés, puisque la justification de cette liste viendra, après coup, des relations grammaticales et sémantiques qui auront été analysées. Mais une tentative de définition sémantique et syntaxique nous permettra de nous situer dans un cadre théorique — au sens large : l’éclectisme a été « justifié » ci-dessus, 1.4 — auquel on pourra renvoyer par la suite. 3.1. Définition sémantique Par «verbes
de mouvement»
ou «verbes
sémantiquement
apparentés
au
verbe aller», on entend ici les verbes référant à un mouvement autonome du sujet,
avec déplacement : ces verbes s'opposent donc à la fois à ceux qui font référence à une position statique (être debout/couché/assis etc.), à ceux qui renvoient à un mouvement
sur place,
tourner
toucher!)
ou
sémantique,
du
mouvement
avec
type
sans déplacement
—
dans
ces
cas,
—
et aux
antonymique!®
déplacement
non
(comme
deux du
sujet,
se lever,
se dresser,
l'opposition
verbes
mais
de
qui
paraît
s'asseoir,
purement
renvoient
l'objet,
qui
n'est
à un pas
« autonome» : ce type d'opposition est non seulement sémantique, mais aussi syntaxique ; pour reprendre les termes de Tesniére, il s'agit syntaxiquement de l'addition d'un actant (cf. ci-dessus, 3.2, p. 15). Dans certaines langues, comme le sanskrit, cette relation est grammaticalisée, et il existe des paradigmes dérivés à valeur factitive; dans d'autres, comme le frangais, la relation est lexicalisée (allerimener : on parlera alors de factitifs lexicaux!"), ou exprimée par un auxiliaire, fr. faire, all. lassen, angl. to let. Le grec a un systéme mixte, avec des factitifs grammaticaux dont la valeur n'est ni trés nette ni systématisée !? et des factitifs lexicaux (type ἄγω, φέρω /, ἔρχομαι), alors que dans le systéme ancien, il
employait à cet effet les oppositions de diathèse (ἴσταμαι, intransitif moyen/totqut actif factitif). Ces distinctions peuvent avoir un intérét pour les verbes étudiés ici,
puisque certains ont un factitif grammatical ou lexical et des emplois spécialisés !? qui permettent de définir leur sens spécifique et de les opposer sémantiquement aux verbes voisins, d'autres verbes ayant d'autres factitifs et d'autres emplois spécialisés qui manifestent aussi des oppositions sémantiques importantes*,
En grec, il est impossible d'étudier le verbe «aller» en le limitant au paradigme donné par les grammaires et dictionnaires «(εἶμιἔρχομαι-ἐλεύσομαι-ἠλϑον-ἐλήλυϑα), puisqu'on ne peut être sûr a priori que ce paradigme existait comme tel dans l'état le plus ancien où il semble attesté en grec, chez Homere?!. Il faut donc partir de l'ensemble des verbes répondant à la définition sémantique la plus large, pour voir d'abord ceux d'entre eux qui forment le systéme supplétif homérique, puis les autres systémes historiquement
attestés pour telle ou telle synchronie donnée, afin de définir ensuite en quoi les autres verbes se différencient dans ce systéme et quel est leur statut, les oppositions syntaxiques et lexicales révélant des oppositions sémantiques. 3.2. Définition syntaxique
3.2.1. Des verbes à un seul actant, à une place, sans complément direct à leur droite Dans la théorie de L. Tesnière (théorie «actancielle » ou « valencielle »), le
verbe de mouvement a dans les langues modernes héritées de l'indo-européen, et
INTRODUCTION
15
déjà en grec et en latin, un seul actant, ou une « valence 1». La terminologie de Lyons, qui parle de verbes à une place, à deux places (sujet-complément) et à trois places (factitifs : sujet agentif, sujet du verbe simple sous-jacent représenté par un complément indirect dans la structure à trois places, objet)? n'est pas
fondamentalement différente. Dans une théorie plus formaliste encore, faisant abstraction plus rigoureusement des critéres sémantiques implicites dans le terme « actant », on peut dire pour le frangais que les verbes de mouvement admettent un «contexte gauche » (Max vient : N, Humain V,) et à «droite» seulement des compléments du type à N;, vers N;, en Ν), avec N; : Luc va Paris en train) ?, ou,
pour le grec ancien, que le complément à l'accusatif est obligatoirement prépositionnel ; la grammaire traditionnelle disait que ce sont des verbes intransitifs : partageant les doutes de M. Gross sur la rigueur de la notion sémantique de transitivité ?*, nous nous efforcerons d'employer ces termes dans un sens formel, sans support sémantique, et pour éviter de trop longues périphrases.
On parlera d'ailleurs plutót de constructions transitives ou intransitives, entendant par là des structures syntaxiques du type N, V N, : construction transitive/N, V (dlvers/pour N,, de N;, en/avec N;...), avec correspondance des tests syntaxiques
suivants À :
construction
transitive
construction
intransitive
QUESTION
que VN,? (que mange|*que V N,? (*que va Pierre?) Pierre?) Où V Ν, En quoi V N,? etc. qui V N, (qui lit ce livre?) Qui V? (qui va là? qui vient?)
PRONOMINALISATION
N. le V (Pierre le lit)
*N,. le V (^ Pierre le va) N.ylenV (Pierre y va/retournelcourt ; il en vient)
PASSIF
N, est V-é par N,
Pas de passif
(il est lu par Pierre)
Ces tests permettent d'éliminer de la classe des constructions transitives des
exemples comme aller son chemin : si les tests de l'interrogation peuvent paraître douteux
pour
certains
locuteurs
du
français,
aucun
n'acceptera
“son
chemin,
Pierre le va, pas plus que *le chemin qui est allé par Pierre. Ces définitions syntaxiques, valables en synchronie pour les langues européennes modernes comme pour le grec et le latin, ne le sont pas pour l'indo-européen : puisque la reconstruction comparative implique la régularité de l'accusatif direct avec les verbes de mouvement (état conservé par le sanskrit, dont
le grec et le latin ne gardent que des vestiges résiduels), c'étaient alors des verbes à deux actants (agent et but ou cible), à deux places, ou de construction transitive.
Selon les grammairiens «localistes », les verbes de mouvement sont méme le modèle des verbes transitifs, et expliquent le développement de l'accusatif comme
cas de l'objet en diachronie*.
16
LES
VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
En grec, la construction intransitive des verbes de mouvement,
certaine dès
l'état de langue homérique 27, signifie bien sûr qu'ils n'admettent qu'une place, soit un nominatif, excluant un accusatif direct. 3.2.2.
L'actant unique des verbes de mouvement
est un «agent»
Malgré les réserves émises ci-dessus sur le contenu sémantique de la notion de transivité, nous croyons qu'aucune théorie des fonctions casuelles, et des fonctions
syntaxiques pour l'anglais, le frangais etc., ne peut faire abstraction du sens : il est probable que les théories qui le prétendraient reposeraient sur des a priori sémantiques implicites. Si l'on admet une superposition — complexe — de la
sémantique et de la syntaxe, les fonctions syntaxiques reflétant à leur manière les « fonctions thématiques » #, on peut dire que le sujet des verbes de mouvement est un agent (animé. et certaines catégories comme les dénominations de véhicules : la voiture va vite, le train part, ou d'objets susceptibles d'un déplacement, autonome ou non, éléments naturels — eau, nuages etc. —, projectiles). On trouve aussi mention de la cible et de la source du mouvement, ou en termes syntaxiques des compléments de direction et d'origine. Cette relation entre syntaxe et sémantique,
intuitivement «évidente », n'est
pas facile à définir plus précisément : si l'on reprend la distinction établie par Chomsky entre règles de sous-catégorisation stricte (indépendantes du contexte) et règles de sous-catégorisation sélectionnelle (qui en dépendent) (cf. n. 8), on pourrait dire que les fonctions thématiques se traduisent dans l'organisation syntaxique des phrases par ces derniéres : par exemple avec ouvrir on a une structure du type N, V N, (à Ni/sur N;) : règles de sous-catégorisation stricte ; mais on peut spécifier chaque place syntaxique en fonction des relations thématiques, ce qui se traduit par des régles de sous-catégorisation sélectionnelle : N, = animé, N, = inanimé concret, à N, : animé [le serviteur ouvre la porte (au visiteur)], sur N; : inanimé [le serviteur ouvre la porte (sur le jardin)], ou, avec la méme structure syntaxique, N, = inanimé abstrait, N, = inanimé abstrait, à N; : animé (la réussite à cet examen ouvre une brillante carriére à Jean). A un autre type
syntaxique
(dit intransitif, cf. ci-dessus,
d'autres regles sélectionnelles : N,
3.2.1)
N,
V (sur Nj),
correspondent
= inanimé concret; N, = inanimé concret (la
porte ouvre sur le jardin) ; au type à verbe « pronominal » correspondent encore d'autres règles selectionnelles N, se V (à N;/sur N,) : N, = inanimé concret, N, = inanimé concret [La porte s'ouvre (sur le jardin)]/N, = inanimé abstrait, N, = animé (Une brillante carrière s'ouvre à Jean)! N, = animé, N, = inanimé abstrait (Jean s'ouvre à de nouvelles théories) : on essaiera d'appliquer ce type d'analyse aux verbes grecs de mouvement, à titre purement descriptif, afin de définir leurs oppositions syntaxiques et sémantiques (le formalisme n'a d'intérét que s'il permet de définir plus rigoureusement ces oppositions). En principe, un verbe de mouvement aura donc pour formule syntaxique N, V (de N, à N;...), avec les règles de sous-catégorisation sélectionnelle suivantes : N, = animé/(inanimé autonome?), N, = inanimé/(animé), N; = inanimé (admettant en français une variante vers ou près de N; : N, = animé ; on a de N, à N; si les deux compléments sont animés)
de Paris à Bordeaux,
: Paul va de Paris à Bordeaux, Le train va
Paul va prés de Marie,
Paul va de Jacques
à Marie.
INTRODUCTION
3.2.3. A
17
Inventaire partir d'une
empirique,
relevé
lecture suivie de l’/liade et de l'Odyssée,
les lexèmes
définition sémantique
verbaux
large donnée
qui
paraissaient
on a, de manière
correspondre
à la
ci-dessus (3.1., p. 14) ; en voici la liste, par
ordre alphabétique : Baívo, βλώσκω, ἔδραμον, εἶμι, εἰλήλουθα, εἰσάμην, εἴσομαι, ἐλεύσομαι, ἔμολον, ἑρπύζω, ἕρπω, ἔρχομαι, ἥκω, ἦλϑον, θέω, ἱκάνω, ἱκόμην, ἵκω, lEov, κίον, νέομαι, νίσομαι, νοστέω, οἴχομαι, στείχω, τρέχω, χωρέω.
On verra que la régularité de son emploi «transitif » met à part le groupe de ἵκω, ἱκάνω, ἱκόμην... ; certaines différences d'emploi entre εἶμι- ἦλθον et βαίνω
amèneront à penser que le paradigme de εἶμι (verbe supplétif) est en grec le « verbe aller au sens strict » (sous-catégorie de ce que nous avons appelé « verbes
aller» ou «verbes de mouvement»). Il faudra encore mettre à part ϑέω, τρέχω, ἔδραμον «courir» (on précisera les rapports entre les thémes et le sens de chacun). Pour le groupe de la racine *nes-, comme pour ἕρπω, ἑρπύζω ou στείχω, on sent qu'il ne s'agit pas de verbes «aller» au méme titre que εἶμι- ἦλθον
impression
doit étre analysée et justifiée par l'étude des emplois.
: cette
Βλώσκω,
ἔμολον, κίω, Extov, εἴσομαι, εἰσάμην, οἴχομαι se rattachent tous, de manière plus ou moins lâche, au paradigme de εἶμι, et seront étudiés ensemble. Quant à ἤκω,
dont il n'est pas sür qu'il soit homérique, il ne sera que mentionné ici : on ne peut étudier son sens et ses emplois que
dans
un état postérieur de la langue.
3.2.4. Syntagmes verbaux avec les verbes « aller » (recherche de critéres syntaxiques des verbes
« aller »)
Dans les langues que nous connaissons, les verbes de mouvement s'ils n'admettent pas en général de complément nominal direct, semblent avoir partout une aptitude particuliére à former des syntagmes, parfois idiomatiques (cf. 1.3), avec d'autres verbes. En frangais, on connait l'importance des syntagmes avec
aller + infinitif, avec deux analyses possibles (verbe de mouvement/auxiliaire 2), venir + infinitif (verbe de mouvement), venir de + infinitif (auxiliaire), aller + participe présent, etc. Dans plusieurs autres langues indo-européennes modernes, les verbes de mouvement servent d'auxiliaires (du progressif en anglais, du passif en
italien,
En
etc.).
grec,
deux
types
de
syntagmes
verbaux
paraissent
particuliérement
importants (à la fois numériquement et qualitativement ; le nombre total des emplois est énorme, et il est encore trés grand relativement au nombre des autres emplois
des
d'Homére
verbes : ces caractères
par
laquelle
ce travail
nous
sont
apparus
ἃ commencé).
Ces
dés
types
la lecture
suivie
syntagmatiques
pourront servir de critères de l'appartenance aux verbes « aller», ou au moins de
l'appartenance aux verbes «aller» au sens strict (groupés autour du paradigme supplétif) :
1) kóvéAOQv + verbe d'action à un mode personnel Ce type syntagmatique existe dés la langue homérique, avec participe aoriste
comme avec participe présentὮ : ILX
184-185...
ἐγὼ δέ κ᾽ ἄγω
| Boonida.. “αὐτὸς
ἰὼν κλισίηνδε,
18
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
ib., 324-325... ἐγὼ δέ κεν αὐτὸς ἕλωμαν ἐλθὼν σὺν πλεόνεσσιν. Il semble correspondre à deux types syntagmatiques différents en français : «aller faire» et «en allant, il fait» : par ces moyens linguistiques différents, le français distingue deux relations qu’il oppose très nettement entre l’action et le
déplacement : relation d'intention avec «aller faire», relation de simple concomitance avec «en allant»; le grec ne distingue pas deux expressions différentes, et l’on peut se demander s’il distingue les deux relations ou non. En fait, notre étude essaiera de montrer qu'en grec aussi existent deux types de relations, intention et simple concomitance, qui ont avec le verbe «aller » au sens
strict (paradigme supplétif) la méme expression, ambigué donc dans certains cas (comme «je vais faire » est ambigu en français dans certaines conditions ?!), alors
que les paradigmes voisins n'ont en général que l'expression de la concomitance (cf. βαίνων + verbe d'action, cf. e.g. II. X, 576 Ec δ' ἀσαμίνϑους βάντες tüEEoxac
λούσαντο) : l'existence du syntagme participe du verbe de mouvement + verbe d'action,
avec relation d'intention vraisemblable entre le mouvement
et l'action,
peut donc étre considérée comme un critére ? syntaxique de l'appartenance d'un
verbe au groupe des verbes «aller». 2) verbe aller + participe futur d'un verbe d'action Ce type de locution exprime une relation, univoque cette fois, d'intention entre le déplacement et l'action. Bien attesté dés la langue homérique avec plusieurs
des
thémes
du
verbe
«aller»,
il peut,
lui aussi,
servir de
critére
de
l'appartenance d'un verbe au groupe des verbes «aller», et, dans le cas d'un paradigme
supplétif,
de
l'appartenance
d'un
théme
verbal
défectif
à
ce
paradigme 5. Après Homère, ce type syntagmatique donne naissance au seul des emplois auxiliaires du verbe «alier» que des critéres rigoureux de l'auxiliarité
permettent d'admettre en grec ancien *. 3) emploi auxiliaire Comme nous le montrons ailleurs ?, Homère n'a pas d'emploi auxiliaire du verbe
«aller»;
auxiliaires
mais
semble
l'aptitude des verbes de mouvement
une
de
leurs
propriétés
essentielles
à devenir des verbes
pour
la linguistique
générale : méme s'il faut sortir de la synchronie homérique pour voir apparaitre
des emplois auxiliaires du verbe «aller», et définir par contraste des emplois simplement « métaphoriques » *, il nous a paru essentiel de pouvoir distinguer dans la langue homérique quels emplois étaient susceptibles de donner naissance à ces emplois auxiliaires (et de donner prise à une interprétation comme emplois auxilidires que nous considérons comme fausse : l'erreur de W. Dietrich est pour nous pleine de sens?"). Nous croyons devoir tenir compte de l'aptitude des verbes de mouvement à
l'auxiliarité, méme
si elle n'est qu'en puissance chez Homère,
d'autant plus qu'elle révéle une opposition entre les deux types de syntagmes 1) et 2) : comme en frangais, le participe du verbe de mouvement est toujours inapte en
grec à l'emploi auxiliaire, (dans allant mourir, allant ne peut guère être interprété comme auxiliaire, mais seulement comme verbe de mouvement) de méme en grec pour le type ἰὼν ἕζετο Ÿ, et seul peut s'y prêter le type avec aller (morphologiquement contraint : participe, passé simple exclu : en grec, aoriste exclu) + inf. fr./part. fut. en grec. L'erreur de W. Dietrich est donc, non pas d'avoir interprété abusivement comme auxiliaires des emplois qui ne le sont pas dans l'état de langue
INTRODUCTION
19
considéré, mais plutôt d’avoir assimilé les différents types de syntagmes verbaux sans distinguer parmi eux ceux qui se prêtent à un emploi auxiliaire — sur la date
d'apparition duquel il est possible de discuter — de ceux qui excluent totalement une telle interprétation.
4.
LE
COMPLÉMENT
ACCUSATIF
On
a
DE
DES
VERBES
DIRECTION
défini
ET
DE
MOUVEMENT
ACCUSATIF
syntaxiquement
les
:
PRÉPOSITIONNEL
verbes
de
mouvement
des
langues
européennes modernes comme des verbes à une place, n'admettant de syntagmes
nominaux directs qu'à gauche, à la place syntaxique de sujet, c'est-à-dire comme des verbes de construction intransitive (ci-dessus, 3.2.1), définition déjà valable pour le grec et pour le latin à condition de remplacer la notion d'ordre syntaxique
par celle de marques casuelles : la construction normale des verbes de mouvement dans ces deux
langues est prépositionnelle.
Mais en indo-européen, la construction normale des verbes de mouvement semble avoir été au contraire l'acusatif direct, dit allatif (accusatif du lieu où l'on va, inanimé, ou de la personne auprés de qui l'on se rend, animé) comme en témoignent le sanskrit? et de nombreux faits résiduels, interprétés comme
survivances archaiques, dans les autres langues indo-européennes (en latin avec les noms de villes et de «petites iles», en grec homérique cf. ci-dessous : la fréquence statistique de ces faits est en grec bien inférieure à ce que l'on laisse généralement supposer). 4.1. Le problème de la reconstruction syntaxique: l’accusatif indo-européen, cas local ou grammatical ?
Certains grammairiens, les «localistes » (représentés surtout dans l’école allemande de grammaire comparée) ont méme soutenu que cette valeur concrète de l'accusatif est sa valeur originelle". Les grammairiens actuels pensent
généralement que tous les accusatifs ne sont pas réductibles à d'anciens allatifs *!, mais on ne peut pas non plus s'en tenir à la conception grammaticaliste de ce cas
représentée par Meillet? : nous pencherions sur ce point pour une position comme celle de 1. Haudry 9, tout en reconnaissant que le grec n'est pas, parmi les langues indo-européennes, celle où la théorie «des deux modèles» se laisse le mieux percevoir et prouver, peut-étre parce que le syncrétisme casuel y est plus
avancé qu'en latin ou en sanskrit : le systéme indo-européen aurait été davantage transformé et remanié en grec, morphologie et syntaxe des cas évoluant en méme temps, dans une interdépendance étroite, comme il est normal. Résumons le système : de nombreux verbes indo-européens ont dû passer d'une construction d'un modèle 1 avec instrumental de l'objet en contact (contact externe : objet tenu, porté, utilisé, appliqué, ou contact interne : partie ou qualité du sujet) et accusatif de l'objet prospectif, visé ou atteint par le procès, à une construction du modèle II, avec accusatif de l'objet en contact et datif, locatif ou construction prépositionnelle pour l'objet prospectif, cf. latin circumdare muro urbem (modele I) circumdare murum urbi (modèle 11). Cette dualité s'explique en diachronie par un glissement de l'ensemble du système (l'instrumental est un cas central dans le systéme primitif, il devient un cas périphérique
20
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
quand le système bascule autour de l'accusatif, qui sert en quelque sorte de pivot, puiqu'il reste permanent, mais en changeant de rôle, et en se rapprochant du verbe), et elle est réinterprétée en diachronie par une «ambiguïté» sémantico-syntaxique des verbes : circumdare urbem muro est compris V. «entourer» + urbem objet grammatical + muro complément de moyen, et opposé à circumdare murum urbi V. «bâtir autour» + murum objet grammatical + urbi datif du «bénéficiaire ». Si l'accusatif du modèle [ s'explique directement comme un ancien allatif (accusatif de direction), celui du modèle II doit être le substitut de l'ancien instrumental d'objet (parfois appelé perlatif) par suite de la mutation de valeur de l'accusatif, et de la mutation sémantique qui en a résulté pour les verbes concernés, op. cit., p. 208 : «Le contraste circumdare urbem murolmurum urbi n'est utilisable que du fait de l'existence de eo Romam, qui permet d'interpréter circumdare urbem comme un rapport directif, ce que ne peut étre circumdare murum. » En indo-iranien, on citera l'exemple des verbes « frapper, heurter, pousser » (op. cit.,
Ρ. 213 à 219), le védique han- et l'avestique gan- ayant les deux modèles de construction :
objet frappant, servant à frapper
objet sur lequel on frappe,
objet asséné
objet frappé
modèle I
modele II
Instrumental
Accusatif
skr.
skr.
véjrena
Accusatif skr. vájram
Pour le grec, l'exemple
modèle I
Vrtrám
Locatif ou syntagme skr. Vriré
le plus clair est celui de βάλλω
Instrumental λίθῳ
(op.
prépositionnel
cit, pp. 172,
174).
Accusatif τινα
«atteindre (blesser) quelqu'un d'une pierre» modèle ΠῚ
Accusatif λίθον
Datif τινι
«jeter une pierre à quelqu'un» 4.2.
L'accusatif grec et l'analyse statistique
En grec comme en latin bien qu'avec des modalités très différentes, l'accusatif de direction n'existe plus qu'à l'état de traces : ainsi, il est en latin strictement limité à des catégories lexicales précises et d'effectif réduit, bien connues parce qu'il s'agit de mots usuels — la fréquence de l'usage expliquant d'ailleurs le maintien de la syntaxe archaique —, et parce que ces particularités lexicales se sont maintenues dans la langue classique *. En grec, si l'on insiste souvent sur la
présence de tels accusatifs à titre de survivance archaique — ou peut-étre déjà archaïsante ? — chez Homère *, il nous semble qu'il faudrait insister en méme temps sur le caractére tout à fait exceptionnel d'une telle syntaxe dans la langue épique pour les verbes «aller», en justifiant cette notion d'« exception » par une
INTRODUCTION
21
étude statistique qui distinguera les différentes paradigmes. On donnera aux notions de « normalité » et d'« exception » un contenu statistique en les rattachant à la notion de fréquence significative (sur les applications de la statistique en linguistique, voir C. Muller, /nitiation à la statistique linguistique}. Paris, 1974, et Initiation aux méthodes de la statistique linguistique. Paris, 1973, et pour le grec,
B. Moreux,
Cas ou tours prépositionnels dans la langue des orateurs attiques.
Etude sur la cohésion des syntagmes verbaux.
Lille, 1978, et «L'iliustration des
méthodes quantitatives en linguistique grecque et latine », AC, 51, 82, 291-338). Comme les tests usuels, te! celui du x;, ne sont valables que pour des échantillons numériques importants, nous appliquerons ici un test spécialement établi pour des
petits nombres en collaboration avec M.H. Raynaud, professeur à l'I.R.M.A. de Grenoble : Considérons une suite d'occurrences d'un méme phénomène syntaxique rencontré dans un corpus linguistique donné (pour nous Homère), et se présentant
sous deux formes différentes que l'on cherche à opposer (ici deux expressions différentes
de
la
direction
du
mouvement,
l'accusatif
direct
et
l'accusatif
prépositionnel) ; la fréquence F, d'une des deux formes sera dite significativement supérieure à la fréquence F;, avec une seuil de probabilité de 0,05 (3 chances sur 100 de se tromper), si ces occurrences peuvent étre assimilées à une suite de tirages aléatoires bernoulliens,
dans les conditions suivantes (critére construit à
l'aide de tables de la loi binomiale) : — pour moins de 7 occurrences relevées, aucun chiffre n'est significatif. — —
pour 7 occurrences, pour 8 occurrences,
il faut 7 observations de la forme ΕἸ. il faut au moins 7 observations de la forme
Εἰ.
— pour 9 occurrences, il faut au moins 8 observations de la forme Εἰ. — - 10 8 — - 1 9 — - 12 10 -- 13 10 -- 14 11 — - 15 12 -- 16 12 — - 17 13 — - 18 13 -- 19 14 — - 20 14 — -—
-
2
-
-
50
-
pour 75 occurrences,
-
17
-
-
-
32
-
-
il faut au moins 46 observations de la forme
—
.
100
-
-
59
-
-
--Ὄ —
-
250 400
-
-
140 216
-
-
Des pourcentages auraient une pour les petits nombres sur lesquels le cadre synchronique d'Homere, et les emplois de thémes différents,
valeur on est si l'on dont
ΕἸ.
pour les grands nombres, mais aucune obligé d’op£rer si l’on veut rester dans ne veut pas ajouter les uns aux autres on ne peut étre sür a priori qu'ils
22
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
appartiennent au même paradigme. Pour garder une présentation unifiée et claire, nous préférons renoncer aux pourcentages, en remarquant toutefois que, plus le nombre d'occurrences est élevé, plus le seuil de signification s'abaisse pour se rapprocher de 50 46 (sur les 100 occurrences, il suffit de 59 observations de F, pour
le déclarer significativement supérieur à F;, alors que sur 7 occurrences, il en faut 7). Une étude statistique de l'accusatif prépositionnel en grec par T. De Mauro
(«Frequenza e funzione dell'accusativo in greco», Rendiconti della Academia nazionale dei Lincei, 1960, série VIII, vol. XV, fasc. 5, 6, 209-230), qui montre la
progression de l'accusatif prépositionnel en diachronie, ne met pas en cause les résultats auxquels nous arrivons, non plus que la méthode utilisée ici. Dans les tableaux ci-dessous, on donnera, en face du nombre total des occurrences de chaque verbe ou thème verbal, ie nombre d’occurrences avec un complément prépositionnel (f, cf. ci-dessus) et le nombre d'occurrences avec l'accusatif direct (f?) ; en se reportant au tableau sur les écarts significatifs de
fréquence statistique (valeur statistique des rapports numériques entre f, et 2) on voit immédiatement si la fréquence de l'accusatif prépositionnel est du point de vue statistique significativement supérieure à celle de l'accusatif direct ou non. ἔρχομαι : sur 117 exemples au total, dont 62 avec indication de direction* ‚on trouve 41 occurrences de l'accusatif prépositionnel (f,) 4 occurrences de l'accusatif direct (f) : on peut dire que f, est de loin significativement supérieur à f;. εἶμι, fra : sur 153 exemples (total), dont 85 avec indication de direction, on trouve : occurrences de l'accusatif prépositionnel, f, Ξ 48 occurrences de l'accusatif direct, fj = 3: f, est largement significativement supérieur à f;. ἱέναι : hors de l'indicatif: sur 289 exemples (total), dont 158 avec indication de direction, on trouve : occurrences de l'accusatif prépositionnel, f, = 94, significativement supérieur à f; = 2. ἦλθον,
ἐλθεῖν : sur 515
exemples
(total), dont
243
avec indication
de direction,
on
trouve : f, — 110, significativement supérieur à f; Ξ 3. ἐλεύσομαι : sur 36 exemples (total), dont 25 avec indication de direction, on trouve : f,
=6
Ces chiffres, bien qu'ils aillent dans notre sens, ne sont pas statistiquement significatifs avec les exigences du test utilisé ici. εἰλήλουθα : sur 32 exemples (total), dont 7 avec indication de direction, on trouve : fi = 5f, = 1 (? exemple douteux) : chiffres non significatifs avec ce test. οἴχομαι “7 : sur 75 exemples (total), dont 35 avec indication de direction, on trouve : f, = 21, significativement supérieur à f; = 1. En dehors du paradigme du verbe « aller » proprement dit *, le verbe Baivw donne des résultats analogues, ce qui confirme l'opposition entre le grec et le sanskrit, puisque dans cette langue les verbes gam- et i- admettent tous deux l'accusatif direct (cf. note 39) : sur 373 exemples (total), dont 194 avec indication de direction, f, — 101, significativement supérieur
à f = 2.
Cette étude statistique confirme donc l'intuition : l'accusatif de direction sans préposition est tout à fait exceptionnel en grec, avec les verbes indiquant un mouvement, un déplacement du sujet ?. L'accusatif de direction avec la particule
lative
-ôe
est relativement
accompagné, et comme
plus
fréquent;
mais
le syntagme
est souvent
explicité ou soutenu par la redondance, d'un syntagme
INTRODUCTION
prépositionnel de sens voisin (cf. Od.X,
23
563 οἶκόνδε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
etc.) ; méme en l'absence de cette redondance, la particule est comprise comme autorisant l'accusatif de direction : elle joue en fait le róle d'une postposition (ou dans d'autres cas d'un morphéme adverbial : οἴκαδε, att. ᾿Αθήναζε) : le rôle syntaxique de la particule, interprétée en synchronie comme substitut d'une préposition, montre donc que la préposition est devenue indispensable en grec, au contraire de l'usage indo-européen ; la syntaxe usuelle, normale, statistiquement prépondérante de loin, des verbes de mouvement en grec, est l'accusatif prépositionnel, cela dès le mycénien semble-t-il5), d'une manière indiscutable dans la langue homérique. Certains verbes souvent assimilés aux verbes «aller»? admettent, chez Homère, une proportion d'emplois de l'accusatif direct bien supérieure à celle qui a été relevée ci-dessus pour le paradigme supplétif et pour βαίνω, au point méme que, dans certains cas, les rapports semblent renversés (ἔχ, nombre d'emplois de l'accusatif
direct,
significativement
supérieur
à
fj,
nombre
des
exemples
de
l'accusatif prépositionnel) ce sont les verbes formés sur le radical ix- 9. Si les oppositions syntaxiques révèlent ou reflètent des oppositions sémantiques (ci-dessus, 1.3, p. 11), on admettra qu'il faut donc mettre les verbes du groupe Ixrigoureusement à part : ils ne font probablement pas partie de la méme classe lexicale que εἶμι-ἦλθον, Baívo etc. chez Homère, et leur complément à l'accusatif direct ne peut pas étre dans la synchronie homérique un «complément de direction».
Si certains
faits d'emploi
rapprochent
(x- des
verbes
«aller»
et
peuvent justifier leur place ici (ci-dessous, p. 151), leur construction usuelle, qui est transitive, implique en grec une notion de contact avec l'objet qui les isole sémantiquement. Outre
l'opposition
occidental, centum,
du type satam,
structurale
essentielle?*
entre
les
langues
du
type
où les verbes «aller » sont devenus intransitifs, et les langues
où ils conservent
la syntaxe
archaïque
de
l'accusatif allatif
parallèlement au développement de l'accusatif d'objet 5, il faut donc insister, à l'intérieur du grec, sur une opposition entre la classe lexicale des verbes de mouvement, qui régit normalement un accusatif prépositionnel, à titre d'archaisme exceptionnel un accusatif direct, et le groupe de (x-, avec lequel l'accusatif direct est encore normal chez Homere : parmi d'autres faits originaux d'emploi, cette particularité syntaxique servira à caractériser sémantiquement ce
groupe . Après Homère, l'accusatif de direction sans préposition semble avoir disparu totalement en prose, mais se retrouve assez fréquemment en poésie (lyrique et tragique) à titre de glossa — souvent avec un substitut du verbe « aller », lui aussi poétique, comme βλώσκω — Euokov‘. La mise en évidence du caractère exceptionnel de cette construction chez Homère implique chez les poètes postérieurs une valeur stylistique beaucoup plus forte que si le fait était seulement rare chez lui. La fréquence de l'accusatif de direction sans préposition chez les
poètes postérieurs à Homère peut donc être interprétée comme une sorte d'hyperarchaisme (imitation non pas de l'état de langue attesté chez Homère mais d'un état imaginaire où cette construction aurait été fréquente) : tout se passe comme si l'on voulait renchérir sur les traits considérés comme poétiques chez Homère en accentuant leur côté artificiel et en augmentant leur fréquence.
PREMIÈRE
PARTIE
ALLÉES ET VENUES : LE PARADIGME SUPPLÉTIF DU VERBE «ALLER »
CHAPITRE
LE PARADIGME
I
PERDU
ET RETROUVÉ
Nous savons par l'attique que l’un des verbes les plus importants dans le groupe lexical des verbes de mouvement est le paradigme supplétif que donnent les grammaires
et dictionnaires : présent
ἔρχομαι,
futur
εἶμι,
aoriste ἦλθον,
parfait ἐλήλυθα. Sans préjuger de l'état homérique du paradigme correspondant (cf. ci-dessous, 3,7, p. 54) on peut supposer qu'il est aussi supplétif, puisque l'évolution de la langue est toujours allée en indo-européen de thèmes verbaux indépendants vers des paradigmes régularisés! : un paradigme supplétif, qui peut étre considéré comme un comble de l'irrégularité grammaticale, subsistant en attique, comme
un fait aberrant dans la régularité des «conjugaisons», a donc
toutes chances d'étre déjà supplétif dans un état de langue plus archaique, par un raisonnement a fortiori.
Mais il n'est nullement évident que le paradigme supplétif homérique soit constitué des mémes éléments que le paradigme supplétif attique, comme on semble l'avoir toujours admis, à vrai dire, sans même poser le probléme.
1. HISTORIQUE
: UNE
TRADITION
GRAMMATICALE
IMPRÉCISE
1.1. Les grammairiens anciens On trouve à notre connaissance peu de choses sur les paradigmes verbaux
supplétifs chez les grammairiens anciens : Apollonius Dyscole mentionne leur existence, les appelant semble-t-il ἑτερόκλιτα, mais pour les comparer aux pronoms, pour lesquels il emploie le terme d’&xöAovdor, ἀκολουθία : Traité du pronom, 14 A (Schneider, Gramm. Graec. YI 1/1, p. 12-13)? ; niant que nous soit le pluriel de je, Apollonius admet l'akolouthia de ἐμοῦ et ἐγώ, la comparant à celle de ἔσϑω (sic) ἔφαγον et de φέρω-οἴσω : le supplétisme verbal est donc admis et pris comme exemple pour justifier celui du pronom. Mais le parallèle entre le pronom et le verbe est affaibli par l'exemple de la morphologie nominale, où l'on n’a pas de véritable supplétisme, mais des thèmes nominaux différents associés
dans la flexion hétéroclisie.
(ὕδωρ,
ὕδατος),
forme
affaiblie
du
supplétisme
appelée
La difficulté terminologique et la confusion que semble faire Apollonios entre
28
ALLÉES
ET VENUES
supplétisme et hétéroclisie permettent de préciser la définition : le deuxiéme terme est repris aux grammairiens grecs par Benveniste (Origines, passim) : la théorie de la racine indo-européenne part de ce probléme, en particulier pour les thémes nominaux en r/n-5. Nous conformant à cet usage, nous opposons à l'hétéroclisie (flexion sur des thèmes différents — différemment suffixés ou élargis à partir d'une méme racine) le supplétisme ou flexion associant en un méme paradigme des thémes
appartenant
qmuí-elxov)
et par
indo-européen,
phonétique, to-tBlov*).
mais
à
des
bases
extension, se
sont
lexicales
à des
différentes
thèmes
différenciés
en
qui grec
(type
ont à
φέρω-ἤνεγκον,
la méme la
suite
de
origine
en
l'évolution
si bien que la langue ne les rapproche plus clairement (type On peut parler ainsi de supplétisme en diachronie (paradigme
supplétif remontant à un ancien paradigme supplétif, par exemple le verbe « aller» en grec) ou seulement dans une synchronie donnée (le verbe étre a au présent un paradigme formé sur un théme en es, et un autre sur un théme en s- en frangais, et
déjà en latin : sans l'aide de la grammaire comparée, on verrait là un paradigme
supplétif comme dans les trois radicaux all-/v- et ir- du verbe français aller). Hl est probable que le point de vue d'Apollonius, morphologique et non sémantique, explique qu'il ne distingue pas ces deux notions. Dans la Syntaxe, III, 140 (Schneider-Uhlig, Gramm. Graec. 11, 2/3, 389) il aborde le probléme du supplétisme verbal proprement dit d'une manière plus intéressante pour nous, mais encore une fois à propos d'un autre probléme, celui de l'opposition des thémes de présent et d'aoriste avec la conjonction ἐάν : le meilleur exemple qu'il trouve pour illustrer l'opposition du présent et de l'aoriste au subjonctif avec ἐάν est précisément un paradigme supplétif (τρέχω δράμω). Comme nous le verrons
(dernier chapitre, pp. 222-226), les oppositions aspectuelles combinées dans le cas des paradigmes supplétifs avec les oppositions lexicales entre les racines verbales sont portées à leur paroxysme dans certaines situations syntaxiques et syntagmati-
ques que nous appelons révélateurs aspectuels : on pourrait dire que ἐάν joue ce rôle dans l'exemple pris par Apollonios, et que cette conjonction oppose ainsi τρέχειν et δραμεῖν à la fois sémantiquement et aspectuellement, alors qu'elle n'oppose μανϑάνειν à μαϑεῖν que par l'aspect. Il ne s'agissait là que d'une
interprétation
d'Apollonios
Dyscole,
qui n'a
probablement pas choisi à dessein un exemple de paradigme supplétif à cóté d'un exemple « normal », et en tout cas pas pour montrer ce que nous voulons montrer. Au contraire, des préoccupations trés proches des nôtres se rencontrent dans un
passage de Maxime Planude 5, qui a eu conscience d'oppositions sémantiques liées à la référence au temps et à l'espace dans les thèmes supplétifs du verbe « aller » (ci-dessous, chap. 11,2.3., pp. 78-79) : mais cette préoccupation n'apparaît pas avant l'époque byzantine, et reste isolée. En tout cas, jamais les grammairiens
anciens ne mentionnent ou ne suggèrent de différence entre le paradigme supplétif homérique et le paradigme classique, ou celui de leur temps. D'une manière générale, ils paraissent d'ailleurs peu sensibles à l'évolution du grec : Apollonius traite les exemples homériques comme ceux de sa propre langue, voyant des
licences poétiques à peu près partout où apparait une bizarrerie. Il serait sans doute plus pertinent de parler à son propos d'une opposition entre langue courante et langue littéraire, plutót que d'évolution, concept qui n'apparait pas chez les Anciens, et qui apparait probablement trés tard dans la tradition
grammaticale et linguistique européenne.
LE
1.2. Les grammairiens
PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
29
modernes
Les grammairiens et lexicographes modernes ne mentionnent généralement pas de particularité de la langue homérique pour le paradigme supplétif du verbe grec «aller », ce qui laisse supposer que pour eux, comme pour les grammairiens anciens, la langue n'a pas varié sur ce point : on pourrait transporter dans la
langue homérique ce que l'on sait de l'état attique, à quelques détails prés (emploi de εἶμι au présent ; ἔρχομαι non limité à l'indicatif ; existence chez Homére d'un
futur supplémentaire, dit ionien, ἐλεύσομαι) : Schwyzer-Debrunner, 257 et suiv., dégagent des oppositions aspectuelles entre les divers thémes verbaux de plusieurs paradigmes supplétifs, dont celui du verbe «aller », sans allusion à une évolution
quelconque entre les différents états de la langue grecque (particuliérement 258) ; dans sa Grammaire Homérique, I, 282, P. Chantraine parle de l'ancienne indépendance des thémes verbaux les uns par rapport aux autres, puis étudie la conjugaison du thème de présent eluv ἵμεν etc. (284), sans mentionner de manière
explicite le paradigme homérique du verbe «aller ». Cependant, dans l'index des mots grecs de ce volume, on trouve ἐλεύσομαι, ἦλϑον s.v. ἔρχομαι ; εἶμι est à part, ce qui pourrait étre interprété comme un ralliement ou une concession implicite à la thése d'Alfred Bloch (cf. ci-dessous, 1.3, pp. 30-31). Dans le Dictionnaire étymologique de la langue grecque, on trouve les différents thémes sous trois entrées, position certainement plus cohérente (le classement de Chantraine est en fait érymologique) : εἶμι (321) ; ἐλεύσομαι, aor. ἦλϑον et fikvOov (337), et enfin ἔρχομαι (377). P. Chantraine renvoie à Bloch pour le probléme du supplétisme, mais ne cite pas explicitement sa thése, et ne dit pas s'il la prend à son compte (il disait ne pas y croire en 1968, puis à nouveau en 1971). W. Veitch (1877) citait d'ailleurs déjà à part « εἶμι I go » (229) et «ἔρχομαι to go,
come..., fut. ἐλεύσομαι..., ao. ἦλθον» (274), ce qui pourrait être interprété comme une intuition de la thèse de Bloch — ou prouver que cette thèse n'est pas vraiment nouvelle en tout —, mais il ne distinguait pas différents états de la langue. Pour d'autres paradigmes supplétifs attestés comme tels en grec, les auteurs
sont plus explicites, et l'on distingue des différences entre les états de langue : pour les verbes «porter», on peut inférer de ce que dit P. Chantraine dans le Dictionnaire érymologique$ à un paradigme homérique φέρω-οἴσω, οἴσομαι-ἤνεικα différent du paradigme attique qégo-oloo, oloonar-Mveyxov. De méme pour le verbe « manger », pour lequel Chantraine ajoute un troisième état,
celui du grec moderne’,
on peut dresser le tableau que voici :
HOMERE prés. ἔδω
ATTIQUE subj. ἔδομαι
ἐσθίω
GREC
MODERNE τρώ(γ)ω
ἔσθω ἐσθίω fut. ἔδομαι
ἔδομαι
parf. (participe) ἐδηδώς
ἐδήδοκα
8ο. ἔφαγον
ἔφαγον
ἔφαγα
30
ALLÉES ET VENUES Les faits sont extrêmement compliqués pour le verbe « dire » : des différentes
entrées du Dictionnaire étymologique, homérique différent de l'état attique? :
on
HOMERE
peut
pourtant
déduire
un
état
ATTIQUE
prés. φημί
λέγω
ἀγορεύω
impf. φάτο
ἠγόρενον
fut. (F )egéw
ἐρῶ
- pass. εἰρήσομαι
ῥηϑήσομαι
a0. φάτο, εἶπον, εἰπεῖν
εἶπον εἰπεῖν εἶπα εἶπαι
- pass. part. : ῥηϑείς
ἐρρήϑην
parf. - pass. εἴρηται
εἴρηκα εἴρημαι
Pour le verbe «voir», le Dictionnaire Etymologique implique un état homérique et archaïque différent de l'état attique, au moins au parfait?: HOMERE prés.
ὁράω
fut.
ὄψομαι
aoriste parfait
ATTIQUE
λεύσσω
(ὁράω)
GREC
ὁρῶ
βλέπω
ὄψομαι
εἶδον ὄπωπα
MODERNE
εἶδον ἑόρακα
εἶδα
Ces tableaux ne seraient peut-être pas tout à fait les mêmes si, au lieu de partir des différentes entrées du Dictionnaire de Chantraine, on partait des textes,
comme
nous essaierons de le faire pour «aller»; ils montrent en tout cas des
différences importantes dans les associations paradigmatiques des différents thèmes supplétifs : il n'y a pas de raison a priori pour que l'on ne trouve pas des différences analogues dans le paradigme du verbe «aller ». Le problème général du supplétisme devrait donc être posé pour l’ensemble
des paradigmes verbaux du grec et des langues apparentées, le supplétisme remontant dans la plupart des cas à l'indo-européen. Il faudrait traiter avec lui le probléme du supplétisme hors de la flexion verbale : on n'en connaît que des formes affaiblies dans le nom, mais il y en a au moins un bel exemple, assuré par
l'accord de l'indo-iranien et du grec, dans le démonstratif indo-européen *so-/to-,
d'où est issu l'article grec ὁ 7 τόν, τοῦ etc. 19, 1.3. La thèse d'Alfred
Bloch
Dans l'ensemble de la tradition grammaticale, on ne distingue donc pas d'évolution notable entre la langue épique et l'attique pour ce qui est du paradigme supplétif du verbe «aller». Alfred Bloch rompt en 1940 avec cette tradition!!, en soutenant une thése qui séduit par sa nouveauté et inquiéte en méme temps : ἠλθον-ἐλεύσομαι-εἰλήλουθα s'opposeraient chez Homère par leur sens « venir » (ou du moins « kommen »
: le livre de Bloch est en allemand, et il est
probable
et
que
les
verbes
allemand
frangais
ne
se
correspondent
pas
LE PARADIGME
exactement?)
PERDU
ET RETROUVÉ
à εἶμι, et aussi, mais moins
nettement,
31
à ἔρχομαι,
«aller»
(« gehen ») ; il y aurait donc, selon Bloch, deux paradigmes différents correspon-
dant à «gehen» et «kommen». Pour le présent de «kommen», comme il n'existait pass de theme formé sur la même racine que ἠλθον-ἐλεύσομαι-εἰλήλουθα, on employait le cas échéant ἔρχομαι selon Bloch : l'opposition sémantique serait alors, pour parler dans des termes linguistiques plus modernes, neutralisée ; mais il manque un aoriste pour le sens « gehen », et Bloch le trouve dans ἔδην. Sans l'affirmer nettement, la thése de Bloch implique donc un paradigme homérique différent du paradigme attique, dont on peut dresser le tableau comme on l'a fait ci-dessus pour les paradigmes de « porter », «manger », «dire » et « voir »
d'aprés Chantraine : LE PARADIGME
HOMERIQUE
«gehen»
«kommen»
prés.
εἶμι
(ἔρχομαι)
futur aoriste
(εἶμι ?) t6nv
ἐλεύσομαι ἦλθον
parfait
(βέδηκα)
εἰλήλουθα
SELON
A. BLOCH:
Le reproche essentiel que l’on peut faire à Bloch est de se fonder presque uniquement sur le critère sémantique, et même sur le critère de la traduction en
allemand des verbes homériques : par conséquent, sa théorie est conditionnée par l'existence dans sa langue
maternelle de l'opposition
« gehen/kommen ». Nous
croyons au contraire que pour affirmer l'existence d'un systéme supplétif dans une langue supposée inconnue "^, il faut d'abord chercher des indices syntaxiques et syntagmatiques communs aux différents thèmes verbaux ; ensuite seulement, à partir des traits communs reconnus comme pertinents dans l'emploi, on peut supposer une identité sémantique entre ces différents thémes, et chercher à la définir ; ce n'est qu'en dernier lieu que l'on peut enfin proposer des traductions, comme approximations sémantiques des nuances exprimées par les verbes grecs, cette étape de traduction étant d'importance trés secondaire !*. Entre une tradition grammaticale imprécise et une thése nouvelle séduisante mais suspecte, on ne prendra pas parti pour le moment : il faut voir dans les textes
eux-mémes quel est le paradigme homérique du verbe «aller», ou éventuellement, quels sont ces paradigmes.
2.
LE PARADIGME HOMÉRIQUE CHEZ D'APRÈS LES CRITÈRES D'EMPLOI
HOMÈRE,
2.1. Les composés
Nous considérons comme un indice sérieux du supplétisme εἶμι (ἰέναι, ἔρχομαι etc.) AAdov... le fait qu'ils admettent les mêmes préverbes, et surtout que leurs composés
aient déjà chez Homère
les mêmes
sens spécialisés :
32
ALLÉES
ET VENUES
avec le préverbe ἀπο-, le paradigme supplétif a le sens de « partir, s'en aller », voir
par exemple //. XIII, 516 τοῦ δὲ βάδην ἀπιόντος ἀκόντισε δουρὶ φαεινῷ (ainsi que 11. XVIII, 703 ; XXIV, 766, vers formulaire ; Od.II, 136; XVII, 478 ; ib., 593).
On opposera cet emploi de ἀπιέναι, attesté dans tout le paradigme supplétif, à
l'emploi de dno6alverv « descendre« (de cheval, d'un navire, etc.), cf. deuxième partie, chap. I, 1.4, p. 130. Avec ἐπι-, le paradigme supplétif a plusieurs emplois spécialisés : — avec sujet animé, dans un contexte de combat,
on s'approche de l'ennemi
(pour l'attaquer) : //.V, 238 : τόνδε δ᾽ ἐγὼν ἐπιόντα δεδέξομαι ὀξέϊ δουρί. Il.XII, 136 μίμνον ἐπερχόμενον μέγαν ἼΑσιον οὐδὲ φέβοντο.
ILXX, 91... ὅτε βουσὶν ἐπήλυθεν ἡμετέρῃσι — avec sujet inanimé, le verbe dénote le temps qui vient ou s'applique au mouvement d'une arme qui touche son but et pénètre dans le corps humain (voir ci-dessous) : aucun de ces emplois n'est attesté pour ἐπιδαίνω, qui a, en revanche, des emplois spécialisés qui lui sont propres (« embarquer, monter sur un cheval ou sur un char»...), cf. deuxiéme partie, chap. I, 1.4, pp. 130-131. Un verbe forme avec les divers préverbes qu'il peut s'adjoindre, comme avec
l'ensemble de ses constructions, une constellation d'emplois qui fait sa spécificité sémantique ; d'une manière analogue, nous croyons qu'il n'est pas indifférent que
le verbe frangais prendre, outre l'ensemble de ses emplois propres, ait avec comun emploi «abstrait», intellectuel (comprendre, cf. en grec, avec un préverbe différent, καταλαμδάνω, gr. mod. καταλαδαίνω) qui semble dévolu dans d'autres
langues à la notion de station debout, avec différents préverbes (angl. to understandito stand, all. verstehen/stehen, gr. ἐπίσταμαι). Il parait difficile d'admettre que la langue homérique ait eu un paradigme différent pour les verbes composés et pour le verbe simple. Le systéme imaginé par Bloch n'est pourtant pas impossible par lui-méme : seule, la convergence de
plusieurs indices (voir Introduction, indices contraires,
peuvent
permettre
1.3, p. 12) et la possibilité d'éliminer les d'affirmer l'existence
d'un tel systéme.
2.2. Les emplois avec sujet inanimé
Les problèmes théoriques posés par la sous-catégorisation du sujet et de l'objet
pour
les langues
anciennes
ont
été
abordés
dans
l'introduction
(1.3,
pp. 11-12) : nous ne savons pas ce que représente la notion d'inanimé pour les Grecs anciens, à plus forte raison pour ceux du temps d'Homeére, puisque l'on ne peut faire l'histoire des « mentalités» qu'à partir des textes, et que l'on peut interpréter ceux-ci dans des sens opposés !6. Toutefois, pour le sujet syntaxique au moins, on dispose d'un critère relativement fiable : nous appellerons emplois avec sujet inanimé les cas oü le sujet n'admet pas de substitution par un pronom
personnel de première ou deuxième personne : l'inanimé coincide avec la non-personne au sens de Benveniste (corrélativement, l'animé recouvre les deux catégories de la personne, je, tu, et de la non-personne, puisqu'il peut étre représenté par un anaphorique). Le critére de l'animé par la possibilité de substitution d'une vraie personne implique que l'animé est congu comme le sujet
possible d'une énonciation : il aménerait à faire coincider la personne et la virtualité d'énonciation. En pratique, il s'agit pour nous des étres à qui Homere
LE PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
33
attribue la parole : aussi bien des animaux (les chevaux d'Achille) que des êtres
pour nous inanimés (fleuves, vents...); une difficulté supplémentaire est qu'un être considéré comme animé dans un passage d'Homere où le poète le fait parler
peut étre considéré comme inanimé dans un autre contexte... Un examen attentif des textes peut seul permettre de trancher, avec un degré de certitude plus ou moins grand selon les cas.
2.2.1. Les phénomènes naturels : vent, tempête. Et puis vinrent les neiges... St.-J. Perse
L'emploi, typique du récit et évoquant des phénomènes soudains et brutaux, est surtout représenté à l’aoriste : ILIX, 6 ὡς δ᾽ ἄνεμοι Λ.. λϑόντ᾽ ἐξαπίνης,
le plus souvent
IL XVII, 57 ἐλϑὼν δ᾽ ἐξαπίνης ἄνεμος, Od.V, 317 ἐλϑοῦσα ϑύελλα (cf. Od.XII, 288) ; avec les noms des vents, citons aussi 1.11, 147, Ζέφυρος... ἐλϑών, et ib., 395
Νότος ἐλϑών. On trouve pourtant aussi un exemple de cet emploi au présent, avec εἶσι dans une comparaison 15, ZI.XIII, 796 :
οἱ δ᾽ἴσαν ἀργαλέων ἀνέμων ἀτάλαντοι ἀέλλῃ, fj ῥά θ᾽ ὑπὸ βροντῆς πατρὸς Διὸς εἶσι πέδονδε, Bloch utiliserait sans doute cet exemple à l'appui de sa thèse, en traduisant ἐλθών, ἦλθε etc. par «kommen » et εἶσι par «gehen » : ne traduisons pas pour le moment ; ce qui importe ici n'est pas la traduction que l'on donnera des deux thémes dans telle ou telle langue, mais le fait qu'ils ont un emploi commun qui les
oppose tous deux par exemple à βαίνειν-βῆναι, pour lequel cet emploi n'est pas attesté ; quel que soit le sens de ἦλθε et celui de εἶσι, l'emploi commun avec pour sujet le nom du vent et de la tempéte témoigne en faveur du systéme supplétif. 2.2.2.
Les
armes
touchant
au
but
Percé jusques au fond du cœur...
L'aoriste ἦλϑε (fréquemment aussi le composé διῆλθε, que nous laisserons de cóté puique Bloch récuse le témoignage des composés) est employé
avec pour
sujet un nom d'arme dans une série d'emplois importante à la fois numériquement et littérairement : l'aoriste, typique du récit épique, faisant référence au moment
où
l'arne
pénètre
dans le corps d'un combattant,
signale,
souvent
avec une
précision anatomique remarquable 15, l'instant où le destin des héros bascule, où parfois leur mort se décide : ἦλθε, διῆλθε s'emploient pour des blessures souvent
mortelles : 1.11, 357 (= VIL, 251 = XI, 435): διὰ μὲν ἀσπίδος ἦλθε φαεινῆς ὄδριμον ἔγχος ΠΝ, 16 Τυδείδεω δ᾽ ὑπὲρ ὦμον ἀριστερὸν ἤλυϑ᾽ ἀκωκή ἔγχεος οὐδ᾽ ἔδαλ᾽ αὐτόν. De cet emploi typique de l'aoriste, on rapprochera un emploi du présent, encore une fois εἶσι, dans une comparaison : le cœur d'Hector est comparé à une hache pénétrant le bois, //.III, 61
34
ALLÉES
ET VENUES
αἰεί τοι κραδίη πέλεκυς ὥς ἐστιν ἀτειρής, ὅς τ᾽ εἶσιν διὰ δουρὸς ὑπ᾽ ἀνέρος, ὅς ῥά τε τέχνῃ νῆον ἐκτάμνῃσιν, Dans un contexte civil et dans le langage (technique ?) de la menuiserie, l'emploi de εἶσιν avec διά est rigoureusement parallèle à l'emploi plus banal du vocabulaire guerrier : la hache pénètre dans le bois comme l'arme dans les organes du corps humain. La disproportion numérique des emplois de l'aoriste et du présent s'explique par des considérations d'aspect, et par le théme guerrier de l'épopée : le vocabulaire de l'artisanat et de la vie de tous les jours se rencontre ainsi par hasard dans des comparaisons, où l'archaisme linguistique vraisemblable
contrebalance la rareté des emplois par leur authenticité ?. Remarquons encore que, contrairement à la thése de Bloch pour qui ἔρχεται joue le róle de présent neutre dans la distinction elov ἦλϑε, dans les deux séries d'exemples qui viennent d’être citées, Homère emploie précisément εἶσι, et non ἔρχεται, quand il a besoin d'un présent dans une locution où ἦλθε est habituel à l'aoriste. 2.2.3. «ὡς
εἶσι δυσώνυμος» : le Temps qui vient « Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure »
Le paradigme de εἰσι- ἦλθε dénote chez Homère le mouvement du Temps, mais il s'agit toujours du « Temps qui vient», jamais du « Temps qui s'en va» (« passe » ou « part ») : l'emploi est abondamment représenté avec l'aoriste ἦλθε (et son composé ἐπῆλθε : comme ci-dessus, nous nous limiterons aux emplois du verbe simple, plus probants) : deux exemples dans l’Iliade, II, 387 avec νύξ «nuit » εἰ μὴ νὺξ
ἐλθοῦσα
διακρινέει
μένος
ἀνδρῶν
et VIII,
500 avec
xvépas
«obscurité» équivalent visuel et signal de la nuit : ἀλλὰ πρὶν κνέϑας ἦλθε, 4 exemples dans l'Odyssée avec ἔτος «année», I, 16 ἀλλ᾽ὅτε δὴ ἔτος ἦλθε περιπλομένων ἐνιαντῶν, et VII, 261 = XIV, 287 ἀλλ᾽ ὅτε δὴ ὀγδοόν μοι ἐπιπλόμενον Eros ἦλθε, avec ἠώς «aurore», XV, 56 ὥς ἔφατ᾽, αὐτίκα δὲ χρυσόθρονος ἤλυθεν ἠώς. En face de cette série d'exemples de l'aoriste, on trouve deux exemples εἶσι avec valeur de futur dans l'Odyssée, l'un avec ἔτος,
de
Il, 89 ἤδη γὰρ τρίτον ἐστὶν ἔτος, τάχα δ᾽ εἰσι τέταρτον, l'autre avec ἠώς,
XIX, 571 ñôe δὴ ἠὼς εἶσι δυσώνυμος, fj μ᾽ Ὀδυσῆος, οἴκον ἀποσχήσει.ἴ]π emploi de l'/liade peut aussi se rattacher à cette série, quoique moins proche des emplois de l'aoriste que les deux exemples précédents, avec la valeur archaique de présent de εἶσι cf. note 20 ci-dessus, dans une subordonnée temporelle, Zi. XXIII,
226 Ἧμος δ᾽ ἑωσφόρος εἶσι φόως ἐρέων ἐπὶ γαῖαν, ... τῆμος πυρκαϊὴ ἐμαραίνετο... («l'Etoile du matin qui vient annoncer la lumière Il. VIII, Les venir »?!
à la terre » est au jour ce que xvépas est à la nuit, cf. le commentaire de 500, ci-dessus). langues indo-européennes qui connaissent l'opposition lexicale «aller/ l’utilisent d'une manière systématique pour l'expression du Temps :
quand le «temps» a une valeur précise, datable, quand il s'agit d'un « point du
LE PARADIGME temps»,
on
utilise
«venir»
: fr.
PERDU
«le
temps
ET RETROUVÉ vient/viendra/vint
35 (arrive,
arrivera,
arriva) de faire telle chose » (de méme avec l'année, le jour, l'heure etc. : toutes les formes spécifiées du Temps,
verbe
limitations de la durée,
admettent,
ou exigent,
le
«venir ») : all. «es kommtikam etc. die Zeit zu...» (der Tag, die Stunde, das Jahr). angl. «then comesicame etc. the time when (the day, the hour, the year)».
Au contraire, les mêmes langues emploient «aller » ou les verbes correspondants quand le Temps est envisagé dans sa durée : fr. « le temps s'en va » (« passe » ou « s'écoule », cf. le lieu commun littéraire du temps qui passe) : les termes substituables à celui de «temps » prennent alors une valeur durative, cf. l'exemple d'Apollinaire cité en exergue : «les jours s'en vont », et aussi « les années passent », « les heures passent » (« Passent les jours et passent les semaines ») : méme les plus petits instants du temps, comme les minutes ou les secondes, prennent, quand ils sont dits « passer, s'en aller », une valeur de durée : all. «die Zeit (die Stunde etc.) geht vorbei»,
angl. «Time (hours etc.) goes over». Si cette distinction du Temps qui vient et du Temps qui passe avait existé en grec homérique, il semble qu'elle aurait dû se manifester ici, et méme y trouver un
terrain d'élection en se combinant aux oppositions aspectuelles propres au grec : or justement, la relation de complémentarité paradigmatique existant entre εἶσι et ἦλθε, faisant que l'un sert de présent ou de futur, l'autre d'aoriste pour le méme sémantéme, semble ici avoir dominé, ou neutralisé l'opposition sémantique qui pouvait exister entre les racines? : si *ei- a par ailleurs en grec une valeur déictique opposée à celle de ἦλθον, cette valeur est neutralisée dans l'expression du Temps au profit de la complémentarité paradigmatique. Le «temps qui passe » n'est pas exprimé chez Homère par le verbe * ei-, alors qu'à en croire ses autres emplois, ce verbe se prétait à ce type de relation; chez Homère en tout cas, l'absence de εἶμι pour dénoter le « Temps qui passe » laisse supposer que, pour la
mentalité grecque, au moins à l'époque archaïque, le temps «vient», mais ne «s'en va» ni ne «passe». L'analyse linguistique du corpus des exemples homériques doit être confrontée aux conclusions que les spécialistes des conceptions du Temps dans l'Antiquité ont tirées des expressions nominales de la temporalité et de la durée?, et principalement de l'expression des trois étages temporels
au chant
I de l’Iliade,
70 (Κάλχας)
ὃς ἤδη τά τ᾽ ἐόντα τά τ᾽ ἐσσόμενα πρό τ᾽ ἐόντα. En effet, l'expression la plus archaïque du « present», de «l'avenir» et du « passé » se fait par un participe du
verbe « être » au présent, au futur (ancien désidératif) et au présent précisé par un adverbe,
littéralement,
«les
choses
étant,
celles
qui
vont
étre,
celles
étant
auparavant ». Il est remarquable que H. Fränkel, B. Van Groningen, M. Treu ou d'autres, n'aient pas pensé à utiliser les syntagmes avec verbes de mouvement : dans cette conception dynamique du Temps vécu, les choses qui seront plus tard « viennent », comme les années, les mois, elles «sont », puis «sont venues » (et non «passées »,
comme en français) : εἶσι ἔτος, ἦλθε ἔτος. Si Homère, ou la langue grecque de l'époque homérique, ne conçoit et n'exprime que le Temps qui vient, non le Temps qui passe, cela s'accorde non seulement avec les analyses de la pensée grecque, mais aussi avec les vues de
G. Guillaume sur «l’architectonique grecque du temps» et la «chronogenèse » ^^ :
36
ALLÉES
ET VENUES
dans des termes souvent discutables ou obscurs, Guillaume a montré qu'au niveau profond du langage, dans les soubassements de la langue grecque, le Temps est afférent. L'expression du mouvement du temps chez Homère peut donc être considérée comme un témoignage linguistique essentiel pour la conception archaique du temps en grec: quand le Temps se met en mouvement, ce mouvement part du futur (cf. la dénomination française à venir, all. Zukunft) vers
le présent; le passé est ce qui «est venu». 2.2.4. Jusqu'à ce que viennent la vieillesse et la mort Un exemple de ἐλθεῖν avec pour sujets γῆρας et θάνατος, la « vieillesse et la mort », semble impliquer que l'áge est, comme le temps, afférent dans la pensée homérique, ce qui peut se comprendre par un raisonnement a fortiori : l'âge est la forme subjective du temps dans la durée de la vie humaine : qui ne congoit pas un temps subjectivement efférent ne peut concevoir un âge efférent. Les expressions du type ἤδη παρῆλθεν «la jeunesse est passée » n'apparaissent en grec, dans la
diachronie, qu'avec les expressions du temps efférent, du type χρόνου παρελθόντος, quand les préverbes ont requ le róle de marqueurs des oppositions lexicales déictiques dévolu dans la langue archaique aux thémes supplétifs : Od. XIII, 60 (Ulysse fait ses adieux aux Phéaciens et à la reine Arétè) Χαῖρέ
μοι,
ὦ
βασίλεια,
διαμπερές,
εἰς
ὅ κε γῆρας
ἔλθῃ
xai
θάνατος
«... jusqu'à ce que viennent la vieillesse et la mort». Or cet emploi de ἐλθεῖν fournit un parallèle à un passage de l’Iliade dont le texte a été suspecté, et permet de choisir (comme Allen-Monro) la leçon εἰσι de la
famille h et d'Aristarque plutót que la lecon ἐστι de la Vulgate, adoptée par Mazon-Chantraine, 11. XVII, 202 (Zeus médite en aparté sur la folie d'Hector qui a revétu les armes d'Achille et se condamne ainsi lui-méme à une mort prochaine) : « à δείλ᾽, οὐδέ τί τοι θάνατος καταθύμιός ἐστιν,ς δή τοι σχεδὸν ela... ». On a
donc en parallèle ici «la mort... qui viendra bientôt» avec l'Odyssée, formule sous-jacente, "γῆρας ἦλθε καὶ θάνατος ^. Bien que nous utilisions l'argument du
supplétisme verbal pour établir le texte, et l'argument du parallélisme des deux passages avec le même emploi de deux thèmes supplétifs en faveur de l'état supplétif, nous pensons que
la convergence
des indices permet
d'échapper
au
risque d'un raisonnement circulaire. Ces trois groupes d'exemples avec sujet inanimé contredisent la théorie de Bloch, et nous paraissent extrémement importants bien qu'ils soient marginaux ?*
dans l'ensemble des emplois des verbes «aller», et presque à cause de cette marginalité : ce type d'emploi apparait en grec, comme dans les autres langues, typiquement idiomatique et peu susceptible de substitutions lexicales ; il ne s'agit
sürement
pas de créations
poétiques
et d'effets stylistiques;
si ce sont
des
métaphores, ce qui n'est pas sûr pour le temps et l'âge, encore moins pour les phénoménes naturels, elles sont lexicalisées (employées dans la langue, sans re-création stylistique particuliére) ; ce sont donc des témoins essentiels, méme sans grande importance statistique, pour la valeur des termes dans la langue homérique, et la négligence de Bloch envers ces exemples nous apparait comme
une erreur de méthode ^.
LE
2.3.
PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
37
Les emplois avec sujet animé On arrive aux emplois «centraux » (cf. n. 26) des verbes «aller», étude que
l'on a retardée jusqu'ici parce que l'abondance des exemples tend à empêcher toute vue d'ensemble et rend plus difficile de prouver l'existence du supplétisme : à la suite d'une lecture suivie des textes et du relevé des exemples, on a d'abord
une double impression contradictoire, selon laquelle l'intuition de Bloch est juste
sémantiquement, alors que les divers verbes relevés ont tous les mémes emplois avec sujet animé; la première impression voudrait donc que les verbes de mouvement n'aient d'oppositions d'emplois que sur leurs franges, où l'on pourrait
aisément réfuter la théorie de Bloch (cf. $ précédent), alors que la trés large zone commune
d'emploi, ne permettant aucune preuve formelle, autoriserait le jeu de
l'intuition et semblerait en faveur de cette méme théorie. Le premier tri des exemples d’après le critère sujet animé/sujet inanimé fait
donc bien apparaitre la spécialisation des différents verbes, ainsi que l'unité et la spécificité du paradigme supplétif avec le deuxiéme groupe, trés minoritaire numériquement, mais ce tri semble d'abord laisser dans la confusion le groupe des emplois majoritaires ; en fait, diverses tentatives pour classer ensuite ces énormes
quantités d'exemples ont pourtant abouti, et nous croyons maintenant pouvoir
donner des indices formels des relations paradigmatiques entre les divers thémes du paradigme supplétif, et des oppositions sémantiques avec d'autres verbes de sens voisin.
2.3.1. Le jeu du supplétisme dans un contexte limité On voit parfois un théme remplacer un autre théme verbal dans le méme contexte d'un vers à l'autre : on citera quelques exemples du chant I de l’Iliade, choisi pour son ancienneté incontestée en méme temps que pour des raisons pratiques (le premier «sondage» fait sur le chant I, a paru concluant). — les vers 322 et 325 attestent le supplétisme ἔρχομαι-ἐλθεῖν (admis par Bloch) : Ἔρχεσθον κλισίην Πηληιάδεω 'Axo dog: χειρὸς ἑλόντ᾽ ἀγέμεν Βρισηίδα καλλιπάρῃον: εἰ δέ κε μὴ δώῃσιν, ἐγὼ δέ κεν αὐτὸς ἕλωμαι ἐλθὼν σὺν πλεόνεσσιν. Mais de surcroît le participe aoriste reprend le participe présent ἰών du v. 185 (Agamemnon
exprimait
alors sa menace
envers Achille)
..., ἐγὼ δέ κ᾿ ἄγω Βρισηίδα καλλιπάρῃον αὐτὸς ἰὼν κλισίηνδε. Il est vrai que Bloch refuserait un tel exemple : il n'affirme la rigueur de son système que pour les emplois absolus de l'indicatif, et les oppositions sémantiques lui paraissent beaucoup plus floues dans les autres modes. Ces restrictions nous
paraissent compliquer le systéme à tel point qu'elle le rendent suspect. D'ailleurs, voici d'autres exemples, toujours du chant I de l'Iliade, où entrent des indicatifs :
ἦλθον / ἰέναι 12 (récit) ὁ γὰρ ἦλθε [Χρύσης] θοὰς ἐπὶ νῆας ᾿Αχαιῶν λυσόμενός τε θύγατρα φέρων τ᾽ ἀπειρέσι᾽ ἄποινα
27 (menaces d'Agamemnon envers Chrysès) Μή σε γέρον κοίλῃσιν παρὰ νηυσὶ κιχείω
38
ALLÉES ET VENUES
A νῦν δηθύνοντ᾽ ἢ ὕστερον αὖτις ἰόντα
et 371 (récit) Χρύσης δ᾽ αὖθ᾽ ἱερεὺς... ἦλθε θοὰς ἐπὶ νῆας ᾿Αχαιῶν... εἶμι / ἐλθεῖν : 394 (Achille ἃ Thétis) ἐλθοῦσ᾽ Οὔλυμπόν et 420 (réponse
δὲ Δία λίσαι
de Thétis à son fils)
εἶμ᾽ αὐτὴ πρὸς Ὄλυμπον ἀγάννιφον, αἴ κε πίθηται. On relève méme, dans le chant IV de l'Odysée cette fois, un exemple net de supplétisme entre les deux indicatifs, εἶσι et ἦλθε : IV, 401, Idothée explique à
Ménélas comment
il pourra
voir Protée,
ἦμος δ᾽ Ἠέλιος μέσον οὐρανὸν ἀμφιδεδήκῃ
τῆμος ἄρ᾽ ἐξ ἁλὸς εἶσι γέρων ἅλιος νημερτής
Le présent d'habitude ? est repris par un participe aoriste au vers 403 ἐκ δ᾽ ἐλθὼν κοιμᾶται ; puis, aux vers 430 et suivants, commence
le récit de l'entrevue, récit
dans lequel les actes habituels de Protée, évoqués au présent par Idothée, sont repris par des aoristes : 448 φῶκαι
δ᾽ ἐξ ἁλὸς ἦλθον
ἀολλέες...
et surtout 450 : ἔνδιος δ᾽ ὁ γέρων ἦἠλθ᾽ ἐξ ἁλός, εὗρε δὲ φῶκας. 2.3.2.
Les locutions idiomatiques
Si l'abondance des emplois avec sujet animé permet de trouver des passages attestant la reprise d'un thème verbal par un autre dans un contexte analogue à
quelques vers de distance, des relevés complets des exemples, vérifiés à l'aide des Index et Concordances, permettent aussi de voir que certaines locutions idiomatiques garantissent l'existence d'un système supplétif εἰμι-ἔρχομαι- ἦλθον,
excluant par exemple ἔδην (Baívo). 2.3.2.1. verbe «aller»
+ accusatif du contenu (type ὁδὸν ἱέναι) ®.
Contrairement à ce que laisse entendre Bloch 9, la locution ὁδὸν ἱέναι n'est
nullement limitée chez Homère au thème d'aoriste : outre 5 exemples de ὁδὸν avec ἐλθεῖν (/I.1, 151 ὁδὸν ἐλθέμεναι, voir Od. XV,
avec
au lieu de ὁδὸν
une
série d'adjectifs neutres
13, XVI, 138, IX, 262, et,
pluriels substantivés
ou
adverbiaux, II. XXIII, 116 πολλὰ δ᾽ ἄναντα xátavta tágavtá τε δόχμιά τ᾽ ἦλθον),
on connaît en effet deux exemples de l’imparfait, Od.X, 103 et Hymne à Apollon, ITI, 420, un du futur, Hymne
à Hermes,
IV, 549, et une formule de l'Odyssée où
ὁδόν, avec sa qualification, développe l'infinitif ΑἸγυπτόνδ᾽ ἱέναι, Od.IV, 483 (cf.
XVII, 426). Ajoutons un exemple du présent ἔρχεται, Hymne à Apollon, II, 233. Il n'existe aucun exemple homérique de Baívo-E6nv dans cet emploi, et l'existence de cette locution est un des indices dont la convergence permet d'affirmer l'existence du supplétisme 2.3.2.2.
Verbe
«aller»
grammatical
εἶμι-ἔρχομαι-ἦλθον.
+ ἄγγελος
Ici encore, la locution ?! semble usuelle avec l'aoriste (//.II, 786 ; III, 121; V, 803 ; XVIII, 167 ; XXII, 438 ; XXIV, 194 et 561 ; Od. XII, 374 et XVI, 138; Hymne à Demeter, II, 46, et peut-étre ib., 407 où le verbe est en partie restitué), e.g. 1.11,
786 Τρωσὶν ó'&yyeXoc ἦλθε. Nous n'avons que deux exemples avec la racine supplétive
*ei-, l'un du
LE PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
39
présent-futur ?, Jl. XI, 652 νῦν δὲ ἔπος ἐρέων πάλιν ἄγγελος εἰμ᾽ ᾿Αχιλῆι, l'autre de l'imparfait, /1.X, 286... ὅτε τε πρὸ ᾿Αχαιῶν ἄγγελος ἤει. Mais ces deux occurences paraissent suffire pour notre propos, puisque aucun autre verbe de
sens voisin n'est admis dans cet emploi : ἄγγελος elu#AGov s'oppose donc bien aux autres paradigmes verbaux. 2.3.2.3.
Ἦλθον ἐγὼ παύσουσα τὸ σὸν μένος «je suis venue apaiser ta colère »
C'est avec εἶμι-ἰέναι-ἤια que les exemples de la locution idiomatique avec participe futur exprimant l'intention du déplacement sont le plus nombreux : avec
εἶμι, IL XI, 652, cité ci-dessus, XIV, 200 εἶμι γὰρ
ὀψομένη
πολυφόρδου
πείρατα
γαίης
(voir ib. 205
—
304;
X,
450-451 ; XV, 136; XVII, 146-147 et Od.Il, 214-215 = 359-360), avec l'imparfait, 1.11, 383 Ἑλένην καλέουσ᾽ le et XIII, 247-248 μετὰ γὰρ δόρυ χάλκειον fjevoloóuevoc ; hors de l'indicatif, JJ. XII, 216 μὴ ἴομεν Δαναοῖσι μαχησόμενοι περὶ νηῶν, Od.VI, 31 ἀλλ᾽ ἴομεν πλυνέουσαι Ay” ἠοῖ φαινομένηφι. On retrouve néanmoins plusieurs fois cette construction avec l'aoriste, 1.1, 12-13 (voir 370-372, très voisin) ὁ γὰρ ἦλϑε ϑοὰς ἐπὶ νῆας ᾿Αχαιῶν λυσόμενός τε ϑύγατρα... (aussi III, 152-153; ib. 207, exemple pris comme titre du paragraphe ; XXIV, 240: Od.XV, 270; XIII, 412-413 et XXIII, 322-323). Cette locution idiomatique avec participe futur peut étre rapprochée d'autres
moyens lexicaux idiomatiques existant parallèlement, dès la langue homérique, pour exprimer le but ou l'intention d'un déplacement : tous ces moyens lexicaux
semblent attestés avec le paradigme supplétif de εἶμι- ἦλθον et du parfait εἰλήλουθα, de préférence à d'autres verbes du méme champ lexical : iva avec ἱέναι, Od.III, 361 ἐγὼ δ᾽ ἐπὶ νῆα μέλαιναν/ εἶμ᾽ ἵνα ϑαρσύνω..., avec ἐλϑεῖν, IL VIL, 25-26, avec le parfait, 1.1, 202-203 ; ὄφρα avec ἰέναι, II.TI, 440, X, 325, XII, 356, XVIII, 63,114, Od.XVIL, 6, avec ἐλϑεῖν, Od.XI, 94; μή avec ἰέναι,
Od.XXIV, 437, εἰ «avec une nuance finale, Od.IV, 317 et XI, 479; et on rapprochera les tournures interrogatives correspondantes, à l'aoriste et au parfait (cf. chapitre II, 4.2.1, pp. 90-91), par exemple J!. VII, 24-25 τίπτε σὺ δὴ αὖ μεμανῖα, Διὸς ϑύγατερ μεγάλοιο, ἦλϑες ἀπ᾽ Οὐλύμποιο (voir IL ΧΙΠ, 250; Od. XI, 93-94), qui semblent autoriser la reconstitution d'une sorte de grammaire du dialogue idiomatique sur les intentions d'un voyage ou d'une
visite (voir chapitre II, loc.cit.). En revanche, ce type de locution idiomatique est mal attesté avec βαίνω,
E6nv?^ : dans un exemple comme J/XIII, 167-168 Bi δ᾽ἰέναι *Ato(ac../oloóuevog δόρυ μακρόν, ... le participe futur complète l'infinitif du verbe «aller» et non l'aoriste de βαίνειν (cf. βῆ ὃ᾽ ἵμεν + futur, Od.IV, 24, 679, XIV, 532, XVII, 365, et ΠΧ, 32 ; βῆ δἴμεναι + futur, Od. XVIII, 428). L'intention du déplacement n'est mentionnée tionnellement avec E65, Od.XIV, 70-71 καὶ γὰρ κεῖνος
E6n
᾿Αγαμέμνονος
παρά τε bien sûr participe participe qu'excep-
εἵνεκα τίμης
Ἴλιον εἰς εὔπωλον, ἵνα Τρώεσσι μάχοιτο (voir le plus-que-parfait βεδήκει κείων, Od.XIX, 47-48 εἰ βεδήκει ἀγγελέουσα, Od.XVIII, 185-186 = XIX, 503-504 = XXIII, 433-434). Les exemples sont limités à l'Odyssée et le verbe a
tout l'air d’être ici un substitut occasionnel du verbe «aller».
40
ALLÉES
ET VENUES
2.3.2.4. Une périphrase verbale idiomatique, ἰὼν ἕζετο «il alla s'asseoir». La locution idiomatique ἰών / ἐλθών + verbe d'action à un mode personnel, avec relation d'intention entre le déplacement et l'action, est bien attestée chez
Homère 55; citons un exemple évident de l'état supplétif, 11.1, 185... ἐγὼ δέ κ᾿ ἄγω Βρισηίδα... αὐτὸς ἰὼν xAvo(nv8e,... et ibid., 325 εἰ δέ xe μὴ δώῃσιν, ἐγὼ δέ xe αὐτὸς ἕλωμαι ἐλθὼν σὺν πλεόνεσσιν.... il s'agit dans les deux cas « d'aller chercher
(prendre) Briséis » : la relation d'intention entre le déplacement (ἰὼν / ἐλθών) et l'action (ἄγω Βρισηίδα 7 ἕλωμαι) est claire. Il semble y avoir formation d'une locution idiomatique où les composants perdent leur indépendance relative l'un par rapport à l'autre : on parlera de périphrase verbale, mais on évitera le terme d'emploi auxiliaire qui nous semblerait introduire une grave confusion dans les relations syntaxiques entre deux verbes dépendant l'un de l'autre (voir notre discussion des théses de W.
Dietrich dans Glotta, 60, 1982 et ZFSL,
94, 1983). Le
resserrement des liens dans le syntagme périphrastique est particuliérement frappant dans le cas de locutions trés fréquentes comme ἰών 7 ἐλϑὼν ἔζετο «aller s'asseoir », ἰὼν / ἐλϑών + «emmener, emporter, prendre», ἰὼν / ἐλθὼν ἔστη «aller se placer ». Mais un participe du verbe « aller » en accord avec le sujet de la
phrase peut toujours exprimer la simple concomitance, cf. pour le participe présent Od.Ill, 257 ἤτοι μὲν τόδε γ᾽ αὐτὸς οἴσεαι, ὥς xev ἐτύχθη, εἰ ζώοντ᾽
Αἴγισθον
Evı μεγάροισιν
ἔτετμεν
᾿Ατρεΐδης Τροίηθεν ἰὼν Eavôds Μενέλαος. Bérard traduit bien «... tu devines ce qui fût advenu si ce blond Ménélas, quand il revint de Troie, avait encore trouvé au manoir de l'Atride Egisthe survivant ; » (et non «si Ménélas était
rentré de Troie trouver au manoir... », car le but du retour de Ménélas n'était évidemment
pas de trouver Egisthe).
Pour le participe aoriste, citons //.V, 640 (Tlépolème évoque son père Héraklés) ὅς ποτε δεῦρ᾽ ἐλθὼν ἕνεχ ἵππων Λαομέδοντος ἕξ olns σὺν νηυσὶ καὶ ἀνδράσι παυροτέροισιν Ἰλίον ἐξαλάπαξε πόλιν, χήρωσε δ᾽ ἀγυιάς. On traduira littéralement « Héraklès qui, venu ici jadis pour les chevaux de Laomédon avec seulement six πεῖς et un petit nombre d'hommes, ravagea la ville d'Ilion et fit le vide dans ses rues. » L'opposition et la disproportion entre le but du voyage, les chevaux, et son résultat final, la destruction de Troie, sont nettement marquées dans le texte, alors que par elle-même, l'expression δεῦρ᾽ ἐλθὼν ... Ἰλίου ἐξαλάπαξε πόλιν peut aussi bien signifier «vint ici détruire la ville d'Ilion ». Cette ambiguité de la locution grecque obligera à l'utiliser avec prudence, en se rappelant que le grec posséde un autre moyen idiomatique d'exprimer une relation d'intention entre un déplacement et une action, avec le verbe de mouvement au mode personnel et le verbe d'action au participe futur (cf.
ci-dessus, 2.3.2.3, p. 39) et que cette locution, elle, est sans ambiguité. On utilisera donc surtout comme critère de l'appartenance au paradigme supplétif les types les plus fréquemment attestés, dont nous sommes sürs qu'il s'agit de périphrases ἰὼν
verbales usuelles à l'époque
homérique :
ἕζετο
ἰὼν ἔστη ἰών
+
verbe
«emmener,
emporter,
prendre...»
LE PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
41
en essayant de voir si d'autres verbes (e.g. ἕρπων, μολών 9, βαίνων.) Bác?" etc.) présentent des emplois analogues, la conjonction des types
εἶμι / ἦλϑον + participe futur ἰών 7 ἐλϑών + verbe d'action à un mode personnel étant particulièrement probante. 2.4.
L'ensemble
de
la théorie
de Bloch
est-il caduc?
Les indices formels des emplois avec sujet inanimé, des emplois des composés, des reprises d'un théme par un autre dans un méme contexte et des locutions idiomatiques avec sujet animé semblent donc converger, et attester
l'existence du systéme supplétif entre εἶμι et ἦλθον (et une relation avec ἔρχομαι), dans l'état le plus ancien que nous puissions saisir du grec 8, pour ce qui est du fonctionnement syntaxique, et indépendamment de toute préoccupation sémantique : d'une part les indices formels rapprochent entre eux ces thémes
verbaux, d'autre part ils les opposent à d'autres paradigmes de sens pourtant voisin (on a insisté sur les indices qui opposent εἶμι- ἦλθον à βαίνω-ἔδην à cause de la théorie de Bloch, mais les oppositions avec Ixdvw-Ixöunv par exemple seraient tout aussi nettes, sinon plus, cf. 2* partie, chap. II, 1.1, pp. 144-147). Pour le
probléme des deux futurs, des deux présents et des parfaits supplétifs du verbe « aller », cf. ci-dessous, chap. II, 1 pour le présent, 2 pour le futur, 4 pour le parfait. Faut-il alors renoncer à l'ensemble de la théorie de Bloch, et en particulier
à ses remarques sémantiques? Cela semble avoir été la position adoptée par P. Chantraine. On pourrait Citer un contre-exemple sémantique évident à la théorie de Bloch et s'en tenir là : II.XVII, 708 κεῖνον μὲν δὴ νηυσὶν ἐπιπροέηκα ϑοῇσιν, ἐλθεῖν εἰς ᾿Αχιλῆα πόδας ταχύν. οὐδέ μιν οἴω νῦν ἱέναι μάλα περ κεχολωμένον Ἕκτορι δίῳ. C'est Ménélas qui s'adresse aux
deux
Ajax;
il a envoyé
Antiloque
à la recherche
d'Achille,
ἐλθεῖν
εἰς
᾿Αχιλῆα : ἐλϑεῖν ne peut ici signifier que «aller» (du champ de bataille à la baraque d'Achille), excluant « venir»; mais Ménélas n'imagine pas (οὐδέ... οἴω) qu'Achille (μιν) viendra tout de suite : et cette fois, pour « venir » (de la baraque
vers le champ de bataille), c'est ἰέναι qui est employé. Les deux verbes contredisent donc absolument la théorie de Bloch, dont les seuls arguments sont l'intuition et la traduction dans une autre langue.
Bien qu'il n'ait pas cité cet
exemple, il s'est pourtant prémuni contre lui en disant que sa théorie n'est pas valable hors de l'indicatif ; nous pensons que les deux infinitifs ἐλϑεῖν et ἰέναι résultent de la transformation, d'une part d'un impératif "κεῖνον... ἐπιπροέηκα
[λέγων] ἴθι εἰς ᾿Αχιλῆα πόδας ταχύν 9, d'autre part d'un futur “οὐδ᾽ οὗτος vov ἐλεύσεται μάλα περ κεχολωμένος... ce qui n'est pas rigoureusement démontable ; s'il en est ainsi, l'exemple est un argument supplémentaire pour le système supplétif, et les oppositions sémantiques dégagées par Bloch, si elles sont réelles, sont au moins neutralisées dans certaines situations morphologiques (ici l'infinitif) ou syntaxiques (présence d'un complément de lieu, cf. εἰς ᾿Αχιλῆα). Etant admis que le paradigme homérique du verbe « aller » proprement dit est
présent-futur
εἶμι /aoriste
ἦλθον,
une
sémantique est désormais nécessaire.
étude
plus
complète
du
probléme
42
3.
ALLÉES
LE
SYSTÈME
SUPPLÉTIF
ET VENUES
ET LE PROBLÈME
SÉMANTIQUE
Définir sémantiquement les verbes de mouvement est en fait extrêmement difficile : il suffit de penser aux verbes français qui entreraient dans une telle étude pour s'en persuader : pour s'en tenir à quelques exemples, quelles sont les nuances
qui opposent aller, s'en aller, partir d'une part, venir, parvenir et arriver de l'autre ? L'ouvrage de Bloch nous oblige à aborder ce probléme, mais sa méthode, qui consiste à traduire les exemples grecs en allemand et à constater que le plus souvent,
ἐλθεῖν
correspond
à
«kommen»
et
εἶμι-ἰέναι
à
«gehen»,
est
inadéquate * : pour définir le sens d'un terme d'une langue, les sémanticiens modernes veulent, avec raison, des critéres internes à cette langue : il faut donc partir des emplois et non de la traduction. Il existe peu d'ouvrages linguistiques portant sur l'expression de la deixis ?
dans le verbe : outre ceux de Lyons, nous nous servirons de quelques articles portant
principalement
sur l'anglais et la grammaire
générale".
Le probléme
spécifique de la deixis spatiale dans le sémantisme de certains verbes de mouvement du type aller/venir n'apparait que récemment dans la bibliographie : C. Fillmore,
«Deitic
categories
in
the
semantics
of
"come" »,
FL,
2,
1966,
219-227,
J. Lyons, « A note on possessive, existential and locative sentences», FL, 3, 1967, 390-396 (repris et traduit en français dans Ling.Gén., 297-306), H. Seiler, «Probleme der Verb-subkategorisierung mit Bezug auf Bestimmungen des Ortes und der Zeit », Lingua, 20,
4, 1968, 337-3367, J. Anderson, «On the status of lexical formatives », FL, 4, 1968, 308-310, et The Grammar of Case. London-New York, 1971. La convergence de ce genre de
préoccupations dans les écoles anglo-saxonnes se regroupant autour de la «grammaire des cas» ou s'inspirant de la théorie de Tesnière sur la valence du verbe, laisse pressentir un rapport entre les constructions du verbe et les valeurs déictiques,
rapport
que
nous essayons de préciser pour le grec“.
Croyant, pour reprendre un titre de J.C. Milner, à une relation entre la syntaxe et l'interprétation, entre l'emploi et le sens, on commencera par essayer
d'établir des critéres d'opposition sémantique dans l'emploi des verbes. Pour éviter la confusion qui nait de la masse des exemples et afin d'avoir dans la langue homérique un échantillon-témoin assez homogène et assez ancien, on a relevé d'abord
tous
les exemples
du
chant
I de
l'/liade,
qui seront
présentés
en
tableaux. 3.1. Les exemples du chant I de l'Iliade
Dans le premier tableau, p. 43, qui présente l'ensemble des exemples de I1.I, les cas de supplétisme évident, utilisés dans les pages précédentes (2.3.1., pp. 37 à sou38) sont indiqués par une flèche simple, «—. La flèche double 7—, la dans 57) p. ligne une relation plus complexe, qui sera analysée plus loin (4, conclusion sur le probléme sémantique.
L'opposition
εἶμι - ἰέναι d’après les exemples
Hl. 1, v. 27
Μή
du chant
I de l'Iliade
εἶμι - ἰέναι σε, γέρον, κοίλῃσιν
ἐγὼ παρὰ
Il. Y, v. νηυσὶν κιχείω ee
0.
12
ἦλθον - ἐλϑεῖν
ὁ γὰρ [Χρύσης] ἦλϑε ϑοὰς ἐπὶ νῆας ᾿Αχαιῶν
307 335
347 δῶκε δ᾽ (scil. Πάτροκλος Βρισηίδα) ἄγειν τὼ δ᾽ αὖτις Imv παρὰ νηᾶς... ἡ δ᾽ ἀέκουσ᾽ ἅμα τοῖσι γθνὴ κίεν... 420 ... ἐρέουσα ἔπος Διὶ...
εἶμ᾽ αὐτὴ πρὸς Ὄλυμπον... 426 καὶ τότ᾽ ἔπειτά τοι εἶμι Διὸς ποτὶ χαλκοδατὲς δῶ 482
... ἀμφὶ δὲ κῦμα στείρῃ πορφύρεον μέγαλ᾽ ἴαχε νηὸς ἰούσης (sujet inanimé concret, navire, emploi absolu, cf. les emplois de l'imparfait avec sujet animé,)
371 Χρύσης δ᾽ αὖϑ ἱερεὺς... ἦλϑε ϑοὰς ἐπὶ νῆας ᾿Αχαιῶν... λυσόμενός τε θύγατρα... 394 ἐλθοῦσ᾽ Οὔλυμπὸν δὲ Δία λίσαι 475 ...... καὶ ἐπὶ κνέφας ἦλθε est un exemple du composé ἐπελθεῖν
IWDIAVAVd NAUIA
227
13
170 179 185
IJANOALIZA
169
cf. les emplois de ἰέναι 7
ἐλθεῖν pour le «temps qui vient», 2.2.3., pp. 34-36.
tv
47
λυσόμενός τε ϑύγατρα φέρων τ᾽ ... (cf. 371 ci-dessous) 151 πῶς τις... πείϑηται ᾿Αχαιῶν ... ἔκλαγξαν δ᾽ ἄρ᾽ ὀιστοὶ x” dv χωομένοιο ἢ ὁδὸν ἐλϑέμεναι ἢ... αὐτοῦ χινηϑέντος΄ ὁ δ᾽ ἤιε νυχτὶ ἐοικώς (Achille à Agamemnon ; Φϑίηνδ᾽ s'oppose ἃ δεῦρο, cf. l'exemple 152 (Achille à Agamemnon : δεῦρο = la Troade, l'«ici» de l'instance ci-contre) Νῦν δ᾽ εἶμι Φϑίηνδ᾽ ἐπεὶ À πολὺ φέρτερόν ἐστιν 2 = d'énonciation actuelle ; l'aoriste s'oppose fortement au présent, cf. ci-contre) Οὐ γὰρ ἐγὼ Τρώων ἕνεκ᾽ ἤλυϑον οἴκαδ᾽ ἵμεν σὺν νηυσὶ κορώνισιν, ... οἴκαδ᾽ ἰὼν σὺν νηυσὶ... Μυρμιδόνεσσιν ἄνασσε... δεῦρο μαχησόμενος ... ἐγὼ δέ κ᾽ ἄγω Βρισηίδα... 194 ... ἦλθε δ᾽ ᾿Αϑήνη οὐρανόϑεν (cf. 202 τίπτ᾽ αὖτ᾽ εἰλήλουϑας) αὐτὸς ἰὼν κλισίηνδε,... οὔτε λόχονδ᾽ ἰέναι σὺν ἀριστήεσσιν ᾿Αχαιῶν 207 Ἦλθον ἐγὼ παύσουσα τὸ σὸν μένος... τέτληκας θυμῷ οὐρανόϑεν 269 καὶ μὲν τοῖσι ἐγὼ μεϑομίλεον ἐκ Πύλον ἐλϑών, Πηλείδης μὲν ἐπὶ κλισίας καὶ νῆας ἐίσας τηλόϑεν ἐξ ἀπίης yaínc,... fie σύν τε Μενοιτιάδῃ καὶ οἷς ἑτάροισιν 325 el δέ xe μὴ ὄφησιν, ἐγὼ δέ xev αὐτὸς ἕλωμαι (Achille aux messagers d'Agamemnon) χαίρετε κήρυκες, ,... ἐλϑὼν σὺν πλεόνεσσιν ἄσσον ἴτ᾽" où τί μοι ὕμμες ἐπαίτιοι, ἀλλ᾽ Αγαμέμνων
31
ἢ νῦν δηϑύνοντ᾽ À ὕστερον αὖτις ἰόντα
44
ALLÉES
ET VENUES
Si dans ce corpus on oppose les emplois syntaxiques au point de vue du complément
de lieu,
on
a la distribution
nombre total des exemples : ἰέναι (Elu + imparfait + modes
suivante :
autres que
l'indicatif) : 13 formes.
ἐλϑεῖν : 10 formes. — avec complément indiquant la direction du mouvement : 9 ex. avec ἰέναι
4 ex. avec ἐλϑεῖν
v. 169 Φθίηνδε 170 οἴκαδ᾽ 179 οἴκαδ᾽
v. 12 ϑοὰς ἐπὶ νῆας 152 δεῦρο 370 ϑοὰς ἐπὶ νῆας
185 χλισίην-δέ 227 307 335 420 426
394 Οὔλυμπόνδε
λόχον δέ ἐπὶ κλισίας καὶ νῆας ἄσσον πρὸς Ὄλυμπον Διὸς ποτὶ χαλκοδατὲς
δῶ
— avec complément indiquant l'origine du mouvement : AUCUN ex. avec ἰέναι
/
3 ex. avec ἐλϑεῖν v.
194 οὐρανόθεν 207 οὐρανόθεν 269
ἐκ
Πύλου,
τηλόθεν...
— les emplois absolus* En l'absence de complément
de lieu, on parlera d'emploi absolu.
3 exemples clairs avec ἱέναι v. 27 ὕστερον αὖτις ἰόντα.
/
(mais δεῦρο est implicite, cf. ci-dessous, 3.3.2, p. 48)
47 ὁ δ᾽ ἤιε νυχτὶ ἐοικώς aucune mention de direction ni d'origine - dans le contexte, même implicitement : emploi absolu «pur ». 482 νηὸς ἰούσης : méme type d'emploi, mouvement sans but apparent, avec sujet inanimé. 347 cet exemple doit étre compté
ici,
malgré
la
présence
du
complément παρὰ νῆας : il ne s'agit pas d'une mention de direction de mouvement, mais
plutôt du décor devant lequel il a lieu (nous adopterons le terme de complément scénique repris à Boons-GuilletLeclere ”).
3 ex. avec ᾿ἐλϑεῖν : 1 seul est un emploi absolu «pur», v. 325 αὐτὸς ἕλωμαι, ἐλϑών 151 ὁδὸν ἐλϑέμεναι
cf. ci-dessus, p. 38 475 est un composé (ἐπι... ἦλϑε)
LE
PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
45
Si l’on regarde verticalement la distribution des 13 et 10 exemples respectifs de ἱέναι et ἐλϑεῖν en trois catégories d'emplois, 1) ἰέναι semble d’après les exemples du chant I de l'Iliade avoir essentiellement
deux emplois : — mouvement orienté vers un but précisé (9 ex. sur 13, et 1 où δεῦρο est implicite) —
mouvement
sans orientation
précise,
explicite ou
non;
le mouvement
semble envisagé pour lui-même, alors que dans le type qui précède, le déplacement d’un point vers un autre semble avoir son importance. 2) les emplois de ἐλϑεῖν, d’après le même corpus, semblent plus partagés : —
mouvement
orienté
vers un lieu précis (4 ex. sur
10)
— origine du mouvement précisée (3 cas sur 10) : emploi apparemment non admis pour ἰέναι d’après le corpus choisi. — emploi absolu (3 cas sur 10, mais la notion de mouvement envisagé pour lui-même apparaît moins nettement que pour ἰέναι : cela sera à préciser grâce à l'extension du corpus, comme l'existence de l'emploi avec origine du mouvement
pour ἰέναι). Cette opposition
peut étre représentée
par le schéma
suivant :
ἰέναι
ἐλϑεῖν
>|
—-
mouvement orienté vers un but précisé]
mouvement orienté vers un but précisé
—»—
mouvement avec déplacement, mais sans but précisé : emploi absolu
emploi absolu? (mal attesté) μ-
i
emploi orienté à partir d'une origine
précisée N.B. : la flèche _. l'origine du mouvement
symbolise dans ce schéma le déplacement : le but et sont symbolisés le cas échéant par |.
Nous ne prétendons pas que le système grec recouvre ici le système français, pas plus que le systéme allemand ou anglais : remarquons seulement que dans les langues où existe une opposition du type «aller/venir»* (fr. aller, gehen, kommen, angl. to go, to come), la mention d'une origine fréquemment
associée
à «venir»
sans mention
de direction”,
venir, all. se trouve
cf. les exemples
cités par le Dictionnaire Robert pour éviter les exemples personnels (s.v. venir : «les nuages viennent de l'Ouest », «Ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal», La Fontaine,
« Toute
justice vient de Dieu»,
viennent du cœur», Vauvenargues,
latin»),
alors
qu'avec
«aller»
on
Rousseau,
« Les grandes
pensées
«La plupart des mots français viennent du
ne
trouve
une
mention
association avec une mention de direction (cf. dans le méme aller : «Il faut tant d'heures pour aller de Paris
d'origine
qu'en
Dictionnaire, s.v.
à Bordeaux », « Les forains vont de
46
ALLÉES
ET VENUES
ville en ville »). Quant à l'emploi absolu que, faute de mieux, on a appelé « pur », il
n'existe en français que pour «aller», et semble-t-il avec une prédilection pour l'imparfait descriptif, cf. La Fontaine et Hugo
«Elle allait à grands pas», «Ils chantaient, ils allaient, l'âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers/.../ ils allaient, fiers, joyeux, /.../ On allait, en avant» («O soldats de l'an deux», Chátiments). Cet emploi de l'imparfait du verbe «aller» se rencontre aussi en latin, cf. Virgile, En. VI, 268
Ibant obscuri sola sub nocte per umbram et l'on verra qu'il est homérique. En grec, on trouve aussi à l'occasion le présent dans cet emploi,
comme
en français, cf. Hugo,
Contemplations,
VI
«Je suis celui que rien n'arréte, Celui qui va... ». Pour «venir», sauf dans la locution aller et venir (avec les expressions nominales correspondantes, des allées et venues, un va et vient), l'emploi absolu
implique une référence implicite au «lieu de l'énonciation » : alors que aller peut étre soit déictique soit neutre par rapport à la référence spatiale déictique, venir
est essentiellement un verbe déictique, et n'est neutralisé que dans le syntagme idiomatique du frangais en conjonction avec aller.
Si l'opposition sémantique que Bloch a cru voir entre εἶμι et ἦλϑον, et qu'il définit
maladroitement
par
une
traduction,
recouvre
bien,
comme
nous
le
croyons, une opposition de nature déictique, on peut espérer trouver un critére formel valable d'opposition dans la distribution des syntagmes formés par un verbe
de mouvement et un indicateur de relation spatiale impliquant une orientation de l'espace par rapport à l'instance d'énonciation : comme l'ont montré K. Brugmann, puis E. Benveniste pour les pronoms (références ci-dessus, n. 42),
fr.ici/là et là-bas et les pronoms démonstratifs introduisent une référence à des éléments qui ne font pas partie du contexte linguistique (référence anaphorique), mais renvoient comme
à la situation d'énonciation ; ce sont des catégories déictiques,
le vocatif et l'impératif dans la flexion nominale et verbale, et comme
verbes «aller/venir»
les
dans le lexique.
En français, aller admet
la combinaison syntagmatique avec là-bas, mais
n'admet pas, (ou difficilement) la combinaison avec ici ; inversement, venir admet
ici,
qui
est méme
implicitement
présent
dans
l'emploi
absolu
du
verbe,
cf.
ci-dessus, p. 45, et exclut /à-bas. Si l'opposition entre εἶμι et ἦλϑον est celle que décrit Bloch, et que nous reformulons dans les termes de deixis spatiale efférente et
afférente, ou centrifuge et centripète ?!, on doit trouver en grec des indices de cette opposition dans les combinaisons syntagmatiques entre εἶμι / ἦλϑον et (E)xevoe/
δεῦρο. Ce critère des adverbes de lieu déictiques n’est malheureusement pas décisif si
l'on s'en tient aux exemples du chant I de l'Iliade : on y trouve en effet, en face d'un exemple de δεῦρο avec ἐλθεῖν, vers 152, deux exemples de ἄσσον avec ἰέναι, vers 335 et 567 ; dans le premier de ces deux exemples, ἄσσον dans le dialogue,
avec l'impératif ἴτε, ne peut signifier que « plus près (de moi) » : bien que près/loin et ici/là-bas représentent deux ordres de référence différents, dont on rappellera les affinités avec l'impératif (cf. les formes δεῦρε, δεῦτε, Chantraine, Dict. Etyrn., s.v. δεῦρο), ἄσσον peut étre assimilé à un comparatif de δεῦρο.
LE
PARADIGME
PERDU
ET
RETROUVÉ
47
Le chant I ne présente aucun exemple, ni d'un côté ni de l'autre, avec un adverbe de deixis centrifuge du type κεῖσε. Deux emplois de ἱέναι avec olxa6’ (v. 170 et 179) impliquent en fait ce sens, puisque οἴκαδε représente pour Achille la Phthie (cf. v. 169), patrie lointaine opposée au δεῦρο qu'est la Troade : dans sa
réponse, Agamemnon oppose d'ailleurs au leit-motiv d'Achille (le départ et le retour chez soi : v. 169 εἶμι Φθίηνδ᾽, 170 οἴκαδ᾽ ἵμεν) qu'il reprend par οἴκαδ᾽ ἰών (v. 179), le verbe μένειν au v. 174... οὐδέ o ἔγωγε λίσσομαι εἵνεκ᾽ ἐμεῖο μένειν... «je ne te supplie pas de rester à cause de moi». Mais l'interprétation d'adverbes ou locutions adverbiales comme οἴκαδε dépend toujours du contexte, et n'est donc pas un critère d'opposition sémantique aussi sûr que celui de δεῦρο, κεῖσε : on pourra tenir compte désormais, outre les
adverbes déictiques explicites que sont δεῦρο 7 κεῖσε, des déictiques ambigus comme οἴκαδε, avec précaution bien sür puisque leur interprétation dépend du contexte, et que notre interprétation du contexte linguistique dépend elle-méme du sens que nous attribuons à chaque terme. L'étude des relations sémantiques formellement garanties par la présence d'un complément de direction ou d'origine dans le corpus limité du chant I de l'Iliade permet donc, grâce au petit nombre des exemples, de dégager certains critéres d'opposition essentiels, et de pressentir le róle essentiel des éléments
déictiques dans l'opposition εἶμι / ἦλθον : mais le petit nombre des exemples a aussi son inconvénient, la très large part laissée au hasard. Il est temps maintenant
de tenir compte de l'ensemble des exemples homériques, avec les critéres syntagmatiques précis découverts à partir du chant I de !’Iliade : on opposera donc dans les tableaux qui suivent les indicateurs déictiques explicites aux indicateurs ambigus, les indicateurs de direction aux indicateurs d'origine, et les indicateurs de deixis centrifuge
l'énonciation), rapport
(impliquant
un mouvement
s'éloignant
du lieu-repère
aux indicateurs centripètes (impliquant un rapprochement
au méme
repère),
ces oppositions
étant combinables
de
par
entre elles.
3.2. Les indicateurs de direction explicitant une deixis spatiale
3.2.1. Deixis centrifuge (éloignement par rapport au lieu de l'énonciation) : εἶμι fa ἱέναι
ἦλθον
κεῖσε : Jl. III, 410, XII, 356, XII, 368
= XIII, 752, XXIV, πόσε
κεῖσε : pas d'ex. dans l'Iliade
199
Od. IV, 274, VI,
(pas d'ex. dans l'Odyssée). : Od. X, 431.
423, XVIII,
164, XIII,
339.
3.2.2. Deixis centripéte (rapprochement par rapport au lieu de l'énonciation) : εἶμι, ἤια, ἰέναι δεῦρο
: Ji. II, 130, XXIII, 646. Od.
390,
ἦλϑον VII,
75,
pas d'exemple.
: A. I, 152, [Π, 162, 205, V, 640, XV, 55, 175, XVIII, 135. Od. III, 426, IV, 810, V, 99,
ἐνθάδε : Il. pas d'exemple
Od. VI, 179, XXIV,
δεῦρο
XXIV,
307.
Hymne
à Aphrodite,
ἐνθάδε : II. pas d'exemple
260.
Od. XXII, 483.
V, 95.
48
ALLÉES
ET VENUES
3.3. Les indicateurs de direction ambigus à l'égard de La deixis spatiale La grande majorité des adverbes et locutions adverbiales de lieu n'expriment
pas la deixis, mais la présupposent : seul l'examen attentif du contexte permet alors de lever l'ambiguité. 3.3.1. Le contexte implique une deixis centrifuge. εἶμι, fia, ἱέναι οἴκαδε : 41,
ἔνθα:
170,
179,
Od. II, 179, XVIII, 408. A. XIII, 789
εἴσω : Od. XVII,
ἦλθον
XVII,
155.
VII,
188
οἴκαδε : Il.
= σχεδόν
256.
pas
d'exemple.
Od. II, 233 = V, 220 = VIII, 466. + génitif : 1. X, 308 = 320 (νηῶν:
sci
les
ἄσσον : Il. XV, 105, XXIII, 8.
achéens,
c'est
Hector
navires
Od. IX, 300 ἀπάνενϑεν : Od. VI, 223.
parle); Jl. X, 395 (ἀνδρῶν δυσμενέων); Od. XI, 166 2 481 (Αχαιΐδος, c'est Ulysse qui parle); Od. IV, 439
qui
(αὐτῆς). 3.3.2. Le contexte n'exclut pas (mais impose rarement) l'idée d'un rapprochement par rapport au lieu-repère de l'énonciation : deixis centripète? εἶμι, ἤια, ἰέναι
ἦλθον
οἴκαδε : Il. pas d'exemple. Od. XIV, 181? XVI,
463?
οἴκαδε : pas d'exemple σχεδόν : sans complément
εἴσω: Od. XVI, 41? = XVII, 30? ἐγγύς : Il. XXI, 285? ἄσσον : Il. 1, 335, 567? VI, 143, IX, 508,
XX,
429,
XXIII,
nominal
Il. 1X, 304, IV, 247, XIII, 810, XVII, 600, Od. XVI, 157,
667,
avec un génitif : I. V, 607?
Od. XIX, 392?
XIII, 402? XX, 363. avec un datif : Il. XXI, 64? ἄσσον : + génitif, Od. XVII, 304?
3.4.
Les
indicateurs
d'origine
L'examen des emplois du chant I de l'/liade a montré qu'ils sont au moins plus fréquents avec ἐλθεῖν qu'avec ἰέναι pour lequel nous n'avions relevé aucun exemple (ci-dessus, 3.1., p. 44). Le tableau de l'ensemble des occurrences ci-dessous confirme la fréquence supérieure de leur combinaison syntagmatique avec ἐλϑεῖν, mais montre qu'elle est cependant attestée aussi avec ἰέναι ; surtout, c'est la distribution des emplois en fonction d'une éventuelle distinction déictique du type «aller »/« venir», c'est-à-dire éloignement/rapprochement par rapport au
lieu de l'énonciation qui sera mise en évidence; en effet, théoriquement, indicateurs
d'origine
sont
par
nature
ambigus
à l'égard
de
cette
les
distinction,
contrairement à certains des indicateurs de direction, cf. ci-dessus 3.2, p. 47 : sien
français aller n'admet une indication d'origine que si une indication de direction la
LE
PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
49
complète (aller de... ἃ..., ci-dessus, pp. 45-46), partir n'est pas dans ce cas (cf.
Dict. Robert «partir d'un endroit, de chez soi») : alors que aller exprime une deixis centrifuge, et se comporte bizarrement par rapport aux indications d'origine, partir? est essentiellement déictique, centrifuge ; quand il est employé
absolument, il s'oppose plus clairement à venir, et admet comme lui ja combinaison avec une indication sur l'origine du mouvement, symétrie que l'on symbolisera
par le schéma
suivant :
point X origine Ε| locuteur A
sujet B A dit : « B part de X» (X peut être «ici». Absolument « B part» implique une référence au lieu de l'énonciation comme point de départ) point X origine lieu
A
de
l'énonciation
dit : « B vient de X»
Les indicateurs d'origine du mouvement étant par nature ambigus pour ce qui est de la deixis, il faut donc chercher dans les contextes des indices de la deixis
verbale éventuelle,
pour chaque
exemple.
3.4.1. Deixis centrifuge (éloignement par rapport au lieu de l'énonciation : type du français partir de): εἶμι, ἤια, ἰέναι
ἦλθον
Il. XIX, 288 κλισίηϑεν ἰοῦσα (l'oppo-
Aucun
exemple.
sition à &y ἀνιοῦσα, 290, implique le sens «au moment οὗ je partais de la baraque », c'est-à-dire d'«ici»). Od. IV,
488
οὖς
Νέστωρ
καὶ
ἐγὼ
λίπομεν Τροίηϑεν ἰόντες, l'opposition λίπομεν/ lévres implique un mouvement centrifuge : cf. sur λείπω τινὰ ἰών, troisième partie, chap. III, 2.4.3. p. 224.
3.4.2. Deixis centripète (rapprochement par rapport au lieu de l'énonciation, type du français venir de) :
εἶμι, fia, ἱέναι 111, 596 Οἰχαλίηϑεν ἰόντα XII, 336 κλισίηϑεν ἰόντα XXIV,
ἰόντα
492 φίλον
υἱὸν Τροίηϑεν
ἦλθον Il. 1, 194 οὐρανόϑεν I, 269, V, 651 τηλόϑεν IV, 500 ᾿Αδυδόϑεν
Od. IN, 320 ὅϑεν
50 Od. IN,
ALLÉES 257
εἰ ζώοντ᾽ Αἴγισθον... ἔτετμεν … Τροίηϑεν ἰὼν ξανϑὸς
Μενέλαος. ib. , 276? ἡμεῖς μὲν ἅμα Τροίηϑεν ἰόντες
ET VENUES VH, 33, 52 et XVII, 112 ἄλλοθεν Od. XV, 423, XVII, 368, πόϑεν
πλέομεν
Si les critères retenus ont une valeur en grec, les tableaux des $ 3.2, 3.3 et 3.4 semblent confirmer la théorie de Bloch au moins du point de vue des rapports numériques : avec les indicateurs de direction explicitant la deixis, on compte une majorité d'emplois impliquant éloignement par rapport au lieu de référence pour ἰέναι. La majorité est renversée pour les emplois impliquant un rapprochement : 5 pour ἰέναι, 13 pour ἐλθεῖν. Si on lit le tableau dans le sens vertical, ἐλθεῖν est trois fois plus employé avec un indicateur impliquant un rapprochement qu'avec l'autre type, et ἱέναι est plus souvent employé avec un indicateur impliquant éloignement
qu'avec l'autre type S. Le tableau de 3.2 (1 et 2), οὐ n'entre aucune part d'interprétation sémantique, puisque l'opposition déictique κεῖσε δεῦρο existe explicitement dans la langue grecque 55, comme en français ici/là, ou en allemand la double opposition hierldort et hin/her, est naturellement de ce fait le plus important.
Les tableaux
suivants ne font que confirmer les hypothèses que l'on a pu tirer de ce premier
tableau. 3.5. L'opposition sémantique ἱέναι / ἐλϑεῖν dans les emplois absolus 3.5.1. A l'indicatif Dans le dialogue, l'opposition entre les première et deuxième personnes respectives des deux verbes est particulièrement frappante : εἶμι implique
toujours la décision d'un départ imminent (cf. ci-dessous, chap. II, 2.4, pp. 79-80 sur εἶμι, présent-futur et sur son opposition à la fois au présent ἔρχομαι et au futur ἐλεύσομαι), éventuellement accompagnée d'une explication sur le but ou l'intention du déplacement (participe futur, ὄφρα... etc. 55), alors que ἦλϑον est toujours dit au personnage à qui l'on rend visite, ou que l'on est venu aider, lequel interroge le premier sous la forme τίπτ᾽ ἦλϑες (ci-dessus, 2.3.2.3, p. 39) ou πῶς ἦλθες, Od. X, 64 (interrogation sur les raisons ou les moyens du déplacement
constaté en direction du lieu de référence). On imagine que, dans la logique du système, "τίπτ᾽εἶ, "πως el, serviraient à interroger sur les raisons et les moyens d'un départ imminent : mais on n'a pas de preuves formelles dans ce sens, qui
permettraient de compléter le tableau des symétries dans l'opposition εἶμι, ἦλθον et de la grammaire de l'interrogation sur un déplacement. Pour ce qui est de la « non-personne » 5, εἶσι et ἤιε employés absolument font référence soit à un mouvement envisagé pour lui-même, indépendamment de toute notion d'orientation de l'espace par rapport au lieu de l'énonciation (e.g. bte ἔθνεα εἶσι μελισσάων ἀδινάων, IL. TI, 87, οἱ δ᾽ ἄλλοι ἀκὴν Toav..., IL. IV, 429, etc. 57) : emploi neutre pour ce qui est des oppositions déictiques, soit, plus rarement, à un départ (deixis centrifuge : les exemples sont discutables, cf. Od. XIX, 431 βάν ῥ᾽ Inev ἐς θήρην, ἡμὲν κύνες ἠδὲ καὶ αὐτοὶ υἱέες Αὐτολύκου. μετὰ τοῖσι δὲ δῖος Ὀδυσσεύς ἤϊεν...). Au contraire pour
LE PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
51
ἐλϑεῖν, même les exemples de la troisième personne impliquent pour l’emploi absolu un mouvement
en direction du lieu de l’énonciation dans le dialogue, et
dans le récit un mouvement en direction de la personne dont l'auteur du récit * fait momentanément adopter le point de vue : //. III, 189, par le choix des termes déictiques, Priam fait adopter dans son récit à Hélène le point de vue de ses alliés Phrygiens sur l'arrivée des Amazones
en Phrygie
ἤματι τῷ ὅτε τ᾽ ἦλθον 'Auatóveg ἀντιάνειραι «le jour où vinrent les Amazones émules des hommes » : on aurait alors une sorte de polyphonie des points de vue ou des centres de référence déictique ?, à moins que la référence déictique de ἦλθον
ne soit parfois plus large, ou plus vague,
que le «lieu de
l'énonciation » proprement dit et ne renvoie au centre de référence de l'énonciateur, ou d'une communauté dont il fait partie. On n'entend pas ici par large l'extension spatiale de ce lieu (par exemple le point de l'espace occupé par mes
pieds ou mon corps, la maison/la ville/ le pays dans lequel je me trouve) : nous trouvant à Paris, mon interlocuteur et moi, je peux utiliser venir par référence à un
lieu dans lequel nous ne trouvons ni l'un ni l'autre : tu viens au cinéma ?, tu viens à Strasbourg avec moi? : la référence déictique nous renvoie à un lieu oà nous pourrions nous trouver ensemble, et nous y transporte fictivement dans la représentation
(remarque
due
à O. Ducrot).
3.5.2 A l'impératif : va au diable ou viens à mon secours! Ἴθι employé absolument et sans adverbe de lieu donne toujours un ordre de départ 9, et ἐλθέ est un appel à venir en direction du locuteur (éventuellement un
appel au secours). Δεῦρ᾽ ἴθι est attesté toutefois9, ce qui prouve que la valeur déictique du verbe est neutralisable, jusqu'au renversement complet dans le cas d'un terme déictique plus « fort» que lui comme c'est le cas de δεῦρο, κεῖσε par
rapport à εἰμι ήλθον 9. Le comportement des impératifs ἴϑι et ἦλθον est confirmé par une recherche sur les emplois idiomatiques de ces mots dans la langue grecque aprés Homére : l'impératif centrifuge est employé idiomatiquement dans les formules
de
malédiction,
too'
(ἴθι)
ἐς
κόρακας,
et
diverses
formes
de
substitution ^ (cf. français Va au diable, envoyer au diable, etc. : la deixis centrifuge des formules de malédiction est évidente), alors que ἐλθέ est employé idiomatiquement dans les priéres, oà l'on demande son secours à un dieu : qu'il vienne soutenir son suppliant (voir ci-dessus, n. 61). Autre confirmation de cette opposition sémantique, la première personne du
subjonctif est souvent employée comme impératif par Homére pour ἰέναι (ἴω, ἴομεν cf. e.g. IL.IX, 625 διογενὲς Λαερτιάδη,
πολυμήχαν
Ὀδυσεῦ,
ἴομεν... ©),
alors qu'on ne trouve pas ἔλθω,ξλθωμεν dans cet emploi: cela pourrait s'expliquer si l'on pense qu'il est possible de s'inciter soi-même au départ (fr. allons, partons), mais non à un mouvement en direction du lieu de l'énonciation,
puisque par définition c'est là oà l'on se trouve (fr. *venons). D'autre part, l'impératif présent est le seul des deux à se préter à l'emploi idiomatique comme formule d'exhortation96 (cf. français allons / sans notion de mouvement : sens « vide ») ce qui peut s'expliquer par sa possibilité d'étre neutre à
l'égard des oppositions déictiques, cf. ci-dessus, passim.
52
ALLÉES
ET VENUES
3.5.3. A l'infinitif Le théme de présent est le seul à se trouver à l'infinitif dans le syntagme idiomatique du type βῆ δ᾽ἰέναι, βῆ ὁ ἵμεν, βῆ δ᾽ἴμεναι (βάν) 7. On ne peut invoquer les raisons métriques pour expliquer l'absence de "βῆ δ᾽ ἐλθεῖν : la formule est parfaitement admissible métriquement, et la diversité des formes qui peuvent se substituer à ἱέναι prouve assez la virtuosité des aèdes devant ce genre de difficulté. Devant la fréquence du type βῆ ô’lévar et le type de variantes admises par la langue, la seule explication possible de la constance de l'infinitif présent complément est que l'aspect duratif du thème combiné avec le caractère non-effectif de la racine® est essentiel dans ce type de locution. Comme complément d'un verbe d'ordre , l'opposition de l'infinitif présent à l'infinitif aoriste semble reproduire l'opposition des deux impératifs (3.5.2, p. 51), cf. e.g. ILII, 451 (le sujet est Athena, αἰγίδ ἔχουσ᾽...) σὺν τῇ παιφάσσουσα διέσσυτο λαὸν ᾿Αχαιῶν / ὀτρύνουσ᾽ ἰέναι. La déesse engage les Grecs à aller de l'avant (ἰέναι transpose l'impératif ἴτε), cf. la traduction de P. Mazon,
«l'égide en main,
partout
présente, elle va à travers l'armée
des
Achéens, les poussant tous de l'avant », exemple auquel on opposera Od. XVII,
509 (Pénélope s'adresse à Eumée) : ἔρχεο, δῖε Εὔμαιε, κιὼν τὸν ξεῖνον ἄνωχϑι, ἐλϑέμεν, ὄφρα τί μιν προσπτύξομαι ἠδ᾽ ἐρέωμαι, littéralement, «va,... va
demander à l'étranger de venir... ». Avec
un
autre
«révélateur
aspectuel»,
la conjonction
xoív??,
la deixis
centripéte de ἐλθεῖν se manifeste encore clairement dans le leit-motiv du bonheur ancien des Troyens, cf. ΠΧ, 403 (vers formulaire, voir Wackernagel, Vorlesungen, 1, 262) τὸ πρὶν ἐπ’ εἰρήνης, πρὶν ἐλθεῖν υἷας ᾿Αχαιῶν «jadis, du
temps de la paix, avant la venue (ou l'arrivée?) des Achéens » 7). 3.5.4. Au participe
On laissera de côté le type ἰών λϑών + verbe à un mode personnel", où le systéme supplétif semble avoir neutralisé à peu pres totalement les oppositions sémantiques, et où compte surtout l'opposition aspectuelle présent/aoriste (comme s'il s'agissait d'un paradigme normal, non supplétif). Il reste alors à examiner deux types syntaxiques, selon que le sujet du participe est le sujet de la phrase (du verbe principal) ou non : — Type
1 : le sujet du participe est le méme que le sujet de la phrase :
On opposera ici les expressions de la joie de partir et de la joie que l'on donne
par sa venue,
cf. ΠΧ,
35 τὸν δ᾽ εὗρ᾽ ἀμφ᾽ ὥμοισι τιθήμενον ἔντεα καλὰ
vni παρὰ πρύμνῃ τῷ δ᾽ ἀσπάσιος γένετ᾽ ἐλθών (Ménélas inquiet va dans la nuit voir s'il n'est rien arrivé de fâcheux à Agamemnon : «et sa venue (son arrivée ?) lui fut agréable», littéralement «et il fut agréable pour lui en venant »)
et Od.XXIV, 313... (ὄρνιθες)... δεξιοί, olg χαίρων μὲν ἐγὼν ἀπέπεμπον ἐκεῖνον, χαῖρε δὲ κεῖνος ἰών... "* «(les oiseaux de bon augure)... dont je me réjouissais en le reconduisant, et lui s'en réjouissait en s'en allant» : la valeur idiomatique de ces deux exemples permet de reconstituer quatre expressions-types selon les combinaisons départ/venue et joie éprouvée/causée à quelqu'un d'autre :
LE
PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
53
— ὀἀσπάσιος γένετο τῷ δεῖνα ἰώνέλθών : «son départ/sa venue fut agréable à untel»
— —
χαίρει ἰών 7 ἐλθών «il se réjouit de partir/d'étre venu (d'arriver). »
Type 2 : le sujet du participe n'est pas celui de la phrase : Les emplois du datif manifestent particulièrement l’opposition déictique des
deux participes : pour ἰόντι, on retrouve les deux emplois de ἰέναι, le mouvement envisagé pour lui-même, sans indication d'une direction quelconque, cf. 1.ΧΙΧ, 166..., βλάδεται δέ τε γούνατ᾽ ἰόντι, littéralement «tandis qu’il se déplace, ses genoux se dérobent», et le mouvement avec deixis marquée, qui est alors centrifuge, cf. JI. XVI, 838 (raillerie d'Hector à Patrocle mourant) [᾿Αχιλλεύς] ὅς πού τοι μάλα πολλὰ μένων ἐπετέλλετ᾽ ἰόντι «(Achille) qui te faisait, j'imagine, mille recommandations à ton départ, alors qu'il restait là». Quant à ἐλθόντι, il manifeste évidemment la valeur déictique de rapprochement par rapport au lieu de l'énonciation : ainsi, on peut rapprocher par exemple /I. XIV, 504 οὐδὲ γὰρ ἡ Προμάχοιο
δάμαρ
᾿Αλεγηνορίδαο /
ἀνδρὶ φίλῳ ἐλθόντι γανύσσεται, ...75 de certains emplois de νοστήσαντι (deuxième partie, chapitre III, pp. 173-174) : on se réjouit de la venue ou de l'arrivée d'un proche comme on se réjouit ailleurs de son retour.
De méme Od. III, 390 Τοῖς δ᾽ ὁ γέρων ἐλθοῦσιν ἀνὰ κρητῆρα κέρασσεν οἴνου ἡδυπότοιο,
... littéralement « à leur venue (arrivée), le vieillard mélangea... ».
3.6. Une opposition lexicale privilégiée:
le comportement des verbes «rester, attendre» par rapport à ἰέναι et à ἐλθεῖν L'opposition μένων ἰόντι 76 dans Il. XVI, 838 (exemple cité quelques lignes ci-dessus) invite à rechercher des exemples de contextes où μένω voisinerait avec
ἐλθεῖν : or l'opposition de comportement de ἰέναι et de ἐλθεῖν, dans un contexte comprenant
μένω
ou des verbes
sémantiquement
apparentés,
confirme
d'une
manière éclatante l’hypothèse d'une opposition sémantique de nature déictique entre le présent et l'aoriste : εἶμι et μένω apparaissent toujours comme des opposés sémantiques, cf. Ji. IX, 701 (rendant compte
à Agamemnon de l'insucces
de sa mission auprès d'Achille, Diomède donne son avis personnel) ἀλλ᾽ ἦτοι κεῖνον μὲν ἐάσομεν, ἤ xev Inowv/ fj κε μένῃ... « Qu'il parte, ou qu'il reste» : il s'agit d'une alternative, les deux termes sont présentés comme antithétiques et incompatibles, pour un méme sujet grammatical. II. XVI, 838 cité
ci-dessus, p. 53 montrait la compatibilité des deux verbes pour deux sujets différents (l'un reste, l'autre part) et implique donc la méme valeur antithétique. Au contraire, il n'existe aucune opposition sémantique entre « rester, attendre » et
ἐλθεῖν, cf. II. VII, 415 οἱ δ᾽ ἕατ᾽ εἰν &yogfi.. 7... ποτιδέγμενοι ὁππότ᾽ ἄρ᾽ ἔλθοι 7 ᾿Ιδαῖος᾽ ὁ δ᾽ ἄρ᾽ ἦλθε... (littéralement, «ils étaient assis dans l'assemblée, attendant jusqu'à ce que vienne...») et ΠΙΝ, 247 ἦ μένετε Τρῶας σχεδὸν ἐλθέμεν, ... « Attendez-vous que les Troyens arrivent tout pres?» Le rapprochement de ces exemples et leur cohérence permet encore de reconstituer une phrase du type * A. εἶσι, B. μένει, (nouôéyuevos) ὁππότ᾽ ἄρα C. ἔλθοι.
54
ALLÉES
lieu de l'énonciation «δεῦρο»
ET VENUES
A. εἶσι
Β. μένει
C. (ἐλθεῖν)
3.7. Contradictioft entre l'opposition sémantique
εἶμι / ἦλθον
et leur relation
paradigmatique?
Nous admettons donc que de nombreux indices formels (distribution des deux verbes avec les indicateurs déictiques de relations spatiales, emplois absolus de l'indicatif, de l'impératif, de l'infinitif et du participe, relation lexicale particulière
avec le verbe μένω : ci-dessus, pp. 42 à 54) semblent vérifier la théorie d'Alfred Bloch par une méthode très différente de la sienne. On a vu auparavant, par des indices formels tout aussi probants, que ἦλθον joue dans la phrase le róle d'un
aoriste de εἶμι (2., pp. 31 à 41) : à lire l'ouvrage de Bloch, la relation entre l'aspect sémantique et l'aspect grammatical de la démonstration semble aller de soi (c'est parce qu'il trouve entre εἶμι et ἦλθον une opposition sémantique que Bloch cherche à εἶμι un autre aoriste que ἦλϑον, et qu'il croit le trouver dans ἔδην ; par
contre coup, posant en principe l'existence de deux paradigmes différents, il renforce l'idée d'une opposition lexicale, de l'existence en grec de deux lexémes «gehen» et «kommen», chacun ayant un paradigme supplétif). L'existence d'indices formels, d'une part en faveur du paradigme supplétif εἶἰμι- ἦλθον, d'autre
part en faveur d'une opposition sémantique entre ces deux thémes, semble donc contradictoire, si une distribution complémentaire est incompatible avec une opposition lexicale. Plutôt que d'admettre une contradiction dans les faits linguistiques que nous
avons relevés respectivement aux $ 2. et 3. nous pensons qu'il faut d'abord se demander
si la contradiction
n'est pas chez
Bloch
lui-même,
c'est-à-dire
si la
relation qu'il établit implicitement entre une opposition sémantique et une opposition paradigmatique n'est pas illusoire, reposant au fond sur le préjugé assez commun selon lequel le système d'une langue étrangère reproduit forcément
le systéme de notre langue maternelle : puisque kommen s'oppose à gehen dans la langue de Bloch, le linguiste qui reconnaît à ἦλϑον certains (accordons méme une majorité) des emplois de kommen, et à εἶμι certains des emplois de gehen inférera
de là que l'opposition ἦλθον/ εἶμι reproduit en grec l'opposition de l'allemand kommenigehen : il s'agirait donc d'une opposition lexicale, à la fois grammaticale et sémantique : deux paradigmes
4.
UNE
SOLUTION
différents,
POSSIBLE : L'ASPECT
deux
«sens»
différents.
VERBAL
Le probiéme pourrait trouver une solution si l'on pense à la spécificité du systéme verbal grec et à l'importance de la catégorie de l'aspect dans ce systéme. Il convient d'abord de distinguer deux acceptions du terme aspect verbal chez les spécialistes : la premiére, la plus claire et la seule unanimement reconnue bien
que
l'on discute sur ses modalités
dans les diverses langues et bien que
la
terminologie en reste floue77, oppose en grec les différents thèmes morphologiques du verbe, en particulier ceux de présent et d'aoriste 78, La seconde semble
LE PARADIGME
PERDU
ET RETROUVÉ
55
venir de la grammaire comparée allemande (quand on veut éviter la confusion avec l'aspect, on désigne cettte catégorie par le terme allemand Aktionsart, opposé à Aspekt) et de Meillet : d’après le modèle slave, on parle en général d'une double opposition perfectif/imperfectif, qui justifierait l'opposition des thémes grecs d’aoriste/present,et déterminé/indéterminé. L'existence de cette dernière catégo-
rie est périodiquement remise en question, et la terminologie discutée. Nous croyons
qu'elle
est le seul moyen
d'expliqeur
certains
faits grecs
comme
la
coexistence de plusieurs présents pour un méme verbe ”, l'opposition des verbes composés au verbe simple correspondant quand la valeur concrète du préverbe s'est perdue ou atténuée 9^, et la constitution de certains paradigmes supplétifs 5]. Mais il faudrait séparer plus rigoureusement ce probléme de celui de l'aspect, et
éviter d'appliquer les termes slaves au grec, afin de préserver la spécificité des différents systémes linguistiques, ce qui n'empéchera pas forcément d'apercevoir
des similitudes ou des analogies entre eux ; nous adopterons la terminologie de J. Brunel? , qui oppose l'ordre de procès (Aktionsart) à l'aspect, et l'effectif (au lieu de déterminé) au non-effectif (au lieu de indéterminée), en gardant à l'esprit que ces termes désignent seulement une opposition dont nous constatons l'existence en grec puisque les textes ont ἴσχω à côté de ἔχω, ἱκάνω à côté de ἴκω, et
ἀφικάνω-ἀφικόμην à côté de ἵκω,ίκάνω-ἰκόμην ; elle a au moins l'avantage de ne pas importer en grec une opposition propre au slave (et déjà difficile pour les slavisants à faire comprendre à ceux qui ne parlent pas les langues slaves). Notons aussi que, si les oppositions aspectuelles ont en grec une base morphologique, l'ordre de procés n'en a pas, ou du moins pas systématiquement : l'opposition présent-aoriste (et parfait) existe en grec pour tous les verbes, elle sous-tend lensemble du systéme verbal de la langue, alors que l'opposition présent dérivé/présent radical n'existe que pour certains verbes. Si la langue utilise tantót la dérivation, tantôt la composition
à des fins voisines que, faute de mieux,
on
regroupe sous le nom d'ordre de procès, c'est un autre indice du caractère non systématique de cette opposition : méme si elle a des expressions morphologiques comme
la dérivation, il s'agit en fait d'une opposition de caractère lexical (voir
ci-dessous,
troisième
partie,
chap. III, 2.1.,
pp. 212-216).
Pour justifier l'existence des paradigmes supplétifs dans les langues anciennes, on a d'abord eu recours à un type d'explication purement psychologique : Osthoff® disait que les sémantémes se prêtent à des distinctions d'autant plus subtiles qu'ils touchent de prés à la personne : il est vrai que les »aradigmes supplétifs que nous connaissons (cités ci-dessus, 1.2., pp. 29 à 30) semblent avoir tous une sous-catégorisation de sujet animé (cf. ci-dessus, n. 16). Meillet a ensuite adopté un point de vue grammatical : voulant justifier la formation de thémes privilégiés pour certains types de racines pour lesquelles les autres thémes ne sont pas attestés, voulant donc justifier la relation étroite entre le
supplétisme et la défectivité de certaines racines, il recourt à une terminologie qui relève de l'ordre de procès, en opposant des racines qui expriment «l’action pure et simple, sans indication du développement» à celles qui expriment «le développement de l'action » *. Nous croyons que tout cela peut être cohérent, si l'on admet les hypothèses suivantes : a) les oppositions relevant de l'ordre de procès, qui sont de nature lexicale, sont exprimées dans les langues par des moyens divers, soit morpholexicaux
(dérivation : {xw/{xévo, français voler/voleter, chanter/chantonner, grec πέτομαι
56
ALLÉES
ET VENUES
rotéoua etc. ou composition : grec ἀφικόμην, ἱκόμην, français s'en aller/aller, parvenirlvenir, parcouriricourir, allemand verbrennen/brennen, ausdenken/denken, erjagen/jagen), soit purement lexicaux, utilisation de sémantémes sans rapport étymologique (mais l'intuition seule nous dit qu'il y a entre deux verbes
français comme trouver et chercher, allemands comme suchen et finden, un lien sémantique que nous rattachons à l'ordre de procès. Pour le grec, l'existence du proverbe ἐρευνῶν εὑρήσεις «en cherchant, tu trouveras » montre que «l'étymologie populaire » rapproche les deux notions). b) en
grec,
et peut-étre
dés
l'indo-európéen,
les
paradigmes
supplétifs
montrent le cas d'oppositions lexicales qui semblent relever de l'ordre de procès (*bher-/* H ,enk-, * H,ed-/*bhag- (?), *swer-/*ok*-/* weid-, *bheH;-/*weuk"-,
laisser de
côté
pour
le moment
«aller»
et «courir»)
et en
méme
pour
temps
morphologiques, donc aspectuelles : présent p£pw/aoriste ἤνεικα, pr. Eöw/ao. ἔφαγον, pr. ópáo/ao. εἶδον, pr. gnul/ao. εἶπον : il semble donc y avoir au moins un terrain où les catégories d'ordre de procès et d'aspect se superposent, celui des
paradigmes supplétifs — ce qui prouve au moins des affinités entre les deux types d'opposition, explique la possibilité de croisements compliqués dans le cas des autres paradigmes, non supplétifs, et peut aider à comprendre les confusions qui ont été faites par les linguistes et les philologues : en somme, l'ordre de proces
serait la face lexicale du méme phénomène dont une face, rendue plus évidente par la systématisation morphologique bien que les critéres réels d'opposition ne soient pas plus clairs, est l'aspect. Si l'on admet
ces deux
hypothèses,
que
l'étude
du
paradigme
supplétif
εἶμι-ἦλϑον tend à suggérer et que confirmera l'étude des relations morphologiques et sémantiques entre ϑέω et ἔδραμον «courir», on comprend que des racines lexicalement marquées comme
« effectives » (équivalent du premier type cité de
Meillet) n'aient fourni que des aoristes défectifs, sans présent correspondant, et les racines non-effectives des thémes de présent sans aoriste. Quel peut étre le sens de l'opposition effectif/non-effectif pour un sémantéme exprimant le déplacement, sinon la considération du terme de ce déplacement,
opposée à la non considération de ce terme ? S'il en est ainsi, on comprend que la racine qui a fourni ἦλϑον, quelle qu'elle soit, étant de sens effectif 95, n'ait fourni que des thémes impliquant la considération du terme spatial du déplacement (380v, sur ἐλεύσομαι cf. chap. II, 2.2.1., pp. 73-74; sur εἰλήλουϑα, chap. II, 4.2., pp. 89-94) et se soit prétée à la valeur de deixis locale de déplacement en direction du lieu de l'énonciation. La racine *ei- étant au contraire d'un ordre de procès typiquement non-effectif, aurait une affinité avec le thème d'aspect duratif, le présent : or on a vu qu'une partie des emplois de εἶμι manifeste une indifférence à la notion de terme du déplacement ; les autres emplois montrent une valeur déictique centrifuge, qui pourrait s'expliquer comme un développement secondaire par opposition d'une part à l'aoriste 80v, d'autre part au futur ἐλεύσομαι
(cf. ci-dessous, chap. II, 2.2 et 2.3, pp. 73-79), c'est-à-dire par opposition à la valeur déictique centripète de la racine *Hil-eu-dh-/* H,l-u-dh- (Aucune hypothése n'est sans probléme, cette analyse est celle qui en laisse le moins). Quoi
qu'il en soit à l'origine des valeurs déictiques des deux racines, on constate qu'elles étaient essentiellement défectives, parce que lexicalement marquées dans l'ordre de procès. Etant défectives et d'ordre de procès opposé avec un sens voisin, elles
LE PARADIGME PERDU ET RETROUVÉ étaient
aptes
à s'unir en un
système
supplétif,
57
c'est-à-dire
à manifester
leur
complémentarité paradigmatique. A l'opposition aspectuelle ordinaire en grec entre les thèmes verbaux
de
présent et d'aoriste se superpose ici une opposition lexicale, entre deux sémantèmes différents, impliquant une opposition sémantique : il n’est pas étonnant que cette double opposition n'ait aucun correspondant exact dans les langues où n'existe ni le méme système aspectuel, ni le supplétisme verbal 3’, mais
il n'est pas étonnant non plus que, dans ces langues, on soit obligé de traduire l'opposition grecque, le plus souvent, par une opposition purement lexicale : dans tout système qui n'intégre pas l'opposition lexicale au système de l'aspect comme le fait le grec, on n'a de choix qu'entre la traduction de l'opposition lexicale (par
deux sémantémes opposés) et la mise en évidence de la relation de complémentarité paradigmatique (par un sémantéme unique, qui trahit alors l'opposition lexicale). L'opposition des traductions de εἰμι- ἦλθον en aller/venir en français,
gehenikommen en allemand, est donc à interpréter comme un effet de la combinaison en grec des oppositions lexicales et du systéme aspectuel : il semble de méme
que l'on traduise le paradigme
supplétif φημί
(λέγωγεῖπον
par une
opposition lexicale entre parler et dire, allemand sprechen/sagen : l'opposition entre εἶμι «aller» et ἦλϑον « venir» serait donc du méme type que l'opposition entre φημί «parler» et εἶπον «dire». L'opposition centrifuge/centripéte qui a
paru caractériser sémantiquement εἶμι ἦλϑον, pour spectaculaire et surprenante qu'elle soit, entre donc dans une série cohérente. Elle s'explique par l'intégration
des oppositions lexicales dans le systéme de l'aspect, et la tendance qu'ont toutes les langues à insérer dans la deixis, donc dans un espace orienté par rapport au lieu de
l'énonciation,
les verbes
exprimant
un
mouvement 9.
Nous pensons donc que des exemples comme //.I, 152 et 169 (cf. le tableau de la page 43, où la relation entre εἶμι et ἦλϑον était soulignée d'une double flèche) : οὐ γὰρ ἐγὼ Τρώων ἕνεκ᾽ ἤλυθον αἰχμητάων / δεῦρο μαχησόμενος...
νῦν δ᾽ εἶμι Φθίηνδ᾽, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτερόν ἐστιν οἴκαδ᾽ ἵμεν σὺν νηυσὶ κορώνισιν...
attestent à la fois l’état supplétif entre εἶμι εἰ ἦλθον et leur opposition aspectuelle et sémantique. La thèse de Bloch,
fausse dans son aspect morphosyntaxique,
a donc des
chances de traduire une intuition juste de la valeur sémantique des termes ; mais il
faut bien prendre conscience du fait que la coïncidence des traductions opposées dans d’autres langues que le grec n’est que le reflet de l’opposition sémantique des racines opposées
dans le paradigme
supplétif, et ne doit pas être interprétée
comme une opposition entre deux sémantèmes comme elle l’est en français ou en allemand. Le supplétisme verbal peut désormais être défini comme une complémentarité paradigmatique, établie par l'usage, entre deux (ou plusieurs) racines de sens voisin, mais dont l'opposition lexicale traduit une opposition d'ordre de procès ; il
pourrait s'expliquer par le principe de l'économie linguistique : la langue disposait de deux verbes, l'un dénotant le déplacement vers un but déterminé, qui a donné
un aoriste caractérisé comme
déictique,
l'autre dénotant
le déplacement
dans
l'absolu, qui a donné un présent (déictiquement neutre par lui-méme, mais dont l'opposition à 80v
a déterminé la deixis opposée). Elle les a unis, n'ayant pas
58
ALLÉES
ET VENUES
besoin du sens « venir » pour l'aspect duratif, non plus que du sens «aller» pour l'aspect aoristique, ces oppositions étant d'ailleurs toujours neutralisables, par divers moyens, comme un complément prépositionnel ou un préverbe. Ces conclusions sont résumées
dans le tableau suivant, οὐ les sens donnés
entre parenthèses rappellent qu'une neutralisation des oppositions sémantiques au profit de la relation paradigmatique
THÈME
DE
PRÉSENT : ASPECT INDICATIF
est toujours possible.
DURATIF AUTRES
MODES
TEMPS
présent εἶμι
«je vais» («je viens»)
ἱέναι, ἴμεν etc. «aller» («venir »)
imparfait fLov, fa « j'allais »
(«je venais ») THÈME
D'AORISTE
TEMPS
aoriste ἦλϑον
«je vins»
(« j'allai »)
ἐλϑεῖν «venir» («aller »)
CHAPITRE
II
LES DIVERS THÈMES VERBAUX DU PARADIGME SUPPLÉTIF : UN ATTELAGE DISPARATE ?
Une fois admise la relation grammaticale et sémantique étroite qui unit et oppose εἶμι-ἰέναι et ἠλϑον-ἐλϑεῖν dans une distribution complémentaire, on peut maintenant étudier en détail le paradigme du verbe «aller», la méthode la plus simple semblant étre de procéder par « thémes verbaux » : on essaiera de voir pour
chaque théme (présent, aoriste, futur, parfait) quels sont les verbes en concurrence, par quelles nuances ils s'opposent entre eux et quelles sont leurs relations avec les représentants des autres thémes. Tous ces verbes, faisant partie
du même paradigme, sont en principe synonymes ; mais la synonymie n'exclut pas
des oppositions
sémantiques
fines,
quelquefois
trés difficiles à cerner
avec
précision : on a déjà vu l'opposition à la fois aspectuelle et sémantique entre εἶμι et ἦλϑον ; on verra s'opposer à l'intérieur d'un méme paradigme εἶμι et ἔρχομαι,
εἶμι et ἐλεύσομαι, etc. 1. LE THÈME
DE PRÉSENT : LA CONCURRENCE
ENTRE
εἶμι et ἔρχομαι
Les grammairiens s'accordent généralement à reconnaitre que εἶμι n'est pas limité chez Homère, comme
il l'est en attique, à la valeur de futur, mais qu'il y a
fréquemment un sens de présent! conforme d'ailleurs à son origine et à sa formation (présent radical athématique, cf. le correspondant sanskrit emi « *eimi). Mais on sait bien aussi que le présent attique du verbe «aller », ἔρχομαι,
existe déjà chez Homère : il suffit méme de regarder un Index ou une Concordance d'Homére pour constater que le verbe n'est pas limité à l'indicatif comme en attique : l'infinitif ἔρχεσθαι, le participe ἐρχόμενος et l'impératif ἔρχεο sont bien attestés dans la langue homérique, qui présente donc au présent un double paradigme à peu près complet εἰμνέρχομαι, dont il vaut la peine d'étudier et de comparer les exemples, en cherchant si la distribution des emplois répond à des critères linguistiques ou non. Pour éviter de diviser a priori les emplois de εἶμι entre le futur et le présent, ce qui serait de mauvaise méthode et interdirait une éventuelle solution du probléme, on partira de l'ensemble des emplois homériques de εἰμι-ἰέναι, que l'on opposera d'abord à l'ensemble de ceux de
60
ALLÉES ET VENUES
ἔρχομαι-ἔρχεσϑαι, plus tard (2, pp. 73 à 80) à ceux de ἐλεύσομαι-ἐλεύσεσθϑαι : le probléme du sens futur de εἶμι sera abordé à ce moment là. 1.1. L'opposition εἰμι-ἰἐνανέρχομαι-ἔρχεσϑαι : les rapports numériques L'examen du seul nombre des occurrences montre déjà que chez Homère, εἰ-
est plus usuel que ἐρχενΌ- presque dans toutes les formes attestées. Sur un nombre total de 563 exemples du présent, on trouve en effet 452 exemples de εἰ- (soit plus de 80 %) contre 111 de ἐρχενΌ-. Les seules exceptions véritables, où ἐρχενΌ- est en majorité, sont la deuxiéme personne du singulier de l'indicatif et le génitif du
participe : les formes n'ont pas la méme structure prosodique, et le renversement des rapports numériques peut donc s'expliquer par des raisons métriques. Pour ἔρχεαι
/ εἶσϑα,
on
a
pu
en
outre
préférer
une
forme
dont
le
rapport
morphologique au paradigme était plus clair?. Ces proportions varient considérablement avec le détail des formes : si l'on omet les deux exceptions citées ci-dessus, formes pour lesquelles le nombre total des exemples est trop faible pour que l'on puisse en tirer des conclusions süres,
C'est à la troisième personne de l'indicatif que l'équilibre est le mieux approché (14 exemples de ἔρχεται contre 28 de εἶσι, soit respectivement 33 et 66 % du total) et en revanche, c'est à l'infinitif que le déséquilibre est le plus grand (si l'on tient compte pour εἰ- des trois formes ἰέναι, ἵμεν et ἵμεναι, et des emplois formulaires
du type βῆ δ᾽ ἰέναι : 142 exemples en tout, alors que ἔρχεσϑαι ne se trouve que 13 fois, soit environ 9 96). Cette opposition entre l'indicatif présent, du moins à la troisième personne, et les modes impersonnels *, semble indiquer que la langue classique a seulement rendu plus absolue et plus réguliére une tendance qui existait déjà à l'époque archaique, à exclure ἔρχομαι des modes autres que l'indicatif, pour en faire à l'indicatif le «présent neutre» du verbe «aller». On peut maintenant prendre les formes une par une, et comparer le rapport
numérique de chaque forme de εἰ- à la forme correspondante de ἐρχε-ο- avec la moyenne d'ensemble établie ci-dessus. A la première personne de l'indicatif, on relève au singulier 32 exemples de εἶμι et 6 de ἔρχομαι, au pluriel 3 de (uev et 1 de ἐρχόμεϑα : les pourcentages ne
seraient
sürement
pas significatifs
d'exemples, mais sur prédominance est donc fortement, à l'indicatif, exemples, on tentera de caractére particulier
dans
le détail
à cause
du
petit
nombre
un total de 42 exemples, εἰ- en a 35, soit 83 % : sa plus affirmée que la moyenne d'ensemble, ce qui oppose la première personne à la troisième ; dans l'analyse des montrer que cette opposition numérique s'explique par le de la premiére personne εἶμι et son statut dans
l'énonciation?. A la deuxiéme personne, on ne peut tirer aucune conclusion süre de l'inversion du rapport numérique habituel : 2 exemples de eloda, 7 de ἔρχεαι ou ἔρχευ ; les exemples de εἶσϑα semblent « récents »® et la prédominance de ἔρχεαι peut s'expliquer par la clarté morphologique : sur εἰ-, on ne pouvait créer que des formes susceptibles d'être confondues avec celles du verbe « être » ou des formes morphologiquement aberrantes, comme εἶσϑα. Mais le rapport numérique 2/7 ne
permet aucune conclusion. Les exemples du pluriel, de ἴτε comme de ἔρχεσθε, semblent tous devoir étre interprétés comme des formes d'impératifs. A la troisième personne, on dénombre 27 exemples de εἶσι, 13 de ἔρχεται
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
61
(avec sujet «inamimé », 10 ex. de eloı/5 de ἔρχεται, avec sujet «animé », 17 et 8 respectivement), et au pluriel, 1 exemple de ἴασι / 1 de ἔρχονται, soit un total de
42 exemples répartis en 28/14 (66 et 33 %, pourcentages déjà cités) : c'est de cette personne, où ἐρχενΌ- était relativement fréquent, qu'a pu partir l'extension de
l'emploi du verbe à tout l'indicatif. Le nombre élevé des emplois de la troisiéme personne est d'autant plus notable que c'est à cette troisiéme plus nettement le sens «futur», ce qui implique un état ἔρχεται ne sont plus en concurrence réelle au présent. Pour autres que l'indicatif, on dénombre 80 exemples de ei-, 39 de
personne que εἰ- a le de langue où εἶσι / les modes personnels ἐρχενόΌ-, rapport qui
se rapproche sensiblement de celui que l'on observe à la troisiéme personne de l'indicatif. Aux modes impersonnels, on a déjà noté que l'infinitif ἔρχεσϑαι a, en face des trois formes de el-, la plus faible représentation de tout le paradigme. Mais il faut regarder les formes dans le détail, et distinguer entre l'emploi de l'infinitif
dépendant de Bi/Bév, syntagme semi-figé, et les emplois que, faute d'un meilleur terme, on appellera «indépendants » : le syntagme "βῆ δ᾽ ἔρχεσθαι n'est en effet jamais attesté, ce qui à cause du grand nombre des emplois de βῆ, βάν + 076 +
tévar/ luev/ leva semble exclure ἰέναι : 59 exemples dont ἵμεν : 55 exemples dont luevat : 15 exemples dont ἔρχεσϑαι
: 14 exemples
dont
le hasard. On dénombre pour chaque forme : 24 du syntagme idiomatique e 7 βάν... 36 — π-5-14 — — — — — ὖ
---
--
--
--Ἡ
--
Si on lit ce tableau verticalement, on voit que plus de la moitié des exemples de formes d'infinitif de el- sont attestées dans des formules du type βῆ δ᾽ ἵέναι (74 sur 143). La proportion des emplois de ἔρχεσϑαι est donc relevée si l'on ne tient compte que des emplois «indépendants» (14 exemples contre 55 de tévai-luev-luevar dans ce type d'emploi, soit 20 %). Parmi les formes d'infinitif de εἰ-, il est remarquable que moins la forme est fréquente en valeur absolue, plus elle semble se limiter à l'emploi formulaire avec βῆ : (uevat, qui n'a que 15 occurrences, n'a qu'un emploi indépendant ; lev, à peine moins fréquent que ἰέναι, a plus de la moitié de ses exemples dans le syntagme idiomatique. Enfin, ἰέναι, qui a la majorité des exemples, a une majorité d'emplois indépendants. Or cette fréquence relative élevée des emplois formulaires pour les formes les plus rares paraît coincider avec le caractère dialectal ou archaïque marqué de ces formes : ἵμεν et ἴμεναι, — caractérisés comme archaiques?, ont tendance à se limiter aux emplois formulaires du vieux «fonds
épique », ἵμεναι plus nettement
encore
que ἵμεν a la méme
structure
prosodique que ἰέναι : ἰέναι a dû se substituer dans de nombreux cas à ἴμεναι, alors que ἵμεν, ayant une structure métrique
différente, pouvait étre utile, ou
métriquement nécessaire, dans des emplois indépendants?. Au participe, il est nécessaire d'examiner les rapports numériques cas par cas : au nominatif, on compte en tout 129 emplois de εἰ- contre 9 de £oxo-, soit une
énorme
majorité
en
faveur
de
el-.
Au
contraire,
si l'on
additionne
les
exemples des cas autres que le nominatif, on trouve 49 exemples de el, 23 de ἐρχο-, soit une proportion beaucoup plus équilibrée, se rapprochant de celle que l'on a relevée pour la troisiéme personne de l'indicatif. Comme à l'indicatif entre
la première et la troisième personne, il y a donc au participe opposition entre le nominatif
et les autres
cas.
Mais
cette
opposition
au
participe
trouve
plus
62
ALLÉES
ET VENUES
rapidement une explication : une grosse partie des emplois du nominatif est formée par les emplois idiomatiques du type ἰὼν ἕζετο 10, mal attesté pour ἐρχόμενος!!. Les autres cas s'opposent au nominatif par un critère syntaxique important : le sujet du participe n'est pas le sujet du verbe principal, ce qui explique probablement le nombre relativement élevé des emplois de ἐρχο- (cf. les types
ὁρῶ τινα ἐρχόμενον 7 ἰόντα à l'accusatif, ἀκούω τινός ἐρχομένον / ἰόντος au génitif, δίδωμί τινι ἐρχομένῳ 7 ἰόντι au datif). Etant donné le petit nombre des exemples, une analyse de détail des rapports numériques paraît sans intérêt. Mais on remarquera encore qu'il faut distinguer un emploi du participe à l'accusatif qui se rattache au type ἰὼν ἕζετο, puisqu'il résulte de la transformation de ce syntagme dans la proposition infinitive : 8 ou 9 occurences du type A.nom. ἰὼν ἕζεται —
B.nom.
1.2. L'opposition
κελεύενφησί
etc. Aa.
ἰόντα ἕζεσθϑαι.
εἶμι-ἰἐνανέρχομαι-ἔρχεσϑαι : critères syntaxiques
Les deux verbes semblent employés aussi bien avec sujet animé et inanimé, avec indication de direction et d'origine, sans indication de ce type (emploi
absolu), ou avec un participe futur d'intention : aucun critére syntaxique ne semble distinguer d'abord les deux verbes, et l'on a tendance à les considérer comme de véritables synonymes, le choix entre deux formes concurrentes étant
conditionné avant tout par la nécessité métrique (cf. la structure prosodique de certaines formes concurrentes : ıl est évident que dans la plupart des cas, des
formes très longues de &pxe-/o- sont défavorisées par rapport à celles de el-, ainsi ἐρχόμεϑα “μεν ; méme si elles ne sont pas amétriques, la difficulté de les placer
dans le vers rend leur emploi rarissime. Il serait trop long de comparer ici les formes une par une).
On peut méme citer des exemples οὐ les deux verbes semblent se substituer l'un à l'autre dans un méme contexte en fonction des seuls besoins de la versification ou de la variété stylistique, ainsi Jl. XIV, 200 εἶμι γὰρ ὀψομένη
πολυφόρβου
πείρατα γαίης
205 - 304 τοὺς εἶμι ὀψομένη... 301 ἔρχομαι ὀψομένη πολυφόρβου πείρατα γαίης. Deux emplois de εἶμι, un de ἔρχομαι,
dans un contexte apparemment
très semblable, cette « variation»
paraît au prime abord bien typique de la langue d'Homére, et fournir des exemples de la «grammaire générative des formules» (voir notre Conclusion, pp. 234-235). On verra que ce contre-exemple « évident » à l'idée d'une opposition linguistique entre εἶμι et ἔρχομαι peut en réalité étre réinterprété en fonction de cette
opposition
(ci-dessous,
1.4.,
p. 68).
On a noté toutefois qu'un critére syntaxique semble opposer au moins les formes de participe : ἐρχόμενος est à peu exclu de l'emploi idiomatique avec relation d'intention entre le déplacement et l'ation dénotée par le verbe principal, alors qu'il est relativement fréquent dans l'emploi où le sujet se distingue de celui
du verbe principal (types ὁρῶ ἐρχόμενον, ἀκούω ἐρχομένου, δίδωμι ἰόντι..., cf. ci-dessus, 1.1., pp. 61-62 l'étude des rapports numériques). En somme, la recherche d'éventuels critéres syntaxiques pour établir une opposition entre εἶμι et ἔρχομαι montre une opposition nette au participe, entre
ἰών et ἐρχόμενος d'une part, ἰόντα, ἰόντος, ἰόντι... et ἐρχόμενον, ἐρχομένου,
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
63
ἐρχομένῳ de l'autre,et semble au contraire infructueuse pour les autres formes ; cette situation de différenciation au participe à côté des autres formes indifférenciées, est surprenante et invite à rechercher si les formes apparemment non différenciées pourraient s'opposer par des critères plus fins que des critères
syntaxiques.
1.3. L’opposition εἰμνέρχομαι et les indicateurs déictiques Les résultats de l'étude sémantique du supplétisme εἶμι- ἦλθον au chapitre précédent invitent à regarder de prés le comportement de εἶμι et celui de ἔρχομαι
dans les syntagmes impliquant une relation entre le mouvement ou le déplacement et le cadre spatio-temporel; certains adverbes .de lieu et de temps expiicitent l'insertion des personnages en jeu dans l'énonciation (locuteur et allocutaires)
dans un espace-temps orienté, marqué déictiquement ? : il faut au moins tenter de comparer le comportement de εἶμι et de ἔρχομαι par rapport à ces catégories déictiques.
1.3.1. εἶμι / ἔρχομαι et les indicateurs déictiques de lieu Il parait inutile de reprendre ici en détail les exemples de εἶμι : le chapitre I a
établi que le verbe, en l'absence de précision contraire, neutre
par rapport
à la deixis spatiale et une
a normalement une valeur
valeur déictiquement
marquée
d'éloignement par rapport au lieu-repère de l'énonciation, la conjonction de ces deux valeurs opposant nettement, du point de vue sémantique, εἶμι ἃ son aoriste
supplétif ἦλθον. On peut donc opposer directement les exemples de εἶμι à ceux de ἔρχομαι : syntagmes avec des adverbes impliquant une orientation centrifuge explicite : εἶμι κεῖσε : 3 exemples
ἔρχομαι (/I.III, 410, XII,
368 = XIII, 752, Od.XVIII, zóot : 1 exemple
(Od.X,
184)
431)
syntagmes avec des adverbes impliquant une orientation centipéte explicite : εἶμι pas d'exemple (Ce tableau tient compte
ἔρχομαι seulement
δεῦρο : 1 exemple (Od.X, 284) des emplois de l'indicatif).
Par opposition aux emplois déictiquement marqués de εἶμι, ἔρχομαι semble neutre par rapport à la deixis spatiale. On peut en trouver une confirmation dans des emplois où l'orientation du mouvement par rapport au lieu de l'énonciation n'est pas explicite, mais se déduit du contexte et de !a situation des personnages ; ainsi, IJ. XI, 839, Patrocle rencontre près des navires d'Ithaque Eurypyle, blessé, et lui explique la raison de sa háte : il a un message urgent à porter à Achille,
ἔρχομαι, ὄφρ᾽ ᾿Αχιλῆι δαΐφρονι μῦθον ἐνίσπω, ὃν Νέστωρ ἐπέτελλε γερήνιος,... le lieu auquel se réfère Patrocle, la baraque d'Achille, c'est bien sûr là-bas (non explicite). 11. XIII, 256, Idoménée rencontre
prés de sa baraque son écuyer Mérion, et s'étonne de le trouver ainsi loin du
64
ALLÉES ET VENUES
combat. Mérion s'explique : Ἰδομενεῦ, ... ἔρχομαι, el τί τοι ἔγχος ἐνὶ κλισίῃσι λέλειπται,“ οἰσόμενος, ... Le contexte ne donne qu'une mention vague du lieu de
la rencontre (246-247 Μηριόνης δ᾽ ἄρα ol θεράπων ἐὺς ἀντεδόλησεν7 ἐγγὺς ἔτι κλισίης...), mais il semble pourtant que le lieu-repère de l'énonciation, auquel se réfèrent implicitement Idoménée et Mérion, soit la baraque elle-même (nous en
voyons
une preuve
indirecte dans l'emploi de ἦλθες par Idoménée
dans sa
question "", et dans le fait que la relation ἔρχομαι) ἦλθες n'est pas ici seulement grammaticale, mais sémantique (les deux verbes sont en distribution complémentaire, mais aussi de méme orientation dans l'espace orienté autour de l'auteur de l'énonciation). L'opposition εἶμι, ἔρχομαι par référence à la deixis spatiale peut donc être
symbolisée de la manière suivante : εἶμι + (D / κεῖσε) / ἔρχομαι
+ (ᾧ 4
κεϊσοδεῦρο). Les deux verbes ont une large zone d'emploi commune (avec κεῖσε, explicite ou non, mais aussi l'emploi absolu, sans référence à un espace déictiquement orienté, cf. chap. I, 3.1, pp. 44-46). Si ce critére de l'orientation déictique spatiale était décisif dans le choix entre εἶμι et ἔρχομαι, on s'explique mal que εἶμι soit employé dans la majorité des exemples, puisque son concurrent
paraît avoir un champ sémantique plus étendu que lui (avec δεῦρο).
1.3.2. εἶμι / ἔρχομαι et les indicateurs déictiques de temps On
n'a pas cherché
à opposer
εἶμι et ἦλθον
par le critère
de la deixis
temporelle, puisque les deux racines verbales, en entrant dans le systéme du Temps-Aspect caractéristique du grec, sont forcément opposées par ce critére. Au contraire, pour l'opposition εἰμνέρχομαι, on n'attend pas a priori de particularités des deux verbes dans le systéme de la deixis temporelle. Mais la mention par les grammairiens de εἶμι comme présent-futur alors que ἔρχομαι est donné comme
présent invite à regarder
de ce côté : quels sont les adverbes ou locutions
temporelles employés respectivement avec εἶμι et ἔρχομαι 147 εἶμι
ἔρχομαι
νῦν : 5 exemples (Il. I, 169, VII, 98, XI, 652, XVIII, 114, XXIV,
224). τότ᾽ ἔπειτα : Il. I, 426.
νῦν : Il. XXII, 483.
οὔ τι πάρος γε: Od. IX, 448.
ὕστερον : Il. X, 450 (cf. σεῦ ὕστερος,
Il. XVII, 333).
ἠῶϑεν : Od. III, 367. τάχα : Od. II, 89, XIX,
69.
σχεδόν : Il. XVII, 202. αὐτίκα : Od. XXIII,
362.
Les syntagmes avec adverbes de temps montrent que l'action dénotée par εἶμι a lieu dans le présent (νῦν) ou dans l'avenir, «bientôt » (τάχα, σχεδόν), celle qui est dénotée par ἔρχομαι dans le présent (νῦν) ou dans le passé (πάρος γε ; l'unique exemple est à la forme négative.) Les deux verbes sembient donc avoir un champ d'emploi commun, avec νῦν, qu'ils déborderaient chacun d'un cóté différent, l'un vers le passé, l'autre vers l'avenir.
Mais l'examen du détail des exemples montre que la zone d'emploi commune
THÈMES
VERBAUX
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF
65
n'est qu'apparente : on emploie le méme mot, νῦν, mais il ne recouvre pas dans les deux cas la même
réalité temporelle : avec εἶμι, le νῦν dont il s'agit est le
présent tourné vers le futur, qu'il commence déjà à actualiser (rappelons que dans la vision grecque
du temps,
le futur est ce qui vient à nous 5), cf. IL.XI,
652
νῦν δὲ ἔπος ἐρέων πάλιν ἄγγελος εἶμ᾽ ᾿Αχιλῆϊ ou JI. XVIII, 114 νῦν δ᾽ εἶμ᾽ ὄφρα φιλῆς κεφαλῆό ὀλετῆρα κιχείω. Avec ἔρχομαι
au contraire, νῦν est un présent qui prolonge et clôt le passé !6 : IL.XXII, 483 νῦν δὲ σὺ μὲν ᾿Αἴδαο δόμους ὑπὸ κεύθεσι γαίης ἔρχεαι, αὐτὰρ ἐμὲ στυγερῷ ἐνὶ πένθεϊ λεύτεις / χήρην... On conclut provisoirement que εἶμι ἃ une orientation temporelle vers l'avenir, et vers l'avenir proche (bande de temps comprise entre νῦν et ἔπειτα), ἔρχομαι vers le passé (de πάρος à νῦν). La double opposition spatiale et temporelle qui semble caractériser εἶμι /
ἔρχομαι peut étre symbolisée par le schéma suivant : κεῖθεν
ἔρχομαι
F
πάρος
κεῖσε
νῦν δεῦρο Ε
>
(κεῖσ)
εἶμι
ἔπειτα
1.4. Elu / ἔρχομαι et les «actes de langage» L'opposition spatio-temporelle qui a été analysée dans les deux paragraphes qui précèdent, et schématisée ci-dessus, ne paraît pas assez forte pour expliquer la
présence du double paradigme : il faut désormais quitter les critères formels, implicites ou explicites, pour analyser les situations dans lesquelles les personnages de l'épopée sont amenés à dire «εἶμι» ou «ἔρχομαι », c'est-à-dire les conditions pragmatiques d’Enonciation!!. Pour étudier le rôle des conditions d'énonciation dans l'opposition εἶμι / ἔρχομαι, on se limitera naturellement aux exemples du dialogue, c'est-à-dire en pratique aux deux premières personnes de
l'indicatif 5, et, comme εἶσϑα, forme récente et rare, est en fait limité au sens futur (cf. ci-dessus, 1.1, pp. 61-62, et ci-dessous, p. 68), aux formes elpu/Épyouau,
ἔρχεαι, ἔρχευ. A la première personne, les exemples de εἶμι impliquent tous (une exception, cf. ci-dessous, p. 66), non pas un mouvement en cours, mais une
décision de l'affirmation personnel ?? pronom ou
se mouvoir : l'engagement personnel du sujet de l'énonciation dans de cette décision est souvent souligné par une particule ou un pronom (au contraire, ἔρχομαι n'est jamais soutenu emphatiquement par un une particule) : 1|.1, 420, Thétis décide de faire auprès de Zeus la
démarche que son fils lui demande ; la même
décision est exprimée à nouveau au
vers 426. Il.I, 169, c'est Achille qui affirme sa décision, présentée comme irrévocable, de repartir pour la Phthie : il oppose la situation présente (νῦν δ᾽, « Mais cette fois... ») à la situation habituelle où la valeur sur le champ de bataille n'est pas récompensée à l'heure du partage (163... ob... note...) ; 1.Π1|, 305, εἶμι exprime la décision de Priam de rentrer dans Troie pour éviter ie spectacle du
66
ALLÉES ET VENUES
combat singulier entre Páris et Ménélas ; Il.V, 256, malgré le conseil de Sthénélos,
Diomède décide d'aller affronter Enée et Pandare : tous les exemples de la forme
εἶμι sont cohérents, et il n'est pas utile de les développer tous, d'autant que cettte cohérence s'accorde avec les conclusions des deux paragraphes précédents sur la deixis spatio-temporelle : εἶμι exprime une décision de se mouvoir vers l'ailleurs, valable à partir de l'instant où elle est énoncée (le maintenant de la première personne). Une
exception,
/[. XVII,
333
νῦν δ᾽ ἐπεὶ οὖν, Πάτροκλε, σεῦ ὕστερος εἶμ᾽ ὑπὸ γαῖαν, οὔ σε πρὶν κτεριῶ... peut être interprétée comme une trace d'évolution de la première personne vers une valeur «neutre» (futur, sans considération des conditions d'énonciation et sans valeur modale particulière) à la suite de l'évolution de la troisième personne (cf. ci-dessous, pp. 68-69) : dans un groupe d'exemples cohérents se manifeste ainsi la tendance vers un nouvel état de langue,
historiquement attesté par la nouvelle cohérence de l'attique, οὐ l'ensemble du paradigme de εἶμι a la valeur d'un «futur neutre», voir l'analyse de détail, F. Létoublon,
1976
(art.
cité,
note
19).
Dans le dialogue, les deux personnes de ἐρχε-7ο-, ἔρχομαι et ἔρχεαι, ἔρχευ, expriment au contraire, soit un mouvement habituel (/LI, 168 commenté ci-dessous),
commenté
soit
un
mouvement
ci-dessus, p. 63:
en
cours
(première
personne,
J!.XI,
839,
Patrocle est en train de porter le message pour
Achille ; ΜΙ XIII, 256, cf. ibid., Mérion est en train d'aller chercher une lance dans
la baraque ; Z!. XIV, 301, cf. ci-dessous, p. 68; Od.XV, 159, le voyage en cours arrive à son terme : Télémaque, remerciant Ménélas de son accueil, forme le vœu de pouvoir
un jour en parler à Ulysse,
… OÙ γὰρ ἐγὼν ὧς νοστήσας ᾿Ιϑάκηνδε... / εἴποιμ᾽ ὡς παρὰ σεῖο τυχὼν φιλότητος ἁπάσης ἔρχομαι, ..., littéralement,
« puissé-je lui dire que j'arrive ayant reçu de ta part toutes sortes de témoignages d'affection. » ; pour la deuxième personne, Il.X, 82, 385, Od. IX, 448, X, 281,
284, et spécialement I XVIII, 333.
//.XXII,
483, commenté
p. 65, pour
son
opposition
à
L'opposition eli / Éoxopat nous semble particulièrement évidente dans deux
cas : 1.1, 168-169, on la voit jouer à l'intérieur d'un méme passage, dans le discours d'Achille à Agamemnon, ... ἀτὰρ ἤν ποτε δασμὸς ἴκηται σοὶ τὸ γέρας πολὺ μεῖζον, ἐγὼ δ᾽ ὀλίγον τε φίλον τε ἔρχομ᾽ ἔχων ἐπὶ νῆας, ἐπεί κε κάμω πολεμίζων.
Νῦν δ᾽ εἶμι Φϑίηνδ᾽, ἐπεὶ À πολὺ φέρτερόν ἐστιν / οἴκαδ᾽ ἵμεν... Achille explique sa colère et sa décision de regagner sa patrie par l'habitude qu'il a des partages inégaux (vers 163 οὐ μὲν σοί ποτε ἶσον ἔχω γέρας, et v. 167 ci-dessus : fjv ποτε + subjonctif dans la subordonnée, principale sans verbe) : ie parallélisme σοί + phrase nominale / ἐγὼ δ᾽... / ἔρχομ᾽... montre que ἔρχομαι est un présent d'habitude? : «mais lorsque vient (habituellement) le jour du partage, (à chaque fois) pour toi, la part d'honneur est bien plus importante, et moi, c'est avec une
petite part, et qui m'est (d'autant plus) chère, que je repars vers les navires, alors que je me suis épuisé à combattre. Mais cette fois-ci, je pars pour la Phthie... ». L'autre cas d'opposition est plus difficile à déceler : les deux exemples ne sont pas dans le méme passage, l'emploi n'est pas le méme formellement : ce qui invite à rapprocher deux passages pour opposer les deux verbes est qu'il s'agit dans les
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
67
deux cas d'un discours direct tenu à propos de la mort d'un être proche et cher, et
de son voyage vers l'Hadés?! : J!. XXII, 483 (cité ci-dessus, p. 65), Andromaque évoque la mort d'Hector, et met en paralléle (σὺ μέν... αὐτὰρ ἐμέ...) deux présents en cours (νῦν δὲ... ἔρχεαι / λείπεις) opposant paradoxalement le mouvement du mort à l'immobilité de la vivante (ὑπὸ κεύϑεσι / ἐνὶ πένϑει... ἐν
μεγάροισι). II. XVIII, 333 (cité et commenté ci-dessus, p. 66), c'est Achille, qui, à propos de la mort de Patrocie, évoque sa propre mort, que rien désormais ne saurait rendre contemporaine de celle de son ami : en somme, quand il s'agit du Voyage
vers l'Hades,
l'opposition εἰμνέρχομαι
semble
donc se réduire à une
opposition futur/présent duratif. Il est significatif pour nous que la valeur modale forte de la première personne ait été neutralisée d'abord dans un exemple où il est
question du voyage de la mort : c'est le type méme de mouvement où la décision humaine n'intervient pas. L'opposition d'un verbe modalement marqué, dénotant la décision et l'engagement à se mettre en mouvement, neutre,
dénotant
un
mouvement
en
par rapport à un verbe modalement
cours
ou
habituel,
est
confirmée
par
le
comportement des deux verbes à la forme négative : on trouve deux exemples de οὐκ εἶμι; II. III, 410,
Hélène
refuse d'aller rejoindre
Päris dans sa chambre,
comme le lui demande Aphrodite, et invoque pour se justifier la νέμεσις, κεῖσε δ᾽ ἐγὼν οὐκ εἶμι, νεμέσσητον δέ xev εἴη, κείνου πορσανέουσα λέχος. Od.XVIII, refuse
d’aller
seule
parmi
les
hommes,
184, au nom de l’alöws, Pénélope et
demande
à
ses
servantes
de
l'accompagner : οἴη δ᾽ οὐ κεῖσ᾽ εἶμι ner’ ἀνέρας᾽ αἰδέομαι γάρ. Un exemple du pluriel, οὔτ... [uev manifeste
la même
valeur de refus, Od.II,
127
= XVIII,
288
ἡμεῖς δ᾽ οὔτ᾽ ἐπὶ ἔργα πάρος y'luev οὔτε πῃ ἄλλῃ, les prétendants refusent de quitter Ithaque avant que Pénélope ait épousé l'un d'entre eux («nous n'irons
pas»
= «nous ne voulons pas aller»). Les formes négatives de ἔρχομαι ont, comme le laisse attendre l'analyse des
formes positives, une valeur d'habitude, ainsi, Od. XIV, 373, Eumée évoque sa vie
retirée au milieu des troupeaux, αὐτὰρ ἐγὼ παρ᾽ ὕεσσιν ἀπότροπος οὐδὲ πόλινδέ “ἔρχομαι « mais moi, je vis à l'écart auprès des porcs, et je ne vais pas (= jamais) à
la ville», et Od.IX, 448 κρῖε πέπον, τί μοι ὧδε διὰ σπέος ἔσσυο μήλων ὕστατος ; οὔ τι πάρος γε λελειμμένος ἔρχεαι οἰῶν. Le Cyclope s'étonne du retard du bélier parce que d'habitude, « jusqu'à présent » (πάρος), il n'est pas à la traîne. Dans un exemple, Od.II, 207, on trouve la valeur durative : οὐδὲ μετ᾽ ἄλλας 7
ἐρχόμεθ᾽..., constatation des prétendants qu'ils ne sont pas en train de briguer d’autres mains que celle de Pénélope, et que, par le temps qu'elle leur fait perdre, ils manquent peut-être des occasions fructueuses. Le positif aurait probablement une valeur itérative (ce qui irait avec la valeur « professionnelle » du suffixe -τὴρ
du nom d'agent μνηστῆρες : on n'est pas prétendant une seule fois dans sa vie et par hasard !). Dans les phrases négatives, οὐκ εἶμι, exprimant un refus d'aller (1a traduction française habituelle par un futur recouvre toujours une modalité négative, « je ne
veux pas aller »), s'oppose donc à οὐκ ἔρχομαι, qui exprime la constatation qu'on n'est pas en train d'aller, ou plus souvent une habitude négative (le français ajoute alors jamais pour éviter l'ambiguité de je ne vais pas), ce qui transpose exactement
68
ALLÉES
ET VENUES
l'opposition des formes positives. εἶμι « je vais, je veux aller » ἔρχομαι « je suis en train d'aller» (« je vais d'habitude ») οὐκ εἶμι «je n'irai pas, je ne veux pas aller» οὐκ ἔρχομαι «je ne vais jamais» («je ne suis pas en train d'aller») On peut désormais revenir sur le passage de l'Iliade XIV où les deux verbes, à la première personne, semblaient «synonymes » (ci-dessus, p. 62) : en réalité, aux vers 200 et 205, Héra, s'adressant à Aphrodite, insiste sur son intention de partir,
εἶμι γὰρ ὀψομένη πολυφόρδου
πείρατα γαίης /.../
τοὺς εἶμ᾽ ὀψομένη, καί σφ᾽ ἄκριτα νείκεα λύσω alors qu'au vers 301, elle
répond à une question de Zeus2, ἔρχομαι ὀψομένη πολυφόρδου πείρατα γαίης «je suis en train d'aller...». Les conditions d'énonciation différentes justifient l'emploi des deux verbes différents. Au vers 304, qui fait encore partie de la réponse d'Héra à Zeus, la démarche en cours est expliquée par son intention (un prétexte en réalité, mais ce sont les paroles qui comptent ici), reprenant la formule
du vers 205, ce qui explique le nouvel emploi de εἶμι. A la première personne, l'opposition εἶμι ἔρχομαι par le critère des conditions dénonciation est donc sans
exception réelle chez Homère. A la deuxième personne, les deux exemples de εἶσθα ont une valeur de futur, l'un avec l'adverbe ὕστερον qui exclut le présent, l'autre à cause de la disjonction
ἔξελθε... À εἶσθα «sors (ordre valable pour l'immédiat) ou (si tu n'obéis pas immédiatement de toi-même), tu sortiras (un peu plus tard et par la force) ». Il n'y a donc pas véritablement de concurrence au présent entre εἶσθα et ἔρχεαι : la
seconde forme seule est vraiment un présent. Εἶσθα, d'ailleurs probablement tardif (cf. 1.1., p. 60) a déjà une valeur de futur chez Homére — probablement sous l'influence de la troisiéme personne : la modalité d'intention ne requérait peut-étre pas d'expression spéciale à la deuxiéme personne comme elle semblait en requérir à la première. A la troisiéme personne de l'indicatif, on a d'abord l'impression que les deux verbes ont les mémes emplois, et l'examen numérique (1.1., pp. 60-61) montre que c'est la forme où l'équilibre est le mieux approché, ce qui pourrait suggérer une équivalence fonctionnelle et sémantique. Outre les nombreux emplois communs
avec sujet animé et sens concret (déplacement réel), on remarque le
parrallélisme de ἀστὴρ εἰσι (avec ἀστήρ, 7I. XXII, 27 et 317, avec un nom d’astre, ἑωσφόρος,
II. XXIII, 226 et ἠέλιος, Od.X,
191) et de ἀστὴρ ἔρχεται (Od.XIII,
94). Mais ἔρχεται n'est jamais attesté dans l'expression du mouvement du temps, et s'oppose ainsi au type idiomatique ἔτος εἶσι, θάνατος εἶσι (cf. chapitre I, 2.2, pp. 34-36). Surtout,
la cohérence
des
exemples
de
εἰ-, qui
semblait
frappante
à la
premiére personne (ci-dessus, pp. 65-68) n'existe pas à la troisiéme : on est obligé ici de faire une distinction entre les exemples du sens présent, constant dans les
comparaisons (//.1I, 87, III, 61, VII, 209, XI, 415, XIII, 796, XXI, 573, XXII, 27, 309, 317, XXIV, 43, Od.
VI, 102, 131 ; il faut ajouter l'unique exemple du pluriel,
lao, 11. XVI, 160), et les exemples du sens futur, régulier ailleurs (par exemple dans des syntagmes
avec σχεδόν,
II. XVII, 202, τάχα,
Οα.11, 89, αὐτίκα II. XV,
136). Cette « règle » n'admet que 4 exceptions, avec une valeur de présent ailleurs que dans les comparaisons : 11.XXIU, 226 Ἦμος δ᾽ ἑωσφόρος εἶσι φόως ἐρέων ἐπὶ yalav et Od.IV, 401 ἦμος δ᾽ ἠέλιος... ἀμφιδεδήκῃ
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
69
τῆμος ἄρ᾽ ἐξ ἁλὸς εἶσι Γέρων ἅλιος νημερτής sont cités par Bloch, qui reprend des remarques de Wackernagel 25, et conclut à une affinité de εἶσι au sens présent avec l'aoriste gnomique. Il n'explique toutefois pas le second exemple, où εἶσι dans la principale avec τῆμος semble être un présent d'habitude 4. Deux autres exemples, non cités par A. Bloch, paraissent aussi faire problème : //. VII,
98 el μή τις Δαναῶν comprendre
εἶσιν
νῦν Ἕκτορος
comme
un
ἀντίος εἶσιν. A la rigueur, on pourrait
futur
(cf.
le
type
latin
si nullus
ibit)
mais
l'interprétation par un présent, comme en frangais («si personne ne se présente en face d'Hector ») parait plus simple, et a au moins un parallèle homérique 25. Pour Od.X, 191 Ὦ φίλοι, οὐ γὰρ ἴδμεν ὅπῃ ζόφος οὐδ᾽ ὅπῃ ἠώς οὐδ᾽ ὅπῃ Ἠέλιος φαεσίμδροτος Elo’ ὑπὸ γαῖαν, οὐδ᾽ ὅπῃ ἀννεῖται l'interprétation par un futur serait encore admissible hors contexte, « nous ne savons pas (chaque jour) par où le soleil... ira sous la terre, ni
par οἱ il reviendra (le matin suivant)», nominale
du vers
190 est en faveur du
mais le parallélisme avec la phrase présent,
littéralement,
«amis,
nous
ne
savons pas où (est) l'obscurité ni où (est) l'aurore, ni par où le soleil... va sous la
terre, ni par où il revient» : pour Ulysse et ses compagnons, qui cherchent à s'orienter, ce qui compte n'est pas le point précis où le soleil se couchera et se lévera le jour méme, mais la direction qu'il indique par sa régularité : le présent d'habitude est beaucoup plus probable que le futur. La «régle» homérique d'emploi de la troisième personne εἶσι se vérifie aussi dans les composés : pour le
sens présent dans les comparaisons, cf. par exemple Jl. XI, 492 ὡς δ᾽ ὁπότε πλήθων ποταμὸς πεδίονδε κάτεισι, pour le sens futur constant
ailleurs, 1.ΧΧ, 294 [Αἰνείας] ὃς τάχα Πηλεΐωνι δαμεὶς ᾿Αἰδόσδε κάτεισι. La seule exception
est Il. XIII, 482... δείδια δ᾽ αἰνῶς
Αἰνείαν ἐπιόντα πόδας ταχύν, ὅς μοι ἔπεισιν. A. Bloch, op.cit., 23, explique l'emploi du présent ἔπεισιν par l'influence analogique du participe ἐπιόντα, ce qui
paraît convaincant. La distribution des valeurs de εἶσι par rapport à ses emplois ne peut être expliquée d’une manière cohérente avec le sens présent de la forme en indo-européen que de la manière suivante : i.e. *eiti > grec εἶσι qui est encore un présent à la période archaïque, préhomérique. Cette valeur de présent est conservée dans les comparaisons homériques et dans quelques exemples isolés (les 4 «exceptions» commentées ci-dessus), à interpréter comme des archaïsmes. Ailleurs, la valeur de futur régulièrement attestée garantit que c'était la valeur
«vivante» dans la langue. Comme
présentfutur,
on
sait,
par
d'autres
critéres,
que les comparaisons
indépendants
appartiennent
de
la valeur
de
εἶσι
linguistiquement au vieux
fonds de la langue épique, dit « achéen » ^5, on distingue donc ici plusieurs états de
langue successifs : indo-européen. Il a première personne devenu le présent
εἶσι a d'abord en grec un sens présent, comme son ancétre pris ensuite un sens futur, sous l'influence probablement de la 27, alors que dans ce nouvel état de la langue, ἔρχεται était normal du verbe «aller ».
Si l'on revient à la réalité synchronique de la langue homérique, on peut
dresser le tableau suivant :
70
ALLÉES
présent
futur
ET VENUES
ἔρχεται
: régulier dans la langue ordinaire.
εἷσι
: régulier dans les comparaisons, flots de langue archaïque,
εἶσι
: régulier.
exceptionnel ailleurs (survivances ou style archalsant ?).
1.5. L'opposition εἶμι-ἔρχομαι en dehors de l'indicatif 1.5.1. Au participe Comme on l'a déjà noté, il semble y avoir au participe une opposition assez nette entre ἰών, dont l'emploi principal est le type idiomatique ἰὼν ἕζετο, et ἐρχόμενος qui est exceptionnel dans cet emploi (jamais au masculin singulier, en général dans des passages récents, voire susceptibles d'interpolations, cf. Od. VIII, 290 : « Amours d’Arès et d'Aphrodite »). On a l'impression que ἐρχόμενος a une valeur nettement durative qui
l'oppose à ἰών, neutre, du fait que ἐρχόμενος est proportionnellement plus employé aux cas obliques : pour décrire le spectacle d'un déplacement en cours, par exemple d'une armée en marche, d'un essaim d'abeilles, Homère semble préférer les formes de ἐρχομενο- à celles de ἰών ; cependant, au nominatif, méme dans les tournures du type ἰὼν ἔλειπε (sans relation d'intention possible entre le déplacement et l'action du verbe principal : simple concomitance), où l'on
pourrait attendre une prédominance de ἐρχόμενος, c'est ἰών qui l'emporte en nombre absolu, comme à l'accusatif dans le type ἐνόησέ τινα ἰόντα, ἐρχόμενον# dans les emplois les plus fréquents, il semble que *ei- tende à éliminer totalement son concurrent, qui ne joue plus qu'un rôle de substitut stylistique et métrique ?. Au nominatif et à l'accusatif, la situation de la langue homérique se rapproche de celle de la poésie de l'époque classique, où l'opposition stylistique a remplacé
l'opposition linguistique *. 1.5.2. A l'infinitif Il faut rappeler nombreux emplois ci-dessus) ἔρχεσθαι valeur proprement
l'absence totale de la locution "βῆ δ᾽ ἔρχεσθαι en face des très de βῆ δ᾽ ἱέναι. Comme le participe au nominatif (1.5.1., semble d'ailleurs peu usité : peut-être n'a-t-il méme jamais de linguistique, mais seulement stylistique.
1.5.3. A l'impératif Si au singulier ἔρχεο est bien attesté (au pluriel, ἔρχεσθε l'emporte méme largement en nombre d'exemples sur ἴτε, seul ἴθι est susceptible de l'emploi au sens «vide»; par exemple dans les locutions qu'il forme avec l'impératif d'un autre verbe de mouvement, du type βάσκ ἴθι. Cela semble pouvoir être interprété comme un indice de ce que, à l'impératif comme au participe et à l'infinitif, c'est
*ei- le verbe «neutre », d'emploi banal, ἐρχε- / o- étant « marqué » par rapport à lui. Quand cette notion de « marque » a un support linguistique, il doit s'agir d'une opposition duratif/non duratif?!, dans les autres cas, la marque peut n'étre que stylistique.
THÈMES
VERBAUX
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF
71
1.6. Elu 7 ἔρχομαι : conclusions L'opposition εἶμι / ἔρχομαι est complexe: il faut étudier séparément l'indicatif et les autres modes, et à l'intérieur de l'indicatif, opposer les personnes
(la première surtout) et la «non-personne» (la troisième) 52, A l'indicatif, la première
personne
de εἶμι, nettement
marquée
comme
modale, entraîne les autres personnes vers un sens futur (ci-dessus, 1.4, pp. 68-69)
qui s'oppose à l'indicatif de ἔρχομαι, présent duratif normal. Hors de l'indicatif, là où la valeur modale de εἶμι n'existe pas, la valeur durative de ἔρχομαι devient un trait pertinent d'opposition. Ce déséquilibre dans l'opposition des deux verbes pourrait expliquer l'évolution ultérieure de la langue : l'opposition à l'indicatif entre le terme marqué modalement et le terme neutre a glissé, par suite du déséquilibre entre la premiére personne et la non-personne vers une opposition temporelle futur/présent. Hors de l’indicatif, l'opposition duratif marqué/neutre se réduisait le plus souvent à une opposition morphologique (cf. au participe ἰών, ἰόντα aux nominatif et accusatif/toxouévov, ἐρχομένῳ aux génitif et datif), et la langue a simplifié le paradigme en excluant de ces modes le moins usuel des deux verbes, comme si elle obéissait au «principe d'économie » ?. Avant d'analyser la situation au futur, avec l'opposition elpu-&eóoopat, on résumera
les résultats de l'étude du présent dans un tableau :
Indicatif personnes ἡ εἶμι
centrifuge, tourné vers l'avenir, modalement
marqué
par rapport aux conditions de l'énonciation. ἔρχομαι
non orienté dans l'espace de l'énonciation ; présent vrai
(situé dans le présent comme
durée); non marqué
modalement ; peut exprimer l'habitude.
non-personne | εἶσι
ἔρχεται
futur, normalement centrifuge. Exceptions : centripéte
dans l'expression du «temps
qui
du
vient»
(influence
supplétisme
avec
ἦλθε),
présent dans les flots de langue archaïque. présent neutre par rapport à l'orientation de l'espace énonciatif ; duratif ou itératif (relation de supplétisme
avec le sens futur de εἶσι). Hors
de l'indicatif
ἰέναι
non marqué (pas d'influence des conditions d'énonciation; l'orientation dans l'espace est beaucoup plus facilement neutralisée qu'à l'indicatif). Présent normal
ἔρχεσθαι
(comme plus tard en attique). marqué comme duratif 7
Corollaire : l'analyse des emplois de ἔρχομαι et de son opposition avec εἶμι
permet-elle d'éclaircir le probléme de l'étymologie du verbe? Le probléme étymologique posé par ἔρχομαι, est résumé par P. Chantraine,
Dict. Etym., s.v. : « Pas d'étymologie assurée ». Deux hypothèses principales sont en présence
: selon Meillet*#, on aurait une racine *ser-, cf. skr. sisarti «couler »,
arm. erfam «aller», qui serait aussi représentée en grec méme par ἕρπω. Selon d'autres5, il s'agirait plutôt d'une racine *er- avec un suffixe *-ske /o-, cf. skr.
72
ALLÉES ET VENUES
fcchati « atteindre », hitt. arsk-. En fait, on voit donc que l'étymologie de ἔρχομαι pose deux problèmes distincts, naturellement liés à cause des rapprochements avec les langues voisines et des problémes phonétiques découlant du traitement des aspirées et des chocs éventuels entre consonnes radicales et suffixales ; l'un est celui de la racine, *ser- ou *er-, l'autre est celui du suffixe ou de l'élargissement,
*-gh- ou *-sk-. Pour ce qui est de la racine, notre analyse peut donner des arguments sémantiques à l’hypothèse de Meillet : ἔρχομαι a chez Homère une valeur durative de vrai présent qui s'accorde avec l'idée de mouvement adhérent à une surface caractéristique de ἕρπω (chap. III, p. 113) ; la parenté étymologique de ἔρχομαι avec le sens « couler » du verbe sanskrit sisarti serait aussi bien venue : on verra à propos de ϑέω «courir» les relations étroites entre les notions de fluidité et de déplacement continu ; comme θέω, ἔρχομαι dénoterait donc un mouvement essentiellement fluide. Allant plus loin, on pourrait alors rapprocher gr.
δέω,
skr.
srávati
«couler»,
thèmes
II, *sr-ew-,
de
la méme
racine
"ser- :
Chantraine reprend dans le Dictionnaire, s.v. δέω, ce rapprochement qui était présenté comme sûr dans l’Introduction de sa Morphologie historique (11), mais qu'il ne mentionne dans le Dictionnaire ni sous ἕρπω ni sous ἔρχομαι. Pour séduisants qu'ils soient, ces rapprochements sémantiques ne sont pas assurés, et
notre analyse des emplois ne permet pas non plus d'infirmer l'autre hypothèse étymologique. Quant au x, sans rejeter absolument l'hypothèse de Meillet, nous pensons en tout cas qu'il ne s'agit pas d'un suffixe «déterminé» : l'emploi d'élection
de
ἐρχόμενος
telle
qu'il
ressort
d'une
analyse
de
l'ensemble
des
exemples homériques est suffisamment net : présent modalisé glissant vers le futur, non duratif/présent duratif sans valeur modale. L'opposition déterminé indéterminé, que Meillet recherchait a priori pour justifier sa théorie des présents
suffixés déterminés
s'opposant aux présents radicaux indéterminés,
n'a donc
aucune pertinence. La valeur durative, et quelquefois itérative, de ἔρχομαι irait en revanche bien avec l'interprétation de x par *-sk-, ce qui fait probléme
phonétiquement 6. Notre analyse des emplois irait donc dans deux sens opposés, en faveur de l'hypothèse de Meillet pour la racine, en faveur de l'autre hypothèse pour le x. Les deux hypotheses semblant incompatibles, on s'en tiendra à une position nuancée comme Chantraine?". En tout cas, la méthode de Meillet est ici très discutable : «Il
serait
vain
de
passer
en
revue
les
exemples
de
εἶμι
et
de
ἔρχομαι :
l'interprétation prête à trop d'arbitraire » ?*. Nous croyons au contraire qu'il faut d'abord regarder s'il y a dans les emplois des verbes une cohérence linguistique dans la langue archaique, et chercher ensuite une hypothèse étymologique compatible avec cette analyse ; si l'on n'en trouve aucune qui soit satisfaisante, il vaut mieux renoncer à l'étymologie : en parlant le francais, nous n'avons pas conscience de prolonger le latin, de méme il
nous parait plus important de rechercher quelles ont été les oppositions vivantes dans le grec de l'époque homérique que de controverser à l'infini sur l'étymologie de mots grecs obscurs.
Pour l'analyse d'un suffixe surtout, il parait absurde de
fonder sur une étymologie contestable une hypothèse sur la valeur du suffixe, en négligeant
ouvertement
le témoignage
des emplois.
On pourrait s'attendre à voir étudier ἤια, l'imparfait de εἶμι, avec le thème auquel
il se rattache morphologiquement.
Mais nous croyons de peu d'intérét
d'étudier un terme de la langue indépendamment de ceux auxquels il s'oppose, et
THÈMES
VERBAUX
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF
73
l'on verra que La, fiiov s'oppose à l'aoriste ἦλθον ; comme certains auteurs ont voulu expliquer fa comme un aoriste, seul le contraste avec ἦλθον peut permettre de définir sa valeur propre ; pour cette raison, l'étude de l'imparfait qui devrait figurer dans celle du théme de présent est différée, pour étre regroupée avec l'étude de l'aoriste dans le chapitre II, 3. Les oppositions au prétérit, bien que
nous sachions les inconvénients théoriques de ce regroupement.
2. LE THEME
DE FUTUR : LA CONCURRENCE
ENTRE εἶμι ET ἐλεύσομαι
2.1. εἶμι / ἐλεύσομαι hors de l'indicatif : opposition grammaticale Hors de l'indicatif, l'opposition εἰμνἐλεύσομαι, qui se réduit d'ailleurs à l'opposition des deux infinitifs puisque ἐλεύσομαι n'est pas attesté ailleurs, est grammaticale : il s'agit d'une opposition infinitif présentinfinitif futur régulière, et
donc d'une relation de supplétisme verbal entre deux thémes formés sur des racines différentes. Les occurrences de ἐλεύσεσθαι montrent qu'il est régulièrement attesté dans des propositions infinitives dépendant de verbes d'opinion ou de verbes
déclaratifs;
l'infinitif
futur
a donc
sa
valeur
temporelle
attendue ?.
L'opposition ἰέναι / ἐλεύσεσθαι est donc grammaticale, paralléle à celle qui oppose dans un paradigme non supplétif λύειν à λύσειν. 2.2. Elu 7 ἐλεύσομαι à l'indicatif La situation est beaucoup plus compliquée à l'indicatif, οὐ plusieurs traits d'opposition semblent se superposer et se combiner : d'une maniére évidemment
artificielle, l'analyse est contrainte de les isoler, séparant les indicateurs déictiques spatiaux des indicateurs temporels alors que la langue les associe toujours. 2.2.1. La référence spatiale : d’où viens-tu, où vas-tu? Les
syntagmes
avec des adverbes
de lieu impliquant
une
orientation
de
l'espace énonciatif opposent εἶμι et ἐλεύσομαι comme ils opposaient εἶμι et ἦλθον: εἶμι κεῖσε, πόσε : orientation «centrifuge»
ἐλεύσομαι ἐνθάδε : 7 exemples (Il. XV, 180; XXIII, 497; Od. IX, 514; XIV, 161 = XIX, 306; XVI, 8; XVI, 204). ἔνϑα : «là (où tu seras)», Od. X, 538 (Circé indique à Ulysse comment faire
venir auprès de lui l’äme de Tirésias). αὖτις : avec une autre indication. de direction : Il. I, 425; VIII, 12; XIX, 129; Od. Il, 176; XI, 432; XIII, 132; XIX, 585; XX, 232; XXIII, 72; sans autre
indication
de direction,
Z. XII,
369, cf. XIII, 753; Od. XIX, 300, H. à Aphr., V, 271.
74
ALLÉES ET VENUES
Ἔνϑάδε avec ἐλεύσομαι est «centripéte » comme δεῦρο l'est avec ἦλθον; nous
n'avons
aucun
moyen
de trouver
une
nuance
sémantique
permettant
d'opposer ἐνθάδ᾽ ἐλεύσομαι à δεῦρ᾽ ἦλϑον : les deux formules ont dû se figer métriquement. La référence avec ἔνϑα dans une occurrence, qui se traduit en français par «là », se traduirait dans d'autres langues par une indication de type centripete, Circé se transportant par la pensée au lieu où sera l'allocutaire : en allemand, on n'emploierait peut-étre pas hier, mais la particule her combinée avec da (voir sur les possibilités d'expression de la deixis spatiale en allemand la note 44 du chapitre I) Quant à l'indication de retour donnée par αὖτις, elle n'implique pas nécessairement une orientation déictique de ἐλεύσομαι, mais milite en fait dans ce sens, puisque dans tous les exemples, il s'agit d'un retour au lieu de l'énonciation. La fréquence idiomatique de cette association manifeste une relation étroite entre ἐλεύσομαι et l'idée de retour, cf. ci-dessous, Od.X, 267 et 285, où ἐλεύσεαι est
repris par νοστήσειν. La fréquence relative de l'expression de l'origine du mouvement avec ἐλεύσομαι est aussi en faveur d'une orientation déictique centripéte du verbe (cf.
chap. I, 3.4 pour la fréquence de ce type de mention avec ἦλθον et pour une interprétation déictique) : Il. XXI, 62 κεῖθεν (voir Il. XII, 225, Od.XI, 135, XXII, 282). En fait, si l'on tient compte des emplois absolus oà le contexte implique
clairement une référence au lieu de l'énonciation (e.g. Od.X, 267
οἶδα γὰρ ὡς οὔτ᾽ αὐτὸς ἐλεύσεαι οὔτε τιν᾽ ἄλλον / ἄξεις σῶν ἑτάρων, où Euryloque refuse de montrer à Ulysse le chemin qui va chez Circé : «Je sais que toi non plus tu ne reviendras pas » ; on comparera un discours analogue d'Hermes aux vers 284-5... οὐδέ σέ φημι / αὐτὸν νοστήσειν) Une forte majorité des exemples de ἐλεύσομαι (33 sur 38) impliquent une référence déictique centripète. On
ne trouve
que
5 exemples
contraires,
dont
un seul dans
l'Iliade,
VI, 365 :
Hector explique à Héléne et Páris, chez qui il se trouve, qu'avant de retourner au combat, il va chez lui voir sa famille, xai γὰρ ἐγὼν οἶκόνδε ἐλεύσομαι, ὄφρα
ἴδωμαι / olxfjac... En fait, on attendrait ici εἶμι à la fois pour le sens de futur proche et pour le sens «aller» (opposé à «venir »). Si l'on garde le texte des manuscrits (cf. éd. Allen), l'emploi aberrant de ἐλεύσομαι peut s'expliquer par l'habitude de la locution idiomatique οἰκόνδ(ε)᾽ ἐλεύσεσϑαι «venir («revenir») à la maison», employée ici par quelqu'un qui n'est pas chez lui. Le besoin métrique a pu jouer son róle ici. Les 4 autres exemples représentent en réalité une seule formule : Od.IV, 381... ὡς ἐπὶ πόντον ἐλεύσομαι ἰχθυόεντα, Od. IV, 390 = 424 = X, 540...
ὡς ἐπὶ πόντον ἐλεύσεαι ἰχθυόεντα. Ils s'expliquent peut-étre, eux aussi, comme une extension du sens habituel avec référence au lieu de l'énonciation à des emplois du type « rentrer (chez soi) » : il s'agit en effet toujours du retour d'Ulysse
à son point de départ, sa patrie, Ithaque, qui est, non le δεῦρο du locuteur (Idothée, Circé ou Ulysse exilé), mais du moins le lieu de référence constant de
toute l'Odyssée“. Pour la référence à un espace orienté par l'énonciation, ἐλεύσομαι semble donc nettement
centripete, comme
ἦλϑον,
les exceptions,
minoritaires, s'expli-
quant par des extensions secondaires ou par des habitudes de langage.
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
75
2.2.2. La référence temporelle. Les associations syntagmatiques de ἐλεύσομαι avec des adverbes ou locutions temporelles, quand elles manifestent une opposition aux associations de méme
type se rencontrant avec εἶμι, vont toujours dans le méme sens : ἐλεύσομαι fait référence à un avenir plus lointain que εἶμι. εἶμι
ἐλεύσομαι
νῦν 5 exemples
αἶψα Al. XII, 369, cf. XIII, 753
τότ᾽ ἔπειτα Il. I, 426
ἐς πέμπτον ἔτος H. Aphr.
ἠῶϑεν Od. III, 367
δωδεκάτῃ
V, 277
(ἡμέρῃ) II. 1, 425
τάχα Od. II, 89; XIX, 69
αὐτίκα
σχεδόν Il. XVII, 202 αὐτίκα Od. XXIII, 362
τοῦδ᾽ αὐτοῦ λυκάδαντος Od. XIV, 161 = XIX, 306 ἤδη 7 ἄγχι μάλ᾽ Od. XIX, 300
Od. X, 538
τάχα Il. XXIII, 497
Si l'on retrouve des deux côtés τάχα, νῦν ne se rencontre qu'avec εἶμι ; inversement, ce n'est qu'avec ἐλεύσομαι que l'on rencontre une datation précise dans l’avenir, proche (dans quelques jours ou heures) ou plus lointain (dans quatre
ans); pour αὐτίκα, le contexte au futur de Od.X, 538 (Circé indique à Ulysse comment parvenir aux Enfers et obtenir les conseils de Tirésias) montre bien que l'adverbe signifie « aussitôt (après cela) », et ne fait pas référence directement à la situation d'énonciation.
Au contraire, avec εἶσι, méme à
la troisiéme personne,
donc dans la valeur de futur, αὐτίκα renvoie à l'instant de l'énonciation, Od.XXIII, 362 αὐτίκα γὰρ φάτις slow ἅμ᾽ ἠελίῳ ἀνιόντι ἀνδρῶν μνηστήρων οὖς Extavov... (partant voir Laérte après le massacre des prétendants, Ulysse donne ses instructions à Pénélope : αὐτίκα fait référence à l'aube prochaine ; même
à la troisième personne, εἶσιν est donc ici une sorte de
futur proche, que l'on peut rendre par le quasi-auxiliaire aller en français : «car tout de suite avec le soleil levant, la rumeur
va se répandre... »).
Quand les deux verbes sont employés en opposition dans un méme contexte, c'est dans le méme ordre de succession temporelle, εἶμι futur proche, ou présent modalisé ἐχργεβοι ἐλεύσομαι futur plus lointain : ainsi dans /l.XII, 368-369 = XIII, 752-753 αὐτὰρ ἐγὼ κεῖσ᾽ εἶμι καὶ ἀντιόω πολέμοιο, αἶψα δ᾽ ἐλεύσομαι αὖτις, ἐπὴν εὖ τοῖς ἐπαμύνω, le locuteur emploie εἶμι pour désigner
proche donc deuxiéme
la première
démarche
qu'il se prépare
à entreprendre,
dans le temps, et les deux fois, il emploie
démarche,
celle
du
retour;
dans
les
deux
ἐλεύσομαι
exemples,
la plus
pour sa
l'emploi
de
l'adverbe αἶψα avec ἐλεύσομαι montre bien qu'il ne s'agit pas d'un avenir objectivement lointain, mais seulement d'une opposition relative entre l'avenir
considéré comme déjà présent avec εἶμι, et le futur vrai, coupé du présent, avec ἐλεύσομαι. Nous n'avons trouvé qu'un contre-exemple, qui semble infirmer cette cohérence de la référence temporelle, 1.1, 425-426 : Ζεὺς γὰρ ἐς 'Qxeavóv μετ᾽ ἀμύμονας Αἰθιοπῆας
76
ALLÉES ET VENUES
χθιζὸς ἔδη κατὰ δαῖτα, ϑεοὶ δ᾽ ἅμα πάντες ἕποντο. δωδεκάτῃ δέ τοι αὖτις ἐλεύσεται Οὔλυμπόνδε καὶ τότ᾽ ἔπειτά τοι εἶμι Διὸς ποτὶ χαλκοδατὲς δῶ. Rompant avec la succession habituelle εἶμι- (ἔπειτα) ἐλεύσομαι cet exemple montre d'abord ἐλεύσεται, daté précisément (dans onze jours), puis εἶμι, daté dans le futur par
référence à cette première date : τότ᾽ ἔπειτα. Nous croyons que cette anomalie peut s'expliquer par des raisons stylistiques, mettant en jeu l'opposition des personnes : ἐλεύσεται, à la non-personne, est un vrai futur, neutre par rapport à la situation
d'énonciation,
et
daté
de
manière
neutre
dans
l'avenir.
Elju,
à la
premiére personne, bien que postérieur à ἐλεύσεται dans la succession objective, est un présent comme il l'est réguliérement (cf. ci-dessus, 1.3.2., pp. 64-65) : « Zeus est parti hier pour Océan, pour un repas avec les Ethiopiens sans reproche, et tous les dieux l'ont suivi. Dans onze jours, il reviendra sur l'Olympe, et alors je
vais à sa maison engagement pris ment, le présent départ immédiat
au sol d'airain. » Le présent rend la solennité du εἶμι homérique, par Thétis pour répondre aux instances d'Achille ?. Stylistiquegrec a l'air destiné à faire croire à l'allocutaire qui désire un que «c'est comme si c'était déjà fait ».
Un troisiéme trait d'opposition entre εἶμι et ἐλεύσομαι est possible, le trait dialectal. Comme, dans la langue postérieure à Homére, ἐλεύσομαι est dit
ionien *, on suppose qu'il s'agit déjà d'un ionisme d'Homere. L'existence dans la langue homérique d'autres traits d'opposition affaiblit déjà cette hypothèse. Mais surtout,
une
recherche
systématique
à
ce
sujet
dans
le
corpus
dialectal
(inscriptions et littérature), dans l'espoir d'établir une ligne de partage dialectal entre les deux formes de futur (isoglosse), ne donne aucun résultat net : le seul
écrivain «ionien » qui emploie ἐλεύσομαι est Hérodote, chez qui ce peut étre un homérisme. Le seul argument sérieux dans ce sens est la koine (cf. l'emploi de ἐλεύσομαι encore à l'époque byzantine tardive chez Maxime
donnée
ci-dessous,
Planude,
référence
p. 78).
2.3. Elu / ἐλεύσομαι : conclusions Il existe donc entre εἶμι et ἐλεύσομαι
εἶμι
une
double
centripète / centrifuge futur proche / futur vrai |
opposition :
ἐλεύσομαι
Dans un méme contexte, sauf volonté stylistique de renverser l'ordre habituel de successivité, εἰμι exprime le départ imminent, ἐλεύσομαι (avec αὖτις souvent) le retour plus lointain. δεῦρο lieu de l'énonciation
νῦν εἶμι
ı
n
D
ni
ἔπειτ᾽ ἐλεύσομαι
(αὖτις)
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
77
Voici comment cette opposition se réalise dans les différentes formes du paradigme : Premiére
personne :
εἶμι présent modalisé, centrifuge «je vais, je pars» Deuxiéme personne : eloBa «tu iras», futur centrifuge
ἐλεύσομαι futur vrai, centripète. «je (re)viendrai » ἐλεύσεαι «tu (re)viendras » futur centripète.
Non-personne :
eloı (présent dans des flots de langue
ἐλεύσεται
archaïque),
viendra»
futur normal,
centrifuge,
futur
centripète
«il
(re-
«il ira»
Infinitif : ἱέναι présent, normalement centrifuge («aller»), neutralisable facilement
ἐλεύσεσθαι futur, centripéte «venir».
(« venir »). Futur au besoin pour le sens « partir »
Les exemples de ἐλεύσομαι
montrent
une valeur déictique constante
(les
exceptions s'expliquant par des extensions analogiques), qui est compatible avec les divers rapprochements proposés : ἐλεύθερος, Ἐλευσίς, Εἰλείθυια^ si ces termes se rattachent à un sens « venir » d'une manière ou d'une autre. Mais notre
analyse ne permet aucune progression dans l'établissement d'une «racine» indo-européenne pour cette famille, et en particulier, on ne peut toujours pas établir si le *-dh- est radical ou non, s'il faut accorder foi aux formes (verbales : pluriel du parfait ἐλήλυμεν, ou nominales : ἔπηλυς, vénAvc...) qui ne l'ont pas.
Elit et ἐλεύσομαι, qui coexistent dans la langue homérique ne sont donc pas des synonymes ; on ne peut méme pas dire qu'ils soient des doublets dialectaux, en tout cas pas toutes les formes. Mais d'autre part, on a l'impression que la langue n'utilise leur opposition à fond que pour deux formes : à l'infinitif οὐ elle est devenue essentiellement grammaticale (c'est la complémentarité paradigmatique
infinitif présentinfinitif futur qui compte, l'opposition sémantique ou aspectuelle restant au second plan), et surtout à la première personne de l'indicatif. Si l'on revient à l'opposition à trois termes, ἔρχομαι, εἶμι,έλεύσομαι, on voit maintenant
qu'elle n'atteint son plein « rendement » qu'à la première personne de l'indicatif : ἔρχομαι
présent
normal
non orienté εἶμι
(duratif/itératif,
par rapport
présent à valeur modale,
ment
sans
valeur
modale,
au lieu de l'énonciation). tourné vers le futur, mouve-
orienté vers «l'ailleurs» par rapport au lieu de
l'énonciation.
ἐλεύσομαι
futur
vrai,
nature même
non
marqué
modalement
(sinon
par
sa
de futur, ancien désidératif), sans statut
énonciatif particulier, mouvement
du lieu de référence
orienté en direction
de l'énonciation.
78
ALLÉES ET VENUES
Un schéma montrant l'orientation du mouvement par rapport au lieu de l'énonciation avec les différents thèmes verbaux du paradigme supplétif peut désormais être proposé, tenant compte des résultats obtenus au premier chapitre : PASSE
PRESENT
ἦλθον
δεῦρο
Α
FUTUR
νῦν
εἶμι
(ἔκεισε),
/ =
ἔρχομαι
ἐλεύσομαι
ἔπειτ᾽
Le personnage placé au point À au moment M peut dire en grec homérique
«δεῦρ᾽ ἦλϑον : νῦν δὲ κεῖσ' εἶμι : ἔπειτα δ᾽ ἐνθάδ᾽ ἐλεύσομαι (αὖτις) ». Ce schéma met en évidence la coïncidence dans le paradigme grec du verbe «aller» d’une succession temporelle (passé-présent-futur) et d'une «succession spatiale» (δεῦρο-ἔκεισε-ἐνθάδε-δεῦρο). Cette coincidence pourrait s'expliquer par une logique immanente implicite dans le système linguistique. C’est ce que semblait suggérer Maxime Planude dans le Περὶ
Συντάξεως
(Bachmann, Anecdota Graeca,
122-123). Pour Planude 55, et apparemment pour les Grecs de l'époque byzantine dont il représenterait le sentiment linguistique, les oppositions lexico-aspectuelles qui fondent le systéme supplétif, encore vivantes dans la langue homérique, semblent effacées au profit d'une relation grammaticale (présent ἔρχομαι, aoriste
ἦλθον, futur ἐλέυσομαι, pas de mention de εἶμι). L'opposition lexicale « aller/venir » est désormais dévolue à la composition (ἔρχομαι-ἠλθον-ἐλεύσομαι, ἀπέρχομαι-ἀπῆλϑον-ἀπελεύσομαι), et le grammairien attribue au lieu, à la deixis spatiale, et non au verbe, l'association avec le temps : selon lui, πόθεν va avec le
passé (voir dans notre interprétation de l'état supplétif la relation privilégiée entre le théme d'aoriste ἦλθον et l'expression de l'origine du mouvement, chapitre I, 3.1, pp. 45-46 et 3.4, pp. 48-50), ποῦ avec le présent (cf. pour nous ἔρχομαι, vrai présent sans référence à l'orientation de l'espace énonciatif, ci-dessus, 1.3.1,
pp. 63-64), πῆ et πόσε avec le futur (cf. εἶμι, orienté vers «l'ailleurs» et prenant par suite de l'association entre deixis spatiale et modalité la valeur d'un futur, ci-dessus, 2.2, pp. 73-76). Planude explique cette succession des espace-temps par une espèce de logique pragmatique du langage *6, entraînant dans l'ordre relatif des
trois
termes
μεῖναι
«rester»,
ἐλθεῖν
«venir»
et
ἀπελθεῖν
«s'en
aller»
certaines successions agrammaticales (« ἀσύστατα »). En fait, la seule divergence réelle entre l'analyse de Planude et la nótre porte sur le statut de l'indication de direction (ztóot) liée au futur : Planude ne distingue pas le futur vrai, toujours « afférent » en grec comme dirait Guillaume * (ἐλεύσομαι est bien afférent chez Homère à la fois spatialement : ἐνθάδε, et temporellement, en tant que désidératif), du futur proche, ici efférent parce que εἶμι est en réalité un présent. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la koine ionienne que prolonge le grec
byzantin ne connaissait plus εἶμι : c'est probablement ce qui fait que Planude met ἐλεύσομαι du cóté du passé, πόϑεν ἐλεύσεται impliquant selon lui que le sujet du procès est parti — «καταλελοιπέναι αὐτὸν τόπον» — de son lieu d'origine. En conséquence, pour le lieu associé au futur, πῆ ou πόσε, Planude change de lexéme et se sert de βαδίζειν. Le détail de l'analyse est discutable : en tout cas, des siècles après l'époque homérique, le nivellement des oppositions aspectuelles au profit
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
79
des relations grammaticales dans des paradigmes verbaux figés laisse intact le sentiment d'un systéme «logique » sous-jacent de l'espace-temps.
2.4. La prétendue «double-valeur» de εἶμι Le probléme posé par εἶμι se simplifie considérablement si l'on pense d'une part à la double concurrence de ἔρχομαι au présent, de ἐλεύσομαι au futur, d'autre part au statut particulier de la première personne de l'indicatif.
La plupart des auteurs ont traité de la «double-valeur » de εἶμι, présent et futur chez Homère, futur seulement dans la langue classique, comme d'un simple exemple d'une catégorie grammaticale qui serait répandue en grec, le « présent en valeur de futur». Ainsi chez Chantraineδ, «Le présent peut s'employer en fonction de futur. L'exemple le plus net est celui de εἶμι qui, déjà chez Homère, signifie “j'irai” (cf. français j'y vais). Le thème de présent indique l'imminence de l'action future.
De
méme
dans
des verbes
de sens voisin : ainsi νέομαι,
etc. »
Wackernagel ? voyait méme dans εἶμι un présent perfectif analogue aux présents perfectifs du slave, qui ont un sens futur : bel argument à l'appui des théories sur les analogies de structure entre les systémes aspectuels grec et slave. Malheureusement, les faits, aussi bien grecs que slaves, infirment cette théorie : en grec
homérique, εἶμι et v£ouat semblent être les seuls représentants de cette prétendue catégorie? : le etc. de Chantraine (loc.cit.) parait abusif. Surtout, en slave, le présent correspondant étymologiquement à εἶμι est donné comme imperfectif, et a cependant la valeur de futur, alors que les présents perfectifs ont régulièrement
cette possibilité d’être employés comme futurs?! : la seule hypothèse qui permette d'expliquer la valeur de futur du présent hérité de *eimi en slave comme en grec est donc qu'il s'agit d'un développement sémantique propre à certains verbes de
mouvement ; on expliquera ainsi que νέομαι se comporte en grec comme εἶμι 52, et que, des siècles après que εἶμι soit devenu le futur «normal»
du verbe «aller»,
ἔρχομαι ait eu la méme possibilité d'emploi? : il n'est pas plus «perfectif ou «imperfectif» que εἶμι, ces catégories n'ont pas de pertinence pour le grec. En réalité, il n'y a double-valeur de εἶμι chez Homère que par suite de la coexistence dans le corpus de plusieurs états de langue ?*, traces d'une évolution que l'on peut tenter de reconstituer de la maniére suivante :
1) εἶμι-εἰσι-ἰέναι
=
présent,
dans
tout
le paradigme : état hérité
de
l'indo-européen. La première personne, par suite de son statut particulier par rapport à la situation d'énonciation et de la référence à l'espace orienté autour de l'auteur de l'énonciation, prend un sens modalisé, d'engagement au départ, qui l'oppose fortement à ἔρχομαι, énoncé constatif-duratif (ou répétitif) sans référence à l'orientation de l'espace énonciatif. Les autres formes gardent le sens présent, ainsi dans les modes impersonnels et, pour la non-personne, dans les comparaisons et quelques exemples isolés, à
titre d'archaisme. 2) Sous l'influence de la premiére personne qui est « modalisée », les autres personnes de l'indicatif prennent une valeur de futur (et la valeur d'engagement personnel
propre
à la premiére
personne
disparait
naturellement
à la non-
personne : futur neutre vis-à-vis de la modalité). L'opposition eloı / ἐλεύσεται se
80
ALLÉES ET VENUES
réduit alors à l'opposition d'orientation dans l'espace : état de langue le plus souvent attesté chez Homère
pour la troisième personne.
3) La valeur d'engagement au départ de la première personne εἶμι permet une dissociation du temps (entre l'engagement actuel : νῦν, et le départ, imminent ou différé : ἔπειτα) qui la fait glisser elle aussi vers une valeur de futur neutre, qui l'oppose à ἐλεύσομαι comme centrifuge/centripète, εἶμι restant en principe un «futur proche» : état représenté chez Homère par un exemple seulement (IL. XVHI, 333). 4) Plus tard, en attique, le trait de référence spatiale s'étant à son tour effacé, εἶμι est devenu le futur normal du paradigme supplétif, tandis que ἐλεύσομαι, devenu
superflu,
disparaissait.
En quoi réside la valeur particulière de la première personne dans les cas particuliers d'énonciation étudiés ? Dans tous les exemples (sauf JI. XVIII, 333, où il s'agit d'un autre stade de l'évolution : futur neutralisé, cf. ci-dessus, p. 66), on remarque que le fait de dire εἶμι change la situation relative des interlocuteurs : l'auteur d'une telle énonciation est engagé envers l'autre ou au moins envers lui-méme, comme il le serait par une promesse. Qu'il parte tout de suite comme il l'affirme, ou plus tard comme c'est souvent le cas, la parole est, ou est censée étre, un commencement d'acte. Dans certains cas (cf. l'analyse de 111, 426, ci-dessus,
pp. 75-76), elle en est méme un substitut rhétorique, au moins provisoire. Ce n'est donc à proprement parler un performatif, puisqu'ici la parole a besoin d'étre suivie de l'acte, du mouvement ; dans le performatif au sens strict, la parole est l'acte :
dire «la séance est ouverte », c'est précisément cela ouvrir la séance ?. Mais on pourrait définir elut comme un semi-performatif : l'acte de parole inaugure l'acte physique qui le suit, et engage l'auteur de l'énonciation à accomplir cet acte physique. L'opposition semi-performatif/duratif-constatif telle qu'elle a été ici analysée
en grec homérique recouvre donc un fait de vocabulaire, l'opposition entre deux termes de la langue, εἶμι εἴ-ἔρχομαι. C'est le seul exemple que nous connaissions οὐ la catégorie du performatif explique une opposition lexicale, mais cela
n'implique pas pour autant que le semi-performatif n'existe qu'ici : cf. parallèles et références dans F. Létoublon, 2.5.
1977,
Un substitut du présent-futur,
139-140. εἴσομαι,
et son aoriste elodunv
Le futur εἴσομαι et l'aoriste εἰσάμην, appartenant étymologiquement à la famille (F )et- (cf. Chantraine, Dict. Etyrn., s.v. ἵεμαι), gardent souvent leur sens d'origine, «se précipiter», mais se prêtent, après la disparition du *w initial, à
fournir un substitut expressif du verbe «aller», métriquement commode à cause des désinences moyennes. Les exemples (d'ailleurs peu nombreux) montrent une syntaxe parallèle à celle du paradigme supplétif, e.g. II. XXI, 335 αὐτὰρ ἐγὼ Ζεφύροιο... 7 εἴσομαι ἐξ ἀλόϑεν χαλεπὴν ópoovoa ϑύελλαν, «j'irai soulever une tempête...» (cf.Od.XV, 213 αὐτὸς καλέων δεῦρ᾽ εἴσεται).
Il.XXIV, 462 ᾿Αλλ᾽ ἤτοι μὲν ἐγὼ πάλιν εἴσομαι, οὐδ᾽ ᾿Αχιλῆος ὀφϑαλμοὺς εἴσειμι... II. XII, 118 Εἴσατο γὰρ νηῶν ἐπ᾿ ἀριστερά, ... XV 415 Ἕκτωρ δ᾽ ἄντ᾽ Αἴαντος ἐίσατο κυδαλίμοιο (ou XV, 544, Od.XXII, 89) avec sujet animé humain, et, avec pour sujet un nom d'arme, emploi typique
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
81
de l'aoriste, //.IV, 138, V, 538, XIII, 191. Le composé en ἐπι- (II. XXI, 424) s'aligne sur la valeur « attaquer » de ἐπέρχομαι comme on peut s'y attendre avec la valeur étymologique de force violente ; le composé en μετα- s'aligne de méme sur la valeur «aller chercher, suivre, rechercher » de μέτειμι-μετῆλθον. Il. XXIV, 462
πάλιν εἴσομαι «je vais repartir » («je m'élance en sens inverse») montre que le verbe, ailleurs employé avec δεῦρο (dans l'Odyssée, XV, 213) est indifférent à
l'orientation déictique : cette indifférence favorisait un emploi relativement souple dans l'épopée, mais n'a pourtant pas assuré sa survie dans la langue. Ce verbe du formulaire épique n'est plus employé par la suite. 3.
LE
PRÉTÉRIT : AORISTES
ET IMPARFAITS
DU
VERBE
«ALLER»
L'imparfait du verbe «aller» se rattache morphologiquement au théme de présent, comme c'est la régle pour les imparfaits grecs. On l'étudiera pourtant ici pour
montrer
l'opposition
d'emploi
avec
ἦλθον.
A
titre
de
justification
morphologique pour ranger ainsi ensemble imparfait et aoriste dans une catégorie de « prétérit » qui n'a pas de réalité linguistique en grec, on rappellera que fiia,
forme archaïque difficile 5, témoigne peut-être en faveur d'un ancien «prétérit indifférencié », antérieur à la distinction imparfait/aoriste 7. L'argument diachronique est peut-être spécieux, mais la réfection de ἤϊα en ἤϊον8 et le succès de la flexion thématique suffisent à montrer que l'on sentait là un imparfait ; pour les emplois, nous croyons inutile de les justifier tous : il sera plus intéressant de
dégager des séries cohérentes où se manifeste la valeur spécifique d'imparfait, opposant ἤϊα-ἥιον à des séries cohérentes d'emplois manifestant la valeur
aoristique spécifique de ἦλθον. 3.1. Les emplois typiques de l'imparfait
3.1.1. L'apposition descriptive Un des emplois de l'imparfait dont la fréquence est particuliérement frappante est l'emploi avec une apposition de type descriptif : il s'agit le plus souvent d'un participe présent, quelquefois d'un participe parfait ou d'une forme adverbiale. Les exemples sont nombreux, et certains se retrouvent dans plusieurs séries (avec apposition descriptive au présent et comme second terme d'une comparaison, IL. XVII, 666, ou avec participe présent apposé et comme expression de
l'accompagnement, 1. XVIIII, 66) ; ce recoupement des critères renforce notre conclusion sur la valeur spécifique du théme (voir l'importance de la convergence des indices tenant lieu de «preuve», Introduction, 1.3, pp. 11-12). Apposition descriptive au participe présent : type ἤϊε πόλλ᾽ ἀέκων 1.11, 872 (Amphimaque)
ὃς xai χρυσὸν ἔχων πόλεμόνδ᾽ἵεν ἠῦτε κούρη;
VII, 213 [Αἴας] ἤϊε μακρὰ βιδάς, κραδάων δολιχόσκιον ἔγχος, voir aussi XI, 557 ; XII, 332; XVII, 666 ; XVIII, 66; XXIII, 114 ; XXIV, 647 = Od.IV, 300 = VII, 339 ; Od.IV, 433; X, 570; XVIII, 110; XIX, 436; H. Aphr. V, 72. Apposition descriptive au participe parfait : type ἤϊε νυκτὶ ἐοικώς, IT, 47; III, 8 οἱ δ᾽ ἄρ᾽ ἴσαν σιγῇ μένεα πνείοντες "Axatoi
82
ALLÉES ET VENUES
ἐν θυμῷι μεμαῶτες ἀλεξέμεν ἀλλήλοισιν (cf. avec le composé συνίτην Il. VI, 120); IL. XI, 557 a en même temps participes parfait et présent, ὡς Αἴας τότ᾽ ἀπὸ Τρώων rerinuévos ἦτορ ἤϊε πόλλ᾽ ἀέκων Voir aussi Il. XIII,
305; XVII, 759: Od.XXIV, 9. Apposition de type adverbial : type ἀκὴν ἴσαν (ΠΝ, 429). II. TII, 2 Τρῶες μὲν κλαγγῇ τ᾿ ἐνοπῇ τἴσαν ὄρνιϑες ὡς cf. III, 8 σιγῇ, exemple cité ci-dessus pour le participe parfait. XVII, 266 τόσσῃ ἄρα Τρῶες ἰαχῇ ἴσαν. Aux types ἤιε πόλλ᾽ ἀέκων, ἤϊε vuxti ἐοικώς, ἀκὴν ἴσαν, on opposera avec l'aoriste les types idiomatiques πρῶτος ἦλϑε ou ἄγγελος ἦλϑε, où le nominatif apposé au sujet n’a pas de valeur descriptive (cf. ci-dessous, 3.2.4, pp. 85 à 87). 3.1.2. L'expression de l'accompagnement : type ἅμα δ᾽ ἄλλοι ἴσαν Dans une importante série d'occurences, l'imparfait est employé pour le mouvement d'un accompagnant, le mouvement du héros principal étant exprimé à
l'aoriste. Il parait inutile de justifier cette opposition, que l'on enregistre comme un fait linguistique, méme s'il parait paradoxal pour nous”. En fait, il semble que l'imparfait joue le rôle de «toile de fond » (avec sa valeur descriptive attendue), sur laquelle se détachent les aoristes du récit. En tout cas, il ne s'agit pas d'une opposition duratif/non-duratif, puisque la durée réelle du mouvement est la méme dans les deux cas. Il.X, 197 Ὡς εἰπὼν τάφροιο διέσσυτο toi δ᾽ ἅμ᾽ ἕποντο ᾿Αργείων βασιλῆες... τοῖς δ᾽ ἅμα Μηριόνης καὶ Νέστορος υἱὸς, ἤϊσαν...., le mouvement de Nestor (aoriste διέσσυτο, 194) s'oppose à celui des deux groupes, à l'imparfait avec ἅμα (ἅμ᾽ ἔποντο... ἅμα... ἤισαν) ; Χ, 565 Ὡς
εἰπὼν
τάφροιο
διήλασε
μώνυχας
ἵππους
καγχαλόων : ἄμα δ᾽ ἄλλοι ἴσαν χαίροντες ᾿Αχαιοί, et du méme type, XII, 88, XII, 371; XVII, 495; XVIII, 66; H. Aphr. V, 72. I. XVIII, 516, la notion d'accompagnement n'a pas d'expression spécifique, mais se dégage du contexte, et
de l'opposition ἦρχε 7 ἴσαν : chef/comparses (le mouvement du chef est aussi
exprimé à l'imparfait, ἦρχε) : ol δῖσαν : ἦρχε δ᾽ ἄρα σφιν ἼΑρης xai Παλλὰς ᾿Αθήνη. On rapprochera de cette expression idiomatique de l'accompagnement à l'imparfait l'emploi homérique de ἕπομαι avec ἅμα et σύν : l'imparfait eUxeto, εἴποντο semble largement
préféré à l'aoriste &oxeto, Éozxovto 9. 3.1.3.
Les
comparaisons : τοῖοι...
ἤσαν (Tl. X11.305).
L'étude de l'emploi des thémes verbaux dans les comparaisons homériques s'appuiera
sur
linguistique!
une
: comme
bibliographie
relativement
rare
pour les images en général,
du
cóté
proprement
il existe beaucoup plus
d'études littéraires. Si l'on convient d'appeler un des termes de l'image, comparaison ou métaphore, le terme-réel, l'autre le terme-image, on distinguera deux types essentiels de comparaison homérique, la comparaison développée où le termeimage précède le terme réel, occupant plusieurs vers («tel... tel... », «comme... ainsi... »), et la comparaison brève où le terme réel vient d'abord, le terme image
occupant en général le second hémistiche du méme vers, ou un vers entier au plus,
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
83
introduit par un adjectif comme ἐοικώς, ὁμοῖος, ou par ἠῦτε, ὥς te®. Les comparaisons ayant pour thème le mouvement c'est-à-dire où le point commun à deux réalités d'ordre différent, qui permet de les rapprocher par « comme », est le mouvement, sont extrêmement nombreuses. Le plus souvent, le mouvement réel
est celui des humains, et les animaux ou les dieux servent d'image9. Dans les comparaisons développées, on trouve l'imparfait descriptif dans le deuxiéme terme (réel), reprenant un présent du terme image, voir les exemples
dans « Aoristes et imparfaits... », op.cit., e.g. Il. VII, 213, comparaison d'Ajax à Arès, σεύατ᾽ ἔπειϑ᾽ οἷός τε πελώριος ἔρχεται "AQnc/ ὅς τ᾽ εἶσιν πόλεμόνδε ... / τοῖος ἄρ᾽ Αἴας ὦρτο πελώριος,... /... νέρϑε δε ποσσὶν 7 Tie μακρὰ βιδάς, κραδάων δολιχόσκιον ἔγχος (voir XI, 557, comparaison d'Ajax à un lion, XIII, 305, comparaison de Mérion et Idoménée à Arès et Phobos;
Od.XX,
89,
XXIV,
9).
Dans
les
comparaisons
brèves,
on
trouve
régulièrement l'imparfait du thème *ei- dans le premier terme (réel), e.g. II. 1I, 872 οἱ δ᾽ ἄρ᾽ ἴσαν ὡς el τε πυρὶ χϑὼν πᾶσα νέμοιτο (cf. III, 2; XIII, 795). Dans
les comparaisons brèves au premier terme comme dans les comparaisons développées au deuxième, on rencontre régulièrement l'imparfait de εἶμι pour le terme réel de la comparaison, alors que le terme-image est en général au présent, parfois à l’aoriste. Dans deux occurrences, II.III, 2-8 et XIII, 795-801, une comparaison bréve se continue en une comparaison développée : on a alors deux imparfaits pour le terme-réel, encadrant le terme-image au présent. 3.1.4. L'emploi absolu On a vu (chapitre I, 3.1, pp. 44-47) que l'emploi absolu semble caractériser εἶμι, et peut-être généralement les verbes de deixis centrifuge (fr. aller, all. gehen, angl. to go, lat. ire etc.) par opposition aux verbes du type ἦλθον (venir, kommen, to come,
uenire)
dont
l'emploi
absolu
implique,
ou
présuppose“
une
deixis
centripète implicite 56. Mais si l'emploi absolu de *ei- se rencontre au présent, il est fréquent surtout à l'imparfait. Dans les pages qui précédent (81-83), on en a cité de nombreux exemples : avec apposition descriptive au participe présent, ZI. VII, 213, XVII, 666, XXIII, 114, XXIV, 647 (formule dans l'Odyssée), Od.IV, 433 (où
le complément παρὰ θῖνα ϑαλάσσης n'est pas une indication de direction, mais un complément « scénique », voir ch. I, 3.1, p. 44), XIX, 436 (méme commentaire pour πρὸ..
αὐτῶν), H. V, 72 ; avec apposition descriptive au participe parfait, 1.1,
47, III, 8, XI, 557, XVII, 759, Od. XXIV, 9; avec apposition descriptive de type adverbial, /lIII, 2, IV, 429, XVII, 266; avec un participe présent apposé, Od.XVIII, 257 et XXI, 302 ; dans l'expression de l'accompagnement, //.X, 197, X,
565, XII, 88, 371, XVII, 495, Od.XVIII, 253, XIX, 431 ; dans le terme réel d'une comparaison, Ji. VII, 213, XI, 557, XVII, 666, 759, Od. XXIV, 9, I. II, 872 et III, 2, déjà cités, et II. XIII, 795, Od.XX, 89. Peu des emplois absolus de l'imparfait n'entrent dans aucune des catégories citées : avec un complément scénique, Il.I, 347 ...Tà δ᾽ αὗτις Imv παρὰ νῆας
᾿Αχαίων,
Od.XI, 22 αὐτοὶ δ᾽ αὖτε παρὰ ὁόον 'Qxeavoio / ἤομεν, XXIV,
11
πὰρ Ô’Toav ᾽Ωκεανοῦ τε ῥοὰς καὶ Λευκάδα πέτρην, XXIV, 13 ἠδὲ παρ᾽ ἠελίοιο πύλας καὶ δῆμον ὀνείρων 7 fiioav ou sans aucun type de complément (Il.XVIII, 516, cité ci-dessus, p. 82 pour ἴσαν / ἦρχε).
Les emplois typiques de l'imparfait sont donc l'emploi absolu, l'emploi pour
84
ALLÉES
ET VENUES
le terme-réel d'une comparaison, l'expression de l'accompagnement (avec áya, σὺν...), et l'emploi avec apposition descriptive : ces quatre traits typiques sont
cumulables, comme on l'a vu dans plusieurs exempies. Ils sont présents tous les quatre
à la fois dans
un
exemple
de
l'Odyssée,
XX,
89
τοῖος ἐὼν οἷος fiev ἅμα στρατῷ... (emploi absolu, apposition descriptive au présent : ἐών, expression de l'accompagnement : ἅμα στρατῷ, dans le second terme
d'une comparaison
développée).
Il s'agit là d'emplois typiques, donc de tendances de la langue, d'affinités entre un verbe, un théme et un emploi. Cela ne signifie donc pas que ἤϊα n'est pas employé avec indication de direction, cf. 1.1, 307
Πηλεΐδης μὲν ἐπὶ κλισίας xai νῆας ἐίσας / ἤϊε... On rencontre méme un exemple de ἄγγελος ἤιε, emploi typique ἐς ἦλθον (cf. ci-dessous, 3.2.4, pp. 85-87) Il.X, 286 σπεῖό μοι, ὡς ὅτε πατρὶ du’ ἔσπεο Τυδέϊ δίῳ ἐς Θήδας, ὅτε τε πρὸ ᾿Αχαΐων ἄγγελος ἠίει. L'emploi anomal de ἤιε s'explique peut-être par l'extension analogique de l'emploi typique de l'aoriste et du parfait au théme supplétif par le besoin d'une deixis centrifuge, qui excluait ἦλθε. Mais cet exemple est isolé, et témoigne donc à la fois en faveur de la force
des liens supplétifs et des oppositions sémantiques s'exprimant dans des syntagmes idiomatiques ou des emplois typiques. 3.2. Les emplois typiques de l'aoriste Plusieurs des emplois typiques de l'aoriste ont déjà été mentionnés soit dans l'analyse des relations supplétives (chapitre I, 2, pp. 31-41) soit dans celle des
oppositions sémantiques (deuxiéme partie du méme premier chapitre, 3 et 4, pp. 42-58). Nous ne prendrons en compte ici que les exemples de l'indicatif qui opposent ἦλθον à l'imparfait ἤϊα, en revoyant aux exemples déjà cités quand la répétition n'est pas nécessaire. 3.2.1. Les emplois avec sujet inanimé L'ensemble des emplois de ἦλθον avec sujet inanimé opposent l'aoriste à limparfait fiia, puisque ce dernier n'est pas attesté chez Homère dans cet emploi ” : l'emploi avec pour sujet un nom d'arme (chapitre I, 2.2, pp. 33-34), le temps (ib., pp. 34-36) ou l'âge (ib., p. 36) est typique de l'aoriste, et parait dans quelques exemples du présent imposé par la force des liens supplétifs; mais l'imparfait, en concurrence avec un prétérit sur théme d'aoriste, ne semble pas avoir été gagné par cet emploi (sans que l'on puisse conclure à un lien de cause à effet).
3.2.2. L'opposition déictique
Puisque
εἶμι et ἦλθον,
qui sont complémentaires
dans le paradigme,
S'opposent pourtant sémantiquement par le critére déictique de l'orientation dans l'espace de l'énonciation, à plus forte raison les deux prétérits formés respectivement sur les thémes de présent et d'aoriste doivent s'opposer par ce
critère : les emplois de ἦλθον impliquant une deixis centripéte (notes 65 et 66 ci-dessus), comme 1.11, 189 ἤματι τῷ ὅτε τ᾽ ἦλϑον 'Auatóvec ἀντιάνειραι, X,
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
85
540 οὔ πω πᾶν εἴρητο ἔπος, ὅτ᾽ ἄρ᾽ ἤἥλυϑον αὐτοί (cf. la traduction de Mazon, «Il n'a pas achevé qu'ils sont là en personne»), XXIV, 495 (plaintes de Priam)
πεντήκοντά μοι ἦσαν [υἷες] ὅτ᾽ ἤλυϑον vlec ᾿Αχαιῶν, «j'avais cinquante fils lors de la venue des fils des Achéens », s'opposent bien aux emplois absolus de fita, qui sont pour la plupart neutres par rapport à l'orientation déictique 8, cf. Π.1, 47 ὁ δ᾽ ἤϊε νυκτὶ ἐοικώς, VII, 213 (Αἴας) ἤϊε μακρὰ βιδάς etc, ou plus rarement, manifestent une tendance vers une deixis centrifuge, cf. Od.XVIII, 253... μετὰ τοῖσι δ᾽ ἐμὸς πόσις fiev ᾿Οδυσσεύς «et mon époux, Ulysse, s'en allait (partit - scil. pour Troie) avec eux». 3.2.3. Ἦλϑόν Ἦλϑον
τινι est
souvent
employé
avec
un
«datif
d'intérêt»
ou
de
«participation» : {LIV, 500 ὅς ol "A6uööttev ἦλϑε, XIII, 212... 6 οἱ νέον ἐκ πολέμοιο / ἦλϑε xat ἰγνύην βεβλημένος..., XIII, 384... τῷ δ᾽ "Aovoc ἦλϑεν ἀμύντωρ / πεζὸς πρόσϑ᾽ ἵππων (voir Il. XX, 330, 422; XXI, 64; Od.II, 267 = XIII, 221 = XX, 30). Les exemples sont nombreux surtout dans les locutions
idiomatiques ἀγχίμολον ἠλϑέ τινι (σχεδόν)9, avec un datif singulier, JI. IV, 529, XVI, 820, Od.XV, 95, avec oq(1), Od. VIII, 300, XV, 57, XX, 173, XXIV, 99, et ἄγγελος ἠλϑέ τινι (1.11, 786 Τρωσίν ; III, 121 Ἑλένῃ; XI, 715 ἄμμι; XVIII, 2 ᾿Αχιλῆϊ; XVIII, 167 Πηλεΐωνι; XXIV, 194, ib., 561 uot, Od. VIII, 270 οἱ). Enfin, on trouve le datif d'intérét avec sujet inanimé du verbe à l'aoriste dans une série d'exemples intéressants, du type κακὸν HABE τινι (IL. XI, 363; XV, 450 = XVII,
292), τῷ μὲν φάος ἦλϑε (JLXVII, 615), καί οἱ ἀπὸ πραπίδων ἠλϑ᾽ ἵμερος (II. XXIV, 514) : littéralement «le malheur vint pour quelqu'un », «la lumière vint...», «le désir lui vint...» (en l'occurrence, avec ἀπό... «lui sortit de l'esprit »). Cet emploi, non attesté pour ἤια, semble idiomatique et caractéristique
de la deixis centripète. C'est du moins ce que suggèrent Schwyzer et Debrunner ” en citant un exemple homérique et de nombreuses occurrences de l'époque classique, et en traduisant «zu jemand
kommen ».
3.2.4. Ἦλθον et l'apposition On trouve avec l'aoriste une grande quantité d'exemples de syntagmes avec un adjectif ou un substantif au nominatif, donc apparemment apposé au sujet (Nominatif ἦλϑε + N/Adj. Nominatif)"!, ce qui rappelle une des constructions usuelles de ἤια (ci-dessus, 3.1.1, pp. 81-82). Mais, alors que l'on trouve avec
ἦλθον, comme avec la, des participes apposés, ainsi Ji. VII, 25 τίπτε σὺ δ᾽ αὖ μεμανῖα... ἦλϑες an’ Οὐλύμποιο, VII, 35 tà γὰρ φρονέουσα καὶ αὐτὴ / ἦλθον An’ Οὐλύμποιο, XV, 175 ἀγγελίην τινά τοι... ἦλϑον δεῦρο φέρουσα72, on ne trouve qu'exceptionnellement ἤια avec substantif ou adjectif
apposé. Les exemples d’apposition avec ἦλϑον se groupent en séries cohérentes : adjectif ordinal, e.g. πρῶτος, Il. XVII, 257, adjectif indiquant le moyen de transport (ILIE, 408 αὐτόματος, XIII, 384 et XVII, 613 πεζός), adjectif indiquant la position
dans laquelle le déplacement met l'arrivant par rapport aux personnages de l'énonciation (locutions idiomatiques ἀντίος HABE τινι, ἐναντίος..., ἀριστερός...), adjectif indiquant le moment, localisation temporelle (χθιζός «hier», αὐτῆμαρ «le méme jour», ἑσπέριος «le soir»), indication de la qualité ou profession du personnage (ἐπίκουρος, /!. XXI, 431, cf. français venir en allié, venir en renfort, et
86
ALLEES ET VENUES
surtout ἄγγελος, IL. IT, 786, ΠῚ, 121, V, 803, XI, 715, XVIII, 2, XXIV, 194, 561), et superlatifs impliquant un classement hiérarchisé des personnages de l’Iliade (ILIE, 216, αἴσχιστος, 673, κάλλιστος, et le comparatif χερειότερον, ib., 249, recouvrant une formule sous-jacente *xegevóxatoc σὺ ὑπὸ Ἰλιον ἦλϑες « Tu es le plus láche qui soit venu à Troie »). Tous ces exemples donnent l'impression que les aédes, au moins ceux du chant II, classaient les personnages de l'épopée dans différentes échelles de valeur, beau/laid, bon/mauvais, brave/lâche?, comme ils les classaient d'aprés leur généalogie, leur origine géographique et leur ordre
d'arrivée à Troie (de πρῶτος à ὕστατος : les formules de l'Iliade tiennent parfois du reportage sportif ou du discours de distribution des prix). Ce qu'il y a de commun dans tous ces types de nominatifs apposés, qui les oppose aux appositions descriptives rencontrées avec l'imparfait, c'est que la «qualité » qu'ils évoquent n'existe comme telle que du fait du mouvement : le lien entre Apollon et semblable à la nuit dans fie νυχτὶ ἐοικώς ne passe pas nécessairement par le mouvement, et l'apposition n'est pas nécessaire dans ce type
d'expression (cf. les emplois absolus de l'imparfait sans apposition : le sens du verbe n'est pas différent). Au contraire, dans πρῶτος ἦλϑε, il y a un lien entre le
mouvement et le numéro d'ordre attribué au personnage, qui ne serait pas premier S'il n'avait pas effectué le procès désigné par ἐλθεῖν, dans ἄγγελος ἦλϑε entre le mouvement et la qualité de messager : l'apposition n'est pas superflue, ni omissible. En français, les syntagmes comprenant un adjectif numéral ordinal ont une
construction directe spécifique qui fait penser à ce que l'on rencontre ici en grec : il vient (mange, se lave, parle...) le dernier?*. Avec les verbes de mouvement, on
trouve la méme construction directe avec d'autres classes lexicales, mais dans des
conditions assez précises 5 : il partit prince, il revint roi (substantifs indiquant la profession ou qualité, ce qui rappelle les exemples grecs avec ἐπίκουρος et ἄγγελος), il vint pauvre, repartit riche (adjectifs d'état). Cette construction directe a été beaucoup plus étendue et plus usuelle dans une période antérieure du français 6, mais a été remplacée par une construction avec en, comme, en tant que (venir en messager, en ami, agir en roi, en soldat, etc., classe apparemment non restreinte).
En latin, on trouve déjà en concurrence,
peut-étre avec une nuance
sémantique ou stylistique, les deux types de constructions, directe et avec ut”. Selon V. Väänänen, il existe des prolongement parallèles du latin en italien et en
espagnol #, et le finnois aurait là une construction spécifique ”. Mais il n'explique guère la nature du lien spécifique entre le terme apposé et le verbe, qui l'oppose aux autres types d'apposition, sinon dans une recherche terminologique : il propose apposition circonstancielle®. A la suite de Guillaume, dans une perspective psycho-systématique analogue à la sienne, G. Moignet réexamine ces phénomènes (ci-dessus, n. 75) : son analyse, confrontée avec les exemples grecs,
permet de suggérer qu'il s'agit de l'expression d'un état dont le caractère provisoire est lié au déplacement, soit qu'il en résulte (on est le dernier parce qu'on arrive le dernier ; on est en face, derriére, à droite ou à gauche parce que c'est là que l'on s'est placé), soit qu'il prenne fin avec lui (dans le cas où l'apposition indique le moyen de transport ou la mission dont le sujet était chargé). C'est ce caractère provisoire, contingent, qui justifie le terme circonstanciel choisi par Väänänen. Mais ce terme a l'inconvénient de faire croire que ce type d'apposition est accessoire. Si l'on rapproche cette construction de celle des verbes d'état (étre,
THÈMES
VERBAUX
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF
87
sembler, paraître, rester, devenir selon la liste des grammaires françaises), on voit ce qu'il y a de commun entre cette « apposition » et l’attribut. Aussi, au lieu du terme choisi par le linguiste finnois, ne devrait-on pas plutót emprunter à la
tradition philologique allemande celui d'apposition prédicative ou attributive #1? Quelle que soit la manière dont on la dénomme, la construction de ἦλθον et
de quelques autres verbes grecs? montre en tout cas que la catégorie existe bien en grec, avec un emploi beaucoup plus large qu'en frangais moderne : aux cinq Classes lexicales définies ci-dessus (pp. 85-86), il faudrait sans doute ajouter une liste d'emplois qui ne se laissent pas grouper en séries cohérentes : Il. XXI, 39 τῷ δ᾽ ἄρ᾽ &vóiotov κακὸν ἤλυϑε δῖος ᾿Αχιλλεύς, cf. Od.III, 306 ἑπτάετες δ᾽ ἤνασσε πολυχρύσοιο Μυκήνης [scil. Alyıodoc], / τῷ δέ ol ὀγδοάτῳ κακὸν ἤλυϑε δῖος ᾿Ορέστης, Od.III, 420 [᾿Αϑήνη] fj μοι ἐναργὴς ἦλϑε ϑεοῦ ἐς
δαῖτα ϑάλειαν, IV, 487 ἢ πάντες σὺν νηυσὶν ἀπήμονες ἦλϑον ᾿Αχαιοί (français venir ou arriver sain et sauf : construction analogue). XXIII, 55 ἦλϑε μὲν αὐτὸς ζωὸς ἐφέστιος, ... (et cf., hors de l'indicatif, Od. XVI, 392 ἡ δέ x’ ἔπειτα γήμαιϑ᾽ ὃς κε πλεῖστα πόροι καὶ μόρσιμος ἔλθοι que l'on rapprochera de la série
d'emplois indiquant le moment ou la date d'une arrivée) 9. Le type d'apposition que l'on rencontre en grec avec ἦλθον, à l'exclusion du thème "εἰς, montre que certains des emplois de ce verbe le rapprochent d'un verbe d'état : de tels faits pourraient expliquer la relation entre les notions « venir» et «devenir» Chez
(fr. venir/devenir, Homère,
les
anglais to comelto
emplois
où
l'on
become)*^.
classe
κακόν
comme
attribution
prédicative (Il. XXI, 39, Od.III, 306 cités ci-dessus) sont interprétés comme tels d'une part parce qu'il y a un mouvement réel, dans les deux cas, de l'étre qui
apporte le malheur, Achille ou Oreste, à cause de la cohérence des autres emplois d'autre part : mais rien n'empécherait de supposer que le verbe ἦλϑε se prétait à l'expression d'un changement d'état ou de condition comme devenir, composé de venir, le fait en français. Si la coincidence du français et de l'anglais (venir : to comeldevenir : to become) manifeste le parallélisme du changement de lieu et du changement d'état, on pourrait montrer à partir de l'allemand (kommen/
bekommen «recevoir ») le parallélisme du changement de lieu et du changement de possesseur auquel J. Lyons fait allusion (passage cité, note 84 ci-dessus).
3.2.5. Ἦλϑον et l'interrogation On trouve ἦλθον dans différents types de questions, qui ne se rencontrent pas avec le thème *ei- : la question «comment ?», πῶς; e.g. Od. X, 64 πῶς tec, ᾿ὈΟδυσεῦ (cf. XI, 57, 155) semble correspondre à l'apposition indiquant le moyen de transport (αὐτόματος, πεζός) ou à d'autres moyens lexicaux ou syntaxiques (ἐφ᾽ ἵπποις etc.) ; la question « pourquoi ? », τίπτε; e.g. Il. VII, 25 τίπτε σὺ δ᾽ αὖ
μεμανῖα... ἦλθες ἀπ᾿ Οὐλύμποιο, cf. XIII, 250; Od.IV, 810; XI, 94, correspond à l'apposition du type ἄγγελος, ou aux types idiomatiques avec participe futur
d'intention, avec ἵνα etc.55. Par ce terme correspondre, on veut suggérer qu'il s'agit d'un type idiomatique
de question, et qu'il dialogue idiomatique L'ensemble des emplois de fiia : si
existe un type idiomatique attendu de réponse, donc un à propos d'une démarche, de ses raisons et de ses moyens. emplois de ἦλθον s'oppose donc bien à l'ensemble des de nombreux emplois communs attestent l'état suppiétif,
88
ALLÉES
ET VENUES
plusieurs catégories d'emplois bien spécifiques de chacun manifestent l'opposition sémantique et aspectuelle : fiia, emploi absolu, apposition descriptive, accompagnement, terme réel d'une comparaison.
ἦλθον, sujet inanimé, deixis centripète implicite quand l'emploi est absolu, datif d'intérét, apposition
prédicative,
questions πῶς
et τίπτε.
3.3. κίον, aoriste ou imparfait, doublet de ἦλθον ou de fiia, fiiov? Ce verbe spécifiquement homérique (non classique et trés rarement attesté, méme en poésie, aprés Homère) se rattache étroitement par l'emploi au prétérit du paradigme supplétif, et pose un probléme d'aspect lié à celui de fiia, fiiov. On peut montrer (F. Létoublon, Aoristes et imparfaits, art. cit.) que cette forme d'aoriste, s'étant séparée de sa famille d'origine par suite des accidents
phonétiques et de régularisations morphologiques, a servi de substitut métrique aux formes de εἶμι, principalement pour l'imparfait de l'indicatif (xle//le) et pour le participe (κιών // ἰών dans toute la flexion). L'emploi de εἶμι et sa valeur aspectuelle ont donc exercé sur κίον une sorte de pression ou de force d'attraction (cf. la conclusion générale, pp. 231-234).
4.
LE
PARFAIT
DU
VERBE
« ALLER» : ÉTAT
ET MOUVEMENT
Dans l'analyse traditionnelle , le paradigme supplétif du verbe «aller » a un parfait, εἰλήλουϑα chez Homère puis ἐλήλυϑα en attique, qui semble se rattacher étymologiquement à ἦλϑον. Comme les oppositions sémantico-aspectuelles entre
εἶμι et ἦλϑον sont généralement négligées, on ne s'étonne pas que εἰλήλουϑα soit le parfait correspondant à εἰμι-ἔρχομαι, et l'on ne cherche pas à préciser son sens.
D'autre part, quand on signale un rapprochement entre le verbe οἴχομαι et le paradigme du verbe «aller », c'est toujours seulement à propos de οἴχομαι 9" : mis à part A. Bloch, jamais on n'essaie de voir quelles étaient les relations paradigmatiques entre tous les thèmes du verbe « aller » homérique 55. Après avoir montré que le parfait archaique du paradigme supplétif, εἰλήλουθα, se rattache sémantiquement® à l'aoriste ἦλϑον, nous montrerons que la valeur déictique qui caractérise ces deux thèmes n'est pas neutralisable au parfait, ce qui crée un déséquilibre dans le paradigme ; le besoin d'un parfait orienté déictiquement vers l'ailleurs, correspondant donc à εἶμι, est compensé, en fait, par οἴχομαι : ce présent à sens de parfait est donc chez Homère intégré au paradigme supplétif, et sera étudié ici pour des raisons sémantiques. 4.1. Εἰλήλουϑα : la forme Εἰλήλουϑα est un thème de parfait radical à redoublement, sans gutturale, dont les traces d'alternance vocalique dénoncent le caractére archaique (*eloudhelu(dh)-)”. Les formes attestées (εἰλήλουϑα, ἀπελήλυϑα, εἰλήλουϑμεν etc.) montrent que le systéme ancien a été brouillé par le jeu de l'analogie, en fonction
peut-être des besoins métriques et des raisons de rythme. Sauf pour /l. X XIV, 766,
THÈMES
VERBAUX
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF
89
où ἀπελήλυϑα est employé «librement » dans le vers, ce parfait semble figé dans l'Iliade : tous les autres exemples sont en fin de vers°!. L'emploi semble un peu plus libre dans l'Odyssée, où l'on trouve deux exemples du verbe simple (εἰλήλουθα, XIII, 257, et εἰλήλουϑε, XX, 191) dans une autre position ; quant aux
formes avec préverbe et degré vocalique radical réduit, dans les trois exemples de l'Odyssée (IV, 268; XIX, 223 et XXIV, 310), elles forment l'avant-dernier mot du vers : en effet, ἀπελήλυϑα et ἐπελήλυθϑα fournissent le deuxième pied d'un
dactyle et le cinquième dactyle complet, ce qui, avec un complément dissyllabique comme πάτρης, constitue une formule métrique commode. Un mot aussi long ne pouvait étre placé dans le vers épique que dans des conditions strictement limitées;
en contrepartie,
une
fois placé et employé
dans un environnement
syntaxique et sémantique approprié, il fournissait une partie de vers toute préte : des verbes
étudiés
ici, εἰλήλουθα
est celui qui illustre le mieux
le caractère
traditionnel et formulaire de la langue homérique “2.
4.2. L'emploi Le théme de parfait est relativement moins employé que les autres thémes du paradigme supplétif : 36 exemples en tout chez Homére, partagés également entre
l'Iliaqde et l'Odyssée?.
Cette
rareté
s'accompagne
d'une
stricte limitation
à
l'emploi «central » du paradigme supplétif (sujet animé, ou plutót humain : les animaux
méme
semblent exclus, comme
toutes les catégories d'inanimés ; on ne
trouve aucun emploi impliquant, à quelque degré que ce soit, une métaphore *). Nous n'avons aucun moyen de savoir si une telle restriction d'emploi est due au hasard, ce qui est concevable étant donné le petit nombre total des exemples et la difficulté de placer le mot dans le vers, qui favorisait un emploi formulaire, ou au contraire si le verbe a été peu employé
justement à cause d'une spécialisation
sémantique existant à l'origine. 4.2.1. Analyse syntaxique et syntagmatique : direction et origine du mouvement ; référence au lieu de l'énonciation. Si l'on reprend les critères utilisés dans le chapitre I pour analyser l'opposition
εἶμι / ἦλϑον, on s'aperçoit que les emplois de εἰλήλουθα avec indication sur l'origine du mouvement l'emportent nettement en nombre sur les emplois avec indication de direction (12 exemples contre 7), situation qui rapproche εἰλήλουθα de ἦλθον plutôt que de εἶμι (cf. chap. I, 3.1, pp. 45-47). Ce rapprochement se confirme si l'on examine la distribution des emplois de
εἰλήλουθα avec référence explicite au lieu de l'énonciation : un exemple avec δεῦρο, IL. XXIII, 94 τίπτε μοι, ἠθείη κεφαλή, δεῦρ᾽ εἰλήλουθας καί μοι ταῦτα ἕκαστ᾽ ἐπιτέλλεαι ; ..., aucun exemple avec un adverbe du type
ἔκεισε (ibid., 3.2, p. 47). Si la référence au lieu de l'énonciation n'est qu'une fois explicite, elle est en réalité constante,
aussi bien avec indication
d'origine
(type ZI.XV,
οὐκ ἀΐεις & τέ qnot ϑεὰ λευκώλενος "Hon fj δὴ νῦν πὰρ Ζηνὸς Ὀλυμπίου εἰλήλουϑεν ;) que dans les emplois absolus des trois catégories qui vont paragraphe suivant.
131
faire l'objet du
90
ALLÉES
ET VENUES
4.2.2. Les emplois absolus Les emplois de εἰλήλουθα sans indication sur la direction ni sur l'origine du mouvement, que l’on appelle absolus, se laissent classer en trois types, que l’on rapprochera des emplois typiques de ἦλθον, et où la valeur déictique (référence implicite au lieu de l'énonciation, «ici» des personnages en scène) est constante : La raison d'une
visite
Dans un premier type idiomatique, on demande ou explique la raison ou le
but d'une visite : question τίπτ᾽ εἰλήλουθας; (1, 202; VI, 254; Od. V, 87, cf. Jl. XXIII, 94 où δεῦρο est explicite, cité ci-dessus) ; explication : Od. XIX, 549, la relative au futur indique le but de la venue d'Ulysse sous la forme de l'aigle dans le rêve de Pénélope : ...vüv αὖτε τεὸς πόσις εἰλήλουθα
ὃς πᾶσι μνηστῆρσιν ἀεικέα πότμον ἐφήσω. La comparaison avec les emplois idiomatiques analogues de ἦλϑον (ci-dessus, 3.2.5, pp. 87-88) tend à suggérer que la tournure idiomatique serait au parfait pour la forme interrogative, à l’aoriste
pour la forme assertive (pour l'explication), sur le modèle « tim’ εἰλήλουθας ; — ἦλθον ὀψόμενος (ἦλθον ἵνα, ..., ὄφρα...)», et que l'analogie aurait étendu εἰλήλουϑα à la forme assertive. Une
occurrence, I!.1, 202-203, où la question,
suivie d’une hypothèse faite par l'interrogateur lui-même sur une explication possible de la venue d'Athéna, montre comment on pouvait passer d'un type à l'autre :
τίπτ᾽ αὖτ᾽, αἰγιόχοιο Διὸς τέκος, εἰλήλουθας ; 3| ἵνα ὕδριν ἴδηις ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο ; «pourquoi es-tu venue, fille de Zeus qui tient l'égide ? est-ce pour voir la colère d'Agamemnon l'Atride ? », cf. dans la réponse d'Athéna, v. 206, ἦλϑον παύσουσα «je suis venue apaiser... ». L'identité du visiteur
Dans plusieurs exemples, on trouve un nom au nominatif, en accord donc avec le sujet du verbe : dans une interprétation «faible », ces noms seront dits apposés au sujet ; nous croyons plutót à une interprétation forte, oà le nom en accord sert à donner l'identité ou la qualité du visiteur, indication qui n'est nullement facultative ou inessentielle dans la phrase : comme l'apposition typique de l'emploi de ἦλθον, ce type aurait une valeur predicative. Il. XXIV,
460,
aprés
avoir
amené
Priam
à la baraque
d'Achille
sous
une
fausse identité de serviteur d'Achille, Hermes lui révèle qui il est :
«ὦ γέρον, ἤτοι ἐγὼ ϑεὸς &u6ootoc εἰλήλουθα ‘Eouelas * σοι γάρ μὲ πατὴρ ἅμα πόμπον ὄπασσεν. L'apposition est essentielle, puisque c'est sa qualité de «dieu immortel» qui a permis aux deux personnages d'entrer inaperçus dans le camp grec, et puisque c'est cette qualité
qui va justifier maintenant
la disparition d'Hermes?5 : l'interprétation faible
(« moi, Hermès, dieu immortel, je suis venu ») n'a aucun intérêt et fait visiblement
contresens. La valeur prédicative de l'apposition se manifeste par la symétrie avec les paroles où Hermès donnait son identité mensongère, vers 396-7, et avec la réponse de Priam, v. 406. La traduction de P. Mazon rend bien la nuance:
« Vieillard, c'est un dieu immortel qui est venu à toi : je suis Hermès. » De méme dans un autre exemple de la première personne, Od. XIX, 549 :
Pénélope raconte à l'étranger dans lequel elle n'a pas reconnu Ulysse le réve
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
91
qu'elle a fait ; un aigle est venu tuer ses oies, puis a pris une voix humaine pour expliquer le sens de ce massacre : « χῆνες μὲν μνηστῆρες, ἐγὼ δέ τοι αἰετὸς ὄρνις
ἦα πάρος, νῦν αὖτε τεὸς πόσις εἰλήλουθα ὃς πᾶσι μνηστῆρσιν ἀεικέα πότμον Éphow.» La phrase est construite sur trois prédications successives, χῆνες = μνηστῆρες, phrase nominale, ἐγώ =
αἰετός, avec le verbe «être» exprimé au passé, et enfin ἐγώ = πόσις avec εἰλήλουϑα : comme ci-dessus, l'interprétation faible («mais maintenant, je suis venu, moi, ton époux ») ferait contresens. On traduira littéralement « Les oies, ce sont les prétendants, et l'aigle, c'était moi, au début. Mais maintenant, c'est
comme ton époux que me voici là»96, La valeur prédicative de l'apposition est manifeste dans ces exemples de la première personne (où le personnage qui donne son identité n'a pas de raisons de
la donner si elle est accessoire : il la connaít. S'il la précise, c'est qu'elle est essentielle pour l'interlocuteur, parce qu'il s'agit d'une révélation). Cette valeur
est moins évidente, mais pourtant sensible, dans les exemples qui ne sont pas à la première personne : Il.VI, 128 εἰ δέ τις ἀθανάτων γε κατ᾽ οὐρανοῦ εἰλήλουθας,
οὐκ ἂν ἐγώ γε θεοῖσιν ἐπουρανίοισι μαχοίμην, la valeur prédicative de «l'apposition » explique seule l'enchainement avec le vers 129 : c'est parce que Diomede craint que l'inconnu qu'il a en face de lui ne soit un dieu, contre qui il n'est pas permis aux mortels de combattre, qu'il lui demande son identité (v. 123 «τίς δὲ σύ ἐσσι, ... καταθνήτων ἀνθρώπων ; / οὐ μὲν γάρ ποτ᾽ óxoxa...»)
Il
semble impossible de ne pas dissocier en français la prédication et l'expression du mouvement
: «mais
si tu es un
des
dieux
immortels
et viens
du
ciel»,
cf.
la
traduction de Mazon, «Si pourtant tu étais un des Immortels descendu des cieux ».
La formule est reprise à la troisiéme personne dans Od. VII, 199, avec une valeur analogue : el δέ τις ἀθανάτων γε κατ᾽ οὐρανοῦ εἰλήλουθεν, cf. Od. XXII, 45, où après la mort
d'Antinoos,
Eurymaque
reconnaît
enfin
Ulysse
dans l'étranger
capable de tendre le grand arc : «Εἰ μὲν δὴ Ὀδυσεὺς Ἰθακήσιος εἰλήλουθας ». Comme
dans les autres exemples, on est obligé de dissocier εἰλήλουθας en deux
verbes dans la traduction frangaise : «si vraiment tu es Ulysse d'Ithaque, toi que voici». II. VI, 128 et Od. VII, 199, où l'apposition prédicative est représentée par le pronom indéfini τις, laissent pressentir la possibilité d'une tournure idiomatique interrogative τίς εἰλήλουθϑε ; que l'on ne traduirait pas «qui est venu ? » comme si τίς était sujet, mais, avec une valeur prédicative de τίς, littéralement «en tant que qui untel est-il venu?». Or cette forme est attestée, avec une indication sur la direction du mouvement, Od. XX, 191 τίς δὴ ὅδε ξεῖνος νέον εἰλήλουϑε, συδῶτα, ἡμέτερον πρὸς δῶμα ; τέων Ó'EE εὔχεται... Philoetios, chef des bouviers,
interroge Eumée sur l'identité de l'étranger qu'il voit, qu'il montre et dont il devine que c'est un étranger : la forme de la question présuppose le caractère de
Eeivos de cet homme. On traduira littéralement «en tant que qui l'étranger que voici est-il venu?» ou «qui est-il, l'étranger que voici? »?9. Le moyen de transport Dans un type idiomatique voisin des deux précédents, on indique le moyen de transport, ce qui a rendu possible le déplacement. //.V, 204, Pandare explique à Enée que, malgré les conseils de son père Lycaon, il est venu à Troie sans char ni chevaux, Ὡς λίπον [scil. τοὺς ἵππους), αὐτὰρ πεζὸς ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα “τόξοισιν πίσυνος... Επές comprend bien l'importance de ce mot πεζός,
92
ALLÉES
ET VENUES
puisqu'en réponse, il engage Pandare à venir sur son propre char et avec ses chevaux combattre Diomède avec lui, 219-229, cf. 221-2
ἀλλ᾽ ἄγ᾽ ἐμῶν ὀχέων ἐπιδήσεο, ὄφρα ἴδηαι οἷοι Τρώιοι ἵπποι, ... H1. XI, 230, un emploi analogue de πεζός montre que ce qui était normal pour les combattants de l’Iliade, c'était d'être venu à Troie «sur un navire » ou «sur un char» (ἐπὶ νηὸς,
ἐπ᾽ ὀχέων εἰλήλουϑε) : dans les deux exemples du chant V et du chant XI, πεζός est mis en valeur, et fait l'objet d'un commentaire, parce qu'il est paradoxal (quand on est un héros épique, on ne vient pas jusqu'à Troie à pied) : αὐτὰρ ὁ
πεζὸς
ἐὼν
εἰς Ἴλιον
εἰληλούθει".
On
trouve
d'ailleurs la forme
ἐπὶ νηὸς
εἰλήλουθα dans l'Odyssée, XXIV, 300 «... ἡ ἔμπορος εἰλήλουθας νηὸς ἐπ᾽ ἀλλοτρίης, οἱ δ᾽ ἐκδήσαντες ἔδησαν ;» où c'est l'adjectif ἔμπορος qui représente l'apposition prédicative : «en tant que passager sur un navire ». Un exemple avec σύν et le datif !? peut être rapproché de ces indications sur le moyen de transport : ΠΧ, 49, tombant dans le piège tendu au Conseil par
Agamemnon, Diomède refuse l'attitude de lâcheté que celui-ci semble recommander, et affirme qu'il combattra jusqu'au bout devant Troie : νῶι δ᾽ ἐγὼ Σϑένελός τε μαχησόμεϑ᾽, εἰς 6 xe τέκμωρ7 Ἰλίου εὕρωμεν" σὺν γὰρ Bew εἰλήλουϑμεν. La mention σὺν ϑεῷ n'a pas une valeur «circonstancielle » banale, elle est la base
même de l'argumentation de Diomède : sa relation avec εἰλήλουϑμεν pourrait être une prédication du méme ordre que la relation entre πεζός et εἰλήλουϑε, ce que l'on ne peut guère traduire en français autrement que par une construction «clivée»
sommes
comme
venus,
«c'est
grâce
à un
dieu
que
nous
sommes
venus»,
«si
nous
c'est avec la faveur d'un dieu».
4.2.3. La valeur déictique de εἰλήλουθα n'est pas neutralisable Sans exception chez Homère, εἰλήλουϑα renvoie toujours, le plus souvent de maniére implicite, au lieu de référence de l'énonciation (δεῦρο) et s'oppose donc
par là à εἶμι de la méme manière que ἦλθον : semantiquement, εἰλήλουϑα semble étre le parfait de ἦλϑον et non de εἶμι. Mais on a vu que la valeur déictique de ἦλθον est neutralisable, puisqu'elle est en fait neutralisée dans la langue homérique par la présence d'une indication de direction, complément de lieu ou
adverbe impliquant une incompatibilité avec δεῦρο, ou par un préverbe du type &ro-, ἐξ- : εἰλήλουϑα est-il neutralisable de la même façon, et sinon, y a-t-il une
justification possible de cette situation? Bien que δεῦρο ne soit présent de manière explicite que dans une seule occurrence, l'analyse des exemples du verbe simple a montré que la référence au
lieu de l'énonciation est constante aussi bien avec indication sur l'origine du mouvement que dans les emplois absolus : il en va de méme avec indication de direction : dans 5 exemples de l'/liade avec la mention ἐς Τροίην, le — ou les —
personnages dont il est question se trouve à Troie ou en Troade au moment de référence de l'énonciation ; il s'agit donc bien d'«étre venu à Troie » : II.V, 204 et
XI, 230 ont déjà été cités à propos de πεζός (ci-dessus, pp. 91-92) ; II. XXI, 81, (cf.ib., 156) l'auteur de l'énonciation compte les jours écoulés depuis sa venue à
Troie : … ἠὼς δέ μοί ἐστιν ἥδε δυωδεκάτη, ὅτ᾽ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα, πολλὰ παθών. Il. XVI,
364,
il s'agit
aussi d'un
combattant
venu
à Troie,
ὃς δὰ νέον πολέμοιο μετὰ κλέος εἰληλούθει, « qui était venu récemment à la
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
93
recherche de la gloire de la guerre».
Od.XX, 191 a été cité (ci-dessus, p. 91) pour l'emploi de τίς comme apposition prédicative : le complément
ἡμέτερον πρὸς δῶμα
ne s'oppose pas à la valeur
déictique « venir » puisque Philoetios, Eumée et l'étranger se trouvent tous trois dans la maison d'Ulysse (v. 122 κατὰ δώματα κάλ᾽ Ὀδυσῆος). Seuls les composés sont donc susceptibles de manifester la possibilité de neutralisation de la valeur
déictique de εἰλήλουθα : on trouve en fait l'exemple d'une neutralisation partielle dans ἐπι-εἰλήλουθα : ΠΙΧΝ, 81 ὡς δ᾽ ὅτ᾽ἂν ἀίξῃ νοὸς ἀνέρος, óc τ᾽ ἐπὶ πολλὴν/ γαῖαν ἐληλουϑὼς φρεσὶ πευκαλίμῃσι νοήσῃ 15). Cf. Od.IV, 268... πολλὴν δ᾽ ἐπελήλυθα γαῖαν. Γαῖαν ἐπελήλυθα «parcourir la terre» n'est pas orienté déictiquement : la valeur déictique marquée de εἰλήλουϑα est donc neutralisée par la présence de ἐπι-. Mais certains exemples de ἦλϑον montrent que l'orientation vers «ici» n'est pas simplement annulée par la neutralisation, mais parfois véritablement inversée !? ; si une telle inversion est possible avec εἰλήλουϑα, nous ne pourrons la trouver qu'avec le préverbe ἀπο- : on s'attend presque a priori à ce que ἀπελήλυθα signifie s'il est employé chez Homère «je suis parti».
Or ἀπελήλυϑα, dans l'Iliade, montre que ἀπο- fait bien référence au point de départ du mouvement, mais que le verbe a sa valeur déictique habituelle : quand Priam ramène
à Troie le cadavre d'Hector, Andromaque,
puis Hécube,
et enfin
Helene viennent le pleurer : Jl. XXIV, 766 Ἤδη yàg νῦν μοι τόδ᾽ ἐεικοστὸν ἔτος ἐστὶν ἐξ οὗ κεῖϑεν ἔδην καὶ ἐμῆς ἀπελήλυθα πάτρης, Hélène est à Troie, lieu de référence de l'énonciation; sa patrie, la Grèce, est le point de départ du mouvement, justifiant ἐμῆς ἀπὸ πάτρης : rien n'empéche de garder la traduction littérale
« C'est maintenant
déjà la vingtième
année que je suis venue de ma
patrie. e».
Mais l'analogie de ἀπῆλθον a dû jouer, et dans l'Odyssée, la troisième personne ἀπελήλυθε a déjà le sens «étre parti» témoignant de l'inversion des valeurs déictiques anciennes : Od. XIX, 223, Ulysse joue auprès de Pénélope qui ne le reconnait pas le róle d'un prince crétois qui aurait regu chez lui Ulysse, en route vers Troie : ... ἤδη γάρ ol ἐεικοστὸν ἔτος ἐστίν ἐξ οὗ κεῖθεν ἔδη καὶ ἔμης ἀπελήλυθε πάτρης" la maladresse de l'application à
une situation différente de la formule employée par Hélène dans l’Iliade '? implique que le vers connu est simplement réemployé
avec le passage de la
première à la troisième personne, sans conséquence prosodique, mais sans essai
d'adaptation à la situation de discours actuelle. Retrouvant son pére au chant XXIV de l'Odyssée, Ulysse invente pour Laérte un mensonge analogue à celui qu'il a forgé pour Pénélope, en s'attribuant encore une autre identité : c'est à Alybas qu'il aurait cette fois offert l'hospitalité à Ulysse, 310 αὐτὰρ Ὀδυσσῆϊ τόδε δὴ πέμπτον ἔτος ἐστίν
ἐξ où κεῖϑεν ἔδη καὶ ἐμῆς ἀπελήλυϑε πάτρης.
Ulysse-Epérite emploie
comme Ulysse-Aithon la formule d'Hélène. La maladresse de l'adaptation, identique dans les deux exemples, manifeste un emploi stéréotypé, comme si l'aede de l'Odyssée ne savait plus employer avec à-propos les formules et les termes appris dans l'Iliade.
Comme
Ameis-Hentze
l'ont bien νὰ 104, E6n et ἀπελήλυϑε
ne sont pas
redondants, et leur opposition est aspectuelle (entre un aoriste et un parfait). Mais cette opposition ne prend tout son sens que dans l'occurrence de l’Iliade, où elle se
94
ALLÉES ET VENUES
combine à la première personne aux oppositions déictiques, dans le système de repérage spatio-temporel propre à Hélène :
ἀπελήλυθα a
ἔδην
κεῖθεν
δεῦρο
πάτρη fun (la Grèce)
(Troie)
il y a dix-neuf ans
maintenant : la vingtième année
L'emploi de ἀπελήλυθα montre donc que la neutralisation des valeurs déictiques, attestée avec ἐπι-, ne va pas jusqu'à l'inversion. Dans l'/liade, il montre au contraire la permanence de cette valeur à l'époque archaique, et joue le róle de preuve a fortiori. L'emploi dans l'Odyssée montre soit que la langue a évolué, et que l'inversion par neutralisation, impossible dans l'état de langue ancien, est devenue possible par action analogique dans la langue plus récente, soit plutót que les formules employées à propos dans la langue ancienne se sont figées dans l'état plus récent, et sont étendues, par commodité métrique, à des situations de discours οὐ elles sont mal appropriées. 4.2.4. La référence temporelle et la valeur du parfait et du plus-que-parfait L'analyse de la référence spatiale implicite ou explicite dans l'emploi de εἰλήλουθα montre un rapprochement évident avec ἦλθον, et une opposition avec εἶμι. Mais la référence temporelle, au contraire, oppose εἰλήλουθα à ἦλϑον et le
rapproche de εἶμι. En tant qu'aoriste, ἦλϑον, à l'indicatif, renvoie à un mouvement situé dans le
passé comme un événement du récit, dont les conséquences actuelles n'entrent pas en compte. Au contraire, εἰλήλουθα fait souvent référence au présent, avec νῦν : IL.XV, 131... Ἥρη 7 À δὴ πὰρ Ζηνὸς Ὀλυμπίου εἰλήλουθϑεν, XXIV, 766 (ci-dessus, p. 93), Od.XIII, 257... νῦν δ᾽ εἰλήλουθα καὶ αὐτὸς / χρήμασι σὺν τοίσδεσσι. XIX, 549... νῦν αὖτε τεὸς πόσις εἰλήλουθϑα, cf. τόδε ἔτος, Od. XIX, 223 = XXIV, 310, ἥδε... ἠὼς ὅτε, II. XXI, 81, 156, et νέον, Od.III, 318, XX, 191, 360; et ce qui compte dans l'énonciation, ce sont les conséquences actuelles :
εἰλήλουϑα est un véritable parfait d'état chez Homère !®. Même si l'on est parti de loin comme
c'est souvent
le cas, on est arrivé récemment,
et actuellement,
au
moment de référence de l'énonciation, on est encore présent ici, au lieu de référence. Dans la plupart des cas, on pourrait ou devrait traduire cette valeur d'état actuel par « être ici » 6 au lieu de « être venu ». Dans les emplois prédicatifs,
quand une dissociation était inévitable en français, nous avons en général renoncé À l'expression du mouvement au passé, pour ne garder que l'expression de l'état,
comme «me voici » 17, La distribution respective de ἦλθον et de εἰλήλουθα montre donc une référence du théme de parfait au temps présent ou au passé immédiat : jamais aucune autre référence temporelle n'est attestée, et l'on peut en déduire que la référence au présent est constante, qu'elle soit ou non explicite.
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
95
L'opposition entre εἰλήλουθα et ἦλθον est parfois difficile à cerner : à la première personne, quand on dit ἦλθον, littéralement «je vins», il est clair que l'on se trouve encore maintenant «ici» : le parfait parait alors ne différer de l'aoriste que par la perspective ouverte sur le présent et par l'insistance sur les conséquences, mais il peut se préter à en devenir une simple variante expressive. Le méme raisonnement vaut pour la deuxième personne. Mais certains exemples
de la troisième personne manifestent très clairement cette opposition : on peut alors parler d'une tierce personne, qui vint ici (à tel moment du passé, événement que l'on peut dater) et a pu repartir (c'est dans ce cas que l'on emploierait à propos
ἔδη semble-t-il : "ἦλθέ ttg καὶ E65) en opposant cette forme d'expression à celle-ci : quelqu'un est venu (récemment le plus souvent), et se trouve encore ici maintenant, εἰλήλουθέ τις. Ainsi, dans le récit fait
à Télémaque au chant III de
l'Odyssée, Nestor emploie réguliérement ἦλθε, ἤλυθε pour évoquer les arrivées dans le Péloponnèse, lieu de référence de l'énonciation (on est à Pylos), d'Oreste,
v. 306 τῷ δέ ol ὀγδοάτῳ κακὸν ἤλυϑε δῖος ᾿Ορέστης (le pronom datif représente Egisthe), et de Ménélas, v. 311 αὐτῆμαρ δέ οἱ ἦλϑε βοὴν ἀγαϑὸς Μενέλαος. Mais il abandonne alors le récit des événements qui ont suivi la prise de Troie, événements anciens dont il donne souvent la date, pour donner à Télémaque un conseil direct : 317-318 ἀλλ᾽ ἐς μὲν Μενέλαον ἐγὼ κέλομαι xai ἄνωγα ἐλϑεῖν' κεῖνος γὰρ νέον ἄλλοθεν εἰλήλουθϑεν. Il emploie alors, pour évoquer Ménélas, non plus ἦλϑε mais εἰλήλουϑεν : Ménélas est encore là, à Sparte, dans le
Péloponnèse ; étant arrivé récemment, il y a des chances qu'il sache des choses que Nestor ignore, et Télémaque ne fera pas en lui rendant visite une démarche vaine. Ce qui était exprimé dans le récit à l'aoriste parce que les conséquences actuelles n'étaient pas prises en compte est maintenant exprimé au parfait parce que c'est le retentissement d'un état dans le présent de l'énonciation qui importe. De la méme fagon, au chant XX de l'Odyssée, ἦλϑε, ἦλϑον est employé dans le récit (vv. 160, 162 deux fois, 173, 185) pour dénoter l'entrée des prétendants, d'Eumée, etc. Mais ensuite, dans le dialogue, Philoetios emploie le parfait pour
demander à Eumée quel est l'étranger que voici : 191 τίς δὴ ὅδε ξεῖνος νέον εἰλήλουϑε. De tels exemples, où l'on voit s'opposer ἦλϑε et εἰλήλουϑε dans une
méme unité contextuelle ®, sont rares. Mais le «révélateur » 110 de l'opposition parfait-aoriste pourrait étre ici la conjonction ὅτε : avec le parfait, deux exemples voisins de l’/liade impliquent pour la conjonction le sens « depuis que» dans un contexte au présent (ὅτε désigne le point du passé à partir duquel commence l'action qui dure encore actuellement, ou dans la perspective de laquelle on se trouve
encore) : IL. XXI, 81... ἠὼς
δέ μοί ἐστιν
ἦδε δυωδεκάτη, ὅτ᾽ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα πολλὰ παϑών (cf. XXI, 156). Au contraire, avec ἦλθον, la conjonction fait référence à un moment précis du passé,
et la subordonnée temporelle sert à dater un autre événement du passé, contemporain de celui qu’elle évoque : ὅτε marque une coïncidence dans le passé, cf. 1.11, 189 καὶ γὰρ ἐγὼν ἐπίκουρος ἐὼν μετὰ τοῖσιν ἐλέχθην
ἤματι τῷ ὅτε t' ἦλθον ᾿Αμαζόνες ἀντιάνειραι. Transposition du parfait dans le passé, le plus-que-parfait est au parfait ce que l'imparfait est au présent; εἰλήλουθει s'oppose donc en principe à εἰλήλουθε comme un imparfait d'état. Cette attente se vérifie en fait dans les 6 exemples de l'iliade (ce temps n'est pas attesté dans l'Odyssée), qui forment une série
96
ALLÉES
ET VENUES
cohérente : dans 5 des 6 exemples de l'/liade, le verbe est employé
dans une
relative!!! qui sert à préciser, soit l'origine du personnage dont il est question (ΠΝ, 520 Πείρως Ἱμόρασίδης ὃς ἄρ᾽ Alvótev εἰληλούϑει, cf. V, 44, XVII, 350,
XX, 485), soit l'intention de sa démarche (II. XIII, 364 ᾿Οϑρυονεύς ὅς ῥα νέον πολέμοιο μετὰ κλέος εἰληλούϑει). L'emploi fait visiblement partie du formulaire épique, avec un verbe limité morphologiquement à la forme de troisiéme personne du singulier, et métriquement à la dernière place du vers !!?. Les cing emplois cités semblent montrer que les conditions syntaxiques et sémantiques d'emploi sont aussi étroites que les conditions métriques et morphologiques. Cette stricte limitation est d'ailleurs confirmée par un sixiéme exemple, qui
n'est hors de la série qu'en apparence : II. XI, 230, on trouve εἰληλούϑει dans une «indépendante », alors que
ὅς commence
la proposition
suivante :
τὰς μὲν ἔπειτ᾽ἐν Περχώτῃ λίπε νῆας ἐΐσας, αὐτὰρ ὁ πεζὸς ἐὼν ἐς Ἴλιον εἰληλούϑει ὅς ῥα τότ᾽ ᾿Ατρεΐδεω ᾿Αγαμέμνονος ἀντίον ἦλϑεν. En réalité, si l’on ponctue (comme les éditions usuelles, Mazon et Allen, le font d'ailleurs) aprés εἰληλούϑει,
on retrouve le rapport logique habituel : αὐτάρ, qui remplace le relatif habituel, introduit
ici une
précision,
accessoire
pour
le récit principal
qui concerne
le
combat entre Iphidamas et Agamemnon, sur la maniére dont Iphidamas était venu à Troie ; aprés cette précision secondaire, le vers 231 apporte, ou plutót rappelle
l'idée principale!!?; le «relatif» n'introduit pas une subordonnée, c'est bien l'anaphorique ancien !!#. Ce qui surprend dans cet exemple, c'est que l'ordre habituel des termes est renversé parce que le poète a introduit un développement
assez long sur Iphidamas (218-230), qui rend nécessaire de réintroduire le récit principal.
Εἰληλούϑει
donne
ici une précision sur le moyen
de transport d'un
personnage secondaire de l'épopée, ce qui est bien conforme à l'emploi homérique dans les 5 autres exemples du mot, et complète le parallélisme entre l'emploi du
parfait et celui du plus-que-parfait. Comme le parfait, le plus-que-parfait se réfere à l'«ici» de l'énonciation, Troie en l'occurrence, puisqu'il s'agit toujours de personnages qui sont venus y combattre. La direction du mouvement n'est d'ailleurs mentionnée qu'une fois (II. XI, 230... ἐς "IAvov...), mais δεῦρο (= Troie ou la Troade) ressort clairement du contexte. La référence temporelle ne pose pas non plus de probléme : εἰληλούϑει est
un parfait décalé dans le passé, il se réfère à un état dans le passé, donc contemporain d'événements passés actuellement. Le seul adverbe de temps attesté avec εἰληλούϑει est, comme on pouvait s'y attendre νέον, Il. XIII, 364, cité ci-dessus, p. 96. Si νῦν et νέον sont tous deux possibles avec le parfait, seul le
second est concevable avec le plus-que-parfait, car il exprime à la fois la contemporanéité et l'antériorité immédiate par rapport à un événement du passé (exprimé à l'aoriste). Comme, en frangais, récemment transpose dans le passé à la fois maintenant et récemment du présent, νέον transpose dans le passé à la fois vov
et véov. 4.2.5.
Εἰλήλουϑα : conclusion
Le parfait εἰλήλουϑα s'oppose donc chez Homère à la fois à εἶμι et à ἦλθον : à εἶμι par une orientation inverse par rapport au lieu et au temps de l'énonciation,
puisqu'il désigne un mouvement orienté vers «ici» et actuellement arrivé à son
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
97
terme, εἶμι un mouvement à son début ou même seulement en projet, orienté vers
l'ailleurs et dont le terme n'est pas forcément envisagé ; à ἦλθον par un rapport à
la fois plus simple et plus subtil de parfait à aoriste, tous deux ayant la méme orientation par rapport au lieu de l'énonciation : ἦλθον
«je vins» est un pur
aoriste, sujet à des déterminations temporelles (événement situé dans le passé à une date précise, que l'on peut parfois donner)
et indifférent à la notion de
présence actuelle dans le lieu de référence (à la premiére personne, la présence «ici», si elle se prolonge, n'a pas de d'importance pour le récit ; à la troisiéme personne, il arrive dont on dit ἦλϑε soit reparti depuis) ; au contraire, εἰλήλουϑα
ou à la deuxiéme conséquences, ni que le personnage est un vrai parfait
d'état, et, en tant que tel, se suffit sans avoir besoin de déterminations. Il signifie
« je suis venu et je suis ici maintenant», et c'est la présence actuelle qui importe, par le retentissement qu'elle a dans le présent de l'énonciation.
Il est souvent
préférable de traduire par un verbe d'état (« être ») ou par une expression comme «voici...» plutót que par un verbe de mouvement. La valeur d'état du parfait impose pour l'orientation par rapport au lieu de l'énonciation
un choix qui est crucial
: avec un verbe
de mouvement,
on peut
toujours se trouver sur la ligne entre «ici» et «ailleurs», alors qu'un verbe se référant à un état actuel ne laisse pas de moyen terme, on est ici, ou ailleurs. C'est
pourquoi la neutralisation est, dans l'état de langue archaïque, impossible au parfait. Alors qu'à l'aoriste l'aspect ponctuel, s'il va le plus souvent de pair avec l'orientation vers «ici», s'accommode
le cas échéant d'une neutralisation qui va
jusqu'à l'inversion déictique, au parfait le sens d'état de présence est rigoureuse-
ment
exclusif
«l'absence
du
sens
inverse,
d'état
de
présence
ailleurs,
c'est-à-dire
de
ici »!5.
Du point de vue de l'étymologie, comme ci-dessus pour ἐλεύσομαι !!6, on voit que εἰλήλουϑα est sémantiquement le parfait qui correspond à ἦλϑον : le sens
rend l'hypothése d'une étymologie commune tout à fait plausible, sans pour autant la garantir absolument. Puisque εἰλήλουϑα correspond sémantiquement à ἦλϑον sans étre comme lui
susceptible de neutralisation, et comme la racine *ei- ne fournit pas de parfait, le paradigme supplétif présente au parfait une lacune pour la valeur déictique centrifuge, comme elle présente une lacune au futur. 4.3. Olxopat
et la lacune du système homérique
πῇ δή τοι φρένες olxovO" ; (IL XXIV,
au parfait
201)
Οἴχομαι est un présent morphologique en grec. Mais sa formation rare !!? et l'absence de rapprochement étymologique évident à l'intérieur du grec laissaient
le champ libre au rattachement sémantique au paradigme du verbe «aller», auquel on va voir que οἴχομαι sert de parfait centrifuge. Il est impossible de déceler le sens d'origine de ce verbe: tous les rapprochements sont hasardeux, hors du grec (arménien aoriste &/ «il descendit », avec un présent en nasale ifanem qui serait parallèle à οἰχνέω ; cette racine fournit en arménien un nom de l’hôte ifavor, cf. vieil irlandais óegi « hôte », lituanien eigà
«cours, marche ») aussi bien qu'en grec méme (ἴχνος «trace » : «Le rapprochement souvent proposé avec οἴχομαι “s’en aller" reste en l'air» et εἶμι : «Si l'on
tire oly-... de la racine *ei- de εἶμι «aller», ce qui ne se laisse ni démontrer ni
98
ALLÉES ET VENUES
réfuter... » 118); on peut au mieux remonter à un sens vague de mouvement, le suffixe de présent -xw apportant, selon Chantraine, un sens «déterminé» (effectif). Nous laisserons de cóté le probléme étymologique pour essayer de décrire l'emploi du verbe en grec, et de montrer de quelle manière la langue l'intègre au système du paradigme supplétif du verbe «aller». Seul le thème de présent (présent et imparfait, infinitif, participe, optatif et subjonctif) est vivant dans la langue homérique : on ne trouve ni futur, ni aoriste, et le thème de parfait n'est attesté qu'une fois, la forme étant d'ailleurs elle-même un probléme !?. Sa défectivité pouvait contribuer à rapprocher οἴχομαι du paradigme supplétif. A. Bloch a essayé de montrer en quoi οἴχομαι est un parfait, mais sa description de l'emploi du verbe est trés incompléte, et montre mal le rattachement au paradigme supplétif. Pour lui, l'imparfait ᾧχόμην a le sens d'un aoriste : s'appliquant à montrer l'opposition οἴχομαι / oxóunv comme parfait/ aoriste, il nous semble s'égarer sur une fausse piste et oublier le probléme principal 122. L'emploi de οἴχομαι avait été décrit d'une manière beaucoup plus fine par Schmidt, qui étudiait le verbe en opposition sémantique avec d'autres verbes de sens voisin, ἀπέρχομαι, ἀποδαίνω etc. d'une part, ἔρρω d'autre part !?!, Mais Schmidt n'a pas de vue systématique sur l'ensemble du paradigme verbal, il ne s'appuie pas sur des relevés complets d'exemples et méle les différents états de langue. Nous essaierons donc d'appliquer à l'emploi de οἴχομαι la méthode et les critéres utilisés déjà pour les divers composants du paradigme supplétif. Dans le systéme de thémes complémentaires sémantiquement opposés par leur deixis spatiale auquel nous croyons, il y a un vide (sémantique) au parfait seulement, par
suite de la neutralisation impossible de εἰλήλουθα : dans la langue homérique, οἴχομαι comble ce vide sémantiquement, mais il n'est jamais devenu le parfait du verbe « aller » parce que les oppositions déictiques n'ont jamais donné lieu en grec à une systématisation morphologique. Οἴχομαι n'est pas un parfait, mais un présent d'état, et l'imparfait wxôunv a encore chez Homère le sens d'un imparfait d'état, contrairement à ce que dit Bloch. 4.3.1. Le sujet grammatical Οἴχομαι admet aussi bien un sujet animé (une personne) qu'un inanimé (phénomènes naturels : 2 exemples avec ϑύελλα «tempéte », noms d'armes : 2 exemples, nom de la lumiére, φάος, divers noms désignant des réalités psychologiques, qui sont pour nous des abstraits : μένος, φρένες, ϑυμός, et le nom des menaces, ἀπειλαί). 4.3.2.
La direction du mouvement La syntaxe
de οἴχομαι
parait trés voisine de celle des verbes formant
le
paradigme supplétif pour ce qui est de la mention d'une direction du mouvement : emplois
absolus,
compléments
prépositionnels
et adverbes
de
lieu sont
bien
attestés. Si lon regarde de plus prés les références spatiales avec οἴχομαι, on s’aperçoit d'une part que l'origine du mouvement (type tnAó8ev, olxoOev, ἐκ, EE / ἀπό + génitif, etc. — type qui est bien représenté avec ἦλθον, moins bien avec εἶμι —),
n'est jamais mentionnée,
d'autre part que le mouvement
dénoté
par
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
99
οἴχομαι est constamment orienté vers l'ailleurs du discours : ailleurs, c'est quelquefois un lieu précis, «là-bas », méme si la référence n'est pas explicite. On trouve un exemple de κεῖσε, Od.I, 260, il est sous-entendu ou plutót présupposé par certains des emplois absolus (cf./I.I, 380 χωόμενος δ᾽ ὁ γέρων πάλιν ᾧιχετο), et il semble sous-jacent dans l'interrogation par ποῦ 152 dont nous avons un exemple. Enfin, les divers compléments nominaux qui accompagnent οἴχομαι sont au fond une explicitation de κεῖσε (cf. aussi des adverbes comme τῆλε, II. XI,
357). Dans d'autres cas, il ne s'agit pas d'un lieu précis que l'on peut désigner par un nom ou montrer, mais proprement de «ailleurs qu'ici » : c'est un mouvement de fuite, ou, dans certains exemples avec sujet multiple, de dispersion, qu'impliquent certains des adverbes de lieu employés avec οἴχομαι (un exemple
de ἄλλυδις, deux de πάντῃ). La même référence à un ailleurs qu'il n'est pas possible ou pas besoin de préciser est présente de manière implicite dans la plupart des emplois absolus (ainsi dans l'Odyssée pour tous les exemples où Télémaque et
les personnages restés à Ithaque parlent de l'absence d'Ulysse : on ne sait oü il est, mais il a quitté Ithaque, il est parti), et méme dans certains emplois avec complément de direction nominal, ainsi 1.1, 53 ἐννῆμαρ μὲν ἀνὰ στρατὸν ᾧιχετο κῆλα ϑεοῖο, (les traits partis de la main d'Apollon se dispersent dans l'armée). Les références spatiales attestées semblent donc impliquer que c'est le départ d'ici qui importe dans le cas de οἴχομαι, plutót que le point d'arrivée du mouvement. 4.3.3.
L'opposition sémantique
On le sens avec les tristesse
trouve au «rester» : verbes du d'Achille,
avec les verbes du type μένω
moins deux exemples attestant une opposition entre οἴχομαι et comme εἶμι, οἴχομαι est employé en disjonction syntaxique champ sémantique de μένω !? : II. XIX, 344-346, apitoyé par la Zeus envoie auprés de lui Athéna, en évoquant la solitude du
héros par l'opposition ἧσται / οἴχονται «il est assis/ils sont partis», opposition sémantique renforcée par l'opposition grammaticale singulier/pluriel, et mise en
valeur stylistiquement (les deux verbes sont au début d'un vers, en rejet, les deux hémistiches concernant « les autres » étant encadrés par deux tableaux d'Achille), κεῖνος 5 γε προπάροιϑε νεῶν ὀρϑοχραιράων
ἧσται ὀδυρόμενος ἕταρον φίλον’ ol δὲ δὴ ἄλλοι οἴχονται μετὰ δεῖπνον, ὁ δ᾽ ἄκμηνος καὶ ἄπαστος. Od.XIII, 286, on trouve une opposition analogue entre « moi» (c'est Ulysse qui parle) qui «restais » (ἐκείμην, λιπόμην) et «les autres» qui «étaient partis »,
QXxovto. 4.3.4.
L'absence
Οἴχομαι apparaît quelquefois comme le substitut sémantique de ἄπειμι «être absent» (composé du verbe «être», cf. participe ἀπεών) : on comparera II. VI, 362...
ὄφρ᾽ ἐπαμύνω / Τρώεσσ᾽, ol μέγ᾽ ἐμεῖο ποϑὴν ἀπεόντος ἔχουσιν à Od.IV,
164 πολλὰ γὰρ ἄλγε᾽ ἔχει πατρὸς πάϊς οἰχομένοιο.
Od.XIV,
144
ἀλλά μ᾽ ᾿δυσσῆος πόϑος αἴνυται οἰχομένοιο, cf. ib., 376. Quelqu'un qui
est οἰχόμενος donne de la peine à ceux qui l'aiment comme un «absent» : on pense aux pigeons de La Fontaine. Le verbe ἄπειμι s'emploie avec l'adverbe de temps δήν (Od.XIH, 189, XIV, 330, XIX, 299, XX, 155 pour nous en tenir aux
100
ALLÉES
ET VENUES
exemples de l'Odyssée relevés dans la Concordance de Dunbar-Marzullo) comme
οἴχομαι, cf. ci-dessous, 4.3.6, pp. 102-103. A l'intérieur du groupe des verbes «aller», son orientation rapproche donc οἴχομαι de εἶμι plutót que de ἦλϑον.
centrifuge
4.3.5. Spécificité de οἴχομαι : radicalité de son orientation spatiale En méme temps qu'il se rapproche de εἶμι, οἴχομαι s'en distingue, d'une part par la nuance signalée ci-dessus (4.3.2., pp. 98-99), mais surtout par le caractère absolu,
radical,
de son orientation : on
relévera
quatre
manifestations
de ce
caractére radical. 4.3.5.1. Le verbe simple n'est jamais neutralisé L'orientation de εἶμι est, en cas de besoin, neutralisée, par exemple par une préposition ou un adverbe de lieu en ce qui concerne le verbe simple : c'est ce qui
a permis d'affirmer l'existence du système supplétif εἶμι-ἦλϑον. Or nous n'avons trouvé aucun exemple de neutralisation de l'orientation de οἴχομαι, et les autres
indices du caractére absolu de son orientation permettent d'affirmer qu'il n'est pas neutralisable. 4.3.5.2. En
Les emplois de composés composition,
οἴχομαι
n'a
pas
le méme
comportement
que
εἶμι,
en
particulier avec les préverbes ἐπι- et παρα-. Dans un exemple avec pour sujet un nom d'arme, le composé ἐποίχομαι avec le complément πάντῃ ἀνὰ στρατόν exprime la dispersion des flèches d'Apollon à travers le camp achéen, 1.1, 383 τὰ δ᾽ ἐπῴχετο κῆλα 8eoio / πάντῃ ἀνὰ στρατὸν εὐρὺν ᾿Αχαιῶν. L'exemple parallèle du verbe simple (cité ci-dessus, 4.3.2, p. 99) montre que le préverbe ne neutralise pas l'orientation centrifuge du verbe. Avec le même sujet, ἐπῆλϑε s'applique toujours, comme le simple ἦλϑε, au mouvement de l'arme qui atteint son but (ch.I, 2.2, pp. 33-34). Avec sujet animé, ἐποίχομαι exprime souvent un mouvement
en direction
des hommes ou des choses en vue d'une inspection attentive, dans un contexte militaire, d'une «revue» des troupes "^, dans la formule ἱστὸν ἐποίχεσθαι, du
mouvement de la tisseuse devant le métier !?°, plus généralement, de l'attention à un travail dans la formule ἔργον ἐποίχεσϑαι 125. Le sens « attaquer » donné par les dictionnaires !?? — sens qui ferait de ἐποίχομαι un substitut de ἔπειμι-ἐπῆλϑον, est en fait rare chez Homére
(4 exemples) et l'on peut se demander si le sens
d'hostilité ne vient pas uniquement du contexte, par connotation. Enfin, on ne trouve jamais pour ἐποίχομαι le sens «survenir » fréquent pour ἐπῆλθον. La série des exemples de ἐποίχομαι est donc cohérente, et s'oppose à celle des emplois de ἔπειμι-ἐπῆλϑον par l'idée « aller vers, s'approcher de », le mouvement étant vu du point de vue du sujet et par référence au point de départ, le plus souvent avec une nuance de volonté, d'intention et d'attention dans la démarche qui distingue le composé du verbe simple οἴχομαι. Les exemples de l'opposition de παροίχομαι à πάρειμι-παρῆλθϑον sont moins
nombreux, mais assez nets. Le sens d'éloignement par rapport au lieu de référence de l'énonciation reste constant chez Homère, ausssi bien avec sujet animé, dans la
formule du chant IV de l'/liade"5, que dans le fameux évoquant le Temps écoulé, définitivement révolu,
exemple
du parfait
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
101
11.X, 252 ἄστρα δὲ δὴ προδέδηκε, παρῴχηκε δὲ πλέων νύξ 13, En revanche, πάρειμι-παρῆλϑον ne signifie pas chez Homère «passer en s’éloignant» mais «passer
à
côté
de»,
«longer»
l'orientation de οἴχομαι comme 4.3.5.3.
Partir,
ou
«dépasser».
Flaga-
ne
neutralise
pas
il neutralise celle de εἶμι et ἦλϑον.
c'est mourir un peu
Que οἴχεται !? puisse signifier « être parti, disparu (à jamais), être mort » est bien une manifestation de l'orientation radicale du verbe vers l'ailleurs : étre mort,
c'est avoir quitté «ici» de la manière la plus définitive ; il est donc normal que le verbe qui se préte le mieux à cet emploi soit celui qui exprime l'idée de départ de
la manière la plus radicale 1, L'emploi euphémique de « être parti » pour « mourir » s'explique par le tabou
linguistique — et socio-culturel — de la mort 152, comme les rites de la mort et des funérailles peuvent s'expliquer en partie par la volonté d'exorciser la mort par des conduites réglées d'avance d'une maniére minutieuse (références dans l'article cité note 130). Mais le probléme n'est pas tant d'expliquer l'emploi que de se demander de quand il date, et dans quelle mesure on peut conclure qu'il y a métaphore
euphémique,
ou non.
Les grammairiens et lexicographes citent en effet le sens euphémique de οἴχομαι, « mourir », parmi ses autres emplois, sans préciser les différents états de
la langue 152, si bien que l'on est porté à croire que cet emploi existe chez tous les auteurs qui connaissent ce verbe, d'Homere à l'époque alexandrine. Quand les auteurs parlent de l'emploi euphémique de «partir» pour «mourir», cela
implique qu'ils pensent que la mort est assimilée, pour le locuteur ou l'auteur du texte ainsi d'un chez
comme pour le destinataire ou le lecteur, à un départ, et qu'il y a métaphore ; nous pensons qu'il existe une métaphore analogue en frangais quand on dit mort «il est parti», quand on parle des disparus, terme parallèle à οἰχόμενοι les Tragiques, dans le proverbe « Ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont »,
dans l'usage latin qui a donné naissance au français défunt, décéder, trépasser, mais non quand on dit que «l'áme s'en est allée » : cette dernière expression implique une conception de la mort avec séparation de l'àme et du corps, et donc un véritable «départ de l’äme». En grec, on opposera ainsi deux exemples particuliérement clairs d'Euripide : Oreste 421 πόσον χρόνον δὲ μητρὸς οἴχονται πνοαί; atteste le sens habituel de οἴχομαι, «étre parti», sans métaphore (litt. «depuis combien de temps le souffle de ta mère s'en est-il allé? ») ; on a la métaphore euphémique dans Suppliantes, 795 ᾿Αλλὰ τάδ᾽ ἤδη σώματα λεύσσω τῶν οἰχομένων παίδων οὐ la perception visuelle (λεύσσω) exclut toute interprétation littérale de οἰχομένων : «Mais je vois ces cadavres des enfants disparus ». Or, il n'est nullement évident que la métaphore euphémique soit attestée chez Homère : nous avons relevé deux exemples seulement οὐ οἴχομαι s'applique en effet au départ de la mort, et dans aucun des deux nous ne croyons qu'il y ait métaphore ; le sens est en réalité toujours le sens habituel de «étre parti» ; dans Il.XXII, 213 (épisode de la pesée des sorts d'Achilie et d’Hector) ... dene δ᾽ "Extogog αἴσιμον ἦμαρ,»“ᾧχετο δ᾽ εἰς ᾿Αἴδαο, λίπεν δέ Edoibog ᾿Απόλλων᾽ il faut traduire « Et c'est le jour fatal d'Hector qui, par son poids, l'emporte et disparaît chez Hades. » Il n'y a pas métaphore dans la mesure où la formule du départ de
102
ALLÉES
ET VENUES
l'âme (de la vie, ici du « jour») vers Hades (il s'agit encore chez Homère du dieu, dans le domaine de qui l'on entre) correspond à une croyance vive, ou la prolonge dans le langage. Quand la foi s'éteint, si la formule survit, on peut dire qu'elle devient métaphorique en se vidant de son sens concret, mais la métaphore est alors « globale » (« départ vers Hadés », ou à ce stade de l'évolution des mentalités,
«vers l'Hadés = vers l'Au-delà », équivalent poétique de «mort»); de toute facon, tant que la formule est compléte, et quelle que soit devenue la conception de l'Hades, le verbe οἴχομαι, lui, a dû s'user moins vite, et garde son sens concret «étre parti». L'autre exemple, Od.I, 242, est plus subtil : vov δέ μιν ἀκλειῶς "Aozvtat ἀνηρείψαντο’ / olxet' ἄϊστος, ἄπυστος, ἐμοὶ δ᾽ ὀδύνας τε γόους τε κάλλιπεν. Télémaque parle de son père, et le contexte montre bien qu'il le croit disparu à jamais. Mais nous ne pensons pas pour autant que le verbe ait ici le sens «être mort », puisque justement, ce que Télémaque regrette, c'est qu'Ulysse n'ait pas eu une vraie mort, une mort officielle pour ainsi dire, qui lui eüt au moins donné la gloire et eüt entrainé une succession légale par héritage (cf. vv. 236-241), alors que sa disparition n'est pas glorieuse pour lui (ἄϊστος, ἄπυστος) et entraîne pour sa famille tous les tracas qui font la trame de toute la partie de l'Odyssée qui se déroule à Ithaque. Aussi faut-il au début du vers 242 comprendre οἴχετ᾽ dans toute sa force sémantique, «il a disparu», d'autant plus que le mot est en position d'emphase, en début de vers, avec deux adjectifs qui ont une valeur plus forte que de simples appositions descriptives # et sont en assonance expressive. L'interprétation des textes impose donc de conclure que l'emploi de οἴχομαι comme métaphore euphémique de la mort n'est pas attesté chez Homère !*. Mais l'ambiguité de certains exemples homériques, réinterprétés plus tard, à tort selon nous, comme des exemples de l'emploi euphémique, a pu contribuer au succes de
la métaphore
dans la poésie à l'époque classique.
4.3.5.4. Je suis parti : οἴχομαι et la première personne C'est encore le caractére radical de son orientation déictique qui explique l'absence de la première personne οἴχομαι au sens concret. Elle n'est pas attestée chez Homere ni au présent, ni à l'imparfait, alors que οἴχομαι entrait aussi bien
dans le vers que οἴχεται. L'absence de la première personne a une justification profonde, essentielle ; c'est parce que le verbe a toujours son sens concret chez Homère, et parce que la logique pragmatique du langage interdit de dire que « je suis actuellement ailleurs qu'ici », que οἴχομαι est alinguistique dans cet état de la langue grecque. Mais il est aussi peu « logique » de dire « je suis mort » que de dire
« je suis actuellement absent » : l'usage de la première personne, quand il apparait en grec (par exemple Esch.Suppl.786, Soph.Trach.85) peut être considéré comme
un indice certain, non seulement du sens métaphorique, mais d'une métaphore au deuxiéme degré : οἴχομαι, métaphore euphémique pour « je suis mort », sert à son tour de métaphore, mais par hyperbole cette fois, pour «je suis perdu» (cf. ὄλωλα), procédé connu en littérature par L'Avare de Molière, entre autres exemples. 4.3.6. Spécificité de οἴχομαι dans la relation au temps Les grammairiens qualifient généralement
οἴχομαι de «présent à sens de
parfait », et esquivent le probléme en citant le parallèle de ἥκω 5. On ne précise
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
103
ni ce que signifie cette formule, ni en quoi ce prétendu «sens de parfait» se manifeste dans l'emploi. Il nous semble, comme J.H. Schmidt l’a déjà dit en 1876 75, qu'une telle qualification est à la limite du non-sens, et qu'elle traduit simplement la difficulté qu'il y a à définir en termes clairs l'originalité de l'emploi et du sens de οἴχομαι, quand tout le monde sent qu'elle réside dans sa relation au temps. Conformément aux principes de méthode qui ont mené l'étude des verbes du paradigme supplétif, on cherchera tout d'abord à définir les traits concrets qui opposent dans l'emploi οἴχομαι aux autres présents de sens voisin, donc en particulier à εἶμι, puisque nous avons vu que l'orientation spatiale rapprochait au contraire ces deux verbes. Au présent de l'indicatif, les seules références temporelles attestées avec οἴχομαι sont νῦν (II. XVII, 588, Od.I, 242 et IV, 166), ἤδη (II. XV, 223, Od.III, 335 et VIII, 294), αἶψα (traduisant la succession immédiate de deux événements, mais ici uniquement dans le passé : Od.IX, 91 aly'olxóuevot μίγεν, avec le participe, peut impliquer une formule sous-jacente, non attestée, *al'olxovtat xai Ewuyev...) Il y a déjà là un élément, purement négatif il est vrai, d'opposition avec εἶμι, puisque l'on trouve avec ce dernier « présent », outre νῦν, fréquent, des références au futur de l'énonciation (cf. 2.2.2, ci-dessus, pp. 72-76). L'examen des références temporelles avec le présent de l'indicatif montre donc que jamais οἴχομαι n'implique une perspective ouverte vers l'avenir. Avec le participe οἰχόμενος, on trouve de nombreux exemples de δήν, cf. ci-dessus, p. 99. La limitation de cette association syntagmatique au participe doit étre due au caractére formulaire de l'épopée : on ne voit pas pourquoi "δὴν
οἴχεται serait agrammatical 137. Or on sait que cet adverbe exprime l'idée de durée, soit la longue durée d'un procès, soit la longue période qui s'est écoulée depuis un événement, le grec ne distinguant pas ces deux notions que le français
oppose (depuis longtempsipendanı longtemps) *. Avec la méme idée de (longue) durée, on retrouve δηρόν (Od.IV, 109) et πολὺν χρόνον (Od. XXI, 70) avec des composés de οἴχομαι. De telles références ne se rencontrent ni avec ἔρχομαι, ni avec ἔπειμι 159, mais δήν se rencontre avec le participe de ἄπειμι ; cf. ci-dessus,
note 137 : οἴχομαι apparait donc comme un équivalent sémantique de ἄπειμι « je suis absent ». Les références temporelles attestées avec l'imparfait oxóynv l'opposent nettement à ἤϊα, ἥιον : - l'interrogation avec πότε : Od.IV, 642 πότ᾽ ῴᾧχετο ; contraste avec l'absence, et probablement
le caractère
agrammatical de "πότ᾽ ἤϊε (dans le sens duratif de l'imparfait, car l'expression est concevable avec le sens itératif). - les subordonnées temporelles : La présence de φχόμην dans des subordonnées temporelles introduites par ἐπεί LH, 71, Od.XVI, 24, ἐξ οὗ, Od. XVI, 142, XVII, 104, XIX, 597 = XXIII, 1914) implique que le mouvement exprimé par οἴχομαι est, explicitement ou non, daté, et peut par là servir de référence temporelle à d'autres événements du récit épique (type « depuis que Ulysse οἴχεται »). En revanche, ἤϊα, ἤιον, imparfait descriptif,
ne se trouve qu'exceptionnellement dans une relative temporelle !*', jamais dans des subordonnées du type évoqué ci-dessus pour oxóumv, type que rencontré au contraire avec l'aoriste ἦλθον et le parfait εἰλήλουθα.
l'on a
104
ALLÉES
ET VENUES
N'étant pas comme εἶμι tourné vers l'avenir, n'étant pas non plus un présent duratif comme
l'est ἔρχομαι
puisque
le mouvement
auquel
il renvoie
est un
événement daté ou au moins datable, οἴχομαι, présent morphologique, est sémantiquement tourné vers le passé : ce présent évoque un mouvement qui, par rapport au présent de l'énonciation, fait partie du passé; puisqu'il s'agit d'un mouvement de départ, de fuite hors du lieu de l'énonciation, on peut conclure que le verbe fait référence à un départ qui a déjà eu lieu (cf. la fréquence relativement élevée de ἤδη dans les exemples cités page 103). Un exemple de l'Odyssée explicite ce sens d'une maniere particuliérement claire, opposant οὖ... ἔτι à ἤδη, et μεταδήμιος (présence dans le lieu de l'énonciation) à οἴχεται,
Od. VIII, 294
où γὰρ E09" Ἥφαιστος μεταδήμιος, ἀλλά xov ἤδηοἴχεται ἐς Afjuvov...« car Héphaïstos n’est plus parmi nous, mais déjà parti pour Lemnos ». Cette opposition sémantique, exploitée stylistiquement, entre la présence ancienne et l’absence actuelle, se retrouve, avec un sujet « abstrait », dans l’Iliade, V, 472 Ἕκτορ, πῇ δή
τοι μένος οἴχεται ὃ πρὶν ἔχεσκες ; « Hector, où s’en est allée la fougue que tu avais jadis? » et XXIV, 201... πῇ δή τοι φρένες olyovb”, ἧς τὸ πάρος περ, ἔκλε᾽... « Où s'en est-elle allée, la présence
d'esprit pour laquelle tu étais réputé
jadis?»
D'un point de vue sémantique, οἴχομαι en tant que verbe de mouvement se réfère
donc
à un départ
antérieur au moment
de l'énonciation,
mais
il vaut
probablement mieux le définir, en partant de la morphologie, comme un présent désignant une absence actuelle du lieu de l'énonciation, transposition dans le domaine sémantique du mouvement du verbe ἄπειμι, dont il se rapproche par l'emploi : paradoxalement, ce verbe de mouvement se révèle être par certains aspects un verbe d'état. Pour les références temporelles, la langue devait pouvoir opposer ἐπεὶ ἦλϑε
ἐπεὶ εἰλήλουϑε « depuis qu'il vint/depuis qu'il est là » à ἐπεὶ wyeto/ "ἐπεὶ οἴχεται « depuis qu'il était parti », « depuis son départ »/« depuis qu'il est absent », ou "δὴν ἦλϑε δὴν εἰλήλουϑε «il vint il y a longtemps/il est là depuis longtemps » à "δὴν οἴχεται impliqué par δὴν οἰχομένοιο « (il est) parti depuis longtemps ». Présent d'état désignant une absence actuelle résultant d'un départ antérieur, οἴχομαι, s'oppose sémantiquement au parfait εἰλήλουϑα qui désigne une présence actuelle résultant d'une arrivée antérieure. Plus que dans le verbe ἥκω, dont il n'est méme pas sür qu'il soit homérique, nous pensons trouver dans cette symétrie sémantique avec εἰλήλουϑα, et dans la complémentarité des deux verbes, la vraie raison qui impose à οἴχομαι son «sens de parfait». A date ancienne, il y a donc dans la langue grecque un déséquilibre entre l'expression de l'état de présence, dévolue à un parfait du théme verbal signifiant « venir », et l'expression, par un présent d'un
radical sans relation évidente avec les radicaux supplétifs du verbe «aller», de l'état d'absence. Mais il est évident que ce déséquilibre, et par suite le sens de parfait attribué à οἴχομαι, n'existe que rétrospectivement, pour nous qui avons l'habitude d'une symétrie linguistique entre «il est venu, il est ici» et «il est parti, il s'en
est
allé,
il est
absent».
Par opposition à εἶμι, on pourrait dire, pour reprendre les termes de G. Guillaume qui semblent ici pertinents !*, que οἴχομαι est un présent dont le «temps
impliqué»
ou «aspect» est du temps «immanent»,
«décadent» ; εἶμι,
présent lui aussi du point de vue du «temps expliqué », « implique » au contraire un temps «transcendant », qui n'est pas encore arrivé à l'Etre. D'autres diraient que οἴχομαι est perfectif, εἶμι imperfectif, mais ces termes empruntés au slave
THÈMES
VERBAUX
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
105
nous paraissent plus gênants pour le grec que les termes «barbares» Guillaume: On peut aussi tenter de schématiser l’opposition :
de
οἴχομαι εἶμι PASSE -«— — —— temps expliqué : ——w- FUTUR présent Les deux verbes, on l'a vu, admettent νῦν comme référence temporelle, mais
pour l’un, οἴχομαι, l'actualité est un terminus post quem, une borne à droite, pour l'autre, εἶμι, un terminus ante quem, une borne à gauche!*?. Pour οἴχομαι, « maintenant » est la limite avant laquelle le procès s'est déroulé, pour εἶμι c'est le moment à partir duquel on commence à l'envisager et à le réaliser. οἴχεται
νῦν
eo
νῦν εἶμι ----
Cette orientation de οἴχομαι
vers le passé, ou ce «cinétisme
décadent»,
semble s'être maintenue après Homère comme une caractéristique essentielle du verbe, comme en témoigne un exemple significatif d'Hérodote, I, 54 : Μετὰ δὲ Σόλωνα οἰχόμενον ἔλαδε Ex ϑεοῦ νέμεσις μεγάλη Κροῖσον. cf. la traduction de
Ph.E. Legrand ; «Aprés le départ de Solon, la vengeance divine frappa cruellement Crésus... ». Une fois de plus, on a l'impression que "μετὰ τὸν δεῖνα ἰόντα est agrammatical, et que "μετὰ τὸν δεῖνα ἔλθϑοντα signifierait « après la venue de Untel». En somme, plutót que de définir οἴχομαι comme un présent à sens de parfait, on pourrait étre tenté de le rapprocher, avec peut-étre quelques autres verbes de mouvement, des verbes de perception, comme le font Schwyzer-Debrunner
(274) : l'expression étant postérieure au procès effectif, le présent grec (ou latin : audio) a pour nous la valeur d'un passé. Mais il nous semble qu'il y a une différence essentielle entre les verbes de perception (intellectuelle ou physiologique)
pour lesquels il s'agit d'une possibilité d'emploi,
et οἴχομαι,
ἥκω,
pour
lesquels l'orientation vers le passé fait partie du sens du verbe, de sa définition ou de ses présupposés. Quant à ἔρχομαι nous croyons erroné de le citer dans cette catégorie comme le font Schwyzer-Debrunner : leur illusion doit s'expliquer par le sens duratif du verbe. Pour οἴχομαι en tout cas, ce «cinétisme décadent » est une caractéristique
essentielle, et un trait pertinent d'opposition avec des verbes de sens voisin qui pourraient se présenter comme concurrents ou synonymes. 4.3.7. Le sens spécifique de οἴχομαι en opposition aux thémes de présent du paradigme supplétif permet d'en expliquer certains emplois Il.V, 511... ὅς μιν ἀνώγει Τρωσὶν ϑυμὸν ἐγεῖραι, ἐπεὶ ἴδε Παλλάδ᾽ ᾿Αθήνην"7 οἰχομένην nous pensons qu'il ne faut pas traduire « Apollon... qui lui enjoint de réveiller le courage des Troyens, depuis qu'il a vu s'éloigner Pallas Athéné, protectrice des Danaens » comme le fait P. Mazon : c'est faire comme si le texte
était ἐπεὶ ἴδε ᾿Αϑήνην ἐρχομένην ou ἀπιοῦσαν, alors que le sentiment de sécurité
106
des
ALLÉES
Troyens .provient
ET VENUES
de ce qu'Athéna
n'est plus
sur le champ
de
bataille.
Οἰχομένην a évidemment son sens plein, « depuis qu'il a vu que Pallas Athéna n'était pas là », ou à la limite « depuis qu'il a constaté l'absence de Pallas Athéna ». Il, XI, 288, on remarquera l'importance stylistique du choix de οἴχετ᾽ au style direct, reprenant un χιόντα du récit : il s'agit d'un appel d'Hector à ses troupes, aprés qu'il a vu s'éloigner Agamemnon (v. 284 — que le participe ait une valeur de présent ou d'aoriste :
ὡς ἐνόησ᾽ ᾿Αγαμέμνονα νόσφι κιόντα), Τρῶες καὶ Λύκιοι... 7 ἄνερες ἔστε,φίλοι, μνήσασϑε δὲ θούριδος ἀλκῆς. οἴχετ᾽ ἀνὴρ ὥριστος, ἐμοὶ δὲ μέγ᾽ εὖχος ἔδωκε / Ζεύς... Bien sûr, Hector a intérêt à insister sur l'absence actuelle du chef achéen, comme
dans l'exemple
précédent Apollon insistait sur celle d'Athéna, et l'emphase est ici manifeste dans la place du verbe à l'attaque du vers : le ton serait différent avec un verbe banal comme ἔρχεται. Le sens est «il est parti, le meilleur de leurs héros» !^. 4.3.8.
Οἴχομαι
et le participe apposé
Dans une grande partie des occurrences de οἴχομαι, on trouve un participe apposé au sujet, le plus souvent un participe présent ou aoriste, plus rarement
parfait. Alors que les participes ou adjectifs apposés à εἰμι-ἤια !* sont descriptifs, l'apposition à οἴχομαι n'est pas nettement descriptive : elle a parfois une valeur prédicative qui rappelle le type attesté avec ἦλϑον 5, mais nous ne connaissons pas d'exemple avec οἴχομαι des emplois avec nombre ordinal, avec ἄγγελος, ϑεός..., ou autres termes typiques de ἦλθον : les types d'apposition rencontrés avec οἴχομαι sont spécifiques de ce verbe. En voici la liste : avec participe présent
apposé, ἄγων, e.g. II. XXIII, 577 οἴχεται ἵππον ἄγων, cf. Il. XIII, 627 ;Od. IV, 634 ; XIII, 216 ; φέρων (JI. VI, 346; Od. XX, 64) ; ὀτρύνων (Il. V, 495 = VI, 104) etc. Avec participe aoriste apposé, ἀποπτάμενος, Il. 1I, 71 ; àe(Qac,Il. XVII, 588 ;
&vaíEac, Od. XIII, 286; ἀναρπάξασα, Od. XX, 64; ὑπαλύξας, Od. VIII, 356. Avec participe parfait apposé, Il. XIII, 782 οἴχεσϑον... τετυμμένω ἐγχείῃσιν, Od. II, 383 Τηλεμάχῳ &ıxvia... οἴχετο. On ajoutera ici Od. I, 242 (cité ci-dessus, 4.3.5, p. 102), avec les adjectifs verbaux ἄϊστος et ἄπυστος. Il est clair que les participes parfaits apposés ont une valeur descriptive qui les rapproche des emplois similaires rencontrés avec εἶμι-ἤια ; parmi les participes présents, certains ont aussi une valeur descriptive (κραδαινομένη ou χωόμενος). Mais en nombre, les participes qui ont une autre valeur dominent, et la proportion
élevée
des participes
aoristes par rapport
au total (8 sur 23 exemples)
est
frappante. Parmi les exemples de participes non purement descriptifs, il semble y avoir une cohérence sémantique : la grande majorité ont le sens de «emporter»
(ἄγων, φέρων, ἁρπάξας...) : il semble s'agir d'une locution idiomatique '^. En moins grand nombre chez Homère sont les participes de verbes de mouvement (4 exemples : φεύγων, ἀναΐξας, ἀποπτάμενος, ἀναδάντες), mais ce second type parait idiomatique lui aussi : on retrouve en tout cas les deux types dans la prose
de l'époque classique !#. Dans les deux cas, l'idiotisme se caractérise par une relation entre le verbe personnel et le participe plus forte que celle qui existe avec une simple apposition ; nous avouons notre impuissance à définir plus précisément cette relation : Schwyzer-Debrunner !? ont dû éprouver la méme difficulté, car ils classent la
THÈMES
VERBAUX
locution parmi les « Gruppen
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF
107
von festen Verbindungen », collection de verbes
grecs qui ont un emploi idiomatique avec le participe (τυγχάνω,φϑάνω, λανϑάνω). Ce qui est évident dans tous ces types de locutions, c'est que le grec “nous paraît faire porter l'idée principale (ou qui nous semble telle, aux Allemands : Schwyzer et Debrunner, Stahl, Kühner et Gerth aussi bien qu'aux
Français : Meillet, Chantraine...) sur le participe, si bien que la plupart du temps nous traduisons le verbe personnel grec par un adverbe, le participe par un verbe personnel, en l'occurrence pour οἴχομαι par all. weg, fr. au loin : οἴχομαι τὸν δεῖνα ἄγων « j'emmene untel au loin», « je pars avec untel», οἴχομαι φεύγων «je
fuis au loin», οἴχομαι ἀποπτάμενος «je m'envole au loin, Π.Π, 71 (note 146), οἴχεται ἀποπτάμενος, «à ces mots, il disparait d'un vol», (il a disparu ou est disparu? on ne sait comment traduire ce présent d'état littéralement sans faire croire à un passé : la meilleure solution serait peut-être «il s'envole, et il n'y a plus
personne). Ce type de locution peut étre considéré comme
caractéristique du verbe
οἴχομαι tout comme son aptitude à la métaphore euphémique pour «étre mort ». * **
Οἴχομαι : conclusion. Par les traits généraux de sa syntaxe et de ses conditions d'emploi, οἴχομαι se rattache au groupe du verbe «aller», tout en se distinguant par de nombreuses particularités des autres verbes de ce groupe : il se caractérise à la fois par son
orientation vers l'ailleurs (un ailleurs non défini parce que non pertinent) et par la référence
à un mouvement
mouvement
«achevé»
ou
actuellement «arrivé
à son
passé.
Mais il ne faut pas parler de
terme»,
car
la notion
de
terme
du
mouvement, pertinente pour un verbe comme ἦλϑον ou ἱκάνω, ne l'est pas pour
οἴχομαι : ce qui importe quand on dit de quelqu'un olxexat,c'est que maintenant (au moment passé, parce énonciation Défini par
où l'on énonce olyetau,) il n'est plus que son départ a déjà eu lieu ; mais de savoir et surtout de dire si le sujet cette double référence à l'espace
ici, peu est et
où il était à tel moment du importe à l'auteur de cette ou non arrivé là où il allait. au temps, désignant l'état
d'absence, οἴχομαι se préte à combler le vide sémantique laissé dans le paradigme du verbe « aller » par l'absence d'un parfait de la racine *ei-, alors que l'orientation
centripète de εἰλήλουϑα n'était pas neutralisable chez Homère : c'est pour cette raison que l'on a attribué a posteriori un sens de parfait à οἴχομαι. Mais la preuve que les Grecs ne sentaient pas ce sens de parfait comme tel est d'une part que la
langue homérique a senti le besoin de créer le parfait οἴχωκα !*, d'autre part que la langue
postérieure,
plutót
que
de
combler
le vide
sémantique
du
parfait
centrifuge de « aller » en faisant «officiellement » de οἴχομαι un parfait supplétif de ce paradigme, a préféré neutraliser l'orientation de ἐλήλυϑα, sans que cette possibilité donnée au parfait de signifier « étre parti » ait fait disparaitre οἴχομαι : celui-ci (qui est bien vivant par exemple en prose classique) gardait donc sa raison
d'étre. Ainsi fortement caractérisé par son orientation centrifuge et son «cinétisme temporel descendant» par opposition à tous les verbes du paradigme de εἶμι, οἴχομαι présente cependant des points de faiblesse : son emploi caractéristique est
108
ALLÉES ET VENUES
absolu (comme en français partir, plus employé que partir pour... ou à); aussi,
l'adjonction d'une
indication sur la direction
du mouvement
fait-elle glisser
οἴχομαι vers le sens «aller vers/à... » (bien sür, on peut toujours traduire «étre
parti pour... »), qui est un des emplois typiques de εἶμι. Surtout, on a vu que ce verbe de mouvement est en fait, au présent, un verbe d'état. Mais à l'imparfait, le sens d'état de οἴχομαι, s'il se maintient souvent remarquablement, dégénere quelquefois en un simple prétérit : ainsi Od. IV, 642 πότ᾽ ῴᾧχετο ne peut signifier que « quand est-il parti ? », l'interrogation sur la date du départ semblant exclure la valeur d'état. Quand les deux facteurs d'affaiblissement jouent en méme semble se rapprocher de l'imparfait du verbe «aller», ainsi
temps, le verbe
Il. XIX, 356... ἡ δ᾽ ᾿Αχιλῆι véxtag... στάξ᾽... αὐτὴ
δὲ πρὸς
πατρὸς
ἐρισϑένεος
πυκινὸν
δῶ
ᾧχετο, τοὶ δ᾽ ἀπάνευϑε νεῶν ἐχέοντο ϑοάων, ᾧχετο se distingue mal de ue. Mais ce type d'exemple est en nombre infime. La plupart du temps, méme avec
ces deux facteurs d'affaiblissement, on peut penser qu'une nuance particuliere (état d'absence par rapport au moment du récit, et donc antériorité du mouvement de départ par rapport à ce moment) a poussé à choisir ᾧχετο plutôt que ἤϊε par exemple.
Ainsi,
Zl. XIII,
672
=
XVI,
607
τὸν βάλ᾽ ὑπὸ γναϑμοῖο xai οὔατος ὦκα δὲ ϑυμός
ᾧχετ᾽ ἀπὸ μελέων, στυγερὸς δ᾽ ἄρα μιν σκότος εἷλεν, ᾧχετ᾽ est la transposition dans le passé du présent "οἴχεται ϑυμὸς ἀπὸ μελέων « la vie est partie de ses
membres », et il doit être assimilé, par opposition à l'aoriste εἷλεν, à un imparfait d'état : littéralement, «et vite, la vie était partie de ses membres, et les ténèbres
cruelles le prirent. »
Mais la preuve de la vitalité du verbe, dans son sens fort, avec ses emplois caractéristiques, ne pourrait être donnée que par une étude diachronique, qui n'est pas le but ici.
S.
LE
On
PARADIGME
résumera
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
« ALLER » : CONCLUSIONS
les résultats des deux
premiers chapitres,
sur le paradigme
supplétif du verbe «aller» dans l’état de langue homérique, dans un tableau. Οἴχομαι n'est pas dans la case du parfait centrifuge, puisque c'est un présent morphologique et qu'il est probablement senti comme tel par les locuteurs. Mais on signalera les affinités du présent d'état moyen avec le parfait, puisqu'il s'oppose
sémantiquement au parfait εἰλήλουθα comme l'état d'absence s'oppose à l'état de présence dans ie lieu de référence de l'énonciation.
THÈMES
éloignement
VERBAUX
DU
par rapport
PARADIGME
à ici
présent
rapprochement par rapport à ici ἔρχομαι
vrai
109
SUPPLÉTIF
«je
vais»
duratif,
non
orienté déictiquement
présent
εἶμι «je vais» là-bas (tout de suite
εἶσι est neutralisable à la troisième
moda-
ou plus tard)
personne.
lisé présent d'état
οἴχεται «il est parti, il est actuellement absent» (la première personne “οἴχομαι est contraire aux présuppositions déictiques)
aoriste — L'aoriste centrifuge n'existe pas en incipe;
mais
l'orientation
de
ἦλϑον «je vins (ici) » normalement centripète
Dov est neutralisable futur
parfait
Le vrai futur centrifuge n'existe pas à
ἐλεύσομαι
l'origine — intégration de εἴσομαι dans le système homérique
normalement
Le parfait centrifuge
n'existe
pas.
|εἰλήλουθα
«je (re)viendrai (ici)» centripète
«je suis venu et je suis
Vide comblé sémantiquement par le
encore ici actuellement » état de pré-
présent d'état οἴχομαι «il est parti,
sence
absent »
ici, non
neutralisable
CHaPITRE
Ill
PERIPLES : DEUX DOUBLETS DU VERBE «ALLER» INTEGRES AU PARADIGME SUPPLETIF 1. "Eonw
ET ἑρπύζω : UN
PRESENT DÉFECTIF HOMÉRIQUE
Seul le thème de présent existe dans la langue homérique, à la fois pour le verbe radical ἕρπω et pour le dérivé ἑρπύζω : présent ἕρπω, imparfait elonov,
participes ἕρπων,
ἑρπύζων.
Après Homère,
on trouve en attique ἕρπω, qui
semble entièrement «conjugé» au thème de présent, et l’aoriste εἴρπυσα chez
Aristophane. Le paradigme ἕρπω-ἐρψῶ semble dorien (Théocrite, une inscription de Laconie et un passage lyrique d'Eschyle, Eumen., 500). La langue homérique se distingue aussi par l'absence totale de composés, avec le verbe radical comme avec le dérivé, alors que les composés sont nombreux par la suite dans la poésie (chez les Tragiques et dans les inscriptions). "Eoxo est rare chez Homère (6 exemples en tout), et son emploi parait soumis à plusieurs types de contraintes négatives ou restrictions d'emploi, comme les formes le sont.
L'emploi ancien caractéristique semble étre l'emploi absolu et général ; le sujet, animé, est souvent collectif et général (ὅσσα, ὁπόσα) : le verbe exprime l'idée d'un mouvement non dirigé vers un but, comme un caractère spécifique des étres vivants, par opposition aux végétaux ou aux minéraux, qui sont immobiles : dans une formule, le verbe est coordonné à πνείει, Il. X VIT, 447 = Od. XVIII, 131
ob μὲν γάρ τί πού ἐστιν ὀϊζυρώτερον ἀνδρὸς πάντων ὅσσα τε γαῖαν ἐπὶ πνείει τε και ἕρπει «Tl n'y a rien de plus pitoyable que l'homme, parmi tous les êtres qui sur terre respirent et se meuvent. » Dans une autre, il est coordonné à ζώει, Hymne à Dém.I, 365... ἔνϑα δ᾽ ἐοῦσα / δεσπόσσεις πάντων 600a ζώει te και ἕρπει «... tu régnes sur tout ce qui vit et se meut ». Dans cet exemple comme dans le premier, l'emploi est trés général et signifie «se déplacer, se mouvoir». Le commentaire d'Hésychius! «marche, avance sur le ventre, se trouve là» a des chances d'étre influencé par la tradition
postérieure à Homére. Un exemple de l'Odyssée, XVII, 158, montre une opposition ἥμενος ἢ ἕρπων « assis ou se mouvant ». On ne trouve d'indication sur la direction du mouvement que dans un état de la langue qui semble plus évolué, Hymne à Aphrodite, V, 156 (ἐς λέχος....). Ce type de mention ne se rencontre jamais dans les exemples de l’liade et de
DEUX
DOUBLETS
DU
VERBE
« ALLER »
111
l'Odyssée, où le seul complément de lieu attesté est ἐπὶ γαῖαν (Il. XVII, 447 =
Od. XVIII, 131, cité p. 110) : il ne s'agit pas de la direction du mouvement, mais d'une indication sur la surface où il se fait (sorte de complément « scénique »?). On peut dés lors opposer par des schémas l'emploi homérique ancien, représenté par les 5 exemples de l’Iliade, de l'Odyssée et de l'Hymne à Déméter à l'emploi récent avec complément de direction attesté par l'Hymne à Aphrodite :
————
Aucune idée de difficulté, ni méme de lenteur, ne semble exprimée, ni méme
connotée, dans l'emploi homérique de ἔρπω. Dans un exemple original de l'Odyssée avec sujet inanimé, nous pensons que
le verbe, en position d'emphase en début de vers a un puissant effet stylistique, justement parce qu'il signifie «se mouvoir » et non «se trainer» : c'est ce qui rend le prodige plus manifeste et plus étonnant : Od. XII, 395
τοῖσιν δ᾽ αὐτίκ ἔπειτα ϑεοὶ τέραα προὔφαινον ἕρπον μὲν δινοί, κρέα δ᾽ ἀμφ᾽ ὀδελοῖσι pepdxer, ὀπταλέα
τε καὶ
ὠμά...
cf. la traduction
marchaient ; les chairs cuites et crues
de
meuglaient
Bérard : «... autour
des
les dépouilles
broches. »
Dans la langue homérique, ἕρπω a donc pour emploi unique de désigner le mouvement comme caractérisant une espèce (humaine ou animale) : cet emploi
est à mettre en relation avec celui du nom
ἑρπετόν, employé une fois dans
l'Odyssée IV,418 (Idothée avertit Ménélas des tours et des transformations de
Protée) πάντα δε γιγνόμενος πειρήσεται, 500’ ἐπι γαῖαν ἑρπετὰ γίγνονται, καὶ ὕδωρ καὶ ϑεσπιδαὲς πῦρ littéralement «il essaiera de
se transformer en tout ce qui existe sur terre en fait d'êtres mouvants, et l'eau et le feu divin».
Dans
cet état de langue,
tout être dont on dit ἕρπει est appelé
ἑρπετόν". Le rapport sémantique de ἑρπύζω à ἕρπω est difficile à établir : si le verbe
simple n'est pas fréquent, le dérivé l'est encore moins : trois exemples seulement chez Homere. Là encore, la direction du mouvement n'est pas indiquée, les compléments de lieu attestés sont tous des compléments scéniques (παρὰ ϑῖνα, παρὰ πυρκαΐἴην : mouvement le long du rivage, le long — et autour — du bücher, sans viser aucun but, qui, une fois atteint, serait un terme).
Les lexiques et dictionnaires donnent pour ἑρπύζω, avec plus d'assurance encore que pour ἕρπω, le sens «se trainer, ramper », l'idée de difficulté à marcher. Là encore, il nous semble qu'il s'agit, pour Homère, d'une erreur, due au contexte
et aux connotations de douleur et de fatigue qu'il comporte dans les trois exemples : dans deux cas, ἑρπύζων exprime le mouvement d'un homme affligé, Achille
par
la mort
de
Patrocle,
,
Il. XXIII, 225 ἑρπύζων παρὰ πυρκαΐην ἀδινὰ στεναχίζων, qu'il croit ne jamais revoir sa patrie, Od. XIII, 220 ... 6 δ᾽ ὀδύρετο πατρίδα γαῖαν
ἑρπύζων παρὰ ϑῖνα πολυφλοίσδοιο ϑαλάσσης
Ulysse
parce
112
ALLÉES
ET VENUES
πόλλ᾽ ὀλοφυρόμενος... Dans les deux cas, l'idée de la douleur et de sa traduction physique en gémissements encadre le participe : ὀδύρετο... ἑρπύζων... ἀδινὰ στεναχίζων ὀδύρετο...
ἑρπύζων...
πόλλ᾽ ὀλοφύρομενος.
Mais il nous semble
que les
scholiastes et les lexicographes sont passés trop vite de l'idée du mouvement inlassable et répété de quelqu'un qui souffre à celle de difficulté à marcher. De
méme,
dans
Od. I, 193 où il s'agit de Laérte,
.. εὖτ᾽ἄν μιν κάματος κατὰ γυῖα λάδῃσιν ἐρπύζοντ᾽ ἀνὰ γουνὸν ἀλωῆς οἰνοπέδοιο, l'idée de fatigue
est dans
le
contexte, non forcément dans le participe : il nous semble au contraire que "κάματός μιν κατὰ γυῖα ἔλαδε est présenté comme un résultat de l'action dénotée
par ἑρπύζοντα : à la traduction de Bérard, «... quand ses membres sont las d'avoir trainé longtemps sur son côteau de vigne », nous préfèrerions la traduction littérale «lorsque la fatigue lui prend les membres, à force de se déplacer... ». En fait, l'emploi du verbe dérivé est nettement formulaire : la formule de l’/liade entraine l'application à Ulysse dans l'Odyssée, et la connotation de fatigue dans les deux exemples de l'Odyssée doit s'expliquer comme un souvenir de l'emploi de ἑρπύζων pour Achille dans l’Iliade. 'Eoxóto semble s'opposer, chez Homère, à ἕρπω comme un présent duratif, susceptible de recevoir des déterminations temporelles, à un présent général intemporel. Pour conclure, l'emploi homérique de ἕρπω est un emploi général, absolu, sans déterminations d'aucune sorte (ni spatiales ni temporelles) : il exprime
la
notion de mouvement comme qualité intrinséque des étres vivants ; il s'agit d'une possibilité ou d'une aptitude au mouvement plutót que d'un mouvement actualisé : c'est en ce sens que l'on peut parler d'un présent intemporel. 'Toutes ces caractéristiques font penser à ce que dit Benveniste de l'emploi homérique de ἔδω « manger »* : ἕρπω et ἔδω pourraient donc désigner le mouvement et le fait de se nourrir
comme
des
aptitudes
caractéristiques
de
certaines
espèces
animales,
appelées ἑρπετά, parmi lesquelles se trouve l'espéce humaine (de méme, πνείει et ζώει dans les deux exemples homériques cités ci-dessus, p. 110, font référence à
l'aptitude des humains à respirer et à vivre, comme une caractéristique spécifique et définitoire).
Dans les Hymnes, à cóté de l'emploi ancien apparait la possibilité d'employer un complément indiquant la direction du mouvement, avec une valeur temporelle de présent faisant référence à l'actualité de l'énonciation : l'affaiblissement du sens ancien est manifeste, et l'emploi de ἕρπω se rapproche alors de n'importe quel
autre verbe de mouvement au présent (par exemple ἔρχομαι). Comme nous l'avons vu pour le paradigme supplétif, l'interprétation des faits
de la langue homérique a ici encore souffert des présupposés sémantiques entraînés par la connaissance de la langue postérieure ?. L'étude des inscriptions et des exemples littéraires dialectaux montre que ἕρπω est exclu de l'éolien et des dialectes ioniens. Comme il ne peut étre un dorisme
comme
chez
Homère,
il doit
l'atteste sa présence
représenter
un
archaisme,
un
«trait
achéen»,
en arcado-cypriote 5.
Dans la langue classique, les deux verbes semblent s'étre développés dans deux sens qui paraissent opposés : prenant les emplois du paradigme supplétif et
de ses composés (en littérature sous l'influence des dialectes dorien et arcadien où
DEUX
DOUBLETS
DU
VERBE
« ALLER »
113
le verbe semble avoir été usuel comme présent supplétif de ἠλϑον-ἦνϑον), ils ont pris son sens : la valeur ancienne spécifique du verbe est alors neutralisée sous l'influence du verbe «aller » (on parlera de l'attraction du paradigme supplétif sur les verbes voisins). D'autre part, le sens des deux verbes a tendu inversement à se restreindre au sens d'un mouvement rampant, au ras du sol «se glisser, se trainer». Ce sens étroit peut s'expliquer pour le verbe radical à partir de la spécificité de l'emploi homérique pour un mouvement à la surface de la terre (par opposition aux êtres qui se meuvent dans l'air ou dans l'eau : les ἑρπετά, qui désignent chez Homère tous les êtres qui se meuvent sur la terre, deviennent à la suite de l'évolution sémantique du verbe les serpents). Pour le verbe dérivé, l'évolution s'explique encore plus facilement à partir de l'intégration dans le sens du verbe des connotations constantes chez Homére, et des mauvaises interprétations des commentateurs et des imitateurs d'Homére.
Enfin, il est évident que le
sens restreint du dérivé a influencé le sens du verbe radical". Dans ce sens étroit, le verbe exprime un mouvement difficile, lent, douloureux (enfants, vieillards, infirmes) et se préte à des emplois péjoratifs chez Aristophane (cf. en français se traîner, traínard etc.). Paradoxalement, ἔρπω qui signifiait chez Homère toute possibilité de déplacement sur terre, c'est-à-dire essentiellement l'aptitude des humains à se déplacer en marchant, finit par désigner tout mouvement terrestre sauf la marche normale des humains sur deux pieds (marche à quatre pattes des enfants, déplacement des crabes à l'aide de leurs pinces, des animaux rampants sur le ventre, des grimpeurs avec leurs griffes). On pourrait alors proposer un schéma des filières sémantiques suivies par ἕρπω et ἑρπύζω en grec en utilisant les données comparatives et la notion de virtualité sémantique : i.e. *ser- mouvement fluide, continu. théme I *ser-p- : mouvement fluide, continu, spécialisé dans l'expression de l'adhérence à une surface (le plus souvent le sol de la terre, mais de nombreux exemples grecs montrent d'autres possibilités d'utilisation).
“
/
i
à
ὶ
grec homérique «se déplacer sur terre» ἕρπω «aller » «être capable de se dépla(skr. sérpati cer sur terre» grec dialectal tono (glossa en grec littéraire)
x
«se déplacer en glissant à la surface, ramper, se glisser », latin serpó Skr. sérpati gr. toxo
2. "EuoAov et μέμδλωκα : UN AORISTE ET UN PARFAIT HOMÉRIQUES, SUBSTITUTS
RESPECTIVEMENT
DE ἦλθον
ET DE εἰλήλουθα
Si, dés la langue homérique, l'aoriste est la seule forme usuelle du verbe, et si le présent est dérivé, c'est que l'aoriste est morphologiquement le «noyau
historique»* du verbe. Cet aoriste radical thématique fait partie d'une série oà un vocalisme -os'oppose à -w- dans d'autres thèmes ἔμολον / βλώσκω, μέμόλωκα ; ἔϑορον /
114
ALLÉES
ET VENUES
ϑρώσκω ; ἔπορον πέπρωται ; Étogov/titomoxw/tétoutar. Une telle alternance peut être le vestige d'une structure morphologique archaïque, et semble en faveur de l'ancienneté de ces aoristes radicaux. Mais il a pu y avoir des réfections récentes
et des actions analogiques?. Les emplois de ἔμολον rappellent certains des emplois caractéristiques du paradigme supplétif. 2.1. Emploi
idiomatique du participe au sens de «aller faire»
L'emploi idiomatique du participe avec un verbe d'action à un mode personnel, avec une relation d’intention entre le déplacement et l'action !? attesté pour le participe aoriste μολών par un exemple au moins, ZI. VI, 286 Ὡς Epaf*, ἡ δὲ μολοῦσα ποτὶ μέγαρ᾽ ἀμφιπόλοισι“κέκλετο, ... L'expression est de nature périphrastique : le syntagme μολοῦσα... κέκλετο, «alla/vint
appeler » n'équivaut pas à la juxtaposition ou coordination de ses composants (ἔμολε... καὶ xéxketo)!!. Cette interprétation est au moins possible dans quatre autres exemples, où le participe peut aussi s'interpréter comme une apposition descriptive, 41. XI, 173;
XV, 720; Od. III, 44; XXIV,
335.
Si les exemples certains sont rares, on peut pourtant conclure que les cas d'ambiguité syntaxique et sémantique montrent que uolwv + verbe d'action à un
mode personnel est une variante possible de ἐλϑών + verbe d'action
à un mode
personnel. En revanche, cet emploi n'est jamais attesté pour le participe présent
-6kwoxuv : le thème de présent βλώσκω n'était probablement pas assez bien intégré à la langue pour se préter à remplacer au participe ἰών dans un emploi idiomatique de la méme manière que μολών pouvait remplacer ἐλϑών à l'aoriste. 2.2. Expression
du mouvement
du Temps
Des deux occurrences homériques du verbe pour l'expression du mouvement
du Temps, l'emploi de l'aoriste, Il. XXIV, 781 πρὶν δωδεκάτη μόλῃ ἠώς «avant que
ne vienne
la douzième
aurore », «avant
la venue
de la douzième
aurore »
confirme la substitution de μολεῖν à ἐλϑεῖν. Un emploi du parfait dans l'Odyssée, XVII, 190, est plus surprenant "^. 2.3. Orientation de ἔμολον 2.3.1.
en direction du lieu de l'énonciation
Le verbe simple à l'aoriste et au parfait
— l’aoriste a souvent chez Homère une orientation déictique en direction du lieu-repère de l'énonciation («ici» : orientation appelée centripete), il est rarement neutre du point de vue de l'orientation, et il n'a jamais l'orientation centrifuge. Trois emplois montrent une orientation centripète explicite, avec l'adverbe δεῦρο, Il. XV, 720, Od. III, 44 et XXIV, 335. La même orientation centripète est implicite dans l'exemple du Temps qui vient, //. XXIV, 781 (cité ci-dessus, p. 114). Deux exemples semblent attester une neutralité par rapport à l'orientation déictique (soit orientation centripète implicite, soit aucune
DEUX
DOUBLETS
DU
VERBE
«ALLER»
115
orientation : en tout cas ce critère n'est pas essentiel), /l. XI, 173, μολὼν ἐφόδησε
et Il. VI, 286 : la neutralisation de l'orientation centripète par un complément de lieu prépositionnel n'est pas surprenante, et rappelle des faits parallèles observés
pour ἦλϑον. — l'orientation centrifuge n'est observée pour le verbe simple que dans un emploi du parfait pour le Temps qui passe, Od. XVII, 190 : cet emploi peut
s'expliquer comme un effet de sens de l'emploi régulier (orientation centripéte) avec pour sujet le Temps : quand une personne «est venue », l'emploi du parfait implique qu'elle est encore présente actuellement, mais, quand il s'agit du Temps, une fois le mouvement
afférent arrivé à son terme, il se trouve immédiatement
« passé ». En l'absence d'autres exemples du parfait du verbe simple chez Homère, on ne peut vérifier si, comme nous le pensons, ὁ δεῖνα μέμδλωκε, avec sujet animé) signifierait nécessairement «untel est venu (et se trouve encore ici maintenant) » comme c'est le cas pour εἰλήλουϑε.
2.3.2. Les composés — le présent correspondant à ἔμολον n'est attesté chez Homère qu'avec
préverbe
(et seulement
dans
l'Odyssée):
Od.XIX,
25 δὃμῴας
δ' οὐκ
εἴας
προδλωσκέμεν, XXI, 239 = XXI, 385 μή τι ϑύραζε,, προδλωσκέμεν, XVI, 466 ἄστυ xata6AGoxovta. Pour expliquer cette limitation morphologique et le peu de succés du présent, on proposera l'hypothese provisoire suivante : l'aoriste, thème fondamental du
verbe, avait comme ἦλθον une orientation déictique centripète ; le sens « venir» étant rarement nécessaire au présent, théme duratif, la langue n'avait pas besoin
d'un présent correspondant à *rrl-, et le verbe était défectif à l'origine. Mais, au moment de créer un présent, la langue a senti la nécessité de neutraliser son orientation, d’où l'emploi d'un préverbe, «obligatoire» avec ce thème. ? En
somme
la composition est ici un moyen de donner à un aoriste d'orientation
centripéte un présent de méme racine, avec une orientation centrifuge ou neutre : c'est une solution différente, et qui n'a d'ailleurs pas été viable, au probléme linguistique qui dans d'autres cas (pour #ABov et εἶμι, et aussi pour ἔδραμον et
ϑέω, cf. troisième partie, chapitre I) a pu conduire au supplétisme verbal. — avec l'aoriste aussi, les préverbes ont une action «neutralisante » (προ«s'avancer », &x- «sortir »).
Comme ἦλϑον, ἔμολον signifie donc « venir »!*, soit par étymologie 15, soit par suite de la logique aspectuelle. Pour compléter le paradigme, à l'origine essentiellement défectif comme celui de ἦλϑον, la langue a ici choisi une autre solution que celle du supplétisme : comme dans le cas de βαίνω, secondairement bâti sur un thème apparenté à la forme fondamentale d'aoriste &6av, un présent suffixé s'est constitué, βλώσκω. Mais il fallait neutraliser son orientation centripète : si elle était due au sens de la racine, il fallait trouver un moyen de l'annuler
au
théme
de
présent;
si au
contraire
elle
n'était
pas
héritée,
mais
résultait seulement de la logique aspectuelle, il fallait trouver un moyen de créer un théme duratif, d'orientation inverse, en utilisant la méme racine : dans les deux hypothèses, la langue se trouvait devant le méme probléme, celui de l'incompati-
bilité qui semble avoir existé à l'époque de la formation des paradigmes verbaux du grec (avant Homère) entre l'aspect duratif du thème de présent et l'orientation
116
ALLÉES
ET VENUES
déictique vers le lieu de référence de l'énonciation '*. La présence du préverbe semble pouvoir être interprétée comme 2.4. Le problème
le résultat d’une tentative de solution.
de ia synonymie
On a donc chez Homère ἔμολον dans le méme emploi que ἦλθον, et -6Awoxw dans le méme emploi que -euu "7. Ἔμολον ne se différencie jamais du paradigme supplétif positivement, mais seulement par des absences d'emploi, qui, du fait du petit nombre total des exemples, peuvent toujours étre fortuites. Du point de vue sémantique, il semble bien que l'on ait affaire à un doublet ou synonyme.
La différence de fréquence entre ἔμολον-βλώσκω et ἠλϑον-εἶμι suggère bien sür que ἔμολον est stylistiquement marqué par opposition au paradigme supplétif, dont on dirait alors qu'il est stylistiquement neutre. Mais, avant de se ranger à
cette hypothèse stylistique '®, qui n'est après tout qu'un aveu d'ignorance, il faut examiner l'hypothese dialectale : la langue homérique étant composite, l'existence de plusieurs paradigmes verbaux de méme sens pourrait-elle s'expliquer par leur origine dialectale différente? Mais l'enquéte dialectale reste dans l'ensemble assez décevante. Nous n'avons relevé aucun exemple ni dans les inscriptions ioniennes, ni en arcado-crypriote, ni en éolien (lesbien, thessalien et béotien). Aucun exemple ne parait antérieur au [ν΄ siècle et à la constitution des différentes variantes de koine. La plupart se trouvent dans des textes écrits en koinè dorienne, ainsi dans les récits
de sanationes d'Epidaure (deuxième moitié du m‘ siècle) 5 ou un exemple de Grande-Gréce
qui
atteste
une
locution
peut-étre
idiomatique
dans
la langue
juridique (testament), Schwyzer, DGE, 436, 3, 1.7 ... ὅκα] δ᾽ ἐς τὰν ἁλικίαν μόλῃ ἃ τόκα ἐγγύωίν δέηι ἀποτιμᾶν τ]ὸν πρύτανιν τὠργυρίω vo ἀ[ξιοχρέω, testament gravé sur bronze provenant de Terina, colonie de Crotone, et daté par l'écriture et
les critères linguistiques de la fin du rv siècle av. J.C. (cf. D. Comparetti « Tabelle testamentarie delle colonie achee di Magna Grecia », Annuario della regia scuola archeologica in Atene, 2, 1916, 219-266 qui s'appuie pour les restitutions sur un passage d'Aristote concernant le róle du prytane dans la garantie des biens
d'héritiers non majeurs à Athènes et sur un parallèle d'Harpocration) : «lorsqu'il (scil. τὸ παιδίον : l'enfant héritier) arrivera à l'âge où il aura besoin de garants, que le prytane afferme (scil. les biens hérités) pour le prix valable». Μολεῖν semble
bien être un substitut dialectal de ἐλθεῖν
dans la locution
ἐλϑεῖν
εἰς
ἡλικίαν «arriver à un âge». On rencontre aussi cet aoriste dans la koiné du Nord-Ouest, dans un décret d'Ithaque trouvé à Magnésie du Méandre, datant de peu avant 200 av. J.C., Schwyzer, DGE, 434, 27 = O. Kern, Die Inschriften von Magnesia am Meander, Berlin, 1900 (réimpr. 1967), 36. ἐπὶ τᾶι σπουδᾶι τοῦ
μολεῖν noû'äué «pour leur empressement à venir vers nous». L'étude des dialectes littéraires, dont nous ne pouvons donner le détail ici,
confirme cette conclusion : il s'agit d'un dorisme et d'une glossa poétique (par exemple chez les Tragiques). 2.5. Le problème étymologique Le rapprochement avec le slave, serb. iz-móliti, slov. moliti (Frisk, GEW, Chantraine, Dict. Etym., s.v.) n'apporte guére plus qu'une présomption d'ancien-
DEUX
DOUBLETS
DU
VERBE
«ALLER»
117
neté. Le rapprochement du présent en -sk- avec le tokharien mlosk- mlusk« s'enfuir » (ibid.) pourrait attester que l'orientation centrifuge du présent dérivé est antérieure au grec : le besoin d'un préverbe avec le présent grec serait alors
secondaire. Il faut s'arréter sur un rapprochement en grec méme, avec le présent μέλλω, qui s'expliquerait selon O. Szemérenyi ? comme un présent en -yó de la méme racine que ἔμολον ; le sens «étre sur le point de, étre destiné à » serait issu d'un ancien emploi périphrastique d'un verbe «aller ». Du point de vue morphologique, l’hypothèse est fondée?! sur un parallele séduisant avec la racine *ter-, qui fournit un des énigmatiques aoristes à vocalisme
-o- parallèles à ἔμολον. A Etopov correspondent en grec deux présents, l'un en -sk-, τιτρώσχω, l'autre en -y/ó, τείρω. Szemérenyi pense que ἔμολον a de méme eu deux présents, βλώσκω parallèle à τιτρώσκω au redoublement prés, μέλλω
paralléle à τείρω. Μέλλω, s'étant spécialisé dans l'emploi périphrastique, aurait déjà à l'époque homérique perdu les liens qui le rattachaient à son ancien paradigme, pour se constituer une nouvelle conjugaison en -n- (μελλήσω, ἐμέλλησα, cf. Szemérenyi, op.cit., 364). Mais l'étude des emplois de μέλλω faite par L. Basset ? parait infirmer cette hypothèse. A condition qu'on la reporte à la pré-histoire de la langue grecque, la relation étymologique entre ἔμολον et μέλλω
est possible. Ce qui importe ici, c'est de constater que l'étude de ἔμολον comme celle qui a été faite indépendamment de μέλλω montre que la langue n'établit aucune relation entre les deux paradigmes, pas plus que le frangais n'en établit aujourd'hui entre deux verbes homonymes peut-étre issus l'un de l'autre comme voler et voler.
Pour conclure sur ce verbe, l'aoriste est la forme primaire et a seul réellement existé dans la langue. L'emploi manifeste une orientation déictique centripète qui s'est maintenue, dans la majorité des exemples, jusque dans les emplois poétiques de l'époque classique. Rien ne permet de déterminer si cette valeur centripéte est celle de la racine ou si elle s'explique seulement par la convergence des valeurs déictiques avec les oppositions aspectuelles, et dérive alors de l'aspect d'aoriste de la forme fondamentale. L'étymologie n'étant pas claire, la situation est analogue à
celle que nous avons rencontrée pour ἦλθον : racine de sens effectif ? fournissant principalement un aoriste, d'orientation centripéte. "Euokov semble avoir été employé dialectalement, dans l'aire dorienne (lyrique chorale, dans les inscriptions doriennes assez tard, à partir de la constitution des koine). Chez Homère, le verbe doit appartenir au vieux fonds
achéen. A l'époque classique, ces deux influences (dorien littéraire et Homére) en ont fait un verbe
poétique
capable,
dans
une
langue
de niveau
soutenu,
de
remplacer ἦλθον dans tous ses emplois. Il n'a jamais été employé dans la prose et dans la langue courante en dehors du dorien, les emplois parodiques d'Aristophane le montrent bien. Dans la famille de dérivation de ἔμολον, on remarquera l'adverbe ἀγχίμολον «prés », vestige d'absolutif classé comme adverbe parce que la catégorie n'était plus vivante en grec?*. Le sens du syntagme ἄγχι + ἔμολον «venir auprès de» avant le figement adverbial, et la nouvelle formation dans la langue homérique d'une locution idiomatique avec un aoriste d'orientation centripète ἀγχίμολον ἦλϑον25 confirment évidemment la valeur centripète du thème d'aoriste. Dans la langue classique, la famille de αὐτόμολος «transfuge » constitue le seul héritage vivant de ce radical. C'est le point de vue des bénéficiaires de la défection qui doit
118
ALLÉES ET VENUES
expliquer l'emploi du verbe d'orientation centripéte (même point de vue que dans le frangais transfuge), alors que le point de vue du camp défection (latin défectió, deficere).
d'origine explique
CONCLUSION
DE
LA
PREMIÈRE
PARTIE:
LE PARADIGME SUPPLÉTIF DU VERBE ALLER, D’HOMERE A LA LANGUE CLASSIQUE Chez Homere,
sur
l'association
le paradigme du verbe «aller» repose donc essentiellement
complémentaire
de
deux
racines
d'orientations
déictiques
différentes, et au moins partiellement opposées, *ei- «aller (partir) » et *eleudh*eldh- « venir», auxquelles s'ajoute un présent duratif indifférent à l'orientation déictique, ἔρχομαι. Dans cet état de la langue grecque, les préverbes ont encore
un róle sémantique précis ; ils contribuent à renforcer l'unité du paradigme26 en neutralisant au besoin les oppositions sémantiques, mais un exemple du parfait ἀπελήλυϑα2 montre que cette neutralisation n'est pas achevée, et que la valeur
de ἀπο- «en s'éloignant de» n'est pas incompatible avec la deixis centripéte radicale caractéristique du théme de parfait : le róle neutralisateur du préverbe,
qui joue bien pour ἀπῆλθον, peut être bloqué par la valeur d'état du parfait. Les divers substituts d'origine dialectale ou hérités du vieux fonds achéen qui sont susceptibles de prendre la place de certains des thémes, particuliérement ἔμολον et κίον pour l'aoriste et dans une certaine mesure pour l'imparfait, ont confirmé
l'ensemble de ces conclusions. Dans la langue classique, εἶμι est devenu en attique le futur normal du verbe «aller», éliminant ἐλεύσομαι 2, Ἔρχομαι s'est étendu au présent, se chargeant
donc d'une partie des anciens emplois de εἶμι en plus de ceux qu'il avait déjà chez Homère, mais il a perdu tous ses modes au profit de ἱέναι. L'aoriste ἦλϑον et le
parfait n'ont pas changé : les alternances vocaliques archaiques ont seules disparu. L'unité
du
paradigme
s'est
faite
aux
dépens
des
oppositions
sémantiques
déictiques anciennes : il parait inutile de s'attarder sur cette évolution, puisque c'est l'existence des oppositions entre εἶμι et 400v que nous voulions prouver ; l'indifférence de la langue classique à ce type de critére ne fait aucun probléme. Citons seulement un exemple extréme, montrant que l'orientation du parfait du verbe simple, toujours centripète chez Homère sans neutralisation possible, est
neutralisée en attique, Démosthéne, 9, 34 (Troisiéme Philippique) Οὐ Κορινϑίων En’ ᾿Αμδρακίαν ἐλήλυϑε xai Λευκάδα ; et 59, 108 (Contre Neaira) ποῦ γὰρ αὕτη οὖκ εἴργασται τῷ σώματι, ἢ ποῖ οὐκ ἐλήλυϑεν ἐπὶ τῷ xa^ ἡμέραν poto. L'opposition aspectuelle présent centrifuge/autres thèmes centripètes correspond désormais d'autant moins à une opposition sémantique d'orientation que le présent n'est plus εἶμι, mais ἔρχομαι, déjà neutre à cet égard chez Homère : les oppositions déictiques ne coincident plus que par hasard, ou par d'obscures
120
ALLÉES
ET VENUES
persistances de syntagmes ou d'habitudes de langage archaiques, avec les oppositions aspectuelles de l'état de langue attique. Surtout, le róle de marqueur de l'orientation de l'espace autour du locuteur n'appartient plus au lex&me verbal,
mais au préverbe : la langue n'oppose plus εἶμι à ἦλϑον, mais par exemple ἀπο- à ἐπι- ou προσ-, cf. e.g. Dem. 19, 306 (Sur l'Ambassade) ᾿Ατρεστίδας παρὰ Φίλιππον τῶν ᾿Ολυνθίων δωρειὰν ταῦτ᾽ ἔχων ἀπέρχεται. et 21, 2 πολλοί μοι προσιόντες... ἠξίουν καὶ παρεκέλευον ἐπεξελϑεῖν... Encore les exemples avec sujet animé sont-ils peu nets : comme en français pour s'approcher/s'éloigner, l'opposition ἀπέρχομαι - ἀπῆλθον / ἐπέρχομαι - ἐπῆλθον est déictique dans certains cas et ne l’est pas dans d’autres : on pourrait donc dire plutôt que le critère de l'orientation de l'espace de l'énonciation semble avoir cessé de jouer en grec un róle distinctif.
Plus probants peuvent sembler les exemples du Temps qui vient et du Temps qui passe : la langue oppose régulièrement ἐπι- et προσ- à παρα-, δια- et éE- : Temps qui vient (emploi déjà homérique pour ἐπῆλθε, mais aussi pour le verbe
simple ἦλϑε et pour le futur εἶσι, cf. chapitre I, 2.2.3, pp. 34-36) Hdte, présent, V, 20 σχεδὸν yàg ἤδη τῆς xo(ms ὥρη προσέρχεται ὑμῖν, II, 40 ᾿Επεὰνδὲ σαπῇ xai
προσίῃ ὁ τεταγμένος χρόνος, IV, 30 ᾿Αλλ᾽ ἐπεὰν προσίῃ ἡ ὥρη κυΐσκεσθαι τὰς ἵππους, III, 85 Τῆς ἐπιούσης ἡμέρης, IX, 42 ἅμα ἡμέρῃ τῇ ἐπιούσῃ ; aoriste : IX, 43 ὅταν αἴσιμον ἦμαρ ἐπέλϑῃ ; nombreux exemples de ἐπελϑοῦσα νύξ (e.g. ΠῚ, 79) et de ἐπελθούσης νυκτός (I, 76). Thuc. IV, 38, 4 Τὴν ἐπιοῦσαν νύκτα,
ib. 130, 1 τῆς ἐπιούσης νυκτός 134, 1 ἐν δὲ τῷ ἐπιόντι χειμῶνι, VII, 6, 4 τῇ ἐπιούσῃ νυκτί, ib. 74, 1 τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέραν περιμεῖναι, VIII, 2, 2 τό γ᾽ ἐπιὸν ϑέρος.
Temps qui passe : un seul exemple sûr chez Homère, Il. X, 252, παροίχωκε, cf. nagotxouévn chez Théognis, II, 1240 (voir Le temps s'en va, op.cit., à paraître).
Présent : Hdte,
IV,
181 παρέρχονταί
τε μέσαι νύκτες
Imparfait : Hdte, II, 139 Ὡς ὧν ὁ χρόνος οὗτος ἐξήιε Aoriste : ib., 86 Ἐπεὰν
παρελϑούσῃ
εὐεστοῖ...
δὲ παρέλθϑωσι αἱ ἑδδομήκοντα,
Thuc. Il, 72, 3... ἕως àv ὁ πόλεμος
I, 85 Ἐν
τῇ ὧν
|y ἐπειδὰν
δε
παρέλϑῃ... «quand (la guerre) sera passée... », nombreux exemples (Hdte, I, 8 etc.) du participe au génitif absolu χρόνου διελϑόντος. Thuc. V, 40, 4 ἡ ἑορτὴ αὐτοῖς οὕτω διῆλθεν, IV, 115, 1 διελϑουσῶν τῶν σπονδῶν. Parfait : Hdte, III, 152 Ἑπτὰ δὲ μηνῶν καὶ ἐνιαυτοῦ διεληλυϑότος II, 139, 1
ἀλλὰ γάρ οἱ ἐξεληλυϑέναι τοὺ χρόνον... Soph. O.R. 735, τίς χρόνος τοῖσδ᾽ ἐστιν οὐξεληλυϑώς. Dem. 18, 191 τὰ παρεληλυϑότα. L'opposition de l'ensemble du paradigme suppletif avec ἐπι- ou προσ- à l'ensemble du paradigme avec παρα-,
δια- ou ἐξ- semble idiomatique en prose classique. La naissan^^ dans un état tardif de la langue homérique de l'expression du temps qui passe, puis le développement de cette expression à l'époque classique, vont de pair avec le développement des préverbes : soudés plus étroitement au verbe, ils portent une charge sémantique de plus en plus importante. Alors que dans la langue archaique la vision afférente du Temps dominait
l'opposition sémantico-aspectuelle εἰμι-ἦλϑον jusqu'à imposer à ἔτος εἶσι le sens «l'année viendra », à l'époque classique, on oppose Temps qui vient et Temps qui passe en opposant les préverbes, le choix du théme verbal à l'intérieur du paradigme supplétif obéissant à des critéres purement aspectuels qui excluent les considérations déictiques d'orientation spatiale.
DEUXIÈME
AUTOUR
PARTIE
DU PARADIGME SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
CHAPITRE
BAÍNQ
I
ou la limite à franchir
Le premier des verbes que l'on associe spontanément au paradigme supplétif
du verbe «aller» et qui fait partie du méme champ sémantique ! est βαίνω ; cette association est méme si forte que A. Bloch a prétendu que E6nv était chez Homère
l'aoriste supplétif de εἶμι, alors que ἦλθον correspondrait selon lui à ἔρχομαι 2. Quv'en est-il du paradigme homérique de Baívo, et, s'il est le méme que le paradigme attique, quelle peut étre la spécificité sémantique qui le distingue du verbe supplétif ? La structure méme
du paradigme,
avec pour «forme
fondamentale»?
un
aoriste radical athématique, et diverses formes dérivées au présent, est d'un type archaique, et pourrait selon Meillet avoir une justification sémantique Bader, les aoristes athématiques s'expliquent comme d'anciennes diathése, qui ne marquaient pas le temps à l'origine : la constitution de paradigme, avec glissement de la forme de diathèse vers une valeur
^. Selon F. formes de ce type de temporelle
d'abord indifférenciée, puis vers une valeur de prétérit, avec création simultanée
de
formes
de
présent
caractérisées
comme
telles,
serait
à l'origine
de
la
conjugaison indo-européenne. Le couple ancien a dû être ἔδην-βίδαμι (cf. skr. véd. ágát — jigäti), conforme au type Zomv-lomu εἰ "ἔϑην-τίϑημι. Comme attendu, le futur est un ancien désidératif sigmatique moyen, βήσομαι. Le parfait
conserve comme l'aoriste des traces de l'alternance vocalique archaïque (cf. skr. jagämaljagmür) du type de ἕστηκα 7 ἕσταμεν. Le paradigme de βαίνω surprend donc d'abord par des irrégularités héritées, archaismes ayant encore une signification morphologique ou simples traces isolées des anciennes structures de l'indo-européen, que seule la comparaison permet
d'interpréter. Mais le détail du paradigme homérique permet aussi de distinguer de nombreuses innovations, qui montrent comment la langue grecque a procédé pour créer des formes qui répondent les unes à un réel besoin linguistique, les autres aux besoins métriques. Ainsi, la création en grec d'un factitif répondait, pour ce verbe en particulier,
à un besoin de l'expression, comme en témoignent les tentatives diverses qui ont été
faites
au
cours
de
l'histoire
de
la langue,
en
l'absence
de
forme
héritée.
Comme dans plusieurs cas parallèles, le système est parti de l'aoriste sigmatique .
Plusieurs paradigmes factitifs ont été créés : βιδάσχω a été relativement peu utilisé mais semble avoir été connu d'Homere 7; βιδάζω, de création plus récente
124
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
(post-homérique) a dû être usuel : c'est à lui que se rattachent les dérivés de sens factitif et le nom d'action βίδασις. D'autres formes homériques s'expliquent comme des créations analogiques, utiles au moins à titre de variantes prosodiques : au présent, à côté de la forme athématique à redoublement probablement héritée Bi6ác, on trouve des formes
thématisées : βιδῶν (II. XV, 307 mss., H. IV à Hermès, 149 προδιδῶν) βιδᾷ (ib.225), et méme une forme artificielle βιδάσϑων " (IT. XIII, 809, XVI, 534). A l'aoriste a été créé sur le théme sigmatique un aoriste «mixte» (thématisé), moyen, βήσετο. Enfin, il est difficile de dire à quel besoin répondait la création d'un présent dérivé en ---ίζω sur le thème à dentale de l'adverbe βαδήν, βαδίζω (cf. P. Chantraine, Dict. Etym., s.v. βαίνω), H.IV à Hermes, 210 : besoin d'une opposition sémantique entre βαίνω et un autre présent de la méme racine ou besoin de régularité grammaticale dans la conjugaison? La commodité de
conjuguer
le verbe
dérivé,
qui évitait
tous
les problémes
dus
à l'héritage
d'alternances vocaliques dont on ne comprenait plus la valeur fonctionnelle, a sans doute contribué à son succés dans l'histoire de la langue?. Il faut, avant d'étudier dans le détail les emplois de Balvw, poser un probléme
de méthode : certains faits d'emploi!" semblent rapprocher l'aoriste ἔβην du
présent εἶμι : ces faits remarqués par A. Bloch, venaient confirmer ses remarques sur l'opposition de traduction entre εἶμι « gehen » et ἦλθον « kommen » et fournir à εἶμι un aoriste de méme d'emploi
nous paraissent opposer
«sens» que lui. Mais d'autres critères
au contraire
βαίνω —
ἔβην —
βήσομαι ---
Bé£6nxa en tant que paradigme unitaire, à εἶμι — ἔρχομαι --- ἦλθον — ἐλεύσομαι — εἰλήλουθα, autre paradigme homérique dont nous avons reconnu l'unité et les
oppositions internes!? : sans décider de donner plus d'importance
à certains
critéres d'emploi plutót qu'à d'autres, ce qui risquerait d'étre subjectif ou du moins purement intuitif, il nous semble capital, du point de vue de la méthode, de considérer comme essentielles les oppositions de paradigme à paradigme. C'est d'ailleurs ici le seul moyen d'expliquer la présence chez Homére du présent βαίνω, dont on comprend mal le róle dans le systéme de Bloch, puisqu'il semble y faire double-emploi avec εἶμι. Une fois ces oppositions primordiales mises en évidence, on pourra tenter de rendre compte des affinités particuliéres qui existent entre
certaines formes des paradigmes opposés.
1. CRITÈRES D'EMPLOI OPPOSANT LE PARADIGME DE βαίνω À CELUI DE εἶμι ---- ἦλθον. Dans le paradigme supplétif du verbe «aller» ne se trouve ni adjectif en —J4ó 15 ni forme à valeur factitive : existant chez Homère dans le paradigme de
Balvw, ces formes constituent son originalité la plus flagrante. 1.1. L'adjectif verbal et ie factitif On trouve chez Homère deux exemples de Baróc, dans les deux cas composés
de àva— avec le sens technique d'« escalader » : ZI. VI, 434 ἀμδατὸς... πόλις, Od. XI, 316 οὐρανὸς ἀμδατός. Avec la valeur passive habituelle dans la formation,
l'adjectif composé signifie dans les deux cas « escaladable, possible à escalader », appliqué
à une
ville haute dans un cas, au ciel dans l'autre.
BAÍNQ
OU
LA LIMITE
À FRANCHIR
125
Les exemples du factitif sont plus nombreux : or la constance de la composition, coïncidant avec un emploi technique, devient plus significative avec le nombre des exemples : il semble bien que c’est la spécificité sémantique de Baivw, son aptitude à des emplois techniques avec préverbe, qui justifie les formations de factitif et d'adjectif verbal à valeur passive, peu attendues pour un verbe
de
mouvement,
typiquement
intransitif.
Dans 4 exemples, il s'agit de faire embarquer (sur un navire : de lieu est le plus souvent implicite), avec les préverbes ἀνα143-144 ; 310 ; Od.XI, 4, XV, 475. L'antonyme, «faire débarquer l'aide du préverbe &x- (1.1, 438 et Od. XXIV, 301). L'opposition
le complément &o-, ἐμ- (ILI, », est formé à ἐπι- / ἀπο- est
utilisée quand il s'agit de « faire monter sur un char » /« faire descendre d'un char» (A. VIII, 129; V, 164; XVI, 810). Enfin, il s'agit de «faire fouler un sol», emploi qui se distingue de «faire débarquer », méme quand le voyage se fait par mer, sur un bateau, en ce que l'on s'intéresse ici au lieu du débarquement, ZI.XI, 756; Od.VII, 223. Cet emploi spécialisé du factitif correspond à un emploi spécialisé du verbe
intransitif, montrant que le critère d'emploi de Balvw est le passage d'un milieu dans un autre, cf. ci-dessous, 4, pp. 138-140. Dans un exemple, ἐπέδησε est employé pour «faire monter sur un bücher», ce qui correspond encore à un emploi spécialisé de l'intransitif Baívo «mettre le pied sur», ΠΧ, 546. On trouve trois exemples du participe avec un sens qui est pour nous métaphorique, le complément « de lieu », au génitif dépendant du composé en ἐπιdans tous les cas, étant un abstrait : κακῶν, εὐκλείης, σαοφροσύνης : dans le premier exemple, la forme n'est pas usuelle dans l'emploi factitif, 1.11, 234... οὐ
μὲν ἔοικεν / ἀρχὸν
ἐόντα κακῶν
ἐπιδασκέμεν
υἷας
᾿Αχαιῶν.
Mais de quelque manière qu'on interprète morphologiquement ἐπιδασκέμεν (ci-dessus,
n. 7), l'emploi
est clair : transformation
factitive
d'un
actif ol υἷες
᾿Αχαιῶν κακῶν ἐπιδαίνουσιν De méme pour //. VIII, 285 τὸν (scil. πατέρα Τελαμῶνα) καὶ τηλόϑ᾽ ἐόντα ἐὐκλείης ἐπίδησον, transformation à l'impératif factitif de * Τελαμὼν ἐπιβαίνει
(ἐπιδήσεται, ἐπέδη) ἐὐκλείης καὶ τηλόϑ᾽ ἐών, et pour Od. θεοί... οἵ τε δύνανται ἄφρονα ποιῆσαι καὶ ἐπίφρονά περ μάλ᾽ ἐόντα καί τε χαλιφρονέοντα σαοφροσύνης χαλιφρονέων σαοφροσύνης ἐπέβη (pour comparables à l'actif, voir ci-dessous, 1.4, Ces emplois s'expliquent donc à la fois correspondantes à l’actif intransitif et par
XXIII,
13
ἐπέβησαν, transformation de * ὁ des expressions «métaphoriques » pp. 129-131). par le caractère usuel des locutions le fait que la langue n'avait à sa
disposition dans le champ sémantique du mouvement qu'un seul factitif constitué
sur la méme racine qu'un verbe actif intransitif * : ce factitif, usuel dans des emplois idiomatiques concrets et techniques, était dés lors apte à un usage métaphorique dans la langue poétique. 1] serait intéressant de pouvoir déceler dans quelle mesure les usages techniques les plus fréquents laissent un souvenir dans l'emploi métaphorique (cf. une métaphore du méme type en français, mais dans un autre registre, non poétique, dans l'expression « s'embarquer dans une affaire»,
factitif «faire
embarquer
dans
une
affaire »).
Du point de vue syntaxique, la phrase avec factitif, marqué morphologiquement5, d'un verbe actif intransitif, se comporte de la méme
126
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
manière que la phrase avec factitif non marqué d'un verbe transitif, analysée en latin comme l’héritage d'une ancienne structure syntaxique indo-européenne !6, caractérisée par l'addition d'un actant en fonction de sujet. La différence est qu'ici, le premier actant, sujet de la phrase active, passe dans la transformation factitive à l'accusatif, alors qu'il passe en latin au datif Xovonic ἀνέδη (ëvé6n, ἐσέδη, ἐπὶ
νηὸς E65) «Chryséis embarqua» — Χρυσηίδα ἀνεδήσαμεν «nous fimes embarquer Chryséis », ὁ δεῖνα ἀφ᾽ ἵππων ἔδη, « Untel descendit de cheval» — ἔδησε τὸν δεῖνα ἀφ᾽ ἵππων«Π
fit descendre Untel de cheval», πάτρης (γαίης)
ἐπιβήσομαι «je prendrai pied sur la terre de ma patrie» - ὑμεῖς πάτρης ἐμὲ ἐπιδήσετες vous me ferez prendre pied...» etc. Il est remarquable que dans la plupart des exemples homériques on trouve dans le contexte proche du factitif le verbe actif correspondant (une des formes de βαίνω), avec le méme sujet que le factitif, et en général avec le pronom αὐτός apposé au sujet". L'opposition
syntaxique entre le factitif et l'actif met en évidence la valeur transitive du premier. Le chant I de l'/liade, construit autour des embarquements et débarquements successifs de Chryséis et de l'hécatombe, est exemplaire pour montrer le fonctionnement de βαίνω — ἔδην et E6noa chez Homere : on fait embarquer et on embarque soi-méme, on fait débarquer et on débarque
soi-même, etc. L'importance linguistique du factitif de βαίνω est attestée par le systeme du verbe homérique, mais elle est aussi garantie par l'évolution de la langue aprés Homère, par la permanence d'un thème, puis d'un paradigme complet, formé sur
la méme racine mais avec son indépendance morphologique. Après Homère, la langue a créé le présent factitif qui manquait dans le système ancien : βιδάσκω a eu peu de succès mais βιδάζω est devenu usuel 9, et les emplois confirment ce qu'enseigne la langue homérique : un emploi qui parait nouveau, comme celui de Platon, Phèdre, 229 e Alc εἴ τις ἀπιστῶν προσόιδᾷ κατὰ τὸ εἰκὸς ἕκαστον ἅτε ἀγροίκῳ τινί σοφίᾳ χρώμενος, πολλῆς αὐτῷ σχολῆς
δεήσει 1" correspond
en fait à un emploi
classique, du composé
technique fréquent dans la langue
actif intransitif προσδαίνω
«se rapprocher de» : à tout
emploi spécifique d'un composé de Baivw correspond, au moins virtuellement, un emploi parallèle du factitif : la formation est vivante et productive dans la langue de l'époque classique, méme si toutes les virtualités ne sont pas réellement exploitées dans le corpus dont nous disposons. Enfin, βαίνω est le seul des verbes de mouvement étudiés qui posséde des
formes passives, non attestées chez Homère, mais confirmant dans les composés de l'époque classique la spécificité sémantique du verbe : ἀναδαίνω «saillir », participe féminin passif βαινόμεναι, dit de juments chez Hdt, I, 192, 15, deux ex. du passif de Evu6a(vo« conclure un accord » chez Thucydide (IV, 30, 4 et VIII, 98), et surtout, passif de παραδαίνω « transgresser, e.g. Thuc. I, 132, 2, HI, 67, 6, Dém.17,
12, etc.
1.2. Le mouvement
du Temps : neuf années sont passées.
Un emploi de Baívo semble s'opposer à ceux du paradigme supplétif avec pour sujet une notion temporelle : le paradigme supplétif est strictement limité aux emplois du Temps qui vient #, au contraire, βαίνω semble introduire dans la langue l'expression du Temps qui passe : //.II, 134
ΒΑΪΝΩ
OU
LA
LIMITE
ἃ FRANCHIR
127
ἐννέα δὴ βεδάασι Διὸς μεγάλου ἐνιαυτοί καὶ δὴ δοῦρα σέσηπε νεῶν καὶ σπάρτα λέλυνται. « neuf années du grand Zeus sont déjà passées, le bois des navires est pourri et les câbles détendus ». On rapprochera cet emploi du parfait d’un emploi homérique de οἴχωκε et d'un emploi de μέμδλωκε : on expliquera alors la valeur du verbe, soit comme le parfait d'état d'un verbe de mouvement centrifuge, parallèle de olywxe, soit comme un effet de sens de la valeur du parfait avec le Temps dans le cas d'un verbe non orienté du point de vue de la deixis spatiale, en rapprochant le cas de ἔμολον, verbe centripète dont le parfait μέμδλωκε avec le Temps pour sujet fait référence à du Temps «venu jusqu'au bout» donc «écoulé». 1.3. Syntagmes
idiomatiques originaux
Le plus connu des syntagmes idiomatiques constitués avec βαίνω est le type βῆ δ᾽ iévau?!. 1] admet certaines variantes, mais dans des limites très strictes : l'infinitif complément est toujours au présent ; c'est le plus souvent une des trois formes d'infinitif de la racine *ei— (cf. l'analyse de leur distribution et les conclusions que l'on peut en tirer pour l'archaisme de ce type idiomatique, chapitre II, 1.1., p. 61), ou de certains verbes de sens voisin : ϑέειν (9 exemples),
νέεσϑαι (1 exemple) ἐλάαν (1 exemple). On verra que £o est le présent supplétif homérique du verbe «courir»; véoua est aussi un thème de présent défectif à
l'origine (son aoriste homérique est formé sur le théme dénominatif : vóotnoa). Il semble bien que l'aspect duratif du verbe régi est obligé (excluant par exemple
"ἔθη — ἐλϑεῖν), comme l'aspect d'aoriste du verbe régissant : si "βαίνει ἰέναι est de toute façon exclu pour des raisons métriques, "βαίνει Inev pouvait être placé dans le vers, mais semble agrammatical. La seule variante admise est de personne (le plus souvent 3" p. singulier : 43 ex. de βῆ ὃ (s), 18 de βῆ ὁ (a), un seul exemple
de la première personne βῆν δ᾽ ἱέναι) et de nombre (3° p. pluriel : 8 ex. de βὰν δ᾽, 5 de βάν δία), un de ἔβαν... νέεσϑαι). Enfin, dans tous les exemples de type formulaire, une particule, ö(£) ou ó(a), souvent indécise dans la tradition manuscrite,
exception,
s'intercale
//. XXIII,
ol δ᾽ ἄνεμοι
entre
les deux
formes
verbales : un
seul
exemple
fait
229
πάλιν
αὖτις
ἔδαν
olxévôe
νέεσϑαι.
L'emploi
disjoint est
beaucoup plus libre, mais cet exemple est un hapax à tous points de vue : disjonction des deux termes, absence de particule, choix du verbe régi et forme de
pluriel du verbe régissant. La liberté d'expression dans un exemple hors-série confirme
le statut formulaire
et les contraintes d'emploi
dans tous les autres
exemples de la série. L'emploi statistiquement prépondérant de l'infinitif archaïque ἴμεναι, le fait que les formes de ἔδην attestés dans la formule sont toujours les formes anciennes avec alternance vocalique (Bñ / É6av) excluant les formes récentes analogiques (comme ἔδησαν) suffisent pour garantir l'apparte-
nance de ce type formulaire au fonds le plus ancien de l'épopée 22. Ce caractère archaique explique que le sens de la formule ne soit plus trés bien compris des
Grecs, peut-être dés l'époque homérique : la formule, insérée dans le tissu d'une langue vivante qui a évolué, parait faire pléonasme. Une recherche sur les syntagmes homériques formés d'un indicatif d'un verbe de mouvement avec un infinitif de dépendance montre qu'avec d'autres verbes, on
peut
avoir
l'aoriste
(ὦρτο
8'tuev,
Od.
VII,
14)
ou
plus
souvent
l'imparfait
128
AUTOUR
DU
PARADIGME
(ἐσκίδναντ᾽ ἰέναι, IL XXIV,
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
1-2, ἠρχ᾽ luev et ἦρχε νέεσϑαι, 1.11, 84, XIII, 329
etc.), met en évidence le contraste aspectuel entre βῆ, É6av et l'infinitif présent qui en dépend, et implique pour le verbe régissant une valeur lexicale encore sentie (ci-dessous, 3.2, pp. 136-138) ; et non une valeur d'opérateur aspectuel : ἔδην aurait pu se préter à fournir une expression périphrastique de l'inchoatif du
type du frangais se mettre à, mais le figement des formules homériques montre qu'il n'en est rien (voir F. Létoublon, « Les verbes de mouvement en grec : de la métaphore
à l'auxiliarité? » , Glotta, 60,
1982,
178-196).
D'autres locutions idiomatiques sont attestées chez Homere avec βαίνω, peu ou pas du tout avec le paradigme
supplétif : ποσὶ Baívo est fréquent
: Il. V,
745 = VIII, 389 ἐς ὃ ὄχεα φλόγεα ποσὶ βήσετο, λάζετο δ᾽ ἔγχος (voir II. XIII, 158 ; Od. XVII, 27 ; H. Herm., IV, 28). On ne trouve que rarement une expression similaire avec ἐλθεῖν ?, jamais avec les autres thèmes du paradigme supplétif. On rencontre deux fois ποσὶν ἱκέσθαι 24, et plusieurs exemples avec les verbes « suivre, poursuivre » ?5 «rencontrer », « voler » et «courir», et avec des verbes de
sens plus éloigné #, dont l'un nous paraît ici essentiel : comme στῆναι ποσίν est
«se tenir sur ses pieds », βαίνειν ποσίν renvoie à une action ou un mouvement où les jambes ou les pieds jouent un róle essentiel. L'importance des jambes dans le sémantisme de βαίνω est confirmée par une autre locution homérique, λὰξ Baívo, Il. VI, 65... ᾿Ατρείδης δὲ “λὰξ Ev στήϑεσι
βὰς ἐξέσπασε μείλινον ἔγχος, II. XIII, 618 = XVI, 503...ó δὲ λὰξ ἐν στήθεσι βαίνων τεύχεά τ᾽ ἐξενάριξε... AGE est un mot invariable, qualifié d'« adverbe », rare et archaïque. Il semble signifier «avec le pied, avec le talon». Après Homère, il ne subsiste que dans des formes figées comme premier terme de verbe
composé dans λαχπατέω «piétiner». Les emplois homériques de λὰξ Baivw (syntagme non mentionné par P. Chantraine dans le Dictionnaire Etymologique) permettent de penser que ce composé s'est substitué au syntagme idiomatique ancien dont le sens était devenu moins clair. Un troisiéme type d'expression semble avoir une valeur idiomatique chez Homère, faívo + accusatif pluriel neutre d'un adjectif (μακρά, κραιπνά, κοῦφα,
σαῦλα, βιβάντα,
πέλωρα : ILIII,
22,
Τὸν
δ᾽ ὡς οὖν
ἐνόησεν...
ἐρχόμενον...
μακρὰ
..., VII, 213, XV, 307, 686, Od. IX, 450 μακρὰ βιβάς..., cf. en fin de
vers Il. XIII, 809, XV, 676, XVI, 534... μακρά βιδάσϑων ; Il. XIII, 158 κοῦφα ποσὶ προβιβάς; Od. XI, 539, μακρὰ βιδᾶσα ; XVII, 27, κραιπνὰ ποσὶ προδιδὰς ; Hymne IV, à Hermes, 28 σαῦλα ποσὶ βαίνουσα ; ib., 225 ὅς wc πέλωρα βιβᾷ ποσί. On peut rapprocher un emploi analogue de βαίνω avec la forme adverbiale κραιπνῶς, II. XIV, 292 "Hon δὲ κραιπνῶς προσεδήσετο Γάργαρον ἄκρον/ Ἴδης ὑψηλῆς. On ne trouve dans de tels syntagmes avec un pluriel neutre d'adjectif aucun autre verbe de mouvement sauf διώκω ?, mais plusieurs verbes dénotant des attitudes ou des activités physiques : Π.11, 224, uaxoà βοῶν, XVIII, 580
μακρὰ μεμυκώς. L'adjectif u£yaXa (non rencontré avec βαίνω) ne se trouve qu'avec ces verbes de bruit. En revanche, βαίνω n'est pas attesté avec l'accusatif du nom du chemin ou de la route, alors que ὁδὸν ἱέναι paraissait étre un type idiomatique caractéristique du paradigme supplétif?. On peut donc opposer les
deux types de locution avec un accusatif « dépendant » d'un verbe de mouvement, intransitif en principe, accusatif du contenu verbal ou de qualification : ὁδὸν ἰέναι / ἐλϑεῖν μακρά / κοῦφα... βαίνω.
ΒΑΪΝΩ
OU
LA
LIMITE
ἃ FRANCHIR
129
Le type idiomatique μακρὰ βαίνωŸ se retrouve comme ποσὶ βαίνω et λὰξ Baívo après Homère dans la langue poétique. Deux exemples de ἴσα βαίνω τινί chez Démosthéne?!', alors que le verbe simple est d'ordinaire remplacé par βαδίζω en prose, attestent à la fois qu'il s'agit d'un syntagme fossile (le verbe archaique est conservé par le lien syntagmatique), et qu'il est assez profondément
ancré dans les habitudes de langage pour se maintenir alors que le sens ancien de ses éléments n'est plus vivant. 1.4. Composés et emplois prépositionnels : róle de ἐν (ἐμ)
et róle du datif.
Parmi les emplois de Baívo avec préposition ou avec préverbe,
le plus
remarquable est l'emploi avec ἐν : en effet, ἐν semble par excellence la préposition
du «lieu où l'on est», de la stabilité ?. Si cette préposition est avec βαίνω un héritage archaïque comme le dit P. Chantraine , elle oppose aussi fortement ce verbe
aux
autres
verbes
de
mouvement,
avec
lesquels
on
ne
la
rencontre
qu'exceptionnellement. I faut aussi signaler que cet héritage archaïque ne s'est pas fossilisé comme ποσὶ βαίνω ou λὰξ Balvw, mais a évolué historiquement avec la langue : ce qui reste de βαίνω en grec moderne, c'est un couple d'opposés
μπαίνω «entrer »/fyaí(vo «sortir», issus de l'opposition ἐμδαίνω / £x6a(vo ^. Dans la plupart des exemples homériques, il s'agit « d'embarquer», le nom du navire étant exprimé au datif attendu avec la préposition, ou souvent implicite :
11.1, 311... ἐς δ᾽ ἑκατόμδην, βῆσε Bew... / ...£v δ᾽ ἀρχὸς ἔθη πολύμητις Ὀδυσσεύς voir JI. II, 619; ib., 351, 611, 720 ; Jl. XII, 16 combine βαίνω avec le datif-locatif à une indication sur la direction du mouvement : ᾿Αργεῖοι δ᾽ἐν νηυσὶ φίλην ἐς πατρίδ᾽ ἔδησαν, cf. Od. III, 131 = IV, 656, cf XIII, 317 où l'on trouve le datif avec
le composé : τότε δ᾽ ἔμδη vni Πύλονδε. C'est à cet emploi que se rattache le seul exemple du factitif ἐν... ἐδήσαμεν, Od.XI, 4 (on fait embarquer des moutons). Dans un cas, il s'agit de monter sur un autre type de véhicule, un char, ZI.V, 199
ἵπποισίν ug κέλευε xai ἄρμασιν
ἐμδεδῶτα / ἀρχεύειν Τρώεσσι...
Certains des emplois de ἐμδαίνω avec un datif (locatif) rappellent les emplois de λὰξ βαίνω (ci-dessus, p. 128) : «Il.X, 493... ὅπως καλλίτριχες ἵπποι / ῥεῖα
διέλθοιεν μηδὲ τρομεοίατο θυμῷ / νεκροῖς ἐμδαίνοντες... où il s'agit pour des chevaux de ne pas mettre le pied sur des cadavres,
et surtout
Od.X,
164
τῷ δ᾽ ἐγὼ ἐμδαίνων δόρυ χάλκεον ἐξ wredñs/ εἰρυσάμην « mettant le pied sur lui, je tirai la lance ». Un exemple de l'Iliade, sans datif explicite (σοί implicite) semble aberrant,
avec un sens métaphorique : Il. XVI, 94 μηδ᾽ ἐπαγαλλόμενος πολέμῳ καί δηιοτῆτι Τρῶας ἐναιρόμενος προτὶ Ἴλιον ἡγεμονεύειν μή τις An’ Οὐλύμποιο θεῶν αἰειγενετάων 7 ἐμδήῃ᾽ cf. la traduction de P.
Mazon : «Crains qu'un des dieux toujours vivants ne vienne de l'Olympe se mettre sur ta route ». Mais cet exemple pourrait rentrer dans la série si l'on accepte
l'interprétation « Crains qu'un des dieux... ne t'écrase sous son talon». Sans complément au datif exprimé ni implicite, ἐμδαίνω a enfin un emploi difficile à expliquer, attesté à l'impératif aoriste dans l’Iliade, XXIII, 403 «ἔμδητον xai σφῶϊ: τιταίνετον ὅτι τάχιστα» Antiloque presse ses chevaux : il ne
s'agit pas comme
dans /l.X, 493 cité ci-dessus de «mettre
le pied sur», le
complément au datif n'étant omis que quand il ressort clairement du contexte (cf.
130
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
σοι implicite dans Il. XVI, 94 ci-dessus). L'acte des chevaux en réponse à l'ordre du maitre dénote un sens concret de mouvement, ὑποδείσαντες ὁμοκλὴν 7 μᾶλλον ἐπιδραμέτην.
XXIII,
418 ol δ᾽ ἄνακτος
Le contexte suggère le sens « pressez-vous, accélérez », sens confirmé par une série d'exemples postérieurs à Homère : aux trois références données par Leaf dans l'édition commentée de !'/liade, ad. loc. (Eu6a «hasten», Eur. El.113, Ar. Ran. 377, Eccl.478), il faut ajouter Eur. El.128, Ar. Lys. 1303, Luc. De saltatione, 10: l'impératif semble avoir eu un emploi idiomatique en attique au sens
« pressons, plus vite ». Ce n'est donc pas le sens de l'exemple homérique qui fait probléme, mais plutót le rattachement de ce sens aux autres emplois du composé
en ἐν —. MJ. Taillardat suggère * deux hypothèses explicatives : on pourrait partir d'un sens premier « prendre le rythme », sens qui serait garanti par le mot
ἐμδατήριον «chant de marche, marche militaire » *; le verbe aurait eu d'abord un emploi militaire («marcher à l'assaut», en ordre et en rythme ?). Une autre possibilité serait d'interpréter ici év — comme
un préverbe «vide», ayant une
valeur d'ordre de proces?! (cf. ἐντραγεῖν, ἐμφαγεῖν : le préverbe vide &v- semble avoir une prédilection pour le thème d'aoriste). On partirait alors de « faites des
pas rapides », dans deux emplois spécialisés, l'emploi militaire et la danse. Dans ce cas, il n'y aurait pas de relation sémantique entre le composé ἐμδαίνω «embarquer », où le préverbe a son sens concret plein, et le thème d'aoriste avec le préverbe vide dans un emploi spécialisé et idiomatique de l'impératif. M.M. Casevitz suggère de partir du sens primitif concret « mettre ses pas dans les pas ». Il n'existe qu'un emploi de ἐμδαίνω avec sujet inanimé, I. XXIV, 81 ἡ δὲ μολυδδαίνῃ ἱκέλη ἐς βύσσον ὄρουσεν, ñ τε κατ᾽ ἀγραύλοιο βοὸς κέρας ἐμδεδαυῖα ἔρχεται ὠμηστῆισιν ἐπ᾽ ἰχθύσι κῆρα φέρουσα. Il semble que le participe parfait,
ici
avec
xatá
+ accusatif,
signifie
«installé
sur»
(Ameis-Hentze ;
«daraufsitzend») ou «entré dans» : la ligne de pêche passait dans un tube en come, κέρας βοός, au-dessus de l'hamecon (cf. la note de P. Mazon et la scholie ad. loc.).
D'autres prépositions ou préverbes ont avec Balvw des emplois spécialisés analogues à ceux de ἐν : ἐκδαίνω qui est son antonyme (« monter sur/descendre d'un navire, d'un char» etc. 8). Les couples &va- ou ἐπι- 6aivw/ xata- ἀπο- ont les mémes emplois. On a déjà remarqué (1.1., pp. 124-126) que c'est à ces emplois techniques spécialisés que se rattachent tous les exemples des formes factitives. Les composés de βαίνω, qui vont par paires lexicales, prennent donc leurs divers sens spécialisés d’après le contexte, et en particulier d’après la nature du véhicule utilisé. Cette caractéristique s'est maintenue au cours de l'histoire de la langue : ainsi ἀναδαίνω continue, si le contexte l'impose, à signifier « monter sur un char, sur un cheval» ou «embarquer» (Hérodote, etc.), mais dans la langue des orateurs, il signifie réguliérement, le plus souvent sans complément exprimé, «monter à la tribune»? : il a donc l'air de se substituer dans certains cas à παρέρχομαι «se présenter (à la tribune, par exemple comme témoin) ». En fait, cette concurrence apparente est instructive : on n'a jamais dans cet emploi ni
παραβαίνω ni ἀνέρχομαι : c'est que ἀναδαίνω dénote le geste de monter à la tribune, le franchissement de la marche qui sépare celle-ci du niveau du sol, alors que
παρέρχομαι
renvoie
au
fait institutionnel
et juridique
de
la démarche
nécessaire pour prendre la parole en public. C'est ce qui explique la présence en
ΒΑΙΝΩ
OU LA LIMITE ἃ FRANCHIR
131
face de ἀναδαίνω de καταδαίνω « descendre de la tribune » (et laisser la parole à d'autres) *, alors que παρέρχομαι n'a pas d'antonyme. Comme on s'y attend, le
factitif &vabı6atw
correspond
chez
les orateurs
à l'emploi
usuel de
l'actif
intransitif : «faire monter à la tribune» (terme usité pour la présentation des
témoins) *!. Certaines prépositions, qui admettent avec le paradigme supplétif l'accusatif de direction, admettent avec Batvo une alternance de l'accusatif avec le génitif et surtout le datif : le génitif, qui s'explique avec ἐπί par un ancien partitif 9, n'est guére surprenant pour indiquer la direction d'un mouvement. Mais la nuance partitive est difficile à déceler dans les textes. En revanche, l'emploi du datif-locatif " implique une opposition avec l'accusatif, et une opposition sémantique entre Baívo et d'autres verbes qui n'admettent pas cet emploi. En effet, sur les 8 occurrences de Baívo ἐπί + datif, le complément est un nom de
personne dans 5 : βαίνει ἐπ᾿ αὐτῷ se rapproche ainsi de βαίνει xeo( ἀμφ᾽ αὐτῷ, cf.
au
parfait,
ci-dessous,
2.,
3.,
pp. 134,
138.
Des
deux
exemples
avec
complément inanimé, l'un, ἐπὶ νηυσίν, semble un substitut de ἐν νηυσίν (état de langue plus récent ?). L'autre, Ji. IV, 443 ἐπὶ χθονὶ βαίνει, peut s'expliquer par un datif indiquant le «complément scénique » ^, «sur la terre, à la surface de la terre », par opposition à εἰς χθόνα «en direction de la terre». Nous ne pouvons
expliquer pourquoi la langue emploie βαίνει ἐπὶ + datif alors qu'ailleurs on trouve ἕρπει ἐπὶ + accusatif, apparemment avec la méme valeur (chapitre III de la premiére partie, 1, p. 110-111) : l'opposition entre les deux verbes semble
résider dans la valeur du présent, itératif actualisé dans un cas, présent intemporel non actualisé indiquant l'aptitude d'une espèce dans l'autre. Certains composés de Balvw ont un comportement original : διαδαίνω, au participe de l'aoriste intransitif, forme un syntagme idiomatique avec l'adverbe
εὖ 5 dénotant une position de stabilité du corps humain“. Le substantif dérivé διαδήτης au sens de «compas » se rattache sürement à ce sens du composé, c'est
aussi une
des interprétations proposées
pour
la désignation
de la maladie,
«diabète » .
'Augibatvo, toujours au thème de parfait chez Homère, a un emploi qui nous semble métaphorique, au sens de « protéger », qu'il faudra expliquer à partir du sens du verbe simple et de la valeur du parfait d'état (ci-dessous, 2.2,
p. 133-134) : les composés
en
ἀμφι-
des
autres
verbes
de
mouvement
ne
présentent pas ce sens. Παραδαίνω n'a chez Homère qu'une valeur concrète, «monter à côté de quelqu'un sur un char » #, qui l'oppose à πάρειμι — παρῆλθον « passer le long de,
longer, dépasser » 9. Aprés Homère, à partir d'Hésiode semble-t-il, παραδαίνω a eu un grand succès dans un emploi métaphorique (terme employé toujours avec les mêmes
réserves), «transgresser une loi, un usage, violer un serment» etc. Ÿ,
qui n'a pas non plus de parallèle avec les verbes voisins. Ce dernier emploi, connu de la poésie post-homérique et banal dans la langue classique, s'est peut-étre substitué à l'emploi plus ancien de ὑπερδαίνω, dont on a un exemple homérique au sens de «commettre une faute» (emploi absolu), /L.IX, 501 ὅτε κέν τις ὑπερβήῃ και ἁμαρτῇ (cf. la traduction de Mazon : «Les hommes les (scil. τοὺς
ϑεούς) fléchissent avec des offrandes, de douces priéres,... quand ils les viennent implorer aprés quelque faute ou erreur»). Cet emploi aussi se retrouve aprés Homère ?!, mais semble moins usuel que παραβαίνω. Bien sûr, il y a au départ
132
AUTOUR
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
une nuance sémantique importante entre les deux composés, ὑπερδαίνω «passer
par-dessus, transgresser »/xaga6a(vo « passer à côté de» «s'écarter de». Dans un cas, on a affaire à l'image de la barrière que l'on franchit, dans l'autre à celle du
chemin paralléle. Mais ils semblent étre devenus à peu prés équivalents dans l'usage, avec une nuance purement stylistique. Toutes ces particularités d'emploi peuvent s'expliquer par le sens spécifique
de Baívo en grec. 2. LE SENS DE βαίνω La description de la section qui précéde a mis en évidence des séries d'emplois opposant d'une manière flagrante le paradigme de βαίνω à celui de εἶμι — ἦλϑον
dans la langue homérique (et jusqu'en attique). Quelques emplois ne sont pas originaux en apparence et sont ainsi passés inaperçus dans la description formelle, mais pourront faire avancer dans la recherche sémantique. 2.1. Le présent du verbe simple A l’indicatif présent, les deux exemples homériques du verbe simple montrent un emploi comparable : ILIV, 443 (Eris) À τ᾽ ὀλίγη μὲν πρῶτα κορύσσεται αὐτὰρ ἔπειτα
οὐρανῷ
ἐστήριξε κάρη καὶ ἐπὶ χθονὶ βαίνει.
et II.XIX, 93 (At)... τῇ μέν θ᾽ ἁπαλοὶ πόδες: οὐ γὰρ En’ οὔδει πίλναται ἀλλ᾽ ἄρα fj γε κατ᾽ ἀνδρῶν κράατα βαίνει.
Dans les deux cas, il s'agit d'un présent d'habitude (voir l'aoriste gnomique » ἐστήριξε dans le contexte du premier, la phrase nominale τῇ μέν θ᾽ ἁπαλοί πόδες dans le second). Les deux présents ont une valeur générale, dans des passages «théologiques» dont le style rappelle celui des passages homériques où l'on rencontre ἕρπω (cf. première partie, chapitre III, pp. 110-113). Tous ces présents
dénotent
un mouvement
sans direction indiquée,
avec une
valeur d'aptitude
intemporelle non actualisée dans le cas de ἕρπω, d'habitude constante, valable
pour l'éternité du temps divin pour βαίνω. A l'imparfait, la formule de l'Odyssée μετ᾽ ἴχνια βαῖνε ϑεοῖο «il marchait sur
les pas de la déesse » (II, 406 — III, 30 — VII, 38) confirme l'importance des pas et des enjambées qui caractérise les emplois de βαίνω avec ἐμ-, ποσί, λάξ et pluriel neutre substantivé. Les emplois de l'imparfait avec ἀμφί et περί et le datif locatif sont particuliérement significatifs :
Il. V, 299 ἀμφὶ δ᾽ ἄρ᾽ αὐτῷ βαῖνε λέων Gc ἀλκὶ πεποιθώς. Il s'agit
d'un
mouvement
autour
d'Enée,
non
dans
sa direction,
d’où
la
syntaxe statique du datif. De méme /l. XVII, 4 et 6, avec une variation de ἀμφί à περί dans les deux termes d'une comparaison qui ne semble rien changer au sens : ἀμφὶ δ᾽ ἄρ᾽ αὐτῷ βαῖνε ὥς τις περὶ πόρτακι μήτηρ / .../ ds περὶ Πατρόκλῳ βαῖνε ξανϑὸς Μενέλαος. Un exemple de l'Odyssée, avec ἀμφί + datif d'inanimé parait capital parce qu'il exclut absolument le sens «marcher autour » : V, 371, Ulysse est pris dans la tempête par une vague qui disperse les poutres qui formaient son bateau improvisé, ... αὐτὰρ ᾽Οδυσσεὺς ἀμφ᾽ ἑνὶ δούρατι βαῖνε, κέληϑ᾽ Gc ἵππον ἐλαύνων « Ulysse alors monta sur
BAÍNQ
OU
l’une et l’enfourcha comme
LA LIMITE
À FRANCHIR
un cheval de course»
hémistiche explique le sens de
(V.
133
Bérard) : le deuxième
ἀμφιδαίνειν δούρατι dans le premier : «se tenir
avec une jambe de chaque côté de la poutre» ; l'imparfait implique ici avec la valeur ancienne de ἀμφί, «des deux côtés» une position statique : Ulysse est à
cheval sur la poutre,
emploi
qui se retrouve
après Homère
avec διαδαίνω
(ci-dessus, p. 131 avec la note 45). De nombreux emplois homériques (et postérieurs) impliquent donc par opposition à l'emploi des verbes voisins et en particulier du verbe «aller» le
caractére statique du « mouvement » dénoté par βαίνω. Au présent, un exemple au moins est absolument irréductible à un sens vague de « mouvement en direction d'un lieu », impliquant au contraire un sens concret trés précis, avec ἀμφί « écarter
les jambes de part et d'autre ». 2.2. Hypothese sémantique : la stabilité Les emplois avec un datif-locatif, avec ἐν, les sens spécialisés de « embarquer/ débarquer», «monter sur un char/en descendre» (et plus tard «monter à la
tribune », qui se dit d'ailleurs τὸ βῆμα : l'endroit où l'on monte pour s'y tenir), l'emploi avec λάξ, s'expliquent par le sens «mettre le pied sur»°?. Dans la dérivation, outre βῆμα «tribune » et ἐμβατήριον «chant de marche » (ci-dessus,
p. 130), on remarquera βηλός «terme archaïque pour οὐδός "seuil"», ἐμδάς «sorte de chaussure », βηλά «sandales » et βέδηλος «profane » ?. Dans tous ces cas, il s'agit d'un mouvement qui est statique bien plus que dynamique (εἶμι ---
700v, qui dénote un mouvement dynamique, entraîne au contraire l'accusatif de direction avec tic, -Óe etc.). Le méme caractère statique doit expliquer les emplois dénotant une position
stable : l'emploi de διαδαίνω chez Homère et dans la poésie ultérieure implique non
pas
le sens de «passer
à travers,
traverser»,
attendu
avec
un verbe
de
mouvement et le préverbe δια-, et attesté pour διέρχομαι, mais le sens «se tenir
fermement, se tenir en équilibre, se camper sur ses jambes» (les jambes écartées de manière à résister dans le combat : μένω est toujours présent dans le contexte, chez
Homère
et encore
chez
᾿Αλλά τις εὖ διαδὰς parfait,
bien
que
Tyrtée,
μενέτω
postérieurs
à
7, 31:
ποσὶν
ἀμφοτέροισιν) *.. Deux
Homère,
sont
essentiels
pour
emplois cet
du
emploi,
Archiloque, Fr.60 D 4 Treu = 96 Tarditi ... ἀσφαλέως βεδηκώς ποσσί «solidement planté sur ses pieds », et, avec εὖ qui rappelle la locution homérique idiomatique εὖ διαδάς, dans une métaphore d'Hérodote, VII, 164, 3, Ὁ δὲ Κάδμος οὗτος πρότερον τούτων παραδεξάμενος παρὰ πατρὸς τυραννίδα Κῴων εὖ βεδηκυῖαν cf. la traduction de Legrand «une
tyrannie solidement établie ἃ Cos » : alors que les verbes de mouvement que nous avons rencontrés jusqu'ici signifient au parfait «être venu et se trouver là», on a ici un emploi dénotant la stabilité, qui serait paradoxal pour un verbe de mouvement, mais se comprend à partir des emplois concrets de διαδάς chez Homère, du parfait du verbe simple chez Archiloque, à partir donc du sens « avoir les pieds bien placés ». On rapprochera une métaphore analogue en frangais, « une
tyrannie
bien
implantée,
bien
assise».
L'adjectif
βέδαιος
«ferme,
solide»,
peut-étre hérité de l'ancienne forme de parfait, se rattache alors à ce sens de
Baívo 5.
134
AUTOUR
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
L'emploi de ἀμφιδέδηκε au sens de « protéger » ne pourrait se comprendre à partir de « faire le tour de » que s'il s'agissait d'un parfait résultatif : or les verbes de mouvement ont tous chez Homére des emplois typiques du parfait d'état intransitif $. Voici les exemples : ἀμφιδέδηκε se dit d'un dieu protégeant une ville, Apollon et Chryse, //. I, 37 = 451... ὃς Χρύσην ἀμφιδέδηκας, ou Ismare, Od.IX, 198 ὃς Ἴσμαρον ἀμφιδέδηκεν, ou d'un homme protégeant un autre homme
dans
le combat,
/l.
XIV,
477
ἀμφὶ
κασιγνήτῳ
βεδαώς,
XVII,
359
(ἀνώγει)... μάλα ἀμφ᾽ αὐτῷ βεδάμεν. ib., 510 (ἐπιτράπεϑ᾽) ἀμφ᾽ αὐτῷ Be6áuev καὶ ἀμύνεσϑαι στίχας ἀνδρῶν. On n’a aucune trace dans les mythes relatifs à Apollon du tour d’une ville fait par le dieu. Au contraire, de nombreuses épithètes du dieu sont des dérivés et
composés de βαίνω 7 et semblent attester que sa puissance se manifeste avant tout par la position des jambes et des pieds. Ce qui doit étre primitif ici, c'est la valeur du parfait avec ἀμφι- : «se tenir dans une position stable de part et d'autre »,
valeur d'état qui transpose directement le sens primitif de ἀμφιδαίνω attesté dans l'Odyssée par ἀμφιδαίνω δούρατι : «avoir une jambe de part et d'autre » 8. On arrive au sens «protéger» par une évolution comparable à celle du français «entourer quelqu'un» (de soins, d'affection). Nous ne croyons donc pas que ἀμφιδέδηκας fasse allusion à une circumambulatio, malgré le modèle mythique de Talós, qui faisait trois fois par jour le tour de la Créte pour empécher les étrangers d'y aborder (Apollodore, I, 926 etc.). L'hypothèse d'un sens « avoir une jambe de
chaque côté de» qui explique le thème de présent ἀμφιδαίνω + datif dans l'Odyssée, permet de ramener à plus de cohérence les emplois du parfait, pour un dieu protégeant une ville comme pour des combattants protégeant le corps d'un des
leurs
ou
un
animal
défendant
ses
petits.
Dans
notre
hypothèse,
la
circumambulatio de Talós autour de la Créte pourrait s'expliquer comme la réinterprétation de l'emploi de ἀμφιδέδηκε pour la protection par un dieu, à une époque où l'on ne comprenait plus le sens spécifique originel de Baívo. On aurait donc inventé la circumambulation comme attitude de protection par fausse interprétation des exemples homériques et de la valeur du parfait. La protection d'un cadavre sur le champ de bataille, pour laquelle on a vu 3 exemples de ἀμφιδεδάμεν (p. 134), est aussi exprimée par le parfait avec περί ou ἐπί, dans deux exemples où l'on rencontre dans le contexte στῆναι ?. Il. XVII, 706 αὐτὸς δ᾽ αὐτ᾽ ἐπὶ Πατρόκλῳ ἥρωι βεδήκει, στῆ δὲ παρ᾽ Αἰάντεσσι ϑέων mais surtout ib., 137 Αἴας δ᾽ ἀμφὶ Μενοιτιάδῃ σάκος εὐρὺ καλύψας ἑστήκει ὥς τίς τε λέων περὶ οἷσι τέκεσσιν... ὥς Αἴας
περὶ
Πατρόκλῳ
ἥρωι
βεδήκει.
Le parallélisme de ἑστήκει avec ἀμφὶ + datif et de βεδήκει περὶ pour décrire la position protectrice et défensive d’Ajax auprès de Patrocle, et la comparaison à une lionne protégeant ses petits, nous semblent s'accorder avec l'hypothèse de ἔδην «faire un pas» et de βέδηκα «être installé ». Le participe parfait avec περὶ + datif dans une comparaison animale de l'Odyssée confirme
cette valeur du parfait,
XX,
14
ὡς δὲ κύων ἁμαλῇσι περὶ σκυλάκεσσι βεδῶσα. On traduira littéralement «comme une chienne établie (installée) autour de ses tendres petits » 9. Le composé avec προ- n’est attesté qu’au parfait : Sur les quatre exemples homériques,
le sujet
est
une
fois un
inanimé,
JJ.
X,
252
ΒΑΙΝΩ
OU
LA
LIMITE
À FRANCHIR
135
ἄστρα δὲ δὴ προδέδηκε, παροίχωκεν δὲ πλέων νύξ. Dans les trois autres cas, le sujet est animé, et le sens nous paraît métaphorique comme pour ἀμφιδέδηκε : Il. VI, 125, τίς δὲ σύ ἐσσι... οὐ μέν γάρ nov Önwna.../ τὸ πρίν’ ἀτὰρ μὲν νῦν γε πολὺ προδέδηκας ἁπάντων, σῷ ϑάρσει. Diomede constate la supériorité de fait de Glaucos sur ses compagnons. JH. XVI, 54, le
subjonctif dans une relative introduite par óc te! traduit une vérité générale, habituelle : ó τε κράτεϊ προδεδήκῃ, cf. la traduction de Mazon : «mais c'est un chagrin atroce qui m'entre dans l'áme et le cœur, quand je vois un homme vouloir frustrer l'un de ses pairs et lui ravir sa part d'honneur, parce que sa puissance lui
donne l'avantage.» Enfin, Il. XXIII, 890, le parfait a la méme valeur d'état que dans les deux exemples précédents, cf. l'aoriste intemporel ἔπλευ ἄριστος au vers suivant : «᾿Ατρεΐδη ἴδμεν γὰρ ὄσσον προδέδηκας ἁπάντων ἠδ᾽ ὄσσον δυνάμει τε και ἥ-μασιν ἔπλευ ἄριστος.» (Mazon : Atride, nous savons de combien tu l'emportes sur tous et à quel point tu es le meilleur, pour la force et pour l'adresse, au jet des traits. ») Ces exemples sont cohérents,
impliquant le sens «se tenir en avant de » («avoir un pied en avant de », «avoir un pas ou des pas d'avance sur ») ?. E. Benveniste a raison d'affirmer que le sens de supériorité dans les trois exemples du parfait avec sujet animé chez Homère n'est qu'un effet de sens du thème de parfait (comme « protéger » pour ἀμφιδέδηκε), et que la valeur normale de προθαίνω n'est pas «marcher en tête» mais «avancer, progresser, se déplacer en avant» : c'est ce sens habituel du composé qui explique
πρόδατον «bétail, mouton » 9. 3. LA VALEUR PREMIER
DES THÈMES
VERBAUX
DE βαίνω
S'EXPLIQUE À PARTIR DE CE SENS
3.1. Les présents itératifs Báoxco n'est employé que dans une formule (toujours en début de vers) :
Báox' ἴϑι (II. IL, 8, VIII, 399, XI, 186, XV, 158, XXIV, 144, XXIV, 336) : si ἴϑι se rapproche
probablement
d'un
sens vide
d'exhortation
(français
première partie, ch. II, 1.5.3, p. 70), parce qu'autrement feraient
double-emploi,
βάσκ᾽
doit avoir le sens d'un
«allons»,
cf.
les deux impératifs
itératif,
une
des valeurs
probables de la formation en -sk- *. Le syntagme idiomatique conserve une forme
archaique qui a disparu de la langue vivante contemporaine. On traduira donc «allons, marche ! ». “Βίδημι est employé plus souvent et dans des contextes relativement plus variés que βάσκω : bien que l'on retrouve souvent les mêmes éléments, il ne s'agit pas cette fois d'emplois formulaires figés. 1) avec accusatif pluriel neutre (ci-dessus, p. 128) : μακρά 1L.III, 22; VII,
213; XIII, 809 ; XV, 307, 676, 686 ; XVI, 534 ; Od.IX, 450; XI, 539 ; κραιπνά : IL.XIII, 18; Od.XVII, 27; κοῦφα : II. XIII, 158; πέλωρα : H.IV, Herm. 225. Plusieurs de ces exemples ont aussi le datif instrumental ποσί (voir ci-dessus,
p. 128) : Il. VII, 213, XIII, 18, cf. Od.XVII, 27, I. XIII, 158, H.IV, 225. 2) avec ποσί sans accusatif pluriel neutre : H.IV, Herm. 149, ἧκα ποσί προδιδῶν.
136
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
3) sans ποσί ni accusatif pluriel neutre : Il. XII, 371, καὶ βάλεν ὕψι Bıdavıa
τυχών. Ce tableau montre la fréquence de l’accusatif du type μακρά avec le présent athématique à redoublement (et ses formes thématisées) : 14 exemples sur 16 au total.
Le statut apparemment
idiomatique
de ce type de syntagme,
signifiant
respectivement « marcher à grands pas », «à pas rapides », «à pas légers », «à pas de géant » paraît impliquer un verbe de sens itératif avec accusatif du contenu. Comme dans les exemples les plus connus, on sait que l'accusatif du contenu a pour élément essentiel la qualification (cf. l'exemple toujours cité en latin beatam uitam uiuere) 9 : il permet ici de qualifier les «enjambées » auxquelles renvoie le sens spécifique du verbe. Significative aussi est la fréquence de ποσί avec βαίνω : le datif instrumental manifeste la relation privilégiée du verbe, particuliérement
sous cette forme de présent itératif, avec les jambes. Le syntagme βιδάς (βαίνω) ποσίν est ainsi paralléle dans la langue homérique au syntagme ἰδεῖν ὀφϑαλμοῖσιν 9° : De méme que l'on voit avec ses yeux, de méme l'action dénotée par βαίνω se fait ποσίν «avec les jambes ». Formé comme un présent marqué (secondaire) par rapport à un aoriste non
marqué *g"eH;- — *g"?g"eH^ mi, βιδάς a l'air d'être un itératif : «faire un pas» — à l'itératif « faire des pas, marcher». Ce sens itératif semble se retrouver dans l'unique emploi sans accusatif pluriel neutre ni ποσίν (1. XIII, 371, ci-dessus, p. 136) : le participe Bi6óvta à l'accusatif avec un verbe signifiant «viser, toucher » rappelle des emplois parallèles de ἐρχόμενον58 dont on a reconnu le sens
duratif caractérisé : ici, on touche un adversaire «en train de marcher » comme ailleurs on le touche «en train d'aller ». Dans un autre exemple cité p. 128, 1.11,
22, on retrouve les deux participes à l'accusatif dans le méme vers, et βιδάντα semble préciser le sens de ἐρχόμενον, plus vague et plus général : « (quelqu'un) qui va/vient devant la foule, marchant à grands pas».
3.2. L'aoriste ἔθην Dans la locution idiomatique βῆ δ᾽ ἰέναι, le sens de βῆ est maintenant clair : «il fit un pas», «il se mit en marche pour aller », aoriste inchoatif renvoyant à
l'instant du départ, l'infinitif présent du verbe «aller» évoque au contraire le mouvement qui suit le départ, dans sa durée indéterminée : ἱέναι μ----«-
βῆ Comme
cela s'est peut-être produit aussi pour la locution βάσκ᾽ ἴϑι, on ἃ
l'impression que la formule s'est figée, que l'évolution linguistique s'est arrêtée au moment oü βῆ commengait à se vider de son sens concret de verbe de mouvement pour
devenir
«commencer
un
verbe
de»
(voir
auxiliaire
ou
sur
distinction
cette
un
opérateur
F.
aspectuel,
Létoublon,
avec
«Les
le
verbes
sens
de
mouvement en grec : de la métaphore à l'auxiliarité », Glotta, 60, 1982, 192-193, et
«Il vient de pleuvoir, il va faire beau», ZFSL, 94, 1984, 25-41). En dehors du syntagme idiomatique, E6nv signifie souvent «s'en
aller»,
ΒΑΙΝΩ
OU LA LIMITE À FRANCHIR
137
«partir», et jamais il n'implique une orientation centripète comme l'aoriste ἦλθον. Particulièrement significatifs nous paraissent les exemples du type
X. φάτο Y. 6’E6n : après les ordres d'un dieu supérieur, le dieu accessoire, messager, part porter son message (e.g. Ii.II, 16
ἐπεὶ τὸν μῦϑον
ἄκουσε),
et en général
"Qc φάτο, Bñ ὃ ἄρ᾽ Ὄνειρος
tous les exemples
de l'aoriste sans
complément de lieu, souvent avec opposition syntaxique et sémantique au verbe μένω: e.g. Od.XVII, 200 τὼ βήτην σταϑμὸν δὲ κύνες xai βώτορες ἄνδρες δύατ᾽
ὄπισϑε μένοντες (cf. Od.IX,
198).
Le sens «s'en aller» n'est pas le sens premier de l'aoriste, mais il s'explique tout naturellement comme un effet de sens à partir de «faire un pas» : quand on est «ici », lieu de référence de l'énonciation, «faire un pas», c'est commencer
à
s'éloigner, à partir. En dehors du style direct, E6nv comme le français partir9? est d'ailleurs en principe neutre pour ce qui est de l'orientation déictique (on peut partir d'un
point X, autre que
le lieu de l'énonciation,
vers un point Y), mais
devient le plus souvent déictique parce que le plus souvent on part «d'ici» vers
«ailleurs» : «partir» implique une orientation centrifuge de fait?" qui oppose E6nv à ἦλθον à l'intérieur de l'aoriste et le rapproche sémantiquement du présent
εἶμι. C'est ce qui explique la fréquence de ἔδην avec apposition descriptive du type ἀέκων, type d'association que l'on a trouvée caractéristique de la racine *ei-, en
particulier de l'imparfait jua, ἤιον (ci-dessus, chapitre II, 3.1.1, pp. 81 à 82). Voici les exemples : ILI, 34 βῆ δ᾽ ἀκέων παρὰ ϑῖνα πολυφλοίσβοιο ϑαλάσσης, cf. ib.327
V, 778 Αἱ δὲ βάτην τρήρωσι πελειάσιν ἴϑμαϑ᾽ ὁμοῖαι IX, 182 Τὼ δὲ βάτην παρὰ θῖνα πολυφλοίσβοιο ϑαλάσσης / πολλὰ μάλ᾽ εὐχομένω.... (voir aussi XI, 555 — XVII, 664 ; XIX, 47). Ces emplois montrent que le sens «se mettre en route », qui convient particuliérement à l'aspect d'aoriste, n'est nullement incompatible avec un «ordre de proces non-effectif » : la durée
n'est pas pertinente,
ce qui justifie l'emploi de l'aoriste, et le «terme»
du
mouvement considéré comme pertinent est le terme initial, ce qui justifie la présence d'une apposition de type descriptif, sans complément de direction exprimé (emploi absolu). Pour confirmer ces conclusions sur l'emploi ancien de l'aoriste, on peut étudier la distribution des deux formes de duel βάτην (forme archaique à degré
vocalique zéro attendu) et βήτην (forme refaite avec degré plein analogique du singulier) : on ne trouve d'indication sur la direction du mouvement que dans 2 exemples de βάτην, sur 8, Il. XXIII, 710 et Od. XXIV, 361. Au contraire, on
trouve 7 exemples de βήτην avec complément de direction sur 12 occurrences de la forme
«récente» : Il. VI, 40.... ἀγκύλον
ἄρμα /
ἄξαντ᾽ £v πρώτῳ ῥυμῷ αὐτὼ μὲν ἐδήτην πρὸς xóAw.... (voir aussi VIII, 115 : XII, 330; XVI, 327, XXIII, 685 : Od. VIII, 49. XXII, 202). Si les rapports numériques ont une signification quand il s'agit d'aussi petits nombres, on voit qu'il semble y avoir une évolution de l'emploi de βάτην où le
sens non-effectif, avec apposition descriptive le plus souvent, est majoritaire (6 exemples sur 8), vers celui de βήτην, où le sens non effectif devient minoritaire
(5 exemples sur 12; on ne trouve plus d'appositions descriptives), le sens effectif,
avec complément de direction, ayant la majorité relative des exemples?!. Dans l'ensembie, le présent, relativement peu employé au total, parait avoir
138
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
dans les emplois «libres» (non formulaires) mieux conservé le sens originel du verbe grec que ne l'a fait l'aoriste : cela peut sembler paradoxal puisque le présent est morphologiquement plus récent ; mais c'est à l'aoriste, à cause de l'emploi de
plus en plus fréquent
avec un complément
de direction,
qu'a dû
naître la
banalisation sémantique du verbe : «se mettre en marche» devient avec un complément de direction « marcher vers, contre etc. », qui se substitue facilement à «aller vers, contre... etc.» : on peut ainsi parler de la force d'attraction du paradigme supplétif qui s'exerce aux dépens de la valeur sémantique spécifique de
βαίνω 72.
3.3. Le parfait On a déjà expliqué certains emplois du parfait (le verbe simple avec sens
«statique », avec certains préverbes ou prépositions comme ἀμφι- περί, ἐπί) à partir du sens spécifique « écarter les jambes », d'où avec la valeur d'état du thème «avoir les jambes écartées, être dans une position stable». D'autres emplois s'expliquent comme ceux de l'aoriste par le sens «avancer un pied, se mettre en marche » — «partir », d'où avec la valeur d'état du thème «être parti» : c'est le cas de βεδάασι dans l'unique exemple avec pour sujet le Temps (cf. ci-dessus, 1.2., pp. 126-127) avec les deux possibilités d'interprétation, et dans plusieurs exemples du plus-que-parfait, où l'on retrouve une apposition descriptive comme
dans certains emplois «anciens» de ἔδην (ci-dessus, 3.2, pp. 137-138) : Il. VI, 513 ὡς υἱὸς Πριάμοιο
τεύχεσι παμφαίνων
Πάρις
κατὰ
Περγάμου
ἄκρης
ὥς τ᾽ ἠλέκτωρ ἐδεδήκει 7 καγχαλόων....,
Αἰνείας δὲ πρῶτος ἀπειλήσας ἐδεδήκει / νευστάζων κόρυϑι... (voir encore
Od.XIII,
164). Surtout, c'est ce qui peut expliquer que βέδηκχε ait pu après
Homère signifier «être mort» comme οἴχεται75. 4. TYPES SYNTAGMATIQUE XAÎUGË « ESCALIER ».
COMPORTANT OVÖÖG « SEUIL», ἀσάμινϑος
« BAIGNOIRE »
Si l’on examine les emplois de βαίνω + complément de direction chez Homère en essayant de les opposer aux emplois parallèles du paradigme supplétif du verbe «aller », à côté des nombreux emplois communs aux deux paradigmes
qui semblent en faire de véritables équivalents syntaxico-sémantiques (type πρὸς πόλιν, εἰς πόλιν, ἐπὶ κλισίας etc.), on s'aperçoit que certains termes renvoyant à des groupes de realia du monde homérique semblent servir de complément à
βαίνω ou à ses composés en excluant εἶμι- ἦλθον : il s’agit en particulier du nom du «seuil», οὐδός : Od.IV, 680 = XVII, 575 τὸν δὲ κατ᾽ οὐδοῦ βάντα προσηύδα Πηνελόπεια (voir
aussi VIL, 135 ; VIII, 80 = XVII, 30; XXIII, 88; XIII, 63; XXII, 182) ; du nom de la baignoire, ἀσάμινθϑος ^ : Il. X, 576 = Od.IV, 48 = XVII, 87 Ec δ᾽ ἀσαμίνϑους βάντες küEkotas λούσαντο
(voir Od.IN, 468; VIII, 450; 456; XVII, 90; XXIV,
370).
Ces termes semblent avoir en commun qu'on y accéde par un pas, qu'il faut
enjamber un obstacle : c'est ce qui doit expliquer aussi que l'on emploie Batvo plutót que le paradigme supplétif pour « monter/descendre un escalier » (cf. le sens
BAÎNQ
OU LA LIMITE À FRANCHIR
139
de l'adjectif en -tó, ἀμδατός «escaladable », ci-dessus, 1.1., p. 124) : Od.1, 330,
κλίμακα δ᾽ ὑψηλήν κατεδήσετο..., et quand il s'agit d'accéder à l'étage, à une chambre haute, à laquelle on se rend par un escalier: Il. II, 514 ὑπερώϊον εἰσαναδᾶσα (voir XVI, 184; Od.I, 362 = IV, 751 = XVII,
49 = XIX, 602 = XXI, 356 = XIII, 364 ; II, 337 ; IV, 760 ; XVIII,
206 ; 302, XIX,
594; 600; XXII, 142; 428; XXIII, 1; 85). Ces emplois forment un groupe assez nombreux et assez homogène pour que
l'on puisse les considérer comme idiomatiques. Or ce qu'ils ont en commun, qui les oppose aux emplois du paradigme supplétif méme quand la syntaxe est identique, c'est d'exprimer le passage d'une limite : la limite entre la maison et l'extérieur est son seuil 5, le bord d'une baignoire ou les marches d'un escalier sont
des limites que l'on franchit d'une enjambée. Les emplois de Baívo avec pour complément ie nom du navire ou le nom d'un véhicule (char etc.) que l'on a relevés (ci-dessus, 1.4, p. 129, pp. 130-131) comme
idiomatiques à partir de la
constatation de la fréquence de βαίνω avec ἐν + datif, ou avec le datif alternant avec l'accusatif et le génitif partitif avec d'autres prépositions, s'expliquent aussi sémantiquement par le franchissement d'une limite ; de méme les exemples où βαίνω (βαίνω ἐπι- / ἐκ - βαίνω) dénote le passage du milieu marin sur la terre
ferme quand il s'agit d'un nageur qui «prend pied » 76 ou du passage du vol à la marche quand il s'agit d'un être aérien — un dieu — qui «atterrit». Nous avons une expression parallèle d'une limite à franchir dans le verbe français aborder. De méme les emplois de 6ta6aívo (en dehors des emplois statiques du type εὖ διαδάς, cf. ci-dessus, 1.4, p. 131) impliquent le franchissement d'un obstacle, fossé, IL. XII, 50 τάφρον
ἐποτρύνων
διαδαινέμεν,
ou mer,
Od.IV,
635
Ἤλιδ᾽ ἐς εὐρύχωρον διαδήμεναι.... Remarquons que cet emploi s'est développé au point que διαδθαίνω est devenu « prégnant » en prose attique : on n'exprime plus de complément apres le verbe le plus souvent, le contexte suffisant
pour que l'on sache de quel fleuve, mer ou détroit il s'agit (Hérodote, Thucydide etc.).
Au
contraire,
διέρχομαι,
dès l'Iliade,
signifie «passer
à travers»
sans
impliquer le franchissement d'un obstacle 7. C'est encore cette particularité sémantique de βαίνω qui explique certains emplois métaphoriques de composés : pour ὑπερδαίνω (ci-dessus, 1.4, p. 131), le
sens «transgresser» s'explique par le sens du préverbe, même indépendamment du sens de Baívo ; mais il est tout de méme significatif que la langue ait choisi précisément ce lexème verbal plutôt qu'un autre pour l'associer à ce préverbe. Et l'opposition de παραδαίνω à παρέρχομαι dans un emploi analogue dans un état de langue postérieur (ib., pp. 131-132) confirme l'importance du sémantisme
spécifique du verbe dans ce type d'emploi : la loi ou la norme morale est considérée dans cette sorte de matrice métaphorique comme une barrière ou un obstacle que l'on franchit (ὑπερδαίνω), ou comme une voie à côté de laquelle on
passe (napabalvo). Un emploi isolé du composé en μετα- est plus difficile à expliquer : invité
d'Alkinoos, Ulysse demande à l'aéde Démodokos de chanter l'épisode du Cheval de Troie, Od. VIII, 492, ἀλλ᾽ ἄγε δὴ μετάδηϑι xai ἵππου κόσμον ἄεισον ὅν ποτ᾽ ἐς ἀκρόπολιν δόλῳ ἤγαγε δῖος Ὀδυσσεύς. Sans complément exprimé, l'impératif a sûrement un sens métaphorique : il s'agit d'un mouvement à l'intérieur de l'univers et de l'espace du discours ὃ. V. Bérard traduit «Mais poursuis ! et dis-nous l’histoire du cheval... », comme si l'emploi métaphorique
140
AUTOUR
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
s’expliquait à partir de la valeur concrète de βαίνω μετὰ «aller à la suite de » (cf.
un exemple de cette valeur concrète dans la formule de l'Odyssée μετ᾽ ἴχνια βαῖνε θεοῖο, 2.1, p. 132). Le contexte du chant VIII de l'Odyssée pourrait suggérer une autre interprétation : en prenant la parole, Ulysse commence par féliciter Démodocos pour ses chants concernant le Neikos, la Querelle : 489-491, λίην γὰρ
κατὰ κόσμον ᾿Αχαιῶν οἶτον ἀείδεις. Or, ces vers rappellent le début du chant VIII (72-92) qui montre
Ulysse pleurant et essayant de cacher ses larmes aux
Phéaciens tandis que l'aéde chante la Querelle ; ensuite commence le passage des Jeux, qui a été suspecté, puis celui qui est probablement encore plus récent des
Amours d’Aphrodite et Ar&s”. Les paroles d'Ulysse forment donc une transition nette entre le récit de la Querelle et celui de la Ruse
du cheval, deux récits
essentiels entre lesquels se sont intercalés deux épisodes secondaires,
du temps
méme d'Homére ou plus tard (interpolations) ; l'impératif μετάδηϑι utilisé par Ulysse lui sert donc en fait à demander à l'aéde de passer d'un sujet à un autre ; les conditions psychologiques dans lesquelles se trouve Ulysse (émotion que lui a donnée le récit de la Querelle et des souffrances des Grecs à Troie, désir qu'il a de
se voir mis en valeur sans que ses hótes phéaciens s'en apergoivent, désir peut-étre aussi de connaître l'étendue de son renom) font que le sens «change de sujet» nous parait aussi plausible que «poursuis». Μετά se préte à ce sens de «changement» avec certains verbes. Dans ce cas, il faudrait séparer l'emploi grec de μετάδηϑι de la métaphore attestée en français dans poursuivre; cet emploi, malheureusement isolé chez Homère, attesterait la permanence du sens
spécifique de βαίνω dans une métaphore du discours qui oppose le verbe à μέτειμι
(alors que βαίνω μετά τινα se rapproche de εἶμι μετά τινα ?!). L'absence de paralléles interdit ici une conclusion ferme. Les emplois absolus de l'aoriste et la locution idiomatique βῆ ó'lévat impliquent le sens «se mettre en marche, partir» pour le thème *g"à-. Certaines
catégories d'emploi avec complément de direction impliquent une discontinuité du mouvement dénoté par Baivw, cette discontinuité étant inscrite dans le langage par l'expression d'une limite : βαίνω c'est faire un pas ou une enjambée par-dessus cette limite. Un des points essentiels de l'opposition sémantique entre βαίνω et le paradigme
supplétif, ce que
l'on pourrait appeler un sème distinctif, est donc
l'expression d'une limite, opposant le mouvement discontinu dénoté par Baívo au mouvement
continu,
sans rupture, dénoté
vov ἦλϑον / εἶμι
——————
par le paradigme
supplétif :
βαίνω
T^
limite entraînant discontinuité du mouvement
CONCLUSION Dans la langue ancienne dont l'épopée homérique est pour nous un témoin, le verbe Baívo a une série d'emplois spécifiques. Ces emplois se laissent tous
BAÍNQ
OU
LA LIMITE
À FRANCHIR
141
ramener à une unité si l'on pose l'hypothèse d'une spécificité sémantique originelle en grec, d'un sens primitif «faire un pas». Ce sens explique en effet la syntaxe «statique » de βαίνω avec datif-locatif,
avec divers préverbes ou prépositions, ou le sens de certains composés («faire un pas» — «mettre le pied sur »), comme il explique le sens « marcher » des présents
itératifs («faire des pas»), le sens inchoatif de l'aoriste ἔδη («il fit un pas» — «il se mit en marche » — effet de sens centrifuge : « partir »), la dualité sémantique du parfait (sens statique «s'étre placé, étre campé jambes écartées, se tenir sur, autour de », etc. avec l'effet de sens centrifuge «étre parti »), et enfin le sens de mouvement discontinu, impliquant le passage d'une limite, que manifestent certains emplois spécifiques avec complément de direction au sens concret et peut-être certains emplois métaphoriques : le schéma suivant permettra de symboliser l'unité de tous les emplois spécifiques de βαίνω à partir de la valeur unique «faire un pas» que nous considérons comme primitive en grec :
«FAIRE
UN
PAS»
«mettre le pied sur» «faire des pas, marcher» «partir, s'en aller» « franchir »
Les emplois spécifiques de βαίνω peuvent tous étre considérés comme des effets de sens particuliers de la combinaison entre un emploi syntaxique particulier et la valeur d'un théme verbal dans la langue. L'unité sémantique du paradigme, en opposition au paradigme supplétif du verbe «aller» en particulier, est donc claire, et permet encore une fois de constater la remarquable précision des termes de la langue homérique et la cohérence du systéme linguistique sous-jacent au texte épique. Du méme coup, les affinités d'emploi entre l'aoriste ἔδην et le présent εἶμι s'expliquent : tous deux sont en fait orientés dans l'espace de l'énonciation, vers l'ailleurs. Mais il ne s'agit pour ἔδην que d'un effet de sens, alors que l'orientation
centrifuge est fondamentale pour εἶμι (constitutive de son sens) ; la fréquence du syntagme avec apposition descriptive, typique de l'imparfait fa, doit aussi s'expliquer avec E6nv par le fait que le point de départ du mouvement est indiqué, mais pas forcément sa direction : l'aoriste renvoie au caractére momentané du départ, mais l'aspect descriptif de l'apposition renvoie à la durée (indéterminée au sens de Meillet), du mouvement qui suit le départ. Si l'on a insisté par opposition polémique à la thèse de A. Bloch sur les
emplois qui opposent Baívo à εἶμι — ἦλϑον, on a de ce fait un peu négligé, ou laissé implicites les nombreux emplois qui les rapprochent (cf. des remarques dans ce sens, 3.2, p. 138, p. 140 pour βαίνω μετά tiva) : avec complément de direction indiqué, quand il ne s'agit pas d'un complément impliquant une limite comme le seuil, la baignoire, l'escalier, le navire ou le char, βαίνω - É6nv se rapproche en effet de l'emploi habituel du verbe «aller » (comme en français marcher vers ou contre se rapproche sémantiquement de aller vers ou contre) : la similitude d'emploi implique une neutralisation des oppositions sémantiques. La banalisation du verbe simple βαίνω par suite de l'influence syntaxique et
sémantique du paradigme du verbe « aller » peut expliquer l'évolution de la langue après Homère
: Baívo était devenu un substitut du paradigme supplétif, commode
142
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
en poésie mais superflu en prose : le verbe simple radical a donc disparu en prose
attique. Pour l'emploi spécialisé, il est remplacé par le verbe dérivé Baôltw ? qui correspond assez bien pour l'emploi et pour le sens au βαίνω homérique : βαδίζω se maintient en prose attique à cause de la valeur spécifique qui l'oppose au
paradigme
supplétif.
Les composés
de βαίνω, qui avaient chez Homère
des
emplois spécialisés bien vivants, au point qu'ils y justifiaient l'existence d'un paradigme factitif et passif, se maintiennent dans la langue classique avec le méme
type d'emplois spécialisés : cf. pour le sens concret ἀναδαίνω / ἀποδαίνω «embarquer/débarquer », &va6a(vo/ xata6aívo « monter à la tribune/descendre de la tribune », διαδαίνω «traverser (une mer, un fleuve) », et pour les emplois métaphoriques παραδαίνω «contourner, transgresser la loi, violer une trêve, des serments, etc. », συμδαίνω «se mettre d'accord, convenir de » 9, προσδαίνω «se rapprocher de » # : le verbe βαίνω semble avoir disparu en prose alors qu'il s'y maintenait avec préverbe pour des raisons fonctionnelles (seuls les termes utiles du systéme se sont maintenus). Ainsi, le systéme homérique oppose le paradigme de βαίνω au paradigme supplétif par des traits syntaxiques manifestant des sémes spécifiques cohérents,
Baívo - ἔδην et composés : «faire un pas»
/ εἶμι - ἦλϑον «aller», mais en méme
temps, le paradigme supplétif exerce déjà dans la langue homérique sur βαίνω la méme force d'attraction qu'il exerce sur les autres verbes de mouvement : Baívo E6nv en adoptant le type syntaxique complément de direction à l'accusatif avec préposition, tend à se calquer sémantiquement sur εἶμι - ἦλθον et à perdre sa spécificité propre. La tendance à la neutralisation sémantique de βαίνω - ἔβην constitue un point de faiblesse dans le systéme à l'intérieur de la langue homérique, et explique historiquement la disparition du verbe radical simple dans la prose attique. Le nouveau systéme de l'époque classique en prose oppose le
dérivé Baöltw et les composés de βαίνω, avec tous les emplois spécialisés hérités du Baívo homérique (et quelques nouveaux emplois allant dans le méme sens), à ἔρχομαι - ἦλθον et ses composés. Le sens premier de βαίνω est clair en grec méme, dans la synchronie homérique. Il explique et justifie aussi l'évolution de la langue aprés Homère en
diachronie. Mais l'existence de verbes apparentés dans la plupart des langues indo-européennes invite à regarder ce que peut apporter la comparaison pour le probléme sémantique : pour autant que l'on en puisse juger, le verbe apparenté
n'est pas orienté déictiquement en sanskrit5, mais il l'est en latin : uenió et eó hérités respectivement de *g"ern- et *ei- jouent en latin le rôle d'antonymes que jouent aller et venir en français, et εἶμι et ἦλθον en grec homérique, dans les conditions (complémentarité paradigmatique et fonctionnelle) que nous avons analysées. Les langues germaniques (got. qiman, v.angl. curan «venir», cf. all. kommen, angl. to come) et le tokharien (A kakmu, B kekamu « venu ») semblent avoir développé un système analogue au système latin. Ernout-Meillet** à qui nous empruntons ces données comparatives, ne posent pas le probléme sémantique de l'évolution, au contraire : «Le grec a, au présent seulement, avec
le même suffixe, βαίνω, synonyme de uenió ». Or le verbe grec Baí(vo, quand il prend une valeur d'orientation déictique, est toujours centrifuge, donc semble correspondre à l'antonyme du latin uenió, non à son synonyme : il faudrait peut-étre pour expliquer l'ensemble des données partir d'un verbe indo-européen *g"eH;-/*g"em- non orienté déictiquement (état hérité en sanskrit?), mais
BAÍNQ
OU
LA
LIMITE
À FRANCHIR
143
présentant une orientation virtuelle par rapport à l'espace de l'énonciation. Il ne
serait pas impossible que le sens «faire un pas» donne une orientation déictique centripète dans un système autre que le grec (« faire un pas à partir de là-bas » c'est «se rapprocher d'ici » d’où une évolution possible vers « venir»). Dans ce cas, on pourrait dire que le systéme grec, avec les différentes évolutions sémantiques possibles réalisées en fait à partir d'une valeur sémantique originelle unique, et la naissance d'une orientation déictique centrifuge, donnerait l'exemple d'un processus qui a pu avoir lieu en indo-européen au moment de la division dialectale : on partirait d'un verbe non orienté dans l'espace de l'énonciation, qui a actualisé diversement les virtualités sémantiques et déictiques dans les dialectes
hérités : Le. g"VeH;-
g”em-
Non i.ir. (skr. gacchati, agät, etc.) «aller, marcher»
grec βαίνω-ἔδην «faire un pas» (avec diverses virtuali-
tokharien kakmu, germanique et latin : giman, cuman,
tés
réalisées;
uenio, la virtualité déictique,
réalisée
réalisée comme centripète, est devenue un trait sémantique distinctif et pertinent du verbe (un sème) : «venir».
sémantiques
virtualité déictique comme centrifuge).
Naturellement, poser en indo-européen le sens «faire un pas » attesté en grec
n'est qu'une hypothése
pour expliquer la diversité des sens attestés dans les
langues indo-européennes connues. Il est possible que les faits attestés dans d'autres langues héritées invitent à une autre reconstruction. Ce qui est essentiel,
c'est de constater que la valeur déictique, qui semble dans les langues où elle est centripète, d’après les exemples du latin et des langues germaniques qui nous sont les plus familiers, faire partie du «sens» du verbe, appartenir à ses traits sémantiques pertinents, n'est pas primaire en grec : elle peut distinguer le verbe d'un autre (par exemple, caractériser certains emplois de ἔδην par opposition à
ceux de ἦλθον, qui est centripéte), elle fait donc partie des traits sémantiques distinctifs ; mais elle a été interprétée comme un effet de sens d'une valeur fondamentale dans certaines conditions contextuelles, syntaxiques et morphologiques (à l'aoriste et au parfait) : elle n'entre pas dans la définition du verbe, elle ne fait pas partie des traits sémantiques pertinents. Toutefois, le sens «faire un pas» qui semble étre le sens premier originel en grec conviendrait bien en indo-européen pour un type de paradigme oà l'aoriste
est la forme fondamentale et οὐ les présents dérivés semblent le plus souvent pouvoir être interprétés comme d'anciens itératifs*" : le type de relation constatée en grec entre ἔδην «faire un pas», Báaxo, "βίθαμι (et probablement βαίνω)
«faire un pas à plusieurs reprises, marcher», remonter
à un état antérieur au grec.
pourrait de manière
plausible
CHAPITRE
LE
II
GROUPE
DE
íx
(ἵκω, ἱκάνω ἱκνέομαι — ἱκόμην lEov — lyuau). L'OBJET
A TOUCHER
Après le paradigme supplétif du verbe « aller » et ses substituts dialectaux ou stylistiques, aprés le groupe de la base *g"em- g"eH;- dont on a vu qu'il se
distinguait sémantiquement du paradigme supplétif par une idée de discontinuité dans le mouvement, passons à un groupe de verbes caractérisés syntaxiquement
par la fréquence de la rection transitive directe! : on peut se demander si ce trait syntaxique ne suffit pas pour les mettre à part, et les exclure d'une étude portant sur des verbes qui se caractérisent syntaxiquement par l'extréme rareté de cette
construction. Toutefois, outre le besoin d'une mise au point sur le groupe [x-, trop souvent assimilé aux verbes de mouvement, nous espérons que cette étude éclairera par contraste celle des verbes «aller» et de βαίνω ; d'ailleurs, certains
autres faits d'emploi rapprochent suffisamment le groupe {x — du verbe «aller», en particulier de son aoriste, pour que l'on ait de sérieuses raisons de le faire figurer ici.
1.
PARTICULARITÉ DE CE GROUPE CHAPITRES PRÉCÉDENTS
PAR RAPPORT
AUX
PARADIGMES
ÉTUDIÉS
DANS
LES
1.1. Particularité syntaxique
1.1.1. L'accusatif direct Alors que l'accusatif de direction hérité de l'indo-européen n'est plus avec le paradigme supplétif du verbe « aller » qu'une survivance isolée, cette construction semble régulière avec les verbes du groupe íx-. La présence d'une préposition, de la particule lative -δὲ ou d'un préverbe, qui semble obligatoire avec les autres
verbes de mouvement, est déjà fréquente avec ix- chez Homère, mais semble y constituer
une
précision
supplémentaire,
«facultative».
On
peut
maintenant
affiner l'analyse syntaxique de l'Introduction en distinguant les différents types d'emplois : il semble en effet que la fréquence relative de l'accusatif direct soit supérieure dans les emplois qui s'éloignent le plus des emplois typiques du verbe
LE GROUPE
DE
145
ÎK
«aller », et doivent donc être les plus caractéristiques du sens spécifique de ἰκ-. — dans les emplois avec sujet animé et sens « métaphorique » (expressions du type γῆρας 7 ἤβην Ix-, et emploi de ἱκάνω au style direct dans le rite de
supplication : il ne s’agit en fait de métaphore ni dans un cas ni dans l’autre), on a constamment l'accusatif de exemples sur 24).
direction
sans
préposition
ni particule
lative
(24
— avec sujet inanimé et sens concret, on opposera les exemples de l'accusatif direct à ceux de l'accusatif prépositionnel avec chaque thème verbal : pr.
(xo ἵκάνω
: 7 ex. de l'accusatif direct : 5 -
fut. ἴξομαι : Pas d'ex. ao. ἱκόμην : 11 ex.
/ 2 ex. de εἰς οὐρανόν 1 -
/ 1 ex. de ἵνα (pas de compl. prépositionnel) -
1 4 ex. : ἐς πόλιν; ἐς yaióv τε καὶ οὐρανόν ; εἰς
οὐρανόν ; καρήατος ἄσσον. — avec sujet inanimé et sens « métaphorique» : pr.
(o
:
3 ex. de l'accusatif direct
/ 2 emplois
absolus
ἱκάνω : 26 fut. ἵξομαι : 2
-
13 10
ao. ἱκόμην : 12 ex.
-
/ | ex. de l'emploi prépositionnel).
absolu
(aucun
de
l'emploi
Ce tableau montre que dans les emplois typiques du groupe ἰκ- qui ne sont pas en concurrence avec des emplois parallèles des verbes du paradigme supplétif
ou de Baívo, l'accusatif de direction sans préposition est fortement majoritaire par rapport à l'accusatif prépositionnel (50 exemples contre 7 au total) : on peut supposer que l'influence des verbes «aller», imposant la présence d'une préposition avec l'accusatif de direction, a commencé à jouer trés tót (dés avant
l'époque homérique puisque cette influence est déjà trés sensible chez Homère) dans les emplois avec sujet animé et sens concret qui sont les plus proches des emplois typiques de εἶμι- ἦλθον et de Baívo, alors que les autres emplois, typiques du groupe (x- puisqu'ils avaient rarement des paralléles avec «aller », restaient
encore dans le méme état de langue à l'abri de l'influence analogique. L'étude synchronique de l'accusatif de direction et de la distribution des exemples de l'accusatif direct et de l'accusatif prépositionnel en fonction des emplois semble donc autoriser la reconstruction suivante de l'histoire de la langue, et de plusieurs états successifs : 1) le complément de direction est exprimé normalement par l'accusatif direct, sans préposition (état pré-historique, indo-européen, garanti par la comparaison et par les survivances archaiques en grec et en latin).
2) le complément de direction est normalement accompagné d'une préposition en grec historique, εἶμι-ἔρχομαι-ἦλθον, Baívo,
état etc.
de Le
langue groupe
attesté de Ix-,
chez Homère pour qui devait entraîner
constamment l'accusatif direct dans tous ses emplois en grec pré-homérique à cause de son sens qui n'était pas celui d'un verbe de mouvement, garde cette construction dans ses emplois typiques avec sujet inanimé et dans des emplois avec sujet animé où il n'y a pas de mouvement : on réinterprète (à tort) ces emplois comme « métaphoriques ». Dans le méme état de langue, l'emploi prépositionnel,
146
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
sous l'influence analogique des verbes de mouvement, gagne déjà les emplois avec sujet animé et sens concret.
3) en grec post-homérique, l'accusatif de direction prépositionnel a totalement gagné méme le groupe Ix- (où de surcroît les verbes simples ont disparu au profit des composés). On ne trouve plus l'accusatif direct qu'en poésie, à titre donc de fait stylistique. L'emploi a donc réagi sur le sens, et les verbes du groupe Îx-, en se calquant syntaxiquement sur les verbes du paradigme supplétif, sont devenus
des verbes de mouvement 1.1.2.
comme
eux“.
La présence de doubles accusatifs
Bien plus, si les verbes du groupe (x- se caractérisent verbes de mouvement par une rection transitive régulière, ils se davantage par la présence de doubles accusatifs du tout et de nombre d'exemples non négligeable, et surtout dans une série
en s'opposant aux distinguent encore la partie, dans un dont la cohérence
est remarquable. Un seul exemple est avec sujet animé ; il s'agit d'un composé, et l'on verra? que l'emploi est probablement secondaire et doit s'expliquer par le croisement de deux emplois : //.XIV, 104 à Ὀδυσεῦ μάλα πώς με καϑίκεο ϑυμὸν ἐνιπῇ 7 ἀργαλέῃ. Les autres exemples sont tous avec sujet «inanimé abstrait», et leur cohérence semble refléter un fait de langue important. Seul le verbe simple, à l'exclusion des composés, est attesté dans ce cas : thème de présent, Il. II, 171 ἐπεί μιν ἄχος κραδίην καὶ ϑυμὸν ἵκανεν, thème de futur, Il. XXIII, 47, ἐπεὶ οὔ μ᾽ ἔτι δεύτερον ὧδε ἵξετ᾽ ἄχος κραδίην, thème d'aoriste, //. I, 362 = XVIII, 73, τί δέ σε φρένας ἵκετο πένθος ; XI, 88, ... δος τέ μιν ἵκετο ϑυμόν (voir XIII, 711 ; XVIII, 178 ; XIX, 354: H. Dem. II, 90). Ces emplois ne peuvent s'expliquer par la présence d'un préverbe : le verbe n'est composé que dans un cas sur 10, et dans un exemple qui se distingue du reste de la série par la nature du sujet animé : cet exemple est visiblement plus récent que les autres. En revanche, la cohérence de l'ensembie des neuf autres emplois est frappante : le sujet est un inanimé abstrait désignant un sentiment ou une sensation (sentiment de douleur : ἄχος, πένϑος, ou de respect : σέδας ; sensation de fatigue : κάματός τε xai ἰδρώς ; de faim : λιμός ou de satiété :
&60c);
des deux
compléments
à l'accusatif,
l'un est pronom
(personnel
ou
démonstratif) désignant une personne (μιν, με, σε, τήν dans l'ordre des exemples cités), l'autre, d'extension plus restreinte, est un nom désignant la partie de cette personne atteinte par le sentiment ou la sensation, κραδίην, (xai ϑυμόν), φρένας, ϑυμόν, γούνατα : l'emploi correspond bien à la définition traditionnelle la plus étroite de l'«accusatif du tout et de la partie», «σχῆμα καϑ' ὅλον xai κατὰ μέρος» 7. La cohérence qui se dégage de ces emplois ne peut pas s'expliquer par des raisons prosodiques : la variété des expressions attestées implique bien qu'il s'agit d'un fait de langue et non d'une formule métrique. Ce type d'emploi s'accorde bien avec la théorie générale du σχῆμα
καϑ᾿ ὅλον... exposée
par
B. Jacquinod® : l'étude
systématique
de
ce
type
syntaxique en grec à la lumière des données ethnographiques montre en effet qu'il pourrait refléter dans le langage la conception que les anciens avaient de la «sphère personnelle »? de l'individu ; or c'est bien la « sphère personnelle » qui est en cause quand un sentiment ou une sensation touche quelqu'un au cœur, aux
LE GROUPE
DE
IK
147
genoux, etc. : l'accusatif du pronom désigne la personne (le tout), l'accusatif du substantif désigne le point d'application, la « partie » de l'individu et de sa sphère personnelle qui est touchée. 1.1.3.
La nature du sujet syntaxique
Comme on l’a vu ci-dessus dans la première partie et pour Balvw dans le premier chapitre de la deuxiéme partie, les verbes «aller» aussi bien que βαίνω admettent chez Homére des sujets inanimés (par exemple avec εἶμι- ἦλθον un nom d'arme,
une
notion temporelle,
avec βαίνω
le nom
des priéres, des serments).
Mais on a l'impression qu'il y a alors tantót un emploi imagé du verbe, tantót une
personnification du sujet quand il s'agit d'abstractions (cf. Ate, Litai avec Balvw) ; quand une catégorie d'inanimé parait constituer avec ces verbes un syntagme idiomatique, il s'agit précisément d'emplois que l'on ne retrouve pas dans le méme sens avec ἰχ- (le Temps qui vient, l'arme qui pénétre dans le corps). Avec les verbes du groupe {x-, la fréquence et la variété des emplois avec sujet inanimé, concret ou abstrait, et leur caractére souvent technique impliquent bien qu'il ne s'agit pas d'une fantaisie des poètes. D'ailleurs, si l'emploi de (x- avec sujet animé
se multiplie dans la prose classique jusqu'à la banalité, les emplois avec sujet inanimé s'y maintiennent bien aussi et semblent faire partie de la langue courante ? : l'évolution de la langue aprés Homère, et particulièrement de la prose à l'époque classique, est donc en faveur du caractére idiomatique de ces emplois chez Homére méme. La possibilité pour les verbes du groupe (x- d'entrer dans tous ces types de syntagmes est un fait capital pour l'étude sémantique, d'autant plus que, comme on l'a vu ci-dessus, c'est dans ces groupes syntagmatiques que se maintient avec le plus de force la syntaxe archaique de l'accusation direct. 1.2.
Originalité
du
comportement
de
(x- en
composition
Avec les verbes étudiés dans les chapitres qui précédent, y compris βαίνω, les préverbes ἀποet προσindiquent l’un l'éloignement (ἄπειμιἀπῆλϑον-ἀπελήλυϑα, ἀφέρπω, ἀποδαίνω), l'autre le rapprochement (πρόσειμιπροσῆλθον, προσέρπω, προσέμολον, npoc6alvw); de méme pour ἐκ- qui marque l'éloignement ou la sortie d'un lieu, ἐπι- qui indique le rapprochement, éventuellement avec intention hostile. Si la composition manifeste dans certains cas des oppositions sémantiques entre ces paradigmes, avec tous ces verbes, les préverbes ont une valeur spatiale qui est leur valeur originelle et qui est la valeur normalement attendue avec des verbes dénotant un déplacement dans l'espace !!.
Or, avec les verbes du groupe (x-, on est surpris d'emblée par le sens du composé en é&zo-, qui a tendance à remplacer le verbe simple dès la poésie ancienne, et le fait effectivement en prose classique : en effet, ce composé n'a pas le sens « partir »
qui est le sens attendu d'un verbe de mouvement avec ἀπο-, mais le sens « arriver » qui semble
lui étre opposé : «arriver»
————me——
point d'arrivée
point de départ + « partir »
148
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
Avec ἰκ-, &xo- semble seulement renforcer le sens du verbe, au rebours méme de sa valeur spatiale propre d'éloignement, comme s'il n'avait qu'une valeur grammaticale, analogue à celle des préverbes allemands ver-, er- ou be-. Il est probable que cette valeur grammaticale du préverbe sémantiquement « vide » s'explique historiquement à partir de sa valeur spatiale d'origine '?. Mais du point
de vue synchronique qui nous importe ici, on n'a plus dans la langue homérique aucune trace visible de cette valeur originelle avec (x- : le sens des composés de (xavec ἀπο- s'oppose donc bien en synchronie au sens des composés des verbes
«aller» avec le méme préverbe. Les composés avec ἐξ- sont moins connus que ceux avec ἀπο- pour (x- parce que moins fréquents, mais n'ont pas davantage de valeur concréte dans la langue homérique : I. XXIV,
481... ὅς τ᾽ ἐνὶ πάτρῃ /
φῶτα xataxtelvas ἄλλων ἐξίκετο δῆμον, Od. XII, 166, τόφρα δὲ καρπαλίμως ἐξίκετο Σειρήνοιιν (cf. H. Herm. IV, 148)".
νηῦς
εὐεργῆς / νῆσον
Avec xata-, une valeur concrète (mouvement de haut en bas) n'est pas exclue
dans les exemples homériques : U. XIV, 104, cité ci-dessus, 1.1.2, p. 146 (voir aussi Od., I, 342), idée de «descendre jusqu'au cœur» analogue à l'image rencontrée dans la locution française «au plus profond du cœur», et encore dans
certains exemples de l'époque classique '*. Mais le sens grammatical n'est pas exclu pour autant (sens analogue à celui de &xo- et £E-) : le petit nombre des exemples et leur ambiguité ne permet pas d'établir avec certitude le sens homérique de καθιχόμην. Ce qui distingue la valeur de (x- par opposition aux verbes de mouvement et
explique qu'avec ce groupe seulement des préverbes qui ont habituellement un sens spatial ont une valeur abstraite qui semble parfois opposée sémantiquement à
leur sens primitif, c'est la valeur «effective» (ou « déterminée») du verbe, que vient renforcer la valeur «effectivante » («déterminante»)
du préverbe !5.
1.3. Cette originalité formelle reflète une originalité sémantique Si les verbes du groupe {x- se distinguent des verbes «aller» aussi bien par leur syntaxe que par leur comportement en composition, c'est qu'ils n'expriment
qu'accessoirement la notion de déplacement dans l'espace : la notion primordiale exprimée par (x- est la notion de contact avec l'objet, ce qui explique la persistance de la syntaxe de l'accusatif direct avec ix- dans la langue épique, alors que l'accusatif de direction n'est plus avec les verbes de mouvement qu'une survivance archaique exceptionnelle, et explique aussi la fréquence des syntagmes avec sujet inanimé (κλέος οὐρανὸν ἱκάνει : il y a contact entre le kleos et le ciel ; πένϑος ϑυμὸν lxávet, il y a contact entre la douleur et le siège des sentiments, etc.), dans lesquels il n'est nullement besoin de supposer une quelconque métaphore. Cette notion de contact direct — et total, dans la mesure où l'accusatif d'objet s'oppose à
un génitif partitif $ — sera rendue en français par «atteindre, toucher », transitifs comme Ix- l'est en grec !”, et susceptibles de nombreux emplois comparables, par
exemple dans le domaine psychologique. On évitera autant que possible la traduction par «aller, venir», et méme par «arriver», que nous ne croyons pas
conforme à la cohérence des emplois homériques '®.
LE GROUPE
DE
ÎK
149
Le sens de plusieurs dérivés de cette famille peut s’expliquer à partir de l'originalité syntaxique de Îx-, reflet de sa spécificité sémantique.
1.3.1. ἱκέτης «suppliant » Le nom grec du suppliant doit se rattacher au groupe verbal de ix- : la relation avec la formule rituelle utilisée à l'époque archaique pour accomplir l'acte de supplication est claire dans l'état homérique de la langue (voir F. Létoublon, «Le
vocabulaire
de la supplication », Lingua,
52, 1980,
325-336).
Si les formes
verbales gardent dans cet état de langue le sens «toucher » qui est le sens du verbe, le substantif a, dès les témoignages les plus anciens ?, le sens de «suppliant », par
dérivation délocutive selon nous. 1.3.2.
ἱκανός «suffisant » : ca va!
L'adjectif ἱκανός s'emploie (aprés Homére seulement) dans le sens « capable de » pour une personne, «suffisant » pour un objet ©. S'il est bien constitué sur le méme théme suffixé que ἱκάνω, il doit s'expliquer à partir du sens nettement effectif du verbe, et de la notion de but atteint. Les notions de capacité, d'aptitude
et de suffisance sont souvent liées linguistiquement à des éléments lexicaux indiquant le mouvement, (cf. fr. convenir issu du lat. conuenire, fr. familier ca va pour cela suffit) et spécialement de la notion de mouvement qui atteint son but (relation étymologique entre satis et satur en latin, cf. all. satt, fr. satisfaction ; relation paralléle entre genug et Vergnügung en allemand ; relation possible entre gr. ἀνάγκη et νέκταρ, lat. necesse, skr. νέα, nám$a « acquisition » par une base i.e. *Hen-k-/*Hn-ek-, cf. ao. supplétif du verbe « porter » en grec ἤνεγχον) ?! : onaun paralléle sémantique trés proche dans le participe allemand hinreichend utilisé par Pokorny pour traduire ἱκανός22, dérivé du verbe reichen «atteindre ». 1.3.3.
Le «cadeau
gratuit» et le mendiant
La dérivation sémantique d'un groupe de composés en προ-, πρόϊξ «don, cadeau», adverbe προῖκα «en cadeau, gratuitement», προΐκτης «mendiant», doit s'expliquer par le sens «tendre la main» pour donner ou pour recevoir : E. Benveniste a montré comment le vocabulaire indo-européen du don et de l'échange confirme l'analyse par Mauss de l'ambivalence de ces notions ?. «Tendre la main» peut ainsi se rattacher au sens originel de Îx- «toucher» par l'intermédiaire de « toucher avec la main », puis par affaiblissement de la notion de contact, essentielle à l'origine (comme le montre encore le rite de supplication à
l'époque homérique). 1.3.4. Tu ne l'emporteras pas en paradis ! Une locution semble avoir été usuelle en grec dans un registre assez familier οὐ καταπροΐξομαι (toujours au futur et toujours à la forme négative) + génitif de la personne/participe apposé au sujet : il semble s'agir d'une locution figée, attestée comme invective chez les auteurs connus pour utiliser une langue proche de la langue parlée (Archiloque, Hérodote, Aristophane) #. Le sens est toujours «il (tu) ne l'emportera(s) pas en paradis en ...»: le verbe semble formé sur l'accusatif adverbial προῖκα «en présent», d'où «gratuitement» (cf. ci-dessus,
150
AUTOUR
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
1.3.3), avec le sens «faire gratuitement » c'est-à-dire «impunément», sans rien recevoir en échange. La présence du préverbe xata- pourrait ici s'expliquer par une valeur grammaticale («arriver à faire », « réussir à ») analogue à celle de ἀπο-
et de ἐξ-, peut-être aussi de xata- dans les composés formés directement avec les formes 1.3.5.
verbales de (x- (ci-dessus, Bon
1.2, pp. 147-148).
vent! : Ixuevov οὖρον et le vent portant
S'il faut rattacher l'adjectif homérique ἴκμενος à {x- comme ancien participe athématique moyen figé dans une formule métrique * avec psilose d'origine éolienne ou ionienne, on proposera d'y voir le sens d'origine, « toucher » : le vent favorable touche les voiles et fait avancer le navire. S'il s'agit bien du vent portant, on pourrait avoir ici un témoignage en faveur de la rencontre sémantique entre les
notions «porter », «atteindre », «toucher» déjà citée à propos de ἱκανός 35. Le latin secundus « (vent) favorable » montre un développement analogue : alors que le skr. sáce correspond sémantiquement à lat. sequor, l'avestique hacaite “il
convient" rappelle gr. ἱκανός27, 1.4. Conclusion
provisoire : le sens de (x- chez Homère
Un sens premier «toucher» de (x- semble pouvoir expliquer à la fois la diversité des emplois avec sujet animé et inanimé (la crinière du cheval d'Achille touche le sol et sa gloire touche le ciel, les Grecs désirent toucher le sol natal, un
sentiment touche le cœur, pour supplier on touche les genoux de la personne que l'on supplie, etc.), la syntaxe de l'accusatif direct encore vivant dans la langue homérique avec ce groupe alors qu'il ne l'est plus avec les verbes «aller», la syntaxe du double accusatif du tout et de la partie dans une série cohérente d'emplois avec sujet inanimé, et l'évolution sémantique particuliére des dérivés. Cette particularité sémantique du groupe Ix- a des conséquences importantes : il faut cesser de considérer comme « métaphoriques » les emplois avec sujet inanimé : c'est évident pour les inanimés qui sont concrets méme pour nous, comme «la crinière touche le sol» ou « la fumée touche le ciel », mais il n'y a
pas davantage de métaphore avec des termes qui nous semblent plus abstraits (mais ne le sont pas nécessairement dans la vision homérique du monde) comme
«la gloire touche le ciel» ou «la douleur touche le cœur» (cf. le parallèle «la fatigue touche les genoux ») : il n'y a qu'un effet métaphorique quand le sujet (et éventuellement le complément) nous semble plus abstrait, mais le sens du verbe reste le méme : il dénote un contact direct entre le sujet et l'objet atteint, à l'accusatif. Ce contact n'implique pas nécessairement un déplacement : la criniére
qui touche le sol ne se déplace pas, à plus forte raison, le rocher qui touche le ciel 28 est immobile. Il faut aussi cesser d'analyser l'accusatif direct régulièrement attesté avec Ixcomme un «accusatif de direction» : puisque cette régularité est un des traits syntaxiques qui servent à caractériser (x- sémantiquement comme un verbe de
contact et non comme
un verbe de mouvement,
et puisque d'autres indices
indépendants garantissent ce sens homérique du verbe, l'accusatif avec (x- est un accusatif d'objet, normal dans la langue homérique, et les verbes de ce groupe sont
à écarter des exemples de l'accusatif de direction archaique.
LE GROUPE
DE
ÎK
151
Pourquoi alors garder ce groupe de verbes dans une étude sur les verbes de mouvement en grec ? L'évolution de la langue montre que le sens «toucher », encore vivant chez Homère dans certains emplois, a été oublié par la suite, au point que ces emplois
sont mal compris dans toute la tradition ancienne, et encore par la plupart des philologues modernes : dans la synchronie de l’époque classique, il s’agit sans conteste d'un verbe de mouvement. Bien plus, si le sens «toucher » est vivant dans la synchronie homérique dans les emplois avec sujet inanimé et dans les emplois archaiques du type « toucher les genoux » (avec sujet animé : la formule rituelle de supplication doit contribuer à conserver la syntaxe de l'accusatif direct), l'accusatif prépositionnel tend déjà dans cet état de la langue à l'emporter dans les emplois avec sujet animé : dans ce type d'emploi, la notion de « toucher » suppose souvent un mouvement dans la direction de l'objet que l'on touche ; la propagation de la syntaxe de l'accusatif prépositionnel, typique du paradigme supplétif du verbe « aller », suppose donc que le trait sémantique originel et primordial de contact s'affaiblit au profit du trait secondaire de mouvement dans la direction de (connotation intégrée dans le sémantisme ?). L'évolution sémantique de «touCher » vers « atteindre » puis « parvenir à » et « aller en direction de » pourrait donc s'expliquer par l'influence analogique du paradigme supplétif, qui a eu lieu d'abord dans les emplois avec sujet animé, les plus caractéristiques du paradigme supplétif, alors que les emplois avec sujet inanimé, typiques du sens originel de ἱκ-, restaient à l'abri de cette influence : c'est exactement l'état de langue attesté par l'ensemble des poémes homériques. La disparité des emplois avec sujet inanimé, conservant la syntaxe aussi bien que le sens archaïque de Ix-, et des emplois avec sujet animé qui ont déjà commencé à subir l'influence analogique du paradigme supplétif justifie donc a posteriori la présence de ce paradigme dans une
étude des verbes de mouvement dans la «synchronie
homérique ».
Les emplois avec sujet inanimé ne sont pas à proprement parler formulaires, mais semblent en train de se figer en formules, avec leur syntaxe particulière, accusatif direct ou double accusatif ; au contraire, les emplois vivants de ἱκ- sont,
dès la langue homérique, les emplois avec sujet animé, où l'accusatif prépositionnel habituel avec les verbes de mouvement s'introduit de plus en plus en méme temps que l'usage du préverbe : dès l'époque d'Homére, le groupe de ἷκ- a évolué sémantiquement vers un sens de contact avec l'objet dans la direction duquel on s'est déplacé, et semble alors correspondre au français arriver, où la notion de contact avec le terme du mouvement, étymologiquement pertinente (adripó — ad ripam peruenió) est aussi sensible.
1.5. L'étymologie de íx-
Le sens premier de [x- encore attesté dans la langue homérique, «toucher », s'accorde avec le sens du verbe lituanien apparenté siekiu, atsiekiu «toucher, atteindre avec la main » ἢ. On admettra donc pour la base indo-européenne *seiksik- le sens «toucher» conservé à la fois par les deux langues ; l'évolution de «toucher» vers «arriver à» s'est faite à l'intérieur du grec, suivant un processus dont on peut suivre l'histoire à partir d'Homére. En grec, le rapport avec ἐνεῖκαι, un des aoristes supplétifs du verbe « porter » pourrait étre justifié sémantiquement
152
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
par les parallèles de *Hnek- Henk- : ἀνάγκη, lat. necesse, nanciscor, ἤνεγκον, véxtag (ci-dessus, 1.3.2, p. 149 et n. 21, 22).
2. LE SYSTÈME
DE iX- : LES DIVERS THÈMES
VERBAUX
A l'intérieur d'une opposition sémantique majeure entre les verbes du groupe
ix- et les verbes de mouvement (spécificité de (x-), la langue homérique semble avoir constitué un systéme, ou un embryon de systéme cohérent. Le tableau morphologique met en évidence la cohérence formelle : 1) la forme dérivée en -ávo) et la forme thématique radicale active ne servent à former que des thèmes de présent, actif, xo, ἱκάνω ; 2) la forme thématique radicale moyenne se limite au thème d'aoriste (ixöunv) comme la forme sigmatique thématisée active (lEov) ; 3) il n'existe qu'une forme de futur, ἵξομαι, correspondant pour la forme à l'aoriste moyen ἱκόμην. Mais la relation entre un présent actif et un futur moyen est banale en grec (peut-être la règle héritée, témoignant de l'archaisme des formes qui l'attestent, cf. βήσομανβαίνω, βάσκω, βιδάς) : a priori, ce peut aussi bien étre le futur de ἵκω, et ἱκάνω. Il faut donc chercher des critéres d'emploi
permettant d'établir le paradigme
homérique.
2.1. Les formes de présent On a ici en présence, si l'on tient compte de toutes les formes attestées, deux présents radicaux, (xo et ἥκω, et deux présents dérivés, l'un attesté à l'actif et au moyen, ἱκάνω, ἱκάνομαι, l'autre seulement au moyen, ἱκνέομαι. On élimine ici
d'emblée ἥκω et ἱκνέομαι, formes rares pouvant dater des «éditions » attiques du texte homérique ?!. 2.1.1. L'opposition ἱκάνω / ἱκάνομαι L'opposition entre l'actif et le moyen du présent dérivé a l'air d'étre surtout stylistique et métrique : le moyen, exprimant peut-étre à l'origine une participation plus intense du sujet, est devenu une variante expressive de l'actif. Outre les
exemples
de
tà
σὰ
γούναϑ᾽ ἱκάνω / ἱκάνομαι
dans
la formule
rituelle
de
supplication (ci-dessus, 1.3.1, p. 149), on trouve avec le moyen deux exemples du syntagme avec le sujet χρειώ «le besoin», //. X, 118 = XI, 610, χρειὼ γὰρ ἱκάνεται οὐκέτ᾽ ἀνεκτός («le besoin presse, insupportable ») et, avec sujet animé, une formule toujours appliquée au retour d'Ulysse chez lui, Od. XXIII, 7, 27, 36,
108 οἶκον ἱκάνεται. 2.1.2.
L'opposition
ixw / ἱκάνω
L'opposition entre le présent radical et le présent dérivé est plus intéressante du point de vue linguistique. Un premier critère formel d'opposition apparait dès l'abord : le présent radical n'est jamais composé, alors que le présent dérivé l'est assez souvent (13 exemples sur 79). On trouve avec ἱκάνω différents préverbes,
&q-, εἰσαφ-, ὑφ-, le plus souvent avec sujet animé et sens concret. Il est plus difficile de cerner des critéres d'emploi. Si l'on tient compte de la distribution des
LE GROUPE
exemples
en
catégories
d'emplois,
en
DE
IK
rappelant
153
qu'il
s'agit
de
catégories
heuristiques, rarement susceptibles de donner accés aux représentations de la «mentalité homérique » ?, pour ce qui est des emplois avec sujet inanimé et sens concret, il semble que l'on puisse opposer l'emploi d'élection de ἱκάνω, avec comme sujet un objet matériel palpable (ἐλάτη, χαίτη, καπνός, τόξον, σκόπελος, νηῦς) à l'emploi d'élection de Ixw, avec pour sujet un objet impalpable (8 exemples : 3 avec ἀὑτή, 2 avec αἴγλη, 2 avec σέλας, un avec ὀρυμαγδός), le complément étant le plus souvent (εἰς) οὐρανόν, quelquefois αἰϑέρ(α). Mais on
trouve 2 exemples de (xc dans l'emploi qui semble l'apanage de ἱκάνω, avec sujet palpable (un exemple avec xvion, cf. καπνός avec ἱκάνω, l'autre avec χτήματα : il
s'agit du mouvement commercial, de l'importation des richesses), et 3 exemples de ἱκάνω pour un objet impalpable (2 exemples avec σέλας, un avec φωνή) ; si la
distribution n'est pas entiérement aléatoire, il ne faut en tout cas pas accorder trop de valeur à cette opposition palpable/impalpable. Elle a pu jouer dans la préférence accordée à l'un des verbes pour un emploi, mais n'est jamais une
contrainte d'emploi.
Les raisons métriques ont pu contribuer à brouiller une
opposition linguistique ancienne et authentique. Les exemples avec ἀὐτή, φωνή « voix», et avec σέλας «éclat » imposent de reconsidérer l'appartenance d'un des termes rencontrés avec íx- à la catégorie d'inanimés abstraits, κλέος « gloire ». Les emplois du mot en grec et l'étymologie impliquent que le κλέος homérique n'est pas plus «abstrait» que le σέλας ou la voix : il est assez probable que les combattants de l'/liade voyaient le kleos d'Achille et l'entendaient, mélange de rumeur et d'éclat, comme on représentait par une auréole de lumière la «gloire» du Christ dans la peinture médiévale. Ajouter les exemples de κλέος à la catégorie des inanimés concrets n'apporte pas de changement important, puisque l'on a deux exemples de κλέος οὐρανὸν ἵκει et deux de κλέος οὐρανὸν εὐρὺν ἱκάνει / ἵκανε. Dans les exemples avec sujet inanimé « abstrait », on distinguera les cas où le complément est inanimé, du type οὐρανόν, ce qui rappelle les exemples avec sujet
inanimé
concret
impalpable
du
type
äütn
οὐρανὸν
ἵκει, et les cas où
le
complément est une personne ou une partie d'une personne ? : dans le premier
type, on ajoutera aux 4 exemples de xAéoc + οὐρανὸν + ἴχει κάνει, ἵκανε, Od. XV, 329, τῶν ὕόδρις τε βίη τε σιδήρεον οὐρανὸν ἵκει («les prétendants dont l'excès de violence
comme
le kleos,
consubstantielle
touche
le ciel ...»), qui semble
est une qualité impalpable,
mais
indiquer que
malgré
la violence,
tout concréte, et
à une personne comme l'est sa voix. Les exemples du deuxiéme
type seront présentés dans le tableau qui suit : on tient compte à la fois du type de sujets (sentiments et sensations, catégorie qui semble relativement homogène) et
du complément :
154
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
AVEC Duo : sujet
complément
χρειώ
Il. X, 142 Od. V, 189 Od. 1I, 28
χόλος
Hl. IX, 525 Il. XVII, 399
0 (emploi
absolu)
με τινα
Od. XX, 228
πινυτὴ
AVEC. ἱκάνω: sujet
χρειώ
ἄχος
πένϑος
complément a VI, 136 avec ἰχάνεται : 1. X, 118, XI, 610)
0 (emploi
absolu)
|n
|
Il. Il. Il. z
X, 171 XIX, 307 VIII, 147 = XV, 208 XVI, 52= Od. XVIII, 274
b
e VII, 124 Od. VI, 169
Il. 11, 97 Od. 1], 41
|
ll. XIII, 464, cf. XV, 245 Il. XVI, 516 Il. XVIII, 465 Od. XXIII, 93 Od. V, 289 Il. 1, 610 — Cd. XIX, 49 Il. X, 96 Od. IX, 333 Od. V, 457 Od. XVIII, 81 Il. IV, 321
μιν... κραδίην
καί ϑυμόν
ue) κραδίην
xai ϑυμόν
᾿Αχαιΐδα γαῖαν
με
θυμὸν ἐμόν μ(ε)
LE GROUPE
DE
IK
155
A cause du complément personnel (με), il semble que l’on peut ajouter à cette liste des emplois de ἱκάνω avec sujet «abstrait», Od. IX, 507 = XIII, 172, ὦ πόποι, ἦ μάλα δή με παλαίφατα ϑέσφαϑ᾽ ἱκάνει ; (il y a peut-être une ambiguïté
sémantique analogue à celle qui se rencontre parfois dans les emplois du français toucher entre «avoir une influence (psychologique) » et «concerner » : on peut garder la traduction «toucher » dans le syntagme «les oracles me touchent », et en l'occurrence «voici que les prédictions anciennes me frappent, m'atteignent »).
Avec sujet animé, le petit nombre des exemples de Ixw (4 occurrences en tenant compte
des cas de variantes ἵκω / ἥκω) s'oppose au nombre
élevé des
exemples de ἱκάνω : 85. Ces oppositions ne sont pas assez rigoureuses pour que l'on puisse en tirer des conclusions süres ; dans certains cas, il est probable que les deux termes ont été utilisés comme des doublets, en fonction des besoins prosodiques (cf. xAéoc
οὐρανὸν ἵκει, κλέος οὐρανὸν εὐρὺν ἱκάνει, ci-dessus). On a pourtant remarqué que ἱκάνω a plus souvent que îxw pour sujet un objet matériel palpable, et beaucoup plus souvent un sujet animé, alors que ἵκω a davantage d'affinités avec les notions de bruits, de lumière : ἱκάνω semble donc dénoter un procès plus concret, plus physiquement perceptible que Îxw. Mais tous deux sont employés avec pour sujet une notion «abstraite » du domaine psychologique (sentiment ou sensation) et pour complément une désignation de la personne atteinte. En nombre absolu, ἱκάνω est mieux représenté dans cet emploi que son concurrent. Le fait que le sujet χρειώ «le besoin» soit attesté 3 fois avec Îxw, une fois seulement avec ἱκάνω et deux fois avec ἱκάνομαι peut suggérer que ἵκω est plus chargé affectivement que le dérivé (ce qui concorde d'ailleurs avec sa fréquence moindre) : quand on emploie le dérivé, on préfère le moyen, affectif, à l'actif,
neutre. Avec le sujet πινυτή «sagesse », ἵκω aurait une valeur durative nette («la sagesse pénètre ton esprit») bien venue pour un présent radical ^. Cette valeur durative pourrait se retrouver avec le sujet χρειώ «le besoin nous touche » (mais
l'opposition avec χρειὼ ἱκάνει ίἧ, κάνεται est génante : il faudrait pouvoir montrer que la langue oppose un présent momentané, dérivé «le besoin nous atteint » à un présent duratif «le besoin nous touche, —
ο
A
sw
viv χρειὼ
nous sommes Ixdve
dans le besoin» :
(ἰκάνεται)
χρειὼ ἵκει
vuv
Les exemples sont trop peu nombreux et les contextes trop elliptiques pour garantir cette opposition). Avec le sujet χόλος, la valeur durative de Ixw
(paradoxale dans la mesure où nous concevons la colère comme un sentiment brusque, brutal 25) ressort en tout cas bien du contexte : le présent ἴκοι (Il. IX, 525) reprend le parfait κεχολῶσϑαι, Il. IX, 523 : ... πρὶν δ᾽ οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι. Οὕτω καὶ πρόσϑεν ἐπευϑόμεϑα κλέα ἀνδρῶν
ἡρώων, ὅτε κέν τιν᾽ ἐπιζάφελος χόλος Üxov δωρητοί τε πέλοντο παραρρηῖοί τ’ ἐπέεσσι. littéralement «autrefois, on ne vous en voulait nullement d’être en colère; ainsi, nous entendions raconter à
156
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
propos des héros glorieux de jadis que, quand une colère violente tenait l’un d’eux, ils étaient pourtant accessibles aux présents, et se laissaient fléchir par les
paroles...» : χόλος ἵκει τινά apparaît comme la formule objective correspondant à l'expression subjective de la colère dans le parfait d'état κεχόλωμαι. Dans un exemple parallèle, /l. XVII, 399 ... οὐδέ
x’ "Agnc λαοσσόος,
οὐδέ
x" AOfvn
τόν γε ἰδοῦσ᾽ ὀνόσαιτ᾽, οὐδ᾽ εἰ μάλα μιν χόλος Ixoı, l'optatif présent Ixoı s'oppose nettement par sa valeur durative à l'aoriste ὀνόσαιτ᾽, cf. la traduction de P. Mazon : «Ni Arès meneur de guerriers, ni Athéné, n'auraient, s'ils venaient
voir (la mêlée) la moindre critique à en faire, quelque colère qui füt entrée en eux ». Par opposition à cette plutôt quand il s'agit d'un soudaine, le plus souvent la brutalité du fait est évidente Il. XVIII, 465 ὅτε μιν μόρος
valeur durative de ἵχω, ἱκάνω parait étre employé sentiment ou d'une sensation brutale, aiguë ou douleur physique ou morale, la pitié, la fatigue ; la dans les exemples avec le sujet μόρος «le destin » (cf. αἰνὸς ἱκάνοι). Dans d'autres cas, la valeur du verbe
ressort du contexte : avec κῆδος «le souci», on voit que le souci n'est pas ici considéré comme un état psychique durable, mais comme un sentiment qui vous
pousse à l'action : //. XIII, 464 « Αἰνεία, Τρώων βουληφόρε, νῦν σε μάλα χρὴ γαμδρῷ ἀμυνέμεναι, el περ τί σε κῆδος ἱκάνει. bien traduit par P. Mazon
:
« ... il te faut à tout prix secourir ton beau-frère, si tel souci te point». Il est vrai qu'ailleurs, le souci engendre plutôt l'inactivité : ainsi d'Hector qui reste assis sans rien faire, Il. XV,
245 «Ἕκτορ,
υἷε Πριάμοιο,
τίη δὲ σὺ νόσφιν
ἀπ᾿ ἄλλων
Ho’ ὀλιγηπελέων ; À πού τί σε κῆδος ἱκάνει ; Il serait donc plus juste de dire que le syntagme κῆδος ἱκάνει τινά semble employé quand on considère le résultat du sentiment sur la conduite (que ce résultat soit positif et qu’il pousse à l'action,
ou négatif) au lieu de s'intéresser aux modalités de ce sentiment. Avec le sujet ὕπνος,
le «sommeil»
le sens
est nettement
inchoatif : 1.1,
610
ἔνθα πάρος κοιμᾶθ᾽ ὅτε μιν γλυκὺς ὕπνος ἱκάνοι. Il s'agit de l'envie de dormir plutôt que du sommeil proprement dit, puisque c'est cette sensation qui provoque le coucher, cf. la traduction de Mazon : « Et Zeus Olympien... prend le
chemin du lit où sa coutume est de dormir, à l’heure où vient le doux sommeil ». Cette valeur inchoative de ὕπνος ἱκάνει semble confirmée par la forme négative, attestée
dans
Il. X,
96
ἐπεὶ οὐδέ o£ γ᾽ ὕπνος ἱκάνει, que l'on peut traduire « puisque tu ne trouves pas le sommeil»,
littéralement
«le sommeil
ne te touche
pas non
plus».
La
formule "ὕπνος ἵκει τινά n'est pas attestée, mais le paralléle de κῆδος ἵκει τινά exprimant
l'état psychologique
de souci, suggère qu'elle exprimerait
l'état de
sommeil : le sommeil tient quelqu'un. Reste un exemple de ἱκάνω avec γῆρας «vieillesse» : a priori, le terme semble duratif, et le syntagme semble interdire l'hypothèse d'une opposition xo duratif exprimant l'état / ἱκάνω vrai présent, dénotant l'envahissement soudain par un sentiment ou une sensation. Mais ici encore, il faut regarder le texte de près, 4l. IV, 321 : à Agamemnon admirant qu'en dépit de son grand âge il gardát une telle ardeur au combat, Nestor répond par des regrets sur le temps et la vigueur passés, εἰ τότε κοῦρος ἔα, vov αὖτε με γῆρας ἱκάνει. Si la formule γῆρας ἱκάνει τινά est authentique 5, c'est là encore le résultat de la vieillesse sur l'activité et sur les possibilités physiques de l'individu atteint qui importe, cf. la
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DE
IK
157
traduction de Mazon «Je sens maintenant l'atteinte de l’âge». On peut donc penser que cette expression s'oppose une fois de plus à celle de l'état de vieillesse,
"γῆρας ἵκει τινά «la vieillesse tient, possède quelqu'un » ?. L'opposition ἱκάνω/ {xw n'est pas toujours claire dans le texte homérique. Mais chaque fois qu'elle l'est, on distingue une valeur durative d'état, parfois chargée d'affectivité, pour le présent radical, et une valeur non-durative #, inchoative ou résultative pour le présent dérivé : c'est l'opposition que les
philologues ont appelée déterminé ou terminatiflindéterminé, pour laquelle nous préférons la terminologie de 1. Brunel, effectif/non-effectif . Pour ixw, le sens non-effectif et la valeur d'état concordent bien avec l'hypothése morphologique
d'un ancien parfait * et avec le fait qu'il tend à être remplacé par ἥκω, que l'on dit être un «présent à sens de parfait » *, symétrique de οἴχομαι. Quant à ἱκάνω, bien qu'il ne fasse pas partie morphologiquement des verbes en -ávo étudiés par J. Vendryes (cf. note 38) puisqu'il a un à issu phonétiquement de l'amuissement
de F après nasale "2, il s'en rapproche pour l'emploi : «... le présent en -&vw présente, par opposition au présent simple, une sorte de rétrécissement de la durée» (op. cit., 270 = Choix, 144). Il semble qu'en grec, chaque fois qu'existe au présent une opposition morphologique entre un présent dérivé et un présent radical, le dérivé tend à prendre une valeur «effective », le radical gardant le sens duratif non-effectif. Et la valeur effective du dérivé se prête suivant le sens du verbe et l’utilisation en situation
à divers
itératif etc.). Cette
effets de
sens
hypothèse
(ingressif ou
semble
inchoatif,
confirmée
terminatif,
résultatif,
par le rôle que jouent
les
préverbes pour rendre effectif un verbe qui ne l'était pas* ou pour renforcer comme tel un verbe déjà caractérisé comme effectif : on a déjà remarqué
(ci-dessus, p. 153) que ἵκω n'est jamais composé, alors que ἱκάνω, déjà marqué comme effectif par la dérivation, est souvent renforcé par la présence d'un préverbe (ἀπο-, εἰσαπο- : 66 exemples du verbe simple/13 exemples de composés). Du méme coup, on s'explique qu'en attique, la valeur «effectivante » de la dérivation n'étant plus sensible du fait que le verbe n'a plus qu'un seul présent, ἀφιχνοῦμαι, le préverbe ait été généralisé dans tout le paradigme.
2.2. Les formes d'aoriste : ἱκόμην 7 ἷξον 2.2.1.
Indices d'un systeme supplétif ἱκάνω
- ἱκόμην;
les emplois
On trouve ἱκάνω et ἱκόμην dans divers types d'emplois parallèles, impliquant une relation de complémentarité paradigmatique. — avec sujet inanimé, on rapprochera d'une part Il. XIV, 288 (ἐλάτη)
ἐν, ἢ τότ᾿ ἐνἼΊδῃ μακροτάτη
πεφυυΐῖα δι᾿ ἠέρος αἰθέρ᾽ ἵκανεν,
ou Il. XIX,
406...
πᾶσα
δὲ
χαίτη.. οὖδας ἵκανεν de IIl. XIII, 141 ... ὁ δ᾽ ἀσφαλέως θέει ἔμπεδον ἧος ἵχηται, ἰσόπεδον (ποταμός), ou Od. XXIV, 172 ἀλλ᾽ ὅτε χεῖρας ἵκανεν "Oôvaoños μέγα τόξον de Od. XII, 331 φίλας ὅ τι χεῖρας ἵκοιτο, d'autre part Il. XV, 686 ... φωνὴ
δέ οἱ αἰθέρ᾽ ἵκανεν, de Il. XIII, 837 ἠχὴ δ᾽ ἀμφοτέρων
ἵκετ᾽ αἰθέρα καὶ Διὸς
αὐγάς. On comparera encore Il. I, 362 = XVIII, 73 xéxvov, τί κλαίεις ; τί δέ σε φρένας ἵκετο πένθος ; à Od. VI, 169... χαλεπὸν δέ με πένθος ἱκάνει et à 1l. I, 254 = VII, 124
158
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
«ὦ πόποι, À μέγα πένθος ᾿Αχαΐδα γαῖαν ἰκάνει ». - avec sujet animé, on trouve avec les deux formes verbales les mêmes types de complément de lieu : une personne («aller trouver quelqu'un »), e.g. Il. XXII,
214 Πηλεΐωνα δἴκανε θεὰ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη et Od. VI, 304 ὄφρ᾽ ἂν ἵκηαι / μητέρ᾽ ἐμήν, un lieu chargé d'affectivité (maison, patrie...), cf. e.g. Il. XII, 221 πάρος φίλα οἴκι᾽ ἱκέσθαι et Od. XXII, 231 ... ὅτε σόν γε δόμον xai κτήμαθ᾽ ἱκάνεις, ou un lieu neutre du point de vue affectif. Un seul emploi semble ne se rencontrer qu'avec un de ces verbes, celui que
les lexicographes traduisent par «supplier» : cet emploi, limité à la première personne de l'indicatif du présent, s'explique comme un usage illocutoire de la
formule performative ἱκάνω tà σὰ γούνατα, «je touche tes genoux» : cette formule, par suite des usages rituels de la société homérique, sert à supplier, mais le verbe ne signifie jamais «supplier» chez Homére. Le phénoméne de « délocutivité généralisée » * explique que le paradigme verbal tout entier ait pu prendre le sens «supplier» sous l'influence de la formule performative, comme
cela semble étre le cas dans la tragédie à l'époque classique 9, mais ce processus ne semble pas encore s'étre produit chez Homere ; dans trois exemples de l'aoriste,
nous croyons, sans preuves décisives, avoir affaire au sens «aller voir quelqu'un, visiter» (ci-dessus) : Od. V, 448 αἰδοῖος μέν τ᾽ ἐστι καὶ ἀθανάτοισι θεοῖσιν ἀνδρῶν ὅς τις ἵκηται ἀλώμενος, ὡς καὶ ἐγὼ νῦν
σόν τε ῥόον σά τε γούναθ᾽ ἱκάνω πολλὰ μογήσας, l'emploi de l'aoriste dans son sens normal est encadré par deux emplois performatifs : littéralement «il est respectable méme pour les dieux immortels, celui des hommes qui vient sous-entend θεούς : qui les touche) en errant, comme moi maintenant ton cours et tes genoux, aprés bien des souffrances». Od. IX, 267 est type, peut-étre plus suspect d'une extension du sens performatif en
(ou si l'on je touche du méme dehors du
présent du fait que la formule rituelle ne figure pas dans le contexte, et que la formule
à l'aoriste est suivie d'une proposition interrogative introduite par εἰ,
impliquant que des paroles de supplication sont sous-jacentes : « ... ἡμεῖς δ᾽ αὖτε κιχανόμενοι xà σὰ γοῦνα ,ἰκόμεθ᾽ el τι πόροις ξεινήιον...
ἀλλ᾽ αἰδεῖο, φέριστε,
ϑεούς" ἱκέται δέ τοι εἰμέν. Mais on peut toujours comprendre le verbe comme un verbe de mouvement (emploi intransitif, analogique du paradigme supplétif, e.g. ἤλθομεν : c'est κιχανόμενοι qui reprend l'ancienne valeur «toucher» qu'avait
ἱκάνω dans la formule rituelle archaïque), et traduire comme V. Bérard, « Nous voici maintenant chez toi, à tes genoux, espérant recevoir ton hospitalité et quelqu'un des présents que l'on se fait entre hôtes » **. De méme H. Aphrod. V, 130-131, le verbe de supplication proprement dit est pour nous γουνάζομαι, alors que ἐγώ σ᾽ ἱκόμην signifie banalement «je suis venu te voir» : αὐτὰρ ἐγώ σ᾽ ἱκόμην, ... ἀλλά σε πρὸς Ζηνὸς γουνάζομαι ἠδὲ τοκήων. Ainsi, les trois exemples
homériques qui pourraient attester l'extension de la valeur performative de la première personne du présent ἱκάνω en dehors de la première personne et en dehors du présent de l'indicatif sont en fait tous trois susceptibles d'une autre interprétation, avec le sens «rendre visite à»; nous croyons cette dernière interprétation préférable parce qu'elle préserve la cohérence des emplois homériques. Il n'y a donc pas chez Homère d'emploi de ix- au sens de
« supplier » : la valeur illocutoire de la première personne ἱκάνω dans un emploi
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159
performatif pour supplier s'explique par le sens normal du verbe dans l'état archaique de la langue, état conservé dans une formule rituelle, «toucher (en l'occurrence, les genoux de la personne que l'on supplie). » Mais les trois exemples qui viennent d'étre cités, attestant l'emploi de (x — dans un contexte de supplication, ont certainement influencé l'interprétation ultérieure, et justifié les exégétes et les imitateurs d'Homére, pour qui l'un des sens du verbe était « supplier » : dans cette perspective, il est important que ce sens soit en germe dans les emplois de l'aoriste ἱκόμην (ἵκηται, ἱκόμεϑ᾽ et ἱκόμην respectivement), et non dans les emplois des autres thémes verbaux du groupe (ni ἵκω ni lEov), la cohésion paradigmatique de ἱκάνω — ἱκόμην est ainsi confirmée.
On trouve avec ἱκάνω comme avec ἱκόμην les emplois du type «arriver à un âge»“ : en face de 10 exemples de l'aoriste, e.g. αὐτάρ ἐπεί 6° ἥδης ἐρικυδέος ἵκετο μέτρον, présent,
Il. XI, 225 on rencontre
deux
fois le
Od.XVIII, 217 νῦν ὅτε δὴ μέγας ἐσσὶ καὶ ἥδης μέτρον ἱκάνεις et Od.XIX, 532 νῦν ὅτε δὴ μέγας ἐστὶ καὶ ἥδης μέτρον ἱκάνει. On ne trouve
dans cet emploi ni ἵκω ni [Eov^ Un emploi homérique du composé en xata- avec l'aoriste radical thématique semble isolé, avec sujet animé et sens métaphorique, //.XIV, 104 (discours d'Agamemnon, déjà cité p. 146) ὦ Ὀδυσεῦ μάλα πώς με καϑίκεο ϑυμὸν ἐνιπῇ / ἀργαλέῃ La syntaxe du
double accusatif du tout et de la partie (ue
ϑυμόν) montre bien que cet exemple
avec sujet animé dérive secondairement du type courant avec sujet inanimé (nom abstrait, sentiment ou sensation). L'expression a dû être faite à partir d'un modèle
"ἐνιπή ue καϑίκετο θυμόν, d'ailleurs attesté dans une variante. On voit que les deux leçons sont absolument identiques pour ce qui est de la prosodie, et que par conséquent i] peut facilement y avoir eu substitution; il faut pourtant choisir
καϑίκεο ἐνιπῇ, non seulement parce que c'est la leçon la mieux attestée, mais parce qu'elle est plus « difficile» : l'autre montre un essai de normalisation. Le correcteur, ayant l'habitude des formules avec sujet inanimé, n'a pas dû comprendre l'innovation stylistique qui intervient ici. P. Mazon n'a pas non plus
cru devoir tenir compte de ce fait de style : il traduit
«ta semonce me frappe ». En
traduisant littéralement « tu m'as touché par ta semonce », on voit bien que le sujet animé permet de faire passer la valeur sentimentale du verbe, venue des emplois où le sujet syntaxique est un sentiment (type πένϑος, ἄχος μ᾽ ἵκετο ϑυμόν) ? dans des emplois où le sujet « profond » est un abstrait sans valeur affective (type ὕδρις οὐρανόν (x-, πινυτὴ φρένας Ix-, μόρος ἱκάνει τινά, d'où "ἐνιπή ue καϑίκετο),
puis dans la structure καϑίκεό με ἐνιτῇ où le sujet est la deuxième personne du singulier : le verbe grec a donc comme le français «toucher » un sens affectif et moral au moins virtuel, qui n’est pas un sens métaphorique, mais plutôt un effet de sens de sa valeur fondamentale, qui intervient dès que le complément à l’accusatif est une personne : à partir du moment où le verbe «toucher », avec pour sujet une notion abstraite du type parole (remontrance/compliment), acte ou disposition d'esprit favorable ou défavorable à quelqu'un (bonté/méchanceté, etc.) a pour complément non pas un objet matériel (type ὕδρις οὐρανὸν (x-) mais une personne (e.g. με), la valeur affective du verbe s'impose d'elle-méme, par analogie
des emplois οὐ le sujet est un nom de sentiment. Dans la grande majorité des exemples homériques, on a la division suivante :
160
AUTOUR
SUJET :
DU PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
notion abstraite (ὕδρις)
COMPLÉMENT : objet matériel
Il. XIV,
sentiment (πένϑος)
(οὐρανόν)
personne
(μιν)
104 atteste un croisement des deux constructions, supposant deux
étapes successives : 1) le sujet est une
complément
un
nom
notion
de
abstraite;
personne,
mais,
le verbe
la situation
prend
imposant
le sens
comme
affectif qu'il
a
habituellement quand le complément est un nom de personne. 2) le sujet est une personne (ru : Ulysse, l'Autre dans la situation d'énonciation), le complément étant une personne comme dans le premier stade (pe, renvoyant à l'auteur de l'énonciation) ; la notion abstraite ἐνιπτή, rejetée au datif instrumental, comme
sens
est doublement
un circonstant, devient syntaxiquement
affectif puisque
personnes : c'est l'auteur de la semonce,
le sujet
et l'objet
sont
accessoire; le
désormais
des
Ulysse, qui est ainsi mis en vedette, sa
responsabilité est nettement soulignée par la syntaxe. Si cet exemple atteste un croisement syntaxique utilisé à des fins stylistiques, on voit que l'emploi
ne s'écarte pas vraiment des emplois considérés comme
typiques du paradigme 2.2.2.
ἱκάνω —
ἱκόμην.
'Ixávo et (xóunv se prétent tous deux à la composition.
Ἱκάνω et ἱκόμην sont tous deux attestés avec préverbe, trait qui les oppose encore à (xo comme à lEov, et du méme coup les rapproche l'un de l'autre. Si le présent paraît moins souvent en composition que l'aoriste, c'est par suite d'un fait de langue general”; ici en particulier, la dérivation joue avec le présent
homérique en -&vw le rôle «effectivant » que joue le préverbe dans l'ensemble du paradigme, par suite de la concurrence d'un présent non dérivé. En ce sens le
composé au présent (ἀφικάνω) peut donc étre considéré comme hypercaractérisé. Mais ce qui rapproche les deux thémes sémantiquement et du point de vue morphosyntaxique, c'est que dans la catégorie de l'ordre de proces, tous deux sont des effectifs.
On
peut
donc
conclure
provisoirement
que
(xóumv
est dans
la langue
homérique l'aoriste correspondant au présent ἱκάνω, systéme remplacé ensuite
dans la langue classique par ἀφικνοῦμαι — ἀφικόμην. 2.3. Le futur correspondant est ἵξομαι : indices formels de la complémentarité
paradigmatique
2.3.1. Les emplois parallèles Outre la normalité morphologique qui fait correspondre un futur sigmatique moyen avec un présent dérivé et un aoriste radical thématique, plusieurs emplois parallèles rapprochent ἵξομαι de ἱκάνω et de ἱκόμην : — avec sujet animé ἽἼξομαι admet avec sujet animé tous les types de compléments inanimés, y
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DE
ÍK
161
compris les lieux chargés affectivement, cf. e.g. I. XV, 505 à ἔλπεσθ᾽... ἐμδαδὸν
ἵξεσθαι ἣν πατρίδα ἕκαστος ; On ne trouve pas avec ἴξομαι de complément animé à l'acusatif («aller voir, visiter quelqu'un », cf. ci-dessus, 2.2.1, pp. 158-159), mais seulement le datif : cf.
e.g. Il. VI, 367 οὐ γὰρ οἶδ᾽ εἰ ἔτι σφιν ὑποτρόπιος ἴξομαι αὖτις. Cette absence relative est probablement fortuite, le futur étant au total beaucoup moins fréquent
que le présent dérivé ou l’aoriste. Le futur est attesté dans une métaphore du discours, MIX, 61 ἀλλ᾽ ἄγ᾽ ἐγών, ὃς σεῖο γεραίτερος εὔχομαι εἶναι, ἐξείπω καὶ πάντα διίξομαι... Comme ἐξ - dans ἐξείπω, δι - a avec -ἰξομαι un
sens vide d'exhaustivité (mais ici on comprend l'évolution sémantique de δια - * verbe de mouvement : « parcourir d'un bout à l'autre »). Aprés ἐξείπω et dans le
contexte
du
chant
IX,
le
verbe
dénote
évidemment
un
déplacement
métaphorique, dans l'univers rhétorique et dans l'espace imaginaire que constitue le discours : il s'agit d'aller jusqu'au
bout d'un exposé !.
Or, si nous n'avons pas trouvé d'exemple parallèle avec ἱκάνω chez Homère, il en existe deux avec l'aoriste, le premier avec le verbe simple, dans le méme discours de Nestor à Dioméde devant l'Assemblée que l'exemple précédent, ΠΧ,
55-56 οὔ τίς τοι τὸν μῦϑον ὀνόσσεται
50001
"Axatot,
οὐδὲ πάλιν ἐρέει- ἀτὰρ οὐ τέλος ἵκεο μύϑων littéralement « mais tu n'as pas touché le terme de tes paroles» c'est-à-dire «tu n'es pas allé jusqu'au bout du
discours (que tu aurais dû nous tenir) » : c'est au grand âge et à l'expérience de Nestor qu'il revient de terminer (διικέσϑαι) le discours seulement commencé par Diomede. On retrouve le composé
dans Jl. XIX,
186, où la valeur métaphorique
du
verbe est précisée par κατέλεξας qui le suit, lui aussi affecté d'un préverbe à valeur grammaticale
d'exhaustivité
« χαίρω
σεῦ, Λαερτιάδη
τὸν μῦϑον
ἀκούσας"
ἐν μοίρῃ γὰρ πάντα διίκεο καὶ κατέλεξας. » littéralement «tu as tout passé en revue
et énuméré
d'un bout à l'autre comme
il convient ».
Pour les locutions de l’âge, un exemple est de syntaxe ambiguë, Jl. XXIV, 728... πάϊς δ᾽ ἔτι νήπιος... οὐδέ μιν olo / fj6nv ἵξεσϑαι. La proposition infinitive peut en effet recouvrir soit "οὐδὲ πάϊς ἥδην ἵξεται,
soit "οὐδ᾽ ἤδη ἵξεται παῖδα (cf. une ambiguïté syntaxique analogue pour Od.XI, 196 avec ἱκάνει ci-dessus, n. 48). On penchera plutôt pour la construction avec sujet
animé,
numériquement
mieux
attestée.
De
toute
façon,
le
futur
est
complémentaire de ἱκόμην — ἱκάνω puisque les deux tournures sont attestées dans le paradigme —
avec sujet inanimé
et sens concret.
Un exemple sans ambiguïté syntaxique, Od.XIX, 20 νῦν δ᾽ ἐϑέλω καταϑέσϑαι (scil. ἔντεα πατρός) tv' où πυρὸς ἵξετ᾽ dütun rappelle plusieurs exemples de l'aoriste avec le méme sujet : Od.XVI, 290 = XIX, 9 6coov πυρὸς ἵκετ᾽ ἀντμή, cf. IL XIV, 174 ἔμπης ἐς γαῖάν τε xai οὐρανὸν ἵκετ᾽ ἀντμή. Il s'agit visiblement dans l'Odyssée d'une fin de vers formulaire, ἵξετίαι) se substituant à lxet(o) au cinquième dactyle. — avec sujet inanimé «abstrait». Deux exemples du futur, l'un avec pour sujet ποθή «le regret» et avec complément à l'accusatif direct, 1.1, 240 ἡ ποτ᾽ Αχιλλῆος ποϑὴ ἵξεται vlac' ᾿Αχαιῶν) σύμπαντας... l'autre avec le
sujet ἄχος et le double accusatif, //. XXIII, 47... ἐπεὶ οὔ μ᾽ ἔτι δεύτερον ὧδε 7
162
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
iger’ ἄχος κραδίην, ὄφρα ζώοισι μετείω rappellent la série des exemples
parallèles de ἱκάνω —
ἱκόμην (ci-dessus, p. 154).
2.3.2. Le futur et les préverbes On a vu que la compatibilité avec un préverbe rapproche ἱκάνω et ἱκόμην (éloignant ἵκω qui n'est jamais composé, ainsi que l'aoriste [Eov ; le préverbe caractérise l'aoriste comme effectif du point de vue de l'ordre de procès, et quand il se trouve avec le présent, il lui sert d'hypercaractérisation : au futur, le préverbe
joue apparemment le méme róle qu'à l'aoriste. On a rencontré (p. 161) un exemple de διίξομαι avec sujet animé dans une métaphore du discours, rappelant un emploi parallèle de ἱκόμην. 'Aq(Eopat est fréquent avec sujet animé et sens concret, e.g. II. XVIII, 270... ἀσπασίως γὰρ ἀφίξεται Ἴλιον ἱρήν.. Il y a donc dans la langue homérique une relation paradigmatique évidente entre ἱκάνω, ἱκόμην et ἵξομαι. 2.4. Signes du début de l'extension de la relation paradigmatique
au parfait
Le seul exemple homérique du parfait atteste l'emploi du composé en ἀπο avec sujet animé et complément de lieu inanimé (nom de la maison), emploi bien
attesté avec ἱκάνω comme avec ἱκόμην : Od. VI, 297 αὐτὰρ ἐπὴν ἡμέας ἔλπῃ xoti δώματ᾽ ἀφῖχϑαι. L'emploi n'est certainement pas trés ancien, puisque même avec préverbe, le verbe n'est plus senti comme transitif direct : le sens comme la syntaxe a subi l'influence (la force d'attraction, voir le chapitre de conclusion) du paradigme supplétif. Cependant, cet exemple atteste bien la relation avec ἀφικάνω, cf. IL VI, 388
ἡ μέν δὴ πρὸς τεῖχος ἐπειγομένη ἀφικάνει, avec ἀφίξομαι, cf. 7I. X VIII, 270, ci-dessus, 2,3,2, p. 162, et avec ἀφικόμην,
cf. II.X, 281
δὸς δὲ πάλιν ἐπὶ νῆας ἐὐκλείας ἀφικέσθαι. Dès l’époque homérique existait donc un lien paradigmatique étroit entre ἱκάνω, ἵξομαι et ἱκόμην, et avec le parfait -iyuat apparaissant dans une couche probablement récente de l'épopée. Dans la langue classique, le présent ἀφικνοῦμαι, probablement d'origine ionienne, n’a fait que prendre la place de ἱκάνω à l'intérieur du paradigme déjà constitué. La flexion active de ἱκάνω, insolite dans un paradigme de moyen, explique peut-être qu'il soit tombé en
désuétude et qu'il ait été remplacé par un présent de forme moyenne? Si l'on revient maintenant au probléme de la concurrence entre ἱκόμην et lEov
à l'aoriste, on voit que [Eov est en dehors du systéme paradigmatique ἱκάνω — ἱκόμην... La symétrie voudrait qu'il serve d'aoriste à (xc, tous deux ayant en commun de ne pas admettre de préverbe. Mais les faits ne sont pas conformes à cette idéale symétrie
et [Eov reste isolé.
2.5. Isolement de l'aoriste sigmatique thématique
L'emploi de ἷξον ne recouvre qu'une faible partie du champ d'emploi de ἱκόμην : ἷξον n'est attesté, avec sujet animé, que pour un déplacement réel (les
métaphores de l'áge et du discours semblent exclues). Pour ce qui est du complément, le complément animé semble exclu lui aussi, méme au sens banal de « visiter quelqu'un » (cf. ci-dessus, 2.2.1 p. 158 pour ἱκάνω — ἱκόμην dans cet
LE GROUPE
DE
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163
emploi) : la langue recourt à des détours syntaxiques plutôt que d'employer "ἷξον
Αἰνείαν,
cf.
IL. XX,
320
ÎEe δ᾽ ὅϑ᾽
Αἰνείας
ἠδ᾽
ὁ κλυτὸς
"yv
᾿Αχιλλεύς
(périphrases du méme genre, /l.XXIV, 160, Οὐ.ΠΠ, 31). Enfin, alors qu'un lieu chargé affectivement comme la « maison » (de famille) ou la «patrie» est pour
ἱκάνω comme pour ἱκόμην un complément d'élection (ci-dessus, 2.2.1, p. 158), ce type de complément paraît encore exclu avec [Eov : le complément de l’aoriste sigmatique thématique est souvent un nom propre (de ville, de fleuve, etc) sans connotation affective particulière : Τροίην, Λυκίην Ξάνϑον τε, Πύλα, κοίλην Λακεδαίμονα, Ὄγχηστον, ἐς Ῥόδον, ἐς Μυκαλησσόν, ἐς Κρίσην, ἐς Πύλον ou un nom de lieu quelconque (πόρον... ποταμοῖο, πύργον, plusieurs fois κλισίην, ὄρος, σπεῖος, πτολίεϑρον καὶ χῶρον, ἐπ᾽ ἐσχατίην... πολέμοιο, ἐς πεδίον...) :
l'emploi de ἰξον semble soumis à d'étroites contraintes.
Morphologiquement
aussi, les formes attestées de l'aoriste sigmatique sont limitées à la troisiéme personne (singulier [Ee(v), pluriel [Eov) ; la deuxième personne l£es apparait dans
l'Hymne à Apollon. L'emploi de cet aoriste peut donc facilement étre réduit à une formule normalisée : SUJET ANIMÉ + 3° PERS. [Ee / lEov + COMPLÉMENT INANIMÉ CONCRET
SANS CONNOTATION AFFECTIVE. Tout en faisant partie du groupe de verbes formés sur la racine ou base (x—, l'aoriste {Eov n'entretient pas de relations paradigmatiques avec les autres verbes homériques de ce groupe : il reste isolé pour l'emploi comme il l'est par sa formation. Nous ne croyons pas en effet qu'on puisse le rattacher directement au
présent Îxw du seul fait que tous deux sont actifs en face de ἱκόμην, moyen, comme
le fait C. Prince-Roth°* : dans le méme
état de langue que ἷξον existe
ἱκάνω, actif lui aussi, et c'est alors ἱκόμην qui peut apparaltre comme insolite au moyen (alors que cette diathèse est attendue au futur). A notre connaissance, lEov est le seul aoriste sigmatique thématique actif qui n'ait pas de valeur factitive. 2.6. Un aoriste, deux
présents
Théoriquement, rien n'empêche ἰκόμην de correspondre aux deux présents ἱκάνω et ixw, sinon l'habitude des paradigmes donnés par la tradition scolaire comme de bon attique, qui n'ont qu'un terme pour chaque forme. Mais chez Homère,
il est relativement fréquent qu'un aoriste unique corresponde à deux
présents (ἔσχον : Exw/Toxw) ou méme davantage (ἔδην : Baivw/Béoxw/ "βίδημι supposé par βιδάς). Cela peut s'expliquer par le fait que les oppositions d'ordre de procès sont en partie neutralisées à l'aoriste, ou qu'elles y sont marquées de préférence par l'emploi d'un composé : dans le cas présent, on peut opposer Ixw
non-effectif à ἱκάνω effectif, éventuellement composé par hypercaractérisation. A l'aoriste, ἰκόμην non-effectif et neutre s'oppose dans un premier état de la langue à ἀφικόμην, effectif marqué. Mais la fréquence de l'effectif à l'aoriste fait que le composé l'a emporté historiquement, et qu'il est devenu à l'époque classique le
terme unique, et par conséquent qu'il a perdu la valeur effective qu'il tenait de son opposition au verbe simple : finalement, l'aoriste a imposé à tout le paradigme verbal le préverbe et en méme temps la neutralité de l'aoriste non composé au regard de la catégorie d'ordre de procès. Si l'aspect ponctuel de l'aoriste va souvent de pair avec un ordre de procès effectif, cela explique qu'à la première approche on ait reconnu seulement la
164
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
complémentarité ἱκόμην — ἱκάνω ; mais on trouve aussi des exemples de relation complémentaire entre ἱκόμην et Uo : ainsi, on rencontre l'aoriste avec certains types de sujet qui nous ont paru préférer au présent Ixw à ἱκάνω (ci-dessus, 2.1.2, pp. 152-157) : avec àüm, non attesté avec le présent dérivé, on trouve l'aoriste, Od.XIV, 265 = XVII 434 τάχα δ᾽ ἐς πόλιν ἵκετ᾽ ἀτή cf. avec le présent radical, Il.XIV, 60... ἀὐτὴ δ᾽ οὐρανὸν ἵκει, et avec l'imparfait du même thème, ZLII,
153... ἀὐτὴ δ᾽ οὐρανὸν [xev οἴκαδε ἱεμένων (cf. XII, 338).
3. CONCLUSION Les verbes formés sur le thème ix - se laissent donc regrouper en — un aoriste sigmatique thématique de formation peu claire et d'emploi strictement limité : [Eov (peut-étre résidu d'une ancienne formation indo-
européenne ?) — un paradigme à double présent : Exw 7 Ixdvw-TEouar-Ixöunv —
le parfait commence
à être attesté chez Homère
(hapax
homérique) :
ἀφῖχϑαι. Cette situation correspond à un modèle homérique assez fréquent (ἔσχον --Exw/Toxw, ἔμεινα-μένω μίμνω etc.). L'opposition ἵκω ἱκάνω semble relever de
ce que J. Brunel appelle l'ordre de procès : le présent dérivé prend, parce qu'il S'oppose à un présent radical, une valeur effective qui à l'aoriste a un signifiant différent, le préverbe. Ἱκάνω n'a pas pour autant une valeur « aoristique » ; la catégorie d'ordre de procès se superpose souvent à la catégorie de l'aspect, mais ne se confond pas avec elle. Une comparaison développée 7 de l’Iliade permet de voir concrétement comment les oppositions croisées ponctuel/duratif et effectif/ non effectif sont exploitées dans les textes : premier terme de la comparaison, terme-image (les habitants d'une ville assiégée dans une ile font un feu, signal de détresse, dont la fumée monte, touchant l'éther) Il. XVIII, 207 ὡς δ᾽ ὅτε καπνὸς ἰὼν ἐξ ἄστεος αἰϑέρ᾽ ἵκηται τηλόϑεν ἐκ νήσου, τὴν δήϊοι ἀμφιμάχωνται, deuxième terme (terme-réel : l'éclat qui
émane
d'Achille
touche
l'éther)
1. XVIII,
214
ὡς ἀπ᾽ ᾿Αχιλλῆος κεφαλῆς σέλας αἰϑέρ᾽ ἵκανε. Dans le premier terme, on trouve un subjonctif de généralité indiquant l'habitude qu'avaient les auditeurs des récits épiques de voir les habitants d'une ville assiégée allumer des feux de détresse. L'objet (al8éo") est indiqué, mais n'est pas essentiel (on aurait ἀφίκηται : ἵκηται est neutre quant à la catégorie d'ordre de procès). Au contraire, dans le deuxiéme terme de la comparaison, par une variation subtile dans l'emploi
des thémes et de la dérivation, l'emploi de l'imparfait implique que la durée est pertinente “, et le choix du verbe dérivé implique la pertinence du caractère effectif du verbe : la gloire d'Achille va jusqu'au ciel. Alors que les feux allumés dans une ville assiégée ont un róle de signal, et qu'il importe seulement aux assiégés que leur signal soit aperqu par d'éventuels secours (si leur fumée atteint le ciel,
c'est
une
conséquence
fortuite),
l'héroisme
d'Achille
se
«mesure»
au
contraire à l'étendue de sa gloire, et il importe donc bien davantage que son éclat atteigne effectivement le plus haut point imaginable, le faisant ainsi communiquer avec le monde des dieux. Du point de vue sémantique, on a vu (conclusion provisoire, ci-dessus, 1.4,
LE GROUPE
DE
IK
165
pp. 150-151 que la diversité des emplois de {x - dans la synchronie homérique pourrait s'expliquer si l'on suppose que le verbe est soumis à deux tendances contradictoires : d'une part, (x - tend par certains traits syntaxiques à maintenir sa
spécificité sémantique (expression d'un contact direct), d'autre part, en adoptant la syntaxe des verbes de mouvement (accusatif prépositionnel), il tend à devenir un satellite sémantique du paradigme supplétif, et donc un «synonyme» de l'aoriste ἦλθον, lui aussi effectif. Un regard sur l'évolution de la langue après Homére confirme cette conclusion : le sens spécifique «toucher» se maintient
dans
quelques
rares exemples
isolés, se prolonge
dans
certaines
catégories
d'emplois originaux : «toucher par les sens», «supplier», «toucher dans le temps » (âge ou saison), « toucher dans son discours », être apparenté à, «toucher, concerner» et «en venir à», avec une polysémie analogue à celle de l'expression
frangaise.
Les emplois
avec sujet inanimé
semblent
comme
dans
la langue
homérique conserver le sens spécifique du verbe mieux que les emplois avec sujet animé et sens concret. Dans la majorité des exemples, l'influence du paradigme supplétif paraît avoir neutralisé ce sens spécifique au profit d'un sens plus général de mouvement qui atteint son but, en particulier pour le composé en ἀπο - avec
sujet animé, Il existe un nom d'action correspondant, ἄφιξις (e.g. 5 exemples chez Démosthène selon !’Index de Preuss) : la valeur de ἀφικνοῦμαι d'usage normal et banal en prose, par rapport au verbe simple, poétique, est confirmée par la
présence du préverbe dans le nom d'action, constante en prose, alors que l'on trouve ἴξις en poésie. De nombreuses locutions idiomatiques confirment encore l'importance de ἀφικνοῦμαι dans la langue classique, ainsi ἐς λόγους, ἐς ἀμφισδασίας. A partir d'un sens sürement concret («arriver pour des discussions,
pour des contestations »), l'usage fréquent de la locuticn semble avoir entraîné un sens « abstrait » : on ne se déplace pas forcément pour se réunir, et l'on traduit le plus
souvent
«entrer
en
pourparlers,
en
conversation,
en
discussion,
en
contestation », cf. Hdte, IV, 14, 10 ᾿Εσκεδασμένονυ δὲ ἤδη τοῦ λόγου ἀνὰ τὴν πόλιν ὡς τεϑνεὼς εἴη ὁ ᾿Αριστέης, ἐς ἀμφισδασίας τοῖσι λέγουσι ἀπικνέεσθαι ἄνδρα Κυζικηνὸν ἥκοντα ἐξ ᾿Αρτάκης πόλιος, φάντα τε συντυχεῖν τέ οἱ ἰόντι ἐπὶ
Κυζικὸν καὶ ἐς λόγους ἀπικέσϑαι. Soph., El.315 Ἦ κἄν ἐγὼ ϑαρσοῦσα μᾶλλον ἐς λόγους τοὺς σοὺς ἱκοίμην εἴπερ ταῦτ᾽ ἔχει. Une autre locution idiomatique, ἐς χεῖρας ἀφικνεῖσθαι τινός semble avoir existé dés la langue homérique (cf.
Od.XXIV, 172 ἀλλ᾽ ὅτε χεῖρας ἵκανεν ᾿Οδυσσῆος μέγα τόξον, Od.XII, 331 καὶ δὴ ἄγρην ἐφέπεσκον ἀλητεύοντες ἀνάγχῃ ἰχϑῦς ὄρνιϑάς τε, φίλας 6 τι χεῖρας ἵκοιτο). A l'époque classique, le verbe
semble avoir dans les exemples de cette locution aussi peu de sens que le français tomber dans la locution tomber aux mains de, cf. Eur., Héraclides, 931
où γάρ ποτ᾽ ηὔχει χεῖρας ἵξεσϑαι σέϑεν. Métaphoriques ou non, toutes ces locutions où le verbe semble s'être vidé de son contenu sémantique par suite de la fréquence de l'usage semblent attester qu'il s'agit d'un verbe opérateur, comme (en) venir à, entrer en, faire en français®. Les inscriptions dialectales montrent que le verbe simple a eu un emploi
idiomatique en ionien témoignage d'Hérodote tous les dialectes autres l'explication de ἥκω par
au présent, ἱκνοῦμαι, ; d'autre part, ἵκω et ses que l'ionien-attique, ce une innovation propre à
ce qui confirme et élargit le composés remplacent fxw dans qui pourrait étre en faveur de ce groupe dialectal, et récente.
CHAPITRE
III
TROIS VERBES SATELLISÉS Χωρέω, στείχω, νέομαι
On regroupe ici χωρέω, στείχω er νέομαι — bien que ces trois verbes ne soient apparentés ni étymologiquement ni sémantiquement à l'origine —
parce
qu'ils semblent avoir eu d'abord un sens spécialisé, étroit, et avoir subi tous trois,
de manière diverse, l'influence du paradigme supplétif. Le sens premier en grec de ces trois verbes semble avoir été un sens restreint : χωρέω «faire place», oxe(yo « marcher en ligne», et νέομαι «rentrer chez soi ». Dans les trois cas, l'extension de la syntaxe du paradigme supplétif (accusatif de direction prépositionnel) semble avoir tendu à faire de ces verbes des substituts stylistiques et poétiques du verbe «aller». L'étymologie indo-européenne, si elle atteste parfois l'antiquité du mot, ne permet pas toujours des conclusions fermes pour ie sens : mieux vaut alors s'en tenir aux données de l'histoire de la langue
grecque. 1. Χωρέω
οὐ
LA place faite
Les exemples homériques de χωρέω attendu pour un dénominatif de χῶρος toutefois que ce sens implique clairement s'agit toujours de l'espace comme champ existe des verbes
dénominatifs
sont cohérents, et attestent tous le sens «place» : «faire place». Remarquons que χῶρος est la «place libre »!, qu'il ouvert pour une activité. En français, il
formés sur place : placer,
transitif, et se placer,
intransitif, et sur espace : espacer. Mais le parallele le plus proche sémantiquement de χωρέω : χῶρος est probablement all. spazieren «se promener», formé sur le méme
mot latin spatium que fr. espacer,
et räumen
«enlever, écarter, évacuer »,
formé sur Raum «espace, accès » 2. On a 10 exemples du verbe simple chez Homère : l'emploi absolu, 7I. XVII, 533 τοὺς ὑποταρδήσαντες ἐχώρησαν πάλιν αὖτις, 2 exemples avec datif d'intérêt, «faire place à quelqu'un»?, Z!. XIII, 324 (il s'agit d'Ajax, χωρήσειεν reprend εἴξειεν «céder», au v. 321) οὐδ᾽ ἂν ᾿Αχιλλῆι δηξήνορι χωρήσειεν / ἔν γ᾽ αὐτοσταδίῃ, XVII, 101 τῷ u’ οὔ τις Δαναῶν νεμεσήσεται, ὅς κεν ἴδηται
Ἕκτορι χωρήσαντ᾽, ἐπεὶ ἐκ ϑέοφιν πολεμίζει, avec un accusatif indiquant la quantité
d'espace,
d'extension),
la distance
/I.XVI,
592 ὄσση
cédée
à l'adversaire
δ᾽ alyavéns
(accusatif
διπὴ ταναοῖο
du
contenu
τέτυκται Λ.. 7
ou
TROIS
VERBES
SATELLISÉS
XQPÉQ
ZTEIXQ,
NÉOMAI
167
τόσσον ἐχώρησαν Τρῶες, ὥσαντο δ᾽ ᾿Αχαιοί. XII, 406 χώρησεν δ᾽ ἄρα τυτϑὸν ἐπάλξιος"
οὐδ᾽ ὃ γε πάμπαν 7 χάζξετ᾽..., avec un génitif-ablatif indiquant le point de départ, sans préposition, XV, 655 ᾿Αργεῖοι δὲ νεῶν μὲν ἐχώρησαν καὶ ἀνάγκῃ 7 τῶν πρωτέων. XVI, 629 ὦ πέπον, οὗτοι Τρῶες ὀνειδείοις ἐπέεσσι / νεκροῦ χωρήσουσι cf. ἐπάλξιος, XII, 406, cité ci-dessus pour l'emploi de l'accusatif, et
avec génitif-ablatif prépositionnel,
XVIII, 244 Τρῶες δ᾽ add” ἑτέρωϑεν ἀπὸ κρατερῆς ὑσμίνης χωρήσαντες ἔλυσαν ὑφ᾽ ἅρμασιν ὠκέας ἵππους. XIII, 724 l'indication sur la direction du mouvement s'ajoute à l'indication d'origine : Ἔνϑα κε λευγαλέως νηῶν ἄπο καὶ κλισιάων Τρῶες ἐχώρησαν προτὶ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν, εἰ μή... Tous les exemples de l'Iliade font référence à une situation d'infériorité sur le champ de bataille ; le sujet
de χωρέω est toujours un combattant qui, vaincu ou pris de peur, «fait place» à l'adversaire, lui laisse le terrain. Le seul emploi homérique avec sujet inanimé, Hymne
à Demeter,
430
αὐτὰρ ἐγὼ δρεπόμην περὶ χάρματι, γαῖα δ᾽ ἔνερϑε χώρησεν, τῇ δ᾽ ἔκϑορ᾽ ἄναξ κρατερὸς πολυδέγμων peut s'expliquer par l'idée d'un mouvement de retrait : «la terre se déroba ».
Les composés homériques, ἀναχωρέω «faire place en remontant» et ὑποχωρέω « faire place en reculant, se dérober » confirment la spécificité d'origine du verbe, comme à l'époque classique le composé en ἐγ- «permettre», «comporter ». En somme, dans ce dérivé de χῶρος «place», toutes les valeurs attendues pour un verbe dénominatif sont exploitées dans des emplois idiomatiques syntaxiquement spécialisés : χωρῶ + datif de la personne et
génitif-ablatif du absolument,
lieu, «faire
«prendre
place»,
place», + complément d’où
«avancer,
de direction et surtout
progresser»,
+ accusatif direct,
«avoir place pour, contenir ».
Ces emplois remontent probablement tous à une valeur ancienne, mais le premier seul est attesté dans l'état homérique de la langue, le plus ancien où l'on puisse l'observer : il faut donc se défier de la tendance que l'on pourrait avoir à faire dériver les deux emplois attestés seulement à partir de l'époque classique de l'emploi homérique considéré comme seul «ancien». Le témoignage d'Aristophane montre que des locutions comme χωρεῖ τὸ ἔργον «le travail avance », ou χωρεῖ «ça va», ont eu un statut idiomatique. En revanche, la poésie montre un emploi de χωρῶ très voisin des emplois du paradigme supplétif : il semble y avoir eu substitution ou neutralisation sémantique du verbe par imitation de la syntaxe de ἔρχομαι, cf. Euripide, Jon, 174 χωρῶν... παιδούργει = ἰὼν... παιδούργει
(syntagme idiomatique avec relation d'intention entre le mouvement et l'acte : critére d'appartenance au paradigme supplétif), « va faire tes petits sur les bords de l'Aiphée ». Le tableau qui suit résumera
les évolutions :
168
AUTOUR χῶρος
«place»
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
——— —m- dénominatif χωρῶ | M
synchronies
!
successives
t
HOMERE
«fairéplace»
|
ré
EPOQUE CLASSIQUE
NÉBULEUSE
«faire place» . composés: ἀναχωρῶ
ὑποχωρῶ
i
\ \
\
x
EN POESIE
«prendre place» «avoir place « occuper le pour, contenir»
neutralisation sémantique sous
terrain »
l'influence du
!
προσχωρῶ
« avalcer,
συγχωρῶ
progresser,
verbe «aller»
réussir ».
composé :
προχωρῶ
2. Στείχω
OU
LA LIGNE
DROITE
2.1. Emplois et sens
Il ne semble pas s'agir d'un véritable verbe «aller» : on ne trouve aucun emploi de στείχω dans des syntagmes idiomatiques typiques du verbe « aller ». Les
exemples homériques sont tous avec sujet animé — des étres humains dans la majorité des cas, les moutons de Polyphéme dans deux occurrences du chant IX de l'Odyssée. Un seul exemple pourrait faire exception, Od. XI, 17 où il s'agit du soleil, οὔϑ ὁπότ᾽ ἂν στείχῃσι πρὸς οὐρανὸν ἀστερόεντα οὔϑ᾽ ὁπότ᾽ ἂν ἂψ ἐπὶ γαῖαν ἀπ᾽ οὐρανόϑεν ἀχτίνεσσιν. Encore l'exception pourrait-elle être ramenée à la norme si la représentation homérique implique une
divinité et non un être inanimé*. La proportion des emplois de composés de otelyw par rapport aux emplois du verbe simple semble croître avec le temps à l'intérieur méme de la chronologie homérique : 1 exemple de composé dans l'/liade / 3 exemples du verbe simple 6 exemples de composés dans l'Odyssée / 6 exemples du verbe simple 2 exemples de composés dans les Hymnes / 1 exemple du verbe simple. Dans tous les emplois, sauf l'exemple de l'Odyssée oü il s'agit du mouvement du soleil dans le ciel, individu unique par excellence, le verbe s'applique toujours au mouvement de personnages en groupe, au moins à deux, ou marchant à la suite d'un groupe (Hymne à Démeter). Cette spécialisation suggère l'hypothèse d'un
sens d'origine étroit, « marcher en ligne, en ordre», qui s'expliquerait dans les emplois militaires (Il. IX, 86; XVI, 258; II, 833 = XI, 331) et s'accorderait avec la valeur homérique du substantif στίχος, pl. στίχες « rangée de soldats » dans le méme type de contexte. Cet emploi peut se retrouver aprés Homère dans certains emplois poétiques?, et méme en prose chez Hérodote. Dans les deux occurrences du chant IX de l'Odyssée, 418 et 444, l'idée est probablement celle de « marcher à la file» : les moutons de Polyphéme sont obligés de se suivre pour
TROIS
VERBES
SATELLISÉS
ΧΩΡΕΩ
ΣΤΕΙΧΩ,
NÉOMAI
169
passer devant leur maitre à cause de la sortie étroite de la caverne qui forme un « défilé»? : le Cyclope aveuglé s'est à dessein posté là pour les inspecter. Od.XVIl, 204, il s'agit de deux marcheurs, sur un chemin de montagne « escarpée » (sens admis dans l'Antiquité pour l'adjectif παιπαλόεσσα) : on peut
penser qu'ils marchent à la file l'un derrière l'autre. La méme explication est la rigueur possible pour ἀν᾽ ὁδὸν otelxw, Od.XXIII, 136, avec encore moins d'arguments formels. Dans l'exemple de l' Hymne à Demeter, 182, la déesse se distingue du groupe,
mais marche derrière lui, le suit (ὄπισϑε). Od. XI, 17 est l'exemple le plus génant dans la mesure où il s'agit, sans doute possible, du mouvement d'un individu. Mais le soleil suit toujours la méme route, il marche toujours sur la méme ligne, sans
détours : it «marche droit» si l'on veut. Tous les exemples du verbe simple pourraient donc à la rigueur, en forcant un peu l'interprétation dans certains cas litigieux, étre ramenés à une unité. Les
exemples où cette explication parait le plus difficile à soutenir (la plus forcée) sont des occurrences avec complément de lieu : ἀνὰ ἄστυ, ἀν᾽ ὁδόν, καϑ᾽ ὁδόν, πρὸς οὐρανόν etc. Or, les exemples homériques des composés de στείχω semblent tous des
«synonymes»
ἀποστείχω
=
des
composés
ἀπέρχομαι,
correspondants
προσστείχω
=
du
paradigme
προσέρχομαι,
supplétif :
περιστείχω
=
περιέρχομαι. Il s'agit le plus souvent du mouvement d'un individu, non inclus dans un groupe, et le critére de «rang, rangée » ou de «ligne droite » parait exclu,
e.g. Od.XI, 132 = XXIII, 279 pour le présent, xai τότε δὴ ... οἴκαδ᾽ ἀποστείχειν ἕρδειν 8’ ἱερὰς ἑκατόμδας / ἀϑανάτοισι
ϑεοῖσι...
(ἀποστείχειν doit équivaloir à ἀπιέναι ou ἀπονέεσϑαι), et pour l'aoriste, 1.1, 522
(Zeus à Thétis) ἀλλὰ où μὲν νῦν αὖτις ἀπόστιχε μή τι νοήσῃ Ἥρη (ἀπόστιχε se distingue mal de ἀπελϑέ). Voir aussi Od.XII, 143 ἀπέστιχε = ἀπῆλθε; XII, 333
ἀπέστιχον = ἀπῆλθον; XX, 73 προσέστιχε = προσῆλθε; H. Dem. I, 114, ἀπέστιχες = ἀπῆλθες; H. Ap.ll, 217 παρέστιχες = παρῆλθϑες «longer, passer le long de», et un exemple de l’aoriste sigmatique, Od. IV, 277, περίστειξας = περιῆλϑες «faire le tour de». L'hypothése suivante pourrait alors paraître raisonnable : on pourrait partir du sens «marcher en ligne, marcher droit», originel en grec, qui justifierait la relation de στείχω avec στίχος et στοῖχος. Ce sens se maintient dans des emplois militaires chez Homère et après lui ; dans une autre série d'emploi, la marche en file est imposée par l'étroitesse du passage. Enfin, ce sens pourrait après Homère expliquer certains exemples où il s'agit de cortéges, de processions ou en tout cas de démarches ordonnées comprenant une certaine solennité. La présence d'une indication sur la direction du mouvement, ou d'un préverbe, tend dés la langue homérique à effacer ou neutraliser le sens spécialisé originel : on passe alors du sens «marcher à la file en direction de, autour de, le long de » au sens « marcher en direction de... », «aller à... ». Puisque tous les exemples homériques sont à la rigueur interprétables par le sens spécialisé,
on
ne
peut
donner
aucun
indice
formel
sür
de
l'existence
de
la
neutralisation sémantique par une indication de direction dans cet état de la langue, ni méme dire quels exemples sont les plus susceptibles de présenter la neutralisation. Mais les cas de neutralisation par préverbe , beaucoup plus sûrs, semblent en faveur de la neutralisation par complément prépositionnel aussi. Aprés Homére en tout cas les occurrences du sens neutralisé deviennent
170
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
numériquement majoritaires, dans une telle proportion que l'on peut même douter de la réalité du sens «marcher en ligne» à l'époque classique. 2.2.
Le probléme étymologique et sémantique
L'étymologie indo-européenne du verbe ne fait aucun probléme pour la forme : c'est un présent radical thématique dont le vocalisme, correspondant avec le gothique steigan garantit l'ancienneté. L'archaisme de l'aoriste radical thématique de vocalisme zéro n'est pas garanti, mais correspond à une structure paradigmatique ancienne et bien attestée en grec, cf. λείπω / ἔλιπον!!. L'aspect sémantique de la comparaison est plus difficile; quand les correspondants s'accordent, c'est semble-t-il sur le sens «monter»!?: skr. stighnoti aussi bien que got. steigan, cf. encore actuellement all. steigen. Ce sens n'est attesté nulle part en grec, ni pour le verbe, ni pour les substantifs. S'il faut se
fier à cet accord, on fera remonter à l'indo-européen le sens « monter », voyant dans le sens spécifique de στείχω en grec une innovation, comme par exemple le sens «se háter, fonder» de steigiu doit s'expliquer par une évolution propre à
l'histoire du lituanien. Une autre possibilité serait d'accorder plus d'importance aux formes nominales : on trouve en vieux haut allemand steg avec le sens de
« sentier, passerelle », en germanique et en gothique staiga «sentier », en albanais shtek, shtegu «passage, entrée, chemin, raie», en baltique et en lette staiga «marche»: on pourrait alors partir de diverses formes nominales indoeuropéennes (animées semble-t-il : les représentants sont tantôt masculins, tantôt
féminins) signifiant « passage étroit » ?, le verbe correspondant aurait alors gardé son sens primitif en grec archaique avant d'évoluer vers un sens plus large « aller» à l'époque classique; le sens «monter» dans d'autres parties du domaine indo-européen pourrait alors s'expliquer à partir d'un emploi spécifique du substantif comme « passerelle servant pour une ascension » (« échelle » ?) ou parce que les chemins de montagne sont étroits comme des passerelles (cf. un exemple de l'Odyssée, pp. 168-169) ; le sens de «sentier» pour le substantif, attesté dans plusieurs langues indo-européennes, pourrait donc remonter à l'indo-européen. Nous pensons donc que l'on peut partir en grec d'un sens originel spécifique
de στείχω, «aller en ligne, à la file, marcher droit », qui oppose bien ce verbe aux autres verbes du champ sémantique de mouvement et de déplacement. Ce sens spécifique semble encore vivant chez Homére, et peut avoir survécu dans quelques
emplois à l'époque classique. Mais la tendance à construire ce verbe qui indiquait un déplacement avec un
complément de direction comme les verbes «aller» (ou à lui adjoindre un préverbe) neutralisait sa spécificité sémantique et en faisait un quasi synonyme du paradigme
supplétif.
3. Néouat
OU LE RETOUR
Morphologiquement,
homérique
il
semble
que
l'on
ait
un
paradigme
( νέομαι νίσομαι
νοστήσω (ἐγνόστησα (νίσατο mal attesté) et que la langue ait créé directement les formes sigmatiques sur un thème vootno-
TROIS
VERBES
SATELLISÉS
XQPÉQ
ZTEIXQ,
NÉOMAI
171
(sur le modèle d’autres dénominatifs, par exemple : χῶρος : χωρέω, χωρήσω, ἐχώρησα); tout se passe comme si l'on n'avait pas besoin de créer de verbe
dénominatif au théme de présent, puisque l'on dispose de νέομαι et peut-étre méme
de νίσομαι.
3.1. Valeur des thémes verbaux
homériques
3.1.1. νέομαι, présent-futur Νέομαι est un présent morphologique ; mais il fait régulièrement référence au futur de l'auteur de l'énonciation dans les exemples de l'indicatif, et dans tous les
exemples de l'infinitif où celui-ci dépend syntaxiquement d'un verbe d'opinion !*. En
fait,
une
analyse
serrée
des
exemples
avec
leur
contexte
montre
un
parallélisme frappant entre νέομαι et εἶμι sur ce point. —
les exemples de la première personne peuvent tous s'expliquer comme un
présent semi-performatif à valeur modale 5 : JJ. XVIII, 136 ἠῶϑεν γάρ νεῦμαι Ay’ ἠελίῳ ἀνιόντι / τεύχεα καλὰ φέρουσα...
(Thétis
promet à Achille qu'elle reviendra dès le lendemain matin lui apporter de nouvelles armes : le présent de valeur performative a un effet rhétorique analogue à celui qu'a εἶμι dans un contexte d'énonciation analogue, dans une scène entre les
mêmes personnages, Îl.1, 426 : il faut faire patienter Achille, afin qu'il ne se présente pas au combat désarmé ; « je reviens demain dès le soleil levant, avec les belles armes »). Οὐ. XIII, 61, dans les adieux d'Ulysse à la reine Arétè, νέομαι a une valeur de futur proche nette : Xaip£ μοι, ὦ βασίλεια, διαμπερές... /
αὐτὰρ ἐγὼ veouan σὺ τέρπεο τῷδ ἐνὶ οἴκῳ / παισί τε καὶ λαοῖσι... cf. la traduction de Bérard, «... je vais partir... », que nous corrigerions par «je vais rentrer, ou retourner...» (cf. ci-dessous 3,2, p.174 pour le probléme
sémantique) : Arété restera vieillir en Phéacie, Ulysse va rentrer à Ithaque. Un exemple à la forme négative semble d'abord s'opposer à cette interprétation de la première personne comme présent modalisé, /!. XVIII, 101 = XXIII, 150 (lamentations d'Achille sur la mort de Patrocle) νῦν δ᾽ ἐπεὶ οὐ νέομαί γε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν, οὐδέ τι Πατρόκλῳ γενόμην φάος... On est obligé de traduire par un futur en français « Mais puisque désormais je ne rentrerai pas dans la patrie et que je n'ai pas été la lumière pour Patrocle ni pour les autres compagnons... ». Mais il peut s'agir de la transformation négative d'une phrase positive où la valeur de présent modalisé serait conforme à l'attente, "νέομαι φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν, «je
vais/veux rentrer dans ma patrie» (cf. la valeur de εἶμι dans la bouche du même Achille, 1.1, 169 εἶμι Φϑίηνδ᾽, première partie, chap. II, 1.4, p. 65 et 66) ; dans la phrase négative, la négation porte donc en réalité, non sur la modalité du verbe ou
son orientation temporelle vers l'avenir, mais sur son contenu sémantique : la négation laisse la valeur modale du verbe inchangée, ce que l'on ne peut traduire en français que par une paraphrase, séparant modalité et contenu sémantique, par exemple, en anticipant sur l'analyse sémantique : «il n'est plus possible (malgré
mon désir) que je retourne dans ma patrie » : le désir d'Achille de rentrer chez lui n'est pas mis en cause, c'est la réalité du retour seule qui est niée, « mais puisqu'il n'est pas vrai que je vais rentrer».
Outre les références temporelles au futur proche qui rappellent celles que l'on
172
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
rencontre avec εἶμι (ἠῶϑεν, νῦν), on remarque dans deux des trois exemples de la première personne la présence du pronom ἐγώ ou d'une particule d'insistance (γε), faits qui nous ont aussi semblé caractériser εἶμι par opposition au présent duratif ἔρχομαι, modalement neutre,
—
la valeur de futur proche est même sensible dans certains exemples de la
troisième personne !6 ou de l'infinitif : Od. XIV, 152, Ulysse s'adresse à Eumée, faisant une sorte de serment : ὡς νεῖται ᾽᾿ΤΟδυσσεύς transpose évidemment νέομαι
(ἐγώ), avec une valeur évidente de semi-performatif,
« Ulysse va revenir (je le
garantis) ». Od. XX, 156, Euryclée donne ses instructions aux servantes : le retour des prétendants est tout proche, le lendemain matin,
οὐ γὰρ δὴν μνηστῆρες ἀπέσσονται μεγάροιο,
ἀλλὰ μάλ᾽ ἦρι νέονται, ἐπεὶ καὶ πᾶσιν ἑορτή. Od.IV,
tive
633 «᾿Αντίνο᾽,
À ῥά τι ἴδμεν
ἐνὶ φρεσὶν
ἦε καὶ οὐχί,
ὁππότε Τηλέμαχος νεῖτ᾽ ἐκ Πύλου ἠμαϑόεντος ; » la subordonnée interrogatranspose une interrogation «πότε νεῖται;» «quand va-t-il rentrer?»
(Noémon
a prêté un navire à Télémaque,
Dans les exemples de la formule variantes (/I. XIV, 221, XX, 212,
il est pressé de le voir revenir).
τὸν δ᾽ οὐκέτι φασὶ νέεσθαι et de ses
Οὐ ΤΙ, 238, XI, 176, XXIV, 460) on peut avoir un
futur proche («ils disent qu'il ne va plus revenir ») transposant le futur proche du style direct οὐκέτι νεῖται (cf. pour la négation portant sur le sémantisme du verbe et non sur sa valeur modale et temporelle //. XVIII, 101, p. 171) aussi bien qu'un futur neutre, s'expliquant par la neutralisation de la valeur modale, à la suite de
l'extension de la valeur temporelle du futur dans tout le paradigme et donc à la
« non-personne ». — un seul exemple du théme de d'explication, avec une valeur de vrai futur la deuxième personne du singulier, Od.XI, de Tirésias prédit à Ulysse les conditions
présent est irréductible à ce type (référence temporelle : ὀψέ «tard ») à 114 = XII, 141 (Aux Enfers, l'ombre difficiles à son retour à Ithaque)
αὐτὸς δ᾽ εἰ πέρ xev ἀλύξῃς, ὀψὲ καχῶς νεῖαι, ὀλέσας ἄπο πάντας ἑταίρους / νηὸς ἐπ᾽ ἀλλοτρίης... Il doit s'agir d'une influence de la valeur illocutoire de la première personne sur le reste du paradigme, dans un état relativement récent de la langue épique (cf.
sur εἶσι, futur déjà dans la langue homérique, s'opposant à εἶμι, toujours présent modalisé, première partie, chap. II, 1.4, pp. 68 à 69). Néoyat, présent morphologique, tend donc comme εἶμι à glisser vers une valeur de futur, par l'intermédiaire de la valeur modale de la première personne.
3.1.2. νίσομαι : futur-présent ou présent-futur? Nio(o)onar, désidératif (*n?s-somai) ou présent à redoublement (*n’ns-omai) 17, semble jouer dans la langue homérique le rôle d'un doublet de νέομαι : il semble y avoir eu constitution d'un systéme de formes utilisables comme substituts métriques, ou complémentaires en fonction des besoins et des impossibilités prosodiques : on peut représenter le double-jeu de formes de la manière suivante :
TROIS Sg.
1" ps. νέομαι
2 3 Pl. 15
2
3*
VERBES
SATELLISÉS
= " " —
ΧΩΡΕΩ
ZTEIXR,
NÉOMAI
173
/ vioouu — "
- νεῖι 2——/! (f) - νεῖται = — — / νίσεται — ^ 7 _ - ["νεόμεϑα * ^^] / νισόμεϑα — ^" / —
-
(f)
-
véovtat
Duel
ἡ
—
—/
(f)
(8)
et pour l'imparfait: νεόμην 7 —/ [*véeto ^ 7 7) / νίσετο --- ^^ (véeto) aurait pu s'employer, devant un groupe consonantique faisant position, mais νίσετο
était d'emploi beaucoup plus facile. 3.1.3.
L'aoriste
Νόστησα est bien attesté, et sa valeur d'aoriste ne pose aucun probléme. On
relévera quelques cas exemplaires d'oppositions aspectuelles : ainsi à l'infinitif, on trouve νέεσϑαι,
avec πέμπω
"Héuov δ᾽ ἀκάμαντα
(Il. XVIII,
240,
βοῶπις πότνια Ἥρη
πέμψεν ἐπ᾽ ᾿Ωκεανοῖο ῥοὰς ἀέκοντα νέεσϑαι XXI, 598 ἡσύχιον δ᾽ ἄρα μιν πολέμον ἔκπεμπε νέεσϑαι, cf. Od. XIII, 206, XXI, 374; avec un verbe d'ordre, κελεύω 1.ΧΧ, 6, Od.VII, 262; ὀτρύνω,
Od.XV, 3; XIV, 498; XXII, 434 ; ib.484 ; ἄνωγα, Il.XV, 295, Od.l, 195 ; XVI, 467) alors que νοστῆσαι, beaucoup plus rare dans ce type syntagmatique, insiste sur la réalité du retour, Od.I, 83... xai ἐπεύχετο πᾶσι ϑεοῖσινοστῆσαι Ὀδυσῆα
πολύφρονα... Au participe, où les formes d'aoriste l'emportent de loin numériquement sur les formes de présent (vtoóuevoc), on opposera J!.XIII, 186 = XIV, 577
... ὁ δ᾽ ᾿Αμφίμαχον,
Κτεάτου vU ᾿Ακτορίωνος,
νισόμενον
κατὰ
πόλεμόνδε
στῆϑος
βάλε
δουρί
qui rappelle
l'emploi
de
βάλλει τινά ἐρχόμενον (ἰόντα), cf. première partie, ch. I, 3.5.4., pp. 52-53 et II, 1.5.1, p. 70), à la valeur ponctuelle de l'aoriste dans /I.IV, 103-121 εὔχεο δ᾽.../
ὁέξειν κλειτὴν Eratöu6nv/olxade νοστήσας. ...« Promets que tu offriras à Apollon une hécatombe... à ton retour chez toi», cf. Od.I, 290 νοστήσας δὴ ἔπειτα φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν... χεῦαι «de retour dans la patrie, je lui dresserai sa tombe...», et II, 221; VIII, 252; XIII, 43; XV, 157.
On a réguliérement le participe aoriste pour l'expression de la joie que l'on cause par son retour après une longue absence : Il. XVII, 636 χάρμα φίλοις ἑτάροισι γενώμεϑα νοστήσαντες «pour faire à notre retour la joie de nos amis»; Il.V, 687... ἐπεὶ οὐκ ἄρ ἔμελλον ἔγωγε νοστήσας οἰκόνδε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν, εὐφρανέειν ἄλοχον... littéralement, « puisque je n’allais plus, pour ma part, une fois rentré dans ma maison et ma patrie, faire la joie de ma femme...» : on rapprochera ces expressions des parallèles avec l'aoriste du paradigme supplétif, première partie, chapitre I, 3.5.4.,
pp. 52-53. On retrouve la valeur caractéristique du thème d’aoriste dans les occurrences où le sujet du participe n'est pas le sujet de la phrase : à l'accusatif, dépendant d'un
verbe
«recevoir»
1l. XVIII,
60 = 441 = Od.XIX,
258
174
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
τὸν δ᾽ οὐχ ὑποδέξομαι αὖτις οἴκαδε νοστήσαντα (cf. ZI. XVIII, 90: ὑποδέξεαι, 238 ἐδέξατο, 330 δέξεται), II.V, 157... ἐπεὶ οὐ ζώοντε μάχης ἐκ
νοστήσαντε / δέξατο. Μένω se comporte avec l'aoriste νοστῆσαι comme avec ἐλϑεῖν, on attend le retour de quelqu'un, cf. première partie, chap. 1 : II. XIII, 38... ὄφρ᾽ ἔμπεδον αὖϑι uévotev/ νοστήσαντα ἄνακτα. Avec un verbe du type «tuer», on opposera l'exemple de νοστήσαντα, Od.I, 36 ὡς xai vov Αἴγισϑος ὑπὲρ μόρον ᾿Ατρείδαο γῆμ᾽ ἄλοχον μνηστήν, τὸν δ᾽ ἔχτανε νοστήσαντα, (Egisthe, dans la légende, a bien tué Agamemnon
une fois rentré chez lui) à ZI. XIII, 186, εἰ Od.IV, 701
= V,
19 : le meurtrier d'Amphimachos le tue pendant qu'il va ou retourne au combat, et les prétendants voudraient tuer Télémaque pendant son voyage de retour, le faire en Ithaque étant bien trop risqué.
Avec un verbe « voir », on a ὁρᾶν δεῖν τινα νοστήσαντα « voir quelqu'un de retour»,
et non
el κεῖνόν «savoir»,
vtoóuevov
γ᾽ Ἰϑάκηνδε
Od.XXIV,
« pendant
ἰδοίατο
son
retour»,
νοστήσαντα,
Od.I,
cf. XI,
163
361,
et, avec
οἶδα
405
ἢ ἤδη σάφα οἷδε... Πηνελόπεια, νοστήσαντά σε δεῦρ᾽ « Pénélope sait-elle déjà bien que tu es rentré?». Avec
le datif,
on
remarquera
JI. XVII,
207
τῶν ποινὴν ὅ τοι οὔ τι μάχης Ex νοστήσαντι“ δέξεται ᾿Ανδρομάχῃ ... τεύχεα, XXII, 444... ὄφρα z£Xotto / Ἕκτορι ϑερμὰ λοετρὰ μάχης Ex νοστήσαντι, « afin qu'il y ait un bain chaud pour le retour d'Hector... », et la série des emplois du type χαίρω τινί νοστήσαντι (cf. sur χαίρω τινί ἐλϑόντι, première partie, chap. I, 3.5.4. pp. 52-53) : Il. XXIV, 705 εἴ ποτε xai ζώοντι μάχης ἔκ νοστήσαντι
/ χαίρετε... cf. Od.X, 419; XII, 43, XIX, 463. 3.1.4.
Le futur
Νοστήσω s'oppose évidemment comme vrai futur au présent modalisé ou futur proche νέομαι (et à son substitut métrique νίσομαι), cf. 1.11, 253
ἡ εὖ ἦε κακῶς νοστήσομεν υἷες ᾿Αχαιῶν littéralement « (nous ne savons pas du
3.2.
tout
bien
comment
cela se passera),
Le problème sémantique : ves- et la «force d'attraction»
si nous
rentrerons
ou
bien
ou
mal».
du verbe «aller»
Le sens «revenir, retourner », qui correspond au sens du substantif νόστος, est admissible dans la majorité des exemples homériques du paradigme verbal : il est évident pour les thémes d'origine dénominative (futur et aoriste), cf. les exemples de locutions idiomatiques typiques cités ci-dessus, 3.1.3, p. 173 à 174 δέχομαί τινα νοστήσαντα, χαίρω τινί νοστήσαντι, etc., et l'exemple cité pour la valeur de futur vrai de νοστήσω. Il est admissible dans la majorité des occurrences de νέομαι, cf. e.g. la formule de fin de vers οἶκόνδε νέεσϑαι (IL1II, 390 ᾿Αλέξανδρός σε καλεῖ οἶκόνδε νέεσϑαι « Alexandre te demande de revenir à la maison»), de laquelle on rapprochera //. VI, 189
τοὶ δ᾽ οὔ τι πάλιν οἰκόνδε véovto, etc. Dans un exemple il s'agit du «retour des fleuves dans leur cours» (récit par anticipation de la destruction du rempart
achéen après la guerre de Troie : Apollon et Poséidon ont rassemblé tous les
TROIS
VERBES
SATELLISÉS
XQPÉQ
ΣΤΕΙΧΩ,
NÉOMAI
175
fleuves de Troade pour l'emporter), /L. XII, 32... ποταμοὺς δ᾽ ἔτρεψε νέεσϑαι κὰρ ῥόον, À περ πρόσϑεν (ev καλλίρροον ὕδωρ, voir la traduction de
Mazon : « Alors il fit faire demi-tour aux fleuves, et chacun s’en fut retrouver le lit où auparavant il précipitait le beau cours de ses eaux». Pour νίσομαι, le V, 19 et X, 42), dans et surtout Hymne à désidératif) jouer le
καί
τ᾽ ἐρύσσατο
sens parait clair avec le complément οἴκαδε (Od.IV, 701 = II. XXIII, 76 où il s'agit de « revenir de l'Hadès », ἐξ ᾿Αἴδαο, Athéna, XI, 4, οὐ l'on voit le participe (duratif et non rôle d'antonyme de ἰόντα «allant»,
λαόν
TE νισόμενόν
τε.
Plusieurs
exemples
paraissent
irréductibles, avec un sens «aller » (où l'on n'est jamais allé) Od.IV, 619 = XV, 119 κεῖσέ με νοστήσαντα, II.XXI, 48 (᾿Αχιλλεὺς) óc μιν ἔμελλε / πέμψειν εἰς
᾿Αἴδαο καὶ οὐκ ἐϑέλοντα νέεσθαι, littéralement « Achille... qui devait l'envoyer chez Hades, bien qu'il ne voulüt pas y aller» : les Enfers sont l'exemple méme de l'endroit où l'on ne «retourne» pas; méme commentaire pour /l.XXTII, 51 (funérailles de Patrocle) 500’ ἐπιεικὲς νεχρὸν ἔχοντα νέεσϑαι ὑπὸ ζόφον ἠερόεντα, voir la traduction de Mazon «fais apporter du bois et fournir au mort tout ce qu'il sied qu'il ait pour plonger dans l'ombre brumeuse. » Le sens de «retour» n'est pas possible non plus dans deux exemples avec πέμπε, Od.IV, 8, et ὥτρυνα, Od.XVII, 430. Il semble donc que le paradigme verbal se rattache encore dans la langue homérique au sens précis, spécialisé, qui explique la formation du substantif νόστος 8. Dans ce sens spécialisé, les présents νέομαι et νίσομαι entrent chez Homére dans une relation de complémentarité paradigmatique avec le théme vóotno-, d'origine dénominative, qui fournit l'aoriste et le futur : dans la mesure où l'étymologie de νέομαι et de νίσομαι n'est plus totalement transparente, on peut parler d'une sorte de système supplétif 9. Mais dans plysieurs emplois des présents, il semble y avoir eu neutralisation du sens spécifique au profit du sens «aller» : nous avons alors parlé de neutralisation sémantique sous l'influence du
paradigme supplétif. L'évolution déjà amorcée chez Homére semble s'accentuer par la suite, au moins en poésie : à part dans les exemples directement inspirés d'Homére, νέομαι et νίσομαι, par neutralisation sémantique, sont devenus des équivalents poétiques du verbe «aller », alors que le verbe dénominatif conserve son sens spécialisé en
prose comme en poésie. Chez Aristophane, les composés de νοστῶ ?, peut-étre
méme
le verbe simple?!, semblent avoir subi à leur tour la neutralisation
sémantique qui en fait des équivalents du verbe «aller». I] pourrait y avoir ici en grec une rencontre analogue à celle qui existe en français entre tour et retour, tourner et retourner : on verra que cette coincidence sémantique peut expliquer
l'évolution de τρέχω en grec ancien, et il existe un parallèle en grec moderne avec γυρίζω
«tourner,
retourner ».
3.3. L'étymologle de νέομαι et le problème sémantique L'hypothèse la plus cohérente 2 avec l'ensemble des faits en grec et dans les autres langues indo-européennes serait de partir en indo-européen d'un sens «sauver»
qui expliquerait
l'emploi
actif intransitif (got. ganisan
«être
guéri,
sauvé », angl. sax. genesan «échapper, étre sauvé, survivre »), le moyen (νέομαι «se sauver », d'où à cause de la fréquence d'emplois comme οἴκαδε νέεσθαι «se
176
AUTOUR
DU
PARADIGME
SUPPLÉTIF : UNE
NÉBULEUSE
sauver chez soi», le sens « retourner, revenir» ; skr. násate «s'approcher,
s'unir
à») et le factitif (got. nasjan «sauver », vha. nerian, all. mod. nähren «sauver,
guérir, nourrir», skr. Näsatyä «les deux sauveurs», désignation des Aévins). Selon C.J. Ruijgh et P. Frei, on pourrait alors rattacher aussi à cette racine *nes- le substantif νόος «esprit», qui serait donc un nom d'action radical de vocalisme o comme λόγος est à λέγω, avec le sens premier de «plan d'action », «plan pour
sortir d'une difficulté», «plan de sauvetage » ?. Cette hypothèse permettrait d'établir un système morphologique cohérent, l'évolution s'expliquant par les divergences sémantiques qui auraient entraîné de nouvelles créations lexicales : i.e.
—
*nesomai
«se
*nosos
«retour
grec préhistorique
sauver,
rentrer
sain
et sauf»
sain et sauf»
— ) véouat «revenir, retourner» νόος
«plan
de bon
retour, de sauvetage »
— en grec homérique le nom d'action se sépare de la famille verbale. ‘\ νέομαι «revenir, retourner » vóoc «plan, esprit» d'oà la création d'un nouveau «revenir,
retourner»
nom
d'action, νόστος
correspondant
au sens
de νέομαι.
Chez Homère, le verbe défectif νέομαι (qui n'avait qu'un présent) se donne un futur et un aorisge dénominatifs formés sur νόστος. Dans une nouvelle étape de l'évolution, νέομαι « revenir, retourner » tend à devenir un équivalent de « aller», d'où la création, à partir de νόστος, vóotnoa, νοστήσω, du présent νοστῶ, «revenir, retourner», qui présente à son tour des signes d'affaiblissement
sémantique en attique classique. Cette hypothèse rend compte de l'ensemble des emplois homériques et des problèmes posés par la morphologie. Mais il ne s'agit que d'une hypothèse. G. Curtius ?^ préférait partir au contraire d'un sens large originel en grec, avec spécialisation au cours de l'histoire de la langue. Comme il l'a bien dit, on est alors obligé de penser que le substantif νόστος aurait aussi eu d'abord un sens large, hypothése que l'état homérique de la langue ne soutient aucunement. D'autre part, nous avons rencontré
plusieurs autres exemples pour lesquels il est plus
avantageux de partir d'un verbe de sens spécialisé en grec, aboutissant dans certains cas à un synonyme ou substitut stylistique du verbe « aller » (ἕρπω, βαίνω, ἱκάνω, χωρῶ, στείχω) : nous préférons donc encore une fois l'hypothése qui accorde à la langue homérique et à l'évolution linguistique la plus grande cohérence.
Bien que fort ingénieuse dans le détail de l'analyse, l'hypothese de
Curtius va en sens inverse de l'évolution que l'on peut constater et partiellement reconstituer,
dans
l'histoire de la langue.
TROIS
VERBES
SATELLISÉS
CONCLUSION
ΧΩΡΕΩ
ΣΤΕΙΧΩ,
DE LA DEUXIÈME
NÉOMAI
177
PARTIE
Βαίνω, {x-, χωρῶ, στείχω et νέομαι manifestent tous une tendance à devenir au cours de l'évolution diachronique des verbes de sens neutre («aller»), à partir d'un sens spécifique encore plus ou moins sensible dans la langue homérique, respectivement « faire un pas, faire des pas, marcher », « toucher », «faire place »,
«marcher droit, en ligne», «revenir, retourner ». Apres avoir étudié le paradigme supplétif du verbe « aller » dans la synchronie
homérique, et quelques verbes de sens plus spécialisé, sémantiquement voisins du paradigme supplétif, qui ont été attirés par lui au point que certains en sont devenus de quasi synonymes, on essaiera de généraliser les résultats obtenus : l'étude d'un autre paradigme supplétif que le verbe «aller », dans le méme champ sémantique
du mouvement
autonome,
celui du verbe «courir», nous permettra
dans un premier chapitre de confirmer certaines hypothèses sur la nature du supplétisme verbal en grec et sur la constitution des paradigmes verbaux. Un deuxiéme chapitre tentera d'analyser une série de faits linguistiques qui manifestent que les verbes de mouvement peuvent se préter, en grec comme dans diverses autres langues, à des emplois abstraits (métaphores diverses, emplois «opérateurs» et auxiliaires) s'expliquant probablement par des valeurs
aspectuelles : cela amènera à reprendre dans un dernier chapitre, d'une manière générale, le probléme de l'aspect verbal dans l'ensemble des paradigmes étudiés jusqu'ici dans le détail.
TROISIÈME «Comme
cette eau
PARTIE courante...»
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
:
CHAPITRE
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF
I
DU
VERBE
COURIR
Le paradigme attique du verbe courir est bien connu : τρέχω — δραμοῦμαι — ἔδραμον — δεδράμηκα. Comme pour le verbe aller, les choses sont moins claires dans la langue homérique. P. Chantraine suggére que le systéme supplétif de l'attique existe déjà dans l'épopée : «δραμεῖν (Hom., ion. att.) est l'aoriste supplétif fonctionnant avec τρέχω » (Dict. Etym, s.v. δραμεῖν), et «τρέχω : Hom. ion. att., etc., dor. τράχω, usuel au théme duratif de présent : habituellement verbe supplétif qui se conjugue avec δραμοῦμαι, ἔδραμον, δέδρομα et δεδράμηκα courir...» (ibid., s.v. τρέχω). En méme temps, Chantraine cite le présent homérique ϑέω (ibid., s.v.) : «signifie "courir", dit aussi de navires... Ce verbe de sens assez général et dont l'aspect est duratif tend à disparaitre... », sans évoquer d'éventuelles relations paradigmatiques avec τρέχω et ἔδραμον. Ce groupe de verbes est donc particuliérement intéressant pour nous à plusieurs titres : il s'agit d'un paradigme supplétif comme celui du verbe "aller", et il n'est pas évident que le paradigme supplétif homérique soit identique à celui que l'on connait plus tard ; il faudra tenter de préciser quelles sont les relations entre les divers thémes et quel est le paradigme homérique (s'il est déjà constitué), de
voir si les oppositions des thémes reflétent des oppositions sémantiques entre les racines ou radicaux, et peut-étre de comprendre certaines des raisons profondes du supplétisme en grec. Dans le méme temps, on essaiera d'analyser le rapport sémantique entre le paradigme que l'on convient d'appeler celui du verbe "courir" et les autres verbes déjà étudiés, en particulier le verbe “aller”, E6nv “faire un pas" — βαίνω "marcher", et ἕρπω.
1. LE
PARADIGME
1.1. L'argument
HOMÉRIQUE
DU
VERBE
"COURIR"
morphologique
Un simple recensement des verbes attestés chez préjugé interprétatif, donne le tableau suivant :
Homère,
rejetant
tout
182
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
Radical verbal
efa
"EAPAMON
TPEXQ
Theme Temps
present
ϑέω
Présent
τρέχω
imparfait Futur
ϑέεσκον ϑεύσομαι
Aoriste
ἔδραμον
Parfait
δέδρομα
ἐπιϑρέξαντ
δρέξασκον.
Même si l'on admet a priori, comme semble le faire Chantraine, que les trois radicaux ont le même sens de «courir», la seule constatation que le futur δραμοῦμαι
n'est pas homérique,
alors qu'Homère
emploie
un futur de même
diathèse moyenne!, formé sur le radical de présent θεῖ -?, et que à l'aoriste existent, à côté de ἔδραμον, des doublets sigmatiques formés sur le thème de présent *toex-?, invite à penser que le paradigme homérique, s'il est déjà cohérent, est plutôt
THÈME DE PRÉSENT présent imparfait ϑέω ov ϑέεσκον
THÈME ϑεύσομαι
DE FUTUR
THÈME
D'AORISTE
ἔδραμον δράμεσκον
THÈME
DE PARFAIT
δέδρομα
(aoriste et parfait formés sur *dr*/om- * drm- s'opposant à présent et futur formés sur *dhew-), et que τρέχω forme dans cet état de la langue, avec son aoriste
sigmatique’Eüge&a et avec ses dérivés, un autre paradigme, premier et peut-étre de sens différent.
indépendant du
1.2. Les emplois On peut espérer trouver dans les emplois respectifs des divers thémes une confirmation de cette relation paradigmatique : si ϑέω et ἔδραμον entrent dans des emplois ou syntagmes comparables, s'ils sont attestés avec les mêmes préverbes ou prépositions à l'exclusion de τρέχω, on pourra dire qu'ayant une
distribution complémentaire, ils sont l'un le présent, l'autre l'aoriste du méme verbe.
LE PARADIGME
1.2.1.
Chevaux
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
183
et chiens courant(s)
Avec sujet animal, on trouve de nombreux emplois de ϑέω (pour des chevaux et des chiens) et de ϑέεσχον (pour des chevaux), auxquels correspondent, avec les composés de ἔδραμον, 3 exemples pour des chevaux et un pour des chiens. On ne
trouve pas cet emploi avec τρέχω, mais il faut signaler son présent dérivé τορυχάω en 2 exemples (pour des chevaux). 1.2.2.
La course du navire
On comparera les nombreux exemples de ϑέω avec pour sujet le nom du navire (voir aussi ci-dessous 2.3., p. 192 le syntagme νηῦς ϑοή)*, avec Od.III, 177
ὦρτο δ᾽ Eni λιγὺς οὖρος ἀήμεναι᾽ αἱ δὲ (scil. νῆες) μάλ᾽ ὦκα ἰχϑνόεντα κέλευϑα διέδραμον, en remarquant que le syntagme νηῦς τρέχει n'est jamais attesté. 1.2.3.
La rapidité de la course
Dans le dernier exemple cité, Od.III,
177, on remarque
le syntagme ὦκα
διέδραμον. Or, on retrouve ὦκα avec ϑέω, avec sujet animé, II. XV, 483 βῆ δ᾽ ἰέναι, μάλα δ᾽ ὦκα ϑέων Αἴαντι παρέστη et l'on rapprochera, avec ῥίμφα, 11. XXIII, 766 et exemple d'un syntagme Il.XXII, 163, (ῥίμφα, comment cet exemple
Od. VIII, 193 (où le sujet est un disque). Il n'y a qu'un seul de ce type, non avec τρέχω, mais avec son dérivé τρωχάω, sujet ἵπποι) : on verra, ci-dessous, 3.1., pp. 197-198, peut étre réinterprété dans l'opposition sémantique des
deux paradigmes. 1.2.4.
Le verbe s'applique à un projectile
On rapprochera ZI. XIV, 413 (combat entre Ajax et Hector) τῶν £v ἀείρας (scil.
Αἴας)
στῆϑος
βεόδλήκει ὑπὲρ
ἄντυγος...
στρόμδον δ᾽ ὥς ἔσσευε βαλὼν, περὶ δ᾽ ἔδραμε πάντῃ ὡς δ᾽ δϑ᾽... ἐξερίπῃ δρῦς où le corps d'Hector, projeté par le coup, vole en tournoyant
avant
de
retomber
au
sol (v. 418),
de
ZI. XIII,
141
... ὁ δ᾽ ἀσφαλέως ϑέει ἔμπεδον eloc ἵκηται ἰσόπεδον. .., où Hector est cette
fois comparé à une pierre qui roule (sur le mot ὀλοοίτροχος, voir ci-dessous, 3.2, p. 198) emportée au cours d'une tempête par le courant d'un fleuve, et de Od. VIII, 193 (épisode des Jeux chez Alcinoos : δίμφα ϑέων, cf. ci-dessus p. 183, renvoie au mouvement du disque lancé par Ulysse). Dans ces trois exemples, le
mouvement désigné soit par le présent Îéw, soit par l'aoriste -ἔδραμον, est un mouvement rapide, continu, oü les pieds n'interviennent pas : Hector est ici assimilé aux objets inanimés, pierres lancées ou emportées par une force naturelle ; le verbe fait référence à une trajectoire, au mouvement involontaire d'un projectile. Aux trois exemples cités, on ajoutera II. XVII, 297, où c'est la cervelle
d'un combattant
qui est ainsi projetée dans l'espace,
ἐγχέφαλος δὲ παρ᾽ αὐλὸν ἀνέδραμεν
ἐξ ὠτειλῆς
αἰματόεις: τοῦ δ᾽ αὖϑι λύϑη μένος. Nous n'avons rencontré aucun exemple
homérique où le mouvement d'un tel projectile, par destination comme le disque
184
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
ou par suite des circonstances comme
désigné 1.2.5.
par le prétendu
synonyme
la cervelle où le corps d'un homme,
de ϑέω,
soit
τρέχω.
Préverbes et prépositions
Avec
ἀμφί
et παρά,
on comparera II. VI, 238
ἀμφ᾽ ἄραμιν Τρώων ἄλοχοι ϑέον ἠδὲ €yatorc (cf. Od. X, 413 ἀμφιϑέουσι“ μητέρας). à H. à Dém., II, 188, αἱ δὲ παρ᾽ αὐτὴν / ἔδραμον. Avec ἀνά, les exemples de ἀνέδραμον avec sujet inanimé concret, Il. XVII, 297 avec ἐγκέφαλος (ci-dessus, 1.2.4, p. 183), Z.XXIII, 717 avec σμώδιγγες «hématomes»? (cidessous, 2.2.3, p. 190), et du parfait, Od.V, 412 et X, 4 (ci-dessous, 2.2.4,
pp. 190-191) sont à rapprocher de //. XIII, 547 (ci-dessous, 2.4, pp. 194-195). Avec περί, on trouve ἔδραμον, Il. XXII, 369, aussi bien que ϑέω, 7I. XI, 701 et XXII,
161. Il est vrai que περί n'a pas la méme valeur avec les deux thémes : le composé à l'aoriste équivaudrait à une expression analytique avec l'accusatif, περί τινα δραμεῖν « accourir thème de présent locution courante Od.X, 323, et l'on
autour de quelqu'un », alors que signifie «courir pour» (un prix, avec περὶ ψυχῆς). Avec ὑπό, on en rapprochera ὑπεχπροϑέω, Il.
le syntagme avec le génitif au un trépied ou la vie, d'où la trouve ἔδραμον Il. XXI, 68 et IX, 506, XXI, 604 et Od. VIII,
125. Il ne faut cependant pas faire d'un préverbe ou d'une préposition attestés avec plusieurs thémes verbaux de racines différentes et de sens voisin un critére absolu de leur état supplétif : à ce compte, ἐπι-, attesté avec ἔδραμον (II. IV, 524 etc.) et
avec τρέχω (II. XXIII, 504), non avec ϑέω, attesterait le supplétisme τρέχω — ἔδραμον : il faut une ou des séries d'indices convergents. En fait, s'il existe chez
Homère une relation paradigmatique entre ϑέω — ϑεύσομαι --- ἔδραμον --δέδρομα, il est vrai que le lien est souvent offusqué par la double opposition aspectuelle (en particulier entre les thémes de présent et d'aoriste) et sémantique
(entre les deux racines) : c'est probablement la combinaison de ces deux types d'oppositions qui explique l'existence du supplétisme verbal en grec — et peut-être en indo-européen, cf. ci-dessus, première partie, chapitre I, 4, pp. 54-58
sur εἶμι — ἦλϑον, ci-dessous, 2.4, p. 195 pour ϑέω (après Homère τρέχω) — ἔδραμον. Au moment où le système supplétif est en train de se constituer, ou s'est constitué depuis peu, les oppositions sémantico-aspectuelles qui imposent le supplétisme, au lieu d'une dérivation à partir d'une racine unique, sont encore si fortes qu'elles parviennent à masquer les liens paradigmatiques qui assurent la cohésion du systéme : un systéme supplétif est un paradoxe, une sorte de gageure de la langue.
2. LES OPPOSITIONS ASPECTUELLES ET SÉMANTIQUES DANS LE PARADIGME HOMÉRIQUE ϑέω — ϑεύσομαι
—
ἔδραμον —
δέδρομα
A l'intérieur du système supplétif 9&o-Eópayov, les particularités d'emploi de chacun des thémes sont si fortes que l'on a pu croire qu'il s'agissait de deux paradigmes paralléles, alors que, si l'on admet les liens paradigmatiques relevés dans les pages qui précèdent, on peut expliquer ces particularités par l'opposition aspectuelle des thémes, à laquelle s'ajoute l'opposition sémantique des racines.
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF DU VERBE
COURIR
185
2.1. Caractère duratif de ϑέω 2.1.1.
Le prétérit itératif en -sk-
A côté de l'imparfait ἔϑεον, la langue homérique possède un prétérit itératif en -sk-, ϑέεσκον : comme il est d'usage dans la formation f, les deux exemples sont sans augment et avec désinences secondaires, //. XX, 229 ϑέεσκον (trois. pers. du
pl.) et Jl. XXII, 459 = Od.XI, 515 προϑέεσκε. La valeur itérative est nette dans les deux cas : Jl. XX, 229, l'itératif sert de verbe principal aprés une subordonnée introduite par ὅτε μέν... ὅτε δή, indiquant une éventualité qui s'est répétée dans le
passé? : ἀλλ᾽ ὅτε δὴ σκίρτῳεν ἐπ᾿ εὐρέα νῶτα ϑαλάσσης ἄκρον ἐπι ényuivos ἅλος πολιοῖο ϑέεσκον. Dans le deuxième exemple, l'imparfait itératif, à la forme positive, s'oppose à limparfait d'habitude uévev, nié par οὔποτ᾽. Προϑέεσκε exprime donc la
constance de l'habitude de courir toujours aux premiers rangs du combat : ἐπεὶ οὔποτ᾽ ἐνὶ πληϑῦι μένεν ἀνδρῶν ἀλλὰ
πολὺ
προϑέεσκε,
τὸ ὃν μένος οὐδενὶ
εἴκων.
On remarque d'ailleurs dans le contexte de 1!. XXII, 459 un autre imparfait itératif du méme type, ἔχεσκε ; ces verbes ont tendance à se regrouper dans un méme passage, qu'ils caractérisent comme relativement «récent et de facture
ionienne »?. Il existe dans le groupe de verbes étudiés ici un autre itératif homérique en -sk-, formé sur le thème sigmatique d'aoriste Öge&a- ; puisque ce sont les aoristes
itératifs qui posent un probléme, alors que la corrélation entre imparfait et itératif est normale, il suffira pour le moment d'insister sur le fait que ϑέεσκον est formé sur le thème de présent Oe -, et met ainsi en évidence la valeur durative de la
racine sur laquelle ce théme est formé. 2.1.2. Emplois de ϑέω caractéristiques d'un théme de présent — les emplois du participe On trouve d'assez nombreux emplois du participe présent dans la locution idiomatique ϑέων... ἔστη, parallèle à ἰὼν ἔστη, correspondant trés probablement au français il courut se placerlil alla se placer : par exemple Il. XV, 483
βῆ δ᾽ ἱέναι, μάλα δ᾽ ὦκα θέων Αἴαντι παρέστη, Il.XII, 343 ἔρχεο, δῖε Θοῶτα, ϑέων Αἴαντα κάλεσσον. Le type "δραμών... ἔστη !° n'est pas attesté chez Homère, qui ne semble connaître le thème δραμε- qu'à l'indicatif (avec une forme d'optatif dans l'Odyssée). L'aspect duratif du thème est caractéristique dans d'autres emplois du participe en accord avec le sujet de la phrase, mais sans relation d’intention avec le
verbe personnel : JLIV, 244... τεϑηπότες hôte νεδροί, af v ἐπεὶ οὖν ἔκαμον πόλεος πεδίοιο ϑέουσαι...
Dans
la
locution
κάμνω + participe, «se fatiguer à / de... », l'usage homérique semble opposer régulièrement l'aoriste du verbe personnel au thème duratif du participe, cf. e.g.
Il. 1, 168 ἐπεί κε κάμω πολεμίζων (VIII, 5; XVII, 658)!!. Une opposition analogue entre participe présent duratif et aoriste du verbe personnel se rencontre dans Jl. XXIII, 387... ἐδλάφϑησαν
ἄνευ κέντροιο ϑέοντες, dans II. XXIII, 774
186
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
Αἴας... ὄλισϑε ϑέων « Ajax glissa en courant», dans Od.VIII, 193 (épisode des Jeux chez les Phéaciens)... ὁ δ᾽ ὑπέρπτατο σήματα πάντων / ῤίμφα θέων ἀπὸ χειρός... « Partant de la main d'Ulysse, il (le disque) dépassa dans sa course toutes les autres marques», et Od.XV, 294... ὄφρα τάχιστα / νηῦς ἀνύσειε 86ovoa
ϑαλάσσης
ἄλμυρον
ὕδωρ.
Dans
d'autres
cas,
l'aspect
«s'accorde » avec celui du verbe, ainsi //L. XVI, 8 ϑέουσα
duratif
du
participe
ἀνώγει, I. XVI, 393
ὡς ἵπποι Τρῳαὶ μεγάλα στενάχοντο ϑέουσαι (concomitance des gémissements avec le mouvement mise en valeur par la comparaison avec le bruit des torrents), et Od. XIII, 88 ds ἡ ῥίμφα Béouoa ϑαλάσσης κύματ᾽ Étauvev, « Dans sa course rapide, le navire fendait les flots de la mer » (voir XV, 294 cité ci-dessus).
La plupart du temps, c'est un syntagme nominal qui traduit le mieux la valeur durative et non-effective du participe dans ce type d'expression, « dans sa (leur) Course ».
Parmi personnel,
les exemples de ϑέων (ϑέουσα) en apposition au sujet d'un verbe on remarque un type particuliérement fréquent et probablement
idiomatique, oà le verbe personnel lui-méme est un verbe de mouvement, le plus généralement à l'aoriste, le type ἦλϑε ϑέων, ϑέουσα : 6 exemples de HABE, 2 d'un verbe de sens voisin, formé sur Ix- : la locution oppose régulièrement un verbe personnel à l'aoriste, ou de sens effectif (un exemple de ἵκανε) au participe duratif non-effectif ϑέων, «venir, arriver en courant». L'aspect duratif du thème est caractéristique aussi dans les emplois où le participe n'est pas apposé au sujet de la phrase (cas autres que le nominatif) : Il.XXI, 604, le participe à l’accusatif se rapproche par l'emploi de ἰόντα ou
ἐρχόμενον (première partie, ch. I, 3.5.4., p. 53) et non de ἐλθόντα : ἕως ὁ τὸν πεδίοιο διώκετο πυροφόροιο, τρέψας πὰρ ποταμὸν βαϑυδινήεντα Σκάμανδρον, τυτϑὸν ὑκεκπροϑέοντα,
Achille poursuit
Apollon
qui a pris les traits d'Agénor
(διώκετο,
imparfait
duratif), le faisant tourner le long du Scamandre (τρέψας, aoriste ponctuel), alors qu'il se dérobe, de peu (juste assez pour prolonger la poursuite : τυτϑὸν ὑπεκχπροϑέοντα, thème de présent) : le participe de ὑπέδραμον signifierait au contraire qu'Apollon-Agénor réussit à s'échapper (effectif). IL XIE, 245 = XXII, 32 ὡς τοῦ χαλκὸς ἔλαμπε περὶ στήϑεσσι ϑέοντος rappelle singulièrement Il. 11, 457 ὡς τῶν ἐρχομένων ἀπὸ χαλκοῦ ϑεσπεσίοιο
αἴγλη παμφανόωσα
δι᾽ αἰϑέρος οὐρανὸν lue.
Il. XXIII, 521 ὁ δέ v ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλή χώρη μεσσηγύς, πολέος πεδίοιο ϑέοντος, on oppose de même le participe présent (littéralement «la roue tourne ? tout près, et il n'y a pas un grand espace intermédiaire entre (elle et) le cheval qui court à travers la vaste plaine») à l'aoriste (si*óoapóvtog était attesté, il signifierait probablement que le cheval accourt jusqu'à réduire l'espacement entre lui et la roue d'un char poursuivi). Enfin,
Οα.111, 281, πηδάλιον μετὰ χερσὶ ϑεούσης νηὸς ἔχοντα il s'agit du gouvernail du navire en plein mouvement (en train de naviguer), cf. ci-dessus, 1.2.2, p. 183 les exemples de νηῦς ϑέει et de νῆες διέδραμον :᾿δραμούσης νηός devrait signifier (?) «le gouvernail du navire qui accourait (arrivait) » ou «qui partait rapidement», cf. Od.II, 428 .. ἀμφὶ δὲ κῦμα στείρῃ πορφύρεον μέγαλ᾽ ἴαχε νηὸς ἰούσης auquel on
LE PARADIGME
oppose νηὸς ἐλθούσης
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
187
(ci-dessus, première partie, chap. I, 3.5.4, pp. 52-53 et
chap. II, 1, 5.1, p. 70). Outre l'emploi du participe, caractéristique d'un thème duratif, on trouve parmi les exemples de ϑέω divers syntagmes que l'on peut rapprocher des syntagmes analogues comprenant d'autres verbes de mouvement, et qui sont eux-mêmes attestés soit exclusivement, soit de préférence, au thème de présent
:
— syntagmes avec appositions descriptives Des types ἤιε νυκτὶ ἐοικώς, ἤιε πόλλ᾽ ἀέκων (première partie, ch. II, 3.1.1,
pp. 81-82), on rapprochera 8 exemples homériques de ϑέω, 1.1, 483 = Od.II, 429 ἡ δ᾽ (scil. νηῦς) ἔϑεεν κατὰ κῦμα διαπρήσσουσα κέλευϑον, II. VI, 507 = XV, 264
ἀλλ᾽ ὅτε τις στατὸς ἵππος ἀποστήσας ἐπὶ φάτνῃ δεσμὸν ἀπορρήξας ϑείῃ πεδίοιο κροαίνων (et, du méme type, Il.X, 362; XVII, 727 ; XXII, 23 ; ib. 192 ; Od.X, 413), syntagmes typiques d'un aspect duratif
et descriptif ?. — le syntagme βῆ δὲ ϑέειν On trouve chez Homère 7 exemples du syntagme βῆ δὲ ϑέειν, auxquels il faut ajouter un exemple de ἀλτο 8éetv : ce type apparaît comme une variante (avec idée de vitesse, de rapidité) du type βῆ δ᾽ ἱέναι (ἴμεν, luevau) : puisque ce type de locution oppose un infinitif déterminant duratif à un verbe personnel régissant
d'aspect ponctuel (ci-dessus, première partie, ch.I, 3.5.3, p. 52, deuxième partie, ch. I, 1.3, pp. 127-128), l'existence de βῆ δὲ ϑέειν, dto ϑέειν confirme donc encore
l'aspect duratif non-effectif de ϑέω.
— le syntagme avec l'infinitif deleıv déterminant un adjectif Le type ταχὺς ϑείειν est original, et la variété des expressions homériques garantit le caractére vivant du tour dans la langue. Dans 4 occurrences, on trouve ϑείειν déterminant ταχύς «rapide», Od.IV, 202
᾿Αντίλοχον, περὶ μέν ϑείειν ταχὺν... (méme formule, au nominatif, dans Od.Ill, 112, et à l'accusatif avec un autre nom propre, Il. XVI, 186), Od. XVII, 308
(à propos du chien Argos) ταχὺς ἔσκε ϑέειν. On rencontre 3 exemples de ϑείειν avec un superlatif : Il. XXIII, 310 βάρδιστοι ϑείειν et Od. III, 370 ἐλαφρότατοι ϑείειν s'appliquent à des chevaux, Od. VIII, 123 à un homme ϑέειν ὄχ᾽ ἄριστος, et un exemple avec un
adjectif introduisant une comparaison superlative, pour des chevaux, I/.X, 437 λευκότεροι χίονος, ϑείειν δ᾽ ἀνέμοισιν ὁμοῖοι. Nous ne connaissons d'exemple ni de "ταχὺς δραμεῖν (expression qui signifierait «rapide à accourir» d'après ce qui précède), ni de "ταχὺς τρέχειν, ni de "ταχὺς ἱέναι, "ταχὺς βαίνειν.
L'originalité et la fréquence relative du tour montrent qu'il a ses racines dans le sens méme du théme de présent ϑέω : c'est à l'infinitif présent que revient le róle d'exprimer l'idée verbale pure, dans le syntagme idiomatique «rapide (le plus rapide, le meilleur, semblable aux vents etc.) pour ce qui est de courir», ou presque « pour ce qui est du courir ». Le fait que cette locution se soit perdue à l'époque classique et que cette valeur de l'infinitif présent ait été reprise par le substantif « abstrait » δρόμος confirme la théorie selon laquelle ce mode est dans la langue archaïque un nom d'action sur radical verbal (Bopp, repris par
Wackernagel !^).
188
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
2.1.3.
Un futur formé sur un radical de présent
On pouvait espérer trouver dans les emplois du futur une justification de l’anomalie morphologique que constitue la formation d'un désidératif moyen sur thème de présent. Mais ces emplois sont trop peu nombreux pour que l’on puisse en tirer des conclusions sûres : tout ce que l'on peut faire, c'est constater les points de rencontre entre les emplois du futur et ceux du présent, attestant que ϑεύσομαι
est bien désidératif du sens de *dhew- plutót que du sens de *dr-em-. La situation s’est inversée dans la langue classique, probablement parce que, quand 8£c a disparu au profit de τρέχω, ce dernier se prétait mal à fournir un désidératif, alors qu'un futur sur théme
d'aoriste rejoint l'usage habituel
du grec.
Il. XI, 701... Περὶ τρίποδος γὰρ ἔμελλον ϑεύσεσϑαι rappelle 1. XXII, 161 ἀλλὰ περὶ ψυχῆς 86ov Ἕκτορος ἱπποδάμοιο davantage que Il.XXII, 369 ἄλλοι δὲ περίδραμον υἷες ᾿Αχαιῶν et 1.ΧΧΙΠ,
623
οὐδ᾽ Et ἀκοντιστὺν ἐσδύσεαι, οὐδὲ πόδεσσι / ϑεύσεαι... se rapproche de Od. VIII, 247 οὐ γὰρ πυγμάχοι εἰμὲν ἀμύμονοι... ἀλλὰ ποσὶ κραιπνῶς ϑέομεν καὶ νηυσὶν ἄριστοι, la locution avec ποσί n'étant attestée qu'avec le thème de présent (cf. La roue tourne, art. cit. pour l'exemple de ϑρέξασκον... πόδεσσι), jamais avec δραμ-. Un emploi métaphorique du composé συνθεύσεται dans l'Odyssée semble original, avec sujet inanimé abstrait, XX, 245 :
ὦ φίλοι, οὐχ ἡμῖν συνθϑεύσεται ἦδε ye βουλή, «mes amis, cette décision n'aura pas pour nous un heureux résultat ». Ni συντρέχω ni συνέδραμον ne sont attestés dans cet emploi chez Homère ; l'exemple de ouvêef - est d’ailleurs isolé, faisant penser aux emplois du français concourir avec sujet abstrait, ou plutôt du
latin concurrere, formation parallèle à συνϑέω 5 : concourir à signifie en effet « contribuer au succes de », mais il est n'est pas employé absolument comme l'est ici συνθδεύσεται + datif, dans le sens de «réussir à quelqu'un, avoir un heureux effet, une heureuse issue pour quelqu'un ». A l'époque classique, le paradigme supplétif habituel (συντρέχω — συνέδραμον) se retrouve dans un emploi très voisin «se rencontrer, coincider (de maniére heureuse)», Dém. 17, 9 : xai τὸ συμφέρον συνδεδράμηκεν.
On a réservé pour une analyse ultérieure certains exemples de ϑέω difficiles à expliquer soit comme témoins de l'état supplétif, soit comme caractéristiques d’un thème duratif : cette série d'exemples avec sujet inanimé sera analysée dans
l'étude sémantique, ci-dessous, 2.4, p. 194. Sauf oubli, on aura alors vu tous les emplois homériques du verbe. 2.2. Emplois du thème d’aoriste δραμ2.2.1.
Les préverbes
Parmi les préverbes attestés avec -ἔδραμον, δια-, παρα- et ovv- sont naturellement neutres pour ce qui est de l'orientation de l'espace par rapport au sujet de l'énonciation, respectivement mouvement à travers, le long de, ou idée de convergence. Notons que le comportement de ἔδραμον avec παρα - le met du cóté
de ἔρχομαι - εἶμι - ἦλϑον plutôt que du côté de Baívo. Ἐπι- et περι- impliquent clairement une orientation centripète («accourir auprès de...», «accourir pour
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
189
entourer... »), &va- et Üno- une orientation centrifuge (mouvement de retrait ou
de dérobade). Les deux exemples du verbe simple ont l'air d'étre secondaires, et se laissent ramener aux cas qui précédent. Pour Od. XXIII, 207 δακρύσασα δ᾽ ἔπειτ᾽ ἰϑύς δράμεν, ἀμφὶ δὲ χεῖρας“δειρῇ βάλλ᾽ Ὀδυσῆϊ..., le caractère exceptionnel du verbe sans préverbe dans la langue homérique est en faveur de la leçon κίεν choisie par certains éditeurs . Si l'on garde ôpéuev, l'emploi est «effectif» (ἰϑύς) et le verbe simple a le sens d'un composé (e.g.
ἐπέδραμεν) : peut-étre s'agit-il déjà d'un emploi « poétique » du simple pour un composé, trait couramment attesté dans la poésie ultérieure. H. à Dém. 11, 188 αἱ δὲ παρ ᾿αὐτὴν ἔδραμον, “Ἔὴ δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ οὐδὸν ἔδη nooL..., l'aoriste du verbe simple est encore effectif (déterminé par un complément prépositionnel). Dans l'Iliade, on aurait probablement ἐπέδραμον. Si le présent ϑέω évoque souvent l’idée de courir, le concept de course, la course comme une possibilité pouvant caractériser une espéce, on voit que
l'aoriste ἔδραμον a pour emploi de dénoter l’action (réelle) de courir dans une direction déterminée, ce qui se traduit chez Homère par la constance de la présence
d'un préverbe dans l'état de langue ancien. L'indication de la direction de la course, essentielle à l'aspect aoristique (naturellement indissociable lui-méme de l'aspect propre à la racine, du «sens » du verbe) se réalise !? soit indépendamment d'une orientation de l'espace par rapport au sujet de l'énonciation — avec δια-, παρα- et ouv-, soit en fonction d'une orientation implicite de l'espace, comme centripète — avec ἐπι- ou περι-, ou centrifuge avec ἀνα- ou ὑπο-; dans la pratique, cette détermination essentielle du théme d'aoriste se distingue, dans la traduction, en ce qu'il est rarement possible de rendre -δραμεῖν par «courir», mais que l'on utilise plutót des composés, comme accourir, ou d'autres verbes (se
dérober, s'échapper etc.). 2.2.2.
On
᾿Αποδράς,
participe supplétif remplaçant "δραμών 7
peut croire que si le participe "δραμών était attesté, on aurait une
opposition
du type
"ἐπιδραμόντα (*óxoógauóvta) τινά ὁρῶ / ϑέοντά τινα ὁρῶ «je vois que quelqu'un est accouru (s'est dérobé) » / «je vois quelqu'un courir», parallèle à l'opposition ἐλϑόντα / ἰόντα. Au nominatif, on remarque toutefois qu'Homère présente deux exemples du
participe athématique ἀποδράς : Od.XVI, 65 νῦν αὖ Θεσπρωτῶν ἀνδρῶν παρὰ νηός ἀποδρὰς ἤλυϑ᾽ ἐμὸν πρός σταϑμόν.... et Od. XVII, 516 τρεῖς γὰρ δή μιν νύκτας
ἔχον, τρία δ᾽ ἤματ᾽ ἔρνξα
ἐν κλισίῃ: πρῶτον γὰρ ἔμ᾽ ἵκετο νηὸς ἀποδράς. Comme le présent ἀποδιδράσκω n'est pas homérique, on peut penser que ἀποδράς joue à l'occasion, quand le sens s'y prête («s'éloigner en courant, rapidement ») le rôle de participe aoriste, puisque la métrique excluait δραμών (cf. note 10). Cette
hypothèse de H.B. Rosén!? semble intéressante (malgré la critique par C.J. Ruigh ?, trop systématique sur plusieurs points).
Le principal obstacle est que
ἀπο-, seul préverbe attesté avec -δράς, est l'un des rares préverbes à ne jamais se rencontrer avec -δραμεῖν dans la langue homérique. Par ailleurs, la valeur effective
de ἀποδράς
est conforme
à l'attente, et le sens dans les deux exemples de
190
ESSAI
l'Odyssée
irait bien
avec
DE GÉNÉRALISATION
l'idée
de
«s'éloigner
rapidement»
(ou
méme
«en
courant ») ; l’idée de fuite de la traduction traditionnelle peut s'expliquer par le contexte, comme une connotation
: si dans les deux cas le fuyard part d’un bateau,
dans aucun exemple il n'est nécessaire de supposer une fuite à la nage. Au contraire, la fuite d'accostage.
a pu
se faire
plus
aisément
à la faveur
des
manœuvres
On pourrait parler pour ἀποδράς et δραμεῖν d'un supplétisme occasionnel, s'il n'était probable qu'il s'agit de la méme racine *der- différemment suffixée : *der-m/* dr-em/*dr-m
: δραμ- et *der-H/*dr-eH; : δρᾶ-, type voisin de celui de
βαίνω-ἔδην. 2.2.3. «Il a poussé, pareil à un jeune plant» On a déjà évoqué (ci-dessus, 1.2.4, p. 184) les exemples de δραμεῖν désignant le mouvement rapide, sans action des pieds, d'un projectile cervelle d'un combattant est projetée en l'air par le choc ; JI. corps d'Hector qui est ainsi projeté : se rapprochant d'emplois ces occurrences témoignent de l'état supplétif. D'autres emplois avec sujet inanimé sont originaux, sans
: 7/. XVII, 297, la XIV, 413? c'est le parallèles de ϑέω, parallèle dans les
emplois de ϑέω (mais pas davantage dans ceux de τρέχω : l'absence de parallèle avec ϑέω n'exclut donc pas le supplétisme, mais atteste l'opposition aspectuelle et
sémantique entre les deux thèmes complémentaires) : /. XXIII, 717 πυκναὶ δὲ σμώδιγγες ἀνὰ πλευράς τε xai ὦὥμους αἵματι φοινικόεσσαι ἀνέδραμον,,.. l'aoriste dénote le surgissement soudain d'hématomes, cf. ci-dessus, 1.2.5, p. 185 : dans un contexte analogue, il nous semble que le théme de présent (qui n'est pas attesté) ne pourrait qu'exprimer la répétition, l'idée de durée étant exclue. Thétis emploie le méme composé en ἀνα - pour évoquer la croissance rapide de son fils, /L.XVII, 56 = XVIII, 437 : ὁ δ᾽ ἀνέδραμεν ἔρνεϊ ἶσος. Sous le léger effet de style (probablement assez banal, comme l'emploi frangais de pousser pour
un enfant) qui applique le verbe à un sujet humain, il faut déceler une locution «profonde », qui pouvait être idiomatique 2), où le verbe dénote (sans métaphore) la sortie de terre des jeunes pousses : “ἔρνος ἀνέδραμεν «la jeune pousse a jailli », «le germe a poussé » : le sens du verbe est ici trés voisin de celui qu'il a avec σμώδιγγες il évoque un jaillissement, un déplacement à la fois continu et brutal allant de la surface (terre, peau) vers l'extérieur, la soudaineté justifiant l'emploi d'un théme et d'une racine ponctuels et effectifs. Les emplois de -δραμεῖν avec sujet inanimé mettent ainsi en évidence, d'une autre maniére que les emplois avec sujet animé, l'aspect ponctuel caractéristique
du théme. 2.2.4. Le parfait : les obstacles se dressent, le sol se dérobe De méme que l'on s'est demandé, sans pouvoir d'ailleurs donner de réponse
satisfaisante, pourquoi le futur homérique du paradigme de « courir » se rattache à la racine de rattachement l'archaisme) à surprenants :
présent, de méme il faut se demander si l'on peut justifier le du parfait δέδρομα2 (dont le vocalisme radical -o- manifeste la racine qui fournit l'aoriste. Il est vrai qu'ici les faits sont moins l'état de langue ultérieur n'a pas bouleversé sur ce point le
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
191
paradigme homérique comme il l’a fait en remplaçant Beboonaı par δραμοῦμαι, et d'autre part le rattachement du thème de parfait à une racine fournissant aussi le thème d'aoriste dans un paradigme supplétif se retrouve ailleurs : ainsi
εἰλήλουϑα (comme ἐλεύσομαι) doit probablement se rattacher à ἤλυϑον-ἦλϑον 2, de méme pour le verbe «porter », l'aoriste fiveyxov et le parfait ἐνένηγμαι sont formés sur la méme racine, s'opposant à *bher- qui ne fournit que le présent φέρω.
Si l'on accepte qu'il y ait dans le langage une sorte de «logique » implicite immanente?,
on
peut
avancer
une
explication
par
les
«contraintes
pragmatiques » 25 : il nous semble en effet impossible de concevoir l'état postérieur au procès «courir» comme continu et en développement. Cela expliquerait que
ϑέω ne fournisse pas plus de parfait qu'il ne fournit d'aoriste. Au contraire, si le procés n'est pas envisagé dans son développement, mais à son «terme» («accourir », ou aussi bien «partir en courant, se dérober», s'il s'agit du terme initial), le parfait de ἐπέδραμον ou de ὑπέδραμον est concevable, avec un sens analogue aux opposés εἰλήλουθα / οἴχομαι, et une nuance supplémentaire («sème») de soudaineté, rapidité ou brutalité. Les quatre exemples homériques sont tous avec sujet inanimé, et attestent bien un sens d'état comme les autres parfaits archaiques de verbes de
mouvement# : les deux exemples avec ἐπι- manifestent le sens d'état de présence attendu avec le composé d'orientation centripète (cf. ἐπέδραμον ci-dessus, 2.2.1,
Pp. 188-189), Od. … ἀλλὰ
μάλ᾽
VI, 44-45 description de l'Olympe, αἴϑρη / πέπταται
ἀνέφελος,
λευκὴ
δ᾽ ἐπιδέδρομεν
αἴγλη,
littéralement, «une blanche clarté est établie au-dessus », cf. Bérard : «mais en tout temps l'éther, déployé sans nuages, couronne le sommet d'une blanche clarté». Dans une description symétrique de l'Erébe, le composé au parfait
s'applique au contraire à une nuée noire, exprimant encore l'état de « présence au-dessus » : Od. XX, 357 κακὴ δ᾽ ἐπιδέδρομεν ἀχλύς, cf. Bérard : «et la nuée de mort recouvre tout! ». Le composé en ἀνα - (deux exemples) évoque un état de présence verticale, comme on peut s'y attendre d’après le sens concret du préverbe : Od.V, 412 et X, 4 λισσὴ δ᾽ ἀναδέδρομε πέτρη. Comme l’aoriste ἀνέδραμε exprime le surgissement, soudain et situé en un point du temps, d'hématomes, ἀναδέδρομε exprime l'état de surgissement : c'est «étre dressé », pour un rocher ou une paroi verticale, comme un obstacle «se dresse» devant vous. Enfin, un exemple de
l’Hymne à Apollon montre un emploi analogue du composé en ὕπο -, H.III, 284 κοίλη δ᾽ ὑποδέδρομε βῆσσα, il s'agit d'une description de reliefs montagneux où le parfait est bien à sa place ; quant à l'emploi de ὑπο-, il convient à l'expression
du vide qui «s'ouvre sous les pas, se dérobe », avec une vivacité de style qui manque au cliché du français (on a traduit de méme par «se dérober» l'aoriste employé à propos de combattants).
Le parfait des verbes de mouvement
ne peut étre formé sur une racine
durative : la formation de δέδρομα sur la racine qui fournit l'aoriste ἔδραμον, et la constance d'un préverbe avec le parfait comme avec l'aoriste confirment le sens essentiellement effectif de δραμ- en grec, sens qui l'oppose au thème $c -, essentiellement duratif et non-effectif.
192
ESSAI
DE
GÉNÉRALISATION
2.3. Dérivés et composés de c^ - et de δραμL'opposition aspectuelle entre ἔδραμον, essentiellement effectif, et ϑέω, duratif non-effectif, est confirmée par l'opposition entre leurs systémes respectifs de dérivation et de composition. Autour de θέω se groupent principalement l'adjectif 0oóc, et divers composés ayant -Üóoc comme deuxième terme, parmi lesquels βοηϑόος. Dans la grande majorité des exemples, ϑοός qualifie chez Homère le nom du navire, dans des emplois plus ou moins formulaires (mais la variété des formules, et l'usage du syntagme Bor) + vnüg presque à tous les cas de la déclinaison, garantissent le caractére vivant du tour dans la langue homérique) : Îliade : 27 exemples Odyssée : 52 exemples Hymnes : 9 exemples
de
θοήν θοῇ (60ác θοάων θοῇς, θοῇσι
+ + + +
νῆα mi νῆας νηῶν νηυσί, νήεσσι
Les autres termes auxquels s'applique le qualificatif sont des humains (8 exemples dans l'Iliade, 1 dans l'Odyssée), des dieux ou plutôt un dieu (ϑοός est une épithète traditionnelle d'Arés, 8 exemples dans l'/liade), la nuit (νυκτί + ϑοῇ : 2 ex. dans l’Iliade ; νύκτα + ϑοήν : 2 ex. dans l/liade et 4 dans l'Odyssée), le char (Body ἄρμα, 1 ex. dans l'/liade et 1 dans l'Odyssée), la main (ϑοῆς ἀπὸ χειρός, 1 ex. dans l'Iliade), le fouet (μάστιγι ϑοῇ idem), le trait (θοὸν βέλος, 1 ex. dans l'Odyssée, à
rapprocher des emplois de θέω pour un projectile), et le repas (δαῖτα ϑοήν, 1 ex. de l'Odyssée). L'adjectif s'applique donc le plus souvent à des inanimés effectuant un déplacement réel ; méme quand il qualifie des étres humains, on peut penser qu'il a une valeur trés générale (« rapide »), sans référence au mouvement physique de la course, à plus forte raison bien sûr quand il qualifie un «abstrait», comme le
« repas ». On trouve chez Homère plusieurs personnages dont le nom se termine par -0ooc : Ναυσίϑοος, 'Agni&ooc, ᾿Ιππόϑοος, Πειρίϑοος, ᾿Αλκάϑοος, et l'existence de ce type de composés est garantie par l'onomastique mycénienne
(Peritowo- Akito- etc.). De la famille de ϑέω, βοηϑόος est sûrement le terme le plus important, d'abord parce qu'il a lui-même donné naissance à une famille verbale capitale pour la civilisation grecque, et aussi parce que, comme P. Chantraine le fait remarquer
7, c'est finalement
le seul
terme
de
la famille
qui
ait survécu
à la
période archaique. Les deux exemples homériques peuvent être cités ici : Il. XIII, 476-7, ὡς uévev Ἰδομενεὺς δουρικλυτός, οὐδ᾽ ὑπεχώρει
Αἰνείαν ἐπιόντα βοηϑόον, Enée qui vient attaquer Idoménée, est qualifié de βοηϑόον par rapport à Alcathoos, au secours de qui il a été appelé par Déiphobe (vv.463 à 467). ΠΟΧΝΤΙ, 481 ὡς ἔφατ᾽, ᾿Αλκιμέδων δὲ βοηϑόον ἄρμ᾽ ἐπορούσας καρπαλίμως μάστιγι καὶ ἡνία λάζετο χερσίν, c’est un char qui est qualifié de
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
193
βοηϑόον (cf. la note de Leaf). Nous avons relevé aussi (ci-dessus, p. 192) deux exemples du syntagme ϑοὸν ἅρμα : il n’est guère étonnant qu’un char « rapide » soit dit aussi «courir au secours », être « secourable ». On trouve d'ailleurs une expression paralléle dans le Rgveda, havanasyádam ratham, littéralement «char qui se presse à l'invocation » Dans aucun des deux cas, il n'y a d'appel au secours formulé explicitement par le guerrier secouru : c'est Déiphobe qui vient chercher Enée au secours d'Alcathoos, ne se sentant pas capable d'affronter seul Idoménée. Quant à Patrocle, il est déjà mort quand Alcimédon et Automédon dirigent vers lui leur « char secourable ». Le mot n'a donc déjà plus dans la langue homérique la valeur pleine « qui court au cri de » (βοὴν ou βοῇ ϑέει) établie par W. Schulze ? à partir de l'étude de plusieurs termes du vocabulaire indo-européen (la quiritatio romaine,
entraine
l'emploi
de abhidhávati
dans le droit indien une
en sanskrit,
et le fait que
obligation juridique
l'appel au secours
de secourir).
La valeur de ϑέω attestée par le composé βοηϑόος? est la valeur « neutre » du
présent,
avec
indication
de
direction
éventuelle
(«courir
au
secours
de
quelqu'un », donc « vers quelqu'un »), ce qui explique que le mot soit susceptible d'étre remplacé par βοηδρόμος, avec pour second terme le nom d'agent formé parallélement à -ϑόος sur le théme d'aoriste fortement caractérisé comme effectif (« accourir »). La formation des mots désignant le «secours» sur des verbes «courir» manifeste que ce qui est essentiel, c'est la háte mise à secourir, le caractére ponctuel et immédiat de l'aide apportée (par opposition à la notion d'alliance à longue échéance exprimée par la famille de σύμμαχος). Cette importance de la notion de course rapide dans la famille de βοηϑόος pourrait justifier l'étymologie
du «synonyme» ἐπίκουρος par un autre verbe «courir », qui n'aurait pas laissé d'autre
trace
en grec,
mais
se retrouverait
dans
le latin curró?!.
Dans la famille de δραμ-, le principal terme nominal est δρόμος.
Dans la
langue ancienne, le mot atteste bien la valeur effective du radical : il désigne en
effet soit la course comme exercice organisé en un lieu et un temps déterminés et
pour des concurrents déterminés 52, soit la piste ?? où a lieu cette course (cf. encore en fr. hippodrome comme réalisation est le plus abstrait, du courir observé verbe de désir (II.
et méme aérodrome1), soit encore l'allure des concurrents, concrète de cette virtualité qu'est τὸ ϑέειν^; ce dernier sens mais là encore, δρόμος désigne une course actualisée, un mode dans la réalité. De méme, quand le mot est complément d'un XXIII, 300), ce à quoi les chevaux aspirent, c'est à ce que la
course ait lieu : ils désirent la concrétisation du procés «courir»
quand
il s'agit d'aimer courir comme
un trait de caractère
(en revanche,
général,
Homère
emploierait plutôt, semble-t-il, une forme de ϑέειν). Ce n'est que plus tard? que δρόμος est attestée avec le sens «abstrait » de « action de courir » (tout en gardant à l'époque classique ses anciennes acceptions concrétes, auxquelles viennent s'ajouter
les sens
concrets
fréquents
de
«colonnade
couverte,
gymnase,
rue,
route » 9), reprenant ainsi une partie des emplois de l'ancien présent ϑέω que le nouveau présent τρέχω n'était pas apte à assumer complètement. 2.4.
Le sens de ϑέω
et de ἔδραμον : courir en restant sur place?
Ainsi fortement opposés à l'origine par leur «ordre de procés» qui les prédisposait respectivement à fournir l'un, *dhew-, non-effectif, un théme de
194
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
présent — et de désidératif —, l'autre, *drm-, effectif, un thème d’aoriste et de parfait, avec préverbe, ϑέω et ἔδραμον ont cependant en commun une valeur sémantique
essentielle,
impliquée
par leur relation
de complémentarité
para-
digmatique, trait sémantique qu'il faut maintenant essayer de définir. Si l'on revient sur les emplois des deux verbes, on voit (cf. le tableau des
pages 196-197) qu'ils dénotent tous deux le mouvement rapide d'humains ou d'animaux, de navires, et le déplacement d'un projectile dans l'espace ; ϑέω est seul à désigner le déplacement d'étres humains par bateau et le mouvement d'une
roue, seul aussi dans un emploi avec sujet inanimé concret oà aucun déplacement n'est possible ; en revanche ἔδραμον a lui aussi un emploi qui n'appartient qu'à lui, faisant référence
au mouvement
de sortie de terre des jeunes
plants.
L'originalité de ce dernier emploi, probablement idiomatique, s'explique, on l'a vu, par l'importance
de l'aspect
aoristique 7. Mais comment
expliquer
les
exemples de ϑέω sans mouvement ni déplacement possible, qui forment une série non négligeable (6 occurrences) et reflétent peut-étre eux aussi un emploi idiomatique ? Il faut reprendre les exemples. JE. VI, 118, le verbe s'applique à la
bordure de bronze d'un bouclier rond* : ἄντυξ f) πυμάτη ϑέεν ἀσπίδος ὀμφαλοέσσης, littéralement, «ia bordure qui courait au bord du bouclier en omphalos» : le verbe n'exprime aucun
déplacement ni mouvement, sinon celui des yeux ou du doigt qui suivent la ligne de l'évtvE ; l'idée de cercle est une connotation due à la forme du bouclier, mais on voit bien que le verbe pourrait s'appliquer à la bordure d'un objet de forme tout à fait fantaisiste. On rapprochera 7l. XX, 275, où, dans une autre description de bouclier avec ἄντυξ, le méme verbe ϑέε s'applique à la matiére dont elle est faite, le bronze, probablement par hypallage : ἄντυγ᾽ ὑπὸ πρώτην, ἧι λεπτότατος Bee χαλκός 9.
Il. VI, 320 = VIII, 495, dans un passage descriptif encore, le verbe s'applique à l'anneau d'or qui fixe la pointe d'une
pique
à sa hampe
:
... πάροιθε δὲ λάμπετο δουρὸς αἰχμὴ χαλκείη, περὶ δὲ χρύσεος ϑέε πόρκης, littéralement, « devant brillait la pointe de bronze de la lance, autour (de laquelle) courait un anneau d'or ». On
rapprochera encore Od. XXIV, 208, où il s'agit d'un bátiment (des baraquements pour
loger les esclaves) qui «courent autour» d'une maison : ἔνϑα ol οἶκος ἔην, περὶ δὲ κλίσιον ϑέε πάντῃ. Dans ces quatre exemples,
l'idée de «tourner autour de» est due à la forme de l'objet (bouclier rond, anneau ; le κλίσιον, lui, est plus probablement rectangulaire), et, dans les deux derniers, à περί : c'est donc une connotation, qui ne fait nullement partie du sens du verbe, (au contraire de τρέχω, cf. ci-dessous, 3, pp. 197-198), comme le prouve
le cinquième exemple de la série, où le trajet de la veine n'est évidemment pas circulaire,
II. XIII, 547 : (φλέψ)
fj v ἀνὰ νῶτα ϑέουσα διαμπερὲς αὐχέν᾽ ἱκάνει, littéralement «la veine qui court en remontant le dos». Dans tous ces exemples, l'objet auquel la description applique le verbe ϑέω est immobile
9 ; le dernier exemple, que l'on ne peut exclure de la série, montre
que le verbe ne peut pas signifier «tourner » : l'idée de mouvement autour de est
donc due au contexte dans les quatre autres exemples. L'idée qui semble commune à toute la série est celle de former une ligne au bord de, longer (le long de ou au bord de, autour de) : ᾿᾿ἄντυξ ou le bronze de l'&vtvE fait ainsi une ligne
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF
DU
VERBE
COURIR
195
au bord du bouclier ; de même l’anneau brillant à la limite de la pique et de sa hampe, le bâtiment à esclaves autour de la maison de Laërte, alors que la veine
fait une ligne qui monte le long du dos. Le seul mouvement réel est celui des yeux qui suivent cette ligne.
Ces emplois ne rapprochent donc nullement ϑέω de τρέχω *' qui, quand il n'exprime pas chez Homére un déplacement circulaire réel, dénote un mouvement de rotation autour d'un axe : ils sont originaux, spécifiques du théme de présent ϑέω. Pour l'emploi de ϑέω avec la roue, Z!. XVIII, 600-601 ... ὡς ὅτε τις τροχὸν ἄρμενον ἐν παλάμῃσιν ἑζόμενος κεραμεὺς πειρήσεται, αἵ κε ϑέῃσιν, il ne serait pas plus logique de
prétendre que l'existence du syntagme τροχὸς ϑέει implique ici — dans un seul exemple — le sens «la roue tourne », qu'il ne le serait d'affirmer que dans le syntagme
τροχὸς
τρέχει, τροχός
est «la coureuse»
parce
que τρέχω
signifie
«courir » aprés Homère : la seule attitude cohérente est de dire que si les autres exemples de ϑέω impliquent le sens « courir », il a aussi ce sens dans τροχός 8e : «la
roue
court»
(idée
de
déplacement
rapide,
aisé,
sans
méme
un
effet
métaphorique), et de dire que le sens de τρέχω est à chercher dans l'ensemble des
emplois homériques du verbe*. Malgré l'existence d'emplois originaux, particuliers à l'un ou à l'autre des
deux thèmes, ϑέω et ἔδραμον forment bien chez Homère l'embryon d'un système supplétif, ayant en commun l'idée de rapidité dans le mouvement : le rapport
étymologique de ϑέω avec l'adjectif ϑοός « rapide » 9, et l'authenticité linguistique des emplois avec sujet inanimé impliquent que le verbe désigne un mouvement rapide continu, non-effectif au présent et au futur-désidératif, effectif à l'aoriste et au parfait, sans que l'action des pieds soit nécessairement impliquée^ : linguistiquement parlant, il ne s'agit pas de la répétition de plusieurs pas rapides (auquel cas la langue aurait probablement thème d'aoriste, comme elle a formé postérieurement à E6nv), mais d'un procès encore une fois ϑέω de ἕρπω. Remarquons
formé un présent itératif à partir du fla(vo sur ἔδην “ἡ, ou au moins continu spécifique, ce qui rapproche qu'en français aussi, des expressions
comme le cours d'une rivière — et son courant —, le cours du temps ou de la vie (voir all. Lebenslauf cité par Schmidt, ci-dessus, n. 41) mettent en évidence une
valeur durative et continue du verbe «courir». En sanskrit, dhävati « courir » est apparenté à dhavate «couler»*, comme sarpati (i.e. *serpó, gr. ἕρπω, cf. première partie, chapitre III, p. 113) l'est à sravati «couler » ; de méme ἔδραμον, formé sur i.e. *drem-/dr^m-
(cf. skr. dramati, aoriste adramit, «courir » 47) est
probablement à rapprocher de l'aoriste ἀπέδραν (cf. ci-dessus, 2.2.2., pp. 189190), présent plus tardif ἀποδιδράσκω, cf. véd. drähi, intensif daridrati (si ce théme s'est spécialisé en grec dans le sens de « fuir », avec le préverbe ἀπο-, le sens
plus général de «courir» se maintient en sanskrit), et de skr. dravati, «courir, couler » 5 : il faudrait *der-m- :
*der-H, :
*der-w- :
théme théme théme thème
partir
d'une
racine
"der-,
différemment
I non attesté. II *dr-em- : skr. dramati, grec δρόμος. III *dr-m- : aoriste radical ἔδραμον. II *dr-eH, : skr. dräti, grec, -éboav
théme II *dr-ew- : skr. dravati, futur. drosyati thème
III
*dr-u- : skr.
adjectif verbal
en
-ἰό, druta.
suffixée :
196
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
Les verbes désignant un mouvement continu, «fluide», s'appliquent en indo-européen au mouvement des « eaux courantes », et l'ambiguité se prolonge, on le voit, aujourd'hui, en français. En grec moderne, τρέχω a si bien assimilé les
emplois de l'ancien ϑέω qu'il a méme assimilé le sens de «couler » dans la locution tà τρεχούμενα νερά ^. Même si, consciemment, nous opposons «courir» à «marcher» en tendant à définir le premier comme une modalité du second
(« marcher » + sème de «vitesse »), la langue qui « pense » en nous manifeste un rapprochement
inconscient
plus profond
entre les notions de «courir»
et de
«couler ». La structure du paradigme homérique θέω -ἔδραμον montre en tout cas que la langue archaique exprime cette notion par un présent défectif de sens duratif non-effectif, ϑέω « courir, étre en cours », auquel se joint un aoriste effectif de sens complémentaire, «arriver/partir à la course », c'est-à-dire un systéme supplétif paralléle à celui du verbe «aller», plutót que par une dérivation à partir de l'aoriste comme c'est le cas pour la notion de « marcher, faire un pas», où tout le
système
est fondé sur un thème
TABLEAU
RÉSUMANT
primitif d'aoriste.
LES EMPLOIS DE ϑέω,
ἔδραμον
Θέω
εἰ τρέχω. ἔδραμον
τρέχω
MOUVEMENT RAPIDE D'HUMAINS
Nombreux
exemples
Composés de Un exemple du dé-£ógauov et deux|rivé tooxóovta exemples du simple | OD. XV, 451.
3UJEA
ANIME
(assimilables premiers).
D'ANIMAUX : chevaux
Nombreux
exemples
aux
composés
dérivé
IL. XXII, chiens
Plusieurs exemples
composés
DÉPLACEMENTS D'HUMAINS en bateau :
DÉPLACEMENTS
1
exemple
OD. III, 288.
de
6o,
DU
NAVIRE LUI-MÉME | 7 exemples. DÉPLACEMENT | 2 exemples DANS L'ESPACE | IL. XIII, D'UN PROJECTILE. comparé à pierre qui
1 exemple, OD. III, 177. : 141, Hector! unc roule
(ὀλοοίτροχος), OD. VIII,
193, disque
lancé par Ulysse.
2 exemples, /L. XIV, 413 corps d'Hector, IL. XVII, 297, cervelle combattant.
d'un
τρωχάω,
163.
LE
PARADIGME
SUPPLÉTIF
DU
Θέω
SUJET
INANIMÉ
DÉPLACEMENT D'UNE ROUE
1 exemple,
601.
VERBE
ἔδραμον
IL. XVIII,
COURIR
197
τρέχω
IL. XXII,
D'UN CHAR
520.
IL. XXIII, 504.
MOUVEMENT SANS DÉPLACEMENT :
Pousse des plantes | mouvement d'une 2 exemples de méche perceuse ἀνέδραμε (humains! (OD. IX, 386) et comparés aux des membres à l'inplantes); surgisse-| térieur de la cuiment des héma-|rasse (/L. XIX, tomes. 385).
NI DÉPLACEMENT | 5 EXEMPLES : NI MOUVEMENT.
| ἄντυξ autour du bouclier. bronze de l’ävınE. κλίσιον autour de la
maison.
φλέψ, veine qui monte le long du dos. πόρκης, anneau de la
lance (2 occ.).
3. LA FAMILLE DE τρέχω CHEZ HOMÈRE 3.1.
Courir
ou
ET L'ÉVOLUTION DU PARADIGME
tourner
Nous avons montré (Létoublon — de Lamberterie, 1980, op. cit.) que τρέχω ne signifie pas « courir », mais «tourner » chez Homere, et que le nom de la roue,
τροχός s'explique à partir du syntagme τροχὸς τρέχει «la roue tourne ». Les dérivés verbaux ont déjà évolué à l'époque homérique vers le sens « courir », selon nous sous l'influence des emplois pour «tourner à la borne» dans les courses, évolution que l'on peut schématiser de la maniére suivante sens de l'évolution
état préhistorique
état homérique
τρέχω VERBE RADICAL
« tourner » —————^$
«lourner »
τρωχάω VERBE DÉRIVÉ
«tourner à plusieurs reprises » ————e spécialement autour de la borne du stade
état posthomérique
diachronique
——————
« courir»
— spécialement «tourner autour de la borne» « courir »
198
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
Quoi qu'il en soit de l'explication par les courses, on connaît d'autres cas de
coïncidence entre les notions de mouvement dans une direction et de mouvement circulaire autour d’un axe : en français retourner, à côté du sens attendu «tourner à nouveau », a le sens d’un verbe de mouvement, et joue le rôle d’un dénominatif
de retour (au lieu de *retourer que l'on attendrait) ; en grec veo- qui signifie le plus souvent « retourner, rentrer » a des emplois au sens d'un verbe « aller » (ci-dessus,
deuxiéme partie, chapitre III, pp. 170-176), et en grec moderne γυρίζω «faire un tour, tourner» a le sens de «retourner» (d'où l'on vient). Il ne semble pas qu'il faille attendre ici un grand secours de l'étymologie : le rapprochement avec le latin trahó «tirer, trainer » ne s'accorde vraiment ni avec
le sens de «courir», ni avec le sens de «tourner»
; la concordance de l'arménien
durgn avec τροχός est plus probante sémantiquement, et l'on s'appuiera sur elle
pour rapprocher de τρέχω le verbe arménien darnam "revenir, se tourner, se
changer”. 3.2. La famille de dérivation de τρέχω En grec, homérique même, outre τροχός « roue », qui est capital, τράχηλος «cou, gorge » est en faveur du sens «tourner » s'il s'explique bien comme “partie du corps qui tourne" ?. On a rencontré (ci-dessus, 1.2.4, p. 183), le composé ὀλοοίτροχος, hapax d’Homere (I! XIII, 137, avec le verbe θέω, dans la comparaison d'Hector avec une pierre emportée par le courant d'un fleuve), qui désigne clairement chez les historiens militaires les pierres que des assiégés faisaient
rouler
l'étymologie
sur
supposée
les
par
assaillants
Bechtel
(Hérodote,
pour
Xénophon
le premier
terme,
et
ensuite);
*wel-
si
«tourner,
enrouler »?, est juste, le deuxième terme du composé doit avoir une valeur analogue : ὀλοοίτροχος (λίϑος) est probablement (une pierre) «qui roule et tourne » (formatiorrexpressive redondante), plutôt que « qui roule et court » (bien que cette pierre qui roule soit sujette à ϑέειν, comme le montre l'emploi homérique : elle devient un projectile).
Un
dernier
dérivé-composé
homérique
est
d'interprétation
ambigue
ἐπιτροχάδην (deux exemples, dans la locution formulaire ἐπιτροχάδην ἀγόρευε qui forme le deuxième hémistiche d'un hexamètre, ZI.III, 213 et Od. XVII, 26) :
le sens lui-méme ne fait aucun probléme, « parler aisément, avec facilité » (mais sans idée d'abondance verbale, cf II. III, 214 παῦρα μέν, ἀλλὰ μάλα λιγέως) était bien compris ainsi dés l'Antiquité (cf. le commentaire d’Eustathe). Mais cet emploi rhétorique peut avoir deux explications en fonction du sens attribué au radical verbal: ou il a ici le sens de ϑέω, et la métaphore s'explique par l'ambiguïté entre «courir» et «couler » qui est apparue comme une composante sémantique importante pour ce verbe (cf. un discours qui coule bien, des paroles qui coulent de source), ou 1Qox- a son sens «tourner », et la métaphore originelle
est celle d'un discours qui « tourne » ou «roule » bien, cf. un discours bien tourné (l'emploi intransitif de « bien tourner » coincide ici avec la métaphore du potier, où tourner est transitif : on tourne un discours comme un vase). N'ayant aucun critère qui permette de décider entre ces deux interprétations, on est obligé de choisir en fonction du sens que l'on donne à τρέχω : par conséquent, on ne peut pas utiliser cet adverbe comme argument pour le sens du verbe. Après Homère, le système archaïque (ϑέω-ἔδραμων opposé à τρέχω
LE PARADIGME SUPPLÉTIF DU VERBE COURIR
199
«tourner ») se défait, mais l'équilibre donné par les grammaires traditionnelles comme attique et classique (τρέχω-ἔδραμον-δραμοῦμαι-δεδράμηκα) met en réalité du temps à s'installer.
CONCLUSION
Le paradigme supplétif du verbe «courir » s'explique par les mêmes raisons que celui du verbe « aller » : la langue résout gráce au supplétisme le probléme des oppositions aspectuelles et sémantiques, en affectant une racine de sens duratif et non-effectif au théme de présent, une autre racine de sens effectif et non duratif au théme d'aoriste ayant un «séme» commun et des emplois communs. On retrouve dans le paradigme du verbe «courir » plusieurs des caractères
rencontrés
dans
l'étude
du
verbe
«aller»:
les
emplois
du
présent
ϑέω
s'apparentent par plusieurs traits à ceux de ἔρχομαι-εἶμι (et de substituts comme
ἕρπω), alors que l'aoriste ἔδραμον s'apparente à ἦλθον par plusieurs traits: sémantiquement, ϑέω-ἔδραμον semble signifier «aller vite» (avec un sens nettement effectif à l'aoriste, «accourir ») plutôt que «courir ». Comme
pour les
présents du verbe «aller», il s'agit pour ϑέω d'un mouvement continu, fluide, impliquant une relation étroite avec le sens de «couler » qui oppose ϑέω-ἔδραμον
à βαίνω comme
le paradigme supplétif s'oppose à lui.
CHAPITRE
II
AINSI VA LE MONDE MOUVEMENT, ABSTRACTION, MÉTAPHORE
L'expérience concrète du mouvement et de l’espace fournit un modèle métaphorique à la représentation mentale de toutes sortes de notions abstraites,
ce qui se traduit dans l'expression linguistique par la fréquence des emplois métaphoriques de termes d'espace et de mouvement. Le cas le plus simple est celui de l'emploi d'un verbe de mouvement avec substitution au complément
concret indiquant la direction ou l'origine du mouvement d'un terme qui n'est pas de l'ordre spatial : ainsi en frangais le train va de Paris à Marseille les Histoires d'Hérodote vont des préliminaires des guerres médiques à la prise
de Sestos par les Athéniens,
dans ses Histoires,
Hérodote
va des guerres
médiques à la prise de Sestos. ou Xerxés arrive en Gréce, le train arrive à Paris. Au livre IX, Hérodote arrive au terme de son œuvre. Xerxès arrive au pouvoir.
La métaphore du mouvement, qui le transpose dans un ordre autre que celui de la spatialité concréte, est un processus d'abstraction, oü le mouvement est image et modèle pour une représentation du temps, de la psychologie, de la société etc. Un autre processus d'abstraction peut étre distingué du processus métaphorique, celui qui tend à faire des verbes de mouvement des verbes-opérateurs: suivant la définition de J. Giry-Schneider, «le verbe faire est opérateur quand il permet de paraphraser une construction verbale avec formation d'un groupe nominal morphologiquement associé au verbe, autrement dit quand il existe une paire de phrases telles que Jean a décrit la scéne
Jean a fait la description de la scene»? ; certains des exemples cités ci-dessus comme métaphoriques apparaissent en méme temps comme des opérateurs, si le rapport de paraphrase entre Hérodote arrive au terme de son œuvre et Hérodote termine son œuvre
ou entre L'œuvre
d'Hérodote
arrive à son
terme
MOUVEMENT,
ABSTRACTION,
MÉTAPHORE
201
et L'œuvre d'Hérodote se termine est paralléle au rapport entre faire une description et décrire, entre pousser un hurlement et hurler, entre aimer et porter un amour à, entre avoir de l'adoration pour et adorer, et entre étre génant et géner?, on parlera d'emploi-opérateur du verbe arriver. Dans l'histoire de la langue, l'origine concrète de ces emplois est souvent facile à déceler, ainsi pour arriver au terme (cf. en grec τέρμα + ἱκάνω ἱκόμην «toucher la borne »). Mais en synchronie, tous les emplois-opérateurs des verbes de mouvement doivent étre métaphoriques puisqu'ils impliquent une transposition sémantique dans le domaine abstrait (pousser, faire, porter, avoir
perdent de la méme manière leur contenu sémantique concret en devenant des Opérateurs : c'est en ce sens que l'on a parfois parlé de verbes de «sens vide » *). Le verbe-opérateur a fréquemment pour complément un verbe au lieu des substantifs que l'on a relevés jusqu'ici : comparons arriver au terme de arriver à terminer et avec parvenir la série avec sens concret, emploi opérateur et opérateur à complément verbal : César parvint en Gaule César parvint à la conquéte de la Gaule (paraphrasable par César conquit la Gaule)
César parvint à conquérir la Gaule Il semble s'agir ici d'un pas de plus dans la voie de l'abstraction : le verbe de mouvement sert ici d'image pour un processus indiquant non plus le mouvement vers une action comme c'est le cas avec complément abstrait nominal, mais le développement d'un procés dans ses différentes étapes, cf. avec d'autres verbes que ceux que nous avons étudiés les oppositions commencer une lettrelcommencer à écrire finir par des hommages/finir par rendre hommage se décider au départ/se décider à partir
Ces distinctions semblent en relation en frangais avec les notions d'aspect et
d'ordre de proces*. Enfin, avec aller et venir de construits avec l'infinitif en français, on a l'exemple d'une intégration des emplois opérateurs des verbes de mouvement dans le systéme temporel et aspectuel de la langue : on comparera avec aller
Jean va à la chasse Jean va chasser (déplacement pour chasser : concret) Jean va chasser (déplacement métaphorique : dans le temps, futur proche : il ne chasse pas encore, il chassera bientót) Il va pleuvoir (seule interprétation possible : futur proche) et avec venir de Jean vient de la chasse (valeur concréte avec complément nominal) Jean vient de chasser (déplacement métaphorique dans le temps : passé immédiat, il ne chasse plus, il chassait encore il y a peu de temps) Il vient de pleuvoir. Les verbes aller et venir de situent une action dans le temps-aspect de l'énonciation, opposant le futur et le passé immédiats au présent du locuteur® : il s'agit d'un glissement vers un emploi auxiliaire de ces verbes, qui en ferait des outils grammaticaux de l'expression du temps au méme titre que étre et avoir.
202
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
L'existence en grec de faits analogues à ceux qui ont été évoqués ici en français et à ceux qui ont été étudiés dans de nombreuses autres langues, confirme qu'il s'agit d'une tendance générale du langage, s'expliquant par l'impossibilité que nous avons de nous représenter des processus abstraits autrement qu'en
termes d'espace. Ces emplois, qui nous paraissent essentiels pour le sens des verbes de mouvement,
ne sont qu'en germe dans la langue homérique ; méme
ensuite, on verra qu'une étude attentive des occurrences et des contextes oblige à
refuser des exemples qui paraissent abstraits au premier abord (métaphores, auxiliaires etc.). L'enquéte portera donc ici sur l'ensemble de la langue grecque, d'Homère à la période classique.
1. LES
EMPLOIS
1.1. L'ombre
MÉTAPHORIQUES
d'un doute : la métaphore
évanouie
Une analyse précise des conditions d'emploi des verbes de mouvement montrent que des emplois qui nous paraissent métaphoriques ne le sont que par un effet de la traduction, effet qui disparait si l'on replace le verbe dans son champ d'emploi en grec méme, ainsi pour ἀμφιδαίνω exprimant l'idée d'une protection, au parfait, 1.1, 37-38 = 451-452 (deuxième partie, chapitre I, 2.2., pp. 133-134), pour ἱκάνω dans un contexte de supplication (Ibid. Chapitre II, 1.3.1, p. 149 et
2.2.1., pp. 158-159), pour κλέος οὐρανὸν ἵκει 7 ἱκάνει (ibid., 2.1.2, pp. 153-155) et méme πένϑος σε ἵκανε ϑυμόν (ibid., 1.1.2., pp. 146-147), pour οἴχομαι «être parti» appliqué au départ de la mort (première partie, chapitre II, 4.3.5.3, pp. 101-102) : beaucoup de prétendues métaphores apparaissent en réalité comme des emplois spécialisés s'expliquant directement par le sens spécifique d'origine du verbe : l'évolution linguistique ultérieure ayant fait oublier ce sens concret, on a tendance à reporter dans les emplois anciens le sens récent dérivé et la traduction
dont la tradition nous a donné l'habitude : on a alors l'illusion de la métaphore dans l'état de langue archaique. Un certain nombre d'emplois résistent pourtant à cette analyse, et paraissent garantir l'existence de véritables métaphores prenant le mouvement comme image-modèle pour des déplacements qui ne se font pas dans l'espace concret déjà
dans la langue homérique. Dans les cas les plus intéressants, on rencontre une métaphore analogue dans plusieurs occurrences et dans des emplois différents, montrant qu'il ne s'agit pas d'un fait de style isolé, mais qu'il peut y avoir là une « matrice métaphorique » de la langue, suivant le terme que nous empruntons à J.
Taillardat". Avec sujet animé, on a relevé ὑπερδῆναι pour le manquement à la loi, Il. IX, 501, métaphore qui s'explique par l'image de la loi comme chemin que l'on suit ou dont on s'écarte ou comme barriére que l'on respecte ou que l'on franchit, «transgresse» (cf. la concurrence de ὑπερδαίνω et παραδαίνω à l'époque classique) ; deux emplois homériques au moins attestent que les aèdes considéraient déjà le discours comme un chemin que l'on parcourt, un espace à l'intérieur duquel on évolue* : μετάδηθι (cf. deuxiéme partie, ch. I, 4, pp. 139-140) et διίξομαι. ἵκεο (ibid. , ch. IT, p. 161). L'analyse des fausses métaphores, entraînées
par l'illusion de la traduction et l'oubli des valeurs sémantiques anciennes peut
MOUVEMENT, évidemment
ABSTRACTION,
MÉTAPHORE
203
jeter la suspicion aussi sur ces exemples : mais leur résistance à
l'analyse par le contexte d'emploi et par les champs d'emplois de chaque verbe (ou en termes saussuriens analyse par les associations syntagmatiques et paradigmatiques?) implique au moins que le rapport entre le sens habituel du
verbe et l'occurrence rencontrée est moins transparent qu'il n'est d'ordinaire : qu'il y ait ou non métaphore du point de vue du locuteur, l'effet métaphorique est au moins plus efficace que dans les autres cas. L'existence de faits de style dans la langue homérique ne met pas en cause le
parti qui a été pris de traiter les textes de l’Iliade et de l'Odyssée comme un corpus cohérent d'une langue réelle : aprés avoir reconnu les types linguistiques garantis par un ensemble d'emplois, on peut retrouver dans les types aberrants des justifications diverses, parmi lesquelles jouent les raisons stylistiques !9. Avec sujet «inanimé », le probléme essentiel est celui de l'expression du
temps : il semble impossible de déterminer si la représentation homérique du «temps qui vient», les représentations postérieures du «temps qui vient» et du «temps
qui passe ou s'en va»!! impliquent une métaphorisation
du temps en
termes d'espace comme dans les langues vivantes !? ou non. Les progrés faits dans l'histoire de la langue
grecque
par les expressions
avec sujet animé
du type
«arriver à un âge, arriver au jour de»? pourraient impliquer qu'à l'époque classique, il s'agit bien d'emplois métaphoriques (on se déplace dans le temps et le temps se déplace par rapport à nous) ; mais les représentations homériques du temps restent opaques. L'abondance des emplois et leur cohérence montrent en tout cas qu'il s'agit de locutions idiomatiques usuelles : s'il y a métaphore, il s'agit d'une métaphore de la langue et non d'une création stylistique instantanée. Tous ces emplois attestant de fausses ou de vraies métaphores homériques sont le germe des emplois plus sürement métaphoriques du grec classique. Les métaphores de l'espace se regroupent linguistiquement dans plusieurs domaines
d'emploi '*, 1.2.
Temps et áge, vie et mort A l'époque classique, les emplois des verbes de mouvement avec sujet animé
pour les étapes de la vie, du type ἱκάνω γῆρας deviennent métaphoriques dans la mesure où l'on a oublié le sens ancien «toucher » de la racine *s(e)ik-, ce que prouve l'évolution syntaxique 5 : on peut alors substituer un commutant
métaphorique au verbe usuel dans cet emploi, cf. Platon, Théétète 142 d εἰπέ τε ὅτι πᾶσα ἀνάγκη εἴη τοῦτον ἐλλόγιμον γενέσθαι, εἴπερ εἰς ἡλικίαν ἔλϑοι, et εἰς γῆρας μολεῖν (Pindare, Péan, 1,1, Eur. Alc.52, Méd.921) et une inscription dorienne de Grande Grèce datant du 1° siècle, Schwyzer, DGE, 436, 3, citée ci-dessus, première partie, chap. 3, p. 116, où la locution ἐς ἁλικίαν μολεῖν est un
substitut dialectal de ἐλϑεῖν, Quand ils emploient le verbe usuel, les poètes exploitent parfois la métaphore, ainsi Pindare, Οἱ.Χ, 87 ἀλλ᾽ ὥτε παῖς ἐξ ἀλόχου πατρὶ ποϑεινὸς ἵκοντι νεότατος τὸ πάλιν ἤδη (construire ποϑεινός + πατρὶ ἵκοντι
τὸ πάλιν νεότατος, littéralement : «comme un enfant désiré pour un père qui arrive déjà au point où l’on rebrousse chemin en sens inverse de la jeunesse », cf.
Puech «... engagé dans la voie qui mène au rebours de la jeunesse »). Le syntagme ἵκω τὸ xéAtv + génitif n'est pas métaphorique, mais l'emploi de ce syntagme au
204
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
lieu de la locution ἱκ- τὸ γῆρας banale depuis Homère, est métaphorique, et l'originalité de cette création verbale fait apparaître la locution traditionnelle comme une métaphore usée (dont on aurait oublié la valeur métaphorique). Les
expressions
voisines
avec
sujet
inanimé
existent
parallèlement
à
l'expression du « Temps qui vient » dès la langue homérique (ci-dessus, deuxième partie, chap. II, 2.1.2, pp. 156-157). Si les locutions homériques ne sont pas sûrement métaphoriques, la présence d’une métaphore plus ou moins stylistiquement élaborée devient de plus en plus probable à mesure que la conception du Temps devient plus abstraite dans la pensée grecque, dans les emplois du type ἐπιών — ἐπελθὼν χρόνος opposés à παριὼν — παρελϑών, et de leurs substituts stylistiques
(Épret
χρόνος,
ἥκει
ἡμέρα
etc.),
voir sur
tous
ces
emplois,
les
occurrences, les conceptions qu'elles impliquent, l'article cité ci-dessus, p. 34, n. 23, «Le temps s'en va». 1.3.
La
comédie
humaine : monter
et descendre
l'échelle
J'ai souhaité l'Empire,
sociale
et j'y suis parvenu (Corneille).
L'emploi
dans
l'/liade de
ὑπερδῆναι
au sens de
“commettre
une
faute"
inaugure une tradition d'expression métaphorique de la loi morale ou sociale que l'on transgresse ou dont on s'écarte. Les verbes de mouvement donnent naissance
(seulement aprés Homère semble-t-il) à plusieurs autres matrices métaphoriques dans ce domaine : on trouve le paradigme supplétif, avec les préverbes εἰσ-7 ἐξ-, pour /'entrée ou la sortie de charge, cf. Hérodote, VI, 59, 3 (usages spartiates) ἐπεὰν ànocavóvtog τοῦ βασιλέος ἄλλος ἐνίστηται βασιλεύς, οὗτος ὁ ἐσιὼν ἐλευϑεροῖ ὅστις Σπαρτιητέων τῷ βασιλέϊ ἢ τῷ δημοσίῳ dore «... le roi qui entre en fonction affranchit tout Spartiate qui s'est rendu utile au roi ou à l'Etat » ;
id., 1, 67, 23 Οἱ δὲ ἀγαϑοεργοί εἰσι τῶν ἀστῶν, ἐξιόντες ἐκ τῶν ἱππέων αἰεὶ oi πρεσόδύτατοι πέντε ἔτεος ἑκάστον᾽ τοὺς δεῖ τοῦτον τὸν ἐνιαυτόν, τὸν ἂν ἐξίωσι
ἐκ τῶν ἱππέων... littéralement «les plus âgés qui sortent des cavaliers...» La transmission du pouvoir ou de biens hérités d'un homme ou d'un groupe social à un autre donne lieu à une matrice métaphorique de mouvement que l'on retrouve en frangais (passer à, revenir à) et probablement dans d'autres langues :
le paradigme supplétif semble usuel dans cet emploi, avec le préverbe περι- , Hdt., 1, 7,1 «'H δὲ ἡγεμονίη οὕτω περιῆλθε. ἐοῦσα Ἡρακλειδέων, εἰς τὸ γένος τὸ Κροίσου, «le pouvoir passa ainsi... à la famille de Crésus », ib., 187, 9 Οὗτος ὁ τάφος ἦν ἀκίνητος μέχρις où ἐς Δαρεῖον περιῆλϑε littéralement »... jusqu'à ce que le pouvoir royal revint à Darius», cf. III, 65, 30, VI, 111, 1 avec le thème de présent, I, 120, 25, IT, 120, 17 οὐ μὲν οὐδὲ ἡ βασιληίη ἐς ᾿Αλέξανδρον περιήιε..., avec le thème de parfait, III, 140 Ὡς δὲ... πυνθάνεται ὁ Συλοσῶν ὡς ἡ βασιληίη περιεληλύϑοι ἐς τοῦτον τὸν ἄνδρα!?, et le verbe simple dans une occurrence à l'aoriste, III, 84, 4... ἢν δὲ ἐς ἄλλον τινὰ τῶν ἑπτὰ Ekôn ἡ βασιληίη. Dans deux occurrences, chez le méme auteur, on trouve ἀναδαίνω dans un emploi analogue : thème de présent, VII, 205, 6 ᾿Αποϑανόντος δὲ Κλεομένεος ἄπαιδος ἔρσενος γόνου, Δωριέος τε οὐκέτι ἐόντος. ... οὕτω δὴ ἐς Λεωνίδου ἀνέόδαινε ἡ βασιληίη, et au thème d'aoriste, I, 109, 11 (raisonnement d'Harpage à qui Astyage a ordonné de tuer le petit Cyrus) ei δ᾽ ἐϑελήσει τούτου τελευτήσαντος
MOUVEMENT,
ABSTRACTION,
MÉTAPHORE
205
ἐς τὴν ϑυγατέρα ταύτην ἀναδῆναι ἡ τυραννίς τῆς νῦν τὸν ὑιὸν κτείνει δι᾽ ἐμέο... : dans les deux cas, le pouvoir échoit à quelqu'un d'autre que l'héritier mâle en ligne directe attendu, et l'emploi du composé peut s'expliquer par l'idée
d'une filière à remonter. Les composés de χωρέω en περι- et ἀνα -, attestés dans cet emploi chez Hérodote, semblent étre des substituts stylistiques de περιέρχομαι et de
&va6aívo respectivement (I, 210, 3 et VII, 4, 7). La valeur spécifique de Baivw justifie l'emploi du parfait pour exprimer l'idée de stabilité d'un régime politique, de position bien établie, dans Hdt, VII, 164, 3 τυραννίδα εὖ βεδηκυῖαν (cf. deuxiéme partie, chapitre I, 2.2, p. 133). Mais la matrice métaphorique la plus importante dans ce domaine est celle de l'ascension des degrés de l'échelle sociale, et de l'arrivée au sommet ou à l'un des degrés. Si Homére connait des emplois de προδαίνω au parfait dans ce domaine (deuxiéme partie, chapitre I, 2.2., pp. 134-135), à l'époque classique, cela semble être un des emplois idiomatiques de ἥκω (le cas échéant, avec un génitif), cf. Hdt., I, 30, 19 et 21 εὖ ἥκειν, id., VII, 157, 10 δυνάμιος ἥκεις μεγάλως, littéralement «tu es bien arrivé (pourvu) en puissance», V, 62, 15 εὖ fixeıv χρημάτων «être bien arrivé en richesses», avec des développements stylistiques qui semblent
originaux, VIII, 111, 11 εἰ ἥκοιεν εὖ ϑεῶν ; I, 102, 12 ἑωυτῶν εὖ ἥκοντες ; V, 49, 13 τὰ ἑς τὸν πόλεμον ἐς tà μέγιστα ἀνήκοντες ἐς τὰ πρῶτα, et avec περιήκω, VI, 86, 14 τοῦτον τὸν ἄνδρα φαμὲν τά τε ἄλλα πάντα περιήκειν τὰ πρῶτα. Le paradigme supplétif se trouve occasionnellement aussi dans ce type d'emploi, cf. Hdt., VII, 43 Ἦν δὲ τῶν τις ᾿Αϑηναίων ἀνὴρ ἐς πρώτους νεωστὶ παριών, τῷ οὔνομα μὲν ἦν Θεμιστοκλέης, cf. Legrand : «Or il y avait à Athènes un homme nouvellement parvenu au rang des premiers citoyens ; il avait nom Thémistocle ». Si parvenir a généralement en français une connotation péjorative que n’a pas toujours arriver (mais que les dérivés arriviste et arrivisme ont toujours...), il s'agit bien dans tous les cas de la méme métaphore du déplacement dans l'espace social. 1.4. «Lecteur, il me vient un scrupule » (Diderot, Jacques le Fataliste) : Sentiments et sensations On a rencontré dans la langue homérique des emplois du paradigme suppiétif ayant pour sujet des «abstraits » du domaine des sentiments ou des sensations : avec περι- (idée d'un envahissement
ἐξ ὕπνου
ἀνέγειρε γερήνιος
φϑεγξάμενος:
τὸν
δ᾽ αἶψα
par un mouvement
ἱππότα
περὶ
autour),
7l.X, 138-139
Νέστωρ
φρένας
ἤλυϑ᾽
lwn:
cf.
Od.XVII,
261,
(traduction de Mazon «... et le cri aussitôt enveloppe son cœur »), et surtout avec ὑπο- (idée que le sentiment ou la sensation vous prend « par-dessous » ?) ; //. VIE,
215 = XX, 44 Τρῶας δὲ τρόμος αἰνὸς ὑπήλυϑε γυῖα Éxaotov. L'emploi se retrouve à l'époque classique Hdt. VI, 134 φρίκης αὐτὸν ὑπελθούσης, Soph., El.928 ϑαῦμά τοι μ᾽ ὑπέρχεται, ib., 1112 ὥς μ᾽ ὑπέρχεται qó6oc, Eur., Méd., 57 ὥσϑ᾽ ἵμερός μ᾽ ὑπῆλϑε, avec substitution possible de ὑφέρπω en poésie (Esch., Ag., 270, 450, Choeph., 463). On trouve déjà chez Homère aussi l'expression du «départ» d'un sentiment ou d’une sensation, avec le composé en ἀπο- du paradigme supplétif (cf. fr. sortir de
206
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
l'esprit, de l'idée) : II. XXII, 43 À κέ por αἰνὸν ἀπὸ πραπίδων ἄχος ἔλϑοι, XXIV, 514 καί οἱ ἀπὸ πραπίδων ἦλϑ᾽ ἵμερος ἠδ᾽ ἀπὸ γυίων. Mais ce type ne semble pas avoir été productif par la suite. Au contraire, on trouve chez Théognis l'emploi avec ἐπι- dans le sens «venir à l'esprit»;
I, 633
βουλεύου δὶς xai τρὶς 6 τι ἐπὶ τὸν νόον ἔλϑῃ (Carriére : « Réfléchis deux et trois fois à ce qui te vient à l'esprit »), type qui semble avoir été idiomatique à l'époque classique, cf. Hdt., I, 30 ἵμερος ἐπῆλϑέ μοι... «le désir me vint...», Platon, Lois, 811 e avec πάϑος, cf. aussi, sans substantif sujet, avec ἐς et une détermination
à l'infinitif (emploi «impersonnel » ?), Hdt., VII, 46, 7 (Xerxès à
son oncle qui lui demande pourquoi il pleure) Ἐσῆλϑε γάρ με λογισάμενον κατοιχτῖραι ὡς βραχὺς εἴη ὁ πᾶς ἀνθρώπινος Bloc... (Legrand : «C'est que quand j'y réfléchis, je suis pris de pitié pour la brièveté de la vie humaine »). Si ces emplois du paradigme supplétif manifestent l'existence d'une matrice métaphorique du mouvement des sentiments dès l'époque homérique, on a vu que l'emploi de ἱκάνω — ἰκόμην avec ce type de sujet et accusatif direct (et même double accusatif du tout et de la partie) n'est nullement métaphorique dans l'état homérique de la langue grecque, mais s'explique par le sens originel spécifique de la racine : il n'y à métaphore qu'à partir du moment où ce sens spécifique est oublié et oà le verbe est devenu un verbe de mouvement et non un verbe indiquant un contact direct : il est probable que c'est le cas à l'époque classique, oà ces verbes sont d'ailleurs beaucoup moins fréquents dans cet emploi que chez Homère, cf. Soph., Phil., 601, τίς ὁ πόϑος αὐτοὺς ἵκετ᾽ ἢ ϑεῶν βία“ xai νέμεσις,
et, avec fixo, Esch., Prom., 103 ... οὐδέ μοι ποταίνιον πῆμ᾽ οὐδὲν ἥξει, et Choéph., 1020 μόχϑος δ᾽ ὁ μὲν αὐτίχ᾽, ὁ 5' ἥξει. Avec sujet animé la métaphore que l'on traduit en français par «en arriver à ce point de colère, d'impudence, d'abjection, de violence » (plus rarement attestée dans l’ordre des valeurs positives) semble avoir en grec son expression la plus normale avec les verbes hérités de *s{e)ik- “toucher”, les composés de ἰχνοῦμαι et de fixo en attique : la matrice métaphorique sous-jacente semble être celle d'une échelle du domaine
moral,
dont on atteint les échelons extrêmes,
comme
les
emplois dans le domaine social impliquent l’image d’une échelle hiérarchisée de la société : la métaphore est d’ailleurs transparente dans certains emplois anciens, Tyrtée 9, 43 et Simonide de Céos, 579,7 ἱκέσθαι + els ἄκρον ἀρετῆς / ἀνδρείας
«être arrivé au sommet
de la valeur/du courage...»,
cf. Pind.,
OLI, 43 νῦν δὲ πρὸς toxarlav / Θήρων ἀρεταῖσιν ἱκάνων. A l'époque classique, ce type d'expression (souvent avec une subordonnée consécutive) semble si banal, en prose comme en poésie, qu'il ne doit pas avoir une valeur stylistique particulière. Et les verbes hérités de *s(e)ik- semblent alors si bien sentis comme des verbes de mouvement plutôt que comme des verbes de contact, que le paradigme supplétif
se trouve fréquemment
dans cet emploi, cf. Dem.
33, 19 εἰς τοῦτ᾽ ἦλθεν
ἀναιδείας... ὥστε... (voir 54, 72; 17, 20; 22, 65 etc.), ou, au parfait d'état, 4, 37 ὁ δ᾽ εἰς τοῦϑ᾽ ὕδρεως ἐλήλυϑεν ὥστ᾽... (27, 24; 32, 22; 12, 12 etc.) : c'est un lieu
commun des orateurs pour déprécier l'adversaire. Le composé de βαίνω en προ- se rencontre aussi dans cet emploi en poésie (Eschyle, Sophocle), et méme en prose (Démosthène, 12, 16 εἰς τοῦτο δὲ προδεδήκαμεν ἔχϑρας ὥστε..., 47, 28 εἰς τοσοῦτο δικῶν καὶ πραγμάτων προδέδηκεν...), ce qui confirme notre hypothèse sur le rôle de substituts
MOUVEMENT,
ABSTRACTION,
MÉTAPHORE
207
stylistiques que les verbes de mouvement ont fini par jouer les uns par rapport aux autres à l'époque classique. 1.5. L'espace du discours
On a espace à ancienne l'analyse
vu ci-dessus (1.1, pp. 202-203) que la métaphore du discours comme l'intérieur duquel l'auteur se déplace, et déplace avec lui son public, est : un emploi homérique de μεταδῆναι, deux exemples de Ix-, résistent à des «fausses métaphores»; l'image du «chemin de l'euvre» est
d'ailleurs probablement antérieure à Homère lui-même !5. A l'époque classique, ce
type
de
matrice
directions : d'une
métaphorique
s'est
développé,
part, lexicalisation des expressions
semble-t-il,
dans
métaphoriques
deux
usuelles,
d'autre part, exploitation stylistique de certaines métaphores. En général, ces types métaphoriques ont des correspondants en français ou dans d'autres langues vivantes.
On
aborde
Corinthiens
(ou
attaque)
un
sujet : Thucydide,
aux attaques des Corcyréens devant
I, 37,
l'Assemblée
1 (réponse
des
d'Athénes) :
«'Avayxaiov... μνησϑέντας πρῶτον καὶ ἡμᾶς περὶ ἀμφοτέρων οὕτω καὶ ἐπὶ τὸν ἄλλον λόγον ἰέναι, ἵνα τὴν ἀφ᾽ ἡμῶν τε ἀξίωσιν ἀσφαλέστερον προειδῆτε... Ensuite, on le traite d’un bout à l’autre, à fond, en en parcourant tous les détails,
emploi de διίξομαι, διέρχομαι dès Homère. A l'époque classique, on trouve cet emploi pour ἐπεξέρχομαι, Thc., I, 22, 2 τὰ δ᾽ ἔργα τῶν πραχϑέντων ἐν τῷ πολέμῳ οὐκ ἐκ τοῦ παρατυχόντος πυνθανόμενος ἠξίωσα γράφειν... ἀλλ᾽ οἷς τε αὐτὸς παρῆν xal παρὰ τῶν ἄλλων ὅσον δυνατὸν ἀχριδείᾳ περὶ ἐκάστου ἐπεξελθών (voir id., III, 67), Platon, Lois, 672 a Καὶ γὰρ ἔτι πλείω τις ἄν
ἐπεξέλθοι λέγων (voir ibid., 778 c), Esch., Pr. 870 μαχροῦ λόγου δεῖ ταῦτ᾽ ἐπεξελθεῖν τόρως, Soph., Fr.757 Pearson ὦ γλῶσσα σιγήσασα τὸν πόλυν χρόνον πῶς δῆτα τλήσῃ πρᾶγμ᾽ ἐπεξελϑεῖν τόδε ; Dans la progression, on arrive à un point de l'exposé, avec ἀφικνοῦμαι, cf. Hdt., III, 22, 13 Ὡς δὲ ἐς τὸν οἶνον ἀπίκετο καὶ ἐπύϑετο αὐτοῦ τὴν ποίησιν,
ὑπερησϑεὶς τῷ πόματι ἐπείρεται..., littéralement «et lorsqu'il en arriva au (sujet du) vin et s’enquit de la manière dont il était fait...». Depuis Homère, les composés de faívo sont affectés à l'expression métaphorique du passage d'un sujet à un autre, cf. sur μετάδηϑι dans l'Odyssée, VIII, 492, deuxième partie, chap.I, 4, pp. 139-140, confirmé par Hymne à Aphr., V, 293 (dernier vers de l'Hymne) = IX, 9 (idem) : Χαῖρε ϑεὰ Κύπροιο ἐνκτιμένης μεδέουσα σεῦ δ᾽ ἐγὼ ἀρξάμενος μεταδήσομαι ἄλλον ἐς ὕμνον. Cet emploi se retrouve
chez Hérodote avec διαδαίνω, e.g. VIII, 62, 1 Σημαίνων δὲ ταῦτα τῷ λόγῳ διέδαινε ἐς Εὐρυδιάδην, λέγων μᾶλλον ἐπεστραμμένα. Le composé en ὑπερ- est d'usage pour passer par-dessus un sujet, le sauter (omettre), e.g. Pl., Rép., 528 d (métaphore filée de l'espace rhétorique) : «᾿Αλλά μοι σαφέστερον εἰπὲ ἃ νῦν δὴ ἔλεγες. Τὴν μὲν γάρ που τοῦ ἐπιπέδου πραγματείαν γεωμετρίαν ἐτίϑεις. --- Ναί,
ἦν δ᾽ ἐγώ. — Elta γ᾽ ἔφη, τὸ μὲν πρῶτον ἀστρονομίαν μετὰ ταύτην, ὕστερον δ᾽ ἀνεχώρησας. --- Σπεύδων γὰρ, ἔφην, ταχὺ πάντα διεξελϑεῖν μᾶλλον βραδύνω.
ἑξῆς yao οὖσαν τὴν βάθους αὔξης μέϑοδον, ὅτι τῇ ζητήσει γελοίως ἔχει,
ὑπερδὰς αὐτὴν μετὰ γεωμετρίαν ἀστρονομίαν ἔλεγον, φορὰν οὖσαν βάϑους. »
208
ESSAI
DE
GÉNÉRALISATION
«Mais explique-moi plus nettement ce que tu disais tout à l'heure. Tu mettais
d'abord, n'est-ce pas? la science des surfaces, la géométrie ? — Oui, répondis-je. —Ensuite, dit-il, l'astronomie immédiatement après ; puis tu es revenu sur tes pas. — C'est que, répondis-je, dans ma háte d'achever la revue de toutes les sciences, j'ai reculé plutót qu'avancé (littéralement « je m'attarde plutót »). Immédiatement aprés vient la science qui étudie la dimension de profondeur ; comme elle n'a encore suscité que des recherches pitoyables, je l'ai passée pour mettre aussitót l'astronomie ou mouvement des solides» (trad. E. Chambry). Les composés en xata- et ἀνα- sont usités pour la descente et la remontée dans le discours ou dans
le texte (cf. en français remonter à, revenir à et l'utilisation des termes latin infra-supra ou français ci-dessous/ci-dessus) : Hdt., I, 91, 22 ἀπὸ δὲ τούτων γενεηλογέοντες κατέδαινον ἐς τὸν Περσέα, «et à partir d'eux, ils établissaient la généalogie en descendant jusqu'à Persée », id, II, 65, 6 Τῶν δὲ εἵνεκεν ἀνεῖται ἱρὰ εἰ λέγοιμι, καταδαίην ἂν τῷ λόγῳ ἐς xà cta πρήγματα... «si je voulais expliquer le pourquoi de cette consécration, j'en viendrais à parler des choses divines », IV, 82 ἀναδήσομαι ἐς τὸν κατ᾽ ἀρχὰς ἤια λέξων λόγον, littéralement « je remonterai au discours que j'allais dire au début...» (sur cet exemple et sur des exemples
voisins avec le participe, voir F. Létoublon, Glotta, 60; 1982, 178-196). Euripide utilise le composé en ἐξ- pour “sortir du sujet", "s'égarer", Iph. T., 781 ἐξέθην γὰρ ἄλλοσε : les emplois métaphoriques de βαίνω et de ses composés gardent trace du sens spécifique ancien du verbe. On citera encore les emplois
idiomatiques de ἀντιδαίνω
τινί “contredire
quelqu'un",
de ovu6aívo
et de
συγχωρέω «s'accorder», et de μετέρχομαι «revendiquer». C'est chez Pindare que les métaphores de l'espace poétique sont exploitées avec le plus de soin et de
recherche stylistique, cf. Fr. 191 ᾿Αιολεὺς ἔδαινε Δωρίαν κέλευϑον ὕμνων, Pyth. Il, 62 evavôéa δ᾽ ἀναδάσομαι στόλον ἀμφ᾽ ἀρετᾷ κελαδέων, (métaphore d'embarquement) ?, Ném., VII, 69... μαϑὼν δέ τις ἂν ἐρεῖ εἰ πὰρ μέλος ἔρχομαι ψάγιον ὄαρον ἐννέπων (image du bon chemin dont il
ne faut pas s'écarter, enchainée avec la métaphore du poète-archer qui vise juste) ; ib., 71 Εὐξένιδα
πάτροϑε
Σώγενες,
ἀπομνύω
μὴ τέρμα προδαὶς ἄκονθ᾽ ὥστε χαλχοπάρᾳον ὄρσαι / ϑοὰν γλῶσσαν (trad. Puech : « je jure n'avoir pas passé la limite en lançant, comme un javelot à la joue d'airain, ma parole rapide... ») ?, OI. VI, 24-41 (image du char et du cocher, et de
la route à suivre pour remonter grâce à la poésie la généalogie d'Agésias) et 1sthm. VII, 19 (superposition des métaphores du flot et du joug des mots, seuls capables de sauver de l'oubli les belles actions) ἀμνάμονες δὲ Boótot 6 τι μὴ σοφίας ἄωτον xÀvtaig ἐπέων ῥοαῖ-
ἄκρον
σιν ἐξίκηται ζυγέν, Puech; «et les hommes oublient tout ce qui n'a pas touché l’art suprême des poètes, et qu'ils n'ont pas attaché aux ondes des hymnes
qui donnent la gloire » (littéralement «les mortels sont oublieux de ce qui n'a pas touché le supréme sommet de la sagesse, étant mis sous le joug par le flot glorieux
des mots ») ?!. Là encore, les différents verbes de mouvement se substituent les uns aux autres en poésie, par exemple νέομαι chez Pindare, Pyth., IV, 247, est ambigu : Pindare interrompt son récit de la recherche de la Toison d'Or et s'en explique :
MOUVEMENT,
ABSTRACTION,
μακρά μοι νεῖσϑαι κατ᾽ ἀμαξιτόν: γὰρ
συνάπτει
MÉTAPHORE
209
ὥρα
καί τινα
οἶμον ἴσαμι βραχύν. Ce qui serait «trop long», c'est de raconter dans le détail la suite de l'histoire, μοι est assez clair sur ce point. Si l’on prend νεῖσϑαι dans un sens métaphorique, renvoyant à la progression du récit, on a ici un exemple du sens neutre « aller », et l'on traduit « Il serait trop long pour moi d'aller par la grande route ». Mais il n'est pas impossible qu'il y ait ici superposition du sens spécifique «retourner» pour un déplacement concret, et de ce sens
métaphorique : le récit est interrompu au moment oü Jason va conquérir la Toison et commencer le voyage de retour. L'ellipse d'un verbe «raconter » permet en somme au poète d'assimiler son itinéraire poétique au voyage de la nef Argó. En tout cas, on a une véritable métaphore
du discours, avec sens neutre du verbe,
«aller», non «retourner», dans Pyth. VIII, 69 'QvaE ἑκόντι νόῳ κατά τιν᾽ ἁρμονίαν βλέπειν ἀμφ᾽ ἕκαστον ὅσα νέομαι, il s'agit d'aborder un sujet, cf. la traduction de Puech : « O Souverain, je souhaite que tu jettes un regard favorable sur tout ce qu'en tous temps je chante sur des modes divers!»
2.
LES
EMPLOIS
OPÉRATEURS
DES
VERBES
DE
MOUVEMENT
A l'époque classique, plusieurs locutions idiomatiques avec verbe de mouvement et complément nominal, couramment attestées, semblent exclure la
valeur concréte de déplacement ou mouvement : on a l'impression qu'il y a un rapport de paraphrase plus ou moins étroit entre διὰ μάχης ἔρχομαι et μαχοῦμαι «entrer en combat/combattre » ?, £c λόγους ἔρχομαι et διαλέγομαι «entrer en conversation ,/en pourparlers »/« converser, dialoguer, s'entretenir » ?, εἰς ἔλεγχον
ἔρχομαι et ἐλέγχω « venir à la réfutation de »/« réfuter » *, εἰς ἀριϑμὸν ἔρχομαι et ἀριϑμοῦμαι «entrer dans un compte »/«étre dénombré » ? etc. La définition des Opérateurs citée ci-dessus est peut-étre un peu trop restrictive, parce qu'elle prend
pour modéle le verbe frangais faire. Avec d'autres verbes que le paradigme supplétif, les locutions xoà πρὸς ἔργον (cf. ἐργάζομαι ?), ἐπεξιέναι ἔργῳ 26, nous semblent relever d'une méme analyse. Avec ἥκω, on retrouve ἐς χεῖρας ἥκω dans un sens différent de £c χεῖρας ἔρχομαι «être tombé entre les mains de», ἐς κίνδυνον ἥκω = κινδυνεύομαι, ἐς ἄπορον ἥκω 7, £c τἀυτὸν ἥκω «revenir au
méme, équivaloir » *. Les substituts poétiques habituels se rencontrent dans ces emplois, ainsi εἰς ἔλεγχον ἔμολον, εἰς ὕποπτα ἔμολον?. Certains
processus
types
avec
d’abstraction
apposition
du
même
prédicative
ordre : bien
peuvent
que
M.
paraître
Gross
attester
manifeste
un
des
réticences envers la notion d'opérateur intransitif Ÿ et se limite à l'analyse de être, les verbes de mouvement peuvent aussi fournir des emplois opérateurs intransitifs : on pourrait expliquer la lexicalisation de l'opposition venir/devenir par la séparation des emplois du verbe de mouvement et du verbe opérateur avec
apposition prédicative °', parallèlement à la lexicalisation différente qui s'est faite avec complément prépositionnel, entre venir à et en venir à. Quoi qu'il en soit en frangais, certains emplois grecs avec apposition prédicative montrent que le verbe
ne peut pas avoir son sens concret de mouvement, et une valeur « métaphorique » n'est pas évidente : Soph., O.R., 1011 tap6wv γε μή μοι Φοῖδος ἐξέλϑῃ σαφής
210
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
«craignant que Phébus ( = l’oracle) ne devienne (se révèle) clair pour moi», que l’on comparera aux emplois de ἐξέρχομαι sans apposition prédicative (pour une prophétie, un rêve prophétique, etc. : Hés. Trav., 218 ἐς τέλος ἐξελϑοῦσα, Hdt.,
VI, 108 ἐξεληλυϑέναι «se réaliser» etc.) et Soph., O.R. 1518, ϑεοῖς ἔχϑιστος ἥκω, littéralement «j'arrive à être haissable aux dieux, je deviens le plus haïssable (des hommes) pour les dieux », sont les deux exemples les plus évidents. Tous deux se trouvent en poésie, dans des emplois isolés qui peuvent s'expliquer comme des créations stylistiques sans valeur dans le système de la langue. Mais dans les deux cas, la traduction française qui conviendrait le mieux serait devenir (cf. angl. to become) : l'emploi opérateur intransitif du verbe de mouvement serait lié à l'expression du changement d'état, qui s'est figée lexicalement en français et en anglais avec un composé du verbe venir (remarquons la coincidence aussi entre le grec éE- et le latin dé-), l'apposition prédicative devenant un attribut prédicatif. Il est évident que l'on n'a pas en grec l'équivalent exact du français devenir ou de l'anglais to become + attribut ; mais certains emplois des verbes de mouvement avec apposition prédicative, exprimant une évolution (métaphorique ?) du sujet vers un état et non un déplacement dans l'espace concret réel, montrent
que le
vocabulaire psychologique et abstrait de l'époque classique s'acheminait vers ce type d'emplois.
3.
AUXILIAIRES,
PÉRIPHRASES
VERBALES
ET OPÉRATEURS
Partant de la constatation que les verbes de mouvement se montrent aptes
dans diverses langues à des emplois auxiliaires ?, on a essayé de déterminer si ce type d'emploi était représenté en grec. En fait, si les verbes de mouvement se prétent avec un complément verbal à un emploi métaphorique ou opérateur qui les apparente à un emploi auxiliaire, il n'existe que quelques rares exemples, chez Platon, attestant une tendance à la lexicalisation de ce type de locution (Glotta, 60,
1982, art. cité). Il nous a semblé intéressant de distinguer parmi les périphrases verbales les emplois auxiliaires des opérateurs aspectuels, et d'autre part de remarquer le paralléle entre opérateur à complément nominal et à déterminant verbal.
CHAPITRE
LES
III
VERBES DE MOUVEMENT ET L'ASPECT VERBAL
«Il n'y a guère en linguistique de question plus difficile que celle de l'aspect, parce qu'il n'y en a pas de plus controversée et sur laquelle les opinions divergent davantage. (...) On n'est d'accord ni sur la définition méme de l'aspect, ni sur les rapports de l'aspect et du temps, ni sur la façon dont l'aspect s'exprime, ni sur la place qu'il convient de reconnaître à l'aspect dans le système verbal des différentes langues.» : si J. Vendryes! voit dans l'aspect le probléme essentiel de la
linguistique, son attitude amène
à le laisser de côté comme
insoluble.
Pourtant, on a vu intervenir les problémes d'aspect tout au étude : cette chose étrange et indéfinissable semble se trouver oppositions lexicales et grammaticales entre les différents verbes particulier, il est apparu que la catégorie de l'aspect verbal peut
l'existence de paradigmes supplétifs comme
long de cette au centre des étudiés ici ; en seule justifier
ceux de εἶμι — ἦλθον (première
partie, chapitre I) et de τρέχω — ἔδραμον (troisième partie, chapitre I), si l'on veut sortir de justifications purement psychologiques comme celles d'Osthoff?, à l'exemple, parmi les ouvrages récents sur le sujet, de K. Strunk pour le grec et l'indo-européen?, de B.A. Rudes pour la linguistique générale (exemples pris dans
les langues
indo-européennes,
modernes
ou
anciennes,
et en
dehors)“.
Les conclusions partielles tirées de l'étude de tel ou tel paradigme verbal apparenté à «aller » peuvent-elles maintenant permettre de dresser un tableau des
oppositions aspectuelles entre ces verbes et du systéme des aspects de «aller» en grec ancien?
1. HISTORIQUE
L'abondance de la bibliographie et des positions contradictoires aussi assurées les unes que les autres semble interdire un exposé historique complet et cohérent du problème de l’aspect verbal. On peut d’ailleurs se reporter pour l'histoire des problèmes d'aspect à partir des «inventeurs», les comparatistes allemands de la deuxième moitié du xix° siècle (Curtius et Brugmann, puis Delbrück) à G. Ivanescu, «Le temps, l'aspect et la durée de l'action dans les langues indo-européennes » (1957) et à J. Perrot, «Les faits d'aspect dans les
212
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
langues classiques, (1961). Pour les travaux plus récents, depuis le développement des grammaires génératives et de la linguistique de l'énonciation, on citera J. Frangois, «La catégorie de l'Aktionsart dans la linguistique allemande. Exposé critique de travaux récents » (1978) et J. Perrot, « Aspects de l'aspect » (1978) 5.
Parmi les grammairiens de l'Antiquité, la tradition stoicienne semble seule avoir aperçu le probléme posé par l'existence de différents thèmes verbaux pour faire référence à un méme temps cf. les témoignages sur ces théories dans les scholies de Stéphane de Byzance à Denys de Thrace (Bekker, Anecdota Graeca, II, 889-892, Grammatici Graeci, VIII, 250), chez Apollonius Dyscole (Syntaxe, III, 21, 103 et les passages cités par Wackernagel, Vorlesungen, 150, pour les oppositions ἐὰν τρέχω 7 ἐὰν δράμω, yoáqe / γράψον) et chez Maxime Planude (Περὶ γραμματικῆς διάλογος, L. Bachmann, Anecdota Graeca, II, 6-7). J. Holt cite encore les scholies d'Homère, /l. I, 600 (Bekker), I, 578, XI, 368, XXI, 33 (Dindorf). Le probléme de l'aspect n'a recommencé à préoccuper les grammai-
riens qu'avec l'essor de la grammaire comparée en Allemagne au dix-neuviéme siécle : Curtius (1846), Brugmann et Delbrück (1879, 1897) principalement, puis
au début du vingtième siècle Thumb (1910), Wackernagel, Jakobsohn, Porzig, Koschmieder,
2.
LES
VERBES
en
DE
France
Guillaume
MOUVEMENT
ET
LES
et Meillet.
OPPOSITIONS
ASPECTUELLES
CHEZ
HOMÈRE
Alors que le chapitre II de la troisiéme partie, sur les verbes de mouvement et l'abstraction, déborde largement la perspective synchronique choisie au départ de cette étude, nous nous limiterons strictement à la langue homérique pour le probléme de l'aspect verbal : ce probléme justifie la constitution des paradigmes
verbaux dans un état archaique de la langue grecque, mais les oppositions se sont ensuite grammaticalisées et lexicalisées au cours de l'évolution : il convient donc ici particuliérement de ne pas confondre les différents stades d'évolution. D'autre
part, alors que les faits d'aspect et d'ordre de proces ont été traités assez fréquemment pour le grec classique et moderne, la langue épique n'a jamais été envisagée de ce point de vue : on espére y trouver les « racines » de l'aspect verbal. 2.1. Ce que l'on retient de la bibliographie. Nous
tenterons
d'abord
de dégager
de
Problémes de méthode l'étude
des divers paradigmes
de
verbes de mouvement homériques quelques constantes d'emploi s'expliquant par des oppositions ou des nuances aspectuelles. Les savants qui ont traité de l'aspect verbal sont partis jusqu'à présent le plus souvent de la catégorie (en distinguant ou non « Aspekt» et « Aktionsart», aspect «objectif» et «subjectif», etc.), en donnant pour chaque distinction des exemples à valeur emblématiques, ensuite repris partout (on pense à ἐδασίλευε 7 ἐδασίλευσε τριάκοντα ἔτη. à ἐπήνεσα. ἐγέλασα ou à l'aoriste gnomique) sans tenir compte des contextes, des niveaux et
des états de langue
différents.
Nous
voudrions au contraire,
à l'exemple
de
certains travaux récents’, partir des exemples, et voir si d'un grand nombre d'occurrences se dégage une quelconque cohérence ayant un rapport avec l'aspect. On a suggéré ci-dessus que le systéme de l'aspect verbal aurait évolué dans la diachronie : cette idée d'une évolution du systéme des temps et des aspects n'a
VERBES
DE
MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
213
jamais à notre connaissance été traitée pour elle-même, mais on en trouve une esquisse dans le riche article de 1961 de J. Perrot (1. L., 1, 157-158) : s'inspirant de l'étude synchronique de Ruipérez? et de celle de Seiler sur le grec moderne”, J. Perrot suggère que les rapports entre le présent et l'aoriste ont changé à l'intérieur de l'histoire du grec. Dans la langue ancienne, le présent serait marqué comme
duratif ! par opposition à l'aoriste, exprimant l'action verbale pure et simple : du point de vue aspectuel,
le théme
de présent est le terme positif du systéme,
l'aoriste le terme neutre, et cela s'est maintenu jusqu'en grec moderne (op. cit., 157). Mais pour ce qui est du temps, s'il est vrai que le présent était le terme positif du grec pré-historique (si les désinences de présent sont formées à partir des désinences dites secondaires par ajout du -i- déictique, faisant référence à l'actualité du locuteur), dés la langue homérique, le systéme a commencé à basculer puisque l'augment tend déjà à se généraliser à l'indicatif, imposant au «passé» (aoriste, mais aussi imparfait) une marque positive, et puisque la formation des désinences n'est plus sentie (op. cit., 157) : ce renversement peut être symbolisé de la manière suivante, si l'on ne tient pas compte du parfait : LANGUE ARCHAIQUE (état pré-homérique)
i PRESENT AORISTE
(+ ASP (- ASP
+ TPS) - TPS)
| PRESENT
(+ ASP
— TPS)
AORISTE
(- ASP
+ TPS)
i ETAT
RECENT
(attique classique, grec mod.)
Ce que J. Perrot ne précise pas, c'est à quelle date approximative s'est fait le renversement des marques du temps, et à quel point de l'évolution se situe la langue homérique. Il semble suggérer que l'inversion est déjà faite dans la langue archaïque (loc. cit. «Si, en indo-européen, c'est à l'actuel que s'attache une marque temporelle positive, le grec semble présenter une situation autre... ») ; mais le caractére encore facultatif de l'augment chez Homere, et l'abondance des formations de présent correspondant à un aoriste unique alors que l'attique n'en garde
qu'une,
peuvent
étre en faveur d'une
situation
intermédiaire;
de méme,
Perrot, à la suite de Ruipérez, interpréte l'aoriste gnomique comme une survivance du temps οὐ l'aoriste était le terme neutre du systéme temporel : si l'on pouvait prouver que l'aoriste gnomique est encore vivant (et non figé dans le formulaire épique) dans la langue homérique, on pourrait penser saisir là le moment de la mutation. L'idée de l'évolution du systéme, d'Homere à l'époque classique, peut aussi expliquer pourquoi J. Brunel a rencontré relativement peu d'écho : ses études sur
l'aspect verbal partent de la langue attique !!, où les oppositions grammaticales exprimées par les préverbes et la dérivation, méme si elles se sont quelque peu systématisées, paraissent mineures à cóté des oppositions essentielles exprimées par les temps-aspects. Dans son article de 19467, la question est reprise de maniére plus générale que dans son livre, mais sans référence à des états de langue précis. De ces deux ouvrages, nous croyons pouvoir retenir que, à cóté des oppositions purement aspectuelles exprimées par les thémes temporels (présentaoriste-parfait), le grec a constitué un systéme incomplet, non absolument cohérent — ou, si ce systéme remonte plus haut, hérité des bribes d'un systéme —
214
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
d'oppositions plus fines, intermédiaires entre la grammaire et le lexique. Ces oppositions n'existent pas dans la langue à proprement parler, mais ne sont pas non plus purement stylistiques (du domaine de la parole ©) : Brunel dit qu'elles appartiennent au «langage » ^; on pourrait parler plutôt d'oppositions latentes
dans la langue, qui n'existent que par leurs réalisations concrétes, comme effets de sens : ainsi, quand à cóté d'un présent radical existe un présent dérivé, ou quand
existe à côté d'un verbe simple un composé où le préverbe n'a pas de valeur concrète, la concurrence des deux formes impose à la plus rare — en général la forme secondaire, dérivée ou composée — une nuance spéciale en fonction du sémantisme radical, qui en fait un équivalent sémantique restreint de la forme de base (sens identique, mais plus étroit, plus spécialisé, ou précisé par rapport au déroulement dans le temps de l'action exprimée par le verbe) : distinguant comme
Brunel ces nuances intermédiaires entre le lexique et la grammaire des oppositions grammaticales exprimées par les thémes temporels, on adopte le terme d'ordre de procés qu'il a proposé. Le locuteur ne possède pas dans ses catégories grammaticales l'opposition
βαίνωβάσκω, ἵκωίκάνω ou ἀφικάνωίἠ κάνω de la méme manière qu'il possède les oppositions βαίνω/ ἔδην et ἱκάνω / ἱκόμην ; mais quand il utilise les couples dérivés/radicaux ou composés/simples, il sent que le rapprochement des formations différentes, contrastant avec la parenté étymologique, aura l'effet de sens souhaité. La composition ou la dérivation peut même apporter des nuances
qui nous semblent contradictoires d'un verbe à l'autre (durativité ou permanence d'un état , valeur itérative, résultative ou inchoative 16, considération du terme du procès...) suivant le sens du verbe simple ou radical. Ce qui importe est que le sens du présent secondaire apporte une nuance au sémantisme du verbe de base : toute information supplémentaire peut étre interprétée sémantiquement comme une restriction, et un verbe dérivé s'oppose au verbe radical comme de sens plus restreint, venant compléter ce que le paradigme a d'incomplet. L'effet de sens effectif (considération du terme du procès), inchoatif ou résultatif comme restriction par rapport au sens général d'un verbe ne paraît guère poser de problème. Mais le caractère itératif ou l'insistance sur la durée peuvent aussi être conçus comme restrictifs par rapport à l'absence de considération du déroulement temporel propre au verbe radical : si un verbe radical au présent est simplement duratif de par son théme (valeur aspectuelle), un présent dérivé concurrent, duratif lui aussi pour l'aspect, peut impliquer la considération de modalités de cette durée (continue/fractionnée, en son début/sa fin/son milieu)
comme valeur d'ordre de proces. Dans l'opposition à trois termes qui ne sont pas sur le méme plan puisqu'ils ne se situent pas sur le méme «axe», aoriste / présent
{
radical,
dérivé
on oppose donc d'abord durée/non durée, et secondairement durée/durée modalisée, que l'on pourrait appeler déroulement du procès. Si dans le paradigme d'origine s'opposent un présent radical et un aoriste radical comme duratif-non effectif et non-duratif effectif", la langue a eu tendance à créer secondairement un présent effectif, dont le sens (mais non l'aspect) se rapproche donc de celui de l'aoriste ; c'est ainsi que l'on a compris la
.
VERBES
DE
MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
215
constitution du paradigme de ix- : le présent xo, duratif non-effectif, s'opposait à l'aoriste ἱκόμην, et encore plus à l'aoriste ἀφικόμην, marqué comme effectif par la composition : le présent ἱκάνω, marqué comme
effectif par la dérivation, vient
compléter ce paradigme '®. Pour ἕρπω, racine de sens duratif, il n'existait pas d’aoriste dans la langue archaïque : on a d'abord créé un présent (donc d'aspect duratif) de sens effectif, ἑρπύζω, sur lequel on a ensuite fait un aoriste, εἴρπυσα 5.
On voit que la catégorie d'ordre de procés a un l'aptitude à envisager et exprimer le rapport entre c'est ce qui explique que les deux catégories soient si justifie qu'il faille les distinguer avec soin dans les elles ont des moyens
point commun avec l'aspect, l'action verbale et la durée : souvent confondues, et ce qui langues où, comme en grec,
d'expression différents.
Suivant la critique de 1. Perrot”, on renoncera à la distinction que fait Brunel, à la suite des théoriciens allemands de l'aspect, entre catégorie subjective (aspect) et objective (ordre de procés: Aktionsart), mais on retiendra la distinction de deux axes d'oppositions, l'un morphologique, réalisé dans tous les verbes par le paradigme (méme un verbe défectif, attesté seulement à un théme temporel, réalise à sa manière cette opposition, qui est dans la langue), l'autre morpholexical, qui n'existe que dans certains verbes, et dont l'absence n'est pas significative (la concurrence de ἴκω et ἱκάνω produit un effet de sens, mais, alors
que l'absence d'un aoriste correspondant à εἶμι « être » est significative, celle d'un présent dérivé correspondant au méme verbe n'a aucun sens — sinon que le sémantisme
de
la
racine
exclut
peut-étre
toute
idée
de
détermination
ou
d’effectivité). On comprend dès lors que la variété des oppositions du second ordre n'existe réguliérement en grec qu'au théme de présent : on congoit mal en effet comment
l'aoriste, aspectuellement neutre, pourrait introduire des nuances
dans la neutralité.
Au contraire, le présent, duratif, exprime un point de vue
positif sur l'aspect : il est donc normal que, — sauf au temps présent où il est neutralisé
—
il se prête
à l'expression
de
nuances
dans
cette
durée,
à la
considération de son mode de déroulement, et ce par divers moyens morphologiques et lexicaux sans cohérence. Si l'aoriste ne se préte pas à l'expression de nuances dans la non-durativité, il admet toutefois la composition comme marque grammaticale (effectivité) : on se rappelle le cas de ἀφικόμην, qui manifeste l'affinité de l'aspect d'aoriste avec l'ordre de procés effectif (deuxiéme partie, chapitre II, 1.2, pp. 147-148 et conclusion,
pp. 164-165),
ce
qui,
à
partir
d'une
opposition
à trois
termes
(ci-dessus, p. 214), aboutit à une opposition de deux couples en opposition aspectuelle (dans le paradigme) et morpholexicale (avec le dérivé ou le composé formé sur le méme thème) : txo
nt non-effectif
ἱκόμην aoriste
#—# —
ἱκάνω présent effectif ἀφικόμην aoriste effectif
Si l'on en conclut que l'aoriste n'admet en principe que des marques de l'axe morpholexical non contradictoires avec sa neutralité aspectuelle, nous avouons mal comprendre l'insertion dans le système des aoristes itératifs homériques en —ox— : il s'agit heureusement d'une formation rare, mais l'existence de ϑρέξασκον, interdit de la passer sous silence. Dans la théorie de l'aspect verbal,
216
ESSAI
DE
GÉNÉRALISATION
nous ne pouvons l'interpréter que comme une formation secondaire, témoignant de la tendance à compléter les paradigmes en utilisant la symétrie et l'analogie
(puisque
ϑέεσκον
contexte
de
existait et que τρέχω
la course,
on
aurait
créé
tendait à s'employer dans le méme l'aoriste
itératif pour
faire
pendant
à
limparfait itératif, justifié au thème de présent, sans tenir compte de l'incompatibilité de l'aspect aoristique avec la valeur d'ordre de proces de la
formation ?!). 2.2.
Définition
On a vu combien l'extension de la notion d'aspect a été discutée — et reste
discutable —. Or cette extension conditionne évidemment la définition, si l'on ne veut pas rester dans le vague comme le fait le lexique de J. Marouzeau. Suivant la critique des définitions trop larges de l'aspect faite par J. Perrot en 1978 22, nous en adopterons une définition étroite (pour le grec : opposition entre les thèmes verbaux, exprimée par les formes du paradigme, d'ordre grammatical) pour mieux en distinguer les oppositions d'un autre ordre qui se trouvent souvent interférer avec lui (axe
morpholexical,
d'ordre sémantique).
2.3. Les régularités aspectuelles
L'étude détaillée des différents verbes de mouvement existant dans la langue homérique a permis de constater que le choix des thémes verbaux obéit à certaines régularités dans la langue, régularités auxquelles on n'a pas assez prété attention, ce qui fait que la théorie de l'aspect en grec semble parfois avoir été faite a priori,
sans tenir compte des textes, et que la cohérence des exemples nous surprend parce qu'elle ne va pas toujours dans le méme sens que ces vues théoriques À.
2.3.1. L'aspect duratif On trouve régulièrement l'aspect duratif (thème de présent, soit au prétérit
l'imparfait) dans les types syntaxiques suivants : apposition descriptive, terme-réel d'une comparaison, expression de l'accompagnement, infinitif de détermination. L'apposition (terme nominal en accord formel avec le sujet du verbe) usuelle avec les occurrences du théme de présent est d'ordre descriptif : il n'y a pas de relation prédicative entre le mouvement exprimé par ἤϊε et la qualité exprimée par
νυκτὶ ἐοικώς dans /l. 1, 47, «il allait, pareil à la nuit » (cf. première partie, chapitre II, 3.1.1, pp. 81-82 : cette affinité particulière entre l'imparfait, prétérit duratif, et
ce moyen descriptif par excellence qu'est l'apposition descriptive, que l'on retrouve d'ailleurs sans surprise dans d'autres langues, est confirmée par d'autres paradigmes que le verbe supplétif : on en rencontre des exemples avec στεῖχε,
νέετο, νίσετο et surtout avec ἔϑεε, cf. troisiéme partie, chap. I, 2.1.2, p. 187. Les exemples d'apposition descriptive rencontrés en série cohérente avec ἔδην prouvent les affinités de ce verbe avec εἶμι — ἤια, et non pas les affinités de l’aoriste avec le type syntaxique (deuxième partie, chap. I, 3.2, p. 137). Les
exemples du méme type avec κίε prouvent l'influence de l'imparfait ἤϊε sur cet aoriste morphologique (F. Létoublon, «Imparfaits et aoristes, art. cit.).
VERBES
DE
MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
217
Dans les comparaisons, l'imparfait est idiomatique pour le terme-réel, voir, avec l'imparfait du paradigme supplétif,
ILXI, 557 ἠῶϑεν ἀπόνοσφιν
E6n τετιηότι 9uuo
ὡς Αἴας τότ᾽ ἀπὸ Τρώων τετιημένος ἦτορ, ἤϊε πόλλ᾽ ἀέκων, «comme un lion qui... et s'en va à l'aube, le cœur affligé (Δο 516) ; tel Ajax s'éloignait (imparfait) alors des Troyens, affligé dans son cœur, bien à regret...», Od.XX, 89
τοῖος ἐὼν οἷος ἧἠξν ἀνὰ στρατόν, avec un autre verbe, e.g. 111,
458 ὡς τῶν ἐρχομένων
ἀπὸ
χαλκοῦ
ϑεσπεσίοιο
αἴγλη παμφανόωσα δι᾽ αἰϑέρος οὐρανὸν [xe et II. XVIII, 214 ὡς ἀπ᾽ ᾿Αχιλλῆος κεφαλῆς σέλας αἰϑέρ᾽ ἵκανε ou IL VI, 507 = XV, 264 ὡς δ᾽ ὅτε τις στατὸς ἵππος δεσμὸν ἀπορρήξας 79 ϑείῃ πεδίοιο κροαίνων. L'imparfait semble usuel en grec homérique pour exprimer le mouvement du comparse ou des compagnons, s'opposant au mouvement du héros principal,
exprimé 3.1.2, p. Ὡς καί
de préférence par le théme d'aoriste (cf. premiére partie, chapitre II, 82) : ainsi avec le paradigme suppiétif de «aller», Il.XII, 371 ἄρα φωνήσας ἀπέῤδη Τελαμώνιος Αἴας οἱ Τεῦκρος ἅμ᾽ fie κασίγνητος xai ὄπατρος.
« A ces mots, Ajax fils de Télamon s'en alla, et Teucros...
avec un autre verbe, e.g. II. IX, 86... Nous croyons pouvoir retrouver de l'embarquement d'Ulysse et de ὡς εἰπὼν ἀνὰ νηὸς E6nv... / οἱ
allait avec lui»
;
ἑκατὸν δὲ ἑκάστῳ / κοῦροι ἅμα στεῖχον... une nuance du méme ordre dans l'évocation ses compagnons, Od.IX, 177-179 ὃ aly’ εἴσόδαινον καὶ ἐπὶ κλῆισι καϑῖζον,
littéralement «à ces mots j'embarquai; et eux aussitôt embarquaient et s'asseyaient aux bancs de rame...». Dans les périphrases verbales οὐ l'infinitif d'un verbe de mouvement
détermine un autre verbe de mouvement, on a toujours l'infinitif présent, en opposition aspectuelle avec l'aoriste du verbe régissant dans le cas de βῆ δ᾽ ἰέναι, ἵμεν, ἵμεναι (première partie, chapitre II, 1.1, pp. 60-61; deuxième partie, chapitre I, 3.2., pp. 136-138), βῆ δὲ νέεσϑαι (ibid.), βῆ δε ϑέειν (ibid. et troisiéme partie,
chapitre
I, 2.1.2, pp. 185-187),
ἔδη
ἐλάαν
(ibid.), ou en accord
avec
l'aspect duratif si le verbe régissant est autre que Baívo ou &Ato : /I.XXIV, 2 ἐσκίδναντ᾽ ἰέναι ; 1.11, 84 ἦρχε νέεσϑαι ; II. XIII, 329 oy 'luev; On ajoutera l'opposition entre les thémes de présent et d'aoriste du verbe régissant factitif de mouvement, toujours avec un infinitif duratif régi, /I. XII, 32 ποταμοὺς δ᾽ ἔτρεψε νέεσϑαι / Od.IV, 8 πέμπε νέεσϑαι.
L'infinitif déterminant un adjectif n'est attesté pour les verbes de mouvement que dans le type ταχὺς ϑείειν (troisiéme partie, chapitre I, 2.1.2, p. 187) : comme on
s'y attend,
2.3.2.
la valeur
aspectuelle
du
théme
est essentielle.
L'aspect neutre (aoriste)
En
revanche,
prédicative
l'aoriste
semble
régulier
dans
les types
avec
apposition
et dans la plupart des subordonnées.
Alors que l'apposition n'a qu'une valeur descriptive dans l'emploi typique de l'imparfait, le terme apposé au sujet de (xo — ἱκάνω... ou de l'aoriste ἦλθον a une valeur prédicative : la qualité du sujet est liée au mouvement par une relation provisoire d'état?* : ἄγγελος ἦλϑε, πρῶτος ἦλϑε, αἴσχιστος "Ae, cf. Od.V, 168 ὥς κε μάλ᾽ ἀσκηϑὴς σὴν πατρίδα ἵκηαι.
218
ESSAI
DE
GÉNÉRALISATION
Alors qu'à l'indicatif, l'imparfait est fréquent en proposition indépendante ou principale, l'aoriste semble fortement prédominant dans les subordonnées (aux modes
personnels
ou non):
— avec ὅτε, ἐπεί, ἐξ οὗ, conjonctions temporelles indiquant le moment où l'on situe une action ou le terme à partir duquel on situe un état, « borne gauche » ?5 : e.g. Od.XXIV, 115 ὅτε κεῖσε κατήλυϑον ὑμέτερον δῶ H.
Dém.,
11, 51
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ δεκάτη
οἱ ἐπήλυϑε
φαινολὶς
Ἠώς
Od.IX, 362 αὐτὰρ ἐπεὶ Κύκλωπα περὶ φρένας fAuôev οἶνος Il.XI, 225 αὐτὰρ ἐπεί δ' ἤδης ἐρικυδέος ἵκετο μέτρον Οα.111, 368 ... ἐπεὶ τέον ἵκετο δῶμα Il. XXIV, 766... ἐεικοστὸν ἔτος ἐστίν / ἐξ οὗ κεῖϑεν ἔδην... Od.VIII, 80... 60° ὑπέρδη λάϊνον οὐδόν. On trouve avec ces conjonctions temporelles quelques emplois du thème de présent ce qui n'implique pas qu'il faille donner aux imparfaits rencontrés une valeur aoristique : e.g. Od.I, 176... ἐπεὶ πολλοὶ ἴσαν ἀνέρες ἡμέτερον δώ, Od.X, 570 ἀλλ᾽ ὅτε δή δ᾽ ἐπὶ νῆα“ῇομεν ἀχνύμενοι, (cf. P. Chantraine, Gr. Hom.,
II, 255-256) ; souvent avec ἱκάνω, qui manifeste diverses affinités avec
l'aoriste, on l'a — avec les état ἕως, εἰς 6 Il. X1, 193
vu : e.g. II. VI, 297 Al δ᾽ ὅτε νηὸν ἵκανον 'A8fivnc... conjonctions exprimant la « borne droite » d'une action ou d'un xe, ὄφρα : e.g. εἰς 6 κε νῆας éüooéAuous ἀφίκηται
Il. XIII, 141 ὁ δ᾽ ἀσφαλέως ϑέει ἔμπεδον 11.X, 444 ὄφρα κεν ἔλϑητον
—
ἕως ἵκηται 7 ἰσόπεδον
ΠΟΧΙ͂Ν, 77... els 6 κεν ἔλθῃ 7 νὺξ ἀδροτή Od.XIII, 412 ὄφρ᾽ ἂν ἐγὼ ἔλθω Σπάρτην ἐς καλλιγύναικα avec πρίν εἴ πάρος «avant que, avant de», on trouve régulièrement l'infinitif
aoriste :
IL, 413 μὴ πρὶν ἐπ᾽ ἠέλιον δῦναι καὶ ἐπὶ κνέφας ἐλϑεῖν ILIX, 403 = XXII, 156 etc. τὸ πρὶν ἐπ᾽ εἰρήνης, πρὶν ἐλϑεῖν υἷας ᾿Αχαιῶν Od.XVII, 105 πρὶν ἐλϑεῖν μνηστῆρας ἐς τόδε δῶμα Od.IV, 823, V, 207, 301... πρὶν πατρίδα ἱκέσϑαι Od.IV, 255 πρίν ye τὸν ἐς νῆάς τε θοὰς κλισίας τ᾽ ἀφικέσϑαι ib., 668... πρὶν ἥδης μέτρον ἱκέσϑαι Od.l, 21... πάρος ἣν γαῖαν ἱκέσθαι
VIII, 376 (cf. XXII, 467)... πάρος ποσὶν οὖδας ἱκέσθαι, beaucoup plus rarement le subjonctif aoriste : e.g. Od.X, 175... πρὶν μόρσιμον ἦμαρ ἐπέλϑῃ 27. Nous
n'avons
rencontré
aucun
exemple
du thème
de présent.
2.4. Les oppositions aspectuelles Dans d'autres cas, on constate une alternance des thèmes aspectuels dans des
emplois qui paraissent analogues, et qui posent le probléme des critéres de choix de l'aspect verbal en grec.
VERBES
DE MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
219
2.4.1. Dans une série d'exemples, le choix entre les deux thèmes semble relever de critères qui nous restent opaques. C'est le cas de ἐδασίλευε τριάκοντα ἔτη / ἐδασίλευσε τριάκοντα ἔτη cités partout dans la bibliographie (parmi nos exemples, on comparera I. VI, 242 'AXX ὅτε δὴ Πρίαμοιο δόμον περικαλλέ᾽ ἵκανε à Od. ΠῚ 368 ..., ἐπεὶ τεὸν ἵκετο δῶμα) ; en disant que les critères d'emploi sont opaques ou subjectifs, nous ne les opposons pas comme le fait Brunel à des critères objectifs : nous voulons simplement dire que ce type d'emploi n'obéit pas à des régles discernables de sous-catégorisation contextuelle. Nous ne nous attarderons pas sur ce cas, bien étudié dans la littérature citée. Retenons seulement que l'emploi du théme de présent parait marqué, celui d'aoriste neutre (malgré les objections de C.J. Ruijgh, cf. ci-dessus, n. 10), et que, quand se présente la possibilité de choisir entre plusieurs formations de présent, la langue parait ici préférer le dérivé, d'ordre de procès effectif, dont le sens a des affinités avec l'aoriste (ἱκάνω plutôt que Txw). 2.4.2. Dans d'autres cas, l'alternance impliquant des règles de sélection
des
thèmes
manifeste
une
opposition,
De nombreux syntagmes verbaux où le verbe de mouvement, au participe ou À l'infinitif, est attesté
aux
deux
thémes
de présent
et d'aoriste,
permettent
d'opposer deux visées différentes du proces principal sur le mouvement : visée incidente du procés principal par rapport à la durée exprimée par le théme de présent du participe ou infinitif, visée sur l'acte lui-méme (indépendamment des considérations de durée) dénoté par un théme d'aoriste. Ainsi s'opposent des séries d'emploi que nous essayons de regrouper sémantiquement : —
verbes de perception
L'abondante série avec aspect duratif du verbe de mouvement (incidence de
la perception sur un mouvement en cours) s'oppose à quelques rares exemples avec l'aoriste : voir e.g. ILIII, 22 Τὸν δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησεν... 7 ἐρχόμενον προπάροιϑεν ὁμίλου, IV, 276 ὡς δ᾽ ὅτ᾽ ἀπὸ σκοπιῆς εἶδεν νέφος αἰπόλος ἀνὴρ, ἐρχόμενον (cf. 1, 120 λεύσσετε... ἔρχεται, Od.Il, 13 = XVII, 64; VI, 163; VII, 40 = VIII, 173;
XVI, 357; XX, 368...). IH, 154 οἱ δ᾽ ὡς οὖν εἴδονϑ᾽ Ἑλένην V, 515 = VII, 308 ὡς εἶδον ζωόν
ἐπὶ πύργον
τε και ἀρτεμέα
ἰοῦσαν προσιόντα
XII, 336 ἐς δ᾽ ἐνόησ᾽...7 Τεῦκρόν τε νέον κλισίηϑεν ἰόντα (cf. I. XVI, 789 ; XVII, 756; XXI, 390; XXIII, 386; Od.XVI, 472). On rencontre deux occurrences de
οἴχομαι au participe (avec un sens d'état, non un sens passé ni aoristique). //.V, 511 et XV, 279.
Avec l'aoriste : e.g. Il. VI, 284 εἰ κεῖνόν γε ἴδοιμι κατελϑόντ᾽ "Aiboc εἴσω, XVIII, 135 πρίν γ᾽ ἐμὲ δεῦρ᾽ ἐλϑοῦσαν ἐν ὀφθαλμοῖσιν ἴδηαι XVIII, 190 πρίν γ᾽ αὐτὴν ἐλθοῦσαν ἐν ὀφθαλμοῖσιν ἴδωμαι XVII, 101 tà μ᾽ οὔ τις Δαναῶν νεμεσήσεται, ὃς κεν ἴδηται, Ἕκτορι χωρήσαντ᾽"
220
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
Od.i,
163 εἰ κεῖνόν γ᾽ ᾿Ιϑάκηνδε ἰδοίατο νοστήσαντα
XI, 361...
ὅσοι
μ᾽ ᾿Ιϑάκηνδε
ἰδοίατο νοστήσαντα.
L'opposition aspectuelle recouvre évidemment ici une opposition entre le mouvement en cours, inaccompli, et le mouvement arrivé à son terme, accompli.
Il est symptomatique que nous ne puissions rendre cette opposition en frangais qu'en passant de l'infinitif (« voir quelqu'un aller, partir, venir ») au participe passé (« voir quelqu'un arrivé, revenu », avec parti, on est obligé d'interpréter le verbe de
perception comme
que
quelqu'un
exprimant
est
une perception intellectuelle, « voir, s'apercevoir
parti»):
si
l'opposition
de
visée
impliquant
en
grec
présent/aoriste du verbe dépendant, en français infinitif/participe passé est bien de nature aspectuelle, cela pourrait vérifier la théorie guillaumienne de l'aspect,
opposant aspect tensif (infinitif) et détensif (participe passé)?*. En grec, avec l'aspect duratif du participe, la visée de la perception est incidente à la durée du mouvement,
avec l'aspect d'aoriste, elle porte sur le mouvement
ἰόντα τινά ἐρχόμενον, vioóuevov,
χωρέοντα...
à son terme, et
-
A
s'oppose
6ç&
à ἐλθόντα
τινά χωρήσαντα,
νοστήσαντα...
—
A
ὁρῶ
— verbes d'action Avec des verbes signifiant « frapper, blesser, attaquer», on trouve soit un
participe présent quand la personne visée est en mouvement (ἰόντα, νισόμενον ϑέοντα, ἐρχόμενον), soit un participe aoriste quand on l'attaque au terme de son mouvement (à son arrivée, à son retour : ἐλϑόντα, -δραμόντα, νοστήσαντα)? : e.g. Il. IV, 480 πρῶτον γάρ μιν ἰόντα βάλε στῆϑος παρὰ μαζὸν (cf. XI, 742 ; XII,
264); IV, 392 ἂψ ἄρ᾽ ἀνερχομένῳ πυκινὸν λόχον εἶσαν ἄγοντες (cf. VI, 187; XIII, 615; 567; 516; XIV, 404; Od.IV, 670; XV, 181; XX, 267; XIX, 394 = 466 = XXI, 220); /!.XIH, 186... ὁ δ᾽ 'Augípaxov νισόμενον πόλεμόνδε κατὰ στῆϑος βάλε δουρί (cf. XV, 577; Od.IV, 701 = V, 19; ἢ. Ath., XI, 4) à côté de Od.I, 36 ὡς καὶ νῦν Αἴγισθος ὑπὲρ μόρον ᾿Ατρείδαο γήμ
ἄλοχον
μνηστήν,
τὸν
δ᾽ ἔκτανε
νοστήσαντα :
l'opposition
entre
νισόμενον βάλε «il atteignit Amphimachos à la poitrine pendant qu'il revenait au combat», et ἔκτανε νοστήσαντα « Egisthe... tua Agamemnon suffisamment explicite.
—
à son retour » est
verbes de parole
On
opposera
une série d'exemples
avec
participe
présent,
ΠΝ,
198 ἡμέν μοι πολλὰ γέρων... / ἐρχομένῳ ἐπέτελλε δόμοις ἔνι.
XVI,
838 ὃς πού
Od.X,
τοι μάλα
πολλὰ
μένων
ἐπετέλλετ᾽
ἰόντι
561 ἐρχομένοισι δὲ τοῖσιν ἐγὼ μετὰ μῦϑον ἔειπον
XVI, 466 οὐκ ἔμελέν μοι ταῦτα μεταλλῆσαι καὶ ἐρέσθαι, ἄστυ καταδλώσκοντα où la personne à qui l’on parle est en mouvement, à une série au participe aoriste, où elle est au terme de son déplacement : Od.IV, 680 = XVII, 575 τὸν δὲ κατ᾿ οὐδοῦ βάντα προσηύδα Πηνελόπεια
VERBES
DE MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
221
V, 97 «εἰρωτᾷς μ᾽ ἐλϑόντα ϑεὰ ϑεόν.» —
«recevoir,
accueillir»
On oppose deux emplois du participe présent, Il.V, 238 τόνδε
δ᾽ ἐγὼν
ἐπιόντα
δεδέξομαι ὀξέϊ δουρί,
XII, 147 ἀνδρῶν ἠδὲ κυνῶν δέχαται κολοσυρτὸν ἰόντα (dans les deux cas, il s'agit de soutenir une attaque, de résister à des assaillants, d’où l'importance de l'aspect duratif), aux nombreux emplois de l’aoriste : ΠΝ, 157 ... ἐπεὶ οὐ ζώοντε μάχης Ex νοστήσαντε,,) δέξατο « puisqu'il ne les reçut pas vivants à leur retour de ia guerre » (cf. JJ. XVII, 207 ; XVIII, 60 = 441
= Od.XIX,
258; IL. XVIII, 90; 330; Od.XII, 43), Od.lII, 390 xoig δ᾽ ὁ γέρων ἐλθοῦσιν ἀνὰ κρητῆρα κέρασσεν / οἴνου ἡδυπότοιο: «ἃ leur arrivée, le vieillard mélangea du vin doux à boire... » (cf. XXI, 297). ἊΝ
verbes psychologiques : «se réjouir/s’attrister de ce que».
De nombreux emplois feront penser à la liste précédente : dans l'épopée, la joie et la tristesse sont en effet souvent liées aux rites d'accueil, en particulier au théme
du retour du guerrier.
Avec
le participe présent, on manifeste sa joie
pendant que le personnage fêté s'avance : Il.V, 682 χάρη δ᾽ ἄρα ol προσιόντι 7 Σαρπήδων Διὸς υἱός, Od.X, 216 ὡς δ᾽ ὅτ᾽ ἂν ἀμφὶ ἄνακτα κύνες δαίτηϑεν ἰόντα, σαίνωσ᾽
(voir
XVI,
5),
ou
l'on craint
un
personnage
en
mouvement
(alors
hostile) : Z!. XIII, 482 δείδια δ᾽ αἰνῶς 7 Αἰνείαν ἐπιόντα ταχύν (cf. IX, 508; H. Ap., III, 2). Le participe présent se rencontre aussi quand on s'attriste d'un départ, /!.XII, 392 Σαρπήδοντι δ᾽ ἄχος γένετο Γλαύκου ἀπιόντος (ici avec
préverbe précisant l'orientation du mouvement ; nous laissons ici les nombreux exemples avec le participe présent d'état, du type πόϑος οἰχομένοιο ἄνακτος). L'aoriste en revanche est employé pour la crainte d'une arrivée, d'une venue ou d'un retour effectif, JL. XX, 130 δείσετ᾽ ἔπειϑ᾽ ὅτε κέν τις évavi(óvov ἔλϑῃ,
Od.XXIV, 354 vov δ᾽ αἰνῶς δείδοικα κατὰ φρένα, μὴ τάχα πάντες ἐνθάδ᾽ ἐπέλθωσιν ᾿Ιϑακήσιοι, ou pour la joie qui en découle si le personnage est un être aimé : avec un participe, Il.V, 409 οὐδέ τί μιν παῖδες ποτὶ γούνασι
παππάζουσιν
ἐλϑόντ᾽ἐκ πολέμοιο καὶ αἰνῆς δηϊότητος XIV, 504 οὐδὲ γὰρ ἡ Προμάχοιο δάμαρ ᾿Αλεγηνορίδαο ἀνδρὶ φίλῳ ἐλϑόντι γανύσσεται,... (voir Od.IV, 171; XVI, 18; XVII, 112). Il. XXIV, 705 εἴ ποτε xai ζώοντι μάχης Ex νοστήσαντι χαίρετ᾽, ... (voir aussi
Od.X, 419; XIX, 463), ou avec une proposition subordonnée : Il. XX, 363... οὐδέ τιν᾽ ὀΐω Τρώων χαιρήσειν, óc τις σχεδὸν ἔγχεος ἔλϑῃ (voir Od.VII, 33).
— verbes d'ordre À. Dans une série d'emplois, le verbe de mouvement dépendant d'un verbe d'ordre est au théme
de présent : on ordonne
d'aller, ainsi
Il. M, 451 σὺν τῇ παιφάσσουσα διέσσυτο λαόν᾽ Αχαιῶν / ὀτρύνουσ᾽ ἰέναι (voir, du méme type, II, 477 ; III, 119; XII, 356; XV, 161; 177 ; XVII, 31 = XX, 197 ; XVIH,
14; 255; XXIV,
199 ; 298), de «retourner » ou «rentrer», Il. XX, 6 ἡ
δ᾽ ἄρα πάντῃ φοιτήσασα κέλευσε Διὸς πρὸς δῶμα νέεσϑαι (cf. XV, 295 et de nombreux exemples du type ἔκπεμπε... νέεσθαι) : quand le mouvement dépendant d'un verbe d'ordre est au présent duratif, ou bien l'orientation par rapport
au lieu de référence
n'est pas pertinente, ou bien elle est centrifuge.
222
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
Remarquons que l'orientation de véoua « rentrer chez soi » (à partir d'ici) est bien
centrifuge
et confirme
«ordonner
d'étre de retour »).
Avec
un
théme
notre
hypothèse
d'aoriste
(on
dépendant
ne dit pas du
verbe
"χελευέιν νοστῆσαι
d'ordre
en
revanche,
l'orientation est nettement centripète, «dire de venir», IL. XV, 55 δεῦρο κάλεσσον 'Io(v v ἐλϑέμεναι « demande à Iris... de venir ici »,
Od.V, 99 Ζεὺς ἐμέ γ᾽ ἠνώγει δεῦρ᾽ ἐλθέμεν οὐκ ἐθέλοντα « Zeus m'ordonnait de venir ici malgré que j'en aie», XXII, 432... σὺ δ᾽ ἐνθάδε εἰπὲ γυναιξὶν/ ἐλϑέμεν « dis aux femmes de venir ici», méme sans l'explicitation de cette deixis centripéte que constituent les adverbes de lieu cités : Il. XV, 147 Ζεὺς σφὼ εἰς Ἴδην κέλετ᾽ ἐλϑέμεν ὅττι τάχιστα « Zeus vous ordonne à tous deux de venir au plus vite sur 1144», Od.XVII, 509... κιὼν τὸν ξεῖνον ἄνωχϑι 7 ἐλϑέμεν «va dire à l'étranger de venir » (cf. 183). Cette orientation centripète peut être neutralisée par un complément de lieu ou un
préverbe ; ΓΝ, 65... σὺ δὲ ϑᾶσσον ᾿Αϑηναίῃ ἐπιτεῖλαι ἐλϑεῖν ἐς Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν φύλοπιν αἰνήν, XVII, 709 κεῖνον μὲν δὴ νηυσὶν ἐπιπροέηκα ϑοῇσιν, ἐλθεῖν εἰς ᾿Αχιλῆα etc. 2.4.3. Les révélateurs aspectuels Ces
listes d'exemples,
donner,
par l'accumulation
peut-être
longues
et fastidieuses,
de faits convergents,
doivent
une impression
servir à
d'ensemble
de
cohérence, minimisant l'importance des exceptions. Ces syntagmes avec des verbes « voir, frapper, recevoir, se réjouir de...» + un verbe de mouvement soit au présent soit à l'aoriste, servent pour nous, si l'on accepte la métaphore empruntée à la Chimie, de révélateurs aspectuels : leur sémantisme implique une valeur différente du verbe de mouvement selon que leur point d'incidence se trouve sur la durée du théme de présent ou sur l'acte sans considération de durée, donc sur le mouvement à son terme qu'exprime le thème d'aoriste; comme
certains réactifs mettent en évidence la nature basique ou alcaline des corps chimiques en changeant de couleur, de méme
les verbes « recevoir, accueillir, se
réjouir, frapper, tuer... », ou les conjonctions temporelles exprimant les bornes droite et gauche du déroulement d'une action ou d'un état dans le temps (ci-dessus 2.3.2., p. 218 : affinité de ces conjonctions avec l'aoriste, et dans le cas du paradigme supplétif, avec le thème d'orientation déictique centripète : ὄτ᾽ ἦλθον «depuis qu'ils sont venus», ὄφρα xev ἔλθϑητον «jusqu'à leur venue» ) ont la propriété de «virer » au contact des verbes de mouvement, « révélant » la nature
aspectuelle du théme choisi; quand le verbe de mouvement est un paradigme «normal », on a l'opposition aspectuelle simple entre théme de présent et théme d'aoriste, ainsi pour νισόμενον 7 νοστήσαντά τινα ἰδεῖν «voir, frapper, tuer,
parler à... quelqu'un pendant son voyage de retour »/« voir, frapper... quelqu'un au terme de son voyage de retour » ; de méme avec yooéovta/ χωρήσαντα. Avec les conjonctions temporelles, ὅτ᾿ ἐχώρησε « depuis qu'il a fait place » s'opposerait à τ᾽ ἐχώρεε « pendant qu'il faisait place », ὄφρα στίχῃ «jusqu’à ce qu'il se mit en ligne » à ὄφρα
στείχῃ
mouvement
appartient
oppositions
aspectuelles
«tant qu'il marchait
au
paradigme
d'ordre
en ligne» etc. Quand
supplétif
grammatical
(«aller»
se superposent
et
le verbe de
«courir») aux
les
oppositions
sémantiques d'ordre lexical entre les racines, et les révélateurs aspectuels mettent
VERBES
DE
MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
223
en évidence ce nœud de relations : χαίρω τινὶ προσιόντι « je me réjouis de voir
quelqu'un s'avancer » (ou ἰόντι «en train de s'en aller ») est régulièrement opposé à χαίρω τινὶ ἐλϑόντι «je me réjouis de la venue de quelqu'un », et κελεύω τινὰ ἰέναι «j'ordonne à quelqu'un d'aller» à κελεύω τινὰ ἐλϑεῖν «j'ordonne à quelqu'un de venir». De méme avec les conjonctions-révélateurs, dt’ ἦλθον « depuis leur venue » doit s'opposer à ὅτ᾽ ἤισαν « pendant qu'ils allaient/partaient » (les exemples avec théme de présent, rares, sont en fait peu nets, cf. ci-dessus, 2.3.2, p. 218). L'étude détaillée des verbes de mouvement a permis de déceler un autre type de révélateur, aspectuel et sémantique, dans les verbes de sens « rester, attendre,
résister à » : on a vu en effet que le verbe μένω et ses voisins sémantiques n'ont pas du tout le méme
comportement
par rapport à εἶμι et E6nv que par rapport à
ἦλθον, dans un contexte de phrase (et non plus comme précédemment dans des unités syntagmatiques). Voici une liste d'exemples qui nous semblent significatifs : — coexistence de μένω et d'un théme de présent : Dans le voisinage d'un verbe de mouvement au théme de présent, on trouve μένω dans deux emplois différents : avec un participe présent indiquant une démarche hostile, (toujours composé avec ἐπι-, sauf une occurrence, avec ἰόντα,
Il. XXII, 92), un combattant attend et soutient l'attaque d'un adversaire : //. XII, 136 μίμνον ἐπερχόμενον μέγαν " Aovov οὐδὲ φέδοντο (cf. 1.1, 535 ; XIII, 472, 477, 836; XV,
164, 406; XXII, 92, 252). Dans une autre série d'exemples, quand
le
présent du verbe de mouvement n'a pas le sens de démarche hostile, il est avec «rester » en relation d'alternative, exprimée par exemple au moyen de ἢ... ἢ;
μένω «révèle » la valeur déictique du thème de présent. L'antithése est explicite dans les phrases à un actant, «partir ou rester»?! : ILIX, 701 ἀλλ᾽ ἤτοι κεῖνον μὲν ἐάσομεν / ἤ xev Inow, À κε μένῃ..., littéralement « mais laissons-le faire, qu'il parte ou qu'il reste ». 1.Χ, 63 confirme cette relation d'antithése avec le présent du paradigme du verbe «courir », αὖϑι μένω μετὰ τοῖσι... / "je Bew μετά a’adric. La relation d’antithèse est moins explicite, mais ressort du contexte, dans d'autres types syntaxiques : 1|.Χ, 66
αὖϑι μένοιεν, μή πως ἀδροτάξομεν ἀλλήλοιιν / ἐρχομένω.
II. XVIII, 255
κέλομαι γὰρ ἔγωγε / ἄστυδε νῦν ἰέναι, μὴ μίμνειν ἠῶ δῖαν je t'engage à partir maintenant
pour
la ville,
sans
attendre
l'aube...»,
Od.XI,
188
... πατὴρ δέ σὸς αὐτόϑι μένει ἀγρῷ 7 οὐδὲ πόλινδε κατέρχεται «ton père reste ici aux champs et ne descend pas en ville ». On trouve une antithèse analogue entre ἰόντα et δηϑύνοντα «s’attarder», 1.1, 27
μή σε, γέρον, κοίλῃσιν ἐγὼ παρὰ νηυσὶ κιχείω ἢ νῦν δηϑύνοντ᾽ ἢ ὕστερον αὖτις ἰόντα, littéralement, « vieillard, que je ne te rencontre plus près des navires ἃ t'attarder maintenant ou à revenir plus tard», et l'on rapprochera une antithèse analogue entre ἦμαι « être assis » et un autre verbe de mouvement ne fournissant à l'origine qu'un thème de présent, ἕρπω, Od.XVII, 158 ὡς À τοι Ὀδυσσεὺς ἤδη ἐν πατρίδι γαίῃ,ῆμενος ἢ ἕρπων ; Si μένειν et ἰέναι sont présentés comme antithétiques dans une phrase ἃ actant unique, on voit s'opérer un dédoublement dans les phrases à deux actants : l’un part, l'autre reste, IL XVI, 838... οὐδέ τοι ἐσθλὸς ἐὼν χραίσμησεν ᾿Αχιλλεύς, ὅς πού τοι μάλα πολλὰ μένων ἐπετέλλετ᾽ ἰόντι. —
coexistence de μένω
et d'un thème
d'aoriste.
Si l'on relève l’ensemble des contextes comprenant μένω et l'aoriste d'un
224
ESSAI
DE GÉNÉRALISATION
verbe de mouvement, on s'aperçoit que l'antithése se retrouve, mais avec #6nv? :
dans une phrase à un actant, (type οὐκ ἔμεινε ἀλλ᾽ ἔδη), II. XXII, 137... οὐδ᾽ ἄρ᾽ ἔτ᾽ ἔτλη.) αὖϑι μένειν, ὀπίσω δὲ πύλας λίπε, βῆ δε φοδηθείς, ou dans une phrase à deux actants, Od.
XVII,
200
τὼ
ῥύατ᾽ ὄπισϑε μένοντες.
βήτην,
σταϑμὸν
L'originalité
δὲ
κύνες
sémantique
de
καὶ
βώτορες
*g"eH;
ἄνδρες
/
donc
à
produit
l'aoriste un effet de sens centrifuge qui le fait correspondre synstaxiquement et
sémantiquement au présent εἶμι . Le comportement de ἦλϑον est tout différent : il n'est jamais représenté dans des phrases à actant unique ("ἦλϑε xat ἔμεινε, "ἢ ἐλϑεῖν ἢ μένειν, "ἦλϑε οὐδ᾽ ἔμεινε), ce qui tend à prouver que les deux verbes ne peuvent pas étre mis sur le méme plan syntaxiquement ; il n'y a entre eux ni conjonction ni disjonction possible. Ἦλϑον se rencontre toujours dans des structures à deux actants, du type A. μένει + (SUBORD.) B. ἐλϑεῖν : ILIV, 247 A μένετε Τρῶας σχεδὸν ἐλϑέμεν ; VII, 415...
ποτιδέγμενοι
ὁππότ᾽ ἄρ᾽ ἔλϑοι / Ἰδαῖος,
X, 62
αὖϑι μένω μετὰ τοῖσι, δεδεγμένος els ὅ κεν ἔλθῃς ἦε ϑέω μετά σ΄ αὖτις, ἐπὴν εὖ τοῖς ἐπιτείλω. Od.I, 422 = XVIII, 305; IV, 786... μένον δ᾽ ἐπὶ ἕσπερον ἐλϑεῖν. XI, 628 αὐτὰρ ἐγὼν αὐτοῦ μένον ἔμπεδον, εἴ τις ἔτ᾽ dor / ἀνδρῶν ἡρώων... Nous ne connaissons qu’un exemple du même type avec un aoriste autre que
ἐλϑεῖν, νοστῆσαι : II. XIII, 38...
ὄφρ᾽ ἔμπεδον αὖϑι μένοιεν
νοστήναντα ἄναχτα.... Plusieurs exemples de λείπω «laisser, quitter» montrent qu'il joue un rôle analogue.
— coexistence mouvement
Od.
emmène Od.
: on
de
laisse
λείπω en
avec
un
thème
de
présent
d’un
verbe
de
partant,
VII, 423-424 πάντας
ἰὼν ἑτάρους ἀγέτω,
λιπέτω δὲ δύ᾽ οἵους «qu'il
en partant tous ses compagnons, et n’en laisse que deux», XI, 71-72 μή μ᾽ ἄκλαυτον
ἄϑαπτον
ἰὼν ὄπιϑεν
καταλείπειν
νοσφισϑείς, μή τοί τι ϑεῶν μήνιμα γένωμαι « ne me laisse pas sans pleurs ni sépulture en partant,... », et JI. XXII, 483 (thème de la veuve que le mort laisse en partant, ex. commenté, p. 67) Νῦν δὲ σὺ μὲν ᾿Αίδαο δόμους ὑπὸ κεύϑεσι γαίης
ἔρχεαι, αὐτὰρ ἐμὲ στυγέρῳ ἐνὶ πένϑεϊ λείπεις/ χήρην ἐν μεγάροισι, ou l'on part en laissant, Od.XVIII, 257... ὅτε τ᾽ fe λιπὼν κάτα πατρίδα γαῖαν. —
caxistence
de μένω
et d'un
aoriste :
Comme dans le cas de μένω, ἔδην a un comportement analogue à celui du thème de présent, manifestant une orientation déictique centrifuge, //. XIV, 281
τὼ βήτην Λήμνου τε xai Ἵμδρου ἄστυ Autóvte «ils partirent tous deux, laissant la citadelle de Lemnos et d'Imbros », alors que l'orientation centripète de ἦλϑον est
«révélée» par la subordonnée avec ὄφρα, ILX, 443-444 € pe δήσαντες λίπετ᾽ αὐτόϑι νηλέϊ δεσμῷ, ὄφρα κεν ἔλϑητον καὶ πειρηϑῆτον ἐμεῖο «ou bien attachez moi... et laissez moi là jusqu'à ce que vous reveniez et me mettiez à l'épreuve». A partir de toutes ces listes, nous croyons pouvoir dresser un tableau de la structure combinatoire aspectuels :
des verbes
de mouvement
avec ces divers révélateurs
VERBES
DE
MOUVEMENT
ET L'ASPECT
deuxième
SF en mouvement Parler à
ἰόντα,
225
actant
| au terme de son mouvement ἃ
thème de présent
Premi
VERBAL
thème d'aoriste ἐλϑόντα
τινά
ἐρχόμενον
Tuer
Frapper \ quelqu'un στείχοντα
actant
Voir
νισόμενον χωροῦντα
Se réjouir!s'attrister
ἰόντι
ἐλϑόντι, νοστήσαντι τινί
Ordonner de ἰέναι,
νέεσϑαι
ἐλϑεῖν
Rester, attendre : A. μένει, B. εἶσιν (ἕρπει, δέει)
νοστήσαντα χωρήσαντα
ὁππότε (Eux, ὄφρα...) B. ἔλϑῃ (χωρήσῃ,
νοστήσῃ) Actant
unique :
alternative A. μένει ἢ εἰσιν ou disjonction A. μένει xai οὐκ slow (Beer χωρεῖ) Laisser : en partant (mouvement centrifuge)
A. λείπει ἰὼν χήρην γυναῖκα
A. ἔδη λιπών... jusqu'à son retour : mouvement
centripète,
ἔλιπε ὄφρ ' ἔλϑη...
Une série d'exemples de κιών dans le contexte de λείπω peut alors être interprétée : le participe semble centrifuge, et l’on pourrait alors conclure qu’il a la valeur d'un présent, et s'est substitué (pour des raisons métriques) à ἰών : Od.XVI, 288-290 = XIX, 8-9 (τόξα) οἷά ποτε Τροίηνδε κιὼν κατέλειπεν Ὀδυσσεύς, ἀλλὰ κατήκισται, XVII, 314
(κύων) οἷόν μιν Τροίηνδε κιών κατέλειπεν Ὀδυσσεύς (cf. XVIII, 257 ; 270) : «tel qu'Ulysse le laissa à son départ pour Troie»; Avec deux actants, un exemple montre qu'on peut laisser quelqu'un qui est en mouvement (théme de présent pour la valeur aspectueile), Od. XVII, 254 ὡς εἰπὼν τοὺς μὲν λίπεν αὐτόϑι fixa κιόντας (cf αὐτὰρ E6n, 255). Le comportement du paradigme supplétif à l'impératif confirme cette opposition^ ἴθι ἐλθέ
«va, va-t-en» (spécialement formules de renvoi et de malédiction) | «allons» (emploi exhortatif, sémantiquement « vide»). «viens » (spécialement formules de prière, cf. la substitution possible par μολέ dans les formulaires après Homère ἢ
Certains paradigmes verbaux semblent donc, au contact des révélateurs sémantiques, traduire l'opposition des thèmes verbaux par l'opposition duratif et continu / action réduite à son point d’aboutissement : c’est le cas par exemple pour
226
ESSAI DE GÉNÉRALISATION
νέομαι et νίσομαι / νόστησα : une attaque vise quelqu'un pendant son (voyage de)retour ou au contraire à son retour (alors qu'il est arrivé chez lui). D'autres paradigmes semblent, de notre point de vue, intégrer des oppositions déictiques aux oppositions aspectuelles et, puisqu'il s'agit des paradigmes supplétifs (εἶμι --AA Bov et ϑέω — ἔδραμον) aux oppositions sémantiques entre les racines verbales. On a vu que cette interprétation des faits grecs recouvre la réalité suivante : le grec, à la différence du français, n’envisage pas l’orientation par référence au lieu de l'énonciation comme une opposition sémantique simple (en français, aller et
venir sont deux sémantèmes différents et fournissent deux verbes, tous deux conjugués ; de méme en allemand gehen et kommen, en anglais to go et to come, et
déjà en latin ire et venire) : cette opposition est liée à une opposition sémantique et aspectuelle : les notions d'« aller » et de «courir » semblent avoir été conçues en indo-européen comme essentiellement duratives, et n'avoir fourni que des racines de présent *ei- et *dhew- (et peut-être *ser- si la coincidence des présents défectifs ἕρπω et ἔρχομαι doit être tenue pour un héritage), alors que les racines d'aoriste
défectif se prétaient à désigner le mouvement qui atteint son but, et principalement celui qui aboutit «ici», d'oà la convergence de ἦλϑον, ἔμολον, ἔδραμον. Il semble que les paradigmes supplétifs seuls se prêtent à cette logique aspectuelle : les autres verbes sont fondamentalement indifférents à cette notion d'orientation dans l'espace de l'énonciation. Ils peuvent secondairement recevoir une valeur déictique, comme ἔδην «partir» (deuxième partie, chapitre I, 3.2., pp. 136-137), mais cette valeur déictique n'est jamais en grec leur valeur fondamentale : elle n'est qu'un effet de sens d'une autre valeur, en l'occurrence pour E6nv «faire un pas, avancer un pied». Les valeurs déictiques sont donc exceptionnelles dans le cas des paradigmes non supplétifs, ou au moins défectifs : à l'origine, l'orientation du mouvement dans l'espace de l'énonciation est liée à l'aspect verbal des racines fournissant des paradigmes supplétifs et donc à la particularité sémantique qui fait de chacune d'elles une racine d'abord défective.
3.
L'ASPECT
VERBAL
ET LE
PARADOXE
DU
SUPPLÉTISME
Beaucoup des difficultés des linguistes à s'entendre sur le probléme de l'aspect proviennent, croyons-nous, de ce que l'on confond souvent le probléme sémantique de l'articulation conceptuelle des différentes manières d'envisager une action (duratif-momentané, perfectif-imperfectif, transformatif-non transformatif,
sémelfactif-itératif, accompli-non accompli...) et le probléme de leur actualisation éventuelle dans une langue donnée : dans le domaine conceptuel, toutes les
oppositions concevables (toutes les paires aspectuelles imaginables) existent. Il n'en va pas de méme dans les langues réelles ; parmi la multitude des oppositions concevables, une langue réelle donnée n'en actualise, ou réalise, qu'un petit nombre par des moyens grammaticaux, laissant aux moyens lexicaux le soin d'exprimer les nuances qui lui paraissent secondaires. Il est peut-étre impossible de construire le systéme général des oppositions aspectuelles dans l'ensemble des langues : de l'une à l'autre, les catégories ne semblent pas cohérentes ; en tout cas,
la tâche du linguiste, plus modeste, est d'abord de reconnaître les oppositions existant dans la langue qu'il étudie, et de trouver des critéres pour les définir.
VERBES
DE MOUVEMENT
ET L'ASPECT
VERBAL
227
Dans cette perspective, il nous a semblé que le grec traduit par le moyen purement grammatical de l’alternance des thèmes l'opposition essentielle dans son système, duratif-non duratif (présent-aoriste) et, pour la langue ancienne, accompli-non accompli (parfait/présent-aoriste), en plaçant sur un autre axe, secondaire, l'axe morpho-lexical, des oppositions d'ordre de procès (effectif-non effectif,
itératif-sémelfactif,
inchoatif-résultatif).
Comment interpréter alors l'existence des paradigmes supplétifs sinon comme une gageure de la langue, qui consiste dans certains cas-limites οὗ les concepts aspectuels se concrétisent dans le sémantisme méme des verbes concernés (aller/venir, porter/apporter ; parler/dire : sémantémes de la sphère du sujet, pour traduire les idées d'Osthoff dans le langage des ethnolinguistes plus récents ?), à superposer l'axe sémantique des synonymies et l'axe morphologique des complémentarités en un paradigme unique, où la tension aspectuelle entre présent et aoriste se renforce d'une opposition
sémantique?
Si l'on représente un paradigme simple comme celui de βαίνω de la manière suivante : βαίνω axe des lexèmes (lexique)
"βίβημι, βιβάς
+ βήσομαι axe du paradigme (grammatical : aspect) et de même, sur l’axe des lexèmes, un autre paradigme, du même type, celui de
ἵκω-ἱκόμην : βαίνω
ἵκω
axe des lexèmes
axe du paradigme on représentera les paradigmes supplétifs de la manière suivante :
228
ESSAI DE GÉNÉRALISATION axe des lexèmes
Le
paradoxe
(probablement
du
supplétisme
dés l'indo-européen,
consiste
en
une
comme
le suggère
tentative
de
la langue
la correspondance
des
thèmes supplétifs de *es- et *bhu- pour le verbe «être» en sanskrit, latin, slave,
etc.) pour surmonter la répugnance de certains lexémes pour la «conjugaison » :
ils restent défectifs, en traduisant leur penchant originel pour tel ou tel «aspect conceptuel» en se figeant dans l'expression d'un aspect grammatical unique, et sont pourtant «conjugués », grâce à l'association paradigmatique avec un autre
lexéme, lui aussi défectif.
CONCLUSION
L'étude des verbes de mouvement en grec amène à réfléchir, à la suite en particulier
des
essais
de
Meillet!,
de 1. Safarewicz?
et de
F.
Bader?,
sur les
diverses possibilités de constituer des paradigmes verbaux dans la langue grecque. Si la comparaison avec les langues voisines, en particulier quand elle autorise une reconstruction ou quand elle permet d'entrevoir un état préhistorique — ou méme indo-européen — de la conjugaison, est souvent utile, il faut se garder des paralléles trompeurs : on trouve ainsi fréquemment dans les ouvrages spécialisés la mention, probablement reprise à Wackernagel* sans vérification, selon laquelle la valeur de futur de εἶμι (cf. premiere partie, chapitre II, 2.4, pp. 79-80) est liée au sens perfectif du verbe, d’après le rapprochement des présents perfectifs du slave. Or le verbe correspondant étymologiquement à εἶμι, ido est précisément un imperfectif en slave, et il semble pourtant qu'il se préte, comme son correspondant grec, au sens futur? : il y a une différence essentielle entre un systéme opposant réguliérement deux classes de verbes, dont l'une se préte aussi réguliérement à des emplois comme ceux en valeur de futur (alors que cette valeur peut se retrouver occasionnellement dans l'autre classe, pour des raisons sémantiques particulières), et un système qui n'oppose pas régulièrement ces deux classes, et où l'opposition
aspectuelle s'est combinée au systéme des thémes et des temps verbaux. La valeur du futur de εἶμι apparait alors comme un développement particulier s'expliquant par le sémantisme du verbe, comme ido en slave, j'y vais tout de suite et je viens tout de suite en francais, ich gehelkomme gleich en allemand, etc. Nous éviterons donc autant que possible l'emploi des termes perfectif-imperfectif, méme si l'opposition aspectuelle du grec, aoriste/présent, la recouvre partiellement : la
coincidence fréquente des traductions ne doit pas faire oublier que les deux systémes sont articulés différemment, et que en outre le systéme slave est plus récent : il est donc de mauvaise méthode de reporter dans un systéme plus ancien que lui des oppositions qui peuvent être chez lui des innovations δ. Dans le système
de Safarewicz, nous remplacerons donc l'aspect perfectif par non-duratif (aoriste) et l'aspect imperfectif par aspect duratif (théme de présent), étant entendu qu'il y a des rapports entre l'aspect slave et l'aspect grec, mais aussi que la parenté
étymologique laisse subsister, au-delà de la divergence des systémes, des analogies étonnantes sur des points de détail. Ainsi, pour εἶμι, si l'on doit renoncer à l'explication proposée par Wackernagel, l’analogie entre avec ido, «je vais,
j'irai», reste valable ; mais puisque latin eo, allemand ich gehelkomme, français je vais/viens
s'appliquent
facilement
au futur
proche,
on
y verra
une
tendance
230
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
sémantique générale des verbes de mouvement plutôt qu'une analogie de structure entre le grec et le slave. En revanche, l'analogie entre le comportement des paradigmes supplétifs du grec et les effets de sens des oppositions perfectif-imperfectif dans certaines langues slaves comme le macédonien?, ou entre τρέχω « je cours » / (préverbe) + ἔδραμον « j'accours» et le verbe «courir» en polonais (Safarewicz, op. cit., 247) est beaucoup plus frappante. Les verbes de mouvement se divisent essentiellement en deux groupes : des paradigmes supplétifs, au centre du systéme sémantiquement (ci-dessous, pp. 232-233), et des paradigmes formés plus ou moins réguliérement sur une même racine verbale (cas de Ixw/ [κάνω-ἱκόμην) ou sur des allomorphes plus ou moins aisément rattachables à une méme racine, cas de βαίνω — ἔδην : *g"em- et *g" eH, : il faut remonter à la théorie de la racine indo-européenne pour expliquer le rattachement, en postulant un théme * Heg"-m- * Heg" H-, sans que l'on ait trace
de la racine * Heg". Sans avoir conscience de cette explication, les Grecs devaient sentir obscurément une parenté étymologique ; le cas est presque inverse pour
βλώσκω --ἔμολον
: alors que les deux thèmes remontent ici à une méme racine
pareillement suffixée, les lois de l'évolution phonétique les ont davantage éloignés
l'un de l'autre, bien que la divergence remonte beaucoup moins haut dans le temps. Les paradigmes supplétifs manifestent en général une importance essentielle
du présent (εἶμι, ϑέω ; on ajoutera ἕρπω et νέομαι, anciennement défectifs : les aoristes eionvoa et vóotnoa sont formés secondairement sur des thèmes dérivés). Le présent est ancien, peut remonter à l'indo-européen et n'a aucun aoriste dans
l'état archaique de la langue. Les aoristes supplétifs semblent au contraire de formation non indo-européenne ou difficile à expliquer (ainsi pour ἦλθον et EuoXov, archaiques mais sans correspondants dans les langues voisines : ἔδραμον seul parait clair). Du point de vue sémantique, les présents défectifs sont tous typiquement duratifs, sans référence au terme-but du mouvement, éventuellement avec référence à son point de départ, le lieu de l'énonciation, ce qui donne à εἶμι (parfois à ϑέω) une orientation déictique centrifuge et une valeur de futur. En regard de ces présents, duratifs et non-effectifs, l'aspect d'aoriste réduit le mouvement à un point, en l'occurrence son terme, avec effet de sens centripète : «venir,
arriver,
accourir»
(pour ἦλθον,
ἔμολον,
ἔδραμον).
On
doit avoir un
rapport sémantique analogue, du genre «porter » (duratif non-effectif)/« apporter» (non-duratif effectif) pour φέρω fiveyxov : φέρω a ses correspondants biens
établis et remonte à un ancien présent indo-européen, athématique *bher- ou déjà thématisé *bher-o- : skr. bharati, latin fero mais fert, impér. fer; fiveyxov est garanti comme de sens effectif par la formation du latin nanciscor, mais ne semble pas avoir été établi dés l'indo-européen comme aoriste supplétif de "*bher- ; l'exemple de φημι-εἶπον irait dans le méme sens?. Le verbe «voir» est moins
probant puisque c'est avec l'aoriste εἶδον que les correspondances sont les mieux établies.
donc
la
Dans
la majorité
remarque
de
des exemples,
Safarewicz?,
les paradigmes
pour
qui
le
supplétifs confirment
présent
athématique
est
«indéterminé » dans trois cas, dont l'un est celui des racines défectives (s'il n'existe
pas d'aoriste formé sur la méme racine). Pour εἶμι, on a remarqué qu'il s'oppose à ἔρχομαι comme un non-effectif à un effectif (la marque d'effectivité de ἔρχομαι,
d'ailleurs obscur étymologiquement, se réalise dans ce cas comme un effet de sens duratif, cf. première partie, chapitre II, pp. 71-72; Safarewicz relève encore ce
CONCLUSION
231
caractère !° : d'ordinaire, les présents en concurrence avec un présent athématique que, par contraste, ils servent à caractériser comme « indéterminé » sont dérivés à
partir de la même racine (type φάσκω, φημί), alors qu'ici, on a affaire à une racine supplétive méme dans ses présents, tant le sens de *ei- s'opposait à toute forme de détermination. | Dans les paradigmes où l'aoriste est la forme de base (type ἔδην, ἔμολον) le
présent est en principe formé par suffixation!! : les présents correspondants à ἔδην sont soit factitifs, soit itératifs, ce qui peut s'interpréter comme un effet de sens du sémantisme de base avec ordre de procès effectif. Ce type de paradigme correspond à la classification de Safarewicz ^, pour qui, quand la forme primaire est l'aoriste athématique, le sens en est «déterminé», et la racine ne fournit aucune forme «indéterminée ». Le paradigme de Ixw-Ixdvw-Ixöunv paraît alors aberrant, avec deux formes primaires, toutes deux thématiques et de méme degré vocalique radical" : l'aoriste moyen a toutes chances d'étre la forme la plus ancienne, de sens effectif ;
les formes de présent dérivé, ἱκάνω et ἱκνέομαι, même si elles ne sont pas anciennes, correspondent à la logique du système ; txw pourrait alors s'expliquer comme un ancien parfait ^ dans la structure du paradigme ; à l'époque homérique en tout cas, il est intégré dans la langue comme présent, s'opposant à la fois à l'aoriste ἱκόμην et au présent ἱκάνω par son aspect duratif et par son sens non-effectif (qui serait alors en diachronie un effet de sens de la valeur d'état de l'ancien parfait ?). Les paragraphes précédents ont montré comment des oppositions sémanti-
ques ont donné naissance, dans un état probablement indo-européen, à des types de paradigmes verbaux différents, puis se sont grammaticalisées en grec dans le systéme de l'opposition des thémes verbaux, en laissant des traces d'autres
oppositions dans les présents dérivés et dans la composition : en synchronie, c'est le systéme des paradigmes verbaux dans l'état le plus ancien de la langue que nous possédons qui peut permettre de remonter à un systéme plus ancien, dont il reste
des débris, réutilisés dans une architecture nouvelle 5. Mais on peut aussi considérer les d'un point de vue tout différent : si la on peut espérer définir chaque verbe dans sa spécificité et l'opposer à ses
paradigmes des verbes grecs de mouvement syntaxe d'un verbe témoigne de son «sens», par son champ d'emploi pour le caractériser voisins sémantiques : le systéme lexical des
verbes de mouvement se définira donc par le systéme des emplois spécifiques et des
emplois communs de tous les verbes qui le composent. On a ainsi relevé les emplois caractéristiques des différents verbes (βαίνω + complément de lieu au datif impliquant un caractére «statique » du mouvement, ἵκω-ἱκάνω-ἱκόμην avec sujet indifféremment animé ou inanimé, et complément à l'accusatif direct impliquant un contact avec l'objet plutót qu'un mouvement dans sa direction,
ἕρπω,
sans complément
précisé et temporellement
indéterminé,
dénotant l'aptitude d'une espéce au mouvement terrestre, et non un mouvement réel actualisé, etc.). On a montré comment ces emplois spécifiques forment pour chaque verbe une sorte de noyau sémantique originel, une couche linguistique sous-jacente, et se prolongent par des traces dans la dérivation (analyse de ἱκέτης «suppliant», de ϑοός «rapide » et de τροχός «roue», de βέδαιος «solide» ou βέδηλος « profane »), dans les emplois des composés (spécialisation des composés
232
LES
VERBES
DE
MOUVEMENT
ΕΝ GREC
de βαίνω pour l'embarquement et le débarquement, pour monter et descendre de la tribune ou de cheval, alors que les composés correspondants du paradigme
supplétif sont «neutres» ou ne se spécialisent que pour le départ ou le d'exil) et dans des syntagmes idiomatiques originaux (λὰξ Baívo, ποσὶ σκόπελος οὐρανὸν ἵκει, κλέος οὐρανὸν ἵκανε, βῆ δ᾽ ἱέναι, βῆ δὲ ϑέειν, ταχύς) que l'habitude de la langue homérique peut faire paraître banals : il
retour Baívo, ϑείειν faut en
sentir le caractère insolite par rapport aux emplois des verbes voisins ; sous la
couche sédimentaire apportée par l'évolution linguistique, les emplois spécifiques (souvent formulaires) témoignent de la particularité syntaxico-sémantique originelle. Par opposition à ces paradigmes dont une partie des emplois, et éventuellement
l'étymologie,
attestent
l'originalité
et
la spécialisation
sémantique,
le
paradigme supplétif εἰμι- ἦλθον ne semble guère pouvoir se définir autrement que par la neutralité sémantique : il a pour emplois typiques l'emploi absolu et l'emploi avec accusatif prépositionnel indiquant la direction du mouvement, génitif prépositionnel indiquant son origine, et semble s'appliquer à tout mouvement autonome du sujet, sans considération du milieu (terre/air/mer...) ni du moyen (pieds, cheval ou char, ailes, navire...).
Mais ce n'est que par effort que l'on a pu discerner la spécialisation des verbes du premier type : la première impression qui ressort de la lecture des textes grecs et des divers articles de dictionnaires est au contraire que tous ces verbes ont à peu prés le méme sens et les mémes emplois — et cette impression n'est pas démentie
par la lecture des ouvrages philologiques : la Synonymik de J.H. Schmidt '®, qui distingue avec finesse le sens des différents verbes, fait presque figure d'exception.
Cette impression vient probablement de ce que les philologues et les lexicographes connaissent mieux
la langue classique qu'Homère,
et qu'ils s'imaginent que la
prolifération lexicale chez Homére est un trait poétique, alors que l'examen attentif des emplois montre que les mots de la langue archaique ont un sens, et sont rarement choisis pour des raisons purement métriques. L'évolution de la langue a donc effacé presque entiérement les traces des oppositions lexicales anciennes, que l'on ne peut espérer retrouver qu'en remontant à l'état archaique.
Mais la langue homérique elle-méme est déjà un état évolué du grec : les emplois spécifiques des verbes de mouvement ne se laissent apercevoir que dans les couches « profondes » du langage, sous les couches récentes que, poursuivant la
métaphore géologique, l'on appelle sédimentaires. La tendance historique générale va, dés la langue homérique,
d'un
nivellement
mouvement,
sémantiques
entre
dans le sens
les différents verbes de
par l'extension de la syntaxe de l'accusatif prépositionnel (ou de
certains préverbes, évidence
des oppositions
le sens
comme spécifique
εἰσ-, προσ-, ἀπο- : quand comme
c'est
le cas pour
ils ne mettent pas en faívo,
ils ont
un
rôle
neutralisateur) typique du paradigme supplétif : en employant βαίνω avec εἰς et l'accusatif, on en fait un substitut syntaxique et sémantique du verbe « aller» ; de méme, pour ἱκάνω-ἱκόμην, l'extension de la syntaxe prépositionnelle plus forte dans les emplois avec sujet animé montre que c'est là que l'on a commencé à oublier la valeur propre de contact avec l'objet. De tout le système, c'est le paradigme supplétif qui a le sens le moins spécifié, le plus général ; c'est aussi le plus banal stylistiquement. Les verbes d'emploi plus ou moins spécialisé, en calquant leur emploi sur celui de ce paradigme, deviennent
CONCLUSION
233
des quasi-synonymes ou des équivalents stylistiques de ce verbe banal : on pourrait dire qu'ils sont satellisés. Si l'on considère ces deux tendances, la tendance à marquer son originalité sémantique par un emploi syntaxique et des types de syntagmes originaux et d'autre part la tendance à imiter la syntaxe du verbe «aller» et à lui servir de substitut stylistique, on peut dire que le systéme des verbes de mouvement en grec ressemble au système solaire défini par Copernic, Newton et Huyghens : le paradigme supplétif, d'emploi banal, le plus fréquent et sémantiquement le plus neutre, se comporte comme un soleil autour duquel tournent les verbes-satellites, suivant une trajectoire qui est la résultante de deux forces antagonistes, l'inertie ou persistance dans leur propre sens, symbolisée par la ligne droite (qu'il s'agisse d'une originalité sémantique héritée de l'indo-européen ou qu'elle soit constituée en grec méme par opposition aux autres verbes du systéme), et l'attraction vers le « soleil ». Il ne faut pas suivre la métaphore de trop près, le système linguistique évolue en réalité dans le temps, et de différentes manières suivant les genres littéraires et les niveaux stylistiques : la force d'attraction semble s'exercer plus fortement en poésie qu'en prose (cf. l'évolution du paradigme de βαίνω, remplacé en prose attique par βαδίζω alors que les composés de sens spécifique se maintiennent). Le témoignage de la langue parlée manque ici évidemment plus que jamais : il semble que le paradigme supplétif, le plus neutre sémantiquement, y ait été d'emploi banal. Si l'on tient compte des textes, seul moyen que nous ayons pour tenter de reconstituer les systémes synchroniques du grec et expliquer l'évolution de l'un à 3£ È
as
SOIEECINANIMESN
de
det orm
NIME
ane n
oc
Complément
petite
a
iusneecusdtib
dune
bite do
ent
ed
contrat
234
LES VERBES
l'autre,
on
voit
que
dans
DE
MOUVEMENT
le système
verbal
EN GREC
étudié
ici,
la
force
d'attraction
l'emporte de plus en plus en diachronie sur la force d'inertie, alors que la trajectoire des planétes reste constante, les forces conjuguées restant les mémes. Dans le systéme linguistique, la force d'attraction a méme usé certains verbes jusqu'à les faire disparaitre de l'usage courant pour les cantonner dans un emploi
poétique (le verbe simple Balvw). Le système solaire ne peut donc que servir d'image, de représentation spatiale du systéme linguistique, comme les verbes de mouvement
servent
de modèle
spatial pour
les relations abstraites.
La langue des aédes et la grammaire des formules L'hypothése suivant laquelle les différents verbes de mouvement, loin d'être synonymes, auraient en grec archaique une spécificité sémantique, s'est donc révélée féconde, et a permis de délimiter pour chaque verbe des séries, classes ou constellations d'emplois révélatrices. Il se peut que dans certains cas, nos conclusions ou nos hypothéses sémantiques soient « fausses », c'est-à-dire qu'elles ne correspondent pas à la réalité des représentations de l'époque. Au moins, nous sommes sûrs maintenant que les différents lexèmes correspondent en tout cas à des représentations différentes. Cela va évidemment contre l'idée de l'artificialité de la langue épique, mais non contre son caractére formulaire, au sens de M. Parry et de son école : la mémorisation de la Poésie orale a contribué à fixer, et parfois à figer des formules
correspondant à des schémas métriques commodes, et ces formules ont une réalité linguistique, parfois méme révèlent une particularité sémantique oubliée. L'affleurement de couches sédimentaires anciennes à travers les formules du «fonds achéen » permet donc parfois de reconstituer, par bribes, une synchronie
linguistique antérieure à celle des aedes. Suivant une idée de M. Nagler (« Towards a Generative View of the Oral Formula », TPAPhA, 98, 1967, 269-311), on peut ainsi tenter de reconstruire une grammaire des formules s'inspirant des principes de la grammaire générative : une
formule sous-jacente donne, par une série de transformations d'ordre syntaxique ou lexical, naissance à un stock de formules dérivées. Reprenons dans cette perspective nouvelle un de nos exemples, Il. XIV, 104 μάλα πώς pe καϑίκεο ϑυμὸν ἐνιπῇ «tu m'as touché au cœur par ta remontrance ». L'occurrence statistiquement majoritaire du type Sujet inanimé + ἵκετο + accusatif direct (nom de personne/pronom) + accusatif direct (partie de la personne : cœur, genoux etc.) permet de déceler dans l'occurence particulière de l’Iliade avec sujet animé à la deuxième personne un réaménagement stylistique, par transformation syntaxique de "ἐνιπή ue καθίκετο ϑυμόν, formule non attestée
directement. La langue homérique ne prend un caractére artificiel que par rapport à un autre état de la langue dans lequel elle n'est plus comprise comme langue, mais retenue et conservée comme
comme
de
l'intérieur,
cette
tradition. Nous nous sommes attaché à comprendre,
sorte
de
synchronie
dynamique
oü,
suivant
les
principes saussuriens, chaque élément du système reçoit son sens et sa fonction spécifique dans le systéme de sa place dans le systéme, c'est-à-dire de sa relation aux autres éléments.
Une étude linguistique approfondie du corpus fourni par l'Iliade et l'Odyssée
CONCLUSION
235
spécifique dans le système de sa place dans le système, c’est-à-dire de sa relation aux autres éléments. Une étude linguistique approfondie du corpus fourni par l’Iliade et l'Odyssée
a donc des chances, en relevant ce qui rapproche et ce qui oppose des lexèmes appartenant à un méme champ, d'en apercevoir l'organisation interne (le système ou la structure). Les critéres d'emploi et les sémes distinctifs pertinents des verbes de mouvement En l'occurrence, pour le champ lexical des verbes de mouvement, le systéme nous a paru s'organiser autour de plusieurs critéres sémantiques reflétés par la syntaxe et les associations syntagmatiques, les sémes distinctifs pertinents. En voici un tableau qui ne prétend étre ni exhaustif ni structuré. sème de continuité et fluidité du mouvement : ἔρχομαι, ἕρπω ϑέω sème de discontinuité, passage d'une limite : ἔδην critére du moyen utilisé : le séme «avec les pieds » semble pertinent pour βαίνω (ποσί).
sème
d'adhérence
à une surface : ἕρπω
non-pertinence du critère d'adhérence : on peut «aller » dans l'air, dans l'eau, en volant,
en
char
etc.
sème de déplacement d’un point à un autre : εἶμι, ἔρχομαι, ἔμολον, ἔδην, ἕρπω, στείχω, ϑέω, ἔδραμον, véouat
sème
de déplacement
non
pertinent : ἱκάνω,
ἱκόμην,
τρέχω.
sème de but atteint (avec ou sans déplacement) : ἦλϑον, ἔμολον, ἔδραμον, ἱκάνω. ou visé : νέομαι
sème
de
but
non
pertinent : βαίνω, ἔρπω,
critère du sujet :
τρέχω, εἶμι.
θέω,
στείχω,
236
sème
LES
VERBES
de sujet animé : ἔρχομαι,
DE
MOUVEMENT
ἔδην,
ἕρπω.
EN
GREC
oteixw, νέομαι.
εἶμι - ἦλθον (probléme du Temps) sème
de sujet animé
sème
de nombre
du sujet : στείχω
sème
de nombre
non pertinent : autres verbes
sème
d'orientation
non
dans
pertinent : θέω
l'espace
par
ἔδραμον
rapport
- ἱκάνω
au
lieu
ἱκόμην
de
référence
de
référence
de
l'énonciation : εἶμι / ἦλϑον (ἔμολον ?) sème
d'orientation
dans
le temps
par
rapport
au
moment
de
l'énonciation : εἶμι, νέομαι. οἴχομαι (fxw) Le système
de repérage spatio-temporel
Certains de ces critères semblent correspondre en grec à ceux qui opposent les verbes de mouvement dans plusieurs langues indo-européennes vivantes. Si nous ne sommes pas victimes d'une illusion ou d'un artefact — l'analyste croit parfois retrouver ses propres catégories dans un systéme qui lui est étranger — le systéme grec serait fondé en particulier sur la pertinence pour certains lexémes du critére de position et d'orientation du mouvement par rapport au lieu et au moment de référence de l'énonciation : ils font allusion à un systéme de repéres implicite qui permet la communication ; les partenaires étant appelés «je», «tu», «vous», et définis par leur position relative dans l'espace par rapport à celui qui a la parole, qui dit « je », appelle « ici » la position qu'il occupe et renvoie par « maintenant », dans la succession des instants, à chacun de ses présents, l'emploi de ces différents verbes fait référence à, et présuppose la connaissance de ce systéme de repérage propre à chaque situation d'énonciation (terminologie inspirée de A. Culioli). Cette référence à l'espace et au temps est donc pragmatique : pour que l'énoncé soit compris, il faut que les données de la situation d'énonciation soient connues ; mais cette relation n'est pas directe et interprétable immédiatement (en termes de stimulus-réponse) : le propre du langue humain est de pouvoir se dégager du rapport direct avec une situation concrète, transportant les partenaires de l'échange verbal dans l'infinité des mondes possibles. En disant « Viens !», en grec &A8£, je peux ordonner à l'interlocuteur de se déplacer en direction du point de référence qu'il connait d’après la situation comme celui où je me trouve actuellement, mais je peux aussi lui demander de se déplacer avec moi vers un endroit οὐ nous ne sommes actuellement ni l'un ni l'autre, mais oü mon énoncé nous transporte virtuellement en le prenant comme centre de référence. La distribution des occurences en différents types de syntagmes, telle qu'elle a été analysée dans le premier chapitre, «prouve» la pertinence du critère d'orientation de l'espace-temps autour du centre de référence défini par l'énonciateur. On sait pourtant qu'il n'est pas de démonstration possible dans ce domaine : l'accumulation d'indices convergents peut-elle tenir lieu de démonstra-
tion?
CONCLUSION
237
Pour εἶμι-ἦλϑον, l'organisation du système de repérage décelée dans les emplois des lexémes grecs ne correspond que trés grossiérement au systéme de
repérage impliqué par les emplois de aller/venir en français : il s'agit en français d'une opposition lexicale, en grec d'une opposition lexicale combinée avec une opposition aspectuelle et qui superpose le repérage temporel et spatial, ce
qu'aucune autre langue ne semble faire de la méme
manière :
sème pertinent d'orientation par rapport au centre de référence spatial
ici
ailleurs
temporel passé ésent presen
futur
ἦλθον
ἔδην
εἰλήλουϑα ἥκω
οἴχομαι
εἶμι
ἐλεύσομαι
En somme, le système linguistique des verbes de mouvement semble s'organiser autour de la pertinence ou de la non-pertinence du critère de
l'orientation déictique, comme le semble le système du français, de l'anglais, de l'allemand, l'italien, etc. Mais le systéme grec est spécifique, en particulier par la superposition du repérage spatial et du repérage temporel. Il ne faut pas croire, parce que l'on a retrouvé en grec un reflet de l'importance de catégories déictiques de l'espace et du temps, ici et ailleurs, maintenant εἴ non-maintenant, que l'on en fait un quelconque «universel» linguistique : le probléme du linguiste est de décrire, si possible de comprendre,
un ou des systémes particuliers, sans compétence pour juger de leur universalité. L'espace, modèle du temps Le jour de gloire est arrivé. (La Marseillaise).
En revanche, il est apparu aussi au cours de cette étude, que l'existence d'un systéme de repérage déictique, d'une référence possible au lieu de l'énonciation comme centre de repére, fournit en grec, comme dans les langues vivantes oü existe ce systéme de repérage «concret », un champ pour l'expression de relations
«abstraites» : les différentes maniéres de se déplacer et de se mouvoir que distingue la langue en les pourvoyant d'une dénomination, fournissent une matrice
pour l'expression des procès impliquant une idée d'évolution, de changement, dans les domaines
qui ne sont pas ceux de l'espace réel (ainsi en français une
238
LES
VERBES
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
énorme part du vocabulaire abstrait repose sur une matrice spatiale : progrès, évolution,
régression,
abaisser,
niveler,
s'élever,
rehausser,
aplanir,
pousser,
ralentir, refréner etc.), comme l'idée de position stable fournit une matrice pour
l'expression de l'état (stabilité/déstabilisation dans le vocabulaire politique, entre autres). Le systéme de repérage autour d'un centre de référence défini par la position relative de l'énonciateur et des destinataires, position réelle ou virtuelle, essentiel
dans
le cas d'un
mouvement
réel dans
l'espace,
se retrouve
dans
les
emplois abstraits et tout d'abord pour l'expression du mouvement du temps et du mouvement dans le temps : le jour vient, arrive / les jours s'en vont; la vieillesse vient, arrivella jeunesse s'en va; arriver à l'âge de raison : nous avons vu que des
expressions analogues à celles-ci, déjà vivantes dans la langue homérique, se sont développées en grec, de pair avec le développement des oppositions déictiques marquées par les préverbes. Ces expressions impliquent en grec, comme dans les langues vivantes de l'Occident, une représentation du temps par référence à la position centrale de l'énonciateur. La langue grecque congoit et représente le temps d'abord dans un mouvement afférent, ultérieurement, peut-étre par suite
d'une idée de symétrie inspirée par la géométrie, efférent. Les représentations des âges de la vie montrent un développement analogue, impliquant de surcroît l'idée du déplacement de l'homme par rapport au temps.
Mais il était écrit là-haut que j'aurais les choses dans ma téte et que les mots ne me viendraient pas (Diderot, Jacques le Fataliste) Le développement «chemin» de l’œuvre, à l’auteur et le lecteur développement conjoint
dés la langue épique d'expressions métaphoriques du l'époque classique de périphrases verbales représentant ou l'auditoire comme engagés sur ce chemin, le de périphrases verbales aspectuelles et la convergence de
ces deux développements parallèles dans certains passages de Platon (cf. Glotta, 52, 1983, 187) montrent la fécondité de cette matrice spatiale : le participe futur d'intention complétant un verbe de mouvement se préte à l'expression d'un déplacement (déictiquement orienté) dans l'espace du texte, puis dans le temps.
L'emploi par Platon de ἐρχόμεϑα τελοῦντες... « nous allons payer Protagoras », et de οἶσϑα οὖν ἐς οἷόν τινα κίνδυνον ἔρχει ὑποϑήσων τὴν ψυχήν ; «sais-tu à quel risque tu vas exposer ton âme ? » implique en grec, comme en français avec les semi-auxiliaires aller/venir de + infinitif, en latin avec l'auxiliaire iri (forme de «passif» du verbe «aller » servant avec le supin à former l'infinitif futur passif),
une représentation du temps comme ligne orientée autour du centre de référence de l'énonciation, ligne sur laquelle l'énonciateur se déplace ou qui se déplace par
rapport à lui.
NOTES
DE
L'INTRODUCTION
1. E. Benveniste, « Problèmes sémantiques de la reconstruction », (Word 10, 1954, 251-264 = PLG, 289-307), 289.
2. Cf. pour εἶμι- ἦλθον première partie, chapitre I, 2, pp. 31-41 pour ϑέω-ἔδραμον. troisième partie, chapitre I, 1.2, pp. 182-184. 3. Cf. J. Lyons, Linguistique générale, 315-316, avec la référence à Wittgenstein, 315 : « Ne cherchez pas les sens d'un mot, regardez plutôt l'emploi qu'on en fait. » Le terme emploi n'est pas au fond plus clair que celui de sens, mais cette substitution détourne le sémanticien de sa préoccupation traditionnelle qui est de définir le sens en termes de signification. » 4. Pour les exemples de relations paradigmatiques, cf. la note 2 ci-dessus. Pour des exemples de rapprochements et d'oppositions sémantiques manifestées par les emplois, cf. βαίνω / paradigme supplétif, deuxième partie, chapitre I, pp. 123-143, l'emploi et le sens spécifique de Ix-, deuxième partie, chapitre IT. pp. 144-145, et la Conclusion d'ensembie, pp. 229-238. 5. Sur la notion d'acceptabilité chez Gross, cf. Méthodes en Syntaxe, 1968, 19, 22 etc. Cf. aussi Lyons, Linguistique générale, 106-110, part. c. 108 : « Autrement dit, c'est la classe des énoncés potentiels que nous devons identifier comme les
phrases de Is langue.» 6. Au sens statistique (résultat d'un tirage aléatoire). 7. L'abondance et la diversité des emplois homériques permettent au moins de penser que, si nous n'avons pas «toute » |a langue de l'époque, nous en avons au moins une bonne image. Qu'il vaille La peine de travailler sur de telles hypothèses, seuls les résultats pourront le dire. 8. Sur les règles de sous-catégorisation stricte (pour le nom) et de sous-catégorisation sélectionnelles ou contextuelles (concernant le verbe, l'adjectif et l'adverbe) dans la grammaire générative, voir C. Nique, [nitiation méthodique, 1975, 96-100 et 100-111. Les catégories d'animé/inanimé etc. ne recouvrent sûrement pas celles de l'esprit grec, mais elles sont parfois discutables méme dans les langues vivantes (voir L. Picabia, Elément: de grammaire générative, 1975, 39, n. 2). Nous utilisons ces catégories comme des critères purement heuristiques, nous apprétant à lcs abandonner ou à en changer quand ils ne donnent pas de résultat. [ls n'engagent aucun a priori sur la nature des oppositions qu'ils peuvent permettre de dégager. 9. Cf. les locutions comme f δ'ἰέναι, figée chez Homère, mais révélant (convergeant avec d'autres indices) la particularité sémantique du verbe, p. 127 à 128, les locutions avec accusatif pluriel neutre du type μαχρὰ βαίνω. pp. 128-129, pour ἱκάνω-ἰκόμην les locutions avec sujet inanimé et accusatif direct, pp. 144-147, etc. 10. Cf. le concept de synchronie dynamique développé par R. Jakobson, Essais (1963), 35-37. 11. Cf. ἃ titre d'exemple P. Chantraine, Gramm. Hom., 508-513 (la bibliographie sur le sujet, très abondante, semble ici inutile). 12. Sur les problèmes généraux posés par l'analyse syntaxique ct la compatibilité grammaticales, voir C. Touratier, 1977, 27-54 (Bloomfield et la gramm. Générative).
entre
diverses
théories
13. It ne s'agit naturcllement pas de norme a priori, mais d'une régularité, au moins statistiquement significative, dans l'usage. impliquant une «conscience grammaticale » (ce que les générativistes appellent compétence). Les faits aberrants peuvent être interprétés, une fois la norme reconnue comme telle, en fonction des connaissances philologiques, de l'entourage syntaxique, syntagmatique et stylistique, soit comme de» archaismes ou innovations linguistiques (quand ils rappellent des séries régulières dans un usage antérieur de !a langue, ou inaugurent des séries régulières dans un usage uhérieur). soit comme des écarts stylistiques, soit enfin — et il s'agit là d'un aveu d'impuissance de l'analyste — comme des «fautes ». 14. Par exemple. l'emploi « archaïque » de la troisième personne comme un présent, opposé à l'emploi « vivant » chez Homère comme futur s'explique en synchronie par le contexte syntaxique (comparaisons) qui constituent dans la langue un flot de résistance aux influences analogiques qui font de εἶσι un futur, cf. chap. Il, 2.4, pp. 79-80. 15. Nous montrerons que Ix- (pp. 150-151) et τρέχω (p. 197 à 198) n'impliquent pas dans La langue homérique. au moins dans ses couches anciennes, de déplacement : ils ne deviennent des verbes de mouvement correspondant à la définition sémantique du ἢ 3.1 qu'au cours de l'histoire du grec.
240
LES 16.
VERBES
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
Sur les divers types d'oppositions et de contrastes sémantiques. antonymic, complémentarité et réciprocité, cf. les
définitions. claires de
J. Lyons.
Ling.
gen..
352.359,
et Eléments,
218-271
17. Cf. Lyons, Ling. gén, 270-272 cn anglais, to kill cst ic « causatif lexical » de « to die », de mémce en français tuer = faire mounr , Vallemand a ἃ la fois des causaufs grammaticaux et lexicaux (type setzen/sitzen, legeniliegen... ct type totenisterben). On aurait peut-être intérét d'ailleurs a distinguer — ce que ne fait pas Lyons que nous avons suivi jusqu'ici — facutifs ct causatifs comme le fait P. Flobert, « La composition verbale en latin», Etrennes de Sepianiaine. Travaux de Linguistique et de Grammaire comparée offerts a Michel Lejeune. Paris, 1978, 85-94, p. 85, n. 3: « J'appelle causatif un
verbe bâti sur un nom (ou un adjectif) et signifiant « rendre tel», tandis que le factitif est une formation purement verbale : «faire faire ceci ou cela » On remplacera alors le terme de causatif lexical emprunté à Lyons par celui de factitif lexical, pour φέρω, ἄγω etc /verbes de base intransitifs de sens = aller» 18. Type en -éw à vocalisme radical -o-
mais la formation n'a jamais été systématisée en grec (ni univoque : elle sert
aussi à former des « itératifs», « fréquentatifs et «intensifs»), ct il n'est méme pas évident qu'elle y ait existé, voir G. Redard, - Sur les prétendus causatifs-itératifs cn -£o) », Mélanges de Linguistique et de Philologie grecques offerts à Pierre Chantraine. Paris, 1972, 183-189 19. Le verbe «aller » proprement dit (paradigme supplétif) a pour factitifs lexicaux ἄγω. φέρω. Dans des emplois spécialisés comme κατέρχομαι « revenir d'exil », on trouve le factitif correspondant : κατάγω = ramener d'exil » (opposant ἔρχομαι à βαίνω : καταδαίνω n'a jamais ce sens spécialisé). 20.
Ainsi érva6aivu, ἀποδαίνω.
xataGaivw
ne s'appliquent qu'à la montée sur ct à la descente d'un char, cheval,
batcau, ou au passage de la mer sur la terre pour un nageur : le factitif morphologique correspondant a les mêmes emplois spécialisés.
21. Nous n'étudierons pas systématiquement l'état mycénien : on ne trouve guère de verbes de mouvement dans des inventaires. et si l'on recontre quelques mots isolés (cf. preuves des systèmes paradigmatiques
22.
Ling
23.
Cf. M.
des phrases 24.
gén,
ijote = ἰόντες). on n'a aucune chance de pouvoir découvrir les
268-284
Gross, Méthodes en syntaxe, 165-168. ct Table 2, 238-242 ,
simples
M. Gruss,
en français. « Remarques
Constructions.
iniransitives.,
192,
sur
d'objet
en
la notion
direct
J.P. Boons, A.
Guillet, C
Leclerc, La structure
224 français».
L.F
1,
1969,
63-73.
25. Ib, 67-70. Ces tests sont nécessaires en français à cause de l'absence de marques morphologiques de la foncuon syntaxique. ct de l'ambiguité de certains compléments sans préposition (il a dormi toute la nuit/* qu'a-1-il dormi, *la nuit a été dormie). l'existence en grec de marques morphologiques casuelles ct l'embarras ou nous serions de dire si certaines phrases y sont acceptables ou non. font que nous n'utiliserons pas systématiquement ces tests, mais sculement quand nous
rencontrerons des attestations sûres. par exemple
de la transformation
ınlerrogative.
26.
Cf. 3 4 ci-dessous pour le statut de l'accusatif de direction en indo-curopéen et les théories sur l'histoire du cas.
27.
Voir
28.
Cette notion vient de J. Gruber, Studies in lexical relations (these du
$ 4 ci-dessous
Case ». in Universals in. Linguistic Theory (E. R. Jackendoff. 29.
Cf.
Semantic
troisième
Interpretation;
partic,
chap.
MI T.. 1965) et de C.
Bach. — R. Harms éd. New York.
Cambridge
Mass.,
Il et Jes renvois
1972
à ZFSL,
ct 3. Anderson, 1984,
et Glorta,
Fillmore, « Case for
1968, 1-85) ct a été développée par Grammar 1982.
of Case
(centre
autres).
1983.
A0. Cf. l'étude détaillée de cc type syntagmatique dans l'analyse des relations supplétives entre εἶμι et ἦλθον, premiere partie. chap 1. 23, pp. 40-41 31 emploi
32 cf.
13.
Pour les criteres permettant de lever cette ambiguité et d’oppeser comme verbe de mouvement. cf. ZFSL, 94, 1984. 25-41
l'emploi de aller comme
"uuxiliant" et son
S'il s'accorde avec d'autres critères allant dans le même sens : sur la convergence nécessaire de plusieurs indices. p. 12
33.
Sur
34.
Chez
38.
CI
εἰμι-ἔρχομαι Platon. ibid...
cf.
+
participe
Glorta,
futur.
HA,
1982,
cf.
premiere.
parte.
chapitre
I, 2 3, p.
39
187-188
180.15]
36 Ainsi, tous les emplois de ἔρχομαι φράσων que nous avons relevés sont "métaphoriques" (la métaphore étant plus au moins usée schon sa plus ou moins grande fréquence dans l'état de langue considéré, usure impossible à évaluer précisément) saut chez Platon, qui a probablement un véritable emploi auxiliaire, voir la référence de la note 34 ci-dessus, 37
Cf
la
discussion
des
theses.
ὡς
W
Dietrich.
«Das
Lateinischen+. Glotta 51. 1973. 188-228 dans l'article de Gforta,
periphrastiche
Verbalaspekt
im
Griechischen
und
1982 cité ^ Dietrich à tendance à voir des syntagmes
auxiliaires dans tous les syntagmes verbaux grecs et latins : l'effort pour discuter ses exemples et ses critéres permet d'établir des critêres plus rigoureux de l'auxiliarité en grec. εἴ, en éliminant la plupart des exemples qu'il allègue. de montrer dans quelles conditions précises a pu se développer un syntagme auxiliaire A&
Nous
39
En védique, les verbes gam- ct r- régissent directement l'accusatif. inanimé (divamı «le ciel ». samudrám «la mer -
nous
opposons
sur ce
point
à Dietrich
(op.
cit,
εἰς.) ou animé (pátim «Ic maitre ». devan «ies dıcux ». Vérunam, 363-364. Afundische Syntax, 166-168
215)
Indram cic.). «f. B. Delbruck. Vergleichende Syntax.
40. On trouvera un exposé sur l'Histoire des théories de la rection. a partir des grammainiens anciens. grecs. latins et hindous, puis des théories localistes qui sc sont développées en Allemagne parallelement au développement de la
NOTES
DE
L'INTRODUCTION
241
Grammaire comparée sous l'impulsion de Wüllner, jusqu'aux « antilocalistes » et aux « demi-localistes», avec le système
original de l'auteur, chez L. Hjelmslev, La catégorie des cas. Etude de grammaire générale. Aarhus, 1935, et plus récemment chez T. De Mauro, « Accusativo, transitivo, intransitivo», Rend. della Acad. naz. dei Lincei, serie VIII. vol. XIV, fasc. 5.6, 1959, 233-258. Un résumé clair des théories localistes (et allant dans leur sens) se trouve chez H. Hirt,
H. Ami. Die Hauptprobleme der indogermanischen Sprachwissenschaft. Halle, 1939, 58-60 : cas concret, l'accusstif de la question wohin ? vient compléter le tableau des cas concrets employés en indo-européen pour l'expression du lieu (où l'on
est, où l'on va, d'où l'on vient) : wo : locatif/wohin : accusatif/woher : ablatif, et explique en grec la symétrie des particules be
ct -Bev employées
respectivement
avec
les compléments
de
direction
et d'origine.
41. Si l'on peut expliquer video Romam à partir de eo Romam (mouvement du regard dans la direction de ?). certains accusatifs d'objet. par exemple lat. teneo aliquid, gr. ἔχω + acc.) paraissent irréductibles et attestent un emploi «grammatical» ancien de ce cas: faut-il supposer une double-valeur. un syncrétisme de l'accusatif déjà dans ia langue-mere ? Hirt-Arntz. qui semblent partisans d'une interprétation localiste des cas (cf. ci-dessus, n. 40) parlent en méme temps de la valeur grammaticale de l'accusatif, en la rapportant à une prétendue indistinction du nominatif et de l'accusatif à l'origine (op. cit.. 63-65 : p. 65 « Wenn wir heute Nominativ und Akkusativ nicht unterscheiden. so sind wir m. E. damit zu dem Stand des Vorindogermanischen zurückgekehrt...
Die Syntax des Nominativs und Akkusativs wird nur
verständlich, wenn man von der ursprünglichen Gleichheit der beiden Kasus ausgeht »), ce qui nous parait très discutable : nous pensons que nominatif et accusatif ne sont indistincts qu'au neutre. ce qui signifie qu'un inanimé ne peut être sujet en indo-européen, et que seul un animé peut recevoir les marques de sujet agentif (le -s d'ergatif dans la structure ancienne
:
sur les échos des idées de A. Vaillant, « L'ergatif indo-curopéen». BSL, 37, 1936, 93-108 dans les théories actuelles, cf. J. Lyons, Linguisr. Gén., 272-275, qui montre la relation entre transitif et animé par l'intermédiaire des notions d'ergatif et de verbes à unc et à deux places). L'idée de la double-valeur de l'accusatif indo-européen cst exprimée clairement par J. Haudry. L'emploi des cas en védique. Introduction à l'érude des cas en indo-européen. Lyon. 1977, p. 154. 42. Pour Mcillet. l'accusatif est le cas de détermination d'un verbe, le cas de relation par excellence : cf. par exemple Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes. Alabama, 1964. 343 : « L'accusatif sert à déterminer le sens d'un verbe. Un même verbe indo-européen se traduit de manière différente. suivant qu'il a ou non un complément à
l'accusatif». 345 : « Les divers emplois de l'accusatif se ramènent en dernière analyse à celui de complément d'un verbe. » Cette position vient. semble-t-il. de T. Rumpel. Die Kasuslehre in besonderer Beziehung auf die griechische Sprache dargestellt. Halic. 1845. et l'a largement emporté sur la théorie localiste (qui n'a jamais eu grand succes en France) ; cf. une formulation structuraliste de la position grammaticaliste chez J. Kurytowicz. Esquisses Linguistiques. Wroctaw-Krakow. 1960.
réimpr.
1973.
1. 131-150,
et id.,
The inflectional categories
of indo-european.
Heidelberg.
1964,
p. 179.
43. Cf. J. Haudry. «Les emplois doubles du datif et la foncton du datif indo-européen ». BSL, 63, 1968. 141-159, « L'instrumental et la structure de la phrase simple en indo-curopéen », BSL, 65 (1970), 44-84, et en dernier lieu L'emploi des cas en védique, cité ci-dessus, en particulier 175 à 177 pour l'exposé de la théorie des deux modèles. 44.
Cf. B. Delbrück, Vergleichende Syntax, 364,
Ernout- Thomas,
32-35. Leumann-Hofmann-Szantyr. 21-23 et 49-50.
Tl faudrait sans doute, comme te suggère J. Haudry. étudier la distribution des deux types d’accusatif, dans les langues où ils sont attestés tous deux, en fonction de la possibilité de la transformation passive : en latin. si l'on emploie it Romam, *Roma itur est exclu, et s'oppose ainsi à 'Romam uidet — Roma uidetur. En sanskrit, il semble que le passif yate n'ait qu'un sens
spécialisé « être sollicité», correspondant à l'actif éti accusatif animé «solliciter quelqu'un». En grec. quand un verbe rendu transitif par la présence d'un préverbe se prête à la transformation passive, il nous semble que c'est un indice d'un sens spécialisé et de l'oubli du sens originel. 45. Cf. 1. La Roche, Homerische Studien. Der Akkusativ im Homer. Wien, 1861. 5-7. Schwyzer-Debrunner, 67-68, Chantrainc, Gramm. Hom., Il, 45-46 46. Le nombre totai des occurrences de chaque verbe et celui des emplois avec indication de direction ne sont donnés ici qu'à titre indicatif, pour que l'on ait une idée de La place de l'accusatif de direction (prépositionnel ou non) parmi l'ensemble des emplois avec indication de direction (les autres emplois de ce type sont les emplois avec adverbe de direction, avec un syntagme prépositionnel à un autre cas que l'accusatif, etc.) et parmi l'ensemble des emplois du verbe (emplois absolus, avec indication d'origine, d'intention, et.). Mais dans ce chapitre, on n'applique le test statistique qu'aux rapports numériques entre l'accusatif de direction avec préposition (Εἰ) et l'accusatif de direction sans préposition (F;). afin
de mettre en évidence direct avec un véritable des verbes construits mouvement, cf. pour
la prépondérance numérique du premier, et le caractère véritablement exceptionnel de l'accusatif verbe de mouvement dans la langue épique (notre but étant en fait de montrer par contre-coup que régulièrement avec l'accusatif direct ne peuvent pas être considérés commes des verbes de Ix- deuxième partie, chap. Il. pp. 144-147)
47. Pour le rattachement de οἴχομαι au paradigme supplétif, voir la première partie, chap. II, 4.3., p. 97 à 108.
48. Sur l'unité du paradigme supplétif εἶμι. ἦλθον, en dépit d'oppositions — d'ailleurs non reconnues par la tradition — et sur notre position par rapport aux idées de A. Bloch qui reconnaît un paradigme εἶμι-ἔδην et un autre (ἔρχομαι) ἦλθον, voir première partie, chap. I. 1, pp. 30-31. 2.4, pp. 41-42, 4, pp. 54-58. 49. D'autant plus exceptionnel que direct : ainsi, les exemples du type slow précision adverbiale, sont comptés comme était probablement senti comme tel par
nos recensements tiennent compte d'un maximum d'exemples de l'accusatif δόμον, où il s'agit étymologiquement d'un accusatif direct accompagné d'une accusatif direct, alors qu'en synchronie, εἴσω joue le rôle d'une préposition, et les aedes comme par le public.
50. Sur cette particule, voir J. Gonda «The original value of gr. -de ». Mnemosyne, 10, 1957, 97-102, et J. T. Hooker, « Postpositive -δε», IF. 70. 1965-66, 164-171 (résumé de la controverse dans P. Chantraine, Dict. Etym., s.v.). Sur -de en mycénien, voir M. Lejeune, « Essais de philologie mycénienne, VII. MPM, 2 série, Roma, 1971, 253-265. Selon le même auteur, δῶ serait une forme alternante de de, « Ao “maison”, SMEA, 17, 1976, 78-84 (malgré J. Chadwick, The Thebes tablets, suppl. Minos, 4, 1975, 88-89).
242
LES VERBES
DE MOUVEMENT
EN GREC
51. Cf. M. Lejeune, «La postposition -de en mycénien», Essais..., op. cit., 264-265.
52. Par exemple chez P. Chantraine, Gr. Hom., 11, Synsaze, 45. Cette assimilation, latente chez Chantraine, n'est pas faite per Schwyzer-Debrunner, 68 : « Nicht beweisend sind die Akk. bei komponierten Verba... und bei Lx- "erreichen". » 53. Cf. deuxième partie. chap. Il, pp. 144-147. 54. Point de vue structural développé par C.J. Ruijgh, Autour de τε épique. Amsterdam, 1971, 109 : « .... Au point de vue synchronique, on peut donc dire que les a&des se permettent parfois de supprimer la préposition... Dans la perspective diachronique, il s'agit d'une construction remontant à une phase plus ancienne de la tradition épique ; la grammaire comparée prouve que dans la période initiale des langues indo-européennes, l'accusatif pouvait à lui seul fonctionner comme complément de direction. Ceci implique que la structure syntaxique d'une expression du type ἐλδὼν ἐς κλισίην s'est changée au cours des siècles : dans l'ionien contemporain d'Homère, l'accusatif dépend de la préposition ἐς ct le groupe prépositionnel dépend du verbe, mais il faut conclure qu'à une époque antérieure, l'accusatif dépendait du verbe et que le précurseur de ἐς (« au dedans ») fonctionnait à titre d'adverbe comme complément du méme verbe. Dans une construction
plus ancienne, le verbe était donc accompagné de deux compléments, l'un étant un adverbe, l'autre un nom à l'accusatif. » 55. Sur la relation entre ic système de rection indo-européen et la division dialectale des langues i.c. d'après le traitement phonétique des gutturales, voir H. Jacobsohn, «Kasusflexion und Gliederung der indogermanischen Sprachen», Anndóron. Festschrift Wackernagel. Güttingen, 1924, 204-216. 56. Cf. deuxième partie. chap. Il. 1.1. pp. 144-145, et le double-accusstif, ἰδ., pp. 146-147. 57. Première partie, chap. IIl, 2. pp. 113-118.
PREMIÈRE
PARTIE
NOTES
: NOTES
DU
CHAPITRE
PREMIER
243
PREMIÈRE PARTIE DU CHAPITRE PREMIER
1. Cf. Millet, {ntrod. à l'étude compar., 196-198, id., 1931, Schwyzer. Gr.Gr., 639-640, Chantraine, Gr. Hom, 282-284. Morphologie, 153-159, Adrados. Evolucion, 80, Watkins, Idg. Gr., 25-45 (vestiges du type athématique i.e. et recontruction) et 58-104 (naissance du type thématique à partir d'une désinence de diathèse attestée dans le subj. et dans l'aoriste "e-uid-et-, skr. ávidat, gr. Hide. arm. egit). et F. Bader. 1971. 2. Ce passage. préfigurant Benveniste, montre que ἐμοῦ est le génitif suppiétif de ἐγώ, alors qu'il n'y a pas de relation supplétive entre ἐγὼ et ἡμεῖς. Il ne semble pas exister de mention du problème du supplétisme verbal, même allusive, avant Apollonius : on ne trouve rien dans ce sens chez Denys de Thrace. qui parle séparément des oppositions temporelles dans ie verbe et des conjugaisons (συζυγίαι). 3. Cf. Benveniste, Origines, par ex.. préface. 2 : « C'est pourquoi nous partons du type nominal considéré comme le plus archaique — le type hétéroclitique — pour atteindre, ... l'état que définit notre théorie de la racine. » Le terme est conservé par F. Bader, Suffixes grecs en -m- : Recherches comparatives sur l'hétéroclisie nominale. Paris (Klincksieck), 1974. 4. Lejeune, Phonétique,
$ 37 εἰ 41.
5. Περὶ Συντάξεως. in L. Bachmann, Anecdota Graeca, 11, 122-123, passage cité par A.M. Chanet, voir ci-dessous. chap. II, 2.3.. p. 78. 6. S.v. ἤνεγκον, «non attesté chez Homère, usuel en attique », s.v. ἤνεικα « indo-aoriste fiveixa associé au présent φέρω (Hom. ion. lyr.)... ». s.v. οἴσω «Ce radical fournit, dans ia conjugaison supplétive de φέρω avec l'aoriste d'aspect perfectif et momentané fiveyuov, le radical du futur et de l'adjectif verbal qui ne sont pas non plus duratifs. »
7. S.v. Ebo), ἐσδίω : ne cite pas un paradigme homérique, mais des formes indépendantes, cite un paradigme attique, puis un paradigme grec moderne. Sur le paradigme supplétif de « manger » en indo-européen. voir Vendryes. 1940 et surtout les deux articles de P. Chantraine et E. Benveniste, BSL, 59, 1964. 8. S.v. ἔπος. ἀγορά. 2 εἴρω «dire, déclarer ». et λέγω. Voir sur ce paradigme Chantraine, 1940, plus intéressant pour notre sujet que le livre de H. Fournier pourtant postérieur (1946). 9. S.v. ἰδεῖν, ὁράω. ὅπωπα, ὄψομαι, βλέπω. La bibliographie sur ce paradigme est abondante, voir l'article récent de E. Seebold, «Die Stammbildungen der idg. Wurzel *weid- und deren Bedeutungen», 1973, avec les renvois. 10. Cf. Schwyzer, 200 : « Nicht selten ist Suppletion verschiedener Stämme zu einem Paradigma» (sur ἐγώ / ἐμοῦ). M. A. Bloch, Zur Geschichte einiger suppletiven Verba im Griechischen. Basel. 1940 (thèse) : sur les deux paradigmes correspondant selon B. à «gehen» et «kommen», 22-77. 12. L'allemand emploie kommen, méme sans préverbe an-, là où le français admet arriver, non venir, voir chez Garthe « Geld haben wir genug. nach Mailand zu kommen», « nous avons assez d'argent pour arriver (du Saint-Gothard) à Milan ». 13. Nous supposons la langue homérique « inconnue » (et en même temps cohérente. cf. Intr., 2.1. p. 13) par principe de méthode, pour éviter de reporter dans un état de langue antérieur, et beaucoup plus archaïque, des faits ou des explications de faits linguistiques que l'on connaît ou croit connaître en attique. Si le sens d'un verbe se définit par la totalité de ses emplois (Intr., 1.3, p. 10) on peut espérer trouver dans l'emploi homérique des indicesdu sens homérique des mots, indépendamment de (et, bien sûr, non sans relation avec) l'emploi ultérieur. 14. Il arrivera méme que l'on puisse définir assez précisément l'emploi homérique d'un verbe, et faire ainsi une hypothèse raisonnable sur son sens, sans que l'on puisse le «traduire » en francais parce qu'il n'en existe pas d'équivalent (cas de ἕρπω, chap. III, 1, pp. 110-113). Pour le paradigme supplétif, on est le plus souvent obligé de traduire une opposition morpho-lexicale par une opposition purement lexicale en français : là où le francais a plusieurs lexémes différents qu'il conjugue entièrement (à quelques formes défectives près), le grec a un lexéme qui intègre les oppositions aspectuelles aux oppositions lexicales d'un paradigme supplétif, ce qui est intraduisible. 15. Sur ἀπο- avec bc, cf. deuxième
partie, chap. II. 1.2, pp. 147-148.
16. La convergence parfois étonnante entre les résultats obtenus à partir de méthodes trés différentes, et d'écoles opposées doit pourtant inspirer confiance (cf. pp. 34-36 à propos des théories du Temps : convergence entre la « psychomécanique » de Guillaume et les études sur l'Histoire de la pensée. Pour l'indo-curopéen, on peut souvent tirer du genre des noms des conclusions intéressantes (cf. les exemples célèbres du «feu » et de «l'eau», in Meillet, Ling. hist. et Ling. gén., 215-220) mais il ne semble guère que l'on puisse en déduire quelque conclusion sûre sur les représentations des Anciens à époque historique, c'est-à-dire pour l'interprétation des textes (voir G. Bonfante, 1954). 17. «Structure des relations de personnes dans le verbe», BSL,
43, 1946, 1-12 = PLG,
227-236.
18. Cf. Chap. il, 1.4., p. 68. 19. Sur la précision du vocabulaire bomérique de l'anatomie, voir J. Irigoin, Hippocratica. Actes du coll. hippocratique de Paris (sept. 1978), Paris 1960, 247-257. 20. Voir, sur le caractère archaïque de la non-personne au sens présent, le renvoi de la n. 18 ci-dessus, et sur le statut des archaismes dans la langue, l'inuod., 2.1 et 22, p. 13.
244
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
21. Sur l'opposition « aller/venir» et la deixis, voir ci-dessous, 3, pp. 42-54. On ne connait pas d'étude linguistique précise de cette opposition lexicale exploitée dans l'expression du Temps. 22. Cf. ci-dessous, 3.7. p. 54, et 4, pp. 55-58. 23.
Voir
essentiellement
H. Fränkel,
1955,
1-22,
B.A. Van
Groningen,
1953,
M. Treu,
1955
(étude
précise
des
représentations impliquées par la langue grecque et son Histoire dans F. Létoublon, «Le temps s'en va», à paraître). 24. Temps et verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris, 1927, et L'archisecionique du temps dans les langues classiques. Copenhague, 1945, tous deux repris en un méme volume, Paris, 1970 : sur La « spatialisetion » grecque du temps. cf. p. 42 à 66 du deuxième titre. 25. [ci encore, ce qui compte pour nous, c'est l'emploi commun aux deux thèmes de présent et d'aoriste (et non attesté pour d'autres, par ex. βαίνω-ἔδην), leur distribution complémentaire qui implique l'existence du système supplétif ; mais
remarquons déjà que le supplétisme grammatical neutralise la deixis propre à εἶμι au profit de celle de ἦλδον. 26. On appellera centraux les emplois des verbes de mouvement avec sujet animé et déplacement concret ; les emplois avec sujet inanimé, non susceptibles de pronominalisation à la première ou deuxième personne sont donc typiquement marginaux. 89...
27. op. cit., p. 51 (nous soulignons) : « Während der Indikativ nie "kommen" heissen kann (die beiden Zeitangaben B und 571 sind zu unsichere Beispiele). ...»
Gr.
28. La corrélation ἦμος-τῆμος avec le subjonctif dans la subordonnée exprime l'idée de répétition, cf. P. Chantraine, Hom. 11. 254. Eloi dans la principale est donc un présent d'habitude (cf. chap. II, 1.4.. pp. 68-69).
29. Sur l'accusatif de « contenu » ou « qualification », voir Chantraine, Gr. Hom., Il, 41, Schwyzer-Debrunner, 74-78, Kuhner-Gerth. 303-308, La Roche. Der Akk., 5-6, 25-37. 30. Op. cit. 53 : «Häufig stcht ἐλϑεῖν mit Akkusativ des Weges, besonders ὁδὸν (bei Homer nicht mit ἔρχεσϑαι vorkommend) » : le présent-futur n'est pas mentionné. De plus. Bloch écarte cet indice du supplétisme en assimilant la locution 31.
(« dieser
feste
fait n'est pas propre 32.
Ausdruck -. loc.
cit.) à un
composé.
Dans ce type de syntagmes. ἄγγελος est unc sorte d'attribut, et le verbe de mouvement est proche d'une copule Voir
Magnien,
33. Chantraine,
: le
au grec et doit refléter une tendance générale, chap. LI, 3.2.4, pp. 85-87. Emplois,
Gr.
Hom.,
8-21
(avec
ὡς,
35-38),
Stahl
Kr.
hist.
Syntax,
685-686.
ll. 282.
34. Les exemples sont tous sans complément de direction exprimé : δεῦρο est implicite partout. Pour dire « pourquoi es-tu parti ? », nous pensons que l'on emploierait des formes de ἐλϑεῖν à deixis neutralisée ou des formes de βῆναι (par ex. “τίπτ᾽ ἀπῆλθες, ἀπέδης. non attestés chez Homère). 35. Cf. la recherche de critères syntaxiques des verbes «aller», Introduction, 3.2. pp. 14-19. 36. Chap. III. 2.1, p. 114. 37. H. X. 576 = Od. IV. 48 = XVII. 87 ἔς d'âoaulv8ovuc éüEéotas λούσαντο «ils allerent se baigner dans les baignoires bien polies »/«quand iis eurent mis le pied..., ils se lavèrent». Plusieurs ex. sont susceptibles d’une telle interprétation, elle n'est jamais sûre. 38. Le mycénien étant exclu pour ce genre d'étude par la nature des textes conservés (1.1, p. 9).
39. Sur l'impératif Id et son opposition avec ἐλϑέ, cf. ci-dessous, 3.5.2, p. 51. 40. Sur la deixis centripéte de ἐλεύσομαι. ci-dessous, pp. 73-74. 41. Elle est purement
intuitive. et les résultats dépendront toujours de ia langue du traducteur.
42. La notion de deixis semble dater des grammairiens anciens (Apollonius Dyscole connait déjà le terme et l'oppose à ἀναφορά). et pour les modernes. de l'étude des démonsiratifs par K. Brugmann (1904) ; elle s'est propagéc en linguistique generale sous l'influence de la philosophie anglaise du langage. en particulier B. Russel qui créa le terme de egoceruric
particulars (je, mainienant, ici, là, alors et les temps grammaticaux articulés autour de la référence au présent de l'énonciation). Jespersen utilise pour les termes de parenté et les pronoms personnels le terme shifter que lui a emprunté Jakobson (1957, traduit embrayeur par N. Ruwet dans Essais, 176-196). D'autres préfèrent le terme index. Benveniste évite une dénomination synthétique dans un article en hommage à Jakobson « La nature des pronoms » (1956 = PLG, 251-257) et insiste sur la relation entre les «indicateurs» εἴ «l'instance de discours» particulière, relation par laquelle l'auteur de t'énonciation « s'approprie » le langage. 43. Voir H. Frei, « Système de déictiques =, Acta Ling, 4, 1944, 111-129, H. Hiz, « Referentials », Semiotica, 1. 1969, 136-166. H. Kurytowicz, «The role of deictic elements in linguistic evolution», Semiotica, 5, 1972, 174-183, le chap. «Categories déictiques» de Lyons. Ling. gén., 212-217, Ducrot-Todorov, articles. Référence (317-324). Enonciation (405-410) 44.
et Siruarion
de
discours
(417-422).
Des analyses concrètes des systèmes déictiques des verbes « aller» n'apparaissent que très récemment
dans les
travaux français : comparaison du système français dans une optique guillaumienne par J.C. Chevalier (1976), comparaison de ces deux derniers systèmes avec celui de l'allemand (Berthoud-Py, 1979) où le double jeu des verbes et des préverbes permet de faire intervenir selon les auteurs une double référence au lieu-repère de l'énonciateur ct à celui de l'allocutaire. 45. Pour l'utilisation de ce chant comme échantillon repésentatif. voir ci-dessus, 2.3.1. p. 37. 46. On distingue deux critères d'opposition, transitif/intransitif (Introd. 3.2.1., pp. 14-16) εἴ absolu/avec complément : l'emploi absolu s'oppose à la présence d'un complément explicite, qu'il soit direct ou prépositionnel. adverbial ou nominal. Un verbe normalement transitif peut avoir des emplois absolus (manger du pain/manger) aussi bien qu'un verbe intransitif Gil vient. ici/il vient).
PREMIÈRE 47.
J.P. Boons,
A. Guillet,
PARTIE C. Lecière,
: NOTES
DU
CHAPITRE
La structure des phrases
simples
PREMIER
en français.
245
Constructions
intransitives.
Gentve-Paris, 1976. cf. sur les différents types de compléments locatifs 203-206. 216-230. et 1a définition du « complément scénique », p. 243 (- non-changement de lieu») avec les tests qui le caractérisent en français. 48. Outre le français. l'allemand, l'anglais et l'espagnol au moins. connaissent des expressions de cette opposition dans leur système particulier (références ci-dessus, p. 42 avec les notes 43 et 44). 49. L'absence d'une mention de direction avec « venir » ne signific pas que le déplacement n'est pas orienté : la deixis centripète est alors implicite (3.1, p. 46). Au contraire, pour elu-léveu, La deixis centrifuge n'est pas constante et ne va pas de soi quand elle n'est pas explicite (classe d'exemples où l'orientation déictique n'est pas un critère pertinent). 50. Cf. déjà Brugmann. 1904, et, sur δεῦρο, ἐνθάδε avec les verbes de mouvensent, La Roche, Der Akk., 90-92. S1. Aux termes de G. Guillaume (ou à ceux de Damourette et Pichon, qui parlent à propos des phénomènes d'auxiliarité de nvnégocentrisme), nous préférons les termes de la Physique, qui nous semblent plus transparents, et rejoignent la définition de Lyons des coordonnées déictiques de la situation d'énonciation. le centre de référence du système changeant avec les locuteurs (Ling. Gén.. 213). 52. Cf. le sens donné par le Dictionnaire Robert : «se mettre en mouvement pour quitter un lieu, s'éloigner », et les exemples : « Partir d'un endroit, de chez soi. Absolt il est parti. Revenir au point d'où l'on est parti. (...) Partir sans laisser d'adresse. » ... « Chateaubriand est encore à Paris... Il devait partir ; il n'est pas parti, et nous ne savons plus s'il partira, et comment et quand il pourra partir (Sainte-Beuve). » 53. Sur l'application possible d'analyses statistiques à la syntaxe des langues anciennes. et sur le degré de confiance limité que l'on peut avoir dans le cas de petits nombres, voir Introd.. 4, pp. 20-23. 54. Cf. Brugmann.
op. cit, passim.
55. Ct. 2.32. p. 39. 56.
Référence à Benveniste ci-dessus, n. 17.
57. Sur les emplois absolus de l'imparfait, chap. II. 3.1, pp. 83-84. 58.
Qu'il s'agisse ou non d'un personnage
réel et unique. conventionnellement appelé « Homère».
59. Cf. C. Baylon — P. Fabre. Grammaire systématique du francais. Paris, 1978. 217, Ducrot, 1980. 43-56 pour la notion de polvphonie inspirée d'analyses littéraires. Dans l'exemple d'Homère. on distinguera ici les « voix » d'Homere, du narrateur. et celle de Priam, et plus généralement, les voix des personnages. 60
Voici une liste des exemples (omettant les occurences avec complément ou adverbe de lieu) : I1, 32 ; 111, 432; IV,
362; VI. 341; X. 53, cf. 175; X1, 611 ; XIV. 267 , XXIII, 646 , Od. 111, 323 ; VIE. 30 ; XVIII, 171 ; XXII, 157 (et 6 exemples de βάσκ ἴϑι sans complément) ; e.g. II. VI. 341 Ἢ (9^, ἐγὼ δὲ μέτειμι « Pars (Vas-y), je te suis». De méme pour la troisième personne ἴτω (IL XI, 349 = 362; XVII. 254: XXIV, 148 = 177). 61 On ne connait qu'un exemple homérique de l'emploi absolu de &X0€, I. XXIII. 770 κλῦθι, δεά, ἀγαθή μοι ἐπίρροδος ἐλδὲ ποδοιῖν » (formule de prière et d'appel au secours). De trés nombreuses occurrences de ἐλδέ (de l'optatif ἔλϑοις ou de l'infinitif ἐλϑεῖν, ou d'autres aoristes substituts, comme
μολέ) dans les
formulaires de prière plus récents, ou méme tardifs (Hymnes orphiques) confirment le statut idiomatique de 416€ dans la prière. 62. HIT. 130; 390; XIII. 235. On ajoutera ἄσσον ἴϑι. H.VI. 143, ἄσσον ἴτω 1I. XXII. 667 : ἄσσον ἴτε. HI. 335. 63. La deixis centrifuge de ἱέναι. ici de ἴθι. est neutralisable par celle de δεῦρο, plus « forte ». Nous n'avons pas trouvé d'exemple symétrique. d'inversion de la deixis centripète de ἐλθὲ par un adverbe du type κεῖσε, ce qui semble en faveur d'une valeur déictique de ἐλθεῖν plus forte que celle de ἱέναι. et d'un système hiérarchisé des valeurs déictiques : celie de ἱέναι est neutralisable jusqu'à l'inversion, celle de ἐλθεῖν est neutralisable, mais ne peut être inversée. celle des adverbes déictiques n'est pas ncutralisable. 64. Cf. ia formule de renvoi avec ἴθι, 1.1, 32 ἀλλῖθι. μή μ᾽ ἐρέθιζε. σαώτερος ὧς κε νέηαι « Va-t-en sans m'irriter, si tu veux rentrer sain et sauf » (le caractère sacré de Chryses interdit-il à Agamemnon de le maudire plus ouvertement ?). La formule banale de malédiction « aux corbeaux » est attestée chez Aristophane, avec le futur du verbe «aller », Ois. 990 οὐκ el θύραζ᾽ ἐς xópaxac « Ne vas-tu pas aller dehors aux corbeaux ? », sans verbe (Nuées, 646, 871, Guépes, 458, 852. 982. Gren. 607, Paix, 19), ou avec un substitut expressif (Paix, 117, S00, Pl. 604. Thesm. 1226, Cav. 1314). 65. Nous relevons 27 occurrences homériques de ἴομεν εἰ ἴωμεν. 66. On ne connait aucun exemple homérique οὐ ἴϑι ne puisse avoir son sens plein. Mais la fréquence de l'emploi redondant, où il est associé à un autre verbe de mouvement (type βάσκ ἴϑ8ι) implique qu'il a déjà tendance dans l'état de langue homérique à se vider de son sens pour devenir une sorte d'interjection, comme allons en français. 67. Cf. H* partie, chap. 1. 1.3, pp. 127-128. L'infinitif complément peut être l'une des trois formes du verbe « aller » au présent, thème *ei- / i- (non ἔρχεσδαι), ou comme forme de substitution, δέειν et νέεσϑαι. Cf. Wackernagel. Vorlesungen, 261, Kühner-Gerth, II, 16-17, Schwyzer-Debrunner. 359. 68. Cf. ci-dessous, 4, pp. 54-58 et troisième partie. chap. III. pp. 211-226. 69. Sur les «révélateurs aspectuels » ΕἸ «ordonner», Ill partie. chapitre III. 2.4.3, pp. 222-226. 70. Sur πρίν comme révélateur aspectuel, ibid., pp. 222-223, cf. sur les conjonctions temporelles du grec et l'aspect verbal, A.M. Chanet, 1979. 71. Le choix d'une traduction, « venir » ou « arriver », est parfois délicat, mais ce qui importe, c'est la valeur déictique de ἐλϑεῖν en grec. et les conditions dans lesquelles clic peut être neutralisée. L'ordre de procès effectif de la racine entraine
246
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
us rapprochement sémantique avec je groupe [»-, qui, à partir d'un sons de contact avec l'objet (« toucher ») développe un sens de mouvement qui atteint son but (II* partie, chap. II, pp. 145-165) correspondant encore mieux que ἐλϑεῖν à notre arriver (adripáre «toucher le rivage »), et ies rencontres d'emploi sont fréquentes.
72. Introd., 3.2.4, pp. 17-18. 73. Sur le vocabulaire de la joie, voir J. Letscz, Zum Wortfeld « Freude » in der Sprache Homers. (famille de χαίρων, premier chap. jusqu'à la p. 127).
Heildeiberg, 1966
74. Sur ces types syntaxiques, cf. Schwyzer-Debranner, 393, 404. On en rapprochera le type ἄχος τινὶ γένετό τινος ἀπιόντος, 398. Sur la valeur «prédicative » du participe dans ces locations, voir Stahl, Kr. hist. Syntax, 737. 75. Pour γάνυμαι, voir Latacz, op. cit, 156-159.
76. Sur μένω comme révélateur aspectuel avec les verbes de mouvement déictiques, voir ΠῚ partie, chap. III, 2.4.3, pp. 223-224. Méve n'est antithétique qu'avec le verbe simple sli, son avec ses composés (type μένω τινὰ ἐπιόντα, cf. La Roche, Der Akk., 141-143). ΤΊ. En particulier, on est constamment gêné par l'emploi d'une terminologie empruntée aux langues saves pour une catégorie de linguistique générale. Si importantes que soient ces langues pour le probléme de l'aspect, elles ne représentent qu'une des réalisations possibles d'en système aspectuci (et peut-être avec des differences importantes du russe au polonais Ou δι macédonien...).
78. La bibliographie sur l'opposition présent-aoriste est infinie. Limitons-la ici à quelques références, SchwyzerDebrunner, 246-262 et 269-286 ; Chantraino, Gr. Hom., ll.. 182-196, et, pour un point de vue synchronique et structural, Ruipérez, 1954. 79. Ct. A. Meillet, BSL. 26. 1925, 1-6 pour le type ἐρύκω / ἐρύω. J. Vendryes, Festschrift Wackernagel, Göttingen, 1924, 265-273 (= Choix, 138-147) pour les présents en “ἄνω.P. Chantraine, Mélanges Vendryes, 93-108, Paris, 1925 et BSL, 33, 1922, 77-90 pour les types en -Dw et en «χω. Toutes ces formations sont reprises par J. Brunel, Aspect et ordre de procès (1946), en partic. 59. 80. Ct.J. Brunei, L'aspect verbel et l'emploi des préverbes en grec, particulièrement en attique. Paris, 1939, précisé par «L'aspect et l'ordre de procès en grec», BSL, 42, 1946 (sur le rôle des préverbes, 67-73). 81. Voir quelques lignes dans Schwyzer-Debrunner, 257-258, les ouvrages cités de Brunel et, dans la bibliographic récente. Strunk, 1977 et Rudes, 1980. 82. «Aspect et ordre de proces», op. cit. IG. Vom Suppletivwesen der indogermanischen Sprachen. Heidelberg, 1899. Osthoff (45) cite un proverbe allemand, Liebe Kinder haben viele Namen, « Les enfants qu'on aime ont beaucoup de noms », à l'appui de sa théorie de la pluralité lexicale croissant en fonction de l'intérêt du sujet parlant pour les notions concernées. 84. «Sur l'aoriste sigmatique ». Mélanges Saussure., Paris, 1908, 81-106 (mes citations viennent des pages 84 et 85). 85. Cf. par cxemple un essai d'analyse d'une opposition sspectuelle aoriste/présent combinée à une opposition d'ordre de procès effectif/non-effectif dans le cas de ἰκάνω κόμην et ἀφικάνω, ἀφικόμην, deuxième partie. chap. II, pp. 157-160 et 163-165. 86. Pour Vendryes (« Remarques sur les verbesde mouvement en indo-européen », Choix, 127-131) la racine qui sert à former ἦλθον est typiquement « indéterminée», cf. le développement de La page 129. qui nous paralt exemplaire de la confusion parfois apportée per les comparatistes dans le domaine de l'aspect, par l'emploi pour le grec d'une terminologie adaptée au slave. 87. C'est le cas pour l'allemand du moins. Le français et l'anglais ont un paradigme supplétif pour « aller», non
supplétif (mais irrégulier) pour + venir ». La coincidence fréquente des traductions de εἶμι par aller, gehen, ..., de ἦλϑον par venir, kommen, .... revanche, il pourrait particulières, comme mouvement (voir J. B8.
ne peut masquer cette différence fondamentale dans l'organisation des systèmes linguistiques. En y avoir une analogie frappante entre le système grec et le système attesté par diverses langues slaves le macédonien, sur ce point des relations entre la deixis spatiale et l'aspect verbal dans les verbes de Boulle. « L'aspect et la détermination du procès», Lalies, I, Paris, PENS, 1980. 71-73).
Sur les rapports entre
la détermination
du procès.
le repérage ct l'aspect, on
peut consulter
Z. Guentchéva,
« Spécificité de l'aspect en bulgare», Rev. Et. Slaves, $1. 1978. 115-120. J. Boulle, « Aspect et détermination du procèsen germanique», Actes du collogwe Linguistique et Philologie. Université de Picardie. Paris, 1978, 135-184, C. Fuchs — A.M. Léonard, Vers une théorie des aspects. Paris, 1979, et notre Conclusion, pp. 229-237.
PREMIÈRE
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
PREMIÈRE PARTIE NOTES DU CHAPITRE
1. Chantraine, Gr. Hom.,
284, Schwyzer, Gr.
II
247
II
Gr., 674.
2. L'extension de La désinence de parfait (cf. οἶσθα, *o0a) à cette deuxième personne semble une innovation de la langue bomérique, sans succès durable : la forme attendue et attestée est el (Chantraine, Gr. Hom, 284, Schwyzer. Gr. Gr., 659 et 662).
3. Sur l'opposition εἶσι / ἐρχεται et le statut de ln troisième personne, cf. 1.4. pp. 65-69. 4. L'infinitif et le participe au nominatif.
5. Cf. 1.4, pp. 65-68. 6. ΠΧ, 450, Od. XIX, 69 et XX, 179 (sur la Dolonie et l'Odyssée, récentes par rapport aux passages anciens de l'/liade, voir par ex. Chantraine, Gr. Hom., 470). 7. 1.4, pp. 68-69. 8. Sur les infinitifs homériques en -uev comme archaiques plutôt qu'éoliens, voir Strunk, Äolismen, 95-103. 9. Les formes du vieux fonds épique, ἵμεν et ἵμεναι ont dû être remplacées par ἰέναι dans les parties récentes. "lpev se maintenait mieux que ἵμεναι à cause de sa structure métrique différente de ἱέναι, ce qui explique que ἵμεναι ne se soit maintenu que dans les emplois formulaires (un seul ex. dans un emploi indépendant, /!. XX, 365, s'explique par des raisons métriques,
voir Chantraine,
Gr.
Hom.,
486).
10. On a la forme du masculin sing., ἰών, dans 52 des 70 ex. de la locution. 11. Au féminin (Od. VIII, 290 ἐρχομένη...
ἔξετο) ou au duel (Od.XVII,
261 στήτην ἐρχομένω).
12. Chap. I, 3, pp. 42-54. 13. ILXHI,
249-250 Μηριόνη... / τίπτ᾽ Mec
πόλεμόν τε λιπών...
14. Pour l'analyse de relations syntagmatiques entre les repères temporels et les verbes de mouvement, on ajoutera aux références du chap. I, p. 42 sur la deixis, R.L. Wagner, « Coordonnées spatiales et coordonnées temporelles », Revue
de ling. rom., 12, Verbe et adverbe. française, 1, 1969, 74-81, «L'homme
1936, 144-164, A. Klum «Qu'est-ce qui détermine quoi ? », Srudia Neophilologica, 31, 1959, 19-33, id. Uppsala, 1961, J.C. Chevalier, « Exercices portant sur le fonctionnement des présentatifs», Langue 82-92, 1. Pinchon, « Problèmes de classification. Les adverbes de temps», Langue française, 1, 1969, dans la langue. L'expression du temps», Langue française, 21, 1974, 43-54.
15. Cf. Chapitre
I, 2.2, pp. 34-36.
16. La prolongation de νῦν dans le futur avec ἔρχομαι n'est pes théoriquement exclue, bien que nous n'en ayons pas d'exemple dans le corpus. PLG
17. Surce terme d'énonciation, cf. E. Benveniste, « L'appareil formel de l'énonciation », Langage, 17, 1970, 12-18 = Il, 79-88. Ducrot-Todorov, Enonciation, 405-410 et Situation de discours, 417-422.
18. Sur ls relation entre les catégories de personne (par opposition à la non-personne) et références précédentes E. Benveniste, « Structure des relations de personne dans le verbe », PLG, 225-236, id., « La nature des pronoms», For Roman Jakobson, The Hague, 1956, 34-37 = «Le problème de la "personne" (particulièrement en latin)», L'{nformation grammaticale,
l'énonciation, ajouter aux BSL, 42-43, 1946, 1-12 = PLG, 251-257, H. Vairel, 2, 1979, 39-46.
19. Voir le détail de l'analyse dans Actes de la Session de linguistique de Bourg Saint-Maurice, (sept. 1977) Paris, 1978, 126-145. «Présents et futurs du verbe aller chez Homère. » 20. Cf. C.J. Ruijgh. Te épique, 231 : « Le verbe ἔρχομαι désigne un fait itératif qui est limité au temps de la guerre de Troie, et qui se répète chaque fois que, grâce aux efforts d'Achille, les Achéens ont conquis une ville.» 21. Sur les verbes employés en grec pour le voyage vers l'Au-Delà et leurs relations avec l'eupbémisme linguistique et le tabou de la mort, voir ci-dessous, 4.3, pp. 101-102, à propos de οἴχομαι. 22. Vers 298 Ἥρη. πῇ μεμαυῖα κατ᾽ Οὐλύμπου τόδ᾽ ἱκάνεις ; La duplicité d'Héra (δολοφρονέουσα, v. 197) rend la composition de tout ce passage très subtile, par un effet de renversement entre les intentions avouées, au style direct (εἶμι + participe futur : le voyage aux confins de La terre pour réconcilier Océan et Téthys) et l'intention secrète (aller sur l'Ida pour endormir la surveillance de Zeus, déplacement qui est présenté à Zeus, au style direct, comme une étape dans le voyage vers les confins du monde, destinée à le prévenir de l'absence de son épouse). 23. Sprachliche Untersuchungen, 101 : le présent est exceptionnel chez Homère dans des subordonnées avec ἦμος ; il n'existe qu'un parallèle à cet exemple, Hymne à Aphrodite, V, 168 (Bloch, op. cit., 23; Chantraine, Gr. Hom., Il, 255). 24. Le subjonctif du vers 400, exceptionnel dans les subordonnécs avec ἡμος,
marquerait la répétition (note 23) : il y
aurait donc la même idée de répétition dans la principale corrélée par τῆμος : εἶσι y serait donc un présent d'habitude. 25. Il. V, 177 el μή τις δεός ἐστι κοτεσσάμενος Τρώεσσι. Sur el μή avec l'indicatif chez Homère, voir P. Chantraine, Gr. Hom., Il, 333. 26. Cf. C.J. Ruijgh, Elément achten.
248
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
27. Voir une tentative d'explication par la dérivetion délocutive, avec la référence à O. Ducrot, dans « Présents et futurs», op. cit. 28. Sur le type idiomatique ὁρῶ + proposition participiale, voir Kühner-Gerth, 48 et C. Mugler, L'évolidion des constructions parücıpiales complexes en grec. Strasbourg, 1938 (type bien vivant chez Homère, progressivement remplacé ensuite par des subordonnécs avec ὅτι ou ὡς). 29. C'est très net aussi en composition : ἐπιών est usuel dans le sens « attaquer » ; mais les sèdes lui substituent le cas échéant (en fonction des besoins métriques et pour la variété du style?) ἐπερχόμενος, e.g. ILXV, 406 Τρώας ἐπερχομένους μένον ἐμπεόον. 30. En prose attique, ἔρχομαι semble strictement limité à l'indicatif ; on trouve quelques exemples du participe en poésie (Solon, 1, 54 : 9.2; Stésichore, 212, 3). Pour Aristophane, Nuées, 311, on peut supposer une parodie du « grand style ».
31. L6, pp. 71-72. 32. Cf. ies articles de E. Benveniste εἰ H. Vairel cités ci-dessus, o. 18.
33. Nous avons déjà fait appel à ce principe, pour ie supplétisme de εἶμι, ἦλϑον. ci-dessus, chap. I, 4, pp. 57-58. Ce principe dans lequel A. Martinet voit le fondement de l'évolution linguistique (à la suite de G.K. Zipf), n'est pas toujours évident dans les faits : on a parfois l'impression que [a langue choisit au contraire des chemins compliqués. Nous ne voyons aucune solution à cette contradiction. 34. A. Meiller. « Grec ἔρχομαι», 35. A. Fick, Vergleich.
MSL,
23, 1929, 249-258.
Wörterbuch der Idg. Sprachen. Göttingen.
36. Mais cette analyse pose des problèmes phonétiques. cf.
1874, 20, voir A. Walde, ZVS,
Lejeune,
Phonétique,
34. 1897. 478.
$ 132. P. 137-138.
37. Dict. Etym., 1.v. 38. Op. cit. 251. 39. Sur la valeur temporelle de l'infinitif futur après les verbes de pensée, d'opinion et après les verbes déclaratifs. voir Chantraine,
Gr.
Hom.,
Il, 306. Schwyzer-Debrunner,
295,
Kühner-Gerth,
I, 184-185.
40. Ci-dessus. chap. I. 3.1 et 3.2. pp. 42-47, pour les oppositions de deixis spatiale dans les adverbes de lieu. 41. A.M. Chanet personnelle). L'emploi l'on attendait le verbe entrainer l'emploi de
cite un parallèle anglais. He wert to school dans une situation de discours aberrante (communication peut s'expliquer per l'extension de la locution to go 10 school, lexicalement figée. à une occurence οὐ centripete to come. De même. dans l'Hiade, l'habitude de la deixis centripète avec « la maison » a pu ἐλεύσομαι dans un contexte où la deixis centrifuge était requise.
42. Cf. U.1, 394 dodo’ Οὐλυμπόνδε Δία Mont. ἐδ. 407. Sur la fonction rhétorique du semi-performatif, voir F. Létoublon. « Présents et futurs», op. cu., 1979, 136-137. 43. CT. Schwyzer. 782, ἢ 5 = ion. ἐλεύσομαι ( : ἤλυθον) ». sans références. Plus prudents ou plus avisés, des spécialistes des dialectes
grecs comme
Buck
et Bechtel
44. Sur Eileithua, Eleuthuia, voir idg. Sprachen.
ne citent
pas ἐλεύσομαι
dans
les traits du
vocabulaire
ionien.
H. Güntert. Kalypso. Bedeutungsgeschichtliche Untersuchungen auf dem Gebiet der
Halle. 1919, 38 ; sur ἐλεύδερος et ἠλύσισν, R.
Burkert, « Elysion », Glorta, 39, 1961, 208-213, F. Cassola,
« Ἐλεύϑερος- ereutero», Synteleia V. Arangio-Ruiz, Napoli, 1964, 269-279. et en dernier lieu, sur tous ces termes, ^. Heubeck ; « Etymologische Vermutungen zu Eleusis und Eileithuia», Kadmos, 11, 1972, 87-95 (art. postérieur à ia parution du volume correspondant du Dict. Etym. de P. Chantraine). 45. Voir une analyse détaillée de ce passage par A.M. Chanct, «Maxime Planude. localiste?» Histoire, Epistémologie, Langages, 7. 46. Notion née semble-t-il de la découverte par Austin des énoncés performatifs et de la distinction illocutoire/ perlocutoireAocutoire, voir J.L. Austin, Quand dire, c'est faire, 1962, 1970, J.R. Searle, Speech Acts. 1969, trad. fr. Les actes de langage. Paris, 1979. L'aspect pragmatique du langage, c'est le rapport entre les énoncés et les situations d'énonciation. et le retentissement de ces dernières sur les énoncés eux-mêmes (voir la préface de O. Ducrot à l'ouvrage de Searie cité, 33-34). 47. Cf. Chap. I. 2.2, pp. 34-36, avec la n. 24 sur G. Guillaume. 48. Gramm. 49.
Hom.
Vorlesungen,
il. 191. 1. 160-161
50. Les exemples cités par Wackernagel pour l'attique (πορεύομαι, sans références) et pour la koiné du Nouveau Testament (Jean. 14. 3 πάλιν ἔρχομαι καὶ παραλήψομαι ὑμᾶς. et Symbole des Apôtres δϑεν ἔρχεται κρῖναι ζῶντας xai vexQovc. unde uenturus est iudicare uiuos et mortuos). aussi bien que pour d'autres langues que le grec et les langues slaves (latin eo, vieil irlandais). nous paraissent confirmer l'hypothèse d'un développement sémantique particulier aux verbes de
mouvement plutôt qu'à leur valeur « perfective -, infirmée par le statut particulier du représentant slave de i.e. "eimi. Selon H.J. Seiler. (+ Zur Problematık des Verbalaspekts ». Cahiers F. de Saussure, 26, 1969, 119-135). on dit encore couramment en grec
51. pour
modeme
αὔριο
ἔρχουμαι
« Morgen
komme
ich ».
Cf. notre conclusion générale, pp. 229-230, avec les notes correspondantes et les références à Meillet et Vaillant
les langues
52. Cf.
slaves
deuxième partie, chapitre III. 3.1.1, pp. 171-172.
53. Cf. le Symbole des Apótres pour le grec de l'ère chrétienne, cité par Wackernagel, et la référence à Seiler pour le grec moderne, ci-dessus, n. 50
PREMIÈRE
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
II
249
54. Cf. Introduction, 2.1, p. 13. 55. Cf. E. Benveniste, «La philosophie analytique et le langage», Les érudes philosophiques, nlle série, 18, 1, 1963, 3-11 = PLG, 267-276, en particulier 274 : « L'acte s'identifie donc avec l'énoncé de l'acte. Le signifié est identique au référent ». L'énoncé performatif est sui-référenciel, ce qui justifie aussi sa définition comme acte illocutoire chez Austin, op. cit. (malgré la divergence entre Benveniste et Austin sur le problème général de l'illocutoire), puis chez O. Ducrot (cf. Dire et ne pas dire, 76-80, préface à la trad. fr. de Searle, Les actes de langage. Paris Hermann 1972). 56. Voir les références dans F. Létoubion, « Aoristes εἰ imparfaits des verbes de mouvement chez Homère ». Erudes homériques | (à parahre).
57. Voir F. Bader, 1972, 17-19, 1974, 22. 41. 58. Sur fiov, forme thématisée d'après la troisième personne du pluriel, cf. Kühner-Blass, 218, Schwyzer, 674, Chantraine, Gr. Hom., 285. Une flexion de plus-que-parfait a eu aussi un certain succès, Chantraine, ib., 285-286, et a été adoptée par l'attique (id. Morphologie, 205). 59. Il y a paradoxe dans la mesure où l'on se fait une idée de l'opposition des thèmes (par exemple aoriste : durée négligeabic/présent : durée non négligeable, cf. Humbert, Syniaxe grecque, 142) qui inviterait à considérer le mouvement du ou des héros comme « intéressant » (devant étre marqué comme duratif) alors que celui des comparses le serait moins : la régularité des emplois grecs semble attester le contraire : si le mouvement du héros principal est parfois à l'imparfait, celui des comparses l'est toujours. 60.
Ebcling, Lexicon Homericum,
1, 90, cite plus de 50 exemples de l'imparfait εἰπόμην avec ἅμα. un seul de l'aoriste
ἔσπετο (11.11. 376) 11 cite aussi un exemple de l'imparíait avec σύν. Avec ἅμα, un autre verbe non ambigu est employé à l'imperfait, oteixov. 61. Pour les études littéraires et la typologie des comparaisons homériques, cf. en dernier lieu W.C Scott, The oral nature of the homeric simile. Leiden, 1974, avec la bibliographie. Pour l'aspect linguistique, on utilisera le chapitre XVI de Chantraine, Gramm. Hom. Il, 250-253 (Propositions de comparaison) et surtout le chapitre XXVI de CJ. Ruijgh. Te épique, «Sur la structure syntaxique des comparaisons épiques», 846-876, 5 692-713. 62. Cf., parmi une énorme bibliographie, G. Antoine, « Pour une méthode d'analyse stylistique des images ». Actes du VIIF Congrès de la Fédération internationale des langues et littérature moderne, Paris, 1961, 151-162, M. Riffaterre, Essais de stylistique structurale. Paris, 1971, M. Le Guern, Sémantique de la métaphore et de la métonyrmie. Paris, 1973, et pour le grec. 1. Taillardat, Les images d'Arisiophane. Etudes de langue et de style. Paris, 1962, “Images et matrices métaphoriques », Bulletin de l'association G. Bud, 1977, 4. 344-354, et J. Péron, Les images maritimes de Pindare, Paris, 1974. 63. Sur l'emploi de ἐοικώς, ὁμοῖος, ἶσος. [xeXoc.... voir Ruijgh. op. cir., 861-865 (& 705-706), sur hôte, ὡς te ibid., 4.692, 696-698, 709. 64. Cf. W.C. Scott, op. cit., chap. ITI sur le sujet du terme-image (comparaisons à un lion, 58-62, à un loup, 71, à divers types d'animaux, insectes, oiseaux, poissons..., 74-75 et 77-79, aux dieux, 68-70). 65. Sur la notion de présupposition, voir F. Kiefer, Essais de sémantique générale, Paris, 1974, 83-116 et O. Ducrot, Dire et ne pas dire, passim. C. Fillmore (« Deictic categories in the semantics of "come" », Foundations of language, 2. 1966, 219-227) montre que ics oppositions déictiques sont présupposées dans l'opposition lexicale aller/venir (to golto come), alors qu'elles sont
explicites
(posécs)
dans ici/ld-bas,
mainsenant/autrefois,
etc.
66. Cf. ci-dessus, chap. 1. 3.1, pp. 45-47, 3.5, pp. 50-53. 67. Pas un seul exemple du verbe simple avec sujet inanimé, alors que l'on a plus de sujet animé. Avec préverbe, on peut citer deux exemples avec sujet inanimé, JI. X VTI 741 28 (κῦμα, flot), en face de 14 exemples de composés de fiia avec sujet animé : la force des suffit probablement à expliquer ces deux exemples, qui semblent d'ailleurs n'avoir
80 exemples de filov, Are etc. avec (ὀρυμαγδός, bruit) et H. Ap., ITI, liens supplétifs dans ie paradigme étonné aucun commentateur.
68. Sur l'emploi absolu du thème de présent, neutre par rapport aux catégories déictiques, voir ci-dessus, chap. I, 3.1, pp. 44-47. 69. Le composé adverbial ἀγχίμολον comprend
au second terme un élément verbal sur thème d'aoriste, de valeur
déictique analogue à celle de ἦλθον, cf. ci-dessous, chap. III, p. 117. 70. S.-D.. 142 (rubrique du datif de participation avec des verbes intransitifs). Les auteurs rattachent la présence d'un datif avec ἦλθον à celle du datif avec « se rapprocher de », sich nähern : une fois de plus, on voit qu'ils admettent, comme une intuition évidente, que ἦλθον signifie « kommen», alors qu'ils ne prennent jamais explicitement perti suris thèse de Bloch. La longue suite d'exemples allégués pour la langue classique peut-elle être tenue pour un indice de la rémanence de la valeur déictique de ἦλδον à cette époque ? Kühner-Gerth (I, 418), de leur côté, citent ἦλθε et [xe + datif. 71. Il s'agit de groupes nominaux en accord avec le sujet, qui ne sont pas de simples qualifications. En les appelant appositions pour marquer la similitude formelle avec l'apposition descriptive rencontrée avec fiia, on espère montrer aussi l'opposition sémantique qui distingue ies deux types. 72. L'apposition « descriptive » avec ἦλθον pourrait ici s'expliquer comme le substitut d'une apposition prédicative :
ἀγγελίην ἦλδον φέρουσα = variante de ἄγγελος ἦλθον, ce qui ramènerait cette exception à la norme homérique. 73. Sur ce type de Catalogueet ses justifications, voir F. Létoubion, « Aoristes et imparfaits», op. cit., à paraître, et «Défi et combat dans l'/liede » REG, 96, 1983, 27-48, avec ia bibliographie. 74. Wackernagel rapprochait déjà grec et francais sur ce point (Vorlesungen, II, 66) et citait des exemples allemands de Gœthe «d'après le modèle homérique». Pour le latin, qui imite peut-être aussi la syntaxe grecque, voir Leumann-Hofmann-Szantyr, II, 413-4.
250
LES VERBES
75. Per exemple dans le cas d'oppositions richeipauvre, maladeibien portam, princelroi, d'objet», Tralili, 13. 1. 1975, 273-270, cite des consent. L'étendue exacte de ce phénomène
DE
MOUVEMENT
EN GREC
arriver/repartir ou s'en aller/revenir combinées avec une opposition du type ministreiprösidens e. G. Moignet, « Incidence et attribut du complément exemples plus libres (263) : dl arrive fourbu, il revient frais et rose, il repart syntaxique ne semble jamais avoir été étudiée précisément.
76. Sur l’histoire de ces constructionsen français et dans les langues romanes. voir V. Väänänen, « Il est venu comme ambassadeur, il agit en soldat » et locutions analogues en francais, halien et espagnol. Essai de syntaxe historique et comparée Helsinki, 1951. ΤΊ. Pour le latin, voir Väänänen, op. cir., 12 à 19 (type primus, ultimus, inuitus, laetus etc.) et quelques exemples littéraires remarquabies : Tite-Live, « C. lunius aedem salutis, quem consul wowerat, censor locaueret, dictator dedicauit », «le temple du salut que, consul, il avait fait vœu de bâtir, et que, ccnseur, il avait élevé,C. lunius le consacra dictateur »),et constructions diverses : ud, sicut, uelut, tamquam. Les langues romanes montrent que quomodo a dû s'étendre dans cet usage en latin tardif ; espagnol ct portugais como, francais comme. 78. Espagnol como,
note ci-dessus, italien agire da soldato (VWäänänen, op. cit., 21-23).
79. On emploie en finnois le ces essif, à l'origine cas de "séjour local" alors que l'attribut est soit à l'essif, soit au nominatif, cf. Väänänen, op. ci, B, note 1, et 10, note 1. 80. CI. op. cit., 9 : « L'apposition circonstancielle sert à exprimer l'état que revêt quelqu'un (ou quelque chose) en exécutant ou subissant une action. Elle implique donc une ident avec le terme auquel elle se rapporte. » 81. Cf. Kühner-Gerth,
I. 273-276, Wackernagel,
Vorlesungen,
Il, 68.
82. Wackernagel cite avec raison, parmi les verbes «de mouvement», ἀφίκετο. Ein. ἀναστὰς (Vorlesungen, 65-68). On ajouters le parfait εἰλήλουϑα, cf. ci-dessous, 4.2, pp. 90-92.
1l.
83. C'est à partirde l'étude des constructions françaises du type « agir en soldat », « venir en ambessadeur +, et d'un mot de Louis XII qui « pardonna roi de France les injures qu'il avait subies duc d'Orléans» que Väänänen découvrit l'analogie entre le latin et le français d'une part, le cas essif du finnois de l'autre : récemment J. Lyons rapprocha certains emplois de l'instrumental russe de l'essif finnois, cf. Ling. Gén., 231 « De plus cette distinction contingent : nécessaire est marquée dans certaines langues par la flexion casuelle des noms et adjectifs prédicatifs» ; à sa suite, J. Anderson (Essay, 1973 , 52-55) constate une analogie du même ordre entre !'essif finnois, l'opposition de deux verbes « être » en irlandais (Miis) et en espagnol (estariser) et certains faits anglais qui apparaltraient incobérents sans l'hypothèse d'une expression spécifique de la contingence. L'analyse par Väänänen puis par Moignet des constructions françaises du type venir ie premier et celle des constructions grecques nous paraissent aller dans le méme sens. 84. Cf. le parallélisme entre localisation (statique )/mouvement, et étsUtransformation chez Lyons, Ling. Gén.. 230-231 : « L'emploi de la forme dynamique... présuppose que l'état en question est contingeni, ou accidentel — par opposition à nécessaire», voir aussi Y. Ikegami, 1974, E. Traugott, 1975. 85. Cf. chap. 1. 2.3.2, p. 39. Ajoutons que la locution idiomatique avec apposition prédicative indiquant le moment d'une arrivée (ci-dessus, p. 86) implique probeblement aussi une question idiomatique du type "πότ᾽ Hör: «quand est-il venu
(arrivé) », non
attestée.
86. Cf. Chantraine, Gr. Hom., 425, Morphologie, 191, Schwyzer, 176. Les seules divergences portent sur l'analyse de la racine (*el- : *el-eu, *el-eu-dh-, "el-u-dh- ou *leu-dh-), question qui nous peralt insoluble. Pour Bloch (op. cit., 58), c'est le sens de la « racine» ἐλευδ- qui veut que ἦλδον, ἐλεύσομαιet εἰλήλουθα aient le sens de « kommen» : pour nous. il pourrait s'agir de phénomènes aspectuels et de présuppositions pragmatiques. sans que cela implique nécessairement une étymologie commune : c'est pourquoi la reconstruction d'un étymon indo-européen, qui n'est pas appuyée par des perallèles suffisamment sûrs nous semble aléatoire et dangereuse. 87. Cf. par exemple J.H. Schmidt, Synonymik, 517-523. 88. Sur le paradigme du verbe « aller » selon Bloch et la nouveauté de son analyse par rapport à la tradition (qu'il n'a pas interrompue), ci-dessus. chap. I, 1.2 et 1.3, pp. 29-31. 89. Le rattachement sémantique entre ἦλδον et εἰλήλουθα est évident, démontrable par des critères formels d'emploi, alors que le rattachement étymologique, méme s'il est séduisant, reste hypothétique. 90. Cf.. pour le jeu des alternances vocaliques et de l'analogie, Schwyzer, 347 et 353, Chantraine, Gramm. Hom., 425 εἰ Morphologie, 191, pour la théorie morphologique du parfait F. Bader, 1969, 1972, pour la forme du redoublement. Chantraine. Gr. Hom.. 423 et C.). Ruigh, Mélanges Chantraine, Paris, 1972, 211-230, pour l'allongement métrique initial, Chantraine, Gr. Hom., 102. enfin, sur les désinences, Schwyzer, 767. 91. Cette place est d'ailleurs paradoxale, puisque cela fait autant de vers spondaiques. 92. Au sens οὐ l'entendent les philologues depuis les études de M. Parry, L'épithéte traditionnelle dans Hornére. Paris, 1928. The making of homeric verse. (ed. A. Parry). Oxford. 1971 ; P. Chantraine, « Remarques sur l'emploi des formules dans ie chant ! de l'/liade», REG, 45, 1932, 121-154, Gr. Hom., passim, chap. VII (L'adaptation des mots au metre, 94-112) εἰ la conclusion (Les éléments dialectaux de la langue épique. 495-000). J.B. Hainsworth, The Flexibility of the Homeric Formula. Oxford, 1968. J. Hockstra, Homeric Modification of Formulaic Protorypes, Amsterdam. 1969. 93.
18 exemples dans l'{liade,
18 dans l'Odyssée.
Le thème de parfait n'est pas attesté dans les Hymnes.
94. Sur les « métaphores » homériques et leur degré plus ou moins élevé de réalité dans la langue comme métaphores, voir troisième partie, chap. II, 1. pp. 202-209. 95. [I serait maiséant qu'un dieu montre envers Priam une bienveillance excessive, cf. la suite du discours d’Hermes. v. 462-464
PREMIÈRE
PARTIE : NOTES
DU CHAPITRE
Ii
251
96. Cf. la traduction de V. Bérard : « Les prétendants seront ces oies ; je serai l'aigle, envolé tout à l'heure, à présen: revenu. Moi son époux, je vais donner aux prétendants une mort misérable. » 97. Cf. le commentaire d'Ameis-Hentze à ce vers : si nous comprenons correctement l'allemand, « si c'est bien Ulysse d'Ithaque qui est en toi revenu chez lui». (Bérard : « Ulysse, ah! si vraiment c'est toi qui nous reviens, notre Ulysse
d'Ithaque ! »). 98. Sur cet exemple, cf. Kühner-Gerth,
1, 273-274.
99, Une série de manuscrits (cf. éd. Allen) a ἰών au lieu de ἐών : ce texte n'est pas impossible, « il était venu, allant à pied... » ; εἰλήλουθα n'est pas incompatible avec un participe descriptif du verbe «aller», cf. des exemples parallèles de
6t
ἰών et de ἦλδε κιών dans F. Létoublon, « Aoristes et imparfaits...», art. cité. 100. Sur le datif instrumental-comitatif, voir Schwyzer-Debrunner,
159-165.
101. La comparaison (non étudiée par W.C. Scott) paraht originale, cf. le commentaire de Leaf ad. loc. 102. Exemples de l'inversion de la deixis de ἦλδον : le composé ἀπῆλϑον (ci-dessus, chap. I, 2.1, pp. 31-32) et surtout le verbe simple à l'infinitif, ib., 2.4, p. 41. 103. Dans l'exemple de l'Odyssée, la maladresse consiste en ce que κεῖθεν ne peut avoir son sens propre, « il partit de là-bas», qu'en faisant référence au même lieu de départ que ἀπελήλνδϑε (c'est-à-dire ἔμης πάτρης. en l'occurrence la Crète, où
(Ulysse-)
Aithon
aurait
reçu
Ulysse):
les deux
hémistiches du
vers 223
seraient
donc
redondants,
«c'est déjà la
vingtième année depuis qu'il est parti de là-bas et a quitté ma patrie ». Bérard évite cette redondance en traduisant comme s'il y avait κεῖσε et non χεῖδεν : «voilà prés de vingt ans qu'il est venu chez nous, puis a quitté notre Île». 104. Cf. leur commentaire à XIX, 223 : « ἔδη “abzog” von Zeitpunkt der Abreise, aber ἀπελήλυϑε “fort ist”, von dem dauernde Zustande. » 105. Chantraine, Parfait, en particulier 10, 17. 106. Voir des exemples de dissociation entre être et venir dans la traduction française, p. 90 et 91. En francais, on trouve d'ailleurs le pius souvent. non être ici mais être ld. L'habitude française d'utiliser {à pour ici est étrange, mais a des parallèles (cf. all. Dasein et non * Hiersein). Quant au verbe être, il n'a ici ni son sens existentiel plein, ni la valeur de copule. Le grec, qui n'utilise en principe δεῦρο et ἐνδάδε qu'avec des verbes de mouvement, a grâce au parfait d'état un moyen synthétique d'exprimer le mouvement arrivé à son terme comme un état de présence. 107. Pour Od. XIX. 549. pp. 90-91. 108. Parce qu'il s'agit d'une «présupposition pragmatique» liée au sémantisme du verbe venir en français, cf. R. Zuber, Structure présuppositionnelle du langage. Paris. 1976, 14-16 (à la suite de l'analyse des présupposés de l'emploi de to come
en
anglais
par Filmore.
op.
cit., cf. ci-dessus.
note
65).
109. Cf. un exemple de la persistance de ce type d'opposition en grec attique chez Aristophane, Nues,
238-239
«... ὦνπερ οὔνεκ᾽ ἐλήλυθδα --- Ἦλθες δὲ κατά τι; » commenté par P. Chantraine, Parfait, 171. 110. Pour cette notion, cf. troisième partie, chap ΠΊ, 2.4, pp. 222-226. 111. Sur le pronom *yo- et les origines de ia phrase relative grecque, voir E. Benveniste, «La phrase relative, problème de syntaxe générale », BSL, 53, 1957.58, 39-54 PLG, 208-222 , P. Monteil, La phrase relative en grec ancien. Sa formation, son développement, sa structure, des origines à la fin du V* siècle avant J.C., Paris, 1963; J. Haudry, « Parataxe, hypotaxe et corrélation dans La phrase latine», BSL, 68, 1973, 147.186, id.. «L'antéposition de la relative en indo-européen », La linguistique, 15, 1979, 101-110 ; J. Brunel, « La relative grecque à la lumière de ses origines», BSL, 72, 197, 211-240. 112. Comme
εἰλήλουθα dans l'{llade (ci-dessus, p. 89), εἰληλούϑει fournit deux spondées en fin de vers.
113. /LXI, 218-219 ἔσπετε νῦν μοι, Μοῦσαι... / ὃς τις δὴ πρῶτος ᾿Αγαμέμνονος ἀντίος ἦλθεν. 114. La comparaison syntaxique et l'histoire de l'évolution montrent selon J. Haudry, op. cit. (à la suite de A. Minard) que la relative et la plupart des subordonnées sont nées de la corrélation « relatif» — anaphorique, à partir du « diptyque normal» *yo-... 30... ("k"-... #...), par inversion des termes, qui rend le corrélaüf superflu. 115. On verra que la langue a utilisé pour ce sens d'état d'absence un présent, οἴχομαι qui est donc sémantiquement le contraire de
εἰλήλουθα.
cf. ci-dessous,
4.3, pp. 97-108.
116. Il existait jadis deux hypothèses étymologiques contradictoires, relation ou non-relation étymologique entre
ἦλϑον et ἐλεύσομαι, εἰλήλουθα. Dans la deuxième hypothèse, on rapprochait alors ἦλθον de ἐλαύνω. du latin ambuldre, arr. eli « je suis monté, sorti », prés. elanem (Chantraine, Dict. Etym., s.v. ἐλαύνω). et d'autre part ἐλεύσομαι, ἐλευθ- et εἰλήλονδα de irl. luid «il alla», de skr. ródhati « pousser», got. liudan « wachsen, in die Höhe steigen» (Frisk, vha. liur «peupic » serait un parallèle sémantique à ἐλεύϑερος «libre»; en sanskrit et gothique. le sens «pousser» pourrait s'expliquer de même par le sens « monter, venir à la surface » (croissance libre, non entravée) qui expliquerait la similitude entre ἐλεύϑερος εἰ lat. liberi « enfant» (de naissance libre) selon E. Benveniste, « Liber εἰ liberi». REL, 14, 1936, 51-58). Mais la théorie de la racine pourrait tout concilier, si l'on admet une racine *el-, différemment suffixée et élargie. Le thème I pourrait expliquer à la fois ἤλυϑον (Hel-u-dh-) et ἦλθον, ἐλϑεῖν (* Hjel-dh-) sans qu'il soit besoin de supposer qu'une des deux formes soit secondaire ni qu'il y ait eu une syncope de -u- dans ἦλδον. Le thème II *Hyl-eu-dh, Hil-ou-dh- expliquerait aussi bien ἐλεύϑερος, εἰλήλουϑα que skr. ródhati, irl. luid (la laryngale n'apparaissant qu'en grec, sous forme de «prothèse »), et l'absence du -dh- dans certaines formes (nominales
: ἔπηλυς. νέηλυς, "EXrvot, ou verbales : ἐλήλυμεν,
ἐλεύσομαι) pourrait être originelle, cf. arm. eli. On trouverait d'ailleurs un autre élargissement, -gh- dans skr. róhari. 117. Le vocalisme -o- est rare dans les présents thématiques, et la formation en est souvent obscure (Chantraine, Cr. Hom., 311). Schwyzer (721) croit à une formation déverbative, et admet à l'appui du vocalisme -e- une glose d'Hésychius que Chantraine trouve suspecte, et le mot lituanien eigd « marche ».
252
LES VERBES 118. P. Chantraine, Dict. Etym.,
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
respectivement s.v. ἴχνος et οἴχομαι.
119. Cf. l'édition Allen et la longue note de Leaf pour le problème critique. J. Wackernagel, Sprachliche Untersuchungen, 254, A. Meillet, «Sur grec οἴχωκα », BSL, 24, 1923, 113-116, Chantraine, Parfait, ΤΊ et Gr. Hom., 424, Schwyzer, 766, n. 6 pour la forme. 120. A. Bloch, op. cü.. 28-34, 61, 62, part de l'hypothèse selon laquelle οἴχομαι estle parfaitdu verbe « aller», alors que c'est précisément cette évidence qui fait problème pour nous, cf. par ex. 61 : « Als Perfekt zu εἶμι und ἔρχομαι darf vielmehr οἴχομαι bezeichnet werden » : le tableau du double paradigme qu'il présente dans ἰδ page 62 montre où il veut en venir: il y a pour lui un vide dans ἰδ colonne «gehen» à l'aoriste, qui sera comblé par ἔδην. 121. J.H. Schmidt, Synonymik,
1, 517-523.
122. A.XIII, 219 ποῦ τοι ἀπειλαὶ οἴχονται ; « où s'en sont allées tcs menaces ? ». Sur cet emploi « prégnant » de xov, voir Schwyzer-Debrunner, 157 avec Ia n. 3. Les deux exemples de οἴχομαι avec πὴ sont plus difficiles à interpréter, Il. V. 472,
XXIV,
201.
littéralement
«par où
est parti(c)
le courage/lintelligence ? ».
123. Sur le comportement opposé de εἶμι et de ἦλθον avec μένω et les verbes de son champ sémantique, cf. chap. I, 3.6. pp. 53-54. 124. Cf. 1.X, 48 ; X. 171; XV, 279 , XVI, d'une « inspection » dans ce sens militaire, mais à boire (Od.l, 143); il arrive que l'on fasse harnachement des chevaux; Od.IV, 451, le 125.
155 ; ib., 496 = 533; Od. XVII, 346 = 351. Dans d'autres cas, il ne s'agit pes d'aller vers des hommes pour les réveiller tour à tour (ΠΧ, 167), leur servir l'inspection d'animaux : ΠΝ, 720 = VIII, 382, l'inspection précède le Vieux de la mer «passe en revue» ses phoques.
11.1, 31; Od.V, 62; X, 222; 254 ; X, 226 (formule de l'Odyssée à cause du thème de la tapisserie de Pénélope).
126. IL V1. 492
= Od.l, 358, XVII, 227; XVIII, 363; XXI. 352; cf. aussi Od.XIIl, 34 δόρπον éxo(yeoÓa:.
127. L.S.J cite sous ce sens (« approach with hostile purpose, attack ») //.V, 330 et X. 487. On peut ajouter "1, SO et Od.V,
124.
128. Il. IV. 272 = 326 : Agamemnon parcourt ies rangs des guerriers grecs en les exhortant au combat ; après La réponse des chefs, il s'en va vers un autre groupe : Ὡς ἔφατ, ᾿Ατρεΐδης δὲ παρῴχετο γηϑόσυνος κῆρ. 129. La forme est une innovation, l'emploi en est une aussi, et témoigne peut-étre contre l'authenticité ou contre l'ancienneté du chant X, cf. P. Chantraine, « Remarques critiques et grammaticales sur le chant X de l'Iliade +, Mélanges Desrousseaux., Paris, 1937, 59-68, et Mazon-Chantraine-Colları, Introduction à Plliade, 182-183. 130. Ou ses composés en áxo-. δια- et xata-, mais après Homère seulement, voir F. Létoublon, « Ce qui n'a plus de nom dans aucune langue», à paraître.
131. Sur le parfait βέδηκε dans un emploi analogue à l'époque classique. voir ibid. 132.
Par
ex. Chantraine,
Dict.
Etym.,
s.v.
οἴχομαι
«ordinairement
“s'en
cuphémisme “mourir”, avec un sens proche du parfait», cf. déjà Schmidt, Euphemism für "dahingeschieden^, d.i. gestorben sein...» 133.
Sur
la valeur
des épithètes
apposées
avec οἴχομαι,
cf. ci-dessous,
aller”,
“s'éloigner,
Synonymik, 4.3.8,
disparaitre"
et par
I, 519 «ein gewöhnlicher
pp. 106-107.
134. On ne citera que pour mémoire les exemples du type de la formule de l'Odyssée ἦλθον πευσόμενος πατρὸς δὴν οἰχομένοιο où le contexte implique clairement le sens « je suis venu m'enquérir de mon père. parti depuis longtemps» (et non «mort depuis longtemps »). 135. Cf. Chantraine, Dict. Etym. (s.v. οἴχομαι) : «le cas fait penser à celui de ἥκω, mais ce dernier signifie “je suis arrivé” ».
136. Synonymik, 517 : « Doch liegt natürlich nur für uns etwas Perfektivisches in einem solchen Präsens ; hätte es für den Griechen darin gelegen, so würde er vielmehr statt dessen ein Perfekt gewählt haben». 137. Ou alon "δὴν ἄπεστιν «il est absent depuis longtemps » le serait aussi ? ἄπειμι « être absent » est attesté avec cet adverbe au participe, ἤδη δὴν ἀπέων (Od. XIII, 189 ; XIV, 330 = XIX, 299) et au futur (Od. XX. 155 οὐ γὰρ δὴν μνηστῆρες ἀπέσσονται μεγάροιο) mais non au présent de l'indicatif. 138. Sur l'ambiguité analogue de ἐπεί, ὅτε, cf. uroisième partie, chap. III. 2.4, pp. pur repère temporel. la date d'un événement, de l'expression d'une date comme terme distinguer ces notions par un choix lexical, celui de la préposition ou de la conjonction, distingue au moyen de l'aspect verbal, cf. A.M. Chanet, 1979, op. cit. pour ἕως
222-223. Le grec ne distingue pesle d'une durée. Ou plutôt, au lieu de comme le fait le français, le grec les et πρίν.
139. Ce qui coincide avec l'usage francais, puisque « je vais » ou « je vais partir », comme « je viens » sont inusités avec depuis longtemps comme avec pendant longtemps (cf. A. Klum, Verbe et adverbe, 107-117, avec une analyse fine de certains exemples
littéraires aberrants).
140. Dans les trois exemples de ἐξ οὗ οἴχετ᾽, Od. XVI, 104 ; XIX. $97 = XXIII, 19, le parallele de Od. XVI, 142 ἐξ οὗ οἴχεο et de ἐπεὶ οἴχεο implique que οἴχετ᾽ est un imparfait sans augment (οἴχετο) et non une forme de présent. Pour Bloch (op.
cit., 29-31) la présence de qxóynv
dans ce type de subordonnée
temporelle est un critère de sa valeur d'aoriste.
L'emploi de φχόμην avec ἐπεί a pu contribuer à l'affaiblissement de la valeur d'état du verbe (cf. notre conclusion, p. 108), mais il pouvait garder sa valeur propre d'imparfait d'état. 141.
[I.X, 286... ὅτε τε πρὸ ᾿Αχαιῶν ἀγγελος fier, la présence de ἄγγελος
comme
celle de la conjonction suggèrent
que
l'emploi de ἤει est entrainé par la force des liens supplétifs (mais voir ci-dessus, n. 129 des réserves sur l'authenticité linguistique du chant X). 142. « Immanence et transcendance dans la catégorie du verbe, esquisse d'une théorie psychologique de l'aspect».
PREMIÈRE
PARTIE : NOTES
DU CHAPITRE
II
253
Journal de Psychologie, 1, 1933, 355-372 = Langage et science du langage, Paris, 1973, 46-58, et « La spatialisation grecque du temps» dans Architectonique, 42-64. 143. La notion de borne comme critère d'opposition en linguistique est développée dans le système de A. Culioli, cf. une application aux problémes de l'aspect dans C. Fuchs — A.M. Léonard, Vers une théorie des aspects. 144.
La traduction de Mazon, «le meilleur de leurs hommes a son compte», nous parait pécher par excès. suggérant.
sans que l'on soit sûr que Mazon l'a compris ainsi, un emploi euphémique : sur un champ de bataille, quand on dit que quelqu'un a son compte, c'est généralement qu'il est mort ou trés mal en point. 145. Ci-dessus, 3.1, pp. 81-82. 146. « Apposition prédicative », ci-dessus, 3.2, pp. 85-87. 147. Schwyzer-Debrunner, 392, ne citent pour Homère que le type avec participe intransitif (note 148 ci-dessous) : nos exemples montrent que l'occurence qu'ils invoquent chez Platon, Phédon, 108 b καὶ μόγις ὑπὸ τοῦ τεταγμένου δαίμονος οἴχεται ἀγομένη (scil. ψυχή) n'est pas une innovation : le passif suppose évidemment une forme active sous-jacente “δαίμων οἴχεται ψυχὴν ἄγων. 148. Platon, Banquet, 183 c οἴχεται ἀποπτάμενος est visiblement une citation d’Homere (1l.11, 71... ὡς ὁ μὲν εἰπὼν ᾧχετ᾽ ἀποπτάμενος, ἐμὲ δὲ γλυκὺς ὕπνος ἀνήκχεν). On trouve chez Hérodote et Démosthène de nombreux exemples de οἴχομαι φεύγων. cf. Od. VIII, 356 οἴχηται φεύγων. Un syntagme nouveau apparaît dans la prose classique, οἴχομαι ἀπιών (Hdt. Dem. εἰς.). 149. Schwyzer-Debrunner, 392, Kühner-Gerth, 11, 63-65, Stahl, Kr. h. Synsax, 216. 1 et 699-702. Chantraine, Gr. Hom., 11, 325-326. cite ce type pour λανϑάνω. τυγχάνω, φϑάνω et ᾧχετ' ἀποπτάμενος de l'Iliade qui « peut être traduit “il s'envole pour s'en aller”» : dans ces tours. «Ic participe porte le poids principal de l'énoncé». Pour l'importance du participe. et spécislement du participe apposé dans la syntaxe des langues indo-européennes anciennes, voir A. Meillet, Antrod., 373-375. 150. Nous sommes incapables de dire en quoi οἴχωκα ou οἴχηκα diffère sémantiquement de οἴχομαι ; mais puisque, comme le disait Schmidt. il n'y a que nous, modernes, pour sentir en οἴχομαι une sorte de parfait, il n'y a pas de raison pour que les Grecs, qui voyaient en οἴχομαι le présent qu'il est, n'aient pu distinguer en οἴχηκα la valeur du parfait.
254
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
PREMIÈRE PARTIE NOTES DU CHAPITRE UI
1. ἕρπει
βαδίζει, τῇ κοιλίᾳ περιπατεῖ, παραγίνεται.
2. Sur ce type de complément, cf. chapitre 1, 3.1, p. 44. 3. Cf. Chantraine, Dict. Etym., s.v. ἕρπω (avec l'accentuation ἔρπετον). Ce sens subsiste aprés Homère, chez Héraclite, Aicman, Hérodote. Xénophon. Théocrite. Apolloniws de Rhodes... Le mot est aussi appliqué à un chien (Pindare), à des insectes (Sémonide). La restriction au sens d'animal rampant semble plus rare, d'après les exemples cités par L.S.J., cf. les comm. de Ameis-Hentze et Stanford à l'ex. de l'Od. (plutôt que la traduction de Bérard «tout ce qui
rampe»)
4. Ct. E. Benveniste, « Renouvellement lexical et dérivation en grec ancien ». BSL, 59, 1964, 24-39 (en particulier 25). 5. Voir des erreurs d'interprétation sur l'état de langue homérique pour ἱκάνω auquel on attribue le sens « supplier » (deuxième partie, chap. I1. 2.2.1, pp. 158-159). pour τρέχω donné comme présent du verbe « courir», Létoublon — de Lamberterie, 1980. 6. Ἕρπω est attesté en dorien (lois de Gortyne). en arcadien (décret des Tégéates à Delphes daté de 324 av. J.C.,
inscription de Thisoe de 189/7 av. J.C.) etc. : le mot est cité comme paphien, donc chypriote, par Hésychius. C'est donc au dernier groupe 13*-134).
dialectal que se rattache l'emploi homérique.
comme
archaïque
(voir C.J. Ruijgh. Element achten,
7. Cf. parallèlement l'influence du dérivé 100 / ὠχάω sur le verbe simple τρέχω, Létoublon- de Lamberterie. op. cit., 309-312. 8. L'expression est inspirée de K. Strunk. 28, 1970, 109-127, et des travaux de F. Bader thèmes. (1968, 1969, 1971, 1972, 1974). 9. Ct. K. Strunk. op. cit., et P. Monteil Lejeune, 139-155. 10. Sur cette locution idiomatique, voir
« Über tiefstufige setwurzeln im Griechischen ». Münch. Stud. 1. Sprachw.. sur la constitution des paradigmes verbaux ct les relations entre les divers « Aoriste thématique et vocalismes anomaux en grec ancien», Eirennes Introd, 3.2.4. pp. 17-18. chap. 1. 2.3.2, pp. 40-41.
11. Voir F. Létoublon. « Il vient de pleuvoir... », ZFSL, 94, 1984, 25-41, et « Les verbesde mouvement en grec : de la métaphore à l'auxiliarité ?», Glone. 60, 1962. 178-196. 12. Analyse plus détaillée dans F. Létoublon, «Le temps s'en va», à paraître. 13. Ceci est valable pour la « synchronie homérique». La comparaison (cf. 2.5, pp. 116-117) peut permettre d'aller plus loin : en i.e., le rôle neutralisateur pouvait être dévolu au suffixe de présent. 14. Cf. Déjà Chantraine,
Dict. Etym., s.v. βλώσκω : «sens "venir"».
15. Les données comparatives pas ‚plus que les données grecques n'apportent rien de certain. 16. Incompatibilité déduite de l'existence de deux paradigmes supplétifs, celui de εἶμι et celui de δέω «courir» : les deux présents semblent déictiquement orientés vers l'ailleurs, εἰ tous deux sont défectifs. Le grec n'a pas de verbe de mouvement orienté vers le lieu de référence de l'énonciation qui fournisse un présent comme théme fondamental. 17. Du moins. les composés de “εἰμι ont un emploi parallèle aux composés correspondants de -βλώσκω. 18. Aristophane emploie Euokov pour parodier les Spartiates (pour se moquer d'un parler dialectal. voir les paysansde Molière} ou pour parodier le noble langage des poètes tragiques. Cela ne nous dit pas en quoi c'est chez les Tragiques un mot «noble», mais seulement qu'il parait étrange et donc ridicule à un Athénien moyen. 19. Ct. Buck, Dialecp,
176-178 pour la koiné dorienne.
11-12 et 178-179 pour la koiné du nord-ouest.
20. «Greek μέλλω, a historical and comparative study, AJPH.
72, 1951, 346-348.
21. Op. cit, 362-363. 22. L. Basset, Les emplois périphrastiques du verbe μέλλειν. Etude de linguistique grecque et essai de linguistique générale. Lyon, 1979 (cf. F. Létoublon, c.r.. REG, 92, 1979, 558-560). 23. Voir chap. I. 4, pp. 54-58 sur les relations entre aspect et ordre de procès et sur la terminologie adoptée. 24. Cf. J. Wackernagel, « Das "Absolutivum" ἀγχίμολον », Museum Helveticum, 1, 1944, 226-230. repris dans Kleine Schriften, 11. 892-895. 25. Sur cette locution idiomatique, cf. chapitre 11. 3.2.3. p. 85. 26. Cf. chapitre 1, 2.1. pp. 31-32. 27. Hl. XXIV.
766. cf. chapitre I1, 4.2.3., p. 93.
28. Le paradigme de la prose attique classique est donc celui que donnent les grammaires scolaires : ἔρχομαι, εἶμι. ἦλθον. ἐλήλυϑα. Hérodote montre une situation particulière en prose. avec ἐλεύσομαι pour le futur et εἶμι ambigu, présent-futur ou futur proche : il peut s'agir soit d'une influence de la langue homérique soit d'une influence dialectale.
DEUXIÈME
PARTIE : NOTES
DEUXIÈME
DU
CHAPITRE
I
255
PARTIE
NOTES DU CHAPITRE I 1. Au sens large de verbe dénotant un mouvement
autonome du sujet défini dans l'introduction, 3.1, p. 14.
2. Cf. chapitre I, 1.3, p. 31. 3. Tenne emprenté à F. Bader, « Parfait et moyen en grec», Mélanges Chentraine, 1972, partic. p. 21 avec le tableau
des corrélations et des formes fondamentales, et 1974. Nous avons utilisé ailleurs le terıne de « noyau historique », emprumé à K. Strunk, (1970). 4. Cf. «Sur l'aoriste sigmatique». Mélanges Seussure, Paris, 1903, 81-106, en particulier 82-83. Si l'on accepte ces hypothèses, °g” eHr. exprimant l'action d'avancer une jambe, de faire un pas (cf. 2.2. pp. 133-135, et la conclusion, pp. 140-143), sans indication du développement, fournissant une forme fondamentale d'aoriste radical, s'opposerait à " εἰ-, qui s'applique au mouvement dans son développement, et fournit un présent défectif. 5. « Persée, πέρϑω et l'expression archaïque du temps en indo-européen », BSL, 69, 1974, fasc. 1, 1-53, en particulier
11-24. 6. Cf. Schwyzer, 755, A. Meillet, «Sur l'aoriste sigmatique » (op. cit.), 94.
7. Si du moins ἐπιδασκέμεν, 1|.Π, 234, qui est employé comme factitif (cf. p. 125) recouvre bien par superposition syllabique "ἐπιδιδασκέμεν suivant l'hypothèse de J. Wackernagel (Unsersuchungen, 18, n. 2). Selon O. Kujore, « Two greek presents, ἐπιδάσκω, πέρνημι », ΡΝ, 92, 1970, 70-76, la forme homérique représenterait plutôt un emploi factitif de ἐπιδάσκω (sans redoublement). B. V. Pisani (Glottica Parerga, Rend. Ist. Lombardo, 77, 1943, 535-537) montre que la forme s'explique par la position métrique en fin de vers obligeant à transformer la formule usuelle μαχρὰ βιδάς. 9. P. Chantraine, Dict. Etym., s.v. Balve : « βαδίζων "marcher", employé avec divers préverbes ». En réalisé βαίνω a continué à être employé avec préverbe dans la langue classique, βοδίζω semblant alors limité aux emplois du verbe simple. 10. Les syntagmes avec les adverbes du type κεῖσε à l'exclusion du type δεῦρο, l'opposition avec μένω, les emplois avec apposition descriptive du type BA ἀέκων, etc. 11. Zur Geschichte einiger suppletiven Verba im Griechischen.
Bâle, 1940, en particulier 64-67.
12. Cf. le chapitre I de la première partie, pp. 31-34 ct p. 39. 13. *ltóc est pourtant attesté dans le composé ἁμάξιτος, cf. P. Chantraine, Dict. Etym., s.v. ἅμα : son caractère exceptionnel montre par contraste que βατός s'insére dans un système, a un rôle sémantique attendu, comme les formes pessives de βαίνω (cf. p. 126).
M. Les verbes du type ἄγω. χέμπω jouent le rôle de substituts lexicaux des factitifs du verbe « aller », cf. Introduction, 3.1, p. 14. Baívo est le seul des verbes dénotam un déplacement autonome du sujet qui possède dans son paradigme morphologique des thèmes factitifs. 15. Pour ἔδησα, il ne s'agit pes d'une marque de factitif, mais d'une marque d'aoriste, qui sert de factitif quand la structure du système le permet, c'et-à-dire dans les cas où [Δ forme sigmatique s'oppose à un aoriste intransitif existant.
16. 1. Haudry, «L’instrumental...»,
1970 (cf. Kurylowicz, Inflectionnel Categories, 85) : toutes les formes i.e.
affectées au causatif ou au factitif sont secondaires. 17. eg. Hl, 438. 18. Par exemple Hdt., I, 86, 38 Kai τὸν Κῦρον ἀκούσαντα τῶν ἑρμηνόων tà Koolooc εἶπε... κελεύειν σδεννύναι τὴν ταχίστην τὸ καιόμενον πῦρ καὶ καταδιδάζειν Κροῖσον xal τοὺς μετὰ Κροῖσον («faire descendre d'un bôcher», cf. l'aoriste sigmatique factitif ἐπέδησε pour «faire monter sur un bücher» chez Homère). 19. Cf. la traduction de L. Robin : « Si, par incrédulité, on reméne chacun de ces êtres à la mesure de la vraisemblance, et cela en usant de je ne sais quelle grossière sagesse, on n'aura pas le temps de fläner!» 20. Cf. première partie, chapitre I, 1.2.2, pp. 34-36 et les données citées dans l'article à paraître Le semps s'en ve. 21. Cf.
Wackernagel,
Vorlesungen,
I,
261,
Schwyzer-Debrunner,
359-360
(ἴμεν
serait
un
infinitif-locatif),
Káhner-Gerth, Il, 16-17. 22. Cette conchusion
n'est
pas
nouvelle:
cf.
J. Hoekstra,
Homeric
modification
of formulaic
prototypes’.
Amsterdam-London, 1969, 147-149. 23. IL.XXITI, 770 ex Od. VIII, 230. 24. Od. VIII, 376 et XIX, 47. 25. ΠΧΝΤΙ, 190; XVIII, 572; Od.XIV, 33 avec ἔπομαι, et, avec διώκω, ILXXII 8, 173, 230. 26. IL. XXIII, 756 «vaincre à la course» (cf. ποσὶ ϑέομεν Od.VIIl. 247); Od.XVIII, 241
οὐδ᾽ ὀρθὸς στῆναι δύναται ποσὶ οὐδὲ νέεσθαι «se tenir droit sur ses pieds (jambes) », H. Aphr. V. 125 «toucherla terre de ses pieds» οὐδὲ ποσὶ ψαόειν ἐδόκουν ψυσιζόον αἴης.
256
LES 27. Chantaine,
Dict.
VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
Etym., s.v. ME.
28. IL.V, 223 = VIN,
107.
29. Première partic, chap. I. 2.3.2.1, p. 38. 30. Ct. Schwyzer-Debrunner. 74-77, Kühner-Gerth, 303-308, La Roche, Der Akk., 63, M. Treu, Von Homer zur Lyrik, 71-78. 31. Dem.
19, 314 εἰ 45. 63.
32. Chez Homère comme en ionien-attique, ἐν s'oppose nettement par sa construction au datif-locatif à elc. ἐςῷ accusatif de direction. 33. Dict. Etym.. s.v. ἕν, «Le rôle et la valeur de ἐν dans la composition», RPh., 16, 1942, 115-125. En méme temps Qu'il remarque que to6aívo, récent, a dû se substituer au plus ancien ἐμδαίνω, Chantraine (op. cit., 125) note que le composé
ancien s'est maintenu
en grec moderne
: μπαίνω
(sans citer l'antonyme
βγαίνω ni l'anomalie
phonétique).
34. Ce couple de verbes antonymes semble faire exception dans la phonologie du grec moderne par des phomènes que l'on ne rencontre guère ailleurs à l'initiale de mot que dans des mots d'emprunt (phonèmes représentés dans ia graphie par des groupes consonantiques, μπ- et By. cf. μπᾶρ « bar »). Il sembie difficile d'expliquer cette anomalie autrement que par ia
istance des deux composés anciens dans la langue actuelle, persistance favorisée par leur rôle d'antonymes sémantiques usucis. 35. Remarque
orale,
1977.
36. Polybe, 4, 20. 12 etc. cf. ἐμδατήριος
παιάν chez Plutarque,
Lyc.,
22.
37. Suivant la terminologie de J. Brunel, cf. notre conclusion au chap. | de la première partie, 4, pp. 54 à 58, et la conclusion
ΔΆ.
d'ensemble,
HI, 437
pp. 212-223.
= Od.XV,
499 ἐκ δὲ καὶ αὐτοὶ βαῖνον ἐπὶ ῥηγμῖνι θαλάσσης.
Od. TII, 12 etc.
39. E.g. Dem.. 19, 290 εἴδ᾽ ὑπὲρ ovyyevu καὶ ἀναγκαίων ἀνδρώπων, οὐκ ἀναδαίνεις, ὑπὲρ Αἰσχίνου δ᾽ ἀναδήσει. 22. 38 ίσως ἀναδήσεται καὶ συνερεῖ τῇ βουλῇ Φίλιππος, etc. 40. Cf. Dem.. 41. Dém..
19, 32; 23, 215, 58, 27 etc.
19, 310.
42. Cf. Schwyzer-Debrunner.
469-471, en perticulier pour βαίνω. 470.
43. Schwyzer-Debrunner. 466-468, J. Gonda «Gr. ἐπί + dative», Mnemosyne, 10, 1957, 44. Voir sur ce terme le chapitre I de 1a première partie, 3.1. p. 44 avec la note 47. 45. ILXII, εὖ διαδάς. 'AM τις στηριχϑεὶς
1-7.
458 om δὲ μάλ᾽ ἐγγὺς ἰών, xai ἐρεισάμενος βάλε μέσσας ἵνα un οἱ ἀφαυρότερον βέλος εἴη. cf. Tyrtée, 7, 31 = 8, 21 εὖ διαδὰς μενέτω ποσὶν ἀμφοτέροισιν ἐπὶ γῆς. cf. aussi un emploi analogue de διαδάς sans εὖ, Tyrtéc, 9, 16 = Théognis. I, 1006, et Ar., Gu. 688.
Voir aussi le participe parfait, sans εὖ ni δια- chez Archiloque, avec εὖ chez Hérodote, ci-dessous, 2.2, p. 133. 46. Pour unc autre opposition, moins évidente au premier abord, entre διαδαίνω et διέρχομαι, tous deux au sens de «traverser»,
mais
dans
des emplois
différents,
cf. 4., p. 139.
47. Le compas se tient debout "jambes" écartées, l'une au centre du cercle, l'autre au bout du rayon. P. Chantraine (Dict. Etym., s.v. Baivo) signale avec un point d'interrogation l'explication analogue du nom de la maladie : « "diabete insipide" parce que dans cette maladie on tient ies jambes écartées» (explication pourtan approuvée par les médecins). 48. ILXI. 513. 49. E.g Od.
... σὼν ὀχέων
ἐπιδήσεο.
πὰρ δὲ Μαχάων / βαινέτω. cf. ib., 518, 522; XIII, 708.
ΧΙ. 62 (présent), V. 429 (soriste).
50. Hés. Trav. 226. Esch., Ag., 789, Eum., 768 , Suppl., 1048 etc., prose attique et inscriptions (e.g. /G, 0,25. 42, décret attique sur les Colophoniens datant du milieu du v* siècle). 51. E.g. Théognis, I, 1015; Pind. [sthm., IX, 6. En prose, Hérodote emploie les deux composés, Thucydide et Démosthénc. comme Aristophane, n'ont que celui en παρα- dans cet emploi : ὑπερδαίνω est donc bien “poétique”. 52. Sur ce sens. cf. déjà Schmidt. Synonymik,
482.
53. Cf tous ces termes dans Chantraine, Dict. Etym, s.v. βαίνω. Βέδηλος a unc entrée spéciale, mais Chantraine admet qu'il s'explique probablement par le sens “foulé” : il nc faut pas pénétrer dans les licux sacrés (d'ou le sens de ἄδατον dans le terminologie). 54. Cf les exemples cités ci-dessus, n. 45, et le proverbe attesté par Esch. Ag., 36 ... βοὺς ἐπὶ γλώσσῃ μέγας βέδηκε. «un bœuf sc tient sur ma langue ». 55.
}
Wackernagel
(Untersuchungen,
113,
n. 1) explique
βέδαιος
comme
un
représentant
de
l'ancien
participe
βεδαώς. Malgré le scepticisme avoué de P. Chantraine envers cette explication (Dict. Erym., s.v. βέδαιος). nous la trouvons très séduisante : développement sémantique d'un participe parfait de "g”eHr «faire un pas» : «être installé ». d'ou comme adjectif « ferme, solide ». 56
Cf.
57.
Καταιδάσιος (dieu de la mort, de la descente aux enfers), Ἐπιδατήριος ct Ἐμδάσιος (dicu des embarquements).
P. Chantraine,
᾿Αποδατήριος. 58.
Ἐκδάσιος
Parfait.
(dicu des débarquements)
Pour le sens de ἀμφιδαίνω,
etc, cf.
Pauly-Wissowa,
Realencycl.,
s.v.
Apollon.
le mycénien apiqoto n'apporte nen d'essenuel. cf. L. Baumbach,
MGV.
Glona,
49.
1971, 151-190. s.v βαίνω : L'adjectif est toujours employé dans un contexte analogue de description de mobilier (épithète
DEUXIÈME
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
I
257
de topeza «table » ou de ekara «foyer ») : méme si c'est bien l'équivalent de "ἀμφίδατος, il a probablement ici un sens technique particulier (« adjectif indiquant la forme ou la facon » selon M. Lejeune, MPM., 1. Paris. 1958, 182). L'hypothèse la plus cohérente avec le sens qui pourrait selon nous rendre compte de tous les emplois de βαίνω serait «qui a les pieds écartés»
(tabie,
trépied,
brasero
transportable...)
mais
elie reste
indémontrable.
59. Sur la station debout auprès de quelqu'un comme attitude protectrice chez Homère, cf. G .Kurz. Darstellungsformen menschlicher Bewegung in der Ilias. Mainz 1964, 65 (il s'agit bien de se tenir debout auprès de quelqu'un, non de faire le tour de; les emplois de στὴ et de ἑστήκει dans le contexte de βεδήκει sont cités). 60. Cf. peut-être le parallèle sanskrit de upaguh angaih «embrasser, mettre ses bras autour de » (voir la formation du verbe français) dans le MBh (Haudry, Emploi des cas, 277), et avestique parigam- «entourer, servir un dieu » (ib., 295). 61. Cf. C.J. Ruijgh, Autour de ve épique, 463-464, & 374. 62. Après Homère, προδαίνω, particulièrement au parfait, a un nouvel emploi métaphorique tout aussi original, cf. Dem. 12, 16 el; τοῦτο δὲ προδέδήκαμεν ἔχθρας ὥστε... id., 47. 28 εἰς τοσοῦτο δικῶν xal πραγμάτων προδέδηκεν (voir des exemples analogues avec les verbes du groupe de ἴχω, ci-dessous, pp. 206-207). 63. E.B., «Noms d'animaux en indo-curopéen », BSL 45, 1949, 74-103 = Vocabulaire, 1. chapitre 3, « probaton et l'économie homérique», 37-45 : le sens de «bétail, mouton» provient du sens «(biens) meubles». développement parallèle dans "peku- «richesse mobilière personnelle » (sens attesté par lat. pecunia), d'où « bétail, mouton», op. cit., 47-61.
64. Le sens d'origine de la formation serait d'indiquer le développement progressif du procès, ce qui expliquerait la valeur inchoative la plus fréquente en latin et les emplois factititifs (X. Mignot, Les verbes dénominatifs latins. Paris. 1969, 213-218).
65. Voir P. Chantraine, 66. Schwyzer-Debrunner,
Dict. Etym.
pour le sens et l'emploi respectifs de chacun de ces termes.
74-78, Kühner-Gerth,
303-311. Leumann-Hofman-Szantyr,
38-40.
67. IL.X, 275; Od.IV, 47 etc. (sur ces formules, voir J. Bechert, Die Diathesen von ἰδεῖν und ὁρᾶν bei Homer. München, 1964. passim). 68. Première partie, chap. II, 1.5, p. 70. 69. Etymologiquement “séparer”, cf. la locution figée avoir maille à partir. Dans les emplois vivants, le verbe a une valeur déictique (centrifuge) dans la mesure où le plus souvent en partant on se sépare du lieu de référence et personnages qui y sont présents. Le verbe ne reste neutre par rapport à l'orientation déictique que quand le départ d'un qui n'est pas le lieu de référence de l'énonciation est précisé explicitement (e.g. dans les horaires de chemin de fer : train X part de Paris à telle heure). 70. Sur le sens "partit" de βαίνω, ἔδην. voir déjà Schmidt, Synonymik, 71. Dl faut de deux autres peut seulement au moins avec
pris des lieu «Le
478, 493.
accueillir ces résultats avec d'autant plus de prudence qu'une recherche analogue sur les emplois respectifs formes concurrentes. l'une archaïque (E6av), l'autre récente (ἔδησαν) ne montre pas une telle évolution ; on constater que ἔδαν est seul employé dans le syntagme idiomatique βὰν ἱέναι : la forme archaïque coincide un emploi appartenant au plus vieux fonds de l'épopée.
72. Sur la représentation du système linguistique des verbes de mouvement en grec comme un système « solaire », voir notre conclusion, pp. 231-234. 73. Voir « Ce qui n'a plus de nom... », art. cit. Chez Homère, la situation est comparable à celle de οἴχεται : le verbe s'applique en fait à un départ vers l'Hadès, mais le complément est toujours précisé, ce qui semble indiquer qu'il n'existe pas encore de «métaphore euphémique». 74. Les témoignages archéologiques montrent deux formes de baignoires à l'époque mycénienne, cf. R. Ginouvès, Bolaneutikè. Recherches sur le bain dans l'antiquité grecque. Paris, 1962, 29-47, pl. II et III. 75. On sait l'importance des « rites de passage » dans les sociétés primitives : les passages d'un licu ou d'un domaine dans un autre sont des moments dangereux. Le seuil des maisons, des temples, etc. est un lieu particulièrement important, à franchir avec précaution (M. Eliade, Le sacré et le profane.! Paris, 1965, 24-25). 76. Ct. Od.V, 56 (Hermes va sur la mer comme un goéland) ἔνϑ᾽ἐκ πόντου βὰς ἰοειδέος ἤπειρονδε,, fiev, ib. 399 (le plus souvent, il s'agit des mésaventures d'Ulysse qui essaie de « prendre pied» pendant les tempêtes) νῆχε δ᾽ ἐπειγόμενος ποσὶ ἠπείρου ἐπιδῆναι, « il nagcait en s'efforcant de toucher la terre ferme de ses pieds » (cf. ib. 415; VII, 278 ; ib. 285). 71. Cf. Il. VI, 392-3 εὖτε πύλας ἵκανε διερχόμενος μέγα ἄστυ Exavác, τῇ Go ἔμελλε διεξίμεναι xeblovbe, ITI, 198 etc. Avec sujet inanimé : //. XX, 263 (une arme à travers un corps humain, qui ne semble pas constituer un obstacle à franchir au méme titre qu'un rebord de baignoire ou un seuil de maison pour les hommes). 78. Sur ces métaphores du texte, voir F. Létoublon, «Le miroir et la boucle», Poétique, 53, 1983, 19-36, et «Les verbes de mouvement en grec; de la métaphore à l'auxiliarité?», Glotta, 60, 1982, 178-196. 79. En tout cas, quand il reprend la parole au vers 87, Ulysse semble ignorer totalement cet épisode. 80. P. Chantraine, μετατρέπω
Dict.Etym.,
s.v.
μετά : «souvent
avec
la notion
de changement,
μεταδαίνω,
μεταδάλλω,
etc. ».
81. Cf. ILV, 152 βὴ δὲ μετὰ Zévôov τε Θόωνά tt que l'on comparera par exemple ἃ IL. VI, 280 ἐγὼ δὲ Πάριν μετελεύσομαι
etc.
&2. Dans le corpus de Démosthéne, βαδίζω n'est jamais composé, et n'est pas attesté au parfait. 1} a les emplois concrets (déplacement réel) et correspond sux emplois homériques de βαίνω. 83. Le sens premier est « joindre les pieds», comme antonyme de διαδαίνω (cf. Xen. Eq.I, 14). L'emploi le plus
258
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
fréquent est métaphorique, « s'accorder », avec le datif de La personne avec qui os est d'accord, et l'infinitif (avec ou sans ὥστε), cf. The. I, 117 Ξυνέδησαν δὲ καὶ Βυζάντιοι ὥσπερ καὶ πρότερον ὁπήριοοι εἶναι. Hérodote emploie le factitif σννεδίδασα. Thucydide le passif. 84. Le sens propre se rencontre dès l'/liade (e.g.
V. 620). Sur l'emploi métaphorique du factitif chez Platon , cf.
ci-demus, 1.1, p. 126. 85. Nous ne savons pas si l'orientation déictique pouvait avoir une expression verbale en sanskrit. I] est probable qu'elle pouvait su moins être exprimée par les adverbes et préverbes. Pour la racine gem-, les dictionnaires donnent «to go,
to come».
ἢ est vrai que L.5./ ea disent autant de ἔρχομαι, εἶμι, ἦλθον.
86. Dictionnaire étymologique, s.v. wenió. 87. Toutes les formations de présent attestées avec correspondance dans deux langues i.c. au moins sont secondaires : skr. gäcchati et gr. βάσκω, jigéti et βιδάς, gr. Balve et lat. unió. A moins que got. qiman ne remonte aussi à un présent radical thématique i.c., skr. gimasi cst isolé, ot doit s'expliquer par une réfection analogique. Les présents dérivés peuvent-ils alors s'expliquer tous comme d'anciens itératifs, par la même filiation d'un thérae d'aoriste momentané « faire
un pas», d'où au présent itératif «faire des pes, marcher», que gr. Balve à partir de ἔδην 7
DEUXIÈME
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
DEUXIÈME PARTIE NOTES DU CHAPITRE
II
259
II
1. Cf. Introduction, 4. p. 19 à 23. 2. La situation change radicalement après Homère : dans la prose de l'époque classique, le verbe simple tend à disparaître au profit des composés; même La présence d'un préverbe ne suffit pas (ou plus) à rendre l'accusatif direct acceptable : dans tous les emplois de nos auteurs-témoins, la préposition semble étre devenue « obligatoire » en prose, dans tous les emplois.
3. Cf. ci-dessous, 1.4, pp. 150-151. 4. De méme que pour βαίνω, le complément prépositionnel à l'accusatif, l'emportant sur l'emploi spécifique avec le dstif-locatif, entraine un nivellement des oppositions sémantiques : cf. la « force d'attraction » exercée par le paradigme supplétif sur ses verbes-satellites, pp. 231-234. 5. CI. ci-dessous, 2.2.1 pp. 159-160. 6. Sur la prudence avec laquelle i! faut prendre ce type de catégories, cf. Introduction, 1.3, pp. 11-12, chapitre I de la première partie, 2.2. pp. 32-33. 7. Cf. Schwyzer-Debrunner,
81.
8. Le double accusatif du tout et de la partie. Thèse de doctorat de troisième cycle soutenue à Lyon II en 1975, id. «La notion de possession inaliénable et les langues classiques», L'information grammaticele, 10, 1981, 12-16. 9. Sur cette relation entre la linguistique générale et la notion anthropologique de sphère personnelle, cf. C. Bally. «L'expression des idées de sphère personnelle ct de solidarité dans les langues i.e. », Festschrift Louis Cauchat, Aarau, 1926, 67-78, H. Frei, «Sylvie est jolie des yeux», Mélanges Charles Bally, Genève, 1949, 185-192. 10. Cf. e.g. pour le sens « concret » Hérodote I. 60, 27 φάτις ἀπέκχετο (littéralement « une rumeur arriva... »), 1,75, 5; TI, 52, 7 ; III, 9, 12 ; IV, 139, 4 ; The. IL, 48, 2 (τὸ κακόν : la peste) ; Dem. 21, 54 (les oracies) ; locution idiomatique pour le temps qui vient : The. III, 72, 2 ἀφικομένης νυκτός εἰς. 11. Tous les verbes qui répondent à la définition sémantique de l'inuoduction, 3.1, p. 14. 12. E. Fraenkel, « Zu griech. ἀφικνεῖσθαι "ankommen", Glota, 35, 1956, 88-91, explique la valeurde áxo- et de bx-, à partir de parallèles slaves, par l'effacement des valeurs d'orientation dans l'espace au profit de la mention du but atteint. 13. Après Homère, on peut citer une locution rencontrée quatre fois chez Hérodote, I, 171, 7 ὅσον καὶ ἐγὼ ὄννατός εἰμι «ἐπὶ; μακρότατον ἐξικέσϑαι ἀκοῇ cf. LL, 34, 6 ; IV, 16, 9; 192, 19. Elle semble avoir fait partie de la langue courante, et le sens terminatif de ἐξ. y est frappant. 14. Cf. Soph. O.R., 809 (L.5.J «came down upon my head»). Plat. Ax. 369 e semble être un souvenir homérique : toic δυναμένοις καϑιχέσδαι τῆς ψυχῆς «tout ce qui est capable de toucher l'âme ». Plus original est l'emploi de ce composé pour désigner «ce qui échoit (vient en descendant) par héritage», IG, IX, 1. 334-30 τὸ καϑικόμενον. 15. Sur l'expression de l'ordre de procès par les préverbes, voir première partie, chap. I, 4, pp. 54-58 ; conclusion, pp. 226-228, etJ. Brunel, Aspect et ordre de procès, 67 : «... ἢ se produit méme parfois comme un renversement de la valeur du préverbe : ó&puxvoluai, ἀπαντῶ etc. suggèrent non je point de départ, mais l'aboutissement. Certaines notions senties en principe comme résultatives tendent à s'exprimer régulièrement par le composé : type ἀπαντῶ “rencontrer”, ἀφικνοῦμαι “arriver”, καϑίζομαι "s'asscoir^, ἐπαινῶ “louer”, ἀποϑνήσκω "mourir", ἀποκτείνω "tuer". » 16. Nous n'avons pas relevé d'exemples de (»- avec un génitif partitif. Mais on peut interpréter l'existence d'un syntagme bomérique λίσσομαι γούνων comme la trace de ia construction de ce verbe avec un génitif partitif dans je sens “toucher”, voir F. Létoublon, « Le vocabulaire de Is supplication en grec : performatif et dérivation délocutive », Lingua, 52, 1980, partic. sur ce point 334.
17. Dans ls «synchronie homérique » du moins. 18. Au contraire, l'hypothèse de [a notion de contact avec l'objet expliquerait ia cohérence de ces emplois ; il faudrait alors conclure qu'il existe bien une «langue d'Homère». 19. fkese est attesté en mycénien, ΚΝ B 799, (cf. Docs., 419) et peut-être posiketere Py An 610 (Docs., 406 «suppliants, refugees ? » ; discussion de cette interprétation per M. Lejeune, « Essais de philologie mycénienne », RPh. 34, 1960, 21. Sur ἵκτωρ et ἱκτήρ en grec alphabétique, cf. Benveniste, Noms d'agent, 46.
20. P. Chantraine, Dict. Etym., s.v. ἴκω. 21. CI. R. Anttila, « The pitfalis of enénké », Die Sprache, 18, 1972, 34-43. Pour le rapport sémantique entre les notions de « porter » et de « destin, nécessité », cf. le parallele de *bher- : φέρων. skr. bhrii- : lat. fors (références dens l'art. cité, en particulier à P. Thieme, « Νέχταρ»). 22. IEW,
893 «ἰχανός "hinreichend, genügend" ». Ci. C.D. Buck, Synonyms, 927, s.v. enough.
23. Cf. « Don et échange dans le vocabulaire indo-européen », L'année sociologique, 3° série,t. 11, 1951, 7-20 = PLG, 1966, 315-326, et le chapitre 5 « Don et échange » et 6 « Donner, prendre et recevoir » du Vocabulaire des institutions, 1
(65-86).
260
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
24. La locution est figée déjà dans le premuer exemple (Archil. Fr. 194), si bien qu'ilest impossible d'en voir l'origine, et de comprendre ie sens premier du préverbe xata- dans ce surcomposé de προῖκ-. Syntaxiquement, la construction se rapproche de nombreuses locutions idiomatiques avec le participe au nominatif (εὐτυχεῖν, εὖ ποιεῖν, λανθάνω etc.), cf. Kühner-Gerth, II, 57-58, Schwyzer-Debrunner, 392-393, Stahl, Symtax, 699, 3.
25. "Ixutvov οὖρον le... A. 1, 479, Od. II, 420 = XV, 292; XI, 7 = XII, 149. 26. Ci-dessus. 1.3.2.p. 149. Cf. la qualificationde Zeus Ourios et, pour l'importance des vents dans la culture grecque, l'histoire d'Iphigénie. Le rapprochement sémantique entre «porter» et «toucher» autoriserait le rapprochement étymologique de Ix- avec ἤνεικα, aoriste supplétif dialectal de φέρω (cf. Chantraine, Dict. Etym., s.v. ἐνεῖκαι). 27. Ernout-Meillet, Dictionnaire étymologique.
s.v. secundus.
28. Od. XII, 73 (description des Planktes) οἱ δὲ δύω σκόπελοι ὁ μὲν οὐρανὸν εὐρὺν ἱκάνει, ὀξοίῃ κορυφῇ... litt. « des deux rochers, l'un touche le ciel immense de sa cime δἰκυᾶ...». 29. Cf. une évolution sémantique analogue, par intégration des connotations dans le sémantisme (dans les traits sémantiques pertinents) d'un verbe. dans le cas de ἕρπω, ci-dessus, première partie, chapitre III, 110 à 113. 30. Cf. P. Chantraine, Dict. Etymn., s.v. ἵκω et Pokomy, 893. Le verbe lituanien signifie « atteindre avec la main, toucher». ct est apparenté au verbe seikid qui signifie « mesurer ». 31. On XIII, 325) ; Les éditeurs XXIV. 339,
trouve dans les manuscrits de l'lliade et de l'Odyssée 4 exemples de fj (HI. V, 478, XVII, 406, Od. XV. 329, dans tous les cas. la forme peut s'être substituée dans une copie atticisante à la forme correspondante de Duo. « rétablissent » d'ailleurs Ixw le plus souvent. Pour ἱκνοῦμαι. les deux occurrences homériques, Od. IX, 128 et ne peuvent pas recouvrir ainsi une forme ancienne : il doit s'agir de passages plus récents (interpolés 7).
32. Sur certains points précis, les faits linguistiques apportent des données irremplacables, cf. sur le temps. première partie, chapitre I, 2.2.3, pp. 34-36, sur la mort et l'au-delà, première partie, chapitre IL, 4.3.5.3, pp. 101-102. Mais la plupart du temps, ces représentations restent opaques. 33. Sur le double accusatif du tout et de ia partie avec Ix-, cf. ci-dessus,
1.1.2, pp. 146-147.
34. Ou pour un ancien parfait d'état, cf. ci-dessous, p. 157 avec la a. 40. 35. Mais non si l'on pense au sens étymologique de χόλος. «bile » « jaune», cf. skr. hari- = av. zairi «fauve», vha. gelo, lit. zelvas = jaune vert». cf. P. Chantraine. Dict. Etym., s.v. ; voir aussi, pour l'opposition entre χόλος. terme laic, et μῆνις, terme sacralisé et chargé de tabou, C. Watkins, « A propos de μῆνις». BSL, 72, 1977, 187-209. 36. Le texte est suspect : Allen (ed. major, 37. On
1931) et Allen-Monro choisissent la leçon ὀπάζει.
pourrait aussi penser à une valeur inchoative du dérivé, qui ferait de cette locution un équivalent des
formations en *sk- (sur lat. senescó et gr. γηράσχω, voir X. Mignot, Les verbes dénominatifs latins. Paris. 1969, 213-218).
38. A propos 1. Vendryes, « Sur = Choix, 138-147, l'aspect ponctuel
de la formation en -ἄνω (qui tend à se confondre, au moins pour la valeur, avec -ávo«-ávf o). la valeur des présents grecs en -&vo, ᾿Αντίδωρον. Festschrift J. Wackernagel, Göttingen. 1924, 165-273 emploie à plusieurs reprises le terme de « présent ponctuel» qui nous semble prêter à confusion avec de l'aoriste.
39. Cf. troisième partie, chap. III, pp. 212-216, et conclusion, pp. 229-232. 40. J. Wackernagel,
« Griechische Miszellen».
Glona,
14. 1925, 56-61 et P. Chantraine, Parfait, 44.
41. Voir des réserves sur cette expression à propos de οἴχομαι, ci-dessus, première partie, chap. II, 4.3.6, p. 103. Mais l'affinité de ἤκω avec le parfait était si évidente que le verbe a pris à l'époque hellénistique une flexion de parfait, fixa (cf. Chantraine. Dict. Etym., s.v.). 42. Comme
φϑάνω,
κιχάνω : ce sont d'anciens présents athématiques en -vuju thématisés (Schwyzer, 698).
43. Ce rôle des préverbes est plus systématisé en attique que dans la langue archaïque. cf. J. Brunel, L'aspect verbal, passim. On a remarqué depuis longtemps (A. Thumb, « Zur Aktionsart der mit Präpositionen zusammengesetzten Verba im Griechischen», IF, 27, 1910, 195-199) que les verbes oat tendance à être composés à l'aoriste plutôt qu'au présent ; l'opposition du dérivé, susceptible de composition, avec Du» qui ne l'est pas, reste néanmoins frappante. 44.
Voir
les travaux
de O. Ducrot
cités dans
«Le
vocabulaire
de la supplication
en grec».
art.
cité.
45. Outre de nombreux exemples où ce sens est probable, on peut citer Euripide, Suppl. 130 où la syntaxe, avec une complétive à l'infinitif, atteste la valeur d'un verbe de parole, Πάντες o'Uxvobvtai Δαναῖδαι ϑάψαι νεχρούς, littéralement «Toutes les Danaïdes te supptient d'ensevelir les morts». 46. Littéralement : «touchant tes genoux, nous sommes venus, pour le cas où tu pourrais foumir...», cf. une subordonnée avec εἰ après le verbe «aller», 1.1, 420, XVIII. 144 (Schwyzer-Debrunner, 630-631). Il peut s'agir d'une amorce de développement sémantique vers un verbe de parole (cf. n. 45). 47. Il existe un parallèle sanskrit à cc type d'expression, jarandm af- « atteindre la vieillesse » (cf. Haudry, Emploi des cas,
293).
48. Dans certains exemples, on peut hésiter entre les deux analyses (sujet anirné + complément » âge / sujet = âge + complément animé), e.g. Od. XI. 196 : ἔνϑ' ὃ γε κείτ᾽ ἀχέων [sci Λαέρτης). μέγα δὲ φρεσὶ πένδος ἀέξει σὸν νόστον ποϑέων᾽ χαλεπὸν δ᾽ ἐπὶ γῆρας ἱκάνει. 49. Leaf (note ad. loc.) a bien remarqué que le seul autre exemple homérique du composé en xata- est justement du type sujet : nom de sentiment + complément animé, Od.1, 342... ἐπεί ue μάλιστα καϑίκετο πένδος ἄλαστον (ci-dessus,
1.2. p. 148). 50.
Ct.
ci-dessus.
2.1 2., avec
[a note
43
DEUXIÈME
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
II
261
. Voir les renvois pour μετάδηϑι, ci-dessus, deuxième partie. chap. I. pp. 139-140. . Pour MIX. 414 le probléme de texte ne présentant aucune solution entièrement satisfaisante, on s'en tiendra Allen
et Mazon-Chantraine
à la leçon
ἵχωμι,
donnant
un
hapax
homérique
avec
un
{ anomal.
. H. MI. 223; 230. 278. . «Thematic s-aorists in Homer». . Suivant Wackernagel,
HSCI.Ph.,
77, 1973, 181-186.
Vermischte Beiträge, 47.
. Voir ci-dessus, 2.1.2, pp. 152-157. avec la note 38. 57. Sur les comparaisons. voir les réf. du chapitre II de la première partie. 3.1.3. pp. 82-83 ; sur celle-ci, cf. en partic. Scott, Homeric Simile. op. cit., 214. 58. Voir Ruijgh.
Te épique, 627, $ 512. et 632, $ 516.
59. Sur la pertinence de la notion de durée pour le terme-récl, non pour le terme-image. voir l'article « Aoristes et imparfaits...», à paralıre, Erudes, homériques |. 60. Voir ci-dessous, troisième partie. chap. II, pp. 209-210.
262
LES
VERBES
DE MOUVEMENT EN GREC
DEUXIÈME PARTIE NOTES DU CHAPITRE III
1. Cf. Ruijgh. Etudes du groc mycénien, 365-6 : on pourrait rapprocher myc. kekemena (terre) « laissée incuhe » de χήρα «veuve», nıydve «lninser (derrière soi)» d'où «atisindre», et χῶρος «espace libre». 2. Voir Kiuge,
Erymologisches
Wörsrbuch
der deuschen Sprache, s.v.
3. Dans les deux exemples, le detif renvoie à un ennemi à qui l'on cède le terrain dans le combat, devant qui l'on recule (voir Schwyzer-Debrunner, 141 : catégorie lexicale du datif de participation avec un verbe de sene « céder », all. weichen, comme eus). 4. Le contexte du vers 16 serait en faveur d'une interprétation animiste à cause de l'emploi d'un verbe « regarder », καταδέρκεται, littéralement « et jamais le brillant soleil ne les ( les Cimmériens) regarde de ses rayons » ; on rapprochers cette expression de l'Œil du Soleil qui voit tout dans les Hymnes védiques. et sert d'espion à Mitra et Varuna. Maisil n'existe aucun moyen de savoir si l'expression homérique atteste une représentation animiste ou n'en est qu'un réside figé dans une « métaphore» poétique : en français, nous parlons toujours du lever et du coucher du soleil sans que ces expressions attestent une conception animiste. 5. On ne s'imagine naturellement pes les combettants de l'Jliade marchent ca rangs comme nos soldats dans les défilés tnilitaires. Mais le port des armes et les nécessités de leur usage devaient imposer un minimum d'alignement et d'ordre. 6. Cf. eg. ILIV. 221 τόφρα δ᾽ ἐπὶ Τρώων στίχες ἤλυθον ἀσκπιστάων. ib., 231 αὐτὰρ ὁ πεζὸς ἐὼν ἐπεπωλεῖτο στίχας ἀνδρῶν εἰς. 7. Cf. Hés.. Théog. 690 (évocation de la guerre entre Dieux et Titans) ; Pind., Ném. IX. 20. Soph.. Fr.461. 3; Eur.. Phénic. 1114, Héraci. 933. Rhés. 277 etc. Cf. aussi des traces de cet emploi, par ex. dans des métaphores : Phoc. II, 2; Pind., Ném.I, 25, ib., 65 (route morale sur laquelle il faut «marcher droit»). B. Hdt, X, 11, 14 (le sujet de στείχοντας est Pausanias et ses troupes. envoyés au secours des Athéniens) et IX, 61, 3. Dans une autre occurrence. III, 76, 4, il ne s'agit pas d'une armée en ordre de marche ou de bataille, mais d'une troupe d'hommes armés, les sept Perses unis dans la conspiration contre les Mages. 9. On pensera au double-sens du mot français défilé, Roncevsux) et marche en cortège. à la file ou en rangs.
«pessage étroit
entre des
montagnes»
(Thermopyles,
10. Le neutralisation sémantique du verbe en composition, attestée dans l'état homérique de la langue, τε retrouve ensuite : Pind. Isthm. VI, 21 ἐπιστείχοντα = ἐπιόντα. et Isthm. ΠῚ, 17, emploi métaphorique de πλούτου διέστειχον (= διῇσαν, littéralement « traverser la richesse »?) ; Esch., Suppl. 769 ἐς νύκτ᾽ ἀποστείχοντος flou (= ἀπιόντος. peut-être souvenir
de
Od. XJ.
17, ci-dessus);
Choéph. 568 δόμοις
11. Cf. P. Chantraine. Morphologie, 12. P. Chantraine. Dict.
παραστείχοντα
(=
παριόντα)
etc.
171. Schwyzer. 643. 685.
Etym., s.v., Pokorny,
1017-1018.
13. Hypothèse suggérée per M.J. Irigoin (remarque orale). 14. Avec φημι : nombreux exemples ou variantes de l'expression τὸν δ᾽ οὐκέτι φασὶ νέεσθαι (ἡ XIV, 221 ; XX, 212: Od.11. 238 ; X], 176 ; XXIV. 460) ; avec ὀΐω. /!. XIE. 73 et Od. XVIII. 260 ; on ajoutera, avec un verbe de crainte. Od.Il, 52.
15. Voir sur εἶμι. première partie, chap. Il, 2.4. pp. 79-80. 16. Les faits ne sont pas parallèles sur ce point pour εἶμι et νέομαι : à la « non-personne ». on a constaté pour εἶσι une opposition entre les formules figées de l'épopée et la « langue vivante » de l'époque. dans laquelle il était devenu un futur neutre : νέομαι dopne l'impression d'être moins avancé dans l'évolution ; un seul exemple atteste la valeur de futur neutre,
à is deuxième personne, Οὐ ΧΙ, 114 = XII, 141 (cf. p. 172).
17. Cf. P. Chantraine. Gr. Hom., 171-172, 313 et 440; Dict. Etym., s.v. νέομαι. M. Lejeune, Phonétique, 208, $ 212. a l'air favorable au désidératil plutôt qu'au présent à redoublement. 18. Chantraine,
Formation des noms,
300.
19. Sur cette définition du supplétisme. qui aménerait à admettre comme supplétif en francais tre, suis/es, en latin sumles, aussi bien que aller, feró/tult, voir Introduction, p. 9. 20. Thesmoph. 796 (le chœur fait l'éloge des femmes et les défend) xác τις τὸ xaxóv τοῦτο ζητεῖ περὶ τὰς κλίνας περινοστῶν = περιιών «faire le tour de». cf. Van Daele : « pourquoi mettez-vous ainsi tant d'empressement à vouloir garder le fléau ?... Si nous nous endormons chez d’autres. fatiguées de nous amuser. chacun se met à chercher ce fléau et rôde autour des lits». Paix, 762, l'emploi de παλαίστρας περινοστεῖν « courir les palestres » (Van Daele) paraît comparable & l'emploi français. dans un registre familier analogue. de faire le tour des bistros. 21. Ach. 29 ἐγὼ δ᾽ ἀεὶ πρώτιστος εἰς ἐκκλησίαν νοστὼν κάϑημαι semble en évoque ses arrivées devant la Pnyx vide, cf. la traduction de Van Daeie. « Moi, l'Assemblée. je m'assieds...». Mais quand on connaît la maladie du personnage, on l'Ecciésia étant la patrie où il brûle de retourner comme Ulysse désire le Nostos : « m'asscoir à l'Assemblée».
faveur d'un sens neutre : Dicéopolis toujours le tout premier, j'arrive à ne peut exclure le sens « retourner», moi, toujours le premier, je retourne
DEUXIÈME
PARTIE : NOTES
DU CHAPITRE
Ill
263
22. Position de P. Chantraine d'après le Dictionnaire étymologique : la cohérence des emplois verbaux de νεσ- en grec, du substantif νόστος et des parailèles indiens et germaniques pourrait être confirmée par l'onomastique. s'il faut interpréter Νέστωρ comme un nom d'agent, « sauveur», et Νεέλαος, att. Νείλεως, comme un composé en -kaFos (cf. Μέντωρ et Μενέλαος) comme y invitent L.R. Palmer, Eranos,
54, 1956, 8, n. 4. et H. Mühlestein,
« Namen
von Neleiden auf den
Pylostäfeichen », Mus. Helv., 22, 1965, 155-165. 23. Voir C.J. Ruijgh, Etudes, 369-372. et P. Frei, « Zur Etymologie von griech. νοῦς », Lemmata. W. Ehlers, München, 1968. Frei ne semble pas connaître l'hypothèse de Ruijgh. mais montre que le sens peut rendre compte d'une partie des emplois homériques de νόος au moins, εἴ justifier ainsi étymologique avec νέομαι. 24. Νόστος. Dissertarione, Estratto dal fasc. 1 della Rivista de Filolologia ed Istruzione Classica,
Donum natalicium de « plan de salut » le rapprochement Luglio. 1873, 1-15.
264
LES
VERBES
DE MOUVEMENT EN GREC
TROISIÈME
PARTIE
NOTES DU CHAPITRE 1 il. Argement morphologique déjà suggéré par Wackernagel, scion lequel la disthèse moyenne de ὄδραμοῦμαι (et de
Φοέξομοι) est ompremée à ϑεύσομαι, Vorlesungen, I, 134. L'ancienneté de ϑεύσομαι est garantie par le traitement phosétique de t/ tv devant consonne (Lejeune, Phonésique, $ 198, p. 195). 2. Le futur moyen est normalement formé sur le radical d'aoriste actif, cf. ci-dessus βήσομαι : ἔδην, ἐλεύσομαι : ἤλυθον, μολοῦμαι : ἔμολον. La formation sur thème de présent est peut-être normale en grec pour des racines de sens duratif de type consonne + e + W : ϑέω ϑεύσομαι est parallèle à πλέω-πλεύσομαι (plus tard πλευσοῦμαι ; ἔχλλενσα est secondaire) εἰ νέω-νεύσομαι, cf. Chantraine, Dict. Etym., s.v. πλέω tx vio. 3. Le perticipe ἐπιϑρόξαντος suppose l'existence de "ἐϑραῦα, sur lequel a été formé aussi l'iératif ϑρέξασνον. 4.
Remarquons qu'en francais aussi, courir est employé pour un navire, et qu'il ne s'agk pes d'un emploi poétique, mais bien de le langue technique, courir sur son erre. 5. Plutôt que = meurtrissure bleuätre » comme traduit P. Chantraine, Dict. Etym., s.v. : le verbe implique en effet l'apparition d'une bosse immédiatement aprés le coup, le «bleu» ne venant qu'ensuite. 6. Sur les itératifs en -sk- en grec, cf. Schwyzer, 710-712, Chantraine, Gr. Hom., 318-325, A. Giacalone-Ramat, «La funzione del suffisso -ox- nel sistema verbale greco», Archivio glodologico italiano, 52, 1, 1967, 105-123, O. Wathelet, «Etudes de linguistique homérique». AC, 62. 1973, 378-405. 7. Sur l'optatif dans des subordonnées temporelles introduites per ὅτε avec un verbe principal au passé, voir Chantraine, Gr. Hom. TI. 260. 8. Cf. Chantraine, Gr. Hom.,
325, Wathelet, op. cit, 395.
9. Parallèle en faveur de la leçon ϑέων dans Il. XXIV, 74 ἀλλ᾽ εἴ τις καλέσειε ϑεων Θέτιν ἄσσον ἐμεῖο ὄφρα τί ol εἴπω πυκινὸν ἔπος. alors que la plupart des éditeurs (Leaf, Allen-Monro, Mazon-Chantraine) choisissent ϑεῶν, littéralement « si l'un des dieux appelait Thétis auprès de moi », suivant le commentaire d'Hérodien. Avec le participe, on traduira plutôt « Si quelqu'un courait appeler Thétis... ». 10. Δράμων est exclu métriquement puisque óg- allonge une brève qui précède ; voir C.J. Ruijgh, « A propos d'une nouvelle application de méthodes structuralistes à la langue homérique», Mnemosyne, 21, 1968, 113-129. 11. Les Concordances permettent de vérifier que ἔκαμον est bien attesté chez Homére avec un participe présent, non avec un participe aoriste, e.g. All, 101. τεύχων, XXIV, 613 δάχον xéovoa etc. 12. Cf.
ci-dessous,
3, pp. 197-199.
13. On a pourtant queiques exemples de ϑέω avec apposition prédicative, type qui a des affinités avec l'aoriste (ἠλϑδον) et l'effectif (Ix-) : 4L V1, 118 ἄντυξ À πυμάτη δέεν ἀσπίδος ὀμφαλοέσσης, HXX, 275... ἧι λεπτότατος δέε χαλκός. Les catégories d'emplois que nous essayons de dégager pour opposer et définir les verbes les uns par rapport aux autres ne sont pas rigides et absolues, mais représentent des tendances de la langue. 14. Cf. 3. Wackernagel. Vorlesungen, 1. 258-262 : le type avec infinitif dépendant d'un adjectif serait moins facile à expliquer et moins ancien que l'infinitif dépendant d'un verbe ; ce type. interprété comme un infinitif de but ou de conséquence, attesterait une valeur casuelle de l'infinitif i.c. (BA δὲ ϑέειν serait donc «antérieur» à θείειν ταχύς). 15. Cet emploi rapproche ϑέω de ἕρπω (lui aussi un présent défectif dans l'état de langue ancien), cf. 2.4, p. 195 les conclusions
sémantiques
tirées de ce rapprochement.
16. Cf. l'apparat critique de l'édition Allen (qui choisit δράμεν). Bérard (Belles-Lettres, 1933) et P. von der Mühll (Bâle, 1971) choisissent κίεν.
17. Nous utilisons ce terme dans son sens linguistique (cf. en phonologie le concept de réalisations diverses d'un phonéme dans des contextes. phonétiques différents). 18. H.B. Rosen, «Strukturalgrammatisches zum Verständnis Homers», Lingua, 355-356).
17, 1967, 317-357 (pour &xoóoác.
19. Op. cit., sur ce point particulièrement 122. Sur la controverse entre Rosen et Ruijgh. voir F. Létoublon. C. de Lamberterie. «La roue tourne», RPh, 54, 1980. partic. 308-309 avec les notes 10. 11 12. 20. Pour l'assimilation d'Hector à un projectile inanimé, cf. le commentaire d'Eustathe et la note de Leaf. Ce qui compte, c'est ce que le verbe puisse s'appliquer à Hector comme à la pierre : l'ambigulté de la syntaxe constitue peut-être une habileté de style. 21. Leaf rapproche à juste titre ILXVII. 53 et Od. XIV, 175 (τρέφειν τινά ἔρνεϊ loov) et surtout Od. VI, 163, avec le présent ἀνέρχεται évoquant le grandissement dans son développement progressif ; il signale un emploi analogue en anglais,
confirmant la banalité de cette « matrice métaphorique ». Le développement de ἐλεύθερος, du latin liberi, etc. irait dans le méme sens (ci-dessus, premiere partie, chap. Il. p. 97 avec la note 116). 22. Pour la forme. la relation ἔδραμον-δέδρομα est attendue, conforme au modèle ἔτραφον-τέτροψα. On attendrait un
présent
thématique
moyen
de vocalisme
-e-,
comme
τρέφομαι
(F.
Bader,
1971,
306-307)
TROISIÈME
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
1
265
23. Première partie. chap. Il, 4. pp. 96-97 avec les notes. méme
24. On a déjà fait appel à cette notion à propos du paradigme du verbe « aller >. de la possibilité d'agrégation en un paradigme de verbes d'orientation spatiale opposée, et de l'impossibilité pour εἶμι de fournir un parfait (pp. 54-58,
97). 25. Terme emprum£é à B. de Cornulier, qui parie de « limitation pragmatique d'un paradigme ». Revue de linguistique romane, 40, 1976, 126.
26. Cf. Chaatrainc, Parfait, 10, 23 εἰ 218. 27. Dict. Etym., ı.v. ϑέω : « Finalement, ce qui a pris de l'importance dans cette famille de mots, c'est le composé
d'origine militaire βοηϑόος, “ϑέω etc. ». M RV. 1, 52, 1 cité par W. Schulze, Kleine Schriften, Göttingen. 1966, 187, note 5 (havana- « invocation » rac. hd- ; syad- «se déplacer ow couler rapidement, se háter»). 29. Op. cit., 177-189. 30. Ce type de composés est opposé régulièrement aux composés possessifs (respectivement rexvóyovoc, ϑηρότροφος. πολύλογος) où l'accent remonte au maximum. Sur le jeu ici de 1a loi de Wheeler, voir Lejeune. Phonétique,
BEER E
297, 298. $ 343. . Le. *krsó? cf. Chantraine, Dict. Erym, s.v. ἐπίκουρος, Ernout-Meillet σιν. curro, Pokorny, 583. . II. XXIII, 300, 361, 326; au sens très voisin de «trajet effectué», XVIII, 281. . I.XXIII, 321, 373, 768; «route» : Od.IV, 605. «Course»
= «allure» («manière de courir») : H.XXIU,
. Par exemple dans la locution ϑεῖν
δρόμῳ (Thucydide,
58,
; Od. VIII. 121.
Aristophane).
. Le sens de «route» est déjà attesté par une occurence de l'Odyssée, n. 33.
. Ci-dessus, p. 190. Chez Homère méme, on trouve des notations parallèles avec aspect duratif (ἀνερχόμενον, ci-dessus, 8. 21) pour une plante. 38. Sur le bouclier homérique, cf. dans Wace-Stubbings, A Companion, le chapitre « Arms and armour, 510-513 (sur ἄντυξ ϑέε, 511), et dans la série Archaeologica homerica, Kriegswesen, Teil I, Schuzwaffen und Wehrbauten, de H. Buchholz et J. Wiesner, Göttingen, 1977, 1-57. Sur je mot ἄντυξ, voir Chantraine, Dict. Etym., s.v. 39. Cf. la notede Leaf sur l'épaisseur moindre du bronze au bord du bouclier, qui s'explique par des raisons de poids et d'économie à la fois : c'est au centre que le bouclier doit être le plus solide et résistant.
40. Il pourrait s'agir d'un idiotisme du langage courant, s'il faut en croire 4 exemples d'Hérodote, I, 178, 13 τάφρος... περιϑέει; ib. 181, 2 τεῖχος περιϑέει; II, 138. 10 περιϑέει δὲ αὐτὸ alyaoín, cf. VI, 74, 11 (αἱμασιῆς κύκλος). 41. Comme le voudrait J.H. Schmidt, Synonymik 1, 525-527 (citant les occurences avec χλίσιον, πόρκης, celle d'Hérodote avec τεῖχος, (cf. n. 40), mais non l'occurence homérique avec φλέψ : en réalité, tous ces exemples attestent en grex un emploi qui existe aussi en français pour le verbe « courir » --- et que Schmidt relève d'ailleurs lui-même en allemand, mais pour opposer laufen à rennen, ce qui le conduit selon nous à des aberrations en grec, op. cit., 524. L'emploi de laufen pour une haie faisant le tour d'un jardin est parallèle certes à celui de ϑέω avec κλίσιον, πόρκης ou τεῖχος ; mais s'il s'agit d'un mouvement nécessairement circulaire, que faire alors du parallélisme, aussi frappant. entre une allée dont l'allemand dit lagft entlang, ct la veine dont le grec dit qu'elle court dans le dos (φλὲψ 9066)? 42. Voir F. Létoublon — C. de Lamberterie, «Le roue tourne», RPh, 54, 1980, 305-326, avec la bibliographie. 43. Sur les emplois de l'adjectif, voir ci-dessus, 2.3, p. 192. 44. Le syntagme ποσὶ ϑέω (Il. XXIII, 623 πόδεσσι ϑεύσεαι ; Od. VIII, 247 ποσὶ κραιπνῶς ϑέομεν) parallèle à ποσὶ βαίνω (cf. deuxième partie, chap. I, 1.3., p. 128) implique pourtant un rapprochement entre les deux verbes (du type « couris/marcher » 7). 45. Voir deuxième partie, chap. I, 3.1, p. 136. 46. Cf. Mayrhofer,
Etym.
Wb. des Altind., s.v. dhav-, Pokomy, 204-205, Whitney. Roots, Monier-Williams εἰς.
47. Mêmes références que pour la note précédente, Pokorny, 205. 48. Cf. Frisk, s.v. : «Es stcben also einander gegenüber (Kreuzungsform ?) begegnet im aind. ἀγάναδ. »
idg. drem- dré- wie g"em- g"a-...
Eine dritte Variante
49. Locution citée par Schwyzer-Debrunner, 410. Buck, Dictionnary of selected synonyms, 671, remarque que la notion de "courir" est employée «en poésie » pour le sens “couler”, en grec comme en latin (currere), dans les langues romanes,
et ailleurs (irl.
rethim,
goth.
rinnan,
lith. bégti,
etc.). cf. ib.,
692.
50. Cf. Ernout-Meillet, s.v., Pokorny, 257 et 1089. Nous avions cru d'abord, à cause de la coincidence sémantique et de la ressemblance phonétique, à un rapprochement avec l'all. drehen, qui est tout à fait illusoire, cf. Kluge, Erym. Wb der deutschen Spr., s.v. et Pokorny, 1077. 51. Cf. La roue tourne, op. cit. 52. Voir ib., 313. 53. F. Bechtel, Lexilogus zu Homer.
Hildesheim,
54. Sous peine de raisonnement circulaire.
1964 (= Halle,
1914), s.v., 248-249.
266
LES VERBES
DE MOUVEMENT
EN GREC
TROISIÈME PARTIE NOTES DU CHAPITRE
II
1. Les linguistes se sont peu intéréssés à ce genre de problèmes. à part J. Lyons (« A note on possessive, existential and locative sentences». Foundations of Language, 4. 1967, traduit en français dans Ling. Gén., 297-306), J.M. Anderson (1971,
1973 et 1977),
Y. Ikegami
(1974)
et E. Traugott
2. J. Giry-Schneider, Les nominalisations en français.
(1975).
L'opérateur "faire" dans le lexique. Paris-Genève,
3. Ces exemples sont empruntés à M. Gross, Méthodes en syntaxe, 4. Chomsky
parie de «dummy
element», «élément
1978, 5.
109-124.
postiche», cf. J. Giry-Schneider, op. cít., 12.
5. Ct. M. Golian, L'aspect verbal en francais? (thèse de doctorat de troisième cycle, Univ. Paris V), Paris, 1977, passim, ct C. Fuchs, A.M. Léonard, Vers une théorie des aspects, passim. En anglais, l'utilisation du verbe "aller" pour le futur immédiat (to be going to) et le duratif (go on + -ing), en francais aller + infiniti et fr. classique aller + participe présent montrent l'aptitude des verbes de mouvement à ces emplois et la continuité entre l'emploi-opérateur et les emplois auxiliaires ou semi-auxiliaires. 6. Sur la relation entre allertvenir de comme semi-auxiliaires et La deixis temporelle, voir F. Létoublon, «Il vient de pleuvoir», ZFSL. 94, 1984, 25-41. 7. «Images et matrices métaphoriques», Bulletin de l'Association G. Bude,
1977, fasc 4, 344-354.
8. Pour l'existence de cette matrice métaphorique en grec et dans d'autres langues, peut-être déjà en indo-européen, voir ci-dessous. 1.5, pp. 207-209. 9. CLG. éd. crit. T. de Mauro, 170-175 : Saussure définit une opposition plus large, entre rapports syntagmatiques εἰ rapports associatifs, rapports in praesentia et in absentia, il est clair que, à l'intérieur des rapports associatifs. il faut distinguer la classe des rapports entre une forme donnée (ín praesentia) et les formes correspondantes de son paradigme grammatical
: pour enseignement, Saussure cite, outre les rapports associatifs, d'ordre sémantique (apprentissage, éducation
etc.) et morphologique (changement, armement etc). la chaine d'associations avec enseigner. enseignons etc. A la différence des autres, la chaîne des associations paradigmatiques forme une serie fermée. 10. Voir par exemple l'analyse de ϑυμόν με καθίχεο ἐνιπῇ comme réaménagement stylistique des locutions avec sujet inanimé, deuxième partie, chap. II, 2.2.1, pp. 159-160. 11. Première partie, chap. !, 2.2.3, pp. 34-36 pour les emplois du paradigme supplétif, attestant tous une vision afférente du Temps; chap.Il, 4.3.5.2, p. 101 sur παροίχωκεν ; chap. III, 2.2, pp. 114-115 pour ἔμολε et μέμδλωκε: deuxième partie, chap. I. 1.2. pp. 126-127 pour βέδηκε. 12. Voir les exemples cités. pp. 35-36 et dans l'art. cité «Le
temps s'en va».
13. Voir ci-dessous 1.2, pp. 203-204 avec les renvois et références. 14. Nous ne tiendrons plus compte ici des métaphores isolées, mais de celles qui se regroupent de manière plus ou moins cohérente, et semblent ainsi garantir leur existence dans la langue, εἰ non comme seuls «faits de parole-. 15. Deuxième partie, chapitre Il, 1.4. p. 151. 16. L'emploi de περι- pourrait s'expliquer par l'idée que le pouvoir ou l'héritage passe de l'un à l'autre en “faisant un tout" (cf. l'exemple de Hdt. I où il y a un changement de dynastie ?). 17. On ajoutera un exemple avec sujet animé, I, 96, 2 ὧδε αὖτις ἐς τυραννίδα περιῆλθον « c'est ainsi qu'ils revinrent à la tyrannie », qui parait être une transformation stylistique du tour usuel avec sujet inanimé. L'emploi du préverbe περιpour exprimer l'idéc que, ayant fait l'essai de plusieurs régimes politiques, on revient à l'un de ceux que l'on a pratiqués au début, confirmerait l'explication suggérée ci-dessus. n. 16. 18. Cf. O. Becker, Das Bild des Weges und verwandte Vorstellungen. im frühgriechischen Denken, Hermes Einzelschriften, 4, 1937, et M. Durante, « Epea pteroenta. La parola come "cammino" in imagini greche et vediche », Arr della Acad. Naz. dei Lincei, Rend. 13, 1958. 3.14, trad. en allemand dans R. Schmitt, /dg. Dichtersprache, 242-260. 19. Voir J. Péron. Les images maritimes de Pindare.
Paris (Klincksieck)
1974.
20. Image inspirée d'Homére et des = paroles empennées », formule qui remonte peut-être à la tradition poétique i.c. (voir M. Durante, op. cit. ci-dessus, n. 18). 21. 1. Péron, op. cit., 239 : «ce dont les hommes se souviennent, ce sont les événements qui vont jusqu'aux potes, et que ceux-ci “attelient” à la poésie sur la voie de la gloire». 22.
Ct. e.g. The. II. 11. 16 ὥστε χρὴ xai πανὺ ἐλπίζειν διὰ μάχης ἰέναι αὐτούς. On trouve les divers commutants de
ἔρχομαι. διὰ μάχης ἥκω. ἀφιχνοῦμαι,
...
23. Cf. Hdt.. 1. 86. 23 ἐς τὸν (Σόλωνα) ἄν ἐγὼ πᾶσι τυράννοισι προετίμησα μεγάλων χρημάτων ἐς λόγους ἐλϑεῖν. cf. Legrand : «c'est un homme avec qui j'eusse voulu, au prix de beaucoup d'argent. que tous les rois se fussent entretenus», cf. II, 3, 2 ἐλϑὼν ἐς λόγους τοῖσι locom; The, V. 37. 2 etc. 24. E.g Pl. Phedr., ἔλεγχον...
μολών
278 c; avec un substitut stylistique du paradigme supplétif, Soph. Oed. à Col.,
1297 οὔτ᾽ εἰς
TROISIÈME
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
II
267
25. Cf. Thc., Il, 72 καὶ ἄλλο εἴ τι ὄννατὸν εἰς ἀριϑμὸν ἐλδεῖν «tout ce qui prête à dénombrement». 26. The. I. 84. 3 « aborder l'action», cf. id., VIII, 92, 11 ἱέναι ἐπὶ τὸ ἔργον. Cf. aussi διὰ δίκης ἔρχομαι (e.g.. Thc., VI, 60, 3). ἐς ὄψιν ἔρχομαί τινι (id., VI, 49, 2) etc. 27. "Ec κίνδυνον ἥκω. Hdt., VI. 109, 13 : ἐς xaxóv, Thiéog.. 1. 819; Eur., Andr. 126, cf. Troy., 684, Iph. à A., 595 ; ἐς ἄπορον, Eur. Hél., 813; Phénic. 1400; cf. aussi ἐς τὸ μηδὲν Buouev, id, Hécube, 622. 28. Locution idiomatique fréquente chez Euripide (Iph. à A., 1002 ; Or., 1280 ; Hipp.. 273; Hécube, 748 ; El., 187. Fr. 330), cf. Platon, Alc.I, 114 a ᾿Αλλὰ γὰρ δῆλον ὡς εἰς τἀυτὸ ἥξεις xal οὐχ ἕξεις ἀποδεῖξαι οὐδ᾽ὡς ἐξευρὼν olota τὰ συμφέροντα οὐδ᾽ὡς μαϑών. littéralement : « Mais il est évident que tu arriveras au même résultat (= que cela reviendra au méme) : tu ne pourras prouver que tu connais l'utile ni pour l'avoir trouvé, ni pour l'avoir appris». 29. Soph., Oed. Col., 1297 οὔτ᾽ εἰς ἔλεγχον χειρὸς οὐδ' ἔργον μολών ; Eur. El., 345... εἰς ὕποπτα μὴ μόλῃς ἐμοί ; Suppl., 137 tiv' εἰς ἔρωτα... μολών ; Méd., 1082 Πολλάκις ἤδη διὰ λεπτοτέρων μύδων ἔμολον καὶ πρὸς ἁμίλλας ἦλδον μείζους / À χρὴ... ; Phénic., 479 δι᾽ ἔχϑρας... καὶ φόνου μολεῖν ; ib., 723 κίνδυνον εἰς ἅπαξ μολεῖν etc.
30. Méthodes en syntaxe, op. cit., 133-134.
|
31. Première partie. chapitre Il, 3.2.4.. pp. 85-87 avec les notes. 32. Voir F. Létoublon, «Il vient de pleuvoir. il va faire beau», ZFSL,
94, 1984, 25-41.
268
LES
VERBES
DE MOUVEMENT EN GREC
TROISIÈME
PARTIE
NOTES DU CHAPITRE IH 1. BSL, 42, 1942-45, 85 (c.r. de J. Hokt, Esmdes d'aspect, 94-88). 22.
Vom Suppletivwessen der indogermanischen Sprachen. Heidelberg, 1999 (voir ci-dessus, première partie, chap. |,
4, p. 55 avec ta note 83). 3. K. Strenk, « Überlegungen zu Defcktivität und Suppletion im Griechischen und Indogermanischen », Giome, 55, 1977, 2-34. 4. ΒΑ.
Redes, «On
the nature of verbal suppiction», Linguistics,
18, 1980, 655-676.
5. On trouvera en outre ua exposé des idées du linguiste allemand Koschmieder, par D. Clément, dans le fascicule du DRLAV, Aspects de l'aspect, 1978, 49-68, ct une analyse de l'apport de G. Guillaume par A. Joly ((ὁ., 101-116). 6. Voir en particulier dans la bibliographie les ouvrages de Brunel,
Ruipérez, Perrot et Seiler.
7. Depuis plusieurs années, M. Gross tente ainsi de donner une définition syntaxique du corpus des verbes français, cf. 1968, 1975. Plus près du problème de l'aspect, W. Thüsnmel cherche des critères de classement des syntagmes verbaux du russe où je verbe dépendant est perfectif ou imperfecif (DRLAV, n° 16, 1978, 117-157). 8. Estructura del sisiema...,
1954.
9. L'aspect et le temps dans le verbe néogrec.
Paris, 1952.
10. Malgré C.J. Ruijgh pour qui (après Adrados) l'opposition présent-aoriste n'est pas une opposition privative, donc ne comporte pas de terme marqué et de terme neutre (Autour de τε épique, 234-235). 11. L'aspect verbal et l'emploi des préverbes en grec. particulièrement en attique. Paris, 1939. 12. «L'aspect et l'ordre de procès en grec», BSL,
42, 1946, 43-75.
13. 1946,73 : « Le jeu des formes simples εἰ composées n'est pes à proprement parier un fait de langue. C'est quelque chose de moins arrêté et de plus souple, encore qu'on n'y doive point voir un pur fait de style : c'est un fait de langage » (souligné dans le texte). 14. Nous pensons que Brunel fait référence à l'opposition langue-parole chez Saussure, maisce n'est pas explicite dans son texte.
15. Op. cir, 65:
«Je ne crois pas possible de démontrer directement que les formations à élément nasal
(principalement en “-ἀνω) aient été caractérisées à l'origine comme duratives ou itératives, non comme résultatives (ou ingressives). Je ne puis que recommander cette solution à l'examen des comparatistes. » 16. Ces valeurs paraissent à Brunel secondaires par rapport aux valeurs duratives et itératives, op. cit, 62-65. 17. Op. cit., 63 «Il semble que l'on puisse admettre, en se fondant sur ie sens des racineset sur ce qu'on saisit de l'emploi des trois thémes, malgré queiques irrégularités, que l'opposition essentielle a existé entre le présent et l'aoriste radicaux. Elle aurait été à la fois de type cursif/ponctuel et non-eflectif/eflectif. Ainsi se seraient opposées les notions d'"avoir" et d'"acquérit", ἀ “ἔπε en fuite” et d'"échapper". d'“être dissimulé” et de "passer inaperçu”» 18. ib., 64 : « Pour le présent dérivé, on serait tenté de dire qu'il était intermédiaire entre les deux formes radicales. Plus précisément, on peut lui attribuer l'aspect d'un présent véritable, mais un sens qui le rapproche de l'aoriste correspondant. » 19. Cf. première partie, chapitre IIl, 1, pp. 111-113. 20. I.L.
1961 (op. cit.) 112.
21. Ce probléme ne semble pas avoir préoccupé les heil@nistes qui ont traité de cette formation (A. Giscalone-Ramat, «La funzione del suffisso -ox- nel sistema verbale greco », Archivio glottologico italiano, 52, 1, 1967, 105-123, et P. Watelet, «Etudes de linguistique homérique », L'Antiquité classique, 42, 1973, 379-405). 22.
Etrennes
Lejeune,
184-186.
23. Le présent de l'indicatif sera délibérément omis ici à cause de la neutralité aspectuelle qu'il implique (cf. Ruipérez, Perrot, et ci-dessus. 2.1, p. 213). 24. Cf. première partie, chapitre II, 3.2.4, pp. 85-86. avec les notes et La bibliographie. 25. Cf. sur l'emprunt de ces notions à A. Culioli, C. Fuchs et A.M. Léonard, première partie, chapitre II, 4.3.6, pp. 103-105 avec la note 143. 26. Ct. ibid. 27. Cf. sur πρίν comme révélateur aspectuel première partie, chapitre I, 3.5.3, p. 52 et le renvoi à A.M. Chanet. 28. Cf. Temps et verbe, ct dans Langage et science du langage les articles « Immanence et transcendance dans catégorie du verbe, Esquisse d'une théorie psychologique de l'aspect (46-58, = Journal de Psychologie, 1933), « La représentation du temps dans la langue francaise » (184-207 « Le francais moderne, 1951). « Epoques et niveaux temporels dans le systéme de la conjugaison française » (250-271 = Cahiers de linguistique structurale, n° 4, 1955).
TROISIÈME
29. 30. 31. 32.
CI. Cf. Cf. CI.
première première première deuxième
partie, partie, partie, partie,
chapitre chapitre chapitre chapitre
PARTIE : NOTES
DU
CHAPITRE
Ill
269
1, 3.5.4, pp. 52-53, etc. I, 3.5.3. p. 52. I, 3.6, pp. 53-54. 1, 3.2, p. 137.
33. CI. ibid., 136-137 : c'est ce qui explique l'erreur d'A. Bloch qui a cru pouvoir remplacer le système εἶμι- ἦλθον par wn autre système suppiétif, εἰμι- ὅδην, (cf. première partie, chapitre I, 1.3, pp. 30-31).
34. Cf. première partic, chapitre 1, 3.52, p. 51. 35. Cf. première partic, chapitre 111, 2.3, pp. 114-116. 36. Cf. les travaux de C. Bally et de H. Frei cités pour le probléme du double accusatif du tout et de [a partie ; on pourrait aussi parler de notion du «corps propre» comme je fait M. Merlesu-Foaty.
270
LES VERBES
NOTES
DE
DE
MOUVEMENT
LA
EN GREC
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4. Vorlesungen,
160-161.
5. Cf. A. Vaillant, Grammaire comparée des langues slaves. 111, Le verbe. 471 : « Certains verbes, qui possèdent des formes à préverbe, et méme nombreuses, ne peuvent pas les utiliser en emploi simple de perfectif. parce que les préverbes modifient trop sensiblement leur sens. Ainsi en est-il du verbe iti "aller " : il a bien une quinzaine de formes à préverbe, mais ven-in “entrer”, iziti “sortir” etc. sont des verbes de sens différent, et aussi po-iti "s'en aller, partir". En pareil cas, le vieux slave maintient l'imperfectif aux temps et aux formes de la conjugaison qui appellent ordinairement le perfectif : à l'aoriste idd "j'allai", etc. et aussi au présent qui sert également pour le futur : ido "je vais” signifie aussi “j'irai”». 6. Sur le caractère récent du système aspectuel slave, voir Vaillant op. cit., 462. 7. Voir les références aux articles de J. Boulle, première partie, chap. I, p. 57 avec la n. 88. 8. Chantraine,
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Dictionary,
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9. Safarewicz, op. cit, 230. 10. id., 249. 11. Cf. Meillet, Mélanges Saussure, 84: «Si la racine exprime l'action pure et simple. sans indication du développement. le thème radical est naturellement un aoriste... un thème plus complexe, qui est souvent un thème à redoublement, est alors affecté à l'expression du présent», et F. Bader. Mélenges Chantraine, 1972. 16-17. 12. Safarewicz, op. cit., 252. 13. De toutes façons. ce paradigme a subi des réfections : si ἤκω est la variante attique de Du» qui semble attesté dans les autres dialectes. on peut penser que la variation de timbre vocalique remplace l'ancienne altemsnce radicale, et reproduit ainsi plus ou moins dans fixo / ἱκόμην le type λείπω ἔλιπον (ἱκάνω serait alors à ἥκω ce qu'est hom. λιμπάνω à λείπω). 14. Cf. deuxième
partie, chapitre II. 2.1.2, p. 157 avec la note 40 et la référence à Wackernagel.
15. Inversement, ce sont les anomalies qui autorisent la reconstruction de l'état ancien, cf. par ex. A. Meillet, Méthode comparative, 27 : « Plus sont singuliers les faits dont on constate entre deux langues la concordance. et plus grande est la force probante de la concordance. Les formes anomalies sont donc celles qui sont le plus propre à établir une “langue commune". » 16. Synonymik der griechischen Sprache.
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BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie générale est présentée par ordre alphabétique. Il a paru inutile de présenter une bibliographie « raisonnée » : on trouvera dans les notes de chaque chapitre, avec les renvois nécessaires, les ouvrages concernant la question traitée. On a adopté les abréviations usuelles (celles de l'Année Philologique et du Dictionnaire Etymologique de
P. Chantraine), ou le cas échéant une abréviation qui nous paraissait plus explicite (ainsi Münch.Stud.Sprachw. = Münchener Studien zur Sprachwissenschaft, au lieu de MSS, Mus. Helv. au lieu de M.H. Pour la Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, nous avons
préféré abréger ZVS plutôt que KZ, qui n'est plus guère parlant depuis que la revue n'est plus dirigée par Kuhn). Pour les éditions et commentaires, on ἃ en général consulté les derniers auteurs en date et les plus autorisés. Le relevé exhaustif des ouvrages consultés et utilisés comporte environ 600 titres. Nous n'avons retenu ici que ceux qui ont un intérêt général pour le sujet traité. Les travaux
d'intérét ponctuel pour notre travail, et qui n'ont été cités qu'une
fois, ne sont pas
mentionnés ici. Nous citons en revanche dans cette bibliographie générale certains ouvrages qui peuvent n'étre jamais mentionnés dans le cours de l'ouvrage, mais dont nous pensons
qu'ils ont eu une influence sur la méthode ou sur le contenu de notre travail. ANDERSON J.M. Grammar of Case — The Grammar of Case. Towards a localistic Theory. Cambridge, 1971. Essay = An Essay concerning Aspect. Some considerations of a general character arising from the abbé Darrigol's Analysis of the basque Verb. The Hague — Paris, 1973.
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DES
LEXIQUE TERMES LINGUISTIQUES ET
INDEX DES PASSAGES
CITÉS
LEXIQUE
DES
TERMES
LINGUISTIQUES
EMPLOYÉS
Nous ne faisons pas figurer dans ce lexique des termes usuels (par exemple morphème, lexème, distribution complémentaire, antonyme etc.) pour lesquels on peut se reporter aux dictionnaires linguistiques et aux manuels en usage, par exemple à J. Lyons, Ling. Gén. Pour éviter des redites lassantes, au lieu de répéter une définition citée dans le texte ou les notes,
on se contentera en général d'un renvoi aux pages contenant les références à la notion et à sa définition : on trouvera la bibliographie sur chaque question dans les notes correspondantes. Accusatif (ct accusatif de direction) : pp. 19-23 (cf. double-accusatif). Actes de langage (angl. Speech acts) : pp. 65-69, 80, 149.
Afférentlefférent : pp. 35-36 Termes de G. Guillaume, qui pour l'espace correspondent à peu près à nos termes de centripeteicentrifuge, mais qui sont d'extension beaucoup plus large, s'appliquant dans le systéme de Guillaume surtout au temps. Aktionsart — ordre de procés (opposé à aspect, all. Aspekt) : cf. aspect. animélinanimé dans les représentations homériques : pp. 11-12, pp. 33-34, 202-203. Apposition : de deux types :
apposition descriptive : pp. 81-82, 106-107, 137, 187, 216. apposition prédicative : pp. 85-87, 90-92, 106-107, 217. Aspect (opposé
à ordre
de procés) : pp. 54-58,
81-88, 218-228,
229-231.
cf. régularités
aspectuelles, repères, repérage aspectuels, révélateurs aspectuels. Auxiliaires (et semi-auxiliaires) : pp. 18-19, 210. A distinguer de périphrases verbales et de emplois opérateurs.
Borne : borne droite et gauche, termes faisant allusion au système de repérage d'un procès verbal par rapport
à la perspective
de locution
ou d'énonciation
(termes empruntés
à
A. Culioli, par l'intermédiaire de C. Fuchs et A.M. Léonard) : p. 52 avec la note 70, p. 95, pp. 103-105 avec la note 143, p. 218, pp. 236-237. En grec, on opposera parmi les conjonctions temporelles les bornes droites, πρίν, Éoc, , ὄφρα, aux bornes gauches, ὅτε, ἐπεί, ἐξ οὗ... Ces termes peuvent étre considérés comme des révélateurs aspectuels d'ordre syntaxique. Cas (théorie des,
Grammaire
des) : pp. 16, 19-20, 42.
Centripètelcentrifuge : termes utilisés pour l'opposition déictique manifestant une orientation
de l'espace de l'énonciation autour de l'auteur de l'énonciation, qui se situe lui-même ici et maintenant.
Cf. deixis.
Complément scénique : cf. p. 44 avec la note 47 (terme emprunté
à J.P. Boons).
Deixis, déictique : pp. 42-54 avec les notes (termes linguistiques renvoyant non à un terme du contexte linguistique mais à un terme du contexte pragmatique. S'oppose à anaphore, anaphorique).
284
LEXIQUE
DES
TERMES
LINGUISTIQUES
Délocutif, délocutivité, dérivation délocutive : p. 149, 158 (termes repris à E. Benveniste). Délocutivité généralisée (théorie de O. Ducrot permettant d'expliquer l'extension du sens performatif d'une première personne de l'indicatif présent à tout un paradigme) : p. 158 Diachronie
et synchronie : pp. 13,
231-235.
Evolution
diachronique
des
paradigmes
supplétifs : pp. 29-31, 198-199. des oppositions déictiques (rôle des préverbes) : pp. 119-120. du systéme du système
lexical des verbes de mouvement : pp. 232-234. aspectuel du grec : pp. 212-214.
Double accusatif du tout et de la partie (ct expression de la possession inaliénable) : pp. 146-147. Voir sphére personnelle. Effectifinon-effectif : pp. 52, 54-58,
157, 163-164, 214-216 (opposition de nature lexicale,
relevant de l'ordre de procés et non de l'aspect). Enonciation : pp. 65-68 avec les notes
17, 18.
Euphémisme (partir et mourir) : pp. 101-102, métaphore euphémique du départ de la mort, non attestée dans la langue homérique (on semble croire encore au départ de l'áme vers l'Hadés), mais fréquente dans la Tragédie classique.
Formule, formulaire : pp. 89, 93-94, 127-129, 135, 146, 149, 151, 158, 163, 234-235. Hétéroclisie : flexion
sur
plusieurs
thèmes
différents,
forme
affaiblie
de
supplétisme,
p. 27-28. Incidence (de la visée aspectuelle sur un procès) : pp. 219-222. Métaphore : le mouvement comme modèle de processus d'un autre ordre que celui de l'espace concret (temps, société, discours, etc.) : pp. 200-209. Fausses métaphores : p. 202. Métaphore euphémique de la mort comme départ : cf. euphémisme. Opérateur (verbe) : terme
emprunté
à M.
Gross, pp. 209-210.
Oppositions aspectuelles : pp. 218-222.
Paradigme verbal, reconnu à travers des emplois paralléles (cohésion paradigmatique) : pp. 10-12, 31-58, 107-109, 119-120, 123-165, 181, 199, 226-234. Voir oppositions aspectuelles (dans lc paradigme verbal). Paradigme supplétif : selon les grammairiens Paradigme
anciens et modernes,
pp. 27-31.
verbal défectif : pp. 111, 230-231.
Performatif : pp. 80, 158-159.
Voir semi-performatif et actes de langages.
Périphrases verbales : pp. 18-19, 210 (notion plus large que celle de périphrase à auxiliaire :
les auxiliaires font partie des périphrases verbales, mais il existe des périphrases verbales non auxiliaires; voir aussi opérateurs).
Perspective ouvertelfermée : pp. 95, 103. Régularités aspectuelles, séries aspectuelles cohérentes : pp. 81-88, 216-218.
Repères, repérage aspectuel et temporel (termes empruntés à A. Culioli par l'intermédiaire de C. Fuchs — A.M. Léonard, voir bornes) : système par lequel la langue établit un rapport
entre les espace-temps relatifs de l'énoncé et de la réalité pragmatique : pp. 236-237. Rester : révélateur aspectuel lexical des verbes de mouvement (de même « laisser, attendre, accueillir ») : cf. révélateur.
Révélateur aspectuel : pp. 50-54, 222-226. Certains termes du lexique sont des révélateurs aspectuels lexicaux des verbes de mouvement (voir «rester ») ; les conjonctions de temps («lorsque, au moment où, depuis que, jusqu'à ce que, cf. borne) sont des révélateurs aspectuels syntaxiques; certains thémes verbaux peuvent étre considérés comme des
LEXIQUE
DES
TERMES
LINGUISTIQUES
285
révélateurs aspectuels morphologiques, ainsi le parfait, qui ne supporte qu'une valeur déictique portée à son paroxysme, sans neutralisation possible (cf. sur εἰλήλουϑα pp. 92-94, 204-206.) Semi-performatif (définition de εἶμι, à la première personne de l'indicatif comme)
: p. 80. Le
passage de l'ensemble du paradigme de l'indicatif du présent au futur s'expliquerait alors par délocutivité généralisée, cf. ce terme. Séries aspectuelles : voir régularités aspectuelles Sphère personnelle : terme d'ethnolinguistique utilisé pour justifier certains faits syntaxiques (accusatif de relation, double accusatif du tout et de la partie en grec) : pp. 146-147, et peut-être l'existence des paradigmes supplétifs : p.227, avec la note 36. Notion
probablement superposabie à la notion phénoménologique de «corps propre». Supplétif (verbe, paradigme), supplétisme : pp. 27-31, 41-58, 181-197, 226-228, 230-234, etc.
A distinguer de hétéroclisie : au sens strict, le supplétisme est une flexion sur plusicurs racines différentes, non une flexion constituée par des dérivés ou allomorphes d'une méme racine : εἶἰμι- ἦλθον et θὲω-ἔδραμον sont des verbes supplétifs, Βαίνω-ἔδην devrait être
appelé un verbe hétéroclitique. En fait, on parle d'ordinaire surtout de supplétisme verbal et d'hétéroclisie nominale. Le meilleur exemple de supplétisme en dehors de la flexion verbale est celui du pronom *so-lto- : p. 30. Synchronie ct diachronie : pp. 13, 231-235. En quel sens on peut parler de la synchronie homérique : pp. 13, 234-235. Voir diachronie, évolution diachronique. Trait sémantique pertinent, sème : pp. 142-143,
151, 235-236.
INDEX DES PASSAGES CITÉS DES AUTEURS ANCIENS
Les chiffres, sans plus d'indications, renvoient aux pages de l'ouvrage. Comme les notes
n'ont pu être présentées en bas de page, les renvois aux passages cités dans les notes sont plus précis : par ex., pour Il.I, 34, on renvoie à ἰδ page 137 du livre, pour 1.1, 50, à la note 127 du chapitre II. En i'absence de complément (2", 3* partie), il s'agit évidemment du chapitre II de la première partie. Ceci nous a paru plus clair que de renvoyer aux pages des notes.
Les passages homériques sont présentés en priorité dans cet index (Iliade, Odyssée, Hymnes), puis on trouvera, dans l'ordre alphabétique, les renvois aux autres auteurs anciens, enfin les inscriptions grecques. Pour les exemples répétés, en principe, on trouvera un renvoi correspondant à chaque occurrence citée dans le texte. Le lecteur est prié d'excuser les erreurs ou oublis éventuels. HOMÉRE
ILIADE
206 : 90. Pp.
Chant 1
207 : 39, 43, 44.
221 : 43, 44.
12-13 : 37, 39, 43, 44. 27 : 37, 43, 44, 223.
240 : 161. 254 : 154,
31 : note
269 : 43, 44, 49.
125 du ch. II.
32 : notes 60,
64 du ch. I.
307
34 : 137. 37 : 134. 47 : 43, 44, 81,
157-158.
: 43, 44, 84.
310 : 125. 83,
311 : 129. 322-325 : 17
85.
50 : note 127 du ch. II. 53 : 99.
324-325 : 18, 40, 43, 44. 327 : 137.
70
335 : 44,
: 35.
46,
48,
120 : 219.
347: 43, 44, 83.
143-144 : 125.
362 : 146,
151 : 38, 43, 44.
370-372 : 39, 44.
152-153 : 39, 43, 44, 46, 47, 168-170 : 43, 44, 47, 48, 57,
57. 64,
66,
171.
371 : 38, 380 : 99.
note
62 du
ch.
I.
157. 43.
179 : 43, 44, 47, 48.
383 : 100.
184-185 : 17, 40, 43, 44. 194 : 43, 44, 49.
394 : 38, 43, 44, note 42 du ch. II. 420 : 38, 43, 44, 65, note 46 du ch. II, 2°
202-203 : 39, 90.
partie.
288 425 : 426 : 437 : 438 : 451 : 475: 479 : 482 : 483 : 522 : 567 : 610 :
INDEX
DES
PASSAGES
73, 75-76. 43, 44, 64, 65, 75, 76, 80, 171. note 38 du ch. I, 2* partie.
125, note 17 du ch. I, 2* partie. 134. 43, 44. note 25 du ch. II, 2* partie.
43, 44. 187. 169. 46, 48. 154, 156.
Chant il 8: 135. 16 : 137. 71: 103, 106, 107, note 148 du ch. II. 84: 127, 217. 87: 50, 68. 101 : note 11 du ch. I, 3° partie. 134 : 126-127. 147: 33. 153: 164. 171: 146, 154. 216: 86. 224: 128. 234: 125, note 7 du ch. I, 2° partie. 249 : 86. 253 : 174. 351 : 129. 387 : 34. 395 : 33. 408 : 85 85. 413 : 218. 440 : 39. 451 : 52, 221. 457 : 186. 458 : 217. 477: 221. 514: 139. 596: 49. 611: 129. 619:
673: 720 : 786: 833: 872 :
129. 83. 129. 38, 85, 86. 168. 81, 83.
Chant II 2: 82, 83. 8: 81-82, 83.
CITÉS
DES
AUTEURS
22 : 128, 135, 60-62 : 33-34. 61 : 68. 97 : 154. 119 : 221. 121 : 38, 85, 130 : 47, note 154 : 219. 162 : 47. 189 : 51, 84,
ANCIENS
136, 219.
86. 62 du ch. I.
95.
198 : note 77 du ch. I, 2* partie. 205 : 47. 213-214 : 198. 305 : 65-66. 357 : 33. 376 : note 60 383 : 39. 390 : 47, 174, 410 : 47, 63, 432 : note 60 447 : 172.
du ch. II. note 62 du ch. I. 66. du ch. I.
Chant IV 65 : 222. 103-121 : 173. 138 : 81.
221 : note 6 du ch. III, 2° partie. 231 : ibid. 244 : 185. 247 : 53, 223. 272 = 326: note
128 du ch. II.
276 : 219.
321 : 362 : 392 : 429 : 443 : 480 :
154, note 220. 50, 131, 220.
500 : 49,
156-157. 60 du ch. I. 82, 83. 132. 85.
520 : 96. 524 : 184. 529 : 85. Chant
V
16-17 : 33. 44 : 96. 152 : note 81 du ch. I., 2* partic.
157 : 164 : 177 : 198 : 199 :
174, 220. 125. note 25 du ch. II. 220. 129.
INDEX
DES
PASSAGES
219-229 : 92.
: 32, 220. 66. 132. note 127 du ch. II. 221. 104, note 122 du ch. II.
: note 31 du ch. II., 2* partie. : 106. : 105, 219.
= VIII, 308 : 219 : 81.
: : : : : : : : :
48. 40, 47. 49. 221. 173. note 124 du ch. II 128. 137. 38, 85.
40 : 137. 65 : 128. : 106.
: : : : : : : : : :
note
AUTEURS
ANCIENS
13 du
ch.
Chant VII 24-25 : 39. 25 : 85, 87 25-26 : 39. 35 : 85. 75:47. 98 : 64, 69. 124 : 154, 157-158. 209 : 68. 213 : 81, 82, 83, 85, 128, 215 = XX, 44 : 205 251 : 33. 308 : 219. 415 : 53, 224.
135.
Chant VIII
Chant VI
: 194, : 91.
DES
507 = XV, 264 : 187, 217. 513 : 137.
204 : 91-92.
: : : : :
CITÉS
I., 3° partie.
135. 91. 91. 48, note 62 du ch. I. 220. 174. 184. 218-219. 90. note 81 du ch. I., 2° partie.
5 : 185. 12 : 73. 115 : 137. 120 : 82. 129 : 125. 147 : 154. 285 : 125. 382 : note 389 : 128. 399 : 135. 495 : 194. 500 : 34.
124 du ch. II.
Chant IX
6: 33. 49 : 92. 55-56 : 161. 61 : 161. 86 : 168, 217. 182 : 137. 403 = XXII, 156 : 52, 218.
: 219.
414 : note 52 du ch. L, 2* partie.
: : : : : :
501 : 131, 506 : 184. 508 : 48, 523-525 : 525 : 154. 546 : 125. 625: 51. 701 : 53,
144, 115. 218. 194. note 60 du ch. I. 106. 99.
: 74.
: 161.
162. 392-393 : note 77 du ch. I., 2° partie. 434 : 124. 492 : note 126 du ch. II.
Chant X
32:39 35 : 52.
202. 221. 155-156.
223.
290
INDEX
DES
PASSAGES
53 : note 60 du ch. I. 62-63 : 223. 66 : 223. 82 : 66. 96:
154,
DES
AUTEURS
ANCIENS
611 : note 60 du ch. I. 652 : 38, 39, 64, 65. 701
156.
118 : 152, 154. 138-139 : 205. 142 : 154. 171 : note 124 du ch. Il. 175 : note 60 du ch. I. 197 : 82, 83. 252 : 100-101, 120, 134. 275 : note 67 du ch. I, 2* partie. 281 : 162. 286 : 39, 84, note 141 du ch. II. 308 : 48. 320 : 48. 325 : 39. 362 : 187. 395 : 48. 437 : 187. 444 : 218, 224. 450 : 64, note 6 du ch. Il. 450-451 : 39. 487 : note 124 du ch. II. 493 : 129. 540 : 84-85. 565 : 82-83.
576 : 18, 138, note 37 du ch.
CITÉS
I.
Chant XI 88 : 146. 173 : 114, 115. 186 : 135. 193 : 218. 218-230 : 96. 219 : note 113 du ch. II. 225 : 159, 218. 230 : 92, 96. 231 : 96. 28A : 106. 288 : 106. 331 : 168. 357: 99. 363 : 85. 415 : 68. 435 : 33. 492 : 69. 513 : note 48 du ch. 1., 2* partie. 518, 522 : ibid. 555 : 137. 557 : 81, 82, 83, 217. 610 : 152, 154.
: 184,
715 : 742 : 756 : 839 :
188.
85, 86. 220. 125. 63, 66.
Chant XII 16 : 129. 32 : 175, 217. 50 : 139. 73 : note
14 du ch. III, 2° partie.
88 : 82, 83. 118 : 80. 136 : 32, 222. 147 : 220. 216 : 39. 221 : 158. 225 : 74.
264: 220. 330 : 137.
332 : 81. 336 : 49, 219. 343 : 185. 349 — 362 : note 60 du ch. I.
356 : 39, 368 : 47, 368-369 : 369 : 73, 371 : &,
47, 221. 63. 75. 75. 83, 217.
392 : 221. 406 : 167. 458 : note 45 du ch.
I., 2° partie.
Chant XIII 18 : 135. 38 : 174, 137 : 198. 141 : 157, 158 : 128, 167-168 : 186 : 173, 191 : 81. 212 : 85. 219-220 : 235 : note 245 : 186. 247-248 : 250 : 39, 256 : 63, 305 : 82, 324 : 166
224. 183, 135. 39. 174.
196, 218.
note 122 du ch. II. 62 du ch. I. 39. 87, note 64, 66. 83.
13 du ch.
Il.
INDEX
DES
PASSAGES
329 : 127, 217.
CITÉS
DES
AUTEURS
ANCIENS
Chant XV 55 : 47, 221. 81 : 93. 105 : 48.
131 136: 147:
708 : note 48 du ch. 1., 2° partic. 711 : 146. 724 : 167. 752 : 47, 753 : 73, 782 : 106. 789 : 48. 795 : 83. 795-801 : 796 : 33, 809 : 124, 836 : 223. 837 : 157.
53, 75. 75.
83. 68. 128,
135.
158: 161 : 164 : 175 : 177: 180 : 208 : 223: 245: 264 : 279: 295: : : : : : : : : : : :
89, 94. 39, 68. 22. 135. 21. 22. 47, 85. 221. 73. 154. 103. 154, 156. 187, 217. 219, note 124 du ch. II. 173, 221. 124, 224, 80. 85. 183, 161. 80. 167. 128, 128, 114.
128, 135. note 29 du ch. II.
185.
135. 135,
157.
Chant XIV 60 : 164. 77: 218. 104 : 146, 174 : 161. 200-205 : 200 : 39, 205 : 39,
Chant XVI 8 : 186. 148,
159-160, 234.
68. 62. 62.
221 : 172, note 14 du ch. IH, 2* partie. 267 : note 60 du ch. 281 : 224. 288 : 157.
I.
292 : 128.
298 : 301 : 304 : 404 : 413 : 418 : 477 : 504: 57] :
note 62, 39, 220. 183, 183. 134. 53, 173.
22 du ch. 11. 66, 68. 68. 188,
221.
196.
52 : 154. 54 : 135. 94 : 1 29. 155 : note 124 du ch. II. 160 : 184: 186: 258: 327: 393: 496:
: : : : : : : :
68. 139. 187. 168. 137. 185. note 124 du ch. II. 128. 154. note 124 du ch. II. 124, 128, 135. 166-167. 108. 16. 219.
291
292
INDEX
DES
PASSAGES
810 : 125. 820 : 85. 838 : 53, 220, 223.
CITÉS 114 135 136 144 167 178 190
DES
AUTEURS
ANCIENS
39, 64, 65. 47, 219. 171.
56 : 190. 57 : 33. 101 : 1 219. 137: VEN 39. 155 : 48. 202 : 36, 64, 68, 75.
: : : : : : : : : : : : : : : :
207 : 174,
221.
: note 31 du ch. II, 2* partie.
254 : 257 : 266 : 292 : 297 : 350 : 359 : 399 :
60 du ch.
Chant XVII 4: 132. 6: 132. 31 = XX,
197 : 221.
53 : note 21 du ch. I, 3° partie.
note 85. 82, 85. 183, 96. 134. 154,
I.
164. 164, 174. 173. 167. 221, 162. 173, 64,
217.
223. 221. 66, 67, 80.
: 190. : 154,
156. 516: 82, 83.
83. 184,
note 46 du ch. II, 2* partie.
38, 85. 146. 219.
188, 297.
2^ XIX : 137. : 132.
156.
447 : 110-111.
481 : 191. 495 : 82, 83. 510 : 134. 533 : 166. 588 : 103, 106. 613 : 85. 615 : 85. 636 : 173. 658 : 185. 664 : 137. 666: 81, 83. 706 : 134. 708-709 : 41, 221. 721 : 187. 741 : note 67 du ch. 756 : 219. 759 : 82, 83.
: : : : :
73. 53. 161. 49. 49.
: 154. 344-346 : 99. 354: 146. 356 : 108 406 :
157.
II.
Chant XVIII 2 : 85, 86. 14 : 221. 60 x 441 : 173-174, 63.: 39. 66 : 81, 82. 73 : 146, 157. 90 : 174, 221. 101 : 171. 172.
580: 128. 600-601 : 195.
Chant XX 6: 173, 221. 44 : 205. 91: 32. 130 : 221. 197 : 221. 212: 172, 229 : 185.
221.
263 : 275: 294 : 320 : 330 : 363: 365 :
note
14 du ch. ΠῚ, 2* partie.
note 77 du ch. I, 2* partie. 194, note 13 du ch. I, 3° partie. 69. 163. 85. 48, 221. note 9 du ch.
Il.
INDEX
DES
PASSAGES
CITÉS
DES
AUTEURS
293
ANCIENS
150 : 225: 226 : 229 :
171. 111. 34, 68. 127.
300 : 310 : 386 : 387 : 403 : 418 : 497 : 504 : 521 : 577 :
193, note 32 du ch. I, 3° partie. 187, 188. 219. 185. 129. 130. 73, 75. 184. 186. 106.
646 : 667 : 685 : 710 :
47, note 60 du ch. I. 48, note 62 du ch. I. 137. 137.
623 : 188, note 44 du ch. I, 3* partie.
424 : 431 : 573 : 598 : 604 :
81. 85. 68. 173. 184, 186.
Chant XXII 23 : 187. 27 : 68. 32 : 186. 43 : 205. 92 : 223. 137 : 223. 156 : 218. 161 : 184, 188. 163 : 183, 196. 192 : 187. 213 : 101. 214 : 158. 252 : 223. 309 : 68. 317 : 68. 369 : 184, 188. 438 : 38. 444 : 174. 459 : 185.
483 : 64, 65, 66, 67, 224. Chant XXIII 8 : 48. 47 : 146,
161-162.
51: 175. 76 : 175, 482. 94 : 89, 90. 114 : 81, 83. 116 : 38.
717 : 184,
190.
756 : note 26 du ch. I, 2* partie. 766 : 770 : T7A : 890 :
183. note 61 du ch. I. 185-186. 135.
Chant XXIV 1-2: 127, 217. 43 : 68. 74 : note 9 du ch. III, 2° 81 : 130. 144 : 135. 148 : 177, note 60 du ch. 160 : 163. 194 : 38, 85, 86. 199 : 47, 221. 201 : 104, note 122 du ch. 224 : 64. 240 : 39. 336 : 135. 460 : 90. 462 : 80, 81. 481 : 148. 492 : 49. 495 : 85. 514 : 85, 205-206. 561 : 38, 85, 86. 613 : note 11 du ch. I, 2° 647 : 81, 83. 705 : 174, 221. 728 : 161. 766 : 88-89, 93, 94, 218. 781: 114.
partie.
I.
II.
partie.
294
INDEX
DES PASSAGES CITÉS DES AUTEURS
ODYSSÉE
ANCIENS
342 : 148, note 49 du ch. II, 2° partie. 358 : note 126 du ch. II.
288 : 196. 306 : 87, 95. 311 : 95. 317-318 : 95. 318 : 94. 320 : 49. 323 : note 60 du ch. I. 335 : 103. 361 : 39. 367 : 64, 75. 368 : 218, 219. 370 : 187. 390 : 53, 21. 420: 87. 423-42A : 224. 426 : 47. 468 : 138.
362 : 139.
Chant IV
Chant I 16 : 34.
21 : 218. 36: 174, 220. 83:
143 : 163 : 176 : 193 : 242 :
173.
note 124 du ch. II. 174, 219. 218. 112. 102, 103, 106.
260 : 99. 290 : 173. 330 : 139.
422 = XVIII, 305 : 224.
8 : 175, 317. 2A : 39.
Chant II 13 = XVII, 64 : 219. 28 : 154. 41 : 154. 89 : 34, 64, 68, 75. 127 : 67. 176 : 73. 179 : 48. 195 : 173. 207 : 67. zuas 5 39. 221 :
238 : m,
not 14 duech.
47: note 67 du ch. I, 2* partie.
IH, 2* partie.
267 : 85. 359-360 : 39. 383 : 106. 406 : 132.
420 : note 25 du ch. II, 2* partie. 428 : 186. 429 : 187.
Chant Ill 12 : note 38 du ch. I, 2° partie. 30: 132. 31: 44 : Ἢ 112: 187. 131 : 129. 177 : 183, 196. 233 : 48. 257 : 40, 50.
276 : 50. 281 : 186.
48 : 138, note 36 du ch. I. 109 : 103. 164 : 99. 166 : 103. 171 : 221. 202 : 187. 255 : 218. 268 : 89, 93. 274 : 47. 277: 169. 300 : 81. 317 : 39. 381 : 74. 390 : 74. 400-401 : note 24 du ch. II. 401 : 38, 68. 403 : 38. 418 : 111. 42A : 74. 433 : 81, 83. 439 : 48. 448 : 38. 450 : 38. 451 : note 124 du ch. II. 483 : 38. 487 : 87. 488 : 49. 619 : 175. 633 : 172. 634 : 106. 635 : 139.
INDEX
DES
PASSAGES
ς 3 B
642 : 103, 108. 656 : 129. 665 : 227. 668 : 218. 670 : 220. 679 : 39. 680 = XVII, 575 : 138, 220. 701 = V, 19 : 174, 175. 760 : 139. 786 : 224. 810 : 47, 87. : 218.
174, 175, 220. note 76 du ch. I, ?* partie. note
ΒΒ ΒΕ ΒΕ
125 du ch. II.
90. 220. 47, 222. : note : 217. : 154.
127 du ch. 11.
: 218. : 48. ; 154.
CITÉS
DES
AUTEURS
40 = VIII, 52 : 50. 135 : 138. 188 : 48. 199 : 91. 223 : 125. 261 : 34. 262 : 173. 339: 81.
ANCIENS
173 : 219.
Chant VIII 49 : 137. 72-92 : 139. 80 : 138, 218. 123 : 187. 125 : 184. 173 : 219. 193 : 183, 193, 196.
247 : 188, note 26 du ch. I, 2" partie, note 44 du ch. I, 3° partie. 252 : 270 : 290 : 294 : : 356 :
173. 85. 70, note 11 du ch. II. 103, 104. 85. 106, note 148 du ch. II.
301 : 218. 371: 132. 399 : note 76 du ch. I, 2* partie.
412 : 429 : 448 : 457 :
184, 191. note 49 du ch. I, 2* partie. 158. 184.
Chant VI
466 : 48. 489-491 : 139. 492 : 139-140, 207. Chant IX 91 : 103.
31 : 39.
128 : note 31 du ch. II, 2° partie.
44-45 : 191.
177-179 : 217. 198 : 134, 137. 262 : 38. 267 : 158. 300 : 48. 333 : 154. 362 : 218. 418 : 168. 444 : 168. 448 : 64, 66-67. 450 : 128, 135. 507 : 155. 514 : 73.
102 : 68. 131 : 68. 136 : 154.
163: 219, note 21 du ch. I, 3° partie. 164 : 169 : 179 : 223 : 297 : 304 :
Chan
47. 154, 157. 47. 48. 162. 158.
VII
14 : 127.
30 : note 60 du ch. I. 33 : 50, 221. 38 : 132.
295
ChantX 4 : 184, 191. 42 : 175.
296
INDEX
DES
PASSAGES
64: 87. 103 : 38. 164 : 129. 175 : 218. : 68, 69. : 21. : note 125 du ch. Il. : ibid. : ibid. 267 : 74. 281 : 66. 284 : 63, 66. 284-285 : 74. 323 : 184. 413 : 184, 187. 419 : 174, 221. 431 : 47, 63. 538 : 73, 75. 540 : 74. 561 : 220. 570 : 81, 218.
Chant ΧΙ 4 : 125,
128.
7: note 25 du ch. II, 2° partie. 17 : 168,
169.
22: 83. 5] : 87. 71-72 : 224. 93-94 : 39. 94 : 87. 114 : 172, note 16 du ch. IIl, 2* partie. 132 : 169. 135 : 74. 155 : 87. 166 : 48. 176 : 172, note 14 du ch. III, 2* partie. 188 : note 48 du ch. II, 2* partie. 196 : 316 : 124. 361 : 174, 219. 432 : 73. 479: 39. 481: 48. 515: 185. 539 : 128, 135. 628 : 224.
Chant XII 43: 173, 174, 221. 62 : note 49 du ch. I, 2° partie. 73 : note
28 du
ch.
II, 2° partie.
DES
CITÉS
AUTEURS
ANCIENS
172, note 16 du ch. III, 2° partie.
141: 143: 149 : 166 : 288 : 331: 333: 374: 395:
169. note 25 du ch. II, 2* partie. 148. 33. 167, 165. 169. 38. 111.
Chant XIII 34 : note 126 du ch. II. 60: 36. 61: 171. : 138. : 185.
68. :73. : 138. : 155. : 99. : 173. : 106. : 111-112. 221 : 85. 257 :
286 : 317: 412: 423 :
89, 94. 99, 106. 129. 218. 47.
Chant XIV
70-7 1 : 39. 144 : 99. 152: 172. 161 : 73, 75. 181 : 48. 265 : 164. 287 : 34. 330 : 99. 373 : 67. 498 : 173. 532: 39.
13: 56: 57: 85. 119 : 175. 157 : 173.
95:
INDEX
: : : : :
DES
PASSAGES
6. 80, 81. 39. note 25 du ch. II, 2" partie. 186.
: 153, note 31 du ch. II, 2° partie. 50. 196. 125.
423 : 451 : 475: 499 :
note 38 du ch. I, 2" partie.
Chant XVI 5: 221. 8: 73. 18: 221. 24: 103. 41: 48. 65: 189. 138: : 38. 142: 103. : 204. : 225. : 161. : 219. : 87. : 48. : 115, 220. : 173. : 219.
CITÉS
DES
AUTEURS
ANCIENS
368 : 50. 426 : 38. 430 : 175. 434 : 164. 509 = XVIII, 183 : 52, 222. 516 : 189. 575 : 138, 220.
Chant XVIII 81 : 154.
110 : 81. 131 : 110-111. 171 : note 60 du ch. I.
184 : 63, 67. 185-186 : 39. 206 : 139. 217 : 159. 241 : note 26 du ch. I, 2° partie. 253 : 83, 85. 257 : 83, 224, 225. 260 : note 14 du ch. II, 2° partie. 274 : 154. 288 : 67. 302 : 139. 305 : 224.
339 : 47. 408 : 48.
428 : 39. Chant XIX 8-9 : 161, 225. 20 : 161. 25 :
138, note 37 du ch. I. 138. : 103, note 140 du ch. II. : 218. : 50, 221. : 110, 223. : 114, 115. : 137, 223. : 169. : 225. : 225. : 205, note 11 du ch. II. : 48. : 187. : 225. = 351: note 124 du ch. II. : 39.
115.
47-48 : 39. 49 : 154. 69 : 65, 75, note 6 du ch. II. 223 : 89, 93, 94. 258 : 173-174, 221. 299 : 99. 300 : 73, 75. 306
597 : 103, note 600 : 139.
140 du ch. II.
297
INDEX
DES
PASSAGES
CITÉS
DES
Chant XX
72:7.
AUTEURS
M : 134.
85 : 139.
30 : 85.
88 : 152.
64 : 106.
93 : 154.
73:
108 : 152.
169.
89 : 83, 84, 217. 155 : 99. 156 : 172.
136 : 169. 207 : 189. 279 : 169.
160 : 95.
282
162 : 95. 173 : 85, 95. 179 : note 6 du ch. II. 185 : 95.
322-323 : 39. 362 : 64, 75.
191 : 89, 92, 93, 94, 95.
9: 82, 83.
228 : 232 : 245 : 357 :
11: 13: 99 : 115
154. 73. 184. 191.
ANCIENS
: 74.
Chant XXIV 8. 83. 85. : 218.
360 : 94.
172 : 157, 165.
368 : 219. Chant XXI 70 : 103.
208 : 260 : 300 : 301 :
239 : HS.
307 : 47.
297 : 221. 302 : 83.
310 : 89, 93-94. 313 : 52.
194. 47. 92. 125.
374 : 173.
335 : 114.
385 : 115.
339 : note 31 du ch. II, 2° partie. 354 : 221.
Chant XXII
361 : 137.
45 : 91.
370 : 138.
89 : 80.
405 : 174.
142 : 139. 157 : note
60 du ch. I.
i
a
: 172, note
14 du ch. III, 2° partie.
182 : 138. m:
"a
HYMNES
HOMÉRIQUES
432-434 : 222.
Hymne
à
434 : 173. 467 : 218. 483 : 47.
46 : 38. 51 : 218. 90 : 146.
428 : 139. Il,
484 : 173.
114 : 169.
Chant XXIII
182 : 169. 188 : 184,
7: 132. 13: 125.
407 : 38. 430: 167.
19 : 103, note 27 : 152. 36 : 152. 55 : 87.
140 du ch. Il.
Hymne
Démeter
189.
III, à Apollon
2 : 221. 28 : note 67 du ch. II.
INDEX
DES
PASSAGES
CITÉS
Hymne
217 : 169. : note
DES
53 du
ch.
II, 2° partie.
ANCIENS
299
V, à Aphrodite
72 : 81, 82, 83. 95 : 47. 125 : note 26 du ch. I, 2° partie. 130-131 : 158. 156 : 110. 168 : note 23 du ch. II. 271 : 73, 75. 293 : 207.
: ibid; 233 : 38.
278 : note 53 du ch. II, 2° partie. 284 : 191. 420 : 38.
Hymne IV, à Hermès 28 : 128. 148 : 148. 149 : 124, 135. 210 : 124. 225 : 124, 128, 549 : 38.
AUTEURS
Hymne
IX, à Artémis
9 : 207. Hymne
135.
ΧΙ, à Athéna
4: 175, 220.
LU 44
AUTRES
AUTEURS
GRECS
par ordre alphabétique (Références d'après les éditions en usage) APOLLONIOS
DYSCOLE
: 27-29, 212.
ARCHILOQUE : Fr. 60 D4 Treu = 96 Tarditi : 133. Fr. 194 : note 24 du ch. II, 2* partie. ARISTOPHANE Ach. 29 : note Eq. 1314 : note Nub. 238-239 : 311 : note 30 646 : note 64 871 : ibid.
21 du ch. III, 2* partic. 64 du ch. I. note 109 du ch. II. du ch. II. du ch. I.
Vesp. 458 : note 64 du ch. I. 688 : note 45 du ch. I, 2° partie. 852 : note 64 du ch. I. 982 : ibid. Pax 19 : no*e 64 du ch. I. 117 : ibid. 500 : ibid.
762 : note 20 du ch. III, 2* partie. Lys. 1303 : 130. Av. (Oiseaux) 990 : note 64 du ch. I. Ran. (Grenouilles) 377 : 130. 607 : note 64 du ch. I. Thesm. 796 : note 20 du ch. III, 2* partie. 1226 : note 64 du ch. I. Eccl. (Assemblée des Femmes) 478 : 130. PI. 604 : note 64 du ch. I
DÉMOSTHÈNE ^9; 34 (3° Philippique) : 119. 12, 12 : 206. 12, 16 : 206, note 62 du ch. I de la 2" partie.
17, 9 : 188. 17, 12 : 126. 17, 20 : 206. 18, 191 : 120. 19 (Sur l'Ambassade), 32 : note 40 du ch. I,
2* partie. 19, 290 : note 39 du ch. I, 2* partic. 19, 306 : 120. 19, 310 : note 41 du ch. I, 2* partic. 19, 314 : note 31 du ch. I, 2° partie.
21, 2 : 120. 21, 54 : note
22, 23, 27, 33,
65 : 215 24 : 19 :
10 du ch. TI, 2" partic.
206. : note 40 du ch. I, 2" partic. 206. 206.
33, 22 : 206. 45, 63 : note 31 du ch. I, 2* partie.
47, 54, 58, 59,
28 : 206. 72 : 206. 27 : note 40 du ch. I, 2° partie. 108 : 119.
DENYS
LE THRACE
: 212.
300
DES
INDEX
ESCHYLE Ag. 36: note 50 du 270 : 205. 450 : 205. 789 : note 50 du Ch. 463 : 205. 568 : note 10 du 1020 : 206. Eum. 500 : 110. 768 : note 50 du
PASSAGES
CITÉS
76 : 120.
ch. I, 2* partie. ch. I, 2* partie. ch. III, 2* partie. ch. I, 2* partie.
EURIPIDE Alc. 52 : 203. Méd. 57: 205. 921 : 203.
86 : 120.
du
ch.
II, 2* partie.
137 : note 29 du ch. II, 3° partie.
795 : 101. Andr. 126 : note 27 du ch. II, 3° partie. Hér. 931 : 165. Tr. 684 : note 28 du ch. II, 3* partie. Or.
421 : 101.
Hél. 813 : note 27 Ph. 479 : note 29 723 : ibid. 1114 : note 7 du LA. 595 : note 27
du ch. Il, 3° partie. du ch. II, 3° partie. ch. III, 2* partie. du ch. II, 3" partie.
1002 : note 28 du ch. II, 3° partie.
LT. 781 : 208. Rhés.
277 : Note 7 du ch. III, 2* partie.
Hipp.
273 : note 28 du ch. II, 3° partie.
HÉRODOTE
84, 4: 204.
85 : 120. 140 : 204. 152 : 120. IV, 14, 10 : 165. 16, 9 : note
30 : 139, 181 182
13 du ch. II, 2* partie.
120. 4 : note 10 du ch. II, 2* partic. : 120. : 208.
V, 20 : 120.
49, 13 : 205. 62, 15 : 205. VI, 59, 3 : 204. 86, 4 : 205.
108 109, 111, 134
46,
30, 19, 21 : 205, 206. 10 du ch. II, 2* partie.
67, 23 : 204. note
17 : 204. : 120. 12: note 10 du ch. II, 2* partie. 13: 207. 4 : note 8 du ch. III, 2* partie. 120.
: 210. 13 : note 26 du ch. Il, 3° partie. 1 : 204. : 205.
43 : 205.
8 : 120.
75, 5:
120, 139 III, 9, 22, 74, 79 :
VII, 4, 7 : 204.
I, 7, 1: 204. 54 : 105. 60, 27 : note
91, 22 : 208. 96, 2: note 17 du ch. II, 3* partie. 102, 12 : 205. 109, 11 : 204-205. 120, 25 : 204. 171, 7 : note 13 du ch. II, 2* partie. 178, 13 : note 40 du ch. I, 3° partie. 181 : note 40 du ch. I, 3° partie. 187, 9 : 204. 192, 15 : 126. 210, 3 : 205. II, 3, 2: note 23 du ch. Il, 3° partic. 34, 6: note 13 du ch. II, 2* partie. 65, 6 : 208.
Héc. 622 : note 27 du ch. II, 3* partie. 748 : note 28 du ch. II, 3" partie. El. 113 : 130. 128 : 130. 345 : note 29 du ch. II, 3° partie. Suppl. 45
18 du ch. I, 2° partie.
40 : 120.
174 : 167.
130 : note
85 : 120. 86, 23 : note 23 du ch. II, 3° partie. 86, 38 : note
Suppl. 769 : note 10 du ch. III, 2* partie. 786 : 102. 1048 : note 50 du ch. I, 2* partie. Prom. 103 : 206. 870 : 207.
lon
ANCIENS
AUTEURS
DES
10 du ch. II, 2* partie.
157, 164, 205, VIII, 111,
7 : 206.
10 3 6 62,
: 205. : 133, 205. : 204. 1 : 207.
11 : 205.
INDEX
DES
PASSAGES
CITÉS
IX, 42 : 120. 43 : 120. 61, 3: note 8 du ch. III, 2* partie. X, 11, 14 : note 8 du ch. II, 2° partie.
DES
AUTEURS
301
ANCIENS
778 c : 207. 811 e : 206. Alc. 1, 114 a : note 28 du ch. II, 3° partie.
PLUTARQUE
HÉSIODE Travaux,
Lyc.
22 : note 36 du ch. I, 2° partic.
218 : 210.
226 : note 50 du ch. I, 2" partic.
POLYBE
Théogonie, 690 : note 7 du ch. III, 2* partie.
4, 20, 12 : note 36 du ch. I, 2° partic.
HÉSYCHIUS : 110.
SIMONIDE de Céos 579, 7 : 206.
LUCIEN De saltatione,
SOLON
10 : 130.
MAXIME PLANUDE Sur la Syntaxe : Bachmann, Anecdota Graeca, 112-123 : 76, 78-79. Dialogue
sur
la
Grammaire,
Bachmann,
A.G.1I, 6-7 : 212. PHOCYLIDE II, 2 : note 7 du ch. III, 2° partie.
PINDARE Olympique
YII, 43 : 206.
VI, 24, 41 : 208. X, 87 : 203-204. Néméenne I, 25 : note 7 du ch. III, 2" partie. I, 65 : note 7 du ch. III, 2° partic.
VII, 69 : 208. VII, 71 : 208. . IX, 20 : note 7 du ch. III, 2" partie. Pythique 11, 62 : 208. IV, 247 : 208-209. VIII, 69 : 209. Isthmique WI, 17: note 10 du ch. ΠῚ, 2" partie. VI, 21 : note
10 du ch. III, 2° partie.
VII, 19 : 208. IX, 6:
note 51 du ch. I, 2" partie.
I, 54 : note 30 du ch. Il.
SOPHOCLE O.R., 735 : 120. 809 : note 14 du ch. II, 2* partie. 1011 : 209-210. . 1518 : 210. O.C., 1297 : notes 24, 29 du ch. II, 3° partie. El., 315 : 165. 928 : 205. 1112 : 205. Tr., 85 : 102. Ph., 601 : 206. Fr.,
461,
3:
note
7 du
ch.
Ill, 2° partie.
Fr. 757 P. : 207.
STÉSICHORE 212, 3:
note 30 du ch. II.
TESTAMENTA N.T. : Jean, 14, 3: note 50 du ch. II. Symbole des Apôtres : notes 50, 53 du ch. II.
THÉOGNIS I, 633 : 206. 819 : note 27 du ch. II, 3° partie.
1006 = Tyrtée, 7, 31 : note 45 du ch. I,
Fr. 191 : 208.
2" partie. 1015 : note 51 du ch. I, 2* partic.
PLATON
1240 : 120.
Phaedr.
229 e : 126.
278 c : note 24 du ch. II, 3° partie. Phaed. 108 Theaet. 142 Conv. 183 Rsp. 528 d Leg. 672 a
b : note 147 du ch. II. d : 203. c : note 148 du ch. II. : 207-208. : 207.
THUCYDIDE I, 22, 2 : 207. 37, 1 : 207. 84, 3: note 26 du ch. II, 3° partie. 117 : note 83 du ch. I, 2* partic. 132, 2 : 126.
302
INDEX DES
PASSAGES CITÉS DES AUTEURS ANCIENS 60, 3 : note 26 du ch. II, 3" partie. VII, 6, 4: 120. 74, 1: 120. 2, 2:
120.
VIII, 92 : note 26 du ch. II, 3° partie. 98 : 126.
TYRTÉE 7, 31 = Théognis, I, 1006 : 133, note 45 du
130, 1: 120. 134, 1: 120.
ch. I, 2* partie. 9, 16 : note 45 du ch. I, 2° partie.
V, 37, 2: note 23 du ch. II, 3" partie. 40, 4 : 120.
9, 43 : 206.
XÉNOPHON
VI, 49, 2: note 26 du ch. II, 3° partie. — Eq. I, 14 : note 83 du ch. I, 2* partie. INSCRIPTIONS 1.G. 1.G. IV : Sanationes d’Epidaure : 116. 1.G. IX, 1, 334, 30 : note 14 du ch. II, 2" partie. Schwyzer, D.G.E., 434, 27 = Kern, 36 (Décret d’Ithaque) : 116. D.G.E., 436, 3 (testament de Terina) : 116, 203.
TABLE
1.1. 1.2. 1.3. 1.4. 1.5.
DES MATIÈRES
Description ...................................... Explication ...................................... Méthodes : empirisme et formalisme ................ L'éclectisme grammatical .......................... Les faits inexplicables .............................
2. Divers aspects du sujet ................................. 2.1. Synchronie et diachronie ........................... 2.2. Faits réguliers et faits aberrants ..................... 3. Les diverses définitions des verbes «aller » ................ 3.1. Définition sémantique ............................. 3.2. Définition syntaxique (verbes à un seul actant ; l’actant unique est un «agent», inventaire; syntagmes idiomatiques :
ἰωνελθὼν
+
verbe
d'action,
verbe
«aller» + participe futur, emploi auxiliaire) .......... 4. Le complément des verbes de mouvement : accusatif de direction et accusatif prépositionnel . ..................... 4.1. Le probléme de la reconstruction syntaxique : l’accusa-
Première partie
ALLÉES ET VENUES :
LE PARADIGME
SUPPLÉTIF DU VERBE « ALLER »
Chap. I. LE PARADIGME PERDU ET RETROUVÉ ....................... 1. Historique : une tradition grammaticale imprécise ......... 1.1. Les grammairiens anciens .......................... 1.2. Les grammairiens modernes ........................ 1.3. La thèse d'Alfred Bloch ...........................
27-58 27-31 27-28 29-30 30-31
LES VERBES
304
DE
MOUVEMENT
EN
GREC
2. Le paradigme homérique chez Homère, d'après les critères d'emploi....................,........,............... 2.1. Les composés .................................... 2.2. Les emplois avec sujet inanimé (phénomènes naturels : vent,
tempêtes ; armes
δυσώνυμος : le
Temps
qui touchent
qui
vient;
au but ; ἠὼς
«jusqu'à
31-41 31-32
ela
ce que
viennent la vieillesse et la mort »).....................
32-36
2.3. Les emplois avec sujet animé : le jeu du supplétisme dans un contexte limité; locutions idiomatiques ὁδὸν
ἱέναι; ἄγγελος ἦλϑον ; εἶμι λυσόμενος ; ἰὼν / ἐλϑὼν
ἕζετο sees e e eene 2.4. L'ensemble de la théorie de Bloch est-il caduc?
.......
3. Le système supplétif et le problème sémantique ............ 3.1. Les exemples du chant I de l’Iliade................... 3.2. Les indicateurs de direction explicitant la deixis spatiale (deixis centrifuge, deixis centripète) ................. 3.3. Les indicateurs de direction ambigus à l'égard de la deixis spatiale .................................... 3.4. Les indicateurs d’origine (deixis centrifuge, deixis centripète). ..................,.....,,.....4444.
37-41 41 42-54 42-47 47 48 48-50
3.5. L'opposition sémantique εἶμι / ἦλϑον dans les emplois absolus (à l'indicatif ; à l'impératif : va au diable ou viens à mon secours! à l'infinitif; au participe : joie et tristesse d'une arrivée ou d'un départ). ............... 3.6. Une opposition lexicale privilégiée : le comportement des verbes «rester, attendre» par rapport à ἰέναι / DOT ED
50-53 53-54
3.7. Contradiction entre l'opposition sémantique εἶμι ἦλθον et leur relation paradigmatique ? ....................
54
4. Une solution possible : l'aspect verbal ....................
54-58
Chap. II. LES DIVERS THÈMES VERBAUX DU PARADIGME SUPPLÉTIF : UN
ATTELAGE DISPARATE? ................................ 1. Le thème de présent : la concurrence entre εἶμι et ἔρχομαι . . 1.1. L'opposition
59-109 59-72
εἰμι-ἰέναι / ἔρχομαι-ἔρχεσϑαι : les rap-
ports numériques ......................,.......... 1.2. Elu-levar/Epxonar-Epxeodau : critères syntaxiques
60-62
...
62-63
1.3. Εἰμι-ἰέναι 7 ἔρχομαι-ἔρχεσϑαι et les indicateurs déictiques de lieu et de temps. ...........................
63-65
1.4. Elu/Epyxouau et les «actes de langage». ............. 1.5. El / ἔρχομαι en dehors de l'indicatif (au participe, à l'infinitif, à l'impératif) 1.6.
65-69
............................
70
ΕἰμιΖἔρχομαι : conclusions ........................
70-72
Corollaire : L'analyse des emplois de ἔρχομαι et son étymologie.......................................
71-72
TABLE
DES
MATIÈRES
2. Le thème de futur ...........................,.........
2.1. Εἶμι 7 ἐλεύσομαι hors de l'indicatif : opposition grammaticale .............................,.,.........
2.2. Elu 7 ἐλεύσομαι à l'indicatif (référence spatiale, référence temporelle) ............................. 2.3. Εἰμι,έλεύσομαι : conclusions ...................... 2.4. La prétendue « double-valeur » de εἶμι ............... 2.5. Un substitut du présent-futur : εἴσομαι et son aoriste εἰσάμην ...............................,.........
3. Le prétérit : aoristes et imparfaits du verbe «aller »......... 3.1. Les emplois typiques de l'imparfait : l'apposition descriptive (ἤϊε πόλλ᾽ ἀέκων ; ἤϊε νυκτὶ ἐοικώς..., ἀκὴω ἴσαν) ; l'expression de l'accompagnement (ἅμα δ᾽ ἄλλοι ἴσαν) ; les comparaisons (τοῖοι ἤϊσαν) ; l'emploi absolu 3.2. Les emplois typiques de l’aoriste (avec sujet inanimé ;
L'opposition déictique ; ἦλϑόν τινι : le «datif d'intérét » ; ἦλθον et l'apposition ; ἦλϑον et l'interrogation) .. 3.3. Κίον, aoriste ou imparfait, doublet de ἦλϑον ou de ἤϊα, fiov? .......................,..,.,,,,,...44422
4. Le parfait du verbe «aller» : état et mouvement. .......... 4.1. Εἰλήλονθϑα : la forme ............................. 4.2. L'emploi (analyse syntaxique et syntagmatique : direction et origine du mouvement, référence au lieu de l'énonciation; les emplois absolus : la raison d'une visite, l'identité du visiteur, le moyen
de transport ; la
valeur déictique de εἰλήλουϑα n'est pas neutralisable ; la référence temporelle et la valeur du parfait et du plus-que-parfait).................................. 4.3. Οἴχομαι et la lacune du système homérique au parfait . . 5. Le paradigme du verbe « aller» : conclusions, tableau
......
Chap. III. Périples : DEUX DOUBLETS DU VERBE ALLER INTÉGRÉS AU SYSTÈME SUPPLÉTIF ..................................
110-118
1. Ἕοπω et ἑρπύζω : un présent homérique défectif ..........
110-113
2. Ἔμολον et μέμόλωκα, un aoriste et un parfait, substituts respectivement de ἦλθον et εἰλήλουθα. .................. 2.1. Emploi idiomatique du participe .................... 2.2. L'expression du mouvement du Temps ............... 2.3. Orientation de ἔμολον en direction du lieu de l'énoncia-
113-118 114 114
HOn...................,......,,..444444eese..
114-116
2.4. Le problème de la synonymie ....................... 2.5. Le problème étymologique .........................
116 116-118
Conclusion de la première partie : le paradigme du verbe «aller », d'Homere à la langue classique .....................
119-120
306
LES VERBES
DE
MOUVEMENT
EN GREC
Deuxième partie
AUTOUR
DU PARADIGME SUPPLÉTIF : UNE NÉBULEUSE
Chap. I. Βαίνω OU LA LIMITE À FRANCHIR.........................
123-143
1. Critères d'emploi opposant le paradigme de βαίνω à celui de
εἶμι- ἦλθον .....,.......,....,......,.....,,,,,,.... 1.1. L'adjectif verbal et le factitif........................
1.2. Le mouvement du Temps : neuf années sont passées .... 1.3. Syntagmes
idiomatiques
originaux
(βῆ
δ᾽ ἰέναι,
124-132 124-126 126-127
ποσὶ
βαίνω, λὰξ βαίνω, μακρὰ Balvw) ................... 1.4. Composés et emplois prépositionnels : rôle de ἐν (ἐμ-)
127-129
et rôle du datif....................................
129-132
2. Ces particularités d'emploi s'expliquent par le sens spécifique de βαίνω en grec ...................................... 2.1. Le présent du verbe simple ......................... 2.2. Hypothese sémantique : la stabilité . .................
132-135 132-133 133-135
3. La valeur des thèmes verbaux de Balvw s'explique à partir de
3.2. L'aoriste ........................................ 3.3. Le parfait........................................
135-138 135-136 136-138 138
4. Types syntagmatiques comprenant οὐδός “seuil”, ἀσάμινϑος “baignoire”, κλίμαξ “escalier” ..........................
138-140
Conclusion
140-143
ce sens premier
..................,....................
3.1. Les présentsitératifs
..............................
.............................................
..................
144-165
1. Particularité de ce groupe .............................. 1.1. Particularité syntaxique (l'accusatif direct; la présence
144-152
de doubles accusatifs ; la nature du sujet syntaxique} ... 1.2. Originalité du comportement de ix- en composition ....
144-147 147-148
Chap. II. LE GROUPE DE (x- : L'OBJET À TOUCHER
1.3. Originalité
sémantique
(ἱκέτης
«suffisant » : ca va/; le «cadeau
«suppliant»,
ἱκανός
gratuit» et le men-
diant ; tu ne l'emporteras pas en paradis ! ; Bon vent! : ἴκμενον οὖρον et le vent portant).................... 1.4. Conclusion provisoire : le sens de (x- chez Homère .... 1.5. L'étymologie de ix- .............................., 2. Le système de (x- : les divers thèmes verbaux. ............. 2.1. Les formes de présent ............................. 2.2. Les formes d'aoriste : indices d'un système supplétif ἱκάνω-ἰκόμην ; tous deux se prêtent à la composition . . .
148-150 150-151 151-152 152-164 152-157 157-160
TABLE
DES
MATIÈRES
307
2.3. Le futur correspondant est ἵξομαι : indices formels de la complémentarité paradigmatique ...................
160-162
2.4. Signes du début de l'extension de la relation paradigmatique au parfait ...................................
162
2.5. Isolement de l'aoriste sigmatique thématique lEov .....
162
2.6.
Un aoriste, deux présents
..........................
163-164
3. Conclusion ...........................................
164-165
Chap. III. TROIS VERBES SATELLISÉS, χωρέω, στείχω, νέομαι.........
166-176
1. Χωρέω ou la place faite ................................ 2. Στείχω ou la ligne droite ............................... 2.1. Emplois et sens ................................... 2.2. Le problème étymologique et sémantique ............
166-168 168-170 168-170 170
3. Νέομαι ou le retour.................................... 3.1. Valeur des thèmes verbaux homériques, νέομαι présentfutur, νίσομαι ET νόστησα .......................... 3.2. Le problème sémantique : veo- et la «force d’attrac-
170-176
tion » du verbe «aller» ............................ 3.3. L'étymologie de veo- et le probléme sémantique .......
174-175 175-176
Conclusion de la deuxième partie
..............................
171-174
177
Troisième partie
COMME CETTE EAU COURANTE... ESSAI DE GÉNÉRALISATION Chap. I. LE PARADIGME SUPPLÉTIF DU VERBE « COURIR»
.............
181-189
1. Le paradigme homérique du verbe courir .................
181-184
1.1. L'argument morphologique ........................ 1.2. Les emplois (chevaux et chiens courant(s) ; la course du
181-182
navire;
la
rapidité
de
ia
course;
les
projectiles;
préverbes et prépositions). .........................
182-184
2. Les oppositions aspectuelles et sémantiques dans le paradigme homérique ϑέω-ϑεύσομαι-ἔδραμον-δέδρομα ........ 2.1. Caractère duratif de ϑέω..........(«νννννν εν νννννννν
184-197 185-188
2.2. Emplois
du
thème
d’aoriste
ögay-
(les
préverbes ;
ἀποδράς remplagant "δραμών ; «il a poussé, pareil à un jeune plant»; le parfait : les obstacles se dressent, le sol se dérobe).
......... νον νννν ιν γε νννν νιν εν εν εν ννννν
2.3. Dérivés et composés de Be - et de δραμ- : ϑοός, βοηϑόος, δρόμος .....................,..,,,..,... 2.4. Le sens de θέω et de ἔσραμον : courir en restant sur place? ............................,.,,,,.,.,,.2
188-191
192-193 193-197
308
LES VERBES
3. La
famille
paradigme
PHORE
de
τρέχω
DE
MOUVEMENT
chez
Homère
et
l'évolution
du
...........................................
............................40
1. Les 1.1. 1.2. 1.3.
EN GREC
essences
197-199 200-210
emplois métaphoriques ............................. L'ombre d'un doute : la métaphore évanouie . ......... Temps et âge, vie et mort .......................... La comédie humaine : monter et descendre l'échelle
202-209 202-203 203-204
sociale .......................................... 1.4. « Lecteur, il me vient un scrupule» : sentiments et sensations .......................................
204-205
1.5. L'espace du discours ..............................
205-207 207-209
............
209-210 210
..........
211
1. Historique ...........................................
211-212
2. Les emplois opérateurs des verbes de mouvement ..........
3. Auxiliaires, périphrases verbales et opérateurs Chap. III. LES VERBES DE MOUVEMENT ET L'ASPECT VERBAL
2. Les verbes de mouvement et les oppositions aspectuelles chez Homère ...................................,...,.....
2.1. 2.2. 2.3. 2.4.
Bibliographie et problèmes de méthode .............. Définition ....................................... Les régularités aspectuelles (aspect duratif/neutre)..... Les oppositions aspectuelles (critères opaques/régles de sélection ; révélateurs aspectuels) ....................
3. L'aspect verbal et le paradoxe du supplétisme
212-226 212-216 216 216-218 218-226
.............
226-228
Les paradigmes verbaux du grec ............................... Le systéme lexical des verbes de mouvement : un systéme « solaire » La langue des aèdes et la grammaire des formules ................. Les critères d'emploi et les sèmes distinctifs pertinents............. Le système de repérage spatio-temporel ......................... L'espace, modèle du Temps ................................... « Mais il était écrit là-haut que j'aurais les choses dans ma téte et que les mots ne me viendraient pas» .......................,......,....
229-231 231-234 234-235 235-236 236-237 237-238
Notes ................................,..................... Bibliographie .......................................,....... Lexique des termes linguistiques ............................... Index des passages cités ....................................... Table des matières ...........................................
239-270 271-280 283-285 287-302 303-308
CONCLUSION
238